Journal des débats de la Commission de l'économie et du travail
Version préliminaire
42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)
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Le
jeudi 1 avril 2021
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Vol. 45 N° 83
Étude détaillée du projet de loi n° 59, Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail
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Intervenants par tranches d'heure
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IsaBelle, Claire
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Boulet, Jean
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Derraji, Monsef
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Boulet, Jean
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Derraji, Monsef
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IsaBelle, Claire
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IsaBelle, Claire
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Leduc, Alexandre
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Boulet, Jean
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IsaBelle, Claire
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Leduc, Alexandre
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Boulet, Jean
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Derraji, Monsef
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Leduc, Alexandre
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Boulet, Jean
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IsaBelle, Claire
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Boulet, Jean
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Leduc, Alexandre
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IsaBelle, Claire
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Boulet, Jean
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IsaBelle, Claire
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Roy, Sylvain
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IsaBelle, Claire
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Leduc, Alexandre
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Boulet, Jean
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Boulet, Jean
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IsaBelle, Claire
11 h 30 (version révisée)
(Onze heures trente minutes)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Bonjour. Alors, attention! Vous êtes tous là, oui? Alors, s'il vous plaît,
ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'économie
et du travail ouverte.
La commission est réunie afin de poursuivre
l'étude détaillée du projet de loi n° 59, Loi modernisant le
régime de santé et de sécurité du travail.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire
: Oui, Mme
la Présidente. M. Lemieux (Saint-Jean) remplace Mme Chassé
(Châteauguay); M. Birnbaum (D'Arcy-McGee) remplace Mme Robitaille
(Bourassa-Sauvé); et M. Roy (Bonaventure) remplace Mme Richard
(Duplessis).
Étude détaillée (suite)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Lors de l'ajournement, hier, la commission en était au sujet 3.2.1,
qui traite de l'évolution des maladies professionnelles et plus particulièrement
du Règlement sur les maladies professionnelles. Les discussions portaient sur l'article 238
amendé. Je veux aussi rappeler que nous avons suspendu l'article 8 — alors,
on l'a bien dans notre banque, il n'y a pas de souci là-dessus — et
nous en étions à discuter de certains événements ou certaines activités. Alors,
je pense qu'on veut poursuivre la discussion. C'est bien ça, M. le ministre?
M. Boulet : Oui, tout à
fait. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, nous allons suspendre de nouveau. Alors, nous suspendons.
(Suspension de la séance à 11 h 31)
>
(Reprise à 11 h 44)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, je comprends, M. le ministre, que vous voulez la parole. C'est bien ça?
M. Boulet : Oui.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, à vous la parole.
M. Boulet : Merci, Mme la
Présidente. Donc, comme déjà annoncé, je vais faire une présentation sur la
pertinence des amendements qui sont dans le Règlement sur les maladies
professionnelles et qui concernent les conditions d'admissibilité en matière de
surdité.
D'abord, l'état actuel des choses. Il n'y
a pas de seuil minimal de perte auditive pour la reconnaissance d'une surdité
professionnelle ni pour le droit, bien <sûr, à des...
M. Boulet : ...les
conditions d'admissibilité en matière de surdité.
D'abord, l'état actuel des
choses. Il n'y a pas de seuil minimal de perte auditive pour la
reconnaissance
d'une surdité professionnelle ni pour le droit, bien >sûr, à des
prestations d'assistance médicale. Donc, les travailleurs atteints d'une perte
auditive inférieure, par exemple, à 30 dB, ils peuvent recevoir des
prothèses auditives, ils peuvent recevoir des services, et ça, même après des
décennies.
Puis c'est indéniable, là, que
l'exposition au bruit dans un milieu de travail a des impacts sur la surdité professionnelle,
mais il est également indéniable que l'âge produit aussi ses effets, et, comme
ailleurs au Canada, la LATMP ne fait pas de distinction entre l'origine professionnelle
d'une surdité et la surdité qui est personnelle, qu'on appelle la
presbyacousie. Donc, l'incidence des cas de surdité, là, en tenant compte de
ça, de notre façon de les couvrir, est nettement supérieure à celle des autres
provinces canadiennes. Et c'est devenu aussi un incontournable d'avoir un seuil
minimal pour accepter l'octroi, notamment, des prothèses auditives, puis un
facteur aussi pour tenir compte de la presbyacousie, ou l'exigence aussi de
fournir un audiogramme contemporain à la cessation de travail.
Vous mentionnez que de 2010... parce que
là je vais dans un autre secteur, là, l'augmentation des réclamations et des
déboursés, juste quelques chiffres, là, parce que j'en ai beaucoup puis je ne
veux pas vous enterrer avec ça, mais, de 2010 à 2019, le total des réclamations
annuelles acceptées est passé de 4 200 à 13 800. Le total des
dossiers dans lesquels les frais ont été payés est passé de 22 400 à
66 112, une hausse de 194 %, et la croissance provenait en majeure
partie des personnes de plus de 65 ans.
Le total des déboursés... puis vous
allez dire : Il y a une question de coûts, mais je pense beaucoup plus à
la pérennité de notre régime d'indemnisation. Le total des déboursés liés
à la surdité professionnelle est passé de 59 millions, en 2010, à
185 millions en 2019. C'est une hausse de 214 %, Mme la Présidente, donc,
le taux de croissance. Il y a eu aussi une augmentation, bon, du nombre de
dossiers acceptés chez les 65 ans et plus, ce à quoi je faisais référence,
de 111 %. Le nombre de <dossiers...
M. Boulet : ...hausse de
214 %,
Mme la Présidente, donc, le taux de croissance. Il y a eu
aussi une augmentation, bon, du nombre de dossiers acceptés chez les
65 ans et plus, ce à quoi je faisais référence, de 111 %. Le nombre
de >dossiers acceptés chez les 66 ans et plus a augmenté de 502 %,
parce que je rappelle qu'il n'y a pas de limite dans le temps, là, même après
des décennies.
Donc, les impacts financiers sur le régime.
La surdité professionnelle représente, à elle seule, un passif actuariel de
3,1 milliards de dollars au 31 décembre 2020. C'est à peu près
20 % du passif actuariel total de 15,9 milliards.
Pourquoi mettre un critère à 22,5 dB
dans chaque oreille? Bon, écoutez, la communauté scientifique et médicale le
reconnaît, un seuil d'au moins 22,5 dB doit être atteint pour considérer
qu'une personne présente une perte auditive. En bas de 22,5 dB, tu entends
une personne chuchoter.
• (11 h 50) •
L'Organisation mondiale de la santé nous
dit même, entre 20 dB et 35 dB, c'est léger. Il y a une perte incapacitante
au-delà de 35 dB. On est à 22,5 dB, l'Ontario est à 22,5 dB, plusieurs
provinces au Canada sont à 25 dB. L'OMS considère donc... je le redis,
entre 20 dB et 35 dB, c'est léger, puis c'est au-delà de 35 dB
qu'il y a une déficiente auditive incapacitante. La RAMQ est à 25 dB. La
SAAQ est à 25 dB. Donc, on est assis sur un seuil qui est tout à fait
raisonnable, normal, comparable. Donc, ce seuil-là, il est objectivable, il est
reconnu par la communauté scientifique et médicale.
Pourquoi, maintenant, tenir compte de la
presbyacousie? Bon, on en a parlé, il faut tenir compte d'un coefficient. À
partir de 60 ans, c'est reconnu aussi qu'il y a une perte qui est mesurée,
année après année, de... perte auditive. La perte auditive liée à l'âge affecte
progressivement tous les individus, mais de façon plus significative à compter
de 60 ans. Pour la majorité des travailleurs, le coefficient de
presbyacousie limité à 0,5 dB par année après 60 ans génère des valeurs de
correction grandement inférieures, donc des <valeurs...
M. Boulet : ...
mais
de façon plus significative à compter de 60 ans. Pour la majorité des
travailleurs, le coefficient de presbyacousie limité à 0,5 dB par année
après 60 ans génère des valeurs de correction grandement inférieures, donc des
>valeurs de correction grandement inférieures à la perte auditive réelle
liée à l'âge.
Le coefficient de presbyacousie n'est pas
appliqué ici, dans notre projet de loi, aux travailleurs âgés de moins de 60 ans
ni à ceux dont la réclamation est produite moins de cinq ans après l'exposition
au bruit dans le cadre du travail. Je le redis, ce coefficient-là, il est aussi
équivalent à celui de l'Ontario et il est plus avantageux que l'Île-du-Prince-Édouard,
que la Saskatchewan, que Terre-Neuve et les Territoires du Nord-Ouest, qui
exigent un audiogramme qui doit avoir été passé au plus tard cinq ans après
avoir quitté le milieu de travail bruyant pour que la perte auditive soit
considérée, et même deux ans, dans le cas du Yukon.
Pour les fréquences utilisées lors des
mesures, bon, vous l'avez vu dans le règlement, la perte auditive est évaluée
pour quatre fréquences : le 500 Hz, le 1 000 Hz, le 2 000 Hz
et le 4 000 HzV, et la perte auditive de 22,5 dB correspond,
bon, à ces sommes de pertes là pour les quatre fréquences, là, mais l'OMS,
l'Organisation mondiale de la santé, la RAMQ utilisent exactement les mêmes
fréquences pour catégoriser les niveaux de risque... le niveau de perte
auditive, puis c'est ce qui est prévu, d'ailleurs, dans le barème pour la
détermination de l'atteinte permanente.
Il n'y a aucune autre province qui utilise
les fréquences, mettons, de 3 000 Hz à 6 000 Hz aux fins de
déterminer l'admissibilité d'une surdité professionnelle. Donc, au Québec, on
est plus avantageux que les autres provinces, et la fréquence de 4 000 Hz
utilisée permet d'ailleurs de mieux inclure les consonances qui sont moins
énergétiques.
La surdité causée par un accident de
travail — bon, ça, la question m'est posée, là, par certains
syndicats — elle, peut toujours considérer un diagnostic de perte
auditive, incluant la perte unilatérale ou asymétrique causée par un bruit
d'impulsion, causée par d'autres événements. Ça peut être le tir d'une arme à
feu, l'explosion d'un pneu, bon. Le Syndicat des métallos donnait récemment
l'exemple d'un travailleur qui reçoit un tison à la suite d'une opération de
découpage, ce qui lui perce le tympan. Comme il s'agit d'un fait accidentel, c'est
traité comme un accident de travail. Il y a démonstration que c'est un événement
imprévu et soudain, ce qui est le cas. Ça génère une blessure, le tympan
perforé, et il y a un lien de causalité entre les deux. C'est accepté comme un
accident de travail, c'est un événement traumatique, et le travailleur
bénéficie d'une indemnisation <en vertu de...
M. Boulet : ...démonstration
que c'est un
événement imprévu et soudain, ce qui est le cas. Ça génère
une blessure, le tympan perforé, et il y a un lien de causalité entre les deux.
C'est accepté comme un accident de travail, c'est un événement traumatique, et
le travailleur bénéficie d'une indemnisation >en vertu de la loi. Et
donc c'est traité ou... sinon, ça peut aussi être traité comme une maladie
professionnelle, et son atteinte permanente pourrait être évaluée selon le
barème des dommages corporels, mais je ne veux pas entrer trop dans les
nuances.
Un autre cas qui m'a été rapporté, une
femme qui entre tardivement sur le marché du travail, elle a travaillé pendant
cinq ans dans une usine, entre 50 et 55 ans, puis elle est exposée
quotidiennement à un bruit supérieur — il ne faut pas que j'oublie le
85 dB aussi — pendant des années. Elle quitte ce milieu de
travail bruyant et travaille le reste de sa carrière comme professeure de yoga.
Elle prend sa retraite à 65 ans. 15 ans plus tard, à l'âge de 80, son
médecin lui prescrit des prothèses auditives pour une atteinte légère aux deux
oreilles, 22,5 dB, mettons, respectivement. Elle produit une réclamation à
la CNESST et, comme elle a été exposée à un environnement bruyant pendant plus
de deux ans, elle sera indemnisée.
Maintenant, dans notre règlement, pour des
fins d'indemnisation, on réfère aussi à l'unité du 85 dB, parce que, dans
la façon de l'appliquer, avant, c'était 90 dB, maintenant, c'est 85 dB.
Donc, au-delà de 85 dB, c'est une exposition à un bruit qui est considérée
comme donnant ouverture à l'application de la présomption.
On a un cadre général qui nous apparaît
non seulement généreux, mais objectif, respectueux de la santé financière du
régime, respectueux du but puis de l'économie générale de notre régime
d'indemnisation, qui est d'indemniser les travailleurs pour des événements qui
sont d'origine professionnelle, ici, de la surdité professionnelle, et on tient
compte de la surdité professionnelle... de la surdité personnelle avec des
coefficients qui sont objectifs, qui s'inspirent de l'Organisation mondiale de
la santé, qui s'inspirent de ce qui se fait à la Régie de l'assurance maladie
et à la SAAQ et que nos médecins experts ont considéré comme étant respectueux,
puis ça va bien au-delà de ce qui est requis dans des cas de surdité
professionnelle. Bien sûr, ça respecte la santé du régime et la santé des
travailleurs. Merci, ça complète pour l'argumentaire sur la surdité. Merci, Mme
la Présidente.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci, M. le ministre. Alors, député de Nelligan.
M. Derraji : Merci, Mme la
Présidente. J'ai quelques questions. J'ai cru comprendre qu'au niveau du
règlement vous vous basez sur 85 dB. C'est ça?
M. Boulet : Oui.
M. Derraji : O.K. Il y a des
groupes qui disent que c'est le 80 dB qui <est le...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
...
député de Nelligan.
M. Derraji : Merci, Mme la
Présidente. J'ai quelques questions. J'ai cru comprendre qu'au niveau du
règlement vous vous basez sur 85 dB. C'est ça?
M. Boulet : Oui.
M. Derraji : O.K. Il y a
des groupes qui disent que c'est le 80 dB qui >est la...
M. Boulet : Actuellement,
c'est 90 dB.
M. Derraji : Oui, mais
pourquoi pas 80 dB, pourquoi 85 dB?
M. Boulet : Bien, 85 dB,
encore une fois, ça s'appuie sur un consensus scientifique et médical. Et,
quand on se compare avec d'autres juridictions en semblable matière, là, pour
la surdité professionnelle, 85 dB est une norme reconnue.
M. Derraji : O.K. Quand vous
dites qu'on se compare à d'autres juridictions, est-ce que vous avez des
exemples d'autres juridictions qui se basent sur 85 dB au lieu de 80 dB?
M. Boulet : Oui. On pourra
vous en fournir, là.
M. Derraji : En attendant, ce
n'est pas grave, je peux attendre, bon.
Parmi les choses qui ont été soulevées, en
fait, par plusieurs, c'est la documentation de la perte auditive...
M. Boulet : Bien, ce que j'ai
ici, je vais vous les donner. L'Ontario est à 90 dB, Alberta est à 85 dB,
Colombie-Britannique à 85 dB; Manitoba, 85 dB; l'Î.-P.-É., 85 dB;
Saskatchewan, 85 dB; Nouveau-Brunswick, 85 dB; Nouvelle-Écosse, 85 dB;
Terre-Neuve-Labrador, 85 dB; T.N.-O, Nunavut, 85 dB. Donc, on est
vraiment en ligne avec tout le monde. Je pense que la question était...
M. Derraji : Les questions
sont toujours très pertinentes dans ce débat, et j'ai lu entre les lignes,
c'est ce que vous voulez me dire, mais je vais le dire en votre nom.
Mais je vais revenir à quand est-ce que
ces provinces, elles ont révisé leurs régimes. C'est quand même récent?
M. Boulet : Ah mon Dieu! Oui. Elles
n'ont pas attendu 40 ans.
M. Derraji : Ils n'ont pas 40 ans?
M. Boulet : Non. Je vous
dirais, je pense, à peu près dans les cinq dernières années, la plupart.
M. Derraji : Oui. O.K. Ça
répond à ma question sur le 85 dB, mais j'imagine aussi que, du moment que
c'est un règlement, si le comité scientifique... je reviens toujours, moi, au
comité scientifique, parce que... Ça, ce n'est pas figé?
M. Boulet : Il pourra adapter.
Bien oui, bien sûr.
M. Derraji : Il peut
l'adapter, genre, si le comité, vu l'évolution des études, on pense que c'est
80 dB... on ne va pas attendre, encore une fois, une autre quarantaine
d'années avant de baisser à 80 dB.
M. Boulet : C'est tellement...
Ma philosophie est exactement la même que la vôtre, oui.
• (12 heures) •
M. Derraji : Je la partage et
je l'ai dit, je le dis et je vais toujours le redire, que je pense que c'est
une très bonne idée, le comité scientifique, qu'il va nous permettre d'agir et
d'être agiles aussi. Il va nous permettre d'agir et être agiles, et non pas
attendre, surtout <quand il s'agit de la santé...
>
12 h (version révisée)
<17899
M. Boulet :
...mais ma philosophie est
exactement la
même que la vôtre, oui.
