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Version préliminaire

43e législature, 1re session
(début : 29 novembre 2022)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Le jeudi 20 avril 2023 - Vol. 47 N° 4

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 19, Loi sur l’encadrement du travail des enfants


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Journal des débats

11 h 30 (version non révisée)

(Onze heures cinquante-trois minutes)

La Présidente (Mme D'Amours) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'économie et du travail ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi no 19, Loi sur l'encadrement du travail des enfants. Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. Mme Boutin (Jean-Talon), est remplacée par Mme Poulet (Laporte).

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Nous entendrons ce matin les témoins suivants : la Fédération autonome de l'enseignement et l'Ordre des conseillers en ressources humaines agréés.

Je souhaite maintenant la bienvenue à la Fédération autonome de l'enseignement. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Puis je vous invite donc à vous présenter et à dire votre exposé.

Mme Hubert (Mélanie) : Merci. Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les membres de la commission, citoyennes et citoyens, bonjour. Je me présente, Mélanie Hubert, présidente de la Fédération autonome de l'enseignement. Je suis accompagnée aujourd'hui par M. Benoît Giguère, vice-président au secrétariat, à la trésorerie et à l'administration, ainsi que par MM. Christian Leblanc et Yves Cloutier, qui sont deux conseillers syndicaux.

La FAE est une organisation syndicale qui représente plus de 60 000 enseignantes et enseignants des centres de services scolaires ainsi que des écoles spécialisées Peter Hall et le Centre académique Fournier dans les régions de l'Outaouais, de la Montérégie, des Basses-Laurentides, de Laval, de Montréal, de l'Estrie et de la capitale nationale. Nous sommes très heureux de pouvoir faire entendre aujourd'hui la voix du personnel enseignant, une voix qui, depuis 2006, résonne haut et fort afin de rappeler l'importance fondamentale de l'école publique pour la société québécoise. Par ailleurs, j'aimerais préciser que je suis moi-même enseignante au primaire et que M. Giguère est enseignant au secondaire et qu'on pourra témoigner de la réalité dans les écoles.

En ce qui concerne le projet de loi d'aujourd'hui, qui est à l'étude aujourd'hui, la fédération reconnaît d'emblée qu'il s'agit d'un important pas dans la bonne direction, qui plus est, un pas qui est issu d'un consensus. Toutefois, nous vous proposons aujourd'hui une perspective différente de celle que les organisations ont pu prendre à cette tribune cette semaine, c'est-à-dire une perspective qui place l'école, et donc nos élèves, au centre du débat et des gestes que nous avons à poser.

J'aimerais d'abord parler de l'emploi du temps de ces enfants au travail. L'avis du Comité consultatif du travail de la main-d'œuvre a offert un portrait de la situation en ce qui concerne le monde du travail, mais, selon la FAE, le portrait est incomplet. La réalité de l'école publique n'y est pas suffisamment prise en compte. Notre mémoire a repris les encadrements légaux, dont l'obligation de fréquentation scolaire prévue à la Loi sur l'instruction publique et le nombre d'heures par semaine et annuelles prévues au régime pédagogique de la formation générale des jeunes...

Mme Hubert (Mélanie) : ...on s'est intéressé à l'emploi du temps, donc, typique des élèves du secondaire de 14 à 16 ans. Alors, si on regarde un horaire régulier d'un élève, déjà, il va à l'école de 7 heures à 8 heures par jour environ. Ça inclut les cours, les pauses, les heures de dîner et parfois du parascolaire, soit par les projets pédagogiques ou d'autres activités qu'il a à l'école. Puis, rappelez-vous, là, il y a des volontés gouvernementales d'augmenter le nombre de projets pédagogiques dans les écoles. Donc, on peut prévoir que les élèves vont investir plus de temps dans ces projets dans les prochains mois, les prochaines années. À ces heures de fréquentation scolaire, il faut ajouter évidemment les devoirs, leçons, travaux à la maison. La quantité et la durée varient, évidemment, selon divers facteurs. Est-ce que l'élève est inscrit dans des projets pédagogiques particuliers, a-t-il de la facilité ou non dans les cours, à quelle séquence de cours en troisième, cinquième... troisième, quatrième, cinquième secondaire est-il inscrit, tout ça va finir faire varier, évidemment, la durée des travaux. Et, finalement, il faut aussi tenir compte du transport entre l'école et la maison. Et, quel que soit un moyen de transport, on pense qu'on peut estimer ce temps-là en environ 30 minutes, jusqu'à 1 heure, voire plus, dépendamment. Il faut rappeler qu'au secondaire les élèves ne sont plus marcheurs, comme c'est le cas au primaire, mais qu'ils sont plus dépendants soit du transport scolaire ou des transports municipaux organisés dans la région.

Bref, quand on reprend la journée typique d'un élève, et je vais prendre l'exemple de mon fils, qui est un exemple réel, qui travaille en même temps, il se lève à 6 h 30, et le mien avait la chance de pouvoir déjeuner le matin, ce n'est pas le cas de tous les enfants au Québec, 7 h 15, il était parti pour l'école, 7 h 45 à 14 h 45, en classe ou toujours à l'école, fin des classes, retour à la maison, 15 h 15, il mangeait un peu, quelques devoirs, il se changeait, 16 h 30, il était reparti parce qu'il travaillait à l'épicerie de quartier dès 17 h et il assurait la fermeture jusqu'à 22 h, retour à la maison, 22 h 30, au lit à 23 h, pour se relever à 6 h 30 le lendemain matin, après une nuit d'environ 7 h 30, alors qu'on le sait les jeunes ont besoin de 8 heures à 10 heures de sommeil pour être fonctionnels.

Donc, dans notre mémoire, on a tenté de reproduire ça pour une semaine complète. Et, quand on cumule le temps de présence, les travaux, le transport, et tout ça, on arrive à un minimum de 40 heures semaine à consacrer à l'école toutes les semaines. Et à ça, on ajouterait 10 heures de travail en semaine, 17 heures au total, donc des semaines qui pourraient aller de 50 heures, du lundi au vendredi, jusqu'à 57 heures au total. Et, comme on le disait, ça pourrait aller plus loin, dépendamment du temps que l'enfant consacre à ses travaux ou à des activités parascolaires. Bref, on pense réaliste de dire que des jeunes pourraient avoir des semaines de plus de 60 heures au total avec les paramètres prévus à la loi actuellement.

