(Onze heures dix-sept minutes)
La
Présidente (Mme IsaBelle) :
Bonjour, tout le monde. Alors, à
l'ordre! Ayant constaté le quorum, je
déclare la séance de la Commission de l'économie et du travail ouverte. Je vous souhaite la bienvenue, et je
demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la
sonnerie de leurs appareils électroniques.
La commission
est réunie afin de poursuivre les consultations
particulières et les auditions
publiques sur le projet de loi
n° 51, Loi visant principalement à améliorer la flexibilité du régime
d'assurance parentale afin de favoriser la conciliation travail-famille.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire : Oui, Mme la
Présidente. Mme Richard (Duplessis) est remplacée par Mme Hivon
(Joliette).
La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci.
Mme la secrétaire, y a-t-il des droits de vote par procuration?
La Secrétaire :
Oui, Mme la Présidente. Mme Blais (Abitibi-Ouest) dispose d'un droit de
vote par procuration au nom de
M. Bélanger (Orford) et M. Derraji (Nelligan) dispose d'un droit de
vote par procuration au nom de M. Leitão (Robert-Baldwin).
Auditions (suite)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, ce matin, nous allons entendre les deux groupes suivants : Mme Carmen Lavallée, professeure à la Faculté de
droit de l'Université de Sherbrooke, et la Confédération des syndicats
nationaux.
Je vous
souhaite la bienvenue, Mme Lavallée. Je vous invite à commencer votre
exposé. Vous avez 10 minutes. Nous
avons convenu qu'on vous accorderait quelque temps supplémentaire pris sur le
temps de parole, ou de question, ou d'échange du ministre. Avant de commencer
votre exposé, je vous demande de bien vous présenter.
Mme Carmen Lavallée
Mme
Lavallée (Carmen) : Alors, merci beaucoup, Mme la Présidente. Mon nom,
comme vous l'avez mentionné, est
Carmen Lavallée. Je suis professeure titulaire de droit à la Faculté de droit
de l'Université de Sherbrooke et vice-doyenne à la recherche et aux
études supérieures de type recherche de l'Université de Sherbrooke, à la
Faculté de droit.
Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM.
les parlementaires, d'abord, merci de me donner l'occasion d'apporter ma contribution à la réflexion que vous
menez actuellement sur le Régime québécois d'assurance parentale. D'entrée de jeu, je tiens à souligner les efforts
importants qui ont déjà été faits dans le but de rendre le régime québécois,
dont nous sommes tous absolument très fiers, encore plus flexible et encore
plus juste.
• (11 h 20) •
Je vous avais fait suivre un article
scientifique dans lequel on avait, avec deux de mes collègues qui sont des spécialistes du droit à l'égalité, étant moi-même
une spécialiste des droits de l'enfant, procédé à une analyse juridique
très détaillée de la loi actuelle sur les régimes québécois... sur le régime,
et qui expliquait les raisons juridiques pour lesquelles on arrivait à la
conclusion que la loi actuelle était discriminatoire à l'endroit des enfants
adoptés.
Dans un
premier temps, je dois dire que je trouve que c'est important que l'égalité
s'inscrive dans la loi elle-même, mais
je pense que c'est déjà relativement acquis, là, que ce sera le cas. Et, à ce
titre-là, je pense que les amendements qui ont été déposés, là, par le
ministre vont tout à fait dans le sens du respect du droit à l'égalité de tous
dans l'accès au Régime québécois d'assurance parentale.
En réalité, il faut modifier la loi parce qu'il
faut briser la confusion qui continue, dans une certaine mesure, de régner autour des congés d'adoption. Cette
confusion perpétue l'idée selon laquelle accorder la même protection à des
enfants adoptés constituerait en quelque sorte une négation ou un
amoindrissement de la protection que l'on accorde aux femmes qui accouchent. En fait, on a tendance à considérer que c'est des
vases communicants, hein, que, si on donne plus, ça fait perdre, alors
que ce n'est pas du tout le cas. Ces protections-là ne sont pas des vases
communicants.
Évidemment,
il y a toujours une jurisprudence antérieure, et il existe une certaine crainte
de voir ressurgir certaines décisions
antérieures qui pourraient amener à une contestation d'une loi qui serait maintenant
plus égalitaire. Je pourrais reprendre ici, là, les raisons pour
lesquelles je pense qu'il faut écarter cette façon de réagir parce qu'à notre
avis la jurisprudence antérieure est largement obsolète sur cette question-là
pour deux raisons principales.
La première,
c'est que, lorsqu'on fait une analyse assez pointue des objectifs du Régime
québécois d'assurance parentale versus les objectifs de la Loi sur
l'assurance-chômage dont elle s'inspire... dont le régime s'inspire, on voit très clairement que les
objectifs des deux régimes sont tout à fait différents. Or, dans l'analyse que
l'on fait d'une législation, en vertu
de l'article 15 de la charte canadienne, pour déterminer si on contrevient
ou pas au droit à l'égalité, les objectifs de la loi sont un élément
fondamental. Ici, le régime québécois, lorsqu'on l'analyse, on voit que c'est
un objectif de soutien aux familles.
D'ailleurs, on le voit sur le site du régime, où on dit que l'objectif du
régime est de soutenir financièrement
les nouveaux parents et de les encourager dans leur désir d'avoir des enfants.
Donc, des objectifs différents auraient dû mener à des régimes
différents.
Malheureusement,
on s'est inspiré quand même beaucoup de la Loi sur l'assurance-chômage et c'est exclusivement les droits des parents qu'on a mis
de l'avant. Donc, c'est là qu'on a vu toutes sortes de contestations devant
les tribunaux : droits des mères
biologiques contre celui des mères adoptantes, droits des mères adoptantes
versus les pères biologiques, pères adoptants contre pères biologiques.
Bon, vous connaissez toute la saga autour de ça.
Or, toutes ces décisions-là... Deuxième raison
pourquoi elles nous apparaissent... cette jurisprudence-là nous apparaît obsolète, dans toutes ces décisions-là,
on ne prend jamais en considération l'effet que produisent ces lois-là sur
les enfants adoptés. Or, il est maintenant
reconnu juridiquement de façon certaine que le législateur ne peut plus
détourner son regard, lorsqu'il
légifère, des conséquences que produit aussi sur les enfants la mise en oeuvre
des politiques sociales et familiales.
Donc, si on
analyse, et je ne reprendrai pas ici, là, le détail, vous l'avez dans
l'article, et j'avais joint un résumé aussi de l'article qui présente, je
pense, le raisonnement juridique qui nous avait amenés à dire que c'était
discriminatoire, il faut quand même
voir que les enfants adoptés sont un groupe qui, historiquement, a été
considéré comme un groupe vulnérable. Pendant longtemps, la loi ne leur
a pas accordé les mêmes droits qu'aux enfants biologiques, notamment en ce qui concerne l'accès aux droits successoraux
et aux droits alimentaires. Donc, il est clair que la différence de traitement
que la loi continue d'avoir présentement,
là, constitue, en quelque sorte, un désavantage historique à l'endroit de ce
groupe-là.
On pourrait
évidemment prétendre que, dans le but de soutenir les familles, le législateur n'est pas tenu de sauver tout le monde
en même temps, qu'il peut faire des choix, qu'il peut prioriser, par exemple,
les femmes qui accouchent, et personne,
je pense, ne remet en question la nécessité d'accorder une protection à ce
niveau-là aux femmes qui accouchent. Toutefois, dans le choix que fait
le législateur, il ne peut légiférer en contravention de l'article 15.
Une fois la
différence de traitement établie dans la loi, et elle est assez clairement
établie, il reviendrait au législateur de démontrer que cette différence
de traitement là peut se justifier dans le cadre d'une société libre et
démocratique. Et je pense que la principale
difficulté rencontrée à ce niveau-là serait d'établir qu'il existe un lien
rationnel entre les objectifs de la
loi, qui sont : assurer la protection des familles... et le moyen choisi
pour y arriver, qui consiste, finalement, à établir une différence de
traitement entre deux groupes vulnérables.
Je pense
qu'il ne faut pas perdre de vue aussi, dans l'analyse qu'on fait, que les
dispositions de la loi se répercutent directement
dans les conventions collectives de travail. Donc, à partir du moment où la loi
traite différemment différents groupes vulnérables, ça se répercute souvent
avec beaucoup plus d'ampleur dans les conventions collectives, parce
que, dans les conventions collectives, la
plupart du temps, il n'y a pas de prestation parentale. Donc, on a un congé de
maternité, un congé d'adoption, qui,
suite à une décision du Tribunal des
droits de la personne, a entraîné une
réduction extrêmement importante des congés d'adoption.
En fait, d'où
remonte cette confusion-là? Et je pense qu'il faut retourner à la première
décision qui a été rendue, c'est l'affaire Schachter. C'est une affaire qui a
été rendue en vertu de la Loi sur l'assurance‑chômage, et il faut savoir
qu'à l'époque la Loi sur l'assurance‑chômage
prévoyait qu'une femme qui accouche avait droit à 15 semaines de congé
et qu'une personne qui adopte un enfant avait droit à 15 semaines de
congé. Donc, d'entrée de jeu, la loi fédérale établissait
l'égalité de traitement entre les deux groupes de parents. Mme Schachter a
accouché, a pris son congé de maternité de 15 semaines, après quoi M. Schachter a attaqué la loi
fédérale en prétendant que les pères adoptant avaient droit à un congé
qui lui était, à lui, refusé comme père biologique.
Curieusement, la Cour d'appel fédérale lui a
donné raison, mais elle a oublié un élément important dans sa décision, c'est le fait que, pour se prévaloir du
congé d'adoption, le père adoptant, il faut que sa conjointe ne se soit pas
déjà prévalue d'un congé parental, hein?
Donc, c'est une différence très importante. À la suite de ça, le gouvernement
a concédé les droits des pères adoptants. Donc, à la fois la Cour d'appel fédérale
et la Cour suprême du Canada n'ont pas eu à se pencher sur le fond de la
question, mais deux juges de la Cour suprême du Canada, le juge en chef et le juge La Forest — vous l'avez, là, dans le document que je
vous ai laissé — ont émis
des doutes très sérieux sur le fait... ou sur les conclusions de la Cour
fédérale.
Avec le recul
qu'on a présentement sur ces questions-là, on peut se demander, mais
pourquoi la Cour fédérale n'a-t-elle pas simplement dit à
M. Schachter : Vous ne pouvez pas prendre de congé d'adoption parce que
vous n'avez pas adopté
d'enfant, comme on dit, à bon titre, aux mères adoptantes : Vous ne pouvez
pas prendre de congé de maternité parce que vous n'avez pas accouché?
C'est des raisons différentes qui justifient les congés.
Je pense que
la confusion, elle repose sur une confusion entre le congé d'adoption
et le congé de responsabilité parentale. Cette confusion-là, on la retrouve
aussi dans le Régime québécois
d'assurance parentale, et on la voit même dans
la loi d'interprétation du régime, où on peut lire que les prestations
d'adoption «sont versées pour permettre aux parents d'établir des liens
affectifs avec [leur] enfant [adopté]». C'est une affirmation inexacte et qui
entraîne de la confusion. Tous les parents
ont besoin de développer des liens affectifs avec leur enfant, et on peut
comprendre que des parents biologiques, si on interprète comme ça le congé
d'adoption, se sentent floués de ne pas y avoir droit eux aussi.
Le congé d'accueil et de soutien en vue de l'adoption,
tel qu'il est défini dans les amendements, ce n'est pas la même chose que le
congé de responsabilité parentale, et il doit être défini comme un temps
accordé aux parents et à l'enfant pour lui
permettre de surmonter les difficultés induites par son parcours préadoptif. Si c'est un
congé qui est souvent associé à la théorie de l'attachement, les
troubles de l'attachement, ce n'est pas des troubles affectifs, c'est des troubles qui sont
induits par l'instabilité et l'insécurité qui sont présents chez les enfants
adoptés et qui sont dus au fait que les adultes n'ont pas répondu ou ont
répondu inadéquatement aux signes de détresse envoyés par l'enfant.
Les effets
délétères de cette forme de maltraitance, qui est maintenant
reconnue, on la retrouve... il y a des centaines d'articles scientifiques qui l'établissent maintenant, en service social,
en médecine. C'est une réalité qui existe autant en adoption interne qu'en adoption
internationale. Et c'est la raison pour laquelle le congé d'adoption ne sert
pas à développer des liens affectifs
au départ. C'est cette insécurité-là qu'on demande aux parents adoptants de
réparer. Et, s'ils n'y arrivent pas, le développement de la relation
affective n'est pas possible, hein? Il
y a une période où il faut réparer quelque chose avant de pouvoir développer, avec des prestations parentales, une
relation affective avec son enfant, comme n'importe quel autre parent, d'ailleurs,
est amené à le faire.
