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Version finale

42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)

Le jeudi 1 avril 2021 - Vol. 45 N° 83

Étude détaillée du projet de loi n° 59, Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail


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Table des matières

Étude détaillée (suite)

Intervenants

Mme Claire IsaBelle, présidente

M. Jean Boulet

M. Monsef Derraji

M. Alexandre Leduc

M. Sylvain Roy

Journal des débats

(Onze heures trente minutes)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Bonjour. Alors, attention! Vous êtes tous là, oui? Alors, s'il vous plaît, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'économie et du travail ouverte.

La commission est réunie afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 59, Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. M. Lemieux (Saint-Jean) remplace Mme Chassé (Châteauguay); M. Birnbaum (D'Arcy-McGee) remplace Mme Robitaille (Bourassa-Sauvé); et M. Roy (Bonaventure) remplace Mme Richard (Duplessis).

Étude détaillée (suite)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Lors de l'ajournement, hier, la commission en était au sujet 3.2.1, qui traite de l'évolution des maladies professionnelles et plus particulièrement du Règlement sur les maladies professionnelles. Les discussions portaient sur l'article 238 amendé. Je veux aussi rappeler que nous avons suspendu l'article 8 — alors, on l'a bien dans notre banque, il n'y a pas de souci là-dessus — et nous en étions à discuter de certains événements ou certaines activités. Alors, je pense qu'on veut poursuivre la discussion. C'est bien ça, M. le ministre?

M. Boulet : Oui, tout à fait. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, nous allons suspendre de nouveau. Alors, nous suspendons.

(Suspension de la séance à 11 h 31)

(Reprise à 11 h 44)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, je comprends, M. le ministre, que vous voulez la parole. C'est bien ça?

M. Boulet : Oui.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, à vous la parole.

M. Boulet : Merci, Mme la Présidente. Donc, comme déjà annoncé, je vais faire une présentation sur la pertinence des amendements qui sont dans le Règlement sur les maladies professionnelles et qui concernent les conditions d'admissibilité en matière de surdité.

D'abord, l'état actuel des choses. Il n'y a pas de seuil minimal de perte auditive pour la reconnaissance d'une surdité professionnelle ni pour le droit, bien sûr, à des prestations d'assistance médicale. Donc, les travailleurs atteints d'une perte auditive inférieure, par exemple, à 30 dB, ils peuvent recevoir des prothèses auditives, ils peuvent recevoir des services, et ça, même après des décennies.

Puis c'est indéniable, là, que l'exposition au bruit dans un milieu de travail a des impacts sur la surdité professionnelle, mais il est également indéniable que l'âge produit aussi ses effets, et, comme ailleurs au Canada, la LATMP ne fait pas de distinction entre l'origine professionnelle d'une surdité et la surdité qui est personnelle, qu'on appelle la presbyacousie. Donc, l'incidence des cas de surdité, là, en tenant compte de ça, de notre façon de les couvrir, est nettement supérieure à celle des autres provinces canadiennes. Et c'est devenu aussi un incontournable d'avoir un seuil minimal pour accepter l'octroi, notamment, des prothèses auditives, puis un facteur aussi pour tenir compte de la presbyacousie, ou l'exigence aussi de fournir un audiogramme contemporain à la cessation de travail.

Vous mentionnez que de 2010... parce que là je vais dans un autre secteur, là, l'augmentation des réclamations et des déboursés, juste quelques chiffres, là, parce que j'en ai beaucoup puis je ne veux pas vous enterrer avec ça, mais, de 2010 à 2019, le total des réclamations annuelles acceptées est passé de 4 200 à 13 800. Le total des dossiers dans lesquels les frais ont été payés est passé de 22 400 à 66 112, une hausse de 194 %, et la croissance provenait en majeure partie des personnes de plus de 65 ans.

Le total des déboursés... puis vous allez dire : Il y a une question de coûts, mais je pense beaucoup plus à la pérennité de notre régime d'indemnisation. Le total des déboursés liés à la surdité professionnelle est passé de 59 millions, en 2010, à 185 millions en 2019. C'est une hausse de 214 %, Mme la Présidente, donc, le taux de croissance. Il y a eu aussi une augmentation, bon, du nombre de dossiers acceptés chez les 65 ans et plus, ce à quoi je faisais référence, de 111 %. Le nombre de dossiers acceptés chez les 66 ans et plus a augmenté de 502 %, parce que je rappelle qu'il n'y a pas de limite dans le temps, là, même après des décennies.

Donc, les impacts financiers sur le régime. La surdité professionnelle représente, à elle seule, un passif actuariel de 3,1 milliards de dollars au 31 décembre 2020. C'est à peu près 20 % du passif actuariel total de 15,9 milliards.

Pourquoi mettre un critère à 22,5 dB dans chaque oreille? Bon, écoutez, la communauté scientifique et médicale le reconnaît, un seuil d'au moins 22,5 dB doit être atteint pour considérer qu'une personne présente une perte auditive. En bas de 22,5 dB, tu entends une personne chuchoter.

• (11 h 50) •

L'Organisation mondiale de la santé nous dit même, entre 20 dB et 35 dB, c'est léger. Il y a une perte incapacitante au-delà de 35 dB. On est à 22,5 dB, l'Ontario est à 22,5 dB, plusieurs provinces au Canada sont à 25 dB. L'OMS considère donc... je le redis, entre 20 dB et 35 dB, c'est léger, puis c'est au-delà de 35 dB qu'il y a une déficiente auditive incapacitante. La RAMQ est à 25 dB. La SAAQ est à 25 dB. Donc, on est assis sur un seuil qui est tout à fait raisonnable, normal, comparable. Donc, ce seuil-là, il est objectivable, il est reconnu par la communauté scientifique et médicale.

Pourquoi, maintenant, tenir compte de la presbyacousie? Bon, on en a parlé, il faut tenir compte d'un coefficient. À partir de 60 ans, c'est reconnu aussi qu'il y a une perte qui est mesurée, année après année, de... perte auditive. La perte auditive liée à l'âge affecte progressivement tous les individus, mais de façon plus significative à compter de 60 ans. Pour la majorité des travailleurs, le coefficient de presbyacousie limité à 0,5 dB par année après 60 ans génère des valeurs de correction grandement inférieures, donc des valeurs de correction grandement inférieures à la perte auditive réelle liée à l'âge.

Le coefficient de presbyacousie n'est pas appliqué ici, dans notre projet de loi, aux travailleurs âgés de moins de 60 ans ni à ceux dont la réclamation est produite moins de cinq ans après l'exposition au bruit dans le cadre du travail. Je le redis, ce coefficient-là, il est aussi équivalent à celui de l'Ontario et il est plus avantageux que l'Île-du-Prince-Édouard, que la Saskatchewan, que Terre-Neuve et les Territoires du Nord-Ouest, qui exigent un audiogramme qui doit avoir été passé au plus tard cinq ans après avoir quitté le milieu de travail bruyant pour que la perte auditive soit considérée, et même deux ans, dans le cas du Yukon.

Pour les fréquences utilisées lors des mesures, bon, vous l'avez vu dans le règlement, la perte auditive est évaluée pour quatre fréquences : le 500 Hz, le 1 000 Hz, le 2 000 Hz et le 4 000 HzV, et la perte auditive de 22,5 dB correspond, bon, à ces sommes de pertes là pour les quatre fréquences, là, mais l'OMS, l'Organisation mondiale de la santé, la RAMQ utilisent exactement les mêmes fréquences pour catégoriser les niveaux de risque... le niveau de perte auditive, puis c'est ce qui est prévu, d'ailleurs, dans le barème pour la détermination de l'atteinte permanente.

Il n'y a aucune autre province qui utilise les fréquences, mettons, de 3 000 Hz à 6 000 Hz aux fins de déterminer l'admissibilité d'une surdité professionnelle. Donc, au Québec, on est plus avantageux que les autres provinces, et la fréquence de 4 000 Hz utilisée permet d'ailleurs de mieux inclure les consonances qui sont moins énergétiques.

La surdité causée par un accident de travail — bon, ça, la question m'est posée, là, par certains syndicats — elle, peut toujours considérer un diagnostic de perte auditive, incluant la perte unilatérale ou asymétrique causée par un bruit d'impulsion, causée par d'autres événements. Ça peut être le tir d'une arme à feu, l'explosion d'un pneu, bon. Le Syndicat des métallos donnait récemment l'exemple d'un travailleur qui reçoit un tison à la suite d'une opération de découpage, ce qui lui perce le tympan. Comme il s'agit d'un fait accidentel, c'est traité comme un accident de travail. Il y a démonstration que c'est un événement imprévu et soudain, ce qui est le cas. Ça génère une blessure, le tympan perforé, et il y a un lien de causalité entre les deux. C'est accepté comme un accident de travail, c'est un événement traumatique, et le travailleur bénéficie d'une indemnisation en vertu de la loi. Et donc c'est traité ou... sinon, ça peut aussi être traité comme une maladie professionnelle, et son atteinte permanente pourrait être évaluée selon le barème des dommages corporels, mais je ne veux pas entrer trop dans les nuances.

Un autre cas qui m'a été rapporté, une femme qui entre tardivement sur le marché du travail, elle a travaillé pendant cinq ans dans une usine, entre 50 et 55 ans, puis elle est exposée quotidiennement à un bruit supérieur — il ne faut pas que j'oublie le 85 dB aussi — pendant des années. Elle quitte ce milieu de travail bruyant et travaille le reste de sa carrière comme professeure de yoga. Elle prend sa retraite à 65 ans. 15 ans plus tard, à l'âge de 80, son médecin lui prescrit des prothèses auditives pour une atteinte légère aux deux oreilles, 22,5 dB, mettons, respectivement. Elle produit une réclamation à la CNESST et, comme elle a été exposée à un environnement bruyant pendant plus de deux ans, elle sera indemnisée.

Maintenant, dans notre règlement, pour des fins d'indemnisation, on réfère aussi à l'unité du 85 dB, parce que, dans la façon de l'appliquer, avant, c'était 90 dB, maintenant, c'est 85 dB. Donc, au-delà de 85 dB, c'est une exposition à un bruit qui est considérée comme donnant ouverture à l'application de la présomption.

On a un cadre général qui nous apparaît non seulement généreux, mais objectif, respectueux de la santé financière du régime, respectueux du but puis de l'économie générale de notre régime d'indemnisation, qui est d'indemniser les travailleurs pour des événements qui sont d'origine professionnelle, ici, de la surdité professionnelle, et on tient compte de la surdité professionnelle... de la surdité personnelle avec des coefficients qui sont objectifs, qui s'inspirent de l'Organisation mondiale de la santé, qui s'inspirent de ce qui se fait à la Régie de l'assurance maladie et à la SAAQ et que nos médecins experts ont considéré comme étant respectueux, puis ça va bien au-delà de ce qui est requis dans des cas de surdité professionnelle. Bien sûr, ça respecte la santé du régime et la santé des travailleurs. Merci, ça complète pour l'argumentaire sur la surdité. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci, M. le ministre. Alors, député de Nelligan.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. J'ai quelques questions. J'ai cru comprendre qu'au niveau du règlement vous vous basez sur 85 dB. C'est ça?

M. Boulet : Oui.

M. Derraji : O.K. Il y a des groupes qui disent que c'est le 80 dB qui est la...

M. Boulet : Actuellement, c'est 90 dB.

M. Derraji : Oui, mais pourquoi pas 80 dB, pourquoi 85 dB?

M. Boulet : Bien, 85 dB, encore une fois, ça s'appuie sur un consensus scientifique et médical. Et, quand on se compare avec d'autres juridictions en semblable matière, là, pour la surdité professionnelle, 85 dB est une norme reconnue.

M. Derraji : O.K. Quand vous dites qu'on se compare à d'autres juridictions, est-ce que vous avez des exemples d'autres juridictions qui se basent sur 85 dB au lieu de 80 dB?

M. Boulet : Oui. On pourra vous en fournir, là.

M. Derraji : En attendant, ce n'est pas grave, je peux attendre, bon.

Parmi les choses qui ont été soulevées, en fait, par plusieurs, c'est la documentation de la perte auditive...

M. Boulet : Bien, ce que j'ai ici, je vais vous les donner. L'Ontario est à 90 dB, Alberta est à 85 dB, Colombie-Britannique à 85 dB; Manitoba, 85 dB; l'Î.-P.-É., 85 dB; Saskatchewan, 85 dB; Nouveau-Brunswick, 85 dB; Nouvelle-Écosse, 85 dB; Terre-Neuve-Labrador, 85 dB; T.N.-O, Nunavut, 85 dB. Donc, on est vraiment en ligne avec tout le monde. Je pense que la question était...

M. Derraji : Les questions sont toujours très pertinentes dans ce débat, et j'ai lu entre les lignes, c'est ce que vous voulez me dire, mais je vais le dire en votre nom.

Mais je vais revenir à quand est-ce que ces provinces, elles ont révisé leurs régimes. C'est quand même récent?

M. Boulet : Ah mon Dieu! Oui. Elles n'ont pas attendu 40 ans.

M. Derraji : Ils n'ont pas 40 ans?

M. Boulet : Non. Je vous dirais, je pense, à peu près dans les cinq dernières années, la plupart.

M. Derraji : Oui. O.K. Ça répond à ma question sur le 85 dB, mais j'imagine aussi que, du moment que c'est un règlement, si le comité scientifique... je reviens toujours, moi, au comité scientifique, parce que... Ça, ce n'est pas figé?

M. Boulet : Il pourra adapter. Bien oui, bien sûr.

M. Derraji : Il peut l'adapter, genre, si le comité, vu l'évolution des études, on pense que c'est 80 dB... on ne va pas attendre, encore une fois, une autre quarantaine d'années avant de baisser à 80 dB.

M. Boulet : C'est tellement... Ma philosophie est exactement la même que la vôtre, oui.

• (12 heures) •

M. Derraji : Je la partage et je l'ai dit, je le dis et je vais toujours le redire, que je pense que c'est une très bonne idée, le comité scientifique, qu'il va nous permettre d'agir et d'être agiles aussi. Il va nous permettre d'agir et être agiles, et non pas attendre, surtout quand il s'agit de la santé des travailleurs.

Je veux juste explorer trois autres idées avec vous, parce que j'ai des amendements que je vais déposer, mais je vais les déposer les trois au même moment. C'est quoi, votre vision à la documentation de la perte auditive au moment de commencer le travail, tout au long du processus, de la présence du travailleur sur les lieux de travail, surtout dans des endroits, des lieux de travail où la documentation est là par rapport à la perte auditive, donc, en quelque sorte, un monitoring qui va se faire, déterminé par le comité scientifique? J'explique d'une manière un peu philosophique mon rêve par rapport à ça. On constate qu'il y a des pertes auditives. En fait, j'essaie juste de voir un peu, les groupes, qu'est-ce qu'ils nous ont dit. Je comprends, à la lumière de votre argumentaire, que j'apprécie, parce que je l'ai demandé au début, pour avoir une décision très éclairée au bout de la ligne, il n'y a personne qui veut faire quelque chose... un gain au détriment des travailleurs. Notre but : que la CNESST continue de jouer son rôle en indemnisant les travailleurs. Donc, est-ce qu'on peut aujourd'hui dire que la façon avec laquelle on travaillait dans le passé, elle est révolue?