M. Derraji : Oui, mais
je la partage et je l'ai dit, je le dis et je vais
toujours le redire,
que je pense que c'est une très bonne idée, le comité
scientifique,
qu'il va nous permettre d'agir et d'être agiles aussi. Il va nous permettre
d'agir et être agiles, et non pas attendre, surtout >quand il s'agit de
la santé des travailleurs.
Je veux juste explorer trois autres idées
avec vous, parce que j'ai des amendements que je vais déposer, mais je vais les
déposer les trois au même moment. C'est quoi, votre vision à la documentation
de la perte auditive au moment de commencer le travail, tout au long du
processus, de la présence du travailleur sur les lieux de travail, surtout dans
des endroits, des lieux de travail où la documentation est là par rapport à la
perte auditive, donc, en quelque sorte, un monitoring qui va se faire,
déterminé par le comité scientifique? J'explique d'une manière un peu
philosophique mon rêve par rapport à ça. On constate qu'il y a des pertes
auditives. En fait, j'essaie juste de voir un peu, les groupes, qu'est-ce qu'ils
nous ont dit. Je comprends, à la lumière de votre argumentaire, que
j'apprécie, parce que je l'ai demandé au début, pour avoir une décision
très éclairée au bout de la ligne, il n'y a personne qui veut faire quelque
chose... un gain au détriment des travailleurs. Notre but : que la CNESST
continue de jouer son rôle en indemnisant les travailleurs. Donc, est-ce qu'on
peut aujourd'hui dire que la façon avec laquelle on travaillait dans le passé,
elle est révolue?
Et ce qu'on aimerait, c'est que la perte
auditive doit être mesurée dans l'une ou l'autre des oreilles à des fréquences
déterminées par le comité scientifique sur les maladies professionnelles, donc
qu'on commence à documenter, surtout qu'on le sait, maintenant, sur certains
lieux de travail, il y a des fréquences. Donc, au lieu qu'on commence à avoir
un combat, est-ce que c'est dû à l'âge ou c'est dû professionnellement, un
combat, que ce soit entre syndicats ou employeurs, je pense que nous sommes
rendus là, surtout qu'on va se donner maintenant les moyens d'agir via un
comité scientifique. Ça, c'est le premier.
M. Boulet : Ah! je suis
assez d'accord sur le fond, que le comité scientifique, s'il fait des avis et
des recommandations, ce n'est pas simplement pour modifier des conditions ou
ajouter des maladies, mais nous aider à guider les employeurs puis les
travailleurs dans la façon de...
M. Derraji : Absolument.
M. Boulet : Oui, oui,
tout à fait.
M. Derraji : J'ai un
amendement dans ce sens et j'ai un autre amendement par rapport au niveau de
bruit, mais plus qu'en prenant le poste et l'environnement de travail. Ça,
encore une fois, au tout début, là, je vous ai dit que mon rêve aussi, c'est qu'on
améliore la prévention, et la technologie nous aide maintenant, et que, si on
veut éviter qu'on se rende à des moyens où ça nous coûte trop cher... mais ça
coûte trop cher à nous tous, <hein?
M. Derraji : ...
le
poste et l'environnement de travail. Ça, encore une fois, au tout début, là, je
vous ai dit que mon rêve aussi, c'est qu'on améliore la prévention, et la
technologie nous aide maintenant, et que, si on veut éviter qu'on se rende à
des moyens où ça nous coûte trop cher... mais ça coûte trop cher à nous tous,
>hein? Au bout de la ligne, on ne veut pas qu'on l'échappe. Donc, est-ce
qu'on peut agir au niveau du poste de travail, de l'environnement de travail
avec des éléments où on ne va pas laisser pour compte le travailleur? Parce
qu'au bout de la ligne le travailleur est perdant, l'employeur est perdant et
le régime est perdant. Donc, c'est dans ce sens que...
M. Boulet : Oui, c'est
intéressant, puis ça fait notamment appel, tu sais, au port des équipements de
protection individuelle, là, pour permettre de diminuer l'impact que le bruit
environnant peut avoir sur le phénomène de surdité professionnelle. Oui, mais
je vous écoute puis je suis assez d'accord.
M. Derraji : Oui, je veux
juste... donc, je ne sais pas si je peux juste prendre quelques minutes avant
de déposer les trois amendements, si vous le permettez.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Est-ce que vous voulez les déposer et en discuter, les trois, simultanément, ou
vous voulez que ça soit traité quand même séparément?
M. Derraji : Je n'ai pas
vu une hésitation, mais je ne veux pas faire une présomption de l'intention du
ministre, mais, si je peux avoir juste une minute avant de les déposer, ça va
être génial.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
O.K. Et on décidera par la suite si c'est simultanément ou individuellement.
M. Derraji : Ah non! mais
je vais déposer les trois d'un seul coup, comme ça, on va faire... j'aime plus
qu'on garde le temps, parce que les déposer au fur et à mesure, je ne pense pas
que je vais être efficace. C'est bon?
M. Boulet : Je suis
d'accord.
M. Derraji : Mon but, ce
n'est pas de retarder. Le but, c'est de discuter en bloc. Ça passe, sinon...
tout le monde est d'accord, sinon, on passe à autre chose.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
O.K. Parfait. Alors, nous allons suspendre quelques instants.
(Suspension de la séance à 12 h 05)
12 h 30 (version révisée)
(Reprise à 12 h 48)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, nous reprenons les échanges. Y a-t-il des interventions pour
l'article 238 amendé? Oui. Alors, le député d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : Merci, Mme la
Présidente. Là, on peut aller sur le sujet de la surdité, là, on était
là-dessus avant de suspendre. On a reçu des communiqués, ce matin et hier, des
communiqués assez instructifs, notamment, par exemple, là, de l'Ordre des
orthophonistes et audiologistes du Québec. C'est écrit qu'ils sont très
inquiets de la suite des choses. Je vous lis des extraits : «L'OOAQ est
d'avis que certains articles devraient être revus rapidement, car ils ne sont
pas en accord avec les récentes études et les données probantes et portent
atteinte à la protection du public.»
Là, il y a une citation de Paul-André Gallant,
président de l'Ordre des orthophonistes et audiologistes : «Des éléments
touchent directement le droit des travailleurs victimes de surdité
professionnelle puisqu'ils réduisent la possibilité d'indemnisation et
diminuent les possibilités d'obtenir des aides auditives et des services de
réadaptation couverts par la CNESST.»
Puis là ils font référence à des
représentations qu'ils ont faites. Je pense que ça date de janvier dernier. Ils
disent : «L'ordre a d'ailleurs fait parvenir ses commentaires aux membres
de la commission qui étudient le projet de loi n° 59 ainsi qu'au ministre
du Travail, M. Jean Boulet. Parmi les faits soulevés, appliquer un facteur
de correction de 0,5 décibel aux travailleurs âgés de 60 ans et plus
va à l'encontre des données scientifiques reconnues et peut apporter préjudice
au travailleur. En effet, la lente dégradation de l'audition due à l'âge n'est
pas uniquement attribuable au vieillissement des structures et des fonctions de
l'oreille. Des preuves existent qu'une large part de cette atteinte pourrait
venir de l'exposition au bruit. Le projet de loi n° 59 doit reconnaître la
pleine valeur de leur perte auditive due au bruit.
«De plus, exclure les travailleurs ayant
une atteinte auditive unilatérale ou asymétrique, comme une personne ayant une
perte auditive du côté gauche, par exemple, nous apparaît comme un non-sens.»
• (12 h 50) •
Puis là ils en rajoutent une autre couche,
qu'on n'a même pas abordée encore : «Totalement absent du projet de loi,
l'acouphène [doit devenir...] doit également être ajouté comme un symptôme
aggravant de la maladie professionnelle, d'autant plus que l'on considère que
90 % des personnes ayant un acouphène chronique ont aussi avec une perte
auditive. Rappelons que les Anciens Combattants Canada et la Société de
l'assurance automobile reconnaissent l'acouphène comme une invalidité
indemnisable.»
Est-ce que le ministre a eu connaissance
de ce communiqué?
La Présidente (Mme IsaBelle) :
M. le ministre.
M. Boulet : Le communiqué
des orthophonistes et des audiologistes? Oui, j'ai été informé, bien sûr. Je
pense qu'essentiellement on se donne un encadrement normatif qui est totalement
objectif, qui s'inspire de ce qui se fait dans les autres juridictions
canadiennes et, au Québec, à la Régie de l'assurance maladie, à la SAAQ. J'ai
beaucoup de respect pour le travail des orthophonistes et des audiologistes. En
même temps...
Puis les facteurs de correction, là, je ne
me prétends pas un <grand...
M. Boulet : ...
dans
les autres juridictions canadiennes et, au Québec, à la Régie de l'assurance
maladie, à la SAAQ. J'ai beaucoup de respect pour le travail des orthophonistes
et des audiologistes. En même temps...
Puis les facteurs de correction, là, je
ne me prétends pas un >grand connaisseur là-dedans, mais 0,5 à partir de
60 ans, c'est extrêmement conservateur et reconnu dans la communauté
scientifique et médicale, et ça permet même une reconnaissance, peut-être
partielle, de la perte d'audition qui est d'origine personnelle.
Ceci dit, je pense que l'agilité de notre
règlement va découler dans le mandat, qui va être précisé dans les articles
subséquents, qui va être confié au comité d'experts scientifique. Puis le
comité d'experts scientifique, je répondais à une question du collègue de
Bonaventure hier, peut s'adjoindre des spécialistes, notamment, ici, ça peut
être un otorhinolaryngologiste, un ORL, pour les aider dans la mise à jour,
dans l'évolution de la liste des maladies professionnelles présumées, en tenant
compte des assises scientifiques et médicales qu'eux connaîtront. Et, bien sûr,
comme c'est des experts, bien, ils en auront la totale maîtrise.
Et moi, je m'engage à ce que ce soit
clairement précisé dans le mandat de ce comité-là pour que ça puisse les guider
et que ça serve d'instruction claire pour que le comité scientifique s'assure
que, s'il y a des assouplissements, des modifications ou des bonifications,
bien, ça puisse faire l'objet d'avis ou de recommandations, qui seront, bien
sûr, suivies par le ministre, à moins de circonstances, là, que je ne suis pas
en mesure de déterminer.
Autre sujet intéressant qui a été abordé
par le collègue de Nelligan, puis tellement à juste titre, c'est tout ce qui
concerne la prévention. Le projet de loi vise notamment à s'assurer qu'il y ait
des programmes de prévention partout, dans tous les secteurs d'activité, que ce
soit impératif, pas seulement les secteurs prioritaires 1 et 2. On réfère
souvent aux mines et aux forêts, mais dans tous les autres secteurs où, en
raison de la tertiarisation de l'économie, où il y a beaucoup de femmes,
notamment en services sociaux, en santé, en enseignement, dans le commerce...
puissent bénéficier, minimalement, quand il y a en haut de 20 travailleurs,
d'un programme de prévention avec un volet santé, un comité de santé-sécurité
puis un représentant en santé-sécurité, puis, en bas de 20, un plan d'action
qui a le même objectif que le programme de prévention, puis un agent de liaison
qui a, en substance, le même type de fonction et de responsabilité que le
représentant en santé-sécurité a.
Donc, dans un programme de prévention, le
but <central, c'est...
M. Boulet : ...
qui a
le même objectif que le programme de prévention, puis un agent de liaison qui
a, en substance, le même type de fonction et de responsabilité que le
représentant en santé-sécurité a.
Donc, dans un programme de prévention,
le but >central, c'est d'identifier les facteurs de risque, dont le
bruit excessif, dont le bruit, comment contrôler et comment éliminer ce
risque-là. Puis il y a bien des façons d'éliminer les risques. On a souvent
parlé des risques psychosociaux, mais là c'est un risque associé au bruit
excessif. Ça peut passer par des équipements de protection individuelle, ça
peut passer par du matériel sécuritaire, par des adaptations ou des environnements
de travail. Et ça, l'article 2... l'objet même de la Loi sur la santé et
sécurité est d'ailleurs d'éliminer ces risques-là.
Puis il y a les travailleurs, à
l'article 49 de la loi santé et sécurité, qui doivent faire ce qui
s'impose pour se protéger, pour s'assurer d'avoir un environnement puis du
matériel sécuritaire et de prendre les mesures appropriées pour éliminer les
risques d'accident de travail pour eux-mêmes. Et les employeurs, il y a une
série, si je me souviens bien, de 11 obligations spécifiques, à
l'article 51 de la loi santé-sécurité, qui essentiellement imposent à
l'employeur de faire... d'assurer... Puis, même dans la Charte des droits et
libertés de la personne, même dans le Code civil du Québec, ça fait partie des
devoirs d'un employeur d'assurer un environnement de travail exempt de tout
risque pour la santé, sécurité, intégrité physique et psychique des
travailleurs, et notamment de fournir gratuitement, c'est ce qui est prévu.
Donc, il y a plus que 11, mais c'est à 51,
11°, le paragraphe 11°, l'employeur a même l'obligation de fournir
gratuitement les équipements de protection individuelle. Donc, si tu es un
camionneur, si tu es un soudeur puis tu as besoin d'équipement de protection
individuelle, l'employeur est contraint, est obligé.
Puis je sais que, dans l'application, bon,
certains collègues me disaient : Ce n'est pas respecté. Peut-être, mais il
y a des inspecteurs de la CNESST qui peuvent intervenir dans tous les milieux
de travail au Québec et s'assurer que les mesures de prévention sont adéquates
et respectées. Et, avec le volet prévention, qui va faire objet de notre
examen, dans notre plan, en troisième après l'indemnisation, on s'assure qu'il
y en ait, des programmes de prévention. Puis je le dis aussi pour les trois
collègues, on va être beaucoup plus équipés, au Québec, pour prévenir les
accidents de travail, les maladies professionnelles, améliorer notre régime qui
est, selon nous, complètement déficient puis discriminatoire, notamment à
l'égard des femmes. On va s'assurer que ça s'applique partout. Il y a des gains
majeurs.
Puis, tu sais, j'entendais parfois, des
gens disaient : Vous allez améliorer beaucoup la prévention, est-ce que
vous voulez faire des sacrifices au niveau de l'indemnisation? Non. On veut
améliorer l'accès à l'indemnisation. Tout ce qu'on a fait...
M. Boulet : ...des femmes. On
va s'assurer que ça s'applique partout. Il y a des gains majeurs.
Puis, tu sais, j'entendais parfois, des
gens disaient : Vous allez améliorer beaucoup la prévention, est-ce que
vous voulez faire des sacrifices au niveau de l'indemnisation? Non. On veut
améliorer l'accès à l'indemnisation. Tout ce qu'on a fait, à ce jour, pour les
travailleuses domestiques, pour les stagiaires d'observation, pour le devoir
d'accommodement raisonnable, pour le retour progressif au travail, pour
l'assignation temporaire au travail, je pense que c'est primairement bénéfique
à la santé, sécurité de nos travailleurs.
La réadaptation, tout ce qu'on fait pour
la rendre accessible aux travailleurs, indépendamment de leur atteinte
permanente, avant qu'il y ait une atteinte permanente, je pense qu'on fait de
grandes avancées, encore une fois, pour avoir des travailleurs puis des
travailleuses qui sont plus en santé, avoir un régime moderne puis qui est
respectueux de ce qu'on est capables de faire. C'est pour ça qu'on dit que c'est
un projet de loi visant la modernisation.
Actuellement, malheureusement, on ne fait
pas assez de prévention puis on indemnise, à certains égards, comme en surdité,
sans égard à quelque norme que ce soit. Donc, en matière de surdité, on vient
dire : Il y a des normes, on ne les a pas inventées, on les a appuyées sur
du solide scientifique et de l'appui médical qui fait consensus non seulement
au Québec, mais dans la communauté internationale. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci, M. le ministre. Il reste à peine 1 min 30 s. Est-ce que
le député d'Hochelaga-Maisonneuve voudrait poursuivre quand même? Oui. Non,
non, allez-y, il vous reste quand même 1 min 30 s.
M. Leduc : O.K. Je vais continuer
le communiqué de l'Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec : «Les
conséquences des troubles de l'audition non reconnus et non indemnisés peuvent
être nombreuses et très lourdes pour les travailleurs atteints. Cela peut,
entre autres, entraîner une fatigue cognitive, de l'isolement social ou encore
une diminution de la qualité de vie.» Citation de M. Gallant : «En
privant un travailleur d'outils d'aide à l'audition et à la communication, on
lui retire une partie de sa dignité, de son autonomie et de sa participation
sociale.
«Notons
que l'exposition au bruit en milieu de travail est un phénomène important au
Québec ; il est estimé
que 287 000 à 359 000 travailleurs seraient
exposés à des niveaux de bruit suffisamment élevés pour entraîner une surdité.»
La Présidente (Mme IsaBelle) :
30 secondes.
M. Boulet : Oui. Ce qui est important,
c'est que le régime n'en soit pas un d'indemnisation de la presbyacousie. Tout
ce qui est d'origine professionnelle, il faut s'assurer que ce soit bien
indemnisé suite à une réclamation du travailleur ou de la travailleuse. Merci,
Mme la Présidente.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci pour votre collaboration. Compte tenu de l'heure, nous suspendons
les travaux jusqu'à 14 heures.