Donc, si je
repars des amendements, là, qui ont été déposés, on voit quand même
qu'on est arrivés à une égalité de
traitement à ce niveau-là. Je fais rapidement quelques petits commentaires. Je ferais peut-être
encore un petit changement, si vous me permettez de le proposer.
J'enlèverais, du côté des congés d'adoption, là, «congé d'adoption exclusive ou
partageable». Je trouve que ça entraîne
encore de la confusion avec le congé d'accueil et de soutien. Les
32 semaines, là, exclusives ou partageables qu'on attribue à la
fois aux parents biologiques et aux parents adoptants, je les appellerais simplement «congé de prestation parentale», qui
serait possible à la fois pour les parents biologiques et à la fois pour les
parents adoptants.
Je pense que la meilleure façon de libeller la loi pour la rendre la moins
vulnérable possible aux contestations, c'est
de très bien déterminer à quoi sert chacun des congés et
ensuite d'établir clairement, dans la loi, que la volonté du législateur
désormais, c'est de répondre aux besoins de deux groupes, particulièrement dans
une situation de vulnérabilité : évidemment, le congé de maternité avec les femmes qui
accouchent, et personne ne remet ça d'aucune manière en question,
et aussi une protection pour un autre groupe vulnérable, qui est maintenant
reconnu, que sont les enfants adoptés.
Je dirais peut-être...
Si vous me posez la question tout à
l'heure, je vous parlerais bien de la
question de l'adoption de l'enfant du conjoint, qui
m'apparaît ici probablement être un peu problématique. Je vous dirai pourquoi. Et je vous dirais aussi peut-être que le congé de paternité,
il faudrait peut-être repenser l'appellation de ce congé-là pour les raisons
que je vous expliquerai, si vous me le permettez. Je sais que j'ai abusé de
votre temps, je vous remercie beaucoup.
• (11 h 30) •
La Présidente (Mme IsaBelle) : Je
vous remercie pour votre exposé. Nous donnons maintenant la parole au ministre
pour commencer la période d'échange. M. le ministre, vous avez 13 minutes.
M. Boulet : Merci, Mme la
Présidente. D'abord, vous remercier, Mme Lavallée. Vous avez maintenant,
vous le savez bien, joué un rôle qui est quand même assez prépondérant dans les
amendements que nous avons soumis à l'Assemblée
nationale au mois de mars dernier, après des discussions, là, relativement
intensives avec ma collègue de Joliette,
que vous connaissez bien. J'apprécie votre pensée. Pendant un temps, je me
souvenais à quel point j'appréciais mes cours à la faculté de droit.
Vous entendre, votre profondeur, votre rigueur, le développement de vos idées,
c'est particulièrement... ça a beaucoup de valeur pédagogique pour nous, là,
ici, ce matin.
Je vais vous
donner certainement l'opportunité d'aller plus loin, mais, si on remonte à
2006, quand il y a eu la négociation
de l'entente entre Canada-Québec, on a sorti de la loi fédérale sur l'assurance-emploi
ce qui concernait le régime que nous avons bâti au Québec, le RQAP. Comment vous expliquez l'évolution de l'espèce
de dichotomie entre les objectifs,
là, quand vous dites : La jurisprudence est obsolète parce que les
objectifs de la loi fédérale ne sont pas les mêmes que le RQAP? À quoi vous attribuez cette ambivalence-là ou cette
orientation-là dans les objectifs qui ne sont plus les mêmes?
Mme
Lavallée (Carmen) : Écoutez,
je pense qu'au moment où on a négocié, là, on pourrait
dire, le rapatriement de cette
compétence-là de Loi de l'assurance-chômage vers le Québec
pour la création du Régime québécois
d'assurance parentale il fallait, évidemment, justifier de raisons qui
pouvaient expliquer pourquoi on voulait notre propre régime d'assurance parentale. Et l'une des principales
raisons qui a été évoquée, et ça, nous, on a procédé à l'étude de toutes les
commissions parlementaires qui ont eu lieu et, dans l'article, on a repris, là,
des grands bouts des discussions, c'est qu'on
a dit : Nous, au Québec, il est temps de mettre fin au lien qui existe
entre l'arrivée d'un enfant et la perte de son emploi. Donc, on ne veut
plus que l'arrivée d'un enfant soit associée à la perte d'un emploi, on n'est
plus dans un régime d'assurance-emploi où,
là, on va s'orienter exclusivement sur les adultes. Et là il y a une logique de
dire : La femme qui accouche, c'est une travailleuse, donc elle est
privée, pendant un certain temps, d'occuper son emploi, elle doit être
indemnisée.
Là, nous, on a dit : Non, nous, on veut un
régime qui s'apparente plus à une politique familiale, quelque part. On veut un régime qui est plus large, qui vise à
soutenir les parents, et on le dit sur le site Web, à soutenir les parents
dans leur désir d'avoir des enfants.
Donc là, on est avec des objectifs qui sont beaucoup plus larges. Et, dans
la mise en oeuvre d'une politique
sociale qui vise à soutenir la famille, on ne peut plus faire abstraction des
effets sur les enfants que produit cette loi-là.
Et c'est dans
ce sens-là que je vous dis : Les objectifs étant distincts, lorsqu'on
procède à l'analyse en vertu de
l'article 15 de la charte pour
déterminer si la loi est discriminatoire au sens de l'article 15, une des
premières choses qu'on voit, c'est qu'on retourne aux objectifs de la loi.
Donc, si les objectifs de la loi sont de soutenir les parents dans leur désir d'avoir des enfants, c'est pour ça que
je vous dis : On va mal le lien rationnel qu'il y a entre le fait... On le
voit pour les femmes qui accouchent, on leur donne un congé, c'est parfait. On
voit mal le lien rationnel qu'il y a entre cet objectif-là et le fait de
priver un autre groupe vulnérable de la même protection de la loi.
Et c'est pour
ça que je vous dis que ce n'est pas des vases communicants. Avec la Loi sur
l'assurance-chômage, évidemment, les
droits de la femme qui accouche étaient prépondérants parce qu'il n'y avait pas
d'autres objectifs que ceux-là. Ici, dans un
régime qui vise plus à soutenir la famille et les parents, on dit : Oui,
mais quels sont les gens qui doivent être
soutenus? Et le choix ou le moyen que le législateur prend pour arriver à son
objectif, qui est de soutenir la famille, ça, il ne peut pas le faire en
violation de l'article 15. Je ne sais pas si ça répond.
M. Boulet : Oui, tout
à fait. Donc, la jurisprudence que
vous considérez comme étant obsolète, qui dit : On ne peut pas conférer
une pleine égalité parce que c'est ne pas reconnaître les effets
physiologiques qu'une grossesse peut avoir
sur une mère biologique, ne tient plus la route parce que la grille d'analyse
que les tribunaux utilisent dans l'interprétation et l'application de l'article 15 de la charte canadienne
nécessite un regard précis des objectifs. Et s'assurer que les moyens...
Donc, ce qui est dans le régime est compatible, il y a un lien rationnel avec
les objectifs.
Mme Lavallée
(Carmen) : Qui est raisonnable. La loi dit «un lien raisonnable», hein?
Donc, il faut qu'en regardant ça on se
dise : Bien, voici les objectifs qu'on poursuit et, pour arriver à
l'atteinte de ces objectifs-là, voici les moyens qu'on met en oeuvre.
M. Boulet : Je l'ai vraiment réalisé, hein? On avait quand même
fait, dans le dépôt initial, un grand pas en avant. On avait réduit considérablement l'écart entre les
mères adoptives et les mères biologiques, mais, ceci dit, ce n'était pas
l'égalité parfaite. Puis je le comprends, puis ça me rassure, moi, au plan
juridique.
Est-ce qu'en sens
inverse d'avoir maintenu le régime tel qu'il était nous exposait à des risques
de poursuites judiciaires en invoquant encore l'article 15 et en suivant
le même raisonnement?
Mme Lavallée
(Carmen) : Absolument. Moi, je pense que le projet de loi n° 51,
tel qu'il est... a été déposé sans les amendements, à mon avis, les risques de
contestation sont beaucoup plus grands que la... qu'il soit contesté qu'avec
les amendements. Parce que, si on adopte
aussi les amendements, si on dit clairement : Voici l'objectif du congé
d'adoption, si on dit : Les responsabilités parentales, c'est pour tout le
monde, ça, il n'y a plus de différence, c'est là que je trouve qu'il y a encore un peu une confusion, c'est qu'on
a un congé d'accueil d'adoption puis ensuite on a un congé d'adoption. Puis on
dit : C'est quoi, le congé d'adoption, il sert à quoi? C'est un congé de
prestation parentale. Dans les deux cas, dans les deux types de famille,
il sert à la même chose.
M. Boulet :
Qu'on soit biologique ou adoptant, oui, tout à fait.
Mme Lavallée
(Carmen) : Oui. Et là on a une égalité de ça, on a un congé de
maternité qui répond... Et, tu sais, on
dit : Ça leur fait perdre... En fait, si on diminuait le congé pour les
femmes qui accouchent, là je vous dirais : Bien là, je ne suis pas sûre,
tu sais, mais, à partir du moment où, sans coût additionnel excessif, et ça, la
Cour suprême l'a souvent dit, sans
coût additionnel excessif, on est en mesure de répondre aux besoins des deux
groupes vulnérables, c'est là qu'on ne voit pas la raisonnabilité du
moyen qui est mis en oeuvre.
M. Boulet :
C'est pour ça que c'est quand même assez étonnant qu'il n'y ait pas eu de poursuite
dans le temps, là, parce qu'avant le projet initial il y avait encore plus de
risques. Parce que, comme je vous mentionnais, on a réduit l'écart, donc
les risques étaient encore plus présents avant, donc c'est étonnant qu'il n'y a
quand même pas eu de poursuite.
Et
nous, on partait de la prémisse qu'il aurait pu y avoir des risques avec une
égalité parfaite, mais c'est sûr qu'on a réalisé qu'il y avait un
consensus social extrêmement puissant qui coexistait avec l'engagement
électoral du parti gouvernemental. Moi, je me disais : On va y aller
graduellement, on va y aller progressivement. On avait fait un grand pas
en avant, mais je suis vraiment content du résultat, Mme Lavallée, puis je
vous remercie beaucoup.
Je
veux y aller assez... On aura l'occasion peut-être de se reparler,
parce que j'ai plein de questions à vous poser, mais je veux vous
laisser parler. Congé de paternité, qu'est-ce que vous avez à dire?
• (11 h 40) •
Mme
Lavallée (Carmen) : Bien, en
fait, je comprends que... Bien, le congé de paternité, personnellement,
j'aurais eu tendance à le qualifier
de congé de conjoint ou de conjointe de la femme qui accouche, hein? Ça fait
presque 20 ans maintenant que le Code civil reconnaît des droits
aux familles homoparentales. Je pense qu'il y aurait peut-être une adaptation
du vocabulaire ici qui serait nécessaire. Je sais que ces cas-là sont réglés
par les gestionnaires du... par le conseil,
là, au cas par cas, un peu. Et je pense que, dans les faits, je n'ai pas eu
cette information-là, mais je présume qu'ils accordent... par exemple, dans un couple de femmes, quand il y en a une
des deux qui accouche, je présume qu'on accorde le congé de paternité à
sa conjointe.
M. Boulet :
Exactement, totalement.
Mme Lavallée
(Carmen) : Alors là, je me dis...
M.
Boulet : Mais, au niveau des
concepts, vous avez totalement raison. Et vous savez qu'on est en processus de
réforme des règles de filiation, là, puis du
droit de la famille, les règles qui sont dans le Code civil du Québec, et on va
faire l'adaptation qui s'impose. Mais, dans l'application puis dans la loi,
vous allez voir qu'il y a peu d'utilisation de concepts, là, on y va vraiment en fonction de la réalité qui est
spécifique, mais la question des mères porteuses, par exemple, ça, ça...
Mme
Lavallée (Carmen) : Oui,
absolument, la question se pose. Et évidemment on est face à une réforme majeure du droit
de la famille. Je pense que votre collègue travaille... du ministre de la
Justice travaille déjà sur ça.
Et
je ne présume de rien, là, je ne suis pas dans le secret des dieux, mais, à
partir du moment où on encadre le régime des mères porteuses, évidemment, pour l'attribution des congés parentaux, la
question va se poser, hein? Qui va bénéficier des régimes... des congés à ce moment-là? Alors, bien évidemment,
on peut penser que la mère porteuse est la femme qui accouche, qu'elle aurait droit au congé de maternité, bien évidemment.
S'il y a remise de l'enfant dès la naissance, bien là, on a des gens qui auraient droit à une prestation parentale, et
à l'autre... Je pense que c'est à peu
près la seule façon de diviser
les choses.
