(Neuf
heures deux minutes)
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Alors, bonjour, tout le monde. Ayant constaté le quorum,
je déclare la séance de la Commission de l'économie et du travail ouverte. Je
vous souhaite la bienvenue et je vous demande de bien vous assurer d'éteindre
la sonnerie de votre appareil électronique.
La commission est
réunie afin de procéder aux consultations particulières et aux auditions
publiques sur le projet de loi n° 35, Loi visant à harmoniser et à
moderniser les règles relatives au statut professionnel de l'artiste.
Mme la secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
La Secrétaire :
Oui, Mme la Présidente.
Mme Lavallée (Repentigny) est remplacée par M. Lemieux (Saint-Jean);
M. Tanguay (LaFontaine), par Mme St-Pierre (Acadie); et M. Leduc
(Hochelaga-Maisonneuve), par Mme Dorion (Taschereau).
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Merci. Alors, nous débutons ce matin par les remarques
préliminaires, puis nous poursuivrons rapidement avec les organismes
suivants : l'Union des artistes et La Guilde des musiciens et des
musiciennes du Québec; ensuite, nous entendrons l'Association des
professionnels des arts de la scène du Québec conjointement avec la Fédération
nationale des communications et de la culture et les Travailleuses et
travailleurs regroupés des arts, de la culture et de l'événementiel; ensuite,
nous entendrons l'Association nationale des éditeurs de livres; et finalement
l'Association québécoise des autrices et des auteurs dramatiques conjointement
avec l'Union des écrivaines et écrivains québécois.
Remarques préliminaires
Alors, nous
commençons immédiatement les remarques préliminaires. J'invite maintenant la ministre
de la Culture et des Communications à faire ses remarques. Vous disposez de six
minutes.
Mme Nathalie Roy
Mme Roy : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Alors, je ne prendrai pas ce six minutes parce
qu'on a des invités extrêmement importants, mais vous allez me permettre, un,
de féliciter et de remercier à l'avance tous les groupes qui vont venir nous
parler, nous expliquer dans quelle mesure le p.l. n° 35
va les aider, parce qu'on est ici pour améliorer les conditions
socioéconomiques des artistes.
Je veux aussi
remercier, d'entrée de jeu, naturellement, tous les députés qui sont autour de
la table, les députés de la partie gouvernementale, mais également les
oppositions. D'abord, entre autres, Québec solidaire, qui nous a fait la
suggestion de changer de commission pour pouvoir être ici, pour pouvoir
procéder, ça a fonctionné, merci. Mais ça a fonctionné pourquoi? Parce que tous
les partis d'opposition se sont mis d'accord. Alors, je veux saluer, là-dessus,
la députée de l'Acadie, entre autres, qui est ici avec nous pour faire avancer
le projet. Sachez qu'avec l'accord des partis d'opposition nous avons déjà fait
adopter en accéléré l'adoption de principe, donc on a une étape qui est déjà
franchie.
Maintenant,
aujourd'hui, on y va avec les groupes. Les groupes, vous allez voir, sont
rassemblés. Ça aussi, c'est à la demande
même des groupes, pour accélérer le processus. C'est pour vous dire jusqu'à
quel point on souhaite adopter ce projet de loi. C'est une suggestion
des groupes, et les oppositions l'ont, encore une fois, acceptée. Et nous
allons tout faire pour que ce projet de loi soit adopté le plus rapidement
possible et que l'étude détaillée débute le plus rapidement possible.
Alors, je vais me
taire ici pour laisser mon temps aux groupes. Merci, Mme la Présidente. Merci à
l'avance pour les travaux.
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Merci. Alors, nous poursuivons maintenant avec la porte-parole
de l'opposition officielle et députée de l'Acadie à faire ses remarques
préliminaires. Vous disposez de quatre minutes.
Mme Christine St-Pierre
Mme St-Pierre :
Merci. Merci, Mme la Présidente.
Alors, je salue la ministre, toute l'équipe qui l'accompagne, les députés, aussi, de la partie gouvernementale, ma
collègue de Taschereau. Je salue les invités qui sont avec nous ce matin
et tous ceux et celles qui vont participer à cette commission parlementaire,
cette consultation.
Nous avons appelé de
tous nos voeux ce projet de loi depuis des mois. Nous avons demandé à ce qu'il
soit déposé et adopté avant la fin des travaux parlementaires, et je souhaite,
bien sûr, qu'il soit adopté. Je pense que c'est dans l'ordre des choses, et il
y a énormément de bonne volonté de notre côté.
J'ai
lu, j'ai parcouru à la vitesse grand V les mémoires. Le projet de loi n'est pas
parfait, et je m'attends à ce qu'il y ait une écoute très attentive de la part
de l'équipe de la ministre, parce que moi, je n'ai pas, comme vous voyez, une
armada d'avocats avec moi, et il y a des éléments très, très pertinents qui
sont soulevés. Moi, je n'ai pas l'intention de faire en sorte que les travaux,
là, s'éternisent puis qu'on s'accroche sur les points puis les virgules, mais
il y a des choses très pertinentes qui ont été soulevées dans les mémoires,
notamment je vois l'UDA et La Guilde des musiciens, qui vont être les premiers
à nous parler.
Alors, il faut que ce
projet de loi là aille rondement, mais il faut aussi que l'équipe de la
ministre se mette au travail. Nous n'avons eu qu'une offre de briefing pour le
projet de loi, une heure, alors que ça fait quatre ans que ce projet de loi
doit être analysé, déposé, enfin, doit être évidemment conçu avant de le
déposer. Et nous, nous avons eu une offre pour une heure de briefing. Alors,
vous comprenez que je vais faire tout ce que je peux. Je veux faire tout mon
possible. J'ai déjà été ministre de la Culture et je comprends les attentes du
milieu culturel. Ça a été aussi un engagement dans la politique culturelle de
revoir la loi sur le statut d'artistes. Alors, tout le monde est unanime sur la
question de revoir, moderniser la loi sur le statut d'artistes. Le monde a
changé.
Et il faut aussi, je
pense, rendre hommage à Lise Bacon qui, à l'époque, avec la complicité de
l'UDA, avait révolutionné le milieu artistique et le monde artistique avec la
loi sur le statut d'artistes. Elle n'est pas... Elles n'étaient... Ces deux lois-là n'étaient pas parfaites, bien évidemment.
Le monde a changé aussi, les nouvelles technologies, tout a évidemment changé depuis ce temps, mais
c'était vraiment une pierre d'assise pour faire en sorte que les
artistes aient de meilleures conditions de travail.
J'ai moi-même changé
la loi en 2010. Encore là, ce n'était peut-être pas complet, mais il y avait, à
ce moment-là, vous vous souviendrez, une crise dans le milieu du cinéma, et les
techniciens de cinéma voulaient être reconnus dans la loi. C'est ce que nous
avons fait.
Donc,
je comprends vraiment l'urgence d'agir. Il faut le faire. Je répète encore que
je m'attends à ce qu'il y ait des amendements. Il y a des notions très,
très pertinentes qui ont été présentées dans les mémoires. Et il faut absolument que cette loi-là soit la plus parfaite
possible. Elle ne sera pas parfaite parce que... Une loi n'est jamais
parfaite. Elle sera imparfaite puisque nous n'aurons pas pris tout le temps
nécessaire. Il aurait fallu, je pense, beaucoup plus de temps, d'heures de
travail en commission parlementaire. Nous allons nous soumettre à cet
échéancier très serré. La loi est prête, à ce que... selon mes informations,
depuis plusieurs semaines. Elle aurait pu être déposée bien avant. On aurait pu
travailler encore plus en profondeur. Mais sachez que, de notre côté, vous avez
toute notre collaboration, et nous ferons évidemment de notre mieux.
Alors, je vous
souhaite encore une fois la bienvenue. Puis j'ai bien hâte de vous entendre
parce que je vous ai lu puis j'ai pas mal de questions. Merci.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Alors, merci. Merci beaucoup. Alors, nous
poursuivons avec, cette fois-ci, la porte-parole du deuxième groupe
d'opposition et députée de Taschereau à faire ses remarques préliminaires. Vous
disposez d'une minute.
Mme Catherine Dorion
Mme Dorion :
Merci. Ça va aller vite. Moi, je n'ai jamais été ministre de la Culture.
Moi, je suis une militante pour l'art. Puis je suis très contente de voir qu'on
a la ministre Roy de notre côté. Merci d'avoir fait ce qu'il fallait. Je ne sais pas comment ça se passe au Conseil des ministres, ça ne doit pas être toujours facile, mais merci
pour ça.
Merci aussi, au
passage, pour l'église Saint-Sacrement. C'est vraiment... Je le... C'est
reconnu et c'est très apprécié quand on voit une ministre qui fait ça.
Donc, ce qui est beau
avec ce projet de loi là, c'est que tout le monde veut aller dans la même
direction. Saint-Exupéry dit que s'aimer, ce n'est pas se regarder l'un
l'autre, mais regarder ensemble dans la même direction. Ça fait que, si les
Québécois aiment la culture, aiment leur culture, bien, on est sur la bonne
voie.
Bravo à toutes les
organisations d'artistes qui ont travaillé tellement fort pour ne pas que...
pour échapper à la politisation de cet enjeu-là. C'est merveilleux où on est en
ce moment. Je croise les doigts très, très fort pour que ça aille rondement,
bien et dans le sens où les artistes veulent que ça aille, finalement. On est
avec eux. On est réunis aujourd'hui pour que ça avance. Je vais faire tout ce
que je peux pour que ça aille dans ce sens-là.
Alors, merci et,
bien, bonne commission, bonnes auditions à tout le monde.
• (9 h 10) •
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Merci.
Auditions
Alors, nous
souhaitons maintenant... Nous commençons donc les auditions. Nous souhaitons
maintenant la bienvenue aux représentants de l'Union des artistes,
Mme Prégent et Mme Fortin. Je vous invite, avant de commencer votre
exposé, à bien vous présenter, et vous disposez de cinq minutes.
La Guilde des musiciens et
musiciennes du Québec (GMMQ)
et Union des artistes (UDA)
Mme Prégent (Sophie) : Bonjour.
Sophie Prégent. Je suis présidente de l'Union des artistes depuis 2013. Et
Christine Fortin, qui est avocate à l'Union des artistes, depuis cinq, six ans?
Mme Fortin
(Christine) : Oui.
Mme Prégent (Sophie) : Déjà. Ça
va vite. Voilà. Alors, je ne vous présenterai pas l'Union des artistes. Je
pense que vous connaissez tous les 13 000 membres de l'Union des
artistes, qui sont des chanteurs, des danseurs, des animateurs et des acteurs.
L'union estime que le projet de loi n° 35
apporte plusieurs modifications nécessaires à la loi sur le statut de l'artiste et qu'il importe d'adopter celui-ci
avant la fin de la session parlementaire afin de faire bénéficier les artistes
des avancées qu'il contient et qui sont
attendues depuis fort longtemps. L'union relève notamment, à ce titre,
l'élargissement des compétences du Tribunal administratif du travail. Bravo!
L'ajout de dispositions pour contrer le harcèlement psychologique. Bravo
encore!
L'Union des artistes est par ailleurs d'avis que certaines dispositions du projet de loi
soulèvent des inquiétudes et nécessitent certains ajustements.
L'article 24.2 présente une problématique majeure pour les associations
d'artistes. Il impose un devoir de représentation envers tous les artistes qui
font partie des secteurs de négociation pour lesquels une association
d'artistes détient une reconnaissance même si aucune entente collective
n'existe et même si l'association ne reçoit aucune cotisation syndicale.
L'article 24.2 ne prend pas en compte la
nature foncièrement différente de la loi sur le statut de l'artiste par rapport
au régime des accréditations du code, par exemple. Une accréditation en vertu
du code ne peut se rattacher qu'à un seul employeur, alors que les
reconnaissances octroyées en vertu de la loi sur le statut de l'artiste visent
la totalité d'un secteur, et donc l'ensemble des producteurs. Toutefois, dans
la mesure où un producteur n'est pas membre d'une association liée par une
entente collective, nous devons négocier individuellement avec ceux-ci.
Enfin, notons que les associations d'artistes ne
détiennent pas le monopole exclusif de représentation et que la défense de nos
droits est à la hauteur des ressources financières limitées dont nous
disposons. Dans ce contexte, il serait impensable, et voire même impossible
pour les associations d'artistes d'assumer un devoir de représentation qui couvre l'entièreté des productions pour
lesquelles elle détient une reconnaissance. Il est donc primordial de
modifier l'article 24.2 pour qu'il vise les artistes assujettis à une
entente collective négociée par une association d'artistes. Donc, nous
proposons que 24.2 pourrait se lire comme suit :
«Une
association d'artistes reconnue ne doit pas agir de mauvaise foi ou de manière
arbitraire ou discriminatoire ni faire preuve de négligence grave à
l'endroit des artistes visés par une entente collective à laquelle elle est partie,
peu importe qu'ils soient ses membres ou non.»
Article 68.6 :
pouvoir réglementaire du ministre de décréter des conditions minimales. L'union
salue l'introduction de ce nouveau
mécanisme. Bravo! Il reste toutefois à préciser les conditions dans lesquelles
ce mécanisme est accessible et ses modalités d'application. Nous
estimons qu'il devrait être accessible pour viser toute situation où un artiste
ne bénéficie pas d'une entente collective. De plus, la fixation des conditions
minimales de cet article devrait être enclenchée sur demande, sans que cela
soit assujetti à une discrétion. Nous sommes d'avis que cette demande devrait
provenir uniquement des associations d'artistes reconnues et non d'un
producteur ou d'une association de production. En effet, permettre à une
association de producteurs de faire une telle demande permettrait à celle-ci de
contourner le chapitre de la loi actuelle concernant l'obtention d'une
reconnaissance formelle entraînant pour elle des droits et des obligations. Une
telle demande provenant d'une association de producteurs pourrait entraîner une
baisse importante des conditions de travail de nos artistes.
Enfin, une fois que des conditions minimales
auront été décrétées par le gouvernement, celles-ci devraient être assimilées à
une entente collective.
Recommandation concernant 68.6, qui pourrait
débuter ainsi : «Sur demande d'une association d'artistes reconnue, le
gouvernement peut, par règlement, après consultation de l'association
d'artistes et de l'association de producteurs reconnues», etc.
Les aspects
manquants, maintenant. Première proposition : ajouter dans la loi sur le
statut de l'artiste un pouvoir conféré au ministre d'ordonner aux
organismes subventionnaires de la culture d'exiger des producteurs
l'application de conditions de travail minimales pour les artistes avant de
leur octroyer un sou de financement.
Proposition n° 2 :
modifier les programmes de soutien de l'État, le CALQ, la SODEC, etc., de
manière à préciser que l'octroi de financement est conditionnel à l'application
par les producteurs de conditions de travail minimales pour les artistes ainsi
que d'une reddition de comptes obligatoire. Que fait-on avec notre argent?
Et finalement prévoir un examen périodique de la
loi, donc un mécanisme de révision obligatoire et automatique de la loi sur le
statut de l'artiste aux cinq ans. Voilà. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci,
Mme Prégent. Nous continuons cette fois-ci avec M. Fortin et
M. Lefebvre, de La Guilde des musiciens et des musiciennes du Québec. Vous
disposez également de cinq minutes.
M. Fortin
(Luc) : Oui. Donc, je me présente, Luc Fortin. Je suis
président de La Guilde des musiciens et musiciennes du Québec. Et mon
collègue Me Éric Lefebvre, qui est secrétaire-trésorier, m'accompagne
aujourd'hui. Et on tient à remercier la ministre de la Culture et la commission de nous avoir invités à cette
consultation importante.
Beaucoup de choses que Mme Prégent a dites,
on les supporte, on les partage. Dans notre mémoire, donc, on a énuméré
beaucoup de points, six points qui représentent pour nous des avancées
importantes. Je vais mentionner là-dessus l'harmonisation et l'intégration des
deux lois en une seule, l'intégration des dispositions sur les normes du
travail visant le harcèlement psychologique, et aussi, bien, de pouvoir définir
par règlement des termes et expressions utilisés dans la LSA, soit le 68.5. Et
l'autre article important, c'est de fixer des conditions contractuelles
minimales dans un secteur par l'article 68.6. Et on
est d'avis que le projet de loi aura pour effet d'améliorer sensiblement
l'encadrement des relations contractuelles entre des artistes et les
producteurs.
Il faut vous rappeler aussi que le but premier
de la révision de la loi sur le statut de l'artiste était mentionné déjà dans
le plan d'action gouvernemental de 2018-2023, qui s'appelait Partout, la
culture, puis on y mentionne très clairement que, pour améliorer les
conditions socioéconomiques des artistes, on doit mettre en oeuvre à court
terme des solutions concrètes. Et, dans ces solutions à court terme, il y avait
en tête de liste la révision des deux lois sur le statut de l'artiste. Ça fait
quatre ans que c'est écrit dans le plan d'action qu'on est rendus là. On
souligne aussi que, selon un récent sondage commandé par la FNCC, la vaste
majorité des répondants appuient nos revendications — on
parle de 80 % — et
75 % des Québécois sondés pensent que le gouvernement doit respecter sa
promesse et adopter la loi le plus tôt possible.
Donc, maintenant, quelques remarques. Je vais
vous parler aussi de 24.2, qui suscite des préoccupations. On pense que, tel que
rédigé, ça imposerait un fardeau démesuré aux associations d'artistes. Ce
fardeau-là n'est pas imposé aux syndicats de travailleurs, par exemple. Ils
sont tenus de représenter seulement les employés qui travaillent pour un seul
employeur et dans le cadre d'une convention collective. Bien que les
associations d'artistes représentent, en principe, tous les artistes dans le
secteur de négociation qui lui a été conféré, ça nous serait pratiquement
impossible de représenter tout le monde dans certains secteurs où il n'y a pas
d'entente puis il n'y a pas d'interlocuteur
commun, il n'y a pas d'association avec qui négocier. Ça se complique beaucoup
dans ces secteurs-là puis ça devient ingérable pour nous. Si on avait
des demandes de représentation dans ces secteurs-là, il faudrait y aller au cas
par cas avec une multitude d'employeurs. Ça serait ingouvernable. Donc, on ne
peut pas parler de négligence de représentation dans ces cas-là.
Et on appuie aussi ce que dit Mme Prégent
par rapport à 68.6. Il faut que ça soit demandé par les associations
d'artistes. Donc, il faut limiter la portée de l'article pour que le devoir de
représentation, ça s'applique juste aux artistes visés par l'entente collective
à laquelle il est partie. Ensuite... Ça, c'est 24.2.
68.6, par règlement, on peut fixer des
conditions minimales applicables. Comme elle venait de dire tantôt, il faut que ça soit demandé par l'association
d'artistes. C'est un article quand même intéressant parce que ça
permettrait de structurer des secteurs qui ne sont pas structurés du tout, qui
sont difficiles à gérer, comme je disais tantôt, et ça nous permettrait de
demander au gouvernement de mettre de l'ordre dans certains secteurs qu'on
considère un peu anarchiques, dans lesquels
il n'y a pas d'interlocuteurs. Donc, il est nécessaire aussi, par contre, dans
68.6, de prévoir que les artistes
puissent avoir des recours si les conditions ne sont pas rencontrées par les
producteurs, qui ne suivent pas le règlement.
À ce moment-là, on n'a... Actuellement, dans le projet de loi, il n'y a pas
d'instance à qui s'adresser. Il faudrait que, comme tous les
travailleurs du Québec, on puisse s'adresser à la CNESST comme dans le cas de
non-respect pour les normes du travail. Ça serait par souci d'équité.
Et finalement on parle de responsabilité de
l'État et de reddition de comptes. On va taper sur le même clou que l'UDA. Ça fait des années qu'on en parle. On
pense que c'est obligatoire de prévoir que le financement assuré par des
sociétés d'État soit conditionnel au respect des conventions de travail
négociées par les associations reconnues. D'ailleurs, pendant la pandémie, on
était très heureux de voir que l'octroi des mesures particulières à la
diffusion de spectacles était conditionnel à
une reddition complète quant à la rémunération des artistes et artisans du
spectacle impliqués dans la production. C'était la première fois qu'on
voyait une telle politique, qui semblait tellement évidente. Donc, le chemin
est tracé. Maintenant, l'État doit continuer dans la même direction pour tous
ses programmes de subventions en culture. Merci de votre attention.
• (9 h 20) •
La
Présidente (Mme IsaBelle) :
Oui, effectivement, merci aussi,
M. Fortin, pour votre exposé très intéressant. Alors, nous allons commencer la période d'échange.
Mme la ministre, la parole est à vous. Vous disposez de 17 min
30 s.
Mme Roy : Parfait. Merci
beaucoup. Merci pour vos mémoires, que j'ai lus avec attention. Juste pour le bénéfice des gens qui nous écoutent, moi aussi, à
mon tour, tout comme la députée de l'Acadie l'a fait, j'aimerais saluer
Mme Lise Bacon, qui est à l'origine des premières lois sur le statut de
l'artiste. 1987, 1988, ça fait quand même un petit bout de temps. Et cette
refonte-là, elle était importante pour vous, puis on l'a tous senti ici. Donc,
on veut tous travailler dans cette direction.
Et je veux aussi saluer Mmes Liza Frulla et
Louise Beaudoin, parce qu'il faut savoir que cette promesse-là, oui, il y a
quatre ans qu'elle a été faite, vous avez raison, elle était dans le plan en
culture du précédent gouvernement, que nous avons fait nôtre lorsque nous
sommes arrivés au pouvoir. Alors, vous avez raison que ce plan... que cette
adoption de loi, elle a été éditée en 2018, et avant notre arrivée, mais nous
avons dit : On reprend le flambeau puis on va y aller.
Puis je voulais spécifier que je salue
Mmes Beaudoin et Frulla parce que, rappelez-vous, en décembre 2019, on
avait commencé les travaux, et j'avais demandé à ces deux ex-ministres de la
Culture de travailler avec nous. Malheureusement, la pandémie est arrivée, on a
dû arrêter les travaux, ce qui a fait que, bon, il a fallu tout reprendre après
un certain temps, lorsque le milieu a été prêt à reprendre et nous envoyer les
mémoires. Donc, on aurait aimé travailler plus rapidement, il y a eu des aléas
de la vie, mais on est rendus ici. Mais je pensais que c'était important aussi
de signifier ça et de les remercier, toutes ces ex-ministres de la Culture,
pour le travail précédent.
Et d'ailleurs vous avez remarqué que certains
nous ont déjà parlé, dans les précédents mémoires — il y a
1 000 pages de mémoires ici, là, entre autres — de
donner un statut d'intermittent aux artistes. Ça, c'est la formule française,
en France. Nous, on a décidé de garder la formule québécoise, au Québec, mais
de la bonifier avec une refonte importante. Alors, je voulais spécifier ces
choses et remercier les ex-ministres d'avoir travaillé avec nous. Et on voulait aussi lancer le message qu'il s'agit ici d'un
projet de loi non partisan. Alors, on est là pour vous, pour vous aider, pour
aider les artistes.
Maintenant, revenons aux mémoires. Dans votre
rédaction de mémoire, il y a des choses extrêmement intéressantes, et
j'aimerais que vous nous disiez, dans le pratico-pratique, autant à l'UDA, l'Union
des artistes, qu'à La Guilde des musiciens,
qu'est-ce que l'adoption du projet de loi va changer concrètement dans la vie
de vos artistes.
Mme Prégent (Sophie) : C'est
une bonne question. On avait une sectorielle la semaine dernière, ils m'ont
posé la même question : Qu'est-ce que ça va changer dans nos vies? Ça va
essentiellement changer beaucoup de choses pour la défense de nos artistes
parce que ça va donner beaucoup plus d'encadrement à la loi. Nous, ça va être
beaucoup plus profitable pour nous. Ça, c'est ce qui n'est pas concret pour
eux. Ce qui est concret, c'est que, dans certains secteurs, ça a toujours été
un peu le far west, pour m'exprimer ainsi, puis là on va pouvoir enfin resigner
des ententes collectives qui n'ont pas été signées depuis 20 ans, donc
améliorer leur travail, leurs conditions de travail. C'est sûr que, si on se
bute à un phénomène de non-communication, puis de, à la limite, mauvaise foi,
mais qu'on ne peut pas l'adresser, bien, forcément, là, le train, il reste à la
gare, il n'avance pas. Alors là, l'entente devient complètement désuète, elle
n'a plus rapport avec la réalité. Après ça, on se fait reprocher de ne pas
avoir de prise sur la réalité. Ça, ça va permettre d'être toujours à jour, de
vous adresser les problèmes qu'on est incapables de régler depuis des années et
qu'on traîne, qui sont énergivores, chers, dispendieux, et, pendant ce
temps-là, sur le terrain, on est moins présents.
Alors, c'est fou, mais une loi avec des bons
règlements, ça fait en sorte que nous, au bout du compte, on est physiquement
plus présents pour nos artistes, plus qu'on l'est là, là, présentement, parce
qu'on se bat devant les tribunaux. C'est ça
qu'on fait pour l'instant, avec beaucoup, beaucoup de coûts engendrés à ça.
Puis ça, ça ne fait pas qu'on fait de
la vigie. Ça, ça ne fait pas qu'on améliore nos relations avec les producteurs.
Parce que moi, je suis sur le terrain, dans
la vie, là, je m'en vais tourner, moi, cet après-midi, ce ne sont pas nos
ennemis, ces gens-là. On travaille avec eux.
Par contre, quand l'encadrement est mou,
forcément, c'est nous, parce que c'est une chaîne, c'est toujours le dernier
qui pogne le choc électrique. Le choc électrique, c'est nous qui le pognons. Si
tout ça est clair, ça va être encore plus facile d'avoir de bonnes relations
avec les producteurs. Je suis convaincue de ça. Veux-tu ajouter quelque chose?
Mme Fortin (Christine) : Si je
peux ajouter quelque chose, le pouvoir réglementaire qui est instauré à 68.6
est une très belle avancée dans les secteurs, comme Sophie disait, où est-ce
qu'on a de la difficulté à conclure des ententes collectives : parlons du
secteur de la danse, de la scène en général, il y a beaucoup de problématiques.
Donc, le pouvoir réglementaire va nous aider à aller chercher le règlement du
gouvernement dont on a besoin. Après ça, évidemment, il va falloir le préciser,
mais ça va permettre enfin à des artistes qui sont sans filet social, sans
conditions de travail minimales d'obtenir ce qu'ils devraient avoir via la LSA.
Et également une très belle avancée, c'est le Tribunal
administratif du travail. La liberté d'association, ça doit venir avec un tribunal accessible, et peu coûteux, et rapide, et
spécialisé. Enfin, le TAT va pouvoir traiter l'ensemble des litiges qui
découlent de la LSA. Donc, c'est ce qui était demandé depuis plusieurs années,
même par nos amis les producteurs. Alors, c'est clair que ça, c'est une
excellente avancée. Dans des cas, justement, de négociations de mauvaise foi sur
une table de négociation, ou d'ingérence, ou quoi que ce soit, on va pouvoir
aller devant le TAT et traiter tout litige de manière efficace.
Mme Roy : Et du côté de La Guilde?
M. Fortin (Luc) : Oui, je vais vous
laisser la parole, M. Lefebvre.
M. Lefebvre (Eric) : Oui, bien, en
fait, j'aimerais souligner un élément. Il y a quelques années, en fait, de
1976, je crois, à 1989, il existait un décret applicable aux musiciens dans la
région de Montréal. Lorsque la première loi sur le statut de l'artiste a été
adoptée, en 1987, si je me souviens bien, eh bien... c'est-à-dire, La Guilde et
les associations de producteurs ont décidé d'abandonner, dans le fond, le
décret. Il a été par la suite abrogé. C'est un juste retour, dans le fond, des
choses, que... Dans certains secteurs, il est très difficile de faire en sorte
que les conditions de travail minimales soient respectées. Dans ce cas-ci,
c'était un décret qui visait essentiellement la musique qui concernait les
musiciens de scène.
Et effectivement l'article 68.6 est un
élément important dans la stratégie à venir. En tout cas, on espère que le
gouvernement ira de l'avant lorsqu'on fera des demandes pour effectivement
structurer certains secteurs culturels, qui est nécessaire... en fait, que la
structure est nécessaire afin d'améliorer les conditions. Et pour ça que...
68.6 est une première étape. Mais 68.6 a effectivement besoin d'être modifié
afin de faire en sorte que... lorsqu'un règlement est adopté par le
gouvernement pour fixer des conditions de travail minimales, il est nécessaire
d'avoir certaines dispositions, dans la loi, qui permettent de faire respecter
ces conditions-là une fois que le règlement a été adopté.
C'est pour ça, dans
le fond, que, nous, ce qu'on propose, c'est que ce règlement-là devient
comme... est réputé une entente collective entre l'association d'artistes et
les producteurs visés par le... bien, je dis «par le décret», mais c'est un
règlement dans ce cas-ci, justement pour faire en sorte que l'association
d'artistes puisse déposer un grief si, par la suite, des producteurs ne
respectent pas les conditions qui sont fixées par règlement. C'est l'élément
qui manque actuellement dans la loi, la Loi sur les décrets de convention
collective, qui est une autre loi, qui vise l'adoption de décrets justement
pour assujettir tout un secteur d'activité à des conditions minimales. Bien, il
y a un comité paritaire, il y a déjà des ententes
collectives qui sont étendues juridiquement. Mais là, dans ce cas-ci, on a une
disposition, l'article 68.6, qui demande un petit peu plus d'agressivité
au plan législatif pour faire en sorte que les conditions minimales, une fois
que le règlement est... puissent être véritablement appliquées sur le terrain.
• (9 h 30) •
Mme Roy : ...combien
de temps?
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Il vous reste neuf minutes.
Mme Roy : Parfait.
Vous parlez, dans vos mémoires, tous les deux, dans des termes un peu
différents, mais c'est la même chose... puis juste pour référence pour les
collègues, entre autres, dans le mémoire de La Guilde des musiciens, dans vos
recommandations, au point 5, vous nous demandez d'introduire dans notre
nouvelle loi un mécanisme semblable à celui de l'article 154 de la Loi sur
les sociétés par actions afin que la responsabilité des administrateurs d'une société soit engagée en cas de non-paiement du
cachet des artistes. Pouvez-vous me dire en quoi ce mécanisme-là, qui
serait calqué sur le 154 de la Loi sur les sociétés par actions, ça serait
utile pour vos membres?
Mme Fortin
(Christine) : Mme la ministre, à l'UDA, nous avons à peu près une
vingtaine de sentences arbitrales qu'on n'est pas en mesure d'exécuter sur le
terrain. Donc, des producteurs partent des compagnies, obtiennent des
subventions du gouvernement, tournent un film, signent des contrats UDA, se
lient à des ententes collectives existantes, fait travailler nos artistes puis,
au bout de la production, ne paient pas les artistes. Donc, j'ai beaucoup de
sentences arbitrales, à l'UDA, où est-ce que... je vous parle... un cas, là, à
peu près 100 000 $ de cachet, où
est-ce que je ne suis pas en mesure d'aller chercher ces sous-là pour les
artistes. Alors, même si je tente de poursuivre le producteur, j'obtiens
une sentence arbitrale en ma faveur, mais je ne suis pas capable de l'exécuter
puisque la personne n'a pas d'actif. La compagnie qu'elle a constituée n'a pas
d'actif. Elle tente même, par exemple, d'aller faire le film ailleurs. J'essaie
de faire toutes sortes de moyens pour bloquer la diffusion du film. Ce n'est
pas possible. C'est très coûteux d'aller chercher ces sous-là. Donc, ce que ça
ferait en sorte, c'est que la responsabilité des administrateurs, en fait, de
cette compagnie-là serait importante pour pouvoir aller chercher ces sous-là en
cas de non-paiement des artistes. Alors, une personne qui va partir une
compagnie va devoir être sérieuse. Si elle sait que sa responsabilité
personnelle serait engagée en cas de non-paiement, elle va faire ce qu'il faut
pour payer les artistes. J'ai plein d'exemples. On l'a cité dans le mémoire en
février.
Alors,
ça, c'est très important parce qu'on en a beaucoup, beaucoup, beaucoup.
Évidemment, des producteurs sérieux qui sont membres d'une association
de producteurs, les «majors» au Québec, on n'a pas de problème puisque toutes
les sociétés sont liées, elles ont des statuts, règlements à l'effet qu'ils
sont responsables des cachets, c'est beaucoup plus facile. Mais tous les petits
producteurs émergents — qui
font des excellents films, ceci dit — bien, ils doivent avoir un...
ils doivent être sérieux pour faire un film puis ils doivent payer nos
artistes.
Une voix :
...
Mme Roy :
Oui, allez-y, du côté de La Guilde.
M. Lefebvre
(Eric) : Oui, j'ai un élément supplémentaire, peut-être, pour vous
expliquer pourquoi on... L'article 154,
de la façon dont il est érigé actuellement, s'applique aux salariés d'une
entreprise, mais il ne s'applique pas aux
travailleurs autonomes. Essentiellement, les artistes qui sont représentés par
nos associations sont des travailleurs autonomes à peut-être 85 %
ou 90 %. Donc, dans ce cas-là, l'article 154 n'est pas applicable
puisque ce ne sont pas des salariés. Alors, c'est dans cet esprit-là, dans le
fond, qu'on demande une modification pour que, justement, ce que Christine
vient de décrire puisse nous donner des outils supplémentaires afin de
poursuivre personnellement les administrateurs d'une corporation qui serait,
dans le fond, débiteur de cachets des artistes.
Mme Prégent
(Sophie) : La même personne pourrait, en plus, faire un autre film
après en n'ayant pas payé les artistes dans le premier film, mais avoir quand
même le droit à certaines subventions pour faire un deuxième film. Nous, comme
l'imputabilité ne suit pas, on n'a rien, on est pieds et poings liés, on ne
peut rien faire. Ce n'est pas normal que quelqu'un puisse retourner un film
alors qu'il n'a pas respecté les contrats initiaux de son oeuvre initiale.
Mme Roy :
Si je comprends bien, c'est une façon... puis je l'ai lu, là, c'est
vraiment une façon de lever le voile corporatif, entre autres, sur ces
coquilles pour aller chercher la personne, le mauvais payeur, finalement, pour
permettre aussi, quand vous avez des sentences arbitrales, qu'elles soient
exécutoires, parce que vous savez qui est le débiteur. Est-ce que je comprends
bien?
Une voix :
Oui, exactement.
Mme Roy :
Je vous ai bien entendus.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Il reste cinq minutes.
Mme Roy : Cinq
minutes. J'ai mon collègue le député de... — où est-il? Il est là — de Saint-Jean qui aimerait intervenir. Et,
comme c'est quelqu'un du milieu des communications, vous le connaissez bien. Je
ne peux pas dire son
nom, hein, je n'ai pas le droit de dire son nom, je suis obligée de dire le
député de Saint-Jean, qui aimerait prendre la parole. Alors, je vais lui
céder.
M. Lemieux : Merci beaucoup,
Mme la ministre. Bonjour. Pour la petite histoire, on est en mode, disons,
accéléré et particulier, non partisan dans la mesure du possible. Vous aussi,
dans la mesure où vous avez regroupé les intervenants ici aujourd'hui, vous
avez regroupé les recommandations par rapport au projet de loi que vous avez,
mais ça fait des années que vous intervenez et que vous discutez. J'étais
curieux de savoir jusqu'à quel point, sans aller dans chacune des
recommandations, jusqu'à quel point c'est aussi, pour vous, gagnant-gagnant,
dans la mesure où tout ce qu'on va pouvoir sortir de plus que ce qu'on avait,
c'est des gains importants.
Et là-dessus, Mme Prégent, et d'ailleurs Me
Fortin en a parlé, vous avez dit dans... un mot en particulier dans une
question en particulier : C'est énergivore, c'est cher, c'est dispendieux.
Le TAT ne réglera pas tout, mais le TAT, c'est un des outils que vous n'aviez
pas dans votre coffre à outils. Est-ce que c'est un bon exemple de ce que vous
allez retrouver dans le projet de loi n° 35, qui deviendra, je l'espère,
loi avant la fin de la législature, ce genre d'outil que vous n'aviez pas, qui
vient — et
le nom du projet de loi le dit bien — moderniser, harmoniser
d'abord? Puis ça, on va en parler plus tard avec ceux qui sont vraiment... qui
étaient dans la deuxième loi, qui avait beaucoup moins d'outils, là, et de dents, en réalité, mais, effectivement, c'est
les outils que vous allez trouver dans l'harmonisation et dans la
modernisation.
Mme Prégent
(Sophie) : Exactement. Quelqu'un d'intelligent me
disait : Une loi, c'est une idéologie. L'encadrement et les
règlements font en sorte que cette idéologie-là se poursuit. Si une loi, c'est
fait pour améliorer les conditions socioéconomiques des artistes, il faut
encadrer cette loi-là pour faire en sorte que nous, sur le terrain, on ne perde
pas notre temps à faire tout le temps des serpents au jeu de l'échelle et du
serpent où il n'y a pas d'échelle, il n'y a que des serpents. Il y a des choses
qu'on n'est pas capables de régler présentement. Le tribunal nous dit : Je
n'ai pas la compétence pour régler ceci ou cela, adressez-vous à un autre
tribunal, qui nous répond la même chose. Pendant ce temps-là, ça coûte
1 million à l'Union des artistes, à 2,5 de cotisations syndicales. Pendant
ce temps-là, on n'est pas sur le terrain. On ne vérifie pas si nos ententes
collectives sont bien suivies. Puis, à chaque fois qu'on débarque, on les
met... tout d'un coup, ils deviennent sans connaissance. Mais, si on y allait
un peu, toujours, puis qu'on réussissait à travailler sur le terrain, ce n'est
plus la philosophie qu'ils auraient de nous, que, tout d'un coup, le gros
méchant de l'Union des artistes débarque juste pour voir. Non, on aurait, dans
le travail quotidien, une relation tout à fait normale, comme dans tous les
autres secteurs. Qui? La construction, la santé, peu importe, je ne sais trop.
Mais, bref, c'est... Mme Roy l'a dit, Mme St-Pierre aussi, merci,
Mme Bacon, c'est une bonne loi. Je vais à la Fédération internationale des
Acteurs, je le sais, cette loi-là n'existe pas ailleurs. C'est pour nous, à
nous, ça, il faut que ça reste, il faut juste lui donner un petit peu plus de
mordant.
M. Lemieux : Juste pour faire
oeuvre utile pour ceux qui nous regardent d'aventure et qui essaient de
comprendre, parce qu'on est presque entre initiés ici, ça fait, comme je le
disais, des années que vous faites des... Quand vous parlez de tribunal...
Juste pour être très clair, je vous ai parlé du TAT, c'est le Tribunal
administratif du travail, auquel vous n'aviez pas accès. Quand vous disiez
tantôt : On va au tribunal, ça coûte des fortunes, c'est que vous étiez un
peu condamnés à monter dans les tribunaux de hautes instances, dans le fond?
Mme Prégent (Sophie) : Mais ce
qu'il faut comprendre, là, c'est que nous, l'Union des artistes, on défend tous
nos membres devant le Tribunal administratif du travail. Les producteurs, comme
ils ne sont pas associés, défendent leurs griefs, un grief. Nous, on défend
tous les griefs. Imaginez-vous ce que ça coûte à l'Union des artistes de
défendre tous les griefs déposés. Ce n'est pas AQPM qui défend ses griefs,
c'est le producteur en question avec qui on a déposé un grief. C'est une autre
façon de voir. C'est ça, l'argent que ça coûte.
M. Lemieux : ...Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Il
ne vous reste que 40 secondes. 39, 38...
M. Lemieux : ...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Parfait.
M. Lemieux : Vous me savez très
docile. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Et
c'est surtout...
Une voix : ...
La Présidente (Mme IsaBelle) : Oui,
allez-y. 30 secondes.
M. Fortin (Luc) : M. le député
de Saint-Jean, si vous permettez. Par rapport au TAT, là, le Tribunal
administratif du travail, par le passé, si on avait eu ça, on aurait sauvé des
centaines de milliers de dollars en frais d'avocats. Il y
a des causes qui se sont ramassées à la Cour d'appel. Ça commence par la
commission des relations artistes-producteurs, ça s'en va en révision, ça s'en
va là, ça s'en va là, c'est hallucinant. Alors, si on avait eu notre tribunal
spécialisé, ça aurait probablement arrêté au premier niveau, ça aurait été
réglé. On parle de deux causes célèbres, là, entre autres la fameuse saga
festival contre l'UDA, etc., et d'autres exemples.
La
Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Vous aurez sûrement
l'occasion d'en reparler. Pardon. Pardon, M. Fortin. Il faut
respecter le temps. Je vous remercie. Alors, nous poursuivons cette fois-ci
avec la députée de l'Acadie.
Mme St-Pierre : Merci,
Mme la Présidente, j'aime bien vos décomptes. Bon. Alors, oui, c'était fort
intéressant, votre présentation. Il y a des questions qui surgissent.
J'aimerais ça... Quand vous nous parlez de l'article 24, pour que je comprenne vraiment bien ce que vous avez
voulu nous dire tout à l'heure, pouvez-vous nous donner un exemple
concret d'une situation qui devra être... Bien, en fait, je pense que vous
demandez à ce qu'il soit changé, l'article 24. Une situation qui
échapperait à ce qu'on veut faire aujourd'hui, c'est-à-dire une meilleure
protection des artistes.
• (9 h 40) •
Mme Fortin (Christine) : En ce
moment, dans la mouture actuelle, le 24.2, on a importé textuellement le 47.2
du Code du travail sans faire les nuances. Donc, comme disait tantôt Sophie,
sous le Code du travail, les syndicats ont le monopole exclusif du travail...
de représentation, pardon.
Alors, un exemple concret dans le secteur de la
danse, où est-ce que nous n'avons pas d'entente collective, un danseur qui
aurait un problème avec son producteur pourrait venir dire à l'union :
Bien, viens m'aider, j'ai un problème, j'ai une situation particulière avec mon
contrat, voulez-vous faire un recours, etc., me représenter jusqu'à la fin? Et là on serait obligés, par le nouvel
article 24.2, de le faire, lorsque dans ce secteur-là nous n'avons pas
d'entente collective. Donc, nous allons
prendre des cotisations syndicales de nos membres dans des secteurs visés par
une entente collective et nous allons devoir déployer des ressources
financières pour défendre ce danseur-là, qui est
dans une situation fort problématique. Alors, c'est quand même injuste pour
nous et c'est fort problématique, parce que, là, on ne connaît pas la situation litigieuse avec cette
personne-là, ce danseur-là face à un producteur, on n'est pas dans le milieu, on n'est pas son représentant officiel
parce qu'il n'y a pas d'entente collective, alors il y a une panoplie de
situations où est-ce qu'on est... on va devoir la représenter sans avoir une
représentation au niveau de ses conditions de travail.
Également, la loi prévoit la possibilité de
négocier individuellement des cachets supérieurs à la loi, donc tout ce qui
échappe à la négociation collective par l'UDA... par exemple, un problème qui
touche un excédent négocié par un acteur, par exemple, bien là, est-ce qu'on va
devoir le représenter pour ce litige-là, qui ne concerne pas une condition
minimale de travail?
Mme St-Pierre : Donc, qu'est-ce que
vous voulez, au juste, qu'on ajoute pour que ça, là, ça soit réglé, là? Donc,
il faudrait ajouter «visé par une entente collective à laquelle elle est
partie»?
Mme Fortin (Christine) : Voilà.
Exactement. Oui.
Mme St-Pierre : Mais si vous n'avez
pas d'entente collective avec le producteur pour le danseur?
Mme Fortin (Christine) : Bien,
justement, on ne veut pas avoir l'obligation de juste représentation s'il n'y a
pas d'entente collective. Nous voulons le statu quo, tel qu'elle est
actuellement. S'il y a une entente collective visée, je n'ai aucun problème à
représenter le danseur, qu'il soit membre ou non membre chez nous, mais, s'il
n'y a pas d'entente collective, comment
voulez-vous que je le représente? Je ne connais pas la situation du tout d'un
contractuel.
Mme St-Pierre : Ce danseur-là, s'il
n'a pas d'entente collective, ce danseur-là, il est laissé dans...
Mme Prégent (Sophie) : Bien,
c'est-à-dire qu'avec le 68.8 qu'on a, là, présentement, on pourrait avoir
une poigne, justement, dans un secteur au grand complet, faire en sorte qu'il y
ait une entente collective, ou alors la responsabilité...
ce dont on parlait, le 68.8... 68.6 pourrait permettre, justement, d'aller
attacher tout ce secteur-là, puis après ça, quand on l'aura attaché, forcément, il va y avoir... il va naître
une entente collective ou semblable, et là on va pouvoir mieux les
défendre, on va être au courant.
Mme St-Pierre : C'est très lié,
c'est très lié, il faut qu'on fasse la modification à 28, il faut qu'on aille
faire la modification à 68 pour que ce soit sur demande.
Mme Prégent (Sophie) : Exactement.
Mme St-Pierre : Sur demande... Je
n'ai pas beaucoup de temps puis j'ai beaucoup de questions. Sur demande, ça
veut dire après combien de temps? Est-ce que c'est sur demande parce que, pouf,
il arrive un scandale, puis là, boum, on demande, ou s'il faut qu'il y ait
comme un... Est-ce qu'il faudrait préciser dans la... Moi, je suis d'accord
avec le «sur demande», là, je vous le dis tout de suite, puis j'envoie le
message aux personnes qui tiennent le crayon
de l'autre bord. Mais sur demande après combien de temps? Ça ne peut pas être
sur demande après deux jours de négo ou deux jours de tentative, il faut
qu'il y ait quand même une possibilité que les parties s'entendent avant que le
gouvernement intervienne, parce que là on demande au gouvernement d'intervenir,
là.
M. Fortin (Luc) : Si
vous permettez, il y a des secteurs que ça fait éternellement qu'ils ne sont
pas structurés. Pour donner un exemple,
l'événementiel puis les congrès, c'est n'importe quoi, ça, il n'y a pas
d'interlocuteur commun, ça «poppe» un peu partout, ça apparaît, ça disparaît,
c'est impossible de...
Mme St-Pierre : Mais la loi ne vous
donne pas d'interlocuteur commun.
M. Fortin (Luc) : Non, mais c'est
parce que, mettons que j'ai 50 organisateurs de congrès au Québec, je ne
peux pas aller négocier individuellement avec chacun d'eux, ça va me prendre
50 ans avant d'en venir à bout, là.
Mme St-Pierre : Alors, ce que
vous...
M. Fortin (Luc) : On n'a pas les
ressources pour ça, mais, un article comme 68.6, on pourrait dire, exemple,
là : Bien là, on aimerait qu'il y ait des conditions minimales dans ce
secteur-là. Mais, à ce moment-là, là, on est en business, on peut commencer à
même... à représenter...
Mme St-Pierre : Mais ce serait le
gouvernement qui ferait ce cadre-là, cette entente-cadre-là?
M. Fortin (Luc) : C'est ça, comme
les bars, c'est pareil, il y a des milliers de bars avec des scènes, puis il
n'y a rien.
Mme St-Pierre : O.K. Mais pour le
sur demande, ce serait après combien de temps?
Mme Fortin (Christine) : Dès que
l'association d'artistes est prête. Nous, dans le secteur de la danse, là, on a
juste à monter un projet de règlement qu'on soumettrait au gouvernement, on
analyse la situation, on a des ententes collectives avec certains producteurs.
Dès qu'on est prêts, on y va, là, on dépose, puis le gouvernement doit faire
ses consultations et décréter.
Mme St-Pierre : O.K. Vous parlez de
l'article 12, là, puis, là aussi, c'est vraiment... je vais vraiment
vouloir avoir des explications, vous
demandez à ce qu'on mette une modification, «rassemble le plus grand nombre
d'artistes», à l'article 12.
Mme Fortin (Christine) : Bien, en
fait...
Mme St-Pierre : J'essaie de vous
suivre, là.
Mme Fortin (Christine) : ...on veut
une harmonisation puisqu'en ce moment vous avez changé le critère... dans le
projet de loi, on a changé le critère de la «majorité» pour «le plus grand
nombre». Alors, on veut juste... on veut harmoniser ça, et surtout,
effectivement, l'article 12, «rassemble le plus grand nombre», puisque
vous utilisez deux terminologies. En fait, le gouvernement utilise deux
terminologies, «la plus représentative» et «le plus grand nombre». Donc, on
veut juste harmoniser la terminologie. Et surtout l'article 20, il faut
changer ça, parce qu'on parle de 25 % de l'effectif de l'association pour
annuler une demande de reconnaissance. Or, il y a un problème juridique,
puisqu'on a plusieurs reconnaissances, puis c'est impossible d'aller chercher
25 % de l'effectif de l'Union des artistes, par exemple, pour aller
chercher...
Mme St-Pierre : Il y a un autre
méli-mélo, ici, là. L'UDA estime que la terminologie devrait être uniformisée,
il y a du méli-mélo : gardez la formulation de l'article 8, soit les
termes «conditions contractuelles»... parce qu'ailleurs on parle de «conditions
minimales applicables aux contrats conclus». Enfin, c'est un peu mélangé.
Mme Fortin (Christine) : Oui.Nous,
on veut juste...
Mme St-Pierre : Les gens qui ont
conçu ce projet de loi là, c'est des spécialistes. Alors, j'essaie de
comprendre pourquoi ils ont utilisé ces termes-là plutôt qu'uniformiser comme
vous le demandez.
Mme Fortin (Christine) : Bien, c'est
une très bonne question, on va demander au législateur.
Mme
St-Pierre : Alors,
ils vont venir avec leurs crayons, donc ils pourront changer leur texte.
Mme Fortin (Christine) : En fait,
notre point de vue là-dessus, c'est juste, justement, d'uniformiser et
d'utiliser la condition contractuelle. Alors, on a importé... dans le fond, ce
qu'on a compris de nos appels avec le ministère,
c'est qu'on a importé la loi n° 2, là, S-3201, dans notre loi. Alors, il y avait
plusieurs terminologies différentes. Alors, l'idée, c'est de juste
harmoniser quand on parle de conditions d'engagement versus conditions
contractuelles.
On parle de
conclusion de contrats professionnels. Alors, ça, devant un juge, moi, en tant
que juriste, ça peut être plus compliqué de faire la distinction. Alors, pour
uniformiser, on soumet au gouvernement d'uniformiser la terminologie pour être la plus englobante possible, à savoir des
«conditions contractuelles minimales», tout simplement, partout dans la loi, pour uniformiser, parce qu'on comprend
que c'est une importation de la deuxième loi, là, qui a fait peut-être un peu
dévier, là, les termes.
Mme
St-Pierre : Vous parlez de plusieurs aspects manquants aussi dans
votre mémoire. Vous n'avez pas eu le temps d'élaborer là-dessus. Quelles sont
les priorités dans vos aspects manquants qu'il faudrait ajouter? Vous comprenez, cette loi-là, là, la dernière, elle
date des années 80, il y a eu un changement en 2010, puis là on est peut-être
dans un processus qui ne sera pas changé avant les 30 prochaines années,
là. Alors, je comprends que la loi, c'est l'idéologie,
mais la loi, à un moment donné, elle peut devenir hyperrigide. Alors, vous
souhaitez... Vous dites qu'il y a des aspects manquants dans la loi.
Est-ce qu'il y a des choses qu'on devrait vraiment... sur lesquelles on devrait
se pencher puis bonifier cette loi-là?
Mme Prégent
(Sophie) : Entre autres, la reddition de comptes, là, l'obligation
d'être en règle avec les associations à partir du moment où quelqu'un a un
financement public, là.
Mme
St-Pierre : Ça, ça m'apparaît vraiment important aussi.
Mme Prégent (Sophie) : Bon, ça, c'est
l'essentiel. Puis, si ce n'est pas dans la loi, ça pourrait être autrement,
là, on est bien ouverts, là, à toutes sortes de solutions, nous autres, là.
Mme
St-Pierre : ...dans un autre dossier qui est...
Mme Prégent
(Sophie) : Mais le début étant ça, parce que c'est ça qui n'est pas
normal. On ne peut pas recevoir de l'argent public puis faire un peu n'importe
quoi, ne pas être en règle avec les associations, pas payer les musiciens, pas
payer les artistes, mais ce n'est pas grave, on va faire un deuxième film, puis
je vais me racheter, puis ça va bien aller le deuxième, là. Ça ne peut pas
fonctionner comme ça.
Mme
St-Pierre : Ça m'étonne, parce que, quand on donne une subvention, il
me semble que la subvention vient avec... En fait, la subvention ne vient pas
avec une reddition de comptes? Je donne 3 millions pour un film, puis je
n'ai jamais personne qui dit comment l'argent a été dépensé?
Mme Fortin
(Christine) : Bien, je ne sais pas si le gouvernement le dit, mais
certainement on n'a pas... il n'y a pas d'obligation conditionnelle à ce que
les artistes soient payés. Il n'y a pas d'obligation d'avoir... de signer des
contrats.
