L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission de l'économie et du travail

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission de l'économie et du travail

Version finale

42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)

Le mardi 19 janvier 2021 - Vol. 45 N° 67

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 59, Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Remarques préliminaires

M. Jean Boulet

M. Monsef Derraji

M. Alexandre Leduc

M. Sylvain Roy

Auditions

Conseil du patronat du Québec (CPQ)

Conseil du statut de la femme (CSF)

L'Union des producteurs agricoles (UPA)

Union étudiante du Québec (UEQ)

Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail (CIAFT)

Parkinson Québec

Mme Rachel Cox

Autres intervenants

Mme Claire IsaBelle, présidente

M. François Jacques

M. Carlos J. Leitão

Mme Chantale Jeannotte

*          M. Karl Blackburn, CPQ

*          M. Yves-Thomas Dorval, idem

*          Mme Louise Cordeau CSF

*          Mme Mélanie Julien, idem

*          M. Martin Caron, UPA

*          M. Denis Roy, idem

*          Mme Jade Marcil, UEQ

*          M. Wiliam Blaney, idem

*          Mme Kimmyanne Brown, CIAFT

*          Mme Karen Messing, idem

*          M. Romain Rigal, Parkinson Québec

*          M. Pierre Auger, idem

*          Mme Andrée Poirier, APTS

*          Mme Chantal Schmidt, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Note de l'éditeur : La commission s'est réunie en visioconférence.

Journal des débats

(Neuf heures trente-trois minutes)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'économie et du travail ouverte. La commission est réunie virtuellement afin de procéder aux consultations particulières et aux auditions publiques sur le projet de loi n° 59, Loi modernisant le régime de santé et de sécurité au travail.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. Mme Richard (Duplessis) est remplacée par M. Roy (Bonaventure).

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Ce matin, nous débuterons par les remarques préliminaires puis nous entendrons, par visioconférence, les groupes suivants : le Conseil du patronat du Québec, le Conseil du statut de la femme et l'Union des producteurs agricoles.

Remarques préliminaires

J'invite maintenant M. le ministre du Travail, l'Emploi et de la Solidarité sociale à faire ses remarques préliminaires. M. le ministre, vous disposez de six minutes. J'invite également tous ceux qui ne parlent pas de bien fermer votre micro. Merci. Alors, M. le ministre, à vous la parole.

M. Jean Boulet

M. Boulet : Merci, Mme la Présidente. J'aimerais d'abord saluer mes collègues du parti gouvernemental, mes collègues des partis d'opposition, profiter aussi de l'occasion pour remercier de leur collaboration des personnes qui sont très près de moi dans cette commission parlementaire : Anne Racine, qui est ma sous-ministre adjointe; Antoine Houde, qui est directeur des politiques; Carole Bergeron, qui est directrice générale à la V.-P. prévention, CNESST; François Lamoureux, qui est président du conseil consultatif travail et main-d'oeuvre; et Fanny Cantin, qui est la directrice adjointe de mon cabinet.

Écoutez, je pense que c'est un rendez-vous important qui est attendu depuis des années, la modernisation du régime de santé et sécurité du travail au Québec. Évidemment, il y a deux lois qui sont concernées : une, santé et sécurité du travail, qui concerne les moyens de prévention à mettre en place dans les environnements de travail, et une deuxième loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles, qui concerne la réparation ou ce qu'on appelle plus communément l'indemnisation des travailleurs qui ont des accidents de travail ou des maladies professionnelles.

Au Québec, on a besoin d'avoir un régime qui est moins coûteux. On a besoin d'avoir un régime qui permet à nos travailleurs d'être plus en santé. On vit un phénomène de pénurie de main-d'oeuvre depuis des années. C'est essentiel qu'on se donne un régime qui correspond à la modernité dans laquelle baigne le Québec.

Vous savez qu'en 1979 et 1985, quand ces deux lois-là ont été adoptées, nous étions reconnus comme étant progressistes, au Québec. Maintenant, on a pris énormément de retard. C'est extrêmement crucial de se mettre à jour, de se comparer et de ne pas craindre de mettre à jour nos mécanismes de prévention et s'assurer que notre régime d'indemnisation soit le plus accessible possible.

Évidemment, quand on parle d'une modernisation de la nature de celle que nous amorçons, il y a des intérêts variés. C'est la raison pour laquelle il va falloir compter beaucoup sur le dialogue social, sur la collaboration des travailleurs, des employeurs, des parties syndicales. On amorce une consultation, ce matin, qui va nous permettre d'entendre des points de vue extrêmement variés. Soyons tous soucieux et sensibles à ces points de vue là. On est ici pour écouter, pour collaborer, pour bonifier le projet de loi et s'assurer qu'il répond bien à nos impératifs, tant du côté des employeurs que du côté des travailleurs.

Il y a, au coeur de cette modernisation-là, bien sûr, le volet prévention, l'accessibilité au régime d'indemnisation, le soutien apporté aux travailleurs. Pour moi, c'est extrêmement fondamental qu'on diminue le plus possible les risques de chronicisation des lésions professionnelles. Il faut s'assurer d'un retour prompt de nos employés dans leur milieu de travail. C'est bénéfique pour eux, pour leur famille, pour leur santé, pour les employeurs. Il faut le faire de manière respectueuse des droits et des obligations de chacun.

Il y a à peu près 4 millions de travailleurs qui sont concernés par cette modernisation. On a l'intention de s'assurer que les mécanismes de prévention et de participation permettent à 94 % des travailleurs québécois d'être protégés, alors que c'est 25 % actuellement. On va s'entretenir de violence conjugale, de stagiaires, des travailleuses domestiques, de prise en charge des risques psychosociaux. N'oublions jamais que la santé et sécurité, ça appartient au milieu de travail, puis ce ne sera pas imposé ni par nous ni par des lois.

Souvent, je fais le parallèle avec d'autres lois qui établissent des standards minimums. Ces lois-là sont un plancher, n'empêchent pas les parties d'aller au-delà de ça, mais il y a des obligations qui sont, selon nous, des incontournables pour nous permettre de faire de la prévention de façon correcte, de façon respectueuse, avec la diminution de la fréquence et de la gravité des lésions professionnelles. Parce qu'à la fin de la journée, ce qu'on vise, c'est que le taux de lésions professionnelles diminue, qu'il y ait moins de lésions professionnelles, que ça coûte moins cher et qu'on ait les mécanismes les plus modernes pour s'assurer d'avoir des environnements de travail qui soient sains et sécuritaires.

Enfin, dernier commentaire, discutons de manière raisonnée, et on va, tous ensemble, atteindre notre objectif de donner au Québec un régime qui est moderne et qui est respectueux de ce qu'on est capables de faire au Québec en santé et sécurité. Merci, tout le monde, et bonne commission.

• (9 h 40) •

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci, M. le ministre. Nous invitons maintenant le porte-parole de l'opposition officielle et député de Nelligan à faire ses remarques préliminaires pour une durée maximale de quatre minutes.

M. Monsef Derraji

M. Derraji : Mme la Présidente, M. le ministre et collègues de l'Assemblée nationale, bonjour. Ces jours de consultations particulières que nous entamons sont attendus depuis très, très longtemps, tant par les travailleurs que par les employeurs, la communauté médicale et les divers organismes oeuvrant en prévention et au soutien des Québécois. Moderniser le régime de santé et sécurité au travail s'est avéré l'ascension d'un Everest que l'on espère réussir cette fois pour le bien des Québécois d'aujourd'hui mais surtout pour ceux de demain. Léguerons-nous de meilleures mesures de prévention? Hériteront-ils d'une autre carte bancaire sans crédit? Voilà quelques-unes de mes préoccupations.

À mes préoccupations s'ajoutent celles des plus de 20 groupes qui nous ont partagé leurs inquiétudes dès le dépôt du projet de loi le 27 octobre dernier. C'est la première fois depuis que je suis député qu'autant de groupes se manifestent avec un tel empressement avant la consultation. Je les remercie vivement de leur engagement envers l'amélioration du régime, d'avoir pris le temps de nous contacter.

Le projet de loi n° 59 est une brique, il est complexe. Il aura des effets bénéfiques et peut-être aussi des effets néfastes sur l'ensemble de la société québécoise pour des décennies à venir. Il est donc de notre devoir de lui accorder le temps, la rigueur et l'écoute requis. Je tiens à remercier le ministre d'avoir répondu favorablement à ma demande et d'avoir ajouté une demi-journée additionnelle qui nous permettra d'entendre cinq autres groupes.

Maintenant que nous y sommes, j'aimerais partager quelques commentaires préliminaires sur les quatre thèmes présentés lors du briefing technique le 13 janvier dernier.

Nous saluons l'élargissement des mesures de prévention à la quasi-totalité des milieux de travail québécois. Nous partageons toutefois leurs préoccupations quant à la méthodologie utilisée pour assigner des niveaux de risque au milieu de travail sur la base de demandes d'indemnisation à la CNESST et non sur les risques réels et latents associés à ces emplois. Par exemple, selon cette classification, les hôpitaux généraux sont classés à faible risque, quand on sait que la surcharge du travail amplifiée par la pandémie est endémique. On aurait apprécié que cet important projet de loi ait été revu et relu à la lumière des sept premiers mois de la pandémie qui aient précédé son dépôt. La pandémie nous a appris qu'il y a des risques qui ne peuvent pas être éliminés, mais le projet de loi ne tient pas compte de cette réalité.

Concernant l'accès au régime d'indemnisation, nous comprenons l'économie qui pourra se faire en limitant l'accès à l'indemnisation, mais l'exposition... l'explosion des coûts ne semble pas découler exclusivement du nombre de demandes d'indemnités. Les délais de traitement, le manque de collaboration pour adapter les postes de travail, accommoder et réintégrer le travailleur, le vieillissement de la population sont quelques facteurs contributifs que l'on doit considérer, tout comme nous devons considérer les risques que nous reconnaissons, tel celui des pesticides sur la santé et la sécurité des travailleurs agricoles, mais qu'on ne veut pas reconnaître à titre de maladie professionnelle. Alors, on peut se demander quel est le coût réel de l'autonomie alimentaire dont nous rêvons. Retenons que le Québec ne reconnaît pas toutes les maladies professionnelles reconnues par l'Organisation internationale du travail et l'OMS.

Quant au soutien apporté aux travailleurs ayant subi une lésion professionnelle et à leur employeur, on constate le rôle accru de la CNESST et des CIUSSS via leur personnel désigné d'intervenants en santé au travail et le retrait de l'expertise des médecins du réseau de la santé publique en santé au travail. On espère qu'un tel changement, si maintenu, sera accompagné de critères de qualification et de compétences scientifiques. Il s'agit, après tout, de la santé de nos travailleurs.

Enfin, sur les autres modalités du régime, nous espérons comprendre pourquoi, après des années de réunions du comité consultatif, il y a uniquement 18 sur 47 recommandations contenues dans l'avis de 2017. Encore une fois, c'est la santé et la sécurité des Québécois, et la responsabilité, et les moyens de nos entrepreneurs dont il est question aujourd'hui. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Merci, député de Nelligan. Nous invitons maintenant le porte-parole du deuxième groupe d'opposition et député d'Hochelaga-Maisonneuve à faire ses remarques préliminaires pour une durée maximale d'une minute.

M. Alexandre Leduc

M. Leduc : Une minute, Mme la Présidente, c'est rapide. Sur la forme, d'abord, évidemment qu'on aurait préféré des audiences plus longues, hein? La réforme des normes du travail, il y a quelques années, avait eu six journées d'audiences; nous n'en aurons que trois et demie. La dernière, là, il y a la... les oppositions l'auront arrachée in extremis. Bon, c'est fait, maintenant.

Je m'attends à ce que M. le ministre poursuive sa bonne habitude de nous communiquer d'avance ses amendements, parce que, là, ça ne sera pas facile, étudier tous ces articles, et aussi qu'il nous annonce s'il veut étudier en blocs ou de manière numérique les amendements et les articles que nous aurons à travailler dans les prochaines semaines.

Sur le fond, maintenant, Mme la Présidente, je vais me concentrer, moi, de mon côté, sur l'aspect prévention, dans les premières séances d'aujourd'hui, surtout sur la question du programme maternité sans danger, qui est trop souvent remis en question — ça, ça m'inquiète beaucoup — et aussi sur les catégories de risque qui sont introduites par M. le ministre. On avait des attentes très élevées sur le projet de loi, on voulait que ça couvre tout le monde, mais là, en introduisant des catégories de risque avec plus ou moins d'accès à de la prévention, ça me semble une patente à gosse un peu mal ficelée qui pénalise certains secteurs qui avaient fait des gains, dans le passé, et qui risque de discriminer les femmes par rapport aux enjeux de santé et sécurité. Alors, je vais être très attentif à ça, Mme la Présidente. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci, M. le député. Nous poursuivons cette fois-ci... et nous donnons la parole au troisième groupe d'opposition et avec le député de Bonaventure. Vous disposez, vous aussi, d'une minute.

M. Sylvain Roy

M. Roy (Bonaventure) : Un gros 60 secondes. Merci, Mme la Présidente. Écoutez, ça me rappelle un peu la commission sur les pesticides, on va assister à une polarisation des débats, et c'est déjà débuté dans les médias, où on voit des acteurs qui préconisent une déréglementation à se manifester et, d'un autre côté, on voit que certains groupes sont stupéfaits et ont démontré une inquiétude très importante par rapport à une détérioration significative de la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs au Québec, et travailleuses.

Donc, j'ai confiance au ministre pour arriver à une posture d'équilibre et d'écouter tout le monde, comme il l'a dit dans son introduction, dialogue et collaboration. Donc, je vous prends au pied de la lettre, M. le ministre. Donc, nous allons avoir des échanges cordiaux, mais on va se dire les choses comme elles sont. Bons travaux à tous.

Auditions

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci beaucoup pour vos remarques préliminaires. Nous allons débuter maintenant les auditions.

Je souhaite donc la bienvenue aux représentants du Conseil du patronat du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, après quoi nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc d'abord à vous présenter et ensuite à présenter ou à commencer votre exposé.

Conseil du patronat du Québec (CPQ)

M. Blackburn (Karl) : Alors, merci beaucoup. Je me présente, Karl Blackburn, je suis le président et chef de direction du Conseil du patronat du Québec.

M. Dorval (Yves-Thomas) : Et Yves-Thomas Dorval, je suis président exécutif du conseil d'administration du Conseil du patronat du Québec. Merci.

M. Blackburn (Karl) : Alors, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, depuis le nombre d'années que nous soumettons et que nous souhaitons mettre enfin à jour le régime québécois de santé et sécurité du travail, notre présence aujourd'hui peut difficilement être plus appréciée. Nous travaillons depuis plusieurs années à proposer des voies d'amélioration, et j'espère que, cette fin d'année, la modernisation pourra avoir lieu.

J'aimerais d'abord saluer votre travail, M. le ministre, pour cette réforme tant attendue. La modernisation du régime est devenue essentielle, notamment parce que le monde du travail a changé mais également parce qu'avec le temps cette loi a été interprétée si largement que ce régime a dévié de sa mission première pour devenir un régime à vocation sociale dont les coûts demeurent entièrement assumés par les employeurs. Mentionnons, par exemple, les conditions suivantes qui font partie du régime d'indemnisation, alors qu'elles n'ont aucun lien avec le travail : maladies intercurrentes, programme de maternité sans danger, élargissement des travailleurs visés pour des catégories d'emploi non représentées par un employeur déterminé.

D'entrée de jeu, le CPQ confirme qu'il appuie les objectifs que vous poursuivez dans ce projet de loi, que je pourrais résumer en ces mots : un régime moins coûteux, plus efficace et une main-d'oeuvre en santé, l'amélioration du soutien aux travailleurs et employeurs, la prévention comme culture de travail, un retour au travail prompt et durable pour éviter la chronicité, et un régime flexible et évolutif.

Afin de bien remettre en perspective les fondements du régime de santé et sécurité, il importe de rappeler que ce régime, qui est assumé à 100 % par les employeurs du Québec, est avant tout un régime d'assurance qui repose principalement sur l'indemnisation du travailleur, sans égard à la faute. Évidemment, la prévention y joue aussi un rôle déterminant, mais j'y reviendrai plus tard.

Afin de maximiser cet exercice de réflexion qui doit faire de notre régime de santé et sécurité un modèle enviable et compétitif avec celui des autres provinces, certains ajustements sont proposés dans notre mémoire. Ces recommandations visent surtout à prendre en compte l'évolution des milieux de travail pour s'assurer d'une gestion responsable du régime de santé et sécurité, avec, comme toile de fond, la volonté de se donner les moyens d'atteindre une juste indemnisation des travailleurs de manière efficiente et équitable. Mais aussi il faut mettre en place les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité des travailleurs.

• (9 h 50) •

De plus, la gestion des... réclamations — pardon — et du régime s'inscrit souvent en marge des objectifs premiers du régime, sous plusieurs aspects. Parmi les exemples les plus frappants, on retrouve le programme de recherche d'emploi de 52 semaines pour ceux qui sont contraints de changer de travail, alors qu'ailleurs au pays on prévoit une période de soutien allant de 12 à 16 semaines. Un autre exemple de dérive est sa générosité, qui est telle que certains travailleurs à temps partiel, contractuels ou saisonniers, lors de lésion professionnelle, recevront une indemnisation plus élevée que le salaire gagné au travail, ce qui ne fait aucun sens.

Nous réitérons que la modernisation du régime de la santé et sécurité doit prendre en compte les principes inhérents à un régime d'assurance en santé et sécurité du travail, dont les suivants : un régime qui ne pénalise pas les employeurs ni les travailleurs pour des situations non reliées au travail, telles que les conditions personnelles, ou si c'est un tiers qui est responsable, ou parce que le délai du traitement est indu; un régime avec une tarification adéquate, suivant un principe de classification par secteurs d'activité économique, incitative, avec un régime basé sur l'expérience, et compétitive en comparaison des autres provinces; une indemnisation juste et adéquate, par exemple, un remplacement de revenu reflétant la moyenne des salaires du travailleur lors de l'événement — pour les dossiers de longue durée et pour certaines situations, la notion de remplacement de revenu devrait être remplacée par une notion de perte de capacité de gain; enfin, une indemnisation sans aucune possibilité d'enrichissement, afin de favoriser la prévention et un retour à l'emploi. Ces principes sont à la base même du régime de santé et de sécurité du travail, qui est avant tout un régime d'assurance qui se doit d'être efficace, responsable et équitable.

J'aimerais rappeler les conclusions du rapport indépendant de Morneau Shepell, publié la semaine dernière et qui démontre que notre régime est clairement le plus généreux au pays concernant la durée et le montant des indemnisations, alors qu'il est également le moins compétitif, notamment quant au délai de traitement des dossiers et de retour au travail. On y démontre, chiffres à l'appui, que notre régime coûte beaucoup plus cher aux employeurs du Québec, comparativement à ceux des autres provinces, et, sous plusieurs aspects, le Québec est bon dernier quant aux coûts de la réparation et le nombre de dossiers non réglés. Il faut corriger le tir et rapidement. Il doit également être un régime punitif qui comporte des conséquences en cas de non-collaboration d'une partie ou d'une autre dans le cadre du processus de retour au travail. Il s'agit ici de la trame de fond de nos réflexions.

Vous proposez des mesures qui visent à ramener rapidement les travailleurs dans le milieu du travail afin d'éviter, entre autres, la chronicité. Nous ne pouvons que saluer cette approche. À cet effet, nous insistons sur l'importance de voir à ce que l'ensemble des dispositions proposées forment un atout cohérent et que l'employeur puisse jouer un rôle central pour assurer la sécurité des lieux de travail et contribuer ainsi à un retour optimal dans le milieu du travail.

En matière de prévention, nous croyons que votre approche devrait toujours chercher à favoriser la pleine collaboration autant de l'employeur que de l'employé. Nous réitérons que la prise en charge par le milieu de travail est un des principes fondamentaux du régime de santé et de sécurité du travail au Québec.

À cet effet, pour les entreprises de plus de 20 travailleurs, vous limitez leur marge de manoeuvre quant au choix du mécanisme de prévention qui implique la participation des travailleurs. Or, leur prise en charge est le moyen... le meilleur moyen d'assurer le filet de protection le plus adapté à leur réalité. Si jamais il devait ne pas y avoir d'entente entre l'employeur et les travailleurs, plutôt que d'imposer les règles, nous pensons que des modalités devraient être indiquées dans des guides de la CNESST et non fixées mur à mur dans une réglementation lourde.

Par ailleurs, l'idée d'exiger l'élaboration d'un programme de prévention complet pour un petit employeur de moins de 20 employés ne tient absolument pas compte de sa réalité.

De plus, à notre avis, toute imposition du mécanisme de prévention devrait se limiter aux employeurs se retrouvant sous un certain seuil de performance et non obligatoirement à tous les employeurs oeuvrant dans un secteur jugé à risque. Actuellement, un employeur très performant, ayant peu d'accidents et aucun accident grave sera soumis au même mécanisme de prévention qu'un employeur ayant un mauvais dossier. C'est cette notion de performance de l'employeur qui devrait déterminer si un employeur doit ou non être soumis à des mécanismes de participation et non à la notion du niveau de risque par secteurs d'activité.

Tout en matière de prévention... toujours en matière de prévention — pardon — nous croyons qu'il serait pertinent d'ajouter d'autres obligations aux travailleurs afin de confirmer le rôle qu'ont ces derniers dans la prévention des accidents de travail et des maladies professionnelles. Le but d'une telle recommandation n'est pas de déresponsabiliser les employeurs, au contraire, mais surtout de renforcer le rôle des travailleurs comme partie prenante à la prise en charge de la prévention dans les activités quotidiennes des employeurs.

Le régime de réadaptation des travailleurs ayant subi une lésion professionnelle doit également être revu en profondeur. Le régime actuel ne favorise pas le prompt retour au travail des travailleurs, ce qui contribue significativement aux importants coûts que doivent supporter les employeurs. Le rôle du médecin traitant, l'assignation temporaire et l'encadrement du retour au travail sont des thèmes au coeur même de la réadaptation. Des modifications législatives sont souhaitables, en lien avec ces derniers sujets énumérés.

Par exemple, ailleurs au pays, on compte sur plusieurs professionnels de la santé afin de voir aux différentes étapes de réadaptation et de retour au travail. Le Québec est la seule à tout remettre dans les mains d'un seul médecin. Alors que cette situation entraîne des délais qui peuvent s'avérer néfastes pour le travailleur, le projet de loi prévoit ajouter de nouvelles responsabilités administratives au rôle du médecin traitant dans la gestion de leurs lésions professionnelles de son patient. Cette situation sera un frein à la réadaptation et au retour au travail.

Aussi, le projet de loi prévoit que le rôle de l'employeur, dans la mise en oeuvre de ces mesures, se limite uniquement à offrir sa collaboration selon les besoins identifiés par la CNESST. Puisque le processus...

La Présidente (Mme IsaBelle) : M. Blackburn...

M. Blackburn (Karl) : Oui?

La Présidente (Mme IsaBelle) : M. Blackburn, il vous reste 10 secondes.

M. Blackburn (Karl) : J'achève dans quelques secondes. Puisque le processus de réadaptation implique fréquemment, pour les travailleurs, un retour en emploi, l'employeur est la partie la mieux placée pour évaluer, adapter et collaborer... la réussite du plan au retour du travail actif du salarié indépendant. Bien humblement, nous sommes d'avis que la cinquantaine de recommandations que nous vous soumettons correspondent aux ajustements nécessaires qui doivent se retrouver dans le p.l. n° 59 pour enfin procéder à la modernisation du régime et ainsi rejoindre la volonté gouvernementale de procéder à la modernisation du régime de santé et sécurité, qui, avec le temps, est devenu désuet, inefficace, inéquitable et coûteux. M. le ministre, vous pouvez compter sur notre plus complète collaboration pour y parvenir.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, merci pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous. Vous disposez de 16 min et 30 s.

M. Boulet : Merci, Mme la Présidente. Dans un premier temps, j'aimerais saluer M. Blackburn et vous remercier d'avoir préparé ce mémoire. Autant le ton que l'approche qui transparaît de ce mémoire-là démontrent la volonté du Conseil du patronat d'avoir un régime, au Québec, qui est inclusif, qui est moderne, qui est compétitif. Puis d'ailleurs on en faisait grandement état, du rapport de Morneau Shepell, on pourra y revenir un petit peu plus tard.

Mais j'aimerais aussi saluer Yves-Thomas Dorval, qui vous accompagne. Yves-Thomas, j'ai eu le grand bonheur de collaborer avec lui pendant des années. Il vous précédait au Conseil du patronat, mais il était aussi membre du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, donc il a été présent lors, notamment, de la production du rapport qui a été soumis en 2017, l'autre qui a été soumis en 2019. Et constamment, quand on parle de paritarisme au Québec puis de l'importance du dialogue social, Yves-Thomas a été au coeur de nos discussions. Il a, je le disais récemment, une connaissance fine du régime de santé et sécurité et des principaux paramètres que vous avez vus dans le projet de loi n° 59. Donc, merci encore une fois.

Vous référez souvent à la compétitivité, eu égard notamment à l'assignation temporaire. Allons-y par sujets. J'aimerais ça vous entendre sur l'assignation temporaire, qu'est-ce que vous pensez et qu'est-ce qui pourrait être fait pour accroître la compétitivité de notre régime. Parce qu'évidemment l'assignation temporaire, c'est une prérogative de l'employeur, ça permet un retour un peu plus rapide au travail, avant, bien sûr, la consolidation, parce que ça peut être fait dès le début de l'absence pour lésions professionnelles. Est-ce que, selon vous, il y a... ce mécanisme-là vous apparaît essentiel pour éviter, un, la chronicisation et diminuer les coûts du régime?

• (10 heures) •

M. Blackburn (Karl) : Si je peux me permettre, M. le ministre, et bien évidemment je vais demander à M. Dorval de pouvoir compléter, mais je veux quand même réitérer l'importance, auprès des membres de la commission, du travail qui a été fait par le Conseil du patronat du Québec depuis les derniers mois.

À partir du moment où vous avez déposé le projet de loi, nous avons travaillé en étroite collaboration avec nos membres, avec les associations sectorielles pour arriver à vous présenter et à vous proposer des mesures qui correspondent, selon nous, encore une fois, bien humblement, aux ajustements que doive comporter le projet de loi, pour le rendre, je dirais, le plus efficace, et ainsi faire une modernisation.

Et, comme vous l'avez mentionné, d'entrée de jeu, dans votre allocution tout à l'heure, nous avons le privilège, ce matin, de pouvoir compter sur l'expérience et l'expertise de M. Dorval, qui, depuis les nombreuses dernières années, a été au coeur du monde du travail. Et, dans ce sens-là, je l'inviterais, bien évidemment, à compléter la réponse.

M. Dorval (Yves-Thomas) : Merci, merci pour vos bons mots. Bon, on va... je vais laisser ça de côté, pour le moment, pour aller rapidement à votre question. Écoutez, l'assignation temporaire, tout comme les autres éléments de retour au travail, c'est un élément essentiel pour permettre aux travailleurs de reconnecter avec le marché du travail ou de ne pas perdre contact avec le marché du travail. Donc, ça, c'est très important.

Au Québec, on est la seule législation en Amérique du Nord à avoir confié, entre autres, un rôle d'avis prépondérant du médecin pour certains aspects... pour plusieurs aspects, plusieurs articles de loi. Ça, ça veut dire qu'un spécialiste comme le médecin, qui est très bon pour diagnostiquer, est très bon pour aider l'employeur... le travailleur — pardon — à recouvrer la santé, et à se réadapter, puis l'accompagner. Il devient une personne clé, alors que, dans les faits, il ne connaît pas nécessairement le milieu de travail dans lequel opère le travailleur. Donc, un des éléments qui est intéressant dans le projet de loi, on arrive aussi avec l'obligation de remplir des formulaires où on va parler des questions de capacités fonctionnelles du travailleur.

Parce qu'actuellement le régime fait en sorte qu'on joue au ping-pong. Alors, si le travailleur est retiré du marché du travail puis que l'employeur veut lui offrir une assignation, il faut que le médecin, ultimement, rende une décision, puis, en plus de ça, elle est exécutoire. Donc, ça fait en sorte qu'on joue au ping-pong, alors que, le médecin, ce n'est pas sa spécialité, lui, d'administrer un régime. Lui, sa spécialité, c'est la médecine, c'est les soins ou les sciences de la vie, ce n'est pas l'organisation du travail. Donc, le projet de loi amène quelque chose d'intéressant, mais le rôle est encore trop prépondérant, à ce niveau-là. Mais ça, c'est un élément important quand on parle d'assignation temporaire.

M. le ministre, tantôt, on faisait le lien, entre autres, là, avec le programme maternité sans danger, hein? Maternité sans danger, ça ne veut pas dire que la personne est complètement retirée du milieu du travail. On peut lui assigner des tâches qui vont lui permettre de continuer à contribuer, sans nécessairement être exposée, par exemple, à des contaminants ou à des éléments dynamiques... qui fait en sorte que ça peut mettre à risque la personne qui est enceinte, ou l'enfant qui va naître, ou, lorsque la personne allaite, l'enfant qui est allaité. Alors, dans ces considérations-là, il n'y a pas de problème. Sauf qu'on regarde dans les statistiques, or, l'assignation temporaire n'est pas beaucoup utilisée.

Puis, juste en passant, M. le ministre, c'est important à savoir, hein, que 70 % des travailleuses qui bénéficient du programme maternité sans danger, au Québec, sont dans le secteur public. Puis le secteur public, en passant, ne contribue que 25 % des coûts du système. Alors, c'est les entreprises privées qui financent le système public. Et, s'il y a de l'assignation temporaire à faire, je pense que l'État, en partant, devrait lui-même regarder...

Et on regarde dans le cas de la COVID, on n'a jamais vu autant de demandes de maternité sans danger, actuellement, ou de retraits préventifs qu'à cause de la COVID. Et c'est normal, c'est normal, mais il y a tellement de besoins dans le système pour réaffecter ces gens-là dans des tâches, par exemple, d'enquête, de vérification, de traçabilité, etc., mais, ça, là-dessus, les efforts ne sont pas nécessairement là.

Mais, encore une fois, le bât qui blesse, c'est surtout l'incapacité de l'employeur d'avoir le fin mot de la capacité de pouvoir proposer une assignation temporaire sans être obligé de jouer au ping-pong avec un avis du médecin traitant, qui devient exécutoire.

M. Boulet : Et j'aimerais ça maintenant vous entendre un peu sur le processus de réadaptation. Quand on parle de diminution de coûts, ça implique nécessairement un retour prompt au travail, le plus rapidement possible. Et il y a ce qu'on appelle des conseillers en réadaptation qui travaillent à la CNESST. La réadaptation, dans le régime actuel, n'est accessible que lorsque la lésion professionnelle est consolidée, bon, avec atteinte et limitations. Maintenant, on prévoit, dans le projet de loi, que l'adaptation puisse être accessible à quelqu'un avant sa période de consolidation, et j'aimerais entendre, sommairement, votre opinion sur ce point-là.

M. Blackburn (Karl) : J'aimerais, si vous me le permettez, M. le ministre, revenir, essentiellement, sur le rapport qui a été rendu la semaine dernière, indépendant, de Morneau Shepell, qui, encore une fois, fait la démonstration que le régime du Québec, comparativement aux autres régimes à travers le Canada, en termes de réadaptation, prend beaucoup plus de temps en ce qui a trait de permettre au travailleur de revenir sur le marché du travail, ce qui, en soi, est non productif et non souhaitable pour le travailleur. Alors, je pense qu'il faut garder ces éléments-là en tête.

Et, pour rassurer le député de Bonaventure, on n'arrive pas avec des idées de polarisation, mais au contraire. Et notre volonté, au Conseil du patronat du Québec, c'est de trouver des façons pour moderniser le régime et rejoindre ainsi les objectifs que vous poursuivez. Et, encore une fois, bien humblement, la cinquantaine de propositions que nous vous faisons reflètent ce qui se passe sur le terrain et ce qui devrait être considéré, dans le projet de loi, pour le rendre ainsi et le moderniser.

Mais, pour l'exemple beaucoup plus précis que vous posez, je demanderais, encore une fois, à M. Dorval, peut-être, d'y aller avec un exemple concret de ce que ça veut dire.

M. Dorval (Yves-Thomas) : Bien, en fait, Mme la Présidente, ce qui est intéressant, et on appuie l'idée que le gouvernement a, toute la littérature scientifique, hein, toute la science démontre que plus rapidement on réintègre un travailleur qui a une lésion... Mais de manière sécuritaire, là, c'est très important qu'on n'interprète pas le propos de dire : On réintègre rapidement, alors que la lésion pourrait s'aggraver, par exemple ou que, si c'est une question de soins psychologiques, par exemple, la personne, on la réintègre trop rapidement sur le marché du travail. La question n'est pas là, la question est de garder un lien avec le travail, et on félicite le ministre d'arriver avec des volontés, des orientations qui vont dans ce sens-là.

Encore une fois, c'est toujours dans les moyens où est-ce qu'à un moment donné on confie à des gens de la CNESST, parfois... Puis là je vais parler pas nécessairement de la réadaptation, mais je vais parler, par exemple, du retour en emploi quand il s'agit d'un emploi convenable. Bien là, on confie, dans le projet de loi, des responsabilités à un fonctionnaire d'une organisation que je respecte beaucoup, écoutez, je siège au conseil d'administration puis j'ai la capacité d'apprécier tout l'effort qui a été fait par les gens à l'interne... Mais c'est l'employeur qui peut réorganiser le travail, par exemple, pour fournir un emploi convenable, ce n'est pas un fonctionnaire, que ce soit dans un ministère ou dans une commission, qui peut savoir comment. Et la gestion, là, le droit de gestion, là, c'est quelque chose de fondamental, dans notre système, qui est reconnu par les lois. Et là, dans le projet de loi, on va un peu trop loin. De faire en sorte que l'employeur, le travailleur fasse partie...

N'oublions pas ça, le travailleur doit faire partie de la solution. Et, encore là, on voit beaucoup d'obligations sur l'employeur, beaucoup de responsabilités que la CNESST se donne, mais on ne voit pas de mesures qui obligent le travailleur à participer à ces efforts-là, alors que, dans les autres provinces, on a ça. Alors, ces éléments extrêmement importants, on vous appuie totalement, M. le ministre, là-dessus. Il faut juste, hein, ajuster un petit peu soit le verbatim soit, aussi, qui est responsable de quoi et quand on a des droits. C'est important, au Québec, les droits. Les responsabilités vont avec, y compris pour l'employeur, y compris pour le travailleur.

M. Boulet : Très, très bien compris, hein? Évidemment, il y a aussi... ce qui m'a un peu fasciné, c'est de lire, dans le rapport Morneau Shepell, que, pour l'indemnité et pour l'année de recherche d'emploi, là, quand on réfère à l'emploi convenable, là, quand la personne ne peut réintégrer ni son emploi ni un emploi équivalent, c'est qu'au Québec il y a réintégration dans un emploi à peu près dans le dernier mois de l'année de recherche d'emploi, alors que, dans les autres provinces, il y a un retour en emploi beaucoup plus rapide, ce qui, évidemment, diminue encore les risques de chronicisation des lésions professionnelles. Je trouve que c'est un rapport qui est extrêmement intéressant.

Un petit point qui est... je ne suis pas certain. Puis, quand vous référiez à ça, pour les lésions professionnelles qui engendrent une absence de plus longue durée, vous parlez d'une modification d'un passage du remplacement de revenus à une perte de capacité de gains. J'aimerais juste ça que vous me donniez une précision sommaire sur ce point-là, parce que j'aurais une autre question par la suite aussi.

• (10 h 10) •

M. Blackburn (Karl) : D'abord, M. le ministre, c'est davantage relié aux travailleurs saisonniers ou aux travailleurs temporaires, par exemple, qui, suite, malheureusement, à une blessure ou une incapacité de poursuivre... En fonction des paramètres, actuellement, le critère de la perte de revenus d'emploi, c'est elle qui va préconiser, donc le travailleur sera reconnu comme étant un travailleur à plein temps, ce qui, dans les circonstances, n'est pas tout à fait souhaitable.

Et pour arriver à permettre de faire une distinction, il faut le voir en deux temps : à plus court terme, justement, pour reconnaître le salaire perdu, mais à plus long terme, si jamais l'incapacité du travailleur s'avérait être plus longue, où, vraiment, là, il faudrait le voir sous une perte de capacité de générer des revenus à long terme. Et c'est vraiment une distinction qui est importante à faire à l'intérieur du projet de loi.

M. Boulet : Clair. Merci de la réponse. Enfin, pour la prise en charge par le milieu, évidemment, c'est un principe qui apparaît constamment dans le projet de loi. Je vous ai entendu dire, M. Blackburn, qu'en cas de défaut d'entente entre les parties... Parce qu'on comprend bien qu'un projet de loi ou une loi c'est un minimum. On peut aller au-delà de ça pour la fréquence, par exemple, des comités de santé, de sécurité, qui est un mécanisme de participation des travailleurs. Les partis peuvent convenir, peuvent négocier, peuvent s'entendre. À défaut d'entente, vous référiez à... bon, est-ce qu'on réfère à un règlement? Est-ce qu'on réfère à la CNESST? J'aimerais ça, juste, que vous me précisiez qu'est-ce qu'on fait. Qu'est-ce que vous souhaiteriez qui soit fait par les partis, l'employeur et les travailleurs, dans les cas où il n'y a pas d'entente, par exemple, sur les mécanismes de participation des travailleurs?

M. Blackburn (Karl) : Bien, comme M. Dorval l'a mentionné puis, je pense, comme vous l'avez réitéré également dans votre présentation, M. le ministre, c'est une responsabilité de tous, et des travailleurs et des employeurs, d'arriver à mettre en place les mécanismes qui vont assurer cette sécurité dans le monde du travail.

Nous, ce qu'on a présenté tout à l'heure, dans notre présentation, mais ce qui est davantage détaillé dans le mémoire, c'est au niveau... s'il n'y a pas d'entente. Au lieu d'arriver avec une imposition, par exemple, de la CNESST, qui ne connaît pas nécessairement... sans vouloir enlever à la capacité puis à la connaissance des travailleurs de la CNESST, mais qui ne connaît pas nécessairement la réalité sur le terrain en fonction de certaines entreprises, ce qu'on souhaite, d'abord et avant tout, ce serait d'avoir un guide qui viendrait, à ce moment-là, outiller et les employeurs et les travailleurs pour l'élaboration de mesures de prévention. Et, à ce titre, on pense qu'un guide qui viendrait guider les actions serait préférable qu'une... d'une application mur-à-mur, peu importe le secteur d'activité reconnu par les employeurs et par les employés également.

M. Dorval (Yves-Thomas) : Écoutez, je peux peut-être rajouter un élément. Vous savez, dans les autres provinces, la plupart du temps, quand on a des mécanismes de représentation, le milieu de travail va décider ou c'est défini à l'avance, c'est un comité de santé et sécurité ou un représentant en santé et sécurité, un représentant des travailleurs.

Au Québec, on a la ceinture, les bretelles, etc., parce qu'on oblige les deux mécanismes. Le milieu de travail, il est bon pour être capable de définir ça. Et je suis certain, Mme la Présidente, qu'un procureur ou un ministre qui a regardé des conflits de travail sait que la pire chose... Il faut que la décision vienne du milieu de travail, entre les deux parties, travailleurs, employeur. La minute où c'est imposé, ça crée un climat de relations de travail extrêmement négatif.

Vous savez, quand on arrive avec des règlements avec un minimum, là, le minimum est très généreux, au Québec, dans à peu près tout. Ça fait en sorte que le début de la négociation, c'est toujours pour en avoir davantage. Il y a un problème de ce côté-là, puis c'est pour ça qu'on le définit. Il faut faire attention au règlement qui impose des minimums, d'une part. D'autre part, la démonstration est que, quand le milieu de travail arrive à des décisions, puis il faut le forcer, parfois, à prendre des décisions, bien, on arrive à des résultats beaucoup plus intéressants, beaucoup plus participatifs.

M. Boulet : Mon temps est expiré. J'aimerais ça simplement vous remercier, Karl, Yves-Thomas. Évidemment, j'aimerais ça, saluer toutes les personnes du Conseil du patronat qui ont contribué à la rédaction du mémoire. Et au plaisir de vous rencontrer bientôt. Mais soyez certains d'une chose, on va continuer de collaborer avec les partis d'opposition, on va bonifier ce projet de loi là puis on va s'assurer que les milieux de travail aient l'outil législatif qui leur permet d'atteindre leurs objectifs. Merci, Karl, merci, Yves-Thomas. À bientôt.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci pour le bel échange. Alors, nous cédons maintenant la parole au député de Nelligan. Vous disposez de 11 minutes. Essayez, s'il vous plaît, de bien respecter votre temps. Merci.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. Messieurs, merci beaucoup pour votre rapport. Je seconde tout ce qui a été dit sur vous deux, sur le Conseil du patronat. J'ai 11 minutes, droit au but.

Le ministre ouvre la porte à la bonification de son projet de loi, je note très bien ça. Ma première question à vous deux. Le Conseil du patronat dénonce l'augmentation des coûts du régime, la facilité d'y avoir accès, le rôle prépondérant du médecin traitant et le fait que, dans le cas du programme Pour une maternité sans danger, les coûts soient supportés par l'ensemble des employeurs. Donc, on parle... 70 % des réclamations proviennent du secteur public. Avez-vous une proposition dans ce sens, sachant que les employeurs contribuent, mais 70 % de ce régime est utilisé par le secteur public?

M. Blackburn (Karl) : Bien, si je peux commencer un élément de réponse, M. le député, et par la suite M. Dorval pourra certainement en ajouter. Si on prend, par exemple, le programme de maternité sans danger, c'est un programme qui est unique en Amérique du Nord, qui est sous la responsabilité des employeurs du Québec, alors que ce programme devrait être davantage un programme social, donc, qui devrait être pris en charge, entre autres, par l'assurance-emploi. C'est une des propositions que nous faisons pour éviter que l'entièreté de ce programme, qui représente plus de 215 ou 219 millions par année, ne soit à la simple responsabilité des employeurs, parce que, n'oubliez pas, le programme de santé et sécurité est 100 % assumé par les employeurs.

L'autre élément que vous avez mentionné, M. le député, fait référence à certaines comparaisons. Je pense, encore une fois, que le rapport de Morneau Shepell, qui a été rendu public la semaine dernière, un rapport indépendant, est venu vraiment démontrer de façon éloquente la différence importante qui existe sur certains des points que vous avez mentionnés, en termes de coûts, en termes d'efficacité, en termes de productivité, sur des différences importantes du coût du régime du Québec versus celui de d'autres provinces comparables. Et, dans ce sens-là, le gouvernement, l'opposition et les membres de l'Assemblée nationale doivent s'inspirer de ces comparaisons pour moderniser le régime.

Et j'inviterais M. Dorval à continuer, là, je dirais, des éléments de réponse plus précis à la question que vous avez posée.

