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Version finale

42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)

Le mardi 15 septembre 2020 - Vol. 45 N° 59

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 51, Loi visant principalement à améliorer la flexibilité du régime d’assurance parentale afin de favoriser la conciliation famille-travail


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Remarques préliminaires

M. Jean Boulet

M. Monsef Derraji

M. Alexandre Leduc

Mme Véronique Hivon

Auditions

Conseil du statut de la femme (CSF)

Conseil du patronat du Québec (CPQ)

Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI)

Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ)

Manufacturiers et exportateurs du Québec (MEQ)

Regroupement des jeunes chambres de commerce du Québec (RJCCQ)

Autres intervenants

Mme Claire IsaBelle, présidente

Mme Joëlle Boutin

Mme Monique Sauvé

*          Mme Louise Cordeau, CSF

*          Mme Mélanie Julien, idem

*          M. Karl Blackburn, CPQ

*          Mme Norma Kozhaya, idem

*          M. François Vincent, FCEI

*          M. Charles Milliard, FCCQ

*          M. Alexandre Gagnon, idem

*          Mme Véronique Proulx, MEQ

*          Mme Marie-Ève Labranche, idem

*          Mme Alexandra Lamarche, RJCCQ

*          M. Ronny Al-Nosir, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Dix heures)

La Présidente (Mme IsaBelle) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'économie et du travail ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et aux auditions publiques sur le projet de loi n° 51, loi visant principalement à améliorer la flexibilité du régime d'assurance parentale afin de favoriser la conciliation travail-famille.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. Mme Richard (Duplessis) est remplacée par Mme Véronique Hivon (Joliette).

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Mme la secrétaire, y a-t-il des droits de vote par procuration?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. M. Campeau (Bourget) dispose d'un droit de vote par procuration au nom de M. Allaire (Maskinongé) et M. Derraji (Nelligan) dispose d'un droit de vote par procuration au nom de M. Leitão (Robert-Baldwin).

Remarques préliminaires

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, ce matin, nous débuterons par les remarques préliminaires puis nous entendrons les groupes suivants : le Conseil du statut de la femme et le Conseil du patronat du Québec.

J'invite maintenant le ministre du Travail, de l'Emploi et de la Solidarité sociale à faire ses remarques préliminaires. M. le ministre, vous disposez de six minutes.

M. Jean Boulet

M. Boulet : Quand même. Merci, Mme la Présidente. Je vais commencer avec diligence.

Permettez-moi d'abord de saluer nos collègues, mes collègues qui sont avec moi, qui sont de précieux collaborateurs, collaboratrices, collègues des partis d'opposition, particulièrement celle du Parti québécois, avec laquelle j'ai eu une coopération assez intéressante dans ce dossier du projet de loi n° 51, les membres du conseil de gestion, l'équipe de mon ministère. Mme la Présidente, ça me fait plaisir de débuter les consultations sur le projet de loi n° 51, un projet de loi important, fondamental pour les familles. Le Québec, d'ailleurs, est reconnu comme un leader en matière de conciliation travail-famille, et nous faisons un pas de plus.

1er janvier 2019, on a fêté le 40e anniversaire du congé de maternité au Québec; le 1er janvier prochain, 15 ans du RQAP. En 2006, après des années de négociations avec le fédéral, Québec s'est doté de son propre programme de congés parentaux. Il s'agit d'un régime généreux adapté aux besoins des familles québécoises. Pour moi, c'est une fierté nationale. Ce matin, nous entreprenons les consultations particulières pour améliorer encore davantage la vie des dizaines de milliers de familles québécoises. Nous voulons plus de souplesse, plus de flexibilité pour les parents et les employeurs. Nous avons trois objectifs : améliorer la flexibilité afin de mieux répondre au contexte actuel du marché du travail et faciliter la conciliation travail-famille, tant pour les familles biologiques que pour les familles adoptantes; encourager un plus grand partage des prestations parentales entre les parents pour assurer un meilleur équilibre de l'investissement des deux parents dans la sphère familiale; et adapter le RQAP à l'égard des parents qui vivent des situations particulières, comme une naissance ou une adoption multiple. À la suite du dépôt du projet de loi en novembre dernier, nous avons entendu les préoccupations des parents adoptants. Notre gouvernement respecte ses engagements, demeure à l'écoute de la population, maintient le cap quand les choses deviennent plus difficiles. Nous avons ajusté notre projet de loi et déposé des amendements très rapidement.

Mme la Présidente, le RQAP est un régime très apprécié des parents, près de neuf naissances sur 10 donnent lieu à un versement de prestations. Parmi les familles qui y participent, huit sur 10 utilisent les semaines de prestations mises à leur disposition. La participation des mères au régime a toujours été importante, se situant autour de 78 % depuis 2012. La proportion des pères qui ont bénéficié du régime a nettement progressé également, passant de 56 % à 70 % de 2006 à 2017. Dans le reste du Canada, le taux de participation des pères au régime fédéral est passé de 9,7 %, en 2006, à 11,9 % en 2017. Je pense que, collectivement, nous pouvons tous être fiers de ce qui a été bâti avec le RQAP et les améliorations que nous allons lui apporter tous ensemble. Merci, Mme la Présidente, et bonne commission.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci beaucoup. Alors, nous invitons maintenant le porte-parole de l'opposition officielle et député de Nelligan à faire ses remarques préliminaires pour une durée maximale de quatre minutes.

M. Monsef Derraji

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. La même chose, je tiens à remercier le ministre pour ce projet de loi, remercier la présence des collègues de la partie gouvernementale aussi et ma collègue du Parti québécois qui, somme toute, a contribué avec pas mal d'amendements.

Moi, j'arrive dans le dossier. C'est mon premier projet de loi avec vous, M. le ministre. J'ai eu l'occasion de travailler d'autres projets de loi avec d'autres collègues à vous, et je suis très heureux de participer avec vous, de bonifier le projet de loi. On m'a dit de vous que vous êtes quelqu'un qui est très ouvert aux suggestions, à la bonification du projet de loi. Donc, je tiens bonne note, et ça va me faire un grand plaisir d'ajouter... et d'améliorer ce projet de loi.

Nous sommes, bien sûr, en faveur de la refonte de la Loi sur l'assurance parentale. Comme vous le saviez peut-être, lors de la dernière législature, nous avions déposé un projet de loi en ce sens, donc, dont plusieurs éléments sont repris dans ce projet de loi actuel.

Comme vous le savez, je suis aussi porte-parole des dossiers PME, travail, emploi. Je dirais, c'est mon premier projet de loi où je vais essayer aussi d'être... d'avoir un équilibre aussi dans ce qu'on souhaite demander, et l'équilibre, c'est entre les besoins des travailleurs et travailleuses, mais aussi la capacité de nos entreprises. Ça va être deux éléments qui vont guider mes réflexions. Donc, oui, les besoins des travailleuses et des travailleurs, mais aussi la capacité de nos PME doivent être au coeur de notre réflexion, surtout avec ce qu'il se passe dans ce contexte de pandémie. Je pense que la plupart des collègues qui sont avec nous aujourd'hui dans ce projet de loi ont un seul but, c'est améliorer la flexibilité et aussi l'offre de l'assurance parentale, puis, je pense, ça va être le coeur de nos échanges avec la plupart des organismes, que je remercie d'emblée. J'ai lu tous les rapports, c'est des rapports très détaillés.

Sur un autre ordre d'idées, c'est un sujet qui me touche aussi particulièrement en tant que papa, c'est évidemment à savoir comment on peut encourager les pères qui veulent participer davantage au développement de leur enfant. Ça me tient à coeur personnellement, le développement de mes deux enfants, mais, au-delà de ça, le développement des enfants au Québec.

Je dois aussi reconnaître l'ouverture du ministre par rapport aux propositions de la députée, la collègue de Joliette concernant les parents adoptants. Donc, ça démontre l'esprit d'ouverture, ça démontre la volonté du ministre d'avoir un beau projet de loi. C'est très rassurant. Et ça va me faire aussi grand plaisir, lors de l'étude article par article, de voir les aspects à ajouter, ou probablement, si c'est parfait, bien, je vais dire que c'est parfait, ça répond parfaitement au but qu'on veut. Je crois fermement que le ministre a le même état d'esprit. Donc, ça va être agréable, Mme la Présidente, de continuer la discussion en écoutant les groupes, mais aussi de commencer l'étude article par article. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci au député de Nelligan. Alors, j'invite maintenant le porte-parole du deuxième groupe d'opposition et député d'Hochelaga-Maisonneuve à faire vos remarques préliminaires pour une durée maximale d'une minute.

M. Alexandre Leduc

M. Leduc : Oh! merci, Mme la Présidente. Bonjour, tout le monde, heureux de vous voir ici.

On se rappellera que c'était la première journée du supposé retour de la pandémie... On était supposés de commencer avec ça la semaine qui a suivi l'annonce du début de la pandémie. Donc, tout ça a été suspendu, puis j'avais bien hâte de retrouver mon vis-à-vis, M. le ministre, dans une commission parlementaire. On a eu l'occasion de croiser le fer à deux reprises depuis le début de la législature, alors j'attendais avec impatience cette troisième joute.

Vous le savez, ma priorité, Mme la Présidente, ça va être la question des congés parentaux, la question du nombre de semaines. Dès le départ, avant même le dépôt du projet de loi, j'avais demandé plutôt que les surplus soient déposés plutôt dans les semaines réservées aux pères, si c'est ça, l'objectif, puis je pense que c'est l'objectif qu'on partage, M. le ministre et moi, que davantage de pères prennent davantage de congés. Je ne pense pas qu'il a pris le bon chemin, et on va discuter là-dessus dans les prochaines heures. Merci.

• (10 h 10) •

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci au député d'Hochelaga-Maisonneuve. J'invite maintenant la porte-parole du troisième groupe d'opposition, la députée de Joliette, à faire ses remarques préliminaires. Vous disposez d'une minute.

Mme Véronique Hivon

Mme Hivon : Merci, Mme la Présidente. Alors, on entame, nous aussi, avec beaucoup de bonheur, l'étude de ce projet de loi là fort attendu. On partage les objectifs pour plus de flexibilité pour les familles dans le régime, une meilleure prise en compte de l'importance du rôle du père et, bien sûr, enfin, la reconnaissance de la nécessité d'une équité de traitement pour les parents adoptants. Je veux, oui, saluer l'ouverture du ministre, qui aurait pu se braquer après que j'aie fait quelques sorties un peu vigoureuses sur le sujet avec quelques alliés dans les parents adoptants. Mais non, il a été en mode collaboration, on a bien collaboré. Donc, je suis confiante que ça va continuer comme ça.

De notre côté, je me permets de rappeler nos engagements en campagne électorale, qui étaient de consacrer un deux semaines supplémentaire au congé de paternité et également un 20 jours reportable de flexibilité pour les cinq premières années de vie des enfants.

Auditions

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, on vous remercie pour ces remarques préliminaires. Nous allons maintenant débuter les auditions. Je souhaite la bienvenue au Conseil du statut de la femme, avec Mme Cardeau... Cordeau, pardon, présidente, et Mme Julien, directrice de la recherche et de l'analyse. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Ensuite, nous procéderons à l'échange. Je vous invite d'abord à vous présenter.

Conseil du statut de la femme (CSF)

Mme Cordeau (Louise) : Merci, Mme la Présidente. Bonjour à tous les membres de la commission. Louise Cordeau, je suis présidente du Conseil du statut de la femme.

Mme Julien (Mélanie) : Bonjour. Moi, c'est Mélanie Julien, je suis directrice de la recherche et de l'analyse par intérim.

Mme Cordeau (Louise) : Alors, le conseil, aujourd'hui, présente, devant cette Commission de l'économie et du travail, son mémoire sur le projet de loi n° 51 visant à améliorer le Régime québécois d'assurance parentale.

Évidemment, comme on vient de le dire, ce mémoire a été préparé avant la pandémie liée à la COVID-19. Cette pandémie a, d'ailleurs, mis en lumière les défis que pose la conciliation famille-travail et confirme l'importance de réviser les dispositions relatives au Régime québécois d'assurance parentale afin de mieux tenir compte des besoins actuels des mères et des pères du Québec.

En cohérence avec sa mission, le conseil axe donc son mémoire sur les dispositions qui suscitent des enjeux particuliers en matière d'égalité entre les femmes et les hommes. Bien que le conseil soit favorable à plusieurs de ces dispositions, nous souhaitons attirer votre attention sur celles qui méritent, à nos yeux, des ajustements constructifs.

