(Neuf
heures trente et une minutes)
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Bonjour. Alors, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la
Commission de l'économie et du travail ouverte.
La commission est
réunie virtuellement afin de poursuivre les consultations particulières et
auditions publiques sur le projet de loi n° 59, Loi
modernisant le régime de santé et de la sécurité du travail.
Mme la secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. Mme Jeannotte (Labelle) est remplacée par M. Allaire (Maskinongé) et Mme Richard (Duplessis), par
M. Roy (Bonaventure).
Auditions (suite)
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Merci. Ce matin, nous entendrons par
visioconférence les groupes suivants :
la Centrale des syndicats du Québec, les Manufacturiers et exportateurs du Québec, le
Collectif des organismes de défense
des droits des personnes en situation de handicap et le Conseil provincial du
Québec des métiers de la construction.
Nous
commençons avec le premier groupe et les représentantes de la Centrale des syndicats du Québec. Nous vous souhaitons bienvenue. Je vous
rappelle que vous avez 10 minutes pour votre exposé. Avant de commencer,
je vous invite à bien vous présenter.
Centrale des syndicats du
Québec (CSQ)
Mme Éthier
(Sonia) : Sonia Éthier, présidente de la Centrale des syndicats
du Québec. Je suis accompagnée de Mélanie Baril, qui est conseillère en santé
et sécurité au travail à la centrale.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Parfait. Donc, vous pouvez commencer votre
exposé.
Mme Éthier
(Sonia) : Parfait. Merci. Bien, Mme la Présidente, M. le
ministre, membres de la commission, je vous remercie de nous entendre ce matin
dans le cadre des consultations.
Écoutez, Mme la
Présidente, moi, dans un premier temps, je veux saluer le courage du ministre
du Travail, là, pour avoir fait cheminer ce projet de loi jusqu'en commission
parlementaire, ce que les gouvernements précédents n'ont pas fait. Et je pense que le ministre, tout
comme nous, à la centrale, croit au paritarisme, au dialogue social. Et, connaissant le ministre, justement,
pour avoir cheminé à d'autres commissions
parlementaires, et au Comité
consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, et à la CPMT, je pense que le ministre
va être sensible à nos arguments et modifications qu'on veut apporter pour
bonifier le projet de loi. Et je le rappelle, là, on est en début de processus.
Donc, vous savez,
notre organisation représente 200 000 membres, dont 125 000 qui
font partie du personnel de l'éducation. Et on a en nos rangs 75 % de
femmes.
Donc, je vais vous
dire qu'on va faire quand même un survol des principales bonifications, modifications
qu'on voudrait apporter. On n'ira pas dans le sens chronologique du mémoire.
Alors, vous rappeler
que, lors de son entrée en vigueur, la loi... la LSST visait à protéger les travailleuses
et travailleurs du Québec, et je pense qu'il
faut toujours poursuivre cet objectif-là. Et, à ce moment-là, les quatre
mécanismes de prévention, ils devaient être déployés au cours des cinq années
suivantes. Ça ne s'est jamais concrétisé. Et, pour nous, là, à la CSQ, on ne bénéficie pas de ces mécanismes-là, et on le
rappelle, là, ça fait plus de 40 ans, et on pense que nos
travailleuses, travailleurs devraient bénéficier des mêmes mécanismes que les
groupes considérés à risque élevé.
Bien, les chiffres
parlent, hein, il y a quand même... 58,3 % des accidents du travail dont
les réclamations ont été acceptées ont lieu dans des établissements qui ne sont
pas assujettis aux mécanismes de prévention. Donc, on accueille favorablement
la volonté du gouvernement de les déployer, les mécanismes de prévention, à
l'ensemble des activités, mais je pense que
la méthode utilisée pour déterminer les niveaux de risque, ça aura des impacts
négatifs, puis on va vous expliquer ça tout à l'heure.
Et
vous rappeler aussi que l'ensemble des groupes de l'éducation, de l'enseignement supérieur et des hôpitaux généraux ont été
classés à risque faible, avec cette méthode-là, mais, pourtant, dans la Planification
pluriannuelle en prévention-inspection 2017‑2020, la CNESST avait priorisé
les soins de santé en raison du nombre de lésions et des coûts. Ça fait que, donc, le socle sur lequel
s'appuie la détermination des niveaux de risque, soit les débours, pour
nous, ça a une limite importante. Ce sont
les lésions déclarées acceptées qui sont considérées, alors que les recherches
démontrent qu'un nombre important de lésions professionnelles ne sont pas
déclarées. En éducation, en enseignement supérieur, bien, pour nous, c'est aberrant que les établissements qui offrent la
formation professionnelle et technique soient classés à risque faible.
Donc, la méthode utilisée désavantage les femmes, parce que les personnes qui
travaillent dans nos secteurs sont à faible risque, donc sont en majorité des
femmes.
Pour la santé
psychologique du travailleur, bien, vous le savez, là, ça prend de plus en plus
de place parmi les causes d'invalidité, puis le nombre d'absences de longue
durée s'est accru. Donc, la CNESST reconnaît que cette problématique est de
plus en plus présente dans nos milieux de travail et que la situation est
préoccupante, que les soins de santé puis de services sociaux et de
l'enseignement sont parmi les plus touchés. Donc, actuellement, là, il n'y a
pas d'encadrement législatif qui permet aux acteurs du milieu de bénéficier de
leviers pour éliminer et réduire à la source les risques psychosociaux.
Donc, dans la modernisation du régime, il est
prévu à l'article 51 l'obligation de prendre des mesures de la protection
du travailleur pour la violence physique, psychologique, violence conjugale,
familiale, mais la notion de risques psychosociaux, pour nous, elle est plus
large que ça. Et le projet de loi donne un rôle aux représentants de la
prévention, qui pourraient faire des recommandations là-dessus, mais sans en
être informés, de l'ensemble des risques psychosociaux. Et aussi il n'y a pas
de modification qui est apportée pour faciliter les réclamations pour les
lésions psychologiques. Et on apporte une nouvelle présomption, c'est bien, là,
pour le stress post-traumatique, mais, présentement, il est reconnu par les
tribunaux, ce n'est pas là, le problème. Et, pour bien informer les acteurs du
milieu de leurs obligations, je pense qu'il faut ajouter une définition des
risques psychosociaux puis un énoncé des principales composantes, puis,
notamment, bien, la surcharge de travail.
Et aussi je pense que l'analyse, la prévention,
ça doit être explicitement énoncé dans les obligations des employeurs, à
l'article 51, puis prioriser expressément l'identification et l'analyse
des risques psychosociaux qui peuvent affecter la santé des travailleurs dans
le programme de prévention qui est prévu à l'article 59. Donc, aussi,
bien, je pense qu'il faut faciliter, hein, l'accessibilité de la reconnaissance
des lésions psychologiques, mais évidemment on préfère mettre beaucoup
d'emphase sur la prévention.
Pour la réparation, bien, je pense qu'il y a un
petit peu de problématiques, là, et c'est là que le bât blesse. Bien, je pense
qu'on ajoute beaucoup de conditions, hein, pour pouvoir être reconnus, puis ça
a l'effet, permettez-moi l'expression, de neutraliser l'effet principal de la
présomption, qui est là pour faciliter et aller plus rapidement pour le
travailleur pour faire une réclamation. Puis je vais vous donner un exemple,
là, par exemple, le trouble stress post-traumatique, bien là, on ajoute, dans
le projet de loi, l'«élément répétitif ou extrême». Présentement, ce n'est pas une condition pour que ce soit reconnu. Puis
il y a aussi l'atteinte auditive, là, où on ajoute «preuve scientifique»,
etc.
Bien, pour l'annexe I, on salue le fait que
l'annexe I soit remplacée par un règlement, parce que ça va faciliter la mise à
jour des maladies professionnelles, mais il ne faut pas rendre ça plus
difficile pour reconnaître la maladie professionnelle par des changements
réglementaires. Il faut être prudent là-dedans.
Pour la réadaptation, on sait que la CNESST, qui
aura le pouvoir décisionnel de soumettre ou non le plan au médecin traitant et...
Pour nous, le médecin traitant, là, c'est un incontournable, il devrait
toujours, toujours être le médecin qui détermine, parce que c'est lui qui
connaît davantage le travailleur.
• (9 h 40) •
Et ce qui nous inquiète un petit peu aussi,
c'est qu'on introduit la réparation avant la consolidation, et c'est parfois
périlleux, ça, hein, avant que le travailleur soit consolidé, parce qu'un
retour précipité au travail, ça peut faire en
sorte qu'il y ait des rechutes. On nous invite à la prudence là-dessus. Puis,
après la consolidation, bien, il y a, dans le projet de loi, la disparition de la réadaptation physique, qui sera
remplacée par un règlement qui sera déterminé par la CNESST, puis on craint que ce programme-là limite
davantage les éléments sur lesquels les travailleurs pourraient avoir
besoin.
Donc, sur la question du paritarisme, à défaut,
là, d'une entente entre l'employeur et les travailleurs, il ne faut pas laisser
l'employeur décider seul, il faut que le comité mette une base, que le comité
se réunisse une fois tous les trois mois, comme c'est prévu actuellement.
Et, concernant le représentant à la prévention,
bien, considérant que c'est basé sur les niveaux de risque, bien, pour nous, là,
c'est totalement insuffisant. Il y a beaucoup d'améliorations à apporter
là-dessus parce que, je vais vous donner un exemple, là, si je suis capable...
si je peux avoir 30 minutes pour faire de la prévention dans un centre de
services scolaire, par exemple, ou dans un hôpital, c'est comme si je n'avais
rien. Donc, nous, là, ça fait 40 ans
qu'on attend, je vais vous le dire comme ça, en éducation, là, en santé aussi,
et donc on pense que le minimum d'heures allouées, il faut que ça soit
celui du règlement actuel.
Ensuite, pour les employeurs qui ont plusieurs
représentants, plusieurs établissements...
La Présidente (Mme IsaBelle) : En
conclusion, Mme Éthier. En conclusion. Il reste 30 secondes.
Mme Éthier (Sonia) :
Bon, alors, je voulais vous parler de violence conjugale, je voulais saluer ça,
de même que le programme de maternité sans danger. Pour nous, c'est important
que ça soit resté enchâssé dans la loi. Et, bien,
il y a plusieurs recommandations, là, j'imagine que vous n'avez peut-être
pas eu le temps, seulement de faire un survol,
là, mais, voilà, on espère que vous allez avoir le temps de prendre
connaissance de toutes les recommandations qu'on a faites puis qu'on
puisse bonifier le projet de loi qui nous a été présenté. Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci, Mme Éthier. Nous allons donc commencer la période d'échange avec M.
le ministre. Vous disposez de 16 min 30 s.
M.
Boulet : Merci, Mme la Présidente. Bon matin, Sonia Éthier, Mélanie Baril, et, félicitations, bien sûr,
à toutes les personnes qui ont contribué à la rédaction d'un mémoire qui
est bien étoffé, avec des belles recommandations.
Puis, Sonia, tes propos reflètent une
connaissance fine, là, du régime de santé et sécurité du travail, puis j'apprécie beaucoup les remarques sur le
paritarisme et le dialogue social. Je pense qu'au Québec
c'est un des éléments distinctifs qui est associé
à nos partenaires du marché du travail. Donc, je souligne le ton, aussi, de la
présentation, et moi, je trouve que c'est la meilleure façon de faire des
discussions raisonnées et de donner des résultats qui sont positifs à des recommandations.
Évidemment, on est limités, Sonia, en termes de
temps, mais je vais quand même faire quelques précisions, puis te poser
quelques questions, là, ou Mélanie, là, mais, tu sais, je trouve particulièrement
intéressante la... tu sais, quand, à la page 11 de votre mémoire, vous
référez... Bon, actuellement, il y a six groupes. Il y a 58,3 % des
lésions qui arrivent dans des groupes où il n'y a pas aucun mécanisme de
prévention, puis on dit souvent : Il y a 25 % des travailleurs qui
sont couverts par des mécanismes de prévention. L'objectif de la loi, bien sûr,
c'est de s'assurer de faire plus de prévention et que les travailleurs et travailleuses
soient plus couverts par des mécanismes, non seulement de prévention mais de
participation des travailleurs. Mais vous dites, pour maintenir la stabilité
des milieux de travail puis la paix
industrielle, là où il y a eu des ententes — parce qu'il y a des ententes dans des
milieux où il y a une obligation puis il y a des ententes dans des milieux de
travail où il n'y avait pas d'obligation, en raison des lacunes des lois
actuelles — que
nous trouvions un mécanisme pour reconnaître l'existence de ces ententes-là,
qu'on soit dans un milieu où il y a une
obligation ou un milieu qui n'a pas d'obligation. Sonia, je vais t'écouter
parler là-dessus, mais je trouve que c'est une recommandation qui est
particulièrement intéressante.
Mme
Éthier (Sonia) : Oui. Bien,
évidemment, c'est ça, c'est qu'il y a des milieux, à l'intérieur, par
exemple, des conventions collectives locales, là, parce que c'est des
dispositions de conventions collectives locales, où il y a déjà des mécanismes
qui sont prévus qui satisfont les parties, qui prévoient des libérations, des
comités de santé et sécurité qui siègent
régulièrement. Alors, pour nous, là, c'est de dire qu'il faut que ces
dispositions-là, qui sont satisfaisantes, puissent continuer d'exister.
M. Boulet : Puis tout le temps en
prenant pour acquis que ce qui est dans la loi, c'est un plancher. Sur le
principe, là, Sonia, je suis d'accord.
Dans la recommandation 1, s'assurer que les
quatre mécanismes... en fait, que les mécanismes de prévention s'appliquent à
tous les secteurs, nous partageons le même objectif. À la page 16, sur les
formations obligatoires, bon : «La CSQ
accueille favorablement les dispositions du p.l. n° 59 [pour les]
formations obligatoires, dont le contenu est déterminé par [le] règlement,
pour les membres du comité de santé et [...] sécurité [et] les représentantes
en santé et sécurité.» Je pense que la formation, elle est essentielle et
incontournable. Et vous dites, un peu plus bas dans votre mémoire, que les
formations pourraient être bonifiées, notamment quant à la compétence pour
identifier les risques. Est-ce que tu pourrais donner un peu d'information
complémentaire à cet élément, s'il te plaît?
Mme Éthier (Sonia) :
Mélanie, est-ce que tu peux y aller là-dessus?
Mme Baril (Mélanie) : Oui, bien sûr.
Bien, c'est parce qu'en fait, effectivement, afin de pouvoir faire un bon
travail paritaire, c'est essentiel qu'il y ait une formation, puis on a vraiment
trouvé que c'était une bonne idée de mettre ces formations-là dans la loi, mais
on constate que ces formations ont un cadre très... je vous dirais, un cadre
général, hein, donc qui s'applique à tous, qui nous permettra probablement
d'exercer bien les fonctions, que chacun puisse connaître correctement le rôle
de chaque partie, mais ce qu'on pense qui pourrait être ajouté, c'est qu'il y ait
un volet sectoriel, parce que chaque secteur a ses préoccupations, a des
risques particuliers. Et ça pourrait être intéressant qu'on puisse former aussi
les gens sur la présence de ces risques-là, qui sont présents peut-être plus
dans certains secteurs, pour qu'on puisse, dès le début, peut-être, identifier
plus facilement les priorités puis comprendre comment fonctionnent ces risques-là,
quels sont les dangers, et aider, finalement, les personnes qui doivent
travailler, autant sur le comité de santé et sécurité que le représentant à la
prévention qui sont dans les milieux, et d'être bien formé puis d'être capable
d'être outillé. Et ces risques-là, bien, je veux dire, dans nos secteurs, ça
pourrait être une formation en lien, entre autres, sur les risques
psychosociaux, hein, ce n'est pas si simple que ça, comprendre les risques
psychosociaux.
M. Boulet : Eh oui. Totalement, oui,
puis...
Mme Baril (Mélanie) : Donc, ça
pourrait être une façon d'aider les milieux, d'avoir des discussions
constructives aussi puis qu'on puisse aller de l'avant, là, sur les risques.
M.
Boulet : O.K.
Parfait. Puis ça s'inscrit dans cette orientation-là, quand vous dites, à vos recommandations 12
et 14, que le projet de loi pourrait prévoir que les employeurs doivent être
membres d'une association sectorielle paritaire. Évidemment, pour le bénéfice
de tout le monde, ces associations-là ont notamment pour mandat de faire de la
formation en milieu de travail.
Et vous demandez aussi, à une autre recommandation,
de préciser que les employeurs se joignent à des associations sectorielles
paritaires qui existent, et ça, ça m'apparaît totalement cohérent, Mélanie,
avec le propos que tu viens de tenir.
À
16, puis, Sonia, ça a été soulevé par d'autres groupes, là : «que le gouvernement alloue les ressources nécessaires à la prévention puis l'inspectorat afin que la CNESST puisse réaliser pleinement
sa mission», il y a un partenaire, hier, qui disait qu'il louait le
travail de la CNESST depuis le début de la pandémie. Évidemment, il y a eu un
surcroît de travail, et, si nécessaire,
puis, je tiens... pour moi, c'est important de le préciser, si on a besoin de
ressources additionnelles... on va certainement en
avoir besoin puis on va s'assurer, au gouvernement du Québec, de donner ou de
fournir à la CNESST les ressources qui ont les compétences et les
qualifications pour répondre aux besoins de formation et de mise en application
partout, parce qu'on veut qu'il y ait des mécanismes de prévention puis de
participation, puis la CNESST joue un rôle là-dedans, là, puis vous le savez
très bien.
Une voix :
Absolument.
M. Boulet :
Ça fait que, moi, je vais certainement vouloir qu'on donne suite à cette
recommandation-là.
Une voix :
Parfait.
• (9 h 50) •
M. Boulet :
Il y a une autre... Le mémoire, il est particulièrement, Sonia, Mélanie, je le
dis, intéressant, là, tu sais. Je vais à 18, là, la violence conjugale, je
pense qu'on fait une avancée extrêmement intéressante. Sonia, j'aimerais t'entendre sur... bon, évidemment, tu parles de l'information puis de formation,
mais je pense que vous référez, dans le mémoire, à un
moment donné, à une politique qu'un employeur pourrait adopter en matière de
violence. J'aimerais t'entendre compléter là-dessus.
Mme
Éthier (Sonia) : Bien, je pense que les dispositions qui ont
été ajoutées dans la loi, on les salue, là, je n'ai pas eu le temps de m'y
rendre tantôt dans mon propos, mais il faudrait ajouter une politique que
l'employeur devrait mettre en place. Donc, ça, quand on met une politique dans
un milieu de travail, avec des dispositions, bien, je pense qu'on s'assure, là,
qu'on s'occupe réellement de la problématique. Et, en plus de ça, bien, je
pense, qu'on ajoute aussi un élément que cette politique devrait tenir compte
du droit au respect à la vie privée. Vous savez, la violence conjugale, c'est
très sensible, et on dit aussi qu'on devrait prévoir là-dedans qu'il y ait des
ressources, qu'on puisse référer à des ressources externes spécialisées pour
garantir la vie privée de la personne qui en est... qui subit, qui la subit.
Donc, ça serait bienvenu si c'était appliqué.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Votre micro, M. le ministre.
M. Boulet :
Une précision, Sonia, sur le programme de maternité sans danger. À la recommandation 20,
évidemment, la CSQ veut s'assurer que le médecin qui fait le suivi de grossesse ne
perde pas son rôle, qu'il ne soit pas dilué.
Ça, je vous rassure — d'ailleurs,
ça a été souligné par une autre partie, hein, qui représente aussi des femmes — il y a un protocole national, mais ça va
être un guide de référence des connaissances scientifiques, mais ça va être essentiellement
pour assurer une meilleure équité partout au Québec. Parce que, là, on réalise
que...
Mme Éthier
(Sonia) : Oui, ça, on le partage.
M. Boulet :
C'est ça. Dépendamment des régions puis des médecins, pour le même travail, tu
as ou non un retrait préventif. Ça fait que je veux être assuré que le médecin qui fait le suivi de grossesse va
conserver son rôle pour tenir compte
des particularités personnelles de la femme qui est enceinte, pour, bien sûr,
la protéger, ou l'enfant à naître.
Mme Éthier
(Sonia) : Oui. Puis, pour nous, ça, c'est important. Puis je
pense aussi que, dans notre mémoire, si vous permettez, M. le ministre, on
indique que le retrait préventif, hein, c'est d'abord une réaffectation, hein?
Puis les employeurs disent que ça coûte cher, mais ils ne font pas l'exercice
de faire l'analyse de risques puis d'essayer de trouver une réaffectation dans
un emploi où il n'y a pas de risque. Alors, ça aussi, là, je pense que c'est
important.
M. Boulet :
C'est superintéressant. Puis il y a comme une espèce de culture, au Québec, que
le retrait préventif, ça veut dire que tu ne peux plus travailler, alors que ça
doit être considéré comme l'équivalent d'une demande de faire autre chose.
Mme Éthier (Sonia) : Bien, c'est ça. Puis c'est pour ça que l'analyse
de risques est très importante. C'est la base.
M. Boulet :
Oui, totalement. L'intégration ou la prise en considération des risques
psychosociaux, Sonia, je pense qu'on fait une avancée. Et, dans le domaine, notamment,
de la santé, quelle incidence tu penses que ça peut avoir?
Mme Éthier
(Sonia) : Bien, on fait une avancée, mais je pense qu'on...
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Votre micro, Mme Éthier.
Mme Éthier
(Sonia) : Excusez-moi. Bien, je disais que c'est important, là,
de le mentionner dans le projet de loi, la reconnaissance des risques psychosociaux, mais, quand j'ai
regardé l'analyse d'impact, là, on ne parle pas de la charge de travail et du manque de soutien des collègues,
etc., puis je pense qu'il faut en tenir compte, de ça, c'est important. Vous parlez du secteur de la santé, on peut parler
du secteur de l'éducation. Depuis 10 mois, on en a la
démonstration, jusqu'à quel point la surcharge de travail, c'est un facteur de
risque important au niveau... un risque psychosocial. Donc, je pense qu'il faut
tenir compte de l'ensemble des risques psychosociaux et que ça soit vraiment
déterminé dans la loi comme telle, là.
M. Boulet : Puis, lors de l'étude détaillée, j'aurai
l'occasion de préciser et de mieux définir les risques psychosociaux,
mais, dans mon esprit, c'est au sens le plus précis possible. Et, quand on
parle de charge de travail, de ratios, pour moi, ça en fait partie. C'est
inhérent à la définition que doit avoir un risque psychosocial.
Juste en rafale, là, parce
qu'il reste une minute, Sonia, les troubles de stress post-traumatique, c'est
vrai, c'est reconnu par les tribunaux, mais, maintenant, avec la présomption,
ça facilite le fardeau de preuve, ça va être plus aisé. Je vais revoir les
conditions, là, qui donnent ouverture à la présomption, là, tu l'as très, très
bien expliqué. Et 67 % des lésions qui invoquent une connotation
psychologique découlent de troubles de stress post-traumatique, puis tu
référais à des métiers spécifiques, là, policier, pompière, ambulancier. Ce
qu'on a fait de différent de certaines autres provinces, c'est de ne pas les
associer à des métiers particuliers, parce qu'on voulait que ce soit plus
général, on ne voulait pas s'enfermer dans des compartiments de métiers déjà
déterminés.
Au point réadaptation
physique, on ne l'enlève pas. Le nombre d'heures de libération puis la
fréquence des réunions des comités, moi, je vais m'assurer que ce soit adapté à
la réalité spécifique des milieux de travail. Est-ce qu'il nous reste...
Claire, on me disait qu'il me restait une minute, est-ce que c'est le cas ou...
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Il vous en reste deux, minutes, mais là on est
rendus déjà à 1 min 45 s.
M. Boulet :
O.K. Merci, Mme la Présidente. Donc, globalement, Sonia, Mélanie, merci encore
de votre contribution, c'est super apprécié.
Puis ne voyons pas la phase de consultation de la commission
parlementaire comme de quoi de final, on va continuer de discuter,
Sonia, on s'en est déjà parlé, parce que j'ai l'opportunité de discuter avec
les leaders syndicaux, là, de façon assez régulière. Je vais être ouvert, comme
je l'ai fait dans les autres projets de loi. Je sais qu'il y a matière à
bonification. Il n'y a pas un projet de loi que j'ai vu depuis le début de ma
carrière qui n'est pas perfectible, j'en suis conscient. On va travailler en
équipe, les députés du parti gouvernemental, des partis d'opposition, mais ça
implique aussi les acteurs externes, dont la CSQ est un membre pour lequel j'ai
énormément d'estime. Merci beaucoup, Sonia puis Mélanie.
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Alors, merci pour le bel échange. Nous allons poursuivre
maintenant avec le député de Nelligan, qui dispose de 11 minutes. Mais,
avant, je veux informer Mme Éthier qu'on me dit qu'ici on vous ferme le
micro après que vous ayez parlé parce qu'il y a un bruit de fond. Alors,
n'oubliez pas que, quand vous voulez parler, vous devez l'allumer, parce que,
là, c'est ici qu'on vous le ferme. Je ne sais pas si vous me... vous avez...
Oui? Parfait, vous avez bien compris. Merci.
Alors, la parole est
au député de Nelligan.
M. Derraji :
Merci, Mme la Présidente. Mme Éthier, Mme Baril, merci beaucoup pour
votre présence et pour la qualité de votre mémoire.
J'ai noté pas mal de
recommandations et je saisis l'occasion de l'ouverture de M. le ministre... que
c'est vrai, je le confirme, c'est un début
d'une modernisation. Il ne faut pas la faire en reculant, ça a été dit par
plusieurs groupes, et je note son ouverture à ce qu'on travaille
ensemble pour bonifier, avoir un meilleur projet de loi.
Ma première question,
j'aimerais bien savoir votre point de vue, ça a été partagé par d'autres
groupes, et je vois en face de moi deux femmes avec un excellent background et
surtout à la tête d'une centrale syndicale, et corrigez-moi si je me trompe, qu'il y a... Des groupes, à la première
journée d'étude, nous ont mentionné que ce projet de loi n'a pas tenu la
réalité des femmes, surtout au niveau des risques faibles. Il y a même des
groupes qui nous ont suggéré deux types d'analyse, ADS et ADS+. Qu'est-ce que
vous en pensez?
• (10 heures) •
Mme
Éthier (Sonia) : Bien, écoutez, c'est sûr que, je l'ai dit
d'entrée de jeu, là, le fait qu'on parte, pour l'identification du niveau de
risque, par les débours et que les groupes à risque faible, on retrouve une
majorité de femmes qui sont dans le secteur de l'éducation et de la santé,
bien, c'est une correction, là, qu'on voudrait voir dans le projet de loi, et
c'est pour ça que, nous, on dit que les mécanismes de prévention doivent
s'appliquer à l'ensemble des secteurs. Ça fait partie d'une recommandation,
pour nous, qui est importante, puis je pense qu'on va y arriver, là, il va y avoir des choses qui vont être pensées de
la part du ministre. Et, bien, l'ADS,
ADS+, là, je pense que le mémoire de l'Intersyndicale des
femmes y fait référence, c'est important d'entrer ça dans notre culture.
M. Derraji :
Absolument.
Mme
Éthier (Sonia) : Mais là, pour nous, il faut entrer ça dans
notre culture, mais il ne faut quand même pas retarder le processus de
modernisation de la loi qu'on attend depuis très longtemps. Ça fait que, pour
nous, là, prenons ça en compte, effectivement, mais entrons ça dans notre
culture.
M. Derraji : Oui, mais, Mme Éthier, je veux juste saisir une
chose très importante. Vous avez parlé de trois secteurs : vous avez parlé du secteur de la santé, du
secteur de l'éducation, de l'enseignement supérieur. Vos membres, ils
représentent quand même une bonne majorité, c'est des femmes, à moins... si je
me trompe. J'ai trois groupes, mardi, unanimement, ils l'ont déclaré... et
c'est pour cela que je sollicite aussi votre point de vue, je comprends ce que
vous êtes en train de me dire, des regroupements de femmes critiquent le projet
de loi n° 59 mais elles insistent beaucoup à ce que ce projet de loi
aurait dû, surtout dans sa façon de faire et de classer le risque, avant
d'arriver à ce constat, avoir cette analyse surtout. Et je vous réfère au
Secrétariat de la condition féminine en 2007, ça a été très clair qu'une ADS ou
ADS+ doit être faite surtout par rapport aux lésions professionnelles. Donc...
Parce que, vous l'avez mentionné dans
votre recommandation 3, vous dites : «Que soit retirée du projet de
loi n° 59 la classification de groupes d'activités selon des niveaux de
risque et qu'il puisse prévoir les dispositions nécessaires afin que l'ensemble
des secteurs d'activité ait accès aux mêmes droits.» Moi, je pense que c'est
une très bonne recommandation, mais cela...
encore une fois, je vous repose ma question : Est-ce que... si on a fait
l'ADS ou l'ADS+ à ce projet de loi, je ne pense pas qu'aujourd'hui vous
allez nous proposer la recommandation 3 parce que, de toute façon, cette
classification du niveau de risque ne sera pas dans ce projet de loi.
Mme
Éthier (Sonia) : ...
M. Derraji :
On ne vous entend pas.
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Votre micro. Votre micro.
M. Derraji :
On ne vous entend pas.
Mme
Éthier (Sonia) : Oui, oui. Là, je comprends. J'essaie d'arriver
à la recommandation 3. Mais c'est sûr que, pour nous, là, le fait d'avoir
parti sur cette façon, cette méthode selon les niveaux de risque, je le dis,
là, puis je l'ai dit d'entrée de jeu, ça défavorise nos secteurs, l'éducation et la santé, l'enseignement supérieur,
parce que ce qui a été utilisé, bien, ça fait en sorte que... nos
groupes sont majoritairement des femmes et se retrouvent dans des niveaux de
risque faible. Donc, pour nous, là, c'est pour ça qu'on dit : Appliquons
les mécanismes, les quatre mécanismes de prévention, tel que c'est prévu
actuellement. Et les niveaux de risque, là, pour nous, ce n'est pas une bonne
méthode, on va dire ça comme ça.
M. Derraji :
Oui. Bien, merci, Mme Éthier. Et, comme je vous ai dit, moi, je pars du
principe que 75 % de vos membres sont des femmes. Et j'en suis sûr et
certain, que vous êtes leur porte-voix. Et, si je vous pose la question, c'est
parce que j'ai des sérieuses inquiétudes que les lunettes avec lesquelles on
analyse le projet de loi, pour moi, le minimum doit être de l'ADS et de l'ADS+,
tel que mentionné mardi. Ça, c'est mon premier point.
Deuxième point,
revenons au paritarisme, il y a le Comité consultatif du travail et de la
main-d'oeuvre qui a mis sur la table 45 recommandations. Le ministre a
choisi d'utiliser 38 %, 18 sur 47, et il a laissé de côté 29 sur 47,
61 %. Vous avez entendu hier vos collègues d'autres syndicats qui sont
allé jusqu'à dire que c'est une menace au paritarisme. Est-ce que je peux
considérer que votre regroupement pense aussi que c'est une menace au
paritarisme ou vous pensez que, quand même, on avance dans le paritarisme et
qu'on atteint les résultats escomptés, même avec 18 recommandations sur
47?
Mme Éthier (Sonia) : Bien, écoutez, moi, je
pense que j'ai salué, au départ, le
courage du ministre de déposer le projet de loi. Effectivement, ce ne sont pas tous les éléments de consensus qui ont été retenus,
mais il y en a plusieurs.
Nous-mêmes, parfois, dans nos recommandations, on va plus loin que les
consensus qui ont été établis. Mais moi, je pense qu'on est dans une première
étape de la commission parlementaire. On est... Tous les groupes viennent faire
des recommandations pour bonifier. Je pense qu'il y a certaines organisations
qui sont plus critiques. Je pense qu'on va finir par trouver un terrain
d'entente ensemble dans l'analyse. Puis vous allez jouer un rôle comme parti de
l'opposition. Puis c'est bien important parce que les travailleuses et
travailleurs du Québec, là, bien, la santé et sécurité, c'est la base. On dit souvent
que c'est important d'avoir une économie du Québec forte. Bien, ça passe par l'ensemble
des travailleuses et travailleurs, et ça passe par la prévention. Puis je pense
que le ministre, il est sensible à ça, vous aussi. Puis je pense qu'on va être
capables de cheminer ensemble pour arriver à une loi qui sera adoptée puis
qu'on va tous être confortables avec...
M. Derraji :
Mais vous avez raison, Mme Éthier, que nous sommes tous sensibles. Ça, je
tiens à vous le mentionner. Et c'est pour cela que, pour moi, le paritarisme
est quelque chose qui est extrêmement important au Québec. C'est comme ça qu'on
va avancer.
Mme
Éthier (Sonia) : Absolument.
M. Derraji :
Et, si on veut, demain, avoir des milieux sécuritaires, c'est à la fois le rôle
de l'employeur et du syndicat. On n'est pas là en train de...
Mme
Éthier (Sonia) : Oui. Il faut être partie prenante.
M. Derraji :
Exactement. Ce n'est pas le moment de dire que tel parti va gagner et l'autre
va perdre. Au Québec, nous avons une façon avec laquelle on travaille,
et je pense que c'est extrêmement
important qu'on avance tous ensemble dans la même logique.
Partagez avec moi le
sentiment de vos membres, surtout dans le réseau de la santé, quand ils ont vu,
via votre organisation, qu'ils sont placés dans le risque n° 1,
le risque faible. Sachant ce qu'on vit présentement avec la COVID, ça a été
quoi, leur réaction?
Mme
Éthier (Sonia) : Il y a eu une déception,
hein, c'est sûr qu'il y a eu une déception par rapport à ce qui se vit. Depuis
10 mois, nos membres, c'est en santé puis en éducation aussi, là, qu'ils
sont, hein, qu'ils sont au front, puis notamment plus particulièrement en santé.
Mais ce qu'on leur a expliqué, à nos membres, à nos représentants syndicaux,
c'est qu'on se présenterait en commission parlementaire en proposant des
modifications puis qu'on est certains qu'on va avoir l'écoute pour... Puis le
ministre nous l'a dit tout à l'heure, là. Il a entendu, notamment, la FIQ qui
est passée, là, puis qui a parlé, hein, des ratios et... bon. Bien, je pense
que c'est la logique, là, puis je pense qu'on est capables, tout le monde, de
comprendre que, même si on...
M. Derraji : C'est très clair,
Mme Éthier. On va mener la bataille par rapport au niveau du risque. Et je
saisis l'occasion que le ministre a démontré de l'ouverture. Ne vous inquiétez
pas, on va amender cette partie.
Revenons aux risques psychosociaux et le positionnement
ambigu de la CNESST, ça a été soulevé. Est-ce que vous pouvez nous décrire de
quelle façon les risques psychosociaux sont approchés dans vos milieux de
travail sous la loi actuelle? Votre lecture, brièvement.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Il ne
reste que 40 secondes.
M. Derraji : Allez-y,
Mme Éthier, oui.
Mme
Éthier (Sonia) : Par rapport
au projet de loi, bien, nous, c'est parce que ce qu'on veut, là, c'est
vraiment une véritable... qu'on considère
véritablement l'ensemble des risques psychosociaux, qu'on l'enchâsse dans la
loi, véritablement, pour faire en sorte que ça fasse partie...
Tu sais, le monde du travail a changé beaucoup,
hein? Je pense que le projet... la loi actuelle, la loi sur la réparation, la
loi sur la prévention, bien, c'était beaucoup à partir des métiers de gars. On
va se le dire comme ça, là. Mais le monde du travail, c'est ça, a évolué. Les
conditions, les risques...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, merci, Mme Éthier. Nous devons poursuivre.
M. Derraji : Merci, merci à vous
deux, et, s'il vous plaît, transmettre nos salutations à vos membres qui
luttent dans le contexte actuel pour des milieux sécuritaires. Merci encore une
fois.
• (10 h 10) •
La
Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, nous donnons la parole maintenant au député d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous disposez de
2 min 45 s.
M. Leduc : Merci, Mme la Présidente.
Bonjour, Mme Éthier et Mme Baril. Bienvenue. Toujours un plaisir de vous
entendre.
En
2 min 45 s, il faut faire ça court. À la recommandation n° 20,
vous vous inquiétez, donc, de la perte d'influence, en quelque sorte, du médecin traitant. Vous n'êtes
pas les seuls à avoir souligné ça, mais j'aimerais ça, y aller peut-être
un peu sur le fond. Pourquoi, d'après vous, le ministre va dans ce sens-là avec
le médecin traitant? Il ne lui donne pas, peut-être, la place sacrée qu'on lui a
toujours donnée dans le milieu de la santé et sécurité. C'est quoi, l'objectif
du projet de loi avec ça?
Mme Éthier (Sonia) : Veux-tu
répondre, Mélanie?
Mme Baril (Mélanie) : Bien, en fait,
nous, ce qui est important, c'est que ce qu'on expliquait dans le projet de
loi, c'est qu'on veut être certains, en fait, que l'opinion du médecin traitant
continue d'être exercée, parce qu'actuellement, là, les certificats de retrait
préventif sont octroyés par le médecin qui suit la travailleuse au niveau de sa
grossesse, puis on ne veut pas que ça soit modifié.
Ce qu'on constate aussi, c'est que le terme de
«médecin chargé de la santé au travail» n'a pas nécessairement été défini au
niveau de la loi. Donc, pour nous, on reste un peu sensibles à savoir qui sera ce
médecin, effectivement, dans la pratique, qui pourra émettre ces
certificats-là. Puis on veut s'assurer que ça sera le médecin traitant. On ne
veut surtout pas que ce médecin-là de la santé au travail, qu'on retrouve à
plusieurs endroits dans le projet de loi, puisse constituer le médecin de
l'employeur ou les médecins de compagnie.
M. Leduc : Ça serait un grand recul
si c'était le cas.
Mme Baril (Mélanie) : Effectivement.
M. Leduc : Rapidement aussi, sur la
recommandation n° 36, puis pour essayer de traduire, des fois, des termes très techniques, quand vous dites : Il
faut «retirer toute possibilité d'affaiblir la présomption par voie
réglementaire», qu'est-ce que ça veut dire pour les non-initiés, peut-être, qui
nous écoutent?
Mme Éthier (Sonia) :
Bien, je n'ai pas donné toutes les explications tout à l'heure, mais c'est
parce que, si on ajoute des conditions,
puis, par exemple — j'essaie
de les retrouver, là — le
stress post-traumatique, bien, si on ajoute des conditions de... par exemple — attendez
un petit peu, j'essaie de les trouver puis je sais que ça va vite, là — bon, de la surdité professionnelle, si on ajoute des critères,
c'est parce que, là, les travailleurs ne seront plus capables de se le faire
reconnaître, et puis c'est la même chose pour les lésions musculosquelettiques.
Alors, c'est bien beau, là, la présomption, mais, si on ajoute plusieurs
conditions, on l'affaiblit, la présomption. Le travailleur ne sera plus
capable, devant les tribunaux, ni même à sa face même, de faire reconnaître sa
lésion.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci.
M. Leduc : Puis, là aussi, un grand
recul, donc. Merci beaucoup.
Mme Éthier (Sonia) :
Bien, on favorise...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, nous poursuivons avec le député de Bonaventure. Vous avez
2 min 45 s.
M. Roy : Merci,
Mme la Présidente. Bonjour,
Mmes Éthier et Baril. Écoutez, vous avez 53 recommandations. C'est
à se demander s'il ne faudrait pas demander au ministre de retourner à la table
à dessin parce que ça va demander beaucoup, beaucoup de travail. Et chacune de
vos recommandations est pertinente, et vous l'expliquez très clairement dans
votre mémoire.
Vous soulignez l'émergence phénoménale de
problèmes de santé psychologique et vous avez débuté une explication par
rapport aux transformations du monde du travail, qui semble devenir de plus en
plus problématique et toxique pour un nombre considérable de travailleurs et de
travailleuses.
Quels sont les principaux déterminants, selon
vous, de l'émergence des problèmes de santé psychologique dans les milieux de
travail actuellement? Et, dans vos recommandations, lesquelles pourraient être
mises en avant ou priorisées pour essayer de régler la problématique, ou, à
tout le moins, faire de la prévention? Parce que, le nerf de la guerre, c'est
la prévention.
Mme Éthier (Sonia) :
Veux-tu y aller, Mélanie?
Mme Baril (Mélanie) : Bon,
c'est comme on l'a expliqué, en fait, là, dans notre mémoire, là, sur les
risques psychosociaux, la première étape, je pense, il faut davantage mettre
l'accent sur la prévention, donc commencer ne serait-ce qu'à nous expliquer
c'est quoi, les risques psychosociaux, les énumérer dans la loi, parce qu'on ne
veut justement pas que ça soit restreint uniquement sur la violence puis le
harcèlement psychologique. On peut aller plus loin que ça parce que ce n'est
pas que ça, les risques psychosociaux. C'est important que les personnes qui
font la lecture de la Loi sur la santé et
sécurité au travail puissent savoir correctement c'est quoi, ça, les risques
psychosociaux, si on veut effectivement travailler sur ces risques-là.
Également, on
devrait retrouver dans l'objet de la loi même, le nommer, que c'est autant les
risques physiques que psychologiques qu'on aimerait viser par cette loi
et le retrouver aussi dans les obligations de l'employeur à l'article 51. Il y a déjà un pas qui a été
fait sur la violence. Vous pourriez introduire, à l'article 51, l'ensemble
des risques psychosociaux. Et, dans nos mécanismes de prévention et de
participation, ça sera important également qu'autant le représentant à la prévention que le comité de santé-sécurité aient ces
fonctions-là, d'identifier les risques psychosociaux, l'ensemble des
risques psychosociaux. Ce n'est pas évident de faire ce travail-là. L'INSPQ
nous donne des instruments, il faut que, finalement, on puisse participer à ça
pour y arriver.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, on vous remercie beaucoup.
M. Roy : Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci, Mme Éthier et Mme Baril, pour votre contribution à la commission.
Alors, nous suspendons quelques instants la commission
pour planifier la venue du prochain groupe. Merci.
(Suspension de la séance à 10 h 16)
(Reprise à 10 h 20)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Bonjour. Alors, nous souhaitons maintenant la bienvenue à Mme Proulx et
Mme Labranche des Manufacturiers et exportateurs du Québec. Alors, tel que
convenu, vous avez 10 minutes pour faire votre exposé. Avant de commencer,
je vous invite à bien vous présenter.
Manufacturiers et exportateurs du Québec (MEQ)
Mme Proulx (Véronique) :
Excellent. Alors, bonjour à tous. Mon nom est Véronique Proulx. Je suis présidente-directrice générale de Manufacturiers
et exportateurs du Québec. Je suis accompagnée de Mme Marie-Ève
Labranche, qui est directrice aux affaires publiques et gouvernementales.
Mme Labranche
(Marie-Ève) : Bonjour.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, vous pouvez immédiatement commencer.
Mme Proulx (Véronique) :
Excellent. Alors, bonjour à tous. M. le ministre, chers membres de l'Assemblée
nationale, il me fait plaisir de vous présenter nos recommandations dans le
cadre de l'étude du projet de loi n° 59 au nom des
Manufacturiers et exportateurs du Québec.
Alors, notre association représente
1 100 entreprises manufacturières à travers le Québec. Afin de
rédiger notre mémoire, nous avons consulté plusieurs entreprises
manufacturières et plus particulièrement des gestionnaires en santé et sécurité
au travail, qui sont les réels experts sur le terrain, afin qu'ils puissent
nous partager leurs préoccupations, ce qui
fonctionne bien, ce qui fonctionne moins bien avec la loi actuelle, mais
surtout de voir comment le projet de
loi pourrait venir les aider à
atteindre leurs objectifs. Alors, nous nous sommes également
appuyés sur l'analyse publiée dans le
rapport de Morneau Shepell ainsi que sur les deux avis du comité-conseil
travail, main-d'oeuvre, le CCTM.
Alors, dans un premier temps, je tiens à vous
dire que MEQ est d'accord et souscrit aux grands objectifs du projet de loi.
Nous avons bien sûr quelques préoccupations que nous allons vous soulever aujourd'hui.
Alors, notre mémoire s'articule autour de quatre
grands principes qui sont en lien avec les objectifs de nos membres. Le
premier, une culture d'accompagnement à la CNESST plutôt qu'une culture de
coercition, et ça, je vous dirais que ça va être sous-jacent à l'ensemble de
nos recommandations.
Le deuxième, le projet de loi doit avoir un
impact positif sur la pénurie de main-d'oeuvre. Alors, dans le secteur manufacturier, en date du
31 décembre, on est revenus à 96,9 % du taux d'emploi, c'est donc
dire que la plupart des manufacturiers ont rappelé tous leurs travailleurs
depuis le début de la pandémie. Alors, on a autant de difficulté, maintenant, à trouver des soudeurs, des techniciens en génie mécanique que des
manutentionnaires ou des journaliers.
Diminution des coûts. Il n'y a rien qui justifie
qu'un manufacturier québécois ait à payer plus cher pour le régime qu'un manufacturier
ontarien. C'est un enjeu de compétitivité. Le gouvernement du Québec compare
souvent notre niveau de productivité à celui de l'Ontario, comme quoi il faut
être plus productif, il faut être plus compétitif. Je pense qu'on a une belle
opportunité, aujourd'hui, pour s'assurer que le projet de loi y contribue.
Et finalement la réduction de la lourdeur
administrative. Alors, la grande majorité des manufacturiers québécois
sont des PME, donc des entreprises qui ont peu de ressources dédiées à la
gestion administrative d'un tel régime. Alors, il faudrait s'assurer que
le projet de loi, que la réforme proposée vienne réduire le fardeau pour les entreprises.
Alors, je me
lance dans les recommandations. Je ne passerai pas au travers des 15, mais je
vais quand même vous nommer
celles que je vais souligner maintenant, et on pourra échanger sur les autres
par la suite, si vous le souhaitez.
Alors, la recommandation n° 1,
moderniser la vision de la CNESST en opérant un profond changement de culture au sein de l'organisation de manière à
favoriser davantage l'accompagnement que la coercition. Pourquoi cette recommandation? Bien, l'exemple le plus récent que je peux vous
donner, c'est celui de la pandémie. Alors, la CNESST a publié un guide pour le secteur manufacturier qui
est très bien fait, qui est très complet, mais ce n'est pas
nécessairement simple pour toutes les PME de s'y retrouver, de voir comment
elles peuvent l'appliquer et de comprendre tout ce qui s'y retrouve. Elles ont
besoin de se faire accompagner. Accompagner, ça vaut dire quoi? Ça veut dire
qu'on souhaite que la CNESST puisse chercher des pistes d'amélioration avec les
gestionnaires, de les conseiller dans la mise en place des recommandations.
Alors, l'accompagnement sera vraiment nécessaire si on veut améliorer notre
régime et augmenter la performance de nos manufacturiers.
La deuxième catégorie de recommandations, c'est
celle qui touche la pénurie de main-d'oeuvre. Alors, le projet de loi doit
permettre un retour rapide, le plus rapide possible des gens afin d'éviter une
chronicité. Et pour ce faire, bien, il doit avoir une réelle démarche
incitative pour faciliter ce retour au travail. Alors, en ce sens, on a deux recommandations,
la recommandation n° 2, baser le régime de SST sur un
principe de collaboration, un équilibre dans
l'approche de gestion entre les employeurs et les employés, comme cela se fait
en Ontario, et la recommandation n° 3,
mettre en place un mécanisme pour faire entendre la voix des employeurs en lien
avec l'assignation temporaire. Je pourrai y revenir plus tard, dans le cadre de
nos échanges.
Nos recommandations à l'égard de la lourdeur
administrative. Alors, la recommandation n° 4, qui
est à la page 7 du mémoire, touche la prépondérance du médecin traitant.
Alors, lors de notre consultation avec nos entreprises manufacturières, la
prépondérance de l'opinion du médecin traitant a été nommée comme un important facteur qui alourdit les processus actuels. Alors,
on le voit dans le rapport de Morneau Shepell, qu'on peut faire
autrement. On peut se baser sur ce qui se fait dans d'autres provinces tout en
atteignant les mêmes objectifs.
Recommandation
n° 6, qui est à la page 8 du mémoire, qui
touche... le droit de gestion, pardon, de l'employeur. Alors, avec cette
modification-là, la CNESST pourrait outrepasser la convention collective qui
est en place, quand il y en a une, et le droit de gestion de l'employeur. Et ce
qui nous préoccupe, c'est comment on va mettre ça en oeuvre, comment on
applique ça. Alors, on peut avoir une situation où on a plusieurs conventions
collectives pour différents établissements. Comment est-ce que ça va
fonctionner? Comment ça va se passer?
Également, j'aimerais ajouter que ce n'est pas
que les employeurs, le secteur manufacturier, on est de mauvaise foi, mais, des fois, on a un environnement de travail qui ne
fonctionne plus pour le travailleur. Alors, encore une fois, c'est vraiment dans l'applicabilité des
changements qui sont proposés. Pour nous, il y a plusieurs
questionnements et préoccupations.