M. Dorval (Yves-Thomas) : Bien, pour les questions de coûts, Mme la Présidente, la principale raison... D'abord, notre régime admet plus facilement des lésions qu'ailleurs, donc l'admissibilité est beaucoup plus large qu'ailleurs, quand on se compare avec d'autres provinces. L'intervention du médecin traitant fait en sorte aussi que le temps de... le processus, voire même des contestations judiciaires, etc., prennent beaucoup plus d'espace.

Vous savez, c'est le seul endroit en Amérique du Nord où le régime, ce n'est pas l'adjudicateur, c'est-à-dire ce n'est pas l'agent d'indemnisation qui prend la décision, là, soit de retour au travail ou autres, là, c'est souvent influencé par l'avis prépondérant du médecin traitant. Partout ailleurs, c'est l'ensemble des intervenants qui doivent décider. Puis, à la fin, le responsable, que ce soit la Société d'assurance automobile, que ce soit dans une compagnie d'assurance, que ce soit dans les autres commissions santé et sécurité au travail à travers le Canada... C'est toujours l'administrateur du régime qui prend la décision finale...

M. Derraji : C'est très clair. Désolé, parce que je n'ai que 11 minutes et j'ai plein de questions, je veux profiter de votre présence. Donc, juste pour conclure cette partie, vous voulez que les 219 millions que coûte ce programme, que ce n'est plus CNESST, mais c'est plus l'assurance-emploi qui prend en charge ce volet. Est-ce que j'ai bien compris?

M. Dorval (Yves-Thomas) : Bien, maternité sans danger, là, il faut comprendre qu'il n'y a pas de discussion, il faut que les personnes enceintes soient protégées contre des substances, des éléments du travail qui pourraient affecter la mère ou l'enfant à naître, ça, il n'y a pas de discussion là-dessus. Le problème qu'on a : dans les autres provinces, ils sont couverts, puis les femmes sont couvertes, hein, quand l'avis est qu'il faut que la personne soit retirée du travail et tombe sur l'assurance-emploi, financée à 60 % par les employeurs, 40 % par les travailleurs. Elles sont couvertes ailleurs, sauf que ce n'est pas un programme régi par le régime d'assurance de santé et sécurité au travail payé à 100 % par les employeurs.

M. Derraji : C'est excellent. Pour moi, c'est très clair, et j'espère que les collègues aussi... M. le ministre a bien noté votre réponse. Je vais revenir aux mécanismes de prévention. Vous proposez que les mécanismes de prévention soient déterminés en fonction de la performance de l'employeur et non des risques. Ma question est très simple : Pouvez-vous nous donner des exemples sur lesquels vous basez cette proposition? J'ai entendu ou j'ai cru comprendre, vous ne voulez pas du mur-à-mur, mais concrètement ça veut dire quoi, sur le milieu de travail, sachant que vous siégez sur le conseil d'administration de la CNESST? Donc, vous avez vu pas mal de cas de figure, de récalcitrants, si on peut dire. Ce serait quoi, votre proposition concrète?

• (10 h 20) •

M. Dorval (Yves-Thomas) : Si vous me permettez, M. Blackburn, je vais répondre. Le fait est que le régime, à ce moment-ci, au niveau de la prévention, est axé sur des secteurs. Et vous-même, hein, il y en a parmi les membres de la commission parlementaire qui ont énoncé que certains secteurs devraient être couverts, d'autres ne le sont pas, etc., ou par rapport, vous avez dit, aux risques. Il y a un élément de risque qui est important, là, en prévention, il n'y a pas de doute là-dessus, les programmes de prévention doivent tenir compte de ça. Cependant, lorsqu'on arrive à déterminer des mécanismes de prévention, il y a beaucoup d'employeurs qui font très bien les choses à leur manière avec leurs travailleurs, avec le milieu de travail, ils n'ont pas besoin nécessairement... les employeurs ou les milieux de travail où il y a peu d'accidents, surtout peu d'accidents graves, parce qu'ils s'occupent bien.

Alors là, ce qu'on vient dire, c'est qu'on vient imposer, par réglementation, des mécanismes. Ça, c'est des objectifs de moyens et non pas des objectifs de résultat. Toutes les compagnies d'assurance, hein, sont basées, en général, les moyens et les cotisations, sur l'expérience. Alors, si vous avez une mauvaise expérience, bien, on va vous dire : Il faut que vous mettiez en place tel, tel, tel moyen ou il faut que vous mettiez en place tel, tel élément, puis ça va vous coûter plus cher. Ici, on dit : Non, non, que tu fasses une bonne job ou non, le milieu de travail, là, c'est les deux, hein, c'est les travailleurs puis les employeurs. Je ne suis pas en train de dire : Juste les employeurs, là. Travailleurs, employeurs. Si tu fais une bonne job, pourquoi quelqu'un d'autre viendrait dire : Non, non, ce n'est pas comme ça qu'il faut que tu le fasses, c'est différemment? Là, ce qu'on dit : C'est beaucoup plus intéressant d'axer les décisions, les catégories, les gens où on applique ces moyens-là non pas sur des critères mur-à-mur, mais davantage sur l'expérience de chaque employeur.

M. Blackburn (Karl) : Si je pouvais me permettre, M. le député, d'ajouter un exemple, vous savez, par secteurs... Je peux vous donner un exemple concret d'une entreprise forestière qui avait tellement à coeur la santé et sécurité de ses travailleurs qu'elle n'a pas hésité, à un moment donné, de fermer la production et d'arrêter la production dans l'usine parce qu'il y avait eu plusieurs petits incidents dans les mois précédents, et les statistiques jouaient contre l'employeur et les travailleurs. Parce que plusieurs petits incidents veut dire probablement un manque de vigilance, probablement un manque de sécurité. Alors, l'entreprise a pris une décision extrêmement importante de dire : Nous allons arrêter la production, nous allons revoir, avec les travailleurs, avec chacun d'eux, individuellement, les règles et les mesures de sécurité auxquelles ils sont souscrits, pour eux mais pour leurs collègues, et par la suite, lorsque chacun d'eux aura fait, je dirais, l'analyse et l'évaluation, on reprendra la production. L'usine n'a pas fait de vente, donc a perdu des profits, les travailleurs n'ont pas été rémunérés. Et, à une réponse à un journaliste... qui a été posée à l'effet que, si j'avais été le mari, ou le président de syndicat, ou la fille du président de syndicat, je serais en furie contre l'entreprise, et la réponse de l'entreprise était : Au contraire, si j'étais le père, le frère ou le mari du travailleur, je serais fier que mon employeur ait tellement à coeur sa santé et sécurité qu'il est prêt à perdre des ventes pour maximiser la responsabilité de sa sécurité. Et, dans ce sens-là, c'est une responsabilité de tous, et des travailleurs, et des employeurs.

M. Derraji : Bien, merci, M. Blackburn. Vous parlez du domaine que vous connaissez très bien, le domaine forestier, donc je vous remercie pour cet exemple qui illustre très bien la problématique que je viens de soulever.

Une autre question. Vous préconisez le retrait des médecins du réseau de la santé publique en santé au travail. Donc, est-ce qu'une telle recommandation sert bien les nouveaux employeurs qui seront soumis au régime de santé et sécurité au travail qui possède l'expertise? Et proposez-vous le retour du médecin de l'employeur?

M. Dorval (Yves-Thomas) : Mme la Présidente, en fait, on ne propose pas le retrait du médecin, là, ou du spécialiste en santé au travail. Ce qu'on dit, c'est qu'il faut le mettre dans l'endroit propice où il peut contribuer le plus, c'est-à-dire de regarder, par exemple, au niveau scientifique, quels sont les éléments qui peuvent être des contaminants, les agresseurs, etc. Donc, il a un rôle.

Quand on a parlé au tout début, au niveau de la prévention, on a dit : C'est important d'associer toutes les parties prenantes, hein, c'est ça que M. Blackburn a dit tout à l'heure. Les parties prenantes, ça inclut la santé au travail, ce n'est pas exclu. Sauf qu'on revient toujours au principe de la décision, ultimement, c'est l'employeur qui doit réorganiser son travail, c'est l'employeur qui doit mettre en place les mesures, et le travailleur doit contribuer à ça, et les avis de santé au travail sont très importants.

Mais je veux juste confier quelque chose, aussi, sur la capacité du réseau. Vous savez, je siège au conseil d'administration de la CNESST. Ça fait au moins cinq ans, hein, que le réseau de santé au travail ne peut même pas dépenser la subvention qui lui est octroyée, parce qu'il n'y a pas assez de ressources, à l'interne, pour couvrir tous les éléments qu'ils doivent couvrir. Donc, il faut faire appel à toutes les parties prenantes, à toutes les spécialités, y compris santé au travail, qui ont une expérience et une expertise extraordinaires mais pas... ça ne doit pas être prépondérant.

M. Derraji : Mais donc, maintenant, avec ce que vous venez de dire, le projet de loi n° 59 accorde des pouvoirs accrus à la CNESST. Vous, vous siégez au niveau de la CNESST, pensez-vous qu'on rajoute énormément de choses sur la table de la CNESST?

M. Dorval (Yves-Thomas) : Oui. Si vous prenez l'analyse d'impact qui a été faite, on sous-estime de beaucoup, beaucoup. On augmente tous les coûts, hein... c'est-à-dire on réduit tous les coûts. Par exemple, on va calculer les coûts sur trois ans puis on augmente tous les bénéfices sur 10 ans, sans compter que la majorité des lésions, etc., vont être... vont arriver de toute façon, parce qu'elles n'ont pas trait à des mécanismes de prévention.

Mais ce que vous dites est très important, c'est qu'on a les moyens pour aider, pour mettre en place les ressources nécessaires. L'idée, c'est de faire... s'assurer que l'employeur ne perde pas sa place, que le travailleur ait aussi ses responsabilités et que l'ensemble des parties prenantes, des spécialités puissent concourir, puis qu'à la fin c'est l'administrateur du régime qui doit prendre la décision au niveau de l'admissibilité ou de l'indemnisation, etc.

M. Derraji : M. Dorval...

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, merci.

M. Derraji : Je vais juste remercier, Mme la Présidente, M. Dorval, M. Blackburn. Merci beaucoup pour la qualité des documents que vous avez envoyés. Soyez rassurés par rapport à notre grand intérêt, qu'on va essayer de faire tout ce qu'on peut pour préserver ce régime. Merci, encore une fois, pour la présence.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, merci pour le bel échange. Nous poursuivons maintenant avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous disposez de 2 min 45 s. Alors, est-ce que le député d'Hochelaga-Maisonneuve est avec nous?

M. Leduc : Oui. Bonjour, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Bonjour.

M. Leduc : Bonjour, M. Blackburn. Bonjour, M. Dorval. Deux... peut-être un commentaire puis une question. Premièrement, sur le programme maternité sans danger, là, je suis toujours un peu étonné du retour de cette cabale-là, là. Il me semblait que c'était dossier réglé. On oublie tout le temps de dire que, si quelqu'un se retrouve en maternité, en retrait préventif, là, c'est parce qu'il n'a pas été capable d'avoir élimination du danger à la source, qui est dans votre cour, et d'une assignation d'une tâche temporaire, qui est aussi dans votre cour. C'est suite à ces deux échecs-là de votre part que quelqu'un se ramasse en retrait préventif. Puis vous dites qu'il y a 70 % des retraits qui se font dans le secteur public. Bien, il ne faut peut-être pas oublier aussi que, dans le secteur public, c'est 80 % des salariés qui sont syndiqués, alors que, dans le secteur privé, on est plus dans le 15 %, 20 %. Peut-être que ça serait une explication, hein? Les gens connaissent mieux leurs droits et appliquent plus leurs droits lorsqu'ils sont syndiqués. C'était mon commentaire.

Ma question est plus sur l'aspect... votre recommandation numéro b... la lettre b, plutôt. Vous demandez, dans le fond, à ce que les corps d'emploi, les secteurs d'emploi qui ont une bonne performance, ça soit dédouané de certaines obligations en matière de prévention. Mais je trouve ça étonnant parce que la notion même de prévention, c'est de s'assurer qu'il n'y ait aucun danger. Et, si ça va... Parce que la logique est bizarre. Est-ce qu'il va falloir attendre que ça aille mal avant de faire la prévention? Si ça va bien dans un secteur, parce qu'ils appliquent la prévention, bien, il faut continuer à appliquer la prévention, il ne faut pas baisser les niveaux de prévention. Donc, n'attendons pas que ça aille mal pour faire de la prévention, gardons-la pour tout le monde. Après ça, faut-il avoir des niveaux de risque ou des niveaux d'application de tout un chacun? C'est une bonne question. Mais je trouve que c'est une drôle de logique.

M. Blackburn (Karl) : Bien, si je peux me permettre rapidement, d'abord, vous laissez entendre que le programme de maternité sans danger, c'est quelque chose auquel nous, on n'accorde pas d'importance. C'est faux. Ce qu'on dit, simplement, c'est que ce programme-là est davantage un programme social, donc devrait être absorbé par des programmes sociaux et non par des programmes de santé et sécurité qui eux sont financés à 100 % par les employeurs du Québec.

Et l'autre élément, ce qu'on mentionne par rapport à l'aspect que vous soulevez sur l'aspect de santé et sécurité, il faut reconnaître que certaines entreprises, certains employeurs sont très performants dans leurs secteurs d'activité. Alors, il faudrait s'inspirer de ces éléments-là de performance au lieu d'arriver avec, je dirais, des applications mur-à-mur sur certaines mesures, qui ne viendraient pas reconnaître cette capacité ou cette qualité de performance. Et je pourrais peut-être demander à M. Dorval de compléter la réponse.

M. Dorval (Yves-Thomas) : Bien, merci. Écoutez, d'abord, pour la notion de prévention, en fait, lorsqu'on a moins d'accidents et moins d'accidents graves, c'est parce qu'on a en place des mécanismes ou des moyens de prévention. Là, on parle de mécanisme légiféré, réglementé, avec des obligations, par exemple, de représentativité, etc. Nous, ce qu'on dit, là, ce n'est pas qu'il ne doit pas y avoir des moyens de prévention... Puis, en passant, là, c'est faux de dire qu'il n'y a que quelque chose comme 25 % seulement, de... je ne me souviens plus du chiffre exact, là, de gens qui sont couverts...

La Présidente (Mme IsaBelle) : M. Dorval, vous savez que votre temps est écoulé, hein?

M. Dorval (Yves-Thomas) : Ah! Je m'excuse. Juste pour vous dire que tous les employeurs, hors groupes prioritaires qui sont en mutuel, ont des obligations de prévention, c'est juste que les moyens sont différents.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, c'est tout le temps que nous avons, merci pour l'échange. Nous poursuivons maintenant avec le député de Bonaventure. Vous disposez de 2 min 45 s. Alors, respectez le temps, s'il vous plaît. Merci.

• (10 h 30) •

M. Roy (Bonaventure) : Vous êtes trop généreuse, Mme la Présidente. Bonjour, MM. Blackburn et Dorval. Ce n'est pas la première fois que nous avons des discussions, on a déjà croisé le fer. D'entrée de jeu, élément d'information, aussi, au Québec, on est les champions en termes de contestation juridique. Donc, éventuellement, il va falloir évaluer les coûts que ça apporte, aussi, aux entreprises, qui... pour qui certains acteurs, c'est une industrie extrêmement florissante.

Bon, dans votre mémoire, vous faites valoir le mythe de l'autorégulation, hein? Vous préconisez une déréglementation en faisant valoir l'instauration d'un guide de bonnes pratiques. Donc, c'est votre travail, vous le faites au Conseil du patronat, vous faites votre job. Vous voulez disqualifier et disloquer la fonction régulatrice de la Santé publique. Tout à l'heure, vous avez dit que vous ne vouliez pas ça, mais, si je vais dans votre mémoire, vous dites : «Nous devons éliminer les interventions de la Santé publique dans le milieu de travail.» C'est clair.

Moi, je vais vous amener sur un article qu'il y a eu dans le... une entrevue, ce matin, à Radio-Canada, où la Santé publique a des inquiétudes par rapport aux conflits d'intérêts potentiels des médecins qui seraient engagés par les entreprises qui auraient le mandat... Parce qu'on élimine la Santé publique, donc des gens indépendants, on embauche des médecins qui ont le mandat de prescrire les programmes de prévention, mais ils peuvent aussi avoir le mandat de contester les demandes d'indemnisation. Est-ce que vous ne craignez pas de voir des conflits d'intérêts potentiels de médecins à l'intérieur des entreprises? Et, si oui, est-ce que ça ne prendrait pas des garde-fous?

M. Dorval (Yves-Thomas) : Si M. Blackburn le permet...

La Présidente (Mme IsaBelle) : Réponse...

M. Blackburn (Karl) : Je laisse mon temps à M. Dorval.

M. Dorval (Yves-Thomas) : Écoutez, la question du médecin traitant, là, c'est que, si c'était la solution miracle, on le verrait au Québec. Puis c'est la seule province qui a ça. Le médecin traitant a des responsabilités. Quand on dit dans notre mémoire qu'il faut enlever les interventions en milieu de travail, on ne dit pas que la contribution de la santé au travail ne doit pas être là en termes d'information, en termes de prédire, de prescrire des éléments de santé publique, des éléments de santé globale. Ce qu'on dit, c'est que l'intervention de quelqu'un dans le milieu de travail, ça relève du milieu de travail et non pas de gens qui sont à l'extérieur.

Vous avez parlé de conflit d'intérêts, c'est le plus bel exemple pourquoi on a un problème au Québec. Vous avez parlé de surcontestations et de litiges, c'est exactement pour ça. Vous savez, quand on pose la question aux associations de médecins, quand on pose la question au médecin traitant, c'est quoi, son enjeu principal en médecine du travail, c'est de protéger sa relation de confiance client-prescripteur. C'est ça, son premier... un de ses éléments importants. Vous parlez de conflit d'intérêts. Bien, à ce moment-là, le conflit d'intérêts est aussi vrai entre le médecin traitant puis son employé versus un régime de santé et sécurité au travail. Là, on vient dire...

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Attention, M. Dorval. Le temps est écoulé, alors, merci. Alors, je remercie M. Blackbrun et M. Dorval pour votre contribution à la commission.

Nous suspendons quelques instants afin d'accueillir le prochain groupe. Merci.

(Suspension de la séance à 10 h 33)

(Reprise à 10 h 39)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, bonjour. Je souhaite la bienvenue aux représentantes du Conseil du statut de la femme. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, après quoi nous procéderons à la période d'échanges. Toutefois, je vous invite à vous présenter avant de commencer votre exposé.

Conseil du statut de la femme (CSF) 

Mme Cordeau (Louise) : Bon matin. Bonjour à tous les membres de la commission. Louise Cordeau. Je suis présidente du Conseil du statut de la femme et je suis accompagnée de Mélanie Julien, qui est la directrice de l'analyse et de la recherche par intérim au conseil.

• (10 h 40) •

Alors, aujourd'hui, le conseil intervient sur le projet de loi n° 59 visant à moderniser le régime de santé et de sécurité du travail. Il salue l'intention du gouvernement de concrétiser cette tâche colossale, considérant les changements significatifs dans le monde du travail et de l'ensemble de notre société. Vous l'aurez deviné, le conseil souhaite que les modifications législatives introduites avec le projet de loi n° 59 tiennent pleinement compte des réalités des femmes, et ces réalités ne sont pas forcément les mêmes que celles les hommes. Cette affirmation peut sembler banale, mais gardons-la à l'esprit. Ces différences sont d'ailleurs rapportées dans le Plan d'action en santé et bien-être des femmes que le ministère de la Santé et des Services sociaux a rendu public. De nombreux spécialistes du Québec et d'ailleurs l'affirment, on ne peut réfléchir à la santé en général et à la santé et à la sécurité du travail en particulier sans considérer les différences biologiques et sociales entre les femmes et les hommes. C'est sur la base de ce constat que le conseil a examiné le projet de loi n° 59. Ce dernier contient des dispositions législatives significatives dans l'intérêt des travailleuses. Des pistes d'amélioration demeurent cependant nécessaires.

Je m'attarderai à cinq sujets. Le premier concerne le personnel domestique, on le sait, majoritairement composé de femmes et qui sont souvent issues de l'immigration. Donc, le projet de loi n° 59 prévoit l'élargissement de la couverture de la loi au personnel domestique. Cette intention rejoint d'ailleurs des recommandations antérieures du conseil et fait écho à la nécessité de mieux reconnaître ces emplois souvent sous-estimés et sous-évalués. Le projet de loi impose toutefois les limites d'admissibilité en fonction du nombre d'employeurs et du nombre d'heures travaillées. Ces critères excluent de facto des personnes qui travaillent à temps partiel ou qui ont plusieurs employeurs. Nous pensons, par exemple, aux personnes qui permettent le maintien à domicile des personnes aînées, malades ou en situation de handicap.

Le conseil recommande donc de retirer ces critères limitatifs. De plus, le conseil recommande que les employeurs des travailleuses et des travailleurs domestiques ne soient pas dispensés de tenir un registre des accidents considérant qu'il s'agit d'un moyen reconnu pour améliorer la prévention des risques.

Notre deuxième sujet traite de la reconnaissance des maladies professionnelles propres aux femmes. Le projet de loi prévoit différents moyens pour déterminer les maladies professionnelles. Pour atteindre leurs objectifs, ces différents mécanismes doivent considérer les différences entre les femmes et les hommes. Reconnues par les spécialistes, elles s'expliquent notamment par le fait que... et je vais vous donner quelques exemples qui semblent évidents, peut-être : certains emplois sont occupés par une large majorité de femmes — on pense évidemment à la santé et à l'enseignement; les femmes qui occupent un emploi à prédominance masculine doivent parfois composer avec un équipement encore inadapté à leur morphologie — on pense, par exemple, aux pompières, leurs gants et les bottes de travail. Certaines recherches, de plus, ont démontré que les femmes et les hommes réagissent différemment à des situations de stress au travail ou à l'exposition à des contaminants chimiques. Et finalement, plusieurs recherches sur les risques de maladies et de lésions professionnelles et sur la santé en général portent davantage sur des sujets ou des secteurs d'emploi occupés majoritairement par des hommes.

Prenons un exemple concret. Le projet de loi ne reconnaît toujours pas le cancer du sein comme une maladie professionnelle des pompières, alors qu'il est reconnu ailleurs au Canada. Mais le cancer des poumons, du larynx, de la peau et de la prostate y est nommément désigné. Il est donc impératif que les maladies et les lésions professionnelles propres aux femmes soient reconnues. Pour ce faire, il faut recourir à une analyse différenciée selon les sexes, dans le processus menant à l'identification des maladies et des lésions professionnelles. Il s'agit d'une avenue riche de bénéfices, comme le fait valoir le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, en France, et je les cite : «La prise en compte des interactions entre sexe et genre dans le domaine de la santé a des retombées majeures en termes de connaissances scientifiques, de prise en charge médicale, de traitement, de prévention et [de réduction] des coûts de santé.»

Le Conseil recommande donc que cette ligne directrice soit énoncée dans le projet de loi, notamment eu égard au mandat du comité scientifique et dans les obligations des comités des maladies professionnelles, et, de plus, que soit revue la liste des maladies professionnelles.

Notre troisième sujet concerne les mécanismes de prévention et de participation dans les secteurs à prédominance féminine. Le Conseil salue la volonté du gouvernement d'étendre les mécanismes de prévention et de participation à l'ensemble des secteurs d'activité économique. Il constate, cependant, que le moyen d'évaluation qui a été privilégié ne permet pas de refléter les risques qui affectent les travailleuses de certains secteurs à prédominance féminine. Comment peut-on justifier que des hôpitaux, des établissements de soins de santé à domicile et des écoles soient associés à un faible niveau de risque? Nous savons que c'est dans ces domaines que s'observent les plus hauts taux de lésions attribuables à la violence physique. Selon la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail, en 2018, près de 80 % des lésions acceptées attribuables à la violence physique surviennent dans les milieux de la santé et de l'enseignement.

Le conseil recommande donc de revoir les niveaux de risque associés aux différents secteurs d'activité.

Notre quatrième sujet traite de l'évaluation des risques pour les travailleuses enceintes ou qui allaitent. Sur la base d'analyses produites ces dernières années, le conseil s'attarde à trois principaux enjeux. D'abord, les conditions d'admissibilité au programme. Le conseil se préoccupe de la situation des femmes qui sont exclues du programme Pour une maternité sans danger. Il est certes heureux de constater que le projet de loi permet aux stagiaires d'y avoir désormais accès. Les travailleuses domestiques, les travailleuses autonomes dont l'entreprise n'est pas constituée en personne morale, notamment dans le milieu agricole ou entrepreneurial, en sont toutefois toujours exclues. Nous pensons qu'une réflexion en marge des travaux de cette commission devrait être effectuée afin d'élargir le programme à ces travailleuses.

Le second enjeu concerne l'équité dans l'évaluation des risques. Le conseil est soucieux que l'établissement de protocoles, prévu au projet de loi, donne lieu à une équité dans l'évaluation des risques, tout en conservant la possibilité pour la professionnelle ou le professionnel chargé du suivi de grossesse de formuler les recommandations qui tiennent compte de l'état de santé de la travailleuse et des conditions spécifiques à l'exercice de son emploi. Par ailleurs, l'établissement de protocoles ne peut être conçu comme un exercice figé dans le temps, étant donné le développement des connaissances sur les risques afférant au marché du travail.

C'est pourquoi le conseil recommande d'ajouter la mise à jour des protocoles aux responsabilités du directeur national de santé publique.

Le troisième enjeu est le soutien aux employeurs afin qu'ils mettent en place des mesures permettant d'éviter les risques, tout en maintenant les travailleuses en emploi. Plus de 40 % des travailleuses enceintes ou qui allaitent sont retirées de leurs emplois sans être réaffectées. Cette réaffectation pose forcément des défis dans certains milieux de travail.

Le conseil recommande donc d'ajouter au contenu des programmes de prévention l'identification des dangers pour les travailleuses enceintes ou qui allaitent.

Et finalement notre dernier sujet traite de la protection des travailleuses victimes de violence conjugale. Parmi les obligations prescrites à l'ensemble des employeurs pour protéger la sécurité et l'intégrité physique du travailleur, le projet de loi ajoute celle de prendre des mesures pour assurer la protection du travailleur exposé, sur les lieux de travail, à une situation de violence physique ou psychologique, incluant la violence conjugale ou familiale. Il rend ainsi explicite la responsabilité de l'employeur en matière de protection des travailleuses et des travailleurs sur les lieux de travail. Cette responsabilité s'ajoute, aux yeux du conseil, à celle d'offrir un soutien aux employées victimes de violence, même lorsque celle-ci ne se manifeste pas sur les lieux de travail. Cette disposition, que nous saluons, affirme l'importance de lutter collectivement contre la violence, incluant la violence conjugale, dont les femmes sont majoritairement victimes.

Le conseil est cependant préoccupé par les mesures que les employeurs devront prendre afin d'assurer cette protection sur les lieux de travail. Ils devront être soutenus pour reconnaître les signes de la violence conjugale, encourager les signalements et protéger adéquatement les victimes. Ce soutien est d'autant plus nécessaire que les manifestations de la violence conjugale en milieu de travail prennent des formes variées. De plus, le télétravail vient renforcer le contrôle exercé sur les victimes et amplifier les risques de violence, tout en limitant la capacité d'action des employeurs. L'expertise en la matière existe. Les maisons d'hébergement, les centres de femmes, les centres d'aide aux victimes criminelles savent comment intervenir et accompagner les victimes.

Dans cette perspective, le conseil recommande d'ajouter au contenu des programmes de prévention les mesures à suivre dans l'éventualité où une travailleuse ou un travailleur est victime de violence conjugale, incluant...

La Présidente (Mme IsaBelle) : Mme Cordeau, en conclusion. Vous avez déjà dépassé votre temps.

Mme Cordeau (Louise) : Donc, nous souhaitons que la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail fournisse des outils pour guider les employeurs. Donc, vous aurez compris que des ajustements doivent être apportés au projet de loi qui modernise le régime de santé et de sécurité du travail, afin qu'il considère pleinement les réalités des femmes dans le marché du travail et que notre société bénéficie de l'engagement de l'État québécois envers l'égalité entre les femmes et les hommes. Merci beaucoup de votre attention.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci pour votre exposé. Alors, nous allons suspendre quelques instants avant de commencer la période d'échange.

Alors, nous suspendons quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 10 h 50)

(Reprise à 11 heures)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, nous recommençons. Comme nous avons eu un petit pépin, je demanderais si nous avons le consentement pour prolonger la séance de ce matin à quelques minutes plus tard. Alors, j'y vais en ordre. Je dois avoir votre autorisation, votre consentement. M. le ministre?

M. Boulet : Consentement.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Le député de Mégantic... Député de Mégantic, le micro.

M. Jacques : Consentement, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Député de Nelligan?

M. Derraji : Consentement.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Député d'Hochelaga-Maisonneuve?

M. Leduc : Consentement.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Député de Bonaventure?

M. Roy (Bonaventure) : Consentement.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Excellent. Alors, quand nous avons quitté, Mme Cordeau venait de terminer son exposé. Alors, nous commençons la période d'échange avec M. le ministre. La parole est à vous, vous disposez de 16 min 30 s. Je vous invite à bien respecter le temps du 16 min 30 s. Merci.

M. Boulet : Merci, Mme la Présidente. Dans un premier temps, j'aimerais remercier et féliciter Mme Cordeau, Mme Julien puis toute l'équipe qui a collaboré à la rédaction du mémoire du Conseil du statut de la femme, et vous dire à quel point la réalité féminine en milieu de travail fait partie, bien sûr, non seulement de nos réflexions... Mais vous avez souligné, dans les cinq sujets... vous avez fait référence, notamment, aux travailleuses domestiques qui n'étaient pas couvertes, qui ne sont pas couvertes dans le régime actuel. Vous avez parlé du cancer, je vais y revenir un peu plus loin. Vous avez parlé des stagiaires. Les stagiaires n'étaient pas couverts, notamment les stagiaires d'observation, qui seraient dorénavant, bien sûr, avec l'adoption potentielle de ce projet de loi là, couverts. Et, la violence conjugale, je vais y revenir.

Mais, dans un premier point, parlons des travailleuses domestiques, parce que c'est une nette prépondérance féminine, beaucoup de ces personnes-là sont totalement vulnérables, sont originaires aussi, de façon majoritaire, des Philippines, notamment. Vous dites : Il ne devrait pas y avoir de limite. Comme vous savez, on a fait beaucoup d'examens comparatifs avec les autres régimes applicables aux travailleuses domestiques, au Canada et ailleurs, et ça requiert un certain encadrement, en termes de nombre d'employeurs et de nombre d'heures, pour s'assurer qu'il y ait une certaine continuité dans les environnements de travail. Quand vous dites : Il ne devrait pas y avoir de critère limitatif, Mme Cordeau, est-ce que vous dites, notamment : Il ne devrait pas y avoir aucun nombre d'heures ou aucun nombre de semaines, aucune régularité de travail de la part des travailleuses domestiques? Ça, c'est le premier volet de ma question.

Puis deuxièmement qu'est-ce qu'on ferait, par exemple, de quelqu'un qui vient simplement tondre la pelouse ou quelqu'un qui vient simplement, de façon sporadique, garder les enfants? Puis il y en a beaucoup, de travailleuses domestiques, mais qui le font de façon régulière, qui sont des personnes à temps plein, là, ou à peu près à temps plein, mais il y en a qui pourraient ne le faire que sporadiquement. Qu'est-ce que vous me répondez à cette question-là?

Mme Cordeau (Louise) : Est-ce qu'on m'entend, c'est bon?

M. Boulet : Oui.

Mme Cordeau (Louise) : Alors, vous avez raison, M. le ministre, c'est un grand enjeu et c'est un niveau de difficulté qui est fort important. Mais je vais vous donner un exemple, dont on parle dans le mémoire mais qu'on n'a pas pris la peine de parler trop longtemps dans la présentation : les travailleuses domestiques ou les travailleuses qui profitent du programme chèque emploi-service, qui assurent des services auprès des personnes malades ou handicapées, qui sont rémunérées aussi au niveau gouvernemental et qui sont couvertes, s'il arrive des accidents ou des lésions professionnelles.

Ces personnes-là, souvent, continuent à travailler pour le même employeur, donc la personne handicapée ou malade, parce que les services ne sont pas suffisants. On veut faciliter, par exemple, le maintien à domicile des personnes dans notre société, ça veut dire que d'autres personnes doivent aller les aider. Et ces personnes-là, durant le temps de travail où elles sont reconnues pour le programme chèque emploi-service, sont protégées, et, si elles travaillent un nombre d'heures additionnelles, elles ne sont pas protégées s'il arrive un accident sur les lieux de travail. Puis, si je continue ma réflexion, c'est que leur indemnité sera calculée sur ce que ces personnes reçoivent eu égard au programme chèque emploi-service et non pas au total d'heures travaillées. Ça, c'est un exemple qui pourrait peut-être être plus facile à encadrer.

Je suis d'accord avec vous qu'il y a beaucoup de cas de figure où, finalement, les travailleuses domestiques, qui sont majoritairement des femmes, travailleurs et travailleuses domestiques, ont un employeur pour lequel c'est difficile... L'employeur ne cotise pas, là, on le sait que c'est un régime, c'est un régime contributoire aussi. Mais il reste que le travail domestique, tel qu'il est défini dans la loi, actuellement, à temps plein, parce que c'est de ça dont on parle, il y a plusieurs personnes qui effectuent du travail domestique qui ne peuvent pas en bénéficier, là.

M. Boulet : Oui, je comprends. Mais vous comprenez, en même temps, Mme Cordeau, un, je le répète, là, on a fait une avancée considérable, parce qu'il n'y avait pas de couverture avant, puis, deux, ça nous apparaissait fondamental de prévoir que ces personnes-là devaient travailler un minimum d'heures par semaine et un certain nombre d'heures consécutives, un certain nombre de semaines consécutives pour s'assurer, là, de bien protéger les personnes qui font un travail domestique, là, de façon un peu plus régulière.

Deuxième sujet, cancer du sein pour les pompières. C'est extrêmement intéressant, parce que je pense qu'il faut se redonner l'opportunité de dire qu'actuellement les maladies professionnelles présumées sont dans une annexe. Maintenant... Puis une annexe, bien évidemment, ça fait partie intégrante de la loi puis ça se modifie beaucoup plus difficilement, alors que, maintenant, ce sera un règlement. Et il y a un comité de scientifiques, donc des experts qui vont émettre des avis. Là, on a rajouté neuf cancers, notamment pour les pompiers et les pompières.

Le cancer du sein, à titre d'information, si le comité de scientifiques, basé sur l'évolution des connaissances scientifiques et médicales à l'échelle internationale, fait une recommandation que ce cancer-là du sein, il est reconnu comme étant lié au travail de pompière, bien sûr, ce sera une recommandation, un, qui sera rendue publique et éventuellement suivie, là, par le ministre. Mais je tenais à vous rassurer qu'on n'a pas négligé les neuf cancers qui ont été rajoutés. Bien, ça tenait compte de l'unanimité qui s'était dégagée, là, à l'échelle internationale. Puis je sais que ça peut exister dans certains pays, mais c'est certainement quelque chose qui est évolutif et que nous allons éventuellement considérer.

Mme Cordeau, les stagiaires, bon, évidemment, vous avez parlé d'un protocole. J'aimerais ça que vous me reparliez du PMSD, notamment en ce qui concerne le protocole qui va être un guide de référence, qui va faire état des connaissances scientifiques. Vous demandiez si ce guide-là allait être coulé dans le béton. Est-ce que c'est l'objet de votre intervention?

Mme Cordeau (Louise) : C'est-à-dire qu'il y a plusieurs facteurs, et un des éléments, c'est de dire : Des protocoles vont être élaborés par le directeur de la santé publique. Il nous semble important que ces protocoles-là soient mis à jour. Je pense que ça peut avoir l'air assez simple, mais pour ne pas considérer que c'est un format qui est là, qui est bon, qui existe pour tout le temps.

Et, si vous me permettez, je demanderais à Mme Julien de compléter. Elle a travaillé cet aspect-là de façon plus approfondie. Alors, si vous le permettez, elle pourrait vous donner plus d'explication.

M. Boulet : Bien sûr.

Mme Julien (Mélanie) : Oui, merci. Alors, pour venir compléter la réponse de Mme Cordeau, j'ajouterai qu'en ce qui concerne les protocoles ce qui nous importe, en fait, c'est qu'on sait, en vertu de l'ensemble des analyses qui ont été effectuées sur la question, qu'il y avait quand même un certain nombre de disparités dans l'évaluation des risques pour les travailleuses enceintes ou qui allaitent. C'est un constat qui est mis en relief dans différentes études. Et ce que nous, on souhaite, c'est que l'élaboration des protocoles permette, justement, une plus grande équité dans l'évaluation des risques.

En même temps, ce que l'on souhaite, c'est que ces protocoles-là n'en arrivent pas à une standardisation et qu'on ne puisse plus considérer les cas de santé propres à chacune des femmes ou les conditions de travail propres à chacune des femmes. Parce que, souvent, c'est aussi un cumul de risques qui fait en sorte que la travailleuse enceinte ou qui allaite peut difficilement continuer dans l'exercice de son emploi, tel qu'il est, de façon régulière. Alors, ce que nous, on souhaite, c'est que... oui, l'établissement de protocoles, mais tout en laissant une certaine marge de manoeuvre à la professionnelle ou au professionnel qui est en charge du suivi de la grossesse de la femme, pour évaluer les conditions qui sont propres à cette femme-là.

• (11 h 10) •

M. Boulet : Oui, Mélanie, c'est un excellent point. Les protocoles, oui, ils vont être... il n'y a rien d'enraciné, puis le directeur national de la santé publique va considérer l'évolution pour assurer une équité, là, dans ce que vous appelez... dans l'évaluation des risques. Ça, pour moi, ça m'apparaît extrêmement fondamental.

Puis, deux, ce n'est pas parce qu'il y aura un protocole national que ça va enlever une marge de manoeuvre, mais ça va être un outil de référence qui va nous dire où nous en sommes rendus dans les connaissances scientifiques, les environnements de travail typiques qui constituent un danger pour la femme enceinte ou pour son enfant, l'enfant à naître, en raison de son état de grossesse. Je pense, Mélanie et Louise, vous le soulignez bien, je pense que le but, c'est vraiment qu'il y ait une meilleure équité et un accès qui soit tout à fait équitable, là, peu importe où on se situe au Québec.

Je vais profiter de votre présence pour... Bon, la violence conjugale, c'est un concept qui... Bon, on avait... j'avais eu l'opportunité de discuter avec des spécialistes en matière de violence conjugale. Ce qu'on dit, bon, évidemment, je pense qu'il faut reconnaître que ce concept-là est reconnu, l'impact de la violence conjugale en milieu de travail... et où on dit : Si l'employeur doit ou est raisonnablement en mesure de savoir qu'une personne qui travaille pour lui est victime de violence conjugale... J'aimerais ça bénéficier de votre expertise, Mélanie, Louise, pour partager les cas, les exemples de personnes. Bon, une femme qui est dans son environnement de travail, c'est quoi, les signes, les symptômes qui permettent à un employeur d'être alerté et d'intervenir?

Mme Cordeau (Louise) : Je pense que les symptômes sont nombreux, ils peuvent être aussi différents que ce que vivent les femmes. Mais je pense que le fait, par exemple, qu'il y ait de l'absentéisme au travail, qu'il y ait des pertes de concentration, qu'il y ait quelqu'un qui se referme sur elle-même, évidemment, les coups, c'est plus apparent, mais il y a toute la violence psychologique aussi. On parle de violence conjugale, donc violence conjugale, on... (Panne de son) ...de la violence psychologique aussi, et c'est pourquoi, dans le mémoire, on parle d'outiller les employeurs.

Et, si, M. le ministre, je peux faire une référence, lorsque, dans les entreprises, on a commencé à parler de harcèlement psychologique ou de harcèlement sexuel sur les lieux de travail, c'était difficile pour les employeurs d'intervenir lorsque quelqu'un arrivait puis disait : Je suis victime de harcèlement psychologique, par exemple. Et, on a vu, au fil du temps, les employeurs se sont dotés de politiques d'intervention pour qu'à la fois les travailleurs, les employeurs sachent comment intervenir.

Et, intervenir en matière de violence conjugale, on le disait, il y a des spécialistes qui savent très bien comment outiller les employeurs. Et on voyait... puis on ne l'a pas intégré dans le mémoire, mais les CAVAC, entre autres, ont un guide en matière de violence conjugale qui pourrait inspirer plusieurs employeurs. Parce que, la difficulté, les manifestations de violence sont nombreuses, puis l'attitude des victimes est différente, les unes des autres, et le fait, aussi, d'être capable d'en parler, ça aussi, ça constitue un enjeu majeur.

Alors, si, majoritairement, les femmes savent que, dans leur milieu de travail, il existe des dispositions, des dispositifs... Puis là on pourrait en parler, de nombreuses actions que l'employeur pourrait prendre pour protéger la victime sur les lieux de travail. Mais, au-delà de ça, tu sais, on peut parler d'accommodements, on peut parler de sécurisation des lieux, on peut en nommer plusieurs, hypothèses. Mais ce qu'il faut retenir, c'est : dans la mesure où cette disposition-là est tellement importante et fondamentale, il ne faut pas croire, parce qu'on le dit dans la loi, parce qu'on l'énonce : On va régler le problème, puis bon.

Et je me mets à la place de l'employeur qui a maintenant cette responsabilité-là, cette obligation-là, et c'est pour ça que nous, on propose que dans... qu'à travers les programmes de prévention on puisse se doter d'outils d'intervention qui ne seraient pas, comment je vous... qui ne seraient pas uniques dans chacun des milieux de travail, qui seraient spécifiques à chacun des milieux de travail, c'est-à-dire qu'on n'a pas un seul outil d'intervention ou de prévention, mais qu'on puisse savoir, à la fois les travailleurs, les travailleuses, les employeurs, les comités santé et sécurité, les syndicats, si on parle de violence conjugale à l'intérieur de notre entreprise, qu'est-ce qu'on fait, comment on accompagne, comment on outille. Et, à partir du moment où la loi va prévoir cette disposition-là, et on la souhaite vivement, je pense qu'il faut donner des outils aux employeurs pour intervenir.

La Présidente (Mme IsaBelle) : M. le ministre, il ne reste que 1 min 20 s à l'échange.

M. Boulet : D'accord. Merci, Mme la Présidente. Je vais en profiter pour remercier énormément le Conseil du statut de la femme, encore une fois, pour la qualité de vos commentaires, de vos représentations. Puis, je le répète, il faut que ça soit maintenu dans nos discussions, quand on va faire l'étude détaillée article par article, de toujours avoir en tête l'incidence des environnements de travail ou des mécanismes qu'on va mettre en place sur la réalité. Mais je pense que les travailleuses domestiques, les stagiaires, la violence conjugale, et autres, là, les cancers ou les maladies professionnelles présumées... je pense qu'on a fait des pas considérables en avant.

Et, juste un dernier point, Mme Cordeau, quand il y a d'autres maladies professionnelles présumées qui sont plus spécifiques à la réalité féminine, il faudra certainement avoir l'opportunité d'échanger et de faire progresser aussi les travaux de ce comité de scientifiques là qui pourrait éventuellement être formé.