Mme Prégent
(Sophie) : Il y a probablement un budget de déposé ou je ne sais trop,
mais, s'il n'y a pas de reddition de comptes
puis si ce n'est pas une condition sine qua non, être en règle avec les
associations, merci, bonjour.
Mme
St-Pierre : Puis le mécanisme de révision tous les cinq ans.
Mme Prégent
(Sophie) : Bien oui, ça, ça éviterait ce qu'on est en train de vivre,
c'est-à-dire 30 ans ou 20 ans sans
avoir... tu sais... je vais le dire un peu en langage de Shakespeare, mais «up
to date», tu sais, faire en sorte...
Mme
St-Pierre : Mais ça ne garantit pas un changement, mais quand même ça
pourrait rafraîchir.
Mme Prégent
(Sophie) : Non, non, mais si tel est le besoin, par contre. Là, il y a
quand même une certaine accumulation, là, depuis les années, là, de choses.
Mme
St-Pierre : Est-ce qu'il me reste du temps?
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Il vous reste 1 min 40 s.
Mme
St-Pierre : Ah, bien, mon Dieu! C'est formidable. Sur le projet de loi
en général, tout le monde s'entend qu'on va y arriver, mais je pense que votre
message est vraiment très clair qu'il n'est pas encore... il est perfectible,
là, il faut vraiment y apporter... parce qu'il va y avoir des trous, là, dans
lesquels on pourra peut-être s'incruster et faire en sorte que les artistes
n'aient pas toute la protection qui est nécessaire.
Combien de
producteurs devront... Les négociations ne se feront pas avec un ensemble de
producteurs, mais ça sera des producteurs. Combien vous prévoyez de
négociations?
Mme Prégent
(Sophie) : Avec des producteurs?
Mme
St-Pierre : Oui.
Mme Prégent
(Sophie) : À l'Union des artistes, on a 57 ententes collectives
et 200 lettres d'entente.
Mme St-Pierre : Puis celle qui est
désuète depuis 20 ans?
Mme
Prégent (Sophie) : Ah, ça, c'est tout dans le milieu de la musique,
avec ADISQ, pour ne pas les nommer, désolée, même chose avec La Guilde.
• (9 h 50) •
M. Fortin
(Luc) : Oui, on a des... énormément d'ententes, mais il y a énormément
d'ententes qu'on n'a pas non plus dans des secteurs qui ne sont pas structurés,
ils sont un peu anarchiques.
Mme
St-Pierre : Mais la loi ne vous prévoit pas comme une entente-cadre,
la loi prévoit que vous allez être obligés de reprendre... de prendre le
processus avec chacun de ces producteurs-là.
Mme Prégent
(Sophie) : 68.6 pourrait régler ça. Encore une fois, 68.6 pourrait
faire en sorte qu'on fait une forme de décret dans un secteur bien précis. Puis
là, bien, on va avancer. Moi... on l'a dit puis on le redit, hein, 68.6, là,
ah! c'est ça pour nous, là, tu sais, c'est un peu ça.
Mme
St-Pierre : Mais vous ne serez peut-être pas plus contents, parce que,
là, ce n'est pas vous autres qui va décider des conditions, ça va être le...
Mme Prégent
(Sophie) : Bien, au moins, on va avancer puis, tu sais, au moins, on
va pouvoir l'adresser. Au moins, il y a quelqu'un qui va nous entendre, c'est
déjà bien.
Mme
St-Pierre : Oui, on va avancer.Donc, ma question : Après
combien de temps vous allez... Quand vous dites «sur demande», là, vous
comprenez que ça ne peut pas, pour le ministre, là, dire... On reçoit une
lettre puis, si le ministre dit O.K., on y va demain matin.
Mme Prégent
(Sophie) : Bien, ça fait partie de nos demandes, là, que ces
modalités-là d'application soient plus claires, là, tu sais, parce
qu'effectivement, là, l'idée, elle est bonne, mais comment ça va se traduire
tout ça puis comment ça va fonctionner, ça, pour nous, ce n'est pas clair
encore, là.
Mme Fortin
(Christine) : C'est sûr que la priorité, ça va être d'utiliser 68.6
dans les secteurs où est-ce qu'il n'y a pas d'entente collective, clairement.
Des négociations qui durent depuis 20 ans, le mécanisme que je vois
d'emblée, c'est d'aller au TAT puis dire : Attention, on est en train de
faire la négociation de mauvaise foi, il y a quelque chose qui ne marche pas,
on refuse systématiquement toutes les demandes, il y a de l'obstruction. On va
aller chercher une ordonnance du TAT pour dire : Ça suffit, assoyez-vous
et terminez cette négociation-là. Donc, ça, c'est une première chose.
Pour le 68.6, moi, en
tout cas, à l'Union des artistes, on va se dire : Bien, quels sont les
secteurs à prioriser où est-ce qu'on n'a pas d'entente collective présentement?
Mme St-Pierre :
Mais vous êtes conscients que le TAT a aussi des délais qui peuvent être
longs.
Mme Fortin
(Christine) : Ah, ça peut aller vite au niveau... En tout cas, ça va
être beaucoup plus vite qu'en ce moment, je peux vous le dire. Mais les
ordonnances de négociation de mauvaise foi, ça va très vite, là.
Mme St-Pierre :
O.K. Merci beaucoup.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Parfait.Alors, merci. Nous poursuivons
cette fois-ci avec la parole... avec la... Nous donnons maintenant la parole à
la députée de Taschereau. Vous disposez de 2 min 55 s.
Mme Dorion :
Moi, je m'intéresse à l'aspect manquant de l'imputabilité de ceux qui
reçoivent des subventions. C'est vrai, chaque artiste que je connais, là, a des
histoires de producteur qui va chercher des subventions puis qui ne paie pas
les artistes, ça fait que ce n'est pas tous les producteurs, c'est loin d'être
tous les producteurs, mais il y en a, ça existe parce que la loi est floue,
parce qu'il y a une possibilité de faire ça. Donc, moi, je me demande ce serait
quoi, l'idéal, tu sais, parce que, pour les gros producteurs, c'est
extraordinaire qu'on puisse savoir... que l'État surveille est-ce que tu as
payé les artistes. Ce serait quoi, la meilleure manière? Puis, pour les petits
producteurs après, tu sais, pour ceux qui font des shows de théâtre, ils sont
quatre, c'est autoproduit, ils essaient d'aller chercher des sous à gauche, à
droite, ils ne veulent pas avoir une tonne de paperasse, donc, question
générale là-dessus, là : Comment, dans les faits, ça se ferait, cette
vérification-là?
Mme Prégent
(Sophie) : Mais, pour les petits producteurs, ce n'est pas un
problème, on a tout ce que ça prend dans nos ententes collectives. On a des
artistes entrepreneurs, il y a même des artistes interprètes qui ne veulent pas
nécessairement s'associer à une association de producteurs. Nous, on fait ça
avec eux, tu sais, on les suit. À Québec, il y a beaucoup de théâtres, entre
autres, on le sait, c'est toutes des petites compagnies de théâtre, on ne fait
pas mourir ces gens-là, là. Donc, il faut quand même une mesure flexible de
dérogation, par exemple, à des ententes collectives, etc. Peut-être que tu
pourrais...
Mme Fortin (Christine) : Bien,
c'est exactement ça. Puis, après ça, ils le font d'emblée. Mais, si au moins
dans les programmes de la SODEC ou du CALQ, on dit : Regarde, va chercher
des contrats UDA à l'Union, puis nous, on va faire un plan de match adapté avec le théâtre en question,
ce qu'on fait déjà tous les jours, mais, au moins, ça va lui donner un
incitatif. S'il est obligé de déposer des contrats UDA pour avoir sa
subvention, bien, on va aller tous les chercher, les petits théâtres, là, puis
les gens vont avoir leur filet social. Donc, voilà.
M. Fortin (Luc) : Je vais vous
donner l'exemple des artistes qui ont des demandes... qui ont des bourses de
création du CALQ, on soumet beaucoup plus de redditions de comptes qu'un gros
producteur qui reçoit 200 000 $, parce que, quand tu as fini ton...
quand tu fais ton rapport de bourse, il faut que tu prouves toutes tes
dépenses, de A à Z. S'il te manque quelque chose, tu ne pourras plus avoir de
bourse après. Dans les cas extrêmes, il faut que tu rembourses. Les producteurs
ne sont pas soumis à la même chose. Quelqu'un à la SODEC m'a déjà dit... je lui
avais demandé : Est-ce que vous êtes certain, une fois que le projet est
terminé, que tout le monde a été payé correct? Il me disait : Non. C'était
clair comme de l'eau de roche, parce qu'il n'y a pas de mécanisme. Aussi simple
que ça.
Mme Dorion : Là, vu que mon
deux minutes est quasiment fini : Pour les gros, comment qu'on
ferait? Ce serait quoi, le mécanisme idéal, tu sais, pour vérifier?
M. Fortin (Luc) : Bien, comme
pour les petits, quand tu as fini ton rapport. Tu fais ton rapport puis tu
prouves que tout le monde a été payé, c'est tout. Sans ça, tu n'en auras pas
d'autres après. Voilà.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Parfait.
Il vous restait 20 secondes.
Mme Dorion : Parfait.
La Présidente (Mme IsaBelle) : C'est
beau? Merci. Alors, nous poursuivons cette fois-ci avec le député de
Matane-Matapédia. Vous disposez, vous aussi, de 2 min 55 s.
M. Bérubé : Merci, Mme la
Présidente. Je veux, d'entrée de jeu, révéler un intérêt : ma conjointe
est membre de l'Union des artistes. Alors, ce que je vais faire, c'est que je
vais offrir tout mon temps à l'Union des artistes
pour nous parler d'un élément qui ne
se retrouve pas dans le projet de loi ou un élément qui ne devrait pas s'y
retrouver. Alors, je vous donne tout mon temps pour vous adresser à nous.
Mme Prégent (Sophie) : C'est
trop gentil, M. Bérubé.
La Présidente (Mme IsaBelle) : ...que
2 min 40 s, hein?
M. Bérubé : C'est l'intention
qui compte, Mme la Présidente
Mme Prégent (Sophie) : Vas-y.
Mme Fortin (Christine) : Bien,
moi, je parlerais... Dans notre mémoire, on a parlé des fonctions réputées, à
l'article 1.2, qu'on ne retrouve pas. Nous avons beaucoup d'artistes qui
travaillent dans le milieu de la scène, par exemple, des régisseurs, des
assistants metteurs en scène qui sont toujours non syndicables en ce moment
puisque le 1.2, pour tout ce qui est fonction réputée, est limité au secteur de
l'audiovisuel. Nous, c'est un enjeu important. Il y a des gens qui viennent
nous voir pour avoir des conditions de travail, mais on ne peut pas aller
chercher une reconnaissance pour ces gens-là puisque les fonctions réputées,
donc tous les assistants metteurs en scène, régisseurs...
il y a une panoplie de techniciens, également, qui ne peuvent pas aller
chercher une reconnaissance syndicale puisque l'article 1.2 de la
loi actuelle est limité à l'audiovisuel. Donc, nous, ce qu'on voudrait, c'est
élargir à tous les domaines de production artistique, ce qui pourrait enfin
donner la chance à d'autres artistes d'aller chercher la protection syndicale.
M. Bérubé : D'autres éléments
que vous voulez porter à l'attention de la commission?
Mme Prégent (Sophie) : Bien,
j'ai peut-être un dernier mot. Tu sais, je sais qu'on a l'air un peu de prêcher
pour nos paroisses en disant : Ça prend des contrats Union des artistes ou
ça prend des contrats Guilde, mais la seule façon d'améliorer les conditions
socioéconomiques des artistes, c'est qu'ils soient liés avec nous, c'est comme
ça qu'ils vont avoir des assurances. Puis, au bout de 20 ans, ils sont
contents d'avoir des assurances bronze, argent, platine ou peu importe.
C'est la même chose avec le filet social, avec
le congé payé 4 %. C'est la seule façon, en tout cas, c'est la seule que
je connais. Et ceux qui sont les plus vulnérables, le secteur de la danse, par
exemple, ou même de la musique, c'est les endroits où ils travaillent sans
contrat, parce qu'ils n'ont pas de filet social, parce qu'ils ne réussissent
pas à mettre l'argent de côté, ils n'ont pas de REER, il n'y a pas la part
producteur. La part producteur sur un contrat, c'est 10 % que ça va dans
notre REER, puis plus l'ajout qu'on y fait nous-mêmes. Bien, au bout du compte,
quand tu as un peu travaillé dans la vie, tu as un REER, un REER qui a été payé
par le producteur, puis que nous, on négocie avec la Caisse de sécurité des
artistes d'année en année, à raison de 1 % de plus. Moi, c'est la seule
façon que je connaisse qui puisse améliorer les conditions socioéconomiques des
artistes.
J'entends beaucoup le mot
«culture» dans la vie. Je tiens à dire qu'il n'y a pas de culture sans artiste.
C'est tout. Si Fred Pellerin ne nous racontait pas ses histoires, on ne les
connaîtrait pas, puis notre culture, elle serait autre chose. Elle est ça parce
qu'il existe, parce qu'il vous parle, et que les gens s'identifient à lui.
Voilà.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci.
M.
Bérubé : On a
encore du temps?
La Présidente (Mme IsaBelle) : C'est
tout. Non, on n'a plus de temps.
M. Bérubé : ...mais c'était
important de vous révéler mon intérêt.
La
Présidente (Mme IsaBelle) :
C'est bien. Alors, merci,
Mme Prégent, Mme Fortin, M. Fortin et M. Lefebvre,
pour votre bonne contribution et belle contribution aux travaux de la
commission.
Nous allons donc maintenant suspendre les
travaux, le temps de donner au prochain groupe... de s'installer. Merci
beaucoup. Merci encore.
(Suspension de la séance à 9 h 59)
(Reprise à 10 h 09)
La
Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, nous accueillons
maintenant la Fédération nationale des communications et de la culture
ainsi... qui sont réunis ensemble, conjointement, les Travailleuses et
travailleurs regroupés des arts, de la culture et de l'événementiel.
Mme Charette et Mme Baril-Jannard, je vous invite à bien vous
présenter avant de commencer votre exposé.
Association des professionnels des arts de la scène du
Québec (APASQ),
Fédération nationale des communications et de la culture (FNCC-CSN)
et Travailleuses et travailleurs regroupés des arts, de la
culture et de l'événementiel (TRACE)
Mme Charette
(Annick) : Bonjour. Annick Charette, présidente de la
Fédération nationale des communications et de la culture. Je viens du
milieu de la télévision et je suis fille de chanteurs lyriques, donc je connais
très bien la condition d'être élevée sous la loi du statut de l'artiste.
Mme Baril-Jannard (Mathilde) : Bonjour,
Mathilde Baril-Jannard. Je travaille pour le service juridique de la CSN depuis
plus de huit ans. Merci de l'invitation.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors,
vous pouvez commencer votre exposé.
• (10 h 10) •
Mme Charette (Annick) : D'abord,
la FNCC est très, très contente d'être assise ici pour pouvoir discuter de ce
projet de loi avec vous. Et, en tant qu'organisation syndicale, la raison
d'être de la FNCC est d'assurer et de promouvoir la liberté d'association, le
droit à la négociation collective, et la liberté de presse et d'expression, et
l'amélioration des conditions de pratique et de travail de ses membres :
des artistes, des artisans, du milieu de la communication
et de la culture en général, y compris les travailleurs regroupés des arts, de
la culture et de l'événementiel.
Dans un premier temps, la FNCC est très contente
de souligner l'aspect historique du projet de loi n° 35 pour
l'amélioration de nos institutions de travail, en premier, et la promotion de
la liberté d'association par l'instauration d'un processus de négociation
collective pour les artistes professionnels exerçant dans les domaines des arts
visuels, des métiers d'art et de la littérature. C'est très important pour nous
que nous soyons tous sous un même régime.
Nous tenons également à mentionner que
l'introduction des dispositions en matière de harcèlement psychologique et
sexuel dans la loi est une avancée essentielle pour le bien-être et la santé au
travail des artistes. Et c'est quelque chose
qui me tient particulièrement à coeur. Avec cette insertion législative,
contrer le harcèlement psychologique
et sexuel dans les milieux artistiques ne sera dorénavant plus une monnaie
d'échange dans la négociation des conventions collectives, mais un droit
à respecter pour les artistes et les artisans, les femmes et les hommes qui
oeuvrent dans ce milieu et qui ont été sous la loi de l'omerta pendant tant de
temps.
D'autre part, nous soulignons l'élargissement
des pouvoirs du Tribunal administratif du travail, notamment à l'égard de l'entrave à l'intimidation des
activités syndicales, de la négociation de mauvaise foi et des actions
concertées. Cet élargissement des compétences du TAT était d'ailleurs une autre
de nos revendications, à la FNCC. Cette demande est donc comblée et même
au-delà de nos attentes, puisque les associations d'artistes auront désormais
un recours en matière de prélèvement de cotisations syndicales.
En somme, la FNCC considère que... ces apports
législatifs comme étant les plus significatifs du projet de loi n° 35 et, ce faisant, elle désire les voir subsister sans
aucune modification. Par contre, nous avons quelques commentaires sur d'autres
aspects du projet de loi, et je passe la parole à Mathilde ici présente.
Mme Baril-Jannard
(Mathilde) : Oui. Donc, bonjour. Ma présentation va axer sur les
modifications et les précisions que la FNCC-CSN recherche dans le cadre du
projet de loi n° 35.
Dans le mémoire qui a
été déposé par la FNCC-CSN le 1er février 2021, la FNCC, la
fédération, recherchait en fait un mécanisme, une adhésion forcée, obligatoire
pour les producteurs et les diffuseurs, dorénavant, en fait, obligation de
s'associer à une association de producteurs ou de diffuseurs. Parce
qu'actuellement un producteur ou un
diffuseur non membre d'une association n'est pas lié par les ententes
collectives du secteur. Alors, cette obligation... bien, en fait, cette adhésion obligatoire aurait
permis d'obtenir un régime de rapport collectif sectoriel, un réel
régime de rapport collectif sectoriel.
Le législateur n'a
pas pris cette voie, il a plutôt pris la voie qui est, en fait,
l'article 68.6, dont... sur lequel l'UDA et La Guilde a parlé ce matin.
C'est une voie qui est intéressante, effectivement, surtout dans les secteurs
que l'on dit à découvert, notamment le secteur de la danse, où il n'y a pas
d'entente collective, et également c'est une voie intéressante aussi pour les
secteurs où il y a des ententes collectives, mais, pour... En fait, il pourrait
y avoir également une réglementation qui viendrait lier les producteurs et les
diffuseurs non membres des associations, donc, par exemple, dans le milieu des
concepteurs, de l'Association des professionnels des arts de la scène, où il y
a des ententes collectives. Mais ça fait en sorte que, lorsque les producteurs
diffuseurs sont non membres, l'association d'artistes doit faire une chasse à
la négociation des producteurs, et souvent les productions sont déjà terminées
avant même qu'une entente collective soit conclue.
Par conséquent, un
règlement, dans un secteur où il y a déjà une entente, mais qui lierait les
producteurs et les diffuseurs non membres
des associations, permettrait, donc, d'obtenir un peu... en fait, cette visée
d'avoir un réel régime de rapport collectif sectoriel. Bien entendu,
nous espérons que le gouvernement puisse... en fait, exerce ce devoir. Et là on
appuie également la revendication de l'UDA, que ça soit sur demande et que ça
devienne obligatoire lorsque c'est sur demande d'une association d'artistes.
Alors,
à la page 5, également, de notre mémoire, nous faisons une... c'est la
même recommandation que l'UDA, donc, que les associations d'artistes se
sont concertées pour offrir une modification, en fait, consensuelle à travers
les associations d'artistes. Alors, à la page 5 de notre mémoire, vous
avez, donc, la modification que nous recherchions à l'article 68.5...
68.6, pardonnez-moi.
Deuxième point que
nous souhaiterions avoir une précision, à l'égard du projet de loi, c'est la
question du devoir de juste représentation, qui est instauré à
l'article 24.2. Nous tenons toutefois à indiquer d'emblée que la FNCC-CSN
et que la CSN ne remettent aucunement en question l'importance du devoir de
juste représentation lorsqu'une association syndicale exerce son... en fait,
exerce sa représentation, lorsqu'elle est dans le cadre de sa représentation
exclusive.
Or, le projet de loi n° 35 est un calque de l'article 47.2. Nous tenons
également, en fait, à indiquer que ce calque est inexact puisque le Code du
travail impose un monopole de représentation exclusive à l'association... à l'association
de personnes salariées. Et le corollaire de ce monopole de représentation
exclusif est le devoir de représentation. Il n'y a aucun espace de négociation
entre une personne salariée et un employeur. Il n'y a pas de négociation
individuelle.
Dans le contexte bien
particulier de la loi S-32.1, il y a un espace de négociation entre un
artiste et un producteur. Par conséquent,
l'association d'artistes n'a pas un monopole de représentation exclusif. Alors,
la disposition 24.2 doit refléter ce particularisme et cette
idiosyncrasie.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Merci. Alors, merci. Nous poursuivons, cette
fois-ci, avec l'Association des professionnels des arts de la scène du Québec,
avec M. Delorme-Bouchard...
M. Delorme-Bouchard
(Cédric) : Merci. Bien, je commencerais tout de suite en disant que
j'appuie les revendications... En fait, je
présente aussi Mme Viviane Morin, directrice générale de l'APASQ. Cédric
Delorme-Bouchard, président de l'APASQ.
Donc, nous appuyons,
évidemment, les revendications de nos collègues de la FNCC et de l'UDA, aussi
de La Guilde des musiciens, qui sont passés juste avant nous.
Durant le temps qui
m'est imparti, ce que j'aimerais, c'est pointer sur une particularité qui est
vraiment au domaine des personnes conceptrices, donc des artistes concepteurs.
Et ici je parle comme président de l'APASQ, mais aussi comme artiste
concepteur. Je suis scénographe, metteur en scène, j'ai signé quelque
300 conceptions de théâtre, de danse,
d'opéra, autant à Québec qu'à l'étranger. J'enseigne la conception au niveau
collégial, universitaire, c'est mon domaine, c'est mon univers, donc
c'est de ça que je viens vous parler aujourd'hui.
Présentement, dans le
projet de loi, il y a un angle mort pour les artistes concepteurs, et ça
faisait partie d'une des recommandations
déposées par l'APASQ dans le mémoire de janvier 2021, qui était d'élargir la
définition d'artiste pour inclure la
portion conception et la portion réalisation. Et là c'est vraiment quelque
chose qui est propre au domaine des
artistes concepteurs de théâtre, scénographes, concepteurs costumes,
concepteurs lumières, compositeurs musique pour les arts de la scène,
etc.
Donc, pour bien
comprendre la différence, la portion conception... si on prend une personne
conceptrice de costumes, par exemple, la portion conception, ça va être l'étape
d'idéation, de croquis, d'esquisse et du dessin de toutes ces maquettes qui
vont représenter l'ensemble des éléments de costumes d'une production.
Évidemment, ça s'applique à tous les
métiers, je prends costumes en exemple. Lorsqu'on rentre dans la phase de
réalisation, présentement on cesse d'être reconnus comme des artistes au
sens de la loi, donc on n'est plus couverts par cette portion, contrairement à
la loi de l'audiovisuel, où les concepteurs, les artistes sont reconnus comme
artistes du début à la fin du processus. Ça, c'est une différence majeure, et
ça crée d'énormes iniquités dans le milieu.
Je reviens à l'exemple
d'un artiste concepteur de costumes. Donc, à partir du moment qu'on rentre en
réalisation, en fabrication, on ne se poserait pas de question si on est en
présence d'un artiste peintre qui applique de la peinture sur sa toile, d'un
sculpteur qui qui manipule l'argile pour lui donner forme, c'est la même chose.
L'artiste concepteur fait appel à son savoir-faire et aussi à son idéation du
projet pour lui donner forme par le médium qu'il maîtrise, que ce soit la
lumière, l'espace, le costume, etc.
Donc, à partir de ça, ça cause deux grands
problèmes pour le domaine de la conception. Le premier, à partir de la phase de
réalisation, comme on n'est plus considérés comme artistes concepteurs, les
associations d'artistes, on n'a pas de
moyens d'aller négocier des conditions de travail pour cette portion-là, et
malheureusement ça représente... La portion réalisation commence très,
très tôt dans le processus, donc, à partir du tiers et même, des fois, du quart
du calendrier de production, on n'est plus des artistes. Et, toute cette
portion-là, les associations ne peuvent pas négocier des cachets décents, des
conditions de travail décentes. Et, même si ça se passe bien avec certains
producteurs, dans d'autres domaines, ça peut arriver que les artistes sont très
mal payés, voire parfois, même, la rémunération disparaît complètement, il n'y
a pas moyen de réussir à se faire rémunérer pour ce travail qui est obligatoire
et qu'on ne peut pas séparer de la conception. C'est deux choses qui vont ensemble.
On essaierait de diviser ces deux aspects entre deux personnes différentes, on
n'y arriverait pas, c'est inclus à l'intérieur. La conception inclut de la
réalisation.
J'arrive à mon 3 min 30 s, je
terminerai avec... On n'est pas non plus couverts au chapitre III sur la
loi pour la... bien, en fait, pour la protection contre le harcèlement
psychologique. Donc, on cesse, dans la nouvelle loi, d'être protégés pour
harcèlement psychologique au tiers du contrat. Merci.
• (10 h 20) •
La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors,
merci pour vos exposés très instructifs. Nous allons maintenant, effectivement,
débuter la période d'échange avec Mme la ministre. À vous la parole, vous
disposez de 17 min 30 s.
Mme Roy : Merci. Merci beaucoup
d'être là. On s'est vus, la plupart d'entre nous, en Teams, on en a fait, des
réunions, cet hiver, et on a discuté de beaucoup de choses. Et merci pour votre
présentation. La présentation... je n'avais pas la présentation écrite de ce
que vous venez de me dire, mais il y a matière à réflexion, on a pris des
notes.
Maintenant, j'aimerais savoir... plus
techniquement, vous avez commencé à en parler du côté de la FNCC, entre autres,
vous proposez un amendement, puis là on rentre vraiment dans le corps du sujet,
parce qu'on n'avait pas terminé, à l'article 24.2 du p.l. n° 35,
ce fameux article qui nous parle de la représentation. Vous nous dites... Je
vous apporte à la page 6, vous nous recommandez une modification sur le
juste devoir de représentation, puis la modification que vous nous demandez de
faire, elle est différente de celle qui a été faite ou présentée juste avant
par l'UDA et La Guilde, entre autres. Vous nous dites, et c'est votre
modification : «Une association d'artistes reconnue ne doit pas agir de mauvaise
foi ou de manière arbitraire, discriminatoire ni faire preuve»... Attendez un
petit peu, je ne veux pas... je veux être au
bon endroit. Oui. Alors, je poursuis : «...arbitraire, discriminatoire ni
faire preuve de négligence grave à
l'endroit des artistes visés par une entente collective ou lorsqu'une entente
prévue à l'article 26.1 a été conclue, à laquelle l'association est
partie, peu importe qu'il soit membre ou non.» Donc, cet amendement que vous
proposez à 24.2, on n'en avait pas parlé, mais il est dans votre mémoire.
Pourquoi est-il différent de celui qui a été proposé par les collègues de La
Guilde et de l'UDA?
Mme Baril-Jannard (Mathilde) : Oui,
je vais y aller pour... Ou tu veux commencer?
Une voix : Vas-y, vas-y.
Mme Baril-Jannard (Mathilde) : Donc,
j'y vais parce que c'est un point assez technique. Mais c'est que
l'article 26.1 actuel de la loi prévoit qu'«à compter du moment où l'avis
de négociation prévu à l'article 28 a été transmis, une association
reconnue d'artistes et une association de producteurs ou un producteur ne
faisant pas partie d'une association de producteurs peuvent convenir par écrit
qu'un producteur devra retenir, sur la rémunération», la cotisation syndicale.
Alors, s'il y a une entente de cette nature-là, suivant l'avis de négociation,
une cotisation syndicale est donc prélevée sur le cachet que reçoit... sur le
montant, la rémunération que reçoit un artiste.
Par conséquent... et je me suis basée sur les
enseignements du Pr Jean-Yves Brière, c'est que, pour lui, la cotisation
syndicale est aussi une contrepartie au devoir de juste représentation.
Lorsqu'une personne salariée donne une cotisation syndicale, alors là c'est...
en fait, il dit que «l'intégration de l'obligation»... «En effet, cette
obligation syndicale serait, en quelque
sorte, la contrepartie de l'obligation faite à chaque salarié de contribuer aux
frais collectifs.»
Alors, la FNCC se disait donc, et c'était un
souci des associations d'artistes, que le devoir de juste représentation
s'applique dans un cas où il n'y a aucune cotisation syndicale, notamment
lorsque... considérant qu'il n'y a pas d'entente collective. Toutefois, si une
telle entente est faite, bien, il y a une cotisation syndicale qui est perçue sur la rémunération de l'artiste. Alors, c'est
pour ça que nous avons mis cette distinction-là. Donc, le devoir de juste représentation débuterait à ce moment-là,
puisque les personnes artistes déboursent déjà des cotisations
syndicales. Alors, c'était, pour nous également, un compromis qu'on verrait.
Mme Roy : Merci. Je vous ramène à la
page 5 de votre mémoire, encore, toujours sur le devoir de juste
représentation qui, lui, est l'article 15 du projet de loi n° 35.
Vous nous dites : «La disposition 24.2 est, en somme, un calque de la
disposition 47.2 du Code du travail.» Vous avez totalement raison. C'est
exactement ce qu'on a fait, et on l'a fait parce qu'entre autres c'est un
projet de loi qui a été travaillé avec trois ministères : le ministère de
la Culture, avec les spécialistes au ministère de la Culture, avec également
les spécialistes de la direction des affaires juridiques
du gouvernement, donc le ministère de la Justice, et avec les collègues
juristes du ministère de l'Emploi, du Travail. Et ces collègues nous ont
dit : Ça va nous prendre cet article-là, parce qu'il est important.
Mais vous arrivez en disant : Faites
attention, ici, on est... Et c'est vrai, vous avez raison, je vous le dis, là,
d'entrée de jeu, vous avez raison, puis les deux autres groupes ont fait la
même remarque ce matin, vous avez raison, on a fait une adaptation peut-être un
peu trop identique à l'article 47.2, et je crois qu'il y a des adaptations
qu'on pourrait faire, compte tenu du fait, entre autres, que... ce fameux
corollaire, là, du monopole de la représentation est exclusif quand on parle de
salariés.
Mais, dans le cas présent, c'est ça qui est
extrêmement important de comprendre, les artistes ne sont pas des salariés au
sens de la loi, ils sont des travailleurs autonomes. C'est une loi d'exception
qu'on est en train de créer, sur laquelle on travaille. C'était déjà une loi
d'exception. Et je pense vraiment que vos remarques à cet égard-là sont judicieuses, tout comme les deux autres groupes
qu'on a entendus. Alors, sachez-le, là, je pense qu'il y a des
adaptations qui pourraient s'imposer, et je vous invite à élaborer sur les
adaptations que vous aimeriez voir, parce qu'il est important, cet
article 47.2. Alors, quelles sont les adaptations que vous aimeriez y
voir?
Mme Charette (Annick) : On en a parlé,
mais je vais laisser Mathilde, qui a le langage juridique un peu plus évolué
que le mien, vous en faire part.
Mme Baril-Jannard (Mathilde) : Bien,
en fait, c'est vraiment... les adaptations que nous souhaiterions voir à
l'article 24.2, c'est vraiment la modification qu'on vous propose à la
page 6 de notre mémoire. Pour nous, dans ce contexte-là... Le législateur
québécois a déjà fait, dans d'autres régimes particuliers de rapports
collectifs... Et là je pense notamment à la loi sur les relations de travail
dans le milieu de la construction, à l'article 27, où on importe également
le devoir de juste représentation dans cette loi-là. Le législateur, à ce
moment-là, a choisi le vocable «avec les adaptations nécessaires», donc, pour
refléter le particularisme, l'idiosyncrasie de ce régime qu'est... ce régime particulier qui s'applique au milieu de la
construction. Toutefois... Donc, le législateur aurait pu prendre cette voie-là.
Toutefois, on vous soumet une voie plus précise,
parce qu'il est clair que, dans certains secteurs où il n'y a pas d'ententes collectives... C'est qu'il faut
comprendre que l'association d'artistes exerce son pouvoir de représentation
exclusif lorsqu'elle négocie une entente collective et lorsqu'elle applique les
conditions minimales d'une entente collective.
Alors, c'est pour ça qu'à l'article 22.2 nous souhaiterions avoir, à
l'instar de l'UDA, que... cette précision-là que les artistes visés par
une entente collective... Et on a également rajouté notre petite subtilité
CSN-FNCC sur l'entente prévue à l'article 26.1. Mais c'est vraiment... ce
sont les modifications que nous souhaiterions avoir.
Mme Roy : Merci. Et on va
travailler ensemble pour que tout soit plus précis à cet égard. Je vais vous
dire ça comme ça. Je ne peux pas présumer de rien, mais on est là pour vous
aider, on est tous là pour vous aider.
Mme Charette, je voudrais vous parler de
deux choses. D'abord, dans votre mémoire, vous dites : Des recommandations
non prises en considération. Puis je vais le dire tout de suite, d'entrée de
jeu, vous nous avez demandé que les journalistes indépendants soient sous
l'égide de la loi sur le statut de l'artiste. On en a parlé ensemble. Mme la
députée de l'Acadie, vous avez été journaliste une bonne partie de votre vie,
moi également, et ce que nous... C'est
beaucoup, hein? Donc, vous connaissez le travail. Et, pour nous, les
journalistes ne sont pas des artistes. On
veut vraiment aider les artistes, alors c'est la raison pour laquelle... Mais
il y aura d'autres choses, on peut aider les journalistes de différentes façons. Mais je voulais le spécifier, parce
qu'on a une sensibilité à l'égard des journalistes également.
Par ailleurs, Mme Charette, j'aimerais
savoir dans quelle mesure... Puis vous nous disiez, d'entrée de jeu, que ça
vous avait particulièrement touchés, les... vous tenez particulièrement aux
mesures qui font en sorte que nous allons transposer les dispositions de la Loi
sur les normes du travail qui concernent le harcèlement psychologique, le
harcèlement sexuel dans cette loi pour les artistes. Expliquez-nous
concrètement qu'est-ce que ça va changer pour les artistes, selon votre lecture
du p.l. n° 35.
• (10 h 30) •
Mme Charette (Annick) : Bien,
ça va officialiser ou peut-être faire la promotion qu'il existe un filet à cet
égard-là dans le milieu de la communication et de la culture, qui est un milieu
qui a été, ma foi, assez interpelé sur ce type de conditions de harcèlement
sexuel et psychologique. Et je pense que ça marque d'une pierre le fait que maintenant, notamment au niveau des conventions
collectives, quand il fallait «trader» des dispositions de prévention en
matière de... — excusez l'anglicisme — matière de prévention de harcèlement psychologique
et sexuel contre d'autres dispositions, quand les associations
négociaient avec les producteurs... je pense que le fait que ce soit maintenant
à l'intérieur de la loi, ça enlève cette chose-là d'un aléatoire possible, donc
ça devient officiel.
Et c'est un message fort important pour
l'ensemble du milieu, d'entendre que des artistes... Parce que les artistes
sont toujours... participent à quelque chose qui sont souvent plus grand que
soi. Ils sont en relation de dépendance au niveau de pouvoirs, souvent... Si tu
veux exister comme artiste, tu dois être produit, tu dois pouvoir te faire
entendre, te faire voir, te faire lire, te faire... donc, tu dépends toujours
d'un tiers, le tiers étant le producteur, le metteur en scène qui va te
choisir, l'éditeur qui va t'éditer. Et ce tiers-là a toujours un rapport de
force prédominant sur plusieurs aspects, dont celui-là. Et, je l'ai dit dans un
autre contexte, la loi de l'omerta doit terminer, dans ces milieux-là, à cet
égard-là. Et je pense que ceci va marquer d'une pierre, je vous en remercie à
cet égard-là.
Il y a d'autres dispositions, d'ailleurs, qui
ont été instaurées par le projet p.l. n° 59, qui
est devenu la loi n° 27, qui vont devoir, j'en
ai parlé avec Mme Doucet... Il y a une harmonisation qui va devoir se
faire aussi sur certaines normes de la loi du travail qui vont pouvoir se
répercuter là-dedans. Je ne sais pas encore lesquelles, parce qu'on n'a pas eu
le temps de le faire comme exercice, ni de votre côté, mais ça, ça va
s'associer à ça.
Pour l'AJIQ, je ne pouvais
pas faire d'économie de ne pas parler, on a eu cette conversation, je vous
l'accorde, et on va continuer à travailler avec Me Baril-Jannard, ici. On a des
choses sur lesquelles on va vous voir à cet égard-là, mais c'était quand même
des gens qui sont sans filet social, comme beaucoup d'artistes sont sans filet
social. Donc, c'était important de les mentionner à cet égard.
L'autre chose, la reddition de comptes, vous en
avez entendu parler dans ce qui n'a pas été... dans nos choses qu'on souhaitait
voir et qui n'est pas là, on comprend qu'il y a peut-être d'autres mécanismes,
mais le fait d'être dans la loi, ça empêcherait que ces mécanismes-là ne
puissent pas être mis en place ou être soumis à la volonté de certains
dirigeants qui voudraient ne peut-être pas vouloir les promouvoir. Donc, la
reddition de comptes est très importante.
Moi, j'ai travaillé pendant des années dans le
milieu de la télévision. Ce n'est pas qu'il n'y a pas de reddition de comptes,
notamment en audiovisuel, de producteurs qui reçoivent de l'argent, il y en a
une certaine forme, parce qu'évidemment ils doivent fournir des états
financiers vérifiés. Mais il n'est pas dit dans ces états financiers là que ça
a respecté des ententes minimum, c'est le step au-dessus, la marche qu'on doit
monter pour avoir ces redditions de comptes là, à l'image de ce qu'elles
devraient être, c'est-à-dire tenir compte des artistes, qui sont la matière
première de toute production culturelle et l'essence de notre vitalité, je
dirais, identitaire québécoise.
Mme
Roy : ...Mme Charette. Je vous voyais hocher la
tête, monsieur, quand Mme Charette parlait des dispositions pour
contrer le harcèlement et le harcèlement psychologique et sexuel. Et, du côté
des arts de la scène, dans quelle mesure l'adoption de ces articles, que nous
souhaitons, vont vous aider concrètement, là?
M. Delorme-Bouchard (Cédric) : Bien,
évidemment, on disait le rapport avec le producteur, le metteur en scène, avec
toute personne en position d'autorité pour programmer un artiste, pour
l'inclure dans une saison officielle. Je pense qu'on ne peut même pas comparer
ça à un rapport traditionnel entre un employeur et un salarié. Le pouvoir d'un
producteur, d'un metteur en scène d'engager ou non, de choisir ou non a un
impact sur une carrière, c'est immense. Donc, le pouvoir qui est conféré est
très, très grand. Le fait qu'il n'y ait aucune protection pour harcèlement
psychologique, c'est un angle mort immense.
Et, comme je le disais à la fin, aussi, la
portion très spécifique aux artistes concepteurs, donc toute personne
conceptrice pour les arts de la scène, présentement, fait aussi qu'à partir
d'un moment dans le calendrier... comme je disais tout à l'heure, ça arrive très
tôt dans le processus. Parce que la portion réalisation, ce n'est pas ce qui
arrive une semaine avant la représentation,
ça commence des fois deux semaines... pas deux semaines,
deux mois après le début du
processus, on tombe en réalisation. Il nous reste un an de travail, ce qui
fait que cette portion-là n'est plus couverte. Et, s'il y a des problèmes de harcèlement qui vont
apparaître, ce ne sera peut-être pas dans les deux premiers mois du
projet et, au contraire, ça risque de se concrétiser surtout dans la ligne
finale, dans les moments de grand stress, dans les moments de pression, dans les moments où la première approche, dans les
moments où les échéanciers, les contraintes budgétaires, la réalité
rattrape le projet, et c'est dans ces moments-là que ça risque d'arriver.
Donc, la section III, le chapitre III
de la nouvelle loi permet de protéger en partie, mais, pour les artistes concepteurs, il faut penser à eux jusqu'à la fin
du processus de création, et pas seulement en début uniquement, sinon on
retomberait comme dans l'ancienne loi, on
retomberait, les personnes conceptrices, non couvert à la moitié du
parcours.
Mme Roy : Une précision. Mme la
Présidente, il me reste combien de temps?
La Présidente (Mme IsaBelle) : Quatre minutes.
Mme Roy : O.K. Je vais y aller avec
une autre question, qui est plus pointue, qui est plus technique, mais vous êtes la FNCC, vous connaissez le droit du
travail, alors c'est pour vous. Vous avez remarqué qu'on a ajouté, dans
le projet de loi, l'article 42, une interdiction de représailles à
l'encontre d'un artiste qui exercerait un droit prévu. Est-ce que ça aussi,
c'est quelque chose qui va aider les artistes concrètement? Dans quelle mesure?
Pourquoi? Avez-vous des exemples?
Mme Charette (Annick) : Bien, c'est
certain, parce qu'on l'a... je l'ai mentionné, d'ailleurs, peut-être
rapidement, en entrée de jeu, là, mais c'est certain que ça va aider. Parce
qu'à partir du moment où tu as la sensation ou
le sentiment que tu as une certaine protection tu vas peut-être faire un pas en
avant pour t'autoreprésenter dans des intérêts
que tu as. Mais, Mathilde, tu veux peut-être... d'autre chose à rajouter
là-dessus. Mais c'est vraiment essentiel aussi, là, comme dans les
milieux de travail, quand tu es protégé de ton droit de faire une action pour
faire valoir tes droits, c'est essentiel.
Mme Baril-Jannard (Mathilde) : Si je
peux me permettre, en fait l'article 42 qui est instauré par
l'article 24, effectivement, c'est un article qui est très similaire
également à l'article 15 et suivants du Code du travail pour contrer les
mesures de représailles dans les milieux de travail. Et c'est certain que
l'article 42 de la loi est une illustration... en fait, permet de
concrétiser l'exercice de la liberté d'association puisqu'on... en fait, on
insère, on met, on interdit, on prohibe un tel comportement d'un producteur à
l'égard des personnes artistes. Alors, très... Il est certain que, pour la
FNCC, et même l'APASQ, que j'en suis certaine, si une personne artiste exerce
un droit à l'égard de cette loi-là, disons qu'il exerce... il fait une plainte
pour harcèlement psychologique, donc, et que ça passe mal auprès d'un
producteur, la personne de... Cédric Delorme-Bouchard vous l'a dit, le pouvoir
d'un metteur en scène et d'un producteur à l'égard d'une personne artiste, sur
sa carrière, est immense. Alors, ce type de recours là va permettre
ainsi aux personnes artistes, en fait, de mieux survivre. Donc, c'était
vraiment... c'était également... Dans notre mémoire, nous soulignons également
cet apport-là de la loi.
Puis j'avais... Si je peux me permettre, Mme la
ministre, c'était simplement pour supporter également les propos du président
de l'APASQ à l'égard des dispositions de harcèlement psychologique. C'est que la
loi... en fait, la loi, à
l'article 1.2, et ça, ça a été instauré en 2009, là, pour les
personnes de l'audiovisuel, donc les personnes qu'on dit techniciennes,
donc en 2009, pour des considérations, disons, économiques, en ce sens que
le législateur québécois avait éclairci le régime de rapports collectifs qui
s'appliquait aux artistes suivant le conflit... en fait, le conflit qui est survenu dans le milieu du cinéma, mais les
personnes des arts, par exemple, ne sont pas visées par un tel
élargissement de la notion d'artiste. C'est
pourquoi, lorsqu'ils font la réalisation, ils ne sont pas couverts par la loi.
Et donc c'est certain que c'est un écueil majeur du projet de loi
n° 35, et nous en discutons d'ailleurs dans notre mémoire. Je vous
remercie.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Il ne
reste que 20 secondes.
Mme Roy : 20 secondes... Vous
n'aurez pas le temps de répondre à mes questions. Je laisse aux oppositions.
La
Présidente (Mme IsaBelle) :
Parfait. Merci. Alors, nous poursuivons cette fois-ci avec la députée de
l'Acadie.
Mme St-Pierre : Merci, merci
beaucoup. Alors, merci d'être parmi nous ce matin. C'est très intéressant de
vous entendre, mais je suis vraiment restée sur la notion d'introduire dans la
loi la protection aussi des concepteurs, comme c'est le cas pour l'audiovisuel.
Donc, ça serait un amendement qui irait à l'article 1.2, c'est-à-dire de
l'inclure... — peux-tu
me remonter mon article, s'il vous plaît? Donc, ici, ça dit :
«1.2. Dans le cadre d'une production audiovisuelle mentionnée à
l'annexe I, est assimilée à un artiste», puis là on donne toutes les
fonctions, les fonctions liées à la conception, la planification, la mise en
place ou la réalisation de costumes, de coiffures, de prothèses, de
maquillages, de marionnettes. Ça, c'est pour l'audiovisuel uniquement, et vous
n'êtes pas inclus dans cette catégorie-là. Alors, ça serait assez simple, là,
de le faire. Vous avez dû en faire des représentations quand il y a eu la conception
de ce projet de loi là. Ça fait quatre ans, là, que le ministère est
là-dessus. Pourquoi vous n'avez pas été entendus, vous pensez?
Mme Morin (Viviane) : Je peux y
aller. Bien, je ne veux pas présumer de rien, mais, à l'APASQ, on est une toute
petite association, on représente 280 artistes. On n'est pas donc,
j'imagine, les plus entendus ou... bon, tu sais, c'est qu'est-ce que je pense.
Une voix : ...
Mme Morin (Viviane) : Bien, on
essaie, on essaie. Mais peut-être qu'on ne nous entend pas aussi bien que
d'autres parce que, surtout, on représente des personnes qui sont derrière la
scène, donc qui sont dans les... tu sais, plus dans les coulisses, qui
travaillent... tu sais, qui ne sont pas au-devant de la scène. Ça fait que ça a
peut-être... ça a peut-être un lien.
Mais effectivement, quand les personnes
conceptrices... Dans nos ententes collectives, quand ils sont la portion
conception, ils sont couverts, on peut négocier des ententes collectives. Mais,
la portion réalisation, qu'est-ce qui est mentionné dans nos ententes, c'est
que ça ne fait pas partie du cachet de conception, et il y a un budget de
réalisation qui est entendu entre la personne conceptrice et le producteur. Et
les budgets sont tellement petits, et ça vient
souvent sur les épaules de la personne conceptrice de budgéter, et, à la fin de
ça, il ne reste, aussi, pas nécessairement de montant pour se payer.
Puis il y a beaucoup de producteurs qui pensent que le travail de réalisation
va être couvert par l'entièreté du cachet de conception. C'est une
méconnaissance des ententes collectives, qu'est-ce qui fait qu'ils sont très
peu rémunérés ou pas rémunérés des fois pour la réalisation.
Bref, donc, à partir du moment où ils réalisent,
ils ne sont plus considérés comme des artistes. Mais Cédric pourra l'expliquer,
le travail de conception, même si la réalisation n'est pas incluse, la plupart
des personnes conceptrices réalisent leurs conceptions, et c'est...
Mme St-Pierre : ...
Mme Morin (Viviane) : Oui, mais la
conception est là pour les personnes conceptrices, mais pas la réalisation. Et,
pour l'audiovisuel, la réalisation, elle est là.
Mme St-Pierre : Oui, c'est ça.
Mme Morin (Viviane) : C'est ça.
C'est la portion qui nous manque pour être reconnus du début à la fin comme un
artiste.
Mme St-Pierre : Oui,
M. Delorme? Je pense que vous vouliez ajouter quelque chose... Mais là
vous êtes conjoints dans cette portion-là de nos consultations avec la CSN.
Est-ce qu'on peut imaginer que c'est la CSN qui pourrait vous représenter? Vous
avez dit que vous êtes une petite association.
• (10 h 40) •
Mme
Charette (Annick) : L'APASQ est sous le chapeau... est un des membres
de la FNCC.
Mme
St-Pierre : O.K. Donc, c'est...
Mme Charette
(Annick) : Et, dans le mémoire que nous avons produit...
Mme
St-Pierre : Oui, bien, vous en parlez dans votre mémoire, justement.
Mme Charette (Annick) : Dans celui-là, mais, dans
celui qu'on a produit précédemment aussi, on en a parlé...
Mme St-Pierre :
Ah! l'autre avant, l'autre qu'on n'a pas vu.
Mme Charette
(Annick) : ...et c'est une représentation qu'on a faite de façon
constante. Est-ce que ça n'a pas été entendu dans sa subtilité? Peut-être, mais
je pense qu'aujourd'hui la subtilité est plus... est moins subtile et plus
évidente.
Mme
St-Pierre : Bien, moi, j'invite à ce qu'on le fasse puis je pense
qu'il faut le faire. Parce que j'ai été là quand on l'a fait pour l'audiovisuel
en 2009, et ça a été un gros plus puis ça a été... Puis je peux vous dire
que les producteurs qui sont venus en commission parlementaire disaient :
Ça va arrêter les productions, il n'y aura plus de production, ça va être bien épouvantable, puis ça ne s'est pas... ça ne
s'est pas produit du tout. Puis mon estimée amie, madame... il y avait
Mme Solange Drouin qui était vraiment montée aux barricades, puis je
l'aime beaucoup, mais ça... on prédisait le pire, et ce n'est pas arrivé.
Alors, je pense qu'il y en a qui peuvent en témoigner, là, qui sont ici, dans la
salle, là, peuvent en témoigner que le pire n'est pas arrivé. Alors, moi, je
pense qu'il faut absolument que la ministre et son équipe se penchent sur cette
possibilité-là. C'est un oubli qui est regrettable, à mon avis, et c'est
important de le faire.
Sur la question du
harcèlement sexuel et psychologique, je suis d'accord puis je trouve que c'est
vraiment important de l'inclure dans la loi, mais l'artiste qui va subir ça,
est-ce qu'il va avoir... est-ce qu'il va être capable, encore aujourd'hui, avec
tout ce qui a été... ce qui s'est passé dans les médias dans les dernières
années, même s'il est enchâssé dans la loi, puis, je pense, il faut que ça le
soit... est-ce qu'on peut penser qu'il va encore hésiter à aller déposer une
plainte pour harcèlement sexuel et psychologique?
Mme Charette
(Annick) : Je pense qu'il y a quelque chose d'important à... La nature
humaine va toujours être la nature humaine. À la FNCC, on a lancé une étude
dernièrement pour... avec... en collaboration avec le Département des sciences
juridiques et le département des sciences sociales de l'UQAM, pour documenter,
en fait, la loi de l'omerta dans nos milieux de communication et de la culture,
à cet égard-là, c'est vraiment le but de l'opération, c'est ça, dans une
condition de rapport de force, parce que c'est... précarité, les liens de
précarité et de rapports de pouvoir. Donc, nous espérons que ces résultats-là
vont nous aider à illustrer et à faire de l'éducation dans nos milieux pour
faire reculer ça. Le fait que ce soit dans la loi, c'est quelque chose qu'on
peut évoquer, alors que tu ne pouvais pas l'évoquer de façon... c'était
silencieux avant.
Je pense qu'il y a
une force quand même à mettre ça dans la loi. Tu sais, je l'ai dit dans un
autre contexte, la loi ne précède jamais la société, mais je pense que la
société ici est rendue là et que la loi y répond en ce moment, et c'est... je
le salue encore.
Mme
St-Pierre : Vous avez parlé, la ministre l'a mentionné aussi, de la
question des journalistes indépendants. C'est une question qui, je pense, est
encore plus d'actualité aujourd'hui que dans mon temps, puis je me souviens
qu'on en avait discuté. Moi, j'avais voulu, à l'époque, introduire la notion
d'un statut de journaliste professionnel, ce n'était pas un ordre
professionnel, c'était un journaliste professionnel. Je vous fais un petit
sourire parce que la CSN n'avait pas voulu accompagner le processus. Mais
effectivement je pense qu'aujourd'hui, avec la multiplication des réseaux
sociaux et des médias, il faut accorder une protection aux journalistes
indépendants, c'est majeur, majeur, majeur. Pourquoi on ne pourrait pas,
justement... La ministre a dit : Il va y avoir quelque chose pour les
journalistes indépendants puis c'est une loi pour les artistes, mais on
pourrait faire un chapitre pour les journalistes indépendants. Est-ce que vous
auriez une idée d'amendement qu'on pourrait apporter?
Mme Baril-Jannard
(Mathilde) : Bien, en fait, à mon sens, ça serait dans la définition
d'artiste, donc c'est qu'on mettrait... on inclurait également, dans la notion
d'artiste, la question des journalistes indépendants.
