(Dix
heures cinq minutes)
La Présidente (Mme IsaBelle) : Bonjour. Alors, bonjour, tout le monde. À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la
séance de la Commission de l'économie et du travail ouverte. Je vous souhaite
la bienvenue. Et je demande à toutes les
personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils
électroniques.
La
commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 51, Loi
visant principalement à améliorer la flexibilité du régime d'assurance
parentale afin de favoriser la conciliation famille-travail.
Mme la secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
La Secrétaire :
Oui, Mme la Présidente. Mme Richard (Duplessis) est remplacée par
Mme Hivon (Joliette).
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Mme la secrétaire, y a-t-il des droits de vote
par procuration?
La
Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. M. Bélanger (Orford)
dispose d'un droit de vote par procuration au nom de Mme Jeannotte (Labelle), ainsi que
M. Derraji (Nelligan), qui dispose également d'un droit de vote par
procuration au nom de M. Leitão (Robert-Baldwin).
Auditions (suite)
La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, ce matin, nous entendrons les
groupes suivants par visioconférence : la Centrale des syndicats du Québec ainsi que le conseil d'intervention
pour l'accès des familles au travail, conjointement avec la Coalition
pour la conciliation famille-travail-études.
Nous souhaitons maintenant la bienvenue,
effectivement, à la Centrale des syndicats du Québec, avec Mme Éthier
et Mme Michaud. Je vous rappelle que
vous disposez de 10 minutes pour
votre exposé. Mais, avant de commencer, je vous inviterais à vous
présenter. Alors, à vous la parole.
Centrale des syndicats du
Québec (CSQ)
Mme Éthier (Sonia) : Bonjour, Mme
la Présidente, M. le ministre et tous les membres de la commission. Bien, c'est un plaisir, enfin, pour nous, de présenter
notre mémoire concernant les modifications apportées au Régime québécois d'assurance
parentale. Et aujourd'hui je suis accompagnée de Mme Mélanie Michaud, conseillère à la
sécurité sociale à la CSQ, et les
spécialistes de la question du RQAP et des droits parentaux à la centrale, et
puis on va répondre ensemble aux questions. Et, comme vous le savez, je
suis Sonia Éthier, la présidente de la Centrale des syndicats du Québec.
Un
petit rappel, on représente 200 000 membres,
dont 75 % sont des femmes et 30 % des jeunes de moins de 35 ans,
donc un intérêt marqué pour toute la
question du RQAP. Et depuis toujours on accompagne nos membres pour faire
valoir leurs droits en matière de
droits parentaux, et on connaît de façon assez pointue leurs besoins, et on
pense que le projet de loi n° 51... (panne de son) ...vous le savez, que le RQAP, ça a été mis en
place après une longue lutte menée par les organisations syndicales, les groupes de femmes et les
partenaires sociaux. Et on se rappelle, vous l'avez dit, Mme la Présidente, le
but du RQAP, c'est vraiment de
soutenir financièrement les nouveaux parents et de concentrer plus de temps
dans les premiers mois de la naissance des enfants.
Donc,
15 ans après l'entrée en vigueur du régime, je pense que ça a été un bon
mouvement du gouvernement de faire le
bilan et de prendre les bonnes décisions pour améliorer le régime. Mais il faut
quand même reconnaître que ce régime actuel
a quand même rempli ses promesses : pas de délai de carence, un taux de
remplacement du revenu quand même appréciable.
Et un revenu annuel de 2 000 $ suffit pour obtenir des prestations,
c'est quand même important et c'est de beaucoup supérieur au régime
d'assurance-emploi, même avec ses améliorations.
Et
on le sait, on l'a vu dans le mémoire présenté au Conseil des ministres par le
ministre du Travail, le taux de participation en 2014 a atteint
87 %. Puis, si on s'attarde à la proportion des prestataires qui ont
utilisé l'ensemble des prestations, c'est
quand même de 81 %, et ça démontre l'importance et la nécessité des congés
parentaux au Québec.
Puis
on va se le dire, le Québec a fait beaucoup de chemin depuis quelques années,
en quelques années, mais il en reste
beaucoup à faire pour déconstruire
les mythes, changer la culture puis favoriser la présence des parents auprès de
leur enfant.
• (10 h 10) •
Mais on le sait,
qu'il y a quand même certains groupes qui ont utilisé le prétexte de la
pandémie pour freiner les améliorations au
régime, et c'est un discours qu'on entend quand même depuis un bout. Mais ça,
ça ne veut pas dire qu'on n'est pas sensibles à la
situation économique de certaines entreprises, mais on invite quand même le ministre
du Travail à aller de l'avant maintenant pour remplir les objectifs du projet de
loi, c'est d'améliorer la flexibilité du régime et la conciliation
famille-travail. Donc, la CSQ salue vraiment l'arrivée du projet de loi.
Et on constate qu'on
a mis de l'avant des bonifications pour les prestations parentales d'adoption
en fonction des situations particulières
vécues par les familles. Mais, comme vous le savez, on aura des remarques et
des bonifications à apporter sur certains aspects.
Et on a produit un
mémoire, puis, à cet effet, j'ai une information quand même importante à vous
indiquer. Notre mémoire a été élaboré en
fonction du projet de loi qui avait été déposé en novembre 2019, puis c'est
pourquoi, bien, on était inquiets de
la création des sous-catégories de prestataires. Mais les amendements
qui ont été apportés en mars ont réglé cette question-là.
Donc, si on va sur le fond, vous avez pris
connaissance du mémoire, on est vraiment d'accord avec l'adoption des articles 5 et 15 du projet
de loi, qui est d'ajouter cinq
semaines supplémentaires lors de la naissance et de l'adoption multiples, à l'image de plusieurs
autres pays, et ça, ça répond à un besoin.
Ensuite,
concernant l'article 6, qui prévoit, dans le projet de loi n° 51 amendé, là, les cinq semaines pour chacun
des parents, 32 semaines partageables
et 13 semaines pour l'accueil et le soutien, bien, on salue cette modification parce que, là, vraiment, ça porte le congé à 55 semaines par
rapport au projet de loi initial, ce qui est très bien, et ça confirme l'importance d'ajouter du temps aux nouveaux
parents et d'assurer une présence constante auprès de l'enfant adopté.
Donc, la reconnaissance, là, de la nécessité de semaines réservées pour
chacun des parents, c'est essentiel.
Mais,
pour nous, il y a une modification qui nous apparaît importante à la... que vous
retrouvez à la recommandation 2 de notre mémoire, qui est à l'effet
d'octroyer 10 semaines de prestations exclusives à chacun des parents adoptifs.
Donc, en ce qui
concerne l'incitatif au partage des prestations, nous avons des réserves
là-dessus parce que, on va se le dire, là,
cette contrainte oblige la mère à renoncer à 10 semaines de prestations
pour que le couple obtienne quatre semaines supplémentaires puis, on va
se le dire, quatre semaines à 55 %.
Et, vous le savez, il y a plusieurs éléments qui
influencent la répartition des semaines de prestations parentales, comme
par exemple le salaire, l'allaitement, et je pense qu'on va un peu trop loin,
là, dans la décision du couple sur ce
sujet-là. Et, bien, comme on le prétend, c'est que c'est plus important
d'ajouter cinq semaines de paternité, parce qu'on sait, présentement, on
l'a vu dans les données du ministère, que les congés de paternité sont utilisés
à 80 %, alors que les prestations partageables le sont à 35 %.
Donc,
pour nous, si on bonifie à 10 semaines le congé de paternité, ça répond
davantage à l'objectif qu'on veut se
donner, initial, là, du RQAP, qui est la présence auprès de l'enfant. Donc,
notre recommandation 3 va dans ce sens-là, puis je pense que vous avez pu constater que ça porte à
60 semaines. Le projet de loi prévoit 59, on n'est quand même pas
très loin.
Ensuite, pour la prolongation de la période de
prestations, actuellement, vous le savez, là, les prestations de maternité
doivent être prises dans les
18 semaines de l'accouchement. Donc, les propositions 3 et 26 portent
à 20 semaines, mais, pour la CSQ, il faudrait étirer ça jusqu'à
25 semaines, comme le projet de loi n° 174 l'avait prévu.
Donc,
ça arrive qu'il y a des personnes salariées qui reçoivent un montant,
par exemple, pour leurs vacances ou d'autres avantages monétaires, et les prestations
peuvent être suspendues, mais l'espace n'est pas suffisant, et ça entraîne
des pertes monétaires, puis ce n'est pas ça qu'on veut avec le régime. Donc,
c'est l'objet de notre recommandation 4.
En ce qui concerne l'allongement de la période de prestations, là, de 52 à
78 semaines, bien, on est d'accord avec le
fait que ça amène plus de flexibilité, mais on a une petite crainte, par contre,
que la prestataire subisse une certaine pression, là, pour revenir au travail, notamment
dans les périodes de pointe. Alors, pour nous, il faut se concentrer... il faut
garder le focus sur les besoins des
parents. Et, en ce sens-là, on bifferait, dans l'article 29,
«si l'employeur y consent», parce que, comme je le disais, il faut que
cet article-là soit vraiment au bénéfice des parents.
Pour
l'adoption hors Québec, le fait de pouvoir débuter les prestations cinq
semaines avant, bien, je pense que c'est
un bon mouvement et c'est ce que vous retrouvez à la recommandation 6. Pour l'augmentation des exemptions, bien, ça, c'est vraiment une bonne chose parce que ça pourra garantir le
même niveau de revenus, et les gens vont pouvoir faire un retour progressif. Puis je pourrais vous donner
un exemple : il reste 10 semaines à 55 %, et à ce moment-là je pourrais revenir au
travail deux jours-semaine et avoir... ne pas être pénalisée. Donc, c'est important,
puis, on le sait, ça pourrait répondre aux besoins de l'employeur et ça
permet un retour tout en douceur. Donc, on a aussi...
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Mme Éthier...
Mme Éthier
(Sonia) : Oui?
La Présidente
(Mme IsaBelle) : ...il ne vous reste que 20 secondes. En
conclusion.
Mme Éthier (Sonia) : D'accord. Bien, écoutez, je pense que vous avez vu, on a d'autres recommandations, mais on s'est concentrés
sur l'essentiel. Et, bien, on est prêtes à écouter vos questions
puis échanger avec vous, et je vous remercie beaucoup pour votre écoute.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Merci. Merci, Mme Éthier.
Alors, nous allons maintenant commencer la période d'échange avec M. le ministre. Vous disposez de 16 minutes.
M. Boulet : Alors, de nouveau, bonjour, Sonia puis
Mme Michaud, content de vous avoir entendues. Félicitations, Sonia, pour la qualité de la
présentation ainsi que du mémoire, avec ses recommandations! Et on se
connaît, et, encore une fois, je réalise votre profonde sensibilité pour ce
régime-là. Il est effectivement apprécié et il joue un rôle fondamental dans le soutien financer des parents qui
accueillent un nouvel enfant, et les preuves sont faites. Puis je pense que ça
fait aussi partie de notre fierté, parce que ce régime-là fait partie de
notre filet social, au Québec.
Aussi heureux
de constater, Sonia, tenant compte de la représentativité de la CSQ, notamment auprès des femmes et des jeunes, et ce qui inclut aussi les jeunes
papas, que vous appuyez, bien sûr, les objectifs et ce qui est visé par les
bonifications de la Loi sur
l'assurance parentale, malgré le contexte pandémique, qui, par ailleurs,
exacerbe, hein, des problématiques, puis
ça répond à des besoins qui sont parfois beaucoup plus importants, tenant
compte de la situation pandémique actuelle.
Quelques
questions, Sonia, puis c'est juste dans une perspective d'éclairer certaines de
vos recommandations, puis peut-être
que parfois je n'ai pas bien compris, puis, Sonia, tu ou vous pourrez préciser.
Mais, bon, on comprend bien que les amendements, en ce qui concerne les
parents adoptants... Il y a création de 5-5, donc des prestations exclusives aux parents
a et b, il y a le 32 semaines partageable et il y a le 13 semaines de
prestation d'accueil et de soutien, ce qui nous mène à 55, ce qui fait
l'égalité parfaite, là, qu'on soit au régime de base ou au régime particulier.
Mais j'ai
entendu, après ça, que vous mentionniez qu'il pourrait y avoir 10 semaines
de prestations exclusives pour les
parents adoptants. Est-ce que j'ai bien compris? 10 semaines à chacun des
parents adoptants? Sonia, ce bout-là, je ne suis pas certain de bien
l'avoir compris.
Mme Michaud
(Mélanie) : Oui. En fait,
c'est pour ça qu'on a laissé dans notre mémoire notre section sur les congés
d'adoption, parce que, pour nous, ce qui est
important, c'est que les nouveaux parents, peu importe qu'ils soient adoptants
ou un parent biologique, aient accès à
10 semaines exclusives, donc 10 semaines où lui seul peut prendre...
lui ou elle-même peuvent prendre, là,
des prestations. Donc, c'est pour ça qu'on l'a laissé, parce que ça va en lien
avec notre demande au niveau du congé
de paternité. Lui aussi, on veut qu'il soit augmenté à 10 semaines pour
que chaque parent au Québec, peu importe le type de parent, ait accès à 10 semaines exclusives. Il n'est pas
obligé de les prendre au complet, mais il a quand même accès à ces 10 semaines là.
• (10 h 20) •
M. Boulet : O.K. Mais ce qui
est important, Léanie, c'est qu'il y ait l'égalité entre les parents adoptants
puis les parents biologiques, ce qu'on atteint avec les amendements qui ont été
inclus dans le projet de loi n° 51?
Mme Éthier
(Sonia) : Tout à fait, c'est un... Comme je le disais, c'est vraiment très bien, là, l'amendement
qui a été apporté qui fait en sorte
qu'on se retrouve avec le même nombre de semaines, que ce soit pour les parents
adoptants ou biologiques.
M. Boulet : Deuxième questionnement que j'ai, Sonia, c'est
sur le quatre semaines additionnel que les parents pourraient obtenir dans la mesure où ils partagent
chacun au moins 10 semaines de prestations partageables. On comprend
que l'objectif, c'est d'inciter les
pères à s'investir un peu plus dans la sphère familiale. Souvent, les pères...
puis vous avez fait état des statistiques qui étaient dans le mémoire
que j'ai présenté au Conseil des ministres, les pères, ils prennent leurs cinq semaines maintenant, mais ils partagent
peu. Ça augmente, mais c'est encore un pourcentage qui est trop bas. Et on me dit souvent que, quand ils partagent, ils
le font seuls... ils le font avec la conjointe, pas nécessairement seuls. Donc, les membres du
conseil, quand ils ont analysé, puis c'est des personnes qui représentent
plusieurs segments de la société québécoise,
les jeunes entrepreneurs, les travailleurs autonomes, les travailleuses aussi,
ont dit : Il faut trouver une façon d'encourager les pères, et
c'est par la voie de la discussion qu'on va le faire, par la voie du dialogue.
J'entends
puis je lis dans votre mémoire que... puis je t'entendais, Sonia, tu
disais : C'est comme si la mère renonçait à 10 semaines pour en obtenir quatre. Moi, j'ai l'impression que ça...
c'est un type de raisonnement... puis, Sonia, je respecte, là, cet énoncé-là, mais ça peut contribuer à
cristalliser davantage la perception que les prestations parentales
partageables appartiennent prioritairement à la mère. Puis les études le démontrent, que les pères qui sont
désireux, qui souhaitent utiliser des
prestations parentales partageables ont généralement l'impression
qu'ils en privent la mère. Donc, ils ne veulent pas y aller, puis ça, c'est... Bien, en tout cas, les études que j'ai consultées puis la littérature que j'ai eu le
privilège de lire aboutissent toutes
à cette conclusion-là, il y a beaucoup de jeunes pères qui se disent : Si j'en
prends, elle va en perdre. Mais ce n'est pas ça qu'on veut, c'est qu'ils
s'investissent tous les deux.
Puis,
excusez-moi, Sonia, de redire encore que, quand je suis allé la présentation
sommaire du p.l. n° 51 à Trois-Rivières
dans un CPE, il n'y pas une ou deux mères,
mais probablement quatre ou cinq jeunes mères, puis il y en a qui étaient avec
des enfants, qui étaient tellement heureuses
de cet incitatif-là, me témoignant toutes de l'importance que les jeunes pères,
les jeunes papas soient là, présents et
qu'ils passent du temps de qualité puis du temps seul aussi avec l'enfant. Ça
fait qu'elles voyaient ça comme une avancée considérable, là, dans notre
RQAP.
Ça fait que
peut-être que je n'ai pas bien compris, mais je ne veux certainement pas que ce
soit perçu comme étant : On
enlève à la mère. Non, au contraire, les deux dialoguent, les deux conviennent.
Si on en prend chacun minimalement 10, on
a un incitatif, on en a un, quatre semaines, qui peut bénéficier à la mère
comme au père ou aux deux, dépendamment de la décision qui sera prise
par les parents a et b.
Ça fait que
ça, c'était un commentaire. Mais j'aimerais, Sonia ou Léanie, là, vous entendre
là-dessus, sur cet élément-là.
Mme Éthier (Sonia) : Bien, c'est tout l'aspect du conditionnel. Je comprends l'objectif, là, l'objectif étant de faire
en sorte que le père, le deuxième parent, là, soit présent auprès de l'enfant,
on le comprend. Maintenant, tout le caractère conditionnel de prendre chacun 10 semaines, peut-être
que, si on exigeait... puis je pense qu'il y
a d'autres intervenants qui vous l'ont soumis à la
réflexion, que ça pourrait être un nombre de semaines qui serait moindre pour
obtenir le quatre semaines supplémentaire, ça serait peut-être quelque
chose d'envisageable.
Puis, pour nous, il y a d'autres... Tu sais,
quand on disait qu'on rencontre... Vous avez rencontré des intervenantes, M. le ministre, puis je vous crois, là, quand elles ont dit que c'était,
pour elles, très important, puis que ça va faire en sorte que le père va être plus présent, puis ça va
permettre à la mère de retourner travailler. Ça, ce n'est pas... on ne le
conteste pas. Mais c'est vraiment... il y a des considérations dans les
familles, par exemple le salaire. Puis, on ne se le cachera pas, souvent, c'est
le père, hein, qui a un revenu qui est plus élevé, ça arrive dans beaucoup de
familles. Ça, ça peut être une considération
où ils ne partageront pas 10 semaines parce que, monétairement, ils ne
pourront pas y arriver ou ça va être plus
difficile. Puis il y a toute la question aussi de l'allaitement, qui peut être
un facteur qui empêche le père de prendre 10 semaines puis la
mère... tu sais, qu'ils partagent les 10 semaines.
Ça fait que, pour nous, là, c'est un... je dirais,
c'est une réserve qu'on met sur cette question-là. On comprend très bien,
là, l'objectif que vous apportez, en
disant : Si vous partagez 10 semaines chacun, il y aura quatre
semaines supplémentaires. Mais on a
des réserves d'abord sur le nombre de semaines, qui est quand même très
important, puis deuxièmement sur les
considérations dans chacune des familles. Tu sais, on en discutait puis on
trouvait que ça... Autrement dit, on entre dans la maisonnée, là, on va un petit peu faire de la pression sur les
parents, le couple, pour... Donc, c'était ça, notre réserve, là.
M. Boulet : Je comprends, Sonia. On s'entend véritablement
bien sur l'objectif. Quant aux moyens, il y a différents scénarios, bien sûr, qu'on a analysés, hein? Il y
en a qui peuvent argumenter que ça aurait pu être plus que 10 semaines
et plus de semaines nouvelles partageables,
d'autres disent moins, comme tu le soulignes, Sonia. On va faire, bien sûr,
avec les partis d'opposition, un examen article par article du projet
de loi. Moi, je n'ai pas de fermeture
à ça. Mais je pense que cet article-là
nous permet de faire une avancée extraordinaire pour inciter les pères à s'investir un peu plus.
Et il y a un volet, aussi, pédagogique là-dedans,
parce que ça permet aussi de dire au jeune père ou au
papa : Si tu t'investis un peu plus dans le partageable, bien, tu
vas profiter... tu vas bénéficier d'un incitatif.
Puis
c'est dans le même état d'esprit, Sonia, quand vous dites... bien là, tu
mentionnes : Ça peut être un peu moins que 10-10 pour accéder au quatre. De donner un autre cinq semaines de
paternité, moi, je pense que ça cristallise encore la perception, comme
je mentionnais un peu plus tôt, que les pères, ils vont tout le prendre. Si tu
montais le congé de paternité à six, sept,
ils vont prendre leur congé, mais ça n'aura pas nécessairement la même valeur
incitative de partager avec la maman.
Ça fait que moi, je le perçois de la même manière puis je sais qu'un parti
d'opposition... puis il y en a qui
vont argumenter : Augmentons le congé de paternité. Mais il faut juste
être prudent. À quelque part, il faut trouver un équilibre puis il faut
tracer la voie.
Et j'aimerais ça, maintenant, Sonia, que tu me
parles un peu plus... Bon, on augmente les périodes d'étalement de 18 à 20 semaines pour le congé de
maternité, de 52 à 78 semaines, évidemment, dans le projet
de loi n° 51,
pour les prestations parentales
d'adoption. D'abord, le 20, vous recommandez que ça passe à
25 semaines. Est-ce qu'il y a un
exemple qui... Parce que, de 18 à
25 semaines, en termes de pourcentage, en termes de temps, c'est quand
même un pas que je considère extrêmement
important. Ça serait quoi, l'exemple classique que tu pourrais utiliser pour me
démontrer que 18 à 20, ce n'est pas suffisant?
Mme Éthier
(Sonia) : C'est bon. Mélanie va avoir un exemple à vous donner.
Mme Michaud
(Mélanie) : Parfait. Donc, juste pour revenir à la base, en fait, le
RQAP offre des prestations...
M'entendez-vous bien?
Parce que j'ai vraiment un retour.
M. Boulet :
...
Mme Éthier
(Sonia) : Ils t'entendent bien.
• (10 h 30) •
Mme Michaud
(Mélanie) : O.K. Donc, une période de prestations auprès du RQAP qui
fait en sorte vous avez droit à
18 semaines quand vous prenez le régime de base, ça, c'est des indemnités.
Il y a toute la conception du congé, qui
est le contenant dans lequel on va mettre les prestations. Ce qu'on sait, qui
n'est pas très publicisé, c'est qu'en fait on peut suspendre les
prestations de maternité pour recevoir un revenu. Et l'exemple qu'on a souvent,
c'est des personnes qui ont des
montants qui sont payés... entre
autres nos enseignants qui ont des
congés de maladie qui sont payés le 30 juin ou des personnes qui doivent recevoir une paie de vacances à un moment
fixe au moment de l'année, qu'on ne veut pas qu'elles soient pénalisées pour qu'elles subissent l'exemption qui est
d'un dollar pour un dollar. Donc, en prolongeant cette période-là, ça permet à une mère de suspendre ses prestations de
maternité, de recevoir ce revenu-là, qui peut être étalé sur deux, trois, quatre semaines, et ne pas perdre
ses prestations de RQAP par la suite, comme c'est le cas actuellement.
Donc,
actuellement, avec le 18 semaines, bien, si on débute le
congé à la naissance de l'enfant, on va déborder, si on doit suspendre des prestations. Donc, en l'amenant
à 25, ce n'est pas tout le monde qui va utiliser cette fenêtre d'opportunité
là, mais on s'assure que, si une personne a
un versement de quatre semaines de vacances, par exemple, elle pourra
suspendre ses prestations et les
reporter dans le temps. Donc, c'est vraiment pour nous donner une marge de manoeuvre pour certaines des femmes qui ont des prestations de maternité.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Je vais souligner qu'il reste une minute à
l'échange.
M. Boulet : Une minute? Mon Dieu! Deux commentaires. 52 à 78 semaines — c'est Mélanie, hein, pas Léonie,
hein? —
mais, Sonia, si l'employeur y consent, bien sûr, il faut qu'il y ait une forme
de consentement. Il faut éviter les espèces
de fragmentations uniquement en tenant compte de la... bien sûr,
la volonté, mais il faut qu'il y ait une forme de contrôle. Puis je ne veux pas que ce soit vu comme une
pression pour revenir travailler dans les périodes de pointe, comme tu mentionnais,
Sonia, c'est plus pour permettre à la personne un bénéfice additionnel. Au lieu
d'être encarcanée, entre guillemets,
dans une période de 52 semaines, elle peut bénéficier d'un étalement qui
est supérieur, qui peut aller jusqu'à 78 semaines pour répondre à
des besoins de son travail aussi.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Merci, M. le ministre.
M. Boulet : Merci pour les commentaires sur l'augmentation de l'exemption. Merci
beaucoup, Sonia, Mélanie, et
bonne chance à la CSQ.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci,
M. le ministre. Alors, nous
continuons l'échange avec le porte-parole de l'opposition officielle, le député de Nelligan.
M. Derraji : Merci,
Mme la Présidente. Bonjour. Merci
pour votre rapport, merci pour la présentation. C'est très
riche en information, donc, je vous salue pour la qualité de votre mémoire.
Ma première question — ça va être vraiment une série de questions, plus — c'est par
rapport à assurer l'implication
des pères au sein de la cellule familiale.
J'ai vu votre recommandation que... J'ai entendu votre réponse à M. le ministre, tout à l'heure, que, pour vous, renoncer à 10 semaines pour avoir un quatre
semaines de bonus, ce n'est pas la solution idéale. Avant de me répondre par
rapport à cette question,
j'aimerais bien vous poser une question directe : Comment, vous, de votre
côté, vous voyez l'implication des pères au sein de la cellule familiale?
Mme Éthier (Sonia) : Bien, écoutez, bien, je pense que l'implication des pères... puis c'est... pour
moi-même avoir... être une mère, qui
a eu des enfants, et dont ma fille a des enfants, je sais très bien que
l'implication du père... puis on le sait, là, la recherche... puis on n'a même pas besoin de la recherche, là, au
fond, pour savoir que c'est primordial, l'implication des pères auprès des enfants, et ça... tout à fait
pour le... et on dit «le père», mais on devrait dire «les deux parents», et
c'est très, très important pour le développement de l'enfant. Ça, on
s'entend là-dessus, là.
Et
je pense que le RQAP, dans sa forme actuelle... mais, dans le désir et le fondement
du projet de loi actuel, c'est de
faire en sorte que le deuxième parent s'implique davantage pour le bien de la
famille et de l'enfant. Alors, pour nous, là, ça, c'est... Tu sais, on est dans le monde de l'éducation. On sait
jusqu'à quel point... Moi-même, qui a été une enseignante et qui a vu parfois des enfants souffrir, entre
guillemets, là, de l'absence d'un des deux parents, je pense que c'est la base,
hein?
Mais maintenant c'est des réserves qu'on met par
rapport à la... cette contrainte, qui est quand même exigeante, là, de partager 10 semaines chacun pour obtenir quatre
semaines supplémentaires, parce que, comme je l'expliquais tout à l'heure,
il y a des choses qui se... On veut
favoriser la discussion dans la maisonnée, ce qui se fait déjà, mais il y a des
considérations, par exemple, du
conjoint qui... si son salaire est plus élevé, bien, c'est certain qu'il va
avoir tendance à retourner au travail plus
rapidement, donc. Et c'est sûr qu'on a une petite sensibilité pour le fait que
le... cette obligation de partager, c'est-à-dire de prendre 10 semaines chacun, que la mère en perde 10, là, tu sais,
c'est... je ne vous le cache pas, là, c'est un peu... ça nous titille un
peu, là.
Mais,
comme je le disais à M. le ministre,
ça pourrait être moins... une exigence moindre que 10 semaines, et puis
que les familles puissent bénéficier d'un
quatre semaines supplémentaire, peut-être que ça atteindra l'objectif. Nous autres, on se dit que les congés de paternité, actuellement, sont utilisés davantage, on l'a vu dans le mémoire que M. le ministre a présenté, donc on pense que cette voie-là serait plus
gagnante.
M. Derraji :
Au fait, vous avez répondu à ma question. Donc, on s'entend sur le principe de
l'implication. Vous êtes convaincues sur ce principe-là.
Maintenant,
on va parler des moyens, parce que ça m'intéresse vraiment d'aller au fond de
votre pensée, parce qu'il me semble
que vous avez, si j'ose dire, un début de réponse pour nous sortir de cette
impasse que vous voyez qu'il y a 10 semaines partageables et qu'il
y a quelqu'un qui va perdre pour avoir quatre semaines.
Bon, ma prochaine
question, c'est que, pour vous, le moyen ou les moyens... le moyen qu'on a sur
la table aujourd'hui, il n'y a pas, si j'ose dire, une équité. Vous
voulez éviter qu'il n'y ait pas d'équité et qu'au bout de la ligne, la
personne qui a le plus gros salaire, elle sera plus tentée à revenir au
travail. Vous avez émis une hypothèse que probablement
c'est la mère qui va perdre pour... qui va renoncer à une partie de son congé
partageable pour, au bout de la
ligne, gagner quatre semaines. La question... Vous, c'est les 10 semaines
qui vous empêchent de dire : Je suis d'accord avec cette décision.
Si ce n'est pas 10 semaines, c'est quoi, votre proposition?
Mme Éthier
(Sonia) : Bien, je pense qu'il y a peut-être deux réponses,
deux voies.
M. Derraji :
...les deux. Allez-y avec les deux. Si vous avez une troisième, ajoutez-là.
Mme Éthier (Sonia) : Bien, je pense que la... il y a une chose que je
disais à M. le ministre tout à l'heure, si c'était moins que 10 semaines chacun et qu'on puisse
avoir le quatre semaines supplémentaires, il me semble que ça permettrait
probablement aux familles d'utiliser le
quatre semaines supplémentaires pour les considérations qu'on disait tout à
l'heure puis que... vous venez de le
mentionner, la question du salaire, qui gagne le plus, là, et la question
aussi... l'allaitement et, bon, et toutes sortes de considérations qui
appartiennent à la famille et au couple. Donc, ça pourrait être ça, moins de
10 semaines.
Puis
nous autres, on pense — puis peut-être
qu'on se trompe, là, on met cette piste-là au jeu parce les statistiques
le confirment — que les pères utilisent à 80 % le congé de paternité et utilisent à
35 % les prestations partageables. Alors, ça, pour nous, statistiquement parlant, présentement,
c'est moins parlant, des prestations partageables. Et, pour favoriser la
présence du deuxième parent, du père plus... et puis probablement
qu'après ça on verrait tout ça entrer dans la culture, hein, des familles,
mais...
M. Derraji :
Donc, si j'ai bien compris, si j'ai bien compris entre les lignes, et je vous
laisse parler avec... nous partager
la deuxième proposition, c'est que vous voulez que nous, on aille un peu graduellement
avant d'aller dire : Écoutez, on
renonce à 10 et on vous donne quatre semaines de bonus. Vous voulez que cette
culture s'installe dans le temps et avoir un objectif de partager 10 semaines pour gagner quatre au lieu d'aller
dès maintenant. Donc, est-ce que vous voulez qu'on ramène ça graduellement, voir un peu les effets
sur les familles? Et est-ce que, statistiquement, ça va être quelque chose qui
sera utilisé idéalement par les pères, et on
va voir réellement l'investissement des pères au sein de la cellule familiale?
Est-ce que j'ai bien résumé votre proposition?
• (10 h 40) •
Mme Éthier (Sonia) :
Je pense que c'est... ça serait une voie qui serait porteuse.
M. Derraji :
Donc, si, pour vous, ça serait une voie porteuse, est-ce qu'on peut dire
que — je
réfléchis avec vous à haute
voix — au lieu
de partager... d'avoir quatre semaines de bonus, deux semaines de bonus, mais
on ne touche pas au partageable?
Est-ce que ça serait, pour vous, une bonne solution ou un début de compromis,
par exemple? Je m'aventure avec vous parce que je veux aller vraiment
chercher le fond de votre pensée.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Il reste deux minutes à l'échange.
Mme Michaud (Mélanie) : En
fait, ce qu'il faut comprendre de notre mémoire...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
J'en profite, là... Oui.
Mme Michaud
(Mélanie) : ...c'est qu'on privilégie cinq semaines de plus pour le
père. Ça, c'est notre... c'est là-dessus qu'on se base. Ça fait qu'on
considère...
Ce n'est pas bon, hein? Attends. La télé comme
ça, est-ce que vous m'entendez?
Des voix : ...
M. Derraji : Non, non, pas ici.
C'est chez eux, je pense, chez eux. Il y a deux micros ouverts.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Oui, oui. C'est ça, c'est là-bas.
Mme Michaud (Mélanie) :
M'entendez-vous, comme ça?
M. Derraji : Et je n'entends
pas. Même la première fois, je n'ai rien entendu.
Une voix : ...
M. Derraji : Oui.
Une voix : On a un problème
de son.
M. Derraji :
Il faut fermer un des deux micros, parce que... il me semble que vous êtes dans
la même salle, il me semble, hein?
Mme Michaud (Mélanie) : O.K.
Là, est-ce que vous m'entendez?
M. Derraji : Ah oui, ça, c'est
bon.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Parfait. Bon, merci.
M. Derraji : Oui, c'est bon.
Parfait. Bon...
Mme Michaud
(Mélanie) : Je suis vraiment désolée. Je vais essayer de me rattraper.
Donc, en fait, ce qu'il faut comprendre,
c'est que, nous, la voie qu'on privilégie, c'est le cinq semaines de paternité
de plus pour différentes raisons. Comme
Mme Éthier l'a dit, oui, il y a l'allaitement, il y a le salaire, il y a
également, aussi, la culture au niveau des entreprises, où les entreprises vont dire : O.K., on a
cinq semaines pour le père, après ça il revient travailler. Ça, c'est dur
aussi, de combattre ce tabou-là,
parce qu'il n'y a pas beaucoup d'entreprises... Il y a certaines entreprises
qui vont dire : Ah! bien, prends ton cinq semaines, reviens, alors
que, nous, ce qu'on veut privilégier, c'est la place du père auprès de
l'enfant.