Ça fait qu'encore une fois je vous salue, content de vous avoir revues, même si c'est de manière virtuelle, Mélanie, Louise, puis au plaisir de vous rencontrer bientôt. Bye-bye.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci, M. le ministre. Alors, merci pour le bel échange. Nous poursuivons avec le député de Nelligan. Vous disposez de 11 minutes.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. Je vous invite à m'arrêter à la huitième minute parce que mon collègue Carlos va continuer avec une autre question.

Mesdames, bonjour. Excellent rapport, rien à dire. J'aimerais bien juste faire un rappel, surtout à l'ensemble de nos collègues, et je compte sur la partie gouvernementale, avec la présence de femmes à l'intérieur de notre commission, et rappeler un principe qui est très, très cher au gouvernement du Québec. Et je vais le lire et je vais vous demander votre point de vue : «Le gouvernement du Québec s'est d'ailleurs engagé à implanter dans ses pratiques pour poursuivre sa marche vers l'égalité entre les femmes et les hommes — [en] 2007. Dans le Plan d'action en matière d'analyse différenciée selon les sexes 2011-2015, le gouvernement prévoyait précisément de "mettre en oeuvre des mesures pour prévenir les lésions professionnelles chez les travailleuses et favoriser la gestion de la santé et [de] la sécurité dans les milieux de travail qui les accueillent."»

La première question. Vous avez soulevé un point extrêmement important, c'est la différence entre les pompiers et les pompières. Malgré les études démontrant le lien de cause à effet, je peux dire qu'il y a... Est-ce qu'on peut dire qu'il y a un effet de causalité par rapport au cancer du sein chez les pompières? Est-ce qu'aujourd'hui vous êtes déçues quand vous entendez que, par rapport au cancer du sein pour les pompières, on va envoyer ça chez le comité des maladies professionnelles, tandis que, pour les hommes pompiers, on reconnaît leurs maladies professionnelles?

Mme Cordeau (Louise) : Écoutez, je pense que ce qui est important, c'est de retenir que le cancer du sein doit être reconnu comme un cancer qui affecte directement les pompières. Il est évident que cette reconnaissance-là s'est faite ailleurs au Canada. Donc, nous, ce qu'on souhaite, c'est que le cancer du sein soit reconnu comme une maladie professionnelle des pompières. Maintenant, nous savons qu'à travers la loi il y aura des mécanismes qui vont permettre de le reconnaître, et c'est ce qu'on souhaite ardemment.

M. Derraji : Parlons des mécanismes, Mme Cordeau, le comité. Vous avez vu la composition des articles, j'en suis sûr et certain. Avez-vous un échéancier par rapport à la mise en application? Et ce serait quoi, votre réponse aux pompières qui vont vous demander, aujourd'hui, pourquoi le cancer du sein pour les pompières n'est pas encore pris en considération, malgré la quantité des études?

Mme Cordeau (Louise) : Bien, je vous dirais que, dans la mesure où ce cancer est reconnu au Canada, on souhaiterait que ce soit fait le plus rapidement possible.

M. Derraji : Donc, le plus tôt possible, ça veut dire que vous voulez que, lors de l'étude article par article, on pense à ce qu'il y ait un regard particulier à la lumière de ce cancer. Est-ce que j'ai bien compris, Mme Cordeau?

Mme Cordeau (Louise) : Vous avez bien lu notre mémoire.

• (11 h 20) •

M. Derraji : Oui, et c'est très clair. Parlons d'une autre situation, Mme Cordeau. Les Québécoises représentent 50 % de la population et 57 % de la population active. On estime à plus de 2,4 millions de femmes au travail. Pourtant, dans un régime qui a pour mandat de protéger la santé et la sécurité de tous, leurs spécificités ne sont pas tenues en compte. Est-ce que vous pensez que ce projet de loi a vraiment appliqué les règles de l'ADS?

Mme Cordeau (Louise) : Les règles de l'ADS, on pourrait en parler longtemps. Les règles de l'ADS, c'est tant... c'est dans tous les secteurs. On pourrait se demander, dans toutes les modifications législatives, comment on a appliqué l'ADS. Alors, je pense que l'ADS, et nous l'avons dit, ce processus d'analyse là est essentiel à travers l'ensemble des réalités des travailleuses, et on doit le prendre en compte à travers toutes les législations.

M. Derraji : Et, en votre nom... et j'invite aussi les autres collègues présents autour de la table de garder ce principe lorsqu'on va commencer l'étude article par article. Une autre question : À votre avis, si le programme Pour une maternité sans danger était couvert par l'assurance-emploi, au lieu d'une indemnité du revenu, est-ce que les femmes enceintes et qui allaitent auraient les mêmes droits et privilèges?

Mme Cordeau (Louise) : Malheureusement, je ne peux pas vous répondre. On ne s'est pas attardées sur le financement du programme, mais sur son application pour les travailleuses enceintes et qui allaitent.

M. Derraji : O.K. Parlons maintenant du financement du régime. Quel est le meilleur moyen de faire en sorte que des employeurs particuliers participent au financement du régime? Je ne sais pas si vous avez abordé cette question lors de votre analyse.

Mme Cordeau (Louise) : Bien, tantôt, on en parlait un peu qu'il y a certaines femmes, par exemple, qui sont des travailleuses autonomes, des travailleuses dans le milieu agricole, qui sont propriétaires d'entreprises agricoles, qui ne sont pas assujetties ou couvertes. Donc, ce qu'on a mentionné, c'est qu'on invitait peut-être, à l'extérieur du forum de cette commission-là, à une réflexion sur la meilleure façon de faire en sorte que ces femmes-là qui contribuent à l'essor économique du Québec puissent aussi être couvertes en matière de santé et sécurité au travail.

M. Derraji : O.K. Mme la Présidente, combien il me reste de minutes?

La Présidente (Mme IsaBelle) : Il vous reste quand même 5 min 30 s.

M. Derraji : O.K. Je vais céder la parole à mon collègue Carlos, il va commencer le volet... un autre volet, et je vais revenir par la suite.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Parfait. Alors, le député de Robert-Baldwin, vous êtes là?

M. Leitão : Je suis là. Très bien. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Mmes Cordeau et Julien, merci d'être là et merci d'avoir préparé ce mémoire. Moi, je voulais aborder un sujet que je trouve qui est très important, qui est celui du personnel domestique. Bon, je diviserais ça en deux parties : une partie, disons-le, technique, bon, de critères limitatifs d'indemnisation, très bien, on en discutera longuement pendant l'étude détaillée, mais je veux aborder un autre aspect dont, souvent, on ne parle pas, mais que c'est une réalité, ça existe, c'est-à-dire l'exploitation et l'abus.

Donc, beaucoup de ces femmes, parce que ce sont des femmes, sont victimes de cela. C'est une réalité ici, dans mon comté, comme ailleurs au Québec, donc ça existe. Alors, selon vous, quel est le rôle de la CNESST dans la prévention de la violence et de l'abus faits aux travailleurs domestiques... je ne vois pas ici de critère d'indemnisation, on en discutera après, mais tout simplement dans la prévention et même l'inspection de ces lieux de travail là?

Mme Cordeau (Louise) : Écoutez, ce n'est pas un aspect qu'on a regardé directement, dans le cadre du projet de loi. Mais mon premier... ma première réaction est de vous dire : C'est la communication. Parce que ces travailleuses, et on l'a dit tantôt, d'entrée de jeu, souvent issues de l'immigration, connaissent très, très, très peu leurs droits. Parfois, elles ne parlent pas ni français ni l'anglais. Et comment arriver, dans ces milieux de travail, à leur faire connaître leurs droits et la façon dont on traite les travailleuses et les travailleurs au Québec? C'est un enjeu majeur. Et ça se passe dans les résidences privées.

Il y a plusieurs obstacles, mais moi, je pense que... Puis je n'ai pas réfléchi longtemps, mais comment on outille les femmes immigrantes, lorsqu'elles arrivent au Québec, par exemple, et qu'elles seraient en emploi comme travailleuses domestiques? Comment on leur fait connaître quelles sont les réalités du Québec? Je n'ai pas de connaissance personnelle, peut-être qu'on le fait, peut-être que ça existe, et je ne le sais pas, mais, pour moi, c'est une des voies de prévention.

M. Leitão : Très bien, merci. Oui, en effet, mais pensez-vous que, dans le cadre du projet de loi, la CNESST a les ressources, ressources humaines appropriées, pour adresser ces questions-là? Moi, j'ai l'impression que non, mais c'est mon impression. Est-ce que vous êtes du même avis ou est-ce qu'on devrait leur procurer des ressources additionnelles pour qu'ils puissent vraiment jouer ce rôle-là?

Mme Cordeau (Louise) : Écoutez, je connais bien l'organisme que je dirige, il est difficile pour moi de porter un jugement sur un organisme pour lequel je n'ai pas de connaissance personnelle de la gestion. Mais il est évident qu'il y a un rôle de prévention, qu'il y a un rôle d'information puis qu'il y a un rôle aussi d'action qui doit exister au sein de la CNESST.

M. Leitão : Oui. Et je mentionne cette question parce que, connaissant un peu — ici, je regarde M. le ministre — ...connaissant un peu la machine gouvernementale, il y a un peu la tendance de dire : Bon, écoute, ça, ce n'est pas moi, c'est le ministère de l'Immigration; non, ce n'est pas moi, c'est un autre ministère, c'est un autre département. Je pense qu'ici il y a une belle occasion pour qu'un organisme gouvernemental public comme la CNESST prenne un rôle de leadership dans ce domaine-là qui est très important. Vraiment, il ne faut pas se cacher, là, ça existe, ça existe, ces questions de violence et de harcèlement. Vas-y, collègue.

M. Derraji : Et, dans le même sens, mon cher collègue Carlos...

La Présidente (Mme IsaBelle) : Il ne reste qu'une minute. Alors, attention, une minute.

M. Derraji : Oui. Dans le même sens, vous soulevez les situations de précarité vécues par ces nombreuses travailleuses domestiques et vous proposez que l'employeur particulier tienne un registre des accidents. Et c'est là ma question, dans le même sens que mon collègue : Est-ce à l'employeur ou à la CNESST que reviendrait cette obligation? Et comment s'assurer que cet effet dissuasif entraîne une meilleure prévention? En fait, la situation, elle est très complexe : la machine gouvernementale, les travailleuses domestiques qui viennent d'arriver au Québec, l'enjeu de la langue. Comment vous voyez des solutions, d'une manière très concrète, Mme Cordeau?

Mme Cordeau (Louise) : En fait, le registre des accidents existe dans les entreprises, les entreprises sont tenues de maintenir à jour un registre des accidents qui permet une meilleure prévention. Parce que, nécessairement, lorsqu'on a un registre de nos accidents, on peut évaluer : est-ce que c'est un événement isolé, est-ce que c'est répétitif, est-ce que ça se produit avec les mêmes personnes, est-ce que c'est dans les mêmes quarts de travail? Bon, il y a plusieurs exemples qui sont possibles. Et, le registre des accidents, la façon dont le projet de loi est actuellement formulé, les employeurs de travailleuses et de travailleurs domestiques ne sont pas tenus de garder à jour un registre des accidents, mais c'est un des outils qui peut aider à la prévention en milieu de travail.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, merci pour le bel échange. Nous devons poursuivre. Alors, nous poursuivons avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous disposez de 2 min 45 s.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Cordeau, Mme Julien, bienvenue. Je vais prendre le peu de temps qui m'est imparti pour parler des catégories de risques. Je l'ai fait dans mon mot d'ouverture. C'est quelque chose que je trouve bien regrettable, j'espérais, comme dans votre mémoire, que l'ensemble des salariés soient entièrement couverts, l'ensemble des salariés, évidemment les hommes comme les femmes. Vous critiquez, vous semblez critiquer, en tout cas, cette catégorisation des risques, pour toutes sortes de raisons, notamment les phénomènes de sous-déclaration des types de maladies qui ne sont pas nécessairement tout le temps bien étudiées ou bien comprises. J'aimerais juste aller un peu plus loin. Donc, vous nous proposez quoi? Est-ce que vous proposez qu'on revienne à l'ensemble des mécanismes de prévention pour toutes les catégories?

Mme Cordeau (Louise) : Si vous permettez, je vais demander à Mme Julien de compléter.

• (11 h 30) •

Mme Julien (Mélanie) : Bien sûr. En fait, ce qu'on recommande, c'est de revoir la catégorisation des risques. Effectivement que, dans le projet de loi, il y a un niveau de risque qui est attribué à chacun des plus de 300 secteurs d'activité, et c'est à partir de ces niveaux de risque là que vont être établies les obligations des employeurs à l'égard des mécanismes de prévention et de participation.

Et, nous, ce qu'on remarque, c'est que... en fait, on questionne les niveaux de risque qui sont associés aux différents secteurs d'activité. Notamment, ceux associés aux secteurs à prédominance féminine, comme les hôpitaux, les écoles, les services de soins de santé à domicile, sont associés à un niveau de risque faible, et, nous, ce que l'on... en fait, on questionne cette catégorisation-là, puisqu'on sait que ces secteurs-là sont à risque. Mme Cordeau le soulignait lors de son allocution, il y a des risques de lésions attribuables à la violence physique. Ce sont dans ces secteurs-là où se trouve le plus grand nombre de lésions qui sont rapportées. Alors, on questionne cette association de niveau de risque faible, et ce que l'on souhaite, c'est que cette évaluation-là soit revue pour mieux tenir compte des risques qui affectent les secteurs à prédominance féminine.

La Présidente (Mme IsaBelle) : 30 secondes.

M. Leduc : Pouvez-vous rapidement nous expliquer le phénomène de sous-déclaration?

Mme Julien (Mélanie) : En fait...

Mme Cordeau (Louise) : ...

Mme Julien (Mélanie) : Pardon. Allez-y, Louise.

Mme Cordeau (Louise) : Il y a plusieurs éléments : par exemple, la peur de perdre son emploi; l'espoir de guérir aussi, en se disant : Ce n'est pas si grave, probablement que je vais guérir; le fait aussi d'être jugé par des collègues; le fait de ne pas trop savoir comment remplir des déclarations. Il y a plusieurs éléments qui font en sorte que les femmes déclarent moins les accidents que les hommes.

M. Leduc : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Merci pour le bel échange. Nous poursuivons avec le député de Bonaventure. Vous disposez de 2 min 45 s.

M. Roy (Bonaventure) : Merci, Mme la Présidente. Écoutez, quand tu passes le dernier, souvent, les enjeux sont exploités, mais je vais revenir sur l'enjeu de mon collègue d'Hochelaga-Maisonneuve sur les stratégies retenues pour définir le niveau de risque des secteurs.

Écoutez, j'ai un tableau en avant de moi qui est très parlant et qui nous semble induire une forme de discrimination sexiste dans les emplois à dominance féminine dans le projet de loi, là, avec les critères actuels pour définir les niveaux de risque. Puis le tableau va être présenté cet après-midi par un autre groupe, mais je vais me permettre de le citer. On parle d'un niveau faible de 72 %... 73 % pour les femmes et de 53 % pour les hommes, niveau élevé, 6,7 % chez les femmes, 21 % chez les hommes. Quand je regarde les statistiques d'absentéisme du domaine de la santé, c'est phénoménal, on parle, de la fin octobre à la fin novembre, là, de 3 millions d'heures d'absentéisme, et, malgré tout, on continue de dire que le réseau de la santé est à faible risque.

Moi, je reviens sur l'enjeu : Si on continue avec une méthode d'analyse à partir des débours, est-ce qu'on ne craint pas d'induire une discrimination sexiste dans l'évaluation des risques des secteurs de travail?

Mme Cordeau (Louise) : Actuellement, on constate, effectivement, puis c'est ce qu'on démontre dans notre mémoire, que le secteur de la santé et de l'éducation sont nettement sous-estimés, sous-évalués par rapport aux risques.

Peut-être... Vous parliez des débours. On parle des débours dans les 10 dernières années. Le marché du travail s'est transformé, le secteur tertiaire a augmenté. On sait aussi que, toutes les réclamations en matière de violence conjugale, de violence psychologique, de harcèlement, il y a 10 ans, on en parlait beaucoup moins. Lorsqu'on voit les chiffres, les réclamations, actuellement, dans les cinq dernières années, c'est énorme. Qu'est-ce qu'elles étaient dans les cinq années précédentes? Je ne connais pas les chiffres.

On sait aussi qu'un des facteurs qui a exacerbé tout ça... on pense, entre autres, à la pandémie, où le secteur de la santé et de l'enseignement sont les secteurs qui sont les plus vulnérables et les plus touchés. Alors, c'est clair que, dans le calcul, à travers les débours des 10 dernières années, ces éléments-là n'ont pas pu être pris en compte. Alors, il y a lieu de s'interroger sérieusement sur la classification de ces niveaux de risque là.

Et on sait que de la classification va dépendre leur application en termes d'années. Donc, plus la classification est faible, plus l'application sera lointaine dans le temps, alors, ça aussi, il faut le prendre en considération. Mais définitivement le secteur de la santé est majeur.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci, Mme Cordeau, merci, Mme Julien, pour votre contribution...

M. Roy : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme IsaBelle) : ...oui, pour votre contribution aux travaux de la commission.

Nous suspendons quelques instants, le temps d'accueillir le nouveau groupe. Alors, merci.

(Suspension de la séance à 11 h 35)

(Reprise à 11 h 39)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, nous poursuivons les travaux. Nous souhaitons la bienvenue aux représentants de L'Union des producteurs... agricoles — pardon. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes et je vous inviterais, avant de commencer votre exposé, de bien vous présenter.

L'Union des producteurs agricoles (UPA)

M. Caron (Martin) : Tout d'abord, bonjour à tout le monde. Je me présente, Martin Caron, je suis producteur laitier et céréalier à Louiseville, en Mauricie, et vice-président de l'UPA provinciale.

• (11 h 40) •

La Présidente (Mme IsaBelle) : M. Denis.

M. Roy (Denis) : Bonjour. Denis Roy. Je suis trésorier et directeur finances et main-d'oeuvre agricole à L'Union des producteurs agricoles.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Parfait. Alors, vous pouvez commencer votre exposé.

M. Caron (Martin) : Merci bien. Bien, nous remercions les membres de la commission pour nous permettre de présenter au niveau du projet de loi relativement à la loi n° 59. D'entrée de jeu, permettez-moi de souligner que tous les producteurs agricoles sont préoccupés par la santé et la sécurité au travail. Tous savent que les dangers sont omniprésents dans nos fermes. C'est pourquoi l'UPA accorde de l'importance.

À titre d'exemple, bien, l'UPA travaille en partenariat avec la CNESST, a mis sur pied un service de santé et sécurité du travail, a créé une mutuelle de prévention, propose des webinaires sur la prévention puis a développé un projet de Prévention agricole + pour mieux s'informer sur leurs obligations et améliorer la prévention dans leurs fermes. Et aussi on a mis en place une table de concertation sur la santé et sécurité et mieux-être en agriculture, à laquelle nous avons convié tous les principaux intervenants du milieu. Donc, la santé et la sécurité du travail, c'est important pour l'UPA puis c'est important pour nos entreprises, pour nos producteurs, pour nos travailleurs et pour nos familles et nos communautés. Le projet de modernisation du régime de la santé de travail interpelle notre organisation de nos membres. Cependant, l'applicabilité des mécanismes de prévention et de participation proposés semble problématique à plusieurs égards.

Parlons tout d'abord de la réalité des entreprises agricoles. La majorité des entreprises agricoles du Québec sont des petites entreprises familiales où vie professionnelle et vie privée cohabitent. Selon le recensement de 2016, 10 744 des 28 919 fermes employaient 55 866 salariés, dont 34 % à temps plein, 12 % à temps partiel et 54 % de façon saisonnière ou temporaire. Dit autrement, 37 % des fermes du Québec cotisent à la CNESST, et on a en moyenne trois employés réguliers à leur emploi. On comprend donc que très peu d'entreprises agricoles disposent des ressources internes spécialisées en prévention. La nature du travail agricole nécessite peu d'employés réguliers à l'année. Pour la quasi-totalité des fermes, les propriétaires sont donc les premiers travailleurs. Un fort contingent de travailleurs occasionnels temporaires à certaines périodes de l'année est toutefois requis.

Autre particularité de l'agriculture, nous travaillons avec du vivant. Nous sommes soumis aux aléas de la météo et nous contrôlons difficilement le calendrier de production. La production agricole est fortement encadrée. La gestion des divers programmes en place est très lourde à porter pour les producteurs. Toute exigence additionnelle va empirer cette situation. Le caractère particulier de la production agricole nécessite qu'on aborde autrement l'organisation de la prévention.

On parle de modernisation proposée : le secteur agricole ne se retrouve pas. Bien que l'UPA appuie fortement les initiatives de prévention à la ferme, les mesures proposées dans le projet de loi semblent inapplicables chez presque tous les employeurs agricoles du Québec. Qu'on parle de programme de prévention, de plan de prévention, de représentant à la santé et sécurité, de comité en santé et sécurité au travail, c'est difficilement envisageable en agriculture.

En plus d'imposer des contraintes additionnelles, le projet de loi alourdit de façon substantielle le fardeau des entreprises agricoles, et on sait, naturellement, au niveau du coût, que ça coûte plus cher s'assurer, au niveau du Québec, comparativement aux autres provinces. Le processus d'élaboration et la mise en place de programmes de prévention est complexe et nécessite une expertise dont ne disposent pas les producteurs. L'UPA ne peut appuyer les dispositions actuelles sur le projet de loi, sachant que les producteurs ne seront pas en mesure d'y donner suite.

Nous demandons plutôt des mesures ciblées. On parle de mécanismes inadaptés pour les employeurs agricoles. Prévoir un travailleur agissant comme représentant en santé et sécurité au travail dans chacune des fermes n'est pas réaliste. Cette difficulté se retrouverait amplifiée si la mise en place d'un comité de santé et sécurité était requise pour toutes les fermes qui emploient 20 travailleurs et plus. Les 15 000 travailleurs étrangers temporaires limitent également le bassin de candidats en mesure de parler à la fois français et espagnol, ce qui forcerait le recours au personnel clé des entreprises, ce qui aurait un effet contre-productif.

Le nouveau règlement sur les maladies professionnelles, qui omet les maladies liées aux pesticides alors que cet aspect a été largement documenté ces dernières années, faisant même l'objet de modifications réglementaires ailleurs dans le monde, le projet de loi n'en parle pas.

Le projet de loi présente quelques mesures de soutien qui sont toutefois nettement insuffisantes. Environ 1 000 employeurs agricoles, soit 10 %, sont membres d'une mutuelle de prévention, ce qui leur permet d'obtenir des services de soutien et des programmes de prévention, laissant près de 10 000 employeurs qui ne bénéficient d'aucun soutien de la sorte, sans parler des 18 000 fermes qui ne sont pas visées par la CNESST.

Pour nous, le soutien offert doit favoriser l'amélioration de la prévention pour l'ensemble des 29 000 fermes du Québec. Il faut s'assurer que la santé et la sécurité de toutes les personnes qui travaillent et qui vivent sur les fermes... La santé et sécurité en agriculture dépassent le cadre de travail. Elle doit réfléchir... et soutenue dans une perspective plus large.

Cinq demandes de l'UPA. Nous sommes convaincus que le secteur agricole nécessite d'aborder autrement l'organisation de la prévention. C'est dans ce contexte que nous formulons nos demandes.

D'abord, reconnaître le caractère particulier du secteur agricole, qui est composé de petites entreprises qui ont peu d'employés réguliers à leur emploi. La production ne peut pas être interrompue. Nous pouvons difficilement arrêter la nature.

Revoir les niveaux de risque proposés et attribués, car ils ne concordent pas avec la réalité de la majorité des entreprises agricoles. 90 % des entreprises agricoles n'ont pas d'accident. L'application des niveaux de risque dans une approche mur à mur représente aussi une charge trop importante en lien avec les mécanismes de prévention qui y sont associés.

L'UPA demande que soient modifiés l'article 146 et 148 du projet de loi afin que les entreprises agricoles soient exemptées de soumettre systématiquement des programmes de préventions et des plans d'action. À la place, nous proposons que ces plans d'action soient demandés aux employeurs qui rapportent des accidents. En agissant ainsi, on obtiendrait, collectivement, plus rapidement les améliorations en prévention et, logiquement, une diminution des lésions professionnelles.

Nous demandons aussi la mise en place d'un fonds consacré à l'élaboration des fiches de bonnes pratiques en matière de prévention.

La loi devrait permettre à des groupes d'employeurs embauchant des travailleurs qui effectuent des activités de même nature d'élaborer ensemble un seul programme de prévention. Pour ce faire, nous demandons d'appuyer financièrement la mise en oeuvre sectorielle, volontaire des mécanismes de prévention et la participation proposés. Cette formule a déjà fait ses preuves dans le milieu agricole, où divers services ont été développés, tant par l'UPA que ses affiliés, pour soutenir des entreprises agricoles, pour atteindre les cibles des différentes normes réglementaires auxquels qu'elles sont soumises.

Concernant le projet de règlement sur les maladies professionnelles, nous demandons de réviser la liste des maladies reconnues pour y ajouter celles associées à l'exposition des pesticides. Par ailleurs, en lien avec le recours aux pesticides, un fonds spécial devrait être créé afin d'indemniser toutes les personnes travaillant dans les fermes du Québec, y compris les entreprises qui ne cotisent pas à la CNESST.

Enfin, la particularité du secteur agricole, où seulement 37 % des fermes sont inscrites à la CNESST, nécessite qu'on y accorde des ressources d'aide et de prévention. Nous demandons la mise en place et le financement d'un comité spécial, gouvernement du Québec et UPA, dont la mission serait similaire à celle des associations sectorielles paritaires en prévention. Les différents ministères et organismes concernés par la santé et la sécurité en milieu agricole devraient y collaborer.

L'UPA est d'avis que la particularité du monde agricole justifie amplement ses demandes. Toutes les personnes qui interviennent ou vivent dans les fermes du Québec doivent être protégées. Il est nécessaire d'élargir la vision de la santé et de la sécurité dans les fermes, où milieu du travail et milieu de vie se confondent. Il faut y faire face sous tous les angles en y associant des acteurs clés d'influence et de changement. Merci bien.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Merci, M. Caron, pour votre exposé. Nous allons commencer la période d'échange avec M. le ministre. Vous disposez de 16 min 30 s.

• (11 h 50) •

M. Boulet : Merci, Martin, merci, Denis Roy, pour, encore une fois, votre présence virtuelle, la qualité de votre mémoire puis votre intérêt pour les producteurs agricoles québécois. Martin, on est en plus de la même région, ça fait que content de se revoir.

Ça me préoccupe beaucoup, bien sûr, la réalité du monde agricole québécois, puis, encore une fois, il y a des dispositions qui sont intéressantes dans le projet de loi n° 59, mais j'aimerais ça, vous, peut-être, partager quelques informations, des réponses qui m'ont été données à des questions que j'ai soumises à la CNESST.

De 2010 à 2018, la CNESST a accepté 218 cas de maladies professionnelles pour le secteur agricole, puis il y a seulement six de ces cas-là qui ont pour agent causal un produit chimique, puis les pesticides ne sont pas directement spécifiés. Puis c'est sûr que, dans la classification dans le secteur de l'agriculture, puis Martin, c'est une donnée que vous avez fournie, il y a environ 11 800 établissements, puis le projet de loi les met en fonction des niveaux de risque. Puis 68 % des établissements sont à risque élevé. C'est surtout l'élevage, là, de porc, de bovin, volaille, mouton puis autres types d'élevages. Il y a évidemment des activités de soutien aux cultures agricoles puis il y a 34 % qui sont dans un niveau d'un risque moyen, culture de légumes, de fruits en serres et autres cultures agricoles.

Première question, Martin. Tu sais, je comprends qu'il y a 37 % qui cotisent, il y en a beaucoup, beaucoup, beaucoup qui ne cotisent pas, puis vous dites : Les mécanismes de prévention — si je vous comprends bien — devraient être facultatifs, alors que les niveaux de risque sont élevés ou moyens. Comment vous voyez ça de faire en sorte que les mécanismes de prévention ne soient pas obligatoires? J'aimerais juste que vous me donniez quelques précisions là-dessus.

M. Caron (Martin) : Bien, M. le ministre, bien, merci de la question. Puis peut-être préciser, de ce côté-là, c'est pour ça qu'on demande d'avoir un comité puis qu'on puisse travailler sur le côté sectoriel, c'est vraiment d'amener quelque chose d'obligatoire. Et on a déjà commencé à travailler soit avec les éleveurs de porcs, ou les producteurs laitiers, ou les producteurs de grains, entre autres, par rapport à différents risques. Et sachant que les personnes, les producteurs n'ont pas les gens au niveau de... avec la compétence sur le terrain et sont demandés pour d'autres obligations, on se dit : Il faut être capables d'établir, du côté sectoriel, des... travailler avec nos groupes et présenter des plans d'action qui pourraient être cheminés et que les gens pourraient travailler, entre autres.

Mais c'est de là... pour ça qu'on se disait : Avec le projet de loi, d'obliger tout de suite puis d'avoir ça là, les gens n'auront pas les compétences directement. Et ce n'est pas ça qu'on veut amener, ce volet-là. Il faut vraiment prendre le secteur agricole vraiment différent, là, là-dedans.

M. Boulet : Puis, Martin, aussi, à titre d'information, oui, dans le projet de loi n° 59, on va permettre au secteur agricole de former ce qu'on appelle une association sectorielle paritaire. Il y en a dans plusieurs secteurs d'activité, au Québec, ce qu'on appelle des ASP, et le mandat de ces associations sectorielles paritaires, c'est notamment d'encadrer, de faire de la formation, d'aider à mettre en place, notamment, des mécanismes de prévention. Mais ça, je pense que ça peut être un grand bénéfice. Puis je vous le donne à titre d'information parce que ça va découler, encore une fois, de l'application d'un des articles qui apparaît dans le projet de loi n° 59.

Je vous ai entendu, Martin, parler de mesures ciblées. Est-ce qu'il y a de quoi... Comment vous définissez ça, des mesures ciblées? Est-ce que ça fait référence à ce qui est sectoriel, ici?

M. Caron (Martin) : Oui, exactement, puis je pourrais laisser peut-être Denis intervenir là-dessus. Mais pour revenir, M. le ministre, à l'ASP, il faut réaliser quelque chose. Dans l'ASP, bien, on a juste 37 % qui cotisent à la CNESST, et nous, on veut s'assurer de la sécurité. C'est pour ça qu'on demande un fonds, qu'on se dit qu'il faut vraiment avoir un comité, avec le gouvernement, et de s'assurer d'investir ce montant-là. Parce que vous comprenez que, moi, en tant que producteur puis en tant que représentant, je veux protéger l'ensemble des producteurs.

Mais, Denis, je ne sais pas si tu veux répondre au niveau du côté ciblé?

M. Boulet : C'est un bon point parce que, moi aussi, ça me préoccupe qu'il y ait peu... évidemment, c'est beaucoup des petits, des petites entreprises familiales, mais qu'il y en ait peu qui soient inscrits au régime de protection à la CNESST, là, en vertu de la LATMP, là, notamment. Il va falloir trouver, certainement avec l'UPA, des stratégies de promotion, des bénéfices découlant de l'inscription au régime de la CNESST. Oui, Denis?

M. Roy (Denis) : Bien, vous touchez un point extrêmement important, puis Martin a mis la table, là, c'est 37 % des entreprises qui doivent cotiser à la CNESST. Le fardeau, le fardeau administratif pour les producteurs agricoles est déjà très grand pour les normes de salubrité, les normes environnementales, etc., et, s'ils ne... Donc, c'est de la main-d'oeuvre familiale, et ils n'ont pas à s'inscrire comme employeurs parce que, ça, là, dès qu'une entreprise s'inscrit comme employeur, là — ça, on l'a déjà faite, l'analyse — le fardeau administratif d'être employeur versus être non-employeur avec de la main-d'oeuvre familiale, c'est le jour et la nuit en termes de fardeau. Ça fait que c'est ce qui explique... On aurait beau faire la promotion de s'inscrire à la CNESST, se déclarer comme employeur, mais il y a tellement de fardeaux administratifs qui sont reliés à ça qu'au niveau économique c'est pratiquement impensable.

Nous, on est des apôtres de la prévention, on est hautement préoccupés par les accidents, puis là, ce que vous avez dans les statistiques, là, ce n'est que la pointe de l'iceberg. Des fois, la CNESST va répertorier quatre ou cinq décès dans le milieu agricole, alors que, régulièrement, notre revue de presse va dénombrer 15 à 17 décès par année. Ça fait que, ça, c'est le message qu'on donne au gouvernement, on est contents d'être en commission parlementaire pour vraiment dire : Il faut faire un partenariat spécial pour le secteur de l'agriculture. Bon, oui, les ASP, on en a ouvert, on a d'excellentes relations, on a un comité de liaison spécifique UPA-CNESST sur la prévention et on apprécie hautement notre collaboration avec la CNESST. Mais, comme le signalait M. Caron, on ne peut pas mettre le fardeau du financement d'un ASP sur 37 % des producteurs. Et notre action veut se faire plus large, ça fait qu'il faut dépasser... Nous, on veut faire tomber ces frontières-là.

Et, sur la prévention, quand on dit de... C'est très bien que le projet de loi table sur la prévention, il faut en faire. C'est pour ça que l'UPA, on a mis en place une mutuelle de prévention. On ne veut pas discuter de réparations, on ne vient pas vous faire une bataille sur les indemnités, etc. Nous, on veut faire de la prévention, on veut éliminer les accidents à la source. Et, quand on... Martin disait : C'est important, la prévention, les entreprises puis la sécurité sur nos fermes, nos entreprises, nos familles. Puis une ferme que son propriétaire meurt dans un accident, bien, ça fait qu'une entreprise qui ferme carrément ses portes, qui a un impact directement dans nos petites communautés rurales... Donc, on veut vraiment faire de la prévention.

Et on n'exempte pas non plus tout le monde des plans de prévention. Vous avez signalé, c'est comme en agriculture, plus que la bête, le troupeau... plus que la bête est grosse, plus la cotisation est grosse, parce que c'est certain que de se faire tasser par une grosse vache, ce n'est pas pareil comme se faire tasser par un petit mouton. Ça fait que vous voyez vraiment l'exemple au niveau de la cotisation, ça se reflète aussi. Mais il y a des accidents dans seulement... des déclarations dans seulement 10 % des cas.

Ça fait que c'est pour ça qu'on vous dit : Regardez, on va avoir beaucoup plus d'impact sur le taux de cotisation si on demande un complément de prévention, un plan d'action sur ceux qui réclament. Ça, ça fait partie... je pense que c'est notre recommandation 3. Donc, regardez, tu as une réclamation, il y a un accident chez vous, on veut avoir un plan d'action. On ne t'impose pas, nécessairement, le plan de prévention, même si tu es un producteur de lait, tu es un secteur à risque. Si toi, tu n'as pas eu d'accident puis tu n'en as pas chez vous, bien, on ne te mettra pas ce fardeau-là sur les épaules. Parce qu'un plan de prévention, on est ouverts, on veut le faire de façon sectorielle. Les éleveurs de porcs ont déjà consacré beaucoup de temps pour préparer des fiches de prévention. On veut travailler avec nos groupes spécialisés. Les producteurs de lait, on voudrait faire un plan de prévention générique pour les producteurs de lait, que ce soit déployé sur le terrain, dans toutes les entreprises, parce que les producteurs, là, ils n'ont pas le temps, ils n'ont pas l'expertise, ils n'ont pas les moyens de se payer un expert qui va développer un plan sur mesure pour eux.

Ça fait qu'on veut développer un partenariat absolument avec le gouvernement pour que ce ne soit pas juste le producteur de lait qui cotise à la CNESST, on veut aller livrer partout. On vous fait un genre de cri du coeur, là. On veut avoir des gens du MAPAQ alentour de la table puis on veut avoir les gens du ministère de l'Emploi, du Travail, on veut avoir le ministre de la Santé. On veut vraiment avoir des milieux de travail plus sécuritaires pour toutes les familles agricoles et tous les travailleurs agricoles du Québec.

• (12 heures) •

M. Boulet : Denis, on est vraiment, si je peux dire, sur la même longueur d'onde. Puis je pense que, le projet de loi n° 59, dans la mesure où un de ses piliers fondamentaux, c'est d'améliorer la prévention dans les milieux de travail au Québec, il faut que ça vous concerne.

Puis je suis éminemment sensible à ce que vous dites puis je ne peux que vous féliciter d'avoir mis en place la Mutuelle de prévention. Puis éventuellement, avec une association sectorielle paritaire puis le lien que vous avez avec la CNESST, on va certainement en parler avec nos amis du MAPAQ et voir à trouver des façons de faire qui visent à accroître le niveau d'inscriptions, faire plus d'éducation, puis s'assurer d'une meilleure indemnisation puis de beaucoup plus de prévention. Puis je trouve, Denis, que l'idée, là, tu sais... Des fois, je me dis, tu sais, quand on parle des protocoles nationaux, ça fait peur, mais, des fois, d'avoir un guide de référence de prévention pour le domaine agricole, ça peut être un immense bénéfice. Je trouve que c'est une excellente idée.

Je veux juste revenir sur deux sujets. Parkinson. Denis puis Martin, je veux simplement vous mentionner qu'il y a eu un rapport de l'Institut de recherche Robert-Sauvé, qui est l'IRSST, là, au mois de juillet 2020, puis les revues de la littérature sur le lien entre les pesticides et la maladie de Parkinson ne sont pas unanimes. Mais éventuellement le comité de scientifiques qui va revoir, de façon épisodique, la liste des maladies professionnelles présumées, dans la mesure où... (Panne de son) ...de la littérature. Ça pourra faire partie des maladies qui sont ajoutées dans la liste, et le faire connaître, éventuellement, pour s'assurer que les personnes qui ont... développent la maladie de Parkinson à cause de l'utilisation des pesticides soient correctement protégées par les indemnités de la CNESST.

Dernier point, Martin et Denis, je ne sais pas qui peut me le mentionner, on parle beaucoup des travailleurs étrangers temporaires dans le domaine agricole. C'est des travailleurs, souvent, qui sont vulnérables, puis ils sont protégés par notre régime d'indemnisation. Il faut le dire, là, je me fais souvent poser la question : Est-ce qu'ils sont couverts? Oui, ils sont couverts. Vous m'avez parlé, là, de la barrière linguistique. Est-ce que, du côté de l'UPA, il y a des pratiques qui sont promotionnées pour permettre aux TET, aux travailleurs étrangers temporaires, d'aller... de surmonter ces barrières-là et d'avoir accès aux droits qui sont prévus dans nos lois en matière de santé, sécurité puis d'indemnisation? Est-ce qu'il y a de quoi de particulier ou de quoi qu'on pourrait peut-être penser?

M. Caron (Martin) : Je vais... Si tu veux y aller, Denis.

M. Roy (Denis) : Oui. Bien, M. le ministre, sur l'ajout des maladies professionnelles liées à l'utilisation des pesticides, il n'y a pas beaucoup de déclarations, pas beaucoup de réclamations, mais le fait que les maladies liées à l'utilisation des pesticides ne soient pas sur la liste, ça ajoute un fardeau aux travailleurs ou à la personne qui voudrait prétendre à une réclamation. Il y a un fardeau énorme, parce qu'il n'y a pas, comme, le bénéfice du doute, c'est inscrit... Par exemple, si l'amiantose n'était pas inscrite sur la liste, le travailleur devrait faire un... Il y a un fardeau de la preuve supplémentaire par rapport à un autre travailleur. Et il y a une sous-déclaration, parce qu'il y a seulement 37 % des entreprises qui sont inscrites. Donc, c'est certain que nous, notre demande se fait... on voudrait que tous les travailleurs, qu'ils soient inscrits ou non à la CNESST, puissent avoir accès à une indemnité s'ils ont un préjudice lié à l'utilisation des pesticides. Ça, c'est pour le point sur les pesticides.

Les travailleurs étrangers temporaires. Je vais profiter du plateau d'argent que vous m'offrez, puis aussi à titre de ministre du Travail. Ce qu'on demande depuis longtemps... L'UPA, là, on a mis en place une table de concertation sur les travailleurs étrangers temporaires en agriculture, on est un leader au Canada. Et le gouvernement du Québec devrait mettre en place un numéro 1 800, rapidement, qui va recevoir toutes les préoccupations des travailleurs étrangers temporaires. Heureusement que la commission des normes a fusionné avec la CNESST, parce que, là, on peut peut-être avoir juste un numéro, mais encore. Vous allez recevoir, je pense, les gens de la Commission des droits de la personne, ça, c'est un autre type de préoccupation qui interpelle aussi les travailleurs étrangers temporaires. Donc, il faudrait vraiment, ça fait longtemps qu'on le demande, le gouvernement du Québec devrait prendre le leadership, offrir un numéro 1 800 en espagnol, disponible jusqu'au moins 22 heures pendant la période intensive, pour faire un service de première ligne.

Il faut que les travailleurs... On leur a montré leurs droits, on a fait des affiches, l'année passée, parce que la période de 32 heures de repos consécutif n'était pas nécessairement appliquée. Et la liberté de circulation aussi, en cas de COVID-19, là, on a des enjeux importants avec les travailleurs étrangers temporaires. On a un excellent partenariat avec les représentants des travailleurs. Et nous, là, on veut que, les employeurs agricoles, là, on soit les meilleurs employeurs possibles pour ces travailleurs-là. Il faut que ce soit une expérience positive, pour eux et leur famille, de venir travailler au Québec. Donc, le gouvernement du Québec, vous devriez mettre en place une ligne unique, un service de première ligne pour ces travailleurs-là pour les orienter sur les...

La Présidente (Mme IsaBelle) : ...

M. Roy (Denis) : ...pour réclamer comme il faut leurs droits et en lien au... de travail.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci, M. Roy. Il reste 15 secondes, M. le ministre, rapidement.

M. Boulet : Oui, Denis, oui, puis les outils de la CNESST sont multilingues, là, il y a la possibilité d'avoir accès à de l'information en espagnol, là, ou dans d'autres langues, là, en tenant compte des besoins des TET. Merci beaucoup, excellente présentation, Martin, Denis. Bravo! Puis on aura certainement l'occasion de se reparler. Et je pense qu'on partage tous le même objectif d'accroître la prévention dans le domaine agricole. Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, nous poursuivons avec le député de Nelligan. Vous disposez toujours de 11 minutes.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. Merci, messieurs, pour l'excellent rapport que j'ai devant moi. Vous m'avez confirmé, encore une fois, la pertinence de vous écouter, vous entendre aujourd'hui. Et, à la lumière de votre présentation mais surtout les réponses que vous avez ramenées, là, je comprends pourquoi vous êtes désolés de ne pas avoir été consultés en amont, avant la rédaction de ce projet de loi. C'est bien noté dans votre mémoire.