<(Suspension de la séance à
13 heures)
>
13 h (version révisée)
<17939
La
Présidente (Mme IsaBelle) : …alors, merci pour votre collaboration.
Compte tenu de l'heure, nous suspendons
les travaux jusqu'à 14 heures.
>
(Suspension de la séance à 13 heures)
14 h (version révisée)
(Reprise à 14 h 07)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, nous poursuivons. La Commission de l'économie et du travail reprend ses
travaux.
Nous poursuivons l'étude détaillée du projet
de loi n° 59, Loi modernisant le régime de santé et de
sécurité du travail.
Lors de notre suspension, cet avant-midi,
nous en étions encore à échanger sur l'article 238 tel qu'amendé. Y
a-t-il, donc, des interventions? Député de... Oui?
M. Leduc : Une suspension, Mme
la Présidente
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Vous demandez immédiatement une suspension? D'accord.
Alors, nous allons suspendre. Merci.
(Suspension de la séance à 14 h 08)
>
(Reprise à 14 h 14)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Nous poursuivons. Y a-t-il des interventions à l'article 238 tel qu'amendé.
Oui, député d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : Bien, quand on
s'est quittés, tantôt, là, avant la pause dîner... D'ailleurs, j'ai su que le ministre
avait mangé une bonne salade. Je pense que c'est une bonne nouvelle, ça nous
met dans une bonne disposition. Moi aussi, j'ai mangé une bonne salade.
Une voix
: Presque la
même.
M. Leduc : Presque la même. La
même, en fait, précisément. Il faut dire qu'on a un bon service de cafétéria,
ici, Mme la Présidente, sans vouloir être trop hors sujet, des bons travailleurs,
un bon service de prévention, on imagine, hein, des gens syndiqués qui ont un environnement
de travail adéquat. Bon, trêve de plaisanteries.
M. Boulet : ...travailleurs
non syndiqués.
M. Derraji : Oui, oui.
M. Leduc : Non?
M. Derraji : Ce n'est pas
parce que c'est syndiqué qu'il y a un bon environnement, cher collègue.
M. Leduc : Bien, je sais.
M. Derraji : ...environnement
pas syndiqué, et il offre un excellent service.
M. Leduc : Bien, ce n'est
pas ça que je disais. Je parlais de la santé et sécurité. C'est un endroit
syndiqué, donc on s'attend, quand c'est syndiqué, à une perfection en matière
de santé et sécurité.
M. Boulet : Mais vous nous
avez laissé entendre qu'en plus...
M. Leduc : Oh! là, vous
me prêtez des intentions. Je n'aime pas ça. Je n'aime pas ça, vous me prêtez
des intentions.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, si on revient à l'article 238 tel qu'amendé...
M. Boulet : On vous
taquine.
M. Leduc : Oui, la
taquinerie est acceptée avec plaisir, Mme la Présidente. Alors, je revenais
donc au communiqué que je lisais <tantôt...
M. Leduc : ...quand c'est
syndiqué, à une perfection
en matière de santé et sécurité.
M. Boulet : Mais vous
nous avez laissé entendre qu'en plus...
M. Leduc : Oh! là,
vous me prêtez des intentions. Je n'aime pas ça. Je n'aime pas ça, vous me
prêtez des intentions.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, si on revient à
l'article 238
tel qu'amendé...
M. Boulet : On vous
taquine.
M. Leduc : Oui, la
taquinerie est acceptée avec plaisir,
Mme la Présidente. Alors, je
revenais donc au communiqué que je lisais >tantôt, de l'Ordre des
orthophonistes et audiologistes du Québec, là.
Peut-être, pour nous remettre dans le
bain, là, je vais relire rapidement le segment que je lisais quelques secondes
avant la suspension, parce que c'est un élément important, puis il ne faut pas
le sous-estimer : «Les conséquences des troubles de l'audition non
reconnus et non indemnisés peuvent être nombreuses et très lourdes pour le
travailleur atteint. Cela peut, entre autres, entraîner une fatigue cognitive,
de l'isolement social ou encore une diminution de la qualité de vie. En privant
un travailleur d'outils d'aide à l'audition et à la communication, on lui
retire une partie de sa dignité, de son autonomie et de sa participation
sociale.» C'est une citation de M. Gallant, qui est, je pense, le président de
l'ordre. Et ça se termine comme suit : «Notons que l'exposition au bruit
en milieu de travail est un phénomène important au Québec. Il est estimé que
287 000 à 359 000 travailleurs seraient exposés à des niveaux de
bruit suffisamment élevés pour entraîner la surdité.»
L'aspect social de la chose est
fondamental, puis le ministre répondait, puis là je ne veux pas lui mettre
des mots dans la bouche, il me corrigera si je me trompe, qu'on ne veut
pas venir, avec un régime d'indemnisation, corriger des problèmes qui seraient
arrivés ailleurs. C'est intéressant, parce que ce n'est pas clairement... on ne
peut pas trancher ça au couteau, là, à la ligne près puis prédéterminer, avec
ce qu'il est en train de faire avec le règlement, qu'à partir de tel nombre, un
chiffre magique, là, de... bien, le chiffre de 22,5 dB, qu'à partir de ça,
oui, c'est causé par le travail, qu'en haut de ça ou en bas de ça, non, ce
n'est pas causé par le travail. Il y a un humain, il y a des humains, il y a
des tonnes de facteurs à prendre en compte, et c'est inquiétant.
Ça fait que, là, je me demandais, donc,
avant le dîner, si le ministre avait lu ce communiqué-là de l'Ordre des
orthophonistes et audiologistes du Québec.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, M. le ministre.
M. Boulet : Absolument, puis
je pense que mon collègue m'invite à exprimer ma grande préoccupation pour la
santé et sécurité des travailleurs dans leur ensemble, indépendamment de la
nature de la lésion, et celle occasionnée par le bruit, absolument. Tu sais,
c'est la raison pour laquelle j'ai fait référence à des diagnostics de perte
auditive, là. Quand il y a une perte unilatérale ou asymétrique, s'il y a un
bruit d'impulsion, si c'est causé par le tir d'une arme à feu, l'explosion d'un
pneu ou un tison, à la suite d'une opération de découpage, qui a un impact, il
y a une multitude de façons de présenter une réclamation et de démontrer qu'à
cause de ton travail, tu as eu telle atteinte auditive, et bénéficier d'une
indemnisation complète par la CNESST.
Ici, on est en matière de présomption, et
je ne reprendrai pas tous mes <commentaires de ce...
M. Boulet : ...
qu'à
cause de ton travail, tu as eu telle atteinte auditive, et bénéficier d'une
indemnisation complète par la CNESST.
Ici, on est en matière de présomption,
et je ne reprendrai pas tous mes >commentaires de ce matin, mais je
demeure absolument convaincu, puis le collègue de Bonaventure en faisait
état, le collègue de Nelligan en faisait état, de même que le collègue d'Hochelaga-Maisonneuve la
clé de la réussite va passer par une meilleure prévention. Et je pense que,
depuis le dépôt du projet de loi n° 59, je l'ai répété à de nombreuses
reprises, la prévention, c'est ce qui va nous permettre de réussir. Puis c'est
le temps, quand tous les secteurs d'activité vont être protégés par des
programmes de prévention, par des mesures claires d'identification, de contrôle
et d'élimination de risque, notamment les risques qui engendrent des problèmes
auditifs, qu'on va pouvoir dire mission accomplie.
Je pense qu'on est en train de bâtir un
régime qui est extrêmement intéressant et qui comporte de multiples avantages
par rapport au statu quo, ne serait-ce... je l'ai dit ce matin, de façon très,
très télégraphique, la reconnaissance du devoir d'accommodement raisonnable, le
retour progressif au travail, l'assignation temporaire, la réadaptation, la
couverture des travailleuses domestiques, la couverture des stagiaires
d'observation, la possibilité de bénéficier des mesures de réadaptation avant
la consolidation et l'atteinte permanente. On a, à ce jour, donné un nouveau
type de gouvernance à la CNESST, qui la met au diapason de la Loi sur la
gouvernance des sociétés d'État. Il nous reste encore beaucoup de travail à
faire. Moi, je suis toujours extrêmement confiant.
• (14 h 20) •
Puis, en matière de surdité, tout ce qu'on
vient dire... établissons un cadre normatif qui nous permet d'indemniser le
phénomène professionnel, ce qui est causé par le travail, puis, oui, une partie
du personnel, parce qu'il y a un certain coefficient, mais qui a été établi de
façon hyperconservatrice. Moi, je suis fier de cet encadrement normatif là, pas
parfait, et, comme le collègue de Nelligan le mentionnait, il va y avoir un
comité scientifique. C'est des experts qui sont neutres, indépendants et
objectifs, qui vont venir nous guider dans l'avenir pour éviter que nous
demeurions avec une liste qui n'a pas évolué avec le temps. Merci, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Y a-t-il d'autres interventions? Député d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : Merci, Mme la
Présidente. Autre communiqué, ce matin, cette fois-ci, 1er avril, projet de loi
n° 59, c'est écrit par l'Association professionnelle des audioprothésistes
du Québec, et le titre du comité est une citation, là, d'Olivier Desautels, le
président de cette association-là, l'APAQ : «Le projet de loi n° 59
du ministre du Travail va à l'encontre des faits scientifiques et des recommandations
en santé auditive <émises par...
M. Leduc : ...
c'est
écrit par l'Association professionnelle des audioprothésistes du Québec, et le
titre du comité est une citation, là, d'Olivier Desautels, le président de
cette association-là, l'APAQ : «Le projet de loi n° 59 du ministre du
Travail va à l'encontre des faits scientifiques et des recommandations en santé
auditive >émises par l'OMS.» Bon, c'est assez solide.
Et là le communiqué va comme suit : «"Si
le projet de loi n° 59 devait être adopté sans amendement aux articles qui
concernent le programme de l'aide à l'audition de la Commission des normes, de
l'équité, de la santé et de la sécurité du travail, c'est plus de 16 % des
demandes de réclamation de surdité professionnelle qui ne seront plus éligibles
au programme", affirme le président de l'APAQ, Olivier Desautels.
«Le gouvernement de la CAQ veut imposer
une nouvelle norme audiométrique qui viendra restreindre grandement l'accès au
programme de la CNESST pour les travailleurs atteints de surdité.» Puis là
c'est super intéressant : «Cette norme a été fabriquée, sans aucune
évidence scientifique, pour réduire l'accessibilité et ainsi économiser sur le
dos des travailleurs. Or, un rapport récent de l'Organisation mondiale de la
santé, l'OMS, rappelle l'importance d'investir en santé auditive afin de
réduire les dépenses du régime public en santé à long terme. On peut notamment
soulever l'augmentation de 8 % du risque de développer une démence si on
tarde à adopter une correction auditive appropriée.»
Là, ce n'est pas le parti communiste qui a
écrit ça, ce n'est pas les centrales syndicales. L'Association professionnelle
des audioprothésistes dit que votre norme est fabriquée sans aucune preuve
scientifique. Ouch! Ça fait mal, non?
M. Boulet : Je pense que j'ai
expliqué tous les critères objectifs qui nous avaient guidés, scientifiques et
médicaux. La RAMQ, la SAAQ, l'Organisation mondiale de la santé, toutes les
provinces au Canada, notre 22,5 dB se justifie totalement, l'OMS, tout le
monde le reconnaît. Moi, je suis parfaitement à l'aise, puis il y aura
possibilité de s'adjoindre un ORL, de la part du comité scientifique. C'est
tout à fait ce qui s'impose dans le contexte où c'est un régime d'indemnisation
dont les cotisations sont assumées par les employeurs, qui vise à indemniser ce
qui est d'origine professionnelle. C'est une loi sur les accidents du travail
et les maladies professionnelles, et la lésion professionnelle, c'est ça que le
régime vise à indemniser. Ce n'est pas d'exclure, c'est de contrôler
l'augmentation des coûts.
Quand je parlais que les déboursés avaient
augmenté de 214 %, le nombre de réclamations avait, dans certains cas,
quintuplé. C'est absolument évident. Puis il y avait le rapport d'actuaires de
Morneau Shepell qui le démontrait, c'est un des impacts de l'absence de normes,
l'absence de contrôle, puis les ORL consultés sont tous de cet avis-là, je ne
pense pas que ce soit... et je le dis de mon siège de parlementaire, sans être
un <expert...
M. Boulet : ...de Morneau
Shepell qui le démontrait, c'est un des impacts de l'absence de normes,
l'absence de contrôle, puis les ORL consultés sont tous de cet avis-là, je ne
pense pas que ce soit... et je le dis de mon siège de parlementaire, sans être
un >expert. On va travailler avec des personnes qui connaissent la
science, et c'est eux qui nous ont aidés à bâtir le cadre normatif qui est dans
le projet de loi, qui est dans ce règlement-là. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Y a-t-il d'autres interventions? Député d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : Le président de
l'APAQ poursuit, dans son communiqué, il dit, citation : «"En
plus d'omettre les recommandations de l'OMS, le gouvernement de la CAQ entend pénaliser
les travailleurs de 60 ans et plus. À partir uniquement du critère de leur
âge, la plupart de ces derniers ne seront plus éligibles aux soins de santé
auditive de la CNESST et risqueraient même de perdre l'accès à leur
compensation financière", de constater le président de l'APAQ qui poursuit :
"Pourtant, la littérature scientifique atteste qu'une exposition au bruit
peut entraîner une baisse d'audition professionnelle et également favoriser une
détérioration accélérée de l'acuité auditive en vieillissant".»
Là, il y a quelqu'un qui... Qui a tort, là?
C'est-tu lui qui a tort? C'est le monde que vous avez consulté qui a tort? Quelqu'un
a tort. Parce que, là, vous dites exactement l'inverse l'un de l'autre.
M. Boulet : ...expliqué tout à
l'heure le phénomène de presbyacousie, puis, dans le cas présent, c'est à
compter de 60 ans puis c'est un phénomène qui est populationnel.
Ceci dit, dernier commentaire, Mme la
Présidente, il y a 80 groupes, à peu près, qui ont déposé des mémoires
puis il y en a beaucoup, de groupes d'intérêt qui suivent attentivement l'étude
détaillée. Chaque groupe défend des intérêts totalement légitimes. Nous, comme parlementaires,
on est appelés à moderniser un régime et à l'adapter à la réalité actuelle. Puis,
oui, il faut tenir compte des mémoires, il faut tenir compte des consultations
particulières. On vous l'a démontré, d'ailleurs, en déposant une série d'amendements
suite aux consultations particulières et en s'adaptant, notamment suite aux représentations
du collègue de Nelligan pour la maladie de Parkinson.
Pour la surdité, j'ai dit ce que j'avais à
dire puis, encore une fois, avec énormément de respect pour les orthophonistes,
les audiologistes, les audioprothésistes et tous les groupes qui ont un intérêt
dans l'établissement d'un cadre normatif. Puis il y en a, collègue, qui
auraient préféré que ce soit 25 dB, puis il y en a qui nous disent que
85 dB, c'est trop bas, puis 22,5 dB, ce n'est pas assez haut, puis
dans telle province... puis l'OMS a même parlé, entre 20 dB et 35 dB,
que c'était léger puis que ça commençait à être incapacitant à partir de 35 dB.
Il y a évidemment beaucoup de courants de pensée, mais, quand on parle de
consensus scientifique et médical, ça n'exclut pas qu'il y ait des opinions qui
peuvent diverger. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
<Merci...
M. Boulet : ...
de
35 dB. Il y a évidemment beaucoup de courants de pensée, mais, quand on
parle de consensus scientifique et médical, ça n'exclut pas qu'il y ait des
opinions qui peuvent diverger. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
>Merci. Y a-t-il d'autres interventions? Député d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : Le communiqué
suit son cours : «Au Québec, le professionnel à même de diagnostiquer une
surdité professionnelle, c'est le médecin traitant. En instaurant une norme
basée sur des critères législatifs arbitraires, plutôt que sur des faits scientifiques,
le projet de loi n° 59 s'attaque au pouvoir même des médecins, qui sont
l'autorité en matière de santé.» Ça ne peut être plus clair.
Autre sujet. Le communiqué suit... c'est vraiment
un communiqué très complet : «Les audioprothésistes du Québec ne peuvent
pas demeurer indifférents à cette injustice. Longtemps, les tolérances
québécoises d'exposition aux bruits ont figuré parmi les moins restrictives en Amérique
du Nord. Par conséquent, il est injuste de s'en prendre à l'éligibilité des
travailleurs à un programme supposé compenser les séquelles qu'ont occasionné
les effets de leur environnement de travail sur la santé.»
