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Version préliminaire

43e législature, 1re session
(début : 29 novembre 2022)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Le mardi 30 janvier 2024 - Vol. 47 N° 35

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 42, Loi visant à prévenir et à combattre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en milieu de travail


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Journal des débats

9 h 30 (version non révisée)

(Neuf heures quarante-huit minutes)

La Présidente (Mme D'Amours) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant...

La Présidente (Mme D'Amours) : ...constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'économie et du travail ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi no 42, Loi visant à prévenir et à combattre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en milieu de travail.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. M. Dufour (Abitibi-Est) est remplacé par Mme Malette (Hungtindon); M. Tremblay (Dubuc) est remplacé par Mme Poulet (Laporte); et Mme Lakhoyan Olivier (Chomedey), est remplacée par Mme Caron (La Pinière).

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Nous débuterons ce matin par les remarques préliminaires puis nous entendrons par la suite les témoins suivants : maître Anne Marie LaFlamme, Maître Dalia... Je vais essayer de ne pas vous débaptiser, Gesualdi-Fecteau, et Maître Rachel Cox, Juripop et la Confédération des syndicats nationaux.

J'invite maintenant le ministre du Travail à faire ses remarques préliminaires. M. le ministre, vous disposez de six minutes. La parole est à vous.

• (9 h 50) •

M. Boulet : Oui, merci, Mme la Présidente. D'abord, transmettre mes sincères salutations, mes meilleurs vœux, même si c'est un peu tard, pour la nouvelle année. Puis c'est un immense plaisir pour moi de revenir au travail avec mes collègues d'Hochelaga-Maisonneuve, Bourassa-Sauvé, Jean-Talon, et ainsi que mes collègues gouvernementaux qui sont avec moi. Nous allons travailler en équipe de façon à atteindre nos objectifs de faire du Québec une société où il fait bon de travailler, dans des environnements de travail exempt de tout risque, en matière notamment de harcèlement psychologique et de conduite à caractère sexuel. En fait, on réfère souvent aux violences à caractère sexuel. Souvenez-vous, sur la base du rapport Rebâtir la confiance, j'avais demandé à trois expertes, que nous allons entendre un peu plus tard, Dalia, Anne-Marie, Rachel, des personnes en qui j'ai... à l'égard desquelles j'ai une estime considérable. C'est des expertes qui ont aussi une réputation, qui sont des professeures reconnues en droit et en relations industrielles, de nous guider sur les meilleures façons d'assurer une bonne cohésion en ce qui concerne les recours en matière de violences à caractère sexuel. De permettre que le droit du travail québécois répare de façon juste et convenable les victimes de ces types de violence là, de diminuer les risques de victimisation secondaire aussi et d'assurer qu'il y ait le meilleur accompagnement humain, la meilleure indemnisation, et qu'on s'inscrive au Canada comme étant des précurseurs en matière de lutte et de prévention.

Donc, moi, j'en profite évidemment pour dire à tous les groupes qu'on va analyser les recommandations avec attention, avec considération. Et je rappelle constamment ce que Statistique Canada nous avait révélé, c'est-à-dire que 49 % des travailleurs au Québec, en 2020, avaient subi ou observé des comportements sexualisés inappropriés ou discriminatoires dans leurs milieux de travail. Et ça, c'était sur une période de 12 mois. Évidemment, il y a eu des sondages par la suite, du ministère du Travail, il y a eu d'autres études qui démontrent que c'est un phénomène qui est extrêmement nocif et qui génère des retombées, pas que dans les milieux de travail, mais aussi à l'extérieur des milieux de travail. Et rappelez-vous, on avait modernisé considérablement le régime de santé et sécurité au travail, on avait inclus les risques psychosociaux, on s'est intéressé à la violence conjugale, familiale et à caractère sexuel.

Et les trois expertes que vous avez devant vous ont présenté un rapport qui contient 82 recommandations. Il y en a qui sont à connotation législative, d'autres administratives. On a fait une annonce, en septembre dernier, pour des mesures administratives déjà mises en application par la CNESST. J'oserais dire à peu près 90 % des recommandations sont déjà en application, le Tribunal administratif du travail aussi, j'aurai certainement l'occasion d'en discuter plus abondamment. Donc...

M. Boulet : ...essentiellement, le projet de loi vise à étendre des obligations, élargir le contenu minimal des politiques de prévention, s'assurer de protéger les personnes qui signalent. Moi, je suis vraiment préoccupé qu'on puisse développer au Québec une culture de signalement, de dénonciation des violences à caractère sexuel. On ajoute des présomptions qui vont faciliter la preuve pour les victimes. On allonge les délais, on s'assure qu'il y ait de la formation qui a déjà été amorcée, autant c'est déjà fait, je pourrai vous en parler pour les juges du TAT, ainsi que les conciliateurs. On permet une grande première, même si une immunité civile, en matière de lésions professionnelles, que le TAT puisse accorder des dommages punitifs. Évidemment, quand c'est intentionnel et illicite, même s'il estime probable qu'il s'agisse d'une lésion professionnelle, il y a des nouvelles infractions, il y a des nouvelles amendes.

Donc, moi, je suis extrêmement encouragé de l'intérêt que ce projet de loi là suscite et du consensus qu'on a pu faire, certainement, quant aux objectifs du projet de loi. Maintenant, quant aux moyens d'atteindre nos objectifs, je le répète, moi, je veux véritablement m'inspirer de ce que vous allez nous proposer. Il y a toujours place à amélioration. Un projet de loi, même s'il se veut le plus consensuel possible, il est perfectible. Et merci, encore une fois, de votre collaboration. Puis merci à tous ceux et celles, Mme la Présidente, qui vont contribuer à faire du Québec une société avancée.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci, monsieur le ministre. Maintenant, j'invite la porte-parole de l'opposition officielle et députée de Bourassa-Sauvé à faire ses remarques préliminaires pour une durée de 4 minutes 30 secondes. La parole est à vous.

Mme Cadet : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, M. le ministre. Salutations, donc, à tous les collègues ainsi qu'à nos premières intervenantes de ce matin. Je pense, en fait, qu'on a jusqu'à demain, M. le ministre, donc, pour souhaiter bonne année à tout le monde et, après ça, il sera trop tard. Donc, ça nous fait vraiment plaisir. Puis c'est ce bonheur d'être de retour à Québec et de commencer de bonne heure, donc, sur un projet de loi qui est... qui est important. Lors de l'étude de crédits en avril dernier, en avril 2023, j'avais demandé au ministre quand est-ce que nous verrions, donc, le dépôt, donc, tant attendu, donc, du rapport du comité d'experts chargé d'analyser les recours en matière de harcèlement sexuel et d'agression à caractère sexuel dans le cadre du travail, dépôt qui... en fait, rapport, donc, qui a été déposé, donc, le 5 mai suivant s'intitulant, donc, mettre fin au harcèlement sexuel dans le cadre du travail, se donner les moyens pour agir.      Le ministre a mentionné, donc, les statistiques qui ont défrayé les manchettes au cours de la dernière année, au cours des années précédentes, qui maintenait l'importance d'agir, donc, de pouvoir mettre en œuvre différents... différentes de ces recommandations-là, donc, qui étaient, donc, dans ce rapport. Et donc je rappellerais que les recommandations des expertes, dont elles vont bien pouvoir nous parler abondamment, donc, visent à atteindre les objectifs suivants, donc, rendre cohérent le cadre juridique du travail, s'assurer que la réponse au droit du travail permette de réparer les torts causés, réduire les risques de victimisation secondaire et outiller les milieux de travail pour qu'ils puissent prendre en charge le risque, y mettre fin promptement.

Donc, vous comprendrez, Mme la Présidente, qu'avec, donc, les questions posées lors de l'étude de crédits l'an dernier, en raison, donc, de l'intérêt, donc, porté à cette question-là, puis aussi en faisant suite, aussi, donc, au travail de mon prédécesseur, le député de Nelligan, sur le projet de loi n° 59, sur la Loi sur la santé et sécurité au travail, que nous serons, donc, dans une optique de collaboration. Donc, à l'époque, dans ce projet de loi là, mon collègue, donc, avait collaboré, donc, dans l'inclusion, donc, du concept de violence dans la LSST. Donc, nous, nous serons, donc, dans le même esprit, au Parti libéral du Québec, pour le projet de loi n° 42. Toutefois... Et je me permets de citer, donc, les expertes que nous entendrons dans quelques minutes, même si, donc, comme la grande... en fait, je pense qu'on... j'ose dire, la quasi-totalité, donc, des acteurs interpellés, que je vois d'un bon œil, donc, le projet de loi, il y a quand même certains éléments, donc, il faut soulever. M. le ministre vient de le mentionner, tout projet de loi est perfectible.

Et, ici, déjà... Donc, je cite un pan du mémoire des expertes, elles nous disent : «Les membres du comité croient néanmoins qu'à certains égards le projet de loi n° 42 ne répond pas pleinement aux enjeux documentés dans le rapport rendu public en mai 2023. Dans certains cas...

Mme Cadet : ...la modification proposée risque d'ajouter inutilement à la complexité du cadre juridique. À d'autres occasions, les membres du comité croient qu'il y a une opportunité manquée de rendre plus cohérentes et plus efficaces les lois du travail au Québec.»

À titre d'exemple, elles citent, notamment, un élément qui a retenu mon attention, Mme la Présidente : «Dans son rapport, le comité a constaté une situation discriminatoire à l'égard des victimes de violence à caractère sexuel ayant moins de 18 ans... Les agressions à caractère sexuel ou le harcèlement sexuel survenaient souvent — donc pour les jeunes victimes — dans les premiers jours ou les premières semaines d'un emploi d'été ou lors d'une première expérience sur le marché du travail. Or, si elles sont aux études à temps plein, les personnes victimes de moins de 18 ans reçoivent présentement le quart des montants minimaux versés à une personne victime de la même violence mais qui a plus de 18 ans... qui n'étudie pas à temps plein.»

Elles ajoutent, donc, qu'«en plus d'être discriminatoire... la mesure proposée par le projet de loi n° 42 fait fi du principe consacré de la LATMP voulant qu'il faille regarder vers l'avenir et non seulement vers le passé pour déterminer la perte de capacité de gain...

La Présidente (Mme D'Amours) : En terminant.

Mme Cadet : ...entraînée par une lésion professionnelle.»

Donc, vous comprenez, Mme la Présidente, que, comme le dit M. le ministre, tout projet doit est perfectible. Ce ne sont que quelques exemples des éléments sur lesquels, donc, j'aurai des questions aujourd'hui.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. C'est tout le temps que nous avions. Maintenant, je cède la parole au porte-parole du deuxième groupe d'opposition et députée d'Hochelaga-Maisonneuve à faire ses remarques préliminaires pour une durée de 1 min 30 s. La parole est à vous.

• (10 heures) •

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, tout le monde. Bonjour, chers collègues, content de vous retrouver. C'est la rentrée parlementaire, toujours un moment agréable. Un moment pour saluer aussi tous les employés des différents cabinets, des différents attachés politiques qui nous accompagnent dans notre travail, les employés de l'Assemblée nationale aussi, qui font que les gens à la maison peuvent nous écouter, voir nos délibérations. Alors, bonne rentrée à tout le monde.

On était dû pour une mise à jour, je pense, du dossier du harcèlement psychologique, du harcèlement sexuel. Donc, le projet de loi est bienvenu. Il y a eu des consultations de travaux qui ont été faites durant plusieurs mois. J'ai hâte d'entendre nos... nos premiers invités, nos premières invitées. Mais je pense aussi, en effet, comme le ministre le disait, comme ma collègue de l'opposition le disait aussi, que c'est un projet de loi qui est perfectible. Quand il a été déposé, il n'a pas provoqué de grande levée de boucliers, contrairement à d'autres projets de loi que nous avons travaillés ensemble et peut-être d'autres projets de loi qui seront déposés cette semaine sur la construction, on verra bien, ça fera couler certainement beaucoup d'encre. Mais celui-là est presque passé inaperçu, puis ce n'est pas parce que le sujet n'est pas important, bien sûr, mais c'est parce que son contenu, je pense, faisait grosso modo consensus. Moi, j'aurai peut-être des questions, là, rendus dans l'étude détaillée, sur les clauses amnistie. Peut-être que le ministre a ouvert un peu trop grand ce dossier-là, mais on verra. Le problème du p.l., c'est surtout ce qu'il ne contient pas, je pense. Et on aura l'occasion d'entendre plusieurs groupes, cette semaine, qui vont nous suggérer des pistes supplémentaires, donc, pour bonifier le projet de loi. Puis je toujours content d'entendre le ministre dire qu'il est ouvert à... Merci.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci, M. le député. Maintenant, y a-t-il consentement afin que le député de Jean-Talon puisse faire ses remarques préliminaires d'une durée d'une minute? Consentement, tout le monde? M. le député, la parole est à vous pour une minute.

M. Paradis : Merci beaucoup, Mme la Présidente, et, chers collègues, très heureux de vous revoir, moi aussi, avec tous mes souhaits pour la bonne année de collaboration, espérons-le. J'aimerais saluer l'initiative du gouvernement de présenter ce projet de loi sur un sujet extrêmement important. J'aimerais saluer aussi le fait que les travaux sont basés notamment sur l'avis d'expertes et d'experts reconnus dans le domaine, je pense que ça augure bien.

J'aborde nos travaux d'une double perspective. Dans mon ancienne vie, j'étais le directeur général d'une organisation qui avait au cœur de sa mission la lutte contre les violences basées sur le genre, y compris en milieu de travail, mais en même temps, j'étais aussi un employeur, donc j'ai géré les enjeux dont nous allons parler des deux côtés, à la fois en demande, mais aussi à la fois à titre d'employeur. Et je pense que ça va être un de nos défis, de nous assurer qu'on a toujours le juste équilibre.

J'aurai peu de temps lors de nos travaux, mais j'espère contribuer à faire du Québec un endroit qui est à l'avant-garde à l'échelle mondiale sur la prévention et le combat du harcèlement psychologique et des violences sexuelles en milieu de travail. Merci.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci beaucoup. Maintenant, nous allons débuter les auditions. Je souhaite la bienvenue à Me Laflamme, Me Fecteau et Me Rachel Cox. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à commencer votre exposé.

Mme Cox (Rachel) : Donc, bonjour. Merci aux membres de la Commission de l'économie et du travail pour l'invitation de témoigner ici aujourd'hui. Mon nom est Rachel Cox, professeure à l'UQAM, et j'ai présidé accompagnée de mes...


 
 

10 h (version non révisée)

Mme Cox (Rachel) : ...collègues, un comité d'expertes nommé par le ministre Boulet en février 2022. Ce comité fait suite à une recommandation du rapport Rebâtir la confiance qui a conclu qu'en droit du travail la pluralité des recours est déroutante pour les personnes victimes et, dans certains cas, elle peut entraver l'accès à la justice. Le ministre nous a donc donné un mandat d'étudier dans leur globalité les recours disponibles aux personnes victimes. Nous devons présenter des recommandations basées sur des données probantes et, entre autres, nous prononcer sur l'opportunité d'adopter une loi spécifique pour contrer le harcèlement sexuel au travail. Nous avons conduit une enquête sur le terrain qui a conduit à l'examen de 750 dossiers de plaintes et de réclamations. Notre approche était donc... et c'est la pointe de l'iceberg, comme le ministre l'a souligné. Notre approche était résolument centrée sur la personne victime, l'accueil qu'on lui réserve, les remèdes que la Loi du travail lui offre pour réparer les torts causés. Et trois principes directeurs ont guidé nos travaux. Premièrement, éviter de créer une complexité accrue, comme je l'ai souligné, c'était ça le problème constaté, le principe d'équité entre les personnes victimes en dehors du travail ou au travail et le principe de l'égalité des femmes et des hommes puisque le harcèlement sexuel au travail, comme vous le savez sans doute, c'est une atteinte au droit à l'égalité des femmes. Notre rapport formule plus de 35 recommandations pour des modifications législatives, et nous demeurons convaincus de la pertinence de l'ensemble de nos recommandations. Par ailleurs, nous avons choisi de mettre de l'avant 10 propositions que nous jugeons incontournables pour bonifier, pour parfaire le projet de loi n° 42. Régime par régime, donc je passe la parole à Me Laflamme qui vous parlerait des propositions concernant la Loi sur les accidents du travail.

Mme Laflamme (Anne-Marie) : Merci, Rachel. Alors, à mon tour, je salue le dépôt de ce projet de loi. Je me présente. Anne-Marie Laflamme, avocate, professeure et doyenne de la Faculté de droit de l'Université Laval. J'ai également représenté des employeurs dans ce type de dossiers pendant une vingtaine d'années en pratique privée avant d'entreprendre ma carrière professorale.

Alors, j'ai le défi de vous présenter nos cinq propositions que nous jugeons incontournables de modifications du régime d'indemnisation, Loi sur les accidents du travail et maladies professionnelles, que j'appellerai LATMP. Bref rappel, ce régime d'indemnisation là est un régime exclusif obligatoire d'indemnisations pour les personnes victimes de violences à caractère sexuel qui ont subi une atteinte à leur santé. C'est un régime de responsabilités sans égard à la faute financé par les employeurs. C'est important parce que ça sous-tend plusieurs de nos recommandations.

La première, la désimputation du coût des lésions professionnelles causées par ces violences au dossier des employeurs. C'est une pièce maîtresse afin de réduire la déjudiciarisation des dossiers. Bref rappel, quand une lésion professionnelle survient, c'est imputé au dossier de l'employeur, ça risque d'entraîner des coûts importants à sa cotisation annuelle et ça suscite, c'est connu, c'est démontré, des contestations parfois même de nature préventive. Alors, cette judiciarisation des coûts, elle cause de graves préjudices aux victimes de violences à caractère sexuel. Leur sentiment d'impuissance et d'insécurité est exacerbé, ça freine les réclamations, ça nuit au rétablissement, ça peut aggraver la santé. Alors, le projet de loi reconnaît, et on le salue, adopte la recommandation de notre comité d'imputer des coûts au fonds spécial et non pas au dossier de l'employeur pour éviter ce processus de judiciarisation. Mais là où le bât blesse, c'est qu'il met... il ajoute une exception. Alors l'exception, c'est que, lorsque la violence provient de l'employeur ou de ses représentants, à ce moment-là, cette règle ne serait pas applicable. On vous demande respectueusement de considérer d'exclure cette exception-là puisqu'elle est susceptible justement, là, de faire en sorte que cet objectif-là ne sera pas rencontré puisque c'est justement dans ces situations-là que les dossiers sont les plus complexes et les plus judiciarisés.

Deuxième recommandation : la présomption de lésions professionnelles lorsque la blessure ou la maladie résultant de la violence à caractère sexuel est commise par l'employeur, son représentant ou par un travailleur. On est très heureux de voir que cette présomption-là a été retenue dans le projet de loi. C'est important parce que l'un des problèmes que rencontrent les victimes, c'est qu'ils ont de la difficulté à faire la preuve de la connexité entre leur lésion et le travail. Ça va de soi, les violences à caractère sexuel, ça ne survient pas sur une chaîne de montage, sur les lieux de travail, pendant les heures du travail, ça survient dans des événements connexes, activités sociales, déplacements ou même le soir ou la fin de semaine par texto. Alors, cette présomption-là est reconnue dans la loi, mais le problème, c'est qu'on a ajouté une exception. On dit que cette présomption-là s'applique sauf si la violence survient dans un contexte strictement privé. Alors, en disant ça...

Mme Laflamme (Anne-Marie) : ...on vient dire une chose et son contraire. On vient... obliger la victime à faire la démonstration que l'événement n'est pas survenu dans le cadre de sa vie privée. Alors, on perpétue stéréotypes et on pense que cette exception-là doit être retirée de la loi. Je ne m'étends pas longtemps sur l'indemnisation des personnes étudiantes de moins de 18 ans, parce que j'ai bien compris qu'on allait y revenir en question principale. Simplement vous soulignez que c'est un dossier important et que c'est parmi les dossiers les plus choquants qu'on a vus dans le cadre de notre étude.

Le délai pour déposer une réclamation, le projet de loi prévoit qu'il est augmenté, il passe de six mois à deux ans. Une belle avancée, vous me direz, mais le comité vous soumet respectueusement que les victimes qui dépassent ce délai-là devraient néanmoins pouvoir faire la preuve qu'elles n'ont pas pu respecter ce délai parce qu'elles ont justement été victimes d'une violence à caractère sexuel. L'imprescriptibilité du recours existe déjà en vertu du Code civil pour ces victimes-là. Elle existe dans la loi visant à aider les victimes d'acte... d'infraction criminelle. Et on pense que de prévoir dans la loi une simple présomption que la personne victime d'une violence à caractère sexuel est réputée avoir respecté le délai, ça serait une manière de nous assurer que la CNESST n'écarte pas du revers de la main une réclamation parce qu'elle est logée hors délai, mais qu'elle prend au moins la peine d'examiner le motif qui est invoqué par la personne victime.

Et finalement, dernier point, permettre à la victime de recevoir une indemnité de remplacement du revenu durant la période où son dossier est examiné. Je ne m'étends pas longuement, je vois que le temps file beaucoup trop vite. Je vous demande de regarder attentivement cette proposition-là qu'on fait d'un ajout à l'article 129 de la loi. Parce que l'un des gros problèmes, c'est que les victimes, le fait qu'ils aient plusieurs recours, ça prend du temps avant qu'on analyse leurs réclamations. Et, pendant ce temps là, elles ne sont pas payées, elles n'ont pas d'indemnités et elles se trouvent parfois obligées d'abandonner des recours simplement pour pouvoir enfin avoir droit à une indemnisation. Alors, je m'arrête ici. Je passe la parole à Dalia qui va aborder les recommandations en vertu de la loi sur les normes.

• (10 h 10) •

Mme Gesualdi-Fecteau (Dalia) : Merci, Anne-Marie. Bonjour, Mme la Présidente. Alors, mon nom est Dalia Gesualdi-Fecteau. Je suis professeure de droit du travail à l'École de relations industrielles de l'Université de Montréal. De 2003 à 2012, j'ai représenté des personnes salariées non syndiquées à titre d'avocate à ce qui était à l'époque la Commission des normes du travail.

Alors, évidemment, nous abondons dans le même sens que le ministre, il faut, au Québec, développer une culture du signalement, une culture de la dénonciation. Nous saluons, je salue également, comme mes collègues, le dépôt de ce projet de loi. Le harcèlement psychologique à caractère sexuel est un phénomène qui est encadré par plusieurs lois. Ma collègue Rachel Cox l'a dit, une situation de fait peut donner lieu à plusieurs recours et il importe d'aménager l'interaction entre ces recours-là pour assurer un accès à la justice effectif des personnes victimes, pour assurer que les lois produisent des résultats efficaces.

Il y a, de notre point de vue, deux interventions impératives qui doivent être faites dans la Loi sur les normes du travail afin de réduire les effets de cette complexité-là, afin de s'assurer justement que cette culture de la dénonciation que l'on souhaite mettre en place soit effective et accessible pour les personnes victimes. Cette première intervention-là serait une modification à l'article 123.16 de la Loi sur les normes du travail. L'article qui aménage les interactions entre le régime de la Loi sur les accidents du travail, les maladies professionnelles et la Loi sur les normes du travail sur le plan des dommages. Cet article-là, on estime, du moins, les membres du comité ici présentes que cet article là doit être clarifié afin simplement de prévoir qu'il faut éviter une double indemnisation quand une personne est reconnue comme étant victime d'une lésion professionnelle.

Par ailleurs, deuxième intervention qu'il importe de faire, c'est celle de l'interaction entre la Charte et la Loi sur les normes du travail. Dans la Charte, les employeurs ont une obligation de résultat. Donc, évidemment, il y a une présomption de responsabilité que... de responsabilité de l'employeur en cas de harcèlement discriminatoire. Dans la loi sur les normes du travail, nous sommes devant une obligation de moyens. Une plainte peut être rejetée si le salarié ne dénonce pas promptement le harcèlement qu'il a été ou elle a été victime. Donc, on suggère d'introduire dans la loi sur les normes du travail que les remèdes prévus à l'article 123.15 soient accessibles, même si l'employeur n'a pas fait défaut à ses obligations, justement pour assurer une parité des personnes qui prendraient un recours en vertu de la Charte en cas de harcèlement discriminatoire ou un recours en vertu de la loi sur les normes en vertu d'un harcèlement discriminatoire également. Merci.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Je vous remercie pour votre exposé, Mesdames. Nous allons maintenant commencer la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous pour une durée de 16 minutes 30 secondes.

M. Boulet : Merci, Mme la Présidente.

Mme Cox (Rachel) : Mme la Présidente, j'avais quelques remarques pour terminer le tout, parce qu'on a...

Mme Cox (Rachel) : ...le régime de prévention, et je suis certaine que M. le ministre aimerait entendre parler de ce régime-là, parce qu'il a plusieurs points positifs.

La Présidente (Mme D'Amours) : M. le ministre, est-ce que vous laissez votre temps à Mme... Me Cox?

M. Boulet : Combien de temps, Rachel?

Mme Cox (Rachel) : Je vais essayer pour 60 secondes.

M. Boulet : Super! Alors, on y va.

La Présidente (Mme D'Amours) : Allez-y, madame.

Mme Cox (Rachel) : Merci beaucoup. Alors, plusieurs mesures préventives intéressantes, notamment le pouvoir pour la CNESST d'adopter un règlement. Vous dites que vous voulez être à l'avant-garde, j'arrive de Genève, d'une conférence internationale, on en est à des règlements spécifiques. C'est prévu par le projet loi no 42. Ma question, c'est comment s'assurer, au Québec, alors que le C.A. de la CNESST a parfois de la difficulté à s'entendre, qu'un tel règlement est adopté dans un délai raisonnable? Donc, je vous invite à prévoir, comme le ministre a fait pour le projet de loi no 59, un délai à partir duquel le gouvernement va agir à la place de la CNESST.

Deuxième élément, c'est déjà... ça existe déjà en Ontario, des fois, l'enquête de l'employeur, là où les problèmes de harcèlement sexuel doivent être réglés d'abord et avant tout, n'est tout simplement pas crédible. Donc, on vous invite à considérer la possibilité que la CNESST puisse, dans de tels cas, ordonner une enquête par un tiers neutre et compétent, crédibiliser tout le processus.

Et, en conclusion, oui, le projet loi no 42 fait un bon pas en avant. Cela étant dit, il y a des mesures qui doivent être revues, des ajouts qui doivent être faits. Nous, le comité, on a conduit une enquête exhaustive sur le terrain et on a présenté nos propositions pour bonifier le projet de loi no 42. Aujourd'hui... nous invite à considérer le résultat de cette enquête et les données probantes recueillies, et on espère que ça va éclairer les travaux parlementaires pour la suite des choses. Merci.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. M. le ministre.

M. Boulet : Oui, merci, Mme la Présidente. On a un temps limité, alors que c'est un mémoire... Merci beaucoup, hein, de votre contribution. Encore une fois, votre mémoire est bien étoffé, bien articulé. C'est certain qu'on aura des opportunités de se reparler.

Quelques points. La désimputation... Me Laflamme, est-ce que vous pensez que la désimputation des personnes employeuses qui sont responsables, des personnes qui sont des représentants de l'employeur dans ses relations avec ses salariés n'aurait pas un effet périlleux, n'aurait pas une conséquence de déresponsabilisation? Moi, je le prends beaucoup à l'inverse, Me Laflamme, puis je comprends extrêmement bien votre point. Puis votre recommandation d'imputer au fonds général, moi, j'y adhérais, et, dans ma pratique, j'ai vu souvent que les demandes de désimputation sont extrêmement fréquentes, mais je pense que ça responsabilise puis ça permet de s'assurer qu'on fasse véritablement de la prévention si on dit : Il y a une imputation qui est associée à ta responsabilité. Qu'est-ce que vous en pensez, Me Laflamme?

Mme Lavoie (Anne-Marie) : Merci pour votre question, M. le ministre. Écoutez, de notre point de vue, les bénéfices pour la victime de cette déjudiciarisation-là sont beaucoup plus importants que les chances qu'une telle mesure puisse responsabiliser un employeur ou un représentant de l'employeur qui aurait commis une violence à caractère sexuel. Les dossiers dans lesquels la violence à caractère sexuel émane de l'employeur ou d'un supérieur immédiat, c'est les dossiers les plus complexes, les plus difficiles, qui suscitent des longues enquêtes par la CNESST, où elle a de la difficulté à avoir la collaboration de l'employeur et puis de l'autre partie, où elle doit poser un paquet de questions, là, sur la vie privée de la victime.

Et on pense que, bien, si on maintient cette exception-là, bien, à toutes fins utiles, on annule, on annule en grande partie, sinon en totalité, l'effet bénéfique de cette désimputation, qui vise justement à éviter cette.... Puis la pire judiciarisation, c'est l'employeur qui est lui-même impliqué au dossier puis qui se... qui a un processus contradictoire avec la victime, alors... Et on pense, en tout respect, qu'il y a beaucoup d'autres manières de responsabilité des employeurs qui sont plus efficaces, notamment par l'entremise d'une plainte pénale, si, vraiment, il y a eu une atteinte, là, qui...

M. Boulet : Mais je pense qu'on peut convenir, évidemment, ça peut varier d'un environnement de travail à l'autre, mais que la désimputation peut favoriser un certain laxisme dans l'application des politiques de prévention puis dans la formation, l'information qui est dispensée, notamment, je pense beaucoup au représentant de l'employeur dans ses relations avec les salariés. Mais je respecte beaucoup votre opinion.

Présomption. La sphère privée, évidemment, c'est du cas par cas, là, mais il faut quand même...

M. Boulet : ...que ce soit un accident de travail, que ce soit par le fait ou à l'occasion du travail. Quand c'est strictement privé... On avait porté une attention particulière à la relation purement personnelle que deux personnes peuvent avoir dans un contexte totalement privé. Je sais que ça peut se faire en télétravail, ça peut se faire dans le contexte d'une réunion de travail, mais je pense qu'il faut tenir compte de cette réalité-là qui est fondamentalement humaine. Puis même si une présomption ne s'applique pas, il y a un fardeau de preuve qui peut quand même s'assumer de la part de la victime. Vous, ce que vous nous dites, c'est que même dans une fin totalement privée, pour éviter d'alimenter des préjugés, peut être qu'on est à risque tout le temps d'alimenter des types de préjugés, il faudrait que ce soit couvert.

Mme Laflamme (Anne-Marie) : En fait, la présomption, son but, c'est de faciliter la preuve de la victime.

M. Boulet : Absolument.

Mme Laflamme (Anne-Marie) : C'est ça, l'objectif. Actuellement, la victime doit faire cette démonstration-là. Ce qu'on veut, c'est... Puis une présomption peut être renversée, évidemment, comme vous le savez. C'est de faciliter la preuve de la victime, puis d'éviter cette enquête-là qui porte, et on l'a vu dans les dossiers qu'on a analysés à la CNESST, des questions qui portent sur la vie privée de la victime. Avez vous déjà eu une relation interpersonnelle avec la personne qui vous a harcelé, etc.

Vous savez, le but, la présomption, c'est quand ça provient d'un employeur, de son représentant ou d'un collègue de travail, c'est présumé être en lien avec le travail. Si ce n'est pas en lien avec le travail, bien, encore faut-il en faire la démonstration. Parce que les violences à... Et c'est lié à la particularité des violences à caractère sexuel. Vous savez, l'employé qui est harcelé la fin de semaine par texto par son employeur, elle ne laisse pas sa vie privée de côté quand elle rentre au travail le lundi matin, puis elle repart avec une page blanche. Elle doit vivre avec ça. C'est intime, le harcèlement. Quand il provient du milieu de travail, il est nécessairement... Ce qu'on veut démontrer, c'est qu'il est... il est présumé connexe au travail, sous réserve qu'une preuve contraire en soit faite et que la présomption soit renversée.

• (10 h 20) •

Alors, c'est dans ce sens-là qu'on pense que c'est important. On a trop vu de dossiers où c'est la victime qui est questionnée sur les... sur sa vie privée. Et c'est... C'est nécessaire si on maintient la définition actuelle et qu'on oblige la victime à faire cette preuve-là. Et vous réintroduisez par cette présomption cette obligation de faire la preuve que ce n'est pas survenu dans la vie privée. Alors, la présomption, elle va être tout à fait utile si on enlève cette... cette portion-là, cette exception-là.

M. Boulet : Je comprends. En même temps, comme vous le dites, la présomption, dans la mesure où elle peut être renversée, je ne pense pas qu'on peut éviter d'embarquer dans une preuve qui fait référence à la vie privée, là, mais je pense que c'est important quand même de respecter la relation qui peut se développer entre deux personnes, qui est complètement externe. Puis je sais que j'alimente certains préjugés, là, mais je comprends votre point.

L'indemnité de remplacement de revenu pour les travailleurs étudiants de moins de 18 ans, on sait, je pense qu'on fait un grand pas en avant. C'est 121 $. Alors que, là, on peut tenir compte non seulement des revenus passés, mais des revenus anticipés. Et ce qu'il y a de particulier avec notre régime d'assurance en matière de lésions professionnelles, c'est qu'on veut remplacer des capacités de gain. Donc, il y aura une possibilité pour l'étudiant de faire une preuve à cet égard là.

J'aimerais vous entendre aussi sur le délai, bon, le six mois à deux ans, je pense aussi qu'on fait un pas en avant. De transformer ça de façon à ce que ça devienne imprescriptible, il ne faut pas oublier, Me Laflamme, puis vous le savez très bien, que même si le deux ans n'est pas respecté, la personne peut, par un motif raisonnable, être relevée du défaut de... de respecter ce délai-là. Quelle est la valeur, selon vous, de l'imprescriptibilité additionnelle, là?

Mme Laflamme (Anne-Marie) : Je vais passer la parole à ma collègue Rachel. Et pour... pour le début, je reviendrai par la suite au besoin.

Mme Cox (Rachel) : Concernant le délai, c'est la question, comme j'ai évoqué en introduction, de... le principe d'équité entre personnes victimes. Le recours à la LATMP, c'est un recours exclusif du moment que l'agression ou le harcèlement survient dans un cadre du travail. Or, en vertu de la Loi sur l'élimination des victimes d'actes criminels, le recours est imprescriptible, de même que par le Code civil. Alors, nous, donc, on croit qu'il faut offrir la même chose. Encore une fois, c'est certain que plus que le temps est passé, plus ça va être difficile de faire la preuve. Mais ce qu'on souhaite, c'est que dans tous les cas, la CNESST...

Mme Cox (Rachel) : ...étudie la réclamation sans obliger... Quand vous allez avec le motif raisonnable ou il faut faire la preuve, qu'est-ce que ça veut dire, dans les faits? Ça veut dire que les personnes victimes doivent appeler d'une décision négative, souvent se retrouvent devant le tribunal pour plaider avec succès, mais seulement dans la mesure où ils ont les moyens d'y arriver devant le tribunal. Alors, dans un esprit de vouloir judiciariser que la CNESST règle le plus possible avec une décision initiale, bien, une disposition voulant que la violence à caractère sexuel représente un motif raisonnable. Et ça représente, dans la plupart des cas, mais on évite cette judiciarisation, cet alourdissement des procédures pour les personnes tout en étant équitable parce que, si la même agression est arrivée dans la rue en dehors d'un contexte du travail, la personne aura justement tout son temps pour déposer le recours.

M. Boulet : En même temps, il n'y a pas d'iniquité, dans la mesure où le deux ans s'applique à tous et la possibilité d'être relevé du défaut de respecter ce délai-là par la preuve de motif raisonnable s'applique à tout le monde.

Est-ce que vous n'avez pas l'impression que l'imprescriptibilité peut être incompatible avec la diligence à laquelle vous faites référence? Si c'est imprescriptible, est-ce que ça ne peut pas inciter des victimes à attendre et affecter la crédibilité ou la valeur de leur dossier? Peut-être que mon raisonnement... Qu'est-ce que vous en pensez?

Mme Cox (Rachel) : Absolument pas. Puis, M. le ministre, vous avez tout à fait raison en droit, mais en termes du fait que la voie est toujours ouverte pour les personnes d'invoquer le fait que d'avoir vécu la violence, c'est un motif raisonnable, mais nous, où on en est, c'est la procédure, hein, c'est... on veut que ça passe immédiatement à l'étude de l'admissibilité de leur réclamation. Puis est-ce que ça va faire en sorte que les victimes vont attendre? Absolument pas. Et nous, on souhaiterait que tous les intervenantes, intervenants conseillent les victimes qui ont une atteinte à la santé, de consulter et de procéder rapidement. Les régimes offrent des indemnités de remplacement du revenu pour les personnes en état d'incapacité, c'est vraiment dans leur intérêt de chercher des soins et de faire remplacer leur salaire pour qu'elles puissent justement éviter une victimisation secondaire. Alors, ce n'est pas... moi, je ne vois pas de question en termes de lâcheté, là, de ne pas réclamer tout de suite, je pense, quand notre système va fonctionner, les personnes vont être informées de leurs droits, vont procéder rapidement.

M. Boulet : Merci. Oui, tout à fait, je pense que c'est un des objectifs d'ailleurs. Puis ça va se faire par les nouveaux contenus des politiques de prévention puis par l'information, de la formation. Il faut que ça se fasse le plus rapidement possible puis que l'accompagnement soit le plus compatible avec les besoins de la victime. Là, chaque personne a des besoins qui lui sont propres.

Bon, Mme Gesualdi-Fecteau, harmonie, LNT, LATMP, vous souriez, euh, oui, mais vous savez aussi qu'on a harmonisé les délais quand même, c'est un bon pas en avant, vous savez qu'il y aura des communications systématiques entre la division norme et la division santé-sécurité, c'est un bon pas en avant, ça fait qu'il va certainement falloir s'assurer, en pratique, qu'il y ait le moins d'incohérence possible pour ne pas qu'il y ait un régime distinct et qu'il y ait une iniquité dans la façon dont on répare les torts causés à la victime. Je suis bien sensible à ça.

Puis les remèdes, il faut cependant faire attention, puis j'aimerais ça vous entendre là-dessus. On a parlé des décisions mêmes de la Cour suprême du Canada, puis ce régime-là est sans égard à la faute, comme Me Laflamme le rappelait, il y a une immunité civile. Si on applique les mêmes remèdes qui sont prévus à 123.16 en matière d'accidents de travail, maladie professionnelle, est-ce qu'il n'y a pas un risque qu'il y ait une incompatibilité avec l'état du droit et de la jurisprudence et une incompatibilité avec les fondements de notre régime d'indemnisation?

Mme Gesualdi-Fecteau (Dalia) : Je vous remercie pour votre question. Alors, pour nous, il faut intervenir sur 123.16 parce que la rédaction originale de cette disposition-là est malheureuse. Le législateur, quand il est intervenu en 2002, a voulu bien faire, je pense, pour aménager l'interaction entre les régimes, mais la rédaction de cette disposition-là a engendré des débats en jurisprudence qui sont dommageables pour les personnes victimes et qui alourdissent le processus pour les deux parties, autant pour la personne victime que pour l'ampleur, de notre point de vue. Il y a deux choses dans cette disposition-là, alors, nous, on a proposé quelque chose. Peut-être qu'il y a mieux, peut-être qu'on peut réfléchir à une autre rédaction de 123.16. On s'est beaucoup torturé les méninges pour trouver, on est arrivé à ça, on a essayé plusieurs alternatives. Mais il y a deux problèmes dans 123.16...

Mme Gesualdi-Fecteau (Dalia) : ...il y a l'estime probable ou le tribunal, que ce soit le TAT en milieu non syndiqué ou l'arbitre en milieu syndiqué, parce que 123.16 s'applique dans les deux milieux. Estimé probable, ça veut dire aller au fond des choses pour voir s'il y a possibilité que le harcèlement ait donné lieu à une lésion professionnelle, ce qui conduit à une médicalisation du débat. Et, si on regarde les travaux qui ont été... travaux parlementaires qui ont été faits en amont de l'adoption des dispositions sur la loi sur les... de... du harcèlement psychologique dans la loi sur les normes, c'est précisément ce que le législateur à l'époque voulait éviter, c'était une médicalisation du débat par l'introduction des dispositions sur le harcèlement dans la loi sur les normes. Donc, déjà, cette première expression d'estime probable pose problème.

La deuxième chose, dans cet article-là, qui est problématique, c'est comment la jurisprudence a interprété l'expression... là je suis dans vraiment la technique légale, pardonnez-moi, c'est très, très, très technique, mais «période au cours de laquelle la personne est victime d'une lésion professionnelle», la rédaction de ce bout-là de l'article 123.16 a conduit les tribunaux à interpréter qu'on devait priver la personne victime d'une indemnité de perte de salaire, de dommages... de dommages moraux même au-delà de la... de la période au cours de laquelle elle reçoit de l'IRR. Donc, on va même au-delà, je dirais, d'un aménagement justement de la compatibilité des deux régimes. C'est l'interprétation qu'en ont fait les tribunaux, de cette disposition-là.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci infiniment. C'est tout le temps que nous avions pour la première période d'échange. Alors, je suis prête à céder la parole à la députée de Bourassa-Sauvé pour une durée de 10 minutes 24 secondes.

• (10 h 30) •

Mme Cadet : D'accord. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Puis, évidemment, donc, ma collègue de La Pinière étant présente avec moi pour l'étude... en fait, pour les consultations particulières, là, dans ce projet de loi ci, donc elle aura aussi, donc, l'occasion, donc, de pouvoir poser des questions dans cette période de 10 minutes 30 secondes. Donc, merci, encore une fois, Mesdames, pour votre exposé et pour déjà, donc... d'ores et déjà, donc, avoir répondu à quelques questions du ministre. Donc c'est une période d'échange qui nous a fortement outillés.

Comme vous l'avez mentionné, donc, à la suite de mes propres remarques préliminaires, donc, c'est d'abord et avant tout, donc, l'occasion, donc, de pouvoir parler, donc, de la situation discriminatoire à l'égard des victimes de violences à caractère sexuel ayant moins de 18 ans. Vous l'avez mentionné dans votre mémoire et de façon, donc, assez claire, selon vous, le projet de loi n° 42, donc, à cet égard, fait fausse route, et il y aurait... il n'y aurait pas lieu, là, de... d'avoir cette distinction-là pour les travailleurs mineurs, les travailleurs à temps partiel, les étudiants stagiaires, comme on peut le voir dans le libellé actuel. Puis évidemment, donc, de mon côté, en plus d'être porte-parole en matière de travail, je suis aussi porte-parole pour la jeunesse, donc vous comprendrez, comme je l'ai mentionné plus tôt, là, que cet élément, donc, m'a beaucoup fait sourciller. Donc, j'aimerais... de façon très large, d'abord, je vous entendrais sur cette question, puis on pourrait élaborer à travers des sous-questions par la suite.

