Journal des débats de la Commission de l'économie et du travail
Version préliminaire
43e législature, 1re session
(début : 29 novembre 2022)
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Le
mardi 30 janvier 2024
-
Vol. 47 N° 35
Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 42, Loi visant à prévenir et à combattre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en milieu de travail
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9 h 30 (version non révisée)
(Neuf heures quarante-huit minutes)
La Présidente (Mme D'Amours) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Ayant...
La Présidente (Mme D'Amours) : ...constaté
le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'économie et du travail
ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je demande à toutes les personnes
dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils
électroniques.
La commission est réunie afin de procéder
aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi no
42, Loi visant à prévenir et à combattre le harcèlement psychologique et la
violence à caractère sexuel en milieu de travail.
Mme la secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
La Secrétaire : Oui, Mme la
Présidente. M. Dufour (Abitibi-Est) est remplacé par Mme Malette (Hungtindon);
M. Tremblay (Dubuc) est remplacé par Mme Poulet (Laporte); et Mme Lakhoyan
Olivier (Chomedey), est remplacée par Mme Caron (La Pinière).
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
Nous débuterons ce matin par les remarques préliminaires puis nous entendrons
par la suite les témoins suivants : maître Anne Marie LaFlamme, Maître
Dalia... Je vais essayer de ne pas vous débaptiser, Gesualdi-Fecteau, et Maître
Rachel Cox, Juripop et la Confédération des syndicats nationaux.
J'invite maintenant le ministre du Travail
à faire ses remarques préliminaires. M. le ministre, vous disposez de six
minutes. La parole est à vous.
• (9 h 50) •
M. Boulet : Oui, merci, Mme
la Présidente. D'abord, transmettre mes sincères salutations, mes meilleurs
vœux, même si c'est un peu tard, pour la nouvelle année. Puis c'est un immense
plaisir pour moi de revenir au travail avec mes collègues
d'Hochelaga-Maisonneuve, Bourassa-Sauvé, Jean-Talon, et ainsi que mes collègues
gouvernementaux qui sont avec moi. Nous allons travailler en équipe de façon à
atteindre nos objectifs de faire du Québec une société où il fait bon de
travailler, dans des environnements de travail exempt de tout risque, en matière
notamment de harcèlement psychologique et de conduite à caractère sexuel. En
fait, on réfère souvent aux violences à caractère sexuel. Souvenez-vous, sur la
base du rapport Rebâtir la confiance, j'avais demandé à trois expertes, que
nous allons entendre un peu plus tard, Dalia, Anne-Marie, Rachel, des personnes
en qui j'ai... à l'égard desquelles j'ai une estime considérable. C'est des
expertes qui ont aussi une réputation, qui sont des professeures reconnues en
droit et en relations industrielles, de nous guider sur les meilleures façons
d'assurer une bonne cohésion en ce qui concerne les recours en matière de
violences à caractère sexuel. De permettre que le droit du travail québécois
répare de façon juste et convenable les victimes de ces types de violence là,
de diminuer les risques de victimisation secondaire aussi et d'assurer qu'il y
ait le meilleur accompagnement humain, la meilleure indemnisation, et qu'on
s'inscrive au Canada comme étant des précurseurs en matière de lutte et de
prévention.
Donc, moi, j'en profite évidemment pour
dire à tous les groupes qu'on va analyser les recommandations avec attention,
avec considération. Et je rappelle constamment ce que Statistique Canada nous
avait révélé, c'est-à-dire que 49 % des travailleurs au Québec, en 2020,
avaient subi ou observé des comportements sexualisés inappropriés ou
discriminatoires dans leurs milieux de travail. Et ça, c'était sur une période
de 12 mois. Évidemment, il y a eu des sondages par la suite, du ministère du
Travail, il y a eu d'autres études qui démontrent que c'est un phénomène qui
est extrêmement nocif et qui génère des retombées, pas que dans les milieux de
travail, mais aussi à l'extérieur des milieux de travail. Et rappelez-vous, on
avait modernisé considérablement le régime de santé et sécurité au travail, on
avait inclus les risques psychosociaux, on s'est intéressé à la violence
conjugale, familiale et à caractère sexuel.
Et les trois expertes que vous avez devant
vous ont présenté un rapport qui contient 82 recommandations. Il y en a qui
sont à connotation législative, d'autres administratives. On a fait une
annonce, en septembre dernier, pour des mesures administratives déjà mises en
application par la CNESST. J'oserais dire à peu près 90 % des
recommandations sont déjà en application, le Tribunal administratif du travail
aussi, j'aurai certainement l'occasion d'en discuter plus abondamment. Donc...
M. Boulet : ...essentiellement,
le projet de loi vise à étendre des obligations, élargir le contenu minimal des
politiques de prévention, s'assurer de protéger les personnes qui signalent.
Moi, je suis vraiment préoccupé qu'on puisse développer au Québec une culture
de signalement, de dénonciation des violences à caractère sexuel. On ajoute des
présomptions qui vont faciliter la preuve pour les victimes. On allonge les
délais, on s'assure qu'il y ait de la formation qui a déjà été amorcée, autant
c'est déjà fait, je pourrai vous en parler pour les juges du TAT, ainsi que les
conciliateurs. On permet une grande première, même si une immunité civile, en
matière de lésions professionnelles, que le TAT puisse accorder des dommages
punitifs. Évidemment, quand c'est intentionnel et illicite, même s'il estime
probable qu'il s'agisse d'une lésion professionnelle, il y a des nouvelles
infractions, il y a des nouvelles amendes.
Donc, moi, je suis extrêmement encouragé
de l'intérêt que ce projet de loi là suscite et du consensus qu'on a pu faire,
certainement, quant aux objectifs du projet de loi. Maintenant, quant aux
moyens d'atteindre nos objectifs, je le répète, moi, je veux véritablement
m'inspirer de ce que vous allez nous proposer. Il y a toujours place à
amélioration. Un projet de loi, même s'il se veut le plus consensuel possible,
il est perfectible. Et merci, encore une fois, de votre collaboration. Puis
merci à tous ceux et celles, Mme la Présidente, qui vont contribuer à faire du
Québec une société avancée.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci,
monsieur le ministre. Maintenant, j'invite la porte-parole de l'opposition
officielle et députée de Bourassa-Sauvé à faire ses remarques préliminaires
pour une durée de 4 minutes 30 secondes. La parole est à vous.
Mme Cadet : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Bonjour, M. le ministre. Salutations, donc, à tous les
collègues ainsi qu'à nos premières intervenantes de ce matin. Je pense, en
fait, qu'on a jusqu'à demain, M. le ministre, donc, pour souhaiter bonne année
à tout le monde et, après ça, il sera trop tard. Donc, ça nous fait vraiment
plaisir. Puis c'est ce bonheur d'être de retour à Québec et de commencer de
bonne heure, donc, sur un projet de loi qui est... qui est important. Lors de
l'étude de crédits en avril dernier, en avril 2023, j'avais demandé au ministre
quand est-ce que nous verrions, donc, le dépôt, donc, tant attendu, donc, du
rapport du comité d'experts chargé d'analyser les recours en matière de
harcèlement sexuel et d'agression à caractère sexuel dans le cadre du travail,
dépôt qui... en fait, rapport, donc, qui a été déposé, donc, le 5 mai suivant
s'intitulant, donc, mettre fin au harcèlement sexuel dans le cadre du travail,
se donner les moyens pour agir. Le ministre a mentionné, donc, les
statistiques qui ont défrayé les manchettes au cours de la dernière année, au
cours des années précédentes, qui maintenait l'importance d'agir, donc, de
pouvoir mettre en œuvre différents... différentes de ces recommandations-là,
donc, qui étaient, donc, dans ce rapport. Et donc je rappellerais que les
recommandations des expertes, dont elles vont bien pouvoir nous parler
abondamment, donc, visent à atteindre les objectifs suivants, donc, rendre
cohérent le cadre juridique du travail, s'assurer que la réponse au droit du
travail permette de réparer les torts causés, réduire les risques de
victimisation secondaire et outiller les milieux de travail pour qu'ils
puissent prendre en charge le risque, y mettre fin promptement.
Donc, vous comprendrez, Mme la Présidente,
qu'avec, donc, les questions posées lors de l'étude de crédits l'an dernier, en
raison, donc, de l'intérêt, donc, porté à cette question-là, puis aussi en
faisant suite, aussi, donc, au travail de mon prédécesseur, le député de
Nelligan, sur le projet de loi n° 59, sur la Loi sur la santé et sécurité au
travail, que nous serons, donc, dans une optique de collaboration. Donc, à
l'époque, dans ce projet de loi là, mon collègue, donc, avait collaboré, donc,
dans l'inclusion, donc, du concept de violence dans la LSST. Donc, nous, nous
serons, donc, dans le même esprit, au Parti libéral du Québec, pour le projet
de loi n° 42. Toutefois... Et je me permets de citer, donc, les expertes que
nous entendrons dans quelques minutes, même si, donc, comme la grande... en
fait, je pense qu'on... j'ose dire, la quasi-totalité, donc, des acteurs
interpellés, que je vois d'un bon œil, donc, le projet de loi, il y a quand
même certains éléments, donc, il faut soulever. M. le ministre vient de le
mentionner, tout projet de loi est perfectible.
Et, ici, déjà... Donc, je cite un pan du
mémoire des expertes, elles nous disent : «Les membres du comité croient
néanmoins qu'à certains égards le projet de loi n° 42 ne répond pas pleinement
aux enjeux documentés dans le rapport rendu public en mai 2023. Dans certains
cas...
Mme Cadet : ...la modification
proposée risque d'ajouter inutilement à la complexité du cadre juridique. À
d'autres occasions, les membres du comité croient qu'il y a une opportunité
manquée de rendre plus cohérentes et plus efficaces les lois du travail au
Québec.»
À titre d'exemple, elles citent,
notamment, un élément qui a retenu mon attention, Mme la Présidente :
«Dans son rapport, le comité a constaté une situation discriminatoire à l'égard
des victimes de violence à caractère sexuel ayant moins de 18 ans... Les
agressions à caractère sexuel ou le harcèlement sexuel survenaient souvent —
donc pour les jeunes victimes — dans les premiers jours ou les premières
semaines d'un emploi d'été ou lors d'une première expérience sur le marché du
travail. Or, si elles sont aux études à temps plein, les personnes victimes de
moins de 18 ans reçoivent présentement le quart des montants minimaux
versés à une personne victime de la même violence mais qui a plus de
18 ans... qui n'étudie pas à temps plein.»
Elles ajoutent, donc, qu'«en plus d'être
discriminatoire... la mesure proposée par le projet de loi n° 42 fait fi du
principe consacré de la LATMP voulant qu'il faille regarder vers l'avenir et
non seulement vers le passé pour déterminer la perte de capacité de gain...
La Présidente (Mme D'Amours) : En
terminant.
Mme Cadet : ...entraînée par
une lésion professionnelle.»
Donc, vous comprenez, Mme la Présidente,
que, comme le dit M. le ministre, tout projet doit est perfectible. Ce ne sont
que quelques exemples des éléments sur lesquels, donc, j'aurai des questions
aujourd'hui.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
C'est tout le temps que nous avions. Maintenant, je cède la parole au
porte-parole du deuxième groupe d'opposition et députée d'Hochelaga-Maisonneuve
à faire ses remarques préliminaires pour une durée de 1 min 30 s. La parole est
à vous.
• (10 heures) •
M. Leduc : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, tout le monde. Bonjour, chers collègues, content de vous
retrouver. C'est la rentrée parlementaire, toujours un moment agréable. Un
moment pour saluer aussi tous les employés des différents cabinets, des
différents attachés politiques qui nous accompagnent dans notre travail, les
employés de l'Assemblée nationale aussi, qui font que les gens à la maison
peuvent nous écouter, voir nos délibérations. Alors, bonne rentrée à tout le
monde.
On était dû pour une mise à jour, je
pense, du dossier du harcèlement psychologique, du harcèlement sexuel. Donc, le
projet de loi est bienvenu. Il y a eu des consultations de travaux qui ont été
faites durant plusieurs mois. J'ai hâte d'entendre nos... nos premiers invités,
nos premières invitées. Mais je pense aussi, en effet, comme le ministre le
disait, comme ma collègue de l'opposition le disait aussi, que c'est un projet
de loi qui est perfectible. Quand il a été déposé, il n'a pas provoqué de
grande levée de boucliers, contrairement à d'autres projets de loi que nous
avons travaillés ensemble et peut-être d'autres projets de loi qui seront
déposés cette semaine sur la construction, on verra bien, ça fera couler
certainement beaucoup d'encre. Mais celui-là est presque passé inaperçu, puis
ce n'est pas parce que le sujet n'est pas important, bien sûr, mais c'est parce
que son contenu, je pense, faisait grosso modo consensus. Moi, j'aurai
peut-être des questions, là, rendus dans l'étude détaillée, sur les clauses
amnistie. Peut-être que le ministre a ouvert un peu trop grand ce dossier-là,
mais on verra. Le problème du p.l., c'est surtout ce qu'il ne contient pas, je
pense. Et on aura l'occasion d'entendre plusieurs groupes, cette semaine, qui
vont nous suggérer des pistes supplémentaires, donc, pour bonifier le projet de
loi. Puis je toujours content d'entendre le ministre dire qu'il est ouvert à...
Merci.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci,
M. le député. Maintenant, y a-t-il consentement afin que le député de
Jean-Talon puisse faire ses remarques préliminaires d'une durée d'une minute?
Consentement, tout le monde? M. le député, la parole est à vous pour une
minute.
M. Paradis : Merci beaucoup,
Mme la Présidente, et, chers collègues, très heureux de vous revoir, moi aussi,
avec tous mes souhaits pour la bonne année de collaboration, espérons-le.
J'aimerais saluer l'initiative du gouvernement de présenter ce projet de loi
sur un sujet extrêmement important. J'aimerais saluer aussi le fait que les
travaux sont basés notamment sur l'avis d'expertes et d'experts reconnus dans
le domaine, je pense que ça augure bien.
J'aborde nos travaux d'une double
perspective. Dans mon ancienne vie, j'étais le directeur général d'une
organisation qui avait au cœur de sa mission la lutte contre les violences
basées sur le genre, y compris en milieu de travail, mais en même temps,
j'étais aussi un employeur, donc j'ai géré les enjeux dont nous allons parler
des deux côtés, à la fois en demande, mais aussi à la fois à titre d'employeur.
Et je pense que ça va être un de nos défis, de nous assurer qu'on a toujours le
juste équilibre.
J'aurai peu de temps lors de nos travaux,
mais j'espère contribuer à faire du Québec un endroit qui est à l'avant-garde à
l'échelle mondiale sur la prévention et le combat du harcèlement psychologique
et des violences sexuelles en milieu de travail. Merci.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
beaucoup. Maintenant, nous allons débuter les auditions. Je souhaite la
bienvenue à Me Laflamme, Me Fecteau et Me Rachel Cox. Je vous rappelle que vous
disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la
période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous
présenter et à commencer votre exposé.
Mme Cox (Rachel) : Donc,
bonjour. Merci aux membres de la Commission de l'économie et du travail pour
l'invitation de témoigner ici aujourd'hui. Mon nom est Rachel Cox, professeure
à l'UQAM, et j'ai présidé accompagnée de mes...
10 h (version non révisée)
Mme Cox (Rachel) : ...collègues,
un comité d'expertes nommé par le ministre Boulet en février 2022. Ce comité
fait suite à une recommandation du rapport Rebâtir la confiance qui a conclu qu'en
droit du travail la pluralité des recours est déroutante pour les personnes
victimes et, dans certains cas, elle peut entraver l'accès à la justice. Le
ministre nous a donc donné un mandat d'étudier dans leur globalité les recours
disponibles aux personnes victimes. Nous devons présenter des recommandations
basées sur des données probantes et, entre autres, nous prononcer sur l'opportunité
d'adopter une loi spécifique pour contrer le harcèlement sexuel au travail.
Nous avons conduit une enquête sur le terrain qui a conduit à l'examen de 750 dossiers
de plaintes et de réclamations. Notre approche était donc... et c'est la pointe
de l'iceberg, comme le ministre l'a souligné. Notre approche était résolument
centrée sur la personne victime, l'accueil qu'on lui réserve, les remèdes que
la Loi du travail lui offre pour réparer les torts causés. Et trois principes
directeurs ont guidé nos travaux. Premièrement, éviter de créer une complexité
accrue, comme je l'ai souligné, c'était ça le problème constaté, le principe d'équité
entre les personnes victimes en dehors du travail ou au travail et le principe
de l'égalité des femmes et des hommes puisque le harcèlement sexuel au travail,
comme vous le savez sans doute, c'est une atteinte au droit à l'égalité des
femmes. Notre rapport formule plus de 35 recommandations pour des modifications
législatives, et nous demeurons convaincus de la pertinence de l'ensemble de
nos recommandations. Par ailleurs, nous avons choisi de mettre de l'avant 10 propositions
que nous jugeons incontournables pour bonifier, pour parfaire le projet de loi
n° 42. Régime par régime, donc je passe la parole à Me Laflamme qui vous
parlerait des propositions concernant la Loi sur les accidents du travail.
Mme Laflamme (Anne-Marie) : Merci,
Rachel. Alors, à mon tour, je salue le dépôt de ce projet de loi. Je me
présente. Anne-Marie Laflamme, avocate, professeure et doyenne de la Faculté de
droit de l'Université Laval. J'ai également représenté des employeurs dans ce
type de dossiers pendant une vingtaine d'années en pratique privée avant d'entreprendre
ma carrière professorale.
Alors, j'ai le défi de vous présenter nos
cinq propositions que nous jugeons incontournables de modifications du régime d'indemnisation,
Loi sur les accidents du travail et maladies professionnelles, que j'appellerai
LATMP. Bref rappel, ce régime d'indemnisation là est un régime exclusif
obligatoire d'indemnisations pour les personnes victimes de violences à
caractère sexuel qui ont subi une atteinte à leur santé. C'est un régime de
responsabilités sans égard à la faute financé par les employeurs. C'est
important parce que ça sous-tend plusieurs de nos recommandations.
La première, la désimputation du coût des
lésions professionnelles causées par ces violences au dossier des employeurs. C'est
une pièce maîtresse afin de réduire la déjudiciarisation des dossiers. Bref
rappel, quand une lésion professionnelle survient, c'est imputé au dossier de l'employeur,
ça risque d'entraîner des coûts importants à sa cotisation annuelle et ça
suscite, c'est connu, c'est démontré, des contestations parfois même de nature
préventive. Alors, cette judiciarisation des coûts, elle cause de graves
préjudices aux victimes de violences à caractère sexuel. Leur sentiment d'impuissance
et d'insécurité est exacerbé, ça freine les réclamations, ça nuit au rétablissement,
ça peut aggraver la santé. Alors, le projet de loi reconnaît, et on le salue,
adopte la recommandation de notre comité d'imputer des coûts au fonds spécial
et non pas au dossier de l'employeur pour éviter ce processus de
judiciarisation. Mais là où le bât blesse, c'est qu'il met... il ajoute une
exception. Alors l'exception, c'est que, lorsque la violence provient de l'employeur
ou de ses représentants, à ce moment-là, cette règle ne serait pas applicable.
On vous demande respectueusement de considérer d'exclure cette exception-là
puisqu'elle est susceptible justement, là, de faire en sorte que cet
objectif-là ne sera pas rencontré puisque c'est justement dans ces
situations-là que les dossiers sont les plus complexes et les plus
judiciarisés.
Deuxième recommandation : la
présomption de lésions professionnelles lorsque la blessure ou la maladie
résultant de la violence à caractère sexuel est commise par l'employeur, son
représentant ou par un travailleur. On est très heureux de voir que cette présomption-là
a été retenue dans le projet de loi. C'est important parce que l'un des
problèmes que rencontrent les victimes, c'est qu'ils ont de la difficulté à
faire la preuve de la connexité entre leur lésion et le travail. Ça va de soi,
les violences à caractère sexuel, ça ne survient pas sur une chaîne de montage,
sur les lieux de travail, pendant les heures du travail, ça survient dans des
événements connexes, activités sociales, déplacements ou même le soir ou la fin
de semaine par texto. Alors, cette présomption-là est reconnue dans la loi,
mais le problème, c'est qu'on a ajouté une exception. On dit que cette
présomption-là s'applique sauf si la violence survient dans un contexte
strictement privé. Alors, en disant ça...
Mme Laflamme (Anne-Marie) : ...on
vient dire une chose et son contraire. On vient... obliger la victime à faire
la démonstration que l'événement n'est pas survenu dans le cadre de sa vie
privée. Alors, on perpétue stéréotypes et on pense que cette exception-là doit
être retirée de la loi. Je ne m'étends pas longtemps sur l'indemnisation des
personnes étudiantes de moins de 18 ans, parce que j'ai bien compris qu'on
allait y revenir en question principale. Simplement vous soulignez que c'est un
dossier important et que c'est parmi les dossiers les plus choquants qu'on a
vus dans le cadre de notre étude.
Le délai pour déposer une réclamation, le
projet de loi prévoit qu'il est augmenté, il passe de six mois à deux ans. Une
belle avancée, vous me direz, mais le comité vous soumet respectueusement que
les victimes qui dépassent ce délai-là devraient néanmoins pouvoir faire la
preuve qu'elles n'ont pas pu respecter ce délai parce qu'elles ont justement
été victimes d'une violence à caractère sexuel. L'imprescriptibilité du recours
existe déjà en vertu du Code civil pour ces victimes-là. Elle existe dans la
loi visant à aider les victimes d'acte... d'infraction criminelle. Et on pense
que de prévoir dans la loi une simple présomption que la personne victime d'une
violence à caractère sexuel est réputée avoir respecté le délai, ça serait une
manière de nous assurer que la CNESST n'écarte pas du revers de la main une
réclamation parce qu'elle est logée hors délai, mais qu'elle prend au moins la
peine d'examiner le motif qui est invoqué par la personne victime.
Et finalement, dernier point, permettre à
la victime de recevoir une indemnité de remplacement du revenu durant la
période où son dossier est examiné. Je ne m'étends pas longuement, je vois que
le temps file beaucoup trop vite. Je vous demande de regarder attentivement
cette proposition-là qu'on fait d'un ajout à l'article 129 de la loi.
Parce que l'un des gros problèmes, c'est que les victimes, le fait qu'ils aient
plusieurs recours, ça prend du temps avant qu'on analyse leurs réclamations.
Et, pendant ce temps là, elles ne sont pas payées, elles n'ont pas d'indemnités
et elles se trouvent parfois obligées d'abandonner des recours simplement pour
pouvoir enfin avoir droit à une indemnisation. Alors, je m'arrête ici. Je passe
la parole à Dalia qui va aborder les recommandations en vertu de la loi sur les
normes.
• (10 h 10) •
Mme Gesualdi-Fecteau (Dalia) : Merci,
Anne-Marie. Bonjour, Mme la Présidente. Alors, mon nom est Dalia
Gesualdi-Fecteau. Je suis professeure de droit du travail à l'École de
relations industrielles de l'Université de Montréal. De 2003 à 2012, j'ai
représenté des personnes salariées non syndiquées à titre d'avocate à ce qui
était à l'époque la Commission des normes du travail.
Alors, évidemment, nous abondons dans le
même sens que le ministre, il faut, au Québec, développer une culture du
signalement, une culture de la dénonciation. Nous saluons, je salue également,
comme mes collègues, le dépôt de ce projet de loi. Le harcèlement psychologique
à caractère sexuel est un phénomène qui est encadré par plusieurs lois. Ma
collègue Rachel Cox l'a dit, une situation de fait peut donner lieu à plusieurs
recours et il importe d'aménager l'interaction entre ces recours-là pour
assurer un accès à la justice effectif des personnes victimes, pour assurer que
les lois produisent des résultats efficaces.
Il y a, de notre point de vue, deux
interventions impératives qui doivent être faites dans la Loi sur les normes du
travail afin de réduire les effets de cette complexité-là, afin de s'assurer
justement que cette culture de la dénonciation que l'on souhaite mettre en
place soit effective et accessible pour les personnes victimes. Cette première
intervention-là serait une modification à l'article 123.16 de la Loi sur
les normes du travail. L'article qui aménage les interactions entre le régime
de la Loi sur les accidents du travail, les maladies professionnelles et la Loi
sur les normes du travail sur le plan des dommages. Cet article-là, on estime,
du moins, les membres du comité ici présentes que cet article là doit être
clarifié afin simplement de prévoir qu'il faut éviter une double indemnisation
quand une personne est reconnue comme étant victime d'une lésion
professionnelle.
Par ailleurs, deuxième intervention qu'il
importe de faire, c'est celle de l'interaction entre la Charte et la Loi sur
les normes du travail. Dans la Charte, les employeurs ont une obligation de
résultat. Donc, évidemment, il y a une présomption de responsabilité que... de
responsabilité de l'employeur en cas de harcèlement discriminatoire. Dans la
loi sur les normes du travail, nous sommes devant une obligation de moyens. Une
plainte peut être rejetée si le salarié ne dénonce pas promptement le
harcèlement qu'il a été ou elle a été victime. Donc, on suggère d'introduire
dans la loi sur les normes du travail que les remèdes prévus à
l'article 123.15 soient accessibles, même si l'employeur n'a pas fait
défaut à ses obligations, justement pour assurer une parité des personnes qui
prendraient un recours en vertu de la Charte en cas de harcèlement
discriminatoire ou un recours en vertu de la loi sur les normes en vertu d'un
harcèlement discriminatoire également. Merci.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
Je vous remercie pour votre exposé, Mesdames. Nous allons maintenant commencer
la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous pour une durée de
16 minutes 30 secondes.
M. Boulet : Merci, Mme la
Présidente.
Mme Cox (Rachel) : Mme la
Présidente, j'avais quelques remarques pour terminer le tout, parce qu'on a...
Mme Cox (Rachel) : ...le
régime de prévention, et je suis certaine que M. le ministre aimerait entendre
parler de ce régime-là, parce qu'il a plusieurs points positifs.
La Présidente (Mme D'Amours) : M.
le ministre, est-ce que vous laissez votre temps à Mme... Me Cox?
M. Boulet : Combien de temps,
Rachel?
Mme Cox (Rachel) : Je vais
essayer pour 60 secondes.
M. Boulet : Super! Alors, on
y va.
La Présidente (Mme D'Amours) : Allez-y,
madame.
Mme Cox (Rachel) : Merci
beaucoup. Alors, plusieurs mesures préventives intéressantes, notamment le
pouvoir pour la CNESST d'adopter un règlement. Vous dites que vous voulez être
à l'avant-garde, j'arrive de Genève, d'une conférence internationale, on en est
à des règlements spécifiques. C'est prévu par le projet loi no 42. Ma question,
c'est comment s'assurer, au Québec, alors que le C.A. de la CNESST a parfois de
la difficulté à s'entendre, qu'un tel règlement est adopté dans un délai raisonnable?
Donc, je vous invite à prévoir, comme le ministre a fait pour le projet de loi
no 59, un délai à partir duquel le gouvernement va agir à la place de la
CNESST.
Deuxième élément, c'est déjà... ça existe
déjà en Ontario, des fois, l'enquête de l'employeur, là où les problèmes de
harcèlement sexuel doivent être réglés d'abord et avant tout, n'est tout
simplement pas crédible. Donc, on vous invite à considérer la possibilité que
la CNESST puisse, dans de tels cas, ordonner une enquête par un tiers neutre et
compétent, crédibiliser tout le processus.
Et, en conclusion, oui, le projet loi no
42 fait un bon pas en avant. Cela étant dit, il y a des mesures qui doivent
être revues, des ajouts qui doivent être faits. Nous, le comité, on a conduit
une enquête exhaustive sur le terrain et on a présenté nos propositions pour
bonifier le projet de loi no 42. Aujourd'hui... nous invite à considérer le
résultat de cette enquête et les données probantes recueillies, et on espère
que ça va éclairer les travaux parlementaires pour la suite des choses. Merci.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
M. le ministre.
M. Boulet : Oui, merci, Mme
la Présidente. On a un temps limité, alors que c'est un mémoire... Merci
beaucoup, hein, de votre contribution. Encore une fois, votre mémoire est bien
étoffé, bien articulé. C'est certain qu'on aura des opportunités de se
reparler.
Quelques points. La désimputation... Me
Laflamme, est-ce que vous pensez que la désimputation des personnes employeuses
qui sont responsables, des personnes qui sont des représentants de l'employeur
dans ses relations avec ses salariés n'aurait pas un effet périlleux, n'aurait
pas une conséquence de déresponsabilisation? Moi, je le prends beaucoup à
l'inverse, Me Laflamme, puis je comprends extrêmement bien votre point. Puis
votre recommandation d'imputer au fonds général, moi, j'y adhérais, et, dans ma
pratique, j'ai vu souvent que les demandes de désimputation sont extrêmement
fréquentes, mais je pense que ça responsabilise puis ça permet de s'assurer
qu'on fasse véritablement de la prévention si on dit : Il y a une
imputation qui est associée à ta responsabilité. Qu'est-ce que vous en pensez,
Me Laflamme?
Mme Lavoie (Anne-Marie) : Merci
pour votre question, M. le ministre. Écoutez, de notre point de vue, les
bénéfices pour la victime de cette déjudiciarisation-là sont beaucoup plus
importants que les chances qu'une telle mesure puisse responsabiliser un
employeur ou un représentant de l'employeur qui aurait commis une violence à
caractère sexuel. Les dossiers dans lesquels la violence à caractère sexuel
émane de l'employeur ou d'un supérieur immédiat, c'est les dossiers les plus
complexes, les plus difficiles, qui suscitent des longues enquêtes par la
CNESST, où elle a de la difficulté à avoir la collaboration de l'employeur et
puis de l'autre partie, où elle doit poser un paquet de questions, là, sur la
vie privée de la victime.
Et on pense que, bien, si on maintient
cette exception-là, bien, à toutes fins utiles, on annule, on annule en grande
partie, sinon en totalité, l'effet bénéfique de cette désimputation, qui vise
justement à éviter cette.... Puis la pire judiciarisation, c'est l'employeur
qui est lui-même impliqué au dossier puis qui se... qui a un processus
contradictoire avec la victime, alors... Et on pense, en tout respect, qu'il y
a beaucoup d'autres manières de responsabilité des employeurs qui sont plus
efficaces, notamment par l'entremise d'une plainte pénale, si, vraiment, il y a
eu une atteinte, là, qui...
M. Boulet : Mais je pense
qu'on peut convenir, évidemment, ça peut varier d'un environnement de travail à
l'autre, mais que la désimputation peut favoriser un certain laxisme dans
l'application des politiques de prévention puis dans la formation, l'information
qui est dispensée, notamment, je pense beaucoup au représentant de l'employeur
dans ses relations avec les salariés. Mais je respecte beaucoup votre opinion.
Présomption. La sphère privée, évidemment,
c'est du cas par cas, là, mais il faut quand même...
M. Boulet : ...que ce soit un
accident de travail, que ce soit par le fait ou à l'occasion du travail. Quand
c'est strictement privé... On avait porté une attention particulière à la
relation purement personnelle que deux personnes peuvent avoir dans un contexte
totalement privé. Je sais que ça peut se faire en télétravail, ça peut se faire
dans le contexte d'une réunion de travail, mais je pense qu'il faut tenir
compte de cette réalité-là qui est fondamentalement humaine. Puis même si une
présomption ne s'applique pas, il y a un fardeau de preuve qui peut quand même
s'assumer de la part de la victime. Vous, ce que vous nous dites, c'est que
même dans une fin totalement privée, pour éviter d'alimenter des préjugés, peut
être qu'on est à risque tout le temps d'alimenter des types de préjugés, il
faudrait que ce soit couvert.
Mme Laflamme (Anne-Marie) : En
fait, la présomption, son but, c'est de faciliter la preuve de la victime.
M. Boulet : Absolument.
Mme Laflamme (Anne-Marie) : C'est
ça, l'objectif. Actuellement, la victime doit faire cette démonstration-là. Ce
qu'on veut, c'est... Puis une présomption peut être renversée, évidemment,
comme vous le savez. C'est de faciliter la preuve de la victime, puis d'éviter
cette enquête-là qui porte, et on l'a vu dans les dossiers qu'on a analysés à
la CNESST, des questions qui portent sur la vie privée de la victime. Avez vous
déjà eu une relation interpersonnelle avec la personne qui vous a harcelé, etc.
Vous savez, le but, la présomption, c'est
quand ça provient d'un employeur, de son représentant ou d'un collègue de
travail, c'est présumé être en lien avec le travail. Si ce n'est pas en lien
avec le travail, bien, encore faut-il en faire la démonstration. Parce que les
violences à... Et c'est lié à la particularité des violences à caractère
sexuel. Vous savez, l'employé qui est harcelé la fin de semaine par texto par
son employeur, elle ne laisse pas sa vie privée de côté quand elle rentre au
travail le lundi matin, puis elle repart avec une page blanche. Elle doit vivre
avec ça. C'est intime, le harcèlement. Quand il provient du milieu de travail,
il est nécessairement... Ce qu'on veut démontrer, c'est qu'il est... il est
présumé connexe au travail, sous réserve qu'une preuve contraire en soit faite
et que la présomption soit renversée.
• (10 h 20) •
Alors, c'est dans ce sens-là qu'on pense
que c'est important. On a trop vu de dossiers où c'est la victime qui est
questionnée sur les... sur sa vie privée. Et c'est... C'est nécessaire si on
maintient la définition actuelle et qu'on oblige la victime à faire cette
preuve-là. Et vous réintroduisez par cette présomption cette obligation de
faire la preuve que ce n'est pas survenu dans la vie privée. Alors, la
présomption, elle va être tout à fait utile si on enlève cette... cette
portion-là, cette exception-là.
M. Boulet : Je comprends. En
même temps, comme vous le dites, la présomption, dans la mesure où elle peut
être renversée, je ne pense pas qu'on peut éviter d'embarquer dans une preuve
qui fait référence à la vie privée, là, mais je pense que c'est important quand
même de respecter la relation qui peut se développer entre deux personnes, qui
est complètement externe. Puis je sais que j'alimente certains préjugés, là,
mais je comprends votre point.
L'indemnité de remplacement de revenu pour
les travailleurs étudiants de moins de 18 ans, on sait, je pense qu'on
fait un grand pas en avant. C'est 121 $. Alors que, là, on peut tenir
compte non seulement des revenus passés, mais des revenus anticipés. Et ce
qu'il y a de particulier avec notre régime d'assurance en matière de lésions
professionnelles, c'est qu'on veut remplacer des capacités de gain. Donc, il y
aura une possibilité pour l'étudiant de faire une preuve à cet égard là.
J'aimerais vous entendre aussi sur le
délai, bon, le six mois à deux ans, je pense aussi qu'on fait un pas en avant.
De transformer ça de façon à ce que ça devienne imprescriptible, il ne faut pas
oublier, Me Laflamme, puis vous le savez très bien, que même si le deux ans
n'est pas respecté, la personne peut, par un motif raisonnable, être relevée du
défaut de... de respecter ce délai-là. Quelle est la valeur, selon vous, de
l'imprescriptibilité additionnelle, là?
Mme Laflamme (Anne-Marie) : Je
vais passer la parole à ma collègue Rachel. Et pour... pour le début, je
reviendrai par la suite au besoin.
Mme Cox (Rachel) : Concernant
le délai, c'est la question, comme j'ai évoqué en introduction, de... le
principe d'équité entre personnes victimes. Le recours à la LATMP, c'est un
recours exclusif du moment que l'agression ou le harcèlement survient dans un
cadre du travail. Or, en vertu de la Loi sur l'élimination des victimes d'actes
criminels, le recours est imprescriptible, de même que par le Code civil. Alors,
nous, donc, on croit qu'il faut offrir la même chose. Encore une fois, c'est
certain que plus que le temps est passé, plus ça va être difficile de faire la
preuve. Mais ce qu'on souhaite, c'est que dans tous les cas, la CNESST...
Mme Cox (Rachel) : ...étudie
la réclamation sans obliger... Quand vous allez avec le motif raisonnable ou il
faut faire la preuve, qu'est-ce que ça veut dire, dans les faits? Ça veut dire
que les personnes victimes doivent appeler d'une décision négative, souvent se
retrouvent devant le tribunal pour plaider avec succès, mais seulement dans la
mesure où ils ont les moyens d'y arriver devant le tribunal. Alors, dans un
esprit de vouloir judiciariser que la CNESST règle le plus possible avec une
décision initiale, bien, une disposition voulant que la violence à caractère
sexuel représente un motif raisonnable. Et ça représente, dans la plupart des
cas, mais on évite cette judiciarisation, cet alourdissement des procédures
pour les personnes tout en étant équitable parce que, si la même agression est
arrivée dans la rue en dehors d'un contexte du travail, la personne aura
justement tout son temps pour déposer le recours.
M. Boulet : En même temps, il
n'y a pas d'iniquité, dans la mesure où le deux ans s'applique à tous et la
possibilité d'être relevé du défaut de respecter ce délai-là par la preuve de
motif raisonnable s'applique à tout le monde.
Est-ce que vous n'avez pas l'impression
que l'imprescriptibilité peut être incompatible avec la diligence à laquelle
vous faites référence? Si c'est imprescriptible, est-ce que ça ne peut pas
inciter des victimes à attendre et affecter la crédibilité ou la valeur de leur
dossier? Peut-être que mon raisonnement... Qu'est-ce que vous en pensez?
Mme Cox (Rachel) : Absolument
pas. Puis, M. le ministre, vous avez tout à fait raison en droit, mais en
termes du fait que la voie est toujours ouverte pour les personnes d'invoquer
le fait que d'avoir vécu la violence, c'est un motif raisonnable, mais nous, où
on en est, c'est la procédure, hein, c'est... on veut que ça passe
immédiatement à l'étude de l'admissibilité de leur réclamation. Puis est-ce que
ça va faire en sorte que les victimes vont attendre? Absolument pas. Et nous,
on souhaiterait que tous les intervenantes, intervenants conseillent les
victimes qui ont une atteinte à la santé, de consulter et de procéder
rapidement. Les régimes offrent des indemnités de remplacement du revenu pour
les personnes en état d'incapacité, c'est vraiment dans leur intérêt de
chercher des soins et de faire remplacer leur salaire pour qu'elles puissent
justement éviter une victimisation secondaire. Alors, ce n'est pas... moi, je
ne vois pas de question en termes de lâcheté, là, de ne pas réclamer tout de
suite, je pense, quand notre système va fonctionner, les personnes vont être
informées de leurs droits, vont procéder rapidement.
M. Boulet : Merci. Oui, tout
à fait, je pense que c'est un des objectifs d'ailleurs. Puis ça va se faire par
les nouveaux contenus des politiques de prévention puis par l'information, de
la formation. Il faut que ça se fasse le plus rapidement possible puis que
l'accompagnement soit le plus compatible avec les besoins de la victime. Là,
chaque personne a des besoins qui lui sont propres.
Bon, Mme Gesualdi-Fecteau, harmonie,
LNT, LATMP, vous souriez, euh, oui, mais vous savez aussi qu'on a harmonisé les
délais quand même, c'est un bon pas en avant, vous savez qu'il y aura des
communications systématiques entre la division norme et la division santé-sécurité,
c'est un bon pas en avant, ça fait qu'il va certainement falloir s'assurer, en
pratique, qu'il y ait le moins d'incohérence possible pour ne pas qu'il y ait
un régime distinct et qu'il y ait une iniquité dans la façon dont on répare les
torts causés à la victime. Je suis bien sensible à ça.
Puis les remèdes, il faut cependant faire
attention, puis j'aimerais ça vous entendre là-dessus. On a parlé des décisions
mêmes de la Cour suprême du Canada, puis ce régime-là est sans égard à la
faute, comme Me Laflamme le rappelait, il y a une immunité civile. Si on
applique les mêmes remèdes qui sont prévus à 123.16 en matière d'accidents de
travail, maladie professionnelle, est-ce qu'il n'y a pas un risque qu'il y ait
une incompatibilité avec l'état du droit et de la jurisprudence et une
incompatibilité avec les fondements de notre régime d'indemnisation?
Mme Gesualdi-Fecteau (Dalia) : Je
vous remercie pour votre question. Alors, pour nous, il faut intervenir sur
123.16 parce que la rédaction originale de cette disposition-là est
malheureuse. Le législateur, quand il est intervenu en 2002, a voulu bien
faire, je pense, pour aménager l'interaction entre les régimes, mais la
rédaction de cette disposition-là a engendré des débats en jurisprudence qui
sont dommageables pour les personnes victimes et qui alourdissent le processus
pour les deux parties, autant pour la personne victime que pour l'ampleur, de
notre point de vue. Il y a deux choses dans cette disposition-là, alors, nous,
on a proposé quelque chose. Peut-être qu'il y a mieux, peut-être qu'on peut
réfléchir à une autre rédaction de 123.16. On s'est beaucoup torturé les
méninges pour trouver, on est arrivé à ça, on a essayé plusieurs alternatives.
Mais il y a deux problèmes dans 123.16...
Mme Gesualdi-Fecteau (Dalia) : ...il
y a l'estime probable ou le tribunal, que ce soit le TAT en milieu non syndiqué
ou l'arbitre en milieu syndiqué, parce que 123.16 s'applique dans les deux
milieux. Estimé probable, ça veut dire aller au fond des choses pour voir s'il
y a possibilité que le harcèlement ait donné lieu à une lésion professionnelle,
ce qui conduit à une médicalisation du débat. Et, si on regarde les travaux qui
ont été... travaux parlementaires qui ont été faits en amont de l'adoption des
dispositions sur la loi sur les... de... du harcèlement psychologique dans la
loi sur les normes, c'est précisément ce que le législateur à l'époque voulait
éviter, c'était une médicalisation du débat par l'introduction des dispositions
sur le harcèlement dans la loi sur les normes. Donc, déjà, cette première
expression d'estime probable pose problème.
La deuxième chose, dans cet article-là,
qui est problématique, c'est comment la jurisprudence a interprété
l'expression... là je suis dans vraiment la technique légale, pardonnez-moi,
c'est très, très, très technique, mais «période au cours de laquelle la
personne est victime d'une lésion professionnelle», la rédaction de ce bout-là
de l'article 123.16 a conduit les tribunaux à interpréter qu'on devait
priver la personne victime d'une indemnité de perte de salaire, de dommages...
de dommages moraux même au-delà de la... de la période au cours de laquelle
elle reçoit de l'IRR. Donc, on va même au-delà, je dirais, d'un aménagement
justement de la compatibilité des deux régimes. C'est l'interprétation qu'en
ont fait les tribunaux, de cette disposition-là.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
infiniment. C'est tout le temps que nous avions pour la première période
d'échange. Alors, je suis prête à céder la parole à la députée de
Bourassa-Sauvé pour une durée de 10 minutes 24 secondes.
• (10 h 30) •
Mme Cadet : D'accord. Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Puis, évidemment, donc, ma collègue de La Pinière
étant présente avec moi pour l'étude... en fait, pour les consultations
particulières, là, dans ce projet de loi ci, donc elle aura aussi, donc,
l'occasion, donc, de pouvoir poser des questions dans cette période de
10 minutes 30 secondes. Donc, merci, encore une fois, Mesdames, pour
votre exposé et pour déjà, donc... d'ores et déjà, donc, avoir répondu à
quelques questions du ministre. Donc c'est une période d'échange qui nous a
fortement outillés.
Comme vous l'avez mentionné, donc, à la
suite de mes propres remarques préliminaires, donc, c'est d'abord et avant
tout, donc, l'occasion, donc, de pouvoir parler, donc, de la situation
discriminatoire à l'égard des victimes de violences à caractère sexuel ayant
moins de 18 ans. Vous l'avez mentionné dans votre mémoire et de façon,
donc, assez claire, selon vous, le projet de loi n° 42, donc, à cet égard,
fait fausse route, et il y aurait... il n'y aurait pas lieu, là, de... d'avoir
cette distinction-là pour les travailleurs mineurs, les travailleurs à temps
partiel, les étudiants stagiaires, comme on peut le voir dans le libellé
actuel. Puis évidemment, donc, de mon côté, en plus d'être porte-parole en
matière de travail, je suis aussi porte-parole pour la jeunesse, donc vous
comprendrez, comme je l'ai mentionné plus tôt, là, que cet élément, donc, m'a
beaucoup fait sourciller. Donc, j'aimerais... de façon très large, d'abord, je
vous entendrais sur cette question, puis on pourrait élaborer à travers des
sous-questions par la suite.
