Journal des débats de la Commission de l'économie et du travail
Version préliminaire
42e législature, 2e session
(19 octobre 2021 au 28 août 2022)
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Le
mercredi 2 février 2022
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Vol. 46 N° 11
Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 14, Loi visant à assurer la protection des stagiaires en milieu de travail
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Intervenants par tranches d'heure
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IsaBelle, Claire
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Boulet, Jean
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Boutin, Joëlle
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Benjamin, Frantz
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IsaBelle, Claire
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Leduc, Alexandre
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Gaudreault, Sylvain
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Boulet, Jean
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Boulet, Jean
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IsaBelle, Claire
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Benjamin, Frantz
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Leduc, Alexandre
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Gaudreault, Sylvain
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IsaBelle, Claire
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Boulet, Jean
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Benjamin, Frantz
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Benjamin, Frantz
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IsaBelle, Claire
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Leduc, Alexandre
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Gaudreault, Sylvain
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Boulet, Jean
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Boulet, Jean
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IsaBelle, Claire
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Boutin, Joëlle
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Benjamin, Frantz
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Leduc, Alexandre
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Gaudreault, Sylvain
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11 h (version révisée)
(Onze heures vingt-six minutes)
La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors,
bonjour. Nous allons donc commencer. Ayant constaté le quorum, je déclare la
séance de la Commission de l'économie et du travail ouverte.
La commission est réunie afin de
poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières
sur le projet de loi n° 14, Loi visant à assurer la protection des
stagiaires en milieu de travail.
Mme la secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
La Secrétaire : Oui, Mme la
Présidente. M. Gaudreault (Jonquière) remplace Mme Richard
(Duplessis).
Auditions (suite)
La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci.
Ce matin, nous entendons deux groupes, alors, le premier, Force Jeunesse, et le
Conseil interprofessionnel du Québec. Alors, je souhaite la bienvenue à M. Telles
et Mme Racine, de Force Jeunesse.
Comme vous le savez, vous disposez de 10 minutes,
mais, avant de commencer votre exposé, je vous invite à bien vous présenter
avec votre titre, et ensuite vous pourrez commencer.
Force Jeunesse
M. Telles (Simon) : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Merci pour l'invitation. Merci aux membres de la
commission de prendre le temps de nous écouter aujourd'hui.
Alors, Simon Telles, je suis avocat dans
la vie de tous les jours, en droit du travail, justement. Donc, vous
comprendrez que je suis particulièrement interpelé par le sujet de discussion
aujourd'hui. Je laisse ma collègue...
Mme Racine (Éliane) : Éliane
Racine, je suis vice-présidente au contenu chez Force Jeunesse puis, dans la
vie de tous les jours, je fais un doctorat en relations industrielles à l'Université
de Montréal. Donc, pour moi aussi, c'est un sujet, là, qui touche des cordes
sensibles.
M. Telles (Simon) : Alors, j'aimerais
débuter, Mme la Présidente, en présentant un peu la mission de Force Jeunesse,
qui est de défendre les intérêts, les droits des jeunes dans l'élaboration des
politiques publiques et avec un angle tout particulier en matière de travail et
d'emploi, qui constitue vraiment notre champ d'intervention principal.
On suit évidemment avec intérêt les
travaux de la commission. On a déposé notamment un mémoire dans le cadre du projet
de loi n° 59, dont certains membres ont peut-être eu la chance de prendre
connaissance. Mais on est encore plus contents aujourd'hui d'être en personne
pour vous présenter nos recommandations sur le projet loi n° 14.
Tout d'abord, on tient à saluer la volonté
du ministre et les actions concrètes que le ministre a posées pour octroyer des
protections supplémentaires aux stagiaires, qui, dans l'état du droit actuel, à
notre avis, ne sont pas <adéquatement protégés...
M. Telles (Simon) :
...protections supplémentaires aux stagiaires qui, dans l'État du droit actuel,
à notre avis, ne sont pas >adéquatement protégés. On pense qu'il aurait
été plus approprié de passer directement par la Loi sur les normes du travail
pour leur conférer ces protections-là additionnelles. Cela dit, on est quand
même d'opinion que le projet de loi améliore les conditions des stagiaires, et
donc on va vous faire des recommandations dans le projet de loi qu'on a
actuellement sous les yeux pour tenter de le bonifier et d'accroître davantage
ces protections-là.
Dans le cadre de la présentation, on va
insister principalement sur quatre recommandations : celle de la
définition du rôle des stagiaires, celle de la durée du stage, en troisième
lieu, de l'ajout de protections additionnelles pour les stagiaires et,
finalement, des recours pour pratiques interdites. Je vais laisser ma collègue
poursuivre avec la définition de stagiaire.
Mme Racine (Éliane) : Merci,
Simon. Donc, comme Simon l'a mentionné dans son introduction, dans la Loi sur
les normes du travail actuelle, le statut de stagiaire est pratiquement
inexistant, et donc le projet de loi n° 14 vient définir un terme qu'on
utilise couramment en pratique, puis, pour nous, ça, c'est déjà un pas de plus
dans la bonne direction, parce qu'on vient vraiment clarifier ce qu'on entend
comme étant un stage puis on vient faire le lien avec la portion, là, qui est
liée à l'éducation puis au système des établissements d'enseignement.
Maintenant, pour nous, le petit morceau
manquant, c'est de vraiment venir l'ajouter aussi dans la Loi sur les normes du
travail pour qu'il y ait vraiment un lien entre ces deux lois-là, donc la Loi
sur les normes du travail puis le projet de loi n° 14. On croit qu'en
ajoutant cette définition-là à même la Loi sur les normes du travail, bien, on
va être en mesure de mieux protéger les stagiaires, mais également les
personnes, sur le marché du travail, qui se font offrir un stage qui, en
réalité, est un emploi. Je vais laisser Simon continuer avec la durée des
stages.
• (11 h 30) •
M. Telles (Simon) : Merci,
Éliane. Alors, au niveau de la durée des stages, il n'y a rien actuellement,
dans le projet de loi n° 14, qui vient préciser quelle devrait être la
durée d'un stage ou au moins donner des balises pour que la durée d'un stage
soit spécifiée, dépendamment des différents programmes. Et, pour nous, c'est
problématique, c'est un élément qui devrait clairement être précisé dans la
convention de stage, pour éviter qu'une personne, un stagiaire effectue un
nombre d'heures supérieur à la durée qui est attendue sans bénéficier des
protections de la Loi sur les normes du travail.
Alors, évidemment que, pour les stages
dont la durée est spécifiée en jour ou en mois, il va y avoir un travail des
ordres professionnels, des établissements d'enseignement de définir qu'est ce
qu'est une journée normale de stage, qu'est ce qui est une semaine normale de stage
afin, justement, de s'assurer que les gens ne continuent pas de travailler
au-delà de cette durée-là et qu'ils ne soient pas protégés. Et, pour vous
donner un exemple que je connais très bien, je peux vous parler du stage du
Barreau. Le stage du Barreau qui est d'une durée de six mois, il n'y a pas d'autres
balises qui sont données. Donc, est-ce que la semaine normale d'un stagiaire du
Barreau, c'est 35 heures par semaine? Par expérience, je peux vous
garantir que c'est pas mal plus que ça. Est-ce que c'est 80 heures-semaine?
En ce moment, on voit les deux cas d'espèce, et il n'y a pas de protections qui
sont données aux stagiaires qui travaillent des 80 heures par semaine.
Donc, ça, pour nous, c'est un cas très client... très criant plutôt, qui est
problématique. Et, en plus, ce n'est pas tous les stages qui sont rémunérés,
même en droit, contrairement à ce qu'on pourrait penser, donc il y a un autre
problème qui s'ajoute au niveau de la compensation financière, dont on aura la
chance de vous parler un petit peu plus tard.
Alors ce qu'on demande, c'est l'objet de
notre recommandation n° 3, c'est qu'on crée un
mécanisme similaire à celui de l'article 2090 du Code civil du Québec, qui
viendrait prévoir qu'une fois qu'un stagiaire termine ses heures normales de
stage, s'il continue à exercer une prestation dans son milieu de stage, bien,
qu'il soit réputé devenir salarié au sens de la Loi sur les normes du travail.
Donc, c'est l'essence de notre recommandation n° 3.
On souhaite aussi, dans le projet, qu'il y
ait des normes du travail supplémentaires, minimales qui soient ajoutées aux
stagiaires, parce que, dans sa version actuelle du projet de loi n° 14, il
y a encore une distinction trop grande qui est faite, selon nous, entre un
salarié et un stagiaire. C'est-à-dire que, pour nous, toutes les protections
minimales qui sont accordées à un salarié, qui sont transposables à la réalité
d'un stagiaire devraient être accordées aux stagiaires. Et, pour vous en donner
quelques exemples, on parle notamment de la durée du travail dont je vous ai
parlé un petit peu plus tôt, les périodes de repos. On pense qu'un stagiaire
aussi devrait avoir le droit d'avoir une pause de 30 minutes pour manger,
devrait avoir une période de repos d'au moins 32 heures par semaine entre
ses semaines de travail, devrait avoir droit aussi à des absences prolongées
pour cause de maladie ou familiale. Présentement, dans la version du projet de
loi qui est à l'étude, ces conditions-là ne sont pas incluses. Et, en plus, c'est
des conditions qui sont à coût nul pour l'employeur parce que c'est des
questions d'absence et de repos. Donc, le coût de cette mesure-là n'est pas
très, très grand pour les bénéfices que ça pourrait apporter aux stagiaires.
Alors, on propose que ces normes-là soient élargies dans la version actuelle du
projet de loi.
Maintenant, il y a une autre norme
minimale du travail particulièrement importante qui n'est pas dans le projet de
loi n° 14 et c'est celle de la compensation financière. On propose que les
stagiaires qui exécutent des activités d'acquisition et de mise en oeuvre de
compétences, donc je ne parle pas des activités d'observation ici, mais vraiment
lorsqu'un stagiaire effectue une prestation, dans un milieu de stage, qui
bénéficie au milieu de stage, bien, qu'il y ait une compensation financière qui
leur soit donnée, qui est équivalente au salaire <minimum. ...
>
11 h 30 (version révisée)
< M. Telles (Simon) :
...dans
le projet de loi
n° 14 et c'est celle de la
compensation financière. On propose que les stagiaires qui exécutent des
activités d'acquisition et de mise en œuvre de compétences, donc je ne parle
pas des activités d'observation ici, mais vraiment, lorsqu'un stagiaire
effectue une prestation dans un milieu de stage qui bénéficie au milieu de
stage, bien, qu'il y ait une compensation financière qui leur soit donnée qui
est équivalente au salaire >minimum. Donc, ça pourrait être sous forme
de salaire, ça pourrait être sous forme de bourses. Mais, pour nous, la
prestation que fait un stagiaire dans un milieu qui en bénéficie, il n'y a pas
de raison de soustraire ça des normes minimales du travail du salaire, comme c'est
le cas actuellement.
Les stagiaires ajoutent une valeur à leur
milieu de travail, je pense que personne ne peut en douter. Et ça limite leur
temps actif. C'est-à-dire que, quand ils sont... quand ils et elles sont en
milieu de stage, elles ne peuvent pas travailler pendant ces heures-là, et donc
il y a un réel danger pour les stagiaires d'être en situation de précarité, et,
sur le terrain, c'est ce qu'on observe.
Alors, on pense que ce mécanisme-là est
essentiel pour assurer de meilleures conditions aux stagiaires. Parallèlement,
évidemment, il pourrait y avoir un mécanisme de transition pour laisser le
temps au milieu de stage de s'adapter à cette mesure-là, et peut-être d'autres
incitatifs qui pourraient être mis en place pour aider les milieux à se
conformer à cette directive-là. Mais on pense que cette recommandation là, dans
un contexte de pénurie de main-d'œuvre et de diminution de la population
active, est d'autant plus importante, parce que ça augmente la rétention des
stagiaires dans les milieux, particulièrement en santé, où il y a beaucoup de
stagiaires et où les besoins sont criants. Alors, je vais laisser ma collègue
poursuivre avec les recours pour pratiques interdites.
Mme Racine (Éliane) : Merci,
Simon. Donc, en matière de recours, la proposition qu'on vient faire, c'est
vraiment simplement de pouvoir élargir qui peut déposer une plainte, pour
refléter un peu la réalité du milieu des stages. À l'heure actuelle, si un
stagiaire vit une situation qui est inadéquate dans son stage, il n'aura peut-être
pas le réflexe d'appeler la CNESST pour pouvoir dire : Je pense que je vis
quelque chose que je ne suis pas censé vivre. Les mécanismes existent déjà dans
les universités, que ce soit à travers l'établissement d'enseignement ou encore
à travers les associations étudiantes. Et donc ce qu'on propose, c'est que ces
deux organismes-là qui défendent et qui peuvent défendre les intérêts des
stagiaires puissent faire un dépôt de plainte auprès de la CNESST, là,
moyennement d'avoir l'autorisation écrite du stagiaire en question.
Donc, en terminant, je pense que c'est
évident pour nous que le stage, c'est une étape importante dans la vie puis
dans le processus d'intégration professionnelle des jeunes. Le projet de loi n° 14 a la capacité de pouvoir venir protéger davantage ces
jeunes-là. Pour nous, les modifications qu'on viendrait apporter en accordant
des bénéfices, là, au niveau des normes du travail, ce seraient des points
importants, là, pour pouvoir améliorer cette protection-là. Puis c'est certain
que ça passe aussi, selon nous, là, par un accompagnement à la fois des milieux
de stages, mais aussi un accompagnement au niveau de la société, là, à travers
une campagne de sensibilisation. Je l'ai mentionné un peu plus tôt, il y a...
le terme «stage» est utilisé à toutes sortes de sauces, donc je pense qu'il
faut pouvoir venir, là, qualifier clairement qu'est-ce qu'un stage, qu'est-ce
que n'est pas un stage, puis quels droits s'appliquent, à qui, sur le marché du
travail. Donc, merci beaucoup pour votre écoute. Puis on va être prêts à
prendre vos questions.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci,
merci pour votre exposé. Alors, effectivement, nous allons commencer la période
d'échange. Alors, M. le ministre, à vous la parole.
M. Boulet : Oui. Merci, Mme
la Présidente. Tout d'abord, merci pour votre engagement, la qualité de votre
mémoire, la réflexion derrière les recommandations qui nous sont soumises. Peut-être
quelques petites précisions, là, puis peut-être que je n'ai pas bien compris,
là. Je pense, c'est toi, Simon, qui y faisais référence, à 2290, il me semble
que ce que tu mentionnais, par exemple, en référence avec un stagiaire du
Barreau, qu'au lieu d'être une semaine régulière de 40 heures, ça pouvait
être 50 heures, tu as fait référence à 80, peut-être qu'il y en a qui se
rendent à 80, là, puis je connais la réalité des grands cabinets, là, surtout à
Montréal, mais qu'au-delà de 40 heures ils devraient être assimilés à un
salarié conformément à 2290. Le souvenir que j'ai, parce que je n'ai pas l'article
devant moi, c'est... il me semble qu'après l'arrivée du terme du mandat, s'il
continue à travailler pendant cinq jours, par exemple, à ce moment-là, il
est réputé à... O.K. C'est plus à ça que tu faisais référence.
M. Telles (Simon) : Exact.
M. Boulet : O.K. Parce que j'avais
mal compris, là, parce que tu semblais dire qu'au-delà d'une semaine régulière
de travail il devait être considéré comme un salarié. O.K.
M. Telles (Simon) : Non. Ce
qu'on souhaite, c'est qu'à la fin de la durée du stage, donc... Prenons, par
exemple, le stage du Barreau. Si, après six mois de stage, le stagiaire
continue à travailler dans son milieu de stage pendant deux mois
supplémentaires, c'est qu'après cinq jours de prestation sans opposition de
l'employeur, là, il soit assimilé à un <salarié...
M. Telles (Simon) :
...le stage du Barreau. Si, après six mois de stage, le stagiaire continue à
travailler dans son milieu de stage pendant deux mois supplémentaires, c'est qu'après
cinq jours de prestation sans opposition de l'employeur, là, il soit assimilé à
un >salarié. Ce qu'on souhaite éviter, c'est qu'une personne soit
maintenue dans le statut de stagiaire, alors qu'elle exerce une prestation de
travail qui s'apparente à celle d'un salarié.
M. Boulet : O.K. Dans un
cabinet d'avocats, c'est une réalité qui est connue. O.K. C'est parce qu'il
faut... il ne faut pas faire aussi le mélange des genres, hein? Le Code civil
du Québec, c'est du droit supplétif. La Loi sur les normes du travail, c'est
une loi qui s'applique dans un contexte de relations bipartite entre un
employeur puis un salarié. Il y a une infime minorité de stagiaires qui sont
couverts dans la Loi sur les normes du travail, mais il y a des exceptions.
Puis c'est des stagiaires qui sont rémunérés, qui font des stages pour accéder
à un ordre professionnel. Puis il y a beaucoup d'exceptions en ce qui les
concerne.
Le projet de loi n° 14, il est
autoportant parce que là on a voulu faire assumer des responsabilités
partagées, notamment au milieu de travail, à l'établissement d'enseignement ou
l'ordre professionnel, le cas échéant. Puis la statistique que j'ai, c'est que
88 % des stagiaires ne sont pas rémunérés au niveau technique collégial,
alors qu'au niveau universitaire c'est 67 %. Donc, on ne... ce n'est pas
un projet de loi de rémunération, c'est un projet de loi qui vise à conférer
des droits, puis des protections, puis des recours, comme vous l'avez bien
mentionné. Puis, je suis heureux de constater que vous êtes, bien sûr, d'accord
avec le principe.
Puis, en ce qui concerne la durée des
stages, j'aimerais ça vous entendre sur la compatibilité entre des stages de
courte durée... Parce qu'il y a une diversité de stages, là, vous y avez fait
référence. Il y en a, c'est purement de l'observation, d'autres, développement
d'habiletés, acquisition de compétences et connaissances. Mais la durée est
très variable. Comment on peut concilier une durée de stage qui est plus courte
avec des absences de longue durée? Expliquez-moi, donc, un ou l'autre, là,
comment vous voyez la mécanique d'interruption?
Mme Racine (Éliane) : En
fait, je pense que l'idée de permettre une mécanique d'interruption... Puis
vous le mentionnez bien, là, il y a des stages de différentes durées. C'est
évident pour nous que le fait d'être disponible ou non pour offrir la
prestation de travail au moment où l'entreprise a besoin de cette prestation-là
est un facteur important à considérer. Ça l'est déjà quand on regarde, par
exemple, pour l'octroi de contrats à durée déterminée sur le marché du travail,
c'est un facteur qui peut être considéré, là, au niveau de la jurisprudence.
• (11 h 40) •
Maintenant, pour nous, l'idée, c'est de
dire : La personne qui ferait, par exemple, un stage de plus longue durée,
comme le stage du Barreau, bien, cette personne-là, si elle fait... si elle a
besoin d'une absence durant le stage, elle a peut-être moins la capacité de
pouvoir le prévoir en amont qu'un stage de courte durée qui serait, par
exemple, sur une semaine. Et donc, dans ce contexte-là, d'avoir des mesures
comme le congé de longue durée qui s'appliquerait aux... qui s'appliquerait un
peu de la même manière qu'au salarié, bien, ça permettrait de protéger ces
personnes-là. Puis je réitère vraiment que l'idée, ce n'est pas nécessairement
de vouloir mettre les bâtons dans les roues des employeurs, là, ce n'est pas ça,
le point. Le point, c'est de dire : Pour les travailleurs puis pour les
salariés, on a mis en place des mesures qui s'appliquent puis qu'on est capable
d'appliquer en fonction d'un contrat à courte durée puis d'un contrat à durée
indéterminée. Pour nous, c'est un peu le même principe qui s'appliquerait, là,
au niveau des stages.
M. Boulet : C'est donc dire...
puis là je ne comprends pas bien, Éliane, la mécanique qui permettrait, par
exemple, à quelqu'un qui est un stagiaire qui est dans un stage, par exemple,
de six semaines... comment on appliquerait une absence de longue durée
dans un contexte comme celui-là?
Mme Racine (Éliane) : Mais je
pense que l'absence de longue durée va surtout affecter aussi... Puis vous l'avez
mentionné plus tôt, là, la relation de stagiaire, c'est une relation qui est
tripartite, ça fait que c'est évident que ça va affecter du côté de l'employeur
aussi. Puis je pense que... l'employeur et de l'établissement d'enseignement. C'est
l'idée de pouvoir dire : Bien, si la personne a déjà effectué trois
semaines de stage, bien, ces trois semaines-là doivent pouvoir lui être
reconnues comme étant avoir été complétées, puis donc de pouvoir continuer par
après, là, puis de reprendre, une fois son absence terminée, son stage là où
elle l'avait laissée, là.
M. Boulet : Est-ce que tu ne
crains pas que ça puisse donner naissance à un régime à deux vitesses? Parce
que, si tu es étudiant puis qu'au bout de quelques semaines tu dois t'absenter
pour des raisons parentales ou des raisons de maladie, ou autres, ou de proche
aidance, tu ne recommenceras pas ta <session là où tu l'avais complétée...
M. Boulet :
...pas
que ça puisse donner naissance à un régime à deux vitesses parce que si tu es
étudiant, puis qu'au bout de quelques semaines, tu dois t'absenter pour des
raisons parentales ou des raisons de maladie ou autre ou de proche aidance, tu
ne recommenceras pas ta >session là où tu l'avais complétée. Si tu dois
revenir, tu reprends ta session ou tu reprends ton année académique, si c'est
dans un centre de formation professionnelle. Et là, ce que tu me mentionnes,
Éliane, pour le stage, il faudrait comme avoir un processus de reconnaissance
des acquis préabsence de longue durée et, après ça, lui permettre de continuer
son stage, indépendamment des ressources qui sont disponibles dans le milieu de
stage. Est-ce que ça... il n'y a pas une appréhension, de votre part, d'iniquité
potentielle?
Mme Racine (Éliane) : Mais je
pense que ce serait quand même possible de pouvoir anticiper ces enjeux-là.
Puis je pense qu'il faut quand même rappeler que ce n'est pas la majorité des
stagiaires qui vont se prévaloir, là, des absences de longue durée, là. Puis,
sur ce point-là, c'est certain que ça va demander une adaptation. Mais, encore
là, quand on regarde au niveau des universités, bien, il y a des mécanismes qui
existent aussi là, que ce soit pour le congé de maternité ou pour des congés de
longue durée, il y a quand même des mécanismes qui existent aussi pour
accommoder les étudiants. Donc, ça pourrait être de se canner sur ces
processus-là aussi, là.
M. Boulet : Moi, je serais
assez ouvert à ça, Éliane, c'est une très bonne idée. D'ailleurs, il y a quelqu'un
de la fédération des collèges du Québec qui en a fait référence, les
accommodements. Quand tu réfères à des accommodements, dans un contexte comme
celui-là, peux-tu nous donner un ou deux exemples d'accommodements dans un
contexte comme celui-là?
Mme Racine (Éliane) : Pour un
congé de longue durée, là?
M. Boulet : Oui.
Mme Racine (Éliane) : C'est
évident que, si on prend, par exemple, le cas d'un stage où la personne doit
aller faire un don d'organes, ou, en tout cas, pour une maladie, bien, la
personne, elle va devoir quitter son lieu de travail puis après ça revenir.
Après ça, c'est sûr que ça va... le temps qui est passé à l'extérieur,
évidemment il va y avoir du travail qui va pouvoir être fait puis que ce n'est
pas le même contexte qu'un salarié, là, où, quand il revient dans son emploi,
il retrouve son emploi, mais je pense qu'il y a quand même moyen de pouvoir s'arranger
pour que la personne puisse revenir puis pouvoir reprendre le stage. Là, si on
regarde, il y a certains milieux de stage qu'année après année ou session après
session, ils utilisent des stagiaires pour faire une partie, là, de leur
travail. Donc, ils ont quand même du travail disponible qui peut être réalisé
par un stagiaire une fois que la période est terminée.
Puis c'est certain qu'on est très
conscients, là, que ce n'est peut-être pas le cas pour certaines PME qui vont
prendre un stagiaire une fois pour un besoin très particulier. Mais, encore là,
le principe de l'accommodement raisonnable prévoit aussi que l'entreprise dans
laquelle la personne va faire le stage n'a pas non plus la possibilité d'accommoder.
Bien là, on pourra regarder avec l'université pour voir comment est ce qu'on
peut accommoder différemment. Peut-être qu'il y a une autre organisation qui,
elle, a besoin d'un stagiaire puis qui pourrait prendre cette personne-là, là.