Écoutez, ma première question, c'est par rapport aux mutuelles. Vous nous mentionnez qu'en termes de prévention en santé et sécurité au travail plusieurs employeurs agricoles sont membres d'une mutuelle de prévention. Le p.l. n° 59 ne mentionne pas ces mutuelles comme des options viables pour des secteurs particuliers. Donc, ma question : Recommanderiez-vous au gouvernement d'introduire les mutuelles de prévention comme une mesure de prévention adéquate et opportune dans les secteurs qui, comme l'agriculture, sont saisonniers ou ont un manque à la fois de main-d'oeuvre ou une main-d'oeuvre étrangère? Si tel est le cas, demanderiez-vous quand même que le secteur agricole ne soit pas soumis aux mesures de prévention telles que proposées par le ministre dans son projet de loi n° 59?

M. Caron (Martin) : Très bonne question. Denis, si tu veux commencer, puis je compléterai.

M. Roy (Denis) : Parfait. Alors, les mutuelles de prévention, c'est vraiment quelque chose de très intéressant. Cependant, je vais émettre une certaine réserve, parce que, dans le jargon, on parle... il y a des mutuelles de prévention, mais il y a d'autres mutuelles qui sont... on les appelle des mutuelles de contestation. Alors, elles contestent la réclamation, contestent l'affectation des montants. Et donc il faut choisir son partenariat. Ce n'est peut-être pas chaque mutuelle... toutes les mutuelles que je pourrais donner le même bulletin, si vous me permettez l'expression. Ça pourrait, mais ça... Même si, en disant : Bon, si vous êtes dans une mutuelle, on vous exempte du temps de prévention, pour moi, ce n'est pas... on n'accepterait pas cette proposition-là, si j'ai bien saisi votre... On revient sur : Vous avez eu un accident, on veut avoir un plan d'action. Parce que, quand il y a un accident du travail, il y a une communication qui se fait entre la CNESST et l'employeur. Et alors, là, ça pourrait être à eux, ces employeurs-là... On veut avoir un plan d'action en lien pour éviter que ce genre d'accident là se reproduise dans votre entreprise. Ça, c'est ce qu'on préconise. Et, les programmes de prévention, bien, à ce moment-là, oui, on le souhaite, mais on n'est pas rendus à l'accepter, de l'imposer partout, parce que ce n'est pas réaliste dans la formule actuellement sur la table.

M. Caron (Martin) : Si je peux compléter très rapidement, c'est que la mutuelle, c'est un des outils qu'on a ouverts face à nos producteurs. Et il faut être capables de segmenter aussi nos marchés et nos clients aussi. Ça fait que, donc, c'est un produit qu'on soutient, qu'on a offert, parce que c'est un beau produit, en même temps, mais je pense qu'on n'est pas rendus à dire qu'on met une obligation là-dessus.

M. Derraji : J'ai compris.

M. Caron (Martin) : Mais il faut réaliser, par contre, que la mutuelle nous amène à développer une expertise quand même très intéressante.

• (12 h 10) •

M. Derraji : Oui. C'est très clair. Et malheureusement je n'ai pas beaucoup de temps et j'ai plusieurs questions. Mais là j'essaie juste de vous suivre, parce que je lis votre rapport, vous dites : «La portée du projet de loi est vaste. Nous nous sommes surtout concentrés sur les nouvelles obligations de prévention qui, comme mentionné, sont difficilement applicables à notre secteur.» Donc, vous dites, aujourd'hui : Les mesures présentées par le ministre dans son projet de loi sont difficilement applicables. J'ai essayé de vous ouvrir une porte pour les mutuelles, comme mentionné, vous m'avez très bien répondu. Donc, c'est à oublier, je vais l'enlever de ma table de dessin. Mais est-ce qu'on doit comprendre que tout ce qui a été proposé aujourd'hui dans ce projet de loi ne vous concerne pas par rapport à la prévention telle que présentée aujourd'hui?

M. Caron (Martin) : Bien, aujourd'hui, dans les demandes qu'on a faites... Puis je pense que la demande que j'ai ramenée au ministre, notre première demande, c'est de travailler au niveau des échanges sectoriels et de travailler sur un consensus sectoriel. C'est là notre proposition, entre autres, là, qu'on soit capables de travailler ça sectoriéral et qu'on donne des outils à nos producteurs directement concernés dans les champs, qui n'ont peut-être pas le temps, pas l'expertise... mais qu'on va être capables d'aller chercher cette expertise-là avec les secteurs. Et là on a parlé de différents secteurs, que ce soit au niveau du végétal, maraîcher, tout ça. Il faut outiller nos gens, et on est habitués de travailler comme ça, côté agricole, vraiment en lien avec nos affiliés, là, et ça, ça a une portée, là.

M. Derraji : O.K., excellent, c'est très clair. Vous notez aussi un oubli majeur dans la liste des maladies professionnelles. Et comme vous aussi, je suis un peu surpris, parce que la littérature scientifique et les méta-analyses sont là. D'ailleurs, vos collègues du Parkinson Québec... D'ailleurs, je vous invite à lire ce rapport, c'est un excellent rapport qui relate les faits scientifiques, surtout une très bonne méta-analyse, donc, soit les maladies via l'exposition des pesticides. Donc, est-ce que vous êtes déçus?

M. Caron (Martin) : Moi, je vous dirai, quant à ce côté-là, la première des choses, on a eu une rencontre avec Parkinson Québec et on a différentes rencontres au niveau des communications. C'est sûr, je vous dirais, qu'on est déçus, parce que j'ai parlé à des producteurs, des producteurs, présentement, qui sont atteints de Parkinson et qui voient qu'est-ce qui se passe, je donne l'exemple en France, entre autres, là, où est-ce que c'est reconnu. Et là on se dit : Bon, bien, on tombe avec un comité scientifique. Moi, je suis bien d'accord à ce qu'on y va avec les aspects scientifiques, mais là le temps presse là-dessus, et nos gens, vraiment, demandent. Et, sur les communications que j'ai eues avec les producteurs qui sont atteints de ces maladies-là présentement, ils ne sont face à rien, là, ils n'ont pas d'aide, présentement. Ça fait que c'est un cri du coeur qu'on a, là.

M. Derraji : Mais je tiens... Je l'entends, et je partage votre cri de coeur avec les membres de la commission et surtout le ministre, et je tiens à vous dire que moi aussi, je suis déçu de ne pas voir ça dans le projet de loi. Si l'ajout des maladies liées à l'exposition des pesticides n'est pas fait au cours de l'étude article par article... Parce qu'on va tout faire pour essayer, hein, de convaincre le ministre et l'ensemble des membres de l'ajouter. Donc, on va tout faire, on vous promet ça. Dans quel délai espérez-vous que ce risque... que tout admettre soit inclus? Donc, c'est quoi, le délai raisonnable, selon vous?

M. Caron (Martin) : Bien, un délai raisonnable, moi, c'est le plus rapidement possible. Je comprends qu'il y a peut-être des étapes, mais il reste que nos gens, nos producteurs qui sont atteints, qui ne sont face à rien, présentement, là, il faut être capables de les soutenir, là.

Et c'est sûr que les discussions qu'on a eues avec différentes organisations... est là, là, est importante. Mais, d'autant plus, je rajouterais quelque chose, c'est que, présentement, là... puis juste vous faire le constat, présentement, on a des programmes pour la santé et bien-être des animaux. On a ça, présentement, des programmes où est-ce que les producteurs pourraient aller chercher du financement. Quand on parle des EPI, les protections, au niveau des équipements de protection individuelle, bien là, on n'a pas de programme. Donc, pour la santé et bien-être au niveau de nos producteurs, productrices, on n'a rien. C'est pour ça qu'on disait qu'on voulait interpeller les autres ministères aussi, entre autres le ministère de l'Agriculture, entre autres, pour regarder ces aspects-là et donner des outils à leurs producteurs en protection, pas juste quand il arrive une problématique, mais en protection.

M. Derraji : Vous avez raison, M. Caron. Un autre volet que j'ai vu dans votre rapport, vous mentionnez un fonds spécial pour les indemnisés, donc pour les personnes travaillant dans les fermes, incluant les entreprises qui ne cotisent pas à la CNESST. Donc, est-ce que vous proposez que ce ne soient que les entreprises agricoles, peu importe leur taille, qui le financent?

M. Caron (Martin) : Denis, je vais te laisser aller.

M. Roy (Denis) : Bien, je pense que la demande... Regardez, pour l'instant, on ne s'avancera pas sur le financement. On comprend qu'une ASP pourrait être financée en partie par des employeurs via les mécanismes réguliers de cotisation. Mais, sur les autres entreprises, on a des attentes par rapport au gouvernement pour le financement de la partie complémentaire.

M. Derraji : Avez-vous un exemple concret, un ordre de grandeur?

M. Roy (Denis) : Non, on n'est pas... Regardez, on est ici pour ouvrir le dialogue, pour mettre un comité spécial, pour faire reconnaître notre secteur, ses particularités, compte tenu qu'il y a tout près de 63 % des entreprises qui ne sont pas couvertes par la CNESST. On veut vraiment... on est heureux de vous rencontrer pour que le dialogue se fasse rapidement et de façon constructive pour la santé de tous les gens qui travaillent et qui sont sur les fermes du Québec.

M. Derraji : Nous aussi, nous sommes très heureux de vous rencontrer. Mme la Présidente, est-ce qu'il me reste quelques minutes?

La Présidente (Mme IsaBelle) : Oui, c'est ça, j'allais vous dire : Il vous reste 1 min 50 s.

M. Derraji : Excellent. Bien, je vais aller droit au but. Vous mentionnez, dans le paragraphe 3, Les demandes de l'UPA, qu'il y a une information erronée : «Selon l'UPA, les codes SCIAN 1111 [jusqu'à] 1153 se sont vus attribuer des niveaux de risques erronés, et ceux-ci devraient être révisés. La majorité des entreprises agricoles — [donc] une estimation conservatrice montre qu'il s'agit de 90 % des entreprises agricoles — n'ont pas de réclamations pour des lésions professionnelles.» Est-ce que vous pouvez élaborer rapidement, s'il vous plaît?

M. Roy (Denis) : Oui. Alors, très rapidement, c'est que, c'est ça, la cotisation est très élevée. C'est vrai que, quand il y a des accidents, il y a des coûts, mais il n'y en a pas beaucoup, d'accidents. Ça fait que pourquoi mettre une étiquette élevée de risque à tout le secteur, quand il y a moins que 10 % des entreprises? Ça fait que c'est pour ça que nous, dans notre évaluation, on n'aurait pas dû se voir attribuer la cote de risque élevé, compte tenu du faible nombre d'accidents.

M. Derraji : Donc, entre autres, vous devez... une exemption et que le secteur agricole, d'y soustraire, donc qu'on vous enlève de ce niveau de risque. Est-ce que c'est une demande claire de votre part?

M. Roy (Denis) : Oui, on veut être ajustés, on ne veut pas être reconnus dans le risque élevé puis avoir les mesures de risque élevé pour ces entreprises-là. Et on veut qu'on exige des mécanismes de prévention qui soient adaptés, comme on le demande. Au lieu d'un programme de prévention à tous les producteurs laitiers, bien, que ce sera à ceux qu'il y a des accidents qui auront des plans d'action spécifiques à déposer pour éviter que ça se reproduise à nouveau.

M. Derraji : Merci, messieurs. Et notre porte, elle est grande ouverte, continuons nos échanges pour améliorer le projet de loi, surtout pour nos agriculteurs. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, merci pour le bel échange. Nous continuons, nous poursuivons avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous disposez de 2 min 45 s.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs. Merci de votre présentation. J'aimerais continuer un peu sur la discussion que mon collègue a commencée avec vous sur le niveau de risque, discussion qu'on avait aussi, un peu plus tôt ce matin, avec le Conseil du patronat. Puis toute la logique de la prévention est en question ici, puis je comprends que c'est des défis qui sont importants pour votre secteur. Mais, en même temps, est-ce que la logique de dire : On n'a pas beaucoup de cas, donc on devrait baisser la garde, en quelques sorte, on devrait baisser l'exigence de sécurité d'un cran ou deux, n'est pas contradictoire avec le principe même de précaution, de prévention, qui fait probablement que vous avez peut-être, donc, des résultats intéressants dans la plupart des établissements? N'y a-t-il pas une certaine contradiction là?

M. Caron (Martin) : Si je peux me permettre, je vous dirais que non, parce que, la première des choses, qu'est-ce qu'on dit, c'est que, la prévention, on y tient puis on est là. Puis juste les exemples qu'on vous a donnés de qu'est-ce qu'on travaille... Mais, si on applique une mesure puis qu'on dit : Il y a une obligation, mais que les producteurs, productrices ne l'utilisent pas, on va avoir le sentiment, tu sais, là, de ne pas être cohérents par rapport à ça, parce que les gens ne l'utiliseront pas. Et c'est pour ça aujourd'hui qu'on est vraiment contents d'assister à cet échange-là pour vous dire : Ce n'est pas une façon de faire, ce n'est pas en passant avec ces obligations-là, c'est pour trouver une autre façon de faire pour s'assurer que nos producteurs, productrices vont l'appliquer dans les champs.

Et je reviens encore sur les propositions qu'on travaille sur le côté sectoriel, on va faire beaucoup plus rapidement de chemin et beaucoup plus rapidement de chemin au niveau de la prévention, entre autres, parce que l'idée, c'est d'arriver avant qu'il y ait des lésions ou des accidents, entre autres, là.

M. Roy (Denis) : Puis je rajouterais, là, regardez, il y a quand même une disparité dans les sous-secteurs au niveau de l'indice des risques, et c'est de la question de : importance de la réclamation versus la fréquence de réclamation. Donc, c'est une combinaison des deux. Et, pour nous, là, vraiment pas... ne pas baisser la garder, on veut vraiment monter la garde sur toutes les entreprises, mais on ne veut pas nécessairement le faire dans les mécanismes qui sont mis sur la table actuellement.

On veut vraiment le faire avec nos fédérations affiliées : les producteurs maraîchers du Québec, les producteurs de porc, les producteurs de bovins, toutes les productions. On veut vraiment se faire des plans de prévention puis on veut être supportés, là. Il y aura... Il faudra avoir... il faut mettre les sous pour être capables de développer des produits qui ont de l'allure puis il va falloir aussi avoir des gens qui sont des conseillers en prévention, qui vont aller visiter les fermes pour dire : Bon, bien regardez, là, chez vous, on fait un genre d'audit, là, puis là il faut améliorer telle affaire, telle, affaire, telle affaire. Par exemple, on a encore des facteurs...

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci, merci, M. Roy.

M. Roy (Denis) : Merci beaucoup.

M. Caron (Martin) : Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, c'est tout le temps que nous disposions avec M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Nous y allons maintenant... nous laissons la parole au député de Bonaventure.

• (12 h 20) •

M. Roy (Bonaventure) : Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Vous disposez de 2 min 45 s.

M. Roy (Bonaventure) : Toujours généreuse, Mme la Présidente. Bonjour, MM. Roy et Caron. Écoutez, moi, je me souviens en commission parlementaire où le ministre de l'Agriculture nous avait dit, puis je l'avais interpellé là-dessus, qu'il allait intervenir auprès de son collègue le ministre du Travail pour faire valoir les enjeux liés à l'utilisation des pesticides. On pourrait même vous sortir l'extrait vidéo et audio. Et là ce qu'on peut voir, c'est que la maladie de Parkinson n'est pas dans la liste.

Je reviens sur cet enjeu-là. J'ai siégé sur la commission des pesticides. Pourtant, en Suède et en France, on reconnaît la maladie. Donc, la littérature scientifique là-bas est claire, il y a un lien. Pourtant, ici, oups! on n'est pas encore capables d'arriver à voir des liens puis à soutenir les agriculteurs, qu'on a rencontrés lors des auditions, et surtout aussi des agronomes. Donc, ça touche pas mal de monde. Est-ce que... Bon, c'est sûr que, là, c'est un constat, donc, il faut poursuivre le combat. Je pense que les gens de l'opposition, avec moi, là, sont d'accord.

Donc, on a parlé de ça, je vais aller sur un autre enjeu. On veut sortir la direction de la santé publique de la prévention dans le domaine... bon, dans le monde du travail, actuellement, et on veut permettre aux entreprises d'engager des médecins privés qui peuvent... Bon, est-ce que... Là, j'essaie de faire le lien avec le domaine agricole, mais ça voudrait dire aussi, si on va dans ce... vers ces orientations-là, ça voudrait dire que les entreprises qui voudraient... Je sais que vous élaborez des plans de prévention. Est-ce que ça voudrait dire aussi que ça serait des coûts supplémentaires pour les agriculteurs qui voudraient faire affaire avec un médecin? On parle des grandes entreprises agricoles, peut-être des porcheries. Est-ce que vous êtes pour ou contre cette exclusion de la direction de la santé publique dans la planification de la santé et de la sécurité des travailleurs au Québec?

La Présidente (Mme IsaBelle) : Il reste 50 secondes.

M. Caron (Martin) : Bon, bien, regardez, bien, merci de la question. Denis, je vais te laisser y aller parce qu'il reste 50 secondes.

M. Roy (Denis) : Oui. Alors, regardez, on a toujours un penchant pour la Santé publique, ils font un excellent travail. Cependant, je veux peut-être nuancer les dernières recommandations qu'ils ont faites qui touchent la COVID-19 pour les travailleurs étrangers temporaires. C'est complètement inapplicable. On leur a passé le message, donc, mais ça nous fait toujours plaisir, on a élaboré des beaux partenariats avec la santé au travail, la Santé publique et on n'est pas rendus à les sortir du dossier.

M. Roy (Bonaventure) : Vous avez passé le message. Merci.

M. Caron (Martin) : Oui. Et l'INSPQ fait partie de notre table qu'on a présentement, qu'on a mise en place sur la santé et sécurité, là.

La Présidente (Mme IsaBelle) : C'est bien, c'est tout. C'est tout le temps que l'on disposait. Je vous remercie beaucoup, M. Caron, M. Roy, pour votre contribution à la présente commission.

Compte tenu de l'heure, la commission suspend ses travaux jusqu'à 14 heures. Alors, encore une fois, merci, M. Caron, merci, M. Roy.

(Suspension de la séance à 12 h 23)

(Reprise à 14 heures)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Bienvenue. Bienvenue à la Commission de l'économie et du travail. La commission est réunie virtuellement afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 59, Loi modifiant... ou modernisant, plutôt, le régime de santé et de sécurité au travail.

Cet après-midi, nous entendrons cinq groupes : d'abord, l'Union étudiante du Québec, le Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail, Parkinson Québec, l'Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux et Mme Rachel Cox.

Alors, nous commençons, nous débutons en souhaitant la bienvenue aux représentants de l'Union étudiante du Québec. Bonjour. Je vous souligne que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, et après nous pourrons commencer les échanges virtuels. Pour commencer, je vous invite d'abord à vous présenter, chacun et chacune, et ensuite vous pourrez tout de suite débuter votre exposé.

Union étudiante du Québec (UEQ)

Mme Marcil (Jade) : Merci beaucoup. Donc, bonjour à toutes et à tous. Je suis Jade Marcil, présidente de l'Union étudiante du Québec pour le mandat 2020‑2021. Je vais laisser mon collègue se présenter.

M. Blaney (William) : Bonjour. Je m'appelle William Blaney. Je suis coordonnateur aux affaires sociopolitiques à l'Union étudiante du Québec.

Mme Marcil (Jade) : Donc, d'abord, nous sommes vraiment très heureux et heureuse d'être présents aujourd'hui devant vous pour vous présenter l'objet de notre mémoire remis dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 59, Loi modernisant le régime de santé et de sécurité au travail. D'abord, nous allons présenter la mission de l'UEQ et ensuite nous allons aborder quelques aspects de cette réforme qui nous sont très importants.

Donc, l'Union étudiante du Québec représente 91 000 universitaires à travers la province. L'UEQ travaille à améliorer la condition étudiante sous toutes ses formes, et ce, depuis 2016. Nous travaillons en étroite collaboration avec des associations étudiantes membres et les associations étudiantes non membres afin de développer des recherches sur la condition étudiante qui peuvent porter tant sur le soutien académique et les services offerts dans les milieux universitaires que sur l'amélioration de la condition étudiante plus largement, comme les conditions financières, les conditions de logement ou même les conditions de travail en milieu de stage, et ce, depuis notre création.

Aujourd'hui, nous sommes présent et présente pour parler, justement, des conditions d'encadrement légal des stagiaires en milieu de travail qui sont non rémunérés, puisque les stagiaires qui sont rémunérés par leur milieu de stage font déjà partie intégrante de la catégorie des travailleurs dans les différentes lois qui régissent les conditions de travail.

Donc, il existe plusieurs problématiques quant à l'encadrement des stagiaires qui sont non rémunérés. Afin d'y remédier, l'Union étudiante du Québec et la Fédération étudiante collégiale du Québec a mis en place une campagne, à l'hiver 2019, qui visait justement l'amélioration des conditions de stage. Dans cette campagne, il y a eu création de trois chantiers afin d'améliorer les conditions des stagiaires. Le premier, sur l'amélioration des conditions financières des stagiaires, a mené à la création du programme de bourses à la persévérance et à la réussite des stagiaires, qui compense financièrement certains stages du milieu de l'éducation, de la santé et des services sociaux. Le deuxième chantier correspondait à l'amélioration de l'encadrement académique des stagiaires. Et, en automne 2020, tout récemment, le ministère de l'Enseignement supérieur a dévoilé un guide d'accompagnement aux établissements d'enseignement pour développer des conventions de stage qui permettraient de déterminer les critères de réussite et de déroulement d'un stage. Enfin, le dernier chantier a été relayé au ministre Jean Boulet puisqu'il s'agissait de l'encadrement légal du statut du stagiaire.

Le présent projet de loi présenté par le ministre permettra donc de combler une partie des demandes relatives à l'encadrement légal des stagiaires d'observation dans la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et dans la Loi sur la santé et la sécurité au travail. Donc, tout d'abord, nous allons nous attarder aux modifications proposées à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

La modification proposée par la note de rédaction n° 4, bien qu'en apparence, peut-être, mineure, est d'une importance capitale pour l'UEQ. Par l'ajout, à l'article 10, des mots «d'observation et de travail», on permet aux stagiaires qui sont présents dans les milieux de travail mais à titre, tout simplement, d'observateurs d'être aussi protégés en cas d'accident ou de maladie liés au milieu de travail. Cela reconnaît qu'en étant dans le milieu de travail, même à titre d'observateur, pour la majeure partie du temps, la personne stagiaire est sujette à des accidents, simplement par sa présence.

Les stagiaires d'observation, malgré le nom qui leur est accordé, participent parfois, aussi, activement aux tâches et au travail, soit par un soutien à leur maître de stage ou la manipulation de matériel dans le milieu de stage. Donc, un stage d'observation permet donc de faire des tâches actives et pourrait mettre à risque, aussi, une personne stagiaire. Donc, cette modification viendrait permettre de protéger équitablement tous les stagiaires, peu importe le type de stage, par le paiement d'une cotisation par l'établissement. Présentement, les établissements déboursent une cotisation pour protéger les stagiaires qui sont non rémunérés et qui font un stage de travail, mais il n'est même pas permis de payer une cotisation pour protéger un stagiaire en observation. Donc, nous sommes vraiment très heureux de voir cette modification s'inclure dans le projet de loi

Je vais maintenant passer la parole à mon collègue pour aborder les modifications sur la loi sur la santé et la sécurité qui concernent les stagiaires.

M. Blaney (William) : Merci, Jade. Donc, pour ce qui est de la Loi sur la santé et la sécurité au travail, on va parler, ici, beaucoup plus de précision, puisque les stagiaires, là, les personnes stagiaires étaient déjà protégées par la loi, mais, dans le projet de loi, on vient le préciser et l'écrire plus clairement.

Donc, tout d'abord, on l'écrit plus clairement lorsqu'on définit les travailleurs et les travailleuses au début du projet de loi. Puis, encore une fois, là, plus loin, là, dans le projet de loi, lorsqu'on définit spécifiquement les travailleurs et les travailleuses du milieu de la construction, on vient, encore une fois, préciser que les stagiaires sont protégés. Donc, même si c'est uniquement une précision, on trouvait ça très important de mentionner, aujourd'hui, l'importance de cette précision-là pour venir sécuriser les stagiaires dans les milieux de stage. Donc, on croit que c'est très, très, très important de venir préciser ici aujourd'hui.

Et également, dans une optique de protéger les étudiants et les étudiantes qui sont en milieu de stage, on est également en faveur d'une loi sur la santé et la sécurité au travail ainsi que d'une loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles qui soient les plus compréhensives possible, les plus englobantes des conditions des travailleurs et des travailleuses pour s'assurer, là, que les stagiaires qui sont en milieu de travail soient protégés puis évoluent dans un environnement sécuritaire.

Évidemment, on croit que... Lors de la commission, là, vous allez recevoir plusieurs autres organisations avec lesquelles on collabore, notamment les organisations syndicales, qui vont justement vous parler peut-être plus des lacunes, des choses à améliorer dans ces lois-là. Donc, on souhaitait juste mentionner également, aujourd'hui, là, qu'on était en faveur d'une loi qui soit englobante et qui protège autant les travailleurs et les travailleuses que les stagiaires.

Je vais laisser, là, maintenant, Jade continuer, là, pour parler peut-être aussi d'un point qu'on a oublié, là, dans la protection des stagiaires à ce niveau-là.

 (14 h 10)

Mme Marcil (Jade) : Merci, William. Oui, donc, en fait, je veux également profiter de l'occasion qui m'est offerte aujourd'hui pour vous sensibiliser à d'autres flous légaux qui sont présents pour les stagiaires au Québec et qui peuvent avoir un effet important sur leurs conditions de réussite.

Donc, les modifications présentées par ce projet de loi nous rappellent que les stagiaires non rémunérés sont à risque dans certains milieux d'emploi et qu'il est important d'encadrer leurs conditions de travail, ce qui est fait par les deux modifications qui sont présentées. Mais présentement, par l'absence de la reconnaissance de leur statut dans d'autres lois, comme la Loi sur les normes du travail, les stagiaires qui sont sujets à vivre des abus dans leur milieu de stage et avec des situations pouvant mettre à risque leur réussite, puisqu'ils ne sont pas rémunérés... n'est donc toujours pas considéré comme un travailleur à part entière. Bref, la personne stagiaire n'est présentement pas sujette à la Loi sur les normes du travail.

Lorsqu'on parle des normes auxquelles ils ne sont pas admissibles, par exemple, on peut simplement penser à l'assurance d'obtenir des congés fériés, mais on peut aussi penser à l'assurance d'obtenir une reconnaissance d'un congé maladie ou d'un congé pour des raisons de décès ou don d'organes. On peut également penser aux congés prolongés. Bien que ces situations durant lesquelles les stagiaires usent de congés prolongés ne sont pas la norme, ne sont pas très nombreuses, il est important de ne pas pénaliser la réussite d'une personne stagiaire, par exemple, parce qu'elle serait enceinte lors de son stage et qu'elle devrait prendre un congé plus prolongé, alors qu'il s'agit là de droits fondamentaux pour les travailleurs et les travailleuses au Québec.

Ainsi, il faut adapter nos règles à la réalité des stagiaires, une réglementation législative pour encadrer ces pratiques, et obliger les milieux de stage et les établissements d'enseignement à respecter les droits fondamentaux que les stagiaires possèdent aussi lorsqu'ils agissent à titre de travailleurs dans un stage. Cette préoccupation a été présentée à plusieurs reprises au ministre Jean Boulet, qui se dit vraiment sensible aux réalités des stagiaires, et nous croyons qu'il est encore essentiel que ces modifications voient le jour au plus vite.

Donc, merci beaucoup de nous avoir écoutés. Ce fut un plaisir de participer à cette consultation. On est très heureux et heureuse d'avoir pu défendre les droits des stagiaires devant vous aujourd'hui. Votre écoute est essentielle pour nous permettre de porter la voix des stagiaires au Québec.

Bref, le projet de loi vient retirer des iniquités qui existaient déjà, vient créer des précisions qui étaient nécessaires à la reconnaissance des stagiaires, et ça peut avoir un apport vraiment important pour la communauté étudiante. Enfin, il est essentiel de préciser que ces ajouts permettraient aux stagiaires d'avoir accès à des protections et à des droits qui ne doivent, en aucun cas, être réduits par d'autres modifications qui pourraient éventuellement être apportées aux lois sur le travail.

Donc, nous sommes vraiment disponibles pour prendre des questions lors de la présente présentation, mais aussi vous pouvez contacter l'UEQ à tout moment pour des précisions ou des compléments d'information. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci pour votre exposé très intéressant. Nous allons donc commencer la période d'échange avec M. le ministre. M. le ministre, vous disposez de 16 min 30 s.

M. Boulet : Merci, Mme la Présidente. Dans un premier temps, j'aimerais saluer Jade et William, que j'ai eu l'occasion de rencontrer à quelques reprises, et, deux, vous féliciter non seulement pour votre engagement pour la cause étudiante au Québec, mais pour votre volonté de préparer un mémoire et de venir le présenter en commission parlementaire. C'est une première pour vous deux, je sais que ça doit occasionner un certain stress, ça l'est pour nous tous, mais vous avez vraiment bien fait ça, tous les deux, là, Jade et William.

C'est important, d'ailleurs, vous connaissez ma préoccupation pour assurer... là, ici, on parle de santé, sécurité des stagiaires, on parlera... je vais y aller en... tu sais, parce que vous avez fait comme un pitch en deux volets, là, parce que vous n'avez pas abandonné l'idée de conférer un statut légal complet aux stagiaires. Mais simplement vous rappeler que le ministère de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur a évalué qu'il y avait 195 000 personnes — 66 000 hommes, 128 000 femmes — qui ont été inscrites à un stage, en 2017-2018, puis là je réfère aux trois réseaux : la formation professionnelle, le réseau collégial, technique, là, surtout, et universitaire. Puis là-dedans il y avait notamment les stagiaires d'observation, Jade, tu l'as bien décrit, il y en a 10 388. Ça fait que je pense que, tu sais, que... Puis, en 2019, là, la CNESST a couvert quand même un certain nombre de stagiaires, mais ça n'a jamais été clair. Puis c'était clair que les stagiaires d'observation n'étaient pas visés, notamment, par la Loi sur les accidents de travail et maladies professionnelles.

J'aimerais, Jade, t'entendre. Tu me dis, notamment, puis je pense c'est pour le bénéfice de nous tous... Est-ce que tu peux nous donner une couple d'exemples quand tu dis : Les stagiaires d'observation, ils participent aux tâches et au travail? Partage donc avec nous l'expérience ou des cas pratiques de ça.

Mme Marcil (Jade) : Oui. Donc, merci, M. Boulet. Effectivement, par mon expérience personnelle, je peux en parler. J'ai fait un baccalauréat en enseignement au secondaire, puis c'est un baccalauréat qui contient quatre stages obligatoires, dont le premier qui est un stage d'observation durant lequel l'étudiant ou l'étudiante stagiaire observe le professeur en classe mais est aussi sujet, parfois, selon ce que va en penser son enseignant superviseur, à présenter quelques périodes d'enseignement, et donc se tient dans le milieu de travail, là, durant toute la période du stage, et peut aussi participer à des tâches actives de cette manière-là.

On peut penser aussi, là, à tout autre milieu de stage où, pour essayer une manipulation, un stagiaire utiliserait un certain type de machinerie ou même participerait, là, en laboratoire, ou quoi que ce soit. Donc, c'est vraiment, là, selon la curiosité du stagiaire. Parfois, il peut avoir accès à plus de tâches, parfois moins, mais ça va aussi avec la latitude que peut donner le milieu de stage et la personne qui est superviseure dans le milieu de stage.          Donc, ce n'est vraiment pas parce qu'une personne était en statut d'observation qu'elle n'a aucune chance de faire des tâches actives. C'est pour ça que c'était vraiment très essentiel, là, justement, de le préciser comme il a été précisé dans notre mémoire.

M. Boulet : Puis, en faisant des tâches actives, Jade, tu es toujours exposée à un événement imprévu et soudain qui survient par le fait de ton stage ou à l'occasion de ton stage... et provoquer une absence qui requiert une réclamation à la CNESST pour être compensée.

Jade... En fait, William, maintenant. William, tu parlais de santé et sécurité du travail. J'aimerais ça que tu nous parles un peu plus de... Tu sais, il y a énormément de jeunes dans le secteur de la restauration puis de l'hébergement, puis ça, c'était, dans le régime actuel, dans le groupe prioritaire n° 5, assujetti à aucun mécanisme de prévention et de participation des travailleurs. Il y a un nombre prépondérant de femmes mais aussi de jeunes qui sont affectés par la pandémie, il y a beaucoup de chômage.

Comment... J'aimerais ça que tu me donnes aussi la compréhension. Tu sais, tu disais : Il faut que ce soit compréhensif, là, dans le sens de global. En quoi ça va protéger d'avoir plus de prévention puis de participation des travailleurs? Là, dans le secteur restauration puis hébergement, ça va généralement dans le risque moyen ou le risque faible, et, dépendamment du nombre de travailleurs, il va y avoir un impact. Quelle est l'analyse que tu fais de ça, William?

M. Blaney (William) : Bien, c'est certain que la clé, c'est évidemment, justement, la prévention. Puis plus on est en mesure de prévenir puis d'encadrer, que ce soit, là... Parce que vous semblez aussi parler, évidemment, là, de travailleurs, d'emplois étudiants ou de stagiaires. Si on est en mesure d'encadrer le plus possible leur expérience en milieu de travail, bien, c'est certain qu'on va prévenir, là, les accidents de travail, ce qui est ce qu'on veut, idéalement. Donc, évidemment, la prévention doit être à la base, puis d'encadrer ces personnes-là dès qu'elles entrent dans le milieu de travail, de leur expliquer un peu comment ça fonctionne pour éviter des conséquences plus graves, là, évidemment, c'est une excellente idée, en effet.

M. Boulet : Jade, tu en profites pour parler d'un autre sujet qui a fait l'objet de certaines de nos rencontres, la reconnaissance du statut, notamment, des stagiaires d'observation. Dans la Loi sur les normes du travail, tu réfères à des abus potentiels, probablement que tu penses au harcèlement psychologique ou de nature sexuelle. Est-ce que tu peux nous parler de cas puis de l'importance de la protection de ces stagiaires-là en vertu des lois du travail du Québec, comme tu les appelles?

Mme Marcil (Jade) : Oui, merci, M. Boulet. Effectivement, juste par le statut de stagiaire, une personne peut être plus sujette à des abus de la part de soit la personne superviseure, là, dans son milieu de stage, ou d'autres superviseurs plus élevés, là, dans le milieu de stage, puisque l'étudiant qui est en milieu de stage joue sa réussite et donc serait beaucoup plus sujet à laisser passer certains comportements ou à ne pas dénoncer certains comportements dans le but de pouvoir réussir son stage, malgré qu'il puisse s'agir d'abus.

On peut penser simplement à demander à une personne stagiaire, toujours, d'arriver beaucoup plus tôt, c'est quelque chose plus en lien avec l'horaire, mais d'arriver beaucoup plus tôt pour faire des tâches qui ne sont pas nécessairement en lien avec l'apprentissage, mais d'utiliser la personne stagiaire pour un soutien administratif, alors que le stage n'est pas... ne vise pas du tout ces objectifs-là. On peut penser aussi à demander à des personnes stagiaires de rentrer, alors que c'est des journées fériées, pour effectuer des tâches parce que, de toute façon, rien n'encadre réellement les obligations qu'ont les milieux de travail envers ces stagiaires-là.

Donc, c'est des exemples qui sont très de base, sur les horaires, mais, quand on parle, par exemple, de harcèlement, être une personne stagiaire dans un milieu de stage qui a été difficile à acquérir... Parce que, dans certains milieux, il y a beaucoup de compétitivité pour obtenir un milieu de stage qui va offrir soit une bonne référence, ou même qui va pouvoir mener à d'autres nouvelles expériences de stage, ou même à un emploi, par la suite, dans le même milieu. Donc, lorsqu'il y a beaucoup de compétitivité entre les stagiaires, lorsqu'il y a des abus dans ce milieu de stage là, la personne stagiaire serait beaucoup moins encline à le dénoncer de peur de perdre sa position privilégiée ou même, là, d'être barrée de certains autres milieux de stage, si on veut.

Donc, la personne stagiaire est déjà plus précaire juste par son statut d'étudiant qui joue sa réussite mais aussi son avenir professionnel, et donc d'encadrer leur statut permettrait vraiment de limiter des abus qui existent déjà et qui sont malheureusement présents dans notre milieu.

(14 h 20)

M. Boulet : Merci. Par ailleurs, j'aimerais que tu nous dises quelques mots sur ce qu'on a amorcé ensemble, là, le chantier de consultation avec les corporations professionnelles. Puis, pour le bénéfice de tout le monde, bien sûr, on est intéressés à conférer exactement le même statut, les mêmes droits, les mêmes obligations, bien sûr, aux stagiaires que les autres travailleurs dans le même environnement. En même temps, on ne veut pas mettre en péril leur possibilité de diplomation, parce qu'il y a des stagiaires, par ailleurs, à l'égard desquels les corporations professionnelles exigent une présence assidue pour permettre une évaluation complète de la personne. Il faut qu'elle fasse tant d'heures, il faut qu'elle fasse tant de jours. Ça fait que le stagiaire qui est absent risque d'avoir une problématique, là, au niveau de son accessibilité au diplôme.

Bon, les consultations sont terminées, le travail n'est pas terminé. Jade et William, on va s'en reparler. D'ailleurs, c'est un chantier qui est parallèle. Mais, Jade, je veux quand même t'entendre, parce qu'on n'a pas l'opportunité souvent de se rencontrer, donc, sur ton appréciation ou tes constats de ces consultations-là.

Mme Marcil (Jade) : Oui, parfait. Donc, pour les informations pour tous, donc, au cours de l'automne dernier, le ministère du Travail a mis en place des consultations avec tous les acteurs et actrices du milieu de l'enseignement supérieur qui interviennent dans la gestion d'un stage. Donc ont été consultés les ordres professionnels, mais aussi les établissements. Lors de ces consultations, c'était vraiment pour mesurer la possibilité de mettre en place une législation pour les stagiaires pour réguler, justement, leur statut.

Lors de ces consultations, on a bien vu qu'il y avait un travail important d'arrimage entre certains milieux qui devrait être effectué soit envers les attentes qu'ont un ordre professionnel pour un stage, certains délais durant lesquels les stagiaires doivent absolument compléter les heures, et aussi de quelle manière est-ce qu'il était possible d'arrimer le travail académique du côté des établissements, puisque les établissements ont des sessions académiques, les stages doivent se faire sur une durée x aussi.

Donc, malgré ces difficultés d'arrimage, qui seront effectivement nécessaires à la mise en place de protections plus globales pour les stagiaires, on croit que, peut-être, la mise en place, quand même, d'une réglementation qui permettrait une protection minimale pourrait permettre, justement, là, l'amélioration des politiques soit institutionnelles ou des ordres professionnels dans le temps afin d'assurer un arrimage de ces pratiques-là. Ça a été des rencontres qui ont été extrêmement instructives afin de comprendre vraiment bien, là, les réglementations des différents ordres et le fonctionnement des établissements.

On a aussi remarqué que plusieurs établissements étaient très autonomes mais donnaient quand même des accommodements. Par contre, chaque établissement donne des accommodements différents. Et donc une personne stagiaire, d'un établissement à un autre, ne pourra peut-être pas avoir accès aux mêmes accommodements, et ça, c'est une problématique qu'une législation pourrait, par exemple, là, uniformiser à travers les établissements.

Donc, je crois qu'on est toujours dans la problématique de l'arrimage dans ce qui existait avant pour s'assurer que tout le monde ait les bonnes protections. Puis ça va nous faire extrêmement plaisir de continuer à travailler sur ce projet-là parce qu'on pense encore que c'est nécessaire, là. Le plus tôt possible sera le mieux, disons.

M. Boulet : Écoutez, juste un mot pour terminer. Encore une fois, merci beaucoup, Jade et William, pour votre contribution. Puis je pense que mes collègues du parti gouvernemental et des partis d'opposition vont se réjouir que, pour une première fois dans notre régime de santé et sécurité du travail, on aille dans la direction d'une égale protection à l'égard des accidents de travail, maladies professionnelles pour tous les stagiaires, notamment les stagiaires qui font de l'observation. Merci beaucoup à vous deux, puis au plaisir de vous revoir bientôt. Bye-bye.

Une voix : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, merci pour le bel échange. Nous poursuivons, cette fois-ci, avec le député de Nelligan. Vous disposez de 11 minutes. Député de Nelligan.

M. Derraji : Oui. Merci, Mme la Présidente. Merci à vous deux pour le rapport et la qualité des informations. Moi, je ne vois pas, en face de moi, des personnes qui sont à leur première consultation. Je tiens à seconder le ministre, vous avez bien fait ça. Bravo pour votre présence. La coordination entre... dans ce nouveau mode virtuel, on essaie tous de s'adapter, donc d'intervenir les deux.

Il y a quelque chose qui m'a interpellé par rapport à... je ne sais pas comment qualifier ça, mais une pression pour réussir son stage — je pense, Jade, vous avez mentionné ça — et que, parfois, les gens acceptent certaines choses, je pense, au niveau des stagiaires. J'imagine que votre organisation a un son de cloche. Avez-vous des statistiques à nous partager ou bien des secteurs d'activités? Parce qu'aujourd'hui, dans ce projet de loi, le ministre ramenait des éléments de prévention, donc on veut travailler plus sur la prévention avec un niveau de risque.

Mais, à la question du ministre, tout à l'heure, vous avez mentionné que, pour certains stagiaires, il y a la pression de réussir son stage, et ça, nous sommes tous d'accord, parfois, c'est des choses que vous voyez. Mais avez-vous des statistiques à nous partager? Avez-vous des drapeaux rouges à nous partager par rapport à des secteurs d'activités où vous pensez qu'il faut faire attention, il faut être plus vigilants pour que, justement... qu'une société comme la nôtre, québécoise, que des agissements pareils ne seront plus tolérés?

Mme Marcil (Jade) : Merci beaucoup pour la question. Il est en ce moment très difficile d'établir exactement dans quel domaine est-ce que ça a été le plus problématique. L'Union étudiante du Québec travaille présentement avec la chaire de recherche pour combattre les violences à caractère sexuel à l'UQAM, par exemple, dans un projet de recherche sur les violences à caractère sexuel dans les milieux de stage, afin de déterminer, justement, s'il y a des milieux qui sont plus problématiques que d'autres.

Par contre, on peut penser que les milieux dans lesquels les étudiants stagiaires doivent eux-mêmes aller à la recherche de leur milieu de stage, évidemment, ça crée plus de compétition. Donc, dans certains établissements scolaires, les étudiants doivent aller chercher eux-mêmes leurs milieux, alors que d'autres... centres de services scolaires, pardon, les étudiants sont placés automatiquement. Donc, ça va vraiment dépendre, là, de la compétitivité à aller chercher un stage.

On pourrait croire que, par exemple, dans des domaines comme le droit, où on joue beaucoup plus sur l'avenir professionnel lorsqu'on veut avoir une bonne référence d'un maître de stage, il pourrait y avoir ce genre de comportement. Par contre, on n'est pas capables de le dénoncer en ce moment, et c'est pourquoi, là, c'est important pour nous de commencer le travail sur les violences à caractère sexuel dans les milieux de stage avec la chaire de recherche. Et c'est sûr que c'est le genre de donnée qui nous intéresse extrêmement pour bien prévenir.