En d'autres mots, la modernisation de la prévention
en matière de bruit, qui est revendiquée par les salariés depuis des années, des
décennies, a été bloquée par les patrons au C.A. de la CNESST. Il traîne depuis
quand même un certain temps déjà sur le bureau du ministre. Et là ce qu'on dit,
c'est : Bravo, les patrons! Non seulement vous avez bien fait de bloquer
la meilleure prévention en matière de surdité puis de bruit pendant toutes ces
décennies, puis, en plus, pas de problème, on va rendre l'accessibilité à l'indemnisation
plus compliquée. Eux autres, fous dans une poche, ils gagnent sur les deux
bords. On les récompense d'avoir bloqué la prévention toutes ces années-là. On
les récompense. C'est complètement surréaliste. Comment ça se fait qu'on a
attendu aussi longtemps puis qu'on attend encore? Dans les faits, chaque jour
qui passe est un jour où l'attente est sur les épaules du ministre. Comment ça
se fait qu'on attend encore pour accepter ce nouveau règlement puis modifier la
norme?
M. Boulet : J'ai donné la
réponse. C'est dans le règlement, puis le règlement est complémentaire à l'adoption
du projet de loi, puis il sera signé dès l'adoption de ce règlement-là, et il
suivra son cours normal d'adoption par le gouvernement dès que ce règlement-là
sera adopté, puis je vous l'ai mentionné tout à l'heure. Merci, Mme la
Présidente.
M. Leduc : On ne parle
pas de la même chose du tout, là. Moi, je parle d'un règlement de prévention, puis
vous, vous me parlez d'un règlement de présomption.
M. Boulet : Non, non,
non, c'est un règlement de prévention. Je n'ai plus de commentaire, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, y a-t-il d'autres interventions?
• (14 h 30) •
M. Leduc : Oui, Mme la
Présidente. Je continue le communiqué : «Le ministre du Travail [...]
M. [...] Boulet, prétend qu'il faille réduire les dépenses de l'État en
matière de sécurité du travail. Cependant, les travailleurs refusés au programme
de l'aide à l'audition de la CNESST seront en partie transférés au programme de
la RAMQ. «Ici encore, ce sera l'État qui paiera la note. Ainsi, au lieu
que ce soient les employeurs, qui présentement cotisent à la CNESST, ce seront
tous les citoyens qui auront à <assumer la facture...
>
14 h 30 (version révisée)
<17935
M. Leduc :
...du travail.
Cependant, les
travailleurs refusés au
programme
de l'aide à l'audition de la CNESST seront en partie transférés au
programme
de la RAMQ. "Ici encore, ce sera
l'État qui paiera la note. Ainsi,
au lieu que ce soient les employeurs, qui présentement cotisent à la CNESST, ce
seront tous les citoyens qui auront à >assumer la facture par leurs
impôts et leurs taxes", de préciser Olivier Desautels.» Fascinant,
ça.
Ça fait que, parce que les employeurs se
sont traîné les pattes, ils n'ont pas voulu améliorer le règlement de
prévention sur la santé auditive et que, là, on leur donne un bonbon en disant :
O.K., pas de problème, il y a soi-disant une augmentation des coûts en bonne
partie causée par l'inaction de la prévention, bien, en bloquant ou en
réduisant l'accessibilité, ouf, ce n'est pas trop grave, ceux qui vont pouvoir
s'en sortir, peut-être, là, ils vont aller à la RAMQ. Mais la RAMQ, Mme la
Présidente, c'est nous autres, c'est tout le monde qui la paie, alors que la
santé au travail, c'est supposé être une responsabilité de l'employeur.
Je le dis et je le répète, le principe de
Meredith, c'était qu'on ne poursuit pas au civil ou au criminel son employeur
pour un accident de travail. C'est un régime sans égard à la faute. Qu'est-ce
que ça veut dire? Ça veut dire qu'il est protégé, l'employeur, il n'aura pas de
séquelle... de poursuite de son salarié devant les tribunaux, mais, en échange,
il mettait de l'argent sur la table qui était collectivisé puis qui visait à
s'assurer d'abord d'une bonne prévention, mais surtout d'une bonne
indemnisation.
Puis là on essaie de socialiser les coûts,
en quelque sorte, on essaie de transférer le coût de ça. Le coût de l'inaction
en matière de prévention de santé auditive, on le transfère à la société au
même titre que des associations patronales sont venues nous demander de
socialiser le programme de maternité sans danger. Ça coûte trop cher, ce n'est
pas à nous autres, ça devrait être un programme social. «Chop-chop»! On
transfère ça dans les coûts réguliers de la société et, encore une fois, bien,
on laisse les patrons s'en sortir puis s'en laver les mains en quelque sorte.
Moi, je trouve ça inacceptable. Comment ça se fait qu'on n'a pas agi plus tôt
puis qu'on n'agit toujours pas avec la prévention sur le nombre de décibels au
bruit dans une entreprise?
M. Boulet : Là, Mme la
Présidente, là, les employeurs, là, on ne peut pas les accuser de se traîner
les pieds. Je rappellerais à mon collègue d'Hochelaga-Maisonneuve que le C.A.
de la CNESST, il est paritaire, il est composé d'un nombre égal de
représentants patronaux et de représentants syndicaux. Le Comité consultatif du
travail et de la main-d'oeuvre, que mon collègue connaît très bien, les leaders
syndicaux et les leaders patronaux sont là. Le rapport date de 2017. Beaucoup
d'articles de ce projet de loi là reposent sur des consensus. Ce n'est pas les
employeurs qui se sont traîné les pieds. La prévention, il y a des obligations
réciproques.
Lisons 49 et 51 de la Loi sur la santé et
sécurité du travail, que la loi ne vise que les groupes un et deux, ça
fait 40 ans. On a été élus le 1er octobre 2018, il y a eu une
année de pandémie. Donc, on y va de la manière la plus diligente possible. Ce n'est
pas moi qui... j'essaie d'être le plus diligent possible, vous me connaissez,
vous le savez. <Mettez pas ça sur...
M. Boulet : ...
les
groupes un et deux, ça fait 40 ans. On a été élus le
1er octobre 2018, il y a eu une année de pandémie. Donc, on y va de
la manière la plus diligente possible. Ce n'est pas moi qui... j'essaie d'être
le plus diligent possible, vous me connaissez, vous le savez. >Mettez
pas ça sur le dos des employeurs. Les employeurs... Le pacte social auquel on
fait souvent référence, il est autant à l'avantage des uns que des autres. Les
travailleurs, ils bénéficient, au Québec, d'un régime d'indemnisation sans
égard à la faute. Il y a parfois des personnes qui me disaient : Il y a
des employeurs qui auraient pu faire l'objet de poursuites n'eût été de
l'immunité à l'égard des recours. Il y a aussi des travailleurs qui se seraient
ramassés à la rue faute d'indemnisation adéquate.
Je pense qu'on peut être fiers de ce
régime-là puis je pense qu'on peut tous être fiers, peu importe notre origine,
peu importent les intérêts qu'on défend. Nous, on défend les intérêts de la
société, vous le savez, on ne défend pas les intérêts des syndicats puis des
patrons. On est au pouvoir, on est élus au Parlement pour défendre le régime de
santé et sécurité puis s'assurer que les travailleurs sont bien protégés.
Ceci dit, c'est un régime dont le
financement est assuré par les employeurs. Ceci dit, c'est un régime
d'indemnisation pour assurer un revenu de remplacement pour les travailleurs
qui sont victimes d'accidents de travail et de maladies professionnelles, pas de
maladies ou d'accidents personnels. Vous le savez très bien, il y a, au Québec,
dans le filet social, d'autres lois puis d'autres régimes qui accompagnent et
qui compensent les travailleurs dans le cas d'événements qui sont de nature
personnelle. Merci, Mme la Présidente.
Ça fait qu'on fait ça pour les employeurs
autant que pour les travailleurs. Puis les employeurs qui cotisent, ils veulent
des travailleurs en santé, puis c'est même accentué en raison de la rareté de
main-d'oeuvre que nous vivons tous. Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Y a-t-il d'autres interventions? Député d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : La norme actuelle
d'exposition au bruit, là, l'exposition quotidienne au bruit, vous me
corrigerez, M. le ministre, si je me trompe, là, c'est à 90? La norme actuelle
d'exposition au bruit, M. le ministre, c'est 90 dBA?
M. Boulet : 90, oui, et, dans
le règlement, il est à 85. On m'informait que le programme d'aide de la RAMQ
commence à 35 dB pour les 19 ans et plus. Si on compare à ce qu'on a
sur la table, il y a un écart substantiel.
M. Leduc : Oui, mais justement,
c'est ça qui inquiète l'association. Ils disent : Si en plus qu'à la RAMQ
c'est un critère qu'ils considèrent eux-mêmes très élevé, là...
M. Boulet : Mais c'est un
critère pour des indemnisations pour des choses personnelles, alors que nous,
on est en matière de lésions professionnelles.
M. Leduc :
<Mais, oui...
M. Leduc : ...
c'est
ça qui inquiète l'association. Ils disent : Si en plus qu'à la RAMQ c'est
un critère qu'ils considèrent eux-mêmes très élevé, là...
M. Boulet : Mais c'est un
critère pour des indemnisations pour des choses personnelles, alors que nous,
on est en matière de lésions professionnelles.
M. Leduc : >Mais oui,
bien, c'est intéressant que vous le dites. «L'APAQ constate cependant que
l'injustice imposée aux travailleurs ne s'arrête pas là. En effet, les critères
d'admission au programme de la Régie de l'assurance maladie, la RAMQ, sont
élevés, et plusieurs travailleurs normalement indemnisés par la CNESST
pourraient perdre tout accès à des soins de santé auditive.
«Le programme de la RAMQ vient dépanner
les Québécois malentendants. Celui de la CNESST a l'obligation de compenser du
mieux possible une lésion professionnelle. Ce sont là deux missions
complètement différentes...»
Ça fait que lui, ce qu'il dit, c'est que
la CNESST, en rehaussant ses... ou en arrivant avec un nouveau critère qui va
de facto restreindre le nombre de personnes admissibles, il va en exclure
beaucoup, puis ils ne seront probablement, dans la plupart, même pas
récupérables par la RAMQ. Ça fait qu'ils vont tomber dans le dalot. Moi, ça
m'inquiète, ça devrait nous inquiéter.
M. Boulet : Moi, je suis
inquiet pour tous les laissés-pour-compte, et le groupe qui était le plus clair
à cet égard-là, c'était l'UTTAM. Puis je pense qu'en matière d'indemnisation on
a répondu à plusieurs des recommandations formulées de façon totalement
raisonnable. C'est pareil partout au Canada, il y a des régimes d'indemnisation
d'accidents de travail et maladies professionnelles. On ne peut pas utiliser la
Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles pour
indemniser la presbyacousie ou pour indemniser la perte d'audition qui est
d'origine personnelle. C'est la surdité professionnelle qu'on indemnise, pas la
surdité personnelle.
C'est la raison pour laquelle on utilise
des normes qui sont dans ce règlement-là pour s'assurer que ce soit respectueux
de la connaissance scientifique et médicale. On n'est pas dans le champ gauche,
là. Puis vous allez en lire... Vous pouvez en lire 200 lettres comme ça, puis
on peut en avoir de l'autre côté. Moi, je peux vous en lire qui vont me dire :
Pourquoi vous n'avez pas mis ça à 30? Pourquoi vous n'avez pas mis ça à 25?
Puis ça n'a pas de bon sens, puis vous ouvrez beaucoup trop la porte. Parce qu'en
bas de 22,5 on entend chuchoter, puis, selon l'OMS, ce n'est qu'en haut de 35
qu'on commence à avoir une perte incapacitante. C'est quand même extrêmement
généreux.
Quand on se compare, non seulement on se
console, mais on réalise que nos critères, au-delà d'être objectifs, ils sont
vraiment généreux, on est... Puis les ORL sont confortables avec ça. Puis, ceci
dit, je les ai entendus, les groupes, puis j'ai eu leur correspondance, puis j'ai
lu leurs mémoires, puis j'ai été informé. Notre rôle comme parlementaire,
collègue, c'est de passer au travers, respecter les intérêts divergents, extrêmement
variés, très sérieux, très légitimes. Mais, vous le savez, quand on négocie,
même une convention collective où il n'y a que deux parties, un employeur et un
syndicat, ce n'est pas simple. Puis parfois il y a des impasses, et les
négociateurs les plus <raisonnés...
M. Boulet : ...
respecter
les intérêts divergents, extrêmement variés, très sérieux, très légitimes.
Mais, vous le savez, quand on négocie, même une convention collective où il n'y
a que deux parties, un employeur et un syndicat, ce n'est pas simple. Puis
parfois il y a des impasses, et les négociateurs les plus >raisonnés,
ils embarquent dans un processus de recherche de solution puis ils sortent de
l'impasse. On l'a fait, nous deux, d'ailleurs, dans des projets de loi, et
c'est ce que nous faisons depuis le début.
Mais est-ce que, parfois, on peut
reconnaître que je ne peux pas faire des compromis sur tout? On ne peut pas...
Dans le cas de la surdité, quand on s'appuie sur un compromis scientifique et
médical qui fait consensus, on ne peut pas le diluer puis on ne peut pas être à
20, alors que, partout au Canada, c'est à 22,5, alors que, partout au Québec,
c'est à 22,5. Ça ne serait pas défendable. Puis les lettres que vous me lisez,
là, on en aurait deux fois plus de l'autre côté. Il n'y a pas, à ce stade-ci, à
redire sur le cadre normatif qui est particulièrement objectif pour la surdité.
• (14 h 40) •
M. Leduc : C'est intéressant.
C'est intéressant, sauf que moi, la lettre que je vous lis, ce n'est pas le Conseil du patronat, ou la FTQ, ou M. ou Mme Tremblay,
c'est l'Association professionnelle des audioprothésistes du Québec, ceux qui
sont les deux mains dedans, là. Il me semble que ça doit compter un petit peu
plus comme poids d'argument.
Puis ce n'est pas une lettre que je
qualifierais de modérée, là. C'est assez solide, là, comme communiqué. C'est ce
matin... j'imagine qu'ils avaient des attentes, peut-être, de voir des modifications
dans la liasse d'amendements que vous avez eu la gentillesse de nous déposer il
y a quelque... deux semaines déjà, mais moi, je suis surpris du ton de ça. C'est
un ton que j'aurais pu avoir au salon bleu, mettons, pendant une période de
questions.
M. Boulet : Pas vous, quand
même.
M. Leduc : Bien, la dernière question
que je vous ai posée était quand même... elle avait quand même une petite dose
de sel, hein, on pourrait dire ça. Mais donc je m'étonne de voir...
M. Boulet : Mais, sur ce, si
souhaiter améliorer la santé et sécurité des travailleurs, c'est vivre dans un
monde de licornes, je l'accepterais très bien.
M. Leduc : Vous voyez que je l'ai
marqué, hein? Il s'en rappelle des mots que j'ai utilisés. Bon, au-delà des
licornes... ma petite fille aime beaucoup les licornes, j'ai été obligé de lui
acheter des lunettes de soleil avec des licornes.
M. Boulet : On s'entendrait
bien.
M. Leduc : Sûrement, sûrement.
Bien, vous l'avez déjà rencontrée, d'ailleurs, à la cafétéria. Voilà. Tout est
dans tout.
M. Boulet : Jeanne.
M. Leduc : Jeanne, précisément.
M. Boulet : Est-ce que vous
l'avez baptisée après qu'on se soit connus? Il est plus qu'ambitieux, hein? Parce
qu'elle a deux ans, on se connaît depuis deux ans et demi.
M. Leduc : Je serais un très
mauvais père, je pense, si je ne lui avais pas donné de nom depuis deux ans, mais
vous, vous voulez parler du baptême religieux ou... Je pensais qu'avec la laïcité
c'était fini, ça, les baptêmes religieux. On est rendus ailleurs. <Bon...
M. Boulet : ...
on se
connaît depuis deux ans et demi.
M. Leduc : Je serais un
très mauvais père,
je pense, si je ne lui avais pas donné de nom depuis
deux ans, mais vous, vous voulez parler du baptême religieux ou... Je pensais
qu'avec la
laïcité c'était fini, ça, les baptêmes religieux. On est
rendus
ailleurs. >Bon, je ne m'éterniserai pas.
La lettre, de toute façon, elle achève,
mais elle a un dernier point qui est, par contre, très important, puis qu'on
n'a pas beaucoup abordé encore, qui est la question des coûts. Là, on a parlé
des critères, on a parlé de 22,5 décibels, on a parlé... bon, mais là, eux
autres, ils arrivent, dans leur lettre, aux coûts, puis c'est trop intéressant
pour passer à côté.
«Selon le rapport annuel 2019 de la
CNESST et sa société de gestion le Fonds de santé et de la sécurité du travail,
le FSST déclarent des actifs cumulés de 19 078 299 000 $,
auxquels s'ajoutent des revenus de placement totalisant, pour les deux
sociétés, 1 659 057 000 $.»
C'est beaucoup d'argent, mais c'est normal
que ce soit beaucoup d'argent, c'est un gros morceau, la santé et sécurité.
D'ailleurs, moi, j'ai travaillé, à l'époque, à la FTQ quand il y a eu la
réforme de la fusion de la commission. C'était une des craintes qu'on avait,
que la SST, qui était le mastodonte, écrase les normes du travail puis encore
plus l'équité salariale. Après quoi, deux ou trois ans, ce n'est pas
parfait, mais peut-être que ce n'est pas le désastre que certains avaient
annoncé.