Mon
intervention ne vise pas à critiquer, sur cet aspect-là, le fond de la loi.
C'est juste que je trouve qu'il y aura un
effort à faire pour mettre le vocabulaire en accord avec ce qu'on fait déjà,
mais je sais que la question, présentement, est délicate parce que l'article 541 du Code civil
dit que les contrats de mères porteuses sont sans effet juridique, mais,
dans les faits, ils en produisent, des
effets juridiques, parce que, quand la mère remet l'enfant au couple demandeur,
qu'on appelle au couple d'intention, bien, en réalité, ça produit des effets
puisqu'en plus la Cour d'appel du Québec a dit que l'adoption était possible dans ce cas-là. On passe par l'adoption de
l'enfant du conjoint pour établir l'affiliation à l'égard de l'autre homme ou... d'un homme, mais des fois
ce n'est pas juste des couples d'hommes, hein, ça peut être un couple
hétérosexuel aussi qui a recours aux services d'une mère porteuse.
M. Boulet : Tout à fait. Et je
trouvais intéressant quand vous référiez aussi... quand on dit : Les
«prestations parentales ou d'adoption
partageables», ça devrait se limiter à être des prestations partageables,
indépendamment que ce soit... Tu sais, c'est vrai qu'il y a une...
Mme Lavallée (Carmen) : Sans
distinction.
M.
Boulet : ... — oui,
absolument — il
y a une certaine forme de redondance. Je veux vous entendre maintenant... Je
ne sais pas combien il me reste de temps, madame...
La Présidente (Mme IsaBelle) : Il
vous reste 1 min 20 s.
M.
Boulet : Allez, vite,
Mme Lavallée. L'adoption de l'enfant du conjoint, vous aviez un mot à dire
là-dessus.
Mme Lavallée (Carmen) : Oui. Je veux
juste attirer votre attention sur cette forme d'adoption de l'enfant du conjoint. C'est une adoption qui, dans les faits,
passe très souvent sous le radar, c'est-à-dire qu'on ne sait pas, exactement, il y en a combien.
Et c'est une forme d'adoption qui présente des caractéristiques particulières,
et je vais essayer de vous dire rapidement pourquoi.
Dans une
étude que j'ai menée avec Romaine Ouellette, une professeure de l'INRS,
là, l'Institut national de la
recherche scientifique, on a dépouillé, dans le district Saint-François de Sherbrooke,
1 700 dossiers d'adoption entre 1950
et 2014. On a départagé les internationales des internes. Et, dans les
adoptions internes, on a départagé les adoptions d'un enfant en
protection de la jeunesse d'une adoption intrafamiliale ou l'adoption de
l'enfant du conjoint. Qu'est-ce que qu'on
entend par l'adoption de l'enfant du conjoint? C'est, dans à peu près 97 %
des cas, le nouveau conjoint de la
mère qui va adopter le ou les enfants qu'elle aurait eus d'une précédente
union. Dans les données qu'on a obtenues, et je ne prétends pas que
c'est valide...
La Présidente (Mme IsaBelle) : En
conclusion, allez-y rapidement, en conclusion, il reste 10 secondes.
Mme Lavallée (Carmen) : Ce n'est
pas... On doit traiter probablement ces adoptions-là différemment parce qu'à mon avis elles ne remplissent pas les
critères du congé d'adoption qu'on vient d'établir. Si quelqu'un d'autre me
pose la question, je vais dire pourquoi.
M.
Boulet : Oui, mais j'aurais aimé ça vous parler aussi,
Mme Lavallée, des risques d'un retour au travail hâtif d'un parent
adoptant.
Mme Lavallée (Carmen) : Absolument.
M. Boulet : J'aurais aimé ça que
vous dissertiez aussi sur ce que vous appelez la normalité adoptive.
La Présidente (Mme IsaBelle) : C'est
beau, M. le ministre.
M. Boulet : Merci beaucoup, Mme
Lavallée.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci.
Mme Lavallée (Carmen) : Merci.
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, merci, M. le ministre. Alors, d'un
commun accord, on a convenu que l'autre
groupe, ça serait le troisième groupe d'opposition qui prendrait la parole, avec la députée de Joliette.
Vous disposez de 2 min 40 s.
Mme
Hivon : Merci,
Mme la Présidente. Imaginez, vous
trouvez que vous manquez de temps, j'ai 2 min 40 s. Donc, Me Lavallée, merci infiniment. Vous
savez que vos travaux ont été très utiles pour convaincre le ministre,
donc, de déposer les amendements que vous avez vus et d'adopter le
vocable spécifique et la réalité spécifique d'un congé d'accueil et de soutien,
donc, relatif à l'adoption.
Je comprends qu'aujourd'hui,
vraiment, vos explications sont très claires, très solides parce que,
l'argument qui a été mis de l'avant pour
maintenir une différence, vous l'avez bien entendu, puis c'est ce que vous
tentez de démonter, c'étaient les risques de poursuite. Et je pense
que ce qui est particulièrement éloquent dans ce que vous dites aujourd'hui, c'est que, d'une part, ces
risques-là étaient associés probablement à une mauvaise interprétation de la
jurisprudence qui était fondée, je veux bien résumer, sur une loi aux objectifs
différents, qui était la Loi sur l'assurance‑chômage, qui n'a pas les mêmes objectifs que notre loi, et, par
ailleurs, on aurait pu avoir des poursuites basées sur la violation des droits
de l'enfant si on gardait une distinction. Donc, c'est un argument,
disons, qui pouvait être vu comme mal fondé.
Et
surtout, moi, je pense qu'au-delà de la perspective purement juridique le
questionnement, c'était de se dire : Mais, vu le consensus social, puis on
l'a vu dans la mobilisation qui a eu cours, qui porterait un recours comme
celui-là, là, logiquement, de venir
dire qu'on brime la mère biologique, pas parce qu'on lui enlève quelque chose,
mais parce qu'on donne l'égalité aux
parents adoptants. Donc, merci beaucoup d'avoir clarifié ça. Ça peut être très
utile quand les gens vont retourner au débat.
Puis
il y aurait plein de choses à dire, mais je pense que vous faites tellement
bien de dire que, ce congé-là, il y a des
objectifs spécifiques qui sont de surmonter les difficultés induites par le
parcours préadoption, ce qui est fondamental. Certains parents diraient qu'il faudrait avoir un congé plus étendu
même, tellement ces difficultés-là sont importantes.
Très concrètement, je
comprends que vous nous dites que...
La Présidente (Mme
IsaBelle) : ...secondes.
Mme
Hivon : Ah! c'est plein... que c'est mieux de... Ce serait
mieux d'enlever la réalité de congé d'adoption, on garde la nouvelle appellation pour le congé
précis, vous parleriez simplement de congé parental, que ce soit biologique
ou... Le maternité demeure, le paternité, ou du conjoint, mais vous appelleriez
ça parental...
Mme Lavallée
(Carmen) : Oui.
Mme
Hivon :
O.K.
Mme Lavallée
(Carmen) : Parce qu'en fait c'est les mêmes réalités, je pense, hein?
Quand je dis : Tous les parents veulent
développer des liens affectifs avec leur enfant, c'est tout à fait exact. C'est
que l'enfant adopté, contrairement à un enfant qui naît, ce n'est pas
une page blanche, hein, il a déjà... Et on sait, dans l'article, on l'explique
bien, hein, ils ont un vécu préadoptif
important. Ils sont adoptés, maintenant, à des âges plus avancés. C'est des
enfants qui présentent déjà
certains problèmes d'adaptation. Et, en adoption interne, c'est des enfants en
protection de la jeunesse. Je ne vous parlerai pas de la protection de la
jeunesse ici, mais on sait qu'on reproche souvent au directeur de la protection
de la jeunesse de laisser trop de temps, hein? Donc, pendant tout ce temps-là,
là, où l'enfant est en famille d'accueil...
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Merci. Alors, on vous remercie beaucoup.
Mme Lavallée
(Carmen) : C'est des choses à réparer.
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Merci à la députée de Joliette. On y va maintenant avec le
porte-parole de l'opposition officielle, avec le député de Nelligan. Vous
disposez de 10 min 40 s.
M. Derraji :
Merci, Mme la Présidente. Je vais être très bref parce que, sérieusement, je
veux vraiment vous entendre. Excellente présentation, très éloquente, beaucoup
d'arguments. Ça nous a clarifié pas mal de points. Je vais refaire... Parce que je pense que vous
n'avez pas eu le temps, au niveau de votre présentation, mais, concrètement, vous
êtes au courant où on est maintenant dans le processus. Ça s'en vient, l'étude article
par article, avec M. le
ministre. Concrètement, j'ai vu qu'il y a plusieurs
éléments dans votre présentation, mais, si on veut répondre au-delà de
la question, vous
avez dit : Congé de prestations parentales, ça, vous insistez sur ça au niveau
de la sémantique mais aussi en tenant compte
de la réalité. Au-delà de vos arguments ou de vos propositions qui touchent
les autres lois, sur quoi vous insistez aujourd'hui, dans cette
commission, que nous tous, les parlementaires, on doit insister pour que ce projet de loi aille de l'avant?
• (11 h 50) •
Mme
Lavallée (Carmen) : Bien, je
pense que j'ai déjà un peu mentionné... Ce qui est important
de faire valoir, je crois, c'est que ce qu'on veut, je pense,
collectivement, c'est mettre la loi à l'abri des contestations judiciaires. En réalité, la façon de la mettre à l'abri, c'est de
donner une impression à la société que les gens sont traités équitablement,
hein? Donc, c'est sûr qu'il n'y a jamais
rien de parfait, puis des fois il y a des adoptants qui pourraient dire : Oui,
mais nous, on en veut plus puis...
Parce qu'on fait des catégories et, à l'intérieur des catégories, il y a
des différences, hein? Il y a des femmes qui, peut-être, 18 semaines de
congé de maternité, ce n'est pas assez dans leur cas. Il y a
des parents adoptants qui vont dire : Moi, mes enfants, ils ont
vécu des choses tellement épouvantables que... Mais là on essaie de tracer des
catégories en sachant, par ailleurs, qu'il y a
des cas individuels, mais la loi ne peut pas régler tous les cas individuels
qui se présentent.
Donc, l'objectif, c'est d'établir
clairement les objectifs de chacun des congés pour qu'on puisse, par
ailleurs... Je reprends l'exemple
de M. Schachter, là, pour... On aurait pu, maintenant, dire à un père
biologique qui contesterait en disant :
Moi, je n'ai pas de congé d'adoption... bien, lui expliquer clairement qu'il ne
peut pas avoir un congé d'adoption parce qu'il n'est pas, dans les
faits, confronté à cette difficulté-là.
M.
Derraji : Oui, j'essaie
juste de résumer. Désolé, probablement
mon cerveau comprend autrement. Vous voulez qu'on soit beaucoup plus
clairs au niveau du projet de loi, au niveau de l'utilisation de la sémantique,
être beaucoup plus clairs.
Mme
Lavallée (Carmen) : Sur les objectifs,
oui. Et utiliser les termes... C'est pour ça que je recommanderais d'enlever «congé d'adoption seul». C'est pour ça
que je pense qu'il faut changer l'appellation «congé de paternité». Je pense que, sur le fond, là, le projet de loi, avec les amendements, il correspond... je pense qu'il est vraiment
le résultat d'un consensus social.
M.
Derraji : ...c'est pour
cela, je veux plus profiter de votre présence. Un, vous avez dit, au début...
Le libellé de la loi, vous proposez qu'on le change. J'ai entendu le
libellé, le nom de la loi...
Mme Lavallée
(Carmen) : Non, je ne crois pas, non. Bien, je me suis peut-être mal
exprimée.
M. Derraji :
Bien, j'ai cru comprendre que le libellé au début...
Mme Lavallée
(Carmen) : Non, le libellé me... Je ne vois pas rien de particulièrement
problématique avec le libellé.
M. Derraji :
O.K. Donc, ce qu'il y a à l'intérieur de la loi maintenant vous convient. À
part les prestations parentales, donc,
partageables entre les parents, séparer le... répondre aux besoins de la
maternité, donc les femmes qui
accouchent, les enfants adoptés, au
niveau de l'angle enfant adopté, est-ce que
ce qui est proposé dans la loi vous convient?
Mme Lavallée
(Carmen) : Je pense que c'est équitable.
M. Derraji :
Équitable entre tous les groupes.
Mme
Lavallée (Carmen) : Entre
les groupes. Parce qu'en fait, puis c'est le grand défi, là, du libellé de
cette loi-là, c'est de prendre en considération les besoins de
différents groupes, hein, il n'est pas question de donner préséance ici à qui que ce soit. C'est de dire est-ce que
ça correspond à une réalité, et je pense que oui. Si on libelle vraiment
bien en utilisant le vocabulaire
adéquat, je pense qu'on a un projet
de loi formidable et qui est une
avancée, là, par rapport à d'autres juridictions, certainement.
