(Onze heures vingt-trois minutes)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, bonjour. Bonjour à vous toutes et tous. Ayant constaté le quorum, je
déclare la séance de la Commission de l'économie et du travail ouverte.
La commission est réunie virtuellement afin de
procéder aux consultations particulières et aux auditions publiques sur le projet
de loi n° 78, Loi visant principalement à améliorer la
transparence des entreprises.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire : Oui, Mme la
Présidente. M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve) est remplacé par M. Marissal
(Rosemont) et Mme Richard (Duplessis), par Mme Perry Mélançon (Gaspé).
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Ce matin, nous débuterons par les remarques préliminaires et puis nous
entendrons par visioconférence les groupes suivants : l'Ordre des
comptables professionnels agréés du Québec et la Pre Pascale Cornut
St-Pierre.
Remarques préliminaires
Alors, j'invite maintenant le ministre du
Travail, de l'Emploi et de la Solidarité sociale à faire ses remarques
préliminaires. M. le ministre, vous disposez de six minutes.
M. Jean Boulet
M. Boulet : Ah! il faut aller rapidement.
Merci, Mme la Présidente. Bon matin, tout le monde. J'aimerais saluer,
d'ailleurs, l'ensemble de mes collègues, là, des partis d'opposition et du
parti gouvernemental et, de façon particulière, mon collègue de Robert-Baldwin,
qui est impliqué dans des consultations, qui est à l'origine aussi des tenants
et aboutissants de ce projet de loi là.
Vous le savez, ça émerge d'un consensus, ça
donne suite à des travaux qui ont été menés en collaboration avec le ministère
des Finances et autres organisations gouvernementales. Il y a eu,
souvenons-nous, la Commission des finances publiques en 2017, il y a une
consultation publique qui a été menée à l'automne 2019, il y a eu des
orientations proposées notamment dans le dernier budget. Je tiens aussi à
rappeler que nous partageons tous le même objectif, c'est d'améliorer la
protection du public par une meilleure transparence des entreprises.
Mme la Présidente, bien que le registraire
tienne l'un des registres les plus transparents et les plus accessibles, il
faut quand même continuer de perpétuer la réputation du Québec, comme étant un
précurseur en matière de transparence corporative, en franchissant un pas de
plus pour identifier les individus qui se trouvent réellement aux commandes des
entreprises. Donc, le projet de loi veut diminuer l'opacité résultant du
recours, notamment, à des sociétés-écrans anonymes ou à des prête-noms. Il veut
aussi décourager l'usage de tels stratagèmes qui, on le sait, sont souvent
utilisés par certains pour échapper à leurs obligations légales ou fiscales.
Il y a des modifications de trois natures.
Évidemment, il y a une obligation nouvelle de divulguer l'identité des
bénéficiaires ultimes. Ça, évidemment, c'est des personnes qui ont un contrôle
important, qui se cachent derrière la personnalité juridique ou des
sociétés-écrans. Et on s'inspire beaucoup du modèle européen de transparence,
de ce qui se fait dans les pays membres de l'OCDE, de façon plus spécifique le
Royaume-Uni. Il y a aussi la possibilité nouvelle de faire des recherches par
nom de personne physique.
Évidemment, il y a des mesures pour protéger la
vie privée des personnes, particulièrement la date de naissance, les enfants
mineurs, les personnes dont il peut y avoir potentiellement une menace à leur
sécurité, l'adresse personnelle, dans la mesure où on décide d'utiliser une
adresse professionnelle selon la faculté de celui qui est assujetti à la Loi
sur la publicité légale des entreprises.
Et enfin il y a eu des rencontres des ministres
impliqués dans le commerce interprovincial au Canada. Donc, il y a une
possibilité de dispense du paiement des droits d'immatriculation pour les
entreprises qui font affaire dans d'autres provinces au Canada, qui font du
commerce interprovincial. Donc, pour stimuler ce commerce-là, pour diminuer le fardeau administratif des entreprises, on prévoit, bien sûr, cette dispense-là dans
une perspective de réciprocité. Il y aura des investissements, qui ont
été prévus dans le budget, de 4,9 millions pour les cinq prochaines
années.
Donc, Mme la Présidente, le Québec s'inscrit
dans une mouvance internationale visant à améliorer la transparence des
entreprises, ce qui va contribuer à la lutte contre l'évasion fiscale,
l'évitement fiscal abusif, le blanchiment
d'argent, la corruption, la fraude, les activités criminelles. Rappelons qu'il
y a plus de 900 000 entreprises qui sont actives et inscrites au REQ, environ 75 000 nouvelles
inscriptions par année. Donc, ça nous permettrait d'avoir un portrait,
avec ce projet de loi, beaucoup plus précis des individus avec qui on transige
et de favoriser un marché d'affaires exempt de corruption, de fraude, bref
exempt de criminalité. Avec le projet de loi, on veut continuer à améliorer la protection des citoyens, présenter le Québec
comme une juridiction active sur le plan de la transparence et de la
gouvernance.
Donc, Mme la Présidente, maintenant, ça va me
faire plaisir de rencontrer les groupes. C'est une étape extrêmement
intéressante d'une commission parlementaire. Les groupes qui viennent faire des
recommandations devant nous, je tiens à les remercier d'avance, leur dire qu'on
va les écouter et on va s'en inspirer lors de l'étude détaillée, article après
article, avec les membres, bien sûr, de la commission parlementaire. Alors,
merci à tout le monde, puis j'espère encore une fois qu'on va avoir un peu de
plaisir dans cette commission parlementaire. Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci, M. le ministre. Alors, nous invitons maintenant le porte-parole de
l'opposition officielle et le député de Nelligan à faire ses remarques
préliminaires pour une durée maximale de quatre minutes.
M. Monsef Derraji
M. Derraji : Quatre minutes, plus
une minute que j'ai toujours, Mme la Présidente. Bon, bon, bon.
Bon matin, bon début de commission. Mes
salutations à M. le ministre, à l'ensemble des collègues de cette commission.
Donc, un projet de loi important, loi n° 78
visant principalement à améliorer la transparence des entreprises.
Permettez-moi, Mme la Présidente, de faire
un bref historique. Et je salue le ministre d'avoir évoqué, en fait, dans son
constat, dans ses remarques préliminaires,
le travail qui a été déjà effectué par mon collègue le député de Robert-Baldwin,
qui nous a, tout à l'heure, parlé du nom de sa circonscription et l'historique
de sa circonscription. Mais je tiens juste à
rappeler le document, le Plan d'action
pour assurer l'équité fiscale. Notre collègue le député de Robert-Baldwin avait fait un premier pas pour lutter contre l'évasion
fiscale. Il faut toujours lutter contre ce fléau. Le plan donne suite à
une commission parlementaire sur le même sujet, qui s'est tenue dans le dernier
mandat, au nom de la Commission des finances publiques et qui avait fait un
mandat d'initiative sur le sujet du 30 septembre 2015 au
15 septembre 2016. Donc, très hâte à ce qu'on commence ce travail
ensemble et que le tout s'inscrit dans un projet de continuité.
Permettez-moi, Mme la Présidente, de
soulever aussi que c'est un projet de loi qui est important, un projet de loi
qui oblige les entreprises à divulguer leurs bénéficiaires ultimes au Registre
des entreprises du Québec et à déclarer certaines informations relatives aux
personnes physiques qui sont leurs bénéficiaires ultimes, dont leur nom, leur
domicile et leur date de naissance. Le projet de loi aussi prévoit toutefois
que tout assujetti peut également déclarer l'adresse professionnelle d'une
personne physique dont le domicile doit être déclaré. Si une telle adresse
professionnelle est déclarée, l'information relative au domicile de cette
personne ne peut être consultée.
Donc, vous voyez, à cette introduction sur ce
projet de loi, qu'il y a quand même des questions que j'aimerais bien clarifier
avec les groupes qu'on va avoir l'occasion d'entendre, que je tiens déjà à les
remercier, parce qu'ils vont nous éclairer
par rapport au contenu et comment on peut améliorer, bonifier, amender ce
projet de loi.
Comme je l'ai dit, Mme la Présidente, à la
lumière de la première lecture des mémoires que nous avons reçus, des thèmes se
dégagent, tels que les ressources du registraire pour appliquer la loi, la
définition de certains termes, l'utilisation des pouvoirs réglementaires, des
sanctions trop clémentes, l'acuité de l'information dans le registre, seuils
d'ajustement plus bas.
Alors, Mme la Présidente, clairement, c'est
un projet de loi qui va nous permettre d'avancer, d'avoir... améliorer
collectivement cette lutte, mais, à la lumière de ces enjeux et de ces
thématiques que nous avons devant nous, j'espère que l'ensemble des groupes
qu'on va avoir l'occasion de rencontrer tout au long de cet exercice vont nous
clarifier un peu certaines tendances et comment on peut améliorer notre projet
de loi.
Le but du projet, c'est justement d'enrayer les
stratagèmes utilisés par des entreprises pour dissimuler l'identité réelle de
leurs propriétaires, ceci... comme je l'ai dit au début, d'ensuite... la
commission parlementaire de l'Assemblée nationale qui s'est penchée sur le
recours aux paradis fiscaux par des multinationales pour éviter de payer des
impôts dans les pays où elles exercent des activités en 2016. Donc, de
plus...
• (11 h 30) •
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci, M. le député de Nelligan. Vous aurez toute l'occasion de pouvoir aussi
vous exprimer lors des échanges. Merci beaucoup.
M. Derraji : Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci
beaucoup pour votre remarque préliminaire. Nous poursuivons maintenant avec le
deuxième groupe d'opposition et le député de Rosemont, à faire ses remarques
préliminaires pour une durée maximale d'une minute.
M. Vincent Marissal
M. Marissal : Merci, Mme la
Présidente. Chers collègues. M. le ministre, c'est la première fois que j'ai le
plaisir de travailler avec vous, même si, ne le prenez certainement pas mal, je
suis un peu surpris que ce ne soit pas mon ami et collègue le ministre des
Finances qui chapeaute ce projet de loi. C'est peut-être purement technique, et
n'y voyez certainement pas d'aversion de ma part. Au contraire, on m'a dit du
bien de vous, et je suis heureux de pouvoir travailler avec vous dans le
plaisir, si possible, comme vous l'avez dit tout à l'heure.
Cela dit, je me retrouve
ici devant le proverbial verre d'eau à moitié plein ou à moitié vide. Je vois
la partie vide, je vois la partie pleine.
C'est certainement un bon pas dans la bonne direction. Reste à
savoir si c'est un bien petit pas pour un gouvernement et un pas de
géant pour la transparence. C'est ce que j'aimerais déterminer. Je reste à être
convaincu, mais j'entreprends l'étude de ce projet de loi avec la plus grande
des bonnes fois et avec énormément d'intérêt, parce qu'il est plus que temps
qu'on se penche là-dessus. Merci beaucoup, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Nous poursuivons maintenant avec le porte-parole du troisième groupe d'opposition et la députée de Gaspé,
à faire ses remarques préliminaires pour une durée maximale d'une
minute.
Mme Méganne Perry Mélançon
Mme Perry Mélançon : Merci, Mme la
Présidente. Alors, salutations à tous les collègues membres de la commission, à
M. le ministre et à nos invités. Je serai brève également.
J'ai déjà pris le temps, là, de faire les
lectures des mémoires qu'on avait déjà en main. Alors, je vois qu'effectivement c'est un principe qui va vers une
plus grande transparence, quelque chose qui est très souhaité. On aura l'occasion d'entendre des gens qui utilisent au
quotidien le Registre des entreprises du Québec. Alors, ce sera
important, je pense, d'écouter quelles sont
les recommandations, quels sont les bons points, quels sont les éléments, là, à
ajuster au besoin.
Alors, je vois que c'est un projet de loi qui
est souhaité. Est-ce qu'il va assez loin? Je pense que c'est là qu'on va
devoir, là, travailler et statuer. Alors, ça me fera plaisir de collaborer
également. Et bien hâte d'entendre, là, qu'est-ce que nos invités ont à dire
aujourd'hui et au cours de la semaine. Merci.
Auditions
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci. Merci pour vos remarques préliminaires. Nous allons maintenant
débuter les auditions. Nous souhaitons donc la bienvenue aux représentantes de
l'Ordre des comptables professionnels agréés du Québec. Alors, tel que déjà
mentionné, je vous invite, mesdames, à bien vous présenter avant de commencer
votre exposé d'une durée de 10 minutes. Merci.
Ordre des comptables professionnels agréés
du Québec (Ordre des CPA du Québec)
Mme Mottard (Geneviève) : Bonjour,
Mme la Présidente. M. le ministre, chers collègues, Mmes et MM. membres de la commission,
bonjour. Mon nom est Geneviève Mottard. Je suis présidente et chef de la
direction de l'Ordre des CPA du Québec et je suis accompagnée aujourd'hui de
Me Stéphanie Vallée. Je dois vous dire aussi bonjour, M. le député de Nelligan,
salutations particulières. Vous êtes mon député dans l'Ouest-de-l'Île de
Montréal, alors je tenais à vous le dire.
Je commence
ma comparution, mon petit mot envers vous aujourd'hui en vous disant que
l'ordre, évidemment, souscrit sans réserve aux objectifs du projet de
loi qui, vous le savez, vise à rendre le Québec beaucoup plus transparent et à améliorer la protection du public, qui est notre mission, par
contraindre et réduire l'évasion fiscale, le blanchiment d'argent. Évidemment,
c'est un de nos sujets qui nous est très cher et qui rejoint très bien notre
mission.
D'ailleurs, la profession
comptable s'est engagée dans cette lutte sur la scène non seulement ici, au
Québec, mais nationalement et internationalement. Pas plus tard qu'en 2014,
l'International Federation of Accountants, qui regroupe les professions
comptables de plus de 130 pays, avait lancé un appel à l'action au G20 et
s'était engagée auprès du International Bar Association à lutter contre la
corruption.
Alors, les commentaires qu'on va
vous formuler sur le projet de loi aujourd'hui visent à assurer une efficacité
et une efficience optimales du Registre des entreprises afin d'atteindre une
meilleure transparence corporative, encore
une fois, dans l'intérêt public et pour la protection du public. Et nous
souhaitons sincèrement, M. le ministre, que vos démarches aboutissent,
et ça nous fait plaisir d'y contribuer encore une fois.
Le Québec a renforcé ses exigences
et des sanctions en matière de divulgation obligatoire pour combattre l'évasion
fiscale, et la... planification fiscale abusive, pardon, le blanchiment
d'argent, et le crime organisé par divers projets de loi et mesures, et c'est
très bien. Il faut maintenant affirmer, à notre avis, haut et fort que le
Québec ne badine pas avec la transparence des entreprises qui veulent venir
faire des affaires ici et ni avec la fiabilité des informations qu'elles
transmettent au Registraire des entreprises. Notre analyse, donc, du projet de
loi portera essentiellement sur les moyens proposés pour atteindre ces
objectifs.
D'abord, nous recommandons que les
parlementaires apportent une attention soutenue, et ça a été soulevé dans
certains de vos commentaires d'ouverture, au concept utilisé à la définition de
qu'est-ce qu'un bénéficiaire ultime. Le seuil de détention de 25 %
proposé au projet de loi nous apparaît trop permissif. Et, par exemple, une
entité criminelle mal intentionnée pourrait avoir seulement deux ou trois
bénéficiaires à 23 %, 24 % pour contrôler une entreprise et n'avoir
aucune déclaration à faire à cet égard.
Alors, bien qu'idéalement, dans un monde
utopique, tous les détenteurs d'actions devraient être consignés, nous vous
recommandons d'abaisser de 25 % à 10 % le seuil de détention, et ce,
en cohérence avec ce qui existe déjà dans plusieurs projets de loi au Québec,
qu'on pense à la Loi sur les centres financiers internationaux, la Loi sur le
bâtiment ou encore la Loi sur les valeurs mobilières.
• (11 h 40) •
Prochain
concept à examiner d'un peu plus près est la notion de contrôle de faits, de
détention indirecte et de bénéficiaire d'actions. Ce sont des termes qui
peuvent laisser une large interprétation discrétionnaire de la part de la personne qui complétera la déclaration
d'immatriculation ou la déclaration modificative, ce qui entraînera
nécessairement la déclaration de données erronées, incomplètes et à grande
géométrie variable. La valeur et l'efficacité du registre va dépendre de la
qualité de l'information qu'on y retrouve. Nous suggérons donc que ces notions
soient précisées au moment de l'étude détaillée du projet de loi. Nous croyons
par ailleurs que la définition de bénéficiaire ultime ne devrait pas être
modifiée par voie de règlement par souci de clarté et de transparence.
L'ordre salue
chaleureusement la volonté du gouvernement d'ajouter aux informations recueillies
au registre la date de naissance des administrateurs, des principaux
actionnaires et des bénéficiaires ultimes afin d'en permettre une meilleure
identification. Nous suggérons d'y ajouter aussi l'obligation de divulguer les
autres noms sous lesquels ces personnes sont connues tels que des surnoms ou
des noms d'emprunt. Cette dernière exigence est d'autant plus pertinente que la
Loi sur la publicité légale des entreprises s'applique à toutes les entreprises
faisant affaire au Québec, y compris celles
constituées à l'étranger, et que certaines personnes, vous le savez bien,
traduisent ou, des fois, américanisent leur patronyme.
Ensuite, la question
de l'accès au registre en est une qui est centrale. En proposant d'utiliser le
registre des entreprises comme véhicule de la transparence, le gouvernement
affiche sa volonté de faire de celle-ci une valeur d'affaires au Québec. Unique
en son genre, le registre québécois, je vous le confirme, est déjà une
référence au Canada puisqu'il donne gratuitement accès à des données relatives
aux entreprises. Les informations contenues au registre sont importantes pour
le public et ne doivent pas être accessibles, à notre avis, aux seuls
organismes gouvernementaux chargés de lutter contre la corruption et l'évasion
fiscale. Les journalistes, les juricomptables, par exemple, doivent avoir accès
aux informations qui permettent d'identifier les bénéficiaires ultimes des
sociétés faisant affaire au Québec.
Il est important ici
de rappeler que, si le droit confère une personnalité juridique aux personnes
morales, il s'agit ici d'une création de la loi, d'une fiction créée par la
loi. Et donc la possibilité, pour une personne physique, de faire des affaires
par une entité distincte, une personne morale, en limitant sa responsabilité constitue
un privilège qui requiert une transparence totale quant à l'identité du
détenteur de ce privilège.
Alors, dans ce
contexte, il nous apparaît injustifié que l'article du projet de loi permette
de modifier un aspect aussi fondamental que le caractère public des informations
contenues au registre par le biais d'un règlement. Si le gouvernement désire
souscrire certaines informations du regard public, il devrait l'identifier au projet
de loi et prévoir de quelle façon certaines personnes pourraient, malgré tout,
y avoir accès en démontrant un intérêt légitime.
Un registre, quel
qu'il soit, n'aura aucune utilité si l'information qui y est consignée est
désuète, voire carrément fausse. Donc, bien que le projet de loi prévoie une
importante bonification des informations qui doivent être divulguées au registre,
on ne prévoit aucun mécanisme de vérification systématique de la validité de l'information transmise.
Alors, pour bonifier, nous proposions de modifier l'article 2 du projet de
loi afin que le registraire soit chargé de prendre les moyens raisonnables pour
assurer la fiabilité des informations contenues au registre.
Ensuite, nous vous
suggérions aussi de bonifier l'article 7 du projet de loi pour accorder au
registraire le pouvoir de requérir tout document officiel afin de valider
l'exactitude des renseignements contenus à la déclaration d'immatriculation.
Ainsi le formulaire aussi, et c'est une autre recommandation qu'on fait,
gagnerait non seulement à être signé, mais également à être attesté par la
personne qui le remplit, et potentiellement accompagné d'une résolution
des administrateurs. Alors, en l'absence d'un mécanisme de validation
structuré, des organisations criminelles pourraient fournir des informations
erronées au registraire en créant, par exemple, de fausses identités ou, pire
encore, en volant l'identité des tiers et créer de toutes pièces des faux
bénéficiaires.
Afin
de remplir sa mission bonifiée, le registraire doit ensuite pouvoir compter sur
une équipe de professionnels détenant l'expertise nécessaire pour
vérifier et valider l'information qui lui est transmise pour procéder à des vérifications
spontanées et à enquêter. Il est donc essentiel, à notre avis, que des ressources
humaines et financières conséquentes lui soient accordées, que des pouvoirs
d'inspection et d'en-tête... d'enquête, pardon, puissent être exercés de
manière indépendante. Alors, à cet effet, nous vous proposions de modifier
l'article 124 de la loi pour accorder au registraire le pouvoir
d'entreprendre des inspections et des enquêtes de sa propre initiative ou à la demande du ministre et de doter le registraire des
crédits budgétaires requis afin de pouvoir se livrer à des vérifications
ponctuelles et des enquêtes.
À moins d'une
bonification du projet de loi, les pénalités et mesures administratives
existantes continueront de s'appliquer.
Donc, face aux organisations criminelles, celles-ci nous semblent nettement
insuffisantes pour avoir un véritable effet dissuasif. Nous proposons
donc que les pénalités soient substantiellement majorées et accompagnées
d'autres mesures dissuasives comme l'inscription des contrevenants au RENA et
que le délai de la prescription pour une infraction pénale à la loi de la publicité
des entreprises devrait être prolongé.
Je termine mes remarques
en vous disant que l'ambition du gouvernement, vous l'avez bien dit, M. le
ministre, est d'élever le Québec au rang des juridictions les plus
transparentes au monde et de s'inspirer des bonnes pratiques qui existent
ailleurs. Alors, à notre avis, une bonification du projet de loi pourrait lui
permettre d'atteindre cet objectif qui est tout à fait noble, et nous espérons
pouvoir y contribuer en ce sens. Je vous remercie, et, Stéphanie et moi, ça
nous fera plaisir de répondre à vos questions. Merci.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Merci. Merci pour votre exposé. Alors, nous
allons maintenant débuter la période des échanges avec M. le ministre. Alors,
M. le ministre, vous disposez de 16 min 30 s.
M. Boulet :
Merci, Mme la Présidente. Merci à l'Ordre des CPA pour la qualité de sa
présentation et le contenu du mémoire. Sachez, Mme Mottard, que je connais
bien votre prédécesseur, M. Daniel McMahon, qui, après son mandat à
l'ordre, est redevenu recteur à l'Université du Québec à Trois-Rivières.
J'aimerais ça, faire un échange avec vous sur un
certain nombre de vos recommandations. D'abord, le seuil pour être un
bénéficiaire ultime. Évidemment, ce qui nous a motivés le plus quant au 25 %,
c'est l'harmonisation avec notamment Ottawa, notamment le Royaume-Uni, la
France. Puis, bon, aux États-Unis, c'est maintenant 25 %, c'est tout à
fait nouveau. Et c'est sûr qu'on fait affaire surtout avec des pays membres de
l'OCDE, puis l'OCDE considère que c'est un seuil acceptable.
Est-ce que... Puis vous le savez, là, puis
Me Vallée est membre aussi, probablement, du Barreau du Québec et du
Barreau canadien, il y en a qui militent en faveur d'un risque... qu'on va trop
loin dans notre projet de loi. Ça risque de provoquer un exode ou des sociétés
étrangères ne viendront pas faire affaire au Québec parce que c'est trop à
divulguer. Des sociétés qui font affaire en Ontario ou en Colombie-Britannique
pourraient hésiter de venir faire affaire au Québec.
On pense qu'on fait un immense grand premier pas
dans la bonne direction. À 25 %, on s'harmonise, on maintient la
compétitivité de l'environnement législatif québécois. Est-ce qu'il y aurait
des juridictions qui pourraient nous inspirer? Parce que je sais que vous
faites référence à d'autres lois, la Régie du bâtiment, la Loi sur les sociétés par actions ou les centres
financiers, mais évidemment ces autres lois là ont d'autres finalités, d'autres objets.
Alors, je vous dirais que c'est principalement ce
qui nous a guidés, là, dans l'établissement du seuil. Il y avait un consensus.
Mon collègue de Robert-Baldwin était là puis il connaît bien ce consensus-là. Il
y a eu des consultations. Alors, je tenais à vous préciser que ce seuil-là
avait été établi de cette manière-là.
Mais je comprends qu'on pourrait aller plus loin
puis que tout est possible. Il y en a qui vont nous dire : C'est trop bas,
25 %, ou : Vous allez trop loin, mais je pense qu'on a trouvé... je
pense que c'est un compromis. En fait, c'est un seuil qui est reconnu comme non
seulement un qui permet l'harmonisation, mais qui maintient la compétitivité
des entreprises qui font affaire au Québec.
Quand vous dites, cependant : Clarifiez les
concepts qui sont utilisés, je pense que je comprends bien. Est-ce que c'est,
par exemple, il me semble que j'ai lu dans votre mémoire, le contrôle de faits?
Est-ce que c'est la notion, selon vous, Mme Mottard ou Me Vallée, qui
requerrait le plus de précisions dans la définition que vous retrouvez dans le
projet de loi?
• (11 h 50) •
Mme Mottard (Geneviève) : Oui,
merci, M. le ministre. Si vous me permettez, je pourrais répondre aussi à votre
seuil de 25 % puis vous expliquer pourquoi on vous avait recommandé
10 %. Et votre exposé est tout à fait juste. Je comprends tout à fait d'où
vous arrivez pour faire cette recommandation-là. Nous, on vous le faisait dans
l'objectif de protection du public, donc d'aller le plus loin possible, à notre
avis, et dans la mesure où les informations étaient déjà disponibles,
c'est-à-dire les entreprises doivent déjà faire ce travail-là pour se conformer
à d'autres lois. On ne voyait pas, peut-être, le travail additionnel ou le
poids additionnel que ça demandait aux entreprises,
parce qu'elles doivent déjà colliger cette information-là à d'autres fins, mais
c'est une décision, évidemment, qui vous revient complètement.
Sur la question du contrôle, oui, je vous dirais
que c'est une notion qui est très large. Puis je vais vous faire rire, je vais
vous parler un peu de ma vie de comptable. Si vous ouvrez le manuel des normes
comptables, la notion de contrôle fait au moins quatre pages. Alors, le
contrôle, ça peut avoir, pour des professionnels qui risquent d'accompagner,
hein, les entreprises à se conformer et à remplir leur déclaration... Si c'est
un CPA, il va le faire avec son cadre normatif de CPA. Si c'est un avocat, il
aurait peut-être une lunette différente.
Alors, c'est un terme qui peut être interprété à
toutes les sauces, je vais dire. Pour le commun des mortels, ça a l'air bien
simple, là, mais quand un professionnel doit aider une entreprise à se
conformer, la notion de contrôle peut être interprétée très différemment.
Et donc on
vous suggère de bonifier la définition. Quelle est votre intention derrière?
Qu'est-ce que vous, vous considérez
comme étant contrôle? Parce que sinon vous risquez d'avoir toutes sortes de
personnes l'interpréter de façons différentes. Puis peut-être,
Stéphanie, je ne sais pas, avec ton oeil d'avocate, si tu veux ajouter à mon
explication.
Mme Vallée (Stéphanie) : Bien, avec
votre permission, M. le ministre, pour ce qui est du seuil de 10 %, oui,
d'autres juridictions l'ont déjà mis en place. D'ailleurs, ce ne sont pas
nécessairement les juridictions qui apparaissent comme étant les juridictions
qui sont, disons, les plus en avance pour contrer le crime organisé. On parle
du Bélize, on parle de la Jamaïque, on parle d'une série de petits pays qui ont
mis un seuil de 10 % en place pour pouvoir déclarer les bénéficiaires
ultimes. Et le seuil de 25 % nous apparaît beaucoup plus large parce qu'il
donne énormément de flexibilité à ceux et celles qui sont mal intentionnés pour
mettre en place des structures encore plus compliquées. Donc, en ayant un seuil
restreint, on permet de travailler et de réduire les mailles du filet.
Et, pour ce qui est de la compétitivité, le
10 %, moi, je ne partage pas nécessairement l'avis... Nous, évidemment, on
représente un ordre qui est là pour la protection du public. Je vous dirais que
la transparence, c'est une valeur d'affaires, et on gagne à devenir une place
d'affaires transparente, et le Québec va gagner. Alors, je ne partage pas cette
opinion-là. Il y a beaucoup d'écrits, il y a beaucoup de documentations qui
vont être tout à fait à l'effet contraire. Et, si vous consultez le mémoire que
nous avons déposé dans le cadre de votre consultation de l'automne dernier,
nous nous sommes attardés à cette question-là.
Et, pour ce qui est de la définition de
contrôle, bien, oui, effectivement, il faudrait définir ce qui est entendu,
parce que, tant au niveau comptable qu'au niveau, même, de la définition
fédérale, il y a une interprétation qui est très large,
les juristes se questionnent. Je sais que vous entendrez l'Association du
Barreau canadien, la division Québec. Ils ont des arguments très forts pour
plaider en faveur d'une meilleure précision, parce qu'encore une fois, plus les
termes seront larges, plus on laissera place à la créativité de ceux et celles
qui souhaitent, pour des mauvais objectifs, contourner les objectifs de votre projet
de loi.
M. Boulet : Oui, tout à fait.
Écoutez, Me Vallée, oui, il y a certains pays... Quand je faisais
l'inventaire des seuils à l'échelle internationale, il y a des pays de
l'Amérique latine qui ont un seuil de 10 %, mais ce n'était manifestement
pas l'unité de mesure qui a été utilisée par ceux qui nous ont précédés à
l'Assemblée nationale, mais absolument pas. Puis d'ailleurs il y a une
directive de la commission économique européenne pour le seuil de 25 %,
là. Donc, on est manifestement dans le peloton de tête des pays occidentaux ou
des pays avec lesquels nous transigeons sur une base un peu plus régulière.
