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Version finale

42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)

Le mardi 13 avril 2021 - Vol. 45 N° 84

Étude détaillée du projet de loi n° 59, Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail


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Table des matières

Étude détaillée (suite)

Intervenants

Mme Claire IsaBelle, présidente

M. Jean Boulet

M. Alexandre Leduc

M. Sylvain Roy

M. François Jacques

M. Monsef Derraji

M. Carlos J. Leitão

Journal des débats

(Neuf heures trente-six minutes)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, bonjour. Votre attention, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'économie et du travail ouverte.

La commission est réunie afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 59, Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. M. Caron (Portneuf) remplace Mme Chassé (Châteauguay) et M. Roy (Bonaventure) remplace Mme Richard (Duplessis).

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Avant de commencer, je vous informe que les votes pour ce mandat continueront de se tenir par appel nominal, et ce, jusqu'au 14 mai 2021, alors ce qui signifie pour aujourd'hui, par exemple, le député de Mégantic votera pour tous les membres du groupe parlementaire de la commission, à l'exception du ministre, et le député de Nelligan votera pour tous les membres de la commission du parti de l'opposition officielle.

Étude détaillée (suite)

Alors, si nous résumons où nous en étions lors de l'ajournement des travaux, la semaine dernière, la commission en était à l'étude de l'article 238, qui... qui édicte, pardon, le Règlement sur les maladies professionnelles. La discussion portait sur une proposition d'amendement du député d'Hochelaga-Maisonneuve. Je vous rappelle également que l'article 8 était suspendu.

Y a-t-il d'autres interventions sur cet amendement? Mais je pense que le ministre souhaitait une suspension. Je vous laisse la parole, M. le ministre.

M. Boulet : Merci, Mme la Présidente. D'abord souhaiter un bon matin à tout le monde, en espérant qu'on a eu, tous et toutes, une bonne fin de semaine. Ça fait que j'aimerais ça, peut-être, suspendre quelques minutes, avoir une discussion avec mes collègues, et on pourra reprendre par la suite.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Parfait.

Alors, nous suspendons quelques instants.

(Suspension de la séance à 9 h 37)

(Reprise à 10 h 44)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, nous reprenons. J'invite donc le député d'Hochelaga-Maisonneuve de lire l'amendement qu'il a déposé il y a déjà une semaine.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, tout le monde. Et, oui, donc, c'était sur la question du mésothéliome de la plèvre. On avait commencé rapidement à en débattre en fin de séance jeudi, il y a au-delà d'une semaine, et l'amendement va comme suit :

L'article 238 du projet de loi est amendé par l'insertion, après la section I du règlement, de :

«Section I.1.

«Maladies réputées professionnelles.

«1.1. Le travailleur atteint d'une maladie énumérée à la présente sous-section est réputé atteint d'une maladie professionnelle s'il a exercé un travail correspondant à cette maladie.»

Il y avait deux tableaux. Donc «Maladies», d'un côté : «Mésothéliome de la plèvre». Et, de l'autre côté, «Genres de travail», «un travail impliquant une exposition à la fibre d'amiante».

En gros, Mme la Présidente, ça introduit un nouveau concept dans la loi, un peu comme le ministre prévoit le faire, là, plus tard, qu'on en discutera sûrement cet après-midi ou ce matin, on verra, là, sur les critères d'admissibilité sur la surdité. Bien, c'est un peu un nouveau concept. Bien, nous, on amène aussi un nouveau concept, qui est le caractère irréfragrable, terme qu'on n'utilise pas souvent mais qui, en gros, veut dire : qui ne peut pas être contesté, qui ne peut pas être renversé. Et c'est bien important de faire la distinction entre irréfragable... puis là j'ai mi un r de trop, irréfragable, faire la différence entre ça et la présomption.

La présomption, pour être bien clair, c'est que, lorsque vous vous présentez, que vous avez une preuve à faire, vous bénéficiez de la présomption, donc c'est à l'employeur de démontrer que ce n'est pas à cause de votre travail que vous avez eu telle ou telle maladie. Donc, ça, c'est très important. C'est la liste des maladies dont on débat depuis longtemps, mais, avec ça, on rajoute une couche et on dit : Si vous avez ce symptôme-là puis vous avez ce travail-là ou, du moins, ce travail impliquant une exposition à la fibre d'amiante, c'est sûr que c'est une maladie professionnelle, et il n'y a même plus possibilité pour l'employeur de venir en débattre, ce qui peut, concrètement, faire avancer la cause de la surjudiciarisation en droit du travail, en santé et sécurité du travail.

Il y avait un bon reportage, en fin de semaine à l'émission Désautels le dimanche, par M. Labrecque, si je ne me trompe pas, le journaliste, M. Labrecque, qui racontait l'histoire d'une personne, là, qui avait été infectée à l'arsenic dans une usine et qui racontait, donc, à quel point c'est difficile de bâtir son dossier, parce qu'il y a contestation, le bureau d'évaluation médicale, la révision administrative. Bref, on est toujours dans cette contestation-là de l'employeur qui ne veut pas se faire imputer un frais supplémentaire à cause d'un accident ou d'une maladie. Et donc, en rajoutant le caractère irréfragable, on empêche tout ça.

Et on avait évoqué rapidement, il y a deux semaines, le cas de M. Jean Renaud, professeur à l'Université de Montréal qui est malheureusement décédé des suites de sa maladie, donc d'exposition à la fibre d'amiante à l'Université de Montréal. Ça a été dénoncé, les délais. J'avais eu des échanges informels avec le ministre à ce sujet-là il y a quelque temps déjà. Il était sensible au caractère pénible du chemin de croix que quelqu'un doit faire pour se faire reconnaître, précisément, entre autres, à cause de cette caractéristique de contestation systématique. Systémique, oserais-je dire. Bon, le système pousse un peu les employeurs, là, dans cette direction-là, avec le côté de l'imputation à la cotisation.

Et, bref, c'est pour ça que, lorsqu'il y a eu le gros rapport du BAPE, là, sur l'état des lieux et la gestion de l'amiante et des résidus amiantés, publié pas plus tard que juillet 2020, à la page 99 de ce rapport-là, il y avait une recommandation très claire, là, que je ne relirai pas, parce que je l'ai fait il y a deux semaines, mais qui disait qu'il fallait absolument qu'on bouge pour faciliter le processus de reconnaissance de la lésion et des décès liés à l'amiante pour les travailleurs du Québec, ce qui était... En d'autres mots, là, ils nous recommandaient d'aller de l'avant avec une présomption irréfragable pour les victimes de mésothéliome pour qu'on sorte, donc, de cette présomption puis qu'on aille dans quelque chose qui est réputé.

Et c'est quelque chose d'important, je dirais, quasiment à la hauteur de tout le débat sur le parkinson, quelque chose qui serait assez simple à faire. Je ne sais pas à quel point ça impliquerait des coûts astronomiques, je ne sais pas si ça peut avoir été chiffré par les actuaires de la CNESST, mais c'est certainement quelque chose qui ferait plaisir à la famille de M. Renaud, par exemple. On m'a parlé aussi d'un cas, de M. Charland, toujours à l'Université de Montréal, un informaticien qui vit des problèmes similaires, qui a vécu des problèmes similaires. Et voilà, c'est quelque chose qui existe, je pense, dans d'autres législatures. C'est quelque chose qui serait assez, comme je vous dis, simple à rajouter.

Si le ministre est intéressé, on peut évidemment, là, retravailler le libellé, mais introduire ce concept-là, là, d'être réputé atteint d'une maladie plutôt qu'une simple présomption, je pense que ça serait un pas substantiel en avant pour la santé et la sécurité de plusieurs travailleurs du Québec. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. M. le ministre.

• (10 h 50) •

M. Boulet : Merci, Mme la Présidente. Un, je réitère l'empathie que j'ai pour M. Renaud et pour ce type de maladie là. D'ailleurs, la semaine dernière ou plutôt il y a deux semaines, la coprésidente... cheffe de Québec solidaire a rendu hommage à M. Renaud. Puis je rappelle que sa réclamation a été acceptée à la CNESST. Il y a un enjeu avec la partie patronale parce qu'il y a des contestations qui ne sont pas finalisées encore, là, devant le Tribunal administratif du travail.

Ceci dit, tu sais, une présomption, elle est soit relative ou absolue. La présomption absolue, elle est irréfragable, donc ça ne permet pas à l'employeur, notamment, de la renverser. Puis la difficulté dans ce type de présomption là ou dans le type de réclamation qui fait suite à un mésothéliome, c'est de démontrer que tu as vraiment fait un travail où tu étais exposé à la fibre d'amiante. Et un employeur pourrait, par exemple, démontrer que le travailleur a fait des rénovations majeures à son domicile, où il y avait une grande quantité d'amiante. Et, si la présomption devient irréfragable, ça ferme la porte.

Tout ça pour dire qu'une présomption, ça facilite un fardeau de preuve pour la partie réclamante, le travailleur ou la travailleuse, mais il ne faut pas que ça ferme la porte complètement à la partie employeur de faire une preuve pour briser le lien de causalité ou démontrer que ce n'est pas caractéristique du travail puis que, dans son travail, il n'était pas exposé à la fibre d'amiante ou que ce n'était pas relié aux risques de son travail.

Donc, c'est la raison pour laquelle, malgré la grande empathie que j'ai pour M. Renaud et pour ce type de maladie là, on maintient la présomption dans sa nature actuelle. Donc, c'est une présomption qui est relative. Le travailleur, notamment M. Renaud, peut bénéficier d'un fardeau de preuve allégé, mais il ne faut pas non plus empêcher l'employeur de faire une preuve que ce n'est pas, par exemple, en faisant ce travail-là qu'il l'a contractée, cette maladie professionnelle là. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Y a-t-il d'autres interventions sur l'amendement? Député d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : Juste une précision importante, Mme la Présidente. Avec un caractère irréfragable, une réputation, si je peux dire, là, plutôt que la présomption, il faut quand même qu'il démontre. Quand on dit, là, «genres de travail», «un travail impliquant une exposition à la fibre d'amiante», il faut qu'il démontre qu'il a été exposé, qu'il y avait de la fibre d'amiante dans son travail. Ce n'est pas un : Go, passez, réclamez 200 $ automatique, là, il y a quand même un travail à faire du côté du salarié, au même titre que sur la présomption. Ça, ça ne change pas.

Après ça, s'il démontre qu'il y avait de la fibre d'amiante à son travail, c'est quoi, le rapport d'aller permettre à l'employeur de dire : Bien, il y avait peut-être de l'amiante aussi chez eux, dans ses rénovations? S'il y avait de l'amiante à son travail, je veux dire, fin de l'histoire, non?

M. Boulet : Bien, c'est de la nature d'une présomption, hein? Tu fais une preuve de fait, puis, après ça, tu fais une preuve d'un diagnostic, et on présume d'un lien de causalité entre les faits qui reflètent la nature d'un travail spécifique et le diagnostic. Donc, dans le cas de l'exposition à la fibre d'amiante, c'est la même réalité. Mais je prends un cas, par exemple, d'une personne qui est un travailleur qui a pu être exposé, par ailleurs, à la fibre d'amiante, où l'employeur est en mesure de démontrer qu'il n'y a pas de lien. Tu sais, tu peux avoir un mésothéliome qui est d'une autre origine, et l'employeur peut faire une preuve que la présomption ne s'applique pas, qu'il n'y a pas de lien de causalité entre le travail décrit par le travailleur et le diagnostic. C'est exactement le même raisonnement pour toutes les maladies professionnelles qui bénéficient d'une présomption.

Ceci dit, je le comprends, pour la fibre d'amiante, comme je pourrais le comprendre pour d'autres types de maladies professionnelles, on a toujours énormément de sensibilité puis on est préoccupé par les travailleurs qui ont des problématiques de santé d'origine professionnelle, mais c'est simplement de ne pas rendre la présomption irréfragable. C'est comme si on fermait complètement la porte à la partie employeur, puis je ne veux pas ne défendre que... Vous le savez, là, on cherche un bon équilibre, c'est la raison pour laquelle ça ne nous apparaît pas acceptable.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Y a-t-il d'autres interventions? Député d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : Je comprends qu'on introduit un nouveau concept, mais on ne l'introduit pas par frivolité, là, on l'introduit parce qu'entre autres c'est une recommandation du BAPE, là. Je vais le relire, là, l'avis, là : «La commission d'enquête est d'avis que le processus d'indemnisation des travailleurs ou de leur succession est lourd. Le gouvernement du Québec devrait donc apporter des modifications à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles pour adapter ce processus afin de permettre au travailleur une défense adéquate de son dossier et pour rendre irréfragable la présomption pour un travailleur atteint de mésothéliome de la plèvre, sachant que plus de 80 % des cas de cette maladie sont liés à une exposition à l'amiante.»

Comme je le dis, ce n'est pas un passe-droit qu'on fait là, c'est qu'on le sait que, dans ces cas-là, c'est des cas lourds. C'est des cas où l'espérance de vie de la personne n'est pas nécessairement très élevée. Et, si, en plus, à travers les souffrances physiques et psychologiques que cette personne-là doit traverser, la machine qu'est la CNESST... Là, je veux dire, elle est importante, la CNESST. On l'aime, comme la plupart de... comme toutes nos institutions d'État, mais c'est une grosse machine avec une logique qui est lourde. Si, en plus, on oblige le travailleur à passer à travers tout ce cycle-là de contestation, de recontestation, de faire des démonstrations où, là, le patron va essayer d'aller fouiner dans sa vie pour dire : Oui, bien, elle a peut-être eu deux, trois fibres d'amiante une fois quand elle est allée visiter sa belle-soeur dans son chalet, alors que lui, il a fait déjà la démonstration que dans mon bureau, dans mon université de travail, il y a de l'amiante, ce n'est pas la bonne façon de procéder. Ce n'est pas un traitement humain qu'on propose à cette personne-là alors qu'elle est en train de démontrer qu'il y avait de l'amiante chez soi.

Là, cette espèce de jeu où on permet à l'employeur de commencer à aller, excusez-moi, en bon français, gosser sur le passé puis peut-être trouver une petite virgule, une petite affaire croche, une fois en quelque part, pour dire : Ah! ce n'est pas ma faute, il était déjà atteint du mésothéliome de la plèvre, il avait déjà pris une fibre d'amiante une fois — une fois au chalet, comme le veut l'expression consacrée maintenant — moi, ce n'est pas quelque chose que je trouve adéquat. C'est pour ça qu'on propose d'aller de l'avant avec cette nouvelle façon d'aborder la chose.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Y a-t-il d'autres interventions? M. le ministre.

M. Boulet : Puis, Mme la Présidente, je veux simplement redire à quel point je... Puis il ne faut pas prendre le cas de M. Renaud comme étant nécessairement un modèle. Puis je ne veux pas critiquer l'employeur dans ce dossier-là, mais la vaste majorité des cas sont acceptés à la CNESST. Puis il ne faut pas oublier qu'il y a un comité des maladies professionnelles pulmonaires, là, qui guide, qui accompagne et qui permet d'aboutir pour faire en sorte que 97 % des réclamations en semblable matière sont acceptées par la CNESST. Ça fait qu'à notre avis il n'y a pas, à ce stade-ci, de justificatif à transformer la présomption relative en présomption absolue. Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Y a-t-il d'autres interventions? Oui, député d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : Un dernier commentaire, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Oui.

M. Leduc : C'est pourtant ce que l'Ontario a fait, d'aller plus loin dans la présomption, une présomption absolue, là. Ça peut être un autre terme qu'on utilise plutôt qu'«irréfragable». Puis, je le répète, l'espérance de vie d'une personne, là, qui est diagnostiquée avec ça est très, très courte, des fois moins qu'un an ou à peu près un an. Et là, dans le fond, en laissant telles quelles les choses, on se magasine des nouveaux cas comme le cas de M. Renaud où, dans sa dernière année de vie, il va être très probablement pogné à devoir contester ça devant le tribunal puis se faire dire par son employeur qu'il a pogné ça au chalet ou je ne sais trop où, au restaurant ou peu importe, alors qu'on devrait le laisser tranquille dans sa dernière année de vie. Mais, voilà, j'ai fait mon bout de chemin, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Y a-t-il d'autres interventions? Député de Bonaventure.

M. Roy : Merci, Mme la Présidente. Écoutez, j'écoute, bon, les réflexions puis je reviens à un élément de base. Le ministre nous parle d'une modernisation de la loi. Ça implique une évolution puis une amélioration des conditions des travailleurs qui sont lésés. Donc, moi, j'appuie mon collègue. Je n'irai pas plus loin, mais ce serait un beau signal que de démontrer une réelle modernisation.

Parce qu'actuellement quand on regarde et on écoute l'espace médiatique, ce n'est pas comme ça que l'ensemble des acteurs, actuellement au Québec, voient le projet de loi. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est à peu près tout ce qui bouge au Québec, comme... C'est sûr que vous allez me parler des syndicats, mais on a quand même, bon... le collègue d'Hochelaga a parlé de l'émission à Désautels, dimanche, que j'ai écoutée, et puis, bon, ce sont des gens qu'on connaît qui sont venus nous interpeller, à tout le moins, nous manifester leurs inquiétudes.

Donc, tu sais, je n'en ferai pas une plaidoirie ou je ne défendrai pas une thèse de doctorat là-dessus, là, mais, quand on parle de modernisation, il faut prendre toutes les opportunités pour le faire. Et là on en voit une, et je considère que les propos de mon collègue sont pertinents à ce niveau-là.

• (11 heures) •

M. Boulet : Je vais me permettre un propos général, là, puis je n'ai pas l'intention de les multiplier, là. Quand on modernise ce qui a été coulé dans le béton pendant 40 ans, là, c'est un chantier qui est vaste. Il y a 293 articles puis il y a des articles où il y a beaucoup d'alinéas. C'est certain qu'il y a beaucoup de groupes d'intérêt, il y en a à peu près 120, groupes, qui ont manifesté un intérêt, mais le coeur du projet de loi, il fait consensus. Il y a eu des motions unanimes à l'Assemblée nationale.

Il y a une exigence qui est requise au Québec si on veut assurer la pérennité du régime d'indemnisation : il faut diminuer le taux des lésions professionnelles. Ce n'est pas acceptable que 25 % des travailleurs, travailleuses soient, à ce jour, visés par des mécanismes de prévention puis de participation des travailleurs. Devoir d'accommodement, réadaptation avant consolidation puis atteinte permanente, retour progressif, travailleuse domestique, violence... Il y a énormément d'avancées, mais c'est sûr que, sur les 293 articles, chaque groupe va identifier certains articles et pousser pour qu'on aille encore plus loin. Notre but, vous le savez, hein, collègue, puis je respecte tellement votre opinion, c'est de trouver un bon équilibre. Il y a quand même énormément d'articles qui s'appuient sur des consensus. Puis on ne fera jamais l'unanimité, mais je pense qu'on s'en va dans une direction qui va nous permettre d'assurer l'avenir de ce régime-là puis de diminuer la fréquence puis la gravité des accidents de travail. Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Oui, député de Bonaventure.

M. Roy : Bien, c'est sûr qu'on est pour l'élargissement de la prévention dans tous les secteurs, mais ça ne doit pas se faire au détriment de l'indemnisation puis du soutien des travailleurs qui sont lésés. Et on a déjà discuté de ça, là, ce qui va s'appliquer aujourd'hui, puis qu'il y a des gens qui vont vivre des problèmes de santé via un certain laxisme, mais qui vont entrer dans une nouvelle stratégie d'indemnisation, puis ces gens-là vont être lésés.

Je ne reviendrai pas là-dessus, parce qu'on va... je le dis de manière générale, mais on va le voir dans les différents articles, mais il n'en demeure pas moins qu'en tant que législateurs nous devons absolument défendre l'intérêt de ceux qui ont besoin d'indemnisation. Et on ne peut pas faire les vases communicants, augmenter la prévention au détriment de l'indemnisation. C'est ce qui inquiète les gens actuellement.