Mme Cox (Rachel) : Oui. Merci
pour avoir soulevé ce sujet. Je dois dire que dans les dossiers qu'on a
examinés à la CNESST, c'étaient des dossiers extrêmement troublants. C'est des
jeunes, qui, typiquement, au début, dans les premiers jours de leur emploi
d'été, font l'objet d'une attaque sexuelle, donc se ramassent avec un
diagnostic de choc post-traumatique, et souvent ont tenté d'aller vers le
régime d'indemnisation des victimes d'actes criminels pour se faire dire :
Non, votre recours exclusif, c'est à la CNESST, c'est au travail que c'est
arrivé. Et donc ces jeunes-là attendent une décision sans accès aux soins, avec
un diagnostic de choc post-traumatique et finissent par quoi? Finissent par
découvrir qu'alors qu'elles avaient... étaient toutes fières de décrocher un
emploi à 35 h à 25 $, 30 $ de l'heure, elles vont être
indemnisées comment? Sur la base justement que M. le ministre a dit, à... de
121 $ ou quelques. Et donc c'est des... une injustice. Alors,
littéralement, ce qu'on a vu dans ces dossiers-là, c'est la jeune, à un moment
donné, ne communique plus. Là, c'est les parents qui rappliquent puis
disent : Vous êtes en train de me dire que, outre le fait que ma fille,
dans ses premières expériences sur le marché du travail, subisse de telles
violences, et là, elle ne fera pas d'argent non plus cet été comme elle voulait
faire, parce que son indemnisation est calculée sur cette base, qu'elle est une
étudiante à temps plein, elle est au cégep, là, on parle des filles de 16,
17 ans, et donc, pour nous, c'est une injustice criante, c'est une forme
de victimisation secondaire.
D'où vient le 17 heures proposé dans
le projet de loi? C'est la limite du nombre d'heures qu'une jeune peut faire
pendant la période de fréquentation scolaire...
10 h 30 (version non révisée)
Mme Cox (Rachel) : ...or, ce
qu'on a vu, typiquement, c'est des événements qui arrivent au début de l'été,
alors que la jeune n'est pas assujettie à l'obligation de restreindre ses
heures de travail à 17 heures. Et avec... Alors, si on s'était tordu la cheville,
peut être que oui, on peut aller au cégep alors qu'on ne peut pas travailler,
mais, ici, on fait face à des personnes qui ont des diagnostics d'ordre
psychologique et, généralement, ne sont pas capables d'aller étudier, ce qui
entraîne des conséquences. Certes, il n'y a pas une perte de revenus, mais un
retard dans l'arrivée sur le marché du travail, et donc un manque à gagner
entraîné par la chose en question.
Donc, pour faire simple, nous proposons
que le chiffre 17 soit remplacé par le chiffre 40, soit le nombre d'heures pour
établir une indemnité de remplacement du revenu minimal, en vertu de la LATMP,
comme pour les plus de 18 ans ou comme pour les moins de 18 ans, mais qui ne
sont pas aux études.
Mme Cadet : Me Laflamme, je
vous voyais hocher de la tête. Vous voulez rajouter?
Mme Laflamme (Anne-Marie) : Ça
va. Ça complète, merci.
Mme Cadet : C'était assez
complet. Donc, vous disiez, donc, pour faire simple, donc, essentiellement,
donc, on multiplierait, donc, le facteur, donc, par 40 heures par semaine,
mais, essentiellement, là, pour qu'on soit dans une équivalence, là, complète,
là, qu'il n'y ait tout simplement pas de distinction.
Mme Cox (Rachel) : Ce qui est
important de préserver, par exemple, c'est la possibilité de révision à l'âge,
je crois, de 21 ans, parce que, sinon, la lésion va cristalliser la personne
dans l'état salarial dans lequel elle était au moment de l'accident du travail.
Donc, la seule particularité qui doit rester, c'est la possibilité de réviser à
la hausse. Sinon, la LATMP prévoit une indemnité de remplacement de revenu
minimal, basée sur 40 heures au salaire minimum, et, à défaut, c'est cette...
minimum-là, que la loi offre, qui doit être disponible à ces jeunes personnes.
Mme Cadet : Parfait, merci.
Je regarde déjà le temps. Je laisserais ma collègue continuer, vas-y.
La Présidente (Mme D'Amours) : Je
vais céder la parole, maintenant, à la députée de La Pinière.
Mme Caron : Merci, Mme la
Présidente. Alors, merci pour votre... vos travaux. J'aurais une question
concernant la confidentialité des dossiers. Ce n'est pas une question qui a été
amenée dans votre présentation, mais mon souci, c'est de... Si on regarde les
dossiers qu'on... le dossier d'un employé fautif, par exemple, confidentiel,
comment fait-on pour s'assurer qu'une telle personne ne va pas se retrouver à
travailler, par exemple, comme préposée aux bénéficiaires dans une résidence
pour aînés, dans un CHSLD, où non seulement c'est un milieu de vie avec des personnes
très vulnérables, mais aussi un milieu de travail avec des personnes
vulnérables, sachant que les préposés, par exemple, sont, majoritairement, des
femmes, majoritairement, des femmes immigrantes? Alors, j'aimerais vous
entendre là-dessus, s'il vous plaît.
Mme Cox (Rachel) : Alors, ce
que je peux dire, d'emblée, c'est que, dans la mesure où on place les violences
à caractère sexuel, les violences de genre au sein d'un régime de prévention,
le régime de prévention, c'est un régime qui est d'ordre public, et donc on
donne une protection accrue. Nous, on a proposé une mesure spécifique pour que
ce soit clair, pour que ce soit connu que rien ne peut empêcher les personnes d'évoquer
un risque pour la santé et la sécurité du travail, incluant le risque présenté
par un mis en cause récidiviste dans son milieu. Et cette protection... cette
obligation, en fait, de traiter les risques existe autant concernant les
risques entre collègues qu'envers des tiers comme les patients, les élèves,
etc. Donc, aujourd'hui, on va dire : Rien ne peut nous empêcher, en vertu
du régime de prévention, d'évoquer ces risques-là. Le problème, c'est que le
monde n'est pas au courant. Donc, nous, on a proposé une mesure spécifique,
dans la loi, pour dire : rien... on ne peut pas, par convention, empêcher
que de tels risques soient divulgués. Et ça, ça vaut pour l'employeur, ça vaut
pour l'ancienne victime, etc. Ce n'était pas... Tu sais, je vous invite à
consulter notre rapport. Mais là vous avez raison qu'il n'y a pas
nécessairement de renforcement de la protection ni de mesures pour faire
connaître la protection actuelle dans le projet de loi n° 42, tel que
rédigé.
Mme Caron : D'accord, je vous
remercie pour ça. Une autre question, justement, que vous avez soulevée, sur le
contexte strictement privé : Comment on définit un contexte strictement
privé? Parce que vous avez dit : Souvent, les choses se...
Mme Caron : ...on ne passe
pas nécessairement sur le milieu de travail, sur la chaîne de production, mais
lors d'une activité sociale du personnel, à quel moment ça devient strictement
privé? Si ça se passe une fois que l'activité sociale est terminée, qu'il y a
un raccompagnement, un covoiturage, ou autre, ou bien est-ce que ça, ça en est...
c'est du privé? Puis l'activité elle-même n'est pas du privé, à quel moment on
peut faire la coupure entre les deux?
Mme Laflamme (Anne-Marie) : En
fait, de notre point de vue, le débat doit se faire du côté d'établir la
connexité entre la violence à caractère sexuel et le travail, et c'est...
D'ailleurs une jurisprudence abondante s'est développée pour déterminer, en
matière de lésions professionnelles de tous les ordres professionnels, quand ça
survient en dehors, là, du... des lieux de travail, des heures de travail,
est-ce que c'était connexe au travail. Cette jurisprudence-là a quand même...
est quand même favorable, là, dans une large mesure, aux violences à caractère
sexuel parce qu'elle reconnaît qu'il y a plusieurs éléments de contexte qui permettent
justement de déterminer s'il y a un lien ou pas avec le travail, et c'est pour
ça... Ce qu'on a rencontré, nous, dans le cadre de notre étude, dans nos
dossiers, c'est que malheureusement, c'est au stade de l'admissibilité de la
réclamation que les violences à caractère sexuel n'étaient... c'était la
deuxième cause de refus des violences à caractère sexuel, c'est que la victime
ne réussisse ne réussissait pas facilement à démontrer cette connexité avec le
travail, parce que nécessairement, par définition, ces gestes-là surviennent en
dehors du contexte... du cadre habituel du travail, si je peux m'exprimer. Mais
évidemment des critères tels que l'existence d'un lien de subordination entre
les parties, est-ce qu'on est dans le cadre d'une activité qui présente un lien
avec le travail ou pas, un congrès, un déplacement pour se rendre à une
formation. Alors, il y a une abondante jurisprudence qui s'est développée qui
permet de faire cette démonstration-là de connexité. Là où on pense que la
présentation est importante...
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
beaucoup.
Mme Laflamme (Anne-Marie) : ...c'est
pour faciliter la preuve.
• (10 h 40) •
La Présidente (Mme D'Amours) :
Merci. Merci, Me Laflamme, je suis désolée. Nous passons maintenant à la
période d'échange avec le député de Hochelaga-Maisonneuve pour une durée de 3
min 28 s.
M. Leduc : Merci à vous
trois. Salutations spéciales à deux anciennes professeures que j'ai eu la
chance de connaître à l'UQAM, dans une autre vie. J'aurais mille et une
questions. En quatre minutes et quelques secondes, on ne peut pas toutes les
poser. Je commencerais par vous en poser de priorisation. Tu sais, vous mettez
10 recommandations, si je ne me trompe pas, dans votre mémoire. Évidemment,
on va tout avoir à les traiter, là, dans l'étude détaillée. Mais politiquement,
quelles seraient, mettons, les deux ou trois plus importantes que vous vous
dites : Il faut vraiment que ces trois-là, là, on ne les échappe pas? Je
ne sais pas si vous êtes d'accord d'ailleurs entre vous trois sur les trois
principales, mais si vous avez un petit palmarès à me faire, sur quoi on doit
se concentrer, là, les gens de l'opposition, pour convaincre le ministre
d'adhérer. Je dis trois, ça peut être un peu plus, ça peut être un peu moins,
ce n'est pas un chiffre...
Mme Cox (Rachel) : Là, c'est
les dilemmes, hein?
Des voix : Ha! ha! ha!
M. Leduc : Bien, vous êtes
venues ici, on vous fait travailler vous aussi, là. Oui, oui.
Mme Cox (Rachel) : C'est
important, là. Le tri, je répète... Tu sais, le droit du travail, c'est un
tout, c'est un écosystème, tout est interconnecté, l'ensemble... les
recommandations forment un tout. Par ailleurs, l'ajout dedans un contexte
strictement privé, pour moi, véhicule un stéréotype plutôt que d'en enlever un.
Alors ça, ce n'est pas juste pas avancer, ça, c'est faire du tort.
M. Leduc : C'est un recul. Ça
serait un recul si on adoptait ça.
Mme Cox (Rachel) : Exact.
M. Leduc : O.K.
Mme Cox (Rachel) : Deuxièmement,
la question de la désimputation, et c'est rare, vous me connaissez comme
professeur, c'est vous... c'est rare que je vais préconiser des désimputer un
employeur, hein? Mais ici, je vous dis, du point de vue de la personne victime,
c'est ce qu'il faut faire. La mesure proposée va pénaliser la personne victime
plus que son bourreau. Donc, d'autres moyens existent : les plaintes
pénales en vertu de SST pour punir l'employeur des imputations.
Troisièmement, la question, très peu de
personnes, très grandes injustices pour les moins de 18 ans aux études.
Et quatrièmement, 123.16, c'est tellement
technique qu'on voit qu'on perd votre intérêt. Vous imaginez la personne
victime qui tente de se démêler dans ce labyrinthe-là? Là, là, il faut que ça
soit plus clair. Sinon, comme juriste, on ne peut vraiment pas se tenir la tête
haute pour dire : Les personnes non syndiquées ont un réel accès à la
justice. On se demande pourquoi il n'y a pas de dénonciation parce que les
recours ne marchent pas. Il faut aménager les recours de façon intelligible
dans 123.16.
M. Leduc : Merci.
Mme Cox (Rachel) : Je ne sais
pas compter, ça fait quatre.
M. Leduc : Ça fait quatre,
c'est très bien, c'est raisonnable. Combien de temps il me reste, Mme la
Présidente?
La Présidente (Mme D'Amours) : 45 secondes.
M. Leduc : Sauf erreur de ma
part, ni dans votre mémoire ni dans vos recommandations, il n'y a des
références aux fameuses clauses d'amnistie, là, dans les conventions
collectives...
M. Leduc : ...vous avez vu que
c'est dans le projet de loi, il y a des organisations syndicales, étudiantes
qui vont se positionner là-dessus aujourd'hui. Avez-vous des choses à nous dire
à propos de ça?
La Présidente (Mme D'Amours) : En
30 secondes.
Mme Cox (Rachel) : Les
clauses d'amnistie ne faisaient pas partie de notre mandat, c'est dans les
conventions collectives. Les clauses d'amnistie ne touchent que la situation où
l'employeur considère que le lien de confiance n'est pas rompu. Les véritables
méchants doivent être congédiés. D'abord, la portée de cette clause-là n'est
pas, peut-être, ce qu'on... n'a pas la portée qu'on lui prête. En ce sens-là,
élargir à toute violence, bien, à un moment donné, quand tout est violence, les
formes les plus graves peuvent être banalisées. Donc, une limite de temps, oui,
abolition, peut-être pas.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci,
Me Cox. Maintenant, nous sommes à la dernière période d'échange, et je cède la
parole au député de Jean-Talon pour une durée de 2min 39 s.
M. Paradis : 2min 39s,
questions et réponses incluses. Je vais essayer deux questions. Les
représentants des victimes et les employeurs s'entendent sur la complexité des
recours que vous venez de mentionner. Est-ce que vous trouvez que le projet de
loi va assez loin, notamment en l'absence de la création d'une division
spécialisée au Tribunal administratif du travail? Un.
Deuxièmement, je vous demande de vous
mettre dans la peau... vous êtes les avocates d'un employeur, un bon employeur,
un employeur modèle qui a fait beaucoup de prévention, puis tout ça, puis là il
arrive une agression sexuelle dans un contexte, là... postparty de Noël, vous
connaissez, là, ce genre de chose là. Là, on a mis une présomption, on a limité
l'accès à l'information personnelle puis là on enlève l'exception du contexte
complètement privé. Voulez-vous me dire, concrètement, comment vous abordez la
défense du bon employeur?
Mme Cox (Rachel) : La
désimputation et les mesures de prévention, parce que des mesures de prévention
existent... sont connus, les facteurs de risque pour mieux prévenir. La
prévention, ça sert vraiment tout le monde.
Concernant la complexité, nous, on ne veut
pas que la personne qui aurait eu un recours en vertu de la charte ne puisse
pas avoir droit au même remède si elle dépose à la CNESST. Donc, faire en sorte
que la victime qui n'a pas dénoncé puisse avoir droit au remède pour le
harcèlement psychologique à caractère sexuel, ça, ça va enlever un jeu de
devinettes. Deuxièmement, comme j'ai dit tout à l'heure, 123.16 est un facteur
de complexité inouïe pour tout le monde, et donc, tel quel, le projet de loi ne
répond pas à cet enjeu. Avec les modifications que nous proposons, les
modifications additionnelles au régime de la LNT, là, il y aurait un réel
potentiel de diminuer de façon significative la complexité et, par le fait
même, d'ouvrir l'accès à la justice pour les personnes victimes de violences à
caractère sexuel au travail.
La Présidente (Mme D'Amours) : 30
secondes.
M. Paradis : Puis sur la
question, là, de la défense du bon employeur, là, vous avez répondu en 15
secondes, mais vous pensez que ça, ça va être suffisant pour renverser la
présomption puis la difficulté d'avoir... Est-ce qu'il y a des garanties
suffisantes pour le bon employeur? C'est un peu ça, ma question.
Mme Cox (Rachel) : Monsier le
député, le régime, c'est sans égard à la faute, de la même façon que je
trébuche sur un plancher mouillé alors qu'il y a une pancarte, je veux être
indemnisé. C'est la même chose pour la personne victime de... L'employeur, ça
ne lui coûte rien. Ça lui donne quoi? Ça lui donne une immunité civile en
échange. Donc, elle, elle doit voir sa réclamation admise.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
infiniment pour votre contribution aux travaux, mesdames. Je suspends les
travaux quelques instants afin de permettre aux prochains invités de prendre
place. Merci.
(Suspension de la séance à 10 h 47)
(Reprise à 10 h 54)
La Présidente (Mme D'Amours) : Je
souhaite maintenant la bienvenue à Juripop. Je vous rappelle que vous disposez
de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période
d'échanges avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous
présenter puis à commencer votre exposé.
Mme Gagnon (Sophie) : Merci,
Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les députés. Je m'appelle Sophie
Gagnon. Je suis avocate et directrice générale de Juripop, et je suis
accompagnée de ma collègue Jessica Proulx, qui est également avocate en droit
du travail et qui se spécialise... qui consacre sa pratique à l'accompagnement
des personnes qui vivent du harcèlement sexuel en milieu de travail. Juripop,
on est un organisme à but non lucratif dont la mission est d'améliorer l'accès
à la justice, qui a été fondé en 2009. Et depuis 2018, on fournit des conseils
juridiques gratuits aux personnes victimes de violences sexuelles et de
violences entre partenaires intimes. Et on opère un programme qui est
spécialisé pour les personnes qui vivent du harcèlement sexuel en milieu de
travail, dans le cadre duquel on accompagne les personnes qui travaillent dans
tous les milieux de travail, en particulier les non-syndiqués. On les aide à
comprendre leur droit à porter plainte, on les représente en médiation et on
négocie pour eux et pour elles des ententes de règlement. C'est des milliers de
personnes depuis 2018 que Juripop a accompagnés. Et c'est à travers ces
milliers de dossiers que nous avons tiré les observations qu'on vous présente
aujourd'hui. Après des années à accompagner les personnes victimes de violences
à caractère sexuel et de violences entre partenaires intimes, à faire valoir
leurs droits en vertu de dizaines de lois, on a fait un constat qu'on souhaite
que les commissaires gardent en tête pour la durée de leurs travaux. C'est
celui que les personnes victimes de harcèlement en milieu de travail sont
celles qui font face au régime juridique le plus complexe et de loin. Elles
sont assujetties à une dizaine de lois qui sont appliquées par presque autant
d'instances, régies par des délais qui vont de six mois à l'imprescriptibilité.
Elles ont droit à des compensations qui sont réparties en une demi-douzaine
d'indemnités qui portent des acronymes compliqués. Je suis moi-même avocate
depuis 10 ans, j'ai des études supérieures, le français est ma langue
maternelle, et n'eût été des explications répétées de ma collègue à ma droite,
j'aurais eu beaucoup de difficultés à formuler devant vous des propos
intelligibles aujourd'hui. La complexité du régime juridique a des conséquences
qui sont réelles pour les personnes victimes. Elles résultent en des pertes de
droits, en des recours, dont les personnes victimes sont incapables de se prévaloir,
et des dommages qu'elles ne perçoivent pas. En plus de la revictimisation, la
complexité retarde le processus de guérison et fait en sorte que des personnes
victimes quittent leur emploi ou qu'elles se trouvent prises en arrêt de
travail avec des indemnités qui les contraignent à de la précarité financière.
En ce sens, on salue vivement le leadership du ministre d'avoir donné suite au
rapport Rebâtir la confiance et d'avoir mandaté les chercheuses qui nous ont
précédées pour se pencher sur ces recours-là en matière de harcèlement en
milieu de travail. On salue aussi l'intention d'aller de l'avant avec une
réforme législative qui est importante. Et Juripop est d'avis que le projet de
loi n° 42 est un bon projet de loi qui va améliorer l'accès à la justice
pour les personnes victimes, et on appuie plusieurs de ses dispositions.
On a également identifié des dispositions
qu'on juge incomplètes ou encore trop timides dans leurs avancées, et on soumet
qu'un deuxième tour de roue doit impérativement être donné par les commissaires
pour que le projet de loi change réellement la vie des personnes victimes. Une
réforme qu'on considère essentielle et qui n'est pas réellement entreprise par
le projet de loi, c'est vraiment celle de l'article 123.16 de la Loi sur les
normes du travail. On a écouté le témoignage... le témoignage des chercheuses,
et on a compris que, lorsqu'elle abordait ce sujet... l'attention était moins
présente, puis on comprend parce que c'est complexe, mais on considère que
c'est vraiment le cœur des réformes qui doivent être faites en commission
parlementaire. L'article 123.16 a été adopté pour qu'une personne
victime... pour éviter qu'une personne victime reçoive une double indemnité en
se prévalant à la fois du Régime des lésions professionnelles et celui mis en
place par la Loi sur les normes. Mais dans les faits, l'article 123.16 est
interprété de manière beaucoup plus large, et c'est une interprétation qui crée
des injustices importantes pour les personnes victimes qui subissent une atteinte
à leur santé. On peut penser à une personne qui est placée en arrêt de travail
mais qui est incapable de se prévaloir de la Loi sur les accidents de travail
parce qu'elle n'a pas accès à un médecin de famille, ce qui va faire en sorte
qu'elle n'aura pas accès à une indemnité pour salaire perdu, ni à des dommages
ni à un soutien financier pour des soins psychologiques. En voulant éviter une
double indemnisation, dans les faits, l'article 123.16 a mis...
Mme Gagnon (Sophie) : ...mis
en place un régime de sous-indemnisation. On appuie donc sans réserve la
recommandation 26 du rapport Cox et recommandons fortement aux commissaires de
lui donner plein effet.
Le projet de loi introduit deux
présomptions légales à la Loi sur les accidents de travail et les maladies
professionnelles, et on considère que c'est une des avancées les plus
importantes du projet de loi en matière d'accès à la justice. Par contre, on
soumet très respectueusement que la rédaction actuelle des présomptions
perpétue des mythes et des stéréotypes, et qui a pour effet de créer deux
catégories de personnes victimes : d'une part, la victime parfaite qui se
fait harceler dans son bureau et qui tombe en arrêt de travail immédiatement,
et d'autre part la victime un peu moins parfaite qui se fait harceler chez son
collègue ou par message texte le week-end et dont les conséquences
psychologiques prennent plusieurs mois à se manifester. Pour donner plein effet
à la réforme et à l'intention du ministre, on vous suggère fortement de retirer
les termes «contexte strictement privé» et de supprimer le délai de trois mois
qui est prévu à la seconde présomption.
Une autre de nos recommandations concerne
l'immunité civile en vertu de laquelle une personne victime ne peut pas
intenter une action en responsabilité civile contre l'employeur ou ses
mandataires. On reconnaît tout à fait l'importance de cette immunité à titre de
contrepartie qui justifie l'existence d'un régime d'indemnisation public, mais
dans notre travail on en vient à la conclusion que c'est une immunité qui
ratisse trop large en ce qu'elle inclut non seulement l'employeur, mais aussi
le collègue qui est auteur de violence. C'est donc une immunité qui a aussi
pour effet de créer deux catégories de victimes, parce que les victimes
d'agression sexuelle hors milieu de travail, elles, jouissent d'un recours
civil imprescriptible contre l'auteur de violence, alors que les personnes
victimes d'agression sexuelle en milieu de travail ne peuvent tout simplement
pas faire valoir leurs droits directement contre l'auteur de violence, elles
ont seulement un recours contre l'employeur, à l'exception du recours prévu par
la charte. Donc, pour répondre aux besoins de justice des personnes victimes et
aussi pour leur faire bénéficier de l'imprescriptibilité du recours civil qui
est accessible aux autres personnes victimes, on recommande de limiter
l'immunité civile à l'employeur.
• (11 heures) •
Le projet de loi a également l'intention
de mettre fin à l'impunité des auteurs de violence, notamment en interdisant
l'application des clauses d'amnistie en ce qui concerne les situations de
violence à caractère sexuel. C'est une réforme qu'on salue, mais on souhaite
porter à votre attention que la réforme va seulement trouver application si
l'auteur de violence demeure dans le même milieu de travail, à l'emploi du même
employeur. Si l'auteur de violence est congédié ou s'il démissionne, les autres
milieux de travail potentiels ne peuvent pas être informés des antécédents de
violence. Donc, l'employeur ne peut pas avoir de conversation franche avec la
personne candidate ou encore mettre en place des mesures de sécurité pour
éviter que d'autres personnes victimes deviennent victimes. C'est
particulièrement préoccupant quand on considère que les auteurs de violence
sont souvent des récidivistes et qu'il y a donc une possibilité avérée qu'une
personne qui a commis des violences sexuelles dans son ancien milieu de travail
en commette aussi dans son nouveau milieu de travail. Donc, au même titre qu'un
employeur potentiel peut consulter les antécédents criminels ou encore la
performance passée d'une personne candidate en vérifiant ses références,
Juripop soumet qu'un employeur potentiel devrait aussi avoir accès à ses
antécédents de violence à caractère sexuel commis en milieu de travail. Et,
toujours sur la question de sécurité du milieu de travail, Juripop soumet que
les employeurs devraient être autorisés à informer les personnes victimes des
sanctions qui sont imposées aux auteurs de violence après les enquêtes en milieu
de travail. Donc, on vous recommande de vous inspirer de la réforme qui a été
entreprise il y a quelques années dans le milieu de l'enseignement supérieur
pour faire en sorte qu'un employeur puisse communiquer les sanctions aux
personnes victimes.
Finalement, on a aussi formulé des
recommandations qui s'intéressent aux enquêtes qui sont entreprises par les
employeurs en application de la politique de prévention et de traitement de
harcèlement psychologique, et il faut savoir que les politiques internes et les
enquêtes menées par l'employeur, ce qu'on constate dans notre travail, c'est
qu'elles constituent souvent la première porte à laquelle les personnes
victimes vont cogner pour obtenir justice. Donc, il est important de ne pas
sous-estimer leur importance dans l'accès à la justice des personnes victimes.
On recommande entre autres que les personnes qui puissent être autorisées à
mener des enquêtes sur mandat de l'employeur soient assujetties à une
accréditation obligatoire et qu'elles suivent une formation... une formation
obligatoire et une formation continue pour assurer leur compétence tant sur le
droit applicable que sur les contextes, les dynamiques des violences à
caractère sexuel. On vous soumet que les mauvaises enquêtes peuvent faire perdre
confiance aux personnes victimes, qu'elles peuvent être opaques, qu'elles
peuvent polariser le milieu de travail, diminuer les chances de réintégration
et décourager une personne victime de faire valoir ses droits à l'égard
d'autres régimes.
Ça met fin à nos remarques introductives.
Merci.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
pour...
11 h (version non révisée)
La Présidente (Mme D'Amours) : ...votre
exposé. Nous sommes maintenant à la période d'échange. M. le ministre, la
parole est à vous.
M. Boulet : Oui, merci, Mme
la Présidente. D'abord, merci, Me Gagnon, Me Proulx. Vous savez qu'on a annoncé,
au mois de septembre dernier, d'ailleurs, puis je le dis à titre d'information
pour les personnes présentes, un partenariat avec Juripop, parce qu'ils font un
travail qui est humainement remarquable, là, Me Gagnon en faisait état, un
accompagnement des personnes victimes, particulièrement marginalisées au plan
social, qui ont des besoins de comprendre puis ont besoin d'accompagnement. Et
c'est vrai que c'est complexe. C'est la raison pour laquelle on avait donné
mandat aux trois expertes. Il faut décomplexifier, il faut que ce soit
simplifié puis il faut faire un pas en avant. Puis moi, j'apprécie que vous
nous fassiez des recommandations puis moi, j'anticipe de continuer notre
collaboration dans l'avenir avec Juripop, qui bénéficie d'une réputation
remarquable. On a travaillé des dossiers ensemble puis c'est toujours
extrêmement intéressant.
123.16. Bon, je parlais tout à l'heure
avec Mme Gesualdi-Fecteau, tu sais, la communication entre la division normes,
la division santé et sécurité, l'harmonisation des délais, l'information, on
veut s'assurer qu'il y ait le plus de cohésion possible pour que la personne
soit accompagnée dans la soumission d'une plainte ou d'une réclamation à la
CNESST pour qu'elle puisse être indemnisée. Je pense quand même qu'il y a une
amélioration de la fluidité dans le processus, et ça va passer, selon moi, par
l'accompagnement. Et moi, j'ai quand même une appréhension, là, de la double
indemnisation puis de l'accroc à l'immunité civile, parce que c'est vraiment un
régime dont la pierre angulaire, c'est l'indemnisation sans égard à la faute. J'aimerais
ça, Me Gagnon, que vous me donniez des précisions additionnelles, comment mieux
me convaincre qu'on qu'on irait dans une meilleure direction, eu égard à
123.16.
Mme Gagnon (Sophie) : Oui,
puis je vais me permettre de... peut-être mettre de côté notre recommandation
sur l'immunité civile pour répondre à votre question, parce qu'elles sont deux
recommandations qui sont indépendantes, et vous pourriez mettre en œuvre la
recommandation 26 du rapport sur 123.16 sans toucher à l'immunité civile.
Donc, vous avez raison qu'il est nécessaire d'améliorer ce que je vais appeler
l'administration de la justice et le parcours des personnes victimes quand
elles font valoir leurs droits. Effectivement, davantage de ressources va
renforcer l'accès à la justice. Par contre, les problèmes qu'on constate dans
notre travail ne relèvent pas de l'administration de la justice, mais relèvent
plutôt du droit substantif, du droit tel qu'il est écrit, qui fait en sorte qu'actuellement
les personnes qui vivent du harcèlement sexuel au travail et qui en subissent
des atteintes à leur santé ne pourront pas bénéficier pleinement des
compensations prévues à l'article 123.15 de la Loi sur les normes.
Je vais vous donner un exemple. On a
représenté une personne qui a subi du harcèlement au travail pendant deux ans
puis, au bout de deux ans, est tombée en arrêt de travail. Donc, il y a une
lésion professionnelle au bout de deux ans. Par contre, vous conviendrez que,
pendant les deux ans où elle est demeurée à l'emploi, elle subissait du
harcèlement psychologique et donc toutes les conséquences qui en découlent...
notamment des conséquences qui pourraient donner lieu à des dommages moraux.
Par contre, en raison de la formulation de 123.16, puisque la situation de
harcèlement psychologique donnait aussi lieu à une lésion professionnelle, elle
n'a pas pu recevoir de compensation pour les deux années qui ont précédé la
lésion professionnelle. C'est pour ça qu'on parle d'un régime de sous
indemnisation. Dans les faits, on va plus loin qu'éviter la double
indemnisation, on évite la pleine indemnisation. Puis on vous soumet que le
droit... le droit de la responsabilité civile prévoit déjà qu'une personne ne
peut pas être compensée au-delà des dommages qu'elle a réellement subis. Donc,
dans la mesure où elle a déjà été indemnisée partiellement par la main gauche,
la main droite ne pourra pas l'indemniser au-delà de la valeur totale de ses
préjudices.
M. Boulet : O.K., je
comprends. L'imprescriptibilité, vous m'avez entendu, il y a quand même une
extension considérable du délai de six mois à deux ans. Je pense que ça, c'est
une avancée importante. Et, au-delà de deux ans, s'il y a une démonstration d'un
motif raisonnable, on peut être relevé du défaut de présenter notre
réclamation, ou notre grief, ou peu importe la nature du recours dans la
période de deux ans. Est-ce que rendre ça imprescriptible, puis j'aimerais ça
vous entendre, vous avez entendu probablement Mme Gesualdi-Fecteau... ou Me
Laflamme, plutôt, est-ce que ça ne risque pas d'avoir un...
M. Boulet : ...effets pervers
sur la diligence, qui est tellement souhaitée et souhaitable en matière de
présentation d'un recours, d'une plainte ou d'une réclamation?
Mme Gagnon (Sophie) : Je vais
laisser Me Proulx répondre à votre question avec des exemples tirés de notre
travail, je pense que ça va rendre la réponse convaincante.
Mme Proulx (Jessica) : En
fait, nous, notre recommandation pour ce qui est de l'imprescriptibilité, elle
s'applique plutôt avec la suspension de l'immunité au civil pour le
cotravailleur. Donc, nous, les exemples qu'on voit dans le concret, c'est qu'il
y a un besoin des victimes de confronter parfois l'agresseur même, et c'est là
qu'il y a de... double système, victime qui a une agression sexuelle au travail
versus victime qui a une agression sexuelle hors travail, qui, elle, aurait
droit au recours civil de manière imprescriptible.
Donc, on comprend que
l'imprescriptibilité, pour l'employeur, ça peut paraître très long, c'est pour
ça qu'on s'est concentrés, de manière qu'on pense juste et raisonnable, sur
celle contre l'employé seulement. Et évidemment, avec tous les remparts de la
loi déjà prévus pour éviter une double indemnisation ou litispendance sur les
mêmes faits, et il y a déjà dans la LATMP des dispositions qui prévoient de...
d'opter, donc l'option de si on décide d'aller en responsabilité civile, on
peut en assurer la CNESST. Donc, ce qu'on voit, dans nos cas concrets, c'est
des gens qui trouvent que l'employeur a pu être diligent, qu'il n'a pas
nécessairement envie d'aller dans un recours contre la société et l'employeur,
10 ans après, mais qui prend le temps de guérison, comme toutes les autres
victimes au Québec, et qu'après 10, 12 ans, se disent : parfait, je
suis prête maintenant à faire mes recours contre cet individu, et là, se
retrouvent avec l'immunité civile qui l'empêche de le faire. Et c'est ça qu'on
aimerait contrer.
M. Boulet : C'est très clair.
On connaît des cas, tous les deux, auxquels vous faites référence. Maintenant,
comment, en pratique, vous appliqueriez la recommandation qui imposerait à un
employeur à communiquer à un employeur potentiel les informations relatives à
une violence à caractère sexuel qui a été commise chez l'employeur précédent?
Comment ça se ferait en pratique? Est-ce que c'est l'employeur potentiel qui,
en demandant des lettres de référence, imposerait ou demanderait, évidemment,
s'il y a eu des sanctions ou des infractions antérieures? C'est aussi
simplement que ça, que ça pourrait s'appliquer?
• (11 h 10) •
Mme Gagnon (Sophie) : Voilà,
exactement. Donc, ce qu'on propose, M. le ministre, c'est de modifier les
régimes de protection des renseignements personnels pour faire en sorte que,
dans le cadre d'un processus de vérification des références, un ancien
employeur soit autorisé à divulguer sur demande les antécédents de violence.
Puis je préciserais que c'est une recommandation qui n'est pas révolutionnaire,
en ce sens qu'elle demeure assujettie au consentement de la personne candidate,
au même titre qu'il faut le consentement d'un candidat pour vérifier ses
antécédents criminels.
M. Boulet : Donc, mais si on
pense à la loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur
privé, il me semble que c'est l'état actuel de la législation. Si la
travailleuse victime, par exemple, ou le travailleur victime y consent,
l'employeur précédent peut communiquer l'information à l'employeur potentiel.
Est-ce que ce n'est pas ce que la loi actuelle permet?
Mme Gagnon (Sophie) : Notre
compréhension, c'est qu'à l'heure actuelle, si une personne candidate change
d'emploi puis autorise un employeur potentiel à vérifier... bien, en fait,
c'est... donc on parle du consentement de la personne candidate et non pas de
la personne victime. C'est la personne candidate qui doit lever la
confidentialité de son dossier d'employé pour permettre à l'employeur de
vérifier les références. Et notre compréhension du droit applicable, c'est
qu'en ce moment, même avec un tel consentement, donc même dans le cadre d'un
processus de vérification des références, un employeur ne peut pas divulguer
les motifs qui auraient mené à un congédiement, donc on ne pourrait pas
divulguer des antécédents de harcèlement sexuel.
M. Boulet : O.K. Mais la
personne candidate... et généralement on pense à la personne victime. Puis,
souvent, les employeurs font signer un formulaire d'autorisation ou un
formulaire de consentement puis ils précisent tout ce à quoi ils veulent avoir
accès. Et ce formulaire-là est transmis chez les employeurs précédents, qui
peuvent, à ce moment-là, communiquer, par exemple, le dossier disciplinaire. En
fait, l'élément clé, c'est le consentement du travailleur ou travailleuse, qui
est la personne candidate auprès d'un employeur potentiel. Mais je vais... je
vais essayer de préciser ça, là, en revoyant la loi sur la protection des
renseignements personnels dans le secteur privé. Et c'est le même raisonnement
que vous faites en ce qui concerne les sanctions disciplinaires. O.K.
Me Gagnon, les enquêteurs. Bon. On sait
que la CNESST fait enquête, a des pouvoirs de faire enquête. Dans le contenu
minimal des politiques de prévention et de prise en charge, on doit expliquer
comment faire une plainte, comment s'exercera le suivi, et il y a des enquêtes
aussi à l'interne. Ce que vous dites, c'est qu'on devrait... Puis, tu sais, à
la CCNSST, vous le savez, hein, quand...
M. Boulet : ...on s'est
rencontré. Il y a eu la formation de tous les intervenants, autant qu'il y a eu
de la formation aussi sur les mythes, les stéréotypes, puis tout ce qui
concerne les conduites à caractère sexuel. Est-ce que vous nous recommandez de
créer un corridor spécifique qui mènerait à une accréditation pour faire des
enquêtes en matière de violence à caractère sexuel? Est-ce que c'est l'esprit
ou la lettre de votre recommandation?
Mme Gagnon (Sophie) : Donc, à
des fins de clarification, notre recommandation ne concerne pas les enquêtes menées
par la CNESST, mais strictement les enquêtes menées par un employeur lorsqu'une
plainte lui est transmise en vertu d'une politique de prévention et de
traitement du harcèlement en milieu de travail.
Comme vous le savez, à l'heure actuelle,
un employeur peut mandater qui que ce soit, incluant lui-même, pour procéder à
cette enquête-là. Donc, dans les faits, dans notre travail, on voit des
enquêtes menées par des personnes qui n'ont ni les compétences juridiques, ni
les compétences de savoir-être, ni les connaissances en ce qui a trait aux
dynamiques de violence à caractère sexuel qui mènent des enquêtes, qui sont des
enquêtes qui manquent d'équité, qui manquent de rigueur, qui manquent de
qualité.
Et on porte à votre attention que le
Barreau du Québec a déjà mis en place, de mémoire en 2021, un programme
d'accréditation pour ses membres qui souhaitent être accrédités à titre
d'enquêteur ou d'enquêtrice en milieu de travail. C'est une accréditation,
évidemment, qui est facultative, en ce sens qu'aujourd'hui un employeur n'a pas
à mandater un avocat accrédité par le Barreau, mais l'accréditation existe. Et
le Barreau du Québec exige 60 heures de formation pour recevoir une telle
accréditation, alors ça illustre l'ampleur des connaissances à acquérir pour
mener une telle enquête.
M. Boulet : O.K. C'est sûr
que moi... Aussi Me Gagnon, il faut penser aux petites et moyennes entreprises,
il y a des coûts associés à ça, il y a une complexification des procédures.
Puis ce qu'on veut simplifier, on risque de le complexifier, par ailleurs.
Je pense que le contenu de la politique de
prévention doit délimiter les paramètres, les tenants et aboutissants de la...
Tu sais, il faut que la personne qui fasse enquête ait un profil. Moi, ce qui
me préoccupe beaucoup, c'est la confidentialité, puis l'objectivité, puis les
connaissances. Et c'est là que les programmes de formation et d'information
vont devoir être effectifs.
Mais j'ai cette sensibilité-là, là, de ne
pas rendre ça plus complexe, notamment pour les entreprises qui ont à assumer
cette réalité-là. Je pense que la prévention, la formation puis l'information
peuvent jouer un rôle suffisant. Puis il y a des ordres qui m'ont dit, par
exemple, il y a un groupe qu'on va entendre : Ça devrait être réservé exclusivement
aux membres de notre ordre. Tu sais, il y a toujours cette espèce de conflit là
entre des personnes qui peuvent et d'autres qui ne peuvent pas. Mais ça, ça va
être difficile à contrôler, Me Gagnon. Ça fait que je ne sais pas s'il peut...
Puis je loue la formation qui est dispensée par le Barreau du Québec, celle
dispensée au Tribunal administratif du travail, on pourra en partager le
contenu, celle par l'Ordre des conseillers en ressources humaines aussi est
vraiment étoffée, celle par la CNESST... Mais c'est cette appréhension-là, là,
que j'aie de façon plus particulière.
Donc, si on résume les recommandations
essentielles, c'est les risques de sous-indemnisation provoqués par 123.16 et
que notre projet de loi perpétue, la limitation, immunité civile,
imprescriptibilité. La limitation de Me Proulx, là, de l'immunité civile, ce
que vous dites, c'est que la personne victime obtient une indemnité de
remplacement de revenu de la CNESST, puis, des années plus tard, elle pourrait
vouloir prendre un recours civil contre un collègue de travail qui est l'auteur
du... de la violence, est-ce que c'est...
Mme Proulx (Jessica) : Mais
actuellement, malheureusement, comment la jurisprudence l'interprète, c'est
même si la personne ne s'est pas prévalue du régime, on pourrait lui opposer
l'immunité. Donc, quelqu'un qui n'aurait même pas touché d'indemnités de la
CNESST, qui a dépassé le six mois actuel qui va devenir deux ans, pourrait se
présenter cinq ans plus tard, être en connaissance de ses droits pour faire une
poursuite en responsabilité civile pour les préjudices subis par l'agression
sexuelle, et on pourrait lui opposer le fait que, malheureusement, elle ne
s'est pas prévalue de son régime de CNESST il y a cinq ans de cela, et donc
faire tomber le recours, et c'est ce qu'on voit dans les décisions
malheureusement.
M. Boulet : Et si elle s'en
était prévalue, elle aurait été couverte, elle aurait pu recevoir une
indemnisation, donc elle n'a pas accès aux recours civils.
Mme Proulx (Jessica) : Exactement.
M. Boulet : O.K. C'est bon...
M. Boulet : ...J'aimerais ça
avoir les décisions... Me Proulx, est-ce qu'il a... c'est des décisions
rendues par les tribunaux supérieurs?
Mme Proulx (Jessica) : Oui.
M. Boulet : O.K. Cour
supérieure, Cour d'appel?
Mme Proulx (Jessica) : Cour
supérieure et Cour d'appel.
M. Boulet : O.K. Est-ce qu'il
y en a une, Me Proulx...
Mme Proulx (Jessica) : En
Particulier?
M. Boulet : Oui.
Mme Proulx (Jessica) : Je
vous les soumettrai.
M. Boulet : Super. O.K. Moi,
ça complète, Mme la Présidente. Merci beaucoup, Me Gagnon. Merci,
Me Proulx.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
Nous passons maintenant à la période d'échanges avec l'opposition officielle.
Mme la députée de Bourassa-Sauvé, la parole est à vous.
Mme Cadet : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Bonjour, Maître Gagnon, Maître Proulx. J'ai énormément de
travail pour le travail de Juripop... énormément d'admiration, plutôt pour le
travail de Juripop, donc merci beaucoup d'être avec nous cet avant-midi. Un peu
plus tôt, vous avez dit que vous avez entendu, donc, le témoignage des... donc,
des expertes qui nous ont parlé, donc, de la désimputation, là... mentionné,
donc, parmi leurs priorités. J'aimerais vous entendre... Parce que je vois
aussi que dans vos recommandations, que vous en avez parlé, vous l'avez évoqué
un peu plus tôt, là, que... Vous semblez, donc, avoir la même lecture, là,
du... du... du libellé, là, du projet de loi n° 42, là, en lien avec la
désimputation, notamment en ce qui a trait, donc, à la... bien, en fait,
particulièrement en ce qui a trait au... au contexte où la lésion
professionnelle, donc, résulterait de violences à caractère sexuel commises par
l'employeur, un dirigeant ou un de ses représentants. Donc, peut-être, donc,
vous entendre d'abord et avant tout sur cette recommandation-là. Et pourquoi
pour vous, ce serait important, donc, d'imputer le coût des lésions
professionnelles à tous les employeurs d'unités de classification dans cette
circonstance-là?