M.
Derraji : Excellent. L'autre
point, et je sais que c'est un peu... très difficile parce qu'on parle d'un
autre projet de loi.
Vous avez évoqué l'article 541, si je ne me trompe pas. O.K.,
là, ça concerne autre chose, mais comment, selon vous, selon votre interprétation, en date d'aujourd'hui, nous sommes en
train d'étudier ce projet de loi, on peut faire quand même des avancées en attendant le travail que le gouvernement est en train de faire par
rapport à un autre projet de loi?
Mme Lavallée
(Carmen) : Oui, bien, en fait, la question avec les mères porteuses va
se poser. Évidemment, il faut que la mère
porteuse soit au Québec, hein, donc, parce qu'il y a
des contrats de mères porteuses où la mère porteuse est à l'étranger. Donc, première distinction qu'il
faudra faire dans l'attribution du congé, évidemment ça prend une mère
porteuse québécoise.
Et
il faudra déterminer ensuite qui seront les autres parents qui vont se partager
les congés parentaux. Et, quand bien même la mère ne met pas son nom à l'acte de
naissance de l'enfant, ça, ça va être
en débat, là, dans le projet de loi sur la filiation, elle a quand même droit au congé de maternité, hein? Ce n'est
pas le lien de filiation qui lui donne droit au congé, c'est le fait de
mettre au monde un enfant, d'avoir eu une grossesse, un accouchement.
La
question qui va se poser par la suite... Prenons un exemple d'un couple hétérosexuel qui aurait
recours aux services d'une mère
porteuse au Québec. La mère porteuse aura son congé de maternité tel
que prévu dans la loi, et les parents
d'intention pourraient se partager le congé de prestation parentale entre eux
puisque c'est un congé exclusif ou partageable.
M.
Derraji : En date d'aujourd'hui, je ne pense pas que, dans ce projet
de loi... Bien, pas moi, je ne pense pas, mais vous, vous pensez quoi que...
C'est quoi, la porte de sortie, en attendant que ça se règle dans l'autre
projet de loi?
Mme
Lavallée (Carmen) : Bien, je pense
que la porte, elle existe déjà parce que, dans les faits, on est arrivés à faire
des cas... Tu sais, en réalité, la loi, elle ne pourra jamais prévoir tous les
cas de figure. C'est sûr que, là, avec la réforme du droit de la famille, je pense que ces congés-là pour les
familles homoparentales ne pourront plus rester dans l'ombre, c'est-à-dire
gérés à la pièce par le conseil de gestion du régime d'assurance parentale.
Il va
falloir... Si le législateur va vers une reconnaissance et un encadrement des contrats de mère porteuse, il faudrait que les gens sachent à l'avance quels congés
auxquels ils auront droit, alors que là, comme c'est géré un peu à la pièce, à la discrétion puis avec... pas aucune malveillance, là,
comprenez-moi bien, là, c'est géré à la pièce par le conseil de gestion, le problème, c'est que les gens
ne le savent pas et ils se disent : Je vais demander au conseil de gestion
si j'ai droit à un congé, puis là je ne sais pas à qui je dois avoir
affaire.
Et,
historiquement, on sait qu'il y en a qui se sont fait
dire non parce qu'on a dit : Ah! c'est sans effet juridique, il y en a qui l'ont eu. Temporairement, je pense
qu'on peut vivre peut-être avec ça,
mais il faudrait que ça vienne dans la lumière.
Si on reconnaît, par exemple, les couples de même sexe, on leur reconnaît le
droit de recourir aux services d'une mère porteuse, il faut leur dire à
l'avance, lorsque cet enfant-là va... quand on va voir le bout de son nez, qui
va le prendre en charge et quels sont les congés qu'ils auront.
M.
Derraji : Là, j'imagine, le ministre, il est d'accord. Encore une
fois, je vais être généreux, parce que j'ai aimé la dernière question, mais n'abusez pas, la dernière question... Non,
non, non, parce que je voulais la poser, la dernière, uniquement la
dernière question sur le travail des... celle que vous avez mentionnée.
M. Boulet :
Des mères porteuses.
M. Derraji :
Oui, oui, oui... Non, non, non...
Mme Lavallée
(Carmen) : L'adoption de l'enfant du conjoint.
M. Derraji :
Oui, oui, s'il vous plaît, oui. J'avais le...
M.
Boulet : Ah! oui, oui, tout à fait. Oui, que j'aurais aimé l'entendre
sur les incidences d'un retour au travail hâtif de parents adoptants. Il
y a des risques dont vous parliez, puis j'aurais aimé ça que vous élaboriez
là-dessus.
Mme Lavallée
(Carmen) : Écoutez, ça, on ne le retrouve pas nécessairement dans la
littérature juridique, c'est beaucoup dans la littérature en médecine et en
service social, je vous disais, comme on demande aux parents de réparer une profonde insécurité chez un enfant. En
fait, le trouble affectif, là, il se développe parce que l'enfant, il pleure,
il est à l'orphelinat dans son lit, ils
pleurent tous en même temps. Il a faim, il n'est pas nourri. On le nourrit
quand il n'a pas faim. On ne répond
pas à ses besoins. Il perd confiance en l'adulte. Les adultes ne répondent pas
ou répondent mal. On le voit en adoption
interne, on a des parents dont les capacités parentales sont restreintes pour toutes sortes de raisons, abus de drogues, problèmes
sociaux, peu importe, ce n'est pas... mais l'enfant, lui, il est là.
Il pleure, il a besoin qu'on s'occupe de lui, il a besoin qu'on le
sécurise, ce n'est pas fait.
Cette insécurité-là
et ce manque de confiance que l'enfant développe à l'égard de l'adulte lorsqu'on
le place dans une famille adoptante... Et
ça, des parents adoptants, si vous en entendez, il y en a plusieurs
qui pourraient vous en témoigner. Par exemple, un père qui me disait : Ma fille, pendant plus de six mois, j'ai
été incapable de la prendre dans mes
bras, elle était collée sur mon épouse constamment. Cette insécurité-là, elle
peut se traduire comme ça concrètement : un enfant qui s'agrippe
et, dès qu'on le pose, il hurle. C'est des troubles affectifs importants.
C'est
pour ça que le congé d'adoption, il est pour ces enfants-là. Avant de penser que
l'enfant va vous aimer, là, il faut d'abord qu'il soit sécurisé, il faut qu'il fasse
confiance. Quand il fait confiance, il développe une relation affective.
Et, pour répondre à votre question — je parle trop — les études démontrent que le délai que ça
peut prendre pour un enfant adopté
pour récupérer son niveau de développement d'un enfant qui aurait toujours vécu
avec ses parents, ça peut aller jusqu'à huit ans dans certains cas. Et
on admet que, pour certains enfants adoptés, malgré le fait qu'ils vont
beaucoup progresser dans leur développement
affectif et cognitif, ils n'atteindront jamais le niveau qu'ils auraient pu
atteindre s'ils n'avaient pas été placés dans cette situation-là.
Donc, évidemment,
quand on a, dans... Vous allez entendre les syndicats tantôt, j'aurais eu deux
mots à dire sur les syndicats. Quand on
réduit les congés d'adoption à cinq semaines dans les conventions collectives
du secteur public et quand on va même
jusqu'à dire que parfois, si les deux parents sont membres de la même unité
syndicale, ils doivent se partager le
congé, donc on est rendus à deux semaines et demie, chacun, payées comme congé
d'adoption, là, vous comprenez qu'on ne répond pas aux besoins des
enfants adoptés, mais gravement.
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Merci.
Mme Lavallée
(Carmen) : C'est pour ça que je vous disais...
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Merci, merci, merci.
Mme Lavallée
(Carmen) : C'est important que ça soit égalitaire parce que ça s'en va
dans les conventions collectives. Puis, dans
les conventions collectives — je suis délinquante, hein? — il n'y en a pas, de prestation parentale.
Donc, c'est très, très coûteux, si on réduit, c'est très coûteux pour les
familles.
• (12 heures) •
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Parfait. Merci beaucoup. Nous poursuivons
avec le deuxième groupe d'opposition, avec le député
d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous avez 2 min 40 s.
M.
Leduc : Merci, Mme la Présidente. Merci d'être ici aujourd'hui.
Justement, j'allais vous poser la question sur les conventions
collectives. Je le vois, dans votre mémoire, que ça prend une certaine place.
Quand on parle des... J'aimerais
ça que vous nous identifiez, donc, vraiment bien les problèmes. Puis ensuite,
quand vous dites : J'aimerais ça leur
parler, aux centrales syndicales... mais il y a aussi la partie patronale, qui
est le Conseil du trésor qui,
souvent, trace la ligne de ce qu'il
veut ou ne veut pas, là. Des fois, le syndicat est un peu obligé d'accepter des
choses ou d'autres. Ils peuvent les
contester par la suite, mais c'est toujours délicat quand c'est eux-mêmes qui
ont signé la convention collective. Mais, si vous pouviez peut-être nous
parler un peu plus, donc, de cet aspect-là.
Mme
Lavallée (Carmen) : Bien, en
fait, la difficulté avec les conventions collectives de travail, c'est que,
comme je disais, dans la très grande majorité, il n'y en a pas, de
prestations parentales, hein? Donc, dans les conventions collectives de
travail, en général, il y a un congé de maternité, il y a un congé d'adoption.
Et il peut y en avoir maintenant, là, je
n'ai pas étudié récemment le cas. Donc, à la suite d'une décision de la Cour d'appel du Québec qui a été rendue, j'oublie l'année, mais vous l'avez dans le document, où on a dit
à un père biologique qu'il avait le droit d'avoir le même congé qu'un père adoptant, sur le fondement
de ce qu'on a dit tout à l'heure, on avait des congés d'adoption de
10 semaines dans la plupart des conventions collectives et des congés de
paternité de cinq semaines, on n'a pas augmenté
les congés de paternité, on a réduit les congés d'adoption à cinq semaines pour
égaliser, entre guillemets, les différents congés, ce qui fait en sorte
que les adoptants, comme ce n'est pas des congés de paternité, hein, c'est un adoptant, on a réduit, pour la personne adoptante,
son congé à cinq semaines payées. Il n'y a pas de prestations parentales.
Donc, c'est sûr qu'on peut dire : Dans
la loi sur le Régime québécois d'assurance
parentale, elle a droit à
37 semaines, tu sais, dans la loi, là, actuelle, là, mais, au-delà
du cinq semaines, c'est 32 semaines à ses frais.
Donc, c'est pour ça que je vous dis : Quand
les conventions collectives... quand la loi... Je vais le formuler autrement. Quand la loi sur le Régime québécois d'assurance parentale autorise les employeurs et les syndicats à créer
des différences dans les conventions collectives sur l'attribution des
congés, régulièrement et pour ne pas dire tout le temps, ça s'est fait au
détriment des parents adoptants. Pourquoi? Parce que les parents adoptants,
c'est des syndiqués aussi, mais ils sont peu nombreux.
Et, si on
regarde l'historique des contestations... Tantôt, vous disiez, M. le ministre : Pourquoi ça n'a pas été contesté avant? Les contestations qui
ont été menées l'ont toujours été par des syndiqués qui ont invoqué, au départ,
dans leur convention collective et dans la loi... Et, comme ils sont très
nombreux, si on regarde l'histoire, les syndicats et les employeurs,
assez souvent, comme dans le cas de l'affaire Schachter, ont concédé, hein, ont
dit : Ah! c'est vrai. Et cette
décision-là de la Cour d'appel... La Cour
d'appel ne s'est pas penchée sur le
fond de la question, pas plus que la Cour suprême, dans l'affaire Schachter. Pourquoi? Parce que le
syndicat et les employeurs se sont entendus pour diminuer et concéder les droits des parents adoptants parce
que c'est des groupes qui sont plus ou moins organisés, pas très nombreux.
Je ne sais pas si ça répond.
La
Présidente (Mme IsaBelle) :
On a déjà dépassé le temps. On vous remercie beaucoup, Mme Lavallée, hein?
Très intéressant.
Alors, écoutez, nous suspendons les travaux
quelques instants pour donner la chance au deuxième groupe de s'installer.
Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 12 h 03)
(Reprise à 12 h 09)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Bonjour. Je vous souhaite la bienvenue. Alors, je souhaite la bienvenue à Mme Senneville et Mme Joncas de la Confédération des syndicats nationaux. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes
où vous avez... vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Avant de
commencer, je vous rappellerais ou je vous soulignerais de bien vous présenter,
et, ensuite, vous pourrez présenter votre exposé.