Donc, je ne suis que le porteur de parole. Et voilà. Donc, c'est des débats que nous aurons au travers des différents articles. Fin de la parenthèse, Mme la Présidente.

M. Boulet : Merci, collègue.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, y a-t-il d'autres interventions sur l'amendement déposé par le député d'Hochelaga-Maisonneuve? S'il n'y a pas d'autre intervention, alors nous allons procéder à la mise aux voix.

Le Secrétaire : Pour, contre, abstention. M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve)?

M. Leduc : Pour.

Le Secrétaire : M. Boulet (Trois-Rivières)?

M. Boulet : Contre.

Le Secrétaire : Pour le groupe parlementaire formant le gouvernement, M. Jacques (Mégantic)?

M. Jacques : Contre.

Le Secrétaire : Pour le groupe parlementaire formant l'opposition officielle, M. Derraji (Nelligan)?

M. Derraji : Abstention.

Le Secrétaire : M. Roy (Bonaventure)?

M. Roy : Pour.

Le Secrétaire : Mme IsaBelle (Huntingdon)?

La Présidente (Mme IsaBelle) : Abstention. Donc, l'amendement déposé à l'article 238 est rejeté.

Nous poursuivons maintenant avec l'article 238 tel que déjà amendé. Y a-t-il des interventions? Oui, député d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : Bien, comme annoncé, Mme la Présidente, il y a quelques petits débats qu'on veut quand même tenir qui sont importants. Là, je vais juste ramasser mes papiers, là. On avait plutôt étudié ce qui s'en vient, là, mais on va se dépêcher pour vous en envoyer, bien, un premier, dans le fond, là. Ça fait que je demanderais une courte suspension. Tout ça pour dire que je demanderais une courte suspension.

La Présidente (Mme IsaBelle) : D'accord. Donc, c'est ce que vous demandez. Parfait.

M. Leduc : Oui, c'est ça.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, nous allons suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 03)

(Reprise à 11 h 20)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, nous avons reçu un amendement de la part du député d'Hochelaga-Maisonneuve. Alors, je vous invite à le lire et l'expliquer, s'il vous plaît.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. L'amendement va comme suit : L'article 238 du projet de loi est amendé par le remplacement du contenu de la section VII de la liste des maladies présumées professionnelles par — il y a un tableau en deux parties, la première colonne — «Maladies», «Syndrome ou état de stress post-traumatique» — l'équivalence de l'autre côté, genre de travail — «...un travail impliquant une exposition, en tant que victime ou témoin, à un ou des événements traumatisants».

Et ensuite, deuxième ligne, toujours dans maladies, «Trouble mental ou du comportement (épuisement professionnel, trouble de l'adaptation, anxiété, dépression ou tout autre trouble de cette nature, incluant toute combinaison de ces troubles)». Dans la colonne de droite, genre de travail, «...un travail impliquant une exposition, en tant que victime ou témoin, à du harcèlement psychologique ou sexuel, à de la violence verbale, à des menaces dirigées contre soi, ses proches ou ses biens, ou encore avoir exercé un travail impliquant une charge de travail élevée, une faible latitude décisionnelle, une faible reconnaissance, un faible soutien social ou toute combinaison de ces facteurs».

C'est un amendement qu'on aurait pu faire en deux amendements différents, mais, Mme la Présidente, on ne veut pas non plus trop prendre de temps, là. On sait qu'on passe beaucoup de temps sur ce règlement-là. C'est un gros règlement, il est important, mais donc on les a regroupés vu que ça touche, grosso modo, à des sujets d'un peu de la même famille, mettons.

Commençons donc par la question du stress post-traumatique, que le ministre rajoute de sa propre initiative dans le projet de loi, là. On n'invente pas ça ici, avec notre amendement, il est déjà présent dans la section des troubles mentaux. Cependant, la condition particulière qu'il propose m'apparaît trop restrictive. Je vous la lis, là, ce qui est dans le projet de loi ici, là : «Avoir exercé un travail impliquant une exposition de manière répétée ou extrême à une blessure grave, à de la violence sexuelle, à une menace de mort ou à la mort effective, laquelle n'est pas occasionnée par des causes naturelles.» Donc, on est contents de voir apparaître le trouble de stress post-traumatique dans les nouvelles maladies, c'est toujours une bonne nouvelle, mais, après ça, dans les explications ou les conditions particulières qu'on lui donne, plutôt qu'un libellé plutôt large et libéral, ce qui est, la plupart du temps, quelque chose qui est plus facile à travailler pour les tribunaux, là, on vient vraiment restreindre de manière assez pointue toutes sortes de situations.

C'est pour ça qu'on propose un libellé beaucoup plus large, qui dit : «...un travail impliquant une exposition, en tant que victime ou témoin, à un ou des événements traumatisants», point. Puis après ça, bien, selon ce que le travailleur ou la travailleuse aura subi, selon ce que l'employeur voudra ou pas reconnaître ou contester et surtout ce que le tribunal voudra reconnaître comme faisant partie d'une famille de troubles de stress post-traumatique, bien, il y aura possibilité de le faire, tandis qu'avec le libellé actuel du ministre on craint qu'elle vienne, à toutes fins pratiques, quasiment réduire à bien peu de choses cet ajout-là, le trouble de stress post-traumatique, alors que ça pourrait... il pourrait y avoir toutes sortes d'autres situations auxquelles on n'a pas nécessairement pensé actuellement.

Puis j'ai en tête actuellement ce qu'on vit actuellement, la crise de la COVID. Par exemple, une personne qui serait préposée aux bénéficiaires dans un CHSLD, un qu'on a malheureusement un petit peu trop connu, mettons, celui de Herron, pour le nommer, bien, on peut comprendre qu'avoir vu passer plusieurs, plusieurs personnes, peut-être des dizaines, je ne me rappelle plus du nombre exact, de personnes décédées dans des conditions atroces, bien, ça peut certainement causer un trouble, et je ne suis pas sûr que ça serait possible de se le faire reconnaître, un trouble de stress post-traumatique dans cette situation-là avec le libellé original du ministre, d'où notre libellé un petit peu plus général, un petit peu plus inclusif, en quelque sorte.

Ça fait que je ne sais pas si le ministre veut qu'on ait d'abord un échange là-dessus ou si j'explique aussi la deuxième partie.

M. Boulet : On pouvait expliquer la deuxième partie aussi.

M. Leduc : Alors, la deuxième partie, ça, c'est un élément nouveau qui n'était pas dans le projet de loi original. Ce n'est pas quelque chose de nouveau en soi, j'ai déjà fait des représentations sur l'enjeu des maladies psychologiques depuis bien avant la tenue des audiences. On n'a pas inventé ça non plus, on n'a pas sorti ça de notre chapeau, là. La question des troubles mentaux et de comportement... et du comportement, pardon, sont vraiment la maladie, là, du XXIe siècle. Moi, je ne compte plus le nombre d'amis, là, qui, dans la vingtaine, des fois même début trentaine, en début de carrière, tombent d'épuisement. Ce n'est plus quelque chose qui... Avant, on imaginait que c'était quelque chose qui arrivait pour des personnes un peu plus âgées, mais même, des fois, des très jeunes dans la vingtaine ont cet enjeu-là, de trouble d'épuisement, et ce n'est pas reconnu dans les présomptions actuellement. C'est quelque chose qui est difficile à se faire reconnaître, voire presque impossible, et pourtant c'est légion dans plusieurs secteurs, notamment la question dans le milieu de la santé, dans le milieu de l'éducation, avec des conditions de travail très difficiles. On n'ouvrira pas toute la question du... négociation du secteur public ici, Mme la Présidente. Peut-être que ça pourrait contribuer à ce qu'il y ait un petit peu moins d'épuisement professionnel, mais, bon, c'est un autre débat.

Et, quand on a réfléchi à cette idée-là, de rajouter la question de l'épuisement professionnel et d'autres, là, il y a tout le trouble de l'adaptation, l'anxiété, dépression, tout autre trouble de cette nature, bien, on a quand même été voir ce qui a été dit et écrit dans le cadre des audiences. Il y a deux représentations, notamment, là, de la FIQ et de la Fédération des médecins spécialistes du Québec, qui en parlent explicitement. La FIQ, là, qui est la Fédération interprofessionnelle de la santé, dans sa recommandation n° 3, dit : «[La fédération recommande] d'ajouter les diagnostics de trouble [d'adaptation] et de dépression à la liste des maladies présumées professionnelles.» C'est quelque chose qui a été repris, là, par d'autres centrales syndicales, là, soit dans les mémoires ou soit ailleurs dans des représentations. Ce n'est pas seulement la FIQ qui est d'accord avec cette proposition-là. D'ailleurs, il y avait une conférence de presse pas plus tard qu'en fin de semaine, là, des différentes centrales, et ils parlaient de risques psychosociaux, ils parlaient de troubles... d'épuisement professionnel. Donc, ça fait un peu écho à ça, aussi.

Et finalement la Fédération des médecins spécialistes du Québec, dans son mémoire — elle n'a pas peu l'occasion de venir nous parler en audience, on se rappellera qu'on avait dû faire des choix, on va le dire comme ça — eux autres disent toutefois dans leur mémoire, à la page 7 : «L'ajout du trouble de stress post-traumatique à la liste des maladies professionnelles reconnues est pertinent. Après consultation de ses associations membres, la FMSQ estime opportun d'effectuer au minimum deux ajouts à la liste, étant donné le caractère endémique dans certains milieux de travail des problèmes de santé en question.» Et là ils disent : «Recommandation 1 — c'est la première de la FMSQ — recommande que l'épuisement professionnel — burn-out — et l'acouphène soient ajoutés à la liste des maladies professionnelles reconnues.»

Alors, voilà, Mme la Présidente. C'est vraiment un grand problème, la question de la santé mentale, la question de l'épuisement professionnel. Il est temps de s'y attaquer. Il y a des choses à faire en prévention, puis on aura l'occasion d'en reparler, mais il y avait quelque chose à faire aussi en matière de réparation, et, là-dessus, on a une opportunité qu'on ne peut pas laisser passer. Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. M. le ministre.

M. Boulet : Oui. Merci, Mme la Présidente. Peut-être le premier point, là, l'application de la présomption, évidemment qu'on est sensibles aux accidents, aux maladies qui ont une connotation psychologique. C'est la raison pour laquelle c'est une avancée considérable d'inclure le trouble de stress post-traumatique, parce que vous m'avez souvent entendu dire que 67 % des réclamations découlant... ou de nature psychologique découlent de troubles de stress post-traumatique. Et évidemment il faut s'assurer que la condition reliée à ce diagnostic-là soit bien claire. Et c'est la raison pour laquelle on mentionne que ça implique une exposition de manière répétée ou extrême à une blessure grave ou de la violence sexuelle.

Je vais essayer d'utiliser des exemples. C'est clair, dans mon esprit, que, tu sais, un policier qui est constamment exposé à de la pornographie juvénile pourrait avoir un trouble de stress post-traumatique, et la présomption s'appliquerait dans un cas comme ça. Un agent correctionnel qui assiste à un décès ou à de quoi de tragique pourrait bénéficier de la présomption. Un premier répondant, même chose, il est là, puis c'est un accident qui a des conséquences corporelles, ou des blessures corporelles graves, ou un décès, pourrait aussi bénéficier de la présomption. Donc, c'est clairement, ici, prévu que la présomption pourrait s'appliquer. Je pense que c'est une avancée considérable.

Ceci dit, dans l'état actuel du droit, il est possible aussi de faire la preuve d'un événement imprévu et soudain qui survient par le fait ou à l'occasion de ton travail, puis c'est accepté comme accident de travail, par exemple, puis je me souviens d'un cas vécu, là, tu sais, un travailleur qui décède parce qu'il est écrasé entre deux cloisons chauffantes, puis il y a des collègues de travail qui assistent à ça. Évidemment, ça génère, dépendamment de la personnalité des collègues de travail, puis du vécu, puis de plein d'autres affaires, des interventions de nature psychologique, puis il y en a qui doivent s'absenter parce qu'ils ont à gérer la perte d'un ami dans une circonstance tragique, et c'est accepté comme accident de travail.

Ça fait qu'encore une fois la présomption n'est pas une panacée. Puis que la présomption ne s'applique pas, ça ne t'empêche pas de dire que c'est un événement imprévu et soudain. Puis je réfère au cas que vous souleviez, collègue, là, pour la personne qui est préposée aux bénéficiaires, qui assiste à un événement particulièrement tragique dans le contexte de la pandémie. La personne peut faire une réclamation à la CNESST puis voir sa réclamation acceptée à titre d'accident de travail. D'ailleurs, le pourcentage des réclamations acceptées durant la période pandémique est très élevé, là.

Ça fait qu'il faut juste faire les nuances qui s'imposent, là, puis ne pas ouvrir la porte pour que ça devienne applicable dans toute circonstance. Mais on est manifestement sensibles à tout ce qui est d'origine psychologique. Je demanderais peut-être au greffier de grossir le caractère pour le deuxième élément, s'il vous plaît, là. Peut-être encore un peu. Bon.

Maintenant, pour le deuxième point, un peu de même nature, là, pour le trouble mental ou du comportement, bon, vous référez à l'épuisement professionnel, trouble de l'adaptation, anxiété, dépression, bon. Évidemment, puis là je ne veux pas jouer au médecin, là, ce n'est pas des diagnostics clairs, ce n'est pas toujours vérifiable par des éléments objectifs, mais il n'y a rien qui empêche, c'est vraiment du cas par cas.

Puis ce n'est pas opportun, là, d'embarquer dans une description comme ça puis de dire... avec une condition de travail. Je pense que, là, on est dans un entonnoir sans fin pour les maladies de nature psychologique. Il faut vraiment laisser la marge d'appréciation aux décideurs, que ce soit la CNESST, ou le réviseur, ou au Tribunal administratif du travail, de vérifier c'est quoi, les faits, puis est-ce que ça donne ouverture à l'application d'un accident de travail ou d'une maladie professionnelle. Parce que ça peut être caractéristique du travail, ou relié aux risques particuliers du travail, ou, dans certains cas, là, une rechute, récidive, aggravation, mais ça, ça ne m'apparaît pas relever de l'application d'une présomption, même si elle est relative et renversable. Merci, Mme la Présidente.

• (11 h 30) •

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Député de Bonaventure.

M. Roy : Merci, Mme la Présidente. J'aime bien l'amendement de mon collègue, parce que nous allions en déposer un de cette nature-là. Je me souviens d'une rencontre que j'ai eue avec des travailleuses sociales, où ces gens-là étaient terrorisés à l'idée de laisser des enfants dans des milieux pathogènes parce qu'elles n'avaient pas les moyens, les ressources, le soutien pour les sortir de ces milieux-là. Puis ce sont des gens qui se sont retirés du travail, pour certaines d'entre elles, parce qu'elles n'étaient plus capables de laisser des enfants dans des situations aussi inacceptables.

Et là ça me ramène à un peu la réforme qu'il y a eu dans le système de santé. Puis là je viens de trouver un article puis je veux juste lire un petit passage, là, on parle de la méthode Toyota, là : «Or, l'implantation de cette philosophie de gestion constitue, selon eux, "l'une des réformes les plus brutales qu'aura connues dans son histoire le système de santé et [des] services sociaux [du Québec]".» Je ne sais pas combien d'infirmières, de professionnels de la santé que j'ai rencontrés en état de détresse parce qu'ils étaient obligés de contrevenir à leur code de déontologie et, souvent, de faire des actes qu'on considérait inadmissibles.

Ça fait que, dans le système de santé en soi, on a une toxicité. Entre autres, je dirais, une toxicité d'une certaine gouvernance qui engendre un nombre phénoménal de burn-out, d'épuisements professionnels, et de situations, et de troubles psychologiques de toutes natures. Mais ça, c'est lié à quoi? À la gouvernance. Ce n'est pas drôle, là. La méthode de gestion dans le système de santé actuellement est pathogène, génère de l'anxiété, du stress, etc.

Puis je comprends bien, là, que, dans votre libellé, là, c'est à sa plus simple expression, l'émergence de troubles psychologiques, mais il y a des situations de désespoir chez des professionnels qui sont engendrées par un mode de gestion qui les oblige à abandonner des gens et à être témoins de situations de violence ou de quoi que ce soit, et qu'elles ne peuvent agir ou réagir.

Ça fait que ça, là, j'ouvre un autre pan, là, mais il y a de quoi là, là. Ça fait que, tu sais, si on veut faire de la prévention dans le système de santé, on fait quoi? On change la gouvernance? On fait quoi? Comment on fait pour diminuer le stress et les problèmes de santé mentaux, qui sont devenus une pandémie dans... Écoutez, ce n'est pas compliqué, on manque de monde. Pourquoi? Ils ne sont plus capables.

Ça fait que, là, je comprends bien que, bon, quand tu arrives, tu es devant un événement extrême, de morbidité absolue, bon, ce n'est pas facile, mais c'est parce qu'il y a des situations qui sont tout aussi dramatiques pour des... puis je reviens aux travailleurs sociaux, là, pas capable d'enlever un enfant d'un milieu que tu sais pathogène, tu n'en dors pas la nuit. Vous comprenez, là?

Ça fait que c'est pour ça que je trouve que l'amendement de mon collègue est intéressant puis qu'il y a de quoi là. Il faut en jaser, parce qu'il y a des réalités qui existent dans certains milieux, entre autres le milieu de la santé, qui nous obligent à réfléchir puis à pousser de l'avant la réflexion sur les troubles de santé, les troubles mentaux. Voilà.

M. Boulet : C'est intéressant, ce que vous soulevez, collègue. Évidemment, on va en discuter beaucoup dans le volet prévention de notre réforme puis, vous allez voir, on tient compte notamment des risques psychosociaux. Il faut que les organisations identifient les risques de nature psychologique dans leurs propres environnements de travail puis ne pas seulement les identifier, mais les contrôler puis les éliminer. Et ça fait référence à l'ensemble des secteurs d'activité au Québec, pas seulement les groupes prioritaires 1 et 2. Et moi, je serai fier d'en rediscuter quand on va être rendus au bloc prévention, de tout ce qu'on met en place pour accroître par les mécanismes, autant de prévention que de participation des travailleurs à l'élimination de ces risques-là de nature psychologique.

Évidemment, il y aurait peut-être un procès, là, que vous faites en partie, du réseau de la santé. Évidemment, je n'embarquerai pas dans un... je ne ferai pas de jugement, là, mais je sais, ceci dit, parce que j'ai des amis, j'ai des connaissances qui sont dans le réseau de la santé, qui font un travail remarquable au plan humain puis qui jouent un rôle fondamental pour la société québécoise, particulièrement en temps de pandémie, mais en tout temps, parce que c'est des personnes dévouées qui s'assurent d'une qualité de soins, puis ils le font avec énormément d'humanité... Puis indépendamment de ce qu'ils font, ils sont là pour servir la population, aider puis accompagner les personnes qui ont besoin de soins de santé qui soient compatibles avec leurs attentes. Puis je partage totalement votre point de vue. Ça, ça fait appel à la prévention, là. Il faut que ça devienne un incontournable partout. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, député de Bonaventure.

M. Roy : Merci à mon collègue d'Hochelaga-Maisonneuve de me laisser juste finir ce petit bout-là. On ne peut pas la faire de manière rétroactive, la prévention. C'est ça, le problème qu'on a. Puis moi, je considère, en appui avec mon collègue, que ce qu'il propose là, ça vient protéger des gens qui ont subi des préjudices d'un nouveau mode de gestion.

Puis là je sais que vous ne voulez pas faire de procès ou d'aller outre mesure dans toute la gouvernance du système de soins au Québec, mais il n'en demeure pas moins qu'il y a des gens, on a des personnes devant nous, qui ont subi un préjudice. On ne peut pas faire de la prévention de manière rétroactive, mais on peut enchâsser des modifications dans la loi qui vont permettre de les protéger en termes d'indemnisation. Voilà. Je laisse la parole à mon collègue député d'Hochelaga-Maisonneuve.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. À vous la parole, effectivement.