Comment peut-on justifier qu'une semaine de travail normal est de 40 heures pour des adultes et, autorisé par un projet de loi, un horaire de 60 heures par semaine pour un enfant de 14 à 16 ans, qui est une obligation de fréquentation scolaire? Quand on compte qu'il faut avoir une moyenne, peut-être, de 9 heures par nuit, ça laisserait environ 2 heures à 6 heures par jour pour les enfants pour voir; a leurs besoins de base : manger, se laver, voir leur famille, socialiser avec leurs pairs, prendre du temps pour eux. La situation en fin de semaine serait peut-être moins tendue, évidemment, en termes d'horaires, mais un horaire comme ça a nécessairement un impact pour une majorité d'élèves sur le niveau de fatigue, sur le niveau de concentration, la motivation, et ça pourrait risquer de générer des stress... du stress et de l'anxiété. Et on sait que nos adolescents sont particulièrement vulnérables à ça par les temps qui courent.

• (12 heures) •

En outre, un enfant pourrait, exemple, pendant la période des Fêtes, travailler plus que 40 heures dans la semaine, cumuler des heures supplémentaires et ne pas avoir le temps de se reposer, revenir fatigué à l'école en janvier. On note également que les heures supplémentaires et la fatigue qui s'ensuit haussent les risques pour la santé et la sécurité au travail. Des atteintes à l'intégrité physique et psychique auront aussi des impacts sur la réussite scolaire de ces jeunes.

Dans un autre ordre d'idées, le lien entre pauvreté et décrochage n'est plus à faire. Notre mémoire est assez éloquent là-dessus. L'attrait du marché du travail est aussi une des raisons de décrochage scolaire, particulièrement chez nos garçons. Donc, conséquemment, on souhaite que le projet de loi reflète la réalité de l'école publique et on vous recommande ce qui suit : d'abord, interdire les heures supplémentaires, s'en tenir à des semaines de 40 heures par semaine ou à 8 heures par jour pour les enfants qui sont assujettis à l'obligation de fréquentation scolaire quand ils sont en période de non-fréquentation scolaire, là, pensons notamment aux vacances; en temps de fréquentation scolaire, limiter à 10 heures par semaine et à 4 heures du lundi au vendredi, sauf pendant les périodes de plus de sept jours où il ne reçoit pas de service éducatif; et finalement...


 
 

12 h (version non révisée)

Mme Hubert (Mélanie) : ...interdire le travail des enfants entre 21 h et la fin des classes le jour suivant, exception faite des livreurs de journaux ou d'autres publications, pour préserver le temps de sommeil si précieux à nos adolescents.

Je vais passer la parole à monsieur Benoît Giguère, qui va vous parler de santé et sécurité au travail.

M. Giguère (Benoît) : Merci, Mélanie. Bonjour, Mme la Présidente, M. le ministre, Mesdames et Messieurs les membres de la commission. Nous souhaitons mettre à votre attention qu'il est essentiel d'obtenir des données qui sont globales, ventilées par tranche d'âge et différenciées pour les femmes et les hommes afin de déterminer les effets du travail des enfants, notamment sur les accidents de travail, la réussite scolaire, les enjeux qui sont reliés à la santé psychique ou encore la violence dans le milieu de travail, car les effets du travail des enfants laissent des traces qui perdurent dans le temps et affectent les différentes facettes de l'intégrité, autant psychique, morale que physique de l'enfant. Tenir de telles données qui seront probantes et surtout suffisantes permettra d'établir un portrait qui va être beaucoup plus réel et d'évaluer si la loi, une fois mise en vigueur, est adéquate ou s'il y a des éléments qui sont à modifier ou encore à... ou à ajouter.

Du côté des modifications à la Loi sur la santé et sécurité du travail, la FAE accueille favorablement l'inclusion aux mécanismes de prévention la prise en compte des risques qui peuvent affecter notamment particulièrement les travailleuses et travailleurs âgés de 16 ans et moins. Cependant, les tâches qui ne devraient pas être effectuées par des travailleuses et travailleurs de 16 ans et moins ne devraient pas faire uniquement l'objet de recommandations de la part de la personne responsable... ou plutôt représentante en santé et sécurité et de la personne agente de liaison. Cet aspect, selon nous, devrait être intégré également au programme de prévention ou au plan d'action selon ce qui est applicable à l'employeur. De même, la détermination des tâches qui ne devraient pas être effectuées par les travailleuses et travailleurs de 16 ans et moins devrait également faire partie des fonctions du comité de santé et sécurité. Ces mesures assureraient la prise en compte à tous les niveaux des moyens de prévention nécessaires à la protection de la santé et de la sécurité ainsi qu'à l'intégrité psychique et physique des enfants.

Je cède à nouveau la parole à madame Hébert pour la conclusion.

Mme Hubert (Mélanie) : Alors, en conclusion il faut donner aux enfants les meilleures conditions d'apprentissage, et cela va passer par des restrictions sur la possibilité de les employer. L'instruction et la réussite scolaire des enfants doit être plus importante que les difficultés liées à la pénurie de main-d'œuvre. Trouvons des solutions qui préservent leur avenir. Et c'est en ce sens qu'on vous propose d'aller un peu plus loin dans le projet des enfants... dans le projet de travail des enfants. Être élève, c'est un travail à temps plein. Merci.

La Présidente (Mme D'Amours) : Je vous remercie pour votre exposé. Nous allons maintenant commencer la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Boulet : Merci, Mme la Présidente. D'abord, vous remercier de votre présence, la qualité de votre mémoire, on voit que c'est vraiment fouillé, puis vous l'abordez sous un angle qui est spécifique, notamment pour les enfants des milieux plus défavorisés. Et merci de votre appui qui est favorable au projet de loi. Vous proposez un certain nombre d'amendements. On est limités dans le temps, mais on aura peut-être, madame Hubert, d'autres occasions de s'en parler. Mais, par exemple, on est d'accord que c'est d'abord et avant tout d'être un élève à temps plein. Puis je pense que la meilleure voie vers un avenir qui est intéressant, qui est humain puis qui est enrichissant, c'est d'abord d'être à l'école puis d'apprendre. Puis c'est une économie, comme vous savez, dans laquelle nous vivons, qui s'appuie beaucoup sur le développement des connaissances puis le développement d'habiletés. Ça fait que c'est important de le faire.

Je voulais simplement vous mentionner quelques points, là, parce que je suis limité dans le temps, là, mais le temps supplémentaire, là, pour les périodes, bon, quand il n'y a pas de service éducatif pour sept jours consécutifs et plus, les autres dispositions de la Loi sur les normes du travail s'appliquent. Donc, il n'y a pas... il y a une incidence, là. On ne veut pas que, pendant la période estivale, les employeurs soient incités, pour ceux qui peuvent le faire, là, en haut de 14 ans, 14 ans et plus, puis ceux en bas quand ils font partie des exceptions, de manière trop libérale, au sens réel du terme, là. Ça fait que, si c'est plus de deux heures au-delà des heures habituelles, le nombre d'heures limite par semaine, les préavis pour les heures de travail...