Mme Cox (Rachel) : Oui. Merci pour avoir soulevé ce sujet. Je dois dire que dans les dossiers qu'on a examinés à la CNESST, c'étaient des dossiers extrêmement troublants. C'est des jeunes, qui, typiquement, au début, dans les premiers jours de leur emploi d'été, font l'objet d'une attaque sexuelle, donc se ramassent avec un diagnostic de choc post-traumatique, et souvent ont tenté d'aller vers le régime d'indemnisation des victimes d'actes criminels pour se faire dire : Non, votre recours exclusif, c'est à la CNESST, c'est au travail que c'est arrivé. Et donc ces jeunes-là attendent une décision sans accès aux soins, avec un diagnostic de choc post-traumatique et finissent par quoi? Finissent par découvrir qu'alors qu'elles avaient... étaient toutes fières de décrocher un emploi à 35 h à 25 $, 30 $ de l'heure, elles vont être indemnisées comment? Sur la base justement que M. le ministre a dit, à... de 121 $ ou quelques. Et donc c'est des... une injustice. Alors, littéralement, ce qu'on a vu dans ces dossiers-là, c'est la jeune, à un moment donné, ne communique plus. Là, c'est les parents qui rappliquent puis disent : Vous êtes en train de me dire que, outre le fait que ma fille, dans ses premières expériences sur le marché du travail, subisse de telles violences, et là, elle ne fera pas d'argent non plus cet été comme elle voulait faire, parce que son indemnisation est calculée sur cette base, qu'elle est une étudiante à temps plein, elle est au cégep, là, on parle des filles de 16, 17 ans, et donc, pour nous, c'est une injustice criante, c'est une forme de victimisation secondaire.

D'où vient le 17 heures proposé dans le projet de loi? C'est la limite du nombre d'heures qu'une jeune peut faire pendant la période de fréquentation scolaire...


 
 

10 h 30 (version non révisée)

Mme Cox (Rachel) : ...or, ce qu'on a vu, typiquement, c'est des événements qui arrivent au début de l'été, alors que la jeune n'est pas assujettie à l'obligation de restreindre ses heures de travail à 17 heures. Et avec... Alors, si on s'était tordu la cheville, peut être que oui, on peut aller au cégep alors qu'on ne peut pas travailler, mais, ici, on fait face à des personnes qui ont des diagnostics d'ordre psychologique et, généralement, ne sont pas capables d'aller étudier, ce qui entraîne des conséquences. Certes, il n'y a pas une perte de revenus, mais un retard dans l'arrivée sur le marché du travail, et donc un manque à gagner entraîné par la chose en question.

Donc, pour faire simple, nous proposons que le chiffre 17 soit remplacé par le chiffre 40, soit le nombre d'heures pour établir une indemnité de remplacement du revenu minimal, en vertu de la LATMP, comme pour les plus de 18 ans ou comme pour les moins de 18 ans, mais qui ne sont pas aux études.

Mme Cadet : Me Laflamme, je vous voyais hocher de la tête. Vous voulez rajouter?

Mme Laflamme (Anne-Marie) : Ça va. Ça complète, merci.

Mme Cadet : C'était assez complet. Donc, vous disiez, donc, pour faire simple, donc, essentiellement, donc, on multiplierait, donc, le facteur, donc, par 40 heures par semaine, mais, essentiellement, là, pour qu'on soit dans une équivalence, là, complète, là, qu'il n'y ait tout simplement pas de distinction.

Mme Cox (Rachel) : Ce qui est important de préserver, par exemple, c'est la possibilité de révision à l'âge, je crois, de 21 ans, parce que, sinon, la lésion va cristalliser la personne dans l'état salarial dans lequel elle était au moment de l'accident du travail. Donc, la seule particularité qui doit rester, c'est la possibilité de réviser à la hausse. Sinon, la LATMP prévoit une indemnité de remplacement de revenu minimal, basée sur 40 heures au salaire minimum, et, à défaut, c'est cette... minimum-là, que la loi offre, qui doit être disponible à ces jeunes personnes.

Mme Cadet : Parfait, merci. Je regarde déjà le temps. Je laisserais ma collègue continuer, vas-y.

La Présidente (Mme D'Amours) : Je vais céder la parole, maintenant, à la députée de La Pinière.

Mme Caron : Merci, Mme la Présidente. Alors, merci pour votre... vos travaux. J'aurais une question concernant la confidentialité des dossiers. Ce n'est pas une question qui a été amenée dans votre présentation, mais mon souci, c'est de... Si on regarde les dossiers qu'on... le dossier d'un employé fautif, par exemple, confidentiel, comment fait-on pour s'assurer qu'une telle personne ne va pas se retrouver à travailler, par exemple, comme préposée aux bénéficiaires dans une résidence pour aînés, dans un CHSLD, où non seulement c'est un milieu de vie avec des personnes très vulnérables, mais aussi un milieu de travail avec des personnes vulnérables, sachant que les préposés, par exemple, sont, majoritairement, des femmes, majoritairement, des femmes immigrantes? Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus, s'il vous plaît.

Mme Cox (Rachel) : Alors, ce que je peux dire, d'emblée, c'est que, dans la mesure où on place les violences à caractère sexuel, les violences de genre au sein d'un régime de prévention, le régime de prévention, c'est un régime qui est d'ordre public, et donc on donne une protection accrue. Nous, on a proposé une mesure spécifique pour que ce soit clair, pour que ce soit connu que rien ne peut empêcher les personnes d'évoquer un risque pour la santé et la sécurité du travail, incluant le risque présenté par un mis en cause récidiviste dans son milieu. Et cette protection... cette obligation, en fait, de traiter les risques existe autant concernant les risques entre collègues qu'envers des tiers comme les patients, les élèves, etc. Donc, aujourd'hui, on va dire : Rien ne peut nous empêcher, en vertu du régime de prévention, d'évoquer ces risques-là. Le problème, c'est que le monde n'est pas au courant. Donc, nous, on a proposé une mesure spécifique, dans la loi, pour dire : rien... on ne peut pas, par convention, empêcher que de tels risques soient divulgués. Et ça, ça vaut pour l'employeur, ça vaut pour l'ancienne victime, etc. Ce n'était pas... Tu sais, je vous invite à consulter notre rapport. Mais là vous avez raison qu'il n'y a pas nécessairement de renforcement de la protection ni de mesures pour faire connaître la protection actuelle dans le projet de loi n° 42, tel que rédigé.

Mme Caron : D'accord, je vous remercie pour ça. Une autre question, justement, que vous avez soulevée, sur le contexte strictement privé : Comment on définit un contexte strictement privé? Parce que vous avez dit : Souvent, les choses se...

Mme Caron :  ...on ne passe pas nécessairement sur le milieu de travail, sur la chaîne de production, mais lors d'une activité sociale du personnel, à quel moment ça devient strictement privé? Si ça se passe une fois que l'activité sociale est terminée, qu'il y a un raccompagnement, un covoiturage, ou autre, ou bien est-ce que ça, ça en est... c'est du privé? Puis l'activité elle-même n'est pas du privé, à quel moment on peut faire la coupure entre les deux?

Mme Laflamme (Anne-Marie) : En fait, de notre point de vue, le débat doit se faire du côté d'établir la connexité entre la violence à caractère sexuel et le travail, et c'est... D'ailleurs une jurisprudence abondante s'est développée pour déterminer, en matière de lésions professionnelles de tous les ordres professionnels, quand ça survient en dehors, là, du... des lieux de travail, des heures de travail, est-ce que c'était connexe au travail. Cette jurisprudence-là a quand même... est quand même favorable, là, dans une large mesure, aux violences à caractère sexuel parce qu'elle reconnaît qu'il y a plusieurs éléments de contexte qui permettent justement de déterminer s'il y a un lien ou pas avec le travail, et c'est pour ça... Ce qu'on a rencontré, nous, dans le cadre de notre étude, dans nos dossiers, c'est que malheureusement, c'est au stade de l'admissibilité de la réclamation que les violences à caractère sexuel n'étaient... c'était la deuxième cause de refus des violences à caractère sexuel, c'est que la victime ne réussisse ne réussissait pas facilement à démontrer cette connexité avec le travail, parce que nécessairement, par définition, ces gestes-là surviennent en dehors du contexte... du cadre habituel du travail, si je peux m'exprimer. Mais évidemment des critères tels que l'existence d'un lien de subordination entre les parties, est-ce qu'on est dans le cadre d'une activité qui présente un lien avec le travail ou pas, un congrès, un déplacement pour se rendre à une formation. Alors, il y a une abondante jurisprudence qui s'est développée qui permet de faire cette démonstration-là de connexité. Là où on pense que la présentation est importante...

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci beaucoup.

Mme Laflamme (Anne-Marie) : ...c'est pour faciliter la preuve.

• (10 h 40) •

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Merci, Me Laflamme, je suis désolée. Nous passons maintenant à la période d'échange avec le député de Hochelaga-Maisonneuve pour une durée de 3 min 28 s.

M. Leduc : Merci à vous trois. Salutations spéciales à deux anciennes professeures que j'ai eu la chance de connaître à l'UQAM, dans une autre vie. J'aurais mille et une questions. En quatre minutes et quelques secondes, on ne peut pas toutes les poser. Je commencerais par vous en poser de priorisation. Tu sais, vous mettez 10 recommandations, si je ne me trompe pas, dans votre mémoire. Évidemment, on va tout avoir à les traiter, là, dans l'étude détaillée. Mais politiquement, quelles seraient, mettons, les deux ou trois plus importantes que vous vous dites : Il faut vraiment que ces trois-là, là, on ne les échappe pas? Je ne sais pas si vous êtes d'accord d'ailleurs entre vous trois sur les trois principales, mais si vous avez un petit palmarès à me faire, sur quoi on doit se concentrer, là, les gens de l'opposition, pour convaincre le ministre d'adhérer. Je dis trois, ça peut être un peu plus, ça peut être un peu moins, ce n'est pas un chiffre...

Mme Cox (Rachel) : Là, c'est les dilemmes, hein?  

Des voix : Ha! ha! ha!

M. Leduc : Bien, vous êtes venues ici, on vous fait travailler vous aussi, là. Oui, oui.

Mme Cox (Rachel) : C'est important, là. Le tri, je répète... Tu sais, le droit du travail, c'est un tout, c'est un écosystème, tout est interconnecté, l'ensemble... les recommandations forment un tout. Par ailleurs, l'ajout dedans un contexte strictement privé, pour moi, véhicule un stéréotype plutôt que d'en enlever un. Alors ça, ce n'est pas juste pas avancer, ça, c'est faire du tort.

M. Leduc : C'est un recul. Ça serait un recul si on adoptait ça.

Mme Cox (Rachel) : Exact.

M. Leduc : O.K.

Mme Cox (Rachel) : Deuxièmement, la question de la désimputation, et c'est rare, vous me connaissez comme professeur, c'est vous... c'est rare que je vais préconiser des désimputer un employeur, hein? Mais ici, je vous dis, du point de vue de la personne victime, c'est ce qu'il faut faire. La mesure proposée va pénaliser la personne victime plus que son bourreau. Donc, d'autres moyens existent : les plaintes pénales en vertu de SST pour punir l'employeur des imputations.

Troisièmement, la question, très peu de personnes, très grandes injustices pour les moins de 18 ans aux études.

Et quatrièmement, 123.16, c'est tellement technique qu'on voit qu'on perd votre intérêt. Vous imaginez la personne victime qui tente de se démêler dans ce labyrinthe-là? Là, là, il faut que ça soit plus clair. Sinon, comme juriste, on ne peut vraiment pas se tenir la tête haute pour dire : Les personnes non syndiquées ont un réel accès à la justice. On se demande pourquoi il n'y a pas de dénonciation parce que les recours ne marchent pas. Il faut aménager les recours de façon intelligible dans 123.16.

M. Leduc : Merci.

Mme Cox (Rachel) : Je ne sais pas compter, ça fait quatre.

M. Leduc : Ça fait quatre, c'est très bien, c'est raisonnable. Combien de temps il me reste, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme D'Amours) : 45 secondes.

M. Leduc : Sauf erreur de ma part, ni dans votre mémoire ni dans vos recommandations, il n'y a des références aux fameuses clauses d'amnistie, là, dans les conventions collectives...

M. Leduc : ...vous avez vu que c'est dans le projet de loi, il y a des organisations syndicales, étudiantes qui vont se positionner là-dessus aujourd'hui. Avez-vous des choses à nous dire à propos de ça?

La Présidente (Mme D'Amours) : En 30 secondes.

Mme Cox (Rachel) : Les clauses d'amnistie ne faisaient pas partie de notre mandat, c'est dans les conventions collectives. Les clauses d'amnistie ne touchent que la situation où l'employeur considère que le lien de confiance n'est pas rompu. Les véritables méchants doivent être congédiés. D'abord, la portée de cette clause-là n'est pas, peut-être, ce qu'on... n'a pas la portée qu'on lui prête. En ce sens-là, élargir à toute violence, bien, à un moment donné, quand tout est violence, les formes les plus graves peuvent être banalisées. Donc, une limite de temps, oui, abolition, peut-être pas.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci, Me Cox. Maintenant, nous sommes à la dernière période d'échange, et je cède la parole au député de Jean-Talon pour une durée de 2min 39 s.

M. Paradis : 2min 39s, questions et réponses incluses. Je vais essayer deux questions. Les représentants des victimes et les employeurs s'entendent sur la complexité des recours que vous venez de mentionner. Est-ce que vous trouvez que le projet de loi va assez loin, notamment en l'absence de la création d'une division spécialisée au Tribunal administratif du travail? Un.

Deuxièmement, je vous demande de vous mettre dans la peau... vous êtes les avocates d'un employeur, un bon employeur, un employeur modèle qui a fait beaucoup de prévention, puis tout ça, puis là il arrive une agression sexuelle dans un contexte, là... postparty de Noël, vous connaissez, là, ce genre de chose là. Là, on a mis une présomption, on a limité l'accès à l'information personnelle puis là on enlève l'exception du contexte complètement privé. Voulez-vous me dire, concrètement, comment vous abordez la défense du bon employeur?

Mme Cox (Rachel) : La désimputation et les mesures de prévention, parce que des mesures de prévention existent... sont connus, les facteurs de risque pour mieux prévenir. La prévention, ça sert vraiment tout le monde.

Concernant la complexité, nous, on ne veut pas que la personne qui aurait eu un recours en vertu de la charte ne puisse pas avoir droit au même remède si elle dépose à la CNESST. Donc, faire en sorte que la victime qui n'a pas dénoncé puisse avoir droit au remède pour le harcèlement psychologique à caractère sexuel, ça, ça va enlever un jeu de devinettes. Deuxièmement, comme j'ai dit tout à l'heure, 123.16 est un facteur de complexité inouïe pour tout le monde, et donc, tel quel, le projet de loi ne répond pas à cet enjeu. Avec les modifications que nous proposons, les modifications additionnelles au régime de la LNT, là, il y aurait un réel potentiel de diminuer de façon significative la complexité et, par le fait même, d'ouvrir l'accès à la justice pour les personnes victimes de violences à caractère sexuel au travail.

La Présidente (Mme D'Amours) : 30 secondes.

M. Paradis : Puis sur la question, là, de la défense du bon employeur, là, vous avez répondu en 15 secondes, mais vous pensez que ça, ça va être suffisant pour renverser la présomption puis la difficulté d'avoir... Est-ce qu'il y a des garanties suffisantes pour le bon employeur? C'est un peu ça, ma question.

Mme Cox (Rachel) : Monsier le député, le régime, c'est sans égard à la faute, de la même façon que je trébuche sur un plancher mouillé alors qu'il y a une pancarte, je veux être indemnisé. C'est la même chose pour la personne victime de... L'employeur, ça ne lui coûte rien. Ça lui donne quoi? Ça lui donne une immunité civile en échange. Donc, elle, elle doit voir sa réclamation admise.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci infiniment pour votre contribution aux travaux, mesdames. Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre aux prochains invités de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 10 h 47)

(Reprise à 10 h 54)

La Présidente (Mme D'Amours) : Je souhaite maintenant la bienvenue à Juripop. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échanges avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter puis à commencer votre exposé.

Mme Gagnon (Sophie) : Merci, Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les députés. Je m'appelle Sophie Gagnon. Je suis avocate et directrice générale de Juripop, et je suis accompagnée de ma collègue Jessica Proulx, qui est également avocate en droit du travail et qui se spécialise... qui consacre sa pratique à l'accompagnement des personnes qui vivent du harcèlement sexuel en milieu de travail. Juripop, on est un organisme à but non lucratif dont la mission est d'améliorer l'accès à la justice, qui a été fondé en 2009. Et depuis 2018, on fournit des conseils juridiques gratuits aux personnes victimes de violences sexuelles et de violences entre partenaires intimes. Et on opère un programme qui est spécialisé pour les personnes qui vivent du harcèlement sexuel en milieu de travail, dans le cadre duquel on accompagne les personnes qui travaillent dans tous les milieux de travail, en particulier les non-syndiqués. On les aide à comprendre leur droit à porter plainte, on les représente en médiation et on négocie pour eux et pour elles des ententes de règlement. C'est des milliers de personnes depuis 2018 que Juripop a accompagnés. Et c'est à travers ces milliers de dossiers que nous avons tiré les observations qu'on vous présente aujourd'hui. Après des années à accompagner les personnes victimes de violences à caractère sexuel et de violences entre partenaires intimes, à faire valoir leurs droits en vertu de dizaines de lois, on a fait un constat qu'on souhaite que les commissaires gardent en tête pour la durée de leurs travaux. C'est celui que les personnes victimes de harcèlement en milieu de travail sont celles qui font face au régime juridique le plus complexe et de loin. Elles sont assujetties à une dizaine de lois qui sont appliquées par presque autant d'instances, régies par des délais qui vont de six mois à l'imprescriptibilité. Elles ont droit à des compensations qui sont réparties en une demi-douzaine d'indemnités qui portent des acronymes compliqués. Je suis moi-même avocate depuis 10 ans, j'ai des études supérieures, le français est ma langue maternelle, et n'eût été des explications répétées de ma collègue à ma droite, j'aurais eu beaucoup de difficultés à formuler devant vous des propos intelligibles aujourd'hui. La complexité du régime juridique a des conséquences qui sont réelles pour les personnes victimes. Elles résultent en des pertes de droits, en des recours, dont les personnes victimes sont incapables de se prévaloir, et des dommages qu'elles ne perçoivent pas. En plus de la revictimisation, la complexité retarde le processus de guérison et fait en sorte que des personnes victimes quittent leur emploi ou qu'elles se trouvent prises en arrêt de travail avec des indemnités qui les contraignent à de la précarité financière. En ce sens, on salue vivement le leadership du ministre d'avoir donné suite au rapport Rebâtir la confiance et d'avoir mandaté les chercheuses qui nous ont précédées pour se pencher sur ces recours-là en matière de harcèlement en milieu de travail. On salue aussi l'intention d'aller de l'avant avec une réforme législative qui est importante. Et Juripop est d'avis que le projet de loi n° 42 est un bon projet de loi qui va améliorer l'accès à la justice pour les personnes victimes, et on appuie plusieurs de ses dispositions.

On a également identifié des dispositions qu'on juge incomplètes ou encore trop timides dans leurs avancées, et on soumet qu'un deuxième tour de roue doit impérativement être donné par les commissaires pour que le projet de loi change réellement la vie des personnes victimes. Une réforme qu'on considère essentielle et qui n'est pas réellement entreprise par le projet de loi, c'est vraiment celle de l'article 123.16 de la Loi sur les normes du travail. On a écouté le témoignage... le témoignage des chercheuses, et on a compris que, lorsqu'elle abordait ce sujet... l'attention était moins présente, puis on comprend parce que c'est complexe, mais on considère que c'est vraiment le cœur des réformes qui doivent être faites en commission parlementaire. L'article 123.16 a été adopté pour qu'une personne victime... pour éviter qu'une personne victime reçoive une double indemnité en se prévalant à la fois du Régime des lésions professionnelles et celui mis en place par la Loi sur les normes. Mais dans les faits, l'article 123.16 est interprété de manière beaucoup plus large, et c'est une interprétation qui crée des injustices importantes pour les personnes victimes qui subissent une atteinte à leur santé. On peut penser à une personne qui est placée en arrêt de travail mais qui est incapable de se prévaloir de la Loi sur les accidents de travail parce qu'elle n'a pas accès à un médecin de famille, ce qui va faire en sorte qu'elle n'aura pas accès à une indemnité pour salaire perdu, ni à des dommages ni à un soutien financier pour des soins psychologiques. En voulant éviter une double indemnisation, dans les faits, l'article 123.16 a mis...

Mme Gagnon (Sophie) : ...mis en place un régime de sous-indemnisation. On appuie donc sans réserve la recommandation 26 du rapport Cox et recommandons fortement aux commissaires de lui donner plein effet.

Le projet de loi introduit deux présomptions légales à la Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles, et on considère que c'est une des avancées les plus importantes du projet de loi en matière d'accès à la justice. Par contre, on soumet très respectueusement que la rédaction actuelle des présomptions perpétue des mythes et des stéréotypes, et qui a pour effet de créer deux catégories de personnes victimes : d'une part, la victime parfaite qui se fait harceler dans son bureau et qui tombe en arrêt de travail immédiatement, et d'autre part la victime un peu moins parfaite qui se fait harceler chez son collègue ou par message texte le week-end et dont les conséquences psychologiques prennent plusieurs mois à se manifester. Pour donner plein effet à la réforme et à l'intention du ministre, on vous suggère fortement de retirer les termes «contexte strictement privé» et de supprimer le délai de trois mois qui est prévu à la seconde présomption.

Une autre de nos recommandations concerne l'immunité civile en vertu de laquelle une personne victime ne peut pas intenter une action en responsabilité civile contre l'employeur ou ses mandataires. On reconnaît tout à fait l'importance de cette immunité à titre de contrepartie qui justifie l'existence d'un régime d'indemnisation public, mais dans notre travail on en vient à la conclusion que c'est une immunité qui ratisse trop large en ce qu'elle inclut non seulement l'employeur, mais aussi le collègue qui est auteur de violence. C'est donc une immunité qui a aussi pour effet de créer deux catégories de victimes, parce que les victimes d'agression sexuelle hors milieu de travail, elles, jouissent d'un recours civil imprescriptible contre l'auteur de violence, alors que les personnes victimes d'agression sexuelle en milieu de travail ne peuvent tout simplement pas faire valoir leurs droits directement contre l'auteur de violence, elles ont seulement un recours contre l'employeur, à l'exception du recours prévu par la charte. Donc, pour répondre aux besoins de justice des personnes victimes et aussi pour leur faire bénéficier de l'imprescriptibilité du recours civil qui est accessible aux autres personnes victimes, on recommande de limiter l'immunité civile à l'employeur.

• (11 heures) •

Le projet de loi a également l'intention de mettre fin à l'impunité des auteurs de violence, notamment en interdisant l'application des clauses d'amnistie en ce qui concerne les situations de violence à caractère sexuel. C'est une réforme qu'on salue, mais on souhaite porter à votre attention que la réforme va seulement trouver application si l'auteur de violence demeure dans le même milieu de travail, à l'emploi du même employeur. Si l'auteur de violence est congédié ou s'il démissionne, les autres milieux de travail potentiels ne peuvent pas être informés des antécédents de violence. Donc, l'employeur ne peut pas avoir de conversation franche avec la personne candidate ou encore mettre en place des mesures de sécurité pour éviter que d'autres personnes victimes deviennent victimes. C'est particulièrement préoccupant quand on considère que les auteurs de violence sont souvent des récidivistes et qu'il y a donc une possibilité avérée qu'une personne qui a commis des violences sexuelles dans son ancien milieu de travail en commette aussi dans son nouveau milieu de travail. Donc, au même titre qu'un employeur potentiel peut consulter les antécédents criminels ou encore la performance passée d'une personne candidate en vérifiant ses références, Juripop soumet qu'un employeur potentiel devrait aussi avoir accès à ses antécédents de violence à caractère sexuel commis en milieu de travail. Et, toujours sur la question de sécurité du milieu de travail, Juripop soumet que les employeurs devraient être autorisés à informer les personnes victimes des sanctions qui sont imposées aux auteurs de violence après les enquêtes en milieu de travail. Donc, on vous recommande de vous inspirer de la réforme qui a été entreprise il y a quelques années dans le milieu de l'enseignement supérieur pour faire en sorte qu'un employeur puisse communiquer les sanctions aux personnes victimes.

Finalement, on a aussi formulé des recommandations qui s'intéressent aux enquêtes qui sont entreprises par les employeurs en application de la politique de prévention et de traitement de harcèlement psychologique, et il faut savoir que les politiques internes et les enquêtes menées par l'employeur, ce qu'on constate dans notre travail, c'est qu'elles constituent souvent la première porte à laquelle les personnes victimes vont cogner pour obtenir justice. Donc, il est important de ne pas sous-estimer leur importance dans l'accès à la justice des personnes victimes. On recommande entre autres que les personnes qui puissent être autorisées à mener des enquêtes sur mandat de l'employeur soient assujetties à une accréditation obligatoire et qu'elles suivent une formation... une formation obligatoire et une formation continue pour assurer leur compétence tant sur le droit applicable que sur les contextes, les dynamiques des violences à caractère sexuel. On vous soumet que les mauvaises enquêtes peuvent faire perdre confiance aux personnes victimes, qu'elles peuvent être opaques, qu'elles peuvent polariser le milieu de travail, diminuer les chances de réintégration et décourager une personne victime de faire valoir ses droits à l'égard d'autres régimes.

Ça met fin à nos remarques introductives. Merci.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci pour...


 
 

11 h (version non révisée)

La Présidente (Mme D'Amours) : ...votre exposé. Nous sommes maintenant à la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Boulet : Oui, merci, Mme la Présidente. D'abord, merci, Me Gagnon, Me Proulx. Vous savez qu'on a annoncé, au mois de septembre dernier, d'ailleurs, puis je le dis à titre d'information pour les personnes présentes, un partenariat avec Juripop, parce qu'ils font un travail qui est humainement remarquable, là, Me Gagnon en faisait état, un accompagnement des personnes victimes, particulièrement marginalisées au plan social, qui ont des besoins de comprendre puis ont besoin d'accompagnement. Et c'est vrai que c'est complexe. C'est la raison pour laquelle on avait donné mandat aux trois expertes. Il faut décomplexifier, il faut que ce soit simplifié puis il faut faire un pas en avant. Puis moi, j'apprécie que vous nous fassiez des recommandations puis moi, j'anticipe de continuer notre collaboration dans l'avenir avec Juripop, qui bénéficie d'une réputation remarquable. On a travaillé des dossiers ensemble puis c'est toujours extrêmement intéressant.

123.16. Bon, je parlais tout à l'heure avec Mme Gesualdi-Fecteau, tu sais, la communication entre la division normes, la division santé et sécurité, l'harmonisation des délais, l'information, on veut s'assurer qu'il y ait le plus de cohésion possible pour que la personne soit accompagnée dans la soumission d'une plainte ou d'une réclamation à la CNESST pour qu'elle puisse être indemnisée. Je pense quand même qu'il y a une amélioration de la fluidité dans le processus, et ça va passer, selon moi, par l'accompagnement. Et moi, j'ai quand même une appréhension, là, de la double indemnisation puis de l'accroc à l'immunité civile, parce que c'est vraiment un régime dont la pierre angulaire, c'est l'indemnisation sans égard à la faute. J'aimerais ça, Me Gagnon, que vous me donniez des précisions additionnelles, comment mieux me convaincre qu'on qu'on irait dans une meilleure direction, eu égard à 123.16.

Mme Gagnon (Sophie) : Oui, puis je vais me permettre de... peut-être mettre de côté notre recommandation sur l'immunité civile pour répondre à votre question, parce qu'elles sont deux recommandations qui sont indépendantes, et vous pourriez mettre en œuvre la recommandation 26 du rapport sur 123.16 sans toucher à l'immunité civile. Donc, vous avez raison qu'il est nécessaire d'améliorer ce que je vais appeler l'administration de la justice et le parcours des personnes victimes quand elles font valoir leurs droits. Effectivement, davantage de ressources va renforcer l'accès à la justice. Par contre, les problèmes qu'on constate dans notre travail ne relèvent pas de l'administration de la justice, mais relèvent plutôt du droit substantif, du droit tel qu'il est écrit, qui fait en sorte qu'actuellement les personnes qui vivent du harcèlement sexuel au travail et qui en subissent des atteintes à leur santé ne pourront pas bénéficier pleinement des compensations prévues à l'article 123.15 de la Loi sur les normes.

Je vais vous donner un exemple. On a représenté une personne qui a subi du harcèlement au travail pendant deux ans puis, au bout de deux ans, est tombée en arrêt de travail. Donc, il y a une lésion professionnelle au bout de deux ans. Par contre, vous conviendrez que, pendant les deux ans où elle est demeurée à l'emploi, elle subissait du harcèlement psychologique et donc toutes les conséquences qui en découlent... notamment des conséquences qui pourraient donner lieu à des dommages moraux. Par contre, en raison de la formulation de 123.16, puisque la situation de harcèlement psychologique donnait aussi lieu à une lésion professionnelle, elle n'a pas pu recevoir de compensation pour les deux années qui ont précédé la lésion professionnelle. C'est pour ça qu'on parle d'un régime de sous indemnisation. Dans les faits, on va plus loin qu'éviter la double indemnisation, on évite la pleine indemnisation. Puis on vous soumet que le droit... le droit de la responsabilité civile prévoit déjà qu'une personne ne peut pas être compensée au-delà des dommages qu'elle a réellement subis. Donc, dans la mesure où elle a déjà été indemnisée partiellement par la main gauche, la main droite ne pourra pas l'indemniser au-delà de la valeur totale de ses préjudices.

M. Boulet : O.K., je comprends. L'imprescriptibilité, vous m'avez entendu, il y a quand même une extension considérable du délai de six mois à deux ans. Je pense que ça, c'est une avancée importante. Et, au-delà de deux ans, s'il y a une démonstration d'un motif raisonnable, on peut être relevé du défaut de présenter notre réclamation, ou notre grief, ou peu importe la nature du recours dans la période de deux ans. Est-ce que rendre ça imprescriptible, puis j'aimerais ça vous entendre, vous avez entendu probablement Mme Gesualdi-Fecteau... ou Me Laflamme, plutôt, est-ce que ça ne risque pas d'avoir un...

M. Boulet : ...effets pervers sur la diligence, qui est tellement souhaitée et souhaitable en matière de présentation d'un recours, d'une plainte ou d'une réclamation?

Mme Gagnon (Sophie) : Je vais laisser Me Proulx répondre à votre question avec des exemples tirés de notre travail, je pense que ça va rendre la réponse convaincante.

Mme Proulx (Jessica) : En fait, nous, notre recommandation pour ce qui est de l'imprescriptibilité, elle s'applique plutôt avec la suspension de l'immunité au civil pour le cotravailleur. Donc, nous, les exemples qu'on voit dans le concret, c'est qu'il y a un besoin des victimes de confronter parfois l'agresseur même, et c'est là qu'il y a de... double système, victime qui a une agression sexuelle au travail versus victime qui a une agression sexuelle hors travail, qui, elle, aurait droit au recours civil de manière imprescriptible.

Donc, on comprend que l'imprescriptibilité, pour l'employeur, ça peut paraître très long, c'est pour ça qu'on s'est concentrés, de manière qu'on pense juste et raisonnable, sur celle contre l'employé seulement. Et évidemment, avec tous les remparts de la loi déjà prévus pour éviter une double indemnisation ou litispendance sur les mêmes faits, et il y a déjà dans la LATMP des dispositions qui prévoient de... d'opter, donc l'option de si on décide d'aller en responsabilité civile, on peut en assurer la CNESST. Donc, ce qu'on voit, dans nos cas concrets, c'est des gens qui trouvent que l'employeur a pu être diligent, qu'il n'a pas nécessairement envie d'aller dans un recours contre la société et l'employeur, 10 ans après, mais qui prend le temps de guérison, comme toutes les autres victimes au Québec, et qu'après 10, 12 ans, se disent : parfait, je suis prête maintenant à faire mes recours contre cet individu, et là, se retrouvent avec l'immunité civile qui l'empêche de le faire. Et c'est ça qu'on aimerait contrer.

M. Boulet : C'est très clair. On connaît des cas, tous les deux, auxquels vous faites référence. Maintenant, comment, en pratique, vous appliqueriez la recommandation qui imposerait à un employeur à communiquer à un employeur potentiel les informations relatives à une violence à caractère sexuel qui a été commise chez l'employeur précédent? Comment ça se ferait en pratique? Est-ce que c'est l'employeur potentiel qui, en demandant des lettres de référence, imposerait ou demanderait, évidemment, s'il y a eu des sanctions ou des infractions antérieures? C'est aussi simplement que ça, que ça pourrait s'appliquer?

• (11 h 10) •

Mme Gagnon (Sophie) : Voilà, exactement. Donc, ce qu'on propose, M. le ministre, c'est de modifier les régimes de protection des renseignements personnels pour faire en sorte que, dans le cadre d'un processus de vérification des références, un ancien employeur soit autorisé à divulguer sur demande les antécédents de violence. Puis je préciserais que c'est une recommandation qui n'est pas révolutionnaire, en ce sens qu'elle demeure assujettie au consentement de la personne candidate, au même titre qu'il faut le consentement d'un candidat pour vérifier ses antécédents criminels.

M. Boulet : Donc, mais si on pense à la loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, il me semble que c'est l'état actuel de la législation. Si la travailleuse victime, par exemple, ou le travailleur victime y consent, l'employeur précédent peut communiquer l'information à l'employeur potentiel. Est-ce que ce n'est pas ce que la loi actuelle permet?

Mme Gagnon (Sophie) : Notre compréhension, c'est qu'à l'heure actuelle, si une personne candidate change d'emploi puis autorise un employeur potentiel à vérifier... bien, en fait, c'est... donc on parle du consentement de la personne candidate et non pas de la personne victime. C'est la personne candidate qui doit lever la confidentialité de son dossier d'employé pour permettre à l'employeur de vérifier les références. Et notre compréhension du droit applicable, c'est qu'en ce moment, même avec un tel consentement, donc même dans le cadre d'un processus de vérification des références, un employeur ne peut pas divulguer les motifs qui auraient mené à un congédiement, donc on ne pourrait pas divulguer des antécédents de harcèlement sexuel.

M. Boulet : O.K. Mais la personne candidate... et généralement on pense à la personne victime. Puis, souvent, les employeurs font signer un formulaire d'autorisation ou un formulaire de consentement puis ils précisent tout ce à quoi ils veulent avoir accès. Et ce formulaire-là est transmis chez les employeurs précédents, qui peuvent, à ce moment-là, communiquer, par exemple, le dossier disciplinaire. En fait, l'élément clé, c'est le consentement du travailleur ou travailleuse, qui est la personne candidate auprès d'un employeur potentiel. Mais je vais... je vais essayer de préciser ça, là, en revoyant la loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. Et c'est le même raisonnement que vous faites en ce qui concerne les sanctions disciplinaires. O.K.

Me Gagnon, les enquêteurs. Bon. On sait que la CNESST fait enquête, a des pouvoirs de faire enquête. Dans le contenu minimal des politiques de prévention et de prise en charge, on doit expliquer comment faire une plainte, comment s'exercera le suivi, et il y a des enquêtes aussi à l'interne. Ce que vous dites, c'est qu'on devrait... Puis, tu sais, à la CCNSST, vous le savez, hein, quand...

M. Boulet : ...on s'est rencontré. Il y a eu la formation de tous les intervenants, autant qu'il y a eu de la formation aussi sur les mythes, les stéréotypes, puis tout ce qui concerne les conduites à caractère sexuel. Est-ce que vous nous recommandez de créer un corridor spécifique qui mènerait à une accréditation pour faire des enquêtes en matière de violence à caractère sexuel? Est-ce que c'est l'esprit ou la lettre de votre recommandation?

Mme Gagnon (Sophie) : Donc, à des fins de clarification, notre recommandation ne concerne pas les enquêtes menées par la CNESST, mais strictement les enquêtes menées par un employeur lorsqu'une plainte lui est transmise en vertu d'une politique de prévention et de traitement du harcèlement en milieu de travail.

Comme vous le savez, à l'heure actuelle, un employeur peut mandater qui que ce soit, incluant lui-même, pour procéder à cette enquête-là. Donc, dans les faits, dans notre travail, on voit des enquêtes menées par des personnes qui n'ont ni les compétences juridiques, ni les compétences de savoir-être, ni les connaissances en ce qui a trait aux dynamiques de violence à caractère sexuel qui mènent des enquêtes, qui sont des enquêtes qui manquent d'équité, qui manquent de rigueur, qui manquent de qualité.

Et on porte à votre attention que le Barreau du Québec a déjà mis en place, de mémoire en 2021, un programme d'accréditation pour ses membres qui souhaitent être accrédités à titre d'enquêteur ou d'enquêtrice en milieu de travail. C'est une accréditation, évidemment, qui est facultative, en ce sens qu'aujourd'hui un employeur n'a pas à mandater un avocat accrédité par le Barreau, mais l'accréditation existe. Et le Barreau du Québec exige 60 heures de formation pour recevoir une telle accréditation, alors ça illustre l'ampleur des connaissances à acquérir pour mener une telle enquête.

M. Boulet : O.K. C'est sûr que moi... Aussi Me Gagnon, il faut penser aux petites et moyennes entreprises, il y a des coûts associés à ça, il y a une complexification des procédures. Puis ce qu'on veut simplifier, on risque de le complexifier, par ailleurs.

Je pense que le contenu de la politique de prévention doit délimiter les paramètres, les tenants et aboutissants de la... Tu sais, il faut que la personne qui fasse enquête ait un profil. Moi, ce qui me préoccupe beaucoup, c'est la confidentialité, puis l'objectivité, puis les connaissances. Et c'est là que les programmes de formation et d'information vont devoir être effectifs.

Mais j'ai cette sensibilité-là, là, de ne pas rendre ça plus complexe, notamment pour les entreprises qui ont à assumer cette réalité-là. Je pense que la prévention, la formation puis l'information peuvent jouer un rôle suffisant. Puis il y a des ordres qui m'ont dit, par exemple, il y a un groupe qu'on va entendre : Ça devrait être réservé exclusivement aux membres de notre ordre. Tu sais, il y a toujours cette espèce de conflit là entre des personnes qui peuvent et d'autres qui ne peuvent pas. Mais ça, ça va être difficile à contrôler, Me Gagnon. Ça fait que je ne sais pas s'il peut... Puis je loue la formation qui est dispensée par le Barreau du Québec, celle dispensée au Tribunal administratif du travail, on pourra en partager le contenu, celle par l'Ordre des conseillers en ressources humaines aussi est vraiment étoffée, celle par la CNESST... Mais c'est cette appréhension-là, là, que j'aie de façon plus particulière.

Donc, si on résume les recommandations essentielles, c'est les risques de sous-indemnisation provoqués par 123.16 et que notre projet de loi perpétue, la limitation, immunité civile, imprescriptibilité. La limitation de Me Proulx, là, de l'immunité civile, ce que vous dites, c'est que la personne victime obtient une indemnité de remplacement de revenu de la CNESST, puis, des années plus tard, elle pourrait vouloir prendre un recours civil contre un collègue de travail qui est l'auteur du... de la violence, est-ce que c'est...

Mme Proulx (Jessica) : Mais actuellement, malheureusement, comment la jurisprudence l'interprète, c'est même si la personne ne s'est pas prévalue du régime, on pourrait lui opposer l'immunité. Donc, quelqu'un qui n'aurait même pas touché d'indemnités de la CNESST, qui a dépassé le six mois actuel qui va devenir deux ans, pourrait se présenter cinq ans plus tard, être en connaissance de ses droits pour faire une poursuite en responsabilité civile pour les préjudices subis par l'agression sexuelle, et on pourrait lui opposer le fait que, malheureusement, elle ne s'est pas prévalue de son régime de CNESST il y a cinq ans de cela, et donc faire tomber le recours, et c'est ce qu'on voit dans les décisions malheureusement.

M. Boulet : Et si elle s'en était prévalue, elle aurait été couverte, elle aurait pu recevoir une indemnisation, donc elle n'a pas accès aux recours civils.

Mme Proulx (Jessica) : Exactement.

M. Boulet : O.K. C'est bon...

M. Boulet : ...J'aimerais ça avoir les décisions... Me Proulx, est-ce qu'il a... c'est des décisions rendues par les tribunaux supérieurs?

Mme Proulx (Jessica) : Oui.

M. Boulet : O.K. Cour supérieure, Cour d'appel?

Mme Proulx (Jessica) : Cour supérieure et Cour d'appel.

M. Boulet : O.K. Est-ce qu'il y en a une, Me Proulx...

Mme Proulx (Jessica) : En Particulier?

M. Boulet : Oui.

Mme Proulx (Jessica) : Je vous les soumettrai.

M. Boulet : Super. O.K. Moi, ça complète, Mme la Présidente. Merci beaucoup, Me Gagnon. Merci, Me Proulx.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Nous passons maintenant à la période d'échanges avec l'opposition officielle. Mme la députée de Bourassa-Sauvé, la parole est à vous.

Mme Cadet : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, Maître Gagnon, Maître Proulx. J'ai énormément de travail pour le travail de Juripop... énormément d'admiration, plutôt pour le travail de Juripop, donc merci beaucoup d'être avec nous cet avant-midi. Un peu plus tôt, vous avez dit que vous avez entendu, donc, le témoignage des... donc, des expertes qui nous ont parlé, donc, de la désimputation, là... mentionné, donc, parmi leurs priorités. J'aimerais vous entendre... Parce que je vois aussi que dans vos recommandations, que vous en avez parlé, vous l'avez évoqué un peu plus tôt, là, que... Vous semblez, donc, avoir la même lecture, là, du... du... du libellé, là, du projet de loi n° 42, là, en lien avec la désimputation, notamment en ce qui a trait, donc, à la... bien, en fait, particulièrement en ce qui a trait au... au contexte où la lésion professionnelle, donc, résulterait de violences à caractère sexuel commises par l'employeur, un dirigeant ou un de ses représentants. Donc, peut-être, donc, vous entendre d'abord et avant tout sur cette recommandation-là. Et pourquoi pour vous, ce serait important, donc, d'imputer le coût des lésions professionnelles à tous les employeurs d'unités de classification dans cette circonstance-là?