• (11 h 40) •

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Entièrement d'accord avec les propos de mon collègue de Bonaventure, là. C'est vrai que c'est une chose de vouloir faire de la meilleure prévention, là, puis on l'attend, on s'y attend, mais il y a, en effet, des gens qui sont là déjà avec des problèmes.

Je veux revenir sur quelques points que le ministre a mentionnés tantôt, là, pour clarifier des choses. D'abord, il a dit : On ne veut pas que ça soit applicable en toutes circonstances. C'est les mots que vous avez utilisés, M. le ministre, mais ce n'est pas ça qu'on fait, de toute façon, puis ce n'est pas ça qu'on fait avec aucune des maladies qui sont dans votre règlement. Aucune de ces maladies-là n'est applicable en toutes circonstances.

Puis la plupart des maladies ont un libellé assez simple et assez court. C'est plutôt la norme, d'avoir des libellés assez simples et assez courts — je reviens à la question du syndrome d'état de stress post-traumatique — c'est plutôt l'inverse, l'exception, c'est quand on a des libellés qui sont bien compliqués puis qui rajoutent des... parce que plus on donne des précisions, plus on exclut d'autres potentialités qu'on veut peut-être exclure ou auxquelles on n'a pas réfléchi précédemment. Je donnais l'exemple de la COVID, mais il y en a plein d'autres, certainement, auxquels je ne pense pas en ce moment puis qui pourraient advenir. Puis là, ah! bien, zut! on n'y avait pas pensé, personne, puis, bien là il ne pourra juste pas bénéficier de la présomption.

Puis quand vous disiez aussi, M. le ministre : Ce n'est pas une panacée, la présomption, ça, je ne peux pas être plus en désaccord de ce que vous dites là, là. Peu importe le terme qu'on utilise, la présomption, c'est tellement important. C'est de ça qu'on parle ici. Sans la présomption, là, le chemin de croix que doit traverser un travailleur ou une travailleuse pour obtenir gain de cause, il est très difficile. Il doit démontrer, lui, le lien entre le travail puis sa maladie. Quand il y a une présomption, on renverse le fardeau de preuve, on l'a expliqué 100 fois, mais je vais le réexpliquer encore, c'est fondamental. C'est tellement difficile. Puis là je pense en particulier aux travailleurs non syndiqués, qui n'ont pas le bénéfice d'avoir une représentation. Parfois, ils peuvent se faire accompagner par des groupes comme l'UTTAM, qui font un excellent travail, et leurs groupes frères et soeurs dans les différentes régions du Québec, mais il y en a beaucoup, là, qui doivent se présenter là seuls ou à peu près seuls, qui n'ont pas le bénéfice d'avoir un appareil syndical avec des conseillers et des avocats qui viennent les défendre. Puis, même quand c'est le cas, ce n'est pas évident non plus de pouvoir gagner.

Donc, le ministre a raison de dire que c'est possible de gagner quand même, de faire un cas, mais attention, là, la présomption, c'est tellement important. C'est de ça qu'on parle, de toute façon. C'est ça, la bataille qu'on a depuis plusieurs jours puis qu'on continue aujourd'hui. Ça fait qu'il ne faut pas non plus diminuer l'importance de la présomption. Je ne sais pas si c'est une panacée, mais c'est quand même foutrement important, puis je veux bien qu'on le précise.

En ce qui a trait au trouble mental et du comportement, le ministre semblait trouver que notre libellé, là, du «genre de travail» était trop compliqué. Puis, cela dit, on l'a travaillé en fonction de la section 2.4 de la liste de l'OIT, de l'Organisation internationale du travail, et des facteurs de risque définis par l'INSPQ, une institution bien québécoise qui nous est bien utile en ce moment, en pleine pandémie. Donc, on ne l'a pas écrite sur un bout de table. On est allé chercher des choses qui étaient déjà écrites dans ces deux institutions-là, qui sont des institutions sérieuses et respectées, pour construire le libellé. Je suis pas mal convaincu que, si le ministre avait voulu, de sa propre initiative, nous amener un libellé sur le trouble mental et du comportement, probablement que ça aurait ressemblé à ce qui est devant nous à quelques variantes près.

Et, en terminant, quand M. le ministre dit : Bien, il faut laisser une marge de manoeuvre au tribunal pour vérifier les faits, bien, c'est le cas de toute façon. C'est le cas, qu'il y ait présomption ou pas. La présomption ne vient pas retirer une marge de manoeuvre au tribunal pour vérifier les faits. Il a toujours l'obligation de s'assurer qu'il a une maladie puis qu'il a un travail. On n'est pas dans le débat de tantôt, de ce qu'on appelle le côté irréfragable, là. C'est une présomption. On renverse le fardeau de preuve, mais le tribunal, il doit quand même regarder ce qui se passe puis il doit quand même y avoir une preuve qui se présente du côté du travailleur puis une preuve qui se présente du côté de l'employeur. Ça, il n'y a rien qui est changé. Ça fait que je ne suis pas sûr que je comprends les arguments qui me sont soulevés.

Après ça, s'il y a une crainte de voir des nouveaux coûts apparaître au régime. Alors là, bien là, je suis prêt à entendre d'autres types d'arguments, mais qu'on soit clair sur les types d'arguments dont on est en train de discuter. Ce n'est pas des arguments techniques ou des arguments de tribunal. Ça, on sait comment ça fonctionne, la machine. Si c'est des arguments de coût, parlons-en. Parlons-en, des cotisations, parlons-en, de l'économie générale du régime. Est-ce qu'on a assez d'argent dans le fonds de la CSST? Est-ce qu'il y a lieu de retravailler des manières de rendre un peu plus les reins solides pour pouvoir aller dans ce secteur-là des troubles de maladies mentales?

Parce que je pense que M. le ministre, il a une bonne lecture de la situation puis il le dit souvent, des fois, il ne veut pas nécessairement aller plus vite, mais je pense qu'il sera d'accord avec moi quand on va dire qu'on va invariablement y arriver, à une reconnaissance plus solide des troubles mentaux et du comportement dans la loi, dans le côté de la présomption. Moi, j'aurais aimé ça qu'on bénéficie aujourd'hui de l'ouverture de la loi, puis de la révision de la loi, puis de tout le débat qu'il y a en cours en ce moment dans la société sur la santé mentale pour faire ce pas-là, mais qu'on le fasse.

Après ça, à ce que ça soit un grand pas, à ce que ça soit un demi-pas, rendu là, honnêtement, Mme la Présidente, je me contenterais de quelques orteils, je pense, mais qu'on ouvre le chantier qu'on se refuse en ce moment à faire, peut-être, malheureusement, pour des coûts, des arguments monétaires. Mais je trouve ça dommage qu'on manque cette opportunité-là puis qu'on inscrive dans l'histoire cette avancée-là, technique, quitte à ce que d'autres avancées arrivent plus tard, mais qu'on ait ouvert le chemin. Là, on se refuse de le faire, on reste sur la ligne de départ alors qu'on connaît la crise de santé mentale. Je trouve ça dommage, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. M. le ministre.

M. Boulet : Bien, quelques commentaires. J'apprécie l'approche évolutive de mon collègue. D'ailleurs, c'est la raison pour laquelle on met sur pied un comité scientifique qui va nous guider par des avis et des recommandations, notamment pour les maladies de nature psychologique. Puis, quand mon collègue dit : J'aimerais au moins mettre quelques orteils, on a déjà mis un pied avec le p.l. n° 59 quand on dit : Dans les programmes de prévention, il devra y avoir une identification, un contrôle et une élimination notamment des risques psychosociaux. Ça varie tellement d'un environnement de travail à un autre.

Et c'est un exercice, à mon avis, qui revient au coeur de notre réforme, c'est-à-dire prévention, prévention, prévention. Et je suis d'accord, mais on ne peut pas généraliser puis utiliser des textes indépendamment de la réalité factuelle des cas pris séparément, à leur mérite.

Puis, en fait, dernier point sur l'Organisation internationale du travail, bon, mon collègue sait le respect que j'ai pour cette institution internationale, mais, dans la liste des maladies professionnelles de l'OIT, ce n'est pas pour fins d'application de présomption, c'est pour fins de prévention. Et la prévention, c'est ce que nous faisons, avec le p.l. n° 59. Puis tout ce qui est d'ordre psychologique, on est intéressé, les risques psychosociaux en sont la preuve.

Et, dernier point, même les troubles de stress post-traumatiques... encore une fois, la majorité des réclamations découlent, sont des conséquences de troubles de stress post-traumatiques. Par ailleurs, il y a beaucoup de troubles de stress post-traumatiques, en l'absence de l'application de la présomption, qui ont déjà été acceptés à titre d'accident de travail puis d'autres, qui ne découlent pas de la définition des conditions particulières qu'on a dans le p.l. n° 59, qui sont aussi acceptables et acceptés à titre d'événement imprévu survenu par le fait ou à l'occasion du travail. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci.

M. Leduc : Peut-être, une question de suivi, Mme la Présidente. Le ministre nous ramène la question du comité scientifique, que nous discuterons plus tard, après l'adoption du règlement, certainement. Moi, je veux donc clarifier une chose, là, c'est que le ministre semble dire : O.K., on bouge un peu sur la prévention. C'est bien, mais on n'est pas nécessairement rendu là pour la réparation. C'est le comité scientifique qui regardera tout ça, etc. Moi, je veux clarifier et je demande au ministre de s'engager. Est-ce que, dans un scénario où le comité scientifique va proposer d'inclure le trouble mental ou du comportement, de la manière qu'on le propose aujourd'hui ou d'une autre, est-ce qu'indépendamment de ce que ça représentera comme coût le ministre va procéder avec la recommandation du comité scientifique d'inclure, l'éventuelle recommandation du comité scientifique d'inclure les maladies professionnelles... l'épuisement dans les maladies professionnelles?

M. Boulet : Bien, certainement, comme je l'ai déjà mentionné. En même temps, il faut préserver l'indépendance et l'objectivité de ce comité scientifique là, là. Moi, je peux lui demander des avis. Puis la santé psychologique, particulièrement chez les femmes, oui, on a convenu que ça allait faire l'objet d'une demande de réflexion de la part du comité scientifique, puis ça... Pour moi, c'est évident que ce qu'on veut faire dans l'avenir, c'est respecter la science, respecter l'évolution de la médecine et s'assurer d'avoir un règlement sur les maladies professionnelles présumées qui soit respectueux de ces avancements-là, tant scientifiques que médicaux. Merci.

M. Leduc : Ce que je voulais préciser, dans le fond, deux choses. Juste, on revient une seconde sur la prévention, là, c'est intéressant, mais le ministre sera d'accord avec moi que, si on rajoutait une présomption, ça va être un méchant incitatif à faire de la vraie prévention. C'est un peu pour ça, d'ailleurs, qu'on met toutes sortes de maladies professionnelles, c'est pour s'assurer qu'il y a de la vraie prévention à l'origine. Fermons la parenthèse.

Ma question, là, la clé de ma question de votre engagement tantôt, c'était indépendamment du coût. Donc, si le comité scientifique, à l'issue de sa revue de littérature, de ses argumentations, vous recommande, nous recommande, à la société mais à vous particulièrement, de rajouter l'épuisement professionnel, le trouble d'adaptation, l'anxiété, la dépression ou tout autre trouble de cette nature dans la liste des maladies, donc, indépendamment des coûts que ça va représenter pour la CNESST, vous allez procéder?

M. Boulet : Bien, écoutez, ce sera une décision à prendre par le Parlement, ce sera une décision politique, mais, à moins d'un impératif, je ne vois pas comment on pourrait justifier le non-respect d'un avis ou d'une recommandation du comité scientifique. Je pense que c'est la meilleure réponse que je peux vous donner.

M. Leduc : Ça va être la réponse que j'aurai pour aujourd'hui. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, député de Nelligan.

• (11 h 50) •

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. En fait, c'est toujours dans la même logique des collègues, par rapport à toutes les discussions au niveau des troubles psychologiques. Et j'ai entendu le ministre parler du comité scientifique et je pense que, depuis qu'on a commencé à parler des maladies professionnelles, je pense que la liste, elle est déjà pleine, du comité scientifique. Donc, je ne sais pas c'est quoi, l'ordre des priorités, mais je ne veux pas qu'à chaque fois qu'il y a un blocage quelque part que... qu'est-ce qu'on fait, on envoie ça au comité scientifique.

Je pense que je partage le point de vue du ministre que le comité scientifique doit avoir une indépendance, mais la problématique soulevée par le collègue député d'Hochelaga-Maisonneuve est importante, surtout concernant certains secteurs. Et c'est là où on doit tous avoir une réflexion à l'extérieur de la boîte pour certains secteurs d'activité, que ce soit... surtout au public, où on voit des taux ou des problèmes liés au stress, à la détresse psychologique. Et on l'a vu, moi-même, Mme la Présidente, j'ai déposé un projet de loi pour reconnaître la détresse psychologique pour les agriculteurs et les entrepreneurs, chose qu'on oublie souvent, parce qu'il y a aussi des patrons qui souffrent en silence et qui n'ont pas accès à aucun, je dirais, aucun... Il y a un programme pour les agriculteurs, pour les accompagner, mais, au niveau des entrepreneurs, il n'y en a pas.

Mais je veux juste qu'on garde en tête que, oui, le comité scientifique va jouer un rôle, mais j'ai l'impression, j'ai l'impression, et le ministre peut me corriger, que, un, déjà, on a toute une panoplie de demandes à mettre sur la table en priorité dans la partie du règlement pour le comité scientifique. Mais il ne faut pas oublier que le comité scientifique est indépendant. On peut lui suggérer des affaires, on veut qu'il reste indépendant. Donc, est-ce que c'est le comité scientifique qui va répondre à la problématique soulevée par mon collègue député d'Hochelaga? Je ne sais pas comment le ministre voit ça, mais, à mon avis, faisons juste attention par rapport à ce qu'on va envoyer comme message au comité scientifique.

Donc, encore une fois, je nous invite juste à la prudence, parce qu'on veut beaucoup de choses du comité scientifique, et je n'ai pas envie que, quand on va trouver... on va se ramasser en face d'un problème, un blocage ou une interprétation à quelque chose qu'on ne peut pas insérer dans la loi présentement, on dit : Bien, la solution la plus facile, c'est le comité scientifique. Et on risque de perdre beaucoup, beaucoup de temps avant d'avoir un avis du comité scientifique.

Donc, est-ce qu'on ne peut pas avoir une autre réflexion autour de certaines maladies, qu'aujourd'hui, même s'il y a la littérature scientifique qui démontre l'impact sur les travailleurs... bien, les inclure autrement ou bien analyser autrement, ce genre de maladies? Voilà mon point pour le comité scientifique, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. M. le ministre, vous...

M. Boulet : Je n'ai pas de commentaire. Je suis d'accord avec...

La Présidente (Mme IsaBelle) : Parfait.

M. Boulet : Il ne faut jamais perdre de vue l'indépendance de ce comité-là. Puis effectivement il ne faut pas non plus tout envoyer au comité scientifique, mais c'est quand même ce comité-là qui va nous permettre d'avoir la perspective évolutive pour l'avenir de façon prospective. Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Député de Bonaventure.

M. Roy : Merci, Mme la Présidente. Le ministre parle beaucoup de prévention. C'est correct, là, mais j'ai comme l'impression que d'acquiescer à l'amendement de mon collègue serait une belle stratégie de prévention parce que ça créerait de l'imputabilité. On ne peut pas dichotomiser et mettre dans des boîtes différents concepts. Moi, je pense que ce qu'il y a là, là, ce serait un signal très clair aux employeurs de faire attention à ce qu'ils font, parce qu'il y aurait reconnaissance de problématique, on vient... Ça, c'est de la prévention parce que ça donne un signal clair, ça fait que ça fait partie de l'ensemble de l'oeuvre.

Puis moi, je pense que, bon, peut-être que le libellé, vous ne l'aimez pas, là, mais il peut y avoir des modifications, mais ça fait partie des outils de prévention que de sanctionner, via la reconnaissance de maladies, ceux et celles qui veulent toujours aller au bout de la capacité qu'ils ont à mettre les gens à la limite. Puis je pense qu'on a une réflexion à avoir là-dessus, tu sais. Je vous le dis, là, si le libellé, il n'est pas satisfait... puis mon collègue va sûrement en présenter d'autres, et moi aussi, bien... mais on ne peut pas, en ce qui a trait aux troubles mentaux, se restreindre à la portion de libellé que nous avons là.

Puis, je vous le dis, il va y avoir de l'autorégulation. Quand les employeurs vont voir ça, ils vont dire : Woups! On ne peut pas faire n'importe quoi. Puis, vous allez voir, ça ne fera pas... à mon avis, ça ne générera pas plus de réclamations, ça va juste sanctionner et rendre imputables ceux et celles qui ont développé un mode de gouvernance qui met les gens à bout puis qui crée une pénurie de personnel dans le réseau, entre autres de la santé, de l'éducation. On a entendu un paquet de monde, là, sur toutes sortes d'enjeux, là, mais je tiens à ce que vous réfléchissiez à ça. Ça fait partie des éléments de solution puis ça vient répondre aux objectifs que vous vous donnez. Voilà.

M. Boulet : Bien, une des grandes qualités que je reconnais à mon collègue de Bonaventure, c'est sa préoccupation vraiment ressentie pour améliorer la prévention dans les milieux de travail.

Et je vous dirais, là, que quand j'ai commencé à parler de réforme santé et sécurité, suite à mon assermentation, c'était pour améliorer la prévention. Puis je me souviens, comme praticien, d'être un peu irrité par la limitation aux groupes 1 et 2 prioritaires qui étaient dans le règlement puis de dire : Ça représente à peu près 20 %, 25 % des travailleurs puis c'est les seuls où il y a un impératif d'avoir un programme de prévention, un programme de santé, un comité de santé et sécurité puis un représentant à la prévention, comme on l'appelait à l'époque. Ailleurs, il n'y avait rien d'impératif. Évidemment, en milieu syndiqué, c'était un peu asymétrique, mais, si on fait la réforme aujourd'hui, puis on y arrive, à la prévention, c'est certainement pour améliorer ça puis faire en sorte qu'il y en ait, de la prévention, partout.

Puis ça ne s'applique pas qu'à la problématique physiologique, ça s'applique aussi aux problématiques de santé mentale ou psychique, puis ça, pour nous, c'était vraiment un incontournable, de traiter des risques psychosociaux ou de trouble de stress post-traumatique. Je pense qu'on fait un grand pas en avant. Maintenant, de l'élargir au point, encore une fois, de tout inclure... Puis la notion d'accident de travail demeure là. La notion de maladie professionnelle demeure là. Il y a des possibilités de réclamation, la plupart sont acceptées. Tu sais, dans les exemples que j'ai donnés tout à l'heure, les travailleurs qui assistent au décès, dans une aluminerie ou une papetière, d'un collègue de travail qui se fait écraser entre deux cloisons chauffantes ou quelqu'un qui vit un traumatisme important, oui, il y a possibilité. D'ailleurs, elles sont généralement majoritairement acceptées.

Mais là où mon collègue touche, met le doigt, c'est : il va falloir que les parties se prennent en charge, identifient les risques psychosociaux et trouvent des façons de bien les gérer pour éviter qu'il y ait des accidents ou des maladies liées à des risques psychosociaux. Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Y a-t-il d'autres interventions sur l'amendement déposé par le député d'Hochelaga-Maisonneuve? Il n'y a pas d'autre intervention. Nous allons procéder à la mise aux voix.

Le Secrétaire : Pour, contre, abstention. M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve)?

M. Leduc : Pour.

Le Secrétaire : M. Boulet (Trois-Rivières)?