M. Boulet : Absolument. Je
pense qu'on est à peu près sur la même longueur d'onde. Il y a tellement une
asymétrie, là aussi, dans les réalités de stage. Puis, Éliane, je te comprends
bien, dans certains cas, il serait possible de faire un accommodement
raisonnable, si c'est des milieux de travail privés, effectivement. Puis il y a
des milieux de travail privés, ça peut être une PME qui attendait le stagiaire.
Puis, bon, on dit : La plupart ne sont pas rémunérés, mais il y en a qui
sont rémunérés puis qui effectuent une prestation de travail effective, et ils
en ont besoin. Puis, si le stagiaire doit s'absenter, il va devoir être
remplacé par une autre personne, là. Il y a une question aussi de planification
pour le milieu de l'emploi. Puis, des fois, il y a des ordres professionnels
qui s'attendent à ce que le stage soit complété à l'intérieur d'une période
spécifique. Ça fait que c'est vraiment variable, là, ça dépend véritablement d'un
milieu à l'autre.
Sur les recours, Éliane, quand tu réfères
à de l'accompagnement, à quoi tu penses? Parce que tu connais bien le mécanisme
qui prévoit aussi qu'un médiateur-conciliateur de la CNESST va accompagner les
parties. Il y a-tu, dans ton esprit, un accompagnement additionnel qui pourrait
être requis pour le bénéfice d'un stagiaire?
Mme Racine (Éliane) : Mais je
pense que le premier accompagnement additionnel qu'on peut avoir, ça va même
avant même de porter plainte, là. Que ce soit pour les normes du travail en
général ou pour les conditions des stagiaires précises, je pense que la
connaissance de ses droits au travail n'est pas toujours connue par l'ensemble
des jeunes, en particulier. Puis, sur ce point-là, que ce soit à travers
l'escouade jeunesse ou encore un nouveau programme qui pourrait être mis en
place par la CNESST, il y a un réel besoin, là, de pouvoir faire connaître les
services qui sont disponibles pour les jeunes puis en même temps aussi de
pouvoir <connaître les droits qui s'appliquent à soi...
Mme Racine (Éliane) :
...puis sur ce point-là, que ce soit à travers l'escouade jeunesse ou encore un
nouveau programme qui pourrait être mis en place par la CNESST, il y a un réel
besoin, là, de pouvoir faire connaître les services qui sont disponibles pour
les jeunes puis en même temps aussi de pouvoir >connaître les droits qui
s'appliquent à soi. Parce que je n'irai pas porter plainte si je ne sais pas
que je suis victime de quelque chose que je ne suis pas supposée vivre, là.
Donc, c'est certain que, pour cette partie-là, je pense que c'est la première
étape de l'accompagnement.
Après, pour le processus d'accompagnement
durant la plainte, bien, c'est certain que la CNESST le fait déjà, là, auprès
de salariés. Ça fait que je pense que ce service-là devrait perdurer.
Puis, dans le cas du stagiaire, bien, c'est
évident que, si, par exemple, les établissements d'enseignement ou les
associations étudiantes sont prêts à prêter main-forte dans la mise en œuvre du
mécanisme de la plainte, bien, évidemment, là, on serait d'avis que ça serait
favorable qu'eux autres aussi soient impliqués, là, dans ce processus-là.
M. Boulet : Oui. Puis,
Éliane, juste à des fins d'information, c'est important de réitérer, parce que
tu as lu le projet de loi, mais l'article 5 le dit clairement, là, que l'employeur,
l'établissement d'enseignement, l'ordre professionnel doivent informer tout
stagiaire des droits prévus par la présente loi. Donc, dans les droits prévus
par la présente loi, il y a notamment la possibilité d'intenter un recours.
Mais en même temps il y a aussi le droit de demander à quelqu'un de t'accompagner.
Parce que la CNESST n'est pas là que pour intervenir quand il y a des plaintes,
elle est là aussi pour accompagner, aider les parties à comprendre leurs droits
et obligations.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
M. le ministre, il reste trois minutes à l'échange.
M. Boulet : Parfait. Merci.
Alors, je vais donner l'opportunité à ma collègue de Jean-Talon d'intervenir.
Merci beaucoup, hein, Simon puis Éliane, là.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, la parole est à vous, députée de Jean-Talon.
Mme Boutin : Merci, Mme la
Présidente. Merci beaucoup, Éliane et Simon, pour votre mémoire. C'est
hyperintéressant, honnêtement. J'aime beaucoup le fait que vous voulez,
justement, inclure et mieux définir ce qu'est un stage, pas juste dans la loi,
dans le p.l. n° 14, mais également dans les normes du
travail, il me semble que c'est quand même logique.
Je vais continuer un peu dans la même
veine que M. le ministre, parce que, là, on parle beaucoup de l'importance ou
de l'obligation de bien informer les stagiaires sur leurs droits, les rôles des
institutions scolaires, des employeurs, mais est-ce que ces rôles-là et ces
obligations-là ne devraient peut-être pas être balisés avec un contrat? Quel
serait le meilleur véhicule? Parce que, tout à l'heure, vous avez mentionné
que, justement, dans un milieu de travail, on signe un contrat. Puis là nous,
on a rencontré plusieurs groupes, puis ils qui nous disent que, bon, il n'y a
pas nécessairement toujours des conventions de stage. Je sais que ça relève de
l'Éducation, et tout ça, mais, tu sais, vu qu'on parle de ces choses-là, je
pense, ce serait important. Vous en pensez quoi, vous, de ça?
• (11 h 50) •
M. Telles (Simon) : Bien,
comme le ministre l'a suggéré, effectivement, il y a déjà une obligation, dans
le projet, d'information des droits contenue au présent projet. Donc, ça, on
pense que c'est une partie de la solution. Mais, dans la convention de stage, c'est
ça, un peu, le contrat qui lie... On parlait de relation tripartite, tout à l'heure,
là, qui lie le milieu de stage, l'étudiant et l'établissement d'enseignement.
Bien, pour nous, la convention de stage devrait préciser la durée du stage, ce
qui n'est pas une obligation à l'heure actuelle, mais aussi les autres éléments
qui vont régir la conduite des parties ainsi que les droits. Donc, ce serait
intéressant de trouver une façon de s'assurer que, dans les conventions de
stage, bien, les protections qui sont prévues par le projet de loi s'y
retrouvent.
Mme Boutin : Bien, dans cette
même veine là, parce que, justement, Éliane, tu parlais des processus de
plainte puis les mécanismes, impliquer des organismes, peut-être,
universitaires. Mais là il y a aussi des stages au niveau collégial. Tu sais, c'est
assez diversifié, les stages, il y en a que c'est des courts stages, longs
stages. Dans un type de contrat, est-ce qu'on ne pourrait pas aussi donner de l'information
sur des mécanismes ou un accompagnement en cas de plainte ou d'abus, tu sais,
que l'employeur le voit puis... Parce que, moi, ça fait longtemps, là, que je n'ai
pas fait de stage, là, mais moi, je n'ai jamais signé ça, là. Je trouve ça
quand même intéressant.
Mme Racine (Éliane) : Non,
mais c'est ça. Puis, nous, c'est un peu l'idée de dire : Quand un
stagiaire vient sur un milieu de travail, bien, c'est vraiment dans un
objectif, souvent, d'apprendre puis de commencer, si on veut, sa carrière
professionnelle. Et donc, pour nous, qu'un stage soit signé par un contrat ou
une convention, bien, c'est totalement souhaitable puis ça va vraiment
permettre à la fois pour le stagiaire de connaître ses droits, mais également
pour l'employeur de venir rappeler, peut-être, certaines dispositions, là, qui
sont applicables à cette personne-là.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, écoutez, il reste 20 secondes. Merci. Nous poursuivons l'échange
avec, cette fois ci, le député de Viau.
M. Benjamin : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, M. le ministre. Bonjour, collègues. Merci, Éliane, merci,
Simon, pour votre mémoire, pour votre présentation. Donc, comme j'ai eu l'occasion
de vous le dire, et là je vous le dis devant les micros, j'aime beaucoup votre
mémoire, bien étoffé, bien documenté, donc ce qui traduit toute la compétence
de Force Jeunesse dans plusieurs dossiers, mais particulièrement celui-là.
À la page 2 de votre mémoire, donc,
vous non suggérez qu'il y avait deux options, qu'il y avait deux options, donc
modifier la Loi sur les normes du travail ou <créer une nouvelle loi
spécifique...
M. Benjamin :
...donc,
ce qui traduit toute la compétence de Force Jeunesse dans plusieurs dossiers,
mais particulièrement celui-là. À la page 2 de votre mémoire, donc vous
non suggérez qu'il y avait deux options, qu'il y avait deux options, donc
modifier la Loi sur les normes du travail ou >créer une nouvelle loi
spécifique. Vous croyez que la première option aurait été plus appropriée. J'aimerais
peut-être vous entendre là-dessus.
M. Telles (Simon) : Merci
pour la question. Effectivement, en fait, il y avait deux approches possibles
et il aurait été souhaitable... La Loi sur les normes du travail, qui est une
loi d'ordre public, qui prévoit vraiment les normes minimales du travail, les
normes desquelles, on s'est dit, en société, on ne peut pas aller en delà de
ça, mais on pense que de définir le rôle du stagiaire directement dans cette
loi-là d'ordre public, ça aurait été souhaitable pour plusieurs raisons, d'une
part, parce que, si jamais il y a des modifications législatives à y adopter
par la suite, bien là, il va falloir toujours avoir le réflexe d'aller modifier
les deux lois, alors que tout ça aurait pu être intégré dans un même corpus.
Déjà, notre corpus législatif en matière de droit du travail, et là, je mets
mon chapeau de praticien, est très, très éclaté au Québec, on vient quand même
créer une certaine complexité en créant un régime parallèle distinct. Donc, ça,
c'est une première préoccupation.
Aussi, d'un point de vue très pratique sur
le terrain, les personnes responsables des ressources humaines vont devoir se
familiariser avec un tout nouvel outil alors qu'ils connaissent très bien la
Loi sur les normes du travail. Donc, dans l'application, ça peut causer
certaines problématiques également. Mais il y a vraiment cette idée-là de se
dire : Bien, on aurait pu, à même d'une loi qui existe déjà, venir
clarifier très, très précisément quels sont les droits additionnels qu'on donne
aux stagiaires et quelles sont les normes qui ne s'appliquent pas à eux. Parce
qu'il y a des normes aussi, il faut le dire, qui, par la réalité même des
stages, ne sont pas transposables aux stagiaires. Je pense notamment aux normes
en matière de retraite, pour des raisons évidentes, qui ne sont pas
applicables, de travail des enfants. Donc, il y a des adaptations à faire,
mais, pour nous, ça aurait été plus logique et même transparent aussi de le
faire à même la Loi sur les normes du travail.
M. Benjamin : Merci. Je ne me
rappelle plus à quelle page de votre mémoire que je l'ai lu, mais, en fait, je
pense que c'est autour de la durée du travail, dans le chapitre concernant la
durée du travail, et ce sont des cas dont j'avais déjà entendu parler, donc,
par exemple, le stagiaire, un stage qui est prévu pour 10 heures-semaine,
et l'employeur demande d'aller au-delà de ça. J'aimerais que vous nous situiez
votre position là-dessus.
M. Telles (Simon) : Donc, ce
qu'on précise, justement, c'est que les parties s'entendent et sachent
clairement la situation dans laquelle ils s'engagent. Donc, à partir du moment
où un stagiaire doit faire 10 heures par semaine, si jamais l'employeur ou
le milieu de stage a des besoins additionnels, bien, qu'il contracte avec le
stagiaire, qu'il fasse un contrat à durée déterminée pour des besoins
additionnels, mais qu'on ne profite pas du stage pour soutirer des heures de
travail supplémentaires aux stagiaires qui sont déjà dans une situation de
précarité. Et malheureusement c'est ce qu'on observe sur le terrain
actuellement. Le stagiaire est dans une position qui est un peu vulnérable face
au milieu de stage, il y a un désir de bonne performance, mais... et ça, on
joue un peu là-dessus pour aller faire faire une prestation de travail à un
stagiaire. Donc, ce qu'on dit, c'est : À partir du moment où le nombre d'heures
est fixe et clair, les parties, ensuite, sont libres de prendre une autre
entente si elles veulent aller au-delà de ça, mais il faut que la limite soit
connue pour que les droits des stagiaires soient bien protégés. Donc, pour
nous, ça fait vraiment partie des éléments importants qui doivent être précisés
dans tout stage.
M. Benjamin : Le ministre
vient de l'évoquer tout à l'heure, c'est 82 % des stages, au niveau
collégial, qui sont non rémunérés, et 67 % au niveau universitaire, M le
ministre?
M. Boulet : 88 % au
niveau technique collégial, 67 % au niveau universitaire non rémunérés.
M. Benjamin : Et j'aimerais
vous entendre sur la recommandation 6, qui m'apparaît intéressante, très
intéressante aussi.
Mme Racine (Éliane) : Oui,
bien, en fait, c'est de dire : Les stagiaires... de la même manière que
dans le monde du travail actuel, quand un travailleur est en formation, on va
le rémunérer durant la période de formation parce qu'on considère qu'il est
réputé être au travail, pour nous, c'est un peu le même principe pour la
personne qui est en stage, parce que, contrairement à un travail que je ferais...
par exemple, dans le cadre universitaire ou dans le cadre collégial, mon
travail que je vais déposer auprès de mon professeur ne va bénéficier que ma
personne. Tandis que, là, dans le contexte d'un stage, on parle vraiment d'une
personne qui va effectuer un travail qui, oui, peut l'aider à améliorer ses
connaissances puis à parfaire son éducation, mais qui contribue aussi à la
mission de l'organisation dans laquelle elle fait son stage. Et donc, quand on
prend cette considération-là en compte, bien, pour nous, ça devient impensable
de se dire : Bien, il y a une forme de prestation où la personne apprend,
qu'on va la rémunérer pour ce travail-là, puis, la personne à côté qui apprend,
elle, mais qui est avec un milieu d'enseignement, bien, celle-là, la prestation
de travail qu'elle va faire, ce n'est pas du travail, <donc elle n'est
pas rémunérée pour ça...
Mme Racine (Éliane) :
...qu'on va la rémunérer pour ce travail-là. Puis la personne à côté qui
apprend, elle, mais qui est avec un milieu d'enseignement, bien, celle-là, la
prestation de travail qu'elle va faire, ce n'est pas du travail, >donc
elle n'est pas rémunérée pour ça. Donc, c'est vraiment une idée aussi de
pouvoir venir avoir un traitement juste et équitable, là, même les salariés et les
stagiaires.
M. Telles (Simon) : Un parallèle
intéressant qu'on aimait faire, c'est dire : Disons, quelqu'un commence un
nouvel emploi, il y a toujours une période d'adaptation, il y a toujours une
période où le travailleur est moins productif, au début, parce qu'il apprend
comment fonctionne son milieu de travail, il y a certaines recherches qui
doivent être faites. On n'accepterait pas que cette personne-là ne soit pas
payée au salaire minimum même s'il y a une perte de productivité. Alors,
pourquoi est-ce qu'on tolère qu'un stagiaire, même s'il retire des
apprentissages de son stage, quand il effectue une prestation de travail, ne
reçoive aucune compensation? On se l'explique mal.
Et, moi, c'est des chiffres qui me parlent
énormément, là : 88 % au collégial, 67 % dans les universités, c'est
majeur, là, la quantité de travail qui est faite, qui n'est pas rémunérée, par
des stagiaires. Et je pense qu'on est rendus là, collectivement, à se dire qu'il
y a un problème puis qu'on a l'opportunité aujourd'hui, avec ce projet-là, de
voir un changement de paradigme.
M. Benjamin : D'autant
plus quand on regarde... En fait, vous vous êtes attardés à faire... donc, à
bien nous expliquer le sens du stage et du stagiaire, le rôle du stagiaire.
Votre recherche a été rapide, non exhaustive sur, justement, la définition du
stage du stagiaire. Mais j'aimerais vous entendre sur cette recherche-là.
Mme Racine (Éliane) :
Oui. Bien, en fait, on a pris la plateforme ou la banque de données, là, du
gouvernement qui permet aux employeurs d'afficher des stages. Puis, quand on
choisit l'option stage, même sur une plateforme gouvernementale, on peut
retrouver toutes sortes d'offres d'emploi qui vont être identifiées comme étant
stage. Donc, la personne qui connaît un peu son droit du travail va être
peut-être en mesure de négocier avec l'employeur puis dire : Non, non, ça,
ce n'est pas un stage, c'est un travail au sens de la Loi sur les normes du
travail. Sauf que la réalité, c'est que ce n'est pas tout le monde qui a ces
connaissances-là de base pour pouvoir discerner, là, est-ce que c'est
réellement une offre de stage ou bien un emploi qu'on me fait.
M. Benjamin : Merci. Une
autre recommandation qui m'apparaît aussi fort intéressante, vous en avez
échangé, tout à l'heure, quelques mots lors de l'intervention du ministre, mais
j'aimerais quand même vous entendre sur la recommandation 9, qui m'apparaît
très importante aussi, sur le rôle que peuvent jouer, entre autres, des
instances comme les associations étudiantes.
• (12 heures) •
Mme Racine (Éliane) :
Oui. Bien, en fait, comme on le mentionnait, le système tripartite fait en
sorte que, dans le contexte étudiant, il y a déjà des associations qui existent
pour protéger les droits et les intérêts des étudiants. Puis, considérant qu'il
y a plusieurs stages qui sont faits par des étudiants qui ont des associations
les représentant, bien, pour nous, ce serait complètement logique d'inclure cet
intervenant-là dans la campagne de sensibilisation qui peut être faite, là,
auprès des stagiaires, donc de pouvoir inclure ces associations-là dans le
pouvoir de défendre les stagiaires au-delà de juste le contexte, là, du campus
universitaire.
M. Benjamin : Le projet
de loi, c'est un projet de loi visant à assurer la protection des stagiaires en
milieu de travail. Et un enjeu qui me préoccupe, je pense, qui préoccupe l'ensemble
des collègues, je crois, c'est les questions relatives au harcèlement en milieu
de travail et dont peuvent être l'objet les stagiaires. Et votre
recommandation 7, justement, s'attarde par rapport aux mécanismes de
plainte. Et j'aimerais aussi vous entendre sur cette recommandation-là, aussi.
M. Telles (Simon) : Merci. En
fait, évidemment, on est très heureux de voir que les protections contre le
harcèlement ont été accordées aux stagiaires, là, par le projet de loi actuel,
ce qui est une protection qui est très, très importante. Ce qu'on vise avec la
recommandation n° 7, c'est vraiment de faciliter l'exercice
d'un recours par les stagiaires, qui, comme on l'a exprimé, souvent ne connaissent
pas leurs droits. Donc, c'est de prévoir, comme le mécanisme existe déjà, là,
pour la Loi sur les normes du travail, qu'une plainte puisse être portée au nom
du stagiaire par un organisme de défense des droits étudiants, donc, vraiment,
les associations étudiantes et les établissements d'enseignement supérieur
aussi, qui devraient pouvoir accompagner les stagiaires et défendre des
conditions de stage qui soient équitables et qui respectent la loi. Donc, je
pense que ce qu'on veut faire, en fait, c'est donner l'intérêt à ces deux
entités-là de pouvoir défendre l'application de cette loi-là, c'est très
important, d'une part, et aussi pour donner un meilleur accompagnement.
M. Benjamin : Merci beaucoup,
merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci. Nous poursuivons, cette fois-ci, avec le <député
d'Hochelaga-Maisonneuve.
>
12 h (version révisée)
<17909
M.
Benjamin :
...merci beaucoup. Merci.
M. Telles (Simon) : Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci. Nous poursuivons, cette fois-ci, avec le >député d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : Merci, Mme la Présidente.
Bonjour. Deux petites questions. D'abord, je ne sais pas si vous êtes familiers
avec les rapports de mise en application qui visent, donc, à faire une
évaluation après quelques années d'une nouvelle loi. On est vraiment dans du
droit nouveau. Est-ce que vous pensez que ça pourrait être quelque chose qui
serait intéressant de rajouter dans le projet de loi?
Et, deuxième question, vous faites... vous
prenez une position assez forte, là, justement, à la recommandation 6, là,
pour dire qu'il faut qu'il y ait une rémunération au moins équivalente au
salaire minimum. Est-ce que le fait de choisir le chemin d'une loi alternative
à la Loi des normes du travail n'est pas, en quelque sorte, un verrou que le
ministre applique sur ce débat-là du salaire du stagiaire? Parce que, oui, il y
a la question des bourses qui sont offerts... offertes, pardon, mais, le
salaire, lui, est-ce qu'on ne vient pas barrer à tout jamais cette question-là,
cette possibilité-là d'avoir accès à un salaire?
Mme Racine (Éliane) : Je vais
répondre à la première question, puis je laisserai Simon compléter. Pour le
rapport, c'est évident que, pour nous, ça peut être pertinent d'avoir ce type d'exercice
là. Je pense, par contre, que, compte tenu de ce qu'on vous a dit par rapport au
fait que, des fois, il y a des stages qui existent qui ne sont pas réellement
des stages pour nous, il faudrait que le rapport puisse aussi évaluer, là, le
recours à cette pratique-là pour qu'on puisse venir bonifier, que ce soit la
LNT ou encore, là, le projet de loi n° 14, pour l'avenir.
Ensuite, pour le salaire minimum, je peux
laisser Simon y aller.
M. Telles (Simon) : Évidemment
que l'adoption d'un régime distinct pour les stagiaires, pour la question du
salaire minimum, sans parler de verrous, c'est vrai que ça crée un obstacle
supplémentaire à ce que cette norme-là, minimale, du travail, si elle n'est pas
accordée dans le cadre du présent projet, là, à l'étude... évidemment, il va
falloir réouvrir la loi, et ça vient créer un régime distinct. Donc, pour nous,
ça ne rend pas impossible, mais ça vient créer un frein supplémentaire à l'ajout
de cette norme-là, d'où notre recommandation d'avoir procédé d'abord par la Loi
sur les normes du travail. Je ne sais pas si c'est encore possible de le faire.
Je comprends que c'est complexe, mais, au moins, ce qu'on souhaite, c'est de
ramener le plus possible de normes du travail dans ce projet de loi là, et,
pour nous, le salaire devrait en faire partie.
M. Leduc : Combien de temps,
Mme la Présidente?
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Il vous reste 45 secondes.
M. Leduc : Ah mon Dieu! Bien,
on en profite. Sur cette idée, donc, de pouvoir représenter des stagiaires, ce
que l'UEQ nous disait hier, je pense que ça allait un peu plus loin, c'est d'être
le procureur, en quelque sorte, un peu comme la Commission des normes du
travail le fait pour les salariés non syndiqués. Est-ce que votre association,
par exemple, pourrait jouer ce rôle-là éventuellement ?
M. Telles (Simon) : Ce qu'on
avait pensé, effectivement, c'est que, vraiment... On a parlé d'organismes à
but non lucratif de défense des droits des étudiantes et des étudiants, ce qui
n'est pas tout à fait la mission de Force Jeunesse, là, on représente plutôt,
vraiment les jeunes de 18-35 ans sur le marché du travail. Donc, je pense
qu'il y a des regroupements étudiants qui ont une expertise, au niveau des
stages, là, de défense de droits plus pertinente que Force Jeunesse. Donc, on
laisserait ce travail-là aux associations étudiantes.
M. Leduc : Merci beaucoup.
Mme Racine (Éliane) : Peut-être
juste en complémentarité, c'est sûr aussi que l'ensemble des programmes où il y
a des stages n'ont pas nécessairement d'associations étudiantes, d'où la
pertinence, là, pour nous, d'ajouter aussi l'établissement d'enseignement qui
peut venir faire cette représentation-là.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci. Nous poursuivons, cette fois-ci, avec le député de Jonquière.
M. Gaudreault : Oui. Merci
beaucoup, M. Telles et Mme Racine. Votre association est très, très
importante pour représenter la jeunesse au Québec. Pour nous, c'était essentiel
que vous soyez ici aujourd'hui.
Je me fais un peu l'avocat du diable, là,
sur la Loi sur les normes du travail. Le ministre nous a dit : Ah! c'est
pour une plus grande flexibilité. Bon. Et là vous nous dites : Bien, on
voudrait, par exemple, avoir des compensations ou un salaire minimum pour les
stagiaires, donc on veut passer par la LNT. Mais est-ce que la Loi sur les
normes du travail ne deviendrait pas, comment je pourrais dire... Tu sais,
ouvrir la Loi sur les normes du travail, ça ouvre les demandes aussi pour
beaucoup de choses, pour un débat plus large, alors qu'avoir une loi à part sur
les stagiaires... est-ce que ça peut permettre d'agir plus rapidement pour l'enjeu
des stagiaires? En tout cas, le ministre parle de flexibilité. Je veux être sûr
de bien comprendre, là, les positions pour qu'on agisse correctement ici.