La définition, il ne faut pas la limiter
cependant, vous connaissez l'article 0.3, au contrôle de fait, là. Tu
sais, si tu es détenteur ou bénéficiaire, parce que tu peux être bénéficiaire
sans être détenteur, de 25 % des actions qui confèrent un droit de vote ou
qui sont... représentent 25 % de la juste valeur marchande, on parle du
commandité dans le cas d'une société en
commandite, la définition est quand même assez précise. Ceci dit, en matière de
sémantique, d'interprétation ou d'application, tout est perfectible, je suis
d'accord avec vous. D'ailleurs, c'est la raison pour laquelle on va faire une
étude détaillée article par article, puis ça va comprendre, bien sûr, cette
définition-là.
Je veux y aller un peu de façon télégraphique
parce que je regrette toujours de ne pas avoir assez de temps dans cette
portion-là des commissions parlementaires. L'arrimage avec Revenu Québec...
D'ailleurs, pour le bénéfice de mon collègue de Rosemont, le registre a été
transféré au MTESS en 2017 par ceux qui nous ont précédés parce que l'expertise
en matière de gestion de registre et l'infrastructure technologique étaient
sous le MTESS. Et donc ça fait quelques années et ce n'est pas le seul registre
qui est géré, là, dans mon ministère, mais donc, de façon télégraphique, il y a
déjà un arrimage avec Revenu Québec.
Quand vous disiez : Modifier
l'article 2 pour assurer la fiabilité plutôt qu'améliorer, vous savez,
Me Vallée, on dit aussi «les moyens raisonnables pour améliorer», alors
que vous enlevez «raisonnables» puis vous dites «assurer la fiabilité». C'est
sûr qu'on fait attention à ne pas transformer l'obligation de moyens en
obligation de résultat. Ceci dit, moi, je ne suis pas fermé, là, à ce
libellé-là, là. Je vois, Me Vallée, que vous avez peut-être un commentaire
à faire. Est-ce que c'est le cas?
Mme Vallée (Stéphanie) : Bien, en
fait, oui. Si vous voyez notre mémoire, on utilise «assurer» plutôt que, dans
le projet de loi, vous...
M. Boulet : Améliorer.
Mme Mottard (Geneviève) :
Améliorer...
Mme Vallée (Stéphanie) : ...vous
mentionnez «améliorer». Alors, dans le libellé, ce qu'on vous propose de faire,
c'est changer ce mot-là. Et je comprends qu'il y a la question de moyens
raisonnables, mais, en même temps, si on souhaite que le registraire puisse
réellement assurer la fiabilité des données, bien, il faut lui donner les
ressources puis il faut lui donner les moyens de le faire.
Puis, dans la loi actuelle, il est un petit peu
attaché, votre registraire, parce que son mandat était différent. Donc, à
partir du moment où on lui donne un mandat... et il doit participer à la lutte
à l'évasion fiscale, à la lutte au blanchiment d'argent, à la lutte à la
corruption. Il n'est pas face à des enfants de choeur. Alors, il faut lui
donner des moyens un peu plus musclés, il
faut lui donner une certaine autonomie puis il faut lui donner la possibilité
de requérir... sans nécessité, sans
se retourner et obtenir l'autorisation ministérielle, être capable d'entamer
des enquêtes et des inspections.
M. Boulet : C'est un excellent
point, Me Vallée. D'ailleurs, on travaille déjà en amont. Au registraire,
il y a déjà eu embauche de six inspecteurs puis il y a déjà des échanges, un
processus d'échange d'information, que ce soit avec la Sûreté du Québec ou avec
Revenu Québec.
Puis c'est important de préciser... À un moment
donné, vous dites : Le pouvoir d'enquête du registraire est assujetti à
l'autorisation du ministre. Ce n'est pas le cas. C'est assujetti à
l'autorisation du ministre seulement, Me Vallée, quand le registraire doit
donner mandat à un autre de faire l'enquête, là, comme Revenu Québec ou la
Sûreté du Québec, parce qu'ils ont maintenant les pouvoirs des commissaires
d'enquête. Il y a des inspecteurs, il y a des ressources qui sont déjà
ajoutées.
Et il y a eu un bel omnibus qui a été adopté
l'année passée par mon collègue aux Finances, et, à l'article 131, maintenant, le registraire, au-delà de pouvoir
faire enquête, d'avoir les ressources, il va pouvoir faire des
dénonciations au DPCP. Et c'est prévu à l'article 131 et c'est un article
qui a été amendé l'année dernière. Ça fait que votre sensibilité aux outils
puis aux ressources que le registraire pourrait avoir pour atteindre les
finalités de la loi, bien sûr, je partage totalement cette sensibilité-là.
Le délai de prescription, quand on passe d'un à
cinq, là... En fait, pour le bénéfice de tout le monde, là, c'est un à trois,
oui, c'est un an de la connaissance avec un maximum de trois ans de la
perpétration. Vous souhaiteriez que ce soit arrimé avez d'autres lois où on
parle de trois ans de la connaissance jusqu'à un maximum de sept ans de la date
de perpétration.
• (12 heures) •
Mme Mottard
(Geneviève) : Exact.
M. Boulet : Moi, je trouve que
c'est une idée qui est intéressante à explorer. Tenant compte de la finalité et
de la complexité des stratagèmes qui sont utilisés pour faire de l'évasion, ou
de la fraude, ou de la corruption, c'est une idée qui mérite d'être explorée
plus avant.
Les sanctions administratives et pénales, bon,
là, c'est de 500 $ à 25 000 $. Pouvez-vous me redire quelle est
votre recommandation sur le niveau des sanctions? Parce qu'administratives,
c'est une radiation et les sanctions pénales. Est-ce qu'il y a d'autres idées à
soumettre pour les sanctions administratives puis la hauteur des sanctions
pénales, Mme Mottard ou Me Vallée?
Mme Mottard (Geneviève) : Je
vais laisser Stéphanie répondre.
Mme Vallée (Stéphanie) : Au
niveau de...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Il reste... Je tiens à souligner qu'il ne reste que 1 min 15 s.
Mme Vallée (Stéphanie) : Merci,
Mme la Présidente. Au niveau des sanctions administratives, ma collègue vous a
mentionné un peu plus tôt, lors de sa présentation, l'inscription au RENA, qui
pourrait être une sanction intéressante, qui a été ajoutée, d'ailleurs, par
votre collègue lors des projets de loi n° 37 et 41,
des modifications qui ont été apportées à la Loi sur l'impôt pour, justement,
contrer ou s'attaquer à ces malversations-là.
Et pour ce qui est des sanctions pénales, bien,
écoutez, il y a eu plusieurs bonifications qui ont été apportées au cours des
dernières années, que ce soit à la loi sur le Commissaire au lobbyisme, que ce
soit au Code des professions. Il y a
certainement moyen de s'inspirer de ça, parce que les objectifs... Suite à la
commission Charbonneau, plusieurs lois ont été amendées, et les
sanctions pénales ont ainsi été amendées. La Loi sur l'impôt comprend des
sanctions pénales importantes aussi pour ceux et celles qui obligent de... qui
négligent de déclarer des prête-noms et de déclarer un certain nombre
d'opérations désignées. Donc, je pense que vous avez, là, une diversité de
sanctions...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, je vous remercie. C'est tout le temps que nous avons. Nous
poursuivons maintenant avec le député de Nelligan. Vous disposez de
11 minutes.
M. Derraji :
Merci, Mme la Présidente. Et je tiens à vous rassurer que mon chronomètre est
déjà au mode «on» et je vous invite à m'arrêter en mi-chemin parce que
mon collègue le député de Robert-Baldwin a aussi une question.
Merci. Merci pour la qualité de votre mémoire.
Et, Mme Mottard, très chanceux de m'entretenir avec vous parce que vous
vivez dans le magnifique comté... En tout respect à tous mes collègues, c'est
le plus beau comté au Québec. Ça, c'est la fameuse...
Mme Mottard (Geneviève) : C'est
sûr.
M. Derraji :
C'est la fameuse, fameuse, fameuse citation de tous les députés à l'Assemblée
nationale. Me Vallée, bienvenue dans cette commission.
J'ai vraiment aimé «la transparence est une
valeur d'affaires», et vous avez raison. Vous avez raison, et c'est ce qui doit
nous inspirer, tous. J'ai bien entendu vos explications par rapport au seuil de
10 % versus 25 %. Ce qui m'a un peu interpelé, c'est que vous avez
dit, dans votre mémoire : De plus, on propose de mieux définir dans la
loi, «des notions telles le contrôle de faits, la détention indirecte et les
bénéficiaires d'actions», et, selon vous, c'est une large interprétation.
Pouvez-vous juste expliquer le pourquoi que vous soulevez cet enjeu, s'il vous
plaît?
Mme Mottard (Geneviève) : Bien,
merci. Ça revient un petit peu au commentaire que j'échangeais avec le ministre
un petit peu plus tôt, ça dépend de la lunette au travers de
laquelle la personne qui complète la déclaration va la lire, parce
que le projet de loi ne définit pas assez, à notre avis, ce qu'on veut dire par contrôle, par exemple. Puis je
vous faisais rire tantôt
en vous disant que la définition comptable fait quatre pages, la définition
juridique doit être encore plus longue.
Il y aurait lieu de préciser, dans le projet de
loi, quelle est votre intention, quelle est l'intention du ministre, qu'est-ce
qu'on veut dire par contrôle de faits, parce que sinon, notre préoccupation,
c'est que parce que ces notions-là sont à géométrie variable, dépendront des
connaissances de la personne et de l'interprétation qu'elle en fera lorsqu'elle
remplira la déclaration, bien, ça risque de ne pas atteindre l'objectif, c'est-à-dire
que, si on ne définit pas ces termes-là, bien, ça sera à géométrie variable. Encore
une fois, je me répète un petit peu, là, mais retournez à quel est l'objectif
que vous visez par ces termes-là, dans votre tête, là, qu'est-ce que vous
essayez d'accomplir et allez le définir dans le projet de loi. Parce que, comme
je vous dis, notre crainte, c'est que ce soit interprété très, très largement,
dépendamment de qui le regardera. Puis je ne sais pas, Stéphanie, si tu veux
bonifier ou... Tu es sur «mute», Stéphanie. C'est la phrase de l'année, hein?
Mme Vallée (Stéphanie) : Oui,
désolée. C'est ça, c'est qu'il s'agit de notions qui ne sont pas clairement
définies dans le projet de loi et qui pourront être utilisées en fonction du
prisme à travers lequel la personne qui complète sa déclaration va analyser la situation
de l'assujetti. Et donc, si l'intention du législateur est clairement définie,
ça va aider, ça va permettre aux gens de se conformer aux obligations qui sont
les leurs.
M. Derraji :
Merci beaucoup. Et j'espère que M. le ministre et son équipe écoutent et
j'espère qu'on va avoir... Je pense que ça mérite une clarification. M. le
ministre a l'habitude de fonctionner toujours comme ça avec moi. Donc, contrôle
de faits, détention indirecte et bénéficiaire d'actions, on doit être beaucoup
plus clair. Je pense que ce serait un des premiers amendements à voir, hein? Je
compte sur vous, M. le ministre.
Vous avez
aussi mentionné que l'ordre est contre la disposition prévue au dernier alinéa
de l'article 0.3 par lequel le gouvernement se réserve le droit de
déterminer, par voie de règlement, d'autres conditions selon lesquelles une
personne physique pourrait être considérée comme un bénéficiaire ultime. On
revient toujours au bénéficiaire ultime. Donc,
on ne fait que retirer le pouvoir réglementaire de la loi ou est-ce qu'on ajoute des
conditions dans le projet de
loi?
Mme Vallée (Stéphanie) : Bien,
si l'intention du gouvernement ou du législateur, c'est d'ajouter des
conditions, nous, on n'y voit pas de problème. Par contre, ce que l'on prétend,
c'est que ces conditions-là doivent être inscrites au projet de loi et non
arriver plus tard par le biais d'un règlement. On comprend que ça puisse
évoluer aussi, mais les projets de loi peuvent toujours être amendés. Puis il y
a tellement de projets de loi omnibus. Les omnibus fiscaux qui peuvent être
utilisés à cette fin, votre collègue en sait quelque chose.
M. Derraji :
Bien, merci beaucoup. J'ai noté aussi que vous parlez de simplifier le fardeau
administratif. En tant que défenseur de PME, pourquoi vous dites que
vous voyez que, vraiment, il faut qu'on simplifie le fardeau administratif des
entreprises?
Mme Vallée (Stéphanie) : En
fait, ce qu'on voulait vous indiquer, c'est qu'il pourrait y avoir une déclaration unique qui soit transmise à Revenu
Québec et au REQ pour la divulgation des administrateurs ultimes. Il y a
déjà un temps de divulgation qui doit être fait dans certaines circonstances
par les entreprises suite aux amendements récents apportés à la Loi sur
l'impôt. Donc, pourquoi ne pas profiter de l'occasion pour faire de ces
obligations un élément où on arrive avec un formulaire, on répond à l'ensemble
des obligations, mais on n'a pas à y répondre à des moments donnés différents à
l'intérieur de l'année?
M. Derraji : Donc, si j'ai bien
compris, vous voulez qu'on amende le projet de loi pour qu'il y ait un arrimage,
si j'ai bien compris.
Mme Mottard (Geneviève) :
Exact.
Mme Vallée (Stéphanie) : En
fait, je ne crois pas que... Bien, je ne crois pas que ça soit nécessaire de le
faire à travers d'un projet de loi, mais, de façon administrative, il y a
possiblement la possibilité d'aller de l'avant avec cette proposition-là.
M. Derraji : O.K. Excellent.
Mme la Présidente, combien il me reste de temps? Parce que je ne veux pas...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Il reste 5 min 14 s.
M. Derraji : O.K. Parce que je
ne veux pas perdre mon collègue de Robert-Baldwin. Une dernière question. Vous
avez parlé d'autonomie, tout à l'heure, lors d'une réponse que... une question,
une réponse à M. le ministre. Qu'est-ce que vous voulez dire par rapport à
l'autonomie du registraire?
Mme Vallée (Stéphanie) : Bien,
c'est qu'il faut lui donner... et M. le ministre semble mentionner que les
outils déjà en place sont suffisants. Nous, on considère qu'il faut lui en
donner peut-être un peu plus, lui permettre d'initier davantage les actions,
lui permettre d'exiger davantage des documents. Donc, au moment où il reçoit
des déclarations, être capable rapidement de demander les preuves à l'appui de
certaines déclarations. Est-ce qu'on ne pourrait pas demander, par exemple, des
preuves d'identité des bénéficiaires avec photo?
On a fait la référence, dans le mémoire, à un rapport
de l'Institut C.D. Howe qui critique le registre qui a été mis en place en Colombie-Britannique.
D'ailleurs, c'est 10 %, le seuil de détention.
M. Derraji : Oui.
• (12 h 10) •
Mme Vallée (Stéphanie) : Et
j'avais... ça m'avait échappé lors de ma réponse au ministre, mais... Et on
nous dit : il faut donner des pouvoirs additionnels quand on crée des
gestes parce qu'autrement le crime organisé va simplement être plus créatif
qu'il ne l'est déjà. Alors... et le rapport de l'Institut C.D. Howe est en
ligne. Vous avez le lien dans notre mémoire.
M. Derraji : Mais j'en suis...
Mme Mottard
(Geneviève) : Et vous me
permettrez d'ajouter, M. le
député, l'essentiel de notre message
ici, c'est de donner au registre
l'ambition, les moyens de ses ambitions parce que c'est un outil
fabuleux. Il existe déjà, contrairement à toutes les provinces canadiennes où ce concept-là n'existe pas ou pas dans sa
forme actuelle, donc donner au registraire les moyens de ses ambitions
pour rencontrer les objectifs du projet de loi à laquelle nous souscrivons totalement.
M. Derraji :
Ne vous inquiétez pas, on va tout faire pour s'assurer que le ministre va
donner tous les moyens au registraire. C'est notre volonté, et j'en suis sûr et
certain, Me Vallée, mon collègue le député de Robert-Baldwin va continuer
dans ma logique parce que vous ouvrez la porte au C.D. Howe. Donc, Mme la
Présidente, j'ai terminé ma partie. Salutations à l'ordre que j'aime beaucoup.
Ma femme est CPA, donc je connais très bien l'ordre. Donc, merci beaucoup. Je
cède la parole à mon collègue de Robert-Baldwin, Mme la Présidente.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Alors, effectivement, à vous la parole. Il vous
reste 2 min 50 s.
M. Leitão : Oui. Bon, ça va aller vite, Mme la Présidente. Bonjour. Bonjour, mesdames. Bonjour, Me Vallée...
Une voix :
Bonjour.
M. Leitão :
...Stéphanie, ministre, Mme la ministre, parce que je pense qu'une fois
ministre on est toujours ministre, n'est-ce pas? Mme la Présidente, nous avons
siégé quatre ans au Conseil des ministres, et Mme Vallée avait son siège
juste à côté du mien, on était voisins.
Merci de faire
référence au rapport du C.D. Howe et justement, là, Broken on Arrival.
Et la question que je veux vous poser, parce que j'aurai juste le temps pour
une question, concerne ce que le C.D. Howe avait aussi mentionné, en
Colombie-Britannique, c'est-à-dire les sanctions. Est-ce que les sanctions sont
trop clémentes? Est-ce qu'on pourrait ou
est-ce qu'on devrait aller plus loin? Évidemment, en Colombie-Britannique, le
C.D. Howe militait ou proposait que
ça pourrait même, éventuellement, comporter des peines d'emprisonnement. Quel
est votre avis là-dessus? Plusieurs légistes nous ont dit : Mais
non, dans notre droit, on ne peut pas vraiment faire ça. Dans l'intérêt de
cette loi, ici, comment est-ce que vous voyez ça?
Mme Vallée
(Stéphanie) : Comme je mentionnais au ministre... je suis désolée, là,
je ne sais pas comment vous appeler. Alors, M. le député, honnêtement, on
considère que les sanctions actuelles, qui ont été prévues, alors que le
registraire avait un mandat qui était de consigner de l'information, sont
insuffisantes. Ça, c'est clair. On s'attaque... L'objectif, c'est de s'attaquer
à des organisations qui n'ont pas nécessairement des objectifs très nobles.
Alors, il faut que les sanctions soient dissuasives. Autrement, c'est une
peccadille, pour ces organisations-là, de verser une pénalité de 25 000 $.
Je pense que le
Québec s'est outillé, au cours des 10 dernières années, d'une série de
mesures pour dissuader ce type d'organisation là. On en a intégré à la Loi sur
l'impôt, on en a intégré à travers d'autres lois, la Loi électorale, le
Commissaire au lobbyisme. Alors, on saura certainement trouver et accorder au
registraire le pouvoir d'émettre des sanctions beaucoup plus importantes et
beaucoup plus dissuasives.
C'est certain que
celles qui sont actuellement consignées à la loi, bien, ce n'est pas grand-chose.
Puis, regardons, le Code des professions prévoit des sanctions plus élevées que
ça, et on s'adresse à des professionnels. La Loi électorale prévoit des
sanctions plus importantes.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : En conclusion.
Mme Vallée
(Stéphanie) : Alors, je vous dirais qu'il y a lieu de bonifier.
M. Leitão :
Merci beaucoup. Et au plaisir de vous revoir, Stéphanie.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Merci. Alors, nous donnons maintenant la parole
au député de Rosemont. Vous disposez de 2 min 45 s.
M. Marissal :
Merci, Mme la Présidente. Merci, Mmes Vallée et Mottard. Merci d'être là.
J'aime beaucoup,
beaucoup votre mémoire. Je pense que ça respecte assurément et à 100 % le
mandat de votre ordre, qui est aussi de protéger la population. Puis c'est de
la musique à mes oreilles quand vous parlez de transparence et de faire tout
pour la transparence, parce qu'on peut être à moitié transparent, il y aura
toujours au moins la moitié dans le noir, si on se contente de demi-mesures.
Alors, j'aime ce que vous dites.
Je
vais vous permettre, parce que j'ai très peu de temps, de poursuivre la réponse
que vous étiez en train de faire à mon
collègue de Robert-Baldwin sur d'autres mesures de sanctions. Parce que je suis
d'accord avec vous que, quand on brasse, là, des millions et des
millions, là, une petite tape sur les doigts de 25 000 $, là, c'est
presque ridicule, entre vous et moi, là.
Quelles autres
fonctions? Vous dites : On a moyen de trouver. J'aimerais ça vous entendre
là-dessus. Vous avez parlé du RENA, c'est assurément une option. Je ne sais
pas, un calcul par pourcentage sur les chiffres d'affaires des entreprises?
Parce qu'on le sait, ces entreprises-là, pour leur faire mal, il faut taper là
où ça fait mal, puis là où ça fait mal, c'est le portefeuille.
Mme Vallée
(Stéphanie) : Bien, d'ailleurs, le projet de loi n° 64 prévoit un
pourcentage du chiffre d'affaires des entreprises comme étant une possible
sanction. Votre collègue, le collègue du ministre, le ministre de la Transformation
numérique est responsable d'un projet de loi où les sanctions pour un défaut de
se conformer à la protection des renseignements et aux obligations de
protection des renseignements personnels offrent... proposent des sanctions très,
très importantes.
Alors, oui, voici un
outil : des pénalités importantes, plus importantes tant pour les
personnes physiques que pour les personnes morales; des sanctions ou une impossibilité
de contracter avec l'État, parce que le RENA, pour ceux et celles qui nous
écoutent, qui ne le connaissent pas, a comme objectif de dresser une liste des
entités qui ne peuvent contracter avec l'État. C'en est une, puis je pense que
ça peut faire mal pour bien des entreprises qui cherchent justement à obtenir
les largesses des contrats publics. Les sanctions d'emprisonnement, bon, on le
retrouve aussi dans la loi fédérale, qui a été amendée au cours des dernières
années. Alors, ça en fait partie, mais... Alors, vous avez là une série de propositions
qui permettent de dire... de lancer le message que la transparence, c'est une
affaire sérieuse pour le Québec. Geneviève...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. C'est tout le temps que nous avons ou que nous avions. Nous poursuivons maintenant
avec la députée de Gaspé. Vous disposez de 2 min 45 s
Mme Perry Mélançon : Merci, Mme
la Présidente. Bien, bonjour à vous deux. Très intéressant. C'est certain qu'il
y a déjà quelques réponses, là, qui ont été données à mes collègues qui vont
répondre aussi aux miennes. Alors, je comprends finalement que vous voulez
qu'on renforce autant les mécanismes de vérification systématique, donc dès
qu'on inscrit une entreprise au registraire, mais aussi vous parliez de mettre
sur pied une unité spécialisée dédiée aux inspections et aux enquêtes. Je
trouvais ça intéressant. On n'a pas beaucoup parlé de ça, mais est-ce que... parce
que vous dites inspiré des pratiques de Revenu Québec. Est-ce que vous voyez
une forme de collaboration avec déjà une institution comme l'UPAC, qui pourrait
être mise en oeuvre? Comment vous voyez ça?
Mme Mottard (Geneviève) : Bien,
moi, je vais faire un commentaire puis je vais passer la parole à Stéphanie. Encore
une fois, on va changer ici la mission du Registraire des entreprises. Donc,
d'un simple registraire, on va en faire maintenant un outil très, très, très
important dans la lutte contre le blanchiment d'argent et la corruption. Alors,
il faut se poser la question : Dans la façon dont opère le registraire,
les équipes qu'il a, les ressources qu'il a, est-ce que, si on change sa
mission, bien, il faut faire suivre ensuite le côté opérationnel? Et là, nous,
ce qu'on vous dit, c'est, si vous voulez que ce registraire-là ait du succès,
bien, en anglais, on dit «set it up for success», alors investissez pour en
faire un succès qui passerait notamment par des équipes d'enquête. Stéphanie,
si tu veux bonifier ma réponse.
Mme Vallée (Stéphanie) : En
fait, au cours des dernières années, Revenu Québec a mis en place des équipes
qui vont faire, par exemple, des enquêtes ponctuelles, des vérifications
ponctuelles sur la base de la déclaration volontaire des individus, des
entreprises. Et le registre, bien, c'est la même chose, c'est une déclaration
qui est faite par un assujetti de la liste de ces bénéficiaires ultimes. Donc,
il pourrait y avoir à l'interne des équipes chargées d'effectuer ces vérifications-là,
aller assurer que l'information qui est colligée, elle est exacte. Et on a
vu... Je pense qu'il y a eu des articles de presse qui ont fait état du succès
des équipes qui ont été mises en place chez Revenu Québec. Donc, ça fonctionne.
Est-ce qu'il y a lieu de... et je pense que l'indépendance, c'est-à-dire que
les équipes soient des équipes du registraire, avec l'expertise, est plus utile
que de faire affaire avec une entité autre, par exemple, l'UPAC.
Mme Perry Mélançon : O.K.
Merci. Rapidement, vous parliez d'ouvrir le registre, par exemple, l'accès aux
juristes, aux journalistes. Présentement, dans la forme actuelle, c'est-tu parce
qu'on parle d'un règlement qui pourrait enlever ces conditions-là?
La Présidente (Mme IsaBelle) :
En 10 secondes.
Mme Vallée (Stéphanie) : L'article 16
du projet de loi prévoit que le gouvernement peut, par règlement, établir la
liste de l'information qui n'est pas accessible et donc qui ne peut être
consultée. Donc, c'est dans ce contexte-là
qu'on dit : Bien, écoutez, qu'il
y ait des éléments qu'on garde privés
pour la protection de la vie privée, ça va, mais il faudrait
donner la possibilité à des gens qui veulent en faire une utilisation légitime,
la possibilité d'y accéder.
Puis, si on veut retirer de l'information, encore
une fois, n'utilisons pas le pouvoir réglementaire du gouvernement.
Indiquons-le clairement dans la loi que notre intention est de retirer
certaines informations, que l'on énumérera, de l'accès à certaines personnes.
• (12 h 20) •
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, on vous remercie. Merci. Alors, merci, Mme Mottard, merci,
Mme Vallée, pour votre contribution à la commission.
Nous suspendons quelques instants, le temps de
se préparer pour accueillir le prochain groupe.
(Suspension de la séance à 12 h 21)
(Reprise à 12 h 30)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, nous poursuivons. Nous souhaitons maintenant la bienvenue à
Mme Pascale Cornut St-Pierre. Je vous rappelle que vous disposez de
10 minutes pour faire votre exposé. Avant de commencer,
je vous invite à bien vous présenter ainsi qu'à nommer votre rôle, et ensuite
vous pourrez poursuivre avec votre exposé.
Mme Pascale Cornut St-Pierre
Mme Cornut St-Pierre (Pascale) : Merci,
Mme la Présidente. M. le ministre, MM. et Mmes les députés, je vous remercie
pour cette opportunité de vous présenter mes observations par rapport au projet
de loi n° 78. Donc, je suis professeure à la Section de droit civil de l'Université
d'Ottawa, où j'enseigne, entre autres choses, le cours obligatoire de droit de
l'entreprise que doivent suivre tous les étudiants de notre licence en droit et
qui couvre notamment le régime de publicité légale des entreprises aux Québec.
Donc, mon intervention d'aujourd'hui s'appuie
sur le mémoire que j'ai déposé en décembre 2019 dans le cadre des
consultations publiques sur la transparence corporative ainsi que sur un
article que j'ai publié, en 2019 également, sur les finalités et les usages des
registres d'entreprises. Donc, ces deux documents, je crois, vous ont été
communiqués et abordent plusieurs thèmes pertinents aux discussions concernant
le projet de loi n° 78.
Donc, je commence mon exposé en vous disant
d'entrée de jeu que je suis très favorable aux mesures proposées dans le projet
de loi. Donc, dans l'article que je publiais en 2019, je constatais, en effet,
que le régime québécois de publicité légale des entreprises accusait un certain
retard par rapport aux développements récents dans d'autres pays et je
m'inquiétais en particulier du fait que plusieurs acteurs clés de notre régime,
à commencer par le Registraire des entreprises lui-même, semblaient privilégier
une lecture indûment restrictive de la finalité du registre des entreprises du
Québec, une lecture restrictive qui risquait de limiter fortement l'utilité que
pourrait avoir ce registre pour répondre à certains défis de notre époque.
Et donc je crois que le projet de loi actuel
rectifie le tir et qu'il le fait essentiellement de trois façons :
donc, tout d'abord, en énonçant pour la première fois de manière explicite les objectifs
du registre des entreprises; ensuite, en levant l'un des principaux obstacles
qui empêchaient la mise en place de fonctions de recherche avancées à
l'intérieur du registre; et finalement, en intégrant, au sein du registre
actuel, des informations sur les bénéficiaires ultimes des entreprises conformément
aux bonnes pratiques, là, qui se mettent en place un peu partout dans le monde à
l'heure actuelle. Donc, je vais aborder, dans mon exposé, tour à tour chacun de
ces trois points.
Donc, premier point, les objectifs du registre
des entreprises. Donc, le projet de loi propose d'introduire un nouvel article 0.1,
à la Loi sur la publicité légale des entreprises, qui énonce les objectifs du
registre. Donc, le registre doit favoriser la transparence des entreprises,
renforcer la protection du public et notamment contribuer aux actions de
prévention et de lutte contre l'évasion fiscale, le blanchiment d'argent et la
corruption. Donc, cet article est important pour guider l'interprétation de la
loi et la façon dont le registraire va en assurer la mise en oeuvre.