M. Derraji : Oui. Mais déjà, votre point de départ, votre hypothèse pour vérifier ça avec la chaire de recherche, c'est que ce que vous soulevez, quand on est à la recherche de ce stage, il y a comme une mainmise sur le stagiaire, vu les conditions de la recherche de son stage et, de facto, il y a ces milieux problématiques qui exercent une pression sur ces stagiaires. Et donc, si j'ai bien compris votre hypothèse, c'est que vous nous dites, aujourd'hui, aux législateurs, de faire attention à certains secteurs pour que, justement...

Oui, c'est très bien de protéger et d'inclure les étudiants stagiaires non rémunérés dans le projet de loi, mais est-ce que vous nous suggérez, aujourd'hui, d'avoir un autre regard d'une manière préventive pour ces secteurs où nous sommes convaincus, aujourd'hui... je vais enlever «convaincus», où nous avons des doutes? La preuve, vous avez lancé, avec une chaire de recherche, une recherche, justement, qui va soit confirmer ou annuler l'hypothèse du départ.

Mais faisons un raisonnement par récurrence. Du moment que vous soulevez cette hypothèse, est-ce qu'aujourd'hui, avec votre présence au sein de cette commission, vous nous dites : Écoutez, il y a des milieux de stage où ce n'est pas la même chose que dans d'autres milieux, où parfois l'étudiant stagiaire risque de subir une pression supplémentaire?

Mme Marcil (Jade) : Oui. Merci. Donc, effectivement, selon la nature du travail, il y a plusieurs milieux dans lesquels la personne stagiaire est presque automatiquement rémunérée. On peut penser au domaine de l'administration, où les stagiaires sont en majorité rémunérés. Mais c'est vraiment dans la problématique où les stagiaires ne le sont pas. C'est majoritairement des stages qui sont en milieu communautaire public.

Mais c'est ça, le volet de compétitivité vers la quête d'un stage et de la bonne référence. Ça, ça pourrait vraiment mettre en doute, là, mettre en jeu, en fait, la sécurité de la personne stagiaire qui, dans le but d'obtenir une bonne référence, une réussite... ou même de ne pas devoir prolonger son parcours, parce que, souvent, l'enjeu de la diplomation est aussi important, là. On ne peut pas se retirer d'un milieu de stage puisqu'il va falloir reprendre le stage au complet dans un milieu différent. Parfois, ça va retarder la diplomation de près d'un an, selon les différentes institutions d'enseignement, là, ou le programme dans lequel on est inscrit. Donc, ça peut avoir des conséquences importantes qui empêcheraient un peu... qui mettraient des bâtons dans les roues, en fait, de la personne stagiaire qui voudrait dénoncer un comportement inacceptable.

Donc, c'est sûr qu'en régularisant un peu le statut des stagiaires par les deux lois qui sont modifiées par le projet de loi mais aussi par les normes du travail on pourrait assurer une protection minimale, au moins, des abus qui pourraient être faits aux stagiaires et donc soutenir, là, les personnes stagiaires dans leurs problématiques.

 (14 h 30)

M. Derraji : Oui. Jade, merci beaucoup. Je pense que vous avez mis le doigt sur une réelle problématique et, j'en suis sûr et certain... et je vois mes collègues des autres formations bouger la tête, et je pense qu'on va avoir pas mal d'échanges avec M. le ministre par rapport à ça parce que... Surtout, si on veut régler cette problématique, ça nous prend, en fait, de l'audace.

Je vais profiter de l'occasion que j'ai, en face de moi, des jeunes. Écoutez, on parle d'une modernisation d'un régime où il y a beaucoup d'intervenants. J'en suis sûr et certain que vous avez suivi un peu l'actualité, que ce soit patronal, ou syndical, ou communautaire, tout le monde a des préoccupations, et c'est normal. Ça fait longtemps qu'on n'a pas touché à ces deux lois.

Là, maintenant, j'ai en face de moi deux jeunes, O.K. La question, elle est très, très importante pour les jeunes. Comment vous, vous voyez l'avenir de gérer... de la situation de l'emploi chez les jeunes? Pensons, par exemple, le «gig work», qui est au fait que les nouvelles générations ne restent pas chez un même employeur cinq ou 12 ans. Donc là, maintenant, c'est fini, tu rentres chez l'employeur, tu termines ta vie chez le même employeur, mais probablement une série d'expériences du travail, d'expositions aux risques, et autres. C'est quoi, votre lecture, à la lumière de ce nouveau projet de loi?

M. Blaney (William) : C'est certain que le milieu du travail change beaucoup puis évidemment que les lois du travail doivent faire de même, donc évidemment que les lois doivent être compréhensives de ces milieux-là qui changent, de ces jeunes-là qui travaillent quelque temps dans un endroit puis changent, donc les encadrer dès que ces personnes-là arrivent dans le milieu de travail. Et aussi prendre en compte, évidemment, les nouvelles réalités du travail, donc tout ce qui est par rapport au télétravail, par exemple, qui est quelque chose de nouveau, donc, qui existait déjà, mais dans lequel on a été propulsés durant la pandémie. Donc, prendre en compte aussi toutes ces nouvelles réalités là, évidemment, du travail pour s'assurer que, lorsque les jeunes comme nous entrons sur le marché du travail, bien, les lois du travail soient compréhensives puis nous permettent de bien être protégés, malgré le fait que le travail qu'on occupe ne ressemble peut-être pas nécessairement à ceux que des gens ont déjà occupés par le passé.

M. Derraji : Merci à vous deux. Là, maintenant, je vais passer la parole à un autre jeune qui croit beaucoup à l'avenir du travail des jeunes, c'est mon cher collègue Carlos, qui va sûrement, sûrement avoir d'autres questions très pertinentes par rapport à l'avenir des jeunes. La parole est à toi, Carlos.

M. Leitão : Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Il vous reste deux minutes, M. le député.

M. Leitão : Alors, il faut que je fasse vite. Écoutez, on pourrait discuter longuement, mais, puisqu'il me reste deux minutes seulement, ma question se limite vraiment à l'encadrement des stages, maintenant, dans les règles de la sécurité et de la santé au travail, les enjeux que vous avez soulevés et qui sont très importants.

Moi, la question que j'ai : Est-ce que... Le premier intervenant dans cette problématique, est-ce qu'il devrait être le ministère du Travail, donc la CNESST, ou ce serait plutôt la responsabilité des institutions d'enseignement, des universités, par exemple? Quand il y a un problème entre un stagiaire et son superviseur ou l'employeur, quel devrait être, disons, le premier répondant, si je peux utiliser un tel terme? Est-ce que c'est vraiment le ministère du Travail ou est-ce que ce serait plutôt l'université de s'occuper de régler cette question?

La Présidente (Mme IsaBelle) : Vous avez 55 secondes pour répondre.

Mme Marcil (Jade) : Oui. Bien, merci pour la question. Il est important, là, de déterminer que, dans les universités, elles sont chacune indépendantes et donc peuvent agir indépendamment, là, sur la gestion d'une problématique d'un stage. Et donc, là, on croit que... d'une réforme un petit peu plus globale entourant les stagiaires partout au Québec de la même manière viendrait régler, justement, dans le cas où il y a certaines lacunes dans certains milieux. Il est essentiel de dire aussi que les stagiaires sont parfois protégés dans le milieu de stage par les politiques institutionnelles des établissements. On peut penser, par exemple, à la politique pour prévenir les violences à caractère sexuel en milieu d'enseignement supérieur. Par contre, il y a encore des flous par rapport à l'application de cette politique-là. C'est plus optionnel, quasiment, qu'obligatoire. Donc, c'est pour ça, nous, qu'on va vraiment plus vers un ensemble. On viendrait, justement, diminuer toutes les disparités de traitement qui existent.

M. Leitão : Très bien. Bravo! Merci. Je pense que ça complète, non, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme IsaBelle) : Oui, oui, oui.

M. Leitão : Il n'y a pas un deux minutes magique quelque part d'autre, non?

La Présidente (Mme IsaBelle) : Deux minutes, c'est un peu long. Essayez de transmettre votre question à votre collègue. Alors, merci pour le bel échange. Nous poursuivons avec le porte-parole d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous avez 2 min 45 s.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Blaney, Mme Marcil. D'abord, c'est toujours agréable de rencontrer des camarades du mouvement étudiant. C'est là que j'ai fait mes premières implications politiques. Puis je veux vous féliciter, parce que, dans le mouvement étudiant, on a toujours eu, évidemment, la défense des droits des étudiants d'un point de vue des bourses, d'un point de vue des frais de scolarité, c'est le pain et le beurre de ce mouvement-là, mais je trouve que le mouvement a beaucoup innové, dans les dernières années, avec cette campagne sur le stage, puis j'aurais aimé ça avoir cette bonne idée-là quand j'étais moi-même dans ce milieu-là.

Tout ça pour vous dire que je pense que beaucoup de choses ont été dites sur le fond. Maintenant, peut-être sur la forme, j'aimerais peut-être vous entendre sur l'appréciation globale de la campagne. Est-ce que ça va assez vite à votre goût? Parce que ça fait quand même deux, trois ans qu'on roule là-dessus. Le gouvernement était dans l'opposition et réclamait déjà ça. Ça fait deux ans qu'ils sont là, on est à mi-mandat, on a déjà passé à travers des réformes, dans les deux dernières années, où on rouvrait les normes du travail. Ça aurait pu être appuyé à ce moment-là. C'est quoi, mettons, votre appréciation de ce qui reste comme temps à ce gouvernement-là pour rendre... pour livrer la performance, là, sur la réforme?

Mme Marcil (Jade) : Merci beaucoup, M. Leduc. Donc, évidemment, là, le grand élément déclencheur s'est vraiment fait à l'hiver 2019 puis avec la conclusion, en juin 2019, là, avec les trois grands chantiers qui ont été mis de l'avant. De notre côté, pour le troisième chantier sur l'encadrement légal, évidemment, pour nous, la grande limite, là, c'est avant l'année préélectorale. Ça serait essentiel, là, de faire des modifications législatives pour assurer aux stagiaires une protection.

C'est un projet qui est en branle avec le ministre depuis juin 2019, lors d'une première rencontre qu'on a eue ensemble, lui et moi. Et je vais terminer mon mandat au mois d'avril prochain, et ça serait extrêmement positif de pouvoir avoir ces modifications le plus tôt possible, parce qu'il y a encore des stagiaires qui vivent des abus au jour le jour. Et, avec la situation de la pandémie en ce moment, les milieux de stage se font de plus en plus rares, les milieux de stage adéquats se font de plus en plus rares, et il est important de s'assurer que nos stagiaires, pendant la pandémie et après la pandémie, puissent être protégés de manière adéquate. Ça serait essentiel.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Il reste 25 secondes.

M. Leduc : Peut-être pour dire : M. Boulet, vous avez maintenant votre date, date limite, pour déposer le projet de loi. C'est avril, avril prochain. On va être là pour vous le rappeler. Merci beaucoup à Mme Marcil, M. Blaney, merci.

Mme Marcil (Jade) : Merci, M. Leduc.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci pour le bel échange. Nous poursuivons avec le député de Bonaventure. Vous avez, vous aussi, 2 min 45 s.

M. Roy (Bonaventure) : Merci, Mme la Présidente. Je vais essayer d'être court. Bonjour, Mme Marcil, M. Blaney. Je pense que le ministre a très bien entendu vos demandes, et puis on espère qu'il va répondre et on va vous appuyer là-dedans. Moi, j'ai juste une question, là, par rapport à votre compréhension du projet de loi global et en ce qui a trait, je dirais, aux futurs travailleurs que vous représentez, à quelque part.

C'est sûr que, dans vos enjeux actuels, vous avez bien défendu vos affaires, le ministre a très bien entendu. Maintenant, par rapport aux futurs travailleurs, à vous qui allez être sur le marché du travail, est-ce que vous avez des commentaires, ou réflexions, ou craintes par rapport au projet de loi actuel?

• (14 h 40) •

M. Blaney (William) : Donc, c'est certain que la raison pour laquelle on souhaitait venir ici aujourd'hui vous parler, c'était parce qu'on voulait parler des stagiaires, des conditions des stagiaires. Puis évidemment on a une pensée pour les étudiantes et les étudiants puis les travailleurs et les travailleuses. Toutefois, on croit qu'il y a des organisations qui seraient justement peut-être plus à même de cibler les lacunes du projet de loi en tant que telles, donc, par exemple, les organisations syndicales qui travaillent beaucoup sur ce dossier-là.

Donc, on aimerait quand même réitérer qu'on souhaite que la loi soit compréhensive puis soit la plus englobante possible des conditions de travail, des problématiques que peuvent vivre les travailleurs et les travailleuses et donc, du même coup, les étudiantes et les étudiants stagiaires. Mais, comme je l'ai déjà mentionné, il y a des organisations, par exemple, les organisations syndicales, qui seraient plus à même de cibler les lacunes dans le projet de loi.

M. Roy (Bonaventure) : Avec le temps qui me reste, réflexion, on a soulevé un enjeu, tout à l'heure, d'une forme de discrimination sexiste dans la protection des travailleurs, au Québec, en fonction du niveau de dangerosité ou, en tout cas, des secteurs. Et, tout à l'heure, j'aurais aimé vous poser la question sur les stagiaires non rémunérés, mais il paraîtrait que ça va se régler, les stages d'observation. Est-ce que c'est en majorité des hommes ou des femmes qui sont dans des stages non rémunérés?

Mme Marcil (Jade) : Merci de la question, M. Roy. C'est en majorité des femmes qui se retrouvent dans des milieux d'emploi qui sont non rémunérés. On peut penser, justement, aux domaines de l'éducation, de la santé et des services sociaux. Donc, voilà.

M. Roy (Bonaventure) : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, merci, c'est tout pour notre période d'échange. Alors, Mme Marcil, M. Blaney, je vous félicite pour votre excellente prestation et votre contribution aux travaux de la commission. Vraiment, bravo! Félicitations.

Nous suspendons les travaux quelques instants, le temps de donner à l'autre groupe... pour se préparer. Merci et à plus tard.

(Suspension de la séance à 14 h 41)

(Reprise à 14 h 47)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, bonjour. Nous souhaitons maintenant la bienvenue aux représentantes du Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, et avant de commencer la période d'échange avec les députés et le ministre. Et, dans un premier temps, je vous invite à vous présenter et ensuite à commencer immédiatement votre présentation.

Conseil d'intervention pour l'accès des
femmes au travail (CIAFT)

Mme Brown (Kimmyanne) : Donc, bonjour. Bonjour, Mme la Présidente, M. le ministre, chers députés. Je me présente, Kimmyanne Brown, du Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail, le CIAFT. Je suis accompagnée aujourd'hui de Karen Messing, qui est professeure émérite en ergonomie à l'Université du Québec à Montréal. Je vous présente aujourd'hui le mémoire du CIAFT qui a été signé par 19 organismes, chercheurs et professeurs.

Pour débuter, le constat est unanime, le régime de santé et de sécurité du travail au Québec méritait une réforme afin d'être actualisé aux réalités du marché du travail. Effectivement, depuis sa mise en place dans les années 80, malgré l'intégration importante des femmes dans de nombreux secteurs d'emploi, la très grande majorité d'entre elles n'était pas couverte par les mécanismes de prévention qui sont prévus par la LSST. Elles rencontrent également des obstacles importants afin de reconnaître et de faire indemniser leurs problèmes de santé qui découlent du travail. Le régime québécois de santé et de sécurité du travail mérite ainsi une modernisation afin d'être en adéquation avec les réalités vécues par toutes les femmes au travail au Québec.

On accueille donc positivement la volonté du ministre de procéder à une réforme et saluons la préoccupation qu'il a énoncée envers la santé des femmes au travail, notamment en proposant d'inclure à l'obligation de l'employeur la prévention de la violence conjugale et familiale, physique et psychologique, qui se manifeste sur les lieux de travail. Toutefois, nous notons que certaines de ces avancées doivent être précisées ou modifiées, selon le cas, pour prendre en compte la situation des femmes ainsi que maintenir et promouvoir leurs droits.

Enfin, nous considérons même que certaines modifications constituent un net recul pour les droits des femmes au travail. Nous croyons fermement qu'un régime de santé et de sécurité du travail qui prend en compte la situation des femmes au travail est une condition essentielle pour permettre à ces dernières d'atteindre une pleine autonomie économique et d'améliorer leur condition socioéconomique. C'est ce qui guidera notre présentation d'aujourd'hui. Malheureusement, dans le temps qui nous est imparti, il va être impossible de résumer les 22 recommandations du mémoire, je vais donc me concentrer sur les principales.

Premièrement, les recommandations nos 1, 18 et 19 de notre mémoire concernent l'intégration d'une analyse différenciée selon les sexes et intersectionnelle, ADS+. Pourquoi une ADS+ est-elle si importante? Notamment car il est établi que les risques, dans un milieu de travail, produisent des effets différenciés entre les femmes et les hommes. De plus, le marché du travail québécois est encore fortement marqué par la ségrégation professionnelle. Les femmes se concentrent encore dans un nombre restreint de professions, ont des statuts d'emploi plus précaires que les hommes, travaillent davantage à temps partiel, ont des revenus d'emploi inférieurs aux hommes et sont plus à risque de connaître des épisodes de pauvreté. Les femmes sont aussi davantage la cible de violences au travail que les hommes, particulièrement du harcèlement psychologique. Enfin, les femmes doivent souvent subordonner leur santé et leur sécurité à leur vie familiale, leur insertion professionnelle et la nécessité de gagner un revenu décent. Lorsqu'on rajoute des facteurs comme le handicap, le statut d'immigration ou l'origine ethnique, ces impacts peuvent être décuplés.

• (14 h 50) •

On note que le gouvernement du Québec a une obligation générale d'analyse différenciée selon le sexe — ADS — mais que, malgré les efforts qui ont été faits en ce sens depuis quelques années, ils n'ont pas suffi à pallier les conséquences importantes de la discrimination systémique vécue par toutes les femmes en matière d'emploi. Il faut que les spécificités de la santé des femmes et surtout leur insertion dans les milieux de travail soient prises en considération dans l'élaboration des mesures législatives.

Les angles morts générés par le projet de loi témoignent de la nécessité de l'implantation d'une ADS+. On a observé l'ampleur des conséquences que peut avoir le fait de ne pas intégrer une ADS+ lorsqu'est venu le temps d'analyser la classification suggérée par le projet de loi selon une estimation du niveau de risque. D'abord, le critère qui est utilisé pour classer les codes SCIAN 4 selon le niveau de risque comporte des effets discriminatoires sur les femmes. Les femmes sont beaucoup plus nombreuses à souffrir de troubles musculosquelettiques et à être exposées à plusieurs contraintes psychologiques, comme le harcèlement et les exigences émotionnelles.

Il a été solidement démontré que ces problèmes liés au travail sont fortement sous-déclarés auprès de la CNESST. Puisque le calcul utilisé est strictement fondé sur les coûts des lésions professionnelles indemnisées, le fait est frappant, c'est 72 % des femmes qui se retrouvent classées dans le niveau de risque faible, comparativement à 53 % des hommes. Avec la loi actuelle, c'est 84 % de la main-d'oeuvre féminine, qui oeuvrait dans les groupes prioritaires quatre, cinq, six, qui était non priorisée. Donc, on ne peut pas prétendre à une réelle modernisation du régime quand un si petit pas est fait pour inclure les femmes dans les mécanismes de prévention.

Ensuite, on accueille positivement le fait que les dispositions liées aux droits de la travailleuse enceinte ou qui allaite au retrait préventif aient été maintenues par la LSST. Toutefois, on croit que les modifications qui sont apportées à ce droit doivent être pilotées avec une grande prudence. Depuis 1980, en plus de protéger la santé de la population, ces dispositions sont devenues des outils efficaces en matière de droit des femmes au travail, en permettant le maintien en emploi de nombreuses travailleuses mais aussi l'amélioration de leurs conditions socioéconomiques. Il s'agit purement et simplement d'un exercice démocratique permettant l'émancipation des femmes sur le marché du travail.

C'est pourquoi nos recommandations nos 9, 10, 11 et 12 visent essentiellement le maintien de l'autonomie du médecin traitant et l'indépendance du nouveau médecin chargé de la santé au travail. Également, on préconise la mise en place d'un comité interdisciplinaire afin de développer des guides de référence. En gros, ce qui a guidé nos réflexions, la priorité doit absolument être donnée à l'évaluation de la situation de chaque travailleuse dans le cadre de son interaction avec son poste de travail et avec toutes les conditions qui en découlent. On craint vraiment qu'avec l'introduction des protocoles, sous la justification de l'équité entre les travailleuses, ça introduise, en fait, des limites importantes d'accès aux droits.

De plus, on note, là, que l'articulation de ce droit, depuis 1980, a permis l'énumération de risques et des dangers liés non à la travailleuse elle-même, mais au milieu de travail. Le nombre important de réclamations en ce sens démontre en effet l'ampleur des risques qui peuvent exister dans le milieu de travail. Donc, le fait de prévenir les risques pour la grossesse, ça a un effet bénéfique pour la prévention de manière générale. Donc, il nous apparaît essentiel que ces risques soient intégrés dans les divers mécanismes de prévention prévus par la LSST, en particulier aux programmes de prévention. C'est en ce sens que nos recommandations nos 5 et 6 ont été formulées.

Ensuite, on constate que le projet de loi modifie les dispositions qui sont liées à l'exclusion de la LATP des travailleuses domestiques. On tient à préciser, en fait, que les travailleuses domestiques comprennent de nombreuses catégories de travailleuses, notamment les travailleuses du programme chèque emploi-service. Ces types d'emplois sont majoritairement féminins, qui ont été, encore aujourd'hui le sont aussi, dévalorisé et sous-évalués. Malheureusement, les modifications suggérées dans le projet de loi continuent de perpétuer la discrimination envers les femmes. Le critère du nombre d'heures afin d'accéder à la protection de la loi rajoute un effet préjudiciable. Aucune autre catégorie de travailleuses ou de travailleurs ne reçoit une telle restriction. De nombreuses travailleuses domestiques continueront de se blesser au travail et de ne recevoir aucune protection adéquate. Notre recommandation n° 13 suggère donc de retirer les exclusions et critères prévus afin de faire cesser la discrimination envers ces travailleuses.

Pour conclure, nous soulignons donc que certaines avancées suggérées dans le projet de loi témoignent réellement d'une volonté d'assurer une véritable protection des femmes au travail. Toutefois, on est forcées de constater que cette volonté ne s'est pas encore transposée dans toutes les propositions faites par le projet de loi. Pourtant, la pandémie de COVID-19 a démontré le besoin de reconnaître la valeur du travail féminin et surtout le fait que les femmes sont exposées à des risques majeurs et qui ont été longtemps sous-estimés. Au front depuis le début de l'année 2020, de nombreuses travailleuses doivent faire face à des milieux de travail non sécuritaires, conjuguer famille, travail, proche aidance et études et continuer, malgré tout, de récolter un maigre salaire. Pour que la modernisation souhaitée en soit véritablement une, la loi doit répondre aux besoins criants des femmes en matière de prévention et de protection de toutes les femmes au travail.

Humblement, nous croyons que les 22 recommandations formulées dans notre mémoire et appuyées par 19 signataires permettraient d'assurer cette cohérence nécessaire à une modernisation réelle prenant en compte la réalité des femmes au travail, en évitant de perpétuer les effets pernicieux de la discrimination systémique en emploi que vivent les femmes depuis beaucoup trop longtemps.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Merci pour votre exposé. Nous poursuivons donc avec le début de la période d'échange avec M. le ministre. Vous disposez de 16 min 30 s.

M. Boulet : Merci, Mme la Présidente. Merci au conseil pour la préparation, la présentation de ce mémoire, qui est particulièrement crédible puis bien soumis, là, Kimmyanne, là. J'ai bien compris, d'abord, que la modernisation, elle s'impose. C'est des lois qui datent de 1979, 1985. Je pense que vous reconnaissez qu'il y a des avancées majeures aussi en ce qui concerne la prévention concernant les secteurs où il y a une prépondérance de femmes. La violence conjugale, les travailleuses domestiques, on pourra y revenir, mais juste se rappeler, Kimmyanne, que, dans la santé, les services sociaux puis l'éducation, c'était dans des groupes où il n'y avait aucun mécanisme de prévention puis aucun mécanisme de participation des travailleurs, et je vous vois hocher de la tête, et donc on va véritablement dans une autre direction.

Je sais que le bât semble blesser, là, tu sais, on dit : Les secteurs où c'est à risque faible, c'est à prépondérance féminine. Je vais certainement... Tu sais, dans le domaine de la santé, par exemple, ce n'est pas vrai de... on met... ce n'est pas tout dans la même boîte, là. Tu sais, les établissements psychiatriques, les résidences pour personnes aînées, dans les services ambulatoires, il y a des risques moyens puis il y a des risques élevés. Dans le secteur de la santé, il n'y a pas qu'une question d'argent, il y a une question, oui, de masse salariale, il y a une question de déboursés. Puis, dans le secteur de la santé, il n'y a pas que des personnes qui sont plus à risque, hein, il y a des gestionnaires, il y a des personnes qui font du travail de bureau, mais il va falloir s'assurer que la pondération soit légitime, tienne compte de ce que vous appelez les analyses différenciées selon le sexe et que ça reflète bien cette réalité-là. Puis moi, je suis hypersensible.

Puis éventuellement, en commission parlementaire, j'ai l'intention, pour le bénéfice de tous mes collègues gouvernementaux et des partis d'opposition, d'avoir une personne qui est formée en actuariat pour bien expliquer comment c'est fait. Et ce n'est pas une patente, là, comme certains se plaisent à dire, ça a été établi de manière extrêmement rigoureuse. Ceci dit, bon, j'ai pratiqué le droit, puis, des fois, même si on s'appuie sur des critères objectifs, ça peut avoir des effets discriminatoires indirects ou indésirés, puis on fera les corrections qui s'imposent, là, Kimmyanne, en tenant compte de cette réalité-là.

Le PMSD, je vais poser des questions, là, Kimmyanne, en quoi vous avez senti que l'autonomie du médecin traitant pouvait être affectée?

• (15 heures) •

Mme Brown (Kimmyanne) : Oui. Bien, je vais répondre à ça. Merci, M. Boulet. En fait, on a ce sentiment-là parce qu'avant c'était le médecin... bien — avant — dans la mouture actuelle de la loi, c'était le médecin traitant qui allait un peu main dans la main avec la travailleuse pour évaluer la travailleuse dans sa condition, avec son poste de travail et toutes les conditions qui en découlent.

De ce qu'on interprète, en fait, du projet de loi, et c'est certain qu'il y a une opérationnalisation qui va venir avec ça, tu sais, c'est juste des mots qu'on voit, donc on n'a aucune idée de comment ça va se transmettre sur le terrain, mais, de ce qu'on ressent, c'est qu'on enlève cette autonomie-là au bénéfice de protocoles — dont on n'a pas encore la définition, d'ailleurs, là, ils ne sont pas explicitement définis dans le projet de loi — et c'est le médecin chargé de la santé au travail qui prend le relais lorsque les dangers ne sont pas identifiés dans les protocoles. Donc, c'est quand même un concept très nouveau qui va changer nécessairement les cultures qui sont implantées puis les façons de faire, et ce qu'on craint, c'est que le médecin traitant, finalement, doit absolument se fier sur des protocoles avec des règles strictes et qu'il ne peut plus avoir la discrétion d'évaluer la travailleuse et le poste.

On sait que 31 % des réclamations sont liées à des agresseurs dits ergonomiques — je n'aime pas ce terme-là, mais c'est le terme qui nous est imposé — et on sait qu'en matière d'ergonomie c'est très difficile d'avoir des règles strictes, il faut vraiment évaluer le poste, puis le milieu de travail, puis la condition de la femme. Et c'est pour ça que le programme fonctionne, d'ailleurs, et qu'il fonctionne très bien, et que les travailleuses peuvent faire des réclamations en ce sens. Donc, voilà.

M. Boulet : ...je pense que ça me donne l'occasion de préciser, actuellement, il y a beaucoup d'iniquités dans l'émission puis l'octroi de ce qu'on appelle les certificats visant le retrait préventif en vertu du PMSD, dépendamment des régions, dépendamment des médecins traitants. Pour un même travail fait à Gaspé, tu peux bénéficier d'un retrait préventif, alors que tu n'en bénéficies pas si tu es à Sherbrooke, dépendamment de la région, dépendamment du médecin.

Or, ce qu'on vise à faire par les protocoles, c'est d'avoir un guide de références qui tient compte des connaissances scientifiques. Puis, Kimmyanne, tu as soulevé un excellent point, là, tu sais, ce n'est pas de quoi qui va imposer au médecin ou qui va diluer l'autonomie des médecins qui vont émettre les certificats. Au contraire, le protocole vise à améliorer l'accès et à le rendre plus équitable en discutant de l'environnement de travail, des conditions générales de travail qui justifient l'émission d'un certificat qui, ultimement, est l'équivalent d'une demande de réaffectation, et le médecin va tenir compte de la réalité personnelle, puis tu en faisais part, de cette réalité personnelle là. Le médecin va toujours continuer de jouer son rôle entier, et c'est véritablement l'objectif qui est visé.

Puis tu as soulevé un bon point, Kimmyanne, là, d'avoir, pour établir ces protocoles-là, une espèce de... ce que tu appelles un comité interdisciplinaire. Absolument, on va être sensibles à ce que ces protocoles-là soient bâtis en tenant compte de la variété des disciplines des personnes qui vont avoir à en établir les paramètres. C'est une excellente idée.

Kimmyanne, j'aimerais ça t'entendre sur, tu sais, les mécanismes de participation des travailleurs. Il y en a deux, les comités de santé et sécurité puis les représentants en santé et sécurité. Comment tu... est-ce que tu proposerais que leur mandat d'évaluer les risques, dans l'exécution de ce mandat-là, ils fassent une analyse différentiée selon les sexes? Et, si oui, comment ils pourraient le faire?

Mme Brown (Kimmyanne) : C'est une excellente question, à laquelle j'aimerais beaucoup avoir la réponse dans le temps qui nous est imparti. Je pense que, d'abord, le gouvernement devrait se pencher à faire des ADS sur les propres mesures avant de les assujettir aux mécanismes puis aux mandats des comités. Somme toute, je suis d'accord. Je n'ai aucune idée de comment ça peut s'opérationnaliser, là, en toute honnêteté. L'ADS+, c'est un outil qu'on doit s'approprier. Je pense que le gouvernement du Québec a l'obligation générale d'ADS.

M. Boulet : Exact.

Mme Brown (Kimmyanne) : Ça n'a pas été fait sur le projet de loi. Dans le plan d'action de la CNESST 2011‑2015, il y avait des recommandations quant à la mise en oeuvre de cet ADS pour ce qui est des lésions professionnelles, et tout ça. Ça n'a pas été exécuté. Donc, je pense que, tout d'abord, là, il faut faire ces analyses-là sur les différentes provisions de la loi puis sur le projet de loi et de voir un peu, par la suite, comment ça va... s'opérationnaliser — pardon — dans le cadre du mandat, des mécanismes de prévention qui sont prévus par la loi.

M. Boulet : O.K. Merci. Bonne réponse. On aura certainement à en rediscuter. Ça m'apparaît extrêmement important de donner un suivi à ça, à cette idée-là.

Les travailleuses domestiques... je dis «travailleuses», là, parce que c'est fortement, à majorité, des femmes, surtout originaires des Philippines. Bon, puis c'est une première, là, qu'on reconnaîtrait leur couverture par le régime de santé et sécurité au Québec. Mais tu dis : On ne va pas assez loin parce qu'on impose un nombre d'heures, tu sais, mettons, 24 heures par semaine pendant sept semaines consécutives, pour éviter les personnes qui font ça de façon purement sporadique ou qui se promènent d'un employeur à l'autre.

Comment tu gérerais... J'ai deux éléments, là-dedans. Dire que ceux qui ne rencontrent pas ce critère-là, qui sont, par ailleurs, des travailleurs autonomes et peuvent toujours s'inscrire à la CNESST puis bénéficier du régime d'indemnisation, je pense que c'est important de le mentionner. Mais comment tu gérerais le cas de ceux qui vont passer la tondeuse ou de ceux qui vont garder une fois ici, une fois là, de manière très épisodique? C'est la raison pour laquelle, tous les comparatifs que j'ai faits, ailleurs au Canada puis ailleurs... un peu à l'échelle internationale, il y a tout le temps des critères minimum, là, pour assurer une certaine régularité puis assurer un certain contrôle des risques et de l'environnement de travail. Mais vous dites, vous, au conseil : Non, il ne devra pas y avoir de critères d'heures. Quand même, vous permettriez que des personnes qui travaillent de façon purement épisodique soient couvertes?

Mme Brown (Kimmyanne) : Bien, effectivement, j'entends, là, ce constat, en fait, que des personnes qui effectuent ce type de travail de manière épisodique, ça serait un fardeau très incroyable à imposer aux particuliers, là, de les indemniser, puis je suis tout à fait d'accord avec ça. Mais, par contre, si on analyse l'impact que ça a... Pour moi, le critère du nombre d'heures, oui, ça permet d'encadrer ce travail sporadique là, mais ça a des impacts importants sur plein d'autres catégories de travailleuses qui sont, elles, très vulnérables, souvent, là.

Vous parliez des travailleuses philippines, mais on prend cet exemple-là parce que, c'est ça que... quand on pense aux travailleuses domestiques, c'est ce à quoi ça nous fait penser. Mais il ne faut pas oublier les travailleuses du programme chèque emploi-service qui, bon, sont exclues du régime. Mais il y a un règlement, là, qui a été mis en place, sur la mise en oeuvre de l'entente relative, et tout ça, qui permet qu'elles puissent être indemnisées pour des accidents de travail, et tout cela. Malgré cela, en fait, on constate qu'elles concluent souvent des contrats de gré à gré avec le particulier pour des heures supplémentaires en dehors de ce programme-là.

Donc, si, par exemple, la travailleuse fait 30 heures dans chèque emploi-service puis 10 heures en dehors, bien, dans les 10 heures qu'elle fait, le critère s'applique. Je ne sais pas si vous me suivez, c'est extrêmement technique, mais, puisque vous imposez, en fait, un critère du nombre d'heures pour ces heures-là faites dans le cadre du contrat de gré à gré, bien, ça les exclut, alors qu'elles participent, travaillent à temps plein, tu sais, elles sont des travailleuses, là. Donc, c'est pour ça qu'on trouve, en fait, que le critère du nombre d'heures permet d'encadrer ce travail sporadique là mais a des impacts immenses sur plein d'autres personnes. Donc, il faut trouver une autre alternative, nécessairement, et c'est ce qu'on propose, là, dans notre mémoire.

M. Boulet : On va porter une attention particulière. Et je vais conclure en vous remerciant toutes les deux, Karen aussi, puis évidemment toutes les personnes qui ont collaboré à la rédaction de votre mémoire. Encore une fois, vous travaillez de manière extrêmement rigoureuse, et je suis vraiment content de vous avoir entendues. Puis certainement qu'on aura l'opportunité de rediscuter de notre projet de modernisation, qui est, selon nous, et selon ce que j'ai compris de vos propos, extrêmement ambitieux, mais on ne doit jamais perdre de vue l'importance de la santé des femmes aussi en milieu de travail, là. C'est un projet qui se veut le plus global possible. Et moi, j'aime le réitérer, là, on a fait des avancées importantes et on est ici pour écouter puis améliorer le projet de loi de façon à ce qu'il soit... à ce qu'on bâtisse le meilleur régime possible. Merci, Kimmyanne, merci, Karen, et à bientôt.

• (15 h 10) •

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, merci pour le bel échange. Nous poursuivons avec le député de Nelligan. Vous disposez de 11 minutes.

M. Derraji : Merci, mesdames, pour cet excellent rapport et cette excellente présentation. Je vais aller directement à l'ADS. Vous êtes le deuxième groupe qui nous mentionne cet aspect aujourd'hui.

Pour le bénéfice de l'ensemble des membres, je vais lire c'est quoi, l'ADS : «L'ADS est un processus d'analyse favorisant l'atteinte de l'égalité entre les femmes et les hommes par l'entremise des orientations et des actions des instances décisionnelles de la société[...].

«Elle a pour objet de discerner de façon préventive les effets distincts sur les femmes et les hommes que pourra avoir l'adoption d'un projet à l'intention des citoyennes et des citoyens, et ce, sur la base des réalités et des besoins différenciés des femmes et des hommes.»

Ça, c'est le Secrétariat à la condition féminine, 2007. Le gouvernement du Québec, d'ailleurs, s'est engagé à implanter, dans ses pratiques pour poursuivre sa marche vers l'égalité entre les femmes et les hommes, gouvernement du Québec, en 2007... Dans le Plan d'action en matière d'analyse différenciée selon les sexes 2011‑2015, le gouvernement prévoyait précisément de mettre en oeuvre des mesures pour prévenir les lésions professionnelles chez les travailleuses et favoriser la gestion de la santé et de la sécurité dans les milieux de travail qui les accueillent. Donc, petite introduction par rapport à l'ADS.

Vous soulevez, très à propos, que toute proposition ou disposition légale ou réglementaire devrait avoir précédé d'une ADS — message très bien reçu — confiée au gouvernement et à l'INSPQ et que ses résultats soient rendus publics. Dans ce cas, serions-nous mieux de recommencer le projet de loi afin que le nouveau régime soit réaliste, efficace et juste?

Mme Brown (Kimmyanne) : C'est une bonne question. Je pense que de mettre à la poubelle la rédaction de 300 articles serait peut-être trop reculer en arrière. Je crois. Je pense qu'il y a des bonnes idées.

Nécessairement, pour conclure, c'est sûr qu'il y a l'ADS et l'ADS+, là, c'est deux outils différents. J'ai quand même la croyance sincère qu'une ADS+ est plus adéquate parce qu'elle permet d'éviter des angles morts, notamment par rapport au statut d'immigration, l'origine ethnique, le fait qu'on est non syndiqué ou syndiqué. Donc, pour moi, de conduire une telle analyse sur le projet de loi actuel pourrait avoir des impacts bénéfiques, notamment par rapport à la notion du niveau de risque, hein, on en parlait précédemment. Le fait d'utiliser les débours, donc les lésions professionnelles indemnisées, ça, c'est une mesure, en fait, qui a des effets discriminatoires. Si on avait fait une ADS+ ou une ADS, peu importe, on aurait pu voir, en fait, les effets disproportionnés.

Donc, oui, il faut que ce soit fait sur les provisions. Est-ce que ça signifie de tout jeter à la poubelle et de recommencer? Je ne voudrais pas être à la place du ministre, en ce moment, puis de tout recommencer, là, mais je pense que ce serait une bonne idée, déjà, de conduire l'analyse sur ce qui a déjà été fait.

M. Derraji : J'espère que vous avez compris le sens de ma question, c'est justement insister sur l'ADS+ et l'ADS. Je sais que le ministre ne va pas jeter à la poubelle le projet de loi n° 59, mais plus d'avoir un autre regard et une analyse qui prend en considération l'ADS+ et l'ADS.

Restons dans la logique ADS+. Vous êtes le premier groupe entendu aujourd'hui qui nous rappelle un autre groupe de travailleuses oubliées de la réforme, soit les travailleuses et travailleurs des agences de placement. La pandémie nous a appris à quel point ces agences de placement sont actives dans plusieurs secteurs économiques et qu'elles emploient souvent des personnes immigrantes. Vous avez mentionné que l'ADS+, notamment, va nous aider à aller chercher la population fragilisée, immigrantes, femmes, etc. Nous vous remercions des deux recommandations qui visent justement à mandater la CNESST à prioriser les inspections dans ces milieux.

Au-delà de la proposition, concrètement et en fonction de votre lecture du terrain, c'est quoi, les recommandations que vous suggérez aux membres de la commission par rapport aux agences de placement?, toujours avec la lecture ADS+, donc restons toujours dans la même lecture, surtout que vous avez pas mal mobilisé cette lecture.

Mme Brown (Kimmyanne) : Merci. Donc, effectivement, bien, pour une lecture ADS+, les femmes ne sont pas majoritaires à travailler dans les agences de placement, mais il faut savoir que, dans certains secteurs d'emploi visés par les agences de placement, les femmes sont majoritaires. On sait d'ores et déjà que ce sont des personnes extrêmement vulnérables, souvent issues de l'immigration, qui cumulent plusieurs emplois à temps partiel. Et, avec la COVID-19, en fait, il nous a été révélé, là, énormément de situations problématiques liées à comment s'administrent ces agences de placement là.

Notre projet de loi suggère deux recommandations. Je dirais que ça prendrait un chantier de réflexion, au Québec, par rapport à la santé et sécurité du travail, et les relations tripartites, et les agences de placement. C'est sûr que, dans le cadre de notre mémoire, on n'a pas pu démarrer ce chantier-là, mais je pense qu'il y a déjà quelque chose de très intéressant qui a été fait dans le cadre du Règlement sur les agences de placement et la réforme de la Loi sur les normes du travail, récemment. On a comme admis, là, que ce phénomène-là emportait des préoccupations superimportantes en matière de droit du travail. Je crois honnêtement que ça doit être poursuivi dans le cadre de ce projet de loi là.

Malheureusement, on n'a rien retrouvé, là, dans le projet de loi n° 59, qui donne d'autres obligations aux agences ou qui permet de prévenir les risques pour les travailleurs et travailleuses d'agences de placement. Donc, je pense qu'un chantier de réflexion... Il y a énormément d'expertes, au Québec, là, qui sont super qualifiées, qui connaissent bien la situation. Il y a des modèles qui sont super ambitieux, comme en Australie, qui ne s'appuient plus sur les catégories traditionnelles et de travailleur et d'employeur, donc on peut s'inspirer de modèles qui fonctionnent super bien. Et voilà.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Votre micro, monsieur...

M. Derraji : Oh! C'est la première fois que ça m'arrive. Désolé. Vous suggérez, dans votre recommandation 4, que la loi permette la création de groupes de représentants en santé et sécurité, RSS, itinérants, qui viennent en aide aux PME. Quelle forme, quelle composition pourraient avoir ces groupes de RSS itinérants et pourquoi vous soulevez cette inquiétude ou cette proposition?

Mme Brown (Kimmyanne) : Oui, en fait, bien, notre recommandation, ça va en ce sens-là, du fait qu'il a été maintes fois démontré que la main-d'oeuvre est beaucoup plus mobile qu'auparavant. Les réalités du milieu du travail ont changé. Donc, cette recommandation-là va en ce sens-là pour les petits établissements. Donc, ce serait un dispositif innovant. Cependant, je n'ai pas les réponses au niveau de comment ça va s'opérationnaliser sur le terrain, mais je pense qu'il y a quelque chose à réfléchir par rapport à ça.