• (11 h 20) •

Mme Gagnon (Sophie) : Avec plaisir. Donc, une remarque en deux temps. D'une part, on appuie le principe de la désimputation parce que, tout comme les chercheuses, on est d'avis qu'on doit minimiser au possible la judiciarisation des réclamations, ce qu'on voit dans notre travail. Je pense que je peux affirmer sans me tromper que, systématiquement, les réclamations sont contestées par l'employeur avec tout le lot de revictimisation ou prolongation des délais que ça peut entraîner pour la personne victime. Donc, on appuie le principe de la désimputation, et, tout comme les chercheuses, on considère que le projet de loi n° 42 devrait aller encore plus loin et faire en sorte que la désimputation s'applique même lorsque la violence à caractère sexuel est commise par un dirigeant ou un représentant de l'employeur. En fait, à notre avis, c'est ces situations-là qui nécessitent le plus la désimputation, parce que c'est dans ces situations-là que la personne victime se retrouve d'autant plus revictimisée en ce sens qu'elle doit faire face non seulement à son employeur, mais aussi à son agresseur qui peut utiliser plusieurs tactiques pour retarder le processus d'indemnisation ou encore le rendre le plus victimisant possible pour la personne victime. Puis on est sensibles à la préoccupation du ministre de responsabiliser les employeurs qui sont responsables des agressions à caractère sexuel. Par contre, on considère que les employeurs ont déjà des incitatifs pour ne pas commettre de telles... de telles actions. Et, dans tous les cas, je vous soumets qu'aucun régime juridique ne sera parfait, mais si on doit choisir à qui faire porter les conséquences de l'imperfection, à notre avis, ça doit être à l'employeur et non pas à la personne victime, comme c'est le cas dans la formulation actuelle du projet de loi.

Mme Cadet : Merci beaucoup. Vous indiquez aussi, donc, dans vos recommandations de bonifier les présomptions légales instaurées par le projet de loi en les rendant applicables au harcèlement sexuel commis en contexte privé et aux maladies survenant plus de trois mois après les violences à caractère sexuel. Donc, je vous laisserais aussi, donc, développer sur ces éléments-là.

Mme Gagnon (Sophie) : Oui, avec plaisir. Donc, comme on le disait en introduction, les présomptions légales, on les voit d'un très bon œil. Par contre, les violences à caractère sexuel se déroulent dans des contextes strictement privés. Le droit doit le reconnaître, et l'effet pervers de la formulation actuelle du projet de loi n° 42, c'est qu'elle impose le fardeau à la personne victime de démontrer que les violences ne sont pas survenues dans un contexte strictement privé. Donc, ça va contraindre les personnes victimes à subir des questions sur leur vie privée, ce qui, à notre sens, est contraire à l'esprit du projet de loi n° 42. Donc, cette... cette partie-là de la disposition, à notre sens, doit sauter.

Ensuite, pour ce qui est du délai trois mois, on comprend que dans plusieurs des cas, des blessures normales, là, c'est-à-dire hors violences à caractère sexuel de travail, elles vont se déclarer dans un délai de trois mois. Par contre, notamment quand on pense à des blessures psychologiques, des blessures qui découlent de traumas dans notre travail, on le voit, ça peut prendre des mois, voire des années avant qu'elles se manifestent. Donc, on ne... on considère que le délai de trois mois n'est pas compatible avec la réalité des violences à caractère sexuel.

Mme Cadet : Merci. J'avais ensuite la même question, là, que le ministre, là, pour ce qui est, donc, de permettre à un employeur potentiel de connaître les antécédents du...

Mme Cadet : ...sexuel d'une personne candidate. Je pense que vous aviez, donc, répondu, donc, de façon, donc, assez claire de comment est ce que ça se manifesterait, en pratique.

Peut être, plus particulièrement, dans le contexte des clauses d'amnistie, parce qu'on n'a pas eu l'occasion, donc, d'échanger sur cette question-là, en fait, de vous entendre échanger sur cette question-là, donc, avec le ministre, mais dans votre présentation, donc, vous avez mentionné, donc, l'article 20, là, du projet de loi n° 42, donc, qui est une avancée, donc, qui est intéressante au niveau des clauses d'amnistie, mais qu'elle ne demeure pertinente que lorsque le... bien, en fait, la personne, donc, demeure au sein du même milieu de travail. Donc, est-ce que le transfert, donc, des renseignements personnels, là, que vous avez évoqué avec le ministre, donc, s'effectuerait de la même manière? Donc, en pratique, vous auriez la même recommandation, donc, dans le contexte universitaire ou collégial?

Mme Gagnon (Sophie) : Oui, exactement. Puis ce dont on s'inspire du milieu de l'enseignement supérieur, c'est vraiment pour la communication des sanctions, qui est un sujet connexe, mais différent. Donc, à l'heure actuelle, quand un employeur reçoit une plainte pour harcèlement psychologique, il mène une enquête, conclut qu'un employé a commis du harcèlement psychologique ou sexuel. En ce moment, les règles sur la confidentialité des dossiers d'employés interdisent à l'employeur de communiquer, à la personne victime, les sanctions, les mesures disciplinaires qui sont imposées à la personne victime. Pour nous, ça a deux conséquences. Premièrement, ça empêche... ça ne répond pas aux besoins de justice de la personne victime. C'est difficile, pour elle, de tourner la page, ne sachant pas quelles sont les conséquences auxquelles sera assujetti l'auteur de violence. Mais ce qu'on se voit... Puis ce qu'on voit d'autre, qui est presque autant préoccupant, c'est les conséquences pour la sécurité des personnes victimes.

Dans un de nos dossiers, on représentait une travailleuse qui a subi du harcèlement sexuel de la part d'un collègue avec qui elle conduisait un camion de livraison. C'était son travail. Elle a porté plainte à l'interne et tombait en arrêt de travail pendant l'enquête. L'employeur a reconnu qu'il y avait eu du harcèlement sexuel au travail, mais n'a pas divulgué les sanctions qui allaient être imposées au collègue. Donc, notre cliente ne savait pas si, en retournant au travail, elle allait s'exposer à d'autres quarts de travail avec ce même collègue ou si d'autres de ses collègues allaient être vulnérables à des agressions sexuelles, et cette incertitude-là était tellement profonde pour elle qu'elle a préféré démissionner et quitter son milieu de travail, plutôt que d'y retourner. Donc, il y a aussi une notion de sécurité et du plein accès à l'emploi, pour nous, qui intervient, quand on parle de communiquer les sanctions aux personnes victimes.

Mme Cadet : Puis, avant de passer la parole à ma collègue, il y avait... Pour ce qui est de l'indemnisation des personnes étudiant à temps plein ayant moins de 18 ans, donc, vous n'en parlez pas. Je voudrais entendre votre point de vue sur cette question-là.

Mme Gagnon (Sophie) : On n'en parle pas tout simplement parce que nos observations, dans notre mémoire, sont tirées du travail qu'on fait, et, dans les faits, nous n'avons pas eu l'opportunité de représenter ou de conseiller des personnes qui avaient vécu des violences sexuelles alors qu'elles étaient mineures. Mais les recommandations qui sont faites par les chercheuses, à notre avis, tombent sous le sens, là, à cet égard-là.

Mme Cadet : ...donc, je passerais la parole à ma collègue de La Pinière.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Je cède maintenant la parole à la députée de La Pinière, pour une durée de 2 min 50 s.

Mme Caron : Merci, Mme la Présidente. Alors, juste pour être clairs, la question de la confidentialité, donc, ce que vous prônez, c'est que les victimes soient au courant des sanctions qui sont données, pour leur propre sécurité, et, dans un deuxième temps, que les personnes qui... fautives qui cherchent un emploi ailleurs, lorsqu'elles consentent à ce que l'employeur potentiel communique avec les références, à ce moment-là, bien, ça devient un consentement à ce que l'employeur précédent mentionne qu'il y a eu des sanctions, à l'égard de cette personne-là, pour des violences à caractère sexuel ou du harcèlement psychologique. Alors, c'est bien ces deux choses là que vous...

Mme Gagnon (Sophie) : Voilà. C'est très bien résumé.

Mme Caron : D'accord. Je voulais clarifier, parce que, tantôt, on parlait de personnes victimes, puis ce n'était pas tout à fait, tout à fait clair. Dans le souci de s'assurer que le processus soit le plus fluide possible et le plus rapide possible, qu'on ne vienne pas encombrer la justice, est-ce que le fait qu'il faille avoir un médecin de famille ou que les employeurs doivent désigner un médecin... est ce que c'est quelque chose, dans l'état actuel du réseau de la santé, qui complique les démarches, dans les dossiers que vous avez vus, par exemple?

Mme Gagnon (Sophie) : Est ce que vous parlez de la disposition du projet de loi qui prévoit la nomination d'un professionnel de la santé pour accéder au dossier médical ou, de manière générale, le besoin d'avoir un diagnostic?

Mme Caron : Ou pour les enquêtes, par exemple, pour un diagnostic, oui?

Mme Gagnon (Sophie) : O.K. Je vais laisser ma collègue Me Proulx répondre.

Mme Proulx (Jessica) : Oui, c'est sûr, c'est sûr que, des fois, on doit référer les gens aux urgences pour avoir un diagnostic, pour respecter les délais... actuellement, c'est six mois... s'ils viennent nous voir à deux ou trois jours du six mois, puis on a peur de dépasser le délai de prescription, puis ils n'ont pas de médecin de famille. Ça m'est déjà arrivé de devoir dire : Bien, vous allez devoir vous présenter aux urgences pour avoir un mot, sinon, on va être hors délai, là. Effectivement, comme on l'a déjà mentionné, c'est possible de justifier un hors délai. Dans ce cas-là, ça pourrait, mais ça met déjà les gens dans une situation de doute et de...

Mme Proulx (Jessica) : ...

Mme Caron : D'accord. Merci. Puis est-ce qu'il reste du temps?

La Présidente (Mme D'Amours) : Oui.

Mme Caron : Oui.

La Présidente (Mme D'Amours) : 50 secondes.

Mme Caron : Et, pour revenir sur la question de la sphère privée, ce que je comprends aussi, c'est... de ce que j'ai lu dans votre rapport aux pages sept et huit, c'est de... finalement de... d'enlever carrément les mots «strictement privés» du projet de loi, c'est bien ça?

Mme Gagnon (Sophie) : Tout à fait. C'est essentiel. Puis je rappelle de toute façon que l'employeur... ce n'est pas une présomption irréfragable, l'employeur conserve le loisir de la... de la réfuter en administrant lui-même cette preuve-là. Donc, on parle tout simplement de... de changer le fardeau de preuve.

Mme Caron : D'accord. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Je cède maintenant la parole au député d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour à vous deux. Content de vous voir. Je vais vous poser la même question que j'ai posée à vos prédécesseures sur la priorisation. Je ne sais pas si vous avez fait l'exercice ou je ne sais pas si dans votre mémoire c'est déjà classé en forme de priorisation un peu plus politique. Qu'est-ce qui devrait être vraiment essentiel, en particulier pour nous, les députés d'opposition, mais aussi évidemment pour le ministre, qui nous écoute attentivement, les un, deux, trois trucs, là, qu'on ne peut pas échapper à la fin de l'étude détaillée de ce projet de loi là?

Mme Gagnon (Sophie) : C'est une bonne question. Donc, notre mémoire n'est pas structuré comme tel, mais notre intervention l'était. Donc, la première priorité, à notre sens, c'est la refonte en profondeur de l'article 123.16 et l'application de la recommandation 26 du rapport des chercheuses sur cette question-là, et ensuite la correction de la rédaction des présomptions légales à la Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles pour éviter de perpétrer des mythes et des stéréotypes. Ce seraient, à mon avis, les deux priorités. Je ne sais pas si Me Proulx voudrait ajouter l'immunité civile.

Mme Proulx (Jessica) : ...

Mme Gagnon (Sophie) : Elle s'est déjà faite grillée par un ministre sur le sujet.

M. Leduc : Bien oui, ça vous... ça embête toujours les invités, ça, cette question-là, mais nous, évidemment, on travaille avec ces priorisations-là, mais...

• (11 h 30) •

Mme Proulx (Jessica) : Moi, je pense que le cheval de bataille que je vois aussi, c'est la divulgation des sanctions qu'on vous amène, qu'on puisse obtenir les sanctions. C'est quelque chose que je vois de manière récurrente qui bloque les victimes dans un sentiment de justice puis de réparation.

M. Leduc : Qui bloque les victimes, qu'est-ce que vous voulez dire?

Mme Proulx (Jessica) : Dans un... En fait, c'est rééquilibrer... En ce moment, ce qui est prévalu, c'est la protection des renseignements personnels, et on vient rééquilibrer avec le droit d'une victime de se sentir en sécurité en faisant cette exception-là de divulguer les sanctions.

M. Leduc : Je comprends. Combien de temps, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme D'Amours) : Deux minutes.

M. Leduc : Deux minutes. On a parlé beaucoup des clauses d'amnistie. Vos prédécesseures, c'était la dernière question que je leur ai posée, là, avant qu'il... que le temps file. Dans son projet de loi, le ministre élargit un peu plus, là, que les violences à caractère sexuel, c'est violences physiques, violences psychologiques. Bon, déjà en soi, il y a... j'ai lu des mémoires de centrales syndicales qui pouvaient s'inquiéter de l'élargissement à outrance, donc de la fin des clauses d'amnistie, parce que, quand il n'y a pas de clause d'amnistie, c'est un peu l'arbitraire patronal, évidemment, qui le remplace. Est-ce que vous êtes de cet avis-là? Et aussi est-ce qu'un peu comme le laissait entendre maître Cox il n'y a pas lieu plutôt d'imaginer une alternative? Je ne sais pas si elle le voulait comme une alternative, là, mais c'est un peu comme ça que je l'ai compris. C'est-à-dire, plutôt de... que de... d'élargir trop large, on pourrait mettre une date minimale à des sanctions ou à des notes au dossier, tu sais, que ça ne puisse pas disparaître après six mois ou un an, ce qui est souvent ce qu'on peut lire dans les conventions collectives, ça pourrait être deux, trois, quatre, même cinq ans à la limite. Est-ce que ce n'est pas une piste qui pourrait être intéressante?

Mme Gagnon (Sophie) : En toute humilité, on n'a pas eu une réflexion approfondie sur la question des clauses d'amnistie parce que notre travail nous amène surtout à travailler avec des... à... à accompagner des personnes non syndiquées. Donc, on s'en remettrait à l'expertise des chercheuses sur cette question-là.

M. Leduc : Vous ne touchez pas... Oui, c'est ça, vous êtes plus dans les normes du travail que dans le Code du travail.

Mme Gagnon (Sophie) : Exact.

M. Leduc : Parfait. J'aime aussi poser la question quand il reste un petit peu de temps : Est-ce qu'il y a des éléments de votre mémoire qu'on n'a pas eu le temps d'aborder aujourd'hui dans vos échanges, que vous voudriez souligner?

La Présidente (Mme D'Amours) : 40 secondes.

Mme Gagnon (Sophie) : Ce qu'on a trouvé très pertinent dans l'approche des chercheuses, c'est celle de se baser sur des données probantes, puis on a constaté qu'elles avaient été en mesure d'obtenir des données de la part de la CNESST et des tribunaux, mais, au Québec, on a peu de données sur la prévalence du harcèlement sexuel en milieu de travail et sur les réponses qui sont données par l'employeur. Une recommandation qu'on fait dans notre mémoire puis qui est peut-être extralégislative, là, ce serait celle de demander aux employeurs de communiquer des données sur les plaintes sur le harcèlement sexuel au sein de leur entreprise, donc plus particulièrement les employeurs pourraient être contraints de communiquer le nombre de plaintes reçues en vertu de leurs politiques et l'issue donnée à ces politiques-là...

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.

Mme Gagnon (Sophie) : Voilà.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. C'est tout le temps que nous avions. Nous passons maintenant à la période d'échange avec le député de Jean-Talon.

M. Paradis : Bonjour. Merci beaucoup d'être avec nous. Une demande et deux questions en deux minutes 39 secondes. Vous nous parlez dans votre mémoire de la question de la divulgation des antécédents, qui est un enjeu vraiment essentiel à la non...


 
 

11 h 30 (version non révisée)

M. Paradis : ...la perpétuation, là, des gens qui ont commis des choses puis qui s'en vont chez d'autres employeurs, c'est dur à équilibrer. Vous nous dites : Ça pourrait... la demande, donc, de divulgation d'antécédents, ça pourrait être conditionnel au consentement de la personne visée puis ça pourrait être limité dans le temps. Est-ce que vous pourriez nous faire des recommandations là-dessus, parce que vous avez une très belle expérience de terrain, pour nous aider dans notre réflexion? Parce que vous nous invitez à réfléchir. Les deux questions... Vous nous dites : Il faut supprimer le délai de trois mois pour l'application de la présomption, mais le délai de réclamation de deux ans, on est prêt à vivre avec. Mais vous représentez souvent des personnes dans une situation de vulnérabilité, puis le traumatisme se révèle des fois par des éléments déclencheurs beaucoup plus tard. Est-ce qu'on ne devrait pas faire sauter aussi ce délai de deux ans pour vraiment permettre un accès le plus complet possible au recours? J'ai fait la même chose avec Mme Cox tout à l'heure. Déjà ce matin, il y a des représentants, des employeurs qui disent : Ça va rendre notre défense impossible, toutes ces règles-là. Qu'est-ce que vous leur répondez?

Mme Gagnon (Sophie) : Pour ce qui est de la divulgation... de la communication des antécédents, vraiment, ce qu'on propose, c'était une modification au régime de la protection des lois sur les renseignements personnels, puis de s'inspirer... Donc, pour votre réflexion, on vous suggère de vous inspirer de ce qui est déjà... du cadre juridique en place qui permet à un employeur potentiel de vérifier les antécédents criminels, donc de vérifier le plumitif. Il y a déjà des normes qui sont établies par la loi, par la jurisprudence là-dessus. On soumet qu'on pourrait s'en inspirer pour les questions de violences à caractère sexuel.

Pour ce qui est du délai de deux ans, je vais laisser ma collègue, Me Proulx, relayer ce qu'on constate dans nos dossiers.

Mme Proulx (Jessica) : En fait, j'appuierais ce que les chercheuses ont dit, c'est-à-dire de rendre plus facile... de prouver que les délais sont raisonnables, de retard. Donc, c'est ce qu'ils ont suggéré. Ça ne figurait pas dans notre mémoire, mais on abonde dans le même sens, c'est-à-dire de faciliter le fait que, s'il y a des retards dus à la nature des violences à caractère sexuel qui se manifestent souvent plus tard, qu'on puisse faciliter la preuve du retard et que ça soit admis, en ce sens là. C'est une solution qui nous paraît raisonnable.

La Présidente (Mme D'Amours) : 30 secondes.

M. Paradis : Puis qu'est ce que vous répondriez, donc, aux représentants des employeurs qui disent : Aïe, là, ça va devenir impossible pour nous, nous défendre, même quand on est un bon employeur, là? Je ne sais pas si vous avez lu l'article ce matin, là, mais ils annoncent un peu ce qu'ils nous disent dans leurs mémoires. Ça fait que si vous étiez à notre place, là, quand ils vont être là?

Mme Gagnon (Sophie) : Bien, premièrement, il faut se rappeler que le projet de loi propose aussi de désimputer les coûts. Donc, ça, c'est, à mon avis, la meilleure réponse à cette question-là. Et, d'autre part, encore une fois, les régimes juridiques ne seront jamais parfaits. Mais en ce moment, ce qu'on constate dans notre travail, c'est que le fardeau est beaucoup trop onéreux pour les personnes victimes qui, elles, ont très peu de ressources, vivent avec leur traumatisme, alors que les employeurs, premièrement, c'est des dépenses d'entreprise. Deuxièmement, ils ont accès à des professionnels, notamment à des conseillers, à des conseillers juridiques. Quand ils doivent encourir le coût, souvent, c'est des coûts qui peuvent être réclamés à leur assureur. Donc, à choisir entre deux maux, on choisit celui-ci.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. C'est tout le temps que nous avions. Merci, Me Gagnon et Me Proulx, pour votre contribution à nos travaux. Je suspends les travaux quelques minutes afin de permettre aux prochains invités de prendre place.

(Suspension de la séance à 11 h 36)

(Reprise à 11 h 41)

La Présidente (Mme D'Amours) : Je souhaite maintenant la bienvenue à la Confédération des syndicats nationaux. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à commencer votre exposé.

Mme Senneville (Caroline) : Oui, merci. Bonjour. Alors, je suis Caroline Senneville, présidente de la Confédération des syndicats nationaux. Je suis accompagnée de Me Roxanne Lavoie, conseillère syndicale au service juridique de la CSN, de Natacha Laprise, conseillère syndicale au service de santé-sécurité et environnement de la CSN, et de Jean-François Lapointe, conseiller politique au sein du comité exécutif de la CSN. Alors, merci de nous recevoir.

D'entrée de jeu, on veut dire que la CSN est tout à fait d'accord avec les objectifs de ce projet de loi qui vise à prévenir et combattre le harcèlement psychologique et les violences à caractère sexuel. Mais bien sûr, on a d'une part certaines questions puis on a aussi des commentaires qui, évidemment, de notre point de vue, visent à améliorer le projet de loi.

Alors, le projet de loi, c'est un projet de loi qui touche différentes lois. Mes commentaires vont y aller par lois qui sont touchées.

La première, la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. On salue bien sûr l'initiative d'introduire la présomption de maladie pour faciliter la démonstration des lésions professionnelles qui pourraient découler des violences à caractère sexuel. Mais on a deux questions et commentaires. On a vraiment un questionnement par rapport à ce qu'on voit, nous, comme des exceptions. La première, c'est celle qui dit que ça exclut ce qui se passe en contexte strictement privé. Qu'est-ce que ça veut dire? La ligne peut être floue : ton patron reste ton patron, même en dehors des heures du travail, ce qui se passe le week-end peut avoir une incidence le lundi matin au bureau...

Mme Senneville (Caroline) : ...donc on a des interrogations là-dessus, y compris aussi sur une infraction commise par un travailleur dont les services sont utilisés par cet employeur. L'interrogation aux fins d'un même établissement, est-ce à dire que tout ce qui se passe à l'intérieur de l'établissement, par exemple les communications qui seraient à l'extérieur de l'établissement? On... en tout cas, pour nous, ça demande précision. En ces ères de réseaux sociaux, des fois il y a des communications hors travail. Alors, nous vraiment, c'est les questionnements.

On... Par ailleurs, on... on trouve que le délai de trois mois pour qu'il y ait la présomption de maladie, de lésion professionnelle en lien avec les violences à caractère sexuel, pardon, est trop court. Les violences à caractère sexuel ont un impact... peuvent avoir un impact psychologique majeur s'apparentant parfois à des chocs post-traumatiques, et les chocs post-traumatiques, on le sait, la littérature le dit, peuvent se déclarer après trois mois. Alors, pour nous, ces exceptions-là viennent affaiblir la présomption qu'on veut inclure à la loi. Et, c'est ça, en créant trop d'exceptions, ça peut venir affaiblir, et donc ça pose problème.

L'article 27 aussi, pour nous, pose problème. L'article 27 dit qu'une victime ne peut pas être indemnisée si l'accident, la maladie est due à leur négligence grossière et volontaire, particulièrement dans un contexte de violence à caractère sexuel. On trouve cet article dommageable parce que, bien, ça renforce le mythe que la victime, quelque part, l'a cherché. Ça met l'accent sur les comportements de la victime plutôt que de mettre le regard sur les comportements de l'agresseur, et donc pour nous, vraiment, là, ça... ça vient vraiment jouer contre l'objectif du projet de loi qui vise justement à renforcer la prévention des violences à caractère sexuel.

On croit aussi que la lutte de dévoiler ses... l'antécédent comme victime quand on change d'employeur, ça ne devrait pas être automatique. Encore une fois, quand on est victime de violences à caractère sexuel, ça vient toucher ce qu'on a de plus intime, et nous, on croit que la Loi sur les accidents du travail, les maladies professionnelles devrait spécifier que les victimes de violences à caractère sexuel n'ont pas l'obligation de déclarer leurs lésions professionnelles ou leurs limitations fonctionnelles qui en découleraient, sauf, bien sûr, si c'est nécessaire, pour protéger la santé, la sécurité ou l'intégrité physique des personnes avec qui elles travaillent, donc vraiment encadrer ce dévoilement-là.

Et finalement, pour cette loi là aussi, on est bien content de voir que le délai pour déposer une réclamation soit porté à deux ans pour les actes... pour les victimes d'actes... voyons...

Une voix : ...

Mme Senneville (Caroline) : ...les violences à caractère sexuel. Merci. Je vais l'avoir. Mais ce n'est pas le même délai pour le harcèlement psychologique. Pour nous ça pose problème, problème de coréhence... de cohérence, problème d'application parce que les violences s'inscrivent souvent dans un continuum. Le harcèlement psychologique peut devenir du harcèlement sexuel qui peut devenir une violence à caractère sexuel. Alors, on aimerait bien que le délai de deux ans pour déposer une réclamation soit aussi valable pour le harcèlement psychologique.

En ce qui a trait à la Loi sur les normes du travail, alors bien content pour la politique de prévention. On salue le fait que le projet de loi implique un contenu minimal de cette politique de prévention là, mais on aimerait qu'il y ait une utilisation concordante de certains termes.

Dans le premier paragraphe, on dit que le harcèlement psychologique, ça inclut le volet des paroles, d'actes et de gestes à caractère sexuel, qui ça peut... ça peut inclure... le harcèlement psychologique inclut donc la violence à caractère sexuel, mais ce n'est pas répété ailleurs dans la Loi des normes. Et vraiment par souci de concordance, par souci de clarté, par souci d'applicabilité, on aimerait que cette spécification-là soit faite tout au long de la LNT, là, la Loi des normes du travail, pour les intimes.

La LNT aussi, il y a des provisions pour des congés. C'est assez minimal, hein? C'est deux jours de congé pour maladie ou raison familiale. Il n'y a rien pour les victimes d'actes de violence à caractère sexuel, rien pour les victimes de violence conjugale, et honnêtement, le Québec fait un peu figure de cancre parce que partout au Canada, c'est plus élevé que ça. Notre demande, c'est qu'il y a10 jours pour les victimes de violences à caractère sexuel et de violence conjugale.

On veut aussi parler des mesures disciplinaires. D'abord, je vais être claire la CSN condamne tout geste à caractère sexuel sur les milieux de travail. Ça n'a aucune, mais vraiment aucune place, et ça fait des décennies qu'on le répète et on est très clairs avec nos membres, quand il y a des...

Mme Senneville (Caroline) : ...graves qui sont posés. Malgré l'obligation qui nous est faite par le Code du travail, l'article... de représenter les membres, si l'enquête des membres démontre qu'il y a eu des comportements répréhensibles, nous ne défendrons pas l'indéfendable. Et je le dis et je le répète, c'est le discours qu'on tient à nos propres membres. Mais le projet de loi prévoit que les clauses d'amnistie seraient rendues inopérantes en cas de violences à caractère sexuel et ça nous pose des questions. Ça nous pose deux questions, je vous dirais. On craint deux choses par rapport à ce sujet-là, c'est la judiciarisation des relations de travail. Parce que quelqu'un qui aurait fait quelque chose qui ne mériterait pas, par exemple, la plus grosse des sanctions qui serait le congédiement, bien, verrait une tache à son dossier pendant peut-être des décennies. Ça pourrait porter la personne à judiciariser, à contester la mesure disciplinaire. Ce n'est pas ce qu'on souhaite. On travaille très fort à tout déjudiciariser les relations de travail d'une part, et d'autre part, ce n'est pas le fun pour la victime non plus, qui doit, encore une fois... devra, encore une fois, raconter les événements.

L'autre sujet pour lequel aussi ça nous questionne, c'est qu'on veut que la réhabilitation soit possible. On veut que si... la personne qui a commis une infraction en termes de harcèlement sexuel puisse faire amende honorable, puisse s'engager dans un parcours de réhabilitation, que ce soit des formations, une thérapie, une cure, etc. Et ça, pour nous, ça a valeur de prévention. C'est quoi qu'on veut? C'est sûr qu'on veut punir les personnes qui posent des gestes absolument regrettables, inadmissibles, mais on veut surtout prévenir. Parce qu'une fois que tu as puni, c'est parce qu'il y a un acte plate qui s'est passé puis il y a une victime. Nous, on pense que de pouvoir permettre aux partis de s'ajuster puis de vérifier le contexte, ça pourrait permettre une plus grande prévention dans les milieux de travail sur le harcèlement sexuel. Puis, on va se le dire, dans la vraie vie, ce n'est pas les clauses d'amnistie qui causent le problème, ce qui cause le problème, c'est que les comportements ne sont pas dénoncés et ils ne sont pas punis. Donc, c'est ce qu'on met de l'avant.

• (11 h 50) •

Troisième loi qui est touchée, la Loi sur la santé et sécurité du travail. On prévoit que le projet de loi devra évidemment être complété par une série de règlements. Le projet de loi ne prévoit pas d'échéancier pour les règlements. Tout ce qui traîne se salit. Nous, on proposerait, comme ça a été pour d'autres cas aussi dans la loi, la LSST, que la CNESST ait un délai de 24 mois pour pouvoir produire un environnement réglementaire autour de la loi pour prévenir et combattre les violences sexuelles, et qu'à défaut de quoi, bien, le ministre pourra le faire, lui, dans les 30 mois qui suivent.

Sinon, bien, il y a beaucoup d'autres lois qui sont touchées, Code du travail, etc. On est d'accord avec les modifications qui sont apportées. Peut-être, dernier petit grain de sel, on aimerait que, comme les arbitres de grief qui sont formés sur les violences à caractère sexuel, que les juges du Tribunal administratif du travail soient aussi formés en ce sens. Donc, je vous dirais... Je pense que je rentre dans mes 10 minutes, hein? J'ai tellement voulu... Ça fait que...

La Présidente (Mme D'Amours) : À six secondes près. Merci beaucoup.

Mme Senneville (Caroline) : Voilà. Ouf!

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci pour votre exposé. Nous allons maintenant commencer la période d'échange, et je vais céder la parole au ministre. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Boulet : Oui, merci. Merci beaucoup, hein? Je n'ai malheureusement pas eu l'occasion de vous saluer. Je le ferai après. C'est un excellent mémoire. On vous remercie pour votre contribution, puis vos recommandations sont raisonnées et intéressantes. Je veux simplement... puis je vais peut-être y aller un petit peu de façon éparse, là, mais la formation va avoir évidemment une équipe dédiée aux dossiers de violences à caractère sexuel au Tribunal administratif du travail. Et il y a déjà eu de la formation de Me Gareau-Blanchard du ministère de la Justice, et elle s'intitulait, la formation : Mythes et stéréotypes avec lesquels composent les personnes victimes de harcèlement sexuel et d'agressions à caractère sexuel, et il y a plein de mesures qui seront mises en application pour assurer l'accompagnement. Une conférence préparatoire individuelle, le conciliateur qui va intervenir, et les juges qui vont provenir des divisions normes et santé-sécurité vont être évidemment totalement formés pour répondre à nos besoins de la même manière que les arbitres de grief.

Le pouvoir réglementaire, c'est intéressant de faire référence au fameux règlement sur la prévention. Mon collègue d'Hochelaga-Maisonneuve...

M. Boulet : ...Maisonneuve y a participé. On avait mis en place le régime intérimaire, et le C.A. de la CNESST va devoir y aller avec diligence, mais je ne suis pas fermé à ce qu'il y ait un délai, mais, même à défaut de délai dans la loi, le ministre ou le gouvernement, ultimement, peut toujours adopter un règlement sur les meilleures mesures de prévention.

L'amnistie, ce n'est pas de les rendre inopérants, ce n'est pas de les rendre nuls, c'est simplement de permettre à l'employeur de ne pas tenir compte de la clause d'amnistie dans les cas de violence physique, psychologique. Évidemment, ça comprend les violences à caractère sexuel. Puis la littérature, les experts concourent tous à dire qu'il y a toujours des personnes qui récidivent dans ce domaine-là.

Puis il ne faut pas non plus déconsidérer le pouvoir de l'employeur quand il fait sa gradation des sanctions de tenir compte des circonstances, non seulement aggravantes, mais les circonstances atténuantes, notamment le processus de réhabilitation, dans la mesure où ça peut se faire, mais il ne faut pas dire : On les annule. Puis les milieux étudiants, puis la plupart des groupes qu'on a consultés favorisaient, il y en a qui voulaient qu'on les annule systématiquement, mais ce qu'on a plutôt adopté, c'est la possibilité pour l'employeur de ne pas en tenir compte dans un contexte spécifique qui nous intéresse. C'est parce que vous posiez des questions aussi, hein, Caroline. Tu sais, la négligence grossière et volontaire, moi, j'en connais peu ou pas, de décision. La négligence grossière et volontaire, je ne veux pas faire une hiérarchie de la gravité des événements qui mènent à une réclamation pour accidents de travail ou maladie professionnelle, mais avez-vous, Mme Senneville, des cas où la négligence grossière et volontaire a fait en sorte qu'une victime n'a pas obtenu une juste indemnisation? Est-ce que vous avez des cas à me soumettre?

Mme Lavoie (Roxanne) : Bien, je vais répondre à cette question-là. Dans notre mémoire, en notes de bas de page, là, on réfère à quelques décisions où, en fait, ce n'est pas que les gens n'ont pas forcément été indemnisés, par contre, on a scruté le comportement de la victime. Et c'est là que le bât blesse, c'est lorsqu'on questionne la victime. En fait, on recherche la victime parfaite, donc, ou on va questionner à savoir, bien : Pourquoi tu acceptais le café? Je veux dire, tu n'étais pas obligé d'accepter le café qu'il t'offrait en en cadeau à tous les jours. Pourquoi est-ce que tu as accepté d'être reconduit, tu as accepté d'être reconduit chez toi par cette personne-là que tu dénonces aujourd'hui? Et c'est ce genre d'abus là qu'on voit, qu'on lit dans les décisions des tribunaux, qui font en sorte que, bien, forcément, on le constate, les gens sont questionnés là-dessus et on recherche la victime parfaite. Alors, c'est le lien qu'on faisait, là, qu'on voulait attirer... on voulait attirer votre attention.

M. Boulet : O.K. C'est Me Lavoie, hein?

Mme Lavoie (Roxanne) : Oui, exact.

M. Boulet : Est-ce qu'il y a des cas où des employeurs ont invoqué l'application de l'article 27 qui réfère à la négligence grossière et volontaire dans des cas de violence à caractère sexuel? C'est ça qui me préoccupe, là. Est-ce qu'il y a eu des cas spécifiques là-dessus.

Mme Lavoie (Roxanne) : Dans les décisions qu'on vous a mises en notes de bas de page... La réponse, c'est oui. Là, je n'ai pas le nom par coeur, mais, dans notre mémoire, on réfère à des décisions où, effectivement, on alléguait l'application de l'article 27. On est dans des cas de harcèlement psychologique, de harcèlement... et avec des connotations sexuelles. Effectivement, il y en a eu.

M. Boulet : O.K., je vais les regarder. Je suis convaincu que la plaidoirie de l'employeur a été rejetée, dans des contextes de même...

Une voix : Oui.

M. Boulet : ...mais ce que vous me dites... parce que 27, c'est vraiment intentionnel, là, tu es sur le bord d'une falaise, puis tu décides de te tirer en bas, puis tu es blessé ou tu as des blessures corporelles graves, ou psychologiques, tu fais ta déclaration, il y a très, très, très peu de cas où 27, c'est appliqué, on s'entend?

Mme Lavoie (Roxanne) : On s'entend.

M. Boulet : Mais ce que vous me dites, c'est que 27, ce n'est pas appliqué, mais ça a permis de scruter le cas de façon à victimiser, là, ce qu'on appelle les phénomènes de victimisation secondaire. C'est intéressant.

Mme Lavoie (Roxanne) : Voilà, vous me suivez. C'est exactement ça.

M. Boulet : Est-ce que, selon vous, ça ne risquerait de créer un précédent et qu'on demande l'inapplication de l'article 27 à d'autres cas?

Mme Lavoie (Roxanne) : C'est ce qu'on vous demande, de toute façon.

M. Boulet : Donc, à tous les cas...

Mme Lavoie (Roxanne) : On en profite, on dit : A fortiori, dans le contexte...

M. Boulet : À plus forte raison, donc, ce que vous dites... 27 ne devrait pas s'appliquer dans les cas de violences à caractère sexuel ou les violences physiques, mais est-ce que vous demandez...

M. Boulet : ...que ça ne s'applique pas systématiquement?

M. Lapointe (Jean-François) : En fait, si je peux me permettre, M. le ministre, on demande l'abolition de l'article 27 dans la LATMP.

M. Boulet : O.K. Parfait. Là, je comprends.

M. Lapointe (Jean-François) : De toute façon, par la voie de l'occasion ou du fait du travail, s'il y avait un cas d'exception, on pourrait... un employeur pourrait passer par ces dispositions-là, mais bon.

M. Boulet : Mais elles existent quand même. Je pense qu'il faut faire de la formation, de l'information, beaucoup de prévention. Mais moi, personnellement, je me vois mal retirer cette exception-là, parce que ça viendrait à penser le message que tu peux être négligeant grossièrement, involontairement, et bénéficier quand même d'une indemnisation en vertu de la LATMP, mais je comprends, ce que Me Lavoie me dit spécifiquement pour la victimisation secondaire, là, en matière de violence à caractère sexuel, ça, je peux le comprendre. Oui, Mme Senneville.

Mme Senneville (Caroline) : Oui. En une phrase : On n'est pas fan de l'article 27, mais en cas de violence à caractère sexuel, on trouve que c'est dommageable.

M. Boulet : Bon. Là, c'est de la belle négociation, ça, Mme Senneville. Euh, je comprends. O.K.

Euh, maintenant, je n'aime pas qu'on dise que le Québec est un cancre dans un secteur spécifique des relations de travail. Je pense que, puis c'est Mme Cox qui le disait, c'est un écosystème, hein, le droit du travail, il y a plusieurs liens à faire avec plusieurs lois. Puis, à bien des égards, on est en avance, on est en tête de peloton au Canada. C'est sûr que, comme dans une convention collective, on peut prendre un élément, l'isoler, puis dire qu'on est plus faible que la compétition. Mais je pense que, globalement, la Loi sur les normes du travail, elle est un avantage considérable parce que c'est un réseau de droits minimaux, là, qui s'impose notamment dans les conventions collectives, le 10 jours... parce qu'elle a fait l'objet d'une révision quand même assez importante par nos prédécesseurs, le... ce qui est entré en vigueur le 12 juin 2018. Est-ce que ça avait été revendiqué, ça? Parce qu'on a rajouté le 12 jours rémunérés, là. Il y a quand même une banque de 10 jours dont deux sont rémunérés. Est-ce que ça... Ça a été ajouté, il me semble. Mon souvenir...

• (12 heures) •

Mme Senneville (Caroline) : Oui. Je peux vous dire, c'est moi qui ai fait cette commission parlementaire là en 2018, puis ce qu'on demandait, c'était 10 jours de congé pour maladie ou pour responsabilité familiale, 10 jours payés. On en a obtenu deux. Mais, vous savez, en cas de violence conjugale, là, il faut que tu sortes de chez toi, il faut que tu te reloges, des fois tu n'as plus de vêtements, tu n'as plus de casseroles, il faut que tu installes un système de sécurité parce que tu as peur. Alors, honnêtement, là, les victimes ont besoin de journées pour qu'elles puissent réorganiser leur vie.

M. Boulet : O.K. Et la banque de 10 jours peut être insuffisante. Et les deux jours rémunérés peuvent être insuffisants. En même temps, en milieu syndiqué, la plupart des conventions collectives de travail comportent des dispositions qui vont bien au-delà de ça.

Mme Senneville (Caroline) : Oui, mais la CSN aime aussi parler pour les gens qui ne sont pas syndiqués, c'est 60 % des travailleurs du Québec, donc.

M. Boulet : C'est ce que je souhaitais vous entendre dire. Les antécédents, Mme Senneville. Un peu comme on discutait avec Me Gagnon, pour moi, c'est clair que l'élément central, c'est le consentement de la personne. Puis ça, c'est dans nos lois de relations de travail, de même que celle sur la protection des renseignements personnels. Si la personne consent, la personne pourrait avoir intérêt à ne pas consentir, là, pour des questions purement, purement privées ou des affaires d'intimité, là, mais est-ce qu'avec un formulaire de consentement qui est signé par la personne, ça ne donne pas ouverture à l'accès aux antécédents? Qu'est-ce... Puis là vous êtes avec des avocates, avocats, qu'est-ce que vous en pensez?

Mme Lavoie (Roxanne) : Bien, je... C'est plate, j'ai envie de vous répondre par une question : Qu'est-ce qui fait arriver le jour où moi, je veux me faire engager, et on me demande de remplir ce formulaire-là, et que je refuse? Est-ce déjà ça n'induit pas l'idée que je... il y a peut-être quelque chose, dans mes antécédents, que je ne veux pas dévoiler?

M. Boulet : Ah, mon Dieu, il y en a beaucoup. En pratique, là, ce que nous constatons, c'est qu'il y en a beaucoup qui refusent. Mais est-ce que vous pourriez avoir un motif légitime de refuser?

Mme Lavoie (Roxanne) : Bien, ce qu'on... ce qu'on avance dans notre mémoire, c'est que, dans le fond, pour les victimes à violence d'actes criminels... violence d'actes sexuels, pardon, c'est tellement intime, la sexualité, que, dans tous les cas, on ne devrait pas avoir à dévoiler ça à un autre employeur. Donc, je ne devrais...


 
 

12 h (version non révisée)

Mme Lavoie (Roxanne) : ...pas avoir à dévoiler que j'ai été victime de lésions professionnelles ou que j'ai des limitations fonctionnelles en lien avec ça pour protéger cette intimité-là.

M. Boulet : Donc, ce que vous dites, c'est que... puis, à mon avis, il y a de l'asymétrie, là, mais, là, il y a un... il y a des intérêts qui peuvent diverger entre l'employeur puis la personne. L'employeur peut vouloir savoir, puis la personne veut vouloir protéger. Et donc ce que vous dites, c'est qu'en toute circonstance la confidentialité devrait être protégée, est-ce que c'est ce que vous...