Donc, au cours des dernières années, on pouvait
observer que le registraire semblait tenir pour suspectes les utilisations du
registre, par exemple, pour fins d'enquête des journalistes ou des citoyens et
en était venu à s'opposer activement à des organismes qui proposaient de
diffuser plus largement les données du registre ou qui proposaient de donner
accès à des fonctionnalités de recherche plus avancées, des données qui sont
pourtant publiques et que c'est un peu étrange de voir le registraire tenter de
restreindre.
Donc, en affirmant que le registre des
entreprises vise, de manière générale, à assurer la transparence des
entreprises, et non seulement la protection des personnes qui font affaire avec
une entreprise, et en affirmant aussi que le registre participe aux efforts de
prévention et de lutte contre certaines formes de délinquance d'affaires, ce
nouvel article 0.1 permettra, à mon avis, de mieux cadrer les débats qui
opposent la publicité légale des entreprises aux enjeux de protection de la vie
privée, par exemple.
Donc, deuxième point, la possibilité d'effectuer
des recherches avancées à l'intérieur du registre. Donc, la Loi sur la
publicité légale des entreprises laisse au registraire la discrétion de déterminer
lui-même les technologies qui vont permettre la consultation en ligne des
données contenues dans le registre des entreprises, donc, c'est à
l'article 99 de la loi. Donc, le projet de loi actuel ne fournit aucune
indication supplémentaire, là, quant aux fonctions de recherche qui seront
permises ou non après son adoption. Donc, le projet de loi modifie toutefois
l'article 101 de la loi pour retirer l'interdiction qui était faite au
registraire de fournir des regroupements d'informations qui contiennent le nom
d'une personne physique. Et donc, suite à l'adoption du projet de loi, le
registraire aurait la possibilité, mais non l'obligation, de mettre en place
des fonctions de recherche plus avancées qu'actuellement et que... Ça pourrait
éventuellement se traduire par un outil technologique plus efficace pour
retracer, par exemple, des structures d'entreprise qui peuvent être parfois
très complexes.
Donc, à ce sujet, je pense que l'amélioration de
la transparence des entreprises va dépendre des mesures concrètes que mettra ou
non en place le registraire pour permettre des recherches à partir de tous les
champs d'information contenus dans le registre des entreprises. Donc, on
pourrait ainsi effectuer des recherches par nom d'entreprise, comme on peut le
faire actuellement, mais aussi éventuellement par nom d'administrateurs
d'actionnaire ou d'associé, mais on pourrait aussi envisager des fonctions plus
larges encore, des recherches par adresse, par date de création ou de
dissolution de l'entreprise, par secteur d'activité, etc.
Donc, il faudrait aussi que le registre révise
les conditions d'utilisation qu'il impose actuellement pour permettre la libre
rediffusion des données qui peuvent être consultées dans le registre, et ça,
c'est essentiel pour permettre de croiser les données du registre québécois
avec les données d'autres registres dans le monde, comme les entreprises sont
de plus en plus transnationales. Donc, ce ne sont pas forcément des choses qui
doivent apparaître dans la loi, mais ces mesures vont déterminer concrètement
si, oui ou non, on améliore significativement la transparence des entreprises.
Donc, ce sera à surveiller, comment le registraire va mettre tout ça en oeuvre.
J'ai
une dernière observation concernant les fonctions de recherche au registre
des entreprises. Je m'explique mal que l'on continue, dans le projet de loi
actuel, d'interdire les regroupements d'informations basés sur l'adresse d'une
personne physique, donc c'est le futur article 101, alinéa deux, 1°,
du projet de loi, de la future Loi sur la publicité légale, dans la mesure où
l'adresse qui sera rendue publique pourrait maintenant être une adresse
professionnelle plutôt qu'une adresse de résidence personnelle. Et donc, vu cet
aménagement-là, je pense qu'une interdiction de faire des regroupements basés
sur une information qui ne peut pas être consultée, donc, c'est déjà en place
dans le projet de loi, serait suffisante. On n'a pas besoin d'ajouter
l'interdiction de faire des recherches par adresses de personnes physiques.
Troisième point, les informations sur les
bénéficiaires ultimes. Donc, le registre des entreprises recueillera dorénavant des informations sur les bénéficiaires
ultimes des entreprises assujetties. Et je crois que la décision
d'intégrer ces informations-là au registre
des entreprises actuel plutôt que de créer un registre distinct ou de demander
aux entreprises de tenir elles-mêmes leurs propres registres, c'est de
loin la meilleure solution qu'on puisse envisager au Québec.
Je salue aussi la décision de donner aux
informations concernant les bénéficiaires ultimes le même statut que les
principales informations qui figurent actuellement au registre des entreprises,
c'est-à-dire d'en faire, d'une part, des informations accessibles publiquement
et gratuitement, et je pourrai vous expliquer, dans la période de questions,
pourquoi je pense qu'un accès plus limité ne serait pas satisfaisant, et d'en
faire aussi une information qui a les pleins effets juridiques qui sont
normalement attachés à la publicité légale, donc une information qui soit
opposable aux tiers et qui ait force probante en cas de litige.
Je termine en mentionnant brièvement certaines
améliorations qui pourraient, à mon avis, être apportées à la définition des
bénéficiaires ultimes que propose actuellement le projet de loi. D'une part, le
seuil qui est proposé actuellement, de 25 % des droits de vote, offre,
certes, l'avantage de s'harmoniser avec les définitions retenues ailleurs,
notamment dans la Loi canadienne sur les sociétés par actions et dans plusieurs
pays de l'Union européenne, mais il faut quand même souligner qu'il s'agit d'un
seuil élevé, qui est facile à contourner en pratique.
Et, pour vous donner un simple exemple tout
récent, il y a eu une enquête publiée par les journalistes du Monde la
semaine dernière, OpenLux, qui révélait qu'avec un tel seuil de 25 % près
de la moitié des sociétés inscrites au registre du Luxembourg étaient parvenues
à ne déclarer aucun bénéficiaire effectif. Donc, il y aurait de bonnes raisons
de vouloir abaisser ce seuil de déclaration prévu, par exemple, à 10 %,
comme le réclament plusieurs groupes de la société civile.
Donc, deuxième élément qu'on pourrait peut-être
améliorer dans la définition des bénéficiaires ultimes, je pense qu'il y aurait
lieu d'ajouter à la définition proposée un critère axé non seulement sur le
contrôle, mais aussi sur la réception de bénéfices, ce qui reflète d'ailleurs
la notion même de bénéficiaire ultime.
Donc, pour donner quelques exemples concrets,
l'actionnaire sans droit de vote, le commanditaire d'une société en commandite
ou encore le bénéficiaire d'une fiducie devraient tous, à mon avis, pouvoir
être identifiés comme des bénéficiaires ultimes, dès lors que ces personnes-là
peuvent prétendre à une part importante des bénéfices
d'une entreprise. Et donc là, ici, on pourrait parler d'un seuil de 25 %
ou d'un seuil moindre. On va calibrer... Vous calibrerez comme vous
pensez que c'est pertinent, mais je crois que la notion de bénéfice est
importante aussi, en plus du contrôle.
Donc, je vous remercie...
• (12 h 40) •
La Présidente (Mme IsaBelle) : En
conclusion.
Mme Cornut St-Pierre (Pascale) :
Oui, je termine. Donc, je vous remercie pour votre attention et je suis à votre
disposition pour répondre à vos questions.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Merci, Mme Cornut St-Pierre. Alors, nous commençons la période
d'échange avec M. le ministre. La parole est à vous. Vous disposez de
16 min 30 s.
M. Boulet : Oui. Merci, Mme la
Présidente. Bienvenue. Merci, hein, Mme Cornut St-Pierre, qui enseignez le
droit de l'entreprise, cours que j'ai suivi à la Faculté de droit de
l'Université Laval. Vous devez avoir beaucoup de plaisir à faire cet
enseignement. Merci pour vos commentaires sur le projet de loi.
Je comprends que vous adhérez totalement aux
finalités, aux objectifs. Puis c'est intéressant que vous ayez une perspective
un petit peu de l'évolution du comportement du registraire en ce qui concerne
les demandes externes pour lutter, notamment, contre l'évasion fiscale, puis ça
peut venir des journalistes. Puis vous savez qu'il y a eu des décisions de
jurisprudence, notamment je pense à Radio-Canada, qui rendaient le registraire
un peu plus prudent, un peu plus réservé, alors que le projet de loi définit
bien quels sont les objectifs. Puis, dans la mesure où le registraire pourra
contribuer à sa façon à lutter contre la criminalité au Québec, ce sera
certainement bénéfique. Je pense qu'à Revenu Québec on estime qu'il y a à peu
près 3,8 milliards de dollars perdus au Québec en évasion fiscale, puis
c'est une estimation sans compter les autres volets dont on a parlé, là,
corruption, transactions illicites, et autres.
Quand vous dites «les mesures concrètes»...
prendre un petit peu de temps pour vous rassurer. Moi aussi, ça me préoccupe
qu'on ait les ressources. Le budget est là. Il y a une préparation en amont. Il
y a eu une embauche d'inspecteurs, on est rendus à six, et il y a eu des
amendements qui ont déjà été faits à la loi, l'an passé, par un omnibus sous le
parrainage de mon collègue aux Finances. Et les inspecteurs ont les pouvoirs,
en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête, et donc ça, ça va être
extrêmement bénéfique pour l'atteinte des objectifs et le respect des finalités
du projet de loi.
Là, je vais vous poser des
questions larges, là, parce que je veux vous écouter. Vous disiez : Bon,
la notion de bénéficiaire ultime... Bon, à 0.3, on définit, bon, c'est le
détenteur ou le bénéficiaire, on fait référence à 25 % des droits de vote,
détenteur ou bénéficiaire, 25 % de la juste valeur marchande. On réfère à
la personne qui est commanditée quand c'est une société en commandite. Puis il
y a aussi le bénéficiaire... Dans le cas de plusieurs personnes ensemble, là,
des personnes physiques qui sont regroupées, il y a la personne qui exerce le
contrôle de fait de l'assujetti. Mais vous souhaitiez comme un raffinement ou
un éclaircissement quant à la notion de bénéficiaire ultime, la personne qui
reçoit des bénéfices.
J'aimerais ça vous écouter sur une proposition
concrète qui pourrait nous permettre peut-être de mieux définir le bénéficiaire
ultime. Je pense qu'on s'est inspirés de définitions dans d'autres lois, on
essaie d'être le plus large possible, mais je vous écouterais sur ce point-là,
Mme Cornut St-Pierre.
Mme Cornut St-Pierre (Pascale) :
Oui. Donc, selon ma lecture des différents critères, là, quand on dit qu'une
personne est détentrice ou bénéficiaire d'un nombre d'actions qui lui donne 25 %
des droits de vote, le terme «bénéficiaire» ici indique que cette personne-là,
ultimement, est celle qui va exercer le droit de vote, va bénéficier du droit
de vote et pas forcément des profits de l'entreprise.
Donc, si on avait, par exemple, un actionnaire
qui a des actions sans droit de vote, c'est un mécanisme qui existe, et
supposons que cette personne-là a suffisamment d'actions pour prétendre avoir
la moitié des bénéfices d'une société par actions, je crois qu'on pourrait
l'indiquer comme un bénéficiaire ultime.
Et là je ne sais pas si c'est... Un des critères
que je ne savais pas bien comment on appliquerait concerne la détention
d'unités qui correspondent à 25 % ou plus de la juste valeur marchande. Et
mon intuition... Mais je crois que vous aurez d'autres intervenants qui vont...
par exemple, l'association des comptables agréés, peut-être eux ont une
meilleure compréhension fine de comment on met en oeuvre ces critères-là, mais
je comprends que la juste valeur marchande, pour des entreprises où il n'y a
pas de marché pour échanger les actions, c'est un critère assez hypothétique,
qui n'est pas facile à évaluer en pratique, qui peut être sujet à débat. Tandis
que, si on parle d'une proportion des bénéfices qu'on a le droit de recevoir,
ça, je crois que c'est un peu plus facile à établir en vertu des statuts de
l'entreprise, de la société, et tout ça. Ça, c'est mon intuition.
Pour compléter, je vois deux cas de figure, là,
où ce serait important de faire cette distinction-là entre qui contrôle et qui
bénéficie d'une entreprise.
Bon, le cas des sociétés en commandite. Donc, le
quatrième paragraphe, là, de l'article 0.3 nous dit que le commandité
d'une société en commandite va être un bénéficiaire ultime, et ça, parce que le
commandité, c'est la personne qui contrôle la société en commandite. Par
contre, le commanditaire est celui qui retire le profit, typiquement, de la
société en commandite. Et on peut avoir des cas où il y a une multitude de
commanditaires, et donc là on serait en deçà des seuils. Si on met un seuil à
25 % ou 10 %, on serait possiblement en dessous de ça. Mais, si on a
un commanditaire qui retire 50 % des bénéfices de la société en
commandite, je crois que c'est important de l'indiquer comme bénéficiaire
ultime. Et on aurait le même raisonnement dans le cas des fiducies.
Donc là, en ce moment, les fiducies non
commerciales ne sont pas des assujetties au régime, mais elles peuvent être des
actionnaires, par exemple, et donc elles peuvent se retrouver comme
bénéficiaires ultimes. Et donc, si on tombe sur une fiducie, qui est-ce qu'on
identifie comme bénéficiaire ultime? Là, je comprends, dans les définitions
actuelles, qu'on identifierait l'administrateur de la fiducie et non pas le
bénéficiaire qui, ultimement, va pouvoir toucher les profits de l'entreprise
qui seront distribués, s'ils le sont. Et donc, je pense, ce serait important
d'identifier comme bénéficiaires ultimes tous ces gens-là, à la fois ceux qui
ont le contrôle mais ceux qui vont en tirer les profits d'une façon importante.
M. Boulet : Oui, O.K. Je vous
comprends bien. Vous avez aussi abordé le sujet des
formes de recherche. J'aimerais ça que vous m'entreteniez sur la perception que
vous avez de la façon dont on peut faire actuellement de la recherche et ce que
vous considéreriez comme étant mieux pour l'atteinte des objectifs et le
respect des finalités de la loi. Vous avez parlé, à un moment donné, des
administrateurs, des associés, des actionnaires, puis moi, je vous suivais, là,
j'étais d'accord, mais... ce que vous percevez comme l'état actuel des choses
et ce que vous souhaiteriez comme étant l'idéal.
Mme Cornut St-Pierre (Pascale) :
Oui. Donc, je vais vous donner un exemple bien concret. Chaque année, dans mon
cours de droit de l'entreprise, j'organise un exercice de recherche au sein du
registre des entreprises du Québec avec comme objectif, pour les étudiants,
d'essayer de reconstituer quelle est la structure juridique de l'entreprise,
parce qu'un des objectifs du cours, c'est d'apprendre aux futurs juristes de
distinguer entre... bien, on peut avoir une
entreprise, qui a une réalité socioéconomique, des gens qui travaillent
ensemble, qui mettent des capitaux en commun pour faire certaines
activités, mais on a aussi la structure juridique. Et une entreprise ne se
traduit pas forcément par une seule entité juridique mais souvent par
plusieurs, et parfois ça peut être des centaines d'entités juridiques qui composent l'entreprise. Et donc je
leur demande... je leur donne quelques points de départ, et ils doivent après essayer d'identifier, bien, c'est quoi, la
structure juridique de l'entreprise, à partir de recherches dans le
registre.
Et la conclusion de l'exercice est typiquement
que, oui, le registre nous donne beaucoup d'informations mais ne rend pas cette
recherche-là d'une structure, des liens entre les entités juridiques très
facile. Et donc, si on réussit à partir de la bonne... disons, la dernière
entreprise d'une chaîne, on peut remonter, par exemple, les actionnaires, si
c'est une société par actions, on remonte, on remonte, on remonte. On peut
aller assez loin comme ça, mais on ne peut pas faire le chemin en sens inverse.
On ne peut pas savoir quelle société a quelle filiale. Donc, on ne peut jamais redescendre et on tombe souvent... quand on remonte la
chaîne, comme ça, de propriétés ou de détentions, on tombe souvent sur certains
culs-de-sac. Et là, typiquement, il y en a deux principaux : on tombe sur
une fiducie, et donc là on ne sait plus après qui détient ça, ou on tombe sur
une société étrangère pour laquelle on n'a pas d'information dans le registre
québécois et pour laquelle, souvent, n'existe pas de registre simple d'accès à
l'étranger.
Et donc, si on avait des fonctions de recherche
mieux... disons, plus complètes, comme un catalogue de bibliothèque, par
exemple, où on peut chercher un titre, on peut chercher un auteur, on peut
chercher une date, ça nous permettrait de
plus facilement savoir, bien : Donc là, j'ai identifié une branche de
l'entreprise, mais est-ce qu'il y a une branche parallèle, est-ce qu'il
y a des sociétés soeurs?, puis là commencer à voir : Mais qui est
actionnaire de quoi? Et là, comme ça, on a le réseau complet plutôt que d'avoir
juste une vue très partielle. Donc, je ne sais pas si ça répond bien à la
question.
• (12 h 50) •
M. Boulet : Bien oui, je vous suis
bien, là. En fait, vous souhaiteriez que la recherche nous permette de saisir
tous les tentacules d'une organisation plutôt que simplement certains
fragments. C'est bien...
Mme Cornut St-Pierre (Pascale) :
C'est ça. Oui, donc, c'est ça. Et, peut-être, pourquoi est-ce que c'est
pertinent? Un des exemples, un des exercices, là, que je proposais, une année,
aux étudiants, c'était l'exemple de l'industrie du cannabis, où, dans la loi,
il faut s'assurer qu'il n'y ait personne d'impliqué qui ait des antécédents judiciaires, donc on ne veut pas que ce soit le
secteur des trafiquants de drogue qui s'invite dans cette industrie
légalisée là... et de se rendre compte qu'en
fait c'est excessivement difficile d'identifier ça, justement, à cause de ces
structures-là, que c'est facile pour quelqu'un de s'impliquer dans cette
industrie-là sans devenir visible dans le registre.
Bon, un autre exemple, qui est peut-être encore beaucoup
plus simple. Chaque année, à la saison des déménagements, on a des entreprises
très louches qui se créent pour la saison du déménagement et se dissolvent par
la suite, et là il y a plein de plaintes de consommateurs qui ont été un peu
floués parce qu'ils ont mal fait leur travail. On n'a pas de moyen de chercher,
par exemple, un individu et de se rendre compte que, bien, cette personne-là,
année après année, crée une nouvelle entreprise qui fait faillite, et en recrée
une nouvelle, et en recrée une nouvelle. On ne peut pas chercher ça en ce
moment dans le registre des entreprises, et pourtant c'est quelque chose... Ça
serait une utilité assez légitime du registre quand on essaie d'évaluer la
crédibilité d'une entreprise. Une personne impliquée dans des entreprises qui
font faillite continuellement, c'est inquiétant. Donc, il y a beaucoup de
raisons comme ça de vouloir élargir les critères de recherche.
M. Boulet : Ah! totalement. Bien,
écoutez, je pense que vous êtes une personne de contenu, de détails, puis vous
voulez vous assurer que, dans l'opérationnalisation de la loi, on soit bien en
mesure de rencontrer les objectifs. J'aimerais ça, puis c'est peut-être une
question un peu académique, là, mais écouter votre opinion sur... parce qu'on
parle de transparence corporative, hein? Puis souvent, en matière de droit, il
faut trouver un équilibre entre un droit personnel puis un droit collectif,
quand on est en entreprise, entre le droit de gestion de l'entreprise puis la
liberté du travailleur. Ici, c'est la vie privée et la transparence
corporative, dans la mesure où, évidemment, ça protège le public, parce que c'est ça, ultimement, que nous
souhaitons faire avec ce projet de loi là. Qu'est-ce que vous auriez à
nous dire sur comment bien atteindre cet équilibre-là entre la protection de la
vie privée et la transparence corporative?
Mme Cornut St-Pierre (Pascale) :
Oui. Donc, dans mon mémoire, je proposais d'enlever l'irritant majeur et j'ai
pu voir, dans les autres mémoires qui avaient été déposés, là, l'an dernier,
que c'était en effet l'irritant que tout le monde mentionnait, c'est la
question de la résidence personnelle. Et ça, je pense que tout le monde peut
comprendre que ce n'est pas agréable de savoir que n'importe qui qui fait une
recherche sur nous peut trouver notre adresse de résidence personnelle, peut...
Avec les outils aujourd'hui, là, Google Maps, et tout ça, là, on peut aller
voir visuellement où vous habitez, et tout ça. Donc, ça, je pense, quand on
essaie de faire une mise en balance, là, de... ça, c'est l'irritant majeur. Je
vous proposais de l'enlever et je crois que vous avez, dans le projet de loi,
intégré ça. Et donc moi, je pense qu'on atteint un meilleur équilibre comme ça.
Pour le
reste, il y a quand même l'idée, qui est très ancienne, qui dit : Mais, si
on prétend bénéficier d'une forme de
responsabilité limitée, qui est un truc un peu exorbitant du droit commun...
Donc, normalement, on est responsable de nos actes. Si on s'endette, on va devoir payer nos créanciers, et tout
ça. Là, les entités juridiques, en particulier la société par actions,
nous permettent d'avoir une forme de responsabilité limitée, et ça,
historiquement, c'est venu aussi avec une exigence de publicité, en
disant : Mais il nous faut certaines garanties pour contrebalancer ça. Et
donc je pense qu'il y a ce principe-là que, oui, en se lançant dans la vie des
affaires, on se résigne à perdre un peu de vie privée.
M. Boulet : Eh que je suis
d'accord avec ça!
Mme Cornut St-Pierre (Pascale) :
Voilà. Donc, c'est...
M. Boulet : Non, mais je suis
en train de me dire : J'adhère complètement à votre propos. Il y a comme
une renonciation implicite à la protection de certains renseignements pour le
bénéfice de la protection du public puis pour permettre aussi à une société de
lutter contre l'évasion, la fraude, la corruption et autres phénomènes qui nous
préoccupent par ce projet de loi là. Écoutez...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
M. le ministre, oui, il reste 50 secondes.
M. Boulet :
Donc, simplement, Mme la professeure Cornut St-Pierre, j'ai bien apprécié
votre mémoire, la qualité de votre présentation puis votre propos, puis je suis
content d'avoir eu cette opportunité-là de converser avec vous, et au plaisir
de vous revoir bientôt. Merci.
Mme Cornut St-Pierre (Pascale) :
C'est moi qui vous remercie. Merci.
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Merci pour l'échange. Nous
poursuivons maintenant avec le député de Nelligan. Vous disposez de
11 minutes.
M. Derraji : Merci, Mme la
Présidente. S'il vous plaît, m'arrêter à la cinquième minute parce que mon
collègue le député de Robert-Baldwin a des questions.
Professeure,
merci beaucoup pour votre présence, la qualité de votre mémoire. On voit que
vous êtes vraiment une personne dédiée à cette cause. Et j'ai bien lu votre
document Usages et finalités des registres d'entreprises à l'ère
numérique : de l'efficience économique à la surveillance citoyenne des
entreprises. Merci beaucoup. C'est un document que je vais le garder, parce
que vous savez quoi? J'ai vraiment aimé votre angle : la surveillance
citoyenne des entreprises. Et, si j'ai bien compris, pour vous, une démarche
d'ouverture, bien, ça inclut aussi la société civile. Vous évoquez, dans votre
lettre que vous avez adressée aux membres de notre commission, le rôle des
banques. Et, si on veut combattre ce fléau, de blanchiment ou autre, bien,
c'est un combat pas uniquement d'une personne mais de toute une société :
société civile, journalistes, banques, gouvernements, tous les intervenants. Et
c'est là où j'aimerais vraiment que vous nous partagiez un peu les outils qu'on
peut mettre.
J'ai deux questions. La première question, ça
concerne les ressources nécessaires, j'ai des inquiétudes, le rôle du Registraire
des entreprises. Premièrement, vous dites, vous mentionnez l'importance pour le
registraire de «compter sur un personnel qualifié disposant des ressources
nécessaires pour identifier les bénéficiaires ultimes d'entreprises aux
structures juridiques parfois excessivement complexes».
Donc,
comment, en tant que législateurs, aujourd'hui, peut-on nous assurer que les
ressources nécessaires sont disponibles?
Un, définir les ressources nécessaires. Et, selon vous, est-ce qu'avec l'adoption
du projet de loi le Registraire des entreprises et les gens
qui sont... sont habiles et ils ont l'ensemble des moyens de bien remplir leur
mandat?
Mme Cornut St-Pierre (Pascale) :
Donc, le projet de loi, en ce moment, donne au... Qu'est-ce qu'on dit, là? Le
registraire va avoir les pouvoirs de prendre des moyens raisonnables pour
s'assurer de la fiabilité des renseignements qu'on lui soumet. Et donc, ça,
c'est très vague. Je ne sais pas si on veut un niveau beaucoup plus détaillé
dans la loi elle-même. Donc, c'est un peu comme les critères de recherche. Des
fois, pour garder une loi simple, pour lui permettre d'évoluer en fonction de
la pratique, on ne veut pas forcément mettre tous les détails dans la loi. Mais
je peux vous dire un peu qu'est-ce que j'envisagerais ou qu'est-ce que d'autres
organismes envisagent en termes de moyens à
mettre en oeuvre pour assurer une fiabilité raisonnable des renseignements qui
apparaissent au registre.
Bien, tout d'abord, je pense que ça prend une
vérification d'identité assez systématique, là, des individus qui sont
mentionnés au registre. Et ça, d'un certain point de vue, c'est étonnant que ce
ne soit pas déjà exigé, parce que, dans tout le secteur financier, par exemple,
on oblige les institutions à faire cette vérification-là. Dans toutes les
règles antiblanchiment d'argent, on force les acteurs du secteur privé à mettre
en place ces mesures de vérification là que le gouvernement, jusqu'à maintenant,
ne s'est pas imposées à lui-même, mais donc on comprend mal cette
incohérence-là entre ce qu'on impose à des institutions financières et ce qu'on
fait au Registraire des entreprises.
Et donc, ça, ça pourrait être assez simple à
mettre en oeuvre. Je pense à... Bon, un exemple qu'on peut prendre en tête, là,
si on voyage et qu'on loue une chambre Airbnb à l'étranger, pour faire ça,
Airbnb va nous demander, à un moment, d'avoir une copie de notre passeport pour
s'assurer qu'on est bien la personne qu'on prétend être. Et donc, si une
entreprise comme ça est capable de le mettre en oeuvre, c'est assez simple, en
fait, comme utilisateur aussi à fournir comme preuve. Je ne vois pas pourquoi
le registraire ne le ferait pas.
M. Derraji : Oui, et vous avez très
bien expliqué le tout avec, vraiment, éloquence. c'est que vous dites que...
vous mentionnez qu'il s'agit d'une avancée, mais vous invitez le gouvernement à
aller plus loin.
Il y a un autre point qui m'a interpelé :
«J'aimerais toutefois encourager le gouvernement à aller plus loin sur cette
voie, en donnant accès au registre des entreprises du Québec sous forme de
données ouvertes, c'est-à-dire de données numériques lisibles par ordinateur et
susceptibles d'être utilisées et rediffusées sans restriction.» Bon, vous
suivez nos travaux. L'utilisation des données ouvertes, vous savez les
problèmes liés aux données. J'en suis sûr et certain, plusieurs collègues vont
vous poser des questions. Bon, comment, un, s'assurer de la bonne diffusion de
l'information, deux, la protection de l'information?
• (13 heures) •
Mme Cornut St-Pierre (Pascale) :
Donc, le format ouvert qu'on pourrait envisager... parce que, selon le projet
de loi actuel, il y aurait des données consultables et des données non
consultables. Donc, le format de données ouvertes qu'on pourrait mettre à
disposition du public serait évidemment composé des données consultables. Donc,
l'idée serait qu'on ne puisse pas aller au-delà de ce qui peut être consulté
publiquement dans le registre.
Mais donc c'est qu'il
y a déjà des modèles qui existent, là. Donc, dans mon article, là, je parlais
de l'ONG OpenCorporates. Donc, si vous allez sur leur site, vous voyez un
exemple de... Vraiment, c'est un outil de recherche qui fait un croisement
entre toutes les données... tous les registres existants qui permettent
l'utilisation de leurs données, si bien qu'on est capable, d'une simple
recherche, de voir, par exemple, qu'une entreprise transnationale comme, on pourrait... Bombardier, par exemple, bien, a des
entités au Québec mais en a aussi en France, dans d'autres pays, et tout ça, et
là on est capable de voir un peu un portrait mondial de l'entreprise. Donc,
c'est à ça que ça sert, les données ouvertes, donc cette capacité-là de
beaucoup plus systématiquement faire des outils informatiques, créer les liens
entre les registres.
C'est ce qui permet
aussi... Donc, il y a des chercheurs au Royaume-Uni... Le Royaume-Uni offre le
registre en données ouvertes. C'est ce qui permet aux chercheurs de constater
plein de lacunes au niveau de la fiabilité des données, par exemple qu'il y a
beaucoup d'utilisateurs qui seraient nés à des années qui n'ont aucun sens, là,
qui auraient maintenant 200 ans ou 150 ans, ou encore des enfants de
deux ans qui sont propriétaires de cinq sociétés par actions. Donc, ça permet de faire ces recherches fines là que le
registre lui-même ne permet pas toujours de faire facilement.
M. Derraji :
Merci, professeure, mais je pense, mon collègue... Je pense que j'ai épuisé mes
cinq minutes. Mon collègue va poursuivre avec vous. Merci encore une fois,
professeure.