M. Derraji : Oui, excellent. En lisant, toujours, votre mémoire, on comprend que, si une analyse différentiée par le sexe avait été faite, le projet de loi ne modifierait pas l'article 53 — or, je parle de la LATMP — soit celui qui permet à une travailleuse ou travailleur âgé de plus de 55 ans, victime de maladie professionnelle, de toucher une indemnité en remplacement du revenu — je parle du IRR — parce que les effets sont disproportionnés. Dans les faits, comment cette modification impactera-t-elle les travailleuses âgées de plus de 55 ans?

Mme Brown (Kimmyanne) : Bien, en fait, c'est très simple. Si je prends un exemple dans la nouvelle mouture de l'article 53, c'est comme si on soumet ces travailleuses-là à la détermination d'un emploi convenable par la CNESST. Les travailleuses aînées, on sait qu'elles peuvent subir une double discrimination, en raison de leur âge mais aussi du fait qu'elles sont femmes. Donc, le fait de se retrouver un emploi à cet âge-là peut être extrêmement difficile. Donc, de retirer cette présomption-là peut avoir des effets disproportionnés sur les femmes. On parle que les travailleuses aînées sont plus nombreuses que les hommes à occuper des emplois de faible qualité, également. Donc, tout ça a un impact aussi sur l'indemnité de remplacement de revenu, là, le calcul de leurs revenus actuels. Donc, voilà.

M. Derraji : Vous présentez aussi votre recommandation visant à vous assurer que les services de santé de la travailleuse enceinte ou qui allaite soient chapeautés par les médecins du Réseau de santé publique en santé au travail. Est-ce que vous pouvez nous exposer vos craintes par rapport au retrait des médecins du Réseau de santé publique en santé au travail tel que proposé dans le projet de loi?

Mme Brown (Kimmyanne) : Oui. Bien, en fait, il s'agit d'un grand recul, je crois, qui a été décrié par maintes organisations, là, je ne suis pas la seule à le nommer. Dans le cadre du programme Pour une maternité sans danger, c'est un médecin chargé de la santé au travail, qui, d'ailleurs, n'est pas défini par le projet de loi, donc c'est notre crainte, en fait, objective, que ce soit un médecin de l'employeur ou un médecin qui serait issu des mutuelles de prévention. C'est très important et fondamental de maintenir l'indépendance de ce médecin-là et c'est la raison pour laquelle on a émis une recommandation, là, en ce sens dans notre mémoire.

M. Derraji : Donc, pour vous, l'indépendance, c'est sine qua non, on ne doit même pas toucher à cela, si j'ai bien compris?

Mme Brown (Kimmyanne) : Exactement. En fait, notre recommandation 9 vise à maintenir l'existence du médecin responsable, des services essentiels de l'établissement. Et, en fait, on prévoit quand même que, si ce nouvel acteur-là est introduit, qu'il faut explicitement énoncer son rattachement au réseau, là, dont vous mentionnez, et qu'on définisse des exigences, là, en matière de formation spécialisée en santé au travail, en matière d'indépendance professionnelle. Donc, voilà.

M. Derraji : Dans la recommandation 17, vous avez proposé qu'il y ait un meilleur accès à la représentation légale des travailleurs non syndiqués. Si on prend le MTESS, la CNESST, le ministère de la Justice, avec la collaboration des barreaux... pouvaient créer ce type de soutien. Comment voyez-vous son déploiement à l'échelle du Québec? Comment, vraiment, le rendre beaucoup plus concret? Et quels secteurs, les secteurs les plus criants?

• (15 h 20) •

Mme Brown (Kimmyanne) : Bien, en fait, pour... en général, dans les milieux non syndiqués, on sait qu'il y a moins... ils n'ont pas de représentation à l'interne. Donc, je ne ferais pas de discrimination sur mon secteur. Pour moi, c'est tout le milieu non syndiqué qui doit recevoir une représentation adéquate. Parce qu'on sait que, quand on travaille dans un milieu syndiqué, bien, on a accès à une convention collective qui a souvent l'opportunité d'aller au-delà de ce qui est prévu et, quand on a un problème, on se présente devant notre syndicat puis c'est plus facile que dans le milieu non syndiqué.

Donc, c'est pour ça qu'on demande, en fait, au gouvernement qu'il y ait un examen des moyens qui pourraient être mis en oeuvre pour les soutenir dans les processus de réclamation pour les ordres professionnels. On sait que les femmes sont moins tentées de faire des réclamations, là, pour plein de raisons qui sont, notamment, liées à la discrimination systémique. Donc, c'est pour ça qu'on veut vraiment qu'elles soient épaulées et qu'il y ait des mécanismes qui peuvent reconnaître leurs risques. Parce que les risques, en fait, auxquels sont exposées les femmes sont sous-estimés, sont invisibles depuis trop longtemps et les médecins contribuent souvent aussi un peu à ce système-là. Donc, voilà.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci.

M. Derraji : Mesdames, je tiens à vous remercier, vraiment, là, vous avez éclairé les membres de la commission. Et merci pour l'ADS+ et cette nouvelle lecture. Merci.

Mme Brown (Kimmyanne) : Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, merci. Nous allons maintenant avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous avez 2 min 45 s.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Brown, bonjour, Mme Messing. D'abord, saluer Mme Messing, là. Notamment, j'avais adoré votre livre Les souffrances invisibles, que vous avez publié il y a déjà quelques années. Je ne sais pas si on peut en faire peut-être parvenir une copie au ministre, une petite lecture de chevet qui pourrait certainement l'intéresser, ça, j'en suis certain.

J'ai vraiment beaucoup aimé votre mémoire, solidement rédigé. J'ai été particulièrement frappé par le tableau, je ne sais plus si c'est la page 16 ou 17, là, sur la distribution des... vous ne voyez pas grand-chose à l'écran, mais sur la distribution des hommes et des femmes selon les secteurs du code SCIAN. 72,9 % des femmes se retrouvent dans le secteur faible. C'est hallucinant, ça, c'est hallucinant. Comment on se retrouve à cette situation-là?

Puis M. le ministre, tantôt, m'a mal cité quand je parlais de ces critères, il m'a dit que c'était une patente, mais j'ai bel et bien dit «une patente à gosses». Je ne trouve pas qu'on atterrit à quelque chose de très pertinent avec ces critères-là de risque, ils ne me semblent pas reposer sur grand-chose. Quelles seraient les alternatives que vous pourriez nous suggérer pour aller de l'avant avec une meilleure protection de l'ensemble des femmes en matière de santé et sécurité?

Mme Brown (Kimmyanne) : Je vais laisser Mme Messing répondre à cette question.

Mme Messing (Karen) : Bon, merci pour la question et merci pour les beaux compliments. Vous m'entendez bien? Parce que je ne me vois pas à l'écran, c'est un peu désarçonnant. Ce que nous pensons, parce que nous avons fait une analyse serrée de quels sont les secteurs où sont les femmes et comment elles sont traitées... Et ce qu'on proposerait, parce qu'on pense que ça vient d'un genre de cercle vicieux où les indemnisations passées déterminent la priorité pour le futur, donc, s'il y a des oublis passés, ça veut dire qu'il y a... c'est concrétisé dans le système proposé par le projet de loi, et donc ce qu'on voudrait ajouter à ces considérations-là de débours pendant les 10 ans précédant ce moment-ci, c'est d'inclure aussi les résultats des enquêtes qui sont faites périodiquement par le gouvernement. Le gouvernement paie pour différentes enquêtes en santé au travail, en santé des populations, c'est très, très respectable, comme type de données, et, dans ces enquêtes-là, ce qui ressort très clairement, c'est que les secteurs qui n'ont pas été priorisés pour les prétentions, par le passé, c'est exactement ces secteurs-là où il y a des gros problèmes de troubles musculosquelettiques, des problèmes aussi de stresseurs psychologiques. Donc, si on ajoutait des résultats de ces enquêtes-là, je pense que ça irait en faveur d'une meilleure représentation des femmes dans les secteurs où on a les programmes de prévention.

M. Leduc : Merci beaucoup. Oh! Mme la Présidente, votre micro.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Ah! Alors, oui, parfait. Merci. Alors, c'est tout le temps que vous aviez. Nous poursuivons maintenant avec le député de Bonaventure. Vous avez toujours 2 min 45 s.

M. Roy (Bonaventure) : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Brown et Mme Messing. Je reste un peu sur le même enjeu que mon collègue d'Hochelaga-Maisonneuve. Le tableau, je l'ai cité ce matin, hein, parce que, là, ça me semblait démontrer une forme de sexisme systémique dans l'évaluation des niveaux de risque. Je vais prendre ça à l'envers, O.K? Si le tableau est un indicateur des débours de la CNESST, ça veut dire que les femmes ont eu moins accès à de l'indemnisation puis de la compensation. Et là, bien, on sait que le projet de loi, ce n'est pas dit, ce n'est pas écrit dedans, mais on vise à faire des économies, parce qu'on a des lobbys qui nous disent que c'est la CNESST, au Québec, c'est une bibitte qui coûte extrêmement cher et que ça implique des sommes colossales, etc. Donc, dans un contexte où on voit que ce sont les femmes qui reçoivent le moins de compensations et qu'on veut faire des économies, je pense que, là, on a lieu de craindre que la situation se détériore. Et, si vous aviez un message à passer, dans les 30 secondes, au ministre, ça serait quoi? Vous l'avez déjà fait, là, mais je vous donne la parole.

Mme Brown (Kimmyanne) : Dans 30 secondes? Bien, en fait, par rapport à ce niveau de risque là, effectivement, je pense que le chiffre de 72,9 % est très frappant, il faut le garder en tête, et je pense que ça prouve, là, nécessairement, que le fait de prendre les lésions professionnelles indemnisées, c'est comme de créer un cercle vicieux qui contribue à discriminer les femmes. Et on sait que la prévention, en fait, c'est le coeur de la loi, c'est le coeur de notre système, au Québec, puis ce niveau de risque là a des impacts majeurs. C'est ce qui va permettre d'accéder à ces mécanismes-là. Donc, il ne faut pas prendre ça sur un coin de table. Je pense qu'il faut se rasseoir, il va falloir regarder, en fait, ce qu'on peut faire de mieux pour éviter de discriminer les femmes de ce mécanisme-là.

M. Roy (Bonaventure) : Dans un contexte où on a 200 000 accidentés, au Québec, du travail, par année, contre 40 000 à la Société de l'assurance automobile, donc, on a un enjeu de prévention qui est fondamental. Voilà. Merci beaucoup.

Mme Brown (Kimmyanne) : Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, merci, Mme Brown. Merci, Mme Messing. C'est tout le temps que nous avons. Merci sincèrement pour votre contribution très importante pour la commission.

Alors, nous suspendons les travaux quelques instants pour donner la chance à l'autre groupe de s'installer. Merci.

(Suspension de la séance à 15 h 27)

(Reprise à 15 h 38)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, bonjour. Nous souhaitons maintenant la bienvenue aux représentants de Parkinson Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour faire votre exposé. Ensuite, nous allons débuter la période d'échange avec le ministre et les députés.

Avant de commencer votre exposé, je vous inviterais à bien vous présenter. Alors, la parole est à vous.

Parkinson Québec

M. Rigal (Romain) : Bonjour, Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les députés. Mon nom est Romain Rigal. Je suis directeur des programmes et services chez Parkinson Québec. Je suis pharmacien de formation et j'ai bâti l'ensemble de ma carrière dans l'évaluation de la sécurité des médicaments et des actes médicaux. Je suis également vice-président de Victimes des pesticides, une coalition d'associations de patients inquiets de la recrudescence des cas d'intoxication chronique aux pesticides dans leurs communautés respectives. Cette coalition regroupe Myélome Canada, la Société de la leucémie et du lymphome du Canada, Autisme Montréal, Action cancer du sein du Québec, Safe Food Matters et Parkinson Québec. Ensemble, nous nous sommes donnés pour mission d'améliorer la protection et l'indemnisation des personnes exposées aux pesticides.

Je suis également accompagné du Dr Pierre Auger, médecin spécialiste en médecine du travail au CIUSSS de la Capitale-Nationale.

C'est un honneur pour nous de pouvoir contribuer à la modernisation de ce projet de loi, et je tiens donc à vous remercier de votre invitation.

Depuis quelques années, l'impact des pesticides sur la santé humaine suscite un vif intérêt dans la population générale et chez leurs principaux utilisateurs, les agriculteurs. Ces produits, destinés à renforcer notre productivité agricole et notre sécurité alimentaire, sont devenus un enjeu de santé et de sécurité pour leurs usagers aux milieux professionnels. Aujourd'hui, près de 55 000 personnes travaillent dans le milieu agricole et plus de 32 000 possèdent des permis ou des certificats d'utilisation des pesticides. Le revenu de ces personnes est intimement lié à leur exposition professionnelle aux pesticides, dont la toxicité pour la santé humaine est de plus en plus évidente.

D'ailleurs, depuis plusieurs décennies, le Québec joue un rôle de leader dans l'évaluation de l'impact des pesticides sur le développement des maladies neurodégénératives. Deux chercheurs québécois ont particulièrement ouvert cette avenue de recherches dans les années 80. Le Dr André Barbeau a été le premier à constater une plus haute prévalence de la maladie de Parkinson en Montérégie, où l'utilisation des pesticides était plus importante, et le Dr Rémi Quirion, aujourd'hui scientifique en chef du Québec, avec qui j'ai eu la chance de m'entretenir, qui, lui, a également été un pionnier de la démonstration de cette association.

J'aimerais maintenant inviter le Dr Auger à vous donner un aperçu de la preuve de cette causalité.

• (15 h 40) •

M. Auger (Pierre) : Bon, alors, je me présente, oui, rapidement. Je suis médecin spécialiste en médecine du travail depuis 1989. Antérieurement, j'étais hémato-oncologue, parce que la spécialité en médecine du travail n'existait pas au Québec. Elle a existé éventuellement plus tard. La seule chose que... je travaille en direction de santé publique de la Capitale-Nationale, mais aujourd'hui je suis... c'est mon opinion propre, là, je ne représente pas la direction de santé publique de la Capitale-Nationale parce que le sujet n'a pas été discuté ici. Alors, c'est juste une mise au point.

Alors, depuis plus de 30 ans, certains pesticides sont utilisés pour créer artificiellement la maladie de Parkinson chez les animaux de laboratoire pour tester les nouveaux médicaments pour traiter la maladie. Une fois exposés aux pesticides, ces animaux présentent des dérèglements biologiques et des symptômes identiques à ceux des malades. Cette preuve expérimentale constitue un des piliers de justification du lien de causalité entre pesticides et maladie de Parkinson.

Depuis les années 90, plus d'une centaine d'études ont documenté l'association entre l'exposition professionnelle aux pesticides et le développement de la maladie de Parkinson. Les résultats de ces études ont été agrégés par huit méta-analyses qui, toutes, concluent à une augmentation du risque de développer la maladie de 70 %. Cela veut dire qu'en moyenne l'exposition aux pesticides en milieu professionnel double quasiment le risque de développer la maladie.

Récemment, le Dr Guidotti, expert international en épidémiologie, en toxicologie et santé au travail, a produit et transmis à la CNESST un important rapport sur les maladies professionnelles des pompiers, tous les cancers chez les pompiers. J'aimerais citer deux extraits. Je cite : « Un degré de risque de cette importance constitue un lien d'association très élevé», et il poursuit : «Avec un risque de cette magnitude, il est plus probable qu'improbable que la pathologie du travailleur soit reliée à son emploi. Ceci constitue le fondement de la justification de la présomption.» Fin de la citation.

Alors, il est clair, aujourd'hui, dans la littérature scientifique — ça, on pourra répondre à vos questions plus tard — que les pesticides sont des déclencheurs de la maladie de Parkinson, des lymphomes non hodgkiniens, des myélomes et des cancers de la prostate chez des personnes qui présentent une susceptibilité génétique particulière. On vous expliquera ça plus tard, si vous êtes intéressés.

M. Rigal (Romain) : Je vous remercie, Dr Auger. Le poids de la preuve toxicologique et épidémiologique qui est présentement disponible est relayé par de nombreux instituts de santé à l'international mais également par des rapports d'institutions québécoises, notamment l'Institut national de santé publique du Québec. Pourtant, les réclamations des travailleurs à la CNESST de cas de maladie de Parkinson suite à l'exposition aux pesticides sont refusées au motif qu'il ne s'agit pas d'un accident du travail ou d'une lésion professionnelle au sens de la loi.

M. Jean Boulet a déclaré vouloir positionner le Québec comme leader mondial en matière de santé et sécurité au travail grâce à la modernisation tant attendue de cette loi. Vous avez déjà démontré votre capacité d'action en inscrivant certaines maladies oncologiques des pompiers dans ce projet. Ainsi, vous avez comblé notre retard par rapport à l'ensemble des provinces canadiennes et aux États-Unis. Le législateur peut remédier immédiatement à cette injustice de traitement envers les agriculteurs en inscrivant la maladie de Parkinson provoquée par les pesticides comme maladie professionnelle, dans l'annexe B...

La Présidente (Mme IsaBelle) : Attention, attention. Est-ce que nous l'avons perdu?

M. Rigal (Romain) : ...

La Présidente (Mme IsaBelle) : Oui, il est de retour.

M. Rigal (Romain) : Ah! Bienvenue. Je reprends donc. Grâce à vous, Mmes et MM. les députés, le Québec a une opportunité unique de rejoindre les chefs de file mondiaux en matière de reconnaissance du risque professionnel associé à l'exposition aux pesticides, comme la France et la Suède.

En parallèle de l'inscription de la maladie de Parkinson à l'annexe B du règlement, le comité scientifique proposé dans le projet de loi apparaît comme une innovation dans le processus de révision de la liste des maladies professionnelles. Ce comité représente une avancée sociale s'il contribue à l'accroissement de la couverture des travailleurs.

Nous nous questionnons cependant sur la pertinence du travail de ce comité sur la recherche de seuils maximums d'exposition afin de déterminer l'admissibilité des travailleurs à l'indemnisation. En effet, la jurisprudence québécoise, basée sur le principe de susceptibilité individuelle, établit qu'une norme réglementaire de travail n'est pas l'indication d'un seuil qui permet de déterminer si un travailleur est atteint ou non d'une maladie professionnelle. Nous souhaitons également nous assurer que, lors des processus d'évaluation de ce comité, celui-ci utilisera des données issues de recherches académiques indépendantes, que la liste des sources utilisées soit rendue publique et que ce comité soit protégé de l'influence indue des lobbyistes.

Si nous insistons sur la transparence des sources utilisées, c'est que vous-même, M. le ministre, avez été induit en erreur par un rapport fantaisiste produit par l'IRSST en juillet 2020. Dans ce document, l'auteur rapporte, je cite : «Quelques revues de littérature sur le lien entre les pesticides et la maladie de Parkinson parmi les travailleurs agricoles rapportent une augmentation significative du risque de développer la maladie de Parkinson, mais d'autres n'en rapportent pas[...]. [...]Les connaissances évoluent dans le temps...» Fin de la citation. Il se trouve que l'ensemble des sources concernant le parkinson qui sont citées par ce rapport sont en contradiction directe avec la conclusion de l'auteur. La dernière méta-analyse, également citée par l'auteur de l'IRSST, va même jusqu'à conclure à une stabilisation de l'estimation du risque autour de 70 %. Cet exemple de manquement à l'éthique scientifique et d'induction en erreur de nos dirigeants politiques soutient l'option d'argument sur la politique d'indemnisation menée par la France et la Suède et recommandée par l'INSPQ. Par conséquent, nous vous réitérons notre demande d'inscrire la maladie de Parkinson par voie législative à la liste des maladies professionnelles.

Le gouvernement peut également porter plus loin encore sa solidarité envers celles et ceux qui, parfois au détriment de leur santé, nous nourrissent et entretiennent notre terre. En effet, plus des deux tiers des exploitations agricoles ne sont pas inscrits à la CNESST. Leur inscription obligatoire à taux préférentiels permettrait d'assurer la couverture future des agriculteurs.

D'autre part, le gouvernement devrait, à l'instar de la France, développer un fonds d'indemnisation pour l'ensemble des personnes aujourd'hui victimes des pesticides mais qui n'ont pas cotisé à un régime de protection, faute d'information sur la dangerosité de ces produits.

La Présidente (Mme IsaBelle) : En conclusion, M. Rigal. Il vous resterait 20 secondes.

• (15 h 50) •

M. Rigal (Romain) : Finalement, nous saluons l'élargissement de l'application des mécanismes de prévention. Cependant, nous aimerions vous demander de prévoir des dispositions particulières d'application de la loi pour les exploitations agricoles dont la taille est modeste et le calendrier de production dicté par la nature.

J'aimerais, Mme la Présidente, Mmes et MM. les députés, vous remercier pour votre qualité d'écoute.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci pour votre exposé. Nous allons débuter la période d'échanges avec M. le ministre. Vous disposez de 16 min 30 s.

M. Boulet : Oui. Merci, Mme la Présidente. D'abord, vous remercier, Parkinson Québec, pour votre contribution, pour la rédaction de votre mémoire qui est de grande qualité. Et déjà, de reconnaître qu'on fait une avancée en élargissant l'application des mécanismes de prévention, moi, je reçois ça comme un commentaire positif. Puis j'ai la même préoccupation que vous, là, les deux tiers des petites exploitations agricoles qui ne sont pas enregistrées à la CNESST. Puis on a eu l'opportunité d'en discuter avec des représentants de l'Union des producteurs agricoles un peu plus tôt, de comment on peut améliorer la prévention, comment on peut inciter. Puis évidemment ça nous a amenés à parler des mutuelles de prévention puis des associations sectorielles paritaires.

J'aimerais vous donner l'information suivante. Ce que la CNESST me rapportait, c'est que, de 2010 à 2018, elle a accepté 218 cas de maladies professionnelles pour le secteur agricole, et seulement six de ces cas-là ont pour agent causal un produit chimique, et les pesticides ne sont pas directement spécifiés dans ces dossiers-là. Donc, en même temps, on reconnaît que, bien sûr, la maladie de Parkinson, il y a une littérature médicale et scientifique qui se développe, mais il y a eu un rapport, puis, Dr Auger, vous avez dû en prendre connaissance, de l'IRSST, là, l'institut Robert-Sauvé, qui a été publié le 7 juillet 2020, et il concluait que les revues de littérature sur le lien entre les pesticides et la maladie de Parkinson ne sont pas unanimes. Bon, il y a des revues de littérature, évidemment, qui confirment le lien causal, mais c'est de qualité, là, un petit peu asymétrique. Puis on est tout à fait conscients qu'il y a des données scientifiques puis que c'est reconnu en France.

Ceci dit, ce que nous proposons dans le projet de loi n° 59, c'est, un, d'actualiser la liste des maladies professionnelles présumées... Puis, je répète, là, ce n'est pas parce que ce n'est pas dans la liste que tu ne peux pas faire une réclamation, et ce n'est pas parce que ce n'est pas dans la liste que tu ne peux pas faire la preuve que c'est une maladie professionnelle. La présomption ne fait qu'alléger le fardeau de preuve de la personne qui réclame en établissant une présomption ou un lien de causalité.

On a plutôt adopté l'approche de créer un comité de scientifiques qui va être composé d'experts qui vont nous guider. Parce que nous, on est des parlementaires, puis la maladie de Parkinson... Moi, Dr Auger, je vous écoute puis je vous trouve extrêmement pertinent. C'est sûr qu'il y a des questions que j'aimerais avoir un peu de réponses raffinées. Peut-être que je vous en parlerai un peu tout à l'heure.

Mais, Dr Auger, moi, je vais certainement demander que vous soyez entendu par le comité de scientifiques, dès l'adoption, dès la création de ce comité de scientifiques là. Il faut qu'une personne comme vous soyez entendue. Il faut que Parkinson Québec soit notre partenaire, parce qu'on a une ouverture à ce que ça soit ajouté dans la liste des maladies professionnelles présumées. Bon, on crée aussi des comités de maladies professionnelles oncologiques, là, mais, pour les maladies professionnelles présumées, vous serez là, Parkinson Québec sera certainement là.

Puis là je vais y aller... C'est un peu scientifique ou médical, là, mais je n'étais pas sûr d'avoir bien compris quand vous disiez que ça prenait comme une condition génétique particulière ou une précondition génétique particulière. Juste vous entendre, là, parce que ça m'intéresse quand je vous écoute parler, là, Dr Auger.

M. Auger (Pierre) : Bon, écoutez, d'abord, juste avant de vous répondre à cette question-là, je voudrais juste attirer l'attention que l'Institut national de santé publique du Québec, là, l'INSPQ, a produit un mémoire, en 2019, qui supporte l'évaluation des risques des pesticides à la maladie de Parkinson et autres maladies.

Un autre mémoire qui a été présenté en 2012, de l'INSERM... L'INSERM, c'est l'institut national de santé et de l'environnement, c'est un institut français, ils ont produit un rapport collectif, c'est-à-dire que ce n'est pas juste un ou deux auteurs qui ont produit ce rapport-là, c'est un ensemble de scientifiques qui, en général, ne travaillent pas pour l'INSERM, et ils ont vérifié les conflits d'intérêts possibles de ces gens-là, et c'est vraiment un rapport collectif. Bon, le rapport collectif, je l'ai ici, là, le résumé. Bien, pour eux autres...

La Présidente (Mme IsaBelle) : M. Auger, je vous inviterais à parler un peu plus dans le micro. On n'a pas compris votre dernière phrase.

M. Auger (Pierre) : Bien, ici, j'ai le résumé, un peu, là, de leurs résultats de leur recherche, et puis, pour eux autres, la présomption est forte de relation entre les pesticides et ces maladies-là : lymphome non Hodgkinien, cancer de la prostate, myélome multiple, maladie de Parkinson et leucémie chez les femmes qui sont enceintes et qui sont exposées aux pesticides.

L'Institut national de santé publique, dont le principal auteur de ce rapport-là, c'est M. Onil Samuel, qui est notre expert en pesticides — moi, je l'ai toujours connu comme expert en pesticides, c'est notre expert en pesticides au Québec — bien, ils reprennent les mêmes conclusions que l'INSERM. Alors, pour moi, là, la présomption est très forte.

Tu sais, je comprends que l'IRSST... c'est vrai qu'il y a des études négatives, mais vous allez le comprendre un peu pourquoi. Une des raisons, justement, c'est que... des études ont démontré que ces gens-là, souvent, ont des anomalies... bien, en fait, pas vraiment des anomalies, mais, disons, des variances dans différents gènes qui produisent des enzymes pour détruire les pesticides, pour les éliminer, pour diminuer aussi ce qu'on appel les radicaux libres que ces pesticides peuvent produire. Et il y a deux études, entre autres, qui démontrent... encore là, je ne peux pas vous lister toutes les variantes génétiques qu'il y a, mais il y a deux études qui démontrent que, quand tu as ces gens-là avec ces variantes génétiques là et tu compares ces gens-là avec des mêmes variantes mais exposés aux pesticides, ceux qui n'ont pas de variantes... ceux qui ne sont pas exposés aux pesticides, ils n'ont pas plus de maladie de Parkinson que les autres, mais, s'ils sont exposés aux pesticides, bien là ils ont plus de maladie de Parkinson que les autres.

Alors, ce qui va arriver, vous allez avoir bien des études négatives, là, surtout quand vous prenez beaucoup de monde dans des études épidémiologiques. Plus ils ont du monde, plus ils sont contents. Bien là, si vous avez beaucoup de monde, vous allez diluer à l'intérieur de ça les gens qui ont des anomalies qui les rendent plus susceptibles de souffrir de la maladie de Parkinson. Ce phénomène-là, on n'appelle pas ça un phénomène génétique, ce n'est pas des anomalies au niveau de l'ADN, là, au niveau du noyau. On appelle ça des phénomènes épigénétiques. C'est quand des gens qui ont des gènes qui ne sont pas exposés, puis ici, dans le cas, à des pesticides, bien, ils vont être comme tout le monde, ils n'auront pas plus de problèmes que les autres. Sauf que, là, s'ils sont exposés à ça, bien là, ça vient jouer sur l'ADN, sur la sortie, là, de ce qu'un gène peut faire puis jouer là-dessus, puis là la maladie peut apparaître. Comprenez-vous?

Alors, quand on parle de génétique, c'est ça, en fait, c'est de l'épigénétique. C'est un nouveau concept qui commence. Maintenant, ça fait à peu près une dizaine d'années qu'on parle d'épigénétisme. Entre autres, l'INSERM... bien, je ne sais pas si l'INSERM en parle, mais, dans l'institut... le rapport de l'institut, ils en parlent, l'Institut national de santé publique. Alors, il y a plusieurs... Je ne parle pas de toutes les études, là, où on a trouvé des anomalies chez les enfants, etc., là, je veux dire... Je veux dire, ce n'est pas reposant, les pesticides, là, pas reposant, là.

• (16 heures) •

M. Boulet : J'aurais trois points, Dr Auger. Un, bon, l'IRSST, c'est l'été dernier... et confirmait que la littérature n'est pas unanime. Ça, c'est mon premier point.

Deuxième point, et je vous cite, vous comprenez qu'il y a des études, vous dites : Je comprends qu'il y a des études négatives. Donc, c'est une illustration qu'il n'y a pas unanimité scientifique et médicale.

Troisième commentaire, quand je vous écoute, pour moi, c'est une démonstration claire. Moi, je n'ai pas les connaissances, puis on est des parlementaires, puis on n'est pas en mesure, dans une commission parlementaire, de déterminer s'il y a un lien de causalité qui est évident et le rajouter dans une liste de maladies professionnelles présumées. C'est la raison pour laquelle il faut s'assurer d'avoir un comité de scientifiques qui vont nous guider.

Puis j'entendais M. Rigal dire : Est-ce que les sources peuvent être rendues publiques? Absolument. Les sources, les avis, les recommandations de ce comité de scientifiques là seront totalement connus de la population et nous inspireront dans notre volonté d'améliorer puis de moderniser notre liste pour adhérer à la littérature scientifique. Puis je sais que c'est reconnu en France, mais il faut dire que ce n'est pas reconnu dans beaucoup de pays, là. Puis je ne ferai pas la liste des pays où ce n'est pas reconnu. Ce qui n'empêche pas, Dr Auger, de vous permettre, éventuellement... et que nous soyons associés à Parkinson Québec, et s'assurer que vous soyez pleinement entendus et pour d'autres types de maladies professionnelles, par ailleurs. Ça, ça m'apparaît extrêmement évident et ça n'empêche pas, d'ici là... Parce qu'on pourrait, hypothétiquement, penser que, dans un an, un an et demi, ça soit une maladie professionnelle présumée.

Puis je ne suis pas capable, je n'ai pas de boule de cristal, mais, d'ici là, il n'y a rien qui empêche... Puis moi, je n'ai pas, de la CNESST, de chiffres ou de statistiques qui me démontrent que quelqu'un a été victime d'un préjudice. Parce que, si quelqu'un a utilisé des pesticides puis qu'il a la maladie de Parkinson, bien, il obtient un rapport du Dr Pierre Auger, puis la CNESST va reconnaître le lien causal, sans égard à la présomption, et la réclamation va être acceptée, puis la personne va bénéficier des indemnités de remplacement de revenu.

Je reviens peut-être à M. Rigal. Quand vous mentionnez deux tiers des entreprises agricoles qui ne sont pas inscrites à la CNESST, avez-vous des idées ou des suggestions à nous faire pour, peut-être, que la CNESST ou que d'autres partenaires du domaine agricole puissent s'investir et que nous nous assurions que les mécanismes de prévention, parce que c'est au coeur de notre projet de loi n° 59, puissent être pleinement appliqués dans ce secteur qui est tellement crucial pour l'économie du Québec?

M. Rigal (Romain) : Très bien, je vous remercie de votre question, c'est tout à fait pertinent. Je sais que vous en avez discuté ce matin. J'aimerais cependant, peut-être, élargir un petit peu le débat, qui ne s'applique pas uniquement aux agriculteurs, puisque les applicateurs de pesticides, les ingénieurs agronomes, qui sont tous des salariés, donc des travailleurs au sens de la loi, sont également des personnes exposées, peuvent également être exposés aux pesticides. Donc, ces gens tombent déjà sous le régime de protection de la CNESST, et ce sont des gens qui, aujourd'hui, soumettent leurs rapports à la CNESST et qui ne sont pas reçus, ces rapports sont refusés. Donc, on ne parle pas uniquement des agriculteurs, le monde des pesticides, en fait, est beaucoup plus large.

Malheureusement, je n'ai pas de recommandation particulière à vous faire. Je pense que, ce matin, vous avez eu une discussion extrêmement constructive avec M. Caron, et les mutuelles qu'il mène m'apparaît une très bonne idée, effectivement.

M. Boulet : Oui, je vous ai bien entendu. Puis, peut-être, puis il faudrait fouiller, est-ce qu'il y a eu des cas où le lien de causalité n'a pas été reconnu? Évidemment, chaque cas est un cas d'espèce, ça demeure à documenter, puis c'est certain que l'évolution des connaissances scientifiques va nous permettre de marcher sur un terrain beaucoup plus stable, là, en matière d'impact des pesticides dans le domaine agricole. Mais, M. Rigal, à quoi vous attribuez... Bon, vous avez parlé d'un fonds d'indemnisation, là. En fait, peut-être nous dire quelques mots sur le fonds d'indemnisation auquel vous référez, parce que l'UPAnous en a parlé aussi.

M. Rigal (Romain) : Dans un premier temps, il est important que notre gouvernement — et, quand je parle de notre gouvernement, c'est les gens qui nous gouvernent, pas le gouvernement de la CAQ — aujourd'hui, reconnaisse qu'il y a eu une erreur. Aujourd'hui, l'agence qui autorise l'utilisation des pesticides au Canada, l'ARLA, reconnaît la sécurité des pesticides sur des données uniquement fournies par l'industrie. Or, ces données, on ne peut pas se baser sur ces données pour évaluer l'impact à long terme, sur la santé, des pesticides. Ça, malheureusement, on s'en rend compte bien plus tard. Le gouvernement du Québec, ensuite, autorise la vente de ces pesticides. Les agriculteurs québécois font confiance au gouvernement du Québec, utilisent ces pesticides et, malheureusement, développent des maladies comme la maladie de Parkinson, des myélomes, des lymphomes non hodgkiniens.

Ainsi, nous, ce qu'on pense, une fois que le gouvernement aura reconnu le lien de causalité ou, du moins, reconnu tout simplement l'évidence scientifique, les travailleurs qui seront couverts, effectivement, seront indemnisés via la CNESST, mais tous ceux qui ne sont pas couverts, c'est-à-dire qui aujourd'hui ont passé leur vie à travailler, à produire pour le Québec, produire pour notre alimentation, produire pour notre économie, eux n'auront jamais cotisé à la CNESST parce qu'ils n'auront jamais été mis au courant de la dangerosité de ces produits, donc, en fait, c'est de créer un fonds d'indemnisation. C'est pour indemniser ces personnes qui n'ont pas cotisé et c'est pour... mais ils n'ont pas cotisé parce qu'ils n'étaient pas au courant du risque.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, c'est tout le temps que nous avons.

M. Boulet : Très bien. Oui, puis c'est un autre débat, c'est une fenêtre que vous ouvrez, là, puis qui pourra faire l'objet de discussion avec nos collègues, là, du MAPAQ, là. Mais merci beaucoup de votre présence à vous deux. Bien appréciée, la collaboration de Parkinson Québec, puis souhaitons que ça se poursuive dans les mois et les années à venir. Merci beaucoup, M. Rigal, Dr Auger. Merci.

M. Auger (Pierre) : Merci à vous.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, nous poursuivons avec le député de Nelligan. Vous disposez de 11 minutes.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. Merci à vous deux pour l'excellent rapport. Moi, je pense que vous avez quand même pas mal de preuves, si on veut utiliser le langage scientifique, qui démontrent la causalité. Donc, il n'y a pas uniquement la France qui a reconnu la maladie, mais l'INSPQ, en 2019. Il y a le lien de causalité.

Dans votre page 22, vous parlez de huit méta-analyses. Pour le bénéfice des collègues, j'ai navigué presque toute ma vie dans les méta-analyses, mais je vais vous donner quelques minutes de mon temps pour expliquer c'est quoi, une méta-analyse. Prenez quelques minutes pour expliquer c'est quoi, une méta-analyse. Parce que, contrairement au ministre, je ne suis pas d'accord qu'on n'a pas la capacité intellectuelle de juger, aujourd'hui, que c'est une erreur, ne pas inclure cela dans les maladies professionnelles et, deux, mettre ça sur le dos d'un comité scientifique qui va se réunir un peu plus tard et décider, un jour, de l'ajouter ou pas.

Donc, je vais vous laisser expliquer c'est quoi, une méta-analyse. Je vais vous laisser expliquer, mais brièvement, s'il vous plaît, la page 22, quand on parle d'un risque relatif de 1,7 montré dans plusieurs méta-analyses, est-ce que vous pouvez y aller, M. Rigal?

M. Rigal (Romain) : Bien sûr. Donc, les études épidémiologiques sont des études qui évaluent le risque de développer une maladie quand on est exposé, oui ou non, à des facteurs environnementaux. La qualité de ces études varie, elle varie en fonction de leur rigueur scientifique : est-ce qu'on a bien évalué le risque, est-ce qu'on a bien évalué l'exposition, est-ce que la taille de l'étude était importante ou pas.

Comme le ministre le soulignait, il existe des études qui montrent l'association, et des études qui montrent des associations très fortes, et des études qui montrent des associations beaucoup plus faibles, voire pas d'association. Devant cette différence, finalement, il est important, pour qu'on puisse prendre des décisions politiques éclairées et que la science puisse avancer, que les résultats de ces analyses soient agrégés, c'est-à-dire on poole toutes les études dans une seule méta-analyse. Ainsi, on est capables de comparer le poids respectif... Vous m'entendez toujours?

M. Derraji : Oui, oui.

M. Rigal (Romain) : On est capables de comparer le poids respectif des études positives et négatives et d'avoir, en un seul chiffre, le résultat de centaines d'études. Ces méta-analyses, il y en a eu huit, jusqu'à aujourd'hui, et toutes les méta-analyses, qui influaient progressivement toutes les études qui sortaient, sont sorties positives, et la dernière des méta-analyses, qui n'inclut que les études les plus rigoureusement scientifiques, donne exactement le même résultat.

M. Derraji : Ça veut dire 1,7. Ça veut dire le risque...

• (16 h 10) •

M. Rigal (Romain) : 1,7.

M. Derraji : Ça veut que dire qu'en effet la preuve que la prévalence est supérieure, dans cette population, avec un risque relatif supérieur de 1,7... Est-que ce j'ai bien compris?

M. Rigal (Romain) : Exactement. La prévalence dans la population des exploitants agricoles est nettement supérieure à la population normale.

M. Derraji : Excellent. Vous avez très bien répondu à ma question. Et, pour moi, en tant que membre de cette commission, si j'additionne l'INSPQ 2019, si j'additionne l'INSERM, mentionné par votre collègue, si j'additionne le fait que la France a reconnu la maladie, je peux, d'emblée, dire que je ne peux pas attendre l'avis du comité scientifique. Je peux dire aujourd'hui qu'après le travail effectué l'année dernière dans l'ancienne commission, vous êtes intervenus, que le lien de causalité est bien réel.

Ce matin, M. Rigal, les gens de l'UPA se sont dits déçus de ne pas voir, en fait, cette reconnaissance de la maladie de Parkinson parmi les maladies professionnelles. Est-ce que vous partagez leur même point de vue? Aujourd'hui, vous êtes venus nous démontrer, encore une fois, que vous devez, devant une autre commission parlementaire pour l'étude d'un projet de loi, démontrer le lien de causalité entre les pesticides et la maladie de Parkinson.

M. Rigal (Romain) : Vous me demandez si je suis déçu, ce n'est pas moi qui serais déçu, c'est l'ensemble de la communauté des agriculteurs à qui on a fait la promesse d'inclure la maladie de Parkinson comme maladie professionnelle, l'année dernière, par la bouche du docteur... du ministre Lamontagne... et de voir ce gouvernement ne pas mettre en application ses promesses.

M. Derraji : Bien, je le lis entre les lignes et je peux, moi, je peux le dire parce que je suis député — vous, vous, je comprends, vous respectez les lignes de votre organisation, tout à votre honneur — moi, aujourd'hui, la conclusion que le gouvernement de la CAQ abandonne les agronomes du Québec et abandonne les agriculteurs. Parce que le débat a été déjà fait. Je vois, mon collègue, Sylvain Roy, qui était là, moi, j'en suis sûr et certain... va avoir aussi des bonnes questions pour vous parce que lui, contrairement à moi, il était là, dans cette commission, et, j'en suis sûr et certain, il va partager la même chose que moi.

Mais, au-delà des preuves scientifiques, moi, je pense que vous avez des bonnes preuves. Je les ai lues et je suis capable de lire les méta-analyses, ce n'est pas vrai que je ne suis pas capable de lire les méta-analyses. C'est quoi, votre conseil aux membres de cette commission qui doutent encore? Parce que j'aurais besoin de leur aide pour voter pour notre amendement qu'on va ajouter lors de l'étude article par article.

M. Rigal (Romain) : Tout d'abord, j'ai beaucoup de respect pour votre commission, beaucoup de respect également pour M. le ministre qui a décidé de faire avancer cette loi, c'est très... je suis vraiment content. Notre proposition, c'est effectivement que vous incluiez la liste des maladies... la maladie de Parkinson à la liste des maladies professionnelles par manière législative, de la même manière que vous l'avez fait pour les pompiers, pompiers pour lesquels le risque de développer des cancers est plus faible que de développer la maladie de Parkinson en étant développé... en étant exposé aux pesticides. Je vous poserai donc la question. Ce n'est pas à moi aujourd'hui de justifier pourquoi la maladie de Parkinson n'est pas incluse dans la liste des maladies professionnelles, alors qu'il y a tant d'évidences. Vous vous poserez la question, il me semble que c'est à vous aujourd'hui et au gouvernement de m'expliquer pourquoi elle ne l'est pas.

M. Derraji : Mais moi, j'ai une partie de la réponse et je vais me permettre. Vous avez dit, tout à l'heure, qu'il y avait un avis de l'IRSST. Vous avez dit que, et corrigez-moi si je me trompe... induit en erreur. Donc, l'avis, probablement au niveau de la rédaction du projet de loi... Vous avez dit que le ministre a soulevé, tout à l'heure, l'étude du IRSST, alors qu'on a un avis de l'INSPQ qui dit le contraire. Donc, maintenant, est-ce que vous pensez que le ministre, dans la rédaction du projet de loi, s'est basé uniquement sur l'avis du IRSST, et il a oublié l'avis de l'INSPQ?

M. Rigal (Romain) : Comme je vous l'ai dit, malheureusement, l'avis de l'INSPQ est parfaitement fantaisiste et n'a aucune rigueur scientifique. Malheureusement, j'ai effectivement l'impression que le ministre, dans sa bonne volonté de faire avancer ce projet de loi, n'a tenu compte que de cet avis. Je ne peux que considérer que c'est un oubli de l'ensemble de la littérature, et des recommandations de l'INSPQ, et de ce qui se passe à l'international. Et, une fois de plus, comme le ministre souhaite projeter une image de leader mondial en matière de progrès en santé et sécurité au travail, je ne peux pas imaginer autrement.