Et ce qu'on aimerait, c'est que la perte auditive doit être mesurée dans l'une ou l'autre des oreilles à des fréquences déterminées par le comité scientifique sur les maladies professionnelles, donc qu'on commence à documenter, surtout qu'on le sait, maintenant, sur certains lieux de travail, il y a des fréquences. Donc, au lieu qu'on commence à avoir un combat, est-ce que c'est dû à l'âge ou c'est dû professionnellement, un combat, que ce soit entre syndicats ou employeurs, je pense que nous sommes rendus là, surtout qu'on va se donner maintenant les moyens d'agir via un comité scientifique. Ça, c'est le premier.

M. Boulet : Ah! je suis assez d'accord sur le fond, que le comité scientifique, s'il fait des avis et des recommandations, ce n'est pas simplement pour modifier des conditions ou ajouter des maladies, mais nous aider à guider les employeurs puis les travailleurs dans la façon de...

M. Derraji : Absolument.

M. Boulet : Oui, oui, tout à fait.

M. Derraji : J'ai un amendement dans ce sens et j'ai un autre amendement par rapport au niveau de bruit, mais plus qu'en prenant le poste et l'environnement de travail. Ça, encore une fois, au tout début, là, je vous ai dit que mon rêve aussi, c'est qu'on améliore la prévention, et la technologie nous aide maintenant, et que, si on veut éviter qu'on se rende à des moyens où ça nous coûte trop cher... mais ça coûte trop cher à nous tous, hein? Au bout de la ligne, on ne veut pas qu'on l'échappe. Donc, est-ce qu'on peut agir au niveau du poste de travail, de l'environnement de travail avec des éléments où on ne va pas laisser pour compte le travailleur? Parce qu'au bout de la ligne le travailleur est perdant, l'employeur est perdant et le régime est perdant. Donc, c'est dans ce sens que...

M. Boulet : Oui, c'est intéressant, puis ça fait notamment appel, tu sais, au port des équipements de protection individuelle, là, pour permettre de diminuer l'impact que le bruit environnant peut avoir sur le phénomène de surdité professionnelle. Oui, mais je vous écoute puis je suis assez d'accord.

M. Derraji : Oui, je veux juste... donc, je ne sais pas si je peux juste prendre quelques minutes avant de déposer les trois amendements, si vous le permettez.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Est-ce que vous voulez les déposer et en discuter, les trois, simultanément, ou vous voulez que ça soit traité quand même séparément?

M. Derraji : Je n'ai pas vu une hésitation, mais je ne veux pas faire une présomption de l'intention du ministre, mais, si je peux avoir juste une minute avant de les déposer, ça va être génial.

La Présidente (Mme IsaBelle) : O.K. Et on décidera par la suite si c'est simultanément ou individuellement.

M. Derraji : Ah non! mais je vais déposer les trois d'un seul coup, comme ça, on va faire... j'aime plus qu'on garde le temps, parce que les déposer au fur et à mesure, je ne pense pas que je vais être efficace. C'est bon?

M. Boulet : Je suis d'accord.

M. Derraji : Mon but, ce n'est pas de retarder. Le but, c'est de discuter en bloc. Ça passe, sinon... tout le monde est d'accord, sinon, on passe à autre chose.

La Présidente (Mme IsaBelle) : O.K. Parfait. Alors, nous allons suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 12 h 05)

(Reprise à 12 h 48)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, nous reprenons les échanges. Y a-t-il des interventions pour l'article 238 amendé? Oui. Alors, le député d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Là, on peut aller sur le sujet de la surdité, là, on était là-dessus avant de suspendre. On a reçu des communiqués, ce matin et hier, des communiqués assez instructifs, notamment, par exemple, là, de l'Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec. C'est écrit qu'ils sont très inquiets de la suite des choses. Je vous lis des extraits : «L'OOAQ est d'avis que certains articles devraient être revus rapidement, car ils ne sont pas en accord avec les récentes études et les données probantes et portent atteinte à la protection du public.»

Là, il y a une citation de Paul-André Gallant, président de l'Ordre des orthophonistes et audiologistes : «Des éléments touchent directement le droit des travailleurs victimes de surdité professionnelle puisqu'ils réduisent la possibilité d'indemnisation et diminuent les possibilités d'obtenir des aides auditives et des services de réadaptation couverts par la CNESST.»

Puis là ils font référence à des représentations qu'ils ont faites. Je pense que ça date de janvier dernier. Ils disent : «L'ordre a d'ailleurs fait parvenir ses commentaires aux membres de la commission qui étudient le projet de loi n° 59 ainsi qu'au ministre du Travail, M. Jean Boulet. Parmi les faits soulevés, appliquer un facteur de correction de 0,5 décibel aux travailleurs âgés de 60 ans et plus va à l'encontre des données scientifiques reconnues et peut apporter préjudice au travailleur. En effet, la lente dégradation de l'audition due à l'âge n'est pas uniquement attribuable au vieillissement des structures et des fonctions de l'oreille. Des preuves existent qu'une large part de cette atteinte pourrait venir de l'exposition au bruit. Le projet de loi n° 59 doit reconnaître la pleine valeur de leur perte auditive due au bruit.

«De plus, exclure les travailleurs ayant une atteinte auditive unilatérale ou asymétrique, comme une personne ayant une perte auditive du côté gauche, par exemple, nous apparaît comme un non-sens.»

Puis là ils en rajoutent une autre couche, qu'on n'a même pas abordée encore : «Totalement absent du projet de loi, l'acouphène [doit devenir...] doit également être ajouté comme un symptôme aggravant de la maladie professionnelle, d'autant plus que l'on considère que 90 % des personnes ayant un acouphène chronique ont aussi avec une perte auditive. Rappelons que les Anciens Combattants Canada et la Société de l'assurance automobile reconnaissent l'acouphène comme une invalidité indemnisable.»

Est-ce que le ministre a eu connaissance de ce communiqué?

• (12 h 50) •

La Présidente (Mme IsaBelle) : M. le ministre.

M. Boulet : Le communiqué des orthophonistes et des audiologistes? Oui, j'ai été informé, bien sûr. Je pense qu'essentiellement on se donne un encadrement normatif qui est totalement objectif, qui s'inspire de ce qui se fait dans les autres juridictions canadiennes et, au Québec, à la Régie de l'assurance maladie, à la SAAQ. J'ai beaucoup de respect pour le travail des orthophonistes et des audiologistes. En même temps...

Puis les facteurs de correction, là, je ne me prétends pas un grand connaisseur là-dedans, mais 0,5 à partir de 60 ans, c'est extrêmement conservateur et reconnu dans la communauté scientifique et médicale, et ça permet même une reconnaissance, peut-être partielle, de la perte d'audition qui est d'origine personnelle.

Ceci dit, je pense que l'agilité de notre règlement va découler dans le mandat, qui va être précisé dans les articles subséquents, qui va être confié au comité d'experts scientifique. Puis le comité d'experts scientifique, je répondais à une question du collègue de Bonaventure hier, peut s'adjoindre des spécialistes, notamment, ici, ça peut être un otorhinolaryngologiste, un ORL, pour les aider dans la mise à jour, dans l'évolution de la liste des maladies professionnelles présumées, en tenant compte des assises scientifiques et médicales qu'eux connaîtront. Et, bien sûr, comme c'est des experts, bien, ils en auront la totale maîtrise.

Et moi, je m'engage à ce que ce soit clairement précisé dans le mandat de ce comité-là pour que ça puisse les guider et que ça serve d'instruction claire pour que le comité scientifique s'assure que, s'il y a des assouplissements, des modifications ou des bonifications, bien, ça puisse faire l'objet d'avis ou de recommandations, qui seront, bien sûr, suivies par le ministre, à moins de circonstances, là, que je ne suis pas en mesure de déterminer.

Autre sujet intéressant qui a été abordé par le collègue de Nelligan, puis tellement à juste titre, c'est tout ce qui concerne la prévention. Le projet de loi vise notamment à s'assurer qu'il y ait des programmes de prévention partout, dans tous les secteurs d'activité, que ce soit impératif, pas seulement les secteurs prioritaires 1 et 2. On réfère souvent aux mines et aux forêts, mais dans tous les autres secteurs où, en raison de la tertiarisation de l'économie, où il y a beaucoup de femmes, notamment en services sociaux, en santé, en enseignement, dans le commerce... puissent bénéficier, minimalement, quand il y a en haut de 20 travailleurs, d'un programme de prévention avec un volet santé, un comité de santé-sécurité puis un représentant en santé-sécurité, puis, en bas de 20, un plan d'action qui a le même objectif que le programme de prévention, puis un agent de liaison qui a, en substance, le même type de fonction et de responsabilité que le représentant en santé-sécurité a.

Donc, dans un programme de prévention, le but central, c'est d'identifier les facteurs de risque, dont le bruit excessif, dont le bruit, comment contrôler et comment éliminer ce risque-là. Puis il y a bien des façons d'éliminer les risques. On a souvent parlé des risques psychosociaux, mais là c'est un risque associé au bruit excessif. Ça peut passer par des équipements de protection individuelle, ça peut passer par du matériel sécuritaire, par des adaptations ou des environnements de travail. Et ça, l'article 2... l'objet même de la Loi sur la santé et sécurité est d'ailleurs d'éliminer ces risques-là.

Puis il y a les travailleurs, à l'article 49 de la loi santé et sécurité, qui doivent faire ce qui s'impose pour se protéger, pour s'assurer d'avoir un environnement puis du matériel sécuritaire et de prendre les mesures appropriées pour éliminer les risques d'accident de travail pour eux-mêmes. Et les employeurs, il y a une série, si je me souviens bien, de 11 obligations spécifiques, à l'article 51 de la loi santé-sécurité, qui essentiellement imposent à l'employeur de faire... d'assurer... Puis, même dans la Charte des droits et libertés de la personne, même dans le Code civil du Québec, ça fait partie des devoirs d'un employeur d'assurer un environnement de travail exempt de tout risque pour la santé, sécurité, intégrité physique et psychique des travailleurs, et notamment de fournir gratuitement, c'est ce qui est prévu.

Donc, il y a plus que 11, mais c'est à 51, 11°, le paragraphe 11°, l'employeur a même l'obligation de fournir gratuitement les équipements de protection individuelle. Donc, si tu es un camionneur, si tu es un soudeur puis tu as besoin d'équipement de protection individuelle, l'employeur est contraint, est obligé.

Puis je sais que, dans l'application, bon, certains collègues me disaient : Ce n'est pas respecté. Peut-être, mais il y a des inspecteurs de la CNESST qui peuvent intervenir dans tous les milieux de travail au Québec et s'assurer que les mesures de prévention sont adéquates et respectées. Et, avec le volet prévention, qui va faire objet de notre examen, dans notre plan, en troisième après l'indemnisation, on s'assure qu'il y en ait, des programmes de prévention. Puis je le dis aussi pour les trois collègues, on va être beaucoup plus équipés, au Québec, pour prévenir les accidents de travail, les maladies professionnelles, améliorer notre régime qui est, selon nous, complètement déficient puis discriminatoire, notamment à l'égard des femmes. On va s'assurer que ça s'applique partout. Il y a des gains majeurs.

Puis, tu sais, j'entendais parfois, des gens disaient : Vous allez améliorer beaucoup la prévention, est-ce que vous voulez faire des sacrifices au niveau de l'indemnisation? Non. On veut améliorer l'accès à l'indemnisation. Tout ce qu'on a fait...

M. Boulet : ...des femmes. On va s'assurer que ça s'applique partout. Il y a des gains majeurs.

Puis, tu sais, j'entendais parfois, des gens disaient : Vous allez améliorer beaucoup la prévention, est-ce que vous voulez faire des sacrifices au niveau de l'indemnisation? Non. On veut améliorer l'accès à l'indemnisation. Tout ce qu'on a fait, à ce jour, pour les travailleuses domestiques, pour les stagiaires d'observation, pour le devoir d'accommodement raisonnable, pour le retour progressif au travail, pour l'assignation temporaire au travail, je pense que c'est primairement bénéfique à la santé, sécurité de nos travailleurs.

La réadaptation, tout ce qu'on fait pour la rendre accessible aux travailleurs, indépendamment de leur atteinte permanente, avant qu'il y ait une atteinte permanente, je pense qu'on fait de grandes avancées, encore une fois, pour avoir des travailleurs puis des travailleuses qui sont plus en santé, avoir un régime moderne puis qui est respectueux de ce qu'on est capables de faire. C'est pour ça qu'on dit que c'est un projet de loi visant la modernisation.

Actuellement, malheureusement, on ne fait pas assez de prévention puis on indemnise, à certains égards, comme en surdité, sans égard à quelque norme que ce soit. Donc, en matière de surdité, on vient dire : Il y a des normes, on ne les a pas inventées, on les a appuyées sur du solide scientifique et de l'appui médical qui fait consensus non seulement au Québec, mais dans la communauté internationale. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci, M. le ministre. Il reste à peine 1 min 30 s. Est-ce que le député d'Hochelaga-Maisonneuve voudrait poursuivre quand même? Oui. Non, non, allez-y, il vous reste quand même 1 min 30 s.

M. Leduc : O.K. Je vais continuer le communiqué de l'Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec : «Les conséquences des troubles de l'audition non reconnus et non indemnisés peuvent être nombreuses et très lourdes pour les travailleurs atteints. Cela peut, entre autres, entraîner une fatigue cognitive, de l'isolement social ou encore une diminution de la qualité de vie.» Citation de M. Gallant : «En privant un travailleur d'outils d'aide à l'audition et à la communication, on lui retire une partie de sa dignité, de son autonomie et de sa participation sociale.

«Notons que l'exposition au bruit en milieu de travail est un phénomène important au Québec ; il est estimé que 287 000 à 359 000 travailleurs seraient exposés à des niveaux de bruit suffisamment élevés pour entraîner une surdité.»

La Présidente (Mme IsaBelle) : 30 secondes.

M. Boulet : Oui. Ce qui est important, c'est que le régime n'en soit pas un d'indemnisation de la presbyacousie. Tout ce qui est d'origine professionnelle, il faut s'assurer que ce soit bien indemnisé suite à une réclamation du travailleur ou de la travailleuse. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, merci pour votre collaboration. Compte tenu de l'heure, nous suspendons les travaux jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 13 heures)

(Reprise à 14 h 07)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, nous poursuivons. La Commission de l'économie et du travail reprend ses travaux.