Mentionnons d'abord les dispositions du projet de loi qui visent à donner plus de flexibilité aux parents, soit celle d'allonger la période à l'intérieur de laquelle les congés peuvent être pris et celle d'augmenter l'exemption relative aux revenus de travail gagnés en cours de prestations de paternité, parentales et d'adoption. Ces dispositions font écho à des recommandations du conseil en 2015. Elles pourront permettre aux mères de mieux s'adapter au caractère imprévisible de la maternité et de retourner progressivement au travail, y compris à temps partiel si elles le souhaitent. Elles pourraient aussi répondre aux besoins des travailleuses et des travailleurs autonomes, pour qui une interruption du travail comporte un lot d'enjeux particuliers.

Le conseil constate toutefois une iniquité, puisque ces dispositions s'appliquent à tous les congés, sauf au congé de maternité. Pourquoi un tel traitement différencié? Des mères peuvent souhaiter ou devoir impérativement travailler pendant leur congé de maternité. Le revenu issu d'un travail peut même être nécessaire pour celles à faible revenu pour qui les prestations versées par le RQAP demeurent très modestes. Les femmes en congé de maternité doivent donc pouvoir bénéficier de la même exemption que celle qui est prévue pour le congé parental, le congé de paternité et le congé d'adoption. Le conseil vous en fait la recommandation.

Le conseil souhaite aussi que le projet de loi prenne mieux en compte certaines réalités familiales. Pour les fins de cet exercice, j'en mentionnerai trois : les mères seules, les personnes à faibles revenus et les étudiantes et les étudiants.

Premièrement, les mères seules. Le Québec enregistre, par année, environ 2 200 naissances dont le père n'est pas déclaré. Ces mères seules, qui constituent une population potentiellement vulnérable au plan économique, n'ont pas accès aux prestations de paternité à moins que le père soit décédé, comme le propose, d'ailleurs, le projet de loi. Le conseil souhaite donc que les mères seules puissent utiliser les semaines de congé réservées aux pères, comme c'est le cas, par exemple, en Finlande.

Deuxièmement, les personnes à faibles revenus. On le sait, les prestations versées dans le cadre du RQAP sont établies en fonction d'un pourcentage du revenu. Les montants que peuvent donc obtenir les personnes à faibles revenus demeurent modestes, pouvant même aller jusqu'à les dissuader de recourir au RQAP. Le projet de loi prévoit, d'ailleurs, à cet effet, certaines dispositions afin d'améliorer la situation de ces personnes. Je pense notamment à la possibilité de cumuler des revenus de travail pendant la durée du congé et de baser la majoration de la prestation sur le revenu de la personne plutôt que sur son revenu familial. Mais ces mesures seront-elles suffisantes pour les personnes à faibles revenus? Le projet de loi prévoit que le Conseil de gestion de l'assurance parentale puisse mettre en oeuvre des projets pilotes. Le conseil de gestion pourrait ainsi consacrer un tel projet à la situation des parents à faibles revenus, parmi lesquels les femmes sont surreprésentées.

Troisièmement, les étudiantes et les étudiants qui ont des responsabilités parentales. Environ 25 % de l'effectif étudiant des universités québécoises a des responsabilités parentales. Il s'agit de mères étudiantes dans 75 % des cas. Il est toutefois impossible actuellement de cotiser au RQAP à même les bourses d'excellence, par exemple, afin d'être admissible à ce programme. Tout en maintenant le principe que le RQAP constitue un régime d'assurance financé par les employeurs et par les travailleuses et les travailleurs, il semble pertinent au conseil d'élargir les types de revenus admissibles aux cotisations.

Mes dernières remarques traitent spécifiquement des dispositions du projet de loi visant à favoriser l'implication des pères. Nous sommes évidemment en accord avec cet objectif fondamental. Nous savons que l'implication du père dès la naissance de son enfant permet le renforcement de l'attachement envers l'enfant et influencera par la suite le partage des soins et des tâches domestiques. L'égalité au sein du couple sera ainsi favorisée. Nous avons cependant des doutes quant aux moyens retenus dans le projet de loi. En effet, le projet de loi prévoit l'ajout de semaines de prestation partageables lorsque les deux parents utilisent chacun un minimum de semaines de prestations parentales ou d'adoption. Le conseil ne croit pas que ce moyen soit le plus approprié pour favoriser l'implication des pères.

Certains pays qui n'ont pas de congé réservé aux pères ont adopté de semblables mesures incitatives au partage du congé parental, mais sans succès. C'est précisément le cas en Italie et au Japon, où le congé parental demeure presque exclusivement pris par la mère. L'ajout d'un incitatif n'a manifestement pas changé la donne. En revanche, nous avons, au Québec, un congé réservé au père qui est devenu une norme sociale. M. le ministre, vous en avez fait mention, 80 % des naissances donnent maintenant lieu à des prestations de paternité. C'est une réussite. Pourquoi ne pas tabler sur cette réussite pour faire un pas de plus? Si le congé de paternité est devenu une norme chez les pères, on ne peut pas en dire autant du congé parental, où seulement 24 % de ces congés donnent lieu à un partage équitable entre les deux parents. Vous le savez comme moi, la prise du congé parental par les pères demeure taboue dans bon nombre de milieux.

Pensons aussi à certains couples qui, pour différentes raisons, ne peuvent pas partager le congé parental, notamment lorsqu'il y a un écart de revenus substantiel entre les deux parties, entre les deux parents. Dois-je rappeler ici les écarts de revenus qui persistent encore aujourd'hui entre les femmes et les hommes?

Pour ces multiples raisons, et considérant la légitimité dont bénéficie le congé de paternité dans la société québécoise, le conseil estime que le congé de paternité apparaît le moyen le plus sûr pour favoriser l'implication des pères dans les soins des enfants à long terme. Plutôt que de bonifier le congé parental conditionnellement à son partage équitable entre les deux parents, le conseil recommande donc d'augmenter le nombre de semaines de paternité de façon à ce que le congé de paternité soit allongé. Une telle avenue a été privilégiée en Finlande, en Norvège et en Islande, où le congé de paternité est, d'ailleurs, beaucoup plus long qu'au Québec.

En conclusion, le conseil tient à souligner que le Régime québécois d'assurance parentale est sans conteste un programme de remplacement de revenu fondamental pour soutenir les mères et les pères biologiques ou adoptifs ainsi que leurs enfants pendant les premiers mois de leur vie. Depuis sa création en 2006, le RQAP a eu des effets positifs et majeurs en matière d'égalité entre les femmes et les hommes. Le conseil salue l'intention du gouvernement de bonifier et d'améliorer ce régime et souhaite que les recommandations qu'il formule aujourd'hui soient prises en compte afin de doter la société québécoise d'un régime d'assurance parentale véritablement équitable, flexible et actuel. Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Je vous remercie vraiment pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous, vous disposez de 16 minutes.

• (10 h 20) •

M. Boulet : Bien, essentiellement, je veux profiter de ces minutes pour vous remercier de votre mémoire, qui est bien construit. Les recommandations sont claires. Il y en a certaines à l'égard desquelles j'ai beaucoup de sensibilité, et c'est ce à quoi sert ce stade d'une commission parlementaire; on consulte, on écoute, et, au-delà de l'écoute, ça nous permet d'enrichir et d'améliorer encore un projet de loi.

J'aimerais ça que vous élaboriez un peu plus sur l'expérience que vous avez des pays, vous en avez cité quelques-uns, qui ont mis en place un incitatif pour assurer que les pères s'investissent un peu plus dans la sphère familiale. Je le sais, là, ça m'a été constamment dit et redit, les pères prennent le cinq semaines puis ils ne partagent pas, puis je sais que, dans des pays, ils ne permettent pas que le partage soit fait en même temps. Dès qu'il y a une prestation partageable ou un congé partageable, il faut que ce soit limité au parent A ou au parent B.

Donc, il y a certainement des données empiriques à ce stade-ci. Je ne sais pas si vous pouvez partager avec nous... Parce que vous disiez : On pourrait allonger le congé de paternité, mais, si on allonge le congé de paternité, le père va prendre le congé de paternité dans son entièreté, mais ça ne l'incitera pas nécessairement à discuter avec son conjoint ou sa conjointe de comment il peut partager, comment il peut aider, comment il peut s'investir dans la sphère familiale, là, comme j'aime le dire, là. Est-ce que vous avez des éléments de réponse, Mme Cordeau?

Mme Cordeau (Louise) : Si vous me permettez, je vais passer la parole à Mme Julien, qui est la spécialiste qui a étudié l'ensemble de ces données empiriques, comme vous le dites.

Mais, peut-être, M. le ministre, si vous me permettez, la fin de votre phrase m'interpelle, parce que la notion de discussion entre les conjoints et conjointes ou... peu importe qu'ils soient de même sexe ou non, elle existe de toute façon, peu importe, je pense, qui prend ou ne prend pas le congé. À partir du moment où on attend un enfant dans un couple et à partir du moment où le RQAP donne et prévoit des dispositions à la fois de congé de maternité, de paternité et de congé parental, je pense qu'il y a nécessairement des discussions dans un couple, et comment ces discussions-là ont lieu, ça dépend souvent des revenus de travail, de la pression de l'employeur. Vous savez autant que moi le nombre de facteurs qui existent et qui font en sorte que ces discussions-là aboutissent à un choix x ou y.

M. Boulet : Oui, tout à fait. Ça me rappelle tout le temps quand j'ai eu le bénéfice d'aller à Trois-Rivières... Parce que j'ai fait une présentation du p.l. n° 51 initialement à Québec, après ça, je me suis déplacé dans un CPE, et, quand j'expliquais cet incitatif, il y a des jeunes mères qui sont venues me voir la larme à l'oeil puis me disant : Enfin, ça va les encourager. Enfin, le discours que vous tenez va les interpeler puis va leur faire réaliser l'importance que l'autre parent, là, souvent les pères, doit jouer dans un contexte aussi important dans l'histoire d'une vie humaine, là, c'est... Ça fait que... O.K. On peut laisser Mélanie, oui...

Mme Cordeau (Louise) : S'en tenir aux données empiriques.

M. Boulet : Tout à fait.

Mme Julien (Mélanie) : En fait, on dégage, de l'ensemble des régions du monde, deux grands modèles. En fait, chacun des pays du monde a son propre modèle avec ses subtilités, comme c'est le cas aussi avec le modèle québécois. Mais, d'une part, il y a des modèles pour lesquels il n'y a pas de congé réservé au père. C'est le cas en Italie, au Japon, par exemple, il n'y a pas de congé réservé aux pères, et, dans ces pays-là, il y a un incitatif au partage du congé parental, et ce qu'on remarque, c'est qu'en dépit de l'incitatif il n'y a pas partage du congé parental dans la plupart des cas en Italie et au Japon.

L'autre modèle, c'est celui des pays scandinaves. Les pays scandinaves, chez eux, on investit les semaines de paternité, et le nombre de semaines accordées réservées aux pères sont beaucoup plus nombreuses que c'est le cas au Québec, hein? Au Québec, selon le régime, le parent... le père peut bénéficier de trois ou cinq semaines, alors qu'on remarque que, en Islande, en Norvège, ça va jusqu'à 12, 15, 16 semaines, selon le modèle. Alors, il y a vraiment un investissement dans ces régions du monde là à avoir un congé de paternité qui est substantiel et il n'y a pas d'incitatif au congé parental. Et ce qu'on remarque dans ces pays, c'est un peu la même chose qu'au Québec, c'est-à-dire que le congé de paternité est devenu aussi une norme sociale. Donc, selon le cas, c'est à peu près 80 %, 90 % des pères qui bénéficient de la totalité de leurs semaines de paternité. Alors, c'est pour ça que, pour le conseil, on dit : Voilà là un moyen très sûr d'assurer une implication d'autant plus grande des pères, en leur permettant de bénéficier d'un congé de paternité beaucoup plus long.

Puis, pour faire du chemin sur l'idée qui vient d'être discutée, c'est que bien sûr qu'on veut favoriser la discussion aussi à l'intérieur des couples pour le partage des congés, mais les parents font des choix rationnels en fonction de leur situation propre, et ce choix-là peut être différent d'une famille à l'autre, alors que le projet de loi... l'incitatif, c'est un partage d'un minimum de 10 semaines du congé parental qui soit pris par le père et 10 semaines par la mère. Alors, ça fige un peu, ça contraint un peu les familles dans leurs discussions aussi.