Tout ça pour vous dire que là, ils
arrivent, ils disent : «Malgré de telles encaisses et de si hauts revenus
d'intérêts, le ministre [...] veut faire économiser 21 millions à la commission,
et ce, aux dépens des travailleurs qui souffrent de surdité due à l'exposition
au bruit. Autrement dit, c'est vouloir faire des économies de bouts de
chandelle sur le dos des travailleurs...»
Est-ce que ce n'est pas... il n'y a pas un
argument, là, de dire : 21 millions sur des revenus de placement? Des
revenus de placement, ce n'est même pas le... à moins que je me trompe, là, on
me fera des cours de comptabilité, mais ce n'est pas l'encaisse, là, ce n'est
pas les cotisations qui rentrent. Des revenus de placement, 1 659 000 000 $,
21 millions, par rapport à ça, c'est presque une pinotte, là.
M. Boulet : Je n'ai pas de
commentaire, là, Mme la Présidente.
M. Leduc : Parce que tantôt,
M. le ministre, vous nous avez évoqué des explosions de coûts, quelque chose de
l'ordre de 200 millions, si je me rappelle bien... dire, là : Ça, la
surdité, ça prend de l'espace, ça grossit, ça grossit. Bon, c'est une chose,
mais est-ce que... Là, si je ne me trompe pas, c'est exactement le chiffre, là,
le 21 millions que vous reprenez dans votre étude d'impact. Vous dites :«Il
est estimé que les économies récurrentes liées à sa disposition... là, on fait
référence, bien, à la section III, là, les critères d'exclusion — les
économies récurrentes liées à cette disposition seraient de 21 millions
annuellement.
Tout ça pour ça. C'est un peu ça ma
question, là : Tout ça pour ça? Pour 21 millions sur... Là, on parle
juste des revenus de placement, là. Je répète
1 659 000 000 $, revenus de placement.
M. Boulet : Écoutez, je vais
les reprendre, là, pour fins d'information. <Peut-être que...
M. Leduc : ...
pour
ça? Pour 21 millions sur... Là, on parle juste des revenus de placement,
là. Je répète 1 659 000 000 $, revenus de placement.
M. Boulet : Écoutez, je
vais les reprendre, là, pour fins d'information. >Peut-être que je n'ai
pas été assez clair, là.
Entre 2010 et 2019, le total des
réclamations annuelles acceptées a plus que triplé, de 4200 $ à 1 800 $. De 2007 à 2017, le total de dossiers
dans lesquels des frais ont été payés est passé de 22 400 $ à 66 112 $
par année, une hausse de 194 %, la croissance provenant en majeure partie
des personnes de plus de 65 ans, soit ceux dont la perte auditive est
inférieure à 30 dB.
Le total des déboursés liés à la surdité
professionnelle est passé de 59 millions en 2010, à 185 millions en
2019, une hausse de 214 %, dont plus de 60 millions de 2015 à 2017.
Le taux de croissance annuel moyen des déboursés liés à la surdité a été de
14,1 % de 2015 à 2017, un taux de croissance de 60 %. De 2007 à 2017,
il y a eu une augmentation du nombre de dossiers acceptés de 111 % chez
les 65 ans et moins et de 502 % chez les 66 ans et plus. Pour
les déboursés, la plus forte hausse est celle de la strate d'âge des
76 ans et plus, qui est passée de 1,6 à 21,1 millions, de 2007 à
2017, soit une augmentation de 1 216 %.
La surdité professionnelle, elle agit sur
trois composantes du passif actuariel : un, l'assistance médicale; deux,
le préjudice corporel; trois, la provision pour maladie professionnelle latente
non encore déclarée. La surdité professionnelle représente un passif actuariel
de 3,1 milliards de dollars au 31 décembre 2020, donc près de
20 % du passif actuariel total de 15,9 milliards. Dans la
tarification, les besoins financiers relatifs à la surdité professionnelle
représentent 0,20 $, soit 11 % du taux moyen total de 1,77 $.
Le but, ce n'est pas de restreindre les
droits de ceux qui ont de la surdité professionnelle. Le but, c'est de donner
des normes pour guider la CNESST dans l'application des réclamations pour
s'assurer que nous indemnisions le caractère professionnel de la surdité et que
nous tenions compte du caractère personnel de la surdité. Le 22,5, je le
répète, il se justifie, il fait consensus, il est partout au Canada, il est
partout dans les organismes d'indemnisation auxquels j'ai fait référence au
Québec, il est tout à fait approprié.
Puis le 85 dB, même chose. Et
beaucoup de provinces, je vous disais... Mon Dieu! Je vais <reprendre...
M. Boulet : ...
il est
partout au Canada, il est partout dans les organismes d'indemnisation auxquels
j'ai fait référence au Québec, il est tout à fait approprié.
Puis le 85 dB, même chose. Et
beaucoup de provinces, je vous disais... Mon Dieu! Je vais >reprendre.
Ontario, 90 dB; Alberta, 85. En fait, toutes les autres provinces, c'est
85, sauf l'Ontario à 90, puis le 22,5, sauf la Colombie-Britannique qui est à
25, puis ils ont des exigences additionnelles à nous. On est les plus généreux
au Québec quand on tient compte de la globalité des normes que nous avons en
matière de surdité professionnelle.
Ceci dit, avec tout le respect que j'ai,
parce que j'ai des amis qui sont dans ce domaine-là, dans les domaines auxquels
vous référez, qui font un travail exceptionnel et qui sont là en soutien des travailleurs...
puis je suis convaincu que les personnes que je connais qui font ce métier-là
vont continuer de soutenir les travailleurs, que ce soit de la surdité professionnelle
ou personnelle, puis moi, je n'ai pas, à cet égard-là, d'appréhension. Merci,
Mme la Présidente.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci.
M. Leduc : Mais est-ce que... Parce
que c'est intéressant, ce que vous présentez, mais, à moins que je l'aie mal
compris, là, je suis vraiment désolé si c'est le cas, est-ce que ce qui est mis
sur la table par le président, là... que, dans le fond, l'économie de 21 millions,
c'est la mesure, l'introduction de ça, c'est ça que ça donne, le 21 millions,
pas plus que ça?
M. Boulet : Ah! vous l'avez
dans l'analyse d'impact, c'est 21 millions, c'est ce qui est projeté.
Est-ce que ça peut être plus les années suivantes, là? Mais il va y avoir un
impact, c'est notre but. Ça démontre aussi que ce n'est pas de réduire l'accès
à l'indemnisation. C'est de le maintenir, mais de s'assurer qu'il y ait un
corridor normatif qui guide la CNESST dans l'appréciation du mérite de chaque
réclamation pour surdité professionnelle. Merci.
• (14 h 50) •
M. Leduc : Parce que, là, dans
le fond, ma question est plus politique, là. On n'est pas nécessairement d'accord,
là, sur la validité ou pas du 22,5. La pertinence ou pas, la science, etc., on
peut en débattre, mais là ma question est plus politique : Tout ça, tout
ça pour 21 millions? Ce n'est pas...
M. Boulet : Tout ça pour
s'assurer...
M. Leduc : Vous me parlez de
la pérennité du régime. 21 millions, ça ne met pas en cause la pérennité
du régime.
M. Boulet : Vous savez c'est
quoi, des normes du travail, puis prenez une page de la Loi sur les normes du
travail, tout ça, c'est pour assurer que ce soit bien fait dans les normes,
dans le respect de la science, de la médecine et pour s'assurer de respecter l'objectif
fondamental de cette loi-là qui est d'indemniser les lésions de nature professionnelle.
C'est tout, c'est simplement ça. Il y a une distinction à faire entre la
surdité professionnelle et personnelle, et elle est bien établie dans les
normes que nous vous proposons, que vous connaissez maintenant très bien, qui
s'articulent autour du 22,5 et du 85 dB.
M. Leduc : C'est important que
vous parliez des médecins puis basé sur la <science...
M. Boulet :
Il y a
une distinction à faire entre la surdité
professionnelle et personnelle,
et elle est bien établie dans les normes que nous vous proposons, que vous
connaissez
maintenant
très bien, qui s'articulent autour du 22,5
et du 85 dB.
M. Leduc : C'est
important
que vous parliez des médecins puis basé sur la >science, parce que c'est
un débat qu'on a eu sur d'autres aspects aussi, puis là il me semble encore
plus essentiel. Vous ne permettez pas au médecin d'exercer son libre arbitre,
vous le circonscrivez... en tout cas, bref, il est circonscrit, le médecin, par
une norme qui est appliquée, on ne sait pas trop d'où, et toujours selon
l'association des... sans aucune évidence scientifique. Ils ont tort?
M. Boulet : Permettez-moi
d'être en désaccord. Permettez-moi d'être en désaccord.
M. Leduc : En désaccord.
M. Boulet : Et, si on se fie à
ça, c'est que tout le Canada est dans le champ gauche, l'OMS, la RAMQ, la SAAQ,
tout le monde. Avec respect, je suis en désaccord.
M. Leduc : D'accord, c'est
clair. Restons sur le revenu de placement. Moi, je veux comprendre comment ça
fonctionne. Le revenu de placement, à l'intérieur de la CNESST, est-ce que c'est
considéré dans les dépenses courantes? Ce que je veux dire : Est-ce que c'est
considéré comme essentiel, les revenus de placement, pour pouvoir assurer les
dépenses courantes et que c'est en fonction de ça qu'on reçoit les cotisations?
Si je m'exprime autrement, est-ce que les dépenses prévues, de remboursement de
prestations, etc., de tout, de ce qu'on a discuté préalablement, un certain
nombre x de milliards, j'imagine... est-ce que les fameux revenus de placement,
on les compte pour s'assurer qu'on en ait assez pour rencontrer les dépenses?
M. Boulet : Je ne suis pas en
mesure de répondre à ça. Ce n'est pas moi qui fais cette... Je pourrai vous
fournir la réponse, cependant.
M. Leduc : Êtes-vous
accompagné aujourd'hui de quelqu'un qui peut répondre à ça?
M. Boulet : Oui, j'ai quelqu'un
de la CNESST qui va poser la question puis je vous donnerai la réponse.
M. Leduc : Donc, je ne l'aurai
pas aujourd'hui, c'est ce que je comprends?
M. Boulet : Ah! bien, vous
allez peut-être l'avoir aujourd'hui, là, mais dès que possible, on va vous la
donner, là.
M. Leduc : O.K. Bien, est-ce
que, dans ce cas-là, je peux vous faire une suggestion pour la suite des
travaux? Ça pourrait être pertinent qu'on ait quelqu'un de la CNESST en
permanence avec nous, comme on l'a eu dans les...
M. Boulet : C'est toutes des
personnes de la CNESST qui sont avec nous. C'est toutes les personnes
spécialisées en semblable matière, ceci dit, avec respect, là.
M. Leduc : O.K., d'accord. Donc,
ils vont chercher la réponse puis ils nous reviennent là-dessus.
M. Boulet : Bien oui.
M. Leduc : Parce que vous
voyez où je m'en vais avec ça, c'est que, si la réponse est non, que les
revenus de placement viennent, dans le fond, ajouter une espèce de bonus ou
ajouter un coussin... Au RQAP, on en a un, coussin, aussi, qui n'est pas dans
les dépenses puis les revenus de base, puis c'est une bonne chose. Alors,
j'imagine, puis là on verra selon la réponse, que c'est une bonne chose aussi
qu'il y ait un coussin à la CNESST. On ne sait jamais ce qui peut arriver comme
crise, comme pandémie, mais, si d'aventure, les revenus de placement ne
sont pas essentiels dans les dépenses, bien là, j'ai fait un petit calcul vite,
vite, là, 21 millions par rapport à 1 659 057 000 $,
ça représente 0,9 % des revenus de placement. Là, je n'ai même pas regardé
la masse de <revenus...
M. Leduc : ...les
dépenses, bien là, j'ai fait un petit calcul vite, vite, là, 21
millions
par rapport à 1
659
057
000
$,
ça représente 0,9 % des revenus de placement. Là, je n'ai même pas regardé
la masse de >revenus de cotisations annuelles.
M. Boulet : Là, je vous
dirais, on va vous donner la réponse. Ceci dit, indépendamment des incidences,
les incidences financières, c'est un parmi de multiples facteurs, mais le
facteur prépondérant, dans l'encadrement normatif, c'est de s'assurer que la
surdité professionnelle soit indemnisée et la surdité personnelle soit prise en
considération dans les réclamations dans des cas de surdité professionnelle. C'est
tout, là, que ce soit 10, 20 ou 30 millions, c'est simplement un des
facteurs. Mais on va vous donner la réponse, là, si vous voulez.
M. Leduc : Est-ce que
vous pensez qu'une meilleure prévention, une prévention plus sévère, voire plus
sévère que ce qui se fait ailleurs dans le Canada, pourrait nous obtenir des
résultats d'économie plus intéressants que 21 millions?
M. Boulet : Vous reprenez
les propos des collègues de Nelligan puis Bonaventure, et je suis d'accord,
tout à fait, plus on fera de prévention, mieux on fera de la prévention. C'est
d'ailleurs le but du projet de loi n° 59, d'améliorer la façon dont on
fait de la prévention, s'assurer que...
En 1985, souvenez-vous, il y avait six
groupes prioritaires, et les mécanismes de prévention s'appliquaient en tenant
compte de ton appartenance à un de ces groupes-là. Puis, dans les groupes
prioritaires, bien, souvenons-nous, en 1985, il y avait notamment la
foresterie, les mines, mais il n'y avait pas l'agriculture, il n'y avait pas la
construction, il n'y avait pas le commerce, il n'y avait pas la santé, les
services sociaux. Ils étaient dans les groupes trois, quatre, cinq et six, ce
qui fait que 25 % des travailleurs étaient couverts par des mécanismes de
prévention et aussi de participation des travailleurs.
Et c'est le but de notre projet de loi de
s'assurer que tout le monde soit impérativement protégé par ces mécanismes-là.
Le but du projet de loi, c'est de diminuer le nombre de lésions
professionnelles pour avoir plus de travailleurs en santé, moins de
laissés-pour-compte, moins de personnes dont les lésions se chronicisent. Et ça
passe par un retour prompt, durable au travail, ça passe par tout ce qu'on a
analysé depuis le début de notre étude détaillée article par article.
Oui, tout à fait, plus on fera de la
prévention, forcément, ça a un impact sur la fréquence et la gravité des
lésions professionnelles, parce que les blessures corporelles graves doivent
aussi être considérées. Ça fait que, si on prévient plus, on devrait
normalement diminuer la fréquence des lésions professionnelles, puis on l'a vu.
Puis on parle parle des groupes prioritaires un et deux, il y a des... ça a
permis à des entreprises de ces secteurs-là, où il y a des risques parfois
importants, puis on a <mis...
M. Boulet : ...
si on
prévient plus, on devrait normalement diminuer la fréquence des lésions
professionnelles, puis on l'a vu. Puis on parle parle des groupes prioritaires
un et deux, il y a des... ça a permis à des entreprises de ces secteurs-là, où
il y a des risques parfois importants, puis on a >mis de côté les
niveaux de risque... Mais les parties se sont assumées en matière de prévention,
et elles ont heureusement diminué tant la fréquence que la gravité des lésions
professionnelles. Et c'est ce qu'on veut qu'il se fasse dans tous les secteurs d'activité
économique, puis vous partagez cet objectif-là. Ça fait que vous me posez une
question dont vous connaissez la réponse, vous savez que, si on fait plus de
prévention, il va y avoir un impact sur l'indemnisation, et c'est ce que nous
tous souhaitons.
M. Leduc : Puis la raison pour
laquelle je vous pose la question, parce que celle qui va suivre, c'est la
suivante : Est-ce que c'est chiffré, ça? Est-ce que ça... Parce que, si
vous êtes capables de chiffrer une économie en modifiant... en mettant le 22,5,
là, mais pourquoi est-ce que vous êtes capables de chiffrer... Par exemple,
dans votre règlement, là, qui attend votre édiction, là, on passe de 90 dBA
à 85 dBA pour la prévention. Est-ce que ça se chiffre, ça aussi?
M. Boulet : Je suis agréablement
surpris de constater que mon collègue de Québec solidaire s'intéresse aux
chiffres. On va pouvoir en discuter abondamment, si vous le souhaitez, et je
vous inviterais immédiatement à m'écrire vos questions, puis on demandera à nos
CPA de la CNESST de vous répondre ou aux CPA externes. Mais c'est une belle
surprise que Québec solidaire se préoccupe des aspects financiers, puis je
trouve qu'on se rapproche beaucoup à cet égard-là. On pourra en parler
abondamment, mais n'hésitez pas, écrivez vos questions, puis je vais m'assurer...
Puis ce n'est pas moi, l'expert en la matière. On va vous donner les réponses,
celles que vous voulez.
M. Leduc : Bien, écoutez, on
peut bien en préparer quelques-unes. Des fois, c'est des questions qui nous
viennent en fouinant dans les papiers puis en regardant ce qui se trouve là.
M. Boulet : Bien oui, bien oui,
ça va vous aider à vous convaincre du bien-fondé de ce que nous faisons.