M. Lapointe (Jean-François) : Ce n'est pas exactement ce qu'on dit dans notre mémoire. Ce qu'on vous dit, c'est : Prenons pour acquis que la victime a des limitations fonctionnelles qui l'empêchent de reprendre son emploi prélésionnel. Elle se retrouve sur le marché de l'emploi, elle se cherche un nouvel emploi et elle a le stigmate de sa limitation fonctionnelle qu'elle doit exposer pour retrouver un emploi. On ne veut pas faire porter ce stigmate-là à la victime si ce n'est pas utile pour protéger sa santé et sa sécurité.

M. Boulet : Je comprends.

M. Lapointe (Jean-François) : Alors, c'est dans ce contexte-là qu'on ne veut pas qu'elle le divulgue. Et on ne veut surtout pas qu'un employeur puisse utiliser ça comme le mensonge à l'embauche pour congédier cette personne-là. Du moment qu'on met une exception dans la loi, bien, évidemment, si l'employeur découvre qu'elle avait une limitation pour x, y raisons par la suite, bien, il n'utilisera pas ça pour congédier, par exemple, la personne salariée qu'il a nouvellement embauchée.

M. Boulet : O.K. C'est intéressant, Me Lapointe. Comment...

M. Lapointe (Jean-François) : M. Lapointe, par contre.

M. Boulet : M. Lapointe, O.K., excusez-moi.

Une voix : Mais il est fin pareil.

M. Lapointe (Jean-François) : J'ai d'autres qualités.

M. Boulet : Il est peut-être plus fin. Mais comment vous réconciliez ça avec le droit d'un employeur, en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne, de vérifier ou de s'assurer des qualités et des aptitudes de la personne à exercer un emploi, d'une part? Puis, d'autre part, si les limitations fonctionnelles auxquelles vous faites référence sont incompatibles avec la capacité de la personne de faire un emploi, est-ce qu'il n'y a pas un risque de victimisation additionnel? Je vais loin un peu dans ma question, là, mais c'est des cas.

M. Lapointe (Jean-François) : Vous allez excessivement loin, parce que je ne crois pas que ça va s'opérer sur le terrain. Une victime ne voudra pas se mettre dans une situation fâcheuse à son... à son embauche, là, ça n'arrivera pas. On ne le croit pas, que ça va arriver.

M. Boulet : Mais, M. Lapointe, si un employeur fait une offre d'embauche sous réserve d'un examen médical pour s'assurer que la personne a les aptitudes ou les qualités physiques et psychologiques et que c'est révélé à ce moment-là que la personne est soumise à des limitations fonctionnelles qui sont... il me semble que c'est des cas qui arrivent.

M. Lapointe (Jean-François) : Bien, c'est parce que la limitation fonctionnelle usuelle qu'on va avoir, là, dans des cas de violence à caractère sexuel, c'est ne plus être en contact avec l'individu X. Alors, l'individu X ne sera pas dans le nouveau milieu de travail. Alors, il ne devrait pas. Hypothétiquement, il pourrait toujours changer d'emploi, là, mais ça, on est dans le domaine plutôt hypothétique.

M. Boulet : Ça, ça m'apparaît être une généralisation un peu... pas excessive, là, mais, tu sais, il y a beaucoup de victimes qui vivent de l'hypervigilance, là, puis ce n'est pas qu'associé à une personne, ça peut être associé à la proximité avec d'autres individus dans des environnements de travail où il y a des... des contextes qui la mettent en situation où elle est... elle est à risque, mais il y a une question de santé aussi pour cette personne-là.

S'il me reste du temps, «strictement privé», Mme Senneville, pour moi, il faut qu'il y ait un lien de connexité, puis c'est le critère qui a été utilisé par les tribunaux pour déterminer ce qui est par le fait ou à l'occasion du travail. On a quand même mis «strictement privé». C'est quand même assez clair que, si c'est une relation qui s'est développée puis que c'est dans une sphère qui est strictement privée, ce n'est pas nécessairement la même dynamique. Mais, encore une fois, je pense que ça découle de l'application du critère de connexité qui a été développé par les tribunaux. Peut-être juste vous permettre de faire un autre commentaire là-dessus, ce qui vous préoccupe avec ce concept-là.

La Présidente (Mme D'Amours) : Votre réponse en 35 secondes.

Mme Senneville (Caroline) : Surtout dans un cas de relation entre... où il y a un rapport d'autorité. Le rapport d'autorité peut rester aussi dans le domaine privé, il ne cesse pas d'exister. Donc, ça, c'était une préoccupation qu'on avait.

M. Boulet : Donc, ce que vous me dites, c'est que, si c'est un supérieur immédiat, féminin ou masculin, avec une personne qui relève et qu'ils développent une relation... Mais, s'ils développent une relation intime puis que ça se passe...

M. Boulet : ...complètement à l'extérieur du travail, vous dites : Il y a une certaine connexité, parce que la hiérarchie a probablement...

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.

M. Boulet : O.K. Je comprends.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. C'est tout le temps que nous avions. Maintenant, je cède la parole à la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Cadet : Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup, merci, Mme Senneville, merci à vous tous d'être présents ce matin.

Je commencerais rapidement sur la question de l'article 27, donc la négligence grossière et volontaire. Je conclus... Si j'ai bien compris ce que vous nous avez expliqué dans votre... dans vos 10 minutes et dans vos échanges avec le ministre, donc, pour vous, il n'y a pas eu une occasion ratée, là, donc, avec le p.l. n° 42, de... qui ne va peut-être pas assez loin, d'abolir donc l'article 27, donc vraiment donc d'étendre, donc, la question de la prévention des violences à caractère sexuel en milieu de travail avec cet article-là de la TMP, là? C'est bien ça?

Mme Senneville (Caroline) : Tout à fait.

Mme Cadet : Puis, ici, pouvez-vous donc nous expliquer un peu, donc, la jurisprudence qui est liée à l'article 27, donc comment cet article-là, qui est en vigueur depuis quoi, depuis 1985, comment est-ce qu'il a été interprété, là, au niveau de la négligence grossière et volontaire, là? Vous nous donnez donc quelques exemples éloquents, donc, sur les.. bon, les cafés, le... bon, accepter de covoiturer, là, vous le mentionnez ici, là. Bien, peut-être donc mieux les...

Mme Senneville (Caroline) : Ce n'est pas comment ça a été traité qui pose problème, c'est que ça a été traité, et c'est là qu'on rentre dans la victimisation encore de la victime. Donc, tu sais, l'histoire s'est bien terminée, mais entre les deux, ça n'a pas été facile. Et ça... tout ça, ça fait qu'on... sachant cela, les victimes sont moins portées à dénoncer des actes, parce qu'ils se disent : Ce que je vis est difficile, mais, si je dénonce, je vais peut-être encore vivre des affaires plus difficiles ou tout aussi difficiles.

• (12 h 10) •

Mme Cadet : O.K. O.K., je comprends. Ça fait que ce n'est pas tant, tu sais, à la fin, donc, de ce processus-là au niveau de la... Donc, de la manière dont c'est interprété, donc, sur le plan juridique, là, ce n'est pas tant dans qu'est-ce qui en découle en termes de décisions, mais c'est le fait que la victime, donc, doit passer à travers tout ce processus-là parce que... puis, évidemment, c'est un moyen de défense qui va être employé parce qu'il existe dans la loi, de dire donc : la personne, donc...

Mme Senneville (Caroline) : Puis il y a un long historique que ce moyen de défense là soit utilisé dans les cas d'agression sexuelle.

Mme Cadet : O.K. O.K., je comprends. Donc, c'est assez clair, merci.

Maintenant, je vous dirais que j'étais assez surprise, là, de... bien, en fait, de votre recommandation 8, en ce qui a trait donc aux clauses d'amnistie, puis votre libellé, bon, notamment, là, quand vous dites donc : «Malgré le caractère grave inhérent aux inconduites de nature sexuelle, il n'est pas exclu que dans certains cas l'analyse des faits, du contexte et des facteurs atténuants justifie une sanction moindre qu'un congédiement. Dans ces cas, nous croyons souhaitable de miser sur l'éducation et la réhabilitation des personnes fautives.» J'entends la question de la réhabilitation, mais je vous dirais que je fais peut-être la même lecture que le ministre, là, sur ce qui... de l'article 20 du projet de loi n° 42, là, sur ce qui est des clauses d'amnistie. J'aimerais peut-être donc mieux vous entendre, là, sur les préoccupations que vous avez, là, parce que je suis... je vous avouerais que je ne suis pas tout à fait convaincue.

Mme Senneville (Caroline) : Bien, en fait... On va parler de la lecture. Nous, on faisait la lecture que les clauses d'amnistie n'étaient pas... n'étaient... devenaient inapplicables en cas de violence à caractère sexuel, là. Donc, c'était tout ou rien. Le ministre nous dit que sa vie... qu'on peut... on peut décider qu'elles ne s'appliqueraient pas. Ça, on va être d'accord avec ça, qu'il y ait des cas où la clause d'amnistie ne s'applique pas, on est... on n'est pas... On est contre l'interdiction totale des clauses d'amnistie, mais on n'est pas non plus pour une application automatique, surtout dans les cas de harcèlement, qu'ils soient sexuels ou pas sexuels. Parce que c'est quoi, la définition de «harcèlement»? C'est des gestes qui, additionnés, font que ton environnement de travail est insupportable. Donc, il faut... il faut qu'il y ait... Il faut qu'on soit capable de voir, là, puis les clauses d'amnistie, souvent, sont autour d'un an. Donc, nous, dans notre compréhension de l'article 20, puis là... c'était que ce n'était plus possible de le faire. Alors, on n'est ni pour une application automatique, ni pour l'interdiction totale, les parties peuvent être à même de juger certains contextes. Puis, je veux vraiment être claire, s'il y a des comportements inacceptables qui méritent des sanctions graves, c'est la responsabilité de l'employeur de le faire, puis nous, on travaillera avec notre monde, puis ce qui n'est pas acceptable ne sera pas acceptable.

Mme Cadet : O.K. Merci. C'est très clair. Peut-être une petite question avant de passer la parole à ma collègue sur le...

Mme Cadet : ...sur... mais d'abord, donc, sur les différentes formations, là, l'investigation à la LSST, vous dites donc : L'application de la prévention milieu de travail repose en grande partie sur les nouveaux mécanismes de prévention et participation de l'établissement. Donc, il faudrait, donc, avoir, donc, des formations spécifiques. Donc, qui feraient ces formations-là, selon vous, à votre recommandation n° 10?

Mme Senneville (Caroline) : Des personnes qui ont connaissance de la chose, je vous dirais, pas nécessairement les employeurs. Nous, on en donne, on donne... puis les employeurs en donnent aussi. C'est correct qu'ils en donnent, là, mais on pense que ça serait important que les représentants en santé-sécurité... D'ailleurs, la loi... les mécanismes de prévention s'appliquent partout, ces... voyons, excusez-moi, c'est une affaire de lunettes, là, ces représentations-là. Ces représentantes et représentants là ont un travail à faire, puis on pense que c'est une priorité aussi de la CNESST, les violences à caractère psychologique, là, la santé mentale. Donc, pour que le comité et les représentants fassent bien leur travail, que ça fasse partie de la formation.

Mme Cadet : Donc, de notre côté, donc, vous laissez quand même... au législateur le travail qu'on aura à faire, donc, dans les prochaines semaines. Il y a une certaine latitude, là, de ce côté-là.

Mme Senneville (Caroline) : On n'approuvera pas le plan de cours, là.

M. Lapointe (Jean-François) : En fait, c'est que, déjà dans la loi sur la santé-sécurité, il y a les représentants qui ont une formation. Ce qu'on ne veut pas, c'est qu'il y a une formation juste générale à ces représentants-là. On veut aussi une formation spécifique parce qu'ils vont devoir agir sur les violences à caractère sexuel et il faut qu'ils le fassent.

Mme Cadet : D'accord. Merci.

Mme Senneville (Caroline) : On est beaucoup dans les mythes aussi, hein? On a beaucoup de mythes à défaire. Donc, c'est important, la formation.

Mme Cadet : Puis évidemment, donc, je pose la question un peu à tout le monde, là, sur l'indemnisation des personnes étudiant à temps plein, ils ont moins de 18 ans. Vous avez dit plutôt, là, que vous vous prononcez, là, sur les questions qui ne concernent pas juste vos membres, là, d'avoir, donc, l'ensemble, donc, des différents employés. J'aimerais vous entendre sur cette question-là.

M. Lapointe (Jean-François) : Bien, en fait, vous avez entendu le comité d'expertes en premier lieu. On est tout à fait en phase avec ce qui a été proposé, là, d'augmenter ça à 40 heures, là.

Mme Cadet : Parfait.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci beaucoup. Je passe maintenant la parole à la députée de La Pinière. Votre temps est de 3 min 12 s.

Mme Caron : Merci beaucoup. Alors, merci pour votre présentation. Dans la question de confidentialité des... ce que je comprends, c'est que vous ne souhaitez pas que les victimes traînent leur statut de victime d'un emploi à l'autre. Donc, c'est pour ça, là, que vous ne souhaitez pas que la divulgation, finalement, des antécédents des victimes soit forcée, soit obligatoire. Alors, en termes de confidentialité, je vous amènerais dans un autre contexte où, par exemple, un employé fautif a été remercié ou quitte de plein gré son emploi et décide de postuler à un emploi, par exemple, dans une résidence pour personnes âgées, dans un CHSLD, donc un milieu de vie où il y a déjà des personnes qui sont vulnérables, où il y a des employés qui sont vulnérables. Si je pense à des préposés aux bénéficiaires, par exemple, qui sont majoritairement des femmes, majoritairement des femmes immigrantes, alors qui sont très vulnérables à un collègue de travail, par exemple, qui pourrait récidiver. Est-ce que vous êtes, dans un tel contexte, en faveur que l'employeur de... ou l'ex-employeur de l'employé fautif puisse ou doive dévoiler, lorsqu'on demande des références, doivent dévoiler... donc cet employé là a fait l'objet de mesures disciplinaires ou de sanctions parce qu'il a été l'auteur de violences à caractère sexuel ou de harcèlement psychologique?

Mme Senneville (Caroline) : Pour nous, ça rentre dans le travail de l'employeur de vérifier les antécédents. Là, ça serait la même chose s'il était parti avec l'argent de l'employeur. Donc, ça relève de... C'est de la responsabilité de l'employeur de vérifier les antécédents puis de vérifier les références. Puis quand on postule, on met des références. Alors, effectivement.

Mme Caron : Donc, alors... Donc, vous n'êtes pas contre le fait que la personne... que l'employeur divulgue également ce type d'antécédent de son ex-employé.

Mme Senneville (Caroline) : Bien, c'est-à-dire, une fois qu'il le sait, il ne faudrait peut-être pas qu'il le mette sur la place publique. Il prendra la décision d'engager ou de ne pas engager, là, ça lui appartiendra. Mais...

Mme Caron : D'accord. Bien, je vous remercie pour ça. Dans la question de... on revient à...

Mme Caron : ...«strictement privé», vous disiez : Qu'est ce que ça veut dire? Donc, j'imagine que vous voyez des... une... une frontière très floue entre le travail et le privé. Est-ce que vous pouvez élaborer un petit peu plus?

Mme Senneville (Caroline) : ...le ministre dans ça, le... politique, mais je vais laisser M. Lapointe.

La Présidente (Mme D'Amours) : ...secondes.

M. Lapointe (Jean-François) : La particularité qu'on voit... Parfait. L'article 28... l'article 29 de la LATMP ne prévoit pas de «strictement privé». Ça fait que, là, on vient faire quelque chose de différent pour les victimes de violences à caractère sexuel, c'est faire un peu porter un fardeau supplémentaire. Donc, il faut retirer cet élément-là.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. C'est tout le temps que nous avions. Maintenant, je cède la parole au député d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour à vous quatre. Parlons des clauses d'amnistie, c'est quand même un changement important, là, au code... bien, en fait, au droit du travail. Je veux bien comprendre votre intervention, Mme la Présidente... Mme la Présidente, Mme la Présidente.

Une voix : ...

M. Leduc : Oui. Vous n'avez pas tellement... Parce que, quand on a commencé à parler de tout ça dans l'espace public, c'était beaucoup amené par les assos étudiantes puis c'était vraiment ciblé sur les violences à caractère sexuel. Puis là le projet de loi élargit un peu. Il dit conduite relative à des violences physiques ou psychologiques incluant des violences à caractère sexuel. Ça fait que j'ai l'impression qu'on est allé un petit peu étirer la... pas la sauce, mais en tout cas le périmètre d'application. Vous, si j'ai bien compris votre intervention, vous n'avez pas nécessairement de problème à ce qu'on élargisse un peu en dehors des violences à caractère sexuel, qu'on inclue le harcèlement psychologique là-dedans?

Mme Senneville (Caroline) : Je vais répéter ce que j'ai dit tout à l'heure, c'est un continuum. Donc, souvent le harcèlement psychologique peut glisser en harcèlement sexuel, peut glisser... Puis, vous savez, la violence physique, même si elle n'est pas sexuelle, elle n'est pas plus acceptable, là, dans les milieux de travail, on va se le dire. Donc... Puis encore une fois, là, ça dépend de la lecture qu'on fait de la loi. Mais pour nous, les parties, quand il y a une clause d'amnistie, là, les parties peuvent en tout temps décider ce qu'ils en feront dans les cas particuliers.

• (12 h 20) •

M. Leduc : En effet.

Mme Senneville (Caroline) : C'est ça qu'on souhaite.

M. Leduc : Votre souhait, ça, je l'ai bien compris, c'était de ne pas les rendre interdites partout. Là, on cherche donc des alternatives. Est-ce que de mettre une référence à un nombre d'années, comme l'évoquait peut-être Me Cox ce matin...

Mme Senneville (Caroline) : Ça peut être une...

M. Leduc : ...pourrait être une alternative, ça ferait monter à quelques années, trois, quatre, cinq ans.

Mme Senneville (Caroline) : Ça peut être... Ça peut se calculer en plusieurs années.

M. Leduc : Ça peut se calculer en plusieurs années. Moi, j'avais un peu réfléchi aussi, étant un ancien militant syndical avant d'être un élu, sur le fameux 47.2, hein, l'article qui nous oblige, bien, qui nous... Je parle encore en nous, mais qui oblige les milieux syndicaux à défendre tous les employés. Est-ce que ça ne serait pas possible d'inclure dans le 47.2 une disposition qui retirerait cette obligation-là aux syndicats dans des cas de violence à caractère sexuel?

Mme Senneville (Caroline) : Bien, moi, je vous dirais qu'on plaide depuis longtemps pour que le 47.2 puisse être rejeté sur... par preuve écrite seulement, là, sans qu'il y ait des audiences sur dossier, comme c'est le cas au CCRI, là, le... les relations industrielles au Canada, là. Donc ça, ça, déjà, ça serait... ça serait pour tout le monde aussi, là, ça éviterait qu'à sa face même ça ne s'applique pas. Bien, ça... ça déjudiciariserait beaucoup les relations de travail.

M. Leduc : Parce qu'il y en a quand même beaucoup, des 47.2, là, dans... sur toutes sortes de sujets, bien sûr, là, pas juste sur les...

Mme Senneville (Caroline) : Sur toutes sortes de sujets.

M. Leduc : Bien sûr.

Mme Senneville (Caroline) : Exact.

M. Leduc : C'est un fléau puis, la plupart du temps, quand ils sont contestés, selon mon souvenir...

Mme Senneville (Caroline) : On les gagne à plus de 90 %, les syndicats.

M. Leduc : 90 %, c'est ça.

Mme Senneville (Caroline) : 94 %. Je pense que le dernier chiffre que j'ai vu, c'est 94 %, là, mais là je ne mettrais pas ma main...

M. Leduc : Ça fait que ça pourrait être une piste intéressante, ça aussi. Je t'en reparlerai. C'est bon.

Mme Senneville (Caroline) : ...puisse rejeter une plainte à 47.2 sur dossiers seulement, comme c'est le cas au CCRI.

La Présidente (Mme D'Amours) : Parfait. Merci. Nous sommes maintenant rendus à la dernière période d'échange. M. le député de Jean-Talon, la parole est à vous.

M. Paradis : Merci beaucoup de vos représentations. Merci d'être là. Je vais revenir, moi aussi, à votre recommandation n° 8. Vous dites : «modifier le projet de loi afin que les partis puissent négocier des clauses d'amnistie». Donc, là même, vous nous demandez d'être proactifs puis de prévoir la possibilité de négocier des clauses d'amnistie, notamment dans les cas de violence physique ou psychologique, incluant les violences à caractère sexuel. N'est-ce pas déjà la situation? En tout cas, je lis votre texte, là, «modifier le projet de loi afin que les partis puissent négocier des clauses». N'est-ce pas déjà la situation?

Mme Senneville (Caroline) : Tout à fait. Notre compréhension du projet de loi, de l'article 20 du projet de loi, c'est que, maintenant, ce serait une pratique qui ne serait plus possible. Donc, c'est pour ça qu'on l'a écrit, la recommandation no 8.

M. Paradis : Actuellement, et mon collègue l'a mentionné, notamment les associations étudiantes nous disent : Oui, mais ça, ça a donné lieu à des abus qui protègent des gens qu'on ne devrait pas protéger. Qu'est-ce que vous répondez, notamment, aux gens qui disent : On est dans le milieu puis ça a donné lieu à ça?

Mme Senneville (Caroline) : Deux choses. La première source du problème, c'est de donner... de faire son suivi comme employeur puis donner des mesures disciplinaires qui sont à la hauteur des actes répréhensibles qui sont posés. Ce n'est pas le fait qu'il y ait une mesure d'amnistie... qu'il puisse avoir de l'amnistie, c'est le fait qu'on ne punisse pas des actes répréhensibles au niveau que ça doit être. Première des choses. Deuxième des choses...

Mme Senneville (Caroline) : ...nous, ce qu'on dit, c'est... On comprend qu'il puisse ne pas y avoir d'automatisme, mais il peut y avoir des cas particuliers où les parties disent : Bien, ça, là, la personne, elle a déjà la moitié du chemin parcouru, elle l'a admis, elle a... On va travailler avec elle, puis, au bout du chemin, on va lui dire : Bien, écoutez, c'est possible que tu ne traînes pas ça pendant 20 ans.

M. Paradis : Très bien. Il nous reste quelques secondes. Est-ce que ça, ça n'irait pas de pair avec une facilitation de la communication par les employeurs, des antécédents pour ne pas qu'on soit bloqué, là, par des clauses de confidentialité? Les collègues qui étaient là, Juripop, avant vous proposaient ça. Parce que, là, ça a donné lieu à des abus.

M. Lapointe (Jean-François) : ...peut-être, prenons la deuxième section de notre proposition, la réhabilitation. Ce qu'on veut aussi, c'est changer surtout... Parce que, la clause amnistie, la personne demeure dans son milieu de travail. On ne veut pas que cette personne-là soit un récidiviste. On veut s'assurer qu'il y ait un suivi de fait et que les comportements changent. Le début de notre mémoire parle de changer la culture dans les milieux de travail. Ça fait que c'est sous cet angle-là qu'on essaie de le prendre, de dire : Transformons nos milieux de travail, faisons en sorte que les agresseurs ne soient plus des agresseurs. Si ce n'est pas le cas, comme Mme Senneville le disait, le congédiement est peut-être la solution la plus appropriée.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. C'est tout le temps que nous avions. Donc, merci pour votre contribution à nos travaux.

La commission suspend ses travaux jusqu'à les... jusqu'après les avis touchant les travaux de la commission, vers 15 h 15. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 25)


 
 

15 h 30 (version non révisée)

(Reprise à 15 h 46)

La Présidente (Mme D'Amours) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission de l'économie et du travail reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leur appareil électronique.

Je dois aussi vous demander votre consentement pour réduire le temps de parole. Nos invités ont toujours 10 minutes pour leur exposé, mais nous devons couper dans les temps de questions-réponses. Donc, est-ce que j'ai votre consentement? Consentement. Merci.

Nous poursuivons les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 42, Loi visant à prévenir et à combattre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en milieu de travail. Cet après-midi, nous entendrons les témoins suivants, soit la Centrale des syndicats du Québec, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, le Conseil du patronat du Québec, la Fédération des chambres de commerce du Québec et la Fédération étudiante collégiale du Québec et l'Union étudiante du Québec conjointement.

Je souhaite maintenant la bienvenue à la Centrale des syndicats du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Et puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à commencer votre exposé, s'il vous plaît.

M. Gingras (Éric) : Donc, bonjour. Merci. Éric Gingras, président de la Centrale des syndicats du Québec, je suis accompagné de Julie Pinel, conseillère, Jérôme Bazin et Marc Daoud aussi conseillers. Alors, très rapidement, avant de céder la parole à Julie Pinel qui va faire l'introduction, vous rappeler que la Centrale des syndicats du Québec, toujours un acteur important quand vient le temps de parler des débats de prévention, de travail pour être en mesure de... dans nos milieux, être en mesure de prévenir, d'être en mesure aussi de travailler avec les différents... les différents groupes. Et encore aujourd'hui, on ne fait pas exception, d'autant plus que la CSQ, là, qui représente plus de 80 % membres féminins, bien, étant donné la situation de nos membres, la situation des gens qu'on représente, bien, comprenez que le sujet est d'autant plus important. Donc, je vais laisser ma collègue continuer avec l'introduction.

Mme Pinel (Julie) : Donc, nous avons dans notre mémoire souligné quelques avancées que propose le projet...

Mme Pinel (Julie) : ...42, notamment l'ajout de formation pour les arbitres ou encore la protection des personnes salariées de toute mesure de représailles lors de signalements. Nous mentionnons également l'importance d'éliminer toute ambiguïté dans les différentes lois si l'on souhaite s'attaquer aux mythes et stéréotypes qui entourent la violence à caractère sexuel, qui sont bien présents au sein de la société québécoise et de ses institutions. C'est dans un objectif de mieux soutenir les victimes de violences à caractère sexuel que nous vous présentons aujourd'hui nos recommandations.

M. Daoud (Marc) : En ce qui concerne la... des préjudices faits aux victimes de violences à caractère sexuel au travail, le projet de loi réaffirme l'existence de mesures de réparation permettant de faire reconnaître ces actes comme des accidents de travail et ainsi de bénéficier de la couverture qui en découle. Ceci est indéniablement bienvenu, mais il est quand même essentiel de souligner les incohérences induites en matière de délais et de prescription des recours. Prenons l'exemple d'une personne commettant une violence à caractère sexuel à l'encontre d'une étudiante et d'une enseignante dans le même établissement au même moment. L'étudiante pourra se prévaloir d'un recours imprescriptible en vertu du Code civil, tandis que l'enseignante sera contrainte d'agir dans des délais précis pour utiliser le recours exclusif qui s'offre à elle, soit en matière de grief ou soit pour signaler un accident de travail. Cette disparité de traitement soulève des interrogations fondamentales sur l'équité du système en place. Une victime ne devrait pas avoir moins de droits simplement parce qu'elle est salariée.

• (15 h 50) •

On le sait, on le répète, la dénonciation de la violence à caractère sexuel pose d'énormes défis pour les victimes, que ce soit au travail ou ailleurs. Les études nous le confirment, les victimes ont de la difficulté à reconnaître la violence vécue, vivent des sentiments de honte et de culpabilité, craignent de ne pas être crues et ont une méconnaissance des ressources disponibles. Donc, en matière de violence à caractère sexuel, les lois devraient garantir un traitement équitable pour toutes les victimes. C'est pourquoi nous considérons primordial que le projet de loi donne accès aux mesures de réparation de la LATMP sans délai de prescription. De plus, nous préconisons, dans la recommandation n° 2, la levée des délais de prescription, tant en vertu de la LATMP que de LMT pour toutes les réclamations, plaintes ou griefs relatifs à la violence à caractère sexuel.

M. Bazin (Jérôme) : J'aimerais maintenant aborder certaines modifications de la LATMP, précisément la première présomption, soit celle de l'article 28.0.1. On croit vraiment que le fait que la présomption ne s'applique pas lorsque la violence survient dans un contexte strictement privé est très problématique pour plusieurs raisons. D'abord, la notion même du contexte strictement privé est pour nous extrêmement difficile à définir. La question à savoir où débute et où s'arrête ce contexte strictement privé là dans le cadre du travail est une question qui, selon nous, est pratiquement impossible. D'autant plus que prouver l'inverse, soit que la violence n'est pas survenue dans ce contexte strictement privé, ce que la victime va devoir faire, reviendrait, dans bien des cas, à prouver que la lésion s'est produite dans le cadre du travail, donc l'objet même de la présomption, soit le lien connexité entre la lésion et le travail.

Ensuite, la deuxième présomption du p.l., soit celle de l'article 28.0.2, dit qu'on présume qu'une maladie qui découle d'une violence à caractère sexuel et qui survient sur les lieux du travail est présumée être une lésion professionnelle. On salue par ailleurs l'introduction de cette présomption-là. Cependant, on y introduit un délai de trois mois entre, donc, l'acte ou les actes de violence et la réclamation, ce qui, selon nous, est beaucoup trop court. D'abord, est inusité dans la LATMP, nulle part ailleurs on retrouve ce délai là de trois mois. Et, on le sait, tout particulièrement dans ce type de lésions, les victimes de violences à caractère sexuel prennent généralement beaucoup de temps à dénoncer, à entamer les démarches, à faire des réclamations, et cette limitation à trois mois va à l'encontre de cette réalité-là et met une pression inutile sur les victimes.

Et, finalement, en ce qui a trait à l'imputabilité des employeurs, nous, dans une optique de prévention, on considère important de responsabiliser financièrement, d'inciter les employeurs à mettre en place des mesures de prévention. C'est pourquoi on recommande de retirer les articles d'exception à l'imputabilité.

Mme Pinel (Julie) : Dans le projet de loi, il est prévu l'ajout d'une définition à la LSST et à la LATMP, soit celle de violences à caractère sexuel. Il ne prévoit par contre aucune modification à l'article 81.18 de la LNT qui définit le harcèlement à caractère sexuel comme partie intégrante du harcèlement psychologique. Avec ces définitions différentes, nous craignons que le harcèlement à caractère sexuel et la violence à caractère sexuel soient l'objet d'interprétations distinctes. C'est pourquoi nous vous invitons, par le biais de notre recommandation n° 6, à arrimer ces définitions afin d'assurer une cohérence entre les différentes lois du travail.

Notre recommandation n° 7 vise à rendre visible la violence à caractère sexuel dans la LNT, et ce, par l'ajout de cette mention à chaque fois qu'il est question de harcèlement psychologique. Toujours dans les modifications...

Mme Pinel (Julie) : ...à la LNT, nous saluons l'ajout d'une politique en milieu de travail. Nous vous invitons à considérer les recommandations huit et neuf qui cherchent à bonifier cette politique. Et enfin, concernant la confidentialité des règlements, nous croyons qu'il est important de donner du pouvoir aux victimes dans cette décision. Nous sommes d'avis qu'un encadrement légal des clauses de non-divulgation, comme celui adopté récemment à l'Île-du-Prince-Édouard, serait une voie à explorer par le législateur. Considérant que le projet de loi n° 42 ne touche que les lois du travail, nous recommandons qu'une évaluation soit faite quant à la mise en place d'un tel cadre législatif au Québec. Nous ne sommes pas favorables à l'article 123.17 tel que présenté dans le projet de loi. Ce dernier prévoit d'emblée que les ententes sont confidentielles, sauf si les parties en conviennent autrement. Dans l'attente de l'évaluation concernant l'encadrement des clauses de non-divulgation, il importe que la négociation de ces clauses se poursuive. C'est pourquoi nous proposons deux recommandations qui cherchent d'abord à permettre le signalement lorsqu'une situation expose une personne en milieu de travail à un risque de violence à caractère sexuel, et ce, sans égard à ce que prévoit un contrat ou une convention et, ensuite, à prévoir de limiter dans le temps toute entente de non-divulgation.

M. Gingras (Éric) : Avant d'aborder la clause d'amnistie, simplement, là, saluer aussi l'obligation de l'employeur, là, d'implanter une politique de prévention dans le milieu de travail. On l'a dit, la prévention est bien souvent, dans le lieu de travail ou ailleurs, là, le nerf de la guerre, puis c'est vraiment par là que tout doit commencer puis sur laquelle on doit travailler. Là, pour ce qui est des clauses d'amnistie, juste un petit rappel avant de... avant d'y aller avec nos positions, on se rappelle que les clauses d'amnistie, ce n'est pas pour punir, mais pour modifier un comportement. Et ça, ça a été... ça a été rappelé notamment dans une décision, là, en 2018, au TAT, entre syndicat des professionnels et le CISSS de l'Outaouais, où l'arbitre Denis Provençal nous disait : «Le but poursuivi par les clauses d'amnistie est d'amener le salarié à modifier son comportement en regard d'une faute qu'il a commise.» Puis il va même plus loin dans sa décision en disant que ça n'empêche pas les clauses d'amnistie de procéder à des... ça n'empêche pas, donc, des mesures plus sévères si le geste le nécessite.

Donc, avec ça en tête, on comprend quand même que, pour une situation particulière et précise comme les violences à caractère sexuel qu'il faut dénoncer, bien oui, on pense qu'il faut augmenter ça d'un cran de plus. Par contre, deux éléments sur lesquels il faut travailler, ce qu'on pense, au niveau de l'article 97.1 du projet de loi, c'est notamment sur le libellé, où on est très, très large. Donc, on ne peut pas minimiser l'importance des violences à caractère physique en l'ouvrant trop large avec les autres types de violence physique et psychologique et donc il faut le restreindre. Et, dans un cas comme ça, bien là, ça nous permet de nous dire qu'à ce moment-là, comme je l'ai mentionné, on peut aller un cran plus élevé. C'est pour cette raison-là que ce qu'on recommande, c'est que les mesures disciplinaires, là, qui sont reliées à ces inconduites-là peuvent être... on peut y référer pour une durée de cinq ans. Donc, on vient vraiment expliquer que ces situations-là sont particulières. Donc, deux éléments : on vient être en mesure de restreindre pour cibler, qui est ultimement le titre du projet de loi, donc, les violences à caractère sexuel, et donc, à ce moment-là, on vient le reconnaître en donnant un temps un peu plus long, plus long dans la reconnaissance des clauses d'amnistie.

Et, en conclusion, je ne peux pas ne pas passer sous silence l'importance, d'ailleurs c'est l'intersyndicale des femmes qui, lors d'une rencontre récente, à l'automne dernier, avec le ministre, l'avait mentionné, donc, qu'on puisse octroyer 10 jours d'absence payés pour des personnes victimes de violence conjugale et violence à caractère sexuel.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci pour votre exposé. Nous sommes maintenant rendus à la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous pour 13 min 30 s.

M. Boulet : Oui. Merci, Mme la Présidente. D'abord, vous remercier, encore une fois, de votre contribution. Puis on sait tous que la CSQ est présente au comité consultatif travail et main-d'oeuvre et est toujours là quand il s'agit de faire avancer le Québec dans les relations de travail, puis c'est une loi qui est extrêmement importante. Puis, je rappellerai à M. Gingras, qui connaît bien l'origine du projet de loi, il y a trois expertes qui ont été mandatées, ça concernait les violences à caractère sexuel, et elles sont venues témoigner ce matin puis nous faire des recommandations. Je veux simplement rappeler à Mme... Est-ce que c'est maître ou Mme Pinel? Mme Pinel?

Une voix : ...

M. Boulet : Mme Pinel. C'est sûr qu'en vertu du Code civil du Québec c'est imprescriptible, mais ça ne réfère qu'au préjudice corporel. C'est aussi imprescriptible...

M. Boulet : ...en vertu de la Loi sur l'indemnisation pour les victimes d'actes criminels. Mais c'est aussi un contexte différent, et on a fait, je pense, puis vous le soulignez, puis je suis extrêmement heureux que vous saluiez les avancées de ce projet de loi là. Quand on pense, par exemple, dans la LATMP, de six mois à deux ans, c'est quand même assez considérable. Mais au-delà de deux ans, la personne victime ou la personne réclamante peut quand même faire une preuve qu'elle a des motifs raisonnables pour être relevée du défaut de respecter la période de deux ans. Donc, c'est quand même un commentaire que je tenais à vous partager.

Le deuxième élément sur lequel j'aimerais vous entendre. Qu'est-ce qui vous préoccupe dans la notion? Parce qu'on dit : Strictement privée, là, je vous réfère au critère de connexité qui a été développé par la jurisprudence. Quand on met en application la définition d'accident que ce doit être par le fait ou à l'occasion du travail, c'est une des raisons qui nous a justifiés d'exclure ce qui survient dans une sphère... dans une sphère strictement privée. C'est quoi, votre principale préoccupation? Puis Mme Pinel, c'est vous, je pense, qui vous vous êtes exprimée là-dessus. J'aimerais vous entendre un peu plus sur ce point-là.

• (16 heures) •

Mme Pinel (Julie) : Bien, c'est mon collègue Marc et Jérôme.

M. Boulet : Oh! O.K., allez-y.

M. Bazin (Jérôme) : Veux-tu débuter? Bien, en fait, je peux... je peux commencer avec la notion du contexte strictement privé. En fait, ce qui nous préoccupe le plus, c'est le flou, on envisage en fait un grand... un grand débat jurisprudentiel, un grand flou autour de la ligne à tracer entre la fin et le début de contexte strictement privé. On le sait, il y a une énorme zone grise. Et malheureusement, bien souvent, lorsque ces violences, ces types de violence à caractère sexuel surviennent, on se trouve souvent d'abord dans un contexte privé. Est-ce que là, à savoir s'il est strictement privé, si on est encore une fois dans cette grande zone grise? On a un gros débat qui risque par ailleurs d'orienter aussi beaucoup le débat sur la vie privée de la victime. On va questionner la victime, ça va être une étape de plus pour pouvoir au final bénéficier d'une présomption qui nous prouve ce lien de connexité, là. Donc, on est... on est inquiet, on envisage, on anticipe un grand débat jurisprudentiel, d'abord parce que la notion est floue et ensuite sur la victime, précisément, on considère que ça va être un fardeau plus important à relever.

M. Boulet : C'est quand même un concept qui est utilisé dans les décisions finales du Tribunal administratif du travail, dans d'autres contextes de survenance d'accident de travail ou de maladie professionnelle. Si l'employeur veut démontrer que ce n'est pas survenu par le fait ou à l'occasion du travail, ou qu'il n'y a pas de lien de connexité, il a déjà cette capacité là de voir si, dans sa sphère privée, il y a eu des événements qui pourraient avoir provoqué la blessure ou la maladie.

La présomption, le délai de trois mois, il me semble que cette présomption-là s'appuie sur une littérature scientifique médicale qui démontre que, dans un délai de trois mois, la probabilité médicale qu'il y ait un lien entre les deux est plus facilement démontrée. Je ne sais pas qui veut intervenir là-dessus, là, mais, si vous aviez une recommandation... puis je me... je n'ai pas lu le libellé complet de votre recommandation, mais, si vous aviez une recommandation à faire sur la durée permettant l'application de la présomption, puis je vous rappellerai, et vous le savez tous, hein, que la présomption, ce n'est pas une fin en soi, ça facilite une preuve. Parce que, si ce n'est pas dans trois mois, il y a un fardeau de preuve additionnel au travailleur, mais ce n'est pas déterminant en soi.

M. Bazin (Jérôme) : En fait, je vais... je vais répondre. Notre recommandation, ce qu'on indique dans notre mémoire, c'est d'enlever tout simplement le trois mois, au même titre que l'article 28 qui existe déjà dans la LATMP et qui n'a pas de délai pour ce qui est des blessures physiques, pour la reconnaissance, on a cette même forme de présomption là qui se retrouve sur les lieux de travail. Et donc on recommande d'enlever ça pour plusieurs raisons qu'on détaille dans le mémoire, mais principalement par le fait qu'on le sait, en fait, la maladie... et on parle de maladie dans la présomption, peut survenir bien après l'acte de violence, bien après, en fait, que la victime soit initialement victime d'un acte de violence à caractère sexuel. Donc, on veut avoir le maximum d'adaptabilité, on veut diminuer au maximum le poids et la difficulté relative à faire reconnaître ces droits-là pour la victime. Donc, on veut... on veut enlever...


 
 

16 h (version non révisée)

M. Bazin (Jérôme) : ...en fait, ce qu'on recommande, c'est d'enlever tout simplement ce délai-là pour le mettre, en fait, cohérent avec l'article 28, qui, lui, existe déjà.

M. Boulet : Mais évidemment on comprend que l'écoulement du temps a un effet de dilution sur l'application pratique d'une présomption comme celle-là, et trois mois s'appuie quand même sur une littérature qui est quand même assez abondante.

Est-ce que... Il y a un point que je n'ai pas très bien compris, là, une meilleure imputabilité des employeurs. Est-ce que vous faisiez référence à l'imputation des coûts?

M. Bazin (Jérôme) : Oui.

M. Boulet : O.K. Au fonds général, sauf quand il y a une responsabilité de l'employeur ou un de ses représentants dans ses relations avec les salariés. Est-ce que ça, ça n'a pas pour effet de responsabiliser plus, d'assurer une désimputation sauf quand sa... la faute ou l'auteur est l'employeur ou un de ses représentants?

M. Bazin (Jérôme) : Bien, en fait, nous, ce qu'on suggère, c'est... tout ce qu'on recommande, c'est de retirer les deux articles, là, je crois, c'est 12 et 13, du projet de loi, qui visent finalement à créer cette exception-là d'imputabilité pour les autres catégories, là, les auteurs de la violence, donc ni les employeurs ni les représentants, mais on peut prendre pour exemple, par exemple, des collègues de travail, où là l'employeur serait désimputé, entre guillemets, et se verrait imputé sur toute l'unité d'accréditation. Nous, ce qu'on suggère, c'est de garder l'imputabilité au même titre que toutes les autres lésions qui sont... qui sont là, qui n'ont pas cette exception-là, pourquoi? Bien, pour axer sur la prévention, pour ne pas donner un traitement différent.

Et l'autre volet de cet argumentaire-là, c'est le fait, en fait, que la... dans sa mouture actuelle, l'article, selon nous, crée deux catégories, si vous voulez, de victimes, soit les victimes... ou deux catégories d'auteurs de violence, soit les employeurs et ses représentants et ensuite les autres personnes présentes sur le lieu du travail, alors même que l'employeur conserve une responsabilité sur tous ces gens-là, sur les travailleurs, sur les collègues, etc. Donc, on pense évidemment qu'il est important de responsabiliser financièrement sans faire une différence de traitement entre les deux catégories.