Nous poursuivons l'étude détaillée du projet de loi n° 59, Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail.

Lors de notre suspension, cet avant-midi, nous en étions encore à échanger sur l'article 238 tel qu'amendé. Y a-t-il, donc, des interventions? Député de... Oui?

M. Leduc : Une suspension, Mme la Présidente

La Présidente (Mme IsaBelle) : Vous demandez immédiatement une suspension? D'accord.

Alors, nous allons suspendre. Merci.

(Suspension de la séance à 14 h 08)

(Reprise à 14 h 14)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Nous poursuivons. Y a-t-il des interventions à l'article 238 tel qu'amendé. Oui, député d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : Bien, quand on s'est quittés, tantôt, là, avant la pause dîner... D'ailleurs, j'ai su que le ministre avait mangé une bonne salade. Je pense que c'est une bonne nouvelle, ça nous met dans une bonne disposition. Moi aussi, j'ai mangé une bonne salade.

Une voix : Presque la même.

M. Leduc : Presque la même. La même, en fait, précisément. Il faut dire qu'on a un bon service de cafétéria, ici, Mme la Présidente, sans vouloir être trop hors sujet, des bons travailleurs, un bon service de prévention, on imagine, hein, des gens syndiqués qui ont un environnement de travail adéquat. Bon, trêve de plaisanteries.

M. Boulet : ...travailleurs non syndiqués.

M. Derraji : Oui, oui.

M. Leduc : Non?

M. Derraji : Ce n'est pas parce que c'est syndiqué qu'il y a un bon environnement, cher collègue.

M. Leduc : Bien, je sais.

M. Derraji : ...environnement pas syndiqué, et il offre un excellent service.

M. Leduc : Bien, ce n'est pas ça que je disais. Je parlais de la santé et sécurité. C'est un endroit syndiqué, donc on s'attend, quand c'est syndiqué, à une perfection en matière de santé et sécurité.

M. Boulet : Mais vous nous avez laissé entendre qu'en plus...

M. Leduc : Oh! là, vous me prêtez des intentions. Je n'aime pas ça. Je n'aime pas ça, vous me prêtez des intentions.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, si on revient à l'article 238 tel qu'amendé...

M. Boulet : On vous taquine.

M. Leduc : Oui, la taquinerie est acceptée avec plaisir, Mme la Présidente. Alors, je revenais donc au communiqué que je lisais tantôt, de l'Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec, là.

Peut-être, pour nous remettre dans le bain, là, je vais relire rapidement le segment que je lisais quelques secondes avant la suspension, parce que c'est un élément important, puis il ne faut pas le sous-estimer : «Les conséquences des troubles de l'audition non reconnus et non indemnisés peuvent être nombreuses et très lourdes pour le travailleur atteint. Cela peut, entre autres, entraîner une fatigue cognitive, de l'isolement social ou encore une diminution de la qualité de vie. En privant un travailleur d'outils d'aide à l'audition et à la communication, on lui retire une partie de sa dignité, de son autonomie et de sa participation sociale.» C'est une citation de M. Gallant, qui est, je pense, le président de l'ordre. Et ça se termine comme suit : «Notons que l'exposition au bruit en milieu de travail est un phénomène important au Québec. Il est estimé que 287 000 à 359 000 travailleurs seraient exposés à des niveaux de bruit suffisamment élevés pour entraîner la surdité.»

L'aspect social de la chose est fondamental, puis le ministre répondait, puis là je ne veux pas lui mettre des mots dans la bouche, il me corrigera si je me trompe, qu'on ne veut pas venir, avec un régime d'indemnisation, corriger des problèmes qui seraient arrivés ailleurs. C'est intéressant, parce que ce n'est pas clairement... on ne peut pas trancher ça au couteau, là, à la ligne près puis prédéterminer, avec ce qu'il est en train de faire avec le règlement, qu'à partir de tel nombre, un chiffre magique, là, de... bien, le chiffre de 22,5 dB, qu'à partir de ça, oui, c'est causé par le travail, qu'en haut de ça ou en bas de ça, non, ce n'est pas causé par le travail. Il y a un humain, il y a des humains, il y a des tonnes de facteurs à prendre en compte, et c'est inquiétant.

Ça fait que, là, je me demandais, donc, avant le dîner, si le ministre avait lu ce communiqué-là de l'Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, M. le ministre.

M. Boulet : Absolument, puis je pense que mon collègue m'invite à exprimer ma grande préoccupation pour la santé et sécurité des travailleurs dans leur ensemble, indépendamment de la nature de la lésion, et celle occasionnée par le bruit, absolument. Tu sais, c'est la raison pour laquelle j'ai fait référence à des diagnostics de perte auditive, là. Quand il y a une perte unilatérale ou asymétrique, s'il y a un bruit d'impulsion, si c'est causé par le tir d'une arme à feu, l'explosion d'un pneu ou un tison, à la suite d'une opération de découpage, qui a un impact, il y a une multitude de façons de présenter une réclamation et de démontrer qu'à cause de ton travail, tu as eu telle atteinte auditive, et bénéficier d'une indemnisation complète par la CNESST.

Ici, on est en matière de présomption, et je ne reprendrai pas tous mes commentaires de ce matin, mais je demeure absolument convaincu, puis le collègue de Bonaventure en faisait état, le collègue de Nelligan en faisait état, de même que le collègue d'Hochelaga-Maisonneuve la clé de la réussite va passer par une meilleure prévention. Et je pense que, depuis le dépôt du projet de loi n° 59, je l'ai répété à de nombreuses reprises, la prévention, c'est ce qui va nous permettre de réussir. Puis c'est le temps, quand tous les secteurs d'activité vont être protégés par des programmes de prévention, par des mesures claires d'identification, de contrôle et d'élimination de risque, notamment les risques qui engendrent des problèmes auditifs, qu'on va pouvoir dire mission accomplie.

Je pense qu'on est en train de bâtir un régime qui est extrêmement intéressant et qui comporte de multiples avantages par rapport au statu quo, ne serait-ce... je l'ai dit ce matin, de façon très, très télégraphique, la reconnaissance du devoir d'accommodement raisonnable, le retour progressif au travail, l'assignation temporaire, la réadaptation, la couverture des travailleuses domestiques, la couverture des stagiaires d'observation, la possibilité de bénéficier des mesures de réadaptation avant la consolidation et l'atteinte permanente. On a, à ce jour, donné un nouveau type de gouvernance à la CNESST, qui la met au diapason de la Loi sur la gouvernance des sociétés d'État. Il nous reste encore beaucoup de travail à faire. Moi, je suis toujours extrêmement confiant.

Puis, en matière de surdité, tout ce qu'on vient dire... établissons un cadre normatif qui nous permet d'indemniser le phénomène professionnel, ce qui est causé par le travail, puis, oui, une partie du personnel, parce qu'il y a un certain coefficient, mais qui a été établi de façon hyperconservatrice. Moi, je suis fier de cet encadrement normatif là, pas parfait, et, comme le collègue de Nelligan le mentionnait, il va y avoir un comité scientifique. C'est des experts qui sont neutres, indépendants et objectifs, qui vont venir nous guider dans l'avenir pour éviter que nous demeurions avec une liste qui n'a pas évolué avec le temps. Merci, Mme la Présidente.

• (14 h 20) •

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Y a-t-il d'autres interventions? Député d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Autre communiqué, ce matin, cette fois-ci, 1er avril, projet de loi n° 59, c'est écrit par l'Association professionnelle des audioprothésistes du Québec, et le titre du comité est une citation, là, d'Olivier Desautels, le président de cette association-là, l'APAQ : «Le projet de loi n° 59 du ministre du Travail va à l'encontre des faits scientifiques et des recommandations en santé auditive émises par l'OMS.» Bon, c'est assez solide.

Et là le communiqué va comme suit : «"Si le projet de loi n° 59 devait être adopté sans amendement aux articles qui concernent le programme de l'aide à l'audition de la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail, c'est plus de 16 % des demandes de réclamation de surdité professionnelle qui ne seront plus éligibles au programme", affirme le président de l'APAQ, Olivier Desautels.

«Le gouvernement de la CAQ veut imposer une nouvelle norme audiométrique qui viendra restreindre grandement l'accès au programme de la CNESST pour les travailleurs atteints de surdité.» Puis là c'est super intéressant : «Cette norme a été fabriquée, sans aucune évidence scientifique, pour réduire l'accessibilité et ainsi économiser sur le dos des travailleurs. Or, un rapport récent de l'Organisation mondiale de la santé, l'OMS, rappelle l'importance d'investir en santé auditive afin de réduire les dépenses du régime public en santé à long terme. On peut notamment soulever l'augmentation de 8 % du risque de développer une démence si on tarde à adopter une correction auditive appropriée.»

Là, ce n'est pas le parti communiste qui a écrit ça, ce n'est pas les centrales syndicales. L'Association professionnelle des audioprothésistes dit que votre norme est fabriquée sans aucune preuve scientifique. Ouch! Ça fait mal, non?

M. Boulet : Je pense que j'ai expliqué tous les critères objectifs qui nous avaient guidés, scientifiques et médicaux. La RAMQ, la SAAQ, l'Organisation mondiale de la santé, toutes les provinces au Canada, notre 22,5 dB se justifie totalement, l'OMS, tout le monde le reconnaît. Moi, je suis parfaitement à l'aise, puis il y aura possibilité de s'adjoindre un ORL, de la part du comité scientifique. C'est tout à fait ce qui s'impose dans le contexte où c'est un régime d'indemnisation dont les cotisations sont assumées par les employeurs, qui vise à indemniser ce qui est d'origine professionnelle. C'est une loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, et la lésion professionnelle, c'est ça que le régime vise à indemniser. Ce n'est pas d'exclure, c'est de contrôler l'augmentation des coûts.

Quand je parlais que les déboursés avaient augmenté de 214 %, le nombre de réclamations avait, dans certains cas, quintuplé. C'est absolument évident. Puis il y avait le rapport d'actuaires de Morneau Shepell qui le démontrait, c'est un des impacts de l'absence de normes, l'absence de contrôle, puis les ORL consultés sont tous de cet avis-là, je ne pense pas que ce soit... et je le dis de mon siège de parlementaire, sans être un expert. On va travailler avec des personnes qui connaissent la science, et c'est eux qui nous ont aidés à bâtir le cadre normatif qui est dans le projet de loi, qui est dans ce règlement-là. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Y a-t-il d'autres interventions? Député d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : Le président de l'APAQ poursuit, dans son communiqué, il dit, citation : «"En plus d'omettre les recommandations de l'OMS, le gouvernement de la CAQ entend pénaliser les travailleurs de 60 ans et plus. À partir uniquement du critère de leur âge, la plupart de ces derniers ne seront plus éligibles aux soins de santé auditive de la CNESST et risqueraient même de perdre l'accès à leur compensation financière", de constater le président de l'APAQ qui poursuit : "Pourtant, la littérature scientifique atteste qu'une exposition au bruit peut entraîner une baisse d'audition professionnelle et également favoriser une détérioration accélérée de l'acuité auditive en vieillissant".»

Là, il y a quelqu'un qui... Qui a tort, là? C'est-tu lui qui a tort? C'est le monde que vous avez consulté qui a tort? Quelqu'un a tort. Parce que, là, vous dites exactement l'inverse l'un de l'autre.

M. Boulet : ...expliqué tout à l'heure le phénomène de presbyacousie, puis, dans le cas présent, c'est à compter de 60 ans puis c'est un phénomène qui est populationnel.

Ceci dit, dernier commentaire, Mme la Présidente, il y a 80 groupes, à peu près, qui ont déposé des mémoires puis il y en a beaucoup, de groupes d'intérêt qui suivent attentivement l'étude détaillée. Chaque groupe défend des intérêts totalement légitimes. Nous, comme parlementaires, on est appelés à moderniser un régime et à l'adapter à la réalité actuelle. Puis, oui, il faut tenir compte des mémoires, il faut tenir compte des consultations particulières. On vous l'a démontré, d'ailleurs, en déposant une série d'amendements suite aux consultations particulières et en s'adaptant, notamment suite aux représentations du collègue de Nelligan pour la maladie de Parkinson.

Pour la surdité, j'ai dit ce que j'avais à dire puis, encore une fois, avec énormément de respect pour les orthophonistes, les audiologistes, les audioprothésistes et tous les groupes qui ont un intérêt dans l'établissement d'un cadre normatif. Puis il y en a, collègue, qui auraient préféré que ce soit 25 dB, puis il y en a qui nous disent que 85 dB, c'est trop bas, puis 22,5 dB, ce n'est pas assez haut, puis dans telle province... puis l'OMS a même parlé, entre 20 dB et 35 dB, que c'était léger puis que ça commençait à être incapacitant à partir de 35 dB. Il y a évidemment beaucoup de courants de pensée, mais, quand on parle de consensus scientifique et médical, ça n'exclut pas qu'il y ait des opinions qui peuvent diverger. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Y a-t-il d'autres interventions? Député d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : Le communiqué suit son cours : «Au Québec, le professionnel à même de diagnostiquer une surdité professionnelle, c'est le médecin traitant. En instaurant une norme basée sur des critères législatifs arbitraires, plutôt que sur des faits scientifiques, le projet de loi n° 59 s'attaque au pouvoir même des médecins, qui sont l'autorité en matière de santé.» Ça ne peut être plus clair.

Autre sujet. Le communiqué suit... c'est vraiment un communiqué très complet : «Les audioprothésistes du Québec ne peuvent pas demeurer indifférents à cette injustice. Longtemps, les tolérances québécoises d'exposition aux bruits ont figuré parmi les moins restrictives en Amérique du Nord. Par conséquent, il est injuste de s'en prendre à l'éligibilité des travailleurs à un programme supposé compenser les séquelles qu'ont occasionné les effets de leur environnement de travail sur la santé.»

En d'autres mots, la modernisation de la prévention en matière de bruit, qui est revendiquée par les salariés depuis des années, des décennies, a été bloquée par les patrons au C.A. de la CNESST. Il traîne depuis quand même un certain temps déjà sur le bureau du ministre. Et là ce qu'on dit, c'est : Bravo, les patrons! Non seulement vous avez bien fait de bloquer la meilleure prévention en matière de surdité puis de bruit pendant toutes ces décennies, puis, en plus, pas de problème, on va rendre l'accessibilité à l'indemnisation plus compliquée. Eux autres, fous dans une poche, ils gagnent sur les deux bords. On les récompense d'avoir bloqué la prévention toutes ces années-là. On les récompense. C'est complètement surréaliste. Comment ça se fait qu'on a attendu aussi longtemps puis qu'on attend encore? Dans les faits, chaque jour qui passe est un jour où l'attente est sur les épaules du ministre. Comment ça se fait qu'on attend encore pour accepter ce nouveau règlement puis modifier la norme?