M. Leduc : Là où je veux
atterrir, là, c'est : s'il y a des coûts intéressants chiffrés,
chiffrables en matière de prévention puis qu'il y a des coûts que vous chiffrez
aussi en matière de réparations, qui sont, pour le meilleur et pour le pire,
perçus comme un énorme recul — moi, c'est ma perception aussi, puis
ce n'est pas la vôtre, on a bien compris depuis les dernières
minutes — il y a un choix qui est fait en quelque part, non, de dire :
On va y aller sur l'économie de l'indemnisation plutôt que d'y aller sur
l'économie de la prévention?
• (15 heures) •
M. Boulet : Oui, tout à fait,
puis vous l'avez vu probablement dans notre analyse d'impact, puis j'y ai
souvent fait référence, la plupart des économies, si on... puis j'aime ça,
parler de chiffres, là, proviennent des mesures de prévention, puis on
avait calculé... parce que c'est difficile à mesurer de façon précise, hein, ce
n'est pas de la mathématique, hein? Plus on fait de la prévention... ce n'est
pas : chaque dollar investi par la prévention peut <générer cinq
dollars, comme certains disent, mais on avait sur...
>
15 h (version révisée)
<17899
M. Boulet :
...puis j'aime ça, parler de chiffres, là, proviennent des mesures de
prévention, puis on avait calculé.
Parce que c'est difficile à mesurer
de
façon précise, hein, ce n'est pas de la
mathématique, hein? Plus on fait
de la prévention... Ce n'est pas : chaque dollar investi par la prévention
peut >générer cinq dollars, comme certains disent, mais on avait, sur
une période d'un à 10 ans, des économies qui peuvent varier entre un point
quelque et 4 milliards de dollars en diminution du taux de lésions
professionnelles. Ça, c'est la fréquence et la gravité des lésions
professionnelles.
Et c'est l'objectif qui fait partie de
l'ensemble des objectifs qui sont à la base de la modernisation, puis Morneau
Shepell en parlait dans son rapport d'actuariat, à la demande du Conseil du
patronat du Québec, mais il y a certainement un lien de causalité qui est... il
y a une forte présomption. Est-ce qu'elle est irréfragable, comme vous
souhaitez parfois que des présomptions deviennent... mais il y a une forte
présomption, certainement une présomption relative entre les investissements en
prévention et les coûts d'indemnisation.
M. Leduc : Mais, encore
là, donc, ma question, politique encore cette fois, là, parce qu'on a
tendance peut-être de l'oublier ici, dans nos discussions, que tout ça reste
éminemment politique : le choix de favoriser puis même quitte à
serrer plus fort la vis de la prévention... pourquoi on ne baisse pas à
80 dBA, par exemple, la prévention? Les économies pourraient peut-être
être plus intéressantes. Parce que si vous me dites que la pérennité du
régime...
M. Boulet : Bien non, au
contraire, ça va augmenter les coûts, tu sais. Et je vous le répète, là, sur le
85 dBA, il y a l'Ontario qui est à 90 dBA puis il y en a qui ont des
conditions additionnelles. On est à 85 dBA, alors que c'était à 90 dBA.
Tu sais, à un moment donné, on ne peut pas... C'est le seuil qui est reconnu
par la science et la médecine.
M. Leduc : Le 85 dBA?
M. Boulet : Bien oui,
tout à fait.
M. Leduc : Ça, c'est
intéressant que vous en parliez, puis il y a du 85 dBA un peu plus tard, puis
il y en a ailleurs, vous avez raison. Moi, j'ai mis la main tantôt sur le Manuel
d'hygiène au travail : du diagnostic à la maîtrise des facteurs de risque.
C'est édité par l'Association québécoise pour l'hygiène, la santé et la
sécurité du travail. C'est essentiellement tous des gens qui travaillent soit à
la CSST ou à l'IRSST, à l'institut de recherche de la santé et sécurité du
travail.
Je vous lis un segment, c'est la
section 10.3.1.3, relation dose-effet: «Certaines études
démontrent que le niveau de bruit quotidien de 70 décibels ou moins ne présente
pas de danger pour l'oreille humaine. À partir de 85 dBA, pour une
exposition de huit heures, un risque important existe pour la plupart des
personnes exposées. Il y a donc un certain consensus scientifique. Le risque
augmente avec la dose d'exposition et il apparaît dès 75 dBA à
80 dBA. On a calculé, sans tenir compte de la variabilité et de la
sensibilité des individus au bruit, que des personnes exposées à 85 dBA,
huit heures par jours, cinq <jours...
M. Leduc : ...
un
risque important existe pour la plupart des personnes exposées. Il y a donc un
certain consensus scientifique. Le risque augmente avec la dose d'exposition et
il apparaît dès 75 dBA à 80 dBA. On a calculé, sans tenir compte de
la variabilité et de la sensibilité des individus au bruit, que des personnes
exposées à 85 dBA, huit heures par jours, cinq >jours par semaine
durant 40 ans subissaient, par rapport aux personnes non exposées, un
risque accru de 8 % de souffrir d'une surdité s'apparentant à la surdité
professionnelle. Selon la même source, ce risque est d'environ 25 % pour
une exposition à 90 dBA durant huit heures, ce qui correspond au niveau
réglementaire au Québec. On ne saurait donc considérer ce niveau comme une
démarcation absolue entre une exposition sécuritaire et une exposition non
sécuritaire.» Intéressant, là, eux autres, ils disent qu'à partir de 75 dBA,
tu commences à courir des dangers.
M. Boulet : Mme la Présidente,
je ne veux pas faire de débat scientifique, mais toute la discussion n'est pas
pertinente dans la mesure où on parle d'un règlement sur les conditions d'application
d'une présomption, les conditions d'admissibilité à titre de maladie
professionnelle.
Ce que mon collègue discute, c'est un règlement
sur la prévention qui va être entériné, qui a été adopté par le C.A. de la
CNESST, et toutes les mesures de prévention sont dans ce règlement-là, et il va
faire le chemin de l'adoption gouvernementale. Mais c'est parce que, là, on est
en train de faire un autre débat, là, à côté de ce qui nous concerne.
M. Leduc : ...mais il est
important, ce débat-là, M. le ministre, parce que c'est...
M. Boulet : Oui, oui, tout à
fait, mais vous le connaissez, ce règlement-là.
M. Leduc : Bien, justement, bien,
je le connais puis parlons-en.
M. Boulet : Adopté par le C.A.
de la CNESST, bon.
M. Leduc : Bien, moi, j'ai ici
la Gazette officielle, là, 6 novembre 2019, pour première
publication, puis vous me corrigerez si j'ai mal compris le processus, il faut
qu'un règlement soit d'abord prépublié. Après ça, il y a un processus de 30 ou 45 jours,
si je ne me trompe pas, pour les commentaires, et, après ça, ce délai-là, vous
avez l'entière décision de quand vous allez l'édicter, la deuxième publication.
Est-ce que c'est comme ça que ça fonctionne? Je n'ai pas encore d'expérience de
ministre, donc je ne suis pas certain.
M. Boulet : Bien, encore une
fois, on parle d'un sujet qui n'est pas celui qui nous concerne, mais, pour
répondre, là, je me prête à votre question, là, c'est publié à la Gazette
officielle pour une période de 45 jours. C'est une période de consultations,
on reçoit des représentations, après ça, c'est présenté pour adoption par le gouvernement
au Conseil des ministres et, après ça, c'est publié de nouveau à la Gazette
officielle. Donc, il y a une période de consultations à l'intérieur de
laquelle tous les groupes peuvent faire des représentations.
Ceci dit, le règlement dont il est question,
sur la prévention, il est adopté par les syndicats et les patrons. Ça fait
qu'on pourrait en discuter, mais moi, je ne me substituerai pas, dans la commission,
au C.A. de la CNESST.
M. Leduc : Non, non, je
comprends. Ce n'est pas mon intention.
M. Boulet : Je regrette, là,
mais c'est déjà adopté. Vous pouvez en parler aux groupes, tant patronaux que
syndicaux, ils vont vous donner des réponses très adéquates. C'est vraiment
important pour moi de le souligner, ce dont nous discutons, c'est un règlement
d'admissibilité. Le règlement de prévention, il est déjà adopté par le C.A. de
la CNESST, par des syndicats et des patrons. Je le dis parce que notre
collègue de Nelligan revient — on ne <se...
M. Boulet :
C'est
vraiment important pour moi de le souligner, ce dont nous discutons, c'est un
règlement d'admissibilité. Le règlement de prévention, il est déjà adopté par
le C.A. de la CNESST, par des syndicats et des patrons. Je le dis parce
que notre collègue de Nelligan revient, on ne >se substituera pas
aux syndicats et aux patrons qui ont discuté et adopté un règlement qui
contient les mesures de prévention, notamment en matière de surdité. Et c'est
ce règlement-là qui va être adopté par le gouvernement, en respectant la
procédure que je viens de vous expliquer.
M. Leduc : Moi, je vous suis,
là, jusqu'à un bout, là. Quand vous dites adopté par le C.A. de la CNESST,
d'accord, mais donc il reste l'étape de l'adoption au Conseil des ministres, qu'il
soit édicté par votre main, là. Vous allez devoir le signer. Ça, cette
étape-là, elle n'est pas faite puis elle est nécessaire. Est-ce que j'ai bien
compris?
M. Boulet : Bon, je vais
reprendre. Ce règlement-là, je vous l'ai mentionné tout à l'heure, il va suivre
son processus normal. Il est complémentaire à ce que nous adoptons dans le Règlement
sur les maladies professionnelles, parce que c'est un règlement sur les
conditions d'admissibilité, puis les mesures de prévention vont découler de
l'application de ces conditions d'admissibilité là. Il va être publié à la Gazette
officielle du Québec dès que nous aurons adopté ce règlement et, par la
suite, il est publié pendant 45 jours, période de consultation, période
d'ajustement, le cas échéant, comme vous l'avez vu avec les allègements
réglementaires dans le secteur de la construction. Après ça, il y a une
nouvelle publication, après que ce soit entériné par le Conseil des ministres,
pour fins d'édiction.
M. Leduc : O.K., mais là je
suis vraiment confus, là. Vous m'avez dit tantôt que c'est deux affaires
distinctes. Le règlement que je vous soumettais, là, celui du 6 novembre
2019, sur les normes de prévention, vous avez dit : Ce n'est pas de ça
qu'on parle aujourd'hui. C'est vrai que ce qui est devant nous, dans le projet
de loi, c'est les normes de présomption.
M. Boulet : C'est parce que,
dans le projet de loi, collègue, on parle du 85 dB. Ça fait qu'on ne peut
pas faire rentrer le règlement qui s'assoit sur le 85 dB tant que ce n'est
pas adopté dans la loi, là, le 85 dB, comme seuil.
M. Leduc : Mais pourquoi?
M. Boulet : Bien, parce que le
règlement ne peut pas outrepasser la loi. Le règlement ne peut pas légiférer.
La CNESST l'a adopté dans la mesure où cette loi-là, le 85 dB, est acceptée,
là.
M. Leduc : Ce que vous me
dites, c'est que, pour avoir une norme de 85 dB en prévention, je dois
d'abord adopter une norme de 85 dB en présomption?
M. Boulet : Bien, il y a une
question de complémentarité, je vous dirais.
M. Leduc : Mais je ne vous
suis pas du tout, là. Pourquoi c'est complémentaire?
M. Boulet : Tout ce que je
dis, Mme la Présidente, c'est qu'on est en train de discuter d'un sujet qui est
complètement...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
...
M. Boulet : On parle d'un
règlement sur les maladies professionnelles puis là on est train de parler d'un
règlement sur la prévention. Tu sais, ce qui vous concerne, Mme la Présidente,
c'est le... puis, selon moi, même si ce n'est pas totalement impertinent, ce n'est
pas le sujet qui nous intéresse, parce qu'on en parlera...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Parfait.
M. Leduc : Parlons-en, du <règlement,
là, de la...
M. Boulet : ...
sur
les maladies professionnelles, puis là on est train de parler d'un règlement
sur la prévention. Tu sais, ce qui vous concerne, Mme la Présidente, c'est
le... puis, selon moi, même si ce n'est pas totalement impertinent, ce n'est
pas le sujet qui nous intéresse, parce qu'on en parlera...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Parfait.
M. Leduc : Parlons-en, du
>règlement, là, de la présomption de 85 dBA.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Bon. Alors, on revient donc directement à l'article 238, c'est bien ça?
M. Leduc : Ça n'existait
pas, ça, avant, dans l'ancienne mouture. Pourquoi ça apparaît? L'ancienne
mouture, là, c'était quelque chose... là, je n'ai pas le texte exact, mais «avoir
été exposé à un bruit excessif». C'était maladie, atteinte auditive, conditions
ou l'autre terme que vous aviez, là, avoir été exposé à un bruit excessif,
point. Là, vous amenez 85 dB. Ce n'est pas une bonne nouvelle que vous
ameniez 85 dB là-dedans. Vous mettez une condition de présomption, une condition
d'admissibilité à la présomption. Ce n'est pas une bonne nouvelle pour les
travailleurs, ça.
• (15 h 10) •
M. Boulet : Oui, mais le
bruit excessif, il était associé à 90 dB, alors que, là, il est fixé à
85 dB. Et la raison pour laquelle... puis là on revient au Règlement
sur les maladies professionnelles. La raison pour laquelle on met des
normes, c'est justement pour encadrer ce qui est un bruit excessif, puis quel
est l'impact, puis comment on indemnise, puis qui on indemnise, et comment
faire la distinction entre la surdité professionnelle et personnelle.
M. Leduc : Là, vous êtes
en train de dire qu'il n'y avait absolument personne qui avait une présomption
en bas de 90 dB, enfin, en allant au TAT? Vous faites une clause de...
M. Boulet : Bien, avant,
la présomption, c'était «exposé à un bruit excessif», mais ça donnait ouverture
à tout.
M. Leduc : Bien oui, mais
là vous la refermez, en mettant le chiffre 85, cette ouverture à tout.
(Consultation)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
D'accord. Alors, nous allons suspendre quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à 15 h 11)
>
(Reprise à 15 h 17)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Donc, M. le ministre.
M. Boulet : Donc, juste pour
faire suite, j'ai vérifié quand il y avait eu changement de la politique
administrative. Dans la loi, actuellement, c'est «bruit excessif». Et il y
avait une politique administrative, à la CNESST, ils utilisaient la norme du
90 dB tout le temps, mais, il y a un an, ils l'ont baissée à 85 dB,
tenant compte de l'évolution des connaissances de nos experts médicaux. Mais,
comme vous savez probablement, vous connaissez l'état de la jurisprudence au Tribunal
administratif du travail, eux ne sont pas liés par les politiques
administratives de la CNESST. Ça fait qu'il faut qu'ils se fient à la loi, puis
ils le soulignaient qu'il n'y avait pas de norme dans la loi, que ce n'était...
Mon Dieu! J'aurais dû attendre après...
M. Leduc : Bien voyons!
M. Boulet : ...que le bruit excessif
n'était pas défini.
C'est parce que ce que je mentionnais, c'est
que la politique administrative, depuis l'adoption de la loi, c'était
90 dB. Ça a baissé à 85 dB, il y a à peu près une année, 85 dB.
Et les décisions du Tribunal administratif du travail, bien, elles disaient :
Malheureusement, il n'y a pas de norme pour <nous...
M. Boulet : ...
pas
défini.
C'est parce que ce que je mentionnais,
c'est que la politique administrative, depuis l'adoption de la loi, c'était
90 dB. Ça a baissé à 85 dB, il y a à peu près une année, 85 dB.
Et les décisions du Tribunal administratif du travail, bien, elles disaient :
Malheureusement, il n'y a pas de norme pour >nous aider à définir c'est
quoi, un bruit excessif. Puis ça, c'est le législateur qui aurait dû le
préciser. Ça n'a pas été fait pendant 40 ans, ça fait que les tribunaux,
ils disent : On s'inspire du sens commun. Vous connaissez comment les
juges raisonnent dans un contexte de même. Ça fait que ça laisse place à
l'arbitraire. C'était comme un peu du cas par cas, et les tribunaux le
souhaitaient que ce soit précisé.
Donc, cette norme-là vient régler, et 90 dB,
bien, c'est plus haut, donc 85 dB est plus avantageux qu'à 90 dB. Et,
ceci dit, c'est en respect de tout ce qu'il y a ailleurs, même qu'ailleurs...
en Ontario, c'est 90 dB, ça fait qu'on n'est pas dans un monde différent
que l'Ontario.
Ça fait qu'une norme, c'est clair. Une
norme, ça suscite moins d'interprétations, beaucoup moins de problèmes
d'application puis beaucoup moins de judiciarisation. Il va peut-être y en
avoir plus au départ, mais ça va être beaucoup plus clair parce que le
législateur aura assumé sa responsabilité de dire c'est quoi, de la surdité
professionnelle, et comment on gère la surdité qui est d'origine personnelle.
Encore une fois, je le répète, c'est une avancée tellement considérable, là,
tenant compte de l'importance de cette problématique humaine et médicale.
Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci.