Recommandation n° 8, qui est à la page 10, éviter de dédoubler les
structures et ne prévoir qu'un comité de santé
et sécurité au travail pour les entreprises de 20 employés et plus. Alors,
on a échangé avec plusieurs entreprises qui ont en place ces deux
structures présentement, et ce qu'ils nous disent clairement, c'est que,
souvent, les rôles sont confus, ça génère des tensions
entre les deux groupes, il y a beaucoup de confusion dans les responsabilités
et dans le déploiement de ce qui est à faire. Alors, dans les faits, le
changement qui est proposé va nous coûter plus cher, ça va être plus complexe à
gérer, et, dans un contexte de pénurie de main-d'oeuvre, ce n'est pas
conséquent de libérer davantage de travailleurs. Alors, pour nous, ce n'est pas
une question de faire moins de prévention, mais vraiment de bien s'organiser
sans dédoubler ce qui est en place. Alors, compte tenu de tout ça, pourquoi ne
pas s'en tenir à une seule structure tout en atteignant le même objectif, comme
ça se fait ailleurs dans les autres provinces?
Recommandation
n° 9, à la page 11, clarifier les attentes des
employeurs concernant les situations de violence conjugale. Alors, ça,
c'est une question qui vient nous... qui nous préoccupe beaucoup. Dans un
premier temps, si une victime de violence conjugale ne nomme pas à son
employeur qu'elle est victime, c'est très difficile pour l'employeur de deviner
et d'intervenir. C'est clair que, si ça vient à ses oreilles que le travailleur
est victime de VC, de violence conjugale,
puis que, potentiellement, il y a des employés qui sont victimes de violence
aussi, bien, on souhaite qu'ils se comportent en bon citoyen, qu'ils
fassent une plainte à la DPJ, mais il ne doit pas outrepasser ses droits puis
il doit respecter l'intimité de la personne qui est là si elle ne le nomme pas.
À l'inverse, si
une... je choisis le cas d'une femme qui est victime de violence conjugale,
avise son employeur, bien là il y a beaucoup de choses qui peuvent mises en
place. Et l'employeur peut d'ailleurs collaborer avec les ressources qui
accompagnent la victime. On peut penser changer le numéro de cellulaire de la
personne, s'assurer qu'il n'y ait pas d'accès au bureau, que l'accès au bureau
soit sécurisé, de l'accompagner à sa voiture. Donc, ça, c'est des choses que
l'on peut mettre en place. Mais, encore une fois, il va falloir baliser puis
être très clair, dans le cas où la victime ne le demande pas, quelles seront
les balises puis les responsabilités de l'employeur. Et il faut savoir qu'en
moyenne une femme va prendre jusqu'à sept fois avant de décider de quitter un
foyer ou un conjoint violent. Donc, c'est un long processus qui peut se mettre
en place. Et d'ailleurs, sur cet aspect-là, on a consulté nos membres, mais on
a également consulté une ressource d'hébergement spécialisée en victimes
conjugales pour pouvoir vous faire ces recommandations.
Quatrième
catégorie de recommandations à l'égard des coûts supplémentaires, alors c'est
la recommandation n° 10 à la page 12 qui
concerne la désimputation. Pour nous, c'est très clair qu'en enlevant les
articles 326 à 329 ça va engendrer une
discrimination des employés à l'embauche. Alors, les entreprises pourraient
préférer ne pas embaucher ces travailleurs-là. Présentement, on comprend
que, si on embauche un travailleur qui a une condition préexistante ou un
handicap et que la situation s'aggrave, il pourra effectuer un partage des
coûts avec la CNESST et le fonds général. Avec les changements proposés, les
coûts seront imputés directement à l'entreprise. Alors, c'est clair que, d'une
part, il risque d'y avoir de la discrimination. On va pénaliser les
travailleurs mais également les employeurs qui choisissaient d'embaucher ces
travailleurs-là.
Recommandation n° 11, à la page 13, inclure une obligation de
considérer les facteurs contributifs externes au travail pour mieux encadrer la
reconnaissance des maladies professionnelles. Nos membres sont très favorables
à ça. La préoccupation, c'est qu'on ne tienne pas compte des facteurs externes
au travail qui pourraient avoir un impact sur l'état de santé du travailleur.
Alors, il faudrait apporter des précisions, notamment s'il s'agit de maladies
de nature psychologique qui sont incluses.
Là, je ne sais pas ce
qu'il me reste comme temps vu que je ne le vois pas. Je ne sais pas si...
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Alors, il vous reste une minute.
Mme
Proulx (Véronique) : Alors, je vais conclure. Je vais conclure.
Alors, en conclusion, MEQ souhaite un régime qui est souple et simple à
administrer. Je pense qu'on a une opportunité de le revoir, de le repenser. Nos
15 recommandations s'articulent autour de nos quatre principes, qui sont
vraiment primordiaux pour le secteur manufacturier :
agir dans un contexte de pénurie de main-d'oeuvre, s'assurer de ne pas alourdir le fardeau
administratif des entreprises, s'assurer de limiter les coûts additionnels,
s'assurer d'avoir un régime compétitif, et, finalement, vraiment amener un
changement de culture au sein de la CNESST, une culture d'accompagnement, ce
qui va être bénéfique pour nos travailleurs mais également pour tous nos
employeurs.
Alors, sur ce, je
vous remercie, puis, encore une fois, MEQ offre son entière collaboration au gouvernement
dans les suites de l'étude du projet de loi et des règlements qui seront
publiés. Merci.
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Merci pour votre exposé. Nous allons donc débuter la
période d'échange, alors, avec M. le ministre en premier. Vous disposez de
16 min 30 s.
• (10 h 30) •
M. Boulet :
Merci, Mme la Présidente. Bon matin, Véronique, Marie-Ève. Content de vous
revoir dans le contexte de cette commission parlementaire là. J'aimerais
d'abord vous remercier pour votre engagement, pour votre contribution à l'étude
de ce projet de loi qui est vraiment fondamental pour les acteurs, les
partenaires du marché du travail au Québec. Et que vous souscriviez, au nom des
Manufacturiers et exportateurs du Québec, aux objectifs de ce projet de loi là,
je trouve ça extrêmement bénéfique.
Peut-être
quelques précisions, Véronique, et quelques questions, là, ainsi que Marie-Ève.
Oui, on modernise. Il faut s'assurer
que la CNESST ait une vision d'accompagnement, puis c'est le rôle qu'on tente
d'accomplir le plus rapidement ou le mieux possible pour soutenir les
entreprises, mais je rajouterais à accompagnement des mandats d'information
puis de formation, parce qu'il y a beaucoup de PME manufacturières au Québec
qui vont avoir besoin de ça, et ça ne passera pas toujours par les associations
sectorielles paritaires et les conseillers en ressources humaines, mais aussi par les intervenants de la CNESST, pour s'assurer
que ça soit mis en application de façon harmonieuse et respectueuse des
réalités particulières des entreprises manufacturières.
Véronique,
tu m'as proposé de te donner l'opportunité de parler de la
recommandation 3, l'assignation temporaire. Bon, on sait que l'assignation
temporaire... quand une personne doit s'absenter en raison d'une lésion
professionnelle, c'est une prérogative de l'employeur d'assigner un travail
temporairement à la personne, évidemment en respectant des conditions qui sont
prévues dans la Loi sur les accidents de travail. Il faut que ce soit
bénéfique, il faut que ça soit favorable à la réadaptation du travailleur. Mais
vous demandez de mettre en place un processus de contestation des décisions en
lien avec l'assignation temporaire. J'aimerais vous écouter sur ce point.
Mme
Proulx (Véronique) : Oui. Alors, écoutez,
sur ce point-là, en fait, là... puis je donne un exemple qu'un employeur nous a
partagé, parfois, on va recevoir un papier du médecin qui dit, bien, le
travailleur ne peut plus travailler de minuit à 8 heures. Et là on a ce
papier-là puis on n'a pas plus d'information. Puis là on comprend que, maintenant,
on va avoir plus d'information via les limitations fonctionnelles, mais ce qu'on
demande, là, c'est d'avoir un canal de communication, d'être partie
prenante pour s'assurer, encore une fois, que l'on puisse trouver le plus rapidement
possible le bon poste, la bonne solution pour le travailleur.
Et vous savez, et
vous le mentionnez souvent vous-même, vous parlez de l'importance du dialogue
social, du consensus d'impliquer les parties prenantes, dans le fond, on
demande d'être impliqués dans ce processus-là pour réussir à trouver une
solution qui soit viable pour l'employeur et le travailleur.
M. Boulet :
Est-ce que, Véronique, vous allez jusqu'à demander, par exemple, si le médecin
du travailleur considère que l'assignation temporaire n'est pas bénéfique pour
lui, que l'employeur ait la possibilité de contester cette décision-là ou ce
refus-là du travailleur?
Mme
Proulx (Véronique) : Je vais commencer puis je vais laisser
Marie-Ève compléter, mais je pense que oui, ça nous prend un mécanisme pour
être capable d'avoir, un, un échange, de la communication, puis, deux, s'il y a
une mésentente, d'être capable d'aller plus loin. Marie-Ève?
Mme Labranche
(Marie-Ève) : C'est exactement ça. Puis on ne veut pas alourdir non
plus la judiciarisation des dossiers, ce n'est pas ça, l'intention, c'est vraiment
d'avoir un moyen de faire entendre la voix des employeurs dans le processus.
M. Boulet :
Parfait. Après ça, bon, vous parlez de la prépondérance du médecin traitant,
que c'est un facteur alourdissant les processus. Puis, bon, vous référez, bien
sûr, à Morneau Shepell, on en a parlé beaucoup au début de la semaine, il y
avait des analyses comparatives de coûts, et nous devions conclure à ce que les
retours au travail, plus ils sont faits promptement, plus ils diminuent les
risques de chronicisation. Donc, que les mécanismes d'accès à la réadaptation
avant la date de consolidation soient admis, ça, je pense que c'est une avancée
qui est considérable, puis un meilleur encadrement de l'année pendant laquelle
le travailleur cherche un emploi puis qu'il reçoit sa pleine indemnité,
jusqu'au moment où il exerce un emploi ou qu'il refuse sans motif valable un
emploi qui lui est offert, qui respecte, bien sûr, sa capacité résiduelle
d'emploi. Mais votre titre, c'est : Prépondérance du médecin traitant,
un facteur alourdissant le processus. Est-ce que vous... est-ce que,
Véronique, tu peux nous donner un exemple qui est patent, qui illustre le fait
que ce soit alourdissant?
Mme
Proulx (Véronique) : Oui. Je laisserais peut-être Marie-Ève
compléter parce que c'est elle qui a beaucoup échangé avec nos membres.
Mme Labranche
(Marie-Ève) : Oui. Dans le fond, il y a des gens qui nous disaient,
dans le processus, justement, de... bien, si on prend juste l'assignation
temporaire, on y faisait référence tout à l'heure, les allers-retours entre le
médecin, là, de proposer une solution, le médecin revient... donc, tu sais, les
allers-retours que ça prend, ça alourdit le processus, ça allonge le temps de
retour de l'employé au travail. Il y a des gens aussi qui nous disaient que
cette prépondérance-là peut se retrouver aussi dans... exemple, ils vont donner
des traitements de physiothérapie, mais il n'y a pas de limite à ça, donc là ça
fait 100 traitements de physiothérapie, par exemple, que la personne a, il
n'y a pas de limite. À quel moment on arrête ça? Comment on peut s'assurer que,
tu sais... Dans certaines provinces, il y a
un stop qui est mis. Cette prépondérance-là n'existe pas dans le mécanisme
de la SAAQ, de l'assurance-emploi, par exemple, ni dans ce qui se fait ailleurs, là. Vous
faisiez référence à Morneau Shepell, il l'explique bien dans son
rapport. Donc là, c'est ce questionnement-là qu'on a par rapport à la
prépondérance, dans le fond, du médecin traitant.
M. Boulet :
Bien compris. Merci, Marie-Ève. Pénurie de main-d'oeuvre, j'apprécie que vous
souligniez cet élément-là parce que, quand on
regarde les données statistiques de 2018, il y a eu au-delà de
100 000 lésions professionnelles.
Si on transposait ça en personnes, en temps de travail, ça représente à peu près
36 000 travailleurs qui auraient travaillé à temps complet, n'eût
été ces absences-là en raison de lésions professionnelles. Évidemment, on ne sera jamais capable de les éliminer, hein, ni
les accidents de travail ni les maladies professionnelles, mais le but de
la modernisation, c'est de réduire le taux,
le nombre, et aider à répondre au défi collectif de pénurie de main-d'oeuvre que nous avons.
Et, quand on parlait d'un retour plus prompt, réadaptation avant consolidation
et meilleur encadrement de la période de recherche d'emploi en offrant les
services publics d'emplois du MTESS pour aider la personne à réintégrer le
marché du travail, c'est des objectifs qui sont évidemment visés.
Violence conjugale, vous dites, dans votre
mémoire : Que veut dire concrètement «devrait raisonnablement savoir»? On
a reçu une professeure de l'UQAM, puis, tu sais, c'est surtout... Il va y avoir
énormément de formation à
faire, puis on en est conscient, parce
que la violence conjugale en milieu
de travail, ça ne se détecte pas si simplement, tu sais. Mais il y a des
symptômes qui sont plus faciles à identifier, là, comme les ecchymoses,
l'anxiété, la détresse, l'absentéisme, les
retards au travail, les réponses au téléphone répétitives, mais il y aura certainement de l'information puis de la formation à faire. Et je comprends
que... votre point, les employeurs ne veulent pas se transformer en
intervenants en violence conjugale. Il y a, par exemple, on soulignait le cas...
ça se peut que la personne nie aussi sa problématique de violence conjugale, et
jusqu'où irait la responsabilité de l'employeur dans des circonstances comme
celles-là? Mais je pense que vous faites bien de le souligner.
Véronique, qu'est-ce que tu dirais s'il y avait
des suggestions aux employeurs d'adopter des politiques en matière de violence
conjugale, comme c'est le cas en matière de harcèlement psychologique et
sexuel, pour les guider dans les façons...
pas leur permettant de se transformer en intervenants, mais pour mieux les
orienter? Qu'est-ce que tu en penses?
Mme Proulx (Véronique) :
Bien, dans la mesure où ça vient bien encadrer, baliser puis accompagner les
employeurs, oui, on n'est pas... on est ouverts à ça, on y est favorables. Mais
je veux juste revenir à la notion d'accompagnement, puis je vais faire le lien
avec ce que vous avez dit tout à l'heure, que la CNESST peut faire davantage
d'information puis de formation. Pour moi, l'accompagnement, c'est beaucoup...
là, j'ai juste le terme en anglais, c'est du «one on one», c'est en individuel,
c'est d'être capable... Parce que les gens reçoivent beaucoup d'information,
O.K., de la CNESST, de plein d'autres ministères, alors les gens n'arrivent pas
à s'y retrouver. Alors, si on veut arriver, par exemple, avec un guide par
rapport à ça, bien, ça va prendre un moyen pour la CNESST de pouvoir, oui,
informer, mais aussi être là pour répondre aux questions, de voir comment ça
s'applique. Il va falloir aller un petit peu
plus loin dans la transmission d'informations, dans la notion d'accompagnement,
pour pouvoir aider, surtout les PME. La grande entreprise, c'est une
chose, mais la PME, elle n'a pas beaucoup de ressources de dédiées à ça. Alors,
il ne faut pas que ça soit juste un guide, une politique qui se retrouve, en
quelque part, dans un tiroir, puis personne ne la connaît puis personne ne
comprend comment l'interpréter.
• (10 h 40) •
M.
Boulet : Écoute, Véronique,
ce n'est certainement pas l'intention, bien, en tout cas, dans le projet de loi
n° 59, de transformer l'employeur puis de lui mettre un habit
d'intervenant. Tu sais, il y a les CALACS, il y a les maisons d'hébergement, il
y a beaucoup de ressources externes qui prennent en charge, ça fait que, comme
le professeur Cox nous disait, c'est que l'employeur agisse à titre de pivot
pour bien orienter la personne. Puis, tu sais, ultimement, la personne qui est
victime de violence conjugale n'a pas la même efficacité, n'a pas le même taux
de productivité. Je pense que ça permet d'en
retirer des avantages, que tout le monde soit gagnant, là, dans un processus
comme celui-là.
Dernier point, Véronique, la notion de handicap,
pour les partages de coûts, je veux écouter ce que vos membres ont pu dire sur...
Bon, il y a eu des courants de jurisprudence, là, je n'embarquerai pas dans
tous les détails techniques, là, mais on m'informait récemment que 5 % des
coûts des entreprises qui sont au taux de l'unité faisaient l'objet d'une
désimputation. Et moi, j'ai toujours eu... puis c'est compatible avec la
perception que j'ai, c'est que les partages de coûts fondés sur la notion de
handicap non défini, actuellement, bénéficiaient beaucoup aux grandes
entreprises, qui font beaucoup de demandes de partage, qui sont désimputées.
Ils sont déresponsabilisés, dans une certaine mesure — puis
je pense que mon collègue d'Hochelaga-Maisonneuve connaît bien cette
réalité-là — puis
les coûts sont assumés par le fonds général, donc par l'ensemble des
employeurs, indépendamment de leurs régimes de financement, qu'ils soient au
rétrospectif, au personnalisé, au taux de l'unité. Mais les PME québécoises ne
sont pas... ne font pas beaucoup de demandes de partage de coûts, parce qu'il
n'y a pas le même impact, parce qu'ils sont au taux de l'unité. Puis le fait
que seulement 5 % des coûts assumés par les entreprises qui sont à ce
régime-là soient désimputés, je me demande, Véronique, est-ce que... c'est quoi
l'écho de vos membres sur cette... parce que, là, on vient définir la notion de
handicap.
Mme Proulx (Véronique) :
Oui. En fait, j'aurais envie de le prendre autrement, c'est-à-dire que, si on amène le changement qui est proposé, les grands
employeurs — ce sont
eux qui utilisent davantage ces articles-là — vont
être beaucoup moins tentés d'embaucher des travailleurs qui arrivent avec
certains handicaps. Il va y avoir une discrimination, qu'on le veuille ou non.
Alors, ils vont nécessairement... Il va y avoir une discrimination. Ils vont
moins embaucher ces travailleurs-là. Donc, ils ne seront pas... ils n'auront
pas à payer cette facture-là directement, si vous
le voulez, et ces travailleurs-là vont se retrouver sur le marché du travail ailleurs
ou dans d'autres entreprises, mais je trouve qu'on vient pénaliser à
la fois ces travailleurs-là et à la fois des entreprises.
Présentement, c'est quand même un système qui
fonctionne, qui permet à ces gens-là de se trouver un emploi, puis là, bien, probablement
des emplois bien payés aussi, parce que les grands employeurs offrent de bonnes
conditions. Alors, j'ai de la difficulté à comprendre pourquoi on veut le
changer. J'ai l'impression qu'on va pénaliser les deux groupes en le faisant
autrement. Je ne sais pas si...
M. Boulet : Véronique, c'est simplement
parce qu'actuellement, selon l'état de la jurisprudence, dès qu'une condition est... même si elle est asymptomatique,
à peu près n'importe quoi, une maladie ou une déviation par rapport à une norme médicale est reconnue comme étant un
handicap. La notion de handicap n'étant pas définie, n'importe quoi ou à
peu près justifie une désimputation. C'est la raison pour laquelle notre
définition se colle sur celle de l'Office des personnes handicapées du Québec,
dans la loi, sur l'exercice de leurs droits, et c'est sûr que c'est plus serré.
Puis il y
avait un courant de jurisprudence qui était quand même assez fort à cet
effet-là, qui est devenu, de plus en plus, un courant moins suivi, non
majoritaire, mais c'est pour s'assurer que ce soit véritablement les personnes handicapées avant la survenance de la lésion professionnelle
qui permettent à un employeur de faire une demande de partage de coûts et
d'être désimputé. C'est de juste mettre un frein à la désimputation.
Puis je comprends le point. Est-ce que ça peut
nuire à leur employabilité? Bien, tu sais, s'ils sont véritablement handicapés,
les employeurs vont savoir en les embauchant que, s'ils ont des lésions
professionnelles, ils vont faire des
demandes de partage de coûts. Puis, comme la commission des droits nous dit, tu
sais, tu ne peux pas faire des examens médicaux préembauche, là, avant
d'avoir fait une offre d'emploi conditionnelle au préalable. Mais je comprends
le point. Mais c'est ce que vos membres vous disaient : Laissez ça tel que
c'est?
Mme Proulx (Véronique) :
Exactement, oui.
M. Boulet : O.K. Ça va. Véronique...
La Présidente (Mme IsaBelle) : M. le
ministre, il reste deux minutes, alors... Allez-y.
M.
Boulet : Oui. Alors, j'allais conclure. Merci beaucoup, Véronique,
Marie-Ève, de votre travail de préparation, de votre contribution, de votre engagement. Je sais que les MEQ sont un
des partenaires présents au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, et Véronique est une partisane, bien
sûr, du paritarisme que nous vivons au Québec.
Et, Véronique, sachez, encore une fois, je le
répète, puis je vais toujours prendre soin de le répéter, c'est un projet de
loi, je sais qu'il est perfectible, et on va travailler en équipe avec les
collègues pour le bonifier, pour faire en sorte qu'il soit le plus respectueux
des intérêts de tout le monde. Évidemment, des fois, les intérêts sont un peu
polarisés, mais on va trouver des voies de passage, moi, j'en suis convaincu,
pour faire plus de prévention, pour mieux indemniser puis s'assurer d'avoir des
travailleurs et des familles en santé au Québec pour répondre aux besoins des entreprises
et respecter les droits aussi des travailleurs et des travailleuses. On va sûrement...
Véronique, d'ailleurs, on se parle aussi assez régulièrement, ça fait qu'on va
se revoir bientôt. Merci.
La
Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci. Merci pour le bel échange. Nous continuons avec, maintenant,
le député de Nelligan. Vous disposez de 11 minutes.
M. Derraji : Mme la Présidente,
comme toujours, M. le ministre, à la fin, quand il parle, il me lance des messages que j'aime beaucoup. J'ai hâte à voir ces
voies de passage, j'ai vraiment hâte, mais pas en virtuel, M. le ministre, un face-à-face pour
voir vos voies de passage.
Mme Proulx, Mme Labranche, merci. Excusez-nous,
ça peut être... parfois, on a besoin de cet échange avec le ministre,
parce que... Ça nous enlève quelques
secondes, c'est vrai, mais on a besoin de ça, parce que c'est de
longues journées que nous vivons.
Merci beaucoup pour votre rapport, 15 recommandations,
deux qui m'ont beaucoup interpellé, c'est par rapport à la pénurie de main-d'oeuvre,
merci de souligner ça. Un chiffre qui m'a extrêmement... un chiffre alarmant,
pour moi, c'est le taux d'emploi. Vous avez mentionné, si ma mémoire, elle est
bonne, 96 %, ça veut dire que... et ça, avant les projets de relance
économique. Donc, c'est à suivre, et merci de nous le ramener sur la table. Six
recommandations sur la lourdeur administrative, six à l'égard du coût. Bravo!
Je pense que ça fait le tour de votre secteur, et surtout par rapport à ce
projet de loi — Mme
la Présidente, arrêtez-moi à la septième minute, pour ne pas me faire chicaner
par mon collègue le député de Robert-Baldwin, parce qu'il a aussi d'autres
questions.
J'ai deux questions, Mme Proulx. Premièrement,
j'aimerais bien vous entendre sur un point qui m'a un peu... En fait, c'est
votre première recommandation. Vous dites : Moderniser la vision de la
CNESST, et vous basez votre argumentaire à la lumière de ce que nous avons vécu
avec la COVID. Je pense que c'est un... vous êtes parmi les groupes, les rares
groupes qui ont soulevé cette... d'une manière très claire, moderniser la
vision de la CNESST. J'ai entendu beaucoup de critiques, et vous avez vu le
projet de loi, ce projet de loi rajoute des éléments supplémentaires à la
charge de la CNESST. Le ministre, aujourd'hui, à quelques reprises, il a
insisté d'une manière indirecte que, si la CNESST a besoin de moyens, il va les
mettre, et le ministère va les mettre sur la table. J'entends, j'en prends
bonne note, mais, quand vous dites : Moderniser la vision de la CNESST,
est-ce que vous pouvez être beaucoup plus explicite? Est-ce que ça veut dire
qu'en date d'aujourd'hui, si on ne fait rien, on risque de rater la cible et,
si on va de l'avant avec le projet de loi n° 59 et on ne modernise pas la
CNESST, bien, on va frapper un mur?
Mme Proulx
(Véronique) : Alors, merci pour la question. La réponse, c'est
oui. Moi, je pense que... Quand je parle
d'un changement de vision, je reviens à ce que je disais, ça prend vraiment
un changement de culture profond. Présentement, ce que nos membres nous
disent puis ce qu'ils vivent, c'est : Les inspecteurs de la CNESST sont vraiment
en mode coercitif. Alors, on est n'est pas là pour échanger, on n'est pas là
pour trouver des solutions, puis là ils débarquent dans notre usine, on veut s'assurer,
là, qu'ils ne trouvent rien. On n'est pas en mode ouverture, on n'est pas en
mode collaboration, puis ce n'est pas constructif.
Alors, si on veut changer cette approche-là,
bien, ça passe par un changement de culture, ça passe par des gens qui ont une
approche d'intervention — je
vais utiliser le terme «intervention», je pense que c'est le bon — qui
est différente. Puis l'exemple de la COVID, c'est un petit exemple, là. Je veux
dire, le guide manufacturier, il y a des choses
beaucoup plus complexes sur lesquelles la CNESST doit agir, mais, quand même,
c'est un exemple très simpliste qui nous démontre qu'il y a un guide qui
est publié, qui est envoyé en entreprise, puis les gens se font dire, bien,
voici les mesures à mettre en place. Et là la grande entreprise, elle a cinq,
six, 10 ressources dédiées à ça, mais la PME, là, elle a des ressources très, très limitées,
vous le savez, alors c'est là où on a besoin de cette culture
d'accompagnement là, et ça demande un changement de cap.
M. Derraji :
Et vous avez raison, parce que, si on voit les milieux d'éclosion,
présentement, je ne pense pas que le guide est la meilleure façon de voir.
L'implication du secteur manufacturier... et je l'ai toujours dit, que le
secteur manufacturier est un collaborateur avec le gouvernement, mais on ne
doit pas être juste en mode coercitif, comme vous l'avez mentionné, mais plus
collaborer.
J'espère
que le ministre prend bonne note de ce que vous venez de dire, parce que je
pense que c'est un drapeau rouge, M.
le ministre, qui a été soulevé par le MEQ, que vous connaissez très bien et que
vous respectez, j'en suis sûr et certain. Je pense, moi aussi, je lance
le message aujourd'hui, ça nous prend un changement de culture et de vision à l'intérieur de la CNESST pour plus vous épauler
dans vos démarches. Je pense qu'au niveau de la vision c'est très clair.
Un autre point, c'est
impliquer l'employeur dans le processus d'assignation temporaire et d'accommodement
raisonnable. Est-ce que vous pouvez éclairer un peu les membres de la
commission. Qu'est-ce que vous voulez dire par «l'assignation temporaire»,
«l'accommodement raisonnable»? J'imagine que c'est pour trouver les solutions
qui sont favorables?
• (10 h 50) •
Mme Proulx
(Véronique) : Oui. Je reviens à ce que je disais tout à
l'heure, dans le fond, là, l'employeur, il faut qu'il soit partie prenante de
la conversation, de la discussion. On est très forts, au Québec, sur le
paritarisme, sur le consensus. Bien, ça doit s'appliquer là aussi. L'employeur,
il faut qu'il soit là, il faut qu'il soit autour de la table, il faut qu'il
puisse échanger pour trouver une solution qui soit viable. Si on le met à
l'écart puis on ne l'implique pas du tout, il n'a aucun moyen de pouvoir
contribuer à la mise en place d'une solution qui soit viable.
Puis, encore une
fois, je rappelle, on est dans un contexte de pénurie de main-d'oeuvre. Ce
qu'on veut, c'est ramener les gens le plus tôt puis dans des postes qui correspondent
à leurs capacités puis à leurs limitations. Alors, impliquez-nous dans le
processus.
M. Derraji :
Oui. Qu'est-ce que vous pensez de la solution que le ministre a utilisée tout à
l'heure en parlant des lésions? Je pense qu'il a énoncé un chiffre de
150 000, je ne sais pas, est-ce que vous avez entendu ça? Vous parlez de
la pénurie, il ne vous a pas...
Mme Proulx
(Véronique) : Ah! oui, oui, c'est le nombre de personnes, oui.
M. Derraji :
158 000, oui. Bien, pensez-vous que c'est une bonne solution?
Mme Proulx
(Véronique) : Bien, c'est-à-dire que, quand on voit le nombre
de personnes, là, je n'ai plus le chiffre en tête, moi non plus, là, mais ça...
M. Derraji :
Bien, le ministre peut répondre, Mme la Présidente, je pense, juste pour nous
confirmer. 158 000 ? Juste pour le mettre sur la même...
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Le micro.
M. Boulet :
36 000 travailleurs à temps complet, pour l'année 2018, s'il n'y
avait eu aucune absence pour lésion professionnelle, imagine, alors que la
pénurie de main-d'oeuvre, Monsef... cher collègue...
M. Derraji :
Ce n'est pas grave. Ce n'est pas grave.
M. Boulet :
...était à peu près 120 000 postes vacants avant le début de la
pandémie. Imagine l'impact que ça aurait pu avoir. Mais ça illustre
l'importance de moderniser, en fait, l'urgence de le faire.
M. Derraji :
Oui. Donc, Mme Proulx, est-ce que la solution que vous avez mentionnée, de
vous impliquer dans les processus d'assignation... Est-ce que ce chiffre de
36 000, il risque plus de vous aider si on a une autre façon de voir
l'accompagnement et le retour de l'employé au travail?
Mme Proulx
(Véronique) : Bien sûr, bien sûr, 36 000, c'est énorme.
C'est énorme. Et l'objectif, c'est d'en ramener le plus vite possible, alors je
pense que ce qu'on met de l'avant va nous aider à les ramener plus rapidement
puis à pallier à la pénurie, absolument.
M. Derraji :
Oui. Merci, Mme Proulx. Merci, Mme Labranche, j'ai tellement de
questions, mais mon collègue a aussi de très bonnes questions. Merci à vous
deux.
Une voix :
Merci.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Alors nous donnons la parole au député de
Robert-Baldwin.
M. Leitão :
Merci, Mme la Présidente. Alors, mesdames, bonjour. Merci d'être là. Mon
collègue, en effet, il est très généreux, mais je dois toujours me plaindre,
là, il a posé la question que, moi, j'allais poser aussi, alors là on va se
répéter. Non, non, c'est une blague, mais j'aimerais qu'on puisse parler un
peu, Mme Proulx, de la question des coûts et de la nécessité de maintenir
un secteur manufacturier compétitif, surtout en ce qui concerne nos voisins,
nos voisins directs, les compétiteurs et partenaires, Ontario, États-Unis, etc.
Le secteur
manufacturier, bien sûr, c'est un des piliers de l'économie québécoise, et,
dans le secteur manufacturier, l'exportation est un des piliers du
secteur manufacturier. Donc, les coûts de production et le contrôle des coûts
jouent un rôle important. Bon, là, je pense que nous sommes tous d'accord avec
ça. Maintenant, avec cette réforme, qui est nécessaire, des lois sur la santé
et sécurité au travail, prévention des accidents, vous avez mentionné, dans
votre mémoire, dans votre présentation, que
ça peut mener à une augmentation des coûts pour les entreprises. Pourriez-vous,
peut-être, nous éclairer un peu plus là-dessus?
Mme
Proulx (Véronique) : Oui.
Alors, merci pour la question. Si je regarde, il y a plusieurs recommandations à l'égard des
coûts, puis, effectivement, le régime coûte plus cher qu'ici, ça a un impact
sur notre compétitivité. Alors, pour nous, c'est important que le projet de loi,
bien au contraire, le rende plus compétitif.
Alors, le
premier exemple que j'avais donné, c'est celui de la désimputation. Le fait de
changer ces articles-là, ça va faire en sorte qu'on va ajouter des coûts
additionnels significatifs à certaines entreprises. J'ai un grand employeur, puis c'est vrai que les grands employeurs seraient
davantage concernés, qui nous mentionnait, puis c'est juste
pour vous donner une idée d'ordre de grandeur, mais que ça pourrait
représenter un coût additionnel de 1 million à 2 millions par année
directement à cette entreprise-là. Alors, ça va de soi que, quand je parle de
compétitivité, d'impact financier, c'est quand même significatif, alors que,
présentement, c'est amorti sur un fonds général, tout le monde se partage ce coût-là, ce qui est correct aussi parce
que c'est une clientèle très précise qui est touchée par cette mesure-là.
Dans les recommandations qu'on avait, également,
qui ont peut-être un impact plus significatif sur le coût, toute la question de
la surdité. Je ne l'ai pas abordée tout à l'heure, mais on voit qu'il y a
vraiment une augmentation de coûts... une
augmentation des réclamations au niveau de la surdité et qu'il y a une
croissance des coûts significative. Alors, d'une part, on voit que les
réclamations se font beaucoup chez les gens de 70 ans et plus.
Assurons-nous, dans un premier temps, que les gens qui réclament, que ce soit
vraiment en lien avec la surdité, ce soit en lien avec le milieu professionnel.
Et deuxièmement il y a un exemple très simpliste
qu'on a donné, qui fait plein de sens, c'est de dire, en Ontario, il y a une négociation qui se fait avec
les fabricants d'équipements, avec le gouvernement pour s'assurer
d'avoir des prix qui... d'avoir un certain contrôle sur les prix. Alors, est-ce
que c'est quelque chose que le gouvernement du Québec pourrait mettre en place?
Je pense que oui, et ça aurait un impact, encore une fois, sur les coûts du
régime.
Ensuite, Marie-Ève, est-ce que tu pourrais
compléter un peu, dans les autres recommandations qui sont en place, peut-être,
avec des choses plus spécifiques ou concrètes?
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Brièvement, parce qu'il ne reste que 40 secondes.
Mme
Labranche (Marie-Ève) : O.K. Je
vais faire ça rapidement. Donc, dans la partie... la recommandation 15,
par exemple, qui ajoute des sanctions administratives
pécuniaires qui pourraient avoir un impact sur certains employeurs,
donc, ça, ça vient aussi rejoindre notre questionnement sur le droit de gestion
de l'employeur dans l'article 36 et 37, mais c'est un ajout
supplémentaire.
M. Leitão : Très bien. Juste une
dernière chose, très rapidement, plutôt un commentaire parce qu'on n'aura pas
le temps pour la réponse. Les personnes handicapées, je pense qu'en période de
pénurie de main-d'oeuvre... bien, en tout temps, mais en période de pénurie de
main-d'oeuvre, je pense qu'on doit faire un effort, les employeurs doivent
faire un effort supplémentaire pour aller chercher ces personnes-là qui peuvent
travailler, qui veulent travailler. Donc, je
pense qu'il y a là un bassin important de travailleurs potentiels qu'on doit
aller chercher, dans tous les cas, mais notamment en ces jours-ci de
pénurie de main-d'oeuvre. Voilà, c'est tout. Merci.
La
Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci pour l'échange. Nous poursuivons avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve.
Vous disposez de 2 min 45 s.
M. Leduc : Merci, Mme la Présidente.
Bonjour, Mme Proulx, Mme Labranche. Bienvenue. Je voudrais aller sur votre
recommandation n° 4, sur la question de la
prépondérance du médecin traitant. C'est un thème qui est très, très contesté,
qui est très central dans ce projet de loi là, qui fait l'issu de beaucoup de
débats... l'objet de beaucoup de débats, et puis je suis quand même inquiet que
plusieurs associations patronales reviennent avec cette demande-là de limiter
la prépondérance du médecin traitant.
D'une part, parce que je trouve qu'il y a
quelque chose d'assez violent envers le travailleur, travailleuse qui a son
médecin traitant qui est la personne qui le suit. C'est un peu, je trouve,
aussi irrespectueux pour le médecin traitant, comme s'il n'était pas capable
d'être la bonne personne pour identifier les bonnes choses à faire pour son
patient. Puis finalement je suis particulièrement inquiet sur la question de la
surjudiciarisation. On est les champions, au
Québec, les tristes champions de la surjudiciarisation, en bonne partie parce
que les employeurs, souvent, ne veulent pas avoir une cotisation qui va
potentiellement augmenter à cause des cas qui se multiplient en amont parce
qu'ils n'ont peut-être pas fait assez d'effort pour prévenir. Donc, quand on
attaque la prépondérance du médecin traitant, n'y a-t-il
pas un énorme danger d'enchérir et de rajouter à la surjudiciarisation qui est
déjà en cours dans le milieu de la santé et sécurité?
Mme Proulx (Véronique) :
Merci pour la question. Je vais tenter de répondre à chacun des points. D'une
part, ce qu'on voit... parfois, ce n'est pas toujours le médecin de famille qui
va rencontrer le patient. On va aller à la clinique d'urgence et, d'une fois à
l'autre, le médecin... ça va être différents médecins qui vont voir le patient.
Donc là, ça, c'est un premier point. Alors,
quand on faisait référence, tu sais, au médecin, je pense qu'il faut soulever
ce point-là.
Deuxièmement, l'idée, ce n'est pas que le
médecin n'ait pas de rôle, c'est de mieux concentrer son rôle et de donner les
étapes subséquentes à quelqu'un d'autre, qui peut être un agent de CNESST,
comme ça se fait dans d'autres provinces, pour qu'il y ait un accompagnement,
puis quelqu'un qui a plus de temps aussi. L'enjeu qu'on a avec les médecins
traitants, c'est qu'ils n'ont pas toujours le temps à consacrer à toute la
démarche, donc ça alourdit le processus. Ça fait que l'idée, ce n'est pas que
le patient soit mal accompagné, c'est de le faire autrement pour arriver à un
meilleur résultat, plus rapidement aussi. Je ne sais pas, Marie-Ève, si tu veux
compléter là-dessus?
La Présidente (Mme IsaBelle) : Il
reste 30 secondes.
Mme Labranche (Marie-Ève) : Oui,
puis ça ne néglige pas non plus rien en matière de prévention. Vous avez fait
allusion à la prévention aussi. Ce n'est pas de négliger non plus tout l'aspect
de prévention en amont, ça, c'est certain, mais c'est vraiment de plus pouvoir,
justement, concentrer son rôle pour faciliter, en fait, le retour à l'emploi le
plus rapidement possible, puis de mettre aussi un cadre de limites, comme on
parlait tout à l'heure.
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, nous poursuivons avec,
maintenant, le député de Bonaventure. Vous disposez également de
2 min 45 s.
• (11 heures) •
M. Roy : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, Mmes Proulx et Labranche. Hier, on a eu un groupe qui
est venu nous présenter un mémoire, c'est une firme d'agents de prévention en
sécurité. Et ce qu'il nous disait, c'était que
la CNESST était assez permissive, c'était la philosophie de la tape dans le dos
qui n'était absolument pas agressive. Et là, aujourd'hui, vous
nous dites, à la recommandation 1, qu'il faut changer la culture de la
CNESST parce qu'elle est trop coercitive, et
vous voulez de l'accompagnement. Ça fait que, là, bien, je pense qu'on a deux
positions complètement opposées, des gens sur le terrain qui nous disent
qu'on a un nombre considérable d'accidents parce qu'il n'y a pas
d'implicabilité des entrepreneurs et que les agents de la CNESST laissent passer
des choses, et vous nous dites le contraire. Pouvez-vous essayer de m'expliquer
la contradiction?
Mme Proulx (Véronique) :
Oui, puis c'est intéressant ce que vous dites. En fait, nous, quand on a
échangé avec certains employeurs, quand ils ont des cas, tu sais, ils ont des
échanges avec leurs avocats, des personnes externes,
ils leur disent : Vous n'êtes pas chanceux, dans votre région, là, à la
CNESST, là, les dossiers passent facilement, on peut facilement avoir
accès à la CNESST lorsqu'on a une blessure quelconque. Alors, je pense qu'il y
a une inadéquation dans la façon que les
choses sont mises en place en fonction des régions et des conseillers qui sont
en place. Puis ça, ce n'est pas... je veux dire, on voit ça dans
d'autres types d'organisations, dans d'autres types de ministères, mais je
pense qu'il y aurait lieu, je reviens à la culture, de standardiser,
d'uniformiser puis de commencer par une culture d'accompagnement.
Puis c'est
clair que, s'il y a des employeurs fautifs, bien, ça prend des mesures
coercitives, ça, il n'y a pas d'enjeu là,
au même titre que, s'il y a des employés qui ne collaborent pas, qui ne
respectent pas les normes, qui ne respectent pas le processus de retour, ça prend des mesures là
aussi. Mais moi, je commencerais par, un, une culture d'accompagnement
puis, deux, de s'assurer qu'il y a une cohérence puis que les agents soient
formés de la même façon pour intervenir adéquatement.
M. Roy : Donc, vous
préconisez une amélioration des compétences, au niveau du personnel de la
CNESST, pour avoir de la cohérence à l'ensemble du Québec. Sauf que vous...
moi, en tout cas, de la manière que j'avais compris, c'était que, si quelqu'un
est pris en défaut, bien, c'est la sanction tout de suite et non pas la tape
dans le dos, puis la... Parce qu'encore une
fois notre... les statistiques démontrent qu'on est une des provinces les plus
dangereuses en termes d'accidents de travail. Et là vous me parlez
d'accompagnement, et puis ce qu'on nous dit, c'est que l'approche coercitive, pas assez forte. Ça fait que, là, donc, je
comprends votre message, vous demandez une professionnalisation plus
poussée, de l'ensemble des agents, avec une approche cohérente.
Mme Proulx (Véronique) :
Oui, tout à fait.
M. Roy : C'est bon.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Parfait. Bien, écoutez, merci. Merci, Mme Proulx, Mme Labranche, pour
votre contribution aux travaux de la commission.
Alors, nous suspendons quelques instants pour
mieux accueillir le prochain groupe. Merci.
(Suspension de la séance à 11 h 02)
(Reprise à 11 h 10)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Bonjour. Alors, maintenant, nous accueillons ou nous souhaitons la bienvenue à M. Salgado, qui représente le
Collectif des organismes de défense des droits des personnes en situation
de handicap. Alors, M. Salgado, je vous invite à vous présenter ainsi que
votre titre avant de commencer votre exposé.
Collectif des organismes de défense des droits des
personnes en situation de handicap
M. Salgado (Dominique) : Merci, Mme
la Présidente. M. le ministre, membres de la commission, Mmes, MM. les députés, je suis Dominique Salgado, directeur général du Comité d'action des personnes vivant des situations de handicap et également membre du Collectif
des organismes de défense de droits des personnes en situation de
handicap.
Nous voulons exprimer aujourd'hui nos vives préoccupations
et inquiétudes liées au projet de loi n° 59 proposant une modernisation du régime de
santé et sécurité du travail totalement discriminatoire envers les personnes ayant
des incapacités. C'est d'ailleurs la première fois que nous pouvons le faire.
En tant que représentant et membre d'un collectif composé de plus d'une
quinzaine d'organismes voués à la défense des droits des personnes vivant des situations
de handicap, nous souhaitons indiquer que nous n'avons pas été consultés, avant
le dépôt du projet de loi, sur la réflexion et les intentions du ministre.
Nos observations s'orientent sur certains
principes de base d'une politique instaurée, au Québec, il y a maintenant
plus de 31 ans. Ainsi, le 18 janvier 1990, la Commission
de la santé et de la sécurité du travail, la CSST, se dotait d'une politique
d'imputation. Un cadre juridique est ainsi défini par l'adoption de la Loi sur
les accidents du travail et les maladies professionnelles. Cette politique
avait été créée, notamment, pour favoriser l'employabilité des personnes ayant
des incapacités, tel que le stipule l'article 329 de la loi, et c'est important
de le rappeler.
Chaque jour, nous apprenons les différents
enjeux auxquels sont confrontées les personnes handicapées sur le marché du
travail, et ce, même à compétence égale. Une personne vivant avec des
limitations a moins de chances d'être convoquée en entrevue qu'une autre
personne sans handicap. Imaginez maintenant dans le cas d'une lésion
professionnelle lorsque vous êtes une personne handicapée. En fait, une grande
inquiétude règne actuellement, car ce projet de loi pourrait créer un préjudice
à l'embauche et au maintien en emploi d'une catégorie de travailleurs
spécifiques, notamment les personnes handicapées.
En vertu de l'article 97, qui vient
modifier l'article 329 de la Loi sur les accidents du travail et les
maladies professionnelles, le projet de loi introduit de nouvelles notions à la
définition «travailleur handicapé». On parlera désormais d'incapacité significative et persistante, d'obstacles ou
d'activités courantes, sans toutefois préciser davantage leur
signification. Les risques de ces changements sont énormes, puisque, dans le
cas d'une lésion professionnelle, le problème
ne sera plus orienté vers l'accident de travail, mais plutôt
vers le handicap de l'employé. C'est comme si on voulait imposer le principe du pollueur-payeur à une personne
vulnérable. C'est tout à fait discriminatoire et honteux. Ce qui veut dire que, dans un cas de lésion professionnelle,
certaines dispositions du projet
de loi limiteront très sérieusement
la possibilité, pour les employeurs, d'obtenir un partage de coûts avec la
CNESST. Et, à titre d'information, 20 % des travailleurs ont une
incapacité au Québec.
Et que nous propose ce projet de loi comme
solution? Un brassage de structure comportant des écueils majeurs susceptibles
de venir miner l'équité du système. Rien, dans le projet de loi n° 59,
ne traite des réels enjeux de façon à améliorer l'intégration ou encore le
maintien en emploi des personnes ayant des incapacités, et vous nous voyez
déçus. Nous avons beau lire, relire et analyser ledit projet de loi en détail,
nous n'arrivons pas à répondre aux questions suivantes : À partir de quel
diagnostic ou analyse le ministre propose-t-il des ajouts ou des modifications
dans le but de favoriser les personnes ayant des incapacités? À quel enjeu ou
besoin répond-il concrètement? En quoi les propositions sont-elles bénéfiques
pour l'inclusion des personnes handicapées? Par ce projet de loi, le ministre éteint plutôt la voix d'estime, d'espoir des personnes handicapées en matière d'emploi. Ce projet de loi aura des impacts néfastes pour les personnes handicapées sur le marché
du travail, mais le plus préoccupant, Mme la Présidente, dans le projet de loi n° 59, est bien sûr le recul sans précédent qu'il fait
subir à la société québécoise.
C'est connu, au Québec, notre régime est conçu
de façon à ce que plus un milieu de travail est risqué, plus les primes
d'assurance payées par l'employeur sont élevées. L'employeur est donc
responsable des coûts associés aux situations qu'il aurait pu prévenir. Pas
surprenant de constater que le système de financement de la CNESST incite à exclure les personnes
susceptibles de coûter cher, de coûter plus cher. Le marché privé des
assurances encourage d'ailleurs les entreprises à éviter d'embaucher des
personnes susceptibles de prendre des congés de maladie. Et, déjà, la Loi sur la santé et sécurité du travail motive
une certaine discrimination à l'embauche. Conséquence, les employeurs
justifient les questionnaires à l'embauche portant sur le handicap et les
impacts fonctionnels... les limitations fonctionnelles en se référant aux
articles 49 et 51.
En limitant
la mutualisation des coûts pour ces
situations hors de contrôle de l'employeur, le projet de loi n° 59
risque de nuire directement à l'embauche de personnes pouvant être plus
susceptibles de subir un accident. Sans ce partage des coûts, qui, pensez-vous,
prendra la chance d'embaucher un travailleur ayant encore des séquelles d'un accident ou encore un travailleur ayant une
maladie pouvant laisser présager une convalescence beaucoup plus longue
si un événement malheureux survenait? C'est
pourtant pour favoriser l'employabilité de ces personnes que le
gouvernement avait mis en place ces règles dans notre régime il y a plus de
31 ans.
Malheureusement, lorsque l'on parle
d'intégration au marché du travail des personnes handicapées, on parle encore
et toujours de marginalisation. Définir un être humain par son handicap, c'est
oublier le coeur, le ventre et l'esprit qui représentent
l'essentiel de chaque individu. Dans les faits, disons-le fermement, le
ministre souhaite se débarrasser des
personnes ayant des incapacités sur le marché du travail, qui sont devenues
dérangeantes et probablement trop coûteuses pour l'État. Pourquoi
modifier un régime qui fonctionne déjà très bien, avec plusieurs conditions gagnantes? Que reproche-t-il au modèle actuel?
Pourtant, ce régime protège les personnes handicapées des entreprises
depuis plus de trois décennies.