M. Boulet : Contre.

Le Secrétaire : Pour le groupe parlementaire formant le gouvernement, M. Jacques (Mégantic)?

M. Jacques : Contre.

Le Secrétaire : Pour les membres de l'opposition officielle, M. Derraji (Nelligan)?

M. Derraji : Abstention.

Le Secrétaire : M. Roy (Bonaventure)?

M. Roy : Pour.

Le Secrétaire : Mme IsaBelle (Huntingdon)?

La Présidente (Mme IsaBelle) : Abstention. Donc, l'amendement déposé à l'article 238 est rejeté.

Alors, nous poursuivons. Y a-t-il des interventions sur l'article 238 tel que déjà amendé? Y a-t-il d'autres interventions?

M. Leduc : ...peut-être d'un autre amendement, mais, compte tenu de l'heure, on peut peut-être...

La Présidente (Mme IsaBelle) : Peut-être?

M. Leduc : Bien, ajourner, là.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Ah! effectivement.

M. Leduc : Suspendre, pas ajourner. Ajourner, on ne se verrait plus cet après-midi. On a quand même un beau quatre heures à passer ensemble cet après-midi. Je serais déçu qu'on...

La Présidente (Mme IsaBelle) : Effectivement.

Alors, compte tenu de l'heure, nous suspendons les travaux après le dîner. Merci. Alors, bon dîner à tous et à toutes.

(Suspension de la séance à 11 h 59)

(Reprise à 16 h 01)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, rebonjour. Votre attention, s'il vous plaît! La Commission de l'économie et du travail reprend ses travaux.

Nous poursuivons l'étude détaillée du projet de loi n° 59, Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail.

Lors de la suspension de nos travaux, cet avant-midi, nous en étions à l'étude de l'article 238 amendé. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur cet article? Député de Bonaventure.

M. Roy : Mme la Présidente, j'aurais un amendement à déposer.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Est-ce qu'il est prêt?

M. Roy : Oui, vous l'avez.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Il est déjà acheminé, mais nous allons quand même suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 02)

(Reprise à 16 h 10)

M. Roy : Merci, Mme la Présidente. Donc, je dépose l'amendement, Mme la Présidente, qui vient, je dirais, circonscrire un peu l'enjeu de la santé mentale et qui se lit comme suit, bon :

Article 1 :

1° par la suppression de la section VII de l'annexe A du Règlement sur les maladies professionnelles;

2° par l'ajout, à la fin de l'annexe B du Règlement sur les maladies professionnelles, de, bon :

«Section VII - Troubles mentaux.

«Maladies.

«Syndrome ou état post-traumatique.

«Trouble mental ou de comportement (épuisement professionnel, trouble de l'adaptation, anxiété, dépression ou tout autre trouble de cette nature, incluant toute combinaison de ces troubles).

«Conditions particulières.

«Avoir exercé un travail impliquant une exposition, en tant que victime ou témoin, à un ou des événements traumatisants.

«Avoir exercé un travail impliquant une exposition, en tant que victime, à du harcèlement psychologique ou sexuel, à de la violence verbale, à des menaces dirigées contre soi, ses proches ou ses biens.»

Donc, ce qui change, c'est, bon, on a éliminé l'enjeu du témoin, bon, qui pouvait porter à confusion puis qui donnait une portée trop large à la reconnaissance. Et puis à la fin du libellé, là, donc, où c'est bien... Donc, j'essaie de me... On a éliminé : «ou encore avoir exercé un travail impliquant une charge de travail élevée, une faible latitude décisionnelle, une faible reconnaissance, un faible soutien social ou toute combinaison de ces facteurs».

Donc, la morale de l'histoire, c'est que les problématiques de santé mentale sont de plus en plus présentes dans différents secteurs d'activité. J'ai souligné, cet avant-midi, l'enjeu de la gouvernance et des milieux de travail de plus en plus toxiques qui engendraient un épuisement professionnel et un retrait prématuré de certains travailleurs du domaine dans lequel ils sont. J'ai donné l'exemple, aussi, des travailleurs sociaux qui sont face à des situations extrêmes, et ils ne peuvent exercer leur pouvoir pour sauver un enfant, ou etc. Donc, ce sont des situations qui peuvent engendrer des problèmes majeurs.

Et je considère que de se restreindre, dans le projet de loi... strictement trouble de stress post-traumatique, c'est assez minimaliste. Nous devons intégrer les travailleurs qui vivent des situations dramatiques, mais qui ne sont pas strictement soumis à des situations extrêmes, là, bon, comme blessure grave, violence, bon, etc., mort. Ça fait que je pense que le débat mérite d'être poursuivi.

Bon, on a toutes sortes de documents, bon, entre autres, ici, de Fédération des médecins spécialistes, qui recommande... bon, qui « s'expliquent mal — juste une citation — que le législateur n'ait pas saisi l'occasion de réellement bonifier la liste des maladies professionnelles reconnues, surtout en matière de troubles psychologiques. Le seul ajout concerne le trouble de stress post-traumatique et les critères pour le faire reconnaître sont tellement restrictifs que l'accès à l'indemnisation est presque théorique.»

Ça fait que, là, à un moment donné, on peut bien l'écrire, là, mais, en même temps, il faut qu'il y ait une réelle portée et que l'on reconnaisse qu'il y a des gens qui subissent de réels préjudices. Et, écoutez, on vous demande d'acquiescer à cette demande-là. On a réduit la portée du libellé, mais, pour qu'on parle de réelle modernisation qui va toucher un nombre considérable d'individus, bien là je pense qu'on a une proposition qui, à mon avis, est raisonnable et, qui plus est, touche, bon, les domaines de la santé et de l'éducation où on a une majorité de femmes qui vivent ce genre de situation là. Ça n'exclut pas les hommes, mais, en réalité, ce sont ces domaines-là qui sont visés. Donc, j'aimerais que le ministre nous explique sa position.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. M. le ministre.

M. Boulet : Merci, Mme la Présidente. Oui, j'ai expliqué ma position, ce matin, à des amendements présentés par le collègue d'Hochelaga-Maisonneuve qui portaient sur le même sujet, disons. Ceci dit, je pense qu'il faut que je rende hommage à la préoccupation du collègue de Bonaventure. Effectivement, quand vous référez au harcèlement psychologique et sexuel, ça peut engendrer des problématiques dans un milieu de travail. Je rappellerais que 60 % des réclamations à connotation psychologique découlent de troubles de stress post-traumatique.

En même temps, en matière... Je vais m'attarder au harcèlement sexuel et psychologique. Comme vous savez, c'est maintenant prévu, le harcèlement psychologique, dans la loi sur les normes depuis plusieurs années maintenant, le harcèlement sexuel, depuis juin 2018. Et il y a des recours, à la CNESST, non seulement quand il y a des problématiques de prévention, mais de correction aussi pour imposer... Il y a six ou sept mesures que la commission peut imposer à l'employeur pour mettre fin au harcèlement. Et la loi impose même une obligation de prévenir, donc d'adopter une politique en matière de harcèlement psychologique et sexuel.

Donc, c'est un corridor de recours. Puis je ne souhaite pas que ça se judiciarise, mais il y a quand même la possibilité de soumettre une plainte en vertu de la Loi sur les normes du travail dans des cas similaires et, l'autre corridor, en vertu de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, s'il y a un événement, et ça peut faire l'objet d'une acceptation suite à une réclamation, suite à un événement imprévu et soudain qui survient par le fait ou à l'occasion du travail ou même si c'est caractéristique du travail ou relié au risque particulier de ce travail-là.

Ça fait que je pense que ce qui nous permet de faire un grand pas en avant en matière de lésion psychologique, c'est, un, la présomption, telle qu'elle est libellée, d'une part, pour les troubles de stress post-traumatique. Et, plus tard, on va venir mettre du contenu dans la notion de risques psychosociaux qui vont devoir être identifiés dans les milieux de travail, notamment dans la santé puis dans d'autres secteurs où il y en a plus, pour s'assurer de contrôler et d'éliminer ces risques-là. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Député de Bonaventure, vous voulez poursuivre? Oui.

M. Roy : M. le ministre, il n'y a pas de présomption pour les troubles psychologiques. Donc, ça va être extrêmement difficile pour ces gens-là de faire reconnaître leurs droits. S'il y a bien des gens qui devraient avoir la présomption, ce sont ces gens-là, parce qu'ils sont fragilisés, et ils vont avoir de la misère à se battre contre la machine. Je pense que vous comprenez ce que je veux dire. Ça fait que c'est ça, l'enjeu, c'est un enjeu extrêmement... Puis je ne me souviens pas quel spécialiste nous disait : Quand les gens se battent des années puis des mois pour faire reconnaître leurs droits puis qu'ils sont affaiblis physiquement et psychologiquement, soit ils lâchent le combat puis ils ne vont pas plus loin... On en échappe, des gens comme ça. Ça fait que je pense que la présomption, dans ce cas-là, aurait sa place, puis ça serait applaudi par de nombreuses organisations. Et l'autorégulation des gouvernances par rapport à leur comportement ferait... On aurait comme un élément facilitateur, puis ça, je dois... tu sais, puis vous le savez comme moi, là.

M. Boulet : Sans vous interrompre, Mme la Présidente, c'est intéressant, tout le phénomène de la santé psychologique, puis je veux juste redire que c'est un règlement qui va être évolutif, donc plus facile à ajuster à l'état de la science aussi puis de la psychologie.

Et je veux simplement vous mentionner, collègue, que j'ai demandé un avis au comité consultatif, puis je le dis pour le bénéfice de votre recherchiste aussi, si... J'ai demandé un avis sur la santé psychologique au CCTM, et le CCTM m'a remis un avis, puis vous en avez copie, de l'avis du CCTM, puis les leaders syndicaux et patronaux qui siègent au CCTM m'ont demandé de référer ça au comité scientifique, le phénomène de la santé psychologique. Donc, ce n'est pas... Je le répète, on se donne un outil, selon moi, extrêmement agile pour s'adapter aux nouvelles réalités dans les environnements de travail, et c'est ce que nous faisons, ça fait partie des consensus du CCTM. Merci, Mme la Présidente.

• (16 h 20) •

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Y a-t-il d'autres interventions? Député de Bonaventure.

M. Roy : J'ai une définition des risques psychosociaux du travail : «Facteurs qui sont liés à l'organisation du travail, aux pratiques de gestion, aux conditions d'emploi et aux relations sociales et qui augmentent la probabilité d'engendrer des effets néfastes sur la santé physique et psychologique des personnes exposées.» C'est ça, la réalité du monde de travail de certaines de nos organisations aujourd'hui. Et ce n'est pas un phénomène qui s'amoindrit et qui s'atrophie, c'est un phénomène en expansion. Et la crise que nous vivons actuellement ne fera pas que ça va aller en diminuant.

Je réitère ma demande au ministre, encore une fois, de... Et, s'il y a des modifications à faire, pas de problème, on est négociables, mais, M. le ministre, il faut élargir la section des troubles mentaux et pas juste se restreindre à syndrome ou état de stress post-traumatique. Moi, je considère que c'est inacceptable. Il faut élargir et il faut donner la présomption à des catégories qui sont dans une situation et qui vivent des situations de... Tu sais, ils sont affaiblis, ils ne peuvent pas souvent se battre avec la machine. Donc, je vous le demande une dernière fois, si vous avez une ouverture à ce niveau-là.

M. Boulet : J'en ai, et vous allez le constater quand on va parler de prévention. J'ai plein d'ouverture sur l'identification, le contrôle et l'élimination des risques de nature psychologique. Ici, on est dans un règlement qui traite des maladies professionnelles présumées, donc les maladies qui bénéficient d'une présomption. Et, à ce stade-ci, je pense que je ne peux que vous demander d'être un peu patient, puis on va en discuter dans le bloc Prévention. Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Y a-t-il d'autres interventions? Député d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : Oui. Mme la Présidente, il faut arrêter de... il faut faire la différence, là, entre la prévention puis la réparation. Puis ce n'est pas parce que, là, il va y avoir, peut-être, des avancées en prévention que ça nous donne la latitude pour dire qu'on n'a pas besoin d'en faire en réparation, puis c'est ça, tout le côté dommage d'avoir fait une réforme avec ces deux aspects-là en même temps. Parce qu'on commence à vouloir laisser entendre que, oui, bien là peut-être que je ne bouge pas d'un côté, mais je vais bouger de l'autre, ça fait que ce n'est pas si grave ou ça s'équilibre, alors que ça n'a pas à s'équilibrer, la santé-sécurité du travail d'un volet de prévention puis réparation. C'est deux choses profondément distinctes.

C'est tellement deux choses profondément distinctes que, dans le milieu de travail, j'imagine que c'est comme ça dans le milieu des avocats, dans les firmes, en tout cas, dans le milieu syndical, c'est comme ça, c'est tellement... C'est une bulle, hein, une bulle dans... un État dans l'État, la SST, comme je l'ai déjà dit, mais ce qu'on ne sait pas, c'est qu'il y a aussi un État dans l'État dans l'État. Puis, au sein de la gang de bizarres, là, qui connaissent le langage de la SST, là, puis qui se réunissent dans leur coin dans les congrès syndicaux, bien, il y a deux gangs. Il y a ce qu'on appelle les préventionnistes puis ceux qui font l'indemnisation. Puis, souvent, ils connaissent un peu les deux, mais ce n'est pas les mêmes gangs. Puis, quand tu vas faire des formations à l'université, tu fais des formations pointues soit en prévention ou soit en indemnisation. Tout le monde connaît un peu des deux dans ce milieu-là, mais c'est deux univers différents.

Puis là ce qu'on nous sert comme argument, c'est : Ah! bien... Ah! je ne peux pas bouger là-dessus, mais je vais bouger en prévention tantôt. Oui, ce n'est pas... ça ne marche pas comme ça. C'est deux lois différentes, puis on n'est pas... Il ne faut pas commencer à promettre du mouvement d'un bord en disant : Mais donc je n'en ferai pas de l'autre bord. C'est deux choses distinctes.

Je remercie mon collègue de Bonaventure d'avoir fait encore du millage là-dessus. Puis peut-être que mon dernier argument sera le suivant, puis c'est un argument qui s'applique peut-être autant dans ce cas-là, mais, dans l'économie générale du projet de loi du ministre, le mot-clé que le ministre utilise tout le temps, c'est le mot «modernisation» : On modernise, on modernise, on modernise. Moi, j'ai entendu, là... ça fait quand même plusieurs mois, plusieurs semaines qu'on travaille sur ce projet de loi là. J'ai rencontré des dizaines et des dizaines de travailleurs, j'ai même rencontré des patrons. Il y en a, des organisations patronales qui ont demandé des rencontres avec moi. C'était une première. J'étais bien excité, j'étais bien content. Ça démontrait qu'on était rendu un acteur incontournable du débat ici, sur la colline Parlementaire.

Mais, blague à part, ce que j'entendais, c'est que, bon, modernisation, qu'est-ce qu'on a comme avancées substantielles pour les travailleurs, ceux qui sont les premiers concernés par la santé et sécurité au travail? On a des petites affaires, là. Je ne veux pas dire qu'il n'y a rien dans ce projet de loi là. Ce n'est pas ça, ma ligne depuis le début, puis je ne la changerai pas aujourd'hui. Il y en a, des affaires, mais des avancées fondamentales, là, c'est essentiellement l'élargissement de la couverture de la prévention. Mais ça, c'est un dossier non réglé, c'est un dossier qui a déjà deux prises au bâton, puis là on attend la troisième balle, puis j'ai confiance que la troisième balle va être la bonne. Mais des vraies avancées substantielles pour les travailleurs, travailleuses, il n'y en a pas tant que ça. Il y a des gros reculs ou, en tout cas, des perceptions de recul, puis, la plupart du temps, ces reculs-là sont dans la réparation, sont dans la loi, la LATMP.

Ça fait que qu'est-ce qu'on peut mettre sur la table comme avancées substantielles en réparation? Il y a quelques éléments qu'on met de l'avant, il y a le parkinson, finalement, que le ministre a bougé. Puis moi, je le reconnais. Puis, tu sais, je veux dire, c'est un échange dynamique qu'on a ici, dans la commission, puis c'est agréable, c'est stimulant, mais là celui-là, là, il serait intéressant, parce que c'est gros morceau, c'est un gros morceau. Puis, comme on le disait ce matin, il y a lieu, peut-être, de faire un petit pas, de ne pas tout régler d'un coup, là, avec ça, mais de faire quand même un petit pas. Puis, une dernière fois, bien, je l'appelle de mes voeux à faire ça puis je réitère, de manière générale, qu'il faut qu'il y ait quand même aussi des avancées substantielles, des nouvelles choses pour les travailleurs dans le reste du projet de loi. Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci.

M. Boulet : Je ne peux pas ne pas intervenir à ce stade-ci, Mme la Présidente, je suis vraiment opposé à cette déclaration-là. Si on fait de la prévention, puis on va en faire plus, puis c'est le coeur du projet de modernisation ou de réforme, là, je ne tiens pas à des mots un plus que l'autre, mais c'est de diminuer le taux des lésions professionnelles, c'est d'avoir des travailleurs puis des familles en santé. Puis, si on ne va pas là, on n'en fera pas, de réforme ou de modernisation.

Ceci dit, il n'y a pas de sacrifice en matière d'indemnisation, au contraire. Ceux qui tiennent ce discours-là, qu'ils viennent s'asseoir avec nous puis qu'ils lisent le projet de loi n° 59. La gouvernance, ce n'est pas rien, ce qu'on a fait. Il y a 27 articles en matière de gouvernance. Et on s'est mis en ligne avec la façon moderne de gérer une institution comme la CNESST, la réadaptation avant, consolidation et atteinte permanente, si je ne m'abuse, là, c'est bénéfique au travailleur, surtout la façon dont on le fait, avec l'accompagnement, la collaboration du médecin traitant.

Puis, même si un groupe comme l'UTTAM ne serait pas parfaitement d'accord, ils sont conscients qu'on a fait des avancées considérables, parce qu'on va diminuer la chronicisation des lésions professionnelles puis on va diminuer le nombre de laissés-pour-compte. Pour moi, c'est une avancée à laquelle nous avons, tous les quatre partis, contribué.

Le médecin traitant, la Santé publique, le devoir d'accommodement, ce n'est pas n'importe quoi. Tu sais, c'est une décision de la Cour suprême du Canada, mais le devoir d'accommodement, si je ne m'abuse, la façon dont on l'a écrit dans le p.l. n° 59, que nous avons convenue, c'est au bénéfice du travailleur. Le devoir d'accommodement raisonnable, il n'y a pas un syndicat qui m'a dit que ce n'était pas favorable au travailleur, ultimement. Le télétravail, le parkinson, le retour progressif, les travailleuses domestiques, ce n'est pas peu, il me semble, c'est 18 000 travailleuses.

Moi, me dire, là, qu'on n'a pas fait grand-chose, je regrette, là, mais on peut faire une réforme à 2 500 articles comme on peut en faire une à très peu d'articles, on a décidé d'être correctement ambitieux. Puis la prévention puis l'indemnisation, pour moi, là, ça va main dans la main, il y a une cohésion entre les deux. Je veux qu'on en ressorte en disant : Ce ne sera pas parfait. Il y a 120 groupes qui vont nous dire : Ce n'est pas parfait.

Tout sera perfectible, puis je sais que mon collègue a négocié amplement pour savoir... Puis les grands experts en négociation raisonnée vont tous convenir que, quand les deux parties sont modérément insatisfaites, c'est un bon règlement. Quand nous quatre serons modérément insatisfaits, ce sera un bon projet de loi. Puis, au CCTM, la même affaire, il y a des affaires qui ne font pas... qui ne sont pas compatibles avec les intérêts syndicaux, d'autres avec les intérêts patronaux. Il y a des audiologistes qui vont dire : C'est blanc, d'autres vont dire : C'est gris, d'autres vont dire : C'est... Oui, tout à fait, le comité scientifique, le CCTM, en santé psychologique, on fait des avancées considérables.