Mme Cornut St-Pierre
(Pascale) : Merci.
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Alors, nous donnons la parole au député de Robert-Baldwin.
Vous disposez de 4 min 50 s.
M. Leitão :
Très bien, merci beaucoup. Alors, bonjour. Bonjour, madame. Merci d'être là.
Très intéressant, votre travail, votre présentation, votre papier.
La question que
j'avais a déjà été abordée avant, de 25 %. Je pense qu'on parlera de ça
quand le moment arrivera pour faire l'étude détaillée du projet de loi, mais je
pense qu'il y a là lieu à amélioration, même si je comprends tous les enjeux
d'harmonisation.
Mais là où j'ai
trouvé très intéressant, c'est quand vous parlez de contrôle versus qui en
bénéficie vraiment. Et ça, je pense que ça serait très utile si on pouvait y
aller de façon un peu plus précise. Parce que des fois vous pouvez peut-être,
sur papier, être en contrôle de l'entreprise mais peut-être ne pas
nécessairement être la personne qui, ultimement, va bénéficier monétairement de
cette entreprise-là. Alors, comment est-ce que vous voyez ça? Qu'est-ce qu'on
pourrait ajouter sans trop alourdir aussi le processus d'enregistrement mais
qu'on puisse aller chercher aussi pas seulement celui qui contrôle mais celui
qui bénéficie vraiment de l'entreprise?
Mme Cornut St-Pierre (Pascale) : Oui. Donc là, vous me demandez un exercice que je
n'ai pas fait, donc une espèce de
libellé comme ça, là. Je ne suis pas légiste, donc vous me prenez un peu au
dépourvu, mais on pourrait imaginer...
M. Leitão :
De façon générale.
Mme Cornut St-Pierre
(Pascale) : Donc, je prends le paragraphe 3°, là, la personne qui
exerce le contrôle de fait de l'entreprise. Donc, on pourrait imaginer un
critère similaire, aussi large mais qui... la personne qui, de fait, reçoit 25 % des bénéfices de l'entreprise,
par exemple. Et là peut-être ne pas chiffrer, peut-être dire : une part
importante des bénéfices.
Bon, là, les gens
n'aimeront pas ça parce que c'est très vague, mais donc de vraiment se référer
plutôt à la réception de bénéfices. Puis on pourrait compléter avec, par
exemple, le paragraphe 4° qui parle du commandité d'une société en
commandite, bien, on pourrait mentionner également le commanditaire qui reçoit,
par exemple, 25 % et plus des profits.
On pourrait... (panne
de son) ...fiducies, parce que les fiducies ici ne sont pas nommément
mentionnées, et mentionner que, dans le cas d'une fiducie, en fait, on veut et
l'administrateur de la fiducie et le bénéficiaire. Donc, ce serait une façon vraiment, bien, juste d'insister
que ce n'est pas une simple question de contrôle, parce que tous les
critères, en fait, renvoient à la capacité
de contrôler, de prendre des décisions au nom d'une entité juridique, d'une
société ou d'une autre forme d'entité juridique. Donc là, l'idée serait
vraiment de dire : Mais c'est aussi la capacité de tirer profit...
M. Leitão :
Très bien.
Mme Cornut
St-Pierre (Pascale) : On veut avoir un «ou», oui, un ou l'autre.
M. Leitão :
Oui, très bien, et je pense que cette question des fiducies aussi, je pense que
c'est extrêmement important, parce qu'on peut faire toutes ces démarches-là, et
puis, à la fin, bon, c'est une fiducie, mais qui contrôle ou qui bénéficie de
la fiducie, ça, ça devient un problème.
Une chose que vous
avez mentionnée aussi, je trouve que ça serait intéressant, c'est de trouver un
moyen pour que le registraire puisse bénéficier ou consulter les autres sources
d'information qui existent déjà, que ce soit à l'intérieur de l'État, Revenu Québec, par exemple, où il y a déjà
beaucoup d'informations, ou les institutions financières.
Maintenant, il y a
toutes sortes de questions qui se poseraient, de protection des données
personnelles, etc., mais moi, je pense que c'est possible. Est-ce que vous avez
vu ça ailleurs, où un organisme qui semble au registraire peut avoir accès aux
données du fisc, par exemple, ou consulter le fisc?
Mme Cornut St-Pierre (Pascale) :
Oui. Donc, ce à quoi je pense quand vous me posez la question, c'est un rapport
de Tax Justice Network sur comment vérifier ou assurer la fiabilité des données
d'un registre d'entreprises. Donc, le rapport ne parlait
pas spécifiquement, là, des ententes entre parties du gouvernement mais
insistait plutôt sur les mesures informatiques, notamment d'intelligence
artificielle, le big data, à mettre en oeuvre. Donc, une première étape, c'est
de vérifier la fiabilité des données qui entrent, là. Donc, on a parlé de
vérification de l'entité.
La deuxième étape, c'est de systématiquement
croiser les données puis de développer des critères d'identification du risque,
ce que font déjà les institutions financières, en fait, là, donc une sorte de
«screening», là, puis on se rend compte qu'il y a des motifs récurrents liés à
des activités frauduleuses ou de blanchiment d'argent, et d'être capable, une
fois qu'on a identifié ces patterns-là, de les identifier ailleurs, donc des
choses qui ne semblaient pas a priori louches mais qu'on se rend compte :
O.K., il y a les mêmes genres de choses qui se passent, donc on va examiner ça
de plus près. Et donc, là, il y avait vraiment une insistance sur les capacités
informatiques qui devaient être développées par le registraire pour être
capable d'avoir automatiquement, là, un petit drapeau rouge qui se lève en
disant : Oups! Cette déclaration-là a plusieurs éléments qui nous
permettent de croire qu'il faudrait enquêter un peu plus profondément.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci
pour l'échange. Merci. Alors, nous poursuivons maintenant avec le député de
Rosemont. Vous disposez de 2 minutes 45 secondes.
M. Marissal : Merci, Mme la
Présidente. Ne partez pas le chrono tout de suite. Avec le consentement de mes
collègues, est-ce que je peux récupérer le temps de ma collègue de la troisième
opposition, qui semble nous avoir quittés?
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Écoutez, j'ai déjà donné une minute au parti avant vous.
• (13 h 10) •
M. Marissal : Alors, il m'en reste
une.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
J'allais vous l'accorder de toute façon. Allez-y.
M. Marissal : Les grands esprits se
rencontrent. Merci, Mme la Présidente. Mme Cornut St-Pierre, merci d'être là. J'ai beaucoup apprécié votre
présentation, votre mémoire. C'est clair, ça va droit au but. Vous savez peut-être
ce que je faisais dans la vie avant, alors, comme journaliste, je ne peux
qu'être d'accord avec la transparence et la plus grande des transparences. Je
veux dire, pour moi, ce n'est pas quelque chose qu'on devrait négocier.
Et j'ai bien noté toutes les exclamations
enthousiastes du ministre à chacune de vos propositions. Il y a un astérisque à
côté de chacune de celles-ci. Et suivra vraisemblablement des amendements,
même, puisque le ministre a exprimé une ouverture vraiment très intéressante à
vos propositions, et j'en prends bonne note. Je suis sûr que mes collègues sont
à la même place que moi là-dessus.
Rapidement,
parce que je ne vais quand même pas brûler tout le temps que je viens de
gagner, pouvez-vous nous parler un
peu de ce qui est arrivé au Luxembourg, où vous avez parlé d'un fiasco assez
total, me semble-t-il? Je vous écoute.
Mme Cornut St-Pierre (Pascale) :
Oui. Donc, vraiment, la semaine dernière, là, je pense qu'il y a une série
d'articles qui ont été publiés à partir du 8 février, donc c'est dans la
série des différents «leaks» ou les différents scandales, là, liés à des fuites
de données. Donc là, celui-là, ils l'ont appelé OpenLux. Et donc c'est vraiment
une enquête sur les registres de bénéficiaires ultimes et, en partie, celui du
Luxembourg, pour se rendre compte que, dans toutes les entreprises qui sont
enregistrées au Luxembourg, il y en a à peu près 50 % qui respectent leurs
obligations en vertu de la loi mais qui ne déclarent aucun bénéficiaire ultime.
Et donc c'est qu'on voit, depuis l'entrée en
vigueur de ces normes-là sur les bénéficiaires ultimes... Je crois qu'on a identifié un peu le même phénomène en
Grande-Bretagne. Il y a une capacité des entreprises qui ne souhaitent
pas divulguer l'information de se restructurer légèrement de façon à contourner
les seuils qui sont mis en place.
Et donc ça, c'est tout le problème, en fait, des
seuils. Un seuil chiffré, c'est à la fois quelque chose qu'on aime parce que
c'est clair. Les gens n'ont pas besoin d'engager, par exemple, un juriste qui
va leur faire un long mémo sur, bien, qu'est-ce que ça signifie, ce critère-là.
Donc, c'est simple, mais c'est aussi un peu une recette pour contourner le
seuil. Donc, à partir du moment où on a quelque chose de très clairement
délimité, on peut se positionner juste à côté puis là on n'est plus inquiété.
Et donc c'est cet équilibre-là qui est délicat.
Je sais que les organismes les plus actifs, là,
par exemple Tax Justice Network, eux proposent, finalement, de ne pas avoir de
seuil, de dire : Le seuil, en fait, c'est : dès qu'il y a une action,
vous êtes un bénéficiaire ultime. Ça, c'est la seule chose qui nous garantit
qu'on ne pourra pas contourner ça, mais, bon, après ça, ça peut être... ça
finit par faire beaucoup de gens qui vont être concernés par ça. Et donc,
souvent, un compromis serait de dire : Bon, on commence par 10 %,
puis on voit comment ça va avec ça, puis, peu à peu, peut-être qu'on baisse le
seuil.
Déjà, 10 %... Bon, quelle est différence
entre 25 % et 10 %? Bien, 10 % devient techniquement plus
compliqué et plus coûteux à contourner. Ce n'est pas impossible, ce n'est
jamais impossible, mais il va falloir mettre en oeuvre des structures encore
plus complexes pour contourner le 10 %. Donc, on imagine qu'il y a moins
de cas où ça va valoir la peine de le faire, et donc moins de gens vont le
faire.
M. Marissal : Je comprends bien, je
comprends bien. Je vous arrête là-dessus, madame. Merci beaucoup de la
présentation. Je pense qu'on a pris des notes et des notes fort utiles pour la
suite des choses. Je vous remercie beaucoup.
Mme Cornut St-Pierre
(Pascale) : Bien, je vous remercie pour votre attention.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci. Merci, Mme Cornut St-Pierre. C'est tout pour le moment.
Merci pour votre grande contribution à l'avancement des travaux de la
commission.
Alors, écoutez, compte tenu de l'heure, nous
suspendons les travaux jusqu'à 15 h 30. Alors, merci.
(Suspension de la séance à 13 h 14)
(Reprise à 15 h 30)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Bonjour. Alors, bienvenue à la Commission de l'économie et du travail.
La commission est réunie virtuellement afin de
poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet
de loi n° 78, Loi visant principalement à améliorer la
transparence des entreprises.
Cet après-midi nous entendrons les groupes
suivants : la Chambre des notaires du Québec, le collectif Échec aux
paradis fiscaux et la Chambre des huissiers de justice du Québec.
Alors, nous accueillons immédiatement, dans un
premier temps, la Chambre des notaires du Québec. Je vous invite, Mme Potvin
et M. Amabili-Rivet, à bien vous présenter, à dire votre titre et ensuite
de commencer votre exposé. Vous savez que vous disposez de 10 minutes.
Alors, la parole est à vous.
Chambre des notaires du Québec (CNQ)
M. Amabili-Rivet (Raphaël) :
Bonjour. Donc, Raphaël Amabili-Rivet, notaire à la direction des Services
juridiques et Relations institutionnelles de la Chambre des notaires du Québec.
Mme Potvin
(Hélène) : Alors, bonjour.
Hélène Potvin, notaire, présidente de la Chambre des notaires du Québec.
Alors, Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes,
MM. les députés, au nom de la Chambre des notaires du Québec, je vous remercie
de votre invitation à cette consultation particulière portant sur le projet de
loi n° 78, Loi visant principalement à améliorer la
transparence des entreprises.
Nous tenons tout d'abord à dire que nous
appuyons et nous accueillons favorablement ce projet de loi. Il était nécessaire afin que le Québec emboîte le pas aux
autres provinces canadiennes et à certains pays de l'Union européenne en
matière de transparence des entreprises, notamment, dans le cadre de la lutte
contre le blanchiment d'argent.
Nous comprenons par la teneur du p.l. n° 78
que la vision du ministre est celle de la transparence absolue du registre des
entreprises au Québec. En effet, le projet de loi propose de rendre accessibles
au public les renseignements et les informations portant sur le bénéficiaire
ultime d'un assujetti. Selon nous, le fait d'opter pour cette solution
extrêmement forte en termes de la transparence entraîne plusieurs questions et
préoccupations qui ont été laissées sans réponse par le projet de loi. À cet
égard, je vais m'attarder, aujourd'hui, à vous présenter les principales
recommandations que nous avons proposées dans notre mémoire pour alimenter la
réflexion dans le cadre de l'étude du p.l. n° 78.
D'abord, nous croyons essentiel que le projet de
loi vienne préciser quels sont les effets et conséquences juridiques attendus
du régime des bénéficiaires ultimes. Il s'agit de notre recommandation 4
de notre mémoire. En effet, nous comprenons
que le régime proposé par le p.l. n° 78 vise en quelque sorte à intégrer
une vision fiscale du régime des
bénéficiaires ultimes et du contrôle de fait d'un assujetti au sein du registre
des entreprises au Québec. Il
y aura toutefois des conséquences juridiques qui
découleront du fait que ces informations plus fiscales soient rendues
accessibles au public et lui soient, du même coup, opposables en étant publiées
au registre des entreprises. On peut ainsi légitimement se demander quel sera l'impact
pour le public qui constatera, en consultant le registre des entreprises, que
la propriété effective et la propriété juridique d'un assujetti sont
différentes. Le bénéficiaire ultime d'un assujetti peut, en effet, n'avoir
aucun lien juridique avec ce dernier. Or, est-ce à dire que, si l'assujetti
commettait une faute contractuelle grave, le bénéficiaire ultime pourrait être
tenu responsable des actions de l'assujetti? Si oui, dans quelles
circonstances?
On comprend donc qu'il y a d'importantes zones
d'ombre sur l'application pratique des mesures proposées par le p.l. n° 78, d'autant plus qu'il faut se rappeler que, pour des raisons
qui peuvent être tout à fait légitimes, on peut souhaiter limiter l'accès à de
telles informations. Cela pourrait ainsi créer certains effets négatifs,
notamment, si on se met dans la peau
d'entrepreneur. Je vous partage deux exemples. Une personne physique, dont le
plan d'affaires est d'acquérir des participations dans des sociétés
concurrentes, ne sera plus en mesure d'assurer une certaine discrétion dans le
dévoilement des informations stratégiques car ces informations seront connues
de tous. La croissance de son entreprise pourrait être ainsi compromise. Autre
exemple, tous les proches d'une personne physique auront accès à des
informations sensibles quant à certains intérêts qu'elle possède dans une
entreprise, ce qui peut causer des conflits familiaux ou des difficultés
interpersonnelles importantes.
Pour illustrer à nouveau la
difficulté juridique d'application de ces mesures, prenons un dernier exemple
qui pourrait, cette fois, avoir des effets plus positifs quand on se met dans
la peau du public en général. On pense ici à la pratique des coquilles vides,
dans le domaine de la construction, pour laquelle le p.l. n° 78 n'apporte
pas plus de réponse. Comme le rappelait récemment l'émission Enquête, il
y aurait une pratique d'usage au Québec, dans le domaine de la construction,
qui consiste à créer des entités indépendantes ou coquilles corporatives pour
développer des projets domiciliaires. Ces coquilles
corporatives disparaissent aussitôt que le projet immobilier est complété. Ce
stratagème, par ailleurs tout à fait légal, amène plusieurs interrogations
lorsque l'acheteur se retrouve sans recours devant une telle entité vidée
complètement de son capital et incapable d'assumer ses responsabilités.
En rendant les informations du
bénéficiaire ultime accessibles au public, le p.l. n° 78 ouvre la
porte à ce qu'un acheteur ait un recours direct contre le bénéficiaire ultime de
cette coquille vide. Cela pourrait donc être une avancée majeure pour la
protection du public. Cela dit, comme ce genre de situation est complexe et
n'est pas spécifiquement encadré par le projet de loi, des questions demeurent.
Il serait intéressant que le p.l. n° 78 s'y penche.
En résumé à cette recommandation principale, nous croyons que le p.l. n° 78 doit être adapté afin qu'on puisse mesurer clairement
les effets juridiques attendus quant à l'opposabilité aux tiers des
renseignements et des informations concernant le bénéficiaire ultime d'un
assujetti.
Je souhaite maintenant vous entretenir de
l'importance du règlement d'application. On note que des éléments essentiels ne
sont pas traités au sein du p.l. n° 78. Ces éléments
devraient donc apparaître éventuellement au sein d'un règlement d'application.
Nous aurions souhaité que les dispositions de ce règlement d'application se
retrouvent au sein du p.l. n° 78. D'autant plus que
le projet de loi modifie déjà certaines dispositions du Règlement d'application
de la loi sur la publicité légale. Pourquoi ne pas les avoir intégrées au p.l. n° 78, donc, les éléments qui doivent se retrouver au sein
du règlement?
Plusieurs questions d'application pratique
découlent de cette absence de règlement d'application. Les recommandations 1
à 3 de notre mémoire traitent d'ailleurs de ces questions et amènent certaines
pistes de solution pour y répondre. D'abord,
la question des fiducies doit être traitée et précisée. À l'heure actuelle, il
manque d'éléments au sein de la loi pour être en mesure de déterminer
spécifiquement quels types de fiducies à caractère commercial ont réellement
l'obligation de s'immatriculer au sens de la loi. Le p.l. n° 78
devrait répondre à cette imprécision.
De plus, il serait essentiel de prévoir, dans le
règlement d'application, les conditions permettant de déterminer, en toutes
circonstances, le bénéficiaire ultime d'une telle fiducie. On le sait, et nous
l'avons soulevé à plusieurs occasions, la pratique tend à démontrer qu'il peut
être particulièrement complexe de déterminer le bénéficiaire d'une fiducie.
Nous pourrons y revenir dans le cadre de l'échange des questions si vous le
souhaitez.
Une autre question fondamentale à laquelle nous
sommes confrontés est celle de savoir ce que le législateur entend par
l'expression «contrôle de fait». Cette notion est étrangère au droit québécois,
mais est pourtant au coeur du p.l. n° 78 et du régime
du bénéficiaire ultime. Il serait ainsi tout indiqué de définir clairement
cette expression afin qu'elle puisse être bien comprise par le public et par
les juristes qui doivent conseiller et guider leurs clients.
Enfin, une autre question fondamentale pour le
public : quelle mesure concrète le législateur entend-il mettre en oeuvre
afin de protéger les renseignements personnels qui apparaîtront désormais au
registre des entreprises? Nous comprenons que le registre comportera désormais
davantage de renseignements sur l'assujetti, mais aussi sur les personnes
physiques qui y gravitent, comme leurs noms, domiciles et dates de naissance.
Ces informations sont sensibles et doivent être protégées afin d'éviter
qu'elles soient utilisées de façon à porter atteinte à la personne qui en est
titulaire. Il sera donc important de répondre à cet enjeu afin qu'il y ait un
équilibre entre la transparence des entreprises et la protection des
renseignements personnels.
En terminant, nous comprenons que le p.l.
n° 78 permet de replacer le Québec sur l'échiquier international à titre
de juridiction complètement transparente à l'égard de son registre des
entreprises. Si cela amène de nombreux avantages, vous remarquerez que les
inconvénients et répercussions négatives semblent tout aussi présents. En fait,
après l'analyse du p.l. n° 78, nous restons avec beaucoup de questions qui
sont laissées sans réponse. Il demeure essentiel que le législateur les étudie
sérieusement et y apporte les précisions que le public est en droit d'attendre.
Nous sommes, bien sûr, disponibles pour apporter tout complément d'information
dans le cadre des échanges avec les membres de la commission. Et soyez
d'ailleurs assuré, M. le ministre, de toute notre collaboration pour la suite
de ce dossier. Alors, je vous remercie de votre attention.
• (15 h 40) •
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci, Mme Potvin, pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter la
période de questions. M. le ministre, la parole est à vous. Vous disposez de
16 min 30 s.
M. Boulet : ...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Votre micro.
M. Boulet : Merci, Mme la
Présidente. Merci à la Chambre des notaires. Me Rivet, Me Potvin,
bienvenue à notre commission parlementaire. Félicitations pour la qualité du
mémoire puis la concision de vos recommandations.
Évidemment, ayant bénéficié d'une formation en
droit, je comprends bien le concept d'opposabilité aux tiers, là, même si on
veut rentrer dans des nuances, là, quand même assez fondamentales. Mais
clarifier les effets juridiques de l'opposabilité aux tiers, évidemment, il y a
beaucoup de paramètres déjà établis par les décisions des tribunaux au Québec.
Mais quand vous référiez aux trois exemples, c'est sûr que le troisième
exemple, il est souvent utilisé. Bon, on en a parlé dans les médias, à
Radio-Canada, l'entrepreneur qui se sert d'une coquille vide puis... Ça, c'est
certainement un avantage marqué que le projet de loi n° 78 va conférer au
public québécois, leur permettant de détecter ou de démasquer la personne qui
est derrière ce que vous appelez la coquille vide, là, ou la société-écran. Et
donc il y aurait un recours potentiel contre le bénéficiaire ultime.
C'est sûr qu'il y a des exemples, cependant,
dont il faut tenir compte, là. Vous parliez de quelqu'un qui acquiert, par
exemple, 5 %... bien, 28 %
du capital-actions d'une entreprise puis qui le fait dans un contexte
d'expansion. Ce que vous considérez, c'est que ça peut
avoir pour effet de révéler ses plans de croissance, et ça, ça serait un effet
indésirable de la mise en application de tout le volet transparence corporative
du p.l. n° 78. Mais évidemment le seuil à 25 % limite
considérablement l'incidence de l'exemple que vous avez soulevé. Est-ce que
vous comprenez mon point? Est-ce que vous auriez un commentaire,
Me Potvin, à faire sur cet exemple-là?
Mme Potvin (Hélène) : Oui, je
comprends. À savoir est-ce que ça aurait une incidence, je ne suis pas en
mesure... Les exemples que l'on a pris, c'était pour essayer d'illustrer les
conséquences qui découlent, justement, de cette
transparence-là. Donc, il peut y avoir des conséquences stratégiques, des
conséquences de croissance d'entreprise. Donc, de les mesurer... Alors, c'est ce qu'on essayait d'apporter par
ces exemples-là. Et à savoir si le pourcentage peut avoir une incidence sur les conséquences, bien, on
a déjà fait des travaux là-dessus. Peut-être Raphaël peut compléter.
M. Amabili-Rivet
(Raphaël) : Oui, en fait, on
a entendu les autres intervenants ce matin qui s'interrogeaient. Est-ce
qu'on devrait aller vers le 10 %, vers le 25 %? On n'a pas été
jusqu'à traiter de cet élément-là spécifiquement dans notre mémoire pour la
simple et bonne raison qu'on voyait très bien que c'était pour s'arrimer au
régime fédéral. La question qu'on se pose, à
brûle-pourpoint, là, sur la vision ou la volonté de diminuer à 10 %, on
s'interroge si ça ne pouvait pas mener à une forme d'exode des sociétés par
actions qui sont incorporées sur les lois provinciales vers le régime fédéral
qui pourrait être plus souple. Donc, je pense, ça, c'est un élément sur lequel
réfléchir.
M. Boulet : Ah! Me Rivet,
puis je le comprends... puis il y a un groupe qui va venir demain, qui va nous
dire : Le projet de loi peut avoir cette répercussion-là, là, de provoquer
un certain exode, là, des entreprises qui vont éviter de venir faire affaire au
Québec en raison de l'obligation de divulguer l'identité des bénéficiaires
ultimes, mais il y a un prix à payer pour la transparence. Puis le but
fondamental de ce projet de loi là, c'est de protéger la population et de
permettre de démasquer les personnes qui se servent notamment des
sociétés-écrans pour faire de l'évasion fiscale.
Je l'ai dit ce matin, selon les estimations de
Revenu Québec, c'est à peu près 3,8 milliards que, comme société, nous
échappons en raison de stratagèmes divers. Moi, je pense qu'il y a un prix à
payer. Puis l'exemple, Me Potvin, je le comprends, là, croissance de son entreprise,
mais le risque est tellement faible. Puis, à un moment donné, il faut faire la
balance des inconvénients. Puis je pense que l'opacité nous coûte beaucoup plus
cher que la transparence, et c'est l'avenue que nous souhaitons emprunter.
L'autre exemple que vous utilisiez, c'est les conflits familiaux. J'aurais à
peu près les mêmes observations, là, même si je ne veux pas aller dans ce
détail-là.
Avant d'aller à vos autres points soulevés, dans
votre mémoire, vous dites, bon, ça serait peut-être intéressant de préciser ce
qui peut, à l'égard des assujettis, être un renseignement personnel qui peut
constituer une menace sérieuse à leur sécurité. Je voulais juste vous informer
que l'article 100, tel que libellé, permet à une personne assujettie, parce
que votre mémoire faisait comme nous laisser croire que ce n'était pas possible
de le faire, mais un assujetti peut faire une demande, en vertu de l'article 100
de la Loi sur la publicité légale des entreprises, au registraire en
disant : Je ne veux pas que tel renseignement soit accessible au public parce
que pouvant constituer une menace sérieuse à ma sécurité. Puis tout à l'heure
on me confirmait qu'il y avait eu 55 cas de cette nature-là dans les deux
dernières années. Ça fait que je le dis, Me Potvin, parce que ça me permet
aussi de donner l'information à l'ensemble des personnes qui sont à notre commission
parlementaire.
La fiducie à caractère commercial, je comprends,
mais c'est beaucoup par opposition à la fiducie familiale. La fiducie familiale n'est pas soumise à la loi.
La fiducie à caractère commercial l'est. Je n'ai pas vérifié s'il y avait
eu des conflits ou des décisions de tribunaux pour tracer la ligne, mais j'ai
bien compris votre point. Ça ne nous apparaissait pas comme étant un enjeu parce
qu'il y avait clairement une opposition puis une ligne de démarcation entre les
deux.
Le règlement d'application, je vous avoue que,
dans une perspective de protection des renseignements personnels, il y en a qui
vont plaider que la protection des renseignements personnels est incompatible
avec l'adoption d'une loi de cette nature-là. Mais moi, à votre propos, est-ce
que ça ne devrait pas être dans la loi plutôt que le règlement, je suis assez
sensible à ça, parce que ce qui est clair, pour moi, c'est qu'une date de
naissance, ce n'est pas accessible. Une adresse personnelle, on ouvre une
option qui est intéressante. L'assujetti peut donner une adresse
professionnelle et, le cas échéant, protège son adresse personnelle. La
personne mineure, ce n'est pas un renseignement accessible. La personne dont un
des renseignements, on vient d'en parler, peut constituer une menace à sa sécurité, il y a un certain nombre de
renseignements personnels puis, pour fins de meilleure compréhension,
bien, on va certainement en discuter avec nos collègues, là, lors de l'étude
détaillée, article par article, pour bien identifier les paramètres, là, de ce
que constitue un renseignement personnel. Puis j'apprécie cette précision-là
que vous apportez.
Un autre
point. Dans votre mémoire, vous dites corriger une coquille apparaissant
à 98, alinéa... paragraphe 15.
J'ai vérifié, puis il n'y en a pas de coquille. Vous allez voir que, quand on
dit de remplacer, c'est parce qu'à l'article 15, on disait remplacer, partout où ils se trouvent,
«les nom et domicile» par «nom, domicile et date de naissance». À 98,
15°, ce n'était pas «nom et domicile», il y avait une virgule entre «nom» et
«domicile». Donc, on n'a pas changé. Il ne fallait
pas le changer parce que ce n'était pas tout à fait le même libellé. Je voulais
juste, Me Rivest puis Me Potvin, le préciser pour... puis, si jamais vous considérez qu'il y a d'autres
coquilles, bien, je sais que vous n'hésiterez pas à le faire.
Contrôle de fait, Me Potvin, moi, je l'ai
vu dans la loi... bon, dans la loi fiscale, la Loi sur les impôts du Québec, je
pense, c'est... on me disait 21.25. On réfère à ce concept-là, de contrôle
de fait. Mais si je vous demandais de me définir les tenants et aboutissants de
ce qu'est un contrôle de fait, qu'est-ce que vous me diriez?
• (15 h 50) •
Mme Potvin (Hélène) : C'est une
question piège, que vous me posez, M. Boulet?
M. Boulet :
Non, c'est une question d'ami, Me Potvin, c'est une question de... Tu
sais, c'est parce que vous dites : On aurait peut-être intérêt à le
préciser. Évidemment, on a voulu définir le bénéficiaire ultime de la façon la
plus précise possible, mais on ne sera jamais complètement à l'abri des
problèmes d'interprétation ou d'application, mais vous êtes le deuxième groupe
à référer à cette notion-là. On s'est inspiré de lois en matière fiscale. Mais
est-ce que vous avez soit des exemples, ou soit un projet de définition, ou des
critères?
M. Amabili-Rivet
(Raphaël) : Si je peux me permettre, M. le ministre.
Mme Potvin
(Hélène) : Oui, Raphaël.