M. Boulet : ...il faut se redire l'importance de respecter la capacité puis le niveau de développement moral et physique des jeunes. C'est véritablement important. Puis je vous rappellerai que pour les enfants ou les jeunes des milieux défavorisés, il y a une série de mesures fiscales, là, au Canada, les allocations canadiennes pour enfant et au Québec pour aider les personnes à sortir de leur état financier précaire.

Le nombre d'heures. Je comprends les calculs que vous faites, mais en même temps, il y a un consensus. Puis l'Organisation internationale du travail a des paramètres aussi que nous respectons dans le projet de loi. Le nombre d'heures, évidemment, il y a énormément d'analyses puis de statistiques au Québec, au Canada puis à l'échelle internationale. Ça varie beaucoup entre 15 et 20. Le consensus qui a été dégagé par le CCTM, auquel participait notamment la Centrale des syndicats du Québec, est vraiment e fruit d'un dialogue social. Puis moi, je trouve fondamental de le respecter. En ce qui concerne le nombre d'heures, c'est... c'est un élément qui nous apparaît véritablement crucial. Mais par semaine, ça varie, hein, dépendamment des études. Ça part de 15, il y en a jusqu'à 20, il y en a qui nous demandent d'aller au-delà de 20. Je pense que les conclusions qui découlent d'un examen attentif de votre rapport nous inviteraient à aller plus bas, mais on croit encore que 17 ans est le fruit d'un bon compromis.

Juste quelques éléments, là. En matière de santé-sécurité, c'est ce qu'on a voulu faire. Souvenez-vous, dans le projet de loi, dans la loi maintenant qui modernise le régime de santé-sécurité, on veut s'assurer de mettre un accent vraiment important sur la santé-sécurité des jeunes de 16 ans et moins parce que c'est l'âge jusqu'à laquelle ils doivent fréquenter l'école. Mais les mécanismes de prévention et de participation... Bon, le programme de prévention, le plan d'action pour les entreprises plus petites, le comité paritaire de santé-sécurité, les représentants en santé-sécurité et les agents de liaison pour les entreprises en bas de 20 doivent tous faire le même travail. Dans le programme de prévention puis le plan d'action, on doit identifier les risques qui sont particuliers. Je pense que c'est M. Giguère qui le soulevait, mais les risques doivent être identifiés pour être mieux contrôlés et éventuellement éliminés. Et on a prévu exactement les mêmes dispositions dans le projet de loi no 19 que ce que nous avons dans la loi 27 maintenant. Puis vous avez noté aussi que les représentants en santé-sécurité puis les agents de liaison pourront recommander des tâches qui sont incompatibles ou qui constituent des risques trop importants pour nos jeunes.

• (12 h 10) •

Mon Dieu! que le temps va vite. Mais je veux redire aussi l'importance de l'engagement des parents. On est tous d'accord que le travail des jeunes, c'est une responsabilité partagée. C'est devenu un enjeu collectif. Les parents, avec le formulaire qui donne... prescrits, vont devoir consentir. Puis il y aura beaucoup d'informations sur les heures de travail, sur les périodes de disponibilité et sur la nature des tâches. Et donc, c'est les parents qui sont les plus aptes ultimement à donner un assentiment à ces éléments-là qui vont permettre aux jeunes de travailler. Donc, c'est important de le mentionner. Puis les balises de 17 heures et 10 heures, ils vont pouvoir en exercer le contrôle de façon directe pour éviter que ça puisse affecter tant le parcours académique que de le rendre plus susceptible d'avoir des accidents de travail.

Puis j'aime beaucoup que vous référiez, Mme Hubert, au temps de sommeil. C'est un des symptômes qui ressort de façon constante. On parle d'anxiété, de stress, de fatigue, de dépression, mais le sommeil, là, il y a... Ça entraîne une succession de problématiques comme la capacité de concentration. Il y a des... probablement des élèves, puis il y en a, c'est documenté, qui, parce qu'ils travaillent trop, ne sont pas capables de bien apprendre. Puis le taux d'abandon...

M. Boulet : ...de ces personnes-là qui ont des problématiques de sommeil est probablement beaucoup plus élevée.

La Présidente (Mme D'Amours) : En terminant.

M. Boulet : Puis je vous ai lus, pour le montant des amendes, puis on va recourir à votre expertise aussi, là, avec des activités de sensibilisation et d'information... Merci beaucoup, mais on va se reparler.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci, M. le ministre. Maintenant, je cède la parole à la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Cadet : Merci, Mme la Présidente. Merci, Mme Hubert. Merci, messieurs, pour votre présentation. Les objectifs du projet de loi, manifestement, donc, nous les partageons tous, autour de cette table qui... donc la favorisation de la fréquentation scolaire, de la réussite académique ainsi que la santé et sécurité des jeunes. Je suis définitivement interpellée par ce que vous nous émettez dans votre mémoire, là, au niveau du lien qui n'est plus à faire entre pauvreté et décrochage scolaire, évidemment, étant élue dans une circonscription métropolitaine à fort contexte de défavorisation. C'est certain que ces données-là ne sont... ces corrélations-là ne sont effectivement plus à faire.

Vous nous avez décrit l'horaire typique par semaine des jeunes. Vous l'avez mis dans votre présentation, vous êtes enseignante au primaire, monsieur, vous êtes enseignant au secondaire, donc ce sont des réalités que vous voyez sur le terrain. Je me questionne, en premier lieu, sur... donc, au niveau, donc, des différentes, donc, estimations. S'il y avait, au niveau des balises, un maximum d'heures par jour en plus, donc, des heures par semaine et des heures totales, incluant la fin de semaine, qui était mis de l'avant, donc, je veux voir un peu, donc, comment ça s'adapterait dans vos exigences de temps consacré à l'obligation de fréquentation scolaire que vous nous mettez dans vos tableaux.

Mme Hubert (Mélanie) : On n'a pas pensé à des balises en termes de nombre de jours, mais vous comprendrez que, quand on propose quatre heures du lundi au vendredi, ça laisse peu de place à plusieurs jours de plusieurs heures. Donc, ça pourrait être un seul soir de quatre heures. Et puis là, si on va autrement, avec les normes du travail, faire déplacer les enfants pour seulement une heure par jour, vous comprendrez que ça ne serait pas applicable, donc ça viendrait limiter dans la semaine le nombre de soirs où l'enfant ou l'adolescent est au travail. Mais on n'a pas pensé ça en termes de nombre de jours, en tant que tel, mais quatre heures limite vraiment le nombre de jours ou d'heures qu'on peut faire dans une journée.