M. Telles (Simon) : Absolument.
Bien, c'est une position qui se défend très bien et c'est vrai que ça permet de
cibler directement les stagiaires. Par contre, si on y va avec cette approche-là,
notre position, c'est vraiment de venir intégrer les autres dispositions de la Loi
sur les normes du travail qui s'appliqueraient aux stagiaires en fonction de
leur réalité. Donc, pour nous, là, il y a un traitement différencié encore qui
est trop grand entre un salarié et un stagiaire. Dans la mesure où la
prestation du stagiaire bénéficie au milieu de travail comme celle d'un
salarié, bien, on est d'avis qu'il faudrait importer davantage de droits de la
LNT qui, en ce moment, n'ont pas été accordés aux stagiaires dans le projet de
loi qu'on a sous les yeux.
M. Gaudreault : O.K. Autre
élément, est-ce que vous, vous entendez des témoignages ou avez-vous des
exemples ou des chiffres qui démontrent qu'il y a des entreprises qui sont
hésitantes à accueillir des stagiaires parce qu'ils manquent de <moyens...
M. Gaudreault :
...qui démontrent qu'il y a des entreprises qui sont hésitantes à accueillir
des stagiaires parce qu'ils manquent de >moyens? Parce que vous parlez
quand même de mettre en place des incitatifs ou des subventions pour les PME.
Est-ce que c'est un problème que vous ressentez chez vos membres ou ailleurs?
M. Telles (Simon) : Pas
particulièrement. Nous, ce qu'on a comme écho, c'est que les étudiants, les
étudiantes ont de la facilité à se trouver des milieux de stage. De façon
réaliste, en demandant des protections additionnelles aux stagiaires, on en
demande plus aux employeurs et aux milieux de stage. Il faut quand même être
lucide par rapport à ça. Mais je pense que c'est réaliste, ce qu'on demande. Je
pense que c'est jouable. C'est des normes minimales du travail qu'on demande, donc.
La plupart des milieux de stage, de toute façon, vont au-delà de beaucoup des
conditions qui sont dans le projet de loi. Mais on se remet à quel est l'exercice
qu'on fait, aujourd'hui, en adoptant une loi, comme ça, de protection. Bien, c'est
de se doter d'un plancher. Et on pense que les normes minimales du travail sont
le plancher duquel on devrait s'attendre pour nos stagiaires.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci.
M. Gaudreault : Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci, M. Telles, Mme Racine, pour votre belle collaboration et votre
belle contribution, aussi, aux travaux de la commission.
Alors, nous allons suspendre quelques
instants afin d'accueillir le prochain groupe. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 09)
(Reprise à 12 h 12)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, nous accueillons maintenant le Conseil interprofessionnel du Québec,
avec Mme Desrosiers et M. Beaudoin. Alors, je vous invite à bien vous
présenter avec votre titre avant de commencer votre exposé. Alors, à vous la
parole.
Conseil interprofessionnel du Québec (CIQ)
Mme Desrosiers (Gyslaine) :
Merci, Mme la Présidente. Je suis Gyslaine Desrosiers, présidente du Conseil
interprofessionnel du Québec, et je suis accompagnée de M. Marc Beaudoin,
qui est le directeur général du Conseil interprofessionnel du Québec.
Alors, Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes
et MM. les membres de la commission, on est très heureux d'avoir l'occasion,
aujourd'hui, d'échanger avec vous sur le <projet de loi n° 14...
Mme Desrosiers (Gyslaine) :
...on est très heureux d'avoir l'occasion, aujourd'hui, d'échanger avec vous
sur le >projet de loi n° 14, Loi visant à
assurer la protection des stagiaires en milieu de travail.
Permettez-moi de prendre juste quelques
instants pour vous présenter notre organisme. Le Conseil interprofessionnel du
Québec, nous regroupons les 46 ordres professionnels québécois. Et le Code
des professions confère au conseil un rôle officiel d'aide-conseil auprès du
gouvernement pour tout ce qui touche le système professionnel. Alors, on a des
fonctions d'encadrement, comme ça, de l'ensemble des ordres et on agit comme
vulgarisateur afin de permettre aux parlementaires de bien saisir la portée des
réformes qui touchent les ordres professionnels. Alors, c'est le rôle qu'on
prévoit jouer aujourd'hui auprès de la commission.
Alors, concernant, justement, le projet de
loi n° 14, d'entrée de jeu, on tient à souligner et à saluer le travail
effectué par le ministre et son équipe. On a bien compris les objectifs du
projet, qui visent à protéger plus adéquatement les stagiaires québécois, et c'est
un objectif auquel on souscrit entièrement. Il importe que notre relève
professionnelle et que les étudiantes et étudiants du Québec puissent
bénéficier d'une protection plus adéquate dans les milieux de stage.
Par ailleurs, il est important de
clarifier quels sont les stages visés, parce que vous interpelez les ordres
professionnels. On a bien compris qu'il y a des stagiaires étudiants pour
lesquels il y a des stages qui se font avant la diplomation et il y a des
stagiaires employés pour lesquels les stages se font après la diplomation,
avant l'obtention d'un permis d'exercice. Et le projet de loi, justement,
précise qu'il s'agit de «toute activité d'observation, d'acquisition ou de mise
en oeuvre des compétences requise» en vue de l'obtention d'un permis d'exercice
délivré par un ordre professionnel.
Dans les deux cas des stages visés par le
projet de loi, on veut apporter un éclairage important qui justifie des
amendements qu'on demande au projet de loi. Les ordres professionnels... l'ordre
professionnel n'a aucune implication directe dans l'encadrement d'un stagiaire,
que ce soit pour les stages sous la responsabilité d'un établissement d'enseignement
ou encore ceux offerts en entreprise sous la responsabilité d'un employeur. C'est
pourquoi le conseil demande de retirer la mention «ordre professionnel» aux
articles prévoyant une obligation liée à une implication directe de l'ordre
dans le milieu de stage. L'ajout de l'ordre professionnel comme intervenant
dans les relations employeur... avec l'employeur, le stagiaire ou l'établissement
d'enseignement laisse croire que l'ordre pourrait avoir une autorité sur ces
instances ou pourrait être impliqué directement dans le milieu de stage. Or, ce
n'est pas le cas. Ces articles pourraient même créer de la confusion quant à la
responsabilité des différents acteurs, autant pour la diffusion d'information sur
les droits des stagiaires que sur les endroits appropriés pour déposer une
plainte. Ils pourraient également mener à la multiplication de demandes auprès
de différents acteurs, multipliant par le fait même les éventuels recours, ce
qui mènerait à encore plus de confusion et ne rencontrerait pas l'esprit du
présent projet de loi.
Alors, les ordres, de par leur mission
prévue par les lois en vigueur, notamment le Code des professions ou les lois
particulières, n'ont aucun rôle en matière de conditions de travail de leurs
professionnels membres. Au contraire, ils doivent enquêter sur toute plainte du
public à leur endroit, à l'endroit de leurs membres. La proposition du projet
de loi s'avère contraire à la mission des ordres prévue dans les lois
professionnelles. D'ailleurs, il est important de rappeler que l'ordre pourrait
toujours refuser éventuellement l'émission d'un permis de pratique à l'issue d'un
stage advenant qu'il ne serait pas complété avec succès, nonobstant l'application
du projet du présent projet de loi, s'il juge que la protection du public
pourrait être compromise.
Un aspect qui nous a préoccupés, c'est la
durée du stage. Le projet de loi prévoit que les stagiaires pourront s'absenter
pour des jours fériés, de maladie ou autres congés. On ne remet pas en question
l'octroi de ces droits pour les stagiaires, mais on tient à réitérer l'importance
de garantir des stages de qualité, la qualité des stages, notamment en ce qui a
trait au nombre d'heures prescrit pour un stage. Le nombre d'heures de stage
ainsi que les compétences à acquérir pendant un stage ne devraient pas pouvoir
être réduits en raison de l'exercice d'un droit prévu au projet de loi. On
demande donc qu'une exclusion soit prévue à la section I du chapitre V afin que
la durée du stage prévue ne soit pas diminuée par des congés ou absences prévus
par le projet de loi.
Concernant les congés de longue durée, on
tient à aborder ce sujet-là, qui n'est pas dans le projet de loi mais qui a
fait l'objet de beaucoup de <questions...
Mme Desrosiers (Gyslaine) :
...qui n'est pas dans le projet de loi, mais qui a fait l'objet de beaucoup de
>questions par les parties prenantes, notamment dans les consultations
préliminaires, les congés de longue durée, on constate qu'il n'est pas dans le
projet de loi, mais on sait que c'est un enjeu important pour les représentants
étudiants, et les ordres ont été cités comme réfractaires à cette idée.
D'abord, il est important de mentionner
que cette question touche principalement ou particulièrement les stages
postdiplômes et que peu d'ordres imposent des conditions supplémentaires aux
diplômes. Cependant, dans le cas où l'ordre prévoit ce type de stage, il est
encadré par un règlement. C'est une prescription prévue dans un règlement. Ces
règlements prévoient une série de normes pour la réalisation du stage ainsi qu'un
délai maximal avant lequel il doit être complété. Ces règlements, d'ailleurs,
sont semblables à ceux qu'on retrouve pour baliser l'absence prolongée d'un professionnel.
Si quelqu'un est absent de sa profession pendant plusieurs années, il y a des
règlements qui visent à des obligations de remise à jour. D'ailleurs, cet
aspect a fait couler beaucoup d'encre dernièrement, là, quand il était question
du retour à la pratique de retraités afin de lutter contre la COVID-19,
alors...
Pour les stages menant à l'obtention d'un
permis de pratique, il y a des délais similaires qui sont prévus. On ne peut
pas être... Si un professionnel ne peut pas être absent de sa profession
pendant x années, on peut supposer que, pour un stage de longue durée, il ne
pourrait pas être absent un délai trop long. Par exemple, l'Ordre des
ingénieurs forestiers du Québec prévoit qu'un candidat doit avoir réussi un
stage de 32 semaines à l'intérieur d'un délai de cinq ans à compter de l'obtention
de son diplôme.
Pour le Conseil interprofessionnel et les
ordres, un congé de longue durée ne pourrait faire en sorte que le délai
maximal prévu pour le retour à la pratique ne soit dépassé. Autrement dit, les
lois et les réglementations professionnelles doivent être respectées. Une
absence de longue durée sans délai maximal pourrait entraîner un décalage des
compétences trop important quant à la pratique professionnelle et souvent, en
lien, un décalage avec l'évolution de la science propre à cette profession.
Cependant, cette réglementation n'empêche
pas, selon nous, de considérer l'intégration d'un congé de longue durée, si
jamais le ministre ou les membres de la commission voulaient aller dans cette
direction. Les exigences réglementaires des différentes professions,
actuellement, varient selon la réalité des ordres, et des aménagements à ces
règlements pourraient toujours être considérés ou nécessaires.
Par ailleurs, les ordres consultés ont
tenu à mentionner que des mécanismes sont prévus afin de traiter des
circonstances exceptionnelles pouvant amener une personne à outrepasser les
délais prévus par règlement. Alors, les ordres professionnels sont très
sensibles aux réalités particulières et souhaitent que chaque candidat à une
profession puisse éventuellement mettre son talent au service du Québec.
• (12 h 20) •
Alors, pour conclure, on espère que nos
éclairages pourront aider les membres de la commission dans la réalisation de
vos travaux. C'est certain que le projet de loi n° 14 est une avancée
importante, là, pour notre jeunesse et les droits des stagiaires. Mais, bien
que nous ayons signifié certains amendements souhaitables, on espère que le
projet de loi cheminera promptement et on vous assure notre collaboration.
Je tiens à rappeler que, nonobstant l'adoption
ou non du projet de loi, il existe présentement des mécanismes de contrôle qui
sont prévus au Code des professions, et toute personne, tout stagiaire peuvent
déjà s'en prévaloir s'ils estiment être victimes d'un comportement
répréhensible de la part d'un membre d'un ordre en faisant une plainte au
syndic de l'ordre, qui peut enquêter sur des conduites indignes. C'est déjà un
mécanisme qui est courant, qui est robuste, qui existe déjà présentement et qui
couvre une certaine réalité. Alors, merci beaucoup de votre attention.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci, Mme Desrosiers. Alors, nous allons donc commencer la période d'échange
avec M. le ministre.
M. Boulet : Merci. Content de
vous revoir, Mme Desrosiers puis M. Beaudoin. Merci pour la qualité
de votre mémoire puis la réflexion derrière vos recommandations. C'est
superintéressant parce que les consultations particulières nous permettent d'avoir
des points de vue qui varient.
Ici, c'est de la perspective d'un ordre
professionnel, et je vais faire des commentaires ou vous poser des questions,
Mme Desrosiers, simplement pour mieux comprendre. Quand vous dites, pour
les stages visés... bon, vous faites référence aux responsabilités des ordres
professionnels, qu'il faudrait les exclure, puis probablement que vous <faites...
M. Boulet :
...aux responsabilités des ordres professionnels, qu'il faudrait les exclure,
puis probablement que vous >faites notamment référence à l'article 4,
qui dit que «l'employeur et, selon le cas, l'établissement d'enseignement ou l'ordre
professionnel doivent prendre les moyens raisonnables pour s'assurer de la
réussite des études», bon, puis s'assurer que les conditions d'exécution du
stage soient les plus optimales possible.
Moi, le seul stage que j'ai fait, c'en
était un du Barreau du Québec. Et je me souviens que la corporation
professionnelle exigeait quand même de la supervision, on avait un mentor, il y
avait des rapports de stage. Est-ce que j'ai bien compris, quand vous dites...
Puis, en bout... ultimement, de toute façon, comme vous avez mentionné, l'ordre
professionnel pourrait refuser d'émettre le permis d'exercice pas que pour des
questions de protection du public, mais en raison de la qualité ou en raison
des compétences non acquises.
Mais comment vous voyez, donc, l'ordre
professionnel si vous dites : On devrait l'exclure pour lui permettre de
ne pas assumer de responsabilités dans la réussite d'un stage?
Mme Desrosiers (Gyslaine) :
Bien, c'est... voilà, concernant les stagiaires, les stages en cours d'étude,
que ce soit au cégep ou à l'université, le seul rôle de l'ordre, c'est de
recevoir le diplôme. C'est que c'est le gouvernement qui fixe, en vertu, je
pense, de l'article 184 du Code des professions, le diplôme qui donne
accès à une profession. Donc, ce diplôme-là, il est déjà prescrit par une
instance gouvernementale, et l'ordre ne peut pas questionner la valeur du
diplôme. C'est établi dans une loi et des règlements. Donc, pour tout ce qui
touche les stages en cours d'étude, l'ordre n'a aucune responsabilité.
Concernant les stages qu'on appelle... vous
donniez l'exemple de votre stage postdiplôme, je pense, vous parliez d'un stage
au Barreau, ça, c'est un autre... c'est une disposition du Code des professions
qui permet à certains ordres d'établir des conditions supplémentaires au diplôme.
Ces conditions-là peuvent être un examen, un stage, des cours... en fait,
toutes les conditions supplémentaires au diplôme, c'est établi dans un
règlement. Mais, un peu comme je disais tantôt pour le diplôme, le règlement
établit ces fameuses conditions-là et il...
Par exemple, on connaît des professions
pour lesquelles, je ne sais pas, exemple, le stage est... un stage... je
donnais l'exemple des ingénieurs forestiers, un stage de 32 semaines.
Bien, l'ingénieur qui a fini son diplôme, il faut qu'il se trouve un employeur
qui va accepter d'être son superviseur de stage et de rencontrer les objectifs
du stage. Les modalités et les objectifs du stage sont dans le règlement qui découle
de la loi, mais l'ordre n'intervient pas sur le terrain. L'ordre ne peut pas
décider si une absence est raisonnable ou non, l'ordre ne peut pas décider
comment la personne doit vivre chaque jour de son stage, etc. Donc, l'ordre
reçoit le rapport de stage à l'effet que... si le stage a été complété et que
les objectifs ont été rencontrés. Et l'ordre peut, à ce moment-là, émettre un
permis.
Donc, on essaie d'expliquer que l'ordre
prescrit une condition supplémentaire mais ne la gère pas dans le quotidien. Et
ce qui nous inquiète, c'est que le stagiaire voudrait faire, je ne sais pas... avoir
besoin d'une absence de deux jours parce que quelqu'un de sa famille est mort,
bien, il ne peut pas s'adresser à l'ordre. On n'est pas là. On n'est pas dans
le milieu de stage. On doit vérifier le succès ou l'insuccès du stage.
M. Boulet : Donc... Mais
la loi prévoit ça de façon assez générale, là. Si l'ordre... Parce que c'est
des... On parle de moyens raisonnables pour assurer des bonnes conditions de
formation pendant le stage puis pour ne pas, par exemple, permettre à un ordre
de refuser d'émettre un permis d'exercice, ou que le permis d'exercice ne soit
pas compromis, ou que son octroi ne soit pas remis en question en raison de l'exercice
d'un droit. Parce que c'est une loi, en fait, qui confère des droits à des
stagiaires, des droits, des protections puis des recours.
Mais je comprends votre point. Mais, tu
sais, c'est parce qu'en pratique, souvent, l'ordre professionnel est présent
dans le milieu de travail par la voix d'une personne intermédiaire, par la voix
d'une personne interposée.
Mme Desrosiers (Gyslaine) :
Oui, là vous avez raison. Il y a toujours un superviseur de stage ou un
responsable de stage qui... mais l'ordre n'est pas... En tout cas, on ne veut
pas jouer sur les mots, <l'ordre...
Mme Desrosiers (Gyslaine) :
...responsable de stage qui... mais l'ordre n'est pas... En tout cas, on ne
veut pas jouer sur les mots, >l'ordre prescrit les conditions de stage,
et c'est un membre de l'ordre qui devient un superviseur de stage. Alors, telle
entreprise, je ne sais pas, il y a un comptable, il y a un cabinet comptable
qui accepte des stagiaires comptables, et évidemment le superviseur de stage
doit être identifié et devient responsable, un peu comme le professeur au
cégep, devient responsable du stage puis de dire, oui ou non, s'il est réussi.
Mais l'ordre n'est pas sur place, et c'est
pour ça qu'on trouvait un peu abusif de nous demander de prendre tous les
moyens raisonnables pour la question des conditions de stage ou même les moyens
raisonnables concernant la prévention du harcèlement psychologique. Ce qu'on
vous dit là-dessus, c'est que, si un superviseur de stage fait l'objet d'une
plainte sur des comportements indignes, bien, l'étudiant pourrait ou le
stagiaire pourrait toujours se plaindre au syndic de l'ordre, on a déjà des
mécanismes de prévus dans le Code des professions, mais on ne peut pas
intervenir sur le terrain en cours de stage pour aller sur place, là. On n'est
pas là.
M. Boulet : Non. Je pense qu'on
dit à peu près la même chose. Mais ça revient un peu à la même chose. Il y a
quand même des rapports qui doivent être complétés, rapports dont les contenus
sont préparés puis élaborés par les corporations professionnelles. Puis il y a
des fois des personnes du bureau du syndic qui peuvent se déplacer ou des
personnes de certains ordres professionnels qui viennent pour inspecter et s'assurer
que tout est fait de manière convenable.
Mais je vais être attentif à ça, Mme Desrosiers,
pour m'assurer qu'on ne fasse pas assumer à des ordres professionnels des
responsabilités qui vont au-delà de leur capacité d'intervention.
Mme Desrosiers (Gyslaine) : C'est
ça.
M. Boulet : Je pense que c'est
le terme le plus important qu'on doit retenir.
Mme Desrosiers (Gyslaine) :
Exactement. Je vous remercie de le dire, parce qu'aussi ça pourrait créer une
confusion pour le stagiaire. Le stagiaire, s'il ne sait pas à qui s'adresser,
ça peut mêler les cartes, là.
• (12 h 30) •
M. Boulet : Maintenant, un
autre point que j'aimerais discuter avec vous. Vous dites : C'est
difficile, on va se soumettre à la loi, bien sûr. Mais est-ce que même un congé
de courte durée pourrait, dans votre esprit, être incompatible avec la durée
prescrite d'un stage? Parce qu'il y a des stages que ça prend un nombre
spécifique de semaines de travail effectif ou un certain nombre d'heures
effectives de travail. Est-ce que, donc, même une absence de courte durée
pourrait retarder la réussite du stage? Mais il y en a, par ailleurs, des
stages, qui doivent être complétés à l'intérieur d'une période, dans le
calendrier, qui est prédéterminée.
J'aimerais vous entendre un peu plus sur
ce point-là. J'ai bien compris votre élément sur les absences de longue durée,
là, moi, là-dessus, je suis totalement confortable avec vos observations, mais,
pour la courte durée, comment vous raisonnez?
Mme Desrosiers (Gyslaine) :
Bien, dans la vraie vie, les congés de courte durée, habituellement, ne sont
pas un problème, là, parce que c'est rare que des stagiaires de cégep... le
jour de l'An, tu sais, et il y a déjà, dans l'organisation ordinaire et normale
des stages, un certain nombre de congés pour les... de jours où il n'y a pas de
stage. Donc, ils ne sont pas comptabilisés, ces congés-là, dans la durée du
stage, habituellement.
Là, vous amenez des éléments de protection
pour qu'un stagiaire ait le droit de s'absenter pour des motifs très
importants, là, de décès, ou autres. Ça lui confère un droit qui est important
pour amener une certaine souplesse dans l'organisation des stages. Et
habituellement, à un ou deux jours près, on n'est pas... ça ne compromet pas le
stage.
M. Boulet : On se comprend
bien.
Mme Desrosiers (Gyslaine) : Ça
demande quand même certains rattrapages. Mais là on ne savait pas trop, quand
vous dites «courte durée», on est-tu à cinq jours, 10 jours, 15 jours?
C'est qu'à un moment donné il faut quand même...
M. Boulet : Il y a des
limites.
Mme Desrosiers (Gyslaine) : Bien,
c'est ça.
Pour ce qui est des établissements d'enseignement,
comme je vous ai dit tantôt, étant donné que l'ordre ne peut que recevoir le
diplôme, si jamais l'établissement d'enseignement faisait juste la moitié de la
durée du stage et qu'il considérait que les objectifs ont été atteints, l'ordre
est obligé d'accepter le diplôme. Le diplôme qui est émis de façon officielle,
il est obligé de l'accepter. On prend pour acquis que les établissements ne
donnent pas des diplômes de complaisance. Donc, ça, pour les diplômes, on ne
peut rien remettre en question.
Pour les stages postdiplôme, ça
pourrait... il y a certains accommodements, mais, comme je vous dis, on vous
invite à... on vous a invité quand même à préciser que les congés ne pourraient
pas, comment je dirais... de respecter la qualité ou quand même l'intégrité du
stage, surtout que vous parlez de quelques jours. Donc, si c'est 32 jours
de stage, il a eu trois ou quatre jours, il peut être <prolongé...
>
12 h 30 (version révisée)
< Mme Desrosiers (Gyslaine) :
...il peut être >prolongé trois, quatre
jours, là, je veux dire, parce qu'on est vraiment dans des absences de
journées. Mais notre préoccupation était beaucoup plus sur les stages de longue
durée où, là, vraiment, c'est plus complexe à gérer.
M. Boulet : Ah! je vous ai
totalement compris, puis il ne faut jamais perdre de vue que l'objectif visé
par un stage, c'est de permettre le développement de nouvelles habiletés. Il y
a des stages que c'est purement de l'observation, mais c'est pour permettre à
quelqu'un de compléter une formation, ce n'est pas nécessairement le même
statut qu'un salarié, là, ce n'est pas... puis c'est limité dans le temps, puis
il y a tellement une grande diversité de stages, que ce soit professionnel,
collégial ou universitaire, là, puis les objectifs, ça peut être d'obtenir un
certificat, un diplôme, un D.E.C., un baccalauréat ou en vue d'obtenir un
permis d'exercice, là, d'une corporation professionnelle.
Peut-être une dernière question, si j'ai
encore le temps.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Il
vous reste 4 min 50 s.