Actuellement, la Loi
sur les normes du travail permet au
père aussi de prendre 52 semaines de congé sans solde après son cinq semaines, mais très peu vont
l'utiliser, entre autres à cause de cette pression-là. Et la voie qu'on
privilégie, c'est
de dire : Bien, augmentons le congé de paternité à 10 semaines pour
permettre au deuxième parent, à l'autre parent, à tous les parents
d'avoir au moins un certain nombre de semaines. Donc, il faut tenir compte de
ça aussi.
Là, vous nous dites : Si on
enlève le conditionnel de 10 semaines, avez-vous une ouverture? C'est sûr que,
tout cet élément-là, on veut le
regarder aussi. On trouve que c'est une belle piste de solution, ce n'est pas
celle qu'on privilégie, mais on
trouve que le 10 semaines, la condition du 10 semaines est très, très, très restrictive. Et c'est ça qui vient un peu nous irriter dans le projet de loi. Si on mettait
moins de semaines... Je sais qu'il y
a d'autres groupes qui ont déjà
proposé, dès qu'il y a partage, on ajoute quatre semaines,
automatiquement... pourrait être une solution envisageable. Je n'irai pas le
quantifier, mais actuellement, le 10 semaines, on trouve que c'est très restrictif.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Merci. 10 secondes.
M. Derraji :
Même avec le...
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Oui, je vous les ajoute, là.
M. Derraji : J'aurais aimé vous entendre sur les projets pilotes, si vous avez une idée. Le projet
de loi l'ajoute, donc, je ne
sais pas si vous avez, brièvement, une idée de projet pilote. Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Mais c'est tout le temps qu'on dispose. Bonne question,
mais tout le temps... on n'a plus le temps. Alors, merci, M. le député
de Nelligan.
Nous allons maintenant
avec le deuxième groupe d'opposition, avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve.
Vous avez 2 min 40 s.
M. Leduc : Merci, Mme
la Présidente. Bonjour, tout le monde. Merci pour la présentation, très apprécié. Je suis content d'entendre vos arguments par rapport au congé partageable. C'est un des dossiers, là, un des aspects du projet de loi que je voulais qu'on
approfondisse. Je connais M. le ministre, c'est un homme... un négociateur, un
homme de compromis. Je suis certain qu'il a déjà une idée ou deux qu'il va nous
soumettre à l'étude détaillée.
Cela dit, vu qu'on est dans le coeur du sujet, on
a... Vous avez abordé une des raisons, là, qui pourraient expliquer que les femmes utilisent plus le congé parental,
le partageable, il y a l'allaitement, mais il y a
la question de l'écart de salaire. Ça fait que, là, tu sais... la question
aussi de la culture, que ce n'est pas tous les hommes qui sont à l'aise de le
prendre ou qui osent aller demander
un long congé à leurs patrons, ça, c'est quelque chose qui se change,
mais il y a objectivement
un problème aussi de différence de salaire dans la société québécoise, là. Je
pense que c'est encore quelque chose comme
87 % de moins de... bien, pas de moins, mais les femmes gagnent
0,87 $ par rapport au 1 $ gagné par l'homme. Est-ce que, ça aussi, ce n'est pas une donnée
objective qui pourrait expliquer, en partie, en tout cas, que les femmes
prennent plus le congé partageable?
Mme Éthier
(Sonia) : Veux-tu y aller?
Ou, non, je peux y aller. Bien, sans le quantifier exactement comme vous
le faites, bien, ça fait partie des
arguments que nous mettons de l'avant, une espèce de mise en garde pour dire
que c'est possible que la condition
ne fonctionne pas, parce qu'on le sait, que, majoritairement, les hommes ont un
salaire plus élevé. Et, quand on a
des enfants, bien, on est souvent... on vient de s'acheter une maison, on a...
et ça compte pour beaucoup.
Même si le régime, et
on le disait tout à l'heure, c'est appréciable, là, c'est un bon régime, il y a
des bonnes bonifications que le ministre met
de l'avant, mais c'est vraiment une réserve qu'on met, puis on craint que cette
mesure-là, qui veut forcer, qui veut
inciter les pères à être plus présents, ne fonctionne pas puis qu'un projet de
loi, bien, on... quand on va adopter
le projet de loi, ce n'est pas demain qu'on va le revoir, donc il faut être
bien sûr que la mesure, elle soit bonne.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Merci. Il reste 20 secondes.
M. Leduc : Merci. J'aurais... Je suis content que vous
souligniez ces arguments-là, je les partage entièrement. Puis j'aurais aimé ça vous entendre sur la question de
«l'employeur y consent», vous êtes une des organisations qui le soulève.
Peut-être, on en parlera une autre fois. Merci.
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, nous poursuivons avec le troisième groupe d'opposition,
avec la députée de Joliette. Vous disposez également de
2 min 40 s.
Mme Hivon : Oui, bonjour. Merci beaucoup de votre
présentation. Je sais que vous ne chômez pas par les temps qui courent,
donc on apprécie que vous puissiez être parmi nous aussi aujourd'hui.
Écoutez, moi, je voulais vous entendre sur votre
proposition pour les congés pour les parents adoptants, de mettre 10-10.
Donc, vous... Je comprends que vous arrivez
avec cette idée de cohérence pour le congé de paternité. Donc, vous
dites : Il faudrait faire passer
ça de cinq à 10, même chose pour la mère qui devrait minimalement en avoir 10.
Mais ces semaines-là, est-ce que vous les ajoutez à celles qui sont déjà
prévues dans le projet de loi, quand vous mettez, en gros, plus cinq, plus cinq
de prestations exclusives, ou vous les retirez du congé partageable?
Mme Éthier
(Sonia) : Mélanie va répondre.
Mme Michaud (Mélanie) : Bien, en fait, c'est que nous, on a laissé notre
proposition avant les amendements du
12 mars, donc, à l'effet... on mettait 10 semaines par parent, comme
c'était le cas dans le projet de loi pour les parents adoptant à l'international. Donc, on trouvait que
l'idée était bonne. On voulait qu'il y ait 10 semaines pour chacun des
parents. À l'époque, bien, les
semaines d'accueil et de soutien n'étaient pas encore dans l'air du temps, donc
on n'en a pas tenu compte. Donc, on
avait 10 semaines pour chaque parent pour un total de 20 semaines. À
cela on ajoutait 32 semaines pour arriver à un total de 52. C'est
ce qu'on présente dans le mémoire.
Il faut savoir qu'actuellement c'est 37 semaines
que les parents adoptants ont, donc on trouvait que c'était vraiment une bonification importante, mais c'était vraiment
mettre 10 semaines chacun puis ensuite des semaines partageables.
Mme Hivon : O.K. Parfait. Puis un tout autre sujet que vous
n'avez pas abordé, mais... Je me souviens que, dans les échanges, c'est une question
qu'on avait déjà entendu soulever par votre centrale, c'est la question
d'avoir de la flexibilité dans les premières années d'un enfant. Et donc une
suggestion que certains ont déjà faite, c'est l'idée
d'avoir des jours, que le congé ne
soit pas juste en semaines, mais que, par
exemple, il puisse y avoir jusqu'à
20 jours qui puissent, au choix des
parents, aucune obligation, mais être utilisables dans, par exemple, les quatre premières années de l'enfant ou les cinq premières,
tant qu'il ne rentre pas à l'école. Est-ce que c'est quelque chose que vous
envisagez?
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Il vous reste... secondes.
Mme Éthier (Sonia) : Bien, nous, ce qu'on se dit, c'est que, dans la
Loi des normes, il y a la question des 10 jours d'obligations familiales, mais
il n'y en a seulement que deux, jours rémunérés, payés. Alors, pour la question
des jours, on pourrait passer par cette voie-là. Pour le reste, je pense
que c'est préférable d'y aller en semaines.
Vous
savez, là, dans les centres éducatifs à la petite enfance, que ça soit en CPE
ou en milieu familial, ce n'est pas simple,
là, de garder sa place et... Vous comprenez ce que je veux dire, là? On ne peut
pas faire des «in-and-out» comme ça, là,
et nous, on... Et puis, pour le régime, pour l'application, je pense que c'est plus simple d'y aller en termes de semaines, mais utiliser
la Loi des normes pour les jours.
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Parfait. Alors, merci. Merci, Mme Éthier. Mme Michaud, on
s'excuse, on vous a... on a perdu le
visuel, mais on vous a très bien entendu. Alors, écoutez, je vous remercie,
Mmes Éthier et Michaud, pour votre contribution.
Alors, nous allons suspendre quelques instants, le
temps de donner la chance au deuxième groupe de s'installer. Merci
encore.
(Suspension de la séance à 10
h 50)
(Reprise à 10 h 56)
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Bonjour. Alors, nous accueillons maintenant le Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au
travail, avec Mme Brown, ainsi que la Coalition pour la conciliation
famille-travail-études, avec Mme Rose. Avant de commencer votre exposé de 20 minutes, je vais vous
demander, à chacune, de bien vous présenter, et ensuite vous pourrez
commencer votre exposé. Alors, nous allons y aller avec Mme Rose en
premier.
Nous n'entendons pas
Mme Rose. Est-ce que vous avez bien allumé votre micro?
Conseil d'intervention pour
l'accès des femmes au travail (CIAFT)
et Coalition pour la conciliation famille-travail-études
Mme Rose
(Ruth) : Bonjour. Je suis
professeure associée des sciences économiques à l'Université du Québec à Montréal, et c'est moi qui ai rédigé le mémoire.
Je travaille depuis très longtemps avec des groupes de femmes et le CIAFT
en particulier et j'ai siégé pendant 10 ans sur le Conseil de gestion de
l'assurance parentale.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, nous allons maintenant
demander à Mme Brown de se présenter, et ensuite vous commencerez votre exposé. Je ne sais pas si vous avez
pris une entente entre les deux, là, mais allez-y, Mme Brown.
Mme Brown
(Kimmyanne) : Bonjour. Je me
présente, Kimmyanne Brown. Je suis coordonnatrice en droit du travail et
au Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail, le CIAFT. Et le
CIAFT, en fait, est une organisation nationale
dont les actions sont réalisées dans le but d'améliorer les conditions
socioéconomiques des femmes et également
d'assurer la prise en compte des réalités et des besoins des femmes en matière
d'emploi.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Merci. Alors, vous pouvez commencer l'exposé.
Mme Brown
(Kimmyanne) : Excellent. Merci.
Mme Rose
(Ruth) : Juste comme introduction, je voulais dire que nous sommes
très heureuses du Régime québécois
d'assurance parentale et nous sommes très contentes aussi qu'il y a maintenant
une opportunité de commenter des améliorations, parce que c'est la première
fois depuis que le régime a démarré en 2005, et nous approuvons le plus gros
du projet de loi, mais nous avons des commentaires sur plusieurs éléments. Je
laisse la parole à...
• (11 heures) •
Mme Brown
(Kimmyanne) : Bonjour, Mme la Présidente. Cher ministre, chers
députés, aujourd'hui on vous présente
un mémoire qui a été marrainé par la Coalition pour la conciliation
famille-travail-études et qui a été également cosigné par 26 groupes,
dont le CIAFT. Donc, ça, c'est pour la précision.
Également,
pour ce qui est de la Coalition pour
la conciliation famille-travail-études, c'est une coalition qui est composée d'organisations et de groupes qui portent
un projet commun pour que les Québécoises et les Québécois fassent des gains significatifs en matière de conciliation
famille-travail-études. Donc, je vais commencer, de mon côté, à vous
présenter les premières recommandations de notre mémoire, et ensuite
Mme Ruth Rose va prendre la parole.
Donc,
premièrement, c'est sûr que nous accueillons avec enthousiasme l'ajout de 18
semaines de prestations à 70 % du
revenu hebdomadaire moyen pour les parents adoptants. Comme nous le disons dans
notre recommandation 6, nous pensons
que les enfants adoptés ont besoin de ce temps d'accueil pour bien s'adapter à
leur nouvelle famille et leur nouvelle vie.
Enfin, notre recommandation 1 concerne la période
de paiement des prestations de maternité. Nous considérons que la bonification à 20 semaines qui est suggérée
dans le projet de loi est une amélioration, mais que ce n'est pas suffisant.
Par exemple, il y a des femmes qui
accouchent prématurément durant des vacances qu'elles ont prises et elles vont
perdre des prestations en
conséquence. Les femmes qui, elles, prennent leurs vacances à la fin de leur
congé parental ont droit à l'ensemble de leurs semaines de prestations.
Donc, notre recommandation pour que la période se termine au plus tard 25
semaines après la semaine de l'accouchement permettrait, finalement, d'établir l'équité
entre toutes les femmes.
Ensuite, notre recommandation 2
accueille positivement la prolongation à 78 semaines de la période à
l'intérieur de laquelle les
prestations de paternité, parentale ou d'adoption peuvent être payées.
Toutefois, à notre avis, une période de 104 semaines donnerait davantage
de flexibilité aux parents, mais aussi aux employeurs. Nous demandons aussi une modification réglementaire qui donnerait davantage
de droits aux parents pour fractionner leurs congés parentaux, même sans
le consentement de l'employeur si nécessaire.
Ensuite, pour ce qui est de notre recommandation 3, on demande que les 10 jours de congé pour obligation
familiale prévus à la Loi sur les normes du travail soient rémunérés. Le projet de loi a pour objectif la flexibilité et la conciliation
famille-travail, et cette mesure est fondamentale et nécessaire pour répondre à
ces deux objectifs.
Ensuite,
notre recommandation 7. Dans cette recommandation, nous demandons
aussi de permettre aux futurs parents adoptants de pouvoir bénéficier de
ces 10 jours prévus à la Loi sur les normes pour qu'ils puissent effectuer
des démarches en vue de l'adoption d'un enfant.
Ensuite, pour ce qui est de notre recommandation 4, elle concerne l'ajout de cinq semaines de prestations
exclusives pour chacun des parents
dans les cas d'une grossesse multiple ou de l'adoption de plus d'un enfant au
même moment. Nous sommes tout à fait
favorables à cette mesure et trouvons que c'est une belle façon positive
d'encourager l'implication des pères et des autres parents aussi auprès
de leurs enfants.
Notre recommandation 5, quant à elle, concerne l'ajout de
semaines additionnelles de prestations qui sont prévues aux articles 5 et 30 du projet de loi. Nous
constatons, en fait, que cette mesure se fait au détriment des droits des
femmes. Pour obtenir ces quatre
semaines de prestations supplémentaires, là, qui sont suggérées, chacun des
parents doit avoir reçu au moins
10 semaines de prestations parentales partageables. Pour le deuxième
parent, ça implique, en fait, d'avoir pris au moins 15 semaines de
prestations. En somme, la mère doit nécessairement renoncer à 10 semaines
de prestations parentales pour obtenir ces
quatre semaines. On est tout à fait favorables à l'implication des pères pour
permettre une meilleure conciliation
famille-travail-études, toutefois la suggestion actuelle du gouvernement met des contraintes, là, sur le droit des parents de partager les semaines existantes et porte tout à fait
atteinte aux droits des femmes. L'ajout de semaines de prestations de paternité ou des semaines
partagées à parts égales permettrait d'éviter cette atteinte aux droits des
femmes.
Finalement,
notre recommandation 8 concerne une revendication qui est portée
depuis 2000 par plusieurs groupes de femmes
et des organismes. L'article 17 de la Loi sur l'assurance parentale
prévoit que, si un des parents décède, les semaines de prestations de maternité ou de paternité, pardon, du
parent décédé qui sont non utilisées peuvent être prises par l'autre parent. Le projet de loi suggère aussi, là, actuellement, que le parent survivant puisse aussi prendre les semaines de
prestations parentales ou d'adoption exclusives qui ne sont pas
utilisées. Nous recommandons que les semaines de prestations exclusives puissent être utilisées par un parent
seul ou qu'elles soient attribuées à une autre personne admissible au régime
qui doit s'occuper régulièrement de l'enfant.
Le
fait que des mères divorcées, séparées ou célibataires n'aient pas les mêmes
droits que les mères veuves constitue une réelle discrimination. Ce sont
les mères monoparentales qui ont le plus de besoin du soutien de la société
durant la période périnatale. Cette mesure
va nettement améliorer le sort des enfants qui grandissent dans une famille
avec un seul parent et qui sont le plus souvent, pardon, exposés à la
pauvreté.
Je vais céder la
parole à ma collègue Mme Ruth Rose pour la suite de la présentation.
Mme Rose
(Ruth) : Alors, bonjour. On constate aussi que le projet de loi
prévoit que la période de prestations serait
étendue de deux semaines, prolongée de deux semaines dans le cas du décès de
l'enfant. Alors, nous avons compris toutefois
que, si un des parents n'est pas en cours de prestations, à ce moment-là, il
n'aurait pas droit à ces deux semaines de
prestations. Alors, nous demandons que tous les parents, en autant qu'il y a
encore des semaines dans leur banque de prestations, puissent donc bénéficier de deux semaines de prestations
dans le cas de décès d'un enfant. C'est vraiment... (panne de son) ...
le décès pendant la première année de l'enfant. Ils ont besoin de cette période
de deuil.
Ensuite, on parle de
la majoration de revenus pour les parents à faibles revenus. Alors,
effectivement, c'est un règlement qui est
basé sur celui de l'assurance-emploi, puis les paramètres sont vieux de 25 ans,
alors nous sommes très contentes que le gouvernement prévoie le réviser. Il y a plusieurs
problèmes, pour nous. Le problème le plus sérieux, c'est le fait qu'on regarde le revenu il y a un an
en arrière, ou un an et demi en arrière et... alors que le problème, c'est...
ou bien le revenu juste avant la
naissance, ou bien le revenu du fait qu'avec le congé parental, le revenu de la
famille est baissé. Alors, nous
espérons que, quand vous allez faire ce règlement-là, que vous allez trouver
une façon de regarder le revenu courant
— vous avez
déjà, avec le relevé d'emploi, le revenu de l'année précédente — et qu'aussi que vous révisiez le taux de récupération lorsqu'il y a d'autres revenus dans la famille. Alors... Et
aussi le montant de la majoration et les seuils ont besoin d'être
révisés après 25 ans.
Nous demandons aussi que le revenu hebdomadaire
moyen sur lequel la prestation est basée soit basé sur les 16 semaines... les 16 meilleures
semaines de gains au cours de la période de référence. Ça, c'est notre recommandation 11. Alors, on constate
déjà que l'assurance-emploi utilise une formule des meilleures semaines, et le
problème avec utiliser les
16 semaines continues, c'est qu'en particulier les étudiants, mais
beaucoup d'autre monde aussi, les gens qui travaillent, par exemple, dans la session de Noël, ont des
revenus irréguliers pendant la semaine... pendant l'année et que, si on ne
prend pas les meilleures semaines, on
écoperait beaucoup d'iniquités selon la façon que la personne a travaillé
pendant l'année. Alors, nous visons de l'équité aussi dans cette recommandation.
• (11 h 10) •
Dans
notre recommandation 12 aussi, nous trouvons très intéressant que
le gouvernement va de l'avant, et même avec des règles meilleures que l'assurance-emploi,
pour ne plus réduire les prestations parentales d'adoption et de paternité
lorsqu'il y a des gains concurrents. Mais on
ne comprend pas du tout pourquoi la même règle ne s'applique pas aux prestations
de maternité. C'est une discrimination nette
à l'égard des femmes parce que c'est elles qui portent les enfants, c'est déjà
elles qui supportent le plus gros
fardeau financier, et psychologique, et émotif pour avoir donné naissance à un
enfant, et on ne comprend pas pourquoi on n'applique pas cette règle-là
pour les prestations de la maternité.
Dans notre mémoire,
nous avons énuméré cinq raisons pour lesquelles on devrait ne plus déduire les
revenus concurrents des prestations de
maternité. Nous ajouterons que, lorsque vous ajoutez... vous donnez parité aux
parents adoptifs, vous les mettez
dans une situation où il n'y a pas de déduction de revenus
concurrents du tout pour les 55 semaines, alors que vous les
maintenez pendant les 18 semaines de maternité, alors vous créez une
nouvelle iniquité à cet égard-là.
Notre
recommandation 13, on est très contents que vous allez expérimenter des
projets pilotes, donc nous approuvons cet amendement-là.
Finalement,
nous arrivons à d'autres questions pour des études futures. En particulier, nous
demandons depuis très longtemps
qu'on examine la possibilité de créer... utiliser le mot «universelles», c'est
plutôt des prestations de base, c'est-à-dire un plancher pour tous les parents. On constate
que la plateforme libérale des dernières élections au niveau fédéral
a promis un tel régime, alors nous pensons que c'est le temps que le Conseil de
gestion se penche sur la question
puis fasse des études systématiques sur qu'est-ce qui se passe dans d'autres pays qui ont
de tels régimes, comment ils sont financés, parce qu'il y a plusieurs
modes pour le financer, et que vous alliez de l'avant avec un projet de
recherche, des consultations et une étude
systématique de cette question-là. C'est une demande que nous faisons depuis
20 ans, et on est très déçus qu'il n'y ait même pas eu une étude
sérieuse de la question.
Notre recommandation 15 vise surtout les étudiants
étrangers, mais aussi toutes les personnes qui sont au Québec qui n'ont pas encore un statut de résident reçu.
Ça toucherait, par exemple, toutes les personnes qui sont en demande d'asile,
actuellement, dont on sait que plusieurs ont
travaillé dans le système de santé pendant la pandémie, donc sont dévouées
à la nouvelle société, qui cherchent
vraiment à intégrer à la société. Et, parce qu'elles travaillent, elles
cotisent un régime d'assurance parentale, nous pensons qu'ils devraient
être admissibles au régime s'ils travaillent et s'ils cotisent.
Notre recommandation 6, elle, c'est à l'effet
que... Actuellement, on a le programme de maternité sans danger, qui est le seul qui existe avec rémunération au
Canada, mais il y a des situations où une femme doit cesser de travailler
parce qu'elle a eu un accident, parce
qu'elle est malade, mais aussi parce qu'elle a une grossesse difficile, et nous
aimerions beaucoup que le
gouvernement mette en place un régime d'indemnités de revenu pendant cette
période-là. En d'autres mots, élargir les prestations de maternité dans
ce cas-là. Actuellement, les mères peuvent être admissibles aux prestations
d'assurance-emploi, de maladie, et c'est peut-être un rapatriement de ces
prestations-là qui pourrait aider à financer un tel régime.
Notre recommandation 16, c'est... traite de la façon dont on calcule une réduction de revenus
pour la personne qui a à la fois
des gains d'entreprise et un salaire, et c'est une question technique
que nous avons déjà discutée au CGAP, puis
il y a plusieurs ajustements administratifs. Alors, nous étions un peu
surprises que ce ne soit pas abordé dans le projet de loi. C'est technique est relativement simple à
corriger.
Et finalement nous
suggérons que le gouvernement du Québec étudie sérieusement la possibilité de rapatrier
l'ensemble des prestations spéciales de l'assurance-emploi, en particulier les prestations pour le soin d'un enfant
gravement malade ou un adulte
gravement malade. Malgré la décision de la Cour suprême, nous considérons
que ce sont des domaines de compétence provinciale et qu'il devrait y
avoir des moyens d'accommoder un rapatriement dans le contexte de l'assurance-emploi.
Finalement,
comme conclusion, nous aimerions remercier le ministre Boulet pour ses déclarations à l'effet que le régime... le Fonds d'assurance
parentale est en très bonne santé. Il est encore en train de faire des surplus
à toutes les années malgré les baisses de
cotisations en 2019 et 2020, alors que vous avez déjà calculé qu'il serait
capable d'absorber vos propositions sans difficulté. J'aimerais souligner que la... (panne de son)... des recommandations que nous faisons visent l'équité. Elles visent l'équité entre les femmes et les hommes,
elles visent l'équité entre les mères monoparentales et les mères qui ont des conjoints, elles visent
l'équité entre les personnes qui sont... résidents temporairement ou qui n'ont pas de résidence au Québec et les personnes qui
sont des citoyens ou des résidents permanents du Québec. Donc, nous pensons
aussi... ce n'est pas des propositions très coûteuses et nous pensons aussi que
le Fonds d'assurance parentale est tout à fait capable d'absorber ces coûts-là.
Merci.
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Est-ce que c'est tout? Est-ce que Mme Brown a quelque chose à ajouter, ou c'est terminé aussi?
Mme Brown (Kimmyanne) : Ça va,
merci. On a présenté l'entièreté de notre mémoire.
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Parfait. Alors, je vous
remercie, Mme Rose ainsi que
Mme Brown, merci pour votre exposé.
Nous allons maintenant commencer la période
d'échange avec M. le ministre. M. le ministre, vous disposez de 16 minutes.
M. Boulet : Merci,
Mme la Présidente. Merci,
Mme Rose et merci, Mme Brown, vos présentations étaient claires,
très fouillées, très bien
argumentées aussi. Les mémoires, aussi, dont nous avons pris connaissance
étaient de très belle qualité. Il y a
beaucoup de questions, hein, j'aurais aimé m'entretenir avec vous deux pendant
plus longtemps. Je vais essayer d'y aller avec un certain nombre de commentaires.
Bien entendu,
sur le 20 à 25 semaines, vous n'êtes pas les premières à nous le proposer,
et j'aime particulièrement l'exemple,
là, de l'accouchement prématuré, là, et... Tu sais, souvent, puis vous avez
fini avec ce type de commentaire là, Mme Rose,
on a l'égalité dans la loi, mais en tenant compte des situations parfois
sociales ou économiques, il peut y avoir des iniquités, même si, dans la
loi, on recherche la meilleure équité.
Le 78 semaines à 104 semaines, vous
disiez, je pense que c'est Mme Brown, que ça pourrait conférer plus de
flexibilité aux employeurs et qu'en plus ce soit... ça devrait être sans leur
consentement. En quoi allonger ça de 78 à 104 semaines, Mme Brown, et
de ne pas requérir le consentement de l'employeur lui conférerait plus de
flexibilité?
Mme Brown
(Kimmyanne) : Oui, bien, en
fait, je vais céder la parole à Mme Rose pour la réponse à cette question.
M. Boulet : D'accord.
Mme Rose
(Ruth) : Ça peut sembler une
contradiction, mais le problème... Moi, j'ai vécu, en tant qu'employeur,
plusieurs situations où ça faisait l'affaire
de l'employeur et de la salariée de pouvoir revenir au travail pendant quelques
semaines. J'imagine, avec les hommes, pendant la haute saison, c'est encore
plus important. Alors, nous pensons qu'une période plus longue pourrait être...
donner de la flexibilité aux deux parties.
Maintenant, le problème, c'est que la loi exige
le consentement de l'employeur si un salarié veut fractionner son congé, et il
y a plusieurs circonstances, par exemple, la femme est malade puis l'homme veut
pouvoir s'occuper des enfants et de sa
femme, et que l'employeur dit : Non, non, non. On comprend qu'on ne veut
pas qu'il y ait un constant revient... aller et retour, mais on pense,
par exemple, là, qu'on pourrait dire que les parents ont le droit de
fractionner leur congé une fois pendant
cette période et que, dans les autres cas, il faut qu'il y ait une entente.
Alors, c'est à explorer. L'idée, c'est d'augmenter la flexibilité.
• (11 h 20) •
M. Boulet : O.K. Oui, je pense
que l'objectif est le même pour tout le monde, la flexibilité, la façon de donner la flexibilité maximale tant à la personne qu'à l'entreprise. Ça, on pourra en discuter longtemps, bien
sûr. Il y a des entreprises
qui militent en faveur du maintien à 52 semaines, il y a
des groupes qui sont extrêmement heureux qu'il
y ait une augmentation à 78, il y en a qui vont plaider en faveur d'un 104 semaines,
mais j'ai compris votre point, Mme Rose. Merci.
J'ai compris
aussi, Mme Brown, la revendication que le 10 jours de l'article 79.6 de la Loi sur les normes du travail soit rémunéré, alors que, vous vous souvenez, le
12 juin 2018 avant notre arrivée au pouvoir, il y avait eu une vaste
réforme de la Loi sur les normes du travail, et cette réforme-là était quand
même issue d'un consensus social qui découlait d'un équilibre, de discussions
entre les partenaires du marché du travail. Et c'était quand même un gain qui
avait été considéré comme étant substantiel,
là, qu'il y ait au moins deux jours découlant de la garde, de la santé ou
l'éducation d'un enfant qui soient
rémunérés. Mais il y a quand même la banque de 10 jours, et c'est sans négliger
le fait qu'il y a beaucoup de
travailleurs qui, en vertu de contrats individuels ou de conventions
collectives de travail, ont, bien sûr, au-delà de ce que la Loi sur les normes du travail comprend, qui est une loi de
normes minimales du travail. C'est vraiment la base de nos lois du travail au Québec. J'ai bien
compris, cependant, le... parce que notre objectif, ce n'est pas d'amender la
Loi sur les normes du travail, mais
vous, cependant, demandez qu'il y ait un certain nombre de jours qui soient
prévus pour compenser les démarches en vue de l'adoption, ça, je l'ai
bien compris.
Je ne peux
pas ne pas refaire la discussion sur l'incitatif, le quatre jours, le quatre
semaines partageable additionnel. Je
veux réitérer l'objectif que nous avons en tête, c'est d'inciter, d'encourager
les pères à s'investir dans la sphère familiale. Ils prennent les congés de paternité, ils ne partagent pas ou peu. Il y
a quand même une augmentation qu'on peut constater année après année, et donc c'est de venir dire au
papa et à la maman : Entendez-vous. S'il y a un 10 jours minimal, là
vous avez accès à un quatre jours additionnel. Ça fait que...
C'est
parce que vous disiez, Mme Brown : C'est une contrainte ou une
obligation pour la mère. Non, ce
n'est pas une contrainte, non, ce
n'est pas une obligation, c'est une volonté qui est exprimée dans la loi.
Discutez-vous, entendez-vous d'abord et avant tout et, si vous vous entendez sur un
partage d'un 10 semaines minimal de chaque côté, parent a et parent b, vous avez accès à un autre quatre semaines
additionnel qui est partageable. Mais je ne veux pas que jamais...
puis ça... Ce n'est pas les
témoignages que j'ai eus sur le terrain, les jeunes parents m'ont tous
dit : C'est magnifique, c'est une avancée extraordinaire dans notre régime, qui est déjà généreux. Mais d'avoir
accès à ce quatre semaines additionnel là, toutes et tous le voyaient comme un
bénéfice additionnel. Je ne veux que jamais ça puisse être interprété comme une atteinte à
des droits des mères, là, comme vous le mentionnez, Mme Brown.
Ça,
j'aimerais ça aussi vous entendre un
peu là-dessus, vous disiez : Est-ce qu'il ne pourrait pas y avoir — ou c'est même
une recommandation — la
possibilité d'un transfert de semaines de prestations à un autre parent qui
aide ou qui s'occupe de l'enfant?
Juste vous rappeler que, même en cas de séparation, l'obligation parentale
demeure. C'est sûr qu'en termes de
gestion administrative, je ne sais pas comment ça pourrait se faire, là, mais
que... puis peut-être que vous allez me
donner des précisions additionnelles. Est-ce que le parent a pourrait
revendiquer le transfert de semaines de prestations à une autre personne qui s'occupe de l'enfant? Et
ça, c'est... Mme Brown, là, c'est dans vos derniers commentaires.
J'aimerais vous entendre peut-être rapidement là-dessus.
Mme Brown
(Kimmyanne) : Bien, effectivement, pour répondre rapidement, c'est que
le parent seul puisse attribuer les semaines
à une personne de son choix tant et aussi longtemps que cette personne-là reste
admissible au régime. On comprend
tout à fait que le deuxième parent demeure responsable de l'enfant et a des
obligations parentales, mais, en
2020, il y a une transformation des familles, il y a des mères qui décident
d'avoir des enfants seules, il y a des personnes non binaires également. Bref, on considère que la mère ou le parent seul
pourrait choisir une personne de son choix pour transférer ces
prestations-là plutôt qu'elles soient... qu'elles demeurent non utilisées.
M. Boulet : O.K., je comprends. Je ne sais pas combien il me
reste de temps, mais je veux faire deux précisions. En cas de décès, Mme Rose, la mère continue,
bien sûr, de recevoir ses prestations de maternité, et l'autre parent, même
s'il n'est pas... s'il n'en recevait
pas, il a droit aux deux semaines. Donc, même s'il n'est pas en cours de prestation — je
pense que c'est le langage que vous
utilisiez — oui, c'est possible pour l'autre parent qui
ne reçoit pas, au moment du décès, de
prestations... il a accès aux deux semaines. Donc, c'est comme si on mettait en
place une présomption qui faisait en sorte que le décès est reporté de
deux semaines.
L'autre élément qui est important pour moi, là,
puis c'est... je pense que c'est une philosophie qui me préoccupe aussi, là, les revenus concurrents. Vous parliez
d'iniquité pour la mère parce qu'elle n'a pas accès à l'exemption, la mère,
pendant le congé de maternité. Il ne faut
pas voir ça comme une iniquité, au contraire. Les prestations de maternité,
elles ont une finalité qui est
différente des autres prestations du RQAP, elles sont versées pour permettre à
la mère, puis ça, vous le mentionniez,
de se remettre des effets physiologiques de la grossesse et de l'accouchement.
Donc, elles ont des conditions qui
leur sont propres, et on respecte les orientations de l'Organisation
internationale du travail en raisonnant de cette manière-là. Elles sont versées, ces prestations de maternité,
sans que la présence de l'enfant soit requise, contrairement aux autres types
de prestations. Elles peuvent même débuter
jusqu'à 16 semaines avant la date prévue de l'accouchement. Donc, c'est...