Mme
St-Pierre : Et ça serait tout à fait faisable dans l'esprit de la loi,
selon vous?
Mme Baril-Jannard
(Mathilde) : Oui, exact, avec les adaptations nécessaires, s'il doit y
avoir, là, entre les milieux journalistiques et culturels. Mais, de cette
façon-là, en les incluant dans la définition de ce qu'est une personne
artiste... Puis les journalistes contribuent à la culture, là, très
certainement, dans une certaine façon.
Mme
St-Pierre : En effet, je suis bien d'accord avec vous.
Mme Baril-Jannard (Mathilde) : Alors,
ils pourraient bénéficier de cette façon-là de la loi.
Mme St-Pierre : Puis,
pour la négociation, ça serait... les vis-à-vis seraient qui? Parce que le
journaliste indépendant, il peut travailler pour plusieurs médias.
Mme Charette (Annick) : Bien, de la
même façon que les artistes négocient avec plusieurs producteurs ou plusieurs
associations de producteurs, je pense qu'il faudrait négocier avec l'ensemble
des...
Mme St-Pierre : O.K. Des acheteurs
de contenu?
Mme Charette (Annick) : ...des
embaucheurs pour les journalistes indépendants. Mais notre préoccupation pour les journalistes indépendants, c'est
l'absence totale, totale de rapport de force, et l'absence totale de filet de
protection sociale, et les conditions de pratique qui sont de moins en moins
évidentes.
Mme St-Pierre : Bien, je pense qu'on
a l'occasion ici... Déposer une loi, ce n'est pas simple, ça prend du temps,
celle-là a pris quatre ans. Essayer de vraiment donner gain de cause aux
journalistes indépendants, moi, je plaide pour ça. J'appelle la ministre à
faire... à poser un geste. Et on pourrait, je suis convaincue, l'écrire...
l'inclure dans la loi. Puis, s'il faut changer le titre de la loi, on pourra le
changer, mais je pense que c'est... le temps est venu pour une telle
protection.
Mme Baril-Jannard (Mathilde) : Pour
votre réflexion, il y a le rapport Payette qui...
Mme St-Pierre : Que j'avais
commandé.
Mme Baril-Jannard (Mathilde) : Oui,
que vous avez commandé et qui donne également beaucoup de recommandations,
notamment l'instauration d'un régime qui est similaire à la loi sur les artistes.
Ça fait que... Donc, concrètement, il pourrait y avoir introduction dans la
définition d'artiste et un chapitre peut-être plus précis pour la question des
journalistes, ou en annexe. Donc, ça serait des possibilités, là.
Mme St-Pierre : Merci beaucoup.
Il me reste deux minutes. Bon, bien, je pense que j'ai fait le tour, moi,
pour mes questions de ce côté-là. Je vous remercie beaucoup. Je vous félicite,
M. Delorme-Bouchard, pour votre carrière, parce qu'on vous définit comme
étant une étoile montante, et vous êtes... Et, Mme Charette, je veux en
profiter parce que ça a été public, je veux vous féliciter pour votre courage
et parce que, dans la loi, bien, on retrouve un peu de vous là-dedans, je
pense, puis du courage que vous avez eu, puis vous avez donné l'exemple, vous
allez donner l'exemple encore. Merci beaucoup.
La
Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci. Nous poursuivons
cette fois-ci avec la députée de Taschereau. Vous disposez de
2 min 55 s, mais on pourra aller un peu plus.
Mme Dorion : Mon Dieu! Je
n'utiliserai jamais tout ça. Pour parler du dorénavant fameux
article 68.6, moi, je suis intéressée de savoir... tu sais, c'est
superintéressant, la notion de... que, par règlement, on puisse fixer des
conditions de travail minimales, surtout quand il y a une pléthore de
producteurs et que, là, c'est impossible d'y aller à la pièce. Mais je commence
à voir que ça fait... ça comporte aussi... bien, il y a des inquiétudes par
rapport à ça. Qu'est-ce qu'on veut... puis
c'est écrit dans votre mémoire. Qu'est-ce qu'il faut éviter avec ça?
Qu'est-ce... Tu sais, on voit :
«Cette capacité — d'appeler
pour qu'il y ait un règlement, de demander au ministre qu'il y ait un règlement — devrait
être réservée aux associations d'artistes.» Spontanément, j'en suis, mais
expliquez-nous pourquoi. Puis on veut éviter quels problèmes aussi? Ça fait que
comment est-ce que ça pourrait être spécifié, ce mécanisme-là, pour que ça
serve le bien commun, finalement, des artistes?
Mme Charette (Annick) : Le bien
commun étant le mot à retenir ici. Mathilde.
Mme Baril-Jannard (Mathilde) : Bien,
le fait que ça soit sur demande d'une ou plusieurs associations d'artistes, je pense que c'est l'idée que ça soit
que le besoin vienne des associations d'artistes. Alors, très
certainement, le fait que ça soit précisé dans la loi viendrait concrétiser
cette nécessité-là. Parce qu'on ne souhaite pas non plus que ce soient les
associations de producteurs qui viennent, eux, par... déposer un projet de
conditions minimales. Toutefois, on l'a dit
dans notre mémoire, il faut qu'il y ait un dialogue social suivant cette
demande, il faut qu'il y ait des consultations, là, et nous sommes tout
à fait pour le dialogue social. Alors, très certainement, il devrait y avoir
des consultations.
L'idée... Ce
qu'il faut, je crois, obtenir là-dedans, c'est une précision que le
gouvernement va exercer ce pouvoir-là, parce que, dans la
loi S-32.01, bien que l'article était différent... mais il y avait un
pouvoir de réglementation, et également dans la loi S-32.01, et le
gouvernement n'a jamais... n'a jamais exercé ce pouvoir-là. Alors là, il faut
que vous... en fait, donc, dès qu'il y a demande, que le gouvernement enclenche
un processus de consultation.
Mme
Dorion : Donc, dès qu'une association d'artistes reconnue
fait une demande, il faut absolument... il y aurait comme obligation
pour le ou la ministre de dire : On arrive à un règlement à la fin d'un
processus.
Mme Baril-Jannard (Mathilde) : Exactement.
Mme Charette
(Annick) : Puis il y a sûrement... aussi peut-être préciser ce qu'en
fait on souhaitait, hein, avoir des précisions sur la mécanique qui pouvait
mener à ça. Le bien commun, c'est bien, mais quoi et comment? C'est un peu...
c'était un peu flou.
Mme Baril-Jannard
(Mathilde) : Oui.Puis également la modification, comme on
disait, c'était la même de l'UDA et La Guilde. Là, on souhaite que le règlement
lie les producteurs et les associations de producteurs non membres ou... et que
ce règlement confère les mêmes droits et pouvoirs qu'une entente collective à
l'association d'artistes. Là, ça serait très important, là, de venir préciser
ça, l'effet.
Mme Dorion :
Donc, si je comprends bien, que ça soit... que ce soient juste les
associations d'artistes qui puissent faire cette demande-là et que ça lie tout
le monde, peu importe qu'ils soient membres ou pas.
Mme Baril-Jannard
(Mathilde) : Suivant l'adoption, puis il y avait...
Mme Dorion :
Tout le monde des producteurs.
• (10 h 50) •
Mme Baril-Jannard
(Mathilde) : Il y avait une question à savoir après combien de temps.
C'est certain que je ne pense pas que les associations d'artistes ni les
associations de producteurs souhaitent... On veut laisser libre cours à la
négociation collective. Toutefois, l'historique des relations a démontré, dans
certains secteurs, surtout la danse, que certaines ententes collectives étaient
impossibles à obtenir. Alors, je crois qu'un tel mécanisme, dans une telle circonstance, est nécessaire, puis également
dans les secteurs où il y a des ententes collectives, mais les... où il y
a une multiplicité des producteurs ou diffuseurs qui sont non membres. Alors,
ça, c'est vraiment... c'est une voie très intéressante, mais, encore là, il
faut, comme disait, je pense, Sophie Prégent, du mordant.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Il ne vous reste que 25 secondes.
Mme Dorion :
Bien moi, je veux juste ajouter que les concepteurs sont particulièrement
vulnérables. Souvent, c'est des artistes de la scène qui vont partir un projet,
même dans les milieux où, tu sais, les gens commencent dans la relève. Les
concepteurs sont face à des producteurs qui sont des fois eux-mêmes des
artistes, qui gèrent l'argent comme ils
peuvent, qui n'arrivent pas toujours. Puis il y a vraiment... il y a des
situations où ils sont vraiment les derniers payés puis à être très
souvent pas payés, en fait, à espérer être vus, puis tout. Ça fait qu'il y a vraiment... j'ajoute un peu de poids à la demande
que fait l'APASQ, là, ça serait superimportant. La conception, c'est
dans la tête, puis c'est dans les mains aussi, puis c'est dans tout ce qu'on
fait, c'est du début à la fin, ça fait que voilà.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Bien, merci. Merci beaucoup. Nous poursuivons
cette fois-ci avec le député de Matane-Matapédia. Vous disposez de — on
vous en donne un petit peu plus cette fois-ci — 3 min 40 s.
M. Bérubé :
Votre mansuétude vous honore, Mme la Présidente.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Oui, oui, grâce à... oui, effectivement.
M. Bérubé :
Je veux souhaiter la bienvenue à l'ensemble des représentants de ces
organisations. Vous avez parlé du devoir de juste représentation. J'aimerais
qu'on puisse approfondir qu'est-ce que ça veut dire. Souvent, les organisations
viennent nous voir... alors je vous offrirais mon temps pour bien expliquer ce
concept-là et vos attentes à l'égard du projet de loi.
Des voix :
...
M.
Bérubé :
Vous pouvez faire ça ensemble aussi. Qu'est-ce que ça veut dire puis qu'est-ce
qu'on peut faire dans le projet de loi pour aider?
Mme Baril-Jannard
(Mathilde) : Bien, le devoir de juste représentation est un
incontournable en droit du travail nord-américain. Je veux dire, c'est quelque
chose qui a été établi par la jurisprudence américaine et c'était d'une
nécessité absolue à... je pense, c'est l'arrêt Steele, de la Cour suprême des
États-Unis, qui a fait en sorte d'établir un devoir de juste représentation qui
s'exerce... En fait, une association ne peut être discriminatoire, négligente
ou agir de manière arbitraire. Alors, c'est certain qu'une association... Et
c'est pour ça que je l'ai dit d'emblée, la FNCC-CSN et la CSN ne remettent pas
en question ce devoir de juste représentation, soit de ne pas agir de manière
arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi à l'égard des artistes.
Toutefois, comme on l'indiquait tout à l'heure, le devoir de juste
représentation doit être adapté à la réalité du régime particulier de rapports
collectifs qui gouverne les artistes, là.
Alors, c'est pour ça que nous souhaitons une modification, que nous retrouvons
à notre rapport.
Puis, peut-être, je
ne l'ai pas dit tout à l'heure, mais même le Tribunal administratif du travail
a reconnu le particularisme de ce régime-là. En fait, je crois que c'était le
juge administratif Guy Roy qui a dit que «l'association reconnue — donc
l'association d'artistes — a
donc le pouvoir exclusif de négocier des conditions minimales, mais elle ne
possède pas le monopole de représentation.» Alors, ce particularisme-là doit se
refléter dans la loi, et c'est pour ça que nous demandons...
Si je vais relire la
modification qu'on souhaite, c'est : «Une association d'artistes reconnue
ne doit pas agir de mauvaise foi ou de manière arbitraire ou discriminatoire ni
faire preuve de négligence grave à l'endroit des artistes, visés par une
entente collective — j'ai
indiqué les raisons tout à l'heure — ou lorsqu'une entente prévue
à l'article 26.1, alinéa un, a été
conclue, à laquelle l'association est partie, peu importe qu'ils soient membres
ou non [membres].» Ça, c'est fondamental, qu'il soit membre ou non
membre.
Mme Charette (Annick) : J'allais
ajouter que, quand on a commencé à discuter de ce projet de loi là et
d'analyser les avenues et les réalités existantes, pour avoir un point de
comparaison, on a pas mal discuté de la loi qui... puis là je n'ai pas les
numéros parce que ça, c'est Mathilde, là, mais la loi qui régit la
construction, en fait, parce que les artistes sont souvent dans la même
condition que les travailleurs de la construction, c'est-à-dire
multiemployeurs, mutlicontrats. Et ceci, c'est un particularisme qu'il faut...
dont il faut tenir compte quand tu... du devoir de représentation. Au niveau de
la loi de la construction, du... ce n'est pas... ce n'est pas un décret, là, il
y a un autre nom, que je ne me souviens plus parce que je ne travaille pas en
construction, mais il y a cette particularité-là qu'ils ont réussie... que le
législateur a réussie à introduire, qu'il y avait quand même un devoir
d'égalité et de traitement égal de
l'ensemble des travailleurs dans ces conditions-là. Et c'est un petit peu ce
qui est souhaité aussi avec la juste représentation. C'est que notre
«core business» à nous, notre... c'est de représenter les travailleurs, qu'ils
soient travailleurs autonomes ou qu'ils soient salariés, dans un rapport
collectif qui vise l'équité et le traitement à égalité.
Donc, la juste représentation est à la fois ce
que... les devoirs qui doivent être rendus et les exigences par rapport au fait d'être syndiqué. Tu sais, on n'a
pas la formule Rand ici, donc la juste représentation a quand même sa
limite.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci.
Mme Charette (Annick) : Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors,
c'est tout le temps que nous disposons. Merci beaucoup, hein, pour votre
contribution très instructive aux travaux de la commission.
Alors, nous allons suspendre les travaux
quelques instants pour donner la chance au prochain groupe de s'installer.
Merci beaucoup encore.
(Suspension de la séance à 10 h 57)
(Reprise à 11 h 05)
La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors,
bonjour. Nous accueillons, cette fois-ci, l'Association nationale des éditeurs de livres avec monsieur... pardon,
M. Foulon, Mme Pigeon et Mme Vachon. Je vous inviterais, avant
de commencer votre exposé, à vous présenter également.
Association nationale
des éditeurs de livres (ANEL)
M. Foulon
(Arnaud) : Donc, je suis Arnaud Foulon. Je suis
vice-président Éditions, Groupe HMH, et président de l'Association
nationale des éditeurs de livres.
Mme Pigeon (Geneviève) : Je
suis Geneviève Pigeon, directrice, présidente des éditions L'instant même,
membre du conseil d'administration de l'ANEL et présidente du comité du droit
de l'ANEL.
Mme Vachon (Karine) : Je suis
Karine Vachon, directrice générale de l'ANEL.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Parfait.
Alors, vous pouvez commencer votre exposé de 10 minutes.
M. Foulon
(Arnaud) : Merci. Bien, j'aimerais d'abord remercier la
commission d'avoir invité notre association à prendre part à ces consultations sur le projet de loi n° 35. La loi
du statut de l'artiste est fondamentale dans l'exercice de notre métier, et nous sommes reconnaissants de
l'occasion qui nous est donnée aujourd'hui de commenter ce projet de loi.
C'est avec une inquiétude certaine que nous
avons accueilli la fusion des lois S-32.1 et S-32.01, l'ANEL s'étant
toujours montrée favorable au maintien de deux lois distinctes, estimant que la
loi S-32.01 protégeait les particularités de l'écosystème du livre et
favorisait sa bibliodiversité. En effet, notre milieu réunit une panoplie d'auteurs et d'autrices qui écrivent une diversité
de types d'ouvrages et qui ne revendiquent pas tous le statut d'artiste
dans l'exercice de leur projet d'écriture. À notre avis, nous sommes
aujourd'hui devant un changement de paradigme qui a de quoi donner le vertige à
certains éditeurs.
Néanmoins, nous comprenons la voie que souhaite
prendre le gouvernement pour améliorer les conditions socioéconomiques des
artistes et nous l'accueillons avec ouverture. Nous recommanderons quelques
modifications dans une optique de clarification, de cohérence et afin d'éviter
les contrecoups qui auraient l'effet malheureux de freiner une industrie qui
connaît finalement, après des années difficiles, une croissance, celle-là même
qui favorise l'augmentation des revenus des créateurs.
Avant d'entrer dans le vif
du sujet, vous me permettrez de rappeler que l'industrie du livre est également
régie et encadrée par une autre loi, la loi 51 ou loi sur le livre, dont
on nous annonce des changements dans les réglementations depuis un certain
temps. Nous nous étonnons d'ailleurs que le gouvernement souhaite rapidement
entériner le projet de loi n° 35 mais que l'on n'ait pu nous donner, après
des années de consultations, les conclusions finales
et les changements au règlement de la loi 51 sur le livre. Ces changements
auront-ils, par ailleurs, une incidence sur le projet de loi n° 35?
On ne le sait pas. Toutes ces lois et réglementations, comme toutes les
subventions et aides qui touchent le livre, ont un impact sur notre industrie,
sur sa production et sur ses artisans.
Nous avons une première préoccupation concernant
l'article 1, qui indique que la loi s'applique aux artistes du domaine de
la littérature, en ce qui nous concerne, et aux diffuseurs qui contractent avec
eux en vue de la diffusion d'oeuvres préalablement créées ou qui retiennent
leurs services professionnels.
Rappelons ici que c'est un contrat sur la
publication et la diffusion d'une oeuvre qui lie l'artiste littéraire et
l'éditeur. Nous avions, dans notre mémoire et lors des consultations, expliqué
le rapport qui lie les écrivains et les maisons d'édition. Ces dernières
s'engagent dans un contrat par lequel l'auteur d'une oeuvre leur cède ou leur octroie par licence le droit de fabriquer, de
reproduire des exemplaires d'une oeuvre à l'issue d'un processus
éditorial entre l'éditeur et l'auteur et selon des conditions déterminées de
gré à gré. L'éditeur assume ensuite seul le risque financier lié à la
publication et à la diffusion de l'oeuvre.
Si, de manière générale, les maisons d'édition
reçoivent des oeuvres préalablement écrites, un contrat peut aussi être signé, à la suggestion des parties,
avant la rédaction d'une oeuvre. Peu importe le contexte de création,
l'auteur demeure toujours le seul détenteur des droits moraux sur son oeuvre.
Il ne cède à l'éditeur que les droits en lien avec la commercialisation de
ladite oeuvre. Il serait donc faux de considérer que l'éditeur retient les
services de l'auteur.
Nous demandons donc au législateur :
Qu'entend-on, dans le domaine de la littérature, par «retient les services
professionnels»? Est-ce des services postcréation, par exemple, pour des enjeux
de promotion, ou quelque service rendu au moment de la création? Une précision
s'impose pour éviter des discussions et litiges potentiels relatifs à
l'application de la loi.
• (11 h 10) •
Mme Pigeon (Geneviève) : Ensuite,
dans ce contexte de refonte en profondeur des lois sur le statut de l'artiste,
il nous semble fondamental de mieux définir la littérature à l'article 2.
La définition présente dans le projet de loi reprend celle qu'on retrouvait
dans la loi S-32.01, soit : la littérature est «la création et la
traduction d'oeuvres littéraires originales, exprimées par le roman, le conte,
la nouvelle, l'oeuvre dramatique, la poésie, l'essai ou toute oeuvre écrite de
même nature». La fin de l'énoncé, donc, «toute oeuvre écrite de même nature»,
est un concept flou, problématique dans une optique de négociations collectives
souhaitées par le gouvernement. Cette formulation ouvre la porte à de
nombreuses contestations devant les tribunaux.
Nous
proposons deux avenues pour y remédier, soit, premièrement, ajouter le mot
«littéraire», donc «toute oeuvre littéraire écrite de même nature», et,
deuxièmement, s'appuyer sur les genres littéraires admissibles à la SODEC, où on cite les catégories suivantes : poésie,
théâtre, bande dessinée, roman, nouvelle, conte, album pour la jeunesse,
essai en sciences humaines, recueil de chansons. Cette énumération nous semble
représentative de la littérature.
M. Foulon (Arnaud) : Au
chapitre III.3, il est prévu que les articles 30 à 36 et 38 à 42 de
la loi S-32.01, portant sur les
obligations des contrats individuels dans le domaine des arts visuels, des
métiers d'art et de la littérature, soient ajoutés à l'article 40
du présent projet de loi. L'ANEL reconnaît qu'il est cohérent d'avoir conservé
ces obligations relatives aux contrats
individuels dans le domaine de la littérature. Cela signifie également que l'on
retrouve dans la nouvelle mouture le deuxième
paragraphe de l'ancien article 30, qui indique que la loi «s'applique
également à tout contrat entre un
diffuseur et une personne non visée par les chapitres I et II et ayant
pour objet la publication d'un livre».
Deux choses ici, nous estimons que la nouvelle
loi doit clarifier que tous les contrats individuels, contrats d'édition, sont
soumis aux exigences de la loi mais que seuls les artistes dans le domaine de
la littérature ont droit à la représentation de l'association d'artistes
reconnue dans le domaine de la littérature aux fins de négociation de quelque
entente collective et de quelque représentation en lien avec l'exécution de
leur contrat individuel. Car la loi, revenons à son titre, a pour but de
protéger les artistes.
Dans cette optique, nous suggérons au
législateur qu'il aurait intérêt à ne pas supprimer l'article 37 de la
loi S-32.01, qui précise que, et je cite, «sauf renonciation expresse,
tout différend sur l'interprétation du contrat est soumis, à la demande d'une
partie, à un arbitre» et, un peu plus loin, suivant «les dispositions du
titre II du livre VII du Code de procédure civile». En effet, il nous
apparaît que cet article demeure pertinent pour les auteurs qui ne sont pas des
artistes au sens de la loi et qui ne sont pas visés par la reconnaissance
d'association d'artistes reconnues dans le domaine de la littérature et dont
les livres échappent à la portée de la littérature au sens de la loi.
Rappelons que les auteurs et autrices qui ne
sont pas visés par cette reconnaissance sont nombreux, car il se publie grand
nombre de livres pratiques, de documentaires, d'ouvrages scolaires ou
universitaires au Québec. Cette zone d'ombre risque de nuire à la cohérence de
la nouvelle loi et à son application.
Mme Pigeon (Geneviève) : Nous
souhaitons proposer des changements à l'article 24.1 indiquant que, dans
«l'exercice de ses fonctions, l'association reconnue peut notamment :
«1° représenter ses membres aux fins de la
négociation et de l'exécution de leurs contrats».
L'ANEL propose deux modifications. Premièrement,
remplacer le terme «représenter» par «assister». Étant donné le nombre de
contrats d'édition littéraire qui sont signés chaque année au Québec, selon les
plus récentes données de la BANQ, il s'est publié 3 500 titres de
littérature en un an, nous croyons qu'il est impensable de demander
à l'association d'artistes reconnue de représenter les auteurs dans les
négociations individuelles. Cela risque d'étirer d'une manière substantielle
les délais de signature et donc de retarder des parutions, une situation qui
fragiliserait notre industrie devant la concurrence éditoriale internationale.
Nous suggérons aussi de préciser par le fait
même que les contrats dont on parle dans cet article sont les contrats
d'artistes ou les contrats d'édition, dans notre cas, qui interviendront à la
suite de la conclusion d'une entente collective applicable.
Nous sommes reconnaissants que le gouvernement
ait proposé, à l'article 27, que la négociation d'ententes collectives
doive prendre en considération l'objectif de faciliter l'intégration des
artistes de la relève ainsi que les conditions économiques particulières qui
caractérisent les producteurs émergents et les divers types de production.
Nous proposons plutôt de mentionner les petites entreprises
de production et de diffusion ainsi que les producteurs
et diffuseurs émergents. Rappelons qu'au Québec les maisons d'édition demeurent
souvent de très petites... des petites structures. Par exemple, sur les
115 membres de l'ANEL, 40 % ont un chiffre d'affaires qui ne dépasse
pas 250 000 $ par année. Ces petites structures, publiant
principalement des oeuvres littéraires, sont importantes pour notre industrie
mais ne sont pas toutes émergentes.
M. Foulon
(Arnaud) : Finalement, les articles 68.5 et 68.6 du
chapitre IV.2 sont particulièrement surprenants. On y lit que, et
je cite, «le gouvernement peut, par règlement, définir les termes et les
expressions utilisés dans la présente loi ou
préciser les définitions qui y sont prévues» et, un peu plus loin, qu'il peut
«fixer des conditions minimales applicables, dont la rémunération et les
avantages sociaux». L'ANEL questionne ce besoin d'instaurer un pouvoir de réglementation. De plus, nous recommandons de
circonscrire davantage les circonstances qui motiveraient le
gouvernement à faire usage de ce pouvoir.
En
conclusion, je tiens à préciser que les éditeurs de livres oeuvrent avec
passion et dans le plus grand respect des auteurs. Ils font partie d'un écosystème fragile. Il y a, dans le milieu
de l'édition, une multitude de modèles de contrats puisqu'il existe une
grande possibilité de projets éditoriaux, lesquels ne se limitent pas à la
seule réalité littéraire.
Si le gouvernement souhaite que la refonte des
lois sur le statut de l'artiste puisse s'appliquer adéquatement dans le domaine
de la littérature, il importe en priorité de clarifier que seuls les artistes
du domaine de la littérature ont droit à la représentation de l'association
d'artistes reconnue dans le domaine de la littérature aux fins de la
négociation de quelque entente collective et de revoir la définition de la
littérature afin d'en proposer une plus complète et exempte de termes flous.
Nous vous remercions de votre écoute, votre
ouverture aux enjeux du domaine de la littérature, et nous vous remercions à
l'avance des considérations que vous porterez aux modifications que nous
proposons et aux réflexions que nous vous soumettons.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci.
Merci pour l'exposé. Nous commençons donc la période d'échange avec Mme la
ministre. À vous la parole.
Mme Roy : Merci beaucoup.
Merci. Merci, M. Foulon, merci à vous tous d'être là, tous et toutes.
J'aimerais, d'entrée de jeu, dire que vous avez
raison, c'est un changement de paradigme que nous faisons aujourd'hui. Nous le
faisons après mûre réflexion, une réflexion qui a commencé très sérieusement
lorsqu'on a finalement reçu tous les mémoires, il y a un an, à peu près, parce
qu'on n'avait pas les mémoires avant, même si on avait débuté, là. Ce changement
de paradigme là, nous considérons qu'il est rendu nécessaire.
Et, pour le bénéfice des gens qui nous
écoutent... Puis je vais répondre à vos interrogations puis à vos craintes, à
certaines de vos craintes, parce que vous dites des choses, puis je veux
justement vous rassurer sur l'interprétation que vous en faites ou la lecture
que vous en faites. On est tous conscients que c'est hypercompliqué, que ce
sont des lois du travail. Et ce changement de paradigme là vient du fait, entre
autres, que les fameuses lois sur le statut de l'artiste, il y en a deux au
Québec, ce que les gens ignorent. Il y en a une première, on va l'appeler la
première, qui, elle, touche les artistes de la scène, de l'audiovisuel, de la
musique, qui sont nos artistes des arts vivants, si vous voulez, là, je ne vais
pas tous les énumérer. Puis il y en a une deuxième qui touche les artistes de
la littérature, des métiers d'art et des arts visuels. Et c'est cette loi-là
avec laquelle vous travaillez depuis près de 25 ans. C'est important de le
souligner.
Naturellement, en 25 ans, les choses
changent, les réalités changent, et force est de constater que, dans la
deuxième loi, c'est-à-dire celle qui s'applique spécifiquement à votre domaine
d'intervention, le législateur de l'époque avait dit : Bien, les artistes
et leurs diffuseurs, parce qu'on les appelle les diffuseurs dans la deuxième
loi, qui ne sont pas les mêmes diffuseurs de la première, juste pour mêler tout
le monde, là, pourront se négocier des ententes. Bien, force est de constater
qu'après 25 ans il n'y a pas d'ententes qui ont été négociées. On y va par
contrat, puis, c'est correct, c'est ce que la loi prévoyait, vous avez raison,
la loi, c'est ce qu'elle prévoyait à l'époque.
Mais nous sommes rendus à un changement de paradigme,
vous l'avez dit, et, oui, dorénavant, ce que nous faisons, pour la
compréhension des gens qui nous écoutent, nous prenons ces deux lois, nous
incorporons la deuxième, c'est-à-dire celle qui touche à la littérature, aux
arts visuels et aux métiers d'art, nous l'incorporons dans la première, pour ne
plus qu'il y ait deux catégories d'artistes professionnels au Québec mais une
seule. Ils sont tous sous le même chapeau, naturellement avec les adaptations
qui s'imposent, dépendamment des domaines très spécifiques et des réalités
spécifiques à chacune des pratiques, entre autres à l'égard de la littérature.
Alors, c'est la
raison pour laquelle il n'y a qu'une seule loi, que nous vous présentons
aujourd'hui, qui est le p.l. n° 35. Nous harmonisons
les articles qui peuvent l'être, et d'autres demeureront parce que votre
domaine est particulier, puis le domaine des arts de la
scène est particulier, donc ce ne sont pas nécessairement les modalités qui
doivent être les mêmes. Cependant, les grands pans du projet de loi n° 35
qui touchent, entre autres, tous les artistes que
nous... pardon, «les artistes», les articles que nous allons transférer de la Loi sur les normes du travail, qui touchent, entre autres, le harcèlement psychologique, le harcèlement sexuel, seront
transposés à tout le monde. Ça, c'est important de le spécifier, ça,
c'étaient des demandes qui sont faites depuis quelques années déjà par tout le
milieu culturel, qu'on soit un auteur, un danseur, un artiste.
Donc, c'est pour vous
dire qu'il y a des dispositions qui s'appliquent d'emblée à tous, qui nous
viennent de la Loi sur les normes du travail, que nous incorporons dans ce p.l.
n° 35, et d'autres dispositions qui, à juste titre,
sont vraiment les dispositions d'origine de votre loi, la deuxième loi, et qui
sont reprises, même, textuellement, entre autres à l'égard de la définition.
• (11 h 20) •
Je suis un petit peu
surprise quand vous nous dites que vous avez un problème avec la définition de
la littérature qu'on retrouve dans le p.l. n° 35,
alors qu'on a repris exactement la définition de la littérature avec laquelle vous travaillez depuis 25 ans. Tu
sais, juste pour vous dire, c'est la même définition que nous avons
conservée. Alors, probablement qu'on pourra ouvrir la discussion à cet égard-là,
mais c'est pour vous dire que les dispositions qui vous sont... qui sont strictement liées au milieu de la littérature, puisque
c'est de ça qu'on parle avec vous aujourd'hui et non des arts visuels ou
encore des métiers d'art, demeurent, demeureront dans ce p.l. n° 35,
entre autres les dispositions que nous avons mises en place relativement à
l'élargissement de l'application des règles parce que, puis je le souligne pour
les gens qui nous écoutent, les artistes ne sont pas des salariés. La Loi sur
les normes du travail ne s'applique pas aux artistes.
Alors, ce qu'on fait
avec cette loi, qui est une loi d'exception, on utilise des moyens
exceptionnels... Et on a travaillé énormément avec le ministère de l'Emploi et
du Travail pour nous dire, bien, quels sont les pans de la Loi sur les normes
du travail qui s'appliquent pour des salariés, pas pour des travailleurs
autonomes, que nous pourrions transposer pour rendre la vie plus facile aux
artistes, oui, mais aussi aux employeurs. Et, à cet égard, on est allés chercher des pans de la Loi sur les normes du
travail, qui nous permet et qui permettra aux deux parties, autant
employeurs qu'artistes, d'utiliser des recours devant le Tribunal administratif
du travail, ce qui est beaucoup plus facile, rapide et moins coûteux
qu'actuellement. Parce qu'actuellement, dans les lois, il n'y a pas beaucoup de
recours au Tribunal administratif du travail, mais beaucoup de recours qui
doivent se faire devant les tribunaux de droit commun, ce qui est très onéreux,
vous le savez.
Donc, on a tenté,
avec ce projet de loi, de trouver un équilibre entre les différentes forces en
présence et les différentes parties, parce que, c'est important de le dire,
tout ce monde-là, ce n'est pas des antagonistes, ce sont tous des gens qui travaillent
ensemble. Et j'ai beaucoup aimé, puis on a fait des réunions Teams, d'ailleurs,
ensemble cet hiver, j'ai beaucoup aimé entendre tous les éditeurs me dire
jusqu'à quel point les contrats qu'ils faisaient respectaient les artistes,
étaient adaptés aux artistes, etc. Parce que, dans le fond, ce que ce projet de
loi nous dit, c'est que, dorénavant, bien, il y aura aussi cette obligation de
négocier des ententes collectives. Alors, j'ai tellement entendu de bonne foi
et de bonne volonté venant de la part des éditeurs que ce sera l'occasion, je
pense, pour la communauté littéraire et pour le monde du livre et de l'édition,
de s'asseoir et de négocier des ententes avec les auteurs et dans l'optique
d'avoir de meilleures conditions de travail, en quelque part, parce que c'est
aussi du travail.
Donc, le changement
de paradigme, oui, vous avez raison, il est là, mais soyez rassurés à l'effet
que nous conservons des pans de votre loi pour votre domaine, entre autres à
l'égard de la définition, nous reprenons la même. Alors là, je comprends que
vous n'êtes pas d'accord avec ça.
Par
ailleurs, vous nous dites, d'entrée de jeu, à votre point 9.3, vous
dites : «Nous demandons donc au législateur : Que signifie "qui retiennent les services
professionnels" dans le domaine de la littérature? Est-ce des services
postcréation, par exemple pour des enjeux de promotion, ou quelque service
rendu au moment de la création? Une précision s'impose pour éviter les
discussions et litiges potentiels relatifs à l'application de la loi.»
Je vais vous la
donner tout de suite, la précision : Ne vous inquiétez pas, ça ne vous
touche pas. Et je vais vous dire pourquoi. Le texte, de la façon dont il est
rédigé... Puis on comprend qu'il y a des petites redites, puis il y a des... tout à l'heure, on parlait avec d'autres
groupes, il y avait des termes qui étaient là puis qui apparaissaient de
façon soudaine. On va affiner le projet de loi pour qu'il y ait le plus de
clarté possible.
Mais, dans le cas de
la remarque que vous nous faites, vous nous dites... à l'article 1, déjà,
vous y voyez un problème. Alors, je voulais vous rassurer tout de suite, alors,
j'ai fait un long préambule, parce que l'article 1, c'est ce qu'il fait,
il nous dit, au paragraphe un, quand on parle... les services
professionnels dans les... bon, «s'applique aux artistes et aux producteurs qui
retiennent leurs services professionnels». Dans le paragraphe un de
l'article 1, on parle de ceux de la première loi. Vous, vous n'êtes pas
là, ça fait que ça, ça ne s'applique pas à vous.
Vous, vous êtes dans
le deuxième paragraphe, quand on dit, texte proposé : La loi «s'applique
également aux artistes qui oeuvrent dans les domaines des arts visuels, des
métiers d'art et de la littérature [...] qui contractent avec eux en vue de la
diffusion d'oeuvres préalablement créées ou qui retiennent leurs services
professionnels». Ces deux-là, là, ces deux paragraphes de l'article 1 sont
distincts parce que le premier touche ceux de la première loi et le deuxième
touche ceux de la seconde loi. Alors, je voulais vous rassurer à cet égard-là,
on juxtapose deux réalités. Ça fait que je voulais vous rassurer.
Par ailleurs... Et on
transpose aussi les obligations de vos contrats, on les a gardées. Puis vous
nous dites : «L'ANEL reconnaît qu'il est cohérent d'avoir conservé les
obligations relatives aux contrats individuels.» Ça reste là, ça. C'est pour ça
que je vous disais : Je suis très contente de vous avoir entendu dire que,
vos contrats, vous les négociez, puis c'est vraiment du cas par cas,
dépendamment des auteurs, du type d'oeuvre, etc. Donc, on a vraiment transposé
des portions de la loi qui vous touchent directement.
Par ailleurs, peut-être,
on pourra discuter, j'aimerais que vous me disiez pourquoi... tiens, quand vous
nous dites, au point 10... vous nous parlez de la définition de la
littérature à l'article 2, puis qu'on reprend celle qui se trouve dans
votre loi, pourquoi vous voudriez changer cette définition-là maintenant,
puisque c'est la définition avec laquelle vous travaillez depuis 25 ans?
M. Foulon (Arnaud) : Je peux
peut-être commencer. Il y a plusieurs éléments là-dedans. La définition de la loi S-32.01 date, donc, je pense, de
Mme Bacon. Il y avait déjà eu, même, un débat, à ce moment-là, pour ne pas
y faire paraître la bande dessinée. Un exemple anodin, mais, en
30 ans, la bande dessinée a complètement changé, donc il faut profiter de
la loi pour être au goût du jour, ça, je pense, c'est important.
L'autre chose, c'est que les sociétés d'État
avec lesquelles on travaille, la SODEC, le CALQ notamment, ont des définitions
qui sont beaucoup plus précises que celle de la loi. Et nous, on pense qu'il
faut s'arrimer avec celles que vous avez même suggérées ou, en tout cas,
encouragé vos sociétés d'État à utiliser, qui sont plus récentes que celle-là,
qui laissent place à moins de flou et qui sont plus adaptées à la littérature
d'aujourd'hui. C'est dans cette optique-là qu'on a fait la remarque.
Mme Roy : Et j'aimerais
rajouter que, lors de négociations d'ententes, vous pourrez y aller,
effectivement, du contenu de la littérature, pour vous, c'est quoi, ça signifie
quoi. Alors, il y a des discussions qui seront entamées avec le milieu, puis je
pense que c'est pertinent de le faire à cet égard-là.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Il
vous reste six minutes.
Mme Roy : Merci beaucoup, Mme la
Présidente. Je lis vos inquiétudes, entre autres... Moi, je suis plutôt
positive, je crois qu'on est rendu, 25 ans plus tard, à faire une refonte,
dans la mesure... Et puis vous le dites, à juste titre, c'est une industrie qui
a connu et qui connaît finalement, après des années ardues, une croissance.
Puis je pense qu'il faut le souligner puis féliciter tout le milieu, toute la
chaîne du livre, qui a travaillé hyperfort. Puis on l'a vu durant la pandémie,
je pense que les gens ont redécouvert la lecture, la littérature. Nos libraires
ont fait de bonnes ventes, puis nos artistes québécois ont été découverts. Alors,
je ne peux que vous féliciter pour le travail qui est fait au niveau de
l'édition. Donc, le travail devait être bon, puisque les lecteurs étaient au
rendez-vous.
Dans quelle mesure vous craignez... Et là vous
nous dites que vous craignez que ça freine votre croissance. Pouvez-vous me
dire dans quelle mesure... quelles sont vos craintes de cette nature-là?
Mme Pigeon (Geneviève) : Je peux
donner une réponse qui relève plutôt du concret, en fait, de la pratique d'une
éditrice littéraire. Parmi les inquiétudes qui ont été véhiculées, qu'on a
entendues de la part des éditeurs, il y a notamment le fait que, si des charges
administratives supplémentaires devaient s'imposer, il y a un moment où des
petites structures comme les nôtres ne peuvent pas faire face à énormément de
dépenses supplémentaires. Et, quand on parle de dépenses, on ne parle pas
juste, malheureusement, de ce qui pourrait être redonné aux artistes, alors que
c'est là qu'on voudrait bien dépenser plus, mais plutôt des dépenses,
justement, si on doit alourdir, par exemple, la gestion des contrats, la gestion des contraintes administratives ou
fiscales, il faut embaucher du personnel supplémentaire, il faut avoir recours à des expertises légales. Et
là c'est de l'argent qui s'en va dans l'administration plutôt que
d'aller, justement, dans le soutien de la
diffusion des oeuvres littéraires. Et c'est une des grandes inquiétudes qu'on a
entendues, c'est-à-dire ce potentiel alourdissement de la charge administrative
ou comptable, finalement, qui serait imposée aux éditeurs et aux éditrices.
• (11 h 30) •
Mme Roy : Je voudrais quand même
souligner, pour le bénéfice des gens qui nous écoutent, que le milieu du livre
est extrêmement important. C'est hyperimportant, les livres, je pense, la littératie,
la littérature, on doit lire davantage. Ça nous fait une société qui est
allumée, une société qui est avertie, qui est instruite et qui prend de
meilleures décisions. Et c'est la raison pour laquelle les gouvernements, tous
les gouvernements précédents et le gouvernement actuel, investissent des
sommes, et croient en la littérature, et soutiennent l'industrie et la chaîne
du livre. Donc, à cet égard-là, je pense que les sommes que nous avons
investies au cours des dernières années ont été conséquentes, demeurent là, il
y a des subventions, il y a des crédits d'impôt.
Donc, compte tenu du fait que le gouvernement
investit de façon importante, parce que la culture... Moi, je crois
foncièrement qu'au Québec, la culture, on doit la protéger puis on doit aussi
l'aider financièrement, parce que, vous avez raison, ça coûte cher, ça coûte
cher, créer des oeuvres. Et, à cet égard-là, nous croyons, et je crois, et je persiste, et je signe, que, lorsque des industries
sont subventionnées minimalement... je pense qu'il serait favorable et
il est souhaitable, et nous le mettons dans
un projet de loi, que les conditions... les conditions, ultimement,
socioéconomiques des artistes soient prises en considération et qu'il est
important de négocier des ententes.
Alors, je
vous soumets juste que le gouvernement demeure là, le crédit d'impôt demeure
là, la SODEC demeure là pour vous
aider. Puis on est conséquents avec, entre autres, l'achat de livres. Notre
gouvernement a investi des sommes colossales, colossales, au cours des
quatre dernières années. Là, on parle de centaines de millions de dollars pour
l'achat de livres, entre autres pour nos bibliothèques scolaires. Alors, je
pense que vous pouvez voir l'importance que nous vouons à la littérature, aux
livres, aux maisons d'édition. Et je suis optimiste pour la suite des choses.
Je pense qu'entre parlementaires de bonne
volonté on est capables de faire avancer un projet de loi, puis on est là pour
le faire avancer. Puis moi, je suis surtout là pour vous rassurer à l'égard des
craintes que vous avez. Je pense qu'on est rendu, 25 ans plus tard, à
prendre en considération, et c'est pour ça qu'on est là, là, c'est vraiment une loi sur le statut de l'artiste, les conditions
socioéconomiques de nos artistes, à l'égard de leurs relations avec ce qu'on
appelle les diffuseurs, ça s'appelle comme ça dans la deuxième loi, qui n'a
rien à voir avec un diffuseur de la première loi qui... une télévision, par
exemple. Et, oui, c'est une loi qui est complexe, mais je pense qu'en bout de
piste nous y trouverons tous... nous y trouverons tous un avantage puis au
bénéfice des lecteurs et des artistes, et également des éditeurs, des maisons
d'édition, de toute la chaîne. C'est extrêmement important pour nous. Moi, je
vous remercie pour le mémoire que vous nous avez soumis, que j'ai lu entre les
interventions, pendant la pause. Je vous remercie.
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Parfait. Merci. Alors, nous poursuivons cette
fois-ci avec la députée de l'Acadie.
Mme St-Pierre : Merci, Mme la
Présidente, merci. Merci d'être avec nous ce matin. C'est absolument important,
votre présence ici ce matin, parce qu'on a besoin d'entendre aussi vos
préoccupations. On a eu des rencontres, et je vous ai écoutés, et j'ai
vraiment... j'ai à coeur que vous ayez aussi... que vous participiez à ce
processus-là, parce que c'est un processus qui fait en sorte qu'on va mieux
traiter les artistes québécois.
Je déclare, Mme la Présidente, mon conflit
d'intérêts, parce que j'ai publié en 2020 un livre et j'ai été très, très bien
traitée par mon éditeur. Ça a été vraiment...
Des voix : ...
Mme
St-Pierre :
Effectivement, très, très bien traitée. Mais moi, je n'en fais pas mon métier,
je n'en fais pas mon gagne-pain, ça a été un geste que j'ai posé... En fait, ça
a été une aventure, mais ça sera probablement la dernière pour moi. Alors, il
n'y en aura pas... probablement pas d'autre, puis ça, c'est un... je ne sais
pas, une affaire unique qui s'était... qui s'est passée dans ma vie, puis j'ai
été... j'ai eu une très belle expérience.
Mais convenez avec moi qu'il y a des maisons
d'édition qui sont très voraces et qui vont ratisser très large, et le... celui
qui sort, là, la... celui ou celle qui sort la... le minerai de la mine, bien,
c'est la personne qui est sur son ordinateur puis qui a écrit l'oeuvre, et je
pense que ça... je sens qu'il y a eu une évolution chez vous pour dire :
En effet, il y a des gens qui sont de véritables artistes dans ce domaine-là.
Donc, ce que vous proposez, vous, c'est de
dire : Limitons la protection à des gens qui oeuvrent dans différents
genres littéraires, et non pas à tous les genres. Par exemple, j'ai beaucoup de
respect pour les gens qui écrivent des livres de cuisine ou des livres de
mécanique, mais vous ne les voyez pas dans cette catégorie-là. Est-ce que c'est
ça que je comprends?
Mme Vachon (Karine) : Bien, en fait,
on ne les considère pas dans la catégorie de la littérature au sens large de
«littérature», mais c'est pourquoi on reconnaissait, en fait, que les
obligations individuelles de la loi S-32.01 aient été transmises dans le
nouveau projet de loi justement parce qu'on a là des obligations nécessaires
aux contrats qui vont toucher l'ensemble des auteurs, qu'ils soient donc des
artistes de la littérature ou non. Donc, on considère qu'ils sont quand même
protégés par les obligations qu'on demande aux éditeurs, mais que, pour la
négociation d'ententes collectives, comme c'est une loi sur le statut de
l'artiste et que les associations reconnues sont reconnues du domaine de la
littérature, bien, ça concerne les auteurs littéraires du domaine de la
littérature.
Mme
St-Pierre : Donc
les auteurs... c'est-à-dire ce qui est couvert par la SODEC?
M. Foulon (Arnaud) : Bien, c'est ce
qu'on... c'est un peu le parallèle qu'on faisait, nous, c'est... On travaille
beaucoup avec la SODEC, vous le savez, donc il y a un lien étroit. Comme vous
le disiez tout à l'heure, un livre pour faire son patio, à moins que ça soit
devenu un métier d'art... mais, je pense, ça n'a pas rapport avec le milieu
artistique, c'est vraiment une spécificité technique de quelqu'un qui apporte
sa... son expertise et puis qui la transmet dans un livre dans le cadre d'une
proposition qui est faite pour quelqu'un qui voudrait construire un patio. Mais
ce n'est pas du tout la même chose que quelqu'un qui écrit un roman, quelqu'un
qui écrit de la poésie, quelqu'un qui écrit un album jeunesse, où là on se
retrouve davantage, comme disait Mme la ministre, notamment, dans les achats de
bibliothèques scolaires, et donc dans... Il y a un écosystème qui est différent
pour ce genre de livres littéraires, donc il
y a une distinction qui doit être faite par rapport à ce qui est imposé dans
les ententes collectives, effectivement.
Mme St-Pierre : Mais je cherche à
comprendre vos craintes. Parce que vous êtes des amoureux du domaine. Alors, quelle est la... quelles sont les craintes
qui surgissent? Madame a parlé de... pas tracasseries, mais de surcharge
administrative pour des petites maisons d'édition. Mais, outre cela, quelles
sont vos craintes par rapport à la... au fait qu'on amène les écrivains, les
écrivaines, là, dans la loi sur le statut de l'artiste?
Mme Vachon (Karine) : C'est que les
contrats varient beaucoup d'un genre de livre à l'autre. Donc, le domaine de
l'édition scolaire, par exemple, c'est une réalité en soi, les auteurs ont des
très bonnes conditions, qui oeuvrent dans le secteur de... du livre scolaire.
Dans le domaine du livre pratique, il y a une multitude de modèles d'affaires
aussi qui sont derrière la publication d'un livre. Donc, on a de la difficulté
à voir comment on peut arriver à faire des ententes collectives pour une si
large diversité de livres, alors que, dans le domaine de la littérature, bien
là, on est capables de voir qu'on peut effectivement établir des conditions
minimales, donc des ententes qui vont s'appuyer vraiment, là, sur des contrats
qui sont équivalents.
Mme
St-Pierre :
Je suis peut-être naïve, mais pourquoi vous ne pourriez pas être le principal
interlocuteur de votre vis-à-vis?
C'est-à-dire, là, ce que je comprends — peut
être que je suis dans le champ, là — c'est
que le vis-à-vis pourrait... devrait
négocier avec plusieurs maisons d'édition différents contrats, qui pourront
être différents les uns et des autres, alors que, s'il y avait un tronc
commun de votre association comme étant le principal négociateur de cette... de
ce beau projet là, je trouve, de société... Ça ne serait pas une avenue, ça?
M. Foulon (Arnaud) : Le tronc
commun, comme disait Karine, peut être lié à un type de livres identiques. Si
on revient aux livres scolaires, si un éditeur décide, par exemple dans le
cadre d'un projet scolaire, de libérer le salaire d'un enseignant pour lui
permettre d'écrire, ça ne se compare pas avec quelqu'un qui a déjà écrit un
roman, qui vient le déposer. Ce n'est pas du tout le même genre de contrats qui
vont être signés. Si on essaie de les comparer, les gens vont dire : Ça ne
se compare pas, c'est... Donc, est-ce que ça veut dire, sinon, qu'il faut avoir
une panoplie d'ententes collectives? Donc, c'est pour ça que, pour nous... puis
revenons à l'énoncé même de la loi, la loi sur le statut de l'artiste doit
s'adresser aux artistes, et non pas à tous les gens qui écrivent des livres. Il
y a une nuance qui est importante là-dedans, parce que, sinon, on n'y arrivera
jamais, là, il n'y a pas de... Le terrain de jeu est trop vaste, j'ai envie de
dire, là.
Mme St-Pierre : Oui. Mais vous
convenez avec moi que, si on regarde en termes de cotisations syndicales, si un
auteur vend 200 livres dans l'année, puis qu'il y en a... quelqu'un qui
vend des livres de recettes en vend 10 000, bien, il va rapporter à votre
vis-à-vis, de l'autre côté, plus de cotisations syndicales, ce qui va faire
que... En fait, ça va être un tronc commun qui va aider d'autres artistes
aussi, d'autres créateurs.
J'essaie...
Vous savez, c'est comme... Quand on est dans un syndicat — je
le sais, je suis une vieille syndicaliste — quand on est dans un
syndicat... Il y a des gens, dans le syndicat, qui gagnaient beaucoup plus cher
que d'autres, mais tout ça s'équivalait parce qu'on payait des cotisations
syndicales, les cotisations syndicales s'en allaient à la CSN, puis la CSN
représentait tout le monde, les plus faibles comme les plus forts. Autrement
dit, il y a des faibles puis il y a des forts, faibles dans le sens... pas dans
le sens négatif du terme, mais faibles dans le sens que le marché n'est pas
nécessairement un marché pour des livres à grand public. Donc, il y aurait une
protection, à mon avis, pour tout le monde, pour les plus... bien, ceux qui
essaient de faire de la littérature leur métier.
Mme Vachon (Karine) : Bien, ça
serait aux auteurs...
Mme
St-Pierre : Est-ce
que vous me suivez?
Mme Vachon (Karine) : Bien, ça
serait aux auteurs des secteurs non littéraires de vérifier leur volonté ou non de faire partie d'ententes collectives et
d'associations d'artistes reconnus aussi. Donc, pour l'instant,
l'association reconnue, elle représente le domaine de la littérature. Est-ce
que les auteurs plus larges souhaitent en faire partie, les auteurs d'autres
secteurs? Au sein des maisons d'édition, on n'a pas reçu de volonté d'auteurs
de secteurs variés de négocier des ententes collectives avec nous pour le
moment.
• (11 h 40) •
Mme
St-Pierre : Quand vous parlez, ici, de remplacer le terme
«représenter» par «assister», je ne sais pas si c'est la bonne... vous en faites la bonne lecture, du
mot «représenter». «Représenter», ça ne voudrait pas dire nécessairement
que l'auteur qui publie un livre puis qui discute avec la maison d'édition
serait obligatoirement représenté. Ça ne serait pas lui ou elle qui
discuterait, que ça soit... ça serait son... oui, j'appelle ça son «syndicat»,
là, son union, que c'est... Il faudrait... La façon dont, je pense, vous le
voyez, c'est qu'il faudrait qu'à chaque fois cette personne-là aille chercher
l'aval de son association pour pouvoir négocier... pour pouvoir parler,
discuter de son contrat.
Mme Pigeon (Geneviève) : Bien, en
fait, oui et non. Je pense que l'inquiétude, ce n'est pas tellement... Bien,
enfin, effectivement, c'est vrai qu'il y a peut-être une nuance à préciser ici.