Confédération des syndicats nationaux
Mme
Senneville (Caroline) :
Parfait. Alors, bonjour. Je suis Caroline Senneville. Je suis première vice-présidente
de la Confédération des syndicats nationaux, la CSN pour les intimes, et je suis accompagnée de Nathalie Joncas,
conseillère syndicale et actuaire à la CSN. Voilà.
Donc, le
RQAP. Permettez-moi, d'entrée de jeu, de prendre quand même un peu de temps
pour souligner le fait que le RQAP fait, a fait l'objet et continue de faire
l'objet d'un fort consensus social au Québec et que c'est un gain important
pour l'ensemble de la population du Québec. D'ailleurs, je ne bouderai pas mon plaisir d'indiquer qu'il est issu d'un travail de longue haleine, de coalition, qui
a été initié par la CSN à la fin des années 80, une coalition, oui,
syndicale, mais de groupes de femmes,
de groupes de défense des familles aussi. Ça a pris une bonne quinzaine
d'années pour que cette lutte-là
arrive à terme, mais ça valait la peine parce qu'on a un programme, comme je le
disais, qui fait l'objet d'un fort consensus social et qui est
performant et qui a fait ses preuves.
Ce
programme-là a permis de faire en sorte que la naissance d'un enfant ou
adoption d'un enfant ne soit plus cause d'appauvrissement pour une famille, on
va se le dire, particulièrement appauvrissement des femmes. C'était le travail des
femmes qui est touché en premier lieu. Ça fait en sorte que le taux de
participation des femmes au marché du travail, on est les champions nord-américains de ce taux de participation là des
femmes. Il y a eu d'autres mesures sociales, mais celle-ci, je pense, elle a joué un rôle fort
important. Et, troisièmement, le régime a permis une présence accrue des pères
auprès de leurs
enfants. Et là aussi on est dans le palmarès des nations qui permettent
d'avoir... que les pères aient une relation plus proche de leurs
enfants.
• (12 h 10) •
Donc, on souligne de
façon positive les mesures supplémentaires qui sont, de façon générale, là, les
mesures supplémentaires qui sont prévues
dans le projet de loi. Par exemple, le quatre semaines de vacances... de congé
supplémentaire, pardon, si les parents partagent au moins 10 semaines de congé,
on trouve que c'est quelque chose de bien. On ajoute quelque chose
au père sans enlever à la mère. Ça favorise le partage, on va l'espérer, peut-être
le dialogue dans les couples.
On
est contents aussi de l'augmentation de l'exemption pour cumuler des revenus de
travail en plus de la prestation du régime. On porte quand même à l'attention
de la commission la problématique, en tout cas, qu'on souhaite qu'il n'arrive
pas, c'est que cette possibilité-là... que les employeurs ne mettent pas de
pression indue sur les parents pour reprendre
le travail, par exemple, à temps partiel. On sait que, bon, c'est sûr
qu'il y a un spécial COVID, là, mais, avant la COVID,
on était en rareté, en pénurie. Même pendant la COVID, il y a des secteurs
bien précis où il y a encore rareté et pénurie. Et, bon, les modifications, on
l'espère, vont vivre pendant quelques années, et, on l'espère aussi, la COVID
sera derrière nous, donc il faut exercer une
vigilance à cet égard-là. Le RQAP, c'est un programme de congé pour permettre
aux parents d'être auprès de leurs enfants et de ne pas s'appauvrir pendant ce
temps-là.
On pense que la même
vigilance devrait être au rendez-vous en ce qui a trait à la plus grande
flexibilité pour le moment où on prend ces
congés. Alors, avant, on pouvait les étendre sur 52 semaines. Maintenant,
ce qui est proposé, c'est
78 semaines. Alors, on est aussi favorables à ça, mais avec la même
vigilance qui doit s'exercer. Puis je peux vous dire qu'avant même la
modification, nous, comme syndicat, on est témoins d'employeurs qui peuvent
appeler puis qui font des pressions.
Alors, il faut vraiment qu'il y ait entente entre les deux et de faire en sorte
que le congé soit préservé. Donc, la
souplesse sur les vacances, aussi, par rapport au congé de maternité, là, de 18
à 20 semaines, ce sont des choses qu'on accueille favorablement,
ainsi que l'ajout de cinq semaines pour les naissances ou les adoptions
multiples.
On
a... en tout cas, on voit, dans le projet de modification, là, le projet de
modifications législatives, on voit une volonté gouvernementale de les
améliorer, notamment, aussi pour les parents adoptants. Ça a fait l'objet de
débats publics et on sait que les parents
adoptants avaient ou ont un sentiment d'iniquité à l'égard du régime et que la
nouvelle mouture de la loi a comme objectif à améliorer ceci. Donc, oui, nous
en sommes aussi, mais on a quand même des préoccupations en termes d'équité, tu
sais, qu'il reste à régler, à notre sens, entre les deux types de régimes.
Première
iniquité, je vous dirais, c'est que, dans la nouvelle mouture de la loi, pour
les congés d'adoption, c'est un seul type de congé, il n'y a rien de dédié.
Alors, l'objectif du régime de faire en sorte qu'il y ait des congés dédiés au père, l'objectif
de faire que le père joue un rôle plus grand auprès de sa famille, qu'il ait un
sentiment de proximité avec ses enfants, bien, c'est totalement absent
du congé d'adoption.
Alors,
si c'est des principes qui sont bons et qui nous guident lorsqu'il y a une naissance biologique, naturelle, là, bien, il nous semble
que ça devrait être des principes qui nous guident aussi quand il y a adoption.
Donc, le fait qu'il n'y ait aucun congé dédié dans les congés d'adoption, pour
nous, c'est quelque chose qui pourrait être amélioré.
Le
fait qu'il n'y ait pas de congé dédié à l'un ou l'autre des parents,
ça fait aussi en sorte qu'un seul parent peut passer beaucoup plus de temps
ou... en tout cas, beaucoup plus de temps avec son enfant que dans le cas de
parents qui ne seraient pas adoptants. Donc, nous, on pense qu'il faut
faire attention à ça puis peut-être créer, mettre des balises, parce que,
c'est ça, comme il
y a des dédiés, le congé de maternité
ne peut pas être transféré de l'un à l'autre, le congé de paternité ne peut pas être transféré de l'un à
l'autre et, dans le congé adoptant, bien, on peut accumuler... une seule
personne peut accumuler jusqu'à 55 semaines de congé.
Le
principal problème, pour nous, qu'on voit, d'iniquité, c'est tout ce
qui touche au congé de maternité. Il
faut comprendre que, dans les congés
parentaux, à notre avis, le congé de maternité est quand même
spécial. C'est un congé qui a été
instauré, bien sûr, pour être près de ses enfants, mais c'est un
congé qui tient en compte aussi la santé de la mère. La convention 183 de l'OIT, qui traite des
congés de maternité, met de l'avant ce principe-là. Le congé de maternité,
c'est pour la santé de la mère et la santé de l'enfant à naître ou qui
vient de naître.
Il y a des
spécificités au congé de maternité, hein, que notre régime prévoit. Pendant le
congé de maternité, on ne peut pas cumuler d'autres revenus. On est d'accord
avec ça parce qu'on se remet d'un accouchement. Il n'est pas... Mais, en cas de décès, par exemple, une mère qui décède, elle ne peut pas transférer les congés au père.
Donc, il y a vraiment
des spécificités par rapport à ce congé-là. Puis on voit aussi que, là, il y a
iniquité, hein, quand il y a une ou l'autre des personnes qui ne peut
pas utiliser le congé.
Et,
plus souvent qu'autrement, la mère va prendre son congé de
maternité avant la naissance, quelques semaines, pour sa santé, pour la santé de l'enfant. Par exemple, le taux de
naissances prématurées est lié à la condition de la mère, à l'état de santé de
la mère. Donc, ces mères-là, avec la nouvelle mouture, si elles prennent deux,
trois, quatre semaines de congé de
maternité avant, bien, elles, elles auront moins de temps avec leurs enfants
que les parents adoptants. Alors, on a
voulu corriger une iniquité, et je pense que, peut-être, on n'a pas vu...
bien, en tout cas... ou peut-être que c'est resté dans l'angle mort, mais
nous, on l'a vu.
Et
je vous dirais que, pour un nombre significatif de femmes, elles n'ont pas le
choix. Toutes les femmes qui sont sur
le programme de maternité sans danger qui est géré par la Commission des normes, de l'équité et de la
santé-sécurité au travail, toutes ces femmes-là qui sont retirées de leur
milieu de travail parce que leur milieu de travail est jugé dangereux pour elles ou pour leur enfant à naître sont
obligées de quitter leur... d'être sur le régime québécois, le RQAP, quatre semaines avant la date de l'accouchement. Donc, forcément,
pour toutes les femmes qui sont en retrait préventif, elles ont quatre
semaines de moins avec leur enfant.
Alors, c'est
ces angles morts là qu'on a voulu mettre de l'avant, éclairer, je vous dirais,
par rapport aux parents adoptants,
donc faire en sorte qu'il y ait des congés dédiés puis de faire en sorte que
les mères qui... ne soient plus obligées de prendre un congé de
maternité avant quand on bénéficie du programme de maternité sans danger. Donc,
voilà.
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, merci pour l'exposé. Nous
allons débuter la période d'échange avec M. le ministre. M. le ministre,
vous disposez de 16 minutes.
• (12 h 20) •
M.
Boulet : Oui, merci, Mme la Présidente. D'abord, vous remercier, Caroline,
Nathalie, présentation, qualité du mémoire, les recommandations. Évidemment, ça
va susciter des réflexions additionnelles, mais je pense que, globalement,
vous êtes totalement favorables aux
bonifications qui apparaissent dans ce projet de loi là, 51, deux
particulièrement, là, dont vous avez fait état.
L'augmentation
de l'exemption pour les revenus concurrents, ça, est-ce que vous pouvez nous
dire si le 25 %... Parce que
c'était 25 % du montant de la prestation avant. Comme vous savez,
maintenant, dans le projet de loi, ça va être augmenté à un revenu qui
est équivalent à la différence entre le revenu hebdomadaire et le montant de la
prestation. Donc, la personne va pouvoir
cumuler, tu sais, si elle gagnait 700 $ puis elle a une prestation de
400 $, elle va pouvoir gagner
300 $. Ça va être bénéfique, je pense qu'on en est convaincus, tenant
compte de l'état, aussi, actuel du marché du travail. Est-ce qu'à votre connaissance le 25 % pouvait
constituer un frein pour le retour au travail à temps partiel, ou pour certaines femmes ou certains... tu sais, que
ce soit des parents a ou b, là? Parce que je ne veux pas embarquer un homme
ou une femme, là, parce que, parfois, c'est
deux hommes ou deux femmes. J'aimerais ça, Caroline, vous entendre là-dessus.
Mme
Senneville (Caroline) : En
fait, il faut comprendre que vous parlez à un syndicat, puis une des premières
choses qu'on essaie de négocier dans les conventions collectives, c'est que la
différence entre le Régime québécois d'assurance
parentale et notre salaire soit comblé, à tout le moins en partie, par un
régime de la convention collective, là, comme il y a des régimes d'assurance collective, etc. Donc, ça touche
peut-être moins les gens qui sont syndiqués. Moi, je n'ai pas entendu
parler que c'était nécessairement un frein, mais, je ne sais pas, Nathalie, si,
toi, tu as des exemples concrets, là.
Mme Joncas
(Nathalie) : Bien, oui, à
certains endroits, là, le 25 % plus le salaire, quand tu dépasses le
salaire moyen, ça ne faisait pas beaucoup. Puis, pour certaines
personnes, ça pouvait représenter même pas une journée par semaine, là, tu sais. Donc, c'est difficile. Et
plus particulièrement la mère, là, lorsqu'elle est dans les dernières semaines,
de retourner tranquillement au travail, de
faire un retour progressif pour se remettre, ça, souvent, c'est ce qui est
désiré par les mères, de peut-être, là, dans les cinq, six dernières
semaines... mais, quand c'est juste une journée puis ça ne fait même pas une journée, ça ne vaut pas la peine
de le faire. Mais là, en augmentant cette exemption-là, ça va permettre d'avoir un retour au travail beaucoup plus
productif, puis d'avoir aussi... de rentrer, puis de faire un... parce qu'avec
les enfants, tu sais... Donc, oui, ça créait un frein et, je pense,
c'est un ajout assez intéressant.
M.
Boulet : O.K. Merci.
J'aimerais ça aussi vous entendre sur l'incitatif, là. Bon, vous le
mentionniez, il y aurait un ajout de quatre semaines partageables si les deux
parents partagent 10 semaines, prennent 10 semaines dans le congé
partageable. Donc, ça, on le voit comme un incitatif au père pour qu'il
s'investisse un peu plus dans la sphère familiale, parce que les pères, au Québec, prennent le congé
de paternité, mais prennent peu dans le congé parental partageable.