M. Boulet : Je comprends. J'ai bien entendu et bien compris, là, les préoccupations aussi exprimées pour les femmes, les étudiants, la façon de comptabiliser ou la façon d'identifier ce qui est considéré comme étant un revenu admissible, puis, vous l'avez bien souligné, Mme Cordeau, les projets pilotes vont nous permettre de s'intéresser à ces situations-là. Parce qu'il ne faut pas que ce soit coulé dans le ciment, il ne faut pas que ce soit trop enraciné, une loi, il faut... Tu sais, souvent, je trouvais que nos lois étaient des mainteneurs de statu quo, alors que là, avec des projets pilotes, on va pouvoir considérer une nouvelle situation sociale découlant de l'évolution humaine puis, éventuellement, faire un projet pilote avec des paramètres précis tenant compte des nouvelles connaissances que nous avons et de les mettre en application. Je le dis particulièrement pour les étudiants, parce qu'ils ont soumis un mémoire. Mais de bien définir, je comprends la volonté puis l'objectif, mais comment ça pourrait s'appliquer, ça reste quand même à déterminer.

Peut-être juste un autre point. Vous mentionnez qu'il faudrait permettre aux mères seules de bénéficier des prestations de paternité, aux personnes qui adoptent seules un enfant de bénéficier des prestations d'adoption réservées à l'autre parent. Comment ça se ferait, le... Est-ce que le transfert que vous proposez sera offert uniquement au parent reconnu comme étant seul en lui accordant les autres prestations de l'autre parent présumé, ou seul sur le certificat de naissance ou sur les documents d'adoption? Comment on l'opérationnaliserait, enfin? C'est ma question.

Mme Cordeau (Louise) : Et c'est une question que j'ai moi-même posée, parce que...

M. Boulet : Donc, on s'entend?

Mme Cordeau (Louise) : Oui, on s'entend, parce que l'intention, c'est de favoriser... de permettre aux enfants qui sont entourés d'un seul parent d'avoir les mêmes privilèges que tous les autres enfants qui ont deux parents par rapport au temps qu'on va consacrer à leur début de vie. Maintenant, quant aux modalités... Parce qu'être mère seule, c'est... est-ce que c'est parce que le père n'a pas été reconnu? Est-ce que c'est parce que le père ne s'occupe pas de l'enfant, a disparu rapidement de la vie de l'enfant? Il y a plusieurs façons, je pense, de le concrétiser.

Mais ce qu'on voulait faire valoir dans le mémoire, c'est de... au moins d'évoquer cette situation quant aux mères seules. Évidemment, les 2 200 dont je parle, qui... pour qui la paternité n'a pas été réclamée, ça semble plus évident, mais il y a aussi des mères seules pour qui la paternité a été réclamée, mais dont le père n'est pas du tout dans la vie de l'enfant.

Donc, il y a... Pour moi, je n'ai pas de solution pratique à vous donner aujourd'hui, mais c'est une réflexion, je pense, importante qu'on doit faire dans la société, justement, par rapport à ce que vous venez d'évoquer, d'une société qui évolue et d'une société qui fait en sorte que, peut-être, la donne change par rapport à ce qu'on connaissait il y a plusieurs années. Mais c'est une réflexion qu'il y a à avoir de façon approfondie, j'en conviens.

M. Boulet : Parce que la façon simple d'opérationnaliser, ce serait d'en faire bénéficier la personne qui apparaît sur le certificat de naissance ou sur les documents d'adoption. C'est...

Mme Cordeau (Louise) : Tout à fait, oui, ça pourrait être une des façons.

M. Boulet : O.K. Ça...

• (10 h 30) •

Mme Julien (Mélanie) : Si vous me permettez, on pourrait peut-être également s'inspirer des modèles scandinaves, parce qu'en Norvège et en Finlande ils le permettent, ça, ils octroient automatiquement le congé, les prestations de paternité à la mère seule, alors on pourrait certainement aller voir de quelle façon ils l'opérationnalisent et s'inspirer pour appliquer quelque chose de semblable au Québec.

M. Boulet : O.K. Puis c'est les mêmes congés et prestations qui auraient normalement été consentis à l'autre parent.

Mme Julien (Mélanie) : ...

M. Boulet : O.K., je comprends. Moi, ça va, Mme la Présidente, ça compléterait mes interventions...

La Présidente (Mme IsaBelle) : C'est bien?

M. Boulet : ...à ce stade-ci. Encore une fois, merci beaucoup. J'apprécie énormément ce que vous dites et la contribution que vous apportez à nos délibérations. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, nous cédons maintenant la parole au porte-parole de l'opposition officielle.

Une voix : ...

La Présidente (Mme IsaBelle) : Ah! est-ce qu'il y avait d'autres personnes dans notre groupe? Pardon, effectivement, je vous ai oublié. Alors, est-ce qu'il y avait des personnes ou des députés dans notre groupe qui avaient des questions? Non, pas d'intervention? Parfait, merci. Alors, nous cédons maintenant la parole au porte-parole de l'opposition officielle, au député de Nelligan. Vous disposez de 10 min 40 s.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. Encore une fois, merci pour votre excellent rapport et des recommandations, je dirais, qui nous... qui m'ont laissé, vraiment, avec de l'appétit à vous rencontrer et à vous poser des questions. Dans la même logique que M. le ministre, vous avez évoqué deux cas, deux exemples, Finlande et Norvège. Moi, la statistique qui m'a le plus interpelé, c'est quand vous avez dit : Le conseil se trouve préoccupé par la situation des monoparentaux. Donc, vous parlez du 2 200 naissances dont le père n'est pas déclaré, 26,5 % des familles monoparentales, 72,5 % des femmes comme chef de famille. Donc, vous avez construit votre argumentaire avec des faits, vous avez démontré que c'est important d'attaquer... ou de trouver des solutions et, au bout de la ligne, vous avez proposé d'instaurer un projet pilote. Donc, nous sommes... Moi, personnellement... Avez-vous vu ou avez-vous une idée de ce projet pilote? Et c'est quoi, l'objectif?

Mme Cordeau (Louise) : Non. Quelles seraient les modalités du projet pilote, évidemment, c'est de considérer l'ensemble des cas de figure, de considérer l'évolution de la société québécoise quant à la monoparentalité, quant aux personnes monoparentales, qui sont plusieurs à faibles revenus, et, quant à la situation des enfants au Québec, qu'ils naissent de familles monoparentales ou de parents adoptants, qu'ils aient les mêmes privilèges quant au temps où leur parent va être avec eux en début de vie. C'est, essentiellement, le grand principe. Comment le projet pilote pourrait être construit, ce serait à voir.

M. Derraji : Vous avez évoqué l'exemple de la Finlande et Norvège par rapport... et vous dites : Les mères seules peuvent utiliser des congés des pères. Donc, selon votre argumentaire, ce que vous voulez, c'est un traitement équitable avec eux.

Mme Cordeau (Louise) : Tout à fait.

M. Derraji : Là, on parle d'un traitement équitable. La Finlande et Norvège, comment ils ont réglé cette situation?

Mme Julien (Mélanie) : Ah! on ne va pas dans le fin détail de la manière dont ils l'opérationnalisent, mais ce que je suis en mesure de vous dire, aujourd'hui, c'est que, par exemple, en Finlande, les mères seules peuvent bénéficier des prestations de paternité lorsque le père n'est pas confirmé et que la mère n'a pas de conjoint pour l'aider, ou encore lorsque la mère adopte seule, alors qu'en Norvège les mères seules éligibles au congé parental bénéficient automatiquement des semaines parentales qui sont réservées au père quand il n'est pas bénéficiaire. Alors, le concret, comment la logistique se fait, là, aujourd'hui, on n'est pas en mesure de vous le dire, mais assurément que ce seraient des modèles intéressants à examiner pour voir dans quelle mesure ils seraient applicables au Québec.

M. Derraji : Est-ce que c'est quelque chose que vous aimeriez avoir dans le projet de loi?

Mme Julien (Mélanie) : Bien, absolument que... C'est une recommandation du conseil, au moins, qu'on puisse l'envisager comme un projet pilote.

M. Derraji : Vous, vous voulez un projet pilote avant de...

Mme Julien (Mélanie) : C'est-à-dire qu'on reconnaît que le...

M. Derraji : Moi, j'essaie de comprendre, parce que l'idée, elle est bonne, et j'essaie, dans un esprit de collaboration avec M. le ministre... Moi, j'essaie de comprendre, avec les 11 minutes que j'ai. O.K., c'est une très bonne idée, c'est des faits, il y a des pays qui l'ont essayé. Comment on peut l'opérationnaliser? Est-ce que c'est l'ajouter dans le projet de loi, dans un article qui touche les monoparentaux, ou... Parce qu'un projet pilote, c'est... et corrigez-moi si je me trompe, M. le ministre, je pense, on peut... si on a un projet pilote, c'est un projet pilote. Si on l'ajoute dans la loi, on l'ajoute dans la loi, dans le projet de loi.

Mme Julien (Mélanie) : Mais je... La proposition du conseil...

La Présidente (Mme IsaBelle) : ...vous acceptez que le ministre réponde à la question du député de Nelligan? Ça prend le consentement, quand même, c'est ça. Est-ce qu'on a le consentement? Parce qu'il demande qu'est-ce que c'est, un projet pilote, alors le ministre... Ah! ce n'est pas ça que vous voulez?

M. Derraji : Non, non, je sais c'est quoi, le projet pilote.

La Présidente (Mme IsaBelle) : O.K., d'accord. Excusez.

M. Derraji : Mais, par contre, par rapport à leur proposition, c'est... du moment que le groupe, il est là.

M. Boulet : ...le soulignait Mme Cordeau, dans le projet de loi, il y a une habilitation réglementaire qui permet de mettre en place des projets pilotes pour répondre à des situations sociales nouvelles ou qu'on n'a pas pu adresser dans le cadre du projet de loi n° 51. Le cas des étudiants est, manifestement, un dossier qui pourrait faire l'objet, dans mon esprit à moi, d'un projet pilote, et c'est essentiellement ce qui était soulevé par le conseil.

La Présidente (Mme IsaBelle) : ...oui?

M. Derraji : Je vais saisir le ballon au bon moment. J'en aurais deux. Alors, dans ce cas, donc, le ministre m'ouvre la porte, donc on va, en temps et lieu, parler avec le ministre par rapport à ça. Mais je trouve l'idée très bonne, et je vais aller faire mes devoirs par rapport... et, si vous avez des documents à nous faire parvenir, ce serait extrêmement important, mais on va faire nos devoirs par rapport aux cas de la Finlande et Norvège, que je trouve très pertinents. Je vais ajouter un autre point, parce que, sur ce point, je pense qu'on s'entend avec vous, je sens qu'il y a une très bonne ouverture de la part du ministre, c'est excellent.

Un autre point, la question de l'admissibilité pour les parents étudiants. Vous ramenez le point des 2 000 $ et vous soulevez la question : Est-ce que la séquence études-travail-famille est fatale? Pourquoi le RQAP ne tient pas compte de la parentalité étudiante, qui se pose, souvent, plus pour la mère, d'ailleurs? Donc, c'est un questionnement que vous soulevez. J'imagine que même le ministre est sensible à cette question.

Mme Cordeau (Louise) : Sans entrer dans tous les détails, il faut faire attention, parce que, ce dont le conseil parle, ce sont les étudiants et les étudiantes, majoritairement des étudiantes, qui ont des bourses d'excellence. On peut avoir des étudiants et des étudiantes qui gagnent... qui ont un salaire, qui travaillent à temps partiel et qui, donc, ont plus de 2 000 $, cotisent au RQAP, mais on parle spécifiquement des étudiants et des étudiantes qui ont des bourses d'excellence, pour qui ce n'est pas considéré comme un revenu et qui, donc, ne cotisent pas et, en contrepartie, n'ont pas d'employeur, entre guillemets, qui cotise non plus. Alors, c'est cette situation-là que l'on vise particulièrement.

M. Derraji : Et votre suggestion par rapport à ça?

Mme Cordeau (Louise) : Notre suggestion, c'est d'élargir les types de revenus admissibles au RQAP, donc, de se poser, justement, ces questions-là, à savoir est-ce qu'il y aurait des modalités qui soient possibles pour que ces étudiants et, particulièrement, ces étudiantes-là soient admissibles pour cotiser au RQAP. Il s'agit de cotisations, là.