Mais l'inquiétude, c'est vraiment une question aussi de délais, c'est-à-dire
que, même si ce n'est pas systématique que l'auteur soit représenté par son association, si, à chaque fois que l'auteur a une
question, il doit passer par un processus où quelqu'un de l'association
doit intervenir, à ce moment-là, avec 3 500, bon, on le disait, contrats
annuels, par exemple, on craint d'être face à des délais et de retarder des
projets de publication. Parce qu'on discute avec... En tout cas,
personnellement, je discute avec les auteurs de contrats, ça peut durer
plusieurs heures. On clarifie des points, on jase, on explique des situations
concrètes. Mais, si à chaque fois une tierce partie doit intervenir même dans
une discussion pour expliquer un point, ça pourrait devenir très lourd,
effectivement. Donc, je pense que c'est là l'inquiétude entre «représenter» et
«assister». En fait, c'est la lecture qu'on en a faite, nous, ici.
Mme St-Pierre : S'il y a une
entente-cadre, il me semble que ça simplifierait votre travail, non?
Mme Pigeon (Geneviève) : Bien,
c'est-à-dire qu'on travaille déjà avec les paradigmes de la S-32.01, qui déjà — donc,
c'est déjà reproduit dans le projet de loi n° 35, là — dicte
un certain nombre de conditions qu'on doit respecter. À partir de là, ce
seraient des conditions minimales, ce qui veut dire que chaque auteur pourrait
quand même souhaiter discuter davantage et augmenter ses conditions, ou
nuancer, ou préciser. Donc, je pense qu'on n'échappe pas quand même au risque
ou à la possibilité que des discussions supplémentaires soient nécessaires pour
les contrats, de toute façon.
Mme St-Pierre :
Quand il y a des salons du livre, les auteurs que vous invitez ne sont pas
rémunérés dans... que les éditeurs invitent
dans les... dans les différents... leurs différents secteurs, là, les auteurs
ne sont pas rémunérés. Est-ce que vous trouvez ça normal qu'un auteur ne
soit pas rémunéré pour aller dans un salon du livre, alors qu'il est... que la
personne qui va s'occuper de vendre des billets va être rémunérée?
M. Foulon
(Arnaud) : En fait, il y a deux éléments. Il y a les activités des
tables rondes, dans les salons du livre, organisées par les... et ils sont
rémunérés dans ces tables rondes, là, les auteurs, là. Il faut faire attention,
là, et c'est pour ça que je corrige cet aspect-là. Un auteur qui est invité à
participer à une table ronde avec d'autres auteurs ou à une entrevue avec un
animateur va être rémunéré pour ça, et il faut qu'il le soit, c'est important.
Un auteur qui fait des tournées scolaires... dans les écoles va être rémunéré
pour ça. Par rapport à être rémunéré pour faire une séance de signatures — c'est
peut-être ça, votre question — effectivement, ça, c'est dans une
activité de promotion pour son livre qui est incitée par la maison d'édition
même. Si la maison d'édition devait rémunérer ça, bien là, on s'en va vers
peut-être une best-sellerisation des auteurs que vous allez avoir dans les
salons du livre. Vous n'en aurez pas 1 500 au Salon du livre de Montréal,
vous en aurez peut-être 200 ou 300.
Parce que ce qu'on
oublie... Il y a un aspect quand même important, c'est que cette loi-là ne fait
pas apparaître de l'argent dans le milieu du livre. Donc, on est quand même
contraint par un domaine où les salaires sont très peu élevés par rapport à
beaucoup d'autres domaines culturels, puis ça, c'est vrai pour plusieurs gens
dans la chaîne du livre. Le libraire... Vous n'êtes pas sans savoir que... même
si la loi du livre leur octroie 40 % de remise, mais la marge bénéficiaire
des libraires n'est pas énorme aujourd'hui. C'est vrai pour l'ensemble des
artisans. Donc, il faut faire attention à cet aspect-là. J'ai l'impression
que... Des fois, quand on lit les propositions, on a l'impression que c'est la
panacée puis que l'argent va apparaître. Mais ça, c'est une inquiétude qu'on
a : il n'apparaîtra pas, mais elles vont amener une certaine surcharge
dont les éditeurs ne peuvent pas absorber seuls les frais, ça va... il va
falloir que ça se fasse en partage pour le bénéfice et le ruissellement
jusqu'aux artistes. Ça, c'est important.
Mme St-Pierre :
Donc, votre proposition, c'est que vous êtes ouverts à ce que soit inclus
dans la loi un certain type d'oeuvres littéraires
et que certains autres ne soient pas dans la loi. Et ça, vous seriez capables
de vivre avec ça?
M. Foulon
(Arnaud) : En fait, ils vont être dans la loi, mais qu'ils ne soient
pas couverts par des ententes collectives. C'est pour ça que je fais la nuance.
C'était le cas dans S-32.01, il y avait aussi cette nuance-là, qui était quand
même assez claire. Quand on parle des personnes non visées, c'est les personnes
non visées par les artistes... les clauses au niveau artistique mais qui ont
écrit un livre. Donc, ils doivent être régis par une loi, quand on écrit un
livre. Quelqu'un qui écrit un livre, pour revenir au livre de jardinage, ou
autres, pourrait avoir un conflit avec son éditeur, puis il faut qu'il ait un
recours... il faut qu'il y ait un recours qui existe devant les tribunaux pour
pouvoir contester la chose, là. C'est l'important que ça existe, ça.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Merci.
Mme St-Pierre :
Merci. ...
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Alors, nous poursuivons cette fois-ci avec la
députée de Taschereau.
Mme Dorion :
Bonjour, contente de vous revoir. J'ai réfléchi à la... aux discussions
qu'on avait eues — j'ai
juste deux minutes, je vais aller vite — à mon bureau de comté puis
j'ai reparlé aussi à beaucoup d'auteurs. Bon, l'argument qu'ils disaient,
c'est : On comprend les difficultés dans lesquelles pourraient se trouver
les éditeurs, parce qu'effectivement l'argent ne tombe pas du ciel, mais nous,
comme auteurs, on est souvent pris pour espérer que l'argent tombe des
éditeurs, puis eux nous disent : Bien, nous, on n'en a pas, d'argent. Et
donc ils disaient... vous pouvez peut-être m'aider à répondre à ça, mais ils
disaient : Au moins, si on est régis et si tous, tous les livres font
partie aussi de ce règlement-là, on va être un plus grand nombre à dire: Bien,
de l'argent, on en a besoin, et nous, on ne sera pas, les auteurs, dépendants
d'un ruissellement qui n'arrivera peut-être jamais.
C'est la question que
je me pose aujourd'hui, parce que ça pourrait... Je comprends que vous voulez
faire une distinction entre les artistes qui écrivent et les non-artistes qui
écrivent, mais il ne faudrait pas créer une situation où, tout à coup, ceux qui
ne sont pas des artistes, c'est plus avantageux pour des éditeurs de faire
affaire avec eux. Et moi, j'ai peur de ça aussi.
Donc, ces deux
craintes-là, ces deux soucis-là, si vous pouvez juste me dire votre avis
là-dessus, votre intelligence collective d'éditeurs... Je n'ai jamais fait
cette job-là, ça fait que je suis bien curieuse de savoir.
Mme Vachon
(Karine) : Bien, les éditeurs... les éditeurs de livres valorisent
toujours la bibliodiversité, donc c'est-à-dire de publier une vaste catégorie
de livres de tous genres, et la littérature est la partie la plus importante,
là, de la création au Québec, là. Donc, je pense qu'il y aura toujours cette
volonté de publier les oeuvres de création, de publier, donc, les oeuvres
littéraires, et tout ça. Mais les livres d'autres genres, les livres pratiques
puis les livres scolaires, et tout ça, sont créés selon d'autres modèles aussi,
des... qui nécessitent aussi des... un investissement important quand on fait
du livre illustré, quand on fait des ouvrages universitaires avec des tableaux,
des graphiques, et tout ça, d'un nombre de pages important.
Donc,
je pense qu'il n'y a pas d'avantage à publier un genre de livre plus qu'un
autre, et une oeuvre littéraire peut devenir un best-seller comme un livre de
cuisine peut l'être, mais... et vice versa. Donc, c'est... je ne pense pas que
les éditeurs, ils vont faire des choix en fonction de ce qui est couvert ou non
par une loi, ils vont faire des choix par rapport à c'est quoi, le créneau de
la maison d'édition, qu'est-ce qu'ils souhaitent publier, et, à certains
égards, bien, les conditions vont être les
mêmes dans les contrats de toute façon. C'est juste que, dans certains types de
livres, des fois, il y a des modèles
d'affaires qui sont différents, il y a des conditions qui sont différentes, qui
sont négociées avec les auteurs aussi, qui ne sont pas nécessairement
désavantageuses pour le créateur pour autant, là.
M. Foulon
(Arnaud) : Puis, si je peux compléter, alors, il y a des livres qui ne
sont pas subventionnés, des livres pratiques. Revenons au guide de jardinage,
il n'est pas subventionné, il ne s'en fait pas moins pour autant au Québec, ou
le livre de cuisine. La SODEC, ce n'est pas son mandat. Donc, il faut faire
attention, il y a des livres qui se font,
mais les... les investissements, pardon, financiers sont quand même colossaux,
hein, et l'embauche... notamment, je vais
vous donner l'exemple de photographes pour ce genre de livres là, bien, c'est
quand même important, les dépenses qui sont
liées à ça, donc ça amène un montage financier qui est différent. Mais,
heureusement, le milieu du livre au Québec est rendu concurrentiel avec l'international, et il s'en fait beaucoup, des
livres comme ça, ce qui n'était pas le cas il y a 20 ans.
Donc,
la crainte que vous avez, je ne la partage pas. Je pense vraiment que ces
livres-là, si on laisse la latitude de travail, devraient continuer à se
faire. L'exemple, c'est que, sans certaines des subventions, ils se font quand
même.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Parfait. C'est tout. Alors, c'est tout le temps
que nous disposons. Nous poursuivons avec le député de Matane-Matapédia.
M. Bérubé :
Merci, Mme la Présidente. Bienvenue à l'Assemblée nationale. La question de
la reddition de comptes est vraiment importante pour vous et pour nous, c'est
de l'argent public qui est donné à des entreprises. Donc, les éditeurs de
livres reçoivent tous de l'argent public. Qu'est-ce qu'on peut faire de plus?
Qu'est-ce qui devrait se retrouver dans le projet de loi pour améliorer la
reddition de comptes et s'assurer que d'abord les créateurs puissent être les
premiers servis?
M. Foulon
(Arnaud) : Je dirais... Je ferais juste une correction : il y a
des éditeurs qui ne reçoivent pas d'argent public. Il y en a qui n'ont pas de
subventions parce qu'ils ne respectent pas certains des critères, là.
M. Bérubé :
D'accord. Alors, pour ceux qui en reçoivent.
M. Foulon
(Arnaud) : Pour ceux qui en reçoivent, je pense... Puis là-dessus, il
faut que je lève mon chapeau au gouvernement et à la ministre, il y a eu
beaucoup de choses qui ont été faites récemment. L'investissement dans les
bibliothèques scolaires est un bon exemple. Donc, il y a plusieurs programmes
qui existent. Là où il y a encore des lacunes aujourd'hui, si je peux me
permettre, au niveau des artistes, c'est les bourses d'écriture, au CALQ, qui
ne sont absolument pas concurrentielles avec ce qui existe au niveau fédéral.
Il y a certains aspects où je vous dirais qu'il y a encore du travail qui peut
être fait pour encourager la création et pour aider la création de nos
artistes, pour être plus concurrentiels sur la scène internationale. Donc, il y
a des choses qui peuvent être faites.
Par rapport au projet
de loi, nous, on a fait nos revendications par rapport à ce qui nous semble le
plus logique pour aller de l'avant, et dans un esprit d'ouverture, parce que,
même si on n'était pas, et je le répète, d'accord avec la fusion de ces deux lois-là,
aujourd'hui on se rend compte qu'on doit avancer tous ensemble, on fait... on
est dans le même bateau, auteurs, éditeurs, distributeurs, libraires. Mais, si
on veut que le bateau continue à avancer, bien, je pense qu'il faut faire
preuve aussi d'avancement, dans ce sens-là.
• (11 h 50) •
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Il vous reste une minute.
M. Bérubé :
Est-ce qu'il y a un élément de votre présentation qu'on n'a pas discuté que
vous aimeriez mettre en lumière ou préciser, avec le temps qu'il nous reste,
que je vous offre?
M. Foulon
(Arnaud) : Bien là, je suis surpris. Je...
M. Bérubé :
Vous ne devriez pas l'être avec moi.
Mme Pigeon
(Geneviève) : J'aimerais juste revenir sur la question qui concernait
le choix des éditeurs : Est-ce qu'on va privilégier certains types de
livres ou d'autres? Parce que ça m'interpelle de façon personnelle, dans la
mesure où j'ai fait le choix d'être propriétaire d'une maison d'édition qui
fait du très littéraire, et je n'aurai jamais... enfin, je ne dirai pas «je
n'aurai jamais», mais la best-sellerisation ne fait pas partie de mon
quotidien, on va dire ça comme ça. Et, malgré tout ça, je n'estime pas avoir
les compétences, l'énergie, l'envie de me lancer dans d'autres types d'oeuvres,
de publications, c'est ma passion, c'est ce que j'aime, c'est ce que je
connais. Donc, en ce qui me concerne, ce risque-là n'existe pas, je vais
continuer à faire ce que je sais faire et ce que je fais bien, et en ce sens-là
je pense que chaque éditeur aurait pu venir à ma place et dire la même chose.
Donc, ce qu'on souhaite vraiment, c'est plutôt d'avoir les moyens de pouvoir
continuer à avancer et de bien le faire, en fait.
La
Présidente (Mme IsaBelle) :
Parfait. Merci. Alors, merci,
M. Foulon, Mme Pigeon et Mme Vachon, pour votre
contribution aux travaux de la commission. Merci encore.
Et nous allons suspendre quelques instants.
(Suspension de la séance à 11 h 52)
(Reprise à 12 heures)
La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors,
bonjour. Pour ce bloc-ci, nous allons entendre deux groupes : l'Union des
écrivaines et écrivains du Québec... ou québécois, pardon, et l'Association
québécoise des autrices et des auteurs dramatiques.
Nous commençons d'abord par l'Union des écrivaines
et écrivains québécois, avec Mme Aubry. À vous la parole. Je vous demanderais de bien vous présenter avant de commencer
votre exposé de huit minutes, si j'ai bien compris.
Association québécoise
des auteurs dramatiques (AQAD)
et Union des écrivaines et écrivains québécois (UNEQ)
Mme Aubry (Suzanne) : Merci, Mme la
Présidente. Je me présente : Suzanne Aubry, présidente de l'Union des
écrivaines et des écrivains québécois, écrivaine et autrice dramatique.
Mme la Présidente, Mme la ministre de la Culture
et des Communications, Mme la députée de l'Acadie, Mme la députée de
Taschereau, M. le député de Matane-Matapédia, Mmes et MM. les députés, nous
souhaitons d'abord vous remercier infiniment
d'avoir fait ce projet de loi, de l'avoir déposé et de nous recevoir
aujourd'hui à cette commission parlementaire. Maintenant, je cède la
parole à Laurent Dubois.
M. Dubois (Laurent) : Bonjour à
toutes et tous. Laurent Dubois, directeur général de l'UNEQ, l'Union des écrivaines et écrivains québécois, qui est un syndicat
professionnel fondé le 21 mars 1977, ça fait donc 45 ans.
L'Union des écrivaines et des écrivains regroupe aujourd'hui plus de
1 600 écrivaines et écrivains dans tous les genres, dans tous les genres littéraires : poésie, roman,
théâtre, essai, jeunesse, ouvrages scientifiques et pratiques, manuels
scolaires, etc., guides de l'auto, et j'en passe. L'UNEQ protège un métier et
non pas un genre.
Depuis 45 ans, l'UNEQ travaille à la
défense des droits socioéconomiques des écrivaines et des écrivains ainsi qu'à
la valorisation de la littérature québécoise, et l'UNEQ a été reconnue en 1990
comme l'association la plus représentative des artistes du domaine de la
littérature en vertu de la Loi sur le statut professionnel des artistes en arts
visuels, des métiers d'art et de littérature, appelée loi S-32.01. Pendant plus
de 30 ans, les écrivaines et les écrivains que nous représentons ont dû
vivre avec la loi 32.01, qui n'obligeait d'aucune façon les éditeurs et les
producteurs à négocier des ententes collectives fixant les conditions minimales
de contrats. Résultat : zéro entente en 30 ans. Pendant plus de 30 ans, contrairement à la
majorité des artistes, les autrices et auteurs ont exercé leur métier sans
bénéficier d'ententes collectives encadrant leurs conditions de travail, sans
filet social, sans recours à l'arbitrage ou au Tribunal administratif du
travail en cas de litige. Pendant plus de 30 ans, les autrices et les
auteurs ont dû négocier leurs contrats seuls face à des éditeurs de plus en
plus puissants. Peu familiers avec le jargon juridique, embourbés dans des négociations de gré à gré, ils sont nombreux à
signer des contrats abusifs qui vont les suivre pendant des décennies,
souvent même après leur décès, avec des répercussions incalculables sur la
suite de leur carrière.
Voici quelques exemples les plus criants des
clauses tellement abusives qui ont été imposées dans les contrats des
écrivaines et écrivains au fil des années : les clauses de préférence, par
exemple, qui imposent... qu'imposent certaines maisons d'édition, qui
condamnent l'artiste à réserver ses oeuvres futures exclusivement aux diffuseurs, et ce, parfois sans aucune limite dans
le temps, ce qui revient à dire que vous êtes pieds et poings liés avec
votre éditeur pour la suite de votre carrière; autre exemple, des cessions de
droit complètes qui dépossèdent les autrices et les auteurs de tout contrôle
sur les diverses exploitations futures de leurs oeuvres, adaptations
cinématographiques, livres audio, traductions, adaptations au théâtre, par
exemple; et enfin des clauses appelées paiements intertitres, qui permettent
aux éditeurs de compenser l'éventuel manque de rentabilité d'une publication en
ponctionnant les redevances à verser pour une autre oeuvre.
Pendant plus de 30 ans, un abus de position
dominante dû au déséquilibre du rapport de force entre les écrivains et les diffuseurs a favorisé un climat
de travail parfois toxique, pouvant mener à du harcèlement psychologique
ou, dans des cas rares heureusement, à des
situations d'agression sexuelle, sans que la loi n'offre quelque protection
que ce soit en cas d'abus, aucun grief, aucune médiation, aucun recours
facilement accessible. Pendant plus de 30 ans, les autrices et les auteurs
se sont vu offrir de participer à des activités de promotion ou de valorisation
de la littérature sans contrepartie financière ou avec une rémunération
indécente, bien en dessous des recommandations de l'UNEQ. Pendant plus de
30 ans, l'UNEQ a été privée de son pouvoir de représenter comme il se doit
les écrivains membres et non membres, et, par le fait même, ceux-ci ont été
privés d'une partie importante de leur liberté de s'associer pour améliorer
leurs conditions socioéconomiques. Pendant plus de 30 ans, la
loi S-32.01 a démontré qu'elle était inéquitable, injuste et inapplicable.
Mme Aubry (Suzanne) : Mme la
ministre, Mmes et MM. les députés, fort heureusement, aujourd'hui, un nouveau
chapitre peut s'écrire. En intégrant la littérature, le théâtre et les arts
visuels parmi la liste des secteurs qui étaient
auparavant encadrés par la loi S-32.01, le projet de loi n° 35
instaure enfin une obligation pour les diffuseurs et producteurs de s'asseoir
avec les syndicats pour négocier de bonne foi des ententes collectives fixant
les conditions minimales des contrats. En instituant une loi commune à toutes
les disciplines artistiques, le législateur permet un rééquilibrage du rapport
de force. Il sort les autrices et les auteurs de l'ornière du contrat négocié
de gré à gré et donne à l'UNEQ le pouvoir de
négocier des ententes collectives avec les différents partenaires du milieu du
livre.
Ainsi, nos artistes ne seront plus jamais isolés
dans cette étape cruciale qui est la signature d'un contrat. Des conditions
minimales auront été négociées préalablement entre les parties, et la
discussion ne porterait alors que sur une possible bonification de ces
planchers.
Grâce au projet de loi n° 35, l'UNEQ
entreprendra aussi rapidement que possible des négociations de bonne foi avec les éditeurs et autres diffuseurs afin de
signer autant d'ententes collectives que nécessaire, et je le souligne
ici, secteur par secteur, et ce, dans le but de tenir compte des différentes
réalités dans la chaîne du livre, ce qui répond aux interrogations de l'ANEL
tantôt.
En élargissant les pouvoirs du Tribunal
administratif du travail aux artistes, le projet de loi n° 35 favorise
l'accès à la justice pour une catégorie de travailleurs et travailleuses
obligés jusqu'alors, en cas de litige, de se tourner vers les tribunaux de
droit commun, aux procédures souvent longues et coûteuses.
Pour ce qui est du harcèlement psychologique ou
sexuel, le projet de loi n° 35 donne enfin à tous les artistes les mêmes
dispositions que celles qui s'appliquent aux travailleurs et travailleuses
québécois, qui figurent dans la Loi sur les normes du travail. Ces questions si
fondamentales ne feront plus l'objet de négociations entente par entente. Le projet
de loi n° 35 donnera à l'UNEQ des moyens essentiels
pour négocier avec tous les diffuseurs, que ce soient les salons du livre, les
bibliothèques, les librairies, institutions scolaires.
L'UNEQ salue la volonté politique du
gouvernement et les efforts transpartisans de tous les partis politiques au
soutien du projet de loi n° 35 afin qu'il puisse être
adopté rapidement. Le projet de loi n° 35 doit à tout
prix vivre, car il instaure équité et justice pour les écrivaines et les
écrivains, qui seront enfin considérés comme des artistes à part entière et
auront les mêmes droits et les mêmes protections que les autres artistes. Nous
appuyons fortement le projet de loi n° 35 et
demandons son adoption avant la fin des travaux parlementaires.
Pour toutes
ces raisons, le projet de loi n° 35 est historique. Il constitue un projet... un
progrès socioéconomique sans précédent pour les écrivaines et les
écrivains. Il y aura un avant et un après-projet de loi pour notre métier.
La
Présidente (Mme IsaBelle) :
Nous poursuivons avec
Mme Gagnon, de l'Association québécoise des autrices et des auteurs
dramatiques. Je vous invite à bien vous présenter, Mme Gagnon, avant de
commencer votre exposé de 2 min 20 s.
Mme Gagnon
(Marie-Eve) : Alors, mon nom est Marie-Eve Gagnon. Je suis
directrice générale de l'Association québécoise des autrices et auteurs
dramatiques.
L'AQAD salue le dépôt du projet de loi n° 35, qui constitue une avancée absolument essentielle
pour l'amélioration des conditions des artistes que nous représentons. Qui sont
ces artistes que nous représentons? Ce sont ceux qui écrivent, traduisent ou
adaptent les histoires que vous allez voir sur les scènes de théâtre et dans
d'autres lieux sur tout le territoire. Il faut savoir que l'AQAD est la seule
association d'artistes visée par les deux lois sur le statut de l'artiste.
Donc, on est à même de voir les différences très grandes des effets de chacune
des lois.
Concrètement, ça veut dire qu'un auteur, une
autrice qui a un contrat AQAD quand elle est engagée pour écrire une oeuvre, si
tout va bien, le producteur doit respecter les conditions minimales de
l'entente collective. L'artiste écrit, est payé et reçoit des avantages
sociaux. Toutefois, l'autre loi s'applique quand s'enclenche le travail de
production et de diffusion de l'oeuvre. Ça a pour conséquence que l'auteur se
retrouve alors sans norme minimale, tout seul pour une négociation de gré à gré
avec le producteur.
Permettez-moi de citer Emmanuelle Jimenez,
autrice et vice-présidente de l'AQAD : «J'exerce le métier d'autrice
dramatique depuis près de 25 ans, mais j'éprouve une grande fatigue
culturelle, et, cette fatigue, je l'ai ressentie dès mon premier contrat de
licence. J'ai tout de suite constaté que je n'étais pas sur un pied d'égalité
avec mes collègues artistes, qui, eux et elles, voyaient leurs pratiques
encadrées par un régime de travail. Mes collègues metteurs en scène, par
exemple, auraient droit à une contribution du producteur à leur fonds de
pension, moi, non. Moi, pour avoir un
minimum décent par représentation, il faut que je me batte, que je gagne mes
conditions de travail à l'arraché. Il
n'y a jamais rien d'acquis, même après 25 ans de pratique. À chaque
contrat, c'est toujours à recommencer, et ça, ça use. Je veux arrêter de
me dire [que] tous les jours que la loi sur le statut de l'artiste est contre
moi.» Fin de la citation.
Il faut absolument adopter ce projet de loi pour
que les auteurs et autrices puissent enfin avoir un véritable impact sur leurs
conditions de travail. Merci.
• (12 h 10) •
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci, effectivement, merci à vous aussi. Nous allons commencer la
période d'échange. Mme la ministre, à vous la parole.
Mme Roy : Merci,
Mme Aubry, M. Dubois, Mme Gagnon. Merci d'être ici. Merci pour
votre témoignage. Merci pour votre résilience et votre combativité. On s'est
rencontrés, on s'est vues, même, en personne à un certain moment, c'est
extraordinaire. On s'est vues aussi par Teams, Zoom, etc.
Je veux vous dire que
ce projet de loi là, la pierre angulaire de cette refonte, c'est, entre autres,
le fait que, maintenant, il n'y a plus deux
classes d'artistes au Québec. Il y en a une seule, une seule classe d'artistes
professionnels. Vous
serez tous sous la même loi, naturellement, quand nous réussirons à l'adopter
tous ensemble. Je ne veux plus... mais j'ai confiance. J'ai confiance.
On est là pour vous, pour les artistes. Cette loi-là est pour les artistes. Et
il n'est pas question ici d'antagoniser qui que ce soit ou quoi que ce soit. On
est rendus ailleurs, je pense, en 2022, maintenant.
J'aimerais très
concrètement... Et je sais... Je vous ai lu, j'ai lu les articles que vous avez
faits. Puis j'avais même répondu à un journaliste qui me questionnait que
j'avais un préjugé favorable à votre recommandation. Alors, vous avez lu entre les lignes, lisez tous entre
les lignes, mais l'idée de n'avoir qu'une seule loi et surtout de nous
assurer que le secteur, donc, de la deuxième
loi, qui était le secteur de la littérature, des arts visuels et des métiers
d'art, fasse désormais partie de la
même loi, d'une seule loi, pour moi, c'était fondamental, ça allait de soi.
Maintenant, on est rendus ailleurs.
Je vais vous poser
des questions très concrètes, maintenant, dans l'application. Et puis, tout
comme vous, je souhaite qu'elle soit adoptée d'ici la fin de la session, mais
je veux juste vous rassurer, dans la mesure où c'est possible, il y a suffisamment de temps. Puis on écoute très
attentivement pour voir dans quelle mesure on peut bonifier les choses.
Entre autres, entre autres, il y a des... Vous nous parlez du devoir de juste
représentation, le fameux article 24.2. Naturellement, c'est l'UQAD qui
nous... l'AQAD, pardon, qui nous... formation... qui nous parle de ça, c'est le
fameux article 15 du projet de loi n° 35. Vous n'êtes pas le premier
groupe qui nous en parlez. Je pense qu'on peut faire des ajustements qui
pourraient être intéressants. Je vais dire ça comme ça.
Maintenant, je veux
poser des questions, parce que, de façon plus concrète... Puis il y a tout un
pan aussi du projet de loi qui touche des articles de la Loi sur les normes du
travail que nous transposons, que nous apportons à plusieurs égards, entre
autres, vraiment, à l'égard des tribunaux administratifs, du Tribunal
administratif du travail, mais également à l'égard... les dispositions à
l'égard du harcèlement psychologique et sexuel. Dans quelle mesure, si le
projet de loi a été adopté, ces mesures-là vont pouvoir aider les artistes du
milieu de la littérature, entre autres?
M. Dubois
(Laurent) : Ça va tout changer, Mme la ministre, tout changer. Vous
parlez des... Notamment, vous faites allusion aux situations de harcèlement.
Vous savez, vous n'êtes pas sans savoir qu'en juillet 2020 on a eu droit, dans
le milieu, à un #moiaussi littéraire où, finalement, on a eu plus de
150 victimes qui ont pu exprimer des plaintes qui ont été déposées au
niveau de l'UNEQ, etc., puis, ces plaintes-là, moi, je ne peux rien en faire.
Je ne peux absolument rien en faire. En tant
que directeur d'un syndicat, je ne peux pas contraindre un éditeur à
s'intéresser à la question, à me parler, à s'asseoir pour qu'on regarde le cas,
pour faire ce qu'on pourrait appeler une médiation ou pour entrer dans un
processus d'accompagnement de la plainte. Je ne peux pas le faire aujourd'hui.
Bien, avec ce projet de loi, tout ça est réglé. Donc, c'est sûr que, s'il y a
des écrivaines et des écrivains qui ont été victimes et qui nous écoutent,
elles savent très bien... ils et elles savent très bien que les choses peuvent
changer grâce à ce projet de loi. Donc, bravo et merci pour ça.
Mme Roy :
Merci à vous. Vous nous dites : Il est important que le projet de loi
soit adopté avant la fin de la session parlementaire. Pourquoi cette
urgence-là, là? J'ai une bonne idée, mais je veux juste vous entendre.
Mme Aubry
(Suzanne) : Bien, parce que ça fait plus de 30 ans qu'on vit cette
situation-là. Moi, quand je suis arrivée à
l'UNEQ, mon seul but, quand j'ai constaté... Je suis scénariste aussi, et j'ai
constaté que j'étais protégée en vertu des ententes collectives qui
avaient été négociées par la SARTEC, et je suis devenue écrivaine, et je
n'avais aucune protection, rien, aucun filet social, aucune entente collective.
Je suis arrivée à l'UNEQ, je me suis fait élire et j'ai annoncé que, moi, ce
que je voulais, mon seul but, c'était qu'il y ait une loi, enfin, qu'on puisse
avoir des ententes collectives, qu'on puisse avoir la même protection et le
même statut que les autres écrivains.
Comme scénariste,
j'étais en dichotomie avec l'écrivaine et je trouvais ça insensé. Les métiers
de l'écriture, c'est d'écrire. Qu'on fasse un livre de botanique, qu'on écrive
de la poésie, qu'on écrive un essai sur l'automobile, quel que soit le genre,
on est des écrivains à part entière. Or, cette loi le reconnaît. Et nous, on ne
veut pas, en tant que syndicat, avoir des
catégories d'artistes dont certains seraient protégés et d'autres pas. Ça va
complètement à l'encontre de notre ADN. On veut protéger toutes les
écrivaines et tous les écrivains, quel que soit le genre d'écriture. Comme le
disait Laurent tout à l'heure, on ne protège pas... on ne représente pas un
genre, on représente les artistes.
Mme Roy :
J'aimerais vous poser une
question, Mme Gagnon, à l'égard plus précisément de votre
association, l'Association québécoise des auteurs dramatiques. Dans ce projet
de loi là, je vous disais qu'on a importé plusieurs dispositions, qui sont des
dispositions qu'on retrouve dans la Loi sur les normes du travail, qui ne
s'appliquent pas aux artistes. Donc, on va chercher des dispositions pour les
appliquer aux artistes, celle sur le harcèlement, on vient d'en parler, mais
également des dispositions à l'égard du fameux Tribunal administratif du
travail. Et donc on donne de nouveaux pouvoirs au Tribunal administratif du
travail. Alors, s'il était adopté, ce projet de loi là, dans quelle mesure ça
viendrait régler certains problèmes pour vous? Puis là on parle de toute la
dynamique syndicale, là.
Mme Gagnon
(Marie-Eve) : Bien, en fait, ça nous aiderait à accélérer les
processus de négociation, comme Mme Fortin, de l'UDA, en a parlé ce matin,
c'est-à-dire que, si on peut... Par exemple, sur la négociation de bonne foi,
ça va accélérer les processus de négociation, qui sont souvent beaucoup trop longs.
Dans notre cas, il y a une négociation qui a duré sept ans. Donc, c'est sûr
que, si on peut avoir certains outils, donc, qui... Les nouveaux pouvoirs du
Tribunal administratif du travail, bien, ça va pouvoir nous aider à mieux faire
notre travail puis à accélérer le processus de négociation.
Mme Roy : Et, pour le bénéfice des
gens qui nous écoutent, entre autres, la disposition qui traite de la négociation de bonne foi, qui vient d'apparaître...
Comment est-ce que vous entrevoyez... On a entendu tantôt les éditeurs. Comment est-ce que vous entrevoyez la négociation d'ententes
collectives une fois que le p.l. n° 35 sera adopté? Comment vous voyez ça
pour la suite des choses?
M. Dubois (Laurent) : Très, très
bien. Non, mais c'est vrai, c'est un progrès social. Je veux dire, on ne peut
pas imaginer aujourd'hui qu'il y ait encore des secteurs qui ne soient pas
obligés de se parler quand ils collaborent. Donc là, tout à coup, on va pouvoir
se parler. On va s'asseoir et on va négocier. Aujourd'hui, on gagne juste ça
avec le projet de loi n° 35. Votre
projet de loi, il ne contient pas les conditions minimales de nos futures
ententes. Il ne donne rien de tout ça, et c'est bien normal. C'est à
nous de faire ce travail-là, puis on est enfin contents de pouvoir le faire.
Donc, on va le faire. On espère pouvoir le faire
avec un interlocuteur unique qui acceptera l'idée qu'on pourrait négocier
plusieurs ententes collectives différentes pour tenir compte des réalités,
parce que, oui, des réalités... entre le milieu de la poésie et le milieu du
guide pratique, le «business model», le modèle d'affaires n'est pas le même,
mais ça n'en reste pas moins que ce sont des... Dans les deux cas, on a besoin
d'encadrer la pratique. Et, tout à l'heure,
j'ai entendu qu'il y avait beaucoup de modèles d'affaires. Oui, mais il y a
aussi beaucoup de modèles d'affaires qui méritent d'être encadrés pour
ne pas dériver.
Et donc nous, on est là. On va prendre notre
temps. On va tendre la main. Il n'y a pas de... On a attendu 30 ans. Donc,
on n'est plus à deux semaines près. Et on va s'asseoir, et on va parler, et on
va progresser et pour le bien de tout le monde. Et je suis convaincu, Mme la
ministre, que, si on se reparle, si on a la chance de se reparler, là, tous
ensemble, dans quelques années, on trouvera que c'était un vrai progrès social
pour toute la chaîne du livre, parce que ça va aider tout le monde à assainir
aussi un milieu, et à valoriser les bonnes pratiques, et à mettre de côté les joueurs qui abusent. Et c'est toujours les
mêmes 15 joueurs qui abusent, c'est les gros joueurs, puis ces joueurs-là,
il faut les mettre à l'index, puis on va leur dire que, maintenant, ils n'ont
plus le choix de s'asseoir et de faire la même chose que les petits éditeurs,
qui, eux, essaient de faire tout comme il faut.
Mme Roy : Merci. Il y a mon collègue
le député de Saint-Jean qui aimerait vous poser une question. Vous le
connaissez. Je ne peux pas mentionner son nom, je suis obligée de dire «le
député de Saint-Jean», alors, qui est un grand lecteur également.
M. Lemieux : Merci, Mme la ministre.
Il reste combien de temps, madame?
La Présidente (Mme IsaBelle) : ...Saint-Jean,
il vous reste huit minutes.
M. Lemieux : D'accord, mais j'ai
peut-être des collègues qui vont vouloir se lancer, mais j'y vais tout de go.
Mme Gagnon, Mme Aubry, M. Dubois, de toute évidence, c'est un
projet de loi qui n'était pas juste inattendu et... très attendu et nécessaire,
mais qui va tout changer, de ce que je comprends de votre enthousiasme. Bon,
cela est juste et bon, tant mieux, mais il y a quand même... Dans les arguments
qui flottent ici et qui vont se répercuter dans la société, il y a quand même des choses qui ont... qui méritent
explication et arguments, éventuellement. Entre autres, votre formule est belle, M. Dubois, «tous les
genres», tu sais. J'oublie votre formule, tellement elle était belle. Je ne
l'ai pas notée, là, mais le «genre» a
frappé. Expliquez-nous ça pour quelqu'un qui nous regarde, là, puis qui
dit : Eh! un guide de réparation
de motoneiges, puis de la littérature, puis de la poésie, ça n'a rien à voir,
là. Pourquoi on beurre si large, dirait-il?
• (12 h 20) •
M. Dubois (Laurent) : Ça va me
prendre 30 secondes pour vous faire la démonstration. Prenons l'UDA, un
comédien. Le comédien, quand il est au théâtre, quand il est dans un film, là,
il est au meilleur de sa pratique. Il joue, il incarne un personnage, Cyrano,
passez-en. Il est bon. Quand il fait une pub pour Canadian Tire, la question de
la pratique artistique peut peut-être être remise en question, mais son métier,
c'est le même. Il est comédien et, dans les deux cas, il doit être encadré par
des minimums. Il travaille comme comédien.
Nous, c'est
ça qu'on raconte, c'est qu'en réalité ce qu'on encadre, nous, comme syndicat,
ce sont les travailleurs et les travailleuses qu'on représente, qui sont
des écrivains. Maintenant, ce qu'ils écrivent, ce n'est pas notre problème. Ils
écrivent dans un milieu, dans un contexte, dans un univers, dans un écosystème,
et c'est ça qu'on doit encadrer, l'écosystème. Qu'ils écrivent de la poésie — les
pauvres, ils ne se mettront pas riches avec ça — ou qu'ils écrivent des
best-sellers, ils doivent être accompagnés pareil.
M. Lemieux : Bien, justement... Et,
juste pour référence, si jamais vous vous demandez pourquoi j'ai parlé de
motoneiges, c'est à cause du député de Mégantic, ici, bon, il pourrait en
écrire un, guide. Mais, justement, les genres sont tellement différents, et les
modèles d'affaires qui vont avec aussi. Vous venez de le dire, les pauvres, ils
ne se mettront pas riches. Est-ce qu'on n'a pas affaire à deux bêtes
complètement différentes?
M. Dubois (Laurent) : On a affaire à
des conditions de pratique qui sont vraiment différentes, à des réalités économiques
qui sont différentes, et c'est très clair qu'on va en tenir compte parce que ce
serait complètement irresponsable de notre part que d'essayer de négocier des
ententes sans tenir compte du contexte dans lequel évoluent et le producteur et
l'artiste. Et je parlais de la poésie, et avec tout l'amour qu'on porte pour la
poésie, mais c'est vrai que la poésie, ça reste bien souvent, bien trop
souvent, un marché limité. Évidemment qu'on va en tenir compte quand on va négocier. On ne peut pas avoir la même
approche, les mêmes exigences, les mêmes demandes que quand on est dans un autre univers qui va partir à
l'international, qui va être traduit, qui va avoir une vie, une adaptation
cinématographique.
M. Lemieux : Je
m'en doutais bien. En fait, j'en étais certain, mais je croyais qu'il était
important de vous l'entendre dire, tout comme la ministre qui vous a fait dire
tout à l'heure ou qui vous a demandé de dire comment ça allait se passer, ces négos, parce qu'on s'est fait dire juste
avant : Elle ne sera pas facile, là. Là, on change tout, là. Là, on
va être dans le trouble. Alors, l'a priori que vous venez de me donner, il est
fondamental, là, parce que, demain matin, la
motoneige, voiture qui se vend à un prix de fou, qui se vend tellement bien que
ça finit par rapporter d'énormes revenus,
ce n'est pas la même chose que la poésie, pour revenir à cet exemple-là. Il va
falloir non seulement que vous en soyez
conscients, mais, si vous voulez que tout le monde soit heureux dans trois
ans... quand on va se reparler, comme vous disiez, là, il va falloir que
tout le monde soit content, pas juste vous, là.
M. Dubois (Laurent) : C'est notre
objectif.
M. Lemieux : D'accord, bon.
Mme Aubry (Suzanne) : On va négocier
secteur par secteur avec pragmatisme et réalisme, comme on l'a toujours fait
depuis le début de notre grande bataille.
M. Lemieux : C'est ce que je voulais
vous entendre dire, Mme Aubry. Merci beaucoup. Je voudrais aussi que vous
me parliez de ceux dont vous avez dit... les gros joueurs. On s'est fait...
Avec le député qui va vous poser des questions dans quelques minutes, on a
parlé plus tôt du fait que, par exemple, dans un salon du livre, une séance de signatures ne rapporte pas nécessairement, puis
ce qu'on veut éviter, c'est, comment il a dit ça, une best-sellarisation
des salons du livre, parce qu'on veut que tous les auteurs puissent y aller,
mais on n'a pas les moyens de payer tout le monde. Bon, je comprends ce bout-là
de l'histoire comme je comprends que, quand ils vont discuter à une radio,
Radio-Canada pour ne pas la nommer, dans un salon du livre, ils sont payés par
la radio aussi, bon.
Donc, je comprends tous ces bouts-là, mais je
voulais voir jusqu'à quel point, quand vous parlez des gros joueurs, toujours les
mêmes, avez-vous dit... jusqu'à quel point est-ce que c'était devenu invivable
et intenable pour certains d'entre vous. Par exemple, j'ai lu, avant d'arriver
ici, dans des notes de préparation, les droits à perpétuité qui sont exigés
dans certains cas, et vous, vous avez soulevé tout à l'heure une autre...
quelque chose qui ressemble à ça, un droit à être obligé de signer pour
toujours avec cet éditeur-là, pas nécessairement les droits à perpétuité. Ça,
c'est de l'anecdote ou c'est...
Mme Aubry
(Suzanne) : Non, ce n'est pas de l'anecdote, monsieur, c'est
vraiment... Je l'ai vécu personnellement. Je me suis battue
continuellement pour faire... pour enlever la clause de préférence qui était
dans mon premier contrat. Ce qu'il faut
comprendre, c'est que le premier contrat d'une écrivaine, d'un écrivain le suit
ensuite très longtemps, et c'est extrêmement difficile de faire enlever
une clause qui a été... qui est déjà apparue. Et, pour un premier roman, on n'a
pas beaucoup de marge de manoeuvre et, évidemment, on n'a pas de pouvoir de
négociation. Et le grand avantage qu'on aurait avec des ententes collectives,
c'est qu'on aurait la force du syndicat qui protégerait aussi les
primoromanciers, qui acceptent souvent des conditions inacceptables parce
qu'ils n'ont pas le choix, à cause de cette fameuse négociation de gré à gré.
Je peux vous donner aussi un exemple, celui
qu'on a donné, des intertitres, les paiements intertitres. Je l'ai encore dans
mes contrats. C'est inacceptable. Quel risque prend l'éditeur quand il peut se
repayer d'une oeuvre à l'autre, alors que c'est censé être des contrats
individuels? Je pose la question. Je n'ai jamais eu de réponse claire de la
part de mon éditeur là-dessus, mais je suis... J'ai réussi à réduire la portée
de la clause récemment, mais elle est encore là. Ça va même à l'encontre des
lois. Ça n'a aucun sens de se repayer d'un titre à l'autre, c'est révoltant, et
je le vis depuis que j'écris des romans.
M. Lemieux : Il me reste combien de
temps, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme IsaBelle) : 1 min 30 s.
M. Lemieux : Tant mieux, parce que
je ne voulais pas que Mme Gagnon pense que je l'avais oubliée. Ce que
j'apprécie de votre... ce n'est pas un témoignage, mais... oui, c'est un
témoignage, dans le fond, c'est une consultation. Ce que vous nous avez dit,
c'est que vous vivez des deux côtés de la barrière. Bien, vos membres et les
gens que vous représentez vivent des deux côtés de la barrière. Donc, on ramène
deux lois dans une. Est-ce que tout le monde
va être content ou il y a des gens de l'autre côté de la barrière qui ne seront
pas nécessairement... ils ne seront nécessairement pas aussi satisfaits parce
qu'ils ont moins de gains ou est-ce que de ce côté-là, il y a des gains aussi?
Mme Gagnon (Marie-Eve) : Bien, c'est
sûr que je ne crois pas qu'ils vont être totalement satisfaits, mais, en même
temps, le secteur du théâtre est très structuré. Il y a déjà des ententes
collectives pour tous les métiers. Donc, que l'auteur se rajoute pour la
diffusion des oeuvres, je ne pense pas que ça va poser, je dirais,
financièrement, quelque chose qui pourrait les mettre en péril. Donc, je crois
que c'est quelque chose... qu'on est rendus là, comme disait Mme la ministre,
puis je pense qu'il faut briser le paradigme, et puis je pense qu'eux sont...
comprennent qu'on est rendus, à ce moment-là, de dépasser le paradigme.
M. Lemieux : Mme Gagnon,
Mme Aubry, M. Dubois, merci beaucoup. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Merci. Alors, nous poursuivons avec la députée de
l'Acadie.
Mme St-Pierre : Merci beaucoup, Mme
la Présidente. Donc, si je comprends bien, Mme Aubry, quand vous avez... quand vous écrivez un scénario de
télévision, par exemple, vous avez votre chapeau SARTEC, et là vous êtes... votre contrat est... en fait, votre
négociation est protégée par le contrat SARTEC. Si vous écrivez un livre,
vous n'avez pas de protection autre que celle que vous allez... vous êtes
négociée vous-même. C'est ça, le...
Mme Aubry (Suzanne) : Exactement.
L'avantage, à la SARTEC, comme scénariste, c'est qu'il y a déjà des clauses
minimales qui sont négociées. Je n'ai pas à les négocier. C'est déjà acquis. Ce
que je peux faire, avec un agent ou moi-même : négocier des conventions
supérieures, le cas échéant.
Mme
St-Pierre : Alors, ce que l'ANEL nous disait tout à l'heure,
si j'ai bien compris, c'est qu'on parlait d'être représenté ou d'être
assisté, là. Donc, l'obligation d'être représenté automatiquement par quelqu'un
qui vient de l'UNEQ, c'est... Vous, vous voulez négocier touts seuls vos
contrats à Radio-Canada. Vous n'avez pas besoin de la SARTEC pour négocier
votre contrat.
Mme Aubry
(Suzanne) : Bien, il faut... ce qu'il faut comprendre
là-dedans, c'est que des ententes collectives qui seraient négociées par
l'UNEQ, par exemple, déjà, ça poserait un cadre. Après ça, il pourrait y avoir
une négociation individuelle pour augmenter, par exemple, certains montants ou
améliorer ce qu'il y aurait à la base, mais ça, déjà, j'aimerais... C'est une bonne question, parce que j'aimerais répondre à
l'ANEL, à sa préoccupation du fait que ça ajouterait une charge à leur travail. Je pense le contraire.
Je pense que le fait d'unir les bonnes pratiques contractuelles dans de
bonnes ententes collectives ferait un bon ménage. Il y a des éditeurs qui ont
de mauvaises pratiques. Il y en a beaucoup qui en ont de bonnes. Et donc le fait qu'on se parle et qu'on puisse
identifier les bonnes pratiques, et avoir un encadrement simple, et
négocier de bonne foi va énormément changer pour le mieux, en fait, l'économie...
l'écologie du système, et ça n'empêchera pas une négociation individuelle. On
la fait déjà avec nos éditeurs. Ça va continuer, ça, mais il va y avoir des
normes minimales qui vont être établies et qui vont énormément simplifier les
choses. On ne voit pas ça comme une charge. On voit ça comme une
simplification.
Mme St-Pierre : L'article qui
prévoit le pouvoir réglementaire, c'est votre, comme, police d'assurance, parce que vous n'avez pas de droit de grève, là.
Les écrivains ne pourront pas décréter la grève puis aller se promener
avec des pancartes, là.
Mme Aubry (Suzanne) : On appuie
cette clause-là parce que...
Mme St-Pierre : Mais est-ce que vous
ajouteriez à la demande? Comme, ce matin, l'UDA nous disait qu'il faudrait
ajouter un élément à cette clause-là.
M. Dubois
(Laurent) : Bien, on aimerait... oui, évidemment, on aimerait...
on ferait ça, la proposition que soit ajoutée
une mention pour que ce soit à l'initiative des associations d'artistes que ce
pouvoir réglementaire puisse être sollicité.
Mme St-Pierre : Je pense que
l'éléphant dans la pièce, ce sont surtout les géants, là, du monde de
l'édition. Je pense qu'on est là comme éléphant dans la pièce, là. Est-ce que
vous avez... Comment entrevoyez-vous cette relation-là avec ces grands... ces
géants-là du monde de l'édition?
• (12 h 30) •
M. Dubois (Laurent) : Bien,
idéalement, dans un monde parfait, ces géants-là de l'édition seraient membres
d'une association représentative, et qui négocierait pour eux également.
Maintenant, est-ce qu'ils vont vouloir ça? Ça, je ne le sais pas. Puis ils sont
tellement puissants et lourds dans le milieu de l'édition que leur parole,
j'imagine, a du poids, y compris chez nos collègues de l'ANEL, et je le
comprends tout à fait. Eh bien, écoutez, nous, on ira... Soit on est capables
de les approcher via un interlocuteur commun soit on les approchera en direct.
On sait que ce sera difficile, là. On sait que ça va être difficile et long,
mais on est déterminés, parce que, je vais vous dire, les pires contrats que je
peux lire, c'est de chez eux qu'ils viennent. Il n'y a pas de hasard.
Mme St-Pierre : Bien, c'est ce que
je pensais que vous disiez tantôt, là, quand on lisait entre les lignes.
M. Dubois (Laurent) : Il n'y a pas
de hasard.
Mme St-Pierre : Mais, moi, ma
crainte... Puis je suis d'accord pour qu'on ait une loi, là, n'ayez pas de
crainte là-dessus, mais ma crainte, c'est de vous voir embarquer dans un
processus où vous allez vous retrouver à devoir négocier à la pièce, et ça va
prendre... ça peut prendre des années, des années, des années, et je cherche un
peu comment on pourrait amener ce processus-là où on aurait la possibilité
d'avoir quelque chose de cadre qui pourrait satisfaire vos membres à l'UNEQ,
mais je ne la vois pas, la solution.
M. Dubois (Laurent) : Bien, la
reddition de comptes, dont vous avez déjà entendu parler, en serait une.
C'est-à-dire qu'à partir du moment où il y a une entente qui est signée dans un
secteur et qu'une maison d'édition, qu'elle soit membre ou non d'une association
d'éditeurs, reçoit une subvention, elle pourrait avoir l'obligation
d'adhérer à la convention collective qui a été signée. Ce serait une solution. Il
existe des pratiques négociées sur lesquelles on s'est entendus : vous recevez de l'argent public, vous êtes en
devoir de respecter ces ententes qui ont été négociées, et voilà. Mais c'est possible, par exemple, d'adhérer
à une convention. Moi, je ne m'attends pas à ce que tout le monde vienne
négocier directement.
D'ailleurs, les petites maisons d'édition, elles
vont avoir intérêt à se regrouper auprès de mes collègues de l'ANEL, ou
ailleurs, mais de se regrouper, parce que ça coûte cher, une négociation, c'est
long, c'est fatigant, ça prend des experts. On ne veut pas faire ça à la pièce,
on veut faire ça collectivement. C'est tout l'enjeu du projet de loi. C'est justement le mot «collectif» qui
est le plus important, mais on n'a pas toutes les cartes en main,
malheureusement, pour décider de comment les producteurs vont réagir.
Mme St-Pierre : Est-ce que votre
prochaine négociation est rédigée déjà?
M. Dubois (Laurent) : Pas mal
avancée, je vous dirais, mais je... Voilà.
Mme St-Pierre : Je voudrais parler
des salons du livre. Les salons du livre ne sont pas organisés par les
éditeurs, les salons du livre sont organisés par les salons du livre. Comment
vous allez vous assurer que les... ceux qui vont dans les salons, ceux et celles
qui vont dans les salons du livre puissent... Est-ce que ça serait une avenue?
C'est-à-dire si l'éditeur dit : Bien, c'est que ça va être difficile pour
moi de payer l'auteur qui va venir faire une heure de signature, est-ce que ça
pourrait être le salon du livre qui rémunère les auteurs?
M. Dubois (Laurent) : Le salon du
livre, c'est un diffuseur, dans cet... au sens noble du terme, là.
Mme St-Pierre : Oui, c'est un
diffuseur. Est-ce que vous avez négocié avec les diffuseurs?
M. Dubois (Laurent) : Donc, on va
négocier avec eux, évidemment, et on avait déjà commencé, d'ailleurs, il faut
être complètement transparents, on avait commencé à avoir des conversations
avec l'Association québécoise des salons du livre. Il y a des salons qui étaient
très ouverts, il y en a d'autres qui étaient plus fermés, mais voilà. Là, on
tient quelque chose, mais, oui, c'est un diffuseur, donc c'est... Il faut
comprendre que le temps où on invite un écrivain en lui disant : Est-ce
que tu n'aurais pas une tante ou un oncle qui ne dort pas trop loin, parce que
ça nous arrangerait bien, si tu pouvais venir en voiture ou prendre un bus,
partager avec quelqu'un, parce qu'on n'a pas trop de sous, puis, tu sais, au
nom de la promotion, si tu pouvais bien être présent huit heures sur le stand
pour signer des autographes, ça nous ferait... Enfin, bon, écoutez, il a passé
quatre jours, il a dormi chez sa tante... on a beau aimer nos tantes, on n'a
pas toujours envie de dormir chez elles.