M. Derraji : Mme la Présidente, combien de minutes il me reste?

La Présidente (Mme IsaBelle) : Deux minutes.

M. Derraji : O.K. Excellent. Bien, écoutez, M. Rigal et M. Auger, je pense que les éléments que vous ramenez à notre commission sont... je vois une pertinence extrême. Et je vous invite à envoyer aux membres de la commission l'avis de l'INSPQ. Je vous invite aussi, M. Auger, vous avez mentionné l'INSERM... je vous invite à envoyer cet avis aux membres de la commission. Je vous invite aussi à nous envoyer l'avis du scientifique en chef. Ça commence à être beaucoup d'intervenants qui pensent tous de la même façon, on ne va pas dire que ces gens... qu'ils ont un avis biaisé. Donc, je pense que la littérature, aujourd'hui, en tant que membre de cette commission, penche plus vers la reconnaissance de la maladie qu'autrement.

Donc, je vous remercie, et soyez rassurés — et transférez, au fait, nos salutations à vos membres et aux gens que... vous parlez au nom des agronomes, ou des agriculteurs, ou applicateurs de pesticides — qu'on va mener ce combat à l'intérieur de la commission pour la reconnaissance de cette maladie comme les autres maladies professionnelles. Merci à vous deux.

Une voix : Merci à vous.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Nous poursuivons l'échange avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous avez 2 min 45 s.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. M. Rigal, M. Auger, bonjour. D'abord, pour dire que pendant la pause, entre les deux groupes, j'ai reçu de la visite à mon bureau. Il y a des représentants des Métallos qui sont venus me porter une petite affiche, je ne sais pas si on la voit bien. Alors, ça dit : La santé et sécurité à rabais, ça met tout le monde en danger. Alors, c'est bien, la mobilisation citoyenne, ça fait fructifier les débats.

Question pour M. Auger : est-ce que vous seriez susceptible, vous, de participer au comité scientifique que M. le ministre prévoit dans son projet de loi?

M. Auger (Pierre) : Bien, éventuellement, mais mettons que... regardez-moi mon visage, là, puis regardez mes cheveux, mettons que je suis un peu pas loin de la retraite, là. Mais ça m'intéresserait beaucoup de participer à ça, mais je ne suis pas sûr que je vais être capable.

M. Leduc : Est-ce qu'on a raison de penser que l'éventuel comité qui va être formé va arriver à une conclusion qu'il faut rajouter la maladie de Parkinson? Est-ce que c'est à peu près impossible que ce soit autre chose que cette conclusion-là qui arrive, au comité scientifique?

M. Auger (Pierre) : Moi, à partir de la littérature qu'on a là, moi, c'est clair, parce que l'INSERM, quand ils se prononcent là-dessus, là, ils disent que le lien est... (Panne de son).

M. Leduc : Il faut bien parler dans le micro, M. Auger, sinon on ne vous entend pas.

M. Auger (Pierre) : Bien, ils disent, dans ce tableau-là, que la présomption est forte. Puis ils ont révisé toute une série d'études, là, sur toutes les autres pathologies et ils en arrivent à des conclusions plus... disons : Tu sais, là, on n'est pas sûrs, puis c'est parce que... Tandis que, celle-là, là, pour eux autres, la présomption est très forte, là, tu sais? Un peu dans le même langage que le Dr Guidotti là, tu sais, pour eux autres, la présomption est forte, là. Puis là, bien, effectivement, il y a toujours...

Tu sais, moi, je peux juste vous parler rapidement de mon expérience. Quand j'ai commencé ma carrière, j'ai rencontré des travailleurs qui étaient exposés aux solvants, des peintres qui développaient une encéphalopathie, là, O.K., des problèmes de mémoire, de concentration, de fatigue, etc. Puis le seul pays qui le reconnaissait, c'était la Suède, comme là, d'ailleurs, aujourd'hui aussi, la Suède reconnaît la maladie de Parkinson et les pesticides. Et puis, au début, je veux dire, ça a été une bataille, là, ça a pris 10, 15 ans avant que... Finalement, aujourd'hui, c'est reconnu, là. Là, c'est reconnu à la CNESST, mais, à l'époque, ça ne l'était pas, là, tu sais? Puis on a beau écrire : Pierre Auger, spécialiste en médecine du travail, il faut répondre : Non, ce n'est pas inscrit dans la loi, pas inscrit dans la loi.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, je vous remercie. C'est tout le temps que nous avons. Merci. Nous poursuivons avec le député de Bonaventure, vous avez 2 min 45 s.

• (16 h 20) •

M. Roy (Bonaventure) : C'est trop court. Bonjour, M. Rigal et M. Auger. Écoutez, la commission sur les pesticides, là, ce que vous dites, c'était tout un comité scientifique, on en a vu, des études puis des mémoires qu'ils sont venus nous présenter là-dedans... l'utilisation des pesticides pour l'environnement puis la santé humaine, je ne reviendrai pas sur tout ça, là. Et c'est sûr qu'on a été en Europe, puis où on nous a dit que le Canada faisait partie des cheerleaders de la promotion des pesticides. Ça fait que ça vous donne un peu l'interprétation qu'ils ont de nos pratiques. Fin de la parenthèse. Moi, là, très clair.

Quelle différence qui existe entre les énoncés scientifiques qui ont reconnu le cancer chez les pompiers et les énoncés scientifiques qui démontrent un lien de causalité entre l'utilisation des pesticides puis les différentes maladies que vous avez citées?

M. Rigal (Romain) : Aucun. Le Dr Guidotti utilise les mêmes outils, des études épidémiologiques, des études de toxicologie, pour établir ce lien de causalité. Une fois que ce lien de causalité est établi, c'est ainsi qu'on peut établir la présomption. Ce qui est intéressant, c'est de regarder ensuite la magnitude, c'est-à-dire la force de l'association qui existe entre le développement de maladies et l'exposition à l'amiante, par exemple, dans le cas des pompiers, et les pesticides chez les agriculteurs. Il se trouve que cette force d'association est très forte chez les agriculteurs exposés aux pesticides.

M. Roy (Bonaventure) : Donc, l'énoncé scientifique est valide. On retourne... Même si le ministre, en tout respect, nous a dit qu'il n'était pas scientifique, on est près d'une décision politique, dans ce cas-là.

M. Rigal (Romain) : Je vous dirais, je pense qu'avec tout le respect que je lui dois notre premier ministre n'est pas un scientifique. Il écoute, tous les jours, dans cette situation, les conseils du Dr Arruda, c'est le principe de notre démocratie aujourd'hui.

M. Roy (Bonaventure) : Absolument.

M. Rigal (Romain) : Nous vous faisons confiance en tant qu'élus, vous faites confiance aux scientifiques. Si, aujourd'hui, nos institutions scientifiques produisent de la mauvaise qualité ou que vous n'avez pas confiance dans ces institutions, comment nos élus peuvent avoir confiance en vous? C'est une chaîne de confiance.

M. Roy (Bonaventure) : Message reçu. Merci beaucoup, M. Rigal et M. Auger. Est-ce qu'il me restait du temps, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme IsaBelle) : Non. Trois secondes, c'est tout.

M. Roy (Bonaventure) : À bientôt.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Oui. Alors, je vous remercie, M. Rigal, M. Auger, pour votre contribution vraiment touchante, hein, aux travaux de la commission actuelle. Merci beaucoup.

Nous suspendons les travaux quelques instants pour donner la chance au prochain groupe de s'installer. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 23)

(Reprise à 16 h 27)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Bonjour. Alors, je vous souhaite effectivement la bienvenue, aux représentantes de l'Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux. Je vous rappelle, mesdames, que vous avez 10 minutes pour votre présentation et, avant de commencer votre exposé, vous pouvez vous présenter, vous nommer.

Mme Poirier (Andrée) : Alors, Andrée Poirier, présidente de l'Alliance du personnel professionnel et technique du réseau de la santé et des services sociaux, l'APTS.

Mme Schmidt (Chantal) : Chantal Schmidt, à la coordination de la santé et sécurité au travail, à l'APTS.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Parfait. Alors, vous pouvez commencer votre exposé. Merci.

Mme Poirier (Andrée) : Mme la Présidente, Mmes et MM. les parlementaires, bonjour. L'Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux, l'APTS, représente 60 000 personnes, professionnelles et techniciennes, des femmes, à 86 %, qui pratiquent exclusivement dans la grande majorité des établissements du réseau public québécois de la santé et des services sociaux, au sein de missions variées : centres hospitaliers, CLSC, CHSLD, laboratoires, centres jeunesse et centres de réadaptation, pour n'en nommer que quelques-unes. Ces hommes et ces femmes occupent une centaine de titres d'emploi différents dans les services diagnostics, les services psychosociaux, la nutrition, la réadaptation, la prévention et le soutien clinique. Cette diversité se retrouve aussi en ce qui concerne les conditions de travail de nos membres et les risques présents dans leur milieu. Notre organisation syndicale est très préoccupée par la situation des femmes au travail et par toute condition affectant leur santé et leur sécurité.

C'est en portant la voix de cet effectif, majoritairement féminin et dont les milieux de travail sont très diversifiés, que nous nous adressons aujourd'hui aux membres de la Commission de l'économie et du travail pour livrer un message clair sur le projet de loi n° 59. Sans un véritable accès aux mécanismes de prévention et sans des conditions favorisant la participation des travailleurs et des travailleuses à l'effort de la prévention, nous ne pourrons pas atteindre l'objectif de la Loi de la santé et sécurité du travail, soit l'élimination des dangers à la source. Le projet de loi risque également de réduire considérablement les droits des victimes de lésions professionnelles en modifiant de façon importante la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

• (16 h 30) •

Les quelques avancées permises ne compensent malheureusement pas les importants reculs qu'apporte cette réforme. L'APTS dénonce l'un des éléments les plus pernicieux du projet de loi, à savoir que les personnes non syndiquées n'auront pas accès à une véritable application de mécanismes de prévention, en plus de voir leurs droits affaiblis par cette réforme.

En ce qui concerne les modifications à la LSST, l'APTS accueille favorablement l'application des mécanismes de prévention à l'ensemble des secteurs de travail du Québec. Nous avons en effet revendiqué, au cours des dernières années, que tous les secteurs d'activité de travail bénéficient de l'application des mécanismes de prévention prévus par la Loi sur la santé et sécurité du travail.

Si le projet de loi n° 59, dans sa version actuelle, permet des avancées à cet égard, l'application de ces mécanismes de prévention est toutefois compromise par la réglementation qui l'accompagne. Le programme de prévention, le temps de libération dédié à la personne représentante en santé et sécurité seront en effet déterminés en fonction du risque faible, moyen ou élevé. Or, en fonction de la cotation retenue, les milieux de travail pour nos membres sont évalués, pour la plupart, à faible risque. Le niveau d'absentéisme croissant dans le réseau de la santé et des services sociaux, associé à des problèmes de santé mentale ou à la présence de troubles musculosquelettiques, démontre plutôt la présence de risques considérables dans ces milieux de travail. Pour les personnes salariées considérées à faible risque, les dispositions actuelles du projet de loi n° 59 équivalent à échanger quatre trente-sous pour une piastre en matière de prévention. Et, si la COVID-19 a bien démontré une chose, c'est que le niveau de risque est loin d'être faible dans le réseau de la santé et des services sociaux.

En tant qu'organisation féministe, l'APTS recommande le maintien dans son intégralité du Programme de retrait préventif de la travailleuse enceinte ou qui allaite. Nous sommes très sceptiques quant à la pertinence de mettre en place des protocoles universels pour définir les dangers qui la menacent au détriment du pouvoir de recommandation de son médecin traitant et de la prise en compte des facteurs individuels.

Nous saluons l'ajout d'une obligation explicite, pour l'employeur, de mettre en place des mesures de prévention en matière de violence physique ou psychologique, incluant la violence conjugale ou familiale.

Ajoutons que l'APTS désapprouve les changements apportés qui confèrent à l'employeur un plus grand contrôle en prévention. Lui confier le pouvoir exclusif d'élaborer le programme de prévention et de choisir le médecin constitue une atteinte au paritarisme, qui est un principe fondamental de cette loi. La possibilité de concevoir des plans de prévention multiétablissements s'avère également problématique pour notre réseau. Pensons, par exemple, à la réforme Optilab qui amène le personnel des laboratoires à être sous la responsabilité d'un autre établissement que celui où il travaille. Nos membres en Abitibi sont, par exemple, à l'emploi du CUSM. L'approbation des plans de prévention par des représentants des personnes salariées est, pour nous, une condition essentielle pour que les réalités de chaque établissement soient prises en compte.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Attendez un instant, je vais demander à la députée de Labelle de fermer son micro, s'il vous plaît.

Mme Jeannotte : Oups! Excusez-moi.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci.

Mme Poirier (Andrée) : Le projet de loi n° 59 modifie aussi de façon importante la Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles. Nous déplorons qu'on ouvre la porte à l'octroi de pouvoirs injustifiés à la CNESST en ce qui a trait aux maladies professionnelles, à la réadaptation et à l'assistance médicale, sous le couvert d'une modernisation de la loi. Ces pouvoirs accrus s'accompagnent d'un affaiblissement de la prépondérance de l'opinion du médecin traitant. Or, on l'observe particulièrement par l'ajout de la nouvelle section Réadaptation avant consolidation et par les nouveaux pouvoirs permettant aux membres du Bureau d'évaluation médicale d'établir lui-même les atteintes permanentes et limitations fonctionnelles lorsqu'il décide de la date de consolidation.

Ces modifications constituent des reculs importants pour les droits des salariés et trahissent les objectifs de la loi. Elles nous incitent à croire que l'exercice vise plutôt à rationaliser les coûts, au détriment du respect de l'esprit de la LATMP. Nous insistons sur le fait que la loi doit permettre une indemnisation effective des victimes de lésions professionnelles. Pour cela, la procédure d'évaluation médicale ne doit pas permettre que le membre du Bureau d'évaluation médicale usurpe le rôle du médecin traitant.

Afin de constituer une véritable modernisation, le projet de loi n° 59 doit privilégier l'adaptation de la liste des maladies professionnelles à l'évolution du monde du travail. La liste doit être conservée dans la loi, tout en favorisant l'application de la présomption à des problèmes de santé qui affectent les salariés, comme les troubles musculosquelettiques et les troubles mentaux. Il faut aussi revoir les conditions particulières pour la reconnaissance de certaines maladies, qui sont beaucoup trop limitatives.

Le projet de loi n° 59 doit également tenir compte des obligations et responsabilités du syndicat afin d'intégrer correctement la relation tripartite lors du processus d'accommodement visant à déterminer l'emploi convenable pour permettre la réadaptation professionnelle des salariés.

Si le ministre désire mettre un frein aux dépenses grandissantes liées au régime de réparation de la LATMP, nous estimons que la meilleure façon de le faire, c'est d'axer la réforme sur l'amélioration du régime de prévention et d'obliger les employeurs à régler à la source les situations provoquant des accidents du travail et des maladies professionnelles.

En conclusion, nous croyons que la modernisation d'une loi consiste à la mettre à jour en profondeur. Dans le cas du régime de santé et sécurité du travail, ce renouvellement est attendu depuis 40 ans. Vous comprendrez que nos attentes face au projet de loi n° 59 sont élevées. Le gouvernement du Québec ne doit pas rater cette occasion d'améliorer les mesures assurant la santé et la sécurité des travailleuses et des travailleurs du réseau de la santé et des services sociaux. Un projet de loi bonifié, apte à satisfaire les attentes des organisations qui les représentent aurait un effet plus que bienvenu à l'heure actuelle : agir sur ce qui est évitable, préciser dans la loi la prévention comme levier qui inspire et mobilise pour que les travailleuses et les travailleurs du réseau de la santé et des services sociaux puissent oeuvrer dans des milieux sains et sécuritaires.

Nous espérons que nos recommandations seront reçues positivement et qu'elles permettront de moderniser réellement le régime de santé et de sécurité du travail, comme nous le réclamons depuis de nombreuses années. Merci de nous avoir entendues. Nous sommes maintenant prêtes à répondre à vos questions.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci pour votre exposé. Nous allons effectivement débuter la période d'échange avec M. le ministre. M. le ministre, vous disposez de 16 min 30 s.

M. Boulet : Merci, Mme Poirier. Merci, Mme Schmidt. Évidemment, on connaît bien l'APTS, on connaît l'étendue des personnes que vous représentez, le nombre, et la qualité aussi du travail qui est effectué par les membres de l'APTS. Moi, j'attribue énormément de crédibilité à votre mémoire puis je réalise que, bien sûr, cette modernisation-là était attendue. Et on partage les mêmes objectifs. Je pense qu'on s'entend, dans la communauté à la fois des employeurs, des syndicats et des travailleurs, au Québec, sur la nécessité d'agir le plus rapidement pour moderniser puis accroître la façon dont on fait la prévention dans les milieux de travail.

Il y a des énoncés, cependant, que je voyais dans votre rapport, puis peut-être qu'on ne fait pas toujours la même lecture de la loi, là, puis peut-être que c'est une question d'interprétation, puis on aura certainement l'opportunité, en étude détaillée article par article, la capacité, avec nos collègues des partis de l'opposition puis du parti gouvernemental, d'éclaircir, le cas échéant, mais, quand vous mentionnez, par exemple, que les non-syndiqués sont exclus de la prévention, à mon avis, ce n'est pas fondé sur le régime actuel puis ce n'est pas fondé, encore moins, sur le projet de loi n° 59. Les travailleurs non syndiqués sont traités de la même façon. C'est un régime minimal, comme un peu... on peut faire un parallèle avec la Loi sur les normes du travail. Évidemment, en milieu syndiqué, ce que vous faites, notamment... bien sûr, il y a bien au-delà de ce qui est prévu dans la Loi sur la santé et sécurité ou la Loi sur les accidents de travail et maladies professionnelles, mais la prévention, c'est ce qui va nous guider jusqu'à la fin du processus de la commission parlementaire.

Les niveaux de risque, bon, faible, moyen, élevé, je veux que ce soit clair, il faut quand même un peu nuancer, là, parce que, dans le secteur de la santé et des services sociaux, il y a des établissements psychiatriques, il y a des résidences pour personnes aînées puis il y a des services ambulanciers où les risques sont moyens, élevés. Évidemment, les risques sont établis en tenant compte d'un certain nombre de critères objectifs, comme la masse salariale, les déboursés, la nature, la fréquence, la gravité des lésions professionnelles dans l'écoulement du temps. Évidemment, l'épidémiologie vient peut-être apporter des nuances additionnelles. Puis je suis de ceux qui croient que, même si on utilise des critères objectifs, parfois, ça peut avoir des incidences discriminatoires non voulues ou indirectes.

Mais, Mme Poirier, je vous poserais une question précise, là. Dans la détermination des niveaux de risque, est-ce qu'il y a une suggestion que vous pouvez nous faire ou un critère additionnel qui pourrait être considéré pour nous donner des niveaux de risque qui sont un meilleur reflet de ce qui se passe dans les milieux de travail?

• (16 h 40) •

Mme Poirier (Andrée) : Je vais laisser ma collègue répondre, mais d'emblée je vous dirais qu'il y a un flou dans le projet de loi que vous proposez, notamment lorsqu'on parle d'un établissement avec plusieurs... tu sais, un centre... Vous parliez d'un CHSLD, O.K., c'est un établissement, donc, qui aurait un niveau de risque moyen ou élevé, dans un CHSLD. Mais qu'en est-il d'un centre hospitalier, où on a plusieurs, on a différents niveaux de risque à même... d'un centre hospitalier? Qu'en est-il du plan de prévention? On a beaucoup de questionnements par rapport à ça. Et je laisserais Chantal préciser davantage pour clarifier la question que vous nous posez.

Mme Schmidt (Chantal) : M. le ministre, l'exercice qu'on a fait quand on a vu la réglementation qui est en lien avec les différents mécanismes est très révélateur. Bien qu'en principe on est à la même place que vous sur la nécessité d'appliquer les mécanismes et qu'on accueille favorablement l'idée que le programme de prévention s'applique aux établissements où il y a au moins 20 travailleurs, il n'en demeure pas moins que la réglementation que vous ajoutez à la loi atténue toute la réalisation des mécanismes.

Sur la question plus spécifique que vous soulevez, de la cotation qui émane des codes SCIAN, on a examiné au meilleur de notre connaissance, parce que ce n'est pas très clair, cette codification-là. Au meilleur de notre connaissance, on a identifié 12 secteurs où sont nos membres. Vous l'avez dit d'entrée de jeu, on a des personnes salariées qui travaillent... plusieurs types d'emploi qui travaillent dans plusieurs installations distinctes. Sur la codification, il y a 12 secteurs qui concernent nos membres, et six d'entre eux sont cotés «faible». On a grandement réagi quand on a vu la cotation «faible», particulièrement pour ce qui est indiqué au niveau des hôpitaux généraux et hôpitaux de soins chirurgicaux.

Dans les discussions qu'on a eues à l'APTS, M. le ministre, on s'est vite questionnés sur le fait qu'il est très difficile pour nous d'adhérer à ce que vous nous proposez dans votre cotation, pour une raison fondamentale, c'est que la plupart des motifs qui amènent nos membres à s'absenter du travail parce qu'ils sont dans des situations d'incapacité en raison du travail... n'ont pas recours nécessairement à la Loi sur les accidents du travail pour être indemnisés. Nos membres, très souvent, opteront pour l'assurance salaire. Nos membres, confrontés à une surcharge de travail qui dure et perdure dans le temps, qui use et rend malade, auront recours à l'assurance salaire. Votre cotation s'adresse à des données qui nous signalent que, sur la masse salariale, on regarde les données qui sont relatives aux coûts de la CNESST. Alors, pour nous, votre cotation, fondamentalement, ne tient pas compte des motifs d'absentéisme des salariés du réseau de la santé. Ça, c'est des éléments importants.

Dans l'application — restons avec la cotation «faible» — notre questionnement nous amenait aussi à atténuer les bienfaits du projet de loi, parce que... L'autre élément qu'on trouvait important de vous dire, c'est que, nous, il n'y a rien de simple, le réseau de la santé... Un centre hospitalier, vous pouvez avoir un étage coté «faible», un autre coté «moyen». Effectivement, il peut y avoir un étage de soins psychiatriques, un autre étage qui va être les laboratoires, qui sont cotés «faible». Alors, il y a des difficultés tout à fait particulières. Et même si vous me répondez que vous proposez un plan de prévention multiétablissements, il va y avoir des modifications tout à fait particulières à faire pour le réseau de la santé.

Autre élément fondamental, M. le ministre, nous, là, à l'APTS, on adhère à l'article 2 de la loi. Cet article 2 là, il dit quoi? Il dit le but de la loi, l'objet de la loi, qui est l'élimination du danger à la source. Mais il ajoute quelque chose de déterminant pour nous, il ajoute qu'on ne pourra pas faire ça si on n'établit pas des mécanismes de participation. Pour établir des mécanismes de participation, il faut une véritable implication, il faut une véritable... il faut de véritables instances où le paritarisme va être au rendez-vous, où les gens qui sont aux prises avec des problèmes de santé au travail auront l'occasion, donc, de les adresser.

Les cotations «faible», dans le projet de loi, semblent reléguées, là. On semble dire... Ce que nous, on en comprend, particulièrement par rapport à l'article 33... excusez, 3 de la réglementation, c'est que les établissements qui, c'est ça, sont cotés «faible» n'auront pas accès aux mécanismes, là, de prévention. Et, dans l'analyse article par article, on pourra le regarder, mais on peut dès aujourd'hui vous dire que le principal message qu'on vous livre, c'est qu'au-delà des avancées que vous nous présentez par le biais de la réglementation ça atténue grandement notre satisfaction par rapport aux avancées.

M. Boulet : ...Schmidt, en même temps, soyons concret, quand vous référez aux mécanismes de prévention et de participation des travailleurs, les hôpitaux, ils ont tous en haut de 20 salariés, au Québec, il n'y en a pas dans le niveau faible. Puis, dans les 12 sous-secteurs, il y en a six qui sont dans les niveaux de risque moyen ou élevé. Et, dans les hôpitaux, en haut de 20, ils sont soumis aux mécanismes de prévention et de participation des travailleurs, puis, en bas de 20, quand c'est en milieu syndiqué, si c'est requis, il y en aura, des comités de santé et des représentants en santé et sécurité. Il y en a dans des environnements syndiqués, mais il n'y en a pas, d'environnement non syndiqué, dans le milieu hospitalier, ou à peu près pas.

Ce qui est intéressant, puis moi, je vous écoute, là, parce que je veux m'assurer de bien comprendre... Dans la détermination des niveaux de risque, c'est sûr qu'on pourrait fragmenter. Parce que, tout à l'heure, je disais la fréquence, la gravité des lésions, les déboursés, il y a la masse salariale. C'est sûr qu'on pourrait diviser un centre hospitalier par étages ou on pourrait dire... Parce que, dans la masse salariale, Mme Schmidt, vous le savez, il y a beaucoup d'employés de gestion, des gens qui travaillent dans le bureau, et le niveau de risque n'est pas le même que ceux qui dispensent des soins. Est-ce qu'il faudrait à la limite, ultimement, fragmenter? Bon, il y a des raisons pratiques. Ce qui est important, c'est de s'assurer que les mécanismes de participation — il y en a deux, les comités de santé et sécurité puis les représentants en santé et sécurité — participent, et c'est prévu.

Puis je voyais, dans votre mémoire, une autre donnée ou une autre information qui ne m'apparaissait pas compatible avec le p.l. n° 59. Ils sont impliqués dans l'élaboration du programme de prévention, puis, dans l'article 2, le contrôle, l'identification et l'élimination des risques à la source, c'est prévu, bien sûr, puis on parle maintenant des risques psychosociaux.

Donc, il y a certainement du travail, puis on pourra se rencontrer de nouveau, là, mais il y a peut-être un fossé, un petit peu d'incompréhension sur certains sujets, je vous entends, à certains égards, mais aussi sur le PMSD.

Quand vous disiez, Andrée : Le médecin va perdre de vue les éléments individuels, c'est faux. Au contraire, on veut que le protocole national parle des environnements de travail. Et les médecins demeurent en contrôle de la détermination de l'aspect personnel de la femme qui est enceinte puis d'identifier, bien sûr, les dangers spécifiques pour elle ou pour l'enfant à naître en raison de son état de grossesse. Non, au contraire, on veut véritablement favoriser l'accès et une meilleure équité, là, au programme de maternité sans danger, partout au Québec, peu importe où on soit, indépendamment de ce qu'un médecin à Gaspé ou un médecin à Val-d'Or peut mentionner. Mais il ne faut pas perdre de vue que c'est le médecin qui va émettre le certificat visant le retrait préventif, qui va demeurer maître de sa détermination mais, évidemment, en se basant sur un protocole qui est un guide de référence des connaissances scientifiques.

• (16 h 50) •

Un autre élément, Andrée, je pense que vous faisiez état... l'employeur a un grand contrôle pour choisir le médecin. Ça aussi, là, ça mériterait peut-être d'aller un peu plus loin.

Les pouvoirs injustifiés de la CNESST. Bon, vous référiez, notamment, à la liste des maladies professionnelles présumées puis à la réadaptation. La liste des maladies professionnelles présumées, ce n'est pas la CNESST qui va l'actualiser puis qui va faire des avis et recommandations, c'est un comité d'experts. Puis ce ne sera plus une annexe qui fait partie intégrante de la loi, mais un règlement qui va pouvoir permettre une adaptation de la liste des maladies professionnelles présumées de façon beaucoup plus diligente et s'appuyer sur le niveau des... les connaissances scientifiques internationales.

Et peu importe ce qu'on peut prétendre, là, je n'ai jamais dit qu'on n'avait pas la capacité intellectuelle, mais on n'est pas des scientifiques, et ces experts-là vont nous guider, ils vont nous faire des recommandations qui vont être rendues publiques et qui vont permettre au gouvernement d'adapter la liste des maladies professionnelles présumées.

La réadaptation... puis je vais vous poser une question, Andrée ou Chantal, là-dessus, là, si vous pouvez me répondre, la réadaptation, elle n'est, selon le régime actuel, accessible — bon, vous savez qu'il y a des conseillers en réadaptation qui travaillent à la CNESST — qu'au moment de la consolidation avec atteinte. Là, pour favoriser un retour au travail plus rapide, on permettrait aux personnes, avant leur consolidation, d'être encadrées par un conseiller en réadaptation puis éviter les risques additionnels de chronicisation des lésions professionnelles.

À cet égard-là, j'aimerais ça vous entendre un peu plus profondément, Andrée ou Chantal, là, sur qu'est-ce que vous pensez du retour plus prompt au travail des personnes victimes de lésions professionnelles?

La Présidente (Mme IsaBelle) : Il reste 1 min 35 secondes.

Mme Schmidt (Chantal) : Nous, ce sur quoi on veut réagir, M. le ministre, par rapport à la réadaptation avant la consolidation et le retour au travail prompt, c'est que la mécanique que vous mettez en place, elle est sans droit de contestation pour la victime. C'est une mesure qui entrave l'opinion du médecin traitant, et il ne sera consulté que si l'intervenant à la CNESST le juge opportun. Alors, de notre point de vue, c'est biaisé, dans la mesure où, particulièrement en période de consolidation, les traitements sont nécessaires, le suivi du médecin traitant est nécessaire. Et ça porte flanc, donc, au principe de la prépondérance du médecin traitant.

Les mesures de réadaptation avant consolidation sont aussi quelque chose d'un peu obscur pour nous. Ce n'est pas défini, dans le projet de loi, alors on a de la misère à adhérer. Pourquoi on a de la misère? Pour toutes les raisons que je viens de vous nommer et parce que ça porte flanc à l'opinion du médecin traitant. On n'adhère pas à cette partie-là.

M. Boulet : Merci beaucoup, hein, à... J'aimerais ça que vous remerciiez, évidemment, toute l'équipe de l'APTS qui a contribué à la rédaction du mémoire. C'est un vaste chantier. Puis merci d'y contribuer, Andrée et Chantal, et au plaisir de vous revoir bientôt. Merci.

Mme Poirier (Andrée) : Merci, M. le ministre, et on demeure disponibles pour échanger plus longuement, justement, peut-être pour clarifier nos perceptions et l'interprétation de votre projet de loi et de notre mémoire, pour pouvoir faire un arrimage plus complet, satisfaisant et à la hauteur de nos membres de l'APTS.

M. Boulet : On n'oubliera pas ça, Andrée. Merci.

Mme Poirier (Andrée) : Merci beaucoup, M. le ministre.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, merci. Nous poursuivons l'échange avec le député de Nelligan. Vous disposez de 11 minutes.

M. Derraji : Et vous allez me permettre, Mme la Présidente, de les remercier en conséquence, comme M. le ministre l'a fait, maintenant, à la fin, parce que, moi aussi, je considère que c'est un excellent rapport. Ce n'est pas la première fois que je rencontre l'APTS. Ils nous ont habitués d'avoir un excellent argumentaire.

La première fois où j'ai eu l'occasion d'échanger avec vous, ça a été lors du RQAP et ça a été ma première question, très simple : Comment ça va et comment ils vont, vos membres? Et cette fois-ci, ça va être : Pensez-vous que le projet de loi n° 59 a été rédigé, ou lu, ou revu à la lumière de la COVID? Est-ce qu'on vit dans la pandémie? Surtout en lien avec le niveau du risque que vous venez de soulever.

Mme Poirier (Andrée) : Merci de poser à nouveau la question.

Pour nous, c'est clair qu'il y a quelques avancées, on l'a dit d'emblée, mais, pour nous, les mécanismes actuels ou la réglementation qui entourent toutes les avancées nous laissent mi-figue, mi-raisin. On trouve que ça ne rejoint pas la réalité, effectivement, de nos membres. On l'a dit d'emblée, on trouve que, pour nous, nos secteurs d'activités... Que les mécanismes s'appliquent à tous les secteurs, on en est très, très heureux, mais que la majorité de nos secteurs se situent encore à «faible» et que ça soit reporté à, quoi, 2025, qu'on disait, avant qu'on puisse l'appliquer pour les secteurs à risque faible... Alors, c'est clair, avec ce qu'on vit actuellement dans la société... Actuellement, est-ce que cette modernisation-là passe par la réalité COVID? Je vous dirais qu'il y a encore beaucoup d'analyses et de démarches à faire pour l'ajuster à ce que nous vivons actuellement.

Et aussi, on l'a dit d'emblée, vous connaissez l'APTS, on représente plus de 86 % de femmes, et il y a aussi un regard à porter sur l'évaluation, justement, des risques qui ont... Les risques faibles se retrouvent surtout dans les catégories d'emplois de femmes, et ça aussi, ça serait intéressant qu'on jette un regard et qu'on fasse une analyse, une analyse complète de la réalité non seulement du réseau de la santé, mais des femmes, des secteurs d'activité à prédominance féminine. Et on le voit, les secteurs d'activité à prédominance masculine ont de plus hauts scores au niveau des facteurs de risque. Et je ne dis pas que ça ne les prend pas, mais on a... pour moderniser cette loi-là, il devrait y avoir une analyse beaucoup plus complète de cette réalité-là.

M. Derraji : Je suis très d'accord avec vous et je veux vous dire que vous êtes probablement le troisième groupe qui ramène cet enjeu. Et je vais me permettre d'aller en profondeur avec vous. Il y a le Conseil du statut de la femme, aujourd'hui, qui a parlé de l'ADS, hein? Vous savez c'est quoi, l'ADS?

Mme Poirier (Andrée) : Oui.

M. Derraji : Il y a le Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail. Eux, ils n'ont pas parlé uniquement de l'ADS, ils ont parlé de l'ADS+. Vous êtes de l'APTS, avec une majorité de professionnels, je dirais, qui sont affectés par le contexte actuel. Et, entre les lignes, ce que j'ai bien compris, et corrigez-moi si je me trompe, je ne vais pas parler en votre nom, ce projet de loi ne reflète pas la réalité et le niveau du risque des femmes qui travaillent sur le marché du travail présentement. Est-ce que j'ai bien compris votre conclusion, mesdames?

Mme Poirier (Andrée) : Tout à fait, et je souhaite vous dire que l'APTS, avec six autres organisations qui regroupent près de 350 000 travailleuses syndiquées à l'Intersyndicale des femmes, on demande, justement, et on fait une recommandation conjointe que le gouvernement produise une analyse différenciée selon les sexes et intersectionnelle — ADS+, comme vous l'avez mentionné dans votre questionnement — des modifications apportées au système de santé et sécurité au travail, afin de mesurer leurs impacts sur l'accès de toutes les femmes aux protections légales. Alors, c'est une demande conjointe qu'on fait.

Effectivement, il y a urgence de revoir la modernisation de cette loi-là à la lumière de cette analyse-là et à la lumière aussi du vécu que nous avons de l'expérience d'une pandémie au Québec. Alors, je pense qu'il y a des travaux aussi à réfléchir encore, à nouveau, avec le bilan qu'on fait de la COVID actuellement.

M. Derraji : C'est très clair. Vraiment, c'est très clair. Et je vous remercie de nous ramener, au fait, cette logique. Parce que le nom de la loi le dit très bien, «loi modernisant le régime», donc on veut moderniser un régime. Et je suis d'accord avec M. le ministre quand il dit qu'il veut moderniser le régime, mais est-ce que cette modernisation d'un régime de santé et de sécurité du travail ne doit pas prendre aussi une modernisation au niveau de la lecture, et surtout l'impact, si j'ai bien compris, l'impact du niveau du risque, et surtout que les femmes maintenant constituent une très bonne majorité de travailleurs... la majorité de travailleurs sur le marché du travail?

Mme Poirier (Andrée) : Tout à fait.

• (17 heures) •

M. Derraji : Donc, merci, par rapport à ce point. Vous avez aussi soulevé un point qui m'a interpellé, c'est par rapport à la CNESST. Vous avez dit... vous recommandez que des effectifs additionnels soient accordés à la CNESST. Je vous l'accorde, parce que moi aussi, je vois que, la CNESST, avec ce projet de loi, il va y avoir beaucoup, beaucoup de choses sur la table à dessin de cet organisme, donc, vous avez dit, pour qu'elle assume de façon proactive son rôle d'inspection, prévention — donc là, maintenant, je vais vraiment revenir sur l'aspect inspection et prévention — et qu'elle rende publics ses avis de correction.

Éclairez-nous : Comment vous vous êtes rendues à cette conclusion? Est-ce que vous avez vécu des situations où vous dites, aujourd'hui : Attention, là, j'arrive à une commission parlementaire qui va ouvrir le débat sur la CNESST, je dois leur dire : Faites attention par rapport aux pouvoirs accordés à la CNESST? Point 1. Point 2, vous insistez sur l'inspection et la prévention. Alors, mesdames, éclairez-nous.

Mme Schmidt (Chantal) : Oui, je vais y aller. En fait, je ne sais pas si je vais être aussi enthousiaste que vous dans ma réponse, je le souhaite, mais...

M. Derraji : Soyez-le, soyez-le à votre manière, madame. Soyez-le à votre manière.

Mme Schmidt (Chantal) : Tout à fait. Alors, permettez-moi de vous dire que cette recommandation-là, elle est basée sur un constat très, très, très pratique. Pour qu'il y ait des avancements dans les milieux quant à l'application de mesures préventives ou pour corriger des situations qui sont anormales et qui sont irrespectueuses ou pas conformes à la réglementation en matière de santé et sécurité, il est fréquent qu'on utilise... qu'on ait recours aux inspecteurs. Qui plus est, au cours des dernières années, l'APTS, mais bon nombre d'autres organisations syndicales, on a rencontré la CNESST. On leur a dit qu'en raison des enjeux et de la crise qui sévit dans le réseau de la santé il faut avoir une inspection proactive, au sens où on ne veut pas seulement des avis pour corriger des irrégularités, on veut une CNESST en prévention qui fait une job en reddition de comptes. On veut une CNESST qui va aller dans les milieux de travail et qui va s'assurer que l'employeur applique des mesures de prévention, se dote de plans d'action en milieu de travail. Pour faire ça, c'est clair que, dans la mesure où les mécanismes de prévention s'appliquent plus largement dans la population active, au Québec, qu'il va falloir une augmentation des effectifs au niveau de la prévention.

Mme Poirier (Andrée) : Par rapport... Je rajouterais aussi, et je le disais en conclusion de ma présentation tantôt, l'inspection préventive, elle permet d'agir sur ce qui est évitable. Donc, c'est important, c'est extrêmement important. L'inspection préventive le dit, ça va prévenir, prévenir ce qui pourrait et ce qui peut être évité, et c'est important d'ajouter des effectifs à ce niveau.

M. Derraji : Mesdames, j'ai toujours l'habitude avec M. le ministre d'annoncer mes couleurs et... Attendez, il y a un problème technique. Il me dit : Redémarrer l'ordinateur. Donc, je vais juste fermer une fenêtre — désolé — pour ne pas vous perdre. Et je tiens juste à annoncer quelque chose, très important, parce que ce point que vous soulevez, mesdames, est très important par rapport à l'inspection mais surtout, surtout, surtout la prévention. Parce que, si on veut des milieux sécuritaires, il faut aussi que la CNESST joue son rôle. Il doit jouer son rôle d'une manière importante parce qu'au bout de la ligne, c'est... la première personne qui va bénéficier de ce travail, c'est la CNESST.

Continuons dans, toujours, le même angle de la CNESST. Vous recommandez que le gouvernement ne donne pas plus de pouvoirs réglementaires à la CNESST, et que la liste des maladies professionnelles demeure dans la loi, la LATMP, et qu'elle soit mise à jour à chaque cinq ans. Donc, recommandez-vous de transposer la nouvelle liste avec ces conditions d'admissibilité dans la loi ou garder en mettant à jour la liste actuelle?

La Présidente (Mme IsaBelle) : Il vous reste une minute pour répondre à la question.

Mme Schmidt (Chantal) : On veut une liste de maladies du travail dans la loi, donc, l'abolition de l'annexe I. Actuellement, ce qu'on regrette avec cette annexe-là, c'est que, de 1985 à maintenant, elle n'a pas été mise à jour. Si elle avait été mise à jour, on aurait eu peut-être des recommandations différentes à vous soumettre.

Maintenant, la nouvelle annexe impose des conditions pour faire établir... bénéficier d'une présomption pour faire établir le lien causal entre les critères imposés dans l'annexe et la maladie qu'on a. Donc, l'application de la présomption, celle prévue à l'article 29, dépend de diagnostics, de critères et d'autres conditions, et ça, ça va être déterminé par la CNESST, par règlement, et elle pourra changer les conditions. Et donc, dans l'état actuel des choses, pour nous, ça va avoir des répercussions parce que, notamment sur la question des troubles musculosquelettiques, ce qu'on y ajoute va probablement constituer un frein important pour la reconnaissance de lésions professionnelles chez nos membres.

On est dans un contexte où on veut moderniser. Alors, comme... on se serait attendus de l'action législative actuelle qu'elle tienne davantage compte de maladies qui sont déjà reconnues des organismes comme l'OIT. On se serait attendus de reconnaissance de maladies professionnelles, avec des conditions d'application qui sont tellement exigeantes à rencontrer, donc, que bon nombre de personnes qui en souffrent ne pourront pas y avoir accès, et, ça, c'est désolant, c'est désolant.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, c'est tout le moment que nous avons. Je vous remercie.

M. Derraji : Je vous remercie, mesdames. Et surtout, sur ce dernier point, s'il vous plaît, si vous avez de l'information, essayez de nous partager ces informations et avec les membres de la commission comme complément d'information. Merci beaucoup à vous deux.

Une voix : Merci à vous.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, nous poursuivons avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous avez 2 min 45 s.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Poirier, Mme Schmidt. Toujours content de vous voir. Je veux continuer la discussion sur les catégories, qui, moi, m'ont semblé pas particulièrement bien attachées, bien ficelées. Puis vous avez rajouté des couches de critique, à ces catégories-là, en début d'exposé puis surtout dans votre entretien avec le ministre. Rendus où on en est, bientôt, on va être convoqués en étude détaillée, il va falloir travailler, là, sur la mécanique, est-ce que, considérant l'échafaudage chambranlant de ces catégories-là... rendus où est-ce qu'on en est, est-ce que c'est encore récupérable ou on est mieux de tout retirer ça et de recommencer une autre façon ou de carrément ne pas avoir de catégories de risque et de seulement avoir la discrimination du plus ou moins 20 employés?

Mme Schmidt (Chantal) : Nous, on demande le retrait de cette catégorisation-là. Notre expérience, là... nous, on offre des services à nos membres en santé et sécurité au travail. C'est porteur d'enseignement. Puis ce qu'on sait, là, c'est que, dans le réseau de la santé, nos membres savent c'est où que ça craque, nos membres, ils savent c'est où qu'il faut intervenir, nos membres, ils savent que, dans certains milieux de travail, il faut se mobiliser puis déployer des mesures préventives pour contrer la violence. Nos membres savent qu'on a besoin de prioriser les mesures préventives puis de travailler sur la question de la surcharge de travail et les risques psychosociaux.