• (11 h 20) •
Mme Gagnon (Sophie) : Avec
plaisir. Donc, une remarque en deux temps. D'une part, on appuie le principe de
la désimputation parce que, tout comme les chercheuses, on est d'avis qu'on
doit minimiser au possible la judiciarisation des réclamations, ce qu'on voit
dans notre travail. Je pense que je peux affirmer sans me tromper que,
systématiquement, les réclamations sont contestées par l'employeur avec tout le
lot de revictimisation ou prolongation des délais que ça peut entraîner pour la
personne victime. Donc, on appuie le principe de la désimputation, et, tout
comme les chercheuses, on considère que le projet de loi n° 42 devrait
aller encore plus loin et faire en sorte que la désimputation s'applique même lorsque
la violence à caractère sexuel est commise par un dirigeant ou un représentant
de l'employeur. En fait, à notre avis, c'est ces situations-là qui nécessitent
le plus la désimputation, parce que c'est dans ces situations-là que la
personne victime se retrouve d'autant plus revictimisée en ce sens qu'elle doit
faire face non seulement à son employeur, mais aussi à son agresseur qui peut
utiliser plusieurs tactiques pour retarder le processus d'indemnisation ou
encore le rendre le plus victimisant possible pour la personne victime. Puis on
est sensibles à la préoccupation du ministre de responsabiliser les employeurs
qui sont responsables des agressions à caractère sexuel. Par contre, on
considère que les employeurs ont déjà des incitatifs pour ne pas commettre de
telles... de telles actions. Et, dans tous les cas, je vous soumets qu'aucun
régime juridique ne sera parfait, mais si on doit choisir à qui faire porter
les conséquences de l'imperfection, à notre avis, ça doit être à l'employeur et
non pas à la personne victime, comme c'est le cas dans la formulation actuelle
du projet de loi.
Mme Cadet : Merci beaucoup.
Vous indiquez aussi, donc, dans vos recommandations de bonifier les
présomptions légales instaurées par le projet de loi en les rendant applicables
au harcèlement sexuel commis en contexte privé et aux maladies survenant plus
de trois mois après les violences à caractère sexuel. Donc, je vous laisserais
aussi, donc, développer sur ces éléments-là.
Mme Gagnon (Sophie) : Oui,
avec plaisir. Donc, comme on le disait en introduction, les présomptions
légales, on les voit d'un très bon œil. Par contre, les violences à caractère
sexuel se déroulent dans des contextes strictement privés. Le droit doit le
reconnaître, et l'effet pervers de la formulation actuelle du projet de loi
n° 42, c'est qu'elle impose le fardeau à la personne victime de démontrer
que les violences ne sont pas survenues dans un contexte strictement privé.
Donc, ça va contraindre les personnes victimes à subir des questions sur leur
vie privée, ce qui, à notre sens, est contraire à l'esprit du projet de loi
n° 42. Donc, cette... cette partie-là de la disposition, à notre sens,
doit sauter.
Ensuite, pour ce qui est du délai trois
mois, on comprend que dans plusieurs des cas, des blessures normales, là,
c'est-à-dire hors violences à caractère sexuel de travail, elles vont se
déclarer dans un délai de trois mois. Par contre, notamment quand on pense à
des blessures psychologiques, des blessures qui découlent de traumas dans notre
travail, on le voit, ça peut prendre des mois, voire des années avant qu'elles
se manifestent. Donc, on ne... on considère que le délai de trois mois n'est
pas compatible avec la réalité des violences à caractère sexuel.
Mme Cadet : Merci. J'avais
ensuite la même question, là, que le ministre, là, pour ce qui est, donc, de
permettre à un employeur potentiel de connaître les antécédents du...
Mme Cadet : ...sexuel d'une
personne candidate. Je pense que vous aviez, donc, répondu, donc, de façon,
donc, assez claire de comment est ce que ça se manifesterait, en pratique.
Peut être, plus particulièrement, dans le
contexte des clauses d'amnistie, parce qu'on n'a pas eu l'occasion, donc,
d'échanger sur cette question-là, en fait, de vous entendre échanger sur cette
question-là, donc, avec le ministre, mais dans votre présentation, donc, vous
avez mentionné, donc, l'article 20, là, du projet de loi n° 42, donc, qui
est une avancée, donc, qui est intéressante au niveau des clauses d'amnistie,
mais qu'elle ne demeure pertinente que lorsque le... bien, en fait, la
personne, donc, demeure au sein du même milieu de travail. Donc, est-ce que le
transfert, donc, des renseignements personnels, là, que vous avez évoqué avec
le ministre, donc, s'effectuerait de la même manière? Donc, en pratique, vous
auriez la même recommandation, donc, dans le contexte universitaire ou
collégial?
Mme Gagnon (Sophie) : Oui,
exactement. Puis ce dont on s'inspire du milieu de l'enseignement supérieur,
c'est vraiment pour la communication des sanctions, qui est un sujet connexe,
mais différent. Donc, à l'heure actuelle, quand un employeur reçoit une plainte
pour harcèlement psychologique, il mène une enquête, conclut qu'un employé a
commis du harcèlement psychologique ou sexuel. En ce moment, les règles sur la
confidentialité des dossiers d'employés interdisent à l'employeur de
communiquer, à la personne victime, les sanctions, les mesures disciplinaires
qui sont imposées à la personne victime. Pour nous, ça a deux conséquences.
Premièrement, ça empêche... ça ne répond pas aux besoins de justice de la
personne victime. C'est difficile, pour elle, de tourner la page, ne sachant
pas quelles sont les conséquences auxquelles sera assujetti l'auteur de
violence. Mais ce qu'on se voit... Puis ce qu'on voit d'autre, qui est presque
autant préoccupant, c'est les conséquences pour la sécurité des personnes
victimes.
Dans un de nos dossiers, on représentait
une travailleuse qui a subi du harcèlement sexuel de la part d'un collègue avec
qui elle conduisait un camion de livraison. C'était son travail. Elle a porté
plainte à l'interne et tombait en arrêt de travail pendant l'enquête.
L'employeur a reconnu qu'il y avait eu du harcèlement sexuel au travail, mais
n'a pas divulgué les sanctions qui allaient être imposées au collègue. Donc,
notre cliente ne savait pas si, en retournant au travail, elle allait s'exposer
à d'autres quarts de travail avec ce même collègue ou si d'autres de ses
collègues allaient être vulnérables à des agressions sexuelles, et cette
incertitude-là était tellement profonde pour elle qu'elle a préféré
démissionner et quitter son milieu de travail, plutôt que d'y retourner. Donc,
il y a aussi une notion de sécurité et du plein accès à l'emploi, pour nous,
qui intervient, quand on parle de communiquer les sanctions aux personnes
victimes.
Mme Cadet : Puis, avant de
passer la parole à ma collègue, il y avait... Pour ce qui est de
l'indemnisation des personnes étudiant à temps plein ayant moins de 18 ans,
donc, vous n'en parlez pas. Je voudrais entendre votre point de vue sur cette
question-là.
Mme Gagnon (Sophie) : On n'en
parle pas tout simplement parce que nos observations, dans notre mémoire, sont
tirées du travail qu'on fait, et, dans les faits, nous n'avons pas eu
l'opportunité de représenter ou de conseiller des personnes qui avaient vécu
des violences sexuelles alors qu'elles étaient mineures. Mais les
recommandations qui sont faites par les chercheuses, à notre avis, tombent sous
le sens, là, à cet égard-là.
Mme Cadet : ...donc, je
passerais la parole à ma collègue de La Pinière.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
Je cède maintenant la parole à la députée de La Pinière, pour une durée de
2 min 50 s.
Mme Caron : Merci, Mme la Présidente.
Alors, juste pour être clairs, la question de la confidentialité, donc, ce que
vous prônez, c'est que les victimes soient au courant des sanctions qui sont
données, pour leur propre sécurité, et, dans un deuxième temps, que les
personnes qui... fautives qui cherchent un emploi ailleurs, lorsqu'elles
consentent à ce que l'employeur potentiel communique avec les références, à ce
moment-là, bien, ça devient un consentement à ce que l'employeur précédent
mentionne qu'il y a eu des sanctions, à l'égard de cette personne-là, pour des
violences à caractère sexuel ou du harcèlement psychologique. Alors, c'est bien
ces deux choses là que vous...
Mme Gagnon (Sophie) : Voilà.
C'est très bien résumé.
Mme Caron : D'accord. Je
voulais clarifier, parce que, tantôt, on parlait de personnes victimes, puis ce
n'était pas tout à fait, tout à fait clair. Dans le souci de s'assurer que le
processus soit le plus fluide possible et le plus rapide possible, qu'on ne
vienne pas encombrer la justice, est-ce que le fait qu'il faille avoir un
médecin de famille ou que les employeurs doivent désigner un médecin... est ce
que c'est quelque chose, dans l'état actuel du réseau de la santé, qui
complique les démarches, dans les dossiers que vous avez vus, par exemple?
Mme Gagnon (Sophie) : Est ce
que vous parlez de la disposition du projet de loi qui prévoit la nomination
d'un professionnel de la santé pour accéder au dossier médical ou, de manière
générale, le besoin d'avoir un diagnostic?
Mme Caron : Ou pour les
enquêtes, par exemple, pour un diagnostic, oui?
Mme Gagnon (Sophie) : O.K. Je
vais laisser ma collègue Me Proulx répondre.
Mme Proulx (Jessica) : Oui,
c'est sûr, c'est sûr que, des fois, on doit référer les gens aux urgences pour
avoir un diagnostic, pour respecter les délais... actuellement, c'est six
mois... s'ils viennent nous voir à deux ou trois jours du six mois, puis on a
peur de dépasser le délai de prescription, puis ils n'ont pas de médecin de
famille. Ça m'est déjà arrivé de devoir dire : Bien, vous allez devoir
vous présenter aux urgences pour avoir un mot, sinon, on va être hors délai,
là. Effectivement, comme on l'a déjà mentionné, c'est possible de justifier un
hors délai. Dans ce cas-là, ça pourrait, mais ça met déjà les gens dans une
situation de doute et de...
Mme Proulx (Jessica) : ...
Mme Caron : D'accord. Merci.
Puis est-ce qu'il reste du temps?
La Présidente (Mme D'Amours) : Oui.
Mme Caron : Oui.
La Présidente (Mme D'Amours) : 50
secondes.
Mme Caron : Et, pour revenir
sur la question de la sphère privée, ce que je comprends aussi, c'est... de ce
que j'ai lu dans votre rapport aux pages sept et huit, c'est de... finalement
de... d'enlever carrément les mots «strictement privés» du projet de loi, c'est
bien ça?
Mme Gagnon (Sophie) : Tout à
fait. C'est essentiel. Puis je rappelle de toute façon que l'employeur... ce
n'est pas une présomption irréfragable, l'employeur conserve le loisir de la...
de la réfuter en administrant lui-même cette preuve-là. Donc, on parle tout
simplement de... de changer le fardeau de preuve.
Mme Caron : D'accord. Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
Je cède maintenant la parole au député d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour à vous deux. Content de vous voir. Je vais vous poser la
même question que j'ai posée à vos prédécesseures sur la priorisation. Je ne
sais pas si vous avez fait l'exercice ou je ne sais pas si dans votre mémoire
c'est déjà classé en forme de priorisation un peu plus politique. Qu'est-ce qui
devrait être vraiment essentiel, en particulier pour nous, les députés
d'opposition, mais aussi évidemment pour le ministre, qui nous écoute
attentivement, les un, deux, trois trucs, là, qu'on ne peut pas échapper à la
fin de l'étude détaillée de ce projet de loi là?
Mme Gagnon (Sophie) : C'est
une bonne question. Donc, notre mémoire n'est pas structuré comme tel, mais
notre intervention l'était. Donc, la première priorité, à notre sens, c'est la
refonte en profondeur de l'article 123.16 et l'application de la
recommandation 26 du rapport des chercheuses sur cette question-là, et
ensuite la correction de la rédaction des présomptions légales à la Loi sur les
accidents de travail et les maladies professionnelles pour éviter de perpétrer
des mythes et des stéréotypes. Ce seraient, à mon avis, les deux priorités. Je
ne sais pas si Me Proulx voudrait ajouter l'immunité civile.
Mme Proulx (Jessica) : ...
Mme Gagnon (Sophie) : Elle
s'est déjà faite grillée par un ministre sur le sujet.
M. Leduc : Bien oui, ça
vous... ça embête toujours les invités, ça, cette question-là, mais nous,
évidemment, on travaille avec ces priorisations-là, mais...
• (11 h 30) •
Mme Proulx (Jessica) : Moi,
je pense que le cheval de bataille que je vois aussi, c'est la divulgation des
sanctions qu'on vous amène, qu'on puisse obtenir les sanctions. C'est quelque
chose que je vois de manière récurrente qui bloque les victimes dans un
sentiment de justice puis de réparation.
M. Leduc : Qui bloque les
victimes, qu'est-ce que vous voulez dire?
Mme Proulx (Jessica) : Dans
un... En fait, c'est rééquilibrer... En ce moment, ce qui est prévalu, c'est la
protection des renseignements personnels, et on vient rééquilibrer avec le
droit d'une victime de se sentir en sécurité en faisant cette exception-là de
divulguer les sanctions.
M. Leduc : Je comprends.
Combien de temps, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme D'Amours) : Deux
minutes.
M. Leduc : Deux minutes. On a
parlé beaucoup des clauses d'amnistie. Vos prédécesseures, c'était la dernière
question que je leur ai posée, là, avant qu'il... que le temps file. Dans son
projet de loi, le ministre élargit un peu plus, là, que les violences à
caractère sexuel, c'est violences physiques, violences psychologiques. Bon,
déjà en soi, il y a... j'ai lu des mémoires de centrales syndicales qui
pouvaient s'inquiéter de l'élargissement à outrance, donc de la fin des clauses
d'amnistie, parce que, quand il n'y a pas de clause d'amnistie, c'est un peu
l'arbitraire patronal, évidemment, qui le remplace. Est-ce que vous êtes de cet
avis-là? Et aussi est-ce qu'un peu comme le laissait entendre maître Cox il n'y
a pas lieu plutôt d'imaginer une alternative? Je ne sais pas si elle le voulait
comme une alternative, là, mais c'est un peu comme ça que je l'ai compris.
C'est-à-dire, plutôt de... que de... d'élargir trop large, on pourrait mettre
une date minimale à des sanctions ou à des notes au dossier, tu sais, que ça ne
puisse pas disparaître après six mois ou un an, ce qui est souvent ce qu'on
peut lire dans les conventions collectives, ça pourrait être deux, trois,
quatre, même cinq ans à la limite. Est-ce que ce n'est pas une piste qui
pourrait être intéressante?
Mme Gagnon (Sophie) : En
toute humilité, on n'a pas eu une réflexion approfondie sur la question des
clauses d'amnistie parce que notre travail nous amène surtout à travailler avec
des... à... à accompagner des personnes non syndiquées. Donc, on s'en
remettrait à l'expertise des chercheuses sur cette question-là.
M. Leduc : Vous ne touchez
pas... Oui, c'est ça, vous êtes plus dans les normes du travail que dans le
Code du travail.
Mme Gagnon (Sophie) : Exact.
M. Leduc : Parfait. J'aime
aussi poser la question quand il reste un petit peu de temps : Est-ce
qu'il y a des éléments de votre mémoire qu'on n'a pas eu le temps d'aborder
aujourd'hui dans vos échanges, que vous voudriez souligner?
La Présidente (Mme D'Amours) : 40
secondes.
Mme Gagnon (Sophie) : Ce
qu'on a trouvé très pertinent dans l'approche des chercheuses, c'est celle de
se baser sur des données probantes, puis on a constaté qu'elles avaient été en
mesure d'obtenir des données de la part de la CNESST et des tribunaux, mais, au
Québec, on a peu de données sur la prévalence du harcèlement sexuel en milieu
de travail et sur les réponses qui sont données par l'employeur. Une
recommandation qu'on fait dans notre mémoire puis qui est peut-être
extralégislative, là, ce serait celle de demander aux employeurs de communiquer
des données sur les plaintes sur le harcèlement sexuel au sein de leur
entreprise, donc plus particulièrement les employeurs pourraient être
contraints de communiquer le nombre de plaintes reçues en vertu de leurs
politiques et l'issue donnée à ces politiques-là...
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
Mme Gagnon (Sophie) : Voilà.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
C'est tout le temps que nous avions. Nous passons maintenant à la période
d'échange avec le député de Jean-Talon.
M. Paradis : Bonjour. Merci
beaucoup d'être avec nous. Une demande et deux questions en deux minutes 39
secondes. Vous nous parlez dans votre mémoire de la question de la divulgation
des antécédents, qui est un enjeu vraiment essentiel à la non...
11 h 30 (version non révisée)
M. Paradis : ...la
perpétuation, là, des gens qui ont commis des choses puis qui s'en vont chez d'autres
employeurs, c'est dur à équilibrer. Vous nous dites : Ça pourrait... la
demande, donc, de divulgation d'antécédents, ça pourrait être conditionnel au
consentement de la personne visée puis ça pourrait être limité dans le temps.
Est-ce que vous pourriez nous faire des recommandations là-dessus, parce que
vous avez une très belle expérience de terrain, pour nous aider dans notre
réflexion? Parce que vous nous invitez à réfléchir. Les deux questions... Vous
nous dites : Il faut supprimer le délai de trois mois pour l'application
de la présomption, mais le délai de réclamation de deux ans, on est prêt à
vivre avec. Mais vous représentez souvent des personnes dans une situation de
vulnérabilité, puis le traumatisme se révèle des fois par des éléments
déclencheurs beaucoup plus tard. Est-ce qu'on ne devrait pas faire sauter aussi
ce délai de deux ans pour vraiment permettre un accès le plus complet possible
au recours? J'ai fait la même chose avec Mme Cox tout à l'heure. Déjà ce
matin, il y a des représentants, des employeurs qui disent : Ça va rendre
notre défense impossible, toutes ces règles-là. Qu'est-ce que vous leur
répondez?
Mme Gagnon (Sophie) : Pour ce
qui est de la divulgation... de la communication des antécédents, vraiment, ce
qu'on propose, c'était une modification au régime de la protection des lois sur
les renseignements personnels, puis de s'inspirer... Donc, pour votre réflexion,
on vous suggère de vous inspirer de ce qui est déjà... du cadre juridique en
place qui permet à un employeur potentiel de vérifier les antécédents
criminels, donc de vérifier le plumitif. Il y a déjà des normes qui sont
établies par la loi, par la jurisprudence là-dessus. On soumet qu'on pourrait s'en
inspirer pour les questions de violences à caractère sexuel.
Pour ce qui est du délai de deux ans, je
vais laisser ma collègue, Me Proulx, relayer ce qu'on constate dans nos
dossiers.
Mme Proulx (Jessica) : En
fait, j'appuierais ce que les chercheuses ont dit, c'est-à-dire de rendre plus
facile... de prouver que les délais sont raisonnables, de retard. Donc, c'est
ce qu'ils ont suggéré. Ça ne figurait pas dans notre mémoire, mais on abonde
dans le même sens, c'est-à-dire de faciliter le fait que, s'il y a des retards
dus à la nature des violences à caractère sexuel qui se manifestent souvent
plus tard, qu'on puisse faciliter la preuve du retard et que ça soit admis, en
ce sens là. C'est une solution qui nous paraît raisonnable.
La Présidente (Mme D'Amours) : 30 secondes.
M. Paradis : Puis qu'est ce
que vous répondriez, donc, aux représentants des employeurs qui disent :
Aïe, là, ça va devenir impossible pour nous, nous défendre, même quand on est
un bon employeur, là? Je ne sais pas si vous avez lu l'article ce matin, là,
mais ils annoncent un peu ce qu'ils nous disent dans leurs mémoires. Ça fait
que si vous étiez à notre place, là, quand ils vont être là?
Mme Gagnon (Sophie) : Bien,
premièrement, il faut se rappeler que le projet de loi propose aussi de
désimputer les coûts. Donc, ça, c'est, à mon avis, la meilleure réponse à cette
question-là. Et, d'autre part, encore une fois, les régimes juridiques ne
seront jamais parfaits. Mais en ce moment, ce qu'on constate dans notre
travail, c'est que le fardeau est beaucoup trop onéreux pour les personnes
victimes qui, elles, ont très peu de ressources, vivent avec leur traumatisme,
alors que les employeurs, premièrement, c'est des dépenses d'entreprise.
Deuxièmement, ils ont accès à des professionnels, notamment à des conseillers,
à des conseillers juridiques. Quand ils doivent encourir le coût, souvent, c'est
des coûts qui peuvent être réclamés à leur assureur. Donc, à choisir entre deux
maux, on choisit celui-ci.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
C'est tout le temps que nous avions. Merci, Me Gagnon et Me Proulx, pour votre
contribution à nos travaux. Je suspends les travaux quelques minutes afin de
permettre aux prochains invités de prendre place.
(Suspension de la séance à 11 h 36)
(Reprise à 11 h 41)
La Présidente (Mme D'Amours) : Je
souhaite maintenant la bienvenue à la Confédération des syndicats nationaux. Je
vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous
procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous
invite donc à vous présenter et à commencer votre exposé.
Mme Senneville (Caroline) : Oui,
merci. Bonjour. Alors, je suis Caroline Senneville, présidente de la
Confédération des syndicats nationaux. Je suis accompagnée de Me Roxanne
Lavoie, conseillère syndicale au service juridique de la CSN, de Natacha
Laprise, conseillère syndicale au service de santé-sécurité et environnement de
la CSN, et de Jean-François Lapointe, conseiller politique au sein du comité
exécutif de la CSN. Alors, merci de nous recevoir.
D'entrée de jeu, on veut dire que la CSN
est tout à fait d'accord avec les objectifs de ce projet de loi qui vise à
prévenir et combattre le harcèlement psychologique et les violences à caractère
sexuel. Mais bien sûr, on a d'une part certaines questions puis on a aussi des
commentaires qui, évidemment, de notre point de vue, visent à améliorer le
projet de loi.
Alors, le projet de loi, c'est un projet
de loi qui touche différentes lois. Mes commentaires vont y aller par lois qui
sont touchées.
La première, la Loi sur les accidents du
travail et les maladies professionnelles. On salue bien sûr l'initiative
d'introduire la présomption de maladie pour faciliter la démonstration des
lésions professionnelles qui pourraient découler des violences à caractère
sexuel. Mais on a deux questions et commentaires. On a vraiment un
questionnement par rapport à ce qu'on voit, nous, comme des exceptions. La
première, c'est celle qui dit que ça exclut ce qui se passe en contexte
strictement privé. Qu'est-ce que ça veut dire? La ligne peut être floue :
ton patron reste ton patron, même en dehors des heures du travail, ce qui se
passe le week-end peut avoir une incidence le lundi matin au bureau...
Mme Senneville (Caroline) : ...donc
on a des interrogations là-dessus, y compris aussi sur une infraction commise
par un travailleur dont les services sont utilisés par cet employeur.
L'interrogation aux fins d'un même établissement, est-ce à dire que tout ce qui
se passe à l'intérieur de l'établissement, par exemple les communications qui
seraient à l'extérieur de l'établissement? On... en tout cas, pour nous, ça
demande précision. En ces ères de réseaux sociaux, des fois il y a des
communications hors travail. Alors, nous vraiment, c'est les questionnements.
On... Par ailleurs, on... on trouve que le
délai de trois mois pour qu'il y ait la présomption de maladie, de lésion
professionnelle en lien avec les violences à caractère sexuel, pardon, est trop
court. Les violences à caractère sexuel ont un impact... peuvent avoir un
impact psychologique majeur s'apparentant parfois à des chocs
post-traumatiques, et les chocs post-traumatiques, on le sait, la littérature
le dit, peuvent se déclarer après trois mois. Alors, pour nous, ces
exceptions-là viennent affaiblir la présomption qu'on veut inclure à la loi.
Et, c'est ça, en créant trop d'exceptions, ça peut venir affaiblir, et donc ça
pose problème.
L'article 27 aussi, pour nous, pose
problème. L'article 27 dit qu'une victime ne peut pas être indemnisée si
l'accident, la maladie est due à leur négligence grossière et volontaire,
particulièrement dans un contexte de violence à caractère sexuel. On trouve cet
article dommageable parce que, bien, ça renforce le mythe que la victime,
quelque part, l'a cherché. Ça met l'accent sur les comportements de la victime
plutôt que de mettre le regard sur les comportements de l'agresseur, et donc
pour nous, vraiment, là, ça... ça vient vraiment jouer contre l'objectif du
projet de loi qui vise justement à renforcer la prévention des violences à
caractère sexuel.
On croit aussi que la lutte de dévoiler
ses... l'antécédent comme victime quand on change d'employeur, ça ne devrait
pas être automatique. Encore une fois, quand on est victime de violences à
caractère sexuel, ça vient toucher ce qu'on a de plus intime, et nous, on croit
que la Loi sur les accidents du travail, les maladies professionnelles devrait
spécifier que les victimes de violences à caractère sexuel n'ont pas
l'obligation de déclarer leurs lésions professionnelles ou leurs limitations fonctionnelles
qui en découleraient, sauf, bien sûr, si c'est nécessaire, pour protéger la
santé, la sécurité ou l'intégrité physique des personnes avec qui elles
travaillent, donc vraiment encadrer ce dévoilement-là.
Et finalement, pour cette loi là aussi, on
est bien content de voir que le délai pour déposer une réclamation soit porté à
deux ans pour les actes... pour les victimes d'actes... voyons...
Une voix : ...
Mme Senneville (Caroline) : ...les
violences à caractère sexuel. Merci. Je vais l'avoir. Mais ce n'est pas le même
délai pour le harcèlement psychologique. Pour nous ça pose problème, problème
de coréhence... de cohérence, problème d'application parce que les violences
s'inscrivent souvent dans un continuum. Le harcèlement psychologique peut
devenir du harcèlement sexuel qui peut devenir une violence à caractère sexuel.
Alors, on aimerait bien que le délai de deux ans pour déposer une réclamation
soit aussi valable pour le harcèlement psychologique.
En ce qui a trait à la Loi sur les normes
du travail, alors bien content pour la politique de prévention. On salue le
fait que le projet de loi implique un contenu minimal de cette politique de
prévention là, mais on aimerait qu'il y ait une utilisation concordante de
certains termes.
Dans le premier paragraphe, on dit que le
harcèlement psychologique, ça inclut le volet des paroles, d'actes et de gestes
à caractère sexuel, qui ça peut... ça peut inclure... le harcèlement
psychologique inclut donc la violence à caractère sexuel, mais ce n'est pas
répété ailleurs dans la Loi des normes. Et vraiment par souci de concordance,
par souci de clarté, par souci d'applicabilité, on aimerait que cette
spécification-là soit faite tout au long de la LNT, là, la Loi des normes du
travail, pour les intimes.
La LNT aussi, il y a des provisions pour
des congés. C'est assez minimal, hein? C'est deux jours de congé pour maladie
ou raison familiale. Il n'y a rien pour les victimes d'actes de violence à
caractère sexuel, rien pour les victimes de violence conjugale, et honnêtement,
le Québec fait un peu figure de cancre parce que partout au Canada, c'est plus
élevé que ça. Notre demande, c'est qu'il y a10 jours pour les victimes de
violences à caractère sexuel et de violence conjugale.
On veut aussi parler des mesures
disciplinaires. D'abord, je vais être claire la CSN condamne tout geste à
caractère sexuel sur les milieux de travail. Ça n'a aucune, mais vraiment
aucune place, et ça fait des décennies qu'on le répète et on est très clairs
avec nos membres, quand il y a des...
Mme Senneville (Caroline) : ...graves
qui sont posés. Malgré l'obligation qui nous est faite par le Code du travail,
l'article... de représenter les membres, si l'enquête des membres démontre
qu'il y a eu des comportements répréhensibles, nous ne défendrons pas
l'indéfendable. Et je le dis et je le répète, c'est le discours qu'on tient à
nos propres membres. Mais le projet de loi prévoit que les clauses d'amnistie
seraient rendues inopérantes en cas de violences à caractère sexuel et ça nous
pose des questions. Ça nous pose deux questions, je vous dirais. On craint deux
choses par rapport à ce sujet-là, c'est la judiciarisation des relations de
travail. Parce que quelqu'un qui aurait fait quelque chose qui ne mériterait
pas, par exemple, la plus grosse des sanctions qui serait le congédiement,
bien, verrait une tache à son dossier pendant peut-être des décennies. Ça
pourrait porter la personne à judiciariser, à contester la mesure
disciplinaire. Ce n'est pas ce qu'on souhaite. On travaille très fort à tout
déjudiciariser les relations de travail d'une part, et d'autre part, ce n'est
pas le fun pour la victime non plus, qui doit, encore une fois... devra, encore
une fois, raconter les événements.
L'autre sujet pour lequel aussi ça nous
questionne, c'est qu'on veut que la réhabilitation soit possible. On veut que
si... la personne qui a commis une infraction en termes de harcèlement sexuel
puisse faire amende honorable, puisse s'engager dans un parcours de
réhabilitation, que ce soit des formations, une thérapie, une cure, etc. Et ça,
pour nous, ça a valeur de prévention. C'est quoi qu'on veut? C'est sûr qu'on
veut punir les personnes qui posent des gestes absolument regrettables,
inadmissibles, mais on veut surtout prévenir. Parce qu'une fois que tu as puni,
c'est parce qu'il y a un acte plate qui s'est passé puis il y a une victime.
Nous, on pense que de pouvoir permettre aux partis de s'ajuster puis de
vérifier le contexte, ça pourrait permettre une plus grande prévention dans les
milieux de travail sur le harcèlement sexuel. Puis, on va se le dire, dans la
vraie vie, ce n'est pas les clauses d'amnistie qui causent le problème, ce qui
cause le problème, c'est que les comportements ne sont pas dénoncés et ils ne
sont pas punis. Donc, c'est ce qu'on met de l'avant.
• (11 h 50) •
Troisième loi qui est touchée, la Loi sur
la santé et sécurité du travail. On prévoit que le projet de loi devra
évidemment être complété par une série de règlements. Le projet de loi ne
prévoit pas d'échéancier pour les règlements. Tout ce qui traîne se salit.
Nous, on proposerait, comme ça a été pour d'autres cas aussi dans la loi, la
LSST, que la CNESST ait un délai de 24 mois pour pouvoir produire un
environnement réglementaire autour de la loi pour prévenir et combattre les
violences sexuelles, et qu'à défaut de quoi, bien, le ministre pourra le faire,
lui, dans les 30 mois qui suivent.
Sinon, bien, il y a beaucoup d'autres lois
qui sont touchées, Code du travail, etc. On est d'accord avec les modifications
qui sont apportées. Peut-être, dernier petit grain de sel, on aimerait que,
comme les arbitres de grief qui sont formés sur les violences à caractère
sexuel, que les juges du Tribunal administratif du travail soient aussi formés
en ce sens. Donc, je vous dirais... Je pense que je rentre dans mes
10 minutes, hein? J'ai tellement voulu... Ça fait que...
La Présidente (Mme D'Amours) : À
six secondes près. Merci beaucoup.
Mme Senneville (Caroline) : Voilà.
Ouf!
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
pour votre exposé. Nous allons maintenant commencer la période d'échange, et je
vais céder la parole au ministre. M. le ministre, la parole est à vous.
M. Boulet : Oui, merci. Merci
beaucoup, hein? Je n'ai malheureusement pas eu l'occasion de vous saluer. Je le
ferai après. C'est un excellent mémoire. On vous remercie pour votre
contribution, puis vos recommandations sont raisonnées et intéressantes. Je
veux simplement... puis je vais peut-être y aller un petit peu de façon éparse,
là, mais la formation va avoir évidemment une équipe dédiée aux dossiers de
violences à caractère sexuel au Tribunal administratif du travail. Et il y a
déjà eu de la formation de Me Gareau-Blanchard du ministère de la Justice,
et elle s'intitulait, la formation : Mythes et stéréotypes avec lesquels
composent les personnes victimes de harcèlement sexuel et d'agressions à
caractère sexuel, et il y a plein de mesures qui seront mises en application
pour assurer l'accompagnement. Une conférence préparatoire individuelle, le conciliateur
qui va intervenir, et les juges qui vont provenir des divisions normes et
santé-sécurité vont être évidemment totalement formés pour répondre à nos
besoins de la même manière que les arbitres de grief.
Le pouvoir réglementaire, c'est intéressant
de faire référence au fameux règlement sur la prévention. Mon collègue d'Hochelaga-Maisonneuve...
M. Boulet : ...Maisonneuve y a
participé. On avait mis en place le régime intérimaire, et le C.A. de la CNESST
va devoir y aller avec diligence, mais je ne suis pas fermé à ce qu'il y ait un
délai, mais, même à défaut de délai dans la loi, le ministre ou le
gouvernement, ultimement, peut toujours adopter un règlement sur les meilleures
mesures de prévention.
L'amnistie, ce n'est pas de les rendre
inopérants, ce n'est pas de les rendre nuls, c'est simplement de permettre à
l'employeur de ne pas tenir compte de la clause d'amnistie dans les cas de
violence physique, psychologique. Évidemment, ça comprend les violences à
caractère sexuel. Puis la littérature, les experts concourent tous à dire qu'il
y a toujours des personnes qui récidivent dans ce domaine-là.
Puis il ne faut pas non plus déconsidérer
le pouvoir de l'employeur quand il fait sa gradation des sanctions de tenir
compte des circonstances, non seulement aggravantes, mais les circonstances
atténuantes, notamment le processus de réhabilitation, dans la mesure où ça
peut se faire, mais il ne faut pas dire : On les annule. Puis les milieux
étudiants, puis la plupart des groupes qu'on a consultés favorisaient, il y en
a qui voulaient qu'on les annule systématiquement, mais ce qu'on a plutôt
adopté, c'est la possibilité pour l'employeur de ne pas en tenir compte dans un
contexte spécifique qui nous intéresse. C'est parce que vous posiez des
questions aussi, hein, Caroline. Tu sais, la négligence grossière et
volontaire, moi, j'en connais peu ou pas, de décision. La négligence grossière
et volontaire, je ne veux pas faire une hiérarchie de la gravité des événements
qui mènent à une réclamation pour accidents de travail ou maladie
professionnelle, mais avez-vous, Mme Senneville, des cas où la négligence
grossière et volontaire a fait en sorte qu'une victime n'a pas obtenu une juste
indemnisation? Est-ce que vous avez des cas à me soumettre?
Mme Lavoie (Roxanne) : Bien,
je vais répondre à cette question-là. Dans notre mémoire, en notes de bas de
page, là, on réfère à quelques décisions où, en fait, ce n'est pas que les gens
n'ont pas forcément été indemnisés, par contre, on a scruté le comportement de
la victime. Et c'est là que le bât blesse, c'est lorsqu'on questionne la
victime. En fait, on recherche la victime parfaite, donc, ou on va questionner
à savoir, bien : Pourquoi tu acceptais le café? Je veux dire, tu n'étais
pas obligé d'accepter le café qu'il t'offrait en en cadeau à tous les jours.
Pourquoi est-ce que tu as accepté d'être reconduit, tu as accepté d'être
reconduit chez toi par cette personne-là que tu dénonces aujourd'hui? Et c'est
ce genre d'abus là qu'on voit, qu'on lit dans les décisions des tribunaux, qui
font en sorte que, bien, forcément, on le constate, les gens sont questionnés
là-dessus et on recherche la victime parfaite. Alors, c'est le lien qu'on
faisait, là, qu'on voulait attirer... on voulait attirer votre attention.
M. Boulet : O.K. C'est Me
Lavoie, hein?
Mme Lavoie (Roxanne) : Oui,
exact.
M. Boulet : Est-ce qu'il y a
des cas où des employeurs ont invoqué l'application de l'article 27 qui réfère
à la négligence grossière et volontaire dans des cas de violence à caractère
sexuel? C'est ça qui me préoccupe, là. Est-ce qu'il y a eu des cas spécifiques
là-dessus.
Mme Lavoie (Roxanne) : Dans
les décisions qu'on vous a mises en notes de bas de page... La réponse, c'est
oui. Là, je n'ai pas le nom par coeur, mais, dans notre mémoire, on réfère à
des décisions où, effectivement, on alléguait l'application de l'article 27. On
est dans des cas de harcèlement psychologique, de harcèlement... et avec des
connotations sexuelles. Effectivement, il y en a eu.
M. Boulet : O.K., je vais les
regarder. Je suis convaincu que la plaidoirie de l'employeur a été rejetée,
dans des contextes de même...
Une voix : Oui.
M. Boulet : ...mais ce que
vous me dites... parce que 27, c'est vraiment intentionnel, là, tu es sur le
bord d'une falaise, puis tu décides de te tirer en bas, puis tu es blessé ou tu
as des blessures corporelles graves, ou psychologiques, tu fais ta déclaration,
il y a très, très, très peu de cas où 27, c'est appliqué, on s'entend?
Mme Lavoie (Roxanne) : On
s'entend.
M. Boulet : Mais ce que vous
me dites, c'est que 27, ce n'est pas appliqué, mais ça a permis de scruter le
cas de façon à victimiser, là, ce qu'on appelle les phénomènes de victimisation
secondaire. C'est intéressant.
Mme Lavoie (Roxanne) : Voilà,
vous me suivez. C'est exactement ça.
M. Boulet : Est-ce que, selon
vous, ça ne risquerait de créer un précédent et qu'on demande l'inapplication
de l'article 27 à d'autres cas?
Mme Lavoie (Roxanne) : C'est
ce qu'on vous demande, de toute façon.
M. Boulet : Donc, à tous les
cas...
Mme Lavoie (Roxanne) : On en
profite, on dit : A fortiori, dans le contexte...
M. Boulet : À plus forte
raison, donc, ce que vous dites... 27 ne devrait pas s'appliquer dans les cas
de violences à caractère sexuel ou les violences physiques, mais est-ce que
vous demandez...
M. Boulet : ...que ça ne
s'applique pas systématiquement?
M. Lapointe (Jean-François) : En
fait, si je peux me permettre, M. le ministre, on demande l'abolition de
l'article 27 dans la LATMP.
M. Boulet : O.K. Parfait. Là,
je comprends.
M. Lapointe (Jean-François) : De
toute façon, par la voie de l'occasion ou du fait du travail, s'il y avait un
cas d'exception, on pourrait... un employeur pourrait passer par ces
dispositions-là, mais bon.
M. Boulet : Mais elles
existent quand même. Je pense qu'il faut faire de la formation, de
l'information, beaucoup de prévention. Mais moi, personnellement, je me vois
mal retirer cette exception-là, parce que ça viendrait à penser le message que
tu peux être négligeant grossièrement, involontairement, et bénéficier quand
même d'une indemnisation en vertu de la LATMP, mais je comprends, ce que Me
Lavoie me dit spécifiquement pour la victimisation secondaire, là, en matière
de violence à caractère sexuel, ça, je peux le comprendre. Oui,
Mme Senneville.
Mme Senneville (Caroline) : Oui.
En une phrase : On n'est pas fan de l'article 27, mais en cas de
violence à caractère sexuel, on trouve que c'est dommageable.
M. Boulet : Bon. Là, c'est de
la belle négociation, ça, Mme Senneville. Euh, je comprends. O.K.
Euh, maintenant, je n'aime pas qu'on dise
que le Québec est un cancre dans un secteur spécifique des relations de
travail. Je pense que, puis c'est Mme Cox qui le disait, c'est un
écosystème, hein, le droit du travail, il y a plusieurs liens à faire avec
plusieurs lois. Puis, à bien des égards, on est en avance, on est en tête de
peloton au Canada. C'est sûr que, comme dans une convention collective, on peut
prendre un élément, l'isoler, puis dire qu'on est plus faible que la
compétition. Mais je pense que, globalement, la Loi sur les normes du travail,
elle est un avantage considérable parce que c'est un réseau de droits minimaux,
là, qui s'impose notamment dans les conventions collectives, le
10 jours... parce qu'elle a fait l'objet d'une révision quand même assez
importante par nos prédécesseurs, le... ce qui est entré en vigueur le
12 juin 2018. Est-ce que ça avait été revendiqué, ça? Parce qu'on a
rajouté le 12 jours rémunérés, là. Il y a quand même une banque de
10 jours dont deux sont rémunérés. Est-ce que ça... Ça a été ajouté, il me
semble. Mon souvenir...
• (12 heures) •
Mme Senneville (Caroline) : Oui.
Je peux vous dire, c'est moi qui ai fait cette commission parlementaire là en
2018, puis ce qu'on demandait, c'était 10 jours de congé pour maladie ou
pour responsabilité familiale, 10 jours payés. On en a obtenu deux. Mais,
vous savez, en cas de violence conjugale, là, il faut que tu sortes de chez
toi, il faut que tu te reloges, des fois tu n'as plus de vêtements, tu n'as
plus de casseroles, il faut que tu installes un système de sécurité parce que
tu as peur. Alors, honnêtement, là, les victimes ont besoin de journées pour
qu'elles puissent réorganiser leur vie.
M. Boulet : O.K. Et la banque
de 10 jours peut être insuffisante. Et les deux jours rémunérés peuvent
être insuffisants. En même temps, en milieu syndiqué, la plupart des
conventions collectives de travail comportent des dispositions qui vont bien
au-delà de ça.
Mme Senneville (Caroline) : Oui,
mais la CSN aime aussi parler pour les gens qui ne sont pas syndiqués, c'est
60 % des travailleurs du Québec, donc.
M. Boulet : C'est ce que je
souhaitais vous entendre dire. Les antécédents, Mme Senneville. Un peu
comme on discutait avec Me Gagnon, pour moi, c'est clair que l'élément central,
c'est le consentement de la personne. Puis ça, c'est dans nos lois de relations
de travail, de même que celle sur la protection des renseignements personnels.
Si la personne consent, la personne pourrait avoir intérêt à ne pas consentir,
là, pour des questions purement, purement privées ou des affaires d'intimité,
là, mais est-ce qu'avec un formulaire de consentement qui est signé par la
personne, ça ne donne pas ouverture à l'accès aux antécédents? Qu'est-ce...
Puis là vous êtes avec des avocates, avocats, qu'est-ce que vous en pensez?
Mme Lavoie (Roxanne) : Bien,
je... C'est plate, j'ai envie de vous répondre par une question :
Qu'est-ce qui fait arriver le jour où moi, je veux me faire engager, et on me
demande de remplir ce formulaire-là, et que je refuse? Est-ce déjà ça n'induit
pas l'idée que je... il y a peut-être quelque chose, dans mes antécédents, que
je ne veux pas dévoiler?
M. Boulet : Ah, mon Dieu, il
y en a beaucoup. En pratique, là, ce que nous constatons, c'est qu'il y en a
beaucoup qui refusent. Mais est-ce que vous pourriez avoir un motif légitime de
refuser?
Mme Lavoie (Roxanne) : Bien,
ce qu'on... ce qu'on avance dans notre mémoire, c'est que, dans le fond, pour
les victimes à violence d'actes criminels... violence d'actes sexuels, pardon,
c'est tellement intime, la sexualité, que, dans tous les cas, on ne devrait pas
avoir à dévoiler ça à un autre employeur. Donc, je ne devrais...
12 h (version non révisée)
Mme Lavoie (Roxanne) : ...pas
avoir à dévoiler que j'ai été victime de lésions professionnelles ou que j'ai
des limitations fonctionnelles en lien avec ça pour protéger cette intimité-là.