M. Boulet : J'ai donné la réponse. C'est dans le règlement, puis le règlement est complémentaire à l'adoption du projet de loi, puis il sera signé dès l'adoption de ce règlement-là, et il suivra son cours normal d'adoption par le gouvernement dès que ce règlement-là sera adopté, puis je vous l'ai mentionné tout à l'heure. Merci, Mme la Présidente.

M. Leduc : On ne parle pas de la même chose du tout, là. Moi, je parle d'un règlement de prévention, puis vous, vous me parlez d'un règlement de présomption.

M. Boulet : Non, non, non, c'est un règlement de prévention. Je n'ai plus de commentaire, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, y a-t-il d'autres interventions?

• (14 h 30) •

M. Leduc : Oui, Mme la Présidente. Je continue le communiqué : «Le ministre du Travail [...] M. [...] Boulet, prétend qu'il faille réduire les dépenses de l'État en matière de sécurité du travail. Cependant, les travailleurs refusés au programme de l'aide à l'audition de la CNESST seront en partie transférés au programme de la RAMQ. «Ici encore, ce sera l'État qui paiera la note. Ainsi, au lieu que ce soient les employeurs, qui présentement cotisent à la CNESST, ce seront tous les citoyens qui auront à assumer la facture par leurs impôts et leurs taxes", de préciser Olivier Desautels.» Fascinant, ça.

Ça fait que, parce que les employeurs se sont traîné les pattes, ils n'ont pas voulu améliorer le règlement de prévention sur la santé auditive et que, là, on leur donne un bonbon en disant : O.K., pas de problème, il y a soi-disant une augmentation des coûts en bonne partie causée par l'inaction de la prévention, bien, en bloquant ou en réduisant l'accessibilité, ouf, ce n'est pas trop grave, ceux qui vont pouvoir s'en sortir, peut-être, là, ils vont aller à la RAMQ. Mais la RAMQ, Mme la Présidente, c'est nous autres, c'est tout le monde qui la paie, alors que la santé au travail, c'est supposé être une responsabilité de l'employeur.

Je le dis et je le répète, le principe de Meredith, c'était qu'on ne poursuit pas au civil ou au criminel son employeur pour un accident de travail. C'est un régime sans égard à la faute. Qu'est-ce que ça veut dire? Ça veut dire qu'il est protégé, l'employeur, il n'aura pas de séquelle... de poursuite de son salarié devant les tribunaux, mais, en échange, il mettait de l'argent sur la table qui était collectivisé puis qui visait à s'assurer d'abord d'une bonne prévention, mais surtout d'une bonne indemnisation.

Puis là on essaie de socialiser les coûts, en quelque sorte, on essaie de transférer le coût de ça. Le coût de l'inaction en matière de prévention de santé auditive, on le transfère à la société au même titre que des associations patronales sont venues nous demander de socialiser le programme de maternité sans danger. Ça coûte trop cher, ce n'est pas à nous autres, ça devrait être un programme social. «Chop-chop»! On transfère ça dans les coûts réguliers de la société et, encore une fois, bien, on laisse les patrons s'en sortir puis s'en laver les mains en quelque sorte. Moi, je trouve ça inacceptable. Comment ça se fait qu'on n'a pas agi plus tôt puis qu'on n'agit toujours pas avec la prévention sur le nombre de décibels au bruit dans une entreprise?

M. Boulet : Là, Mme la Présidente, là, les employeurs, là, on ne peut pas les accuser de se traîner les pieds. Je rappellerais à mon collègue d'Hochelaga-Maisonneuve que le C.A. de la CNESST, il est paritaire, il est composé d'un nombre égal de représentants patronaux et de représentants syndicaux. Le Comité consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, que mon collègue connaît très bien, les leaders syndicaux et les leaders patronaux sont là. Le rapport date de 2017. Beaucoup d'articles de ce projet de loi là reposent sur des consensus. Ce n'est pas les employeurs qui se sont traîné les pieds. La prévention, il y a des obligations réciproques.

Lisons 49 et 51 de la Loi sur la santé et sécurité du travail, que la loi ne vise que les groupes un et deux, ça fait 40 ans. On a été élus le 1er octobre 2018, il y a eu une année de pandémie. Donc, on y va de la manière la plus diligente possible. Ce n'est pas moi qui... j'essaie d'être le plus diligent possible, vous me connaissez, vous le savez. Mettez pas ça sur le dos des employeurs. Les employeurs... Le pacte social auquel on fait souvent référence, il est autant à l'avantage des uns que des autres. Les travailleurs, ils bénéficient, au Québec, d'un régime d'indemnisation sans égard à la faute. Il y a parfois des personnes qui me disaient : Il y a des employeurs qui auraient pu faire l'objet de poursuites n'eût été de l'immunité à l'égard des recours. Il y a aussi des travailleurs qui se seraient ramassés à la rue faute d'indemnisation adéquate.

Je pense qu'on peut être fiers de ce régime-là puis je pense qu'on peut tous être fiers, peu importe notre origine, peu importent les intérêts qu'on défend. Nous, on défend les intérêts de la société, vous le savez, on ne défend pas les intérêts des syndicats puis des patrons. On est au pouvoir, on est élus au Parlement pour défendre le régime de santé et sécurité puis s'assurer que les travailleurs sont bien protégés.

Ceci dit, c'est un régime dont le financement est assuré par les employeurs. Ceci dit, c'est un régime d'indemnisation pour assurer un revenu de remplacement pour les travailleurs qui sont victimes d'accidents de travail et de maladies professionnelles, pas de maladies ou d'accidents personnels. Vous le savez très bien, il y a, au Québec, dans le filet social, d'autres lois puis d'autres régimes qui accompagnent et qui compensent les travailleurs dans le cas d'événements qui sont de nature personnelle. Merci, Mme la Présidente.

Ça fait qu'on fait ça pour les employeurs autant que pour les travailleurs. Puis les employeurs qui cotisent, ils veulent des travailleurs en santé, puis c'est même accentué en raison de la rareté de main-d'oeuvre que nous vivons tous. Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Y a-t-il d'autres interventions? Député d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : La norme actuelle d'exposition au bruit, là, l'exposition quotidienne au bruit, vous me corrigerez, M. le ministre, si je me trompe, là, c'est à 90? La norme actuelle d'exposition au bruit, M. le ministre, c'est 90 dBA?

M. Boulet : 90, oui, et, dans le règlement, il est à 85. On m'informait que le programme d'aide de la RAMQ commence à 35 dB pour les 19 ans et plus. Si on compare à ce qu'on a sur la table, il y a un écart substantiel.

M. Leduc : Oui, mais justement, c'est ça qui inquiète l'association. Ils disent : Si en plus qu'à la RAMQ c'est un critère qu'ils considèrent eux-mêmes très élevé, là...

M. Boulet : Mais c'est un critère pour des indemnisations pour des choses personnelles, alors que nous, on est en matière de lésions professionnelles.

M. Leduc : Mais oui, bien, c'est intéressant que vous le dites. «L'APAQ constate cependant que l'injustice imposée aux travailleurs ne s'arrête pas là. En effet, les critères d'admission au programme de la Régie de l'assurance maladie, la RAMQ, sont élevés, et plusieurs travailleurs normalement indemnisés par la CNESST pourraient perdre tout accès à des soins de santé auditive.    

«Le programme de la RAMQ vient dépanner les Québécois malentendants. Celui de la CNESST a l'obligation de compenser du mieux possible une lésion professionnelle. Ce sont là deux missions complètement différentes...»

Ça fait que lui, ce qu'il dit, c'est que la CNESST, en rehaussant ses... ou en arrivant avec un nouveau critère qui va de facto restreindre le nombre de personnes admissibles, il va en exclure beaucoup, puis ils ne seront probablement, dans la plupart, même pas récupérables par la RAMQ. Ça fait qu'ils vont tomber dans le dalot. Moi, ça m'inquiète, ça devrait nous inquiéter.

M. Boulet : Moi, je suis inquiet pour tous les laissés-pour-compte, et le groupe qui était le plus clair à cet égard-là, c'était l'UTTAM. Puis je pense qu'en matière d'indemnisation on a répondu à plusieurs des recommandations formulées de façon totalement raisonnable. C'est pareil partout au Canada, il y a des régimes d'indemnisation d'accidents de travail et maladies professionnelles. On ne peut pas utiliser la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles pour indemniser la presbyacousie ou pour indemniser la perte d'audition qui est d'origine personnelle. C'est la surdité professionnelle qu'on indemnise, pas la surdité personnelle.

C'est la raison pour laquelle on utilise des normes qui sont dans ce règlement-là pour s'assurer que ce soit respectueux de la connaissance scientifique et médicale. On n'est pas dans le champ gauche, là. Puis vous allez en lire... Vous pouvez en lire 200 lettres comme ça, puis on peut en avoir de l'autre côté. Moi, je peux vous en lire qui vont me dire : Pourquoi vous n'avez pas mis ça à 30? Pourquoi vous n'avez pas mis ça à 25? Puis ça n'a pas de bon sens, puis vous ouvrez beaucoup trop la porte. Parce qu'en bas de 22,5 on entend chuchoter, puis, selon l'OMS, ce n'est qu'en haut de 35 qu'on commence à avoir une perte incapacitante. C'est quand même extrêmement généreux.

Quand on se compare, non seulement on se console, mais on réalise que nos critères, au-delà d'être objectifs, ils sont vraiment généreux, on est... Puis les ORL sont confortables avec ça. Puis, ceci dit, je les ai entendus, les groupes, puis j'ai eu leur correspondance, puis j'ai lu leurs mémoires, puis j'ai été informé. Notre rôle comme parlementaire, collègue, c'est de passer au travers, respecter les intérêts divergents, extrêmement variés, très sérieux, très légitimes. Mais, vous le savez, quand on négocie, même une convention collective où il n'y a que deux parties, un employeur et un syndicat, ce n'est pas simple. Puis parfois il y a des impasses, et les négociateurs les plus raisonnés, ils embarquent dans un processus de recherche de solution puis ils sortent de l'impasse. On l'a fait, nous deux, d'ailleurs, dans des projets de loi, et c'est ce que nous faisons depuis le début.

Mais est-ce que, parfois, on peut reconnaître que je ne peux pas faire des compromis sur tout? On ne peut pas... Dans le cas de la surdité, quand on s'appuie sur un compromis scientifique et médical qui fait consensus, on ne peut pas le diluer puis on ne peut pas être à 20, alors que, partout au Canada, c'est à 22,5, alors que, partout au Québec, c'est à 22,5. Ça ne serait pas défendable. Puis les lettres que vous me lisez, là, on en aurait deux fois plus de l'autre côté. Il n'y a pas, à ce stade-ci, à redire sur le cadre normatif qui est particulièrement objectif pour la surdité.

• (14 h 40) •

M. Leduc : C'est intéressant. C'est intéressant, sauf que moi, la lettre que je vous lis, ce n'est pas le Conseil du patronat, ou la FTQ, ou M. ou Mme Tremblay, c'est l'Association professionnelle des audioprothésistes du Québec, ceux qui sont les deux mains dedans, là. Il me semble que ça doit compter un petit peu plus comme poids d'argument.

Puis ce n'est pas une lettre que je qualifierais de modérée, là. C'est assez solide, là, comme communiqué. C'est ce matin... j'imagine qu'ils avaient des attentes, peut-être, de voir des modifications dans la liasse d'amendements que vous avez eu la gentillesse de nous déposer il y a quelque... deux semaines déjà, mais moi, je suis surpris du ton de ça. C'est un ton que j'aurais pu avoir au salon bleu, mettons, pendant une période de questions.

M. Boulet : Pas vous, quand même.

M. Leduc : Bien, la dernière question que je vous ai posée était quand même... elle avait quand même une petite dose de sel, hein, on pourrait dire ça. Mais donc je m'étonne de voir...

M. Boulet : Mais, sur ce, si souhaiter améliorer la santé et sécurité des travailleurs, c'est vivre dans un monde de licornes, je l'accepterais très bien.

M. Leduc : Vous voyez que je l'ai marqué, hein? Il s'en rappelle des mots que j'ai utilisés. Bon, au-delà des licornes... ma petite fille aime beaucoup les licornes, j'ai été obligé de lui acheter des lunettes de soleil avec des licornes.

M. Boulet : On s'entendrait bien.

M. Leduc : Sûrement, sûrement. Bien, vous l'avez déjà rencontrée, d'ailleurs, à la cafétéria. Voilà. Tout est dans tout.

M. Boulet : Jeanne.

M. Leduc : Jeanne, précisément.

M. Boulet : Est-ce que vous l'avez baptisée après qu'on se soit connus? Il est plus qu'ambitieux, hein? Parce qu'elle a deux ans, on se connaît depuis deux ans et demi.

M. Leduc : Je serais un très mauvais père, je pense, si je ne lui avais pas donné de nom depuis deux ans, mais vous, vous voulez parler du baptême religieux ou... Je pensais qu'avec la laïcité c'était fini, ça, les baptêmes religieux. On est rendus ailleurs. Bon, je ne m'éterniserai pas.

La lettre, de toute façon, elle achève, mais elle a un dernier point qui est, par contre, très important, puis qu'on n'a pas beaucoup abordé encore, qui est la question des coûts. Là, on a parlé des critères, on a parlé de 22,5 décibels, on a parlé... bon, mais là, eux autres, ils arrivent, dans leur lettre, aux coûts, puis c'est trop intéressant pour passer à côté.

«Selon le rapport annuel 2019 de la CNESST et sa société de gestion le Fonds de santé et de la sécurité du travail, le FSST déclarent des actifs cumulés de 19 078 299 000 $, auxquels s'ajoutent des revenus de placement totalisant, pour les deux sociétés, 1 659 057 000 $.»

C'est beaucoup d'argent, mais c'est normal que ce soit beaucoup d'argent, c'est un gros morceau, la santé et sécurité. D'ailleurs, moi, j'ai travaillé, à l'époque, à la FTQ quand il y a eu la réforme de la fusion de la commission. C'était une des craintes qu'on avait, que la SST, qui était le mastodonte, écrase les normes du travail puis encore plus l'équité salariale. Après quoi, deux ou trois ans, ce n'est pas parfait, mais peut-être que ce n'est pas le désastre que certains avaient annoncé.

Tout ça pour vous dire que là, ils arrivent, ils disent : «Malgré de telles encaisses et de si hauts revenus d'intérêts, le ministre [...] veut faire économiser 21 millions à la commission, et ce, aux dépens des travailleurs qui souffrent de surdité due à l'exposition au bruit. Autrement dit, c'est vouloir faire des économies de bouts de chandelle sur le dos des travailleurs...»