En permettant à la mère de bénéficier des
exemptions pour revenus de travail, la littérature puis l'Organisation
internationale du travail nous
l'enseignent de cette manière-là, puis j'adhère à ça, ça pourrait être à risque
de mettre une pression sur la mère
pour maintenir une prestation de travail durant la période de maternité, ce qui
serait, selon ce que la littérature nous
enseigne, préjudiciable à la santé de la mère et de l'enfant. Ça fait que je
veux juste un peu combattre... puis je respecte votre opinion, que ça peut engendrer une iniquité de ne pas permettre à
la mère, durant le congé de maternité, de pouvoir bénéficier de l'exemption pour le revenu de
travail que nous montons, hein? Vous savez, Mme Rose, c'était 25 % du
montant de la prestation, maintenant ça peut être l'équivalent de la
différence entre le revenu hebdomadaire et le montant de la prestation. Mais c'est normal, et c'est... Au
contraire, si on donnait ce même accès-là à la mère pendant son congé de
maternité, c'est vu comme pouvant
potentiellement lui mettre une pression, alors qu'elle n'en a certainement pas
besoin. Donc, c'était important pour moi de faire cette précision-là.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Il vous reste quatre minutes.
M. Boulet :
Oui, tout à fait. Maintenant, donc, j'aimerais vous entendre un peu,
Mme Brown, sur les... bon, le programme
de maternité sans danger. Vous disiez : Bon, pas de prestations... Parce
que c'est sûr qu'il peut y avoir un retrait préventif. Là, c'est des indemnités de remplacement de revenu versées
par la CNESST. Ça peut être une grossesse compliquée, ou un accident, ou une maladie. Là, c'est les
prestations de maladie du régime fédéral de l'assurance-emploi. Est-ce que c'est ça que vous demandez, qu'éventuellement ce soit rapatrié à Québec?
J'aimerais ça avoir des précisions de votre part sur ce point-là.
Mme Rose (Ruth) : Si je peux répondre, l'idée, c'est que, oui, ça
pourrait être ça. Je ne sais pas si c'est compliqué de dire seulement ceux qui sont... les prestations
qui sont liées à une difficulté pendant la période de congé... de grossesse,
mais on demande que toutes les prestations spéciales soient rapatriées aussi au
Québec. Alors, ça, c'est un projet pour l'avenir.
J'aimerais juste
revenir sur la question de la discrimination, parce qu'il y a beaucoup de cas
où la mère reçoit des revenus qui ne
demandent même pas qu'elle fasse un travail. C'est le cas de beaucoup
de travailleuses autonomes, c'est le
cas des conseillères municipales, qui ont une rémunération qui n'arrête pas
pendant la période de congé. Et je trouve aussi bizarre que vous avez hésité longtemps à créer des prestations
additionnelles d'adoption parce qu'il pouvait y avoir un effet discriminatoire du fait que les femmes
reçoivent les prestations de maternité en raison de leurs relevailles, puis
vous avez éliminé cette discrimination-là,
vous en avez créé une autre parce que les mères adoptives ne subissent pas une
réduction de leurs revenus en raison
de leurs revenus concurrentiels. Alors, si vous relisez notre mémoire, on a
éliminé six raisons, et je pense qu'il pourrait y avoir une contestation
constitutionnelle si vous maintenez cet élément-là.
M. Boulet : C'est intéressant. Donc, ce que vous dites c'est
que la mère adoptante, elle, ne subit pas de réduction du montant de sa
prestation si elle a des revenus concurrents, comme par exemple une
travailleuse autonome, vous le mentionnez,
ou une conseillère municipale, alors que la mère n'a pas accès à ce même type
d'exemption là. C'est ce que vous me dites?
• (11 h 30) •
Mme Rose (Ruth) : Voilà. C'est une des raisons. Et puis aussi,
étant donné que les mères peuvent, justement, commencer leurs prestations de maternité jusqu'à 16 semaines avant
la date prévue, ça, c'est une période où une... tu sais, travailler un jour ou deux, un peu à temps partiel
ne serait vraiment pas nuisible à sa santé. Alors, il y a des raisons que,
tu sais, c'est vraiment une discrimination parce que les femmes... c'est la
femme qui porte l'enfant.
M. Boulet :
Je vous avoue, Mme Brown, que ça mérite considération. Je vous ai bien
compris. Maintenant, votre projet d'avenir,
pour l'avenir, rapatriement, moi, je suis toujours un partisan des
rapatriements, surtout tout ce qui touche les champs de compétence du
Québec. Donc, ça aussi, ça mérite considération.
Merci beaucoup pour vos réflexions,
Mme Brown, Mme Rose. C'était bien fouillé, et vous avez fait les
bonnes réflexions, puis je pense que ça va contribuer à notre commission
parlementaire de façon intéressante. Merci.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Merci, M. le ministre.
Nous poursuivons l'échange, maintenant, avec
l'opposition officielle, avec le député de Nelligan. Vous disposez de
10 min 40 s.
M. Derraji :
Merci, Mme la Présidente. Et je vois l'ambition du ministre d'aller dans un
autre rapatriement. Écoute, j'aimerais bien le voir en action. Merci,
Mme Brown, pour les bonnes suggestions. Vous donnez de très bonnes idées à
M. le ministre. Il a l'énergie pour aller rapatrier autre chose, donc bonne
chance, M. le ministre.
Merci à vous deux,
excellente présentation. Sérieusement, j'ai deux pages de notes. Beau travail,
vous avez beaucoup synthétisé pas mal
d'enjeux. Moi, j'aimerais bien vous entendre par rapport à deux points qui
m'ont frappé. Mais vous n'êtes pas le
premier groupe qui nous sensibilise par rapport au sentiment de l'iniquité, et
je pense que, personnellement, ma
motivation, et la motivation, je pense, de l'ensemble des collègues, c'est de
ne pas tomber dans ce sentiment d'iniquité.
Donc,
ma question est très simple. Vous avez soulevé des enjeux d'iniquité et même de
discrimination. Selon vous — vous avez émis pas mal de... je dirais,
d'hypothèses et même des propositions — comment on peut s'assurer de ne pas tomber
dans l'iniquité et la discrimination avec ce projet de loi?
Mme Rose
(Ruth) : D'abord, j'aimerais revenir sur cette question des mères
monoparentales, qui est un des
éléments d'iniquité, parce que nous demandons que, lorsque le père n'est pas
présent... et là ce n'est pas une question où il y a une garde partagée, où il y a une séparation ou un divorce, puis
le père est toujours présent. Dans ce cas-là, on garde les mêmes règles. C'est lorsqu'il n'y a pas de
père présent que nous demandons que les mères monoparentales puissent bénéficier des prestations qui seraient allées au
père. C'est surtout les prestations de paternité, mais les autres cas aussi où
il y a des prestations exclusives. Et c'est dans ce cas-là seulement que nous
demandons que la mère puisse attribuer ces prestations
de paternité à une autre personne, par exemple, à sa propre mère, parce qu'elle pourrait avoir besoin de soutien, surtout si elle a déjà un autre enfant à
la maison. Alors, ça, c'est... on trouve que ne pas faire ça, c'est une
iniquité par rapport aux mères
célibataires, divorcées, c'est pareil, où il n'y a pas de père par rapport aux
mères veuves, qui, elles, ont droit aux prestations exclusives qui
étaient réservées aux pères.
M. Derraji : Donc, pour vous, dans ce cas bien précis, pour éviter
l'iniquité, vous suggérez le transfert de droits ou le transfert de
prestations.
Mme Rose
(Ruth) : Vers la mère.
M. Derraji :
Vers la mère, oui, oui, j'ai bien compris. Oui, O.K.
Mme Rose
(Ruth) : Mais la mère pourrait aussi les attribuer à quelqu'un pour la
soutenir.
M. Derraji :
Oui, dans son entourage pour l'accompagner, pour l'aider, justement, dans cette
situation.
Mme Rose
(Ruth) : Oui. Et l'autre
élément d'iniquité le plus important, c'est celui des revenus concurrents dans
les prestations de maternité. Parce qu'actuellement, avec le projet de loi, toutes les autres prestations pourraient
bénéficier... les prestataires de
toutes les autres prestations pourraient garder leurs revenus concurrents. Ça,
c'est les deux éléments les plus importants.
M. Derraji : O.K., excellent. J'aimerais bien aussi vous entendre
par rapport à accroître le nombre total de semaines de prestations. J'ai bien lu que vous n'appuyez
pas la proposition qu'une mère doive renoncer à 10 semaines de prestations
parentales afin que le couple garde quatre semaines de plus. Et vous mentionnez
qu'il y a beaucoup de situations où le
deuxième parent ne veut pas ou ne peut pas, tout simplement, prendre
15 semaines de prestations, alors que les mères pourraient utiliser des semaines additionnelles
pour le mieux-être de l'enfant. Donc, les femmes, selon vous, continuent
d'assumer la plus grande part des responsabilités domestiques et de soins aux enfants. Ce sont toujours
elles qui portent les enfants, qui accouchent et qui allaitent. Ça,
c'est des faits et c'est la réalité que vous mentionnez.
Vous êtes, je dirais, quand même
dans une catégorie que... plusieurs groupes nous ont levé ce drapeau, que renoncer
à 10 semaines partageables pour en prendre quatre, ça n'aide pas... je ne
vais pas dire «injuste», mais ça n'aide pas l'implication des parents.
Ma question. Vous
comprenez le sens même de cette proposition que le ministre amène sur la table.
Première question : Comment atteindre
l'objectif d'avoir plus d'implication des pères? Deux,
connaissant cet objectif, comment on
peut l'atteindre si, selon vous, 10 semaines partageables, renoncer pour
avoir quatre, ce n'est pas la meilleure solution? Qu'est-ce que vous
proposez aujourd'hui?
Mme Rose
(Ruth) : Bien, d'abord, nous aimerions souligner que l'introduction de
congés de paternité, au Québec, a
créé une révolution dans les familles du Québec. Tu sais, les... moi, mon fils
et tous ses amis, les jeunes pères, ils prennent soin de leurs enfants. On voit de plus en plus de pères qui promènent
leurs enfants sur la rue, dans le carrosse, sur eux. Donc, il y a déjà
eu un énorme progrès.
Deuxièmement, souligner aussi qu'au Québec,
même si on juge que les pères ne prennent pas assez les semaines partageables, ils les prennent encore beaucoup
plus que les pères du restant du Canada. Alors... Et le Conseil de gestion aussi a
fait des enquêtes auprès des employeurs, et il y a de plus en plus
d'acceptation des congés pour les pères dans les entreprises du Québec. Donc,
nous avons déjà fait beaucoup de progrès.
Alors, le problème,
c'est que, dans certains cas, notamment si la mère a plusieurs enfants ou si le
père, pour des raisons professionnelles, ne
peut pas quitter son emploi, on veut plus de flexibilité pour les parents.
Alors, notre solution à ça serait
que, si vous ajoutez des semaines, ou bien qu'ils soient réservés au père ou
bien qu'ils soient... c'est une condition de partage. Alors, on pense qu'il faut aller plus lentement et qu'on
devrait mettre les incitatifs plutôt que de dire : Bien, si la femme renonce, le couple peut avoir davantage, parce qu'il y a une raison pour
laquelle... Si on veut le plus de flexibilité aux parents, c'est eux qui devraient décider comment partager les
semaines. Déjà, réduire à cinq semaines partageables par les deux, ce
serait une avancée.
M. Derraji :
Oui. Donc, j'ai bien compris. Donc, pour vous, la proposition qui est sur la
table de partager les 10... les semaines
partageables, et que, si la mère renonce, bien, les quatre semaines, ce n'est
pas la meilleure solution, ce que vous dites, c'est que... diminuer le
nombre de semaines partageables de 10 à cinq et d'aller graduellement, aller
graduellement, probablement, pas d'emblée quatre semaines. Est-ce que c'est
bien ça, ce que vous voulez dire?
Mme Rose
(Ruth) : Oui.
M. Derraji :
J'ai entendu, Mme Brown, c'est ça?
Mme Rose
(Ruth) : Bien, non, c'est Mme Rose. Oui.
M. Derraji :
Ah! O.K., Mme Rose. O.K., excellent. Bien, j'ai une question pour
Mme Brown. Vous avez parlé de la flexibilité pour le fractionnement
des congés. Est-ce que vous pouvez juste élaborer un peu plus?
Mme Brown
(Kimmyanne) : Oui. Pour le fractionnement des congés, je vais laisser
Mme Rose répondre aussi à cette question.
M. Derraji :
O.K.
Mme Rose
(Ruth) : Je n'ai pas compris la...
M. Derraji :
La flexibilité pour le fractionnement des congés. J'ai comme eu l'impression que vous avez parlé de ça lors de votre exposé. Je voulais juste savoir
davantage qu'est-ce que vous voulez dire par rapport à la flexibilité pour
le fractionnement des congés.
Mme Rose
(Ruth) : C'est qu'on pense
qu'il y aurait un moyen de dire que les parents auraient droit à fractionner
une fois, c'est-à-dire séparer une fois leur
congé, même si l'employeur ne donne pas son consentement et... Parce que,
si l'objectif est la flexibilité, on pense que les parents devraient avoir
certains droits à cet égard-là. Et on rappelle que les employeurs aussi aiment souvent que... de rappeler la personne au
travail pendant sa période de congé, et donc on voudrait qu'il y ait un
équilibre entre les droits.
M. Derraji : Excellent. Un dernier point, c'est par rapport au
projet pilote, et j'ai vu toute une proposition par rapport au projet pilote, et vous parlez de pas
mal de cas. Est-ce que vous étiez interpelées par des groupes, ou vous avez
constaté cela sur le terrain, ou bien si vous avez des études à nous partager
dans ce sens?
Mme Rose (Ruth) : Bien, c'est-à-dire, en particulier notre recommandation 15, où
on parle de l'admissibilité des
personnes domiciliées au Québec, parce que, dans la coalition sur... Coalition
conciliation famille-travail-études, il y a des groupes d'étudiants,
dont des étudiants étrangers, et puis, en général, ils n'ont aucun droit... (panne
de son) ...cette période-là.
Sur la question des statuts de
réfugié, c'est plutôt ce qu'on voit dans les journaux et le fait que les
personnes, ici, qui sont en demande
d'asile, qui peuvent être là pendant des années avant qu'on passe... on regarde
leur cas, et qu'il est déjà question du travail qu'ils ont fait dans les
institutions de santé pendant la pandémie.
M. Derraji : J'ai bien compris. Donc, votre suggestion, c'est
inclure les demandeurs d'asile, les réfugiés, les étudiants étrangers
qui cotisent, bien entendu, au régime, aux prestations.
Mme Rose
(Ruth) : Voilà.
M. Derraji :
O.K. Merci.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : C'est parfait, c'est tout ce qu'on avait. Merci,
député de Nelligan.
Nous allons
maintenant avec le deuxième groupe d'opposition, avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve.
Vous disposez de 2 min 40 s.
M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Rose,
Mme Brown. Toujours impressionné par votre érudition, Mme Rose. C'est un mémoire vraiment très
bien, très bien détaillé, très impressionnant. Je remarque d'ailleurs qu'il y a
plusieurs organismes signataires, là. On approche, je pense, une vingtaine
d'organismes qui approuvent le contenu et les
recommandations de votre mémoire, c'est impressionnant. Ça démontre tout ce
travail de préparation que vous avez fait.
Je
suis content de constater aussi que vous êtes critiques de l'approche du
ministre par rapport au partage forcé des semaines. Je suis avec vous
sur ce sujet-là. Je pense qu'il y a d'autres avenues. Je pense qu'on partage
l'objectif d'une meilleure présence du père,
mais que ce n'est pas nécessairement le bon chemin. Je suis sûr qu'en étude
détaillée on trouvera des compromis.
J'aimerais vous entendre sur les congés, la
recommandation 3, que les congés payés de la... pour obligations familiales
de la LNT, des normes du travail, soient
payés parce que ce n'est pas le cas, actuellement, il y en a seulement deux, je
pense, sur 10. Et nous, on propose, surtout en temps de pandémie, que ce
soit le cas, qu'il y en ait 10 d'accessibles pour tout le monde. Vous, j'imagine que, quand vous avez rédigé le mémoire, vous
n'aviez pas nécessairement en tête le contexte d'une pandémie, mais
plutôt un contexte régulier, mais voulez-vous m'en parler davantage?
Mme Brown
(Kimmyanne) : Oui, bien, effectivement, c'est sûr que cette mesure-là,
en temps de pandémie, elle est absolument
nécessaire. Je pense que c'est une recommandation minimale, là, sachant que des
parents vont devoir prendre, nécessairement,
des congés, que ce soit pour toutes sortes de choses, des rendez-vous médicaux
ou l'isolement. Donc, cette mesure-là
est tout à fait nécessaire en temps de pandémie. C'est sûr que, lors de la
rédaction du mémoire au mois de mars, on n'était pas du tout dans ce
contexte-là, effectivement.
Mais on considère que... Le ministre Boulet, tout
à l'heure, parlait de normes minimales et qu'il y avait des conventions collectives, de toute façon, qui prévoyaient
davantage. Mais il faut savoir que les femmes sont majoritaires dans le travail
atypique, et il y a énormément de femmes
pour qui la Loi sur les normes du travail, bien, c'est leur contrat de travail,
c'est leur norme, et que deux jours rémunérés, ce n'est pas du tout
suffisant. Bien qu'il y ait une banque, là, qui soit non rémunérée, bien, ça désavantage les femmes parce
qu'on sait... on le mentionne dans notre mémoire à plusieurs reprises que ce sont les femmes qui sont principalement en
charge de tout ce qui est rendez-vous médicaux, tout ça, toute la charge
domestique, le fardeau du ménage, donc elles
ont besoin de ces 10 jours là et elles ont besoin que ce soit rémunéré. Et
cette mesure-là était tout à fait
essentielle, c'est une revendication de longue date. Et, comme vous avez
mentionné, c'est 26 groupes qui
ont signé le mémoire, c'est unanime que ces 10 journées là doivent être
rémunérées. Et cette mesure-là est tout à fait nécessaire aussi en temps
de pandémie, donc, voilà.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Il vous reste quelques secondes.
M. Leduc :
Quelques secondes. Peut-être, Mme Rose, un aspect du mémoire que vous
voudriez approfondir qu'on n'a pas eu le temps de traiter aujourd'hui.
Mme Rose
(Ruth) : J'aimerais aussi insister sur le fait de... la possibilité
pour les mères monoparentales où le père n'est pas présent, d'avoir le même nombre de semaines que les autres
familles. C'est une demande, d'ailleurs, que nous avons mise de l'avant dans les années 90, au
moment où on regardait la première loi. Alors, ce serait un bon projet
pilote.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Merci. Alors, merci au député d'Hochelaga-Maisonneuve.
Nous poursuivons avec
le troisième groupe, avec la députée de Joliette. Vous disposez de
2 min 40 s.
Mme Hivon : Oui. Bonjour, Mme Rose, Mme Brown. Merci infiniment pour la qualité de vos
présentations qui sont très éclairantes.
Je voulais poursuivre,
là, sur la question du transfert des semaines pour les femmes qui sont les
seuls parents de l'enfant. Donc, juste pour
être claire, ce que vous dites, c'est que ça devrait être transféré à la mère,
qui peut les utiliser elle-même, ou
elle peut demander à une autre personne de s'en prévaloir, je veux juste être
certaine que c'est les deux options, ou si vous dites : Elle peut
les transférer à une autre personne, mais pas pour elle.
Mme Rose
(Ruth) : Une mère ou l'autre, effectivement, elle peut les garder pour
elle ou les transférer. Il faut dire que
ce serait une règle qui s'appliquerait aussi aux parents adoptants où il y a un
seul parent, donc ça pourrait être un père, si son conjoint meurt, ou... Si son conjoint meurt, en principe, il a
déjà le droit, mais s'il y a une séparation puis... en tout cas, dans
les cas où il y a un seul parent, que ce soit adoptant ou biologique.
Mme Hivon :
Parfait. Puis je voulais bien comprendre qu'est-ce qui serait votre
recommandation centrale pour la
question des revenus concurrents, d'une part, et l'autre, pour les parents
étudiants. Est-ce qu'il y a quelque chose, malgré le fait qu'ils ne
contribuent pas formellement, qu'on pourrait faire rapidement pour améliorer la
situation?
Mme Rose
(Ruth) : Pour les étudiants,
tu sais, on demande un régime universel, un régime de base pour tous les parents, ce qui inclurait les étudiantes et
étudiants, mais on pense qu'on n'est pas encore prêts à aller de l'avant, et je
pense que ça prend des études et des
examens, parce qu'il y a différentes façons de financer ça. En Suède, par exemple, on considère... c'est une
assurance. Mais surtout les étudiants, tu sais, ils n'ont pas travaillé dans
l'année précédant la naissance, mais
ils vont travailler toute la vie, ils vont faire leur contribution comme il faut au régime, mais ils n'ont pas pu bénéficier parce qu'ils ont eu leurs enfants trop tôt. Alors,
ça, c'est... Donc, en Suède, les... c'est les assurances qui assument le coût.
Dans d'autres pays, notamment
les pays comme l'Autriche ou l'Allemagne, ce sont des assurances du père ou du
conjoint qui peuvent couvrir la
femme. On trouve que ça, c'est une question très... une dépendance qui n'est
pas nécessaire. Et dans d'autres cas
aussi, et surtout quand on parle d'un montant forfaitaire à la naissance, c'est
le gouvernement qui finance.
Alors, il y a
plusieurs éléments, et ça demande des études, mais ça fait longtemps,
aussi, que les groupes de femmes demandent un régime qui a des
prestations de base pour tout le monde. Et nous, on ne sait pas qu'est-ce qui
est arrivé au fédéral, parce que
c'était une des promesses électorales de Justin Trudeau. Il y a eu
d'autres choses à l'occuper depuis ce temps-là, mais je pense que c'est
le temps de mettre cette question-là sur la table.
Mme Hivon : Merci
beaucoup.
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, merci, Mme Brown, Mme Rose, pour vos interventions,
votre contribution à la commission.
La commission suspend ses travaux jusqu'à cet après-midi,
après les affaires courantes, vers 15 h 30. Merci. Merci encore,
Mme Brown et Mme Rose.
(Suspension de la séance à 11 h 49)
(Reprise à 15 h 30)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, bonjour, tout le monde. À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission de
l'économie et du travail reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes
dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils
électroniques.
Je souligne
que cette séance se déroule à la fois dans la salle Louis-Joseph-Papineau, où nous sommes, et dans la salle Louis-Hippolyte-La Fontaine.
Le mandat
de... La commission est réunie afin de poursuivre, justement, les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi
n° 51, loi visant principalement à améliorer la
flexibilité du régime d'assurance parentale afin de favoriser la
conciliation travail-famille.
Cet
après-midi, nous entendrons les organismes suivants : la Fédération des
parents adoptants du Québec, le Réseau pour un Québec Famille et le Regroupement
pour la valorisation de la paternité.
Nous souhaitons, dans un premier temps, la
bienvenue à la Fédération des parents adoptants du Québec avec Mme Tardif
et M. Munger. Mme Tardif et M. Munger, vous nous entendez bien?
Fédération des parents adoptants du Québec (FPAQ)
Mme Tardif (Marielle) : Oui.
M. Munger (Yannick) : Oui.
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Puisqu'ils se retrouvent dans l'autre salle. Alors, nous... Avant de
commencer, hein, vous savez que vous
avez un exposé de 10 minutes, et, avant de commencer, je vous inviterais à
bien vous présenter.
M. Munger
(Yannick) : Donc, bonjour.
Mon nom est Yannick Munger, je suis trésorier et co-porte-parole de la Fédération des parents adoptants du Québec.
Mme Tardif
(Marielle) : Marielle Tardif, je suis membre du conseil
d'administration, à titre de secrétaire, de la Fédération des parents
adoptants du Québec.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
...poursuivre, on vous entend très bien.
Mme Tardif
(Marielle) : Bonjour, M. le ministre, Mmes, MM. les membres de la
commission. La FPAQ est heureuse de
participer à la commission d'étude sur le projet de loi n° 51 aujourd'hui.
La réalité des familles adoptives, directement
concernées par ce projet de loi, est au coeur d'une lutte que nous menons
depuis trop longtemps déjà. Je souligne l'absence, mais la présence dans nos coeurs, de notre présidente,
Mme Anne-Marie Morel, qui ne peut être parmi nous aujourd'hui parce qu'elle est partie... elle part
aujourd'hui ou demain pour les Philippines pour réaliser, justement, un projet
d'adoption.
En effet, dès
mars 2005, la FPAQ dénonce l'iniquité entre les congés d'adoption et les autres
congés parentaux dans le RQAP.
S'ensuivent, pendant près de 15 ans, de nombreuses représentations auprès
des différents gouvernements élus. Des
mémoires, des pétitions sont déposés à l'Assemblée nationale à diverses
reprises, différentes publications sont diffusées, en vain. Les gouvernements et les ministres se
succèdent, et la FPAQ martèle son message : les enfants adoptés sont les
seuls enfants à ne pas avoir le
privilège de pouvoir passer un an avec leurs parents lors de leur arrivée dans
leur famille. Dans les faits, c'est toujours le cas à ce jour, et ce,
pour la simple raison qu'ils sont adoptés.
Le 28 novembre 2019, une première version du projet de loi n° 51 ne permettant pas d'atteindre l'égalité a été
déposée. Le 3 décembre 2019, l'Assemblée nationale a voté unanimement une motion déposée par la députée Véronique Hivon reconnaissant l'iniquité du Régime québécois
d'assurance parentale envers les familles adoptantes. Ça a été un immense
moment d'émotion pour nous et une
reconnaissance de l'injustice et de la blessure subie par les familles
adoptantes depuis le début du régime.
Le ministre
Jean Boulet dépose ensuite une nouvelle mouture de son projet de loi le
12 mars 2020. Les amendements au projet de loi donnent la pleine
égalité des congés parentaux aux familles adoptives versus les familles
biologiques. De plus, la création de prestations
d'accueil et de soutien relatives à une adoption dénote la compréhension du
choc et des difficultés que vivent
les enfants adoptés avant et après leur adoption et des défis des adoptants,
tout en préservant le caractère important et unique de la grossesse, de
l'accouchement et de la parentalité biologique.
Nous voulons
également, aujourd'hui, dire une fois de plus que les besoins des familles
adoptantes sont différents mais tout
aussi importants que ceux des familles biologiques. L'enjeu de l'attachement
entre l'enfant et ses parents est le
plus important de tous ces besoins. Alors que la mère biologique commence
l'attachement pendant la vie intra-utérine, en communiquant physiquement avec son foetus, il faut plus de temps aux
parents adoptants pour développer ce lien avec leur enfant adopté. S'ajoute à cela un vécu préadoption de l'enfant,
souvent peuplé de retards de développement, d'abus, de problèmes de santé, etc. L'accueil de cet
enfant exige une disponibilité particulière des parents adoptants et surtout
du temps.
Les enfants
adoptés ont d'abord connu une rupture avec leurs parents biologiques. Ils ont
ensuite vécu une ou plusieurs transitions
dans différents milieux, familles d'accueil ou orphelinats. Ainsi, même si
l'adoption est un acte d'amour de la
part des parents, elle s'accompagne pour l'enfant de deuils et de pertes. La
fréquentation hâtive d'un milieu de garde peut ébranler fortement l'enfant et sa famille, voire même être
catastrophique dans la mesure où l'enfant peut interpréter cela comme un
nouvel abandon.
Actuellement,
plusieurs adoptants sont contraints d'assurer trop tôt cette délicate
transition lorsque leur congé d'adoption prend fin, avec les
conséquences subséquentes, ou alors ils prolongent à leurs frais leur congé
pour éviter ce nouveau trauma à leur enfant,
subissant ainsi un contrecoup financier important. Des démarches d'adoption de
plus en plus longues et complexes,
autant ici qu'à l'étranger, des propositions d'enfants de plus en plus âgés en
moyenne et avec des besoins de plus
en plus grands sont autant de défis pour les parents adoptants, pour lesquels
le temps d'un congé plus long est la meilleure arme.
Avec
l'allongement de la durée des prestations proposé dans le projet de loi n° 51, la FPAQ est aussi favorable à l'octroi de cinq semaines de prestations exclusives destinées à chacun
des parents adoptants, qui reproduit le modèle proposé aux familles biologiques et encourage la
coparentalité. Actuellement, la durée insuffisante du congé d'adoption
à partager entre les parents oblige
les couples adoptants à réduire le temps de présence simultanée des deux
parents pour éviter de raccourcir le temps de congé total et de
précipiter une entrée trop précoce en service de garde.
Il est aussi
vrai de dire qu'un RQAP inéquitable envers les adoptants lèse les droits des
enfants adoptés. Les enfants adoptés
constituent un groupe de personnes vulnérables
ayant des besoins particuliers dont le RQAP n'a jamais tenu compte jusqu'à maintenant. Le RQAP a la flexibilité
suffisante pour octroyer des semaines supplémentaires aux adoptants. Un essai
juridique intitulé Le Régime québécois
d'assurance parentale : un système discriminatoire à l'endroit des enfants
adoptés, publié par Me Carmen Lavallée, Daniel Proulx et
Éric Poirier, le démontre d'ailleurs.
• (15 h 40) •
M. Munger (Yannick) : Au niveau
financier, donner la pleine égalité des prestations aux adoptants versus les parents biologiques aurait engendré des coûts
supplémentaires d'approximativement 5 millions de dollars en 2019 sur
des prestations totales du RQAP d'environ
2 milliards, ce qui aurait représenté une augmentation de seulement
0,25 % des coûts totaux des
prestations. Donc, accorder aux parents adoptants des prestations équivalentes
à celles des parents biologiques a une incidence minime sur le
financement du régime.
Qui plus est,
le fait d'offrir aux adoptants des prestations parentales équivalentes à celles
des familles biologiques jouit d'un
fort appui populaire, renforcé au fil des ans par la sensibilisation aux enjeux
de l'adoption dans les médias par les
organismes et spécialistes en adoption. L'adhésion aux différentes démarches de
représentation, des campagnes de lettres, des pétitions, etc., en
témoignent, d'ailleurs. Le front commun des organismes d'adoption, le
1er décembre 2019, est d'ailleurs un
indice de l'importance du consensus à ce sujet. Désormais, les personnes en
désaccord avec une telle mesure sont très rares.
Dans
le projet de loi actuel, les nouvelles modalités de la loi n° 51 doivent entrer en vigueur le 1er janvier 2021. À cet égard, la FPAQ invite le gouvernement à
devancer autant que possible cette date, particulièrement pour les adoptants.
D'une part, puisque le présent régime a été reconnu
inéquitable envers les adoptants et envers les enfants adoptés par l'ensemble des députés de l'Assemblée nationale le
3 décembre dernier, il est intolérable de laisser perdurer cette iniquité
davantage. D'autre part, le gouvernement
dispose de flexibilité dans la détermination de l'entrée en vigueur des
différentes modalités de ce projet de loi. Pensons, par exemple, au
projet de loi n° 40, entré en vigueur dès le vote en
Chambre.
De
plus, en ces temps de pandémie, plusieurs familles ayant reçu des jumelages,
autant ici qu'à l'étranger, voient des
délais pour la réunion avec leurs familles s'allonger. Des enfants sont même
conscients, parce qu'étant plus vieux, que de nouveaux parents qui doivent venir les
chercher ne viennent donc pas. Imaginez une seconde les conséquences d'une telle attente chez un enfant de quatre ans,
par exemple, ou même de six ans. Imaginez le temps que cela prendra aux
parents adoptants pour panser ces blessures à l'arrivée de l'enfant avec eux. Agir
tôt, le plus tôt possible, en fait, une devise qui devrait, ici, guider le
gouvernement dans ses choix.
Parmi les amendements déposés, le gouvernement
propose que le ministre produise, au plus tard le 1er janvier 2026,
un rapport sur la mise en oeuvre des
dispositions accordant les prestations d'accueil et de soutien relatives à une
adoption. La FPAQ remet en question
le fait qu'une telle attention ne soit portée que sur la mise en oeuvre des
dispositions concernant les familles adoptives, puisqu'il y a plusieurs
autres nouvelles modalités dans le projet de loi n° 51. Un examen de
l'ensemble des nouvelles dispositions apparaît d'autant plus sage.
La FPAQ invite
également à la prudence dans l'interprétation des données issues de la parentalité
adoptive. Par exemple, certains adoptants à
l'international optent pour le régime particulier plus court mais offrant un
revenu plus élevé pour accélérer le
remboursement de leurs frais de déplacement, de voyage, etc., puis, dans les
mois qui suivent, profitent de leur
retour d'impôt pour adoption afin de soutenir financièrement le reste de leur
congé parental sans solde. Au besoin, la
FPAQ sera heureuse de soutenir l'analyse du Conseil de gestion de l'assurance
parentale ou du ministre, ou de se rendre disponible aux parlementaires
lors de l'examen de la commission.
En
conclusion, la FPAQ soutient le projet de loi n° 51 amendé, puisqu'il
offre globalement aux adoptants des congés parentaux de même durée que ceux octroyés aux familles biologiques, reconnaissant
ainsi le caractère unique et la valeur de chaque famille québécoise, qu'il devient équitable envers les adoptants
mais aussi envers les enfants adoptés, leur reconnaissant de cette
manière la même valeur que les enfants biologiques, qu'il favorise aussi la
coparentalité chez les adoptants, une avancée majeure pour les familles
adoptantes et pour la société québécoise.
Cependant, la FPAQ demande que l'entrée en vigueur
des prestations exclusives aux adoptants et des prestations d'accueil et de soutien se fasse aussi tôt que
possible afin que le RQAP soit enfin équitable envers les adoptants et que
cesse la discrimination de tout nouvel enfant adopté.
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, merci, c'est tout le
temps que nous disposons pour votre exposé.
Nous allons
maintenant commencer la période d'échange. Alors, nous commençons avec M. le
ministre. M. le ministre, vous disposez de 16 minutes.
M. Boulet :
Merci, Mme la Présidente. Mme Tardif, Marielle, M. Munger, merci,
Yannick, de la qualité de votre présentation.
On avait eu l'opportunité de se rencontrer à quelques reprises, quelques mois,
même, avant le dépôt initial du
projet de loi n° 51. Je vous prierais de saluer Anne-Marie — elle m'avait mentionné qu'elle ne pourrait pas
être ici, là, elle est en démarche
d'adoption aux Philippines — la remercier aussi de sa contribution. Et je ne peux pas passer sous
silence, évidemment, l'implication et
l'engagement de ma collègue de Joliette dans ce dossier, qui est crucial pour
le milieu parental québécois, cette égalité tant recherchée, tant voulue
par la société québécoise.