M. Boulet : Donc, ce que vous
dites, c'est que... puis, à mon avis, il y a de l'asymétrie, là, mais, là, il y
a un... il y a des intérêts qui peuvent diverger entre l'employeur puis la
personne. L'employeur peut vouloir savoir, puis la personne veut vouloir
protéger. Et donc ce que vous dites, c'est qu'en toute circonstance la
confidentialité devrait être protégée, est-ce que c'est ce que vous...
M. Lapointe (Jean-François) : Ce
n'est pas exactement ce qu'on dit dans notre mémoire. Ce qu'on vous dit, c'est :
Prenons pour acquis que la victime a des limitations fonctionnelles qui l'empêchent
de reprendre son emploi prélésionnel. Elle se retrouve sur le marché de l'emploi,
elle se cherche un nouvel emploi et elle a le stigmate de sa limitation
fonctionnelle qu'elle doit exposer pour retrouver un emploi. On ne veut pas
faire porter ce stigmate-là à la victime si ce n'est pas utile pour protéger sa
santé et sa sécurité.
M. Boulet : Je comprends.
M. Lapointe (Jean-François) : Alors,
c'est dans ce contexte-là qu'on ne veut pas qu'elle le divulgue. Et on ne veut
surtout pas qu'un employeur puisse utiliser ça comme le mensonge à l'embauche
pour congédier cette personne-là. Du moment qu'on met une exception dans la
loi, bien, évidemment, si l'employeur découvre qu'elle avait une limitation
pour x, y raisons par la suite, bien, il n'utilisera pas ça pour congédier, par
exemple, la personne salariée qu'il a nouvellement embauchée.
M. Boulet : O.K. C'est
intéressant, Me Lapointe. Comment...
M. Lapointe (Jean-François) : M.
Lapointe, par contre.
M. Boulet : M. Lapointe,
O.K., excusez-moi.
Une voix : Mais il est fin
pareil.
M. Lapointe (Jean-François) : J'ai
d'autres qualités.
M. Boulet : Il est peut-être
plus fin. Mais comment vous réconciliez ça avec le droit d'un employeur, en vertu
de la Charte des droits et libertés de la personne, de vérifier ou de s'assurer
des qualités et des aptitudes de la personne à exercer un emploi, d'une part?
Puis, d'autre part, si les limitations fonctionnelles auxquelles vous faites
référence sont incompatibles avec la capacité de la personne de faire un
emploi, est-ce qu'il n'y a pas un risque de victimisation additionnel? Je vais
loin un peu dans ma question, là, mais c'est des cas.
M. Lapointe (Jean-François) : Vous
allez excessivement loin, parce que je ne crois pas que ça va s'opérer sur le
terrain. Une victime ne voudra pas se mettre dans une situation fâcheuse à
son... à son embauche, là, ça n'arrivera pas. On ne le croit pas, que ça va
arriver.
M. Boulet : Mais, M.
Lapointe, si un employeur fait une offre d'embauche sous réserve d'un examen
médical pour s'assurer que la personne a les aptitudes ou les qualités
physiques et psychologiques et que c'est révélé à ce moment-là que la personne
est soumise à des limitations fonctionnelles qui sont... il me semble que c'est
des cas qui arrivent.
M. Lapointe (Jean-François) : Bien,
c'est parce que la limitation fonctionnelle usuelle qu'on va avoir, là, dans
des cas de violence à caractère sexuel, c'est ne plus être en contact avec l'individu
X. Alors, l'individu X ne sera pas dans le nouveau milieu de travail. Alors, il
ne devrait pas. Hypothétiquement, il pourrait toujours changer d'emploi, là,
mais ça, on est dans le domaine plutôt hypothétique.
M. Boulet : Ça, ça m'apparaît
être une généralisation un peu... pas excessive, là, mais, tu sais, il y a
beaucoup de victimes qui vivent de l'hypervigilance, là, puis ce n'est pas qu'associé
à une personne, ça peut être associé à la proximité avec d'autres individus
dans des environnements de travail où il y a des... des contextes qui la
mettent en situation où elle est... elle est à risque, mais il y a une question
de santé aussi pour cette personne-là.
S'il me reste du temps, «strictement
privé», Mme Senneville, pour moi, il faut qu'il y ait un lien de connexité,
puis c'est le critère qui a été utilisé par les tribunaux pour déterminer ce
qui est par le fait ou à l'occasion du travail. On a quand même mis
«strictement privé». C'est quand même assez clair que, si c'est une relation
qui s'est développée puis que c'est dans une sphère qui est strictement privée,
ce n'est pas nécessairement la même dynamique. Mais, encore une fois, je pense
que ça découle de l'application du critère de connexité qui a été développé par
les tribunaux. Peut-être juste vous permettre de faire un autre commentaire
là-dessus, ce qui vous préoccupe avec ce concept-là.
La Présidente (Mme D'Amours) : Votre
réponse en 35 secondes.
Mme Senneville (Caroline) : Surtout
dans un cas de relation entre... où il y a un rapport d'autorité. Le rapport d'autorité
peut rester aussi dans le domaine privé, il ne cesse pas d'exister. Donc, ça, c'était
une préoccupation qu'on avait.
M. Boulet : Donc, ce que vous
me dites, c'est que, si c'est un supérieur immédiat, féminin ou masculin, avec
une personne qui relève et qu'ils développent une relation... Mais, s'ils
développent une relation intime puis que ça se passe...
M. Boulet : ...complètement à
l'extérieur du travail, vous dites : Il y a une certaine connexité, parce
que la hiérarchie a probablement...
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
M. Boulet : O.K. Je
comprends.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
C'est tout le temps que nous avions. Maintenant, je cède la parole à la députée
de Bourassa-Sauvé.
Mme Cadet : Merci, Mme la
Présidente. Merci beaucoup, merci, Mme Senneville, merci à vous tous d'être
présents ce matin.
Je commencerais rapidement sur la question
de l'article 27, donc la négligence grossière et volontaire. Je conclus... Si
j'ai bien compris ce que vous nous avez expliqué dans votre... dans vos 10
minutes et dans vos échanges avec le ministre, donc, pour vous, il n'y a pas eu
une occasion ratée, là, donc, avec le p.l. n° 42, de... qui ne va peut-être pas
assez loin, d'abolir donc l'article 27, donc vraiment donc d'étendre, donc, la
question de la prévention des violences à caractère sexuel en milieu de travail
avec cet article-là de la TMP, là? C'est bien ça?
Mme Senneville (Caroline) : Tout
à fait.
Mme Cadet : Puis, ici,
pouvez-vous donc nous expliquer un peu, donc, la jurisprudence qui est liée à
l'article 27, donc comment cet article-là, qui est en vigueur depuis quoi,
depuis 1985, comment est-ce qu'il a été interprété, là, au niveau de la
négligence grossière et volontaire, là? Vous nous donnez donc quelques exemples
éloquents, donc, sur les.. bon, les cafés, le... bon, accepter de covoiturer,
là, vous le mentionnez ici, là. Bien, peut-être donc mieux les...
Mme Senneville (Caroline) : Ce
n'est pas comment ça a été traité qui pose problème, c'est que ça a été traité,
et c'est là qu'on rentre dans la victimisation encore de la victime. Donc, tu
sais, l'histoire s'est bien terminée, mais entre les deux, ça n'a pas été
facile. Et ça... tout ça, ça fait qu'on... sachant cela, les victimes sont
moins portées à dénoncer des actes, parce qu'ils se disent : Ce que je vis
est difficile, mais, si je dénonce, je vais peut-être encore vivre des affaires
plus difficiles ou tout aussi difficiles.
• (12 h 10) •
Mme Cadet : O.K. O.K., je
comprends. Ça fait que ce n'est pas tant, tu sais, à la fin, donc, de ce
processus-là au niveau de la... Donc, de la manière dont c'est interprété,
donc, sur le plan juridique, là, ce n'est pas tant dans qu'est-ce qui en
découle en termes de décisions, mais c'est le fait que la victime, donc, doit
passer à travers tout ce processus-là parce que... puis, évidemment, c'est un
moyen de défense qui va être employé parce qu'il existe dans la loi, de dire
donc : la personne, donc...
Mme Senneville (Caroline) : Puis
il y a un long historique que ce moyen de défense là soit utilisé dans les cas
d'agression sexuelle.
Mme Cadet : O.K. O.K., je
comprends. Donc, c'est assez clair, merci.
Maintenant, je vous dirais que j'étais
assez surprise, là, de... bien, en fait, de votre recommandation 8, en ce qui a
trait donc aux clauses d'amnistie, puis votre libellé, bon, notamment, là,
quand vous dites donc : «Malgré le caractère grave inhérent aux
inconduites de nature sexuelle, il n'est pas exclu que dans certains cas
l'analyse des faits, du contexte et des facteurs atténuants justifie une
sanction moindre qu'un congédiement. Dans ces cas, nous croyons souhaitable de
miser sur l'éducation et la réhabilitation des personnes fautives.» J'entends
la question de la réhabilitation, mais je vous dirais que je fais peut-être la
même lecture que le ministre, là, sur ce qui... de l'article 20 du projet de
loi n° 42, là, sur ce qui est des clauses d'amnistie. J'aimerais peut-être donc
mieux vous entendre, là, sur les préoccupations que vous avez, là, parce que je
suis... je vous avouerais que je ne suis pas tout à fait convaincue.
Mme Senneville (Caroline) : Bien,
en fait... On va parler de la lecture. Nous, on faisait la lecture que les
clauses d'amnistie n'étaient pas... n'étaient... devenaient inapplicables en
cas de violence à caractère sexuel, là. Donc, c'était tout ou rien. Le ministre
nous dit que sa vie... qu'on peut... on peut décider qu'elles ne s'appliqueraient
pas. Ça, on va être d'accord avec ça, qu'il y ait des cas où la clause
d'amnistie ne s'applique pas, on est... on n'est pas... On est contre
l'interdiction totale des clauses d'amnistie, mais on n'est pas non plus pour
une application automatique, surtout dans les cas de harcèlement, qu'ils soient
sexuels ou pas sexuels. Parce que c'est quoi, la définition de «harcèlement»?
C'est des gestes qui, additionnés, font que ton environnement de travail est
insupportable. Donc, il faut... il faut qu'il y ait... Il faut qu'on soit
capable de voir, là, puis les clauses d'amnistie, souvent, sont autour d'un an.
Donc, nous, dans notre compréhension de l'article 20, puis là... c'était que ce
n'était plus possible de le faire. Alors, on n'est ni pour une application
automatique, ni pour l'interdiction totale, les parties peuvent être à même de
juger certains contextes. Puis, je veux vraiment être claire, s'il y a des
comportements inacceptables qui méritent des sanctions graves, c'est la
responsabilité de l'employeur de le faire, puis nous, on travaillera avec notre
monde, puis ce qui n'est pas acceptable ne sera pas acceptable.
Mme Cadet : O.K. Merci. C'est
très clair. Peut-être une petite question avant de passer la parole à ma
collègue sur le...
Mme Cadet : ...sur... mais
d'abord, donc, sur les différentes formations, là, l'investigation à la LSST,
vous dites donc : L'application de la prévention milieu de travail repose
en grande partie sur les nouveaux mécanismes de prévention et participation de
l'établissement. Donc, il faudrait, donc, avoir, donc, des formations
spécifiques. Donc, qui feraient ces formations-là, selon vous, à votre
recommandation n° 10?
Mme Senneville (Caroline) : Des
personnes qui ont connaissance de la chose, je vous dirais, pas nécessairement
les employeurs. Nous, on en donne, on donne... puis les employeurs en donnent
aussi. C'est correct qu'ils en donnent, là, mais on pense que ça serait
important que les représentants en santé-sécurité... D'ailleurs, la loi... les
mécanismes de prévention s'appliquent partout, ces... voyons, excusez-moi,
c'est une affaire de lunettes, là, ces représentations-là. Ces représentantes
et représentants là ont un travail à faire, puis on pense que c'est une
priorité aussi de la CNESST, les violences à caractère psychologique, là, la
santé mentale. Donc, pour que le comité et les représentants fassent bien leur
travail, que ça fasse partie de la formation.
Mme Cadet : Donc, de notre
côté, donc, vous laissez quand même... au législateur le travail qu'on aura à
faire, donc, dans les prochaines semaines. Il y a une certaine latitude, là, de
ce côté-là.
Mme Senneville (Caroline) : On
n'approuvera pas le plan de cours, là.
M. Lapointe (Jean-François) : En
fait, c'est que, déjà dans la loi sur la santé-sécurité, il y a les
représentants qui ont une formation. Ce qu'on ne veut pas, c'est qu'il y a une
formation juste générale à ces représentants-là. On veut aussi une formation
spécifique parce qu'ils vont devoir agir sur les violences à caractère sexuel
et il faut qu'ils le fassent.
Mme Cadet : D'accord. Merci.
Mme Senneville (Caroline) : On
est beaucoup dans les mythes aussi, hein? On a beaucoup de mythes à défaire.
Donc, c'est important, la formation.
Mme Cadet : Puis évidemment,
donc, je pose la question un peu à tout le monde, là, sur l'indemnisation des
personnes étudiant à temps plein, ils ont moins de 18 ans. Vous avez dit
plutôt, là, que vous vous prononcez, là, sur les questions qui ne concernent
pas juste vos membres, là, d'avoir, donc, l'ensemble, donc, des différents
employés. J'aimerais vous entendre sur cette question-là.
M. Lapointe (Jean-François) : Bien,
en fait, vous avez entendu le comité d'expertes en premier lieu. On est tout à
fait en phase avec ce qui a été proposé, là, d'augmenter ça à 40 heures,
là.
Mme Cadet : Parfait.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
beaucoup. Je passe maintenant la parole à la députée de La Pinière. Votre temps
est de 3 min 12 s.
Mme Caron : Merci beaucoup.
Alors, merci pour votre présentation. Dans la question de confidentialité
des... ce que je comprends, c'est que vous ne souhaitez pas que les victimes
traînent leur statut de victime d'un emploi à l'autre. Donc, c'est pour ça, là,
que vous ne souhaitez pas que la divulgation, finalement, des antécédents des
victimes soit forcée, soit obligatoire. Alors, en termes de confidentialité, je
vous amènerais dans un autre contexte où, par exemple, un employé fautif a été
remercié ou quitte de plein gré son emploi et décide de postuler à un emploi,
par exemple, dans une résidence pour personnes âgées, dans un CHSLD, donc un
milieu de vie où il y a déjà des personnes qui sont vulnérables, où il y a des
employés qui sont vulnérables. Si je pense à des préposés aux bénéficiaires,
par exemple, qui sont majoritairement des femmes, majoritairement des femmes
immigrantes, alors qui sont très vulnérables à un collègue de travail, par
exemple, qui pourrait récidiver. Est-ce que vous êtes, dans un tel contexte, en
faveur que l'employeur de... ou l'ex-employeur de l'employé fautif puisse ou
doive dévoiler, lorsqu'on demande des références, doivent dévoiler... donc cet
employé là a fait l'objet de mesures disciplinaires ou de sanctions parce qu'il
a été l'auteur de violences à caractère sexuel ou de harcèlement psychologique?
Mme Senneville (Caroline) : Pour
nous, ça rentre dans le travail de l'employeur de vérifier les antécédents. Là,
ça serait la même chose s'il était parti avec l'argent de l'employeur. Donc, ça
relève de... C'est de la responsabilité de l'employeur de vérifier les
antécédents puis de vérifier les références. Puis quand on postule, on met des
références. Alors, effectivement.
Mme Caron : Donc, alors...
Donc, vous n'êtes pas contre le fait que la personne... que l'employeur
divulgue également ce type d'antécédent de son ex-employé.
Mme Senneville (Caroline) : Bien,
c'est-à-dire, une fois qu'il le sait, il ne faudrait peut-être pas qu'il le
mette sur la place publique. Il prendra la décision d'engager ou de ne pas
engager, là, ça lui appartiendra. Mais...
Mme Caron : D'accord. Bien,
je vous remercie pour ça. Dans la question de... on revient à...
Mme Caron : ...«strictement
privé», vous disiez : Qu'est ce que ça veut dire? Donc, j'imagine que vous
voyez des... une... une frontière très floue entre le travail et le privé.
Est-ce que vous pouvez élaborer un petit peu plus?
Mme Senneville (Caroline) : ...le
ministre dans ça, le... politique, mais je vais laisser M. Lapointe.
La Présidente (Mme D'Amours) :
...secondes.
M. Lapointe (Jean-François) : La
particularité qu'on voit... Parfait. L'article 28... l'article 29 de
la LATMP ne prévoit pas de «strictement privé». Ça fait que, là, on vient faire
quelque chose de différent pour les victimes de violences à caractère sexuel,
c'est faire un peu porter un fardeau supplémentaire. Donc, il faut retirer cet
élément-là.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
C'est tout le temps que nous avions. Maintenant, je cède la parole au député
d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour à vous quatre. Parlons des clauses d'amnistie, c'est quand
même un changement important, là, au code... bien, en fait, au droit du
travail. Je veux bien comprendre votre intervention, Mme la Présidente... Mme
la Présidente, Mme la Présidente.
Une voix : ...
M. Leduc : Oui. Vous n'avez
pas tellement... Parce que, quand on a commencé à parler de tout ça dans
l'espace public, c'était beaucoup amené par les assos étudiantes puis c'était
vraiment ciblé sur les violences à caractère sexuel. Puis là le projet de loi
élargit un peu. Il dit conduite relative à des violences physiques ou
psychologiques incluant des violences à caractère sexuel. Ça fait que j'ai
l'impression qu'on est allé un petit peu étirer la... pas la sauce, mais en
tout cas le périmètre d'application. Vous, si j'ai bien compris votre
intervention, vous n'avez pas nécessairement de problème à ce qu'on élargisse
un peu en dehors des violences à caractère sexuel, qu'on inclue le harcèlement
psychologique là-dedans?
Mme Senneville (Caroline) : Je
vais répéter ce que j'ai dit tout à l'heure, c'est un continuum. Donc, souvent
le harcèlement psychologique peut glisser en harcèlement sexuel, peut
glisser... Puis, vous savez, la violence physique, même si elle n'est pas
sexuelle, elle n'est pas plus acceptable, là, dans les milieux de travail, on
va se le dire. Donc... Puis encore une fois, là, ça dépend de la lecture qu'on
fait de la loi. Mais pour nous, les parties, quand il y a une clause
d'amnistie, là, les parties peuvent en tout temps décider ce qu'ils en feront
dans les cas particuliers.
• (12 h 20) •
M. Leduc : En effet.
Mme Senneville (Caroline) : C'est
ça qu'on souhaite.
M. Leduc : Votre souhait, ça,
je l'ai bien compris, c'était de ne pas les rendre interdites partout. Là, on
cherche donc des alternatives. Est-ce que de mettre une référence à un nombre
d'années, comme l'évoquait peut-être Me Cox ce matin...
Mme Senneville (Caroline) : Ça
peut être une...
M. Leduc : ...pourrait être
une alternative, ça ferait monter à quelques années, trois, quatre, cinq ans.
Mme Senneville (Caroline) : Ça
peut être... Ça peut se calculer en plusieurs années.
M. Leduc : Ça peut se
calculer en plusieurs années. Moi, j'avais un peu réfléchi aussi, étant un
ancien militant syndical avant d'être un élu, sur le fameux 47.2, hein,
l'article qui nous oblige, bien, qui nous... Je parle encore en nous, mais qui
oblige les milieux syndicaux à défendre tous les employés. Est-ce que ça ne
serait pas possible d'inclure dans le 47.2 une disposition qui retirerait cette
obligation-là aux syndicats dans des cas de violence à caractère sexuel?
Mme Senneville (Caroline) : Bien,
moi, je vous dirais qu'on plaide depuis longtemps pour que le 47.2 puisse être
rejeté sur... par preuve écrite seulement, là, sans qu'il y ait des audiences
sur dossier, comme c'est le cas au CCRI, là, le... les relations industrielles
au Canada, là. Donc ça, ça, déjà, ça serait... ça serait pour tout le monde
aussi, là, ça éviterait qu'à sa face même ça ne s'applique pas. Bien, ça... ça
déjudiciariserait beaucoup les relations de travail.
M. Leduc : Parce qu'il y en a
quand même beaucoup, des 47.2, là, dans... sur toutes sortes de sujets, bien
sûr, là, pas juste sur les...
Mme Senneville (Caroline) : Sur
toutes sortes de sujets.
M. Leduc : Bien sûr.
Mme Senneville (Caroline) : Exact.
M. Leduc : C'est un fléau
puis, la plupart du temps, quand ils sont contestés, selon mon souvenir...
Mme Senneville (Caroline) : On
les gagne à plus de 90 %, les syndicats.
M. Leduc : 90 %, c'est
ça.
Mme Senneville (Caroline) : 94 %.
Je pense que le dernier chiffre que j'ai vu, c'est 94 %, là, mais là je ne
mettrais pas ma main...
M. Leduc : Ça fait que ça
pourrait être une piste intéressante, ça aussi. Je t'en reparlerai. C'est bon.
Mme Senneville (Caroline) : ...puisse
rejeter une plainte à 47.2 sur dossiers seulement, comme c'est le cas au CCRI.
La Présidente (Mme D'Amours) : Parfait.
Merci. Nous sommes maintenant rendus à la dernière période d'échange. M. le
député de Jean-Talon, la parole est à vous.
M. Paradis : Merci beaucoup
de vos représentations. Merci d'être là. Je vais revenir, moi aussi, à votre
recommandation n° 8. Vous dites : «modifier le
projet de loi afin que les partis puissent négocier des clauses d'amnistie».
Donc, là même, vous nous demandez d'être proactifs puis de prévoir la
possibilité de négocier des clauses d'amnistie, notamment dans les cas de
violence physique ou psychologique, incluant les violences à caractère sexuel.
N'est-ce pas déjà la situation? En tout cas, je lis votre texte, là, «modifier le
projet de loi afin que les partis puissent négocier des clauses». N'est-ce pas
déjà la situation?
Mme Senneville (Caroline) : Tout
à fait. Notre compréhension du projet de loi, de l'article 20 du projet de
loi, c'est que, maintenant, ce serait une pratique qui ne serait plus possible.
Donc, c'est pour ça qu'on l'a écrit, la recommandation no 8.
M. Paradis : Actuellement, et
mon collègue l'a mentionné, notamment les associations étudiantes nous
disent : Oui, mais ça, ça a donné lieu à des abus qui protègent des gens
qu'on ne devrait pas protéger. Qu'est-ce que vous répondez, notamment, aux gens
qui disent : On est dans le milieu puis ça a donné lieu à ça?
Mme Senneville (Caroline) : Deux
choses. La première source du problème, c'est de donner... de faire son suivi
comme employeur puis donner des mesures disciplinaires qui sont à la hauteur
des actes répréhensibles qui sont posés. Ce n'est pas le fait qu'il y ait une
mesure d'amnistie... qu'il puisse avoir de l'amnistie, c'est le fait qu'on ne punisse
pas des actes répréhensibles au niveau que ça doit être. Première des choses.
Deuxième des choses...
Mme Senneville (Caroline) : ...nous,
ce qu'on dit, c'est... On comprend qu'il puisse ne pas y avoir d'automatisme,
mais il peut y avoir des cas particuliers où les parties disent : Bien,
ça, là, la personne, elle a déjà la moitié du chemin parcouru, elle l'a admis,
elle a... On va travailler avec elle, puis, au bout du chemin, on va lui
dire : Bien, écoutez, c'est possible que tu ne traînes pas ça pendant
20 ans.
M. Paradis : Très bien. Il
nous reste quelques secondes. Est-ce que ça, ça n'irait pas de pair avec une
facilitation de la communication par les employeurs, des antécédents pour ne
pas qu'on soit bloqué, là, par des clauses de confidentialité? Les collègues
qui étaient là, Juripop, avant vous proposaient ça. Parce que, là, ça a donné
lieu à des abus.
M. Lapointe (Jean-François) : ...peut-être,
prenons la deuxième section de notre proposition, la réhabilitation. Ce qu'on
veut aussi, c'est changer surtout... Parce que, la clause amnistie, la personne
demeure dans son milieu de travail. On ne veut pas que cette personne-là soit
un récidiviste. On veut s'assurer qu'il y ait un suivi de fait et que les
comportements changent. Le début de notre mémoire parle de changer la culture
dans les milieux de travail. Ça fait que c'est sous cet angle-là qu'on essaie
de le prendre, de dire : Transformons nos milieux de travail, faisons en
sorte que les agresseurs ne soient plus des agresseurs. Si ce n'est pas le cas,
comme Mme Senneville le disait, le congédiement est peut-être la solution la
plus appropriée.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
C'est tout le temps que nous avions. Donc, merci pour votre contribution à nos
travaux.
La commission suspend ses travaux jusqu'à
les... jusqu'après les avis touchant les travaux de la commission, vers
15 h 15. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 25)
15 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 15 h 46)
La Présidente (Mme D'Amours) : À
l'ordre, s'il vous plaît! La Commission de l'économie et du travail reprend ses
travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir
éteindre la sonnerie de leur appareil électronique.
Je dois aussi vous demander votre
consentement pour réduire le temps de parole. Nos invités ont toujours 10 minutes
pour leur exposé, mais nous devons couper dans les temps de questions-réponses.
Donc, est-ce que j'ai votre consentement? Consentement. Merci.
Nous poursuivons les consultations
particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 42, Loi visant à
prévenir et à combattre le harcèlement psychologique et la violence à caractère
sexuel en milieu de travail. Cet après-midi, nous entendrons les témoins
suivants, soit la Centrale des syndicats du Québec, la Fédération des travailleurs
et travailleuses du Québec, le Conseil du patronat du Québec, la Fédération des
chambres de commerce du Québec et la Fédération étudiante collégiale du Québec
et l'Union étudiante du Québec conjointement.
Je souhaite maintenant la bienvenue à la
Centrale des syndicats du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes
pour votre exposé. Et puis nous procéderons à la période d'échange avec les
membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à commencer
votre exposé, s'il vous plaît.
M. Gingras (Éric) : Donc,
bonjour. Merci. Éric Gingras, président de la Centrale des syndicats du Québec,
je suis accompagné de Julie Pinel, conseillère, Jérôme Bazin et Marc Daoud
aussi conseillers. Alors, très rapidement, avant de céder la parole à Julie
Pinel qui va faire l'introduction, vous rappeler que la Centrale des syndicats
du Québec, toujours un acteur important quand vient le temps de parler des
débats de prévention, de travail pour être en mesure de... dans nos milieux,
être en mesure de prévenir, d'être en mesure aussi de travailler avec les
différents... les différents groupes. Et encore aujourd'hui, on ne fait pas
exception, d'autant plus que la CSQ, là, qui représente plus de 80 %
membres féminins, bien, étant donné la situation de nos membres, la situation
des gens qu'on représente, bien, comprenez que le sujet est d'autant plus
important. Donc, je vais laisser ma collègue continuer avec l'introduction.
Mme Pinel (Julie) : Donc,
nous avons dans notre mémoire souligné quelques avancées que propose le
projet...
Mme Pinel (Julie) : ...42,
notamment l'ajout de formation pour les arbitres ou encore la protection des
personnes salariées de toute mesure de représailles lors de signalements. Nous
mentionnons également l'importance d'éliminer toute ambiguïté dans les
différentes lois si l'on souhaite s'attaquer aux mythes et stéréotypes qui
entourent la violence à caractère sexuel, qui sont bien présents au sein de la
société québécoise et de ses institutions. C'est dans un objectif de mieux
soutenir les victimes de violences à caractère sexuel que nous vous présentons
aujourd'hui nos recommandations.
M. Daoud (Marc) : En ce qui
concerne la... des préjudices faits aux victimes de violences à caractère
sexuel au travail, le projet de loi réaffirme l'existence de mesures de
réparation permettant de faire reconnaître ces actes comme des accidents de
travail et ainsi de bénéficier de la couverture qui en découle. Ceci est
indéniablement bienvenu, mais il est quand même essentiel de souligner les
incohérences induites en matière de délais et de prescription des recours.
Prenons l'exemple d'une personne commettant une violence à caractère sexuel à
l'encontre d'une étudiante et d'une enseignante dans le même établissement au
même moment. L'étudiante pourra se prévaloir d'un recours imprescriptible en
vertu du Code civil, tandis que l'enseignante sera contrainte d'agir dans des
délais précis pour utiliser le recours exclusif qui s'offre à elle, soit en
matière de grief ou soit pour signaler un accident de travail. Cette disparité
de traitement soulève des interrogations fondamentales sur l'équité du système
en place. Une victime ne devrait pas avoir moins de droits simplement parce
qu'elle est salariée.
• (15 h 50) •
On le sait, on le répète, la dénonciation
de la violence à caractère sexuel pose d'énormes défis pour les victimes, que
ce soit au travail ou ailleurs. Les études nous le confirment, les victimes ont
de la difficulté à reconnaître la violence vécue, vivent des sentiments de honte
et de culpabilité, craignent de ne pas être crues et ont une méconnaissance des
ressources disponibles. Donc, en matière de violence à caractère sexuel, les
lois devraient garantir un traitement équitable pour toutes les victimes. C'est
pourquoi nous considérons primordial que le projet de loi donne accès aux
mesures de réparation de la LATMP sans délai de prescription. De plus, nous
préconisons, dans la recommandation n° 2, la levée
des délais de prescription, tant en vertu de la LATMP que de LMT pour toutes
les réclamations, plaintes ou griefs relatifs à la violence à caractère sexuel.
M. Bazin (Jérôme) : J'aimerais
maintenant aborder certaines modifications de la LATMP, précisément la première
présomption, soit celle de l'article 28.0.1. On croit vraiment que le fait
que la présomption ne s'applique pas lorsque la violence survient dans un
contexte strictement privé est très problématique pour plusieurs raisons.
D'abord, la notion même du contexte strictement privé est pour nous extrêmement
difficile à définir. La question à savoir où débute et où s'arrête ce contexte
strictement privé là dans le cadre du travail est une question qui, selon nous,
est pratiquement impossible. D'autant plus que prouver l'inverse, soit que la
violence n'est pas survenue dans ce contexte strictement privé, ce que la
victime va devoir faire, reviendrait, dans bien des cas, à prouver que la
lésion s'est produite dans le cadre du travail, donc l'objet même de la
présomption, soit le lien connexité entre la lésion et le travail.
Ensuite, la deuxième présomption du p.l.,
soit celle de l'article 28.0.2, dit qu'on présume qu'une maladie qui
découle d'une violence à caractère sexuel et qui survient sur les lieux du
travail est présumée être une lésion professionnelle. On salue par ailleurs
l'introduction de cette présomption-là. Cependant, on y introduit un délai de
trois mois entre, donc, l'acte ou les actes de violence et la réclamation, ce
qui, selon nous, est beaucoup trop court. D'abord, est inusité dans la LATMP,
nulle part ailleurs on retrouve ce délai là de trois mois. Et, on le sait, tout
particulièrement dans ce type de lésions, les victimes de violences à caractère
sexuel prennent généralement beaucoup de temps à dénoncer, à entamer les
démarches, à faire des réclamations, et cette limitation à trois mois va à
l'encontre de cette réalité-là et met une pression inutile sur les victimes.
Et, finalement, en ce qui a trait à
l'imputabilité des employeurs, nous, dans une optique de prévention, on
considère important de responsabiliser financièrement, d'inciter les employeurs
à mettre en place des mesures de prévention. C'est pourquoi on recommande de
retirer les articles d'exception à l'imputabilité.
Mme Pinel (Julie) : Dans le
projet de loi, il est prévu l'ajout d'une définition à la LSST et à la LATMP,
soit celle de violences à caractère sexuel. Il ne prévoit par contre aucune
modification à l'article 81.18 de la LNT qui définit le harcèlement à
caractère sexuel comme partie intégrante du harcèlement psychologique. Avec ces
définitions différentes, nous craignons que le harcèlement à caractère sexuel
et la violence à caractère sexuel soient l'objet d'interprétations distinctes.
C'est pourquoi nous vous invitons, par le biais de notre recommandation n° 6, à arrimer ces définitions afin d'assurer une
cohérence entre les différentes lois du travail.
Notre recommandation n° 7
vise à rendre visible la violence à caractère sexuel dans la LNT, et ce, par
l'ajout de cette mention à chaque fois qu'il est question de harcèlement psychologique.
Toujours dans les modifications...
Mme Pinel (Julie) : ...à la
LNT, nous saluons l'ajout d'une politique en milieu de travail. Nous vous
invitons à considérer les recommandations huit et neuf qui cherchent à bonifier
cette politique. Et enfin, concernant la confidentialité des règlements, nous
croyons qu'il est important de donner du pouvoir aux victimes dans cette
décision. Nous sommes d'avis qu'un encadrement légal des clauses de
non-divulgation, comme celui adopté récemment à l'Île-du-Prince-Édouard, serait
une voie à explorer par le législateur. Considérant que le projet de loi
n° 42 ne touche que les lois du travail, nous recommandons qu'une
évaluation soit faite quant à la mise en place d'un tel cadre législatif au
Québec. Nous ne sommes pas favorables à l'article 123.17 tel que présenté
dans le projet de loi. Ce dernier prévoit d'emblée que les ententes sont
confidentielles, sauf si les parties en conviennent autrement. Dans l'attente
de l'évaluation concernant l'encadrement des clauses de non-divulgation, il
importe que la négociation de ces clauses se poursuive. C'est pourquoi nous
proposons deux recommandations qui cherchent d'abord à permettre le signalement
lorsqu'une situation expose une personne en milieu de travail à un risque de
violence à caractère sexuel, et ce, sans égard à ce que prévoit un contrat ou
une convention et, ensuite, à prévoir de limiter dans le temps toute entente de
non-divulgation.
M. Gingras (Éric) : Avant
d'aborder la clause d'amnistie, simplement, là, saluer aussi l'obligation de
l'employeur, là, d'implanter une politique de prévention dans le milieu de
travail. On l'a dit, la prévention est bien souvent, dans le lieu de travail ou
ailleurs, là, le nerf de la guerre, puis c'est vraiment par là que tout doit
commencer puis sur laquelle on doit travailler. Là, pour ce qui est des clauses
d'amnistie, juste un petit rappel avant de... avant d'y aller avec nos
positions, on se rappelle que les clauses d'amnistie, ce n'est pas pour punir,
mais pour modifier un comportement. Et ça, ça a été... ça a été rappelé
notamment dans une décision, là, en 2018, au TAT, entre syndicat des
professionnels et le CISSS de l'Outaouais, où l'arbitre Denis Provençal nous
disait : «Le but poursuivi par les clauses d'amnistie est d'amener le
salarié à modifier son comportement en regard d'une faute qu'il a commise.»
Puis il va même plus loin dans sa décision en disant que ça n'empêche pas les
clauses d'amnistie de procéder à des... ça n'empêche pas, donc, des mesures
plus sévères si le geste le nécessite.
Donc, avec ça en tête, on comprend quand
même que, pour une situation particulière et précise comme les violences à
caractère sexuel qu'il faut dénoncer, bien oui, on pense qu'il faut augmenter
ça d'un cran de plus. Par contre, deux éléments sur lesquels il faut
travailler, ce qu'on pense, au niveau de l'article 97.1 du projet de loi,
c'est notamment sur le libellé, où on est très, très large. Donc, on ne peut
pas minimiser l'importance des violences à caractère physique en l'ouvrant trop
large avec les autres types de violence physique et psychologique et donc il
faut le restreindre. Et, dans un cas comme ça, bien là, ça nous permet de nous
dire qu'à ce moment-là, comme je l'ai mentionné, on peut aller un cran plus
élevé. C'est pour cette raison-là que ce qu'on recommande, c'est que les
mesures disciplinaires, là, qui sont reliées à ces inconduites-là peuvent
être... on peut y référer pour une durée de cinq ans. Donc, on vient vraiment
expliquer que ces situations-là sont particulières. Donc, deux éléments :
on vient être en mesure de restreindre pour cibler, qui est ultimement le titre
du projet de loi, donc, les violences à caractère sexuel, et donc, à ce
moment-là, on vient le reconnaître en donnant un temps un peu plus long, plus
long dans la reconnaissance des clauses d'amnistie.
Et, en conclusion, je ne peux pas ne pas
passer sous silence l'importance, d'ailleurs c'est l'intersyndicale des femmes
qui, lors d'une rencontre récente, à l'automne dernier, avec le ministre,
l'avait mentionné, donc, qu'on puisse octroyer 10 jours d'absence payés
pour des personnes victimes de violence conjugale et violence à caractère
sexuel.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
pour votre exposé. Nous sommes maintenant rendus à la période d'échange. M. le
ministre, la parole est à vous pour 13 min 30 s.
M. Boulet : Oui. Merci, Mme
la Présidente. D'abord, vous remercier, encore une fois, de votre contribution.
Puis on sait tous que la CSQ est présente au comité consultatif travail et
main-d'oeuvre et est toujours là quand il s'agit de faire avancer le Québec
dans les relations de travail, puis c'est une loi qui est extrêmement
importante. Puis, je rappellerai à M. Gingras, qui connaît bien l'origine du
projet de loi, il y a trois expertes qui ont été mandatées, ça concernait les
violences à caractère sexuel, et elles sont venues témoigner ce matin puis nous
faire des recommandations. Je veux simplement rappeler à Mme... Est-ce que
c'est maître ou Mme Pinel? Mme Pinel?
Une voix : ...
M. Boulet : Mme Pinel. C'est
sûr qu'en vertu du Code civil du Québec c'est imprescriptible, mais ça ne
réfère qu'au préjudice corporel. C'est aussi imprescriptible...
M. Boulet : ...en vertu de la
Loi sur l'indemnisation pour les victimes d'actes criminels. Mais c'est aussi
un contexte différent, et on a fait, je pense, puis vous le soulignez, puis je
suis extrêmement heureux que vous saluiez les avancées de ce projet de loi là.
Quand on pense, par exemple, dans la LATMP, de six mois à deux ans, c'est quand
même assez considérable. Mais au-delà de deux ans, la personne victime ou la
personne réclamante peut quand même faire une preuve qu'elle a des motifs
raisonnables pour être relevée du défaut de respecter la période de deux ans.
Donc, c'est quand même un commentaire que je tenais à vous partager.
Le deuxième élément sur lequel j'aimerais
vous entendre. Qu'est-ce qui vous préoccupe dans la notion? Parce qu'on
dit : Strictement privée, là, je vous réfère au critère de connexité qui a
été développé par la jurisprudence. Quand on met en application la définition
d'accident que ce doit être par le fait ou à l'occasion du travail, c'est une
des raisons qui nous a justifiés d'exclure ce qui survient dans une sphère...
dans une sphère strictement privée. C'est quoi, votre principale préoccupation?
Puis Mme Pinel, c'est vous, je pense, qui vous vous êtes exprimée là-dessus.
J'aimerais vous entendre un peu plus sur ce point-là.
• (16 heures) •
Mme Pinel (Julie) : Bien,
c'est mon collègue Marc et Jérôme.
M. Boulet : Oh! O.K.,
allez-y.
M. Bazin (Jérôme) : Veux-tu
débuter? Bien, en fait, je peux... je peux commencer avec la notion du contexte
strictement privé. En fait, ce qui nous préoccupe le plus, c'est le flou, on
envisage en fait un grand... un grand débat jurisprudentiel, un grand flou
autour de la ligne à tracer entre la fin et le début de contexte strictement
privé. On le sait, il y a une énorme zone grise. Et malheureusement, bien
souvent, lorsque ces violences, ces types de violence à caractère sexuel
surviennent, on se trouve souvent d'abord dans un contexte privé. Est-ce que
là, à savoir s'il est strictement privé, si on est encore une fois dans cette
grande zone grise? On a un gros débat qui risque par ailleurs d'orienter aussi
beaucoup le débat sur la vie privée de la victime. On va questionner la
victime, ça va être une étape de plus pour pouvoir au final bénéficier d'une
présomption qui nous prouve ce lien de connexité, là. Donc, on est... on est
inquiet, on envisage, on anticipe un grand débat jurisprudentiel, d'abord parce
que la notion est floue et ensuite sur la victime, précisément, on considère
que ça va être un fardeau plus important à relever.
M. Boulet : C'est quand même
un concept qui est utilisé dans les décisions finales du Tribunal administratif
du travail, dans d'autres contextes de survenance d'accident de travail ou de
maladie professionnelle. Si l'employeur veut démontrer que ce n'est pas survenu
par le fait ou à l'occasion du travail, ou qu'il n'y a pas de lien de
connexité, il a déjà cette capacité là de voir si, dans sa sphère privée, il y
a eu des événements qui pourraient avoir provoqué la blessure ou la maladie.
La présomption, le délai de trois mois, il
me semble que cette présomption-là s'appuie sur une littérature scientifique
médicale qui démontre que, dans un délai de trois mois, la probabilité médicale
qu'il y ait un lien entre les deux est plus facilement démontrée. Je ne sais
pas qui veut intervenir là-dessus, là, mais, si vous aviez une
recommandation... puis je me... je n'ai pas lu le libellé complet de votre
recommandation, mais, si vous aviez une recommandation à faire sur la durée
permettant l'application de la présomption, puis je vous rappellerai, et vous
le savez tous, hein, que la présomption, ce n'est pas une fin en soi, ça
facilite une preuve. Parce que, si ce n'est pas dans trois mois, il y a un
fardeau de preuve additionnel au travailleur, mais ce n'est pas déterminant en
soi.
M. Bazin (Jérôme) : En fait,
je vais... je vais répondre. Notre recommandation, ce qu'on indique dans notre
mémoire, c'est d'enlever tout simplement le trois mois, au même titre que
l'article 28 qui existe déjà dans la LATMP et qui n'a pas de délai pour ce
qui est des blessures physiques, pour la reconnaissance, on a cette même forme
de présomption là qui se retrouve sur les lieux de travail. Et donc on
recommande d'enlever ça pour plusieurs raisons qu'on détaille dans le mémoire,
mais principalement par le fait qu'on le sait, en fait, la maladie... et on
parle de maladie dans la présomption, peut survenir bien après l'acte de
violence, bien après, en fait, que la victime soit initialement victime d'un
acte de violence à caractère sexuel. Donc, on veut avoir le maximum
d'adaptabilité, on veut diminuer au maximum le poids et la difficulté relative
à faire reconnaître ces droits-là pour la victime. Donc, on veut... on veut
enlever...
16 h (version non révisée)
M. Bazin (Jérôme) : ...en
fait, ce qu'on recommande, c'est d'enlever tout simplement ce délai-là pour le
mettre, en fait, cohérent avec l'article 28, qui, lui, existe déjà.
M. Boulet : Mais évidemment
on comprend que l'écoulement du temps a un effet de dilution sur l'application
pratique d'une présomption comme celle-là, et trois mois s'appuie quand même
sur une littérature qui est quand même assez abondante.
Est-ce que... Il y a un point que je n'ai
pas très bien compris, là, une meilleure imputabilité des employeurs. Est-ce
que vous faisiez référence à l'imputation des coûts?
M. Bazin (Jérôme) : Oui.
M. Boulet : O.K. Au fonds
général, sauf quand il y a une responsabilité de l'employeur ou un de ses
représentants dans ses relations avec les salariés. Est-ce que ça, ça n'a pas
pour effet de responsabiliser plus, d'assurer une désimputation sauf quand
sa... la faute ou l'auteur est l'employeur ou un de ses représentants?
M. Bazin (Jérôme) : Bien, en
fait, nous, ce qu'on suggère, c'est... tout ce qu'on recommande, c'est de
retirer les deux articles, là, je crois, c'est 12 et 13, du projet de loi, qui
visent finalement à créer cette exception-là d'imputabilité pour les autres
catégories, là, les auteurs de la violence, donc ni les employeurs ni les
représentants, mais on peut prendre pour exemple, par exemple, des collègues de
travail, où là l'employeur serait désimputé, entre guillemets, et se verrait
imputé sur toute l'unité d'accréditation. Nous, ce qu'on suggère, c'est de
garder l'imputabilité au même titre que toutes les autres lésions qui sont...
qui sont là, qui n'ont pas cette exception-là, pourquoi? Bien, pour axer sur la
prévention, pour ne pas donner un traitement différent.