M. Boulet : Quatre minutes, après
ça j'offrirai l'opportunité à une collègue, mais est-ce que vous pensez... qu'est-ce
que vous pensez d'un accommodement potentiel? Par exemple, moi, ce qui m'est
extrêmement cher dans ce projet de loi là, c'est la vulnérabilité des
stagiaires, particulièrement au harcèlement psychologique et sexuel, de savoir
qu'ils ne sont pas visés par des procédures, des politiques en matière de
harcèlement qui doivent être adoptées dans les milieux de travail, de les
savoir ne pas pouvoir disposer d'un mécanisme de plainte contre le harcèlement,
qu'il soit psychologique ou sexuel, ça me... moi, ça m'irrite, là, puis je
pense que c'est... je pense qu'on s'entend tous là-dessus.
Si, par exemple, il y a un stagiaire qui
est pris par un encadrement réglementaire serré en termes de durée et d'heures,
puis que la personne est victime de harcèlement, puis qu'on fait une enquête
suite à une plainte, puis que cette personne-là doive s'absenter un certain
temps pour faire de la psychothérapie ou pour être encadrée, ou elle a besoin d'être
réaffectée dans un nouvel endroit du milieu de stage, comment tu... vous voyez,
Gyslaine, est-ce qu'il y a un accommodement potentiel possible dans un contexte
comme celui-là?
Mme Desrosiers (Gyslaine) : Bien,
je n'ai pas vérifié chaque règlement de chaque ordre, mais, de ce que j'en sais,
de quelques-uns de ces règlements-là, pour en avoir même moi-même géré à l'époque
où j'étais présidente d'un ordre, un stagiaire peut demander une modification
de lieu de stage. Comme je vous dis, un stagiaire peut faire une plainte au
syndic sur... s'il est victime de comportement indigne. Donc là, on rentre dans
une autre filière de plainte.
Il y a quand même des mécanismes prévus.
Donc là, c'est tout à votre honneur de vouloir mieux les protéger, mais, comme
je vous dis, c'est que, si on tombe dans l'univers réglementaire, c'est...
autrement dit, la dizaine d'ordres qui ont des règlements prescriptifs, ces
règlements-là, habituellement, incluent des modalités, mais ils incluent aussi
des assez longues durées, on a vu que c'est entre... Il y a des règlements que
c'est trois, cinq ou sept ans où la personne a le temps de compléter son fameux
stage postdiplôme. Donc, c'est vraiment des délais qui, à sa face même,
permettent des accommodements de modification de lieu de stage, de modification
de superviseur ou des trucs comme ça, pendant que la plainte est traitée
ailleurs, là. Comme vous dites, vous établissez un nouveau mécanisme, là, qui
est celui d'une plainte en harcèlement. Mais, comme je vous dis, l'ordre,
pendant ce temps-là, s'il n'a pas une demande de modification du lieu de stage
ou une demande de modification de superviseur, il faut que l'ordre... l'ordre
ne peut pas présumer que quelqu'un ait fait une plainte à quelque part sans en
être informé, là.
M. Boulet : Non. Puis il y a
plusieurs ramifications, hein, tu sais, dans l'exemple de harcèlement, l'auteur
du harcèlement, s'il est membre de la corporation professionnelle, c'est lui
qui fait l'objet de l'enquête du syndic et c'est lui qui peut potentiellement
être suspendu ou radié, ultimement. Puis c'est intéressant, ce que vous dites,
ça varie d'un règlement à l'autre. Puis j'imagine que c'est la même approche
dans les établissements d'enseignement, par exemple les universités. Si tu veux
faire une maîtrise, tu as un certain nombre d'années à l'intérieur duquel tu
dois compléter ta maîtrise ou ton doctorat, ça fait que c'est certain que, pour
certains stages... Mais c'est tellement asymétrique, Mme Desrosiers, ça
varie tellement d'un règlement professionnel à un autre, là.
Mme Desrosiers (Gyslaine) : Il
faudrait juste faire attention que la loi ne soit pas en... que vous suggérez vienne
en porte-à-faux avec une dizaine d'autres règlements. Je pense bien que vous
n'avez pas... vous n'avez pas le goût de <commencer...
Mme Desrosiers (Gyslaine) :
...vous suggérez vienne en porte-à-faux avec une dizaine d'autres
règlements.
Je pense bien que vous n'avez pas... vous n'avez pas le goût de >commencer
d'aller jouer dans tous ces règlements-là. Puis, comme on vous a dit, c'est qu'il
reste qu'il y a une qualité de stage qui est nécessaire. On vous rassure sur la
question de la longue durée, qu'habituellement c'est des délais quand même
assez longs et assez suffisants pour introduire certains congés de longue
durée. Puis on ne peut aussi pas prévoir tous les cas de figure. Si quelqu'un
est malade 10 ans, bien, peut-être qu'il ne pourra jamais exercer cette
profession-là, ça fait qu'on rentre dans des cas très, très particuliers.
M. Boulet : Parfait. Aïe! Merci
beaucoup, Mme Desrosiers. Merci, M. Beaudoin.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, nous poursuivons l'échange avec le député de Viau.
M. Benjamin : Bonjour, Mme Desrosiers.
Mme Desrosiers (Gyslaine) :
Oui, bonjour.
M. Benjamin : Est-ce que vous
m'entendez?
Mme Desrosiers (Gyslaine) :
Oui, tout à fait.
M. Benjamin : Ah! parfait,
merci. Alors, écoutez, merci pour votre mémoire. Je commencerais peut-être à
faire... avec une première question, donc, qui concerne votre première
recommandation, donc, sur le retrait de la mention d'ordre professionnel de
certains articles du projet de loi. Je veux m'arrêter sur le projet de loi, sur
l'article 4 en particulier. Sur les autres articles, on pourrait en
discuter, on pourrait en débattre. Mais, en fait, ce que j'ai devant moi comme
disposition générale à l'article 4 prévoit qu'au cours de la réalisation d'un
stage, et je lis, pour le bénéfice des gens qui nous écoutent ou qui nous
regardent, «l'employeur, selon le cas, l'établissement d'enseignement ou
l'ordre professionnel doivent prendre les moyens raisonnables à leur
disposition pour s'assurer que la réussite des études ou de la formation de
stagiaire ou l'obtention, par ce dernier, d'un permis pour exercer une
profession ne soit pas compromise». J'aimerais savoir pourquoi vous souhaitez
qu'on enlève la mention d'ordre professionnel à l'article 4.
• (12 h 40) •
Mme Desrosiers (Gyslaine) :
Bien, comme on expliquait tantôt, c'est que les ordres professionnels ont déjà des...
une loi-cadre, qui est le Code des professions, ou des lois particulières pour
lesquelles c'est déjà... comment dire, les conditions qui concernent les stages
sont déjà prescrites à quelque part dans un règlement qui découle d'une loi.
Donc, pour ce qui est des stages qui concernent l'obtention d'un diplôme, l'ordre
professionnel ne peut que prendre acte du diplôme, il n'a aucune intervention
sur les stages qui mènent à l'obtention d'un diplôme. Donc, on n'a pas de moyen
raisonnable, là, à prendre.
Et, concernant... la même chose concernant
les stages postdiplômes, c'est un règlement qui découle d'une loi particulière
qui établit que la personne doit avoir complété un stage, je ne sais pas, moi,
de 50 semaines, 32 semaines ou... enfin, la durée de ce stage-là est
prescrite dans un règlement. Donc, c'est plus l'obligation de faire un stage
dont l'ordre est responsable. Et c'est une obligation qui est sujette aussi à
un rapport de stage que l'ordre reçoit, qui établit si la personne a vraiment
fait le stage et, dans certains cas, si les objectifs du stage, qui sont
prescrits par le règlement, ont été atteints. Donc, l'ordre prend acte de la
réussite du stage, il faut que ça soit conforme au règlement en vigueur.
Donc, on ne voit pas pourquoi, tout d'un
coup, dans une autre loi, vous nous demandez de prendre des moyens raisonnables
pour s'assurer de la réussite d'un stage. D'autant plus que, dans le moment,
les ordres, ils n'interviennent pas sur les conditions de travail de leurs
propres membres. On se demandait comment un ordre va aller intervenir sur les
conditions de travail d'un stagiaire, tu sais, on n'est pas là, on n'est pas
dans le milieu où se vivent les stages.
M. Benjamin : En fait, je vais
m'attarder à la fin du premier article... de l'article 4 toujours, où on
parle de l'exercice d'une profession qui ne serait pas compromise en raison de
l'exercice d'un droit. Vous savez que ce projet de loi là, c'est la Loi visant
à assurer la protection des stagiaires en milieu de travail. Donc, c'est un
projet de loi qui nous dit qu'advenant le cas où un stagiaire ou une stagiaire
exercerait un droit que lui accorde ce projet de loi, donc, cela n'entrave pas,
justement, l'exercice de ce droit-là, par rapport à l'obtention d'un permis ou,
du moins, d'une reconnaissance de l'ordre. Donc, vous êtes en train de me...
Est-ce que je dois comprendre que vous me dites que l'ordre... un ordre
professionnel n'aurait rien à voir dans les conséquences que peuvent résulter
l'exercice d'un droit d'un stagiaire ou d'une stagiaire?
Mme Desrosiers (Gyslaine) : L'ordre
est obligé de respecter les règlements en vigueur. Alors, si l'établissement <d'enseignement...
M. Benjamin :
...résulter
l'exercice d'un droit d'un stagiaire ou d'une stagiaire?
Mme Desrosiers (Gyslaine) :
L'ordre est obligé de respecter les règlements en vigueur. Alors, si
l'établissement >d'enseignement n'envoie pas un diplôme, il ne peut pas
donner un permis. On attend le diplôme. Donc, si l'étudiant a manqué x jours
de stage ou n'a pas réussi un cours ou il n'a pas réussi un stage, nous, on
n'est pas dans le cursus, on attend le diplôme.
La même chose pour le stage. Si, dans les
droits prévus par la loi que vous proposez... puis c'est, par exemple, d'avoir
droit à des congés ou d'avoir le droit de faire une plainte pour harcèlement
psychologique ou autre forme de harcèlement, bien, le stage va être suspendu,
et l'ordre va être... pendant un certain temps, et l'ordre va être informé que
le stage est présentement suspendu. Mais, tôt ou tard, la personne va devoir
faire la preuve qu'il a complété un stage. Si ce n'est pas à cet endroit-là, il
faut que ça soit ailleurs, parce qu'il y a un règlement qui le prescrit.
L'ordre est obligé d'appliquer les règlements qui sont en vigueur.
Donc, on pourrait... c'est ça qui nous
inquiète, que cette loi-là dise... je ne sais pas, quelqu'un pourrait ne pas
compléter un stage postdiplôme puis penser que l'ordre va émettre le permis
pareil. C'est impensable, ça serait contraire aux lois, aux règlements en
vigueur.
M. Benjamin : À la
page 5 de votre mémoire, vous... à la fin de la page 5, en fait, vous
faites une différenciation au niveau des stages... des stagiaires étudiants et
des stagiaires employés. J'aimerais vous entendre sur cette différenciation.
Mme Desrosiers (Gyslaine) : Bien,
en fait, on fait une différence parce que, dans la vraie vie, c'est des
déroulements qui sont complètement différents, mais, au niveau de l'implication
de l'ordre, ça revient un peu au même. Le stagiaire étudiant est complètement
sous l'autorité d'un établissement d'enseignement, qui trouve les lieux de
stage, qui est... L'établissement d'enseignement est complètement responsable
que l'étudiant remplisse toutes les conditions du cursus. Un stage, c'est un
cours, donc nous autres, on essaie d'expliquer qu'on n'est pas là, on attend le
diplôme.
Et, les stagiaires employés, ce qui nous
embête, c'est d'autres considérations, comme je vous expliquais, c'est que les
ordres n'ont aucune prérogative de protection des conditions de travail de
leurs propres membres ou d'un stagiaire. On n'est pas dans l'univers des
conditions de travail. Nous autres, on est dans l'univers de la protection du
public. À la limite, même, on pourrait avoir une plainte du public contre un
stagiaire. Il faudrait faire enquête. On ne pourrait pas faire enquête sur un
stagiaire parce qu'il n'est pas membre de l'ordre, mais on doit accueillir,
nous, les plaintes du public. Ce qu'on dit, c'est qu'on n'est pas impliqué dans
le déroulement du stage au quotidien. Est-ce qu'il peut prendre congé? Est-ce
qu'on a une preuve qu'il y a vraiment eu un décès dans sa famille puis il veut
prendre congé? Il a droit à certains congés. Est-ce qu'il y a un problème avec
un superviseur de stage? Comme j'ai expliqué tantôt, la seule chose qu'on
pourrait faire, c'est que, si on avait une plainte contre un superviseur de
stage qui est membre de la profession, le syndic pourrait aller enquêter sur le
comportement de ce superviseur de stage là, mais ça n'empêcherait pas la mise
à... l'obligation de rencontrer les obligations du règlement, c'est-à-dire qui
établissent la durée du stage, qui est prescrite dans un règlement.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Il reste trois minutes à l'échange.
M. Benjamin : Trois minutes.
Écoutez, deux questions, rapidement, sur les mécanismes de contrôle des ordres.
J'aimerais vous entendre sur ce que vous faites en amont en termes de
prévention, gestes de prévention par rapport au harcèlement en milieu de
travail, donc au niveau des ordres, et ce que... et vous avez parlé du rôle des
syndics, c'est bien. Et ma deuxième... Allez-y avec la première question, avec
une réponse courte, en espérant pouvoir vous poser la deuxième question.
Mme Desrosiers (Gyslaine) : Bien,
écoutez, si une personne membre de l'ordre veut se... voudrait se qualifier
comme superviseur de stage et qu'il est lui-même visé par l'inspection
professionnelle ou par le syndic, il ne pourra pas se qualifier comme
superviseur de stage. Donc, on peut agir en amont sur la qualification d'un
superviseur de stage ou d'un milieu de stage. Par exemple, un cabinet
professionnel, je ne nommerai pas la profession, fait l'objet d'une enquête
criminelle, de fraude, de corruption ou je ne sais trop quoi, c'est certain que
ce milieu-là ne sera pas jugé acceptable comme milieu de stage. Donc, il y a
des choses qui peuvent être faites en amont dans la détermination du milieu de
stage.
M. Benjamin : Merci. Et que
dites-vous de cette suggestion, donc, que le Commissaire à l'admission, donc,
au sein de l'Office des professions, dont les fonctions sont prévues aux <articles...
M. Benjamin :
...suggestion,
donc, que le Commissaire à l'admission, donc, au sein de l'
Office des
professions, dont les fonctions sont prévues aux >articles 16.9,
suivant le Code des professions, qui posséderait toute l'indépendance et l'expertise
nécessaires pour évaluer, porte un regard... qui porte un regard neutre pour
les pratiques, qui posséderait toute l'expertise pour regarder ce qui se passe
dans les milieux de stage? Qu'est-ce que vous dites par rapport à cette
suggestion-là que le Commissaire à l'admission puisse jouer un rôle là-dessus?
Mme Desrosiers (Gyslaine) :
Bien, écoutez, on a consulté les ordres, et c'est une suggestion qui est
particulière, là, qui n'a pas fait l'objet de... je ne suis pas en mesure de l'évaluer,
mais je suis quand même très surprise, parce que, le Commissaire à l'admission,
ses prérogatives sont prévues dans le Code des professions. Et, si on veut
amender la mission du commissaire, je pense bien que vous n'aurez pas le temps
d'aller amender la loi. Et le commissaire, il fait des études à caractère
général sur les conditions d'admission à une profession, il peut aussi regarder
les conditions supplémentaires au diplôme, mais il peut accueillir des plaintes
qui viennent de certains professionnels, par exemple, de professionnels ou de
stagiaires. Il pourrait... il a accueilli des plaintes, le commissaire. Par
exemple, il y a eu des gens qui ont eu des problèmes avec la traduction d'un
examen, il a accueilli une plainte, il fait enquête. Il peut accueillir... il
pourrait accueillir des plaintes, c'est vrai, mais, comment dirais-je, à l'intérieur
de son mandat, qui est vraiment sur l'admission à la profession.
Je ne sais pas, là, vous me prenez un peu
au dépourvu, je ne sais pas exactement jusqu'où... Il n'est pas sur les
conditions de travail, ça, c'est vrai. Il ne peut pas accueillir une plainte
sur le harcèlement psychologique ou des choses comme ça. Il est sur, plutôt,
est-ce que les conditions de... l'application d'une loi ou d'un règlement qui
touche les conditions d'admission à une profession ont été... le règlement
a-t-il été respecté? Il peut porter un jugement plus général, mais pas sur une
plainte de harcèlement psychologique. Je suis certaine qu'il ne pourrait pas...
Ce n'est pas prévu à la loi.
• (12 h 50) •
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Parfait. Merci. Merci au député de Viau. Nous poursuivons, cette fois-ci, avec
le député d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : Bonjour. Merci,
Mme la Présidente. Les intervenants qui sont passés avant vous, de Force Jeunesse,
soulignaient à quel point on a un droit du travail qui est morcelé au Québec et
qui, là, va être morcelé davantage avec ce nouveau régime. Vous semblez tenir
fort à l'idée que l'idée des congés de longue durée ne devrait peut-être pas
être intégrée comme une norme générale à l'intérieur... là, visiblement pas aux
normes du travail, mais, en tout cas, dans ce régime parallèle là. Mais est-ce
que le fait de laisser à chacune des corporations que vous représentez, des
ordres que vous représentez le soin de déterminer l'applicabilité ou pas de
tels congés ne va pas encore plus morceler le droit qu'il l'est actuellement?
Mme Desrosiers (Gyslaine) :
Bien, écoutez, c'est une situation de fait que les lois particulières, les lois
professionnelles particulières à certaines professions prévoient des conditions
supplémentaires au diplôme. Donc, si vous êtes avocat, vous avez fait l'École
du Barreau, les examens. Si vous êtes infirmière, vous êtes obligée de faire un
examen postdiplôme. Et puis, dans d'autres cas, c'est des... il y a une dizaine
d'ordres pour lesquels il y a des stages de prévus, et le règlement prévoit une
durée à ces stages-là et un délai à l'intérieur duquel il doit être fait. Ce qu'on
dit, c'est que les délais sont tellement larges, habituellement, c'est des
délais d'années. On a fait une première vérification puis on a vu que c'est entre
trois et sept ans. Donc, si quelqu'un n'a pas le temps de compléter un stage,
je ne sais pas, moi, de 30 semaines à l'intérieur de x années, c'est
que peut-être que son... premièrement, ça ne respecterait pas le règlement.
Puis ce qu'on vous dit, c'est qu'introduire un nouvel article dans une autre
loi pour essayer d'aller impacter sur des lois et des règlements déjà en
vigueur, mais qui déjà permettent une certaine souplesse, c'est...
M. Leduc : Mais on s'entend
sur une chose, si d'aventure on convainc le ministre de rajouter les congés de
longue durée dans la loi, dans le projet de loi actuel, et que ce projet de loi
là est d'ordre public, c'est ça qui va prévaloir aux règlements et aux lois.
Mme Desrosiers (Gyslaine) :
Bien là, écoutez, je ne suis pas juriste, mais il faudrait vérifier parce que,
quand même, quand... il existe des, comment je dirais ça... des lois et des
règlements en vigueur, et ce qu'on vous dit, c'est que ces règlements-là qui
permettent plusieurs années avant de réussir un stage ou une condition
supplémentaire au diplôme sont suffisamment larges et n'ont pas de... selon nos
informations, n'empêchent pas <l'obtention...
Mme Desrosiers (Gyslaine) :
...diplôme sont
suffisamment larges et n'ont pas de, selon nos
informations,
n'empêchent pas >l'obtention d'un permis d'exercer. Alors, pourquoi
prendre le risque d'aller impacter toutes ces lois ou ces règlements-là? Ça
nous inquiète.
Et on insiste aussi beaucoup sur le fait
que le stage doit être réussi. Il y a des... Il peut arriver que quelqu'un...
Ça arrive, dans certains ordres, qu'il y a des gens qui ont un échec à un stage
postdiplôme et qui n'obtiennent jamais leurs permis.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, nous poursuivons, cette fois-ci, avec le député de Jonquière.
M. Gaudreault : Oui. Merci
beaucoup pour votre présence. Je veux bien comprendre votre position. Hier,
nous avons rencontré la Fédération des cégeps, et ils nous ont rappelé, on le
sait déjà, mais je trouve ça tellement important de toujours le dire, et le
redire, et le répéter, que le stage s'inscrit dans un processus pédagogique,
dans un processus de formation. Et là vous, vous nous dites qu'il faut retirer
la mention «ordre professionnel» partout, en tout cas aux articles 4, 7,
19, 20, 22, 25. Je comprends votre position, vous l'avez expliquée à plusieurs
reprises, mais est-ce qu'il n'y a pas un juste milieu? Parce que ça fait partie
de la formation. Moi, je suis passé aussi par l'École du Barreau puis par le
stage. Ça fait partie de la formation, par exemple, d'avoir des considérations
éthiques ou de déontologie dans un milieu de travail, de protection du public.
Alors, sans être impliqué directement,
parce que je comprends que vous voulez garder un bras de distance par rapport
aux enjeux plus directs, concrets de relations de travail, mais sur les enjeux
qui font aussi partie de la formation, qui sont de comprendre la déontologie,
le respect du public, etc., est-ce qu'il n'y aurait pas moyen d'avoir un juste
milieu entre être là complètement puis n'être pas là du tout?
Mme Desrosiers (Gyslaine) :
Bien, vous avez tellement raison que c'est déjà prévu, c'est que les conditions
qui doivent prévaloir pour un stage, il y a des objectifs, il y a des modalités
d'établies. Alors, comment dirais-je, les éléments que vous soulignez, l'attitude
éthique au plan professionnel, les aptitudes, les compétences qui doivent se
déployer, l'atteinte de certaines, comment dirais-je, habilités, quand on pense
à certaines professions qui demandent des habilités particulières qui doivent
être exercées, je pense, par exemple, aux sages-femmes, tu sais, il faut avoir
fait un certain nombre d'accouchements, etc., prévus dans un stage, donc c'est
prévu, ça, à l'intérieur du stage et ça peut avoir fait l'objet... Le règlement
pourrait avoir été amendé ou pourrait être amendé pour introduire au fil du
temps... Parce qu'il y a certains de ces règlements-là de conditions supplémentaires
au diplôme qui existent depuis 100 ans, je veux dire, là, ils ont été
amendés au fil du temps pour rajouter des objectifs pertinents au déploiement
de ce stage-là. Donc, c'est vraiment dans la prescription du stage.
M. Gaudreault : O.K. Donc, pour
vous, ce n'est pas nécessaire, à ce stade-ci, d'en rajouter, je dirais, ou d'en
ajouter dans un projet de loi comme celui qu'on a devant nous, que les
conditions actuelles, ou les lois, ou les règlements actuels sont suffisamment
forts ou, en tout cas, ça couvre ce que ça doit couvrir.
Mme Desrosiers (Gyslaine) :
Oui, parce que ça serait un très, très grand précédent. Les ordres ne s'immiscent
jamais dans les conditions de travail de leurs propres membres. On n'est jamais
à la défense des conditions de travail de nos membres et, tout d'un coup, on
serait interpelés dans les conditions de travail d'un stagiaire, alors qu'il y a
déjà un employeur, il y a déjà des éléments contractuels du milieu que vous
cherchez à combler.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci. Merci, Mme Desrosiers et M. Beaudoin aussi, qui vous
accompagnait. Merci pour votre contribution aux travaux de la commission.
Alors, écoutez, la commission suspend ses
travaux jusqu'à 15 h 55. Alors, merci. Bon dîner à toutes et à tous.
(Suspension de la séance à 12 h 57)
15 h 30 (version révisée)
(Reprise à 15 h 59)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, bonjour à toutes et à tous. La Commission de l'économie et du travail
reprend ses travaux.
Nous poursuivons les auditions publiques
dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 14, Loi visant à assurer la protection des stagiaires en
milieu de travail.
Cet après-midi, nous entendrons les Pres Gesualdi
et Bernstein et le Conseil du patronat du Québec.
Alors, nous commençons immédiatement avec
vous, chères professeures. Je vous invite donc à vous présenter et à donner
votre titre, exactement, et ensuite vous pourrez commencer votre exposé. Merci.
Mmes Dalia Gesualdi-Fecteau et Stéphanie Bernstein
Mme Gesualdi-Fecteau (Dalia) :
Merci. Donc, Dalia Gesualdi-Fecteau, professeure de droit du travail à l'Université
du Québec à Montréal. Je laisse ma collègue se présenter.
Mme Bernstein (Stéphanie) : Oui.
Bonjour. Stéphanie Bernstein. Je suis également professeure au Département des
sciences juridiques à l'UQAM.