M. Boulet : O.K. Puis vous avez bien lu le rapport des expertes, la désimputation nous était recommandée. Évidemment, ils ne proposaient pas qu'il y ait l'exception quand sa... l'employeur ou un de ses représentants est fautif, mais vous recommandez qu'il n'y ait pas de... qu'il n'y ait pas de désimputation nullement, là, dans aucun cas de violence à caractère sexuel, hein, c'est ce que je comprends?

M. Bazin (Jérôme) : Exact. Exact.

M. Boulet : O.K. Je n'aurai pas le temps de tout faire, mais l'harmonisation des définitions, ça, on va s'en assurer, qu'il y ait le moins de risques possible de problèmes d'interprétation ou d'application.

Je veux aller aux clauses d'amnistie, Éric, avant qu'on finisse, là, mais la politique de prévention et de prise en charge, vous savez que, dorénavant, monsieur... M. Gingras, vous le savez très bien, ça va faire partie des politiques de prévention et/ou plan d'action en vertu de notre régime de santé et sécurité du travail. Le contenu minimal, on a donné beaucoup de muscle à cette politique-là. Est-ce qu'il y a, dans le contenu minimal... s'il y avait un élément qui est omis dans le projet de loi, un élément fondamental, lequel vous nous proposeriez?

Des voix : ...

M. Boulet : Parce qu'il y a des programmes de formation, d'information, l'identification, le contrôle, l'élimination des risques psychosociaux notamment. Oui, madame.

Mme Pinel (Julie) : Bien, il y a une recommandation qu'on a faite dans le mémoire qui visait justement le programme de formation où on prévoit une formation pour le harcèlement psychologique et les violences à caractère sexuel, sauf que, pour nous, ça devrait être fait de façon distincte, parce qu'on voit vraiment que, quand on parle de harcèlement psychologique, on invisibilise tout ce qui est harcèlement à caractère sexuel. Dans le mémoire qu'on avait déposé auprès du comité d'expertes, on a démontré, dans les outils qui étaient disponibles pour les employeurs, qu'il y avait une invisibilisation de tout ce qui était... des exemples concrets de comment pouvait se vivre le harcèlement à caractère sexuel dans les milieux. Donc, on pense que c'est important de donner la place à cette problématique-là puis donner vraiment... qu'il y ait une formation qui soit spécifique et non pas qu'elle se perde dans le harcèlement psychologique.

M. Boulet : O.K. En même temps, en pratique, on voit beaucoup de plaintes en harcèlement psychologique qui finalement se révèlent être du harcèlement sexuel. Il y a souvent une connotation. Ça fait qu'il faut faire attention pour trop compartimenter puis générer une confusion additionnelle. Pour moi, c'est important. Je l'ai réalisé...

M. Boulet : ...puis on le voit beaucoup à la CNESST, psychologique, mais ultimement, tu réalises rapidement que... s'il y a un caractère sexuel. Les clauses d'amnistie, M. Gingras, vous dites... Puis là je veux juste bien comprendre, hein? Parce que nous, on ne les rend pas inopérantes, on fait simplement dire : L'employeur n'est pas tenu de les considérer dans des cas de violences physiques ou psychologiques. Puis ça comprend, bien sûr, le conjugal, le familial et le caractère sexuel. Puis là, vous sembliez faire une nuance entre les deux puis vous nous parlez d'un délai de cinq ans. Jusque vous me précisiez un peu.

M. Gingras (Éric) : Bien, c'est-à-dire que, premièrement, pour nous, les deux éléments, on veut que ce soit vraiment direct comme étant les violences à caractère sexuel. Ça, c'est un. Vraiment, que ce soit ce qui est... ce qui est vraiment visé par ce qui est là et non pas les violences physiques, non pas les violences aussi, là, qui pourraient nous amener à un débat et, après ça, un questionnement, à savoir : Qu'est-ce qui est utilisé ou qu'est-ce qui ne l'est pas? Deuxièmement, puis qui est le plus important, c'est que présentement... le projet de loi, de la façon qu'il est écrit, c'est que, pendant plusieurs années, par la suite de ça, on peut y référer. Donc, quand je parlais de l'importance de s'amender, bien, ultimement, on doit être en mesure d'avoir un certain moment où, au-delà ça, bien, on ne pourra pas y faire référence. Alors, c'est pour ça qu'on propose cinq années, donc cinq années où, après le geste posé, on ne peut pas référer, donc, à la mesure qui a été proposée et donc la ramener à ce moment-là. Donc, qu'il y ait un délai.

• (16 h 10) •

M. Boulet : ...la clause d'amnistie serait effective après l'écoulement de cinq ans.

M. Gingras (Éric) : Exactement.

M. Boulet : En même temps, vous le savez, la littérature réfère au caractère récidivant des comportements à caractère... ou des violences à caractère sexuel et il n'y a pas toujours une composante volontaire, il y a parfois une composante non volontaire. Ça fait qu'il faut faire attention au potentiel de réhabilitation. Mais je comprends ce que vous dites. Est-ce qu'on devrait... Est-ce que, pour les violences à caractère sexuel, vous recommandez quand même qu'il y ait un délai de cinq ans et, au-delà de cinq ans, la...

La Présidente (Mme D'Amours) : ...

M. Boulet : Est-ce que c'est ça?

La Présidente (Mme D'Amours) : Désolée, c'est tout le temps que nous avions, M. le ministre.

M. Boulet : J'ai compris. Merci.

La Présidente (Mme D'Amours) : Maintenant, je cède la parole à la députée de Bourassa Sauvé pour une durée de huit minutes 30 secondes.

Mme Cadet : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bien, peut-être... Bien, je me permettrais de répondre à la question du ministre sur le délai de cinq ans.

M. Gingras (Éric) : Bien, ce que j'allais ajouter... merci de me permettre de le faire, ce que j'allais ajouter, c'est que... La réalité, c'est que ça, c'est lorsque ce seront certains types de gestes qui seront causés. Parce que ce qui est prévu dans la littérature, ce qui est prévu aussi, c'est que, lorsque le geste est plus grave, bien, on peut procéder à des sanctions directement plus grandes et nonobstant les clauses d'amnistie. Donc, ça aussi, ça doit être pris en compte. Donc, il ne faut pas tout mettre sur le dos des clauses d'amnistie. Donc, ce qu'on dit, par exemple, c'est justement, oui, il y a des récidivistes, mais il y a aussi des gens qui s'amendent. Donc, ça prend un certain délai. C'est pour cette raison-là qu'on propose cinq ans. On démontre l'importance qu'on... qu'on... qu'on voit ou qu'on voue a la réalité de la violence à caractère sexuel en disant : Bien là, il faut monter d'un cran. Donc, le laps de temps est plus grand, mais, en même temps, il faut toujours permettre à quelqu'un de pouvoir s'amender, en tenant compte du fait que, dans certains cas, dans bien des cas, les gestes posés pourront être sanctionnés, nonobstant tout le reste.

Mme Cadet : Puis j'ai peut-être manqué ce bout... ce bout-là. Le cinq ans, donc, il provient d'où? Est-ce que ça provient d'entre autres de votre expérience sur le terrain? Vous dites... Bien, c'est le chiffre qui conviendrait en pratique ou c'est... ça vient des exemples tirés d'ailleurs?

M. Gingras (Éric) : Bien, ce qu'on a fait, entre autres, c'est qu'on a regardé, hein? Il existe des moments, notamment au niveau civil, où on parle de trois ans. Alors, on s'est dit : Non, il y a un élément d'importance qu'il faut... il faut remarquer là-dedans, et c'est pour cette raison-là qu'on arrive à cinq ans. Mais c'est certain que ça fait partie aussi de la lecture puis de la réalité de ce qui est vécu dans les milieux, là.

Mme Cadet : Donc, si... Puis, au-delà du lien, si je comprends, de votre... de votre positionnement, donc, sur les clauses d'amnistie, donc, vous êtes... Quand vous regardez, donc, le libellé de l'article 20, vous êtes relativement, donc, confortable, mais ce serait les ajouts, là, que vous ferez. C'est ça?

M. Gingras (Éric) : Oui.

Mme Cadet : Puis qu'est-ce qui a trait, donc, aux... Il y a une proposition qu'on a entendue ce matin de permettre... et puis... en fait, je pense qu'en fait, ça venait de la part de Juripop, là...

Mme Cadet : ...que, bon, lorsque, donc, il y a ce type de faute, là, donc dans le dossier d'un employé, c'est-tu une chose, donc, la question des clauses d'amnistie, pour un même employeur? Ici, donc, on parle, donc, évidemment, donc, d'un milieu... du lieu d'enseignement supérieur, mais si la personne,donc, reste dans le milieu de l'enseignement supérieur, par exemple, mais change d'établissement, à ce moment-là, donc il n'y aurait pas nécessairement prise d'effet, puis il y avait une recommandation à ce que l'employeur subséquent puisse avoir accès au dossier sur consentement, là, du salarié. Donc, vous, qu'est-ce que vous pensez de cette recommandation-là?

M. Gingras (Éric) : ...c'est un élément qu'on n'a pas creusé de notre côté. Par contre, c'est le genre de chose qu'il faut toujours faire attention entre employeurs, etc., parce qu'il y a des éléments où on veut être en mesure de s'assurer de faire un suivi, mais en même temps le principe de s'amender revient encore. Donc, on peut changer d'employeur. Il y a une question de temps, ça fait combien de temps, combien d'années, et ça, ces éléments-là doivent suivre. Donc, c'est pour cette raison-là qu'il faudrait creuser davantage, là, pour être en mesure de regarder cette option-là, là.

Mme Cadet : D'accord, merci. Sinon, un autre endroit dans votre mémoire, je pense, votre recommandation cinq. Donc... ah! bien, c'est ça, en fait, on en a un peu, donc, discuté avec le ministre, là, sur la question d'imputation des coûts. Donc, vous l'avez dit, donc, vous aviez lu, donc, le mémoire, donc, des expertes. Votre position, elle est ailleurs. Donc, peut-être juste... tu sais, ma question supplémentaire, c'est vous, vous... en fait, vous leur répondez quoi? Est-ce que... du côté des expertes, ce qu'elles nous disent, c'est qu'elles préfèrent l'imputation au fonds général parce que ça permet une déjudiciarisation des dossiers, mais vous, vous trouvez que l'imputation, donc, des coûts, donc à l'employeur, c'est une question d'imputabilité. Donc, qu'est-ce que vous répondez, donc, à l'opinion inverse?

M. Bazin (Jérôme) : On est... on est d'accord et on est très conscients qu'on diverge du rapport du comité d'expertes. On trouve l'argument valable, l'argument de la déjudiciarisation. Il est vrai que ça va pouvoir aider évidemment à déjudiciariser si on n'impute pas ou on impute à toute la catégorie d'employeur. Ceci dit, on voit là un risque qui est plus grand en ce qui a trait à la prévention si on déresponsabilise financièrement les employeurs par rapport à... par rapport à ce type de lésions là. Si on leur dit : Vous n'êtes pas responsables financièrement, ou vous ne le verrez pas finalement apparaître dans le dossier, du moment où il y a une lésion ou une violence à caractère sexuel qui survient, bien, on court le risque, là, d'enlever un incitatif qui est à nos yeux important à faire de la prévention, qui est finalement de voir son dossier ou sa cotisation augmenter si on a des lésions de violence dans notre établissement sous notre responsabilité.

Mme Cadet : Puis, avant de passer la parole à ma collègue, parce que le temps file, vous indiquez, donc à la page quatre : «Nous sommes d'accord avec le fait que le harcèlement sexuel commis par toute personne soit aussi sous la responsabilité de l'employeur», disant que la jurisprudence a déjà attribué cette responsabilité à l'employeur. Pouvez-vous définir toute personne selon la jurisprudence? Qu'est-ce que... Qu'est-ce que ça engloberait? Est-ce que c'est assez large comme concept?

Des voix : ...

M. Daoud (Marc) : Est-ce que ça serait possible de vous demander de repréciser?

Mme Cadet : Oui, bien, la question, en fait, c'est vraiment un concept de... le concept de toute personne, là, qu'on retrouve dans le projet de loi n° 42. Donc, pour vous, en fait, est-ce que vous êtes en accord? Donc, comment est-ce que vous le... Comment est-ce que vous le concevez? Parce que ça élargit un peu, bien, dans le projet de loi n° 42, donc, tel que libellé... donc un peu cet élargissement-là, avec le concept de toute personne. Je voulais juste voir pour vous comment est-ce que vous le... comment est-ce que vous le décrivez?

M. Daoud (Marc) : C'est... J'ai probablement la mauvaise page, mais, si je comprends bien votre question, la question est de savoir si... qu'on veut traiter au niveau des prescriptions des recours, de... en fait, de ne pas rendre prescriptif certains recours, de l'appliquer, de traiter toutes les personnes équitablement.

Mme Cadet : Non, c'est... Dans le fond, c'est que, là, on a l'ajout du concept de «toute personne» à plusieurs endroits, donc, dans le.. dans le projet de loi, là, tel qu'il a été déposé, puis... Bien, en fait, on dit, donc... on est... Vous êtes en accord avec le fait que le harcèlement sexuel commis par toute personne soit aussi sous la responsabilité de l'employeur.

M. Daoud (Marc) : Oui. Oui.

Mme Cadet : Donc, c'est ça, donc, c'est le concept de «toute personne» ici.

M. Daoud (Marc) : Oui, en fait, c'est ça. Maintenant, je comprends votre question, excusez-moi. L'idée, c'est... en fait, c'est... Oui, c'est la responsabilité de l'employeur, de s'assurer qu'on vise toutes les personnes dans un même établissement, par exemple, que ce soit des tiers qui rentrent, que les politiques s'appliquent aussi à...

M. Daoud (Marc) : ...des tiers et qu'ils s'assurent aussi de les faire appliquer à des tiers, c'est dans ce sens-là? Tout à fait, j'irais dans ce sens-là. Je ne sais pas si...

M. Bazin (Jérôme) : Effectivement, c'est sûr que l'employeur conserve une responsabilité dans l'établissement des travailleurs. Si une personne se blesse au sens physique, là, une blessure physique, dans l'établissement, bien, il conserve une responsabilité sur ce travailleur là en question, peu importe la cause. Mais dans la même mesure, on cherche à élargir le plus possible, naturellement, pour augmenter la reconnaissance. L'employeur a la responsabilité de son établissement. C'est pour ça qu'on veut couvrir le maximum de situations possibles.

La Présidente (Mme D'Amours) : 30 secondes.

Mme Cadet : 30 secondes pour la collègue.

Mme Caron : Bien, en fait, j'aurais voulu savoir si vous étiez d'accord pour qu'une personne fautive qui change d'emploi, qui va dans un milieu de travail où il peut récidiver, que son dossier ne soit pas confidentiel, c'est-à-dire que quand l'employeur nouveau prend des références, que son employeur, son dernier employeur puisse dire qu'il a été... qu'il a eu des sanctions ou qu'il y a eu des plaintes contre lui.

La Présidente (Mme D'Amours) : C'est tout le temps que nous avions. Désolée. Je dois maintenant passer la parole au député d'Hochelaga- Maisonneuve.

• (16 h 20) •

M. Leduc : Merci beaucoup. Bonjour à vous quatre. Bienvenue à l'Assemblée. Je ne sais pas, je ne l'ai pas vu dans votre mémoire, peut-être qu'il m'a échappé, mais, dans d'autres mémoires, il y avait la question d'un règlement qu'on doit adopter, là, à la Commission des normes et de la santé-sécurité du travail. Puis d'autres personnes aujourd'hui ont évoqué le fait qu'on devrait mettre une limite de temps au-delà duquel si ledit règlement n'est pas adopté, que le ministre l'adopte, lui, un peut ce qu'on a fait sur la question de la santé-sécurité au travail. Donc, le deux ans est évoqué, un peu en copier-coller sur ce qu'on vient de faire. Est-ce que c'est quelque chose avec lequel vous êtes confortable?

M. Bazin (Jérôme) : Oui, absolument. Bien, en fait, c'est sûr que nous, on est dans une position particulière, nous qui ne sommes pas sous ces... en fait, ces sous-groupes ou ces sous-comités réglementaires de la CNESST. Mais évidemment, là, on est pour le paritarisme dans son sens large.

M. Leduc : Parfait. Sur la question des clauses d'amnistie, tantôt, j'ai fait référence à une idée que j'ai fait circuler auprès du ministre il y a quelques semaines déjà, à savoir qu'il y a un autre chemin qu'on pourrait emprunter, soit alternatif ou complémentaire, qui est le 47.2, hein, qui oblige les syndicats à représenter tout le monde, mais qui pourrait dire : Dans les cas de violence à caractère sexuel, le syndicat est exempt de l'application du 47,2. Est-ce que c'est quelque chose... Est-Ce que c'est une piste qui pourrait vous sembler intéressante à explorer...?

M. Daoud (Marc) : C'est une question intéressante, mais, bien franchement, on n'a pas envisagé cette possibilité-là. Par contre, ce qu'on propose comme recommandation, le fait de mettre une limite temporelle au niveau des clauses d'amnistie, le cinq ans, pour nous, c'est d'essayer d'aller chercher un équilibre, tout en reconnaissant évidemment l'objectif de la loi. Je veux dire, il n'y a personne qui est contre ça, le fait de reconnaître que quand il y a un acte fautif qui est accompli, mais de le nommer. La loi nous permet de le nommer, de ne pas banaliser cet acte-là. En mettant une limite de cinq ans, ça permet... ça ouvre une période où la personne qui est fautive, elle va porter un certain poids sur le geste qui est commis. Ça permet aussi aux syndicats de faire les démarches nécessaires au niveau de... parce que le syndicat, dans des cas comme ça, on représente à la fois... parfois on va représenter tant la victime que la personne fautive. Ça ne nous engage pas nécessairement à défendre l'indéfendable. On n'est pas là pour ça. On a toute la marge de manœuvre aussi pour se prononcer dans des dossiers comme ça. Par contre, ça nous permet aussi de miser sur la réhabilitation aussi. Si l'employeur a décidé de ne pas congédier une personne, c'est parce qu'il y voit une possibilité que la personne soit réhabilitée. Et il faut qu'en ce sens là... tout le monde doit travailler dans cette perspective-là. Là, y aller avec le 47.2 ou la possibilité de s'en soustraire, ce serait une question à étudier. Tout à fait.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. C'est tout le temps que nous avions. Dernière période d'échange avec le député de Jean-Talon, pour une durée de 2 min 10 s.

M. Paradis : Bonjour. Merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui. Moi aussi, je vais continuer sur la recommandation no 13, donc sur les fameuses clauses d'amnistie. Ce matin, nous avions un groupe, Juripop, qui, lui, trouve que cette modification-là ne va pas assez loin et propose même que nous facilitions la communication des antécédents en matière de violences sexuelles conditionnelle au consentement puis limitée dans le temps. Qu'est-ce que vous pensez de ça?

Deuxièmement, est-ce que vous ne trouvez pas que l'article contient déjà des balises assez sérieuses? Parce que, là, il s'agit de considérer les antécédents lorsqu'on impose une sanction disciplinaire à quelqu'un qui est de...

M. Paradis : ...responsable d'une inconduite. Donc là, on parle d'un récidiviste, d'une... d'une personne récidiviste. Je veux bien croire à la réhabilitation, mais là qu'est-ce que ça change, le délai de cinq ans, que ça ait été commis il y a six ans ou il y a quatre ans, en réalité, là, pour assainir le milieu de travail?

M. Gingras (Éric) : Bien, comme on l'a dit, premièrement, il faut... il faut le regarder plus largement. Les cas dont on parle ici, ça peut être une catégorie de cas, on l'a mentionné, la clause d'amnistie n'empêche pas qu'il y ait des sanctions plus sévères qui soient données parce que les gestes posés le méritent. Donc, ces cas-là ne se retrouveront pas dans ce que vous appelez les récidivistes, ils auront été sanctionnés, parce qu'il va falloir avoir en tête les gestes posés graves.

Là, dans ce cas-ci, on a des gestes qui ont été posés qui amènent une sanction, mesure, etc., donc des gestes qui sont... il n'y a rien à banaliser, il n'y a rien de banal, mais des gestes qui sont d'un autre ordre. Et là ce qu'on dit, c'est : Présentement, 10 ans, 12 ans, 14 ans plus tard, on pourrait y faire référence. Nous, ce qu'on dit, c'est : Mettons un moment, et, comme on l'a mentionné, la personne... et mon collègue l'a mentionné aussi, avec différents éléments, la personne va pouvoir s'amender, ça amène un poids sur l'importance de ça. Et, dans l'ensemble du droit, il y a notre capacité de pardon, la capacité d'être en mesure de s'amender, comme on l'a si bien dit. Et, dans ce sens-là, c'est pour cette raison-là que notre proposition fait état de ça.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci infiniment, M. Gingras, Mme Pinel, M. Bazin et M. Daoud, de votre collaboration à nos travaux de la commission.

Je suspends les travaux quelques minutes afin que nos prochains invités puissent prendre place...

(Suspension de la séance à 16 h 25)

(Reprise à 16 h 30)

La Présidente (Mme D'Amours) :  Nous reprenons nos travaux, et je souhaite maintenant la bienvenue à la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous demande donc de vous présenter et de commencer votre exposé, s'il vous plaît.

Mme Boyer (Maryève) : Alors bonjour à tous! Merci beaucoup de nous accueillir aujourd'hui. Je me présente, Maryève Boyer. Je suis vice-présidente représentant les femmes au bureau de direction de la FTQ. Donc, à la FTQ, nous avons trois postes réservés aux femmes, et je suis aujourd'hui la représentante pour donner la parole aux femmes. J'ai à mes côtés M. Guillaume Lavoie et Mme Annie Landry, respectivement directrice et conseiller au service, là, de santé et sécurité de la... de la fédération.

Alors, la FTQ représente plus de 600 000 personnes. Elle joue un rôle important dans la défense des droits des femmes et des groupes en recherche d'équité. Nous représentons des femmes dans tous les secteurs d'activité et dans toutes les régions du Québec, que ce soit public, parapublic et privé. Plus du tiers des membres sont des femmes, ce qui en fait la centrale syndicale qui représente le plus grand nombre de travailleuses au Québec. Et comme vous le savez, ce sont surtout des femmes qui sont touchées, là, par les violences à caractère sexuel. La FTQ salue l'initiative du ministre de faire avancer le dossier des violences à caractère sexuel dans les milieux de travail, mais juge que le projet de loi bénéficierait de plusieurs changements afin de réellement combattre ce problème.

Donc, pour nous, la violence à... les violences à caractère sexuel sont d'abord un problème d'inégalité de genre qui persiste de manière préoccupante au sein de nos milieux de travail. La prévention active, en fait, révèle que... relève d'une responsabilité de l'employeur afin que le milieu de travail transforme la culture et qu'aucun acte de violence à caractère sexuel n'y soit toléré. Mais ce n'est pas une responsabilité qui est assumée par les employeurs pour nous actuellement.

En 2024, les employeurs sont plus proactifs pour un vol de toast que pour les actes de violence à caractère sexuel. Il est vraiment temps que ça change. C'est pourquoi, dans son mémoire, la FTQ propose plusieurs mesures pour améliorer la prévention dans le milieu de travail. Il est clair que les milieux de travail ont besoin de mesures encadrantes pour faire de la prévention sur les violences à caractère sexuel parce que, jusqu'à maintenant, rien ne change. Nous désirons donc que le nouveau règlement prévu dans le projet de loi soit adopté dans deux ans au plus tard et qu'il tienne compte des personnes les plus à risque d'être victimes de violences à caractère sexuel.

Mais même une fois ce règlement adopté, s'il n'est pas renforcé et mis en application, rien ne changera. Dernièrement, plusieurs lacunes dans les actions de la commission ont été soulevées, autant par le Vérificateur général du Québec que les experts mandatés par le ministre. Il est essentiel que la CNESST remplisse ses fonctions adéquatement. Afin de clarifier le rôle de la commission, donc la CNESST, la FTQ demande que celle-ci ait comme fonction d'assurer le respect des lois et des règlements en santé et sécurité, donc avec un nombre suffisant d'inspecteurs et inspectrices formés adéquatement. De plus, afin de soutenir le travail des inspecteurs, il est important qu'ils puissent ordonner une enquête par une personne impartiale lorsque la situation dans le milieu de travail le demande. Une telle mesure permettra aux services d'inspectorat d'être proactifs, tout en évitant de diminuer leur capacité d'agir pour d'autres dossiers, puisqu'une telle enquête est souvent un...


 
 

16 h 30 (version non révisée)

Mme Boyer (Maryève) : ...très long.

Dans... Pour l'amélioration, en fait, des milieux de travail qui passe aussi par un accès facilité à la dénonciation et à la réparation des lésions professionnelles, les personnes victimes doivent avoir accès à des processus qui évitent la judiciarisation, donc, ce qui inclut, en fait, une représentation accessible et un processus d'accès à la justice simplifié. Donc, on veut que les choses changent, et, pour ça, il faut absolument faciliter l'accès à la justice. C'est pourquoi la FTQ demande que les présomptions pour faciliter la reconnaissance des lésions professionnelles reliées à une violence à caractère sexuel soient modifiées.

Il ne faut pas relier la présomption à l'établissement, puisque... puisque cela a pour effet d'exclure l'application de la présomption aux personnes qui travaillent par exemple sur les chantiers de construction ou les plateaux de tournage, donc, qui sont des secteurs où de nombreux employeurs sont sur le même lieu de travail, alors que ce sont des... donc que ce sont des milieux de travail particulièrement touchés par la présence de violence... alors que ce sont vraiment des milieux qui sont touchés par cette violence à caractère sexuel.

Aussi, les termes, donc entre guillemets, je vais citer l'article : «sauf si cette violence survient dans un contexte strictement privé», dans la nouvelle présomption prévue à l'article 28.0.1, met l'emphase sur un possible lien avec la vie privée de la... de la personne victime, ce qui est contraire aux bonnes pratiques à respecter dans les cas de violence à caractère sexuel et favorise encore une fois la judiciarisation lors des démarches. Donc, la FTQ demande donc le retrait de ces termes.

Finalement, la présomption concernant les maladies reliées aux violences à caractère sexuel prévoit un délai de trois mois dans le projet de loi. Un délai est... Ce délai est totalement incompatible avec la réalité médicale des lésions psychologiques que les personnes victimes encourent, et, pour nous, il faut retirer ce délai.

C'est dans le même esprit que la FTQ demande que le projet de loi reprenne la recommandation qui a été faite par les expertes afin que les personnes victimes de violences à caractère sexuel soient relevées du délai à respecter lors d'une demande de lésion professionnelle. Il faut que la personne victime ait le temps de gérer la situation difficile dans laquelle elle se trouve et de faire la réclamation lorsque ce sera possible.

Faire une réclamation à la CNESST pour une lésion professionnelle ne devrait pas être une épreuve supplémentaire et encore moins l'occasion de subir une deuxième victimisation. C'est pourquoi nous demandons que la CNESST ait pour fonction de s'assurer que ses agents soient formés adéquatement et que les politiques administratives qu'ils doivent appliquer respectent les enseignements des tribunaux. Donc, très important pour nous que les experts, là... Les expertes ont relevé des pratiques perturbantes, là, lorsque... lorsqu'il s'agit d'évaluer l'admissibilité surtout des dossiers, donc, et des demandes, et rien ne démontre que la CNESST a modifié actuellement ses pratiques. Donc, il est grand temps que les législateurs soient clairs sur ce que... ce qui est attendu, en fait, de la CNESST dans l'administration du régime de santé et sécurité au travail.

Afin de faciliter la démarche des personnes victimes qui se trouvent dans une situation de vulnérabilité supplémentaire, nous demandons, là, que la CNESST assure l'accès à une représentativité par un organisme indépendant pour les personnes dont le dossier médical a été demandé, pour les personnes victimes de la main de leur gestionnaire ou de leur employeur et pour les personnes d'âge mineur.

En dernier lieu, le projet de loi n° 42 introduit des dispositions particulières dans la Loi sur les normes du travail afin de permettre aux employeurs de tenir compte des mesures disciplinaires. En ce qui nous concerne, les violences à caractère sexuel, pour la FTQ, il n'est pas... on n'est pas d'emblée contre, même si le droit actuel ne les empêche en rien d'intervenir de manière proactive quand ils le veulent.

Donc, afin d'éviter que les employeurs se cachent derrière l'existence des clauses d'amnistie pour rester inactifs, nous sommes en accord avec l'introduction, là, d'un article de... dans la loi, mais le vocabulaire introduit actuellement fait référence à toute inconduite associée à de la violence physique et fait référence à vraiment quelque chose de beaucoup trop large, donc en faisant référence... la violence physique et psychologique. Donc, cela aura pour effet, pour nous, là, de judiciariser les dossiers, et la moindre petite incartade va se retrouver de manière perpétuelle dans le dossier de la personne, limitant ainsi, là... elle ne sera jamais réhabilitée aux yeux de l'employeur.

Donc, afin d'éviter la judiciarisation...

Mme Boyer (Maryève) : ...et de mieux atteindre le but visé. La FTQ exigerait, là, que les dispositions particulières ne soient applicables qu'à la violence à caractère sexuel. Donc, je vais répondre à vos questions, mais je vais laisser aussi la parole à ma directrice et à mon conseiller.

La Présidente (Mme D'Amours) : Aux questions? Vous avez terminé votre exposé? Merci. Donc, la période... l'échange est commencé. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Boulet : Oui, merci, Mme la Présidente. Merci, Mme Boyer. C'est un mémoire que nous attendions. Nous allons l'analyser avec attention, considération. Mais j'ai une question d'abord, parce que les lacunes à l'égard de la CNESST, on sait que la FTQ est présente au C.A. de la CNESST, est-ce que vous êtes bien informés des mesures administratives? Parce qu'il y en a, il y a 90 % des recommandations administratives du comité d'expertes qui ont été annoncées et déjà mises en application, puis il y a plusieurs de vos commentaires qui me laissaient supposer que vous... Est-ce que vous êtes informés de ça?

Mme Boyer (Maryève) : En fait, j'ai ma collègue ici qui siège.  Donc, je vais la laisser répondre.

• (16 h 40) •

Mme Landry (Annie) : Oui. Donc, oui, on est... on a eu accès à la présentation de la CNESST suite au rapport des expertes. Toutefois, grosso modo, pour faire un résumé, la CNESST fait référence du fait que, puisque le harcèlement... mais les violences à caractère sexuel sont incluses dans le harcèlement psychologique, bien, tout ce qu'elle fait déjà s'applique. Donc, c'est pour ça qu'elle dit : 90 %, c'est répondu, parce que ce qu'elle fait déjà s'applique. Donc... Et on n'a pas eu, tu sais probablement que, oui, il y a des formations qui vont être offertes. Pour l'instant, on sait qu'au niveau de l'inspectorat, les formations sont très difficiles, et ce n'est pas tout à fait à jour. Même lorsque c'était pour l'application du PL 59, les formations ne suivaient pas très rapidement, il y avait de très grands délais.

Donc, pour nous, la proactivité de la CNESST, elle est surtout sur papier et ne se traduit pas dans les actions concrètes pour les travailleurs, travailleuses lorsqu'ils font appel à la CNESST.

M. Boulet : Alors, je serai heureux de partager vos commentaires avec la CNESST et je prierais votre présidente de les partager au conseil d'administration pour assurer plus de proactivité, parce qu'en matière de formation, de prévention, d'identification, de contrôle, d'élimination des risques psychosociaux, c'est nouveau, c'est pris en charge. Puis il y a de ces changements-là qui découlent de la Loi modernisant le régime de santé, sécurité du travail. Il y a eu beaucoup de discussions, on a priorisé les plaintes. Puis, comme je l'expliquais un peu plus tôt, il faut savoir que beaucoup de plaignantes présentent un cas de harcèlement psychologique qui comprend une composante sexuelle, là. Ça fait que c'est sûr que ce n'est ni blanc, ni noir. Puis quand vous dites : La politique de prévention devrait tenir compte particulièrement des personnes plus marginalisées, plus à risque.

Vous connaissez Juripop, et, pour moi, ce qu'on fait et ce que nous pourrons éventuellement faire avec Juripop répond et plus, c'est au-delà, tenant compte de la réputation et de l'estime que j'espère que vous partagez avec moi à l'égard de la qualité des interventions de Juripop. Mais la CNESST, on pourra même prévoir une rencontre paritaire FTQ et CNESST pour vous permettre d'exprimer vos doléances de façon plus concrète. La faire strictement privée, je répète que c'est le reflet de l'état du droit, de la jurisprudence, il faut démontrer une certaine connexité, et ce n'est pas tous les cas qui requièrent nécessairement une indemnisation de la part de la CNESST. Je ne suis pas insensible à un certain délai, de deux ans, par exemple, mais, en même temps, le gouvernement peut toujours intervenir, là, quand ce n'est pas fait convenablement, on peut le faire en tout temps.

Donc, vous avez parlé des agents formés, la priorité. Peut-être dernier commentaire, là, puis je vais me limiter à ça, là, mais les clauses d'amnistie, ce que vous dites, vous êtes d'accord, mais que pour les violences à caractère sexuel, vous me faites un signe de tête, mais pas nécessairement pour les autres types de violence physique, et il y a psychologique, il y a aussi les violences conjugales et les violences familiales. Vous, vous dites : Ça devrait se limiter aux violences à caractère sexuel, que l'employeur puisse ne pas tenir compte de la clause d'amnistie dans son processus de...

M. Boulet : ...gradation des sanctions. Est-ce que c'est bien ça?

M. Lavoie (Guillaume) :Exact. Donc, l'une des craintes qu'on a avec l'interdiction des clauses d'amnistie, c'est la possibilité que ça amène une certaine judiciarisation, alors que l'esprit du rapport des experts, ce qu'on soumet, devrait être l'esprit du projet de loi, c'est de limiter la judiciarisation en matière de violence à caractère sexuel. Donc, une des craintes qu'on a, c'est qu'en interdisant, comme le propose le projet de loi, l'ensemble des clauses d'amnistie, et encore une fois, on n'est pas en désaccord, mais on propose certaines limitations dans l'article, mais en interdisant l'ensemble des clauses d'amnistie, qu'on vienne provoquer un certain mouvement où l'ensemble des sanctions disciplinaires seraient systématiquement contestées.

M. Boulet : Moi, vous me permettez encore de réitérer qu'indépendamment du libellé, indépendamment du concept qui est utilisé par la personne victime, que ce soit de la violence conjugale, familiale ou de la violence physique, il y a une connotation souvent de nature sexuelle qui n'est pas invoquée. D'où une des raisons qui justifient que ce soit élargi. Puis je trouve ça intéressant que certains groupes disent :  Ça ne devrait pas être prescriptible dans une période de deux ans. Puis ils réfèrent au Code civil du Québec. Puis le Code civil du Québec, c'est des blessures, des préjudices corporels. Donc, même la violence physique peut, même, par association, que certains groupes en font, inclure une composante de nature sexuelle. Mais ça va, j'ai bien compris votre mémoire. Je n'aurais plus d'autre commentaire à faire. Est-ce qu'Isabelle il y en a?

Une voix : ...

M. Boulet : O.K. Alors, je vais laisser ma collègue de Laporte s'exprimer.

La Présidente (Mme D'Amours) : Mme la députée de Laporte, à vous la parole.

Mme Poulet : Oui, merci, Mme la Présidente. Une question. Vous avez mentionné que, bon, ça ne couvre pas l'ensemble. Le projet de loi ne couvre pas l'ensemble des modifications nécessaires. Selon vous, qu'est ce qu'on ne retrouve pas dans le projet de loi no 42 qui pourrait mieux aider les victimes? Est-ce que... qu'est-ce qui manque vraiment, selon vous, que vous voulez mettre en lumière?

Mme Landry (Annie) : Donc, en fait, il manque plusieurs choses, et c'est pour les victimes aussi, pour faire la prévention. Dans notre mémoire, on a mis vraiment l'accent sur les deux volets. Au niveau de la prévention, on pense qu'il n'y a pas assez de lien entre ce qui se passe au niveau... lorsqu'il y a justement une lésion professionnelle, une victime d'actes à violence... de violence à caractère sexuel, bien, il n'y a pas de lien qui est fait avec la prévention. C'est, entre autres, pourquoi qu'on fait le parallèle, là, au niveau des ententes qui... qu'il y a lieu entre les parties. Bien... Et un exemple, c'est oui, les syndicats représentent les victimes, mais après ça, au niveau de la prévention, on ne fait pas le lien de ce qu'il devrait avoir... qu'est-ce qui devrait être corrigé dans le milieu de travail. Est-ce que c'est le fait de travailler seul? Est-ce qu'il manque de formation? Est-ce qu'il devrait y avoir des campagnes? L'organisation du travail, est-ce qu'elle favorise la présence de violences à caractère sexuel? C'est un des... des enjeux, mais il manque évidemment l'application de la présomption qui est, quant à nous, qui comporte plusieurs problématiques, mais, tu sais, ça a été nommé par plusieurs intervenants aujourd'hui, et au niveau des normes également, au niveau de l'article 123.16, c'est, entre autres les... les choses qui nous préoccupent. Quelqu'un veut compléter?

M. Lavoie (Guillaume) :...123.16 que, dans le but d'assurer une pleine indemnisation des victimes, on considère que le projet de loi fait un pas dans la bonne direction en permettant les dommages punitifs, mais il devrait élargir la modification de l'article 123.16 afin de permettre une... une indemnisation dans les cas où la victime est, oui, victime d'une lésion professionnelle, mais pour toute une période où elle n'est pas indemnisée par la CNESST, elle devrait avoir accès à toutes les possibilités d'indemnisation qui sont offertes aux autres victimes d'agression, mais qui ne sont pas couvertes par l'indemnisation de la LATMP. Donc, on pense que, pour assurer une pleine indemnisation, cette modification-là devrait aller jusqu'au bout.

Mme Poulet : Vous avez mentionné tantôt que, bon, au niveau de la prévention, bon, la CNESST va faire des suivis, mais vous pensez qu'on devrait aller encore plus loin pour faire une vérification puis s'assurer que ça soit bien établi dans une entreprise?

Mme Landry (Annie) : Bien, au niveau de la CNESST, c'est qu'il faut comprendre qu'au niveau des inspecteurs, un, oui, il manque de formation, il manque carrément d'inspecteurs. La Vérificatrice générale du Québec l'avait déjà mentionné en 2016... 2018, je ne me rappelle plus quelle année, mais qu'il y avait un débalancement entre... au niveau de la réparation à la CNESST. Au niveau de la prévention, ça n'a jamais été corrigé, ce débalancement-là, au niveau dans l'investissement. Actuellement, il y a plus d'inspecteurs de la faune, ils sont 325, que d'inspecteurs à la CNESST. Ils sont autour de 300, mais en réalité, disponibles à faire le travail, ça tourne autour de 280. Donc, vraiment, pour mettre en application la loi et s'assurer que c'est respecté lorsque les travailleurs, travailleuses appellent à la CNESST, les inspecteurs ne se déplacent pas, ne sont pas formés pour intervenir, posent des questions parfois qui ne sont pas adéquates...

Mme Landry (Annie) : ...qui victimise justement la personne. L'exemple des expertes qui disent : L'inspecteur s'est présenté sur le lieu de travail, la victime n'était plus là, bien, je me suis... L'inspecteur dit : Je n'ai pu à intervenir. Le problème n'est pas la victime, mais... et le milieu de travail et la présence de personnes qui ont des comportements de violence à caractère sexuel. Donc, c'est tout ça qui fait que, pour nous, la CNESST ne met pas... ne renforce pas la loi et n'est pas proactive. Puis encore, dernièrement, il y avait un rapport sur les entrepôts d'Amazon qui démontrait encore des lacunes dans l'intervention des inspecteurs qui est très inégale selon les milieux qu'elle visite.

Mme Poulet : O.K. Merci.

La Présidente (Mme D'Amours) : Je cède maintenant la parole à la députée de Hull.

Mme Tremblay : Oui. Alors, bonjour. Ma question, elle est en lien avec votre recommandation 1 parce que vous... bon, vous dites que, pour prévenir le harcèlement, vous voudriez que les politiques fassent partie intégrante des conventions collectives. Puis là vous dites que c'est dans un souci d'avoir une meilleure connaissance de celles-ci. En quoi ça va avoir... apporter une meilleure connaissance, que ce soit dans les conventions collectives des travailleurs et des travailleuses? Et puis la politique, c'est quelque chose, tu sais, que l'employeur peut travailler, peut modifier au fil du temps, alors que si elle est, bon, dans la convention, ça peut devenir un peu plus complexe. Donc, je voudrais vous entendre sur la recommandation, là, numéro un.

• (16 h 50) •

Mme Aristyl (Nadia) : Mais je dirais que, dans le fait que ça soit mis dans la convention collective, pour nous, en tant que syndicat, et pour l'ensemble des membres, c'est toujours le premier chemin qu'ils vont prendre et la première lecture qu'ils vont faire. Donc, ça va permettre vraiment une connaissance au niveau informationnel d'avoir quelque chose qui est directement dans la convention collective. Mais je vais laisser mes collègues renchérir là-dessus.

Mme Landry (Annie) : Pour, en fait, votre commentaire sur le fait est-ce que ça va être facile de modifier la politique ou pas? Le fait que c'est déjà rentré au niveau du programme de prévention pour savoir que le comité de santé-sécurité doit aussi regarder ce qui est inclus dans le programme de prévention. Donc, il y a déjà un aspect paritaire à la politique, et le fait que ce soit inclus dans la convention collective, oui, va rendre la lecture d'un seul document. Donc, tous les travailleurs vont savoir si ça va faciliter le processus de savoir quels moyens utiliser, mais ça va aussi confirmer l'aspect paritaire de la politique. Et dans les conventions collectives, on peut toujours faire des lettres d'entente s'il faut le... modifier une convention en dehors des négociations.

Mme Tremblay : Parfait. Merci. Moi, je n'ai pas...

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Je cède maintenant la parole à la députée de La Pinière pour votre bloc d'échange.