Et l'autre volet de cet argumentaire-là, c'est
le fait, en fait, que la... dans sa mouture actuelle, l'article, selon nous,
crée deux catégories, si vous voulez, de victimes, soit les victimes... ou deux
catégories d'auteurs de violence, soit les employeurs et ses représentants et
ensuite les autres personnes présentes sur le lieu du travail, alors même que l'employeur
conserve une responsabilité sur tous ces gens-là, sur les travailleurs, sur les
collègues, etc. Donc, on pense évidemment qu'il est important de
responsabiliser financièrement sans faire une différence de traitement entre
les deux catégories.
M. Boulet : O.K. Puis vous
avez bien lu le rapport des expertes, la désimputation nous était recommandée.
Évidemment, ils ne proposaient pas qu'il y ait l'exception quand sa... l'employeur
ou un de ses représentants est fautif, mais vous recommandez qu'il n'y ait pas
de... qu'il n'y ait pas de désimputation nullement, là, dans aucun cas de
violence à caractère sexuel, hein, c'est ce que je comprends?
M. Bazin (Jérôme) : Exact.
Exact.
M. Boulet : O.K. Je n'aurai
pas le temps de tout faire, mais l'harmonisation des définitions, ça, on va s'en
assurer, qu'il y ait le moins de risques possible de problèmes d'interprétation
ou d'application.
Je veux aller aux clauses d'amnistie,
Éric, avant qu'on finisse, là, mais la politique de prévention et de prise en
charge, vous savez que, dorénavant, monsieur... M. Gingras, vous le savez très
bien, ça va faire partie des politiques de prévention et/ou plan d'action en
vertu de notre régime de santé et sécurité du travail. Le contenu minimal, on a
donné beaucoup de muscle à cette politique-là. Est-ce qu'il y a, dans le
contenu minimal... s'il y avait un élément qui est omis dans le projet de loi,
un élément fondamental, lequel vous nous proposeriez?
Des voix : ...
M. Boulet : Parce qu'il y a
des programmes de formation, d'information, l'identification, le contrôle, l'élimination
des risques psychosociaux notamment. Oui, madame.
Mme Pinel (Julie) : Bien, il
y a une recommandation qu'on a faite dans le mémoire qui visait justement le
programme de formation où on prévoit une formation pour le harcèlement
psychologique et les violences à caractère sexuel, sauf que, pour nous, ça
devrait être fait de façon distincte, parce qu'on voit vraiment que, quand on
parle de harcèlement psychologique, on invisibilise tout ce qui est harcèlement
à caractère sexuel. Dans le mémoire qu'on avait déposé auprès du comité d'expertes,
on a démontré, dans les outils qui étaient disponibles pour les employeurs, qu'il
y avait une invisibilisation de tout ce qui était... des exemples concrets de
comment pouvait se vivre le harcèlement à caractère sexuel dans les milieux.
Donc, on pense que c'est important de donner la place à cette problématique-là
puis donner vraiment... qu'il y ait une formation qui soit spécifique et non
pas qu'elle se perde dans le harcèlement psychologique.
M. Boulet : O.K. En même
temps, en pratique, on voit beaucoup de plaintes en harcèlement psychologique
qui finalement se révèlent être du harcèlement sexuel. Il y a souvent une
connotation. Ça fait qu'il faut faire attention pour trop compartimenter puis
générer une confusion additionnelle. Pour moi, c'est important. Je l'ai
réalisé...
M. Boulet : ...puis on le voit
beaucoup à la CNESST, psychologique, mais ultimement, tu réalises rapidement
que... s'il y a un caractère sexuel. Les clauses d'amnistie, M. Gingras, vous
dites... Puis là je veux juste bien comprendre, hein? Parce que nous, on ne les
rend pas inopérantes, on fait simplement dire : L'employeur n'est pas tenu
de les considérer dans des cas de violences physiques ou psychologiques. Puis
ça comprend, bien sûr, le conjugal, le familial et le caractère sexuel. Puis
là, vous sembliez faire une nuance entre les deux puis vous nous parlez d'un
délai de cinq ans. Jusque vous me précisiez un peu.
M. Gingras (Éric) : Bien,
c'est-à-dire que, premièrement, pour nous, les deux éléments, on veut que ce
soit vraiment direct comme étant les violences à caractère sexuel. Ça, c'est un.
Vraiment, que ce soit ce qui est... ce qui est vraiment visé par ce qui est là
et non pas les violences physiques, non pas les violences aussi, là, qui
pourraient nous amener à un débat et, après ça, un questionnement, à
savoir : Qu'est-ce qui est utilisé ou qu'est-ce qui ne l'est pas?
Deuxièmement, puis qui est le plus important, c'est que présentement... le
projet de loi, de la façon qu'il est écrit, c'est que, pendant plusieurs
années, par la suite de ça, on peut y référer. Donc, quand je parlais de l'importance
de s'amender, bien, ultimement, on doit être en mesure d'avoir un certain
moment où, au-delà ça, bien, on ne pourra pas y faire référence. Alors, c'est
pour ça qu'on propose cinq années, donc cinq années où, après le geste posé, on
ne peut pas référer, donc, à la mesure qui a été proposée et donc la ramener à
ce moment-là. Donc, qu'il y ait un délai.
• (16 h 10) •
M. Boulet : ...la clause
d'amnistie serait effective après l'écoulement de cinq ans.
M. Gingras (Éric) : Exactement.
M. Boulet : En même temps,
vous le savez, la littérature réfère au caractère récidivant des comportements
à caractère... ou des violences à caractère sexuel et il n'y a pas toujours une
composante volontaire, il y a parfois une composante non volontaire. Ça fait
qu'il faut faire attention au potentiel de réhabilitation. Mais je comprends ce
que vous dites. Est-ce qu'on devrait... Est-ce que, pour les violences à
caractère sexuel, vous recommandez quand même qu'il y ait un délai de cinq ans
et, au-delà de cinq ans, la...
La Présidente (Mme D'Amours) : ...
M. Boulet : Est-ce que c'est
ça?
La Présidente (Mme D'Amours) : Désolée,
c'est tout le temps que nous avions, M. le ministre.
M. Boulet : J'ai compris.
Merci.
La Présidente (Mme D'Amours) : Maintenant,
je cède la parole à la députée de Bourassa Sauvé pour une durée de huit minutes
30 secondes.
Mme Cadet : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Bien, peut-être... Bien, je me permettrais de répondre à la
question du ministre sur le délai de cinq ans.
M. Gingras (Éric) : Bien, ce
que j'allais ajouter... merci de me permettre de le faire, ce que j'allais
ajouter, c'est que... La réalité, c'est que ça, c'est lorsque ce seront
certains types de gestes qui seront causés. Parce que ce qui est prévu dans la
littérature, ce qui est prévu aussi, c'est que, lorsque le geste est plus
grave, bien, on peut procéder à des sanctions directement plus grandes et
nonobstant les clauses d'amnistie. Donc, ça aussi, ça doit être pris en compte.
Donc, il ne faut pas tout mettre sur le dos des clauses d'amnistie. Donc, ce
qu'on dit, par exemple, c'est justement, oui, il y a des récidivistes, mais il
y a aussi des gens qui s'amendent. Donc, ça prend un certain délai. C'est pour
cette raison-là qu'on propose cinq ans. On démontre l'importance qu'on...
qu'on... qu'on voit ou qu'on voue a la réalité de la violence à caractère
sexuel en disant : Bien là, il faut monter d'un cran. Donc, le laps de
temps est plus grand, mais, en même temps, il faut toujours permettre à
quelqu'un de pouvoir s'amender, en tenant compte du fait que, dans certains
cas, dans bien des cas, les gestes posés pourront être sanctionnés, nonobstant
tout le reste.
Mme Cadet : Puis j'ai
peut-être manqué ce bout... ce bout-là. Le cinq ans, donc, il provient d'où?
Est-ce que ça provient d'entre autres de votre expérience sur le terrain? Vous
dites... Bien, c'est le chiffre qui conviendrait en pratique ou c'est... ça
vient des exemples tirés d'ailleurs?
M. Gingras (Éric) : Bien, ce
qu'on a fait, entre autres, c'est qu'on a regardé, hein? Il existe des moments,
notamment au niveau civil, où on parle de trois ans. Alors, on s'est dit :
Non, il y a un élément d'importance qu'il faut... il faut remarquer là-dedans,
et c'est pour cette raison-là qu'on arrive à cinq ans. Mais c'est certain que
ça fait partie aussi de la lecture puis de la réalité de ce qui est vécu dans
les milieux, là.
Mme Cadet : Donc, si... Puis,
au-delà du lien, si je comprends, de votre... de votre positionnement, donc,
sur les clauses d'amnistie, donc, vous êtes... Quand vous regardez, donc, le
libellé de l'article 20, vous êtes relativement, donc, confortable, mais
ce serait les ajouts, là, que vous ferez. C'est ça?
M. Gingras (Éric) : Oui.
Mme Cadet : Puis qu'est-ce
qui a trait, donc, aux... Il y a une proposition qu'on a entendue ce matin de
permettre... et puis... en fait, je pense qu'en fait, ça venait de la part de
Juripop, là...
Mme Cadet : ...que, bon,
lorsque, donc, il y a ce type de faute, là, donc dans le dossier d'un employé,
c'est-tu une chose, donc, la question des clauses d'amnistie, pour un même
employeur? Ici, donc, on parle, donc, évidemment, donc, d'un milieu... du lieu
d'enseignement supérieur, mais si la personne,donc, reste dans le milieu de
l'enseignement supérieur, par exemple, mais change d'établissement, à ce
moment-là, donc il n'y aurait pas nécessairement prise d'effet, puis il y avait
une recommandation à ce que l'employeur subséquent puisse avoir accès au
dossier sur consentement, là, du salarié. Donc, vous, qu'est-ce que vous pensez
de cette recommandation-là?
M. Gingras (Éric) : ...c'est
un élément qu'on n'a pas creusé de notre côté. Par contre, c'est le genre de
chose qu'il faut toujours faire attention entre employeurs, etc., parce qu'il y
a des éléments où on veut être en mesure de s'assurer de faire un suivi, mais
en même temps le principe de s'amender revient encore. Donc, on peut changer
d'employeur. Il y a une question de temps, ça fait combien de temps, combien
d'années, et ça, ces éléments-là doivent suivre. Donc, c'est pour cette
raison-là qu'il faudrait creuser davantage, là, pour être en mesure de regarder
cette option-là, là.
Mme Cadet : D'accord, merci.
Sinon, un autre endroit dans votre mémoire, je pense, votre recommandation
cinq. Donc... ah! bien, c'est ça, en fait, on en a un peu, donc, discuté avec
le ministre, là, sur la question d'imputation des coûts. Donc, vous l'avez dit,
donc, vous aviez lu, donc, le mémoire, donc, des expertes. Votre position, elle
est ailleurs. Donc, peut-être juste... tu sais, ma question supplémentaire,
c'est vous, vous... en fait, vous leur répondez quoi? Est-ce que... du côté des
expertes, ce qu'elles nous disent, c'est qu'elles préfèrent l'imputation au
fonds général parce que ça permet une déjudiciarisation des dossiers, mais
vous, vous trouvez que l'imputation, donc, des coûts, donc à l'employeur, c'est
une question d'imputabilité. Donc, qu'est-ce que vous répondez, donc, à
l'opinion inverse?
M. Bazin (Jérôme) : On est...
on est d'accord et on est très conscients qu'on diverge du rapport du comité
d'expertes. On trouve l'argument valable, l'argument de la déjudiciarisation.
Il est vrai que ça va pouvoir aider évidemment à déjudiciariser si on n'impute
pas ou on impute à toute la catégorie d'employeur. Ceci dit, on voit là un
risque qui est plus grand en ce qui a trait à la prévention si on
déresponsabilise financièrement les employeurs par rapport à... par rapport à
ce type de lésions là. Si on leur dit : Vous n'êtes pas responsables
financièrement, ou vous ne le verrez pas finalement apparaître dans le dossier,
du moment où il y a une lésion ou une violence à caractère sexuel qui survient,
bien, on court le risque, là, d'enlever un incitatif qui est à nos yeux
important à faire de la prévention, qui est finalement de voir son dossier ou
sa cotisation augmenter si on a des lésions de violence dans notre
établissement sous notre responsabilité.
Mme Cadet : Puis, avant de
passer la parole à ma collègue, parce que le temps file, vous indiquez, donc à
la page quatre : «Nous sommes d'accord avec le fait que le harcèlement
sexuel commis par toute personne soit aussi sous la responsabilité de
l'employeur», disant que la jurisprudence a déjà attribué cette responsabilité
à l'employeur. Pouvez-vous définir toute personne selon la jurisprudence?
Qu'est-ce que... Qu'est-ce que ça engloberait? Est-ce que c'est assez large
comme concept?
Des voix : ...
M. Daoud (Marc) : Est-ce que
ça serait possible de vous demander de repréciser?
Mme Cadet : Oui, bien, la
question, en fait, c'est vraiment un concept de... le concept de toute
personne, là, qu'on retrouve dans le projet de loi n° 42. Donc, pour vous,
en fait, est-ce que vous êtes en accord? Donc, comment est-ce que vous le...
Comment est-ce que vous le concevez? Parce que ça élargit un peu, bien, dans le
projet de loi n° 42, donc, tel que libellé... donc un peu cet
élargissement-là, avec le concept de toute personne. Je voulais juste voir pour
vous comment est-ce que vous le... comment est-ce que vous le décrivez?
M. Daoud (Marc) : C'est...
J'ai probablement la mauvaise page, mais, si je comprends bien votre question,
la question est de savoir si... qu'on veut traiter au niveau des prescriptions
des recours, de... en fait, de ne pas rendre prescriptif certains recours, de
l'appliquer, de traiter toutes les personnes équitablement.
Mme Cadet : Non, c'est...
Dans le fond, c'est que, là, on a l'ajout du concept de «toute personne» à
plusieurs endroits, donc, dans le.. dans le projet de loi, là, tel qu'il a été
déposé, puis... Bien, en fait, on dit, donc... on est... Vous êtes en accord
avec le fait que le harcèlement sexuel commis par toute personne soit aussi
sous la responsabilité de l'employeur.
M. Daoud (Marc) : Oui. Oui.
Mme Cadet : Donc, c'est ça,
donc, c'est le concept de «toute personne» ici.
M. Daoud (Marc) : Oui, en
fait, c'est ça. Maintenant, je comprends votre question, excusez-moi. L'idée,
c'est... en fait, c'est... Oui, c'est la responsabilité de l'employeur, de
s'assurer qu'on vise toutes les personnes dans un même établissement, par
exemple, que ce soit des tiers qui rentrent, que les politiques s'appliquent
aussi à...
M. Daoud (Marc) : ...des tiers
et qu'ils s'assurent aussi de les faire appliquer à des tiers, c'est dans ce
sens-là? Tout à fait, j'irais dans ce sens-là. Je ne sais pas si...
M. Bazin (Jérôme) : Effectivement,
c'est sûr que l'employeur conserve une responsabilité dans l'établissement des
travailleurs. Si une personne se blesse au sens physique, là, une blessure
physique, dans l'établissement, bien, il conserve une responsabilité sur ce
travailleur là en question, peu importe la cause. Mais dans la même mesure, on
cherche à élargir le plus possible, naturellement, pour augmenter la
reconnaissance. L'employeur a la responsabilité de son établissement. C'est
pour ça qu'on veut couvrir le maximum de situations possibles.
La Présidente (Mme D'Amours) : 30 secondes.
Mme Cadet : 30 secondes
pour la collègue.
Mme Caron : Bien, en fait,
j'aurais voulu savoir si vous étiez d'accord pour qu'une personne fautive qui
change d'emploi, qui va dans un milieu de travail où il peut récidiver, que son
dossier ne soit pas confidentiel, c'est-à-dire que quand l'employeur nouveau
prend des références, que son employeur, son dernier employeur puisse dire
qu'il a été... qu'il a eu des sanctions ou qu'il y a eu des plaintes contre
lui.
La Présidente (Mme D'Amours) : C'est
tout le temps que nous avions. Désolée. Je dois maintenant passer la parole au
député d'Hochelaga- Maisonneuve.
• (16 h 20) •
M. Leduc : Merci beaucoup.
Bonjour à vous quatre. Bienvenue à l'Assemblée. Je ne sais pas, je ne l'ai pas
vu dans votre mémoire, peut-être qu'il m'a échappé, mais, dans d'autres
mémoires, il y avait la question d'un règlement qu'on doit adopter, là, à la
Commission des normes et de la santé-sécurité du travail. Puis d'autres
personnes aujourd'hui ont évoqué le fait qu'on devrait mettre une limite de
temps au-delà duquel si ledit règlement n'est pas adopté, que le ministre
l'adopte, lui, un peut ce qu'on a fait sur la question de la santé-sécurité au
travail. Donc, le deux ans est évoqué, un peu en copier-coller sur ce qu'on vient
de faire. Est-ce que c'est quelque chose avec lequel vous êtes confortable?
M. Bazin (Jérôme) : Oui,
absolument. Bien, en fait, c'est sûr que nous, on est dans une position particulière,
nous qui ne sommes pas sous ces... en fait, ces sous-groupes ou ces
sous-comités réglementaires de la CNESST. Mais évidemment, là, on est pour le
paritarisme dans son sens large.
M. Leduc : Parfait. Sur la
question des clauses d'amnistie, tantôt, j'ai fait référence à une idée que
j'ai fait circuler auprès du ministre il y a quelques semaines déjà, à savoir
qu'il y a un autre chemin qu'on pourrait emprunter, soit alternatif ou
complémentaire, qui est le 47.2, hein, qui oblige les syndicats à représenter
tout le monde, mais qui pourrait dire : Dans les cas de violence à
caractère sexuel, le syndicat est exempt de l'application du 47,2. Est-ce que
c'est quelque chose... Est-Ce que c'est une piste qui pourrait vous sembler
intéressante à explorer...?
M. Daoud (Marc) : C'est une
question intéressante, mais, bien franchement, on n'a pas envisagé cette
possibilité-là. Par contre, ce qu'on propose comme recommandation, le fait de
mettre une limite temporelle au niveau des clauses d'amnistie, le cinq ans,
pour nous, c'est d'essayer d'aller chercher un équilibre, tout en reconnaissant
évidemment l'objectif de la loi. Je veux dire, il n'y a personne qui est contre
ça, le fait de reconnaître que quand il y a un acte fautif qui est accompli,
mais de le nommer. La loi nous permet de le nommer, de ne pas banaliser cet
acte-là. En mettant une limite de cinq ans, ça permet... ça ouvre une période
où la personne qui est fautive, elle va porter un certain poids sur le geste
qui est commis. Ça permet aussi aux syndicats de faire les démarches
nécessaires au niveau de... parce que le syndicat, dans des cas comme ça, on
représente à la fois... parfois on va représenter tant la victime que la
personne fautive. Ça ne nous engage pas nécessairement à défendre l'indéfendable.
On n'est pas là pour ça. On a toute la marge de manœuvre aussi pour se
prononcer dans des dossiers comme ça. Par contre, ça nous permet aussi de miser
sur la réhabilitation aussi. Si l'employeur a décidé de ne pas congédier une
personne, c'est parce qu'il y voit une possibilité que la personne soit
réhabilitée. Et il faut qu'en ce sens là... tout le monde doit travailler dans
cette perspective-là. Là, y aller avec le 47.2 ou la possibilité de s'en
soustraire, ce serait une question à étudier. Tout à fait.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
C'est tout le temps que nous avions. Dernière période d'échange avec le député
de Jean-Talon, pour une durée de 2 min 10 s.
M. Paradis : Bonjour. Merci
beaucoup d'être avec nous aujourd'hui. Moi aussi, je vais continuer sur la
recommandation no 13, donc sur les fameuses clauses d'amnistie. Ce matin,
nous avions un groupe, Juripop, qui, lui, trouve que cette modification-là ne
va pas assez loin et propose même que nous facilitions la communication des
antécédents en matière de violences sexuelles conditionnelle au consentement
puis limitée dans le temps. Qu'est-ce que vous pensez de ça?
Deuxièmement, est-ce que vous ne trouvez
pas que l'article contient déjà des balises assez sérieuses? Parce que, là, il
s'agit de considérer les antécédents lorsqu'on impose une sanction
disciplinaire à quelqu'un qui est de...
M. Paradis : ...responsable
d'une inconduite. Donc là, on parle d'un récidiviste, d'une... d'une personne
récidiviste. Je veux bien croire à la réhabilitation, mais là qu'est-ce que ça
change, le délai de cinq ans, que ça ait été commis il y a six ans ou il y a
quatre ans, en réalité, là, pour assainir le milieu de travail?
M. Gingras (Éric) : Bien,
comme on l'a dit, premièrement, il faut... il faut le regarder plus largement.
Les cas dont on parle ici, ça peut être une catégorie de cas, on l'a mentionné,
la clause d'amnistie n'empêche pas qu'il y ait des sanctions plus sévères qui
soient données parce que les gestes posés le méritent. Donc, ces cas-là ne se
retrouveront pas dans ce que vous appelez les récidivistes, ils auront été
sanctionnés, parce qu'il va falloir avoir en tête les gestes posés graves.
Là, dans ce cas-ci, on a des gestes qui
ont été posés qui amènent une sanction, mesure, etc., donc des gestes qui
sont... il n'y a rien à banaliser, il n'y a rien de banal, mais des gestes qui
sont d'un autre ordre. Et là ce qu'on dit, c'est : Présentement, 10 ans,
12 ans, 14 ans plus tard, on pourrait y faire référence. Nous, ce qu'on dit,
c'est : Mettons un moment, et, comme on l'a mentionné, la personne... et
mon collègue l'a mentionné aussi, avec différents éléments, la personne va
pouvoir s'amender, ça amène un poids sur l'importance de ça. Et, dans l'ensemble
du droit, il y a notre capacité de pardon, la capacité d'être en mesure de
s'amender, comme on l'a si bien dit. Et, dans ce sens-là, c'est pour cette
raison-là que notre proposition fait état de ça.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
infiniment, M. Gingras, Mme Pinel, M. Bazin et M. Daoud, de votre collaboration
à nos travaux de la commission.
Je suspends les travaux quelques minutes
afin que nos prochains invités puissent prendre place...
(Suspension de la séance à 16 h 25)
(Reprise à 16 h 30)
La Présidente (Mme D'Amours) :
Nous reprenons nos travaux, et je souhaite maintenant la bienvenue à la
Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. Je vous rappelle que
vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la
période d'échange avec les membres de la commission. Je vous demande donc de
vous présenter et de commencer votre exposé, s'il vous plaît.
Mme Boyer (Maryève) : Alors
bonjour à tous! Merci beaucoup de nous accueillir aujourd'hui. Je me présente,
Maryève Boyer. Je suis vice-présidente représentant les femmes au bureau de
direction de la FTQ. Donc, à la FTQ, nous avons trois postes réservés aux
femmes, et je suis aujourd'hui la représentante pour donner la parole aux
femmes. J'ai à mes côtés M. Guillaume Lavoie et Mme Annie Landry,
respectivement directrice et conseiller au service, là, de santé et sécurité de
la... de la fédération.
Alors, la FTQ représente plus de
600 000 personnes. Elle joue un rôle important dans la défense des
droits des femmes et des groupes en recherche d'équité. Nous représentons des
femmes dans tous les secteurs d'activité et dans toutes les régions du Québec,
que ce soit public, parapublic et privé. Plus du tiers des membres sont des
femmes, ce qui en fait la centrale syndicale qui représente le plus grand
nombre de travailleuses au Québec. Et comme vous le savez, ce sont surtout des
femmes qui sont touchées, là, par les violences à caractère sexuel. La FTQ
salue l'initiative du ministre de faire avancer le dossier des violences à
caractère sexuel dans les milieux de travail, mais juge que le projet de loi
bénéficierait de plusieurs changements afin de réellement combattre ce
problème.
Donc, pour nous, la violence à... les
violences à caractère sexuel sont d'abord un problème d'inégalité de genre qui
persiste de manière préoccupante au sein de nos milieux de travail. La
prévention active, en fait, révèle que... relève d'une responsabilité de
l'employeur afin que le milieu de travail transforme la culture et qu'aucun
acte de violence à caractère sexuel n'y soit toléré. Mais ce n'est pas une
responsabilité qui est assumée par les employeurs pour nous actuellement.
En 2024, les employeurs sont plus
proactifs pour un vol de toast que pour les actes de violence à caractère
sexuel. Il est vraiment temps que ça change. C'est pourquoi, dans son mémoire,
la FTQ propose plusieurs mesures pour améliorer la prévention dans le milieu de
travail. Il est clair que les milieux de travail ont besoin de mesures
encadrantes pour faire de la prévention sur les violences à caractère sexuel
parce que, jusqu'à maintenant, rien ne change. Nous désirons donc que le
nouveau règlement prévu dans le projet de loi soit adopté dans deux ans au plus
tard et qu'il tienne compte des personnes les plus à risque d'être victimes de
violences à caractère sexuel.
Mais même une fois ce règlement adopté,
s'il n'est pas renforcé et mis en application, rien ne changera. Dernièrement,
plusieurs lacunes dans les actions de la commission ont été soulevées, autant
par le Vérificateur général du Québec que les experts mandatés par le ministre.
Il est essentiel que la CNESST remplisse ses fonctions adéquatement. Afin de
clarifier le rôle de la commission, donc la CNESST, la FTQ demande que celle-ci
ait comme fonction d'assurer le respect des lois et des règlements en santé et
sécurité, donc avec un nombre suffisant d'inspecteurs et inspectrices formés
adéquatement. De plus, afin de soutenir le travail des inspecteurs, il est
important qu'ils puissent ordonner une enquête par une personne impartiale
lorsque la situation dans le milieu de travail le demande. Une telle mesure
permettra aux services d'inspectorat d'être proactifs, tout en évitant de
diminuer leur capacité d'agir pour d'autres dossiers, puisqu'une telle enquête
est souvent un...
16 h 30 (version non révisée)
Mme Boyer (Maryève) : ...très
long.
Dans... Pour l'amélioration, en fait, des
milieux de travail qui passe aussi par un accès facilité à la dénonciation et à
la réparation des lésions professionnelles, les personnes victimes doivent
avoir accès à des processus qui évitent la judiciarisation, donc, ce qui
inclut, en fait, une représentation accessible et un processus d'accès à la
justice simplifié. Donc, on veut que les choses changent, et, pour ça, il faut
absolument faciliter l'accès à la justice. C'est pourquoi la FTQ demande que
les présomptions pour faciliter la reconnaissance des lésions professionnelles
reliées à une violence à caractère sexuel soient modifiées.
Il ne faut pas relier la présomption à l'établissement,
puisque... puisque cela a pour effet d'exclure l'application de la présomption
aux personnes qui travaillent par exemple sur les chantiers de construction ou
les plateaux de tournage, donc, qui sont des secteurs où de nombreux employeurs
sont sur le même lieu de travail, alors que ce sont des... donc que ce sont des
milieux de travail particulièrement touchés par la présence de violence...
alors que ce sont vraiment des milieux qui sont touchés par cette violence à
caractère sexuel.
Aussi, les termes, donc entre guillemets,
je vais citer l'article : «sauf si cette violence survient dans un
contexte strictement privé», dans la nouvelle présomption prévue à l'article 28.0.1,
met l'emphase sur un possible lien avec la vie privée de la... de la personne
victime, ce qui est contraire aux bonnes pratiques à respecter dans les cas de
violence à caractère sexuel et favorise encore une fois la judiciarisation lors
des démarches. Donc, la FTQ demande donc le retrait de ces termes.
Finalement, la présomption concernant les
maladies reliées aux violences à caractère sexuel prévoit un délai de trois
mois dans le projet de loi. Un délai est... Ce délai est totalement
incompatible avec la réalité médicale des lésions psychologiques que les
personnes victimes encourent, et, pour nous, il faut retirer ce délai.
C'est dans le même esprit que la FTQ
demande que le projet de loi reprenne la recommandation qui a été faite par les
expertes afin que les personnes victimes de violences à caractère sexuel soient
relevées du délai à respecter lors d'une demande de lésion professionnelle. Il
faut que la personne victime ait le temps de gérer la situation difficile dans
laquelle elle se trouve et de faire la réclamation lorsque ce sera possible.
Faire une réclamation à la CNESST pour une
lésion professionnelle ne devrait pas être une épreuve supplémentaire et encore
moins l'occasion de subir une deuxième victimisation. C'est pourquoi nous
demandons que la CNESST ait pour fonction de s'assurer que ses agents soient
formés adéquatement et que les politiques administratives qu'ils doivent
appliquer respectent les enseignements des tribunaux. Donc, très important pour
nous que les experts, là... Les expertes ont relevé des pratiques perturbantes,
là, lorsque... lorsqu'il s'agit d'évaluer l'admissibilité surtout des dossiers,
donc, et des demandes, et rien ne démontre que la CNESST a modifié actuellement
ses pratiques. Donc, il est grand temps que les législateurs soient clairs sur
ce que... ce qui est attendu, en fait, de la CNESST dans l'administration du
régime de santé et sécurité au travail.
Afin de faciliter la démarche des
personnes victimes qui se trouvent dans une situation de vulnérabilité
supplémentaire, nous demandons, là, que la CNESST assure l'accès à une
représentativité par un organisme indépendant pour les personnes dont le
dossier médical a été demandé, pour les personnes victimes de la main de leur
gestionnaire ou de leur employeur et pour les personnes d'âge mineur.
En dernier lieu, le projet de loi n° 42
introduit des dispositions particulières dans la Loi sur les normes du travail
afin de permettre aux employeurs de tenir compte des mesures disciplinaires. En
ce qui nous concerne, les violences à caractère sexuel, pour la FTQ, il n'est
pas... on n'est pas d'emblée contre, même si le droit actuel ne les empêche en
rien d'intervenir de manière proactive quand ils le veulent.
Donc, afin d'éviter que les employeurs se
cachent derrière l'existence des clauses d'amnistie pour rester inactifs, nous
sommes en accord avec l'introduction, là, d'un article de... dans la loi, mais
le vocabulaire introduit actuellement fait référence à toute inconduite
associée à de la violence physique et fait référence à vraiment quelque chose
de beaucoup trop large, donc en faisant référence... la violence physique et psychologique.
Donc, cela aura pour effet, pour nous, là, de judiciariser les dossiers, et la
moindre petite incartade va se retrouver de manière perpétuelle dans le dossier
de la personne, limitant ainsi, là... elle ne sera jamais réhabilitée aux yeux
de l'employeur.
Donc, afin d'éviter la judiciarisation...
Mme Boyer (Maryève) : ...et
de mieux atteindre le but visé. La FTQ exigerait, là, que les dispositions
particulières ne soient applicables qu'à la violence à caractère sexuel. Donc,
je vais répondre à vos questions, mais je vais laisser aussi la parole à ma
directrice et à mon conseiller.
La Présidente (Mme D'Amours) : Aux
questions? Vous avez terminé votre exposé? Merci. Donc, la période... l'échange
est commencé. M. le ministre, la parole est à vous.
M. Boulet : Oui, merci, Mme
la Présidente. Merci, Mme Boyer. C'est un mémoire que nous attendions. Nous
allons l'analyser avec attention, considération. Mais j'ai une question
d'abord, parce que les lacunes à l'égard de la CNESST, on sait que la FTQ est
présente au C.A. de la CNESST, est-ce que vous êtes bien informés des mesures
administratives? Parce qu'il y en a, il y a 90 % des recommandations
administratives du comité d'expertes qui ont été annoncées et déjà mises en
application, puis il y a plusieurs de vos commentaires qui me laissaient
supposer que vous... Est-ce que vous êtes informés de ça?
Mme Boyer (Maryève) : En
fait, j'ai ma collègue ici qui siège. Donc, je vais la laisser répondre.
• (16 h 40) •
Mme Landry (Annie) : Oui.
Donc, oui, on est... on a eu accès à la présentation de la CNESST suite au
rapport des expertes. Toutefois, grosso modo, pour faire un résumé, la CNESST
fait référence du fait que, puisque le harcèlement... mais les violences à
caractère sexuel sont incluses dans le harcèlement psychologique, bien, tout ce
qu'elle fait déjà s'applique. Donc, c'est pour ça qu'elle dit : 90 %,
c'est répondu, parce que ce qu'elle fait déjà s'applique. Donc... Et on n'a pas
eu, tu sais probablement que, oui, il y a des formations qui vont être
offertes. Pour l'instant, on sait qu'au niveau de l'inspectorat, les formations
sont très difficiles, et ce n'est pas tout à fait à jour. Même lorsque c'était
pour l'application du PL 59, les formations ne suivaient pas très rapidement,
il y avait de très grands délais.
Donc, pour nous, la proactivité de la
CNESST, elle est surtout sur papier et ne se traduit pas dans les actions
concrètes pour les travailleurs, travailleuses lorsqu'ils font appel à la
CNESST.
M. Boulet : Alors, je serai
heureux de partager vos commentaires avec la CNESST et je prierais votre
présidente de les partager au conseil d'administration pour assurer plus de
proactivité, parce qu'en matière de formation, de prévention, d'identification,
de contrôle, d'élimination des risques psychosociaux, c'est nouveau, c'est pris
en charge. Puis il y a de ces changements-là qui découlent de la Loi
modernisant le régime de santé, sécurité du travail. Il y a eu beaucoup de
discussions, on a priorisé les plaintes. Puis, comme je l'expliquais un peu
plus tôt, il faut savoir que beaucoup de plaignantes présentent un cas de
harcèlement psychologique qui comprend une composante sexuelle, là. Ça fait que
c'est sûr que ce n'est ni blanc, ni noir. Puis quand vous dites : La politique
de prévention devrait tenir compte particulièrement des personnes plus
marginalisées, plus à risque.
Vous connaissez Juripop, et, pour moi, ce
qu'on fait et ce que nous pourrons éventuellement faire avec Juripop répond et
plus, c'est au-delà, tenant compte de la réputation et de l'estime que j'espère
que vous partagez avec moi à l'égard de la qualité des interventions de
Juripop. Mais la CNESST, on pourra même prévoir une rencontre paritaire FTQ et
CNESST pour vous permettre d'exprimer vos doléances de façon plus concrète. La
faire strictement privée, je répète que c'est le reflet de l'état du droit, de
la jurisprudence, il faut démontrer une certaine connexité, et ce n'est pas
tous les cas qui requièrent nécessairement une indemnisation de la part de la
CNESST. Je ne suis pas insensible à un certain délai, de deux ans, par exemple,
mais, en même temps, le gouvernement peut toujours intervenir, là, quand ce
n'est pas fait convenablement, on peut le faire en tout temps.
Donc, vous avez parlé des agents formés,
la priorité. Peut-être dernier commentaire, là, puis je vais me limiter à ça,
là, mais les clauses d'amnistie, ce que vous dites, vous êtes d'accord, mais
que pour les violences à caractère sexuel, vous me faites un signe de tête,
mais pas nécessairement pour les autres types de violence physique, et il y a
psychologique, il y a aussi les violences conjugales et les violences
familiales. Vous, vous dites : Ça devrait se limiter aux violences à
caractère sexuel, que l'employeur puisse ne pas tenir compte de la clause
d'amnistie dans son processus de...
M. Boulet : ...gradation
des sanctions. Est-ce que c'est bien ça?
M. Lavoie
(Guillaume) :Exact. Donc, l'une des
craintes qu'on a avec l'interdiction des clauses d'amnistie, c'est la
possibilité que ça amène une certaine judiciarisation, alors que l'esprit du
rapport des experts, ce qu'on soumet, devrait être l'esprit du projet de loi,
c'est de limiter la judiciarisation en matière de violence à caractère sexuel.
Donc, une des craintes qu'on a, c'est qu'en interdisant, comme le propose le
projet de loi, l'ensemble des clauses d'amnistie, et encore une fois, on n'est
pas en désaccord, mais on propose certaines limitations dans l'article, mais en
interdisant l'ensemble des clauses d'amnistie, qu'on vienne provoquer un
certain mouvement où l'ensemble des sanctions disciplinaires seraient
systématiquement contestées.
M. Boulet : Moi, vous me
permettez encore de réitérer qu'indépendamment du libellé, indépendamment du
concept qui est utilisé par la personne victime, que ce soit de la violence
conjugale, familiale ou de la violence physique, il y a une connotation souvent
de nature sexuelle qui n'est pas invoquée. D'où une des raisons qui justifient
que ce soit élargi. Puis je trouve ça intéressant que certains groupes
disent : Ça ne devrait pas être prescriptible dans une période de deux
ans. Puis ils réfèrent au Code civil du Québec. Puis le Code civil du Québec,
c'est des blessures, des préjudices corporels. Donc, même la violence physique
peut, même, par association, que certains groupes en font, inclure une
composante de nature sexuelle. Mais ça va, j'ai bien compris votre mémoire. Je
n'aurais plus d'autre commentaire à faire. Est-ce qu'Isabelle il y en a?
Une voix : ...
M. Boulet : O.K. Alors,
je vais laisser ma collègue de Laporte s'exprimer.
La Présidente (Mme D'Amours) : Mme
la députée de Laporte, à vous la parole.
Mme Poulet : Oui, merci,
Mme la Présidente. Une question. Vous avez mentionné que, bon, ça ne couvre pas
l'ensemble. Le projet de loi ne couvre pas l'ensemble des modifications
nécessaires. Selon vous, qu'est ce qu'on ne retrouve pas dans le projet de loi
no 42 qui pourrait mieux aider les victimes? Est-ce que... qu'est-ce qui
manque vraiment, selon vous, que vous voulez mettre en lumière?
Mme Landry (Annie) : Donc,
en fait, il manque plusieurs choses, et c'est pour les victimes aussi, pour
faire la prévention. Dans notre mémoire, on a mis vraiment l'accent sur les
deux volets. Au niveau de la prévention, on pense qu'il n'y a pas assez de lien
entre ce qui se passe au niveau... lorsqu'il y a justement une lésion
professionnelle, une victime d'actes à violence... de violence à caractère
sexuel, bien, il n'y a pas de lien qui est fait avec la prévention. C'est,
entre autres, pourquoi qu'on fait le parallèle, là, au niveau des ententes
qui... qu'il y a lieu entre les parties. Bien... Et un exemple, c'est oui, les
syndicats représentent les victimes, mais après ça, au niveau de la prévention,
on ne fait pas le lien de ce qu'il devrait avoir... qu'est-ce qui devrait être
corrigé dans le milieu de travail. Est-ce que c'est le fait de travailler seul?
Est-ce qu'il manque de formation? Est-ce qu'il devrait y avoir des campagnes?
L'organisation du travail, est-ce qu'elle favorise la présence de violences à
caractère sexuel? C'est un des... des enjeux, mais il manque évidemment
l'application de la présomption qui est, quant à nous, qui comporte plusieurs
problématiques, mais, tu sais, ça a été nommé par plusieurs intervenants
aujourd'hui, et au niveau des normes également, au niveau de
l'article 123.16, c'est, entre autres les... les choses qui nous
préoccupent. Quelqu'un veut compléter?
M. Lavoie
(Guillaume) :...123.16 que, dans le but
d'assurer une pleine indemnisation des victimes, on considère que le projet de
loi fait un pas dans la bonne direction en permettant les dommages punitifs,
mais il devrait élargir la modification de l'article 123.16 afin de
permettre une... une indemnisation dans les cas où la victime est, oui, victime
d'une lésion professionnelle, mais pour toute une période où elle n'est pas
indemnisée par la CNESST, elle devrait avoir accès à toutes les possibilités
d'indemnisation qui sont offertes aux autres victimes d'agression, mais qui ne
sont pas couvertes par l'indemnisation de la LATMP. Donc, on pense que, pour
assurer une pleine indemnisation, cette modification-là devrait aller jusqu'au
bout.
Mme Poulet : Vous avez
mentionné tantôt que, bon, au niveau de la prévention, bon, la CNESST va faire
des suivis, mais vous pensez qu'on devrait aller encore plus loin pour faire
une vérification puis s'assurer que ça soit bien établi dans une entreprise?
Mme Landry (Annie) : Bien,
au niveau de la CNESST, c'est qu'il faut comprendre qu'au niveau des
inspecteurs, un, oui, il manque de formation, il manque carrément
d'inspecteurs. La Vérificatrice générale du Québec l'avait déjà mentionné en
2016... 2018, je ne me rappelle plus quelle année, mais qu'il y avait un
débalancement entre... au niveau de la réparation à la CNESST. Au niveau de la
prévention, ça n'a jamais été corrigé, ce débalancement-là, au niveau dans
l'investissement. Actuellement, il y a plus d'inspecteurs de la faune, ils sont
325, que d'inspecteurs à la CNESST. Ils sont autour de 300, mais en réalité,
disponibles à faire le travail, ça tourne autour de 280. Donc, vraiment, pour
mettre en application la loi et s'assurer que c'est respecté lorsque les
travailleurs, travailleuses appellent à la CNESST, les inspecteurs ne se
déplacent pas, ne sont pas formés pour intervenir, posent des questions parfois
qui ne sont pas adéquates...
Mme Landry (Annie) : ...qui
victimise justement la personne. L'exemple des expertes qui disent :
L'inspecteur s'est présenté sur le lieu de travail, la victime n'était plus là,
bien, je me suis... L'inspecteur dit : Je n'ai pu à intervenir. Le
problème n'est pas la victime, mais... et le milieu de travail et la présence
de personnes qui ont des comportements de violence à caractère sexuel. Donc,
c'est tout ça qui fait que, pour nous, la CNESST ne met pas... ne renforce pas
la loi et n'est pas proactive. Puis encore, dernièrement, il y avait un rapport
sur les entrepôts d'Amazon qui démontrait encore des lacunes dans
l'intervention des inspecteurs qui est très inégale selon les milieux qu'elle
visite.
Mme Poulet : O.K. Merci.
La Présidente (Mme D'Amours) : Je
cède maintenant la parole à la députée de Hull.
Mme Tremblay : Oui. Alors,
bonjour. Ma question, elle est en lien avec votre recommandation 1 parce
que vous... bon, vous dites que, pour prévenir le harcèlement, vous voudriez
que les politiques fassent partie intégrante des conventions collectives. Puis
là vous dites que c'est dans un souci d'avoir une meilleure connaissance de
celles-ci. En quoi ça va avoir... apporter une meilleure connaissance, que ce
soit dans les conventions collectives des travailleurs et des travailleuses? Et
puis la politique, c'est quelque chose, tu sais, que l'employeur peut
travailler, peut modifier au fil du temps, alors que si elle est, bon, dans la
convention, ça peut devenir un peu plus complexe. Donc, je voudrais vous
entendre sur la recommandation, là, numéro un.
• (16 h 50) •
Mme Aristyl (Nadia) : Mais je
dirais que, dans le fait que ça soit mis dans la convention collective, pour
nous, en tant que syndicat, et pour l'ensemble des membres, c'est toujours le
premier chemin qu'ils vont prendre et la première lecture qu'ils vont faire.
Donc, ça va permettre vraiment une connaissance au niveau informationnel
d'avoir quelque chose qui est directement dans la convention collective. Mais
je vais laisser mes collègues renchérir là-dessus.
Mme Landry (Annie) : Pour, en
fait, votre commentaire sur le fait est-ce que ça va être facile de modifier la
politique ou pas? Le fait que c'est déjà rentré au niveau du programme de
prévention pour savoir que le comité de santé-sécurité doit aussi regarder ce
qui est inclus dans le programme de prévention. Donc, il y a déjà un aspect
paritaire à la politique, et le fait que ce soit inclus dans la convention
collective, oui, va rendre la lecture d'un seul document. Donc, tous les
travailleurs vont savoir si ça va faciliter le processus de savoir quels moyens
utiliser, mais ça va aussi confirmer l'aspect paritaire de la politique. Et
dans les conventions collectives, on peut toujours faire des lettres d'entente
s'il faut le... modifier une convention en dehors des négociations.
Mme Tremblay : Parfait.
Merci. Moi, je n'ai pas...
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
Je cède maintenant la parole à la députée de La Pinière pour votre bloc
d'échange.
Mme Caron : Merci, Mme la
Présidente. Alors, merci pour votre présentation. Vous avez mis l'accent
beaucoup sur les femmes au début parce que vous représentez beaucoup de femmes.