Alors, la priorisation, pourquoi ne viendrait-elle pas de ceux qui sont concernés par les problèmes de santé au travail? C'est ça qu'on met en lumière. Et donc on oppose à cette partie-là, à ce règlement-là le principe que, dans la mesure où on a des instances paritaires, les membres qui y sont, et qui sont formés là-dessus, puis qui ont l'expérience du milieu devraient eux-mêmes prioriser les risques. On n'a pas besoin d'un règlement pour ça. C'est essentiellement le message qu'on vous livre.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Il reste 40 secondes.

M. Leduc : Ah! bien là, je vais en profiter. Est-ce que j'ai raison de penser que, dans l'analyse qui a été faite, du ministre, il a voulu faire une espèce de donnant, donnant en disant : Je vais essayer de donner un peu plus en prévention, même si ça peut être des demi-mesures à cause des catégories de risque, mais je vais retirer un peu en indemnisation pour peut-être plus satisfaire le patronat? Est-ce que c'est le genre d'échange auquel on a assisté avec le projet de loi?

La Présidente (Mme IsaBelle) : 15 secondes.

Mme Poirier (Andrée) : Je pense que, d'entrée de jeu, on est tous à la même place pour le principe de base d'ajouter de la prévention. Là où on ne s'entend pas et où le bât blesse, c'est quelle portée on va donner à la prévention, quel mécanisme qu'on va mettre de l'avant et comment on va adapter la prévention dans le réseau de la santé et des services sociaux pour les membres professionnels et techniques. On le sait, ils ont besoin de pouvoir travailler dans un milieu sain et sécuritaire pour offrir des services à la population. Alors, c'est clair que c'est dans la mécanique qu'il faudra avoir d'autres discussions. Merci.

• (17 h 10) •

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci beaucoup.

M. Leduc : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, nous laissons maintenant la parole au député de Bonaventure. 2 min 45 s.

M. Roy (Bonaventure) : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Mmes Poirier et Schmidt. Bien, écoutez, il y a beaucoup de choses, là. Je pense qu'on a un travail colossal de persuasion à faire auprès du ministre pour essayer de rectifier des choses.

Vous soulignez fortement qu'il faut augmenter les effectifs au niveau de la prévention. Une statistique : au Québec, on a à peu près 200 000 accidentés du travail par année, puis les chiffres sont en augmentation, depuis cinq ans, par rapport à la SAAQ, qui a 40 000 accidentés. Donc, on a beaucoup de travail en prévention à faire. Dans un contexte où on veut essayer de tasser le directeur de la santé publique ou la Santé publique dans la prévention, je pense que ça, c'est un enjeu extrêmement important.

Il y a aussi le fait que, bon, on a une forme de discrimination sexuée dans l'évaluation des conditions de travail et du niveau de risque, c'est un autre enjeu que mes collègues ont parlé. Sauf que j'aimerais vous entendre parler du plan multiétablissement. Je sais que vous pourriez intervenir sur le directeur de la santé publique, mais ça, c'est... Écoutez, moi, je regarde le CISSS de la Gaspésie, là, pouvez-vous me dire qu'est-ce que ça représente, concrètement, en termes de comité qui serait implanté et des dangers que cela peut laisser planer?

Mme Schmidt (Chantal) : Bien, nous, là, quand on a subi — je dis «subi» — la restructuration en CI puis en CIUSSS, les comités de santé et sécurité qui sont issus, actuellement, de nos conventions collectives ont dû revivre, renaître. Alors, la santé et la sécurité, la prévention, on la fait en grand village parce que... Mais on peut avoir 12 000, 15 000 salariés par CI. L'expérience des CI dénote qu'à tout vouloir regrouper, hein, on perd la proximité rendue nécessaire quand on fait de la prévention au travail.

Nous, ce qu'on veut mettre en lumière avec vous sur ce qui est de l'aspect multiétablissement, c'est que le multiétablissement, il est une solution qui peut, pour l'employeur, constituer une économie, de libérer moins de monde, etc., mais qui va faire les frais d'une action préventive efficace parce qu'on va toujours choisir des solutions macroscopiques, on n'identifiera pas par établissements.

Les problèmes... Et ça, ça va avoir un impact, le même impact qu'on vit actuellement. On a de la misère à travailler en prévention, dans nos milieux de travail, parce qu'on a des grosses structures, tout le monde a toutes sortes d'intérêts. Et il y a beaucoup de raisons qui expliquent que plus on grossit, plus on s'éloigne des intérêts, donc, et des mesures précises qui vont modifier les situations à l'origine du problème avec la prévention. Il y a cet...

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, on s'excuse, le temps alloué est terminé.

M. Roy (Bonaventure) : Merci beaucoup, mesdames.

Une voix : Je vous en prie. Merci à vous.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, merci, Mme Poirier ainsi que Mme Schmidt, pour votre contribution aux travaux de la commission.

Nous allons suspendre quelques instants pour accueillir le prochain groupe. Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 13)

(Reprise à 17 h 20)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, bonjour. Bonjour, Mme Cox, Mme Rachel Cox. Je vous souhaite la bienvenue. Je vous invite à commencer votre exposé... mais, avant, de bien prendre le temps de vous présenter, et ensuite vous pourrez poursuivre avec votre exposé.

Mme Rachel Cox

Mme Cox (Rachel) : D'accord. Merci, Mme la Présidente. Mon nom est Rachel Cox. Je suis professeure au département des Sciences juridiques de l'UQAM. Alors, bonsoir, M. le ministre. Bonsoir, les membres de la commission. Merci de votre invitation.

Consciente que vous avez eu une longue journée, dont j'ai partagé un peu avec vous, je vous remercie de votre écoute ce soir. Je suis ici pour présenter à titre de chercheure principale dans un projet de recherche en partenariat mené par les services aux collectivités de l'UQAM sur les obligations des milieux de travail en matière de violence conjugale, donc, sur une dimension spécifique du projet de loi n° 59.

Si d'autres aspects du projet de loi n° 59 peuvent faire l'objet de divergences, à mon sens, la question de la violence conjugale en est une qui appelle à une approche transpartisane. Je salue, à ce sujet, l'important travail fait par le comité transpartisan sur l'accompagnement des victimes d'agressions à caractère sexuel et des victimes de violence conjugale. Le rapport de leur comité d'experts salue d'ailleurs la modification proposée par le projet de loi n° 59 en matière de violence conjugale. Donc, je vous invite à considérer cette disposition comme étant le prolongement d'une démarche transpartisane en matière de violence conjugale pour mieux coordonner, mieux articuler nos politiques publiques en la matière.

Alors, la violence conjugale. Enfin, de la prévention, du soutien en droit du travail. Par exemple, les deux jours de congé rémunérés prévus par la Loi sur les normes du travail, c'est important. Mais on est rendus à un stade où il faut véritablement prévenir la violence conjugale, et donc cela inclut le fait de s'assurer qu'une victime de violence conjugale est en sécurité alors qu'elle est au travail ou aux alentours. Donc, de s'assurer qu'elle puisse conserver son emploi, si elle en a un, faire en sorte que la travailleuse n'ait pas à choisir entre son travail et sa santé et sa sécurité, c'est l'essence même de notre régime de prévention.

Je vais donc expliquer brièvement pourquoi cette obligation proposée pour l'employeur en matière de violence conjugale est importante et ensuite inviter le ministre à faire un pas de plus pour assurer que le progrès proposé dans la loi se traduise par des progrès sur le terrain pour les femmes victimes de violence conjugale.

D'abord, la mesure proposée, l'obligation de protection pour l'employeur, en matière de violence conjugale, est une mesure qui est déjà en vigueur dans plusieurs provinces canadiennes et, depuis le début de l'année, en droit fédéral. En Ontario et en Alberta, c'est la mort d'une femme assassinée sur les lieux de travail qui a mené à l'adoption de la législation, et ce, suite au constat des coroners que les décès en question étaient à la fois prévisibles et évitables. Donc, je félicite le ministre de vouloir agir en prévention avant que de tels meurtres se produisent sur les lieux de travail au Québec.

En même temps, ces deux exemples tristes et troublants, surtout, illustrent pourquoi c'est important pour l'employeur d'avoir des responsabilités en matière de violence conjugale. Pourquoi? Parce que, lorsqu'une femme est au travail, c'est facile, pour l'auteur des violences, de la localiser. Elle peut peut-être se réfugier dans une maison d'hébergement mais, tôt ou tard, elle retournera à son lieu de travail, et c'est là qu'elle est vulnérable et qu'elle peut être retrouvée. Donc, si la violence conjugale suit une femme jusqu'à son travail et l'employeur est en mesure de contrôler le risque pour elle, il doit le faire. C'est ça, le sens de la modification proposée.

Maintenant, un pas de plus, oui, pourquoi? Parce qu'il faut dépasser le stade des déclarations symboliques et faire en sorte que des choses changent dans les milieux de travail, dans chaque milieu de travail. Et c'est pour ça que nous recommandons une obligation, pour les employeurs, d'adopter une politique de prévention en matière de violence conjugale, le but étant d'outiller les milieux de travail pour qu'ils entament une véritable discussion sur la violence conjugale, que tous les acteurs dans les milieux de travail soient sensibilisés, qu'on assure que les conditions sont propices à un signalement et, en cas de signalement, que la réponse du milieu de travail, de l'employeur soit appropriée et efficace.

Les milieux de travail ont un rôle précis à jouer, un rôle de sentinelle, un rôle de soutien et un rôle de référencement vers les ressources externes, comme les CAVAC, les maisons d'hébergement et les centres de femmes. Est-ce que c'est compliqué, avoir une politique de prévention en matière de violence conjugale? Est-ce que c'est lourd? Je ne crois pas. Les partenaires à mon projet de recherche ont d'ailleurs déjà produit une trousse d'information qui est déjà disponible en ligne à ce sujet.

Maintenant, pourquoi il faut avoir une politique modèle en matière de prévention de la violence conjugale? Parce qu'il y a deux éléments qui sont incontournables dans n'importe quelle politique de prévention. Premièrement, la reconnaissance du droit au respect de la vie privée d'une travailleuse victime de violence conjugale. Dernièrement, il a été question que l'employeur puisse contraindre un signalement ou exiger une déclaration quant à son statut vis-à-vis la violence conjugale. J'aimerais que le ministre nous rassure à ce sujet car une telle possibilité pour l'employeur n'est pas du tout appropriée, selon moi. Donc, premier élément, droit au respect de la vie privée et garantie de la confidentialité d'un signalement, le cas échéant, que les personnes qui doivent le savoir, pour protéger la travailleuse, soient les seules à savoir qu'elle a fait une telle déclaration.

Deuxième élément incontournable, la référence à des ressources externes spécialisées en matière de violence conjugale. Ces ressources ont un rôle à jouer en dehors de tout signalement, dont de sensibilisation dans le milieu de travail, s'assurer que le milieu de travail est capable de jouer son rôle de pivot vers les ressources externes, informer les acteurs, dans les milieux de travail, des signes à reconnaître pour savoir si une collègue est victime de violence conjugale, certes, mais aussi informer sur la complexité de la violence conjugale, pourquoi il peut être si difficile pour quelqu'un de mettre fin à une relation abusive, donc comment adopter une attitude ouverte, respectueuse du rythme de la personne victime.

Et, en cas de signalement, évidemment, il y a un rôle crucial pour les ressources externes. Selon la littérature scientifique, lorsqu'il y a intrusion de la violence conjugale au travail, c'est un signe d'escalade de la violence, un signe parfois de danger imminent, et donc il faut s'assurer qu'une évaluation du risque pour la travailleuse est faite par les personnes appropriées, des personnes bien formées à ce sujet. Et on parle donc, encore une fois, des CAVAC, des maisons d'hébergement, de centres de femmes, que, s'il n'y a personne là, dans un centre de femmes, formé pour le faire, ils vont pouvoir quand même référer vers d'autres ressources.

Donc, une fois l'évaluation du risque faite, un plan de sécurité individuel, et c'est là que l'employeur peut collaborer, doit collaborer à la mise en oeuvre de tel plan de sécurité et jouer son rôle de soutien.

Maintenant, s'il y a des mesures spécifiques à prendre en mesure de violence conjugale, il faut aussi une certaine intégration au régime général de prévention. Exemple, si des parties, dans les milieux de travail, vont évaluer les risques de violence, bien, qu'on tienne compte en même temps des risques de violence conjugale. Ça peut impliquer quoi? Ça peut impliquer, par exemple, une politique de... un plan de contrôle des allées et venues sur les lieux de travail, ça peut être utile pour prévenir le risque de plusieurs types de violences : quels sont les accès, quelles portes se barrent, etc.

Deuxièmement, si une personne flâne dans le milieu de travail, ça peut poser un risque de violence de toutes sortes de nature, mais y compris en violence conjugale. Donc, une avenue à regarder, c'est d'avoir une politique qui interdit aux membres adultes de la famille de flâner sur les lieux de travail, donc permettre à l'employeur de demander au conjoint qui attend toujours à la sortie de ne plus faire ça, et ce, avant même que la travailleuse affectée soit en mesure... ou désire faire un signalement.

Donc, dans les milieux de travail non syndiqués, les petites et moyennes entreprises, on souhaiterait que la CNESST fasse preuve de leadership dans la production de politiques modèles qui intègrent ces deux éléments incontournables. Dans les milieux de travail syndiqués où, encore, la démarche en matière de santé et sécurité du travail est plus structurée, une telle politique doit être élaborée avec la collaboration des travailleuses, des travailleurs et de leurs syndicats...

La Présidente (Mme IsaBelle) : En conclusion. Il vous reste 30 secondes.

Mme Cox (Rachel) : En conclusion. Un excellent premier pas pour s'assurer qu'on dépasse les déclarations symboliques et provoque de réels changements dans les milieux de travail, nous invitons le ministre à reconnaître l'obligation pour les employeurs d'adopter une politique de prévention de la violence conjugale. Merci de votre écoute.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Merci pour votre exposé. Nous commençons donc la période d'échange avec M. le ministre. M. le ministre, vous disposez de 16 min 30 s.

• (17 h 30) •

M. Boulet : ...la Présidente. Merci, Mme Cox. Je pense qu'on s'était rencontrés à un congrès, même, des conseillers en ressources humaines agréés, puis vous m'aviez fait part de votre préoccupation. Puis évidemment j'ai déjà lu des articles que vous avez écrits sur la violence conjugale, et moi, ça m'a toujours interpellé, parce que, comme vous savez, j'étais un praticien, avant de faire de la politique, en relations de travail, et je comprends très bien la réalité que vous exprimez.

Et merci de souligner que c'est un excellent premier pas. Je sais qu'on était en retard, puis la violence conjugale est peut-être un des symptômes qui démontre à quel point on était en retard dans notre régime de santé et sécurité du travail, au Québec... et donc de le confirmer dans la loi et de s'assurer que l'employeur intervienne, ait une obligation d'intervenir, quand il sait ou il est raisonnablement en mesure de savoir qu'un ou une travailleuse est victime de violence conjugale.

Maintenant, j'aimerais ça un peu parler de l'obligation d'adopter la politique de prévention en matière de violence conjugale. Je pense que c'est le pas additionnel que vous nous demandez de faire. Un, bien sûr, moi, je m'appuie souvent sur l'article 51 de la loi santé et sécurité, sur le Code civil du Québec, sur la Charte des droits et libertés de la personne. Ces trois lois-là prévoient une obligation pour un employeur d'assurer un environnement de travail qui est sain, qui est sécuritaire, qui est harmonieux et qui est exempt de tout risque pour la santé et sécurité, intégrité physique ou psychologique des travailleurs.

J'aimerais juste... parce qu'évidemment vous cherchez aussi puis vous faites des comparatifs avec le reste du Canada. Est-ce que vous avez quelques informations à partager avec nous sur l'expérience, dans le reste du Canada, sur une quelconque obligation des employeurs d'adopter des politiques en matière de prévention, en matière de violence conjugale, bien sûr?

Mme Cox (Rachel) : Oui. C'est sûr que, dans d'autres juridictions où une telle obligation est reconnue, il existe, bien sûr, des outils qui sont produits par l'équivalent de la CNESST en la matière, des guides, des directives pour les employeurs. En Ontario, une telle obligation a été votée dans la loi, mais le projet de loi n'a jamais reçu la sanction royale. Pourtant, il y a eu un vote unanime à ce sujet-là. C'est en Ontario qu'il y a la plus longue expérience, avec une obligation reconnue depuis 2009, je crois. En Colombie-Britannique, il y a une série de guides, de manuels, de directives.

Mais il faut aussi se garder d'importer le modèle d'ailleurs, parce que, par exemple, la force probante d'un règlement ou de directives de l'équivalent de la CNESST va être différente ici, au Québec. Donc, plusieurs façons pour mettre en oeuvre une telle obligation. Et je vous remercie de votre intérêt pour la mise en oeuvre de la chose. Ça peut être à la fois l'adoption d'une politique modèle, par la CNESST, sous forme de directive, sous forme de guide pour inciter les employeurs à respecter leur obligation de faire preuve d'une diligence raisonnable, soit une obligation qui traverse la LSST. Ça peut aussi être par voie réglementaire, et donc de diriger des employeurs de façon encore plus ferme vers l'adoption d'une telle politique.

Il y a, tout comme en matière de harcèlement psychologique, un versant très positif pour l'employeur, parce qu'en lui donnant les outils pour bien mettre en oeuvre et en spécifiant comment le faire, eh bien, on le guide vers le respect de son obligation de diligence raisonnable, donc vers le respect de la LSST. Mais, dans les autres provinces, parfois, l'obligation de l'employeur se trouve même dans un règlement, plutôt que dans la loi, donc des modèles qui ne s'agencent... qui ne s'importent pas directement d'ici. En droit fédéral, il y a déjà une obligation pour l'employeur de procéder à une évaluation des risques de violence, dont le risque de violence de tiers, dont les conjoints et les ex-conjoints violents, par exemple. Donc, c'est en droit fédéral qu'il y a l'obligation la plus explicite dans un règlement.

M. Boulet : Quand ça... Juste pour me rassurer, là, puis rassurer, par exemple, la communauté des employeurs au Québec qui pourraient avoir une certaine appréhension sur la façon d'appliquer de telles politiques de prévention en matière de violence conjugale, est-ce qu'on a un vécu ontarien, comment les employeurs respectent le niveau ou le pourcentage des employeurs qui ont adopté de telles politiques? Est-ce qu'il y a de quoi qui pourrait nous inspirer à cet égard-là?

Mme Cox (Rachel) : Moi, j'ai fait une recherche jurisprudentielle puis, à ce jour, je n'ai pas trouvé d'employeur qui a été trouvé comme étant condamné, par exemple, à l'infraction pénale, ou je n'en sais trop. Ce que j'ai jusque là, ce sont des récits de comment ce n'est pas tous les jours que l'employeur va recevoir un signalement, hein? On est à l'étape d'une prise de conscience globale et, en cas de signalement, qu'est-ce qui peut arriver. Je sais qu'en Ontario une difficulté qu'on m'a rapportée, c'est le fait que parfois les ressources externes n'avaient pas été bien identifiées, n'avaient pas été bien formées. Mes partenaires de recherche me rassurent que les CAVAC, les maisons d'hébergement, les intervenantes sont équipées pour faire l'évaluation du risque.

Et je vous rappelle que le milieu de travail ne doit pas régler tous les problèmes, mais simplement jouer le rôle de pivot vers les ressources externes et ensuite offrir des mesures d'accommodements raisonnables pour s'assurer que la travailleuse est en sécurité au travail. Donc, on ne parle pas ici d'une politique de 40 pages, on parle ici de faire ce que plusieurs grands employeurs et petits, parfois, aussi, font déjà, c'est-à-dire, faire preuve de diligence, protéger la travailleuse victime de violence conjugale.

M. Boulet : ...puis, Mme Cox, j'ai une conviction intime que lutter contre les incidences de la violence conjugale dans les lieux de travail, c'est un grand bénéfice pour la société québécoise. Et c'est à l'avantage aussi des employeurs d'avoir des travailleurs, travailleuses en santé qui sont exempts de ce phénomène-là, qui s'est même accentué, là, durant la pandémie, là, ce que plusieurs auteurs confirment.

Je vais sauter sur l'occasion pour vous rassurer, là. Parce que vous me disiez : Des fois, il y a des problématiques de respect de la vie privée. Au Québec, vous le savez, on a une loi sur le respect du droit à la vie privée qui s'applique dans le secteur privé puis on a une Loi sur l'accès aussi qui s'applique dans le secteur public, qui protège les renseignements personnels ou ce qu'on appelle les renseignements nominatifs, dans la loi qui s'applique dans le secteur public. Puis ça, il va falloir s'assurer... si on prend l'exemple d'entreprises x dans le secteur privé, au Québec, il faut certainement s'assurer que ces lois-là sont scrupuleusement respectées.

Puis je pense que, dans toute politique, même... Puis vous avez raison, ce n'est pas des politiques de 52 pages, là, il y a des politiques en matière de harcèlement psychologique qui ont quelques pages, et on confirme d'ailleurs l'importance de la protection des renseignements personnels dans ces politiques-là.

J'aime bien l'approche que vous soulevez, que l'employeur serve de pivot, parce qu'effectivement on a un réseau partenarial, au Québec, qui est extrêmement développé, là, vous référez notamment aux CAVAC puis aux maisons d'hébergement. On n'a pas tout le temps les ressources... on n'a pas les ressources internes spécialisées, mais les ressources spécialisées existent à l'externe, et c'est extrêmement important de le souligner, donc.

Puis vous dites une autre suggestion, puis j'exprime mon accord avec la suggestion que vous faites, que la CNESST contribue à l'élaboration de politiques modèles, avec la collaboration des milieux de travail. Moi, je pense qu'il faut aller dans cette direction-là, Mme Cox. C'est une excellente suggestion.

Et on m'informait, tout à l'heure, qu'il y avait une formation, d'ailleurs, intitulée Violence et agression en milieu de travail, qui est offerte aux inspecteurs depuis 2018, et cette formation-là, elle pourrait être adaptée, avec la collaboration des milieux de travail... et de développer une formation spécifique qui tient compte des nouvelles obligations en matière de violence conjugale. Et on pourrait s'en inspirer, certainement, pour contribuer à endiguer le mieux possible les répercussions, là, négatives de la violence conjugale en milieu de travail.

J'aimerais ça que vous... puis là je le dis pour le bénéfice de tous les membres, là. Quand vous dites «les signes à reconnaître» puis vous dites, à un moment donné, «les risques de violence conjugale», peut-être que ça réfère au même élément, mais parlez-nous des signes qui peuvent contribuer à aider un employeur à intervenir. Puis, quand vous parlez de risques — évidemment, on intègre les risques psychosociaux dans notre projet de loi n° 59 — est-ce qu'il y a des milieux de travail qui sont plus à risque que d'autres? Je vous laisse aller.

• (17 h 40) •

Mme Cox (Rachel) : D'accord. Au plan des signes à reconnaître, et, là encore, je ne fais que reproduire le travail de mes partenaires qui font mon éducation en ce sujet, on va... Et c'est d'ailleurs le résultat d'une étude pancanadienne. La manifestation la plus fréquente, sur les lieux de travail, c'est des appels et des textos incessants de la part du conjoint qui exerce un contrôle coercitif. Ensuite, on a le fait que le conjoint va passer souvent au bureau, attendre la victime dans le stationnement, etc. La femme victime de violence conjugale ou toute personne victime de violence conjugale va souvent arriver en retard. Pourquoi, justement?

Le travail étant la clé de l'autonomie financière, d'ailleurs, l'ailleurs de la personne victime, c'est là que le contrôle du conjoint va s'exercer, en faisant en sorte qu'elle ne puisse pas dormir, qu'elle ne puisse pas se rendre au travail, etc. Donc, retards fréquents, absences fréquentes. Souvent, une femme va s'isoler du reste de son équipe, se replier sur elle-même, va devoir décliner systématiquement les invitations à des occasions sociales au travail, être anxieuse, aux aguets, avoir un rendement diminué, être toujours sur ses gardes. Ce genre de signes là, au-delà des manifestations de blessures physiques, sont les signes avant-coureurs.

Je sais que, moi, dans les formations, on m'a raconté... une femme qui arrive avec une blessure au travail et reçoit, par exemple, un énorme bouquet de fleurs de son conjoint, sans qu'il y ait d'occasion particulière. Donc, le cycle de tenter de se racheter après l'épisode de violence se manifeste ainsi. Souvent, ce sont les collègues qui vont remarquer. Une femme victime de violence conjugale va souvent s'isoler de sa famille et de ses amis, mais elle continue à aller au travail. Donc, les collègues sont dans une position privilégiée pour remarquer que quelqu'un est victime de violence conjugale, d'où l'importance du rôle des collègues, du rôle du syndicat, s'il y en a un, parce que c'est eux qui vont souvent recevoir un signalement en premier. D'où l'importance d'une prise en charge paritaire dans les milieux de travail, où il y a collaboration, il y a énumération de qu'est-ce qui peut être fait, une compréhension commune du rôle du milieu de travail. Et c'est là aussi qu'on va voir un changement plus diffus, où l'acceptabilité sociale du contrôle coercitif exercé dans une relation intime diminue.

Est-ce que j'ai répondu à votre question?

M. Boulet : Oui, sur le premier volet. Sur le deuxième volet, Mme Cox, est-ce qu'il y a des environnements de travail qu'on est capable de dire : Le niveau de risque est plus élevé? Parce que, bon, vous savez, on parle beaucoup de prévention, participation des travailleurs, puis, dans le programme de prévention, on doit identifier les risques pour bien les contrôler et bien les éliminer. Quand on parle de risques psychosociaux, est-ce qu'il y a des signes précurseurs ou des environnements de travail qui sont plus propices à ça? Qu'est-ce que vous me... Oui?

La Présidente (Mme IsaBelle) : En deux minutes, Mme Cox. Il ne reste que deux minutes.

Mme Cox (Rachel) : Donc, à ma connaissance, non. Le facteur de risque, c'est d'être femme, et donc le risque existe dans tous les milieux de travail. Là où il va y avoir concentration de femmes, c'est là qu'il va y avoir plus de risques qu'il y ait des femmes victimes de violence conjugale, d'où l'importance d'avoir des mesures préventives dans les secteurs où sont concentrées les femmes, comme la santé, comme l'enseignement. Je vais donc conclure là-dessus, dans le respect de Mme la Présidente.

M. Boulet : Écoutez, merci beaucoup, Mme Cox. J'ai énormément d'estime pour le travail que vous faites. Et mes collègues, je pense que, d'aucun... tout le monde va reconnaître à l'unanimité l'importance de lutter contre le phénomène de violence conjugale et ses incidences en milieu de travail. Et, le p.l. n° 59, je pense que c'est une autre opportunité qui nous permet de passer le message, de s'assurer que ce soit bien appliqué et qu'il y ait beaucoup, non seulement d'information, mais de formation dans les milieux de travail pour enrayer ce phénomène-là du mieux qu'on peut. Et vous aurez contribué, non seulement à notre réflexion en amont, mais, maintenant, en commission parlementaire. Merci beaucoup, puis au plaisir de se reparler. Puis, s'il y a quoi que ce soit, on aura certainement l'occasion de rediscuter du projet de loi. Merci beaucoup, Mme Cox. Au plaisir.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, merci. Nous poursuivons maintenant avec le député de Nelligan. Vous disposez de 11 minutes.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. Et sur les belles paroles utilisées par M. le ministre, je tiens, moi aussi, à vous dire merci pour votre contribution. C'est très, très apprécié.

Et je tiens aussi à souligner quelque chose qui m'a extrêmement touché, c'est lors du dépôt du projet de loi, le communiqué de presse de l'Université du Québec à Montréal, les victimes de violence conjugale et le projet de loi modernisant le régime, une équipe de recherche partenariale de l'UQAM mobilisée pour la protection en milieu de travail. Je tiens à le dire, parce qu'on ne peut pas, on ne peut pas, en tant qu'élus, avancer sans le travail de recherche fait par des professeurs et des chercheurs. Surtout que le ministre ouvre la porte à une modernisation, donc soyons audacieux et soyons aussi... ayons en tête cette particularité du Québec de voir les choses autrement. Oui, on est bons par rapport à certains points, mais, si on peut être meilleurs, bien, pourquoi pas? Alors, Pre Cox, merci beaucoup pour les recommandations.

Et je vais me permettre de vous poser quelques questions. C'est plus dans le sens de nous aider à mieux répondre d'une manière 360 à la problématique que vous soulevez.

La première. Vous nous présentez une recommandation qui est très importante, c'est soit celle d'outiller les employés, donc, par les formations, les travailleurs, par la sensibilisation, l'introduction d'une procédure de signalement et surtout la mise en place d'une politique d'orientation. Vous avez eu cet échange, à un certain moment, avec M. le ministre. Mais, concrètement, les employeurs nous disent et nous partagent souvent qu'ils veulent faire partie de la solution, ils veulent aussi aider. Mais il y a d'autres groupes qui nous ont partagé quelque chose par rapport à l'aspect... la lourdeur administrative. Ils ne veulent pas que ce soit très lourd pour eux.

Donc, connaissant les ressources externes qui existent, si une telle recommandation est intégrée dans ce projet de loi, avez-vous une idée sur le comment, le contenu, les organismes partenaires qu'on peut proposer à M. le ministre de travailler en collaboration avec la CNESST? Et aussi, question de temps : À quel moment, vous, vous voyez ça, le tout opérationnel?

Mme Cox (Rachel) : D'accord. Merci pour ces questions fort pertinentes. En termes de mise en oeuvre, c'est sûr que, pour les employeurs, la particularité du risque de la violence conjugale, c'est que la violence conjugale provient d'un phénomène de société et se situe à l'extérieur du milieu de travail. Donc, quand je dis «le rôle de pivot», c'est justement que l'employeur s'associe, identifie quelles sont les ressources externes dans sa région. Et pourquoi? Pour trouver les solutions pertinentes, qui vont varier d'une région à l'autre.

Vous avez souligné l'apport de mes groupes partenaires qui se situent sur la Côte-Nord du Québec, où la prévalence de violence conjugale est beaucoup plus élevée qu'ailleurs et où les possibilités de fuir sont aussi limitées, à moins qu'on veuille complètement déménager dans une autre région. Donc, qui seraient les partenaires? Eh bien, ce seraient les CAVAC, les maisons d'hébergement, les centres de femmes, soit les composantes de mon équipe de recherche. Donc, chaque partenaire a apporté des connaissances, un savoir-faire, une expertise particulière. Les centres de femmes, entre autres, reçoivent des femmes qui se... qui fuient ailleurs que dans une maison d'hébergement. Ce n'est pas tout le monde qui va chez une CAVAC, etc. Donc, je pense que nous avons, au Québec, un réseau qui est drôlement bien équipé, qui aurait besoin peut-être d'un financement additionnel pour bien remplir ce rôle.

L'idée, comme je disais, c'est que c'est relativement simple, pour l'employeur, faire une déclaration, manifester sa volonté d'agir, condamner la violence conjugale et faire preuve d'ouverture pour gérer les cas quand ils se présentent. Puis l'action en amont, donc, pour créer un contexte propice aux signalements puis aussi pour sensibiliser tout le monde sur la question, c'est de faire faire des formations, exactement, par exemple, comme ça a été le cas pour la compagnie IOC, à Sept-Îles, faire venir des intervenantes dans un centre de femmes, une maison d'hébergement pour en parler au personnel. Le travail, donc, est fait par les personnes expertes en la matière.

En termes d'opérationnalisation, bien, c'est rapidement que le tout pourrait être déployé. Le ministre me réconforte en me disant : Il y a déjà une session de formation, ça pourrait être intégré. Pour évaluer le risque en matière de violence conjugale, il y a déjà des questionnaires qui sont dédiés. Je connais... plusieurs inspecteurs de la CNESST vont aimer ça, c'est très rigoureux, c'est très structuré, et le résultat est basé sur des données probantes, donc une obligation pas difficile à déployer.

• (17 h 50) •

M. Derraji : Merci beaucoup. Et je sais que mon collègue Carlos va poser une autre question. Je veux juste revenir sur le programme de prévention. Une de vos recommandations... vous avez mis l'emphase beaucoup sur la nécessité que l'employeur adopte, avec la collaboration du personnel, une politique de prévention de la violence conjugale au travail. Donc, ça, c'est une de vos... je dirais, vous avez mis l'emphase pas mal sur ce point. Est-ce que vous recommandez que cette politique de prévention soit incluse dans le projet de loi, dans le volet Programmes de prévention? Est-ce que c'est quelque chose que... selon vous, ce serait un point de départ avec les employeurs?

Mme Cox (Rachel) : Nous n'avons pas, comme équipe, émis une recommandation spécifique à cette fin. Pourquoi? Parce que nous privilégions une démarche paritaire, donc une démarche de prévention qui serait de façon conjointe. En santé et sécurité du travail, l'approche «top-down» ne fonctionne pas bien. Ce qui marche, c'est la véritable prise en charge, le dialogue avec les personnes concernées, les travailleuses et les travailleurs, et ça légitime le résultat final, puis ça garantit que ce serait mis en oeuvre.

Donc, c'est clair que, nous, notre souhait, c'est que, là où il y a des structures permettant de le faire, dont au premier titre un syndicat, que ça soit une démarche paritaire, donc, ce qui est en plan un peu, maintenant. Parce que le programme de prévention, selon ce que j'en comprends, c'est l'employeur qui l'élabore dans ce qui est proposé dans le projet de loi. Donc, attendons de voir, mais, dans la mesure où il y a un programme de prévention, où il y une prise en compte du risque de violence, c'est là qu'il ne faut pas marginaliser la violence conjugale. Il faut, bien sûr, que ce risque-là soit inclus comme un risque professionnel parmi les autres risques.

M. Derraji : Donc, ce que vous voulez, c'est insérer la politique de prévention de la violence conjugale au travail, donc, sous l'angle de prévention, si j'ai bien compris?

Mme Poirier (Andrée) : Sous l'angle de la prévention générale, oui, dans toutes les mesures préventives.

M. Derraji : O.K. Excellent. Mme la Présidente, je pense que mon collègue, Carlos, a des questions aussi.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Parfait. Alors, nous donnons la parole au député de Robert-Baldwin. Il vous reste 3 min 30 s.

M. Leitão : Merci, Mme la Présidente, et je remarque que mon collègue est extrêmement généreux avec le temps qu'il me laisse. On est à la fin de la journée. Mme Cox, bonjour, merci beaucoup d'être là et merci beaucoup de nous amener ces enjeux qui sont extrêmement importants.

Je commencerais en disant que cette question, l'enjeu de la violence conjugale, évidemment, ne connaît pas de... ne se limite pas à certains secteurs ni à certaines sphères d'activité. C'est généralisé, et surtout, aussi, ça affecte toutes les classes sociales. C'est peut-être un mythe que c'est seulement certains groupes qui sont plus susceptibles. Non, non, non, ça affecte tout le monde.

Ma question s'adresse... J'aimerais avoir un peu votre réflexion sur les entreprises plus petites ou les organismes plus petits. Une grande entreprise, une grande compagnie d'assurance avec des procédures de ressources humaines sophistiquées, etc., ils peuvent mettre en place toute une série de mécanismes de prévention et de soutien à l'employé pour le protéger. Mais comment est-ce qu'on fait ça dans une petite entreprise, un restaurant, par exemple, où il y a quatre ou cinq employés, et une des employées, justement, vit un problème... une problématique extrêmement difficile de violence conjugale? Comment est-ce qu'on fait, concrètement, pour aider ces petits organismes, surtout, à bien protéger l'employée?

Mme Cox (Rachel) : Oui. Merci pour votre question. C'est d'ailleurs... Dans la première élaboration de cas réels faite par les partenaires, il y avait plusieurs petites entreprises, effectivement, et c'est là que je pense que la CNESST doit avoir un rôle à produire une politique modèle, quitte à ce qu'il y ait des sections qui seraient plus appropriées, par exemple, pour un commerce, où le public entre de toute façon. Je pense que la CNESST pourrait mettre à la disposition des petits employeurs une liste de ressources dans chaque région, qui permettrait déjà d'avoir vers qui référer, et qu'il pourrait y avoir production d'outils. Le regroupement des maisons d'hébergement produit déjà des fichiers 8½ X 11 qui expliquent en quoi la violence conjugale consiste et comment la combattre.

Donc, moi, j'ai... d'une série d'outils simples mais efficaces qui permettent à l'entreprise de remplir : O.K., mon point de référence, c'est telle place ou telle autre place, et donc de savoir : En cas de signalement, bien, je m'informe de telle façon. Donc, ce n'est pas nécessairement lourd du tout pour l'entreprise, comparé, comme je disais, à d'autres risques, c'est tout à fait possible et faisable. Et les employeurs de toutes tailles ont déjà des pratiques exemplaires : c'est la diligence raisonnable, le souci pour autrui, la possibilité de contribuer à la lutte contre la violence conjugale. Les petits employeurs l'ont, comme les grands.

M. Leitão : Très bien. Et, oui, tout à fait, je pense que la CNESST pourrait et devrait jouer un rôle... avoir un rôle de leadership pour mieux outiller ces petites entreprises-là.

Une dernière question, dernier enjeu. La violence conjugale affecte tout le monde, toutes les classes sociales, mais il y a aussi un aspect très particulier pour les personnes immigrantes, surtout les personnes immigrantes arrivées depuis relativement peu de temps. Là, il y a un double enjeu. Non seulement, bon, il y a un manque de connaissance des ressources existantes, mais il y a souvent la barrière de la langue, aussi. Comment est-ce que vous voyez une façon de mieux aider ces personnes-là?

La Présidente (Mme IsaBelle) : En 30 secondes, Mme Cox.

Mme Cox (Rachel) : Bien, c'est justement le milieu de travail comme facteur d'intégration absolument clé pour les femmes immigrantes, surtout nouvellement arrivées au Canada, le support, le soutien des collègues, l'information sur les droits. Je pense que vous touchez là un bénéfice potentiel énorme où le milieu de travail peut être justement sur des formations et de soutien sur ces questions-là, et de façon appropriée, aux femmes dans toute leur diversité.

M. Leitão : Très bien. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Nous poursuivons avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous avez 2 min 45 s.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Bonsoir, Mme Cox. J'avais beaucoup apprécié votre clarté il y a quelques années, quand j'ai suivi votre cours en santé et sécurité. Je l'apprécie tout autant ce soir. D'ailleurs, salutations à toute l'équipe du Service aux collectivités de l'UQAM, qui a travaillé très fort, pour connaître bien ce service-là, sur ce projet-là.

Deux questions en rafale, Mme Cox. La première, c'est que je veux juste être certain d'avoir bien compris ce que vous disiez un peu plus tôt. Dans le fond, en ce moment, au-delà du projet de loi, il y a déjà une certaine responsabilité des employeurs en matière de violence conjugale? Deuxième question : Dans votre mémoire, vous faites référence à l'importance de ramasser des données sur le moyen, long terme et de prévoir une révision quinquennale; est-ce que vous pourriez nous en parler davantage?

Mme Cox (Rachel) : Oui. Merci. Donc, il serait possible dès aujourd'hui, pour la CNESST, d'intervenir sur ces questions-là en vertu de l'obligation générale de l'employeur. Ce sont les vestiges d'un régime discriminatoire à l'égard des femmes, qui écarteraient le risque de violence conjugale et qui agiraient contre le vol à main armée, d'une part. Et, d'autre part, la question de la révision quinquennale de la loi, oui, le Québec innove, j'espère, va innover dans sa mise en oeuvre structurée et efficace, et donc, dans ce souci-là, dans un souci d'amélioration constante de nos politiques, de nos politiques innovatrices, on souhaiterait une révision après cinq ans et puis quand tous les acteurs, l'INSPQ, la CNESST, le réseau des maisons d'hébergement, etc... pour s'assurer qu'on intervienne de la bonne façon puis qu'on continue d'améliorer nos politiques

La Présidente (Mme IsaBelle) : Excellent. Il reste une minute. Votre micro.

M. Leduc : Ça serait quelque chose qu'on pourrait faire en rajoutant un article ou un amendement, donc, dans les mesures transitoires, j'imagine, qui préciserait que la CNESST doit déposer un mémoire ou un suivi dans un nombre x de temps. C'est bien ça?

• (18 heures) •

Mme Cox (Rachel) : Ce serait bien ça. Puis c'est une bonne façon de faire pour continuer à améliorer nos interventions, s'assurer d'une mise en oeuvre réelle. La mise en oeuvre réelle, c'est là, l'enjeu, présentement, en termes de violence conjugale et les milieux de travail.

M. Leduc : Bon, bien, on va préparer un amendement, dans ce cas-là. Merci, Mme Cox.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci pour l'échange. Nous continuons ou nous poursuivons avec le député de Bonaventure. 2 min 45 s.

M. Roy (Bonaventure) : Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Cox. Note historique, j'ai travaillé, moi aussi, au Service aux collectivités comme chercheur, dans les années 90, sur le profil des professionnels de la santé.

Question. Avec l'augmentation du télétravail, on soustrait un nombre considérable de gens de la protection potentielle du milieu de travail issue de l'article dans le projet de loi, puis c'est une tendance qui est en progression, O.K.? Par contre, ces gens-là travaillent pareil, ça fait que, quelles sortes de mécanismes qu'on peut déployer pour leur donner une certaine protection en corollaire avec l'article de loi et pour permettre à ces gens-là, là, de ne pas être oubliés?

Mme Cox (Rachel) : D'accord. Je commence à être inquiète. Est-ce que ça veut dire que je vais devenir députée aussi, moi, vu mon implication au Service aux collectivités?

Sur la question du télétravail, oui, il faut adapter l'obligation de l'employeur au contexte, et c'est la même chose pour toutes les obligations de l'employeur, que ce soit la chaise ergonomique ou la violence conjugale. Le principe, c'est que, là où l'employeur est en mesure de contrôler le risque, il doit le faire et dans la mesure où il peut le faire. Donc, en télétravail, c'est se fier que, oui, la politique contre la violence conjugale, s'il y en a une, continue de s'appliquer, diffuser régulièrement; en cas de signalement, évaluer le risque, aussi, parce qu'un jour on va se déconfiner; établir qu'une personne qui vit une situation difficile à la maison peut avoir... peut bénéficier d'un retour prioritaire sur les lieux de travail; aménager ou réduire ses heures de travail, lui permettre de consulter des ressources sur le temps de travail. Souvent, en contexte de confinement, c'est la consultation de quiconque à l'extérieur de la maison qui devient compliquée.

Donc, une obligation d'autant plus importante, vu l'augmentation des cas de violence conjugale et de la sévérité, l'exposition des enfants à cette violence, une obligation pour l'employeur, un rôle à jouer qui est toujours de sentinelle, de référence et de soutien. Voilà.

M. Roy (Bonaventure) : Merci beaucoup. Bravo pour votre travail. C'est un enjeu extrêmement important.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Oui. Merci, Mme Cox, pour votre précieuse collaboration à la commission.

Alors, écoutez, la commission ajourne ses travaux jusqu'au mercredi 20 janvier 2021, à 9 h 30, où nous poursuivrons notre mandat. Merci et bonne fin de journée à tous et à toutes.

(Fin de la séance à 18 h 03)

Document(s) associé(s) à la séance