M. Amabili-Rivet
(Raphaël) : La vision de contrôle de fait, comme celle de bénéficiaire
ultime, c'est deux notions qui sont
introduites par le p.l. n° 78 ou reprises. On faisait bien référence, dans
notre mémoire, également à l'article 21.25 de la Loi sur les
impôts. Mais comme c'est des éléments qui sont au coeur de l'application du
projet de loi n° 78, notre prétention, c'est qu'elles doivent être bien
comprises et circonscrites...
M. Boulet :
Oui, je comprends.
M. Amabili-Rivet
(Raphaël) : ...pour le public, pour les entrepreneurs également. On
voit que c'est des notions qui puisent leur source dans une vision de «common
law», dans une vision fiscale. Et c'est surtout le fait que le contrôle de fait
réfère à des circonstances et des éléments factuels qui ne sont pas nécessairement
liés à un contrôle juridique de l'entité. Et c'est dans cette perspective-là,
sans amener une définition ou des critères précis, comme on réfère davantage à
des éléments circonstanciels, bien, on pense que ça devrait être bien compris
ou, si c'est vraiment un élément qui est au coeur du p.l. n° 78,
que ce soit bien décrit.
M. Boulet :
Je vous dirais, sur ce point-là aussi, je suis assez sensible, tu sais, parce
qu'il y a des personnes qui ne sont ni détenteurs ni bénéficiaires de quelque
action que ce soit dans le capital-actions et qui contrôlent, qui décident, qui
câlent les shots, là, comme on dit, ou qui, pour des raisons x, y ou z, là, ont
peut-être été déclarés coupables d'une infraction x, y ou z. Ils ne peuvent pas
être détenteurs d'actions ou, dans un contexte purement familial, il peut y
avoir quelqu'un qui contrôle le processus décisionnel de facto, comme les
tribunaux disent, sans détenir ou sans être bénéficiaire de quoi que ce soit.
On va certainement y
penser en équipe, là, avec nos collègues lors de l'étude détaillée. Mais moi,
j'ai en tête, là, des décisions de tribunaux qui délimitent bien les tenants et
aboutissants de ce qu'est un contrôle de fait. Je ne sentais pas nécessairement
le besoin d'alourdir le texte, mais je pense que ça peut être bénéfique. Mais
c'est sûr que, quand on met «contrôle de fait», c'est qu'on veut avoir une
définition de «bénéficiaire ultime» la plus englobante possible pour éviter que
trop de personnes se faufilent dans les craques et évitent qu'on ait à
divulguer leur identité auprès du Registraire des entreprises.
M. Amabili-Rivet
(Raphaël) : Je ne sais pas si vous me permettez, M. le ministre. Il y
avait un élément aussi, dans la documentation budgétaire, qui référait, quand
on parlait de contrôle de fait, à une influence directe ou indirecte, mais
voyez-vous... Mais, déjà là, on a un peu plus d'information dans la documentation
budgétaire sur l'intention derrière cette notion qu'il y en a dans le projet de
loi n° 78, selon notre compréhension à nous.
M. Boulet :
C'est un excellent commentaire, Me Rivet. Dernière affaire, vous dites :
Reconnaître le rôle pouvant être joué par le notaire afin d'assister le
registraire du REQ dans sa recherche d'information de qualité à l'égard notamment
du nouveau régime du bénéficiaire ultime. Si vous aviez une suggestion
maîtresse à nous faire, quelle serait-elle?
Mme Potvin
(Hélène) : Eh bien, le notaire accompagne ses clients. Alors, c'est
certain que le gouvernement pourrait compter sur l'apport des notaires pour
vérifier, parce qu'ils vérifient déjà l'identité, donc vérifier aussi la
qualité de bénéficiaire ultime, donc les définitions qui se retrouvent dans les
actes constitutifs de fiducies, par exemple.
Donc, il pourrait vraiment jouer un rôle de premier plan sur la qualité des
renseignements qui se retrouveront, là, au registre des entreprises.
M. Boulet :
O.K. C'est un bon point. O.K. Bien, écoutez, pour conclure, sachez que les
notaires sont et demeureront des partenaires privilégiés dans l'élargissement
du mandat qu'aura le registraire en vertu du p.l. n° 78.
Et je ne peux, encore une fois, que vous remercier. Puis si jamais on a des
précisions quant à certains points de votre mémoire, on aura peut-être des
communications dans l'avenir, mais bravo, beau travail puis merci d'être là.
Merci de votre mémoire. À bientôt.
Mme Potvin
(Hélène) : Merci beaucoup, M. le ministre. Merci.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Merci pour l'échange. Nous poursuivons
maintenant avec le député de Nelligan. Vous disposez de 11 minutes.
M. Derraji :
Merci, Mme la Présidente. Je dispose de la moitié de 11 minutes. N'oubliez
pas mon collègue de Robert-Baldwin, s'il vous plaît.
Merci pour la qualité du mémoire et les
recommandations, dans le même sens que le ministre. Au-delà du rôle que la
Chambre des notaires et des notaires en général, que vous pouvez jouer au
niveau... J'aimerais bien revenir sur le registre lui-même. Est-ce qu'en date
d'aujourd'hui vous pensez que le registre et les ressources humaines qui
existent au registre sont capables de livrer la marchandise? Donc, si c'est
oui, tant mieux, si c'est non, c'est quoi, les choses qu'on devrait améliorer
ou ajouter pour que le registre puisse jouer ce rôle que le législateur
s'apprête à lui donner avec le projet de loi n° 78?
M. Amabili-Rivet (Raphaël) : Si
je peux me...
Mme Potvin (Hélène) : Oui,
vas-y, Raphaël.
M. Amabili-Rivet (Raphaël) : Si
je peux me permettre de répondre, peut-être deux éléments là-dessus, en lien
avec une intervention que le ministre a faite un peu plus tôt. C'est qu'avec le
projet de loi n° 78 il y a une forme de changement de paradigme où, alors
qu'on visait strictement des assujettis, donc entreprises, on vient maintenant
élargir le spectre sur les personnes physiques qui gravitent autour de ces
entreprises-là. Donc, pour répondre à votre question, il faut évaluer si le
régime actuel, là, je parle plus au niveau des fondements, moins sur l'application
pratique, mais si le régime actuel est adapté à cette nouvelle réalité là
d'élargissement vers les personnes physiques qui gravitent autour des
assujettis.
Quand on parlait dans notre mémoire un peu plus
tôt de l'article 100 de la Loi sur la publicité légale des entreprises,
c'est un peu en ce sens-là qu'on faisait notre intervention pour la protection
des renseignements personnels qui peuvent apparaître au registre. Bien sûr,
l'assujetti peut faire une demande au registre des entreprises, mais, si c'est
une personne physique dont l'information apparaît au registre des entreprises,
devrait-elle, elle aussi, être en mesure de pouvoir s'adresser au registre des
entreprises pour faire un ajustement?
M. Derraji : Est-ce que, juste
pour le bénéfice de nous tous, c'est là où vous mentionnez que c'est une menace
sérieuse à la sécurité?
M. Amabili-Rivet (Raphaël) : C'est
ça. Cette expression-là est reprise dans la loi, mais on s'interroge si ça ne devrait pas être un critère un peu plus... «Menace sérieuse», c'est très,
très large. Est-ce qu'il ne devrait pas y avoir une vision un peu plus précise sur ce
qu'on entend ici?
M. Derraji : Mais qu'est-ce
que vous proposez? À votre niveau, si
c'est vous, là, maintenant, vous proposez quoi?
M. Amabili-Rivet (Raphaël) : Au
lieu d'une «menace sérieuse»?
M. Derraji : Oui.
M. Amabili-Rivet (Raphaël) :
Bien, en fait, c'est de voir jusqu'à quel niveau «menace sérieuse» permet de
répondre à la préoccupation de la protection des renseignements personnels.
M. Derraji : O.K., excellent. Tout
à l'heure, Me Potvin, vous avez évoqué quelque chose qui m'a un peu, je ne veux
pas utiliser le mot, mais je n'ai pas d'autre synonyme, choqué, «sociétés
concurrentes». Et je comprends qu'au niveau fusion-acquisition il y a de la
recherche, et ça, ça m'inquiète vraiment. Vous êtes la première à mentionner ce
point. Pouvez-vous juste le clarifier? Parce que je voulais saisir la menace
derrière. Et j'ai plein, plein, plein de contacts que c'est ça, leur vie, c'est
comme ça que... On veut avoir des entrepreneurs qui voient grand, hein, mais
vous êtes en train de nous dire que ça risque d'avoir un impact.
Mme Potvin (Hélène) : Bien, c'est-à-dire,
si on connaît le plan d'affaires, le plan d'affaires est mis à la vue de tous, bien, à ce moment-là, le plan stratégique, donc, qui peut être fait par des
acquisitions, des prises de participation minoritaire... parce que, vous
savez, dans certains créneaux, le nombre de joueurs est limité, le nombre
d'entreprises qui... Alors donc, ça peut être une façon de mettre la main sur
certaines entreprises. Donc, on acquiert des participations minoritaires, avec
des droits pour acheter des autres participations plus tard. Donc, le fait de
mettre... de dévoiler ces informations-là, donc, il peut y avoir aussi d'autres
entreprises qui viennent contrecarrer nos plans.
M. Derraji : Et je comprends.
Et j'ai plein, plein d'amis qui font la même chose, des prises de... et, en
fait, j'ai même vu qui passent de 20, à 30, à 75 employés, à 100 employés,
mais parfois ils veulent une place au niveau régional. Mais c'est quoi... à
part le risque d'affaires, mais c'est quoi le risque majeur que vous voyez? Est-ce
que c'est juste un risque d'affaires, que les cartes sont plus claires, ou il y
a un autre enjeu que vous voyez?
Mme Potvin (Hélène) : Bien, dans ce
cas-là, moi, je voyais plus des conséquences sur le développement de la
personne, le développement de l'entreprise, là. C'est ce qu'on essayait
d'illustrer dans : Est-ce qu'on a mesuré les conséquences? Donc, si on
veut protéger aussi nos entreprises, nos PME, bien, il faut être conscient que
ça, c'est un risque potentiel et est-ce qu'on les a
mesurés. Nous, c'est ce qu'on dit parce que le public... nous assurons la
protection du public et, le public, donc, il y a aussi des entreprises. Donc,
on se dit : Est-ce que ce risque-là a été mesuré? Et bon...
M. Derraji : Vous me... penser à
l'analyse d'impact réglementaire. Je ne sais pas, je pose la question, je ne
l'ai pas vu. Pour la première fois, je ne l'ai pas vu, mais je ne sais pas, M.
le ministre, si quelqu'un peut juste nous répondre, s'il y a une étude d'impact
réglementaire qui a été faite sur ce projet de loi ou pas. Ce n'est pas urgent,
là, mais on peut juste l'avoir par la suite.
Un autre point, parce que, je pense, mon collègue
va continuer aussi, en fait, vous êtes le deuxième groupe qui demande la
clarification de contrôle de fait, et vous, vous ciblez plus le public. Est-ce
que vous nous suggérez que, dans le projet de loi, qu'on donne une définition à
ces nouveaux concepts dans le but que ça soit beaucoup plus facile pour M., Mme
Tout-le-monde, mais surtout les entrepreneurs, de comprendre qu'est-ce que le
législateur veut dire par rapport à ces contrôles de fait et les autres points?
• (16 heures) •
M. Amabili-Rivet (Raphaël) :
Effectivement, que ce soit dans la loi ou, à tout le moins, dans le règlement
d'application. Mais, comme je le disais un peu plus tôt, puisqu'on est en
présence d'éléments circonstanciels, d'une influence, on veut cibler qu'est-ce
qu'on recherche directement. Et, à l'heure actuelle, on comprend que le seul
article de loi qui traite de cette notion est l'article 2125 de la Loi sur
les impôts et que c'est l'interprétation qu'on pourrait faire de l'expression
«contrôle de fait». Est-ce que c'est vraiment ce qui est recherché derrière le
p.l. n° 78? Donc, comme on reste avec certaines
questions, on se demande... ou on souligne l'importance que ça soit précisé.
M. Derraji : O.K. Merci beaucoup.
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, nous donnons maintenant la
parole au député de Robert-Baldwin. Vous avez 4 min 25 s.
M. Leitão : Très bien. Merci, Mme la
Présidente. Alors, bonjour. Mme Potvin, M. Rivet, bonjour... d'être
là.
Mme Potvin (Hélène) : Bonjour.
M. Leitão : Je vais essayer d'y
aller rapidement. Je dois vous dire que votre recommandation n° 4
m'a laissé un peu perplexe. N'étant pas juriste, n'étant pas avocat, j'ai un
peu de difficulté à saisir. Donc, vous nous soulevez un drapeau : Faites
attention aux effets juridiques de cette mesure.
C'est là où j'ai un peu de difficulté à
comprendre, si vous pourriez m'aider un peu, parce que le projet de loi dans
le... d'ailleurs, on le mentionne au tout début qu'il vise à contribuer aux
actions de prévention de la lutte contre l'évasion fiscale, le blanchiment
d'argent et la corruption. Donc, c'est ça, l'objectif. Alors, j'ai un peu de
difficulté à concilier ça avec les effets juridiques que vous mentionnez.
M. Amabili-Rivet (Raphaël) : En
fait, puis on appuie totalement et complètement les objectifs du projet de loi,
on le soulignait d'ailleurs initialement dans notre mémoire à quel point on
était heureux de voir un projet de loi qui vise encore à assurer la protection
du public. Mais la nouveauté ici, c'est un principe consacré, là, de séparation
des patrimoines où, quand on crée une société par actions et le constituant,
donc c'est deux patrimoines qui sont distincts. Habituellement, les personnes
qui gravitent autour de cette entité-là, c'est l'administrateur, les
actionnaires, le principal dirigeant, donc les classiques.
Avec le projet de loi n° 78, on se retrouve
à avoir un bénéficiaire ultime qui exerce un contrôle de fait, et c'est là la
difficulté, parce qu'on le disait un peu plus tôt, contrôle de fait, c'est des
éléments circonstanciels qui vont finir à lier une personne physique envers un
assujetti. Donc, la question qu'on se pose ici, si jamais il y avait une faute
de la part d'un assujetti, est-ce qu'un membre du public peut réellement avoir
un recours vers un bénéficiaire ultime pour lequel le seul lien qu'il y a
envers l'assujetti est un lien de fait?
Donc, c'est
cette nouveauté-là avec laquelle on n'est pas contre, évidemment, mais qu'on
croit qu'il faut baliser parce que
c'est quelque chose de nouveau, c'est en lien avec la séparation des
patrimoines, et on pense, effectivement, là, que mesurer les effets juridiques de cette nouveauté-là devrait être
pris en compte davantage par le projet
de loi n° 78.
M. Leitão : Très bien. Je pense que,
s'il y a lieu, on pourrait faire cela, et je pense que l'équipe du ministre, je
pense, ils prennent des notes et peut-être qu'on pourrait faire ça à l'étude
détaillée. Mais l'objectif ici, c'est vraiment de limiter les possibilités de
créer des coquilles vides, justement, de...
M. Amabili-Rivet (Raphaël) : Ah! de
bien comprendre ce qu'on recherche, en effet, parce que les coquilles vides,
c'est des situations qui sont complexes, ce n'est pas... c'est quelque chose
qui est courant dans l'industrie de la construction. Ce n'est pas toutes les
situations qui mènent à des problématiques, mais, quand il y a effectivement
des problématiques, comment réagir, comme membre du public, face à cette
situation-là?
M. Leitão : En effet, et d'ailleurs,
bon, on voit qu'au Canada il y a déjà plusieurs provinces qui ont légiféré dans
ce sens-là. Et d'ailleurs, tout ce processus s'insère dans un mouvement
multilatéral de contrôle de la corruption et de
blanchiment d'argent. En Colombie-Britannique, cela a été fait aussi,
d'ailleurs la première province, et eux, ce qu'ils avaient justement en tête,
c'était le marché de l'immobilier. Ils voulaient vraiment s'assurer qu'ils
avaient un meilleur contrôle sur qui
contrôle quoi dans l'investissement, dans la construction de condominiums, etc., la
propriété.
Une autre question qui a été soulevée en Colombie-Britannique,
et c'est là que je voudrais avoir votre opinion,
si le temps le permet encore, une question qui a été soulevée par l'Institut
C.D. Howe et d'autres aussi, mais surtout le C.D. Howe, c'était que les sanctions prévues au projet de loi semblaient être beaucoup trop... en Colombie-Britannique, semblaient être trop basses pour avoir un
effet dissuasif. Ce qu'on voit ici, c'est que les sanctions prévues ici aussi
semblent être relativement modestes. Quel est votre point de vue sur les
sanctions prévues au projet de loi?
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Rapidement, s'il vous plaît, parce qu'il ne reste plus de secondes.
M. Amabili-Rivet (Raphaël) : Bien,
en fait, ça n'a pas été visé par le projet de loi n° 78.
On était étonnés de le constater, mais on se demande si, encore là, comme le projet
de loi est recentré vers les personnes physiques, si les contraventions ne
devraient pas être non seulement sur l'assujetti, mais aussi sur les personnes
physiques. Et là je dis ça sous toute réserve, là, simplement pour la
discussion.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Parfait, je vous remercie.
M. Leitão : Très bien, merci. C'est
intéressant, oui. Tout à fait, merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci
pour l'échange. Nous poursuivons maintenant avec le député de Rosemont. Vous
disposez de 2 min 45 s.
M. Marissal : Merci, Mme la
Présidente. Me Potvin et Amabili-Rivet, bonjour. Merci d'être là. Je vais
abattre clairement mon jeu en partant. J'ai un problème d'ordre dichotomique
avec votre présentation, parce que vous dites d'emblée et dans les premières
phrases que vous êtes en faveur du projet de loi. Moi, je vous écoute depuis
tantôt puis je conclurais le contraire. Vous avez levé quand même quelques
drapeaux rouge, ma foi, très rouge. Qu'est-ce qui vous permet de dire que vous
êtes favorables à ce projet de loi, considérant l'exposé que vous venez nous
faire?
Mme Potvin (Hélène) : Bien, écoutez,
la transparence des entreprises s'inscrit dans une lutte au blanchiment
d'argent. Alors, c'est sûr que la chambre a initié plusieurs démarches,
participe à des groupes canadiens, participe à des travaux internationaux dans
ce but-là. Alors, c'est sûr que nous sommes pour. Il y a plusieurs effets qui
vont trouver... je pense qu'on a plusieurs questions qui vont trouver réponse
aussi dans le règlement d'application.
Donc, ce qu'on fait ici, c'est qu'on
sensibilise... on vous sensibilise sur le fait qu'on a des questions, mais une
fois que tout le projet sera étudié peut-être que nos réponses seront
répondues. Alors, c'est dans ce sens-là où on est quand même en lien avec...
notre rôle est vraiment de vous sensibiliser et donc d'ajouter peut-être
certains points, et puis nous on sera à l'aise, là, avec cette loi-là, là.
• (16 h 10) •
M. Marissal : On s'entend assurément
sur l'absence de règlements d'application, là. Je dirais même, sans partisanerie,
que ça devient une mauvaise habitude de ce gouvernement dans à peu près tous
les projets de loi, en tout cas, ceux que j'étudie et j'en étudie un certain
nombre, là. Le projet de loi n° 60, en ce moment, on a exactement le même
problème. On a eu le même problème avec un paquet de projets de loi. Je
comprends votre point là-dessus.
On avait une professeure, ce matin, de
l'Université d'Ottawa, qui nous disait : L'intérêt du public de connaître
les structures de contrôle des entreprises l'emporte sur les expectatives de
vie privée des individus qui choisissent d'être impliqués au sein
d'entreprises. Ce à quoi le ministre à répondu d'un tonitruant :
totalement. Vous, êtes-vous totalement d'accord avec ce que je viens de lire de
la professeure de l'Université d'Ottawa?
M. Amabili-Rivet (Raphaël) : Si je
peux me permettre, je pense que c'est... comme le dit la chanson : Tout
est une question d'équilibre. Et c'est en ce sens-là...
M. Marissal : C'est qui, ça?
M. Amabili-Rivet (Raphaël) : Je ne
me souviens plus, mais il me semble qu'il y a un titre de chanson comme ça. Je
pense que c'est Cabrel. Mais bref, donc, avec des réponses dans le règlement
d'application, avec des mesures qui viennent clairement distinguer qu'est-ce
qu'on vise, comment préserver les renseignements personnels, voyez-vous, dans
la documentation budgétaire, on disait que la date de naissance, c'était
seulement le mois et l'année de naissance qui allaient être rendus accessibles
au public.
Dans le projet de loi n° 78, on ne sait pas
qu'est-ce qui va réellement être rendu accessible au public et ce n'est
vraiment pas une critique, mais plutôt un commentaire pour essayer de voir
quelle intention est recherchée derrière le projet de loi n° 78.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, nous poursuivons maintenant l'échange avec la députée de Gaspé.
Vous disposez de deux minutes ou 2 minutes 45 secondes.
Mme Perry
Mélançon : Merci, Mme la Présidente. J'irais peut-être... Bien,
bonjour à vous deux. Dans les recommandations que vous nous avez formulées, là,
de façon plus sommaire dans le mémoire, j'aurais peut-être voulu vous entendre
sur le rôle que vous pourriez jouer, bon, la Chambre des notaires, est-ce que
vous seriez... parce qu'on a entendu ça de l'Ordre des comptables, par exemple,
qui est en faveur d'avoir peut-être des mécanismes plus... qu'on ait des vérifications plus systématiques, finalement, là,
de l'identité, et tout ça. Est-ce que, ça, ça fait partie de ce que vous
avez aussi comme recommandations? Puis comment on pourrait mieux faire ces
vérifications-là?
M. Amabili-Rivet (Raphaël) : Je
pense que le meilleur exemple, c'est la question de la fiducie qui a été peu
abordée dans notre exposé aujourd'hui. Dans le cas des fiducies
discrétionnaires, c'est toujours difficile de déterminer qui est le
bénéficiaire de cette fiducie-là. On est souvent en présence de descriptions.
Donc, on parle d'enfants à naître, on parle de quelqu'un qui détient une
certaine part d'actions, mais, bref, on n'identifie pas le nom du bénéficiaire
d'une fiducie.
Dans un cas comme celui-là, où c'est complexe de
déterminer qui est le bénéficiaire ultime d'une fiducie, c'est certain qu'un
conseiller juridique comme le notaire peut être en mesure de bien guider,
autant au moment de la constitution de l'entité juridique qu'est la fiducie,
autant au moment où il y a... le moment est venu de déclarer le bénéficiaire
ultime de cette fiducie-là au Registre des entreprises et, enfin, pour assurer
que cette information-là est maintenue à jour au sein du Registre des entreprises.
(Panne de son)
La Présidente (Mme IsaBelle) : Votre
micro, députée de Gaspé.
Mme Perry Mélançon : Oui,
excusez-moi. Je me demandais si j'avais le temps d'une deuxième question, Mme
la Présidente.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Allez-y, allez-y.
Mme Perry Mélançon : Quant à la
recommandation 4, quand vous dites de mesurer clairement les effets
juridiques attendus quant à l'opposabilité aux tiers des renseignements et
informations concernant le bénéficiaire ultime, est-ce que vous avez des
exemples d'indicateurs qu'on pourrait utiliser pour mesurer ces effets
juridiques?
M. Amabili-Rivet (Raphaël) : Je
pense que l'élément essentiel, c'est au niveau du contrôle de faits, où c'est
là une notion un peu plus subjective, qui revient à des circonstances, des
éléments de faits, et non des éléments juridiques. Et, dans cette mesure-là, je
pense que c'est peut-être un peu plus facile à mesurer cet élément-là, là.
Mme Perry Mélançon : Très bien.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Parfait, merci. Merci, Mme Potvin, merci, M. Amabili-Rivet, pour
votre contribution à la commission.
Alors, nous
suspendons quelques instants pour accueillir ou se préparer à accueillir le
prochain groupe. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 14)
(Reprise à 16 h 29)
La
Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, bonjour. Nous souhaitons donc maintenant la bienvenue aux représentants d'Échec aux paradis fiscaux. Nous donnons maintenant
la parole aux représentants. Tel que mentionné, je vous invite à bien vous présenter, à donner votre titre, et
ensuite vous pourrez poursuivre immédiatement avec votre exposé de 10
minutes. Alors, à vous la parole.
Échec aux paradis fiscaux
M. Ross (William) : Bonjour, Mme la
Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les députés. Je me présente, William
Ross, coordonnateur du collectif Échec aux paradis fiscaux. Je suis aujourd'hui
accompagné de Samuel-Élie Lesage, qui est conseiller syndical à la recherche et
à la main-d'oeuvre à la Centrale des syndicats démocratiques. Il est également
coauteur du mémoire que nous avons déposé à la commission. Je vous remercie de
l'invitation faite au collectif Échec aux paradis fiscaux dans le cadre des
consultations sur le projet de loi n° 78.
Le collectif Échec aux paradis fiscaux a été
fondé en 2010 et regroupe des organisations de la société civile québécoise, en représentant plus de
1,7 million de membres. Il a comme mandat de nourrir le débat public sur
le phénomène du recours aux paradis fiscaux ainsi que de formuler,
soutenir et diffuser des pistes de solution pour y mettre fin.
Dans le cadre de ma présentation, j'aborderai
d'abord les raisons pour lesquelles le collectif considère que le projet de loi
n° 78 constitue une avancée considérable en matière
de transparence corporative et de contribution aux actions de prévention et de
lutte contre l'évasion fiscale, le blanchiment d'argent et la corruption. Je
poursuivrai avec l'analyse de deux éléments du projet de
loi qui, selon nous, minent la capacité de réaliser pleinement ses propres
ambitions. Cette analyse sera accompagnée des solutions que nous proposons afin
d'assurer la pleine réussite de la réforme proposée.
• (16 h 30) •
Commençons par saluer le fait que le régime
proposé par le projet de loi n° 78 assujettira les
entreprises privées et les fiducies, qu'il révélera les pourcentages de
contrôle du ou des bénéficiaires ultimes et qu'il sera d'accès public et
gratuit. De manière générale, nous nous réjouissons de voir le gouvernement du
Québec aller de l'avant avec de nouveaux moyens de lutte contre la criminalité
corporative qui rendront publiques les informations permettant d'identifier les
bénéficiaires ultimes des entreprises assujetties.
Le collectif Échec aux paradis fiscaux tient
particulièrement à souligner l'importance de l'introduction de
l'article 0.1 dans la Loi sur la publicité légale des entreprises, dans
lequel il est mentionné que le REQ contribuera à la lutte contre l'évasion
fiscale, le blanchiment d'argent et la corruption. L'insertion de ce paragraphe
introductoire établit clairement que le REQ répond dorénavant à de nouvelles
finalités qui transforment la relation que la société civile, dans son
ensemble, entretiendra avec les informations qui y sont contenues.
Sur la base de cette nouvelle finalité, le REQ
devient une base de données permettant de mieux cibler les acteurs de fraude
légale, fiscale et criminelle. À ce titre, il nous apparaît que tous les
manquements au registre... manquements aux exigences du registre, pardon,
indiquent qu'un acte de camouflage est peut-être en train de se produire. Une
information erronée ou délibérément omise a dorénavant une portée beaucoup plus
grande pour la société civile.
Qui plus est, la nouvelle valeur qui est
accordée aux données du registre fait bouger la balance entre les intérêts de
la protection de la vie privée et la protection du public au profit de cette
dernière. Mieux encore, le projet de loi n° 78
confère à la société civile un rôle actif dans la lutte contre la criminalité
financière. Il est donc absolument légitime que le gouvernement se donne les
moyens d'assurer la protection de sa population et de l'intégrité de son
économie par la publication plénière des informations relatives aux
bénéficiaires ultimes.
Cependant, deux aspects du projet de loi
n° 78 viennent, selon nous, diluer la portée de la réforme suggérée. Le
premier de ces aspects tient au traitement des informations recueillies par le
registre et le second a rapport au seuil d'assujettissement des bénéficiaires
ultimes.
Les enjeux
liés au premier aspect, celui du traitement des informations recueillies, se
déclinent en trois parties : la vérification des données, les
sanctions reliées au registre et la publicité des informations. En ce qui
concerne la vérification des données qui seront soumises au registre, le projet
de loi n° 78 prévoit que le registraire doit prendre des moyens
raisonnables pour améliorer la fiabilité des informations contenues au
registre. Ces moyens ne sont malheureusement pas spécifiés.
Or, l'on sait que l'une des faiblesses
principales des registres similaires à travers le monde est le manque de garantie de la fiabilité des informations. Dans
notre mémoire, nous avons cité qu'au Royaume-Uni plusieurs cas farfelus
ont été relevés par le journal The Guardian, qui faisait état d'une
situation dans laquelle certains bénéficiaires choisissaient délibérément de rire à la figure de l'institution. Pour
éviter une telle situation au Québec, nous suggérons de mener une
vérification systématique des données soumises en demandant une preuve
d'identité et de résidence.
Dans la même veine, l'article 11 du projet
de loi n° 78 dispose qu'il n'est possible d'utiliser qu'une seule adresse
professionnelle par personne physique pour l'ensemble des entités assujetties.
Cependant, à moins d'une vérification
exhaustive et systématique, la possibilité qu'une personne physique utilise
plusieurs adresses professionnelles reste intacte. Cela vient fragiliser
la portée des recherches par la société civile ainsi que de porter préjudice à
la capacité d'effectuer une diligence raisonnable. Comment confirmer que deux
individus partageant le même nom, la même
date de naissance sont des individus différents, s'il est toujours possible que
plusieurs adresses professionnelles réfèrent malgré tout à la même
personne?