Mme Cadet : C'est sûr... donc ce n'est pas ce qui est ressorti du consensus. Quand on regarde dans... autres provinces canadiennes, en Colombie-Britannique, au Manitoba, donc, il y a ce type de considérations là. Je n'ai pas nécessairement, donc, les heures totales par semaine, là, qui sont prévues dans ces législatures comparables. Dans cette perspective-là, au-delà du quatre heures par semaine que vous proposez, donc, est-ce que c'est un aménagement que vous verriez qui serait compatible avec l'estimation d'horaire, là, par semaine que vous nous mettez?

Mme Hubert (Mélanie) : Ce que vous mettez de l'avant ne semble pas incompatible avec ce qu'on propose, effectivement. Puis juste vous dire, sur le consensus, là, rappeler que la fédération n'était pas partie de ces discussions-là, d'abord, donc on se sent tout à fait libre aujourd'hui de vous proposer d'autres voies. Et, par ailleurs, je le disais dans la présentation, ce consensus-là, à notre avis, il était incomplet parce qu'il n'a pas assez pris en compte la réalité de l'école, des élèves puis des statistiques qu'on connaît toutes et tous sur le décrochage scolaire.

Mme Cadet : Il y a d'autres groupes qui oeuvrent avec des jeunes qui sont dans des situations de vulnérabilité, là, qui nous parlaient des parcours atypiques des jeunes, notamment lorsqu'ils sont dans des programmes où, donc, il y a une formation, donc, à l'emploi, là, qui fait partie du cursus, donc qui lui permet de demeurer accroché à l'école. Donc, peut-être vous entendre un petit peu là-dessus, au niveau de votre expertise, donc, des programmes d'accès à des métiers, donc, certains... selon, donc, certains groupes, donc, il s'agirait peut-être, donc, d'angles morts ou d'éléments, donc, à prendre en considération dans notre travail de législateur.

M. Giguère (Benoît) : En fait, il existe effectivement, là, différentes voies, déjà au secondaire, là, qui permettent le tremplin vers soit la formation professionnelle ou même des métiers semi-spécialisés, là, dès à peu près 14, 15 ans, là. Donc, ces programmes-là permettent à la fois de poursuivre au niveau de la scolarité et également, là, d'acquérir des expériences sur le marché du...

M. Giguère (Benoît) : ...du travail, mais se consacre principalement à l'école de terminer pour avoir une qualification avec une population scolaire très particulière qui est souvent des élèves en difficulté, là, qui n'atteignent pas les critères de réussite, des objectifs de réussite du secondaire II notamment, là. Donc, c'est souvent des élèves qu'on ne voit pas terminer nécessairement à courte échéance avant l'âge de 16 ou 17 ans.

La Présidente (Mme D'Amours) : ...25 secondes.

Mme Cadet : 25 secondes. Donc, peut-être en terminant. Documentation, tout le monde nous a parlé de mieux documenter. Votre cinquième recommandation demande de mettre en place des mesures annuelles de suivi, donc une analyse différenciée selon les sexes plus. Donc, est-ce que c'est quelque chose que vous verriez qui serait compatible avec ce que vous nous demandez ici?

La Présidente (Mme D'Amours) : Cinq secondes.

Mme Hubert (Mélanie) : Absolument, c'est tout à fait compatible.

Mme Cadet : Super.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Je souhaite maintenant la parole au député d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : Des syndicats de profs, ça respecte les consignes. C'est bon, c'est bon. Bonjour, bienvenue à cette Assemblée. J'ai pas beaucoup de temps moi non plus, alors allons directement au but. Votre recommandation numéro 4 parle des amendes. Vous ne faites pas nécessairement une recommandation précise sur un chiffre magique, mais ce que je comprends, c'est qu'il faut que ça soit plus haut, là, parce que sinon le fait n'est pas assez dissuasif, c'est bien ça?

M. Leblanc (Christian) : Merci. Bonjour. Bien, effectivement, là, d'augmenter les amendes, bon... mais on comprend que par la Loi modernisant le régime de santé-sécurité, même à la LATMP, il y a eu des doubles amendes. Par contre, là on parle de la santé et de la sécurité des jeunes et on fait un peu une analogie avec l'article 237 de la Loi sur la santé et sécurité au travail, où on identifie essentiellement, au niveau des personnes morales et des personnes physiques, les amendes. Et au niveau d'une personne morale, on parle de 15 000 $. Puis cet élément-là est toujours en matière de compromettre, là, la santé et la sécurité, l'intégrité physique. Donc, on est dans ces eaux-là. On comprend mal pourquoi, en matière de normes du travail, on n'irait pas dans le même niveau, alors que même, je pense, M. le ministre l'a mentionné tantôt, l'article 84.2, bien, exige d'avoir, là... de s'assurer que le travail qui est effectué soit correct pour l'enfant qui l'effectue. Donc, on faisait des liens, là, de santé qu'il y a dans la Loi sur les normes avec la Loi sur la santé-sécurité au travail.

M. Leduc : C'est très clair, merci. Dans le temps qui reste, vous avez sûrement entendu peut-être d'autres présentations avant vous, l'idée, là, d'introduire une espèce de palliatif au fait qu'il n'y pas de RRQ perçu, là, pour l'employeur quand on embauche des mineurs de 18 ans par un fonds de persévérance scolaire. C'est la Fédération des comités de parents qui proposait ça. Est-ce que c'est une idée qui pourrait vous rejoindre?

La Présidente (Mme D'Amours) : C'est tout le temps que nous avons. Je suis désolé.

Donc, je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission. Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre aux prochains invités de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 19)

(Reprise à 12 h 23)

La Présidente (Mme D'Amours) : Je souhaite maintenant la bienvenue à l'Ordre des conseillers en ressources humaines agréés. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous... à vous présenter puis à commencer votre exposé.

Mme Poirier (Manon) :Merci, Mme la Présidente. Mon nom est Manon Poirier. Je suis la directrice générale de l'Ordre des conseillers en ressources humaines agréés du Québec. Je suis accompagnée de ma collègue Noémi Ferland Dorval, directrice des affaires publiques et des communications. Nos remerciements à la commission de nous inviter à partager la perspective de l'ordre.

L'ordre des CRHA est un des 46 ordres au Québec. Et, bien sûr, à l'instar de nos collègues, notre mission, c'est d'assurer la protection du public. Notre public à nous, c'est l'ensemble des travailleurs et des organisations au Québec. Et notre perspective est autant pour la réussite des organisations que pour le développement et le mieux-être des travailleurs. Bien sûr, nos professionnels sont au cœur des enjeux de pénurie de main-d'œuvre. Donc, vous apportez aujourd'hui leur perspective. Clairement, ils ont un intérêt investi dans la question.