Chaque année, nous lançons un cri d'alarme aux
employeurs afin de les sensibiliser à l'intégration et au maintien en emploi... ayant des incapacités. Nous
le savons, plusieurs personnes handicapées sont en mesure d'occuper un
emploi dans divers secteurs d'activité. Pourtant, il s'avère qu'elles demeurent
nettement sous-représentées sur le marché de l'emploi, et ce, même dans un
contexte de pénurie de main-d'oeuvre. Les études révèlent qu'un milieu de
travail plus inclusif est bon pour les affaires. La recherche démontre aussi
que les pratiques d'emplois accessibles aident les entreprises à réduire le
roulement du personnel, à améliorer l'assiduité, à mobiliser les employés et à
rehausser le moral à l'interne. Cela permet également d'obtenir de meilleurs
résultats en matière de croissance des revenus. Des enquêtes indiquent aussi
que les personnes handicapées rencontrent plus d'obstacles que les personnes
sans incapacité lorsqu'elles veulent poursuivre leurs études ou encore intégrer
le marché du travail.
Ainsi, nous considérons que le ministre devrait
faire marche arrière pour revenir au statu quo qui prévalait et qui permettait
à notre régime de jouer son rôle d'assurance en mutualisant les risques
associés à ces conditions personnelles.
Notre droit rend la discrimination basée sur le handicap rentable, et ce projet
de loi, tel que présenté par le ministre,
risque malheureusement d'aggraver la situation. Nous dénonçons donc l'aspect
indéniablement discriminatoire envers l'embauche et le maintien des
personnes handicapées au Québec. Le choix du ministre a pour effet de
discriminer les personnes handicapées, en vertu des droits et libertés de la
personne, et il viendra affaiblir les bases juridiques du nouveau modèle proposé.
En résumé, Mme la Présidente, ce projet de loi
ne répond aucunement à nos souhaits et risque de donner plus de pouvoirs à
l'État, sans en donner nécessairement aux personnes vulnérables et aux
entreprises. Il installe un climat de méfiance parmi les principaux acteurs du
marché du travail et dévalorise, du même coup, les personnes handicapées. Nous
demandons donc aux parlementaires de surseoir à son adoption telle que
présentée. Nous invitons le gouvernement à voir plus loin. Le modèle actuel peut-il
s'améliorer? Assurément. D'ailleurs, nos commentaires se veulent constructifs.
Mme la Présidente, pour l'une des rares fois au
Québec, nous avons l'occasion de défendre, aujourd'hui, les droits et les intérêts des personnes handicapées
devant les membres de cette commission, et nous vous en remercions, mais
décidément ce projet de loi va à l'encontre de ce que nous prônons,
c'est-à-dire un régime juste, équitable et inclusif. Merci, Mme la Présidente.
• (11 h 20) •
La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci,
pour ce touchant exposé. Nous allons débuter maintenant la période de questions
avec M. le ministre. Vous disposez de 16 min 30 s.
M. Boulet : Merci, Mme la
Présidente. Merci, M. Salgado, du don de votre présentation, de la qualité
de votre mémoire, parce que je pense qu'on partage le même intérêt pour
l'intégration puis le maintien en emploi des personnes en situation de
handicap.
Je pense que ça me donne l'opportunité de dire
qu'en ce qui concerne la notion de handicap que nous intégrons dans la loi il
n'y en avait pas, de définition de handicap, avant. Donc, tu sais, les gens me
demandent : C'est quoi, de la
désimputation? Quand une lésion professionnelle, dans ton environnement de
travail, est imputée, on appelle
ça... tu reçois... tu as à assumer les coûts avec un facteur de chargement
inhérent à la lésion professionnelle. Et, quand une personne avait ce
qu'on appelle un handicap, avant la survenance de la lésion professionnelle, ça
permet, par exemple, à l'employeur de dire : Moi, je demande un partage
des coûts, je veux être désimputé de tous les coûts qui découlent du handicap
qui préexistait à la survenance de la lésion professionnelle. Donc, par
exemple, si une période normale de
consolidation et de guérison est de quatre semaines, et que ça prend 40 semaines,
et que l'employeur dit : Il y a 36 semaines de la période
d'absence qui découlent du handicap préexistant, je veux être désimputé de tout
ce qui découle du handicap préexistant.
La problématique, M. Salgado, c'est que, de
ne pas définir la notion de handicap, ça fait en sorte que les grands
employeurs se sont tous lancés dans des demandes de partage de coûts, et
obtenant des désimputations, parce que la
notion de handicap n'étant pas définie, elle est interprétée de façon
extrêmement large. C'est la raison pour laquelle...
puis on me le demande tout le temps : Définissez, définissez, précisez,
précisez. Les lois au Québec, comme partout sur la planète, on a besoin d'avoir
des paramètres assez clairs.
Or, ce que nous avons fait, M. Salgado, on a
travaillé avec l'Office des personnes handicapées du Québec et on a mis la
définition, exactement la même définition que celle apparaissant dans la Loi
assurant l'exercice des droits des personnes handicapées en vue de leur
intégration scolaire, professionnelle et sociale. Et on a reçu l'aval total de l'Office
des personnes handicapées du Québec à cet égard-là. Donc, il ne faut pas
mélanger les pommes et les poires, là, cette
notion-là de handicap n'a pas une si grande incidence sur l'employabilité des
personnes. Puis, si on me démontrait le lien de causalité entre la
définition de la notion de handicap et l'employabilité des personnes en situation
de handicap, je serais le premier à sursauter.
Je vous rappellerais d'ailleurs
que, depuis notre arrivée au pouvoir, parce que, là, c'est un autre corridor
que vous empruntez, on a embauché au-delà d'une trentaine d'agents d'intégration des
personnes en situation de handicap. On
travaille beaucoup avec le ROSEPH, que vous connaissez, le regroupement des
organismes spécialisés dans l'embauche des personnes en situation de
handicap. On a investi 238 millions dans une vaste stratégie nationale
d'intégration et de maintien en emploi des personnes en
situation de handicap. Et on est constamment à l'affût, bon, parce que ça ne relève pas que de moi, de mes collègues à la
santé, de mon collègue aux services sociaux qui s'occupe
particulièrement des personnes en situation de handicap.
Et enfin, au-delà de
cette sensibilité-là qu'on a exprimée à travers ces politiques, je veux que
vous sachiez qu'au-delà de la définition on a, dans le projet de loi
n° 59, je ne sais pas si vous les avez analysées, intégré, pour la
première fois dans l'histoire de la santé et sécurité du travail au Québec,
l'obligation d'accommodement raisonnable. Vous savez, depuis l'année 2018,
la Cour suprême du Canada, dans l'affaire Caron, vous connaissez sûrement les
détails de cette décision-là, dit : L'obligation d'accommodement
raisonnable d'une personne qui a un handicap au sens de la charte, ça
s'applique aussi en matière de lésions professionnelles, alors qu'avant les
tribunaux avaient des décisions qui étaient un peu variables, qui
disaient : Bon, quand c'est une lésion professionnelle, puis il y a des
limitations fonctionnelles, la personne a accès à de la réadaptation, puis
c'est un accommodement législatif, alors que, maintenant, le projet de loi
n° 59 vise à adapter nos lois à la réalité jurisprudentielle découlant de
l'affaire Caron et d'intégrer l'obligation
d'accommodement raisonnable, qui est assumée ultimement par l'employeur, mais
la CNESST va jouer un rôle d'accompagnement puis un certain rôle
décisionnel pour s'assurer qu'au moment de la réadaptation, avant la date de
consolidation, l'employeur y soit assujetti.
Pour la première fois
de l'histoire, M. Salgado, on parle de retour progressif, puis ça, c'est
particulièrement novateur, mais, dans le projet de loi n° 59, on parle de
retour progressif au travail. Puis ça peut être... quand on parle de handicap,
bien, il y a des handicaps intellectuels et physiques. Puis il faut favoriser
le retour et le maintien en emploi des personnes qui sont handicapées, qui
avaient des situations de handicap avant la survenance de leurs lésions
professionnelles et qui ont un accident de travail ou une maladie
professionnelle, en permettant, à l'occasion, de faire un retour progressif au
travail.
Je vous dirais que
l'OPHQ nous mentionnait récemment, et je vous lis, M. Salgado : «De
nombreuses dispositions proposées par le projet de loi n° 59 visent à
élargir l'accès ou à préciser la couverture du régime d'indemnisation pour les
[...] victimes d'accidents de travail. Les changements proposés présentent un
fort potentiel pour favoriser l'intégration et le maintien en emploi des
[personnes] travailleurs handicapés.» Alors, c'est l'opinion de l'OPHQ, et moi,
je suis relativement fier.
Ceci dit, M. Salgado,
on n'a pas la science infuse, hein, on n'a pas le monopole de toutes les
vérités. Si, lors de l'étude détaillée article par article, il y a des choses
qu'on peut améliorer pour favoriser l'employabilité... Puis tout ne relève pas
du régime de santé et sécurité, parce qu'il y a beaucoup de vos commentaires
qui réfèrent à l'application de lois qui relèvent du ministère de la Santé, de
lois qui relèvent du ministère de la Santé et des Services sociaux, de lois qui
relèvent de mon ministère ou de lois comme celle des normes du travail, le Code
du travail du Québec. Et malheureusement, dans la loi santé-sécurité, la Loi
sur les accidents du travail, on ne peut pas aller au-delà de l'objet qui est
visé, de la mission non plus de la CNESST.
Mais je suis
relativement fier de dire, puis vous êtes sûrement un partisan du devoir d'accommodement
raisonnable, pour la première fois, c'est intégré dans nos lois et ça fait
partie du régime. Et, je le répète, M. Salgado, si vous avez des idées, parce
que vous parlez de honte puis vous utilisez parfois une sémantique qui me
surprend, si vous avez des idées, des suggestions,
des recommandations qui nous permettraient de faire évoluer le projet de loi n° 59,
moi, je serai tout à fait ravi de recevoir vos commentaires écrits et de vous
écouter sur l'intégration, le maintien en emploi des personnes handicapées,
aussi de façon parallèle à la révision ainsi que la modernisation du régime de
santé-sécurité du travail.
Sur ce, peut-être
que... Est-ce que vous avez une... Vous avez lu, j'imagine, la décision de la
Cour suprême du Canada dans l'affaire Caron. Est-ce que vous êtes en mesure de
m'entretenir sur le parallèle du contenu de cette décision-là et ce qui est
dans le projet de loi n° 59 et peut-être me faire une
suggestion ou une recommandation pour améliorer ce qui est dans le projet de
loi?
• (11 h 30) •
M. Salgado (Dominique) : Bien, d'abord, merci, M.
le ministre, de répondre, finalement,
à nos questionnements. Je ne commenterai pas l'affaire Caron, là, évidemment,
c'est hors de mon champ de compétence.
J'aimerais revenir
sur vos termes, quand vous parlez de ne pas mélanger les pommes et les poires,
je reprends votre expression. Oui, vous avez consulté l'OPHQ, qui est l'Office
des personnes handicapées du Québec, qui
est, en fait, un véhicule gouvernemental, mais, malheureusement, vous avez oublié de consulter le communautaire,
les organismes qui, comme le nôtre, sont là
depuis 41 ans et auraient eu des choses intéressantes à vous dire à
l'intérieur du projet de loi avant même d'en présenter un verbatim à
l'Assemblée nationale. Ceci étant dit, nous faisons de la défense de droits, et l'OPHQ ne fait pas de
défense de droits, l'OPHQ, évidemment, va dire à peu près le même
langage que ce que vous allez énoncer.
Je veux revenir aussi
à votre stratégie nationale. C'est intéressant d'apprendre que vous avez
investi 238 millions de dollars, mais ce serait aussi intéressant de dire
aux gens qu'Emploi-Québec a aussi un quota sur les chances d'emploi qui sont
réservées aux personnes handicapées. Un quota de 230 chances d'emploi,
imaginez. Vous connaissez le potentiel des employés. Au Québec, les personnes
prestataires de solidarité sociale se chiffrent à 125 000 personnes. Ces personnes-là sont prêtes et aptes au
marché du travail, et Emploi-Québec les limite à 230 chances.
Vous voyez, encore
là, il y a une question d'ambiguïté dans la volonté même, le souhait politique
que vous souhaitez faire et l'action concrète sur le terrain. Donc, vous voyez
un peu aussi l'inquiétude, en fait, des gens chez nous. Les chances se... C'est déjà tellement compliqué, en fait, pour
une personne handicapée d'obtenir un emploi, parce que, déjà, en entrevue, évidemment, il y a un
accessoire que vous, vous ne pouvez pas cacher, ou d'autres, évidemment,
qui est soit un fauteuil roulant, ou un
déambulateur, ou quoi que ce soit, donc, et cet élément fait en sorte
qu'évidemment, déjà, en partant, le
regard ou encore l'intérêt de l'employeur démontre beaucoup seulement dans le
silence envers la personne.
Nous, ce qu'on croit,
évidemment, c'est que ce projet de loi là ne risque pas d'améliorer la situation.
Lorsqu'une personne handicapée postule pour un emploi, au Québec, il faut
savoir que la personne handicapée veut le signaler à l'employeur, qu'elle est
une personne à mobilité réduite, exemple. Et, à côté de son nom, il y aurait un
petit logo avec un fauteuil roulant. Déjà, l'employeur, aussitôt qu'il voit le
fauteuil roulant, bien, c'est déjà trop compliqué pour lui, alors pourquoi le
convoquer en entrevue?
Donc, nos craintes, c'est que ce projet de loi
là nous amène dans un cercle vicieux. On dit souvent que le diable se cache
dans les détails, et, malheureusement, je dois vous mentionner qu'il y a
beaucoup d'éléments qui font en sorte que ça laisse trop de place à
l'interprétation et à l'employeur de pouvoir décider à peu près ce qu'il veut
faire avec un futur employé ou pas du tout.
M. Boulet : O.K.
M. Salgado, j'aurais aimé avoir des recommandations spécifiques au projet
de loi n° 59. Je vais prendre le temps de relire votre mémoire, mais
sachez qu'on est en travail continuel avec le ROSEPH, là, qui fait partie du
réseau communautaire, que vous connaissez bien, qui s'intéresse et qui a comme
mission centrale l'intégration et le maintien en emploi des personnes en
situation de handicap. Et je pense qu'on a pris une longueur d'avance pour le
nombre de contrats d'intégration au travail, que nous avons augmenté de façon
considérable.
Et évidemment on travaille aussi beaucoup aussi
avec la corporation qui s'occupe des entreprises adaptées. Et je suis allé aux Journées Québec à Paris, j'ai
rencontré une ministre qui est responsable des personnes en situation de
handicap, puis on comparait ce qui se
faisait en France par rapport au Québec, puis, à bien des égards, tu sais, une
entreprise adaptée, au Québec, c'est dès qu'il y a 60 % et plus des
personnes qui sont en situation de handicap qui y travaillent, alors qu'en
France c'est 80 %. Et même, en France, ils trouvaient qu'à bien des égards
on avait un environnement qui était progressiste, en faveur des personnes en
situation de handicap.
Évidemment, c'est une discussion qui est
parallèle, là, je comprends, à l'étude que nous faisons du projet de loi
n° 59. Ceci dit, je le répète, on a tenté d'être beaucoup plus précis,
mais, si un de mes collègues, dans l'étude détaillée, puis je vous en assure,
M. Salgado, est en mesure d'identifier un article qui nuit ou qui crée des
effets discriminatoires, que ce soit direct ou indirect, à l'égard des
personnes en situation de handicap, on va faire les modifications qui s'imposent, parce qu'on vit dans une société, puis
vous m'avez probablement déjà entendu y référer, qui se veut la plus
inclusive possible.
Puis, tu sais, à chaque fois qu'on parle de
pénurie de main-d'oeuvre, on en a parlé avec le groupe qui vous a précédé, je
réfère aux personnes en situation de handicap. Puis, au MTESS, là, je ne
rentrerai pas dans les détails, là, mais, dans les investissements qui
proviennent du Fonds de développement du marché du travail, on a probablement
des montants qui sont deux fois supérieurs au nombre que constituent les
personnes en situation de handicap. Puis même
les personnes qui reçoivent des prestations de solidarité sociale,
M. Salgado... puis j'aimerais ça éventuellement qu'on ait l'opportunité d'en discuter, comment
mieux les intégrer et les maintenir en emploi, parce qu'il y a des
personnes qui sont autistes, qui sont trisomiques ou qui ont d'autres types de
handicaps qui travaillent. Même quand on parle de robotisation, j'ai vu des personnes en situation de handicap travailler
à côté d'environnements de travail hyperautomatisés, avec des robots.
C'est des personnes pour lesquelles la société québécoise, j'en suis convaincu,
a énormément de considération. Ça fait que je pense qu'il faut être fiers
plutôt que d'avoir honte de ce qu'on fait.
Puis, encore une fois, on n'est pas parfaits, on
est perfectibles. Les personnes en situation de handicap, je suis un de ceux
qui dit : On n'en fera jamais assez, puis, si on peut faire mieux et plus,
on va le faire. Ceci dit, en matière de désimputation, en matière de devoir
d'accommodements raisonnables, je pense qu'on a fait des pas considérables en
avant. Puis, s'il y a des pas qui ne sont pas totalement en avant, on corrigera
le tir.
Puis je profite de l'occasion pour vous
remercier de votre présence, de votre contribution puis de votre engagement,
qui m'apparaît totalement sincère, pour la cause des personnes en situation de
handicap au Québec. Merci beaucoup, M. Salgado. Content de vous avoir
rencontré, puis on aura certainement l'occasion d'en rediscuter à une autre
occasion. Merci beaucoup.
M. Salgado (Dominique) : Merci à
vous.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Nous
poursuivons maintenant avec le député de Nelligan. Vous disposez de
11 minutes.
M. Derraji : Merci, Mme la
Présidente. M. Salgado, merci de votre présence et, surtout, de venir
éclairer les membres de la commission.
Vous étiez
parmi les premières personnes à se manifester par rapport à l'enjeu et vous
avez mentionné, au mois de décembre,
que vous pensez que c'est une injustice envers les personnes handicapées. Vous
avez dit que la CNESST pourrait exiger des précisions ou des examens
supplémentaires. Actuellement, la commission ne demande rien en plus qu'un document appelé Avis de l'employeuret demande de remboursement. Ça, c'est au niveau du document ADR.
Vous avez même parlé d'un exemple sur l'impact
de ces changements et vous avez mentionné que les travailleurs handicapés...
vous avez donné l'exemple d'un membre de votre équipe atteint d'ostéogenèse
imparfaite, appelée aussi maladie des os de verre, et, si l'employé venait à se
fracturer un bras au travail, l'employeur devrait alors prouver à la
commission, à la CNESST l'ensemble des notions incluses à l'article afin
d'avoir accès au fonds d'indemnisation. On parle toujours de
l'article 329. Vous avez dit aussi : C'est une injustice totale pour
les personnes vivant avec des incapacités. À la lumière de ce que je viens de
dire et à la lumière de ce que le ministre vient de vous partager, est-ce que
vous êtes rassuré aujourd'hui?
M.
Salgado (Dominique) : Bien, écoutez, je vois que le ministre nous
ouvre la porte grande ouverte, et, oui, effectivement, on va la prendre. On
aura des recommandations. Je l'invite fortement à lire minutieusement le
mémoire, qui a été déposé il y a au-dessus de ça, 48 heures. Les
inquiétudes demeurent toujours, effectivement, puis c'est ce qu'on entend de la
part de nos membres.
En fait, lorsqu'on
lit certaines propositions dans le projet de loi, certaines personnes me
disent : Bien, est-ce qu'il faut... il faut quasiment s'excuser d'être une
personne à mobilité réduite en entreprise. Est-ce qu'il va falloir justifier
encore plus, je vous dirais, nos conditions face à une autre personne sans
handicap? Et ça, tout de suite en partant, c'est une forme de discrimination,
voyez-vous? Lorsqu'on parle de l'examen médical préemploi qui serait limité à
ceux qui se font offrir officiellement un emploi, ça a même été approuvé par la
Commission des droits de la personne,
écoutez, on a un problème avec ça, là, parce que les employeurs ont le droit de
poser, sur leur questionnaire d'embauche, cette question, qui est
acceptée par la commission, la question qui est : Avez-vous des
limitations fonctionnelles qui vous
empêchent d'effectuer l'emploi postulé? Alors, les personnes en réadaptation
avec limitations fonctionnelles doivent
le mentionner lorsqu'elles postulent
en emploi. Donc, pas besoin d'examen médical préemploi pour ne pas
embaucher une personne avec un handicap, il suffit tout simplement d'avoir des
yeux. Un accessoire, un fauteuil roulant, on ne peut pas le cacher, là,
comprenez-vous? Et il y a des handicaps, comme la déficience intellectuelle,
qui n'est pas visible à nos yeux.
Il serait important,
aussi, de faire le parallèle entre une déficience physique et une déficience
intellectuelle. Les gens confondent également,
là. Donc, ça aussi... Alors, c'est beaucoup, beaucoup de détails, je me répète,
lorsque je mentionnais à M. le ministre que
le diable se cache dans les détails. Effectivement, obérer injustement aussi
pourrait nous faire jaser longtemps sur le sujet. Donc, il y a plusieurs
éléments où nous ne sommes pas à l'aise, tels que présentés dans ce projet de
loi.
• (11 h 40) •
M.
Derraji : Et je tiens juste
à préciser quelque chose, que votre mémoire contient aussi pas mal de
propositions. Surtout, vous parlez de la
notion de l'employeur, obérer injustement... sera retirée des articles 326
et 328 de la LATMP, l'article de la loi LATMP, 327, l'article 329.
Je peux aussi ajouter pas mal d'articles... en fait, de recommandations dans
votre projet de loi, mais je vais me limiter à une citation et j'aimerais bien
savoir votre point de vue. Ça vient du directeur des affaires publiques et
gouvernementales du CPQ, qui disait : «Ces modifications ne permettront
plus aux employeurs d'obtenir des partages
de coûts selon le cadre actuel de la loi. Les termes ajoutés resserrent
considérablement le cadre actuel, voire même rendent presque impossible une
désimputation sur la base de cette disposition.» Ça, ça a été le Conseil du
patronat du Québec, donc je ne pense pas que vous êtes seul dans ce combat.
Avez-vous eu des contacts ou des discussions avec le représentant du patronat
par rapport à leur point de vue au niveau de la définition que le projet de loi
rajoute à l'article 329?
M. Salgado
(Dominique) : Pas directement avec le Conseil du patronat, mais avec
des experts-conseils en la matière. En fait, tout ça laisse place à
l'interprétation. Juger une personne selon son handicap et non selon ses
compétences, ça aussi, c'est discriminatoire. Donc, il y a beaucoup de zones
grises à travers tout ça. Ce qu'on souhaite, plutôt, c'est qu'on réclame le
statu quo pour les articles 326 à 329. On croit fermement qu'en gardant
ces articles tels quels, bien, ça demeure une formule gagnante pour tout le
monde. Donc, pourquoi modifier un système qui fonctionne très, très bien et qui
réussit à favoriser l'embauche et le maintien en emploi des personnes déjà
handicapées? Et il ne faut pas oublier, comme je le mentionnais en préambule,
que tout ça a été créé dans le but, justement, de favoriser l'embauche des
personnes ayant des incapacités, là.
M. Derraji :
L'article, tel qu'il est présenté aujourd'hui, s'il n'y a pas d'amendement,
est-ce que, selon vous, ça va être un recul par rapport à l'intégration des
personnes handicapées au niveau du marché du travail?
M. Salgado
(Dominique) : Ah! bien, il est clair que oui. S'il n'y a pas de modifications
qui sont apportées, effectivement, ça va faire en sorte que ça va démotiver les
personnes handicapées à postuler sur des emplois en sachant très bien qu'elles
devront être confrontées. Déjà, elles sont confrontées au marché de l'emploi,
imaginez s'il faut qu'une personne se justifie avant même de pouvoir passer une
entrevue. C'est horrible, ce que ces personnes ont à vivre également aussi, là.
M. Derraji :
Mais, M. Salgado, le ministre vient de vous dire, et on l'a bien entendu,
que, s'il y a quelque chose qui démontre qu'il y a de la discrimination envers
les personnes handicapées, qu'il est prêt, avec l'ensemble des membres de la
commission, de l'étudier. Donc, à la lumière de ce que vous venez d'entendre de
la bouche du ministre, à la lumière du contenu du projet de loi, c'est quoi,
selon vous, la meilleure façon que les membres de cette commission... comment
on peut répondre vraiment à vos préoccupations et aux préoccupations de vos
membres?
M. Salgado (Dominique) : Bien, je comprends les bonnes intentions du ministre,
je n'ai pas de doute là-dessus. Par contre, nous sommes en période de
pandémie, actuellement, là, et on a tous été bousculés par, évidemment, l'étude
de façon assez rapide dans ce projet de loi là. Évidemment, il y a des
coquilles, en certains endroits, que probablement personne autour de la table
ici n'ont vues, là. Et donc c'est un peu cet empressement-là aussi qui nous
inquiète. On risque de gagner quoi de faire adopter ça le plus rapidement
possible, là? Je veux dire, est-ce qu'on peut extensionner? Est-ce qu'on peut
prendre le temps d'étudier les différents alinéas qui sont proposés? Donc...
M. Derraji : Mais...
M.
Salgado (Dominique) : Puis
je voudrais juste, M. Derraji, terminer là-dessus, en fait : depuis
le début de cette pandémie, les
personnes handicapées ont été oubliées totalement par le gouvernement. On a beaucoup parlé des personnes âgées, bravo!, mais il ne faut pas oublier aussi
une classe importante de la société, qui sont les personnes handicapées.
M. Derraji : Oui. Je vous entends,
M. Salgado, et je vais revenir au projet de loi n° 59.
Combien il me reste de minutes, Mme la Présidente, parce que j'aimerais bien...
Deux?
En fait, je comprends votre préoccupation par
rapport à la lecture qu'on doit avoir de projet de loi, mais je tiens à vous
rassurer qu'on va prendre le temps. Il n'y a personne qui va nous obliger à
aller trop vite dans l'étude article par
article. Je note très bien que le ministre nous ouvre la porte et qu'il est prêt. Nous avons
l'habitude de ça, dans notre
commission, d'étudier ça en collégialité. Donc, ne vous inquiétez pas qu'on va
avoir l'oeil par rapport aux articles qui vous touchent et touchent vos
membres.
Je pense que mon collègue de Robert-Baldwin, Mme
la Présidente, a une question aussi.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Oui.
Alors, la parole est à vous.
M. Leitão : Très bien. Merci.
Bonjour, M. Salgado. Bonjour.
M. Salgado (Dominique) : (S'exprime
dans une langue étrangère)
M. Leitão : (S'exprime dans une
langue étrangère) Écoutez, j'ai beaucoup apprécié votre présentation. Je ne
suis pas avocat, donc j'ai trouvé que l'explication de M. le ministre était un
petit peu trop... à mon goût, en tous les cas, beaucoup trop technique,
bureaucratique, et, vraiment, moi, je n'ai pas compris. Je m'excuse, M. le
ministre, je n'ai pas bien compris. Alors,
j'aimerais juste clarifier rapidement avec vous, selon vous, la situation,
aujourd'hui, avant l'adoption du projet de loi n° 59, c'est une situation avec laquelle les handicapés du Québec
peuvent fonctionner, le régime fonctionne. Les changements qui sont proposés
par le projet de loi, à votre avis, constituent un net recul, et ça va
difficulter la vie aux personnes handicapées. Est-ce que je résume bien la situation?
M. Salgado (Dominique) : Absolument.
Absolument, puis, surtout, comme je parlais à votre collègue, surtout, ce qui
nous chicote, c'est les articles de 326 à 329, dans le projet de loi, là, qui
viennent vraiment, là, ternir la situation.
Et c'est déjà compliqué pour une personne handicapée de pouvoir
décrocher un emploi sur le marché du
travail, imaginez avec ce qu'on amène dans le projet de loi, là, ça risque de
compliquer les choses, épouvantablement, là.
M.
Leitão : Oh oui, moi, écoutez,
je connais plusieurs personnes handicapées qui essaient de se trouver un
travail et réussissent, des fois, et
ce qui me dérange le plus, dans toute cette problématique, c'est cette
notion de maladie, là. Une personne
handicapée n'est pas malade, voyons
donc! Un handicapé peut très bien contribuer et veut contribuer à la société.
M. Salgado
(Dominique) : Tout à fait. C'est pour ça que j'expliquais tantôt aussi, souvent, malheureusement,
les gens ne font pas la différence entre une déficience intellectuelle et une
déficience physique. Ce n'est pas parce qu'une personne est à mobilité réduite,
est en fauteuil roulant... ne comprendra pas ou ne saisira pas ce qu'on va lui
amener. Je travaille... J'ai des gens autour de moi, là, qui sont en fauteuil
roulant depuis des années puis qui ont des doctorats, puis des maîtrises, puis,
sans aucun problème, là, ils fonctionnent, comme vous et moi, là. Donc, l'idée
c'est l'inquiétude. On veut lancer un cri d'alarme parce qu'on est inquiets.
• (11 h 50) •
M. Leitão : Merci beaucoup. On a
bien écouté. Merci.
M. Derraji : M. Salgado, votre cri
d'alarme est entendu, et ne vous inquiétez pas, on va continuer à travailler
ensemble. J'ai bien entendu l'ouverture du ministre, soyez rassuré, on va
suivre ça de près.
M. Salgado (Dominique) : Merci.
La
Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, nous poursuivons maintenant avec le
député d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous disposez de
2 min 45 s.
M. Leduc : Merci, Mme la Présidente.
Bonjour, M. Salgado. Merci pour votre présentation très ressentie. Quand
vous... c'est intéressant, ce que vous disiez par rapport à l'OPHQ. J'avais
l'impression que c'est comme si, dans le
fond, pour présenter le projet de loi, on avait seulement consulté la CNESST
puis on n'avait pas consulté les autres groupes, donc c'est un peu... Ce n'est pas ça qui est arrivé, je
l'imagine, que M. le ministre a rencontré les organisations patronales, syndicales
avant de déposer son projet de loi, mais, visiblement, pour le volet des
personnes handicapées, ce n'est pas la même logique qui s'est appliquée.
M. Salgado (Dominique) : Voilà.
M. Leduc :
J'aimerais vous entendre aussi sur l'aspect discriminatoire. C'est un mot que
vous avez utilisé, qui est un mot lourd de sens. Est-ce qu'à votre avis... sans
non plus se lancer dans des interprétations juridiques, mais est-ce
qu'à votre avis, si c'est adopté tel quel, il y aurait des recours qui
pourraient être utilisés, en vertu de la charte, pour... contre le
gouvernement?
M. Salgado
(Dominique) : Ah! absolument, absolument, c'est ce qui peut suivre par
la suite. Si c'est adopté tel quel, oui, il y aura des poursuites, il y aura...
parce qu'encore là tout se cache dans les détails, à certains niveaux.
Et,
pour revenir à l'OPHQ, comme vous mentionnez, qui est un véhicule
gouvernemental qui ne représente pas du
tout les organismes... Parce que, oui, on a quelques entretiens annuels avec
l'OPHQ, rien de plus. Alors, même, pourquoi l'OPHQ — je
poserais la question à M. le ministre aussi — pourquoi l'OPHQ ne nous a pas
non plus contactés, là? Donc, personne ne nous a contactés. On est un organisme
comme d'autres, qui existe au Québec depuis 41 ans, nous faisons de la
défense de droits depuis nos premiers jours. Puis amène un projet de loi aussi
important au Québec, puis silence radio, on a de la difficulté avec ça, là.
M. Leduc :
Je comprends. Puis vous aviez raison de dire aussi que, pendant la crise, ça
n'a pas été facile. On s'est battus très fort pour augmenter le chèque
emploi-service, notamment.
M. Salgado
(Dominique) : Oui.
M. Leduc :
Ça a été long. Il y a eu une motion, avant les fêtes, mais, en tout cas, bref,
on continue cette bataille-là. Vous n'êtes pas seuls. Merci.
M. Salgado
(Dominique) : On attend encore, oui. Merci.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Merci pour l'échange. Nous poursuivons
maintenant avec le député de Bonaventure. Vous disposez également de
2 min 45 s.
M. Roy :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Salgado.
M. Salgado
(Dominique) : Bonjour.
M. Roy :
Vous allez me permettre une petite réflexion, hein? Le projet de loi, c'est une
forme de contrat social qui va définir les conditions d'existence de la
population québécoise pour les 40 prochaines années dans un des secteurs
du vivre-ensemble les plus importants, qu'on appelle le monde du travail. Puis,
à l'intérieur de ça, bien, on retrouve des biais puis des préjugés qui sont en
faveur de certains groupes mais qui vont en sanctionner d'autres. On a
rencontré des groupes qui nous ont parlé du caractère sexiste du projet de loi.
Maintenant, vous nous
amenez un enjeu, qui est celui de la discrimination basée sur, bon, un
handicap, et puis ça transpire dans le projet de loi, vous nous l'avez
démontré. Mais vous avez soulevé l'enjeu des quotas d'emplois, et j'aimerais
vous entendre là-dessus parce que c'est un autre élément, là, qui pourrait
nourrir la réflexion, là, sur les enjeux de discrimination.
M. Salgado
(Dominique) : Bien, en fait, écoutez, le modèle actuel du quota qui
prévaut actuellement chez Emploi-Québec dans l'intégration en emploi des
personnes handicapées fait complètement abstraction, je vous dirais...
j'oserais dire, même, de leur dignité, là, en limitant le nombre d'individus
qui peuvent faire leur entrée sur le marché du travail. Alors, la dernière
stratégie gouvernementale prévoit 130 postes en entreprises adaptées et
100 postes en entreprises régulières par année. Donc, le chiffre, c'est
230, c'est 230 chances d'emploi, alors que le programme de solidarité
sociale compte plus de 125 000 prestataires au Québec, dont
plusieurs, quasi la totalité, ont le potentiel pour travailler dans un
environnement adapté. Alors, ça aussi, c'est un questionnement, là. Si on veut
prolonger plus loin la stratégie nationale, c'est bien beau, d'annoncer
238 millions, mais il faut aussi être en mesure de dire : Oui, on
sera capables d'en faire une action plutôt qu'un souhait politique.
M. Roy :
On vous a entendus, et soyez certains que, lors de l'étude article par article,
on va faire valoir vos droits. Merci beaucoup.
M. Salgado
(Dominique) : Merci à vous.
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Merci, M. Salgado. C'est tout le temps que nous
disposons. On vous remercie sincèrement pour votre contribution à la
commission.
M. Salgado
(Dominique) : Merci.
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Alors, nous suspendons quelques instants pour donner
l'opportunité au prochain groupe de s'installer. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à
11 h 52)
(Reprise
à 11 h 59)
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Bonjour. Alors, nous souhaitons la bienvenue au
Conseil provincial du Québec des métiers de la construction. Alors, messieurs,
je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour votre exposé. Avant de le commencer, je vous invite à
bien vous présenter, et ensuite vous pourrez vraiment faire votre
exposé.
Conseil provincial du Québec
des métiers de la
construction-International (CPQMCI)
M. Trépanier
(Michel) : Mme la Présidente, Mmes, MM. les parlementaires, M. le
ministre du Travail, de l'Emploi et de la
Solidarité sociale, bonjour à tous.
Je tiens d'abord à vous remercier pour le privilège que vous
accordez à notre organisation afin de vous présenter nos propositions pour cette importante réforme
des lois en santé et sécurité.
• (12 heures) •
Je me présente,
Michel Trépanier, je suis un chaudronnier de métier et président du Conseil
provincial, International, syndicat exclusif de la construction qui représente
45 000 membres au Québec, 500 000 membres au Canada et 4 millions en Amérique du Nord. Je
vais également vous présenter mon collègue, Éric Nantel, qui est
responsable de la santé et sécurité au Conseil provincial, International, et
qui m'accompagne aujourd'hui.
Comme plusieurs
intervenants l'ont déjà dit, il y a longtemps que nous attendions une révision
des lois en santé et sécurité au travail, et nous sommes soulagés d'enfin
d'avoir une discussion. Aujourd'hui, notre rôle est de vous parler d'une
industrie particulière qui porte malheureusement le pire bilan en termes de
décès au travail, l'industrie de la construction. En effet, alors que nous
représentons près de 5 % de la population active au travail au Québec,
nous avons... (panne de son) ...des décès... (panne de son) ...accidents de
travail... (panne de son) ...maladies professionnelles chaque année. Ces
tristes chiffres nous rappellent les risques importants que prennent, tous les
jours, les femmes et les hommes qui composent notre industrie. C'est pour eux
que nous sommes ici. Au-delà des constats que vous connaissez, il est important
de vous amener des solutions qui, selon notre expérience, notre connaissance et
celle des spécialistes et les collègues que nous avons consultés partout au
Canada, amèneront des résultats concrets.
Je me permets un
survol rapide des réalités des travailleurs à travers quelques informations qui
parlent d'elles-mêmes : une industrie précaire avec une moyenne d'heures
de 1 000 heures travaillées par année, des changements fréquents de
chantier et d'employeur, d'un accès inégal à l'industrie en termes de
préparation, puisque certains entrent par diplomation, mais d'autres sans
expérience ni formation par l'ouverture de bassins, et finalement une loi qui
nous régit de façon unique. À la lumière du bilan et de la réalité de
l'industrie, une chose est claire, nous ne pouvons pas traiter la construction
comme d'autres secteurs et nous devons adapter la législation en conséquence.
D'ailleurs, à ce sujet, la législation, en 1979, avait l'intention de prendre
des mesures particulières. Cependant, les articles sur la construction ne sont
majoritairement pas entrés en vigueur. Nous espérons, dans l'application des
paramètres de cette réforme, qu'elle sera imposée cette fois.
Cependant, concernant
les solutions que nous proposons, j'aimerais vous en présenter quelques-unes de
vive voix. Tout d'abord, l'instauration du rôle du représentant en santé et
sécurité mobile en chantier est essentielle pour assurer la protection des
travailleuses et des travailleurs et d'éviter que ceux qui font des
revendications en santé et sécurité subissent des représailles. Les plus petits
chantiers sont ceux où il se produit le plus de problèmes en santé et sécurité.
Il est donc essentiel d'avoir une surveillance supplémentaire et indépendante
des travailleurs. En effet, vu que cette industrie est en mouvement et que la
majorité des employeurs ont cinq salariés et moins, nous ne comprenons pas la
logique de limiter l'action des RSS aux chantiers de plus de
10 travailleurs. Pour ce qui est des chantiers de 100 travailleurs et
plus, vous trouverez, dans notre mémoire, une liste des chantiers où il y a eu
des représentants en santé et sécurité au travail qui ont eu des effets
bénéfiques sur les résultats en santé et sécurité.
Aussi, le sujet des
RSS nous permet de vous dire un mot sur la réalité des travailleurs. Comme vous
le savez sûrement, les travailleuses et travailleurs de la construction n'ont
aucune sécurité d'emploi. Il est donc presque impossible pour l'un d'entre eux
de dénoncer ou de faire respecter ses droits sans en subir les conséquences.
C'est pourquoi nous insistons autant sur
l'indépendance des RSS et sur le rôle des syndicats dans leur choix. Afin de
favoriser la qualité du travail du RSS, nous proposons l'optimisation des
formations existantes à l'ASP Construction et une obligation en continu qui nous assurerait d'avoir des agents qui
possèdent des compétences et des connaissances à jour.
Il y a aussi les
mécanismes de prévention tels que le programme de prévention et le comité de
chantier sur lesquels nous effectuons plusieurs propositions, notamment
l'obligation de publier le programme de prévention publiquement. Au niveau du
comité de chantier, nous tenons surtout à nous assurer qu'il y a... qu'il soit
modifié afin d'acquérir un véritable pouvoir
décisionnel et qu'il soit responsable de la diffusion d'information à tous les
entrepreneurs afin de nous assurer qu'il n'y a pas d'entreprise à l'oeuvre qui
plaide l'ignorance face aux règles de santé-sécurité.
Un autre enjeu que
nous avons soulevé dans notre mémoire et qui nous préoccupe est l'application
du programme Maternité sans danger dans l'industrie. En effet, à cause de la
précarité du lien d'emploi, trop de femmes perdent leurs bénéfices et sont
obligées d'utiliser leur chômage pendant leur grossesse, car le lien d'emploi
est rompu pour diverses raisons. Nous considérons qu'à partir du moment où la femme
enceinte dépose son dossier elle devrait être réputée au travail en tout temps.
Aussi, nous désirons que vous portiez une attention particulière à
l'appauvrissement des femmes durant cette période car, étant donné que les
prestations sont basées sur les revenus des 12 derniers mois et que les
femmes font en moyenne 750 heures par année, leurs revenus admissibles
sont très bas. Nous espérons que vous trouverez une façon de régler cette
situation.
La valorisation de la santé et sécurité est un
autre dossier avec lequel nous avons fait plusieurs propositions qui nous tiennent très à coeur. Nous proposons
notamment que, comme pour la certification de l'Autorité des marchés financiers, pour authentifier une entreprise exempte de
faute à son dossier, le gouvernement établisse une certification santé-sécurité
au travail attribuée par une instance neutre et qui sera obligatoire afin
d'obtenir des contrats publics. Cette certification devrait se baser sur les
meilleures pratiques et sur l'exemple albertain qui a récemment été... qui a
implanté son utilisation de l'ISO 45001. Aussi, en termes de valorisation
de la santé et sécurité, nous demandons au gouvernement que le coût de la santé
et sécurité soit exclu de l'évaluation d'un soumissionnaire. Ces investissements
devraient être évalués selon les meilleures pratiques et établis comme un investissement
obligatoire en santé et sécurité. Le droit de refus fait également partie de
nos représentations puisqu'il serait pertinent de mettre en place un droit de
refus collectif pour l'ensemble des employés. Cela amènera une meilleure protection des dénonciateurs, qui seront
moins facilement identifiés et moins propices à subir des représailles.
J'aimerais finir dans nos propositions avec
celle sur l'amiante et sur la Loi des accidents de travail et maladies
professionnelles. En effet, les maladies professionnelles nécessitent un
rafraîchissement, mais, surtout, les travailleuses et travailleurs méritent
d'avoir une meilleure reconnaissance des maladies telles que l'amiantose, la
silicose et toutes celles qui sont issues de l'exposition aux produits nocifs.
Je pourrais continuer encore longtemps de vous parler de nos propositions pour
une meilleure application pour les amendes, surtout sur les grands chantiers,
où les amendes sont tellement basses qu'il n'y a aucun effet dissuasif, ou du
médecin traitant que nous espérons voir impliqué activement dans la
réadaptation préconsolidation, mais je tenais surtout à vous réitérer que la
construction a besoin de mesures uniques et adaptées.
D'ailleurs, à ce sujet, nous désirons vous dire
que nous sommes préoccupés par la diminution importante du montant qui
détermine la présence d'un coordonnateur en santé et sécurité en chantier, qui
passe de 8 à 25 millions. Selon l'analyse d'impact réglementaire du projet
de loi, ce sont près de 300 chantiers de moins qui auront une présence
dédiée à la santé-sécurité. Nous ne croyons pas que le bilan actuel justifie
cette diminution. Chaque année, des hommes et des femmes de notre industrie
laissent leur vie en chantier. Ils ou elles décèdent en tentant de gagner leur
vie. C'est impensable, inacceptable. Nous comptons sur vous pour prendre les
décisions qui éviteront de continuer à avoir le pire bilan en santé et sécurité.
Avant de vous laisser, j'aimerais que nous
prenions un moment de silence en hommage à tous les travailleurs et
travailleuses décédés en chantier.
Je vous demande de penser à eux car tout ce que
nous faisons, c'est pour éviter que la liste des victimes s'allonge. Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci, M. Trépanier, pour votre exposé très intéressant. Nous allons donc
commencer notre période d'échange avec le ministre, M. Boulet, et il
dispose de 16 min 30 s.
• (12 h 10) •
M. Boulet : Merci, Mme la Présidente.
Merci, Michel. Merci, Éric. Content de vous revoir. Merci aussi de la qualité
de votre mémoire. Félicitations à ceux qui ont contribué, ceux et celles, bien
sûr, qui ont contribué à sa rédaction. Puis le bilan, Michel, auquel tu
réfères, bon, je le connais, on en a souvent parlé, le nombre de morts, tu sais, en 2018, 70 morts sur 226, au Québec,
étaient dans le secteur de la construction. Et je te dirais qu'un des
éléments déclencheurs de la réflexion que nous avons, au Québec, au sein des
partenaires du marché du travail quant à la modernisation de la loi accidents
et santé, ça relève de ce bilan-là, particulièrement dans le secteur de la
construction.
Te rappeler une chose, Michel : tu sais,
les articles 203 et suivants de la loi santé et sécurité qui visaient des
mesures de prévention et de participation, notamment le comité de chantiers, ça
n'a jamais été mis en vigueur. Cette loi-là a été adoptée en 1979, et c'est
revendiqué par le monde de la construction depuis tellement d'années. Le secteur
de la construction n'est même pas dans les groupes prioritaires 1 et 2,
puis même le groupe prioritaire 3, où il y avait les comités, puis le
représentant, la prévention, la construction n'était pas là. Donc, la
construction, c'est évidemment un autre régime législatif, là, la
loi R-20, comme tu le soulignais, mais c'est certainement un secteur, une
plateforme importante de déclenchement de la nécessité et de l'urgence de
moderniser nos lois.
On a le même objectif, puis moi, j'ai aussi,
évidemment, énormément de respect pour le travail de ceux qui sont dans le
secteur de la construction. Puis il ne faut pas qu'ils en décèdent, en fait.
Chaque décès est préoccupant puis requiert une attention particulière du
législateur. On ne pourra pas tout éviter, les blessures corporelles graves,
les accidents ou les maladies, mais l'appel que tu fais à avoir des mesures
adaptées et spécifiques au secteur de la construction, on l'entend, et tu
l'exprimes de façon très claire et très limpide.
Maintenant, Michel, j'aimerais ça t'entendre
parler, là, parce que souvent on me dit... tu sais, comme les représentants en
santé et sécurité, bon, évidemment, le nombre d'heures varie en fonction du
nombre, puis la nomination, mettons, en bas de 100 travailleurs sur un
chantier, le représentant en santé et sécurité est nommé par les travailleurs,
puis vous parlez qu'il devrait y avoir un représentant mobile qui se promène
d'un petit chantier à un petit chantier parce qu'il y a peu de travailleurs,
peu d'organisation, puis au moins s'assurer du respect des règles en matière de
santé et sécurité. En même temps, je sais que vous avez des représentants
syndicaux. Puis je lisais leur mandat, leurs responsabilités, ils s'occupent
aussi de santé et sécurité, juste l'appréhension que certains peuvent avoir
d'un dédoublement. J'aimerais ça, que tu nous donnes des précisions
additionnelles sur ce caractère rotatif là, et comment il serait nommé, puis
comment... Puis je comprends bien l'objectif, là, Michel. C'est vraiment
d'obtenir des précisions additionnelles.
M. Trépanier (Michel) : Bien, présentement,
ce qui nous préoccupe le plus, puis c'est la grosse différence entre
l'industrie de la construction puis un milieu en établissement, nous, ce que
nous vivons, on vit des situations précaires, on a une situation précaire
versus l'emploi. On n'a aucune sécurité d'emploi. Nos travailleuses et nos travailleurs vont travailler de chantier à chantier,
d'employeur à employeur dans le courant de l'année. Ils vont travailler, en
moyenne, 1 000 heures par année. C'est extrêmement difficile. Puis je
rejoins vos propos, hein, M. le ministre, puis je sais que ça vous tient à
coeur, le paritarisme. Quand on parle de santé et sécurité, d'un côté, on a les
représentants des entrepreneurs qui font de la santé et sécurité, mais, de
l'autre côté, on se doit d'avoir des représentants. La problématique, puis
c'est réel à notre industrie, vous pouvez le demander à tous les travailleurs,
travailleuses, présentement, quand ils voient des enjeux sur la santé et sécurité,
la première question — puis,
je vous le promets, je suis convaincu que c'est ça — ils se questionnent
que, s'ils soulèvent une question en santé et sécurité, est-ce que ça va mettre
en péril leur travail? Est-ce qu'ils vont être congédiés à cause qu'ils ont
soulevé des points en santé et sécurité? Ça fait qu'en... l'esprit de
paritarisme puis de s'assurer de créer un climat confortable. Puis le but, ce
n'est pas de retarder les travaux, c'est juste de s'assurer, de part et
d'autre, tant l'employeur ou les travailleurs, quand on voit des situations qui
peuvent être problématiques en santé et sécurité, que ça se fasse sereinement
puis à l'abri des mesures disciplinaires ou des représailles.
Ça fait que l'initiative qu'on avait pensée, du
côté des représentants en santé et sécurité, du côté mobile... C'est qu'on sait
qu'il y a beaucoup de petits chantiers aussi que ça serait mal avisé. Puis je
comprends l'intention de peut-être nommer un travailleur sur le chantier, mais
imaginez un travailleur sur un groupe de 10 travailleurs, qu'il faut qu'il
laisse sa main pour dire qu'il va être le représentant des travailleurs. Puis
ça se peut qu'il se mette à risque puis qu'il se mette à dos l'entrepreneur
pour qui il travaille. Dans d'autres milieux d'activité, vu qu'il y a une
sécurité d'emploi, c'est possible, je crois, mais, dans notre milieu, c'est
impossible.