Est-ce que ce n'est pas... il n'y a pas un argument, là, de dire : 21 millions sur des revenus de placement? Des revenus de placement, ce n'est même pas le... à moins que je me trompe, là, on me fera des cours de comptabilité, mais ce n'est pas l'encaisse, là, ce n'est pas les cotisations qui rentrent. Des revenus de placement, 1 659 000 000 $, 21 millions, par rapport à ça, c'est presque une pinotte, là.

M. Boulet : Je n'ai pas de commentaire, là, Mme la Présidente.

M. Leduc : Parce que tantôt, M. le ministre, vous nous avez évoqué des explosions de coûts, quelque chose de l'ordre de 200 millions, si je me rappelle bien... dire, là : Ça, la surdité, ça prend de l'espace, ça grossit, ça grossit. Bon, c'est une chose, mais est-ce que... Là, si je ne me trompe pas, c'est exactement le chiffre, là, le 21 millions que vous reprenez dans votre étude d'impact. Vous dites :«Il est estimé que les économies récurrentes liées à sa disposition... là, on fait référence, bien, à la section III, là, les critères d'exclusion — les économies récurrentes liées à cette disposition seraient de 21 millions annuellement.

Tout ça pour ça. C'est un peu ça ma question, là : Tout ça pour ça? Pour 21 millions sur... Là, on parle juste des revenus de placement, là. Je répète 1 659 000 000 $, revenus de placement.

M. Boulet : Écoutez, je vais les reprendre, là, pour fins d'information. Peut-être que je n'ai pas été assez clair, là.

Entre 2010 et 2019, le total des réclamations annuelles acceptées a plus que triplé, de 4 200 $ à 1 800 $. De 2007 à 2017, le total de dossiers dans lesquels des frais ont été payés est passé de 22 400 $ à 66 112 $ par année, une hausse de 194 %, la croissance provenant en majeure partie des personnes de plus de 65 ans, soit ceux dont la perte auditive est inférieure à 30 dB.

Le total des déboursés liés à la surdité professionnelle est passé de 59 millions en 2010, à 185 millions en 2019, une hausse de 214 %, dont plus de 60 millions de 2015 à 2017. Le taux de croissance annuel moyen des déboursés liés à la surdité a été de 14,1 % de 2015 à 2017, un taux de croissance de 60 %. De 2007 à 2017, il y a eu une augmentation du nombre de dossiers acceptés de 111 % chez les 65 ans et moins et de 502 % chez les 66 ans et plus. Pour les déboursés, la plus forte hausse est celle de la strate d'âge des 76 ans et plus, qui est passée de 1,6 à 21,1 millions, de 2007 à 2017, soit une augmentation de 1 216 %.

La surdité professionnelle, elle agit sur trois composantes du passif actuariel : un, l'assistance médicale; deux, le préjudice corporel; trois, la provision pour maladie professionnelle latente non encore déclarée. La surdité professionnelle représente un passif actuariel de 3,1 milliards de dollars au 31 décembre 2020, donc près de 20 % du passif actuariel total de 15,9 milliards. Dans la tarification, les besoins financiers relatifs à la surdité professionnelle représentent 0,20 $, soit 11 % du taux moyen total de 1,77 $.

Le but, ce n'est pas de restreindre les droits de ceux qui ont de la surdité professionnelle. Le but, c'est de donner des normes pour guider la CNESST dans l'application des réclamations pour s'assurer que nous indemnisions le caractère professionnel de la surdité et que nous tenions compte du caractère personnel de la surdité. Le 22,5, je le répète, il se justifie, il fait consensus, il est partout au Canada, il est partout dans les organismes d'indemnisation auxquels j'ai fait référence au Québec, il est tout à fait approprié.

Puis le 85 dB, même chose. Et beaucoup de provinces, je vous disais... Mon Dieu! Je vais reprendre. Ontario, 90 dB; Alberta, 85. En fait, toutes les autres provinces, c'est 85, sauf l'Ontario à 90, puis le 22,5, sauf la Colombie-Britannique qui est à 25, puis ils ont des exigences additionnelles à nous. On est les plus généreux au Québec quand on tient compte de la globalité des normes que nous avons en matière de surdité professionnelle.

Ceci dit, avec tout le respect que j'ai, parce que j'ai des amis qui sont dans ce domaine-là, dans les domaines auxquels vous référez, qui font un travail exceptionnel et qui sont là en soutien des travailleurs... puis je suis convaincu que les personnes que je connais qui font ce métier-là vont continuer de soutenir les travailleurs, que ce soit de la surdité professionnelle ou personnelle, puis moi, je n'ai pas, à cet égard-là, d'appréhension. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci.

M. Leduc : Mais est-ce que... Parce que c'est intéressant, ce que vous présentez, mais, à moins que je l'aie mal compris, là, je suis vraiment désolé si c'est le cas, est-ce que ce qui est mis sur la table par le président, là... que, dans le fond, l'économie de 21 millions, c'est la mesure, l'introduction de ça, c'est ça que ça donne, le 21 millions, pas plus que ça?

M. Boulet : Ah! vous l'avez dans l'analyse d'impact, c'est 21 millions, c'est ce qui est projeté. Est-ce que ça peut être plus les années suivantes, là? Mais il va y avoir un impact, c'est notre but. Ça démontre aussi que ce n'est pas de réduire l'accès à l'indemnisation. C'est de le maintenir, mais de s'assurer qu'il y ait un corridor normatif qui guide la CNESST dans l'appréciation du mérite de chaque réclamation pour surdité professionnelle. Merci.

• (14 h 50) •

M. Leduc : Parce que, là, dans le fond, ma question est plus politique, là. On n'est pas nécessairement d'accord, là, sur la validité ou pas du 22,5. La pertinence ou pas, la science, etc., on peut en débattre, mais là ma question est plus politique : Tout ça, tout ça pour 21 millions? Ce n'est pas...

M. Boulet : Tout ça pour s'assurer...

M. Leduc : Vous me parlez de la pérennité du régime. 21 millions, ça ne met pas en cause la pérennité du régime.

M. Boulet : Vous savez c'est quoi, des normes du travail, puis prenez une page de la Loi sur les normes du travail, tout ça, c'est pour assurer que ce soit bien fait dans les normes, dans le respect de la science, de la médecine et pour s'assurer de respecter l'objectif fondamental de cette loi-là qui est d'indemniser les lésions de nature professionnelle. C'est tout, c'est simplement ça. Il y a une distinction à faire entre la surdité professionnelle et personnelle, et elle est bien établie dans les normes que nous vous proposons, que vous connaissez maintenant très bien, qui s'articulent autour du 22,5 et du 85 dB.

M. Leduc : C'est important que vous parliez des médecins puis basé sur la science, parce que c'est un débat qu'on a eu sur d'autres aspects aussi, puis là il me semble encore plus essentiel. Vous ne permettez pas au médecin d'exercer son libre arbitre, vous le circonscrivez... en tout cas, bref, il est circonscrit, le médecin, par une norme qui est appliquée, on ne sait pas trop d'où, et toujours selon l'association des... sans aucune évidence scientifique. Ils ont tort?

M. Boulet : Permettez-moi d'être en désaccord. Permettez-moi d'être en désaccord.

M. Leduc : En désaccord.

M. Boulet : Et, si on se fie à ça, c'est que tout le Canada est dans le champ gauche, l'OMS, la RAMQ, la SAAQ, tout le monde. Avec respect, je suis en désaccord.

M. Leduc : D'accord, c'est clair. Restons sur le revenu de placement. Moi, je veux comprendre comment ça fonctionne. Le revenu de placement, à l'intérieur de la CNESST, est-ce que c'est considéré dans les dépenses courantes? Ce que je veux dire : Est-ce que c'est considéré comme essentiel, les revenus de placement, pour pouvoir assurer les dépenses courantes et que c'est en fonction de ça qu'on reçoit les cotisations? Si je m'exprime autrement, est-ce que les dépenses prévues, de remboursement de prestations, etc., de tout, de ce qu'on a discuté préalablement, un certain nombre x de milliards, j'imagine... est-ce que les fameux revenus de placement, on les compte pour s'assurer qu'on en ait assez pour rencontrer les dépenses?

M. Boulet : Je ne suis pas en mesure de répondre à ça. Ce n'est pas moi qui fais cette... Je pourrai vous fournir la réponse, cependant.

M. Leduc : Êtes-vous accompagné aujourd'hui de quelqu'un qui peut répondre à ça?

M. Boulet : Oui, j'ai quelqu'un de la CNESST qui va poser la question puis je vous donnerai la réponse.

M. Leduc : Donc, je ne l'aurai pas aujourd'hui, c'est ce que je comprends?

M. Boulet : Ah! bien, vous allez peut-être l'avoir aujourd'hui, là, mais dès que possible, on va vous la donner, là.

M. Leduc : O.K. Bien, est-ce que, dans ce cas-là, je peux vous faire une suggestion pour la suite des travaux? Ça pourrait être pertinent qu'on ait quelqu'un de la CNESST en permanence avec nous, comme on l'a eu dans les...

M. Boulet : C'est toutes des personnes de la CNESST qui sont avec nous. C'est toutes les personnes spécialisées en semblable matière, ceci dit, avec respect, là.

M. Leduc : O.K., d'accord. Donc, ils vont chercher la réponse puis ils nous reviennent là-dessus.

M. Boulet : Bien oui.

M. Leduc : Parce que vous voyez où je m'en vais avec ça, c'est que, si la réponse est non, que les revenus de placement viennent, dans le fond, ajouter une espèce de bonus ou ajouter un coussin... Au RQAP, on en a un, coussin, aussi, qui n'est pas dans les dépenses puis les revenus de base, puis c'est une bonne chose. Alors, j'imagine, puis là on verra selon la réponse, que c'est une bonne chose aussi qu'il y ait un coussin à la CNESST. On ne sait jamais ce qui peut arriver comme crise, comme pandémie, mais, si d'aventure, les revenus de placement ne sont pas essentiels dans les dépenses, bien là, j'ai fait un petit calcul vite, vite, là, 21 millions par rapport à 1 659 057 000 $, ça représente 0,9 % des revenus de placement. Là, je n'ai même pas regardé la masse de revenus de cotisations annuelles.

M. Boulet : Là, je vous dirais, on va vous donner la réponse. Ceci dit, indépendamment des incidences, les incidences financières, c'est un parmi de multiples facteurs, mais le facteur prépondérant, dans l'encadrement normatif, c'est de s'assurer que la surdité professionnelle soit indemnisée et la surdité personnelle soit prise en considération dans les réclamations dans des cas de surdité professionnelle. C'est tout, là, que ce soit 10, 20 ou 30 millions, c'est simplement un des facteurs. Mais on va vous donner la réponse, là, si vous voulez.

M. Leduc : Est-ce que vous pensez qu'une meilleure prévention, une prévention plus sévère, voire plus sévère que ce qui se fait ailleurs dans le Canada, pourrait nous obtenir des résultats d'économie plus intéressants que 21 millions?

M. Boulet : Vous reprenez les propos des collègues de Nelligan puis Bonaventure, et je suis d'accord, tout à fait, plus on fera de prévention, mieux on fera de la prévention. C'est d'ailleurs le but du projet de loi n° 59, d'améliorer la façon dont on fait de la prévention, s'assurer que...

En 1985, souvenez-vous, il y avait six groupes prioritaires, et les mécanismes de prévention s'appliquaient en tenant compte de ton appartenance à un de ces groupes-là. Puis, dans les groupes prioritaires, bien, souvenons-nous, en 1985, il y avait notamment la foresterie, les mines, mais il n'y avait pas l'agriculture, il n'y avait pas la construction, il n'y avait pas le commerce, il n'y avait pas la santé, les services sociaux. Ils étaient dans les groupes trois, quatre, cinq et six, ce qui fait que 25 % des travailleurs étaient couverts par des mécanismes de prévention et aussi de participation des travailleurs.

Et c'est le but de notre projet de loi de s'assurer que tout le monde soit impérativement protégé par ces mécanismes-là. Le but du projet de loi, c'est de diminuer le nombre de lésions professionnelles pour avoir plus de travailleurs en santé, moins de laissés-pour-compte, moins de personnes dont les lésions se chronicisent. Et ça passe par un retour prompt, durable au travail, ça passe par tout ce qu'on a analysé depuis le début de notre étude détaillée article par article.

Oui, tout à fait, plus on fera de la prévention, forcément, ça a un impact sur la fréquence et la gravité des lésions professionnelles, parce que les blessures corporelles graves doivent aussi être considérées. Ça fait que, si on prévient plus, on devrait normalement diminuer la fréquence des lésions professionnelles, puis on l'a vu. Puis on parle parle des groupes prioritaires un et deux, il y a des... ça a permis à des entreprises de ces secteurs-là, où il y a des risques parfois importants, puis on a mis de côté les niveaux de risque... Mais les parties se sont assumées en matière de prévention, et elles ont heureusement diminué tant la fréquence que la gravité des lésions professionnelles. Et c'est ce qu'on veut qu'il se fasse dans tous les secteurs d'activité économique, puis vous partagez cet objectif-là. Ça fait que vous me posez une question dont vous connaissez la réponse, vous savez que, si on fait plus de prévention, il va y avoir un impact sur l'indemnisation, et c'est ce que nous tous souhaitons.

M. Leduc : Puis la raison pour laquelle je vous pose la question, parce que celle qui va suivre, c'est la suivante : Est-ce que c'est chiffré, ça? Est-ce que ça... Parce que, si vous êtes capables de chiffrer une économie en modifiant... en mettant le 22,5, là, mais pourquoi est-ce que vous êtes capables de chiffrer... Par exemple, dans votre règlement, là, qui attend votre édiction, là, on passe de 90 dBA à 85 dBA pour la prévention. Est-ce que ça se chiffre, ça aussi?

M. Boulet : Je suis agréablement surpris de constater que mon collègue de Québec solidaire s'intéresse aux chiffres. On va pouvoir en discuter abondamment, si vous le souhaitez, et je vous inviterais immédiatement à m'écrire vos questions, puis on demandera à nos CPA de la CNESST de vous répondre ou aux CPA externes. Mais c'est une belle surprise que Québec solidaire se préoccupe des aspects financiers, puis je trouve qu'on se rapproche beaucoup à cet égard-là. On pourra en parler abondamment, mais n'hésitez pas, écrivez vos questions, puis je vais m'assurer... Puis ce n'est pas moi, l'expert en la matière. On va vous donner les réponses, celles que vous voulez.

M. Leduc : Bien, écoutez, on peut bien en préparer quelques-unes. Des fois, c'est des questions qui nous viennent en fouinant dans les papiers puis en regardant ce qui se trouve là.