Comment vous... Qu'est-ce que vous auriez à dire là-dessus, Caroline, là?
Mme Senneville (Caroline) : Bien,
c'est une mesure effectivement incitative, c'est une carotte, là, tu sais, c'est un bonus, un bonus au partage. Il faut... En
tout cas, on pense que c'est une bonne idée. On verra à l'usage, là, est-ce que
c'est utilisé ou pas utilisé, mais on trouve que c'est une approche innovante
qui fait en sorte que les couples, les familles peuvent avoir plus, si c'est
basé sur le mariage... sur le partage.
Puis, dans l'équilibre des choses, on n'a pas à
enlever au congé de maternité, on n'a pas à enlever au congé parental, c'est que c'est un bonus. Alors, on
pense qu'effectivement... Et ça va permettre, en tout cas, on le souhaite, des
dialogues, puis de voir, bien, ensemble, comment qu'on peut faire pour aller
chercher quatre semaines de plus.
M. Boulet : Je préfère le mot
«incitatif» à «bonus». Ceci dit, j'aimerais vous entendre, parce que ce n'est
pas tellement clair pour moi, là, quand vous parlez de congés dédiés. En ce qui
concerne les congés d'adoption, il y en a plus
qu'avant, parce qu'avant le projet de loi c'était 37 semaines partageables
et, dans le projet de loi, il y a cinq semaines exclusives aux parents a et b et il y a le 32 semaines partageables,
ce qui fait un cinq semaines, globalement, additionnelles. Mais il y a quand même un pas de fait dans la
direction des congés dédiés. Est-ce qu'il y avait autre chose que je n'avais
pas saisi, Caroline?
Mme Senneville (Caroline) : C'est
dans le congé d'adoption.
M. Boulet : Oui, dans le congé
d'adoption.
Mme Senneville (Caroline) : Bien, le
congé d'adoption...
M.
Boulet : C'est dans le partageable. Avant, c'était 37. Maintenant,
c'est... Puis il n'y avait pas d'exclusivité avant. Là, maintenant, il y
a cinq, cinq plus le 32.
Mme
Senneville (Caroline) : Oui,
mais ce qui peut arriver, O.K., c'est que, quand il y a un des deux... une des
deux personnes dans le couple n'a pas accès au régime, tu sais, si on n'a pas
de revenu d'emploi, on perd tous nos congés, on n'a pas accès. Alors, chez les
personnes adoptantes, bien, elles peuvent avoir beaucoup plus de congés pour
être avec leur enfant parce que ce qui est dédié est beaucoup plus petit.
Le
cas de la mort de la mère d'un enfant, tu sais, alors, la mère meurt, le congé
de maternité, il passe à la trappe, et le père... alors que, si la même
situation se passe chez les adoptants, on ne le souhaite pas, là, puis ce ne
sont pas des situations courantes, mais ça
fait en sorte que, dans ces situations-là, clairement, un parent adoptant qui
est seul pour toutes sortes de raisons, parce qu'il y a moins de dédiés,
va avoir plus de temps avec son enfant.
Et
on rajoute le troisième bout. Quand il y a un congé de maternité avec une naissance,
bien, il y a un bout du congé de
maternité, c'est pour la santé de la mère, et donc elle le prend avant la
naissance, obligatoirement si elle est en retrait préventif, selon son état de santé et ce qui est
possible si elle n'est pas en retrait préventif. Et ça aussi, ça fait en sorte
que, quand on met les deux côte à côte puis on dit : Bien, pour...
c'est important que les parents puissent passer le plus de temps possible avec leur enfant, là, on se rend
compte qu'il y a des cas où il y a un avantage plus d'un côté que de l'autre.
M. Boulet :
Et vous parlez même, Caroline, d'iniquité, parce que, quand vous mettez
l'accent sur le temps consacré ou passé avec
l'enfant, vous dites : Bon, celles qui se servent du programme de
maternité sans danger, on appelait ça
des retraits préventifs, ou celles qui débutent leur congé de maternité avant
sont désavantagées, et vous référiez à une iniquité. Et ça, est-ce que
vous pensez que ça peut engendrer des contentieux dans les milieux syndiqués en
vertu des conventions collectives? Est-ce
qu'il y a des mères biologiques ou,
ultimement, des pères biologiques qui pourraient faire des griefs en se
basant sur cette iniquité-là?
Mme Joncas (Nathalie) : Bien, c'est... Moi, là, je ne suis pas prête à
dire qu'il y a iniquité. Je pense qu'on parle de
sentiment d'iniquité. Tu sais, c'est vraiment, là...
M. Boulet :
Une perception d'iniquité.
Mme Joncas (Nathalie) : Bien, c'est une perception, parce que,
là, je ne veux pas rentrer dans est-ce
qu'il y a vraiment iniquité. Je pense qu'on est tous
dans des perceptions, autant du point de vue des parents adoptants que du point de vue de ceux qui vont regarder ce congé-là
puis après ça vont dire : Est-ce
que, moi, c'est inéquitable? Vous
avez entendu le Conseil du... le
premier, là, qui est venu, je pense, c'est le Conseil du statut de la femme,
qui disait qu'il y a des mères
qui sont seules qui voudraient avoir droit au congé de paternité parce qu'elles ne l'ont pas. Il y a des pères qui, si jamais la mère n'est pas
admissible au régime, pourraient vouloir avoir droit aux 18 semaines.
Ce
qu'on vous dit, c'est qu'il y a comme... dans le régime actuel, pour les parents
biologiques, il y a beaucoup
de limitations. Il y a
des semaines maximums que la mère peut avoir, puis il y a
des semaines maximums que le père peut avoir. Il faut que ces maximums-là
soient équitables des deux côtés puis qu'on ne puisse pas, parce qu'on est un
père biologique, avoir accès à moins, globalement, de semaines que si on est un
parent adoptant.
Puis
ce n'est pas de... Je pense que ce qu'on cherche à trouver, c'est qu'il n'y ait pas de sentiment d'iniquité des deux côtés pour affaiblir le régime. Le
régime doit rester avec un grand consensus,
puis on ne veut pas qu'en faisant une modification ça crée un sentiment pour d'autres personnes. Ça fait qu'il faut
regarder ces angles morts là pour s'assurer que, parce que tu es un père
biologique, bien, tu ne peux pas séparer tes... tu n'as pas le droit aux 55 semaines
ou, si, mettons... pour la mère... Si, le
père adoptant, il a le droit à 50 semaines puis le père biologique, il a
le droit juste à 37, il y a comme un sentiment, peut-être, d'iniquité.
• (12 h 30) •
M. Boulet :
Oui, un sentiment ou une perception, là. C'est parce que j'avais compris qu'il
y avait une iniquité. Il faut simplement faire attention dans le
discours. Puis je pense que ça me fait réaliser, encore une fois, à quel point c'est important de repréciser les objectifs de
notre régime pour éviter qu'il y ait une confusion puis pour éviter de comparer
ce qu'un a versus l'autre puis coller à la
réalité qui est spécifique, tant aux parents biologiques qu'aux parents
adoptants.
Puis
il y avait une professeure de la Faculté de droit de l'Université de
Sherbrooke, je ne sais pas si vous l'avez entendue, qui est venue avant, et qui parlait de la réalité affective
des enfants adoptés, par exemple, qui vivent dans un contexte de vulnérabilité, là. Souvent, là, quand
ces enfants-là n'ont pas la chaleur humaine, n'ont pas le niveau d'affection
qui est attendu, développent des problématiques humaines qui doivent requérir beaucoup
plus de temps du père ou de la mère,
là, tu sais, l'enfant qui s'agrippe à sa mère parce qu'il a un problème
affectif puis que ça dure pendant six mois, parfois, il y a des retards
affectifs qui durent pendant des années avant d'être comblés.
Ça fait que je pense qu'au Québec il faut
redire à quel point notre régime est progressiste et à quel point il s'est
différencié, avec le temps, du régime qui est dans la loi fédérale sur
l'assurance-emploi. En tout cas, je ne veux pas trop donner de... mais je ne serai certainement pas confortable à ce
qu'on parle d'iniquité. Tu sais, en fait, on a voulu éviter des iniquités en allant dans la direction des
amendements qu'on a soumis. Je pense qu'avant le dépôt initial il y avait des
iniquités, qui auraient même pu engendrer
des procédures judiciaires, qu'on a atténuées avec le projet de loi n° 51
et qu'on a encore plus diminuées avec les amendements où on confère une égalité
totale, là, quant au nombre de semaines tant dans le régime de base que
dans le régime particulier. Oui, Nathalie?
Mme Joncas
(Nathalie) : ...je peux ajouter, mais je pense que, si vous n'ajoutez
pas à ça quelques balises sur le régime
d'adoption, vous... là il risque d'y avoir certaines iniquités. Il y a...
Moi... ce qu'on vous dit, c'est qu'il y a quand même... Votre projet va dans la bonne direction, mais il faudrait
vraiment regarder à y mettre certaines autres balises pour être certains
que ça n'en crée pas, des iniquités, puis ça n'a pas ce sentiment-là...
Tu sais, il y a des missions différentes, mais
il y a probablement... Tu sais, un père, là, qui est biologique, qui a le droit juste à 37 semaines, ça va être
très difficile de lui dire qu'un père qui adopte, lui, a le droit à
50 semaines ou à 55 semaines. Tu sais, il y a... À un moment donné, il faut que ça
se rejoigne un petit peu, ça fait que ce qu'on voudrait, c'est qu'il y ait un peu plus de rapprochements
entre les conditions qui sont beaucoup plus strictes pour les trois congés
qui sont là, dans le régime actuel, puis ceux que vous allez mettre en place
pour les adoptions. C'est un peu...
M.
Boulet : Puis, quand tu parles, Nathalie, de balises pour les parents
adoptants, si tu avais à en identifier une à proposer, qu'est-ce que tu
dirais?
Mme Joncas (Nathalie) : Bien, il y a des maximums, il y a certains
maximums qui existent. Un père biologique n'a pas le droit à plus que
37 semaines, tu sais, donc...
M. Boulet :
Bien, il a son... il y a le cinq semaines plus le 32 partageables.
Mme Joncas (Nathalie) : Plus son 32. C'est ça. Lui, là, même s'il est
tout seul au régime, c'est le maximum que le RQAP va donner à cette famille-là, si la conjointe n'est pas
admissible, c'est 37 semaines, il n'aura jamais plus que... tu
sais, il n'aura jamais plus que ça.
M.
Boulet : Et c'est quoi, la balise qu'on imposerait au père ou aux
parents adoptants équivalents? Il n'y a pas d'équivalence, là, mais...
Mme Joncas (Nathalie) : Bien, tu sais, c'est pour ça que je vous dis, là,
ce n'est pas si simple, c'est des choses qui sont quand même complexes.
Donc, pourquoi est-ce qu'on ne devrait pas avoir certains maximums sur... Oui,
le 55 semaines, mais est-ce qu'on ne devrait pas avoir des maximums... Est-ce que le père... tu sais,
le père adoptant ne devrait pas lui
aussi avoir un maximum, puis la mère aussi, pour que... Peut-être
qu'ils ont des semaines aussi à prendre en même temps ou... mais peut-être qu'il y a certaines limites ou
balises qui pourraient être ajoutées, tu sais.
M. Boulet :
Oui, je comprends. En même temps...
Mme Senneville
(Caroline) : Ou à l'inverse...
Mme Joncas
(Nathalie) : Ou à l'inverse.
Mme Senneville (Caroline) : ...ou à l'inverse, si ton conjoint n'est pas
admissible au congé ou si la mère décède, bien, on comprend que, si j'avais adopté, j'aurais eu le droit à
55 semaines, alors, non, je n'ai pas adopté, mais, en plus, j'ai le
décès de la mère, et moi, bien, à 37 semaines, merci, bonsoir, je passe à
la trappe. Alors...
M. Boulet :
Oui. En même temps, l'égalité, ce n'est pas toujours une affaire de quantité ou
de nombre, hein, il faut coller à la réalité
spécifique. Tu sais, je parlais, là, des problèmes... Tu sais, c'est un régime
qui vise à soutenir les parents qui accueillent un enfant — financièrement — mais
aussi leur permettre de passer un temps de qualité. Puis c'est sûr que la dynamique humaine n'est pas la
même pour un... Tu sais, si je prends l'exemple du père qui adopte ou
du parent adoptant et du père
biologique, c'est sûr que la mère a son congé spécifique de maternité pour le
volet un peu plus physiologique, là.