On a réalisé dès le
départ à quel point il y avait un consensus social. Tu sais, il y avait des
appréhensions de contestations judiciaires
qui apparaissaient légitimes, selon un certain courant de jurisprudence, mais
j'ai réalisé rapidement qu'on était
passé à une autre étape au Québec et qu'il y avait... du moins, la
compréhension que j'ai développée, c'est qu'il y avait une unanimité
sociale pour aller dans cette direction-là.
Et
donc je veux vous remercier, je veux vous dire à quel point, foncièrement, je
suis heureux de cette issue. J'avais l'impression
qu'on faisait — puis on le
faisait, dans les faits — un grand pas
dans la direction de réduire l'écart qui existait entre les familles biologiques et les familles
adoptantes. Maintenant, on ne parle plus d'écart, mais on parle d'égalité
parfaite, que nous référions au régime de base ou au régime particulier.
Je
vais quand même, avant de vous poser quelques questions, faire certains
commentaires, vous redonner... Marielle, vous en avez fait part, Yannick, vous pouvez le faire. Du point de vue
du père, quelle est la réalité adoptante au Québec? Quelle est l'importance du facteur temps aussi,
crucial pour les familles adoptantes? J'aimerais ça... Bien, Yannick, je vous
pose la question.
M. Munger (Yannick) : Le temps, M. Boulet, c'est la clé dans
l'adoption, c'est... il faut donner de l'amour, il faut donner de l'attention, mais le temps pour créer
l'attachement, c'est crucial. Le temps, également, de coparentalité,
c'est hyperimportant. Dans le cas de
ma première adoption, je n'ai pas eu la chance de passer beaucoup
de temps avec mon garçon parce que
c'est ma conjointe qui avait pris la majeure partie du congé. J'avais passé
quelques semaines au début, cinq semaines avec lui, mais il était très... il était comme une bouée de sauvetage
sur ma conjointe. Je n'ai pas eu la chance de passer beaucoup de temps avec lui, et le congé fondait
rapidement, rapidement. Donc, on a dû le placer en service de garde très,
très tôt.
Dans
le cas de notre deuxième adoption, j'ai passé... c'est moi qui ai pris le congé
parental, j'ai passé six mois avec ma
fille. Et, je le vois, l'implication du père, l'implication de la mère également,
mais la coparentalité, c'est excessivement
important pour les parents pour se permettre de s'attacher également
à l'enfant, mais pour l'enfant, il en a de besoin, de s'attacher à cette
nouvelle famille là. Donc, en ayant 18 semaines de plus, en ayant la
parfaite égalité, ça va vraiment encourager les pères à en prendre plus.
Et votre option de donner davantage
de temps, un quatre semaines additionnel, je trouve ça génial en tant que père.
Si le père en prend 10, semaines, bien, au
couple, je vais en redonner quatre, c'est le fun parce que ça va encourager les
pères à s'impliquer davantage.
Puis, dans mon cas personnel, je m'implique beaucoup, beaucoup
de pères le font, mais je trouve que
cette disposition-là à votre projet
de loi va permettre une avancée
majeure encore plus pour que les pères puissent s'impliquer dans leur
famille, tant au niveau adoptif que les familles biologiques.
M. Boulet : Merci
beaucoup, Yannick, aussi, du
commentaire, qui nous laisse comprendre que vous avez bien assimilé l'importance de l'incitatif pour les
pères, pour qu'il y ait un meilleur investissement, là, dans la sphère parentale. Est-ce qu'à cet égard-là... parce que je sais que
vous êtes particulièrement bien documentés, est-ce que les pères adoptants,
selon vous, prennent plus de temps en
parental actuellement que les pères biologiques ou c'est à peu près la même
réalité?
Parce que, souvent, ce qu'on constatait, les
statistiques que j'avais du Conseil de gestion, c'est que les pères prennent
massivement, à peu près 70 %, alors que
c'est nettement plus élevé que dans le reste du Canada, où ça s'articule autour
de 10 %, et peu dans le parental.
Est-ce que vous avez une information ou une statistique qui nous permet de
comprendre la réalité adoptante, Yannick ou Marielle?
M. Munger (Yannick) : Outre les statistiques du Conseil de gestion de
l'assurance parentale... Je ne les ai pas, on pourrait peut-être les trouver. Je ne pourrais pas me commettre, là,
sur cette statistique-là, malheureusement, mais mon feeling, c'est que les pères adoptants s'impliquent
énormément. Mais, dès qu'on pogne le cinq semaines, souvent, malheureusement,
puis c'est vrai dans le cas des familles biologiques, la mère prend la grosse
portion du congé parental qui devrait être davantage partagé en deux.
M. Boulet :
Totalement, totalement. J'aimerais vous entendre sur... Vous savez que, dans le
projet de loi n° 51, nous
augmentons de deux à cinq semaines pour les prestations qui peuvent être
utilisées avant l'arrivée de l'enfant lors d'une adoption hors Québec. Est-ce que vous avez un commentaire sur
cette bonification qui est dans le projet de loi n° 51, Marielle?
Mme Tardif (Marielle) : Oui, effectivement, c'est une bonification fort
intéressante. Ça permet de préparer le voyage, qui n'est évidemment pas
un voyage de vacances, hein, c'est un voyage qui demande beaucoup de démarches
au préalable, parfois se rendre à une ambassade ou un consulat, organiser
différentes paperasses avant le départ. Donc, ça nous demande du temps, ça nous
demande des démarches. L'état d'esprit aussi puis le fait de partir pour le
voyage d'adoption, comme je l'ai dit, c'est différent d'un voyage de vacances.
Donc, ce temps-là est précieux et permet aussi de commencer le RQAP au moment
du voyage, avant le retour à la maison. Donc, au niveau des congés sans solde,
et tout ça, ça évite, en fait, de prendre des congés sans solde.
• (15 h 50) •
M. Boulet : D'accord. Vous faites référence aussi au rapport
de mise en oeuvre des dispositions. Bon, on instaure, pour la première fois au Québec,
la prestation d'accueil et de soutien de 13 semaines pour s'assurer que
les parents adoptants bénéficient du
temps qui est requis, qui est nécessaire. Et ça nous permet, bien sûr,
d'atteindre l'égalité entre les parents adoptants puis les parents biologiques. Bon, c'est un peu ce qui nous
guidait dans la rédaction du projet
de loi, comme c'est une nouvelle prestation, cinq ans après
l'entrée en vigueur, qu'on ait un rapport de mise en oeuvre pour comprendre
comment ça s'est passé, comment la société
a assimilé cette nouvelle réalité et comment ça a été aussi utilisé, notamment par les parents adoptants.
Vous
nous invitez à la prudence dans l'interprétation des données issues de la parentalité adoptive et
vous offrez votre soutien au Conseil
de gestion ou aux parlementaires lors de l'examen de la commission.
Moi, je trouve ça intéressant. Est-ce
que... Je pense qu'il y a deux volets, là. Si je vous ai bien compris, vous
aimeriez que ce rapport-là de mise en
oeuvre ne concerne pas que la
nouvelle prestation d'accueil et de soutien, d'une part, et, d'autre part, que
vous puissiez accompagner notamment les parlementaires et le conseil de
gestion dans la rédaction et la substance du rapport de mise en oeuvre. Est-ce
que c'est bien ça?
M. Munger
(Yannick) : Pour la... Votre...
Mme Tardif
(Marielle) : Oui, vas-y.
M. Munger (Yannick) : Pour votre première portion, oui, vous avez bien
compris. On aimerait que le rapport de
mise en oeuvre ne focusse pas nécessairement juste sur les modalités de l'adoption
de votre projet de loi, parce
que votre projet de loi est beaucoup plus large. Donc, peut-être une mise en oeuvre sur votre projet de loi au complet, donc on voit ça d'un très bon
oeil.
On voulait juste
apporter un bémol sur... Des fois, on voit des statistiques, ah! les parents
adoptants, bien, ils prennent le programme
particulier, donc ça veut dire qu'ils prennent le plus court possible, puis
après ça on pourrait... les chiffres
pourraient laisser croire que les parents ne s'impliquent pas. Actuellement, ce n'est pas ça, c'est qu'il
y a... on a des frais énormes
à soutenir lorsqu'on fait une adoption, puis on les assume, puis pas de problème,
sauf que la charge financière, quand on
prend le programme court, on a des prestations plus élevées, ce qui
nous permet de rembourser plus rapidement nos frais de voyage, nos frais d'adoption,
etc., donc... Et après ça beaucoup de familles, actuellement, prennent
des congés sans solde à leurs frais, puis ça, ça n'apparaît nulle part dans les
chiffres.
Donc,
quand on regarde des tableaux : Ah! les parents adoptants ne s'impliquent
pas beaucoup, ils ne prennent pas le congé long, ils prennent le congé court, donc ils n'en ont pas de
besoin. C'était dans cette optique-là, de faire attention dans l'analyse des
données. Puis peut-être, oui, effectivement, on pourrait... pas nécessairement participer, ce n'est pas une obligation,
mais consultez-nous, peut-être avoir un oeil externe, parce que
nous, on est en contact avec les familles adoptives, on connaît leur réalité, on est capables d'avoir le pouls directement et on pourrait avoir un oeil externe, vous aider à comprendre
certaines réalités, au besoin.
M. Boulet : Merci de le mentionner, hein, puis moi, je vais
vous donner mon opinion. Oui, absolument, quand on fait des projets de loi qui concernent le filet social québécois,
qui concernent l'assurance parentale,
le soutien financier, et autres, à
des parents, dans un contexte tellement important de la vie humaine, il faut
s'assurer de consulter, il faut s'assurer de refléter le... on parlait tout à l'heure de consensus social. Et,
pour avoir un consensus, il faut d'abord et avant tout consulter, écouter et tenir compte. Et il faut, je pense,
avant que ce rapport de mise en oeuvre là soit écrit, élaboré, que vous fassiez
partie des parties qui sont consultées.
Je tiens...
J'ai deux autres questions. On a, vous avez vu, dans le projet de loi, la
possibilité de mettre en place des
projets pilotes. Évidemment, ça devra se faire selon les paramètres des
articles habilitants, là, parce que ce n'est pas des projets pilotes que le Conseil de gestion pourra purement, à sa
discrétion, décider de mettre en place. Mais, si vous aviez une idée de
projet pilote... Les projets pilotes, moi, je vois ça aussi comme une façon de
faire progresser la société, de démontrer,
pas qu'au Canada, mais partout à l'échelle internationale... on est capables de se distinguer au plan social. Auriez-vous une suggestion ou une recommandation à faire d'un projet pilote? Puis n'hésitez pas à soumettre quelque
idée que ce soit, là, on est... je vous pose la question, là, avec beaucoup
de transparence.
M. Munger (Yannick) : Comme ça,
là, à brûle-pourpoint, peut-être un observatoire des enfants adoptés. Actuellement,
il n'y a pas beaucoup de recherches, il n'y a pas beaucoup de données tangibles
sur l'adoption. Suivre une cohorte d'enfants
adoptés dans le temps, qui ont été adoptés, que ça soit à la naissance au
Québec ou que ça soit un enfant adopté
qui a sept, huit ans, qui vient d'un autre pays étranger, il y a autant
d'adoptés qu'il y a de... la situation est différente pour chaque
enfant. De suivre des cohortes dans le temps pour voir l'impact de la présence
des parents, l'impact d'une présence
prolongée au niveau... sur l'anxiété, les troubles de performance, les troubles
de langage, ça serait intéressant d'avoir
beaucoup plus de recherches. Actuellement, les recherches manquent énormément
de données. Quand tu n'as pas de données, c'est difficile d'établir des
plans, et ça serait une idée, puis on pourrait bonifier, là.
Mme Tardif
(Marielle) : Je voudrais ajouter qu'à ma connaissance il y a une étude
semblable qui a été réalisée en
Suède, qui est un pays où il y a de l'adoption internationale depuis longtemps,
puis ils sont arrivés à des conclusions surprenantes sur le fait que les enfants adoptés, une fois adultes, sont
plus vulnérables aux maladies mentales, ou à divers problèmes de fonctionnement, ou, en tout cas,
doivent faire face à différentes problématiques. Donc, ça serait intéressant,
puis de voir aussi, étant donné qu'on veut
réévaluer le projet dans quelques années, de réévaluer, effectivement, l'impact
que la prestation aura eu dans un sens positif contre ces effets-là.
M. Boulet : Absolument.
Excellent point.
M. Munger (Yannick) : Peut-être
juste une... Il y a quelque chose qui vient de me sortir... le trouble de l'attachement, c'est difficile. Le trouble de
l'attachement, les enfants adoptés, il y en a qui n'ont aucune séquelle, il y
en a qui vont s'attacher très, très
bien à leur nouvelle famille, il y en a d'autres que c'est très, très
difficile, ils ont... puis ce n'est pas juste quand ils sont jeunes, c'est un trouble qui persiste dans le
temps, ça devient difficile de s'attacher à des personnes significatives. Avec ton conjoint, aussitôt que tu
deviens émotif, tu vas peut-être briser des relations dans ta vie adulte
beaucoup plus facilement parce que ça va
être un mécanisme de protection. Donc, peut-être inclure cet effet-là qui
serait intéressant à analyser.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Il reste 30 secondes, M. le ministre.
M. Boulet :
Oui. Puis l'idée d'observatoire... O.K. Maintenant,
j'ai pris note de votre volonté qu'on puisse favoriser l'entrée en
vigueur des dispositions de notre projet de loi le plus rapidement possible, particulièrement pour les
parents adoptants, je vous aurais
fait parler sur est-ce que c'est justifié. Oui, certainement, c'est ma volonté qu'on aille de façon diligente, mais est-ce qu'il y
aurait eu une opportunité sociale ou une pertinence sociale de le faire plus
rapidement pour les parents adoptants?
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci.
M. Boulet : Voilà, j'ai...
Merci beaucoup à vous deux, puis au plaisir de vous revoir bientôt.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci, M. le ministre. Alors, nous poursuivons la période d'échange avec
l'opposition officielle, avec le député de Nelligan.
M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. Merci pour votre
présence. Excellent rapport, pas mal d'informations très détaillées, et, écoutez, je l'ai lu avec
grand intérêt. Et il y a un point que j'aimerais bien avoir votre point de vue,
c'est à la page 8 où vous parlez
de syndrome de dépression postadoption. Et en fait ça m'a interpelé parce que
c'est quelque chose que, je vous
avoue, je ne l'ai pas vu avant, je l'ai su grâce à vous. Et en parlant, tout à
l'heure, des projets pilotes, pouvez-vous juste
élaborer plus sur ce phénomène? Est-ce qu'au sein de votre regroupement des
membres vous ont interpelés? Si c'est oui,
est-ce qu'il y avait des mesures ou des stratégies que vous avez mises en place
ou des choses que vous avez essayé de
commencer pour venir en aide à ces parents? Et aussi l'impact, parce que j'en
suis sûr, qu'il y a un impact social par rapport à ça, donc si vous
pouvez élaborer davantage sur ce point.
• (16 heures) •
Mme Tardif (Marielle) : Bien, le syndrome, je dirais, de dépression
postadoption ou, en tout cas, les difficultés d'adaptation que vivent les parents adoptants, c'est vrai, sont peu
documentées, mais il y a quand même des chercheurs qui ont travaillé sur la question, puis il y a des
points forts qui ressortent de ces recherches-là, entre autres, voilà, des
difficultés d'adaptation parce qu'on
a un enfant avec qui on n'a pas eu... ce n'est pas comme dans une grossesse, où
on a déjà un lien d'attachement
durant la grossesse qui se construit, ça reste un étranger qui arrive. Nous,
nous sommes des étrangers pour nos
enfants aussi, à la base. Donc, cette adaptation-là, ce contact-là n'est pas
toujours facile, il y a des deuils à faire, il y a des réalités qui sont difficiles à intégrer. Les
enfants ont différents problèmes de sommeil, d'alimentation, c'est parfois très
difficile à gérer. Les enfants arrivent plus
vieux avec des problèmes qu'on n'a pas avec un bébé naissant. Et il y a souvent
des sentiments de culpabilité, aussi, qui
sont vécus par les parents parce que les parents adoptants... il faut
comprendre que le processus est très
long avant, puis des parents ont été évalués et même surévalués. On leur a dit
qu'ils étaient compétents, on leur a
dit qu'ils avaient le droit d'avoir un enfant, qu'ils allaient être des bons
parents, et là, des fois, on se retrouve devant une situation avec un enfant puis on se sent démunis, on se sent non
compétents, puis souvent on ressent de la culpabilité, puis on ne va pas aller demander de l'aider parce
qu'on est censés être capables de se débrouiller. On se sent un peu comme
des parents thérapeutes, des fois, plus thérapeutes que parents, selon les
situations. Ça fait que ça fait tout partie de ces difficultés-là d'adaptation.
Nous, à la FPAQ, on a une ligne d'écoute, là, on
écoute les parents puis on essaie de les diriger vers les meilleures ressources qu'on connaît, psychologues, et
travailleurs sociaux, et tous les services qui existent. On trouve que les
services postadoption sont peu
suffisants et pas uniformes selon où on se trouve dans les différentes régions
de la province. Souvent, ça dépend du
centre de services jeunesse, ça dépend des ressources, ce n'est pas uniforme.
Des fois, les parents qui sont région
éloignée doivent venir à Québec ou à Montréal pour recevoir certains services.
Donc, ça, ça serait quelque chose qu'on voudrait améliorer dans le
futur.
M. Derraji : Merci, excellente réponse. Et vous avez vu le
projet de loi, j'en suis sûr et certain, vous avez travaillé avec... vous avez vu les amendements, vous avez vu
le changement que le projet de loi ramène. Là, il y a toujours des angles
morts, et aujourd'hui vous avez devant vous un ministre qui est aussi à
l'écoute avec la notion des projets pilotes.
Je
ne veux pas revenir sur ce que vous avez déjà proposé, mais, dans la
documentation que j'ai devant moi, je vois l'angle de syndrome de dépression postadoption comme probablement un des
angles que j'ai vu sur la table. Pensez-vous que c'est quelque chose qu'on devrait suivre? Je ne veux pas commencer à
faire la comparaison avec les parents biologiques, mais j'ai senti dans votre argumentaire que c'est
un vrai problème, ça existe, vous l'avez documenté. Pensez-vous que, si on innove au niveau du régime, d'avoir un
projet pilote qui va venir en soutien à ces parents... et je vais vous dire
pourquoi, et corrigez-moi, les collègues, c'est la prof de l'Université
de Sherbrooke qui nous a parlé de huit ans.
Une voix :
...
M. Derraji :
Oui, c'est Mme Lavallée qui nous a parlé de huit ans, de lien qui se
développe avec... — c'est
Mme Lavallée, hein? — huit ans d'un lien qui se développe avec
l'adoption. Donc, si on prend le cycle de vie, les premières années, ce n'est pas la même chose qu'avec une
famille biologique. Donc, le besoin, c'est au-delà d'avoir une implication
de la cellule familiale, du parent adoptant
a et b. Les besoins seront toujours là parce que le défi, il est énorme. Est-ce que
j'ai bien cerné la problématique?
Mme Tardif
(Marielle) : Oui.
L'attachement est quelque chose qui se construit de jour en jour puis c'est
l'affaire d'une vie à faire. C'est
vrai dans le cas des familles biologiques aussi. Les familles biologiques
doivent construire un lien d'attachement
aussi avec leurs enfants, mais les défis sont nettement différents avec les
enfants adoptés. Et puis... J'ai perdu mon idée. Je voulais dire que...
M. Munger (Yannick) : C'est un défi d'une vie. Les enfants, à huit ans,
c'est un certain niveau de défi. Quand tu
réalises... Quand tu arrives à travers l'adolescence...Les enfants
biologiques... sait déjà que l'adolescence est difficile, mais, quand tu es adopté aussi, tu réalises le fait que
tu as été abandonné, que ta mère biologique n'a pas voulu de toi, elle a rejeté
sa chair. C'est très difficile à vivre. Les
enfants... beaucoup de tourments. Nous aussi, on se sent coupable,
là-dedans : Est-ce qu'on a fait les bonnes choses? Est-ce que... Ce
n'est pas évident de...
Mme Tardif
(Marielle) : Je voudrais
ajouter, là, c'est vrai qu'au niveau... à l'adolescence, c'est difficile. Je suis
moi-même enseignante, avec des adolescents
au secondaire, puis je n'ai pas fait une étude statistique, mais j'ai eu
l'occasion de croiser des adolescents
qui ont été adoptés. Puis, oui, la crise identitaire est double dans leur cas,
c'est plus difficile, ça devient ardu
à gérer, puis les ressources pour les adolescents sont encore moindres que
les ressources pour les plus jeunes enfants.
Puis
je voulais dire aussi qu'une... Je voulais revenir à votre idée, là, du
syndrome de dépression. Une des choses qu'on
observe chez les parents, c'est... Puis ça, on le vit... moi, je l'ai vécu, en tout cas, personnellement. Au moment où on a nos enfants, on réalise concrètement qu'on a perdu, qu'on n'aura jamais
une partie de leur vie. Moi, ma fille, je n'aurai jamais
ses premiers pas, je n'aurai jamais ses premiers mots. Ça, c'est... pour moi, en tout cas, puis, je pense, pour d'autres parents aussi, on a recueilli certains témoignages,
c'est un choc quand on se rend compte de ça. Puis on voit les neveux, les nièces, puis là on sait que nos enfants nous
attendent. Le temps passe, puis, quand on les a, on est tellement
contents de les avoir, mais en même temps on réalise qu'on a manqué des choses. Puis ça, ça reste, c'est... ça
laisse des traces, puis c'est important, puis ça a un impact sur nous,
puis ça a un impact sur eux aussi.
M. Derraji : ...
M. Munger (Yannick) : Dans mon
cas...
M. Derraji : Allez-y. Allez-y.
M. Munger
(Yannick) : Dans mon cas,
j'ai... pas que j'ai fait un syndrome post-partum, mais pas loin, tu sais,
il y a eu des épisodes... On a un projet, c'est tout rose, tu sais, on va
adopter un enfant, ça va bien aller. Dans mon cas, c'était plus moi qui étais l'instigateur du
projet, puis j'avais dit à ma conjointe : Tu vas voir, ça va bien aller,
je suis fait fort, tu sais, je vais
être là, je vais t'épauler. Ça ne s'est pas passé comme ça. Mon gars, il ne
voulait rien savoir de moi, tu sais. J'étais
souvent en train de pleurer dans la douche en petite boule en disant :
Pourquoi il ne m'aime pas? Tu sais, je fais tout pour lui, tu sais, j'essaie, mais il ne voulait rien savoir, tu sais, il
était accroché à ma femme. Puis je voulais, puis, tu sais, plus tu veux,
plus tu essaies, puis à moment donné, des fois, tu essaies trop. Ce n'est pas
évident.
Ça fait que,
des fois, le projet tout rose, il n'est pas tout rose puis c'est là que tu te
sens un peu démuni. Puis, encore aujourd'hui, ce n'est pas facile, là. Puis, tu sais, mon
enfant, là, il me dit souvent, là, qu'il me préférerait mort puis qu'il veut
se suicider puis... Ce n'est pas facile.
C'est des choses... Puis, il a neuf ans, ce n'est pas normal qu'un enfant dise
ça. Ça fait que, tu sais, il y a des
affaires que... puis, tu as beau en parler, mais, tu sais, il n'y a pas de
ressources, ça fait que ce n'est pas toujours facile.
M. Derraji : Je vous entends. Merci, et je tiens à vous dire
que vous êtes le meilleur porte-parole pour la cause que vous êtes en train de défendre. Merci de nous sensibiliser par rapport à votre réalité. Et je réitère ce que le ministre a dit à la fin, prenez le temps de penser, on a encore
le temps d'étudier le projet de loi article
par article, on a encore le temps
devant nous, mais pensez à tout ce que vous
avez mis dans votre excellent rapport et, si vous voyez des pistes, que ça soit
via des projets pilotes ou des idées
qui peuvent nous inspirer, n'hésitez pas à nous contacter. Vous avez nos coordonnées.
Mais je tiens à vous remercier, encore une fois, pour votre présence et la
qualité de votre mémoire. Merci.
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, nous allons poursuivre avec le deuxième groupe d'opposition, avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve.
Vous avez 2 min 40 s.
M. Leduc : Mme la Présidente,
considérant la grande connaissance sur le sujet de notre collègue de Joliette,
j'aimerais lui céder mon temps de parole.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
La députée de Joliette accepte.
Mme Hivon : Oui, la députée
de Joliette accepte, mais la députée de Joliette est très émue après le
témoignage, donc elle va se ressaisir.
Bien, écoutez, c'est très gentil, merci au
collègue de sa générosité.
Moi, d'abord,
je veux vous remercier. J'aimerais ça pouvoir vous avoir à côté de moi, mais,
bon, vous êtes dans la salle à côté. Je veux vous remercier parce que,
vous savez, dans la vie, ce n'est pas tout le monde qui a la chance de changer les choses, pas juste pour eux, mais
pour beaucoup de gens. Et, par votre mobilisation, par votre combat que vous menez depuis maintenant plus de 15 ans,
par l'énergie que vous avez déployée malgré les difficultés, et les
souffrances, et votre réalité
quotidienne, qui est loin d'être simple avec les défis que vous nous avez
esquissés, j'espère que vous réalisez à quel point vous avez été essentiels dans l'évolution de la pensée du
ministre. Je pense qu'il vous l'a dit, mais il me l'a dit aussi. Et je pense que c'est rapide, on a
rapidement vu à quel point, quand le ministre parle de la réalisation d'un
consensus social, c'est parce que,
comme mon collègue vient de le dire, vous êtes les meilleurs porte-parole. Et
rapidement, quand vous avez pris la
parole à la suite de la présentation du projet de loi en expliquant c'est quoi,
la réalité de l'adoption, c'est quoi, la
réalité d'un enfant adopté qui arrive parachuté avec des gens qu'il n'a jamais
vus, qu'il n'a jamais entendus, qui souvent ne parlent pas la même
langue que lui, autant pour les parents que les enfants, je pense que votre cri
du coeur puis votre description des choses
était tellement humaine, tellement vraie que ça a touché le coeur de tous les
Québécois, et c'est ce qui fait que
le gouvernement et le ministre ont eu une très belle écoute et ont évolué, je
crois. Donc, je veux vous le dire parce
que ce n'est pas tout le monde qui a cette chance-là puis je le sais que ça fait tellement longtemps
que la fédération se bat. Donc,
j'espère que vous savourez tout le chemin que vous permettez au Québec
en général, et aux parents adoptants, et aux enfants adoptés en
particulier, de réaliser aujourd'hui.
Puis aujourd'hui je suis contente de vous entendre. Je vais avoir des questions
plus précises sur le régime, vraiment, là, d'adoption, mais je pense que c'est vraiment
précieux de vous entendre. Vous auriez pu dire : Bien là, on a gagné l'essentiel de ce qu'on a demandé, est-ce qu'on va y aller? Moi, je trouve que c'est
très important qu'on vous entende parce
que... J'en parlais, on a eu une présentation de la CSN la semaine dernière où
ils nous faisaient référence à certaines notions d'équité, et puis je disais que peut-être que, si on entendait
plus parler d'adoption, on serait plus au fait de la nécessité de cette équité-là, de cette égalité de traitement
là, parce qu'avec plus de 80 000 naissances par année puis quelques
centaines d'adoptions, c'est sûr que les gens ont
une bien meilleure connaissance de ce qu'est la réalité d'une naissance et d'une arrivée biologique versus celle d'une
adoption. Puis aujourd'hui vous permettez, encore une fois, de démystifier ça,
donc je veux vous en remercier.
Deux
éléments. La question de l'entrée en vigueur, le ministre
a terminé là-dessus. Vous n'avez pas eu le temps de répondre, c'est un classique dans notre univers.
Des fois, on pose des questions, on n'a pas le temps d'entendre les réponses.
Je suis sûre que les témoins trouvent ça complètement fou, mais c'est comme ça que ça marche. Alors, je voudrais vous entendre là-dessus, quand vous avez parlé, là, rapidement,
de l'importance de l'entrée en
vigueur, je veux saisir ce que
vous vouliez dire.
Et l'autre
élément, c'est la question des semaines partageables. Ce matin, on a eu une proposition qui est venue dire qu'on
devrait augmenter le nombre dédié de semaines, mettons 10 à la mère, 10 au
père, au lieu du 5-5 exclusif aujourd'hui, donc 10-10. Je voulais voir comment vous
réagissiez par rapport à ça.
• (16 h 10) •
Mme Tardif
(Marielle) : ...répondre sur
le premier point. Est-ce que tu veux répondre sur le deuxième? Ça va? Alors, concernant l'entrée en vigueur, je pense
que ce serait important que ça soit fait le plus tôt possible, pour deux
raisons. Premièrement, parce qu'il est reconnu maintenant officiellement que le régime fait preuve
d'iniquité envers les familles adoptantes puis spécifiquement les
enfants adoptés. Donc, je pense qu'il est urgent de corriger cette
injustice-là.
Puis la
deuxième raison, c'est que ça presse, ça presse. Les familles ont besoin de
temps maintenant. Les projets en cours puis les projets à venir ont besoin de beaucoup
de temps. On l'a dit dans notre présentation, encore plus en temps de pandémie, ici comme ailleurs, les projets
d'adoption deviennent vraiment plus compliqués. C'est vraiment
plus long, les délais, et les enfants vieillissent pendant ce temps-là,
les besoins augmentent. Donc, quand ils vont arriver dans leur famille, ça va
être encore plus important d'avoir le temps pour bien les accueillir.
M. Munger
(Yannick) : J'ai une
image : il y a environ 400 adoptions par année, on va dire,
un enfant par jour se fait adopter.
On a... l'Assemblée nationale a déclaré, a voté à l'unanimité, le
3 décembre dernier, ça fait presque... ça fait 10 mois, plus
que 10 mois : C'est inéquitable, c'est injuste envers les enfants
adoptés.
Depuis ce temps-là, il y a eu des projets, des amendements,
etc. Malheureusement, la pandémie a fait reculer les choses, on ne peut rien y faire. Mais, pendant ce temps-là, le toit
coule. Le toit coule, puis on a dit qu'on allait le réparer le
1er janvier. Le toit coule, il mouille dehors. On peut-tu faire une
exception puis mettre la patch immédiatement pour permettre à ces enfants-là... Il
y a un enfant par jour, d'ici Noël,
là, qui va se faire adopter. Il y a une centaine d'enfants. Si on se tient au 1er janvier, il y a
une centaine d'enfants encore qui n'auront pas le droit de bénéficier de ce
18 semaines de... C'est quatre mois de plus. Pourquoi ces
100 enfants là n'auraient pas le droit?
Donc, on demande au gouvernement de faire preuve
de flexibilité. On l'a vu avec la pandémie, là, la machine gouvernementale s'est mise en télétravail, comme ça. Personne n'aurait jamais cru
être capable, tout le monde l'a fait. Le marché du travail, le privé, le gouvernement l'a réussi.
Mettre en branle un projet sur une disposition précise, on espère que le
gouvernement va être sensible à notre proposition...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
En conclusion.
M. Munger (Yannick) : ...et on
l'a vu dans le passé avec certains projets de loi, que c'était possible.
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, c'est tout le temps que nous avions. Alors, merci,
Mme Tardif et M. Munger, pour votre excellente contribution à
la commission.
Nous allons
suspendre les travaux quelques instants, le temps de donner la chance à l'autre
groupe de s'installer. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 15)
(Reprise à 16 h 26)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, nous poursuivons... Ah! alors, nous poursuivons. Maintenant, nous
recevons le groupe Réseau pour un Québec Famille, mais moi, je ne vois pas
que...
Alors, bonjour. Nous continuons. Nous recevons le groupe
Réseau pour un Québec Famille, avec Mme Rhéaume et Mme Landry. Alors, Mme Rhéaume,
Mme Landry, vous êtes bien là? Parce qu'elles sont dans l'autre salle.
Vous êtes là?
Réseau pour un Québec Famille
Mme Landry (Amélie) : Oui.
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, avant... Vous savez que vous avez un exposé de 10 minutes,
vous devez respecter le temps. Avant de commencer votre exposé, je vous
demanderais de bien vous présenter, chacune. Merci.
Mme Rhéaume (Marie) : Marie
Rhéaume, directrice générale du Réseau pour un Québec Famille.
Alors, quelques mots
sur le réseau, qui est un regroupement du secteur famille qui réunit 20 des
principales organisations
nationales soucieuses de la situation des familles québécoises et qui proviennent du milieu communautaire, municipal, éducation, santé et services sociaux,
syndicats. Nos membres représentent plus de 4 000 organisations
présentes dans toutes les régions du
Québec. Et aujourd'hui je suis accompagnée d'Amélie Landry, qui est du Réseau
des centres de ressources périnatales
du Québec. Le réseau se veut un lieu privilégié d'échange et de concertation,
et on tente de rehausser la cohésion
de l'écosystème famille et resserrer les mailles du filet de protection que les
organismes membres tissent autour des familles québécoises.
Pour
nous, le Régime québécois d'assurance
parentale, avec les services de garde
éducatifs à l'enfance, c'est une des
pierres d'assise de la politique familiale québécoise. Depuis son introduction
en 2006, ce dispositif-là a eu un impact majeur sur la vie des familles québécoises. Il va avoir favorisé une
certaine progression de l'équité quant au développement de la carrière des deux parents en permettant à
des milliers de femmes de participer au marché du travail tout en fondant
une famille et à des milliers d'hommes de
s'engager davantage auprès de leur nouveau-né pour assurer un engagement
pérenne de leur part. On sait que ça,
c'était un des principaux objectifs, aussi un des objectifs importants, là, du
régime.
Aujourd'hui, on pense que le régime peut consolider
cet avancement-là en favorisant un meilleur partage des responsabilités familiales. Notez bien que je
vais parler de responsabilités familiales et non pas de tâches. Pour moi,
c'est deux choses bien différentes.