• (16 heures) •
Mme Gesualdi-Fecteau (Dalia) :
Bonjour. D'abord, nous vous remercions de nous accueillir aujourd'hui. Les
représentations que nous allons vous faire aujourd'hui sont consignées dans un
mémoire qui, on doit bien le préciser, a été rédigé en collaboration avec nos
collègues professeurs de droit du travail, Marie-Ève Bernier, de la TELUQ,
Gilles Trudeau, de la Faculté de droit de l'Université de Montréal, Guylaine
Vallée, de l'École de relations industrielles de l'Université de Montréal, ma
collègue Bernstein et moi-même. Et nous vous renvoyons au mémoire pour certains
aspects que nous n'aurons pas le temps d'approfondir aujourd'hui.
Donc, d'entrée de jeu, on souhaite saluer
la volonté du gouvernement de mieux protéger les stagiaires. On salue également
le fait que le projet de loi prenne en compte le caractère multipartite du
rapport entre les stagiaires, les milieux d'accueil, les établissements d'enseignement
et, dans certains cas, les ordres professionnels. Finalement, nous saluons le
fait que le projet de loi octroie un socle de droits aux personnes qui
effectuent des stages d'observation. Mais, ceci étant dit, vous l'aurez compris,
nous estimons que le projet de loi n° 14 soulève
certains problèmes qu'il importe de corriger. Et aujourd'hui, dans le cadre de
cette présentation, nous allons en soulever deux avant de vous présenter nos
recommandations.
Donc, d'abord, on le répète, bien que le
projet de loi n° 14 a pour effet ou aurait pour
effet, s'il était adopté, d'octroyer des droits aux stagiaires qui effectuent
un stage d'observation, nous sommes d'avis qu'il engendre une importante
ambiguïté pour les personnes qui effectuent des stages d'acquisition ou de mise
en oeuvre des compétences, qui, en vertu du droit en vigueur, et on insiste là-dessus,
sont susceptibles de bénéficier d'ores et déjà de protections prévues à la Loi
sur les normes du travail.
Donc, il faut le souligner, et je pourrai
revenir dans la période de questions là-dessus, l'état actuel du droit fait en
sorte que les stagiaires qui effectuent, et le ministre l'a évoqué dans le
cadre d'autres représentations... donc les stagiaires qui effectuent une
prestation effective de travail sont susceptibles, dans certaines
circonstances, d'être reconnus comme des personnes salariées au sens de la Loi
sur les normes du travail. Or, et c'est la question qu'on se pose, si le projet
de loi n° 14 était adopté en l'état, est-ce que l'article 6
de ce projet de loi là permettrait, dans les faits, aux stagiaires qui
effectuent une prestation de travail effective, donc qui sont, dans le langage
droit du travail, subordonnés juridiquement à l'employeur et/ou rémunérés...
est-ce que ces personnes-là pourraient encore prétendre aux protections prévues
par la Loi sur les normes du travail? Et je veux quand même le souligner, ça a
été évoqué dans d'autres présentations, c'est quand même près de 35 % des
stagiaires des programmes universitaires qui sont rémunérés et 12 % des
stagiaires des programmes au niveau collégial qui sont rémunérés.
Alors, nous sommes d'avis, encore une
fois, et malgré l'article 6 du projet de loi, que, si le projet de loi est
adopté en l'état, il entraînerait une importante confusion qui serait
susceptible d'entraîner une perte de droits pour certains groupes de stagiaires
qui effectuent des stages visant <surtout l'acquisition...
>
16 h (version révisée)
< Mme Gesualdi-Fecteau (Dalia) :
...pour certains groupes de stagiaires qui effectuent des stages visant >surtout
l'acquisition ou la mise en oeuvre de compétences. Donc, pour éviter, et je
vais y revenir tantôt... pour éviter de générer de nouvelles ambiguïtés quant
aux protections auxquelles ces différents groupes de stagiaires peuvent
prétendre, nous estimons que d'autres solutions peuvent être préconisées. Je
passe la parole à ma collègue.
Mme Bernstein (Stéphanie) :
Oui. En effet, le socle de protection conférée aux stagiaires par le projet de
loi est en deçà de ce que prévoit la Loi sur les normes du travail.
D'autres intervenants ont déjà évoqué le
fait que le projet de loi ne mentionne pas les congés dits longs. Aussi, alors
que la Loi sur les normes prévoit le droit au salaire pour différents congés
plus courts, en cas, par exemple, de décès d'un proche ou encore un congé
férié, ces mêmes congés prévus au projet de loi ne sont pas rémunérés pour les
stagiaires visés.
Contrairement à la Loi sur les normes, le
projet de loi ne comporte aucune limitation de la durée du travail pour les
stagiaires, dont le droit de refuser de travailler au-delà d'un certain nombre
d'heures et le droit à des périodes de repos. Et aussi soulignons qu'en matière
de harcèlement psychologique l'accès aux remèdes de nature pécuniaire n'est pas
explicitement mentionné dans le projet de loi, notamment en matière de dommages
moraux et punitifs.
Afin de bien comprendre le déficit de
protection d'un nombre important de stagiaires, qui sera soit maintenu ou
exacerbé par le projet de loi, nous pouvons aussi faire un parallèle avec la
situation des apprentis dans plusieurs secteurs. On sait que la Loi sur la
formation et la qualification professionnelles de la main-d'œuvre définit l'apprentissage
comme étant, je cite, «un mode de formation professionnelle dont le programme
est destiné à qualifier un apprenti et comporte une période de formation
pratique chez un employeur et généralement des cours dans des matières
techniques et professionnelles pertinentes».
Alors, à l'instar des stagiaires qui font
un stage d'acquisition des compétences ou de mise en œuvre des compétences, les
apprentis doivent réaliser certaines tâches «sous la supervision d'une personne
qualifiée pour les travaux supervisés qui sera sur place et à proximité de l'apprenti»,
je cite encore. Comment ne pas conclure à l'existence de similitudes
importantes entre un apprentissage dans un secteur à prédominance masculine,
comme le secteur de la construction, par exemple, et un stage d'acquisition des
compétences ou de mise en œuvre des compétences dans des secteurs à
prédominance féminine, comme l'enseignement et la santé et les services sociaux,
et qui sont visés par le projet de loi? L'apprenti a droit à une rémunération,
laquelle dépendra de l'étape de l'apprentissage et encore du secteur, et a une
protection sur le plan de ses conditions de travail.
Bien que l'évolution historique de la
formation et de la reconnaissance des qualifications professionnelles soit
distincte dans le secteur de la construction et plusieurs autres secteurs à
prédominance masculine, nous devons conclure que la protection qu'offre le
droit du travail aux stagiaires dans plusieurs secteurs à prédominance féminine
est extrêmement faible comparativement à celle offerte aux apprentis. Alors,
nous estimons qu'il est vraiment impératif que soit conduite une analyse
différenciée selon les sexes, rigoureuse, afin de mesurer l'impact réel du
projet de loi sur l'égalité des femmes. Ma collègue va maintenant présenter
sommairement nos recommandations. Merci.
Mme Gesualdi-Fecteau (Dalia) :
Merci beaucoup, Stéphanie. Alors, nous formulons trois recommandations dans
notre mémoire, la première étant qu'en lieu et place d'une loi particulière
soit ajoutée une section, dans la Loi sur les normes du travail, portant sur
les stages. Depuis le début des travaux sur ce projet de loi, on entend
quelques fois parler de la difficulté d'intégrer la protection des stagiaires
dans la Loi sur les normes du travail, car il s'agit d'une relation
multipartite. Or, Il faut bien le souligner, en 2018, la Loi sur les normes du
travail a été modifiée pour y voir ajouter une section sur les agences de
placement de personnel, dont le recours, évidemment, entraîne dans son sillage
une relation tripartite.
Ce que nous proposons, c'est qu'à l'instar
de l'article 92.7 de la Loi sur les normes du travail, laquelle figure
dans la section qui porte sur le placement de personnel... donc à l'instar,
évidemment, de cet article-là, de faire une section sur les stages, de faire...
donc d'ajouter une section qui porte sur les stages dans la Loi sur les normes
du travail. Cette section pourrait contenir une disposition prévoyant que le
gouvernement peut, par règlement notamment, définir ce que constituent pour l'application
de la Loi sur les normes de travail un stage et une stagiaire, déterminer les
obligations qui incombent au milieu de travail qui accueille un stagiaire et à
l'établissement d'enseignement et/ou à l'ordre professionnel et prévoir toute
autre mesure visant à assurer la protection des droits des stagiaires.
Ce que je viens de vous mentionner, c'est
exactement ce que l'on retrouve en matière d'agences de placement de personnel
à l'article 92.7. Et, on le sait, il y a un règlement, qui a été adopté en
vertu cette disposition-là, qui, justement, définit ces termes-là, <prévoit
les...
Mme Gesualdi-Fecteau (Dalia) :
... je viens de vous mentionner, c'est exactement ce que l'on retrouve en
matière d'agences de placement de personnel à l'article 92.7. Et, on le
sait, il y a un règlement qui a été adopté en vertu cette disposition-là qui,
justement, définit ces termes-là, >prévoit les obligations de chacun des
partis. Alors, il faut aussi souligner que c'est la voie réglementaire qui a
été préconisée par le droit du travail fédéral. Le Règlement sur les normes
relatives aux activités d'apprentissage en milieu de travail est adopté en
vertu de la partie III du Code canadien du travail et encadre, justement,
les droits et les obligations des stagiaires, mais aussi, évidemment, des
milieux de stage et des milieux d'enseignement.
Notre deuxième recommandation, et,
celle-là, je pourrai y revenir dans la période d'échange, c'est qu'en lieu et
place de l'exclusion qui est prévue à l'article 3.5° de la
Loi sur les normes du travail, et qui prévoit qu'un étudiant qui travaille au
cours de l'année scolaire dans un établissement choisi par un établissement d'enseignement
et en vertu d'un programme d'initiation au travail approuvé par le ministère de
l'Éducation ou le ministère de l'Enseignement supérieur est exclu des
protections de la Loi sur les normes du travail, nous proposons que cette
disposition-là soit modifiée et que l'exclusion ne vise que les stages d'observation.
Mais c'est important qu'à l'instar des autres groupes de salariés qui sont
exclus à l'article 3 de la Loi sur les normes du travail, certains droits
prévus à la Loi sur les normes du travail soient conférés aux personnes qui
font un stage d'observation.
Alors, c'est extrêmement important de
souligner qu'à l'heure actuelle l'article 3.5° entraîne
énormément de confusion. Qui sont les étudiants visés par cette disposition? Qu'est-ce
qu'un programme d'initiation au travail approuvé par le ministère de l'Éducation?
C'est une disposition qui entraîne de la confusion, et il convient de la
modifier pour la clarifier, pour exclure potentiellement les stages d'observation,
tout en conférant à ces stagiaires-là un certain socle de droits comme ceux
prévus, par exemple, au projet de loi n° 14.
• (16 h 10) •
Finalement, et je vais terminer là-dessus,
il faudrait que soit clarifié que la Loi sur les normes du travail s'applique
aux personnes qui effectuent ce qu'on appelle communément dans la littérature
un faux stage et introduire une disposition, donc, dans la Loi sur les normes
du travail, qui vise à lever toute ambiguïté à cet égard-là. Et je vous renvoie
à la disposition prévue au Code canadien du travail à cet égard-là, qui
clarifie que les personnes qui effectuent un stage dans le but d'acquérir des
connaissances ou de l'expérience sans... et qui ne sont pas inscrits à un
programme d'études, bien, à ce moment-là, ils sont couverts par l'ensemble des
protections prévues à la partie III du Code canadien du travail.
Alors, en conclusion, c'est une initiative
qu'il faut saluer, mais, à notre avis, qui est nécessaire, mais qui est aussi
nécessairement perfectible. Je vous remercie.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors,
merci pour votre exposé. Nous allons commencer la période d'échange avec M. le
ministre.
M. Boulet : Merci, Mme la
Présidente. Merci, Mme Fecteau. Merci, Mme Bernstein. Bon,
évidemment, vous nous avez entretenus beaucoup de... puis je ne le fais pas en
mésestimant votre point de vue, là, beaucoup sur la forme, un peu moins sur le
fond. Sur la forme, moi, je ne suis pas de cet avis-là que ça crée de la
confusion. Évidemment, c'est un projet de loi qui crée un seuil minimal, qui
confère un régime de protection et des recours. Et on a tenu compte, après les
consultations des ordres professionnels, les établissements d'enseignement, que
les droits qui y sont conférés sont compatibles avec la variété puis l'asymétrie
des stages. Moi, je pourrais vous résumer ça simplement en disant que l'article 2,
qui définit la notion de salarié, permet à un stagiaire salarié d'être couvert
par la loi. Donc, pour être un salarié, vous le savez aussi bien que moi, ça
prend une prestation de travail effective, ça prend un lien de subordination et
ça prend une rémunération.
Vous faisiez état des stages. Moi, la
statistique que je mentionnais aujourd'hui, c'est : 88 % des
stagiaires ne sont pas rémunérés au niveau professionnel et au niveau collégial;
67 % ne le sont pas au niveau universitaire. Ça fait que ceux qui sont des
salariés peuvent être couverts par la loi, sauf évidemment, vous le dites
bien... tu sais, l'alinéa 5° de l'article 3 exclut
ceux qui sont dans un contexte d'initiation dans un établissement qui est
déterminé et choisi par son établissement d'enseignement. Et ça, il n'y a pas
de confusion, ça n'a jamais fait... J'ai fait vérifier, il n'y a pas de
décision de jurisprudence, il n'y a pas eu d'enjeu d'interprétation ou d'application.
Mais on dit que, même dans ce cas-là exceptionnel, où c'est un salarié qui fait
un programme d'initiation dans un établissement choisi par son école, il
bénéficie quand même des dispositions en matière de harcèlement <psychologique.
Donc...
M. Boulet :
...
jurisprudence, il n'y a pas eu d'enjeu d'interprétation ou d'application. Mais
on dit que, même dans ce cas-là exceptionnel, où c'est un salarié qui fait un
programme d'initiation dans un établissement choisi par son école, il bénéficie
quand même des dispositions en matière de harcèlement >psychologique.
Donc, c'est certain que celui qui est un stagiaire salarié, qui n'est pas dans
l'acception de 3.5°, il peut bénéficier de la Loi sur les
normes du travail, et c'est deux régimes qui se concilient totalement.
Donc, moi, c'est ma compréhension, je vous
dirais que le caractère distinctif et particulier du stagiaire, et ça, vous l'avez
souligné à juste titre, il y a une relation tripartite ou quadripartite, là,
parce qu'on réfère au milieu de travail, au stagiaire, à l'établissement d'enseignement
ou la corporation professionnelle. Puis il n'y a rien d'impossible, là,
Mme Fecteau, on aurait pu amender la Loi sur les normes du travail, mais
ça aurait impliqué une gymnastique de rédaction législative qui, à mon avis,
est beaucoup plus complexe. Et là c'est simple, c'est dans un régime qui est
parallèle. Donc, moi, je n'y vois pas de confusion. J'y vois au contraire plus
de simplicité. Mais je vous dis ça avec beaucoup, beaucoup de respect, là,
parce que vous avez quand même souligné la reconnaissance de la relation
tripartite, avec les responsabilités qui en découlent.
J'aimerais ça peut-être que... Bon, puis
là, Mme Bernstein, peut-être un élément, là, quand vous référiez aux
dommages moraux et punitifs, là, j'essayais de retrouver l'article, là, mais
vous lirez l'article 30 du projet de loi, qui prévoit que les dispositions
de la LNT qui sont applicables à l'exercice d'un recours en cas de harcèlement
s'appliquent. Donc, ça concerne notamment 123.15 de la LNT, donc l'octroi de
dommages et intérêts punitifs et moraux aussi. Donc, c'est visé, bien sûr, dans
le contexte d'application du projet de loi n° 14.
Et là-dessus, Mme Bernstein,
peut-être que j'en ai perdu un bout, là, mais la distinction entre l'apprenti
et le stage, puis, bon, l'apprenti est avec un compagnon, puis vous référiez au
secteur de la construction, puis je n'étais pas sûr que j'avais bien compris
tout ce que vous avez expliqué. Est-ce que vous pouvez me donner des
explications additionnelles ou m'éclaircir un peu plus?
Mme Gesualdi-Fecteau (Dalia) :
Merci beaucoup pour votre question, M. le ministre. Je vais répondre en
sectionnant un peu vos commentaires.
D'abord sur l'article 3.5°, la raison pour laquelle on estime que l'ajout d'une loi du
travail visant explicitement les stagiaires, sans modifier la Loi sur les
normes du travail, va ajouter de la complexité, de l'ambiguïté s'articule,
justement, autour notamment de l'article 3.5°. Et
vous l'avez dit, il n'y en a pas, de jurisprudence, et cette disposition-là est
interprétée, on l'a vu dans les différents mémoires qui ont été déposés, de
différentes façons par différentes parties prenantes.
Et je réfère quand même au guide, au guide
d'interprétation produit par la CNESST, qui mentionne explicitement que, l'article 3.5°, il faut faire une distinction entre un étudiant au sens du
paragraphe 5° de l'article 3 et un stagiaire dans le
cadre d'un stage de formation. Donc, déjà, il faut faire la différence entre
ces deux types de stagiaires là ou d'étudiants stagiaires là. Maintenant, donc,
et la question demeure, qui est l'étudiant qui est exclu par l'article 3.5°? Qu'est-ce qu'un programme d'initiation? Il faut que ce soit
fait pendant l'année scolaire. Donc, il reste quand même une certaine ambiguïté
sur quel groupe de stagiaires étudiants est exclu par l'article 3.5°.
Ensuite, vous soulevez, M. le ministre, le
fait que, dans le projet de loi n° 14, on parle du fait que le stagiaire
peut être rémunéré ou pas. Oui, tout à fait, la définition de stagiaire prévoit
que ça peut être salarié ou non, c'est tout à fait vrai. Mais c'est ça, de
notre point de vue, qui entraîne de l'ambiguïté et de la confusion, c'est la
définition très, très large de la notion de stage, où on a autant le stage d'observation
que le stage de mise en œuvre des compétences. Les stages d'observation et de
mise en oeuvre des compétences, vous le savez comme moi, ce sont des stages
très différents. Le coefficient d'intégration dans l'entreprise varie, la durée
varie. Comment le milieu de stage profite ou non du travail qui est fait par le
stagiaire, ça varie énormément.
Mais ce qui est important de souligner, c'est
que, si, le stagiaire rémunéré, son socle de protection ou les protections
auxquelles ils ont droit, c'est celles qui sont prévues au projet de loi n° 14,
bien, on fait face, à notre avis, M. le ministre, à un recul par rapport à la
situation actuelle. Parce que la Loi sur les normes du travail, pour un grand
nombre de stagiaires qui effectuent une prestation effective de travail, qui
sont subordonnés juridiquement à leurs milieux de stage, qui sont rémunérés, <possiblement...
Mme Gesualdi-Fecteau (Dalia) :
... normes du travail, pour un grand nombre de stagiaires qui effectuent une
prestation effective de travail, qui sont subordonnés juridiquement à leur
milieu de stage, qui sont rémunérés, >possiblement, aussi, peuvent jouir
de la plupart des protections prévues à la Loi sur les normes du travail. Si,
évidemment, ils effectuent un stage dans le cadre d'une formation
professionnelle prévue par une loi, ils sont exclus de l'application du salaire
minimum et du droit au congé annuel, ça, c'est vrai, mais l'ensemble des autres
protections, dont le droit à la rémunération, même si ce n'est pas
nécessairement le salaire minimum, ils y ont droit.
Donc, c'est quand même... et je pense que
c'est là où le bât blesse et c'est là que la confusion peut s'installer, en
mettant en place un régime parallèle à la Loi sur les normes du travail, qui
embrasse très largement la notion de stage et très largement la notion de
stagiaire, sans modification de la Loi sur les normes du travail. La difficulté
d'articulation entre ces deux lois-là, sur le plan de l'interprétation, risque
d'intervenir. Et, à mon avis, ça va être un casse-tête autant pour la CNESST,
quand elle va être mise en charge de mettre en œuvre cette loi-là, que pour les
stagiaires qui doivent naviguer dans ce paysage législatif et de normes, qui
est déjà d'une complexité assez effarante.
Donc, c'est pour ça qu'on... et, encore
une fois, on salue les protections qui sont prévues au projet de loi n° 14
pour un bon nombre de stagiaires qui n'en avaient aucune, mais on estime qu'à l'instar
de ce qui a été fait par... pour les agences de placement de personnel... et j'insiste
là-dessus parce que le choix aurait pu être, pour les agences, de faire une loi
à part, on a choisi d'inclure une section dans la Loi sur les normes du
travail, d'adopter un règlement pour plus de flexibilité, pour encadrer les
activités des agences, les obligations des entreprises clientes. Ce qu'on
estime, bien humblement, M. le ministre, c'est que c'est ça qui aurait pu être
considéré aussi pour les stagiaires, en lieu et place, M. le ministre, de faire
une loi spéciale. Je vais laisser ma collègue Berstein répondre.
• (16 h 20) •
Mme Bernstein (Stéphanie) :
Oui. Merci beaucoup pour vos questions. Je vais continuer sur la ligne de... la
question de la confusion qui peut être apportée par le projet de loi.
Alors, commençons par la question du
harcèlement psychologique et la réparation pécuniaire. Alors, le projet de loi
ne prévoit pas nommément la possibilité d'octroi de dommages moraux, ou
punitifs, ou monétaires, alors que la Loi sur les normes du travail le prévoit
expressément à l'article 123.15, paragraphe 4°.
Alors, cela veut dire qu'une personne qui fait un stage, subit du harcèlement
sexuel, un stage d'observation, cette personne, finalement, reçoit un message
ambigu à ce qu'une stagiaire victime de harcèlement sexuel dans son milieu de
stage a moins droit à une réparation en vertu du projet de loi qu'elle aurait
en vertu de la charte québécoise, qui interdit notamment le harcèlement sexuel,
dans le cas de harcèlement discriminatoire, dans l'apprentissage et la
formation professionnelle.
Alors, c'est finalement l'absence de la
possibilité. Vous avez entièrement raison, on parle de «notamment» dans l'énumération
d'ordonnances, mais le message est ambigu puisqu'il y a cette différence avec
la Loi sur les normes du travail. En...
M. Boulet : O.K., on va...
Oui, allez-y.
Mme Bernstein (Stéphanie) :
Sur ce point, est-ce que vous voulez intervenir?
M. Boulet : Non, mais, si ça
mérite d'être précisé, on... Je pense que c'est un commentaire qui est
intéressant, parce qu'on a la même compréhension. Mais, si vous achevez, oui, j'aurai
peut-être deux autres questions à vous soumettre.
Mme Bernstein (Stéphanie) : D'accord.
Alors, sur la question de la comparaison avec les apprentis, nous convenons qu'il
y a un système différent de qualification professionnelle et de reconnaissance
de cette qualification. Toutefois, il y a des similitudes notables, notamment
pour les personnes qui font des stages où ils mettent en œuvre et acquièrent
des compétences. Et on pense aux apprentis qui... bon, il y a toute une... Il y
a des apprentis dans différents milieux, pas uniquement dans la construction.
Les salariés de garage, par exemple, il y a un système d'apprentissage. Mais,
dès le début de l'apprentissage, les apprentis sont rémunérés et bénéficient d'à
peu près des mêmes conditions de travail que les autres personnes qui
effectuent ce travail. Alors, on voit la différence entre les secteurs à prédominance
masculine et féminine. Alors, bon, il y a des trajectoires différentes pour qu'il
y ait reconnaissance des compétences, mais finalement l'activité de travail est
semblable.
M. Boulet : Ah! tout à fait.
Je voulais simplement refaire un <commentaire. Moi, ça...
Mme Bernstein (Stéphanie) :
...masculine et féminine. Alors, bon, il y a des trajectoires différentes, pour
qu'il y ait reconnaissance des compétences, mais finalement l'activité de
travail est semblable.
M. Boulet :
Ah!
tout à fait. Je voulais simplement refaire un >commentaire. Moi, ça m'apparaît
très simple, hein, parce que, si c'est deux lois côte à côte, si un stagiaire
est salarié, répond à la définition de salarié qui est à l'article 2 puis
qu'il peut bénéficier de droits supérieurs, il peut bien sûr s'inspirer de la
Loi sur les normes du travail, sauf, évidemment, s'il est dans l'exception de 3.5°, et, en ce cas, il ne bénéficie que de la protection du
harcèlement psychologique, là. Puis c'est quand même... je disais les chiffres,
88 %, ça veut dire 12 % qui sont des salariés, présumément. Mais,
dans ce 12 % là, il y en a peut-être un pourcentage qui sont dans 3.5°. Et, au niveau universitaire, si c'est 33 %, il y en a
certainement un pourcentage aussi qui est dans 3.5°, là. Ça
fait que ça confère une protection, quand même, qui est assez élargie, et les
deux lois sont parfaitement compatibles et, selon moi, conciliables l'une avec
l'autre.