Alors, je vous soumets un cas de figure où une femme a été victime d'une...
d'un collègue de travail dans un milieu de travail, ce collègue fautif part et
va travailler dans un milieu comme une RPA, par exemple, une résidence pour
aînés où le milieu de travail lui-même est composé de personnes qui sont très
vulnérables, beaucoup de femmes, et... c'est-à-dire le milieu de vie et le
milieu de travail parce que, par exemple, il peut y avoir beaucoup de collègues
préposés aux bénéficiaires qui sont des femmes, qui sont aussi des femmes
immigrantes, donc qui sont d'autant plus vulnérables. Alors, dans un cas comme
ça, qu'en est-il de la confidentialité du dossier de... du travailleur fautif
qui arrive dans ce nouveau milieu? Est-ce qu'il doit être absolument
confidentiel ou est-ce que lorsqu'il postule son emploi, la RPA par exemple,
peut, en vérifiant les références, s'assurer qu'elle obtiendra cette
information-là, si c'est une personne qui a déjà commis des actes de violence à
caractère sexuel ou de harcèlement psychologique?
Mme Aristyl (Nadia) : Merci
pour votre exemple, je vais laisser M. Lavoie répondre à la question.
M. Lavoie
(Guillaume) :Oui, mais en fait on entend
très bien ce que vous nous dites, c'est il y a plusieurs intervenants qui ont
parlé de cette question-là aujourd'hui, mais comme ce n'était pas quelque chose
qui faisait partie du projet de loi à la base, ce n'est pas une question qu'on
a particulièrement étudiée dans le cadre de notre mémoire, mais on a bien
entendu les intervenants et puis on va avoir l'occasion de se positionner sur
la question.
Mme Caron : D'accord. Merci.
Vous avez, à la recommandation 7, vous proposez qu'on élimine le contexte
strictement privé. Je vais faire un autre cas de figure. Disons, un contexte
d'entreprise familiale, il y en a peut-être moins qui sont syndiqués, mais
disons une grande entreprise familiale, un contexte où, par exemple, des
conjoints travaillent ensemble dans cette entreprise familiale et qu'il y a des
violences à caractère sexuel qui sont perpétrées, à ce moment-là, est-ce que
les violences entre conjoints qui travaillent dans cette entreprise familiale,
c'est strictement privé ou bien c'est professionnel?
M. Lavoie
(Guillaume) :Bien, je pense que, sur la
question de la...
M. Lavoie
(Guillaume) :...sur la question du
strictement privé, c'est important de revenir à la base de l'objectif de la
présomption. Encore une fois, l'objectif, c'est la déjudiciarisation, on veut
s'assurer que la victime est rapidement accès à une indemnisation par la
CNESST. Mais quand on recommande de retirer le strictement privé de la
présomption, on a l'intention de ne retirer par là aucun droit à l'employeur.
L'employeur conserve son droit de contester la lésion professionnelle qui
serait admise dans ce cas de figure là que vous proposez, d'aller plaider
éventuellement devant le tribunal que ce n'était pas par le fait ou à
l'occasion du travail que la lésion est arrivée. Ça n'empêche pas l'employeur
de le faire. L'objectif de la présomption, c'est de faciliter à la victime
l'accès aux indemnisations de façon directe, de façon rapide et si, dans le
futur, l'employeur conteste, il le fera. Mais la présomption n'a donc pas comme
objectif d'interdire ça à l'employeur. L'objectif, encore une fois, et c'est
pour ça qu'on recommande de retirer la question d'établissement et de retirer
la question du strictement privé dans 28.0.1, c'est de faciliter pour les
victimes l'accès à l'indemnisation.
Mme Caron : Parfait. Puis ma
dernière question avant de laisser le reste à ma collègue, à propos de la
première recommandation que ça fasse partie intégrante de la convention
collective. Alors, j'ai compris la réponse à la question de la collègue tout à
l'heure. Mais qu'en est-il dans un contexte où il n'y a pas de convention
collective, un contexte non syndiqué?
Mme Landry (Annie) : Je peux
répondre. Mais c'est évidemment que s'il n'y a pas de convention collective,
bien, elle va être la politique de l'employeur tel que prévu par la loi. Là,
c'est clair que ça s'applique dans les cas où c'est milieux syndiqués.
Mme Caron : Merci.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci,
Mme la députée. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de
Bourassa-Sauvé.
Mme Cadet : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Donc, j'irais directement à votre recommandation 17,
donc, sur les... les clauses... les clauses d'amnistie. J'aimerais vous
entendre, parce que, bon, vous étiez là lors de l'intervention précédente, où,
bien, tout comme vous, donc, le groupe qui vous a précédé, donc, souhaitait
voir la recommandation restreinte, donc seulement donc aux actes de violence à
caractère sexuel et souhaitait aussi que cette disposition, donc, soit... soit
limitée dans sa portée temporelle. Je leur ai posé la question sur le cinq ans.
De votre côté, vous souhaitez limiter l'imposition de mesures disciplinaires,
donc, bien en fait de tenir compte de l'inconduite relative donc à cette forme
de violence ayant donné lieu à l'imposition d'une mesure disciplinaire à cette
personne dans les deux dernières années. Je comprends que tous les deux, donc,
vous avez donc le même intérêt de viser la réhabilitation du salarié.
J'aimerais vous entendre donc sur votre délai, donc comment vous êtes arrivés à
ce... à ce délai de deux ans.
M. Lavoie
(Guillaume) :Oui. Pour la question du
délai particulièrement, on s'est inspiré d'une décision de la Cour d'appel qui
est le Centre de réadaptation déficience intellectuelle du Saguenay—Lac-Saint-Jean
contre Fortier, donc, qui... qui proposait un délai de deux ans en conformité
avec le délai pour porter plainte en matière de harcèlement qui est prévu par
la Loi sur les normes du travail. On considérait également qu'il y aurait une
certaine cohérence avec le nouveau délai qui est proposé par le projet de loi
en matière de réclamation pour lésion professionnelle. Mais un autre point que
je veux apporter suite à votre question, c'est qu'il ne faut pas oublier que le
délai de deux ans, que ce soit un délai de deux ans, trois ans, quatre ans,
cinq ans, c'est un délai qui est minimum, hein? Donc, rien n'empêche un
syndicat et un employeur de convenir dans la convention d'un délai qui sera
plus long pour tenir compte de certaines particularités des milieux de travail.
C'est un minimum qu'on propose.
Mme Cadet : D'accord. Puis
vous pensez que ce... que ce délai-là... Je comprends que vous dites que c'est
un... que c'est un minimum, un minimum de deux ans, donc ce serait assez pour
une réhabilitation.
M. Lavoie
(Guillaume) :Encore une fois, si pour un
milieu de travail particulier ce n'est pas suffisant, les parties peuvent
négocier autrement, peuvent négocier un délai plus long. Et puis d'ailleurs, on
sait que ça s'est produit même avant l'intervention législative qui est
proposée par le projet de loi. Par exemple, dans le milieu de l'éducation
supérieure, il y a des... il y a des conventions qui ont été amendées pour
modifier les clauses d'amnistie en ce qui a trait aux violences à caractère
sexuel. Donc, ce n'est pas des choses qui sont impossibles.
Mme Cadet : Puis pourquoi
vous particulièrement, donc, vous considérez que... que la portée de
l'article... l'article 20, là, du projet de loi en ce moment donc, elle
est trop large, là, donc pas seulement sur... sur la portée temporelle, là,
mais sur... sur le fait, donc qu'on... qui y est libellé, donc on parle d'une
inconduite relative à de la violence physique ou psychologique, incluant la
violence à caractère sexuel. Donc, pourquoi cette portée-là est trop large pour
vous?
Mme Landry (Annie) : Je vais
peut-être... Sur la portée trop large, je vous dis c'est parce que l'inconduite
relative à de la violence physique ou psychologique, ça inclut aussi la
personne qui va envoyer promener son patron pour une raison X, ça inclut la
personne qui va frapper, puis c'est... là, je vous parle de cas réel quelqu'un
qui frappe dans un casier parce qu'il a une certaine frustration. Donc, ça
inclut... c'est tellement large que ça inclut tout, et c'est là qu'on dit que
ça va judiciariser, parce qu'est ce qu'une personne mérite d'avoir à son
dossier, une fois, il s'est... il a argumenté un peu plus fort...
Mme Landry (Annie) : ...avec
son supérieur. Est-ce qu'il doit traîner ça toute sa vie? Je ne suis pas sûre.
Tu sais, il y a un contexte de réhabilitation, de pardon... Tu sais, dans tous
les systèmes législatifs, c'est applicable. On réhabilite, on pardonne, on
permet à la personne d'apprendre de ses erreurs. Mais là c'est comme... comment
c'est libellé, c'est tellement large que nous, ce qu'on anticipe c'est que les
employeurs vont l'utiliser à toutes les sauces, et ça va judiciariser, parce
qu'on ne permettra pas aux gens de se réhabiliter dans le milieu de travail.
Et, également, tu sais, quand quelqu'un fait une erreur - c'est dans notre
pratique syndicale - si un travailleur fait une erreur, justement, dit des mots
peut être inadéquats à son supérieur, on va dire : Bien, prend ta mesure
disciplinaire, là, puis ne refais plus ça. Puis ça va finir là. Mais s'il est
pour vivre avec ça le restant de sa vie, bien là, peut être qu'on va
dire : Oui, ça n'a pas de sens, il va falloir contester pour enlever ta
mesure disciplinaire, parce que tu ne peux pas vivre... Tu sais, ce n'est pas
une inconduite qui mérite une condamnation à vie, qui est l'équivalent, là...
le dossier disciplinaire dans le milieu de travail, c'est un peu... c'est
l'équivalent, là, pour nous.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
Je cède maintenant la parole au député de Hochelaga-Maisonneuve.
• (17 heures) •
M. Leduc : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour à vous trois. Plus tôt, il y a eu les gens de Juripop, qui
parlaient... parce qu'il y a tout le régime... ce qu'on appelle le «no fault»,
là, le... qui est la structure même du régime, là, en santé et sécurité au
travail... mais qui parlaient de la possibilité de poursuivre un agresseur qui
serait un collègue de travail, au civil, qui serait comme un ajout, une porte
qu'on ouvrirait, qui n'était pas nécessairement ouverte dans le passé,
considérant que c'était toujours l'employeur qui était responsable de
l'environnement de travail. C'est quand même quelque chose de nouveau qui est
soumis. Est-ce que la FTQ a une réflexion à soumettre par rapport à ça?
M. Lavoie
(Guillaume) :Oui, bien, effectivement,
c'est un élément qui n'avait pas été soulevé dans le cadre de notre mémoire,
mais on a été... on a eu une écoute attentive des recommandations qui ont été
déposées par Juripop ce matin. Effectivement, le fait qu'il y ait une immunité
civile pour un collègue de travail, c'est, certainement, un des aspects les
plus iniques de la législation du travail en cette matière-là, puisque la même
situation de victime à... pardon, de violence à caractère sexuel qui se
produirait à l'intérieur d'un contexte de travail produirait une immunité pour
le collègue de travail, alors que, si elle se produisait dans un contexte en
dehors du travail, cette immunité-là n'existerait pas. Alors, on pense que
c'est une immunité qui va beaucoup plus loin que ce qui est prévu pour
l'employeur.
On comprend l'immunité pour l'employeur.
C'est la base, évidemment, du régime d'indemnisation. Pour ce collègue de
travail là, on pense que les préoccupations qui ont été soulevées par Juripop,
effectivement, méritent une analyse plus approfondie, puisque le message qui
est envoyé, en fait, par la législation actuelle, c'est : si une personne
est harcelée au travail actuellement, bien, si elle devient malade du fait de
ce harcèlement-là, ça provoque une immunité pour l'employeur, ce qui n'est pas
le cas si elle ne tombe pas malade. Alors, c'est une incohérence, à notre avis,
qui découle de l'interconnexion entre les différentes lois du travail, mais qui
mérite certainement d'être analysée, là. Et on pense que, si une personne n'a
pas fait de réclamation pour lésions professionnelles, elle doit pouvoir
poursuivre, au civil, un collègue de travail.
M. Leduc : Donc, c'est soit
l'un, soit l'autre.
M. Lavoie
(Guillaume) :Dans ce cas-ci, oui.
M. Leduc : O.K. Le 47.2, qui
est l'article du Code du travail, là, qui... l'obligation de représentation,
est-ce que l'idée de... comme alternative ou supplément à la question des
clauses d'amnistie, on ne pourrait pas dire que les syndicats n'ont plus
l'obligation de représentation lorsqu'il s'agit d'une violence à caractère
sexuel, donc d'exempter cette... les syndicats par rapport à ça? Parce qu'on
sait que c'est quand même un fléau, là, les plaintes dans le 47.2, dans le
milieu syndical.
La Présidente (Mme D'Amours) : ...15
secondes.
M. Leduc : 15 secondes.
Mme Landry (Annie) : Oh!
c'est assez technique. Donc, bien, en fait, le 47.2, on a toujours le choix d'y
aller ou pas, donc, pour nous, ce n'est pas un enjeu, parce qu'on peut toujours
dire non à l'employeur, et, si on a fait notre analyse, c'est clairement... les
syndicats ont le pouvoir... on n'est jamais obligé. Et, pour nous, le 47.2, ils
ne le feront pas pour faire la démonstration.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
beaucoup. Maintenant, dernière période d'échange avec nos... nos invités,
pardon, avec le député de Jean-Talon.
M. Paradis : Merci beaucoup
de votre présence. Je vais, moi aussi, continuer sur votre recommandation
numéro 17, concernant les fameuses clauses d'amnistie, parce qu'on va avoir des
arbitrages importants à faire. Certains prétendent que l'article 97.1, tel
qu'il est présenté actuellement, en fait, ne fait que refléter l'état actuel de
la jurisprudence, notamment après un arrêt assez connu de la Cour d'appel dans
l'affaire CRDI, et qu'en réalité, si on veut le limiter à certaines formes de
violence ou si on le limite en matière temporelle, on pourrait être en train
de, finalement, perdre des acquis qu'on a eus, c'est-à-dire que...
17 h (version non révisée)
M. Paradis : ...quand on...
quand vient le temps de regarder la sanction, hein, parce que ce n'est pas
avant, c'est vraiment au moment où il y a une sanction d'un comportement qui a
été jugé, donc, violent... on peut considérer qu'il y a eu des comportements
similaires avant, donc c'est une récidive. Ça, ça existe déjà dans la
jurisprudence. Et donc, est-ce que vous n'avez pas peur de ce risque-là?
Mme Landry (Annie) : Moi, je
vais répondre. Dans les faits, c'est que oui, la jurisprudence... c'est que la
LNT est d'ordre public, donc tout ce qui est harcèlement psychologique, et donc
aussi les violences à caractère sexuel sont d'ordre public, et une convention
collective ne peut pas aller en deçà de la Loi sur les normes. Donc, oui, c'est
applicable, et l'article, actuellement, tel qu'il est écrit, ce n'est pas juste
le harcèlement psychologique, ce n'est pas juste les violences à caractère
sexuel, c'est toute inconduite, parce que dans la LNT, le harcèlement
psychologique, c'est quatre critères. Là, c'est «inconduite» : «toute
inconduite relative à des violences physiques ou psychologiques». «Toute
inconduite», c'est beaucoup plus large que du harcèlement psychologique. Donc,
c'est... nous, c'est notre crainte, c'est... Comme j'expliquais tantôt, là, ce
n'est pas juste un acte répété d'agression, de harcèlement ou un geste... des
fois, c'est juste une petite inconduite qui fait que, oups! j'ai peut-être été
trop loin, et on le voit dans tous les milieux de travail. Ça arrive des fois,
l'être humain étant ce qu'il est, on perd patience.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
Mme Landry (Annie) : Ça ne
veut pas dire que c'est un acte grave.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
C'est tout le temps que nous avions. Merci pour votre contribution à nos
travaux.
Je suspends les travaux quelques instants
afin de permettre aux prochains invités de prendre la place.
(Suspension de la séance à 17 h 05)
(Reprise à 17 h 11)
La Présidente (Mme D'Amours) : Nous
sommes de retour. Donc, je souhaite maintenant la bienvenue au Conseil du
patronat du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre
exposé et, par la suite, nous procéderons à la période d'échange. Donc, je vous
demande de vous présenter et de commencer votre exposé, s'il vous plaît.
M. Blackburn (Karl) : Merci,
Mme la Présidente. Alors, je suis Karl Blackburn. Je suis le président et chef
de la direction du Conseil du patronat du Québec, et je suis accompagné de
Marie-Claude Perreault, vice-présidente, Travail, santé, sécurité et affaires
juridiques au Conseil du patronat du Québec.
Comme vous le savez, le CPQ regroupe des
entreprises et des associations sectorielles oeuvrant dans tous les secteurs
d'activité et toutes les régions du Québec et représentent directement ou
indirectement les intérêts de plus de 70 000 employeurs de toutes tailles dans
tant le secteur privé, que dans le secteur parapublic. Nous remercions d'abord
les membres de la commission parlementaire pour l'invitation que vous nous avez
fait parvenir pour vous présenter le point de vue du Conseil du patronat et
pouvoir échanger bien évidemment avec vous.
D'entrée de jeu, nous tenons à saluer
l'objectif du projet de loi n° 42, qui vise à accorder une meilleure protection
aux personnes salariées contre le harcèlement psychologique et la violence à
caractère sexuel en milieu de travail. Le harcèlement psychologique et sexuel
et la violence sous toutes ses formes sont inacceptables. Ils n'ont pas leur
place dans notre société, y compris dans nos milieux de travail.
À la lecture du mémoire du CPQ, vous
pourrez comprendre, de façon plus exhaustive, nos réflexions dans l'optique que
les projets de loi peuvent être améliorés... pardon, les projets de loi peuvent
être améliorés afin de considérer à la fois les besoins des travailleurs et les
enjeux des employeurs, permettant ainsi une évolution de notre société. C'est
d'abord dans cet esprit que le CPQ apporte sa contribution aux discussions
portant sur la prévention du harcèlement psychologique et la violence à
caractère sexuel en milieu de travail. Les commentaires et réflexions que nous
vous présentons se veulent constructifs sur l'approche gouvernementale.
Je vais maintenant laisser la parole à ma
collègue pour qu'elle puisse détailler l'ensemble de nos recommandations.
Mme Perreault (Marie-Claude) : Merci
beaucoup. Merci à tous. Alors, je vais vous exposer les préoccupations du CPQ à
l'égard du projet de loi. Vous avez bien compris que le CPQ supporte et est en
accord avec l'objectif visé par le projet de loi. Nous avons même...
Mme Perreault (Marie-Claude) : ...participer,
en fait, aux travaux menés par les trois chercheuses.
Le premier point sur lequel j'aimerais
attirer votre attention, ce sont les restrictions aux droits d'accès au dossier
médical. Le CPQ est préoccupé par les restrictions qui sont introduites par le
projet de loi n° 42. Ces restrictions, quant à nous, remettre en question
l'équilibre fondamental de la Loi sur les accidents de travail et les maladies
professionnelles, ainsi que le droit des employeurs à une défense pleine et
entière.
La restriction du projet de loi vise à ce
que les employeurs n'aient pas accès au dossier médical et que les médecins
désignés par l'employeur ne puissent communiquer à cet employeur que, et je
cite, «les informations nécessaires pour lui faire un résumé du dossier et lui
donner un avis pour lui permettre d'exercer les droits que lui confère la loi.»
Je vous souligne une difficulté accrue
pratico-pratique pour les employeurs de trouver des médecins désignés, des
experts en médecine du travail... sont en déclin, nous sommes en pénurie à cet
égard. Donc, de placer une responsabilité additionnelle sur les médecins
désignés, les forçant, en fait, à évaluer le dossier et à décider quelles sont
les informations qui sont pertinentes à l'employeur pour qu'il puisse exercer
les droits, font en sorte de leur faire reposer sur les épaules un fardeau
beaucoup trop grand. Les professionnels de la santé et les employeurs, au
surplus, n'ont pas toujours les mêmes perspectives et objectifs lorsqu'ils
consultent le dossier médical.
Le CPQ est également préoccupé par le fait
que les restrictions semblent s'appliquer à tous les types de lésions et non
seulement à celles découlant de la violence à caractère sexuel, comme
initialement envisagé dans le rapport sur le harcèlement sexuel au travail, et
je réfère également au titre du projet de loi n° 42.
D'ailleurs, la recommandation 39 des
chercheuses ne visait que la réclamation de la part d'une victime de violences
à caractère sexuel et non pas tous les types de lésions. Les nouvelles
dispositions pénales que vous avez constatées qui sont proposées visent à
sanctionner l'employeur ou le professionnel de la santé qui obtient ou qui
tente d'obtenir le dossier médical auquel il n'a pas droit d'accès, ce qui
ajoute bien entendu une pression additionnelle sur les épaules de tous. Il y
aura beaucoup d'inquiétudes.
Le CPQ craint que ces restrictions aux
droits d'accès au dossier médical n'entraînent des conséquences significatives
sur la capacité des employeurs à exercer pleinement leurs droits. Cela va
augmenter aussi les coûts et les délais pour le traitement des dossiers, tout
en créant des obstacles additionnels à la défense des droits légitimes des
employeurs dans le processus.
D'ailleurs, il est inquiétant de lire dans
le rapport des chercheuses le fait qu'en contrepartie du fait que l'employeur
n'aura pas accès au dossier médical, le coût des lésions sera imputé aux
employeurs de toutes les unités. Donc, on pellette le coût de ces lésions dans
le fonds général sans que l'employeur en question ne puisse le gérer ni le
contester.
J'ai entendu tout à l'heure aussi la
recommandation de Juripop. Nous aurons un grave problème d'augmentation du coût
du fonds général. Quand on pellette ou qu'on transfère les coûts à l'ensemble
des employeurs, ceci a un impact assurément sur l'ensemble des employeurs du
Québec. Ça ne tombe pas dans le vide, il y a quelqu'un qui les assume.
Je termine sur ce point, sur cette
première question. Les renseignements personnels sont très bien protégés au
Québec, nous avons une législation récente très étendue sur la question, nous
avons aussi l'article 38.1 de la LATMP qui prévoit que l'employeur ou une
personne désignée ne peut faire autre chose avec l'information qu'elle récolte
en vertu de la loi. Je vous suggère ce qui suit : Pourquoi ne pas faire
confiance à la législation en vigueur au Québec plutôt que de restreindre
l'accès aux dossiers médicaux pour l'employeur et ainsi les priver de tout
l'éclairage pour exercer leurs droits? La question se pose.
Deuxième point. La définition de violence
à caractère sexuel est, selon nous, trop large et imprécise. Le CPQ est
particulièrement inquiet du fait qu'un seul événement puisse être qualifié de
violence à caractère sexuel sans qu'il soit nécessaire qu'il revête une
certaine gravité. Je vous amène avec le comparatif avec la Loi sur les normes
du travail, qui exige qu'un événement, pour qu'il soit qualifié de harcèlement
psychologique ou sexuel, il doit être grave, porter atteinte à la dignité ou à
l'intégrité psychologique ou physique de la victime et produire un effet nocif
continu...
Mme Perreault (Marie-Claude) : ...dans
cette optique, le CPQ propose également d'adopter la définition que l'on
retrouve à la Loi sur les normes du travail, par souci, également, de cohérence
législative. Ceci réduirait complètement... considérablement, excusez-moi, les
risques d'interprétation erronée et de confusion, tant pour les victimes que
pour les employeurs.
Je vous glisse un mot sur les nouvelles
présomptions de lésions professionnelles qui découlent de la violence à
caractère sexuel. L'étendue de la définition de violence à caractère sexuel est
assez préoccupante, considérant, entre autres, qu'il y a deux présomptions de
lésions professionnelles qui sont prévues à l'article 4 du projet de loi
n° 42 qui sont associées à la définition. Nous nous questionnons à savoir
comment ces présomptions seront appliquées. Par exemple, comment est-ce
qu'elles pourront être renversées? Que signifie exactement l'expression
«contexte strictement privé»? Ce serait difficile d'en faire la preuve et de
pouvoir renverser cette présomption.
• (17 h 20) •
Je vous glisse un mot maintenant sur le
point de l'octroi de dommages punitifs dans le cadre d'un recours de
harcèlement psychologique. Le projet de loi prévoit l'octroi de dommages
punitifs, dans le cadre d'un recours pour harcèlement, sans poser d'exception
si la personne salariée est victime d'une lésion professionnelle au sens de la
loi. Il s'agit d'une brèche qui modifie l'équilibre de notre régime de
responsabilité sans faute. Le projet de loi n° 42 ne devrait pas remettre
en cause la constitution de notre régime actuel d'indemnisation ainsi que le
principe de base, bien ancré, de notre régime de responsabilité sans faute. La
nouvelle disposition du projet de loi n° 42 qui modifie la loi, telle que
proposée, pourrait, assurément, être contestée et va, aussi, bien au-delà du
rapport de recherche qui sous-tend le projet de loi qui est devant nous
aujourd'hui. J'ajoute, après avoir entendu la possibilité de poursuivre
quelqu'un qui pourrait avoir commis du harcèlement, ceci aussi serait une
brèche importante dans notre régime de responsabilité sans faute que nous nous
sommes dotés au Québec, tout comme le régime des accidentés de la route.
Je glisse un mot sur le contenu de la
politique de prévention et de prise en charge des situations de harcèlement.
Nous émettons des réserves quant à l'obligation de l'employeur de prévenir le
harcèlement provenant de toute personne. Ceci est une notion très large, comme
vous l'avez d'ailleurs souligné avec les gens de la CSQ. Le CPQ émet certaines
réserves quant à la proposition du projet de loi de prévoir, de façon très
détaillée, ce que doit contenir la politique de prévention et de prise en
charge des situations de harcèlement psychologique. Le CPQ doute du fait que de
dicter, de façon aussi détaillée et explicite, le contenu d'une politique à
adopter par les employeurs soit réellement souhaitable. Il faut considérer que
chaque employeur est différent. Les moyens de prévention de...
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
Mme Perreault, je suis désolée, merci, c'est tout le temps que nous avions.
Mme Perreault (Marie-Claude) : Parfait.
J'avais terminé, merci.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
Donc, la période d'échange étant commencée, M. le ministre, la parole est à
vous.
M. Boulet : Merci, M.
Blackburn. Merci, Me Perreault. Merci de partager l'objectif, évidemment, de ce
projet de loi. Et, effectivement, vous avez contribué, de façon active, aux
travaux, notamment, qui ont été effectués par le comité d'expertes, puis
souvenez-vous que le solage de ce projet de loi là réside dans le grand rapport
Rebâtir la confiance.
Vous soulevez, dans votre mémoire,
beaucoup de questions, puis il faudrait peut-être s'en reparler, Me Perrault,
puis je sais que vous avez l'expertise en matière de santé et sécurité du
travail, mais juste vous rappeler... Tu sais, je voyais, dans votre mémoire...
puis j'aimerais ça vous entendre là-dessus, parce que je ne suis pas sûr de
bien saisir. Vous dites : «Ne pas prévoir de dispositions concernant la
confidentialité du dossier médical». Puis vous comprenez que, quand on fait un
projet de loi, on tente d'être le plus équilibré possible, à bien des égards.
On nous dit, d'autres groupes, que la confidentialité n'est pas suffisamment
assurée, mais 38 puis 38.1, il n'y a pas d'amendement important sur, notamment,
la possibilité du professionnel de la santé désigné par l'employeur d'obtenir
les informations médicales qui sont pertinentes. Et je me demandais pourquoi
vous disiez : «Ne pas prévoir de dispositions concernant la
confidentialité du dossier médical». Est ce que... Parce que 38 était là aussi,
là, dans la LATMP. Est ce que... Peut-être si vous pouviez me préciser un peu
plus votre point de vue?
Mme Perreault (Marie-Claude) : Oui,
absolument, avec plaisir. Merci, M. le ministre. En fait, les articles qui sont
modifiés prévoient maintenant un premier...
Mme Perreault (Marie-Claude) : ...constat,
l'employeur n'a pas droit d'accès au dossier médical, et le professionnel de la
santé doit maintenant ne transmettre que les informations nécessaires pour permettre
l'exercice d'un droit.
Donc, il y a des précisions qui ont été
apportées dans le projet de loi qui font en sorte que le professionnel de la
santé devra évaluer quelles sont ces informations importantes ou pertinentes
pour l'exercice du droit, et aussi l'introduction des dispositions d'ordre
pénal, qui peuvent aller jusqu'à 5 000 $ pour le professionnel de la santé
ainsi que pour l'employeur. Ce sont des dispositions extrêmement préoccupantes,
et vous savez comme moi, pour participer aux travaux du CCTM sur la pénurie des
médecins à l'heure actuelle, ça va être difficile de pouvoir avoir, disons,
leur participation sans crainte d'être poursuivi.
M. Boulet : O.K., ça va.
Effectivement, 38 prévoit un droit d'accès, alors que, là, on prévoit qu'il n'a
pas accès, de manière à protéger la confidentialité des informations, mais le
professionnel de la santé désigné par l'employeur peut avoir accès aux
informations pertinentes. Je pense que le résultat pratique est sensiblement le
même, mais je trouve ça intéressant, ce que vous nous soumettez. Et vous
comprenez, encore une fois, que d'autres groupes souhaiteraient que ce soit
plus serré.
La désimputation, qui était recommandée,
vous le savez, Me Perreault, par les expertes, donc on impute au fonds général,
sauf quand il y a une responsabilité, entre guillemets, de l'employeur ou d'un
de ses représentants dans ses relations avec les employés. Plusieurs nous
demandent que, la désimputation soit généralisée, indépendamment de qui est
l'auteur du harcèlement ou de la violence à caractère sexuel, de manière à
déjudiciariser. Quel est, selon vous, l'impact pratique de la désimputation
versus l'imputation? C'est quoi, le raisonnement que font les employeurs,
généralement, quand ils sont imputés? Est-ce qu'il y a un impact positif ou
négatif sur la judiciarisation?
Mme Perreault (Marie-Claude) : Bon.
D'abord, l'imputation, ce n'est pas une punition à l'employeur, l'imputation
est formulée en fonction de calculs actuariels qui déterminent le risque et qui
classifient nos employeurs dans certaines catégories. Donc, d'imputer ou de ne
pas imputer un employeur, ce n'est pas en termes : est-ce qu'il est
responsable ou pas? Pour répondre à votre question, l'effet pratico-pratique...
quand on met l'ensemble des coûts dans le fonds général, l'employeur pourrait
se sentir un peu moins concerné par la gestion du dossier et le laisser aller.
La préoccupation, M. le ministre... Quand
j'ai relu le rapport des chercheuses, quand il est dit que, compte tenu que
l'employeur n'aura pas droit d'accès, on va imputer ça au fonds général, ce
n'est pas une bonne solution parce que, de toute façon, le fonds général, il
est assumé par l'ensemble des employeurs du Québec. Si les dossiers ne sont pas
gérés et sont imputés au fonds général, les coûts augmenteront pour l'ensemble
des employeurs, et probablement de façon exponentielle s'il n'y a personne qui
se sent, je vais dire imputable, le mot est peut-être fort, d'en faire une
gestion adéquate. À titre de membre du conseil d'administration de la CNESST,
je suis préoccupée, en termes de bonne gouvernance, sur l'impact que ceci
pourrait avoir sur le fonds et le coût du fonds pour l'ensemble des employeurs.
M. Boulet : Mais je reviens à
l'impact pratique. S'il y avait une imputation selon les règles régulières,
est-ce qu'il n'y a pas un risque d'augmentation des dossiers de judiciarisation
qui mènerait à des atteintes potentielles à la vie privée des victimes de
violences à caractère sexuel? C'est un élément qui était soulevé ce matin.
Qu'est-ce que vous en pensez...
Mme Perreault (Marie-Claude) : Bon.
Le fait qu'ils soient imputés ou non...
M. Boulet : ...en pratique,
oui.
Mme Perreault (Marie-Claude) : Oui.
Le fait qu'ils soient imputés ou non au fond n'a aucun impact sur la
déjudiciarisation. L'employeur a un droit, notamment prévu aux cinq points de
l'article 212, de contester certains aspects d'une lésion professionnelle. Où
serait l'abus, où serait l'augmentation des contestations? En bout de compte,
ce sont les employeurs qui en sont imputés, et la loi prévoit, il n'y a aucune
modification, puis c'est bien ainsi, prévoit un droit de contestation de
l'ensemble des points. Donc la déjudiciarisation...
Mme Perreault (Marie-Claude) : ...déjudiciarisation.
Et là où l'impact financier sera imputé n'a, pour moi, pas de lien entre les
deux... Je pense que c'est une fausse solution au problème.
M. Boulet : Ce n'est pas
l'avis de tout le monde. Et l'absence de désimputation, selon moi dans certains
dossiers pourrait avoir un impact qui inciterait des employeurs à aller plus
loin dans l'obtention de renseignements personnels où il y aurait une
augmentation des dossiers de... qui seraient contestés au Tribunal
administratif du travail. Il y en a qui le font systématiquement.
Je veux juste revenir, Me Perreault. Je
voyais aussi, là, puis...
Mme Perreault (Marie-Claude) : Oui.
M. Boulet : Tu sais, quand
vous dites : On dicte trop dans le contenu minimal de la politique de
prévention et de prise en charge qui va faire partie du programme de prévention
ou du plan d'action, là, dépendamment de la... du nombre d'employés en vertu de
la LATMP, qu'est ce que vous dites à ceux qui nous mentionnent qu'il n'y a pas
assez d'information expliquant aux employeurs comment se comporter? Puis vous
avez entendu des groupes la mentionner alors que vous, vous trouvez que le
projet de loi est peut-être un peu trop directif. Où est l'équilibre?
• (17 h 30) •
Mme Perreault (Marie-Claude) : Oui,
en fait, sur l'information aux employeurs, je suis de celles qui le prônent. Je
pense que la CNESST a un rôle d'information. Le CPQ et les autres organisations
patronales ont un devoir, et nous informons, nous formons les employeurs. On
n'a jamais assez d'information et de formation. Par contre, le fait que la loi
prévoie exactement ce que doit contenir la politique, c'est que ça ne... ça ne
conviendra pas systématiquement à l'ensemble des organisations, chaque
employeur est différent et on dit depuis toujours que chaque employeur doit
adapter ses mesures en fonction de sa réalité.
M. Boulet : Je suis pas mal
d'accord avec ce propos-là, Me Perreault. C'est ce qu'on appelle la prise en
charge par les milieux de travail...
Mme Perreault (Marie-Claude) : Exact.
Oui.
M. Boulet : ...qui doivent
identifier leurs propres risques pour mieux les contrôler, éventuellement les
éliminer, et améliorer leur bilan lésionnel. Je pense qu'on s'entend
relativement bien.
Vous posez des questions sur les
présomptions. Je sais que l'ajout de présomptions, ça ennuie. En même temps,
vous dites : Est-ce que les présomptions peuvent être renversées? Vous
connaissez ça aussi bien que moi, ce sont des présomptions relatives et non des
présomptions absolues, ou des présomptions dont on peut renverser... qui
peuvent faire l'objet d'un renversement s'il n'y a pas de blessures, s'il n'y a
pas de maladie, ce n'est pas par le fait ou à l'occasion du travail, on peut
faire une preuve, même si la présomption s'applique, de l'absence de lien de causalité.
Bon, ces questions-là, je pense que vous les posiez pour des raisons un peu
académiques. Le contexte strictement privé, ça nous est recommandé parce qu'il
y a des cas qui ont été même documentés, dans certaines décisions de
jurisprudence, où il n'y a aucun lien de connexité avec le travail, puis la
violence ou le harcèlement de nature sexuelle, qui souvent est une composante
du harcèlement psychologique, peut survenir dans un... dans un environnement
qui est tout à fait personnel, qui n'a aucun rapport avec le travail. Je sais
qu'il y a des risques d'interprétation ou d'application. Si je vous demandais à
vous, Me Perreault, de me dire qu'est ce que vous pensez de ce que peut être un
contexte strictement privé, qu'est ce que vous me diriez?
Mme Perreault (Marie-Claude) : Je
vous dirai que je pense que ça n'existe pas. Pour en avoir fait des tonnes de
ces dossiers-là, c'est extrêmement difficile, c'est un concept qui... Je ne
vois pas comment je pourrais administrer une telle preuve sans rentrer dans la
vie privée des victimes et/ou des mises en cause. Alors, les présomptions
telles que la loi les prévoit à l'heure actuelle sont suffisantes pour le
harcèlement. Remettons-nous... remettons-nous-en aux présomptions telles
qu'elles existent, et on n'aura pas besoin de la présomption actuelle et la
notion de strictement privé qui... qui... qui n'est pas un fardeau, selon moi,
qui... qui pourra être rencontré. Et si c'est strictement privé, la
jurisprudence, ce qu'elle nous dit, c'est que la présomption ne s'applique pas
et, en bout de compte, ce n'est pas une lésion professionnelle, et nous faisons
la preuve en abondance de ça.
M. Boulet : Par le fait...
Oui, tout à fait, parce que ce n'est pas par le fait ou à l'occasion du
travail. Il n'y a pas de lien entre les deux. Je vous comprends...
17 h 30 (version non révisée)
Mme Perreault (Marie-Claude) : C'est
ça.
M. Boulet : Puis le délai de
trois mois, plusieurs groupes nous ont dit que ce délai de trois mois - ça, c'est
l'autre présomption, là, la maladie qui survient dans les trois mois d'une
violence à caractère sexuel - les experts, les médecins nous disent tous que
trois mois, c'est même peut-être un peu trop, là, parce que... mais trois mois,
ça donne une valeur probante à la présomption. Mais plusieurs groupes nous
disent : Ça devrait être beaucoup plus que trois mois, ou qu'il n'y ait
pas de délai, que la présomption de maladie professionnelle s'applique
indépendamment de ce type de délai là. Mais, en même temps, Me Perreault, vous
le savez, c'est des présomptions qui renversent un fardeau de preuve, mais que
je comprends, là, peuvent imposer une mécanique additionnelle aux employeurs.
Mme Perreault (Marie-Claude) : Oui.
«Sans délai», une présomption, je l'ai entendu tantôt, c'est inconcevable, là,
dans notre système actuel, sans présomption. Notre système, tout notre système,
qui fonctionne bien, est basé sur la crédibilité, le lien de causalité, la
présomption, les faits contemporains à un diagnostic. Nous connaissons ces
éléments-là et nous les appliquons, on va pouvoir les appliquer aussi sur le
harcèlement. Puis donc le trois mois, pour nous, s'il était maintenu, je ne
crois pas qu'il devrait être allongé.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
M. Boulet : Super... Bien
compris. J'aurais... Oui, O.K., ça va. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
beaucoup. Je cède maintenant la...
M. Boulet : Merci à Me
Perreault. Merci, Karl.
M. Blackburn (Karl) : Ça fait
plaisir.
La Présidente (Mme D'Amours) : Je
cède maintenant la parole à la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme Cadet : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, M. Blackburn, bonjour, Me Perreault.
M. Blackburn (Karl) :
Bonjour.
Mme Cadet : Toujours un
plaisir. La première question... Donc, j'irais peut-être dans l'ordre de votre
mémoire. Donc, vraiment, donc, sur la question de la définition des violences à
caractère sexuel, vous n'êtes pas le premier groupe à nous parler aujourd'hui
de la possibilité de confusion ici, puis vous amenez la question de la notion
de gravité, puis c'est un élément qu'on retrouve dans un autre mémoire
également, là, on devrait en entendre parler au cours des prochains jours
aussi. Donc, dans les différents... donc, dans les différentes sphères, donc,
il semble donc y avoir, donc, potentiellement, donc, un risque, selon ce que je
lis de votre mémoire, que cette définition-là, donc, ne trouve pas
nécessairement sa place au sein de notre corpus législatif. C'est ce que c'est...
C'est là votre préoccupation?
Mme Perreault (Marie-Claude) : Je
ne dirais pas que ça n'a pas de raison d'être dans notre corpus législatif, j'y
vais plus sur le principe de la cohérence législative, et puis là on prend des
termes différents, alors qu'on les connaît, ces termes-là, on travaillait avec
le harcèlement sexuel avant la venue du projet de loi, bien entendu, on les
plaidait sous l'article 2 et tout. Donc, c'est juste de s'assurer que les
définitions soient identiques, parce que là on a l'impression que ça vise une
autre situation, et j'irais même... d'après moi, ça pourrait même être
confondant pour les victimes qui ont à déposer un recours ou une plainte.
Alors, selon moi, c'est une question de peaufinement de la définition pour s'assurer...
parce que, là, on a l'impression que ça vise un tout type autre situation, ce
qui n'est pas le cas selon ma compréhension des choses.
Mme Cadet : Ensuite, étant
donné le temps qui nous est imparti, bien, peut-être justement, là, sur la
question que vous m'avez entendue poser un peu plus tôt, là, de... provenant de
toute personne, puisqu'on n'a pas eu l'occasion d'en discuter, donc, avec le
ministre, donc, essentiellement, donc, parce que ce que je lis de votre
mémoire, la notion, donc, semble être assez large, donc. Plus tôt, donc, la CSQ
nous disait donc : Toute personne qui... tout tiers... La portée n'était
pas nécessairement tout à fait définie. Donc, vous, est-ce que vous... j'imagine,
vous trouvez que la définition, donc, n'est pas assez précise ici et que ça
porte... en fait, ça peut prêter... confusion, là, au niveau d'un employeur.
Mme Perreault (Marie-Claude) : Oui.
Bien, en fait, toute personne... l'employeur ne peut pas être responsable du
comportement de toute personne, point, il faut que ça soit dans un contexte de
travail et tout. Mais là, la façon dont c'est rédigé, c'est une responsabilité
de prévention à l'égard du comportement de tout le monde, là. Alors, ce qu'on
voit beaucoup dans la jurisprudence puis ce qu'on plaidait, comme je disais,
avant le p.l. n° 42, c'est que c'est sûr qu'une personne...
Mme Perreault (Marie-Claude) : ...qui
doit intervenir avec les travailleurs, qui doit se présenter sur les lieux du
travail, qui doit avoir des interactions, bien, l'employeur a une obligation de
prévenir, donc l'employeur a une obligation de s'assurer que sa politique de
harcèlement, qu'elle soit psychologique ou sexuelle, soit connue aussi des
partenaires d'affaires. Alors, c'est plus là où on doit circonscrire. Donc,
encore là, je pense que ce n'est pas une question d'intention trop large, mais
peut-être de peaufinement de la rédaction pour s'assurer que c'est bien compris
de tous, que ce sont les gens qui ont des interactions. Je le dis, ce n'est pas
comme ça que le législateur devrait l'écrire, mais c'est une personne qui a des
interactions avec les salariés qui sont protégés et qui sont visés par la
politique.
Mme Cadet : D'accord, merci.
C'est très clair. Prochain élément porte sur le lien... bien, le lien de
connexité plus tôt, donc, vous disiez, donc le contexte strictement privé,
donc, pour vous, tout simplement, ça n'existe pas. Puis moi je perçois une
espèce d'unanimité ici, donc, groupe après groupe, peu importe, donc, les
intérêts qui sont... qui sont visés, donc, semblent nous dire : Bien,
c'est très difficile de ... bien, en fait, ça continue de perpétuer des... mêmes
des stéréotypes, là, lorsqu'on met, donc, cet cjout-là dans... cette
expression-là, dans le projet de loi, de contexte strictement privé. Donc,
c'est... vous souscrivez un petit peu dans ces éléments-là aussi.
• (17 h 40) •
Mme Perreault (Marie-Claude) : Oui.