De façon générale, les modifications proposées
dans le projet de loi constituent des propositions bien orientées, sans toutefois répondre précisément aux
préoccupations des familles, pour faire face aux défis actuels. Il est
désormais souhaitable que cette
réforme-là rende maintenant possible une nouvelle avancée et vise l'avènement
d'une coparentalité où la responsabilité est véritablement partagée
entre les deux parents.
On
pense aussi que c'est le bon moment de le faire parce que la pandémie a fait
ressortir les difficultés, entre autres, et l'inégalité qui persiste entre les hommes et les femmes, a démontré
que ça avait des conséquences plus lourdes pour certaines personnes, en particulier les femmes. Il s'agit là d'une
illustration concrète qui témoigne de l'importance d'agir sur les conditions qui influencent le partage des
responsabilités familiales entre les hommes et les femmes. Ainsi, le contexte
doit plutôt être vu comme un moment
charnière où réfléchir aux effets tangibles des politiques publiques, comme le Régime québécois
d'assurance parentale, sur un
ensemble de normes sociales concernant notamment le travail, l'organisation de
la vie familiale et l'égalité entre les hommes et les femmes.
• (16 h 30) •
Au
niveau du changement des normes sociales, on sait que les normes sociales, ça
tient à... la force des normes sociales
tient à leur intégration dans un
ensemble socioculturel et repose notamment sur des valeurs. Plus ces valeurs
ont une importance dans la société,
plus les normes qui en découlent ont de bonnes chances de s'imposer. Ainsi, les
changements aux normes surviennent généralement lorsque ces valeurs
évoluent ou se renouvellent.
Dans
le cas du partage des responsabilités familiales ou de la charge mentale, la
principale valeur en cause est celle
de l'égalité entre les femmes et les hommes, dans l'angle des rapports intimes
qu'ils établissent entre eux au sein d'une
même unité familiale. Or, à l'échelle des comportements individuels, changer
une norme nécessite surtout qu'on s'intéresse aux freins qui rendent le
changement plus difficile.
Ainsi, en reconnaissant que l'un des objectifs
principaux que doit sous-tendre la réforme du Régime québécois d'assurance
parentale est de permettre un partage
plus égalitaire des responsabilités familiales, il faut comprendre les
dynamiques qui créent un
débalancement en défaveur des mères, identifier les facteurs qui empêchent un
partage plus équitable, s'assurer que les mesures mises en place dans le
régime puissent avoir un effet réel sur ces dynamiques et ces facteurs.
La période du congé parental, particulièrement le
premier, a un aspect déterminant sur la façon dont vont s'installer les habitudes qui conditionneront le partage des
responsabilités entre les pères et les mères tout au long de leur parcours. On
sait qu'actuellement les mères
prennent la plus grande partie du congé. Les pères, eux, vont prendre en
moyenne cinq semaines. On sait quand
même qu'il y a 80 % des pères
admissibles qui prennent les cinq semaines de congé, puis il y a une beaucoup
plus faible proportion, soit moins de 30 %, qui partagent les semaines de
congé parental avec la mère.
Le
scénario typique, c'est toujours le même : les mères et les pères vont
passer les... c'est souvent le même, les mères, les pères vont passer les cinq premières semaines qui suivent
l'accouchement à prendre soin du nouveau-né. Ils s'adaptent à leur nouveau rôle de parent. Après, le père va
retourner sur le marché du travail. C'est là que la vraie vie de famille
débute, ce qui cause aussi un choc.
La dynamique devient alors tout autre. La mère passe la plupart de son temps
avec l'enfant et, par le fait même, va se retrouver, souvent, en charge
de la maisonnée. Elle va développer intensivement ses habiletés parentales, son lien avec le bébé. Le père, qui
est absent pendant de longues heures, risque de se sentir moins habile, moins
compétent. L'écart entre la mère et le père
se creuse rapidement, puis ce dernier va finir pas considérer sa conjointe
comme le parent spécialiste et lui
comme le parent secondaire. Comme, en plus, l'arrivée d'un premier enfant se
situe généralement en début de
carrière, l'écart entre les deux va se creuser, puis ça peut avoir un impact,
là, sur l'écart salarial. Pour arriver à un partage plus équitable, il
nous apparaît important de pouvoir agir sur les facteurs qui limitent ce partage,
à savoir l'ouverture des milieux de travail, les impératifs économiques des
ménages puis les besoins des parents.
En ce qui concerne dans... au niveau de l'ouverture des milieux
de travail, on sait que les milieux
ont des réserves au fait que les
pères prennent plus que leurs cinq semaines. On sait que ça fait partie des difficultés
qu'il y a à surmonter. Souvent, on va s'attendre à ce que
ce soit la mère qui prenne la plus
grande part du congé. S'il faut se féliciter de l'intention derrière la proposition d'ajout de quatre semaines de congé advenant que le père
prenne au moins 10 semaines des 32, il faut reconnaître que cette mesure risque peu d'influencer la norme en
vigueur. À notre avis, seul l'allongement du congé réservé au père est
susceptible d'avoir un effet tangible et rapide sur cette norme.
Nous, on a lancé des travaux avec le sceau... un
sceau de reconnaissance pour les meilleures pratiques pour tenter de faire avancer les choses, puis on sait que ça
demande encore beaucoup de travail. Les impératifs économiques des ménages,
bien, l'impact économique du congé parental est aussi déterminant dans le
choix. On sait que le calcul se fait souvent rapidement,
en favorisant que la mère prenne la plus longue partie du congé parce qu'il y a
une moins grande perte de revenus au niveau du... de l'ensemble de la famille. Donc, on estime que
ça, ça devrait être corrigé, puis ça pourrait être évité si les prestations du RQAP étaient basées sur le
revenu familial plutôt que le revenu personnel du travailleur. Ça représente
certainement un défi comptable, mais l'idée, selon nous, mérite d'être
examinée.
Je passerais la parole à Amélie, maintenant,
pour terminer.
Mme Landry (Amélie) : Nous
allons explorer, maintenant, les besoins des parents. Pour mieux répondre aux besoins des parents, le régime doit leur
permettre de bénéficier d'un congé au moment où les besoins sont les plus
importants. Si les semaines autour de la
naissance sont un moment crucial et de grande vulnérabilité qu'il y a de
devenir parents, il convient de s'interroger sur les moyens qui
pourraient être mis en oeuvre pour inciter les couples à étirer ce partage au-delà des premières semaines. Sachant
que 10 % à 20 % des femmes vivent de la dépression postnatale suivant
les mois après la naissance et que 10 %
des pères vivent aussi une dépression postnatale, les nouveaux parents ne
vivent pas toutes les mêmes expériences et au même moment.
Il y a
également la période qui entoure le retour au travail de la mère, vers...
souvent, à un an, qui est une période critique
où la famille vivra aussi une autre adaptation importante. Enfin, il y a la
première année de fréquentation à la garderie, au cours de laquelle l'enfant construit son système immunitaire, qui
forcera néanmoins ses parents à s'absenter du travail régulièrement. Selon les données de l'Institut de
la statistique du Québec, pendant la première année de fréquentation de
garderie d'un enfant, les mères s'absenteront du travail en moyenne 16 jours,
et les pères, 11 jours. À supposer qu'ils prennent
ces congés en alternance, cela ne représente pas moins de 27 jours d'absence liés aux maladies de l'enfant pendant
une seule année. Nous saluons donc la proposition de permettre d'étaler la prise du congé parental sur 18 mois plutôt que
sur 12 mois. À notre avis, il aurait été
plus avantageux pour les familles de pouvoir bénéficier d'une banque de congés
applicables à la deuxième année de vie de l'enfant sans amputer le congé de
base.
Enfin, outre
le congé, la première année de vie de l'enfant est une période pendant laquelle
les parents apprennent leur rôle
parental, développent leur habileté et leur confiance et solidifient leur lien
d'attachement avec leur enfant. Il est largement démontré que les
parents qui bénéficient d'accompagnement et de services pendant cette période
vivent des transitions plus harmonieuses et expérimentent une plus grande
satisfaction parentale. On parle ici, par exemple, de services de relevailles, d'ateliers pour développer leurs habiletés,
de l'accompagnement, du soutien pour favoriser leur lien d'attachement envers leur enfant, ce qui est un
facteur fort important dans le développement de nouveaux enfants, et ce,
pour les parents biologiques ou non. Afin de
bien répondre aux besoins des parents et d'atteindre les objectifs sociaux
qu'il sous-tend, il serait intéressant d'ajouter au RQAP des mécanismes pour
faciliter l'accès à de tels services.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. C'est donc tout pour votre exposé. Merci beaucoup.
Alors, nous
commençons la période d'échange. Nous commençons avec le ministre. Vous
disposez de 16 minutes.
• (16 h 40) •
M. Boulet : Merci, Mme la
Présidente. Merci au Réseau pour un Québec Famille, Marie, Amélie, belle présentation, des recommandations bien formulées,
des aspects sociétaux qui sont intéressants, notamment quand on parle de
l'évolution des valeurs et l'adaptation du cadre normatif.
Moi, j'ai
l'impression qu'on vit quand même un moment important du casse-tête de la
politique familiale au Québec. Je
pense qu'il y a des normes qui peuvent contribuer à l'évolution de certaines
valeurs sociales. Pour être plus clair, avoir un incitatif pour le père pour l'encourager à s'investir un peu plus
dans la sphère familiale devrait normalement contribuer à la coparentalité et du moins avoir un effet
positif, même si, à un moment donné, j'ai entendu une de vous deux dire qu'on
n'était pas certains de l'impact que ça
pouvait avoir. Mais la réalité actuelle n'est peut-être pas la plus souhaitable
au plan social parce que les pères
prennent le congé de paternité, mais ils ne prennent pas le congé parental.
Puis, quand vous référez à une espèce
de dichotomie, un parent qui devient spécialiste, généralement la mère, puis
l'autre qui devient secondaire, généralement
le père, on le vit souvent, puis il y a beaucoup
de jeunes mères qui m'ont témoigné de cette réalité-là, là, où le père
n'est pas là, ou, quand il est là, il le fait quand la mère est là, il ne veut
pas s'occuper des tâches plus fondamentalement familiales.
Cependant,
j'entends, puis vous n'êtes pas les seules à le dire, vous doutez un peu de
l'impact de cet incitatif-là pour demander
que le congé de paternité soit augmenté. Et ce que je disais ce matin, c'est qu'aller dans cette direction-là, je
pense que ça pourrait contribuer à
cristalliser davantage la perception que les prestations parentales
partageables appartiennent prioritairement aux mères puis que lui a son
congé de paternité qu'il prend de façon un peu parallèle. Parce qu'il y a beaucoup d'études qui démontrent que les pères
désireux d'utiliser les prestations partageables, les partageables parentales,
ont l'impression qu'ils en privent la mère,
que ça se fait au détriment de la mère. Puis ce que je sens le besoin de
réexprimer, c'est que l'approche
qu'on a adoptée vise à susciter d'abord des discussions, un dialogue entre le
parent a puis le parent b pour
partager les prestations parentales et changer la perception à l'effet qu'elles
appartiennent prioritairement à la mère. Puis je pense sincèrement qu'une incitation comme celle-là va légitimer
davantage la prise de congé partageable par les pères, notamment ceux,
puis vous en faisiez référence, qui sont dans des secteurs d'activité
économique où il y a moins d'ouverture.
Parce qu'un des facteurs que vous identifiez comme limitant le partage, c'est
le milieu de travail. Puis je sais qu'il
y a des secteurs d'activité économique qui sont plus réfractaires, on le sent.
Il y a des pères qui m'ont dit : Moi, Jean, je ne sens pas d'ouverture. Et il y a encore des milieux, au Québec, où
même le congé de paternité... Il y a des jeunes pères qui prennent des vacances au lieu de prendre le
congé de paternité, puis il y en a... Maintenant, vous allez me dire, c'est
beaucoup plus accepté dans les milieux de
travail, le congé de paternité, mais là on monte une autre marche de l'escalier
quand il faut faire l'effort de dire :
Je vais partager, je vais prendre le congé partageable. Ça, on a encore du
travail à faire au Québec. Ça fait
que je pense que la mesure qui est dans le projet de loi n° 51
va nous aider à légitimer ou à donner
un argument additionnel aux jeunes pères qui
sont dans des secteurs plus réfractaires à la prise des congés partageables, et
je pense que ça va
avoir un effet — dernier
point, puis après ça je vais vous laisser me commenter — mais
un effet positif aussi pour les
mères, parce qu'il y a des mères qui veulent revenir au travail, il y a des
mères qui sont dans leur congé, puis ça...
beaucoup, puis j'aimerais ça aussi vous entendre, qui souhaitent retourner au travail et, implicitement
ou explicitement, souhaitent
l'investissement du père dans la sphère familiale, là, ce que je répète
souvent. Et donc l'incitatif va avoir cet effet secondaire là de dire aux mères : Vous pouvez plus facilement...
Après avoir dialogué, après avoir convenu d'un partage minimal de 10
semaines chacun, on va bénéficier d'un encouragement additionnel, c'est-à-dire
le quatre semaines partageable. Donc, les
mères vont être beaucoup plus à l'aise de revenir au travail. Donc, je parle
longtemps, mais j'aimerais vous entendre, là, sur mes commentaires.
Mme Rhéaume
(Marie) : Je pense que
l'idée de susciter les discussions est intéressante, parce qu'actuellement on sait que ce n'est pas tout à fait ça qui se
passe. Les couples, tu sais, c'est comme si ça allait de soi, comme si c'était
le congé de la mère, que ça allait de soi,
puis que d'amputer des semaines, c'est vraiment nuire à la relation entre les
deux. Toutefois, je pense que c'est
quand même un gros changement à opérer. Quand on a mis les cinq semaines pour
les pères seulement, on a vu que les
pères ont commencé à prendre le congé, c'est même à 80 %, ce qui est une
grande réussite. On sait que, dans le
restant du Canada, ils sont à 20 %, à peu près, de pères qui prennent le
congé. Donc, il y a vraiment une différence importante.
Selon nous,
un des pas qu'il reste à franchir, c'est toute la question du partage de la
responsabilité familiale. Quand je
dis ça, ce n'est pas juste les tâches, ce n'est pas juste... c'est que chacun
soit capable de faire sa partie du travail. Si on a comme un parent qui est le parent spécialiste, là,
parce qu'il a pu développer ça, c'est probablement facile, après ça, de...
tu sais, ça va de soi, de se reposer sur la personne. Puis là on a beaucoup
entendu parler de la charge mentale, et ça se comprend,
parce qu'on sait que le Québec est
aussi l'endroit au monde où on a le plus haut taux d'activité des mères de
jeunes enfants. Donc, c'est un peu normal
qu'il y ait de la tension de ce côté-là, sauf que les habitudes qu'on prend au
début, au premier congé parental, ces
habitudes-là, c'est des habitudes qui vont être là pour la vie puis ça va être
difficile à faire changer. Puis
souvent, là, qu'est-ce qui va faire que ça change, c'est parce qu'il y a une
séparation. Donc, à partir du moment où les gens sont en garde partagée,
là, tout d'un coup... Tu sais, on a entendu beaucoup de femmes dire : Ouf!
J'ai une semaine où je peux travailler à
fond, où je peux faire toutes mes choses, puis c'est l'autre parent qui s'en
occupe. Mais ces parents-là sont séparés, là, donc on ne pense pas que
ce soit quelque chose à viser.
J'ai fait un
test avec deux de mes employées qui ont des jeunes enfants puis qui se sont
retrouvées en télétravail pendant...
qui se sont retrouvées en télétravail pendant le confinement avec enfants à la
maison, et je leur ai demandé : Est-ce
que ça a changé quelque chose dans le fonctionnement de votre famille? Ils
m'ont regardé avec un petit sourire en
coin en disant : Bien, oui, un petit peu. C'est sûr qu'ils sont très
actifs, mais il faut toujours que je dise quoi faire. Tu sais, j'ai une
réunion qui se prolonge, je termine à 12 h 30, il n'y a rien sur la
table, il n'y a rien qui a été amorcé. C'est des réflexes de cet ordre-là qu'il
faut comme entraîner, puis ça, ça devrait pouvoir se faire.
Si les hommes
avaient... si les pères avaient une partie du temps qui était passé de manière
seule avec les enfants au lieu que
les parents s'arrangent pour passer ce temps-là ensemble, parce que c'est vu
comme du temps de vacances, on
comprend, les nouveaux parents sont souvent essoufflés pour faire face à leur
nouveau rôle, donc on peut comprendre que...
Donc, c'est à ça, je pense, qu'il faut s'attaquer. On pense que la mesure est
intéressante, mais là, pour le moment, ça ne touche seulement qu'une
petite partie des parents puis c'est les plus progressistes.
Donc, est-ce
que la mesure est... c'est ça qu'on se demande, est-ce que la mesure est
suffisante? Est-ce que la mesure est
suffisante pour faire un peu le changement de normes, comme ça a été le cas
quand on a mis en place le congé réservé aux pères?
M. Boulet : C'est une bonne
réponse, mais ça rejoint ce que je disais au départ, il faut que le cadre
normatif contribue à l'avancement, à
augmenter le nombre de ce que vous appelez, Marie, de familles progressistes.
Il y en a ici, dans la salle et on en connaît tous. Il faut qu'il y en
ait de plus en plus au Québec.
Je ne peux
pas m'empêcher de parler du télétravail. Je ne sais pas s'il y a
des statistiques, Marie ou Amélie. Tu sais, moi, on me dit : Il y a beaucoup
de mères qui ont fait du télétravail à la maison puis il y a beaucoup
de pères qui ont fait du télétravail à l'extérieur, ce qui a contribué au maintien de comportements qui sont un peu plus
conservateurs. Mais je lisais une
étude, aussi, qui disait que les mères qui font du télétravail sont celles qui
ont fait le plus de temps supplémentaire
non rémunéré, parce qu'elles s'occupent des
tâches domestiques en plus des enfants, les tâches familiales, et elles
bénéficient d'un horaire de travail
flexible, mais elles étirent, elles étirent, ça fait qu'elles se... Puis
l'horaire de travail est le même, qu'on
soit en milieu syndiqué ou non, c'est l'horaire de travail usuel, mais elles
débordent pour tout finir, ça fait qu'elles font du temps supplémentaire qui est non rémunéré. Aviez-vous un commentaire, Marie, Amélie? Je vous voyais hocher de la tête.
• (16 h 50) •
Mme Rhéaume
(Marie) : En tout cas, ce
qu'on entend, là, dans nos environnements... On est le 26 septembre, puis les gens se sentent comme si on était juste
avant Noël. Donc, on peut penser qu'on va avoir un automne... on va avoir
un automne difficile, puis c'est beaucoup
les femmes qui expriment ça, qui ont eu la double tâche. On entend les mères
dire : Ah! ça ne me tente pas de voir mes enfants revenir à la
maison pendant qu'il faut que je continue de livrer, c'est extrêmement exigeant. J'ai même vu, dans... des familles où le père était dans le
sous-sol pendant que la mère était en haut avec les enfants. Ce n'était pas partagé, là. Tu sais, c'est ça, quand
on dit de... ce n'est pas juste le partage des tâches, c'est le partage de la responsabilité, ce n'est
pas... on ne parle pas de la même chose. Donc, pour entraîner ce changement de
paradigme pour amener les hommes sur la voie
de l'autonomie parentale, bien je pense qu'il y a comme un petit effort
supplémentaire à faire. Mais... C'est ça. Je ne sais pas, Amélie...
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Il reste trois minutes à l'échange.
M. Boulet : Oui. Qu'est-ce que vous pensez de... Tu sais, je
voyais que, dans certains pays, on dit : Les deux parents ne peuvent pas prendre un certain nombre de
semaines en même temps, justement, pour une meilleure responsabilisation puis pour une meilleure assumation des charges
familiales. Est-ce qu'on est rendus à ce stade-là au Québec, selon vous?
Mme Rhéaume
(Marie) : Oui, ça va être court. Je veux dire, c'est comme... C'est
les femmes qui font les frais, actuellement, de la conciliation famille-travail. Elles font
les frais puis elles font les frais de ça toute leur vie, parce que,
comme on a dit, quand ce n'est pas partagé,
quand l'autre n'est pas conscient... Les deux filles, qu'est-ce qu'ils m'ont
dit, c'est : Ils sont un peu
plus conscients de tout ce que ça représente, de gérer une maisonnée. Ça, ça a
été appris pendant la pandémie, mais
pas au point de développer les réflexes, là, qui font que tu es en retard pour
dîner, bien, les enfants sont capables
de dîner quand même, là. Donc, oui, il faut qu'on passe à l'étape
supérieure pour ne pas que ça soit juste les femmes.
M. Boulet : Mais, Marie, je ne vous demande pas de me donner
une réponse en fonction de ce que vous souhaitez, mais est-ce qu'au Québec... est-ce qu'il y
aurait une forme de consensus social sur ce sujet-là, donc qu'un certain nombre
de semaines doivent être prises par le père, par exemple?
Mme Rhéaume (Marie) : Veux-tu y
aller?
Mme Landry
(Amélie) : Je ferais du
pouce, oui, sur votre question. En fait, bien, je travaille en périnatalité, je
dirais que ça commence très tôt. Au-delà de
partager des semaines, c'est d'engager le père dès la grossesse et dès la
naissance de l'enfant. Quand on
pense... les mères vont être les premières à aller aux rendez-vous médicaux
parce qu'elles sont en congé de
maternité, papa est retourné au travail, c'est elles qui vont faire les
premiers vaccins, qui vont faire les premiers rendez-vous. Donc, ça
devient un peu une routine où est-ce que c'est normal, maman va le faire.
Donc, je pense qu'il y a un partage de tâches
obligatoires, ça permettrait peut-être aux pères de s'impliquer davantage.
Mais, je vous dirais, ça commence le processus, dès le début, et c'est ça que,
des fois, on tente d'oublier, puis on l'entend
beaucoup, moi, dans mon milieu, où est-ce que, même
dans les rendez-vous, cours prénataux, rendez-vous médicaux, ils s'adressent à la femme, à la femme, à la
maman, les documents à la maman. Mais le papa, il devient un papa, ça
fait qu'il faut y laisser sa place,
il faut lui laisser prendre sa place, mais il faut changer plein de mesures
incitatives dès le départ.
Ça fait que,
oui, on pourrait augmenter des semaines, oui, on pourrait changer la modification de la loi pour favoriser plus
de temps, mais c'est dès le départ, moi... il reste que c'est vraiment
dès le départ, dès que le papa devient un parent et pas lorsque ça fait
quelques semaines ou quelques mois.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci pour l'intervention. Alors, merci, M. le ministre. C'est tout ce que nous
avions comme temps.
M. Boulet : ...merci à Amélie.
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, nous allons avec le porte-parole de l'opposition
officielle, avec le député de Nelligan. Vous disposez de
10 min 40 s.
M. Derraji : Merci,
Mme la Présidente. Je vais aller dans
le même sens où le ministre s'est arrêté, parce que je trouve que vous avez commencé et il a commencé un
bon débat, et vous avez dit... j'ai noté le changement de norme, donc on parle de norme, moi, ça m'interpelle, tout ce
qui est norme, d'une norme sociétale. Le ministre vous a posé la question : Est-ce que nous sommes
rendus là où, probablement, on doit imposer — je mets entre
guillemets, imposer — que
le papa prend des congés séparés, le
père de la mère? Est-ce que, selon vous, c'est une bonne mesure pour avoir
une implication du père? Je vous ai
entendue parler qu'on doit l'impliquer même avant. Je ne sais pas si ma femme
est en train de voir la commission,
pas sûr, elle est en télétravail, mais on a eu ces genres de discussions
d'aller dans ces rendez-vous. Mais parfois
ce n'est pas parce que je ne veux pas aller à ces rendez-vous, ça n'adonne pas que le temps m'aide. Mais j'aimerais bien vous entendre par rapport à cette question
de normes parce que cette réponse va nous aider dans la suite des choses.
Mme Rhéaume (Marie) : Je pense
qu'il y a 20 ans, là, ou au-dessus de 20 ans, quand le Régime québécois d'assurance parentale a été pensé, la question des cinq semaines
réservées au père, c'était comme... c'était tout un débat : Est-ce que les gens sont prêts? Mais finalement
les gens ont répondu... les gens ont répondu tout de suite parce qu'ils ont vu les avantages. C'était... en tout cas, je pense que tout le monde a été
un peu surpris de voir à quel point c'est venu rapidement.
Mais, si...
tu sais, je pense que, dans l'état actuel de la situation par rapport au
télétravail... dans l'état actuel par rapport
au télétravail, peut-être qu'ils ne le savent pas, que c'est un élément de
réponse, parce que, s'ils le savaient, peut-être que... Les nouveaux parents, peut-être, ne savent pas que c'est un
élément de réponse dans le meilleur fonctionnement pour la suite des choses. Mais, tu sais, nous, on
sait que, finalement, plus les deux parents... mieux les deux parents sont
engagés ensemble pour la famille, mieux ça fonctionne, mieux ça va puis c'est
mieux pour le télétravail aussi.
M. Derraji :
Justement là où je cherche une réponse de votre part, parce que probablement
que les cinq semaines ont déjà
contribué à avoir des impacts positifs, mais nous sommes ailleurs, nous sommes
en 2020 et nous sommes en train de préparer une loi qui va nous guider
pour les prochaines années.
La
question qu'on a sur la table, présentement : Comment avoir plus
d'implication du père? Vous avez votre point de vue de l'impliquer même avant, mais est-ce que l'idée de séparer les
congés, selon vous, est une bonne option, que le père prend un congé séparé de la mère? Est-ce que ça va l'impliquer
davantage? Si c'est oui, selon vous, c'est quoi, le nombre idéal de semaines où ce père doit passer du temps avec son
fils ou sa fille pour pouvoir changer la norme et s'habituer à ce
travail aussi?
Mme Rhéaume (Marie) : Bien, au
moins trois semaines, là. Idéalement, peut-être cinq semaines.
M. Derraji : O.K. J'entends
trois, quatre... entre trois et cinq semaines?
Mme Rhéaume (Marie) : Oui.
M. Derraji : Que pensez-vous du
partageable, donc les 10 semaines partagées, et que la femme renonce à ces 10
semaines pour avoir quatre semaines de plus?
Mme Rhéaume (Marie) : Bien, je
pense que, quand le parent est dans la situation, peut-être qu'il ne voit pas les avantages qu'il y a à tirer du fait que
l'autre parent soit à la maison avec l'enfant, là. Tu sais, on peut dire :
Ah oui! j'ai une perte. Mais cette perte-là, elle va être contrebalancée
par un gain dans les années qui vont suivre à cause de l'implication accrue de l'autre parent, qui va mieux comprendre tout ce
qu'il y a à faire pour soutenir le développement
de la famille, là.
M. Derraji : Vous, vous voyez d'un bon oeil le fait que la
maman renonce à ces 10 semaines partageables pour avoir quatre semaines
d'implication du papa?
Mme Rhéaume (Marie) : Oui.
M. Derraji : O.K. Je vous ai
entendue parler de la banque de congés pour la deuxième année. Est-ce que j'ai
bien entendu?
Mme Rhéaume (Marie) : Oui.
M. Derraji : C'est ça? O.K.
Bon. Pouvez-vous élaborer davantage, s'il vous plaît?
• (17 heures) •
Mme Rhéaume (Marie) : Actuellement, avec les statistiques de l'ISQ, ce qu'on
comprend, c'est que, bon, quand les
tout-petits entrent en service de garde — je
suis certaine que je vais dire ça, puis tout le monde va comprendre — qu'on
soit parent, qu'on soit grand-parent, on
comprend que, quand les tout-petits font leur première année en service de
garde, c'est le festival de la petite maladie, ça veut dire :
otite, gastro, rhume, tout ce qui peut survenir. Mais ce n'est pas des maladies graves, mais c'est des maladies qui
font que tu ne peux pas laisser l'enfant au service de garde. En moyenne,
les pères vont s'absenter 11 jours pendant
la première année puis les mères, 16 jours, encore une fois, parce que les
femmes ont souvent un salaire moindre que le père. Bien, si on calcule
bien, ça fait 27 jours. 27 jours, ça correspond à plus que cinq semaines répandues dans le temps. Mais je ne connais personne,
moi, qui a 27 jours de congé pour maladie. Donc, les gens épuisent leur banque de vacances, sont épuisés, parce qu'on
sait que les enfants en début de vie, ce n'est souvent pas des gros dormeurs. Donc, il y a de la fatigue
qui s'accumule, puis on pense que ça pourrait être intéressant que le parent
puisse avoir une espèce de banque, là, pour
ces journées-là. En plus, ils sont souvent en début de carrière, ils n'ont pas
des gros avantages sociaux, ils sont souvent serrés dans le budget parce qu'ils
sortent du congé parental, donc toutes les
conditions pour blêmir devant ton patron pour... quand tu annonces que tu es
rendu à ta 14e journée parce que, la semaine passée, c'était une gastro,
puis cette semaine, il a le nez qui coule. Donc, c'est un stress important pour
les familles.
M. Derraji : Je trouve ça très
intéressant, parce que vous soulevez une autre problématique que... jusqu'à maintenant, on ne l'a pas vue, aucun groupe ne
nous a parlé de cela. Et donc, si j'ai bien compris, vous demandez d'avoir
une banque partageable, j'imagine, pour la deuxième année, si j'ai bien
compris.
Mme Rhéaume (Marie) : Oui.
M. Derraji :
Selon vos statistiques, 16 jours pour les femmes, 11 jours pour les hommes, ça,
c'est votre constat. Bon, maintenant,
dans un monde idéal, le ministre, il est hypergénéreux, il vous donne 27 jours
partageables aujourd'hui, il ouvre la
porte avec les projets pilotes — moi, je vais imaginer que, déjà, il va accepter votre amendement — est-ce que vous n'avez pas une crainte que
c'est seulement les femmes qui vont prendre ces congés?
Mme
Rhéaume (Marie) : Bien, on a juste à les séparer à deux banques, deux
banques, que chaque parent a, je ne
sais pas, 12 jours puis... ou 10 jours, chaque parent a 10 jours à l'occasion
de la deuxième année, que ce ne soit pas la femme qui a... la mère qui a 20 jours, mais que les deux parents...
Bien, de toute façon, c'est ça qu'ils sont obligés de faire, ils sont déjà... C'est impossible... Je veux dire,
une mère qui va prendre 27 jours de congé, ce n'est pas facile pour un
employeur non plus, là.
M. Derraji : Oui, je vais résumer très rapidement :
banque partageable entre la famille, donc le mari et la conjointe ou le conjoint, conjointe, et que ce soit
spécifique en termes de jours, comme ça, en cas de besoin, cette banque sera
utilisée. C'est bien ça?
Mme Rhéaume
(Marie) : Oui.
M. Derraji :
O.K.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Il reste deux minutes à l'échange.
M. Derraji : Plusieurs groupes ont parlé de bonifier les
semaines des pères, donc que ce soit... On parle toujours, bon, au niveau de la première année. Selon vous, à
part les cinq semaines, c'est quoi, le nombre de semaines idéal pour voir
que le père joue son rôle au niveau de la cellule familiale?
Mme Rhéaume
(Marie) : Bien, un autre trois à cinq semaines. On va dire quatre
semaines.
M. Derraji :
Donc, quatre semaines de plus que les cinq semaines?
Mme Rhéaume
(Marie) : Oui.
M. Derraji :
O.K. Est-ce que vous êtes d'accord que ces quatre semaines... c'est des...
quatre semaines de plus, donc on ne tient pas compte que c'est les 10
semaines partageables, donc, que la mère met à la disposition pour avoir les
quatre semaines?
Mme Rhéaume
(Marie) : Je ne peux pas vous répondre.
M. Derraji :
O.K. Dans le projet de loi, il y a des projets pilotes, on en parle beaucoup
depuis le début. Est-ce que vous avez
vu une piste pour des projets pilotes que le projet de loi ne répond pas,
présentement, à ces projets pilotes, et que vous avez une idée d'un projet pilote?
Mme Rhéaume
(Marie) : Toi, Amélie?
M. Derraji : Bien, je vous donne un exemple, changement de
normes. Parce que le défi que j'ai, présentement, c'est que, même si on met tout ça, même
malgré la bonne volonté de l'ensemble des parlementaires, mais qu'on va tous être confrontés à une réalité : la réalité, c'est
que ça va prendre du temps, et il y a
d'autres groupes qui l'ont dit, ça va prendre du
temps pour changer la mentalité qu'on a, présentement. Pensez-vous
c'est quelque chose qu'on peut aller graduellement avec des
semaines réservées uniquement pour le père pour l'impliquer davantage
ou avec des incitatifs? Je ne sais pas.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : 30 secondes.
Mme Rhéaume
(Marie) : Mais je pense
que c'est certain que, quand on veut faire des changements de normes aussi importants, ça prend des incitatifs en contrepartie. Donc,
je crois que... Mais en même temps c'est nécessaire, c'est nécessaire pour que les employeurs comprennent puis que pour
les parents... que les parents comprennent. Ce n'est pas seulement que
l'affaire des mères, c'est l'affaire des deux parents.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Merci.
M. Derraji :
Merci pour votre présence et pour vos recommandations. Bonne journée.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci au député
de Nelligan. Nous poursuivons
avec le porte-parole du deuxième
groupe d'opposition avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour à vous deux. Bienvenue à l'Assemblée
nationale.
J'ai deux questions. Première question de clarification sur votre position par rapport à la
proposition, là, de rajouter quatre
semaines parentales advenant une division d'au moins 10 semaines chaque.
J'avais cru comprendre, en ouverture, que
vous étiez plutôt défavorables, vous avez dit que ça risquait peu d'influencer
la norme en vigueur. Dans les discussions, par la suite, vous avez semblé... ouvert une porte. Je pensais que vous
étiez en faveur davantage de rajouter des semaines de congé parental... paternel, pardon, ce qui, je
pense aussi, est une meilleure façon de procéder. Comme les ressources sont
limitées, bien sûr, le ministre ne peut pas
faire les deux. Je pense qu'il y aurait davantage eu d'avantages aussi à
mettre, donc, les semaines en paternité plutôt que l'autre formule.