M. Derraji : Donc, votre suggestion, c'est que, pour les étudiantes qui bénéficient d'une bourse, et, s'ils veulent... Est-ce que c'est obligatoire ou si c'est à leur propre volonté de cotiser RQAP pour pouvoir utiliser... Est-ce que j'ai bien...

Mme Cordeau (Louise) : Bien, pour le moment, ce n'est pas prévu dans le régime, alors il faudrait faire en sorte qu'il y ait des dispositions qui prévoient ce type d'admissibilité là et qui fassent en sorte que des cotisations s'effectuent selon des modalités à déterminer, là.

M. Derraji : Je n'ai pas de problème. J'ai senti que...

La Présidente (Mme IsaBelle) : Le laisser parler? D'accord. Si on a le consentement, on va laisser la parole au ministre.

M. Derraji : Oui, je n'ai aucun problème.

M. Boulet : En fait, on aura certainement l'opportunité d'en discuter, mais, pour verser des prestations, ça prend des cotisations. Si on s'en va dans le milieu étudiant, qui va cotiser? Est-ce que ce sera tous les étudiants, alors qu'une minorité est parent? Et sur quoi on va cotiser pour assurer quel niveau de prestation? Ça fait que c'est un... je pense que c'est une problématique qui est assez globale, qui mérite une attention particulière, et c'est la raison pour laquelle je réitère que le projet pilote peut être une belle avenue à emprunter, ceci dit, sous réserve des discussions que nous aurons plus tard.

• (10 h 40) •

M. Derraji : Oui. Avec les groupes, oui. Mais...

La Présidente (Mme IsaBelle) : Il vous reste deux minutes.

M. Derraji : Oui. Mais c'est excellent, parce que ça... Si ça peut avancer dans les discussions, je n'ai aucun problème. Vous savez que j'aime beaucoup mon temps, mais on bonifie. Et c'est là, ma question : Avez-vous, au sein du Conseil du statut de la femme, évalué l'impact? Parce que vous ramenez une bonne proposition, mais l'impact... Est-ce que les parties prenantes sont d'accord? Parce que, quand on parle, il faut cotiser pour pouvoir bénéficier, ce serait bien. Si vous n'avez pas de réponse maintenant, ce n'est pas grave, mais nous aimerions vraiment être documentés, moi, personnellement, avant d'aller plus loin dans la réflexion.

Mme Julien (Mélanie) : Il y a plusieurs groupes étudiants qui, dans les dernières années, se sont positionnés favorablement à avoir une possibilité de cotiser au RQAP dans le cadre de leurs études, alors qu'ils sont parents. On parle des bourses d'excellence, hein? Des organismes subventionnaires de la recherche subventionnent les étudiants au cycle supérieur pour leur permettre de cheminer dans leurs études, puis, avec l'allongement, justement, des études, ces étudiants, ces étudiantes-là, qui sont âgés à la fin vingtaine, début trentaine, même, parfois, alors, décident de fonder une famille alors qu'ils sont encore sur les bancs d'école, à l'université. Alors, les groupes étudiants se sont... plusieurs d'entres eux se sont prononcés favorablement à avoir une certaine ouverture pour pouvoir cotiser au RQAP dans le cadre de leur... la réception de bourses d'excellence. Alors, ça mériterait d'être repris, cette avenue-là.

M. Derraji : En termes de nombre, avez-vous une idée sur le nombre de personnes qui seraient probablement intéressées ou affectées par cette mesure?

Mme Julien (Mélanie) : Le Conseil national des cycles supérieurs, qui est affilié avec la FEUQ, évaluait à 1 300 étudiants par an, femmes ou hommes, qui ne pouvaient bénéficier du RQAP, là, en raison de la nature de leurs revenus, là, via les bourses d'excellence ou les revenus obtenus de la part des subventions de recherche de leurs professeurs.

La Présidente (Mme IsaBelle) : 30 secondes.

M. Derraji : ...deux cas de figure. 2 200, c'est dans le cas des situations monoparentales et, l'autre cas, on parle de 1 300 étudiants affectés par les bourses annuelles.

Mme Julien (Mélanie) : Exactement. Ce sont les évaluations dont on dispose.

M. Derraji : Merci. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci au député de Nelligan. Alors, nous y allons maintenant avec le porte-parole du deuxième groupe d'opposition, le député d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente, bienvenue...

La Présidente (Mme IsaBelle) : Vous disposez de 2 min 40 s.

M. Leduc : Bienvenue. Merci de vos présentations. J'ai beaucoup aimé votre mémoire. J'étais content de votre recommandation, là, qui allait un peu dans le sens qu'on avait soulevé, là, la 9, si je me ne trompe pas, d'augmenter les semaines de paternité, plutôt que le partage forcé. Donc, je suis content de savoir que cette idée-là prend aussi de l'ampleur. J'espère qu'on aura l'occasion d'en rediscuter avec d'autres présentations et que ça mènera à des modifications lors de l'étude détaillée.

Mais une de mes interrogations, puis je ne me rappelle pas si vous l'abordez directement dans le texte de votre mémoire, c'est que, si le ministre garde son modèle et qu'il force le partage des 10 semaines, avec un bonus de quatre, il me semble qu'avec un petit calcul assez, assez simple, globalement, ça va faire en sorte qu'il y aura moins de semaines utilisées par les femmes. Je veux dire, ça va d'une simple logique. Si, d'habitude, les femmes prennent beaucoup le congé parental, souvent, au complet, pour toutes sortes de raisons, bien, si on force le partage, du moins, si l'intention est de forcer le partage de 10, même si on en rajoute quatre puis qu'on les donne toutes à la femme, ça fait quand même qu'elle en a perdu six. Est-ce qu'il n'y a pas une crainte, au final, après quelques années, si cette mesure-là est utilisée beaucoup, de voir une diminution du nombre de semaines utilisées par les femmes, et donc un certain recul pour les femmes?

Mme Cordeau (Louise) : De notre point de vue, ce que l'on vise essentiellement, c'est l'implication des pères. Donc, s'il n'y a pas de partage de congé parental, il n'y aura pas les quatre semaines de bonification. Donc, il n'y a pas de perte, là, actuellement, parce qu'elles n'existent pas, ces semaines-là, et, s'il n'y a pas de partage de congé parental, elles n'existeront pas plus, là. Alors, lorsque vous parlez de pertes pour les femmes, si le père prend davantage de congés, est-ce qu'on doit le voir comme des pertes pour les femmes ou une contribution, une implication plus grande du père?

M. Leduc : C'est une bonne question, je ne saurais la trancher. Je sais juste qu'au final ce n'est pas un hasard s'il y a beaucoup, beaucoup de femmes qui utilisent ces congés-là. On peut faire toutes sortes d'analyses. Est-ce que c'est un problème de salaire, en général, dans la vie? Est-ce que c'est un problème de culture, de masculinité, où les hommes ont moins la possibilité ou moins le... peut-être, même, le courage de demander des congés des patrons, qui sont moins à l'aise de les donner quand c'est des hommes aussi? Il y a beaucoup de réponses culturelles, je pense, à ce phénomène-là. Reste que, au final, moi, c'est des inquiétudes qui m'animent.

J'aimerais juste...

La Présidente (Mme IsaBelle) : En conclusion.

M. Leduc : ...oui, vous poser une question : Advenant que c'était Noël et que vous pouviez obtenir à peu près tout ce que vous vouliez dans vos recommandations, mais qu'il fallait y aller par priorités, on commence par quoi?

Mme Cordeau (Louise) : Je pense que c'est tout ce qui concerne l'implication des pères, qui fait en sorte que la conciliation travail-famille, à long terme, devient sur de très, très bonnes assises, sur de grandes assises. Et moi, je me souviens, j'étais... je dirigeais des entreprises lorsque le congé parental est arrivé et lorsque le congé des pères est arrivé, et, comme employeur, lorsqu'un homme nous demandait de prendre son congé, on était parfois un peu surpris puis on posait des questions, même si on était de bonne foi.

La société québécoise a tellement évolué. Aujourd'hui, les pères qui disent : Je prends mon congé, on considère que c'est normal, on considère que c'est une responsabilité qui leur est dévolue puis qu'ils sont... c'est tout à fait légitime.

Alors, si on prolongeait la durée de ce congé-là, bien, je pense qu'au niveau de l'implication des pères, au niveau de la façon dont dès la naissance de l'enfant, on crée des liens d'attachement puis on réalise c'est quoi, les tâches domestiques aussi, peut-être que la conciliation famille-travail, qui est encore loin, très loin d'être acquise au Québec... je pense qu'on pourrait encore faire un pas de plus pour favoriser une plus grande conciliation famille-travail.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Merci au député d'Hochelaga-Maisonneuve. Nous y allons maintenant avec la porte-parole du troisième groupe d'opposition, la députée de Joliette. Vous disposez de 2 min 40 s.

Mme Hivon : Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Donc, merci, excellent mémoire. Je ne me répéterai pas... je ne répéterai pas ce que les autres ont dit. Je pense qu'on a tous le même objectif, on veut favoriser, encourager, augmenter l'implication des pères, donc il faut trouver le meilleur moyen. On pense aussi — c'est ce qu'on avait dit en campagne électorale — qu'il faudrait augmenter le temps dédié au père, mais on est à la recherche, aussi, de voir comment on peut, de manière globale, y arriver. Donc, vos études sont percutantes, puis on va chercher toutes les bases de données, toutes les informations qu'on peut avoir dans le courant de ces travaux-ci.

Moi, je veux vous amener sur la question de la flexibilité du régime, un enjeu que vous n'avez pas eu le temps de beaucoup aborder. À la page 12 de votre mémoire, vous rappelez qu'au fil du temps vous avez fait... le conseil, vous avez été très actifs sur l'enjeu de la conciliation. Vous avez recommandé qu'on puisse parler en termes de jours, et non uniquement de semaines, et je voulais savoir si, dans cette nouvelle flexibilité que le ministre veut amener, vous trouvez que l'idée de pouvoir utiliser une partie des semaines en jours, et pour les premières années de vie des enfants, quand, souvent, on est étouffés dans la conciliation et que c'est difficile... est-ce que c'est une avenue qu'on devrait analyser et inclure?

Mme Cordeau (Louise) : Tout à fait. D'ailleurs, depuis 2015, le conseil aborde cette avenue-là. Évidemment, on est conscients aussi des contraintes que ça peut vouloir... que ça peut représenter pour les employeurs. Aussi, la façon de concrétiser ces calculs-là, là, ce n'est pas simple. Mais tout ce qui va favoriser la conciliation travail-famille, je pense qu'on doit être ouverts à évaluer les dispositions qui seraient de cette nature-là.

Mme Hivon : Comme par exemple, on pourrait penser à un plafond d'un nombre de jours, exemple, l'équivalent de quatre semaines ou 20 jours, mais divisible en jours. Pas de dire qu'on peut reporter six mois en jours, là, on se comprend que, pour les employeurs, ça peut être costaud, mais d'un certain nombre de jours, un plafond dédié qui pourrait être reporté sur une certaine période pour favoriser ça. Nous, c'est ce qu'on a en tête. Est-ce que c'est des avenues que vous avez regardées, ou qui existent, ou...

Mme Cordeau (Louise) : Le conseil ne s'est pas spécifiquement penché sur une modalité, là, de partage en jours plutôt qu'en semaines, sauf qu'on convient que tout ce qui pourrait être acceptable, tout ce qui pourrait bénéficier à la fois au père, à la fois à la mère, favoriser la conciliation famille-travail, le conseil serait ouvert à évaluer les différentes possibilités.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Il vous reste une seconde.

Mme Hivon : Bien, je vais vous dire merci. J'avais une question sur les revenus des mères, mais on va y revenir en échange.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Ça va? Alors, je vous remercie. Merci, Mme Cordeau et Mme Julien, pour votre contribution aux travaux de la commission.

Nous suspendons les travaux quelques instants afin de permettre au prochain groupe de s'installer. Alors, merci beaucoup pour l'échange.

(Suspension de la séance à 10 h 49)

(Reprise à 11 h 10)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, je souhaite la bienvenue au Conseil du patronat du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Avant de commencer, je vous inviterais également à vous présenter, Mme Kozhaya et M. Blackburn.

Conseil du patronat du Québec (CPQ)

M. Blackburn (Karl) : Karl Blackburn, président et chef de la direction du Conseil du patronat du Québec.

Mme Kozhaya (Norma) : Bonjour, Norma Kozhaya, vice-présidente à la recherche et économiste en chef au Conseil du patronat du Québec.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, vous pouvez commencer votre exposé.