M. Leduc : Maintenant qu'on a
fait la différence entre le 85 dB prévention puis le 85 dB
présomption — c'est une bonne chose de faite — restons,
d'abord, sur la présomption. Là, vous venez de dire quelque chose d'important :
Les tribunaux souhaitaient que ça soit précisé. Est-ce qu'on a reçu... On ne les
pas reçus en audience, en tout cas, les représentants du TAT. Est-ce qu'on a
une communication quelconque à cet égard?
• (15 h 20) •
M. Boulet : Je n'ai pas de
communication à vous partager à cet égard-là. Tout ce que je vous dis, c'est
que le tribunal, en l'absence de définition ou en l'absence de précision ou de
norme pouvant le guider dans la détermination de ce qu'était un bruit excessif,
décidait selon le sens commun. Ça fait que ça laissait place à du cas par cas,
à un certain arbitraire, qu'on va maintenant éviter en ayant une norme claire.
M. Leduc : Ce que vous appelez
un arbitraire, moi, je l'appelle une marge interprétative.
M. Boulet : Mais on n'est pas
des législateurs pour... on n'abdiquera pas notre pouvoir au pouvoir
judiciaire. Le pouvoir judiciaire, il joue un rôle, mais d'abord d'interprétation
et d'application de la loi. J'espère, collègue, que vous n'êtes pas de l'école
de ceux qui disent : Laissons les tribunaux interpréter et appliquer. Il
faut quand même assumer notre responsabilité de guider les tribunaux, sinon, on
va raisonner comme ça pour plusieurs normes du travail, <pour...
M. Boulet : ...
et
d'application de la loi. J'espère, collègue, que vous n'êtes pas de l'école de
ceux qui disent : Laissons les tribunaux interpréter et appliquer. Il faut
quand même assumer notre responsabilité de guider les tribunaux, sinon, on va
raisonner comme ça pour plusieurs normes du travail, >pour plusieurs
règles de prévention et plusieurs règles sociales, et du travail, et de santé
et sécurité. Je sais que vous n'êtes pas de cette école de pensée là, là, ça
fait que peut-être que vous ne pensiez pas totalement ce que vous venez de
dire. On ne peut pas laisser tout le temps les tribunaux interpréter. Il y en a
toujours, de la place à l'interprétation, mais ici on était en l'absence totale
de norme.
M. Leduc : Absence totale...
Moi, je lis les autres maladies, là, que vous intégrez, là, par exemple, celle
qui est juste après, amiantose : «avoir exercé un travail impliquant une
exposition à la fibre d'amiante.» On ne met pas de nombre de fibres d'amiante,
de nombre, de quantité. Exposition à la poussière de talc, il n'y a pas de
quantité non plus. Je veux dire, il y a plein d'autres endroits, dans votre règlement,
où on...
M. Boulet : Et vous souhaitiez
que ça devienne une présomption irréfragable puis, si vous voulez qu'on mette
des normes... Il n'y a pas la problématique, avec l'amiante, que nous avons en
matière de surdité. Il n'y a pas d'amiantose d'origine personnelle, ce n'est
pas... En tout cas, on ne compare pas le même type, là, de problématique
médicale, là. La surdité, la presbyacousie... Je ne sais pas, en amiantose, peut-être
que vous pouvez nous proposer un amendement pour qu'on tienne compte du degré
d'origine personnelle de l'amiantose, je ne le sais pas, là, mais...
M. Leduc : Bien non, c'est
précisément l'inverse. Moi, je cherche une forme de cohérence...
M. Boulet : Bien, je n'en vois
pas.
M. Leduc : ...puis je cherche
une forme de marge interprétative, parce qu'il y a plein de situations...
M. Boulet : Moi, je ne vois
pas d'analogie entre l'amiantose puis la surdité.
M. Leduc : Bien non, mais évidemment
que ce n'est pas la même chose. Vous comprenez mon argument, M. le ministre, n'essayez
pas de le revirer à l'envers.
M. Boulet : Non. Je ne le
comprends pas.
M. Leduc : Il ne dit pas ce
qu'il ne dit pas. Le tribunal, là, vous avez dit tantôt, désire, souhaite une
précision. Moi, j'attends toujours une démonstration de cet argument-là. Puis
ensuite c'est normal et c'est souhaitable, dans des situations comme ça qui
comprennent des humains. D'autant plus, comme je le disais tantôt, qu'à partir
de 75 dBA la science commence à percevoir des atteintes à la surdité. Là,
vous dites : «No!», c'est 85 dBA, final, bâton.
Bien là, je suis désolé, moi, si la
science me dit qu'à partir de 75 dBA il peut y avoir... pourquoi on flushe
le 75 dBA à 85 dBA? Bien sûr que, si la norme de prévention est à 85 dBA,
ça donne une ligne générale de direction générale, mais ça ne peut pas être un
chiffre tranché au couteau comme ça puis qui dit : Si tu n'as pas ça, tu
n'as pas la présomption.
M. Boulet : L'ascension
remarquable du nombre de dossiers de réclamation, des déboursés et des coûts
d'indemnisation alors que c'était 90 dB démontre certainement la plus que
raisonnabilité du 90 dB, et il est baissé à 85 dB. Et ce n'est pas
les tribunaux qui vont dire : Le législateur, établissez des normes. En
jurisprudence, vous le savez, les tribunaux, ils le disent, il n'y a pas de
norme dans la loi. Ils ne reprocheront pas au législateur ou ils ne <diront...
M. Boulet : ...
du
90 dB, et il est baissé à 85 dB. Et ce n'est pas les tribunaux qui
vont dire : Le législateur, établissez des normes. En jurisprudence, vous
le savez, les tribunaux, ils le disent, il n'y a pas de norme dans la loi. Ils
ne reprocheront pas au législateur ou ils ne >diront pas : Faites
votre travail, mais ils le mentionnent, il n'y a pas de définition de ce qu'est
le bruit excessif, et donc ils réfèrent au sens commun. Puis, quand un tribunal
réfère au sens commun, c'est à défaut de norme dans la loi.
Donc, c'était important de le faire, puis
je le répète, dans la politique administrative, on était à 90 dB, jusqu'à
il y a un an, et regardez l'ascension... je n'ose pas... j'ai dit «remarquable»,
je pense que cet adjectif-là est tout à fait approprié. Donc, il n'y a pas
personne qui a été... à moins que vous me disiez qu'il y a bien des
travailleurs qui ont été lésés, ce n'est pas à ma connaissance.
M. Leduc : Vous parlez de
L'Assomption... l'ascension, c'est-à-dire. Ce n'est jamais contesté par la
CNESST, ils laissent tout passer?
M. Boulet : Bien, la CNESST
n'était pas non plus... la CNESST n'est pas un législateur. Ils ont des
politiques administratives, mais ça n'engage pas les tribunaux. Donc, la
CNESST, elle applique la loi. La CNESST, elle applique la loi telle qu'elle
est. Ça fait que, quand la loi est muette ou la loi est imprécise ou ne dit
pas, bien, la CNESST fait des politiques administratives et elle se guide avec
ça, d'où le 90 dB, mais tout le reste de l'encadrement normatif, ils ne
peuvent pas se mettre à légiférer. Les tribunaux n'accepteraient pas ça. Puis,
vous le savez, il y a des guides à la CNESST — vous avez pratiqué en
santé et sécurité — sur les périodes de consolidation. Tu sais, il y
a plein de politiques et de guides, là. On en fait d'ailleurs sur des nouvelles
organisations du travail. Il y a eu les 27 ou 28 guides de normes en santé
et sécurité qui ont été élaborés avec les syndicats puis les patrons, notamment
dans le secteur de la construction, dès le début de la pandémie. Ça n'a pas une
valeur légale, ça a une valeur administrative. Et oui, la CNESST, c'est son
rôle, mais ce n'est pas un législateur, c'est une institution qui applique une
loi, simplement.
M. Leduc : Là-dessus, on est
entièrement d'accord que la CNESST, ce n'est pas un législateur. Moi, je dis,
justement, parce qu'il n'est pas un législateur, de quoi qu'il se mêle de
mettre une norme de 85 dB? Laisse le tribunal juger au mérite puis décider
si, en effet, en fonction du cas qui est devant lui... en fonction du cas qu'à
75 dB on peut commencer à avoir des atteintes auditives sérieuses et
permanentes, qu'il se donne cette marge d'interprétation là puis qu'il joue
dans le carré de sable.
M. Boulet : Mais je veux juste
que vous compreniez bien, hein, en bas de 85 dB ou en bas de 22,5 dB,
la présomption ne s'applique pas, mais il peut utiliser 30 dB pour faire
la preuve que c'est caractéristique de son travail ou relié aux risques
particuliers de son travail. Puis il peut utiliser l'article 2 puis dire :
C'est un accident de travail.
J'ai tellement souvent l'impression que
vous pensez que, si ça ne s'applique pas, c'est «foul ball». Ce n'est pas le <cas...
M. Boulet : ...
ne
s'applique pas, mais il peut utiliser 30 dB pour faire la preuve que c'est
caractéristique de son travail ou relié aux risques particuliers de son travail.
Puis il peut utiliser l'article 2 puis dire : C'est un accident de
travail.
J'ai tellement souvent l'impression que
vous pensez que, si ça ne s'applique pas, c'est «foul ball». Ce n'est pas le
>cas, c'est juste un élément qui facilite le fardeau de preuve. Puis
donc ce n'est pas parce que tu es en bas que tu ne peux pas. C'est juste, la
présomption, il faut qu'elle s'appuie sur des normes établies et reconnues par
la science et la médecine. C'est la même affaire partout au Canada. Ça fait que
vous ne m'amènerez pas sur ce terrain-là, là. Ça pourrait être 72 dB, puis
la personne peut faire la preuve que c'est caractéristique de son travail, ou
relié aux risques particuliers, ou qu'il y a eu un bruit d'impulsion, ou les
cas que j'ai mentionnés tout à l'heure. Ça peut être un événement traumatique,
traumatisant, isolé, et, si c'est un événement imprévu et soudain qui survient
par le fait ou à l'occasion du travail qui engendre cette blessure-là, c'est
accepté, c'est indemnisé. C'est juste pour l'application de la présomption.
Merci, Mme la Présidente.
M. Leduc : Moi, je... Vous ne
pouvez pas minimiser...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Député d'Hochelaga-Maisonneuve, donneriez-vous le droit de parole à un autre
député?
M. Leduc : Oui. Dernière
intervention, puis, après ça, il n'y a aucun problème, Mme la Présidente, ça va
me faire plaisir.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Parfait.
M. Leduc : Moi, tantôt, là, il
faut que je retourne à Montréal. À 16 h 30, on finit nos travaux, on
retourne chacun chez nous. La distance Québec-Montréal, je peux la faire à
pied, je peux la faire en vélo, je peux la faire en voiture — un jour,
on la fera peut-être en TGV, on verra la suite des transports publics — mais
me rendre à pied ou me rendre en auto, là, ce n'est pas la même affaire. Je
n'arriverai pas en même temps puis je n'arriverai pas dans le même état.
Ça fait que, oui, vous dites : La
présomption, c'est une chose, vous pouvez quand même plaider, mais franchement,
vous le savez, M. le ministre, la présomption, c'est central. Si vous en
bénéficiez, vos chances sont substantiellement plus grandes de gagner votre
cas, puis, si vous n'en bénéficiez pas, il va falloir que vous vous leviez le
matin, pas mal de bonne heure, surtout si vous n'êtes pas syndiqué, pour gagner
votre dossier.
M. Boulet : Bien, je pense que
vous avez quelqu'un près de vous qui va vous confirmer que, dans le cas des
lésions musculosquelettiques puis de bien d'autres maladies qui sont là, il y a
des courants de jurisprudence très clairs : une tendinite d'origine
traumatique, acceptée comme AT, un accident de travail en vertu de l'article 2,
des tendinites, des bursites, des ténosynovites, des épicondylites... Il y en a,
des courants. C'est faux, ce que vous... en tout cas, je veux être respectueux,
là, mais ce n'est pas fondé sur l'état de la jurisprudence. Et il y en a, des
décisions de jurisprudence, je n'oserais pas dire abondamment, mais où la
présomption ne s'applique pas, mais où 30 s'applique, que c'est caractéristique
du travail ou relié aux risques particuliers du travail.
• (15 h 30) •
Bien oui, il y a possibilité, mais une loi
c'est fait pour permettre que ça ne soit pas tout le monde. Ce n'est pas :
la porte est grande ouverte puis, peu importe ce que vous avez, faites une
demande à la CNESST, sans égard à quelque condition que ce soit. L'accident de
travail, là, il y a trois conditions aussi : un événement imprévu et
soudain, survenu par le fait ou à l'occasion du travail, puis qui engendre une
blessure. Une maladie professionnelle, la même affaire : une rechute,
récidive, aggravation. Il y a toujours des <conditions, là. Une loi, ce n'est
pas deux...
>
15 h 30 (version révisée)
<17899
M. Boulet :
...travail, là,
il y a trois conditions aussi : un événement
imprévu et soudain survenu par le fait ou à l'occasion du travail puis qui
engendre une blessure. Une maladie
professionnelle, la même affaire :
une rechute, récidive, aggravation. I
l y a
toujours des >conditions,
là.
Une loi, ce n'est pas deux pages, puis faites
une réclamation à la CNESST, puis vous allez être indemnisé. Malheureusement, il
y a un encadrement. Ça ne peut pas être autrement. On est là pour ça. On est là
pour établir des conditions. Vous pourriez...
Puis je suis certain, là, qu'en 1985, là,
on se projette dans le passé, vous et moi, là, puis vous me diriez : «événement
imprévu et soudain», M. le ministre, ça n'a pas de bon sens. C'est quoi? Puis
«imprévu»... Puis on peut-tu enlever «soudain»? On peut-tu dire «prévu» au lieu...
Tu sais, c'est sûr qu'on peut... À un moment donné, il faut trouver une
trajectoire qui est neutre, qui est objective et respectueuse des droits et obligations
des travailleurs, mais n'oubliez pas qu'il y a des employeurs aussi. Il y a les
deux parties. N'oublions jamais ça.
Puis qu'aujourd'hui j'apprenne en plus que
vous avez un intérêt pour les aspects financiers, je pense que c'est un heureux
développement. Donc, voilà. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
...la parole, maintenant, au tour du député de Bonaventure.
M. Roy
: Merci,
Mme la Présidente. Bon, on a beaucoup parlé de chiffres. Très intéressant. Bon,
c'est sûr que, quand on regarde les normes de l'OMS, 80 dBA, bon, c'est
une réalité statistique qui est quand même fournie par un organisme qui est
assez crédible.
Vous faites référence au ROC, «rest of Canada»,
de manière régulière. On peut être progressistes au Québec, hein?
M. Boulet : On va
discuter de la question nationale aussi, hein, je pense.
M. Roy
: Non, non,
mais, écoutez...
Une voix : ...
M. Roy
: Non, non,
non. Vous savez, M. le ministre, j'haïs tout le monde égal, il n'y a pas de problème.
Des voix
: Ha, ha, ha!
M. Roy
: Mais
voilà, écoute, je ne citerai pas Orwell avec La ferme des animaux, où
tous sont égaux, mais il y en a des plus égaux que d'autres.
Non, blague à part, écoutez, moi, je pense
que... en tout cas, la rhétorique de se comparer au reste du Canada quand le
Québec a quand même... bon, a été progressiste et il doit le demeurer, O.K. Quand
on regarde les autres provinces, par rapport à des modalités de reconnaissance
des niveaux sonores, etc., bien, je vous rappellerai qu'on a eu des groupes qui
sont venus nous exposer des stratégies extrêmement efficaces de prévention dans
certaines provinces, où on sanctionnait, de manière systématique, les
employeurs qui n'appliquaient pas des règles de prévention, tandis qu'au Québec
on a été un petit peu laxistes. Et ça, on nous l'a dit aussi.
Ça fait que moi, là, où j'ai un problème
actuellement, là, c'est que, si on... bon, si la loi est appliquée comme c'est
là, là, <le...
M. Roy
: ...on
sanctionnait,
de manière systématique, les employeurs qui n'appliquaient
pas des règles de prévention, tandis qu'au Québec on a été un petit peu
laxistes. Et ça, on nous l'a dit aussi.
Ça fait que moi, là, où j'ai un
problème actuellement, là, c'est que, si on... bon, si la loi est appliquée
comme c'est là, là, >le laxisme qui existe actuellement, là — on
va se le dire, ça existe — entraîne des problématiques chez des gens
qui vont être sanctionnés par les nouvelles modalités de reconnaissance des
problèmes auditifs. Ces gens-là, on les échappe, là, parce qu'il y a eu du
laxisme. Là, on va appliquer la prévention en même temps que les nouvelles
règles de reconnaissance. Bien là, là, ceux qui ont subi des préjudices, bien,
ils vont... on les oublie. Ça fait que moi, c'est là que j'ai un problème.