Je pourrais prendre quelques minutes pour saluer la diligence du ministre du Travail. C'était à l'été dernier où plusieurs d'entre nous, plusieurs acteurs, ont constaté le nombre plus grand de plus jeunes enfants qui étaient dans nos organisations. Alors de constater que, moins d'un an plus tard, on est assis ici avec un projet de loi structurant, je voudrais saluer ceci ainsi que le consensus support qui s'est dégagé des travaux de la CCTM, auxquels on a participé à l'automne dernier. En fait, le message principal qu'on a à vous livrer aujourd'hui, c'est notre souhait de garder le cap. C'est un projet de loi qui est bien ciblé, qui est pertinent et équilibré, selon notre perspective.

Notre appui au projet de loi se fonde sur différents éléments. Premièrement, bien, bien sûr, le travail peut être bénéfique pour les enfants. Au même titre que leur implication dans les activités sportives ou culturelles, le travail permet aux enfants de développer certaines compétences, s'affirmer et créer un nouveau groupe d'appartenance. Mais, bien sûr, plusieurs groupes se sont présentés devant vous dans les derniers jours pour vous faire part des risques liés à la santé-sécurité, les risques liés au décrochage, on en fait état dans notre mémoire, mais je pense que vous avez suffisamment eu les données qui sont quand même assez probantes à cet effet-là. Les enfants ne peuvent pas être la solution à la pénurie de main-d'œuvre, surtout quand, encore, malgré un taux de chômage très, très bas, un taux d'emploi assez élevé pour la plupart des groupes, il y a encore des écarts chez la population adulte active. Ça fait qu'il y a encore des adultes qui ont le goût et les capacités de travailler et qui seraient disponibles pour des emplois, des emplois, souvent, les gens...

Mme Poirier (Manon) :...des emplois qui ne demandent pas des qualifications particulières, il y a encore des adultes disponibles. Alors, quand... peut-être qu'on pourra reconsidérer le travail des plus jeunes enfants quand on regardera dans nos organisations et on verra que la présence de tous les groupes de notre société, de la population active sont vraiment représentés. À ce moment-là, on pourra peut-être se dire : Bon, d'accord, est-ce que la prochaine étape, c'est d'avoir des jeunes enfants dans nos milieux de travail?, ou peut-être plus sagement, comme société, prendre la décision qu'on n'est peut-être pas nécessaire d'avoir accès, comme consommateurs, 24 h sur 24, sept jours sur sept à certains des services, qu'on apprécie tant, par ailleurs.

Un sondage auprès de nos CRHA CRIA venait confirmer leur appui, en fait, aux mesures du projet de loi, donc de fixer un âge minimal, aussi de restreindre le nombre d'heures pendant l'année scolaire. Donc, leur point de vue est intéressant parce que, bien sûr, c'est eux souvent qui font le recrutement, qui font l'embauche au sein des organisations, et ce sont vers eux que les organisations se tournent, dans ce contexte de pénurie de main-d'oeuvre, quand il manque de gens et qu'on ne peut pas rencontrer les objectifs d'affaires. Donc, si eux sont convaincus, en très large majorité, de la pertinence de ceci, ça vous dit qu'il y a certainement d'autres voies pour régler les problèmes de pénurie de main-d'œuvre que de faire travailler des 11, 12 et 13 ans.

Donc, vraiment, je pense que notre devoir collectif, c'est de regarder la question du travail des enfants à travers le prisme... exclusivement à travers le prisme du bien-être des enfants et non pas à travers le prisme des inconvénients qui... ceci pourrait nous causer à court terme dans certains milieux de travail. Donc, notre devoir, c'est de penser à la santé, à l'éducation des enfants à court, à moyen et surtout à long terme.

Donc, puisque M. le ministre estime que les projets de loi sont toujours perfectibles, alors voici quelques éléments qu'on aimerait vous partager sur ce projet de loi là. On a fait huit recommandations dans notre mémoire. Je voudrais attirer votre attention sur certaines.

La première, c'est d'éviter de multiplier les exceptions à l'âge minimal de 14 ans afin de ne... de respecter l'intention première et de ne pas complexifier l'application de la loi. Le fait de... Certaines exceptions qui sont déjà là nous semblent effectivement être des exceptions qu'on voit depuis très, très longtemps et qui sont la prolongation de la vie familiale ou scolaire, et celles qui sont prévues nous semblent adéquates. C'est possible qu'on ait un certain angle mort maintenant, qu'il y ait d'autres situations qui, au fil des années, vont faire qu'on va se dire : Bien, peut-être que ça pourrait constituer une exception, et, à ce moment-là, on pourrait peut-être, par règlement, rajouter d'autres exceptions, mais il faudrait vraiment que ce processus-là soit rigoureux et que ces exceptions demeurent exceptionnelles.

• (12 h 30) •

Au niveau de l'entreprise familiale, c'est vrai qu'objectivement il y a autant de risques dans la boulangerie du coin qu'une boulangerie qui est administrée par un parent, sauf que la différence entre ces deux boulangeries-là, c'est vraiment la supervision parentale. Donc, c'est ce prolongement de la vie familiale. Donc, si on enlevait la limite de 10 ou si on revoyait la définition, je pense qu'il y aurait un risque de plus en plus de fragiliser vraiment le lien de supervision familiale qui, à notre sens, rend cette exception-là adéquate pour le moment.

Le législateur veut créer aussi une obligation d'identifier les risques en santé et sécurité pour les moins de 16 ans, ce qu'on accueille, bien sûr, de façon positive. Cependant, on incite vraiment déjà, présumant de l'adoption du projet de loi, de préparer... que, vraiment, on puisse soutenir les employeurs. De façon spontanée, on a entendu différents commentaires en disant : Bien, est-ce vraiment là nécessaire d'identifier des risques pour les 16 ans? Un poste comporte certains risques, et donc il est vrai pour l'ensemble des personnes qui l'occupent. Et des spécialistes en santé et sécurité nous ont dit : Soyons vigilants. Effectivement, il y a vraiment des différences au niveau du développement de l'enfant. Donc, bien sûr, le jugement et l'anticipation des dangers peuvent être compromis dans une période de développement cognitif. Lever des charges lourdes pendant la période de croissance peut affecter celle-ci parce qu'elle peut avoir un impact sur les plaques de croissance. Les jeunes réagissent aussi différemment, selon ces experts, à différents produits toxiques, donc ils ont une plus grande perméabilité aux produits par une fréquence respiratoire plus grande avant la puberté, ce qui pourrait compromettre leur développement. Au niveau des risques psychosociaux, on comprend bien qu'un jeune devant une position d'autorité pourrait peut-être être même gêné de soulever un risque ou encore de dénoncer une blessure qu'il a eue. Donc, il y a vraiment... Donc, les experts nous disent : C'est vraiment une distinction. Et donc comment... Et ça prend... Vous constaterez que ça prend quand même une connaissance assez fine, donc, pour s'assurer que l'ensemble des employeurs au Québec sont...