M. Blackburn (Karl) : Merci beaucoup. M. le ministre, Mmes, MM. les députés, le Conseil du patronat du Québec souhaite rappeler, pour commencer, que nous vivons aujourd'hui dans un monde complètement différent de celui que l'on connaissait au moment du dépôt du projet de loi. Nul besoin de mentionner que les employeurs et les travailleurs font face à des défis sans précédent. D'ailleurs, en avril dernier, dans sa feuille de route pour une relance économique sécuritaire et durable, le CPQ recommandait, dans ces défis, que «les gouvernements devraient suspendre toute démarche réglementaire ou toute réglementation qui devait entrer en vigueur au cours des prochains mois à moins qu'elle ne soit considérée comme essentielle ou que le but soit d'alléger le fardeau des entreprises». Nous présentons cependant, ci-dessous, nos commentaires sur le p.l. n° 51 qui est à l'étude.

Le CPQ appuie les objectifs et mesures de conciliation travail et famille, d'amélioration de la qualité de vie des familles et d'épanouissement des jeunes à tous les niveaux. En ce sens, il accueille favorablement des aspects du p.l. n° 51 qui améliorent la flexibilité à l'intérieur du régime. Ces dispositions, par le fait même, pourront, dans certaines circonstances, répondre aux besoins des employeurs en termes d'organisation du travail tout en répondant aux aspirations des parents. Par ailleurs, plusieurs mesures prévenues... prévues par le p.l. n° 51, dont les semaines additionnelles de congé, ne contribuent sûrement pas à répondre aux besoins en main-d'oeuvre, impliquant... impliquent une gestion, pardon, plus complexe des absences pour plusieurs employeurs et augmentent le coût du régime.

Le CPQ rappelle aussi que les dernières modifications apportées à la Loi sur les normes du travail, en 2018, ont aussi notamment bonifié les congés personnels et familiaux ainsi que les modalités des droits de refus de travailler, alors que plusieurs entreprises prévoient déjà un bon nombre de congés personnels payés.

Le CPQ rappelle, par ailleurs, que le Québec s'est doté de programmes sociaux en général, et de programmes et de politiques familiales en particulier, parmi les plus généreux au monde et sûrement les plus généreux au Canada et en Amérique du Nord. On n'a qu'à penser aux congés prévus par le régime d'assurance parentale, dont il est question dans ce projet de loi, beaucoup plus étendus et généreux que le reste du Canada ou aux services de garde à tarifs réduits. Ce n'est pas pour rien que le Québec est qualifié de paradis des familles, et c'est tant mieux. Évidemment, les services publics étendus impliquent des coûts. Le CPQ rappelle aussi... ainsi que les coûts des entreprises en charge sur la masse salariale sont les plus élevés au Canada. En ce sens, il faudrait faire attention à ce que le taux de cotisation à l'assurance parentale n'augmente pas et qu'il diminue idéalement.

Nous présentons ci-dessous des commentaires plus spécifiques sur les différentes mesures prévues par le projet de loi.

Le Conseil du patronat du Québec voit d'un bon oeil l'augmentation de l'exemption qui permet de gagner un revenu pendant que les prestations sont payées. Un parent ne pouvant pas gagner en revenu de travail plus de 25 % de sa prestation d'assurance parentale s'il ne voulait pas voir cette prestation diminuer, le p.l. n° 51 lui permettrait de gagner jusqu'à l'équivalent de la différence entre son revenu et sa prestation, lui donnant donc la possibilité de recevoir la totalité de son revenu hebdomadaire habituel. Cette mesure peut impliquer certains coûts au régime et semble aller à l'encontre de l'objectif qui est d'indemniser un parent pour être près de son enfant. Elle peut toutefois inciter les parents à travailler davantage et de maintenir leur lien d'emploi et leur contribution à l'activité économique. En ce sens, elle est bienvenue et répond, entre autres, à des besoins de main-d'oeuvre.

Malgré un taux de chômage qui a augmenté à cause de la pandémie, des besoins de main-d'oeuvre sont toujours présents dans plusieurs secteurs économiques. De plus, dans une perspective de plus long terme, avec le vieillissement de la population, ces besoins sont appelés à persister. On se rappelle, d'ailleurs, qu'avant la pandémie la rareté de la main-d'oeuvre représentait l'enjeu numéro un des employeurs.

L'augmentation de la période à l'intérieur de laquelle les prestations peuvent être prises introduit également de la flexibilité au régime. La période à l'intérieur de laquelle les prestations parentales, de paternité et d'adoption peuvent être prises passerait de 52 à 78 semaines. Cette flexibilité peut être appréciée par plusieurs employeurs, entrepreneurs, employés salariés et travailleurs autonomes. Il est important de noter que le prolongement de la période doit se faire avec le consentement de l'employeur. Cette latitude pourrait, dans certains cas, permettre à un employé d'interrompre son congé parental pour répondre à un besoin ou saisir une opportunité professionnelle sans perdre des semaines de congé. Elle peut aussi être particulièrement appréciée dans des entreprises de nature plus saisonnière.

En résumé, les visées qui sous-tendent les modifications du régime sont louables, mais les... il importe, pardon, que toute entente qui pourrait être conclue en ce sens par le travailleur et l'employeur puisse prendre d'abord en considération les besoins opérationnels de l'organisation ainsi que les ressources humaines nécessaires pour pallier à ces absences.

Selon un sondage maison auprès des membres du CPQ, mené en 2018, une prolongation de la période à l'intérieur de laquelle les prestations parentales, de paternité ou d'adoption peuvent être utilisées et du congé de maternité aurait un impact significatif pour 63 % des répondants, impact très significatif pour 24 % des répondants, et significatif mais acceptable pour 39 % des répondants. Ce résultat démontre que les employeurs subissent des inconvénients non négligeables lors des modifications du genre. Ils sont toutefois en grande partie prêts à s'accommoder et accommoder les travailleurs-parents.

Tel que discuté plus haut, l'ensemble des mesures proposées par le projet de loi entraîne différentes sortes de coûts pour les employeurs : coûts de remplacement des absences plus importants, coûts additionnels de conformité. Il faut ajouter également un manque à gagner dû à des heures supplémentaires qui pourraient devoir être versées et à une diminution du chiffre d'affaires pour les entreprises qui ne voient... qui ne sont pas en mesure de remplacer leurs employés. Les coûts nets, pour les entreprises, des différentes mesures proposées par le projet de loi n° 51 sont estimés à 37 millions de dollars, ce, avant les amendements proposés le 12 mars devant coûter 4,3 millions de dollars.

Le projet de loi permet, par ailleurs, la mise en oeuvre par le conseil de gestion de projets pilotes afin d'étudier ou d'expérimenter de nouvelles mesures portant sur les conditions d'application du régime et permet que des exceptions au calcul des prestations puissent être prévues par règlement pour l'établissement du régime... du revenu hebdomadaire moyen d'un employé. Si l'idée de projets pilotes peut être intéressante a priori, le CPQ exprime certainement certaines craintes puisque la tentation est toujours grande de proposer... de procéder, pardon, à des bonifications lorsqu'un régime est en bonne santé financière.

Le Québec est sans contredit le paradis des familles, et c'est tant mieux, et la souplesse dans la vie parentale est certes un enjeu important. Les employeurs ont également besoin d'être compétitifs, d'autant plus dans le contexte actuel d'incertitude et de défis que nul n'avait soupçonnés. C'est pourquoi nous souhaitons que le Québec devienne également le paradis des entreprises et des hommes et des femmes qui, chaque jour, se lèvent pour créer plus de richesse pour notre société et ainsi participer à la création de services, notamment pour les familles. Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci, M. Blackburn, pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. M. le ministre, à vous la parole. Vous disposez de 16 minutes.

M. Boulet : Oui, merci, Mme la Présidente. Je veux d'abord saluer la contribution du Conseil du patronat du Québec, qui, encore une fois, a su préparer un mémoire bien équilibré qui tient compte évidemment des intérêts, des préoccupations du monde patronal québécois. Bien sûr, vous avez noté la modification dans les changements, dans l'environnement de travail. Vous avez fait référence à la volonté du CPQ qu'il y ait une relance sécuritaire. Je pense que, oui, on a suspendu des démarches, oui, on est en mode allègement réglementaire, vous l'avez mentionné, sauf pour ce qui est essentiel.

Je pense que ce qui réside dans ce projet de loi là, ce n'est certainement pas notre volonté d'alourdir le fardeau réglementaire des entreprises au Québec. On reconnaît leur souci de compétitivité, de flexibilité, et c'est un régime, il faut le voir, qui donne une flexibilité additionnelle à l'employeur, et je vais y revenir, là. Mais vous dites sauf ce qui est essentiel, et la qualité de vie des familles et des parents, pour nous, ça nous apparaît essentiel.

Je veux aussi vous rappeler qu'il y a eu des baisses du taux de cotisation de 4 % le 1er janvier 2019 et de 6 % le 1er janvier 2020, et qu'il y a... le conseil de gestion a annoncé un maintien du taux de cotisation pour le 1er janvier 2021. Et le 6 % de réduction le 1er janvier 2019, ça représente 141 millions, pour les employeurs, un peu plus que 90 millions, là, dans le retour, donc un retour qui est particulièrement intéressant à cet égard-là.

J'aimerais ça, M. Blackburn, que vous... J'ai senti un peu de chaud et de froid pour les revenus concurrents. L'augmentation de l'exemption qui actuellement est de 25 % du montant de la prestation, alors que maintenant c'est l'écart entre le revenu hebdomadaire et le montant de la prestation, on y voit un bel incitatif à travailler à temps partiel. Moi, souvent, on me donne l'exemple du comptable, pendant la période des impôts, qui peut revenir travailler quelques heures et ne pas être pénalisé quant au montant de la prestation. J'aimerais juste vous réentendre. Est-ce que je comprends que le CPQ est favorable à cette mesure-là?

• (11 h 20) •

M. Blackburn (Karl) : Bien, ce que le projet de loi apporte, c'est davantage cette flexibilité. Mais j'irais par étapes, M. le ministre, si vous me le permettez. Dans un sens, effectivement, les baisses de cotisation qui ont été accordées visent à reconnaître, je dirais, la situation économique dans laquelle on se retrouve actuellement, mais évidemment, aussi, la qualité et, je dirais, la saine santé financière du fonds actuellement.

Dans une mesure où on veut faire des modifications réglementaires, telles que proposées dans le projet de loi n° 51, dans la mesure, oui, ces projets de... ces modifications réglementaires apportent une certaine flexibilité. Mais, en bout de piste, c'est... ce projet de loi a quand même un impact important, un impact important au niveau financier sur les entreprises, mais également sur la gestion, je dirais, des ressources humaines à l'intérieur de son organisation, malgré la flexibilité qu'apporte le projet de loi n° 51.

Alors, il est clair que, dans le contexte actuel, le statu quo ferait en sorte qu'on reconnaîtrait la situation telle qu'elle est, que les efforts qui doivent être mis de la part des gouvernements respectifs soient considérés d'abord et avant tout pour une relance économique forte, sécuritaire et durable, pas en allant contre des avantages ou des services davantage bonifiés pour les familles du Québec. Au contraire, on en veut tous, on en veut plus. Mais, dans un contexte où l'économie est forte et solide, les employeurs du Québec vont contribuer à cette création de richesse collective, qui est extrêmement importante. Et, par la suite, on sera, bien évidemment, en mesure de pouvoir se doter davantage de services pour les familles, de services pour nos aînés et de services pour nos jeunes.

Alors, dans ce sens-là, c'est pour ça qu'on dit un peu le chaud et le froid dans notre présentation, parce que l'objectif du projet de loi est quand même louable. Mais le contexte économique, malheureusement, dans lequel on se retrouve mérite qu'on y accorde une importance toute particulière pour que toutes les décisions gouvernementales, quelles qu'elles soient, soient en fonction de cette relance-là, qu'elle soit le plus fort possible, le plus sécuritaire et le plus durable possible, et ça, au bénéfice des entreprises, des employeurs et des employés.