Voulez-vous clarifier votre position par rapport à ça?
Mme Rhéaume (Marie) : Bien, si on n'a pas le choix puis qu'on doit se
tourner seulement vers les 10 semaines partagées
qui donnent droit à quatre semaines, bien, je pense que c'est mieux que rien,
mais ce serait préférable qu'on insiste,
là, sur des semaines réservées au père puis qu'il puisse passer aussi ces
semaines-là seul avec l'enfant, là, et non pas de la même manière que les semaines actuelles, là, qui sont souvent
passées... Tu sais, on a vu des gens dire : Bien, on a eu cinq semaines,
mais là on s'est promenés... bien là, ça se promène un peu moins, mais on s'est
promenés, on a vu la belle-famille,
on a fait un petit voyage. Ce n'est pas la vraie vie en famille, là, qui
commence souvent quand un des deux se retrouve tout seul à la maison à
faire face, là, à l'ensemble de ces éléments-là.
M. Leduc : Parfait, c'est très
clair.
Mme Rhéaume
(Marie) : Donc, je pense que c'est une amélioration, mais on pense
qu'il faudrait aller plus loin.
M. Leduc : O.K. Merci. Puis je pense que vous vous inscrivez dans le
consensus qui se construit de plus en plus sur ce sujet-là.
Dernière
question rapide. Vous parliez d'une banque de congé familial dans la deuxième
année. Il y a un groupe qui est passé
plus tôt aujourd'hui qui faisait référence à une idée similaire, mais qui
proposait plutôt de passer par les Normes du travail, de faire en sorte que les 10 congés familiaux, à la place
d'en avoir seulement deux qui soient rémunérés, que ce soient les 10 qui
soient rémunérés. Est-ce que c'est une avenue, aussi, qui vous semblerait
adéquate?
Mme Rhéaume
(Marie) : Bien, les 10 rémunérés, ce serait bon pour les autres années
qui suivent, parce que, quand, par
exemple, il y a un deuxième enfant qui s'ajoute, c'est qu'on repart aussi,
là... Tu sais, je veux dire, le premier, il va avoir la gastro la première semaine, le deuxième va avoir... Tu
sais, moi, je résume ça pour... les parents, là, pendant la petite enfance, sont toujours à une gastro du
chaos, là, tu sais. Puis ils nous l'ont dit dans des «focus groups», ils vont
épuiser leurs vacances puis,
finalement, ils se retrouvent à ne même pas passer de temps en famille parce
que le temps est épuisé dans tous ces petits événements là qui font que
personne n'est vraiment en forme, là. Ça fait que, tu sais...
M. Leduc : Merci.
La
Présidente (Mme IsaBelle) : C'est tout ce que nous avons. Alors,
merci au député d'Hochelaga-Maisonneuve.
Nous poursuivons avec la députée de Joliette,
avec 2 min 40 s.
Mme Hivon :
Oui. Bonjour. Merci beaucoup pour un regard qui est toujours éclairant et très
ancré dans la vraie vie.
Donc, j'ai
exactement les deux mêmes sujets que mon collègue qui vient de parler,
d'Hochelaga-Maisonneuve. Un, les
semaines réservées au père, donc, vous dites : Il faudrait augmenter, donc
bonifier, le nombre de semaines réservées au père, mais en même temps vous nous dites : Il ne faudrait pas
que ce soit de la coparentalité, en quelque sorte. Donc, comment on fait? Parce que la proposition du
ministre, lui, c'est de créer un incitatif pour qu'il y ait des semaines prises
en propre dans le partage du congé parental.
Vous, vous semblez plus à l'aise avec l'idée d'augmenter le congé de paternité.
Mais comment on fait, justement, pour que ce soit consécutif et non pas
conjoint, en même temps?
Mme Rhéaume
(Marie) : Bien, on donne les semaines si le parent prend les semaines
seul, si... Puis, s'il ne les prend
pas seul, bien, j'imagine que... Tu sais, c'est vraiment de... comme un autre
bonus, là. Tu as un bonus, mais il faut que tu sois seul avec l'enfant
pendant le temps... pendant ce moment-là.
• (17 h 10) •
Mme Hivon : L'autre élément, bien, je suis contente que vous
en parliez, moi, c'est une idée à laquelle je crois puis dont j'ai entendu parler sur le terrain beaucoup, puis vos «focus groups» le
ressortent, c'est cette idée d'avoir une banque de congés familiaux mobiles, en quelque sorte, qui se détaillent en
journées et non pas juste en semaines, parce qu'une fois le congé pris
ce n'est pas... la vie n'est pas rose tous les jours, et donc il y a beaucoup,
beaucoup d'enjeux.
Là, je comprends
que vous, vous voulez le réserver pour la deuxième année. Certains, dont moi,
pensaient que peut-être qu'on
pourrait donner une plus grande flexibilité dans les premières années de vie.
Puis vous, en fait, ce que vous
demandez, c'est d'ajouter ces journées-là ou vous demandez qu'il y ait une
flexibilité pour qu'à partir des semaines, il puisse y avoir, par
exemple, jusqu'à quatre semaines qui soient prises pour ça. Juste bien
comprendre le détail de votre idée.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
En 30 secondes.
Mme Rhéaume
(Marie) : Bien, c'est comme, avoir un bébé, ça te donne une banque de
congés que tu peux utiliser à partir du moment où tu retournes au
travail, là. C'est...
Mme Hivon :
Nécessairement via le RQAP, là, la formule et...
Mme Rhéaume (Marie) : Ah! je
pense que... peu importe la formule, je pense que les parents seraient
infiniment reconnaissants.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Merci, Mme Rhéaume, merci, Mme Landry, pour votre contribution
à l'avancement des travaux.
Nous
suspendons la commission quelques instants pour donner la chance au troisième
groupe de s'installer. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 11)
(Reprise à 17 h 17)
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Bonjour. Nous souhaitons la bienvenue à M. Villeneuve, du
Regroupement pour la valorisation de
la paternité. Alors, M. Villeneuve, vous disposez de 10 minutes pour votre
exposé et, avant de commencer, je vous inviterais à bien vous présenter.
Regroupement pour la valorisation de la paternité (RVP)
M. Villeneuve
(Raymond) : Bonjour. Merci beaucoup. Merci de votre invitation. Donc, mon nom est Raymond Villeneuve, directeur général du
Regroupement pour la valorisation de la paternité, un regroupement de 250 organisations, individus
qui viennent de toutes les régions du Québec, autant d'hommes que femmes. On est reconnus par
le ministre de la Famille. On est financés par Centraide du
Grand Montréal, le Secrétariat à la condition féminine, le ministère de la Santé
et des Services sociaux, la fondation
Chagnon. Et, dans le fond, tout le monde nous soutient parce que, un, ils
pensent que c'est important, l'engagement paternel, c'est important pour
le développement des enfants, mais ils croient aussi qu'une parentalité plus
égalitaire, dans le fond, c'est bon pour tout le monde.
Alors donc, je commence. Donc, le projet de loi
n° 51 nous semble, au Regroupement pour la valorisation de la paternité, donc, intéressant et pertinent à
plus d'un égard. En bonifiant le Régime
québécois d'assurance parentale, une
des pièces maîtresses de la politique
familiale québécoise, le projet
de loi facilite la vie des jeunes
familles et participe à la poursuite de l'égalité entre les femmes et
les hommes.
Le RVP tient
à saluer tout particulièrement les mesures suivantes : l'ajout de cinq
semaines de congé de maternité et de
paternité dans le cas de grossesses multiples, la mesure visant à accroître la
flexibilité du RQAP en permettant la prise de congé sur une période de 78 semaines plutôt que 52 ainsi que la proposition dont le but est de rendre le congé pour les parents adoptants équivalent à celui des parents
biologiques. L'effet conjugué de ces trois mesures sera certainement bénéfique pour les familles québécoises,
puisque celles-ci constituent des réponses adaptées aux besoins des familles d'aujourd'hui.
• (17 h 20) •
L'article
10.2 du projet de loi, qui offre quatre semaines additionnelles de
prestations partageables aux couples dont les deux parents prennent au moins 10 semaines de prestations parentales
ou d'adoption, est aussi une mesure intéressante. Cette mesure ferait en sorte que plusieurs pères
seraient présents plus longtemps auprès de leurs jeunes enfants, favorisant
ainsi un plus grand engagement de leur part
ainsi qu'un meilleur partage des responsabilités parentales. L'article
10.2 propose, en quelque sorte, un bonus aux couples qui partagent le congé parental. Cela incitera,
selon toute vraisemblance, plusieurs
couples à discuter davantage du partage de ce congé, à mieux répartir les
responsabilités familiales en accroissant le nombre de semaines
disponibles pour le couple, tout cela en évitant de donner l'impression que les
semaines additionnelles sont enlevées à l'un
ou à l'autre des parents. Pour toutes ces raisons, le RVP considère que la
mesure proposée est valable, progressiste et bénéfique pour les pères,
les mères et les enfants.
L'effet de cette mesure risque cependant d'être
limité pour les raisons que je vais maintenant vous présenter.
Premièrement, seulement 26 % de l'ensemble
des couples partagent le congé parental. Comme le bonus offre quatre semaines additionnelles lorsque les deux
prennent au moins 10 semaines de congé parental, il serait fort étonnant
qu'un nombre important de parents qui ne
partagent pas le congé parental se prévalent de cette mesure. Déjà, cela exclut
près du trois quarts des couples québécois.
Deuxièmement, parmi le 26 % des couples qui
partagent le congé parental, il est raisonnable d'imaginer que ce ne sera pas 100 % de ces couples qui se
prévaudront de cette mesure. Par exemple, lorsque le père prend seulement
quelques semaines du congé parental, l'écart
de semaines à combler pour atteindre l'objectif de 10 semaines pourrait être
trop important pour que l'utilisation de la mesure soit envisagée. On sait
aussi que les pères ont encore souvent des revenus plus élevés que les mères et que cela peut limiter
le partage du congé parental entre les mères et les pères. On sait aussi que
les milieux de travail, particulièrement les milieux à prédominance masculine,
sont parfois moins ouverts à la prise du congé parental par les pères.
Mais soyons
optimistes — je le suis toujours — et
imaginons que 80 % des couples qui partagent le congé parental, soit 26 % des couples, se prévalent de cette
mesure. Dans ce cas, ce serait seulement 20,8 % de l'ensemble des couples qui pourraient bénéficier de la proposition gouvernementale. Quelles que soient les hypothèses
envisagées, il nous semble assez évident que la mesure proposée ne
rejoindra qu'une minorité de couples et de pères.
Et de plus la
mesure risque fort de rejoindre les couples et les pères qui partagent déjà le
congé parental et qui ont les
pratiques les plus égalitaires. Les couples qui ont des comportements plus
traditionnels ne seront donc pas ou peu, selon toute vraisemblance,
rejoints par cette mesure. Voilà donc sa plus grande limite.
Pourtant, au
Québec, le désir d'une parentalité égalitaire, d'une coparentalité engagée de
part et d'autre est de plus en plus
présent. Des jeunes couples de la génération Y souhaitent vivre ensemble, de
plus en plus, leur expérience de parents. Cela ressort nettement des sondages que nous avons menés au cours des
dernières années. Les jeunes pères sont aussi de plus en plus impliqués dans le quotidien de leurs enfants et ils sont
d'ailleurs, selon Mme Valérie Harvey, professeure en sociologie, les champions canadiens des soins
aux enfants, presque à égalité avec les mères. Il reste, bien sûr, beaucoup
de travail à faire, et ce, tout particulièrement pour mieux partager la charge
mentale et les responsabilités familiales.
Les mesures
proposées par le ministère du Travail sont donc de la plus haute importance,
puisque, toujours selon Mme Harvey,
le rôle des parents se fige souvent pendant les congés parentaux. Afin d'éviter
une division traditionnelle des
rôles, il est donc essentiel d'intervenir rapidement pour réduire l'écart entre
le nombre de semaines de congé prises par les mères et les pères. En 2017, globalement, les pères prestataires du
RQAP prenaient en moyenne neuf semaines de congé et les mères
prestataires, 45 semaines. Cet écart est énorme.
Le RVP reconnaît que les mesures
proposées par le ministère du Travail dans son projet de loi n° 51 vont dans la bonne
direction sans nul doute, mais, selon nous, il faudrait être encore plus
ambitieux pour mobiliser davantage la majorité des pères et rejoindre ainsi la majorité des couples. Il existe une
mesure universelle qui rejoint plus de 80 % des pères prestataires
du RQAP et plus de 70 % de l'ensemble des pères, c'est le congé de
paternité. Le congé de paternité fait maintenant
partie de la norme sociale au Québec, et ses effets sont indéniables pour
rejoindre la majorité des pères et pour diminuer l'écart entre les
semaines prises par l'ensemble des mères et des pères.
Le
RVP recommande donc d'accroître de trois semaines le congé de paternité
existant pour le porter à huit semaines. Cette mesure enverrait, de plus, un message très fort à la société
québécoise et aux milieux de travail à l'effet que les pères sont des
parents à part entière. Le RVP est conscient que le coût d'une telle mesure est
important, possiblement plus de
30 millions par semaine de congé de paternité ajouté, et le coût de cette
mesure est plus important que celui de la disposition proposée à l'article 10.2 du projet de loi
n° 51. Rappelons-nous cependant qu'en 2006 le gouvernement du Québec a été
visionnaire et n'a pas hésité à mettre en place un congé de paternité de cinq
semaines dont on ne pourrait plus se passer maintenant.
Nous croyons que le temps est maintenant venu de
faire un pas de plus. Le ministère du Travail propose un petit pas de plus pour les pères et les couples, c'est bien.
Le RVP, lui, propose un grand pas de plus pour favoriser l'engagement accru des pères québécois. L'enjeu est de
taille : assurer une présence plus grande des pères auprès de leurs jeunes
enfants et réduire de manière significative l'écart entre l'ensemble des
mères et des pères quant à la prise du congé parental.
En Espagne, il est prévu que le congé de paternité
passe de cinq à huit semaines en 2021, en Finlande, il y a un projet encore plus ambitieux. Pourquoi le Québec ne
pourrait-il pas se classer parmi les meilleurs au monde à cet égard? Les pères
québécois sont les champions canadiens des
soins aux enfants, ne serait-il pas encore préférable qu'ils se classent parmi
les champions mondiaux à cet égard? Ce
serait vraiment génial. Le ministère du Travail propose quatre semaines de plus
de congé parental. Le RVP propose trois semaines de plus de congé de
paternité.
Dans le cas où le contexte financier ne
permettrait pas de répondre immédiatement à notre demande, ne pourrait-on
pas être créatifs et imaginer quelque chose
d'autre? Peut-être une formule hybride du genre deux semaines plus de congé
parental, deux semaines de plus de congé de paternité. Deux plus deux égaleront
toujours quatre, c'est bien connu. Cette
stratégie aurait le grand avantage de rejoindre la majorité des pères et
enverrait également un message sociétal fort. Elle éviterait aussi de limiter les effets de la mesure à certains
profils de couple. On pourrait aussi imaginer d'autres formules composites si ça semble intéressant, mais l'idée,
dans le fond, c'est qu'il faut s'assurer de rejoindre la majorité des pères et
des familles, et le congé de paternité est vraiment la mesure universelle.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : En conclusion.
M. Villeneuve
(Raymond) : En conclusion,
il est important pour moi de rajouter que la mesure du RQAP est
extrêmement importante pour favoriser l'engagement paternel, mais il y a
plein d'autres mesures, avant et après le congé parental, qui sont importantes aussi et qui peuvent mobiliser le ministère de la Famille, le ministère
de la Santé et des Services sociaux. Donc, de revoir nos politiques
publiques et nos services à la famille et d'y intégrer les pères, c'est
important également pour atteindre nos objectifs. Voilà.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Merci, M. Villeneuve, pour votre exposé.
Nous allons débuter
la période d'échange avec le ministre. Vous disposez toujours de
16 minutes.
• (17 h 30) •
M. Boulet :
Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Villeneuve. Vous parlez avec passion.
Vous présentez bien vos arguments. Merci d'être là.
Peut-être certains commentaires. Bon, évidemment,
l'incitatif, vous trouvez que c'est un pas dans la bonne direction. Vous avez cependant des doutes sur les retombées
concrètes, mais les doutes que vous avez sur les retombées concrètes, vous les appuyez sur des statistiques qui
démontrent que les pères sont peu engagés. Ça fait qu'on n'est pas actuellement
dans un environnement de parentalité ou de coparentalité égalitaire au Québec,
on s'entend là-dessus. Je pense que les
statistiques sont toutes à l'effet que les pères prennent le congé de paternité
et poussent un peu, pour certains, mais ne partagent pas.
C'est cette espèce de philosophie là, que ce qui
est partageable appartient à la mère et ce qui est exclusif appartient
au père, que moi, je pense, nous devons combattre pour contribuer à un
avancement du paradigme social. Parce que les
statistiques actuelles ne doivent pas nous convaincre de ne pas aller
nécessairement dans cette direction-là. Ceci dit, vous reconnaissez
quand même que c'est un pas dans la bonne direction, puis l'Organisation
internationale du travail le mentionne, d'ailleurs.
Et je veux revenir, là... puis je veux vous donner
encore l'opportunité de vous réexprimer là-dessus, c'est d'abord et avant tout un dialogue qu'on souhaite entre le
père et la mère, parce que je pense qu'il y en a peu, de dialogues sur le
partage des responsabilités
familiales. Donc, d'inciter, ça encourage le dialogue concernant le partage de
ce qui est partageable fondamentalement,
puis changer la perception à l'effet que ça appartient à la mère, parce qu'il y
en a beaucoup, de pères qui ont
encore cette perception-là. Il faut
combattre cette perception-là. La véritable égalité parentale, elle réside dans
cette évolution-là des mentalités, selon
moi, puis ça contribue à donner une certaine légitimité au fait que le congé...
la prise d'un congé parental par les pères, c'est bénéfique.
Puis
il y en a qui ont beaucoup plus de misère. Un des facteurs qui nuit à cette
égalité-là, c'est notamment, un, les
milieux de travail. Dans certains secteurs, il y a de la résistance, vous le
savez. Puis on en parlait un peu tout à l'heure avec le groupe précédent, vous nous avez entendus, les jeunes pères
hésitent, les employeurs sont réfractaires. Ça fait que de contribuer à l'évolution des mentalités aussi
chez les employeurs pour leur permettre de réaliser qu'il n'y a pas que l'exclusif, mais il y a
le partageable aussi qui appartient aux deux, je pense que ça peut aussi,
ultimement, avoir un effet positif sur
le retour au travail des mères, qui, elles... puis ça, c'est de l'égalité. Puis
je comprends la mission de votre regroupement pour la valorisation de la paternité, mais vous le plaidez en référant
constamment à la parentalité égalitaire, et ça implique aussi la possibilité pour la mère de pouvoir
retourner au travail, puis vous... Alors, je sais, vous êtes d'accord avec moi,
parce qu'il y en a beaucoup, de mères qui le
souhaitent, pas que partager, mais faire en sorte que ce soit réel, que ce soit
concret et que le père puisse participer pleinement au partage des
responsabilités familiales.
Ça
fait que moi, j'ai... ma grande appréhension, M. Villeneuve, c'est
qu'emprunter l'avenue d'accroître le nombre de semaines de paternité,
au-delà de l'incidence financière, là, parce qu'il faut certainement en mesurer
l'impact puis s'assurer qu'on ne brise pas
l'équilibre... la situation financière nous permet de continuer dans la
direction des bonifications qui sont
dans le p.l. n° 51, mais la pandémie nous a quand même... a quand
même forcé le Conseil de gestion à négocier une marge de crédit auprès
de Financement-Québec, évidemment qui n'a pas été utilisée, mais il y a quand
même une fragilité additionnelle, là, du fonds.
Mais mon
appréhension, c'est que l'avenue de l'augmentation du nombre de semaines de
congé de paternité contribue à cristalliser
davantage la perception que les prestations partageables appartiennent
prioritairement aux mères. Puis les
études démontrent — encore une fois, je réfère aux études — que les pères désireux d'utiliser des
prestations parentales partageables, ils ont encore l'impression — c'est
une impression qui est réelle, selon les études que j'ai regardées — qu'ils privent la mère, donc que ça se fait
au détriment de la mère, et c'est ça qu'il faut combattre, je pense,
pour accéder à une parentalité qui est... au-delà des termes, mais qui est
pleinement égalitaire.
M. Villeneuve
(Raymond) : Oui. Notre position est fondée sur le fait que ce qui
change vraiment les choses, c'est le
congé dédié aux parents, parce que c'est un message clair, sociétal qui
rejoint... c'est une mesure universelle qui rejoint la majorité des
parents.
Ce qui semble aussi,
c'est que les parents qui partagent le congé parental, souvent ils ont
certaines conditions sociodémographiques
particulières. Ils vont souvent avoir des situations d'emploi comparables, ils
vont souvent avoir une scolarité plus
élevée, ils vont souvent être plus jeunes, donc ils ont certaines
caractéristiques sociodémographiques, ce qui fait qu'en partant on
échappe une grande partie des pères si on va seulement dans cette direction-là.
Et
on regarde... je voyais récemment, en Suède, ils ont 15 semaines de congé de
paternité, O.K.? Et je pense que, s'il
y a un pays qui est égalitaire, qui est progressiste, c'est bien la Suède.
Donc, s'ils font ça, c'est parce qu'ils pensent qu'il faut vraiment,
pour changer les mentalités, dédier les congés spécifiquement au père.
Sur
le congé parental, moi, j'ai beaucoup lu aussi les études du Conseil de gestion
de l'assurance parentale, et ce qu'on voit, c'est que de plus en plus
les couples échangent, les couples discutent, mais que le déterminant principal,
la décision du partage du congé parental,
c'est la décision de la mère. Donc, oui, ils peuvent échanger, mais ultimement,
à cause de notre société, de nos conceptions
qu'on porte tous, des conceptions des milieux de travail, ça demeure la décision
de la mère. Donc, il arrive souvent qu'au
niveau du congé parental, dans le fond, le père va le prendre, dans la mesure
où il y a un consensus, où la
situation financière le prévoit, et tout ça. Et je ne connais pas beaucoup de
pères qui vont dire : Je prends
le congé parental, c'est à moi, puis tu n'as rien à dire, ou : On sépare à
tout prix 50-50, puis c'est comme ça. Ça
fait qu'on est dans une situation où, si on veut vraiment qu'il y ait un
changement, et les pays les plus progressistes le font, c'est qu'il y
ait plus de congés de paternité pour envoyer un message fort au début.
Et
l'autre élément aussi qu'il ne faut pas oublier, c'est que ce sont deux outils
complémentaires. C'est pour ça qu'en blague
je vous ai dit : On pourrait en mettre un des deux. C'est que, d'une part,
la période de transition dans une famille où un enfant arrive, c'est aussi important de le vivre ensemble. Au Québec,
on a des statistiques assez terribles de séparation dans les deux ans
qui suivent la naissance d'un premier enfant. C'est un des plus gros chocs sur
la famille, l'arrivée d'un enfant. Donc, il
faut aussi que le couple devienne une
famille et qu'il traverse ensemble cette période-là. Ça fait que, oui,
il y a tous les autres aspects que vous avez mentionnés, mais il y a cette
dimension-là.
Et après ça, vous en parliez dans la présentation
précédente, le fait que le père se retrouve seul avec l'enfant, c'est sûr
qu'au Regroupement pour la valorisation de
la paternité, on est pour ça, que le père soit là, qu'il apprenne la relation
avec son enfant, qu'il apprenne à
s'en occuper, et tout ça. Mais, si on laisse ça, on pense, dans la mécanique
habituelle, l'effet va nécessairement être limité à un certain profil
sociodémographique de parents, et on ne pourra pas changer vraiment ce qu'on
veut changer. C'est notre conviction.
M. Boulet : Tout à fait. C'est intéressant, comme discussion,
puis j'ai beaucoup de respect pour votre point de vue. C'est vrai que les familles qui partagent plus,
probablement elles ont des caractéristiques sociodémographiques particulières où, bon, des fois, on dit : C'est des familles ou des jeunes
parents qui sont plus progressistes. Mais c'est vers cette pensée-là de
ces jeunes parents progressistes là que nous devons tendre, mais en le faisant
graduellement.
Puis il y a des pays extrêmement progressistes,
comme l'Allemagne, qui a la même approche que nous, exactement la même approche que nous. Donc, il faut inciter
les parents à développer l'esprit de partage, parce que de segmenter, de cristalliser les congés exclusifs, ça
contribue, selon la littérature puis selon l'OIT, à séparer aussi les parents
puis les mettre dans chacun leur
canal puis faire en sorte que, même là, il y en a un qui va prendre plus, il y
a un parent principal puis un parent secondaire.
Et, l'autre élément,
moi, je pense qu'il faut y aller de façon progressive aussi, pas progressiste,
mais aussi progressive, parce que je pense
aux employeurs du Québec à qui... qui ont eu aussi à s'adapter graduellement au
concept de congé de paternité. Puis
c'étaient cinq semaines, mais il a été une période de temps où c'était deux
semaines puis trois semaines. Là, de plus en plus, les jeunes pères
prennent le cinq semaines.
Mais il y a ça aussi, cette
capacité... il faut tenir compte de la capacité d'adaptation sociale. Puis,
quand je réfère à l'adaptation
sociale, je tiens compte autant des employeurs que des travailleurs et des
travailleuses, que des parents, que les parents a et b, que les familles
aussi. Ça fait que je pense que l'approche incitative...
Moi,
j'apprécie beaucoup quand vous dites : On fait un pas dans la bonne
direction. Puis je pense qu'au-delà de l'aspect
progressiste il faut penser à l'aspect de progressivité puis à l'intégration graduelle de cette nouvelle culture
familiale là ou cette nouvelle culture de parentalité égalitaire. Je
pense qu'il faut y aller étape par étape.
Si vous aviez... M. Villeneuve, vous avez vu
que, dans notre projet de loi... bon, je sais qu'évidemment les cinq semaines
exclusives dans le cas des adoptions
multiples ou des naissances multiples, vous êtes confortable, l'étalement à
78 semaines, l'égalité pour les
parents adoptants. On pense aussi, dans ce projet de loi là, à ce que le
Conseil de gestion puisse mettre en
place des projets pilotes, évidemment toujours dans le respect de ce que le projet de loi devra prévoir, là, comme tenants et aboutissants du projet
pilote. Puis les projets pilotes sont souvent des opportunités de nous faire
progresser, aussi, socialement. Si vous aviez une idée d'un projet pilote,
est-ce que vous pourriez la partager avec nous?
• (17 h 40) •
M. Villeneuve
(Raymond) : Bien, écoutez,
il y a une cible qui est souvent identifiée dans à peu près toutes les études,
tous les rapports, mais que les gens... on voit rarement des projets s'adresser à
cette cible-là, c'est justement les milieux majoritairement masculins. On sait que, souvent, c'est des milieux qui
sont plus réfractaires aux mesures de conciliation famille-travail. Alors, ce serait vraiment
intéressant de creuser ces milieux-là, de réfléchir sur la culture de ces
milieux-là et d'aller les mobiliser.
Mais on voit déjà que la société change, la
société évolue. On se souvient, tout le monde, de la grève de la construction
d'il y a deux ans, qui est un milieu très
clairement majoritairement masculin, et les revendications portaient en grande
partie sur les mesures de
conciliation famille-travail. Si un père est en garde partagée, bien là, il
peut y avoir des très gros enjeux dans des milieux qui ne sont pas
adaptés. Alors, ce serait vraiment intéressant de dire que ces milieux-là...
qu'on ait des actions spécifiques en tenant
compte des mentalités particulières de ces milieux-là pour les mobiliser, et je
pense que ce serait vraiment
intéressant. Et particulièrement la jeune génération, je pense que les gens
seraient prêts à avoir un dialogue, à condition qu'on crée une espèce de
«safe space» où on pourrait parler de ces enjeux-là.
Parce qu'effectivement, dans certains milieux, ce
n'est pas facile de parler de ça, et, vous l'avez mentionné un peu plus tôt, il y a des cultures organisationnelles
qui empêchent ce dialogue-là. Si on avait des milieux qui pourraient explorer
ces questions-là, je pense que ça serait
extrêmement intéressant, et que les gens, ils réalisent, finalement, que c'est
bon pour tout le monde. Si leurs
employés sont plus productifs, sont plus efficaces, bien, ça va être bon pour
les employeurs aussi. Mais il y a vraiment...
les milieux à majorité ou à prédominance masculine, je pense que c'est une
cible, vraiment, sur laquelle on peut travailler de façon très
intéressante.
M. Boulet : Je vais terminer avec... Vous recommandiez...
Bon, vous savez que le Conseil de gestion de l'assurance parentale participe également à la stratégie
gouvernementale, là, sur l'égalité hommes-femmes. Vous souhaitiez qu'il réalise
une capsule vidéo — il s'était engagé, d'ailleurs, à le
faire — sur le
partage des congés parentaux entre les conjoints. Je voulais vous confirmer que, normalement, elle sera
disponible, cette capsule vidéo là, donc ce sera une façon de sensibiliser
les familles du Québec ou les parents du
Québec à l'importance du partage des congés parentaux, puis ça va se faire à
l'occasion du 15e anniversaire du RQAP, donc, vous savez, qui remonte à
2006. En 2021, on va souligner le 15e anniversaire du RQAP, et la capsule vidéo ou la campagne de sensibilisation va
s'amorcer de façon contemporaine à ce 15e anniversaire. Alors, c'était
une information que je voulais vous donner parce que je l'avais lu dans votre
rapport.
M. Villeneuve (Raymond) : Bien, c'est sûr que toute la sensibilisation,
c'est quelque chose qui est important également, là.
M. Boulet :
Absolument, sensibilisation et pédagogie aussi en même temps.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : En conclusion.
M. Boulet :
Merci beaucoup, M. Villeneuve, d'être présent, d'avoir partagé vos
recommandations avec nous, et la qualité aussi de votre argumentation.
Merci beaucoup, puis au plaisir de vous revoir.
M. Villeneuve
(Raymond) : Merci.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Merci, M. le ministre.
Nous poursuivons avec
le groupe de l'opposition officielle, avec le député de Nelligan.
M. Derraji :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Villeneuve.
M. Villeneuve
(Raymond) : Bonjour.
M. Derraji :
Excellent rapport, merci beaucoup, c'est très clair.
M. Villeneuve
(Raymond) : Merci.
M. Derraji :
Vous ramenez d'autres aspects. Le premier aspect qui m'a interpelé, vous avez
dit, et je pense que c'est la
motivation de nous tous autour de la table, c'est atteindre l'objectif des
mesures qu'on espère mettre en place, et le chiffre qui m'a le plus interpelé, le 26 %. Je ne sais pas si ça
vous dit quelque chose, vous avez dit que les trois quarts des couples, bien, sont exclus parce qu'ils
n'utilisent pas le congé. Et, pour moi, aujourd'hui, là, c'est comme :
Est-ce qu'aujourd'hui, avec le projet de loi, la mesure d'augmenter et
d'avoir le bonus, des semaines bonus, on va atteindre l'objectif escompté? J'en suis sûr et certain, que le ministre est aussi
quelqu'un de résultats. Pensez-vous qu'on prend le bon moyen pour
atteindre des résultats?
M. Villeneuve
(Raymond) : Moi, ce que je pense, c'est que ça va... ceux qui
partagent déjà vont partager plus, mais
ceux qui ne partagent pas ne partageront pas davantage. Donc, c'est vraiment
ça, dans le sens... c'est qu'on va renforcer le comportement de ceux qui
sont les plus progressistes.
M. Derraji : C'est tellement bien dit, là, on dirait que c'est
de la musique à mes oreilles. Parce que, juste avant vous, il y a un groupe qui nous a sensibilisés par
rapport aux normes, et moi, c'est tout un débat philosophique sur les normes.
On peut les prendre de n'importe quel angle
philosophique, le débat sur les normes, les normes sociétales, c'est très
profond et ancré.
Sans aller
trop dans la philosophie, vous, vous venez avec des faits. Ceux qui partagent vont
partager, vont bénéficier des quatre
semaines bonus, ceux qui ne partagent pas ne vont pas embarquer dans le
partage. Et, de facto, ce que nous sommes
en train de proposer aujourd'hui, est-ce
qu'il sera valable ou pas? À mon avis,
si je suis ce que vous êtes en train de nous dire, on ne va pas
atteindre le résultat escompté.
M. Villeneuve
(Raymond) : On va
l'atteindre pour une partie des couples, mais, pour la majorité,
on ne l'atteindra pas.
M. Derraji : Oui, les couples qui sont déjà
capables... ou bien, à l'intérieur de la cellule familiale, il y a déjà ce
genre de discussions, O.K., bon.
Là, maintenant, la deuxième question, bien,
comment on peut pallier à ça?
M. Villeneuve (Raymond) : Bien,
on revient...
M. Derraji : Vous, vous ramenez l'idée, je dirais, des
semaines, mais j'ai aimé un mot que le ministre a utilisé, mais d'autres groupes, ils disent : Écoutez, est-ce qu'on peut aller graduellement? Est-ce
qu'on... Le ministre a utilisé, tout à l'heure, «progressivement». Est-ce qu'on
peut... Parce que, le but, on doit l'atteindre, on veut l'atteindre, on veut
augmenter... de ces groupes, je dirais, à
lecture progressiste, que le père s'engage davantage. On a tous cette volonté,
et le moyen, probablement, c'est là où on va... où j'aimerais bien avoir
votre opinion.
M. Villeneuve
(Raymond) : C'est que ce qui est important, puis, écoutez, ça fait 10
ans que je... 15 ans que je suis au regroupement, c'est qu'il faut
nommer l'objectif, il faut faire des mesures pour soutenir l'objectif. Et là
c'est clair pour moi que le seul... Ce qui
est disponible pour nous, c'est vraiment le congé dédié au père. Est-ce qu'on
doit le faire quand il est à la mère?