Mme St-Pierre : Oui, mais, si les
salons du livre avaient des subventions avec des redditions de comptes, des
subventions plus importantes, ils pourraient défrayer, pas chez ma tante, mais
à l'hôtel.
M. Dubois (Laurent) : Vous avez
raison, Mme St-Pierre. Si je peux me permettre, en fait, ce qui se passe
en ce moment, là, puis on l'a illustré, nous, dans la sphère publique, dans les
médias, on est sortis plusieurs fois l'année dernière sur des sujets comme
ceux-là... En fait, ce qui se passe, c'est : comme ce n'est pas réglementé,
la ligne budgétaire qui concerne les écrivains, c'est la première ligne qu'on
va faire sauter quand on n'a plus de budget. Vous ne pouvez pas faire sauter la
ligne des gens qui vont installer les kiosques dans un salon du livre. Ces
gens-là, ils sont payés, c'est un sous-traitant, il doit les payer, il y a un
tarif, on ne peut pas le faire sauter. Nous, c'est toujours la ligne qui est
optionnelle, dans le fond, puis on a eu le cas avec la fête nationale de
Québec, on a eu le cas avec le salon du livre de Québec. On a eu des exemples,
on est allés dans les médias avec ça. Je comprends...
Mme St-Pierre : Même la fête
nationale?
M. Dubois (Laurent) : Oh oui! Mais
c'est normal, c'est la seule ligne qu'ils pouvaient faire sauter une fois que
leur budget était déficitaire, donc.
Mme Aubry (Suzanne) : Ce qu'on
appelle la ligne «Paie ton auteur».
M. Dubois (Laurent) : C'est ça.
Mme St-Pierre : Sur le mécanisme qui
était proposé, qu'à tous les cinq ans la loi soit soumise à une révision,
est-ce que... je pense que ça, c'est quelque chose sur lequel on devrait
plancher puis on devrait l'inclure dans la nouvelle mouture, là.
Mme Aubry
(Suzanne) : Moi, je pense que oui. Je crois que ça ne serait pas
compliqué à faire, c'est... Les lois sont imparfaites, comme nous tous, et donc
ce n'est pas une mauvaise chose de pouvoir revenir si... En cinq ans, on peut avoir éprouvé la loi, savoir qu'est-ce qui
fonctionne, qu'est-ce qui fonctionne moins bien, puis il pourrait y
avoir, peut-être, des améliorations à apporter.
Alors, oui. On ne croit pas que ça serait compliqué à ajouter. Enfin, on
l'espère. On espère que ce ne soit pas compliqué, parce
qu'on veut à tout prix que cette loi passe, comme vous le savez, on l'a répété
à de nombreuses reprises, je le redis encore, c'est une loi si importante pour
nous.
Mme
St-Pierre : Dans le cas de ce qu'on appelle en bon français, là, un
«ghostwriter», là, quelqu'un qui... en fait, on va avoir une vedette qui va
publier un livre, mais tout le monde sait que ce n'est pas la vedette qui l'a
écrit, le livre, est-ce que cette personne-là serait considérée comme une
écrivaine ou un écrivain, alors que...
Mme Aubry
(Suzanne) : Si on ne la connaît pas, ça serait difficile de la...
Mme St-Pierre :
...le «ghostwriter» n'est pas
considéré comme écrivain, écrivaine? Comment ça va... comment ça
fonctionne, dans votre tête, là?
Mme Aubry
(Suzanne) : Le problème de ce qu'on appelle le «ghostwriting», c'est
qu'on ne connaît pas l'identité de la
personne qui... Il y a des pratiques dans d'autres pays où il y a... on dit
nommément qu'une personne qui écrit un livre, ce n'est pas la personne
qui signe le livre, bien... mais ce n'est pas des pratiques, on voit ça... Moi,
j'ai vu ça surtout à la télévision, mais,
dans le domaine du livre, c'est quand même plus rare, mais c'est une des
questions qu'on aura à se poser quand on négociera.
M. Dubois
(Laurent) : Il va falloir regarder de près est-ce que cette personne
est salariée par la maison d'édition. Auquel cas, si elle est salariée, là elle
tombe dans un autre... un autre cadre de protection du personnel de la maison
d'édition, soit les pas salariés. Puis, effectivement, on va regarder de près à
pouvoir élargir notre champ de compétence pour pouvoir protéger ces gens-là aussi,
qui, après tout, écrivent et gagnent leur vie de l'écriture.
Mme St-Pierre :
Mais la personne qui ne l'a pas écrit mais qui met son visage sur la
couverture?
M. Dubois
(Laurent) : Bien, cette personne-là, elle est protégée par son contrat
d'édition, puis là on parle du contrat d'édition, elle est protégée et à la
fois par la loi sur le statut de l'artiste, ici, par la Loi sur le droit
d'auteur, au fédéral, elle devient l'écrivain qui signe le contrat d'édition.
Mme St-Pierre :
O.K. Elle est considérée comme l'écrivain qui a signé.
M. Dubois
(Laurent) : Oui, oui.
Mme St-Pierre :
D'accord. Donc, je pense que, pour moi, ça fait le tour. Je veux vous féliciter
pour votre détermination. J'espère que ça se fera dans l'harmonie, parce que je
pense qu'il n'y a personne qui a intérêt, dans ce milieu-là, de chiquer de la guenille, là. Il faut que ça se fasse dans
l'harmonie puis il faut que ça se fasse en ouverture aussi. Alors, vous avez quand même un ton qui est quand
même assez, je dirais, rassembleur, quand même. Vous avez... vous êtes
bien déterminés, vous avez travaillé très fort, puis moi, je vous souhaite
beaucoup de succès dans cette entreprise gigantesque
que vous allez entreprendre, parce que la loi, c'est une chose, mais, après ça,
il faut l'appliquer. Merci beaucoup.
Mme Aubry
(Suzanne) : Merci.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Merci. Alors nous poursuivons avec la députée de
Taschereau.
Mme Dorion :
Merci. Bonjour. Merci pour tout ce que vous avez fait depuis des années.
Moi, je veux être auteure depuis que j'ai cinq ans... autrice, maintenant,
qu'on dit, depuis que j'ai cinq ans, puis je me souviens avoir lu, adolescente,
dans le journal, qu'un auteur gagnait en moyenne 6 000 $,
8 000 $ par année. Ça fait que ça réoriente quelqu'un. Et combien
d'auteurs ne seront jamais devenus des auteurs à cause de ça?
Il y a, c'est vrai,
moi, je l'ai expérimenté mais j'entends aussi beaucoup de témoignages de gens
qui m'en parlent, face aux gros joueurs, et on... vraiment une différence à
faire, en général, là, tu sais, face aux gros joueurs, il y a des enjeux qu'on
ne retrouve jamais ou presque jamais auprès des plus petits. C'est quoi, les
choses qui sont très fréquentes dans les contrats d'édition ou dans les façons
de fonctionner des gros joueurs que vous avez vues souvent et qui, pour vous,
doivent absolument prendre le bord dès la première négociation?
• (12 h 40) •
M. Dubois
(Laurent) : Bien, la première, là, c'est... écoutez, c'est les clauses
d'exclusivité. C'est-à-dire que, là, un grand groupe qui rassemble plusieurs
maisons d'édition, que je ne citerai pas, mais qui représente quand même un
gros pourcentage du milieu d'édition, a intégré dans ses clauses, récemment,
une clause de premier et de dernier refus. Ça veut dire quoi? Ça veut dire que,
si vous écrivez un livre et puis que vous voulez une adaptation de ce livre au
théâtre, au cinéma, traduction, etc., eh bien, votre éditeur se réserve un
premier refus. Vous devez d'abord lui montrer, puis, si jamais ça l'intéresse,
il va le faire. Si ça ne l'intéresse pas, il va vous dire : O.K., tu peux
aller voir avec quelqu'un d'autre. Là, vous allez voir avec quelqu'un d'autre
puis là vous êtes... trouvez un autre éditeur, ou Radio-Canada dit : Ah! je veux faire une version en livre audio, ça
marche, voici, etc., eh bien, là, vous avez maintenant un droit de
dernier refus. Ça veut dire que vous devez revenir devant ce groupe et
présenter votre contrat que vous avez réussi à négocier avec Radio-Canada, et
le groupe se dit : Ah! ça me donne une deuxième chance, oui, finalement,
ça me tente, je vais le faire, ça ne coûtait pas si cher.
Donc
là, on est dans des pratiques qui sont vraiment complètement abusives, qui sont
d'ailleurs abusives au sens de 32.01
aujourd'hui. Le seul problème, c'est que 32.01 n'ayant pas de recours, on doit
aller dans les tribunaux de droit commun,
et personne n'est capable, pour les quelques milliers de dollars que ça
représente, d'aller jusqu'en Cour supérieure.
Mme Aubry (Suzanne) : On doit
dire que ces clauses-là sont souvent imposées à des primoromanciers ou
romancières qui... Comme je l'ai dit en amont, c'est extrêmement difficile,
après, d'enlever une clause pareille. Puis même la clause de préférence... le
dernier refus, c'est apparu récemment. C'est pour ça, quand on parlait de
l'urgence, là, d'adopter la loi, bien, ça fait partie de l'urgence, là, parce
que c'est des pratiques qui s'insèrent et puis avec lesquelles on doit se
battre, et avec aucun recours. Donc, c'est vital.
Mme Dorion : Et est-ce que
le... Que ce soit pour l'univers entier et pour jusqu'à 50 ans après votre
mort, ça fait-tu partie de ces choses-là?
Mme Aubry (Suzanne) : Bien sûr.
M. Dubois (Laurent) : Bien oui,
ça n'a pas d'allure. Ça n'a pas d'allure. La cession de droit, ça n'a pas
d'allure. Un écrivain qui travaille des années sur son roman, qui cède
complètement ses droits à quelqu'un d'autre, ça n'a pas de sens. On doit parler
d'une licence d'exploitation, une licence d'utilisation qu'on limite dans le
temps.
Mme Aubry (Suzanne) : Avec une durée
dans le temps, voilà.
M. Dubois (Laurent) : Cinq, sept,
huit, 10 ans, pourquoi pas, mais, à partir de là, la possession doit quand
même rester à l'artiste qui a créé cette oeuvre, je veux dire, ça me... c'est
la base, là. Et donc on voit que, bien, finalement, l'absence d'encadrement
fait que même ce qu'on croyait être acquis parce qu'étant la base, le bon sens,
comme on dit, est complètement perdu, aujourd'hui, complètement perdu.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci.
Mme Aubry (Suzanne) : On parle
souvent de redevances, des questions monétaires, mais les droits dérivés sont
extrêmement importants. Je vais vous donner l'exemple de Margaret Atwood avec La
servante écarlate. Elle a signé une cession complète quand elle a écrit son
roman. Personne n'aurait pu prévoir, à l'époque, que ça serait un tel succès.
Alors, quand ça a été présenté à la télévision, elle a touché zéro sou pour son
oeuvre. Son oeuvre. Et je donne cet exemple-là parce que, quand j'avais lu
là-dessus, ça m'avait totalement scandalisée. Et c'est la même chose avec les
cessions de droit ici. C'est ce qui arrive. Si notre oeuvre connaît un grand
succès, on ne peut pas le prévoir, on va être dissocié du succès de son oeuvre,
et c'est insensé, ça ne devrait jamais arriver.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. On va...
Mme Aubry (Suzanne) : On parlait
de... je pense que c'est Mme St-Pierre qui parlait de...
La Présidente (Mme IsaBelle) : Je
dois vous couper, mais probablement que... connaissant le député de
Matane-Matapédia, il va vous laisser la parole.
M. Bérubé : Continuez.
Mme Aubry (Suzanne) : Vous parlez de
matière première, de la mine, ce que les écrivains et écrivaines vont chercher,
cette matière première là. Et ce n'est pas juste de la matière première, elle
est transformée en mots sur le papier, qui va devenir des livres qui vont être
lus par des lectrices et lecteurs. C'est un énorme travail. J'adore ça. Je le
fais par passion. Je l'ai fait depuis plusieurs décennies. Je ne m'en lasse
pas, mais je veux juste que les conditions dans lesquelles on le fait soient
décentes. C'est tout ce qu'on demande.
M.
Bérubé : Bonjour. Bienvenue à l'Assemblée nationale. La
question de la reddition de comptes, évidemment, c'est des fonds publics
importants, je voulais qu'on puisse revenir là-dessus, l'importance de bien
surveiller ce qui se passe, de s'assurer que
les premiers payés, ça devrait être les artisans au début de la chaîne, le
talent d'abord, là. Alors, est-ce que vous voulez ajouter quelque chose
sur cette importance, sur les mécanismes de reddition de comptes qu'on devrait
se doter dans la loi?
Mme Aubry (Suzanne) : Je veux juste
parler d'un premier mécanisme de reddition de comptes, puis, après ça, je te...
On avait discuté avec l'ANEL, pendant des années, d'un processus de reddition
de comptes, les comptes pour les redevances annuelles, là, et on est arrivés à
un assez bon résultat, mais, quand est venu le moment de l'appliquer, évidemment,
ce n'était pas obligatoire parce qu'on n'avait pas d'entente collective, et
donc il y avait à peu près 6 % à 7 % des éditeurs qui l'appliquaient.
La reddition de comptes, c'est très important, parce qu'on a beau avoir un bon
contrat, si on ne sait pas combien de livres se sont vendus, si les chiffres ne
sont pas précis, on se retrouve Gros-Jean comme devant.
Alors, la reddition de
comptes, c'est une des questions qu'on avait déjà discutées avec l'ANEL, ça
s'était bien passé. Maintenant, avec une négociation d'entente collective, la
reddition de comptes va pouvoir être incorporée à une entente et appliquée à
tout le monde. Et je pense que ça va faire l'affaire de l'ANEL aussi parce que,
s'il y a un mauvais payeur, bien, il va être identifié, puis on va pouvoir le
retracer plus facilement. Mais il y a un autre concept aussi de reddition de
comptes...
La Présidente (Mme IsaBelle) : ...
M. Dubois (Laurent) : Bien, je
pense, M. le député, que vous faisiez allusion à la reddition de comptes de manière...
l'argent public qui est donné à des producteurs.
M. Bérubé : Bien oui. Il y en a
beaucoup.
M. Dubois (Laurent) : Il y en a
énormément. Écoutez, sincèrement, ça ne me paraît pas compliqué, voilà. Il y a
quelque chose que je n'ai pas compris. Ça ne me paraît pas compliqué de partir
du principe que, quand il y a de l'argent public qui est utilisé pour quelque
chose, construire une route, écrire un livre, faire un film, peu importe, si
c'est de l'argent public, ça doit respecter la loi. Une entente collective, ça
fait... ça fait force de loi, ça fait partie de la loi. À partir du moment où
c'est négocié entre les parties, c'est ça qui compte. Ce n'est pas compliqué,
pour un bailleur de fonds, d'exiger que l'argent soit utilisé conformément à la
loi en vigueur dans le secteur. Moi, ça me paraît très simple. Je dépose ça
ici.
M. Bérubé : Je n'ai rien à ajouter,
Mme la Présidente.
La Présidente (Mme IsaBelle) : C'est
parfait.
M. Bérubé : C'était le mot de la
fin, c'était très bien comme ça. Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci.
Alors, merci, Mme Gagnon, Mme Aubry et M. Dubois, pour votre
précieuse contribution à la commission.
Alors, compte tenu de l'heure, la commission
suspend ses travaux jusqu'après les affaires courantes. Merci. Merci beaucoup.
Bon dîner à tous et à toutes.
(Suspension de la séance à 12 h 46)
(Reprise à 15 h 42)
La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors,
bonjour, tout le monde. La Commission de l'économie et du travail reprend ses travaux.
Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la
sonnerie de leurs appareils électroniques.
Nous poursuivons les consultations particulières
et auditions publiques sur le projet de loi n° 35, Loi visant à harmoniser
et à moderniser les règles relatives au statut professionnel de l'artiste.
Cet après-midi, nous entendrons les personnes et
les organismes suivants : la Pre Martine D'Amours; la Guilde
canadienne des réalisateurs, Conseil du Québec, conjointement avec l'alliance
québécoise des techniciennes et techniciens de l'image et du son, section
locale 514 IATSE; l'Association des réalisateurs et réalisatrices du
Québec, conjointement avec la Société des auteurs de radio, télévision et
cinéma; et l'Association québécoise de l'industrie
du disque, du spectacle et de la vidéo, conjointement avec l'Association
québécoise de la production médiatique.
Alors, Mme D'Amours, si vous êtes prête... Vous
m'entendez bien?
Mme Martine D'Amours
Mme D'Amours (Martine) : Oui, je
vous entends bien.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors,
Mme D'Amours, avant de commencer votre exposé de 10 minutes, je vous
demanderais de bien vous présenter, puisque maintenant la parole est à vous.
Mme
D'Amours (Martine) : Merci, Mme la Présidente. Alors, je suis Martine
D'Amours, je suis professeure au Département des relations industrielles
de l'Université Laval. Mes intérêts de recherche et d'enseignement portent sur le travail atypique. Alors, en gros, c'est
tout ce qui n'est pas à l'emploi salarié permanent pour un seul
employeur, et je m'intéresse en particulier aux enjeux relatifs à la protection
sociale et à la représentation collective de ces travailleurs et travailleuses.
Et c'est ce qui m'a amené à étudier différents régimes dérogatoires au Code du
travail, comme les décrets de convention
collective, le régime applicable à l'industrie de la construction et les lois
sur le statut de l'artiste.
Alors, Mme la
ministre, Mmes, MM. les députés, d'abord, je vous remercie de m'avoir invitée à
vous adresser la parole dans le cadre
de ces consultations particulières. Et, avant de parler directement du projet
de loi à l'étude, j'aimerais rappeler que les
artistes sont des travailleurs et des travailleuses précaires sur trois des quatre
caractéristiques de la précarité en emploi qui ont été initialement énoncés par
Rogers mais qui font l'objet d'un vaste consensus dans le monde de la
recherche. Alors, trois des quatre éléments de la précarité :
premièrement, l'insécurité du lien d'emploi; deuxièmement, le peu de protection
réglementaire, ça veut dire le peu de protection par les lois du travail et les
régimes de protection sociale; et, finalement, la faiblesse du revenu.
Je vous épargne toutes les données là-dessus
qu'il y a dans mon mémoire pour tout de suite vous dire qu'en raison de cette
précarité, en raison des caractéristiques particulières de leur activité,
c'est-à-dire la courte durée de leurs engagements, leur mobilité à l'intérieur
d'un secteur artistique, le fait qu'ils ont plusieurs prestations, soit
cumulées ou soit successives, avec plusieurs donneurs d'ouvrage, les artistes
font partie de ces groupes de travailleurs, travailleuses pour qui le
législateur a prévu des régimes de relations de travail mieux adaptés à cette activité... à leur activité. Autrement dit, ces
gens-là avaient du mal à accéder à la négociation collective efficace en
vertu du Code du travail. Et moi, je trouve que c'est nécessaire d'avoir de
tels régimes, mais à la condition que ces régimes aient les mêmes caractéristiques protectrices que le Code du travail.
Pour reprendre les termes de Leah Vosko et autres collègues, il est
souhaitable d'avoir une pluralité, mais aussi une parité des régimes de
rapports collectifs de travail.
Alors, selon mon ex-collègue, le regretté Pr
Rodrigue Blouin, tout régime de rapports collectifs de travail doit comporter
trois piliers : premier pilier, un mécanisme d'identification des
associations représentatives; deuxième pilier, un processus de négociation et
de règlement des conflits; et, troisième pilier, des voies de résolution des
litiges au sujet des conditions de travail. Alors, c'est à l'aune de ces trois
piliers que je vais commenter certains éléments du projet de loi n° 35.
Sur le
premier pilier, mécanisme d'identification des associations représentatives, le
projet de loi n° 35 apporte assez
peu de changements, sinon l'ajout de l'obligation de juste représentation, qui
est un copier-coller du Code du travail. D'autres intervenants avant moi
ont bien mentionné que le libellé du nouvel article nécessiterait des
adaptations.
En revanche, ce que le projet de loi n° 35
change au premier pilier, et c'est majeur, c'est l'effet de cette
reconnaissance pour les associations regroupant les artistes des arts visuels,
des métiers d'art et de la littérature. Et ça, pour moi, ça constitue le
changement, là, l'apport majeur du projet de loi. En effet, en fusionnant les
deux lois, le projet de loi n° 35 fournit aux artistes des arts visuels,
des métiers d'art et de la littérature un accès autre que volontaire à la négociation d'ententes
collectives. En d'autres termes, la reconnaissance d'associations
représentatives aura, pour eux et elles, le même effet que pour les artistes
qui sont actuellement couverts par 32.1, à savoir un cadre permettant un accès
réel à la négociation de bonne foi des conditions d'exercice de leur travail.
Donc, je me réjouis que... de ce... qu'en présentant ce projet de loi la
ministre de la Culture et des Communications ait pris en compte divers éléments,
dont le plus important est le fait qu'il n'y avait eu aucune entente collective
conclue en vertu de 32.01, et cela depuis l'adoption de la loi en 1988. Ça fait
plus de 30... ça fait 30... plus de 30 ans. Bon.
Mais, au-delà de ces éléments contextuels, on
peut se demander ce qui, plus fondamentalement, fonde le besoin de négociations
collectives pour ces catégories d'artistes. Et la réponse réside dans leur
dépendance économique à l'égard d'entités qui sont habituellement la partie
forte au contrat. Mis à part les vedettes, à qui leur notoriété assure un
traitement particulier, les artistes, donc la vaste majorité des artistes,
n'ont guère de pouvoir de négociation individuelle. Les conditions qu'on leur
offre sont souvent à prendre ou à laisser, dans un contexte où l'artiste a
besoin que son oeuvre soit diffusée, non seulement pour des motifs économiques,
mais également parce qu'il en va de sa reconnaissance comme artiste
professionnel. Bon.
Alors, doter tous les groupes d'artistes, sans
égard à la nature de leur contrat, d'un cadre juridique créant l'obligation de
négocier avec diligence et bonne foi des conditions minimales d'exercice de
leur activité, pour moi, c'est un immense pas en avant. Et je suis convaincue
qu'à l'intérieur de ce cadre les parties vont aménager leurs relations avec les
producteurs. Et le résultat serait certainement différent selon les secteurs de
négociation, donc on peut déjà... d'ores et
déjà prévoir qu'il y aura plusieurs ententes collectives pour s'adapter aux
particularités de chacun des sous-secteurs de négociation.
Sur le deuxième pilier, un processus de
négociation et de règlement des conflits, là, ici, il faut souligner que, même
si 32.1, donc la LSA, prévoit que la représentation et la négociation
collective s'exercent sur la base d'un secteur au sein duquel les artistes
partagent une communauté d'intérêts, ce ne sont pas tous les artistes d'un
secteur qui bénéficient des conditions négociées. Je pense que l'intention
initiale du législateur... je n'étais pas là en 1987, mais je pense que
l'intention initiale du législateur, c'était de créer un véritable régime de
négociation par secteur, mais il faut bien se rendre à l'évidence qu'il n'y a,
en ce moment, aucune contrainte légale pour un producteur ou une productrice de
respecter les conditions de travail minimales des artistes s'il n'est pas
membre d'une association de producteurs ayant conclu une entente collective ou
s'il n'a pas conclu individuellement une entente collective. Je reprends ici,
entre guillemets, les termes du mémoire de l'Association des réalisateurs,
réalisatrices du Québec.
• (15 h 50) •
Donc, en l'absence de contraintes légales, la
multiplicité des entreprises de production, la courte durée des productions, la
malléabilité des formes corporatives, on a parlé de voile corporatif, hein, il
y a des gens qui sont très imaginatifs pour créer toutes sortes de structures
qui font en sorte qu'ils vont échapper à l'application des ententes
collectives, ça fait en sorte qu'effectivement, l'artiste, ses conditions
varient selon avec qui il ou elle contracte. Et, dans certains cas, eh bien, il
se retrouve ramené à son pouvoir individuel de négociation, dont j'ai dit
antérieurement qu'il n'était pas important, sauf pour les vedettes.
Alors, cette situation, elle n'est pas
souhaitable, quant à moi, pour des motifs d'équité. Elle n'est pas équitable, d'une part, à l'égard des artistes qui,
pour certaines productions, travaillent en deçà des minimas prévus aux ententes collectives. Elle n'est pas équitable à
l'égard des producteurs qui ont des pratiques contractuelles
respectueuses des
droits des artistes, lesquels se trouvent désavantagés face à ceux qui ne
développent pas de telles pratiques. Et elle n'est pas équitable à
l'égard des associations d'artistes qui sont forcées de multiplier les
processus de négociation, alors que la majorité d'entre elles ne disposent pas
des ressources humaines et financières pour ce faire.
La question est discutée depuis le rapport
L'Allier de 2010 et même avant. Si on refuse d'imposer la reconnaissance
obligatoire des associations de producteurs, et il semble que la ministre n'ait
pas voulu aller dans le sens de la...
d'imposer une reconnaissance obligatoire, alors, si on ne va pas dans ce
sens-là, il faut trouver un mécanisme permettant d'assurer que les
conditions minimales négociées seront appliquées par toutes les entreprises
relevant d'un même secteur.
Alors, on possède, au Québec, un dispositif
juridique unique en Amérique du Nord, qui s'appelle la Loi sur les décrets de
convention collective. Cette loi donne au ministre le pouvoir, à la demande
d'une partie à une convention collective, de recommander au gouvernement
d'étendre à un métier, une industrie, un commerce ou à une profession les
conditions négociées par certaines associations représentatives et certains
employeurs. Avant de recommander une telle extension...
La Présidente (Mme IsaBelle) : Mme
D'Amours, en conclusion. 30 secondes.
Mme D'Amours (Martine) : Oui.En
conclusion, alors je voulais vous dire que, dans les secteurs où est-ce qu'il y
a déjà des ententes collectives, on devrait prévoir un mécanisme d'extension.
Dans les secteurs où il n'y en a pas, c'est là qu'on pourrait appliquer le
fameux article 60... excusez, là, bon, l'article qui permet au ministre de
décréter des conditions minimales à la demande d'une association d'artistes,
mais, s'il y a des conditions négociées, s'il y a une entente collective, on ne
voit pas pourquoi il ne serait pas étendu.
Troisièmement, sur le troisième pilier, je veux
dire que le fait d'inclure dans le projet de loi ce qui est prévu au Code du
travail concernant l'arbitrage de griefs et l'extension des pouvoirs du Tribunal
administratif du travail, c'est certainement un moyen de renforcer le troisième
pilier de tout régime de rapports collectifs de travail. Je m'excuse pour la
longueur.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Pas
de souci. Merci. Alors, nous allons commencer la période d'échange. Alors, Mme
la ministre, à vous la parole.
Mme Roy : Oui. Bien, professeure,
bonjour, Mme D'Amours. Merci d'être là, merci d'être avec nous. J'ai lu avec
attention votre mémoire, et, quand vous nous parliez de ces trois piliers, j'ai
appris beaucoup, on sent le professeur en vous, on le sent aussi, la
chercheuse. Dans vos documents, j'ai même compris que vous avez déjà fait un mandat, minimalement, pour le ministère de la
Culture. Donc, vous êtes une professionnelle, dirons-nous, du milieu du travail, mais des artistes. Et, comme vous le
dites d'entrée de jeu, des... travail, mais travail atypique, et c'est là
qu'on est.
La loi, cette loi que nous déposons, ce projet
de loi n° 35, et vous l'avez dit à juste titre, c'est un régime d'exception, c'est une loi d'exception. C'est un
régime d'exception pour ces travailleurs qui ne sont pas des salariés.
Et toute la complexité de trouver un équilibre là-dedans, c'est le fait que ces
travailleurs du milieu culturel, ces artistes ne sont pas des salariés au sens de nos fameuses lois sur les normes du
travail. Et nous tentons de faire basculer plusieurs des articles de la Loi
sur les normes du travail dans cette loi, dans ce projet de loi n° 35,
pour aider les artistes.
J'aimerais vous entendre, selon votre expertise,
votre expérience, sur la fusion des deux lois, parce que vous l'avez... vous avez vraiment mis le doigt dessus,
c'est ce qu'on tente de faire, de faire en sorte qu'il n'y ait plus deux
classes d'artistes mais une seule. Et, selon vous, cette fusion-là, dans quelle
mesure sera-t-elle bénéfique pour les artistes de la deuxième loi, hein, ceux
de la littérature, des arts visuels et des métiers d'art? Selon vous, quels
seront les plus... les gains que ces artistes de la deuxième loi feront avec
l'adoption de ces dispositions?
Mme D'Amours (Martine) : Bien, merci
pour la question. Donc, effectivement, le projet... la loi 32.01 prévoyait
la possibilité de négociation d'ententes collectives, qu'on appelait des
ententes générales. Il n'y en a pas eu, alors c'était... c'était la négociation
volontaire. Ça ne fonctionne pas, pas plus qu'avant l'adoption de la Loi sur les relations ouvrières, qui est l'ancêtre du Code
du travail. Il y avait des lois qui prévoyaient la négociation
volontaire, mais ça a donné des... ça a donné gains à partir du moment où on a
rendu la négociation obligatoire, à partir du moment où un certain nombre de conditions sont remplies, à savoir des associations
représentatives, l'envoi d'avis de négociation, etc. Donc, de créer
l'obligation de négocier des conditions d'exercice du travail de bonne foi,
avec diligence et bonne foi, c'est pour moi une clé pour mettre en oeuvre des
dispositifs qui vont permettre d'améliorer les conditions de travail et
d'emploi. C'est l'élément clé. Jusqu'ici, il y avait une possibilité, mais elle
ne s'est jamais concrétisée.
Mme Roy : Vous avez raison, puis
c'est ce qui a mené à nos travaux, justement, le fait qu'il n'y en a jamais eu.
On a vu, à l'usage, au terme de ces 30 quelques années, que personne n'avait
été là. Et donc c'est le moyen que nous avons trouvé, et je pense... jusqu'à
présent, je pense que c'est un moyen qui est apprécié et qui est souligné.
À
l'égard... vous avez dit quelque chose d'autre aussi, puis il... je ne le vois
pas dans votre mémoire précisément. Vous avez parlé du fameux voile
corporatif, là, le fait de lever le voile corporatif. Il y a les groupes
précédemment entendus ce matin, entre autres La Guilde des musiciens et l'UDA,
qui nous disaient : Bien, écoutez, madame, peut-être pourrions-nous faire un calque de l'article 154 de la fameuse
Loi sur les sociétés par actions pour rendre responsables les
administrateurs des sociétés, tout le fameux dossier des coquilles, des
fameuses coquilles. Les administrateurs se partent des coquilles, et ils
disparaissent, et ils ne paient pas, ils repartent sous un autre nom. Donc, des
groupes nous ont demandé d'ajouter au projet de loi un
amendement qui pourrait être un calque de l'article 154 de la Loi sur les
sociétés par actions. Vous en pensez quoi?
Mme D'Amours
(Martine) : Écoutez, je n'ai pas étudié cette loi-là en détail, alors
j'aurais du mal à me prononcer, mais il me semble que le principe est
intéressant, d'étudier la possibilité de dire : Bien, si vous... En fait,
c'est de bloquer la possibilité d'échappatoire à la loi, hein? Il y a une norme
et puis il y a des gens qui jouent avec la norme,
qui trouvent toutes sortes de moyens de contourner la norme. Alors, il faut
essayer de bloquer les échappatoires possibles. Une échappatoire, c'est de
créer une structure qui va disparaître aussitôt la production terminée. Alors,
ça nuit non seulement à régler des... je dirais, des problèmes de sommes dues,
qui ne sont pas versées aux artistes, mais également pour l'application de
l'ensemble... d'un ensemble de clauses des ententes collectives.
Donc, en principe, il
y a toutes sortes de débats, là, plus largement sur est-ce qu'il faut,
autrement dit, que les principes du droit du travail soient pris en compte par
le droit commercial. Et moi, je dis oui, là, non seulement dans ces questions-là, mais sur les questions de
sous-traitance. Et la Loi sur les décrets de convention collective, elle
permet ça. Et, je vous dirais, même la Loi sur les normes du travail permet...
pas exactement ça, mais qui dit : Bon, bien, il faut que le... en cas de
sous-traitance, il faut que le donneur d'ordre principal soit tenu responsable.
Donc, le principe de responsabilité doit être étendu, mais je ne suis pas
juriste et je ne connais pas suffisamment la loi pour me prononcer, mais je
peux vous dire que je suis d'accord avec le principe.
• (16 heures) •
Mme Roy :
Parfait, merci. J'ai beaucoup appris à l'égard de vos trois piliers.
J'ignorais que c'était la façon dont... On parlait d'un mécanisme
d'identification des associations représentatives, un processus de négociation
et de règlement des conflits et des voies de résolution des litiges au sujet
des conditions de travail.
J'aimerais vous
apporter au troisième pilier, les voies de résolution des litiges au sujet des
conditions de travail. On en parle, entre autres, pour le bénéfice des
collègues, à la page 10 de votre mémoire, le troisième pilier, voies de
résolution. On a tenté d'amener le plus possible d'articles de la Loi sur les
normes du travail, donc articles de loi qui sont pour des salariés, et de les
adapter, de les transposer, de les faire migrer dans le projet de loi
n° 35. Entre autres... et j'aimerais
que vous nous en parliez, parce que... vous élaboriez un peu plus, en ce qui a
trait à l'arbitrage de griefs, si on
parle des dispositions des articles 100 à 101.9 du Code du travail, qui
sont maintenant réputées faire partie des ententes collectives et
constituer en tout ou en partie la procédure d'arbitrage de griefs, selon vous,
dans quelle mesure c'est une bonne chose et pourquoi? Si vous pouviez un petit
peu élaborer à cet égard-là.
Mme D'Amours
(Martine) : Au fond, le troisième pilier, là, juste pour expliquer un
peu, c'est ce qui... ce sont les outils qu'on donne aux parties pour appliquer
ce qu'ils ont négocié. Parce qu'on a beau avoir négocié quelque chose, ça, c'est beau, c'est le deuxième pilier, on ne s'entend
pas nécessairement sur la façon d'interpréter ce qu'on a négocié. Et
c'est là qu'intervient l'outil de l'arbitrage de griefs.
Jusqu'ici, il fallait
que les parties la négocient à l'intérieur d'une entente collective.
Maintenant... Alors, maintenant, on dit : Ces articles du Code du travail,
ils sont réputés... donc sur les pouvoirs de l'arbitre, sur les matières sur
lesquels il peut se prononcer, ça va faire partie de chacune des ententes
collectives. Donc, on n'a pas à le négocier. Parce que, jusqu'ici, ça donnait,
je dirais, des résultats inégaux. Alors, jusqu'ici, on a dit : Bien, on
va... l'outil qui est fort, là, qui a été expérimenté dans le cadre du travail,
soit les pouvoirs de l'arbitre de griefs, comment il peut se prononcer, sur
quoi il peut se prononcer, etc., on va l'inclure dans toute entente collective.
Et vous avez fait la même chose à l'égard de la Loi sur les normes du travail
en disant : Les clauses sur le harcèlement psychologique, qui inclut le
harcèlement sexuel, on les prend et on présume qu'ils vont faire... en fait,
ils vont être considérés comme faisant partie d'emblée de toute entente
collective, comme les articles équivalents du code font d'emblée partie de
toute convention collective. Alors, bravo pour ça aussi, en passant.
Mme Roy :
Est-ce qu'en travaillant de la sorte, en faisant ces transferts de bonnes
portions d'articles de la Loi sur les normes vers le p.l. n° 35,
et donc pour donner des outils supplémentaires aux artistes et naturellement
aux associations... est-ce que, selon vous, ça va alléger peut-être le
processus de la négociation d'ententes et fournir une protection supérieure
pour les artistes?
Mme D'Amours
(Martine) : Bien, ça dépend de quels artistes... de quels articles de
la Loi sur les normes du travail vous parlez.
Mme Roy :
À l'égard, par exemple, de ceux pour l'arbitrage de griefs, parce que je
pense que vous avez mis le doigt sur quelque chose d'important. Ça devait être
négocié dans chaque entente individuelle. Là, ça ne sera plus le cas, ça va...
d'emblée, c'en fera partie. Alors...
Mme D'Amours (Martine) : D'emblée, c'en fera
partie, ce qui n'empêche pas les parties de négocier au-dessus de ça,
mais ça demeure la base, ça demeure la base. Alors, on va dire, dans le cas de
mésentente, etc., c'est un recours possible, et il est présumé faire partie de
toute entente collective. Alors, ça va, je pense, faciliter le règlement des mésententes qui surviennent en cas d'entente
collective. Et, je dirais, c'est même... Étant donné que, pendant
l'entente collective, on ne peut pas exercer de moyens de pression... hein, la
durée de l'entente collective, c'est une période de paix industrielle, mais,
même en période de paix, si on ne s'entend pas, il faut trouver un moyen de
résoudre les mésententes. Alors, c'est un moyen qui est codifié dans la loi et
qui deviendrait partie prenante. Donc, je pense que c'est facilitant, et même
pour les deux parties, pour les deux parties.
Et c'est la même chose
pour les clauses qui concernent la précision apportée aux pouvoirs du tribunal
du travail... du Tribunal administratif du travail, oui, du TAT. Effectivement,
jusqu'ici, sa compétence était relativement limitée.
Puis là elle va être étendue à toute une série d'éléments, là, qui sont
mentionnés. Je ne veux pas nécessairement tous les redire, mais une
négociation de mauvaise foi, déclenchement de l'action concertée,
reconnaissance, etc. Bon. Alors, ça aussi, pour moi, ça fait partie d'un
arsenal, là, beaucoup plus solide pour permettre aux parties de résoudre les
litiges qui peuvent survenir en cours d'entente collective.
Mme Roy : J'aime beaucoup vous
entendre, parce que c'est ce qu'on a tenté de faire, d'avoir un projet de loi
équilibré, qui colmatait des brèches qu'on a vues avec l'usage, avec le temps,
mais aussi y apporter des articles... quand vous dites «facilitants» pour les
deux parties. Et ça, c'est important, pour nous, de garder une harmonie autant pour les artistes que pour ceux qui les
emploieront. Donc, le fait qu'il y ait des articles qui plaisent aux deux,
c'est... On a beaucoup tenté de
trouver des chemins d'entente, des chemins pour arriver avec ces nouvelles
dispositions. Donc, vous nous dites «un arsenal plus solide», je
suis... je le prends en note, j'aime les termes que vous employez.
Mme D'Amours, moi, je vous remercie pour votre
collaboration. Je vous remercie pour le mémoire. Je sais, entre autres, que vous êtes une invitée qui a été
chaudement recommandée par nos collègues de la deuxième opposition.
Alors, moi, je vais céder mon temps de parole. Il y reste peut-être mon
collègue de Saint-Jean qui...
Des voix : ...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Pardon?
Mme Roy : ...Joëlle. Ah!
Pardon. Excusez-moi.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Parfait.
Pas de problème.
Mme Roy : La députée de
Jean-Talon, la députée de Jean-Talon qui aimerait vous poser une question.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Ah ! la parole, députée de
Jean-Talon, il vous reste 4 min 20 s.
Mme Boutin : Bonjour,Mme
D'Amours. Merci pour votre mémoire. C'est vraiment très, très intéressant, j'en
apprends beaucoup. Puis nous, on siège sur cette commission-ci, donc ce n'est
pas le premier projet de loi qui touche, justement, la sécurité ou les normes
du travail de certaines catégories dans la société. Donc, on aime ça toucher un
secteur qui est aussi névralgique et, je dirais, émotif au Québec, quand même,
les artistes.
À la page 11 de votre mémoire, vous parlez,
bon, que, oui, là, le p.l. n° 35, là, est
susceptible de réduire la précarité socioéconomique des artistes. Puis je pense
qu'on répond aussi aux recommandations, là, du rapport de l'UNESCO de 1980,
justement, en ce sens-là.
J'ai deux petites questions. Je vais vous les
dire d'emblée. Premièrement, est-ce que, par rapport à ce qui se fait ailleurs,
notamment en France... comment est-ce que vous pourriez comparer, justement, le
projet de loi n° 35 à... les conditions en France,
est-ce qu'il y a une amélioration?
Mme D'Amours (Martine) : Est-ce que
vous parlez du régime des intermittents du spectacle?
Mme Boutin : Oui, j'ai lu un peu.
Puis je me demandais, justement, est-ce qu'on se démarque, au Québec, avec ce
projet de loi là.
Mme D'Amours (Martine) : Bien, c'est
parce que ça ne porte pas sur les mêmes objets. Le régime des intermittents du
spectacle, c'est un régime d'assurance chômage, si on veut, adapté aux artistes
et, d'ailleurs, aux ouvriers et aux techniciens. Ce n'est pas seulement les
artistes, c'est aussi tous les travailleurs qui sont de près ou de loin
associés à la production des oeuvres, parce qu'ils vivent les mêmes
problématiques que les artistes.
Mme Boutin : Bien, d'ailleurs, dans
votre mémoire, vous faites un petit peu de recommandations, mais ce n'était pas
vraiment ma question, là. Au niveau du régime, là, allemand d'assurance sociale
puis de protection sociale, vous faisiez la recommandation d'aller plus vers
cette direction-là. Mais, moi, ma question, c'est par rapport à l'enjeu de la
santé, la sécurité du travail, vous dites... Moi, ma question... Puis je ne
suis pas intervenue beaucoup, mais je sais que la plupart des artistes au
Québec oeuvrent à titre de travailleur autonome. Puis, bon, bien, pour avoir
accès, justement, au régime de la CNESST, les gens doivent faire une demande de
protection personnelle ou individuelle, mais c'est personnel. Est-ce que vous
savez s'il y a des artistes qui vont faire une demande comme ça? Est-ce que
vous croyez que le projet de loi, là, n° 35 est
suffisant en ce sens-là? Avez-vous des recommandations?
Mme D'Amours (Martine) : C'est très
particulier, la question de la santé et sécurité du travail. Certains groupes
d'artistes, ceux qui correspondent à 32.1, là, certains groupes d'artistes de
la scène ont bénéficié d'une couverture SST pour des activités prévues dans le
cadre de leur contrat d'engagement. Cependant, pour tous les autres, et toutes
les autres situations, ils doivent adhérer individuellement. Autrement dit,
l'ensemble des travailleurs québécois... pour l'ensemble des salariés
québécois, c'est l'employeur qui paie la cotisation CSST. Et on voudrait nous dire que, ah, bien, si tu ne tombes pas... d'abord, si
tu n'es pas salarié puis si tu ne fais pas partie des catégories d'artistes de
la scène qui bénéficient d'une couverture SST dans le cadre de ton contrat
d'engagement... Par exemple, si tu es comédien, danseur, bon, puis tu te
blesses pendant une prestation, tu vas être couvert, et, si tu ne fais pas
partie de ces catégories, tu devras cotiser individuellement.
Alors, on dit la même chose d'ailleurs aux
travailleuses domestiques. Je pense qu'il y a un nombre minime de travailleurs,
travailleuses, au Québec, qui paie elle-même ou lui-même la cotisation, parce
que c'est des coûts prohibitifs pour des gens qui sont précaires et qui gagnent
des faibles revenus. Donc, ça, pour moi, c'est un voeu pieux, c'est
complètement inadéquat.
Par ailleurs, la question de la SST, c'est
quelque chose de très particulier. Moi, j'hésiterais à dire : Il faut
l'intégrer dans la loi, à ce moment-ci, parce que ça mériterait une étude en
profondeur, et de comment on peut prévenir les blessures au travail, et comment
on peut indemniser les personnes lorsqu'elles sont blessées. C'est ce que je
peux vous dire.
La Présidente (Mme IsaBelle) : En
20 secondes... À moins que ça soit terminé déjà.
Mme Boutin : Merci beaucoup, Mme
D'Amours. C'est vraiment très, très intéressant.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Parfait.
Alors, nous poursuivons la période d'échange cette fois-ci avec la députée de
l'Acadie.
• (16 h 10) •
Mme St-Pierre : Merci. Merci pour
votre présence. C'est effectivement très intéressant. Moi, je regarde votre
quatrième principe, là, en page 13, puis vous dites... vous parlez de la
multiactivité et des avantages sociaux qui peuvent être payés pour quelqu'un
qui pourrait, par exemple, être un concepteur, puis écrire, puis jouer. Donc,
on ferait affaire avec trois... peut-être
trois conventions collectives différentes. Et on l'avait vu avec AQTIS puis
IATSE, à ce moment-là, dans le domaine du
cinéma, qu'il y avait... des avantages sociaux ont été fusionnés. Je ne me
souviens plus si on l'avait fait dans
la loi ou dans le cadre d'une entente à part, là, on pourrait avoir des gens
pour nous éclairer là-dessus, mais ça s'est fait. Là, ça veut dire que
quelqu'un qui serait en multiactivité aurait moins de... bien, moins de
protection, c'est-à-dire ne serait pas
protégé totalement pour l'ensemble de son activité. Est-ce que c'est exact, ce
que je vous dis là?
Mme D'Amours (Martine) : C'est-à-dire
qu'actuellement, si vous êtes couvert par une entente collective, vous avez
droit à des protections. Mais les protections... le niveau de la protection
dépend du niveau de revenus que vous avez fait dans cette activité. Alors, si
vous avez des activités dans plusieurs champs artistiques, vous allez avoir le
minimum. Autrement dit, vous allez avoir cumulé le niveau... le niveau de
protection va correspondre au niveau de revenus
que vous avez cumulé. Pour vous donner l'exemple que je trouve inspirant, dans
l'industrie de la construction, peu importe que
le travailleur de la construction travaille dans le résidentiel, le commercial,
l'industriel, sur chaque paie, la cotisation
de l'employeur, de l'entrepreneur est prélevée, celle du travailleur est
prélevée, ça va tout dans le même fonds,
et c'est vrai pour les assurances collectives et c'est vrai pour la retraite,
si bien qu'il n'y a pas ce fractionnement selon le type d'activités que
vous faites. Et, bien sûr, si on cumule les cotisations à l'échelle du secteur,
bien, au bout du compte, hein, si on additionne ça dans un même régime, les
bénéfices vont être encore plus grands.
Parce que les bénéfices d'un régime de
protection sociale, c'est lié à deux caractéristiques, hein, votre niveau de
revenus puis la quantité d'activités que vous faites, hein, votre présence sur
le marché du travail. Alors, si vous êtes présent la majorité du temps, vous
devriez bénéficier des retombées ou des bénéfices qui sont liés à l'ensemble de
votre activité et non pas la voir fractionnée entre différents régimes. Puis
ça, c'est ma conviction.
Mme St-Pierre : J'ouvre peut-être un
trop grand chapitre, mais est-ce que c'est quelque chose que l'on devrait
prévoir dans la loi, ou si c'est impossible, ou si ça veut dire que, vraiment,
on ouvrirait quelque chose qui prendrait des
mois et des mois, ou si on peut suggérer d'en faire, je ne sais pas, un
règlement ou... Autrement dit, est-ce qu'il y a une voie pour que nous
puissions régler cette situation-là?
Mme D'Amours (Martine) : Moi, je ne
suggère pas que vous l'intégriez dans la loi, tout simplement parce qu'il n'y a
pas eu de discussions avec les partenaires sociaux sur cette question-là. Ça
serait la première étape.
Je pense que, le chantier de la protection
sociale comme tel, à la fois les programmes de protection que j'appelle privés,
c'est-à-dire ceux qui se négocient à l'intérieur des ententes collectives où on
prévoit une contribution du travailleur et une contribution du donneur d'ordre,
et à la fois les programmes publics doivent être repensés, hein, doivent
être... ou doivent faire l'objet d'un chantier. C'est pour ça que j'avais mis
ça dans mon mémoire à la fin, en disant : Bon, bien, c'est un pas en
avant, le projet de loi, je souhaite son adoption d'ici la fin de la présente
législature, mais ça ne fait pas le tour, hein? Ce n'est pas un projet de loi,
une loi qui va régler l'ensemble de la problématique de la précarité des
artistes. Et, le dossier de la santé et sécurité et le dossier général de la
protection sociale, dont les programmes publics, je me faisais... je me
permettais de souhaiter que ça fasse l'objet de projets chantiers
gouvernementaux, et pas dans 30 ans, là.
Parce que dites-vous bien qu'un artiste, même...
ou un travailleur autonome, en général, même s'il performe très bien, qu'il gagne
un bon revenu, il suffit qu'il tombe malade, hein, qui... Et actuellement il
n'y a pas de protection, alors il peut basculer dans la pauvreté la plus
abjecte du jour au lendemain par défaut de filet suffisant de protection
sociale.
Mme
St-Pierre : Oui. Alors donc, je comprends qu'il faudrait qu'on se
penche là-dessus éventuellement. Ça serait comme un complément, puis on
viendrait encore donner plus de protection. Mais je me demandais si ça pouvait
se faire par une voie réglementaire, c'est-à-dire ne pas nécessairement le
faire là, dans la loi, mais laisser le champ libre pour une voie réglementaire.
Mais on en reparlera.
Je voudrais vous
poser une question sur... J'ai deux autres questions. Entre autres, vous avez
parlé d'un mécanisme d'extension, vous avez dit... je ne vous ai peut-être pas
bien compris, mais vous avez dit : S'il y a des conventions existantes, il
faudrait que ce soit un mécanisme d'extension et qu'il n'y ait pas de
négociation nécessairement. Je ne sais pas si je vous ai bien suivi, et... Mais
il y a quelqu'un, ce matin, qui est venu nous dire qu'il y a une convention collective qui est là depuis 20 ans, puis
elle devrait être revue, puis le vis-à-vis est complètement barré, puis
il ne veut pas. Alors là, avec cette loi-là qu'on va adopter, bien, s'il
continue à barrer, là c'est le règlement qui va entrer puis qui va forcer une
renégociation. Qu'est-ce que vous voulez dire par «mesure d'extension»?
Mme D'Amours (Martine) : O.K. Bien, je dirais
qu'il y a trois cas de figure. Premier cas de figure, il y a des
ententes collectives dans un secteur, mais il y a toutes sortes de subterfuges
qui sont utilisés pour faire en sorte de ne pas l'appliquer. Alors, il y a
certains producteurs par... Je vous donne un exemple, il va démarrer une
entreprise pour une production, il va la
fermer ensuite. Alors, on n'a même pas le temps, l'association d'artistes n'a
même pas le temps de négocier et d'avoir le... Bon. Donc, s'il y a des
ententes collectives dans des secteurs mais que, dans les faits, elles ne
s'appliquent pas, un mécanisme d'extension juridique permettrait au
gouvernement de dire : On va l'étendre à tout le secteur. Quant à moi,
c'est un incitatif aux parties à négocier, parce
que tu dis : Bien, si je ne négocie pas, il va y avoir quelque chose
d'autre que peut-être je n'aimerai pas. Alors, ça, c'est une première chose.
Deuxième cas de
figure, des secteurs où il n'y a pas d'entente collective. Là, je pense qu'à la
demande d'une association d'artistes, oui, le ministre, la ministre ou enfin le
gouvernement pourrait établir un minimum. Et ce que vous me disiez, c'est le
cas de secteurs... Là, je ne sais pas auxquels cas, au juste, vous faites
allusion.
Mme St-Pierre :
Où les négociations... où il n'y a jamais... où il n'y a pas de négociation
depuis plusieurs années, alors qu'il y a quand même une demande de la partie
qui veut négocier vers le vis-à-vis, puis, le vis-à-vis, c'est barré depuis
20 ans. C'est ça que je voulais savoir, quand vous parlez de mécanisme
d'extension, si vous vouliez dire... on
devrait dire : Bien, cette convention-là, elle va se poursuivre, mais ce
n'est pas ça que vous vouliez dire.
Mme D'Amours
(Martine) : Bien, ce n'est pas ce que je voulais dire, puis, ce
cas-là, je ne le connais pas, j'aurais du mal à me prononcer dessus...
là-dessus.
Mme St-Pierre :
C'est dans le cas d'une maison de production qui ouvrirait ses portes pour
une production, ferme ses portes, s'en va sur une autre production, puis qu'il
n'y a pas de lien entre les deux.
Mme D'Amours
(Martine) : Bien, en fait, c'est dans tous les cas où les associations
n'arrivent pas à négocier avec des producteurs dans des secteurs, parce que...
Bon, ils réussissent avec certains à négocier, entre autres avec l'ADISQ,
l'AQPM, mais il y en a d'autres qui ne sont pas membres de ces associations et
qui trouvent toutes sortes de moyens d'échapper à la négociation collective.