M. Boulet : Et, vous savez, M. Blackburn, ça me donne l'occasion de redire que, la situation économique prépandémie, à bien des égards, il y a des similarités avec la situation postpandémique. Vous savez qu'il y a de la pénurie de main-d'oeuvre dans plusieurs secteurs, et l'augmentation de la capacité de faire des revenus concurrents, et l'augmentation de la période à partir de laquelle les prestations peuvent être prises, là, de 52 à 78 semaines, on y voit, dans les consultations qu'on a faites auprès des milieux patronaux, un grand avantage pour répondre aux besoins de main-d'oeuvre pendant les... pour les entreprises saisonnières, pour les entreprises qui ont des besoins plus importants à des périodes particulières de l'année. Donc, c'est des mesures qui, nous l'estimons, seront extrêmement bénéfiques pour les entreprises du Québec et, sans négliger le fait — puis là je vous donne mon opinion — d'avoir un régime d'assurance parentale qui a les paramètres que nous connaissons, est aussi un atout pour recruter et retenir les travailleurs, qu'ils ne se sentent pas pénalisés financièrement pendant une période de congé de maternité, paternité, parental, et adoption. Moi, je le vois beaucoup comme ça.

Ceci dit, est-ce que, dans votre mémoire, vous ne référiez pas aussi à la cotisation, au niveau de cotisation? J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Blackburn (Karl) : Pour le niveau de cotisation, ce que je pourrais faire, je pourrais demander à Norma davantage de vous donner les détails, compte tenu de ses compétences, mais Norma va donner davantage d'information sur le taux de cotisation.

Mme Kozhaya (Norma) : Effectivement, depuis le début du régime, nous... pour le CPQ, c'est un régime qui est social et qui a, certes, sa raison d'être et sa valeur ajoutée, mais qu'on voit mal pourquoi les employeurs cotiseraient la majorité, donc comme c'est le cas en ce moment, 60 %, pour rappel, la part des employeurs, versus 40 %, la part des employés. Donc, on pense que ça pourrait être soit un partage équitable 50-50, soit également un partage où le gouvernement pourrait contribuer. C'est aussi une demande qu'on fait au niveau de l'assurance-emploi au fédéral pour le volet qui est davantage de nature sociale et non pas assurantielle. Par exemple, par le passé, vous savez qu'au régime d'assurance-emploi, le gouvernement contribuait 20 %, avec 40 % pour les employeurs, 40 % pour les employés. Donc, on pense que ce genre de partage serait pertinent et approprié également pour le régime d'assurance parentale, qui est... que ce n'est pas vraiment un régime d'assurance dans le sens d'une perte d'emploi, mais un régime... un programme social qui est apprécié et qui est... qui a une grande valeur.

M. Boulet : Merci, Norma. Vous savez que, notre régime d'assurance parentale, il est spécifique au Québec. Ça découle, comme je l'ai dit un peu plus tôt, d'une entente entre Ottawa et Québec, puis on est sortis du régime fédéral d'assurance-emploi. On a créé notre propre régime. Et, quand on réfère à une entente, il y a des clauses, notamment une d'équivalence, qui imposent à Québec de maintenir minimalement les mêmes avantages que le régime qui s'applique dans le reste du Canada.

Actuellement, la cotisation, c'est 7/12 employeur, 5/12 salarié. C'est un fonds où il n'y a pas contribution gouvernementale, mais c'est un fonds qui est autogéré, qui est autonome, qui est géré par le Conseil de gestion de l'assurance parentale. Il y a un conseil d'administration où tous les segments de la société sont bien représentés. Et, à cet égard-là, il faut que je vous mentionne, puis ça fera plaisir à certaines personnes, là, mais un partage à 50-50 à compter de 2021, soit à un taux uniforme de 0,593 %, aurait pour effet de diminuer le taux de cotisation des employeurs de 14 % et d'augmenter celui des travailleurs de 20 %. Donc, on ne peut pas aller dans cette direction-là. Puis je pense que, le partage, sans être égal, il est équitable, il assure aux travailleurs, et ça donne... Quand il y a des baisses du taux de cotisation, évidemment, les employeurs en bénéficient plus. Quand je référais au 6 %, il y a une portion plus importante qui bénéficie aux employeurs. Ça fait que je tenais quand même à faire ce commentaire-là, là, sur le taux de cotisation.

Ceci dit, moi, ça compléterait, Mme la Présidente. Quant au reste, M. Blackburn, Norma, merci énormément de votre présence, de votre contribution, et on vous a bien entendu sur la situation financière. Ce qu'on fait, c'est que le contexte financier du fonds nous permet de le faire. On s'adapte. Il y a eu, évidemment, pendant la période de pandémie, beaucoup de mises à pied qui ont eu des conséquences. On a pris les dispositions pour avoir une marge de crédit pendant la pandémie, puis il y a eu zéro utilisation de cette marge de crédit là. Ça fait qu'il n'y a pas péril en la demeure. Il y avait des provisions pour les aspects financiers qui ont été établies en collaboration avec des actuaires, et donc tout est sous contrôle, puis on va s'assurer que ça le demeure, et pas simplement pour ce projet de loi là, mais pour les années à venir. Voilà, si ça peut vous rassurer. Merci.

• (11 h 30) •

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci pour l'échange. Est-ce qu'il y a d'autres interventions?

Mme Boutin : ...

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, oui, députée de Jean-Talon.

Mme Boutin : Simplement une brève question par rapport... Parce qu'on comprend l'impact sur les coûts potentiels, pour certaines entreprises, dans le cadre d'une pénurie de main-d'oeuvre, on... là, on est en crise, mais la pénurie va revenir. Est-ce que vous avez un portrait global, au niveau du Québec, par rapport à certains secteurs qui seraient plus affectés par ça que d'autres, les TI ou la santé?

M. Blackburn (Karl) : Bien, si je peux me permettre, peut-être un bref commentaire, également, par rapport à la saine santé du fonds. Au lieu de regarder la possibilité de se donner davantage de services, compte tenu de la situation exceptionnelle dans laquelle on se retrouve, pourquoi ne pas profiter d'une réduction encore plus importante, qui profiterait, bien entendu, aux entreprises, mais qui profiterait à 100 % des employés, qui verraient leurs cotisations diminuer, et non seulement les employés qui ont accès à des services? Je pense que ce serait important, peut-être, de l'évaluer également.

Les secteurs, pour revenir à question précise que vous posez, qui sont davantage touchés, je dirais, par la pénurie de main-d'oeuvre, il y a des secteurs reliés au tourisme, il y a des secteurs reliés au commerce de détail, des secteurs reliés à l'agriculture, à l'hôtellerie. On le sait que, dans les dernières semaines, dans les derniers mois, certains de ces secteurs ont eu, je dirais, un vent dans le dos, en fonction de la volonté des Québécois de... davantage d'investir de leur argent au Québec, dans les régions du Québec, et ces secteurs ont été un peu, en quelque sorte, sauvés, si je peux m'exprimer ainsi, par rapport à la réalité mondiale dans laquelle on se retrouve. Mais force est de constater que ces secteurs névralgiques, pour plusieurs régions du Québec, vont vivre des périodes extrêmement difficiles dans les prochains mois et peut-être dans les prochaines années. L'automne va être excessivement difficile pour le secteur touristique, le secteur de l'hôtellerie. L'hiver va être excessivement difficile pour ces gens-là également. Alors, l'économie est en train de se réinventer d'une certaine façon.

Et j'utilisais, dans une discussion récente avec quelqu'un... puis je pense que l'image, elle est bonne, dans le sens... en tout cas, moi je la trouve bonne, rappelez-vous, il y a une vingtaine d'années, en l'an 2000, on pensait que la Terre allait arrêter de tourner. Alors, tout le monde s'attendait à la pire catastrophe, parce que, là, il n'y a plus rien qui allait fonctionner. Surprise, tout a très bien fonctionné. Je pense que notre bogue de l'an 2000, on l'a connu le 13 mars dernier, tous ensemble sur la planète, et là, qu'on le veuille ou non, on est maintenant rendus dans le XXIe siècle. Peut-être que certaines personnes voudraient revenir au 6 mars, mais ce que je dis à ces personnes-là : Le 6 mars, oubliez ça, jamais qu'on ne va revenir en arrière, il faut regarder en avant.

Et les programmes sociaux, les soutiens gouvernementaux doivent nous servir, pas de remparts contre nos adversaires ou nos compétiteurs, mais comme de tremplins pour faire en sorte que le Québec, aujourd'hui, certains secteurs qui vont être plus durement affectés, bien, qu'on apporte du soutien avec ces travailleurs, pour de la formation, de la compétence, qu'on les forme pour être capable de pallier à cette pénurie de main-d'oeuvre dans des secteurs névralgiques de notre positionnement.

Alors, je pense que le gouvernement du Québec, le gouvernement du Canada ont pris des mesures sages et essentielles lors de la pandémie, et, maintenant, on travaille en étroite collaboration à tenter de trouver des pistes d'atterrissage, si je peux le dire de cette façon, pour que l'économie du Québec, de nos entreprises de toutes les régions du Québec soit forte, soit solide et qu'on soit un leader à travers le monde.

Et, hier, je discutais, en terminant, avec...

La Présidente (Mme IsaBelle) : Il vous reste une minute.

M. Blackburn (Karl) : En terminant. Hier, je discutais avec un maire d'une région de l'Abitibi, qui me mentionnait : Karl... il dit : Moi, tout ce que j'ai besoin de la part des gouvernements, c'est d'avoir accès à des services, des infrastructures technologiques de haute technologie pour être capable de faire compétition à Toronto, à Boston, à Shanghai, à Hong Kong, parce que c'est ça, aujourd'hui, la planète. Alors, si on est capable d'avoir des infrastructures de qualité, dignes du XXIe siècle, dans toutes les régions du Québec, je pense que, collectivement, on va s'en sortir plus forts et plus grands qu'avant la pandémie.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Il reste 38 secondes.

M. Boulet : ...j'aimerais faire une intervention. Ceci dit, avec respect, une baisse du taux de cotisation ne nous permettrait pas, hein, comme vous vous en doutez bien, d'améliorer la flexibilité de notre régime et d'améliorer aussi la conciliation travail-famille. Pour les employeurs, la cotisation au RQAP, c'est 0,6 % de la masse salariale, et il y a eu 131 millions qui est retourné dans les poches des employeurs en 2019 et 2020, découlant des baisses du taux de cotisation. Je le répète, l'augmentation des revenus concurrents, la période...

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci, M. le ministre.

M. Boulet : ...c'est des avantages concurrentiels importants.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci, M. le ministre. Nous cédons maintenant la parole au porte-parole du groupe de l'opposition officielle, à la députée de Fabre.

Mme Sauvé : Merci beaucoup, Mme la Présidente. M. Blackburn, Mme Kozhaya, je sais que mon collègue de Nelligan souhaite aussi vous saluer. Donc, merci pour cette présentation. Je vais y aller un peu avec une introduction puis ensuite je m'adresserai... Combien de temps dont je dispose?

La Présidente (Mme IsaBelle) : Vous disposez de 10 minutes... Oui, j'avais enlevé mes lunettes, moi, là, hein? 10 min 40 s.

Mme Sauvé : Parfait, alors je vais essayer quand même de freiner un peu mes élans, parce que j'ai plusieurs questions. Alors donc, je voulais, dans le fond, dans un premier temps... puis on en a parlé, le ministre en a parlé aussi, l'avant-pandémie et la réalité actuelle, on risque d'être dans... on est et on sera dans une réalité de rareté de main-d'oeuvre, pour ne pas dire de pénurie. Mais est-ce que vous croyez... puis je sais, évidemment, vous jouez un rôle aussi à la Commission des partenaires du marché du travail... est-ce que vous croyez qu'on est dans la même réalité de pénurie? Parce que, là, on s'entend que l'emploi se transforme. Il y a, évidemment, l'impact des technologies, il y a le télétravail, alors donc, vous l'avez bien dit, on doit se réinventer, parce que tout change. Est-ce que vous croyez véritablement qu'on est dans la même réalité de pénurie de main-d'oeuvre après pandémie que nous l'étions auparavant?

M. Blackburn (Karl) : Bien modestement, je pense que certains secteurs de pénurie de main-d'oeuvre avant la pandémie vont demeurer les mêmes secteurs après la pandémie. Par contre, des nouveaux secteurs risquent d'apparaître, entre autres, les secteurs au niveau de la technologie. On voit bien, là, à quelque part, que ces secteurs sont en croissance de façon exponentielle, et, malheureusement, il n'y a pas assez de personnes pour être capable d'occuper ces emplois-là. C'est sûr qu'il y a des secteurs comme ceux-là qui vont nécessiter une plus grande attention.