Je le dis avec respect, là, mais, même si on n'est pas... On est quand même assez avancés, là, dans le projet de loi, je pense qu'on peut finir, puis mon objectif, c'est bien de finir Indemnisation. Cette semaine, on a fait des avancées quand même magnifiques pour les milieux de travail, mais tout le monde est en mode négociation, tout le monde. On ne sera pas, nous quatre, satisfaits, imaginons les groupes qui ont des intérêts. Puis je ne le dis pas de façon péjorative. Tout le monde a des intérêts sains et légitimes. Présumons de la bonne foi de tous ceux qui interviennent pour nous mettre de la pression à moi, à vous, chacun de votre côté, tout à fait. Mais on est des législateurs, on est des parlementaires. Je pense qu'il faut s'élever au-dessus de l'ensemble des intérêts divergents.

Et je me souviens d'un chef syndical qui me disait, puis qui n'avait pas la langue dans sa poche : Jean, à un moment donné, c'est vous autres, l'arbitrage. Il n'y en aura pas, d'unanimité. Puis il y a même des consensus qu'on n'est pas capable de faire, mais, un moment donné, on se dit : On est d'accord qu'il y a un désaccord, mais on avance, mais, au moins, on va aller nettement plus en avant.

Puis le comité scientifique, là, en matière d'indemnisation, ça a une valeur inestimable. Puis, quand j'ai demandé mon avis, là, l'avis du CCTM, le premier, en 2017, vous en avez eu copie. Le deuxième avis, c'est moi qui l'ai demandé, sur la santé psychologique. Il y a eu un rapport, vous en avez eu copie. Et, sur la santé psychologique, c'est clair que le comité scientifique était l'outil à privilégier. Là, on parle d'un règlement sur des présomptions. Je pense qu'on a fait des grands pas en avant puis je pense que le parkinson est un ajout extrêmement intéressant. Puis le reste, il y a des avancées.

Moi, je suis fier de ce que nous avons fait à date. On a encore beaucoup à faire, mais je ne peux pas ne pas réagir de cette manière-là puis je suis convaincu que, dans son for intérieur, le collègue d'Hochelaga-Maisonneuve est en bonne partie d'accord avec moi, pas totalement, mais en partie d'accord.

• (16 h 30) •

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci, M. le ministre. On ne lui demandera pas son avis, mais il a l'air d'accord.

M. Leduc : Ah! pourquoi pas? J'ai envie de le donner, moi, mon avis.

Des voix : Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme IsaBelle) : Vous avez l'air d'accord. Parfait, dans ce cas-là. Alors, est-ce qu'il y a d'autres interventions sur l'amendement?

M. Leduc : Bien, tu sais, je peux... Non, non, c'est... non, vas-y, vas-y.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Député de Bonaventure.

M. Roy : Très belle plaidoirie, M. le ministre. Je comprends, tu sais, mais, oui, il y a des avancements, mais pas là. Bien, écoutez, en santé mentale, on a le syndrome ou état de stress post-traumatique. On évacue un nombre d'individus de la présomption, qui est important par rapport à ceux qui vivent ces choses-là, bon.

Je reviens à la FM : «La Fédération des médecins spécialistes [...] estime que la loi doit marquer un progrès plus net en matière de reconnaissance des troubles de santé mentale, compte tenu de leur incidence endémique dans de nombreux milieux de travail.» Ça fait que, bon, écoutez, oui, je comprends que vous n'aimiez pas qu'on vous dise qu'on sent qu'il n'y a pas beaucoup d'avancement, mais, en même temps, là, là, nous, on n'en voit pas. Moi, je n'en vois pas. Oui, il y en a un petit pour certaines catégories de personnes, mais ceux et celles qui en ont réellement besoin sont évacués. Et on parle de quoi? Domaines de l'éducation et de la santé, M. le ministre. Je trouve ça dommage. Voilà, c'est ce que j'avais à dire.

M. Boulet : N'oublions pas la Loi sur les normes du travail, n'oublions pas la notion d'accident de travail, n'oublions pas l'avis du CCTM en matière de santé psychologique. Et je pense que c'est un consensus qui est raisonnable. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Y a-t-il d'autres interventions sur l'amendement déposé? Oui, député d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : Vraiment un retour rapide sur l'échange qu'on a actuellement avec M. le ministre. Puis, tu sais, pour vous le dire franchement, puis ce n'est pas une surprise, puis il l'a vu passer, il y en a, des groupes qui réclament la fin, le retrait du projet de loi, le retrait pur et simple. Il y en a, qui, je l'ai entendu dans des assemblées, là, auxquelles je suis allé, qui disaient : Il y a déjà suffisamment de recul dans ce qu'on a déjà traité pour qu'on jette tout ça aux poubelles. Ça, je l'entends, là.

Ce n'est pas nécessairement ma lecture des choses, parce que, sinon, je ne serais pas ici en train d'essayer de trouver des pistes de solution, d'essayer de trouver des manières pour améliorer, parce que j'y crois, à une véritable réforme et une véritable modernisation, puis je suis bien conscient qu'on n'aura pas tous le même niveau de satisfaction puis qu'on n'arrivera peut-être... Comme je le dis des fois : Ce n'est pas le projet de loi que j'aurais écrit, mais, voilà, je suis bien conscient de ma position. Et c'est donc aussi parce que je suis conscient de ma position que je me dois de pousser le plus possible pour que ce qui me semble être des choses qui devraient aller de soi ou, du moins, qui ressembleraient à ce que j'aurais fait comme proposition de projet de loi de base sur des avancées qui sont déjà en partie réglées dans notre société puis qu'il ne nous suffirait que d'appliquer, de mettre dans la loi...

Vous parliez, tantôt, du jugement de la Cour suprême, là. Bien il existe déjà, le jugement de la Cour suprême. Là, on le met dans la loi. C'est bien. Bien oui, c'est bien. Je suis pour, puis on en a discuté, puis on l'a amendé, puis on a trouvé une place, mais, je veux dire, il existe déjà. Qu'on ne l'aurait pas mis dans la loi, il aurait déjà existé pareil. Ça fait que c'est là que je dis : Oui, il y a des avancées, là.

Puis je veux le réitérer, je ne dis pas que c'est tout de la scrap, là, que c'est tout aux poubelles qu'il faut mettre ce projet de loi là, mais ça, je l'ai entendu puis, là-dessus, je suis d'accord, il y a quand même des reculs. C'est sur ces reculs-là que j'essaie de tempérer.

Puis je me dis : Il y a quand même beaucoup de reculs ou, encore une fois, des perceptions de recul, puis qu'est-ce qui pourrait être des avancées substantielles nouvelles, pas des avancées dont on s'attendait déjà puis qui finalement n'y sont pas? Puis c'est le cas du parkinson. Vous avez fini par le mettre, le parkinson, sur la table, puis bravo! Le parkinson, tout le monde l'attendait. Ce n'est pas tellement une bonne nouvelle, que vous le mettiez. C'était comme : Ouf! Bien, finalement il l'a mis. Tu sais, tout le monde s'attendait à ce que vous le mettiez. Même chose avec la prévention, on s'attendait qu'il y ait une bonne prévention pour tout le monde, puis finalement les deux premières versions, ce n'est pas ça qu'on avait comme attentes.

Tandis que, là, ce qu'on a devant nous, c'est une sincère nouvelle avancée. Comme, là, vous avez fait référence à la question du télétravail. Ça, c'est une sincère nouvelle avancée. Est-ce qu'elle balance, donc... Et là on arrive dans la question politique. Est-ce que l'avancée sur le télétravail balance les reculs ou les perceptions de recul sur l'indemnisation? La réponse est simple, c'est non. Ça fait que c'est pour ça que moi, je pensais et je pense toujours que la question de l'épuisement professionnel, comme nouvelle avancée pour les travailleurs et travailleuses, pourrait aider, peut-être, à dorer la pilule de quelques reculs ou perceptions de reculs dans le reste de la LATMP.

M. Boulet : J'aime bien le concept de perception puis je la comprends, cette réalité-là. Quelqu'un qui focusse sur un aspect spécifique du projet de loi qui est incompatible avec son intérêt ou sa compréhension, il va dire : C'est un recul, puis il faut mettre le projet de loi de côté. Ça, je le comprends puis je l'ai vu de certains, sans nommer de groupe spécifique, mais oui, parce qu'il y a beaucoup de personnes en santé et sécurité, tu sais, c'est tellement vaste, ce champ d'action là, puis il y a tellement de groupes puis de personnes de toutes natures qui ont intérêt. Ça fait que c'est sûr que, quand ton intérêt n'est pas rencontré, tu aimes mieux faire table rase.

Ceux, cependant, qui ont une compréhension globale du projet de loi comprennent qu'il y a quand même beaucoup plus d'avancées. Puis les leaders, je veux dire... puis ils pourront me contredire, à la limite, là, mais même les leaders syndicaux sont d'avis qu'il faut aller de l'avant puis qu'elle est bénéfique, cette modernisation-là. Puis je leur parle presque à toutes les semaines, puis ça, ils peuvent vous confirmer. Puis ils ont fait un point de presse la fin de semaine passée, puis il y avait quatre éléments, puis le gros élément, c'est la prévention, les heures de libération, notamment. Mais ils veulent que ça avance, puis c'est toutes des personnes qui sont au CCTM. Puis la santé psychologique, vous lirez leur rapport sur la santé psychologique, j'ai demandé un avis spécifique là-dessus.

Je pense qu'on fait des avancées quand même importantes. Puis les risques psychosociaux, ce n'est pas peu, puis les mécanismes de prévention partout, ce n'est pas peu, puis tous les points que j'ai soulignés en indemnisation. Le télétravail, même le CCTM ne me recommandait pas de l'écrire. J'ai demandé de former un comité de vigie sur le télétravail dès le début de la pandémie, puis ils m'ont fait un rapport en octobre, vous en avez eu copie, puis ils étaient du même avis que moi : Jean, c'est couvert. C'est un télétravailleur, puis un employeur, puis c'est le lieu de travail qui n'est pas le même, qui est déplacé, mais toutes les lois du travail s'appliquent à cette relation-là. On n'a pas besoin de réglementer le télétravail, on n'a pas besoin de le spécifier. Le seul groupe qui est venu le demander, c'est Télétravail Québec, et j'ai trouvé que c'était sensé, puis ça démontrait, je pense, qu'on était à l'écoute. On le met, le télétravail, pour reconnaître. Puis même, suite à une discussion avec vous, pour l'inspection, vous m'aviez référé à la Colombie-Britannique. Donc, on va au-delà même du consensus du CCTM. Je pense que, là-dessus aussi, c'est un progrès considérable. Puis vous le reconnaissez en hochant de la tête.

Moi, je suis fier puis je pense qu'il faut aller de l'avant. Puis il y a probablement des choses qui ne font pas totalement notre affaire, mais je pense que, globalement, on est dans un navire qui va bien puis qui veut être mené à bon port. Puis ce n'est pas une aventure qui arrête dans le temps, ce n'est pas permanent, c'est une loi, puis il y a des règlements qui vont s'adapter. Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Oui, député d'Hochelaga-Maisonneuve.

• (16 h 40) •

M. Leduc : Sur le CCTM, c'est important de souligner, en effet, qu'ils ont une contribution importante au débat sur la santé et sécurité, sur plein d'autres débats de relations de travail, mais il faut bien comprendre comment fonctionne le CCTM. Le CCTM fonctionne par consensus. Par définition, si vous assoyez alentour d'une table un nombre équivalent de syndicalistes et de patrons, le consensus ne sera pas simple. Puis ils sont un peu forcés d'en arriver à un consensus avant d'envoyer l'avis au ministre, un peu comme on est forcé d'arriver à une convention collective lorsqu'on est dans une entreprise. Comme le ministre le souligne bien, la convention collective n'est pas toujours à la pleine satisfaction des deux parties, mais, bon, il faut en arriver à une conclusion. Puis ça, là-dessus, tout le monde est à la même page.

Mais, sur la question de la santé psychologique, qu'on soit bien clair, quand on en arrive puis qu'on demande à un CCTM, donc une partie égale de syndicalistes et de patrons, d'en arriver à un consensus, bien là ce n'est pas très surprenant qu'une reconnaissance de présomption à des maladies de santé mentale, d'épuisement professionnel, qui va nécessairement amener plus de reconnaissance, plus d'indemnisations, là, c'est quasiment... il y a un lien de causalité, là, entre l'un et l'autre. Bien, c'est sûr que, si on a une dynamique où, par exemple, sur la surdité, on nous dit : Il y a une explosion de coûts sur la surdité, il faut faire quelque chose, bien là on peut certainement imaginer que la discussion, dans certains cercles patronaux, va être : Ah! mon Dieu! Si on ouvre les valves, ne serait-ce qu'un pouce, sur la santé mentale, avec la crise actuelle de santé mentale qu'on a au Québec dans les écoles, dans les hôpitaux, dans les milieux de travail privés, bien là ça va être la fontaine, ça va être le puits sans fond, puis là il va falloir payer, il va falloir augmenter les cotisations, ça n'a pas de bon sens. Puis, comme d'habitude, ils vont nous proposer un régime public de... je ne sais trop, tu sais : Balancez tout ça à la RAMQ. On n'a pas envie de payer, nous autres, alors qu'ils ont des devoirs de prévention. Et ça, on va le traiter tantôt, puis c'est tant mieux, mais, malgré qu'ils ont des devoirs de prévention, ils ont des responsabilités de réparation et d'indemnisation.

Et c'est là, ce bout-là, qu'on n'arrive pas à convaincre le ministre. Puis évidemment que le CCTM n'est pas arrivé à un consensus là-dessus. C'est bien simple, c'est que les patrons, ils mettent un veto puis ils disent : Bien non, nous, on n'est pas d'accord pour le rajouter, puis ça va coûter trop cher, bon. Puis qu'est-ce qu'on fait arriver comme consensus? Bien, il sort un rapport mi-figue, mi-raisin qui propose des petites affaires, qui propose peut-être un peu plus de prévention.

Puis c'est correct que ça fonctionne comme ça, Mme la Présidente, parce que c'est le paritarisme. Puis une chance que ça fonctionne comme ça, parce que l'inverse ne serait pas nécessairement une meilleure situation, mais soyons bien conscients de pourquoi on a des recommandations qui sont, des fois, plutôt mitigées, plutôt fades qu'ils nous amènent des fois du CCTM. Ce n'est pas le cas sur tous les sujets, mais, sur le cas de la santé mentale, je pense qu'on peut très facilement avoir la présomption que c'est ce qui est arrivé, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci.

M. Boulet : Je n'ai pas d'autre commentaire. Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Y a-t-il d'autres interventions sur l'amendement déposé par le député de Bonaventure? Député de Bonaventure.

M. Roy : Si on modifie le libellé, M. le ministre, et qu'on travaille à faire en sorte que vous considériez qu'on élargisse les troubles de santé mentale dans le... en tout cas, qu'on en rajoute certains, qu'est-ce que vous aimeriez qu'on modifie là-dedans? C'est-tu une fin de non-recevoir systématique ou qu'on peut faire une petite avancée? Moi, là, je trouve ça dommage, réellement, qu'on n'arrive pas à élargir et à faire en sorte que la présomption touche une catégorie plus grande d'individus qui souffrent de problématiques de troubles mentaux.

Je ne sais pas. Est-ce que le comité scientifique pourrait arriver à proposer certains troubles dans un échéancier défini d'avance qui pourrait être inclus dans l'annexe A? Question.

M. Boulet : Bien, quand on va parler de prévention, on l'a dit, hein, peut-être qu'on pourrait, tout en respectant l'indépendance du comité scientifique, lui donner des priorités en termes d'avis et de recommandations à soumettre au ministre et à la CNESST. Puis on en a parlé, de la santé psychologique, et ça fait partie de ce que nous avons convenu lors de nos discussions de conférer comme instructions à l'attention du comité scientifique.

Donc, je le répète, là, on ne part pas de nulle part, là. Le comité consultatif référait, dans son avis sur la santé psychologique, à l'importance du rôle que le comité scientifique va jouer dans cette matière-là. Ça fait que, non, on n'est pas fermé. Au contraire, je pense qu'on reconnaît. Puis, tu sais, quand on parle de tertiarisation de l'économie, les risques psychosociaux sont inhérents à une économie qui est plus tertiaire. Ça fait que, oui, tout à fait. Moi, je ne suis absolument pas fermé à ça, puis, dans le bloc Prévention, on pourra être plus précis quant aux priorités qu'on pourra soumettre à l'attention du comité scientifique. Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Y a-t-il d'autres... Oui, député de Bonaventure.

M. Roy : Puis, en même temps, bon, j'ai comme l'impression qu'on en met beaucoup sur le dos du comité scientifique. J'ai proposé ça, mais, en vous écoutant parler, oui, oui, mais, je veux dire, le mandat va être large en tabarnouche. C'est pour ça que, quand on parle de priorisation des actions du comité scientifique en fonction de certains enjeux, il faut... En tout cas, là, c'est comme un chèque en blanc, là. Si on acquiesce, quand on va être rendu là, est-ce qu'on va avoir... est-ce que ça va être ça ou ça ne sera pas ça? Ça fait que vous comprenez ce que je veux...

M. Boulet : Totalement.

M. Roy : Tu sais? Non, mais leur mandat s'élargit, là, si on prend ça, on met ça dans leur... bon.

M. Boulet : Non, parce que, sur la santé psychologique, j'en avais parlé même au moment des consultations particulières, de notre intention d'aller dans cette direction-là.

M. Roy : Est-ce qu'on peut suspendre deux minutes, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme IsaBelle) : Nous allons suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 47)

(Reprise à 16 h 56)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, est-ce qu'il y a d'autres interventions sur l'amendement déposé par le député de Bonaventure? S'il n'y a pas d'autre intervention, nous allons procéder à la mise aux voix.

Le Secrétaire : Pour, contre, abstention. M. Roy (Bonaventure)?

M. Roy : Pour.

Le Secrétaire : M. Boulet (Trois-Rivières).

M. Boulet : Contre.

Le Secrétaire : Pour le groupe parlementaire formant le gouvernement, M. Jacques (Mégantic)?

M. Jacques : Contre.

Le Secrétaire : Pour le groupe parlementaire formant l'opposition officielle, M. Derraji (Nelligan)?

M. Derraji : Pour.

Le Secrétaire : M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve)?

M. Leduc : Pour.

Le Secrétaire : Mme IsaBelle (Huntingdon)?

La Présidente (Mme IsaBelle) : Abstention. Donc, l'amendement déposé à l'article 238 est rejeté. Alors, y a-t-il d'autres interventions sur l'article 238 tel que déjà amendé? Oui, député de Bonaventure.

M. Roy : Oui, Mme la Présidente. Nous allons déposer un autre amendement. On prend une minute pour le peaufiner.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, nous allons suspendre encore quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 57)

(Reprise à 17 h 09)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, nous avons reçu un nouvel amendement du député de Bonaventure. Je vous demanderais donc de le lire et de l'expliquer.

M. Roy : Merci, Mme la Présidente. Bon, est-ce que je dois relire tout le début ou...

La Présidente (Mme IsaBelle) : Je pense que oui. C'est... Oui.

M. Roy : Selon les règles de l'art?

La Présidente (Mme IsaBelle) : Oui. Oui.

• (17 h 10) •

M. Roy : O.K. Projet de loi n° 59, loi... bien, non. Amendement du PQ, article 238, article 4 du Règlement sur les maladies professionnelles.

L'article 238 du projet de loi est modifié :

1° par la suppression de l'article VII de l'annexe A du Règlement sur les maladies professionnelles;

2° par l'ajout, à la fin de l'annexe B du Règlement sur les maladies professionnelles, de, bon :

«section VI. Troubles mentaux.