Mais je comprends. Balises, oui, puis «père biologique» pourrait... Parce que
j'en ai entendu parler puis j'ai lu
là-dessus aussi qu'il pourrait se sentir victime, mais ça, c'est une perception
d'iniquité, parce que, quand tu analyses la réalité des congés, il y a une égalité, selon moi, qui est parfaite, là, ou...
mais je peux comprendre la perception, Nathalie, d'iniquité.
Mme Senneville (Caroline) : C'est ça.
Puis, tu sais, moi, je disais, à l'introduction : Ce régime-là, il fait
l'objet d'un fort consensus social.
M. Boulet :
Bien oui.
Mme Senneville
(Caroline) : Alors, il faut que ça continue.
M. Boulet :
Tout à fait.
Mme Senneville (Caroline) : Puis, pour ça, bien, il faut s'attaquer aussi, je
pense, aux perceptions. Puis, qu'on le veuille ou non, les gens se comparent.
Tu sais, les gens vont, tu sais : Ah! toi... puis : Ah! moi... Donc,
il faut... À partir du moment où on
voit que, woups! ce n'est peut-être pas tout
à fait pareil, il peut y avoir
différents types de solutions, bien, c'est de faire en sorte que...
La Présidente (Mme
IsaBelle) : En conclusion.
Mme Senneville (Caroline) : ... le maximum de temps puisse être passé. C'est ça
qu'on se dit, là, il faut que les gens, malgré le congé de maternité...
La Présidente (Mme IsaBelle) : En
conclusion. Il reste 10 secondes.
M.
Boulet : Ça va être une
belle opportunité, notre commission
parlementaire, de voir à faire de la
pédagogie aussi, collectivement, pour
éliminer ce type de perceptions là qui peuvent se développer dans les milieux
syndiqués et non-syndiqués, là.
Merci beaucoup à vous deux, hein, j'apprécie toujours
vous rencontrer et discuter. Puis ça se fait toujours de manière très, très
sereine. Merci beaucoup.
La
Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Merci, M. le ministre. Nous poursuivons avec l'opposition officielle, avec le député de Nelligan. Vous disposez
de 10 min 40 s.
M. Derraji : Merci, Mme la
Présidente. Merci pour votre présence. Des arguments qui m'ont fait beaucoup réfléchir. Première question : Vos membres,
est-ce que vous avez... je ne sais pas si vous avez ces statistiques, les
parents biologiques versus les parents adoptifs... adoptants, plutôt?
Mme Senneville (Caroline) : On ne
les a pas pour nos membres, on les a pour le régime. C'est à peu près
400 parents, 400 familles adoptantes par année.
M.
Derraji : Oui, mais ce qui m'intéresse, moi, c'est parce que vous avez
parlé d'un sentiment d'iniquité, et la question du ministre était dans
le sens où on veut que les gens adhèrent, on veut justement éviter la
perception, parce que ça a été dit lors de votre échange.
Et je me demande, à l'intérieur de
l'organisation que vous représentez, comment on peut aujourd'hui, nous, membres de cette commission, vous accompagner mais
vous donner aussi des arguments que cette perception qu'il y ait une iniquité envers tel parent versus un autre...
Parce que vous avez parlé des balises, mais, jusqu'à maintenant, j'essaie
juste de comprendre le raisonnement derrière votre inquiétude.
Parce que juste avant vous, je peux vous
partager très brièvement et je vais vous laisser... je vois que vous voulez répondre, la professeure qui était avant
vous nous a sensibilisés beaucoup, beaucoup par rapport au contexte de vulnérabilité, à la réalité affective, et parfois
ça peut aller jusqu'à huit ans avant que le lien, on commence à le voir. Donc,
il y a aussi ça qui est sur notre table. J'aimerais bien vous entendre.
Mme
Senneville (Caroline) : Je
vais faire... puis tu couvriras ce que je ne couvrirai pas. Nous, là, que les
parents adoptants aient le nombre de semaines qu'ils ont là, on est
d'accord avec ça, O.K.? Ça améliore le sort pour les parents adoptants. Ces familles-là ont des défis, puis que le régime
puisse y répondre en partie... Parce que le reste, bon, il y a les services sociaux. Puis, vous savez, on
peut donner naissance à un enfant handicapé aussi, là, et là c'est d'autres
choses qui embarquent.
Une voix : ...
Mme Senneville
(Caroline) : Parfait. Mais,
si vous prenez deux familles, une où il y a une naissance naturelle, et il y a une des deux personnes, pour quelque
raison que ce soit, elle n'avait pas les revenus suffisants, ce n'est pas
quelqu'un qui était au Canada depuis assez longtemps, ou sort des études, est
trop malade, n'a pas accès au régime, à ce moment-là, cette famille-là,
et là on n'est plus dans la perception, cette famille-là a sensiblement moins
de semaines pour être avec ses enfants
qu'une famille où les deux parents adoptants vivent la même situation parce
qu'il y a moins de restrictions sur
qui peut prendre les congés. Alors, ça, c'est... excuse-moi, Nathalie, je ne suis pas actuaire, bien, c'est
mathématique.
M.
Derraji : Au-delà de l'actuariat, sérieux, au-delà de la mathématique,
je suis un homme de science, mais j'essaie juste de suivre la logique, et
corrigez-moi si je me trompe : Est-ce qu'on compare la même chose?
Peut-être que je me trompe. Est-ce
qu'on compare vraiment la même chose? Au-delà de la mathématique, au-delà de l'actuariat, est-ce qu'on parle de la même chose?
J'ai...
Tous... Avant vous, une excellente présentation. Moi, ça m'a... Si je l'ai lu,
bien, on parle de d'autres choses importantes dans le cas d'une famille qui adopte. Donc, est-ce qu'on compare vraiment les pommes avec les pommes ou on va rester juste... Et c'est correct. Probablement, c'est votre plaidoyer
aujourd'hui : Regardons les semaines. Si c'est ça, c'est bon, on
passe à autre chose.
• (12 h 40) •
Mme Joncas
(Nathalie) : Il y a des...
Premièrement, on vous parle du quatre semaines. Vous nous avez demandé
qu'est-ce que nos membres... Nos membres nous demandent : Pourquoi je dois
partir quatre semaines avant, avant ma date de maternité, si je veux
être avec mes enfants, parce que j'en ai besoin? Il y a des enfants qui
naissent de façon prématurée, qui sont deux
mois à l'hôpital, trois mois à l'hôpital, la mère ni le père ne peuvent être
avec ces enfants-là à la naissance. Puis il y en a un certain montant.
Ils se demandent : Pourquoi est-ce que je ne peux pas, après, reprendre ces semaines-là pour être avec mon enfant? Parce
que l'enfant qui arrive prématuré, lui aussi, il a des besoins spéciaux.
Vous avez écouté ceux-là.
Moi, j'ai rencontré des parents, là, avec
l'association de... avec Leucan, que ça fait des années qu'ils nous le demandent. Ils ont des enfants malades, ils ont,
dans les premières années, des enfants qui reçoivent de la chimio, puis ils
voudraient avoir plus de semaines pour être capables d'être avec leur enfant
parce qu'ils ont des besoins. Mais, à toutes
les fois, on répond : Le régime, là, il est bâti sur certains principes et
il n'est pas bâti nécessairement autour du besoin des enfants, parce que les besoins des enfants,
ils sont multiples. Les enfants adoptés en ont, les enfants malades en ont, les
enfants prématurés en ont. Si on faisait ça et qu'on modulait le RQAP sur la
base des besoins des enfants, il y aurait plusieurs situations qui
viendraient... Et c'est juste là qu'on vous dit : C'est un terrain assez
glissant si on va sur le besoin des enfants
puis on commence à moduler le RQAP, à savoir est-ce qu'il faut donner plus
de semaines aux parents parce que l'enfant est en phase terminale, puis
il a trois mois à vivre, puis là il faut être... l'accompagner.
Donc,
ce que je veux juste vous dire, c'est qu'il faut peut-être regarder certaines
balises pour garder de façon un peu plus mathématique, mettons,
certaines limites pour essayer de ne pas glisser sur des terrains de besoins,
et tout. C'était un petit peu plus comme ça.
M.
Derraji : Je comprends votre argumentaire, et on n'est pas obligés
d'être d'accord, mais je veux juste comprendre
le fondement derrière parce que là on va entamer notre procédure d'étudier le
projet de loi avec M. le ministre.
Hier,
le Conseil du statut de la femme nous a sensibilisés par rapport à deux enjeux,
l'enjeu des familles monoparentales et l'enjeu des parents... des
étudiants... les étudiants...
Une voix :
...
M.
Derraji : Oui, ça, ça a été le regroupement en fin de journée. S'il y
a des cas, le ministre était déjà ouvert par rapport à des projets pilotes. Là,
ce que vous soulevez, dans votre exemple concret pour nous faire sensibiliser
par rapport aux balises, qu'il y a
d'autres cas d'exception, genre des familles avec des enfants malades où la femme
a besoin d'avoir plusieurs autres
semaines parce qu'elle-même, elle a besoin d'être soignée, d'être à l'hôpital...
Mais là je reviens à l'idée de
départ. Ça, c'est des cas d'exception que le régime peut, en ciblant l'ordre
de... un nombre bien précis, on parlait hier de 1 300 élèves ou étudiants qui recevaient des bourses,
on parlait de 2 200 en cas de familles monoparentales... Là, dans
le cas que... Vous dites que, s'il n'y a pas de balise, on risque de glisser.
Bien, est-ce qu'on peut quantifier du moment
que vous avez la logique mathématique derrière? Oublions, là, les parents
adoptants et les parents biologiques. Ça va créer quoi au niveau des
groupes que vous voyez? Qu'il risque d'y avoir une injustice?
Mme Joncas (Nathalie) : Je vous dirais, là, les besoins, là, les demandes
pour le RQAP pour avoir... Le nombre de
demandes où je trouvais... que, moi, j'ai entendu, là, de nos membres, et tout,
où c'est des choses qui tombent sous le sens, que tu dis : Oui, ces
personnes-là devraient avoir des semaines, il y en a, là, il y en a beaucoup.
C'est vraiment...
M.
Derraji : Nommez-les, s'il vous plaît. Parce que c'est exactement avec
ce raisonnement que, probablement, on va avoir d'autres solutions.
Nommez-les, ces groupes.
Mme Joncas
(Nathalie) : Bien là, je vous en ai nommés quelques-uns, là, j'en ai
nommés... Il y a les enfants malades, il y a plusieurs choses. Mais, en même
temps, je veux revenir, là, moi, je ne veux pas... Puis je ne pense pas
qu'aujourd'hui... Puis notre intervention, ce n'était pas d'ouvrir le RQAP. Ce
qu'on vous disait, c'est qu'il y a un certain équilibre à maintenir. Et on est
assez d'accord que ce n'est pas le temps non plus d'augmenter les cotisations du RQAP, le taux de cotisation, là. Ça, c'est important
de maintenir ça aussi. La seule chose qu'on voulait vous dire, c'est...
Mme Senneville
(Caroline) : Ce n'est pas un programme social, c'est un programme
financé par les salariés et les employeurs
pour soutenir les familles au moment où il y a des enfants qui arrivent, puis,
dans le cas des familles qui ne sont
pas adoptantes, donner un congé pour la santé de la mère qui accouche, avant et
après. Alors, ça, c'est le but du Régime québécois d'assurance
parentale.
M. Derraji :
Oui, oui, on s'entend, ça, par rapport au but. Hier, tout au long de la
journée, les groupes qui sont venus, surtout
des groupes patronaux... Là, je peux... Je ne sais pas si vous avez suivi la
journée hier. Sérieux, là, c'est
unanime. Moi, ça m'a surpris. Presque, presque, à part quelques groupes, O.K.,
non, je ne vais pas dire unanime, je retire unanime. Il y avait quand
même un consensus par rapport aux avantages d'avoir une autre lecture.
Moi,
j'essaie juste de comprendre. Les balises, c'est quoi, de quelle nature? Et
vous voyez un sentiment d'iniquité ou
d'injustice, c'est là mon questionnement. Parce qu'avec vos arguments on va
avoir ces lunettes, rendus à l'étape de l'étude article par article du
projet de loi, donc c'est pour cela que je vous pose la question. Alimentez-nous.
Alimentez-moi en premier lieu aussi pour
que, rendu à l'étape de l'article par article, je vais avoir cette
lecture : Écoutez, la CSN, M. le
ministre, vous a dit qu'il y avait
une iniquité par rapport à ça et à cela, comment on peut éviter, justement, ce sentiment d'iniquité?
C'est
pour cela, moi, je n'étais pas convaincu. J'ai entendu votre présentation, j'ai
vu les réponses à M. le ministre,
mais, à date, je vous repose la question : Pourquoi on doit être sensibles
à cette iniquité, à cette injustice?