M. Boulet : Bien oui, bien oui, ça va vous aider à vous convaincre du bien-fondé de ce que nous faisons.

M. Leduc : Là où je veux atterrir, là, c'est : s'il y a des coûts intéressants chiffrés, chiffrables en matière de prévention puis qu'il y a des coûts que vous chiffrez aussi en matière de réparations, qui sont, pour le meilleur et pour le pire, perçus comme un énorme recul — moi, c'est ma perception aussi, puis ce n'est pas la vôtre, on a bien compris depuis les dernières minutes — il y a un choix qui est fait en quelque part, non, de dire : On va y aller sur l'économie de l'indemnisation plutôt que d'y aller sur l'économie de la prévention?

• (15 heures) •

M. Boulet : Oui, tout à fait, puis vous l'avez vu probablement dans notre analyse d'impact, puis j'y ai souvent fait référence, la plupart des économies, si on... puis j'aime ça, parler de chiffres, là, proviennent des mesures de prévention, puis on avait calculé... parce que c'est difficile à mesurer de façon précise, hein, ce n'est pas de la mathématique, hein? Plus on fait de la prévention... ce n'est pas : chaque dollar investi par la prévention peut générer cinq dollars, comme certains disent, mais on avait, sur une période d'un à 10 ans, des économies qui peuvent varier entre un point quelque et 4 milliards de dollars en diminution du taux de lésions professionnelles. Ça, c'est la fréquence et la gravité des lésions professionnelles.

Et c'est l'objectif qui fait partie de l'ensemble des objectifs qui sont à la base de la modernisation, puis Morneau Shepell en parlait dans son rapport d'actuariat, à la demande du Conseil du patronat du Québec, mais il y a certainement un lien de causalité qui est... il y a une forte présomption. Est-ce qu'elle est irréfragable, comme vous souhaitez parfois que des présomptions deviennent... mais il y a une forte présomption, certainement une présomption relative entre les investissements en prévention et les coûts d'indemnisation.

M. Leduc : Mais, encore là, donc, ma question, politique encore cette fois, là, parce qu'on a tendance peut-être de l'oublier ici, dans nos discussions, que tout ça reste éminemment politique : le choix de favoriser puis même quitte à serrer plus fort la vis de la prévention... pourquoi on ne baisse pas à 80 dBA, par exemple, la prévention? Les économies pourraient peut-être être plus intéressantes. Parce que si vous me dites que la pérennité du régime...

M. Boulet : Bien non, au contraire, ça va augmenter les coûts, tu sais. Et je vous le répète, là, sur le 85 dBA, il y a l'Ontario qui est à 90 dBA puis il y en a qui ont des conditions additionnelles. On est à 85 dBA, alors que c'était à 90 dBA. Tu sais, à un moment donné, on ne peut pas... C'est le seuil qui est reconnu par la science et la médecine.

M. Leduc : Le 85 dBA?

M. Boulet : Bien oui, tout à fait.

M. Leduc : Ça, c'est intéressant que vous en parliez, puis il y a du 85 dBA un peu plus tard, puis il y en a ailleurs, vous avez raison. Moi, j'ai mis la main tantôt sur le Manuel d'hygiène au travail : du diagnostic à la maîtrise des facteurs de risque. C'est édité par l'Association québécoise pour l'hygiène, la santé et la sécurité du travail. C'est essentiellement tous des gens qui travaillent soit à la CSST ou à l'IRSST, à l'institut de recherche de la santé et sécurité du travail.

Je vous lis un segment, c'est la section 10.3.1.3, relation dose-effet : «Certaines études démontrent que le niveau de bruit quotidien de 70 décibels ou moins ne présente pas de danger pour l'oreille humaine. À partir de 85 dBA, pour une exposition de huit heures, un risque important existe pour la plupart des personnes exposées. Il y a donc un certain consensus scientifique. Le risque augmente avec la dose d'exposition et il apparaît dès 75 dBA à 80 dBA. On a calculé, sans tenir compte de la variabilité et de la sensibilité des individus au bruit, que des personnes exposées à 85 dBA, huit heures par jours, cinq jours par semaine durant 40 ans subissaient, par rapport aux personnes non exposées, un risque accru de 8 % de souffrir d'une surdité s'apparentant à la surdité professionnelle. Selon la même source, ce risque est d'environ 25 % pour une exposition à 90 dBA durant huit heures, ce qui correspond au niveau réglementaire au Québec. On ne saurait donc considérer ce niveau comme une démarcation absolue entre une exposition sécuritaire et une exposition non sécuritaire.» Intéressant, là, eux autres, ils disent qu'à partir de 75 dBA, tu commences à courir des dangers.

M. Boulet : Mme la Présidente, je ne veux pas faire de débat scientifique, mais toute la discussion n'est pas pertinente dans la mesure où on parle d'un règlement sur les conditions d'application d'une présomption, les conditions d'admissibilité à titre de maladie professionnelle.

Ce que mon collègue discute, c'est un règlement sur la prévention qui va être entériné, qui a été adopté par le C.A. de la CNESST, et toutes les mesures de prévention sont dans ce règlement-là, et il va faire le chemin de l'adoption gouvernementale. Mais c'est parce que, là, on est en train de faire un autre débat, là, à côté de ce qui nous concerne.

M. Leduc : ...mais il est important, ce débat-là, M. le ministre, parce que c'est...

M. Boulet : Oui, oui, tout à fait, mais vous le connaissez, ce règlement-là.

M. Leduc : Bien, justement, bien, je le connais puis parlons-en.

M. Boulet : Adopté par le C.A. de la CNESST, bon.

M. Leduc : Bien, moi, j'ai ici la Gazette officielle, là, 6 novembre 2019, pour première publication, puis vous me corrigerez si j'ai mal compris le processus, il faut qu'un règlement soit d'abord prépublié. Après ça, il y a un processus de 30 ou 45 jours, si je ne me trompe pas, pour les commentaires, et, après ça, ce délai-là, vous avez l'entière décision de quand vous allez l'édicter, la deuxième publication. Est-ce que c'est comme ça que ça fonctionne? Je n'ai pas encore d'expérience de ministre, donc je ne suis pas certain.

M. Boulet : Bien, encore une fois, on parle d'un sujet qui n'est pas celui qui nous concerne, mais, pour répondre, là, je me prête à votre question, là, c'est publié à la Gazette officielle pour une période de 45 jours. C'est une période de consultations, on reçoit des représentations, après ça, c'est présenté pour adoption par le gouvernement au Conseil des ministres et, après ça, c'est publié de nouveau à la Gazette officielle. Donc, il y a une période de consultations à l'intérieur de laquelle tous les groupes peuvent faire des représentations.

Ceci dit, le règlement dont il est question, sur la prévention, il est adopté par les syndicats et les patrons. Ça fait qu'on pourrait en discuter, mais moi, je ne me substituerai pas, dans la commission, au C.A. de la CNESST.

M. Leduc : Non, non, je comprends. Ce n'est pas mon intention.

M. Boulet : Je regrette, là, mais c'est déjà adopté. Vous pouvez en parler aux groupes, tant patronaux que syndicaux, ils vont vous donner des réponses très adéquates. C'est vraiment important pour moi de le souligner, ce dont nous discutons, c'est un règlement d'admissibilité. Le règlement de prévention, il est déjà adopté par le C.A. de la CNESST, par des syndicats et des patrons. Je le dis parce que notre collègue de Nelligan revient — on ne se substituera pas aux syndicats et aux patrons qui ont discuté et adopté un règlement qui contient les mesures de prévention, notamment en matière de surdité. Et c'est ce règlement-là qui va être adopté par le gouvernement, en respectant la procédure que je viens de vous expliquer.

M. Leduc : Moi, je vous suis, là, jusqu'à un bout, là. Quand vous dites adopté par le C.A. de la CNESST, d'accord, mais donc il reste l'étape de l'adoption au Conseil des ministres, qu'il soit édicté par votre main, là. Vous allez devoir le signer. Ça, cette étape-là, elle n'est pas faite puis elle est nécessaire. Est-ce que j'ai bien compris?

M. Boulet : Bon, je vais reprendre. Ce règlement-là, je vous l'ai mentionné tout à l'heure, il va suivre son processus normal. Il est complémentaire à ce que nous adoptons dans le Règlement sur les maladies professionnelles, parce que c'est un règlement sur les conditions d'admissibilité, puis les mesures de prévention vont découler de l'application de ces conditions d'admissibilité là. Il va être publié à la Gazette officielle du Québec dès que nous aurons adopté ce règlement et, par la suite, il est publié pendant 45 jours, période de consultation, période d'ajustement, le cas échéant, comme vous l'avez vu avec les allègements réglementaires dans le secteur de la construction. Après ça, il y a une nouvelle publication, après que ce soit entériné par le Conseil des ministres, pour fins d'édiction.

M. Leduc : O.K., mais là je suis vraiment confus, là. Vous m'avez dit tantôt que c'est deux affaires distinctes. Le règlement que je vous soumettais, là, celui du 6 novembre 2019, sur les normes de prévention, vous avez dit : Ce n'est pas de ça qu'on parle aujourd'hui. C'est vrai que ce qui est devant nous, dans le projet de loi, c'est les normes de présomption.

M. Boulet : C'est parce que, dans le projet de loi, collègue, on parle du 85 dB. Ça fait qu'on ne peut pas faire rentrer le règlement qui s'assoit sur le 85 dB tant que ce n'est pas adopté dans la loi, là, le 85 dB, comme seuil.

M. Leduc : Mais pourquoi?

M. Boulet : Bien, parce que le règlement ne peut pas outrepasser la loi. Le règlement ne peut pas légiférer. La CNESST l'a adopté dans la mesure où cette loi-là, le 85 dB, est acceptée, là.

M. Leduc : Ce que vous me dites, c'est que, pour avoir une norme de 85 dB en prévention, je dois d'abord adopter une norme de 85 dB en présomption?

M. Boulet : Bien, il y a une question de complémentarité, je vous dirais.

M. Leduc : Mais je ne vous suis pas du tout, là. Pourquoi c'est complémentaire?

M. Boulet : Tout ce que je dis, Mme la Présidente, c'est qu'on est en train de discuter d'un sujet qui est complètement...

La Présidente (Mme IsaBelle) : ...

M. Boulet : On parle d'un règlement sur les maladies professionnelles puis là on est train de parler d'un règlement sur la prévention. Tu sais, ce qui vous concerne, Mme la Présidente, c'est le... puis, selon moi, même si ce n'est pas totalement impertinent, ce n'est pas le sujet qui nous intéresse, parce qu'on en parlera...

La Présidente (Mme IsaBelle) : Parfait.

M. Leduc : Parlons-en, du règlement, là, de la présomption de 85 dBA.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Bon. Alors, on revient donc directement à l'article 238, c'est bien ça?

M. Leduc : Ça n'existait pas, ça, avant, dans l'ancienne mouture. Pourquoi ça apparaît? L'ancienne mouture, là, c'était quelque chose... là, je n'ai pas le texte exact, mais «avoir été exposé à un bruit excessif». C'était maladie, atteinte auditive, conditions ou l'autre terme que vous aviez, là, avoir été exposé à un bruit excessif, point. Là, vous amenez 85 dB. Ce n'est pas une bonne nouvelle que vous ameniez 85 dB là-dedans. Vous mettez une condition de présomption, une condition d'admissibilité à la présomption. Ce n'est pas une bonne nouvelle pour les travailleurs, ça.

• (15 h 10) •

M. Boulet : Oui, mais le bruit excessif, il était associé à 90 dB, alors que, là, il est fixé à 85 dB. Et la raison pour laquelle... puis là on revient au Règlement sur les maladies professionnelles. La raison pour laquelle on met des normes, c'est justement pour encadrer ce qui est un bruit excessif, puis quel est l'impact, puis comment on indemnise, puis qui on indemnise, et comment faire la distinction entre la surdité professionnelle et personnelle.

M. Leduc : Là, vous êtes en train de dire qu'il n'y avait absolument personne qui avait une présomption en bas de 90 dB, enfin, en allant au TAT? Vous faites une clause de...

M. Boulet : Bien, avant, la présomption, c'était «exposé à un bruit excessif», mais ça donnait ouverture à tout.

M. Leduc : Bien oui, mais là vous la refermez, en mettant le chiffre 85, cette ouverture à tout.

(Consultation)

La Présidente (Mme IsaBelle) : D'accord. Alors, nous allons suspendre quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 15 h 11)

(Reprise à 15 h 17)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Donc, M. le ministre.

M. Boulet : Donc, juste pour faire suite, j'ai vérifié quand il y avait eu changement de la politique administrative. Dans la loi, actuellement, c'est «bruit excessif». Et il y avait une politique administrative, à la CNESST, ils utilisaient la norme du 90 dB tout le temps, mais, il y a un an, ils l'ont baissée à 85 dB, tenant compte de l'évolution des connaissances de nos experts médicaux. Mais, comme vous savez probablement, vous connaissez l'état de la jurisprudence au Tribunal administratif du travail, eux ne sont pas liés par les politiques administratives de la CNESST. Ça fait qu'il faut qu'ils se fient à la loi, puis ils le soulignaient qu'il n'y avait pas de norme dans la loi, que ce n'était... Mon Dieu! J'aurais dû attendre après...

M. Leduc : Bien voyons!

M. Boulet : ...que le bruit excessif n'était pas défini.

C'est parce que ce que je mentionnais, c'est que la politique administrative, depuis l'adoption de la loi, c'était 90 dB. Ça a baissé à 85 dB, il y a à peu près une année, 85 dB. Et les décisions du Tribunal administratif du travail, bien, elles disaient : Malheureusement, il n'y a pas de norme pour nous aider à définir c'est quoi, un bruit excessif. Puis ça, c'est le législateur qui aurait dû le préciser. Ça n'a pas été fait pendant 40 ans, ça fait que les tribunaux, ils disent : On s'inspire du sens commun. Vous connaissez comment les juges raisonnent dans un contexte de même. Ça fait que ça laisse place à l'arbitraire. C'était comme un peu du cas par cas, et les tribunaux le souhaitaient que ce soit précisé.

Donc, cette norme-là vient régler, et 90 dB, bien, c'est plus haut, donc 85 dB est plus avantageux qu'à 90 dB. Et, ceci dit, c'est en respect de tout ce qu'il y a ailleurs, même qu'ailleurs... en Ontario, c'est 90 dB, ça fait qu'on n'est pas dans un monde différent que l'Ontario.

Ça fait qu'une norme, c'est clair. Une norme, ça suscite moins d'interprétations, beaucoup moins de problèmes d'application puis beaucoup moins de judiciarisation. Il va peut-être y en avoir plus au départ, mais ça va être beaucoup plus clair parce que le législateur aura assumé sa responsabilité de dire c'est quoi, de la surdité professionnelle, et comment on gère la surdité qui est d'origine personnelle. Encore une fois, je le répète, c'est une avancée tellement considérable, là, tenant compte de l'importance de cette problématique humaine et médicale. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci.