Et j'aimerais juste apporter un élément, aussi, de réflexion pour vous, les parlementaires. Si on prend chacune des mesures individuellement, c'est souvent des petits montants, peut-être, si on compare ça à des milliards de dollars, mais, lorsqu'on additionne chacune de ces mesures, il est clair que ça a des incidences extrêmement importantes pour les entreprises et les employeurs du Québec, alors je pense qu'il faut le mettre dans son ensemble. Et le contexte, encore une fois, économique dans lequel, malheureusement, on se retrouve est extrêmement difficile pour les employeurs au Québec. Et, comme le disait un ancien premier ministre du Canada : Il n'y a rien de plus nerveux qu'un billet de 1 000 $. Alors, dans le contexte actuel, cette incertitude dans laquelle on se retrouve, elle nécessite des mesures extrêmement prudentes.

Mme Sauvé : Mme la Présidente, dans une prochaine question, je voulais revenir sur — puis la collègue en a un peu parlé tantôt, et, dans le mémoire, c'est clairement nommé — l'impact économique. On entend bien votre volonté d'aller vers la conciliation travail-famille et ce que propose le projet de loi, mais, en même temps, vous nommez l'impact au niveau de la gestion des ressources humaines, donc, et vous mettez l'accent sur la réalité des PME. Alors, je veux vous entendre là-dessus, parce que, on le sait, au Québec, il y a beaucoup aussi de PME qui n'ont pas de service de ressources humaines. Alors, je voulais vous entendre sur l'impact spécifique pour les PME versus, par exemple, la moyenne des grandes entreprises, des plus grandes entreprises.

M. Blackburn (Karl) : J'ai eu le privilège, dans mon parcours professionnel, de lancer une PME, alors... dans un certain domaine d'activité au Lac-Saint-Jean, et, pour des petites PME, elles n'ont pas nécessairement des services de ressources humaines très déployés, très organisés dans leurs départements ou dans leurs organisations. Souvent, c'est des commerces qui nécessitent une gestion extrêmement vigoureuse et rigoureuse au quotidien. Et d'avoir, je dirais, la capacité de compter sur des employés avec des horaires stables, déterminés à l'avance, c'est beaucoup plus facile que d'avoir à jongler, par exemple, avec l'ajustement de certains horaires ou même de la pénurie de main-d'oeuvre. Parce que, vous savez, quand, le samedi matin, un employé appelle pour dire qu'il ne peut pas rentrer, pour différentes raisons, bien, souvent, c'est l'employeur de la petite PME qui doit prendre la relève. Alors, au-delà de ces heures normales, c'est souvent des heures extraordinaires qui sont ajoutées à leur travail. C'est normal, c'est leur entreprise, mais, en même temps, ça se fait au profit de tellement d'efforts que, dans ce contexte, un assouplissement ou un allègement au niveau de la gestion des ressources humaines, entre autres, serait certainement quelque chose qui serait salué de la part des employeurs, et c'est ce que prévoit, d'ailleurs, le projet de loi, avec un assouplissement des règles. Mais, ceci dit, encore une fois, comme je l'ai mentionné, l'addition de plusieurs petites mesures vient faire en sorte qu'à la fin ça peut peut-être être des mesures qui sont extrêmement importantes et exigeantes pour les employeurs.

Mme Sauvé : Il me reste un peu de temps?

La Présidente (Mme IsaBelle) : Il vous reste six minutes.

• (11 h 40) •

Mme Sauvé : Ah! excellent. Je sais que, M. Blackburn, vous avez parlé, dans votre présentation et dans le mémoire, surtout, de votre opinion par rapport au projet pilote, donc d'expérimenter, parce que, dans les faits et dans la vertu du principe, vous êtes d'accord, mais vous étiez un peu inquiet parce que, finalement, le fonds... le régime est en bonne santé. Il y a une réalité démographique qui est liée à ça, puis, en même temps, bien... Est-ce qu'à votre avis la notion même des projets pilotes pourrait quand même être une avancée intéressante s'il y a certaines conditions qui sont rencontrées, par exemple, des éléments de prévisibilité, et tout ça? Est-ce qu'il y a des éléments qui feraient en sorte que vous seriez encore plus favorables à l'idée des projets pilotes?

M. Blackburn (Karl) : Si vous me le permettez, je vais demander à Norma de vous donner davantage d'informations là-dessus. C'est le travail d'équipe, qu'on appelle.

Mme Kozhaya (Norma) : Effectivement, le fait... l'idée de projet pilote est intéressante en soi, parce que, même, peut-être qu'il y a des éléments qui sont présentement dans le projet de loi qui auraient pu faire l'objet de certains projets pilotes. Mais c'est, effectivement, l'encadrement aussi, et puis là on dit : Ça vient du Conseil de gestion de l'assurance parentale. Est-ce que... Donc, ça va être soumis, bon, il va y avoir un règlement. C'est quoi, l'encadrement de ces projets pilotes là?

Et on sait, comme on le disait aussi dans le mémoire, que la... il y a toujours de bonnes raisons de bonifier, et puis c'est tant mieux, et c'est pour ça aussi qu'on dit : Bon, si le gouvernement veut bonifier, il peut contribuer et puis bonifier, mais pas que ce soit... se fasse... et donc c'est vraiment l'encadrement de ces projets pilotes là, la prévisibilité, vous avez parlé peut-être aussi, mais, par nature... et l'évaluation, après coup, en, toujours, ayant à l'esprit la saine gestion financière et la vision de long terme. Bien, en ce sens, on apprécie qu'il y a eu des études stochastiques sur le financement à long terme du régime, qui prévoient, d'ailleurs, que le taux actuel... que le taux moyen aurait pu être à 10 % plus bas que le taux actuel, et, en ce sens, ça nous renforce aussi dans notre positionnement, peut-être, pour réduire les taux de cotisation. Donc, ce n'est pas l'idée en soi, mais plus l'encadrement et puis qu'est-ce qui risque de s'en venir après ça.

Mme Sauvé : Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Il reste 3 min 30 s.

Mme Sauvé : Je vais être très brève. Si on avait à mettre l'accent sur une proposition-phare de votre mémoire — vous êtes favorables, mais vous avez des préoccupations — ce serait quoi, l'élément de proposition que vous souhaiteriez que nous retenions aujourd'hui?

M. Blackburn (Karl) : Encore une fois, si je pouvais me permettre, ce serait de ne pas augmenter le fardeau des entreprises, concernant le projet de loi n° 51. Mais pourquoi ne pas profiter de l'occasion pour le réduire et réduire également le fardeau des employés? Parce que la réduction du fardeau viendrait affecter 100 % des employés et non seulement ceux qui auraient accès au régime de congés parentaux.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Trois minutes, 2 min 50 s.

Mme Sauvé : Parfait. J'ai une autre question. Je veux revenir sur votre sondage que vous avez fait. Est-ce que vous avez... parce que je trouve ça bien de pouvoir monitorer aussi l'impact que ça a sur, bien sûr, les entreprises. Est-ce que vous avez prévu, au fil des travaux ou selon l'impact, alors, si le projet de loi est adopté, s'il y a eu des propositions qui ont été faites, la réglementation, est-ce que vous avez l'intention également de refaire l'exercice de sondage pour voir un peu, de façon très ciblée, l'impact des nouvelles...

M. Blackburn (Karl) : Je vous dirais que ça fait partie de l'ADN du Conseil du patronat du Québec, d'abord, de représenter la position des 70 000 employeurs du Québec, quelle que soit la région dans laquelle ils opèrent, quel que soit le secteur dans lequel ils opèrent. Alors, effectivement, en 2018, il y a un son de cloche qui a été fait auprès des employeurs concernant cette réalité-là, et c'est clair qu'on va suivre ça de très près, parce qu'il n'y a pas seulement les modifications du projet de loi n° 51 qui risquent d'affecter le monde des employeurs et des employés, si je peux m'exprimer ainsi, à court ou moyen terme, il y a toute la réforme, aussi, du régime de santé et sécurité.

Comme vous le savez, bien évidemment, la nouvelle réalité concernant le télétravail occupe une place de plus en plus importante, je dirais, auprès des employeurs et des employés. D'ailleurs, le Conseil du patronat, la semaine dernière, a eu l'occasion de lancer un guide pratique sur les bonnes pratiques concernant le télétravail. Alors, il y a un environnement qui change, il y a un environnement qui change, actuellement, de façon très rapide. Il y a quelques mois, personne n'était capable de penser qu'on pouvait être opérationnels en télétravail, alors que, du jour au lendemain, on a démontré, au Québec, qu'on était capable de le faire.

Maintenant, regardons ce que nos compétiteurs font et là surtout où ils sont situés, et, dans ce sens-là, moi, je suis convaincu que, collectivement, on est capable de faire de très bonnes avancées. Le monde des employeurs n'est pas insensible à cette réalité dans laquelle on est. Plus les employés sont dans un environnement sécuritaire, enviable, plus ils vont aimer leur travail et plus ils vont apporter une certaine stabilité. Alors, les employeurs ont tout intérêt à s'assurer que leurs employés profitent des meilleures conditions possible dans le contexte actuel. Mais, en même temps, les employeurs doivent bénéficier d'un environnement économique compétitif pour leur survie, pour leur entreprise et pour leur permettre d'être compétiteurs sur la planète, et non seulement entre régions, si je peux l'exprimer ainsi.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, merci à la députée de Fabre. Nous cédons maintenant la parole au porte-parole du deuxième groupe de l'opposition, au député d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous disposez de 2 min 40 s.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, bonjour et bienvenue. Je vais être honnête avec vous, j'ai été très surpris par le contenu de votre présentation, de votre mémoire, surpris par l'article qu'on a lu ce matin, qui en faisant référence. Tout d'abord, je voudrais évoquer le fait... Vous soulignez que la pandémie a été difficile pour les entreprises. J'en suis certain, mais elle a été difficile pour tout le monde, elle a été difficile pour les salariés, elle a été difficile pour les sans-emploi, elle a été difficile pour les prestataires d'aide sociale, elle a été difficile pour tout le monde. Alors, là-dessus, je pense qu'on est tous au même diapason, ça a été difficile, bon.

Je suis allé vérifier un peu d'autres positions que vous avez prises dans les dernières semaines, soit avant ou pendant la pandémie, par rapport à d'autres programmes sociaux. Quand il a été question de rajouter des congés familiaux aux normes du travail, vous étiez déposés... une position contre : Ah! ça va coûter cher, c'est compliqué. Vous l'évoquez dans votre mémoire. Quand on fait référence à hausser le salaire minimum, c'est toujours trop fort, c'est toujours trop vite. Quand on fait référence à réformer la loi sur santé et sécurité au travail, vous reportez ça dans le futur, ça vient trop vite, alors qu'on la réclame, cette réforme-là, depuis des mois.

Et là, sur le RQAP, ce que je lis : C'est trop généreux, ça va trop vite, ça va être trop compliqué. Il y a toujours un frein au progrès social quand on lit vos mémoires. C'est une position qui vous appartient, mais elle me surprend, surtout sur le RQAP, qui est un des programmes sociaux les plus populaires au Québec. Il est utilisé par presque tous les parents, et ceux qui l'utilisent l'utilisent presque jusqu'à la dernière minute, au complet, tout le temps disponible, on l'utilise. Alors, je suis vraiment surpris, à quelque part, si j'ose dire, d'une certaine déconnexion par rapport aux besoins des familles, par rapport à l'appétit des Québécois pour pouvoir profiter de ce régime-là.

Et ce qui me surprend le plus, pour être bien franc avec vous, c'est votre demande par rapport à la baisse de cotisations. En janvier, là, on vient d'en appliquer une, on vient d'en appliquer une. Ce n'était pas la première, on en a appliqué une autre en 2019. Là, c'était 6 % en janvier; 2019, 4 %; 2016, 2 %. 12 % de baisse de cotisations en quatre ans, et vous venez, aujourd'hui, nous en réclamer une nouvelle. C'est surprenant, alors qu'il y a plein de choses à bonifier dans le régime. Il est loin d'être parfait. Il est très bien, cela dit, mais il est loin d'être parfait, les gens qui vous ont précédés, ils ont fait une liste impressionnante de choses à améliorer. Mais vous venez ici puis vous dites : Surtout, n'améliorez pas le régime et, au contraire, continuez à baisser les cotisations. Moi, je suis surpris de votre demande. Je me demande...

La Présidente (Mme IsaBelle) : En conclusion. Il reste 15 secondes.