L'intention, on y croit. C'est pour ça qu'on
vous propose une initiative qui est indépendante. Le but, ce n'est pas de dédoubler, mais c'est surtout, pour
atteindre l'objectif que je pense que vous voulez atteindre, c'est d'avoir
une meilleure efficacité en santé et sécurité puis surtout en prévention. Si on sait
que nos travailleurs sont capables d'exprimer des situations
conflictuelles en santé et sécurité, on va être capables de prévenir, je suis
convaincu, M. le ministre.
M. Boulet : Bien. Est-ce qu'il y a
une distinction à faire? Tu sais, comme dans le projet de loi n° 59,
on dit : Pour les chantiers de 100 et moins, le représentant en santé et
sécurité est nommé par les travailleurs. Est-ce que tu vois une différence?
Puis en haut de 100, bien, c'est l'ensemble des associations accréditées, là,
qui sont présentes sur le chantier. Est-ce que tu vois une distinction à faire
par... Un représentant nommé par les travailleurs, toi, tu sembles dire :
Ça devrait être un représentant nommé par le syndicat ou les syndicats. Est-ce
qu'il y a une distinction? Et pourquoi faire cette distinction-là? Parce que tu
sais, Michel, qu'un des principes à la base de notre modernisation, c'est de
permettre au milieu de travail de prendre en charge la santé et sécurité.
J'aimerais t'écouter là-dessus, Michel.
M. Trépanier (Michel) : Je suis
d'accord avec vous, M. le ministre. Puis, tu sais, je tiens à saluer les initiatives
qui ont été mises dans le projet de loi par rapport à la formation obligatoire.
Tantôt, on a parlé par rapport à la précarité d'emploi, ne pas mettre un travailleur
dans une situation conflictuelle versus son employeur. Du côté des représentants
en prévention, ce qui est primordial, du côté syndical, puis il faut prendre la
charge, puis on est prêts à prendre cette part-là pour stabiliser notre
industrie, c'est aussi la formation continue pour s'assurer de la qualité de la
formation de nos représentants. C'est extrêmement dur de garder un suivi pour
un travailleur qui se promène d'un chantier à l'autre, tandis que, par nous
autres, je pense qu'on est capables, conjointement avec des organismes qui sont
reconnus, d'établir un standard élevé pour que tous les travailleurs sachent,
quand il y a un représentant en santé et sécurité, qu'ils ont un minimum de
formation pour atteindre l'objectif qu'on veut se donner.
M. Boulet : ...puis de
souligner le p.l. n° 59 quant à sa préoccupation pour
la formation des travailleurs. À mon avis, quand on parle de prévention, la
formation devient un incontournable.
Il y a un autre point que tu as soulevé, Michel,
qui me préoccupe puis que je ne saisissais pas aussi bien que l'explication que
tu as donnée pour le programme de maternité sans danger. Puis, tu sais, tenant
compte de l'absence de sécurité d'emploi des travailleuses dans le secteur de
la construction, une personne pourrait, par exemple, obtenir un retrait
préventif, puis qui est l'équivalent, comme tu sais, d'une demande de
réaffectation, mais, dans le milieu de la construction, ce n'est pas évident de
réaffecter. Si son chantier finit quelques semaines après, elle ne bénéficie
plus des indemnités versées par la CNESST pour remplacer son revenu. C'est ce
que tu as expliqué, hein, Michel?
M. Trépanier (Michel) : Oui,
exactement. Il y a deux volets qui nous préoccupent. Il y a ce volet-là, vous
l'avez dit, M. le ministre, le lien d'emploi se brise aussitôt que le chantier
se termine. Ça fait qu'on sait, souvent, la durée de vie d'un chantier peut
être de deux semaines, trois semaines, deux mois, on est très malaisés dans
cette situation-là. On a un gros problème par rapport à la rétention de nos
travailleuses en chantier. Une travailleuse sur deux dans l'espace de cinq ans
va quitter notre industrie. Ça fait qu'ici on trouve que c'est une certaine
injustice. Je pense que c'est une question d'équité aussi.
Puis il y a l'autre côté qu'on avait parlé, M.
le ministre, c'est par rapport le niveau d'heures. Les travailleuses,
malheureusement, travaillent beaucoup moins d'heures comparativement aux
hommes, ça fait que ça se reflète sur le revenu annuel qui est évalué pour la
compensation quand ils sont en retrait préventif.
M. Boulet :
...il y a les prestations d'assurance-emploi... Ce n'est peut-être pas un débat
qu'on peut faire, là, dans le cadre du projet de loi, là, parce que... Mais
est-ce que c'est un sujet, parce que je sais que vous êtes en période de négociation, là, pour le renouvellement
des conventions collectives dans le secteur de la construction, est-ce que c'est un sujet qui a déjà été discuté, ça, la rupture du
lien d'emploi dès la conclusion d'un chantier puis l'impact, notamment, sur les
travailleuses? Est-ce que ça a déjà été à une table de négo, Michel? Puis là
c'est une demande d'information, là, vraiment...
M. Trépanier
(Michel) : C'est un sujet très important pour les syndicats. Puis
c'est un sujet qui est très important pour nous. Puis c'est un sujet
d'actualité. Puis il faut trouver une solution, M. le ministre, parce que...
surtout pour le lien d'emploi. Je pense qu'il y a beaucoup de nos travailleuses
qui mériteraient d'avoir une certaine sécurité de ce côté-là.
M. Boulet :
Oui, bien, je le comprends bien. Avez-vous déjà, par exemple, discuté d'un
fonds spécial qui pourrait être constitué
par les associations, je ne sais pas, patronales, syndicales, au bénéfice des
personnes travailleuses qui vivent des situations particulières comme
une maternité, où la continuité du travail peut l'exposer à un risque ou pour
l'enfant à naître en raison de l'état de grossesse?
• (12 h 20) •
M. Trépanier
(Michel) : Bien, nous, honnêtement, puis c'est une opinion
personnelle, M. le ministre, là, présentement, il y a un programme qui est en
place que, dans d'autres sphères d'activité en établissement, les travailleuses
sont protégées tout le long de leur grossesse, dépendamment du niveau de
risques. Nous, avec la réalité qu'on a dans notre industrie, c'est une
problématique. Ça fait qu'on pense que les travailleuses auraient le droit à ce
programme-là. On n'aurait pas besoin d'avoir un autre programme à part.
M. Boulet :
O.K. Puis, Michel, en même temps, il ne faut pas penser que c'est spécifique à
la construction, là. Quelqu'un, une
travailleuse qui perd son emploi ou dont l'entreprise ferme, parce qu'il y en a
beaucoup, là, particulièrement en
raison de la pandémie, elle est victime des mêmes conséquences, là, pour le
versement des indemnités de la CNESST.
J'aimerais ça,
Michel, peut-être, dernier point, tu as fait référence à la création d'un droit
nouveau. Évidemment, dans la loi santé et sécurité, il y a un droit de refus,
mais qui est individuel, d'un travailleur qui est exposé à un risque pour sa
santé et sécurité dans l'exécution de son travail, puis il y a toute une
mécanique, là, permettant à un inspecteur de
la CNESST de travailler avec le représentant syndical puis le représentant de
l'employeur à déterminer s'il y a effectivement un danger. Est-ce que tu fais
une analogie? Toi, tu dis, bon, c'est un droit de refus individuel, il faudrait
avoir accès à un droit de refus collectif. Évidemment, ce n'est pas dans le
cadre de notre discussion pour le p.l. n° 59,
là, parce qu'on ne revoit pas... on s'intéresse à la santé et sécurité, mais
là, ici, c'est un mécanisme de retrait du travail dans un contexte de danger.
Comment tu vois ça, un droit de refus collectif?
M. Trépanier
(Michel) : Bien, présentement, c'est suite à une problématique de
l'industrie. Comme je vous dis, une des plus grosses problématiques reliées...
par rapport à la précarité d'emploi, c'est la dénonciation des travailleurs. Le
sentiment, là, est-ce qu'un travailleur se sent à l'aise de soulever un point
en santé et sécurité, présentement, nos constatations, puis la réalité, puis je
suis un travailleur, j'ai ça dans le sang, je l'ai vécu, non, ce n'est pas
propice présentement. La réglementation puis le fonctionnement du droit de
refus individuel, on ne croit pas qu'il est
permissif pour soulever des points puis de sécuriser nos travailleurs. Ça fait
qu'on a trouvé une alternative qu'on propose. Ce n'est peut-être pas la
solution miracle, mais il faut trouver une façon de proposer de quoi que les
travailleurs se sentent à l'aise. Puis le but, ce n'est pas d'arrêter des
travaux, c'est juste d'être à l'aise pour dénoncer des situations qui peuvent
amener des situations d'accident de travail ou de décès en chantier.
M. Boulet :
...faire l'objet d'un autre débat. En terminant, Michel, je ne peux pas te
voir, même si c'est virtuellement, sans souligner la qualité de ton engagement.
Tu sais, on vit une pandémie depuis presque un an, puis le secteur de la
construction a été un modèle dans mon esprit. On a formé, dès le début de la
pandémie, un comité tactique avec des acteurs patronaux, syndicaux, la Santé
publique, l'INSPQ. Tu étais membre du comité tactique, on s'est souvent parlé
de santé et sécurité, d'équipement de protection individuelle. Tu as toujours
été à l'affût, tu as toujours été ouvert et intéressé par le respect. Puis, tu
sais, tu m'as déjà dit : Il y a les règles, évidemment, découlant de la
Santé publique, mais il ne faut jamais négliger les autres règles en matière de
santé et sécurité pour éviter les blessures corporelles graves. Mais je pense
que, le secteur de la construction, on a une perception, dans la population,
qui est trop souvent négative, mais vous êtes diligents, vous êtes intéressés,
puis le guide de normes sanitaires... bon, le comité tactique, Michel, vous
vous êtes rencontrés combien de fois l'année passée?
M. Trépanier
(Michel) : À plusieurs reprises. Mais je suis obligé d'être honnête,
M. le ministre, notre industrie est vraiment malade, malgré que...
M. Boulet :
Oui, oui.
M. Trépanier
(Michel) : Mais on s'est rencontrés. Mais là on a besoin de votre
aide, tous les parlementaires. Puis on a
besoin de votre leadership, M. le
ministre, parce que
notre bulletin, là, qu'on a dans la construction, là, il y est marqué
«échec» présentement, malgré que... de toutes les parties. M. le ministre, on a
besoin d'un encadrement, on a besoin que vous nous donniez, vous nous
permettiez d'avoir les outils pour donner un coup de main, un coup de barre
pour le paritarisme. On a besoin de vous.
M. Boulet :
Je sais très bien ce à quoi tu peux référer, là, parallèlement au p.l. n° 59. Je te comprends bien, Michel. Puis, ton dévouement...
Je vais essayer de t'accorder la réciprocité puis t'assurer que le gouvernement,
avec l'ensemble de mes collègues gouvernementaux et des partis de l'opposition,
on va être au rendez-vous pour essayer d'améliorer votre coffre à outils.
Puis je suis tellement fier, Michel, puis je ne
le dirai pas souvent, là, de donner suite à ce qui aurait dû être fait depuis à
peu près une quarantaine d'années en matière de santé et sécurité. Puis il faut
diminuer le nombre de décès, il faut améliorer le bilan. Puis, au lieu de voir
un échec à votre bulletin, bien, essayons de s'orienter vers un C puis un B le
plus rapidement possible. Puis ça, là, ça va prendre aussi les syndicats. Puis,
l'Inter, vous êtes toujours au rendez-vous, vous êtes hyperreprésentatifs. Moi,
je vous fais confiance. Puis, merci beaucoup, Michel, de tes bons mots, puis
merci de vos représentations.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci.
M. Boulet : Merci, Éric, aussi.
Au revoir.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci, M. le ministre. Alors, nous poursuivons avec, cette fois-ci, le député
de Nelligan. Vous disposez de 11 minutes.
M. Derraji : Bonjour,
M. Trépanier. Bonjour, M. Nantel. Merci pour votre présentation.
J'avais des questions, mais là votre dernière conclusion, M. Trépanier...
Puis je vous connais un peu, on s'est échangé, et je sais que vous parlez de votre coeur. Et j'ai noté quelques
aspects que j'aimerais bien que vous clarifiiez. Industrie malade, vous avez des attentes par rapport au leadership
du ministre, encadrement, vous avez demandé des outils et un coup de barre au
paritarisme. Moi, je veux bien, vraiment, vous comprendre, et vous jouer cartes
sur table : C'est quoi, vos attentes d'une manière très, très, très
claire? J'ai l'impression que le ministre a très bien compris, mais je dois
avouer en toute honnêteté, moi, je n'ai pas compris. Donc, pouvez-vous me
clarifier, s'il vous plaît, ce que vous voulez dire?
M. Trépanier (Michel) : Merci,
M. le député. Partons avec le principe que j'adhère dans la prise en charge de
l'industrie puis du milieu, tant patronal que syndical, au niveau des
travailleurs ou des employeurs, pour se prendre en main. Mais, pour être
capables de le faire efficacement... Puis on a notre bulletin qui le démontre,
depuis 40 ans, on a un échec. Puis présentement, ce qu'on demande au
gouvernement, c'est de nous donner les outils par la législation, un
encadrement qui est paritaire. On va en parler dans les articles, puis article
par article, on va... Puis le but, c'est de ramener un équilibre, de créer un
sentiment que, pour les travailleurs, qu'ils soient à l'aise de dénoncer des
choses. Présentement, la législation n'est pas permissive, on cherche pour
atténuer ça, pour créer un système un petit peu plus confortable.
L'autre chose qui nous préoccupe surtout, c'est
l'application. Présentement, l'implication de la CNESST sur les chantiers — puis
ça, on pense que c'est le gouvernement qui peut nous aider — on
est trop permissifs, trop permissifs. Je peux vous donner des exemples tantôt,
si vous voulez, là, mais, ça, on a besoin de la collaboration pour... Après ça,
quand on va avoir tous les outils en main, on va être capables de se prendre en
main.
M. Derraji : Mais,
M. Trépanier, vous n'êtes pas le seul, là, le seul groupe qui tape sur la
mission, ou la vision, ou l'implication de la CNESST. Ça commence à être un
point de pas mal de groupes.
Revenons au projet de loi. Là, puis corrigez-moi
si je me trompe, par rapport au coup de barre au paritarisme, est-ce qu'à votre
première lecture de ce projet de loi vous voyez une menace au paritarisme?
M. Trépanier (Michel) : Bien,
présentement, on ne vient pas régler la situation de dénonciation puis la
protection du travailleur. Présentement, pour avoir un système qui est
paritaire, il faut qu'il y ait un équilibre des forces. Puis, présentement, la voix des travailleurs n'est pas protégée
avec le projet de loi. Je suis obligé de dire qu'il y a une amélioration
parce qu'avant on n'avait absolument rien. Mais, présentement, on a
l'opportunité de faire ça correctement. Ça
fait que pourquoi ne pas le faire correctement puis vraiment avoir une
représentation qui est paritaire?
M. Derraji : Je comprends ce
que vous dites, donc, parce que le projet de loi, vous avez vu le nom, c'est «moderniser», donc, vous voulez vraiment que le
nom du projet de loi s'applique au niveau de l'articulation de ses
articles.
M. Trépanier (Michel) :
Exactement. Puis on veut qu'il y ait une mise à jour d'actualité pour qu'on
soit à jour en 2021.
M. Derraji : Très d'accord avec
vous. Revenons à un cas. Le groupe avant vous, c'est le Collectif des
organismes de défense des droits des personnes en situation de handicap, et
j'ai cru comprendre que, probablement, c'est le seul groupe qui lève le drapeau
par rapport à la situation de handicap. Mais, contrairement à ça, j'ai vu, dans
votre rapport, la page 6, et la page 34 et 35, tout un argumentaire
très, très élaboré par rapport à l'article 329. Bon, vous savez de quoi
s'agit-il?
M. Trépanier (Michel) : Je pense
que oui, par rapport... les maladies professionnelles?
• (12 h 30) •
M. Derraji :
Bien, je parle du handicap et de la définition. Et vous faites... Une de vos
conclusions — ce
changement dans la loi n'est donc pas avantageux, surtout dans une période de
pénurie de main-d'oeuvre — ça
a été soulevé par d'autres personnes aussi. Vous parlez de l'impact par rapport
aux personnes handicapées, l'imputation des coûts. Est-ce que, d'un point de
vue de votre Association de la construction du Québec, la nouvelle notion de
handicap, telle que définie dans ce projet de loi, elle crée une incohérence
dans l'application des autres dispositions de la LATMP? Parce que, tout à
l'heure, on a eu un point de vue d'un groupe, mais là, maintenant, vous faites
aussi... — un
autre groupe. Je veux, juste pour clarifier votre point de vue aux membres de
la commission, votre point de vue par rapport à l'article 329, et après,
on va revenir à la question de coûts aussi.
M. Trépanier (Michel) : Bien, juste
pour essayer d'être efficace dans ma réponse, la grosse problématique qu'on a
par rapport aux maladies professionnelles puis l'accessibilité, c'est le côté
du médecin traitant. On part à la base. Présentement, le premier chien de garde
qui vient sécuriser du côté... le diagnostic pour protéger nos travailleurs,
c'est le médecin, puis, présentement, on a une préoccupation.
L'autre volet qu'on a par rapport... c'est la
reconnaissance des maladies professionnelles. Avec le projet de loi, on a peur que, pour les travailleurs, ça
vienne alourdir le process pour une reconnaissance de maladie
professionnelle ou de handicap, mais c'est une réflexion qui...
M.
Derraji : Mais je veux vous lire votre recommandation : «Si la
nouvelle notion de handicap est maintenue,
il faudrait revoir et resserrer les modalités d'application des critères reliés
à l'admissibilité des réclamations et de l'octroi des séquelles, plus
accès à la réadaptation en raison du handicap.» Ça, c'est votre recommandation,
là.
M. Trépanier (Michel) : C'est quelle
recommandation, M. le député?
M. Derraji : De la page 35.
M. Trépanier (Michel) : Je n'ai pas
de page 35.
M. Derraji : O.K. Revenons à la
SST — c'est
parce que j'ai 11 minutes — revenons à la proposition que vous avez
élaborée par rapport à soumissionner pour un contrat public. C'est en Alberta,
puis vous avez parlé de l'ISO 45001. Est-ce que vous pouvez juste élaborer
un peu par rapport à ça?
M. Trépanier (Michel) : Oui. C'est
suite à des analyses, puis je vous donne un exemple. Il y a quelques années,
avec la commission Charbonneau, au Québec, l'industrie, on avait une
problématique, on avait un enjeu sur l'éthique. Comment qu'on a trouvé... quels
moyens qu'on s'est donnés pour réparer notre problème d'éthique? On s'est donné
les moyens par les marchés financiers. C'est qu'on vient authentifier,
certifier que les entreprises sont éthiquement correctes.
Présentement, on peut se donner ce privilège-là,
parce que, présentement, on a une problématique en santé-sécurité. Puis ce
qu'on propose, comme en Alberta, c'est un niveau de certification. Puis ça, je
pense que ça va rejoindre le ministre du Travail puis vous, M. le député. C'est
qu'on vient élever la barre, on vient s'assurer qu'il y a un nouveau standard
en santé-sécurité, qui est déjà implanté dans d'autres provinces, puis ça vient
juste améliorer la santé-sécurité. Ça fait que ce qu'on propose, c'est un
projet innovant, c'est de l'appliquer dans peut-être juste les chantiers de
construction. C'est une nouvelle certification, c'est ISO 45001, puis ça a
prouvé son efficacité dans l'Ouest canadien. Ça va... Ce que ça fait, comme
principe, M. le député, c'est que les compagnies qui ont des hauts standards de
santé-sécurité, bien, y voient un avantage, puis les compagnies, malheureusement,
qui ne suivent pas les règles de santé-sécurité, bien, elles ne sont pas
certifiées. Ça fait qu'il y a comme un jeu de récompenses pour ceux qui ont les
meilleures pratiques, puis je pense qu'on devrait avoir ce type de standards là
au Québec.
M. Derraji : Oui. Est-ce que vous
avez des statistiques à nous partager par rapport à cette expérience en
Alberta? Parce que, si ça a donné d'excellents résultats au niveau des
chantiers de construction, si votre point de vue, c'est de passer de l'échec à
C, ou à D, ou à A, ou à B, ça veut dire qu'il y a des bonnes pratiques, que
l'Alberta, avec l'ensemble des partenaires, ont essayé de mettre ça en place,
et ça a donné des résultats. Est-ce que vous avez des études à nous partager
par rapport à ce...
M.
Trépanier (Michel) : Ce
qu'on va faire, M. le député, on va vous partager les documents qu'on peut
avoir puis on va s'assurer de participer
avec vous pour une plus longue élaboration du projet puis des études qui ont
été faites.
M. Derraji : Oui. Et je reviens... Mme
la Présidente, est-ce qu'il me reste du temps?
La Présidente (Mme IsaBelle) : Deux
minutes. Tout juste deux minutes.
M. Derraji : Oui, je veux juste
revenir au contexte actuel — j'ai
toujours posé cette question — par rapport à l'adaptation de certains
secteurs au contexte de la COVID. Je sais que vous avez contribué, le ministre
l'a mentionné, dans des groupes, mais moi, la question que j'aimerais vous
poser, par rapport à l'agilité, l'agilité de la CNESST avec votre secteur,
c'est quoi, votre constat, à la lumière de ce projet de loi où on inclut
«notion du risque», où
on inclut d'autres notions par rapport à la présence sur des chantiers,
20 employés, plus de 8 millions, 25 millions? Est-ce que,
selon vous, selon vous, le Québec a les moyens d'être très agile, peu importe
le contexte de pandémie ou une surchauffe du marché, je dirais, de la construction?
M. Trépanier (Michel) :
Présentement, M. le député, la situation avec la CNESST... Trois situations. La
CNESST, maintenant, elle appelle les donneurs d'ouvrage avant de se présenter
en chantier, premier cas. Ça fait que la police appelle pour dire... avant de
les visiter. Maintenant, dans la loi, les inspecteurs ont le pouvoir de donner
des contraventions ou de fermer les chantiers. Maintenant, il y a une politique
interne que, pour qu'un inspecteur puisse avoir ce droit-là, il doit avoir une
préautorisation de son supérieur. Trois chantiers au Québec — puis
ça, c'est un constat — 70 interventions
de la CNESST, aucune fermeture de chantier. Des listes comme ça, là, de 50, 40,
30 interventions de la CNESST sans fermeture de chantier, c'est le
constat, à l'heure actuelle, sur les chantiers de construction. Ça fait que,
quand on parle que c'est permissif... Présentement, la perception de la CNESST
puis des inspecteurs, pour les gens de l'industrie, excusez-le terme, c'est une
vraie joke.
M. Derraji : Bien, écoutez...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
En conclusion. Il reste 30 secondes.
M. Derraji : M. Trépanier, c'est quand même
énorme, ce que vous venez de dire, parce
que, là, je commence à faire
l'addition de plusieurs intervenants par rapport à la CNESST, ça commence à...
je commence à avoir tout un portrait de plusieurs intervenants.
Je vous invite, M. Trépanier, à nous
partager vos commentaires, parce que je suis très intéressé, surtout par rapport à ce qui se passe en Alberta et si on peut
avoir le même modèle, surtout qu'il me semble que vous avez des éléments
qui vont nous aider à éclairer les membres de la commission. Donc,
M. Nantel, merci, M. Trépanier, merci pour votre présence, et
n'hésitez pas à nous envoyer vos autres documents. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, nous poursuivons avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous
disposez de 2 min 45 s.
M. Leduc : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, M. Trépanier, M. Nantel. Très intéressante
présentation.
Étant un ancien syndicaliste, j'entends
exactement les mêmes choses que ce que j'avais entendu sur le terrain à
l'époque, là. L'idée d'appeler avant de visiter, c'est d'une absurdité sans
nom, là. C'est un peu la même logique sur les
briseurs de grève, d'ailleurs, briseurs de grève qui sont légaux, dans la
construction, hein? C'est un autre problème, ça. On va essayer d'y
remédier.
J'ai vraiment été intéressé par votre
recommandation n° 15, puis vous avez eu une
discussion tantôt avec le ministre, sur le droit de refus collectif. Je trouve
ça superintéressant parce que c'est peut-être un des grands absents de la
discussion en ce moment. C'est qu'on a l'impression, des fois, à entendre les
discussions, qu'il y a des droits sur papier, puis c'est tout, comme si ces
droits-là allaient être nécessairement appliqués par magie, alors qu'il faut
des organisations sur le terrain, il faut des organismes, il faut des
syndicats, il faut des gens qui se regroupent pour les faire appliquer, ces
droits-là. Qu'ils existent, les droits, c'est une chose. Les faire appliquer,
c'en est une autre, puis une organisation comme la vôtre, bien, le démontre.
Puis le droit de refus collectif, c'est
intéressant, parce que ça... Vous mentionnez que c'est justement avec une
compréhension du terrain où est-ce que, si c'est un individu qui fait cette
réclamation-là, il se met en danger, d'où l'intérêt d'avoir la collectivité.
C'est fascinant, ça.
M. Trépanier (Michel) :
Exactement. Vous ne pouvez pas mieux résumer la situation. C'est notre grosse
problématique. À part l'application, là, des règles de santé et sécurité, il y
a le côté précaire des emplois des travailleurs. Puis ce n'est pas par manque
de courage. Je me mets à leur place, ils ne savent pas s'ils vont travailler la
semaine prochaine, ils ont des bouches à nourrir, ça fait que, quand il y a des
situations comme ça qui arrivent, on ne peut pas se permettre qu'un travailleur
ou une travailleuse se questionne : Est-ce que je devrais dénoncer une
situation qui est conflictuelle en santé et sécurité ou je vais garder mon
travail? On devrait, en tant que législateurs, en tant que société, trouver des
mécanismes, des mécanismes pour sécuriser, comme des dénonciateurs qu'on a
protégés dans le passé. Je pense qu'on a ces mesures-là. Le droit de rappel
collectif, c'est un exemple.
M. Leduc : Bien, j'aimerais ça qu'on se reparle pour
préparer peut-être la rédaction d'un amendement en ce sens-là.
S'il me reste un peu de temps, Mme la Présidente...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
45 secondes.
• (12 h 40) •
M. Leduc : 45 secondes.
Pouvez-vous un peu nous parler du médecin traitant? C'est quelque chose qui est
sous attaque dans le projet de loi. Qu'est-ce que vous avez à dire là-dessus?
M. Trépanier (Michel) : Oui. Présentement, je vous donne une situation,
85 % des employeurs ont cinq salariés et moins.
Présentement, dans le projet de loi, on permettrait à ces employeurs-là, qu'on
dit qu'ils font des paies dans leurs camions, d'évaluer
l'évaluation médicale d'un travailleur pour évaluer s'ils sont aptes à faire
certaines tâches ou pas. C'est inconcevable. Notre médecin traitant, pour les
travailleurs et les travailleuses, c'est un chien de garde, c'est pour
s'assurer que leur droit est respecté. Puis il y a le côté impartial aussi. Si
on donne la possibilité à un employeur de décider du niveau médical d'un
travailleur, où est-ce qu'on s'en va?
M. Leduc :
Merci beaucoup. Très intéressant. Merci.
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Merci. Alors, nous poursuivons avec le député de Bonaventure,
qui dispose effectivement aussi de 2 min 45 s.
M. Roy :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, MM. Trépanier et Nantel. Écoutez,
donnant suite à mon collègue d'Hochelaga-Maisonneuve, il y a beaucoup de
conditions de la santé et de la sécurité qui sont sous attaque dans ce projet de loi là. Il y a beaucoup trop
d'enjeux, là, puis j'ai deux minutes, je ne pourrai pas... mais vous
soulevez beaucoup de choses intéressantes.
Je reviens sur la
CNESST. Hier, on avait des gens, bon, des agents de prévention de SST qui nous
disaient qu'il existait une forme de laxisme, de permissivité, une philosophie
de la tape dans le dos entre la CNESST puis les employeurs. On a eu, ce matin, des gens des Manufacturiers et exportateurs
du Québec qui nous disaient le contraire : Ah non, ils sont trop coercitifs, puis, etc. Et là
vous nous en rajoutez une couche, vous nous dites, bon, on avertit les
chantiers avant d'arriver, ça prend la permission du directeur, puis on négocie
hors cour. On a-tu un problème de gouvernance à la CNESST? Puis là je vais
aller un petit peu plus loin, là, est-ce qu'il n'y aurait pas une proximité
entre le Conseil du patronat puis la CNESST?
M. Trépanier
(Michel) : On a un problème. On a un problème de la mise en
application des règles. Ça, là, c'est clair, clair, clair. Présentement, elles
ne sont pas prises au sérieux en chantier. Si vous êtes capables, là, de vous assurer qu'on est capables de faire appliquer, ça
enverrait un message à tous les entrepreneurs. Parce que, présentement, les entrepreneurs,
ils se regardent entre eux autres, quand ça fait 25 fois qu'ils ont une
rencontre de la CNESST, qu'ils n'ont même pas un ticket, qu'ils ont juste une
tape sur le dos, ils disent : Pourquoi, moi, je ne ferais pas ça? Ça fait
que ça crée un climat que la santé et sécurité n'est pas prise au sérieux.
M. Roy :
Ces gens-là se parlent. Ils se parlent, ces gens-là, et ils disent, regardez...
Bon, mais moi, je reviens, on a un problème de fond, là, vraiment, de culture
de la CNESST qui ne fait pas sa job. Et là, bien, je regrette que nous n'ayons
pas soumis la CNESST à des auditions, mais on va les avoir en...
M. Trépanier
(Michel) : Notre...
M. Roy :
Oui, allez-y.
M. Trépanier
(Michel) : Notre industrie est malade. Elle est malade. Puis notre
chien de garde, là, pour nous aider, là, pour faire appliquer, là, c'est la
CNESST. Puis, présentement, oui, malheureusement, il y a un laxisme. Ce n'est pas le seul problème, mais
corrigez ce point-là, là, quant qu'à l'application des règles, là, puis vous
allez rassurer beaucoup de travailleurs, parce que les travailleurs sont tannés
de dénoncer sans qu'il n'y ait de résultat.
M. Roy :
Et des exemples de situations dangereuses, je pourrais vous en nommer, parce
que mon frère travaille sur la construction et est membre de votre syndicat. Et
je ne viendrai pas énumérer ça ici, c'est invivable, ce qu'ils vivent sur les
chantiers, actuellement. Merci beaucoup, messieurs, et sachez qu'on va être là
pour défendre les intérêts des travailleurs du Québec.
La
Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, merci, M. Trépanier, merci, M. Nantel, pour votre
contribution à la commission, le mandat de la commission actuelle.
Écoutez, compte tenu
de l'heure, la commission suspend ses travaux jusqu'à 14 heures.
(Suspension de la séance à
12 h 43)
(Reprise à 14 heures)
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Bonjour et bienvenue à la Commission de l'économie et du
travail.
La commission est
réunie virtuellement afin de poursuivre les consultations particulières et les
auditions publiques sur le projet de loi n° 59, Loi modernisant le régime de santé et de sécurité au travail.
Cet après-midi, nous
entendrons les groupes suivants : L'Association des entrepreneurs en
construction du Québec, le Syndicat québécois de la construction, le Réseau de
la santé publique en santé au travail, la Confédération des syndicats nationaux
et le Dr Louis Patry, spécialiste en médecine du travail au CHUM.
Alors, nous débutons
immédiatement et nous souhaitons la bienvenue aux représentants de
l'Association des entrepreneurs en
construction du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes,
et ensuite vous pourrez... ou, avant de commencer votre exposé, je vous
inviterais à bien vous présenter. C'est bien. Alors, la parole est à vous.
Association des entrepreneurs en
construction du Québec (AECQ)
M. Hamel (Pierre) :
Alors, merci, Mme la Présidente. M. le ministre, membres de la commission,
merci de nous permettre de comparaître aujourd'hui devant vous. Je me présente,
Pierre Hamel, je suis directeur des affaires juridiques et gouvernementales de
l'Association de la construction du Québec, et je suis accompagné, cet
après-midi, de M. Luc Boily, directeur, service de prévention en santé et
sécurité du travail de l'Association des constructeurs de routes et grands
travaux du Québec.
Nous avons été délégués pour représenter
l'Association des entrepreneurs en construction du Québec, mais également pour
représenter l'ACQ, l'Association de la construction du Québec, l'ACRGTQ,
l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec, et
l'APCHQ, l'Association des professionnels en construction et en habitation du
Québec, trois associations qui oeuvrent quotidiennement tant en relations du
travail qu'en santé et sécurité du travail et qui accompagnent tous les
employeurs de tous les secteurs de l'industrie de la construction du Québec
assujettis à la loi R-20 depuis maintenant 25 ans.
Les enjeux entourant certaines propositions du
projet de loi pour l'ensemble de l'industrie de la construction sont à ce point
importants pour nous que c'est d'une seule voix que nous nous adressons à vous
aujourd'hui en présentant un mémoire commun. Ceci étant dit, ce n'est pas dans
un contexte de confrontation, mais bien dans le but d'éclairer la commission sur l'ensemble des enjeux que les propositions
au projet de loi soulèvent pour notre industrie, que nos recommandations
sont formulées.
Nous sommes
tous favorables à la modernisation du régime de la santé et sécurité du
travail, une modernisation basée sur l'équité et l'équilibre des moyens,
une modernisation qui permet aux entreprises de s'acquitter de leurs
obligations sans irritants administratifs supplémentaires. Bref, une
modernisation à laquelle adhéreront véritablement les dizaines de milliers de
très petites entreprises en construction et les plus grandes qui,
soulignons-le, ont fait un travail considérable afin d'améliorer le bilan de
notre industrie en matière de santé et sécurité au travail.
Nous sommes d'ailleurs très conscients du bilan
de santé et sécurité qui est attribué à notre industrie, et d'aucune manière
nous ne souhaitons en minimiser ni l'importance ni la portée. Comme l'ensemble
des parlementaires et la population en général, nous déplorons les décès reliés
à l'amiante et à la silice, qui, de par leur nature, se déclarent parfois 20 ou
30 ans après le fait et qui vont alourdir notre bilan pour plusieurs
années encore. Sur les 70 décès attribués à notre industrie en 2018, 59
découlent de ces maladies. Sur les 55 décès attribués à notre industrie en
2019, 43 découlent de ces maladies. Malgré les efforts déployés par un très
grand nombre d'employeurs pour prévenir les accidents de travail, comme tout le
monde, nous sommes saisis à chaque fois qu'un accident mortel frappe l'un de
nos travailleurs. Sur les 70 décès attribués à notre industrie en 2018, 11
découlent d'accidents et, sur les 55 décès attribués à notre industrie en
2019, 12 découlent d'accidents. Mais le bilan de santé et sécurité de
l'industrie de la construction, c'est également les milliers d'entreprises qui,
depuis les cinq dernières années, n'ont aucun accident à leur dossier. C'est
aussi des milliers d'entreprises qui forment leurs cadres et leurs employés à
chaque année en prévention, c'est donc une industrie concernée et lucide qui se
présente devant vous aujourd'hui.
D'entrée de jeu, soulignons que nos
recommandations ne portent aucunement atteinte aux droits des travailleurs ni
ne visent à priver ces derniers des prestations auxquelles ils ont droit. Elles
visent principalement à maintenir les compromis sociaux déjà existants au sein
de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et
favoriser le maintien de l'équilibre sur les chantiers de construction.
En matière de réparation, nous unissons notre
voix aux nombreux employeurs de tous les secteurs économiques du Québec pour
demander le maintien de la notion d'obérer injustement et celui des mécanismes
actuels de désimputation. Le retrait de la notion d'obérer injustement enlève à
l'employeur la possibilité de faire retirer les coûts en relation avec un
événement qui est en dehors des risques inhérents de ses activités, pour
lesquelles il n'a aucun contrôle. Cette notion d'obération injuste parle
d'elle-même et doit être maintenue. Également, pour les mêmes motifs d'équité,
nous sommes en désaccord avec des ajouts de restrictions encore plus sévères
qui, du coup, pénalisent des employeurs, encore une fois, qui souhaitent
obtenir des partages de coûts, lorsque l'employeur est déjà porteur d'un
handicap avant l'embauche, c'est-à-dire que son état était fragilisé avant la
survenance de la lésion professionnelle. Il
ne s'agit pas ici de refuser de prestations aux travailleurs, mais plutôt
d'éviter qu'un seul employeur ne supporte l'entièreté des impacts
financiers d'un accident ou d'une situation à l'égard de laquelle il était
totalement impuissant et qu'il ne pouvait
rien faire pour l'en prévenir. Il s'agit de répartir ces coûts à l'ensemble des
employeurs.
Toujours en matière de réparation, soulignons
également les mesures de réadaptation qui pourront être imposées par règlement
par la CNESST. Selon nous, les mesures réglementaires devraient permettre une
intervention plus rapide dans la prise en charge du travailleur, permettre à la
CNESST de mettre en place le plan sans nécessiter
d'autorisation de médecin et mettre en place des actions adaptées en fonction
de l'évolution réelle du dossier.
En matière de prévention, l'industrie fait
l'objet de mesures particulières qui n'ont pas été commentées par les autres
représentants d'employeurs. Mentionnons d'abord que l'industrie appuie les
mesures visant à faire passer le plancher requis pour la nomination d'un
coordonnateur en santé-sécurité de 150 travailleurs à 100 travailleurs.
Elle est également favorable à la mesure visant à faire passer de 25 à
20 travailleurs le plancher requis pour la mise en place d'un comité de
chantier. Toutefois, l'industrie ne peut souscrire aux propositions entourant
la nomination du représentant en santé et sécurité du travail, tel que proposé
par le projet de loi.
En 2021, les employeurs adhèrent à la
participation des travailleurs qui va bien au-delà de la présence de représentants en santé et sécurité du travail sur
les chantiers, comme le prévoyaient les dispositions de 1979. Un très grand
nombre de projets se déroulent sous
l'autorité de nombreux intervenants qui interagissent en prévention :
ingénieurs, gérants de projets,
surintendants, contremaîtres, agents de sécurité, conseillers en prévention du
maître d'oeuvre et des employeurs.
Or, le modèle promu par le
projet de loi n° 59 confère un plein contrôle des RSS, par la structure
syndicale, sur leur nomination, l'exercice des fonctions et leur horaire, sans
que le maître d'oeuvre, premier responsable de la santé-sécurité sur les chantiers,
ne puisse exercer une quelconque autorité sur le travailleur, mis à part d'en
assumer les coûts. Une telle proposition ouvre la porte à ce que la prévention
soit un sujet perpétuel de négociation sur les chantiers, servant de moyen de
pression pour satisfaire les demandes autres que de santé-sécurité.
En ce qui a
trait au coordonnateur en santé-sécurité, l'enjeu principal, pour nous, repose sur le nombre d'heures de
formation. Actuellement, le programme de formation des agents de sécurité est
de 720 heures, soit 240 heures de formation théorique et
480 heures de stage en chantier. Lors de la révision du programme, les
parties prenantes ont convenu d'y intégrer,
notamment, l'acquisition de compétences et d'habiletés accrues en gestion dans
le but d'assurer que la formation corresponde davantage aux besoins des
maîtres d'oeuvre et des employeurs. Dans un tel contexte, il nous apparaît
inapproprié de requérir une formation d'une durée de 120 heures pour agir
à titre de coordonnateur en santé-sécurité sans considérer l'apprentissage en
stage.
En ce qui concerne les programmes de prévention
applicables aux chantiers de construction, les délégations patronales, présentes sur les comités réglementaires de la CNESST, se sont toujours opposées à la notion de hiérarchisation
des mesures de prévention. Comme le mentionnait le ministre, la loi stipule
déjà qu'elle a pour objet l'élimination à la
source des dangers et que les moyens et équipements de protection individuels
ou collectifs fournis aux travailleurs, lorsque cela s'avère nécessaire,
ne doivent diminuer en rien les efforts requis pour éliminer à la source les
dangers. L'employeur étant responsable de son milieu de travail, il a le choix
des moyens pour y arriver en fonction des ressources dont il dispose. La
hiérarchisation des moyens, dans le cadre de chantiers de construction,
devrait, selon nous, plutôt être intégrée dans les guides de prévention de la
CNESST, avec des exemples concrets pour aider et supporter la prise en charge
par le milieu de travail. Merci de votre attention.
• (14 h 10) •
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci, M. Hamel, pour votre exposé, très bien. Nous allons débuter
la période de questions avec M. le ministre, et vous disposez de
16 min 30 s.
M.
Boulet : Merci, Mme la Présidente. Merci, Pierre. Merci, Luc. D'abord, vous remercier de votre engagement, de
votre contribution à notre commission parlementaire. Pierre, ça fait un certain
temps qu'on s'est vus, on se souvient l'un de l'autre dans des vies
antérieures.
Évidemment, le projet de loi n° 59, c'est
une modernisation quand même assez profonde, vous l'avez souligné. Il y a
quelques points que j'aimerais vérifier avec vous autres. Tu sais, je vais y
aller tout de suite sur les mécanismes de participation des travailleurs. Le
représentant santé et sécurité, ce que vous demandez, Pierre, c'est qu'il soit
désigné uniquement par le maître d'oeuvre. On entend, notamment du côté
syndical... L'Inter était avec nous ce
matin. Puis je sais que c'est... ailleurs au Canada, il y a des provinces où c'est nommé aussi par le maître
d'oeuvre. Ce que l'Inter nous mentionnait ce matin, c'est que nommé par le
syndicat, ça favoriserait plus la dénonciation de situations problématiques en santé et sécurité. Ce serait quoi, vos commentaires sur cette
différence de point de vue là?
M. Hamel (Pierre) : Écoutez, la
situation, pour le représentant en santé et sécurité au Québec, ça peut
constituer un problème important. On vient de sortir de décennies de travail
pour limiter, sinon interdire le placement syndical. Et, en ouvrant une porte
de cette nature-là, les entrepreneurs savent parfaitement que des
organisations, qui sont responsables de la négociation des conventions
collectives et qui sont entièrement pour une industrie qui est entièrement
syndiquée... Contrairement à ailleurs au Canada, on se retrouve dans une
situation où il peut y avoir un conflit d'intérêts potentiel. On peut utiliser
la santé-sécurité pour régler des problèmes de griefs, il y a toutes sortes de
situations qui peuvent arriver et qui sont beaucoup plus malheureuses.
Nous autres, ce qu'on dit, c'est que, pour
l'instant, les entrepreneurs, au niveau où sont demandés les RSS, on n'a pas
besoin de cette intervention-là. Si, toutefois, le gouvernement insiste et
souhaite l'avoir, c'est qu'on veut avoir un RSS qui fonctionne, qui fonctionne
vraiment. Et, en ce sens, les syndicats ont bien dit que c'étaient des
patrouilles volantes, que c'était difficile, qu'il y avait trop... Bref, tel
que proposé par la loi, il ne fonctionnera pas. Si vous voulez aider les
entrepreneurs, si vous voulez qu'ils soient plus performants... Parce qu'il
faut se rappeler qu'à la fin de la journée c'est le maître d'oeuvre qui est
responsable de l'exécution des travaux, de tout ce qui se passe en
santé-sécurité sur les chantiers, et, peu importe le positionnement que va
prendre un RSS, cette personne-là va prendre le téléphone, et il va appeler son
syndicat, et c'est le syndicat qui va intervenir.
Et il faut faire une distinction ici entre la
participation du travailleur et la participation du syndicat. Ça, c'est bien
important. Pour nous, si vous voulez avoir un... vous exigez un RSS, on demande
qu'il soit formé de façon appropriée, pas trois heures par jour, mais qu'il
soit vraiment... de façon appropriée comme telle. Mais ce qu'on pense, essentiellement, c'est qu'actuellement en
baissant le niveau, pour les coordonnateurs, de 150 à
100 travailleurs... et faire venir... et baisser le plancher des...
voyons, des comités de chantier de 25 à 20, et là on en ratisse pas mal plus
large qu'on en a déjà ratissé en termes de chantiers pour les occuper... pour
les équiper, dis-je, en santé et sécurité de façon appropriée. À
20 travailleurs, là, tous les représentants... tous les employeurs sont
représentés, les employés sont représentés, on a une représentation collective,
et ça, c'est bien important.
La démarche, dans le fond, en prévention relève
beaucoup plus de la collaboration que de la dénonciation. Et on pourrait aller
encore plus parce que, si on reprend, de façon générale, ce qui s'est passé
depuis 25 ans dans l'industrie de la
construction, les moteurs, en termes, je dirais, de modernisation de la santé
et sécurité, c'est les donneurs d'ouvrage. C'est eux autres, c'est les
Rio Tinto, c'est les forestières, tous ceux qui exigent, les Shell, les
pétrolières qui exigent des niveaux supérieurs et qui ont amené les
entrepreneurs à aller là comme tel.
C'est
bien sûr qu'on souhaiterait n'avoir plus d'accident, qu'on souhaiterait être...
mais, pour faire ça, il faut développer une culture de prévention plus qu'une
culture de dénonciation. Or, avec les représentations... Je n'ai pas écouté
tout ce qui a été dit de la part des autres intervenants, mais c'est clair que
si... Alors qu'on parle des RSS, bien là, on
veut avoir un droit de refus mur-à-mur, on veut avoir des unités qui se
promènent pour aider la CNESST, on va déjà au-delà de ce que veut le projet
de loi. Je ne dirais pas que le jupon dépasse, mais ce qu'on comprend, c'est
que, déjà là, on voit que l'intervention syndicale va être beaucoup plus que ce
qu'on... qu'elle serait souhaitée. Et, dans ce sens-là, c'est ça qu'on veut
éviter. On ne veut pas... On souhaite que chaque travailleur soit des
préventionnistes, mais ce n'est pas dans un mode de dénonciation qu'il devra
être fait, c'est dans un mode de collaboration.
M. Boulet :
Collaboration et de responsabilisation, hein? Parce que, pensez, fréquemment,
on fait le pendant entre les articles 49 et 51 de la loi, l'employeur a
des responsabilités d'assurer des environnements de travail exempts de tout
risque pour la santé et sécurité, intégrité des travailleurs, mais le
travailleur a aussi des obligations de
prendre les mesures appropriées pour se protéger puis s'assurer, par exemple,
de porter les équipements de protection individuelle. Puis on le vit
bien avec la pandémie, ça a mis en lumière l'importance de respecter les
règles, là, en matière de santé publique, mais aussi les autres règles en
matière de santé-sécurité.
Toujours dans les
mécanismes de participation, Pierre, je voyais, dans votre mémoire, puis je
tiens à souligner, là, la qualité de ce mémoire-là puis féliciter tous ceux et
celles qui ont contribué à sa rédaction, vous proposiez
qu'il y ait un comité de chantier uniquement après 90 jours plutôt que...
tu sais, c'est le seuil de 20 jours, on passe de 50 à 20, mais
c'est 20 travailleurs à un moment donné des travaux. Évidemment, on
anticipe qu'il y ait une certaine planification et qu'un comité de chantier
soit formé dès l'ouverture du chantier. Est-ce que, Pierre, tu peux me donner
un peu plus d'explication? Pourquoi le 90 jours?
M. Hamel
(Pierre) : Bien, essentiellement, le 90 jours relève un
peu de l'expérience ailleurs au Canada, mais essentiellement c'est que la mise
en place d'un chantier de 20 travailleurs peut se faire... On peut avoir
20 travailleurs deux jours de temps sur un chantier. Je ne sais pas si
vous comprenez. Alors, s'il y a des chantiers d'importance qui demandent
20 travailleurs, il y a... on est d'accord, mais il faudrait que ça soit
des chantiers qui ont une certaine durée pour mettre en place tout le processus
de... voyons, de comités de chantier comme tels. Parce que c'est quand même une
certaine lourdeur et c'est souvent des petits entrepreneurs. Alors donc, et
comme l'a bien dit M. Simard, de SST, l'agent de sécurité, il y a un
roulement extraordinaire de travailleurs sur le chantier comme tel. Alors,
c'était un peu l'objectif comme tel. Je ne sais pas si Luc aurait...
M. Boulet :
Non, je comprends. En fait, ce qui est mentionné, c'est que pas de comité de
chantier, si c'est un chantier de courte durée puis qu'il y a peu
d'expectatives qu'on aille au-delà du 20, c'est à peu près le raisonnement qui
est tenu. Est-ce que c'est bien compris, Pierre?
M. Hamel
(Pierre) : C'est bien compris.
• (14 h 20) •
M. Boulet :
On prend bonne note. D'ailleurs, on va dans cette direction-là, changement de
sujet, sur la réadaptation. C'est manifeste qu'un des buts recherchés par la
modernisation, c'est d'assurer un retour le plus prompt possible au travail pour diminuer les coûts, pour diminuer les
risques de chronicisation, et ça passe, notamment, par les mesures de
réadaptation. Puis, bon, il y aura des mesures de réadaptation qu'on va encore
mieux définir dans un règlement, mais on a
manifestement l'intention de mettre l'accent sur la réadaptation. Mais je
t'entendais dire : Il faudrait que le règlement permette la
réadaptation. Là, on va à un accès au processus de réadaptation avant la
consolidation de la lésion. Ce que tu mentionnais, c'est sans autorisation du
médecin, est-ce que j'ai bien compris? Et, si c'est le cas, juste me donner
quelques précisions là-dessus.