De plus, dans
le cas où la personne physique aurait une adresse domiciliaire à l'extérieur du
Québec, l'information qui sera publiée ne sera que partielle. Nous
recommandons l'utilisation, donc, d'un numéro d'identification unique pour
indexer toute personne physique bénéficiaire ultime enregistrée au registre. De
surcroît, il nous apparaît essentiel de publier le pays de résidence pour les
personnes vivant hors Québec.
En ce qui concerne les sanctions liées au
non-respect de la divulgation des informations prévues dans le projet de loi,
nous désirons nous assurer qu'une réflexion se fasse sur le caractère dissuasif
des sanctions déjà prévues dans la Loi sur la publicité légale des entreprises.
Le projet de loi n° 78 ne touche pas à cet aspect de la loi, mais nous
croyons que les sanctions actuelles ne reflètent pas l'importance accordée aux
informations dans le cadre des nouvelles finalités du REQ.
Nous désirons aussi rappeler à la commission la
proposition 10 du rapport sur le phénomène du recours aux paradis fiscaux
de la Commission des finances publiques qui suggérait d'interdire
l'enregistrement d'entreprises dont le ou les propriétaires physiques ultimes
ne sont pas clairement identifiés avec tous les renseignements pertinents pour
les retracer. Sous la forme actuelle, la loi prévoit de pénaliser, voire radier
les entreprises qui ne s'y conforment pas. Pourquoi ne pas appliquer d'abord le
raisonnement inverse, c'est-à-dire garantir que les entreprises qui font
affaire au Québec se conforment d'abord et avant tout à nos lois?
Finalement, quant à la question de la publicité
de l'information, certaines formulations du projet de loi n° 78 laissent
croire que les informations accessibles puissent être décidées par règlement.
Cette proposition vient priver les membres de la société civile d'une garantie
d'inconditionnalité quant à la disponibilité de ces données. À ce titre, nous
encourageons le ministre à préciser, à même le projet de loi, les informations
qui seront publiques en s'inspirant de nos recommandations.
J'en arrive au deuxième
aspect : le seuil d'assujettissement de 25 % pour la déclaration des
bénéficiaires ultimes. Nous ne sommes pas les seuls aujourd'hui... nous croyons
qu'un seuil aussi élevé risque de ne pas atteindre les objectifs politiques à
l'origine même du projet de loi n° 78. Nous recommandons à cet effet que
le seuil d'assujettissement soit abaissé à 10 %.
Dans notre
mémoire, nous avons présenté que le seuil de 25 % a été arbitrairement
choisi par le Royaume-Uni et calqué par d'autres pays et organisations.
Nous avons aussi présenté que d'autres pays ont choisi des seuils beaucoup plus bas, notamment les Bahamas, la
Barbade, le Belize et le Chili, qui ont chacun un seuil
d'assujettissement de 10 %.
Notre principale crainte vis-à-vis un seuil de
25 % est qu'il n'est pas suffisamment représentatif, voire qu'il reste
aisé pour des bénéficiaires ultimes de camoufler leur identité. Il est possible
qu'une société soit organisée d'une telle façon qu'une personne y détienne un
contrôle prépondérant sans qu'elle détienne 25 % ou plus du contrôle, ne
tombant pas de la sorte sous le coup de la loi. Un individu pourrait même
sciemment réorganiser sa structure corporative expressément pour échapper à la
loi.
Nous ne sommes pas les seuls à revendiquer un
tel seuil de 10 %. Ce matin, vous avez entendu deux groupes qui l'avaient
fait. Il y a aussi le Tax Justice Network, le Global Alliance for Tax
Justice et Publish What You Pay qui, à l'international, militent pour
l'abaissement des seuils à 25 % en critique au seuil de 25 % établi
par l'OCDE. Finalement, le seuil de 10 % a déjà une assise au Canada et au
Québec car tant Statistique Canada l'utilise pour distinguer un investissement
direct étranger d'un portefeuille d'investissement que l'Autorité des marchés
financiers considère la possession de 10 % comme méritoire du statut
d'initié.
Nous vous remercions pour votre attention et
votre invitation. Nous considérons que le projet de loi n° 78 est un pas
important pour le Québec et nous croyons que la population a tout à gagner à
l'instauration d'un régime élevé de transparence corporative. En vous
remerciant.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Merci pour votre exposé. Nous allons donc débuter la période d'échange
avec M. le ministre. La parole est à vous. Vous disposez de
16 min 30 s.
• (16 h 40) •
M. Boulet :
Merci, Mme la Présidente. Merci au collectif. Merci, M. Ross. Merci,
M. Lesage. C'est un mémoire extrêmement intéressant, là. Puis que
vous ayez pris quelques minutes pour souligner l'avancée considérable de ce projet
de loi là en matière de transparence corporative, je pense qu'on est à
l'avant-plan de ce qui se fait en Amérique du Nord et dans les pays membres de
l'OCDE. Je pense, c'est important de le souligner.
Puis j'aime bien... vous êtes les premiers à
dire, à 0.1, l'objet de la loi ou du projet de loi, parce que ça sert toujours
dans l'interprétation si jamais il y
a un problème d'interprétation. Je
vous vois, tous les deux, hocher de la tête, l'objet de la loi sert de
guide aux tribunaux pour bien l'interpréter, l'appliquer. Et, quand on parle de
lutte à l'évasion fiscale, le blanchiment d'argent et la corruption...
excusez-moi, on comprend bien les finalités de ce projet de loi là.
Le seuil,
M. Ross, ceci dit avec respect, quand vous dites : Le 25 % est
fixé arbitrairement par le Royaume-Uni, je pense que... Oui, vous avez
cité des pays, là, puis sans hiérarchiser les pays, là, mais ce n'est pas des
pays avec lesquels le Québec transige
énormément. Parce qu'il y a l'OCDE, il y a la Commission européenne qui vient
d'émettre une directive pour le seuil à 25 %, il y a la Commission des
finances publiques à laquelle, bien sûr, notre collègue de Robert-Baldwin a
participé, il y a le commerce interprovincial au Canada, il y a les États-Unis,
il y a Ottawa, il y a un ensemble de pays occidentaux.
Je sais que ce n'est pas parfait, mais
25 %, on fait un pas considérable. Puis le 10 % n'élimine pas
totalement non plus les stratagèmes, là. Quelqu'un qui veut utiliser des
stratagèmes pour passer en dessous des bureaux, il va le faire, là,
indépendamment, mais je pense qu'on fait... Ce seuil-là nous permet de
s'harmoniser et de permettre un environnement législatif, comme je le disais ce
matin, qui est suffisamment compétitif, là, qui va éviter l'exode. Puis il y a
des groupes qui vont nous dire : Il ne faut pas aller dans la direction du
p.l. n° 78 parce que ça va engendrer un exode de
sociétés étrangères ou de sociétés dans le reste du Canada qui ne viendront pas
faire affaire au Québec parce qu'ils devront
s'immatriculer puis identifier leurs bénéficiaires ultimes. Je pense qu'on a
trouvé un excellent équilibre.
Ceci dit, pour vous autres,
c'est... Tu sais, à un moment donné, vous avez dit, M. Ross : Bon,
l'équilibre, entre la transparence corporative puis la protection de la vie
privée, on est allés... et le droit du public, on est allés un peu plus
loin vers la protection du public. Est-ce que c'est bien ce que vous avez
mentionné, M. Ross?
M. Ross (William) : Ce que je dis,
c'est que les nouvelles finalités du REQ, telles qu'elles sont présentées dans
le projet de loi n° 78, nous invitent à penser que, justement, on fait
pencher la balance du côté du respect des droits publics d'être respectés par
les lois corporatives et non pas le respect de la vie privée comme étant une
vache sacrée qui deviendrait l'élément central pour pouvoir faire des lois
corporatives au Québec, là.
M. Boulet : O.K. Je vais y aller un
peu de façon télégraphique maintenant. Comment vous nous comparez, au Québec,
par rapport aux autres provinces canadiennes, en quelques mots, M. Ross?
M. Ross (William) : En quelques
mots, le Québec prend des mesures qui ne sont pas prises ailleurs au Canada en
ce moment. Et nous reconnaissons, depuis le début, là, à quel point nous sommes
contents et fiers d'être dans une province qui prend cette situation-là au
sérieux.
Cependant, nous
continuons à considérer que le seuil de 25 % est une erreur et que ce
n'est pas en continuant une erreur qu'elle va devenir plus vraie. La question
que nous nous posons, c'est que nous avons démontré, nous, le collectif mais
d'autres entités aussi, qu'il y a des dangers au seuil de 25 %, qui est
facilement contournable. Nous n'avons jamais entendu
aucun argument qui faisait en sorte qu'on nous disait que le seuil de 25 %
était un bon seuil, un seuil qui faisait en sorte qu'on était réellement
capable d'éviter les fraudes fiscales.
Nous, ce qu'on dit,
c'est qu'avec un seuil de 10 % on est capable de non seulement ratisser
plus large, mais aussi qu'il devient beaucoup plus difficile pour des personnes
qui voudraient contourner de manière délibérée la loi de créer un stratagème
qui impliquerait beaucoup plus que quatre ou cinq personnes, mais on parle de
10 à 11 personnes. Avec tous les coûts que ça impliquerait, ça serait
beaucoup plus difficile à cacher. Donc, c'est sûr qu'il n'y a aucun seuil qui
est parfait par rapport à ça. Nous, on fait juste dire : Si on veut se
donner les moyens de réellement donner du mordant à une loi sur la transparence
corporative, bien, c'est en allant du côté du 10 % qu'on va le trouver
plutôt que du côté du 25 %.
M.
Boulet : Oui, mais, M. Ross, encore une fois, ceci dit avec
respect, là, puis je vais me répéter un peu, il y a le Royaume-Uni, la
France, la Commission européenne, les États-Unis, Ottawa, au Canada, il y a des
pays... il y a quelques pays que vous avez
identifiés où c'est à 10 %, mais nous, ce qui doit nous guider, c'est, je
pense, des principes fondamentaux d'harmonisation et de compétitivité.
Ceci dit, je sais que
ça se contourne. 10 % se contourne, et 5 % peut se contourner,
50 % pourrait se contourner encore plus aisément, mais je pense qu'il y a
un consensus au Québec, là, qui découle des consultations, du rapport de la
Commission des finances publiques et de ce qui s'ensuit. Puis je comprends
Statistique Canada puis les marchés financiers, mais c'est véritablement à d'autres
fins, là, où on parle de transaction d'initiés. Et la finalité d'autres lois,
comme en matière de bâtiment ou de centres financiers, n'est pas la même.
Sur les sanctions,
M. Ross, bon, il y a vérification, sanction, publicité. Je vais aller tout
de suite à sanction parce que je ne veux pas qu'on s'échappe. Qu'est-ce qui
vous apparaîtrait, puis ça, je suis assez sensible à ça, raisonnable comme
niveau de sanction? Bon, il y a des sanctions de nature administrative, de
nature pénale. J'aimerais vous écouter sur ce qui vous apparaîtrait
raisonnable.
Puis c'est sûr qu'il
va falloir s'assurer de la cohésion aussi, là. On ne peut pas dire, parce qu'on
est extrêmement préoccupés par les paradis fiscaux, ça va être des montants
d'amendes astronomiques. Il va falloir s'assurer, avec nos collègues à la
Justice, que c'est cohérent avec les autres sanctions, dans les autres lois du
Québec, pour des infractions de même nature. On se comprend, mais votre opinion
serait quoi, M. Ross?
M. Ross
(William) : Bien, c'est pour ça que j'ai référé à la proposition 10
du rapport sur le phénomène du recours aux paradis fiscaux de la commission
parlementaire. La raison en est que j'ai l'impression que cette recommandation-là
dit : Assurons-nous que chaque personne qui vient de s'inscrire au
registre fait patte blanche et donne l'ensemble des informations que nous
demandons. Une fois que ça, c'est fait, si, au final, la personne... Donc, on
accompagne aussi, finalement, toutes les personnes qui s'enregistrent pour
s'assurer que les données sont bonnes.
Parce que
le but, ce n'est pas de pénaliser des gens qui feraient des erreurs, on
s'entend, ou qui pourraient donner une mauvaise information parce que, simplement,
elle est là depuis trop longtemps. Une fois qu'on a fait cette vérification-là, alors les erreurs ou les fraudes
commises à l'intérieur du REQ seraient des fraudes qui seraient
délibérées.
Et donc on s'entend
qu'à partir de ce moment-là on n'est plus dans une situation de simplement ne
pas avoir ses affaires en ordre, on est dans une situation où on essaie
d'utiliser des sauf-conduits qui peuvent exister par les lois. Parce que des
lois peuvent encore servir à ça, malheureusement, bien que ça ne soit pas leurs
intentions et leur finalité, mais on comprend que... on reconnaît que c'est ce
qui se passe en ce moment. Donc, de s'assurer que le gain qu'on peut faire en
essayant de faire des sauf-conduits soit inférieur à la pénalité que la
sanction va amener...
Nous, ce qu'on
constate, c'est que, depuis 1995, que le registre des entreprises du Québec a
été établi, il y a eu des changements aux sanctions qui ont suivi l'indexation.
C'est parfait. Ce qu'on se demande, c'est : Est-ce que le projet de loi prend en compte que la nouvelle nature de la valeur des données qui
vont être au registre, comme, a la même valeur en termes de sanctions? Est-ce que c'est de la même dissuasion
qu'on parle? Nous, on présume que les nouvelles informations ont une
valeur différente et que, justement, le caractère dissuasif doit suivre avec.
C'est pour ça qu'on demande de... La simple chose qu'on demande, parce qu'on
n'est pas là pour faire le travail de donner des chiffres par rapport à ça,
c'est de s'assurer qu'il y ait une réflexion politique qui soit faite sur la
nature de ces sanctions-là.
Il y a aussi la
recommandation 33 de la même Commission des finances publiques sur le
phénomène du recours aux paradis fiscaux qui demandait de s'harmoniser avec le
gouvernement fédéral afin de prévoir des pénalités criminelles dans le cas des
manquements d'information au registre. Donc, ça aussi, c'est quelque chose qui
n'est pas dans le projet de loi.
Je comprends que ça
ne fait pas partie du spectre de la réforme de la loi n° 78. Simplement, pour
nous, ça fait partie de, justement, cet ensemble-là d'une volonté du
gouvernement à vouloir s'assurer de garantir un climat de transparence
corporative et de confiance en l'égard de la société civile. Donc, peut-être de
dénoncer, à l'intérieur du projet de loi, que ces dispositions-là sont encore à venir ou
qu'il y a des réflexions à faire, ça serait absolument intéressant.
• (16 h 50) •
M. Boulet :
Parfait. C'est intéressant, vous touchez à plusieurs sujets. Évidemment, là, on
est en matière de droit pénal statutaire par opposition au droit criminel, là,
qui est de compétence fédérale.
Le niveau des
sanctions, en fait, vous n'avez pas de chiffres précis, mais vous ramenez ça à
la nature de la vérification. Puis quand on dit, à 3, je pense bien,
quatrième paragraphe, «prendre les moyens raisonnables pour améliorer la
fiabilité des informations», je sens le besoin de le préciser, là. Parce qu'à
l'article 124 de la loi le registraire a des pouvoirs d'inspection, des
pouvoirs d'enquête et des pouvoirs de vérification.
Vous le savez, M. Ross, au Québec, le plus
important pouvoir d'enquête, c'est celui qui découle de la loi sur les
commissions... sur les commissaires d'enquête, dit-on. Tu sais, les... Dans la
mission de mon ministère puis de bien d'autres
ministères, si on donne l'exemple des inspecteurs à la CNESST, ils ont les
pouvoirs d'ordonner la production de documents, de vérifier l'exactitude des informations.
On a, à ce jour, déjà embauché six inspecteurs qui auront les pouvoirs, en
vertu de la loi, des commissaires d'enquête. Donc, on fait un grand pas en
avant pour s'assurer de respecter la finalité à laquelle vous avez fait
référence, là, qui est à l'article 0.1 du projet de loi.
Puis enfin il y a eu un bill omnibus, l'année
passée, qui a été adopté sous l'égide de mon collègue aux Finances, qui
amendait notamment l'article 131 de la Loi sur la publicité légale des entreprises.
Et le registraire peut faire une dénonciation à une personne autorisée, on
pense ici au DPCP, et il y aurait des poursuites qui pourraient être entamées
suite à une dénonciation faite par le registraire. Donc, on se donne une
barrière additionnelle de protection puis un moyen dissuasif.
Évidemment, il n'y a pas eu de cas encore parce
que c'est un nouveau paradigme, comme le groupe précédent nous mentionnait,
mais il y a une adaptation qui est déjà amorcée. Et ces pouvoirs-là auxquels
vous faites référence, inspection, enquête, vérification, on ne sera pas
parfaits du jour au lendemain, mais il va y avoir une période de temps
d'adaptation suite à l'entrée en vigueur de la loi. On parle d'une année pour
mettre en fonction les nouvelles applications, s'adapter à cette nouvelle
réalité là.
Puis, quand on parle de moyens raisonnables, il
faut aussi se dire qu'il y a déjà des ententes de transfert d'information puis
d'échange entre le registraire puis la Sûreté du Québec, par exemple, avec Revenu
Québec, avec la Régie du bâtiment. Puis il y a une vérification, mais...
Évidemment, c'est un principe d'autodéclaration, mais il y a des vérifications
a posteriori qui se font, qui donnent une protection encore aussi supplémentaire
pour s'assurer de l'exactitude des informations, mais je pense qu'on s'en va
tous ensemble dans un entonnoir qui va nous permettre de faire une lutte qui est
beaucoup plus efficace à l'évasion fiscale, notamment.
M. Ross (William) : Si vous me
permettez de répondre rapidement à ça.
M. Boulet : Bien sûr.
M. Ross (William) : J'ai
l'impression, effectivement, qu'on va tous dans la même direction, à entendre
le CPA aujourd'hui ou la Pre Pascale Cornut St-Pierre. Je pense que tout
le monde a demandé, par rapport à ça, d'avoir des clarifications à même le
projet de loi, c'est-à-dire, ce que vous dites par rapport aux sanctions, ce
que vous dites par rapport à la
vérification, c'est tout à fait exact, puis on voit qu'il y a quelque
chose qui va dans la bonne
direction.
Moi, j'ai été surpris, à la lecture du projet de
loi, de voir finalement que la portée du projet de loi n° 78
n'incluait pas les articles sur les sanctions qui sont déjà prévues dans le
cadre de la Loi sur la publicité légale des entreprises. D'où ma question :
Est-ce qu'il y a une réflexion qui a été faite sur le fait que les nouvelles
données qui vont être incorporées, la valeur politique et la valeur juridique
qu'on leur attribue, constituent peut-être la base de réfléchir des nouvelles
sanctions?
M. Boulet : M. Ross, en fait,
le niveau des amendes, les montants d'amende n'ont pas changé. C'est la raison
pour laquelle ils ne sont pas inclus dans le p. l., mais, en même temps, il n'y
a rien qui nous empêche de faire une réflexion parce que c'est dans l'objet du projet
de loi, de faire les modifications qui s'imposent pour augmenter le montant des
sanctions pénales. Et moi, je suis totalement ouvert à ça.
Puis il y a un autre point, M. Ross, qui
m'amène à dire : Le pouvoir réglementaire, il faut l'utiliser mais uniquement
pour fin d'application de la loi. S'il y a des données additionnelles... Comme par
exemple, si on dit : On protège les renseignements personnels, il faut
bien les préciser. La date de naissance...
La Présidente (Mme IsaBelle) : En
conclusion, M. le ministre.
M. Boulet : ...de quelqu'un, et
autres, on va s'assurer de faire les clarifications, M. Ross, qui s'imposent.
Merci à vous deux. Bien content de vous avoir
rencontrés. Puis félicitations pour votre travail, puis je vous assure qu'on a
les mêmes objectifs. Merci beaucoup. À bientôt.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci, M. le ministre. Nous poursuivons maintenant avec le groupe d'opposition
officielle, d'abord avec le député de Nelligan et ensuite avec le député Robert-Baldwin.
Vous disposez, à vous deux, 11 minutes.
M. Derraji : Merci, Mme la
Présidente. Merci au collectif Échec aux paradis fiscaux, vraiment, pour votre
présence, la clarté de vos propositions.
Première question. Le seuil d'ajustement, vous
n'êtes pas, en fait, le premier groupe... Ce qui m'a frappé, c'est la
comparaison que vous faites avec les autres juridictions : l'Argentine, 20 %;
République dominicaine, 20 %; l'Uruguay, 15 %; Costa Rica, 15 %;
Bahamas, 10 %; Barbade, 10 %; le Belize, 10 %; le Chili, 10 %;
la Colombie, 5 %. Et vous le dites, dans votre argumentaire... Toutefois,
on concède que, dans les pays occidentaux avec des RBU gratuits et publics, que
le seuil n'est pas basé sur aucune donnée scientifique.
Donc, si j'ai bien compris votre présence
aujourd'hui en commission, c'est que, pour vous, c'est arbitraire, le
pourcentage du 25 %. Et ce que vous nous suggérez aujourd'hui, c'est
d'aller vers le 10 %, mais, si vous dites ça, sur quoi vous vous basez
pour dire que 10 % est un bon seuil? Est-ce que vous avez une donnée scientifique
à nous partager, et dire que le 10 %, c'est le pourcentage qu'il faut
utiliser et sur lequel il faut se baser?
M. Lesage
(Samuel-Élie) : Si je peux me permettre, oui. Merci pour la question.
Juste pour être bien clair, quand on prend le mot «arbitraire», vous l'avez
dit, mais je veux vraiment le répéter, «arbitraire» ne veut pas dire que c'est
tiré d'un chapeau, hors de nulle part. Il est évident, au Royaume-Uni, le
25 % doit être l'objet d'une négociation entre les parlementaires et des...
qu'on arrive à ce chiffre-là.
Ce que mon collègue M. Ross a dit plus tôt,
justement, c'est que oui, effectivement, il n'existe pas d'étude scientifique
qui... ou, comme, qui semble démontrer l'efficacité de ce pourcentage-là,
d'autant plus que, comme il a rappelé
également, il existe actuellement des cas où on semble pouvoir profiter de ce
haut taux de seuil d'assujettissement pour, justement, déclarer à la
baisse l'information.
Par exemple, dans le Guardian, je vois...
relevait aussi que... pas le Guardian, excusez-moi, une autre étude,
excusez-moi, que le dixième d'entreprises britanniques n'avait pas de
bénéficiaire ultime. Il y a eu, il y a quelques jours ou quelques semaines, au
quotidien Le Monde, le OpenLux. Là, c'est la moitié des entreprises
qui n'ont pas de bénéficiaire ultime, donc où on se dit : Bien, il y a un
problème, c'est une situation qui est absolument absurde.
Et le 10 %, personnellement, je vais être
honnête, moi, personnellement, je ne connais pas d'étude scientifique qui va
spécifiquement dire que ce chiffre-là est meilleur qu'un autre. Bien, pourquoi
on veut le 10 %? C'est parce qu'il s'applique sur des pratiques déjà
existantes, comme on l'a mentionné, à Statistique Canada, à l'Autorité des
marchés financiers. La Colombie-Britannique, son propre seuil pour son registre
de la transparence immobilière aussi fixe le 10 %. Et donc ce 10 % là
semble être davantage représentatif... pouvoir mieux capturer comment, donc, est organisé des entreprises, leurs
structures comparatives, et donc qui bénéficie réellement des activités.
Et c'est dans ce sens-là que nous, on se dit que ce 10 % là est meilleur.
• (17 heures) •
M. Derraji : Oui, oui, j'ai bien
compris. C'est juste, en fait, parce que vous basez votre argument, et ce n'est
pas... Je ne vous reproche rien, au contraire, c'est pour mon propre bénéfice.
Vous dites que ce seuil n'est pas basé sur aucune donnée scientifique, et
j'étais un peu curieux de savoir : Bien, est-ce que le 10 % est basé
sur une donnée scientifique? S'il n'est pas basé sur une donnée scientifique,
ça veut dire : Nous sommes aussi dans l'arbitraire avec 10 %. Parce
que je peux vous dire : Bien, pourquoi pas 5 % ou pourquoi pas
7,5 %?
Je veux juste qu'on soit clairs, en tant que
membres de cette commission, qu'on fait une avancée avec le 25 %. Est-ce
que c'est l'idéal? On peut se poser la question, mais dire que ce n'est pas
basé sur aucune donnée scientifique, je pense, même le 10 % n'est pas basé
sur aucune donnée scientifique. En fait, c'est juste pour que je puisse
comprendre le raisonnement derrière. Et je comprends que le Costa Rica avec
15 %, les Bahamas avec 10 %... mais j'essaie de savoir, en tant que
législateur, aujourd'hui, est-ce que je vais baser mon analyse sur une donnée
scientifique et dire 10 % ou sur l'arbitraire et dire : Bien, écoute,
probablement, le 25 % est arbitraire. C'est juste ce point que je voulais
clarifier avec vous.
Vous avez dit que vous encouragez le ministre à
préciser, à même le projet de loi, les informations qui seront publiques et
donc de ne pas agir par voie réglementaire. C'est quoi, le problème que vous
avez, si on n'agit pas par voie réglementaire mais qu'on précise le tout dans
le projet de loi? Avez-vous des préoccupations?
M. Ross (William) : Pour nous, la
préoccupation principale de ce libellé-là, c'est celle de ne pas soumettre à l'Assemblée
nationale la question du... l'ajout ou du retrait des informations qui seraient
disponibles ou non à la consultation publique dans le registre des entreprises
du Québec, c'est-à-dire que... Je ne veux pas prêter de mauvaises intentions à
personne. La seule chose qui, pour nous, est importante, c'est de dire :
Lorsqu'il s'agit d'avoir une discussion sur la transparence, il m'apparaît
absolument fondamental que nous agissions de manière transparente. Et donc que
la condition d'accessibilité des informations soit de la prérogative du
ministre, qu'il puisse la décider par règlement, ça nous apparaît, en fait,
être un peu un non-sens au niveau des intentions mêmes de la loi.
M. Derraji :
O.K. Excellent. Merci. Je pense que mon collègue de Robert-Baldwin va
continuer. J'aimerais bien qu'il vous
pose une question sur les pénalités criminelles. Je suis très curieux. Nous
avons eu cette discussion, moi et lui.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, la parole est au député de Robert-Baldwin.
M. Leitão : Oui. J'essayais
d'enlever le microphone. Très bien. Merci. Bonjour, messieurs. Merci. Merci
beaucoup d'être là.
Alors, ça va peut-être vous étonner, ou pas,
mais je suis généralement en accord avec vos recommandations. La question du
seuil, donc le 10 % versus 25 %, je comprends très bien. J'étais là
avant, je comprends très bien la volonté de s'harmoniser avec le Canada et les
autres provinces canadiennes, mais je comprends aussi très bien que la pratique
nous a démontré que le 25 % ailleurs permet quand même certaines
déviations. Donc, peut-être, si on le baissait
à 10 % ou à 15 %, enfin, quel que soit le chiffre, ça pourrait être
mieux. Donc, c'est quelque chose à considérer, en effet, pour les
seuils.
L'autre chose que vous mentionnez aussi et que
je trouve qui est très importante concerne l'information pour mieux identifier
les bénéficiaires ultimes. Et je pense que c'est là où on doit... Je pense
qu'on doit aller un peu plus loin, parce que ça, c'est au coeur même de cette
question. Et, écoutez, j'ai évolué pendant de longues années dans le monde
financier, dans le système financier, et ouvrir un compte dans une banque, ça
prend plusieurs informations. Et donc je
pense que ça serait quand même important de le faire, alors... dans le contexte
du projet de loi. Alors, qu'est-ce que vous proposez
concrètement pour qu'on puisse aller un peu plus loin dans le projet de loi
n° 78, pour mieux resserrer l'identification des personnes?
M. Ross
(William) : Merci pour votre question. En fait, nous, on commençait
d'abord et simplement par la vérification par une carte d'identité avec photo
et une preuve d'adresse. Je pense que ce n'est pas énorme de demander ce genre
d'information lorsqu'on veut faire affaire au Québec. Toute personne qui
détient une carte de bibliothèque au Québec a déjà donné ce genre d'information
pour être capable de louer une B.D. à son enfant. Donc, par rapport à ça, je pense que
ce n'est pas quelque chose qui est démesuré. Comme le disait la
Pre Pascale Cornut St-Pierre, Airbnb
aussi demande ce genre de truc là, la même chose si l'on veut utiliser des
services de plusieurs compagnies. Donc, par rapport à ça, je n'ai pas
l'impression que ça soit quelque
chose qui soit trop demander. Ça,
c'est une première chose.
Ensuite de ça, comment s'assurer de la
systématicité de ces vérifications-là? Nous, on n'est pas là pour faire un
travail de mise en place de ce genre de protocole là, dans la mesure où je ne
suis pas à la place des fonctionnaires qui travaillent avec cette matière-là.
J'amène des propositions politiques dans lesquelles je propose qu'il me semble
que ça pourrait être une situation ou une solution à faible coût, compte tenu
de l'importance du dossier, pour être capable de régler le problème.
L'autre enjeu qu'on amenait, c'était de dire
qu'on voulait une indexation des bénéficiaires ultimes avec un numéro
d'identification unique. Le but n'est pas là d'être capable... comme, d'avoir
un numéro sensible comme celui du numéro d'assurance sociale ou ce genre de
truc là. C'est simplement afin d'indexer pour s'assurer qu'il n'y ait pas de
dédoublement sur les adresses professionnelles.