«Maladies.

«Syndrome ou état de stress post-traumatique.

«Avoir exercé un travail...» Bon :

«Conditions particulières.

«Avoir exercé un travail impliquant une exposition, en tant que victime ou témoin, à un ou des événements traumatisants.»

Et nous, ce que nous proposons aussi, c'est d'ajouter :

«Autres troubles de santé mentale ou du comportement.

«Conditions particulières — bien :

«Le comité scientifique prévu en vertu de l'article 101 du projet de loi détermine les troubles de santé mentale ou du comportement admissibles à la présomption dans un délai de 24 mois à partir de la sanction de la loi.»

Nous avons discuté sur le rôle du comité scientifique qui pourrait amener des avis éclairés qui pourraient permettre d'introduire des troubles mentaux qui... bon, qui feraient l'objet d'un débat scientifique et qui pourraient être, bon, intégrés à l'annexe. Donc, le ministre nous a dit que nous allions, à partir du moment où on va travailler avec... bon, sur le mandat du comité scientifique, bien, lui donner potentiellement ce mandat-là. Mais pourquoi ne pas l'inscrire tout de suite? Et, bon, ça permettrait au ministre de démontrer sa volonté d'améliorer le soutien puis la présomption pour certains troubles de santé mentale qui, en ce moment, ne seraient pas définis, mais elle le serait dans un horizon de 24 mois.

Donc, c'est une... Je pense que ça correspond à ce que vous nous avez dit par rapport au comité scientifique. La seule différence, c'est qu'on l'inscrit actuellement et on le... on paramètre le délai de proposition d'introduction de troubles de santé mentale à l'intérieur de l'annexe. Voilà.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. M. le ministre.

M. Boulet : Bon, Mme la Présidente, je ne reviendrai pas sur l'importance, à nos yeux, de la santé psychologique en milieu de travail. Particulièrement, oui, il faut souligner le contexte pandémique, mais on ne peut pas dire à un comité scientifique, un, qui n'est pas formé de déterminer des troubles de santé mentale admissibles à la présomption. Je ne peux pas prendre pour acquis ou je ne peux pas avoir des préjugés. Un comité scientifique, si on veut préserver son indépendance et son objectivité, qu'il ne soit pas le bras de ce que nous lui demandons de faire, c'est lui demander d'analyser, de faire des réflexions et, par la suite, de soumettre des avis et des recommandations. Et ça pourra se faire par la voie d'une lettre, puis, ce que j'ai dit, on pourra convenir des priorités puis demander que ce comité-là fasse une analyse ou une réflexion sur la santé psychologique ou sur d'autres sujets que nous aurons convenu de prioriser. On peut le faire de même.

Mais, que le comité scientifique détermine des troubles de santé mentale admissibles à la présomption, c'est prendre pour acquis d'avance qu'il y a des troubles de santé mentale. Tu sais, ça sera à eux de faire l'analyse, de déterminer un ou des diagnostics, de déterminer une ou des conditions particulières à un milieu de travail spécifique.

Encore une fois, la présomption n'est pas un remède universel, c'est une façon de faciliter une preuve. Il n'y a rien qui empêche à un travailleur ou une travailleuse de soumettre une plainte ou une réclamation, une plainte en vertu de la Loi sur les normes du travail ou une réclamation à la CNESST en vertu de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, qui prévoit les indemnités, mais on ne peut pas prévoir ça dans l'annexe, que ce comité scientifique aura mandat de permettre au législateur de mettre à jour et de faire en sorte que ce soit un règlement qui soit évolutif. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Y a-t-il d'autres interventions? Député de Bonaventure.

M. Roy : Vous avez parlé de hiérarchie d'enjeux. S'il y a un enjeu qui est prégnant aujourd'hui, qui mobilise beaucoup de gens, qui a des impacts importants sur des milieux de travail, l'absentéisme, etc., une situation qui ne se règle pas, c'est bien celui de la santé mentale au travail. Je comprends que vous ne vouliez pas donner de directive au comité scientifique, mais, en même temps, il va falloir que certaines priorités sociétales qui existent actuellement soient prises en considération, de prime abord. Ça fait qu'on ne demande pas... on ne dit pas : Bon, le burn-out doit faire partie, etc., ils ont la latitude, mais de l'inscrire là démontrerait un intérêt de priorisation de l'enjeu de santé mentale au travail, démontré par vous, et qui s'exprimait par une priorisation de mandat du comité scientifique. C'est tout. Moi, je ne dis pas... On ne veut pas que tel, tel, tel problème de santé mentale apparaisse, ça sera à eux de le définir.

Et peut-être qu'à l'adoption de la loi puis 24 mois plus tard le portrait va avoir changé, la pandémie sera en arrière de nous, et peut-être qu'il y aura des choses qui vont s'avoir améliorées, mais de l'inscrire là, je ne vois pas en quoi c'est problématique par rapport à ce qui s'en vient par la suite. C'est juste cohérent. Mais ça démontre un intérêt pour la problématique.

Mais, pour le moment, c'est large, là. Et, je le répète, nous avons l'obligation d'être des émetteurs et des balises des enjeux de société qui nous sont... que les gens nous proposent. Mais je pense que, là, je me répète, Mme la Présidente, là.

La Présidente (Mme IsaBelle) : C'est parfait.

M. Roy : Et voilà. Regardez, je ne vois pas ce qu'il y a de contraignant là-dedans.

M. Boulet : Non, mais c'est parce qu'on ne peut pas limiter puis donner des directions à un comité scientifique. Vous allez voir quand on va discuter du comité scientifique, plus tard, son mandat : recenser et analyser les recherches et études en matière de maladies professionnelles; analyser les relations causales entre les maladies et les contaminants ou les risques particuliers d'un travail. C'est tout là. On ne peut pas, spécifiquement pour ça, dire dans l'annexe... dans le règlement, plutôt : Vous allez devoir faire ça. On aura une lettre qui établit des priorités où on peut demander au comité scientifique de prioriser en termes d'analyse et de réflexion tout en respectant les contours du mandat qui apparaît dans le p.l. n° 59 : «[Produire] des avis écrits sur l'identification des maladies professionnelles, les contaminants ou les risques particuliers [...] à celles-ci et les critères de détermination. [Il] peut effectuer tout autre mandat qui lui est confié conformément aux lois que la commission administre. Il a également [...] mandat d'examiner toute question qui lui est soumise par le ministre ou la commission et de lui donner son avis. [Et] aux fins des mandats qui lui sont confiés, [il] peut consulter tout expert [...] tout organisme public...»

C'était... Ah! écoutez, moi, je trouve que c'est tellement complet. Je pense que c'est égrener ça puis de reproduire ce qui est dans le projet de loi n° 59, puis ça rejoint totalement votre préoccupation que vous exprimez pour la santé psychologique, et c'est la raison pour laquelle le CCTM, dans son rapport, son avis sur la santé psychologique, nous disait : Faites ce qui est prévu dans le p.l. n° 59, référez ça au comité scientifique. Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Oui. Député de Bonaventure.

M. Roy : Une dernière intervention. Ce que vous venez de me lire, je n'ai pas entendu «troubles de santé mentale». Ça fait que c'est modifiable dans le libellé, M. le ministre. Là, on est en avant, là, et ce que vous venez de me lire, on ne fait pas mention de troubles de santé mentale. Et vous me dites que le comité va se pencher là-dessus, donc vous acquiescez à ce qu'il y ait des modifications du libellé plus tard dans cette partie-là.

M. Boulet : Tout ce que je dis, c'est qu'on conviendra d'un mandat que je pourrai lui confier, au comité scientifique. Et je l'ai dit lors des consultations particulières. Ça fait que je... qu'on allait lui confier le mandat de s'intéresser et d'analyser la santé psychologique en milieu de travail. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Y a-t-il d'autres interventions? Député d'Hochelaga-Maisonneuve.

• (17 h 20) •

M. Leduc : Oui, merci. Rapidement. Dans le fond, tantôt, quand je parlais de mettre un pied dans la question, tu sais, de monter le petit orteil pour qu'il y ait un gain concret, moi, je trouve que la position du député de Bonaventure est particulièrement intéressante, parce qu'elle n'engage pas le ministre sur des coûts immédiats, mais elle inscrit, dans le règlement, la section «Autres troubles de santé mentale». Donc, ça démontre la préoccupation du ministre sur ce dossier-là.

Puis après ça, sur le fin détail, c'est en toute cohérence avec ce qu'il réclame, donc de laisser beaucoup de place au comité scientifique de nous faire des propositions sur la littérature conséquente et... voilà. Moi, je trouve que c'est une très belle porte de sortie qu'on offre, là, que M. le... que mon collègue député de Bonaventure offre au ministre pour dire : On met... On reconnaît ça dans la loi en préparation, là, on évacue la question de la prévention, qu'on va parler tantôt. On introduit ce concept-là dans la loi, de réparation, c'est une bonne chose, mais on laisse le comité scientifique aller jouer un peu avec... On donne un délai de 24 mois. C'est quand même deux ans, là, ça prend un certain temps. Il y aura des élections d'ici là, dans deux ans, hein, et ça se peut qu'il y ait un nouveau ministre ou que le ministre soit encore ministre mais de quelque chose d'autre. Ça, on verra bien ce qui va arriver. Peut-être perdrais-je mon vis-à-vis en Travail, ce serait bien dommage, mais, bon, à suivre. Voilà.

Ça fait que je pense que c'est une belle porte de sortie qui est offerte au ministre pour montrer une bonne foi, une bonne volonté d'aller de l'avant puis de l'inscrire dans la loi, mais tout en se donnant un peu de temps puis en toute cohérence avec la logique qu'il nous propose de comité scientifique. Merci.

M. Boulet : Puis, sur le fond, je suis totalement d'accord. D'ailleurs, c'est un des mandats prioritaires qu'on va confier au comité scientifique. Je dis juste que ce n'est pas le corridor à emprunter, là, de l'écrire là, dans l'annexe pour ça, puis après ça pour les cancers des pompiers, puis pour ci, puis... Je pense qu'il va falloir le faire par une lettre qui concentre nos priorités et qui identifie clairement les mandats qu'on confie au comité scientifique. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Y a-t-il d'autres interventions? S'il n'y a pas d'autre intervention sur l'amendement déposé par le député de Bonaventure, nous allons procéder à la mise aux voix.

Le Secrétaire : Pour, contre, abstention. M. Roy (Bonaventure)?

M. Roy : Pour.

Le Secrétaire : M. Boulet (Trois-Rivières)?

M. Boulet : Contre.

Le Secrétaire : Pour le groupe parlementaire formant le gouvernement, M. Jacques (Mégantic)?

M. Jacques : Contre.

Le Secrétaire : Pour les membres de l'opposition officielle, M. Derraji (Nelligan)?

M. Derraji : Pour.

Le Secrétaire : M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve)?

M. Leduc : Pour.

Le Secrétaire : Mme IsaBelle (Huntingdon)?

La Présidente (Mme IsaBelle) : Abstention. Donc, l'amendement déposé à l'article 238 est rejeté.

Nous poursuivons donc sur l'article 238 tel que déjà amendé. Nous avons déjà reçu un amendement par le député de Nelligan. Nous allons le mettre à l'écran rapidement. Député de Nelligan, peut-être vous voulez celui... Il va être là bientôt. On va attendre. Vous pouvez peut-être commencer.

M. Derraji : Oui, on commence avec l'âge.

La Présidente (Mme IsaBelle) : L'âge, voilà.

M. Derraji : Oui, l'âge, oui. Écoutez, bon, Mme la Présidente, je pense qu'on est rendus à une étape importante au niveau du règlement. Et il reste quand même des groupes qui nous contactent pour demander à ce qu'on rectifie quelques informations, et c'est pour cela que j'ai... nous avons pris la décision de mettre cet amendement.

Donc, l'amendement, il se lit... c'est l'article 238, donc le Règlement sur les maladies professionnelles. Donc : Maladies oncologiques de l'annexe A du Règlement sur les maladies professionnelles, tel qu'édicté par l'article 238 du projet de loi, est modifié par la suppression dans le deuxième alinéa de la condition particulière de la maladie «cancer de la prostate», après les mots «15 ans», des mots «et avant l'âge de 50 ans».

Je peux...

La Présidente (Mme IsaBelle) : Peut-être l'expliquer, si vous voulez?

M. Derraji : Oui. Bien, écoutez, en fait, l'amendement fait référence à vraiment un cri du coeur lancé par les pompiers du Québec. J'ai pas mal de documents, mais je veux aller doucement parce que je veux vraiment prendre le temps d'expliquer la situation et voir comment on peut — avec le ministre, nous avons toujours eu l'occasion de trouver des terrains d'entente — tous ensemble, trouver une porte de sortie.

Premièrement, je ne vais pas revenir sur d'autres cancers, mais le groupe en question nous a souligné quelques incohérences frappantes. Premièrement, le Québec a besoin de 20 ans d'exposition pour reconnaître le cancer de la vessie. Dans le reste du Canada, ce n'est que 15 ans. Mais je ne vais pas aller... pour les autres cancers, je vais me limiter vraiment, parce qu'il y a le cancer du cerveau, leucémie, mais ça, je vais l'évoquer dans le prochain amendement.

Le problème que je vois, le Québec ne reconnaîtra le cancer de la prostate diagnostiqué qu'avant 50 ans. Nulle part ailleurs au Canada ils n'appliquent des limites d'âge. Nulle part ailleurs au Canada. Donc, je veux bien comprendre qu'au Québec on se base sur une étude, j'aimerais bien savoir laquelle, quel type d'étude qui nous confirme le tout.

J'ai aussi une lettre qui a été envoyée par Procure Québec soutenant la position des pompiers, qui trouvent que la limite d'âge est discriminatoire et contraire à toutes les recommandations médicales, qui suggèrent un dépistage à partir de 50 ans seulement.

Je vais vous lire, Mme la Présidente, la lettre de Procure qui a été adressée à M. le ministre le 26 janvier, ça va faire un bon rappel. Premièrement, Procure félicite le gouvernement d'avoir progressé dans la reconnaissance des maladies professionnelles. Il faut le prendre. «Take it», hein? Vous savez, hein, ils sont gentils, ils vous félicitent.

M. Boulet : Merci. Est-ce que nos collègues entendent bien aussi?

M. Derraji : Mais attendez. Mes collègues vont dire oui, mais attendez la suite, hein? Attendez la suite. J'aimerais bien que vous gardiez ce sourire.

M. Boulet : ...mais pas tout à fait assez encore.

M. Derraji : Oui, il faut garder ce sourire, M. le ministre. Non, mais, par transparence, je dois lire l'intégralité de la lettre. Je vous évite le début, mais je ne peux pas ne pas dire qu'ils vous félicitent, félicitent votre gouvernement d'avoir progressé dans la reconnaissance des maladies professionnelles.

«...nos activités — et c'est là où c'est important, Mme la Présidente — en matière de sensibilisation nous conduisent à soulever une ambiguïté quant à la limite d'âge pour émettre le diagnostic à des fins d'indemnisation, soit l'énoncé suivant, que l'on retrouve en page 77[...] : Le diagnostic doit avoir été posé après une durée d'emploi minimal de 15 ans et avant l'âge de 50 ans.»

Bon, maintenant, c'est quoi, l'argumentaire de Procure? «Les urologues du Québec recommandent le dépistage à partir de 50 ans.» Hein, les urologues du Québec recommandent le dépistage du cancer de la prostate à partir de 50 ans. «C'est dans ce contexte que le projet de loi n° 59 pose problème, car l'imposition d'une limite d'âge [de] 50 ans n'est pas cohérente avec le fait que c'est à partir de cet âge que les urologues recommandent le dépistage du cancer de la prostate.» C'est là le problème qu'on a, M. le ministre.

«Notre seconde préoccupation est que, dans les autres provinces canadiennes, cette limite d'âge n'existe pas. Cette disparité entre le Québec et les autres provinces canadiennes entraîne des conséquences néfastes sur la santé des Québécois.

«Il nous apparaît inquiétant d'imposer une limite supérieure d'âge pour l'application de cette norme, d'autant que l'on sait que les chartes canadienne et québécoise imposent des critères très stricts afin de pouvoir imposer des règles basées sur l'âge et d'autres éléments comme la religion, le sexe, etc.»

Donc : «Placer une limite arbitraire à 50 ans d'âge obligera les pompiers à devoir se faire dépister au plus tard à 49. Cette situation peut entraîner un malentendu ou une argumentation avec leur médecin, habitué à dépister à partir de 50 ans, et alourdir inutilement le système de santé.»

Bon, la lettre, vous l'avez reçue, M. le ministre. Si vous voulez, je peux la déposer encore une fois pour le bénéfice des collègues. S'ils veulent la recevoir, on peut vous la faire parvenir.

Le problème de l'âge, premièrement, c'est uniquement le Québec qui l'impose. Aucune autre province canadienne ne l'impose. Ça, c'est un. Deux, j'ai L'Association des urologues que leur recommandation pour le dépistage du cancer, ça commence à 50 ans. Ce qu'on dit dans le projet de loi, c'est que la limite d'âge, ils ne peuvent pas faire le diagnostic avant. Comment on va reconnaître le cancer de la prostate, M. le ministre?

• (17 h 30) •

M. Boulet : Bien, écoutez, c'est une argumentation de qualité, Mme la Présidente. Je reconnais encore une fois la sensibilité du collègue de Nelligan pour les cancers concernant les pompiers, métier, d'ailleurs, pour lequel j'ai énormément d'estime. C'est des personnes qui sauvent concrètement des vies et qui assurent la santé et sécurité de notre population.

Le 50 ans, il est basé sur une étude de l'IRSST, l'institut Robert-Sauvé, on vous a déjà transmis cet avis-là, et qui conclut qu'avant 50 ans le cancer de la prostate est quatre fois plus présent chez les pompiers que dans la population en général. Et, à partir de 50 ans, le taux de prévalence est absolument identique. C'est la même, même incidence. Il y a autant de cancers de la prostate chez les pompiers que par une personne de la population. Donc, c'est basé là-dessus, c'est basé sur cette norme-là.

Et je rappellerais à mon collègue de Nelligan que c'est simplement pour les fins d'application d'une présomption, parce que la CNESST accepte des réclamations de cancer de la prostate pour un pompier qui a 54 ans ou 56 ans, mais en s'appuyant sur l'article 30 de la LATMP, qui dit que, quand il y a une preuve que c'est caractéristique du travail ou relié aux risques particuliers de son travail, c'est accepté comme réclamation. Ça fait que c'est simplement qu'une présomption il faut que ce soit bien encadré. Une présomption, pour que ça ait une valeur, il faut qu'elle s'appuie sur une certaine littérature, sur une certaine norme, et, dans le cas présent, c'est clairement fondé sur l'institut Robert-Sauvé, là, l'IRSST.

Je comprends que l'Association des urologues, puis on... bon, ils recommandent, ils recommandent à partir de 50 ans, mais je pense qu'il va falloir développer une culture de prévention chez les pompiers avant 40 ans, qu'ils puissent se faire examiner aussi pour le cancer de la prostate. Parce que je ne sais pas si c'est clair, là, mais le taux de prévalence est quatre fois plus élevé avant l'âge de 50 ans. Donc, c'est la raison pour laquelle c'est libellé de cette manière-là : «...avant l'âge de 50 ans.» Voilà. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Y a-t-il d'autres interventions? Député de Nelligan.

M. Derraji : Oui. Je comprends, Mme la Présidente, mais le problème reste le même, parce que j'ai l'étude devant moi, c'est le résumé des données sur le cancer de la prostate chez les pompiers. Le problème, ce n'est pas uniquement au niveau de l'incidence, le problème, c'est au niveau du... Je le vois, hein, âge 30 à 49 ans, sous-groupe d'exposition. Donc, on clarifie vraiment tous les pompiers, il y a même un sous-groupe.