M. Hamel
(Pierre) : Bon, alors, écoutez, sans dire que je suis le seul
rédacteur du mémoire, vous allez comprendre, Mme la Présidente, là, que tout...
Ce qu'on veut préciser là-dedans, c'est que la mise en place d'un plan de
réadaptation avec l'entreprise ne doit pas être freinée par l'attente du
médecin ou par les dispositions reliées au médecin.
Le médecin traitant doit traiter le travailleur, le médecin traitant, c'est la
personne de confiance du travailleur, mais la mise en place d'un plan de
réadaptation, ce n'est peut-être pas la personne la plus appropriée pour le
faire. Et, comme vous l'avez dit, plus rapidement on peut opérer et mettre en
place ce plan-là, plus vite on va aider le travailleur à une réinsertion. C'est
dans ce sens-là qu'on voulait aller.
M. Boulet :
Donc, toi, tu te dis : Il ne faut pas attendre l'imprimatur du médecin
traitant, du travailleur parce que ça risque de ralentir le processus de
réadaptation. Entamons le processus...
M.
Hamel (Pierre) : ...ou vous le freinez
complètement, vous le freinez complètement.
M. Boulet :
Exactement, j'ai bien compris. Les mesures de désimputation, bon, les partages
de coûts, là, tu référais à la notion d'obérer injustement, on la connaît bien,
je pense que la jurisprudence est bien établie. Là, tu référais aux accidents qui surviennent dans un contexte où... en dehors
des risques inhérents des activités de l'employeur et à l'égard desquels il n'y a pas de contrôle.
Puis l'autre, sur la notion de handicap, bon, on a vu l'évolution de deux
courants sur cette notion-là de handicap. Et il y a un courant qui est maintenant
dominant, le handicap est associé à une condition, même si elle est
asymptomatique.
Ce qu'on réalise, ça, dans
la pratique, c'est qu'il y a beaucoup de demandes de partage concentrées par un
plus petit nombre d'employeurs. Puis, comme la notion de handicap est très
large, même si c'est asymptomatique, dès qu'il y a
une déviation quelconque par rapport à la norme ou dès que la période de consolidation
est un peu plus longue que
celle apparaissant au tableau des périodes normales de consolidation, il y a
presque des partages, maintenant, qui sont obtenus... Puis, bon, on est
désimputés, ça va au fonds général.
Qu'est-ce que tu penses de ceux qui soutiennent
que ça facilite la déresponsabilisation des employeurs à l'égard des personnes
qui ont des handicaps, même si c'est des conditions asymptomatiques et que
beaucoup de plus petits et moyens entrepreneurs ou entreprises en font les
frais? Parce que beaucoup sont à un taux... Puis là je sors peut-être du
domaine de la construction, mais, Pierre, dis-moi donc, à l'égard des partages
de coûts dans le domaine de la construction, comment ça... Est-ce qu'il y en a beaucoup?
Comment... As-tu des statistiques là-dessus? Puis entretiens-moi sur la notion
de handicap.
M. Hamel (Pierre) : Moi, de la manière qu'on voit que le... je dirais, l'image nous
est dressée, le portrait nous est dressé, essentiellement, oui, il y a beaucoup
de petits entrepreneurs. Ces entrepreneurs-là sont au taux de l'unité, alors
ils n'ont aucun intérêt à faire de la désimputation, ça n'a aucune incidence
financière sur leur taux de cotisation. Par contre, si on y va en termes de
valeur de cotisation, on peut dire qu'il y a un tiers, c'est le taux d'unité, il
y a un tiers que c'est le taux personnalisé et il y a un tiers sur
rétrospectif, les très, très gros. Ceux qui sont au taux de l'unité, c'est beaucoup
plus eux qui gèrent, justement, ces situations-là pour éviter d'avoir à payer
des montants très importants sans qu'ils aient été en mesure d'empêcher
l'accident ou de le prévoir. Pour nous... Et c'est ça, c'est vraiment là que le
travail se fait, évidemment, au régime rétrospectif également, mais eux autres
gèrent encore de plus près ces éléments-là.
Ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que, pour
nous, on ne considère pas que ça fait payer les plus petits, on considère
plutôt que c'est un compromis social qui fait en sorte qu'un entrepreneur va
être en mesure d'embaucher un travailleur qui a une lésion préexistante, mais
qu'il ne fera pas d'enquête, qu'il ne fera pas de... Parce que c'est quand même
un travail très physique, je ne ferai pas d'enquête médicale pour engager qui
que ce soit. Et, s'il y a une blessure, et qui est reliée en partie à sa
condition préexistante, on va l'accepter dans le régime. On est prêts à
l'accepter dans le régime à la condition que tous les employeurs assument ce
coût-là et que ce ne soit pas celui qui a été, malheureusement... celui qui a
embauché ce travailleur-là qui en assume les frais puis qui devienne moins
compétitif à cause de ces situations-là. Parce qu'il y a des situations, dans
les... il y a des situations qui font en sorte que ça peut coûter beaucoup
d'argent à un seul employeur.
Alors, c'est dans ce sens-là, c'est dans ce
sens-là qu'on dit que ça permet aux travailleurs de rentrer dans les conditions
qu'ils ont, mais d'éviter que ça soit imputé à un seul, c'est ça qu'on veut
conserver. Alors, ça nous permet de garder ce compromis social là.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Je
vous invite à conclure. Il reste 15 secondes.
M.
Boulet : Mais, Pierre, reconnaissons, O.K., que ceux qui sont au
régime rétrospectif ont le plus d'avantages. Pierre, merci beaucoup.
Luc, bien apprécié. Merci de votre contribution, puis au plaisir de se reparler
bientôt. On amorce l'étude du projet de loi puis on aura certainement d'autres
occasions. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, nous poursuivons l'échange avec le député de Nelligan. Vous avez
11 minutes.
M. Derraji : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, M. Hamel. Bonjour, M. Boily. Bienvenue à la commission
et merci pour votre rapport. Première question : Pourquoi un rapport au
nom de quatre organisations?
M. Hamel (Pierre) :
Bien, écoutez, d'abord parce qu'on est quatre organisations qui sommes reliées
et en relation de travail, qui travaillons en santé-sécurité, quatre organisations
qui avions des vues communes sur les sujets traités,
et une place pour... et une seule audience pour le faire. Alors, plutôt que de
compliquer la vie à la commission, on a préféré de prendre le temps de
s'asseoir ensemble, de regarder quels sont les éléments fondamentaux du projet
de loi qui font consensus. Et on s'est aperçu rapidement qu'on avait
passablement la même vision des problématiques qui visent notre industrie.
M. Derraji : Excellent. Bien, merci
pour les clarifications. Première question, c'est par rapport au... vous avez
parlé d'une culture de dénonciation versus une culture de collaboration. J'ai
senti ou j'ai cru comprendre entre les lignes que vous avez une crainte par
rapport à ce qui s'en vient. À la lumière de la lecture du projet de loi, vous
soulevez qu'il faut faire attention, surtout avec tous les acquis au niveau de
l'industrie de construction. J'imagine, vous avez entendu les autres groupes,
surtout du côté syndical, leurs points par rapport à la sécurité, leurs
inquiétudes par rapport à la sécurité sur les chantiers.
Votre propre lecture... et je comprends le point
et les groupes que vous représentez. Comment on peut, en tant que
parlementaires aujourd'hui, avoir un juste milieu où, justement, on ne va pas
favoriser cette culture de dénonciation, mais plus avoir une culture de
prévention où tout le monde, et surtout les travailleurs, vont être les
gagnants au bout de la ligne?
• (14 h 30) •
M. Hamel
(Pierre) : Écoutez, c'est une question tellement
pertinente, et tellement importante, et tellement difficile à répondre. Comme
le disait le ministre, la pandémie nous démontre à quel point c'est difficile
de demander aux gens de prendre soin de leur propre santé. C'est peut-être
l'élément le plus saisissant de cette crise-là comme telle et c'est un petit
peu à l'image de toutes les industries, incluant l'industrie de la
construction. Alors... Et ce qu'on... Et on faisait une bonne réflexion là-dessus.
On se disait, et c'est important en termes de prévention, d'avoir la collaboration
de toutes et de tous. Je ne sais pas si, Luc, tu peux peut-être parler des
éléments de collaboration auxquels on discutait.
M. Boily (Luc) : Oui, bien, en fin
de compte... Puis c'est judicieux d'amener, dans ce débat-là des principes en
prévention, l'implication des travailleurs. Les travailleurs, l'employeur ont à
développer une collaboration en prévention. On parlait tantôt de
hiérarchisation des moyens. C'est encore des choses qui sont des principes. Par
contre, quand on arrive dans l'application, puis ça a été dit plusieurs fois,
85 % des entrepreneurs ont cinq salariés et moins, on ne parle pas de
relations de travail, on parle de relations familiales.
Le représentant santé et sécurité, c'est un
enjeu majeur. Puis je me permets d'insister, je sais que Pierre l'a mentionné
tantôt, mais, en 2011, quand le législateur a interdit le placement syndical
dans l'industrie de la construction — puis vous connaissez
l'historique, sinon c'est documenté beaucoup — on se retrouve pratiquement
dans la même situation, avec d'autres enjeux, qu'il y a toute une mécanique qui
a été mise en place à la Commission de la
construction pour gérer cet aspect. On change de forum, on s'en va à la CSST,
sous des principes de prévention, de défense
des droits des travailleurs, ce qui est légitime, là, puis je ne mets pas en
doute du tout les intervenants syndicaux dans leur bonne volonté, mais
c'est que, si la mécanique est créée, il y a vraiment des craintes que ça
déborde à un moment donné, dans le temps, puis qu'on se ramasse avec des
problématiques qu'on a déjà vécues.
M. Derraji : Merci, M. Boily, pour
les clarifications. Je tiens juste à réitérer une chose, le nom du projet de
loi, et ce n'est pas pour défendre qui que ce soit, c'est moderniser une loi.
Et nous sommes tous d'accord, je pense, que le moment, il est venu pour qu'on
modernise nos lois. Je ne pense pas que la volonté du législateur est... Vous me voyez, je suis de l'opposition, mais je ne
pense pas que la volonté du législateur, c'est revenir... ou faire reculer
une loi.
Ma crainte, à la lumière de ce que je viens
d'entendre, c'est que vous nous dites aujourd'hui, aux membres de cette
commission : Faites attention, parce qu'on risque de revivre des choses
que nous avons déjà vécues dans le passé. Est-ce que c'est ça, le message que
vous êtes en train de nous envoyer?
M. Boily (Luc) : Exactement.
M. Hamel (Pierre) : Non seulement
ça, c'est que c'est très présent.
M. Derraji : Avez-vous des exemples?
M. Hamel (Pierre) : Les
entrepreneurs considèrent que c'est un risque très présent.
M. Derraji : M. Hamel, avez-vous des
exemples? Parce que ça, c'est vraiment... je ne vais pas utiliser le mot
«alarmant», mais, quand même, c'est des drapeaux que vous soulevez maintenant.
Mais, M. Hamel, pouvez-vous être beaucoup plus explicite avec des
exemples?
M. Hamel (Pierre) :
Bien, écoutez, des exemples... Tout simplement, ce que je pourrais dire, c'est
que la situation en matière de placement syndical au Québec s'est développée
depuis la commission Cliche, et après ça on a vécu la commission Gaspésia, quand
même, qui est en 2005. On a eu des... Lorsque Mme Thériault, alors ministre
du Travail, a adopté le projet de loi n° 33, il y a
eu des grèves majeures qui ont causé des dommages majeurs aux entrepreneurs tout
simplement parce qu'on voulait refuser ou on voulait... on veut interdire le
placement syndical. Le placement syndical,
c'est très important pour un syndicat, et c'est ce que permettait la
loi R-20. Alors, à coups de débats, à coups de projets de loi, à
coups de règlements, on est arrivé tranquillement à mettre le couvert sur la
marmite. Mais n'ouvrez pas la marmite, et c'est ça qu'on dit. Et, si on le fait
pour le RSS, trouvons des solutions plus appropriées ou permettons aux maîtres
d'oeuvre, qui ne sont pas toujours les employeurs, les entrepreneurs,
disons-le, à avoir des ressources ou à mettre en place des ressources sur
lesquelles ils vont avoir un certain contrôle, parce qu'ils en sont
responsables au bout de la journée. C'est ça qu'on dit.
M. Derraji : Oui. Comme exemple des
ressources et ce que vous avez dit tout à l'heure au niveau de... je l'ai
noté quelque part... mais genre de mesures que vous avez soulevées pour arriver
à avoir cet équilibre?
M. Hamel (Pierre) :
Bien, actuellement, et je le répète, essentiellement, ce qu'on dit, on
dit : Le projet de loi, déjà, il amène
l'arrivée de coordonnateurs à 100 employés et il met sur pied un comité à
20 salariés. C'est quand même appréciable en termes de modernisation
et d'impact sur les chantiers. Il y a beaucoup plus de chantiers qui vont être
considérés et qui vont être, je dirais... où il va y avoir des outils comme
tels. Mais on ne peut pas aller jusqu'au RSS.
M.
Derraji : Merci à vous deux, c'est très clair. Là, je veux vous
ramener sur un autre enjeu, c'est l'article 329. Ce matin, nous
avons eu un groupe, et que ça soit moi ou mon collègue le député de
Robert-Baldwin, nous avons les mêmes inquiétudes. Je vais
vous lire l'article en question et j'aimerais bien vous entendre : «Aux
fins du premier alinéa, est déjà handicapé
le travailleur ayant, avant sa lésion professionnelle, une déficience
entraînant une incapacité significative et persistante et qui est sujet
à rencontrer des obstacles dans l'accomplissement d'activités courantes.»
Ça, c'est ce que vous
suggérez, hein? Ça, c'est ce que vous suggérez. Le 329, on parle du travailleur
déjà handicapé, et vous avez tout un argumentaire sur trois ou quatre pages.
J'aimerais bien vous entendre. Il ne me reste pas beaucoup de temps, je le
calcule, mais, s'il vous plaît, essayez de raccourcir parce que ça va nous
permettre de comprendre votre point de vue.
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Il reste 1 min 45 s.
M.
Hamel (Pierre) : Merci, Mme la Présidente. Alors, ce qu'on
souhaite, et je le répète, on souhaite le maintien actuel de la jurisprudence
qui s'est développée au fil des ans, qui est une jurisprudence qui est quand
même déjà très exigeante, afin de permettre ce partage de coûts là. Et, si on
va là où le projet de loi nous demande, le fardeau de preuve est tellement
important que c'est, pour nous, tout simplement enlever ce droit-là comme tel.
Alors, ce qu'on a proposé, on dit : Ou bien vous adoptez tel... Ou bien
vous enlevez ce qui est dans le projet de loi ou, si vous voulez mettre une
définition, prenez celle qui a été développée par la jurisprudence au fil des
ans et qui est maintenant... En tout cas, si elle n'est pas unanime, on m'a
mentionné qu'elle était très largement suivie.
M. Derraji :
Et vous donnez même un exemple. Vous parlez de la cotisation de l'employeur
avec 90 % des coûts au fonds général, 10 % coûts imputés à
l'employeur par un dossier à la CNESST. Au fait, à la lecture du 329, parfois
on pense que c'est juste pour l'inclusion des personnes handicapées, mais il va
au-delà de ça, sur la capacité réelle des employeurs à accepter des personnes
handicapées et à assurer l'inclusion au niveau de gérer du marché de l'emploi.
Est-ce que j'ai bien compris?
M. Hamel
(Pierre) : C'est exactement la notion de compromis social
auquel on faisait référence tantôt.
M. Derraji :
Donc, au-delà de ce groupe qui nous a alertés ce matin, c'est le groupe des
travailleurs handicapés, vous aussi, vous prêchez dans le même sens qu'il faut
faire attention avec cet article.
M. Hamel
(Pierre) : Exactement.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Bien. Merci. Alors...
M. Derraji :
Merci, monsieur... Merci, M. Boily, merci, M. Hamel, pour le mémoire
encore une fois. C'est tellement riche, mais, bon, 11 minutes, on ne peut
pas faire beaucoup de choses. Merci à vous deux.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Alors, nous poursuivons avec le député
d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous disposez de 2 min 45 s.
M. Leduc :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Hamel, M. Boily. Bienvenue. Il
y a quand même... C'est tout un univers, la santé et sécurité. Et la santé et
sécurité à l'intérieur de la construction, c'est un univers dans l'univers. On a eu la chance d'entendre des
présentations très intéressantes aujourd'hui, la vôtre incluse, bien sûr. Il y
a deux idées qui ont été mises de l'avant par des organisations syndicales, que
je trouvais assez inspirantes, en tout cas, totalement nouvelles. La première,
je ne me rappelle pas si on l'a évoquée tantôt, mais le droit de refus
collectif. C'est l'Inter qui en a parlé ce
matin, qui mettait de l'avant l'idée que le droit de refus qu'on connaît bien,
bien sûr, là, qui est nécessairement exercé par un individu dans sa
forme actuelle, mais qui peut mettre tout le poids politique et relationnel sur l'individu avec son patron
d'exercer un droit de refus, ce n'est pas banal. C'est comme un salarié dans
une entreprise qui exercerait une norme du travail avec son patron, parce qu'il faut
avoir des reins solides, et là il dit : Si on mettait le droit de refus collectif, ça ferait en
sorte que ce poids-là, qui est sur la charge des épaules d'un individu,
d'un travailleur ou d'une travailleuse,
serait mieux réparti. Est-ce que c'est un genre d'idée qui peut trouver écho à
vos oreilles?
• (14 h 40) •
M.
Hamel (Pierre) : Malheureusement...
Écoutez, d'abord, c'est la première fois qu'on l'entendait, mais je vous
dirais, et ça a été confirmé par M. Boily lors de nos discussions, des situations
dangereuses, là, il y en a des centaines par jour qui sont dénoncées par tous
les travailleurs, et ils travaillent ensemble. Les contremaîtres sont des
syndiqués, ils travaillent avec d'autres personnes, ils dînent ensemble, ils
parlent de la situation. Personne ne veut qu'on se blesse, là. C'est de même
que ça se passe pour de vrai dans le vrai. Les situations dangereuses sont
nombreuses. Le droit de refus, c'est ma perception à moi où est-ce qu'il y a un
danger réel. Mais moi, là, je n'y vais pas. Puis il y en a d'autres qui vont
dire : Non, moi, je suis très bien à l'aise, je veux faire ça comme tel.
Le rendre collectif, c'est de déterminer si une cause peut toute paralyser un
chantier. Ça, c'est la première vision que j'en ai, alors qu'on n'est pas dans
une situation...
Puis
je comprends qu'il y a peut-être certains travailleurs qui vivent ces situations-là.
Remarquez qu'ils ont une panoplie de
recours vraiment importante, là, si ça leur arrive comme tel, le
droit de grief, etc., là, il y a plein, plein, plein de recours
possibles pour les travailleurs comme tels, mais la notion au droit de refus
comme telle, je trouve que c'est vraiment exagéré que de la rendre uniforme
comme ça. Et d'autant plus que, si elle est considérée par le syndicat, il va
remplacer la CNESST.
Comment ça se passe, un
droit de refus? La personne dit : Moi, je ne veux pas y aller, et une
autre personne dit... parce qu'il y a un
enjeu réel. La CNESST va venir et va dire : Je m'excuse, il n'y en a pas,
de danger. Oui, il y a un danger.
C'est ça qui va arriver. Mais substituer le syndicat à la CNESST, ce n'est pas
une bonne idée, là. Vous comprenez?
La Présidente (Mme IsaBelle) : C'est
bien.
M. Leduc : Merci beaucoup. Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci beaucoup. Nous poursuivons avec le député de Bonaventure. Vous
avez également 2 min 45 s.
M. Roy : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, MM. Hamel et Boily. Écoutez, moi, je ne reviendrai
pas sur votre mémoire, qui est intéressant, mais avec certains éléments avec
lesquels je ne suis pas d'accord. Écoutez, certains groupes nous ont fait part
d'un très triste bilan en termes de santé et de sécurité, bon, avec un nombre
d'accidents puis de décès qui est épeurant, au Québec, sur les chantiers de
construction. Est-ce que vous partagez la position
de certains spécialistes en sécurité et santé et les syndicats par rapport à la
raison d'un si haut taux d'accidents dans les chantiers du Québec?
M. Hamel (Pierre) : Écoutez, sincèrement,
là, le bilan, il est difficile dans une industrie très difficile, mais je ne
partage pas... je ne dirais pas... Ce que je pourrais dire, tout simplement,
c'est que l'engagement des entrepreneurs en santé et sécurité en 2021, il est
présent et il est très présent. Ça, je peux dire ça comme tel. Et je ne sais
pas si, Luc, tu pourrais ajouter un élément là-dessus.
M. Boily (Luc) : Bien oui. En fin de
compte, c'est une photo, c'est sûr. La photo n'est pas belle. Mais je voudrais
surtout passer un message, profiter de ce forum-là, parce que ce que vous
apportez a été apporté plusieurs fois : la photo n'est pas belle, mais il
ne faudrait pas que ça soit quelque chose qui démotive tous ceux dans l'industrie
qui ont à coeur la santé et sécurité de leurs travailleurs, qui ont à coeur de mettre
en place des mesures de prévention et de développer une culture de prévention.
C'est grand, l'industrie, 25 000 entrepreneurs, près de
200 000 travailleurs. On va prendre ça puis on va jouer notre rôle
d'association. On a des entrepreneurs qui assument un leadership, ils sont très nombreux. Qu'ils ne soient pas démotivés
par cette image-là. On va la contextualiser, on va...
Puis on a besoin aussi d'information de la CSST
pour cibler les actions où on doit agir. Puis c'est arrivé dans le passé, on a
identifié des situations, ça s'appelait les «tolérance zéro», ou les priorités
de la CSST, puis, quand l'industrie, les
syndicats, les associations patronales, employeurs, travailleurs vont dans la
même direction, je vous dis que les problématiques se règlent rapidement.
Peut-être qu'à ce stade...
M. Roy : Donc, vous ne
partagez pas la position des groupes qui disent qu'il y a des entrepreneurs qui
manquent d'imputabilité puis qu'il y a du laxisme au niveau de la CNESST?
M. Boily (Luc) : Pas tout à fait,
là. Puis, si on... Bon, en fin de compte, je veux être sûr d'avoir bien compris
votre question.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Il ne
nous... Le délai est déjà passé, par exemple, là.
M. Hamel (Pierre) : Ah! excusez.
Juste terminer et dire que ce n'est pas tous les employeurs qui sont comme ça,
M. le député.
M. Roy : Il ne faut pas
généraliser, vous avez raison. Merci beaucoup.
M. Hamel (Pierre) : Loin de là.
M. Roy : Merci beaucoup,
messieurs.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Parfait. Alors, merci, M. Hamel, M. Boily, pour votre intervention et
votre contribution à la commission.
Alors, nous suspendons quelques instants, le
temps d'accueillir le prochain groupe. Merci.
(Suspension de la séance à 14 h 45)
(Reprise à 14 h 54)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, nous reprenons les travaux. Nous accueillons, cette fois-ci, le Syndicat
québécois de la construction. Alors, je vous invite, messieurs, de vous
présenter et ensuite de commencer votre exposé de 10 minutes.
Syndicat
québécois de la construction (SQC)
M. Picard
(Charles-Olivier) : Bonjour. Charles-Olivier
Picard, coordonnateur des relations de travail au Syndicat québécois de la
construction.
M. Prescott (Steve) : Steve
Prescott, coordonnateur en santé et sécurité du travail.
M. Picard (Charles-Olivier) :
Donc... parfait. Nous représentons le Syndicat québécois de la construction,
qui est reconnu comme association représentative en vertu de l'article 28
de la loi R-20, c'est-à-dire la loi qui régit les relations de travail dans l'industrie de la construction. Nous
représentons exclusivement les travailleuses et travailleurs de
l'industrie de la construction. Notre membership s'élève à
38 500 membres, approximativement. Les intérêts de ceux-ci seront
représentés exclusivement dans l'analyse du projet de loi. Nous ne toucherons
pas d'autres secteurs d'activité. Nous touchons uniquement que la construction
aujourd'hui.
En matière de prévention, nous exposerons nos constats
et recommandations principalement sur les aspects qui traitent le représentant
en santé et sécurité et le coordonnateur santé et sécurité, et, en
indemnisation, nous exposerons nos constats et recommandations sur deux sujets
précis, c'est-à-dire la déjudiciarisation du parcours d'indemnisation et la prépondérance du médecin traitant. Également, en
matière d'indemnisation, nous sommes solidaires et nous approuvons, là, les recommandations qui vous seront faites
demain par l'Union des travailleuses et travailleurs accidentés ou
malades. À ce titre, nous espérons pouvoir apporter un éclairage pertinent et
constructif. Je passe la parole à mon confrère.
M. Prescott (Steve) : Mme la
Présidente, M. le ministre, MM. les députés, dans le fond, on a tous lu le
rapport du Commissaire au développement durable, publié en 2019, qui faisait le
constat, là, qu'au Québec on avait un grand besoin d'action en prévention pour
réduire la hausse des lésions professionnelles des dernières années. Ce projet
de loi va rendre en vigueur les mécanismes de prévention dans notre industrie,
mais, dans les faits, très peu de travailleuses et travailleurs pourront s'en
prévaloir. C'est important de se rappeler que seule une participation active et
volontaire du milieu de travail va permettre de faire face au problème
sérieusement. Aujourd'hui, l'État doit mettre à la disposition des milieux de
travail les conditions nécessaires leur permettant de prendre eux-mêmes leur
santé et sécurité en main.
Le projet de loi va créer des inégalités en
santé et sécurité dans notre industrie. Les grands chantiers de plus de
100 travailleurs de la construction ou de plus de 25 millions auront
droit à des mécanismes de prévention et participation meilleurs. Nul doute que
la prévention prendra une place importante sur ces chantiers, mais, faut-il le
souligner, ils ne représentent qu'une infime partie de notre industrie. Nous
croyons que le projet de loi doit absolument, impérativement, accorder les
conditions nécessaires aux petits chantiers visant l'atteinte d'une prise en
charge par le milieu, et il ne faut pas oublier qu'eux aussi sont considérés à
risque élevé.
Notre position en ce sens s'inspire d'une étude
de l'Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail,
l'étude R-1109, à laquelle les chercheurs mentionnent qu'un dollar investi dans
une entreprise appliquant peu de sécurité provoquera de meilleurs résultats en
diminution des accidents du travail et des maladies professionnelles. Ce
principe reflète bien la réalité et les besoins de notre industrie et a guidé
nos recommandations. Nous allons cibler deux points majeurs dans la section
Prévention.
Débutons par le représentant en santé et en
sécurité, le RSS, un rôle que j'ai moi-même rempli pendant près de cinq ans sur
deux chantiers de grande importance au Québec, le Centre hospitalier de
l'Université de Montréal et le chantier de l'échangeur Turcot. Je connais bien
le rôle du RSS. Concernant le RSS visé par l'article 222 du projet de loi,
c'est clair pour nous, il ne pourra pas remplir son rôle. Sans sécurité
d'emploi, sans stabilité sur le chantier, il ne pourra pas revendiquer
l'élimination des dangers sans être constamment en situation conflictuelle avec
son employeur. Il va être impossible pour lui de rendre ses dossiers à terme.
En fait, c'est comme si on envoie un soldat à la guerre sans fusil. Il
m'apparaît plus qu'évident, selon mon expérience terrain... le travailleur qui
va accepter de remplir cette fonction va être confronté à des profonds dilemmes
quant à ses interventions liées à son rôle. Il faut se dire les vraies
choses : il n'est pas adapté à notre industrie, il ne prendra pas vie.
Nous sommes particulièrement inquiets, M. le
ministre, que le projet de loi mise sur ce RSS pour diminuer les lésions
professionnelles dans notre industrie.
Concernant le RSS visé par l'article 224 du
projet de loi, nous croyons que la tranche de travailleurs présents au chantier
déterminant sa présence devrait être revue à la baisse. Sur les grands
chantiers, beaucoup de travailleurs, tout le monde a besoin d'y avoir accès.
Donc, ça fait partie de nos recommandations.
• (15 heures) •
Nos recommandations, les voilà. Pour le RSS visé
par l'article 222, la création d'une équipe de représentants en santé et en sécurité régionaux issus des
associations syndicales. Leur nomination, le nombre d'effectifs sera
calculé en fonction du nombre de chantiers à couvrir et selon le degré de
représentativité régionale de chaque association syndicale sous la loi R-20.
Pour le RSS sur les grands chantiers, l'article 224 du projet de loi,
établir sa présence par tranches de 200 travailleurs suite au premier
désigné.
Deuxième volet, la section 4.1 du projet de
loi va créer le coordonnateur en santé et en sécurité. Vous avez déjà démontré,
M. le ministre, une ouverture concernant deux de nos recommandations pour le
coordonnateur, alors j'aborderai en argumentation seulement un seul point, qui
est tout aussi important pour nous dans notre analyse. En fait, plus que le
rôle du coordonnateur va être redéfini, nous croyons qu'il serait pertinent de
lui donner un outil supplémentaire afin de favoriser une indépendance envers
son employeur. C'est inacceptable qu'un employeur possède le pouvoir de refuser une mesure
préventive prescrite par son expert en santé-sécurité et mette ainsi en
danger la santé-sécurité des travailleuses et des travailleurs. Nous
recommandons donc d'ajuster cette section, l'article 215.1.
Nous recommandons le statu quo à 8 millions
de dollars comme l'une des exigences minimales requises pour la mise en place
du coordonnateur. Ajouter, à l'article 215.2, une fonction supplémentaire,
qui serait celle d'émettre un rapport
mensuel à la commission, et également une mention au même article à l'égard de
l'exclusivité à la sécurité concernant son rôle, et puis augmenter le
nombre minimal d'heures de formation du coordonnateur, évidemment, comme vous
l'avez mentionné plus tôt dans d'autres présentations.
Nous croyons que les changements proposés sont
nécessaires afin qu'un paritarisme de collaboration s'installe à chaque milieu
de travail dans notre industrie. Les travailleurs demandent et ont droit à
leurs mécanismes de participation pour prendre en main leur propre santé et
sécurité. Merci.
M. Picard (Charles-Olivier) : À mon
tour.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Oui,
il vous reste deux minutes.
M. Picard (Charles-Olivier) : Alors,
j'irai en deux minutes. Mme la Présidente, M. le ministre, distingués parlementaires, je vous parlerai, en indemnisation, principalement, là, de la
déjudiciarisation du parcours d'indemnisation. Il est clair, à notre
esprit, qu'il y a des efforts importants à faire pour rendre le processus plus
simple et efficace.
La recommandation première sur cinq, c'est de ne
conserver qu'un seul palier de contestation, c'est-à-dire le TAT, afin d'éviter
des délais, là, longs et laborieux. Au passage, nous saluons quand même le fait
que le délai pour soumettre une reconsidération de décision est rendu maintenant
à six mois. Aussi, nous proposons d'élargir la présomption applicable à
l'article 28 afin de faciliter l'accès au régime d'indemnisation de
l'accidenté du travail, exiger à la CNESST
de traiter toutes les demandes d'indemnisation comme si elles étaient vraies et
déposées de bonne foi par le travailleur. On croit que c'est plutôt à
l'employeur d'avoir le fardeau de preuve de démontrer le contraire.
Nous devrions également octroyer des pouvoirs à
la CNESST pour sévir contre un employeur qui soumet de faux documents ou, dans
le cas d'une plainte ou une réclamation, qui voudrait simplement bafouer les
droits du travailleur pour mettre sa cotisation à la baisse.
Également, nous voulons revoir le mécanisme de
paiement des indemnités de remplacement de revenu afin que celles-ci soient
payables au travailleur dès le premier jour et ainsi éviter des contestations
judiciaires, payables au travailleur dès le premier jour par la CNESST,
j'insiste. Également, nous proposons de conserver la formule actuelle de l'article 180
de la Loi sur les accidents du travail afin que le travailleur en assignation
temporaire ne subisse pas de perte salariale.
Et, pour terminer, rapidement, comme plusieurs
autres groupes l'ont fait, nous soulignons que le médecin traitant doit garder
sa prépondérance, principalement dans un cas de retrait préventif. Nous ne
croyons pas nécessairement qu'un protocole va s'appliquer à l'industrie de la
construction. Les risques sont plusieurs, sont mixtes, et il n'y a pas un
chantier qui est pareil comme... un à l'autre. Et, dans le même sens, en
matière de retrait... de retour progressif et d'assignation temporaire, nous
croyons qu'une des exigences à une bonne réadaptation est le lien de confiance
entre le médecin traitant et son patient. En ce sens, il est impératif pour
nous que le médecin traitant garde un rôle prédominant. Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, merci. Nous allons commencer la période de questions avec le ministre.
Vous disposez de 16 min 30 s.
M. Boulet : Merci, Mme la Présidente.
Merci, M. Prescott, M. Picard. Content de
vous rencontrer. J'ai eu l'occasion de discuter avec des représentants du SQC
et je connais votre niveau de représentativité, votre engagement en matière de
prévention et de respect des normes en matière de santé et sécurité du travail.
Puis, en pandémie, on en a parlé un petit peu plus tôt, ça a été accentué, ça a
requis des efforts additionnels. Puis je pense que, Steve, vous le mentionniez très
bien, hein, ça prend une prise en
charge par le milieu puis c'est une responsabilité conjointe, tant des entrepreneurs
dans le secteur de la construction que des travailleurs pris dans leur ensemble.
Peut-être deux petites questions de votre...
Puis, Steve, j'ai beaucoup d'estime pour le travail que vous avez fait, là, notamment
au CHUM puis Turcot, là, c'étaient deux chantiers majeurs, là, et où vous avez
agi comme représentant en santé et sécurité. Ça fait que vous connaissez sûrement
très bien le tabac, hein? Ça fait que, quand vous dites... Puis j'apprécie, d'ailleurs,
pour le coordonnateur, là, même s'il y a un passage de 150 à 100, que vous
exprimiez du moins un accord, puis le comité de chantier, de 50 à 20, c'est le
RSS, là. Puis vous faites souvent référence, puis vous n'êtes pas les premiers
à le faire... mais j'aimerais avoir une explication de votre part, Steve,
tenant compte de votre vécu, là, parce que vous l'avez fait, tu sais, si c'est
un représentant des travailleurs, vous dites : Risque de conflit
d'intérêts, donc ce qui serait idéal, c'est qu'il soit nommé par le syndicat.
En quoi le fait qu'il soit nommé par l'association accréditée diminue le risque
de conflit d'intérêts, tu sais, si, par exemple, il y a des relations de
travail difficiles ou il y a un conflit de travail? Puis je n'ai pas d'opinion,
là, si bien établie à cet égard-là, mais j'aimerais ça vous entendre. En quoi
la nomination par le syndicat diminue le risque de conflit d'intérêts?
M. Prescott
(Steve) : Merci, M. le ministre, pour la question. Dans le fond,
l'aspect, là, ce qu'on veut amener par la nomination, désignation par
l'association syndicale, c'est que le représentant aura une sécurité d'emploi, ce que le travailleur en chantier n'aura
pas. Donc, contrairement au RSS, selon l'article 222, il peut
insister, il peut pousser ses dossiers plus loin sans se
retrouver sous la menace de perdre son emploi. Donc, c'est plutôt une garantie
d'emploi comparativement à un conflit d'intérêts.
Je vous donne un
exemple. Lorsqu'un RSS en chantier va constater une situation à risque, il va
devoir intervenir auprès de son employeur. Et puis, si l'employeur décide qu'il
ne met pas de l'avant la mesure pour rendre le chantier sécuritaire, eh bien,
le RSS doit insister. Et, parfois, M. le ministre, il faut insister énormément.
Et c'est là où est-ce que le RSS devient dérangeant, si on veut, au niveau des
employeurs sur le terrain, et qu'il va très certainement se faire tasser,
perdre son emploi. Tandis que, s'il est issu des associations syndicales, eh
bien, il n'aura pas cette menace-là de perdre son emploi et il pourra
définitivement remplir son rôle pleinement.
M. Boulet :
...cependant, en vertu de la loi, qu'il est protégé, là, quand il exerce les
fonctions et responsabilités attribuées au représentant en santé et
sécurité, il ne peut pas faire l'objet de représailles ou de sanctions. Mais
j'aime bien l'approche aussi, je comprends. La notion de conflit d'intérêts,
peut-être un peu moins, là, mais la garantie d'emploi,
ce que vous dites, Steve, c'est que, s'il est nommé par les travailleurs puis le
chantier finit, il y a rupture du lien d'emploi,
alors que, si c'est un représentant syndical, il pourrait poursuivre. Est-ce
que c'est ça, la garantie d'emploi?
M. Prescott
(Steve) : Bien, vous comprenez bien. Dans le fond, il y a deux
aspects, il y a la stabilité au chantier... Vous apportez, là, la notion que, lorsqu'un
employeur termine son contrat, il change de chantier. Le RSS, s'il est avec cet
employeur-là, va devoir quitter le chantier. Donc, au niveau de la stabilité,
on n'a pas cette notion-là, mais c'est également plutôt au niveau de la perte
de son emploi. Les travailleurs de notre industrie ont une moyenne de
1 000 heures travaillées par année et ils changent souvent
d'employeur. C'est facile, pour un employeur, en arrivant à la fin d'un
contrat, de mettre à pied ses travailleurs, et d'ailleurs il doit le faire,
quand les contrats sont terminés puis il va vers un autre chantier, il doit
mettre à pied ses travailleurs lorsqu'il n'y a plus d'emplois. Donc, notre
crainte, et ce que je peux confirmer par mon expérience, ça va être celui qui
va être dans les premiers mis à pied, le RSS, parce qu'il va être dérangeant
aux yeux de son employeur.
• (15 h 10) •
M. Boulet :
Vous avez probablement raison, puis je trouve que c'est une bonne opinion que
vous me donnez, puis je trouve que c'est des informations hyperpertinentes.
Le deuxième point,
Steve, bien, les chantiers, là, la valeur des chantiers, là, de
25 millions et plus, bien, vous le savez, là, en 1974, c'était
5 millions, en 1986, si je me souviens bien, c'était 8 millions. Puis
ce qui a été fait, dans le projet de loi,
c'est d'indexer le 5 millions à 25 millions, mais j'ai exprimé devant
des intervenants antérieurs l'ouverture... en tout cas, j'ai une
ouverture à ce qu'on baisse le 25 millions. On verra, là, jusqu'à quel
niveau. Certains nous ont proposé 12 millions, d'autres, certains
chiffres, là, mais on verra à ce que ce soit le plus compatible avec l'atteinte
des objectifs, là, en matière de prévention puis que ça soit pragmatique aussi.
Charles-Olivier,
judiciarisation, moi aussi, je suis un partisan de la déjudiciarisation, qu'on
aille direct au TAT. La plupart des dossiers sont entérinés, les décisions de
la CNESST sont entérinées par la Direction de la révision administrative. En
même temps, tu comprends, Charles-Olivier, qu'il faut respecter la Loi sur la
justice administrative, hein, puis les décisions de l'État. Il y a comme un
principe de justice fondamental qu'il faut, pour le justiciable, avoir l'opportunité d'obtenir une révision. Ça, c'est un
point. Deuxièmement, c'est sûr qu'il y aurait un «backlog» immense, là, il y a... c'est par
dizaines de milliers, les demandes de révision, là, je pense qu'il y en a 20
quelques mille par les travailleurs puis 40 quelques mille par les employeurs.
Mais on est allés quand même... on a fait un bon bout de chemin, là, on permet
d'opter, de choisir entre le tribunal administratif puis la révision
administrative pour toutes les décisions en matière médicale et de financement,
ce qui constitue quand même un bon nombre. Donc, c'est quand même un bon bout
de chemin, là, en matière de déjudiciarisation.
Présomption de 28,
Charles-Olivier, j'aimerais juste un peu mieux comprendre, parce qu'il y en a
déjà, une présomption, à l'article 28 de la loi. Un, blessure, deux, sur
les lieux de travail, trois, tu fais ton travail, il y a une présomption
d'accident de travail, puis là le fardeau de la preuve est sur les épaules de
l'employeur, qui doit briser le lien de
causalité entre la blessure puis le travail. Qu'est-ce que vous demandez,
précisément, Charles-Olivier, au-delà... Est-ce qu'il y aurait une
présomption automatique ou... Juste me donner des précisions.
M. Picard
(Charles-Olivier) : Oui, bien, exactement. Merci, M. le ministre, pour
me donner la possibilité de préciser. Effectivement, ce qu'on souhaite, c'est
la présomption automatique. C'est sûr que nous, on vous parle de l'industrie de
la construction. Il y a des secteurs d'emploi qui seront peut-être moins
touchés avec les exemples qu'on vous donne, mais, lorsqu'un dossier est à
l'étude, c'est sûr que la présomption actuelle pour un accident simple, et bête, et soudain, où est-ce que tous
les facteurs sont remplis, le dossier est déposé relativement rapidement.
Et où est-ce qu'on a une collaboration de
l'employeur pour valider les dires du travailleur, ça va relativement assez
rapidement, mais, dans beaucoup de cas, malheureusement, les employeurs ne
collaborent pas, le relevé d'incidents au chantier, ça n'existe à peu près pas.
Il y a plusieurs critères qui sont malheureusement des obstacles.
Lorsque vient le
temps de faire un dossier d'indemnisation et lorsque vient le temps d'apporter
des précisions en acceptation du dossier en réclamations, bien, les dossiers
sont refusés d'office, et on nous envoie directement vers la Direction de la
révision administrative, alors que le dossier est déposé de bonne foi. Souvent,
il faut même faire des articles 32 — j'y viens aussi, avec une recommandation
qu'on a faite — parce
qu'il y a des informations mensongères,
erronées qui sont soumises par l'employeur. Souvent, les employeurs, dans
l'industrie de la construction, voient la santé-sécurité comme un coût,
autant au niveau de la prévention, comme mon collègue vous l'a dit, mais, effectivement, en indemnisation, c'est des
difficultés qu'on a assez souvent, peut-être parce qu'on est dans une
industrie où est-ce que le lien d'emploi peut se briser plus facilement aussi,
là.
M. Boulet : O.K.
J'ai bien compris, Charles-Olivier, mais c'est beaucoup une question
d'application, là, ce n'est pas une remise en question de la présomption, mais
faciliter l'admissibilité des lésions. Puis peut-être que, dans le secteur de
la construction, que je ne connais pas tant que ça... mais il y a des
particularités, tu sais, la précarité, la succession des employeurs, ça a
probablement des incidences particulières.
L'IRR, bon, l'indemnité de remplacement de
revenu, une de vos recommandations, et tu l'as dit tout à l'heure, Charles-Olivier, c'est que la CNESST paie
tout de suite. Juste te dire que les 14 premiers jours,
actuellement, sont payés par l'employeur, puis, à partir du 15e jour, par
la CNESST. Puis, quand la CNESST embarque, à compter du 15e jour, c'est
90 % du revenu net retenu — tu es familier avec ça — mais,
les 14 premiers jours, l'employeur paie le plein salaire puis, après ça,
il fait un avis de l'employeur et demande de remboursement, puis il est imputé.
Mais, si la CNESST paie le premier jour, elle va payer 90 % du revenu net
retenu, et donc il risque d'y avoir une incidence financière pour le
travailleur. Est-ce que vous aviez réalisé ça en proposant votre
recommandation?
M. Picard (Charles-Olivier) :
En fait, nous, ce qu'on souhaite effectivement, c'est que le travailleur n'ait pas de perte salariale ni de perte de traitement.
La situation, dans l'industrie de la construction, cependant, est qu'il y
a beaucoup d'employeurs qui disent : Bien, tes 14 premiers jours,
bien, vous vous arrangerez directement, vous, les travailleurs, avec la
commission, la CNESST. Puis c'est des contestations à l'article 32 qui
sont répétitives. Ce que je peux vous dire, c'est qu'au syndicat il n'est pas
rare qu'un dossier sur cinq ou un dossier sur six est accompagné d'un
article 32, pour ces motifs-là. Donc, on est dans une situation où est-ce
qu'il y a de l'éducation à faire au niveau de l'indemnisation. Et, souvent, on
voit les mutuelles de prévention plutôt comme des mutuelles de contestation
systématique au dossier — et
je pense qu'il y a deux jours l'UPA disait à peu près le même commentaire, là.
M. Boulet : Je profite de
l'occasion pour dire que je ne suis pas d'accord avec ces pratiques-là.
Écoutez, ce que je comprends, c'est que l'entrepreneur ne paie pas. Il
dit : Tu vas être payé par la CNESST, ça fait que le travailleur est
contraint de faire une plainte en vertu de l'article 32 de la Loi sur les
accidents de travail. Tu as... Ah! Je ne suis vraiment pas confortable, puis ce
n'est pas respectueux de la loi, d'imposer ce fardeau-là aux travailleurs, puis
je pense qu'il faut être sincère en le disant.
Ça fait que je comprends très bien le point. En
même temps, la recommandation découle de pratiques qui sont illégales, qui ne
sont pas respectueuses de la loi, tu comprends-tu? Si on respectait la loi
comme ça doit être fait, il n'y aurait pas une recommandation de cette
nature-là, parce que les travailleurs, ils ont leur plein salaire dans les
14 premiers jours, on s'entend?
M. Picard (Charles-Olivier) : On
s'entend là-dessus. Et c'est d'ailleurs pourquoi aussi on a fait une
recommandation pour permettre au pouvoir... permettre d'octroyer des pouvoirs à
la CNESST pour sévir contre les employeurs qui font ce genre de pratiques là.
Au-delà que de rendre une décision en médiation, en conciliation ou en décision pour dire au travailleur : Voici le
dû que vous avez, les employeurs doivent également être punis en
fonction de ces pratiques-là. C'est tout simplement un obstacle aux acquis de
la classe ouvrière, là.
M.
Boulet : On s'entend très bien, je suis d'accord, puis ça impose, bien
sûr, Charles-Olivier, aux travailleurs de faire une plainte en vertu
d'un autre article de la loi, puis ça judiciarise tout le processus.
PMSD, le programme de maternité sans danger, il
faut comprendre que le protocole national vise à rendre ça plus équitable parce que, là, il y a beaucoup
d'iniquités. Il y a des médecins, dans des villes différentes ou des
régions différentes, qui, pour le même travail, peuvent émettre ou ne pas
émettre, et donc on veut avoir un protocole national pour parler des conditions
générales. Mais le médecin qui fait le suivi de la grossesse, Charles-Olivier,
simplement pour vous rassurer, là, il va conserver son rôle, il va émettre le certificat
puis il va tenir compte des particularités de la travailleuse enceinte.
Puis l'assignation temporaire, la prépondérance
du médecin traitant, ce qu'on soumet dans le projet de loi, c'est qu'il y aura
dorénavant un formulaire avec tout ce qui est requis, là, puis les trois
conditions de l'article 179 de la Loi sur les accidents de travail, pour
permettre à un employeur de faire une assignation temporaire, pour que le
médecin continue à dire qu'il est d'accord, que c'est favorable puis qu'il peut
le faire, puis, etc., puis déterminer les limitations, la nature du travail
pour... Mais ce n'est pas l'intention, là, de diluer. Je pense que la
prépondérance de l'opinion du médecin traitant demeure, à ce sujet-là, donc...
La Présidente (Mme IsaBelle) : Il
reste une minute, monsieur. Une minute.
M. Boulet : Alors, pour conclure,
merci beaucoup, Steve puis Charles-Olivier. Un, le mémoire est pertinent, deux, vos propos sont tout à fait justifiés,
légitimes, puis j'apprécie beaucoup le ton pédagogique que vous
empruntez. On est là pour travailler
ensemble pour le bénéfice de la santé des travailleurs. Et, dans le domaine de
la construction, il y a une acuité particulière, le bilan lésionnel est
lourd, il faut travailler à s'améliorer, puis c'est en donnant toutes les
possibilités tant aux employeurs qu'aux syndicats et aux travailleurs d'assumer
leurs responsabilités, là, d'avoir des environnements de travail sécuritaires
puis exempts de tout risque. Puis je pense qu'on s'est quand même développés
durant la pandémie, il y a eu des hauts et des bas, il y a eu des écueils,
mais, quand même...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci, M. le ministre.
• (15 h 20) •
M. Boulet :
Merci beaucoup à vous deux. Au plaisir.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, nous poursuivons l'échange avec le député de Nelligan. Il possède... ou
vous disposez de 11 minutes.
M. Derraji : Merci, Mme la
Présidente. Et je vous informe que mon collègue le député de Robert-Baldwin va
avoir aussi quelques questions, donc je vais essayer d'être juste dans le temps
que je vais utiliser.