M. Leduc : Maintenant qu'on a fait la différence entre le 85 dB prévention puis le 85 dB présomption — c'est une bonne chose de faite — restons, d'abord, sur la présomption. Là, vous venez de dire quelque chose d'important : Les tribunaux souhaitaient que ça soit précisé. Est-ce qu'on a reçu... On ne les pas reçus en audience, en tout cas, les représentants du TAT. Est-ce qu'on a une communication quelconque à cet égard?

• (15 h 20) •

M. Boulet : Je n'ai pas de communication à vous partager à cet égard-là. Tout ce que je vous dis, c'est que le tribunal, en l'absence de définition ou en l'absence de précision ou de norme pouvant le guider dans la détermination de ce qu'était un bruit excessif, décidait selon le sens commun. Ça fait que ça laissait place à du cas par cas, à un certain arbitraire, qu'on va maintenant éviter en ayant une norme claire.

M. Leduc : Ce que vous appelez un arbitraire, moi, je l'appelle une marge interprétative.

M. Boulet : Mais on n'est pas des législateurs pour... on n'abdiquera pas notre pouvoir au pouvoir judiciaire. Le pouvoir judiciaire, il joue un rôle, mais d'abord d'interprétation et d'application de la loi. J'espère, collègue, que vous n'êtes pas de l'école de ceux qui disent : Laissons les tribunaux interpréter et appliquer. Il faut quand même assumer notre responsabilité de guider les tribunaux, sinon, on va raisonner comme ça pour plusieurs normes du travail, pour plusieurs règles de prévention et plusieurs règles sociales, et du travail, et de santé et sécurité. Je sais que vous n'êtes pas de cette école de pensée là, là, ça fait que peut-être que vous ne pensiez pas totalement ce que vous venez de dire. On ne peut pas laisser tout le temps les tribunaux interpréter. Il y en a toujours, de la place à l'interprétation, mais ici on était en l'absence totale de norme.

M. Leduc : Absence totale... Moi, je lis les autres maladies, là, que vous intégrez, là, par exemple, celle qui est juste après, amiantose : «avoir exercé un travail impliquant une exposition à la fibre d'amiante.» On ne met pas de nombre de fibres d'amiante, de nombre, de quantité. Exposition à la poussière de talc, il n'y a pas de quantité non plus. Je veux dire, il y a plein d'autres endroits, dans votre règlement, où on...

M. Boulet : Et vous souhaitiez que ça devienne une présomption irréfragable puis, si vous voulez qu'on mette des normes... Il n'y a pas la problématique, avec l'amiante, que nous avons en matière de surdité. Il n'y a pas d'amiantose d'origine personnelle, ce n'est pas... En tout cas, on ne compare pas le même type, là, de problématique médicale, là. La surdité, la presbyacousie... Je ne sais pas, en amiantose, peut-être que vous pouvez nous proposer un amendement pour qu'on tienne compte du degré d'origine personnelle de l'amiantose, je ne le sais pas, là, mais...

M. Leduc : Bien non, c'est précisément l'inverse. Moi, je cherche une forme de cohérence...

M. Boulet : Bien, je n'en vois pas.

M. Leduc : ...puis je cherche une forme de marge interprétative, parce qu'il y a plein de situations...

M. Boulet : Moi, je ne vois pas d'analogie entre l'amiantose puis la surdité.

M. Leduc : Bien non, mais évidemment que ce n'est pas la même chose. Vous comprenez mon argument, M. le ministre, n'essayez pas de le revirer à l'envers.

M. Boulet : Non. Je ne le comprends pas.

M. Leduc : Il ne dit pas ce qu'il ne dit pas. Le tribunal, là, vous avez dit tantôt, désire, souhaite une précision. Moi, j'attends toujours une démonstration de cet argument-là. Puis ensuite c'est normal et c'est souhaitable, dans des situations comme ça qui comprennent des humains. D'autant plus, comme je le disais tantôt, qu'à partir de 75 dBA la science commence à percevoir des atteintes à la surdité. Là, vous dites : «No!», c'est 85 dBA, final, bâton.

Bien là, je suis désolé, moi, si la science me dit qu'à partir de 75 dBA il peut y avoir... pourquoi on flushe le 75 dBA à 85 dBA? Bien sûr que, si la norme de prévention est à 85 dBA, ça donne une ligne générale de direction générale, mais ça ne peut pas être un chiffre tranché au couteau comme ça puis qui dit : Si tu n'as pas ça, tu n'as pas la présomption.

M. Boulet : L'ascension remarquable du nombre de dossiers de réclamation, des déboursés et des coûts d'indemnisation alors que c'était 90 dB démontre certainement la plus que raisonnabilité du 90 dB, et il est baissé à 85 dB. Et ce n'est pas les tribunaux qui vont dire : Le législateur, établissez des normes. En jurisprudence, vous le savez, les tribunaux, ils le disent, il n'y a pas de norme dans la loi. Ils ne reprocheront pas au législateur ou ils ne diront pas : Faites votre travail, mais ils le mentionnent, il n'y a pas de définition de ce qu'est le bruit excessif, et donc ils réfèrent au sens commun. Puis, quand un tribunal réfère au sens commun, c'est à défaut de norme dans la loi.

Donc, c'était important de le faire, puis je le répète, dans la politique administrative, on était à 90 dB, jusqu'à il y a un an, et regardez l'ascension... je n'ose pas... j'ai dit «remarquable», je pense que cet adjectif-là est tout à fait approprié. Donc, il n'y a pas personne qui a été... à moins que vous me disiez qu'il y a bien des travailleurs qui ont été lésés, ce n'est pas à ma connaissance.

M. Leduc : Vous parlez de L'Assomption... l'ascension, c'est-à-dire. Ce n'est jamais contesté par la CNESST, ils laissent tout passer?

M. Boulet : Bien, la CNESST n'était pas non plus... la CNESST n'est pas un législateur. Ils ont des politiques administratives, mais ça n'engage pas les tribunaux. Donc, la CNESST, elle applique la loi. La CNESST, elle applique la loi telle qu'elle est. Ça fait que, quand la loi est muette ou la loi est imprécise ou ne dit pas, bien, la CNESST fait des politiques administratives et elle se guide avec ça, d'où le 90 dB, mais tout le reste de l'encadrement normatif, ils ne peuvent pas se mettre à légiférer. Les tribunaux n'accepteraient pas ça.

Puis, vous le savez, il y a des guides à la CNESST — vous avez pratiqué en santé et sécurité — sur les périodes de consolidation. Tu sais, il y a plein de politiques et de guides, là. On en fait d'ailleurs sur des nouvelles organisations du travail. Il y a eu les 27 ou 28 guides de normes en santé et sécurité qui ont été élaborés avec les syndicats puis les patrons, notamment dans le secteur de la construction, dès le début de la pandémie. Ça n'a pas une valeur légale, ça a une valeur administrative. Et oui, la CNESST, c'est son rôle, mais ce n'est pas un législateur, c'est une institution qui applique une loi, simplement.

M. Leduc : Là-dessus, on est entièrement d'accord que la CNESST, ce n'est pas un législateur. Moi, je dis, justement, parce qu'il n'est pas un législateur, de quoi qu'il se mêle de mettre une norme de 85 dB? Laisse le tribunal juger au mérite puis décider si, en effet, en fonction du cas qui est devant lui... en fonction du cas qu'à 75 dB on peut commencer à avoir des atteintes auditives sérieuses et permanentes, qu'il se donne cette marge d'interprétation là puis qu'il joue dans le carré de sable.

M. Boulet : Mais je veux juste que vous compreniez bien, hein, en bas de 85 dB ou en bas de 22,5 dB, la présomption ne s'applique pas, mais il peut utiliser 30 dB pour faire la preuve que c'est caractéristique de son travail ou relié aux risques particuliers de son travail. Puis il peut utiliser l'article 2 puis dire : C'est un accident de travail.

J'ai tellement souvent l'impression que vous pensez que, si ça ne s'applique pas, c'est «foul ball». Ce n'est pas le cas, c'est juste un élément qui facilite le fardeau de preuve. Puis donc ce n'est pas parce que tu es en bas que tu ne peux pas. C'est juste, la présomption, il faut qu'elle s'appuie sur des normes établies et reconnues par la science et la médecine. C'est la même affaire partout au Canada. Ça fait que vous ne m'amènerez pas sur ce terrain-là, là. Ça pourrait être 72 dB, puis la personne peut faire la preuve que c'est caractéristique de son travail, ou relié aux risques particuliers, ou qu'il y a eu un bruit d'impulsion, ou les cas que j'ai mentionnés tout à l'heure. Ça peut être un événement traumatique, traumatisant, isolé, et, si c'est un événement imprévu et soudain qui survient par le fait ou à l'occasion du travail qui engendre cette blessure-là, c'est accepté, c'est indemnisé. C'est juste pour l'application de la présomption. Merci, Mme la Présidente.

M. Leduc : Moi, je... Vous ne pouvez pas minimiser...

La Présidente (Mme IsaBelle) : Député d'Hochelaga-Maisonneuve, donneriez-vous le droit de parole à un autre député?

M. Leduc : Oui. Dernière intervention, puis, après ça, il n'y a aucun problème, Mme la Présidente, ça va me faire plaisir.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Parfait.

M. Leduc : Moi, tantôt, là, il faut que je retourne à Montréal. À 16 h 30, on finit nos travaux, on retourne chacun chez nous. La distance Québec-Montréal, je peux la faire à pied, je peux la faire en vélo, je peux la faire en voiture — un jour, on la fera peut-être en TGV, on verra la suite des transports publics — mais me rendre à pied ou me rendre en auto, là, ce n'est pas la même affaire. Je n'arriverai pas en même temps puis je n'arriverai pas dans le même état.

Ça fait que, oui, vous dites : La présomption, c'est une chose, vous pouvez quand même plaider, mais franchement, vous le savez, M. le ministre, la présomption, c'est central. Si vous en bénéficiez, vos chances sont substantiellement plus grandes de gagner votre cas, puis, si vous n'en bénéficiez pas, il va falloir que vous vous leviez le matin, pas mal de bonne heure, surtout si vous n'êtes pas syndiqué, pour gagner votre dossier.

• (15 h 30) •

M. Boulet : Bien, je pense que vous avez quelqu'un près de vous qui va vous confirmer que, dans le cas des lésions musculosquelettiques puis de bien d'autres maladies qui sont là, il y a des courants de jurisprudence très clairs : une tendinite d'origine traumatique, acceptée comme AT, un accident de travail en vertu de l'article 2, des tendinites, des bursites, des ténosynovites, des épicondylites... Il y en a, des courants. C'est faux, ce que vous... en tout cas, je veux être respectueux, là, mais ce n'est pas fondé sur l'état de la jurisprudence. Et il y en a, des décisions de jurisprudence, je n'oserais pas dire abondamment, mais où la présomption ne s'applique pas, mais où 30 s'applique, que c'est caractéristique du travail ou relié aux risques particuliers du travail.

Bien oui, il y a possibilité, mais une loi c'est fait pour permettre que ça ne soit pas tout le monde. Ce n'est pas : la porte est grande ouverte puis, peu importe ce que vous avez, faites une demande à la CNESST, sans égard à quelque condition que ce soit. L'accident de travail, là, il y a trois conditions aussi : un événement imprévu et soudain, survenu par le fait ou à l'occasion du travail, puis qui engendre une blessure. Une maladie professionnelle, la même affaire : une rechute, récidive, aggravation. Il y a toujours des conditions, là.

Une loi, ce n'est pas deux pages, puis faites une réclamation à la CNESST, puis vous allez être indemnisé. Malheureusement, il y a un encadrement. Ça ne peut pas être autrement. On est là pour ça. On est là pour établir des conditions. Vous pourriez...

Puis je suis certain, là, qu'en 1985, là, on se projette dans le passé, vous et moi, là, puis vous me diriez : «événement imprévu et soudain», M. le ministre, ça n'a pas de bon sens. C'est quoi? Puis «imprévu»... Puis on peut-tu enlever «soudain»? On peut-tu dire «prévu» au lieu... Tu sais, c'est sûr qu'on peut... À un moment donné, il faut trouver une trajectoire qui est neutre, qui est objective et respectueuse des droits et obligations des travailleurs, mais n'oubliez pas qu'il y a des employeurs aussi. Il y a les deux parties. N'oublions jamais ça.

Puis qu'aujourd'hui j'apprenne en plus que vous avez un intérêt pour les aspects financiers, je pense que c'est un heureux développement. Donc, voilà. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme IsaBelle) : ...la parole, maintenant, au tour du député de Bonaventure.

M. Roy : Merci, Mme la Présidente. Bon, on a beaucoup parlé de chiffres. Très intéressant. Bon, c'est sûr que, quand on regarde les normes de l'OMS, 80 dBA, bon, c'est une réalité statistique qui est quand même fournie par un organisme qui est assez crédible.

Vous faites référence au ROC, «rest of Canada», de manière régulière. On peut être progressistes au Québec, hein?

M. Boulet : On va discuter de la question nationale aussi, hein, je pense.

M. Roy : Non, non, mais, écoutez...

Une voix : ...

M. Roy : Non, non, non. Vous savez, M. le ministre, j'haïs tout le monde égal, il n'y a pas de problème.

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Roy : Mais voilà, écoute, je ne citerai pas Orwell avec La ferme des animaux, où tous sont égaux, mais il y en a des plus égaux que d'autres.

Non, blague à part, écoutez, moi, je pense que... en tout cas, la rhétorique de se comparer au reste du Canada quand le Québec a quand même... bon, a été progressiste et il doit le demeurer, O.K. Quand on regarde les autres provinces, par rapport à des modalités de reconnaissance des niveaux sonores, etc., bien, je vous rappellerai qu'on a eu des groupes qui sont venus nous exposer des stratégies extrêmement efficaces de prévention dans certaines provinces, où on sanctionnait, de manière systématique, les employeurs qui n'appliquaient pas des règles de prévention, tandis qu'au Québec on a été un petit peu laxistes. Et ça, on nous l'a dit aussi.

Ça fait que moi, là, où j'ai un problème actuellement, là, c'est que, si on... bon, si la loi est appliquée comme c'est là, là, le laxisme qui existe actuellement, là — on va se le dire, ça existe — entraîne des problématiques chez des gens qui vont être sanctionnés par les nouvelles modalités de reconnaissance des problèmes auditifs. Ces gens-là, on les échappe, là, parce qu'il y a eu du laxisme. Là, on va appliquer la prévention en même temps que les nouvelles règles de reconnaissance. Bien là, là, ceux qui ont subi des préjudices, bien, ils vont... on les oublie. Ça fait que moi, c'est là que j'ai un problème.