 
 

12 h 30 (version non révisée)

Mme Poirier (Manon) :...capable d'identifier les risques et de trouver des méthodes pour les réduire. Il va absolument falloir les accompagner parce que cette expertise, elle n'est pas, bien sûr, dans l'ensemble des organisations.

Finalement, au niveau de la formation, donc formation des jeunes, bien sûr, donc, ça pourrait prendre différentes formes, soit une formation obligatoire pour les jeunes travailleurs avant de pouvoir avoir accès à l'emploi, ou aussi la formation, donc... ou aussi encore d'autres mécanismes. On a un mécanisme qui s'appelle la Loi sur les compétences, la fameuse loi du 1 %, absolument, c'est comme ça qu'on la nomme. Peut-être qu'on pourrait trouver des mécanismes pour les employeurs de jeunes, qu'il y ait un plus haut pourcentage qui soit investi en formation. Ce ne sont que des exemples de mesures pour vraiment renforcer le message de l'obligation de formation des jeunes... des jeunes travailleurs.

Et on invite aussi les employeurs. Bien sûr, on est en train de regarder un projet de loi, mais la trame de fond, aussi, collectivement, dans les... dans les efforts pour encadrer le travail des jeunes. Il faut que les employeurs aussi mettent de l'avant les bonnes pratiques. Donc, là, on a déjà commencé en ce sens-là à inciter les employeurs à mettre de bonnes pratiques de l'avant, notamment en soutenant la persévérance scolaire, en créant des bourses, en s'intéressant à ce que... à ce que les jeunes font, pour lancer le message de l'importance qu'ils accordent, eux aussi, au succès de leurs études. Donc, la CNESST pourrait nécessairement, bien sûr, être un acteur important. Et l'ordre serait heureux de collaborer dans ce genre d'initiative là.

Finalement, une autre recommandation qui fait clairement l'unanimité, c'est de s'assurer d'avoir les statistiques et de documenter ce phénomène-là. Voir aussi si l'impact de ce projet de loi là va vraiment réduire les accidents et aussi peut-être avoir une influence positive sur la persévérance scolaire.

Donc voilà, ça fait le tour pour nous. On serait heureux de répondre à vos questions. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci pour votre exposé. Nous allons maintenant commencer la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Boulet : Oui. Merci, Mme la Présidente. Merci à vous deux. Hein, c'est un... C'est un excellent mémoire. Vous savez l'estime que nous avons pour l'Ordre des conseillers en ressources humaines agréés et la représentativité qui est extrêmement intéressante pour des travaux d'une commission parlementaire. Et on est, je vous dirais, sur la même longueur d'onde. Je pense qu'on se connaît. On s'est déjà parlé de sujets de même nature. D'abord, reconnaître que le travail est bénéfique. Les études le démontrent. Jusqu'à un certain nombre d'heures, c'est même positif quand on fait une comparaison aux jeunes qui ne travaillent pas. Mais il faut trouver un équilibre entre la valeur du travail puis la valeur de l'éducation, hein?

Puis l'éducation, l'acquisition de connaissances, c'est la meilleure avenue pour se sortir de son état ou pour se donner un avenir qui est intéressant. Puis hier j'ai senti le besoin de spécifier que ce projet de loi là ne vise pas à briser des rêves, mais surtout à éviter que des vies soient brisées par des accidents qui provoquent des blessures corporelles graves, ou des séquelles psychologiques, ou nuisent à un parcours académique qui donne un avenir humain intéressant, puis qui te permet de développer tes connaissances. Puis le jeune qui travaille trop, on en parlait avec le groupe qui vous précédait, ce n'est pas que l'anxiété, le stress ou la fatigue, c'est des troubles de sommeil, c'est les... c'est une... un état psychologique qui devient de plus en plus précaire et qui n'incite pas toujours à abandonner, mais à avoir des résultats qui ne sont pas compatibles avec le potentiel du jeune.

Sur le phénomène de pénurie de main-d'œuvre, je suis totalement d'accord avec vous. Il faut penser à intégrer. Il y a encore des personnes en situation de handicap au Québec, il y a encore des personnes assistées sociales qui sont des adultes, là, des personnes issues des communautés autochtones, des personnes immigrantes, des femmes aussi dans certains secteurs, puis des jeunes qui ont entre 18 ans et 34 ans, qui ne sont ni aux études ni en emploi ni en formation. Il y a encore un potentiel humain extrêmement intéressant au Québec pour répondre aux besoins de main-d'œuvre additionnelle. Les jeunes seront toujours là pour supporter, pour aider, pour répondre à des besoins, mais il n'y a pas... Ils ne constituent pas, vous le dites bien, la solution à la pénurie de main-d'œuvre, d'accord avec vous. Puis là je vais y aller de façon télégraphique, il ne faut pas...

M. Boulet : ...les exceptions parce que ça dénature, ça vient porter atteinte à l'intention du projet de loi. Vous êtes d'accord avec le 14 ans, en bas de 14 ans, la règle, c'est il n'y a pas d'admission à l'emploi, il n'y a pas de travail. Ça fait que les exceptions, il faut vraiment que ce soit respectueux, non seulement de la capacité, mais que ça ne nuise pas, là, à la persévérance scolaire puis que ça n'engendre pas des accidents de travail.

Le pouvoir réglementaire du gouvernement, oui, Manon, il va falloir que ce soit exercé avec beaucoup de prudence et de précaution. Vous avez vu qu'on avait dit, après consultation de la CNESST, puis on va s'assurer que la CNESST soit bien attentive, là, aux impacts, là, parce que, vous le soulignez à la fin, il va falloir mesurer comment on a atteint nos objectifs, là. Parce que le projet de loi, dans la mesure où il devient une loi, il va falloir vérifier comment il s'applique puis les résultats que ça engendre.

L'accompagnement, tu sais, c'est un défi, ça, Manon puis Noémie. Vous dites : Les entreprises ou les employeurs auront besoin d'être bien soutenus, bien accompagnés. Au-delà de la CNESST puis d'autres partenaires, qu'est-ce que l'on pourrait proposer comme accompagnement? Noémie, je vois le sourire.

Mme Ferland-Dorval (Noémie) : Oui, bien, effectivement, l'ordre est très actif en ce sens-là. C'est sûr que, lorsque les obligations vont être adoptées, on va être... on va venir informer nos gens pour qu'ils puissent les mettre en application rapidement, mais, au-delà de ça, on parle des bonnes pratiques. On a déjà commencé à le faire, on continue à le faire, parce que, vous le savez, dans les organisations, il y a des professionnels en ressources humaines, surtout dans les organisations qui dépassent un seuil de 50 employés. Donc, les plus petites organisations, elles n'ont pas nécessairement les ressources à l'interne, donc on doit les accompagner. Nous, clairement, on va faire un rôle en ce sens-là. On l'a toujours fait puis on va le continuer, on va continuer à le faire.