Moi, je pourrais avoir quatre compagnies, quatre
adresses professionnelles différentes, de très bonne foi faire une erreur et
déclarer deux adresses professionnelles différentes dans l'ensemble de mes
compagnies pour faire ça. Pourtant, je suis la même personne. Le gouvernement a
accès à mon adresse domiciliaire, c'est parfait, mais la société civile, elle?
Les banques, qui sont prises à faire de la diligence raisonnable, n'ont pas
accès à cette information-là. Comment différencier, du point de vue du
registre, ces deux personnes-là? Est-ce la même personne ou n'est-ce pas la
même personne?
Par rapport à ça, bien, j'ai l'impression qu'un numéro d'identification unique
pourrait permettre de surmonter ce problème-là sans nécessairement avoir
à recommencer à traiter la question de la publication ou non de l'adresse
domiciliaire.
M. Leitão : Très bien, merci. Oui, tout
à fait. Merci. L'autre question, et c'est là où mon collègue n'a pas eu le
temps d'y aller, je voulais y aller, mais ça nous intéresse beaucoup aussi,
donc le caractère dissuasif du projet de loi. Donc, pour que la loi soit
suivie, c'est clair qu'il faut avoir des conséquences si on ne la suit pas.
Donc, je comprends qu'il y a des sérieuses questions quant à la possibilité ou
pas d'avoir des sanctions pénales. Vous avez mentionné, si j'ai bien compris,
que les sanctions pécuniaires devraient être... pas fixes, mais être en
relation avec l'ampleur de l'enjeu, c'est ça?
M. Ross (William) : Oui. Bien, en
fait, si je peux clarifier ce que je voulais dire par là, c'est que le projet
de loi reconnaît lui-même, par, justement, le paragraphe 0.1, qu'il y a
une nouvelle finalité politique et juridique qui est donnée au REQ. Par rapport
à ça, les informations sont aussi... Les mêmes informations, en bonus des
nouvelles informations qui y seront soumises, sont aussi mises sous cette
nouvelle finalité. Cette finalité, ce n'est plus simplement une manière pour le monde des affaires de garantir qu'on sait
c'est qui, les administrateurs, et de permettre un climat de confiance
pour le monde des affaires envers lui-même, mais c'est aussi une relation avec
la société civile pour garantir une transparence sur la sanité de l'économie en
lien avec la criminalité et l'évasion fiscale.
Cette nouvelle donnée là, cette nouvelle valeur
là, selon nous, appelle un autre cadre dissuasif, c'est-à-dire, on s'entend que
ce n'est pas simplement la question de ne pas avoir mis à jour les
administrateurs d'une compagnie. Si, comme
le mentionnait quelqu'un précédemment, aujourd'hui, qui a passé devant la
commission, on parle d'activités criminelles qui engendrent des millions
de dollars, bien, les pénalités qui sont prévues actuellement dans la Loi sur la publicité légale des entreprises sont
des pacotilles.
La Présidente (Mme IsaBelle) : En
conclusion, rapidement.
M. Ross (William) : Donc, par
rapport à ça, elles n'ont pas le caractère dissuasif que nous croyons qu'une
loi comme celle-ci devrait avoir.
M. Leitão : Très bien, merci
beaucoup. Merci beaucoup... vos commentaires. Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, nous poursuivons rapidement avec le député de Rosemont. Vous
disposez de 2 min 45 s.
• (17 h 10) •
M. Marissal : Merci, Mme la Présidente.
Bien, M. Ross, M. Lesage, merci. C'est un plaisir de vous revoir. Je
vois que vous êtes cohérents avec vos positions, et vous continuez de taper sur
le clou, c'est bien. Il paraît que la pédagogie, c'est l'art de la répétition.
Des fois, il faut insister, mais on s'en va dans la bonne direction, le
ministre l'a dit. Je suis d'accord avec lui sur le fait que c'est un pas dans
la bonne direction. Je le voudrais plus grand, ce pas... peut-être des plus
grandes foulées, mais on commence le projet de loi, on avance puis on entend
des choses vraiment intéressantes aujourd'hui, dont vous. Merci d'être là.
Les sanctions, ça revient souvent depuis ce
matin. C'est vrai que ce qu'on voit, là, dans le projet de loi, ça peut
paraître... bon, j'ai employé le mot «ridicule» ce matin, ce n'est peut-être
pas parlementaire, mais ce n'est pas très élevé, en tout
cas, hein, on peut s'entendre là-dessus. J'évoquais, par exemple, ce matin,
avec les CPA, les deux dames des CPA, peut-être une formule sur un pourcentage
de chiffre d'affaires, comme ça se fait, d'ailleurs, dans certaines
juridictions, sur les GAFAM. Est-ce que c'est quelque chose qui pourrait être
éventuellement étudié?
M. Ross (William) : Ça peut être
étudié, c'est une voie qui pourrait peut-être être intéressante. Écoutez, nous,
on... Mon mandat, d'abord, tu sais, quand je me présente devant vous, ce n'est
pas de trouver la solution, c'est de simplement être... de voir qu'est-ce qui
constitue, au point de vue de la loi, au Québec, quelque chose de dissuasif par
rapport au degré de criminalité qui peut être impliqué à l'intérieur de ça.
C'est cette balance-là. Je ne suis pas juriste, je ne sais pas comment créer
cette balance-là.
Par contre,
ce que je vois, c'est que le projet de loi lui-même n'aborde pas cette
question-là. Et, pour moi, il y a un manquement dans, finalement, les
moyens qu'on se donne et les ambitions qu'on veut avoir, qui font en sorte
que... bien, je pose la question en toute honnêteté : Qu'est-ce qui serait
dissuasif? Est-ce que le projet de loi en prend compte? Non. Et donc c'est à ce
niveau-là que, si on veut trouver une manière de comptabiliser différemment
pour le faire, je pense que c'est tout à fait louable puis faisons les
recherches pour voir qu'est-ce que ça peut donner.
M. Marissal : Quant aux seuils,
M. Ross... Je vous arrête parce que je n'ai tellement pas de temps. Je
suis désolé, je ne veux pas être impoli. Je suis pressé, je ne suis pas impoli.
Quant aux seuils, là, on en parle beaucoup, là, de 25 % à 10 %, là, on
nous a dit, ça a été dit, je crois bien même que le ministre l'a formulé un peu
comme ça, mais je ne veux pas lui mettre des
mots dans la bouche, que ça pourrait avoir un effet rebutant sur certains
entrepreneurs, qui pourraient partir
si d'aventure on disait : Non, ça va être 10 % plutôt que 25 %.
J'aimerais ça vous entendre là-dessus.
M. Lesage (Samuel-Élie) : Si je peux
me permettre... Merci pour la question. En fait, est-ce qu'un seuil plus bas
que 25 % va nuire au climat d'affaires? Nous ne le croyons pas. Je pense
que c'est les CPA qui ont dit plus tôt que, aujourd'hui, quand il y a un bon
climat d'affaires, il y a aussi, justement, de la transparence. La
disponibilité des informations, eh bien, ça en fait partie. Il y a ça également
qui est important. Et on se dit même qu'en... tant que le p.l. n° 78
traite de questions de transparence corporative en vue de lutter contre la
criminalité financière, bien, là aussi, nécessairement, en fait, on ne va pas
nuire au climat d'affaires, on va, au contraire, y contribuer.
Et, bien, au Québec, il y a déjà un régime élevé
d'informations demandées des entreprises. Il y a le REQ, mais il y a aussi, je pense, le registre, par
exemple, minier ou par rapport à d'autres comme ça. À mon avis, il n'y
aura pas un si grand problème à demander davantage d'informations aux
entreprises. Si on veut s'assurer que ça ne soit pas un fardeau ou ce n'est pas
trop pénible pour leurs affaires, il faut simplement s'assurer qu'on leur offre
à travers une demande qui est simple, qui est cohérente et qui est facile à
remplir, et voilà.
Après ça, est-ce que ça va créer un exode? Bien,
est-ce que les entreprises vont se priver d'un marché de 8 millions de
personnes, au Québec, parce qu'ils ne veulent pas identifier
10 bénéficiaires ultimes au lieu de quatre? Vous me permettrez d'en douter
à ce niveau-là.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. C'est tout le temps que nous disposons.
M. Marissal : Merci beaucoup. Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, nous poursuivons avec la députée de Gaspé. Vous disposez de
2 min 45 s.
Mme Perry Mélançon : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour. Très contente que vous soyez parmi nous, que vous ayez
accepté l'invitation. Dans le fond, vous misez beaucoup sur... de prendre le
problème à la source, qu'on mette beaucoup plus d'emphase sur la vérification
d'identité. Moi, c'est la première fois que j'entends la recommandation du
numéro d'identification unique. Je trouve que vous apportez des recommandations
qui sont intéressantes à vraiment, là, analyser en profondeur. C'est bien de
vous entendre parce que vous dites que vous n'avez pas nécessairement de...
vous n'avez pas en tête tout le procédé, mais, quand même, il y a ça, puis vous
dites aussi de renverser la logique, c'est-à-dire que, le bénéficiaire ultime,
on le connaisse avant même que l'entreprise soit enregistrée, là. Alors, il y a
ça.
Est-ce que vous diriez que, dans sa forme
actuelle, ce projet de loi là, il va... parce que vous avez les mêmes objectifs que le ministre, il l'a bien dit, est-ce
qu'il va assez loin? Bien, je pense connaître déjà la réponse, mais je
veux quand même vous entendre, à savoir : Est-ce que ce n'est pas juste un
exercice de bonne conscience, finalement?
M. Ross (William) : Je ne crois pas
qu'il s'agit simplement d'un exercice de bonne conscience. Je pense qu'il y a
quand même une volonté réelle de faire avancer les choses.
Cependant... (panne de
son) ...c'est que, avec des arguments complètement différents, d'un point
de vue juridique, politique, sociologique, on arrive tous à la même conclusion
que le seuil de 25 % n'est pas suffisant. C'est là où, finalement, moi, je
vais répéter, ça ne va pas assez loin.
À ce niveau-là, je me demande : Pourquoi
copier d'autres pays dans lesquels, finalement, on réalise qu'au fil du temps,
bien, ce seuil-là était trop élevé? C'est tout à fait normal que le Royaume-Uni
choisisse un seuil puis réalise, quelques années après, puisqu'ils sont les
premiers à le faire, que ce n'était pas le bon seuil. Est-ce que c'est une
raison, pour nous, de faire le même constat?
Mme Perry
Mélançon : Donc, sans nécessairement avoir de données scientifiques
exactement sur le seuil de 10 %, on a des exemples concrets de réussites
de pays qui sont allés vers un seuil beaucoup plus restrictif?
M. Ross (William) : Non seulement
ça, mais, comme le disait mon collègue juste avant, on parle, là, finalement,
d'identifier la différence entre quatre et 10 personnes. On parle de six
personnes supplémentaires. Si l'argument des entreprises qui voudraient quitter
le Québec pour dire que, finalement, identifier six personnes de plus, c'est
trop... on se demande réellement c'est quoi, le but de faire des affaires au
Québec. Je vois vraiment mal comment ces six personnes-là feraient toute la
différence dans la présence ou l'absence d'une compagnie au Québec.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. C'est tout le temps que nous disposons. Alors, merci, M. Ross,
merci, M. Lesage, pour votre contribution à la commission.
Alors, nous suspendons quelques instants les
travaux, le temps de donner la chance au prochain groupe de s'installer. Alors,
merci.
(Suspension de la séance à 17 h 17)
(Reprise à 17 h 30)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, nous commençons... nous poursuivons. Nous souhaitons maintenant la
bienvenue aux représentants de la Chambre des huissiers de justice au Québec...
ou du Québec, pardon. Alors, j'inviterais M. Taillefer et Mme Guay à
bien vous présenter avec votre titre et ensuite de commencer votre exposé de
10 minutes.
Chambre des huissiers de justice du Québec (CHJQ)
M. Taillefer (François) : Merci, Mme
la Présidente. Alors, François Taillefer, président de la Chambre des huissiers
de justice du Québec. Je suis accompagné de Mme Béatrice Guay, qui est la directrice
générale de la Chambre des huissiers.
Mme Guay (Béatrice) : Bonjour.
M.
Taillefer (François) :
Alors, Mme la Présidente, Mme la
vice-présidente, M. le vice-président, Mmes, MM. les membres de la commission, la Chambre des
huissiers de justice du Québec souhaite d'abord remercier les membres de la
Commission de l'économie et du travail de l'intérêt manifesté à connaître
l'opinion de la Chambre des huissiers de justice du Québec à l'égard du projet
de loi n° 78 visant principalement à améliorer la transparence
des entreprises. D'emblée, la chambre appuie les objectifs du projet de loi n° 78.
Permettez-moi de préciser, en débutant, que mes responsabilités
comme président de la Chambre des huissiers de justice motivent notre présentation
d'aujourd'hui qui se veut un partage d'expérience de la réalité à laquelle
doivent faire face les huissiers de justice relativement au registre des entreprises
et à son amélioration visée par le projet de loi.
Au niveau de l'introduction, la Chambre des
huissiers de justice, CHJQ, est un ordre professionnel à exercice exclusif dont
la mission première vise la protection du public. La Loi sur les huissiers de
justice et le Code des professions sont des lois-cadres définissant l'exercice
de la profession. Les huissiers de justice accomplissent principalement leur
mandat selon les dispositions du Code civil du Québec et du Code de procédure
civile du Québec, tout en devenant... tout en devant, pardon, respecter
diverses lois connexes listées à la section des références de notre document à
la page 8. Trois ordres professionnels relèvent du domaine du droit, soit
le Barreau du Québec, la Chambre des notaires et la Chambre des huissiers de
justice du Québec. Au total, au 31 mars 2020, on dénombrait
28 065 avocats, 3 870 notaires et 450 huissiers de
justice. Obligatoirement membres de la CHJQ, les huissiers de justice évoluent à
l'intérieur de notre système juridique selon les lois, procédures et règlements.
La profession de huissier de justice comprend la
signification des actes de procédure de tout tribunal, la production de
constats et toute autre fonction prévue par la loi ainsi que la réalisation des
actes à l'exécution des jugements sous l'autorité du tribunal. Par les actes professionnels
qu'il pose, l'huissier de justice contribue ainsi au respect des droits des
débiteurs et des créanciers. En lien avec la pratique des huissiers s'ajoutent
les fonctions de recherche et d'analyse qui s'inscrivent régulièrement dans
leurs démarches. À ce titre, le registre des entreprises représente une source
d'information importante et essentielle.
Au niveau du sommaire, protection du public... À
l'instar de l'ensemble des ordres professionnels, la mission de la CHJQ porte
sur la protection du public. Nous sommes... Nous assurons la mise en oeuvre
selon les différentes dispositions prévues. La CHJQ salue cet objet du projet
de loi visant la protection du public, tel qu'indiqué en introduction, et qui
demeure omniprésent dans le document.
L'utilisation du registre des entreprises par
les huissiers de justice. Le registre des entreprises demeure un élément important d'information pour les huissiers
en exercice et leurs équipes de travail qui consultent constamment les
renseignements inscrits au registre ainsi que les modifications. Très
clairement, la fiabilité des renseignements publiés s'avère fondamentale.
Au niveau de la fiabilité
souhaitée des renseignements, les dispositions de l'article 125 du Code de
procédure civile prévoient la notification à une personne morale, société,
association ou autre groupement. Les huissiers doivent consulter le registre
afin de vérifier, entre autres, les adresses des dirigeants, administrateurs ou
associés de compagnie de toutes catégories de sociétés ainsi que les
modifications, le cas échéant. L'exemple de cette disposition du code démontre
la pertinence que des mises à jour des renseignements du registre des
entreprises soient effectuées.
Modalités
réglementaires autorisant l'accès des huissiers de justice. Les
articles 17 et 24 du projet de loi n° 35
semblent apporter des précisions à l'effet que, par règlement, il serait permis
dans certains cas et interdit dans d'autres
que des groupements puissent consulter certaines informations de nature plus
confidentielles mais disponibles au registre. La CHJQ souhaite qu'une
réflexion des membres de la commission entraîne une recommandation autorisant
les huissiers de justice en fonction à consulter toute l'information disponible
au registre des entreprises.
La mission : protection du public. La CHJQ
voit au respect de sa mission de protection du public par l'encadrement et la
surveillance de l'exercice de la profession, le programme de formation
continue, l'information au public et l'application des règles disciplinaires.
Dans la perspective de l'application de protection du public et du respect des
droits, il nous apparaît important de sensibiliser les membres de la commission
que le registre des entreprises doit demeurer un outil privilégié assurant la
protection du public, ce qui comprend les créanciers, débiteurs et officiers de
justice dans l'exercice de leur fonction. Dans cette optique, la CHJQ croit que
le respect des droits et, par ricochet, la protection du public sont renforcés
par les nouvelles exigences facilitant l'identification des assujettis comme
définis au projet de loi. L'amélioration de l'information du registre revêt
ainsi une dimension qui permettra à nos membres d'obtenir les renseignements
nécessaires afin de rejoindre plus efficacement un débiteur, et ce, en respect
des droits des créanciers. Il nous apparaît ainsi que la protection du public
s'en retrouverait améliorée.
Très brièvement, permettez-moi de vous rappeler
que les actes professionnels des huissiers de justice précisés dans la Loi sur
les huissiers de justice du Québec et le Code des professions comprennent
principalement les responsabilités suivantes. En plus de signifier des documents,
les huissiers de justice exécutent des décisions de justice ayant force
exécutoire. Ils exercent toute autre fonction relevant de leurs obligations
professionnelles en vertu de la loi ou suivant les décisions du tribunal. Les
huissiers de justice présents dans l'ensemble de la vie économique, sociale et
juridique répondent aux demandes provenant de différents domaines d'activité
dans le milieu des affaires, le commerce et l'immobilier. Les administrateurs
publics, municipaux, provinciaux et fédéraux, les institutions financières
ainsi que les sociétés du secteur juridique font également appel à leurs
services.
L'utilisation du registre des entreprises par
les huissiers de justice. Comme mentionné en introduction, il est souhaitable,
pour les mesures d'amélioration proposées... d'amélioration au registre des
entreprises soient implantées selon les normes élevées de qualité... Il faut
que celles-ci soient en adéquation avec les besoins des utilisateurs, dont les
huissiers qui s'y réfèrent, le registre étant une des sources principales d'information
dont ils disposent.
Les membres de la CHJQ consultent régulièrement
le registre des entreprises afin d'obtenir les noms des dirigeants, des
actionnaires d'une entreprise ou encore d'en vérifier les changements et de
possibles mises à jour. La consultation du registre permet aussi de trouver l'adresse
domiciliaire des dirigeants. Évidemment, ces renseignements deviennent d'une
grande utilité lorsque ces mêmes dirigeants ont mis fin aux opérations de l'entreprise
sans laisser d'adresse et que leurs locaux sont délaissés sans bien.
Fiabilité souhaitée des renseignements. Parmi
les ajouts identifiés au projet de loi visant l'amélioration de la teneur des informations, l'ajout de la
date de naissance nous apparaît comme une mesure forte. Les dates de
naissance permettraient de favoriser les recherches
visant les administrateurs de sociétés et leurs dirigeants qui, volontairement ou
involontairement, ne collaborent pas avec
l'huissier de justice qui doit les retrouver et leur remettre, par exemple, une signification d'acte de procédure ou pour signifier une
citation à comparaître à un interrogatoire après le jugement.
Cependant, l'effet découlant de l'ajout de la
date de naissance consisterait à permettre à l'assujetti de déclarer son
adresse professionnelle sans l'obligation de fournir également son adresse
domiciliaire. La CHJQ déplore cette disposition car elle a pour conséquence
d'assombrir la transparence visée au projet de loi.
À l'occasion, l'adresse professionnelle d'un
administrateur de société ou de son dirigeant n'est pas conforme à ce que
celle-ci se retrouve visée par les procédures de signification d'exécution par
un huissier de justice. Face à ces situations, la CHJQ croit que l'huissier en
fonction devrait avoir accès à toute l'information nécessaire dans l'exécution
de ses fonctions, incluant la date de naissance.
Toujours en
lien avec la fiabilité des
renseignements du registre, nous avons porté aussi notre attention à
savoir que, par règlement, le gouvernement peut déterminer des modalités
relatives à la déclaration de certaines informations.
Sous cet angle, la CHJQ soumet l'hypothèse
d'inclure la vérification des renseignements par une approche concrète de
validation et ainsi rehausser la fiabilité des renseignements publiés au registre.
Nous recommandons, par exemple, que soit vérifiée l'adresse professionnelle des
administrateurs et des dirigeants. Comme mentionné précédemment, les huissiers
constatent régulièrement que les adresses professionnelles des administrateurs
et leurs dirigeants ne sont pas conformes. Trop souvent ces informations
correspondent, en fait, à un casier postal ou encore à l'adresse d'un bureau
d'avocats. Évidemment, ces informations sont plutôt décevantes, deviennent
inutiles et compliquent grandement les recherches. Ne pouvant se servir
adéquatement de ces informations... ont pour effet de retarder le processus de
recherche de l'huissier en quête de trouver un administrateur ou un dirigeant.
Accès aux huissiers de justice à l'information
aux modalités réglementaires. Les articles 17 et 24 semblent apporter des modalités d'exclusion concernant
l'information relative aux personnes physiques. La CHJQ recommande que
ses membres, lorsqu'ils sont en fonction, aient accès à toute information
disponible concernant les assujettis et personnes morales constituées au Québec
identifiés au projet de loi n° 78. Cette option bien légitime s'inscrit
dans l'orientation d'efficacité du système judiciaire.
La
Présidente (Mme IsaBelle) : En conclusion. Vous n'avez plus de
temps.
M. Taillefer
(François) : Oh! pardon.
• (17 h 40) •
La Présidente
(Mme IsaBelle) : C'est beau? Parfait. Donc, vous arrêtez là,
c'est parfait. Alors, écoutez, nous allons commencer la période d'échange. Nous
y allons d'abord, au départ, avec M. le ministre. La parole est à vous.
Vous disposez de 16 min 30 s.
M. Boulet :
Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Taillefer. Merci, Mme Guay.
Évidemment, la Chambre des huissiers de
justice du Québec est un groupe extrêmement intéressé par un projet de loi de
la nature de celui que nous discutons
aujourd'hui en commission parlementaire. Vous avez un mémoire très bien écrit,
très bien rédigé. Je comprends bien les intérêts des huissiers, là,
ayant déjà pratiqué dans un secteur où j'avais des relations avec certains
huissiers.
Évidemment, c'est une
loi qui vise à améliorer la transparence des compagnies, pas la transparence
des individus. Puis ce qui nous préoccupe, c'est de toujours trouver un
équilibre entre la protection de la vie privée et l'intérêt public. C'est pour
ça que l'adresse personnelle, dans la mesure où une des nouveautés de ce projet
de loi là... Dans la mesure où on peut faire une recherche par nom, c'était
beaucoup plus opportun de s'assurer que l'adresse personnelle soit protégée, ne
soit pas accessible au public dans la mesure où la personne donne une adresse
professionnelle. Et, pour nous, ça nous apparaissait extrêmement important. Ce
n'est pas les individus à qui on demande d'être plus transparents, c'est les
entreprises qui font affaire au Québec et qui doivent être immatriculées au
registre des entreprises du Québec.
Mais,
M. Taillefer, je vais prendre la balle au bond, je vais... Tu sais, on va
regarder l'article 125 ensemble. Tu sais, quand vous devez signifier...
quand que vous devez notifier une procédure, quand c'est une personne morale,
c'est à son siège social, ce n'est pas à l'adresse personnelle. Si le siège
social est à l'extérieur du Québec, c'est à
l'un de ses établissements au Québec. Le deuxième paragraphe de 125, si c'est
une société en nom collectif, il y en a beaucoup, ou une société en
commandite, on dit que c'est à son bureau, donc c'est l'adresse
professionnelle. Là, cependant, si c'est un fiduciaire, un liquidateur, une
personne morale ou d'une entreprise... un syndic de faillite, là, ça peut se
faire à son domicile, mais on dit bien, à 125, ou à son lieu de travail.
Ça fait que je veux
juste comprendre, quand vous êtes dans une impasse, quand vous n'avez pas la
bonne adresse personnelle, mettons, et là vous vérifiez au registraire des...
Expliquez-moi donc la démarche qu'un huissier fait quand il est confronté à une
impasse, à une impossibilité de signifier une procédure judiciaire à quelqu'un.
C'est quoi, la nature de la relation avec le registraire, là? Oui.
M. Taillefer
(François) : O.K. Bien, à titre d'exemple, ça arrive assez fréquemment
qu'on doive procéder à une saisie, par exemple, dans une place d'affaires
incorporée ou limitée, peu importe. On arrive sur les lieux, la bâtisse est là,
il n'y a rien à l'intérieur, il n'y a plus personne, il n'y a plus de meuble,
et, dans le cadre de l'exécution, notre client veut qu'on signifie le document
d'une manière ou d'une autre.
Alors, 125 prévoit
qu'on puisse signifier une compagnie à son dirigeant où qu'il soit. «Où qu'il
soit», ça comprend, évidemment, son lieu de travail, mais ça comprend aussi son
domicile. Et, en pratique, un domicile, c'est plus simple, c'est plus facile
pour l'huissier de trouver le représentant de la compagnie à son domicile qu'une
place d'affaires parce que, souvent, les dirigeants hauts gradés, là, le
président, vice-président ou le secrétaire d'une entreprise, c'est rare qu'on
en trouve, dans ma relation, depuis 35 ans que je suis huissier, qui sont
sur place, dans leur lieu de travail. On a plus de faciliter à les trouver au
domicile.
C'est dans ce sens-là
que je précise que 125, si on enlève l'adresse domiciliaire puis on doit aller
au travail... Puis les personnes qui
collaborent, ça va, il n'y a pas de problème, mais ceux qui ne collaborent pas, puis malheureusement
il y en a trop, ils demandent à leur secrétaire : Bien, si un huissier se
présente, tu as juste à dire que je ne suis pas là. On laisse des cartes
d'affaires, on n'a pas de retour d'appel. C'est dans ce sens-là que c'est plus
facile d'avoir une adresse du domicile pour remettre le document et/ou poser
des questions au président de la compagnie.
Par exemple, bon, la
compagnie est fermée, les actifs sont à quel endroit? Je parle, par exemple,
quand on a une saisie pour une banque qui réclame des biens qu'ils ont financés
alors que l'entreprise a pignon sur rue, mais, comme je vous disais tantôt, les
locaux sont vides. Alors, ils sont allés où, les objets, les biens qui ont été
financés? Ce genre de question là qu'on doit poser aux administrateurs ou aux
dirigeants des entreprises, bien, il faut les retrouver. Il faut les retrouver
pour être capables de leur poser les questions, de leur remettre les documents.
Et souvent le
demandant va nous demander peut-être d'aller procéder à un interrogatoire après
jugement par rapport aux actifs de la compagnie. Bien, je me répète, c'est plus
facile, dans ce cadre-là, d'avoir l'adresse domiciliaire pour avoir accès au
dirigeant rapidement.
M. Boulet :
O.K., je comprends. Puis vous dites : Oui, c'est plus facile, plus simple
à l'adresse personnelle. En même temps, nous, on a toujours le défi de protéger
les renseignements personnels.
Et, en pratique, puis
conformément à l'application de la Loi sur la publicité légale des entreprises,
si un huissier... puis on a des cas, là, par exemple, il vérifie au Registraire
des entreprises, puis l'adresse est inexacte, comme vous le disiez,
M. Taillefer. On va là, il n'y a rien, c'est une adresse bidon, là, il y a
une bâtisse, mais il n'y a aucun meuble, il n'y a absolument rien. Donc, vous
ne pouvez pas signifier la procédure à moins de la laisser au seuil de porte,
ce qui est incertain, là, en termes de résultats.
Mais, si le registraire tente de rectifier
l'identité de l'adresse et qu'il n'est pas en mesure... s'il n'a pas d'adresse
exacte, là, il est en mesure de vous donner l'adresse personnelle. Ça fait que
c'est comme un moyen alternatif, à défaut, par l'huissier
de signifier. Est-ce que ça vous est déjà arrivé de vivre ce type de cas là ou
d'expérience, M. Taillefer?
M. Taillefer (François) : Assez
rarement parce que, règle générale, dans une entreprise, il y a plus qu'un
administrateur ou actionnaire. Si je m'en vais à l'adresse du président, parce
que je pars toujours du plus haut au plus bas, si le président, l'adresse
domiciliaire que j'ai au registre n'est pas bonne parce qu'il est déménagé, ou
peu importe la raison, je vais passer au deuxième, au troisième jusqu'à tant
que je trouve quelqu'un, un des dirigeants ou un des administrateurs de la
compagnie qui puisse répondre à mes questions puis qui puisse recevoir copie de
la procédure que je dois remettre.
Ça fait que c'est dans ce sens-là que je vous
disais : C'est plus facile au niveau des adresses domiciliaires, parce que,
règle générale, les administrateurs, bien, les fins de semaine, ils sont à la
maison ou, le soir, théoriquement, ils sont à la maison, tandis que les
adresses d'entreprise, bien, règle générale, c'est de 9 à 5. Si les personnes
qu'on recherche ne sont pas à l'entreprise, après 5 heures, c'est fermé,
ça ne donne rien d'y retourner, on sait que c'est fermé, on retourne le
lendemain. Comme je vous disais tantôt, les gens qui ne collaborent pas, bien,
c'est facile d'aller... on bloque à la réception puis on se fait dire que M. ou
Mme dirigeante Untelle ou Untelle n'est pas présente. Alors, ça,
malheureusement on voit ça trop souvent dans notre profession.