Mme Caron : Merci, Mme la Présidente. Alors, merci pour votre présentation. Vous avez mis l'accent beaucoup sur les femmes au début parce que vous représentez beaucoup de femmes. Alors, je vous soumets un cas de figure où une femme a été victime d'une... d'un collègue de travail dans un milieu de travail, ce collègue fautif part et va travailler dans un milieu comme une RPA, par exemple, une résidence pour aînés où le milieu de travail lui-même est composé de personnes qui sont très vulnérables, beaucoup de femmes, et... c'est-à-dire le milieu de vie et le milieu de travail parce que, par exemple, il peut y avoir beaucoup de collègues préposés aux bénéficiaires qui sont des femmes, qui sont aussi des femmes immigrantes, donc qui sont d'autant plus vulnérables. Alors, dans un cas comme ça, qu'en est-il de la confidentialité du dossier de... du travailleur fautif qui arrive dans ce nouveau milieu? Est-ce qu'il doit être absolument confidentiel ou est-ce que lorsqu'il postule son emploi, la RPA par exemple, peut, en vérifiant les références, s'assurer qu'elle obtiendra cette information-là, si c'est une personne qui a déjà commis des actes de violence à caractère sexuel ou de harcèlement psychologique?

Mme Aristyl (Nadia) : Merci pour votre exemple, je vais laisser M. Lavoie répondre à la question.

M. Lavoie (Guillaume) :Oui, mais en fait on entend très bien ce que vous nous dites, c'est il y a plusieurs intervenants qui ont parlé de cette question-là aujourd'hui, mais comme ce n'était pas quelque chose qui faisait partie du projet de loi à la base, ce n'est pas une question qu'on a particulièrement étudiée dans le cadre de notre mémoire, mais on a bien entendu les intervenants et puis on va avoir l'occasion de se positionner sur la question.

Mme Caron : D'accord. Merci. Vous avez, à la recommandation 7, vous proposez qu'on élimine le contexte strictement privé. Je vais faire un autre cas de figure. Disons, un contexte d'entreprise familiale, il y en a peut-être moins qui sont syndiqués, mais disons une grande entreprise familiale, un contexte où, par exemple, des conjoints travaillent ensemble dans cette entreprise familiale et qu'il y a des violences à caractère sexuel qui sont perpétrées, à ce moment-là, est-ce que les violences entre conjoints qui travaillent dans cette entreprise familiale, c'est strictement privé ou bien c'est professionnel?

M. Lavoie (Guillaume) :Bien, je pense que, sur la question de la...

M. Lavoie (Guillaume) :...sur la question du strictement privé, c'est important de revenir à la base de l'objectif de la présomption. Encore une fois, l'objectif, c'est la déjudiciarisation, on veut s'assurer que la victime est rapidement accès à une indemnisation par la CNESST. Mais quand on recommande de retirer le strictement privé de la présomption, on a l'intention de ne retirer par là aucun droit à l'employeur. L'employeur conserve son droit de contester la lésion professionnelle qui serait admise dans ce cas de figure là que vous proposez, d'aller plaider éventuellement devant le tribunal que ce n'était pas par le fait ou à l'occasion du travail que la lésion est arrivée. Ça n'empêche pas l'employeur de le faire. L'objectif de la présomption, c'est de faciliter à la victime l'accès aux indemnisations de façon directe, de façon rapide et si, dans le futur, l'employeur conteste, il le fera. Mais la présomption n'a donc pas comme objectif d'interdire ça à l'employeur. L'objectif, encore une fois, et c'est pour ça qu'on recommande de retirer la question d'établissement et de retirer la question du strictement privé dans 28.0.1, c'est de faciliter pour les victimes l'accès à l'indemnisation.

Mme Caron : Parfait. Puis ma dernière question avant de laisser le reste à ma collègue, à propos de la première recommandation que ça fasse partie intégrante de la convention collective. Alors, j'ai compris la réponse à la question de la collègue tout à l'heure. Mais qu'en est-il dans un contexte où il n'y a pas de convention collective, un contexte non syndiqué?

Mme Landry (Annie) : Je peux répondre. Mais c'est évidemment que s'il n'y a pas de convention collective, bien, elle va être la politique de l'employeur tel que prévu par la loi. Là, c'est clair que ça s'applique dans les cas où c'est milieux syndiqués.

Mme Caron : Merci.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci, Mme la députée. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Cadet : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Donc, j'irais directement à votre recommandation 17, donc, sur les... les clauses... les clauses d'amnistie. J'aimerais vous entendre, parce que, bon, vous étiez là lors de l'intervention précédente, où, bien, tout comme vous, donc, le groupe qui vous a précédé, donc, souhaitait voir la recommandation restreinte, donc seulement donc aux actes de violence à caractère sexuel et souhaitait aussi que cette disposition, donc, soit... soit limitée dans sa portée temporelle. Je leur ai posé la question sur le cinq ans. De votre côté, vous souhaitez limiter l'imposition de mesures disciplinaires, donc, bien en fait de tenir compte de l'inconduite relative donc à cette forme de violence ayant donné lieu à l'imposition d'une mesure disciplinaire à cette personne dans les deux dernières années. Je comprends que tous les deux, donc, vous avez donc le même intérêt de viser la réhabilitation du salarié. J'aimerais vous entendre donc sur votre délai, donc comment vous êtes arrivés à ce... à ce délai de deux ans.

M. Lavoie (Guillaume) :Oui. Pour la question du délai particulièrement, on s'est inspiré d'une décision de la Cour d'appel qui est le Centre de réadaptation déficience intellectuelle du Saguenay—Lac-Saint-Jean contre Fortier, donc, qui... qui proposait un délai de deux ans en conformité avec le délai pour porter plainte en matière de harcèlement qui est prévu par la Loi sur les normes du travail. On considérait également qu'il y aurait une certaine cohérence avec le nouveau délai qui est proposé par le projet de loi en matière de réclamation pour lésion professionnelle. Mais un autre point que je veux apporter suite à votre question, c'est qu'il ne faut pas oublier que le délai de deux ans, que ce soit un délai de deux ans, trois ans, quatre ans, cinq ans, c'est un délai qui est minimum, hein? Donc, rien n'empêche un syndicat et un employeur de convenir dans la convention d'un délai qui sera plus long pour tenir compte de certaines particularités des milieux de travail. C'est un minimum qu'on propose.

Mme Cadet : D'accord. Puis vous pensez que ce... que ce délai-là... Je comprends que vous dites que c'est un... que c'est un minimum, un minimum de deux ans, donc ce serait assez pour une réhabilitation.

M. Lavoie (Guillaume) :Encore une fois, si pour un milieu de travail particulier ce n'est pas suffisant, les parties peuvent négocier autrement, peuvent négocier un délai plus long. Et puis d'ailleurs, on sait que ça s'est produit même avant l'intervention législative qui est proposée par le projet de loi. Par exemple, dans le milieu de l'éducation supérieure, il y a des... il y a des conventions qui ont été amendées pour modifier les clauses d'amnistie en ce qui a trait aux violences à caractère sexuel. Donc, ce n'est pas des choses qui sont impossibles.

Mme Cadet : Puis pourquoi vous particulièrement, donc, vous considérez que... que la portée de l'article... l'article 20, là, du projet de loi en ce moment donc, elle est trop large, là, donc pas seulement sur... sur la portée temporelle, là, mais sur... sur le fait, donc qu'on... qui y est libellé, donc on parle d'une inconduite relative à de la violence physique ou psychologique, incluant la violence à caractère sexuel. Donc, pourquoi cette portée-là est trop large pour vous?

Mme Landry (Annie) : Je vais peut-être... Sur la portée trop large, je vous dis c'est parce que l'inconduite relative à de la violence physique ou psychologique, ça inclut aussi la personne qui va envoyer promener son patron pour une raison X, ça inclut la personne qui va frapper, puis c'est... là, je vous parle de cas réel quelqu'un qui frappe dans un casier parce qu'il a une certaine frustration. Donc, ça inclut... c'est tellement large que ça inclut tout, et c'est là qu'on dit que ça va judiciariser, parce qu'est ce qu'une personne mérite d'avoir à son dossier, une fois, il s'est... il a argumenté un peu plus fort...

Mme Landry (Annie) : ...avec son supérieur. Est-ce qu'il doit traîner ça toute sa vie? Je ne suis pas sûre. Tu sais, il y a un contexte de réhabilitation, de pardon... Tu sais, dans tous les systèmes législatifs, c'est applicable. On réhabilite, on pardonne, on permet à la personne d'apprendre de ses erreurs. Mais là c'est comme... comment c'est libellé, c'est tellement large que nous, ce qu'on anticipe c'est que les employeurs vont l'utiliser à toutes les sauces, et ça va judiciariser, parce qu'on ne permettra pas aux gens de se réhabiliter dans le milieu de travail. Et, également, tu sais, quand quelqu'un fait une erreur - c'est dans notre pratique syndicale - si un travailleur fait une erreur, justement, dit des mots peut être inadéquats à son supérieur, on va dire : Bien, prend ta mesure disciplinaire, là, puis ne refais plus ça. Puis ça va finir là. Mais s'il est pour vivre avec ça le restant de sa vie, bien là, peut être qu'on va dire : Oui, ça n'a pas de sens, il va falloir contester pour enlever ta mesure disciplinaire, parce que tu ne peux pas vivre... Tu sais, ce n'est pas une inconduite qui mérite une condamnation à vie, qui est l'équivalent, là... le dossier disciplinaire dans le milieu de travail, c'est un peu... c'est l'équivalent, là, pour nous.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Je cède maintenant la parole au député de Hochelaga-Maisonneuve.

• (17 heures) •

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour à vous trois. Plus tôt, il y a eu les gens de Juripop, qui parlaient... parce qu'il y a tout le régime... ce qu'on appelle le «no fault», là, le... qui est la structure même du régime, là, en santé et sécurité au travail... mais qui parlaient de la possibilité de poursuivre un agresseur qui serait un collègue de travail, au civil, qui serait comme un ajout, une porte qu'on ouvrirait, qui n'était pas nécessairement ouverte dans le passé, considérant que c'était toujours l'employeur qui était responsable de l'environnement de travail. C'est quand même quelque chose de nouveau qui est soumis. Est-ce que la FTQ a une réflexion à soumettre par rapport à ça?

M. Lavoie (Guillaume) :Oui, bien, effectivement, c'est un élément qui n'avait pas été soulevé dans le cadre de notre mémoire, mais on a été... on a eu une écoute attentive des recommandations qui ont été déposées par Juripop ce matin. Effectivement, le fait qu'il y ait une immunité civile pour un collègue de travail, c'est, certainement, un des aspects les plus iniques de la législation du travail en cette matière-là, puisque la même situation de victime à... pardon, de violence à caractère sexuel qui se produirait à l'intérieur d'un contexte de travail produirait une immunité pour le collègue de travail, alors que, si elle se produisait dans un contexte en dehors du travail, cette immunité-là n'existerait pas. Alors, on pense que c'est une immunité qui va beaucoup plus loin que ce qui est prévu pour l'employeur.

On comprend l'immunité pour l'employeur. C'est la base, évidemment, du régime d'indemnisation. Pour ce collègue de travail là, on pense que les préoccupations qui ont été soulevées par Juripop, effectivement, méritent une analyse plus approfondie, puisque le message qui est envoyé, en fait, par la législation actuelle, c'est : si une personne est harcelée au travail actuellement, bien, si elle devient malade du fait de ce harcèlement-là, ça provoque une immunité pour l'employeur, ce qui n'est pas le cas si elle ne tombe pas malade. Alors, c'est une incohérence, à notre avis, qui découle de l'interconnexion entre les différentes lois du travail, mais qui mérite certainement d'être analysée, là. Et on pense que, si une personne n'a pas fait de réclamation pour lésions professionnelles, elle doit pouvoir poursuivre, au civil, un collègue de travail.

M. Leduc : Donc, c'est soit l'un, soit l'autre.

M. Lavoie (Guillaume) :Dans ce cas-ci, oui.

M. Leduc : O.K. Le 47.2, qui est l'article du Code du travail, là, qui... l'obligation de représentation, est-ce que l'idée de... comme alternative ou supplément à la question des clauses d'amnistie, on ne pourrait pas dire que les syndicats n'ont plus l'obligation de représentation lorsqu'il s'agit d'une violence à caractère sexuel, donc d'exempter cette... les syndicats par rapport à ça? Parce qu'on sait que c'est quand même un fléau, là, les plaintes dans le 47.2, dans le milieu syndical.

La Présidente (Mme D'Amours) : ...15 secondes.

M. Leduc : 15 secondes.

Mme Landry (Annie) : Oh! c'est assez technique. Donc, bien, en fait, le 47.2, on a toujours le choix d'y aller ou pas, donc, pour nous, ce n'est pas un enjeu, parce qu'on peut toujours dire non à l'employeur, et, si on a fait notre analyse, c'est clairement... les syndicats ont le pouvoir... on n'est jamais obligé. Et, pour nous, le 47.2, ils ne le feront pas pour faire la démonstration.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci beaucoup. Maintenant, dernière période d'échange avec nos... nos invités, pardon, avec le député de Jean-Talon.

M. Paradis : Merci beaucoup de votre présence. Je vais, moi aussi, continuer sur votre recommandation numéro 17, concernant les fameuses clauses d'amnistie, parce qu'on va avoir des arbitrages importants à faire. Certains prétendent que l'article 97.1, tel qu'il est présenté actuellement, en fait, ne fait que refléter l'état actuel de la jurisprudence, notamment après un arrêt assez connu de la Cour d'appel dans l'affaire CRDI, et qu'en réalité, si on veut le limiter à certaines formes de violence ou si on le limite en matière temporelle, on pourrait être en train de, finalement, perdre des acquis qu'on a eus, c'est-à-dire que...


 
 

17 h (version non révisée)

M. Paradis : ...quand on... quand vient le temps de regarder la sanction, hein, parce que ce n'est pas avant, c'est vraiment au moment où il y a une sanction d'un comportement qui a été jugé, donc, violent... on peut considérer qu'il y a eu des comportements similaires avant, donc c'est une récidive. Ça, ça existe déjà dans la jurisprudence. Et donc, est-ce que vous n'avez pas peur de ce risque-là?

Mme Landry (Annie) : Moi, je vais répondre. Dans les faits, c'est que oui, la jurisprudence... c'est que la LNT est d'ordre public, donc tout ce qui est harcèlement psychologique, et donc aussi les violences à caractère sexuel sont d'ordre public, et une convention collective ne peut pas aller en deçà de la Loi sur les normes. Donc, oui, c'est applicable, et l'article, actuellement, tel qu'il est écrit, ce n'est pas juste le harcèlement psychologique, ce n'est pas juste les violences à caractère sexuel, c'est toute inconduite, parce que dans la LNT, le harcèlement psychologique, c'est quatre critères. Là, c'est «inconduite» : «toute inconduite relative à des violences physiques ou psychologiques». «Toute inconduite», c'est beaucoup plus large que du harcèlement psychologique. Donc, c'est... nous, c'est notre crainte, c'est... Comme j'expliquais tantôt, là, ce n'est pas juste un acte répété d'agression, de harcèlement ou un geste... des fois, c'est juste une petite inconduite qui fait que, oups! j'ai peut-être été trop loin, et on le voit dans tous les milieux de travail. Ça arrive des fois, l'être humain étant ce qu'il est, on perd patience.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.

Mme Landry (Annie) : Ça ne veut pas dire que c'est un acte grave.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. C'est tout le temps que nous avions. Merci pour votre contribution à nos travaux.

Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre aux prochains invités de prendre la place.

(Suspension de la séance à 17 h 05)

(Reprise à 17 h 11)

La Présidente (Mme D'Amours) : Nous sommes de retour. Donc, je souhaite maintenant la bienvenue au Conseil du patronat du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé et, par la suite, nous procéderons à la période d'échange. Donc, je vous demande de vous présenter et de commencer votre exposé, s'il vous plaît.

M. Blackburn (Karl) : Merci, Mme la Présidente. Alors, je suis Karl Blackburn. Je suis le président et chef de la direction du Conseil du patronat du Québec, et je suis accompagné de Marie-Claude Perreault, vice-présidente, Travail, santé, sécurité et affaires juridiques au Conseil du patronat du Québec.

Comme vous le savez, le CPQ regroupe des entreprises et des associations sectorielles oeuvrant dans tous les secteurs d'activité et toutes les régions du Québec et représentent directement ou indirectement les intérêts de plus de 70 000 employeurs de toutes tailles dans tant le secteur privé, que dans le secteur parapublic. Nous remercions d'abord les membres de la commission parlementaire pour l'invitation que vous nous avez fait parvenir pour vous présenter le point de vue du Conseil du patronat et pouvoir échanger bien évidemment avec vous.

D'entrée de jeu, nous tenons à saluer l'objectif du projet de loi n° 42, qui vise à accorder une meilleure protection aux personnes salariées contre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en milieu de travail. Le harcèlement psychologique et sexuel et la violence sous toutes ses formes sont inacceptables. Ils n'ont pas leur place dans notre société, y compris dans nos milieux de travail.

À la lecture du mémoire du CPQ, vous pourrez comprendre, de façon plus exhaustive, nos réflexions dans l'optique que les projets de loi peuvent être améliorés... pardon, les projets de loi peuvent être améliorés afin de considérer à la fois les besoins des travailleurs et les enjeux des employeurs, permettant ainsi une évolution de notre société. C'est d'abord dans cet esprit que le CPQ apporte sa contribution aux discussions portant sur la prévention du harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en milieu de travail. Les commentaires et réflexions que nous vous présentons se veulent constructifs sur l'approche gouvernementale.

Je vais maintenant laisser la parole à ma collègue pour qu'elle puisse détailler l'ensemble de nos recommandations.

Mme Perreault (Marie-Claude) : Merci beaucoup. Merci à tous. Alors, je vais vous exposer les préoccupations du CPQ à l'égard du projet de loi. Vous avez bien compris que le CPQ supporte et est en accord avec l'objectif visé par le projet de loi. Nous avons même...

Mme Perreault (Marie-Claude) : ...participer, en fait, aux travaux menés par les trois chercheuses.

Le premier point sur lequel j'aimerais attirer votre attention, ce sont les restrictions aux droits d'accès au dossier médical. Le CPQ est préoccupé par les restrictions qui sont introduites par le projet de loi n° 42. Ces restrictions, quant à nous, remettre en question l'équilibre fondamental de la Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles, ainsi que le droit des employeurs à une défense pleine et entière.

La restriction du projet de loi vise à ce que les employeurs n'aient pas accès au dossier médical et que les médecins désignés par l'employeur ne puissent communiquer à cet employeur que, et je cite, «les informations nécessaires pour lui faire un résumé du dossier et lui donner un avis pour lui permettre d'exercer les droits que lui confère la loi.»

Je vous souligne une difficulté accrue pratico-pratique pour les employeurs de trouver des médecins désignés, des experts en médecine du travail... sont en déclin, nous sommes en pénurie à cet égard. Donc, de placer une responsabilité additionnelle sur les médecins désignés, les forçant, en fait, à évaluer le dossier et à décider quelles sont les informations qui sont pertinentes à l'employeur pour qu'il puisse exercer les droits, font en sorte de leur faire reposer sur les épaules un fardeau beaucoup trop grand. Les professionnels de la santé et les employeurs, au surplus, n'ont pas toujours les mêmes perspectives et objectifs lorsqu'ils consultent le dossier médical.

Le CPQ est également préoccupé par le fait que les restrictions semblent s'appliquer à tous les types de lésions et non seulement à celles découlant de la violence à caractère sexuel, comme initialement envisagé dans le rapport sur le harcèlement sexuel au travail, et je réfère également au titre du projet de loi n° 42.

D'ailleurs, la recommandation 39 des chercheuses ne visait que la réclamation de la part d'une victime de violences à caractère sexuel et non pas tous les types de lésions. Les nouvelles dispositions pénales que vous avez constatées qui sont proposées visent à sanctionner l'employeur ou le professionnel de la santé qui obtient ou qui tente d'obtenir le dossier médical auquel il n'a pas droit d'accès, ce qui ajoute bien entendu une pression additionnelle sur les épaules de tous. Il y aura beaucoup d'inquiétudes.

Le CPQ craint que ces restrictions aux droits d'accès au dossier médical n'entraînent des conséquences significatives sur la capacité des employeurs à exercer pleinement leurs droits. Cela va augmenter aussi les coûts et les délais pour le traitement des dossiers, tout en créant des obstacles additionnels à la défense des droits légitimes des employeurs dans le processus.

D'ailleurs, il est inquiétant de lire dans le rapport des chercheuses le fait qu'en contrepartie du fait que l'employeur n'aura pas accès au dossier médical, le coût des lésions sera imputé aux employeurs de toutes les unités. Donc, on pellette le coût de ces lésions dans le fonds général sans que l'employeur en question ne puisse le gérer ni le contester.

J'ai entendu tout à l'heure aussi la recommandation de Juripop. Nous aurons un grave problème d'augmentation du coût du fonds général. Quand on pellette ou qu'on transfère les coûts à l'ensemble des employeurs, ceci a un impact assurément sur l'ensemble des employeurs du Québec. Ça ne tombe pas dans le vide, il y a quelqu'un qui les assume.

Je termine sur ce point, sur cette première question. Les renseignements personnels sont très bien protégés au Québec, nous avons une législation récente très étendue sur la question, nous avons aussi l'article 38.1 de la LATMP qui prévoit que l'employeur ou une personne désignée ne peut faire autre chose avec l'information qu'elle récolte en vertu de la loi. Je vous suggère ce qui suit : Pourquoi ne pas faire confiance à la législation en vigueur au Québec plutôt que de restreindre l'accès aux dossiers médicaux pour l'employeur et ainsi les priver de tout l'éclairage pour exercer leurs droits? La question se pose.

Deuxième point. La définition de violence à caractère sexuel est, selon nous, trop large et imprécise. Le CPQ est particulièrement inquiet du fait qu'un seul événement puisse être qualifié de violence à caractère sexuel sans qu'il soit nécessaire qu'il revête une certaine gravité. Je vous amène avec le comparatif avec la Loi sur les normes du travail, qui exige qu'un événement, pour qu'il soit qualifié de harcèlement psychologique ou sexuel, il doit être grave, porter atteinte à la dignité ou à l'intégrité psychologique ou physique de la victime et produire un effet nocif continu...

Mme Perreault (Marie-Claude) : ...dans cette optique, le CPQ propose également d'adopter la définition que l'on retrouve à la Loi sur les normes du travail, par souci, également, de cohérence législative. Ceci réduirait complètement... considérablement, excusez-moi, les risques d'interprétation erronée et de confusion, tant pour les victimes que pour les employeurs.

Je vous glisse un mot sur les nouvelles présomptions de lésions professionnelles qui découlent de la violence à caractère sexuel. L'étendue de la définition de violence à caractère sexuel est assez préoccupante, considérant, entre autres, qu'il y a deux présomptions de lésions professionnelles qui sont prévues à l'article 4 du projet de loi n° 42 qui sont associées à la définition. Nous nous questionnons à savoir comment ces présomptions seront appliquées. Par exemple, comment est-ce qu'elles pourront être renversées? Que signifie exactement l'expression «contexte strictement privé»? Ce serait difficile d'en faire la preuve et de pouvoir renverser cette présomption.

• (17 h 20) •

Je vous glisse un mot maintenant sur le point de l'octroi de dommages punitifs dans le cadre d'un recours de harcèlement psychologique. Le projet de loi prévoit l'octroi de dommages punitifs, dans le cadre d'un recours pour harcèlement, sans poser d'exception si la personne salariée est victime d'une lésion professionnelle au sens de la loi. Il s'agit d'une brèche qui modifie l'équilibre de notre régime de responsabilité sans faute. Le projet de loi n° 42 ne devrait pas remettre en cause la constitution de notre régime actuel d'indemnisation ainsi que le principe de base, bien ancré, de notre régime de responsabilité sans faute. La nouvelle disposition du projet de loi n° 42 qui modifie la loi, telle que proposée, pourrait, assurément, être contestée et va, aussi, bien au-delà du rapport de recherche qui sous-tend le projet de loi qui est devant nous aujourd'hui. J'ajoute, après avoir entendu la possibilité de poursuivre quelqu'un qui pourrait avoir commis du harcèlement, ceci aussi serait une brèche importante dans notre régime de responsabilité sans faute que nous nous sommes dotés au Québec, tout comme le régime des accidentés de la route.

Je glisse un mot sur le contenu de la politique de prévention et de prise en charge des situations de harcèlement. Nous émettons des réserves quant à l'obligation de l'employeur de prévenir le harcèlement provenant de toute personne. Ceci est une notion très large, comme vous l'avez d'ailleurs souligné avec les gens de la CSQ. Le CPQ émet certaines réserves quant à la proposition du projet de loi de prévoir, de façon très détaillée, ce que doit contenir la politique de prévention et de prise en charge des situations de harcèlement psychologique. Le CPQ doute du fait que de dicter, de façon aussi détaillée et explicite, le contenu d'une politique à adopter par les employeurs soit réellement souhaitable. Il faut considérer que chaque employeur est différent. Les moyens de prévention de...

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Mme Perreault, je suis désolée, merci, c'est tout le temps que nous avions.

Mme Perreault (Marie-Claude) : Parfait. J'avais terminé, merci.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Donc, la période d'échange étant commencée, M. le ministre, la parole est à vous.

M. Boulet : Merci, M. Blackburn. Merci, Me Perreault. Merci de partager l'objectif, évidemment, de ce projet de loi. Et, effectivement, vous avez contribué, de façon active, aux travaux, notamment, qui ont été effectués par le comité d'expertes, puis souvenez-vous que le solage de ce projet de loi là réside dans le grand rapport Rebâtir la confiance.

Vous soulevez, dans votre mémoire, beaucoup de questions, puis il faudrait peut-être s'en reparler, Me Perrault, puis je sais que vous avez l'expertise en matière de santé et sécurité du travail, mais juste vous rappeler... Tu sais, je voyais, dans votre mémoire... puis j'aimerais ça vous entendre là-dessus, parce que je ne suis pas sûr de bien saisir. Vous dites : «Ne pas prévoir de dispositions concernant la confidentialité du dossier médical». Puis vous comprenez que, quand on fait un projet de loi, on tente d'être le plus équilibré possible, à bien des égards. On nous dit, d'autres groupes, que la confidentialité n'est pas suffisamment assurée, mais 38 puis 38.1, il n'y a pas d'amendement important sur, notamment, la possibilité du professionnel de la santé désigné par l'employeur d'obtenir les informations médicales qui sont pertinentes. Et je me demandais pourquoi vous disiez : «Ne pas prévoir de dispositions concernant la confidentialité du dossier médical». Est ce que... Parce que 38 était là aussi, là, dans la LATMP. Est ce que... Peut-être si vous pouviez me préciser un peu plus votre point de vue?

Mme Perreault (Marie-Claude) : Oui, absolument, avec plaisir. Merci, M. le ministre. En fait, les articles qui sont modifiés prévoient maintenant un premier...

Mme Perreault (Marie-Claude) : ...constat, l'employeur n'a pas droit d'accès au dossier médical, et le professionnel de la santé doit maintenant ne transmettre que les informations nécessaires pour permettre l'exercice d'un droit.

Donc, il y a des précisions qui ont été apportées dans le projet de loi qui font en sorte que le professionnel de la santé devra évaluer quelles sont ces informations importantes ou pertinentes pour l'exercice du droit, et aussi l'introduction des dispositions d'ordre pénal, qui peuvent aller jusqu'à 5 000 $ pour le professionnel de la santé ainsi que pour l'employeur. Ce sont des dispositions extrêmement préoccupantes, et vous savez comme moi, pour participer aux travaux du CCTM sur la pénurie des médecins à l'heure actuelle, ça va être difficile de pouvoir avoir, disons, leur participation sans crainte d'être poursuivi.

M. Boulet : O.K., ça va. Effectivement, 38 prévoit un droit d'accès, alors que, là, on prévoit qu'il n'a pas accès, de manière à protéger la confidentialité des informations, mais le professionnel de la santé désigné par l'employeur peut avoir accès aux informations pertinentes. Je pense que le résultat pratique est sensiblement le même, mais je trouve ça intéressant, ce que vous nous soumettez. Et vous comprenez, encore une fois, que d'autres groupes souhaiteraient que ce soit plus serré.

La désimputation, qui était recommandée, vous le savez, Me Perreault, par les expertes, donc on impute au fonds général, sauf quand il y a une responsabilité, entre guillemets, de l'employeur ou d'un de ses représentants dans ses relations avec les employés. Plusieurs nous demandent que, la désimputation soit généralisée, indépendamment de qui est l'auteur du harcèlement ou de la violence à caractère sexuel, de manière à déjudiciariser. Quel est, selon vous, l'impact pratique de la désimputation versus l'imputation? C'est quoi, le raisonnement que font les employeurs, généralement, quand ils sont imputés? Est-ce qu'il y a un impact positif ou négatif sur la judiciarisation?

Mme Perreault (Marie-Claude) : Bon. D'abord, l'imputation, ce n'est pas une punition à l'employeur, l'imputation est formulée en fonction de calculs actuariels qui déterminent le risque et qui classifient nos employeurs dans certaines catégories. Donc, d'imputer ou de ne pas imputer un employeur, ce n'est pas en termes : est-ce qu'il est responsable ou pas? Pour répondre à votre question, l'effet pratico-pratique... quand on met l'ensemble des coûts dans le fonds général, l'employeur pourrait se sentir un peu moins concerné par la gestion du dossier et le laisser aller.

La préoccupation, M. le ministre... Quand j'ai relu le rapport des chercheuses, quand il est dit que, compte tenu que l'employeur n'aura pas droit d'accès, on va imputer ça au fonds général, ce n'est pas une bonne solution parce que, de toute façon, le fonds général, il est assumé par l'ensemble des employeurs du Québec. Si les dossiers ne sont pas gérés et sont imputés au fonds général, les coûts augmenteront pour l'ensemble des employeurs, et probablement de façon exponentielle s'il n'y a personne qui se sent, je vais dire imputable, le mot est peut-être fort, d'en faire une gestion adéquate. À titre de membre du conseil d'administration de la CNESST, je suis préoccupée, en termes de bonne gouvernance, sur l'impact que ceci pourrait avoir sur le fonds et le coût du fonds pour l'ensemble des employeurs.

M. Boulet : Mais je reviens à l'impact pratique. S'il y avait une imputation selon les règles régulières, est-ce qu'il n'y a pas un risque d'augmentation des dossiers de judiciarisation qui mènerait à des atteintes potentielles à la vie privée des victimes de violences à caractère sexuel? C'est un élément qui était soulevé ce matin. Qu'est-ce que vous en pensez...

Mme Perreault (Marie-Claude) : Bon. Le fait qu'ils soient imputés ou non...

M. Boulet : ...en pratique, oui.

Mme Perreault (Marie-Claude) : Oui. Le fait qu'ils soient imputés ou non au fond n'a aucun impact sur la déjudiciarisation. L'employeur a un droit, notamment prévu aux cinq points de l'article 212, de contester certains aspects d'une lésion professionnelle. Où serait l'abus, où serait l'augmentation des contestations? En bout de compte, ce sont les employeurs qui en sont imputés, et la loi prévoit, il n'y a aucune modification, puis c'est bien ainsi, prévoit un droit de contestation de l'ensemble des points. Donc la déjudiciarisation...

Mme Perreault (Marie-Claude) : ...déjudiciarisation. Et là où l'impact financier sera imputé n'a, pour moi, pas de lien entre les deux... Je pense que c'est une fausse solution au problème.

M. Boulet : Ce n'est pas l'avis de tout le monde. Et l'absence de désimputation, selon moi dans certains dossiers pourrait avoir un impact qui inciterait des employeurs à aller plus loin dans l'obtention de renseignements personnels où il y aurait une augmentation des dossiers de... qui seraient contestés au Tribunal administratif du travail. Il y en a qui le font systématiquement.

Je veux juste revenir, Me Perreault. Je voyais aussi, là, puis...

Mme Perreault (Marie-Claude) : Oui.

M. Boulet : Tu sais, quand vous dites : On dicte trop dans le contenu minimal de la politique de prévention et de prise en charge qui va faire partie du programme de prévention ou du plan d'action, là, dépendamment de la... du nombre d'employés en vertu de la LATMP, qu'est ce que vous dites à ceux qui nous mentionnent qu'il n'y a pas assez d'information expliquant aux employeurs comment se comporter? Puis vous avez entendu des groupes la mentionner alors que vous, vous trouvez que le projet de loi est peut-être un peu trop directif. Où est l'équilibre?

• (17 h 30) •

Mme Perreault (Marie-Claude) : Oui, en fait, sur l'information aux employeurs, je suis de celles qui le prônent. Je pense que la CNESST a un rôle d'information. Le CPQ et les autres organisations patronales ont un devoir, et nous informons, nous formons les employeurs. On n'a jamais assez d'information et de formation. Par contre, le fait que la loi prévoie exactement ce que doit contenir la politique, c'est que ça ne... ça ne conviendra pas systématiquement à l'ensemble des organisations, chaque employeur est différent et on dit depuis toujours que chaque employeur doit adapter ses mesures en fonction de sa réalité.

M. Boulet : Je suis pas mal d'accord avec ce propos-là, Me Perreault. C'est ce qu'on appelle la prise en charge par les milieux de travail...

Mme Perreault (Marie-Claude) : Exact. Oui.

M. Boulet : ...qui doivent identifier leurs propres risques pour mieux les contrôler, éventuellement les éliminer, et améliorer leur bilan lésionnel. Je pense qu'on s'entend relativement bien.

Vous posez des questions sur les présomptions. Je sais que l'ajout de présomptions, ça ennuie. En même temps, vous dites : Est-ce que les présomptions peuvent être renversées? Vous connaissez ça aussi bien que moi, ce sont des présomptions relatives et non des présomptions absolues, ou des présomptions dont on peut renverser... qui peuvent faire l'objet d'un renversement s'il n'y a pas de blessures, s'il n'y a pas de maladie, ce n'est pas par le fait ou à l'occasion du travail, on peut faire une preuve, même si la présomption s'applique, de l'absence de lien de causalité. Bon, ces questions-là, je pense que vous les posiez pour des raisons un peu académiques. Le contexte strictement privé, ça nous est recommandé parce qu'il y a des cas qui ont été même documentés, dans certaines décisions de jurisprudence, où il n'y a aucun lien de connexité avec le travail, puis la violence ou le harcèlement de nature sexuelle, qui souvent est une composante du harcèlement psychologique, peut survenir dans un... dans un environnement qui est tout à fait personnel, qui n'a aucun rapport avec le travail. Je sais qu'il y a des risques d'interprétation ou d'application. Si je vous demandais à vous, Me Perreault, de me dire qu'est ce que vous pensez de ce que peut être un contexte strictement privé, qu'est ce que vous me diriez?

Mme Perreault (Marie-Claude) : Je vous dirai que je pense que ça n'existe pas. Pour en avoir fait des tonnes de ces dossiers-là, c'est extrêmement difficile, c'est un concept qui... Je ne vois pas comment je pourrais administrer une telle preuve sans rentrer dans la vie privée des victimes et/ou des mises en cause. Alors, les présomptions telles que la loi les prévoit à l'heure actuelle sont suffisantes pour le harcèlement. Remettons-nous... remettons-nous-en aux présomptions telles qu'elles existent, et on n'aura pas besoin de la présomption actuelle et la notion de strictement privé qui... qui... qui n'est pas un fardeau, selon moi, qui... qui pourra être rencontré. Et si c'est strictement privé, la jurisprudence, ce qu'elle nous dit, c'est que la présomption ne s'applique pas et, en bout de compte, ce n'est pas une lésion professionnelle, et nous faisons la preuve en abondance de ça.

M. Boulet : Par le fait... Oui, tout à fait, parce que ce n'est pas par le fait ou à l'occasion du travail. Il n'y a pas de lien entre les deux. Je vous comprends...


 
 

17 h 30 (version non révisée)

Mme Perreault (Marie-Claude) : C'est ça.

M. Boulet : Puis le délai de trois mois, plusieurs groupes nous ont dit que ce délai de trois mois - ça, c'est l'autre présomption, là, la maladie qui survient dans les trois mois d'une violence à caractère sexuel - les experts, les médecins nous disent tous que trois mois, c'est même peut-être un peu trop, là, parce que... mais trois mois, ça donne une valeur probante à la présomption. Mais plusieurs groupes nous disent : Ça devrait être beaucoup plus que trois mois, ou qu'il n'y ait pas de délai, que la présomption de maladie professionnelle s'applique indépendamment de ce type de délai là. Mais, en même temps, Me Perreault, vous le savez, c'est des présomptions qui renversent un fardeau de preuve, mais que je comprends, là, peuvent imposer une mécanique additionnelle aux employeurs.

Mme Perreault (Marie-Claude) : Oui. «Sans délai», une présomption, je l'ai entendu tantôt, c'est inconcevable, là, dans notre système actuel, sans présomption. Notre système, tout notre système, qui fonctionne bien, est basé sur la crédibilité, le lien de causalité, la présomption, les faits contemporains à un diagnostic. Nous connaissons ces éléments-là et nous les appliquons, on va pouvoir les appliquer aussi sur le harcèlement. Puis donc le trois mois, pour nous, s'il était maintenu, je ne crois pas qu'il devrait être allongé.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.

M. Boulet : Super... Bien compris. J'aurais... Oui, O.K., ça va. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la...

M. Boulet : Merci à Me Perreault. Merci, Karl.

M. Blackburn (Karl) : Ça fait plaisir.

La Présidente (Mme D'Amours) : Je cède maintenant la parole à la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Cadet : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Blackburn, bonjour, Me Perreault.

M. Blackburn (Karl) : Bonjour.

Mme Cadet : Toujours un plaisir. La première question... Donc, j'irais peut-être dans l'ordre de votre mémoire. Donc, vraiment, donc, sur la question de la définition des violences à caractère sexuel, vous n'êtes pas le premier groupe à nous parler aujourd'hui de la possibilité de confusion ici, puis vous amenez la question de la notion de gravité, puis c'est un élément qu'on retrouve dans un autre mémoire également, là, on devrait en entendre parler au cours des prochains jours aussi. Donc, dans les différents... donc, dans les différentes sphères, donc, il semble donc y avoir, donc, potentiellement, donc, un risque, selon ce que je lis de votre mémoire, que cette définition-là, donc, ne trouve pas nécessairement sa place au sein de notre corpus législatif. C'est ce que c'est... C'est là votre préoccupation?

Mme Perreault (Marie-Claude) : Je ne dirais pas que ça n'a pas de raison d'être dans notre corpus législatif, j'y vais plus sur le principe de la cohérence législative, et puis là on prend des termes différents, alors qu'on les connaît, ces termes-là, on travaillait avec le harcèlement sexuel avant la venue du projet de loi, bien entendu, on les plaidait sous l'article 2 et tout. Donc, c'est juste de s'assurer que les définitions soient identiques, parce que là on a l'impression que ça vise une autre situation, et j'irais même... d'après moi, ça pourrait même être confondant pour les victimes qui ont à déposer un recours ou une plainte. Alors, selon moi, c'est une question de peaufinement de la définition pour s'assurer... parce que, là, on a l'impression que ça vise un tout type autre situation, ce qui n'est pas le cas selon ma compréhension des choses.

Mme Cadet : Ensuite, étant donné le temps qui nous est imparti, bien, peut-être justement, là, sur la question que vous m'avez entendue poser un peu plus tôt, là, de... provenant de toute personne, puisqu'on n'a pas eu l'occasion d'en discuter, donc, avec le ministre, donc, essentiellement, donc, parce que ce que je lis de votre mémoire, la notion, donc, semble être assez large, donc. Plus tôt, donc, la CSQ nous disait donc : Toute personne qui... tout tiers... La portée n'était pas nécessairement tout à fait définie. Donc, vous, est-ce que vous...  j'imagine, vous trouvez que la définition, donc, n'est pas assez précise ici et que ça porte... en fait, ça peut prêter... confusion, là, au niveau d'un employeur.

Mme Perreault (Marie-Claude) : Oui. Bien, en fait, toute personne... l'employeur ne peut pas être responsable du comportement de toute personne, point, il faut que ça soit dans un contexte de travail et tout. Mais là, la façon dont c'est rédigé, c'est une responsabilité de prévention à l'égard du comportement de tout le monde, là. Alors, ce qu'on voit beaucoup dans la jurisprudence puis ce qu'on plaidait, comme je disais, avant le p.l. n° 42, c'est que c'est sûr qu'une personne...

Mme Perreault (Marie-Claude) : ...qui doit intervenir avec les travailleurs, qui doit se présenter sur les lieux du travail, qui doit avoir des interactions, bien, l'employeur a une obligation de prévenir, donc l'employeur a une obligation de s'assurer que sa politique de harcèlement, qu'elle soit psychologique ou sexuelle, soit connue aussi des partenaires d'affaires. Alors, c'est plus là où on doit circonscrire. Donc, encore là, je pense que ce n'est pas une question d'intention trop large, mais peut-être de peaufinement de la rédaction pour s'assurer que c'est bien compris de tous, que ce sont les gens qui ont des interactions. Je le dis, ce n'est pas comme ça que le législateur devrait l'écrire, mais c'est une personne qui a des interactions avec les salariés qui sont protégés et qui sont visés par la politique.

Mme Cadet : D'accord, merci. C'est très clair. Prochain élément porte sur le lien... bien, le lien de connexité plus tôt, donc, vous disiez, donc le contexte strictement privé, donc, pour vous, tout simplement, ça n'existe pas. Puis moi je perçois une espèce d'unanimité ici, donc, groupe après groupe, peu importe, donc, les intérêts qui sont... qui sont visés, donc, semblent nous dire : Bien, c'est très difficile de ... bien, en fait, ça continue de perpétuer des... mêmes des stéréotypes, là, lorsqu'on met, donc, cet cjout-là dans... cette expression-là, dans le projet de loi, de contexte strictement privé. Donc, c'est... vous souscrivez un petit peu dans ces éléments-là aussi.

• (17 h 40) •

Mme Perreault (Marie-Claude) : Oui. Puis j'ai entendu mes collègues de la CSQ tantôt, oui, c'est une preuve qui est extrêmement difficile à faire. Mais je comprends l'intention, l'intention, c'est de permettre à l'employeur de pouvoir renverser la présomption. Mais le point de vue du CPQ, c'est que la loi telle qu'elle est rédigée à l'heure actuelle et... nous pouvons l'utiliser en matière de harcèlement, il n'est pas nécessaire de créer une présomption additionnelle pour qu'elle puisse s'appliquer. On a les articles 28, on a les articles 29. On pourrait faire des petites modifications en lien avec le diagnostic, mais là on crée une nouvelle présomption, puis on permet à l'employeur... on dit : Elle est réfragable, donc vous pouvez faire la preuve que c'est strictement privé. Mais pratico-pratique, dans les faits, après 33 ans, je ne sais pas, je me pose la question, je ne sais pas comment je pourrais administrer une telle preuve.