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Il reste une minute.
Mme Senneville (Caroline) : Je vais vous dire : Première chose, là, les
quatre semaines de retrait pour les femmes qui sont en retrait préventif, où on
te dit : Tu n'as pas... tu es obligée de prendre ton congé de maternité,
on oblige la femme qui est en retrait
préventif à être quatre semaines de moins avec son enfant parce que son milieu
de travail est dangereux, potentiellement dangereux pour elle ou la
santé de son enfant, ça, c'est un élément important.
M. Derraji :
O.K. Avez-vous un autre élément? Il reste encore du temps.
Mme
Joncas (Nathalie) : Non, mais moi, je vous invite juste à peut-être
regarder certaines situations. Si une mère
biologique est seule au dossier, si une mère adoptante... Est-ce qu'on est à peu près dans les mêmes eaux? Je pense que les modifications qui sont apportées, ça s'en va dans la bonne
direction. Ce qu'on vous dit, c'est peut-être juste de regarder
plusieurs cas pour vous assurer que c'est tout ficelé
correct puis qu'on garde ce consensus-là qui est plus large, tu sais.
C'est un peu ce qu'on voulait vous dire.
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Il reste 20 secondes. Vous lui laissez...
M. Derraji :
...
M. Boulet :
C'est important pour moi, parce que je l'ai fait vérifier dans la loi. La loi
permet de transférer les prestations de
maternité en cas de décès de la mère. Donc, c'est possible de le faire. C'est
ce qu'on me donne, Nathalie. Donc, je voulais... Parce que, Caroline,
vous l'aviez soulevé, là, mais la loi permet de le faire.
Mme Joncas
(Nathalie) : ...jugement, là, que ça avait été interdit, là. Parce
qu'on l'avait amené...
M. Boulet :
Ah oui?
Mme Joncas
(Nathalie) : Oui.
M. Boulet :
Bien, moi, on me confirme que c'est possible de le faire.
Mme Senneville
(Caroline) : Je l'ai en photocopie, on...
Mme Joncas
(Nathalie) : On vous le laissera.
Mme Senneville
(Caroline) : On vous le laissera.
M. Boulet : Bien, c'est peut-être un cas d'espèce, il y avait peut-être
des éléments particuliers, là, de circonstance.
La Présidente (Mme
IsaBelle) : ...10 secondes, à M. le député de Nelligan.
M.
Derraji : ...clairement, à
la lumière de votre présentation, je pense, un effort, M. le ministre, par rapport à la vulgarisation,
doit être fait, et qu'on soit beaucoup plus clairs au niveau de certains
passages, au niveau du projet
de loi. Je pense que c'est extrêmement
nécessaire, oui.
M. Boulet :
Moi, je suis ouvert à tout.
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Merci.
M. Boulet :
Toutes les lois ont besoin d'être clarifiées, hein?
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Merci. Merci, M. le ministre. Merci, député de Nelligan.
Nous poursuivons avec le deuxième groupe d'opposition, avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve.
Vous disposez de 2 min 40 s.
M. Leduc :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, bienvenue. Un des sujets, moi, qui a attiré
mon attention depuis le début, c'est la question,
donc, des quatre semaines supplémentaires si les deux parents se partagent. Puis je veux
référer à votre mémoire. Quand vous
l'abordez, cet enjeu-là, à la page 6, vous dites : «La mesure
volontaire qui consiste à octroyer
quatre semaines additionnelles au congé parental si chacun des parents utilise
au moins 10 semaines de ce congé est
préférable à un transfert de semaines de prestations du congé parental vers le
congé dédié aux pères.» Bien, d'abord, il
me semble que personne n'a proposé ça, qu'on pige dans le congé parental pour
le donner exclusivement aux pères. On était surtout dans un contexte de
surplus et d'additionner, pas de... mais... en tout cas.
Et après, vous
dites : «Elle encourage la présence des pères, sans pour autant retirer
automatiquement des semaines de prestations
aux mères.» Puis là, là-dessus, c'est là qu'on se rejoint peut-être
sur le fond mais moins sur la forme,
dans le sens où le partage obligatoire de 10-10 plus quatre va automatiquement
retirer, dans les faits, des congés, des
semaines aux mères, dans la mesure où est-ce que, statistiquement, la plupart
des mères utilisent beaucoup de semaines parentales. Bien sûr, ce n'est
pas réservé aux mères. Bien sûr, ce n'est pas comme ça que c'est
philosophiquement construit, mais, dans le réel, dans le quotidien, c'est ce
que c'est.
Puis
c'est pour ça que plusieurs personnes, moi le premier, proposaient plutôt de
dire : S'il y a des surplus et si on vise à améliorer la présence du père,
ce qui, je pense, est notre objectif conjoint, on devrait plutôt mettre des nouvelles
semaines, mais réservées aux pères. Et là on aurait l'objectif atteint et on
éviterait de potentiellement faire perdre des semaines aux mères, ce qui, au
niveau statistique, va se révéler de toute façon si cette mesure-là est
appliquée.
Mme Senneville
(Caroline) : Nous, on doit
absolument protéger le congé de maternité. Puis j'ai fait référence aux
conventions internationales, il y en a plusieurs qui ont été signées, à la fois
pour la santé de la mère et de l'enfant, à 18 semaines. On est au-delà de ce que
proposent d'ailleurs les chartes internationales. Donc, ça, ça doit
absolument être protégé.
Le reste, c'est une histoire de famille. Dans
une société qui vise l'égalité, on ne devrait pas privilégier l'un ou l'autre. Dans une société équitable envers les
sexes, vers laquelle on chemine de plus en plus mais où tout n'est pas arrivé
encore, c'est une question de partage, de
voir ensemble qu'est-ce que ça donne mieux selon chacun, type d'emploi, etc.,
le goût des personnes. On prend pour acquis
que normalement c'est les femmes, peut-être qu'on devrait prendre moins pour acquis.
Donc, nous,
oui, protéger le congé de maternité. Le congé parental porte très bien
son nom, il est utilisé à bon escient, que ce soit l'un ou l'autre des
parents qui l'utilisent.
M. Leduc : Parce que ce que j'avais
lu...
La Présidente (Mme IsaBelle) : ...
• (12 h 50) •
M. Leduc : Pardon?
La Présidente (Mme IsaBelle) :
30 secondes.
M.
Leduc : 30 secondes.
Rapidement, ce que j'avais lu, c'est que, pour les pères, souvent, c'est assez
facile d'avoir accès au congé de père, les cinq semaines, les employeurs
sont assez connaissant de ça, et c'est quand on embarque dans la portion du parental que là il y a du
chichi, culturellement parlant, bien sûr, donc c'est là qu'on voulait
intervenir.
Mme Joncas
(Nathalie) : Bien, je pense
que le projet de loi... Cette mesure-là, là, il y a déjà des semaines
dédiées. Effectivement, ça a permis que les pères soient plus présents.
Le fait de faire réfléchir les couples sur le partage, c'est important parce
qu'on vise tous à avoir une égalité des salaires. Et les femmes, vu qu'elles
ont une longue période de maternité,
traînent longtemps cette baisse, ça se reflète... Puis vous avez parlé... Hier,
il y en a plusieurs qui ont parlé des pays
scandinaves, et, si on regarde les études, c'est beaucoup cette cause-là qui
fait en sorte qu'on n'est jamais capables fermer le «gap», là, entre les
salaires des hommes et les salaires des femmes.
Donc,
d'arriver à faire ce partage-là, si on vise à avoir, à un moment donné, une
égalité, il va falloir qu'on le fasse, ce débat-là, de partage de ces
congés-là. Et peut-être que ça n'arrivera pas avec la mesure qui est dans
le projet de loi, arriver à un partage égal, mais, en même temps,
d'avoir des journées dédiées, de parler d'un partage, congé parental, c'est peut-être...
c'est deux mesures qui font en sorte qu'on va peut-être arriver à où on veut à
la fin, tu sais.
De rajouter
des journées, là, il n'y a personne qui est contre ça, de rajouter des
semaines, là. S'il y a des surplus, on pourrait rajouter... Puis là je
voudrais juste aussi que... Selon les statistiques du RQAP, là, les congés du
père sont souvent pris conjointement avec ceux de la mère. Donc, ça
serait aussi intéressant qu'il y ait des pères qui prennent des semaines tout seuls avec leur enfant. Donc,
si... Dans les partageables, là, ça, ça va forcer aussi les pères à être tout
seuls avec l'enfant, puis peut-être atteindre des objectifs qui sont plus
intéressants que de leur donner des semaines additionnelles.
La
Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Nous poursuivons avec le troisième
groupe d'opposition, avec la députée de Joliette.
2 min 40 s.
Mme
Hivon : Oui, merci
beaucoup. Je pense que ce que je vais
faire... Merci pour votre présentation, qui suscite plein de réactions, mais qui est très
intéressante. Je vais vous soumettre quelques éléments, j'ai très peu de temps,
puis vous pourrez répondre.
Je comprends vraiment que, vous, vraiment, votre
préoccupation, d'une part, c'est que le congé de maternité soit parfaitement
protégé. Moi, je comprends qu'il n'y a aucun changement par rapport à ça. Donc,
vous m'éclairerez à savoir comment, en faisant
la comparaison, ça peut venir miner le congé. Parce que, dans le fond, il est protégé, la réalité du congé, 18 semaines, tout ça
est protégé.
Peut-être juste... C'est sûr qu'il y a de la
pédagogie à faire de manière globale, parce qu'il y a, en ce moment, environ 400, vous l'avez bien dit, adoptions par
année, versus 80 000, 85 000 naissances. La réalité biologique
est pas mal plus présente avec les
besoins des familles biologiques que celles des familles adoptantes, mais
peut-être juste une précision :
la personne, souvent, commence son congé d'adoption avant d'avoir son enfant.
C'est un peu la même chose qu'une mère qui serait en retrait préventif.
À l'international, vous allez arriver quelques semaines avant de pouvoir avoir votre enfant. Des fois, il y a des familles
qui vont faire deux, trois voyages, un mois, deux mois. Tout ça n'est pas
pris en compte là-dedans, là, mais, je veux
dire, c'est une réalité qui est là. Même chose pour les familles au Québec en
banque mixte. Souvent, les parents biologiques ont encore des droits au début.
Donc, il y a toute une réalité très complexe aussi. Ça fait que je ne pense pas qu'on peut dire parfaitement que le
congé d'adoption, il commence au jour 1, avec l'enfant versus...
Donc, il y a ça.
Puis l'autre
chose sur laquelle je voulais vous entendre, c'est quand vous dites :
Mais, par exemple, pour un congé de famille biologique, un des deux parents
peut-être n'a pas droit au régime, au RQAP, donc il y aurait un genre de sentiment
d'iniquité, bien, ça peut être la même chose sur un... dans une réalité
adoptante, là. Un des deux parents peut aussi ne pas avoir droit au RQAP
pour les mêmes raisons, parce qu'il n'a pas de cotisation, parce qu'il a une
réalité différente. Donc, je voulais juste que vous me précisiez ça, là.
La Présidente (Mme
IsaBelle) : ...c'est tout le temps que nous aurons.
Mme Senneville (Caroline) : Le
retrait... Le quatre semaines, là, c'est une obligation, c'est écrit, ce n'est pas un choix. On n'est pas capable de... on n'est
pas capable de... C'est une obligation, et c'est une obligation qui est faite
dans une réalité que je ne contrôle pas,
c'est-à-dire le niveau de dangerosité de mon milieu de travail. Donc là,
effectivement, cette obligation-là, pour quelque chose qui ne relève pas
de moi, c'est vécu comme ça.
Oui, il y a
des groupes... il y a des familles, il y a un des deux qui n'a pas le droit,
mais à... parce qu'il y a beaucoup de...
Il y a plus de balises et de restrictions sur... dans les familles qui sont non
adoptantes, je vais dire ça comme ça, ça veut dire que ce qui n'est pas
utilisé peut basculer à l'autre parent, ce qui n'est pas le cas. Donc, au
total, quand on prend famille-famille, bien, s'il y a des familles
monoparentales ou s'il y a des familles où il y a une des deux personnes qui n'a pas accès au régime, dans la famille
adoptante, comme il y a moins de balises, elle va pouvoir prendre plus de
semaines. Cette famille-là va pouvoir prendre plus de semaines qu'une famille
où on leur aura mis plus de balises.
La
Présidente (Mme IsaBelle) : On vous remercie beaucoup — un sujet passionnant, hein? — Mme Senneville et
Mme Joncas, pour votre contribution aux travaux.
Alors, la
commission ajourne ses travaux au jeudi 17 septembre, vers
15 heures, soit après les affaires courantes. Merci, à demain.
(Fin de la séance à 12 h 55)