Le problème c'est le diagnostic. Ces gens, ils ne vont pas... Comment ils vont faire le diagnostic? Le diagnostic, il est recommandé à partir de 50 ans. Il ne se fait pas en bas de 50 ans, et aucune province canadienne ne... C'est ça qui est un peu... je vais utiliser le mot «un peu bizarre». C'est pourquoi, juste au Québec, qu'on a cette contrainte par rapport à l'âge? Je veux juste... donnez-moi juste une seconde, Mme la Présidente, c'est vous... je vais juste chercher un document.

(Consultation)

M. Derraji : L'autre problème, Mme la Présidente, qu'on nous a... et on nous a informé, c'est qu'aussi, en fait, la recommandation de Procure, qui supporte l'association des pompiers, c'est carrément retirer la limite d'âge. Ils demandent de retirer la limite de 50 ans d'âge dans le projet de loi n° 59, et d'uniformiser avec les autres provinces canadiennes, et de s'assurer de sa légalité en vertu des chartes canadienne et québécoise. Donc, ça, c'est l'argumentaire de Procure, que l'ensemble de nos collègues se souviennent de la campagne de Procure à l'intérieur de l'Assemblée. Et, chaque année, il vient nous sensibiliser.

Donc, moi, je vois deux enjeux. Le premier enjeu, c'est la limite d'âge et pourquoi le Québec fait exception. Je ne veux pas ramener le débat, que le ministre connaît très bien, le nombre de cancers reconnus au Québec qui est presque de moitié versus celui de l'Ontario. C'est sûr qu'il va me dire : Écoute, on modernise. Ça fait 42 ans qu'on n'a pas parlé de ça, là. Maintenant, on ajoute huit cancers dans la liste, mais, sérieusement, pour les pompiers, l'argument de l'âge, la durée d'emploi minimale recommandée dans le projet de loi, surtout quand je vois la décision des urologues, que c'est les urologues qui sont responsables de faire le diagnostic...

Et, regardez, je suis sur le site, on parle de l'Association des urologues, et c'est très clair, le test de l'APS, hein, je pense que pas mal de gens sont au courant de ce test, est généralement offert à tout homme de 50 ans et plus avec une espérance de vie d'au moins 10 ans. De plus, un homme, on s'entend qu'il n'a pas de symptôme ni d'antécédents familiaux en matière de cancer de la prostate, a bien peu de raisons, a bien peu de raisons de s'inquiéter de vouloir dépister la maladie.

Là, on va parler d'hommes à risque. À l'inverse, un homme à risque, c'est-à-dire avec un historique de cancer ou d'ascendance africaine, aurait sans doute avantage à passer des examens réguliers dès la quarantaine. En aucun cas je n'ai vu le test d'APS qui est offert à des hommes en bas de 50 ans. Donc, est-ce que le ministre, aujourd'hui, va nous assurer que les urologues, quand ils seront contactés par des pompiers... vont avoir le test de l'APS en bas de 50 ans? Ce n'est pas recommandé.

J'ajoute un autre point : «...selon l'Association des urologues du Canada, le dépistage devrait être interrompu chez les hommes — on parle de 70 ans — [qui ne représentent] aucun symptôme; cependant, pour les hommes de 70 ans et plus, intéressés et en excellente santé, on peut envisager poursuivre le dépistage en tenant compte de leur santé, de leurs valeurs et de leurs préférences.»

Donc, c'est clair, le test APS, c'est le test recommandé et, je dirais, c'est le test d'antigène prostatique spécifique, c'est ça, le test APS, les urologues le recommandent, est offert à tout homme de 50 ans et plus. Là, on dit aux pompiers que c'est en bas de 50 ans. Mais comment le diagnostic va se faire si les urologues recommandent le test à 50 ans et plus et non pas à 50 ans et moins?

M. Boulet : Les urologues recommandent, mais ça n'empêche pas de faire du dépistage avant 50 ans. Puis je voyais que le National Fire Protection Association, pour les pompiers, recommandait de faire du dépistage avant 50 ans parce que, justement, il y en a quatre fois plus chez les pompiers que dans la population en général avant 50 ans.

Ça fait que c'est sûr que moi, je recommande aux pompiers de développer une culture de prévention, de dépistage avant l'âge de 50 ans. Ça, c'est mon premier point. Donc, ce n'est pas parce que les urologues recommandent... Parce qu'ils se disent : Dans la population en général... peut-être qu'il y a plus de risques à partir de 50 ans, ça fait qu'ils recommandent, mais ça n'empêche pas qu'il y ait du dépistage avant 50 ans.

Deuxièmement, l'IRSST l'a dit clairement que c'est quatre fois plus chez les pompiers avant 50 ans puis c'est 1-1 après 50 ans. C'est pour ça que la présomption s'applique avant 50 ans, mais il n'y a rien qui empêche quelqu'un qui est pompier puis qui a 58 ans de faire une réclamation, et elle sera acceptée. C'est juste que le corridor pour faire la preuve n'est pas le même.

Puis enfin, peut-être dernier commentaire, ne négligeons pas le comité scientifique qui, avec le mandat que j'ai présenté tout à l'heure, lui, il va analyser puis réfléchir sur l'ensemble du Règlement sur les maladies professionnelles présumées de manière à le mettre à jour éventuellement, si jamais il y a des éléments qui ne sont pas compatibles avec les données scientifiques et médicales. Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Député de Nelligan.

M. Derraji : Moi, j'ai donné un conseil au ministre tout à l'heure, de ne pas tout mettre sur le dos du comité scientifique. Je pense qu'on va plier leur dos avant qu'ils commencent leur travail avec la quantité de documents et d'études qu'on va leur demander.

• (17 h 40) •

M. Boulet : Bien, c'est le règlement, oui.

M. Derraji : Oui, oui, oui, mais là ce que j'ai devant moi, il n'y a aucune province canadienne qui applique une limite d'âge. Le Québec ne reconnaîtra le cancer de la prostate diagnostiqué qu'avant 50 ans. C'est là où j'ai un problème. Donc, quand vous dites «la présomption», ça veut dire qu'en bas de 50 ans, même sans diagnostic, un pompier peut faire la demande?

M. Boulet : Procure, d'ailleurs, il recommande aux pompiers de se faire dépister à partir de 40 ans. Puis ce n'est pas vrai de dire que Québec va reconnaître le cancer de la prostate pour les pompiers en bas de 50 ans, c'est faux. C'est simplement que la présomption va s'appliquer en bas de 50 ans, mais on reconnaît même en haut de 50 ans quand la preuve que c'est caractéristique du travail ou relié aux risques particuliers du travail... quand il y a un lien de causalité, il n'y a aucun problème. Et, je le répète, Procure recommande de se faire dépister à compter de 40 ans aux pompiers.

M. Derraji : Oui, oui, excellent. Procure...

M. Boulet : Bien, Procure puis l'association des pompiers nationale, à laquelle je faisais référence. Partout c'est prévu, et il n'y a pas un urologue qui va dire : Je ne peux pas, parce que tu n'as pas 50 ans. Les urologues, ils recommandent, mais ça ne veut pas dire qu'ils ne dépistent pas avant, surtout quand on est un pompier. Ça fait qu'il y a certainement cette culture-là, de prévention, qui est probablement déjà bien implantée chez les pompiers, qu'il faut continuer à promotionner.

M. Derraji : Si elle était bien implantée et si Procure ne voyait pas un danger, ils ne vont pas vous envoyer une lettre le 26 janvier. Je comprends votre argument. S'ils n'ont pas vu qu'il y a une menace par rapport à cette limite d'âge, ils ne vont pas le lever, un drapeau rouge. Je suis désolé, M. le ministre. Ce que je vous dis maintenant, après les félicitations qu'ils vous ont envoyées, ils ont clairement dit : «Le diagnostic doit [être] posé après une durée d'emploi», c'est à retirer. Et ils précisent le pourquoi : «C'est dans ce contexte que le projet de loi n° 59 pose problème — c'est le même organisme que vous venez de mentionner — car l'imposition d'une limite d'âge à 50 ans n'est pas cohérente avec le fait que c'est à partir de cet âge que les urologues recommandent le dépistage du cancer de la prostate.»

Je n'ai pas vu où Procure recommande ça pour les pompiers. Je n'ai pas vu le document à qui vous faites référence. J'aimerais bien le voir, mais moi, je vous partage ce que j'ai devant moi. Ces organismes, à savoir l'association des pompiers et Procure, nous ont contactés, et ils étaient très clairs dans leurs revendications : ça n'a aucun bon sens de laisser la limite d'âge, et de 50 ans, la durée d'emploi minimale de 15 ans, sachant qu'aucune autre province canadienne... la limite d'âge n'existe pas. Donc, il y a clairement une disparité. Et vous les avez entendus, moi, je les ai rencontrés aussi. Les pompiers du Québec se comparent avec les pompiers de l'Ontario. ...se comparent, j'ai eu le document, il y a six maladies professionnelles reconnues au Québec et il y a 19 reconnues en Ontario.

Donc, c'est là où... Aujourd'hui, je vais parler d'un autre cas tout à l'heure, mais, rien qu'au niveau du cancer de la prostate et au niveau du dépistage, si vous me dites que l'âge, il y a une raison pour l'âge, est-ce qu'il n'y a pas un autre moyen d'envoyer un message à ces gens qui nous suivent maintenant? Et j'en suis sûr et certain que vous êtes aussi sensible. Les gens sont très préoccupés par la question de l'âge et l'ajout de l'âge dans le projet de loi, et c'est à eux qu'on parle, M. le ministre, aujourd'hui.

M. Boulet : Oui, puis votre intervention me permet de faire le message de continuer à se faire dépister avant l'âge de 50 ans et de s'assurer que, même si... et de comprendre, plutôt, que, même si la présomption ne s'applique pas, dès qu'il y a un lien avec le travail de pompier, la réclamation à la CNESST sera acceptée, et l'aspect scientifique s'appuie sur le rapport de l'institut de recherche en santé et sécurité du travail que nous avons partagé avec vous. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci.

M. Boulet : Puis, dernier point, le comité scientifique, n'oubliez jamais que c'est une nouveauté au Québec. Puis, oui, peut-être que, pour les pompiers... Puis on les a rencontrés, aussi en amont, là, mon équipe les a rencontrés, puis on fait des avancées considérables pour les pompiers. Et le comité scientifique va être à l'affût et va s'assurer, même si on a l'impression qu'il en a beaucoup... mais le comité scientifique, ça va être son mandat de voir notre règlement sur les maladies professionnelles présumées et de faire en sorte que nous l'adaptions et qu'il soit évolutif, qu'il soit respectueux de la science. N'oublions pas que le règlement est resté stationnaire pendant 40 ans. On l'enrichit déjà beaucoup et on va lui permettre d'évoluer dans les années prochaines. Et puis je le dis sans... parce que vous n'étiez pas là, puis je sais que, si vous aviez été là puis qu'on avait travaillé ensemble, probablement que ça n'aurait pas été le statu quo pendant 40 ans, mais, bon, on se donne les moyens...

M. Derraji : Il y avait quand même des avancées, M. le ministre. Chacun roule à sa manière, mais je savais que vous alliez répéter cette phrase. Ça devient une phrase qu'on va écouter jusqu'à la fin de ce projet de loi. Même à la fin, vous allez sûrement, sûrement le dire, et c'est très... c'est très bien. Je vous le dis, c'est très bien, mais il faut... Oui, c'est 40 ans. Pour x raisons, ça n'a pas été changé. Il y a des choses qu'on a mises en place, il y a une façon de faire, mais on ne peut pas dire qu'on le modernise, mais on le fait au détriment d'un groupe ou d'un sous-groupe, et j'en suis sûr et certain que vous êtes sensible.

Regardez, je vais vous lire un miniparagraphe et je termine par rapport à ça, parce que le point, il est fait. Au nom des pompiers, je vous ai sensibilisé. Il y a une lettre de Procure, il y a des documents de l'association des pompiers qui nous sensibilisent par rapport à ça. Je peux continuer le débat toute la journée. Si vous n'êtes pas convaincu, on ne fera pas un gain pour les pompiers. Je veux juste vous lire un point qui est, pour moi, très révélateur : «Placer une limite arbitraire [de] 50 ans d'âge obligera les pompiers à devoir se faire dépister au plus tard à 49 ans. Cette situation peut entraîner un malentendu ou une argumentation avec leur médecin, habitué à dépister à partir de 50 ans, et alourdir inutilement le système de santé.»

Je ne pense pas qu'en modernisant vous voulez vraiment créer un bouchon au niveau des urologues, au niveau de 40 ans, de... tous les pompiers vont avoir un rendez-vous à leur 49e année, passer chez l'urologue pour faire le diagnostic de l'APS. Je ne pense pas que c'est la volonté du législateur. Moi, je me dis : Soyons... ayons une ouverture, une réflexion au-delà de la petite boîte qu'on a, et les limites, et les contraintes.

Sans rentrer dans les détails des contraintes et des limites, on est la seule province à avoir la limite d'âge. Vous êtes en train de me dire que toutes les autres provinces, ils n'ont pas vu l'étude de l'IRSST. Et, excusez-moi, je pense qu'il y a une chose que je peux dire que j'aime, c'est les études. L'IRSST, c'est une méta-analyse, O.K, j'ai un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf études qui varient entre... la plus ancienne, 2007, la plus récente, 2015, avec des intervalles de confiance, avec des groupes d'âge. Je n'ai pas le temps de tout voir. Et on parle des jours d'exposition, on parle de percentile, on parle de pourcentage.

Oui, vous me dites : Le double, 1,13 versus 2,59, mais, encore une fois, on peut juste oublier un peu l'ensemble des études. C'est une méta-analyse qui résume les données sur le cancer de la prostate chez les pompiers. Les pompiers, aujourd'hui, et Procure, qui fait un énorme travail au niveau de la sensibilisation du cancer de la prostate, nous sensibilisent par rapport au fardeau, au fardeau qu'on risque de créer avec la limite d'âge. Est-ce qu'aujourd'hui nous sommes prêts, en tant que législateurs, de mettre ce fardeau sur le dos des urologues? Parce qu'au fait ce qu'on va faire... Vous savez mieux que moi, hein? Votre longue expérience... Si on passe le règlement tel qu'il est aujourd'hui... Vous avez vu la lettre de Procure. Qu'est-ce qu'on risque de provoquer? C'est que tout le monde va aller faire son diagnostic à 49 ans. Au nombre d'urologues qu'on a au Québec, je pense qu'on va en créer, des listes d'attente inutiles, parce que l'APS est obligatoire pour poser le diagnostic de cancer de la prostate. Si, aujourd'hui, vous êtes à l'aise à accepter cela, bien, on n'a qu'à vivre avec, parce que moi, j'ai bien argumenté sur mon amendement. Le ministre va voter contre, mais je vous le dis, je vous sensibilise juste par rapport à la problématique.

Vous voulez qu'on réécrive l'amendement pour trouver une porte de sortie? Je n'ai aucun problème, mais je vois qu'on a un réel enjeu, et cet enjeu risque malheureusement de tomber sur le dos des pompiers que... Vous le savez pertinemment que ce n'est pas uniquement le seul enjeu qu'ils ont. Ils ont d'autres maladies professionnelles et d'autres cancers que la loi actuelle ne leur reconnaît pas. Le projet actuel de règlement ne reconnaît même pas le un tiers des maladies professionnelles liées à la profession des pompiers versus l'Ontario. Je ne parle pas des autres secteurs, je pense qu'on fait quand même un progrès énorme, mais, par rapport aux pompiers... Oui, ils nous ont sensibilisés par rapport aux autres maladies qu'on ne leur donne pas via ce règlement. Je comprends qu'on va faire... aller étape par étape, je comprends qu'il va y avoir un comité scientifique, mais, sérieusement, aujourd'hui, je ne suis pas du tout convaincu de la limite d'âge, surtout qu'on risque de créer un problème ailleurs.

En fait, je sais que le but du législateur, ce n'est pas créer un problème au niveau de la CNESST. Il n'y a personne qui veut créer un problème pour la CNESST par rapport à cette clientèle, mais soyons juste sûrs de ce qu'on veut faire aujourd'hui. Est-ce qu'on n'est pas en train de pitcher le problème ailleurs, au niveau des urologues, avec des listes d'attente qui seront illimitées? Ça, c'est juste au niveau des pompiers. Je ne parle même pas de la population générale. L'accès aux urologues, il n'est pas réservé uniquement aux pompiers. Ce n'est pas uniquement les pompiers qui consultent les urologues. Les urologues recommandent 50 ans pour... c'est une base scientifique, des données scientifiques.

Donc, moi, aujourd'hui, Mme la Présidente, mon point, il est fait. Le ministre connaît très bien ma façon avec laquelle je travaille. Je pense qu'on a une occasion d'envoyer un beau message positif par rapport à ce qui a été demandé par Procure et l'association des pompiers. Je ne veux surtout pas qu'aujourd'hui on vote pour quelque chose qui va ramener le problème ailleurs. Je pense que j'ai épuisé mon temps, Mme la Présidente. Merci.

• (17 h 50) •

La Présidente (Mme IsaBelle) : C'est bien cela, vous avez bien lu. Alors, j'ai le député de Robert-Baldwin. Ensuite, j'aurai le député de Bonaventure et, ensuite, le député d'Hochelaga-Maisonneuve. À vous la parole, M. le député de Robert-Baldwin.

M. Leitão : Très bien. Merci beaucoup. Comme mon collègue de Nelligan, moi aussi, franchement, je ne comprends pas la limite d'âge. Quand on regarde, d'ailleurs, les autres cancers dans le projet de loi, nulle part autre on parle de limite d'âge. On parle beaucoup de durée d'emploi, très bien, et ça varie ici et là, mais limite d'âge, le seul endroit qu'on a explicité, rendu ça explicite dans le projet de loi, c'est pour le cancer de la prostate. Et ça, je trouve... je ne comprends pas.

Vous avez essayé d'expliquer, M. le ministre, que ça provient d'une étude de l'institut Robert-Sauvé, mais ça... Je suis resté sur ma faim, je n'ai vraiment pas compris cette étude-là. Mon collègue vient de la mentionner, c'est une méta-analyse. Je pense que nos connaissances du cancer, l'évolution du cancer de la prostate, nos connaissances ont beaucoup évolué au cours des dernières années, et cette limite d'âge me semble complètement arbitraire. On sait que c'est un cancer qui peut évoluer très lentement, alors pourquoi 50 ans? Pourquoi pas 55 ou 45? C'est-à-dire je ne vois pas vraiment la pertinence de mettre une limite d'âge, surtout que, dans tous les autres cancers qu'on mentionne ici, le cancer de la peau, le cancer de la vessie, larynx, etc., tous les autres qui sont dans le projet de loi, nulle part d'autre on parle d'une limite d'âge.

Alors, si on est d'accord qu'avoir exercé un travail impliquant une exposition à des gaz et fumées d'incendie pendant les opérations, ta, ta, ta, peut être un facteur de risque qui peut causer le cancer de la prostate, mais c'est quoi, l'enjeu? Pourquoi on met 50 ans? Ça veut dire... Qu'est-ce qu'on essaie de gagner ou qu'est-ce qu'on essaie de faire en mettant cette limite d'âge? Qu'est-ce que... On va améliorer quoi, au juste? Je sais que ça n'a pas été fait pendant 40 ans. J'y étais, pas pendant 40, mais pendant quelques années... mais c'est-à-dire qu'est-ce qu'on va régler en mettant cette limite d'âge de 50 ans?

M. Boulet : Oui. Avec votre permission, est-ce qu'on peut suspendre deux minutes, s'il vous plaît?

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, nous allons suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 17 h 54)

(Reprise à 18 h 14)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, je comprends qu'il y a eu des discussions pendant la pause. Député de Nelligan, vous souhaitez retirer votre amendement, est-ce bien cela?