Donc, j'inviterais le législateur, le gouvernement à s'en remettre aux présomptions qui sont actuellement dans la loi, qui font le travail, qui font le travail.

Mme Cadet : Parfait. Merci. Je vais laisser le reste de mon temps...

La Présidente (Mme D'Amours) : Et je vais céder maintenant la parole à Mme la députée de La Pinière. Pour votre groupe, il vous reste quatre minutes.

Mme Caron : Merci, Mme la Présidente. Alors, merci beaucoup à vous deux, à votre présence et à votre présentation. D'entrée de jeu, vous avez mentionné que vous représentez 70 000 employeurs de toutes tailles. Ma question à vous : Est-ce que le projet de loi, dans l'état actuel ou avec ou sans vos recommandations intégrées, est-ce qu'il est applicable pour l'ensemble de vos... de vos membres, peu importe la taille de l'entreprise?

Mme Perreault (Marie-Claude) : Mais je vais vous dire quelque chose d'emblée, le fait que le harcèlement sexuel et psychologique soit interdit et dénoncé, ça, ça s'applique à tous les employeurs d'une petite PME à une multinationale. Et le CPQ va toujours soutenir ceci.

Ceci étant dit, il y a des petites particularités dans la loi, notamment sur le fardeau imposé aux médecins désignés, les coûts additionnels que ceci va entraîner, le fait que la politique soit vraiment détaillée, bien, une petite entreprise n'a pas le même... la même réalité qu'une multinationale ou qu'une moyenne entreprise. Et de là nos commentaires spécifiques sur ces dispositions-là qui méritent probablement d'être peaufinées pour que tous puissent y adhérer et qu'elles soient applicables aux entreprises du Québec.

Mme Caron : Merci beaucoup. Vous avez mentionné la question du... de l'accès au dossier médical et vous avez dit : Le médecin doit donner uniquement les renseignements utiles, nécessaires, et que ce n'est peut-être pas les informations que l'employeur... dont l'employeur a besoin. Est-ce que vous pour... sur ce point?

Mme Perreault (Marie-Claude) : Oui, bien sûr. Oui, rapidement, c'est que les modifications qui sont proposées indiquent que, maintenant, le médecin désigné ne pourra communiquer à l'employeur que les informations nécessaires. Je vous fais grâce du reste de la phrase, là, mais pour l'exercice des droits. Donc, le médecin aura une obligation de faire le tri...

Mme Perreault (Marie-Claude) : ...pour se poser la question : Quelles sont les informations qui seront nécessaires pour l'employeur pour exercer les droits sous peine d'avoir une plainte pénale entre 1 000 et 5 000 $? Je peux vous garantir... Je touche... Je peux vous garantir qu'on avait de la difficulté à trouver des médecins désignés. Avec les modifications telles que rédigées, il n'y a pas un médecin en médecine du travail qui va oser s'aventurer et décider quelles sont les informations utiles... ou nécessaires, pardon, pour l'employeur. Ça va être une grande difficulté.

Mme Caron : ...les médecins spécialisés dans ce domaine-là ont la formation pour... en matière de harcèlement psychologique, pour savoir, selon la définition de la loi, ce qu'on entend, ce qui constitue du harcèlement ou ce qui constitue une violence à caractère sexuel? Est-ce que ces médecins...

Mme Perreault (Marie-Claude) : Non.

Mme Caron : Donc, alors, peuvent-ils vraiment être à même de donner uniquement les informations nécessaires pour statuer finalement sur des cas comme ça?

Mme Perreault (Marie-Claude) : Non. Il y en a qui peuvent peut-être plus que d'autres, bien entendu, là j'en fais une règle générale, mais non. Et l'employeur, quand on reçoit les avis des médecins désignés puis qu'on regarde le dossier médical, on fait un tri aussi dans ces éléments-là puis on évalue à fonction de ça, on a l'éclairage nécessaire pour prendre une décision. Là, c'est le médecin qui devra le faire. Je pense que ce qui va arriver, c'est qu'on va être obligé d'aller au Bureau d'évaluation médicale et au Tribunal administratif du travail, aller chercher une ordonnance pour se faire communiquer le dossier et prendre une décision éclairée, ce qui, avec les délais actuels du BEM et ce qu'on connaît au TAT, je ne pense pas que c'est souhaitable dans les circonstances. Il peut y avoir un effet pervers à cette limitation.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci beaucoup. Nous terminons avec... cette période d'échanges avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve pour une durée de trois minutes 23 secondes.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour à vous deux.

M. Blackburn (Karl) : Bonjour.

Mme Perreault (Marie-Claude) : Bonjour.

M. Leduc : On a fait référence plus tôt à l'adoption d'un règlement qui sera nécessaire suite à l'adoption de ce projet de loi là puis, un peu comme ce qu'on avait fait dans le cadre du projet de loi n° 59, on avait réfléchi à une limite, une date limite où on devrait pouvoir avoir à adopter ce règlement-là, sinon l'État, le ministre en particulier, se verrait un peu dans l'obligation d'appliquer... C'était une espèce de mécanisme pour forcer la bonne entente, en quelque sorte, s'assurer qu'il y ait un résultat des discussions, que ça ne soit pas pelleté de manière éternelle... Puis là je ne lance pas de blâme d'une partie ou d'une autre, là, mais c'est juste un constat qu'on faisait. Là, où je veux atterrir, c'est que là, il y a des gens qui proposent de faire la même chose, de mettre une date limite de deux ans ou des poussières, quelque chose comme ça, pour dire s'il n'y a pas de règlement, on oblige le ministre à le faire. Est-ce que c'est quelque chose avec lequel vous êtes confortables?

Mme Perreault (Marie-Claude) : J'ai entendu votre question tantôt et j'ai eu la chance d'y réfléchir. Vous savez que tant les membres patronaux que syndicaux travaillent extrêmement fort sur nos comités. J'en suis témoin moi-même. Le paritarisme, les discussions, il y a des travaux... si vous saviez tous les travaux que ces gens-là... et que nous faisons également, c'est costaud, c'est colossal. Donc, de mettre un délai, c'est de mettre aussi de la pression sur l'ensemble des comités qui sont déjà extrêmement chargés. Puis ce n'est pas parce que les gens se traînent les pieds, je vous dis, c'est incroyable de voir ça, c'est... c'est respectable, puis je le répète, c'est patronal et syndical. Donc, de mettre un délai, est-ce qu'on ne vient pas mettre un peu trop de pression dans la machine qui est déjà surchauffée compte tenu de l'ensemble de la réglementation qui doit être adoptée suite au p.l. 59? Je vous retourne un peu la question, là. Je n'ai pas l'air à trancher. Mon idée n'est pas nécessairement arrêtée, mais c'est venu me questionner sur l'impact que ceci pourrait avoir sur l'ensemble de nos comités, des gens qui sont la plupart bénévoles aussi, hein...

M. Leduc : Bien sûr.

Mme Perreault (Marie-Claude) : ...sur ces comités-là et qui travaillent très fort.

M. Leduc : L'esprit de ça, dans 59 en tout cas, comment moi je l'avais perçu, ce n'était pas de dire que les gens qui sont actuellement en train de travailler sur des comités se traînent les pieds ou se tournent les pouces. Bien au contraire, c'était plus dans une philosophie de se dire : Peut-être que ça faciliterait politiquement des compromis entre les deux parties, de savoir qu'il y a une date butoir au-delà de laquelle, tu ne sais pas trop, le ministre, il va pencher de quel bord. Ça va-tu être le même ministre? Ça va être le même parti au pouvoir? Ça forçait un peu les deux parties à trouver plus rapidement des compromis. À la limite, je me disais : Peut-être que ça va accélérer les travaux plutôt que bousculer le reste de l'ensemble. Donc, c'est un peu ça la philosophie qu'on avait fait dans 59, et je pense que c'est ce que...

M. Leduc : ...j'ai entendu aujourd'hui aussi.

Mme Perreault (Marie-Claude) : Oui, bien, la pression politique, c'est une chose, mais je peux vous dire, puis j'ai vu tous mes vis-à-vis, tantôt, qui ont présenté, avec qui on a d'excellents liens et des échanges très constructifs, la pression... la pression d'une décision, ce n'est pas nécessairement ça qui nous anime, mais c'est de trouver la meilleure solution pour protéger nos milieux de travail et que ce soit... que l'ensemble des employeurs puissent et aient la capacité de le faire et adhèrent aux solutions qui sont mises sur la table. Ça peut peut-être avoir cet effet-là, mais ce n'est pas ce qui gouverne les discussions des parties aux tables sur l'ensemble des comités.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Je vous remercie, M. Blackburn et Mme... Me Perreault, pour votre contribution à nos travaux, à la commission.

Mme Perreault (Marie-Claude) : Avec plaisir.

La Présidente (Mme D'Amours) : Et je suspends les travaux quelques minutes afin de permettre aux prochains invités de prendre place. Merci.

M. Blackburn (Karl) : Merci de votre attention. Au revoir.

La Présidente (Mme D'Amours) : Au revoir.

(Suspension de la séance à 17 h 50)

(Reprise à 17 h 54)

La Présidente (Mme D'Amours) : Nous reprenons nos travaux, et je souhaite maintenant la bienvenue à la Fédération des chambres de commerce du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange. Je vous demande donc de vous présenter et de nous lire votre exposé, s'il vous plaît.

M. Milliard (Charles) : Alors, merci, Mme la Présidente. M. le ministre, Mmes, MM. les députés, bonsoir. Merci de nous accueillir pour vous parler de l'important projet de loi no 42, qui vise à prévenir et à combattre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en milieu de travail. Je profite aussi de l'occasion pour vous souhaiter une bonne rentrée parlementaire à tous et à toutes.

Alors, je me présente, Charles Milliard, P.D.G. de la FCCQ. Je suis accompagné de mes deux experts, j'allais dire maison, mais deux experts point, M. Alexandre Gagnon, donc, qui est vice-président Travail, Capital humain, et Mme... Me Zeïneb Mellouli, qui est coprésidente de notre comité Ressources humaines et associée au cabinet d'avocats Lavery.

Alors, d'entrée de jeu, je mentionne à quel point nous sommes heureux de l'évolution récente de notre société envers le sujet qui nous rassemble aujourd'hui. Les mouvements sociaux des dernières années ont démontré l'importance de décrier haut et fort les abus et les violences à caractère sexuel dans notre société. Avec les mouvements Dis son nom et Me too, la parole se libère enfin au sujet des inconduites sexuelles, tout en mettant en lumière certaines lacunes de notre système judiciaire. Évidemment, notre système de gestion de ces violences à caractère sexuel en milieu de travail a également besoin d'être dépoussiéré.

Alors, si vous avez accepté de nous recevoir aujourd'hui, c'est pour vous donner le... qu'on vous donne le pouls, en fait, du milieu économique, alors, c'est ce qu'on fait avec les 11 recommandations qu'on a conclues, qu'on a écrites, en fait, dans notre mémoire et qui sont le reflet de discussions avec nos membres, à travers, entre autres, les comités de travail que représente Me Mellouli ici ce soir. Alors, évidemment, on prend ces recommandations pour ce qu'elles sont, c'est-à-dire un exercice qui vise à préciser la portée du texte original et non une critique du concept derrière le projet de loi, auquel, je le rappelle, nous souscrivons totalement, et je crois que c'est le cas de l'ensemble des participants depuis ce matin.

Parmi les enjeux soulevés, de façon globale, on note la complexité du système de dénonciation, les multiples portes d'entrée du même système et le manque de soutien auprès des victimes. Alors, collectivement, nous devons faire mieux pour nous assurer d'éliminer la culture d'impunité encore présente dans certains milieux de travail. Je me permets, dans les prochaines minutes, de souligner quelques-unes des recommandations de façon plus précise.

Alors, premièrement, il est primordial, selon nous, de bien définir ce qu'est une violence à caractère sexuel. À première vue, on convient qu'une définition très large peut avoir des avantages certains. Cependant, lorsque prise dans un contexte légal, ce qui est malheureusement souvent le cas, et en examinant son application éventuelle, il nous apparaît impératif d'y apporter des précisions. De plus, pris dans un contexte... d'admissibilité, pardon, une définition plus précise permettrait une plus grande adhésion à l'application éventuelle d'une présomption. Le projet de loi no 42 à l'étude aujourd'hui propose d'ailleurs l'ajout de deux présomptions.

Pour mémoire, on l'a mentionné plus tôt aujourd'hui, rappelons qu'avec l'adoption du projet de loi no 59 venant moderniser le régime québécois de SST, le législateur a prévu la création d'un comité scientifique sur les maladies professionnelles afin d'effectuer une analyse rigoureuse et scientifique des présomptions à ajouter aux règlements pertinents. Selon notre compréhension, d'ailleurs, ce comité devrait être constitué très prochainement, et son travail, il est crucial. En plus d'examiner la pertinence scientifique, d'où le nom, de l'ajout des présomptions, ce même comité pourra proposer des liens de causalité entre certains diagnostics et la présence de risques avérés dans certains milieux de travail et émettre, donc, conséquemment, certaines balises quant à la gravité mais aussi à la fréquence d'exposition de ces risques.

C'est donc en respect des consensus intervenus auprès des acteurs sociaux, mais également des divers parlementaires qui ont participé à l'adoption du p.l. no 59 qu'on vous propose bien humblement que ces articles soient retirés du présent projet de loi et qu'un mandat officiel soit donné au Comité scientifique sur les maladies professionnelles de se pencher sur la question. La pertinence du travail du comité nous apparaît tout aussi valide et valable pour le p.l. 59 que pour le p.l. no 42.

Sur un autre sujet, la pandémie a généralisé le recours au télétravail, comme vous le savez...

M. Milliard (Charles) : ...au cours des dernières années. Même si les bons côtés de cette pratique sont de toute évidence très clairs, ça signifie également que le travailleur est dorénavant exposé à d'autres risques dans un environnement qui n'est pas contrôlé par l'employeur et sur lequel il doit même assurer une certaine réserve, évidemment, concernant le respect de la vie privée.

La CNESST définit une lésion professionnelle comme étant une blessure ou une maladie survenue par le fait ou à l'occasion du travail. Dans un contexte de prévention des violences à caractère sexuel en situation de télétravail, il nous apparaît opportun qu'on vienne de spécifier que la blessure ou la maladie est survenue par le fait et à l'occasion du travail. Il ne s'agit pas d'une mince affaire ici, j'en suis conscient, mais c'est pourtant essentiel. Même si les employeurs ont dorénavant une obligation de vigilance et d'accommodement en regard aux violences familiales, l'indemnisation d'un tel événement devrait être balisée afin d'éviter qu'un événement s'assimilant de violence à caractère sexuel survenu dans le cadre du travail, mais non par le fait du travail, ne soit pas couvert par la commission. Alors évidemment, on ne dit pas de ne pas supporter ces victimes, bien au contraire, mais que cette indemnisation devrait plutôt être faite par le Régime d'indemnisation des victimes d'actes criminels, l'IVAC. Bref, à chaque régime sa mission, à chaque régime sa responsabilité.

• (18 heures) •

Parlons maintenant du dossier médical, on l'a abordé plus tôt aujourd'hui. Même si le projet de loi a pour objectif de prévenir et de combattre le harcèlement et les violences à caractère sexuel, il vise parfois beaucoup plus large et vient changer certains éléments pour l'ensemble des lésions professionnelles. Il le fait notamment, comme vous le savez, en proposant de modifier les articles 38 et 39 de la Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles en rapport donc à l'accès au dossier médical du travailleur.

Sur le fond, on comprend très bien et on supporte la pertinence de limiter l'accès à des informations hautement confidentielles quant à l'état de santé du travailleur. Cependant, dans la pratique, certains... ces articles, pardon, viendraient, porter un fardeau administratif encore plus grand pour les professionnels de la santé, et nous craignons que, plutôt que d'alléger le fardeau pour l'ensemble des parties prenantes, y compris les victimes, ces articles risquent de ralentir, alourdir et évidemment judiciariser encore davantage les dossiers. Il y aurait lieu, selon nous, de viser une meilleure efficience et de rappeler encore une fois la pertinence du droit de gestion dans nos organisations, entre autres dans une perspective de planification potentiellement du retour au travail.

Finalement, le projet de loi vient également préciser le contenu de la politique de prévention et de prise en charge des situations de harcèlement psychologique. Nous sommes d'accord qu'un employeur doit évaluer et prendre en compte l'ensemble des éléments qui y sont considérés, mais nous faisons face ici, selon nous, un exemple de redondance comparativement à ce qui est demandé aux employeurs dans le cadre du programme de prévention prévu à la LSST. Le projet de loi vient d'ailleurs proposer l'intégration de la politique aux programmes de prévention de l'employeur. Par souci de cohérence législative et afin d'éviter la multiplicité des recours, la multiplicité des parcours, il nous semblerait plus simple de limiter les exigences prévues en ce sens dans la Loi sur les normes du travail, et même d'évaluer la pertinence d'éviter le dédoublement de responsabilités en transférant les articles en regard à la prévention du harcèlement psychologique dans la Loi sur la santé et sécurité du travail.

Alors, en conclusion, je le répète, nous supportons les objectifs poursuivis par le projet de loi n° 42. Comme tout projet de loi, il demeure perfectible, et la prise en considération par la commission de nos questionnements et recommandations ce soir assurera, je pense, une meilleure appropriation par les employeurs de vos intentions comme élus lors de la mise en application sur le terrain. Je termine encore une fois en saluant l'initiative du ministre et du gouvernement de s'attaquer à cet important enjeu de société. Merci.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Je vous remercie pour votre exposé. Nous commençons notre période d'échange. M. le ministre. La parole est à vous.

M. Boulet : Merci à la FCCQ. Charles, excellente présentation raisonnée et articulée comme d'habitude d'ailleurs, puis on ne se rappelle pas assez souvent que, selon Statistique Canada, 49 % des travailleurs, travailleuses ont observé ou subi un comportement sexualisé inapproprié ou discriminatoire dans leur milieu de travail, là, dans les 12 mois précédant l'échantillon pris par Statistique Canada, et je trouve des recommandations intéressantes. Comme vous savez, les consultations sont précédées d'une étude détaillée. Je suis ainsi à l'aise avec une définition qui ne soit pas trop variée, là,q puis qu'elle soit la plus uniforme possible pour éviter ce que vous appelez, là, que ce soit confondant. En même temps, il faut aussi considérer que la Loi santé, sécurité a un objectif de prévention, la Loi sur les accidents de travail a un objectif d'indemnisation, puis la Loi sur les normes du travail, c'est une loi comme son titre le dit, de normes et de recours. Ça fait que les définitions peuvent avoir à s'adapter en tenant compte de l'objectif...


 
 

18 h (version non révisée)

M. Boulet : ...de la loi, mais on va certainement porter une attention particulière à ça.

Pour les présomptions, ce que vous dites... le Comité scientifique sur les maladies professionnelles devrait être mandaté pour déterminer, puis j'aimerais ça vous entendre un peu plus, M. Milliard, sur ce point-là. En fait, ce que vous dites... puis on a donné des mandats, là, dans le contexte du projet de loi no 59, au comité scientifique, notamment d'identifier les maladies qui sont plus prévalentes dans des environnements à prépondérance féminine, mais là vous dites d'identifier des diagnostics ou des paramètres qui permettraient de guider les tribunaux qui appliquent la loi, dans la détermination de ce qui est une violence à caractère sexuel et ce qui devrait être indemnisé, hein, c'est ce que vous nous proposez, M. Milliard?

M. Gagnon (Alexandre) :Ça ressemble beaucoup à ça, effectivement, vous avez bien compris le principe. En fait, c'est que cette définition-là, il faut également la regarder en regard d'en quoi elle va être utilisée, éventuellement. Elle va être utilisée en prévention. À la limite, est-ce qu'un milieu doit évaluer l'ensemble des risques, l'ensemble des circonstances à laquelle un travailleur ou une travailleuse va être exposé à la violence à caractère sexuel? D'accord, on en est. Cependant, lorsqu'on va regarder, la définition va également être utilisée, probablement, avec la CNESST pour évaluer, par exemple, une tolérance zéro. Est-ce qu'une tolérance zéro, c'est l'implication? Qu'est-ce que ça veut dire? Ça veut dire que, notamment, peu importe les efforts mis par l'employeur pour mitiger les risques, peu importe les efforts par l'employeur pour contrôler et réagir à cette situation-là, la survenance même d'une telle situation qui est incluse à la définition, par exemple, de violence à caractère sexuel aussi large, est une prise en défaut de l'employeur et peut mener à un avis de dérogation automatiquement ainsi qu'à une amende correspondante.

Un autre des impacts potentiels, c'est lorsqu'on va l'utiliser également, potentiellement, dans le cadre des présomptions. Lorsqu'on utilise une définition aussi large sans prendre en compte, potentiellement, une potentielle gravité de l'acte, ou la fréquence, ou le type d'actes, évidemment, l'interprétation qu'un tribunal pourrait faire de cette définition-là pourrait venir dire que le moindre écart, même s'il a été pris en compte et qu'il est arrivé à une seule occasion, pourrait donner droit à une reconnaissance de la présomption. Et on va parler, notamment, en santé psychologique... c'est un grave problème au niveau des diagnostics en santé psychologique. Il y a beaucoup de contestation qui est faite en lien avec les lésions psychologiques parce que les diagnostics qui sont faits par les médecins sont... ne suivent pas toujours les bonnes pratiques reconnues, notamment par les manuels de bonnes pratiques, en ce sens, là, qu'on appelle à la bonne franquette le DSM. Donc...

Des voix : ...

M. Gagnon (Alexandre) :Donc, il y a... le DSM en lui-même nous permet de CAN de bien comprendre le diagnostic, de bien l'utiliser. Les médecins n'ont pas toujours l'expertise pour l'utiliser, malheureusement. Ça nous permettrait, effectivement, de bien... de mieux baliser, de mieux encadrer la pratique et de mieux accompagner, également, les victimes dans le processus d'admissibilité de leurs lésions, et de leur rétablissement, même.

M. Boulet : Puis ce que vous avez en tête, c'est éventuellement de réduire le nombre de contestations sur un des aspects médicaux prévus à 212 de la loi, notamment le diagnostic, parce que le comité scientifique donnerait un guide aux parties, notamment les employeurs, pour asseoir clairement l'admissibilité de la lésion professionnelle, incluant bien sûr la maladie professionnelle. Je comprends ce point-là.

Quand vous dites, et là je vous ai échappé un peu, là, «par le fait et à l'occasion du travail», ça, c'est relativement nouveau. Ça, c'est la définition d'une lésion, là, ou un accident, «un événement qui survient par le fait ou à l'occasion du travail». Par le fait du travail, la démonstration est plus facile à faire, mais c'est «à l'occasion», où on a développé, comme vous savez, Me Mellouli, un critère de connexité. Est-ce que par le fait et à l'occasion du travail... est-ce que ce n'est pas un fardeau additionnel?

Mme Mellouli (Zeïneb) : Bien, en fait, on comprend que l'objectif, comme le soulignait aussi nos collègues du CPQ, est également de permettre à l'employeur de renverser, donc, la présomption, mais...

Mme Mellouli (Zeïneb) : ...on voit à la fin de la définition, c'est que, finalement, le fardeau va être intrinsèquement lié à un contexte qui est, hautement et spécifiquement, de la sphère privée, ce qui ajoute, finalement, un degré de complexité dans...

M. Boulet : O.K., je comprends.

Mme Mellouli (Zeïneb) : ...qu'est-ce qu'on entend par «à l'occasion ou/et en lien avec le travail», considérant que le degré de renversement de fardeau de preuve est plus élevé pour l'employeur.

M. Boulet : O.K. Mais le «ou»... le «et», plutôt que le «ou»... mais, en fait, par le fait... «et/ou à l'occasion du travail» permettrait d'évacuer le concept de strictement privé, le contexte strictement...

Mme Mellouli (Zeïneb) : À notre avis, ça pourrait être une interprétation qui viendrait, à tout le moins, porter un certain ombrage au fardeau de l'employeur pour renverser la présomption qui est établie dans la loi. Évidemment, il y a aussi 28.0.2, qui réfère, tout simplement, au lieu de travail, sans préciser le lien de connexité, et, pour nous, bien, cette application là de 28.0.2 pourrait amener toutes sortes de situations qui pourraient donner lieu à des admissibilités de maladie dans un contexte qui est hautement de la sphère privée, et qui n'a pas de lien, de connexité avec le milieu de travail.

• (18 h 10) •

M. Boulet : C'est un bon point, excellent point. La politique, maintenant, incluse dans le programme ou le plan d'action. Nous, on considérait que c'était une façon d'éviter la coexistence ou la cohabitation d'une politique et d'un programme. Qu'est-ce que vous... À cet égard là, vous dites : Le contenu minimal devrait être allégé — ce qu'on a mis dans le p.l. n° 42 — et laisser aux partis qui doivent se prendre en charge de faire le travail, de délimiter les mesures de prévention, programmes de formation, information, l'identification, et comment on peut éliminer les risques psychosociaux. C'est votre... C'est ce que vous proposez, hein, qu'on diminue le... ou qu'on dilue le contenu minimal?

M. Gagnon (Alexandre) :En fait, on ne veut pas nécessairement le diminuer. C'est simplement de l'amener à la bonne place, pour éviter les confusions. Vous venez, dans le projet de loi... il vient... on vient ajouter, notamment, dans les risques que le programme de prévention doit évaluer, notamment, les risques en lien avec les violences à caractère sexuel. Donc, lorsque les milieux vont évaluer les risques, les circonstances, le niveau d'exposition, la probabilité que ces risques-là surviennent, ils vont évaluer les mécanismes à prendre en place pour éviter que ça survienne, mais, également, comment réagir lorsque ça arrive. C'est le même mécanisme pour l'ensemble des risques qu'on va retrouver dans le milieu de travail.

Donc, pour nous, il y a, actuellement, un projet de règlement sur les mécanismes de prévention, qui vient baliser le contenu d'un programme de prévention, et ce serait une bonne occasion de venir intégrer, peut-être, les petites parties qu'il va manquer, pour s'assurer que, lorsqu'il y a un recours, ou lorsque les parties vont regarder leurs programmes de gestion des situations de harcèlement en milieu de travail, bien, qu'on le fasse sous un seul regard, plutôt que deux, pour éviter la confusion puis, même, la redondance réglementaire, législative. Donc, amenons ça à un endroit, amenons les... recours, les litiges potentiels à un endroit, plutôt que de le multiplier sur plusieurs plateformes. Rappelons qu'un des constats des rapports était, justement, la complexité de se retrouver au sein des différentes législations en lien avec les violences à caractère sexuel, autant pour les victimes que pour les employeurs. Il y a une belle occasion, là, de mener à la pratique, en ramenant ça à un endroit, l'ensemble des responsables liées avec cette politique.

M. Boulet : Ça aurait pour effet d'enlever une certaine lourdeur et de permettre une meilleure efficacité. Moi, je mettrais en parallèle les obligations de l'employeur, qui sont prévues à l'article 51 de la loi santé et sécurité, avec l'ensemble de ce qui est prévu dans le contenu minimal de notre politique de prévention, puis essayer de faire une fusion qui simplifierait, là. Moi, je trouve ça intéressant que ça nous amène à faire une réflexion de cette nature-là. O.K., moi, ça me va. Est-ce que vous vous êtes exprimés sur la désimputation, M. Milliard ou Me Mellouli, la désimputation?

M. Gagnon (Alexandre) :Est-ce que tu y vas?

M. Milliard (Charles) : Tout le monde veut répondre.

Mme Mellouli (Zeïneb) : On s'est prononcés, dans le cadre de notre mémoire, sur la désimputation. Alexandre, je peux te laisser expliquer.

M. Gagnon (Alexandre) :Oui. Évidemment, dans les circonstances, pour nous, on comprend les bienfaits puis les potentielles déjudiciarisations que ça pourrait amener. On reconnaît que, dans certaines circonstances, certains employeurs qui ont peu de...

M. Gagnon (Alexandre) :...moyens, qui ont de la difficulté parfois à connaître les rouages des systèmes, à ne peut-être pas amener à contester une lésion lorsqu'il y a une désimputation.

Cependant, et je vais être complémentaire avec nos collègues du CPQ qui sont passés auparavant, la reconnaissance puis l'admissibilité d'une lésion, au niveau de la... de l'indemnisation, ça va régler le dossier, d'accord, et avec tous les caveats que notre collègue a pu parler tout à l'heure, mais le dossier n'est pas terminé pour autant. Il peut également... Ça va ouvrir la porte en lien avec des potentielles enquêtes en inspection, hein? Vous savez, lorsqu'il y a... Il pourrait y avoir un inspecteur qui vienne dire : Vous avez reconnu tacitement qu'il y a eu une violence à caractère sexuel dans votre milieu de travail, donc, maintenant, vous êtes exposés à des... à des inspections liant ça, puis démontrez-nous que qu'est-ce que vous allez mettre en place... alors que peut-être il n'y en a pas eu. On ne le sait pas, il n'y a pas les outils en place pour déterminer, faire cette enquête-là.

Ça peut amener à également d'autres démarches. Rappelons-nous toutes les démarches potentielles en lien avec la Commission des droits de la personne, qui peut également intervenir dans ces situations-là, avec les... dans les situations de harcèlement psychologique, notamment. Et la désimputation a également l'effet, dans notre système, de ne pas permettre à l'employeur d'avoir accès au dossier administratif qui a permis l'admissibilité de la lésion. Donc, l'enquête que la CNESST fait pour voir est-ce que, bel et bien, la lésion est consécutive à un accident ou à un événement dans le lieu de travail, l'employeur n'aura pas accès à ces informations-là parce qu'il n'est pas imputé. Donc, si vous lui demandez d'être tributaire, d'être... d'être... d'avoir toujours la responsabilité en lien avec d'autres recours potentiels, et d'avoir une reconnaissance tacite que l'événement s'est bel et bien... est bien et bien arrivé dans son milieu de travail, malgré qu'il n'y ait pas eu tous les outils pour faire l'enquête convenablement, il y a un bris de... il y a un bris de confiance, il y a un bris de... de... d'accès à toute l'information potentielle pour exercer ses droits. Et c'est là qu'on ne recommanderait pas à des employeurs de ne pas contester, malgré cette désimputation-là.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci beaucoup. C'est tout le temps que nous avions pour le premier bloc d'échange. Je me tourne maintenant au... à l'opposition officielle. Je cède la parole au... à la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Cadet : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, bonjour à toute l'équipe de la FCCQ. Merci d'être là cet après-midi.

Ma première question, bien, portait justement, donc, sur toute la... sur tout l'aspect de la désimputation. Vous... Et puis je pense que vous venez un petit peu, donc, d'élaborer sur ce point-là parce que vous liez intimement votre recommandation de maintenir l'imputation des coûts de prestation aux employeurs dans tous les cas au maintien du droit d'accès aux dossiers d'enquête de la Commission. Donc, je voulais mieux comprendre, donc, comment est-ce que vous vous nouez, donc, ces deux liens là, et puis si... en fait, vous en faites deux, deux propositions de recommandation distinctes, là, l'une de l'autre, et nous, comme législateurs, comment est-ce que vous voyez, là, notre rôle, là, face à cette recommandation-là?

M. Gagnon (Alexandre) :La désimputation a comme rôle de venir corriger des situations où l'employeur n'est pas complètement responsable d'une situation, hein? C'est ça, le principe, un petit peu, derrière la désimputation. C'est qu'il n'y a pas nécessairement l'ensemble des responsabilités qui a amené à la... aux coûts et à l'indemnisation. On n'est pas dans cette... on n'est pas dans cette situation ici. On est dans une situation où on dit : il est peut-être responsable, il ne l'est peut-être pas, on... l'objectif, c'est d'éviter une contestation. Donc, ce n'est peut-être pas le bon véhicule qui est utilisé, là, ici. Et ultimement, il faudrait peut-être voir autrement d'en arriver à un objectif, notamment, d'avoir des meilleurs diagnostics, potentiellement. Donc, c'est plus en ce sens-là qu'on voit.

Évidemment, vous allez parler un employeur, vous allez lui dire : il y a une présomption, la définition est très large, vous n'avez pas accès au dossier, évidemment, il va vous dire : Bien, comment voulez-vous que je me défende ou que je regarde le bien-fondé de la réclamation? Évidemment, il va préférer que ça soit désimputé à ce moment-là, mais on ne répond pas, on ne résolut pas... on ne résout pas le réel enjeu en arrière, on ne... on ne s'assure pas que l'employeur a le... l'ensemble des outils à sa disposition pour exercer ses droits.

Mme Cadet : C'est intéressant, ce que vous avez mentionné sur le rôle de la désimputation. Parce que toute la journée, évidemment, donc, oui, on a... bien, d'une part, là, on a beaucoup entendu, donc, l'aspect de la déjudiciarisation des dossiers, donc, ce véhicule-là, en se disant : Bien, ça va permettre d'éviter une survictimisation, que les... donc, bon, que les... que les...

Mme Cadet : ...plaignantes aient à revivre donc l'événement, donc, plusieurs fois. Mais... mais chaque fois, donc, ce qu'on nous a dit, c'est que non, on n'est pas dans un... dans un contexte de... d'imputation, on n'est pas de l'imputabilité. Mais là vous dites, dans le fond, il y a quand même une certaine phase... il y a... une certaine partie, donc, de la désimputation, là, qui relève de la responsabilité, là, parce que je pense que... bien, en fait, le gros volet, là, qui est desimputé, donc, c'est surtout le contexte de surdité. Donc, ça... ça convient un peu à la définition que vous donnez au rôle de la désimputation, puis nous, comme législateurs, donc, on a quand même une certaine cohérence à maintenir à travers ça.

M. Gagnon (Alexandre) :Il peut y avoir des désimputations dans d'autres circonstances. La surdité, c'est que c'est parfois difficile de reconnaître dans quel milieu de travail ça peut réellement être arrivé parce que ça va survenir de nombreuses années après l'exposition à la surdité que ça va se manifester. Donc, c'est dans ce cadre-là que la désimputation se fait plus automatiquement. Il va y avoir de la désimputation également lorsqu'il y a une condition personnelle de la personne qui va avoir contribué à la gravité de la lésion ou à la durée de l'invalidité, parce que la personne avait déjà eu une lésion préalable ou avait déjà un accident au préalable, qui n'était pas de la responsabilité du présent employeur. Donc, on va considérer... ou même dans sa vie personnelle. Et on va considérer... Oui, on va continuer à indemniser la personne, elle y a droit, mais on reconnaît que ce n'est pas totalement de la faute de l'accident qui est survenu dans son milieu. Donc, c'est là qu'on vient un petit peu donner... on vient pallier au fait des imperfections de notre régime en amenant une désimputation, et c'est totalement légitime. C'est important de les garder aux bons endroits au bon moment. Mais dans cette circonstance-là, dans le cadre du projet loi qu'on regarde aujourd'hui, ça ne nous semble pas approprié actuellement.

• (18 h 20) •

Mme Cadet : Puis vous dites, donc, le rôle, donc, n'est pas la déjudiciarisation, mais est-ce qu'il y aurait un effet de déjudiciarisation avec la désimputation?

M. Gagnon (Alexandre) :En raison des autres arguments qu'on a amenés, de ce que ça pourrait amener comme implication légale dans le cadre des recours consécutifs qui pourrait arriver suite à une situation de violence à caractère sexuel, pour nous, ça ne nous semble pas automatique qu'il y aurait une déjudiciarisation dans ces circonstances-là, parce que l'employeur, il pourrait y voir des enjeux légaux et des enjeux de reconnaissance tacite d'une situation sur lesquels il n'a pas enquêté. Il n'a pas eu les circonstances de vérifier les bienfaits.

Mme Cadet : D'accord. Merci. Bien, en fait, je vais laisser ma collègue, avec le temps qui nous est imparti, de poursuivre. Merci.

La Présidente (Mme D'Amours) : Je cède la parole maintenant à la députée de La Pinière.

Mme Caron : Merci, Mme la Présidente. Alors, merci beaucoup pour votre mémoire, votre présentation. Vous avez été les premiers aujourd'hui à parler de télétravail et je trouve ça intéressant puisque c'est une... c'est une réalité fort présente dans... sur le marché du travail aujourd'hui. J'aimerais peut-être que vous expliquiez davantage ou vous élaboriez sur votre recommandation numéro quatre à propos de... d'un lien formel... que l'agresseur, le mis en cause ait un lien formel avec l'emploi. Est-ce que vous pourriez donner des exemples de ça, par exemple?

Mme Mellouli (Zeïneb) : Alors, en fait, la recommandation met en lumière un peu l'effet domino de la loi, là, si je peux me permettre cette expression-là, en ce que... Et là on vient de parler de désimputation ou d'imputabilité de l'employeur, de l'obligation aussi de prévenir ou de s'assurer que dans le milieu de travail, ils soient les premiers responsables, finalement, de ce qui se passe dans leur organisation et, évidemment, de manière paritaire dans les cas... des milieux syndiqués. Et l'effet domino fait en sorte que s'il y a une présomption, bien, évidemment, il y a... il va y avoir plus d'admissibilité de ces lésions-là. On... En retirant l'accès et en impliquant la désimputation, bien, l'employeur va plus ou moins défié ces... ces... ces lésions-là. Et là, on pourrait se retrouver dans des situations où l'employeur, finalement, tout ce qui lui reste, c'est de se... de tenter de renverser la présomption qui est créée dans la loi. Et comment il peut le faire? Bien, c'est notamment en démontrant que c'est intrinsèquement ou spécifiquement, là, lié à la sphère privée et non en connexité avec... avec le... le travail. Le lieu de travail a été élargi dans le projet de loi n° 59. On sait maintenant que le télétravail est visé par les lieux de travail. On sait aussi que ça arrive beaucoup plus souvent qu'on le pense qu'il y ait des relations personnelles en milieu de travail et qui peuvent aussi transcender la sphère privée et s'instaurer dans un milieu de télétravail. Et donc comment on peut imputer à l'employeur ce manque de contrôle là en créant une présomption qui ne lui permet pas finalement d'aller valider...

Mme Mellouli (Zeïneb) : ...s'il y a une connexité avec le travail ou si le tout relève finalement d'une sphère strictement privée. Donc, c'est pour ça qu'on a soulevé la question du lieu de travail, il y a peut-être eu lieu de faire certaines validations dans le cadre du projet de loi pour savoir qu'est-ce que ça vise exactement. Je l'ai mentionné tout à l'heure dans le cadre des commentaires du ministre, à 28.0.2, le lieu de travail n'est pas du tout lié à... il n'y a plus ce lien de connexité. Il y a aussi le fait que l'élargissement de la définition vise aussi toute personne, Me Perreault, notre consoeur, nous l'a mentionné tout à l'heure, et on va un peu dans le même sens, c'est-à-dire que, si on crée une largesse dans les définitions, on crée un effet domino dans la loi, bien, il va falloir intégrer des critères d'objectivité et... d'où nos recommandations.

Mme Caron : Merci.

La Présidente (Mme D'Amours) : Il vous reste 1 min 40 s.

Mme Caron : Tu y vas-tu? Tu as une autre question?

Mme Cadet : Bien oui, je peux peut-être y aller avec votre... Bien, c'est au niveau de la recommandation 5, le délai de réclamation. Donc, vous, de votre côté, donc vous, vous êtes... vous appuyez le délai de réclamation d'un travailleur dans les deux ans, mais vous dites : «Cependant, lorsqu'un recours formel est déposé devant une autorité compétente, le délai de prescription serait alors de six mois. Pouvez-vous développer sur cette recommandation-ci?

Mme Mellouli (Zeïneb) : Mais en fait, ce qu'on comprend du délai, bien, évidemment il est cohérent avec les délais qui sont présentement dans la loi au niveau de l'harcèlement psychologique, et c'est la raison pour laquelle on croit que... que... que c'est qu'il faut demeurer cohérent dans la rédaction. Par ailleurs, on est aussi d'avis que, bien qu'il faille un peu plus de temps, selon les experts, pour une victime d'agression sexuelle ou de conduite, ou de violence à caractère sexuel, de s'exprimer et d'aller au-devant dans ses... dans ses recours. Mais, à partir du moment où elle instaure un recours, elle manifeste également une volonté de judiciariser ou de manifester, ou de renoncer un peu à cette sphère privée et finalement verbaliser ce qui lui est arrivé. Donc, selon nous, le délai de deux ans, bien, évidemment, ça comporte aussi ses enjeux parce qu'on atténue la preuve, il peut y avoir des pertes d'éléments de preuve. Il devient encore plus difficile de renverser cette présomption-là qui existe dans la loi et selon nous de restreindre finalement le délai à... une fois qu'un recours est entamé, puisqu'il n'y a pas de... le projet de loi qui est actuellement, en tout cas, silencieux sur la concurrence des juridictions. On sait qu'il peut y avoir un recours qui peut être introduit peut-être en vertu de la Loi sur les normes, en vertu... devant le Tribunal des droits de la personne. À partir du moment où un recours est instauré, on pense que le délai devrait d'autant être raccourci et... et s'inscrire dans un délai de six mois suite au recours.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole au député d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : Merci beaucoup. Bonsoir, bonsoir à vous trois. Je veux vous amener à votre recommandation numéro 6 concernant les indemnisations pour les moins de 18 ans. Je veux juste être certain d'avoir bien compris. Je suis un peu surpris de votre recommandation parce que, dans le fond, l'état actuel des choses, c'est qu'à l'article 80 de la LATMP, quand on a moins de 18 ans, c'est 50 $ par semaine, donc un chiffre fixe. Tandis...

Une voix : ...

M. Leduc : 121 quoi?

Une voix : 120.

M. Leduc : Bon. Et là, dans le projet de loi, ça propose de passer à un système d'un nombre d'heures fois le salaire minimum, ce qui nous amènerait à 200... à peu près 260 $, si mes calculs sont bons.

Là, il y a aussi des groupes, notamment les trois expertes qui sont venues, ce matin, nous dire que ça devrait être une priorité de monter ça 40 heures/semaine plutôt que 17 heures/semaine. Mais là, vous, vous proposez de ne pas retenir cette modification-là, donc de garder le statu quo. C'est bien ça votre recommandation?