Alors, je dis : Bon, bien, si on ne veut pas rendre obligatoire leur
adhésion à une association de producteurs... Ça pourrait être le cas, hein,
dans la construction, tous les entrepreneurs sont obligés d'être membres de
l'Association des entrepreneurs en construction du Québec, alors ils sont
obligés d'être membres, et c'est l'association qui négocie, en leur nom, le
tronc commun des conventions collectives. Puis il y a aussi des associations
d'employeurs sectorielles, mais il y a une obligation d'appartenance. Alors,
autrement dit, ce qui est négocié dans la construction, ça va automatiquement
être appliqué par l'ensemble.
Mme St-Pierre :
Je pense que, dans un monde idéal, c'est ça qui devrait arriver, là, que le
vis-à-vis... en tout cas, dans le domaine du livre.
J'ai une question sur
le tribunal. Je n'ai pas... Je ne connais pas beaucoup le volume d'activité du
tribunal, mais je présume que c'est un gros volume d'activité. Est-ce que les
gens qui siègent au tribunal sont des gens qui vont être équipés, à court
terme, pour prendre des dossiers qui vont leur être soumis? Est-ce qu'ils ont
l'expertise pour ça? Est-ce que ça prend une expertise particulière pour être
capable de gérer une cause qui viendrait devant le tribunal? Parce que
peut-être que ça devrait être un tribunal spécialisé sur la question des
artistes, mais...
Mme D'Amours
(Martine) : Mais il y en a déjà, hein, au départ, là, dans la loi, il
y avait la Commission de reconnaissance des associations d'artistes et des
associations de producteurs. Puis on a, ensuite, transféré... on a aboli cette
commission. Donc, ça, c'était un tribunal spécialisé sur les questions des
artistes.
Alors là, je pense
qu'eux on a plutôt trouvé qu'ils manquaient peut-être d'expertise en relations
du travail, au contraire, et puis on a confié le mandat à la Commission des
relations de travail, qui est aujourd'hui le Tribunal administratif du travail.
Je pense que votre question, elle aurait peut-être pu se poser au moment de ce
transfert, hein, alors que la Commission des relations du travail n'était pas
familière. Mais maintenant ça fait quand même un certain nombre d'années qu'ils
ont cette responsabilité. Alors, je ne serais pas trop inquiète. Est-ce qu'ils
ont les ressources? Ça, je pense peut-être
qu'il faut leur fournir davantage de ressources pour le faire, je ne suis pas
au courant.
Mme St-Pierre : En tout
respect, ça va être nouveau pour eux, là, parce que les causes, elles
n'allaient pas là, les causes s'en allaient sur les tribunaux réguliers.
Mme D'Amours
(Martine) : Bien, les causes allaient là pour certains éléments, sur
toutes les demandes de reconnaissance, et tout ça, donc ils en ont étudié. Moi,
j'ai vu de la jurisprudence du Tribunal administratif du travail, sauf qu'ils
étaient restreints à certains objets, ils ne pouvaient pas se prononcer sur,
par exemple, négociation de mauvaise foi, des choses comme ça, mais ils ont...
Ils connaissent quand même la problématique des artistes, beaucoup plus qu'au
moment où ils ont eu ce mandat.
• (16 h 20) •
Mme St-Pierre : ...Netflix, qui
produit aussi, est-ce que Netflix échapperait à cette loi-là?
La Présidente (Mme IsaBelle) : En
20 secondes.
Mme D'Amours (Martine) : Netflix, ce
n'est pas un producteur du Québec, hein?
Mme St-Pierre : Mais il
produit, il pourrait acheter des... Il pourrait faire de la production pour le
Québec.
Mme D'Amours (Martine) : Écoutez, en
principe, là, si on avait un vrai régime de... collectif de travail, il s'appliquerait à tout producteur qui exerce... qui
fait sa production sur le territoire du Québec. Cependant, je ne suis
pas assez, comment dire, connaissante en
droit international et en droit comparé pour vous dire s'il y aurait des
compétences partagées, tout ça. Moi, ce que je note, c'est qu'il me semble que
l'intention originale du législateur, c'était un vrai régime sectoriel qui
couvre l'ensemble. Et là on s'aperçoit qu'il y a trop d'échappatoires, il y a
trop de situations où des artistes ne sont pas couverts par des ententes.
La
Présidente (Mme IsaBelle) :
Parfait. Merci. Merci, Mme
D'Amours. Nous poursuivons cette fois-ci avec la députée de Taschereau.
Elle ne dispose que de 2 min 55 s. Alors, il faut être brève
dans nos réponses.
Mme Dorion : Merci beaucoup.
Merci, Mme D'Amours. Très intéressant. Donc, on en retient que là on a une loi
sur le statut de l'artiste, une réforme, mais qu'un jour il va falloir des
programmes, et on va les attendre avec beaucoup d'espoir. Donc, on voit, dans
la loi, que ce qui est demandé, c'est que... ce qui pourrait avancer, c'est
que, bon, là où il n'y a pas de convention collective, là où il n'existe pas de
règlement, bien, le ministre ou la ministre pourra déterminer par règlement des
conditions.
Et beaucoup d'associations d'artistes sont
venues, ils ont dit : Oui, mais c'est important de savoir quel sera le
processus, qui peut faire cette demande-là à la ministre. Est-ce que la
ministre est obligée de répondre si c'est une organisation d'artistes reconnue
qui fait la demande? Bon, c'est des questions importantes, et comme on va avoir
à en discuter, puis ça ne sera peut-être pas
si compliqué à régler, mais on... J'aimerais avoir votre point de vue là-dessus,
comment ça devrait fonctionner. Est-ce que c'est juste des associations
d'artistes qui devraient pouvoir faire cette demande-là? Et est-ce que la
ministre devrait obligatoirement arriver à mettre les parties ensemble pour les
faire s'entendre? Comment ça pourrait fonctionner? Voilà, question large sur le
processus.
Mme D'Amours (Martine) : C'est... Tu
sais, le diable est dans les détails, là. Alors, j'aurais pu vous dire, comme
chercheur en relations de travail : Oui, oui, il aurait suffi qu'une des
parties demande... Mais j'ai entendu, ce matin,
le témoignage des représentants et représentantes de l'UDA et qui
disaient : Ah! bien oui, si c'était un producteur qui le
demanderait, il pourrait complètement contourner l'esprit de la loi, en se
disant : On va se contenter de conditions minimales, on ne va pas
négocier.
Alors, ce n'est pas ça, l'esprit de la loi,
l'esprit de la loi, c'est de dire : On veut favoriser au maximum la
conclusion d'ententes collectives. Là où elles sont conclues, on veut qu'elles
s'appliquent à tout le monde, hein, à tous les producteurs, à tous les
artistes. Et, bien là, si pour x raisons, après négociation, etc. ou parce que
les parties à la relation d'emploi ne sont
pas assez constituées en association, tu sais, il y a des domaines plus
émergents, il y a des...
alors, à ce moment-là, qu'il y ait, à la demande d'une association d'artistes,
une intervention du législateur, je serais favorable. Mais je pense que le
premier temps, c'est toujours de favoriser la négociation collective et de
mettre à la disposition des parties des
outils pour les aider en ce sens. Donc, l'arbitrage de la première convention,
ça fait partie de ça.
Mme Dorion : O.K.
Mais, quand il y a trop de producteurs différents, par exemple quand on parlait
de conférences ou de colloques, tu sais, on ne peut pas faire des
négociations à la pièce avec chaque employeur parce qu'ils sont trop petits et
trop nombreux. C'est une occasion ou ça pourrait être une bonne idée qu'il y
ait un règlement de la part de la ministre.
Mais, c'est ça, on se demandait quel processus, quelle forme ça pourrait
prendre, s'il y aurait des obligations, mais là je pense que... À moins
que M. le député de Matane-Matapédia...
La
Présidente (Mme IsaBelle) :
Je vais vous laisser une minute
additionnelle, Mme Daoust, pour répondre... Mme D'Amours, pardon,
pour répondre à la question.
Mme D'Amours (Martine) : Bien, ça ne
serait pas très long parce que j'ai du mal à vous répondre. J'ai du mal à imaginer quelle serait la procédure exacte,
mais qu'à la demande d'une association d'artistes il y ait consultation
de la ministre ou du ministre auprès des associations d'artistes et de
producteurs pour déterminer des normes minimales, que ce soit donc liant, hein,
je veux dire, que, hein, ce ne soit pas seulement un voeu pieux. Et là-dessus,
bien, le libellé de l'article était peut-être un peu mou. J'essaie de retrouver
le libellé... «le gouvernement peut, par règlement, après
consultation», etc. Donc, il n'y a pas de déclencheur, autrement dit, pour le
moment il n'y a pas de critère qui dit : Bien, qu'est-ce qui fait qu'à
partir du moment où tel et tel critère sont présents il y a comme quelque chose
qui s'enclenche pour les déterminer, hein, pour faire des consultations, pour
faire des études, déterminer, bon, ça serait quoi, ces normes-là?
La Présidente (Mme IsaBelle) : Parfait.
Merci. Merci, Mme D'Amours, pour votre contribution aux travaux de la
commission.
Alors, nous allons suspendre quelques instants.
Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 27)
(Reprise à 16 h 29)
La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors,
pour le prochain bloc ou groupe, si vous voulez, on reçoit deux groupes, la
Guilde canadienne des réalisateurs, Conseil du Québec, et l'Alliance québécoise
des techniciens et des techniciennes de l'image et du son, section locale
514 IATSE. Alors, nous commençons d'abord par Mme Barrette. Avant de
commencer votre exposé de cinq minutes, je vous inviterais à bien vous
présenter.
Conseil du Québec de la
Guilde canadienne des réalisateurs (CQGCR)
et Alliance québécoise des techniciens et techniciennes de
l'image et du son, section locale 514 IATSE (AQTIS)
Mme Barrette (Chantal) : Oui,
bonjour. Je me présente : Chantal Barrette, agente d'affaires pour le
Conseil du Québec. Je suis accompagnée de notre avocate, Me Lisane Bertrand.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Parfait.
Alors, vous pouvez commencer votre exposé.
• (16 h 30) •
Mme Barrette (Chantal) : Donc,
bonjour, Mme la ministre, Mme Roy, Mme la Présidente et membres de la
Commission de l'économie et du travail. Merci de nous recevoir aujourd'hui. La
Guilde est un syndicat pancanadien de 6 600 membres. Le Conseil du
Québec compte, quant à lui, plus de 800 membres oeuvrant au niveau créatif
et de production et logistique, tant en production cinéma, télévision et
nouveaux médias. Nous négocions des ententes collectives avec l'AQPM, avec
l'Association des producteurs publicitaires, et des ententes collectives
promulguées avec les producteurs américains.
Tout d'abord, parlons des éléments présentés
dans le projet de loi n° 35 pour lesquels nous avons des préoccupations.
Premièrement, l'article 24.2, sur le devoir de représentation. Nous sommes
tout à fait d'accord avec la proposition de
l'UDA, de ce matin, pour les raisons qu'ils ont invoquées. C'est pourquoi le
devoir de représentation devrait, selon nous, concerner les artistes qui
sont visés par une entente collective.
L'article suivant sur lequel nous désirons
attirer votre attention est l'article 68.6. Pour ce qui est de la Guilde,
notre réalité est un peu différente des autres associations qui couvrent des
secteurs autres que l'audiovisuel. C'est pourquoi nous ne croyons pas que nous
en ayons besoin, d'un tel article, mais nous comprenons que d'autres
associations pourraient en avoir besoin.
Toutefois, étant donné que cet article serait
dans la loi, la proposition, dans son état actuel, nous préoccupe, et nous croyons que celle-ci devrait prévoir des
éléments suivants : tout d'abord, que ce soit sur demande d'une
association d'artistes seulement, qu'il y
ait une procédure de grief intégrée, que le règlement ait une durée limitée
dans le temps, et notre recommandation est de deux ans, et que, pendant
l'application de la loi, les parties doivent... peuvent négocier une entente
collective et faire en sorte que le règlement cesse de s'appliquer si une
entente collective est conclue.
Maintenant, permettez-nous de vous parler de ce
qui n'est pas dans le projet de loi n° 35 et qui nous préoccupe. En 2009, afin de régler un conflit
syndical entre l'artiste et IATSE, le gouvernement a fait les deux
principales modifications suivantes : ils ont brillamment reconnu
150 fonctions de travail et ils ont mis en place, de façon artificielle,
cinq secteurs de production selon l'origine du producteur, les secteurs 1
à 4 et le secteur des annonces publicitaires. C'est pourquoi, en 2009, les
fonctions de travail suivantes ont été assimilées, à juste titre, à l'artiste :
on parle de chauffeur, cantinier, assistant à la réalisation, gréeur,
assistant-coiffeur, et j'en passe.
Toutefois, certaines personnes n'ont pas eu
cette chance. Certaines ont plutôt été nommément exclues de la loi, les privant
automatiquement du droit à la syndicalisation. On pense, entre autres, aux
comptable et assistant comptable de production. De plus, ces dernières années,
de nouvelles fonctions sont apparues ou apparaîtront au fil des transformations
technologiques, et, parce qu'elles n'existaient pas en 2009, les associations
d'artistes devront continuer à faire la preuve que ces fonctions sont
artistiques ou devraient être assimilées à l'artiste.
Vous comprendrez, mesdames et messieurs, qu'il
est très difficile de comprendre et encore plus d'expliquer à des membres
pourquoi un cantinier, à juste titre, a eu le droit et le privilège d'être
assimilé à un artiste, alors qu'une autre personne faisant partie de la même
équipe de production ne puisse avoir le même droit. Nous tenons à mentionner
que les producteurs américains qui viennent tourner sur notre territoire les
reconnaissent volontairement. Ils sont donc couverts par nos ententes
collectives avec les producteurs. Toutefois, ce n'est pas le cas avec les
producteurs québécois.
Afin de permettre la
reconnaissance et le droit à la syndicalisation de toutes les personnes
travaillant au sein d'une équipe de production, nous vous recommandons
d'amender l'article 1.2 de la loi afin d'y inclure tous les artistes, les
techniciens et les autres personnes dont les services sont retenus à la pige et
qui occupent des fonctions permettant à ce qu'une oeuvre audiovisuelle puisse
voir le jour.
Maintenant, parlons de l'impact de
l'implantation des cinq secteurs. Pour un technicien, cela signifiait que, s'il désirait travailler à la fois sur les
productions québécoises et sur les productions américaines, il devait être
membre de deux syndicats différents, même si le travail, les méthodes de
travail et les enjeux restaient les mêmes.
Or, en janvier 2021, les deux locaux IATSE ont
fusionné avec l'AQTIS, réglant une fois pour toutes leurs conflits syndicaux.
On les en félicite. Aujourd'hui, en 2022, tout semble réglé entre les syndicats
grâce à la fusion? Malheureusement, non, certains membres de la guilde continuent
d'être double allégeance, car leur fonction est scindée entre nous et l'AQTIS, selon les secteurs. Nous vous invitons,
d'ailleurs, à consulter le tableau de représentation actuel, figurant à
la page 9 dans notre mémoire.
Nos démarches légales effectuées en 2019 pour
les représenter afin qu'ils soient tous réunis sous la guilde se sont soldées
par un échec. Ils sont actuellement pris dans un cul-de-sac juridique, malgré
leur volonté clairement exprimée, comme en
témoignent les deux pétitions signées par 239 membres. Ces
239 membres doivent continuer à payer deux cotisations à deux
syndicats pour le même travail fait de la même façon, mais avec des employeurs
différents. Cette double allégeance comporte plusieurs désavantages, dont un
frein à leur carrière.
Pour toutes ces raisons, nous vous demandons
d'ajouter l'article 44.1 au projet de loi n° 35 afin d'établir que la
guilde représente pleinement ses membres dans tous les secteurs. Merci
beaucoup.
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Merci, Mme Barrette. Nous poursuivons
maintenant avec l'alliance québécoise des techniciennes et techniciens
de son et de l'image. Je vous invite à vous présenter avant de commencer votre
exposé de cinq minutes.
M. Lemay (Christian) : Merci, Mme la
Présidente. Mon nom est Christian Lemay. Je suis le président du syndicat récemment fusionné AQTIS 514 IATSE.
Je suis accompagné de Me Étienne Lafleur, qui est aussi le directeur des
relations de travail de notre syndicat.
Mme la ministre, Mmes et MM. les députés et membres
de la commission, l'Association québécoise des techniciens et techniciennes de l'image et du son, AQTIS 514 IATSE,
affiliée à la FTQ, tient à vous remercier de votre invitation. Nous
représentons 8 000 professionnels pigistes qui oeuvrent dans plus de
200 métiers liés à la production audiovisuelle, travaillant derrière la
caméra. Notre organisation propulse la passion et le talent de ses membres et
contribue ainsi au rayonnement de l'industrie ainsi qu'à la vitalité économique
de la province.
Nous sommes
devant vous aujourd'hui afin de vous présenter notre mémoire commentant le
projet de loi n° 35. D'emblée, reconnaissons tout de suite une
chose, l'exercice de révision de la LSA était plus que nécessaire, et nous
considérons que c'est un début, un début dans la mesure où ce projet de loi
n° 35 propose une avancée importante sur plusieurs aspects. Dorénavant,
tous les artistes de la province seront couverts par un seul et unique et plus
avantageux régime.
De plus, notre association est heureuse d'avoir
constaté que plusieurs de nos propositions de notre mémoire initial sont
retenues dans le projet de loi n° 35, telle que la reconnaissance générale
du Tribunal administratif du travail afin qu'il soit le seul tribunal compétent
afin d'entendre les litiges découlant de la LSA. Bien entendu, l'ajout d'une
protection législative contre le harcèlement psychologique et sexuel était plus
que nécessaire.
Nous aimerions profiter de notre présence afin
de vous indiquer certaines préoccupations, entre autres à l'égard de
l'article 22 du projet de loi et qui aura un impact important sur nos
membres et les artistes en général si l'article n'est pas modifié.
Il était grandement temps que les artistes et
artisans couverts par la LSA puissent bénéficier de la même protection que
leurs collègues salariés au sens du Code du travail. Toutefois, il est
important de vous indiquer, contrairement à l'article 59 du Code du
travail et à l'article 32b de la Loi sur le statut de l'artiste, fédérale,
que le gel des conditions de travail suggéré par le projet de loi est
incomplet. Incomplet, car l'article 22 du projet de loi, tel que rédigé,
ne contient aucune protection pour nos membres et les artistes en général
contre une possible modification unilatérale des conditions d'engagement par un
producteur, et ce, durant la période de grande vulnérabilité qu'est celle
suivant l'envoi d'un avis de négociation collective et avant qu'une entente
collective ne soit conclue. C'est à ce moment que les artistes ont besoin de la
protection plus étendue de la loi. Les artistes oeuvrent déjà dans un milieu à
grande précarité, alors pourquoi rajouter un souci de plus en permettant une
potentielle modification unilatérale de leurs conditions de travail?
Une autre préoccupation que nous tenons à vous
soumettre aujourd'hui et qui n'apparaît pas dans la mouture actuelle du projet
de loi est à l'égard de l'importance de rendre les sociétés liées solidairement
responsables les unes envers les autres pour les dettes et obligations
découlant d'une entente collective. Il s'agit d'un problème réel pour les
associations d'artistes. Trop souvent, nous sommes confrontés à des coquilles
vides qui ont tôt fait de disparaître après
les productions, rendant ainsi difficile, voire même impossible, en quelques
situations, l'exécution d'obligations qui peuvent notamment découler
d'un jugement ou d'une sentence arbitrale.
En guise de conclusion, nous voulons vous
indiquer... nous voulons indiquer, pardon, aux membres de la commission que, si
ce projet de loi n'est pas traité en profondeur par l'Assemblée nationale, il y
a lieu de croire que l'objectif d'améliorer les conditions socioéconomiques des
techniciennes et techniciens de l'audiovisuel du Québec ne soit pas atteint.
Convenons ensemble que le
dialogue doit continuer. Le moment est trop important afin de prendre cet
exercice à la légère, et c'est pour cette raison que nous voulons vous indiquer
que nous sommes solidaires des autres associations d'artistes, du principe
d'une révision de la loi sur le statut de l'artiste à chaque cinq ans, surtout
sachant que de nombreuses transformations technologiques sont à venir, dans les
prochaines années, qui auront un impact important
sur les conditions d'engagement des travailleuses et travailleurs de
l'audiovisuel. Merci, Mme la Présidente.
• (16 h 40) •
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Merci pour vos exposés. Nous allons donc
commencer immédiatement la période d'échange avec Mme la ministre. Vous
disposez de 10 min 30 s.
Mme Roy : Eh là là! Merci, tout le monde,
d'être là. Je suis contente de vous voir, M. Lemay, entre autres, maître,
maître, maître. On a fait des Teams, on a fait des Zoom, on s'est beaucoup
parlé. J'apprécie beaucoup votre mémoire. J'apprécie aussi le fait que vous
soulignez qu'on a retenu des demandes que vous nous aviez faites. Et je
souhaite vivement que ces modifications qui ouvrent davantage la porte à
l'utilisation du Tribunal administratif du travail pour régler vos différends,
parce qu'on parle vraiment ici à des syndicats qui sont des experts en la
matière, ça va vous aider. C'est le but. Et puis c'est quelque chose qui, je
pense... puis la professeure qui était juste avant vous parlait de moyens qui
peuvent aider toutes les parties en cause ici. Alors, je suis contente de voir
qu'à cet égard-là, vous le soulignez à juste titre, là, on vous a vraiment
entendus, on vous a écoutés. Et ne vous inquiétez pas, le travail ne sera pas
bâclé. Vous me connaissez un petit peu, on a travaillé fort ensemble et on va
continuer le dialogue.
D'ailleurs,
d'entrée de jeu, les deux groupes qui sont devant nous avaient les mêmes
réticences qu'on entend depuis ce
matin. Alors, comprenez que, quand on entend depuis ce matin : Il y a un
bobo à un endroit, on va tout faire pour voir dans quelle mesure on peut
améliorer la situation. C'est la raison pour laquelle on est ici, pour
travailler ensemble puis de façon absolument...
dans un seul but, aider les artistes. C'est la loi... c'est une fameuse loi sur
le statut des artistes professionnels.
Vous accrochez sur l'article 15, vous
n'êtes pas les seuls, tous les syndicats, ce matin, sont venus nous le dire, le fameux devoir de juste représentation.
Alors, je pense qu'à cet égard-là il y a des modifications qui
pourraient être apportées. J'aimerais que vous
élaboriez, dans quelle mesure, pour vous, il faut amener un amendement puis
qu'est-ce qui vous... qu'est-ce qui vous dérange, votre vision à cet
égard-là. Parce que je pense que vous faites pratiquement vôtres les
observations qui ont été faites, entre autres, par l'UDA et La Guilde à cet
égard-là. Mais j'aimerais vous entendre un petit peu parler du devoir de juste
représentation.
Mme Bertrand (Lisane) : C'est
bon, je vais y aller. Alors, oui, en fait, c'est qu'effectivement, comme l'UDA
l'a mentionné ce matin, c'est que, dans... pour plusieurs raisons, des fois
c'est parce qu'on n'arrive pas à négocier
une entente collective dans un secteur ou avec un producteur donné, mais ça
fait en sorte que, lorsqu'il n'y a pas d'entente
collective qui s'applique, évidemment, bien, les artistes sont un peu... sont
laissés à eux-mêmes pour négocier.
Si le devoir de représentation s'applique, et on
doit représenter aussi ces artistes-là, alors qu'il n'y a pas d'entente
collective, on vient en quelque sorte obliger les associations d'artistes à
représenter et à défendre les intérêts d'un artiste qui a négocié lui-même son
contrat avec un producteur alors qu'il n'y a pas d'entente collective, quelque
chose qui n'existe pas dans le monde du travail. En vertu du Code du travail,
là, il y a vraiment des ententes collectives, et on est liés par les ententes
collectives.
Donc, la proposition qui était faite par l'UDA,
ce matin, bien, nous apparaissait tout à fait pertinente, de dire : Bien, ça doit viser, ça doit être
ouvert, ce recours-là ou cette protection-là pour le devoir de juste
représentation, lorsqu'il y a une entente collective applicable aux artistes.
Je donne un exemple. Par exemple, le CQGCR — excusez,
je dis l'acronyme, là, ça va plus vite — le CQGCR n'a pas d'entente qui couvre l'animation. Et est-ce qu'il pourrait
y avoir quelqu'un, un réalisateur en animation qui viendrait dire...
déposer une plainte contre le CQGCR en disant : Bien, vous n'avez pas
négocié d'entente collective, donc vous
manquez à votre devoir de représentation, et on se retrouve devant le tribunal
administratif alors qu'il n'y a pas d'entente collective? Alors, ça
devient un problème. C'est très difficile à gérer lorsqu'il n'y a pas d'entente
collective, il y a une multitude de situations qui peuvent se poser.
C'est pour ça que c'est nécessaire que le devoir
de représentation soit lié à la présence d'une entente collective, sinon on se
retrouve à devoir défendre. Et je vous le dis par connaissance de cause, parce
que je suis impliquée dans un autre dossier qui est maintenant rendu en Cour
supérieure, mais où la partie adverse a, justement, plaidé que... Mais,
indépendamment qu'il y ait une entente collective ou pas, l'association
d'artistes doit représenter, c'est elle qui doit déposer des griefs. On n'a pas
d'entente collective, je ne sais pas comment on peut faire ça. Donc, c'est pour
ça qu'il doit y avoir... ça doit être lié à une entente collective.
Mme Roy : Alors, si je
comprends bien ce que vous dites, c'est que, dans le fond, le libellé, de la
façon qu'il est actuellement, cet article-là, l'article 15 vient vous
faire porter un fardeau trop lourd sur les épaules?
Mme Bertrand (Lisane) : Tout à
fait.
Mme Roy : C'est ça. O.K. Il
faut que vous sachiez, puis je l'ai dit à d'autres groupes ce matin, mais je
pense que c'est bon que je vous le dise pour vous rassurer, il avait été mis là
à la demande, entre autres, du ministère du Travail, parce que c'est pertinent.
Vous, vous l'avez vu, vous connaissez...
Une voix : ...
Mme Roy : Oui,
à la demande du Tribunal administratif du travail, qui, lui, relève du
ministère du Travail, parce que c'est un calque de l'article 47.2. Vous
l'avez vu. Mais vous avez aussi vu, puis c'est pour ça que... c'est à ça que ça
sert, les commissions, vous avez aussi vu que, oui, c'est un bon article, mais
il y a un aménagement qu'il faut faire, parce que le fardeau sera trop lourd
pour nous. Alors, nous l'avons entendu, les oppositions l'ont aussi entendu.
Alors, on va voir dans quelle mesure on peut travailler cet article-là pour
aider, pour nous assurer que le Tribunal administratif du travail y trouve son
compte.
Mais c'est pour ça que je vous dis :
C'est... ce n'est pas que de la transposition d'articles du Tribunal
administratif du travail ou de la Loi sur les normes que nous faisons, mais
nous faisons les adaptations au milieu artistique,
au milieu culturel, qui est très particulier aux artistes. Donc, merci de le
soulever, vous aussi. Alors, je pense qu'à force de l'entendre... On est
convaincus déjà, depuis ce matin, mais on va travailler à cet égard-là. Ça fait
que je voulais vous rassurer à cet égard-là.
Vous faites mention — là, je vais regarder
ça, ici — ...oui,
vous nous parlez, entre autres... vous parliez des fameuses coquilles puis de
nous assurer qu'on soit capable... vous émettez le souhait qu'on soit capable
de retracer les administrateurs des entreprises qui, je pense... Puis c'est
important de le souligner, là, la majorité du monde, c'est du bon monde, puis
ils respectent les ententes, puis ça travaille bien. Vous n'avez pas le choix,
vous êtes condamnés à travailler ensemble
parce que vous avez besoin l'un de l'autre. Mais, s'il arrive d'aventure où il
y a certaines personnes qui ne respectent pas les ententes, à cet égard-là,
ou qui créent des entreprises qui ne respectent pas les contrats signés et puis
qui disparaissent, la possibilité de se faire payer devient difficile. Alors, à
cet égard-là, qu'est-ce que vous nous demandez pour qu'on puisse les retracer?
Mme Barrette (Chantal) : En fait, je
vais juste... à cet égard-là, je vais juste, peut-être, vous relater... On a un
dossier... Ce matin, l'UDA vous a dit qu'ils ont une vingtaine de sentences non
exécutées. Malheureusement, à la guilde,
nous en avons eu une aussi, également, puis je dois vous dire qu'on a tout fait
en notre... On a déposé un grief, le producteur a essayé d'aller en Cour
d'appel, vraiment...
Une voix : ...
Mme Barrette (Chantal) : Pardon?
Une voix : ...
Mme Barrette (Chantal) : On a saisi les...
on est allés jusqu'à la limite, qui est de saisir les bobines. Alors, je vous
confirme que, durant huit ans de temps, nous avons dû payer ces bobines-là, qui
étaient, naturellement, en sauvegarde, pour tenter de récupérer le paiement dû
au réalisateur, qui était la sentence arbitrale. Et, après huit ans de temps,
vraiment, là, parce qu'on payait des frais à tous les mois, ça nous a coûté une
fortune, nous avons... j'ai contacté moi-même le producteur pour lui
dire : Viens reprendre tes bobines, je vais te les envoyer, parce que ça
me coûte plus cher de garder les bobines. Et notre réalisateur n'a jamais été
payé. Malheureusement, il est mort dans la... vraiment, dans la déchéance, et
c'est vraiment dommage, parce qu'on a une sentence arbitrale qui n'a servi
absolument à rien. Ce producteur-là, par la suite, a produit une autre
production, tu sais?
C'est sûr qu'on ne peut pas dire que les
producteurs sont tous comme ça, puis ce n'est pas vrai. Puis, tu sais, moi,
vraiment, généralement... il y a un respect qui se fait. Par contre,
malheureusement, on a la preuve que ça peut arriver. L'UDA en a la preuve
aussi, que ça peut arriver, également, qu'on ait des sentences arbitrales qu'on
n'est pas capables de faire exécuter. Ça fait que qu'est-ce qu'on fait une fois
qu'on a saisi les bobines? La compagnie est vidée, il n'y a pas d'actif, il n'y
a rien, que reste-t-il? Que pouvons-nous faire? Puis c'est pour ça que, dans
notre mémoire, ce qu'on avait demandé, c'est
vraiment les compagnies de... les productions qui bénéficient d'une
subvention gouvernementale doivent
s'assurer... doivent payer les artistes pour lesquels ils sont engagés, tu
sais? C'est incroyable.
Puis, je vous dirais aussi, là, il y a quelqu'un
qui a parlé aussi, là, de faire une reddition de comptes, moi, je vous
confirme, là, pour l'avoir fait dans notre cas, là, malheureusement, autant...
On a fait des demandes à Téléfilm, tout ça,
dans les comptes, ça ne paraissait pas que le réalisateur n'était pas payé,
tout simplement parce que le producteur s'était versé lui-même l'argent. Ça fait que, sérieusement, tu sais, il
y a du travail à faire, là, à ce niveau-là. Puis ce n'est pas... on en a
parlé dans notre chose. Puis je vais laisser notre avocate, peut-être, au
niveau légal... mais moi, je peux vous dire, réalistiquement, c'est ce qui est
arrivé à notre membre, malheureusement.
• (16 h 50) •
Mme Bertrand (Lisane) : C'est
certain que ce qui serait utile pour nous, c'est d'avoir un mécanisme, à tout
le moins, que, lorsqu'un producteur fasse une demande de financement aux
organismes qui financent les productions dans le milieu, bien, il y ait non
seulement... qu'ils doivent montrer patte blanche, mais peut-être une
vérification qui soit faite auprès des associations d'artistes.
Parce que le producteur peut bien dire, comme
dans le cas que Chantal vient de vous expliquer, que, bien, finalement, oui, oui, ça a été payé, puis ça
paraît bien, oui, on a fait le budget, voici, tout a été payé, mais, dans les
faits, il reste des sentences à exécuter. On
en a, il y en a, à la guilde, il y en a dans d'autres associations d'artistes.
Donc, soit un mécanisme où les producteurs... qu'ils puissent se
retourner et avoir du financement public, alors qu'il y a des dettes et qu'il
n'y a pas de vérification qui est faite auprès des associations d'artistes, ça,
ça devrait être une première étape.
La deuxième étape,
c'est aussi... En fait, l'AQTIS a parlé de productions liées, je pense, je
vais... des maisons de... des compagnies liées, je vais leur laisser la balle
au bond, parce que c'était leur proposition. Mais on serait d'accord avec ça, que la production qui s'ouvre...
je vais donner des... excusez, District 31 1, 2, 3, en fonction des
saisons, bien, qu'on les lie les unes entre les autres. Je vais laisser
l'AQTIS...
M. Lafleur (Étienne) : Tout est une question
d'aller rechercher la solidarisation des compagnies, des coquilles, avec
les maisons mères. Donc, manifestement, on peut comprendre que l'écosystème du
financement fonctionne de cette manière-là, mais, au final, il faut que la
compagnie mère, peu importe le nombre de coquilles ou le nombre de structures
corporatives qu'elle peut mettre en place pour obtenir le financement
nécessaire à créer les oeuvres, bien, soit ultimement responsable des
obligations qui en découlent pour toute et chacune, que ce soit en vertu d'une
sentence arbitrale, des obligations en vertu des contrats qui ont été négociés.
Donc, pour nous, ça,
c'est très important d'aller rechercher cette solidarisation-là... cette
solidarité-là entre les mères... entre les sociétés mères et les sociétés
filles. C'est un point qu'on a mis beaucoup d'emphase dans notre mémoire déposé en février 2021, qu'on n'a pas
nécessairement repris dans le cadre de... en réponse au projet de loi n° 35 parce qu'on voulait, disons, prioriser certains
points qui avaient été inclus dans le p.l. n° 35.
Mais, en prenant la balle au bond, je pense que ça serait quelque chose qu'il
serait très important de réfléchir à intégrer, d'aller pouvoir retenir la
solidarité entre les différentes coquilles pour le financement.
Mme Roy :
...personnelle des administrateurs. Ça, je pense qu'on l'a entendu aussi.
M. Lafleur
(Étienne) : Également, aussi, à l'instar des... je fais miens les
propos des autres associations qui ont été mentionnées aujourd'hui.
Mme Roy :
Selon vous, parce qu'on en a... une des choses que vous demandiez dans le
gros mémoire initial de février dernier, c'était d'ouvrir le Tribunal
administratif du travail davantage. Dans quelle mesure, de façon concrète, ça va avantager... dans quelle mesure
vos membres, lorsque viendra le temps, justement, de régler des litiges
ou... Je voulais avoir vraiment le pouls
de... s'il est adopté tel qu'il est là, dans quelle mesure ça va aider à
l'égard, par exemple, de tout ce qui touche le harcèlement. Parce qu'on
a mis des pans de la Loi sur les normes du travail touchant le harcèlement psychologique, le harcèlement sexuel,
on l'a adapté et fait transférer dans ce projet de loi, en ce qui a
trait à l'arbitrage de griefs, en ce qui a
trait aux pouvoirs du Tribunal administratif du travail d'y avoir recours. Dans
quelle mesure ça va vous simplifier la vie ou pas? On espère que ça vous
la simplifie. Avez-vous des exemples à me donner?
M. Lafleur
(Étienne) : Bien, ça va simplifier la vie des artistes. Nous, à
l'AQTIS, on a déjà intégré, avec la majorité
des associations patronales avec qui qu'on travaille, les dispositions
relatives au harcèlement psychologique. Donc, les membres qu'on représente bénéficiaient déjà d'un recours en
vertu des ententes collectives. Donc, ils pouvaient déposer ou exercer
leur droit de déposer un grief à l'égard des productions XYZ pour faire valoir
leurs droits.
Là où est-ce que ça
va changer, c'est que ça va nous permettre d'avoir un tribunal compétent et
unique qui va être à même d'entendre les litiges potentiels qui découlent de la
LSA, au-delà d'une simple petite proportion qui était prévue avant. Donc, je
pense que ça va aider la majorité des artistes qui ne pouvaient pas bénéficier
d'avoir inclu... ou notamment, même, de ne pas avoir... de bénéficier de
conventions collectives, de pouvoir aller s'adresser à ce tribunal-là, de déposer des plaintes. Donc, ça va
certainement leur faciliter la vie, pour ces personnes-là.
Malheureusement, nous, les membres qu'on représente bénéficiaient déjà de cette
protection-là.
Mme Roy :
Parfait.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Il vous reste trois minutes.
Mme Roy :
Il me reste trois minutes! Donc, moi, je tiens à vous dire que le dialogue
reste ouvert et que nous allons travailler pour voir dans quelle mesure on peut
bonifier ce projet de loi.
Je vais être très,
très transparente et directe avec vous. Je comprends que vous souhaitiez qu'on
ouvre davantage à davantage de professions la loi. Vous comprenez que je n'irai
pas jouer dans les amendements qui ont été faits en 2009 par ma collègue de
l'Acadie. Je n'ouvre pas ce pan de possibilités, je vais dire comme ça, parce
qu'on tentait de régler les problématiques, pallier aux brèches qui sont là,
qui sont les plus... qui étaient les plus grandes
et les plus... qui couvraient le plus grand nombre d'artistes, actuellement,
pour lesquels il y a des problématiques. Et, comprenez-moi bien, c'est à
l'égard du fait qu'il s'agit de la Loi sur le statut professionnel des artistes
et que, dans mon âme et conscience et dans notre coeur à tous, le comptable,
l'assistant comptable n'est pas un artiste, mais je... au même titre où je ne
le fais pas pour les journalistes indépendants. Un journaliste n'est pas un
artiste.
Mais je sais que vous
êtes déçus à cet égard-là, que vous vouliez ouvrir bien davantage. Nous n'irons
pas là, là, mais tout est possible dans le futur. Mais on veut vraiment
resserrer cette loi-ci en donnant plus de pouvoirs, actuellement, à vos
associations, aux syndicats, aux artistes, et pour pouvoir travailler d'une
façon plus efficace. Mais je suis très transparente et je ne vous fais pas de
cachotteries, mais je veux vraiment améliorer des points que vous avez
soulevés, qu'on pourrait améliorer aussi. Alors, voilà, je tente de trouver un
équilibre dans tout ça.
Mais je veux vous remercier
pour votre mémoire, et puis le dialogue reste ouvert, et on continue à
travailler ensemble. Merci infiniment.
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Merci, Mme la ministre. Nous poursuivons
l'échange avec la députée de l'Acadie.
Mme
St-Pierre : Merci. Merci, Mme la Présidente. Je pense qu'on est dans
un exercice qui est rare, c'est-à-dire celui d'une loi sur le statut d'artiste
qui a été adoptée dans les années 80, qui a été revue dans les années...
en 2009, puis là on est rendus en 2022. Alors, on ne fait pas ça tous les
jours.
Je pense que la
ministre doit comprendre qu'il faut aussi, peut-être, être ouverts à certains
aménagements qui sont réclamés. C'est sûr que, quand vous nous parlez des
exceptions comme les comptables et... si ma mémoire est bonne, à l'époque, ça
touchait les techniciens d'AQTIS et IATSE, et je pense que les comptables
n'étaient pas sous ces deux chapeaux-là, ces
deux syndicats là, alors c'était ça, l'idée. Moi, je serais ouverte à le faire,
parce qu'effectivement il peut y avoir une certaine iniquité pour des
gens qui travaillent sur les mêmes productions. Et, sur la question des
journalistes, on en parlera, mais je pense qu'il faut que la ministre soit un
peu plus ouverte à cette question-là, parce qu'on ne fait pas ça tous les
jours.
Je voudrais avoir...
je voudrais bien comprendre la question de l'article 22, qui a l'air à
être un sérieux problème, là. Expliquez-nous exactement qu'est-ce que vous
voyez là-dedans, pour qu'on le comprenne bien comme il faut, et quel serait
l'amendement qui devrait être apporté, là.
M. Lafleur
(Étienne) : Pour nous, c'est sûr et certain que, dès le moment du
dépôt de l'avis de négociation, les masques tombent. Donc, on voit qu'il y a
une intention réelle de vouloir négocier des conditions de travail.
Présentement... Et là c'est sûr qu'on salue l'intégration et l'arrivée d'un gel
partiel des conditions de travail au moment où est-ce que les obligations de la
convention collective échoient. Sauf que là, nous, ce qu'on dit, et ce qu'on
demande, et ce qu'on considère qui est nécessaire pour protéger les artistes,
c'est surtout au moment où est-ce qu'on dépose l'avis de négociation et
d'arrimer aussi l'idée derrière la loi avec le droit fédéral.
Le droit fédéral, il
prévoit déjà aussi... la Loi sur le statut de l'artiste, fédérale, prévoit déjà
que, dès le dépôt de l'avis de négociation, les conditions de travail sont
gelées et ne peuvent être modifiées de manière unilatérale par l'employeur.
Présentement, la mouture du projet de loi, à l'article 22, ne mentionne
pas ça, donc elle ne protège que les artistes a posteriori, et, nous, c'est le
ab initio qui nous importe, pour que la protection soit complète et pour qu'on
puisse favoriser également la liberté d'association, on se doit...
Parce que la Cour
suprême, elle l'a mentionné, Mme la députée, que le gel des conditions de
travail est... favorise aussi la négociation collective, favorise aussi le
maintien du rapport de force. Donc, pour nous, c'est capital d'apporter cet
amendement-là pour protéger les artistes au complet, dès le moment du... bien,
dans tout le processus de négociation collective, que ce soit avant, pendant ou
après. Donc, elle est là, c'est une courte modification qui, selon nous, ne
coûte pas grand-chose, et de juste... de prévoir dès le dépôt de l'avis de
négociation, après...
• (17 heures) •
Mme
St-Pierre : Je pense que les juristes vont peut-être entendre votre
message, ils vont peut-être se mettre sur la rédaction. Mais, si vous pouviez
nous aider, moi, je suis prête à déposer un amendement. Et si vous pouviez
m'aider dans la rédaction, parce que, vous voyez, on a de bien bonnes personnes
qui travaillent de notre côté, mais on n'a pas toute une armada d'avocats, ce
serait important de nous faire des suggestions d'amendement.
M. Lafleur
(Étienne) : Si vous me permettez, Mme la députée, je peux vous lire la
suggestion qu'on a d'incluse dans notre mémoire.
Mme
St-Pierre : O.K., allez-y.
M. Lafleur (Étienne) : Donc, on propose de
modifier 36.1, à l'article 22 du p.l. n° 35, de la manière
suivante : «À compter du dépôt, par une association d'artistes, d'une
demande de reconnaissance, et tant que le droit énoncé à l'article 34
n'est pas exercé ou qu'une décision arbitrale suivant l'article 33 n'est pas
intervenue, un producteur ne doit pas
modifier les conditions de travail des artistes dont il retient les services
sans le consentement écrit de l'association.» Alinéa
deux : «Il en est de même à compter de l'expiration de l'entente
collective et tant qu'une nouvelle entente collective n'a pas été conclue ou
qu'une décision arbitrale suivant l'article 33 n'est pas intervenue.»
Alors, voilà.
Mme
St-Pierre : Parfait, donc c'est bien noté. On va essayer de faire le
changement.
Sur la question des
coquilles, est-ce que c'est possible... par exemple, une maison de production
qui s'appellerait Les productions CSP
pourrait avoir une mégaproduction et contracter certains éléments de la
mégaproduction à d'autres petites maisons de production, mais qu'il n'y a pas
de lien... c'est-à-dire il n'y a pas de responsabilité de la grande maison de
production par rapport à ces petites maisons de production là, qui pourraient
se sauver une fois le produit fini, est-ce que c'est... une fois la production
faite, c'est-tu ça?
M. Lemay (Christian) : Je peux vous donner un peu
le sens de ce que vous décrivez. Ça existe déjà, malheureusement.
Mme
St-Pierre : Oui, bien, c'est parce que... C'est ce que j'avais
compris, là.
M. Lemay
(Christian) : Ça existe déjà surtout en postproduction. Il y a de
nombreuses entreprises qui font de la sous-traitance en postproduction. C'est
monnaie courante dans l'audiovisuel. On en a parlé dans notre mémoire initial
de février 2021.
Mme St-Pierre : O.K.
Alors, quel serait le remède, là, approprié dans la loi qu'on est en train
de... sur laquelle on est en train de travailler?
M. Lemay (Christian) : Une seule
suggestion, c'est d'abolir la sous-traitance. C'est aussi simple que ça.
Mme St-Pierre : Mais, sans abolir la
sous-traitance, on pourrait exiger une responsabilité, un lien, parce que ce
n'est pas possible, là, d'abolir la sous-traitance, là.
M. Lemay (Christian) : Effectivement.
Non, garder le lien de subordination du producteur employeur à l'égard de tous
les aspects de la production.
Mme St-Pierre : Mon autre question,
c'est la reddition de comptes. La question peut être à l'un ou l'une de vous. La reddition de comptes, on la comprend
quand on reçoit... si le producteur reçoit des subventions du gouvernement,
qu'il y a une reddition de comptes, mais il y a d'autres types de productions
qui ne reçoivent pas de subvention mais qui ont des crédits d'impôt. Est-ce
qu'on pourrait appliquer la reddition de comptes aux crédits d'impôt?
Mme Bertrand (Lisane) : En fait, ça
fonctionne... En tout cas, pour la guilde, là, je vais parler vraiment pour la
guilde, ça fonctionne un peu différemment avec les productions américaines,
généralement on demande le dépôt en garantie avec les employeurs américains.
Mme
St-Pierre : O.K.,
c'est là que je m'en allais.
Mme Bertrand (Lisane) : Donc, un
producteur américain qui viendrait à Montréal, automatiquement nous, on va
demander un dépôt en garantie ou, si jamais il fait partie d'un studio, une
lettre du studio confirmant qu'ils vont absorber... en cas de difficultés,
qu'ils vont payer les sommes dues. Donc, généralement, le problème n'est pas nécessairement là. C'est arrivé. Je ne dis pas que
ce n'est jamais arrivé, là, qu'un producteur américain indépendant, de bas
budget, qu'il vienne, puis qu'il parte, puis
qu'il ne paie pas, oui, mais c'est plus rare. En tout cas, pour la guilde,
c'est moins un problème récurrent. On le
voit plus avec les productions... les producteurs d'ici, où est-ce qu'ils ont
des petits budgets, ils n'ont pas beaucoup de moyens. Ils veulent
produire à tout prix, peu importe, je veux le faire pareil, alors, puis, bon, malheureusement, il arrive ce qu'il arrive, là, tu
sais. Mais, au niveau des productions américaines, ce n'est jamais un
enjeu.
Mme St-Pierre : Mais on ne pourrait
pas avoir de dépôt en... On ne pourrait pas exiger de dépôt en garantie ici
aussi? Parce que, si le producteur reçoit une subvention, il n'est pas dans un
état précaire, là.
Mme
Bertrand (Lisane) : Certaines dispositions des ententes collectives
qu'on a, à la guilde, prévoient qu'on peut, dans certaines circonstances, demander des dépôts en garantie,
généralement des permissionnaires, des producteurs qui ne produisent pas
souvent, oui, c'est possible de pouvoir le faire, tu sais. Bon, des fois, ça va
arriver qu'un producteur va nous dire... qui
est très inquiétant, là, à quelque part, qui va nous dire : Bien, désolé,
je n'ai pas d'argent pour te donner un dépôt de garantie, je n'ai pas
assez de liquidités. Déjà, moi, ça me... ça nous donne un drôle de signal
d'alarme.
Généralement, on informe nos membres dans des
cas comme ça, parce que, bon, que voulez-vous faire, là, on avertit les gens
qu'on ne peut pas avoir de dépôt de garantie, mais là les... que nos membres
décident de rester sur la production. On comprend que, s'il arrive un pépin, on
va pouvoir peut-être faire un grief, mais, tu sais, ça va être difficile de
récupérer cet argent-là, là. C'est toujours le problème de la production. Les
gens veulent collaborer. Les artistes
veulent travailler. Ils comprennent le projet, sont intéressés. Donc, c'est
difficile, des fois, d'arrêter la machine, de dire : Bien, O.K., on vous demande de vous retirer. Alors,
généralement, là, c'est difficile à faire auprès des membres, là.
Je ne sais pas si M. Lemay a quelque chose à
ajouter là-dessus?
M. Lemay (Christian) : Je voudrais
peut-être juste ajouter, pour vous donner un peu la mesure... Et je suis tout à
fait d'accord avec ma consoeur de la DGC, mais sachez que les dépôts en
garantie sur certaines productions, pour les membres qu'on représente, sont
très volumineux. Là, on parle de 250 000 $, 300 000 $.
Alors, pour certains producteurs québécois, ça pourrait... on peut envisager
que c'est plus difficile à faire ce genre de dépôt là. La première réflexion qui m'est venue lorsqu'on a
entendu... ou discuté avec la ministre à ce sujet-là dans une
consultation, c'est peut-être... Et vous
saurez mieux m'indiquer, en tant que parlementaires, si c'est une piste de
solution, mais la loi sur le financement public, il y a des règles qui
s'appliquent à ceux qui touchent du financement, là, que ça soit dans le milieu
de la construction, ou autres. Alors, il y aurait peut-être une mesure ou des
mesures qui pourraient inspirer un peu une pratique similaire dans... via le
financement de la SODEC, par exemple, mais je crois que la solution devrait
être équitable pour tous et toutes les producteurs, productrices et non pas de
trouver des solutions mitoyennes. Je crois qu'on est rendus à ce stade-ci dans
des mesures qui doivent être vraiment très sérieuses.
M. Lafleur (Étienne) : Si je puis me
permettre, Mme la députée, juste de compléter la réponse de mon collègue
Christian par rapport à la question de la sous-traitance, bien, c'est sûr
qu'une solution serait de rendre solidaires le producteur et le sous-traitant
des obligations. Donc, ça, pour moi, c'est manifeste, ça s'inscrit dans la même
logique de la solidarisation entre les compagnies mères et les compagnies
coquilles ou les compagnies filles. Donc, pour nous, c'est un petit peu la même
mécanique qui existe encore.
On
s'est grandement inspirés, là, vous avez pu entendre, là, aujourd'hui, de
l'industrie de la construction et de la réalité des sous-traitants, et, sans
vouloir simplement importer, mais plutôt, peut-être, avec les adaptations qui s'imposent, on considère que de solidariser les
obligations serait très important, entre le producteur et les sous-traitants,
notamment pour ce qui est des salaires qui sont dus aux artistes qui
travaillent.
Mme
St-Pierre : Donc, ce serait possible de le faire dans... d'avoir un
amendement dans cette loi... dans cette loi-ci pour les rendre responsables,
là, imputables. C'est faisable.
M. Lemay (Christian) : Je le considère, je le
considère. Là, je n'en ai pas à vous suggérer, là, à brûle-pourpoint
comme ça, mais...
Mme
St-Pierre : O.K. Bien, on va vous demander votre aide. On va
travailler fort, vous allez voir. Sur la question...
Rafraîchissez-moi la mémoire, sur la question des avantages sociaux, là, qui
avaient été fusionnés, comment... c'était quoi, le mécanisme, là, parce
que l'intervenante auparavant avait soulevé ça dans son mémoire.
M. Lemay
(Christian) : On en a discuté quand on vous a entendue. Je vais
laisser Chantal, qui a la mémoire plus alerte que moi...
Mme
St-Pierre : Oui, meilleure que la mienne? Oui.
Mme Barrette
(Chantal) : En fait, j'étais auparavant...
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Un instant, là, je vais vous inviter à conclure parce
qu'on est déjà dans le rouge, comme je dirais, là. Allez-y rapidement.
Mme Barrette
(Chantal) : Parfait. Oui, très brièvement, j'ai déjà... Avant, j'ai...
J'ai auparavant travaillé à IATSE 514. Donc, j'étais personnellement
impliquée au niveau du plan du régime d'assurance. Effectivement, il y avait
une entente qui avait été signée que les parties tenteraient...
l'AQTIS IATSE 514, IATSE 667 tenteraient de faire un seul et
unique plan d'assurance. Malheureusement, ça n'a pas fonctionné. Toutefois, on
a trouvé une autre solution. On a été créatifs. On a des ententes de
réciprocité entre les syndicats. Donc, entre nous, la guilde et l'AQTIS lATSE,
il y a des ententes de réciprocité. Ça fait que, donc, un membre travaille sous
l'une ou l'autre des juridictions. Il peut choisir.
Mme
St-Pierre :
Il peut choisir.
Mme Barrette
(Chantal) : Il peut choisir d'envoyer les contributions à l'un endroit
ou l'autre, ce qui fait que, donc, nos plans
d'assurance... Et il y a des plans d'assurance. Tantôt, il y a quelqu'un qui
parlait, là... Mme D'Amours, je crois, qui parlait au niveau... si
quelqu'un est malade. Bien, je vous rassure, en milieu audiovisuel, en tout
cas, pour la guilde, on a des couvertures d'assurance qui existent pour les
membres dans certaines circonstances.