Puis, quand que vous nous comparez au
reste du Canada, bien, vous nous... excusez, vous nous comparez sur un élément,
mais il y a d'autres éléments sur lesquels ils ont agi de manière extrêmement,
je dirais, agile et qu'ils ont sanctionné. Ça fait qu'ils ont réduit des
risques de manière importante. En Ontario, entre autres, là, les accidentés de
travail, bon, bien, aïe, ce n'étaient pas des petites amendes qu'ils ont eues,
là. Ça fait que les gens se sont... Il y a eu une autorégulation qui a fait en
sorte que les entrepreneurs ont vraiment appliqué les règles de prévention pour
ne pas se faire pogner.
On n'a pas fait ça au Québec. Ça fait que,
là, on est pognés avec ça. O.K.? Là, qu'est-ce qu'on fait, là? On a discuté tout
à l'heure. Tu sais, on... Est-ce que... Bon, moi, j'ai écrit ça, là : La
prévention doit être en amont d'une réglementation sur... bon, ou de la
nouvelle réglementation de la reconnaissance, je le dis en mes mots, là, de
la reconnaissance des problèmes de surdité. Il faut commencer par créer une
prévention solide, avec des sanctions puis un environnement où ils vont prendre
ça au sérieux pour ne pas échapper ceux et celles qui ont subi le préjudice,
puis qui va se manifester dans les prochaines années, et, par la suite, arriver
à appliquer le cadre réglementaire que vous voulez mettre dans la
reconnaissance. Là, j'ouvre une porte de discussion sur une possibilité de
période, d'un délai, ou d'une clause grand-père, ou je ne sais pas comment
l'appeler, là, mais je mets ça dans votre réflexion, là.
Ça fait que je pense que, par équité pour
ceux et celles qui ont subi des préjudices, étant donné le laxisme, nous avons
la responsabilité de demander de la prévention tout de suite en gardant un
système d'indemnisation pour ceux et celles qui ont subi le préjudice, et
éventuellement, dans le temps qui restera à définir, bien, en arriver à vos
propositions, mais tout cela accompagné d'un comité scientifique qui vient
dépolitiser les décisions et donner de la rigueur, bon, à la réglementation qui
va être <proposée...
M. Roy
: ...
arriver à vos propositions, mais tout cela accompagné d'un comité scientifique
qui vient dépolitiser les décisions et donner de la rigueur, bon, à la
réglementation qui va être >proposée. Ça fait que...
Puis moi, tu sais, je ne suis pas un
expert dans les dBA puis tout. Là, je regarde les débats puis je vois ça
partout, mais ce n'est pas moi, Sylvain Roy, qui est capable de définir le
niveau sonore. Par contre, il y a des gens qui sont capables de le faire, puis
ils sont pas mal meilleurs que nous autres, tous ici ensemble. Mais l'enjeu,
l'enjeu de la sanction que vivront des travailleurs... vit dans un système
laxiste en termes de prévention, ça, on a un problème. Voilà.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Y a-t-il d'autres interventions sur l'article 238 tel qu'amendé?
M. Boulet : Non, mais
simplement pour mentionner...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Oui, vous voulez répondre? Je m'excuse. Oui, oui. Pardon, M. le ministre.
M. Boulet : ...oui, que je
comprends très bien. Puis effectivement c'est une des raisons qui constitue un
des impératifs à cette modernisation-là, améliorer la prévention puis que ça se
fasse partout. Là, il y a seulement 25 % des travailleurs qui sont protégés.
Il faut améliorer la façon dont on fait la prévention. Il faut faire plus de
prévention.
Je suis aussi d'accord avec ce que vous
dites, il faut tenir compte de ce laxisme-là puis il faut s'appuyer sur
l'expertise du comité scientifique qui va nous permettre de se guider, dans
l'avenir, sur les meilleures façons de définir les contours, là, de la liste
des maladies professionnelles présumées. Je pense que, sur le fond, je suis
d'accord avec tout ce que vous avez mentionné.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Parfait. Merci. Vous voulez poursuivre, député de Bonaventure? Allez-y.
M. Roy
: Bien,
maintenant qu'on... Les paroles s'envolent, les écrits restent, M. le ministre.
Ça fait que je ne sais pas si on va déposer un amendement pour...
On peut-tu prendre deux minutes, Mme la
Présidente?
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Vous voulez une suspension? D'accord.
Nous allons suspendre quelques instants.
(Suspension de la séance à 15 h 38)
16 h (version révisée)
(Reprise à 16 h 17)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, nous poursuivons les échanges. Y a-t-il des interventions sur l'article 238
tel qu'amendé? Y a-t-il d'autres interventions?
M. Leduc : Je peux y aller,
peut-être, Mme la Présidente. On a eu des discussions, là, à micro fermé, sur
l'idée de peut-être temporairement mettre sur pause la discussion sur toute la
thématique de la surdité, là, au sens large et progresser, avec le temps qu'il
nous reste, à la question de l'amiante irréfragable... le caractère
irréfragable. Et puis, dans le fond, je ne sais pas s'il est déjà acheminé, ou
ça le sera dans les prochaines secondes, on va vous envoyer l'amendement puis on
pourra discuter sur ça, là. Ça va être beaucoup plus simple.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
D'accord. Parfait. Je peux peut-être demander aux autres. Est-ce qu'il y en a
qui ont... d'interventions sur le thème, là, que vous avez choisi de discuter,
les autres députés? Non. D'accord. Donc, on va attendre votre amendement.
Est-ce qu'on <devrait...
M. Leduc : ...dans les
prochaines secondes, on va vous envoyer
l'amendement puis on pourra
discuter sur ça, là. Ça va être
beaucoup plus simple.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
D'accord. Parfait. Je peux
peut-être demander aux autres.
Est-ce
qu'il y en a qui ont... d'
interventions sur le thème, là, que vous avez
choisi de discuter, les autres
députés? Non. D'accord. Donc, on va
attendre votre amendement. Est-ce qu'on >devrait suspendre ou...
M. Leduc : C'est une question
de secondes, le temps que vous le receviez puis que vous puissiez... On est peut-être
mieux de suspendre un petit peu.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
C'est ça, le souci, hein? C'est qu'il faudra le recevoir... Vous l'avez reçu?
Non, hein?
Alors, nous allons suspendre quelques
instants.
(Suspension de la séance à 16 h 18)
(Reprise à 16 h 21)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, nous venons de recevoir un amendement déposé par le député d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : Merci, Mme la
Présidente. Il se lit comme suit : L'article 238 du projet de loi est
amendé par l'insertion, après la section I du règlement, de :
«Section I.1.
«Maladies réputées professionnelles.
«1.1. Le travailleur atteint d'une
maladie énumérée à la présente sous-section est réputé atteint d'une maladie
professionnelle s'il a exercé un travail correspondant à cette maladie.»
Et là il y a un tableau en deux colonnes
avec une seule entrée. Donc, la colonne première, «Maladies», qui dit «mésothéliome
de la plèvre»; colonne de <droite...
M. Leduc : ...maladie
énumérée à la présente sous-section est réputé atteint d'une maladie professionnelle
s'il a exercé un travail correspondant à cette maladie.»
Et là il y a un tableau en deux
colonnes avec une seule entrée. Donc, la colonne première, «Maladies», qui dit «mésothéliome
de la plèvre»; colonne de >droite, «Conditions particulières», «un
travail impliquant une exposition à la fibre d'amiante.»
Bon, c'est «Genres de travail», mais je
pense que vous avez préféré «Conditions particulières», dans votre projet de
loi. On pourra en discuter, là. Je pense que l'essentiel, c'est ce qui est à
l'intérieur du tableau. Je peux faire l'explication peut-être, Mme la
Présidente?
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Oui, allez-y, effectivement.
M. Leduc : Merci. Dans le fond,
comment on l'approche, c'est une nouvelle sous-section à l'annexe... pardon,
une sous-section au règlement. Parce que, là, on a un règlement qui parle de
présomption, puis on se rappelle, tantôt, qu'une présomption, c'est un
renversement de fardeau de preuve. En temps normal, il faut que le salarié, le
travailleur démontre la relation entre sa maladie et son travail. Avec une
présomption, c'est l'inverse, c'est l'employeur qui doit démontrer qu'il n'y a
pas de relation entre la maladie et son travail.
Et là on va, dans le fond, une coche plus
loin, une coche plus haut, en quelque sorte. «Il est réputé atteint d'une
maladie professionnelle», et là, en quelque sorte, on ne peut plus remettre en question
le lien entre la maladie et le travail. C'est ce qu'on appelle... c'est le
terme «irréfragable», que je n'avais pas entendu souvent avant de faire ce projet
de loi là, Mme la Présidente. Maintenant, j'en suis très familier, même si j'ai
encore un peu de la misère à le prononcer.
C'est un sujet qui a été, quand même, à
l'ordre du jour, là, à plusieurs reprises dans les dernières semaines, dans les
derniers mois. Il y a eu un gros rapport du BAPE en juillet 2020, qui
s'appelait L'état des lieux et la gestion de l'amiante et des résidus
miniers amiantés, publié en juillet 2020, comme je le disais. À la
page 99 du rapport, le BAPE émet la recommandation suivante : «La
commission d'enquête est d'avis que le processus d'indemnisation des
travailleurs et de leur succession est lourd. Le gouvernement du Québec devrait
donc adopter des modifications à la Loi sur les accidents du travail et les
maladies professionnelles — loi que nous étudions à travers le p.l. n° 59 — pour adapter ce processus afin de permettre au
travailleur une défense adéquate de son dossier et pour rendre irréfragable la
présomption pour un travailleur atteint du mésothéliome de la plèvre, sachant
que plus de 80 % des cas de cette maladie sont liés à une exposition à
l'amiante.»
Puis plus tard dans ce rapport-là, là, il
y a une section, là, 4.1.2.3 qui s'intitule Le processus de reconnaissance
des lésions et des décès liés à l'amiante pour le travailleur du Québec,
qui explique très bien, là, la nécessité d'aller de l'avant avec ce concept, ce
nouveau concept dans la loi, là. On amène quelque chose de nouveau, on n'allait
pas aussi loin que ça dans d'autres maladies, mais là ils disent : Pour
l'amiante, là, il faut aller une petite coche de plus, il faut aller à la
présomption irréfragable.
Et, comme je le disais tantôt, on passe
d'une présomption, de quelque chose qui est présumé, à quelque chose qui est
réputé. Puis souvent on a ça dans des lois ailleurs, «est réputé au travail» ou
«est réputé quelque chose». C'est un concept de droit assez commun, je dirais.
Et le fait d'être réputé, ça fait que ça ne peut pas être renversé par aucun
moyen de <preuve...
M. Leduc : ...disais
tantôt, on passe d'une présomption, de
quelque chose qui est présumé, à
quelque chose qui est réputé. Puis souvent on a ça dans des lois ailleurs, «est
réputé au travail» ou «est réputé quelque chose». C'est un concept de droit
assez commun, je dirais. Et le fait d'être réputé, ça fait que ça ne peut pas être
renversé par aucun moyen de >preuve.
L'employeur, advenant qu'on adopte cet
article-là, qui arrive devant... qui conteste, qui arrive au TAT, au tribunal
et qui dit : Non, non, non, moi, je ne pense pas qu'il y a de lien entre
l'amiante et la maladie et le travail, donc... mais il ne peut même pas
s'essayer, il ne peut même pas démontrer parce qu'il est réputé, ce lien-là,
entre le travail et la maladie, et c'est en raison de nombreuses études, bien
sûr, c'est en raison de plusieurs problèmes, aussi, administratifs.
Malheureusement, on a connu le problème de
l'Université de Montréal avec le professeur qui était... qui a eu à se battre
pendant des années. Ça a été compliqué, une procédure cauchemardesque. Il y a
eu un article dans LaPresse, là, dans les dernières
semaines.
Alors, ces contestations-là qu'on peut
qualifier... qui sont souvent qualifiées d'abusives de la part des employeurs à
l'encontre des victimes d'amiante, bien, elles sont abusives en soi, mais elles
sont abusives surtout face au caractère professionnel de la maladie qui,
finalement, ne fait aucun doute, ne fait aucun doute pour la communauté
scientifique, qui ne fait aucun doute pour le BAPE, qui en fait une
recommandation, qui dit : Il faut aller plus vite, il faut aller plus
fort, il faut casser cette culture de contestation abusive.
Puis il n'y a pas 56 moyens d'y
arriver. Il y en a un qui est très facile, qui est accessible, qui se gère avec
un simple amendement comme celui qu'on a déposé, c'est le concept de la
présomption... pas de la présomption, pardon, de la réputation du caractère
irréfragable d'une maladie.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Parfait. Merci. M. le ministre.
M. Boulet : Merci, Mme la
Présidente. J'entendais d'ailleurs la cocheffe de Québec solidaire rendre
hommage à ce professeur de l'Université de Montréal, M. Bruneau, je
crois... pardon, Brunet?
Une voix : ...
M. Boulet : Renaud, oui,
effectivement. Et je suis arrivé au salon bleu alors qu'elle n'avait pas débuté
son hommage, et j'ai eu l'opportunité de l'applaudir puis de lui dire que
j'étais content que la CNESST ait accepté la réclamation de M. Renaud.
Évidemment, ce qu'elle mentionnait, c'est
qu'il y avait encore des contestations de son employeur, puis, bon, ça me
permet aussi de dire que toutes les personnes qui ont soit l'amiantose, ou un
cancer pulmonaire ou mésothéliome causé par l'amiante, c'est des personnes qui
ont besoin d'être encadrées, qui ont besoin d'être indemnisées puis qu'on s'assure
qu'ils aient des traitements adéquats.
Et la <présomption...
M. Boulet : ...
aussi
de dire que toutes les personnes qui ont soit l'amiantose, ou un cancer
pulmonaire ou mésothéliome causé par l'amiante, c'est des personnes qui ont
besoin d'être encadrées, qui ont besoin d'être indemnisées puis qu'on s'assure
qu'ils aient des traitements adéquats.
Et la >présomption, elle est
soit relative ou absolue. Relative, c'est que ça permet de faciliter la preuve
au travailleur. Ça donne, en même temps, l'opportunité à l'employeur de dire qu'il
n'y a pas de lien entre le travail ou les conditions et le diagnostic qui a été
posé. Si je prends l'exemple de l'amiantose ou du mésothéliome pleural, là, parce
que c'est comme ça qu'on l'appelle, et le travail impliquant une exposition à
la fibre d'amiante, l'employeur, il pourrait dire, par exemple : Tu as été
exposé à la fibre d'amiante, mais pas chez nous, pas en travaillant chez nous,
mais, par exemple, tu as fait des rénovations majeures à ta maison, puis il y
avait de l'amiante, et donc renverser le lien qui est présumé découlant de la
présomption entre le travail et le diagnostic. Si c'est irréfragable, ça vient
comme fermer la porte à un employeur et ça vient... puis je ne dis pas qu'il y
aurait des abus, mais ça vient ouvrir la porte potentielle à ce que ça puisse
arriver.
Puis je prenais des informations sur les
réclamations de cette nature-là à la CNESST, puis le taux d'acceptation des
réclamations suite à un mésothéliome est de 97 % d'acceptation puis, pour
les diagnostics d'amiantose, 69 %, ce qui constitue des taux d'acceptation
extrêmement intéressants. Puis, en principe, ce n'est pas de la nature d'une
présomption irréfragable que de dire : Si tu fais ça puis ça, c'est automatiquement,
sans aucune possibilité de preuve à l'effet contraire. Puis, des fois, il y a
des preuves d'expertise qui font en sorte que le lien de causalité ne
s'applique pas ou il y a des événements qui peuvent être mis en preuve par l'employeur,
lui permettant de, ce qu'on appelle, renverser la présomption.
• (16 h 30) •
La présomption, je le répète, c'est un
fardeau de preuve allégé, et la présomption absolue, c'est des cas
véritablement exceptionnels. Et, dans le cas des maladies professionnelles
présumées qui sont dans l'annexe, c'est toutes, toutes, toutes, sans exception,
des présomptions relatives. Ce n'est pas ce qu'on appelle des présomptions
irréfragables, là, à l'égard desquelles l'employeur ne bénéficierait pas de la
possibilité de rompre le lien de causalité, qui est établi en vertu de la loi,
entre un travail spécifique qui répond à certaines conditions et un diagnostic
qui répond à <l'identité des diagnostics qui sont dans la liste...
>
16 h 30 (version révisée)
<17899
M.
Boulet : …l'employeur ne bénéficierait pas de la possibilité de rompre
le lien de causalité, qui est établi en vertu de la loi, entre un travail
spécifique qui répond à certaines conditions et un diagnostic qui répond à >l'identité
des diagnostics qui sont dans la liste des maladies professionnelles présumées.
Merci, Mme la Présidente.
Mais, ceci dit, c'est certainement un amendement
qui reflète une préoccupation profonde de la part du collègue de Québec
solidaire, puis je salue cette préoccupation-là, que je partage, par ailleurs. Merci,
Mme la Présidente.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Écoutez, merci. Merci pour la belle collaboration.
Alors, compte tenu de l'heure, nous
ajournons. La commission ajourne ses travaux sine die. Alors, je vous souhaite
un bon congé, bon repos et faites attention à vous. Merci.
(Fin de la séance à 16 h 31)