M. Gagnon (Alexandre) :Et une des... des... Ce n'est pas une question d'argent, on se comprend, sur... sur l'ensemble du régime, ce n'est pas des montants très significatifs, mais c'est une question de principe. Dans... lorsqu'on parle d'assurance, on essaie d'éviter qu'il y ait un enrichissement engendré par une réclamation. L'objectif, ce n'est pas que la personne qui tombe sur une invalidité ait des gains financiers de par.... de par cette... cette réclamation-là, parce que ça l'a des effets pervers. Pas juste le fait qu'il y a plus d'argent, nous autres, on s'entend. C'est que, lorsqu'on va vouloir ramener cette personne-là sur le marché du travail, sur le milieu du travail, parce qu'il est prêt ou parce qu'on veut l'amener tranquillement... il ne faudrait pas qu'il y ait un désincitatif financier qui peut arriver, il ne faudrait pas que cette personne là se voie pénalisée parce qu'elle va se faire inviter à réintégrer le marché du travail. En amenant des balises comme ça, c'est ce qu'on vient faire d'une certaine façon, parce qu'on en vient à dire : Même si on te... tu travaillais deux jours par semaine, on vient d'en payer plus, on vient de t'en payer pour 17 heures, et donc le jour que tu vas revenir dans ton emploi prélésionnel, préaccident, tu vas perdre de l'argent. Là, il y a un effet qui a un peu désincitatif qui... qui...

M. Gagnon (Alexandre) :...on perd un peu de sens à partir de ça.

M. Leduc : Le travail à temps plein durant l'été, des moins de 18 ans, là, on a fait une loi là dessus il n'y a pas très longtemps, là.

M. Gagnon (Alexandre) :Mais lorsque... lorsque la personne démontre qu'elle aurait gagné davantage, elle peut avoir l'accès à ces gains-là. C'est un minimum qui est exprimé, là, ici, là, hein? C'est qu'on vient remplacer les gains auxquels il y aurait eu droit par un minimum qui est l'équivalent de 17 heures par semaine.

M. Leduc : Mais le 17 heures n'a pas l'air de vous convenir. Vous voulez le retirer?

M. Gagnon (Alexandre) :On veut le retirer parce qu'encore une fois, quelqu'un qui aurait travaillé moins d'heures va venir... va vivre un phénomène d'enrichissement par cette... par cette... par l'application de cette clause-là. Le 17 heures d'ailleurs est un peu arbitraire, hein? Il s'associe à la Loi sur le travail des enfants qui a été mis, qui touche spécifiquement les jeunes de moins de 16 ans. Donc, pourquoi le 17 heures? Nous. Déjà à la base de la surindemnisation, ça nous chicote, ça nous agace en raison des effets pervers sur le retour au travail, et le 17 heures lui-même, il nous semble un peu arbitraire dans cette circonstance-là.

M. Leduc : O.K.

M. Gagnon (Alexandre) :La personne peut démontrer le nombre d'heures qu'elle aurait travaillé.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. C'est tout le temps que nous avions. Donc, merci beaucoup pour votre contribution à nos travaux de la commission. Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre à nos prochains invités de prendre place.

(Suspension de la séance à 18 h 30 )


 
 

18 h 30 (version non révisée)

(Reprise à 18 h 38)

La Présidente (Mme D'Amours) : Nous avons repris nos travaux. Merci. Je souhaite maintenant la bienvenue à la Fédération étudiante collégiale du Québec et à l'Union étudiante du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, et ensuite nous procéderons à la période d'échange. Alors, je vous invite à vous présenter et à commencer votre exposé.

Mme Bibeau-Lorrain (Catherine) : Bonjour, tout le monde, vous, chers membres de la commission, merci beaucoup de nous recevoir aujourd'hui. On tient à souligner l'importance, premièrement, d'un tel projet de loi pour rendre les milieux de travail, notamment les milieux d'enseignement supérieur le plus sécuritaire possible, pour la communauté étudiante, notamment. Je m'appelle Catherine Bibeau-Lorrain, je suis graduée de génie chimique à Polytechnique Montréal et je suis présidente de l'Union étudiante du Québec cette année. L'UEQ, on est une organisation étudiante nationale qui regroupe 11 associations étudiantes totalisant plus de...

Mme Bibeau-Lorrain (Catherine) : ...94 000 personnes étudiantes à travers tout le Québec et on travaille pour défendre les droits et intérêts de la communauté universitaire. Dans notre mémoire, l'UEQ, on a quatre recommandations que nous pensons que le projet de loi n° 42 devrait prendre en considération. Si je n'arrive pas à les couvrir en détail avec le temps qui m'est imparti, je vous invite à me poser des questions à la fin.

Donc, tout d'abord, on trouve important de mentionner d'emblée que l'aspect primordial pour nous, dans ce projet de loi là à l'étude, est l'article 97.1, sur l'article 20, là, dans le projet de loi. En effet, en ce moment, il y a une problématique qui perdure dans la mise en application de la loi qui vise à prévenir et combattre les violences à caractère sexuel dans les établissements d'enseignement supérieur, la loi P-22.1. Cette problématique-là dont on parle, c'est l'application des clauses d'amnistie dans le cas des violences à caractère sexuel. Vous voyez où je veux en venir, mais actuellement, une personne salariée peut commettre un acte sexuel et voir son dossier disciplinaire complètement effacé après un certain temps. Dans ce contexte-là, cette personne salariée pourrait donc commettre des actes... des récidives et n'avoir aucune gradation de sanctions imposées à son égard. On se rappelle, ça peut survenir en milieu universitaire mais aussi en milieu scolaire, ce qu'on considère vraiment inacceptable, auprès de mineurs.

• (18 h 40) •

L'objectif de la loi P-22.1, que je mentionnais plus tôt, est que les sanctions imposées à la suite d'inconduites sexuelles, et je cite, «tiennent compte de leur nature, de leur gravité et de leur caractère répétitif». Mais, pour tenir compte d'un caractère répétitif et pour pouvoir imposer une gradation de sanctions, il faut savoir s'il s'agit d'une récidive ou non. Et, en ce moment, les clauses d'amnistie, telles qu'elles sont formulées, viennent donc contrer la possibilité d'évaluer cet élément-là de récidive et freinent directement l'application de la loi P-22.1. C'est primordial de conserver l'historique des sanctions infligées aux personnes responsables d'actes de violence sexuelle afin de permettre aux universités d'identifier les récidivistes et de sévir en conséquence pour protéger la communauté étudiante universitaire autant les personnes étudiantes, comme je dis, mais aussi tout le personnel de l'établissement.

Je tiens à le dire parce que c'est un enjeu qui, selon nous, dépasse celui de seulement la population étudiante. C'est une demande des associations depuis plusieurs années. Et il y a beaucoup d'actions qui ont été faites pour dénoncer cette problématique-là. L'année dernière, la Fédération des associations étudiantes de l'Université de Montréal avec l'appui de plusieurs autres associations au Québec ont publié une lettre en ce sens-là, et la ministre de l'Enseignement supérieur a d'ailleurs amené que c'était une problématique dans son rapport de mise en application de la loi P-22.1. Donc, on le sait, que c'est une problématique, il faut donc la résoudre. Pour la communauté étudiante, c'est donc essentiel, de s'assurer que le projet de loi n° 42 permette de proscrire les violences à caractère sexuel des clauses d'amnistie en milieu d'enseignement supérieur et d'inclure l'article que je mentionnais plus tôt dans la Loi sur les normes du travail. C'est la seule manière de tenir en compte des mesures disciplinaires qui ont précédemment été imposées à une personne ayant commis une d'inconduite sexuelle et de rendre les milieux d'enseignement supérieur sécuritaires pour tout le monde.

En lien avec la recommandation précédente, on tient aussi à réitérer l'importance de pouvoir transférer les informations relatives à un dossier d'un établissement à l'autre et même au sein même d'un établissement en lien avec des actes d'inconduites sexuelles. En ce moment, une personne salariée pourrait changer d'emploi, changer d'établissement sans qu'aucune information relative à son dossier disciplinaire ne soit prise en compte, et on trouve ça problématique. Pour nous, c'est illogique puis ça ne fait aucun sens, surtout avec l'objectif du projet de loi actuel. Il ne faut pas permettre les récidives entre plusieurs établissements et il faut que le gouvernement corrige ce phénomène-là.

Ensuite, la section sur le transfert d'un dossier, selon nous, va de pair avec la nécessité d'instaurer un régime uniforme de sanctions entre les établissements universitaires. Autant qu'on respecte l'autonomie puis l'indépendance de chaque université, ce n'est pas normal qu'une sanction soit différente d'un établissement A à un établissement B. Par respect pour les personnes victimes, il faut le même niveau de protection partout au Québec puis il faut s'assurer que ça ne se produise pas.

Finalement, l'UEQ, on considère comme inacceptable le fait que des relations sexuelles puissent survenir entre les membres de la communauté étudiante et son personnel enseignant. Le gouvernement doit interdire ce genre de relation puisque le personnel enseignant possède une position d'autorité directe sur les personnes étudiantes de sa classe, ce qui induit automatiquement un conflit d'intérêts. Peu importe la manière utilisée, la personne étudiante voit son parcours universitaire mis en péril. Il faut empêcher les conséquences de ce type de relation sexuelle sur la réussite ou encore le parcours de la personne étudiante parce que ces conséquences-là ne sont pas évitables. En gros, là, pour résumer un peu cette section-là, une personne enseignante ne devrait pas avoir autant de pouvoir sur le parcours scolaire, par exemple, noter les travaux d'une personne étudiante de sa classe lorsque deux personnes ont une relation sexuelle, et ça doit être solutionné. Donc, merci beaucoup.

Mme Mallette-Léonard (Laurence) : Oui. Donc, bonjour, Laurence Mallette-Léonard, présidente de la Fédération étudiante collégiale du Québec, mais également, là, étudiante au cégep Édouard-Montpetit.

Donc, moi, je vais poursuivre, là, ce tour-là en commençant par un état de la situation. Parce que, suite à l'entrée en vigueur de la Loi visant à prévenir et à combattre les violences à caractère sexuel dans les établissements d'enseignement supérieur, en décembre 2017, il y a eu une grande enquête...

Mme Mallette-Léonard (Laurence) : ...qui s'est faite au sein des cégeps du Québec, soit l'enquête PIECES en collaboration avec l'UQAM. Puis cette enquête-là, elle a donné des statistiques troublantes, puis on parle de statistiques, là, qui ont été prélevées après la loi, là. Donc, on peut constater encore aujourd'hui que le milieu de l'enseignement supérieur, le milieu collégial particulièrement, là, est un milieu fort propice, là, aux violences à caractère sexuel. En effet, là, 34,6 % des étudiants, étudiantes ont... ont subi une forme de VACS depuis leur arrivée au cégep, puis, dans 15,9 % de ces cas-là, c'était un employé du cégep qui était responsable de cette violence. Puis on pourrait souvent croire que les violences à caractère sexuel ne se produisent pas en classe durant... pour les étudiants, étudiantes du cégep, on pourrait se dire : Bien, ça se produit dans un cadre festif, quand il y a des VACS au cégep, mais ce n'est pas vrai. 66 % des cas de VACS se produit en classe ou lors d'une activité d'enseignement. Donc, ce qui laisse présager que si le prof, si l'employé n'est pas le coupable... mais souvent c'est un témoin.

Donc, c'est dans ce contexte-là qu'on arrive en commission parlementaire aujourd'hui puis qu'on vous soumet les recommandations suivantes. Donc, comme ma collègue a mentionné, la FECQ reconnaît, là, et tient à saluer, là, l'article 20 du projet de loi. Toutefois, là, on dénote l'aspect où est-ce qu'il y a une double négation, là, dans le projet de loi. Donc, on n'empêche... on ne veut pas empêcher l'employeur de. Toutefois, dans cet article-là, la FECQ aimerait ça, souhaite que le fardeau soit mis sur l'employeur, qu'il y ait un fardeau qui soit mis... que l'employeur ait le devoir de se baser, là, sur les premières offenses, les offenses précédentes, pour imposer des nouvelles sanctions. L'employeur ne devrait pas pouvoir oublier ces anciennes offenses là, parce que l'étudiant, l'étudiante, elle, ne l'oublie pas.

Ensuite, là, je parlerais des clauses de non-divulgation. Donc, l'article 20 vient protéger, là, la population étudiante tant que l'employé problématique ne change pas d'établissement d'enseignement. Ça a été mentionné, là, à plusieurs reprises aujourd'hui, mais les étudiants et étudiantes au collégial, bien, souvent, va être... côtoie... va côtoyer des employés qui ont changé d'établissement au cours de leur carrière, puis c'est arrivé à de nombreuses reprises, là, dans le passé, dans le réseau collégial, là. Il y a eu l'affaire d'Annie Vincent notamment, là. Le prof a enseigné dans deux écoles secondaires, après ça, deux cégeps, où est ce qu'il y a eu des cas de VACS qui ont été dénoncés au RSEQ, parce que c'était surtout en contexte sportif. Il y a eu des plaintes qui ont été énoncées aussi, là, à la police, éventuellement, puis, bien, cette personne-là a toujours pu continuer à changer d'établissement. Puis même quand c'est devenu public aujourd'hui, cette personne-là s'occupe de personnes âgées dans un CHSLD. Moi, je trouverais ça très... je ne serais pas à l'aise de savoir que ma grand-mère, que mon grand-père est dans un de ces établissements-là.

Donc, pour nous, c'est important, là, que... comme c'est maintenant le cas à l'Île-du-Prince-Édouard et en Ontario, en matière d'enseignement supérieur, il y ait... la législation, là, vienne intervenir de façon à ce que les clauses de non-divulgation ne soient plus quasi systématiques, là, lorsqu'il y a entente, là, en matière de violence à caractère sexuel. D'autant plus que l'article quatre de la loi P-22.1 dit que l'étudiant, l'étudiante qui est victime de VACS peut réclamer, là, le fait de savoir s'il y a eu des sanctions suite à sa plainte. Donc, dans cet élément-là, là, nous, on voudrait étendre cet article-là de P-22.1 pour que justement il n'y ait plus de clause de non-divulgation, là, dans le cas des ententes en matière de violence à caractère sexuel.

Puis je terminerais, là, sur l'enjeu lorsque l'étudiant a le rôle d'employé. L'article huit, là, de la Loi sur... L'article huit du projet de loi qui vient modifier la Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles augmente maintenant l'indemnisation, là, d'une personne mineure qui a subi des violences à caractère sexuel en milieu de travail. Toutefois, on juge que 17 $... 17 heures par semaine, ce n'est pas réaliste au niveau des personnes étudiantes de niveau collégial, mineurs, parce que ces étudiants-là, bien, ils travaillent plus que 17 heures par semaine pour subvenir à leurs besoins. Donc, on vise le 40 heures par semaine.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci beaucoup. Maintenant, je cède la parole pour la période d'échanges au ministre. La parole est à vous.

M. Boulet : Merci à Catherine, Laurence. Si vous me permettez, je vais vous appeler par votre prénom. C'est un mémoire qui est bien fait. Vous n'avez pas trop de recommandations...

M. Boulet : ...mais sachez que vous m'avez inspiré, là, dans le libellé de l'article concernant les clauses d'amnistie, là, on s'en est déjà parlé. Et ce que ça dit, essentiellement, c'est qu'une clause d'une convention collective ne pourrait pas empêcher un employeur de tenir compte d'un comportement physique ou psychologique qui a mené à une mesure disciplinaire antérieure, là, que ce soit de la violence physique ou psychologique, incluant ce qui est conjugal, familial ou à connotation sexuelle dans, évidemment, l'application du principe de gradation des sanctions. Moi, je suis bien fier de cette disposition-là, qui a été bien accueillie. Je suis conscient de la réalité que vous soulevez, puis je sais que vous défendez cette position là de défendre les relations sexuelles, notamment entre les personnes du corps professoral puis des personnes de la communauté étudiante. Je pense qu'il faut que les institutions prennent ça à cœur puis, dans l'élaboration de leurs programmes de prévention, qu'ils puissent identifier les risques pour mieux les contrôler puis les éliminer, mais... Puis il y a mon collègue aussi, là, pour la protection de l'élève, quand il y a des changements d'établissements scolaires qui relèvent, mettons, du même centre de services scolaire, il y a ce qui peut être fait légalement, ce qui est souhaitable au plan pratique, mais on va bien sûr tenir compte de vos recommandations, on va les analyser avec attention puis considération. Et j'aimerais ça, Mme la Présidente, laisser deux de mes collègues, là, qui souhaitaient prendre la parole, ma collègue de Laporte d'abord, dans un premier temps, si vous permettez.

• (18 h 50) •

La Présidente (Mme D'Amours) : Oui. Je vais céder la parole à Mme la députée de La Porte.

Mme Poulet : Oui. Merci, Mme la Présidente. Bienvenue à vous deux. Merci pour le dépôt de votre... de vos mémoires. J'aimerais vous amener sur les clauses d'amnistie. Vous mentionnez que les mesures disciplinaires en lien avec les violences physiques et le harcèlement seront retirées. Est-ce qu'il y a pour vous une différence, selon vous, entre l'interdiction des clauses d'amnistie et la possibilité d'effectuer une gradation des sanctions malgré celles-ci?

Mme Mallette-Léonard (Laurence) : Oui. Donc, nous, ce qu'on constate, puis je pense qu'il y a la citation, là, dans mon mémoire, là, qui le témoigne très bien, il y a un directeur, justement, du Cégep de Sherbrooke qui dit : Bien, moi, je ne peux pas grader les sanctions parce qu'à chaque 12 mois, bien, le dossier de mon employé, il s'efface. Donc, si jamais il n'y a pas de plainte qui est refaite dans ce 12 mois-là pour un geste de violences à caractère sexuel, bien, le dossier, il s'efface. Puis est-ce qu'on peut demander à une personne étudiante de s'assurer de faire une plainte à chaque six mois pour être sûr qu'elle ne soit pas oubliée? Je pense que ce n'est pas ça, la réalité. Puis pour qu'il y ait une réelle gradation des sanctions, bien, il faut que les plaintes restent au dossier, et ce, plus que 12 mois. Puis justement, ça a des impacts, là, cette non-rétention des plaintes là, on le constate de plus en plus dans nos cégeps. Il y a une crainte, là, que les personnes ne dénoncent plus parce que, surtout au cégep, là, dans l'enquête pièce, ça a été dit, c'est 95 % des cas de violences à caractère sexuel en milieu collégial qui ne sont pas dénoncés. Ça fait que si on attend à ce qu'il y ait plusieurs dénonciations pour grader les sanctions au sein de la même période de 12 mois, ça ne fonctionnera jamais.

Mme Poulet : Qu'est-ce que... vous parlez de 95 %, qu'est ce que vous faites au sein de votre de votre fédération, de votre union, justement, pour inciter les élèves à dénoncer?

Mme Bibeau-Lorrain (Catherine) : Mais si je peux revenir sur la question précédente, puis après poursuivre sur la sensibilisation puis la prévention qu'on fait sur les campus, parce que c'est déjà des choses qu'on fait beaucoup avec nos associations étudiantes membres. Si je peux revenir sur les clauses d'amnistie, pour nous, les clauses d'amnistie... comme proscrire les clauses d'amitié, c'est la seule façon de prendre en compte les récidives puis de pouvoir appliquer correctement la loi P-22.1. Puis je mettrais aussi du pouce sur ma collègue, ce qu'elle a dit par rapport au fait que ça permet aussi aux victimes d'avoir confiance envers le système de plaintes puis de ne pas encourager une culture de silence. Ça aussi, je pense que c'est important à considérer.

Maintenant, nous sur les campus, c'est certain qu'on fait tout le temps notre travail avec les associations pour s'assurer que les membres de la communauté étudiante soient sensibilisés, soient... qu'il y ait de la prévention qui soit faite à ce niveau-là, mais il doit aussi y avoir une responsabilité qui est prise au niveau des administrations puis au niveau du gouvernement pour empêcher les récidivistes de rester dans les universités puis dans les écoles.

Mme Mallette-Léonard (Laurence) : Si je peux poursuivre. Ce n'est pas aux associations étudiantes de convaincre leur population étudiante qu'elles sont en sécurité sur leur campus. C'est au climat institutionnel de faire en sorte que ces étudiants et étudiantes se sentent bien. Puis ce n'est pas normal qu'encore une fois, dans cette enquête pièce là, qu'il soit mentionné que 19 % des étudiants, étudiantes ne se sentent pas en sécurité dans le parking de leur cégep. Ça fait que ce n'est pas à...

Mme Mallette-Léonard (Laurence) : ...étudiante, on a un rôle de... pour les inciter à dénoncer, pour... tu sais, on a un rôle de vulgarisation, mais ce n'est pas à nous de faire en sorte que ces étudiants, étudiantes-là soient bien sur leur campus.

Une voix : Merci.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Je cède maintenant la parole à la députée de Hull.

Mme Tremblay : Oui, bonjour. Alors, bien, moi, je vais revenir aussi sur l'amnistie puis... mais je vais d'abord... Vous, voulez que, bon, l'employeur conserve le dossier disciplinaire, là, à vie, donc ça veut dire que, si, bon, un enseignant commet un geste, là, à caractère... notamment violence sexuelle, donc, ça reste toujours dans le dossier. C'est ce qu'on comprend, là, de votre position, pour être capable de réagir tout le temps sur les événements, peu importe le nombre d'années qui se sont écoulées. C'est bien ça? Alors, c'est ce qu'on comprend de votre proposition, mais... Parce qu'il y a plusieurs groupes qui ont passé aujourd'hui, puis on en a discuté beaucoup, là, des clauses d'amnistie. Donc, il y en a qui suggéraient, là, d'avoir un délai, donc de pouvoir, tu sais, justement, dire : Bien, ça reste au dossier plus longuement, justement. Il y en a qui ont nommé des délais, notamment de cinq ans. Il y en a qui ont parlé de réhabilitation aussi, là, de la personne, donc, tu sais, ce droit-là aussi qu'elle a.

Donc, je veux voir pour vous, dans votre réflexion, là, où est-ce que vous en seriez par rapport à peut-être ce chemin-là, qui est un peu mitoyen mais qui n'est pas à vie, par rapport aux 12 mois que vous avez aussi, là, cité en exemple, qui est là, à l'heure actuelle, là, puis même qui peut être moins que ça, le délai, ça dépend des différentes conventions.

Mme Mallette-Léonard (Laurence) : Oui. Donc, oui, on était là puis on a pu entendre ça. Toutefois, là, ça a été bien mentionné dans notre mémoire, pour nous, la population étudiante est une population étudiante qui est vulnérable par rapport aux employés dans les collèges et universités. Il y a le rapport, là, certaines dynamiques du fait que l'employé, c'est la personne qui évalue, mais il y a aussi l'enjeu d'âge au collégial, notamment, on a plusieurs étudiants, étudiantes mineurs. C'est la même chose au primaire puis au secondaire. Donc, tu sais, cinq ans, moi, je n'aimerais pas ça que mon enfant... comme, on donne la chance au prof de mon enfant de se réhabiliter, tu sais, je ne me sentirais pas à l'aise. Ça fait que je pense qu'il y a une façon de le voir aussi. Tu sais, c'est des personnes vulnérables. Est-ce que ces personnes-là peuvent se réhabiliter? Oui, mais est-ce qu'on a nécessairement besoin de les mettre avec des jeunes filles, des jeunes femmes, quand on sait qu'elles sont particulièrement vulnérables? Je pense qu'il y a cet enjeu-là de vulnérabilité qui est spécifique à la population étudiante, mais aussi aux personnes aînées, là, notamment, aux personnes en situation de handicap. Ça fait que je pense qu'il y a cet enjeu de vulnérabilité là qu'on ne peut pas oublier, puis, justement, cinq ans, bien oui, c'est un délai qui est plus long, puis, tu sais, je pense qu'on le reconnaît, puis on reconnaît également le droit à la réhabilitation, mais je ne pense pas... si on permet la réhabilitation, peut-être pas nécessairement avec des personnes vulnérables.

Mme Bibeau-Lorrain (Catherine) : Si je peux poursuivre, même du côté universitaire, il n'y a aucune bonne raison de pouvoir étendre ce délai-là. Tu sais, pour nous la clause amnistie, pour la proscrire, c'est d'enlever ce délai-là, ça fait que, même s'il est plus long, pour nous, il n'y a aucune bonne raison de pouvoir permettre ces récidives-là en allongeant le temps de la clause amnistie, là.

Mme Tremblay : Parfait. Donc, dernière question, là, pour terminer, là, donc vous allez pouvoir expliquer un petit peu plus. Parce que vous, vous voulez... je suis à votre recommandation 4 que «le gouvernement prévoie que les relations entre les membres du corps enseignant et membres de la communauté étudiante soient proscrites puis interdites», là. Vous, ce qui vous dérange, là, c'est le fait que c'est... bon, c'est déjà... tu sais, il y a déjà des politiques, tout ça, c'est que les politiques sont trop différentes d'un endroit à l'autre? Est-ce que c'est pour ça que vous voulez que ça soit très clair puis que ça soit la même règle pour tout... pour tous?

Mme Bibeau-Lorrain (Catherine) : Oui, dans le fond, nous, ce qui nous dérange, là, puis si je peux résumer, comme, en une phrase cette recommandation-là, c'est qu'un professeur ne devrait pas noter une personne étudiante avec laquelle il a une relation sexuelle. C'est tout. Puis, en ce moment, c'est des choses qu'on voit dans les établissements, puis, pour nous, il y a trop d'impacts. Comme, la personne enseignante a trop d'impact, peut avoir trop de pouvoir, dû à sa relation d'autorité directe sur la personne étudiante, pour avoir des relations sexuelles quand il a cette position-là, d'autorité puis quand ils sont... quand la personne étudiante est dans sa classe, dans le fond. Ça fait que c'est... Là, après, le moyen de le mettre en application, c'est des choses qui se passent dans le milieu d'enseignement supérieur, puis là, vu ce projet de loi là, c'est pour ça qu'on a fait cette recommandation-là, pour possiblement l'inclure dans le projet de loi puis voir à ce que ce soit plus cadré puis que ce soit plus clair pour les établissements d'enseignement supérieur, que ça soit mieux pris en compte.

Mme Tremblay : Plus sévère.

Mme Bibeau-Lorrain (Catherine) : Oui.

Mme Tremblay : Parfait.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Je vais céder maintenant la parole à la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Cadet : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour. Bonjour, Catherine. Bonjour, Laurence. Merci d'être avec nous cet après-midi. Bien, je vais faire suite, donc, aux questions de la députée de Hull sur la portée temporelle.

Mme Cadet : ...de la clause d'amnistie, donc l'article 20, là, du projet de loi. Bien, vous l'avez dit, là, vous avez entendu les différents intervenants aujourd'hui, différentes centrales syndicales ont proposé une certaine portée temporelle, on ne s'accorde pas nécessairement toujours, donc on nous dit deux ans ou cinq ans. De ce que j'entends, là, ce que vous avez répondu, en fait, vous, donc vous élimineriez, donc, toutes portées temporelles, comme c'est prévu en ce moment, donc, à... dans le libellé actuel du projet de loi.

Le deuxième aspect, bien, en fait, concerne donc le cadre, parce que, donc, ces mêmes... ces mêmes intervenants, donc, nous ont aussi mentionné qu'ils souhaitaient que la... bon, que 97.1, là, se concentre sur la violence à caractère sexuel et non pas la violence physique ou psychologique incluant la violence à caractère sexuel. J'aimerais vous entendre sur ces éléments-là.

Mme Bibeau-Lorrain (Catherine) : Du côté de l'UEQ, puis je pourrais laisser ma collègue de la FECQ répondre après, c'est certain que, par rapport à cet article 20 là, du côté de l'UEQ, on veut vraiment parler des actes sont commis par rapport aux violences à caractère sexuel, puis c'est des positions qui sont historiques à l'UEQ, puis c'est sur quoi qu'on s'est concentré quand on a... dans ce projet de loi là, pour exclure les violences à caractère sexuel des clauses d'amnistie, puis on a circonscrit notre mandat dans le cadre de cette étude-là.

• (19 heures) •

Maintenant, après, si vous me demandez, je trouverais ça bizarre d'enlever les clauses d'amnistie quand on parle aussi de violence physique et psychologique, parce que c'est autant répréhensible que les violences à caractère sexuel, selon moi. Donc, je ne voudrais pas que quelqu'un dise qu'on est pour enlever ces mentions-là dans l'article, puis ce n'est pas... ce n'est simplement pas le mandat qu'on s'est donné pour cet article-là. Dans le fond, nous, on s'est concentrés sur les violences à caractère sexuel.

Mme Mallette-Léonard (Laurence) : Bien, du côté de la FECQ, on a justement, là, dans le cadre du congrès, là, qui a évalué ce mémoire-là, là, présenté à la commission, on a décidé, là, d'élargir notre mandat pour traiter également, là, du harcèlement psychologique et des violences physiques. Donc, nous, là, on est pour le fait, là, d'englober ces trois pans-là au sein de l'article 20 parce que, bien, tu sais, un prof qui frappe un étudiant, mais on ne voudrait pas que ça soit oublié au bout de 12 mois, là, tu sais, c'est quelque chose qui reste dans la tête d'un étudiant puis qui ne donne plus le goût de continuer des études supérieures. Que ce soit du harcèlement psychologique ou de la violence physique, mais ça aussi, ça a un impact sur le... le goût de poursuivre les études, puis la réussite, puis le potentiel de réussite de ces étudiants, étudiantes-là. Donc, pour nous, là, c'est important que l'article garde cette... cette souplesse-là, là. Puis, oui, donc, c'est ça, c'est important pour nous que ça reste comme ça.

Mme Cadet : Je vous ai bien entendus dans les réponses précédentes, là, sur l'argumentaire de la réhabilitation. Maintenant, donc, j'aimerais vous entendre sur, justement, là, sur ce que vous venez de mentionner, donc, sur l'argumentaire, donc, la violence, donc, physique ou psychologique ici, ce qu'on entend de certains intervenants nous dire que ça pourrait être interprété de façon assez, assez large ici, on a entendu, donc, un employé qui frappe dans un mur, etc., donc dans toutes sortes, donc, de contextes. Qu'est-ce que vous vous répondez à cet argumentaire-là?

Mme Mallette-Léonard (Laurence) : Bien, idéalement, il n'y a pas de prof qui frappe dans un mur au sein d'une classe, là, puis je pense que c'est quelque chose qui, justement, va frapper un étudiant, étudiante, puis qui va se, tu sais, va se souvenir de cet événement-là, puis ce n'est pas de cette façon-là que le réseau collégial, là, va briller dans toute sa splendeur, là, on ne se le cachera pas. Donc, évidemment, je pense qu'il y a un certain jugement, là, qui va être à... il va falloir faire preuve d'un certain jugement en appliquant ça, mais je pense que le fait de le garder large va permettre, tu sais, aux personnes d'utiliser leur discernement, là, pour qu'une certaine... un claquement de porte ne soit pas traité de la même façon qu'un prof qui frappe son étudiant.

Mme Cadet : Parfait. Ensuite, donc, vous vous penchez sur l'importance de ne pas déplacer un problème. Donc, lorsqu'une personne employée, donc, change d'employeur suite à une plainte ou une sanction, donc, plus tôt aujourd'hui, je pense que c'est quand Juripop, là, témoignait, donc on a discuté de l'aspect pratique, là, donc comment est-ce qu'un autre employeur, donc, pourrait être mis au courant du dossier de l'employé fautif, puis que, justement, on ne se ramasse pas avec les exemples que vous avez nommés, là, de quelqu'un, là, qui, donc, change conséquemment, là, d'employeur et puis il n'y a personne qui est en mesure, donc, d'agir parce qu'on n'a pas d'information sur... sur le dossier ou le passé de cette personne-là. Donc, vous, de façon pratico-pratique, comment est-ce que vous voyez cet élément-là être déployé?

Mme Mallette-Léonard (Laurence) : Oui. Donc, en fait, là, on voit ça un petit peu de la même façon que Juripop, là, c'est en faisant un appel, là, sur...


 
 

19 h (version non révisée)

Mme Mallette-Léonard (Laurence) : ...des références qu'il faut que le cégep, le premier cégep, là, le cégep dans lequel il y a eu des violences à caractère sexuel, soit à l'aise de dire au nouveau cégep qu'il y en a eu. Puis, justement, avec les clauses de non-divulgation, là, que les cégeps signent quand il y a une entente, là, avec leur employé fautif, bien, justement, ils ont les mains liées puis ils se sentent comme s'ils ne peuvent pas en parler parce qu'ils ont peur des recours judiciaires. Ça fait que nous, ce qu'on veut, c'est qu'il n'y ait plus de clauses de non-divulgation, comme ça, l'établissement n'aurait pas nécessairement les mains liées puis pourrait dire au nouvel établissement, là, qu'il y a des antécédents.

Mme Bibeau-Lorrain (Catherine) : Puis même, je rajouterais à ça, pour nous, il y a cette problématique-là, de voir qu'une personne salariée pourrait changer d'établissement sans que son dossier disciplinaire ne la suive, quand on parle de violence à caractère sexuel. Mais, même au sein d'un même établissement, si, par exemple, la personne change d'ordre d'emploi, tu sais, si, par exemple, à l'université, la personne, elle passerait d'être un auxiliaire d'enseignement à un professeur, par exemple, bien, son dossier disciplinaire ne suivrait pas à cette personne-là. Puis, pour nous, ça, c'est un autre pan qu'on trouve problématique puis qui doit être solutionné aussi dans ces clauses-là, de non-divulgation, là.

Mme Cadet : Puis, ce serait toujours sur consentement de l'employé, sur consentement du salarié? Avec Juripop, donc, tu disais, donc, essentiellement, lorsqu'il y a... lorsque la personne, donc, consent à ce que le... ses... bon, ses antécédents, donc, soient divulgués à un employeur potentiel, donc la personne, donc, doit consentir, donc ce serait sous ce même format là aussi, avec le consentement du salarié?

Mme Bibeau-Lorrain (Catherine) : Oui, exactement. Bien, c'est le même format que changer d'un établissement à l'autre, là. Tu sais, on ne veut juste pas que la personne puisse changer d'ordre d'emploi, changer d'établissement sans que son dossier disciplinaire la suive, si elle a commis des actes de violence à caractère sexuel.

Mme Mallette-Léonard (Laurence) : Oui. Puis je me permettrais aussi, là, de mentionner, là, il y a certains profs aussi qui enseignent dans les deux ordres, là. C'était présent dans mon mémoire, là, un enseignant, justement, là, qui enseignait au Cégep du Vieux Montréal puis à l'UQAM, qui a perdu son emploi... bien, qui a pris sa retraite anticipée au Cégep du Vieux Montréal en raison d'une deuxième sanction qui s'en venait, là, en matière de violence à caractère sexuel, puis, bien, cette personne-là a continué à enseigner à l'UQAM. Donc, tu sais, je pense qu'il y a aussi le fait de transmettre interordre puis de se parler d'un établissement à l'autre, parce que là, justement, vu qu'il n'y a pas de changement en emploi, bien, l'UQAM n'aurait pas eu nécessairement la tendance d'appeler le Cégep du Vieux Montréal. Donc, il y a ça aussi qu'il faut porter attention, là, quand les deux emplois sont simultanés.

Mme Cadet : Merci. Je vais laisser ma collègue compléter.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Mme la députée de La Pinière pour deux minutes 15 secondes.

Mme Caron : Merci. Alors, dans la recommandation quatre de la FECQ, donc, vous disiez... vous disiez qu'il ne devrait pas y avoir de relation entre un membre du corps enseignant puis un étudiant ou une étudiante. Pourquoi juste les membres du corps enseignant? Est-ce qu'un directeur ou un concierge ou un technicien dans un laboratoire, est-ce qu'il n'y a pas, là aussi, les mêmes... les mêmes risques ou possibilités?

Mme Bibeau-Lorrain (Catherine) : Oui. C'est une bonne question. On a... On n'a pas été étudier ce... ces autres types de relation là. Ce serait possiblement à étudier, là. Mais nous, on s'est vraiment concentrés sur ces relations-là, entre les enseignants et les personnes étudiantes, qui ont cette relation d'autorité là, directe, dans la même classe. Vu qu'il y a toutes les relations de... bien, de notation puis de... comme tous le pouvoir que la personne enseignante peut avoir sur le parcours scolaire de la personne dans sa classe, mais on ne s'est pas... on ne s'est pas penchés sur ce type de relation là, extra... dans... extra classe, mettons.

Mme Caron : Merci.

(Interruption) Pardon, je manque de voix. Vous avez proposé, comme d'autres l'ont fait aussi, de ne pas utiliser le facteur de 17 h mais d'utiliser 40 h parce que les étudiants travaillent plus. Mais ce que le groupe qui vous précédait, vous étiez là aussi dans la salle, vous les avez entendus, disait : Bien, on ne devrait pas rémunérer davantage une personne à la suite de violences à caractère sexuel, une personne victime, mais simplement selon les heures qu'elle a travaillées dans l'année qui précède. Alors, est-ce que... Quelle est votre vue par rapport à ça? Parce qu'entre rémunérer quelqu'un 40 heures, qui a peut-être travaillé plus que 17 h, mais peut-être pas 40 heures, est-ce que...

La Présidente (Mme D'Amours) : ...une réponse en 20 secondes.

Mme Mallette-Léonard (Laurence) : Oui. Bien, il y a deux façons de répondre à ça. C'est qu'au collégial ou dans cette tranche d'âge là, bien, les salaires augmentent beaucoup d'une année à l'autre, parce que justement, on passe d'un emploi de base de caissier dans un magasin à peut-être un emploi beaucoup plus spécialisé. Puis, je dirais, la deuxième chose, pour répondre, là, c'est que tu n'es pas victime seulement 17 h ou 5 h, tu es victime 40 heures par semaine, au minimum.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Je...

La Présidente (Mme D'Amours) : ...cède maintenant la parole au député de Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour à vous deux, toujours un plaisir de vous voir en commission. J'aimerais ça qu'on... Là, pour qu'on ait la même compréhension, tu sais, des fois, dans vos explications sur les clauses d'amnistie, vous faites référence, par exemple, à des attouchements, des choses comme ça. Est-ce qu'on s'entend sur le fait que ce genre de choses là arrivent? Ce n'est pas une tape sur les doigts qu'il faut, là. Il faudrait un congédiement, là.

Mme Bibeau-Lorrain (Catherine) : On s'entend, on s'entend, c'est vrai. Puis ça, ça revient aussi avec la proactivité des employeurs de faire ce genre d'action là, de... comme, s'il y a des violences à caractère sexuel qui se passent dans ce type-là, bien, c'est que la personne, elle devrait être mise à la porte directement. Des fois, si ça ne se passe pas, bien, il faut s'assurer d'avoir le cadre pour que le dossier disciplinaire reste au... pour que la tache reste au dossier disciplinaire de la personne. Mais on s'entend pour dire que, s'il y a ce genre d'action là qui se passe, bien, il faut que la personne... ne devrait plus avoir à rester dans l'établissement, là.

M. Leduc : C'est Me Cox qui le disait ce matin, elle disait, tu sais, si l'acte n'a pas mené à un congédiement, c'est qu'on considère, ou, en tout cas, l'employeur considère que le lien de confiance n'est pas disparu. Donc, ça doit être, on imagine, très mineur ou relativement mineur comme acte. Mais je comprends qu'on clarifie ça, là, comme... Si on est dans le registre des attouchements, c'est un congédiement, puis pas de gossage, de gradation de sanctions pour la suite des choses. Parce que, des fois, je trouve que, dans cette discussion-là, il peut y avoir un peu de complexité ou de flou alentour de la hiérarchisation de ce qui peut être commis et répréhensible. Sur les relations entre enseignants et étudiantes, étudiants, en fait, dans tous ces... j'imagine, évidemment, j'avais l'impression que c'était déjà un peu interdit, mais par université ou par cégep. Est-ce que je me trompe?

• (19 h 10) •

Mme Bibeau-Lorrain (Catherine) : Bien, ça dépend vraiment de chaque établissement, là. C'est... Ça dépend de chaque établissement, puis, des fois, il y en a qui peuvent le permettre, puis ça peut occasionner des situations d'abus de pouvoir, puis parce qu'il y a un conflit d'intérêts automatique, là. Ça fait que nous, c'est des choses qu'on voit, puis c'est sûr que ça... après cet encadrement des relations, ça dépend de chaque établissement, là.

M. Leduc : Ça fait que là, ce que vous voudriez, dans le fond, c'est uniformiser un peu cette pratique-là, qui pourrait déjà être appliquée d'une place à l'autre, mais...

Mme Bibeau-Lorrain (Catherine) : Exactement.

M. Leduc : O.K. Puis ça... Là, quelle loi on viendrait changer avec ça? Est-ce que vous...

Mme Bibeau-Lorrain (Catherine) : C'est une bonne question. On ne s'est pas penchés sur la manière d'appliquer cette recommandation qu'on a. Nous, c'est sûr qu'on... dans le cadre de ce projet de loi là, de dire que ce serait une bonne chose de l'inclure, vu qu'on parle de prévenir et de combattre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en milieu de travail. Sinon, tu sais, on parle beaucoup de la loi p-22.1, aussi, pour prévenir les violences à caractère sexuel en milieu d'enseignement supérieur. Ça fait que c'est des moyens qu'on voit, là, pour prévenir ce genre de relation là.

M. Leduc : Peut-être une petite dernière, Mme la Présidente...

La Présidente (Mme D'Amours) : 45 secondes.

M. Leduc : 40 secondes? Est-ce que le fait qu'on ait juste 17 heures dans le projet de loi, plutôt que 40... est-ce que c'est discriminatoire, selon vous?

Mme Mallette-Léonard (Laurence) : Selon nous, c'est discriminatoire.

M. Leduc : Donc, vous êtes du même avis que les trois professeurs qui sont...

Mme Mallette-Léonard (Laurence) : Oui, effectivement, parce que, justement, ce n'est pas parce qu'on a moins de 18 ans et qu'on travaille, maximum, 17 heures, là... ce n'est pas nécessairement vrai, considérant que la population étudiante collégiale peut avoir moins de 18 ans.

M. Leduc : Parfait. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci, Mme Mallette-Léonard, Mme Bibeau-Lorrain. Merci infiniment pour votre contribution à nos travaux de la commission, toujours très rafraîchissant de voir des jeunes s'impliquer.

Et la commission ajourne ses travaux jusqu'à demain, mercredi, le 31 janvier, après les avis touchant les travaux des commissions, où elle poursuivra son mandat. Merci beaucoup, tout le monde.

(Fin de la séance à 19 h 12)


 
 

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