M. Boulet : O.K. Donc, bon, je
comprends, là, vous réitérez que c'est plus facile, plus simple avec l'adresse
personnelle, mais est-ce que vous avez eu des cas où, par exemple, l'adresse
professionnelle ou l'adresse du lieu de travail, là, parce que c'est comme ça
que c'est écrit à l'article 125 du Code de procédure civile, c'est bidon,
c'est une coquille, vous n'êtes pas capable de signifier, vous allez au
registraire, on demande... on vérifie, on tente de rectifier l'adresse, à
défaut, on vous donne l'adresse personnelle... Est-ce que c'est arrivé des cas
où vous vous êtes retrouvé, tu sais, comme, le bec à l'eau, incapable de
signifier parce qu'incapable à l'adresse professionnelle puis incapable
d'obtenir l'adresse personnelle de la part du Registraire des entreprises?
Est-ce qu'il y a eu des cas vécus comme ça, M. Taillefer?
M. Taillefer (François) : Très
peu souvent, M. le ministre, très peu souvent, parce que, règle générale, quand
on consulte le registre actuel avec les adresses des domiciles, c'est assez
rare qu'on n'a pas de résultat.
• (17 h 50) •
M. Boulet : O.K. Puis vous
comprenez notre approche, on s'est dit : Comme dorénavant c'est possible
de faire une recherche au registre par nom, bien, évidemment, comme c'est déjà
un peu intrusif, pour le bénéfice de la transparence corporative, on veut, en
même temps, minimiser l'impact sur la vie privée et s'assurer de protéger
l'adresse personnelle. On donne quand même la faculté d'identifier une adresse
professionnelle et, le cas échéant, l'adresse personnelle devient non
accessible au public. O.K., je pense qu'on se comprend bien.
Est-ce qu'il y a d'autres contextes que vous
pourriez nous soumettre où les huissiers de justice ont à transiger avec le
registraire? Parce que je réalisais qu'il y a 19 millions de consultations
au registre par année au Québec, puis, j'imagine, les huissiers sont dans les
demandeurs. Il y a beaucoup de demandes de la part des huissiers, mais est-ce qu'il y a d'autres contextes que pour obtenir
l'adresse personnelle de quelqu'un pour fin de signification de
procédures judiciaires? Encore une fois, comme vous venez de le mentionner,
c'est arrivé très peu souvent que vous vous êtes retrouvés le bec à l'eau, mais
est-ce qu'il y a d'autres contextes où vous avez à transiger ou intervenir
auprès du registraire?
M. Taillefer (François) : C'est très
fréquent, là, c'est tous du cas par cas, mais je vais parler de mon expérience
personnelle. Quand on veut valider la situation de l'entreprise qui a pignon
sur rue et on se fait dire, par exemple, là, que tu n'es pas à la bonne place,
puis notre mandant nous dit qu'on est à la bonne place, alors la seule façon de
valider hors de tout doute, hors de tout doute entre guillemets, c'est d'avoir
accès au registre, ce qu'on fait présentement, alors je vais aller consulter le
registre.
Si la compagnie ABC incorporée est toujours
située à cette adresse-là, les noms des dirigeants, c'est les mêmes, et on me dit que je ne suis pas à la bonne
place, alors, moi, le registre, il n'y a pas de déclaration
modificative, il n'y a pas de radiation de l'entreprise. Là, ça me permet
d'avoir des doutes sur ce que les gens me disent.
Parce que, comme je vous dis, règle générale, on a une bonne collaboration des
citoyens corporatifs, mais il arrive à l'occasion que les gens veulent
tricher, et c'est facile de se faire dire : Bien, écoutez, la compagnie a
déménagé, ce n'est pas nous.
Bon, le registre demeure un outil essentiel pour
les huissiers, là. Tous les huissiers que j'ai consultés, régulièrement, à
toutes les semaines, on va aller consulter le site du registre, peu importe les
circonstances. Des fois, c'est pour trouver un dirigeant, mais des fois c'est
pour valider si une entreprise est toujours existante, toujours valide. Si
c'est ABC inc. qui a changé pour 123 Canada inc., puis, en arrière, c'est les
mêmes dirigeants, puis que mon client dit : Bien, écoute, fais ta saisie
parce que moi, je vais faire lever le voile corporatif, bien, avant de dire oui
à mon client, je veux juste m'assurer que moi, de mon côté, je ne fais pas de
faute puis qu'effectivement c'est le même monde, c'est les mêmes actifs. Alors,
je me répète, le registre, c'est un outil indispensable pour nous.
M. Boulet : Ah! tout à fait. Puis je
comprends bien, M. Taillefer, puis je comprends pourquoi vous dites que ça
va être bénéfique, là, non seulement la recherche par nom, là, mais
l'obligation de divulgation des bénéficiaires ultimes. Ça va vous donner accès
à une mine d'informations qui va faciliter l'exécution de votre travail, hein?
C'est ce que je comprends?
M.
Taillefer (François) : Tout à fait, M. le ministre, tout à fait.
M. Boulet :
O.K. Bien, merci beaucoup. Moi, ça complétait... Peut-être dernière question,
M. Taillefer. Si vous me dites : Il y a eu très peu de cas, mais il
n'y a pas de moyen alternatif au registre des entreprises... Si jamais vous
vous retrouvez dans une impasse totale, il n'y a pas d'autre... c'est comme le
dernier recours, le registre?
M.
Taillefer (François) : Bien, pour nous, oui. Après ça, bien, si le
client veut dépenser un peu plus, bien, il y a toujours des agences de détectives privés qui peuvent pousser la
recherche. Ça, ça fait partie des choses qu'on peut proposer au client.
Évidemment, ce n'est pas les mêmes coûts, ça dépend toujours du mandat, puis
c'est quoi, le budget, puis c'est le client qui décide.
Mais nous, notre
travail d'huissier, le registre, c'est très facile, c'est très accessible. On
peut consulter ça de notre téléphone ou de
notre ordinateur dans le véhicule. C'est un outil indispensable, superutile,
mais malheureusement, si quelqu'un veut se cacher, il va réussir à se
cacher de toute façon. Alors, rendu là, nous, l'huissier, bien, fait le rapport
à son client : Écoutez, ça ne fonctionne pas pour telle ou telle raison,
et j'ai vérifié le registre, je ne suis pas capable de trouver les dirigeants
pour telle ou telle raison, à l'impossible nul n'est tenu. Ça fait que, là, ce
sera au mandant de décider : Il veut-tu pousser plus loin son enquête ou
pas?
M. Boulet :
Ah! tout à fait. Puis c'est un registre qui est public et gratuit, alors que,
dans les autres provinces, par exemple, il faut faire une recherche par entreprise.
C'est des registres par entreprise, d'où l'immense différence avec ce que nous
faisons ici, au Québec, en matière de transparence corporative.
Merci,
M. Taillefer. Merci, Mme Guay. Bien apprécié vous rencontrer puis au
plaisir. Au revoir.
M. Taillefer
(François) : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Merci. Alors, merci pour cet échange. Nous poursuivons
avec le groupe d'opposition officielle, avec le député de Nelligan et le député
de Robert-Baldwin. Vous disposez de 11 minutes.
M. Derraji :
Merci, Mme Guay et M. Taillefer, pour votre présence et pour le
rapport que vous avez fait parvenir aux membres de la commission. Au fait,
votre expertise est extrêmement importante parce que vous êtes, je dirais,
parmi les groupes, et je vois les chiffres de consultation, les groupes qui
utilisent le plus le registre des entreprises. Corrigez-moi si je me trompe.
M. Taillefer
(François) : On l'utilise très fréquemment, oui. C'est un outil
indispensable.
M. Derraji :
C'est un outil indispensable. Si le registre n'existe pas aujourd'hui au
Québec, probablement que vous allez avoir des problèmes pour travailler et
fonctionner.
M. Taillefer
(François) : Absolument. C'est impensable que ça n'existe pas, on ne
pourra pas... On va se mettre des bâtons dans les roues de façon épouvantable.
Ça fait 35 ans que j'utilise le registre et je ne me vois pas pratiquer ma
profession sans cet outil-là, qui est essentiel et indispensable.
M. Derraji :
Voilà. Bien, vous me facilitez la tâche, parce que j'ai quelques questions,
mais je vais commencer à vous poser une question pour bénéficier, au fait, de
vos 35 ans d'expérience. Vous avez beaucoup d'expérience entre vos deux
mains et vous avez vu beaucoup de cas d'entreprise, et autres.
Donc, aujourd'hui, je
vais poser ma première question d'une manière très directe : Est-ce que le
contenu que le registre a aujourd'hui est suffisant? Deux : Pensez-vous
que l'équipe du registraire est assez équipée, avec les moyens humains mais
aussi technologiques, d'être à jour et de vous aider à jouer votre rôle aussi?
Parce que vous jouez un rôle, mais je pense que le Québec s'est doté de ce
registre, justement, pour qu'on joue notre rôle au niveau de la transparence.
M.
Taillefer (François) : Bien, pour répondre à votre question, présentement,
le registre, moi, personnellement, il me convient. L'ajout de la date de
naissance, je pense que c'est un plus, personnellement, pour l'ensemble de la
profession des huissiers parce que, je me répète, les gens qui ne collaborent
pas, qui veulent se cacher, c'est beaucoup plus facile de trouver quelqu'un
avec une date de naissance.
Alors, quand on donne
ça à un détective privé, c'est la première question qu'il va nous poser :
François Taillefer, oui, mais as-tu sa date de naissance? Si je ne l'ai pas, ça
va rendre des recherches excessivement difficiles puis beaucoup plus coûteuses.
Ça fait que ça, en ce qui me concerne, c'est un plus, la date de naissance.
C'est une excellente idée en ce qui nous concerne.
M.
Derraji : Oui. Vous avez
dit, dans votre mémoire, que le gouvernement se garde un pouvoir réglementaire de
déterminer les modalités relatives aux informations à déclarer. La chambre
propose que soit vérifiée l'adresse professionnelle des administrateurs et des
dirigeants. Avec votre expérience, avez-vous constaté des lacunes vu qu'on n'a
pas d'adresse professionnelle des administrateurs et des dirigeants?
Le but, selon vous, est de s'assurer que les
adresses sont conformes. Et vous avez vu comme nous, récemment on a vu que le
gouvernement, dans le cadre de la pandémie, avait donné des contrats gré à gré
à des entreprises. On s'est ramassés avec des boîtes
postales au Mexique et des boîtes postales aussi aux États-Unis. Donc, parfois,
même le gouvernement risque de se faire avoir quand il fait affaire avec des
entreprises. Donc, est-ce que vous pensez
qu'il y a d'autres améliorations qui peuvent être faites, à part ce que vous
avez écrit dans votre mémoire?
M. Taillefer (François) : Bien,
écoutez, c'est délicat pour moi de répondre, parce que ça m'est arrivé à
quelques reprises dans ma carrière, au Québec, d'avoir les adresses de casiers
postaux, soit avec Postes Canada ou soit des
casiers postaux privés. Alors, à partir de ce moment-là, Postes Canada, c'est
impossible, en tout cas pour nous, les huissiers, d'avoir l'adresse de
la personne qui loue le casier. Il y a eu un débat avec les avocats d'Ottawa à
ce niveau-là il y a quelque temps, et je me
suis fait dire d'arrêter d'insister, c'est sûr qu'ils ne répondraient pas à ces
questions-là.
Ça n'arrive pas souvent, mais, quand ça arrive,
bien, c'est l'adresse qu'on retrouve au registre. Si ça correspond à une
adresse de casier postal, ce n'est pas évident pour personne de valider ça.
Parce que, souvent, ça va être marqué... ça ne sera pas marqué «casier», ça va
être marqué «appartement 103» avec un nom de rue qui existe. C'est en se
rendant sur place qu'on se rend compte que c'est un dépanneur qui loue
peut-être 10, 15, 50 casiers. Alors, ça induit tout le monde en erreur,
mais c'est délicat pour le registre ou pour n'importe qui d'aller valider
adresse par adresse.
Puis ça, malheureusement, ça n'arrive pas
souvent, tant mieux, mais quand ça arrive... C'est pour ça que je disais
tantôt : Si c'est possible de passer au deuxième puis au troisième
dirigeant, quand il y en a... parce qu'il y a des entreprises qu'il y a juste
une personne actionnaire puis juste un administrateur. Si cette personne-là donne
l'adresse de son avocat ou l'adresse d'un
casier postal, bien là, notre travail d'huissier est bloqué là. Là, à partir de
ce moment-là, il faut passer à une autre étape. Comme je vous expliquais
tantôt, la seule que je connaisse, c'est de donner ça à un détective privé.
Mais, avec la date de naissance, je me répète,
le détective privé, si je lui dis : Bon, le nom du dirigeant c'est
M. Untel, Mme Unetelle, telle date de naissance, ça va faciliter
grandement ses recherches.
M. Derraji : Oui, merci. Dernière question
avant que mon collègue... j'en suis sûr, il va vous poser des questions aussi.
Vous dites : En vertu des articles 17 et 24, des exclusions quant à
l'accès aux données des personnes physiques, la chambre demande que, lorsque
ces membres sont en fonction, ils aient accès à l'ensemble des données
concernant les assujettis et personnes morales, constituées au Québec,
identifiées au projet de loi n° 78. Pouvez-vous juste clarifier le
pourquoi que vous voulez que vos membres aient accès à l'ensemble des données?
M. Taillefer (François) : C'est que,
si j'avais le registre des informations qui ne sont pas publiques quand on
consulte, je dis bien «si» avec un S majuscule, nous, les huissiers, on
aimerait être capables... huissiers en fonction, qui ne sont pas pour les
affaires personnelles, mais un huissier qui a un mandat, qui a besoin de
trouver un dirigeant puis, pour une raison ou pour une autre, on n'est pas
capables, bien, si le registre à l'adresse domiciliaire... je comprends que
vous voulez protéger les renseignements personnels puis je respecte ça, mais
dans des cas comme celui-là, où est-ce que le huissier est capable de faire les
démonstrations que ça ne donne rien, les consultations n'ont pas abouti, et on
sait que le registre a des informations qui ne sont pas publiques, on aimerait
y avoir accès si c'est possible. C'est dans ce sens-là qu'on a écrit le
mémoire.
M. Derraji : O.K., merci. Je pense
que mon collègue a des questions, Mme la Présidente.
• (18 heures) •
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Parfait, merci. Alors, la parole est au député de Robert-Baldwin. Il vous reste
4 min 30 s
M. Leitão : Très bien, merci
beaucoup. Alors, c'était là où je voulais aller, Mme la Présidente. Alors, vous
voyez, moi et mon collègue, même si on n'est pas à la même place physiquement,
mais mentalement, on se complète, mais je pense que c'est une question très importante.
Donc, vous souhaiteriez, en tant qu'huissier,
d'avoir accès aux informations du registre qui ne sont pas publiques. On
comprend que le registre, avec les modifications qu'on s'apprête à faire, va
disposer de plus d'informations que qu'est-ce qu'il a présentement. Les informations
ne seraient pas nécessairement rendues publiques, comme l'adresse, par exemple.
Et vous, en tant qu'huissier, vous aimeriez avoir une espèce de permission
spéciale d'avoir accès à toute l'information du registre, c'est bien ça?
M. Taillefer (François) : Dans la
mesure du possible, oui, c'est bien ça, oui.
M. Leitão : Et vous pensez que c'est
faisable? Vous pensez que c'est... Bon, vous seriez en train de suivre un
mandat, donc de poursuivre un mandat, des fois même, suite à une intervention
de la cour, et donc ça pourrait vous donner l'autorisation de consulter tout le
registre. Parce que moi, je ne suis pas avocat, je ne sais pas, là. Est-ce que
c'est faisable, une telle chose, de vous donner à vous, huissier, accès à un
registre que les autres ordres professionnels ou le public en général
n'auraient pas accès?
M. Taillefer (François) : Bien, je
pense que oui, là. C'est avec tout le respect pour l'opinion contraire, mais un
huissier muni d'un mandat qu'il n'est pas capable d'exécuter parce que les
adresses qu'on trouve, soit professionnelles ou soit de la compagnie, ne donnent
strictement rien... J'expliquais tantôt que quelqu'un qui ne veut pas répondre dans une
entreprise, c'est qu'on bloque à la réception. Puis ça, c'est des choses qui
arrivent malheureusement trop souvent, et, si on n'a pas d'adresse
domiciliaire, le travail s'arrête là.
Alors, si je suis capable de faire les
démonstrations au registre, je parle à quelqu'un du registre : Voici ce
que j'ai fait comme démarche, ça n'a pas fonctionné à tel, tel endroit, tel,
tel endroit au travail, ça ne fonctionne pas, je n'ai aucune collaboration,
j'aimerais si possible avoir l'adresse du domicile. Si le ministère, dans son
règlement, peut permettre ça aux huissiers, ça serait très apprécié de notre
part.
M. Leitão : Très bien, je comprends.
M. le ministre, je ne sais pas si c'est faisable ou pas, mais je pense qu'on en
discutera.
L'autre chose, c'est le fait que le registre va
être aussi bon que l'information qu'on y met dedans, c'est un peu une évidence
en soi-même. Mais est-ce que le registre ou le registraire devrait avoir les
moyens, non seulement de s'assurer que l'information qui lui est donnée est la
bonne information, mais de faire le suivi? Parce qu'au fil du temps, bon, les personnes
déménagent, les compagnies aussi, donc de s'assurer que le registre est toujours
à jour. Est-ce que cela est la... c'est le registraire qui a l'obligation de
s'assurer que c'est toujours à jour ou est-ce que c'est l'entreprise elle-même
qui aurait l'obligation de communiquer des changements? Comment est-ce que vous
voulez... Comment est-ce que vous voyez cet...
M. Taillefer (François) : Bien,
présentement, c'est, je pense, corrigez-moi si je me trompe... mais c'est les
entreprises qui ont l'obligation, quand ils changent quelque chose, de faire
une déclaration modificative. C'est très accessible, ça se fait très facilement
puis, en plus de ça, c'est gratuit. Est-ce que c'est toutes les entreprises qui
le font? La réponse, c'est non. Est-ce que c'est au registre de vérifier tout
le monde? Je pense, je me répète, que ça serait excessivement difficile, mais
dans le meilleur des mondes, c'est sûr que, dans un monde idéal, il faudrait
que les informations qui se retrouvent au registre soient le plus conformes
possible. Mais je comprends qu'à l'impossible, nul n'est tenu.
Mais règle
générale, les gens qui collaborent — quand
je parle des gens, je parle des citoyens corporatifs — qui font
leurs modifications, nous, on a accès à ça directement, déclaration
modificative, un dirigeant a démissionné la veille.
Bon, à partir de ce moment-là, moi, j'avise mon client : Écoute, on n'a
pas la bonne personne, il a démissionné, c'est marqué dans le registre,
à condition que ça soit fait au jour le jour, mais je parle pour les gens qui
ne collaborent pas. La minorité qui ne collabore pas, c'est avec eux qu'on a
des problèmes. La fameuse boîte postale, c'est comme j'expliquais tantôt, ça
arrive trop souvent.
Alors, je vais vous donner un exemple :
Vous avez deux camions tracteurs à saisir. Je me ramasse dans une boîte
postale. C'est certain que les camions ne sont pas là. Et on fait quoi, là? La
compagnie, c'est la boîte postale. Est-ce que... puis après, le dirigeant, pas
capable de le trouver, l'adresse au domicile n'est pas bonne. Bon, j'ai été
très chanceux, je me suis fait arrêter pour un excès de vitesse, puis c'est le
policier qui m'a amené à l'aéroport de Dorval. Il dit : Regarde, je pense
que, dans ce coin-là, tu vas avoir les informations. Puis, comme de fait, j'ai
trouvé un employé qui n'était pas content, là, de son patron puis qui m'a tout
dénoncé ce que je devais savoir. Mais ça, c'est un coup de chance.
Des voix : Ha, ha, ha!
M. Taillefer (François) : Mais
le registre ici... c'est pour ça que j'insiste beaucoup sur le lieu de travail parce
qu'évidemment que, les huissiers, on a des petits trucs. Et, bon, sans tout
dévoiler ça, au domicile, c'est facile de savoir si les gens ne sont pas là. On
va là un samedi matin tôt, il y a du va-et-vient dans la maison, bien, c'est
facile de savoir si la personne est là puis elle ne répond pas, puis elle ne
collabore pas. Après ça, on va prendre d'autres démarches. On peut s'adresser à
un juge pour aller chercher des instructions. Mais c'est pour ça que j'insiste,
autant que puisse se faire, si c'est possible de votre côté, de nous permettre
d'avoir accès au domicile quand ça ne fonctionne pas, les autres façons.
M. Leitão : Une dernière
question. Est-ce que j'ai encore le temps?
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Vous avez déjà grugé une minute.
M. Leitão : Ah! Bon. O.K. Ça
va. Merci, c'était excellent. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, nous poursuivons avec le député de Rosemont. Vous disposez de
2 min 45 s.
M. Marissal : Merci, Mme la
Présidente, Mme Guay, M. Taillefer. Bon, vous avez la solution,
M. Taillefer, pas besoin du registre. Faites-vous arrêter par la police,
puis ça va régler vos problèmes, là. Excusez-moi, c'est une blague. Vous êtes
le dernier témoin d'une longue journée. Alors, je me suis permis de faire cette
petite blague.
Mais, plus sérieusement, si d'aventure nous
devions prendre votre suggestion puis accorder aux gens de votre profession une
dérogation, qui est quand même quelque chose d'important que vous demandez, là,
parce qu'en regard de la protection des renseignements personnels, ce n'est pas
banal, ce que vous demandez... puis nous, on fait l'équilibre de ça, là. Oui,
il y a la transparence, mais l'équilibre aussi de la protection des renseignements
personnels, est-ce que... Votre argument est déjà
convaincant, mais est-ce que vous iriez jusqu'à dire que de ne plus avoir ce renseignement-là ou cette possibilité-là pourrait,
à la limite, même dans l'absurde, nuire à l'application de lois comme celles-ci qu'on essaie de perfectionner et puis
d'appliquer, notamment pour la transparence? Je suis conscient de vous
donner des arguments, là. Je ne pensais jamais donner des arguments à un
huissier, là, mais, voilà, je viens de le faire.
M. Taillefer (François) : Bien,
je suis d'accord avec vous. Oui, ça pourrait nuire à... Oui, tout à fait, puis
je comprends très bien la protection des renseignements personnels, mais
présentement le registre est fait comme ça. On les a déjà, les adresses personnelles.
Et je me répète, pour nous, c'est indispensable. Alors, je comprends que si on
n'y a pas accès puis qu'on est capables de faire le travail avec ce qui va être
accessible avec la nouvelle loi, parfait. Les cas exceptionnels où est-ce que
ça ne fonctionnera pas, bien, on demande justement cette dérogation-là si c'est
possible que le ministre, dans son règlement, permettre à un huissier en
fonction d'avoir l'avantage ou le privilège d'aller chercher un petit peu plus
que ce qui est publié.
• (18 h 10) •
M. Marissal : Dites-moi,
M. Taillefer, je ne suis pas très familier avec le travail des huissiers,
là, c'est probablement un milieu comme ça, prenez-le pas mal, mais je ne
préfère pas parler trop souvent à des huissiers, si ce n'est que pour mieux
connaître votre profession. Quel est le pourcentage de dossiers que vous avez
pour lequel vous avez déjà toutes les infos? Parce que vous ne partez pas
toujours de zéro, là. Je présume que, quand on vous donne un ordre de cour ou
quand vous suivez une procédure, le dossier a déjà été monté. Autrement dit, le
pourcentage de dossiers où vous pouvez partir faire votre job sans avoir besoin
du registre ou de fouiller davantage...
M.
Taillefer (François) : Bien, règle générale, quand on part avec un
document, on a toutes les informations. C'est rendu sur place qu'on
s'aperçoit si l'information est bonne ou pas. Et la facilité avec le registre,
c'est que c'est très facile et très accessible pour consulter. Peu importe la
situation, dès que c'est une entreprise et je m'aperçois que le lieu
d'affaires, la place d'affaires, la compagnie, peu importe, ce n'est pas bon,
automatiquement, je vais aller vérifier le registre voir s'il n'y a pas des
modifications. Si c'est le siège social qui a changé d'adresse, et souvent, ça
peut être le cas, alors je vais aller à l'autre adresse que je vois au
registre. Et, par contre, quand c'est vraiment fermé puis, bon, que les gens
veulent cacher leurs actifs, tricher avec la loi, bien, c'est là que, je me
répète, c'est là que le domicile est important. Parce qu'il faut parler à nos
dirigeants des mandats qui viennent souvent de l'Agence du revenu du Québec et,
par ricochet, du fédéral. Bien, ils ont l'obligation de liquider au niveau des
entreprises, puis, après ça, c'est directement l'actionnaire ou le dirigeant
qui va être visé. Alors, il faut savoir où le trouver. Et si l'entreprise,
bien, elle n'existe plus puis c'est juste un local vide, on perd notre temps,
on va toujours faire faire à un mur, puis je ne pourrai pas signifier un
document à huit portes ou dans la boîte aux lettres de l'entreprise où est-ce
qu'il n'y a plus personne. Ça, c'est facile à vérifier, là. Règle générale, il
n'y a plus de... Ça fait qu'on voit très bien à l'intérieur de l'entreprise
qu'il n'y a plus personne, mais on va aller consulter les voisins qui vont nous
dire : Bien, c'est vide depuis trois jours, depuis deux semaines. Alors, à
partir de ce moment-là, la mission du huissier n'est pas terminée, là. Il faut
aller plus loin, nous autres, dans notre travail. Alors, il faut trouver le
dirigeant, il faut lui remettre le document puis, si on a des questions à lui
poser, il faut avoir accès à ces gens-là.
M. Marissal : Je comprends bien. Je
vous remercie, M. Taillefer.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci. Nous poursuivons avec la députée de Gaspé. Vous disposez de
2 min 45 s.
Mme Perry Mélançon : Merci. D'abord,
bonjour... bien, bonsoir. Heureuse de votre présence. Vous avez, je pense, bien
exposé, là, les raisons pour lesquelles vous nécessitez, dans le cadre de vos
fonctions, là, de l'entente des données. Je suis peut-être la seule à me poser
cette question-là en fin de consultations comme ça, mais, pour vous, parce
qu'il a été beaucoup question de ce sujet-là, là, avec d'autres groupes
précédemment, est-ce que, dans le cadre de vos fonctions, justement, la question
des seuils qui se retrouve aussi dans le projet de loi qui nous est présenté,
la question des seuils d'assujettissement des bénéficiaires ultimes, qui est
fixée à 25 % ici, est-ce que... parce que, là, on entendait les gens qui
disaient : Bien, plus le seuil est élevé, moins sont claires les
informations dont on dispose sur les bénéficiaires ultimes. Est-ce que, pour
vous, ça a un impact dans le travail que vous faites?
M. Taillefer (François) : Non, je ne
vois pas de problème à ce niveau-là, non, pas du tout. L'important, moi, c'est
que je puisse parler à quelqu'un en autorité, peu importe c'est quoi son titre,
pour être capable d'accomplir mon mandat, peu importe c'est quoi. Alors, parler
à une personne en autorité qui peut parler au nom de la compagnie, alors si
c'est le président, c'est parfait, mais si c'est le vice-président ou le
secrétaire, c'est aussi bon. Ça peut être un administrateur dans une société,
il y a un des associés. Ça prend quelqu'un, par exemple, avec un contact
physique pour être capable de faire le travail jusqu'au bout, parce que souvent
les ordres de cour, bien, comme je disais tantôt, oui, on part avec un
document, avec une adresse que l'avocat nous donne ou le notaire ou... ça peut
être un particulier. Il y a quelqu'un qui a un jugement qu'il veut faire
exécuter. À l'époque, il a eu son jugement à la cour, il avait une adresse, ils
se sont échangé les procédures. Il obtient un jugement, peu importe quand,
donne ça à un huissier qui s'en va faire son travail, puis là il arrive à un
endroit qui est complètement vide ou qu'il se fait dire qu'il n'est pas à la
bonne place alors qu'il est à la bonne place, mais ça, des fois, on s'en fait
jouer des petites vites, en bon français, d'où l'importance d'être capable de
consulter rapidement, tel qu'on le fait présentement.
Mme Perry
Mélançon : Parfait. Puis, dans le fond, dans vos recommandations, vous
dites : la vérification des informations publiées au registre, le maintien
de l'adresse domiciliaire puis l'accès à toutes les informations disponibles au
registre. Est-ce que vous avez autre chose à spécifier? Parce qu'on a peut-être
30 secondes, là, qui vous est attribué en conclusion...
M. Taillefer (François) : Non, moi,
je trouve qu'on a fait le tour dans notre mémoire. On vous demande ça parce que
je pense que c'est un outil de travail, je me répète, indispensable autant que
peut se faire. Puis c'est un privilège ou une... c'est ça, c'est un privilège
qu'on vous demande dans les cas où est-ce qu'on n'est pas capable de réaliser
le travail, compte tenu de ce que j'ai dit tantôt, d'avoir encore accès au
domicile dans les cas où est-ce qu'on n'est pas capable d'aller plus loin.
Mme Perry Mélançon : Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Merci, M. Taillefer. Merci, Mme Guay, pour votre contribution
à l'avancement des travaux de la commission.
Alors, compte tenu de l'heure, nous ajournons
les travaux jusqu'au jeudi 18 février 2021, après les affaires
courantes, où nous allons pouvoir poursuivre notre mandat. Merci. Nous vous souhaitons
une bonne soirée.
(Fin de la séance à 18 h 15)