Puis il y a les autres acteurs du monde du travail, évidemment, qui devraient aussi mettre l'épaule à la roue. On pense notamment aux acteurs de proximité, comme les associations sectorielles ou bien les chambres de commerce locales, qui vont pouvoir diffuser les outils. Mais c'est sûr que le gouvernement, via la CNESST, bien, elle a un rôle de développer ces outils-là qui pourront être diffusés, puis toujours dans une optique de cohérence organisationnelle. Donc, l'idée, c'est de savoir aussi ce dont... sur quoi la CNESST va travailler, pour éviter qu'on dédouble les mêmes outils, mais qu'on puisse être complémentaires aux approches du gouvernement en matière d'accompagnement, parce que c'est vraiment là que le bât blesse. Les petites organisations, au quotidien, elles ont tellement de chapeaux à porter, et si, en plus, elles ne bénéficient pas d'expertise, c'est sûr que, tu sais, ça ne sera pas fait. Donc, qu'on puisse pallier à ça, puis offrir cet accompagnement-là, et faciliter cet accompagnement-là. On sera là puis on espère que l'ensemble des acteurs seront là, également.

M. Boulet : Puis l'accompagnement ou le soutien, ça commence par la sensibilisation, l'information, la formation. Quel rôle pouvez-vous jouer sur ces éléments-là?

Mme Poirier (Manon) :Bien, je pense que notre... à prime abord, bien sûr, notre premier public, c'est sûr que ça demeure les CRHA, les CRIA, donc non seulement l'information, la formation, mais aussi, à chaque fois qu'il y a un nouveau cadre législatif, notre processus d'inspection. Donc, chaque année, on inspecte 1 000 CRHA, CRIA, qui représentent plusieurs organisations, donc 1 000 organisations différentes au Québec. Donc, on s'assure, de façon très, très pointue de valider leurs pratiques au sein des organisations.

Par ailleurs, l'ordre, je dis que notre premier public, ce sont les professionnels agréés, mais, bien sûr, on s'est donné vraiment la mission de rejoindre les petites organisations, comme Noémie le mentionnait. Donc, on a différents instruments pour pouvoir, tu sais, guides, de la formation, et rejoindre l'ensemble des petites organisations, bien sûr, en collaboration avec d'autres associations. Donc, je pense qu'on a... on a toujours eu le souci de déployer des outils pertinents, cohérents, simples d'utilisation, qui rejoignent la cible. Donc, on va continuer de le faire, donc à la fois pour nos professionnels et à la fois pour les petites organisations qui n'ont pas accès à cette expertise-là.

• (12 h 40) •

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. C'est tout le temps que nous avions. Donc je vais céder maintenant la parole à la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

Mme Cadet : Merci, Mme la Présidente. Merci, madame Poirier. Merci, Noémie, pour cet exposé. Je... Vous avez parlé de pénurie de main-d'oeuvre et vous en discutez dans votre mémoire. Puis je trouve... je trouve vraiment intéressant, là, que vous indiquiez l'importance de miser sur les bassins sous-représentés, donc, que malgré les taux de chômage historiquement bas, que plusieurs bassins de travailleurs adultes demeurent sous-représentés en milieu de travail. Je... Peut-être élaborer sur certaines de ces situations-là. Je pense que le ministre l'a évoqué, là, aussi, en mentionnant que c'est... que, véritablement, donc, il est possible d'aller puiser dans ces bassins-là, là, notamment les personnes en situation de handicap...

Mme Cadet : ...l'étude... l'étude d'impact... l'analyse d'impact réglementaire, pardon, encadrant, donc, le projet loi, donc, parlait d'un manque à gagner relativement faible pour... pour les employeurs, là, en ce qui a trait, donc, au... à la modification législative, là, qui s'ensuivrait. Donc, est-ce que vous êtes en mesure peut-être d'élaborer sur des comparatifs puis de...

Mme Ferland-Dorval (Noémie) : Donc, si on parle des bassins de main-d'oeuvre sous-représentés, pour en nommer quelques-uns, il y a évidemment les travailleurs expérimentés. Donc, selon le ministre des Finances du Québec, on pourrait aller chercher jusqu'à 70 000 à... de 70 000 jusqu'à 75 000 travailleurs additionnels de ce bassin-là. Il y a évidemment les personnes autochtones. Donc, selon le Comité consultatif des Premières Nations et des Inuits, il y a... il y aurait environ 40 000 personnes de 15 ans et plus qui étaient au chômage ou inactives. Il y a également les personnes en situation de handicap, donc on parle d'un bassin de 30 000 personnes, des personnes immigrantes, etc. Donc il y a beaucoup de ces bassins-là qui sont... qu'il y a un écart entre entre leur présence sur le marché du travail. Donc, avant de penser aux jeunes, allons cibler ces personnes-là. De plus en plus, tu sais, on pense que les organisations sont ouvertes à ces bassins-là. Il y a beaucoup de sensibilisation qui a été faite. Il va falloir continuer en ce sens là. Mais c'est sûr, on parlait d'accompagnement tout à l'heure, c'est encore le cas pour ces bassins-là.

Mme Cadet : C'est ça, si je peux, tu sais, vous interrompre, dans le fond, la question, c'est vraiment savoir comment est-ce qu'on tourne les employeurs pour qu'ils se détournent vers le bassin de main-d'oeuvre facile, entre guillemets, là, qui soit les enfants, donc, âgés de quatre ans et moins pour qu'ils puissent se tourner vers ces bassins qui sont sous-exploités, qui sont sous-représentés dans...

Mme Ferland-Dorval (Noémie) : Ça demande parfois de... de modifier nos processus, donc s'assurer qu'on n'a pas de biais interne dans nos processus. Ça demande aussi d'être en mesure d'aller leur parler. Il y a des organismes communautaires en employabilité pour l'ensemble de ces groupes-là, qui sont très locaux, puis on pense que ce serait une bonne mesure d'aller favoriser le lien, le maillage entre les employeurs et ces organismes-là, qui leur parlent à ces gens-là, qui les connaissent, qui savent comment leur parler. Encore là, quand on parlait d'accompagnement, ça demande aux organisations de revoir leurs processus. Parfois, il y a des biais. Donc, il va falloir s'y attarder. Ça demande une expertise. Donc, il faut qu'on soit en mesure d'amener cette expertise-là dans les organisations. Manon, si...