Est-ce qu'on peut le faire quand le père est seul? Je pense que ces deux
options sont envisageables, mais il faut vraiment qu'il y ait une cible
très claire que ce soient les pères.
Et, comme je
le dis, si on veut vraiment atteindre notre objectif de société, on doit aussi
se poser la question de tous les
messages contradictoires qu'on envoie sur la parentalité. Je vais vous dire
quelque chose qui est tout à fait connu : saviez-vous que jusqu'au 22 août 2017, au ministère de la Santé et des Services
sociaux, il y avait des mères et des parents, les mères étant des mères,
et les parents étant, la plupart du temps, des mères également? Il n'y avait
aucune mesure spécifique pour soutenir l'engagement des pères.
Depuis le plan d'action ministériel en santé et
bien-être des hommes de 2017, il y a maintenant des mesures spécifiques. Il y a un programme de soutien aux
parents vulnérables, dans lequel... le programme SIPPE, dans lequel, encore
maintenant, un père ne peut pas inscrire son
nom dans le formulaire. Alors là, la cohérence de toutes ces actions-là, tous
ces messages-là qu'on envoie... On
dit : On veut l'égalité, on veut l'égalité, mais souvent le père s'en va
dans les institutions, et on lui dit
vraiment qu'il y a un parent principal qui est la mère, et lui est le parent
secondaire. La révolution, le changement qu'on souhaite vraiment va se faire quand l'ensemble de nos messages
vont être concordants, et on a un levier extrêmement important dans l'assurance parentale, mais ce n'est pas le seul. Alors, je nous incite
vraiment à élargir notre regard et regarder tous les autres leviers, parce que, sinon, ce qu'on fait d'une main, on
peut le défaire de l'autre, et on n'est pas... très souvent, on n'est pas cohérents à ce niveau-là. Alors, ça, c'est
vraiment important. Ce qui est avant, après, autour du congé parental
est aussi important que le congé parental lui-même.
M. Derraji : Mais vous l'avez
très bien dit, et, sérieusement, moi, le pourcentage m'interpelle d'emblée.
M. Villeneuve (Raymond) :
Voilà.
M. Derraji : Moi, là, si je veux atteindre un résultat, un, je
définis ma cible. Ma cible, ce n'est pas les 26. Les 26, moi, je pense, dès demain, ils vont applaudir le
projet de loi n° 51. Ma problématique, c'est les trois quarts des
couples qui n'utilisent pas ça. C'est eux qui devraient être notre cible
aujourd'hui, et c'est pour cela que je vous interpelle. Bien, comment nous, en tant que parlementaires, on peut
cibler ces gens? Et vous me dites : Écoute, député de Nelligan, là, si
vous avez cet amendement, probablement, ces trois
quarts qu'on ne cible pas en date d'aujourd'hui seraient beaucoup plus
intéressés à utiliser, à embarquer dans la cellule familiale et jouer leur rôle
en tant que pères.
M. Villeneuve
(Raymond) : Oui, bien,
écoutez, c'est exactement la logique qu'on a, il faut viser spécifiquement
les pères. C'est ça, c'est clair. Et le moyen existe, il est là, c'est une
mesure universelle qui fonctionne.
Écoutez, ce
midi, j'étais en conversation avec des gens du restant du Canada et je leur
parlais de notre congé de paternité
qui est pris par 80 % des pères, eux autres, ils me disaient : Dans
le restant du Canada, c'est 20 %. Donc, vous voyez, l'impact de la mesure, il est clair, il est
net, il est précis. Ils disaient : Mon Dieu! Vous êtes chanceux, au
Québec, vous avez cette mesure-là.
L'idée, c'est le pas de plus. Ça prend une mesure dédiée aux pères. Je pense
qu'elle est là. Il existe, le véhicule est là et il fonctionne.
• (17 h 50) •
M. Derraji : Je vous entends.
Donc, la mesure dédiée, au lieu de cinq, huit. C'est ce que vous proposez, recommandation 1. Dans le projet de loi, ce
que nous avons, c'est des semaines partageables. La mère met à la disposition
ses semaines partageables, et ils ont un quatre
semaines de bonus. Pour vous, c'est clair — je vais le dire doucement, je parle
trop vite — c'est
clair que cette mesure n'est pas dédiée et ne va pas encourager l'implication
des pères.
M. Villeneuve
(Raymond) : Bien, c'est-à-dire qu'elle va encourager l'implication de
certains pères, ceux qui sont déjà... Dans le fond, ceux qui partagent
déjà vont partager plus. Donc...
M. Derraji : Oui, les
26 %.
M. Villeneuve (Raymond) : C'est
ça, tout à fait. On revient toujours au chiffre que vous avez dit.
M. Derraji :
Oui, mais, moi, dès le début, là, sérieux, vous m'avez convaincu de l'histoire
du 26 %, parce que je l'avais
dans ma tête, vous avez juste confirmé. Mon inquiétude, c'est qu'avec tout
l'effort qu'on va faire on ne va pas parler
au bon public, parce que celui qui est déjà vendu à l'idée, bien, il va la
faire, il va la suivre. Ma crainte, on va faire un travail exceptionnel, mais, au bout de la ligne, au bout d'un an, de
deux ans, de trois ans, on va se revoir, on va avoir les résultats du fonds... du comité, et ça ne va
pas être les résultats escomptés qu'on va se donner aujourd'hui. Donc, moi, je
suis avec vous dans cette lecture. Mais, pour atteindre les trois quarts, ce que
vous nous dites aujourd'hui, c'est uniquement les huit semaines
dédiées.
M. Villeneuve
(Raymond) : L'outil est là,
il fonctionne, il est éprouvé. Il fonctionne dans d'autres pays du monde
aussi. Je pense qu'on n'a pas nécessairement besoin de se compliquer la vie à
cet égard-là.
M. Derraji : Oui. Une de vos
propositions, numéro 4, «poursuivre la réflexion
quant aux meilleures mesures susceptibles
d'inciter les pères à prendre un congé plus long» — j'utilise souvent ça avec plusieurs groupes, les
projets pilotes, c'est une porte
ouverte que je saisis à chaque fois — avez-vous
une idée à comment on peut plus impliquer les pères dans la cellule
familiale?
M. Villeneuve
(Raymond) : Bien, écoutez,
il y a plein de stratégies. Nous, au RVP, on a mis sur pied un programme
qui s'appelle le PAPPa, Programme d'adaptation des pratiques aux réalités
paternelles, et ce qu'on fait, c'est de l'accompagnement des organisations qui
travaillent avec les familles, et on travaille avec plein de secteurs
d'activité, les OCF, les haltes-garderies,
les CPE, les municipalités, et tout ça, parce que, trop souvent, dans le fond,
les services à la famille sont beaucoup
des services mères-enfants où on est contents de recevoir les pères. Mais là,
si on veut vraiment faire de la place à tout le monde, il faut réfléchir
sur les pratiques. Et tous ces groupes-là que vous connaissez, donc, vraiment, ont des projets pilotes pour réfléchir
sur leurs pratiques pour comment faire de la place aux pères. Et faire de
la place aux pères, d'une part, c'est de
faire de la place à un parent masculin, mais, d'autre part aussi, c'est plus
compliqué que ça, c'est de réfléchir
aussi en termes de coparentalité. Parce que, souvent, on a une logique
d'intervention, de soutien mère-enfant,
mais, si on pense en termes de coparentalité où il y a deux parents, c'est une
nouvelle façon d'approcher ces enjeux-là, et je pense qu'il y a beaucoup
de chemin à faire à ce niveau-là.
M. Derraji : L'autre recommandation
qui me parle beaucoup, là, c'est «mesurer l'impact de la bonification du congé parental sur la durée du congé pris par
les pères ainsi que le nombre de pères rejoints». Moi, je pense... je ne sais
pas c'est quoi, la piste d'atterrissage du ministre
avec son projet de loi, mais, si jamais... je ne présume rien, mais, si
jamais on va avec ce que je sens
depuis le début, ce que vous dites, c'est que ça nous prend... au moins pour la
première année, voir l'impact de
cette bonification, donc les quatre semaines que... le bonus pour le père. Est-ce que
c'est... Est-ce que c'est ça?
M. Villeneuve
(Raymond) : En lien avec les
caractéristiques sociodémographiques des pères et des mères pour vraiment voir qui ça affecte de quelle façon. Et
là, probablement avec quelques graphiques, on verrait l'impact réel, et qui
sont touchés, et qui est mobilisé.
M. Derraji : Mais là est-ce
que vous parlez de la mesure dans le projet de loi ou bien dans la mesure où vous, vous dites : Écoutez, moi,
c'est d'allonger huit semaines, là?
M. Villeneuve
(Raymond) : Ah! bien, toutes
les mesures doivent être monitorées, mais particulièrement celle du
bonus, pour vraiment voir qui elles mobilisent.
M. Derraji : Oui, et est-ce que, vraiment, a atteint le
résultat? Donc, on ne dit pas qu'on a un bonus de quatre semaines, on le lance, mais, au bout de la ligne, personne
ne l'utilise ou bien on reste toujours dans le même groupe que vous avez
identifié, à 26 %.
M. Villeneuve (Raymond) : Oui,
c'est notre crainte.
M. Derraji : O.K. Excellent.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci.
M. Derraji : Merci beaucoup. Merci
pour votre présence. Ça a été très clair. Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci au député de Nelligan.
Nous
poursuivons avec le porte-parole du deuxième
groupe d'opposition, avec le député
d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous avez 2 min 40 s.
M. Leduc : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, et bienvenue.
C'est vrai
que la création du congé paternel, je
pense, a créé une petite révolution
au Québec. C'est drôle parce que, samedi matin, j'étais au parc avec ma petite — on est chanceux d'avoir plusieurs
beaux parcs pour enfants dans Hochelaga-Maisonneuve — puis, à un moment donné, j'ai réalisé que de la douzaine de parents qui étaient présents, on
était presque juste des pères, il y avait
une mère qui était présente, puis j'ai dit : Oh! on dirait que ça n'arrive
pas souvent que je réalise que, tout
d'un coup, dans un endroit dédié aux enfants, il y a une majorité de pères.
Je ne peux pas m'empêcher de croire que le RQAP, et plus précisément le
congé paternel, n'y est pas pour quelque chose.
Tout ce que
vous avez dit et tout ce que vous avez écrit est de la musique à mes oreilles.
J'ai tenté de convaincre M. le ministre, depuis le début du projet de
loi, de tout ça. Vous le mettez dans un beau mémoire avec des beaux graphiques. J'espère que ça pourra nous aider,
dans l'étude détaillée, à continuer à créer le consensus, parce que,
visiblement, depuis le début des
audiences, peu de mémoires ont soutenu la proposition du ministre. La plupart
des mémoires ont plutôt soutenu une proposition avec des variantes
alentour de dire : Non, non, on bonifie le congé paternel, plutôt. Vous
avez déjà donc bien évoqué
tout ce volet-là.
Je vais donc
poser une question sur l'aspect des congés. Vous avez été quelques organisations à soutenir l'idée qu'il
fallait créer une banque de congés à partir, donc, du RQAP, d'autres disent à
partir des normes du travail. Vous, vous semblez plutôt vous situer à partir du RQAP. Est-ce que vous
avez évalué aussi l'option d'y aller par les normes du travail? Est-ce
que c'était un choix l'un versus l'autre ou, dans le fond, tant qu'on réussisse
à en mettre plus sur la table?
M. Villeneuve
(Raymond) : ...pas un expert
de cette question-là, mais il nous semblait que le besoin de congé allait
bien au-delà de la période du RQAP,
ça fait qu'on se disait que ce serait intéressant de penser à une solution comme ça. Mais,
techniquement, je n'ai pas les compétences, là, pour comparer les deux avenues,
désolé.
M. Leduc : Donc, restons sur votre proposition. À partir du RQAP, c'était à 10 jours, je pense, si je ne me trompe
pas?
M. Villeneuve (Raymond) : 10
jours de plus, c'est ça.
M. Leduc : Vous arrivez à ce
chiffre-là par une expérience, un sondage ou...
M. Villeneuve
(Raymond) : Bien, on regarde...
en tout cas, ça nous semblerait vraiment
un plancher, un minimum, là, quand on regarde les journées de maladie,
et tout ça, là. Ça fait qu'on partait avec un plancher comme ça, là.
M. Leduc : O.K. Est-ce qu'il
nous reste un peu de temps, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme IsaBelle) :
40 secondes.
M. Leduc : 40 secondes. Peut-être en terminant, plusieurs
groupes, en début d'audiences, ont proposé de reporter l'application de ce projet de loi à cause de la pandémie, à cause des difficultés
économiques. Qu'est-ce que vous pensez de cette idée-là?
M. Villeneuve
(Raymond) : Bien, écoutez,
les familles ont été très éprouvées, hein, pendant le COVID,
et tout ça. On a fait un sondage sur
la coparentalité qui était superintéressant : d'une part, il y avait
40 % des familles qui nous
disaient qu'ils avaient amélioré
leurs pratiques de coparentalité et qui pensaient vraiment que leurs pratiques
seraient changées durablement, mais
il y avait aussi 25 % des familles qui se disaient en détresse
psychologique, ce qui fait qu'on a les deux en même temps. Mais il y a une fenêtre d'opportunité pour faire bouger
les choses. Et il y aura toujours une raison pour ne pas faire des réformes sociales. Je pense qu'il
y a vraiment une belle opportunité de faire des belles choses, puis le Québec
est vraiment un terreau fertile. Quand on sort du Québec, les
gens sont envieux de ce qu'on fait ici. Alors, c'est chouette de
continuer à être des modèles pour les gens qui nous entourent.
M. Leduc : Merci beaucoup.
M. Villeneuve (Raymond) :
Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, nous poursuivons avec la députée de Joliette.
Mme Hivon : Oui.
Merci beaucoup pour votre présentation toujours très pertinente et énergique.
Comment on arrive... Donc, je comprends bien
votre proposition qui est de se concentrer sur les semaines en exclusivité aux
pères. Comment on arrive... parce que vous... à l'équilibre entre créer le
cocon familial, donc créer cette synergie-là entre les deux parents et les
enfants, mais aussi faire en sorte que le père s'implique seul?
Le groupe
précédent favorisait l'idée de dire des semaines du congé de paternité
seraient utilisables si le père les utilise
seul et non pas conjointement avec sa conjointe. Qu'est-ce que vous pensez de
ça? Est-ce que... Quel équilibre... Comment on trouve l'équilibre pour
faire en sorte que le père reste à la maison aussi avec les enfants, pas juste
en second violon?
M. Villeneuve
(Raymond) : Écoutez, ce
n'est pas une question simple parce que, pour une... Moi, ce que je vous
dirais, là, la réponse la plus honnête,
c'est que, pour une partie des pères, ça marcherait vraiment, et, pour une autre
partie des pères, il y a des pères
qui ne le prendraient pas parce qu'ils ne sont pas prêts. Les pères ne sont pas
uniformes, les pères n'ont pas les
mêmes pratiques. Il y a une partie des pères, on leur met un bébé dans les
bras, ils sont super à l'aise, il n'y a pas de problème. Il y a une autre partie que, dans le 0-2 ans, ils ont
beaucoup de difficultés. Ça, c'est documenté par la littérature.
Souvent, les pères, ils ont de la difficulté avant que l'enfant parle et joue,
et tout ça. Ça fait que d'avoir une solution universelle, ce n'est pas simple.
Mais c'est sûr que d'offrir la possibilité au
père de passer trois semaines de plus seul avec son enfant, c'est intéressant. Mais moi, là, je pourrais mettre...
je pourrais... je suis pas mal certain que ça ne serait pas tous les pères qui
s'en prévaudraient. Ça fait que, encore là,
on n'atteindrait seulement qu'une partie de l'objectif, donc auprès des pères
les plus progressistes, encore là.
Mme Hivon : Vous voulez dire si on mettait trois semaines,
mais qui peuvent être utilisées seulement si le père les prend seul.
M. Villeneuve
(Raymond) : Oui. Oui, il y a
une partie des pères qui ne sont pas rendus là. Moi, c'est vraiment... puis je suis quand même souvent sur le terrain,
là, il y a une partie des pères qui ne seraient pas là. Il y a une partie des
pères, peut-être la moitié, qui le
prendraient, l'autre partie qui diraient : Ah! non, non, moi, je ne touche
pas à ça, je ne suis pas encore là. Parce que tu ne sais pas... Tout le
monde n'est pas encore à la même place sur le continuum.
Mme Hivon : Puis comment on fait pour... vous avez, de
manière très pertinente, commencé en parlant un peu des normes sociales, et tout ça. Comment on fait,
donc, pour les faire changer et évoluer, ces normes sociales là? Je comprends
que c'est un peu l'idée du ministre avec son
espèce de quatre semaines de plus si on partage. Vous, vous dites : Allons
vers autre chose. Si c'était ça, notre objectif, comment on y
arriverait?
M. Villeneuve
(Raymond) : Bien, écoutez, là, si j'allais... La réponse la plus
simple, là, si je vais direct au point, le RVP, on a trois cibles : les politiques publiques, les
services, les pères. Si on veut vraiment avoir le changement social qu'on souhaite, il faut agir sur les trois
vecteurs, donc regarder les politiques publiques qui entourent la famille, regarder
les services, puis après ça aller dans
l'espace public. C'est comme ça que ça peut vraiment bouger. Il n'y a
pas juste un seul levier qui peut tout régler. La société, c'est plus
compliqué que ça.
Mme Hivon : Oui, un
petit peu. Puis vous arrivez, vous,
avec une proposition de jours aussi, donc on voit que c'est aussi présent dans les groupes qui défendent la
famille, donc de jours, un peu, qui
peuvent être pris. Et votre proposition, si je la comprends bien, c'est d'ajouter un 10 jours qui peut être
utilisable. Et, dans la séquence-temps, ça serait dans quelle période de
temps que ça puisse être utilisable?
• (18 heures) •
M. Villeneuve (Raymond) : Bien,
c'est sûr qu'on pensait certainement dans l'année ou dans les deux années qui
suivent, là, la prise du congé parental.
Mme Hivon : Qui
suivent la naissance, la fin du congé.
M. Villeneuve (Raymond) : Parce
que le besoin est là de façon évidente.
Mme Hivon : C'est
clair, donc, parfait.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Merci. C'est tout le temps que nous disposons.
M. Villeneuve
(Raymond) : Merci à vous.
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Merci, M. Villeneuve, pour votre
contribution aux travaux de la commission.
M. Villeneuve (Raymond) : Merci
beaucoup.
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, la commission suspend ses travaux jusqu'à
ce soir, à 19 h 30, et nous nous retrouvons dans les mêmes
salles. Merci.
(Suspension de la séance à 18 h 01)
(Reprise à 19 h 32)
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Attention, on va commencer. Alors, bonsoir, tout le monde. À l'ordre, s'il vous plaît!
La Commission
de l'économie et du travail reprend ses travaux. Je demande à toutes les
personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs
appareils électroniques.
Je souligne
que cette séance se déroulera à la fois dans la salle Louis-Joseph-Papineau, où
je me trouve et où nous sommes, et dans la salle
Louis-Hippolyte-La Fontaine, où se trouve notre organisme que nous
recevons ce soir.
La commission
est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions
publiques sur le projet de loi
n° 51, Loi visant principalement à améliorer la flexibilité du régime
d'assurance parentale afin de favoriser la conciliation travail-famille.
Ce soir, nous
entendons Dr Jean-François Chicoine, pédiatre au CHU Sainte-Justine et
professeur agrégé au Département de
pédiatrie de l'Université de Montréal, conjointement avec Mme Johanne
Lemieux, travailleuse sociale, psychothérapeute, conférencière et
auteure.
Alors, nous
avons avec nous à distance, ou enfin dans l'autre salle, M. Chicoine et
Mme Lemieux. Je vous invite à commencer
votre exposé de 10 minutes après vous avoir... après que vous vous
soyez... vous ayez pris le temps de bien vous présenter. Alors, la
parole est à vous.
M. Jean-François
Chicoine et Mme Johanne Lemieux
Mme Lemieux
(Johanne) : Alors, Johanne Lemieux,
comme vous l'avez dit, travailleuse sociale et psychothérapeute au Bureau de consultation en adoption de Québec,
auteure, conférencière, formatrice et collègue en adoption, complice en adoption depuis 20 ans avec mon collègue
Jean-François Chicoine. Mais à nous deux, on a 60 ans d'expérience auprès
des enfants adoptés et de leurs familles. On
dit toujours, Jean-François et moi, qu'on n'est pas des spécialistes de
l'adoption, on est des spécialistes
de l'enfant adopté et de sa famille puis des personnes adoptées quand ils
grandissent, bien entendu. Je laisse la parole à mon collègue.
M. Chicoine
(Jean-François) : Le plus
beau pont Montréal-Québec, bien, sans prétention, c'est Johanne et moi.
Ça fait 20 ans qu'on collabore ensemble au niveau
scientifique, au niveau des publications avec les parents en formation
ici et en Europe.
Je suis
professeur, Jean-François Chicoine, à
l'Université de Montréal et puis pédiatre à la clinique d'adoption et de santé internationale du CHU Sainte-Justice,
qui est ouverte depuis 1989, qui accueillait beaucoup dans les années 90,
jusqu'à 800, 900 enfants adoptés à
l'international par année, et qui, depuis 10, 20 ans, accueille de plus en plus
d'enfants de l'adoption nationale.
Mme Lemieux
(Johanne) : Voilà. Alors, je vais commencer la première partie de
notre... hein, de notre présentation à deux.
Alors, nous avons choisi de ne pas déposer un rapport, ou une lettre, ou quoi
que ce soit, dans un premier temps,
parce qu'on voulait vous expliquer ça live, hein, en personne et parce qu'on
est tout à fait d'accord avec
l'ensemble du projet de loi et surtout avec les amendements, hein, qui ont été,
bon, vous le savez, comme négociés, bon,
les quelques mois avant la COVID. Et on est d'accord avec les dispositions
parce qu'on va vous expliquer que ça correspond
très bien à nos connaissances scientifiques et empiriques que l'on a sur la
normalité adoptive, c'est-à-dire qu'est-ce qui constitue ce qui est normal
lorsqu'on est un enfant adopté, lorsqu'on est une famille adoptive et quand
cette famille-là accueille un enfant.
Alors,
pendant longtemps... Je m'ai fait un petit dessin de rien, mais, bon, peut-être
que vous ne le verrez pas, mais, bon.
Pendant longtemps, on m'a demandé, on demandait à Jean-François : Mais
qu'est-ce qu'ils ont de si spécial, les enfants par adoption? C'est des êtres humains, bon, ils ont été abandonnés,
mais, une fois qu'on les place dans une famille avec de l'amour et des bons soins, tout devrait bien
aller. Alors, je vais citer le Dr Michel Lemay, hein, un collègue de
Jean-François au CHU Sainte-Justine,
le grand pédopsychiatre disait :
«Penser que de soigner un enfant abandonné qui a des problèmes d'attachement, qui a des traumatismes avec de
l'amour et des bons soins, c'est un peu comme essayer de soigner une crise
du foie en gavant la personne avec du gâteau
au chocolat. Il faut d'abord soigner la personne et un jour elle sera capable
d'apprécier le gâteau au chocolat.»
Alors,
pendant longtemps, on s'est dit : Un enfant qui est placé par adoption,
comme par miracle, par charité parce que,
mon Dieu! il n'avait rien, donc il doit être tellement reconnaissant
d'avoir tout maintenant, une famille, bien, on se disait : Il devrait
tout de suite devenir exactement comme un enfant biologique, peu importe son âge,
peu importe son vécu. Alors, on mettait une pression énorme aux parents
adoptants et aux enfants adoptés, peu importe leur âge, de devenir exactement
comme un enfant par adoption, tant au niveau de sa santé mentale, physique,
développementale, sociale.
Alors, il y en a qui ont essayé vraiment de se
conformer à ça, au grand prix de ne pas être eux-mêmes — souvent, c'est plus tard que ça
ressort — ou,
n'étant pas capables d'entrer dans ce moule-là, bien, il y a plusieurs années,
il y a une trentaine d'années, avant qu'on
ait de meilleures connaissances en neurosciences, en développement, en
traumatismes précoces et en comment
le cerveau d'un enfant doit... quels sont les facteurs de protection qu'un
enfant doit avoir, bien, on s'était dit : Cet enfant-là doit être
pathologique, il doit être étrange, ça doit être génétique ou autre explication
pas très scientifique.
Alors, ce que nous,
Jean-François Chicoine et moi, des chercheurs de partout dans le monde et
beaucoup de professionnels, on a compris, c'est que c'est ni un ni l'autre.
C'est-à-dire qu'on ne demande pas... on ne devrait pas demander à un enfant d'être exactement comme un enfant biologique dans
ses réactions, dans ses capacités ou de le mettre dans une catégorie plus pathologique. Il y a une
normalité adoptive, et, cette normalité adoptive là, eh bien, on a été capables
de beaucoup mieux pointer quels sont les
facteurs de risque que l'enfant a vécus en préadoption, et c'est mon collègue
Jean-François Chicoine tout à l'heure qui
vous en parlera plus en détail, et quels sont les facteurs de protection. Parce
que l'adoption, c'est un geste de
protection de la jeunesse, hein? L'adoption, ce n'est pas de trouver un enfant
pour une famille, c'est de trouver
une famille pour un enfant, un enfant blessé, un enfant à haut risque de ne pas
avoir reçu tout ce qu'il avait besoin
pour se développer normalement. Donc, on doit donner les facteurs de
protection, c'est-à-dire on doit donner tout ce... on doit donner toutes
les occasions à une famille d'être présente, disponible, sensible pour
accueillir cet enfant-là.
• (19 h 40) •
Mais ce qu'on aime beaucoup dans le projet de loi
et les amendements, c'est que la nomenclature «congé d'accueil et de
soutien» correspond exactement à ce qu'on connaît du processus
d'apprivoisement, d'adaptation, d'attachement qu'un
enfant doit faire quand il est déraciné d'un premier milieu. Donc, ce... Parce que, pendant cette période
d'accueil là, le parent n'est pas
encore parent. Un parent biologique, il prend soin de son bébé. Une maman qui
vient d'accoucher est un peu en
convalescence, hein, de son accouchement, et prend soin de son bébé, et est
tuteur du développement de son bébé. Le bébé, sauf s'il a été malade, ou qu'il a des problèmes graves, ou
qu'il a été prématuré, n'a pas de besoins spéciaux, donc tout de suite
un parent va commencer à créer un lien d'attachement, va commencer à prendre
soin du bébé.
Bien,
les parents qui adoptent un enfant, qui accueillent un enfant par adoption,
ils ne peuvent pas prendre soin du
bébé, ils doivent le soigner avant qu'ils puissent en prendre soin. Un parent
adoptant, une famille adoptive est d'abord et avant tout un tuteur de
résilience de l'enfant. Ce sont des enfants qui ont passé au travers de beaucoup,
beaucoup, beaucoup d'épreuves. Ils sont résilients, mais à quel prix? Ça laisse
des traces. Il faut que le parent, que la famille qui les accueille puisse offrir une grande disponibilité. Et au départ... je
m'amuse souvent à dire qu'au départ... quand je donne de la formation en Europe ou au Québec
et avec mon collègue Jean-François Chicoine, au départ, les parents
adoptants ne sont pas des parents. Ce
sont des infirmiers, des nutritionnistes, des techniciens en éducation
spécialisée, et, dans certain cas, et je le dis avec beaucoup de
bienveillance et de tendresse, de gardiens de zoo des enfants qui n'ont jamais
vécu dans une famille, des enfants qui n'ont vécu que dans un orphelinat.
Donc, nous sommes très d'accord
avec cette nomenclature-là, qui permet, pendant plusieurs mois, hein, quelques
mois, plusieurs semaines qui donnent
quelques mois, d'accueillir cet enfant-là, autant pour l'enfant que pour le
parent, s'apprivoiser, s'adapter et surmonter une première partie des
chocs post-traumatiques, des problèmes de santé et développementaux de
l'enfant.
Et,
dans un deuxième temps, là on a un congé d'adoption, un congé parental
où, on l'espère, l'enfant s'est un peu apprivoisé,
un peu adapté et sera disponible à créer un lien d'attachement. Parce que ce
n'est pas automatique, un lien d'attachement.
Et le lien d'attachement, je vais terminer là-dessus, on le sait maintenant,
dans les études en neuropsychologie... et
créer un lien d'attachement sécurisé avec son donneur de soins, son parent, et
vice versa, qu'un donneur de soins et qu'un
parent crée un lien d'attachement sécurisé avec un enfant, c'est... ça donne...
ce sont des facteurs de protection pour tout le reste de la vie, la
santé mentale, physique, émotive, sociale d'un être humain. Je te passe la
parole pour parler des facteurs de risque.
M. Chicoine
(Jean-François) : Merci,
Johanne. Brièvement, je pourrai répondre à vos questions
après, je vais vous dresser un peu un
portrait des enfants qu'on reçoit par adoption à Sainte-Justine. Je vais vous parler avec
raison, comme toujours, j'espère, mais aussi avec passion. C'est un
privilège, comme pédiatre, de pouvoir à la fois agir d'une manière pragmatique pour les enfants et leurs familles,
mais aussi, à chaque instant de ce travail-là, de pouvoir rétablir un droit à
l'enfant, le droit d'être apaisé par des adultes et le droit d'avoir une
famille.
Les
enfants de l'adoption ont une forme de marginalité, puisqu'ils
viennent d'une grossesse tout à fait particulière. Donc, les mamans abandonnantes ou qui vont devoir se séparer de l'enfant
sont plus stressées, elles ont fumé, elles ont pris de la drogue ou elles ont bu. Alors, le syndrome
d'alcoolisation foetale, soit au Québec ou à l'international, est une notion qu'il faut toujours retenir, en adoption.
Les premiers temps de l'enfant se font dans la négligence, souvent, parfois,
dans la maltraitance passive, active,
selon la provenance des enfants, selon leur histoire de vie. Ce qu'il faut
surtout retenir, c'est que l'enfant adopté,
il a une trajectoire particulière qui est forgée à partir de liens
d'attachement qui n'ont pas pu se
faire, donc de liens d'apaisement. C'est donc un enfant stressé qui a excité
son cortisol cérébral d'une manière
tout à fait particulière et qui,
surtout, est rompu aux ruptures. C'est un enfant qui a fait plusieurs familles
d'accueil au Québec ou c'est un
enfant qui a rencontré, par exemple, lorsqu'il vient de l'international, à peu
près 20, 30, 40, 50 nourrices qui se sont occupées de lui avant d'arriver dans sa famille d'accueil. C'est des
enfants, aussi, qui ont vécu et qui ont des infections chroniques plus
que d'autres, l'hépatite B et notamment le VIH, maintenant, où on reçoit
beaucoup d'enfants de l'international, de
plus en plus d'enfants de l'international avec le VIH, des enfants qui ont
passé à travers la malnutrition, le kwashiorkor, donc dont la croissance va devoir
être accompagnée sur plusieurs mois. Au niveau développemental, et on
les connaît bien, à Sainte-Justine, on les a suivis aussi...
La Présidente
(Mme IsaBelle) : M. Chicoine...
M. Chicoine (Jean-François) : ...en recherche avec l'Université du Québec à
Sainte-Justine, c'est des enfants qui vont
avoir des défis au niveau sensoriel, au niveau moteur, au niveau cognitif, au
niveau langagier et beaucoup au niveau socioaffectif.
Il faut se donner facilement, pour des enfants adoptés avant l'âge de 18 mois,
au moins deux ans pour qu'ils arrivent
à une normalité d'enfants pour tous ces stades du développement. Les traumatismes,
ils peuvent être simples, ils peuvent
être complexes. Beaucoup d'enfants vont donc avoir des résurgences de leur vie
antérieure, et, pour les parents, c'est
énormément de travail pour la mise en famille, pour l'adaptation puis pour
l'adaptation scolaire. C'est des rencontres, c'est des rendez-vous, c'est de l'ergothérapie, de la physiothérapie,
des chirurgies, lorsqu'il y a une fente labio-palatine, deux à quatre chirurgies. Donc, c'est aussi, pour
moi et pour notre infirmière et notre équipe, notre travailleuse sociale,
des requêtes d'enfant... de subventions pour enfant avec handicap, que ce soit
au fédéral ou au provincial.
Il
ne faut pas retenir de ça que tous les enfants adoptés sont des handicapés et
sont des enfants hypothéqués pour toute
leur vie, non. La majorité d'entre eux vont bien s'en sortir, mais il faut
toujours consolider leurs parents et les aider à différents niveaux.
Les parents adoptants aussi, ils ont une
différence. Ce sont des parents, en
général, par rapport à une moyenne de parents, qui ont été
évalués par des travailleurs sociaux ou des psychologues dans leur
compétence... donc, ils ont une compétence, mais ils n'ont pas l'expérience
parentale. Ils ont des trajectoires d'infertilité, des deuils antérieurs...
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Alors, il vous reste 20 secondes. En
conclusion.
M. Chicoine (Jean-François) : ...et c'est donc des parents qu'il faut savoir
reconnaître pour pouvoir les arrimer à la situation exceptionnelle de
leur enfant sur des mois, parfois des années.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Merci. Alors, on vous remercie,
Dr Chicoine.
Nous allons commencer
la période d'échange. M. le ministre, vous avez 14 minutes.
M. Boulet : Merci. D'abord, vous resaluer de nouveau, Dr Chicoine,
Mme Lemieux. Vous êtes manifestement des personnes qui êtes spécialisées depuis tant d'années. Vous avez des
connaissances qui sont particulièrement opportunes et pertinentes pour
une commission parlementaire comme la nôtre, et je vous félicite pour la
qualité et la clarté de votre présentation.
Je
vais peut-être y aller sous forme un peu de discussion avec
vous. Un, je veux vous remercier, quand vous dites que le projet
de loi correspond à nos connaissances
scientifiques et est le reflet, je pense, on l'a réalisé, là, suite au dépôt
initial du projet de loi n° 51... le consensus social était très clair. Je pense que la société a
parlé dans son ensemble, et on a écouté,
on a agi. Évidemment, vous savez que c'est le genre de projet de loi qu'il faut travailler de manière transversale. Véronique Hivon a joué un rôle d'ambassadrice hors pair pour la Fédération des parents
adoptants, que j'avais déjà rencontrée.