M. Derraji : Oui. Merci, Mme la Présidente. Oui, je vais retirer mon amendement et je vais déposer un nouvel amendement suite à mon échange avec le ministre, que je tiens à remercier. Je ne m'attendais pas à... Je ne m'attendais pas vraiment à avoir cette belle surprise que... on la dédie aux gens qui nous suivent, surtout les gens de l'association Procure et l'association des pompiers.

Donc, l'article, il se lit...

La Présidente (Mme IsaBelle) : Attendez. Moi, j'ai besoin du consentement avant. Tout le monde, vous êtes d'accord pour retirer l'amendement du député de Nelligan? Parfait. Alors, nous poursuivons cette fois avec un nouvel amendement. M. le député de Nelligan.

M. Derraji : Oui. Désolé. J'étais tout excité à aller...

Des voix : ...

M. Derraji : Non, mais, vous savez, c'est des belles surprises. Ça fait ma journée, Mme la Présidente, et je tiens à remercier le ministre. J'aime ce climat de travail, parce qu'il y a des gens qui nous suivent et qui nous textent parfois, mais qui nous textent et qui vous félicitent, hein? Ce n'est pas... ils me textent pour autre chose. Je vous taquine, M. le ministre.

Bon : Supprimer, dans les conditions particulières pour la maladie «Cancer de la prostate» de la section... de l'annexe A du Règlement sur les maladies professionnelles, proposées par l'article 238 du projet de loi, «et avant l'âge de 50 ans».

Donc, ce que ça veut dire, qu'il n'y a pas de limite d'âge, et le Québec, maintenant, il est au même niveau que ce qu'on fait ailleurs, dans les autres provinces canadiennes. Voilà.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Y a-t-il des interventions? M. le ministre?

M. Boulet : Non, mais simplement pour dire à quel point je considère que c'est un travail qui est essentiel, qui est important dans notre société, et il faut continuer à développer une culture de prévention. Tu sais, l'association canadienne en faisait état, Procure le mentionne, il faut s'assurer que le dépistage soit fait dans les meilleurs délais possible pour s'assurer que ces types de cancer là soient traités convenablement par les professionnels en oncologie. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Y a-t-il des interventions? Député d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Bien oui, dans la même lignée que mon collègue de Nelligan, merci, M. le ministre, de votre ouverture là-dessus. C'est un beau geste.

Je veux juste comprendre. Dans l'étude d'impact qui avait été publiée, il y avait un segment, là, qui disait ceci : «Puisque la CNESST reçoit déjà 120 réclamations annuellement pour des cancers de la peau et de la prostate par les pompiers qui ont été atteints de l'une de ces maladies depuis l'adoption de la LATMP, elle estime qu'environ 50 réclamations supplémentaires seraient reçues dans les premières années suivant l'entrée en vigueur du projet de loi.» Est-ce que... Je comprends, là, qu'il n'y a pas nécessairement une grande réflexion, une grande nouvelle sur l'étude d'impact qui a été faite dans les dernières minutes, mais est-ce qu'on peut imaginer qu'avec l'amendement qui est déposé aujourd'hui ça va être davantage que les 50 réclamations supplémentaires qui étaient estimées avec le projet de loi initial?

M. Boulet : Évidemment, c'est très, très... Moi, je n'ai pas d'estimation, là, mais évidemment, comme c'est une nouvelle présomption et, comme on le répète souvent, ça va faciliter le fardeau de preuve des pompiers qui vont être atteints du cancer de la prostate, ce qui est surtout hyperimportant, c'est de s'assurer que les pompiers se fassent dépister. Puis plus il y aura cette culture-là bien intégrée de se faire dépister dès les premiers symptômes ou dès les premiers signaux, bien, évidemment, ça peut avoir un effet, là, qu'on va sentir, je pense, année après année.

Mais il n'y a pas, comme vous le mentionniez, il n'y a pas d'étude, là. Je ne suis pas en mesure de dire combien de personnes ça va toucher, mais, encore une fois, il faut s'assurer que ces personnes-là soient bien soignées et qu'elles soient traitées convenablement.

Puis il ne faut pas oublier qu'on va parler, tout à l'heure, du comité des maladies professionnelles oncologiques, là. Puis on se distingue aussi, au Québec, avec un comité de cette nature-là et qui va aussi jouer un rôle d'accompagnement pour aider les pompiers à bien documenter leurs dossiers. Mais, bon, c'est un autre sujet, là, mais... Voilà, c'est ma réponse. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Y a-t-il d'autres interventions?

M. Leduc : Peut-être juste une question ou deux, là, avant de fermer le dossier sur les pompiers. Donc, en toute logique, là, toujours sur l'étude d'impact, quand vous disiez : «Des coûts récurrents variant de 625 000 $ à 1,3 million seraient ensuite engendrés lors des années subséquentes», sauf si on imagine que ces chiffres-là, en vertu de ce qui est présentement devant nous, pourraient être révisés à la hausse, logiquement.

M. Boulet : Ah! bien, je... tout à fait.

M. Leduc : C'est donc une possibilité assez réelle.

M. Boulet : Oui. Oui.

M. Leduc : O.K. Deuxième question. Je ne m'en rappelle plus, il me semble qu'on l'a défini ailleurs, mais est-ce que, dans «pompiers», on inclut les pompiers volontaires?

Des voix : ...

M. Boulet : Oui. Ils ne sont pas exclus. Oui, ça les comprend. L'important, c'est : «...on entend par pompier combattant :

«1° l'officier ou le pompier affecté aux interventions de combat contre l'incendiel;

«2° l'officier ou le pompier qui procède au déblaiement ou à la recherche des causes et des circonstances d'incendie;

«3° le pompier qui conduit les camions; puis

«4° le pompier qui opère les autopompes et les appareils d'élévation». Donc, c'est très...

• (18 h 20) •

M. Leduc : Parce que, dans plusieurs petits villages au Québec, c'est des pompiers volontaires qui sont là à temps partiel, sur appel, bien sûr, mais qui sont dans le même risque et dans le même danger que le pompier professionnel, si on peut exprimer... Parfait. Donc, il y a ça de réglé.

Puis, rapidement, il y avait toute une discussion sur le fait de... C'est bien, là, de préciser les pompiers, mais est-ce que...

Par exemple, j'avais... on avait porté à mon attention que des soudeurs peuvent être exposés à certains risques aussi dans certains types de maladies, mais qu'en précisant les pompiers on venait, de facto, exclure toutes les autres maladies. Est-ce qu'il y a eu une réflexion de votre côté à ce niveau-là?

M. Boulet : Je ne comprends pas trop le point que vous soulevez, là.

M. Leduc : C'est que, là, dans le cancer de la prostate, pour la nommer, vous dites : Donc, pour bénéficier de ça, il faut être un pompier.

M. Boulet : Ah oui! Mais le soudeur, ça n'empêche pas... Encore une fois, l'article 30 est toujours à sa disposition, là. Il peut démontrer un lien de causalité entre, je ne le sais pas, le soudeur, ce avec quoi il travaille, ce à quoi il est exposé et le diagnostic que son médecin pose. Oui, absolument, il peut présenter une réclamation.

M. Leduc : Oui, ça, on le comprend, qu'il peut, mais il ne pourra donc pas bénéficier de la présomption.

M. Boulet : Non.

M. Leduc : Parce que la présomption, elle, elle est nécessairement attachée au statut de pompier.

M. Boulet : Exact. Tout à fait.

M. Leduc : Et je suis content pour les pompiers. Je trouve ça dommage peut-être pour les autres corps d'emploi.

M. Boulet : Ah mon Dieu! Mais c'est le grand avantage de la création d'un comité scientifique qui va permettre à la liste des maladies professionnelles présumées d'évoluer.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Parfait. Y a-t-il d'autres interventions à l'amendement déposé par le député de Nelligan? S'il n'y a pas d'autre intervention, nous allons procéder à la mise aux voix.

Le Secrétaire : Pour, contre, abstention. Pour les membres de l'opposition officielle, M. Derraji (Nelligan)?

M. Derraji : Pour. Est-ce qu'on peut dire, même, un double pour? Pour.

Le Secrétaire : M. Boulet (Trois-Rivières)?

M. Boulet : Pour.

Le Secrétaire : Pour les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement, M. Jacques (Mégantic)?

M. Jacques : Pour.

Le Secrétaire : M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve)?

M. Leduc : Pour.

Le Secrétaire : M. Roy (Bonaventure)?

M. Roy : Pour.

Le Secrétaire : Mme IsaBelle (Huntingdon)?

La Présidente (Mme IsaBelle) : Abstention. Donc, l'amendement déposé par le député de Nelligan à l'article 238 est accepté.

Nous poursuivons maintenant avec l'article 238 tel qu'amendé. Y a-t-il des interventions? Député de Nelligan.

M. Derraji : L'autre amendement, s'il vous plaît, si vous permettez, sur la leucémie.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Tout à fait, oui.

M. Derraji : Je vais faire juste une brève intervention.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Nous avons un deuxième amendement déposé par le député de Nelligan. Nous allons le mettre à l'écran afin que tout le monde puisse le voir. Parfait. Alors, je vous invite à le lire et à l'expliquer.

M. Derraji : Oui. Merci, Mme la Présidente. Bon, ça concerne toujours une autre maladie professionnelle. Donc :

Maladies oncologiques de l'annexe A du Règlement sur les maladies professionnelles, tel qu'édicté par l'article 238 du projet de loi, est modifié par l'ajout, à la fin, de la section de la maladie/conditions particulières suivante, la maladie :

«[La] leucémie.

«Conditions particulières.

«Avoir exercé un travail impliquant une exposition à des gaz et fumées d'incendie pendant des opérations visant à les maîtriser ou lors du déblaiement ou de l'enquête après leurs extinctions, et être ou avoir été un pompier combattant à temps plein ou à temps partiel, à l'emploi d'une ville ou d'une municipalité.

«Le diagnostic doit avoir été posé après une durée d'emploi minimale de 5 ans.»

La Présidente (Mme IsaBelle) : Des explications?

M. Derraji : Oui. Aucun problème. J'ai deux éléments. La leucémie est reconnue partout au Canada après seulement 10 ans d'exposition et elle n'est pas incluse dans le projet de loi. À part cette reconnaissance qui est généralement acceptée, ce que j'ai comme élément, c'est il a été accepté par le TAT, donc pour le Tribunal administratif, comme une maladie reconnue, et, pour le bénéfice des collègues, j'ai le jugement. À Montréal seulement, trois affaires judiciaires ont reconnu ce lien. Les villes de Montréal et de Québec règlent maintenant ces affaires à l'amiable. Et j'ai devant moi la décision du tribunal du TAT par rapport à la leucémie et j'ai même devant moi des affaires judiciaires reconnues, et l'affaire a été réglée à l'amiable dans les deux villes, à savoir Montréal et Québec.

Donc, j'expose la situation, Mme la Présidente. Je laisse le soin au ministre de voir, d'écouter, d'entendre son point de vue par rapport à cette maladie, ainsi que les décisions du TAT, qui a été déjà, déjà... qui a été appelé à juger et à reconnaître cette maladie pour les pompiers. Voilà.

M. Boulet : Simplement, Mme la Présidente, encore une fois, j'ai beaucoup d'empathie pour les pompiers qui peuvent avoir ce type de cancer là, comme n'importe qui dans la population en général. Puis je suis tout le temps fier de reparler de l'importance de la mise sur pied d'un comité de maladies professionnelles oncologiques pour les accompagner. Mais, sur ce cancer-là, il n'est pas dans la liste parce que, clairement, dans le rapport de l'IRSST que vous avez, tant pour le degré d'association statistique, il y a un plus grand nombre d'études, parce que ces méta-analyses ne montrent aucune association, et, pour la qualité de la preuve d'association, même chose, preuve d'aucune association, selon plusieurs études.

Donc, encore une fois, je répète, ce n'est qu'une présomption. Ça n'empêchera pas quelqu'un qui a la leucémie ou ce type de cancer là de démontrer que c'est lié à son travail de pompier ou autre. Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Député de Nelligan.

M. Derraji : Donc, ce que je comprends de l'explication du ministre, c'est qu'avec le lien de présomption... En fait, le jugement qu'on a vu avec les deux villes et le fait que les deux villes s'entendent à l'amiable avec les deux, ça va être le modus operandi par la suite. Ça veut dire que le lien, il est là, le fardeau repose sur le travailleur d'aller faire, en fait, le processus. Et ce qu'on voit maintenant, que les villes, maintenant, essaient même de résoudre des affaires à l'amiable, donc, ça ne vous gêne pas, en tant que législateur, que ça continue comme ça, à se régler sans l'ajouter comme maladie professionnelle?

M. Boulet : Ah! absolument. Puis non, puis je le dis parce qu'en plus il va avoir le comité des maladies professionnelles et oncologiques qui va pouvoir accompagner non seulement le travailleur, mais son employeur. Mais que ce soit pour la leucémie ou n'importe quel autre type de lésion professionnelle, on a un service de conciliation qui fait en sorte de régler beaucoup de dossiers à l'amiable. On est en matière de santé et sécurité, puis il y a énormément de dossiers qui se règlent entre les parties. Donc, ça ne fait pas exception.

La Présidente (Mme IsaBelle) : D'accord. Merci.

M. Derraji : Bien, c'est bon. Merci. Donc, écoutez, si c'est comme ça qu'on va voir la suite par rapport à cette maladie, j'espère que comité scientifique va suivre un peu, parce que je ne pense pas qu'on va toujours attendre les décisions du TAT pour qu'un travailleur puisse prévaloir son droit d'avoir une maladie reconnue. Vous connaissez tout ce que je dis. Ce qui est bien avec le ministre, il comprend très bien le passage par le TAT. Ce n'est pas facile. C'est parfois lent. C'est exigeant.

Écoutez, j'ai un jugement devant moi. Je l'ai commencé. Ça a été très difficile de le terminer. J'ai deux ou trois jugements devant moi. Donc, est-ce que je comprends que le ministre est à l'aise à ce que le règlement — surtout, je pense, c'est les deux villes impliquées, Montréal et la ville de Québec — entre l'employeur et les travailleurs, à savoir les pompiers, continue à s'opérer de cette façon, à l'amiable, dorénavant?

M. Boulet : Bien, sous réserve, hein? Tu sais, ces types de règlements là qui sont faits généralement en présence des conciliateurs, ils font l'objet d'un jugement du TAT, qui entérine le règlement. Donc... Puis le TAT s'assure que ça respecte les paramètres de la loi. Et je ne connais pas ce règlement spécifique là, là, mais je présume qu'il est compatible avec la loi. Et ce règlement-là va être entériné par le Tribunal administratif du travail. Absolument, je suis tout à fait à l'aise avec ça.

M. Derraji : Écoutez, je ne veux pas retarder les discussions, mais je peux vous l'envoyer, ce que j'ai eu comme information, mais surtout la décision. C'est un jugement de 2016. Vous n'étiez pas là en 2016.

M. Boulet : Non, je n'étais pas là. On n'était pas là, personne...

Une voix : ...

M. Boulet : Il était de 2018.

M. Derraji : Oui. O.K. C'est bon. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Parfait. Y a-t-il d'autres interventions sur l'amendement? Il n'y a pas d'autres interventions? Alors, s'il n'y a pas d'autre intervention, nous allons procéder à la mise aux voix.

Le Secrétaire : Pour, contre, abstention. Pour les membres de l'opposition officielle, M. Derraji (Nelligan)?

M. Derraji : Pour.

Le Secrétaire : M. Boulet (Trois-Rivières)?

• (18 h 30) •

M. Boulet : Contre.

Le Secrétaire : Pour les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement, M. Jacques (Mégantic)?

M. Jacques : Contre.

Le Secrétaire : M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve)?

M. Leduc : Pour.

Le Secrétaire : M. Roy (Bonaventure)?

M. Roy : Pour.

Le Secrétaire : Mme IsaBelle (Huntingdon)?

La Présidente (Mme IsaBelle) : Abstention. Donc, l'amendement est rejeté. Nous poursuivons avec l'article 238 tel qu'amendé. Y a-t-il d'autres interventions? Député d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : Mme la Présidente, avant de procéder à un autre amendement, je veux faire ce que j'ai oublié de faire ce matin. Hier, j'ai pris un engagement. J'étais à Varennes, où il y avait un rassemblement syndical de travailleurs, travailleuses de l'usine... de l'entrepôt de Jean Coutu qui a été en conflit de travail, là, il y a quelques mois, on s'en rappellera, et ils ont fait signer une pétition, au-delà de 400 signatures, essentiellement des gens, donc, qui sont dans cette immense usine qui fournit... cet immense entrepôt, pardon, qui fournit à peu près tout le réseau de pharmacies, là, Jean Coutu et Brunet, deux ou trois bannières associées à l'entrepôt. Et ils se sont donc beaucoup mobilisés. Ils ont voulu aller déposer la pétition à notre collègue, là, députée dans ce coin-là, de Verchères, si je ne me trompe pas, députée de Verchères. Elle était absente — de son local, bien sûr — alors j'ai pris l'engagement d'amener cette pétition-là et de la déposer, bien, en fait, de la donner au ministre.

Et je vais vous en lire, donc, rapidement l'extrait, et j'aurai donc rempli mon engagement envers les travailleurs, travailleuses. Ça va comme suit :

«Pétition :

«Bonification du projet de loi n° 59 [...] modernisant le régime de santé et de sécurité du travail :

«Considérant que le projet de loi n° 59 [...] n'étend pas intégralement les mécanismes de prévention éprouvés à tous les secteurs d'activité;

«Considérant que le projet de loi n° 59 sous-estime le niveau de risque dans plusieurs secteurs d'activité, et ne donne pas assez de temps de libération au représentant syndical pour accomplir son travail;

«Considérant que le projet de loi n° 59 reconnaît les risques psychosociaux et le stress post-traumatique, mais qu'il ne va pas assez loin en matière de santé psychologique;

«Considérant que le projet de loi n° 59 prévoit que la CNESST disposerait d'un pouvoir réglementaire additionnel pour restreindre les soins et les moyens nécessaires aux personnes accidentées ou malades du travail;

«Nous, soussignés, demandons au gouvernement du Québec de bonifier substantiellement son projet de loi n° 59 pour [vraiment] protéger tout le monde.»

Et s'ensuit donc une longue liste d'au-delà de 400 personnes qui ont signé cette pétition. Je ne sais pas si M. le ministre voudrait peut-être réagir.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Non, c'est beau.

M. Boulet : Non.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Quel est le lien, effectivement, là, direct avec l'article 238? Est-ce que vous avez... donc, c'est correct? Vous l'avez? Ils pourront...

M. Leduc : Oui, bien, c'est ça, je disais que je voulais faire ça, ce que j'avais...

La Présidente (Mme IsaBelle) : Parfait. Monsieur?

M. Jacques : Bien, on n'est pas intervenu, mais on aurait pu appeler un point de règlement, là, entre autres sur la pertinence, de un, de deux, sur quelques allégations qu'il y a eu, là, au cours de la lecture. Donc, je pense que, sans prendre plus de temps, là, on pourrait passer à autre chose. Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Tout à fait. Alors, c'est beau. Donc, vous avez la pétition, elle est là, c'est bien, vous l'avez lue.

M. Leduc : ...Mme la Présidente. O.K.

La Présidente (Mme IsaBelle) : C'est bien. Alors, avez-vous d'autres interventions sur l'article 238 tel qu'amendé?

M. Leduc : Oui, bien sûr. On a d'autres amendements. On pourrait vous les acheminer, là, prendre une légère suspension.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Oui, d'accord. Alors, nous allons suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 18 h 34)

(Reprise à 18 h 59)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, compte tenu de l'heure... Merci, d'abord, pour votre collaboration.

Et, compte tenu de l'heure, bien, nous ajournons les travaux sine die. Merci. Bonne soirée à toutes et à tous.

(Fin de la séance à 19 heures)

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