Messieurs, bonjour. Merci pour le rapport. Merci
d'être là. J'imagine, et... Ce n'est pas la première fois qu'on entend un
groupe de la construction, nous avons eu l'occasion aujourd'hui d'avoir
quelques groupes, chacun défend sa position, ce qui est tout à fait juste et
louable.
Je veux juste vous poser une première question
d'introduction. J'ai entendu qu'on va, à l'étape actuelle du projet de loi,
être soit en mode collaboration soit en mode dénonciation, et là vous savez de
quoi je parle, au niveau du fameux représentant en santé et en sécurité. De
votre point de vue, Syndicat québécois de la construction, je pense que votre
motivation numéro un, c'est s'attaquer aux lésions et
s'attaquer aux accidents sur nos chantiers. Est-ce que le projet de loi, tel
que vous l'avez analysé en date d'aujourd'hui, selon vous, il modernise notre
régime de santé et sécurité au travail?
M. Prescott (Steve) : Eh bien,
merci, monsieur, je vais répondre à la question. À vrai dire, nous, non, on ne
pense pas qu'on va atteindre les objectifs, visés par le projet de loi, de
réduction des lésions professionnelles, en ce sens
que les milieux de travail ont besoin de leurs mécanismes de participation pour
atteindre cet objectif, et les outils qui sont donnés ne sont pas là. Je
vous fais... je vais vous citer un extrait de l'analyse d'impact réglementaire
qui a été publiée le 30 septembre 2019.
Ce qu'on disait là-dedans, c'est que, je cite : «Le déploiement envisagé
permettrait [...] la présence d'un RSS à temps partiel [et] à temps
complet sur 11,7 % à 14,2 % des chantiers [...]. [Le] déploiement
permettrait [...] la présence d'un comité de chantier sur 2,6 % à
2,9 % des chantiers...»
Si on prend ces chiffres-là à l'inverse, cela
veut dire que plus de 97 % des chantiers n'auront pas de comité de
chantier et plus de 86 % des chantiers n'auront pas de RSS, avec les
outils qui sont fournis dans le projet de loi. Selon nous, on ne donne pas la
chance, avec des chiffres aussi bas, de permettre aux travailleurs de dénoncer
les situations dangereuses. Voilà.
M. Derraji : Bien, c'est une
excellente réponse, mais là vous avez entendu le ministre, depuis tout à
l'heure, et, dans l'énoncé de son projet de loi, il n'arrête pas de dire que ça
fait 40 ans qu'on n'a pas touché à cela et que lui, il veut
moderniser ce projet de loi. Ce que vous êtes en train de nous dire, aujourd'hui, c'est que vous ne voyez aucune modernisation, au contraire, il
y a des chantiers qu'on ne touche même pas. Donc, est-ce que, vraiment, avec
tout le travail que nous sommes en train
d'accomplir et les groupes qu'on va rencontrer, le projet de loi, tel qu'il est aujourd'hui, on ne va pas atteindre les résultats
escomptés, à savoir la diminution des accidents, au niveau de nos chantiers, et
donc... et les lésions?
M. Prescott (Steve) : Bien, comme
vous le dites, il y a une certaine... il accorde, là, sur les chantiers, là, de
25 millions et plus, là, le RSS à temps complet. C'est nouveau. C'est des choses
qu'on demande, les associations syndicales, depuis plusieurs années. Ça,
c'est nouveau. Toutefois, ils visent 0,5 % des chantiers. Donc, avec les
statistiques accablantes qu'on a année après
année, les records, les décès malheureux dans notre industrie, non, on ne va
pas changer la tendance difficile dans notre industrie. C'est une
industrie à risque, changeante, donc ce n'est pas avec un RSS, comme on le
propose, là, à l'article 222 du projet de loi, qu'on va réussir à diminuer
les lésions professionnelles.
M. Derraji : Oui. Et, en fait, ça
fait du sens un peu avec la page 8, où vous dites que — et je
partage ce point de vue — «...il
reste étonnant de constater que le projet de loi propose une formation moins
étoffée au RSS des plus petits chantiers. En effet, trois heures minimales de
formation seront offertes au RSS des chantiers de moins de 25 millions de
dollars ou de moins de 100 travailleurs, tandis que 40 heures
minimales de formation seront offertes au RSS des chantiers de plus de
25 millions de dollars ou plus de 100 travailleurs.» Selon vous,
pourquoi on a mis ça dans ce projet de loi? Est-ce qu'on vous a appelés ou
consultés avant de dire que ça prend trois heures de formation ou ça prend
40 heures de formation pour avoir et assurer la sécurité sur les
chantiers?
M. Prescott (Steve) : Nous, on n'a
pas été consultés à cet effet-là. Mais, comme vous pouvez le voir dans notre
recommandation, pour nous, c'est incomprenable. 40 heures, déjà, ce n'est
pas beaucoup, mais pourquoi offrir trois
heures à un RSS, 40 heures à un autre, quand ils feront face aux mêmes
enjeux, aux mêmes difficultés, en utilisant les mêmes mécanismes de
prévention? On ne le comprend pas.
M. Derraji : Oui. Donc, selon vous,
que ça soit le nombre d'heures de formation, vous avez aussi parlé de
l'indépendance du RSS, c'est des éléments clés si on veut atteindre les
résultats? Et c'est sur quoi... est-ce que c'est sur ces deux points qu'on doit
insister au niveau du volet prévention?
M. Prescott (Steve) : Le plus important,
sans aucun doute, c'est l'indépendance du RSS de l'article 222 du projet
de loi. Sans ça, il ne prendra pas vie dans nos chantiers. Et j'irai même plus
loin, je crois que ce rôle-là ne sera pas enviable pour les travailleurs. Qui
voudra d'un rôle où il devra dénoncer des situations à risque et dangereuses auprès de son employeur, lui qui détient un pouvoir
financier sur lui? Je ne vois pas comment ça peut... on peut gagner avec un
rôle comme ça, avec les outils qu'on lui donne. Ça ne fonctionnera pas.
M. Derraji : Merci, c'est clair pour
moi. Merci, Mme la Présidente. Je pense que mon collègue a des questions aussi.
M. Prescott (Steve) : Merci.
M. Derraji : Merci à vous deux.
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, la parole est au député de
Robert-Baldwin. Il vous reste quatre minutes.
• (15 h 30) •
M. Leitão : Très bien. Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Alors, messieurs, MM. Prescott et Picard,
bonjour. Merci d'être là. Oui, nous avons déjà entendu plusieurs de vos
collègues du mouvement syndical, aussi du mouvement patronal, dans la
construction, et, vraiment, le portrait qu'on a de cette industrie est
vraiment, je ne dirais pas irréconciliable, mais, disons très différent. Le
portrait que vous et vos collègues nous dressez, c'est une industrie qui est
fragile, fragile dans le sens... la façon dont elle opère, évidemment, c'est
contrat par contrat, c'est chantier par chantier, et donc il y a toujours un
peu d'incertitude, quelle va être la prochaine étape. Mais ma question est la
suivante. La perception que j'ai, maintenant, c'est que cette industrie de la construction
fonctionne presque à pleine capacité. Le volume d'affaires, malgré la pandémie,
est très fort. Et le gouvernement, avec son projet de loi n° 66,
par exemple, veut accélérer davantage les travaux d'infrastructure, surtout la
construction d'écoles et de maisons des aînés, etc. Donc, on pourrait
facilement présumer que l'activité va s'accélérer davantage, dans une industrie
qui est déjà au bord de la pleine capacité. Avec tous les problèmes que vous
avez décrits, en termes de sécurité, le bilan de santé de l'industrie, avec le
nombre de décès qui est le plus élevé au Canada, alors comment est-ce que vous
voyez ça? Pensez-vous que le projet de loi va améliorer les choses, ou, avec
cette accélération des travaux de construction, le bilan va malheureusement
s'alourdir? Je ne sais pas si vous comprenez un peu où je veux aller, là, mais
êtes-vous préoccupés, à court terme, par
l'évolution du milieu de travail, des relations de travail dans l'industrie de
la construction?
M. Prescott (Steve) : Eh bien, je vais
débuter la réponse. Charles, je vais te laisser la parole après.
M. Picard (Charles-Olivier) :
Parfait.
M. Prescott (Steve) : Eh bien,
puisque nous avons des statistiques accablantes dans notre industrie et qu'on
donne à notre industrie si peu de moyens pour se prendre en charge, pour que
les milieux puissent se prendre en charge, je pense qu'on va continuer avec le
même genre de taux de fréquence d'accidents et de taux de gravité, qui sont si
graves dans notre industrie. Je ne crois pas qu'on va changer la tendance, pas
avec les outils qui nous sont offerts là. On
doit aller vers un paritarisme de collaboration et, pour ça, bien, on doit
donner les outils aux travailleurs, qui ne sont pas offerts. J'espère
que je réponds à votre question. Charles, je te passe la parole.
M. Picard (Charles-Olivier) : Bien,
dans un contexte où est-ce que les travaux sont mis de l'avant, effectivement,
M. Leitão, vous mettez très bien le contexte du projet de loi n° 66,
où est-ce qu'on accélère des projets, et
tout ça, bien, il y a une pression aussi sur la livraison de ces projets-là,
puis cette pression-là peut s'accentuer et s'imposer sur les épaules du
travailleur. Donc, dans le contexte, je reviens à la prévention, où est-ce
qu'on a des représentants à la prévention, en vertu des plus petits chantiers,
qui ont une sécurité d'emploi très précaire, bien, notre suggestion de créer
l'équipe volante, qui a été reprise d'ailleurs, là, par d'autres associations
syndicales, prend tout son sens, étant donné qu'ils auront la sécurité
d'emploi, ils pourront opérer sur tous les chantiers.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, je vous remercie.
M. Leitão : C'est déjà tout, Mme la
Présidente?
La Présidente (Mme IsaBelle) : Eh
oui, eh oui.
M. Leitão : Ah! Ce n'était qu'un
début. En tout cas, merci beaucoup, messieurs, merci, et il va falloir
continuer à discuter de ces choses-là. Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci. Nous continuons avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous
disposez de 2 min 45 s.
M. Leduc : Merci, Mme la Présidente.
Bonjour, MM. Picard, Prescott, bienvenue, toujours un plaisir de
rencontrer les collègues syndicaux. Il y a un picot dans votre résumé, là, qui
va comme suit : «D'octroyer des pouvoirs à la CNESST pour sévir contre un
employeur qui soumet de faux documents dans la [cadre] d'une plainte ou d'une
réclamation afin de le dissuader et de bafouer les droits des travailleurs.»
C'est quand même fou, ça. Est-ce que c'est fréquent?
M.
Picard (Charles-Olivier) : Bien, ce que je peux vous dire, c'est que
ce n'est pas anecdotique. Comme je soulignais à M. le ministre tantôt, dans
plusieurs cas, l'employeur soit ne collabore pas ou soit ne soumet pas les bons
documents. Ce qu'il faut savoir, c'est que, dans l'industrie de la
construction, lorsqu'il y a un accident de travail,
ou un retrait préventif, ou une autre situation, nous ne sommes pas avec un
contrat de travail, tel qu'une convention collective sous l'égide du
Code du travail, nous sommes dans une industrie où le travail se fait d'une
séquence à l'autre. Donc, lorsque vient le temps, par exemple, d'interpréter
combien de temps la durée de travail aurait dû être, bien, souvent, on essaie
d'éluder certaines informations pour être sûr qu'on n'aura pas un impact, là,
très gros sur les... pour que l'employeur n'ait pas un impact très gros sur ses
prestations. Donc, c'est un des exemples.
M. Leduc :
Je comprends, mais, entre «pas le bon document» et «un faux document», il y a quand
même une nuance, là.
M. Picard
(Charles-Olivier) : Ah! Oui, oui, il y
a une nuance, puis, souvent, la nuance, là, je l'ai... nous l'avons vue souvent
en matière de retrait préventif, parce que l'employeur, dans son retrait
préventif, paie les trois premières semaines, s'en fait rembourser deux, il y
en a quand même une à ses frais, donc, si, malheureusement, la travailleuse a
annoncé qu'elle était enceinte avant même d'avoir son certificat de retrait
préventif, il devient... nous sommes dans une précarité sur le maintien du lien
d'emploi, et c'est souvent dans des situations comme celles-là que, malheureusement,
on a vu ces situations-là. Les travailleuses de la construction, déjà, qui ne
sont pas très nombreuses, sont très découragées à pouvoir entreprendre une
carrière et assumer des responsabilités familiales, comme on s'attend pour
renouveler la société québécoise puis la... Voilà.
M. Leduc :
Votre micro, Mme la Présidente.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : ...il vous reste 40 secondes, quand même.
M. Leduc :
Merci. Droit de refus collectif. Vos collègues de l'Inter ont évoqué ça tantôt.
Est-ce que c'est quelque chose qui pourrait être intéressant?
M. Picard
(Charles-Olivier) : Vas-y, Steve.
M. Prescott
(Steve) : Bien, écoutez, évidemment, toute amélioration des droits des
travailleurs, on est pour. Et c'est pour ça, nous, on met de l'avant le RSS
régional issu des associations. Et, nous, la vision qu'on a, c'est que c'est
lui qui va devenir le point tournant sur les chantiers, sur la majeure partie
des chantiers, et lui serait l'outil à utiliser pour effectuer un droit de
refus. On est pour, on est pour améliorer le droit de refus, l'élargir, oui.
M. Leduc :
Merci beaucoup.
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, nous donnons maintenant la parole au député de Bonaventure. Vous
disposez de 2 min 45 s.
M. Roy :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, MM. Prescott et Picard. Écoutez, vous
avez mentionné, tout à l'heure, qu'avec les outils actuels du p.l. n° 59
on ne verra pas une diminution du nombre d'accidents puis de décès, bref, on va
assister à la même hécatombe. Certains intervenants nous ont même dit qu'on
allait voir, peut-être, une augmentation du nombre d'accidents. Est-ce que vous
partagez cette position?
M. Prescott
(Steve) : Écoutez, je ne veux pas me lancer dans une analyse de
chiffres, a augmenté ou est demeuré au même niveau, ce qui nous intéresse et ce
qu'on dénonce, c'est que le projet de loi est mis en place pour diminuer les
lésions professionnelles, diminuer les accidents de travail, maladies
professionnelles. Ce qu'on est sûrs, c'est que ça, ça ne sera pas atteint.
Est-ce qu'il y aura le même... Est-ce qu'on va demeurer au même niveau? Est-ce
qu'on va augmenter? L'avenir nous le dira. Souhaitons qu'on s'améliore, mais,
une chose est sûre, on ne va pas diminuer les lésions professionnelles.
M. Roy :
C'est bon. Une autre question, mon temps est terriblement court. Vous parlez de
déjudiciarisation. Moi, je suis un néophyte, ça fait quelques semaines que je
suis sur le dossier, puis... Ça coûte quoi, une cause, O.K., en termes
d'avocat, de temps, tout ça? Quelque chose qui est judiciarisé, un parcours
d'indemnisation judiciarisé chez un individu, un exemple, là, ça coûte quoi?
Qui fournit les avocats, qui les paie, etc.?
M. Picard
(Charles-Olivier) : Bien, dans le cas du Syndicat québécois de la
construction, nous fournissons les avocats, évidemment, à nos travailleurs, parce
que c'est la police d'assurance qu'on a. Mais, malheureusement, un travailleur
non syndiqué, soit qu'il se représente lui-même, soit qu'il confie ça... mais
un dossier sur lequel il doit essuyer plusieurs refus peut grimper facilement
dans les 5 000 $,
6 000 $, 7 000 $ en honoraires
juridiques, ou, sinon, doit aller à forfait et se faire retenir une partie du
forfait, advenant le cas qu'il gagne sa cause. Donc, c'est des obstacles assez
importants, là, sur la reconnaissance de ses droits, là.
M. Roy :
Donc, l'argent qui est mis à la judiciarisation, s'il était mis en prévention,
on ferait un gain en efficacité pour tout le monde au Québec.
M. Picard
(Charles-Olivier) : Bien, effectivement. Et, si on élimine des paliers
de contestation, bien, au moins, on peut accélérer le processus, là.
M. Roy : C'est bon. Merci
beaucoup, messieurs.
M. Picard (Charles-Olivier) : Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci. Merci, M. Prescott, M. Picard, merci pour votre
contribution à la commission.
Alors, nous suspendons les travaux quelques
instants afin d'accueillir le prochain groupe. Merci.
(Suspension de la séance à 15 h 38)
(Reprise à 15 h 41)
La Présidente (Mme IsaBelle) : Bonjour.
Nous souhaitons maintenant la bienvenue au Réseau de la santé publique en santé
au travail. Alors, messieurs, je vous invite à vous présenter, et, ensuite,
vous pourrez commencer votre exposé. Vous savez que vous disposez de
10 minutes. Merci.
Réseau de la santé publique en santé au travail (RSPSAT)
M. Bonnier Viger (Yv) : Merci.
Alors, je m'appelle Yv Bonnier Viger, je suis médecin spécialiste en santé publique et médecine préventive. Je suis directeur
régional de santé publique pour la Gaspésie
et les Îles-de-la-Madeleine et j'accompagne la table de concertation en
santé au travail, la table nationale.
M. Denis (Geoffroy) : Bonjour. Je
m'appelle Geoffroy Denis, je suis aussi médecin spécialiste en santé publique, chef médical du secteur Santé au travail
à la Direction de santé publique de Montréal, actuel médecin responsable et fort
possiblement futur médecin chargé de santé au travail.
M. Bonnier Viger (Yv) : Alors,
mesdames, messieurs, nous vous remercions d'avoir lu notre mémoire et d'avoir
accepté d'en discuter brièvement avec nous aujourd'hui. Nous remercions également
toutes les femmes et les hommes qui ont
contribué à la réflexion, la conception et la rédaction de ce mémoire et à tous
les partenaires qui nous ont influencés
depuis que nous y travaillons. Nous remercions enfin les nombreuses personnes
qui ont travaillé à l'élaboration du projet de loi et tous celles et
ceux qui ont produit des mémoires pour améliorer cette oeuvre collective.
L'exercice auquel nous contribuons n'est pas une
simple renégociation d'un contrat d'assurance, il s'agit d'améliorer ensemble
l'une des pièces maîtresses du dispositif législatif québécois qui encadre
notre capacité collective à prendre soin de
notre santé et de notre bien-être, un déterminant essentiel à notre richesse et à notre
croissance collectives. Il s'agit donc d'un véritable contrat social.
Le ministre
de la Santé et des Services sociaux et ses directrices et directeurs régionaux
de santé publique sont responsables de la surveillance de l'état de
santé de la population, de sa protection, de la prévention des maladies et des
traumatismes, de la promotion d'une meilleure santé et du bien-être et de la
mobilisation de tous les acteurs sociaux
susceptibles de contribuer à ces objectifs. Ces responsabilités s'appliquent
évidemment aussi au monde du travail.
Pour remplir leur mandat, les directrices et
directeurs comptent sur un vaste réseau de partenaires. Au cours des
40 dernières années, ils ont collaboré avec les travailleuses et les
travailleurs, les employeurs, la Commission de la santé et de la sécurité au
travail, qu'on appelle maintenant la Commission des normes et de l'équité en
santé et sécurité au travail, plusieurs autres ministères, etc. Au quotidien,
les directrices et directeurs travaillent avec un réseau interdisciplinaire. Ce
réseau est constitué de médecins du travail, de spécialistes en santé publique
et médecine préventive, de spécialistes en
médecine familiale, d'hygiénistes du travail, d'ergonomes,
d'épidémiologistes, de statisticiens, d'infirmières, de biologistes, de
toxicologues, de psychologues, d'agents de relations humaines, etc. Toutes ces personnes sont réparties dans nos
18 équipes régionales, mais aussi dans des équipes nationales à
l'Institut national de santé publique et au ministère de la Santé et des
Services sociaux. Ce réseau rapproché s'appelle le Réseau de santé publique en santé au travail. Il oeuvre en étroite
harmonie grâce aux rencontres fréquentes de la table nationale de
concertation en santé au travail. Ce réseau compte actuellement plus de
700 personnes dédiées à la santé et la sécurité, qui accompagnent les
milieux de travail au jour le jour.
D'entrée de jeu, nous saluons le dépôt du projet
de loi n° 59, qui était fort attendu. Nous saluons, d'abord,
l'élargissement de la couverture de la prévention à l'ensemble des secteurs
d'activité et l'inclusion explicite des risques psychosociaux, dont la violence
conjugale.
Pour préparer notre mémoire, nous avons parcouru
le projet de loi article par article. Nous avons suggéré quelques modifications
très détaillées que vous trouverez aux annexes III et IV du mémoire. Il
nous a semblé que cette façon de faire faciliterait le travail des législateurs au moment de l'étude détaillée article par article du projet de loi.
Le
mémoire lui-même se concentre sur la Loi sur la santé et la sécurité du
travail. Nous savions que plusieurs autres
partenaires allaient traiter plus précisément de la Loi sur les accidents du travail et les maladies
professionnelles. Vous trouverez cependant quelques recommandations concernant
cette dernière dans l'annexe IV. Par exemple, nous recommandons que la reconnaissance
du mésothéliome de la plèvre comme maladie professionnelle soit irréfragable.
De l'ensemble de nos suggestions,
nous avons retenu neuf recommandations qui nous semblaient centrales et que
nous proposons à la discussion. Pour affronter la diversité des milieux de
travail et la diversité des risques à la santé qu'on y trouve, il nous faut d'abord
disposer d'un cadre de référence global, d'une vision de la prévention en
milieu de travail. Ce sont les programmes de santé. C'est pourquoi nous
recommandons d'abord que le ministère de la Santé et des Services sociaux
collabore étroitement avec la Commission des normes, de l'équité, de la santé
et sécurité au travail pour élaborer puis mettre à jour, en continu, les programmes
de santé. De portée nationale, ces programmes identifieront, par secteur
d'activité, les risques connus et les méthodes efficaces d'élimination ou de
mitigation de ces risques. Chacun des milieux de travail responsables de mettre
en place des programmes de prévention pour leurs installations devront s'en
inspirer.
Le projet de loi est
muet sur l'évaluation des programmes de prévention. Actuellement, les
directeurs et directrices régionales de santé publique sont responsables
d'assurer la mise en application des programmes de santé, de les évaluer et de
désigner les personnes habilitées pour le faire, en plus de faire le portrait
de santé des travailleurs de leur région. Si personne ne s'assure de
l'adéquation des programmes de prévention à la réalité des risques en milieu de
travail, on n'obtiendra pas les résultats escomptés, d'où les recommandations
n° 3 et n° 4 qui donnent le pouvoir à la directrice ou au directeur
de santé publique d'intervenir dans le milieu de travail pour s'assurer de la
mise en oeuvre effective des programmes de prévention et exiger leur mise à
jour, au besoin.
Si on veut vraiment
s'assurer d'améliorer la santé et le bien-être des personnes et des
entreprises, on ne peut improviser ni en faire l'objet de trocs ou de
négociations. Il faut baser nos décisions et nos interventions sur la science, l'expérience et les pratiques probantes.
C'est le message qui est transmis dans les recommandations n° 2 et
n° 9. La recommandation n° 2 demande que l'on mette en place un mécanisme
d'évaluation des risques basé sur les données scientifiques, épidémiologiques
et de surveillance, qui sont fournies par le directeur de santé publique, et la
recommandation n° 9 demande d'introduire un mécanisme pour mettre à jour,
en continu, les normes de l'annexe I du Règlement sur la santé et la sécurité
du travail en fonction des normes les plus restrictives adoptées par les organisations
internationales reconnues. Mais il en découle aussi la recommandation n° 5,
qui exige l'indépendance professionnelle des médecins chargés de santé du
travail. Cette indépendance et la qualité de la formation initiale et continue
de ces médecins ne peut être garantie qu'en exigeant qu'ils soient membres en
règle du département clinique de santé publique de la région dans laquelle ils
exercent.
Nous saluons le
maintien du programme de maternité sans danger au sein du régime. Nous sommes d'accord
que nous pouvons l'améliorer en développant et en implantant plus de guides de
pratique à portée nationale. Comme le ministre l'a mentionné souvent dans ces
audiences, la professionnelle qui suit la grossesse doit être celle qui signe le certificat après consultation de la direction
régionale de santé publique. Alors, il suffirait de corriger, là,
l'article 40.1 qui laisse plutôt croire que le certificat est délivré par
le médecin chargé de la santé au travail.
Enfin,
il nous semble essentiel que toute personne qui intervient en milieu de travail
et qui note une déficience qui pourrait mettre en danger la santé et la
sécurité des personnes qui y oeuvrent ait l'obligation de signaler cette
déficience au comité de santé et de sécurité, à la CNESST ou à la direction
régionale de santé publique.
En concluant, je
désire rappeler l'importance capitale de cette réforme du régime de santé et
sécurité du travail et du rôle essentiel qu'y joue la Santé publique. Par delà
les rôles et responsabilités des différents acteurs impliqués, le mémoire vise
à rappeler l'importance d'adopter une véritable perspective de santé publique
en matière de santé du travail et l'importance de conserver une médecine du
travail neutre, indépendante et centrée sur l'amélioration de la santé de
toutes les personnes qui oeuvrent dans les milieux de travail. Je vous remercie
beaucoup de votre écoute, et nous sommes évidemment à votre disposition.
• (15 h 50) •
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Merci pour votre exposé. Alors, nous allons débuter la
période d'échange avec M. le ministre. Vous disposez de
16 min 30 s.
M. Boulet :
Merci, Mme la Présidente. D'abord, merci de votre présence, merci de contribuer
à nos travaux. Félicitations à ceux qui ont contribué à la rédaction de votre
mémoire, qui contient des recommandations, effectivement,
pertinentes. Et je profite aussi de l'occasion pour souligner... Parce
qu'évidemment j'ai eu l'opportunité de rencontrer certaines personnes,
là, qui sont très connues du public, là, pendant la période de pandémie et
encore aujourd'hui, et je vous félicite.
Parce que vous êtes une immense équipe au Québec, avec énormément de
ramifications, puis vous avez toujours travaillé dans un contexte
épidémiologique qui était délicat, difficile, mais pour le bénéfice d'une
population tout entière. Ça fait que je pense que nous devons tous vous rendre
hommage.
Je vais peut-être y
aller de façon un peu... en tenant compte de certaines recommandations, mais
aussi pour obtenir des informations, puis je
sais que vous avez eu des discussions antérieures, puis je veux qu'on poursuive
le dialogue. Vous proposez, notamment, que le mécanisme d'évaluation des
niveaux de risque soit basé, bon, sur des données scientifiques, épidémiologiques, fournies par la DSP. Est-ce que vous
avez, actuellement, des données épidémiologiques qui pourraient être
utilisées ou qui seraient disponibles pour aider à bien assurer la justesse des
niveaux de risque dont on parle, pour assurer une meilleure prévention? Oui, je
vous écoute, docteur.
M. Bonnier Viger
(Yv) : Bien oui, tout à fait. Nous avons un système d'information en
santé au travail qui s'appelle le SISAT et qui recueille toutes les
informations de toutes les hygiénistes, et infirmières, et médecins qui se présentent dans tous les
milieux de travail. Et tout ça peut faire... est l'objet d'analyses et de
rapports et peut être aussi fouillé pour aller chercher, en profondeur,
toutes les informations qu'on peut avoir pour appuyer, justement, quels sont
les niveaux de risque réels. Non pas seulement comme il nous a semblé dans...
pas seulement ce que le coût des indemnisations... mais vraiment toutes les
occasions manquées, parfois, là, qui risquaient de se révéler une tragédie, qui
n'a peut-être pas eu lieu, mais qui nous donne beaucoup de renseignements sur
l'importance d'avoir prévenu un certain nombre de choses.
M. Boulet :
C'est superintéressant, docteur, parce qu'il y a une potentielle voie de
passage pour nous permettre de raffiner nos
niveaux de risque. Est-ce que ça, ça pourrait être accessible pour tous les
secteurs de l'économie et pour toutes les régions? Par exemple, est-ce
que ça pourrait être raffiné au point de nous aider à confirmer les risques
réels, là, dont on parle?
M. Bonnier Viger
(Yv) : Bien, pour l'instant, nous avons travaillé principalement dans
les secteurs prioritaires, comme vous le savez, depuis 40 ans. C'est
d'ailleurs pour ça qu'on salue le fait qu'on puisse aller beaucoup plus loin
que ça. Donc, l'essentiel de nos données va surtout nous permettre de voir pour
ces secteurs prioritaires là, mais on a aussi des données pour d'autres
secteurs sur lesquels on est intervenus à la demande, là, de temps en temps,
mais c'est moins riche pour les autres secteurs que les secteurs prioritaires,
bien sûr.
M. Boulet :
D'accord. Et ces données-là, là, d'essence épidémiologique, elles pourraient
permettre de hiérarchiser les niveaux de
risque, un peu comme on... qui est proposé dans le projet de loi. Vous me confirmez que oui?
M. Bonnier Viger
(Yv) : Tout à fait. Oui.
M. Boulet :
O.K. Donc, c'est intéressant parce que c'est une façon d'enrichir la méthode de
calcul ou la méthode d'évaluation des niveaux de risque par secteur d'activité.
Merci de l'information, docteur.
L'autre affaire qui
me préoccupe, là, puis, encore une fois, c'est plus pour clarifier,
actuellement, à la Santé publique, on est responsables des programmes de santé
spécifiques à chacun des établissements. Les données qui m'étaient fournies,
c'est qu'il y avait à peu près 10 % des établissements... Puis là,
évidemment, c'est un nombre limité des établissements qui sont protégés par les
mécanismes de prévention dans le régime actuel, à peu près 25 %. Est-ce
que c'est juste de dire qu'il y a à peu près 10 % des établissements qui
ont un programme de santé spécifique à leur environnement?
M. Bonnier Viger
(Yv) : Ça dépend du dénominateur. Dans un contexte où nous avions la responsabilité
dans le secteur prioritaire, une étude qui a été faite à Montréal, par exemple,
pour toutes les responsabilités qui relèvent
du contrat avec la CNESST, c'est plutôt 90 % des entreprises qui sont couvertes. Alors, le fait qu'évidemment,
comme vous le dites, il y a... 75 % des secteurs n'était pas couvert,
bien, bien sûr, il n'y avait pas de suivi spécifique dans ces entreprises-là.
M. Denis
(Geoffroy) : Dr Bonnier Viger, si vous voulez, je pourrais
peut-être compléter aussi un peu. Donc, les établissements qu'on visite, on ne
va pas nécessairement toujours faire des programmes de santé. Parfois, la prise
en charge, elle est excellente aussi, ce qui est très important. Au-delà du
papier que représente le programme de santé,
c'est : Est-ce que la culture de santé et sécurité vit dans une entreprise
qu'on va visiter? Est-ce que les risques sont bien adressés? Et ce qui est important, c'est de connaître les entreprises
de son territoire. Donc, la statistique à laquelle fait référence Dr Bonnier Viger... À
Montréal, on connaît 90 % de nos établissements, donc on les visite
régulièrement, on leur offre le soutien au-delà des programmes de santé.
Il faut savoir aussi
que, le domaine de la construction, parfois... Il faudrait voir comment vos
chiffres sont calculés. Il y a un secteur
qu'on a adressé un peu moins, et c'était avec la commission qui représente un
grand nombre d'établissements, c'est celui du secteur de la
construction, où on devrait probablement améliorer nos interventions, et qui
représente un très, très grand nombre d'établissements où il n'y a pas de
programme de santé. Donc, ça peut fausser les chiffres, là.
M. Boulet :
Il y a des commentaires que vous avez faits, docteur, avec lesquels on ne peut
faire autrement qu'être en total accord, se baser sur la science. Puis vous
savez qu'il y a une annexe, actuellement, à la loi avec une liste de maladies professionnelles présumées.
J'aimerais ça vous entendre sur... Évidemment, il y a des aspects techniques, là, qui font que
ce sera dorénavant dans un règlement, mais la création d'un comité scientifique
pour guider les parlementaires dans l'identification des maladies professionnelles,
avec lesquelles on peut établir une présomption, tenant compte de la nature des
fonctions, qu'est-ce que vous pensez d'un tel type de comité de scientifiques?
M. Bonnier Viger
(Yv) : Bien, c'est certain qu'il faut débloquer un peu la paralysie
qu'on a eue avec le progrès de l'inscription
des maladies professionnelles dans cette annexe-là. Donc, l'idée d'avoir
des comités scientifiques, qui regardent ça en continu et qui rajoutent
continuellement des maladies, c'est essentiel. La science progresse continuellement.
La science, par définition, c'est dynamique, donc je pense que c'était une
bonne idée. Alors, je ne sais pas si, Geoffroy, tu avais d'autres choses à dire
là-dessus?
M.
Denis (Geoffroy) : Deux grands principes, je pense, qui sont très
importants pour que ce comité-là, vraiment,
vive la primauté donnée aux données scientifiques. Je pense que c'est très
important, effectivement, d'avoir cette
vision-là, rigueur, science, côté scientifique et aussi la transparence. Donc,
les avis vont être publiés après un an... ce qu'on voit... les rapports... Et ça, par contre,
ça serait intéressant qu'on ne s'enfarge pas dans loi sur l'accès à
l'information et que ce soit vraiment rendus publics. Ça, c'est... je pense que
le devoir de transparence est très important, on doit ça aux travailleurs,
qu'ils comprennent bien pourquoi ou pas une maladie a été retenue.
M. Boulet :
C'est une excellente remarque. Oui, d'ailleurs, c'est prévu dans le projet de
loi n° 59, les avis et les recommandations du comité de scientifiques
seront rendus publics. Et donc, c'est intéressant aussi, bon, là, je m'adresse
aux deux docteurs, de préciser que ça va permettre d'avoir une liste qui est
évolutive en tenant compte de l'évolution des connaissances scientifiques et
médicales.
Est-ce que ce serait,
selon vous, une bonne idée de donner rapidement un mandat à ce comité
scientifique là d'avoir... de faire une analyse qui est spécifique aux maladies
qui sont plus spécifiques à la santé mentale, bon, on parle des lésions de
nature psychologique, et tout ce qui concerne la santé des femmes aussi?
• (16 heures) •
M. Bonnier Viger
(Yv) : Bien, écoutez, vous suggérez la réponse. C'est évident, là, que
les aspects psychiques des lésions n'ont pas été beaucoup mis en exergue au
cours des dernières années et que c'est essentiel qu'il y ait un attrapage de
ce côté-là. Et qu'on ait toujours une analyse différenciée selon le sexe, les
sexes, et même d'autres caractéristiques, là, ce qu'ils appellent l'ADS+, là, je
pense que c'est essentiel qu'on mette ça dans notre culture et qu'on s'en serve
réellement.
M. Boulet :
C'est vraiment une idée à laquelle j'adhère totalement, puis c'est vraiment
l'intention que j'ai, là, d'aller de l'avant, là, avec des mandats de cette
nature-là, des mandats spécifiques qui nous permettent de s'adapter à des
nouvelles réalités de marché de travail. Puis j'apprécie que vous souligniez,
là, la reconnaissance des risques psychosociaux, là, qui sont des risques
émergents qui découlent de la tertiarisation de l'économie. Tu sais, quand les
lois ont été adoptées, là, c'était des jobs de messieurs, alors qu'aujourd'hui
c'est beaucoup dans le secteur tertiaire, notamment la santé, les services
sociaux, l'éducation. Or, il faut tenir compte aussi de ce nouvel équilibre
hommes-femmes que nous vivons dans les milieux de travail.
Peut-être, le dernier
sujet, le programme de maternité sans danger, je pense que c'est important, tu
sais, de réitérer que le protocole national, il sera fait par la Santé publique
et il va identifier les conditions de façon à assurer une meilleure équité dans
la délivrance des certificats visant le retrait préventif par les médecins.
Moi, je trouve que c'est superintéressant. Ça va permettre un meilleur accès,
surtout plus d'équité, parce que, là, actuellement, ce n'est pas à la va comme je te pousse, mais même les fédérations
syndicales disent : Dépendamment de ta région, dépendamment du médecin, tu
as ou non un retrait préventif pour le même travail, là. Je pense que, ça, ça
va viser à uniformiser, mais tout en conservant le rôle du médecin qui va
émettre le certificat, c'est celui qui va faire le suivi de la grossesse. En
même temps, il n'y a rien qui empêchera de s'assurer que le certificat est
compatible avec le protocole qui aura été préparé, là, par la Santé publique.
Puis, docteur, vous
rappelez aussi que l'employeur, là, dans la préparation aussi du programme de
santé... bon, évidemment, il faut tenir compte de la disponibilité des
ressources, mais c'est superimportant de rappeler qu'il faut... il va pouvoir
référer au médecin de la santé de votre direction pour s'assurer de la
compatibilité et de l'identification de l'ensemble des risques du milieu de
travail spécifique, là.
M. Bonnier Viger
(Yv) : Oui, parce que la... bien, pour revenir sur la question de la
maternité sans danger, comme vous le dites, il y a juste une petite confusion,
peut-être, à l'article 40.1 qu'il faudrait corriger, là. Quand on dit
que c'est le médecin chargé de la santé au travail qui peut signer le
certificat, ça devrait être précisé que c'est vraiment la personne qui suit la
grossesse. Ce n'est pas nécessairement le médecin, ça peut être la sage-femme.
Pour ce qui est de la
question des programmes de prévention, il y a un risque que ça devienne juste
un exercice bureaucratique si on ne va pas voir si ça s'applique réellement. Si
on fait juste remplir des papiers, c'est clair que la prévention, ça ne marchera
pas, puis on va être... on va avoir un recul important. Il faut appuyer nos...
Il faut accompagner les milieux de travail.
M. Boulet :
Information. Information, formation puis accompagnement. Puis la précision
législative, là, sur le libellé, oui, je l'ai pris en note.
Bon, écoutez, je
pense que mon temps est près d'expirer, je vois Mme la Présidente qui me fait
des signes. Merci beaucoup, encore une fois. Une présence éminemment appréciée.
Bravo pour votre travail, puis continuez. Puis on aura certainement
l'opportunité de se reparler dans l'avenir. Merci et à bientôt. Au revoir.
M. Bonnier Viger
(Yv) : Merci beaucoup.
M. Denis
(Geoffroy) : Merci.
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Alors, merci pour le bel échange. Nous poursuivons
maintenant avec le député de Nelligan. Vous disposez de 11 minutes.
M. Derraji :
Merci, Mme la Présidente. Merci, messieurs, pour votre présence. Et aussi je
tiens à vous envoyer les salutations de mes collègues pour l'immense travail
que l'ensemble des directions de la santé publique sont en train de faire
depuis quelques mois déjà, presque une année. Et, s'il y a quelque chose qu'il
faut retenir, c'est pour une fois on va comprendre et faire comprendre au grand
public le rôle des gens de la Santé publique, et des agents de la Santé
publique, et des médecins de la Santé publique. J'ai eu l'immense plaisir
d'étudier quelques années à l'École de la santé publique et même faire un
doctorat en santé publique pour m'amuser, donc je tiens... je tiens à vous
saluer, messieurs, pour votre énorme travail.
Écoutez, nous avons tous suivi un peu vos
remarques par rapport au projet de loi. Je vais vous les partager en rafale et
j'aimerais bien avoir une réponse de votre part par la suite. Vous avez pensé,
de ce projet de loi, que... une privatisation du régime. Vous avez le sentiment
que le projet de loi écarte les gens de la santé publique. Vous avez pensé que
le projet de loi rend optionnel le recours aux services du médecin responsable
désigné par la Direction de santé publique et vous mentionnez aussi que le
projet de loi ouvre la voie au retour de la médecine d'entreprise en santé au
travail. Est-ce qu'on peut dire que, malgré la pandémie, malgré tout ce qu'on
voit et l'énorme travail des gens de la santé publique, vous êtes obligés,
aujourd'hui, de venir en commission parlementaire expliquer, encore une fois,
votre rôle, qui est extrêmement important?
M. Bonnier Viger (Yv) : Oui,
effectivement, je pense qu'évidemment notre réflexion a commencé bien avant la COVID
sur ce projet de loi là. Mais c'est clair que, s'il n'y avait pas aucune
modification dans le projet de loi, on se retrouverait avec des problèmes très
sérieux, qu'on a identifiés dans notre mémoire et que vous venez juste de
reprendre.
La Santé publique est quand même une
institution, dans notre société, qui joue un rôle important mais qui est un
rôle relativement effacé parce qu'à chaque fois qu'on réussit, qu'on fait des
bons coups, bien, les effets qu'on a prévenus, bien, n'apparaissent pas. Alors,
c'est clair que c'est un peu un travail relativement ingrat.
Par contre, c'est un travail qui permet de
mobiliser les gens, qui permet de les... qui leur donne le pouvoir d'agir sur leur santé, sur leur travail, sur leur
environnement, et je pense que c'est un élément essentiel à la
construction d'une société comme la nôtre. Je ne sais pas si, Geoffroy, tu
avais un élément de plus à...
M. Denis
(Geoffroy) : Bien, c'est le
caractère facultatif, comme vous avez dit, M. Derraji, qui,
effectivement, est problématique. Parce que les personnes qui vont appeler, qui
vont m'appeler, et les équipes, bien, ce n'est probablement pas les moins bons
élèves, on va dire ça. Donc, c'est déjà signe d'un milieu de travail qui se
prend en charge, qui a probablement un comité de santé et sécurité assez fort
et qui va vouloir se parfaire. C'est bien, mais il faut également être capable de rejoindre les entreprises qui ont besoin
d'un peu plus d'aide, puis je pense, entre autres, aux petites et
moyennes entreprises, qui, souvent, n'ont pas nécessairement les moyens, ne
vont pas nécessairement penser à nous appeler non plus.
M. Derraji : Oui. Mais, vous savez,
je partage vos préoccupations et, comme vous, hein, j'ai eu beaucoup... j'ai
reçu beaucoup d'appels. Et on va se dire les vraies affaires, il y avait comme
une onde de choc à la lecture, la première lecture de ce projet de loi dans
plusieurs directions. Il faut dire les vraies affaires, s'il vous plaît. Venir
dire aujourd'hui que ça va très bien à la première mouture de ce projet de loi,
je ne pense pas. Donc, aidez-nous à vous aider, parce que, pour moi, j'y tiens
beaucoup. Je crois au rôle de la Santé publique, et, aujourd'hui, je ne veux
surtout pas qu'une commission parlementaire qui va étudier un projet de loi
extrêmement important... qu'on va commencer à remettre en cause le rôle que
vous jouez au sein de l'appareil. Peu importe, au niveau de la médecine, du
travail, l'évaluation des risques, vous basez nos jugements sur la science. Et
corrigez-moi si je me trompe, parce que, probablement, je vais m'emporter parce
que c'est un domaine que j'apprécie beaucoup, mais corrigez-moi si ce que je
viens de dire n'est pas vrai, s'il vous plaît.
M. Bonnier Viger (Yv) : Bien, c'est
tout à fait vrai.
M. Derraji : Bien, merci beaucoup.
Vous secondez ce que je viens de dire. Je vais tenir à coeur... je vais avoir
l'oeil de la Santé publique tout au long de l'analyse de ce projet de loi.
Je veux venir
à un élément très important. Vous basez votre mémoire sur la science et sur
l'INSPQ. J'ai deux éléments : la notion du risque que le ministre a
évoquée, et, basant sur la science, l'INSPQ a émis un rapport en 2019 sur les
pesticides où il y a un lien de causalité entre les pesticides et la maladie du
Parkinson. Trouvez-vous que c'est normal qu'encore aujourd'hui nous sommes en
train de discuter le lien de causalité entre les pesticides et la maladie du
Parkinson, si on se base vraiment sur la science au Québec et sur les avis de
l'INSPQ?
• (16 h 10) •
M. Bonnier Viger (Yv) : Bien,
écoutez, c'est vraiment un point important. Jusqu'à quel point la science est
importante dans nos décisions? Vous savez très bien, par exemple, que,
concernant l'amiante, jusqu'à il y a quelques mois, nous étions à des seuils
qui étaient 10 fois plus élevés que le reste de l'Amérique du Nord,
100 fois plus élevés que certains pays européens. Ça a été très, très
long.
La leçon qu'on peut se donner, c'est qu'on finit
par avoir des résultats, mais c'est très, très, très long. Et je pense que, si on a un souhait à faire, c'est que
maintenant on s'assure que, dans le projet de loi modifié éventuellement,
qu'on ait justement la capacité de s'approprier de la dynamique de la science
qui évolue en continu et qu'on soit beaucoup plus rapides à ajuster nos normes,
nos règles pour pourvoir protéger les gens.
M. Derraji : C'est très clair, monsieur. Je veux vous ramener
à la notion du risque. J'ai lu votre recommandation n° 2 avec grand intérêt. Je vais la
lire : «Introduire un mécanisme d'évaluation des niveaux de risque dans
les milieux de travail basé sur les données scientifiques, épidémiologiques et
de surveillance fournis par le directeur de santé publique conformément à
l'article 127.» Excellent.
Est-ce que vous avez
vu la classification du niveau de risque tel que proposé par groupe d'activité?
Je vous donne juste un exemple. Au niveau des universités, c'est faible. Au
niveau des hôpitaux, c'est faible. À la lumière ou bien à votre première lecture des risques, des niveaux de risque, parce
que ça a été décrié par plusieurs groupes y compris les groupes qui sont
en train de gérer la pandémie, qui nous disaient : Écoutez, comment on
peut mettre un risque faible par rapport aux hôpitaux?, donc, pensez-vous que
la lecture du législateur ou la personne qui a rédigé ce projet de loi a été en
fonction des données scientifiques et épidémiologiques? Ou bien c'est quoi,
votre interprétation à cette classification des niveaux de risque qui se
retrouve dans les groupes d'activités?
M. Bonnier Viger
(Yv) : Bien, écoutez, évidemment, non, là, que ce n'est pas... ça ne
correspond pas aux risques que nous pouvons constater sur le terrain, mais la...
probablement... en tout cas, notre hypothèse, c'est qu'on a calculé les risques
sur les coûts d'indemnisation, principalement. Alors, c'est que... il y a
donc... on sait qu'il y a une sous-déclaration, surtout dans certains secteurs,
etc., donc, de là notre recommandation que l'on tienne compte et qu'on se base
vraiment sur la réalité des risques.
M. Derraji :
Bien, merci beaucoup. Parce que, quand M. le ministre vous a posé la question
par rapport au niveau de risque — et j'espère que le ministre, il nous suit,
il vous écoute — je ne
veux surtout pas — et
corrigez-moi si je me trompe, je
parle avec des acteurs de la Santé publique qui basent leur analyse sur des
études épidémiologiques — je ne veux surtout pas que le moteur ou la façon avec
laquelle on va réfléchir les niveaux de risque soit en fonction du coût
d'indemnisation. Je pense, et corrigez-moi, messieurs, docteurs, qu'on se
trompe, qu'on se trompe de l'analyse du niveau de risque.
Et c'est de là que
plusieurs groupes affectés par ce classement, ils nous disent : Attention,
comment vous avez fait pour dire que les hôpitaux généraux et hôpitaux de soins
chirurgicaux, le risque, il est faible? Si on applique les coûts
d'indemnisation, probablement c'est la bonne raison, mais, si on applique la
science ou bien les études épidémiologiques ou de surveillance que vous
fournissez, ça va être quoi, le niveau, risque faible ou moyen, selon vous, si
vous avez des données à nous partager?
M. Bonnier Viger
(Yv) : Bien, écoutez, si vous prenez chacun... On peut reprendre
l'analyse par chacun des secteurs, mais, évidemment, pour le secteur de la
santé et des services sociaux, c'est évident que le risque est beaucoup plus
élevé et qu'il ne correspond pas du tout à un risque faible, là, c'est clair.
Mais, bon, c'est toute la question aussi, là... vous avez entendu... puis on
est dans une société pluraliste où il y a beaucoup d'acteurs. Mais, si les gens
partent de l'idée qu'on est dans un régime assurantiel puis que c'est ça qui
est l'essentiel, ils ne vont pas être convaincus. Mais, si on considère qu'on
est en train de construire une pièce législative importante de notre système de
protection de la santé et d'amélioration du bien-être de la population en
général, on ne peut pas se baser sur des coûts d'indemnisation, on doit se
baser vraiment sur ce qui rend les gens malades ou ce qui les rend moins
malades.
M. Denis (Geoffroy) :
Parce qu'il ne faut pas oublier que, le fardeau, il y a quelqu'un qui va le
payer. Donc, si ce n'est pas payé par la caisse d'assurance, ça va être payé
par la société, à quelque part.
M. Derraji :
Oh! que c'est très bien dit. Je vous remercie. Parce qu'au bout de la ligne il
y a quelqu'un qui paie. Si ce n'est pas la société, bien, c'est une caisse
d'assurance, et vous avez raison.
Et je vous remercie,
messieurs, parce que probablement on vient d'avoir la première réponse juste,
qui remet en cause, qui remet en cause en profondeur la classification, que
nous avons devant nous, des niveaux de risque. Je pense que c'est très clair et
je vous remercie pour la recommandation 2. Depuis le début, il y a
beaucoup de groupes qui nous ont dit : Pourquoi mon secteur se retrouve
dans un risque faible? Est-ce que vous êtes en train de voir ce qui se passe
avec mon secteur d'activité? Et le message que vous envoyez à nos travailleurs
et à nos travailleuses : Écoutez, votre secteur d'activité, il est juste
faible, mais le raisonnement derrière, c'est le coût d'indemnisation et non pas
la science, et non pas les données épidémiologiques. Merci beaucoup, messieurs.