Dans le projet initial,
on réduisait l'écart de façon significative entre les parents adoptants puis
les parents biologiques, mais maintenant c'est débat du passé, puis la jurisprudence sur
laquelle on s'appuyait n'est plus compatible, du moins, avec la réalité
sociale québécoise et avec la sophistication, si je peux dire, de notre politique
familiale dans son ensemble, dont le RQAP
fait partie, régime, d'ailleurs, dont on est extrêmement fiers au Québec.
Et on se compare souvent à des pays
progressistes comme la Suède et l'Allemagne, et on se fie beaucoup
aux opinions de l'Organisation internationale du travail et d'auteurs
réputés comme Mme Lemieux et vous, bien sûr, Dr Chicoine.
J'aimerais
que vous me guidiez un peu plus dans les critères qui me permettraient de bien
comprendre ce qu'est la normalité, parce que
j'ai tellement l'impression... Évidemment, c'est une courte discussion, là, on ne pourra
pas aller dans tous les détails, mais, tu sais, je vous
entends, puis l'enfant adopté, il est forcément hypothéqué, handicapé. Puis,
pour moi, la notion de handicap, comme juriste, c'est ce qui n'est pas conforme
à la norme. C'est comme ça qu'on l'interprète,
tant le concept qui est dans la Charte
des droits et libertés de la personne
que dans les lois sociales et du travail du Québec. Et l'enfant biologique est forcément... Tu sais,
j'avais l'impression, à un moment
donné, que l'enfant biologique
est la norme, puis l'enfant adopté est le
handicap ou l'anormalité, puis je sais que c'est beaucoup plus nuancé que ça,
mais je veux surtout, par ma question, vous donner l'opportunité de
compléter un peu plus.
• (19 h 50) •
Mme Lemieux (Johanne) : Merci de votre question. Je vais me permettre
de répondre. En fait, c'était un peu pour, justement, vous souligner un
mythe qu'il y a eu trop longtemps dans l'esprit des gens qui... on ne peut pas tout
connaître dans la vie... qu'un enfant
biologique était la norme, et que, si un enfant par adoption
ne rentrait pas dans cette norme-là, eh
bien, il était nécessairement hors norme, justement. Alors, c'est pour
décrier ça. Les enfants biologiques ne sont pas tous parfaits, puis d'ailleurs un enfant parfait, ce ne serait pas une très
bonne chose, comme un parent parfait non plus.
Mais,
si on est un... si le... Alors, la normalité adoptive — en fait, j'ai écrit un livre là-dessus,
c'est mon dada — ça veut dire que ce sont des enfants qui ont les
mêmes besoins, les mêmes talents que n'importe
quel enfant, les mêmes phases
développementales, mais que leur vie de préadoption leur ont donné des options supplémentaires,
les options supplémentaires d'avoir été trahis, volontairement ou involontairement, par des
adultes, qui font qu'ils ont de la difficulté à faire confiance aux
adultes, à se rattacher à quelqu'un. Ce sont des enfants qui, comme mon collègue
Jean-François Chicoine l'a souligné, ont des
enjeux de santé mentale et physique, qu'on doit reconstruire quand ils
arrivent. Donc, c'est une option supplémentaire.
Ils ont l'option supplémentaire
formidable aussi d'avoir survécu à des épreuves que peut-être ni vous, ni moi,
ni Jean-François, ni les gens dans la
salle n'auraient pu surmonter. Mais survivre, être résilients... comme l'a dit
mon collègue de la commission des
1 000 jours, en France, bon, une commission sur les 1 000 premiers
jours de l'enfant où j'ai eu le grand honneur de siéger avec Boris
Cyrulnik, ce n'est pas parce qu'on est résilient qu'on n'a pas des traces.
Alors, les options supplémentaires, ça fait que
c'est des enfants qui ont un entretien un petit peu plus sophistiqué. Ils ne sont pas tous handicapés, mais ils ont une
forme de sophistication qu'on doit connaître et qu'on doit comprendre, que ce soit nous-mêmes comme personnes adoptées,
quand les enfants grandissent, les parents qui les accueillent, et, bien
entendu, la société qui les accueille, et les professionnels qui les
accueillent. Ces options supplémentaires là forment cette normalité-là, qui n'est pas quelque chose en moins, qui est
quelque chose en plus, et qu'on doit célébrer, connaître, normaliser au lieu de les mettre dans la honte de ne pas être exactement
comme un bébé biologique voulu, désiré, allaité, chouchouté, apaisé, complètement
protégé de toutes les épreuves de la vie.
M. Chicoine (Jean-François) : C'est des enfants qui ont beaucoup
de troubles de sommeil. C'est des enfants qui, au lieu de faire pipi au lit jusqu'à l'âge de quatre, six ans vont faire
pipi au lit jusqu'à huit, neuf ans. C'est des enfants qui, au lieu de marcher entre 12 et 16 mois, vont
marcher entre 12 et 24 mois, normalement. C'est des enfants... si je prends ma
montre et si je la cache comme ça, bien, normalement, vers l'âge de neuf mois,
si l'enfant a vu, bien, il va retirer mon
masque pour regarder ma montre, mais, en adoption, c'est à peu près
vers l'âge de 12, 13 mois. Donc, ils ont tous une forte fin de comète, ce qui nous permet, comme pédiatres puis comme
soignants, de voir lesquels se détachent vraiment de cette
normalité-là, lesquels vont avoir... en plus d'un retard développemental ou
d'un manque d'amour et de confiance et de trop de stress, lesquels vont
avoir aussi une pathologie médicale, en plus.
Donc, il
y a des enfants qui ont... qui sont
en retard dans la normalité adoptive, ce qui nous permet d'identifier les besoins spéciaux des enfants et éventuellement aussi d'avoir des services pour eux, parce que, très clairement, que ce soit un syndrome d'alcoolisation foetale ou une négligence par malnutrition
ou par manque de soins adultes, si on intervient rapidement par des parents, par des ergothérapeutes, par des
travailleurs sociaux, des psychologues, des psychoéducateurs, on va changer le destin de ces enfants-là. Et
c'est extraordinaire, comme pédiatre, d'avoir le soignant qui est le parent dans son bureau. Alors,
vous n'avez pas à attendre les services, ils sont là, débordants d'amour.
M. Boulet :
Tout à fait.
Mme Lemieux (Johanne) : Puis j'ajouterai que le facteur de protection le
plus grand, ce sont des parents bien évalués,
bien supportés, mais qui ont du temps : le temps de ne pas exiger que
l'enfant s'attache tout de suite à eux et vice versa, le temps d'être, comme je le disais, des tuteurs de résilience,
le temps de les apprivoiser, parce
qu'au début un enfant ne prendra
pas... il est en choc d'être déraciné. Même si on le déracine d'un endroit qui
est moins adéquat pour lui, il est quand
même en choc. Alors, on ne peut pas exiger d'un enfant qui est en choc qu'il
nous aime tout de suite, qu'il s'attache à nous, qu'il nous fasse confiance tout de suite. Alors, ce temps-là, ce
congé d'accueil et de soutien, moi, ça me touche beaucoup parce que c'est un mot qui correspond tout à fait à la fois
légalement, socialement, mais au niveau biopsychosocial et offre
vraiment aux parents l'occasion que l'enfant se pose, se dépose.
Ces
enfants-là, c'est des petits matelots qui ont vécu beaucoup, beaucoup, beaucoup
de naufrages et qui ont... qui doivent
éventuellement arriver sur un bateau où est-ce qu'ils vont reprendre confiance
au capitaine. Mais, au départ, ils n'ont pas tellement confiance au capitaine, là. Ils vont essayer de ne pas
avoir besoin des capitaines. Alors, vraiment, la nomenclature, comment la loi a été... le projet de loi a été arrangé ou programmé, je ne sais pas
comment... moi, je ne suis pas juriste, là, ça correspond vraiment à ces
deux étapes-là.
M. Boulet :
Oui.
M. Chicoine
(Jean-François) : Et on peut
être un peu lyriques dans l'idée du soutien... Pardonnez-moi, M. le ministre.
M. Boulet :
Bien non, allez, allez.
M. Chicoine
(Jean-François) : Je vous
mentirais si je vous disais que c'est la première fois que ça m'arrive. Mais,
dans l'idée du soutien, il y a l'idée du
portage, il y a l'idée de la disponibilité physique. Et l'attachement d'un
enfant, il se fait par la disponibilité physique de ses parents, parce
qu'on le regarde dans les yeux, parce qu'on le porte, parce qu'on le
transporte, parce qu'on le prend en peau à peau. Et cette disponibilité-là,
elle est essentielle pour que le parent s'accroche
à l'enfant, ce qu'on appelle le lien, et pour que l'enfant s'accroche à son
parent, ce qu'on appelle l'attachement.
M. Boulet : Merci à vous deux. En fait, c'était l'opportunité
que je voulais vous offrir, de compléter vos propos, parce que vous étiez limités dans le temps. Vous
vous exprimez avec tellement d'humanité, tellement d'empathie, et ça
suscite chez moi énormément d'intérêt.
Il
y a des questions parfois un peu plus... Mais, avant d'aller à une question qui
est eu peu plus pratique, vous parliez de
trajectoire variable pour les parents. J'ai bien compris, là, pour la normalité
des enfants, là, c'est à tous égards, là, au plan verbal, au plan moteur, au plan neurologique, là,
tu sais, l'enfant adopté va généralement marcher plus tard, il va attacher
ses souliers plus tard, il va tout faire...
La trajectoire, même si elle n'est pas linéaire, il y a un écart dans la
rapidité d'évolution de l'enfant adopté quand on le compare à ce qui est
normal pour un enfant biologique.
Mais
vous avez parlé de trajectoire variable pour les parents adoptants.
Pouvez-vous... Je vous donne une autre occasion d'élaborer un petit peu
là-dessus.
Mme Lemieux
(Johanne) : Pouvez-vous élaborer votre question parce que je...
M. Boulet : Tu sais, vous parliez, vous faisiez référence à
une trajectoire qui pouvait être variable chez les parents adoptants.
Mme Lemieux
(Johanne) : Oui, oui. En
fait, c'est un peu pour reprendre ce que Jean-François a dit, il faut aussi...
on a parlé beaucoup des besoins, des
facteurs de risque que l'enfant a vécu, mais il faut aussi donner du temps aux
parents de devenir parents. Et de
devenir parent, même si tu as été évalué, même si tu as bien de l'amour à
donner, ça prend du temps. C'est une
valse qui est extrêmement complexe. Dans mon bureau, depuis 25 ans que j'ai
le Bureau de consultation en adoption
de Québec, j'ai reçu des parents qui avaient honte de ne pas avoir... de ne pas
être tombés tout de suite en amour avec
leur enfant et de se sentir coupables de ne pas avoir créé ce lien-là
immédiatement. Alors, quand on parle de trajectoire du parent, il faut
aussi normaliser le fait que c'est normal, madame.
Moi, j'avais déjà
dit, lors d'un rapport-progrès, quand on va à la maison pour voir comment
l'enfant va, s'adapte, j'ai
dit : Vous savez, ça a l'air de très
bien aller, mais imaginez comment ça
va aller beaucoup mieux quand vous allez aimer votre enfant. La maman, elle me regarde, elle
dit : Comment savez-vous que je ne l'aime pas encore? Bien, j'ai dit,
c'est normal, que vous ne l'aimiez pas encore, ça va venir.
M. Boulet : Et j'ai vraiment bien compris, puis je pense que, tant chez
l'enfant adopté que le parent adoptant, le remède, c'est le temps, la disponibilité.
Mme Lemieux
(Johanne) : La proximité
physique, la sensibilité, l'espèce de
valse d'apprivoisement de l'espace qu'on doit coloniser doucement.
Voilà.
M. Boulet : Il faut que je vous
arrête parce que je veux absolument vous poser... puis moi aussi, je suis
limité dans le temps. Est-ce que, pour
vous... Puis j'ai apprécié beaucoup vos commentaires sur la prestation
d'accueil et de soutien. Est-ce qu'il
faut distinguer la prestation d'accueil et de soutien de la prestation
parentale? Et comment il faut les analyser de façon distincte?
Mme Lemieux
(Johanne) : Bien, moi,
j'aime bien comment c'est fait comme... j'aime beaucoup comment c'est déjà fait. Voyez-vous, il y a plusieurs années,
j'avais eu... un ministre luxembourgeois m'avait demandé mon avis sur une loi qui allait justement être, bon, votée,
j'imagine, au Luxembourg, et il se posait cette question-là, justement. Quand
on parle d'adoption, étant donné qu'au
début... Lui, il était exactement... au Luxembourg, il était exactement dans
les mêmes questionnements : Ce
n'est pas un congé de maternité, mais c'est un congé d'accueil. Puis pourquoi
ce congé d'accueil là serait un congé d'accueil? Et pourquoi le congé
d'adoption serait après? Alors, contrairement à ce que Mme Carmen Lavallée a soumis, puis, vraiment, c'est... excellente
présentation, moi, je pense que le congé de soutien et d'accueil devrait
rester congé de soutien et d'accueil, puis
le congé d'adoption parentale par la suite, parce que c'est vraiment après
plusieurs semaines que le vrai sens de l'adoption commence.
M. Boulet : ...ce qu'on dit,
oui.
Mme Lemieux
(Johanne) : L'enfant va être
plus disponible à se faire adopter émotivement et physiquement, et vice
versa. Donc, ces deux nomenclatures-là correspondent vraiment à tout ce que nos
recherches empiriques, scientifiques prouvent.
M. Boulet : Aïe! Mon Dieu!
La Présidente (Mme IsaBelle) :
En conclusion, oui.
M. Boulet :
Aïe! Merci beaucoup, beaucoup, Mme Lemieux, Dr Chicoine, éminemment
apprécié, puis ça démontre l'incroyable pertinence de la création de ce
congé-là. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci, M. le ministre.
Alors, nous
poursuivons avec le porte-parole de l'opposition officielle, avec le député de
Nelligan. Vous disposez de 10 min 40 s.
• (20 heures) •
M. Derraji : Merci, Mme la
Présidente. Écoutez, je tiens juste à vous dire... malheureusement, on est dans
deux salles séparées, mais je tiens à vous
dire que je sentais, à certains moments, le ministre très engagé et je me suis
dit : Est-ce qu'il va traverser
de l'autre côté? Il était tellement enchanté de vous entendre et saluer vos propos. Mais je tiens à dire la même chose, vous étiez vraiment... vous
avez vraiment préparé une bonne présentation, donc vous avez de très
bons arguments.
J'ai noté pas
mal de points, mais donc, par rapport au congé d'accueil et de soutien, les
congés d'adoption, donc, pour vous, les deux, c'est important dans le
processus de normalité adoptive, est-ce que j'ai bien résumé?
Mme Lemieux (Johanne) : Tout à
fait. Oui, tout à fait. Absolument.
M. Derraji : O.K. Excellent. Corrigez-moi, vous êtes les
experts. Un autre point qui m'a le plus interpelé, donner du temps aux parents de devenir parents, bon, et
c'est là... moi, c'est cette question de temps qui m'interpelle. Et du moment
que j'ai devant moi deux experts dans ce domaine, si je vous demande d'évaluer
ce temps, il sera de combien?
Mme Lemieux
(Johanne) : Ah! évaluer ce temps est de combien...
M. Derraji : Parce que vous... En fait, si j'ai bien compris,
pour vous, le congé d'accueil, c'est bon, c'est très bon, même, le
nombre de semaines, ça vous arrange.
Mme Lemieux
(Johanne) : Tout à fait.
M. Derraji : Et de soutien, donc, pour... sur ce point, bien,
écoutez, vous secondez un peu les propos qu'on trouve dans le projet de loi. Le congé d'adoption, donc
vous êtes pour, avec la nomenclature et éventuellement avec le nombre de
semaines.
Mais vous avez soulevé beaucoup de choses par
rapport à la normalité adoptive. Un groupe avant vous, il a parlé de la question de normes. Des groupes, la semaine
dernière, ont parlé d'un processus. Et du moment que vous êtes deux experts,
donc vous faites beaucoup de recherches
empiriques, chose qui est très bonne pour nous, parlementaires, voir ce que...
vous nous facilitez la tâche. Il y a des
groupes qui disent : Bien, écoute, pour que le père puisse jouer son rôle,
ce n'est pas cinq semaines, c'est
huit semaines parce qu'on veut l'impliquer davantage. M. le ministre ramène les
semaines partageables et avoir un quatre semaines de plus pour pouvoir
engager le père.
Bon, selon vous, nous avons ce débat sur la table,
est-ce que vous pouvez nous orienter, même avec un intervalle de
confiance, avec une marge d'erreur très élevée? Allez-y.
M. Chicoine
(Jean-François) : La plupart
des familles, adoptives ou non, se plaignent de manque de temps, et plusieurs, d'ailleurs, ont retrouvé du temps avec
le confinement de la COVID en mars, avril, et ils ont souligné les aspects
positifs de cette horrible pandémie. Quand on parle de temps en adoption, on
parle de disponibilité physique et éventuellement
de disponibilité cognitive quand les enfants sont un peu plus grands puis sont
capables de se souvenir de leurs parents. On parle, en moyenne, donc, de
cette première année après l'adoption, mais pour certains enfants avec des déficits et qui ont accumulé des traumatismes
et tout, ça pourrait être 18 mois, et puis pour certains, ça pourrait être
deux ans, trois ans, quatre ans. Si on
regarde du côté de l'enfant, par exemple, on sait que, même s'il évolue bien à
différents niveaux de son
développement, s'il n'a pas de maladie chronique importante, on sait que son
immaturité psychique va faire qu'il
va falloir retarder, par exemple, sa scolarité. Donc, moi, je suis toujours
en train de faire commencer les enfants à l'âge de sept ans, comme autrefois
en Suède, leur première année, parce qu'ils vont avoir une difficulté à
s'adapter à des milieux qu'ils
pensent nouveaux et ils vont avoir parfois de la difficulté à être suffisamment
permanents et à suffisamment retenir leur parent intérieur et leurs
parents qu'ils ont quittés.
En adoption, la
difficulté aussi, et c'est là que le rôle de l'agent séparateur, qui est
l'autre parent, que ce soit une femme, un
homme, un père, une mère, ou une autre mère, ou un autre père, et c'est ce qui
est le plus difficile aussi lorsque
les parents adoptent en célibataires, c'est que ça prend aussi, pour consolider
l'attachement, une forme de séparation, une forme de détachement, et ce détachement-là, ça prend quelques
semaines, quelques mois chez certains enfants. Et c'est sûr que l'autre parent, il est bien placé
pour assumer cette fonction-là, et ça peut prendre quatre semaines, comme ça
peut prendre des semaines et des mois.
Donc, je ne peux pas vous chiffrer ça, il y a trop
d'enfants, il y a trop de trajectoires, il y a trop de provenances, mais il faut arriver avec quelque chose... une
moyenne d'enfants au bâton, si je puis dire, pourraient se débrouiller avec
ce qu'on souligne, mais...
Mme Lemieux (Johanne) : Notre... Excuse-moi, Jean-François, je peux, oui?
Notre expérience, c'est qu'une année et
quelques semaines, en général, une moyenne, hein, il y aura
toujours des exceptions d'enfants qui vont s'apprivoiser,
s'adapter et s'attacher plus rapidement
et leurs parents aussi, pour toutes sortes de raisons, et il y en a...
mais cette première année-là... Et
j'étais... j'ai échangé avec des collègues européens récemment, bon, des collègues scandinaves aussi qui, eux, sont rendus à 18 semaines. Quand on se compare, on
se console. Vous dites : Est-ce que c'est assez? Est-ce que c'est trop?
Combien de temps ça prend à un parent de
devenir parent, d'accoucher de lui-même d'un parent? Vous savez, c'est la même
chose pour une maman qui accouche, hein? Je veux dire, l'instinct maternel,
maintenant, on sait que c'est en partie hormonal,
bien entendu, et d'avoir porté un enfant, mais on s'est aperçu que les papas
qui prenaient soin très rapidement et
seuls, sans que la maman soit nécessairement là, d'un nourrisson, leur cerveau
changeait. Il y a une partie de leur cerveau qui devenait plus sensible
aux microsignes de détresse, ou de besoin, ou de satisfaction d'un bébé.
Donc,
est-ce qu'on devrait imposer — je ne sais pas trop si je comprends bien votre question, là — que les papas aient tant de congés? Bien, moi, j'en suis pour toute forme de
parentalité, hein, que les papas prennent soin tout seuls de leur enfant, ce n'est jamais comme... ou le
deuxième conjoint, ce n'est jamais comme de prendre soin d'un enfant à deux.
Et il y a quelque chose dans la dyade,
c'est-à-dire au niveau du regard, au niveau de... en anglais, on dit
«atonement», accordage entre un parent et un enfant qui se passe dans
une dyade qui ne se passe pas dans une triade. Donc, il faut du temps, il faut
que chacun prenne du temps seul avec son enfant.
Et
je vous dirais que la moyenne... Déjà, quand on va en Europe francophone, Jean-François
et moi, on fait l'envie, le Québec...
Vous savez, ici, on parle souvent des pays scandinaves comme... hein, bon,
comme très en avance, avant-gardistes dans
tous ces programmes-là, mais je vous dirais qu'en Europe francophone
c'est le Québec qui est l'étalon de mesure, et les gens nous envient beaucoup.
Je vais être encore plus fière de retourner en Europe, parce que, quand je leur
parlais du
congé parental, qui était, hein, le nombre de semaines qu'on connaît, mais que
les parents adoptants en avaient un peu moins, bien, maintenant, avec la loi n° 51,
je vais pouvoir avoir la fierté de leur dire que c'est équitable, maintenant,
et que les enfants sont en convalescence par adoption comme une maman
est en convalescence après son accouchement.
M. Derraji : On veut toujours être les meilleurs, et c'est pour cela que, heureusement, notre démocratie nous permet de s'améliorer, et, justement,
avoir ce cadre d'échange nous permet tous de contribuer à améliorer le projet
de loi.
Désolé si j'ai des questions
techniques, parce que je pense que vous étiez, lors de votre présentation...
même aux réponses à M. le ministre, c'était très clair, mais moi, j'ai besoin de vous pour pouvoir
bonifier, si je peux, le projet
de loi, mais aussi ramener des éléments qu'on n'a pas vus, probablement. Et, moi, la question d'aider les parents, donner du temps aux parents pour devenir parents, moi, je
pense que c'est l'objectif de tout
le monde pour que le père puisse
jouer son rôle.
Et
je reviens toujours à la question du temps, pourquoi? Pour deux éléments. Je
reviens à la question par
rapport aux parents adoptifs.
Parfois, ça prend huit ans, ça a été dit par une universitaire de l'Université de Sherbrooke, si je ne me trompe pas, encore une fois. Et une notion que vous avez dite tout à l'heure, bon, un 12, 18 mois... Un autre groupe, tout à l'heure, parlait d'une banque partageable la deuxième
année pour le père et pour la mère. Donc, est-ce que, selon vous,
c'est quelque chose que... bon,
disons, la première année, c'est réglé, le père avec la mère, mais est-ce qu'une deuxième année un congé
partageable, pas au même moment, père, mère, peut contribuer à avoir ce temps
de qualité avec les enfants?
Mme Lemieux
(Johanne) : Bien, ce serait formidable si on pouvait ajouter cette possibilité-là
de consolider l'attachement à la famille. Ça, c'est sûr que ce serait
formidable. On serait...
M. Derraji :
Ce que j'aime avec vous... Écoutez...
Mme Lemieux
(Johanne) : On serait comme la Norvège, qui sont à 18 mois, là.
M. Chicoine
(Jean-François) : La plupart
des familles pourraient bénéficier d'un congé, en général, jusqu'à l'âge
de 18 mois, c'est un.
Deuxièmement, pour se séparer d'un enfant, pour coopérer avec lui en dehors de nous,
il faut que le parent aussi soit conforté
dans les structures de garde auxquelles il va avoir droit. Donc, si le parent
confie son enfant à un CPE, à une éducatrice qui est stable, qui est bien rémunérée — je pense que ce n'est pas le jour pour parler de ça — c'est sécurisant pour le parent, et
c'est cette espèce de capacité de l'enfant à habiter en dehors de son parent
qui va être bon, mais l'enfant va retenir son parent dans sa tête vers l'âge de
16, 18 mois.
Par
ailleurs, il y a une troisième considération. Si l'enfant a un retard
développemental important ou d'autres besoins en termes de psychoéducation, là, le CPE, d'une manière régulière, va
pouvoir aussi être utile à l'enfant. Alors, moi, il m'arrive de recommander de mettre l'enfant, par
exemple, dans un service de garde vers l'âge de 9, 12 mois ou parfois, quand les parents peuvent se le permettre,
d'attendre à l'âge de 18 mois pour consolider certaines choses. Donc, il n'y a
pas de trajectoire unique pour les enfants.
• (20 h 10) •
M. Derraji :
Dr Chicoine, Mme Lemieux, merci beaucoup. Je vais suivre avec grand
intérêt vos recherches, mais aussi
vos conférences. Et continuez à promouvoir le Québec, parce que c'est vrai,
nous avons un beau modèle, on va le bonifier davantage avec le projet de loi n° 51. Mais soyez fiers et des bons
ambassadeurs de notre programme. Merci beaucoup.
Mme Lemieux (Johanne) : Des très bons ambassadeurs. Je vous le dis,
vraiment, quand on se compare, on se console, puis c'est...
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Merci.
M. Chicoine
(Jean-François) : Ce qui nous a beaucoup aidés au départ, c'est à la
délégation du Québec à Paris qu'on a sorti l'essentiel de nos travaux en
2003, ce qui nous a permis de rayonner dans l'Europe francophone.
M. Derraji :
Bravo! Et continuez à le faire. Merci.
M. Chicoine
(Jean-François) : Merci.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Merci. Alors, nous poursuivons... Merci au
député de Nelligan.
Nous
poursuivons avec le deuxième groupe d'opposition, avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve.
Vous disposez de 2 min 40 s.
M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Bonsoir, monsieur,
madame. Merci pour votre présentation. C'est un privilège, hein, comme
parlementaires, de pouvoir rencontrer des experts puis de constater cette belle
érudition, cette belle communication là.
D'ailleurs, je n'ai pas tellement de questions à vous poser, j'ai juste envie
de continuer à vous entendre, ça fait
que je vais vous poser une question ouverte. Qu'est-ce qu'on pourrait faire
d'autre, à part cette réforme du RQAP, pour faciliter la vie des parents
adoptants au Québec?
Mme Lemieux
(Johanne) : Bien, c'est déjà
beaucoup, hein, l'équité, c'est déjà beaucoup. Et je crois que, déjà, de parler d'équité et d'expliquer... Vous savez,
tout... en fait, il n'y a jamais... il n'y a rien qui n'arrive pour rien, hein,
des fois il y a des merveilleux malheurs.
Tout ce qui s'est passé avec les amendements, hein, bon, on a eu, hein, un
petit peu de lobbying à faire... bon,
lobbying... en tout cas, bon, et le fait que ça ait sorti dans les journaux,
qu'on est... moi, d'autres, la
Fédération des parents adoptants, toutes sortes de gens ont commencé à
expliquer les besoins particuliers des enfants adoptés et qu'on ne voulait pas rien enlever aux mamans qui
accouchaient, mais que, dans le cas de l'adoption, c'étaient les enfants qui avaient besoin d'une
convalescence, alors que c'est les mamans qui ont besoin d'une convalescence
quand elles accouchent, ça, déjà, ça
a remué les gens, ça a transmis des informations, ça a défait des mythes, ça a remis les pendules à l'heure. Et déjà, ce projet de loi là, je trouve qu'il a déjà fait beaucoup de travail de fond, des choses qu'on essayait de
diffuser, bon, à la majorité de la population
depuis des années, et ça nous a donné l'occasion de le faire. Jean-François.
M. Chicoine
(Jean-François) : Je vais
être un peu Séraphin, la disponibilité des services, l'ergothérapie — oui, c'est comme Séraphin, je vais aller court — l'ergothérapie,
l'orthophonie, la psychoéducation pour le développement et surtout l'accompagnement scolaire, c'est des
enfants qui ont deux fois plus de TDAH que d'autres, plus de TSA, plus de
troubles d'attachement, plus besoin de TES,
d'orthopédagogues. Donc, l'accompagnement scolaire, je vous dirais, pour
répondre très clairement à votre question, c'est ce dont on aurait le plus
besoin.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci.
Mme
Lemieux (Johanne) : Et aussi
peut-être de mieux subventionner... subventionner ou rendre — bon, ça
s'en vient — rendre obligatoires, c'est fortement
encouragé, la formation préadoption et le suivi post-adoption, qui n'est pas
disponible partout sur le territoire. Il y a
un CLSC, là, un CIUSSS — bon, je ne
sais plus trop comment les appeler — à Montréal,
sur l'île de Montréal, qui offre de la pré et de la postadoption, mais, si on
est en région, eh bien, il y a peu de services spécialisés.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, merci au député d'Hochelaga-Maisonneuve.
Nous
poursuivons avec le troisième groupe d'opposition, avec la députée de Joliette.
Vous disposez de 2 min 40 s.
Mme Hivon : Bonjour à vous deux. Alors, j'ai un gros
2 min 40 s. Moi aussi, je veux vous remercier, c'est vraiment un
bonheur de pouvoir vous entendre ce soir. J'aurais vraiment
beaucoup de choses, donc je vais vous soumettre quelques
éléments, puis vous choisirez ce que vous trouvez le plus important à aborder.
Mon collègue l'a abordé tout à l'heure, mais
paternité versus maternité, est-ce qu'on doit avoir une recherche différente d'équilibre pour les familles
adoptantes dans la mesure où... vous me corrigerez, mais certains enfants
peuvent être plus spontanément portés
à s'attacher à la mère et rejeter le père, pour d'autres, c'est l'inverse, ils
ont eu des nounous qui étaient des
femmes, le lien d'attachement a été brisé, brisé avec la mère biologique, brisé
avec les nounous, ils vont aller vers le père. Est-ce qu'il y a une
recherche d'équilibre plus grande qui devrait être présente pour l'adoption?
L'autre
élément, c'est... quelqu'un a dit que... bien, en fait, il y a
eu présentation, là, d'un groupe qui remettait en cause, qui disait que, pour les parents biologiques, il pourrait y
avoir un certain sentiment d'iniquité, notamment chez le
père, parce qu'ici autant le congé parental, où on trouve le pendant, là, le
congé d'accueil et de soutien, pouvait être partagé entre père et mère,
ce qui n'est pas le cas pour un père biologique. J'aimerais ça que vous
réagissiez à ça.
Et l'autre
élément, c'était de dire que, des fois, les mères biologiques doivent se
retirer à l'avance, retrait préventif, et
donc elles perdent du temps avec leur enfant parce qu'il n'est pas né encore,
et de dire : Bien là, les mères adoptantes, eux autres, elles l'ont
dès le premier jour. Donc, j'aimerais vous entendre sur cette idée-là de
potentielle iniquité.
Mme Lemieux (Johanne) : Bien, écoutez,
on va...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Il ne reste... Attention, par exemple, il ne reste qu'une minute.
Mme Lemieux
(Johanne) : Alors, on va
essayer de se centrer sur l'intérêt supérieur de l'enfant, hein, c'est-à-dire que... qu'est-ce que... Alors, quand j'entends que des gens pensent
encore que c'est inéquitable, on pense aux adultes, une maman, bon, à comparer à la mère biologique.
Mais pensons aux besoins de l'enfant, que ce soit un bébé naissant ou que ça soit un enfant par adoption,
mais j'argumenterais que les enfants par adoption, à comparer à un
enfant naissant en bonne santé, bien
entendu, ont plus de besoins et que ça s'argumenterait scientifiquement si jamais il y a
des gens qui soulignaient cette injustice-là.
Pour ce qui est
des pères, bien, moi, je crois qu'il faut encourager à la... Je ne pense pas
qu'il y ait une spécificité, je pense que le fait d'avoir sensibilisé les parents adoptants aux
enjeux que vous avez très, très bien résumés, Mme Hivon, fait que les parents vont s'impliquer plus naturellement... les papas vont s'impliquer plus naturellement de par ces
connaissances-là que parfois les
pères biologiques n'ont pas sur les enjeux d'attachement parce qu'on n'a pas nécessairement
des cours sur l'attachement avant d'être père et d'être mère.
M. Chicoine (Jean-François) :
Ce qui est peut-être de moins en moins vrai avec les jeunes papas.
Mme Lemieux
(Johanne) : Oui, de moins en
moins vrai avec les jeunes papas. Alors, je ne pense pas qu'il faudrait
enchâsser d'obliger plus le papa ou plus la maman à prendre ce congé-là. Je
pense qu'il faut encourager les papas à le prendre, comme n'importe quel enfant. Et, naturellement, ce qu'on voit dans notre pratique, les papas sont beaucoup plus...
sont souvent plus impliqués parce qu'ils se... comment je vous dirais ça, donc,
ce sont des enfants voulus, désirés, et
qu'il y a une certaine, entre parenthèses, égalité. Le père
ne se sent pas moins compétent parce qu'il n'a pas accouché ou moins compétent parce qu'il ne peut pas
allaiter l'enfant. Alors, on voit souvent une belle solidarité dans les parents
adoptants, qui, naturellement, vont s'impliquer. Donc, il faut leur laisser le
choix, je pense. Je ne serais pas de l'avis d'imposer quoi que ce soit.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, on vous remercie. On vous remercie, sincèrement, hein, pour votre contribution
à l'avancement des travaux.
Alors, la commission
ajourne ses travaux jusqu'à mercredi 23 septembre, après les affaires
courantes, vers 11 h 15, et nous pourrons poursuivre notre
mandat. Merci à tous. Alors, on vous souhaite une bonne fin de journée.
(Fin de la séance à 20 h 18)