Je voulais simplement vous poser deux...
bien, deux, peut-être, dernières questions à répondre rapidement. Est-ce que
vous considérez qu'il y a certains congés... Parce que je comprends qu'on parle
beaucoup de forme, un peu moins de fond, puis, sur la forme, je comprends qu'avoir
fait une section particulière dans la LNT ça ouvre la porte à la rémunération
puis aux congés de longue durée, ce qui n'était pas... un des éléments qui n'étaient
pas souhaités dans le cadre du projet de loi n° 14. Mais est-ce que vous
considérez qu'il y a certains congés qui ne devraient ou ne pourraient pas être
accordés à des stagiaires, en raison de la durée de leurs stages? Parce qu'on
sait très bien qu'il y a énormément de stages, au niveau professionnel,
technique, collégial et même universitaire, qui sont de très courte durée.
Quelle est votre approche par rapport au congé de longue durée? Peut-être Mme Fecteau
ou Mme Bernstein, là.
Mme Gesualdi-Fecteau (Dalia) :
Je peux y aller. Écoutez, de notre point de vue, pour ce qui est des congés
longs, vous avez beaucoup fait l'analogie avec ce qui se passait dans les
milieux d'enseignement dans le cadre d'un programme, hein, on chemine dans un
programme, il nous arrive un congé de maladie, ou parfois même un congé de
paternité, ou un congé de maternité, il y a une diversité d'arrangements avec
les institutions d'enseignement qui peuvent intervenir, hein? Si on doit
suspendre nos études parce qu'on est en congé de maternité ou parce qu'on est
ponctuellement en congé maladie, on va prendre soit un arrangement avec notre
professeur ou un arrangement avec l'institution d'enseignement pour suspendre
le programme d'enseignement et le reprendre là où on l'a arrêté. À notre avis, il
n'y a pas d'obstacle majeur.
Évidemment, après ça, il y a une diversité
et une... c'est très hétérogène, les stages ou les milieux de stage qui
accueillent des stagiaires. Mais il n'y a pas à proprement dit une... il n'y
aurait pas une objection de principe à octroyer des congés longs à l'ensemble
des stagiaires. Après ça, quand il y a des problèmes ponctuels qui se posent,
par exemple un milieu de stage qui ne peut pas réaccueillir le stagiaire pour
x, y raisons, bien, à ce moment-là, et ça, on le salue, M. le ministre, c'est
aussi au milieu d'enseignement à venir un peu à la rescousse pour essayer de
replacer la personne, peut-être, dans un autre milieu de stage ou essayer que
la personne ne soit pas pénalisée sur le plan de sa trajectoire d'études.
Donc, en soi, à notre avis, pour résumer,
il n'y a pas d'objection à ce que des congés longs soient octroyés. S'il y a
des problèmes ponctuels qui se posent, bien, à ce moment-là, ce qu'il va devoir
faire, c'est... comme c'est déjà prévu, que le milieu d'enseignement collabore
avec le stagiaire ou la stagiaire et le milieu d'accueil pour assurer,
justement, de pallier aux problèmes ponctuels qui pourraient se poser. Donc, il
n'y a pas, à notre avis...
M. Boulet : Je suis assez d'accord
avec vous. Ça nous ramène à la notion, puis vous l'avez probablement souvent
entendue, d'accommodement raisonnable. Les corporations professionnelles le
font. Expliquez-moi donc, aussi, à l'UQAM, si quelqu'un entreprend une session,
celle d'automne, par exemple, puis, au bout d'un mois et demi, doit prendre un
congé ou doit s'absenter pour une période plus longue, quelle est l'attitude de
l'UQAM? Est-ce qu'on annule la session puis on la reprend ou il y a un
accompagnement personnalisé? Comment ça marche, Mme Fecteau?
La Présidente (Mme IsaBelle) :
En 10 secondes.
Mme Gesualdi-Fecteau (Dalia) :
Je vous dirais que — en 10 secondes — c'est du cas par
cas, selon la cause de l'absence...
M. Boulet : Ah! ça, j'aime
ça. Je suis assez... Oui, c'est du cas par cas.
Mme Gesualdi-Fecteau (Dalia) :
Non, mais c'est différents arrangements, c'est des arrangements institutionnels
qui peuvent être pris avec le professeur, avec le département ou parfois avec
les institutions, dépendamment de la nature de l'absence. Et c'est difficile,
pour moi, ici, de vous formuler une règle générale d'application pour l'ensemble
de l'institution.
M. Boulet : Parce qu'il y a
tellement une immense diversité dans la nature et la forme des stages. Oui, je vous
comprends bien.
Mme Gesualdi-Fecteau (Dalia) :
Je vais conclure là-dessus, c'est pour ça, M. le ministre, qu'à notre avis il n'y
a pas d'opposition à ce que les congés longs soient octroyés, à condition qu'on
reconnaisse l'importance du rôle du milieu d'enseignement pour, justement, <appuyer...
Mme Gesualdi-Fecteau (Dalia) :
...conclure là-dessus, c'est pour ça, M. le ministre, qu'à notre avis il n'y a
pas d'opposition à ce que les congés longs soient octroyés, à condition qu'on
reconnaisse l'importance du rôle du milieu d'enseignement pour, justement, >appuyer
des problèmes qui peuvent survenir.
M. Boulet : Dans la mesure où
ça peut se faire, effectivement. Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, nous poursuivons, cette fois-ci, avec le député de Viau.
M. Benjamin : Merci, Mme la
Présidente. Merci beaucoup, Me Gesualdi-Fecteau et Me Bernstein, pour votre
présentation, donc, pour votre mémoire. Vous êtes des professeures de droit,
donc vous... je vais vous demander, pour nous, pour le bénéfice des gens qui
nous écoutent ou qui nous regardent, de faire office de pédagogie, notamment en
nous parlant des faux stages. En quoi consistent les faux stages?
Mme Gesualdi-Fecteau (Dalia) : Alors,
les faux stages ne sont... évidemment, ce n'est pas une notion juridique, c'est
une notion qui a été élaborée, bon, par la littérature et qui a été identifiée
comme étant un stage qui s'effectue à l'extérieur des programmes de formation,
donc après qu'on ait diplômé, typiquement, ou alors qu'on arrive dans un
processus migratoire, par exemple, dans une trajectoire migratoire, qu'on
arrive au Québec ou au Canada et que, pour s'insérer en emploi, on fasse un
stage dans un milieu de travail pour, justement, augmenter notre employabilité.
C'est vraiment de ça dont on parle quand on parle d'un faux stage.
Et typiquement qu'est-ce qui se passe
quand un faux stage est réalisé, bien, c'est qu'en fait on remplace une
personne salariée, on fait le travail qu'une personne salariée ferait
normalement, à peu près l'entièreté de ses tâches, à peu près, je dis bien, et
en contrepartie de quoi nous ne sommes généralement pas rémunérés. Et c'est là
où le bât blesse.
Et là je voudrais quand même souligner ici
que ça risque d'être une catégorie qui va être en émergence dans les prochaines
années, parce qu'il y a un programme fédéral de migration temporaire qui a été
mis en place, à travers le Programme de mobilité internationale, qui permet le
recrutement, par des employeurs québécois et canadiens, de stagiaires qui
obtiennent un permis de travail fermé, donc lié à un employeur unique, et qui
viennent ici pour réaliser un stage et qui n'a pas besoin d'être rémunéré. Et,
pour nous, à notre avis, ça ouvre la porte à des situations d'abus, à une
augmentation du nombre de stagiaires dans une situation de précarité économique
importante.
M. Benjamin : Donc, est-ce
que le projet de loi que nous avons devant nous, le projet de loi n° 14,
par rapport aux enjeux des faux stages, vient combler un vide ou bien est-ce
que... n'améliore rien à la situation?
• (16 h 30) •
Mme Gesualdi-Fecteau (Dalia) :
Le projet de loi que vous avez étudié présentement ne vise pas la question des
faux stages, vise de façon précise les stages qui se font en lien avec un
programme de formation ou pour l'obtention d'un titre professionnel, donc ça ne
vise pas les stages. Mais on profite de l'occasion pour souligner aux membres
de la commission que cette question-là devrait être explicitement envisagée
dans la Loi sur les normes du travail, comme ce que le Code canadien du travail
a fait dans la partie III, pour souligner que ces stages-là sont, en fait,
une prestation de travail qui doit faire l'objet de l'ensemble des protections prévues
à la loi.
M. Benjamin : Vous avez
rapidement évoqué tout à l'heure la situation au fédéral. Est-ce que je dois
comprendre qu'un jeune Québécois ou une jeune Québécoise qui fait un stage dans
une entreprise de compétence fédérale n'a pas les mêmes avantages ou a plus d'avantages
qu'une jeune stagiaire québécoise qui ferait un stage dans une entreprise de
compétence québécoise mais en vertu... par rapport à ce projet de loi, s'il
serait adopté tel quel? Quelle est la situation?
Mme Gesualdi-Fecteau (Dalia) :
Alors, comme vous savez, là, les stagiaires qui sont régis par le Code canadien
du travail et ses règlements sont les stagiaires qui font un stage dans une
entreprise de compétence fédérale. Donc, ça représente, bon an, mal an, environ
10 % de la main-d'œuvre, en général, donc c'est une proportion plus petite
de stagiaires. Mais, effectivement, leurs droits vont être régis par... s'ils
font un stage qui est encadré par un programme d'enseignement, un programme de
formation, par le Règlement sur les normes relatives aux activités d'apprentissage
en milieu de travail, et l'ensemble des normes, ou à peu près, de la partie III
du Code canadien s'appliquent, sauf le salaire minimum et certaines normes en
matière de durée du travail. Mais, pour l'ensemble, il n'y a pas une loi
spéciale qui est mise en place, c'est un règlement adopté en vertu de la partie III
du Code canadien du travail.
M. Benjamin : Merci. À la
page 10 de votre mémoire, deuxième paragraphe, vous nous dites : «Toutes
les exceptions à ces règles doivent être interprétées restrictivement, c'est-à-dire
"qu'elles ne doivent pas être étendues aux cas non formellement prévus par
la loi."» Pouvez-vous nous donner quelques explications par rapport à ce
paragraphe?
Mme Gesualdi-Fecteau (Dalia) :
C'est un principe... En fait, comme c'est une loi d'ordre public à caractère
social, ce qui est depuis toujours convenu, c'est que toutes les exceptions,
toutes les exclusions dans la loi doivent être interprétées restrictivement. Et
l'exemple qu'on vous cite, ici, c'est l'exemple de l'article 3.5°
de la loi qui, donc, exclut les étudiants qui réalisent, donc, un <programme...
>
16 h 30 (version révisée)
< Mme Gesualdi-Fecteau (Dalia) :
...l'exemple qu'on vous cite ici, c'est l'exemple de l'article 3.5 de la
loi, qui, donc, exclut les étudiants qui réalisent, donc, un >programme
d'initiation au travail approuvé par un des ministères. Donc, c'est une exclusion
de protection prévue par la loi, mais l'interprétation de cette exclusion-là
doit être interprétée de façon restrictive. Donc, ce que l'on dit, en quelque
sorte, c'est qu'on ne peut pas conclure que, par l'effet de 3.5°, l'ensemble
des stagiaires étudiants sont privés des protections prévues par la Loi sur les
normes du travail.
M. Benjamin : J'ai entendu
avec beaucoup d'intérêt vos premiers commentaires, notamment des commentaires
où il y a une de vos recommandations pour ce qui est de la Loi sur les normes
du travail. J'aimerais savoir : Est-ce que... Avez-vous l'impression... Le
projet de loi qu'on a devant nous, est-ce que c'est un projet de loi, selon
vous, qui permet de faire des avancées ou, du moins, si on fait du surplace
avec ce projet de loi?
Mme Gesualdi-Fecteau (Dalia) :
Alors, comme on l'a mentionné, à notre avis, le fait de protéger, d'offrir un
socle de protection aux personnes qui font un stage d'observation est une
avancée importante. Ces stagiaires-là, il était peu probable qu'ils soient
considérés comme des salariés au sens de la Loi sur les normes du travail.
Donc, en ce sens, on salue cette initiative-là.
Ce sur quoi on insiste dans notre mémoire
et aujourd'hui devant vous, c'est que le droit du travail, on ne vous apprend
rien, est un ensemble excessivement complexe. C'est un agencement d'une
pluralité de lois. D'ajouter une nouvelle loi du travail qui doit se lire en
conjonction avec la Loi sur les normes du travail, ça ajoute un étage à l'édifice
de la complexité. Et, à notre avis, il va y avoir des enjeux d'effectivité du
droit et d'interprétation des normes juridiques qui vont causer des soucis, à
notre avis, et c'est notre avis, à plusieurs acteurs, que ce soient les
tribunaux, la CNESST, mais, au premier chef, les personnes qu'on est censés
protéger, c'est-à-dire les stagiaires. Et c'est ça qui nous préoccupe dans la
complexité, et c'est l'avis qu'on a, ajouter… L'ambiguïté qu'ajoute le projet
de loi n° 14 dans l'interprétation qu'il faut en faire avec la Loi sur les
normes, c'est que les stagiaires aient de la difficulté à s'y retrouver après
pour savoir : Suis-je un stagiaire qui pourrait jouir des protections
prévues à la Loi sur les normes du travail ou suis-je un stagiaire qui ne peut
jouir que des protections prévues au projet de loi n° 14?
M. Benjamin : Un peu plus tôt
aujourd'hui, les membres du conseil... les représentants du Conseil
interprofessionnel du Québec nous ont clairement fait la différenciation dans
leur mémoire, à savoir : les stagiaires étudiants, c'est une chose, et les
stagiaires employés... Est-ce que vous, vous faites cette différence aussi?
Mme Gesualdi-Fecteau (Dalia) :
Alors, évidemment, nous, notre analyse se fait du point de vue du droit du
travail. Donc, pour que la Loi sur les normes s'applique, il faut être un
salarié au sens de cette loi-là et ne pas être visé par une exclusion prévue à
l'article 3 de la Loi sur les normes du travail. Donc, pour être un
salarié au sens de la Loi sur les normes du travail, il faut… bien, il faut qu'on
retrouve les critères d'un contrat de travail, dont, typiquement, la
subordination juridique et la rémunération. Mais, j'insiste là-dessus, M. le
député, il y a eu des cas, et il y a de la jurisprudence sur cette question-là,
où une personne n'avait pas de rémunération et s'est vu octroyer le statut de
salarié au sens de la Loi sur les normes du travail. Et ça, c'est bien
important de le souligner, il y a des personnes qui ne sont pas payées pour ce
qu'elles font pour différentes raisons et, par une contestation judiciaire, se
sont vu octroyer le statut de salarié parce qu'on a considéré qu'on était en
présence de la plupart des critères, là, d'un contrat de travail.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Il vous reste deux minutes, si vous voulez.
M. Benjamin : Deux minutes?
Ah! c'est beau, c'est pas mal. Écoutez, ma prochaine question, c'est sur l'enjeu
de la rémunération. Certains groupes sont venus nous dire : C'est
important de poser cette question-là, c'est un débat qui ne doit pas être
fermé. Donc, quelle est votre lecture de cet enjeu?
Mme Gesualdi-Fecteau (Dalia) :
Je vais laisser ma collègue intervenir là-dessus.
(Interruption)
M. Benjamin : Ah! votre
micro.
Mme Bernstein (Stéphanie) : Alors,
sur la question de la rémunération, si on revient avec notre analogie avec les
apprentis qui sont rémunérés dans un cadre d'apprentissage où ils sont sur
la... sous la surveillance de personnes plus expérimentées, ces personnes sont
rémunérées. Aussi, la question, c'est… Le travail est effectué au bénéfice d'un
employeur, d'accord? Alors, lorsqu'on parle du stage d'acquisition de
compétences et aussi de mise en oeuvre des compétences, ce travail est effectué
au bénéfice de l'employeur même si le stagiaire est en apprentissage. On le
sait, un nouvel <employé...
Mme Bernstein (Stéphanie) :
...nouvel >employé est également en phase d'apprentissage au début de l'emploi,
mais cette personne doit être rémunérée. Aussi, la question de la rémunération,
rappelons qu'une rémunération peut être versée sous différentes formes. La
notion de salaire, dans la Loi sur les normes du travail, est très large.
Alors, on n'a pas de position comme telle par rapport à la forme de la
rémunération, mais nous considérons que, lorsque le travail est effectué au
bénéfice de l'employeur, les stagiaires doivent être rémunérés.
M. Benjamin : Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Nous poursuivons avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, à vous deux. Content de pouvoir vous entendre en
commission. J'ai une question à deux volets sur le concept de l'effectivité du
droit.
Premier volet, le ministre, tantôt, disait :
Ah bien! dans les deux lois qui se superposent, il n'y a pas de problème, ça va
être capable de se conjuguer. Mme Gesualdi-Fecteau, vous faisiez référence
au fait que ça allait être compliqué de s'y retrouver pour un ou une stagiaire.
Est-ce qu'on a donc un angle mort ici, peut-être, du projet de loi, sur l'effectivité
du droit?
Et l'autre aspect de la question, toujours
sur l'effectivité, il y a des groupes qui vous ont précédés, hier puis aujourd'hui,
qui réclamaient de pouvoir introduire une requête au nom d'un stagiaire, qui ne
sont pas syndiqués, par la force des choses, donc une association étudiante ou
un groupe, un OSBL, etc. Est-ce que c'est quelque chose qui pourrait contribuer
à rendre plus effectif, donc, ce nouveau droit qu'on est en train de créer
aujourd'hui?
• (16 h 40) •
Mme Gesualdi-Fecteau (Dalia) :
Alors, à notre avis, effectivement, il y a un enjeu d'effectivité du droit.
Pourquoi? Parce que prenons l'exemple d'un stagiaire qui, par exemple,
recevrait une compensation, donc, une compensation, une rémunération sous
différentes formes, qui effectue un stage assez long, un important coefficient
d'intégration dans le milieu de stage, et cette personne-là doit s'interroger :
Est-ce que je suis visé par la Loi sur les normes du travail ou suis-je
seulement protégé par le projet de loi n° 14? La définition de stagiaire,
dans le projet de loi n° 14, mentionne «salarié ou non». Donc, il y a déjà
là une confusion, hein, qui peut être entraînée par cette définition qu'on a
mise, de stagiaire, et moi… De notre point de vue, les stagiaires qui vont être
confrontés à cette situation-là vont avoir de la difficulté à s'y retrouver.
Est-ce que c'est réaliste de penser qu'en
donnant des outils à un tiers pour faire de l'accompagnement et d'éventuellement,
peut-être, de la représentation… Quoiqu'on comprend que la CNESST, division
normes du travail, pourrait encore représenter en cas de litige. Est-ce que ça
pourrait aider? Certainement, mais il n'en demeure pas moins que, si on veut
garder une intelligibilité interne au droit du travail, ça nous semble plus
opportun d'avoir une section, dans la Loi sur les normes du travail, qui
prévoit ces droits-là que d'avoir une loi à part, parce que, malgré l'accompagnement,
malgré la représentation, il faut que les bénéficiaires du droit, qui sont ici
les stagiaires, puissent comprendre et se démêler à travers cet important
faisceau de droits qui s'entremêlent, finalement. Donc, il est là, l'enjeu d'effectivité
du droit.
Évidemment, l'accompagnement qu'on peut
donner au stagiaire peut aider, mais ce n'est pas une solution pour pallier à
une complexité qu'on ajoute par ce projet de loi là. Donc, c'est pour ça
qu'encore une fois on suggère de considérer l'ajout d'une section dans la Loi
sur les normes du travail pour avoir une cohérence interne, dans cette loi-là,
des droits qui s'appliquent aux différentes catégories de travailleurs et de
travailleuses.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci.
M. Leduc : Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, nous poursuivons, cette fois-ci, avec le député de Jonquière.
M. Gaudreault : Oui, bonjour,
mesdames. Merci infiniment pour votre mémoire et votre présentation, ma foi,
très, très claire et dynamique.
Je veux revenir encore une fois sur cette
intégration que vous suggérez dans la Loi sur les normes du travail. Et, tout à
l'heure, vous avez fait mention de l'exemple de 2018 avec le dossier des
agences de placement des travailleurs étrangers temporaires, et là vous avez
dit : Bien, nous, on propose, au fond, de faire une section dans la Loi
sur les normes du travail. Et, là où j'ai une certaine réserve, puis je veux
que vous me précisiez votre pensée, j'ai senti que vous faisiez une proposition
donnant quand même un certain pouvoir réglementaire au ministre en disant :
Bien, ça sera au gouvernement de définir dans des règlements quel encadrement
pour les stagiaires, donc mentionner les stagiaires dans la LNT, mais ensuite y
aller par pouvoir réglementaire. Vous comprenez que moi, je garde une réserve
sur le pouvoir réglementaire. Je ne suis pas contre le principe de l'intégrer
dans la LNT, mais je pense qu'il faut le détailler davantage. J'aimerais ça
vous entendre là-dessus.
Mme Gesualdi-Fecteau (Dalia) :
Merci beaucoup de votre question, M. le député. On partage tout à fait votre
ambivalence vis-à-vis des <règlements...
Mme Gesualdi-Fecteau (Dalia) :
...vis-à-vis des >règlements et on le comprend tout à fait. Ceci étant
dit, juste pour la question de l'opportunité d'encadrer ça par voie
réglementaire, les stages sont quelque chose qui bouge rapidement, qui se
transforme très rapidement, selon le marché du travail, selon les programmes de
formation et d'enseignement. Un règlement est un outil de régulation flexible
qui permet d'être changé plus rapidement pour faire face aux différents
changements qui surviennent. Ce qu'on propose, M. le député, c'est de calquer,
en quelque sorte, l'article 92.7 de la Loi sur les normes du travail, qui
prévoit qu'un règlement, justement, peut être adopté pour prévoir... pour
définir, par exemple, qu'est-ce qu'une agence de placement, qu'est-ce qu'une
entreprise cliente, définir les droits et les obligations d'une agence, d'une
entreprise cliente, de faire la même chose pour le stage, pour le milieu d'enseignement,
et donc de prévoir une section avec un renvoi dans un règlement.
M. Gaudreault : Vous
comprenez que c'est peut-être plus flexible, mais en même temps c'est plus
soumis au pouvoir discrétionnaire d'un gouvernement qui peut changer au gré des
élections et qui pourrait être moins sympathique, par exemple, à la protection
des stagiaires.
Avec les quelques secondes qui nous
restent, avez-vous un bel exemple de bonnes pratiques internationales à nous
recommander? J'ai vu que la France a quand même un certain nombre de
protections à l'égard des stagiaires. Pour vous, là, c'est quoi, le meilleur
modèle, à l'échelle internationale, qui pourrait nous inspirer?
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Rapidement.
Mme Gesualdi-Fecteau (Dalia) :
Alors, je vous dirais que, pour la France, la France est allée encore plus
loin, a réglementé la question des faux stages. Mais je vous dirais que, plus
proche de chez nous, je recommanderais de regarder peut-être ce qui se fait du
côté du Code canadien du travail avec le règlement, justement, qui a été adopté
en vertu de la partie III du Code canadien, et auquel on réfère dans notre
mémoire.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, merci, Mme Gesualdi-Fecteau ainsi que Mme Berstein.
Merci pour votre collaboration et surtout votre contribution aux travaux de la commission.
Alors, nous allons suspendre
quelques instants afin d'accueillir le prochain groupe. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 45)
(Reprise à 16 h 50)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Nous poursuivons avec le Conseil du patronat du Québec, avec M. Blackburn
et Mme Gagnon. Alors, je vous invite, avant de commencer votre exposé, à
bien vous présenter avec votre titre.
Conseil du patronat du
Québec (CPQ)
M. Blackburn (Karl) :
Karl Blackburn, président et chef de la direction du Conseil du patronat du
Québec.
Mme Gagnon (Karolyne) :
Alors, Karolyne Gagnon, vice-présidente, Travail et affaires juridiques, le
Conseil du patronat du Québec. Bonjour à tous.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Parfait. Alors, vous pouvez commencer votre exposé.