Un autre point...
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Oups! C'est tout. C'est tout. Il ne vous reste que huit,
sept, cinq...
M. Derraji :
Oh mon Dieu! Bien, alors...
Des voix :
...
M. Derraji :
Laissez-moi parler. La médecine du travail, la médecine du travail, vous pensez
qu'il y a un recul par rapport à la médecine du travail?
La Présidente (Mme
IsaBelle) : En quelques secondes.
M. Bonnier Viger
(Yv) : Bien, écoutez, on a besoin d'investir beaucoup en médecine du
travail. On n'a pas formé assez de médecins en santé du travail. Je pense qu'il
y a d'autres acteurs qui vont venir vous en parler. Mais on est d'accord avec
ça.
M. Derraji : Messieurs, merci
beaucoup.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci.
M. Derraji : Je tiens à vous
remercier sincèrement. Et, s'il vous plaît, s'il vous plaît, transmettre nos
salutations et continuez votre beau travail. Nous avons besoin de vous. Merci
beaucoup.
La
Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci. Nous poursuivons l'échange avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous disposez de
2 min 45 s.
M. Leduc : Merci, Mme la Présidente.
Bonjour, M. Bonnier Viger et M. Denis. Heureux de vous revoir.
Également, je rajoute ma voix de remerciement pour tout le travail que vous
faites dans la santé publique, autant dans les différents CIUSSS que votre
collègue à la direction nationale. C'est très apprécié pour nous. Dans nos
bureaux de circonscription, on échange souvent avec vos bureaux, c'est très
apprécié.
On a parlé abondamment de la question du
programme maternité sans danger et du rôle du médecin traitant. Verbalement, le
ministre tend à essayer de nous rassurer que, non, non, non, le protocole n'est
pas trop restreignant. Est-ce que vous, vous êtes rassurés par ces paroles ou
est-ce qu'il va falloir quand même faire des interventions en termes
d'amendement?
M. Bonnier Viger (Yv) : Bien,
écoutez, on a proposé un amendement très concret dans le mémoire à
l'annexe 3. Vous pourrez le regarder puis le faire vôtre, évidemment, si
vous considérez que c'est juste. L'idée, c'est vraiment de garder un équilibre,
et ça prend des protocoles pour... puis on est d'accord avec ça, là, pour
harmoniser, avoir des guides de pratiques qui sont nationaux, pour qu'il y ait
une certaine équité partout, dans tout le Québec. Mais, en même temps, il faut
toujours se rappeler qu'une grossesse, c'est différent d'une autre grossesse,
même chez la même femme. Donc, la
professionnelle qui accompagne la grossesse, qu'elle soit médecin, sage-femme
ou infirmière spécialisée, doit garder le dernier mot sur ce qu'on doit
faire pour protéger cette grossesse-là en particulier.
M. Denis (Geoffroy) : Et puis c'est
pour ça aussi qu'on trouve important que la personne qui prend en charge la
travailleuse enceinte réfère à l'équipe de santé publique pour voir
précisément, M. Leduc, si le protocole s'applique bel et bien à la
travailleuse qu'on a devant nous.
M. Leduc : Je comprends.
M. Denis (Geoffroy) : Donc, cette
partie-là est importante aussi.
M. Leduc : Il me reste sûrement très
peu de temps. Dans l'économie générale du projet de loi, quels seraient le ou
les deux plus grands dangers que vous avez observés?
M. Bonnier Viger (Yv) : Bien, je
pense qu'il serait dangereux d'évacuer la Santé publique comme acteur neutre et
accompagnateur de tous les milieux de travail. Je pense qu'on perdrait
énormément de tout ce qu'on a acquis depuis 1979, si on faisait ça.
M. Leduc : Vous êtes d'accord,
M. Denis, j'imagine?
M. Denis (Geoffroy) : Oui, tout à
fait.
M. Leduc : Mme la Présidente, il me
reste combien de temps?
La Présidente (Mme IsaBelle) : 25,
24...
M. Leduc : Oh! 25, quand même. Vous
avez parlé des catégories de risque tantôt. On est tous en train de se
demander : Est-ce que c'est réformable, ce qui a été mis devant nous, ou
est-ce qu'il faut juste raser tout ça puis recommencer à zéro, là?
M. Bonnier Viger (Yv) : Bon,
écoutez, je pense que refaire une analyse en fonction des risques réels, ce n'est pas un travail considérable, là. Ça demande
un peu de temps, mais les données sont là, et on peut très bien le
faire.
M. Leduc : Et on aura sûrement votre
appui pour le faire, j'en suis certain.
M. Bonnier Viger (Yv) : Absolument.
M.
Leduc : Merci infiniment. Bonne journée.
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Merci. Nous poursuivons maintenant avec le député de
Bonaventure. Vous disposez de 2 min 45 s.
M. Roy :
Toujours aussi généreuse, Mme la Présidente. Bonjour, M. Denis.
M. Bonnier Viger, bonjour. En passant, merci pour le travail que vous
faites pour la Gaspésie actuellement.
Bien, écoutez, je
reviens un peu sur les lignes de mon collègue le député
d'Hochelaga-Maisonneuve. Mardi, on a interpelé le Conseil du
patronat avec une affirmation qu'on a trouvé assez extraordinaire, et je
les cite : «Nous devons éliminer les interventions de la Santé publique
dans le milieu de travail. C'est à l'employeur que revient la responsabilité d'assurer
la mise en application du programme de santé et à la CNESST de s'assurer de son
application.» On a trouvé ça un peu fort en café, et je vous redonne l'occasion
de nous expliquer en quoi ça pourrait être extrêmement dommageable et dangereux
pour les travailleurs du Québec.
• (16 h 20) •
M. Bonnier Viger
(Yv) : Bien, écoutez, c'est très bien de dire que la responsabilité de
la santé au travail revient aux travailleurs et aux employeurs, donc au milieu
de travail. C'est un peu la même chose pour tout le monde. On peut dire : La santé, c'est la responsabilité de chacune
des personnes. Est-ce que, pour autant, on va éliminer le système de
santé? Est-ce qu'on va éliminer le médecin? Est-ce qu'on va éliminer
l'infirmière? C'est un petit peu ça qui, effectivement, est problématique dans
la réflexion, de dire : Éliminons la Santé publique du monde du travail.
De toute façon, on ne
peut pas l'éliminer. Moi, comme directeur de santé publique, je suis
responsable de la santé et du bien-être de toute la population. Puis 40 %
de la population est au travail, une grande partie du monde sont au travail,
donc je vais être obligé de me retourner vers la Loi de santé publique pour
faire ce que normalement la Loi sur la santé et sécurité du travail me permet
de faire.
Donc, je pense que
c'est juste une erreur d'appréciation que le Conseil du patronat
fait quand il fait... il demande cette chose-là.
M. Roy :
Donc, vous suggérez que le ministre ne retienne pas cette recommandation-là.
M. Bonnier Viger
(Yv) : Bien, c'est l'essence de notre mémoire, je pense.
M. Roy :
Oui, je l'ai compris, je l'ai lu. Et vous avez soulevé aussi l'enjeu de la
privatisation de la médecine en milieu de travail qui amènerait des conflits
potentiels d'intérêts.
M. Bonnier Viger
(Yv) : Oui. Là, je laisserais Geoffroy peut-être intervenir là-dessus,
là.
M. Denis
(Geoffroy) : Oui. Bien, en fait, on s'entend, les médecins du travail
dans le privé, il y en a déjà, des firmes privées aussi. On ne suggère pas
l'élimination de tout ce monde-là, là, on veut bien s'entendre, mais c'est
important qu'il y ait une partie qui soit publique, qui soit neutre et
indépendante qui doive demeurer, et pas seulement sur demande, pour pouvoir
vérifier ces choses-là. Donc, ça, on tient à préciser que c'est important. On
tient à préciser que c'est important qu'on conserve les interventions dans les
milieux de travail, pas juste au niveau des programmes de santé. C'est
important qu'on entre nos connaissances bien comme il faut dans le terrain.
Pour moi, c'est absolument essentiel, comme médecin, d'aller voir les milieux
de travail, et pas seulement ceux qui lèvent la main, pour être bien conscient
des risques, qu'on puisse faire les mesures et qu'on... On va être bien
meilleurs aussi pour faire les fameux programmes de santé qui vont encadrer
tout ça si on peut être présents sur le terrain. Donc, ça, c'est très important
de le mentionner.
Et finalement on est
une force neutre, je pense, qui est appréciée aussi des milieux de travail,
parce qu'on est vraiment en mesure d'accompagner les milieux de travail, et ça,
c'est... qu'on vient compléter la commission dans ce rôle-là, puis on y croit
beaucoup.
M. Roy :
Merci infiniment, messieurs.
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Alors, merci, M. Bonnier Viger et M. Denis, pour
votre contribution à la commission.
Nous suspendons
quelques instants pour mieux accueillir le prochain groupe. Merci.
(Suspension de la séance à
16 h 23)
(Reprise à 16 h 30)
La
Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, bonjour. Nous souhaitons maintenant la bienvenue à la
Confédération des syndicats nationaux. Alors, messieurs, je vous invite à bien
vous présenter avant de commencer votre exposé de 10 minutes.
Confédération des syndicats
nationaux (CSN)
M. Létourneau (Jacques) :
Oui. Bonjour, Mme la Présidente, Jacques Létourneau, président de la
Confédération des syndicats nationaux, et je suis accompagné de Jean-François
Lapointe, qui est le coordonnateur du service de défense de la santé-sécurité à
la CSN.
Alors, peut-être, d'abord, vous dire que je n'ai
pas mis ma cravate aujourd'hui, ne prenez pas ça personnel, c'est parce qu'on
vient d'ajourner notre congrès et c'est la journée d'appui aux travailleuses et
aux travailleurs du secteur public. Alors, à chaque jeudi, on demande aux gens
de porter un chandail, là, aux couleurs d'appui des gens du réseau de la santé,
des services sociaux et de l'éducation. Alors, les gens ont dit : On
espère que le président va aller en commission parlementaire en portant
fièrement les couleurs de la négociation du secteur public. Alors, je voulais
quand même vous le mentionner puis faire un clin d'oeil, là, surtout dans un
contexte de pandémie où les travailleurs puis les travailleuses dans le réseau
de la santé et des services sociaux, là, connaissent quand même un certain nombre de problématiques, n'est-ce pas, au
niveau de la santé-sécurité au travail. Il y a eu même, malheureusement,
encore un décès cette semaine chez un préposé aux bénéficiaires.
Alors, sans plus tarder, d'abord, M. le ministre,
messieurs dames les députés, c'est un plaisir pour la Confédération des
syndicats nationaux, qui représente 300 000 membres au Québec, tant
dans le secteur public que dans le secteur privé. Nous, ça fait plusieurs
années qu'on réclame une modernisation des lois du travail, particulièrement au
niveau de la santé et de la sécurité au travail, parce que le monde du travail,
il évolue, il se transforme, il change, alors que les lois remontent quand même
aux années 70, où le monde du travail était peut-être un peu différent de
ce que nous connaissons aujourd'hui.
Alors, dans ce sens-là, nous, à la CSN, on a
toujours souhaité une modernisation des lois en santé-sécurité et on est bien
heureux de participer à cette commission parlementaire. Parce qu'on l'a
mentionné à plusieurs reprises, vous allez voir, on a un certain nombre de
critiques et de propositions pour le bonifier, pour renforcer, justement, la
question des droits des travailleuses et des travailleurs, particulièrement sur
le terrain de la prévention dans les milieux de travail, puis on le fait dans
un esprit d'ouverture et de construction, pour qu'on soit capable, justement,
de faire en sorte qu'il y ait moins de blessés au travail puis qu'il y ait
moins d'accidentés du travail, parce qu'il y en a encore malheureusement
beaucoup trop.
Dans notre mémoire, si vous le lisez, vous allez
voir, on salue, là, l'ouverture sur les notions de violence conjugale, de
travailleuses, travailleurs domestiques, le maintien du retrait préventif sous
le chapeau, là, des lois en santé-sécurité au travail. Et c'est sûr que, pour
les gens qui n'étaient pas couverts par des mécanismes de prévention, je pense
aux travailleuses, aux travailleurs, notamment dans le réseau de la santé, des
services sociaux, en éducation ou ailleurs, c'est clair que d'étendre les mécanismes
de prévention à l'ensemble de la classe des travailleuses, des travailleurs au Québec,
c'est, en soi, une bonne nouvelle.
Maintenant, c'est sûr que nous, quand on a
abordé ces questions-là avec les militants et les militantes des syndicats... Il
y a des travailleuses et des travailleurs, dans le secteur privé, qui sont extrêmement
préoccupés. Puis je vais insister là-dessus
parce que, pour nous, c'est une pièce maîtresse, c'est fondamental pour la
suite des choses, il y a, encore aujourd'hui, à l'heure où on se parle,
des groupes considérés groupes 1 et 2, où les mécanismes de prévention
sont beaucoup plus importants, costauds que dans des secteurs où ça n'existe
pas. Alors là, ce que les gens nous disent, c'est qu'on va assister... si
jamais la loi était adoptée comme elle est déposée, on assisterait à une
diminution importante, notamment, des libérations pour les gens qui font de la
prévention, là, les responsables à la prévention dans les milieux de travail.
Et, dans le
fond, nous, ce qu'on dit, c'est que ce qui est un peu triste... C'est comme si,
parce qu'on l'applique à l'ensemble de la classe des travailleuses et
des travailleurs, la notion de prévention, qu'on déshabille les secteurs où les
mesures un peu plus costaudes pour prendre en charge la prévention dans les
milieux de travail avaient donné des résultats. Donc, c'est le secteur de
l'aluminium, c'est le secteur papier-forêt, l'industrie lourde, tout ça, bon,
vous les connaissez, je pense qu'il y en a plusieurs qui vous en ont parlé cette
semaine.
Alors, c'est clair que, pour nous, ces
mécanismes-là ont fait leurs preuves, et nous, on pense que, plutôt que de
déshabiller ces secteurs-là pour étendre à l'ensemble de la classe des
travailleurs les mécanismes de prévention, il faudrait s'appuyer sur cette
expérience historique là qui a donné des résultats pour la transposer à
l'ensemble des secteurs d'activité, pour donner à peu près les mêmes moyens aux
travailleuses puis aux travailleurs d'agir en amont au niveau de la prévention.
Bon, secteur
de la construction, c'est un peu particulier. Nous, on représente des
travailleurs, des travailleuses dans
le secteur de la construction. Moi, je vous porte le message de ces gens-là,
qui nous disent : C'est bien, là, qu'il y ait des ouvertures, parce
qu'il y avait un chapitre, déjà, qui datait de 1979, qui n'était pas
nécessairement appliqué. Là, on va l'appliquer, mais les gens craignent une
diminution des heures de formation. Alors là, ils nous disent : On ne peut
pas diminuer les heures de formation. Puis une augmentation des critères pour
avoir des coordonnateurs qui vont s'assurer de la prévention dans les milieux
de travail, alors ça, chez nous, la CSN-Construction dit, bon, c'est une bonne
affaire, là, tu sais, qu'on se préoccupe vraiment du secteur de la
construction, mais il faut qu'il y ait un petit peu plus de mordant, parce
qu'honnêtement le secteur où il y a encore le plus d'accidents puis de gens qui
meurent, malheureusement, au travail, qui laissent leur vie au travail, c'est
dans le secteur de la construction.
La notion de multiétablissement, bon, j'ai parlé
du réseau de la santé et des services sociaux, que je connais bien, parce que
moi, j'ai été préposé aux bénéficiaires dans un hôpital sur la Rive-Sud de Montréal,
je ne peux pas imaginer que, dans un centre intégré de santé et services
sociaux, un employeur, de façon unilatérale, va imposer le multiétablissement.
Parce que, d'abord, ce qui inspire le projet de loi, c'est le paritarisme, tu
sais. J'entends le ministre qui nous dit, le paritarisme,
c'est à la base de tout, mais là on va donner la possibilité... Prenez au Saguenay—Lac-Saint-Jean,
là, de Dolbeau, là, à La Baie, vous avez déjà fait cette route-là, là, il y a
des CLSC, il y a des CHSLD, il y a des hôpitaux,
puis là, le comité de santé et sécurité va avoir la responsabilité de tout ce territoire-là. C'est impossible. Je vous le dis tout
de suite, c'est impossible.
Moi, je proviens d'un gros hôpital, qui est l'Hôpital
Charles-Le Moyne, sur la Rive-Sud de Montréal. D'abord, faire de la santé et
sécurité puis de la prévention dans un hôpital, ce n'est pas la même affaire
que dans un CHSLD, ce n'est pas la même affaire que dans un centre jeunesse.
Donc, il faut trouver une manière de donner, par établissement... en tout cas,
il faudrait voir comment on peut travailler les affaires, mais il faut donner un
peu plus de moyens aux travailleuses puis aux travailleurs pour être plus
efficaces sur le terrain de la prévention. Et, dans ce sens-là, si jamais on maintient
le concept du multiétablissement, il faut qu'il y ait une reconnaissance du
syndicat par rapport à cette démarche, parce que, là, ce qu'on comprend, c'est
que le paritarisme n'existe pas.
Rapidement, là, parce que j'ai quelqu'un qui me
fait signe qu'il me reste à peu près trois minutes, toujours en matière de
prévention, tout le débat sur la catégorisation des risques, alors nous, on est
plutôt du genre à penser qu'il ne devrait pas y en avoir. Je vous l'ai dit,
tantôt, les mécanismes de prévention, on devrait les mettre en application mur
à mur. Puis on fait remarquer, dans notre mémoire, puis il y a un tableau qui
l'appuie, là, que, par hasard, les milieux qui sont considérés plus à risque
faible ou modéré, c'est majoritairement là où les femmes travaillent. Bien, il
y a quelque chose qui ne marche pas là, là, tu sais? Qu'en 2021, encore une
fois, on considère que le travail des femmes
dans leurs milieux respectifs est moins à risque que dans des milieux
traditionnels, moi, j'ai un problème avec ça. Il faut avoir été
éducateur, éducatrice dans un centre jeunesse, il faut être un ASSS, là, un préposé
aux bénéficiaires dans le maintien à
domicile puis travailler avec des patients lourds pour comprendre que ce n'est
pas vrai, là, que ce n'est pas à risque, tu peux te blesser, malheureusement.
Donc, il faut absolument qu'on revoie ça, cette catégorisation.
Santé psychologique, bon, il y a des avancées
sur le post-traumatique, mais santé psychologique, on ne va pas assez loin.
Moi, je suis quelqu'un qui a fait du syndicalisme international pendant des
années, je suis allé dans les forums de l'OIT, de l'Organisation internationale
du travail. Déjà, à la fin des années 1990, début 2000, on disait, la
principale pathologie, problématique de santé au travail, au XXIe siècle,
ça va être l'épuisement professionnel, les burn-out. Puis il n'y a rien
là-dessus ou, en tout cas, il n'y a pas l'air à y avoir grand-chose, donc ça,
il faut qu'on fasse absolument quelque chose. On est conscients que ce n'est
pas simple à traiter, une lésion physique versus une lésion psychologique, mais
on ne peut pas faire l'économie. Si on veut vraiment moderniser les lois du
travail, on ne peut pas faire l'économie de cet aspect-là.
Peut-être vous dire, en conclusion, moi, j'ai écouté — malgré
que j'étais en congrès, là, qui s'est terminé tantôt — moi, j'ai écouté pas mal, là, tu sais, les
gens du patronat, mes collègues des autres organisations, tout ça. Puis
je l'ai déjà dit au ministre, d'ailleurs, en toute transparence, si l'objectif,
en bout de piste, c'est de réduire les coûts parce que les patrons disent que
ça coûte trop cher... bon, moi, je pense que la santé-sécurité au travail, ça
n'a pas de prix, mais, si l'objectif, c'est de réduire les coûts, bien, moi, je
pense qu'il faut que ça se fasse via la prévention dans les milieux de travail,
pas sur le dos des travailleurs puis des travailleuses sur le terrain de l'indemnisation. Moi, je ne pourrais pas accepter
qu'on rende l'indemnisation beaucoup plus laborieuse et compliquée pour
les travailleurs.
Puis je vais vous dire, puis je vais vraiment
finir là-dessus, il y a quelque chose, moi, qui me préoccupe. Ce qui est
couvert par l'indemnisation, ce que je comprends, c'est que ça va s'appliquer
le lendemain que la loi va être adoptée, alors que la prévention, on en a pour
un, deux, trois, quatre, cinq ans à la mettre en place. Alors là, je veux dire,
si l'objectif, en bout de piste, c'est de réduire les coûts, je crains
malheureusement que certains profitent des modifications en indemnisation pour
serrer la vis. Voilà.
• (16 h 40) •
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci, M. Létourneau. Nous commençons la période d'échange avec M. le
ministre. Vous disposez de 16 min 30 s.
M.
Boulet : Merci, Mme la Présidente. D'abord, vous remercier, Jacques et Jean-François, pour
votre participation à la commission parlementaire. Puis transmettez nos
félicitations à tous ceux qui ont contribué à la rédaction de votre rapport. Je pense qu'il est bien fait, il y a de
saines recommandations, puis j'apprécie, Jacques, de réitérer l'importance
de l'esprit d'ouverture et de collaboration qui vous anime à la CSN.
Je pense qu'il y a une urgence de moderniser, je
pense qu'on convient tous que la prévention doit être au coeur de cette
modernisation. Et la prévention, ce n'est pas de réduire nécessairement les
coûts, c'est d'abord d'avoir des
travailleurs qui sont plus en santé, puis des familles, puis des entreprises,
puis des travailleurs, puis des travailleuses qui bénéficient de ces
mécanismes de prévention là. Je pense que ça, on est tous sur la même longueur
d'onde.
Les heures de libération, peut-être juste
quelques points rapides, là, Jacques, là, où j'aimerais avoir tes commentaires.
Des fois, c'est moi qui vais peut-être en donner un peu plus, là, tu me connais
bien. Les heures de libération, là, bon, on parle d'un règlement, bon, il y a
un règlement sur les heures de libération. Ça, il y a des... Vous dites,
évidemment, qu'il n'y en a pas assez, d'heures de libération, il ne faut pas
sacrifier, il ne faut pas déshabiller, il ne faut pas, parce qu'on étend tous
les mécanismes de prévention à tous les secteurs d'activités, que nous devons
sacrifier sur le temps de libération. C'est ce que tu mentionnes, hein,
Jacques?
M. Létourneau (Jacques) :
Oui, notamment.
M. Boulet : Dans le secteur de la
construction, là, j'ai eu l'occasion, je ne sais pas si tu m'as entendu, de le
préciser avec d'autres groupes, là, la formation, les heures de formation, là,
si on parle de 120, ça va être ajusté à 240. La
formation, je sais, théorique, à Ahuntsic, elle était à 240, puis il y a un
stage pratique. Je le dis tout de suite, là, le 240, il va être reconnu. Le
stage, on est en train de s'assurer de sa faisabilité et, si c'est envisageable,
on va l'ajouter. Ça fait que je veux simplement vous rassurer à cet égard-là.
Et puis, Jacques, j'ai oublié de te féliciter,
tu as été réélu à la présidence de la CSN hier, au congrès, bravo! Bien content
pour toi. Puis tu es un de ceux qui m'enseignent ce qu'est le dialogue social,
ça fait que je suis heureux de pouvoir bénéficier de ta collaboration encore un
certain temps.
Multiétablissement, je t'entends bien, Jacques,
dans le... si on prend un CIUSSS, il faut en même temps dire qu'il faut que ce
soient des activités de même nature. Puis, tu sais, les établissements n'ont
pas nécessairement des activités de même nature, d'une part, puis ce n'est pas
parce qu'il y aurait un mécanisme multiétablissement que nécessairement il y a
des... Les accréditations syndicales, comme tu sais, c'est établissement par
établissement, et, dans les conventions collectives, il y a des mécanismes
convenus entre les parties, par établissement, là, au sens autant de la loi
santé et sécurité que celle sur les services de santé et services sociaux, et
de participation des travailleurs. Et il n'y a pas... je ne vois pas, demain
matin, un CIUSSS ou un CISSS dire... Tu sais, ça se négocie, là, là où on...
Puis, tu sais, c'est syndiqué, c'est syndiqué à peu près mur à mur, là, dans
les CIUSSS et les CISSS, là.
M. Létourneau (Jacques) :
Oui, bien, peut-être donner un exemple, puis, si Jean-François veut ajouter,
là... mais je pense que la crise actuelle démontre quand même une chose, puis
moi, je ne veux pas m'enfarger dans les débats de structure puis les
conséquences de la réforme de M. Barrette en santé, là, avec
l'hypercentralisation, mais c'est incroyable, quand même, que, dans les CHSLD,
là... Mettons qu'on aurait eu un comité santé et sécurité sur la base d'un
territoire où il y a, je ne le sais pas, moi, sept, huit, 10 CHSLD. Alors,
si les responsables en santé et sécurité ne sont pas ancrés dans le milieu de
travail, s'il n'y a pas une négociation qui se mène avec la direction des
ressources humaines ou le département de santé de l'établissement sur, par
exemple, l'utilisation des masques, la façon d'organiser le travail, on peut
bien essayer d'organiser d'une région ici, en haut, là... Vous le savez, au ministère,
le ministère donne des consignes, parfois, puis ça ne redescend pas sur le
terrain. Bien, on vit exactement le même problème dans des entités
administratives qui sont gigantesques. Donc, si on veut être efficace en
prévention, il faut être collé sur le terrain puis il faut que ça se fasse en
paritarisme, absolument. Si ça ne se fait pas en paritarisme, là, ça ne
marchera pas.
Bien, moi aussi, je fais confiance, c'est-à-dire
que les syndicats, les travailleuses, les travailleurs sont capables de
s'organiser. Ce n'est pas le président de la CSN qui va aller organiser chaque
CHSLD, puis, bon, ni le ministre de la Santé, mais il faut leur donner les
moyens pour être efficaces. Parce que, si, historiquement, on a considéré que
c'était faible, en termes de risque, à cause des coûts puis de ce que ça
représente en santé et services sociaux, aujourd'hui, là, sérieusement, dans le
contexte de la crise, on ne peut pas faire abstraction que, s'il y a bien une
place où c'est l'enfer, au niveau de la prévention puis de la santé et
sécurité, c'est bien dans le réseau de la santé et des services sociaux, là.
Ça fait que, moi, je ne voudrais pas que le
multiétablissement imposé vienne centraliser les processus puis enlever tous les moyens au monde sur le terrain
pour être efficace, d'un centre jeunesse, d'un CLSC ou d'un CHSLD.
M.
Boulet : Santé
psychologique, bon, aussi, je me tiens à jour avec les travaux de
l'Organisation internationale du travail. Tu dis, on a fait un pas, mais
on pourrait faire un autre pas en avant. Je veux juste rappeler, Jacques, que
67 % des réclamations pour lésion de nature psychologique découlent d'un
trouble de stress post-traumatique, et de le reconnaître dans notre règlement
potentiel sur les maladies professionnelles présumées, je pense qu'il faut
reconnaître que c'est un grand pas en avant. On est d'accord là-dessus,
Jacques?
M. Létourneau (Jacques) :
Bien, je vais peut-être passer la parole à Jean-François.
M.
Lapointe (Jean-François) :
Oui, bien, en fait, c'est une belle avancée, mais, pour nous, c'est une
avancée qui est insuffisante, dans le sens que, si on regarde l'Ontario ou la
Colombie-Britannique, qui ont été capables d'y aller par genre d'emploi, les
premiers intervenants, que ce soient les paramédics, les gardiens de prison,
ils sont reconnus par présomption des chocs post-traumatiques, et là on y va
par une définition classique qui était déjà reconnue par l'accident de travail.
Alors, ça, ça nous semble un peu insuffisant. On pourrait aller plus loin, pour
inclure le choc post-traumatique au niveau de la présomption des maladies.
Il faut aussi dire qu'au niveau psychologique la
question du trouble d'adaptation et de la dépression majeure, qui sont
occasionnés par l'organisation du travail qui est néfaste, et on le voit
beaucoup, particulièrement dans le secteur de l'éducation et très
particulièrement dans le secteur de la santé et des services sociaux, on aurait
là un terreau fertile pour déjà modifier la présomption de maladie
professionnelle.
Et ça, on peut faire le lien aussi sur le
règlement sur les maladies professionnelles que vous désirez instaurer. Nous,
on pense que ça serait peut-être mieux de le conserver en annexe à la loi, et
ça n'empêche pas de le bonifier rapidement, parce qu'il y avait déjà une
disposition à la loi. Et que la CSST ne l'ait pas utilisée, ça ne fait pas en
sorte qu'elle ne pourrait pas l'utiliser, ça prend juste une volonté expresse
de le faire. Et ça, bien, on peut, avec le comité scientifique que vous voulez
mettre en oeuvre, ajouter à l'annexe. Pourquoi la transformer en règlement quand
ce règlement-là va être restrictif? Restrictif, parce qu'on prend tous les
protocoles de la CSST, là, les protocoles administratifs qui sont renversés par
le tribunal administratif, habituellement, quand on y va en appel — là,
vous le savez, vous êtes un praticien — et là on vient les inclure à
la loi. Alors, ça va rendre la présomption de maladie professionnelle sur une
norme hors de tout doute plutôt qu'une norme de prépondérance de preuve.
Ça fait que là, on voit là peut-être
un glissement, quand on parle des maladies professionnelles, alors il
faudrait peut-être faire attention sur cette question-là. En tout cas, nous, tu
sais, on s'interroge sur cette mesure-là de le glisser en règlement.
• (16 h 50) •
M. Boulet :
Deux points, Jean-François. Un, sur les troubles de stress post-traumatique,
effectivement, j'ai vu, dans des juridictions où ils disaient : Il faut
que ça soit associé à un travail, mettons, de policier, d'ambulancier, de
gardien de prison, puis il y a d'autres juridictions où ils ont dit : On
ne l'associera pas à des métiers spécifiques, on
va laisser ça plus large. Et, tu sais, dans la littérature, on parlait de
l'OIT, là, Jacques en faisait référence, je pense que c'est l'approche qui est la plus libérale, ceci
dit entre guillemets, pour permettre qu'un trouble de stress post-traumatique
ne soit pas limitatif à certains métiers et professions. Ça, c'est le premier
point.
Deuxièmement, pour
votre bénéfice, Jean-François puis Jacques, je l'ai dit à d'autres, le comité
scientifique, là, dont on a parlé avec les intervenants précédents puis
d'autres, va nous permettre d'être guidés par le niveau d'évolution des
connaissances scientifiques et médicales et d'enrichir la liste des maladies
professionnelles présumées, et ça... Moi, j'ai l'intention de donner le mandat
rapidement à ce comité-là, dans la mesure où il est formé, d'analyser les
maladies de type psychologique en se basant sur le DSM-5, en se basant aussi...
un autre mandat qui va considérer la santé des femmes de façon plus spécifique.
Bon, on parlait de
l'évolution des organisations de travail, la tertiarisation de l'économie, les
secteurs de la santé. Jacques le disait, là, depuis 1979, 1985, il n'y a rien
que les groupes 1 et 2. À l'époque, c'étaient des jobs à forte
prépondérance masculine, puis les jobs à forte prépondérance féminine n'étaient
visés par aucun mécanisme de prévention puis de participation. C'est un des
volets fondamentaux dans notre projet de modernisation. Et il faut que le
comité scientifique puisse nous guider rapidement sur les incidences
particulières ou les risques particuliers que nous devons identifier, dont les
risques émergents. Jacques soulignait, là, l'importance des risques psychosociaux,
mais on a besoin d'être guidés, d'avoir des recommandations qui vont être mises
sur la place publique.
Puis,
en parlant des risques psychosociaux, Jacques, vous soulignez dans votre
rapport : «Le projet de loi inclut l'analyse des risques psychosociaux au programme de prévention.» Ce
avec quoi vous êtes d'accord. «Ce qui est une bonne chose en soi», que vous écrivez. «Toutefois, nous
aurions aimé y retrouver également l'analyse de l'organisation du
travail puisque celle-ci constitue un risque
qui a un impact sur la santé psychologique des travailleurs.» J'aimerais ça,
avoir des précisions sur l'organisation du travail, si c'est fardeau de
tâche, ratio, etc. J'ai aussi cette compréhension-là de la notion de risques psychosociaux, mais est-ce que,
Jacques, ça réfère spécifiquement à ça? Jacques ou Jean-François, là.
M.
Létourneau (Jacques) : Bien, je pourrais faire
30 secondes, puis Jean-François fera l'autre minute. Mais, tu sais, les Français appellent ça la pénibilité
du travail, là. C'est un beau grand terme, mais, en même temps, ça
traduit...
M. Boulet :
La quoi?
M.
Létourneau (Jacques) : La pénibilité du travail, hein,
donc...
M. Boulet :
Oui, c'est bon.
M.
Létourneau (Jacques) : Non, mais le fait qu'effectivement aujourd'hui
l'aliénation au travail ne passe plus par la
machine nécessairement, mais elle passe par un phénomène comme celui-là, santé
psychologique, la disparition des
temps sociaux, tiens, entre le travail et le non-travail, et toute la pression
psychologique que ça peut entraîner sur les travailleuses et travailleurs. Moi, j'ai toujours été un partisan de
l'organisation du travail, au sens où il faut casser — puis
ça existe encore malheureusement trop dans
plusieurs milieux de travail, notamment dans des ministères, alors que ça
relève de l'État — des
modèles très, très traditionnels d'organisation du travail, très hiérarchiques,
où, dans le fond, le travailleur puis la
travailleuse exécutent une fonction mais ne sont pas nécessairement mis à
contribution sur la façon d'organiser les services.
Et moi, je suis
fondamentalement convaincu que, si on ouvrait un chantier là-dessus, tant dans
le secteur privé que public, sur les questions d'organisation du travail, qu'on
mettait davantage à contribution les travailleuses et les travailleurs dans la
façon d'organiser le travail, que ça aurait un impact sur la santé et sécurité,
pas juste physique, mais la santé psychologique des gens. Jean-François,
peut-être? Ça va? O.K.
M. Boulet :
Totalement d'accord avec tes propos, Jacques. Deux autres sujets. Dans votre
mémoire, vous demandez de maintenir intégralement le rôle du Réseau de la santé
publique en santé au travail. Puis il y avait un consensus au Conseil
consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, dont tu es un membre très actif
et très apprécié, qui avait recommandé que les milieux de travail, tu sais,
toujours dans la philosophie de l'appropriation par les milieux de travail de
l'identification pour bien contrôler et éliminer les risques, d'abord, les
identifier, après ça, les contrôler et les éliminer, le CCTM avait recommandé
que les milieux de travail élaborent les programmes de santé, en s'adjoignant,
bien sûr... en demandant le support du réseau de la santé publique. Il y a-tu
une raison qui justifie clairement, Jacques, cet éloignement-là du consensus du
CCTM, qui t'est généralement très cher, là?
M. Létourneau
(Jacques) : Oui, bien, peut-être Jean-François?
M. Lapointe
(Jean-François) : Bien, en fait, quand on...
(Interruption)
Une voix :
...Ah oui, mon micro, il ne faut pas...
M. Lapointe (Jean-François) : En
fait, la problématique vient aussi que, quand on fait la lecture, à notre avis,
du projet de loi, c'est qu'on revoit l'introduction des médecins de compagnie.
Et c'est tout ce volet-là qui nous fait craindre, quand on regarde comment on
va définir les programmes de prévention. Et on voit une forme d'opacité aussi,
puis on le dit dans le mémoire, là, sur la question de l'information des
contaminants, bien, c'est l'employeur qui va avoir l'information, tu sais, ce
ne sera pas directement transmis au comité de santé et sécurité. Ça fait que c'est un peu cette dynamique-là. Puis, surtout,
c'est que le réseau de santé au travail, là, santé publique au travail,
bien, c'est des acteurs indépendants qui
sont extrêmement crédibles pour notre milieu. Puis, quand on regarde ça, on se
dit : C'est probablement les
meilleurs rapports qu'on a pour trouver nos problèmes de santé au travail et
bâtir des bons plans de qualité.
Et évidemment il y a un problème aussi au niveau
du recrutement, là, ça, on va se le dire, au niveau des médecins en santé au
travail, mais il faut développer la santé au travail, sinon, bien, je pense que
ça va aller vers les médecins d'entreprise. Qui vont faire quoi? Qui vont aussi
évaluer les travailleurs pour les contester dans le régime d'indemnisation, qui
vont potentiellement être les experts qui vont être invités dans les comités de
santé et sécurité. Alors, c'est là qu'on commence à trouver que ça...
La Présidente (Mme IsaBelle) : En
conclusion. Il ne reste que 30 secondes.
M. Boulet : Merci, Jean-François.
Mais il y avait quand même un consensus du CCTM, là, ce sur quoi on s'est basé
dans notre projet de loi, là, mais je comprends le commentaire. J'aurais
d'autres questions, sur le programme de maternité sans danger, et autres.
Jacques,
Jean-François, merci beaucoup. C'est une rencontre qui fait partie d'une série
de rencontres. Jacques, on se parle quand même de façon assez régulière,
on va continuer de le faire. Puis, encore une fois, pour moi, c'est important
de dire que vous êtes ici dans un esprit de collaboration et de construction.
Je pense qu'on a un grand bénéfice, au Québec, se donner un nouveau régime de
santé-sécurité. Merci, Jacques. Merci, Jean-François.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, nous poursuivons avec le député de Nelligan. Vous disposez de
11 minutes.
M. Derraji : Merci, Mme la Présidente.
Bonjour, M. Létourneau. Bonjour, M. Lapointe. Merci beaucoup pour
votre présence et la qualité de votre mémoire.
Je me disais, au début, c'est quoi le point en
commun qu'on peut avoir, moi et vous? Je viens de le trouver. Moi aussi,
j'étais préposé aux bénéficiaires. Donc, je suis allé dans un CHSLD, hein,
j'étais sur le terrain et je peux partager vos inquiétudes par rapport au
multiétablissement. Ça serait une erreur. Je vois mal comment et, dans une
ancienne vie, avant d'aller travailler comme préposé aux bénéficiaires, j'étais
en contact avec le secteur de la santé, notamment l'Hôpital Charles-Le Moyne,
où j'ai collaboré avec la pharmacie, le pharmacien en chef, la médecine
interne. Donc, vous avez raison quand vous avez évoqué le multiétablissement,
c'est une erreur, je ne vois... je vois mal comment ça sera opérationnel sur le
terrain.
Un autre point où je suis très d'accord avec
vous : oui, pour des comités de sécurité, un représentant de
santé-sécurité au travail, mais, si je remets les lunettes de la COVID, il faut
que l'employeur donne les masques, donne les visières, donne le matériel de
protection. Ce qui nous a manqué, quand j'étais sur le terrain,
M. Létourneau, pendant quelques jours, et je partageais ça avec vos
membres, membres de votre syndicat, c'est qu'ils me disaient : C'est
l'absence du matériel de protection. Donc, les gens se passaient parfois des
visières parce qu'il n'y avait pas assez de visières. Il y avait un manque
terrible au niveau des masques. Je ne parlais même pas des masques de
procédure, je ne parlais pas du N95, je parlais même... c'est les masques que
vous connaissez très bien, largement utilisés.
Donc, oui,
quand je vois une classification... Et j'ai aimé ce que vous avez dit dans la
page 12, parce que, juste avant
vous, il y avait le groupe de la santé publique, qui disait presque la même
chose : «Sur le plan de la méthodologie, nous croyons que l'appellation "niveau de risque" est pour le
moins trompeuse et peu scientifique.» Mais moi, à votre place, je vais même enlever le «peu», elle n'est pas du
tout scientifique, la classification des risques, et ça été confirmé par
le groupe avant vous, de santé publique, qui
disait que la logique derrière, c'est plutôt, et vous l'avez mentionné, la
culture d'indemnisation, hein, il faut se dire les vraies affaires. Est-ce
qu'on se base sur l'indemnisation? Bien, on parle de l'indemnisation. Si on
veut parler des risques, on fait fausse route, surtout que cette classification
cible les femmes.
Ma première question, M. Létourneau, quand vos
membres, ils ont vu, en pleine pandémie, que le gouvernement prépare un
projet de loi, et il cible leur secteur d'activité, et il met le niveau de
risque faible, comment ça a été, leur interprétation à cette classification?
• (17 heures) •
M. Létourneau
(Jacques) : Bien, je pourrais vous dire, essentiellement,
que... Parce qu'on pourrait faire une commission parlementaire uniquement sur
le réseau de la santé et des services sociaux, surtout dans le contexte de la
pandémie, puis on n'aurait peut-être pas assez de temps pour faire le tour des
enjeux, mais c'est certain que ce qui s'est produit le printemps dernier, et je
ne suis pas sûr que, cet automne, c'était nécessairement mieux, mais c'est une vraie honte, oui, bien sûr, pour les personnes
bénéficiaires en hébergement, mais pour les travailleuses et les
travailleurs, notamment dans les CHSLD. On a vu, là... Moi, je me rappelle d'un
premier ministre, en pleine conférence de presse, qui réalise qu'il n'y a pas
d'employeurs, qu'il n'y a pas de cadres dans les CHSLD, que l'organisation du
travail est complètement centralisée dans un centre intégré de santé et que les
gens sont laissés à eux-mêmes.
Alors, c'est sûr que...
excusez l'expression, là, mais l'écoeurite des gens, dans le réseau de la santé
et des services sociaux, jumelée avec les problèmes de santé et sécurité, les
décès... Parce que les décès sont survenus, malheureusement, notamment chez des
préposés aux bénéficiaires, avec des gens qui ont été très malades, qui
réclament des N95 parce que c'est des masques de procédure qui sont plus
sécuritaires que l'autre petit masque bleu que nous portons, puis qu'on fasse
la sourde oreille à cette demande-là... C'est clair que les gens trouvent ça
assez incroyable que d'entendre dire
aujourd'hui que le faible... que c'est un faible risque de travailler dans ces
établissements-là, là. Ça ne tient pas la route.
M. Derraji : Et,
M. Létourneau, je vous respecte beaucoup parce que vous êtes un homme de
terrain, et ce n'est pas pour vous flatter, parce que vous dites toujours les
vraies affaires. Et j'adore que des gens qui représentent des organisations
sérieuses nous ramènent sur la réalité, et ce que vous... Et moi, je veux
vraiment passer les 11 minutes que j'ai sur le niveau de risque. Moi, je
vois qu'on a un sérieux problème au niveau de la définition du risque. Vous
avez dit, entre les lignes : On doit attendre 2022, 2023, 2024. Moi, j'ai
des échos, mais vous pourrez plus élaborer pour le bénéfice de l'ensemble des
membres. Pourquoi on attend tant de temps?
M. Létourneau
(Jacques) : Non, je ne comprends pas...
(Interruption)
M. Létourneau (Jacques) :
Là, Jean-François, ton micro est ouvert. Parce que je veux lui passer la
parole, là. Mais, non, je ne comprends pas. Et moi, je vous le dis, là, si vous
voulez, demain matin, vous mettre à l'ouvrage dans le réseau de la santé et des
services sociaux, avec les syndicats, pour mettre en place des mesures, pas
pour dans quatre ans, là, là, là, en ce moment, pour mettre en place des
mécanismes puis des mesures pour mieux protéger les travailleurs, nous, on va
dire : Présent. Mais il y a Jean-François qui voulait un peu... parce
qu'il connaît bien le réseau de la santé aussi, là.
M. Lapointe (Jean-François) : Oui,
c'est assez simple. La question du niveau de risque, là, on pourrait tout
simplement ne pas avoir de niveau de risque et appliquer tout simplement la loi
au grand complet. Ce serait ce qui est le plus simple. Puis ce qui était
souhaité par notre organisation, c'est que l'ensemble des mécanismes soit
appliqué à tous les secteurs d'activité économique. Alors, ça, c'est le plus simple.
Évidemment, on fait la démonstration, dans le mémoire, comme plusieurs autres
l'ont fait avant nous et probablement d'autres le feront après nous, qu'il y a une forme de discrimination
qui s'insère pour les femmes, là, au niveau de la catégorisation du
risque.
M. Derraji : Bien, M. Lapointe,
moi, je vous seconde à 1 000 %.
Je peux même en rajouter. Je trouve anormal qu'il n'y a pas un ADS, il n'y a
pas d'ADS+, ça a été mentionné par des groupes de femmes mardi. Je suis aussi
outré que vous, je ne me gêne pas à dire les vraies affaires. Et,
M. Létourneau, vous l'avez très bien mentionné, si on veut, aujourd'hui,
appliquer ce qui se passe au niveau de la pandémie sur ce projet de loi, c'est
une honte. Parce que dire à nos professionnels de la santé que le niveau de
risque est faible, quel message on envoie à nos troupes qui sont sur le terrain
maintenant? Quel message on leur envoie? S'il vous plaît, corrigez-moi. Est-ce
que c'est rassurant ce que vous entendez aujourd'hui, qu'il y a un niveau de
risque au niveau de vos membres et qu'il est classé faible?
M.
Lapointe (Jean-François) :
Bien, peut-être vous répondre rapidement là-dessus, je pense que la
présentation de notre président était assez éloquente là-dessus. Pourquoi
commencer l'application des niveaux de risque à partir de 2023 et appliquer
immédiatement les modifications législatives aux victimes de lésions? Lorsque
le régime de prévention faillit, le régime de réparation doit être là pour les
victimes. Et là c'est un peu l'inverse qu'on se prépare à faire, le régime de
prévention va s'appliquer totalement en 2025, celui de réparation, des
diminutions de la réparation, ça va être immédiatement, les victimes et leur
famille vont payer plus. Alors, ça, c'est peut-être quelque chose qu'il
faudrait que vous, les parlementaires, vous... Et évidemment le projet de loi
est fait de bonne foi, mais ça, ça cause un problème pour les victimes de
lésion.
M. Derraji : Je vous comprends et je
me pose les mêmes questions que vous. Et, sérieux, je tiens à vous remercier,
parce que j'invite mes collègues parlementaires, si jamais ils n'ont pas eu le
temps de tout lire, mais, sérieux, la page 11, 12, 13 du mémoire de la
CSN, c'est à lire et même à encadrer. Tout est là. Tout est là. Parfait. Et je
tiens à féliciter les gens de votre groupe qui ont travaillé sur l'argumentaire
très détaillé en bas de page. C'est des références, ce n'est pas de la matière
grise, c'est des recherches scientifiques faites par des professionnels.
Vous avez évoqué un point extrêmement important,
il n'y a aucune méthode de révision des niveaux de risque prévue au projet de
loi :«Pourquoi aucun facteur probant de prévention n'est-il considéré dans
l'établissement du niveau de risque? Un élément majeur doit être aussi mis en
lumière, il n'y a aucune méthode de révision des niveaux de risque prévue [dans
ce] projet de loi.» Avez-vous quelque chose... d'ajouter, dans... par rapport à
cette partie ou à la clarifier?
M. Lapointe
(Jean-François) : Bien, très rapidement, les secteurs prioritaires, actuellement,
ils ont eu une bonne performance. Plusieurs se retrouvent à risque faible. Est-ce
qu'on va voir, dans les prochaines années, le démantèlement de la santé et
sécurité et de la prévention chez... dans ces secteurs-là? Et, si c'est le cas,
et c'est notre appréhension, on aura une hausse du taux
de lésions chez ces secteurs-là, qui avaient bien performé en santé et sécurité, et on n'a aucune méthode de révision
pour les protéger à nouveau. Alors, ça, c'est un des problèmes
qu'on y voit, surtout pour nos groupes prioritaires.
M.
Derraji : M. Lapointe, M.
Létourneau, je tiens à vous dire maintenant : Merci
beaucoup. Et,
M. Létourneau, gardez en tête que, dans une autre vie, si je n'étais pas
député, probablement, je vais être membre, en tant que PAB, de votre organisation.
M.
Létourneau (Jacques) : Ah! ça fait plaisir, ça fait plaisir.
M. Derraji :
Merci beaucoup pour la qualité de votre mémoire, et on va continuer l'étude de
ce projet de loi rendu à l'étape article par article. Donc, merci pour votre contribution.
La
Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Nous poursuivons maintenant avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous disposez de
2 min 45 s.
M. Leduc :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Létourneau, M. Lapointe. D'abord,
félicitations pour votre réélection, M. Létourneau. Félicitations aussi
pour la tenue d'un congrès syndical virtuel. Ce n'est pas banal, des centaines
de délégués, j'imagine, alors toute une prouesse technique, j'imagine.
Sur le fond du projet
de loi qui est devant nous, on a critiqué abondamment la question du niveau de
risque, là, qui me semble être un échafaudage assez boiteux qui nous a été
présenté. Est-ce que c'est un mauvais... C'est comme un mauvais rappel d'un
mauvais souvenir des fusions dans le milieu de la santé. C'est-tu comme une deuxième
vague, un deuxième coup de marteau avec les fameuses fusions?