• (17 h 10) •
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Parfait, merci. Merci. Alors, nous poursuivons. Nous
poursuivons avec la députée de Taschereau.
Mme Dorion : Oui, bien, c'est très intéressant et très
éclairant. Merci pour vos mémoires, pour vos présentations. Moi,
j'aimerais ça juste avoir des exemples qui vont marquer l'imaginaire, de
qu'est-ce qui est possible en ce moment, pour les travailleurs que vous
représentez, qui n'a pas d'allure puis qui va pouvoir être réglé grâce à cette loi-là si vos deux principales revendications, là,
sont incluses aussi? C'est quoi, les situations que vous voyez arriver,
que vos membres vous rapportent, que vous
faites, comme, mon Dieu! ça, ça arrive tout le temps puis ça n'a pas de bon
sens?
M. Lemay
(Christian) : Ce n'est pas une question facile à répondre parce qu'on
voit souvent le négatif, hein, dans ces choses-là. Je crois que ce qui fait le
plus mal à l'heure actuelle, et on attend avec impatience la possibilité d'un
amendement à cette loi-là, c'est la question de la sous-traitance. Il y a des
travailleurs pigistes, concentrés, je dirais, en grande partie en
postproduction, mais aussi des photographes de plateau, dont les diffuseurs
oublient totalement que c'est des postes qu'on représente, sur des plateaux de
tournage, et ces gens-là sont engagés par un
diffuseur et/ou un producteur qui fait de la sous-traitance en postproduction
où le pigiste monteur, par exemple, sonore ou image, est engagé par une
maison de postproduction en sous-traitance pour un projet qui a été financé par
la SODEC. Alors, c'est... Si cet amendement-là est honoré, c'est sûr que ça
sera un gain en capital pour nous, mais, à l'heure actuelle, je pense que
l'élargissement du Tribunal administratif du travail, c'est un excellent ajout.
Ça va nous permettre que les... Puis je crois que l'expertise, d'ailleurs, au
tribunal est de plus en plus forte et l'exercice du droit au tribunal aussi se
fait de plus en plus rapidement. Alors, ça, c'est des gains importants.
Je pense que vous
avez parlé aussi de programmes, hein? Ça prendrait des programmes. Bien, je
crois que ça, c'est une lancée, que le tribunal soit appuyé pour écouter les
causes qui découlent de la LSA. C'est certain que ça va aider toute la
communauté.
Mme
Dorion : Par exemple, en sous-traitance, ce qui arrive,
c'est que... ou quand c'est des filiales puis qu'ils contournent un peu
les ententes, ce qui arrive, c'est qu'il n'y a juste pas de condition minimale,
c'est comme... si ce n'est pas toi, ça va être un autre, ça fait que prend le
chèque, puis c'est tout.
M. Lemay (Christian) : Je dirais en
réponse à ça que le plus dramatique, c'est la perte des avantages sociaux. Ces
gens-là ont un demi-filet social, et là il y en... plus ça va, moins ils en
ont. Alors, sachez que les organisations syndicales, pour la grande majorité,
dans l'industrie font la gestion des régimes d'assurance collective et de REER.
Et je dirais qu'à la lueur de ce que la députée St-Pierre posait comme
question, avec la fusion d'AQTIS-IATSE, on est en train de faire une réforme de
tous les régimes d'assurance collective et de REER. Alors, on a trouvé des
solutions malgré la rivalité et la nouvelle fusion suite à 2009.
La Présidente (Mme IsaBelle) : C'est
tout?
Mme Dorion : Oui.
La
Présidente (Mme IsaBelle) : C'est bien. Alors, merci, Mme Barrette, Mme Bertrand,
M. Lafleur, M. Lemay. Merci pour votre contribution aux travaux de
la commission.
Nous allons suspendre quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 14)
(Reprise à 17 h 20)
La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors,
bonjour. Pour le prochain bloc, nous allons entendre la Société des auteurs de radio, télévision et cinéma et
L'Association des réalisateurs et des réalisatrices du Québec. Nous
commençons d'abord par la Société des auteurs, avec Mme Cadieux. Je vous
invite, avant de commencer votre exposé, à bien vous présenter, les deux
personnes de la société.
L'Association des
réalisateurs et réalisatrices du Québec (ARRQ)
et Société des auteurs de radio, télévision et cinéma (SARTEC)
Mme Cadieux (Chantal) : Merci.
Alors, bonjour. Je suis Chantal Cadieux, présidente de la SARTEC. Au cours de
ma carrière, j'ai écrit des romans jeunesse ainsi que des oeuvres pour le
théâtre, la télévision et le cinéma. Je suis accompagnée de notre directrice
générale, Me Stéphanie Hénault.
La SARTEC regroupe les auteurs et recherchistes
francophones de la radio, de la télévision, du cinéma et du doublage. En
général, la loi sur le statut professionnel et les conditions d'engagement des
artistes de la scène, du disque et du cinéma
a produit des résultats très positifs en audiovisuel, permettant aux auteurs de
négocier des ententes collectives couvrant la recherche, l'écriture et
l'adaptation, que ce soit en fiction, en documentaire ou en variétés. Si ces
négociations ont parfois été laborieuses, les mécanismes de la loi se sont
révélés fort utiles, mais ils sont insuffisants pour en atteindre pleinement
les objectifs, ce que veut corriger le projet de loi n° 35 déposé par la
ministre de la Culture et des Communications, Mme Nathalie Roy.
Le projet de loi n° 35 considère enfin tous
les auteurs de la littérature comme des artistes à part entière, bénéficiant du droit fondamental à la négociation
collective. Comme lorsqu'ils écrivent pour le cinéma ou la télévision,
ils auront enfin droit à des conditions minimales d'exercice de leur métier,
une nécessité pour assurer leur protection. La
SARTEC applaudit donc cette avancée et se réjouit également que le projet de
loi n° 35 introduise des dispositions pour contrer le harcèlement psychologique et sexuel et confère des pouvoirs
plus importants au Tribunal administratif du travail. Au nom de la SARTEC, nous demandons aux
parlementaires d'adopter le projet de loi n° 35,
en y apportant toutefois huit points
d'amélioration, et ce, dans l'intérêt des artistes, des gens oeuvrant dans le
milieu culturel et du public québécois.
Premier point, investir plus judicieusement
l'argent public en culture. Comme indiqué dans notre mémoire déposé le 1er février 2021, disponible en ligne,
les programmes de la Société de développement des entreprises
culturelles, SODEC, échouent parfois encore à soutenir nos auteurs malgré
l'aide publique leur étant destinée via des entreprises de productions non
engagées envers la SARTEC ou irrespectueuses de leur engagement envers la SARTEC.
La seule façon de nous assurer que l'argent
public investi le soit de façon régulière et responsable envers les auteurs en audiovisuel est d'engager le producteur
à respecter les normes minimales, dont la SARTEC est la gardienne, en
développement comme en production d'une oeuvre. Il conviendrait donc d'apporter
cette précision dans la loi comme suit : «Les organismes publics
subventionnaires du milieu culturel doivent exiger des producteurs, avant de
leur octroyer du financement, qu'ils respectent des conditions contractuelles
minimales avec l'association d'artistes reconnue ainsi que des conditions
négociées par l'artiste.»
Notre deuxième point, encadrer la responsabilité
des administrateurs d'une entreprise de production. Même lorsqu'un producteur est lié par une entente
collective, il arrive que la SARTEC ne parvienne pas à obtenir
l'exécution de ses obligations en raison du
paravent de sa personne morale. Des administrateurs mettent leur compagnie en
faillite ou constituent d'autres compagnies en dépouillant leur
compagnie débitrice de ses biens pour ne pas payer les auteurs, sans toutefois
être tenus responsables des cachets impayés.
Il
y a donc lieu d'introduire dans la loi des dispositions afin de solliciter la
responsabilité personnelle des administrateurs lorsque des sommes dues aux
auteurs demeurent impayées. Nous suggérons donc l'introduction d'un nouvel
article dans la loi, qui irait comme suit : «Les sociétés liées sont
solidairement responsables les unes envers les autres des dettes dues par l'une
d'elles découlant d'une entente collective ou d'un contrat d'artiste. De plus,
ses administrateurs sont solidairement responsables avec leur société de ces
dettes.»
Troisième point,
améliorer les pouvoirs du Tribunal administratif du travail en ajoutant, au
troisième paragraphe de l'article 56 de la loi, l'article 7
concernant la liberté d'association des artistes.
Quatrième point,
adapter au milieu culturel le juste devoir de représentation de
l'article 24.2 en précisant qu'il vise les artistes assujettis à une
entente collective.
Cinquième point,
préciser le pouvoir réglementaire de l'article 68.6 en ajoutant qu'il
devrait découler d'une demande d'une association reconnue d'artistes. Il
faudrait aussi préciser que le règlement adopté en vertu du présent article
tient lieu d'entente collective et lie les producteurs du secteur en cause et
les artistes qu'ils engagent.
Sixième point,
ajuster le libellé de la définition d'artiste... de l'artiste, 1.1, afin de le
simplifier, en omettant la répétition des termes «professionnel» et
«professionnellement».
Point 7, ajuster
l'article 8 sur le droit à la négociation individuelle en enlevant les
termes «sous réserve des dispositions de la présente loi».
Et, le huitième
point, uniformiser la terminologie de «contrat d'engagement» par «conditions
contractuelles».
En conclusion, la
SARTEC vous demande respectueusement d'adopter le projet de loi n° 35
en y apportant ces quelques améliorations. Nous vous remercions de nous avoir
entendus, et il nous fera plaisir, à Me Hénault et moi, de répondre à vos
questions.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Merci, Mme Cadieux. Nous poursuivons avec
le deuxième groupe, de L'Association des réalisateurs et des réalisatrices du
Québec. M. Pelletier, à vous la parole, et bien vous présenter avant de
commencer votre exposé.
M. Pelletier
(Gabriel) : Merci. Bien, tout d'abord, permettez-moi de vous
remercier, Mme la ministre, et Mme la
Présidente, ainsi que les membres de la Commission de l'économie et du travail,
de nous donner l'opportunité de nous exprimer devant vous aujourd'hui.
Mon nom est Gabriel Pelletier. Je suis président de L'Association des
réalisateurs et réalisatrices du Québec. Ainsi, je suis aussi réalisateur.
L'ARRQ est une
association d'artistes et un syndicat professionnel qui a légalement été
accrédité et reconnu en vertu de la loi sur le statut des artistes, S-32.1,
pour représenter et défendre les intérêts de tous les réalisateurs et
réalisatrices qui oeuvrent au Québec en français ou en toute autre langue que
l'anglais dans les domaines du cinéma, de la télévision, du Web et de
l'animation. Notre association compte plus de 850 membres.
L'ARRQ attend depuis
plusieurs années des modifications à cette loi puisque, dans son état actuel,
elle a atteint ses limites. Il est essentiel
d'adopter avant la fin de la session parlementaire ce projet de loi avec les
modifications proposées afin qu'elle atteigne son but premier, soit d'améliorer
les conditions d'engagement des artistes.
Je vais maintenant
céder la parole à Mme Mylène Cyr, directrice générale de l'association,
qui vous fera état des dispositions qui, selon nous, méritent quelques
modifications et celles que nous aimerions également inclure.
Mme Cyr (Mylène) : Merci.
Alors, je confirme, mon nom est Mylène Cyr et je suis la directrice générale de
l'ARRQ.
Alors, Mme la
Présidente, Mme la ministre, MM. et Mmes les députés et membres de la
commission, je vous remercie de nous recevoir aujourd'hui. C'est un moment que
l'on attendait avec beaucoup d'anxiété et de joie, et ça nous fait extrêmement
plaisir d'être là aujourd'hui.
Alors, il est
essentiel pour nous de bonifier les droits des artistes et de rétablir une
équité entre les fardeaux de la loi imposés aux associations d'artistes en
comparaison à ceux des associations de producteurs. Nous saluons ainsi les avancées du projet de loi quant aux
dispositions visant le harcèlement, l'élargissement des pouvoirs du
Tribunal administratif du travail ainsi que ceux de l'arbitre. Cependant,
certaines dispositions du projet de loi méritent, selon nous, des modifications
afin de leur donner plein effet.
Le pouvoir
réglementaire de l'article 68.6. La première négociation de l'entente
collective avec l'APFTQ, pour la télévision, a duré 15 ans. Sur près de
30 ans, l'ARRQ n'a eu que deux ententes collectives. Deux nouvelles
ententes se sont ajoutées dernièrement, dont une qui a nécessité près de cinq
ans de négociation. Face à la difficulté de négocier de façon globale pour un
secteur, l'ARRQ proposait notamment de rendre obligatoire la reconnaissance des associations de producteurs. Le gouvernement a
plutôt prévu à l'article 68.6 de se doter d'un pouvoir
réglementaire lui permettant de fixer les
conditions minimales dans les secteurs où il n'y a pas d'entente collective.
Nous saluons toutefois cette
initiative qui semble répondre en partie aux préoccupations soulevées et
espérons qu'elle saura faire une différence quant à cette partie de
l'industrie culturelle qui n'est toujours pas sous entente collective.
L'ARRQ suggère donc
d'apporter certaines précisions à l'article 68.6 afin que celui-ci
atteigne les objectifs souhaités. Au premier
alinéa de l'article 68.6, il nous apparaît important de faire en sorte que
cette demande soit limitée aux associations d'artistes reconnues. Le
libellé actuel de l'article 68.6 ne donne pas de précision sur la façon
d'assurer le respect des conditions
édictées. Nous croyons donc essentiel de prévoir qu'une procédure d'arbitrage
devra obligatoirement faire partie intégrante du règlement. De plus,
malgré l'application du règlement, nous sommes d'avis que les parties devraient
toujours être en mesure de convenir d'une entente collective entre elles.
• (17 h 30) •
Le devoir de juste représentation. La rédaction
actuelle de l'article 24.2 ne tient pas compte des spécificités des
relations de travail dans le domaine culturel et ne fait qu'alourdir le fardeau
des associations d'artistes. Le devoir de représentation
est le corollaire du monopole de représentation qu'ont les syndicats envers les
salariés qu'ils représentent. Or, la loi ne
confère pas aux associations d'artistes le même monopole. Contrairement à ce
qui est applicable en droit du
travail selon la formule Rand, des cotisations syndicales ne sont pas retenues
sur l'ensemble des rémunérations reçues
par les artistes, mais seulement lorsqu'une entente collective couvre leur
prestation de service. L'ARRQ reconnaît le bien-fondé du devoir de juste
représentation mais suggère de limiter la portée seulement lorsqu'il y a une
entente collective qui s'applique.
Le financement conditionnel et la reddition de
comptes. Les conditions socioéconomiques précaires des artistes, depuis
toujours préoccupantes, ont été exacerbées par la pandémie. Des données
recueillies en 2013 par les associations d'artistes
démontraient que près de 50 % des productions subventionnées par les
institutions gouvernementales n'avaient pas déposé de contrat auprès des
associations d'artistes. Rien ne nous laisse croire aujourd'hui que cette situation est différente. Cela crée des injustices
flagrantes tant chez les artistes que chez les producteurs. Nous
proposons que l'aide gouvernementale soit
conditionnelle à l'obligation d'appliquer des conditions de travail minimales
découlant d'ententes collectives et
également une reddition de comptes. L'application de cette solution ne
nécessite aucun coût et pourrait
faire une énorme différence pour assurer des conditions décentes et un filet
social à la presque majorité des artistes.
Certaines dispositions applicables en matière de
santé et sécurité au travail. Afin que les artistes bénéficient des mêmes
protections que les salariés au Québec, l'ARRQ estime que les dispositions
encadrant le droit de refus de travailler
lorsqu'il y a danger ou encore le retrait préventif de la femme enceinte
devraient être incorporées au projet de loi.
Nous vous remercions de votre intérêt et nous
sommes disposés à répondre à vos questions. Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, merci pour vos exposés. Nous allons commencer la période
d'échange avec Mme la ministre.
Mme Roy : Merci. Merci à vous,
à distance, merci à vous tous d'être ici. Merci pour vos deux mémoires. Je suis
très contente de vous voir en personne, ça fait du bien. Vous avez travaillé
fort, et là on peut... on recueille les fruits de votre réflexion sur ce projet
de loi pour lequel... De notre côté, on a tenté de colmater le plus de brèches
qui sont apparues au fil des années et puis
de donner à vos associations, aux syndicats le plus d'outils possible, et
également aux parties patronales, pour régler des différends, pour avancer dans
leurs négociations puis pour permettre de la négociation pour ouvrir davantage.
Vous saluiez le fait, tout à l'heure, Mme
Cadieux, que nos artistes de la deuxième loi entrent maintenant dans la
première, alors on parle ici de nos artistes en littérature, et ça me fait
chaud au coeur que vous le souligniez, parce que je pense que c'est important
qu'il n'y ait plus deux catégories d'artistes, mais bien une seule, au Québec,
je crois qu'on est rendus là.
Vous disiez quelque chose, puis là je vais juste
me permettre une petite précision, une petite information, vous parliez de
l'argent, j'ai trouvé ça intéressant : «Investir plus judicieusement
l'argent public en culture», ce que vous avez mentionné à votre point n° 1 dans le mémoire de la SARTEC. Je voulais juste vous
mettre au courant qu'à cet égard-là — parce
que, là, on parle pour les auteurs, là, naturellement, là — j'ai commandé à la
SODEC, qui est une de ces sociétés d'État sous ma responsabilité, de
créer un programme pour nous assurer que les oeuvres audiovisuelles issues de
la littérature québécoise, bien, soient soutenues, et j'ai vraiment spécifié
ici «la littérature québécoise», ce qui fait qu'on aura plus de productions
audiovisuelles qui parlent de nos romans, de nos histoires. Alors, je veux
juste souligner qu'un des privilèges d'être ministre de la Culture, c'est aussi
de demander des programmes spécifiques pour voir dans quelle mesure on peut
soutenir davantage notre milieu et nous assurer que les oeuvres québécoises
brillent. Alors, je voulais... C'est juste une petite parenthèse, là, mais je
comprends ce que vous disiez, ce que vous disiez va plus loin que ça.
Et puis on y travaille, je tiens à tous vous le
dire, là, on y travaille. Puis on l'a vu, puis quelqu'un l'a mentionné ce
matin, dans les audiences... oui, ce matin, à l'égard de l'argent qui doit
ruisseler, puis nous assurer que le donneur d'ouvrage paie ses artistes. Ça,
c'est une... À la suite d'une discussion que j'ai eue, durant la pandémie,
entre autres, avec Mme Prégent, de l'UDA, qui nous disait qu'il faut que
l'argent ruisselle. Au CALQ, on l'a mis dans
les programmes pour nous assurer que... la mesure à la billetterie, par
exemple, bien, nous assurer qu'avant que le producteur ait tout l'argent
qu'il réclame, en fonction du programme auquel il a droit à des subventions...
de faire la démonstration que les artistes, les artisans sont payés. Alors, je
pense qu'on s'en va vers cette façon d'agir, vers cette réflexion dans nos programmes. Alors, ce n'est pas parce que ce n'est
pas nécessairement dans le projet de loi là qu'on n'agit pas. Et il y a... et, je le disais à tous
les groupes auxquels j'ai parlé durant l'hiver, c'est qu'on a des solutions
qui ne seront pas nécessairement dans la loi mais qui vont nous permettre
d'avancer puis d'atteindre le même objectif.
Maintenant,
pour ce qui est des demandes spécifiques que vous nous faites, là, je... il y
en a qui sont intéressantes. Vous soulevez ici des petites coquilles
aussi de rédaction. On n'en a pas parlé, mais le fait qu'on parle d'artiste ou
artiste professionnel, des fois professionnel, des fois pas professionnel, ça,
je pense qu'on va corriger ça, là, pour avoir la même terminologie d'un bout à
l'autre du projet de loi. Je pense que ce n'est pas une problématique, là,
c'est plutôt une coquille de notre part.
Vous, cependant, avez des... à peu près, et
c'est ça qui est fascinant, les mêmes demandes ou modifications que les autres
groupes, entre autres que l'UDA, à l'égard, entre autres, du devoir de juste
représentation. Puis on se l'est fait expliquer aussi. J'ai posé la question
aux groupes, précédemment, entre autres la Guilde canadienne des réalisateurs puis l'Alliance québécoise des
techniciennes, des techniciens... bien, on va le dire, là, l'AQTIS, ça va
plus vite, et j'ai posé la question à l'égard de cet... ce devoir de juste
représentation. Vous nous dites, dans le mémoire... C'est l'article 15 du projet de loi, mais qui porte
le numéro 24.2, en tout cas, il y a bien des numéros, là, mais on parle du
15 du projet de loi ici. Et ils nous ont dit, les groupes
précédents, qu'en quelque part, de la façon dont c'est libellé, ça ne faisait
qu'alourdir le fardeau des associations, et c'est à ça que ça sert, les
audiences, puis j'aimerais vous entendre parler
de cet... de ce devoir de juste représentation, parce que vous nous
dites : Oui, c'est un article qui est important. Puis vous avez
compris que c'était un calque de ce qui existe déjà dans la Loi sur les normes.
Alors, on est là pour ajuster. Donc, dans quelle mesure il faudrait l'ajuster,
pour vous, puis pourquoi c'est important de l'ajuster?
Mme Cyr (Mylène) : Oui, bien, je peux
y aller. Oui, alors, juste représentation, effectivement, et d'emblée je vous
ai dit qu'une préoccupation majeure pour nous, c'était, en fait, justement le
fardeau qui n'était pas équitable au niveau des associations d'artistes versus
les associations de producteurs. Je vous ai aussi dit la peine qu'on a eue à
avoir des ententes collectives dans notre secteur. Donc, il y a beaucoup de
secteurs qui ne sont pas couverts par des ententes
collectives. Et je vous ai aussi parlé des durées de négociation, dont une qui
a duré 15 ans, cinq ans, etc. Donc, vous avez compris qu'on n'a pas les ressources nécessaires pour arriver à
couvrir tous ces gens avec des ententes collectives.
Donc, c'est
sûr que, pour nous, tel que libellé, ça fait en sorte que l'association
d'artistes a le devoir de défendre un artiste qui négocierait un contrat
avec un producteur qui n'est pas sous entente collective, alors... Et là je
pense que, d'ailleurs, la DGC vous en a donné un exemple concret, où elle a
dit : Bien, on nous demande de faire un grief, mais il n'y a pas de grief applicable parce qu'il n'y a
pas d'entente collective. Donc, on est soumis à aller devant les
tribunaux de juridiction commune.
Donc, dans ce sens-là, je pense que vous l'avez
souligné... En fait, vous avez entendu nos collègues, ce matin, cet après-midi,
vous dire qu'il faudrait, en fait... Oui, on a aussi souligné que c'était un
calque qui venait du Code du travail et qu'il faut donc l'adapter à notre
réalité, et notre réalité, c'est qu'on travaille avec... on est capables de
faire cette juste représentation lorsque les artistes sont sous entente
collective. Et donc, oui... et d'ailleurs on est tout à fait pour la juste
représentation. Bien sûr, ça fait partie des devoirs des syndicats, mais je
pense que... si on faisait cet amendement à
l'article 24.2 de façon à ce que ce soit seulement dans les cas où il y a
des ententes collectives applicables, je pense que ça répondrait tout à
fait à l'objectif.
Mme Roy : Parfait. Si on y va très
concrètement, l'adoption du projet de loi n° 35 changerait concrètement
quoi dans la vie de vos membres?
• (17 h 40) •
Mme Cyr (Mylène) : Bien, veux-tu y
aller ou j'y vais? Alors, écoutez, je pense que, de façon générale, vous avez
compris qu'on accueille favorablement le projet de loi, parce qu'il y a des
avancées importantes là-dedans. Alors, je vous dirais que c'est à deux niveaux,
donc, qu'est-ce que ça changerait pour nos artistes et pour nous, les
associations. Donc, pour les artistes, donc, vous avez intégré les dispositions
sur le harcèlement, et ça, on s'entend que,
dorénavant, donc, un artiste qui n'est pas sous entente collective est
maintenant couvert par ces dispositions. Alors, ça, ça fait une énorme
différence.
Par rapport aux associations d'artistes, bien
que, dans certaines ententes collectives, on avait déjà adopté des dispositions
par rapport au harcèlement, une politique contre le harcèlement, bien sûr,
chaque fois que nous devons négocier une nouvelle entente, on doit renégocier
cette partie-là. Donc, c'est sûr que, pour nous, chaque fois que des
dispositions s'appliquent d'emblée, ça allège notre fardeau, et on a moins de
temps à passer en négociation, et on peut arriver à une entente plus vite.
Donc, c'est
sûr, la même chose au niveau... donc, au pouvoir... tribunal du travail, c'est
la même chose. Donc, on va être devant un tribunal, donc, au niveau des
associations d'artistes, un tribunal spécialisé qui pourra entendre, en fait,
toutes les causes qui découlent des obligations de la loi, plutôt que de se
retrouver, sur certaines parties, devant le TAT, et d'autres devant les
tribunaux de droit commun. Alors, je pense que c'est... dans ce sens-là, c'est
une grande avancée qui va faciliter la vie des associations et, par ricochet,
la vie de nos artistes, puisqu'ils auront des ententes collectives plus
rapidement.
M.
Pelletier (Gabriel) : Si je peux ajouter, on fonde beaucoup d'espoir
dans le 68.6, c'est-à-dire qu'on aurait aimé une reconnaissance des
associations de producteurs, mais, pour nous, on l'a mentionné, on est une
relativement petite association dans le domaine de l'audiovisuel, le fait qu'on
puisse représenter des membres, actuellement, qui ne sont pas... qui ne sont
pas sous entente collective, c'est une énorme avancée. On a des membres qui
peuvent travailler, par exemple, en télévision et qui sont donc couverts par
une entente collective, avec les protections que ça amène, mais, quand ils
travaillent... quand ils travaillent sur le Web, par exemple, jusqu'à
dernièrement, il n'y avait pas d'entente
collective. Et, à ce moment-là, le temps qu'ils consacraient là, et les
efforts, ils n'avaient pas de protection, telle que des assurances
collectives, telle qu'un REER, et donc ils n'avaient pas ces protections-là.
Concrètement, donc, pour eux, 68.6, et ça, dépendamment des modalités que vous
allez amener... et c'est pour ça que ça nous intéresse de savoir comment
fonctionnerait ce processus-là, mais c'est une capacité d'aller chercher des
domaines où est-ce qu'on n'a pas d'entente collective encore. Et ça existe en
publicité, par exemple, en corporatif, jusqu'à dernièrement, donc, dans les
productions numériques.
Mme Roy : Merci, et votre
réponse est claire. J'aimerais vous entendre parler des dispositions,
maintenant, relativement à l'arbitrage de griefs, parce qu'ici le but qui était
recherché, c'était de simplifier la vie et de vos membres et de tout le monde,
finalement, aussi, de toutes les parties impliquées, parce que je pense que
c'est... c'est l'objectif de ce projet de loi là, améliorer les conditions puis
aussi simplifier la vie de tout le monde. Alors, je voulais vous entendre à
l'égard des dispositions sur l'arbitrage de griefs.
M. Pelletier
(Gabriel) : Bien, ça découle un peu de ce que je disais, c'est-à-dire
que, quand on a des négociations, disons, de mauvaise foi ou, en tout cas,
qu'il y a énormément de résistance, qui durent 15 ans, de pouvoir se fier
à l'arbitrage, c'est déjà une façon d'accélérer le processus. C'est, justement,
de ramener les parties pour qu'il y ait une négociation de bonne foi. Veux-tu
ajouter?
Mme Roy :
Et on ajoute aussi, dans le projet de loi, ces articles de la Loi sur les
normes concernant la négociation de bonne foi. Alors là, on l'inclut, là. Donc,
on souhaite que les gens s'assoient ensemble et discutent pour arriver à des
ententes.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : ...Mme la ministre, je ne sais pas si
Mme Cadieux voudrait intervenir.
Mme Roy :
Oui.
La Présidente (Mme IsaBelle) : On
l'oublie peut-être. Mme Cadieux, je ne sais pas si, des fois, vous
aviez...
Mme Cadieux
(Chantal) : Non, non, ça va.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Ça va...
Mme Cadieux
(Chantal) : Non, non, j'approuve, là, je suis comme ça... puis ça va.
Vous êtes vraiment intéressants. Écoute, Gabriel parle, on dirait qu'il parle
en mon nom. Là, je blague. Mais Me Hénault pourra parler aussi, peut-être, à ce
moment-là, plus précisément, là. Allez.
Mme Hénault
(Stéphanie) : Je suis d'accord avec mes... on est d'accord avec nos
collègues de l'ARRQ.
Mme Roy :
C'est bien. Merci. Je regarde vos mémoires aussi, mais je constate aussi
que plusieurs des recommandations que vous formulez, puis je pense... je parle
du mémoire de la SARTEC, entre autres, ressemblent beaucoup, beaucoup au
mémoire de l'UDA, entre autres. Je pense qu'il y a ici une communion d'idées.
Et, comme je vous disais, entre autres, à votre... là, je pense, je parle à la
SARTEC, votre recommandation n° 6 : Ajuster le
libellé, la définition de l'artiste, artiste, artiste professionnel, je pense
qu'ensemble on va être capables d'ajuster ça. Compte tenu du fait que c'est...
que ce sont deux lois, comme vous avez compris, que nous avons amalgamées, nous
avons pris le meilleur de chacune pour... et nous avons ajouté plusieurs
dispositions. Donc, on va le corriger facilement.
Donc, tout de suite,
vous pouvez dire que c'est... déjà, il y a des choses qui vont se régler
facilement, qu'on pourra ajouter. C'est précis. En fait, ce que vous dites est
très précis et ça correspond à ce qu'on a entendu depuis ce matin. Juste
vérifier mes notes...
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Mme la ministre, il vous reste
2 min 30 s. Est-ce que vous voulez laisser la parole au député
de Saint-Jean ou...
M. Lemieux :
Si la ministre a d'autres questions, je la laisse aller, là.
Mme Roy :
Bien, je ne veux pas être redondante. Alors, vous avez sûrement une idée
différente, une façon différente de l'amener.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Alors, en 2 min 15 s.
M. Lemieux :
Merci, Mme la Présidente. J'espère ne pas vous décevoir, Mme la ministre.
Bonjour, messieurs, dames.
Des voix :
Bonjour.
M. Lemieux :
Il y a par rapport... D'abord, félicitations, vous avez dû jaser beaucoup,
beaucoup, beaucoup dans l'industrie, parce que vous êtes arrivés avec des
choses qui se ressemblent, en fait qui sont pareilles. Ça nous force à bien
comprendre où vous allez. Mais, ne serait-ce que pour ça, je pense qu'on a
gagné, parce qu'il y a une certaine unicité de pensée là-dedans, là.
Par
rapport au 68.6, je suis curieux, parce que ça revient tout le temps, comment
vous voyez la négo maintenant qu'il y aura cette possibilité de décréter
des conditions minimums? Forcément, c'est comme un levier, si vous le demandez,
si vous l'obtenez, mais la négo, elle, considérant ce nouvel outil là, vous la
voyez comment? J'ai posé la question plus
tôt, puis... aux auteurs, qui disaient : Ah mon Dieu! Ça va être la belle
vie, ça, bon. Mais, dans la vraie vie, là?
M. Pelletier
(Gabriel) : En fait, ça n'affecte pas tant la négo que d'aller
chercher des secteurs où il n'y en a pas encore, c'est-à-dire que, pour une
petite association comme nous, d'aller chercher individuellement chacun des
producteurs, c'est beaucoup trop lourd.
M. Lemieux : ...pas
vous interrompre, mais je vais le faire, parce qu'il me reste juste
30 secondes. Vous avez dit que ça a pris 15 ans dans un cas, cinq ans
dans un autre. Avec cette loi-là, ça va aller plus vite.
M. Pelletier (Gabriel) : Bien
oui, justement, avec le pouvoir d'un règlement. Alors, c'est très bon.
M. Lemieux : C'est ça que je
voulais savoir. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Il
vous reste une minute, si vous voulez, là, 50 secondes. Allez-y, si vous
avez autre chose à ajouter à la question.
M. Lemieux : Oui, parce que je
vous ai interrompu, désolé.
M. Pelletier (Gabriel) : Bien,
en fait, c'est...
Mme Cyr (Mylène) : Bien, en
fait...
M. Pelletier (Gabriel) : Vas-y,
Mylène.
Mme Cyr (Mylène) : Si vous
permettez. Certainement que ça va changer notre façon de voir la négociation, parce que j'ai dit que, pendant longtemps, on n'en
avait eu que deux, parce qu'on est obligés de prioriser, compte tenu des
ressources limitées qu'on a. Alors là, on va pouvoir aller dans des secteurs où
il y a de multiples producteurs, où on n'est
pas capables d'aller, et même, je vous dirais, dans des secteurs où on a une
entente collective avec une association de producteurs, mais où il y a
d'autres producteurs qui ne sont pas membres de cette association-là. Alors, ça
vient combler une faille importante. Comme le disait M. Pelletier, pour
nous, c'est vraiment important ce pouvoir réglementaire. Je pense que, si on
l'applique et que ça va de l'avant, ça va faire une différence pour nous, oui.
M. Lemieux : Merci.
La
Présidente (Mme IsaBelle) :
Parfait. Merci beaucoup. Nous
poursuivons l'échange avec la députée de l'Acadie.
Mme St-Pierre : Merci,
Mme la Présidente. Merci à nos invités. Merci, Mme Cadieux, pour votre
témoignage, qui est fort important puis qui... évidemment, qui concorde avec ce
qu'on a entendu ce matin et au cours de la journée. On revient sur les mêmes
éléments, puis je pense que ça, c'est très, très important, puis la reddition
de comptes est importante aussi. Il faut s'assurer qu'on retrouve... dans
l'argent qui est donné par le gouvernement, qu'on retrouve une certaine
transparence et une véritable reddition de comptes.
Je voudrais savoir : Les réalisateurs, on
les retrouve où dans la loi initiale? Est-ce qu'ils sont dans la... à l'article 1.2? Moi, je le... je pense que
l'article 1.2, ça touche plus les techniciens. Les réalisateurs... Parce
qu'on parle... Ah! les fonctions... Non, «fonctions liées à la
réalisation de montages, d'enchaînements, sur les plans sonore et visuel». Vous
vous retrouvez dans l'article 1.2, les réalisateurs, est-ce que c'est là
que vous êtes?
Mme Cyr (Mylène) : Non, pas
1.2, En fait, nous, on est à 1, là, dans... oui, dans le film. Et c'est parce
qu'ils sont des auteurs, ce sont des créateurs, donc ce sont des artistes, là.
M. Pelletier (Gabriel) : Ce ne
sont pas des techniciens mais des artistes.
Mme
St-Pierre : O.K.,
mais, quand vous voulez... vous dites que vous voulez, évidemment, puis je le
comprends très bien, là, vous... négocier avec... Vous êtes une petite
association, vous voulez négocier avec des producteurs.
Les producteurs peuvent être des gros géants, là. Puis 68 va protéger, dans une
certaine mesure, cette volonté-là d'arriver
à quelque chose, à une entente, mais, dans un premier temps, vous allez devoir
faire une tentative de négociation.
M. Pelletier (Gabriel) : Absolument.
Mme St-Pierre : Qui vont
être... ou qui va être votre vis-à-vis, vous allez commencer par qui?
• (17 h 50) •
Mme Cyr (Mylène) : Ça sera une
question, comme je disais tantôt, de priorisation, je... En fait, ce qu'on
comprend, c'est que cette demande pourra être adressée au ministre, en fait,
pour couvrir un secteur, et il y aura des consultations. Et ce qu'on comprend,
c'est qu'il n'y a pas nécessairement de négociation dès le départ. Cette
demande pourra être faite, selon ce qu'on en comprend, dans des secteurs où il
y a une multitude de producteurs. Alors, avec la consultation, ce qu'on nous a
expliqué, c'est qu'il y aura, à ce moment-là, du côté du ministère, des
consultations qui seront faites, évidemment, au niveau du... de l'association
d'artistes qui dépose la demande et du secteur, en fait, des producteurs qui
seront visés par le règlement. Alors, je pense que c'est ça... c'est ça, l'idée
ici.
Mme St-Pierre : Mais là vous
parlez du règlement, mais, avant l'étape du règlement, il faut qu'il y ait une
certaine tentative de faite. Est-ce que c'est... vous...
M. Pelletier
(Gabriel) : Il faut qu'il y ait une association qui existe. Et donc
c'est sûr que, d'abord, la... Pour nous, on priorise des représentants
d'associations de producteurs, mais, dans certains cas, il y a des producteurs
qui ne sont pas membres d'association, et c'est là qu'il faut aller les
chercher. Et même certains secteurs... Tu sais, je parlais du numérique tantôt,
ce secteur-là n'était pas organisé au départ. Et il y a des... il y a donc des
compagnies de production qui se sont créées
et qui n'avaient pas, donc, de... Il n'y avait pas d'entente, il n'y avait pas
de standard, même au niveau du financement, on était... on partait de
zéro, finalement. Et donc il faut qu'il y ait une certaine structure pour qu'on
puisse négocier.
Mme St-Pierre : Mais, la
structure, vous comptez sur le ministère pour vous le...
Mme Cyr (Mylène) : En fait, ce
qu'on nous a expliqué, c'est que...
Mme St-Pierre : Qui ça «on nous
a expliqué»?
Mme Cyr (Mylène) : Ce qu'on
comprend de 68.6, en fait, c'est que notre demande de règlement devrait viser,
par exemple, des producteurs dans tel secteur qui ne sont pas membres. Dans
notre secteur à nous, nous avons une entente avec l'AQPM, mais le règlement
pourrait, à ce moment-là, prévoir des conditions minimales dans ce secteur pour
les producteurs non membres de l'AQPM, parce que ça répond à ce besoin qui...
où est-ce qu'on est totalement dans
l'impossibilité d'envoyer... Pour toutes les raisons que vous avez entendues
aujourd'hui, particulièrement dans le
secteur de l'audiovisuel, on n'est pas en mesure d'envoyer des avis à tous ces
producteurs de façon individuelle, on n'a pas les ressources.
Et, deuxièmement, particulièrement en
audiovisuel, ce sont des structures, donc, légales qui naissent souvent le
temps d'une production. Donc, envoyer un avis de négociation, c'est
physiquement impossible d'arriver à finir la négociation avant la fin de la
production. Donc, vous avez entendu plusieurs associations faire état du fait
qu'ils obtiennent une sentence arbitrale, puis que c'est impossible, en fait,
de passer à l'exécution parce que cette coquille est vide ou n'existe plus.
Donc, je
pense que ça peut être une façon, en fait, d'aller... d'aller chercher des
producteurs d'un secteur, mais qui ne sont pas membres, par exemple,
d'une association de producteurs.
Mme St-Pierre : Oui. Peut-être...
peut-être que je... qu'on comprend mal la procédure, mais, moi, dans mon esprit, ce que je comprends, c'est que, dans un
premier temps, puis je l'ai dit tantôt, dans un premier temps, vous avez
comme une... la loi vous donne la poignée pour aller voir des producteurs,
mais, si vous avez 30 producteurs à voir, qui sont des producteurs qui ne
sont pas au sein d'une association, ça va être gros pour votre association à
vous. Parce que vous l'avez dit vous-même, vous l'avez dit à quelques reprises,
vous êtes une petite association.
Mme Cyr (Mylène) : Oui, tout à
fait.
Mme St-Pierre : C'est là que je
ne vois pas comment il va y avoir une certaine rapidité pour y arriver.
Mme Cyr (Mylène) : Bien, en
fait, moi, je comprends ça un peu comme la Loi sur les décrets de convention
collective, finalement, où on a une entente collective qui est élargie à un
secteur. Alors, je pense que l'idée en arrière de ça, c'est un peu la même
chose, c'est d'être capable... Parce que, sinon, ce n'est pas possible, et
on...
Mme St-Pierre : Donc, c'est le
règlement qui va faire le job.
Mme Cyr (Mylène) : Oui, qui va...
oui, qui va édicter les conditions minimales, effectivement.
Mme St-Pierre : Donc, dans
votre esprit, vous ne faites pas la... vous ne faites pas... vous ne vous dites
pas : On va faire la démarche en premier, puis, si ça accroche puis ça ne
bouge pas, là on va demander au gouvernement d'intervenir.
Autrement dit, vous demandez au gouvernement d'intervenir dès l'adoption du
projet de loi pour régler un secteur, certains secteurs qui seraient
peut-être des secteurs un peu... bien, enfin, il y en a beaucoup, là, puis...
Mme Cyr (Mylène) : Oui.
Mme St-Pierre : Donc,
c'est... mais, ça, on ne l'avait pas... Je vous avoue que moi, je ne l'avais
pas compris comme ça. Puis c'est important, là, cette précision-là que vous
faites. Parce que moi, je n'avais pas compris comme ça, j'avais compris que...
Puis on n'a pas aussi, dans 68, «à la demande de»? Donc, dès que la loi va être
adoptée, vous allez demander au ministère de réglementer, c'est ça?
Mme Cyr (Mylène) : On pourrait
le faire. On pourrait le faire?
M. Pelletier (Gabriel) : Oui.
Mme St-Pierre : O.K.
M. Pelletier
(Gabriel) : Et il y a quand même des normes, certaines normes
établies, c'est-à-dire que, dans un secteur
où est-ce qu'on a déjà des ententes, par exemple avec l'AQPM, il y a quand même
des normes minimales qui ont déjà été
négociées. Alors, on peut demander un règlement pour des producteurs qui ne
seraient pas membres de l'AQPM.
Mme Cyr
(Mylène) : Tout à fait.
M. Pelletier
(Gabriel) : Donc, il y a des... Et c'est ce qu'on fait, je veux dire,
on documente des conditions de travail aussi. Même dans un secteur où il n'y a
pas d'entente collective, on est capables d'aller voir aussi auprès de nos
membres les contrats qui sont signés et certaines normes, donc, des contrats de
travail qui sont existants. Il y a quand même une documentation des contrats de
travail qui existe, et on peut se baser, donc, sur ces normes-là pour
appliquer, donc, un règlement, là, faire une demande de règlement.
Mme St-Pierre :
Je fais un peu un parallèle avec l'UNEQ, ce matin. Parce que l'UNEQ
vis-à-vis l'ANEL, l'ANEL représente plein d'éditeurs, l'ANEL ne se voit
pas manifestement comme étant la partie en face, là. Ça veut dire que l'UNEQ pourrait faire la même chose, dire
au gouvernement : Passons immédiatement à l'étape du règlement, sans
essayer de faire des négociations.
M. Pelletier
(Gabriel) : Bien, il y a déjà, quand même, une association qui existe,
l'ANEL est là. Et donc ils peuvent, oui, entamer des négociations avec l'ANEL.
Et après, si, là, ça achoppe, là, c'est autre chose, là, mais...
Mme St-Pierre :
Mais vous, de votre côté, en
face, vous en avez qui ne sont... qui ne sont pas membres d'une
association.
M. Pelletier
(Gabriel) : Exactement.
Mme
St-Pierre : Mais c'est la même chose chez les éditeurs.
M. Pelletier
(Gabriel) : C'est ça.
Mme
St-Pierre : Ils ne sont pas tous membres de l'ANEL.
M. Pelletier (Gabriel) : Ils ne sont pas tous
membres, mais c'est, en fait, de trouver des intervenants crédibles,
dans un premier temps, puis d'établir des normes. Je veux dire, pour nous, on
négocie avec l'AQPM prioritairement. On
considère que c'est des bons citoyens corporatifs, si vous voulez, et on
négocie des normes considérées minimales. Alors, ce qu'on irait chercher
avec un règlement, c'est d'étendre ces normes minimales là chez des producteurs
qui ne sont pas membres.
Mme Cyr
(Mylène) : 68.6, moi, je le vois vraiment comme un levier
supplémentaire.
Mme St-Pierre :
Est-ce qu'il faut absolument mettre le mot «à la demande»?
M. Pelletier
(Gabriel) : Bien oui, ça devrait être à la demande des associations
d'artistes.
Mme Cyr
(Mylène) : Oui, à la demande des associations.
Mme
St-Pierre : Il faut qu'il y ait cet amendement-là, ça, vous le
demandez. Vous n'êtes pas les premiers à le demander, là, mais il faut
absolument que ce soit... que ça se retrouve là.
M. Pelletier
(Gabriel) : Tout à fait, oui. Et on le fait en coeur avec certains
autres de nos collègues que vous avez entendus.
Mme St-Pierre : Ça, c'est un... ça veut
dire que, si ce n'est pas là, ce changement-là, il y a comme un flou
artistique.
M. Pelletier (Gabriel) : C'est certain que, là, il
y a un flou. Tu sais, on discute entre nous, déjà, des modalités puis de ce qu'on comprend, et on l'interprète comme on
le comprend, mais effectivement il y a un flou à combler, c'est-à-dire au niveau des modalités, puis de comment ce
processus-là s'entamerait, et de l'obligation d'arriver au bout du
processus.
Mme
St-Pierre : Parfait. Bien, moi, c'est... je n'ai pas d'autre question,
Mme la Présidente.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Parfait.
Merci. Alors, nous allons poursuivre avec la députée de Taschereau.
Mme Dorion : Merci.
Je n'ai pas beaucoup de temps, ça fait que je vais y aller vraiment vite. On
a...
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Vous avez plus de temps, parce qu'effectivement elle peut
vous donner... elle vous donne une minute, et on peut prendre quelques minutes
de votre collègue.
Mme Dorion : Yé!Ça fait plus 33 % de temps. Il y a... C'est ça, c'est... là, on
discute beaucoup, depuis ce matin, de cette fameuse... de ce règlement que la
ministre pourrait faire pour réglementer, effectivement, toutes ces espèces de
zones où il y a une pléthore de producteurs différents. C'est impossible, pour
les associations, d'y aller comme ça,
puis... Donc là, on se demande quel processus devrait, tu sais... Parce que,
bon, «à la demande des associations d'artistes»,
ça, on est avec vous. Après, comment ça se fait? Tu sais, est-ce que c'est une...
comme un arbitrage? Est-ce que c'est... Tu sais, dans votre monde idéal,
ce serait comment?
Puis une question un petit peu plus précise,
sous-question : Est-ce que c'est... on pourrait dire : Bon, bien,
allons-y avec tous les producteurs qui ne sont pas dans les ententes
collectives déjà, donc comme le sac final pour tous ceux qui ne rentrent pas
dans les ententes collectives, ou est-ce que vous aimeriez y aller mieux,
comme, avec tel type, tel type, tel type, puis vous-mêmes les diviser en sortes
de producteurs?
M. Pelletier (Gabriel) : Bien, c'est
certain que nos ententes sont divisées par types. Je veux dire, en réalisation, nous, on représente autant de la
fiction, du documentaire, du magazine, etc. Et donc, oui, il faut
s'adresser à certains sites de production, là. Donc, ça ne peut pas être...
• (18 heures) •
Mme Dorion : Tout ce qui reste, O.K...
ce serait par types. Puis c'est ça, est-ce que ce serait... Un processus qui
vous paraîtrait bien, là, ce serait quoi?
Mme Cyr (Mylène) : Bien, on est
d'accord avec une consultation. Je pense que... dans la demande, je pense que ce qu'on va faire, c'est qu'on va, en fait,
indiquer qui est visé et quelles sont, en fait, les conditions qu'on
aimerait voir appliquer. Et donc je pense qu'à partir de là, effectivement, il
y aura... il pourra y avoir des consultations et voir dans quelle mesure c'est
applicable.
Puis, comme je disais tantôt, l'exemple du
secteur où on a déjà une entente collective puis qu'on veut aller chercher les
producteurs de ce secteur qui ne sont pas membres et qui ne sont pas liés par
cette entente collective, donc c'est une façon de le faire. Et donc, la
consultation, à ce moment-là, il y a déjà quelque chose qui s'applique dans le
secteur. Donc, pour nous, c'est... ça devrait... ça devrait s'appliquer, là,
facilement au reste du secteur.
Et puis je pense que le plus de latitude on peut
avoir, plus ça va être facilitant pour nous, c'est-à-dire qu'on puisse agir par
secteurs, qu'on puisse agir par tous les non-membres, c'est ce qui va nous
aider. Et c'était vraiment à la base de nos demandes à nous. Je pense que le
plaidoyer qu'on a fait pendant toutes ces années-là, c'est de dire :
Écoutez, il faut nous donner des outils pour qu'on arrive à faire ce pour quoi
on a été créés, c'est-à-dire négocier des ententes collectives. Et, quand on
regarde ça après 30 ans, c'est trop peu d'ententes collectives et trop peu
d'artistes. Moi, je vous ai parlé des
50 % des productions subventionnées qui n'avaient pas déposé. C'est
énorme, et c'est de l'argent public. Et c'est en 2013 qu'on a fait cet
examen exhaustif. Et je vous dirais que, quand on a préparé le mémoire, on est
allés dans nos données internes, et il n'y a rien qui me laisse sous-entendre
que cette situation-là s'est améliorée avec le temps. C'est moins de 50 %
de nos membres qui ont accès aux REER et aux assurances collectives.
Mme Dorion : Donc, ça serait,
dans l'idéal, par exemple : une des associations d'artistes reconnues fait
une demande de règlement, puis la ministre serait liée. Donc, ça ne serait pas,
genre : On va regarder ça, ça serait... ça serait presque... la loi
obligerait, finalement.
M. Pelletier (Gabriel) : Ou une
obligation que le processus arrive à terme à un moment donné.
Mme Dorion : Parfait. O.K. Dans
un certain délai.
M. Pelletier (Gabriel) : Oui.
Mme Dorion : Bon.
Mme Hénault (Stéphanie) : Si je
peux compléter...
Mme Dorion : Oui.
Mme
Hénault (Stéphanie) :
...pour la SARTEC, il arrive que notre interlocuteur, l'association de
producteurs, refuse de négocier pour
certains types de productions. Donc, on se retrouve sans interlocuteur. Alors,
c'est certainement un mécanisme, cette disposition-là de la loi, qu'on
pourrait utiliser, par exemple, pour négocier dans un secteur où on n'a pas pu
négocier avec notre interlocuteur.
Mme Dorion : Parfait. Très
intéressant.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Intéressant.
Merci. Alors, merci, Mme Cadieux, Mme Hénault, M. Pelletier et Mme Cyr, pour votre contribution à
l'avancement des travaux de la commission. Merci beaucoup d'être venus.
Merci.
Nous allons suspendre quelques instants.
(Suspension de la séance à 18 h 04)
(Reprise
à 18 h 13)
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Alors, pour notre dernier bloc de la journée, nous avons
deux groupes, deux associations :
l'Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo
ainsi que l'Association québécoise de la production médiatique. Nous
commençons donc par la première association avec Mme Bouchard. Je vous
invite à vous présenter et ensuite commencer votre exposé pour cinq minutes.
Association québécoise de l'industrie du disque, du
spectacle
et de la vidéo (ADISQ) et Association québécoise
de la production médiatique (AQPM)
Mme Bouchard
(Lyette) : Merci. Alors, je suis Lyette Bouchard, directrice générale
adjointe de l'ADISQ, et je suis accompagnée de ma collègue Me Stéphanie...
Sophie...
Mme Hébert
(Sophie) : Un relent... un relent du passé.
Mme Bouchard (Lyette) : ... — un
relent du passé — Sophie
Hébert, directrice des relations de travail, donc, à l'ADISQ avec moi.
Mme la ministre, Mmes
et MM. députés, nous vous remercions de l'invitation qui nous est faite
aujourd'hui de participer aux travaux de cette commission.
Notre association,
qui représente non moins de 150 entrepreneurs de la musique du Québec, a
pour mission de protéger, de faire grandir
et d'outiller les entreprises de la musique d'ici pour qu'elle rayonne au
Québec et au-delà de nos frontières. La mission d'outiller et de
professionnaliser notre secteur passe notamment par l'éducation des producteurs
et des artistes au régime de relations de travail découlant de la loi sur le
statut de l'artiste. Nos membres producteurs
connaissent ce régime et sont tenus d'appliquer, depuis plus de 30 ans,
des conventions collectives négociées par
l'ADISQ pour la production de spectacles, d'enregistrements sonores, de
vidéoclips et de captations de spectacles.
La loi, mieux connue
sous le vocable de loi 32.1, a eu ses effets dans notre secteur, en ce
sens que des ententes collectives ont été négociées et le sont encore. Par
contre, les chamboulements importants connus par l'industrie de la musique dans les deux dernières décennies auront
notamment eu comme conséquence le développement de modèles d'affaires se
distinguant du modèle de production traditionnel. Le phénomène de
l'autoproduction a connu un essor important
de façon encore plus marquée dans la production d'enregistrements sonores. Nous
constatons toutefois que cette
autoproduction se fait en grande partie en marge de la loi sur le statut de
l'artiste, créant ainsi un déséquilibre entre les producteurs membres de l'ADISQ, qui appliquent des ententes
collectives et tout l'administratif qui en découle, et les
autoproducteurs non membres de l'ADISQ, qui ne sont soumis à aucun régime.