Puis j'ai entendu mes collègues de la CSQ tantôt, oui, c'est une preuve qui est
extrêmement difficile à faire. Mais je comprends l'intention, l'intention,
c'est de permettre à l'employeur de pouvoir renverser la présomption. Mais le
point de vue du CPQ, c'est que la loi telle qu'elle est rédigée à l'heure
actuelle et... nous pouvons l'utiliser en matière de harcèlement, il n'est pas
nécessaire de créer une présomption additionnelle pour qu'elle puisse
s'appliquer. On a les articles 28, on a les articles 29. On pourrait faire des
petites modifications en lien avec le diagnostic, mais là on crée une nouvelle
présomption, puis on permet à l'employeur... on dit : Elle est réfragable,
donc vous pouvez faire la preuve que c'est strictement privé. Mais pratico-pratique,
dans les faits, après 33 ans, je ne sais pas, je me pose la question, je ne
sais pas comment je pourrais administrer une telle preuve.
Donc, j'inviterais le législateur, le
gouvernement à s'en remettre aux présomptions qui sont actuellement dans la
loi, qui font le travail, qui font le travail.
Mme Cadet : Parfait. Merci. Je
vais laisser le reste de mon temps...
La Présidente (Mme D'Amours) : Et
je vais céder maintenant la parole à Mme la députée de La Pinière. Pour votre
groupe, il vous reste quatre minutes.
Mme Caron : Merci, Mme la
Présidente. Alors, merci beaucoup à vous deux, à votre présence et à votre
présentation. D'entrée de jeu, vous avez mentionné que vous représentez 70 000
employeurs de toutes tailles. Ma question à vous : Est-ce que le projet de
loi, dans l'état actuel ou avec ou sans vos recommandations intégrées, est-ce
qu'il est applicable pour l'ensemble de vos... de vos membres, peu importe la
taille de l'entreprise?
Mme Perreault (Marie-Claude) : Mais
je vais vous dire quelque chose d'emblée, le fait que le harcèlement sexuel et
psychologique soit interdit et dénoncé, ça, ça s'applique à tous les employeurs
d'une petite PME à une multinationale. Et le CPQ va toujours soutenir ceci.
Ceci étant dit, il y a des petites
particularités dans la loi, notamment sur le fardeau imposé aux médecins
désignés, les coûts additionnels que ceci va entraîner, le fait que la
politique soit vraiment détaillée, bien, une petite entreprise n'a pas le
même... la même réalité qu'une multinationale ou qu'une moyenne entreprise. Et
de là nos commentaires spécifiques sur ces dispositions-là qui méritent
probablement d'être peaufinées pour que tous puissent y adhérer et qu'elles
soient applicables aux entreprises du Québec.
Mme Caron : Merci beaucoup.
Vous avez mentionné la question du... de l'accès au dossier médical et vous
avez dit : Le médecin doit donner uniquement les renseignements utiles,
nécessaires, et que ce n'est peut-être pas les informations que l'employeur...
dont l'employeur a besoin. Est-ce que vous pour... sur ce point?
Mme Perreault (Marie-Claude) : Oui,
bien sûr. Oui, rapidement, c'est que les modifications qui sont proposées
indiquent que, maintenant, le médecin désigné ne pourra communiquer à
l'employeur que les informations nécessaires. Je vous fais grâce du reste de la
phrase, là, mais pour l'exercice des droits. Donc, le médecin aura une
obligation de faire le tri...
Mme Perreault (Marie-Claude) : ...pour
se poser la question : Quelles sont les informations qui seront
nécessaires pour l'employeur pour exercer les droits sous peine d'avoir une
plainte pénale entre 1 000 et 5 000 $? Je peux vous garantir...
Je touche... Je peux vous garantir qu'on avait de la difficulté à trouver des
médecins désignés. Avec les modifications telles que rédigées, il n'y a pas un
médecin en médecine du travail qui va oser s'aventurer et décider quelles sont
les informations utiles... ou nécessaires, pardon, pour l'employeur. Ça va être
une grande difficulté.
Mme Caron : ...les médecins
spécialisés dans ce domaine-là ont la formation pour... en matière de
harcèlement psychologique, pour savoir, selon la définition de la loi, ce qu'on
entend, ce qui constitue du harcèlement ou ce qui constitue une violence à
caractère sexuel? Est-ce que ces médecins...
Mme Perreault (Marie-Claude) : Non.
Mme Caron : Donc, alors,
peuvent-ils vraiment être à même de donner uniquement les informations
nécessaires pour statuer finalement sur des cas comme ça?
Mme Perreault (Marie-Claude) : Non.
Il y en a qui peuvent peut-être plus que d'autres, bien entendu, là j'en fais
une règle générale, mais non. Et l'employeur, quand on reçoit les avis des
médecins désignés puis qu'on regarde le dossier médical, on fait un tri aussi
dans ces éléments-là puis on évalue à fonction de ça, on a l'éclairage
nécessaire pour prendre une décision. Là, c'est le médecin qui devra le faire.
Je pense que ce qui va arriver, c'est qu'on va être obligé d'aller au Bureau
d'évaluation médicale et au Tribunal administratif du travail, aller chercher
une ordonnance pour se faire communiquer le dossier et prendre une décision
éclairée, ce qui, avec les délais actuels du BEM et ce qu'on connaît au TAT, je
ne pense pas que c'est souhaitable dans les circonstances. Il peut y avoir un
effet pervers à cette limitation.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
beaucoup. Nous terminons avec... cette période d'échanges avec le député
d'Hochelaga-Maisonneuve pour une durée de trois minutes 23 secondes.
M. Leduc : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour à vous deux.
M. Blackburn (Karl) : Bonjour.
Mme Perreault (Marie-Claude) : Bonjour.
M. Leduc : On a fait
référence plus tôt à l'adoption d'un règlement qui sera nécessaire suite à
l'adoption de ce projet de loi là puis, un peu comme ce qu'on avait fait dans
le cadre du projet de loi n° 59, on avait réfléchi à une limite, une date
limite où on devrait pouvoir avoir à adopter ce règlement-là, sinon l'État, le
ministre en particulier, se verrait un peu dans l'obligation d'appliquer...
C'était une espèce de mécanisme pour forcer la bonne entente, en quelque sorte,
s'assurer qu'il y ait un résultat des discussions, que ça ne soit pas pelleté
de manière éternelle... Puis là je ne lance pas de blâme d'une partie ou d'une
autre, là, mais c'est juste un constat qu'on faisait. Là, où je veux atterrir,
c'est que là, il y a des gens qui proposent de faire la même chose, de mettre
une date limite de deux ans ou des poussières, quelque chose comme ça, pour
dire s'il n'y a pas de règlement, on oblige le ministre à le faire. Est-ce que
c'est quelque chose avec lequel vous êtes confortables?
Mme Perreault (Marie-Claude) : J'ai
entendu votre question tantôt et j'ai eu la chance d'y réfléchir. Vous savez
que tant les membres patronaux que syndicaux travaillent extrêmement fort sur
nos comités. J'en suis témoin moi-même. Le paritarisme, les discussions, il y a
des travaux... si vous saviez tous les travaux que ces gens-là... et que nous
faisons également, c'est costaud, c'est colossal. Donc, de mettre un délai,
c'est de mettre aussi de la pression sur l'ensemble des comités qui sont déjà
extrêmement chargés. Puis ce n'est pas parce que les gens se traînent les
pieds, je vous dis, c'est incroyable de voir ça, c'est... c'est respectable,
puis je le répète, c'est patronal et syndical. Donc, de mettre un délai, est-ce
qu'on ne vient pas mettre un peu trop de pression dans la machine qui est déjà
surchauffée compte tenu de l'ensemble de la réglementation qui doit être
adoptée suite au p.l. 59? Je vous retourne un peu la question, là. Je n'ai
pas l'air à trancher. Mon idée n'est pas nécessairement arrêtée, mais c'est
venu me questionner sur l'impact que ceci pourrait avoir sur l'ensemble de nos
comités, des gens qui sont la plupart bénévoles aussi, hein...
M. Leduc : Bien sûr.
Mme Perreault (Marie-Claude) : ...sur
ces comités-là et qui travaillent très fort.
M. Leduc : L'esprit de ça,
dans 59 en tout cas, comment moi je l'avais perçu, ce n'était pas de dire que
les gens qui sont actuellement en train de travailler sur des comités se
traînent les pieds ou se tournent les pouces. Bien au contraire, c'était plus
dans une philosophie de se dire : Peut-être que ça faciliterait
politiquement des compromis entre les deux parties, de savoir qu'il y a une
date butoir au-delà de laquelle, tu ne sais pas trop, le ministre, il va
pencher de quel bord. Ça va-tu être le même ministre? Ça va être le même parti
au pouvoir? Ça forçait un peu les deux parties à trouver plus rapidement des
compromis. À la limite, je me disais : Peut-être que ça va accélérer les
travaux plutôt que bousculer le reste de l'ensemble. Donc, c'est un peu ça la
philosophie qu'on avait fait dans 59, et je pense que c'est ce que...
M. Leduc : ...j'ai entendu
aujourd'hui aussi.
Mme Perreault (Marie-Claude) : Oui,
bien, la pression politique, c'est une chose, mais je peux vous dire, puis j'ai
vu tous mes vis-à-vis, tantôt, qui ont présenté, avec qui on a d'excellents
liens et des échanges très constructifs, la pression... la pression d'une
décision, ce n'est pas nécessairement ça qui nous anime, mais c'est de trouver
la meilleure solution pour protéger nos milieux de travail et que ce soit...
que l'ensemble des employeurs puissent et aient la capacité de le faire et
adhèrent aux solutions qui sont mises sur la table. Ça peut peut-être avoir cet
effet-là, mais ce n'est pas ce qui gouverne les discussions des parties aux
tables sur l'ensemble des comités.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
Je vous remercie, M. Blackburn et Mme... Me Perreault, pour votre contribution
à nos travaux, à la commission.
Mme Perreault (Marie-Claude) : Avec
plaisir.
La Présidente (Mme D'Amours) : Et
je suspends les travaux quelques minutes afin de permettre aux prochains
invités de prendre place. Merci.
M. Blackburn (Karl) : Merci
de votre attention. Au revoir.
La Présidente (Mme D'Amours) : Au
revoir.
(Suspension de la séance à 17 h 50)
(Reprise à 17 h 54)
La Présidente (Mme D'Amours) : Nous
reprenons nos travaux, et je souhaite maintenant la bienvenue à la Fédération
des chambres de commerce du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10
minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange. Je vous
demande donc de vous présenter et de nous lire votre exposé, s'il vous plaît.
M. Milliard (Charles) : Alors,
merci, Mme la Présidente. M. le ministre, Mmes, MM. les députés, bonsoir. Merci
de nous accueillir pour vous parler de l'important projet de loi no 42, qui
vise à prévenir et à combattre le harcèlement psychologique et la violence à
caractère sexuel en milieu de travail. Je profite aussi de l'occasion pour vous
souhaiter une bonne rentrée parlementaire à tous et à toutes.
Alors, je me présente, Charles Milliard,
P.D.G. de la FCCQ. Je suis accompagné de mes deux experts, j'allais dire
maison, mais deux experts point, M. Alexandre Gagnon, donc, qui est
vice-président Travail, Capital humain, et Mme... Me Zeïneb Mellouli, qui est
coprésidente de notre comité Ressources humaines et associée au cabinet
d'avocats Lavery.
Alors, d'entrée de jeu, je mentionne à
quel point nous sommes heureux de l'évolution récente de notre société envers
le sujet qui nous rassemble aujourd'hui. Les mouvements sociaux des dernières
années ont démontré l'importance de décrier haut et fort les abus et les
violences à caractère sexuel dans notre société. Avec les mouvements Dis son
nom et Me too, la parole se libère enfin au sujet des inconduites sexuelles,
tout en mettant en lumière certaines lacunes de notre système judiciaire.
Évidemment, notre système de gestion de ces violences à caractère sexuel en
milieu de travail a également besoin d'être dépoussiéré.
Alors, si vous avez accepté de nous
recevoir aujourd'hui, c'est pour vous donner le... qu'on vous donne le pouls,
en fait, du milieu économique, alors, c'est ce qu'on fait avec les 11
recommandations qu'on a conclues, qu'on a écrites, en fait, dans notre mémoire
et qui sont le reflet de discussions avec nos membres, à travers, entre autres,
les comités de travail que représente Me Mellouli ici ce soir. Alors,
évidemment, on prend ces recommandations pour ce qu'elles sont, c'est-à-dire un
exercice qui vise à préciser la portée du texte original et non une critique du
concept derrière le projet de loi, auquel, je le rappelle, nous souscrivons
totalement, et je crois que c'est le cas de l'ensemble des participants depuis
ce matin.
Parmi les enjeux soulevés, de façon
globale, on note la complexité du système de dénonciation, les multiples portes
d'entrée du même système et le manque de soutien auprès des victimes. Alors,
collectivement, nous devons faire mieux pour nous assurer d'éliminer la culture
d'impunité encore présente dans certains milieux de travail. Je me permets,
dans les prochaines minutes, de souligner quelques-unes des recommandations de
façon plus précise.
Alors, premièrement, il est primordial,
selon nous, de bien définir ce qu'est une violence à caractère sexuel. À
première vue, on convient qu'une définition très large peut avoir des avantages
certains. Cependant, lorsque prise dans un contexte légal, ce qui est
malheureusement souvent le cas, et en examinant son application éventuelle, il
nous apparaît impératif d'y apporter des précisions. De plus, pris dans un
contexte... d'admissibilité, pardon, une définition plus précise permettrait
une plus grande adhésion à l'application éventuelle d'une présomption. Le
projet de loi no 42 à l'étude aujourd'hui propose d'ailleurs l'ajout de deux
présomptions.
Pour mémoire, on l'a mentionné plus tôt
aujourd'hui, rappelons qu'avec l'adoption du projet de loi no 59 venant
moderniser le régime québécois de SST, le législateur a prévu la création d'un
comité scientifique sur les maladies professionnelles afin d'effectuer une
analyse rigoureuse et scientifique des présomptions à ajouter aux règlements
pertinents. Selon notre compréhension, d'ailleurs, ce comité devrait être
constitué très prochainement, et son travail, il est crucial. En plus
d'examiner la pertinence scientifique, d'où le nom, de l'ajout des
présomptions, ce même comité pourra proposer des liens de causalité entre
certains diagnostics et la présence de risques avérés dans certains milieux de
travail et émettre, donc, conséquemment, certaines balises quant à la gravité
mais aussi à la fréquence d'exposition de ces risques.
C'est donc en respect des consensus
intervenus auprès des acteurs sociaux, mais également des divers parlementaires
qui ont participé à l'adoption du p.l. no 59 qu'on vous propose bien humblement
que ces articles soient retirés du présent projet de loi et qu'un mandat
officiel soit donné au Comité scientifique sur les maladies professionnelles de
se pencher sur la question. La pertinence du travail du comité nous apparaît
tout aussi valide et valable pour le p.l. 59 que pour le p.l. no 42.
Sur un autre sujet, la pandémie a
généralisé le recours au télétravail, comme vous le savez...
M. Milliard (Charles) : ...au
cours des dernières années. Même si les bons côtés de cette pratique sont de
toute évidence très clairs, ça signifie également que le travailleur est
dorénavant exposé à d'autres risques dans un environnement qui n'est pas
contrôlé par l'employeur et sur lequel il doit même assurer une certaine
réserve, évidemment, concernant le respect de la vie privée.
La CNESST définit une lésion
professionnelle comme étant une blessure ou une maladie survenue par le fait ou
à l'occasion du travail. Dans un contexte de prévention des violences à
caractère sexuel en situation de télétravail, il nous apparaît opportun qu'on
vienne de spécifier que la blessure ou la maladie est survenue par le fait et à
l'occasion du travail. Il ne s'agit pas d'une mince affaire ici, j'en suis
conscient, mais c'est pourtant essentiel. Même si les employeurs ont dorénavant
une obligation de vigilance et d'accommodement en regard aux violences
familiales, l'indemnisation d'un tel événement devrait être balisée afin
d'éviter qu'un événement s'assimilant de violence à caractère sexuel survenu
dans le cadre du travail, mais non par le fait du travail, ne soit pas couvert
par la commission. Alors évidemment, on ne dit pas de ne pas supporter ces
victimes, bien au contraire, mais que cette indemnisation devrait plutôt être
faite par le Régime d'indemnisation des victimes d'actes criminels, l'IVAC. Bref,
à chaque régime sa mission, à chaque régime sa responsabilité.
• (18 heures) •
Parlons maintenant du dossier médical, on
l'a abordé plus tôt aujourd'hui. Même si le projet de loi a pour objectif de
prévenir et de combattre le harcèlement et les violences à caractère sexuel, il
vise parfois beaucoup plus large et vient changer certains éléments pour
l'ensemble des lésions professionnelles. Il le fait notamment, comme vous le
savez, en proposant de modifier les articles 38 et 39 de la Loi sur les
accidents de travail et les maladies professionnelles en rapport donc à l'accès
au dossier médical du travailleur.
Sur le fond, on comprend très bien et on
supporte la pertinence de limiter l'accès à des informations hautement
confidentielles quant à l'état de santé du travailleur. Cependant, dans la
pratique, certains... ces articles, pardon, viendraient, porter un fardeau
administratif encore plus grand pour les professionnels de la santé, et nous
craignons que, plutôt que d'alléger le fardeau pour l'ensemble des parties
prenantes, y compris les victimes, ces articles risquent de ralentir, alourdir
et évidemment judiciariser encore davantage les dossiers. Il y aurait lieu,
selon nous, de viser une meilleure efficience et de rappeler encore une fois la
pertinence du droit de gestion dans nos organisations, entre autres dans une
perspective de planification potentiellement du retour au travail.
Finalement, le projet de loi vient
également préciser le contenu de la politique de prévention et de prise en
charge des situations de harcèlement psychologique. Nous sommes d'accord qu'un
employeur doit évaluer et prendre en compte l'ensemble des éléments qui y sont
considérés, mais nous faisons face ici, selon nous, un exemple de redondance
comparativement à ce qui est demandé aux employeurs dans le cadre du programme
de prévention prévu à la LSST. Le projet de loi vient d'ailleurs proposer
l'intégration de la politique aux programmes de prévention de l'employeur. Par
souci de cohérence législative et afin d'éviter la multiplicité des recours, la
multiplicité des parcours, il nous semblerait plus simple de limiter les
exigences prévues en ce sens dans la Loi sur les normes du travail, et même
d'évaluer la pertinence d'éviter le dédoublement de responsabilités en transférant
les articles en regard à la prévention du harcèlement psychologique dans la Loi
sur la santé et sécurité du travail.
Alors, en conclusion, je le répète, nous
supportons les objectifs poursuivis par le projet de loi n° 42. Comme tout
projet de loi, il demeure perfectible, et la prise en considération par la
commission de nos questionnements et recommandations ce soir assurera, je
pense, une meilleure appropriation par les employeurs de vos intentions comme
élus lors de la mise en application sur le terrain. Je termine encore une fois
en saluant l'initiative du ministre et du gouvernement de s'attaquer à cet
important enjeu de société. Merci.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
Je vous remercie pour votre exposé. Nous commençons notre période d'échange. M.
le ministre. La parole est à vous.
M. Boulet : Merci à la FCCQ.
Charles, excellente présentation raisonnée et articulée comme d'habitude
d'ailleurs, puis on ne se rappelle pas assez souvent que, selon Statistique
Canada, 49 % des travailleurs, travailleuses ont observé ou subi un
comportement sexualisé inapproprié ou discriminatoire dans leur milieu de
travail, là, dans les 12 mois précédant l'échantillon pris par Statistique
Canada, et je trouve des recommandations intéressantes. Comme vous savez, les
consultations sont précédées d'une étude détaillée. Je suis ainsi à l'aise avec
une définition qui ne soit pas trop variée, là,q puis qu'elle soit la plus
uniforme possible pour éviter ce que vous appelez, là, que ce soit confondant. En
même temps, il faut aussi considérer que la Loi santé, sécurité a un objectif
de prévention, la Loi sur les accidents de travail a un objectif
d'indemnisation, puis la Loi sur les normes du travail, c'est une loi comme son
titre le dit, de normes et de recours. Ça fait que les définitions peuvent
avoir à s'adapter en tenant compte de l'objectif...
18 h (version non révisée)
M. Boulet : ...de la loi, mais
on va certainement porter une attention particulière à ça.
Pour les présomptions, ce que vous
dites... le Comité scientifique sur les maladies professionnelles devrait être
mandaté pour déterminer, puis j'aimerais ça vous entendre un peu plus, M.
Milliard, sur ce point-là. En fait, ce que vous dites... puis on a donné des
mandats, là, dans le contexte du projet de loi no 59, au comité scientifique,
notamment d'identifier les maladies qui sont plus prévalentes dans des
environnements à prépondérance féminine, mais là vous dites d'identifier des
diagnostics ou des paramètres qui permettraient de guider les tribunaux qui
appliquent la loi, dans la détermination de ce qui est une violence à caractère
sexuel et ce qui devrait être indemnisé, hein, c'est ce que vous nous proposez,
M. Milliard?
M. Gagnon
(Alexandre) :Ça ressemble beaucoup à ça,
effectivement, vous avez bien compris le principe. En fait, c'est que cette
définition-là, il faut également la regarder en regard d'en quoi elle va être
utilisée, éventuellement. Elle va être utilisée en prévention. À la limite,
est-ce qu'un milieu doit évaluer l'ensemble des risques, l'ensemble des
circonstances à laquelle un travailleur ou une travailleuse va être exposé à la
violence à caractère sexuel? D'accord, on en est. Cependant, lorsqu'on va
regarder, la définition va également être utilisée, probablement, avec la
CNESST pour évaluer, par exemple, une tolérance zéro. Est-ce qu'une tolérance
zéro, c'est l'implication? Qu'est-ce que ça veut dire? Ça veut dire que,
notamment, peu importe les efforts mis par l'employeur pour mitiger les
risques, peu importe les efforts par l'employeur pour contrôler et réagir à
cette situation-là, la survenance même d'une telle situation qui est incluse à
la définition, par exemple, de violence à caractère sexuel aussi large, est une
prise en défaut de l'employeur et peut mener à un avis de dérogation
automatiquement ainsi qu'à une amende correspondante.
Un autre des impacts potentiels, c'est lorsqu'on
va l'utiliser également, potentiellement, dans le cadre des présomptions.
Lorsqu'on utilise une définition aussi large sans prendre en compte,
potentiellement, une potentielle gravité de l'acte, ou la fréquence, ou le type
d'actes, évidemment, l'interprétation qu'un tribunal pourrait faire de cette
définition-là pourrait venir dire que le moindre écart, même s'il a été pris en
compte et qu'il est arrivé à une seule occasion, pourrait donner droit à une
reconnaissance de la présomption. Et on va parler, notamment, en santé
psychologique... c'est un grave problème au niveau des diagnostics en santé
psychologique. Il y a beaucoup de contestation qui est faite en lien avec les
lésions psychologiques parce que les diagnostics qui sont faits par les médecins
sont... ne suivent pas toujours les bonnes pratiques reconnues, notamment par
les manuels de bonnes pratiques, en ce sens, là, qu'on appelle à la bonne
franquette le DSM. Donc...
Des voix : ...
M. Gagnon
(Alexandre) :Donc, il y a... le DSM en lui-même
nous permet de CAN de bien comprendre le diagnostic, de bien l'utiliser. Les
médecins n'ont pas toujours l'expertise pour l'utiliser, malheureusement. Ça
nous permettrait, effectivement, de bien... de mieux baliser, de mieux encadrer
la pratique et de mieux accompagner, également, les victimes dans le processus
d'admissibilité de leurs lésions, et de leur rétablissement, même.
M. Boulet : Puis ce que vous
avez en tête, c'est éventuellement de réduire le nombre de contestations sur un
des aspects médicaux prévus à 212 de la loi, notamment le diagnostic, parce que
le comité scientifique donnerait un guide aux parties, notamment les
employeurs, pour asseoir clairement l'admissibilité de la lésion
professionnelle, incluant bien sûr la maladie professionnelle. Je comprends ce
point-là.
Quand vous dites, et là je vous ai échappé
un peu, là, «par le fait et à l'occasion du travail», ça, c'est relativement
nouveau. Ça, c'est la définition d'une lésion, là, ou un accident, «un
événement qui survient par le fait ou à l'occasion du travail». Par le fait du
travail, la démonstration est plus facile à faire, mais c'est «à l'occasion»,
où on a développé, comme vous savez, Me Mellouli, un critère de connexité.
Est-ce que par le fait et à l'occasion du travail... est-ce que ce n'est pas un
fardeau additionnel?
Mme Mellouli (Zeïneb) : Bien,
en fait, on comprend que l'objectif, comme le soulignait aussi nos collègues du
CPQ, est également de permettre à l'employeur de renverser, donc, la
présomption, mais...
Mme Mellouli (Zeïneb) : ...on
voit à la fin de la définition, c'est que, finalement, le fardeau va être
intrinsèquement lié à un contexte qui est, hautement et spécifiquement, de la
sphère privée, ce qui ajoute, finalement, un degré de complexité dans...
M. Boulet : O.K., je
comprends.
Mme Mellouli (Zeïneb) : ...qu'est-ce
qu'on entend par «à l'occasion ou/et en lien avec le travail», considérant que
le degré de renversement de fardeau de preuve est plus élevé pour l'employeur.
M. Boulet : O.K. Mais le
«ou»... le «et», plutôt que le «ou»... mais, en fait, par le fait... «et/ou à
l'occasion du travail» permettrait d'évacuer le concept de strictement privé,
le contexte strictement...
Mme Mellouli (Zeïneb) : À
notre avis, ça pourrait être une interprétation qui viendrait, à tout le moins,
porter un certain ombrage au fardeau de l'employeur pour renverser la
présomption qui est établie dans la loi. Évidemment, il y a aussi 28.0.2, qui
réfère, tout simplement, au lieu de travail, sans préciser le lien de
connexité, et, pour nous, bien, cette application là de 28.0.2 pourrait amener
toutes sortes de situations qui pourraient donner lieu à des admissibilités de
maladie dans un contexte qui est hautement de la sphère privée, et qui n'a pas
de lien, de connexité avec le milieu de travail.
• (18 h 10) •
M. Boulet : C'est un bon
point, excellent point. La politique, maintenant, incluse dans le programme ou
le plan d'action. Nous, on considérait que c'était une façon d'éviter la
coexistence ou la cohabitation d'une politique et d'un programme. Qu'est-ce que
vous... À cet égard là, vous dites : Le contenu minimal devrait être
allégé — ce qu'on a mis dans le p.l. n° 42 — et
laisser aux partis qui doivent se prendre en charge de faire le travail, de
délimiter les mesures de prévention, programmes de formation, information,
l'identification, et comment on peut éliminer les risques psychosociaux. C'est
votre... C'est ce que vous proposez, hein, qu'on diminue le... ou qu'on dilue
le contenu minimal?
M. Gagnon
(Alexandre) :En fait, on ne veut pas nécessairement
le diminuer. C'est simplement de l'amener à la bonne place, pour éviter les
confusions. Vous venez, dans le projet de loi... il vient... on vient ajouter,
notamment, dans les risques que le programme de prévention doit évaluer,
notamment, les risques en lien avec les violences à caractère sexuel. Donc,
lorsque les milieux vont évaluer les risques, les circonstances, le niveau
d'exposition, la probabilité que ces risques-là surviennent, ils vont évaluer
les mécanismes à prendre en place pour éviter que ça survienne, mais,
également, comment réagir lorsque ça arrive. C'est le même mécanisme pour
l'ensemble des risques qu'on va retrouver dans le milieu de travail.
Donc, pour nous, il y a, actuellement, un
projet de règlement sur les mécanismes de prévention, qui vient baliser le
contenu d'un programme de prévention, et ce serait une bonne occasion de venir
intégrer, peut-être, les petites parties qu'il va manquer, pour s'assurer que,
lorsqu'il y a un recours, ou lorsque les parties vont regarder leurs programmes
de gestion des situations de harcèlement en milieu de travail, bien, qu'on le
fasse sous un seul regard, plutôt que deux, pour éviter la confusion puis,
même, la redondance réglementaire, législative. Donc, amenons ça à un endroit,
amenons les... recours, les litiges potentiels à un endroit, plutôt que de le
multiplier sur plusieurs plateformes. Rappelons qu'un des constats des rapports
était, justement, la complexité de se retrouver au sein des différentes
législations en lien avec les violences à caractère sexuel, autant pour les
victimes que pour les employeurs. Il y a une belle occasion, là, de mener à la
pratique, en ramenant ça à un endroit, l'ensemble des responsables liées avec
cette politique.
M. Boulet : Ça aurait pour
effet d'enlever une certaine lourdeur et de permettre une meilleure efficacité.
Moi, je mettrais en parallèle les obligations de l'employeur, qui sont prévues
à l'article 51 de la loi santé et sécurité, avec l'ensemble de ce qui est prévu
dans le contenu minimal de notre politique de prévention, puis essayer de faire
une fusion qui simplifierait, là. Moi, je trouve ça intéressant que ça nous
amène à faire une réflexion de cette nature-là. O.K., moi, ça me va. Est-ce que
vous vous êtes exprimés sur la désimputation, M. Milliard ou Me Mellouli, la
désimputation?
M. Gagnon
(Alexandre) :Est-ce que tu y vas?
M. Milliard (Charles) : Tout
le monde veut répondre.
Mme Mellouli (Zeïneb) : On
s'est prononcés, dans le cadre de notre mémoire, sur la désimputation.
Alexandre, je peux te laisser expliquer.
M. Gagnon
(Alexandre) :Oui. Évidemment, dans les
circonstances, pour nous, on comprend les bienfaits puis les potentielles
déjudiciarisations que ça pourrait amener. On reconnaît que, dans certaines
circonstances, certains employeurs qui ont peu de...
M. Gagnon
(Alexandre) :...moyens, qui ont de la
difficulté parfois à connaître les rouages des systèmes, à ne peut-être pas
amener à contester une lésion lorsqu'il y a une désimputation.
Cependant, et je vais être complémentaire
avec nos collègues du CPQ qui sont passés auparavant, la reconnaissance puis
l'admissibilité d'une lésion, au niveau de la... de l'indemnisation, ça va
régler le dossier, d'accord, et avec tous les caveats que notre collègue a pu
parler tout à l'heure, mais le dossier n'est pas terminé pour autant. Il peut
également... Ça va ouvrir la porte en lien avec des potentielles enquêtes en
inspection, hein? Vous savez, lorsqu'il y a... Il pourrait y avoir un
inspecteur qui vienne dire : Vous avez reconnu tacitement qu'il y a eu une
violence à caractère sexuel dans votre milieu de travail, donc, maintenant,
vous êtes exposés à des... à des inspections liant ça, puis démontrez-nous que
qu'est-ce que vous allez mettre en place... alors que peut-être il n'y en a pas
eu. On ne le sait pas, il n'y a pas les outils en place pour déterminer, faire
cette enquête-là.
Ça peut amener à également d'autres
démarches. Rappelons-nous toutes les démarches potentielles en lien avec la
Commission des droits de la personne, qui peut également intervenir dans ces
situations-là, avec les... dans les situations de harcèlement psychologique,
notamment. Et la désimputation a également l'effet, dans notre système, de ne
pas permettre à l'employeur d'avoir accès au dossier administratif qui a permis
l'admissibilité de la lésion. Donc, l'enquête que la CNESST fait pour voir
est-ce que, bel et bien, la lésion est consécutive à un accident ou à un
événement dans le lieu de travail, l'employeur n'aura pas accès à ces informations-là
parce qu'il n'est pas imputé. Donc, si vous lui demandez d'être tributaire,
d'être... d'être... d'avoir toujours la responsabilité en lien avec d'autres
recours potentiels, et d'avoir une reconnaissance tacite que l'événement s'est
bel et bien... est bien et bien arrivé dans son milieu de travail, malgré qu'il
n'y ait pas eu tous les outils pour faire l'enquête convenablement, il y a un
bris de... il y a un bris de confiance, il y a un bris de... de... d'accès à
toute l'information potentielle pour exercer ses droits. Et c'est là qu'on ne
recommanderait pas à des employeurs de ne pas contester, malgré cette
désimputation-là.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
beaucoup. C'est tout le temps que nous avions pour le premier bloc d'échange.
Je me tourne maintenant au... à l'opposition officielle. Je cède la parole
au... à la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme Cadet : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Bonjour, bonjour à toute l'équipe de la FCCQ. Merci d'être
là cet après-midi.
Ma première question, bien, portait
justement, donc, sur toute la... sur tout l'aspect de la désimputation. Vous...
Et puis je pense que vous venez un petit peu, donc, d'élaborer sur ce point-là
parce que vous liez intimement votre recommandation de maintenir l'imputation
des coûts de prestation aux employeurs dans tous les cas au maintien du droit
d'accès aux dossiers d'enquête de la Commission. Donc, je voulais mieux
comprendre, donc, comment est-ce que vous vous nouez, donc, ces deux liens là,
et puis si... en fait, vous en faites deux, deux propositions de recommandation
distinctes, là, l'une de l'autre, et nous, comme législateurs, comment est-ce
que vous voyez, là, notre rôle, là, face à cette recommandation-là?
M. Gagnon
(Alexandre) :La désimputation a comme rôle
de venir corriger des situations où l'employeur n'est pas complètement
responsable d'une situation, hein? C'est ça, le principe, un petit peu,
derrière la désimputation. C'est qu'il n'y a pas nécessairement l'ensemble des
responsabilités qui a amené à la... aux coûts et à l'indemnisation. On n'est
pas dans cette... on n'est pas dans cette situation ici. On est dans une
situation où on dit : il est peut-être responsable, il ne l'est peut-être
pas, on... l'objectif, c'est d'éviter une contestation. Donc, ce n'est
peut-être pas le bon véhicule qui est utilisé, là, ici. Et ultimement, il
faudrait peut-être voir autrement d'en arriver à un objectif, notamment,
d'avoir des meilleurs diagnostics, potentiellement. Donc, c'est plus en ce
sens-là qu'on voit.
Évidemment, vous allez parler un
employeur, vous allez lui dire : il y a une présomption, la définition est
très large, vous n'avez pas accès au dossier, évidemment, il va vous
dire : Bien, comment voulez-vous que je me défende ou que je regarde le
bien-fondé de la réclamation? Évidemment, il va préférer que ça soit désimputé
à ce moment-là, mais on ne répond pas, on ne résolut pas... on ne résout pas le
réel enjeu en arrière, on ne... on ne s'assure pas que l'employeur a le...
l'ensemble des outils à sa disposition pour exercer ses droits.
Mme Cadet : C'est
intéressant, ce que vous avez mentionné sur le rôle de la désimputation. Parce
que toute la journée, évidemment, donc, oui, on a... bien, d'une part, là, on a
beaucoup entendu, donc, l'aspect de la déjudiciarisation des dossiers, donc, ce
véhicule-là, en se disant : Bien, ça va permettre d'éviter une
survictimisation, que les... donc, bon, que les... que les...
Mme Cadet : ...plaignantes
aient à revivre donc l'événement, donc, plusieurs fois. Mais... mais chaque
fois, donc, ce qu'on nous a dit, c'est que non, on n'est pas dans un... dans un
contexte de... d'imputation, on n'est pas de l'imputabilité. Mais là vous
dites, dans le fond, il y a quand même une certaine phase... il y a... une certaine
partie, donc, de la désimputation, là, qui relève de la responsabilité, là,
parce que je pense que... bien, en fait, le gros volet, là, qui est desimputé,
donc, c'est surtout le contexte de surdité. Donc, ça... ça convient un peu à la
définition que vous donnez au rôle de la désimputation, puis nous, comme
législateurs, donc, on a quand même une certaine cohérence à maintenir à
travers ça.
M. Gagnon
(Alexandre) :Il peut y avoir des
désimputations dans d'autres circonstances. La surdité, c'est que c'est parfois
difficile de reconnaître dans quel milieu de travail ça peut réellement être
arrivé parce que ça va survenir de nombreuses années après l'exposition à la
surdité que ça va se manifester. Donc, c'est dans ce cadre-là que la
désimputation se fait plus automatiquement. Il va y avoir de la désimputation
également lorsqu'il y a une condition personnelle de la personne qui va avoir
contribué à la gravité de la lésion ou à la durée de l'invalidité, parce que la
personne avait déjà eu une lésion préalable ou avait déjà un accident au
préalable, qui n'était pas de la responsabilité du présent employeur. Donc, on
va considérer... ou même dans sa vie personnelle. Et on va considérer... Oui,
on va continuer à indemniser la personne, elle y a droit, mais on reconnaît que
ce n'est pas totalement de la faute de l'accident qui est survenu dans son
milieu. Donc, c'est là qu'on vient un petit peu donner... on vient pallier au
fait des imperfections de notre régime en amenant une désimputation, et c'est
totalement légitime. C'est important de les garder aux bons endroits au bon
moment. Mais dans cette circonstance-là, dans le cadre du projet loi qu'on
regarde aujourd'hui, ça ne nous semble pas approprié actuellement.
• (18 h 20) •
Mme Cadet : Puis vous dites,
donc, le rôle, donc, n'est pas la déjudiciarisation, mais est-ce qu'il y aurait
un effet de déjudiciarisation avec la désimputation?
M. Gagnon
(Alexandre) :En raison des autres
arguments qu'on a amenés, de ce que ça pourrait amener comme implication légale
dans le cadre des recours consécutifs qui pourrait arriver suite à une
situation de violence à caractère sexuel, pour nous, ça ne nous semble pas
automatique qu'il y aurait une déjudiciarisation dans ces circonstances-là,
parce que l'employeur, il pourrait y voir des enjeux légaux et des enjeux de
reconnaissance tacite d'une situation sur lesquels il n'a pas enquêté. Il n'a
pas eu les circonstances de vérifier les bienfaits.
Mme Cadet : D'accord. Merci.
Bien, en fait, je vais laisser ma collègue, avec le temps qui nous est imparti,
de poursuivre. Merci.
La Présidente (Mme D'Amours) : Je
cède la parole maintenant à la députée de La Pinière.
Mme Caron : Merci, Mme la
Présidente. Alors, merci beaucoup pour votre mémoire, votre présentation. Vous
avez été les premiers aujourd'hui à parler de télétravail et je trouve ça
intéressant puisque c'est une... c'est une réalité fort présente dans... sur le
marché du travail aujourd'hui. J'aimerais peut-être que vous expliquiez
davantage ou vous élaboriez sur votre recommandation numéro quatre à propos
de... d'un lien formel... que l'agresseur, le mis en cause ait un lien formel
avec l'emploi. Est-ce que vous pourriez donner des exemples de ça, par exemple?
Mme Mellouli (Zeïneb) : Alors,
en fait, la recommandation met en lumière un peu l'effet domino de la loi, là,
si je peux me permettre cette expression-là, en ce que... Et là on vient de
parler de désimputation ou d'imputabilité de l'employeur, de l'obligation aussi
de prévenir ou de s'assurer que dans le milieu de travail, ils soient les
premiers responsables, finalement, de ce qui se passe dans leur organisation
et, évidemment, de manière paritaire dans les cas... des milieux syndiqués. Et
l'effet domino fait en sorte que s'il y a une présomption, bien, évidemment, il
y a... il va y avoir plus d'admissibilité de ces lésions-là. On... En retirant
l'accès et en impliquant la désimputation, bien, l'employeur va plus ou moins
défié ces... ces... ces lésions-là. Et là, on pourrait se retrouver dans des
situations où l'employeur, finalement, tout ce qui lui reste, c'est de se... de
tenter de renverser la présomption qui est créée dans la loi. Et comment il
peut le faire? Bien, c'est notamment en démontrant que c'est intrinsèquement ou
spécifiquement, là, lié à la sphère privée et non en connexité avec... avec
le... le travail. Le lieu de travail a été élargi dans le projet de loi
n° 59. On sait maintenant que le télétravail est visé par les lieux de
travail. On sait aussi que ça arrive beaucoup plus souvent qu'on le pense qu'il
y ait des relations personnelles en milieu de travail et qui peuvent aussi
transcender la sphère privée et s'instaurer dans un milieu de télétravail. Et
donc comment on peut imputer à l'employeur ce manque de contrôle là en créant
une présomption qui ne lui permet pas finalement d'aller valider...
Mme Mellouli (Zeïneb) : ...s'il
y a une connexité avec le travail ou si le tout relève finalement d'une sphère
strictement privée. Donc, c'est pour ça qu'on a soulevé la question du lieu de
travail, il y a peut-être eu lieu de faire certaines validations dans le cadre
du projet de loi pour savoir qu'est-ce que ça vise exactement. Je l'ai
mentionné tout à l'heure dans le cadre des commentaires du ministre, à 28.0.2,
le lieu de travail n'est pas du tout lié à... il n'y a plus ce lien de
connexité. Il y a aussi le fait que l'élargissement de la définition vise aussi
toute personne, Me Perreault, notre consoeur, nous l'a mentionné tout à
l'heure, et on va un peu dans le même sens, c'est-à-dire que, si on crée une
largesse dans les définitions, on crée un effet domino dans la loi, bien, il va
falloir intégrer des critères d'objectivité et... d'où nos recommandations.
Mme Caron : Merci.
La Présidente (Mme D'Amours) : Il
vous reste 1 min 40 s.
Mme Caron : Tu y vas-tu? Tu
as une autre question?
Mme Cadet : Bien oui, je peux
peut-être y aller avec votre... Bien, c'est au niveau de la
recommandation 5, le délai de réclamation. Donc, vous, de votre côté, donc
vous, vous êtes... vous appuyez le délai de réclamation d'un travailleur dans
les deux ans, mais vous dites : «Cependant, lorsqu'un recours formel est
déposé devant une autorité compétente, le délai de prescription serait alors de
six mois. Pouvez-vous développer sur cette recommandation-ci?
Mme Mellouli (Zeïneb) : Mais
en fait, ce qu'on comprend du délai, bien, évidemment il est cohérent avec les
délais qui sont présentement dans la loi au niveau de l'harcèlement
psychologique, et c'est la raison pour laquelle on croit que... que... que
c'est qu'il faut demeurer cohérent dans la rédaction. Par ailleurs, on est
aussi d'avis que, bien qu'il faille un peu plus de temps, selon les experts,
pour une victime d'agression sexuelle ou de conduite, ou de violence à
caractère sexuel, de s'exprimer et d'aller au-devant dans ses... dans ses
recours. Mais, à partir du moment où elle instaure un recours, elle manifeste
également une volonté de judiciariser ou de manifester, ou de renoncer un peu à
cette sphère privée et finalement verbaliser ce qui lui est arrivé. Donc, selon
nous, le délai de deux ans, bien, évidemment, ça comporte aussi ses enjeux
parce qu'on atténue la preuve, il peut y avoir des pertes d'éléments de preuve.
Il devient encore plus difficile de renverser cette présomption-là qui existe
dans la loi et selon nous de restreindre finalement le délai à... une fois
qu'un recours est entamé, puisqu'il n'y a pas de... le projet de loi qui est
actuellement, en tout cas, silencieux sur la concurrence des juridictions. On
sait qu'il peut y avoir un recours qui peut être introduit peut-être en vertu
de la Loi sur les normes, en vertu... devant le Tribunal des droits de la
personne. À partir du moment où un recours est instauré, on pense que le délai
devrait d'autant être raccourci et... et s'inscrire dans un délai de six mois
suite au recours.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
beaucoup. Je cède maintenant la parole au député d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : Merci beaucoup.
Bonsoir, bonsoir à vous trois. Je veux vous amener à votre recommandation
numéro 6 concernant les indemnisations pour les moins de 18 ans. Je
veux juste être certain d'avoir bien compris. Je suis un peu surpris de votre
recommandation parce que, dans le fond, l'état actuel des choses, c'est qu'à
l'article 80 de la LATMP, quand on a moins de 18 ans, c'est 50 $
par semaine, donc un chiffre fixe. Tandis...
Une voix : ...
M. Leduc : 121 quoi?
Une voix : 120.
M. Leduc : Bon. Et là, dans
le projet de loi, ça propose de passer à un système d'un nombre d'heures fois
le salaire minimum, ce qui nous amènerait à 200... à peu près 260 $, si
mes calculs sont bons.
Là, il y a aussi des groupes, notamment
les trois expertes qui sont venues, ce matin, nous dire que ça devrait être une
priorité de monter ça 40 heures/semaine plutôt que 17 heures/semaine.