M. Blackburn (Karl) :
Merci, Mme la Présidente. D'abord, c'est avec beaucoup d'humilité, d'ouverture
et de pragmatisme que je m'adresse à vous aujourd'hui. Le Conseil du patronat
du Québec remercie tout d'abord la Commission économie et travail de lui
fournir l'occasion de soumettre ses commentaires sur le projet de loi n° 14,
Loi visant à assurer la protection des stagiaires en milieu de travail.
Pour le CPQ, la formation menant à la
diplomation et la certification de la main-d'oeuvre, le développement des
compétences ainsi que la mise à niveau des connaissances tout au long de la vie
active des travailleurs sont des éléments essentiels de la productivité
actuelle et future de nos entreprises et de la prospérité du Québec. Nous
sommes d'avis que le projet de loi vient combler une lacune sur le plan de
protection légale des stagiaires en milieu de travail. Il met en place les
bonnes conditions nécessaires à l'obtention d'un diplôme, d'une certification
ou d'un permis d'exercice, en plus de faciliter la transition des stagiaires
dans le milieu du travail.
Rappelons que, dans le contexte actuel où
la main-d'oeuvre se fait plus rare, il est d'autant plus important que les
employeurs, les institutions d'enseignement et les ordres professionnels
agissent en collégialité au niveau des cursus d'études des futurs travailleurs.
Il faut cependant que les mesures qui sont mises en place par les gouvernements…
par le gouvernement prennent en compte les réalités propres à des milieux de
travail et permettent une certaine souplesse afin de pouvoir faciliter les
apprentissages et le développement des compétences.
Plus précisément, il importe que le
gouvernement demeure sensible aux différentes réalités afin de continuer à
encourager cette bonne pratique de collaboration. À cet effet, le Conseil du
patronat du Québec se doit de soulever quelques enjeux en lien avec certaines
exigences contenues dans le projet de loi, notamment en matière de
responsabilité des entreprises et de l'impact des absences sur la réussite du
stage et l'obtention d'un diplôme, d'une certification ou d'un permis d'exercice.
Finalement, il y a également lieu de se questionner sur le champ de pouvoirs
que ce projet octroie au Tribunal du travail, le TAT, versus le rôle et la
mission du milieu de l'éducation et des ordres professionnels.
Permettez-moi maintenant d'aborder plus en
détail les éléments que je viens de mentionner. Tout d'abord, au niveau de la
responsabilité de l'employeur au regard des absences pendant le stage et des
enjeux de qualification, le projet de loi n° 14 stipule que l'employeur
doit prendre les moyens raisonnables pour assurer que la réussite des études,
de la formation du stagiaire ou de l'obtention de son permis d'exercice ne soit
pas compromise en raison de l'exercice d'un droit. En vertu de cette
disposition, l'employeur a la responsabilité de prendre les moyens raisonnables
pour que le stagiaire qui exerce les droits qui lui sont conférés en vertu du
projet de loi ne voie pas sa formation de stagiaire compromise sans égard au
nombre de jours d'absence et aux modalités prévues pour la réussite de ses
études ou l'obtention de son diplôme.
Cette disposition ne tient pas compte des
particularités des milieux de travail et des contingences qui <peuvent…
M. Blackburn (Karl) :
...des
contingences qui >peuvent nécessiter la présence du stagiaire pour
permettre d'acquérir certains apprentissages nécessaires à son cursus
académique. Dans les faits, l'employeur n'a aucun moyen d'assurer que les
occasions d'absence prises par un stagiaire ne pourront pas, dans certaines
circonstances, nuire à l'acquisition des connaissances obligatoires requises
par les établissements d'enseignement ou les ordres professionnels. En fait,
dans cette situation, l'employeur a peu de leviers qui lui permettent d'ajuster
la réalité des activités quotidiennes à la présence ou l'absence du stagiaire.
C'est encore plus vrai dans un contexte de pénurie de main-d'œuvre où les
ressources sont limitées.
Par exemple, si l'entreprise travaille sur
un projet dont l'une des activités essentielles aux apprentissages se réalise à
une période déterminée et unique et que cette activité permet d'acquérir une
connaissance préalable aux activités qui suivront, l'employeur ne peut en être
imputable. Si l'article 4 du projet de loi vise principalement les mesures
de représailles contre le stagiaire dans le cadre de l'exercice de ses droits,
nous y souscrivons. Cependant, si, au contraire, la responsabilité de l'employeur
peut être engagée du fait que l'exercice des droits du stagiaire ne lui a pas
permis d'acquérir les connaissances requises, nous devons alors soulever
certains bémols.
Ces absences, dont le nombre peut être
déterminant dans le cadre de certains stages, ne sont aucunement subordonnées à
la réussite des exigences du stage et à une quelconque forme de reprise des
journées d'absence pour y satisfaire. Il repose entièrement sur l'employeur, l'établissement
d'enseignement ou encore l'ordre professionnel d'assurer que, nonobstant ces
absences, l'obtention du permis pour l'exercice de la profession ne soit pas
compromise. Or, l'employeur ne détermine aucunement les exigences du programme
de formation. Il n'est donc pas à même de mesurer ou de s'assurer que le nombre
d'absences n'aura pas d'impact sur la qualité et la suffisance des
apprentissages dans le milieu du travail.
Les périodes d'évaluation d'un stage sont
généralement déterminées afin que la personne qui précède... qui procède à son
évaluation, pardon, puisse être à même d'apprécier, par exemple, le
développement des compétences du savoir, du savoir-faire et du savoir-être. L'ensemble
des exigences qui sont soit déterminées par l'établissement d'enseignement ou l'ordre
professionnel se doivent d'être respectées par le responsable du stage. Le CPQ
soumet à cette commission que le projet de loi devrait inclure une disposition
précise à cet effet afin que l'exercice d'un droit qui résulte de la loi ne mette
en péril la validité et la conformité du stage.
Le CPQ reconnaît la pertinence de prévoir
certains congés pour permettre au stagiaire de s'absenter du travail en raison
de sa santé et autres motifs qui font partie des aléas de la vie courante. Il
est toutefois important que l'encadrement législatif mis en place prenne en
considération le contexte ainsi que les contraintes particulières des milieux
de travail. Ainsi, il faut que le moment, le nombre et la durée de ces congés
ne dénaturent pas les objectifs du stage en regard des critères qui sont
déterminés par l'établissement d'enseignement ou de l'ordre professionnel.
Dans le même ordre d'idées, il serait
hasardeux de tenir un employeur responsable d'une situation sur laquelle il n'a
pas ou très peu de contrôle. De fait, il appartient au stagiaire d'assumer les
conséquences probables de son degré d'assiduité et de participation à toutes
les activités propres et nécessaires à la réussite de son stage. Il est tenu
responsable de la réussite de son stage, de ses études, la formation et l'obtention
de son permis d'exercice. Il doit comprendre que le nombre d'absences pourrait
effectivement compromettre son stage.
Dans un premier temps, les milieux de
travail possèdent, pour la plupart, un cadre particulier et limité à l'intérieur
duquel l'étudiant est invité à effectuer un stage. Les droits exercés par le
stagiaire quant au nombre d'occasions d'absence et leur durée ne devraient pas
nécessiter une réorganisation des paramètres de l'entente du stage, s'il y a
lieu, à moins que l'employeur, le stagiaire, l'établissement d'enseignement ou
l'ordre professionnel n'y consente.
Le CPQ considère qu'il est essentiel que
les employeurs prennent les moyens raisonnables, concernant le harcèlement
psychologique, pour prévenir et faire cesser le harcèlement psychologique tel
qu'édicté dans l'article 81.19 de la Loi sur les normes du travail. D'ailleurs,
la politique de l'entreprise à cet effet, qui est en vigueur dans tous les
milieux de travail depuis le 1er janvier 2019, est rédigée de manière
telle qu'elle vise généralement, d'ores et déjà, les stagiaires. L'article 19
du projet de loi n° 14 diffère cependant légèrement des dispositions
législatives énoncées à la LNT, ce qui <peut...
M. Blackburn (Karl) :
...ce
qui >peut à la fois porter à confusion quant aux obligations des
employeurs à cet effet et également créer des difficultés d'interprétation et d'application
dans les milieux du travail. Nous proposons donc de modifier le premier
paragraphe de l'article 19 du projet de loi pour éviter la confusion.
Pour finir, j'aborderai les pouvoirs du
Tribunal administratif du travail, le TAT. Le projet de loi n° 14 prévoit
que la CNESST peut représenter un stagiaire qui ne fait pas partie d'un
groupement de salariés visés par une accréditation dans le cadre des recours à
l'encontre d'une pratique interdite, dont, entre autres, pour le non-respect
des dispositions de l'article 4 dudit projet, si la réussite des études,
la formation et l'obtention d'un permis pour exercer une profession sont
compromises en raison de l'exercice d'un droit prévu par la loi.
Le CPQ est en accord avec ce soutien
supplémentaire offert au stagiaire dans l'exercice de ses droits mais se
questionne à savoir si les modalités de la formation, les critères visant à
évaluer la réussite ou non des études et les règles d'octroi des permis d'exercice
devraient être exercés par le Tribunal administratif du travail… d'organismes
de régulation ont un champ d'expertise plus approprié, pourraient s'en charger,
par exemple un stagiaire qui pourrait s'adresser à la CNESST et se faire
représenter par elle s'il juge qu'il n'a pas obtenu son diplôme, car il a été
absent, en vertu du projet de loi, lors d'activités de formation nécessaires à
l'acquisition des connaissances ou encore lors d'une évaluation menant à son
obtention. Les dispositions législatives proposées par l'article 30 du
projet de loi nous semblent pertinentes quant aux situations en lien avec le
droit du travail québécois mais difficilement conciliables lorsqu'il s'agit d'une
appréciation qui vise la qualité ou la validité d'un stage.
En terminant, le CPQ recommande que la
juridiction du TAT se limite aux lois qui sont mentionnées au premier
paragraphe de l'article 30, en laissant les établissements d'enseignement
ou les ordres professionnels le pouvoir d'évaluation des stages de formation
académique. Quoi qu'il en soit, il importe de ne pas multiplier les instances
juridictionnelles impliquées. Merci de votre attention.
• (17 heures) •
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci, M. Blackburn, pour votre exposé. Nous allons donc commencer
la période de questions avec M. le ministre.
M. Boulet : Oui, merci, Mme
la Présidente. D'abord, merci, Karl Blackburn, merci, Karolyne Gagnon. C'est un
beau mémoire. Puis je suis, encore une fois, fier de votre engagement pour le
monde patronal québécois et aussi heureux de constater que vous approuvez le
principe, les objectifs et que le projet de loi comble des lacunes. C'est une
loi qui vise à protéger le stagiaire. Il ne l'était pas, de façon très
incomplète, sauf dans les cas où le stagiaire était un salarié.
Évidemment, vous vous attendez à de la
flexibilité. Vous ne voulez pas que ce soit compliqué puis vous ne voulez pas
que les employeurs assument une responsabilité qui va au-delà de la mission que
le milieu de travail a à assumer dans une perspective de formation ou d'apprentissage.
C'est la raison pour laquelle on met beaucoup l'accent sur la relation
tripartite.
Puis vous avez noté, à l'article 4,
que les responsabilités sont partagées, mais ce n'est pas des responsabilités… ce
n'est pas comme des responsabilités statutaires, c'est de prendre des moyens
raisonnables. Mais, ultimement... puis là j'aimerais ça vous entendre, M.
Blackburn, parce que, je pense, j'ai manqué un petit bout, vous dites : Tu
sais, on veut protéger les stagiaires qui vivraient un impact négatif en raison
de l'exercice d'un droit prévu dans le projet de loi n° 14. Puis, j'ai
noté, vous avez dit : L'exercice d'un droit ne met pas en péril… ou il ne
faut pas embarquer dans cette dynamique-là. Puis je n'étais pas certain… Est-ce
que vous pourriez juste préciser ce petit point là rapidement?
M. Blackburn (Karl) : Oui,
effectivement, parce que ce qu'on considère… Puis je vais permettre à Mme Gagnon,
par la suite, de pouvoir en ajouter davantage, mais ce qu'on considère, M. le
ministre, c'est qu'effectivement, ce que vous avez mentionné dans votre
préambule, au niveau de la flexibilité et de la capacité d'avoir une adaptation
qui va permettre, dépendamment du milieu de travail, dépendamment de l'organisation,
est-ce que c'est avec un ordre professionnel… de permettre d'atteindre les
objectifs que poursuit le stagiaire en termes de compétences et d'augmenter sa
capacité ou son apprentissage pour le travail.
Et les propositions qu'on a faites, en
fait, il y en a trois vraiment très précises dans notre projet de loi. La
recommandation 1, par rapport à l'article 4, je pourrais demander à
Karolyne d'aller vraiment plus dans les détails concernant cette <recommandation...
>
17 h (version révisée)
< M. Blackburn (Karl) :
...plus dans les détails concernant cette >recommandation qu'on fait, et
je suis convaincu que ça va peut-être apporter des éclairages intéressants pour
la question que vous avez soulevée, M. le ministre.
Mme Gagnon (Karolyne) : Alors,
bonjour, M. le ministre, merci du temps que vous prenez pour nous entendre. En
fait, vous avez bien cerné, là, il y a deux dimensions qui ont été soulevées, à
savoir : oui, l'article 4 semble protéger puis veut protéger le
stagiaire qui ferait valoir des droits par rapport à certaines absences, par
rapport à d'autres préoccupations puis d'autres protections qui sont prévues
dans le projet de loi, mais, si, par ailleurs, ces droits qu'il fait valoir
fait en sorte qu'il manque une partie des apprentissages dans le milieu de
travail, ce qu'on ne veut pas, c'est que la responsabilité puisse incomber à l'employeur,
puisque l'employeur, généralement, a une organisation du travail qui ne s'adapte
pas nécessairement, là, à la présence ou à l'absence des travailleurs, mais
bien à une régulation, là. Comme on l'expliquait, si on fait une construction
et puis que, lors de la démolition, c'est un des éléments importants et que le
stagiaire n'est pas là, on ne voudrait pas se faire reprocher qu'on n'a pas
permis qu'il ait cet apprentissage-là parce que la personne était absente cette
journée-là et qu'on n'a pas repris une activité. Je ne crois pas que c'est l'objectif
de la loi...
M. Boulet : Tout à fait,
Karolyne.
Mme Gagnon (Karolyne) : ...mais,
si c'était le cas, il faudrait vraiment s'en prémunir puis dire : Il faut
considérer le milieu du travail, puis il ne faut pas que le milieu du travail s'encadre
en fonction des absences de tous et chacun, que ça soit des travailleurs ou des
stagiaires, parce que c'est vraiment un milieu de formation pour les
stagiaires.
M. Boulet : Et c'est l'immense
avantage du caractère tripartite ou quadripartite de la relation qui nous
concerne dans le projet de loi n° 14. Il y a le milieu de travail, qui est
l'employeur, il y a le stagiaire, il y a l'établissement d'enseignement et l'ordre
professionnel, là. Et, le cas échéant, c'est chaque... chacun des acteurs ou
chacun des partenaires a une responsabilité d'assurer un milieu de stage qui se
fait dans des conditions optimales.
Je veux juste... Un dernier point, M. Blackburn,
quand vous disiez : Il ne faudrait pas que le TAT puisse s'arroger le
pouvoir de déterminer ce qui relève de l'expertise, par exemple, d'un
établissement d'enseignement ou d'une corporation professionnelle, je vous
rassure, il y a un autre groupe qui m'a interpelé là-dessus, puis, quand je lis
l'article 30, pour moi, c'est de retourner le dossier. Mais, sur le mérite
de comment corriger un dossier disciplinaire, ou d'accorder ou non un permis d'exercice,
ou de modifier, on ne dira pas... le Tribunal administratif du travail n'aura
pas ce pouvoir-là. Il sera, dans son ordonnance, contraint de respecter l'expertise
de chacun des partenaires, mais, si besoin, en mai, on pourra préciser lors de
l'étude détaillée. Mais, moi, ça m'apparaissait relativement clair.
Maintenant, j'aimerais ça vous entendre...
Quand vous dites : Il y a des congés... Puis, bien, vous avez vu comment
le projet de loi est bâti, là, c'est des congés de courte durée, qui ne mettent
pas en péril la réussite du stage. On sait que 88 % des stagiaires, aux
niveaux professionnel et collégial, ne sont pas rémunérés. Au niveau
universitaire, c'est 67 %. Donc, c'est des congés de courte durée, c'est
des protections, surtout en matière de congés sociaux, des deuils, des
maladies, des naissances, ou des unions civiles, ou des mariages, ainsi que des
protections à l'égard du harcèlement psychologique ou sexuel. Parce que, moi, c'est
ce qui m'a... tu sais, quand j'avais rencontré les mouvements étudiants, il y a
trois ans, ça a été ma grande motivation, là. Puis ça, c'est une avancée que
les fédérations étudiantes saluent, évidemment. Mais vous dites, puis je pense
que je vous rejoins puis je vous comprends, mais j'aimerais ça... quand vous
dites : Il faut faire attention à la nature, la durée et le nombre de
congés, j'aimerais ça que vous soyez un peu plus spécifique. Qu'est-ce qui vous
apparaît un congé qui est trop long, qui peut mettre en péril la réussite de la
formation ou le continuum qui est souvent nécessaire dans un processus d'apprentissage?
J'aimerais ça vous entendre, M. Blackburn : la nature, la durée des
congés, par exemple.
M. Blackburn (Karl) : Votre
question est très intéressante, M. le ministre. D'abord, si on regarde la liste
de certains jours où les possibilités, là, de congé sont attribuées en fonction
des calendriers, en fonction de certaines fêtes, etc., et ça rejoint également
ce qui se retrouve sur les <normes du travail...
M. Blackburn (Karl) :
...congés sont attribuées en fonction des calendriers, en fonction de certaines
fêtes, etc. Et ça rejoint également ce qui se retrouve sur les >normes
du travail, alors c'est, je dirais, relativement la base.
L'exemple plus concret qu'on pourrait
prendre, où là on ne voit pas nécessairement de balises au niveau du projet de
loi, c'est au niveau, par exemple, des examens pour la grossesse ou en lien
avec des examens pour permettre justement à cette grossesse d'être... d'avoir
un suivi médical. On voit que la pratique courante dans de plus en plus de
conventions collectives, entres autres dans le monde du travail... peuvent déjà
être déterminées ou prédéterminés probablement à quatre demi-journées par année
ou six demi-journées par année ou par grossesse, pour s'assurer que le suivi
médical puisse être fait. On ne retrouve pas nécessairement cet encadrement
dans le projet de loi.
Alors, ce qu'on propose ou ce qu'on
mentionne, c'est : Si le cas du législateur, c'est de s'assurer qu'il y a
des éléments qui soient raisonnables et qui permettent d'avoir une certaine
sécurité pour les stagiaires, bien, pourquoi ne pas avoir encadré cet aspect-là
particulièrement dans le projet de loi pour peut-être le calquer aux bonnes
pratiques qui se réalisent actuellement dans le monde du travail et qui
auraient été un peu dans la même direction que certaines journées qui ont été
édictées qui, elles, correspondent à ce qui se passe sur la Loi des normes du
travail, par exemple?
M. Boulet : La diversité
des stages, ça serait quoi, votre suggestion à cet égard-là pour s'assurer qu'au-delà
d'un certain nombre de jours ou d'une certaine durée d'absence... il faut y
aller au cas par cas ou en tenant compte des caractéristiques particulières du
stage? Parce qu'il y a des stages, M. Blackburn, vous le savez, qui durent
trois semaines, il y en a de six semaines, puis il y en a de six mois, puis il
y en a d'un an, puis il y en a qui sont limités par les corporations
professionnelles à un calendrier spécifique. Et ça serait quoi, votre guide?
Avez-vous une suggestion à faire sur comment on devrait... Parce que, dans le
fond, nous, on a pris l'approche qu'on identifie les congés auxquels ont droit
les stagiaires, ceux que j'ai mentionnés un peu plus tôt. Est-ce qu'il y a une
autre approche qui, vous pensez, pourrait être plus bénéfique ou une approche
plus rassurante pour les entreprises?
• (17 h 10) •
M. Blackburn (Karl) : Puis
je pourrais faire référence à ce que vous mentionnez dès le départ, M. le
ministre, à la flexibilité qui est nécessaire. Et la recommandation n° 2 qu'on fait dans le mémoire correspond un peu à
cet aspect-là, où on préconise qu'il y ait effectivement ce genre d'entente
pour différentes raisons où le stagiaire doit s'absenter pour une plus longue
période de son stage, dans un contexte où les opérations, par exemple, de l'employeur,
permettraient d'étirer la période du stage pour compenser les journées perdues,
sans nuire à l'apprentissage du stagiaire... nous apparaîtraient des éléments
intéressants à envisager en fonction du type du stage et en fonction du type de
l'organisation du travail. Et c'est là que ça va prendre beaucoup de
flexibilité et beaucoup de possibilités pour que, quelque part, il y ait cette
marge de manoeuvre nécessaire entre le stagiaire et l'employeur pour... dans
des cas exceptionnels. Parce qu'il faut bien comprendre que ça sera des cas
exceptionnels où il y aurait des absences prolongées, pour des raisons de
santé, par exemple.
Alors, pour des raisons exceptionnelles,
je pense que, dans cette perspective-là, avec une collaboration avec l'entreprise
et l'employeur, ça vient baliser, je dirais, les éléments... les objectifs à
atteindre pour la réussite du stage et les apprentissages.
M. Boulet : Donc, ça
revient un peu au cas par cas. Dans le projet de loi, on confère des droits
spécifiques à des congés de courte durée, donc... et, en ce qui concerne l'exercice
d'un droit à une absence de plus longue durée, il faudrait s'adapter à la
réalité de l'environnement de travail de l'employeur, surtout dans les
entreprises privées, là. C'est... O.K., je vous comprends.
M. Blackburn
(Karl) : C'est exact.
M. Boulet : Puis ça
rejoint votre concept de flexibilité auquel vous faisiez référence au début.
M. Blackburn
(Karl) : Exact. C'est exactement ça, M.
le ministre.
M. Boulet : Je
comprends. Très bien.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
M. le ministre, il reste à peu près 4 min 30 s.
M. Boulet : O.K.,
parfait. Je vais laisser... Non? Est-ce que ma collègue de... Je vais... Ma
collègue de Jean-Talon va poursuivre, si ça vous convient, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Tout à fait. Alors, la parole est à vous, députée de Jean-Talon.
Mme Boutin : Merci, Mme
la Présidente. J'aimerais vous amener dans une section de votre mémoire qui
traite du harcèlement psychologique. On en a un petit peu discuté, là, avec M.
le ministre. Je le trouve très intéressant, là, votre mémoire, puis je trouve
ça toujours intéressant de voir le côté employeur. Puis ce que je trouve... Les
discussions qui reviennent souvent, c'est que, dans cette relation tripartite
là, on se pose des questions sur les rôles et responsabilités de chacun puis
comment est-ce qu'on peut les encadrer. Puis là, dans votre section, vous dites
que la section sur le harcèlement psychologique est un ajout qui ne semble pas
nécessairement justifié. Vous parlez, bon, effectivement... «il est essentiel
que les employeurs prennent tous les moyens raisonnables pour prévenir et faire
cesser le <harcèlement psychologique...
Mme Boutin :
...il
est essentiel que les employeurs prennent tous les moyens raisonnables pour
prévenir et faire cesser le >harcèlement psychologique», puis vous
faites une suggestion de recommandation 3. J'aimerais ça vous entendre un
petit peu plus parce que, pour moi, ce n'était pas clair, votre recommandation.
Vous vouliez enlever pour protéger le stagiaire. Est-ce que vous pourriez
clarifier cette section-là? Parce que ça me semble quand même important, là, le
rôle de l'employeur pour prévenir le harcèlement psychologique.
M. Blackburn (Karl) : Tout à
fait. Et je vous remercie pour la question. Mais, par souci d'équité, je vais
demander à ma collègue Karolyne de pouvoir vous donner ses explications, qui
sont contenues dans notre mémoire.