Mme Poirier (Manon) :Oui, bien, je pense, tu as fait un bon... un bon tour de roue. En fait, on ne peut pas... on ne peut pas rejoindre des bassins qu'on n'a jamais rejoints si on ne change pas nos façons de faire. Ça fait que, tu sais, souvent, les organisations répliquent un peu puis ils disent : Bien, je veux bien, je veux bien attirer ces bassins-là, mais effectivement le maillage, comme... en fait, les belles histoires à succès, souvent, impliquent un maillage entre l'entreprise et les organismes communautaires. Souvent, je pense qu'il faut aussi voir qu'il y a encore du travail à faire avec certaines perspectives ou de tabous ou l'impression que certains groupes, ça va être plus complexe à intégrer. Je pense qu'il y a encore de la sensibilisation, de l'éducation à faire auprès des employeurs pour venir dire : Ce sont parfois, bien sûr, des stéréotypes, ce sont... Donc, c'est des mythes sur le coût et sur les accommodements que ça peut prendre. Donc, à ce moment-là, je pense qu'il faut continuer d'éduquer les employeurs pour qu'ils puissent s'ouvrir à ces bassins-là. Et la meilleure façon de le faire, c'est de leur parler des histoires à succès, parce qu'il y en a plusieurs, histoires à succès dans nos PME au Québec, sur l'intégration de ces personnes-là.

Mme Cadet : Merci. Vous recommandez aussi, donc, d'ajouter, donc, au formulaire de... là, de consentement d'autorité parentale, donc, les risques de santé et sécurité associés aux tâches qui sont prévues. S'il y avait aussi sur ce formulaire une divulgation de la formation qui serait offerte à l'employeur, aux jeunes employés, donc, comment est-ce que vous recevriez, donc, ce type de recommandation là?

Mme Poirier (Manon) :Donc, bien, en fait, de façon générale, c'est sûr qu'on a... on est conscient de ne pas, d'un côté, alourdir un processus administratif, mais je pense que d'identifier le risque et d'identifier des moyens de mitigation de ce risque-là, dont la formation, pourrait être intéressant pour rassurer, là aussi, le parent qui n'a peut-être pas la connaissance fine de tout l'environnement de travail. Donc, bien sûr, c'est toujours de trouver le juste équilibre entre les exigences qu'on rajoute aux employeurs. Mais, encore une fois, je pense que, dans cette question- là, le prisme doit être l'intérêt de l'enfant. Donc, oui, pourquoi pas de rajouter les informations sur la formation.

Mme Cadet : Oui. Et au niveau, donc, d'une obligation qui demanderait à l'employeur de tenir un registre avec les heures de formation offertes... offertes au travailleur... évidemment, donc, pour le formulaire, donc, ça, c'est pour ceux qui sont titulaires de l'exemption pour les 14 ans et moins, mais, pour les 14 à 16 ans, donc, il y a quand même ce prisme-là. Comment est-ce que vous voyez la balance des inconvénients avec le fardeau sur l'employeur?

La Présidente (Mme D'Amours) : En 15 secondes.

Mme Poirier (Manon) :Je pense que ça pourrait être une belle solution pour donner du data, faire le suivi, puis faire le constat de la mesure d'impact. Ce serait une façon d'avoir l'information, effectivement.

Mme Cadet : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Je cède maintenant la parole au député d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour à vous deux. Toujours un plaisir de vous revoir. Je ne me trompe pas ou c'était pendant le débat électoral que M. le ministre avait annoncé qu'il y aurait un projet de loi sur l'encadrement du droit des enfants? C'est une exclusivité que vous aviez réussi à lui arracher, si ma mémoire est bonne...

M. Leduc : ...en pleine élection, bien, voilà, on y est, on est dedans. Des questions rapides pour vous, je n'ai pas beaucoup de temps. Vous parlez beaucoup de formation dans votre mémoire, il y a des groupes qui ont poussé l'idée de dire qu'il faudrait que les formations soient obligatoires avant d'embaucher un jeune. Est-ce que vous allez jusque-là?

Mme Poirier (Manon) :Ça pourrait être une belle voix, donc d'avoir une formation, bien sûr, qui serait... que la CNESST, par exemple, pourrait faire rendre accessible, et tout ça. Et donc de rendre un peu mon passeport pour avoir mon premier emploi, donc quelque chose de simple, accessible, bien sûr, à travers les médias sociaux, les vidéos, ça pourrait être une belle façon de s'assurer que l'ensemble des jeunes sont, au moins, sensibilisés à leurs droits. 

M. Leduc : O.K. Donc, ouverture à un potentiel caractère obligatoire d'une formation pour pouvoir travailler comme beaucoup de... Parfait. Sur le fameux formulaire d'autorisation, dont beaucoup de personnes parlent, il y en a qui poussent aussi l'idée que ça soit centralisé à la CNESST. On a posé la question hier à la principale concernée, elle disait qu'elle allait vérifier si elle avait les ressources nécessaires. Mais au-delà des ressources, est-ce c'est quelque chose qui pourrait être pertinent justement centraliser les informations, les données?

Mme Ferland-Dorval (Noémie) : Oui, bien, en fait, ça dépend de l'objectif visé. Donc, encore là, c'est de s'assurer de la valeur ajoutée. Donc, si l'idée, c'est que ça se rende à la CNESST, il ne faudrait pas que ça soit tabletté, donc ça nécessite de l'analyser, de le recueillir, puis tout ça. Donc, s'il y a une intention derrière ça, par exemple, l'intention, ce serait de savoir exactement où sont situés nos 14 ans et moins, dans quel contexte vous allez pouvoir surveiller ces milieux-là, à les rendre... C'est quelque chose qui pourrait sembler intéressant dans ce contexte-là. Mais, encore là, comme Manon l'a dit précédemment, lorsqu'on rajoute, tu sais, une obligation supplémentaire administrative, tu sais, il faut juste vraiment s'assurer de l'utilité de la chose. On avait questionné nos... l'été passé, donc sur quelque chose qui ressemblait à ça, 83 % étaient d'accord de faire rapport à la CNESST en contexte d'embauche de moins de 14 ans. Donc, il y aurait de l'ouverture, selon le sondage.

La Présidente (Mme D'Amours) : Merci. C'est tout le temps que nous avions. Avant de clôturer les auditions, je procède au dépôt des mémoires des personnes et des organismes qui n'ont pas été entendus lors des auditions publiques. Je vous remercie pour votre contribution à nos travaux.

La commission ajourne ses travaux jusqu'à mardi, 25 avril 2023, à 9 h 45, où elle entreprendra un nouveau mandat. Merci, tout le monde.

(Fin de la séance à 12 h 48)


 
 

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