Puis, quand que vous nous comparez au reste du Canada, bien, vous nous... excusez, vous nous comparez sur un élément, mais il y a d'autres éléments sur lesquels ils ont agi de manière extrêmement, je dirais, agile et qu'ils ont sanctionné. Ça fait qu'ils ont réduit des risques de manière importante. En Ontario, entre autres, là, les accidentés de travail, bon, bien, aïe, ce n'étaient pas des petites amendes qu'ils ont eues, là. Ça fait que les gens se sont... Il y a eu une autorégulation qui a fait en sorte que les entrepreneurs ont vraiment appliqué les règles de prévention pour ne pas se faire pogner.

On n'a pas fait ça au Québec. Ça fait que, là, on est pognés avec ça. O.K.? Là, qu'est-ce qu'on fait, là? On a discuté tout à l'heure. Tu sais, on... Est-ce que... Bon, moi, j'ai écrit ça, là : La prévention doit être en amont d'une réglementation sur... bon, ou de la nouvelle réglementation de la reconnaissance, je le dis en mes mots, là, de la reconnaissance des problèmes de surdité. Il faut commencer par créer une prévention solide, avec des sanctions puis un environnement où ils vont prendre ça au sérieux pour ne pas échapper ceux et celles qui ont subi le préjudice, puis qui va se manifester dans les prochaines années, et, par la suite, arriver à appliquer le cadre réglementaire que vous voulez mettre dans la reconnaissance. Là, j'ouvre une porte de discussion sur une possibilité de période, d'un délai, ou d'une clause grand-père, ou je ne sais pas comment l'appeler, là, mais je mets ça dans votre réflexion, là.

Ça fait que je pense que, par équité pour ceux et celles qui ont subi des préjudices, étant donné le laxisme, nous avons la responsabilité de demander de la prévention tout de suite en gardant un système d'indemnisation pour ceux et celles qui ont subi le préjudice, et éventuellement, dans le temps qui restera à définir, bien, en arriver à vos propositions, mais tout cela accompagné d'un comité scientifique qui vient dépolitiser les décisions et donner de la rigueur, bon, à la réglementation qui va être proposée. Ça fait que...

Puis moi, tu sais, je ne suis pas un expert dans les dBA puis tout. Là, je regarde les débats puis je vois ça partout, mais ce n'est pas moi, Sylvain Roy, qui est capable de définir le niveau sonore. Par contre, il y a des gens qui sont capables de le faire, puis ils sont pas mal meilleurs que nous autres, tous ici ensemble. Mais l'enjeu, l'enjeu de la sanction que vivront des travailleurs... vit dans un système laxiste en termes de prévention, ça, on a un problème. Voilà.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Y a-t-il d'autres interventions sur l'article 238 tel qu'amendé?

M. Boulet : Non, mais simplement pour mentionner...

La Présidente (Mme IsaBelle) : Oui, vous voulez répondre? Je m'excuse. Oui, oui. Pardon, M. le ministre.

M. Boulet : ...oui, que je comprends très bien. Puis effectivement c'est une des raisons qui constitue un des impératifs à cette modernisation-là, améliorer la prévention puis que ça se fasse partout. Là, il y a seulement 25 % des travailleurs qui sont protégés. Il faut améliorer la façon dont on fait la prévention. Il faut faire plus de prévention.

Je suis aussi d'accord avec ce que vous dites, il faut tenir compte de ce laxisme-là puis il faut s'appuyer sur l'expertise du comité scientifique qui va nous permettre de se guider, dans l'avenir, sur les meilleures façons de définir les contours, là, de la liste des maladies professionnelles présumées. Je pense que, sur le fond, je suis d'accord avec tout ce que vous avez mentionné.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Parfait. Merci. Vous voulez poursuivre, député de Bonaventure? Allez-y.

M. Roy : Bien, maintenant qu'on... Les paroles s'envolent, les écrits restent, M. le ministre. Ça fait que je ne sais pas si on va déposer un amendement pour...

On peut-tu prendre deux minutes, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme IsaBelle) : Vous voulez une suspension? D'accord.

Nous allons suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 15 h 38)

(Reprise à 16 h 17)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, nous poursuivons les échanges. Y a-t-il des interventions sur l'article 238 tel qu'amendé? Y a-t-il d'autres interventions?

M. Leduc : Je peux y aller, peut-être, Mme la Présidente. On a eu des discussions, là, à micro fermé, sur l'idée de peut-être temporairement mettre sur pause la discussion sur toute la thématique de la surdité, là, au sens large et progresser, avec le temps qu'il nous reste, à la question de l'amiante irréfragable... le caractère irréfragable. Et puis, dans le fond, je ne sais pas s'il est déjà acheminé, ou ça le sera dans les prochaines secondes, on va vous envoyer l'amendement puis on pourra discuter sur ça, là. Ça va être beaucoup plus simple.

La Présidente (Mme IsaBelle) : D'accord. Parfait. Je peux peut-être demander aux autres. Est-ce qu'il y en a qui ont... d'interventions sur le thème, là, que vous avez choisi de discuter, les autres députés? Non. D'accord. Donc, on va attendre votre amendement. Est-ce qu'on devrait suspendre ou...

M. Leduc : C'est une question de secondes, le temps que vous le receviez puis que vous puissiez... On est peut-être mieux de suspendre un petit peu.

La Présidente (Mme IsaBelle) : C'est ça, le souci, hein? C'est qu'il faudra le recevoir... Vous l'avez reçu? Non, hein?

Alors, nous allons suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 18)

(Reprise à 16 h 21)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, nous venons de recevoir un amendement déposé par le député d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Il se lit comme suit : L'article 238 du projet de loi est amendé par l'insertion, après la section I du règlement, de :

«Section I.1.

«Maladies réputées professionnelles.

«1.1. Le travailleur atteint d'une maladie énumérée à la présente sous-section est réputé atteint d'une maladie professionnelle s'il a exercé un travail correspondant à cette maladie.»

Et là il y a un tableau en deux colonnes avec une seule entrée. Donc, la colonne première, «Maladies», qui dit «mésothéliome de la plèvre»; colonne de droite, «Conditions particulières», «un travail impliquant une exposition à la fibre d'amiante.»

Bon, c'est «Genres de travail», mais je pense que vous avez préféré «Conditions particulières», dans votre projet de loi. On pourra en discuter, là. Je pense que l'essentiel, c'est ce qui est à l'intérieur du tableau. Je peux faire l'explication peut-être, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme IsaBelle) : Oui, allez-y, effectivement.

M. Leduc : Merci. Dans le fond, comment on l'approche, c'est une nouvelle sous-section à l'annexe... pardon, une sous-section au règlement. Parce que, là, on a un règlement qui parle de présomption, puis on se rappelle, tantôt, qu'une présomption, c'est un renversement de fardeau de preuve. En temps normal, il faut que le salarié, le travailleur démontre la relation entre sa maladie et son travail. Avec une présomption, c'est l'inverse, c'est l'employeur qui doit démontrer qu'il n'y a pas de relation entre la maladie et son travail.

Et là on va, dans le fond, une coche plus loin, une coche plus haut, en quelque sorte. «Il est réputé atteint d'une maladie professionnelle», et là, en quelque sorte, on ne peut plus remettre en question le lien entre la maladie et le travail. C'est ce qu'on appelle... c'est le terme «irréfragable», que je n'avais pas entendu souvent avant de faire ce projet de loi là, Mme la Présidente. Maintenant, j'en suis très familier, même si j'ai encore un peu de la misère à le prononcer.

C'est un sujet qui a été, quand même, à l'ordre du jour, là, à plusieurs reprises dans les dernières semaines, dans les derniers mois. Il y a eu un gros rapport du BAPE en juillet 2020, qui s'appelait L'état des lieux et la gestion de l'amiante et des résidus miniers amiantés, publié en juillet 2020, comme je le disais. À la page 99 du rapport, le BAPE émet la recommandation suivante : «La commission d'enquête est d'avis que le processus d'indemnisation des travailleurs et de leur succession est lourd. Le gouvernement du Québec devrait donc adopter des modifications à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles — loi que nous étudions à travers le p.l. n° 59 — pour adapter ce processus afin de permettre au travailleur une défense adéquate de son dossier et pour rendre irréfragable la présomption pour un travailleur atteint du mésothéliome de la plèvre, sachant que plus de 80 % des cas de cette maladie sont liés à une exposition à l'amiante.»

Puis plus tard dans ce rapport-là, là, il y a une section, là, 4.1.2.3 qui s'intitule Le processus de reconnaissance des lésions et des décès liés à l'amiante pour le travailleur du Québec, qui explique très bien, là, la nécessité d'aller de l'avant avec ce concept, ce nouveau concept dans la loi, là. On amène quelque chose de nouveau, on n'allait pas aussi loin que ça dans d'autres maladies, mais là ils disent : Pour l'amiante, là, il faut aller une petite coche de plus, il faut aller à la présomption irréfragable.

Et, comme je le disais tantôt, on passe d'une présomption, de quelque chose qui est présumé, à quelque chose qui est réputé. Puis souvent on a ça dans des lois ailleurs, «est réputé au travail» ou «est réputé quelque chose». C'est un concept de droit assez commun, je dirais. Et le fait d'être réputé, ça fait que ça ne peut pas être renversé par aucun moyen de preuve.

L'employeur, advenant qu'on adopte cet article-là, qui arrive devant... qui conteste, qui arrive au TAT, au tribunal et qui dit : Non, non, non, moi, je ne pense pas qu'il y a de lien entre l'amiante et la maladie et le travail, donc... mais il ne peut même pas s'essayer, il ne peut même pas démontrer parce qu'il est réputé, ce lien-là, entre le travail et la maladie, et c'est en raison de nombreuses études, bien sûr, c'est en raison de plusieurs problèmes, aussi, administratifs.

Malheureusement, on a connu le problème de l'Université de Montréal avec le professeur qui était... qui a eu à se battre pendant des années. Ça a été compliqué, une procédure cauchemardesque. Il y a eu un article dans La Presse, là, dans les dernières semaines.

Alors, ces contestations-là qu'on peut qualifier... qui sont souvent qualifiées d'abusives de la part des employeurs à l'encontre des victimes d'amiante, bien, elles sont abusives en soi, mais elles sont abusives surtout face au caractère professionnel de la maladie qui, finalement, ne fait aucun doute, ne fait aucun doute pour la communauté scientifique, qui ne fait aucun doute pour le BAPE, qui en fait une recommandation, qui dit : Il faut aller plus vite, il faut aller plus fort, il faut casser cette culture de contestation abusive.

Puis il n'y a pas 56 moyens d'y arriver. Il y en a un qui est très facile, qui est accessible, qui se gère avec un simple amendement comme celui qu'on a déposé, c'est le concept de la présomption... pas de la présomption, pardon, de la réputation du caractère irréfragable d'une maladie.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Parfait. Merci. M. le ministre.

M. Boulet : Merci, Mme la Présidente. J'entendais d'ailleurs la cocheffe de Québec solidaire rendre hommage à ce professeur de l'Université de Montréal, M. Bruneau, je crois... pardon, Brunet?

Une voix : ...

M. Boulet : Renaud, oui, effectivement. Et je suis arrivé au salon bleu alors qu'elle n'avait pas débuté son hommage, et j'ai eu l'opportunité de l'applaudir puis de lui dire que j'étais content que la CNESST ait accepté la réclamation de M. Renaud.

Évidemment, ce qu'elle mentionnait, c'est qu'il y avait encore des contestations de son employeur, puis, bon, ça me permet aussi de dire que toutes les personnes qui ont soit l'amiantose, ou un cancer pulmonaire ou mésothéliome causé par l'amiante, c'est des personnes qui ont besoin d'être encadrées, qui ont besoin d'être indemnisées puis qu'on s'assure qu'ils aient des traitements adéquats.

Et la présomption, elle est soit relative ou absolue. Relative, c'est que ça permet de faciliter la preuve au travailleur. Ça donne, en même temps, l'opportunité à l'employeur de dire qu'il n'y a pas de lien entre le travail ou les conditions et le diagnostic qui a été posé. Si je prends l'exemple de l'amiantose ou du mésothéliome pleural, là, parce que c'est comme ça qu'on l'appelle, et le travail impliquant une exposition à la fibre d'amiante, l'employeur, il pourrait dire, par exemple : Tu as été exposé à la fibre d'amiante, mais pas chez nous, pas en travaillant chez nous, mais, par exemple, tu as fait des rénovations majeures à ta maison, puis il y avait de l'amiante, et donc renverser le lien qui est présumé découlant de la présomption entre le travail et le diagnostic. Si c'est irréfragable, ça vient comme fermer la porte à un employeur et ça vient... puis je ne dis pas qu'il y aurait des abus, mais ça vient ouvrir la porte potentielle à ce que ça puisse arriver.

Puis je prenais des informations sur les réclamations de cette nature-là à la CNESST, puis le taux d'acceptation des réclamations suite à un mésothéliome est de 97 % d'acceptation puis, pour les diagnostics d'amiantose, 69 %, ce qui constitue des taux d'acceptation extrêmement intéressants. Puis, en principe, ce n'est pas de la nature d'une présomption irréfragable que de dire : Si tu fais ça puis ça, c'est automatiquement, sans aucune possibilité de preuve à l'effet contraire. Puis, des fois, il y a des preuves d'expertise qui font en sorte que le lien de causalité ne s'applique pas ou il y a des événements qui peuvent être mis en preuve par l'employeur, lui permettant de, ce qu'on appelle, renverser la présomption.

• (16 h 30) •

La présomption, je le répète, c'est un fardeau de preuve allégé, et la présomption absolue, c'est des cas véritablement exceptionnels. Et, dans le cas des maladies professionnelles présumées qui sont dans l'annexe, c'est toutes, toutes, toutes, sans exception, des présomptions relatives. Ce n'est pas ce qu'on appelle des présomptions irréfragables, là, à l'égard desquelles l'employeur ne bénéficierait pas de la possibilité de rompre le lien de causalité, qui est établi en vertu de la loi, entre un travail spécifique qui répond à certaines conditions et un diagnostic qui répond à l'identité des diagnostics qui sont dans la liste des maladies professionnelles présumées. Merci, Mme la Présidente.

Mais, ceci dit, c'est certainement un amendement qui reflète une préoccupation profonde de la part du collègue de Québec solidaire, puis je salue cette préoccupation-là, que je partage, par ailleurs. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Écoutez, merci. Merci pour la belle collaboration.

Alors, compte tenu de l'heure, nous ajournons. La commission ajourne ses travaux sine die. Alors, je vous souhaite un bon congé, bon repos et faites attention à vous. Merci.

(Fin de la séance à 16 h 31)

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