Mais là, vous, vous proposez de ne pas retenir cette modification-là, donc de
garder le statu quo. C'est bien ça votre recommandation?
M. Gagnon
(Alexandre) :Et une des... des... Ce
n'est pas une question d'argent, on se comprend, sur... sur l'ensemble du
régime, ce n'est pas des montants très significatifs, mais c'est une question
de principe. Dans... lorsqu'on parle d'assurance, on essaie d'éviter qu'il y
ait un enrichissement engendré par une réclamation. L'objectif, ce n'est pas
que la personne qui tombe sur une invalidité ait des gains financiers de
par.... de par cette... cette réclamation-là, parce que ça l'a des effets
pervers. Pas juste le fait qu'il y a plus d'argent, nous autres, on s'entend.
C'est que, lorsqu'on va vouloir ramener cette personne-là sur le marché du
travail, sur le milieu du travail, parce qu'il est prêt ou parce qu'on veut
l'amener tranquillement... il ne faudrait pas qu'il y ait un désincitatif
financier qui peut arriver, il ne faudrait pas que cette personne là se voie
pénalisée parce qu'elle va se faire inviter à réintégrer le marché du travail.
En amenant des balises comme ça, c'est ce qu'on vient faire d'une certaine
façon, parce qu'on en vient à dire : Même si on te... tu travaillais deux
jours par semaine, on vient d'en payer plus, on vient de t'en payer pour 17
heures, et donc le jour que tu vas revenir dans ton emploi prélésionnel,
préaccident, tu vas perdre de l'argent. Là, il y a un effet qui a un peu
désincitatif qui... qui...
M. Gagnon
(Alexandre) :...on perd un peu de sens à
partir de ça.
M. Leduc : Le travail à temps
plein durant l'été, des moins de 18 ans, là, on a fait une loi là dessus
il n'y a pas très longtemps, là.
M. Gagnon
(Alexandre) :Mais lorsque... lorsque la
personne démontre qu'elle aurait gagné davantage, elle peut avoir l'accès à ces
gains-là. C'est un minimum qui est exprimé, là, ici, là, hein? C'est qu'on
vient remplacer les gains auxquels il y aurait eu droit par un minimum qui est
l'équivalent de 17 heures par semaine.
M. Leduc : Mais le
17 heures n'a pas l'air de vous convenir. Vous voulez le retirer?
M. Gagnon
(Alexandre) :On veut le retirer parce
qu'encore une fois, quelqu'un qui aurait travaillé moins d'heures va venir...
va vivre un phénomène d'enrichissement par cette... par cette... par
l'application de cette clause-là. Le 17 heures d'ailleurs est un peu
arbitraire, hein? Il s'associe à la Loi sur le travail des enfants qui a été
mis, qui touche spécifiquement les jeunes de moins de 16 ans. Donc,
pourquoi le 17 heures? Nous. Déjà à la base de la surindemnisation, ça
nous chicote, ça nous agace en raison des effets pervers sur le retour au
travail, et le 17 heures lui-même, il nous semble un peu arbitraire dans
cette circonstance-là.
M. Leduc : O.K.
M. Gagnon
(Alexandre) :La personne peut démontrer
le nombre d'heures qu'elle aurait travaillé.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
C'est tout le temps que nous avions. Donc, merci beaucoup pour votre
contribution à nos travaux de la commission. Je suspends les travaux quelques
instants afin de permettre à nos prochains invités de prendre place.
(Suspension de la séance à 18 h 30
)
18 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 18 h 38)
La Présidente (Mme D'Amours) : Nous
avons repris nos travaux. Merci. Je souhaite maintenant la bienvenue à la
Fédération étudiante collégiale du Québec et à l'Union étudiante du Québec. Je
vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, et
ensuite nous procéderons à la période d'échange. Alors, je vous invite à vous
présenter et à commencer votre exposé.
Mme Bibeau-Lorrain (Catherine) : Bonjour,
tout le monde, vous, chers membres de la commission, merci beaucoup de nous
recevoir aujourd'hui. On tient à souligner l'importance, premièrement, d'un tel
projet de loi pour rendre les milieux de travail, notamment les milieux d'enseignement
supérieur le plus sécuritaire possible, pour la communauté étudiante, notamment.
Je m'appelle Catherine Bibeau-Lorrain, je suis graduée de génie chimique à
Polytechnique Montréal et je suis présidente de l'Union étudiante du Québec
cette année. L'UEQ, on est une organisation étudiante nationale qui regroupe 11 associations
étudiantes totalisant plus de...
Mme Bibeau-Lorrain (Catherine) : ...94 000
personnes étudiantes à travers tout le Québec et on travaille pour défendre les
droits et intérêts de la communauté universitaire. Dans notre mémoire, l'UEQ,
on a quatre recommandations que nous pensons que le projet de loi n° 42
devrait prendre en considération. Si je n'arrive pas à les couvrir en détail
avec le temps qui m'est imparti, je vous invite à me poser des questions à la
fin.
Donc, tout d'abord, on trouve important de
mentionner d'emblée que l'aspect primordial pour nous, dans ce projet de loi là
à l'étude, est l'article 97.1, sur l'article 20, là, dans le projet
de loi. En effet, en ce moment, il y a une problématique qui perdure dans la
mise en application de la loi qui vise à prévenir et combattre les violences à
caractère sexuel dans les établissements d'enseignement supérieur, la
loi P-22.1. Cette problématique-là dont on parle, c'est l'application des
clauses d'amnistie dans le cas des violences à caractère sexuel. Vous voyez où
je veux en venir, mais actuellement, une personne salariée peut commettre un
acte sexuel et voir son dossier disciplinaire complètement effacé après un
certain temps. Dans ce contexte-là, cette personne salariée pourrait donc
commettre des actes... des récidives et n'avoir aucune gradation de sanctions
imposées à son égard. On se rappelle, ça peut survenir en milieu universitaire
mais aussi en milieu scolaire, ce qu'on considère vraiment inacceptable, auprès
de mineurs.
• (18 h 40) •
L'objectif de la loi P-22.1, que je
mentionnais plus tôt, est que les sanctions imposées à la suite d'inconduites
sexuelles, et je cite, «tiennent compte de leur nature, de leur gravité et de
leur caractère répétitif». Mais, pour tenir compte d'un caractère répétitif et
pour pouvoir imposer une gradation de sanctions, il faut savoir s'il s'agit
d'une récidive ou non. Et, en ce moment, les clauses d'amnistie, telles
qu'elles sont formulées, viennent donc contrer la possibilité d'évaluer cet
élément-là de récidive et freinent directement l'application de la
loi P-22.1. C'est primordial de conserver l'historique des sanctions
infligées aux personnes responsables d'actes de violence sexuelle afin de
permettre aux universités d'identifier les récidivistes et de sévir en
conséquence pour protéger la communauté étudiante universitaire autant les
personnes étudiantes, comme je dis, mais aussi tout le personnel de
l'établissement.
Je tiens à le dire parce que c'est un
enjeu qui, selon nous, dépasse celui de seulement la population étudiante.
C'est une demande des associations depuis plusieurs années. Et il y a beaucoup
d'actions qui ont été faites pour dénoncer cette problématique-là. L'année
dernière, la Fédération des associations étudiantes de l'Université de Montréal
avec l'appui de plusieurs autres associations au Québec ont publié une lettre
en ce sens-là, et la ministre de l'Enseignement supérieur a d'ailleurs amené
que c'était une problématique dans son rapport de mise en application de la
loi P-22.1. Donc, on le sait, que c'est une problématique, il faut donc la
résoudre. Pour la communauté étudiante, c'est donc essentiel, de s'assurer que
le projet de loi n° 42 permette de proscrire les violences à caractère
sexuel des clauses d'amnistie en milieu d'enseignement supérieur et d'inclure
l'article que je mentionnais plus tôt dans la Loi sur les normes du travail.
C'est la seule manière de tenir en compte des mesures disciplinaires qui ont
précédemment été imposées à une personne ayant commis une d'inconduite sexuelle
et de rendre les milieux d'enseignement supérieur sécuritaires pour tout le
monde.
En lien avec la recommandation précédente,
on tient aussi à réitérer l'importance de pouvoir transférer les informations
relatives à un dossier d'un établissement à l'autre et même au sein même d'un
établissement en lien avec des actes d'inconduites sexuelles. En ce moment, une
personne salariée pourrait changer d'emploi, changer d'établissement sans
qu'aucune information relative à son dossier disciplinaire ne soit prise en
compte, et on trouve ça problématique. Pour nous, c'est illogique puis ça ne
fait aucun sens, surtout avec l'objectif du projet de loi actuel. Il ne faut
pas permettre les récidives entre plusieurs établissements et il faut que le
gouvernement corrige ce phénomène-là.
Ensuite, la section sur le transfert d'un
dossier, selon nous, va de pair avec la nécessité d'instaurer un régime
uniforme de sanctions entre les établissements universitaires. Autant qu'on
respecte l'autonomie puis l'indépendance de chaque université, ce n'est pas
normal qu'une sanction soit différente d'un établissement A à un établissement
B. Par respect pour les personnes victimes, il faut le même niveau de
protection partout au Québec puis il faut s'assurer que ça ne se produise pas.
Finalement, l'UEQ, on considère comme
inacceptable le fait que des relations sexuelles puissent survenir entre les
membres de la communauté étudiante et son personnel enseignant. Le gouvernement
doit interdire ce genre de relation puisque le personnel enseignant possède une
position d'autorité directe sur les personnes étudiantes de sa classe, ce qui
induit automatiquement un conflit d'intérêts. Peu importe la manière utilisée,
la personne étudiante voit son parcours universitaire mis en péril. Il faut
empêcher les conséquences de ce type de relation sexuelle sur la réussite ou
encore le parcours de la personne étudiante parce que ces conséquences-là ne
sont pas évitables. En gros, là, pour résumer un peu cette section-là, une personne
enseignante ne devrait pas avoir autant de pouvoir sur le parcours scolaire,
par exemple, noter les travaux d'une personne étudiante de sa classe lorsque
deux personnes ont une relation sexuelle, et ça doit être solutionné. Donc,
merci beaucoup.
Mme Mallette-Léonard (Laurence) :
Oui. Donc, bonjour, Laurence Mallette-Léonard, présidente de la Fédération
étudiante collégiale du Québec, mais également, là, étudiante au cégep
Édouard-Montpetit.
Donc, moi, je vais poursuivre, là, ce
tour-là en commençant par un état de la situation. Parce que, suite à l'entrée
en vigueur de la Loi visant à prévenir et à combattre les violences à caractère
sexuel dans les établissements d'enseignement supérieur, en décembre 2017, il y
a eu une grande enquête...
Mme Mallette-Léonard (Laurence) :
...qui s'est faite au sein des cégeps du Québec, soit l'enquête PIECES en
collaboration avec l'UQAM. Puis cette enquête-là, elle a donné des statistiques
troublantes, puis on parle de statistiques, là, qui ont été prélevées après la
loi, là. Donc, on peut constater encore aujourd'hui que le milieu de
l'enseignement supérieur, le milieu collégial particulièrement, là, est un
milieu fort propice, là, aux violences à caractère sexuel. En effet, là,
34,6 % des étudiants, étudiantes ont... ont subi une forme de VACS depuis
leur arrivée au cégep, puis, dans 15,9 % de ces cas-là, c'était un employé
du cégep qui était responsable de cette violence. Puis on pourrait souvent
croire que les violences à caractère sexuel ne se produisent pas en classe
durant... pour les étudiants, étudiantes du cégep, on pourrait se dire :
Bien, ça se produit dans un cadre festif, quand il y a des VACS au cégep, mais
ce n'est pas vrai. 66 % des cas de VACS se produit en classe ou lors d'une
activité d'enseignement. Donc, ce qui laisse présager que si le prof, si
l'employé n'est pas le coupable... mais souvent c'est un témoin.
Donc, c'est dans ce contexte-là qu'on
arrive en commission parlementaire aujourd'hui puis qu'on vous soumet les
recommandations suivantes. Donc, comme ma collègue a mentionné, la FECQ
reconnaît, là, et tient à saluer, là, l'article 20 du projet de loi.
Toutefois, là, on dénote l'aspect où est-ce qu'il y a une double négation, là,
dans le projet de loi. Donc, on n'empêche... on ne veut pas empêcher
l'employeur de. Toutefois, dans cet article-là, la FECQ aimerait ça, souhaite
que le fardeau soit mis sur l'employeur, qu'il y ait un fardeau qui soit mis...
que l'employeur ait le devoir de se baser, là, sur les premières offenses, les
offenses précédentes, pour imposer des nouvelles sanctions. L'employeur ne
devrait pas pouvoir oublier ces anciennes offenses là, parce que l'étudiant,
l'étudiante, elle, ne l'oublie pas.
Ensuite, là, je parlerais des clauses de
non-divulgation. Donc, l'article 20 vient protéger, là, la population
étudiante tant que l'employé problématique ne change pas d'établissement
d'enseignement. Ça a été mentionné, là, à plusieurs reprises aujourd'hui, mais
les étudiants et étudiantes au collégial, bien, souvent, va être... côtoie...
va côtoyer des employés qui ont changé d'établissement au cours de leur
carrière, puis c'est arrivé à de nombreuses reprises, là, dans le passé, dans
le réseau collégial, là. Il y a eu l'affaire d'Annie Vincent notamment, là. Le
prof a enseigné dans deux écoles secondaires, après ça, deux cégeps, où est ce
qu'il y a eu des cas de VACS qui ont été dénoncés au RSEQ, parce que c'était
surtout en contexte sportif. Il y a eu des plaintes qui ont été énoncées aussi,
là, à la police, éventuellement, puis, bien, cette personne-là a toujours pu
continuer à changer d'établissement. Puis même quand c'est devenu public
aujourd'hui, cette personne-là s'occupe de personnes âgées dans un CHSLD. Moi,
je trouverais ça très... je ne serais pas à l'aise de savoir que ma grand-mère,
que mon grand-père est dans un de ces établissements-là.
Donc, pour nous, c'est important, là,
que... comme c'est maintenant le cas à l'Île-du-Prince-Édouard et en Ontario,
en matière d'enseignement supérieur, il y ait... la législation, là, vienne
intervenir de façon à ce que les clauses de non-divulgation ne soient plus
quasi systématiques, là, lorsqu'il y a entente, là, en matière de violence à
caractère sexuel. D'autant plus que l'article quatre de la loi P-22.1 dit
que l'étudiant, l'étudiante qui est victime de VACS peut réclamer, là, le fait
de savoir s'il y a eu des sanctions suite à sa plainte. Donc, dans cet
élément-là, là, nous, on voudrait étendre cet article-là de P-22.1 pour que
justement il n'y ait plus de clause de non-divulgation, là, dans le cas des
ententes en matière de violence à caractère sexuel.
Puis je terminerais, là, sur l'enjeu
lorsque l'étudiant a le rôle d'employé. L'article huit, là, de la Loi sur...
L'article huit du projet de loi qui vient modifier la Loi sur les accidents de
travail et les maladies professionnelles augmente maintenant l'indemnisation,
là, d'une personne mineure qui a subi des violences à caractère sexuel en
milieu de travail. Toutefois, on juge que 17 $... 17 heures par
semaine, ce n'est pas réaliste au niveau des personnes étudiantes de niveau
collégial, mineurs, parce que ces étudiants-là, bien, ils travaillent plus que
17 heures par semaine pour subvenir à leurs besoins. Donc, on vise le
40 heures par semaine.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
beaucoup. Maintenant, je cède la parole pour la période d'échanges au ministre.
La parole est à vous.
M. Boulet : Merci à
Catherine, Laurence. Si vous me permettez, je vais vous appeler par votre
prénom. C'est un mémoire qui est bien fait. Vous n'avez pas trop de
recommandations...
M. Boulet : ...mais sachez que
vous m'avez inspiré, là, dans le libellé de l'article concernant les clauses
d'amnistie, là, on s'en est déjà parlé. Et ce que ça dit, essentiellement,
c'est qu'une clause d'une convention collective ne pourrait pas empêcher un
employeur de tenir compte d'un comportement physique ou psychologique qui a
mené à une mesure disciplinaire antérieure, là, que ce soit de la violence
physique ou psychologique, incluant ce qui est conjugal, familial ou à
connotation sexuelle dans, évidemment, l'application du principe de gradation
des sanctions. Moi, je suis bien fier de cette disposition-là, qui a été bien
accueillie. Je suis conscient de la réalité que vous soulevez, puis je sais que
vous défendez cette position là de défendre les relations sexuelles, notamment
entre les personnes du corps professoral puis des personnes de la communauté
étudiante. Je pense qu'il faut que les institutions prennent ça à cœur puis,
dans l'élaboration de leurs programmes de prévention, qu'ils puissent
identifier les risques pour mieux les contrôler puis les éliminer, mais... Puis
il y a mon collègue aussi, là, pour la protection de l'élève, quand il y a des
changements d'établissements scolaires qui relèvent, mettons, du même centre de
services scolaire, il y a ce qui peut être fait légalement, ce qui est
souhaitable au plan pratique, mais on va bien sûr tenir compte de vos
recommandations, on va les analyser avec attention puis considération. Et j'aimerais
ça, Mme la Présidente, laisser deux de mes collègues, là, qui souhaitaient
prendre la parole, ma collègue de Laporte d'abord, dans un premier temps, si
vous permettez.
• (18 h 50) •
La Présidente (Mme D'Amours) :
Oui. Je vais céder la parole à Mme la députée de La Porte.
Mme Poulet : Oui. Merci, Mme
la Présidente. Bienvenue à vous deux. Merci pour le dépôt de votre... de vos
mémoires. J'aimerais vous amener sur les clauses d'amnistie. Vous mentionnez
que les mesures disciplinaires en lien avec les violences physiques et le
harcèlement seront retirées. Est-ce qu'il y a pour vous une différence, selon
vous, entre l'interdiction des clauses d'amnistie et la possibilité d'effectuer
une gradation des sanctions malgré celles-ci?
Mme Mallette-Léonard (Laurence) :
Oui. Donc, nous, ce qu'on constate, puis je pense qu'il y a la citation,
là, dans mon mémoire, là, qui le témoigne très bien, il y a un directeur,
justement, du Cégep de Sherbrooke qui dit : Bien, moi, je ne peux pas
grader les sanctions parce qu'à chaque 12 mois, bien, le dossier de mon
employé, il s'efface. Donc, si jamais il n'y a pas de plainte qui est refaite
dans ce 12 mois-là pour un geste de violences à caractère sexuel, bien, le
dossier, il s'efface. Puis est-ce qu'on peut demander à une personne étudiante
de s'assurer de faire une plainte à chaque six mois pour être sûr qu'elle ne
soit pas oubliée? Je pense que ce n'est pas ça, la réalité. Puis pour qu'il y
ait une réelle gradation des sanctions, bien, il faut que les plaintes restent
au dossier, et ce, plus que 12 mois. Puis justement, ça a des impacts, là,
cette non-rétention des plaintes là, on le constate de plus en plus dans nos
cégeps. Il y a une crainte, là, que les personnes ne dénoncent plus parce que, surtout
au cégep, là, dans l'enquête pièce, ça a été dit, c'est 95 % des cas de
violences à caractère sexuel en milieu collégial qui ne sont pas dénoncés. Ça
fait que si on attend à ce qu'il y ait plusieurs dénonciations pour grader les
sanctions au sein de la même période de 12 mois, ça ne fonctionnera
jamais.
Mme Poulet : Qu'est-ce que...
vous parlez de 95 %, qu'est ce que vous faites au sein de votre de votre
fédération, de votre union, justement, pour inciter les élèves à dénoncer?
Mme Bibeau-Lorrain (Catherine) : Mais
si je peux revenir sur la question précédente, puis après poursuivre sur la
sensibilisation puis la prévention qu'on fait sur les campus, parce que c'est
déjà des choses qu'on fait beaucoup avec nos associations étudiantes membres.
Si je peux revenir sur les clauses d'amnistie, pour nous, les clauses
d'amnistie... comme proscrire les clauses d'amitié, c'est la seule façon de
prendre en compte les récidives puis de pouvoir appliquer correctement la
loi P-22.1. Puis je mettrais aussi du pouce sur ma collègue, ce qu'elle a
dit par rapport au fait que ça permet aussi aux victimes d'avoir confiance
envers le système de plaintes puis de ne pas encourager une culture de silence.
Ça aussi, je pense que c'est important à considérer.
Maintenant, nous sur les campus, c'est
certain qu'on fait tout le temps notre travail avec les associations pour
s'assurer que les membres de la communauté étudiante soient sensibilisés,
soient... qu'il y ait de la prévention qui soit faite à ce niveau-là, mais il doit
aussi y avoir une responsabilité qui est prise au niveau des administrations
puis au niveau du gouvernement pour empêcher les récidivistes de rester dans
les universités puis dans les écoles.
Mme Mallette-Léonard (Laurence) :
Si je peux poursuivre. Ce n'est pas aux associations étudiantes de
convaincre leur population étudiante qu'elles sont en sécurité sur leur campus.
C'est au climat institutionnel de faire en sorte que ces étudiants et
étudiantes se sentent bien. Puis ce n'est pas normal qu'encore une fois, dans
cette enquête pièce là, qu'il soit mentionné que 19 % des étudiants,
étudiantes ne se sentent pas en sécurité dans le parking de leur cégep. Ça fait
que ce n'est pas à...
Mme Mallette-Léonard (Laurence) : ...étudiante,
on a un rôle de... pour les inciter à dénoncer, pour... tu sais, on a un rôle
de vulgarisation, mais ce n'est pas à nous de faire en sorte que ces étudiants,
étudiantes-là soient bien sur leur campus.
Une voix : Merci.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
Je cède maintenant la parole à la députée de Hull.
Mme Tremblay : Oui, bonjour.
Alors, bien, moi, je vais revenir aussi sur l'amnistie puis... mais je vais
d'abord... Vous, voulez que, bon, l'employeur conserve le dossier
disciplinaire, là, à vie, donc ça veut dire que, si, bon, un enseignant commet
un geste, là, à caractère... notamment violence sexuelle, donc, ça reste
toujours dans le dossier. C'est ce qu'on comprend, là, de votre position, pour
être capable de réagir tout le temps sur les événements, peu importe le nombre
d'années qui se sont écoulées. C'est bien ça? Alors, c'est ce qu'on comprend de
votre proposition, mais... Parce qu'il y a plusieurs groupes qui ont passé
aujourd'hui, puis on en a discuté beaucoup, là, des clauses d'amnistie. Donc,
il y en a qui suggéraient, là, d'avoir un délai, donc de pouvoir, tu sais,
justement, dire : Bien, ça reste au dossier plus longuement, justement. Il
y en a qui ont nommé des délais, notamment de cinq ans. Il y en a qui ont parlé
de réhabilitation aussi, là, de la personne, donc, tu sais, ce droit-là aussi
qu'elle a.
Donc, je veux voir pour vous, dans votre
réflexion, là, où est-ce que vous en seriez par rapport à peut-être ce
chemin-là, qui est un peu mitoyen mais qui n'est pas à vie, par rapport aux 12
mois que vous avez aussi, là, cité en exemple, qui est là, à l'heure actuelle,
là, puis même qui peut être moins que ça, le délai, ça dépend des différentes
conventions.
Mme Mallette-Léonard (Laurence) :
Oui. Donc, oui, on était là puis on a pu entendre ça. Toutefois, là, ça a été
bien mentionné dans notre mémoire, pour nous, la population étudiante est une
population étudiante qui est vulnérable par rapport aux employés dans les
collèges et universités. Il y a le rapport, là, certaines dynamiques du fait
que l'employé, c'est la personne qui évalue, mais il y a aussi l'enjeu d'âge au
collégial, notamment, on a plusieurs étudiants, étudiantes mineurs. C'est la
même chose au primaire puis au secondaire. Donc, tu sais, cinq ans, moi, je
n'aimerais pas ça que mon enfant... comme, on donne la chance au prof de mon
enfant de se réhabiliter, tu sais, je ne me sentirais pas à l'aise. Ça fait que
je pense qu'il y a une façon de le voir aussi. Tu sais, c'est des personnes
vulnérables. Est-ce que ces personnes-là peuvent se réhabiliter? Oui, mais
est-ce qu'on a nécessairement besoin de les mettre avec des jeunes filles, des
jeunes femmes, quand on sait qu'elles sont particulièrement vulnérables? Je
pense qu'il y a cet enjeu-là de vulnérabilité qui est spécifique à la
population étudiante, mais aussi aux personnes aînées, là, notamment, aux
personnes en situation de handicap. Ça fait que je pense qu'il y a cet enjeu de
vulnérabilité là qu'on ne peut pas oublier, puis, justement, cinq ans, bien
oui, c'est un délai qui est plus long, puis, tu sais, je pense qu'on le
reconnaît, puis on reconnaît également le droit à la réhabilitation, mais je ne
pense pas... si on permet la réhabilitation, peut-être pas nécessairement avec
des personnes vulnérables.
Mme Bibeau-Lorrain (Catherine) : Si
je peux poursuivre, même du côté universitaire, il n'y a aucune bonne raison de
pouvoir étendre ce délai-là. Tu sais, pour nous la clause amnistie, pour la
proscrire, c'est d'enlever ce délai-là, ça fait que, même s'il est plus long,
pour nous, il n'y a aucune bonne raison de pouvoir permettre ces récidives-là
en allongeant le temps de la clause amnistie, là.
Mme Tremblay : Parfait. Donc,
dernière question, là, pour terminer, là, donc vous allez pouvoir expliquer un
petit peu plus. Parce que vous, vous voulez... je suis à votre recommandation 4
que «le gouvernement prévoie que les relations entre les membres du corps
enseignant et membres de la communauté étudiante soient proscrites puis
interdites», là. Vous, ce qui vous dérange, là, c'est le fait que c'est... bon,
c'est déjà... tu sais, il y a déjà des politiques, tout ça, c'est que les
politiques sont trop différentes d'un endroit à l'autre? Est-ce que c'est pour
ça que vous voulez que ça soit très clair puis que ça soit la même règle pour
tout... pour tous?
Mme Bibeau-Lorrain (Catherine) : Oui,
dans le fond, nous, ce qui nous dérange, là, puis si je peux résumer, comme, en
une phrase cette recommandation-là, c'est qu'un professeur ne devrait pas noter
une personne étudiante avec laquelle il a une relation sexuelle. C'est tout.
Puis, en ce moment, c'est des choses qu'on voit dans les établissements, puis,
pour nous, il y a trop d'impacts. Comme, la personne enseignante a trop
d'impact, peut avoir trop de pouvoir, dû à sa relation d'autorité directe sur
la personne étudiante, pour avoir des relations sexuelles quand il a cette
position-là, d'autorité puis quand ils sont... quand la personne étudiante est
dans sa classe, dans le fond. Ça fait que c'est... Là, après, le moyen de le
mettre en application, c'est des choses qui se passent dans le milieu
d'enseignement supérieur, puis là, vu ce projet de loi là, c'est pour ça qu'on
a fait cette recommandation-là, pour possiblement l'inclure dans le projet de
loi puis voir à ce que ce soit plus cadré puis que ce soit plus clair pour les
établissements d'enseignement supérieur, que ça soit mieux pris en compte.
Mme Tremblay : Plus sévère.
Mme Bibeau-Lorrain (Catherine) : Oui.
Mme Tremblay : Parfait.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
Je vais céder maintenant la parole à la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme Cadet : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Bonjour. Bonjour, Catherine. Bonjour, Laurence. Merci d'être
avec nous cet après-midi. Bien, je vais faire suite, donc, aux questions de la
députée de Hull sur la portée temporelle.
Mme Cadet : ...de la clause
d'amnistie, donc l'article 20, là, du projet de loi. Bien, vous l'avez
dit, là, vous avez entendu les différents intervenants aujourd'hui, différentes
centrales syndicales ont proposé une certaine portée temporelle, on ne
s'accorde pas nécessairement toujours, donc on nous dit deux ans ou cinq ans.
De ce que j'entends, là, ce que vous avez répondu, en fait, vous, donc vous
élimineriez, donc, toutes portées temporelles, comme c'est prévu en ce moment,
donc, à... dans le libellé actuel du projet de loi.
Le deuxième aspect, bien, en fait,
concerne donc le cadre, parce que, donc, ces mêmes... ces mêmes intervenants,
donc, nous ont aussi mentionné qu'ils souhaitaient que la... bon, que 97.1, là,
se concentre sur la violence à caractère sexuel et non pas la violence physique
ou psychologique incluant la violence à caractère sexuel. J'aimerais vous
entendre sur ces éléments-là.
Mme Bibeau-Lorrain (Catherine) : Du
côté de l'UEQ, puis je pourrais laisser ma collègue de la FECQ répondre après,
c'est certain que, par rapport à cet article 20 là, du côté de l'UEQ, on
veut vraiment parler des actes sont commis par rapport aux violences à
caractère sexuel, puis c'est des positions qui sont historiques à l'UEQ, puis
c'est sur quoi qu'on s'est concentré quand on a... dans ce projet de loi là,
pour exclure les violences à caractère sexuel des clauses d'amnistie, puis on a
circonscrit notre mandat dans le cadre de cette étude-là.
• (19 heures) •
Maintenant, après, si vous me demandez, je
trouverais ça bizarre d'enlever les clauses d'amnistie quand on parle aussi de
violence physique et psychologique, parce que c'est autant répréhensible que
les violences à caractère sexuel, selon moi. Donc, je ne voudrais pas que
quelqu'un dise qu'on est pour enlever ces mentions-là dans l'article, puis ce
n'est pas... ce n'est simplement pas le mandat qu'on s'est donné pour cet
article-là. Dans le fond, nous, on s'est concentrés sur les violences à
caractère sexuel.
Mme Mallette-Léonard (Laurence) :
Bien, du côté de la FECQ, on a justement, là, dans le cadre du congrès, là,
qui a évalué ce mémoire-là, là, présenté à la commission, on a décidé, là,
d'élargir notre mandat pour traiter également, là, du harcèlement psychologique
et des violences physiques. Donc, nous, là, on est pour le fait, là, d'englober
ces trois pans-là au sein de l'article 20 parce que, bien, tu sais, un
prof qui frappe un étudiant, mais on ne voudrait pas que ça soit oublié au bout
de 12 mois, là, tu sais, c'est quelque chose qui reste dans la tête d'un
étudiant puis qui ne donne plus le goût de continuer des études supérieures.
Que ce soit du harcèlement psychologique ou de la violence physique, mais ça
aussi, ça a un impact sur le... le goût de poursuivre les études, puis la
réussite, puis le potentiel de réussite de ces étudiants, étudiantes-là. Donc,
pour nous, là, c'est important que l'article garde cette... cette souplesse-là,
là. Puis, oui, donc, c'est ça, c'est important pour nous que ça reste comme ça.
Mme Cadet : Je vous ai bien
entendus dans les réponses précédentes, là, sur l'argumentaire de la
réhabilitation. Maintenant, donc, j'aimerais vous entendre sur, justement, là,
sur ce que vous venez de mentionner, donc, sur l'argumentaire, donc, la
violence, donc, physique ou psychologique ici, ce qu'on entend de certains
intervenants nous dire que ça pourrait être interprété de façon assez, assez
large ici, on a entendu, donc, un employé qui frappe dans un mur, etc., donc
dans toutes sortes, donc, de contextes. Qu'est-ce que vous vous répondez à cet
argumentaire-là?
Mme Mallette-Léonard (Laurence) :
Bien, idéalement, il n'y a pas de prof qui frappe dans un mur au sein d'une
classe, là, puis je pense que c'est quelque chose qui, justement, va frapper un
étudiant, étudiante, puis qui va se, tu sais, va se souvenir de cet
événement-là, puis ce n'est pas de cette façon-là que le réseau collégial, là,
va briller dans toute sa splendeur, là, on ne se le cachera pas. Donc,
évidemment, je pense qu'il y a un certain jugement, là, qui va être à... il va
falloir faire preuve d'un certain jugement en appliquant ça, mais je pense que
le fait de le garder large va permettre, tu sais, aux personnes d'utiliser leur
discernement, là, pour qu'une certaine... un claquement de porte ne soit pas
traité de la même façon qu'un prof qui frappe son étudiant.
Mme Cadet : Parfait. Ensuite,
donc, vous vous penchez sur l'importance de ne pas déplacer un problème. Donc,
lorsqu'une personne employée, donc, change d'employeur suite à une plainte ou
une sanction, donc, plus tôt aujourd'hui, je pense que c'est quand Juripop, là,
témoignait, donc on a discuté de l'aspect pratique, là, donc comment est-ce
qu'un autre employeur, donc, pourrait être mis au courant du dossier de
l'employé fautif, puis que, justement, on ne se ramasse pas avec les exemples
que vous avez nommés, là, de quelqu'un, là, qui, donc, change conséquemment,
là, d'employeur et puis il n'y a personne qui est en mesure, donc, d'agir parce
qu'on n'a pas d'information sur... sur le dossier ou le passé de cette
personne-là. Donc, vous, de façon pratico-pratique, comment est-ce que vous
voyez cet élément-là être déployé?
Mme Mallette-Léonard (Laurence) :
Oui. Donc, en fait, là, on voit ça un petit peu de la même façon que
Juripop, là, c'est en faisant un appel, là, sur...
19 h (version non révisée)
Mme Mallette-Léonard (Laurence) : ...des
références qu'il faut que le cégep, le premier cégep, là, le cégep dans lequel
il y a eu des violences à caractère sexuel, soit à l'aise de dire au nouveau
cégep qu'il y en a eu. Puis, justement, avec les clauses de non-divulgation,
là, que les cégeps signent quand il y a une entente, là, avec leur employé
fautif, bien, justement, ils ont les mains liées puis ils se sentent comme s'ils
ne peuvent pas en parler parce qu'ils ont peur des recours judiciaires. Ça fait
que nous, ce qu'on veut, c'est qu'il n'y ait plus de clauses de
non-divulgation, comme ça, l'établissement n'aurait pas nécessairement les
mains liées puis pourrait dire au nouvel établissement, là, qu'il y a des
antécédents.
Mme Bibeau-Lorrain (Catherine) : Puis
même, je rajouterais à ça, pour nous, il y a cette problématique-là, de voir qu'une
personne salariée pourrait changer d'établissement sans que son dossier
disciplinaire ne la suive, quand on parle de violence à caractère sexuel. Mais,
même au sein d'un même établissement, si, par exemple, la personne change d'ordre
d'emploi, tu sais, si, par exemple, à l'université, la personne, elle passerait
d'être un auxiliaire d'enseignement à un professeur, par exemple, bien, son
dossier disciplinaire ne suivrait pas à cette personne-là. Puis, pour nous, ça,
c'est un autre pan qu'on trouve problématique puis qui doit être solutionné
aussi dans ces clauses-là, de non-divulgation, là.
Mme Cadet : Puis, ce serait
toujours sur consentement de l'employé, sur consentement du salarié? Avec
Juripop, donc, tu disais, donc, essentiellement, lorsqu'il y a... lorsque la
personne, donc, consent à ce que le... ses... bon, ses antécédents, donc,
soient divulgués à un employeur potentiel, donc la personne, donc, doit
consentir, donc ce serait sous ce même format là aussi, avec le consentement du
salarié?
Mme Bibeau-Lorrain (Catherine) : Oui,
exactement. Bien, c'est le même format que changer d'un établissement à l'autre,
là. Tu sais, on ne veut juste pas que la personne puisse changer d'ordre d'emploi,
changer d'établissement sans que son dossier disciplinaire la suive, si elle a
commis des actes de violence à caractère sexuel.
Mme Mallette-Léonard (Laurence) :
Oui. Puis je me permettrais aussi, là, de mentionner, là, il y a certains
profs aussi qui enseignent dans les deux ordres, là. C'était présent dans mon
mémoire, là, un enseignant, justement, là, qui enseignait au Cégep du Vieux Montréal
puis à l'UQAM, qui a perdu son emploi... bien, qui a pris sa retraite anticipée
au Cégep du Vieux Montréal en raison d'une deuxième sanction qui s'en venait,
là, en matière de violence à caractère sexuel, puis, bien, cette personne-là a
continué à enseigner à l'UQAM. Donc, tu sais, je pense qu'il y a aussi le fait
de transmettre interordre puis de se parler d'un établissement à l'autre, parce
que là, justement, vu qu'il n'y a pas de changement en emploi, bien, l'UQAM n'aurait
pas eu nécessairement la tendance d'appeler le Cégep du Vieux Montréal. Donc,
il y a ça aussi qu'il faut porter attention, là, quand les deux emplois sont
simultanés.
Mme Cadet : Merci. Je vais
laisser ma collègue compléter.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
Mme la députée de La Pinière pour deux minutes 15 secondes.
Mme Caron : Merci. Alors,
dans la recommandation quatre de la FECQ, donc, vous disiez... vous disiez qu'il
ne devrait pas y avoir de relation entre un membre du corps enseignant puis un
étudiant ou une étudiante. Pourquoi juste les membres du corps enseignant? Est-ce
qu'un directeur ou un concierge ou un technicien dans un laboratoire, est-ce qu'il
n'y a pas, là aussi, les mêmes... les mêmes risques ou possibilités?
Mme Bibeau-Lorrain (Catherine) : Oui.
C'est une bonne question. On a... On n'a pas été étudier ce... ces autres types
de relation là. Ce serait possiblement à étudier, là. Mais nous, on s'est
vraiment concentrés sur ces relations-là, entre les enseignants et les
personnes étudiantes, qui ont cette relation d'autorité là, directe, dans la
même classe. Vu qu'il y a toutes les relations de... bien, de notation puis
de... comme tous le pouvoir que la personne enseignante peut avoir sur le
parcours scolaire de la personne dans sa classe, mais on ne s'est pas... on ne
s'est pas penchés sur ce type de relation là, extra... dans... extra classe,
mettons.
Mme Caron : Merci.
(Interruption) Pardon, je manque de voix.
Vous avez proposé, comme d'autres l'ont fait aussi, de ne pas utiliser le
facteur de 17 h mais d'utiliser 40 h parce que les étudiants travaillent
plus. Mais ce que le groupe qui vous précédait, vous étiez là aussi dans la
salle, vous les avez entendus, disait : Bien, on ne devrait pas rémunérer
davantage une personne à la suite de violences à caractère sexuel, une personne
victime, mais simplement selon les heures qu'elle a travaillées dans l'année
qui précède. Alors, est-ce que... Quelle est votre vue par rapport à ça? Parce
qu'entre rémunérer quelqu'un 40 heures, qui a peut-être travaillé plus que
17 h, mais peut-être pas 40 heures, est-ce que...
La Présidente (Mme D'Amours) : ...une
réponse en 20 secondes.
Mme Mallette-Léonard (Laurence) :
Oui. Bien, il y a deux façons de répondre à ça. C'est qu'au collégial ou
dans cette tranche d'âge là, bien, les salaires augmentent beaucoup d'une année
à l'autre, parce que justement, on passe d'un emploi de base de caissier dans
un magasin à peut-être un emploi beaucoup plus spécialisé. Puis, je dirais, la
deuxième chose, pour répondre, là, c'est que tu n'es pas victime seulement 17 h
ou 5 h, tu es victime 40 heures par semaine, au minimum.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
Je...
La Présidente (Mme D'Amours) : ...cède
maintenant la parole au député de Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour à vous deux, toujours un plaisir de vous voir en
commission. J'aimerais ça qu'on... Là, pour qu'on ait la même compréhension, tu
sais, des fois, dans vos explications sur les clauses d'amnistie, vous faites
référence, par exemple, à des attouchements, des choses comme ça. Est-ce qu'on
s'entend sur le fait que ce genre de choses là arrivent? Ce n'est pas une tape
sur les doigts qu'il faut, là. Il faudrait un congédiement, là.
Mme Bibeau-Lorrain (Catherine) : On
s'entend, on s'entend, c'est vrai. Puis ça, ça revient aussi avec la
proactivité des employeurs de faire ce genre d'action là, de... comme, s'il y a
des violences à caractère sexuel qui se passent dans ce type-là, bien, c'est
que la personne, elle devrait être mise à la porte directement. Des fois, si ça
ne se passe pas, bien, il faut s'assurer d'avoir le cadre pour que le dossier
disciplinaire reste au... pour que la tache reste au dossier disciplinaire de
la personne. Mais on s'entend pour dire que, s'il y a ce genre d'action là qui
se passe, bien, il faut que la personne... ne devrait plus avoir à rester dans
l'établissement, là.
M. Leduc : C'est Me Cox qui
le disait ce matin, elle disait, tu sais, si l'acte n'a pas mené à un
congédiement, c'est qu'on considère, ou, en tout cas, l'employeur considère que
le lien de confiance n'est pas disparu. Donc, ça doit être, on imagine, très
mineur ou relativement mineur comme acte. Mais je comprends qu'on clarifie ça,
là, comme... Si on est dans le registre des attouchements, c'est un
congédiement, puis pas de gossage, de gradation de sanctions pour la suite des
choses. Parce que, des fois, je trouve que, dans cette discussion-là, il peut y
avoir un peu de complexité ou de flou alentour de la hiérarchisation de ce qui
peut être commis et répréhensible. Sur les relations entre enseignants et
étudiantes, étudiants, en fait, dans tous ces... j'imagine, évidemment, j'avais
l'impression que c'était déjà un peu interdit, mais par université ou par
cégep. Est-ce que je me trompe?
• (19 h 10) •
Mme Bibeau-Lorrain (Catherine) : Bien,
ça dépend vraiment de chaque établissement, là. C'est... Ça dépend de chaque
établissement, puis, des fois, il y en a qui peuvent le permettre, puis ça peut
occasionner des situations d'abus de pouvoir, puis parce qu'il y a un conflit
d'intérêts automatique, là. Ça fait que nous, c'est des choses qu'on voit, puis
c'est sûr que ça... après cet encadrement des relations, ça dépend de chaque
établissement, là.
M. Leduc : Ça fait que là, ce
que vous voudriez, dans le fond, c'est uniformiser un peu cette pratique-là,
qui pourrait déjà être appliquée d'une place à l'autre, mais...
Mme Bibeau-Lorrain (Catherine) : Exactement.
M. Leduc : O.K. Puis ça...
Là, quelle loi on viendrait changer avec ça? Est-ce que vous...
Mme Bibeau-Lorrain (Catherine) : C'est
une bonne question. On ne s'est pas penchés sur la manière d'appliquer cette
recommandation qu'on a. Nous, c'est sûr qu'on... dans le cadre de ce projet de
loi là, de dire que ce serait une bonne chose de l'inclure, vu qu'on parle de
prévenir et de combattre le harcèlement psychologique et la violence à
caractère sexuel en milieu de travail. Sinon, tu sais, on parle beaucoup de la
loi p-22.1, aussi, pour prévenir les violences à caractère sexuel en milieu
d'enseignement supérieur. Ça fait que c'est des moyens qu'on voit, là, pour
prévenir ce genre de relation là.
M. Leduc : Peut-être une
petite dernière, Mme la Présidente...
La Présidente (Mme D'Amours) : 45
secondes.
M. Leduc : 40 secondes?
Est-ce que le fait qu'on ait juste 17 heures dans le projet de loi, plutôt que
40... est-ce que c'est discriminatoire, selon vous?
Mme Mallette-Léonard (Laurence) :
Selon nous, c'est discriminatoire.
M. Leduc : Donc, vous êtes du
même avis que les trois professeurs qui sont...
Mme Mallette-Léonard (Laurence) :
Oui, effectivement, parce que, justement, ce n'est pas parce qu'on a moins
de 18 ans et qu'on travaille, maximum, 17 heures, là... ce n'est pas
nécessairement vrai, considérant que la population étudiante collégiale peut
avoir moins de 18 ans.
M. Leduc : Parfait. Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci,
Mme Mallette-Léonard, Mme Bibeau-Lorrain. Merci infiniment pour votre contribution
à nos travaux de la commission, toujours très rafraîchissant de voir des jeunes
s'impliquer.
Et la commission ajourne ses travaux
jusqu'à demain, mercredi, le 31 janvier, après les avis touchant les
travaux des commissions, où elle poursuivra son mandat. Merci beaucoup, tout le
monde.
(Fin de la séance à 19 h 12)