Mme Gagnon (Karolyne) : Merci,
Karl. Bonjour. Ça me fait plaisir. En fait, là, un ajout qui ne semble pas
justifié, c'est le titre, mais le seul ajout au niveau de l'article, c'était
pour qu'il y ait de la concordance. Ce n'est pas l'ajout du fait qu'on protège
le stagiaire qui n'est pas justifié, mais bien l'ajout qu'on retrouve, qui est
un peu différent de l'article 81.19, à l'effet qu'il faut protéger... En
fait, il faut prévenir le harcèlement, il faut le faire cesser et il faut
protéger le stagiaire. Le seul imbroglio qu'on peut retrouver à ce niveau-là, c'est
que... dans l'interprétation. Parce que, comme c'est dit plus tôt, généralement,
dans les entreprises, là, puis c'est comme ça des travailleurs, puis c'est
comme ça même des tiers qui arrivent dans l'entreprise, la politique contient
des dispositions pour protéger les gens qui viennent, que ça soit les
stagiaires ou autres. Alors, ça peut couvrir. Tant mieux pour celles, là, qui
ne l'auraient pas prévu. Mais, dans ce qu'on a déjà fait comme modèle de
politique à la CNESST, qui est sur le site, on prévoit, là, effectivement, que
tous les gens qui sont dans les milieux de travail puissent être protégés.
Alors, ce qu'on dit simplement, c'est... peut-être
que c'est un oubli ou c'est un ajout, mais on dit : Cet ajout-là pour
protéger le stagiaire, il va de soi, parce que, si on fait cesser puis... le
harcèlement, à ce moment-là, on protège aussi le stagiaire. C'est juste pour
empêcher qu'on arrive puis qu'il y ait quelque chose de plus. On ne sait pas c'est
quoi, le quelque chose comme tel. Mais, si on est ici pour en parler, si jamais
il y avait un acte qu'il fallait poser puis faire différemment, il faudra
également le prévoir, là, dans les politiques internes des entreprises.
M. Boulet : ...si vous
permettez, collègue. Tu sais, puis M. Blackburn le soulignait, les stagiaires
sont généralement protégés dans les politiques en matière de harcèlement. Puis,
Karolyne, vous savez, maintenant les politiques sont obligatoires, les
politiques en matière de harcèlement, qui contiennent généralement des
mécanismes de plainte. Et là les stagiaires seront tous couverts, parce que la
vaste majorité des stagiaires ne sont pas des salariés. Puis on a quand même
vu, Karolyne, beaucoup de politiques en matière de harcèlement où c'est l'employeur
et le salarié. Les stagiaires qui sont de passage parfois sont marginalisés ou
pas intégrés dans les politiques de harcèlement. Puis ça, les fédérations
étudiantes ont soulevé ça comme étant une récrimination qui était quand même
assez importante. Ça fait que le p. l. n° 14 permet
de faire un grand bond en avant pour s'assurer que tous les milieux de
travail...
Puis je pense qu'on a tous un intérêt
commun à ce que ces personnes-là soient protégées. Parce qu'il y en a eu, des
cas qui nous ont été rapportés où des stagiaires étaient victimes de
harcèlement, qu'il soit sexuel ou psychologique, puis ils toléraient, puis ils
n'étaient pas conscients de leurs droits. Alors que, maintenant dans le projet
de loi n° 14, les trois parties ou les quatre parties ont quand même un
devoir d'informer les stagiaires des droits qui sont prévus dans le projet de
loi n° 14.
Je pense que ça complète pas mal. Mais
merci beaucoup, hein, Karl puis Karolyne. Bien apprécié. Toujours intéressant d'échanger
avec vous. Merci.
M. Blackburn (Karl) : Merci,
M. le ministre.
Mme Gagnon (Karolyne) : Merci.
M. Blackburn (Karl) : Toujour
un plaisir.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors,
merci, M. le ministre. Nous poursuivons l'échange, cette fois-ci avec le député
de Viau.
M. Benjamin : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, Mme Gagnon. Bonjour, M. Blackburn.
M. Blackburn
(Karl) :
Bonjour.
M. Benjamin : Dans un premier
temps, merci pour votre mémoire, donc, que j'ai lu avec beaucoup d'attention. J'y
ai trouvé de la justesse pour ce qui a trait à la situation des entreprises et
aussi de la sensibilité, notamment par rapport à votre deuxième recommandation,
donc, et, pour cela, donc, je vous salue.
Ma première question. À la page 4 de
votre document, mise en contexte, troisième paragraphe, vous soulignez que...
vous vous questionnez sur le champ de pouvoirs que ce projet octroie au Tribunal
du travail par rapport au rôle et à la mission de l'éducation et des ordres
professionnels. Et, un peu plus loin, à la page 9, vous nous suggérez...
vous dites... vous questionnez à savoir est-ce que les modalités de la
formation et les critères visant à évaluer la réussite ou non des études et
l'arrêt des octrois devraient être exercés par le Tribunal administratif du
Québec ou plutôt par des <organismes de régulation appropriés...
M. Benjamin :
...les critères visant à évaluer la réussite ou non des études et l'arrêt des
octrois devraient être exercés par le Tribunal administratif du Québec ou
plutôt par des >organismes de régulation appropriés. J'aimerais vous
entendre là-dessus.
M. Blackburn (Karl) :
Karolyne.
Mme
Gagnon (Karolyne) : Oui. Alors, merci. Bonjour. Effectivement,
naturellement, au niveau des entreprises, on veut s'assurer que, si le
stagiaire qui vient dans l'entreprise... a un tribunal ou a une audience qui
est juste par rapport à la réussite ou non de son stage. On ne les connaît pas.
J'ai vu que vous aviez entendu la Fédération des cégeps. Également, vous
expliquiez qu'il y a certaines modalités de régulation. Alors, quand ça
concerne le dossier scolaire ou le dossier d'un étudiant, on ne voudrait pas
être amené devant un tribunal autrement que pour des questions, là, de
préjudice à ses droits, qui jugerait ou pas de la validité du stage en
entreprise et puis qui remettrait en doute, là, les critères ou l'évaluation du
travail qui est fait, là, par le stagiaire dans un cadre bien précis. Alors, on
pense que c'est probablement un tribunal qui a, à ce moment-là, compétence.
Et surtout d'éviter le dédoublement. Alors,
je comprends, là, à ce niveau-là... Naturellement, on représente nos membres,
qui nous ont soumis ces préoccupations-là. J'ai bien entendu, là, que les
préoccupations avaient été soulevées et puis que vous y avez répondu, mais
évitons les dédoublements, pour ne pas se retrouver, d'une part, dans un
dossier scolaire, où, là, on juge des critères d'évaluation pour la réussite d'un
diplôme, versus devant le Tribunal du travail, où, là, on jugera à juste droit
si une personne a été lésée... si un stagiaire a été lésé dans ses droits. Mais
ça n'enlève pas le pouvoir du Tribunal du travail à ce niveau-là.
• (18 h 20) •
M. Benjamin : Merci. À la
page 5 de votre mémoire, donc dans le chapitre qui concerne les absences
pendant le stage et enjeux de qualification, troisième paragraphe, vous dites
que, «par ailleurs, cette disposition ne tient pas compte des particularités
des milieux de travail et des contingences», et j'aimerais vous entendre nous
expliquer qu'est-ce que vous entendez par ça, et pouvez-vous nous donner,
peut-être, un exemple, si vous en avez?
M. Blackburn (Karl) : Bien,
dépendamment du domaine, dépendamment, effectivement, du secteur d'activité
dans lequel le stage est requis, qui peut nécessiter des connaissances ou des
apprentissages particuliers par rapport aux apprentissages qui sont
nécessaires, dans un contexte d'une absence prolongée, bien, malheureusement,
ça devient plus difficile d'être capable d'aller chercher les compétences ou
les apprentissages liés à ces tâches spécifiques ou à l'objectif spécifique de
cette formation de stage. Alors, dans ce contexte, ce qui est inquiétant par
rapport à ces éléments-là, c'est par rapport justement à des éléments beaucoup
plus précis et effectivement nécessitant des capacités ou des apprentissages
très précis en termes de formation.
M. Benjamin : Merci. À la
page 6, votre recommandation, donc, vous nous suggérez, donc, par rapport
à la durée des stages... Peut-être, nous expliquer le sens et la portée de
cette recommandation, selon vous. La recommandation 1.
M. Blackburn (Karl) : Vas-y,
Karolyne.
Mme Gagnon (Karolyne) :
Excusez-moi, parce que je n'ai sûrement pas la même... bon, à la page 6,
je n'avais pas de... O.K., «ajouter le paragraphe...» En fait, bon, on dit :
«Nonobstant le premier paragraphe [...] dont la durée ou le moment des absences
a une incidence sur la réussite...» Il faut que, si... Parce qu'il y a des
groupes puis il y a des gens qui sont très préoccupés, au niveau de l'enseignement,
en disant : Il y a des stages de courte durée. Si, pendant ce stage-là, la
personne manque 50 % de ses activités sur le terrain, il faudrait qu'elle
puisse le reprendre.
Alors, nous, ce qu'on dit... il faut s'assurer,
là, qu'on est en mesure d'offrir de poursuivre le stage s'il y a reprise de ces
journées-là, et d'offrir les conditions. Alors, ce n'est pas tout, là, de faire
en sorte, mais il faut voir si l'entreprise a le même projet qui permet d'évoluer
ou reçoit... parce que, dans certains milieux, ils m'ont dit : Bien, c'est
aux six mois qu'on va recevoir des stages. Naturellement, dans le monde, peut-être,
du droit, où là les maîtres et les responsables de ces gens-là qui vont les
suivre, les appuyer ne sont peut-être pas disponibles pour poursuivre... Alors,
c'est pour ça qu'on veut s'assurer, dans cette relation tripartite, que tout le
monde s'entend, que, s'il y avait des changements pour répondre aux objectifs puis
répondre aux exigences des établissements, le milieu est capable de s'adapter
par la suite, là, s'il y avait une <prolongation...
Mme Gagnon (Karolyne) :
...puis répondre aux exigences des établissements, le milieu est capable de s'adapter
par la suite, là, s'il y avait une >prolongation.
M. Benjamin : Merci. Le titre
de ce projet de loi, c'est le projet de loi visant à assurer la protection des
stagiaires en milieu de travail. C'est un projet de loi qui part d'un préjugé
favorable aux stagiaires. Et vous nous semblez nous suggérer, dans votre
troisième recommandation, d'enlever la mention pour protéger le stagiaire.
Est-ce que ça vous semble être une entrave?
Mme Gagnon (Karolyne) : En
fait, ce qu'on dit, c'est que la façon que la loi est... par rapport au
harcèlement psychologique ou sexuel, même de violence, là, de façon générale,
dans une organisation, elle vise à protéger l'ensemble des membres qui sont là.
Ce qu'on dit, simplement, c'est : Si j'ai une définition particulière pour
les stagiaires, puis j'entendais M. le ministre dire qu'il y a des situations
où ils sont mis de côté, s'il y a un élément qu'il faut faire de plus, comme on
l'introduit dans la politique, ça pose simplement une interrogation à savoir
quel est l'élément de plus, parce que généralement on fait en sorte de protéger
l'ensemble du personnel. Puis cette protection-là existe au niveau du
harcèlement psychologique, qui est vraiment quelque chose, là, qui... où les
milieux sont très sensibles à ça depuis plusieurs années.
On a tous une politique, on a des
formations. Est-ce qu'il va falloir dire que pour les stagiaires, il y a
quelque chose de différent? Alors, on pensait que c'était peut-être, oui, un
élément, mais qui n'avait pas nécessairement plus d'importance que ce qui était
déjà dans la loi. Est-ce que le retirer serait fatal, puis ça enlèverait une
protection? On pense, effectivement, que de faire cesser, de prendre les
moyens, là, de protéger de façon générale les travailleurs se fait au même
titre que ce qui est fait. On veut éviter la judiciarisation pour dire :
Bien, est-ce qu'on a fait quelque chose en moins? Est-ce qu'il fallait faire
quelque chose en plus? Bien, en fait, nos tribunaux n'ont pas nécessairement,
là, de... on n'a pas d'expérience à ce niveau-là, mais on sait que, dans des
cas de harcèlement, l'action et les actions à prendre, là, sont toujours avec
la même diligence, là, que ce soit un stagiaire ou autre, surtout s'il est inclus,
là, d'office dans certains endroits où il n'y était pas auparavant.
M. Blackburn (Karl) :] Puis,
si je peux me permettre, M. le député, il ne faut pas voir dans cette
proposition-là une moins grande protection pour les stagiaires, au contraire.
Mais c'est simplement, je dirais, un élément de concordance avec la Loi sur les
normes qui existe, l'article 81.19. Alors, c'est vraiment cet aspect-là,
plus spécifique, que je voulais rajouter. Mais ce n'est d'aucune façon d'avoir
moins de protection envers les stagiaires, comme le propose le ministre dans
son projet de loi.
M. Benjamin : Merci. J'ai
deux autres questions, rapidement. D'autres groupes nous ont parlé
précédemment, donc, de l'importance que le débat sur la rémunération des
stagiaires puisse se poursuivre. Et j'aimerais vous entendre là-dessus, sur cet
enjeu-là.
Et la deuxième question, M. Blackburn,
au cours des derniers mois, on vous a beaucoup entendu sur les questions, sur
les enjeux de la pénurie de main-d'oeuvre. Sans faire de lien banal, donc,
entre le projet de loi, donc, et cette réalité-là, la pénurie de main-d'oeuvre,
j'aimerais peut-être que vous nous parliez un peu comment vous en... comment le
conseil du patronat voit, en général, l'apport des stagiaires par rapport,
éventuellement, comme réponse aux pénuries de main-d'oeuvre?
M. Blackburn (Karl) : Bien, c'est
une excellente question par rapport, justement, aux besoins, surtout dans un
contexte de pénurie de main-d'oeuvre. Avant les fêtes, c'était près de
300 000 postes qui étaient disponibles dans toutes les entreprises du
Québec, dans toutes les régions du Québec. Et, bien évidemment, le bassin de
stagiaires, ça permet d'avoir accès à une main-d'oeuvre qualifiée avec les
bonnes compétences, avec les bons apprentissages en fonction des secteurs dans
lesquels les stages se déroulent. Alors, c'est clair que ces gens-là, ces
jeunes stagiaires peuvent contribuer d'une certaine façon, comme plusieurs
autres groupes, je dirais, dans la société, à combler ou à relever le défi de
la pénurie de main-d'oeuvre.
Et, pour répondre, peut-être plus
rapidement, sur votre première question, sur la rémunération des stages, bien,
bien évidemment, je pense que la flexibilité aux entreprises, au secteur, au
monde de l'enseignement est requise pour être capable, en fonction de leur
spécification, de pouvoir soit rémunérer des stages ou, dans certains cas, que
ce soient des stages d'éducation, simplement.
M. Benjamin : Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci.
M. Blackburn (Karl) : Merci à
vous.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci au député de Viau. Nous poursuivons, cette fois-ci, l'échange avec
le député d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour à vous deux.
M. Blackburn
(Karl) : Bonjour.
M. Leduc : Mon collègue de
l'opposition officielle a amorcé le débat, je veux creuser un peu la question.
Plusieurs groupes ont noté qu'il y avait un grand absent dans ce projet de loi,
qui est la question de la rémunération des stages. <C'est un gros
chantier...
M. Le duc :
...collègue de l'opposition officielle a amorcé le débat, je veux creuser un
peu la question. Plusieurs groupes ont noté qu'il y avait un grand absent dans ce
projet de loi qui est la question de la rémunération des stages. >C'est
un gros chantier. Je ne sais pas si vous êtes heureux ou malheureux que ça ne
soit pas traité par ce projet de loi là. Au-delà de cette question un peu
taquine, quelle pourrait être la contribution de votre organisation, là, on
assume que ce n'est peut-être pas dans ce projet de loi là mais dans un autre
projet de loi, sur la question de la rémunération des stages? Est-ce qu'on doit
bouger vers une loi rapide à ce sujet-là? Est-ce qu'on doit aller vers le
salaire ou vers les bourses? Où est-ce que vous vous situez par rapport à ce
grand chantier?
M. Blackburn (Karl) :
Bien honnêtement, j'aurais tendance à vous dire qu'on doit être prudent et
garder toutes les flexibilités ou les outils nécessaires flexibles pour les
organisations ou les secteurs. Parce qu'il n'y a pas juste une formule qui peut
être appliquée et ainsi uniformisée à l'ensemble des domaines où les stages se
déroulent. Il y a des secteurs qui... en même temps qu'ils ont accès, je
dirais, d'une certaine façon, à des stagiaires, ça leur permet de former leur
main-d'oeuvre de demain en fonction de leurs compétences, alors que, des fois,
dans d'autres secteurs, comme par exemple dans le domaine de l'éducation, ça s'inscrit
dans le contexte de leurs études et ça leur permet d'aller chercher les
apprentissages nécessaires pour leurs diplômes ou leurs compétences à
développer. Alors, j'aurais beaucoup plus tendance à garder cet aspect très
flexible et de laisser, je dirais, la capacité aux organisations, aux secteurs,
aux ordres professionnels, aux entreprises d'élaborer les stratégies qui vont
permettre, d'une part, soit de rémunérer ou non et des stages en fonction de
leurs besoins.
• (17 h 30) •
M. Leduc : Vous
conviendrez peut-être avec moi que la flexibilité, c'est un peu ce qu'il y a en
ce moment, dans le milieu des stages, mais ça n'a pas donné des résultats très
probants en matière de rémunération ou de couverture. On en parlait plus tôt
dans différents groupes, la rémunération des stages, c'est très minoritaire.
Peut-être une autre question sur l'effectivité
du droit. Des groupes ont réclamé, ici, aujourd'hui et hier, le fait que des
associations étudiantes, par exemple, ou d'autres OSBL puissent aller
représenter un stagiaire dans ses recours, que ce soit au TAT ou ailleurs.
Est-ce que c'est quelque chose avec laquelle vous seriez confortable?
M. Blackburn (Karl) : Ça
m'apparaît difficile. Puis, peut-être avant de céder la parole à Karolyne, il y
a quand même... Puis je reprends les propos du ministre, hier, qui mentionnait
que 195 000 stagiaires sont à l'oeuvre actuellement au Québec, ce
qui, en soi, est une excellente nouvelle pour les employés de demain, avec les
compétences nécessaires pour relever les défis. Et, pour aller directement à
votre question sur l'aspect des représentativités, j'aurais un bémol et je vais
demander, peut-être, à Karolyne, là, de vous donner davantage d'informations.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Brièvement, parce qu'il ne reste plus vraiment de temps.
Mme Gagnon (Karolyne) :
...rapidement vous dire, c'était une bonne nouvelle que les représentants, les
spécialistes, là, en fait, les avocats qui sont à la CNESST puissent
représenter, là, les stagiaires, parce qu'on a ici des procureurs qui ont une
grande expertise au niveau des recours qui sont des recours en vertu de la Loi
sur les normes, alors, qu'ils connaissent bien. Il ne faut pas dédoubler devant
les tribunaux puis embourber non plus, là. Ce n'est pas que j'ai des réserves,
mais on a vraiment des gens spécialisés pour les aider. S'il y a d'autres
groupes, on ne veut pas non plus, là, que ça se mélange, mais j'avoue que ça,
ça appartient un petit peu au monde de l'éducation, fédération, qui,
elles-mêmes, quelquefois aussi, font en sorte de pouvoir accompagner. Mais l'accompagnement
versus la représentation devant les tribunaux, ça n'empêche pas un
accompagnement. Puis ça peut être valable lorsqu'on parle de cas plus délicats
comme le harcèlement psychologique, physique, ou autres, là, c'est bien de
pouvoir être aidé et accompagné.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Oui. Alors, merci. Merci. Nous poursuivons, cette fois-ci, l'échange avec le
député de Jonquière.
M. Gaudreault : Oui. Alors,
bonjour à vous deux. Bonjour, M. Blackburn, Mme Gagnon. Je veux
saluer les chiens, aussi, qui vous accompagnent, derrière vous,
Mme Gagnon, alors...
Mme Gagnon (Karolyne) :
C'est si jamais je n'ai plus d'argument, les chiens sont là.
M. Gaudreault : Oui, c'est
ça. S'ils brassent de la queue, ça veut dire qu'ils sont d'accord avec moi.
Écoutez, moi aussi, la rémunération des...
M. Blackburn (Karl) :
Ils ont des puces, il faut faire attention!
M. Gaudreault : Moi
aussi, la rémunération des stagiaires me préoccupe. J'ai l'impression que, dans
le fond, quand on dit : Flexibilité, tenir compte de la spécificité, c'est
qu'on ne veut pas aller un petit peu plus loin sur la rémunération des
stagiaires. Moi, j'ai été frappé par des statistiques qui démontrent que, dans
les secteurs à plus grande prédominance féminine, il y a moins de stages
rémunérés puis, dans les secteurs à grande prédominance masculine, il y a plus
de stages rémunérés. Alors, est-ce qu'on ne peut pas agir en amont pour éviter
une reproduction, constamment, là, notamment chez les jeunes, d'inégalité ou d'iniquité
dans la remunération entre les hommes et les femmes? Donc, je me demande si on
ne devrait pas forcer un petit peu plus, là, sur la <rémunération...
>
17 h 30 (version révisée)
<1001
M. Gaudreault :
...dans la rémunération entre les hommes et les femmes. Donc, je me
demande si on ne devrait pas forcer un petit peu plus, là, sur la >rémunération
puis j'aimerais ça vous entendre là-dessus. Je n'ai pas beaucoup de temps.
Ce qui m'amène également peut-être à une
deuxième question, puis après ça je vous laisse toute la parole, sur quelles
sont les principales contraintes que les membres de votre organisation vous
disent sur l'accueil des stagiaires. Est-ce qu'il y a des membres qui vous
disent : Oui, on serait prêts à en accueillir plus, mais on ne peut pas
pour x, y raisons? Puis je sais, M. Blackburn, vous êtes très préoccupé
par le développement des régions. Est-ce qu'il y a une différence aussi sur le
territoire versus les régions métropolitaines et les régions ressources,
disons?
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Uneminute.
M. Blackburn (Karl) : Bien,
je vais peut-être, dans un premier temps, M. le député, rapidement répondre à
la première partie sur l'aspect de la rémunération, et, pour des cas plus
concrets avec les entreprises directement, je laisserais Karolyne y répondre.
Alors, pour la rémunération, comme je l'ai
mentionné à votre collègue de l'opposition, je crois qu'il est important de
garder cette flexibilité et cette agilité dépendamment des secteurs dans
lesquels les stages se déroulent. Vous avez été chanceux, vous l'avez mentionné
hier, vous avez fait votre stage chez Cain Lamarre, dans un bureau d'avocats à
Chicoutimi, très réputé, et ça a permis justement d'aller chercher ces
compétences dans un encadrement ou dans une spécification. Mais ça je vous
dirais qu'il faut laisser vraiment cette flexibilité-là.
Et je demanderais peut-être à Karolyne
spécifiquement, en fonction des messages, ou des recommandations, ou des
commentaires des entreprises ou des employeurs, dépendamment des régions, de
venir peut-être nous donner quelques exemples à ce niveau-là, M. le député.
Mme Gagnon (Karolyne) : M.
le député...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Brièvement.
Mme Gagnon (Karolyne) : Oui.
Rapidement, un stagiaire, puis on l'a nommé, c'est... ce n'est pas un étudiant,
mais ce n'est pas un travailleur, dépendamment des milieux. Il y a des milieux
où il faut encadrer, il faut aider, il faut former le stagiaire, et il n'a pas
de plus-value sur le terrain. Autrement, il y a des stagiaires, oui, qui vont
venir aider à la production, puis je rejoins sur ça les propos de M. Blackburn.
Mais le plus grand... la plus grande difficulté, c'est de dire que les travailleurs
en place, les gestionnaires ont une responsabilité envers les stagiaires, et
ils doivent les aider la plupart du temps, donc il y a tout ça aussi. Dans la
rémunération, j'irais jusque-là. La rémunération est vraiment, dépendamment du
milieu, du cas par cas. Alors, c'est important d'évaluer et que le milieu
puisse être à même de l'évaluer. Pourquoi? Parce qu'on en a besoin, c'est nos
travailleurs de demain. Puis on veut effectivement les aider, mais on ne
voudrait pas qu'il y ait un frein à ça par de l'imposition qui ne répond pas au
milieu de travail.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, merci, M. Blackburn. Merci, Mme Gagnon, pour votre
contribution à l'avancement des travaux.
Mme Gagnon (Karolyne) : Merci.
M. Blackburn (Karl) : Merci
à vous.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci beaucoup.
Mme Gagnon (Karolyne) : Bonne
fin de journée.
M. Blackburn (Karl) : Bonne
fin de journée.
Mme Gagnon (Karolyne) : Au
revoir.
Mémoires déposés
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Parfait. Avant de terminer, je dépose les mémoires des personnes et
organismes qui n'ont pas été entendus.
Alors, ayant accompli son mandat, la
commission ajourne ses travaux sine die. Bonne soirée à toutes et à tous.
(Fin de la séance à 17 h 36)