Encore une fois, je
le répète, l'ADISQ est pour la professionnalisation du secteur de la musique et
la mise en place d'un meilleur filet social pour ses artistes et artisans, et,
en ce sens, l'ADISQ est d'avis que la loi sur le statut de l'artiste devrait s'appliquer à toutes les productions musicales
professionnelles. Nous croyons d'ailleurs comprendre que cela aurait...
que cela pourrait aussi être un des objectifs visés par le nouvel
article 68.6 proposé par le projet de loi. Nous sommes toutefois d'avis
que d'importantes précisions quant au cadre d'application de cet article
devraient être apportées à même la loi, comme nous le précisons dans notre
mémoire.
À noter que nous
abordons dans notre mémoire quatre autres sujets à l'égard desquels nous
soulevons certaines préoccupations, à savoir : le pouvoir de
réglementation de l'article 68.5, qui nous apparaît trop large et non
avenu; en troisième lieu, donc, la définition d'artiste de l'artiste 1.1,
qui, dans sa mouture actuelle, laisse place à une ambiguïté qu'il serait important de dissiper dès maintenant pour éviter
des débats absolument non nécessaires — mais,
je comprends, Mme la ministre, vous avez
indiqué tout à l'heure que, déjà, c'est noté et qu'il y aurait des
modifications; en quatrième point, la représentativité d'une association, au
sens de l'article 9, à l'égard de laquelle le critère du plus grand nombre
représenté nous apparaît beaucoup trop vague; finalement, en ce qui concerne...
ce qui nous semble être l'introduction de
l'article 24.1, le pouvoir de représentation individuelle des
associations, par opposition à leur pouvoir de représentation
collective, nous apparaît, donc, un élément important, et nous le soulevons
dans notre mémoire.
Il nous fera
évidemment plaisir de répondre à vos questions sur ces cinq préoccupations que
nous avons soulevées dans notre mémoire durant la période d'échange qui suivra.
Nous avons d'ailleurs soumis des pistes de solution, dans notre mémoire, qui se
veulent pragmatiques et qui, selon nous, répondront aux besoins et intérêts de
la majorité des parties prenantes.
Cela étant dit, les
discussions entourant le projet de loi n° 35 s'inscrivent dans une grande
réflexion collective sur l'état de notre industrie de la musique et de ses
acteurs. Les besoins sont criants, et c'est encore plus vrai en cette période pandémique et postpandémique. L'état d'urgence en
musique, il est encore bien présent : pénurie de main-d'oeuvre, santé psychologique plus précaire que jamais, revenus
instables et fragiles, et tout cela pour tous les acteurs de la chaîne
industrielle.
Mais on persiste et
signe : notre musique, elle est belle, notre musique, nous en sommes
fiers, notre musique, c'est notre identité, et on ne doit pas la laisser
tomber. Selon nous, les discussions entourant la loi sur le statut de l'artiste
devraient être l'occasion de rallier les forces de tous les partenaires du
milieu de la musique, incluant le gouvernement,
bien évidemment, pour bâtir une structure pérenne de professionnalisation et de
protection au bénéfice de tous les acteurs de la chaîne.
Ensemble,
agissons notamment pour des mesures de financement adéquates, pour un
développement professionnel porteur, pour des droits d'auteur
signifiants, pour une fiscalité encore plus efficace, car quiconque comprend
bien le carré de sable d'application de la loi sur le
statut de l'artiste comprend qu'on ne réglera pas tout par cette loi, mais c'est l'occasion ou jamais de poursuivre notre
réflexion collective et de mettre en place des mesures complémentaires à
la loi qui sauront appuyer l'ensemble d'une industrie qui se veut des plus
fondamentales pour notre société. Merci.
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Merci. Alors, nous poursuivons avec la deuxième
association. Je vous invite à prendre la parole, mais, avant, de bien vous
présenter.
Mme Leduc
(Geneviève) : Oui. Bonjour. Geneviève Leduc. Je suis directrice des
relations de travail et des affaires juridiques à l'AQPM, et je suis
accompagnée de Me Frédéric Massé, qui est associé chez BLG.
Alors, l'Association
québécoise de la production médiatique vous remercie de l'invitation dans le
cadre des consultations du projet de loi n° 35. L'AQPM conseille, bon an,
mal an, 160 entreprises de production en audiovisuel dans le domaine cinéma, télévision, Web. Donc,
quand vous regardez la télé, que ce soit émission jeunesse, documentaire
ou fiction, souvent vous regardez des
productions produites par des producteurs membres de l'AQPM, qui démarrent le
projet du développement jusqu'à l'exploitation ultime de l'oeuvre. Donc, c'est
des gens très passionnés, souvent, par leur métier.
L'AQPM,
c'est l'association qui a négocié... de producteurs qui a négocié le plus
d'ententes collectives depuis l'histoire de l'entrée en vigueur de la
loi. Présentement, on a 17 ententes collectives en vigueur et on négocie
avec sept associations d'artistes reconnues. Nous investissons énormément de
temps et d'énergie quotidiennement pour négocier des conditions d'engagement
pour les artistes... entre les producteurs et les artistes. L'AQPM est aussi
l'association qui a eu peut-être le plus grand nombre de litiges fondés sur la
loi sur le statut de l'artiste.
En somme, l'AQPM et
ses membres sont l'association qui vit peut-être le plus et compose le plus
avec la Loi sur le statut professionnel des artistes, et ce, depuis des années.
Il faut savoir que, même avant l'adoption de la loi, l'AQPM, avant...
l'autre... notre autre acronyme, l'APFTQ, avait négocié déjà des ententes
collectives, et ce, avant même l'adoption de la loi.
Dans
le domaine de l'audiovisuel, la loi fonctionne, donc, relativement bien. Elle a
porté ses fruits. On est donc heureux de constater que le gouvernement
ne propose pas de changements majeurs pour le domaine de l'audiovisuel. Le
projet de loi compose néanmoins quelques modifications qui préoccupent l'AQPM,
et on va en identifier trois. Je vous dirais que certains articles va être une
redite et un thème pour la journée, mais je commencerais brièvement sur
l'article 24.1.
• (18 h 20) •
Le gouvernement
semble donner aux associations d'artistes la prérogative de négocier des
contrats individuels d'engagement. Or, la loi est une loi de rapports
collectifs de travail. Donc, l'essence même, la mission même des associations d'artistes est de négocier avec des associations
de producteurs ou des producteurs des conditions de manière globale, dans un cadre de rapports
collectifs, et non pas, comme un agent d'artistes, de manière individuelle.
Ça me semble donc un facteur qui peut
compliquer les négociations où... entre la capacité de négocier collectivement,
qui... un minimum d'ententes collectives, et
celui individuellement, qui est souvent le rôle, comme je disais, soit de
l'artiste... le fait seul ou par le biais d'un agent d'artistes.
Le deuxième article
qui nous préoccupe, c'est l'article 68.5 du projet de loi, qui permet au
gouvernement d'intervenir par règlement pour modifier soit les notions ou les
définitions qui pourraient être celles d'artiste ou de producteur. Je pense,
c'est un constat aujourd'hui, c'est des notions sensibles qui sont fondamentales
dans l'application de la loi sur le statut de l'artiste. Donc, ce qu'on suggère
plutôt, c'est de rayer cet article et de garder la faculté de faire des
modifications dans le cadre d'une révision subséquente de la loi. Il a été
mentionné que... la possibilité que la loi soit révisée aux cinq ans. Ça
pourrait être, à ce moment-là, une bonne opportunité de faire cette
révision-là, si c'est le souhait du gouvernement.
En terminant, puis...
pas tout à fait, avant, on... juste concernant l'article 68.6, qui donne
au gouvernement le pouvoir de fixer les conditions minimales d'engagement,
parce que c'est ce qui est prévu dans l'article 68.6... seulement être
conscient que c'est le travail, aussi, des associations de producteurs de
négocier des conditions d'engagement avec les associations d'artistes, ne pas
sous-estimer la difficulté de fixer des conditions minimales d'engagement dans
des secteurs qui prend en considération les besoins d'une variété de
producteurs. Que ce soit, comme je disais,
le documentaire, la jeunesse, il y a des réalités différentes auxquelles les
associations doivent composer quand ils fixent les minimums
d'engagement.
Donc, pour ce
domaine-là, ce pouvoir-là, ce qu'on propose, et je crois que c'est bien
détaillé dans notre mémoire, c'est vraiment de l'utiliser seulement quand c'est
des domaines où il y a absence de condition d'engagement, et non pas comme un
concurrent à l'AQPM ou une autre association comme l'ADISQ, qui a comme mission
de négocier des conditions minimales d'engagement avec ses partenaires, parce
que nous, on les voit comme des partenaires, les associations d'artistes.
Et, si, par exemple,
en audiovisuel, le gouvernement émettait des règlements concurrents à celles
négociées par l'AQPM, la question que je me pose, c'est : Pourquoi que les
membres de l'AQPM resteraient chez nous? Parce qu'à ce moment-là il y a un
règlement qui viendrait régir vraiment les relations de travail, et notre
raison d'être serait questionnable.
En
terminant le cinq minutes, s'il m'en reste au moins une, je céderais la parole
à... bon, c'est parfait, à Me Frédéric Massé, concernant deux autres
points sur...
M. Massé (Frédéric) : En fait, Mme
la Présidente, je comprends qu'il me reste peu de temps. Simplement, on m'avait
demandé de rétroagir par rapport à plusieurs commentaires qui ont été faits par
d'autres associations précédemment, et je mentionnerai
que, si des questions sont posées, il y a des commentaires qui ont été faits
qui nous apparaissent très particuliers sur trois notions.
La question de la responsabilité des tiers, où
il y a beaucoup de commentaires qui ont été faits, il a été mention de
peut-être faire des amendements, on aurait des observations, parce que ce qui a
été dit nous apparaît curieux. Toute la discussion sur le gel relatif,
l'article 36.1, suite aux commentaires qui ont été faits par l'AQTIS, nous
aurions aussi des commentaires à vous faire, parce que ce qui a été mentionné
nous apparaît un peu curieux. Et peut-être une brève note sur le devoir de
juste représentation, car on a semblé vouloir distinguer beaucoup, beaucoup le Code
du travail de la loi sur le statut de l'artiste. Or, ma foi, ce n'est pas si différent.
Donc, on aurait peut-être une courte observation à faire sur ce point-là.
Merci.
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, merci pour vos exposés. Nous allons
commencer la période d'échange. Mme la ministre.
Mme Roy : Oui. Bien, allez-y.
Bonjour. Bonjour, tout le monde. Allez-y.
M. Massé (Frédéric) : Oui. Donc,
très brièvement sur ces trois thèmes-là, Mme la ministre.
D'abord, la responsabilité des tiers. D'abord,
je veux souligner qu'on a parlé très vite de trois choses complètement différentes : la question des
sociétés liées, la question de la sous-traitance, la question des
administrateurs. C'est complètement différent.
La responsabilité des administrateurs, c'est une
chose. Il y a beaucoup de législation en droit du travail qui responsabilise
les administrateurs. Vous l'avez mentionné, l'article 154 de la Loi sur
les sociétés par actions prévoit une mécanique de cette nature-là. A priori, ce
n'est pas choquant. C'est curieux, mais ce n'est pas une modification qui serait
choquante. C'est quelque chose qu'on voit ailleurs.
Les deux autres notions, elles, soit de
responsabilité les sociétés liées et d'interdire, ou d'empêcher, ou de
responsabiliser les sous-traitants, ça serait très, très, très déstructurant
pour l'industrie, à tout le moins l'industrie de l'audiovisuel.
La notion des
sociétés liées, si on devait les responsabiliser, non seulement ça poserait des
questions immenses pour des producteurs étrangers, ça poserait aussi
énormément de questions dans le financement même des sociétés québécoises, leur
fonctionnement. Il y a plusieurs règles de la SODEC ou de d'autres organismes
qui ne permettent pas d'utiliser des sommes d'une société X pour une société Y.
Donc, ça contreviendrait à plusieurs notions.
Et la question de la sous-traitance, comme vous
l'avez dit vous-même, Mme la ministre, d'interdire la sous-traitance dans notre industrie, c'est à toutes
fins pratiques impossible. De punir des sous-traitants ou de
responsabilité des gens entre eux parmi les sous-traitants, ça pose des enjeux
très conséquents et ça pourrait, je dirais, faire disparaître un certain nombre
d'entreprises. Donc, ça aussi, c'est un enjeu très majeur.
Donc, de ces
trois approches-là, administrateurs, probablement la plus simple. Les deux
autres nous apparaissent très, très difficiles à atteindre.
La question du gel relatif. Donc, pour ceux
d'entre vous qui ne faites pas régulièrement du droit du travail, il faut comprendre que, la notion de gel relatif,
donc le maintien des relations de travail... des conditions de travail, il y
a trois principes : il n'y en a pas, il
y a un gel partiel, il y a un gel complet. La loi actuelle ne prévoit rien,
O.K.? Elle prévoit que les parties peuvent négocier quelque chose, mais
elle n'impose pas un gel relatif. Le projet de loi imposerait un gel relatif
partiel, mais pas complet, O.K.? L'AQPM est d'accord avec ça, ça ne pose pas
d'enjeu dominant. Nos ententes prévoient toutes, déjà, ces clauses-là, de toute
façon.
Un gel complet, c'est quoi, la différence? Ce
qu'il faut comprendre, c'est : quand c'est un gel partiel, si on déclenche
une grève, par la suite il n'y a plus d'entente. Donc, il y a une liberté qui
est réacquise, O.K., il y a une espèce de rapport de force qui se refait. Si on
a un gel complet et qu'il y a une grève — on appelle ça des grèves perlées, O.K.? — qui se déclenche, le lendemain de cette grève
perlée là, les producteurs sont encore tenus par les ententes
collectives. Sans autre moyen de contrer ce pouvoir de force là, ça débalance
complètement les négociations.
Je vous donne un exemple. On a un gros show, il
vaut 10 millions, c'est un immense show, là, disons, c'est la finale de Star Académie. Un syndicat
manifeste sur ce show-là un soir. Le rapport de force qu'il obtient en faisant
ça est immense. En théorie, s'il fait ça dans le contexte actuel des ententes
collectives, le lendemain l'AQPM peut faire des recommandations de modification
de conditions d'engagement et se donner un rapport de force réciproque, O.K.?
Si on avait un gel complet, on ne pourrait pas faire ça. Le rapport de force
serait complètement déséquilibré.
Dans l'éventualité où le gouvernement
envisagerait de faire un amendement de cette nature-là, et ça nous apparaît
être un immense amendement à faire à la vitesse à laquelle on procède
actuellement, il serait impératif, selon nous, à tout le moins de considérer de
faire l'amendement que nous proposions à l'article 23 du projet de loi,
c'est-à-dire de préciser c'est quoi, les moyens de pression dans notre
industrie.
L'AQPM avait fait des représentations par
rapport à ce point-là dans son mémoire initial, il y a déjà de cela un an et
demi, elles n'ont pas été retenues. Ça ne nous posait pas d'inconvénient majeur
parce que, par ailleurs, on ne voulait pas changer l'exercice du droit de
grève. Mais, si on voulait changer l'exercice du droit de grève, pour nous, ça
redeviendrait d'actualité, de façon très importante, de considérer cette
réalité-là. On avait d'ailleurs fait une proposition, dans notre mémoire très,
très récent, pour un autre texte sur l'article 35.1, qui est la
contrepartie, donc l'article 23 du projet de loi, et on vous inviterait à
la considérer très sérieusement.
Pour ce qui est du devoir de représentation, un
très court... une très courte note. Même sous le Code du travail, tu n'es pas
obligé de négocier pour tout le monde. Ce n'est pas une réalité, là, tu peux
négocier seulement pour certaines personnes. Et, en vertu
de la LSA, tu peux demander d'avoir des cotisations syndicales de n'importe
qui. Il suffit juste que tu envoies un avis de négociation. Donc, les réalités
ne sont pas si différentes.
J'ajouterai que les syndicats définissent ce
qu'ils veulent représenter, O.K.? C'est l'UDA, à titre d'exemple, qui a demandé
de représenter les interprètes dans tous les domaines artistiques. C'est l'ARRQ
qui a demandé de représenter les réalisateurs dans tous les domaines. À partir
du moment où l'ARRQ représente les réalisateurs dans tous les domaines, aucune autre association ne peut le faire. Ce que ça
veut dire, c'est que, si l'ARRQ, à titre d'exemple, n'a pas envoyé
d'avis de négociation pour les producteurs de publicité pendant 15 ans,
personne d'autre ne pouvait le faire à leur place. Et, si l'ARRQ n'avait pas de
bonnes raisons de ne pas envoyer d'avis de négociation, les gens qui étaient
dans ce sous-groupe-là étaient dépourvus de tout droit. Donc, il est utile,
quant à nous, qu'il y ait un devoir de juste représentation. Ça ne veut pas
dire que l'ARRQ serait obligée de négocier pour tout le monde, mais ça voudrait
dire qu'il se justifie.
La même chose en danse pour l'UDA. L'UDA,
pendant de très, très, très nombreuses années, a tenté par à-coups, je vais
dire ça comme ça, de négocier des ententes collectives, mais, pendant qu'elle
le faisait, aucune autre association de danseurs ne pouvait demander à être
reconnue. Et, si, un jour, certains danseurs avaient voulu dire : UDA,
faites-en plus pour nous, vous avez demandé à être... à nous représenter, c'est
vous qui avez fait ce choix-là, faites-en plus pour nous, ils n'avaient pas ce
pouvoir-là.
Le projet de loi, dans sa facture actuelle,
permettrait d'avoir ce débat-là, cette discussion-là, qui nous apparaît saine
pour un mouvement syndical. Et, conséquemment, le texte, tel que proposé, pour
nous, il n'est pas choquant, il n'est pas dérangeant, il correspond à une
réalité qui est adaptée à notre milieu.
• (18 h 30) •
Mme Roy : Merci. C'est très
éclairant de vous entendre puis c'est intéressant. Pour le bénéfice des gens
qui nous écoutent, c'est que l'ADISQ et
l'AQPM, c'est l'autre côté de la médaille, c'est les employeurs, c'est les
patrons, et c'est pour ça que c'est important d'avoir tout le monde autour
d'une table.
Vous disiez quelque chose... Je vais juste me
permettre quelques petits apartés, là. Vous avez dit quelque chose, Mme Bouchard, d'intéressant, vous
dites : Ce projet de loi là ne réglera pas tout, puis on s'en était parlé.
Ça ne réglera pas tout, mais on a
aussi travaillé d'autres... d'autres moyens, d'autres mesures, des mesures
complémentaires, puis je vais vous donner juste un exemple, vous l'avez
sûrement vu passer, le gouvernement, donc, nous avons décidé d'augmenter les
cachets des artistes, les artistes qui vont se produire dans les écoles. On a
fait passer les cachets, pour les artistes qui sont reconnus par le répertoire
la culture à l'école... on a fait passer leur cachet de 325 $ à
515 $, et c'est indexé, donc ça va monter au fil des années qui viennent.
Donc, c'est pour vous dire qu'on tente aussi, par différents mécanismes,
d'aider le milieu. Donc, je voulais juste le souligner, parce que je pense que
c'est à mon droit de dire que c'est... ça ne règle pas tout, mais il y a aussi
la possibilité de mettre des mesures dans d'autres... dans d'autres outils.
Voilà.
Maintenant, il y a quelque chose d'intéressant
que j'ai lu dans votre mémoire et que j'aimerais... puis il y a des petites
corrections qu'on apportera, on en a parlé, j'aimerais revenir... vous nous
parlez... là, je parle à l'ADISQ, vous nous parlez dans votre mémoire du
deuxième paragraphe de l'article 27, qui établit les facteurs à considérer
lors d'une négociation. Nous, on nous a expliqué qu'il fallait considérer la
hauteur d'un budget de production plutôt que la taille de l'entreprise. Donc,
on a modifié le paragraphe en conséquence, «conditions économiques qui
caractérisent les divers types de production».
Vous, vous nous dites : Attention. Alors,
j'aimerais que vous nous expliquiez pourquoi vous souhaitez que nous
réintégrions dans ce paragraphe les petites entreprises de production comme
facteur à considérer. En d'autres mots, si je vulgarise, tu peux être petite
puis avoir un bien gros budget de production. Ça fait que c'est pour ça que
nous, on a voulu axer sur la grosseur du budget et pas la grosseur de
l'entreprise. Puis vous, vous me dites : Non, Mme la ministre, il faut que
ce soit la grosseur de l'entreprise. Expliquez-moi pourquoi.
Mme Bouchard (Lyette) : Je pense que
ça peut être tout ça. Ça peut être tout ça. C'est-à-dire qu'on peut aussi être
une petite entreprise et avoir de très petits budgets aussi.
Mme Roy : Totalement.
Mme Bouchard (Lyette) : Donc, c'est
ça, l'objectif. Dans notre... Au sein de notre association, la grande majorité
des entreprises ont deux employés ou moins. Ce sont souvent de petites
productions aussi. Donc, c'est pour ça que, pour nous, il est important, dans
le cadre des négociations, de s'assurer qu'on tienne compte aussi des petites entreprises de production. Alors, on voulait le
ramener, l'ajouter aux critères que vous avez amenés, donc d'émergence
et autres critères.
Mme Hébert (Sophie) : Puis il y a un
point à ajouter là-dessus, c'est que, dans notre secteur, un point extrêmement soulevé par l'ensemble des producteurs
que nous représentons et des producteurs que nous ne représentons pas,
mais qu'on peut leur parler aussi, c'est tout l'administratif qui découle des
applications des ententes collectives. Vous le savez, on a eu du papier
carbone, on en a encore. Ça va partir, merci, on est vers la sortie du papier
carbone, mais c'est ce qui est décrié le
plus fortement, tout l'administratif qui découle. Le fait d'appliquer des
ententes collectives exige l'embauche d'une personne supplémentaire en
comptabilité, et c'est majeur pour les petites entreprises de production qui ne
comptent que deux personnes ou moins, incluant le propriétaire ou la
propriétaire de la boîte, là. Donc, c'est pour ça.
Puis on a consulté aussi,
on a parlé à d'autres associations soeurs, notamment dans le théâtre, et ils
ont le même problème... même problème, la même réalité. Et, pour nous tous,
après discussion, on a considéré que c'était important de ramener ce concept-là
de la petite entreprise de production. On se le disait entre nous, on est tous
des... majoritairement, on représente tous des petites entreprises de
production, mais il y a un corollaire extrêmement important qu'on ne doit pas
garder... qu'on doit garder en considération, c'est le fait qu'il n'y a pas
beaucoup de gens pour appliquer les ententes collectives et l'administratif qui
en découle.
Mme
Roy : O.K. Je vous entends. Puis nous, on avait enlevé
la grosseur de l'entreprise parce qu'on se disait : Dans le fond, ce qui compte, c'est la grosseur du
budget, que tu sois gros ou que tu sois petit, combien d'argent est-ce qu'on
consacre à la réalisation du projet.
Mme Hébert (Sophie) : Il peut y
avoir des projets avec un très gros budget mais avec deux personnes dans
l'entreprise pour faire tout ce qui en découle. Donc, c'est pour cette
raison-là qu'on a considéré que c'était important de réintégrer la notion de
petite entreprise de production, parce que, oui, on prend en considération les
conditions économiques, mais c'est inclus là-dedans, le fait que la
main-d'oeuvre est très mince à l'intérieur de l'entreprise. Donc, c'est
important pour nous de ramener le concept de petite entreprise de production.
Mme Roy : O.K. Je vous entends.
Maintenant, je vais poser la même question à chacun des groupes, à l'ADISQ puis
à l'AQPM : Le projet de loi, tel que rédigé, selon vous, quelles seraient
les plus importantes avancées pour, justement, vos membres?
Mme Bouchard (Lyette) : Elle est à
nous, la question?
Mme Roy : Oui, chacun votre
tour.
Mme Bouchard (Lyette) : Le projet de
loi, bien, c'est sûr que le 68.6 est un article important. Je l'ai dit tantôt,
hein, nous, on souhaite que les conventions collectives s'appliquent le plus
largement possible. Le phénomène de l'autoproduction fait en sorte qu'il y a un
nombre important de petites entreprises de production qui passent sous le radar
et qui ne respectent pas les conventions collectives que nous avons négociées
dans notre secteur. Nous, ce qu'on souhaite, c'est que ces petites entreprises
là appliquent aussi les conventions collectives. Quand une ou un artiste autoproducteur
gère sa propre compagnie, fait sa propre production, engage des choristes, il
engage des musiciens, on souhaite qu'il, elle applique les conventions
collectives que nos membres, petites entreprises, appliquent également. Pour
nous, c'est important pour notre secteur que ces entreprises-là qui passent
sous le radar, bien, agissent dans le... sont dans le même carré de sable,
qu'ils appliquent les mêmes règles que nos membres. Et il y a des producteurs qui ne sont pas des artistes
autoproducteurs qui ne sont pas au sein de l'ADISQ et n'appliquent pas
les conventions collectives. On souhaite
évidemment que ces entreprises-là appliquent aussi les conventions collectives.
Et pourquoi ils ne joignent pas les rangs de
l'ADISQ? Justement parce qu'ils ne veulent pas appliquer de convention
collective.
Alors, nous, ce qu'on dit : 68.6 est
important pour justement faire en sorte qu'il y ait un régime qui s'applique de
façon large, uniforme, avec des règles qui sont en lien, en phase avec
l'écosystème d'aujourd'hui, qui puisse accueillir... Nous, ce qu'on rêve, c'est
que la convention soit tellement attrayante qu'on ait envie de venir la
respecter. C'est ça qu'on souhaite et c'est ce qu'on s'attelle à faire en ce
moment, justement, avec l'Union des artistes et à La Guilde, notamment dans le
domaine du phonogramme.
Mme Roy : Merci. Et l'AQPM?
Mme Leduc
(Geneviève) : Donc, sur l'apport... Oui, je comprends la
question, c'est l'apport des modifications dans notre domaine ou
l'ajout.
Mme Roy : Oui, exact.
Mme Leduc (Geneviève) : Je dirais
que... Je vais mettre l'AQPM un peu comme avant-gardiste parce qu'il y a
beaucoup de choses qu'on avait déjà dans les ententes collectives. Donc, au
niveau du harcèlement, au niveau de beaucoup de dispositions qui étaient déjà...
qui est prévu dans le projet de loi, sont déjà intégrées dans les ententes
collectives négociées par l'AQPM depuis 2018‑2019.
Par ailleurs, il y a des dispositions comme le
pouvoir du tribunal, qui est un plus, négociation de mauvaise foi également. Je
vous dirais que je rejoins ma collègue sur une grande préoccupation, par
exemple, sur notre capacité de négocier des ententes collectives, et là on
revient, à ce moment-là, à l'article 68.6. Donc, comme je vous disais, on a
une très grande variété de types de production. On a eu l'occasion d'échanger
sur le fait que c'est des fois des très petits budgets, court métrage de
15 000 $, qui n'est pas la même réalité d'un long métrage de
15 millions de dollars. Et c'est sûr que c'est un défi, c'est un défi
pour les producteurs, c'est un défi pour l'AQPM elle-même, donc c'est sûr que
68.6 est tout de même une source de préoccupation.
Mme Roy : Puis je vais poursuivre
dans la foulée, je pense que tout le monde ici, autour de la table, puis les
artistes, mais il n'en reste plus beaucoup dans la salle, mais il y en a quand
même, devront, je le souhaite ardemment, s'asseoir autour
de la table, parce qu'effectivement on ne peut pas commander les mêmes
conditions à un producteur qui aurait une toute petite production avec un tout
petit budget. Et, de toute évidence, il ne peut pas payer les mêmes salaires
qui sont payés sur les grosses productions de plusieurs millions. Je pense
qu'il faut vraiment assimiler cette réalité-là. Alors, je souhaite que, dans
les négociations, on le prenne vraiment en considération.
Il y a une grande différence à cet égard-là pour
qu'il y ait ce partage des ressources entre tous. Puis ce qu'on veut, c'est
autant faire grandir les petites entreprises que continuer à faire briller les
grandes. Ça fait que je pense que ça,
c'est... en tout cas, c'est mon souhait le plus cher, que tous puissent
s'asseoir à la table et prendre en considération la taille et le budget
des entreprises pour... en ce qui a trait au respect des obligations, des
obligations qui peuvent être différentes aussi. Je veux vous remercier pour
votre... Il me reste-tu du temps?
• (18 h 40) •
La Présidente (Mme IsaBelle) : 1 min 40 s.
Mme Roy : Eh, là, là! Aussi bien
dire qu'il reste très peu de temps.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Pour
les remerciements.
Mme Roy : Pour les remerciements.
Écoutez, oui, puis ça permettra à la collègue de l'opposition officielle de
poursuivre, mais je veux vraiment vous remercier pour votre disponibilité et
votre mémoire, les lumières que vous nous avez apportées à l'égard de
l'application. Puis on est vraiment là-dedans, là, depuis ce matin, là, de voir
dans quelle mesure on peut peaufiner, aider. Il y aura des amendements, pas tout,
comme je dis depuis le début, ce sera... on tente de colmater des brèches et
puis réunir davantage de gens. On ne pourra pas tout accepter comme
modifications parce qu'il y a des règles de droit qu'il faut appliquer, là,
mais on va essayer d'améliorer de belle façon. Alors, je vous remercie beaucoup
pour vos travaux. Merci pour votre participation.
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, nous poursuivons la période
d'échange avec la députée de l'Acadie.
Mme St-Pierre : Merci beaucoup, Mme
la Présidente. Merci d'être avec nous aujourd'hui. Ça a été une très longue
journée, mais très, très, très enrichissante. Vous avez dû un peu sursauter
lorsque vous avez... tous ceux et celles qui sont venus nous dire qu'il faut
que la demande de règlement... en fait, que le règlement soit à la demande.
Vous allez plus loin, en fait, vous allez plus loin, vous allez complètement
dans l'autre sens. C'est l'article 68.5 qui est comme, pour vous, quelque
chose qui va être catastrophique, si je comprends bien.
Mme Hébert (Sophie) : 68.5 ou 68.6?
Mme St-Pierre : Bien, il y a les
deux, là.
Mme Hébert (Sophie) : Le 68.5, c'est
de réglementer...
Mme St-Pierre : Il y a 68.5, il y a
68.6.
Mme Hébert (Sophie) : Bien, pour
nous, ce sont deux choses différentes, là, ce sont deux pouvoirs de
réglementation, le 68.5 étant de réglementer sur, notamment, des définitions.
On considère que le travail est en train de se faire et sera complété.
Mme St-Pierre : O.K. C'est celui-là
que vous demandez qu'on enlève.
Mme Hébert (Sophie) : Exactement. Le
68.6, du côté de l'ADISQ, on ne demande pas de l'enlever, mais, comme les
associations d'artistes l'ont fait, nous demandons aussi qu'il soit davantage
structuré et encadré, parce qu'effectivement
il ne faudrait pas que 68.6 soit utilisé comme une manière de court-circuiter
un processus de négociation dûment entamé. C'est un peu comme une loi
spéciale, on ne sort pas la loi spéciale dès la première approche, là.
Mme St-Pierre : Bien, en fait, vous
avez entendu ceux qui sont venus, plus tôt, dire : Nous, nous sommes des
réalisateurs, nous sommes une petite association. Moi, ce que j'ai compris,
c'est que ça ne sera pas long qu'ils vont demander au gouvernement de faire la
job à leur place parce qu'ils sont trop petits puis ils n'ont pas les moyens
d'aller voir tout le monde. Et ça, c'est pour ça, la notion d'à la demande, ils
vont le demander rapidement. C'est ce que j'ai compris, moi.
Mme Hébert (Sophie) : Oui, bien,
c'est ce qu'on comprend aussi puis... Allez-y, allez-y. Bien sûr, allez-y.
Mme St-Pierre : Puis vous, vous
voyez une compétition, vous voyez une compétition entre ces...
M. Massé (Frédéric) : Le danger, Mme
la députée...
Mme St-Pierre : Oui, c'est ça que
j'essaie de...
M.
Massé (Frédéric) : ...puis il faut bien le comprendre, là, parce que
c'est ça qu'il faut voir, là, c'est que le règlement établirait des conditions
minimales. Les ententes font la même chose. Il faut voir que, dans notre
milieu, la raison de devenir membre d'une association de producteurs, c'est
d'avoir accès à des pools de main-d'oeuvre, O.K.? La seule façon, normalement,
d'avoir du talent syndiqué, tu sais, «go union», c'est d'être membre d'une
association parce que ça me donne accès à l'entente collective.
Mme
St-Pierre : Mais ce n'est pas obligatoire d'être membre.
M. Massé
(Frédéric) : Vous avez tout à fait raison. Si, pour une raison ou une
autre, il y a un règlement qui établit des conditions minimales d'engagement
qui est adopté, les associations de producteurs, comme l'AQPM et l'ADISQ,
n'ont, à toutes fins pratiques, plus de raison d'être, parce que vous allez
établir des planchers qui vont permettre aux gens d'avoir accès à ces
conditions-là.
Or, je peux vous
assurer, Mme la députée, que la meilleure façon d'augmenter les conditions
d'engagement des artistes, c'est plutôt d'avoir plus d'associations de
producteurs. Parce que l'AQPM, avant même qu'il y ait une loi, elle négociait
des conditions d'engagement qui étaient très avantageuses. La plupart des
éléments que vous mettez dans la loi présentement, ce sont des choses que
l'AQPM a insérées dans ses ententes collectives il y a 10 ans. Nous, on
n'en a plus, de débat sur le harcèlement psychologique, c'est réglé depuis
longtemps.
Le danger, c'est que
les règlements deviendraient la voie facile pour tout milieu où il y a des... il
y a une potentialité que ce soit adopté, que les producteurs se disent :
Moi, je n'investirai pas de l'argent, ça coûte une fortune, négocier une
entente collective, là, moi, je n'investirai pas de l'argent, des ressources,
des cotisations dans des associations de producteurs pour qu'ils viennent
négocier plus, je le sais, que, dans trois ans ou dans cinq ans, le gouvernement va faire le travail pour nous. Parce
que c'est très différent, à titre d'exemple, d'un décret de convention
collective. Un décret de convention collective, c'est un minimum. Une
convention collective, c'est «above». Mais les associations de producteurs, ils
négocient des minimums. Donc, ça serait exactement des compétiteurs.
Et, dans ce
contexte-là, c'est pour ça que, l'AQPM, ce qu'ils disent, c'est : Il y a
certainement des milieux qui ne sont pas
assez structurés, O.K., où est-ce que, pour tout un paquet de raisons, il n'y a
pas assez d'argent, il n'y a pas assez de profits, ça ne vaut pas la
peine de se constituer des grosses associations de producteurs. Dans ces
milieux-là où il n'y en a pas, d'entente collective, là, ça vaut la peine que
le gouvernement agisse, parce que, là, vous pourriez avoir une valeur ajoutée,
vous ne feriez pas double usage avec des ententes prénégociées. Mais, si vous
vous servez du pouvoir réglementaire pour patcher des trous, il y a un
domaine... disons, l'audiovisuel, 80 % ou 75 % des productions sont
couvertes par une entente collective, si vous adoptez un règlement pour couvrir
le 25 % qui manque, un, ça va être très, très, très compliqué. Au départ,
là, je pense qu'on sous-estime la difficulté. Tu sais, il n'y en a pas, d'autre modèle, au Québec, qui fait
ça, là. Le décret de convention collective, vous prenez une convention
qui existe déjà puis vous l'appliquez à tout le monde. S'il fallait que vous...
Mme
St-Pierre : Bien, ils pourraient faire un copier-coller de votre
entente.
M. Massé
(Frédéric) : Et là vous feriez disparaître 25 %. J'assume que la
raison pour laquelle le gouvernement n'a pas mis de l'avant le fait de nous
rendre obligatoires ou de décréter nos ententes, c'est parce qu'on accepte le
fait qu'il y a un certain nombre de productions qui, pour tout un paquet de
bonnes ou mauvaises raisons, ne peuvent pas se faire avec nos conditions, on
est trop cher. Donc, pour que ces shows-là subsistent, soit ils sont dans une
«union», mais là, si vous mettez des règlements... nous, nos ententes, c'est...
vos règlements vont être des minimums. Nos
ententes, c'est des minimums. Prochaine négociation, on va s'asseoir puis on va
dire : Très bien, on sait c'est quoi, le minimum, c'est ça. Puis,
rapidement, les associations, sur un horizon de cinq à 10 ans, les
associations de producteurs vont perdre de leur utilité.
Donc, ce que nous, on
propose, puis on répond, je pense, à toutes les préoccupations qui ont été
mises de l'avant autant par l'UDA que par l'AQTIS, puis un peu aussi à une
question que vous avez posée, nous, ce qu'on dit, c'est : Il faut que ce
soit à la demande d'une association d'artistes reconnue. On est tout à fait
d'accord avec ça. Nous, on répond à la question que vous aviez posée à l'AQTIS,
vous leur demandiez combien de temps... C'est à l'UDA, excusez-moi, que vous
demandiez cette question-là.
Mme
St-Pierre : Ce matin, oui.
M. Massé
(Frédéric) : Nous, on dit : Minimum trois ans, il faut que tu
aies essayé pendant trois ans.
Mme
St-Pierre : O.K.
M. Massé
(Frédéric) : C'est court. Soyons honnêtes, là, on aurait pu mettre
cinq ans, parce que c'est long, le processus, mais on comprend que, dans
certains domaines, il y a une forme de préoccupation rapide, là, vous les avez
entendus, en danse, peut-être dans l'événementiel, quoique dans l'événementiel,
je n'aimerais pas être le législateur qui adopte un règlement, parce que le
minimum, ça risque d'être difficile à écrire, mais je comprends qu'il pourrait
y avoir une intervention, mais, dans ces domaines-là où ils ne sont pas
structurés, ça peut être utile.
Alors, nous, ce qu'on
ajoute comme critère, c'est : ça pourrait être fait à la demande, après
que le Tribunal administratif du travail ait
attesté, puis ça peut se faire très vite, c'est un exercice qu'on fait souvent
devant le Tribunal administratif du travail, qu'il n'y a pas d'entente,
entre parenthèses, dominante dans ce domaine-là.
Donc,
à titre d'exemple, nous, en audiovisuel, ce qu'on dit, c'est : Ce n'est
pas un domaine où cette espèce de juxtaposition entre un règlement,
probablement plus bas que ce qu'on offrirait, puis nos ententes est susceptible
d'être efficace. Alors, on les pousse vers les domaines où est-ce qu'il n'y a
pas d'entente collective. Et ça correspond à l'essentiel des domaines où est-ce
que, historiquement, les associations d'artistes ont dit : On n'est pas
capables d'avoir des conditions de travail minimalement décentes. Parce que ce
n'est pas un argument que vous entendrez beaucoup,
à titre d'exemple, de l'audiovisuel. En audiovisuel, souvent, les gens vont
avoir l'impression qu'ils viennent en audiovisuel pour augmenter leur
rémunération.
Mais le but, nous, ce
qu'on dit, c'est : Les secteurs où la loi a bien fonctionné, laissons-la
fonctionner. Vous avez ajouté la plainte de négociation de mauvaise foi, qui va
faire d'immenses différences, là, ça va vraiment changer significativement la
dynamique entre les parties, ça risque d'être coûteux, là, mais ça va beaucoup,
beaucoup changer la dynamique entre les parties. Voyons comment ça, ça fonctionne.
Puis, dans les domaines où il n'y a pas
d'association de producteurs, donc, de toute évidence, il ne peut pas vraiment
y avoir de plainte de négociation de mauvaise foi, là, on ne négocie
pas, dans ces domaines-là, un règlement peut être efficace.
Mme
St-Pierre : O.K. Donc, dans votre esprit, il faudrait ajouter une
notion de temps.
M. Massé
(Frédéric) : Notre proposition est à cet effet-là, Mme la députée.
Mme
St-Pierre : C'est la question que je posais ce matin, comme vous
l'avez dit, il y a une notion de temps. Puis tout à l'heure, on a vu le
contraire, en disant : Aussitôt que la loi est adoptée, nous autres...
M. Massé (Frédéric) : Cette approche-là, Mme la
députée, nous terrorise et, bien honnêtement, va scléroser...
Mme
St-Pierre :
O.K. Mais il va falloir qu'on trouve un...
M. Massé
(Frédéric) : ...va scléroser nos négociations, parce que, soyons
candides, les secteurs, à titre d'exemple... on va prendre cet exemple-là,
l'ARRQ vous parlait de la publicité. Et je sais pour un fait que l'ARRQ,
pendant, justement, une quinzaine d'années, depuis qu'ils sont reconnus, n'ont
jamais tenté de négocier dans ce secteur-là, O.K.? Là, mettons que vous leur
dites : Oui, sur demande, on va... Là, je sais qu'ils viennent, il y a
deux semaines, d'envoyer un avis de
négociation, O.K.? Là, disons qu'eux savent, puis les producteurs aussi vont le
savoir, qu'il est possible que vous émettiez
un règlement sur demande dans trois mois. Il est à peu près certain que les
producteurs publicitaires vont dire : Très bien, je vais attendre le
règlement, le gouvernement va faire le travail à ma place.
Mme
St-Pierre : Oui, mais la crainte, ça peut être aussi l'inverse. La
crainte, ça peut être, s'il n'y a pas «à la demande»
puis que... et que ce soit... que le gouvernement s'assoit puis dise :
Bien, ils nous ont demandé un règlement, mais on le fera bien quand on
voudra, notre règlement, là.
• (18 h 50) •
M. Massé
(Frédéric) : Ah! ça, c'est possible. Mais ça, rendu là, ça devient une
décision...
Mme
St-Pierre : Mais c'était ça, leur crainte, tantôt, là, s'il n'y avait
pas...
M. Massé
(Frédéric) : Eux, je comprends qu'ils voudraient vous y contraindre,
ils voudraient changer le mot «peut» par le mot «doit», mais je serais surpris
que le gouvernement accepte de devenir la créature des parties.
Mme
St-Pierre : Je reviens... je voudrais parler des autoproducteurs.
Parce que, les autoproducteurs, ce que je comprends, pourquoi ils deviennent
autoproducteurs, c'est parce qu'ils ne sont pas... ils ne sentent pas qu'ils
ont le service qu'ils méritent avec les grands producteurs. Et...
Mme Hébert (Sophie) :
Il y a différentes raisons. En fait...
Mme
St-Pierre : Attendez un petit peu.
Mme Hébert
(Sophie) : Pardon. Excusez.
Mme
St-Pierre : Puis les technologies ont changé. Tu n'as plus besoin d'un
immense studio à la Morin-Heights pour, maintenant, faire des productions de
disques, hein? Et ils n'ont pas accès aux subventions de la SODEC. Alors, si
vous voulez faire en sorte que les autoproducteurs soient traités différemment,
enfin, soient dans...
Mme Hébert
(Sophie) : Dans le giron.
Mme
St-Pierre : ...dans la gang, il faut qu'ils aient les mêmes avantages
que les grandes maisons de production, ce qu'ils n'ont pas présentement. Il
faut qu'ils aillent faire une génuflexion au CALQ pour avoir un peu d'argent
puis prouver qu'ils ont peut-être un petit projet de faire un petit disque.
Mme Bouchard
(Lyette) : Bon, maintenant, ils ont déjà... ils ont de l'argent, les
autoproducteurs.
Mme St-Pierre : Par le CALQ.
Mme Bouchard (Lyette) : Et par la
SODEC, par la SODEC également. Il y a 1 million de dollars qui a été donné aux autoproducteurs, par année, pour les
trois prochaines années. Maintenant, c'est à nous, en négociation, de
nous assurer que nos conditions soient suffisamment attrayantes pour attirer
l'autoproduction, pour que les conditions minimales soient des conditions
d'application générale, et ainsi faire en sorte que ces autoproducteurs-là,
qui, des fois, le sont, autoproducteurs, parce qu'ils ont envie... des fois
parce qu'il n'y a pas d'autre maison de disques qui a voulu les produire, des
fois parce qu'ils sont autoproducteurs de leur bande maîtresse, détenteurs des
droits sur leur bande maîtresse, mais pas vraiment des autoproducteurs, parce
qu'après ils font du «label servicing», donc ils vont faire appel à une maison
de disques pour commercialisation, un agent de promo pour la promotion radio,
etc., et un distributeur, donc ils vont faire ce qu'on appelle des ententes de
service, mais ils vont détenir leur bande maîtresse. Donc, il y a toutes sortes
de modèles, la SODEC est en train d'étudier tout ça.
Donc, c'est ça qu'on vise, nous, on se
dit : Ces gens-là veulent avoir accès à du financement, parfait, il faut aussi qu'ils jouent avec des règles syndicales,
comme nos petites entreprises de production, au quotidien, avec toute la
paperasse qui s'ensuit. Donc, c'est, pour nous, essentiel qu'ils aient... Nos
producteurs paient 9 %, 10 %, 11 %, 15 % de frais de producteurs, en vertu des conventions
collectives, ce qui passe sous le radar quand il s'agit d'autoproduction.
Alors, il n'y a pas ces frais-là qui sont versés au fonds vacances, au fonds...
aux REER, à toutes sortes de fonds, donc,
qui sont versés aux syndicats. Nous, on dit : Bien, ça doit s'appliquer à
tout le monde. Et qu'il y ait du financement, bravo, oui, on n'est pas
contre ça, mais c'est les conventions collectives aussi.
Mme St-Pierre : ...par rapport à ce
que l'ADISQ reçoit, que les grands producteurs reçoivent, c'est... on n'est pas
dans la...
Mme
Bouchard (Lyette) : Non, je suis d'accord, je suis d'accord, mais on
ne parle pas des mêmes niveaux...
Mme St-Pierre : ...on n'est pas dans
le trèfle à quatre feuilles, là.
Mme Bouchard (Lyette) : Non, mais on
ne parle pas des mêmes niveaux de production non plus. Une grande entreprise de production va avoir combien
de productions dans son année, ne va pas produire... L'autoproducteur,
il se produit lui-même, il n'investit pas dans la carrière d'autres artistes,
alors que des grandes entreprises... nos producteurs indépendants vont investir
dans la carrière de plusieurs artistes et vont miser, investir sur de la relève
et l'émergence.
Mme St-Pierre : Donc, comment on les
contraint, dans la loi qu'on a devant nous, pour...
Mme Hébert (Sophie) : Bien, selon
nous, c'est un peu ce qu'on voyait dans 68.6. Quand on a lu cet article-là,
première lecture, on s'est dit : Peut-être que ça vise notre phénomène de
l'autoproduction. On ne pouvait pas se mettre la main dans le feu, on n'avait
pas la réponse, mais c'est de cette façon-là qu'on l'a vu. Et de ce qu'on
comprend des autoproducteurs, encore une fois, ce n'est pas un problème de
cachets, par exemple, ce ne serait pas les cachets dans nos ententes
collectives qui pourraient les rebuter.
Premier point important : la loi sur le
statut de l'artiste, sur le terrain, dans le milieu de la musique, elle est
méconnue. Quand on parle de mesures complémentaires à la loi sur le statut de
l'artiste qui pourraient grandement aider le milieu de la musique, c'est de
l'aide à la formation. Dans le milieu de la musique, ce sont des gens qui
deviennent entrepreneurs un peu sans s'en rendre compte, qu'on ne se le cache
pas, là, c'est souvent ce qui arrive. La ligne, elle est ténue entre l'amateur
et le professionnel. Celui qu'on pourrait croire amateur dans son sous-sol peut
connaître un succès fulgurant du jour au lendemain et devenir un professionnel.
Il ne le savait même pas, qu'il devait appliquer une entente collective ou même
s'il était membre d'une association d'artistes ou non, il ne sait même pas
qu'il y a des ententes collectives négociées par l'association d'artistes. On
part de là, là, dans notre secteur.
On a entendu des artistes autoproducteurs avec
de forts succès nous avouer ne même pas savoir qu'il y avait des ententes
collectives applicables dans notre secteur. Et ce n'est pas par manque d'effort
de la part des associations d'artistes ou de la part de l'association de
producteurs, mais il y a clairement des efforts encore plus grands qui devront
être faits en matière de formation. C'est notamment à ça qu'on faisait
référence en matière de mesures complémentaires.
Donc, on est conscients que les associations
d'artistes se trouvent dans une situation un peu difficile, à savoir envoyer
des avis de négo à leurs propres membres.
Mme St-Pierre : ...un avis de négo à
lui-même, l'autoproducteur.
Mme Hébert (Sophie) : Il va retenir
les services de d'autres personnes. Donc, nécessairement, en retenant les
services d'artistes... Puis, encore une fois, comme on vous dit, ce n'est pas
nécessairement une question de cachet, le problème, c'est soit que c'est
méconnu ou ils ont peur de l'administratif qui peut en découler. En revient à
nous, maintenant, de négocier des ententes qui seront faciles d'application
puis intéressantes pour tout le monde, mais... et c'est d'ailleurs ce qu'on a écrit dans
notre mémoire. Si on allait vers cette avenue-là, il ne faudrait
certainement pas que le règlement vienne enlever... on rejoint l'AQPM
là-dessus, là, que ce soit une iniquité concurrentielle totale. Puis on serait
d'accord à ce que les ententes collectives qui sont négociées dans notre
secteur actuellement puissent s'appliquer au plus grand nombre possible.
Mme St-Pierre : Donc, selon vous, il
faut vraiment qu'il y ait... «à la demande de», il faut qu'il y ait eu un
processus avant d'engagé.
M. Massé (Frédéric) : Mme la
députée, je veux juste mettre une chose bien au clair, c'est parce qu'on parle
de deux dynamiques, je pense, totalement différentes, O.K.? Ce qui existe, puis
Mme D'Amours, si elle était encore là, nous le dirait, là, dans le monde
des pigistes, là, il existe trois façons, il n'y en a pas 150 000, là,
trois façons d'élargir les ententes collectives. On peut forcer l'adhésion à
des associations de producteurs ou à des associations d'employeurs, là, on peut
forcer la... eux vont avoir des conventions, donc les conventions deviennent
applicables automatiquement, O.K.? Ça peut être vu comme anticoncurrentiel, ça
pose plein de problèmes, là, mais ça peut être fait. L'autre façon, c'est des
décrets, puis on en a eu, au Québec, ce n'est pas superefficace, c'est cher, il
faut créer des comités d'application.
Mme St-Pierre : On connaît ça,
les décrets, ici.
M. Massé (Frédéric) : Voilà. Il
y a une troisième façon, que tout le monde sait, c'est qu'on peut rendre
conditionnel à l'application d'une ou d'un... d'une entente ou d'un ensemble de
règles du financement public, O.K.? L'AQPM, quand on a lu le projet de loi, ce
qu'on a retenu, c'est que le gouvernement, quant à nous, à bon droit, n'avait
pas retenu l'option un, car problématique, n'avait pas retenu
l'option deux, car aussi problématique pour d'autres raisons, O.K.? Il
restait l'option trois. Vous demandez qu'est-ce qu'on pouvait faire dans
la loi, O.K.? L'option trois, elle n'est pas dans la loi,
l'option trois, c'est dans les règles de financement, c'est dans les
politiques de la SODEC. Et, pour nous, cette option-là, elle a l'avantage
d'être excessivement facile à manier avec beaucoup de finesse. C'est-à-dire qu'aujourd'hui
en commission parlementaire, en cinq minutes, on ne peut pas vous donner tous
les exemples qu'on pourrait vous donner, mais il y a des cas où ce n'est pas
parfait d'appliquer une entente collective, pour tout un paquet de bonnes ou
mauvaises raisons. Mais ça, la SODEC ou d'autres organismes de financement
pourraient jouer avec ça puis rencontrer à 100 % les objectifs de l'ADISQ
sans miner le travail, je pense, très utile des associations de producteurs
pour faire monter les conditions d'engagement des artistes.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Parfait.
Merci.
M. Massé (Frédéric) : Donc, ce
modèle-là...
La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci,
merci, merci, vous êtes déjà dans le rouge...
M. Massé (Frédéric) : ...fonctionne
mieux mais n'est pas dans la loi.
La Présidente (Mme IsaBelle) : ...beaucoup,
beaucoup, beaucoup. Et alors, si on veut pouvoir sortir de la salle, il faut en
finir, à un moment donné. Merci beaucoup, très intéressant. Alors, merci, Mme Bouchard,
Mme Hébert, Mme Leduc et M. Massé, merci pour votre contribution
à l'avancement des travaux de la commission.
Mémoires déposés
Avant d'ajourner les travaux, je dépose les
mémoires des personnes et organismes qui n'ont pas été entendus.
Compte tenu de l'heure, la commission, ayant
accompli son mandat, ajourne ses travaux sine die. Merci beaucoup et bonne
soirée à tous et à toutes.
(Fin de la séance à 19 heures)