M.
Létourneau (Jacques) : Bien, c'est clair que l'approche qui est
utilisée s'appuie sur la réalité actuelle sur le plan de l'organisation des
services. Et, dans ce sens-là, si... Ça, c'est le bilan qu'on en a fait et
qu'on fait toujours, surtout dans le
contexte de la pandémie, que cette réforme-là a été un échec monumental.
D'ailleurs, je ne comprends pas que
le gouvernement actuel n'est pas en train de réfléchir à rebâtir le réseau de
la santé et des services sociaux sur d'autres bases, pour redonner aux
centres jeunesse, aux CHSLD toute leur autonomie en termes d'organisation de
services.
Moi, je pense que,
quand on nous présente un projet de loi comme celui-là, où on nous dit :
Non seulement on va peut-être faire du
multiétablissement imposé, puis qu'il va y avoir des niveaux de risque
différents d'un établissement à l'autre, ça, malheureusement, ça
n'envoie pas nécessairement un bon signal aux travailleuses puis aux
travailleurs du réseau de la santé, là, qui sont pris en pleine pandémie. Donc,
vous avez raison, là. Peut-être, Jean-François...
• (17 h 10) •
M. Lapointe
(Jean-François) : Puis on peut peut-être parler... En parlant du
réseau de la santé, ce qui est intéressant, c'est un des plus gros employeurs
au Québec. Ça, il faut se le dire. Et c'est un des employeurs qui bénéficie
largement de la judiciarisation, parce qu'il conteste énormément en plus.
Alors, il va se retrouver beaucoup à risque faible, et c'est lui qui participe énormément
à la judiciarisation, médicalisation des dossiers, ce qui fait en sorte qu'on
fracasse presque 40 000 contestations,
dans le Tribunal administratif du travail, cette année, en 2020. Alors, tu
sais, il faut penser à ça aussi pour travailler sur la déjudiciarisation et sur
le financement du régime. Et ça, il y a des efforts qui ont été faits, dans le projet
de loi, et il faudra faire plus d'efforts sur le financement, parce que c'est
la pierre angulaire, des contestations d'employeurs et la perte des droits des
victimes, qui n'investissent pas, en plus, les employeurs, par la suite, en
prévention dans les mécanismes.
M. Leduc :
Vous avez bien dit 40 000 contestations?
M. Lapointe (Jean-François) : Bien, aux dernières nouvelles, on oscillait entre
30 000 et 40 000 contestations
dans le Tribunal administratif du travail. Puis il faut se dire qu'en 1998, quand la Commission des lésions professionnelles a
été créée, à ma mémoire, là, puis c'est un peu le flou, mais on était autour de
15 000. Alors, il y
a une augmentation faramineuse des contestations, mais, quand on parle du BEM,
bien là, on plafonne, là, on cartonne, on est dans les 10 000 contestations au
BEM, contestations médicales.
M. Leduc :
Alors, ce n'est pas un sujet qui va s'améliorer avec le projet de loi, ça
risque de s'empirer, la judiciarisation.
M. Lapointe
(Jean-François) : Tout à fait.
M. Leduc :
Merci. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Merci. Alors, nous poursuivons avec le député de Bonaventure.
Vous disposez vous aussi de 2 min 45 s.
M. Roy :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, MM. Lapointe et Létourneau. Pour faire
suite à mon collègue, est-ce que le chiffre
de 200, 300 millions en coûts de contestations annuelles est un chiffre
qui... On parle d'à peu près 5 000 $ par
contestation, vous parlez de 20 000 contestations
à 40 000 par année.
On est-tu dans les bons chiffres?
M. Lapointe
(Jean-François) : On est pas mal dans cette zone-là, là.
M. Roy : Donc, si cet
argent-là était investi en prévention, on ferait des gains significatifs en
matière de santé et de sécurité.
M. Létourneau, vous avez soulevé un enjeu tout à
l'heure, j'ai posé la question à la fédération des infirmières du
Québec avant-hier ou hier, je ne me souviens pas, sur l'émergence des problèmes
de santé mentale associés au climat de plus en plus toxique du milieu de
travail. Je sais que vous ne vouliez pas revenir sur la réforme Barrette, mais il n'en demeure pas moins que, moi, par
exemple, chez nous, on m'a signalé de nombreux cas d'intimidation, de muselage, de sanctions chez les professionnels qui
n'en pouvaient plus, burn-out. Donc, vous soutenez que ça prend un chantier pour repenser l'organisation du travail. J'aimerais vous entendre encore pour les secondes
qui me restent là-dessus, là.
M. Létourneau (Jacques) :
Oui, définitivement. Moi, je proviens, comme je l'ai dit tantôt, d'un syndicat
du réseau de la santé et services sociaux, qui, dans les années 90, disait
déjà : Il faut revoir le modèle d'organisation du travail dans le réseau. Parce que, déjà, à l'époque, il y avait des
problématiques de ce genre. Alors, ce phénomène-là s'est amplifié avec
l'alourdissement des tâches, parce que le réseau a été tellement chambardé par
toutes les politiques d'austérité que...
C'est clair que l'autoritarisme des équipes de
gestion, la façon dont est géré le travail, dans le réseau de la santé et des
services sociaux, tout comme dans certains secteurs de l'éducation, ça fait en
sorte que c'est un petit peu gênant, là, quand on sait que c'est l'État, quand
même, là, qui a la responsabilité, notamment du ministère de la Santé et des
Services sociaux, alors qu'il y a des employeurs, dans le secteur privé,
notamment, qui ont mis de l'avant des modèles d'organisation du travail
beaucoup plus modernes. C'est incroyable de dire ça, en 2021, là, que, dans le
secteur privé, on a peut-être fait des avancées en matière d'organisation du
travail, qu'on est passés à une autre philosophie d'organisation du travail que
dans le réseau de la santé ou dans le secteur public, où on a un modèle extrêmement
hiérarchisé.
Je vais vous dire, le ministre appelle au
télétravail. J'ai fait des entrevues, la semaine passée, là-dessus. Ça
m'appelait le lendemain, les gens, dans le réseau, ils ont dit : Bien,
dans le réseau de la santé, ils nous forcent à rentrer travailler, puis c'est
le ministère de la Santé puis le ministre que... Puis nous, on l'appuie, le
ministre, là, dans cette idée-là du télétravail, mais on s'aperçoit, à côté,
que, dans les...
La Présidente (Mme IsaBelle) : En
conclusion, en conclusion.
M. Létourneau (Jacques) : Bien, voilà, c'est ça que je voulais passer comme message. Je
trouvais que ça se plaçait bien. Parce que moi, j'ai appuyé le ministre sur la
question du télétravail, mais, quand mes membres viennent me dire : Bien oui, mais Jacques, ils ne
l'appliquent même pas au ministère de la Santé, ils ont mis en place, tu sais,
des...
La Présidente (Mme IsaBelle) : Très
bien.
M. Létourneau (Jacques) :
Alors, voilà.
La Présidente (Mme IsaBelle) : C'est
tout le temps...
M. Roy : En conclusion, on
m'a fait part, moi aussi, de ce genre de chose là. Merci beaucoup, messieurs.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci, M. Létourneau, merci, M. Lapointe, pour votre
intervention et votre contribution à la commission. C'est très apprécié.
Alors, nous suspendons, pour quelques instants,
la commission, pour mieux accueillir le prochain groupe. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 14)
(Reprise à 17 h 20)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, nous reprenons les travaux. Je souhaite maintenant la bienvenue à
M. Patry et à Mme Baillargeon, qui sont des spécialistes en médecine
du travail au CHUM. Alors, nous cédons maintenant la parole à vous pour pouvoir
présenter votre exposé.
M. Louis Patry et Mme Martine Baillargeon
M. Patry (Louis) : Alors, bonjour. M.
le ministre, Mme la Présidente de la Commission de l'économie et du travail, Mmes
et MM. les députés, membres de la commission, je suis le Dr Louis Patry et je
suis accompagné du Dre Martine Baillargeon. Nous sommes tous les deux médecins
spécialistes en médecine du travail et ergonomes. Nous pratiquons la médecine
du travail au Centre hospitalier de l'Université de Montréal. Je suis également
directeur du programme de spécialité en médecine du travail à l'Université de
Montréal, et Dre Baillargeon y est responsable de
l'enseignement aux étudiants en médecine. Nous représentons un groupe de
médecins spécialistes en médecine du travail, enseignants, cliniciens et
médecins responsables. Dre Baillargeon prononcera l'allocution, et il nous
fera plaisir, par la suite, de répondre à vos questions. Alors, je laisse la
parole au Dre Baillargeon.
Mme Baillargeon (Martine) : Bonjour.
Alors, nous tenons à vous remercier de nous donner l'occasion de présenter nos
commentaires concernant le projet de loi n° 59 traitant de la
modernisation du régime de santé et de sécurité du travail au Québec.
Tout d'abord, nous aimerions saluer la volonté
du législateur d'élargir l'accès aux mesures de prévention à l'ensemble des
secteurs d'activité et à des groupes de travailleurs auparavant non couverts,
de renforcer le rôle du comité de santé et de sécurité dans les établissements,
de reconnaître spécifiquement les risques psychosociaux et de considérer la
création de comités scientifiques.
Néanmoins, nous avons certaines préoccupations
concernant ce projet de loi. La santé des travailleurs est essentielle à la
santé des entreprises et au maintien de nos services publics, particulièrement
en cette période de pénurie de
main-d'oeuvre. La protection de la santé des travailleurs doit donc demeurer
l'objectif central de cette réforme.
Dans le cadre de cette allocution, nous avons dû
faire des choix, étant donné le temps limité, alors nous vous partagerons
certains enjeux et nos préoccupations en tant que médecins cliniciens et
responsables d'enseignement en médecine du travail. D'entrée de jeu, il importe
de rappeler que la plupart des maladies liées au travail, si elles sont
identifiées précocement et des mesures de prévention mises en place, peuvent
être prévenues ou, à tout le moins, leurs
conséquences atténuées. Dans le cas contraire, l'évolution sera le plus souvent
vers une maladie chronique et une désinsertion
professionnelle. L'identification précoce des symptômes ou des signes d'une
maladie servent non seulement à éviter une lésion professionnelle, mais
permettent de reconnaître précocement des problématiques en émergence, conséquences d'un risque non encore identifié ou
témoins d'un problème dans l'application des modalités préventives.
La réussite d'une approche orientée sur la
prévention doit reposer sur une collaboration étroite entre les divers acteurs,
ceux du milieu de travail, soit les travailleurs et l'employeur, les
intervenants en santé au travail, soit les hygiénistes, techniciens en hygiène,
ergonomes, infirmières et médecins, ainsi que sur la collaboration des
professionnels de la santé agissant au niveau clinique. Ceci est également
important lors de la réintégration du travailleur
dans son milieu de travail. C'est d'ailleurs l'approche recommandée, à maintes
reprises, par l'Organisation mondiale de la santé et l'Organisation
internationale du travail.
De plus, il est essentiel que ce type
d'intervention s'appuie sur les connaissances scientifiques, les meilleures pratiques décrites dans la littérature, le respect
des règles d'éthique et de confidentialité ainsi que sur les compétences
d'intervenants bien formés et en mesure de conseiller en toute indépendance
professionnelle.
Ceci nous amène à discuter du rôle dévolu aux
médecins dans le régime québécois de santé et sécurité. En effet, ils occupent
un rôle central, entre autres, dans l'identification des atteintes à la santé
en lien avec le travail, le diagnostic et la prise en charge de lésions
professionnelles, l'évaluation de l'aptitude médicale à faire un travail et
dans le retour au travail. Ce sont les médecins traitants qui connaissent le
mieux l'état de santé de leurs patients et qui sont les mieux placés pour
évaluer, entre autres, si ce travailleur est en mesure de reprendre son travail
et à quelles conditions.
Pour bien remplir ce rôle, ils doivent pouvoir
compter sur des médecins spécialistes en médecine du travail pour les soutenir
dans l'évaluation des cas complexes. Or, il existe peu de médecins spécialistes
dans cette discipline en mesure d'assurer ce soutien clinique. Bien que la
spécialité en médecine du travail soit reconnue au Québec depuis 2011, il
n'y a toujours pas de postes qui ont été attribués à cette spécialité, au plan
des effectifs médicaux, et ce, malgré des efforts soutenus et des
représentations formelles auprès du ministère de la Santé en 2015
et 2019. Il est donc impossible de former une relève. La situation
actuelle a atteint un niveau critique, et il sera bientôt difficile d'assurer
l'enseignement aux résidents et aux étudiants en médecine.
Dans un autre
ordre d'idée, pour les travailleurs qui, malheureusement, développent une
maladie professionnelle, nous croyons que l'accès à l'indemnisation doit
être facile. Or, certaines des propositions du projet de loi concernant la mise
à jour de la liste des maladies professionnelles ne facilitent pas cet accès,
entre autres en ajoutant des conditions qui restreignent son application.
Lorsque la présomption ne s'applique pas, les travailleurs ont un fardeau de
preuve très important pour voir leurs lésions reconnues. Cette situation
retarde souvent l'admissibilité et, par conséquent, la prise en charge de la
lésion professionnelle, la mise en place des mesures de prévention et
occasionne un stress important chez les travailleurs. C'est également le cas
pour les travailleurs atteints de lésions pulmonaires qui doivent être évalués
par deux comités distincts et subir de nombreux tests.
De plus, la
judiciarisation croissante du processus de réparation des lésions
professionnelles est particulièrement préoccupante. Le recours de plus
en plus fréquent aux mécanismes de contestation des avis médicaux a engendré un
climat de méfiance et de confrontation contraire à la collaboration nécessaire
pour une prise en charge adéquate des problèmes de santé et un retour prompt et
sécuritaire au travail. Le Québec est la province canadienne qui compte, et de
loin, le plus grand nombre de dossiers qui se règlent devant les tribunaux.
Ceci a un effet important sur la santé mentale des travailleurs qui, déjà
inquiets en ce qui a trait à leur état de santé, leur situation financière et
leur peur de ne plus pouvoir exercer leur métier, se voient pris dans un
processus de contestation souvent long et sur lequel ils n'ont aucun contrôle.
Se surajoute alors à la lésion initiale une détresse psychologique. La voie est
toute tracée pour une chronicisation et une désinsertion professionnelle.
Cette situation a aussi des conséquences
négatives sur la pratique médicale, puisque certains médecins ont des
réticences à prendre en charge un travailleur en raison, entre autres, de la
lourdeur administrative du processus et des difficultés dans le suivi de leur
patient.
En conclusion, pour
protéger la santé des travailleurs et les réintégrer dans leur milieu de
travail aussi rapidement que leur état de santé le permet, il est essentiel
d'identifier précocement les atteintes à la santé, de s'assurer d'une collaboration de tous les intervenants, d'éviter les approches
en silo, de faciliter l'accès des travailleurs à la réparation et
d'inclure les médecins traitants dans le processus. De plus, ces médecins
doivent pouvoir avoir accès à des services cliniques spécialisés en médecine du
travail pour les soutenir.
Il est par ailleurs essentiel d'identifier les
causes de la judiciarisation croissante des dossiers et de s'assurer de la
formation et de l'indépendance professionnelle de tous les médecins qui
interviennent auprès des travailleurs. À notre avis, imposer des délais plus
courts pour le traitement des dossiers au Bureau d'évaluation médicale ne réglera
pas la situation.
Sachant que la santé des travailleurs est une
condition indispensable à la productivité et au développement économique, et
face à des changements majeurs dans le monde du travail, que ce soit au niveau technologique,
de l'organisation du travail, des
changements démographiques et aux enjeux engendrés par les changements
climatiques, il est particulièrement important que notre régime de santé et de
sécurité au travail et que tous les intervenants qui interviennent dans ce domaine travaillent activement et en collaboration
pour bien protéger la santé des travailleurs. Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Merci pour votre exposé. Nous commençons donc maintenant la période
d'échange avec M. le ministre. M. le ministre, vous disposez de
16 min 30 s.
M. Boulet : Merci, Mme la
Présidente. Merci, Dr Patry, et merci, Dre Baillargeon, de votre
contribution aux travaux de la commission parlementaire pour un projet de loi
qui est particulièrement important pour la santé des travailleurs et des travailleuses et pour le bénéfice, évidemment, des
environnements de travail. Puis, Dre Baillargeon, je suis assez
d'accord avec à peu près tout ce que vous mentionnez, notamment sur
l'importance de diminuer les risques de chronicisation, puis ça passe par un
retour prompt au travail.
Et il y a plusieurs mesures dans notre projet de
loi qui vont faciliter un retour au travail diligent, en permettant, par
exemple, l'accès à des mesures de réadaptation avant que la lésion soit
consolidée avec atteinte permanente, un meilleur encadrement de l'année, qui
est une période où le travailleur doit rechercher un emploi et période pendant
laquelle il reçoit une indemnité de remplacement de revenus.
J'aimerais ça, peut-être, vous poser des
questions un petit peu plus générales, Dre Baillargeon, juste que vous me
disiez... Parce que vous avez fait référence, bien sûr, aux risques
psychosociaux, là, puis on va en reparler tout à l'heure. Mais où vous me
diriez qu'on est rendus en médecine du travail, au Québec, en ce qui concerne
l'identification ou la nature des risques psychosociaux au travail?
• (17 h 30) •
M. Patry (Louis) : Je pense que je
peux essayer de répondre effectivement à cette question. Concernant les risques psychosociaux, je pense qu'il faut effectivement intervenir pour
être capable de détecter précocement une certaine manifestation relative
aux atteintes qui affectent la santé mentale. Je pense qu'il faut effectivement
avoir en place, dans les entreprises, certains critères, une certaine
collaboration avec des personnes pour être capable de détecter précocement
les manifestations affectant la santé mentale. Si on attend qu'une maladie soit
manifeste, je pense qu'il est trop tard.
Alors, il y a énormément de signes qui sont
présents, qui sont préliminaires à l'installation d'une pathologie, et je pense que c'est à ce niveau-là qu'il faut
agir, parce que, sinon, il va être effectivement assez tard pour
intervenir.
M. Boulet : D'accord.
Mme Baillargeon (Martine) : Si je
peux rajouter quelque chose, en fait, on a de nombreux groupes de recherches au
Québec. Nous avons la chance, au Québec, d'avoir des chercheurs d'une qualité
internationale et... dont des chercheurs pour les risques psychosociaux. Je
peux penser à plusieurs personnes qui ont développé une expertise particulière
dans l'identification des risques et qui ont développé, également, des outils
pour soutenir les milieux de travail. Alors, je pense que, si on se met,
effectivement, tous ensemble à collaborer... c'est un enjeu important et pas
facile, mais je pense qu'on peut y arriver.
M. Boulet : Merci, docteure. Bon,
vous dites à un moment donné dans une de vos recommandations que le comité scientifique, là, qui va nous guider, là...
parce qu'essentiellement notre
volonté c'est d'être guidé par l'évolution des connaissances
scientifiques et médicales dans l'identification des maladies professionnelles
qui bénéficient d'une présomption, je vais reparler de la présomption,
docteure, juste pour... parce que vous en avez parlé, mais ce comité
scientifique là, vous dites qu'il devrait ne pas avoir de contrainte. À quoi
vous référez plus particulièrement? Vous voulez qu'il ait les coudées
totalement franches ou... Y a-tu une explication particulière à ce que vous mentionnez?
Mme
Baillargeon (Martine) : En
fait, je crois que c'était surtout pour mettre en lumière l'importance que
les recommandations soient faites en toute indépendance professionnelle. Je
pense que c'était davantage dans ce sens-là.
M. Boulet : D'accord.
Mme Baillargeon (Martine) : Et, dans
ce sens-là, je pense qu'il serait important de considérer que les avis soient
donnés directement au ministre du Travail pour éviter qu'il y ait toute forme
de pression pour arriver à des conclusions qui sont autres que scientifiques.
M.
Boulet : C'est un excellent point, Dre Baillargeon. Et
évidemment, je suis d'accord, il faut que ce soit totalement indépendant,
objectif et neutre. Puis on prévoit, dans le projet de loi, que c'est remis au ministre
du Travail et que ça doit en plus être rendu public. Donc, ce n'est pas... ça
ne sera pas mis sur des tablettes, ce sera rendu public. Et j'ai exprimé
l'intention, Dr Patry, Dre Baillargeon, de donner des mandats, cependant,
spécifiques à ce comité de scientifiques là, parce qu'on a parlé beaucoup de
tertiarisation de l'économie, beaucoup de l'évolution des organisations de
travail, de la place de plus en plus prépondérante des femmes dans les milieux
de travail, donc voir rapidement s'il y a des maladies spécifiques de nature
psychologique qui intéressent la santé des femmes, donc émettre des avis, se
pencher sur la littérature internationale en semblables matières.
Puis un autre mandat
qui concerne les maladies de nature plus psychologique, là, on parle des
troubles d'adaptation, les dépressions, on les voit beaucoup, on a ajouté dans
la liste, en l'actualisant, les troubles de stress post-traumatique, parce que
la plupart des lésions de nature psychologique qui font l'objet de réclamations
à la CNESST découlent de troubles de stress post-traumatique. Donc, ce comité
de scientifiques là, pour moi, il va constituer une pierre angulaire dans la mise
à jour de la liste des maladies professionnelles présumées.
La présomption,
docteur, vous dites : C'est important parce que, si la présomption ne
s'applique pas, le chemin est beaucoup plus difficile. Mais c'est sûr que, si
c'est, par exemple... puis je prends souvent l'exemple assez simple, hein, une
présomption, c'est, mettons, si c'est une lésion musculosquelettique, si c'est
une bursite, une tendinite ou une ténosynovite, si c'est associé à un travail
qui implique des gestes répétitifs sur une période de temps prolongée, si tu as
la preuve des deux, il y a une présomption. Mais, même dans des cas où la
présomption ne s'applique pas, le travailleur ou la travailleuse peut quand
même faire une réclamation, mais il y a un fardeau de preuve, puis je pense que
vous le soulignez très bien, il doit démontrer qu'il y a un lien de causalité
entre son travail et le diagnostic posé par le médecin traitant. Si c'est un
accident de travail puis si c'est une maladie professionnelle, bien, il doit
faire la preuve que c'est caractéristique du travail ou relié aux risques
particuliers de son travail. Ça fait que c'est sûr que ça impose... C'est pour
ça qu'actuellement, là, l'annexe, Dre Baillargeon, il est là depuis 1985, puis
il a évolué zéro, alors qu'il y a une actualisation qui est faite, puis on veut
que cette liste-là soit évolutive et que ça se fasse rapidement puis de façon
concomitante aux connaissances scientifiques et médicales.
Judiciarisation. Dre
Baillargeon, là aussi, on est totalement d'accord. Puis je veux juste vous
rappeler que, dans le projet de loi, on permet d'escamoter une des étapes pour
diminuer la judiciarisation, donc, à une personne qui conteste, que ce soit un
travailleur ou un employeur, de ne pas aller en révision administrative, mais
d'aller directement au Tribunal administratif du travail, notamment quand c'est
une question de nature médicale ou une question de financement. Donc, ce sera,
à mon avis, une ouverture ou un pas en avant vers une beaucoup plus grande
judiciarisation. Et j'oserais ajouter qu'il va falloir raffermir aussi nos mécanismes
d'alternatives de résolution de disputes, là — je réfère à la conciliation,
à la médiation — pour
permettre aux partis de trouver des terrains d'entente avec les médecins en
charge des travailleurs de façon à diminuer les délais, parce que les délais,
vous le mentionnez bien, les délais chronicisent, les délais augmentent les
risques de développer des maladies chroniques. Moi, ça m'apparaît aussi
extrêmement important de le souligner.
Enfin, vous faites
référence à la confiance accordée ou qui doit être accordée au médecin qui a
charge du travailleur dans notre régime et
vous proposez qu'il soit mieux soutenu dans l'évaluation des lésions
professionnelles. Est-ce que je peux vous permettre de développer un peu à ce
sujet-là, Drs Patry ou Baillargeon?
M. Patry
(Louis) : Je vais effectivement développer quelques... apporter
quelques précisions concernant toute la question de corridors de services. Vous
savez, on a travaillé excessivement fort depuis plusieurs années à faire en
sorte que les médecins soient soutenus au niveau du diagnostic. Vous savez
comme moi que l'enseignement au niveau de la médecine du travail au niveau
universitaire, il est déficient, d'une part...
M. Boulet :
C'est vrai.
M. Patry
(Louis) : ...et, d'autre part, les médecins ont peu accès à des... à
ce que j'appelle... à des services cliniques pour les soutenir dans leur
diagnostic et la prise en charge de travailleurs, et ceci amène parfois un
certain désintéressement de la part de
certains médecins à s'occuper et à prendre en charge des travailleurs. Cette
situation-là est effectivement très
préoccupante. Pour bien y parvenir, d'avoir un système qui soit opérationnel,
il faut effectivement essayer d'avoir un réseau de cliniques en médecine
du travail où les médecins pourraient s'y référer, et probablement pas
uniquement juste les médecins, mais toute organisation qui aurait besoin
d'avoir un support pour faire en sorte... pour avoir des précisions, ou des
informations, ou encore sur les précisions de lien de causalité.
La difficulté qu'on
rencontre souvent en médecine du travail n'a pas nécessairement à être une
question de diagnostic, mais c'est une appréciation de causalité, et il faut
s'assurer que tous les médecins qui émettent des avis aient les connaissances
et les compétences nécessaires pour se prononcer sur la santé de quelqu'un et
d'émettre une opinion sur le lien de causalité. Je pense qu'on a énormément à
faire de ce côté pour faire en sorte qu'on puisse avoir un réseau adéquat pour soutenir les médecins dans l'évaluation. Je pense que ça contribuerait certainement à diminuer les coûts reliés à la prise en
charge des lésions professionnelles.
• (17 h 40) •
M. Boulet :
Ah! vous avez totalement raison. Puis ça me rappelle des cas où j'ai travaillé
avant de faire de la politique. Quand on prépare des témoins experts qui sont
des médecins, là, en santé et sécurité du travail, il y a un exercice
pédagogique à faire pour que tout le monde soit à niveau pour les critères
retenus en jurisprudence sur le principe du lien de causalité, là, entre un
travail et un diagnostic. Puis parfois il y a des nuances qui requièrent beaucoup
de transferts d'information. Je vous comprends très bien sur ce sujet-là, Dr
Patry. Écoutez...
Mme Baillargeon
(Martine) : Est-ce que je peux me permettre juste d'ajouter une petite
chose? C'est qu'en Ontario il y a un réseau de cliniques, il y a sept
cliniques, en fait, qui dépendent directement du ministère du Travail, sept
réseaux de cliniques spécialisées en médecine du travail qui sont là justement
pour fournir ce genre de service là. Alors, ici, au Québec, à l'heure actuelle,
on est en retard de ce côté-là. Et nous, on pense que ça peut être une des clés
du succès.
M. Boulet : Ah! bien, c'est intéressant,
Dr Baillargeon. C'est une information que je ne connaissais pas, puis on pourra
en rediscuter. J'aimerais ça, que vous m'alimentiez un peu sur le point que
vous venez de soulever.
Merci beaucoup, en conclusion. Merci, Dr Patry,
merci, Dr Baillargeon. Hyperapprécié. Puis je réalise qu'on a la même
compréhension, là, sur le chemin à parcourir pour faire du Québec ce qu'on
appelle parfois une société qui est avant-gardiste, là, qui comprend bien
l'importance de la prévention en santé et sécurité et l'incidence d'une
médecine du travail bien développée, là, pour répondre aux besoins de tous les
environnements qui sont devenus de plus en plus sophistiqués. Merci beaucoup
puis au plaisir de se reparler bientôt. Au revoir.
M. Patry (Louis) : Avec plaisir.
Merci beaucoup.
Mme Baillargeon (Martine) :
...plaisir.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, maintenant, nous poursuivons avec le député de Nelligan. Vous
disposez de 11 minutes.
M. Derraji : Dr Patry et Dr
Baillargeon, merci beaucoup. Quel excellent rapport. Je tiens à vous remercier
et j'invite aussi les membres de la commission à garder votre rapport très,
très précieusement parce qu'on en aura besoin lors de l'étude article par
article.
Je n'ai que 11 minutes. Je vais y aller en
rafale parce que j'ai tellement, mais tellement de questions. Je vais commencer
par une première d'ordre général. Sentez-vous qu'à la lumière de ce projet de
loi la médecine du travail va jouer un rôle important ou vous sentez qu'encore
une fois quelque chose qu'on ne comprend pas encore au Québec, c'est votre
rôle?
M. Patry (Louis) : Je répondrais
d'abord en partie à cette question-là. Je pense que le rôle du médecin du
travail est plus ou moins bien compris et je pense, comme on le voit dans plusieurs
lois, il joue un rôle central. On ne peut l'ignorer dans tout changement qu'on
va apporter. À la fois pour l'évaluation des personnes et à la fois pour
faciliter le retour au travail, c'est un élément excessivement important, et entre
autres pour détecter précocement les manifestations à la santé chez certaines personnes avant même
que les lésions soient manifestes. Et à
ce moment-là on va pouvoir, effectivement, faire en sorte qu'on ait une
meilleure interaction aussi avec les différents milieux de travail.
Mme Baillargeon (Martine) : Je
pourrais peut-être ajouter un point quand même qui est important. C'est que,
depuis 2011, en fait, on essaie d'avoir des postes au plan des effectifs
médicaux pour être en mesure de former une relève. Alors, nous sommes de moins
en moins nombreux comme spécialistes en médecine du travail, de plus en plus
près de la retraite, et bientôt nous ne serons plus en mesure, justement, comme
je l'ai dit, d'assurer ces fonctions. Donc, c'est urgent d'intervenir auprès du
ministre de la Santé et de lui faire part, en fait, de l'importance des
spécialistes en médecine du travail.
M. Derraji :
Je tiens à vous rassurer que le suivi sera fait auprès de ma collègue parce que
c'est très inquiétant, surtout perdre l'expertise que vous avez entre
vos mains.
Je vais aller
très rapidement aux points que j'ai soulevés. Premier point, la liste des
maladies professionnelles. Vous avez soulevé, non conforme aux
connaissances scientifiques actuelles, l'exemple du plomb, l'exemple du trouble
musculosquelettique. Ça induit de la discrimination. Vous parlez du cancer chez
les pompiers, une maladie devrait être liée à un risque et non à un métier.
Parlez-moi du plomb, s'il vous plaît.
M. Patry (Louis) : Je peux
commencer. En ce qui concerne le plomb, en fait, il y a une condition qui est
émise, en fait, dans la liste des maladies professionnelles pour une question
de 700 milligrammes par litre, qui est une valeur, effectivement, qui
n'est plus appliquée, qui n'est plus applicable. Les conditions actuelles...
c'est-à-dire que les connaissances actuelles
scientifiques mettent des valeurs qui sont beaucoup plus basses, parce que, si
on attend pour mettre des valeurs comme ça, c'est qu'on sait très bien
que le plomb, l'exposition au plomb, peut donner des manifestations à la fois neurologiques, neurologiques périphériques et
centrales. Je pense qu'il est excessivement important de pouvoir agir à
des niveaux plus bas. Il faut faire ces distinctions d'une manifestation et un
niveau de plomb dans le sang.
M. Derraji : Mais comment vous
expliquez que les personnes qui ont rédigé le projet de loi se sont basées sur
cette valeur? Est-ce qu'on vous a appelé? Est-ce qu'on vous a impliqué pour
mettre à jour cette valeur?
M. Patry (Louis) : Je dois vous dire
qu'en ce qui me concerne je n'ai pas été consulté et je ne sais pas qui a
travaillé, en fait, à élaborer ces conditions à mettre dans la liste des
maladies professionnelles.
M. Derraji :
C'est toujours inquiétant. J'ai toujours été... Dans toute ma vie, on m'a dit
de faire attention par rapport au plomb. Bien, là, ce que vous soulevez, c'est
un énorme drapeau rouge. Parlez-moi de l'induit de la discrimination, très rapidement.
Vous parlez du cancer chez les pompiers. On a eu l'exemple au début.
M. Patry (Louis) : Martine... Dre
Baillargeon. Je vais laisser...
Mme Baillargeon (Martine) : Oui. En
fait, on trouve qu'il y a une pente glissante, effectivement, vers de la
discrimination lorsqu'on favorise certains groupes de travailleurs par rapport
à d'autres. Et ce n'est pas pour enlever, en fait, ce que les pompiers ont si
durement acquis au fil des années, mais il y a des groupes de travailleurs qui
sont également exposés à des fumées cancérogènes, on peut penser aux soudeurs.
Alors, la fumée de soudage, c'est un cancérogène, c'est un cancérogène du
groupe 1 avéré par le Centre international de recherche sur le cancer,
mais la fumée de soudage ne va pas nécessairement affecter uniquement les
soudeurs, elle va affecter aussi d'autres travailleurs qui sont dans l'environnement
de travail des soudeurs. Alors là, si on indique cancer du poumon aux soudeurs,
à ce moment-là, on se trouve à exclure les autres qui sont dans leur environnement
de travail, et là il faudrait qu'ils se défendent.
Et il y a d'autres... Et, bon, on parle du
mélanome chez les pompiers, mais le mélanome, c'est très connu que c'est les
rayons UV. Pourquoi est-ce qu'il n'y a pas de présomption chez les
agriculteurs, les travailleurs de la construction, etc.? Alors, je pourrais
donner plusieurs exemples.
M. Derraji : Oui, oui, on parle des
pesticides au niveau des applicateurs, au niveau des agronomes, au niveau des
agriculteurs et, encore une fois, on vient de dire qu'on se base sur la
science.
Vous avez dit quelque chose que je veux vraiment
décortiquer avec vous, aller en profondeur avec vous. Une maladie devrait être
reliée à un risque et non un métier. Juste avant vous, nous avons eu un
excellent échange avec d'autres groupes pour parler du risque. Ce qu'on
constate, c'est que la personne qui a rédigé ou les gens qui ont rédigé... on
pense à ce projet de loi, ils ont basé leur raisonnement sur l'indemnisation ou
les constats et non pas le niveau de risque lié à des preuves scientifiques ou
épidémiologiques. Est-ce que vous êtes du même avis que la classification,
telle qu'elle est présentée dans le projet de loi aujourd'hui, ne va pas aider
les travailleurs?
M. Patry (Louis) : Moi, je vais peut-être
amorcer la réponse. En fait, en ce qui concerne l'évaluation des risques qu'on
pourrait indemniser, je pense que les coûts, ils sont probablement un aspect à
considérer. C'est un des aspects à considérer. Il faudrait évaluer aussi les différents
secteurs d'activité et éventuellement évaluer aussi les autres risques qui sont
présents. Se baser uniquement sur des coûts, en fait, on risque, par exemple,
de passer à côté. On le voit très bien, lorsqu'on est avec le secteur de la
santé, comme il a été mentionné, qui n'est pas dans un niveau de risque qui
serait plus faible, selon les données, mais sauf qu'on vit bien... actuellement,
on voit bien la réalité dans laquelle on se retrouve aujourd'hui avec les
conditions de travail et les difficultés que les gens du secteur de la santé
rencontrent avec la COVID.
M. Derraji : Oui. Vous parlez aussi
de l'ingérence dans des champs d'activité médicale. Vous parlez aussi de
l'indépendance du volet scientifique, l'indépendance professionnelle des
intervenants et des organisations, et vous mentionnez
qu'il faut s'assurer que tous les intervenants en santé au travail, les
organisations, soient indépendants. Il y a le mot indépendance. Vous
soulevez des... Avez-vous des craintes sur l'indépendance de l'opinion médicale
ou de l'opinion, tout court, du médecin du travail, là?
M. Patry
(Louis) : Je dois dire que,
d'une certaine façon, oui. Dans d'autres organisations, on voit
qu'effectivement les opinions du médecin dépendent... sont plus en lien avec le
ministère du Travail. Et actuellement je pense que je suis inquiet par rapport,
effectivement, aux opinions médicales. Je pense que Dre Baillargeon a
probablement d'autres points à ajouter à cet effet.
Mme Baillargeon (Martine) : Je pense
que c'est extrêmement important et je vous référerais à la position du Collège
des médecins, qui a été... Vous avez reçu une lettre, et il y a une partie qui
a été rendue publique...
M. Derraji : Publique, oui.
Mme Baillargeon (Martine) : ...qui
concerne, justement, l'importance... Dans les codes d'éthique en santé au
travail, au niveau international, c'est répété à de nombreuses reprises que
tous les intervenants, pas uniquement les médecins, les hygiénistes qui font
des analyses, les ergonomes, etc., qu'ils soient indépendants au niveau
professionnel pour être capables de donner l'heure juste aux milieux de travail
ou aux décideurs par rapport aux risques que leurs travailleurs courent.
M. Derraji : Oui. J'ai une autre
question par rapport à un point qui me... en fait, qui me travaille depuis le
début sur l'indépendance. Je vais parler de l'institut de recherche reconnu
internationalement pour ses travaux en SST et le C.A. de la CNESST. Est-ce que,
présentement, vous voyez des situations de conflits d'intérêts? Et, si vous les
voyez, comment on peut y remédier?
• (17 h 50) •
M.
Patry (Louis) : Vous savez,
c'est une question intéressante à poser. Je ne pense pas que je sois en
mesure... ou de dire qu'il y a réellement un
conflit d'intérêts. Ce que je peux vous dire, c'est que l'IRSST est réellement
bien reconnu au niveau international. Il faut qu'on puisse compter
davantage sur cette organisation pour nous aider, aussi bien pour les aspects
préventifs, pour l'identification de certaines pathologies professionnelles et
la mise en place, soit, entre autres, soit la... concernant la réintégration au
travail ou encore le suivi des personnes. Je pense que la question est posée, mais je peux difficilement y répondre,
en fait, parce que je n'ai pas tous les éléments pour établir s'il y a
une...
M. Derraji : Pas de problème. Pour
les membres des comités des maladies professionnelles, comment vous voyez ce
comité?
M. Patry (Louis) : Dre Baillargeon?
Mme Baillargeon (Martine) : Les
membres, en fait, c'est ça, il faut garantir leur indépendance professionnelle et il faut que leurs
recommandations puissent être appliquées. Donc, si c'est à l'intérieur, s'ils
relèvent de la CNESST ou s'ils relèvent d'un autre organisme, il faut vraiment
être très prudent et avoir des structures qui garantissent
complètement l'indépendance professionnelle de tous les membres du comité. Je
pense que c'est fondamental.
Juste pour votre question d'institut de
recherche, en Ontario, il y a cinq instituts de recherche, si je me souviens
bien, qui dépendent tous du ministre du Travail et non pas du WSIB.
M. Derraji : Donc, ils sont très
bien séparés. Moi, j'en suis sûr et certain, que le ministre va apprécier cela,
d'imiter l'Ontario par rapport à ce point. Je vais lui soumettre l'idée avec un
amendement. Je pense que c'est mieux d'avoir une séparation, comme vous, entre
la CNESST et les organismes de recherche. Et, si vous pouvez juste nous envoyer
un peu l'exemple ontarien, ça va nous donner un peu de temps à préparer
l'amendement et l'envoyer à l'avance. Je
sais que le ministre aime ça, les amendements à l'avance. Ça va me faire un
grand plaisir de lui rédiger ça.
La Présidente (Mme IsaBelle) : En
conclusion. Il ne reste que 40 secondes.
M. Derraji : Oui. Écoutez, j'ai
trois pages de questions. Je tiens juste à vous remercier, Dr Baillargeon et Dr Patry. C'est un excellent
rapport. Merci de prendre le temps de le rédiger. Je sais que c'est du travail,
du travail énorme. Et gardons le contact, parce que c'est une première étape,
la consultation, et sûrement on va avoir besoin de votre éclairage, lorsqu'on
va commencer l'étude article par article, parce que pas sûr qu'on a l'ensemble
des compétences pour passer à travers, surtout certains détails, pour avoir un
bon régime et le moderniser. Donc, encore une fois, je vous remercie pour votre
présence.
La
Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci pour l'échange. Nous poursuivons avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous disposez de
2 min 45 s.
M. Leduc : Merci, Mme la Présidente.
M. Party, Mme Baillargeon, merci beaucoup. Bienvenue. La question des
enjeux psychosociaux, là, est revenue à quelques reprises dans les audiences.
Il y a des groupes qui prennent des initiatives, par exemple, il y avait la
FIQ, puis je pense que la CSQ le reprenait aussi. Je vous lis une de leurs
recommandations : «Les fédérations recommandent d'ajouter les diagnostics
de trouble de l'adaptation et de dépression à la liste des maladies présumées
professionnelles.» Est-ce que c'est une bonne idée? Comment on fait pour aller
de l'avant avec ça dans le cadre du projet de loi?
M. Patry (Louis) : Bon, c'est une
question qui est tout à fait pertinente. À mon point de vue, moi, je pense
qu'avant d'établir ou de retenir certaines pathologies à inclure dans une
liste, je pense qu'il faut effectivement mettre... faire des actions pour
essayer de mieux cibler les... d'avoir des critères qui vont nous permettre
d'identifier plus précocement les manifestations d'atteinte à la santé mentale
avant même qu'une pathologie s'installe. La question de reconnaître certaines
pathologies est effectivement fort intéressante, mais, à mon point de vue
aussi, il ne faut pas mettre toutes nos
énergies sur la reconnaissance d'une pathologie mais effectivement sur la
prévention, en pouvant détecter précocement les manifestations, en les
identifiant et en ayant, si on veut, des organismes de support à ces personnes-là pour ne pas qu'elles se rendent
jusqu'au bout. Et, ça, je pense que le système de modernisation doit
permettre, en fait, une telle approche, qui serait davantage orientée sur la
prévention que sur la reconnaissance de la pathologie.
M. Leduc : Mais l'une n'est pas
contradictoire avec l'autre.
M. Patry (Louis) : Absolument pas.
M. Leduc : On peut à la fois faire
beaucoup plus de prévention mais dire que c'est intéressant d'explorer.
Mme Baillargeon (Martine) : Mais il
faut, à ce moment-là, regarder pour la mettre sur une liste où il y a
application d'une présomption. Il faut regarder, en fonction d'un diagnostic,
l'état des connaissances scientifiques par rapport à ça pour voir s'il y a effectivement
possibilité, là, d'appliquer une présomption, si la preuve scientifique est
suffisamment concordante pour être capable de voir qu'il y a application d'une...
M. Leduc : À
votre connaissance, l'est-elle?
Mme Baillargeon (Martine) : Ce n'est
pas un sujet que je traite particulièrement, mais je peux vous dire...
Peut-être que juste le trouble de stress post-traumatique, c'est peut-être un
peu court. Il y a certainement autre chose à rajouter.
M. Leduc : Parce que, dans le cas du
parkinson, il y a eu des débats, hier ou avant-hier, sur la notion de consensus
ou unanimité. Est-ce qu'il faut vraiment que tout le monde soit d'accord pour
qu'on rajoute la mesure?
M. Patry (Louis) : Ce que je vais
vous dire, la réponse est non. Je pense qu'effectivement... lorsqu'il y a un
consensus, en fait, à mon point de vue, c'est qu'on a suffisamment de données
dans la littérature pour mentionner qu'il y
a un lien de causalité très probable entre une exposition et les manifestations
à la santé chez certaines personnes, des groupes qui sont
particulièrement touchés par l'utilisation des pesticides. À mon point de vue,
il y a une question de reconnaissance sur ce lien de causalité là, et on doit
l'apprécier. Mais, vous savez, des études épidémiologiques, il peut toujours y
en avoir, des contradictoires...
M. Leduc : Bien sûr.
M. Patry (Louis) : ...mais il faut
voir, effectivement, sur lequel on va retenir et de regarder l'ensemble des
éléments pour se prononcer.
M. Leduc : Parfait. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, nous poursuivons avec le député de Bonaventure. Vous avez encore
2 minutes 45 secondes.
M. Roy : J'admire votre
générosité, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Baillargeon, M. Patry.
Écoutez, une petite rétrospective, là. On a une forme d'ingérence de la CNESST
dans le processus de consolidation qui peut apparaître, diminution des
compétences des personnes responsables de la prévention sur les chantiers,
refus de reconnaître la maladie de Parkinson, évaluation des risques de secteur
à partir d'indicateurs plus que discutables, faible soutien au déploiement de
la médecine de travail, comme vous le soulignez dans votre mémoire.
Écoutez,
est-ce que vous pensez que ce projet de loi reflète réellement les
connaissances scientifiques actuelles?
M. Patry (Louis) : C'est une bonne
question. À tout le moins, en tout cas, il y a une volonté de reconnaître les connaissances... de tenir compte des
connaissances scientifiques. Est-ce qu'elles sont actuellement toutes considérées? Il y a une amélioration qui est manifeste,
et je pense que c'est dans ce sens-là qu'il faut aller. Et il faut effectivement
que les gens, par exemple, soit des médecins du travail, dans la
reconnaissance, si on veut, la documentation, tout ça, par exemple, que les
médecins du travail soient impliqués, en fait, dans cette évaluation.
M. Roy : Et vous soulignez
qu'il est minuit moins une, que le programme de postdoctorat en médecine du
travail va peut-être disparaître sous peu, que l'expertise que vous possédez va
disparaître jusqu'à la fin des temps. Donc, je pense que, dans un contexte de
modernisation de la loi sur la santé et la sécurité et la prévention, il serait
extrêmement important que le ministre du Travail passe le message au ministre
de la Santé pour qu'il y ait une dynamique d'entreprise pour former des
médecins du travail. C'est un enjeu extrêmement important pour l'ensemble de la
société québécoise.
M. Patry (Louis) : J'en suis
convaincu.
M. Roy : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci
bien. C'est tout? Vous aviez encore une minute, M. Roy.
M. Roy : Ah! câline. Écoutez,
vous êtes... Bien, excusez. Hé, écoutez...
La Présidente (Mme IsaBelle) : Vous
n'êtes pas obligé de la prendre, là. C'est correct.
M. Roy : Non, non.
Laissez-moi aller. Vous avez soulevé aussi l'enjeu de la médecine d'entreprise.
Si je me souviens bien, on a déjà discuté de ça. Pouvez-vous en parler un peu
plus?
M. Patry (Louis) : Bien, la question,
je pense, c'est... Ce qui est important, c'est d'avoir des médecins qui soient
bien formés, aussi bien pour travailler en entreprise que pour travailler au
niveau du réseau public ou travailler comme médecins cliniciens. Là, je pense
que le critère est là. Il y a des pays, en fait, il y a des juridictions, je
pense, par exemple, à la Finlande, où vous avez à la fois un réseau privé, vous
avez aussi un réseau public. Mais, ceci étant dit, les gens qui veulent faire
de la médecine du travail doivent avoir au moins une compétence, et avec un
certificat dans le domaine. Alors, je pense qu'à ce
moment-là, si on peut arriver à avoir des gens formés, aussi bien au niveau
privé qu'au niveau public, on est certains qu'on va pouvoir contribuer de façon
efficace à améliorer la santé, à protéger mieux la santé de nos travailleurs.
M. Roy : Donc, les critères
définis dans le projet de loi pour embaucher un médecin ne sont pas suffisants,
à votre avis. Je pense que c'est juste d'être membre... Je ne me souviens pas
trop, mais il y a deux critères. Donc, la formation n'est pas là actuellement.
M. Patry (Louis) : Bien, la
formation est essentielle. Il n'y a aucun pays que j'ai regardé... Même au
Canada. Au Canada, vous avez des certificats qui sont émis, alors... pour que
les gens puissent travailler dans ce domaine. Aux États-Unis aussi on a défini
des compétences à la fois pour les médecins spécialistes et les médecins
généralistes. Et d'autres pays, en fait, si on voit... comme j'ai mentionné,
les pays scandinaves aussi ont des compétences
définies pour chacun des niveaux d'intervention. C'est essentiel de jouer
là-dessus. Il faut qu'effectivement que
les gens qui décident de travailler dans le domaine de la médecine du travail
démontrent des compétences pour le faire.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci.
M. Roy : Merci beaucoup. Et
tout le Québec écoute cette commission, va prendre note de ce que vous nous
dites. Merci infiniment.
M. Patry (Louis) : Merci.
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. C'est bien parce que c'était
intéressant, M. Patry et Mme Baillargeon, parce que député Roy
a abusé, là, de sa minute, finalement. Il en a pris presque deux.
Alors, écoutez, merci, M. Patry et
Mme Baillargeon. Vous avez vu, c'était facile, c'était très coopératif. Merci pour votre collaboration et votre contribution
à l'avancement de ces travaux. Alors, je vous souhaite bonne soirée.
M. Patry (Louis) : Merci.
Mme Baillargeon (Martine) : Merci
infiniment à vous.
M. Patry (Louis) : Merci à vous.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, la commission ajourne ses travaux jusqu'au vendredi 22 janvier
2021, à 8 h 40, où elle poursuivra son mandat. Alors, je vous
souhaite un bon souper, une bonne soirée, et un bon dodo, et à demain matin.
Merci.
(Fin de la séance à 18 heures)