M. Leduc : Y a-t-il une fin à cette gloutonnerie? Et je constate, M. le ministre, que la stratégie d'avoir coupé la poire en deux, c'est-à-dire, on va couper un peu les cotisations, bonifier un peu, c'est un échec, parce qu'ils viennent aussi, aujourd'hui, nous dire qu'il faut continuer à couper. Ma question, c'est...

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci.

M. Leduc : Comment on peut s'assurer que vous restez connectés aux besoins des Québécois, M. Blackburn?

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, merci, c'est tout le temps que l'on disposait. Alors, nous cédons... Merci au député d'Hochelaga-Maisonneuve. Nous cédons maintenant la parole au troisième groupe d'opposition, avec la députée de Joliette.

Mme Hivon : Oui. Bonjour, merci beaucoup de votre présentation. Effectivement, je pense que vous savez très bien que vous venez nous présenter votre point de vue, mais qu'il y a des gens, dans d'autres groupes, qui trouvent que ce serait l'occasion d'être beaucoup plus généreux que ce que le ministre propose dans sa réforme. Donc, je pense qu'il y a une volonté de trouver un équilibre et puis je pense qu'on le recherche tous ensemble, mais en préservant un acquis social extraordinaire, qui a fait énormément pour les familles du Québec et pour, je dirais, le bien-être collectif.

Moi, je veux vous entendre sur un point spécifique — vous l'avez abordé rapidement — c'est la question de la flexibilité du régime. Donc, le ministre prévoit maintenant que les prestations peuvent être prises pendant une période qui peut aller jusqu'à 18 mois, et là j'essaie de comprendre où vous vous situez, parce que vous dites, d'une part : Ça peut être positif, parce qu'il peut y avoir des besoins, de l'employé et de l'employeur, d'un retour ponctuel. Par ailleurs, vous dites : Ça peut être un enjeu, un fardeau. Donc, quelle est votre position, puis avez-vous des recommandations spécifiques par rapport à ça?

• (11 h 50) •

M. Blackburn (Karl) : Bien, d'abord, on recherche la position d'équilibre que vous recherchez également. Et je comprends la position des autres groupes qui sont venus présenter leur point de vue. Le Conseil du patronat du Québec n'est pas rétrograde par rapport à ces recommandations, ou à ces discussions, ou ces présentations qu'on fait. Au contraire, on est vraiment au coeur de l'histoire du Québec. Mais je m'adresse à vous, tout à fait, mais je voulais quand même répondre un peu au député d'Hochelaga-Maisonneuve, parce que, malheureusement, je n'ai pas eu l'occasion de répondre à ça.

Mais l'équilibre est au niveau de la flexibilité. Parce qu'à partir du moment où, par exemple, je remets mon chapeau d'un petit employeur qui n'a pas de département de ressources humaines, qui travaille en fonction de certaines périodes hautes ou certaines périodes plus basses dans son secteur d'activité, cette flexibilité-là que permet le projet de loi n° 51 vient, je dirais, complexifier la situation de gestion de l'employeur. Parce qu'imaginez un employé, par exemple, qui déciderait de reporter son congé dans une autre période, qui, pour l'entreprise, est une période peut-être un peu plus achalandée, où il a besoin de son personnel d'expérience. Alors, vous voyez que ce n'est pas toujours aussi simple. Ce n'est pas toujours du 9 à 5, du lundi au vendredi, c'est souvent plusieurs heures variables, c'est plusieurs jours par semaine, variables. Et, dans ce sens-là...

La Présidente (Mme IsaBelle) : En conclusion. Il reste 15 secondes.

M. Blackburn (Karl) : ...le Québec est le paradis des familles, on souhaite que le Québec soit aussi le paradis des entreprises.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, nous... C'est tout le temps que nous disposons. Merci, M. Blackburn, Mme Kozhaya, pour votre contribution aux travaux. Je voudrais juste préciser que la députée Blais, d'Abitibi-Ouest, dispose d'un droit de vote par procuration au nom du député... M. Bélanger, d'Orford.

Alors, écoutez, la commission suspend ses travaux jusqu'à cet après-midi après les affaires courantes. Donc, on se retrouve à 15 h 30. Merci, tout le monde.

(Suspension de la séance à 11 h 52)

(Reprise à 15 h 53)

La Présidente (Mme IsaBelle) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission de l'économie et du travail reprend ses travaux, et je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 51, loi visant principalement à améliorer la flexibilité du régime d'assurance parentale afin de favoriser la conciliation travail-famille.

Cet après-midi, nous allons entendre trois groupes : la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, la Fédération des chambres de commerce du Québec ainsi que les Manufacturiers et exportateurs du Québec.

Alors, nous avons... D'abord, tout de suite, je vais préciser que nous avons coupé dans le temps de parole du ministre lors de l'échange, la période d'échange, pour rattraper le temps que nous avons perdu par rapport aux affaires courantes.

Alors, nous souhaitons immédiatement la bienvenue à M. Vincent, de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour votre exposé et je vous invite à bien vous présenter avant de commencer votre exposé.

Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI)

M. Vincent (François) : Mme la Présidente, M. le ministre du Travail, de l'Emploi et de la Solidarité sociale, Mmes et MM. les députés membres de la commission, je vous salue. Je me nomme François Vincent. J'ai le privilège de représenter les petites et moyennes entreprises québécoises à titre de vice-président de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, la FCEI, qui regroupe 110 000 petites et moyennes entreprises au Canada et 24 000 au Québec.

Je vous remercie beaucoup de nous permettre de commenter le projet de loi n° 51, parce que les membres de la FCEI sont directement interpelés par le Régime québécois d'assurance parentale, le RQAP. Ils le sont d'abord parce qu'ils contribuent majoritairement au programme et parce que leurs employés y ont recours.

Nous espérons que le mémoire que nous avons déposé contribuera positivement à la réflexion, à l'établissement d'un régime plus flexible adapté à la fois pour les familles, mais pour la petite et moyenne entreprise et sans oublier adapté selon nos moyens. Et, pour bien établir les modifications à un régime qui est financé par les cotisations des employeurs en majorité, il faut prendre en considération leur environnement d'affaires, et, actuellement, Mme la Présidente, c'est très dur pour les PME.

Quand on se promène dans la rue, on peut remarquer immédiatement que les entreprises nous accueillent à nouveau. Bon, on peut se dire : Bon, les choses sont revenues à la normale. Eh bien, ce n'est pas le cas. Deux PME sur trois n'ont pas retrouvé leurs revenus normaux, deux sur trois. Elles ne sont que 46 % à avoir retrouvé leur niveau normal de personnel. On n'a même pas atteint la moitié des entreprises. Une PME sur cinq déclare ne pas pouvoir réaliser ses revenus normaux en raison de la difficulté à obtenir la main-d'oeuvre nécessaire. Puis ce n'est pas fini, là, les PME ont cumulé, depuis juin, une dette moyenne de 135 000 $ en raison des impacts de la COVID-19, puis, pour 41 % pour des PME, ça va prendre plus d'un an pour rembourser ces dettes-là.

En fait, la situation est telle qu'on parle, selon nos évaluations, des fermetures possibles de 18 000 PME au Québec. Pour les accompagner, les PME demandent... les demandes des PME sont claires : 85 % mentionnent de garder les taxes et impôts à un niveau acceptable, 75 % souhaitent que le fardeau administratif et réglementaire diminue. Avec la pole position qu'occupe le Québec en matière de taxes sur la masse salariale puis le coût important de la paperasserie, il n'est pas étonnant que ce soient les deux priorités qui sont citées par les PME. Espérons qu'elles n'auront pas de nouvelles contraintes suivant l'adoption du projet de loi n° 51.

Parlons-en, du projet de loi n° 51. D'abord, nous désirons remercier le ministre qui améliore le régime pour ne pas défavoriser le retour au travail lorsqu'une personne reçoit des prestations. Rappelons-nous que la moitié des entreprises au Québec comptent moins de cinq employés. Donc, pour ces dernières, perdre un employé représente au minimum une réduction de 20 % de sa force de production ou de création. Nous croyons donc que l'article 41 est mieux rédigé pour permettre de donner une option au travailleur de recevoir une certaine rémunération pour travail rendu, ce qui répond aux besoins des entreprises et à la réalité particulière des petites entreprises. En ce sens, nous appuyons l'article 41. Nous demandons aux membres de la commission parlementaire de l'adopter.

Maintenant, je désire vous parler de l'allongement du congé, du partage et de l'octroi des semaines supplémentaires. Prises individuellement, ces mesures peuvent paraître intéressantes pour les employés et peut-être inoffensives pour les employeurs, mais c'est lorsqu'on les additionne que l'équation est difficile à appliquer pour les petites entreprises.

En effet, trouver un remplaçant temporaire pour quelques semaines ici et là, c'est un véritable casse-tête pour un dirigeant de petite entreprise qui vont compenser eux-mêmes pour les départs. Il y a même l'analyse d'impact réglementaire du projet de loi qui dit que, pour les entreprises qui connaîtront une diminution de leur chiffre d'affaires en raison du non-remplacement, le coût sera de 5 312 $ par entreprise concernée. Pour l'ensemble des entreprises, on parle d'un coût de 1 500 $, selon l'analyse. Bien, on ajoute aussi que les plus grandes entreprises pourront planifier plus facilement les absences parce qu'elles disposent d'un bassin plus grand pour, justement, partager le travail, ce qui n'est pas le cas des petites entreprises.

D'ailleurs, nous portons à l'attention des parlementaires que le fardeau administratif et réglementaire est inversement proportionnel à la grosseur de l'entreprise. Nous posons donc la question ici : Est-ce le moment de complexifier la vie des propriétaires d'entreprise?

Mme la Présidente, j'aimerais maintenant vous parler de l'augmentation des semaines de prestation de l'article 14.1, de trois semaines supplémentaires si les parents partagent huit semaines sur le régime particulier ou de quatre semaines si les parents se partagent 10 semaines selon le régime de base. Nous constatons déjà qu'il y a un changement d'implication des parents. On voit aussi une participation accrue des pères qui est visible. Avons-nous vraiment besoin de donner des semaines supplémentaires en plus? C'est pourquoi la FCEI demande, justement, aux parlementaires de ne pas procéder à ces modifications. Si le gouvernement veut vraiment, mais vraiment aller de l'avant, bien, on pourrait utiliser le nouveau pouvoir réglementaire qui est offert au conseil de gestion pour faire des projets pilotes, puis pouvoir évaluer plus concrètement l'impact de ces différentes mesures et ainsi les appliquer au moment plus adapté.

• (16 heures) •

Pour ce nouveau pouvoir réglementaire, je précise, bien que, la FCEI, on ne s'y oppose pas. Par contre, on demande que soit ajoutée une disposition afin de garantir que l'impact financier sur les projets pilotes sur les cotisations salariales soit évalué et pris en compte lorsqu'ils vont être lancés et s'ils sont pérennisés. Il faut garder en tête qu'on a un programme des plus généreux au Canada, et que le Québec est le champion canadien des taxes sur la masse salariale.

Le conseil de gestion avait pris une bonne direction avec les baisses de cotisations des dernières années. Il serait triste de revenir aux années de départ là où les cotisations ont connu des hausses successives. N'oublions pas qu'une économie instable peut avoir comme répercussions de diminuer les rendements du fonds et mettre de la pression sur l'augmentation des cotisations. L'amélioration de la générosité du programme en fera tout autant. Rappelons qu'en cas de hausse des contributions les employeurs assumeront davantage.

Avant de conclure, la FCEI demande aux parlementaires d'utiliser le présent projet de loi pour établir un taux de cotisation de 50-50 entre employeurs et employés. La FCEI comprend la volonté gouvernementale de vouloir accompagner le plus possible les familles. La FCEI comprend les travailleurs de vouloir des programmes plus avantageux. La FCEI ne comprend pas pourquoi ces derniers ne contribuent pas à leur juste part au régime. Nous demandons aux députés de saisir avec autant d'ardeur le dossier de partage égal de contribution qu'ils auront pour les autres aspects présentés dans ce projet de loi. Il y a une occasion à saisir ici de donner une plus grande légitimité à la générosité du programme tout en réduisant le poids qui pèse sur les épaules des PME.

En conclusion... en conclusion — c'est que je me suis perdu dans mon... excusez-moi — en conclusion, il est primordial que le gouvernement et les parlementaires prennent en considération la situation particulière de la COVID-19... a sur les PME dans les décisions législatives. La FCEI n'a pas demandé un moratoire réglementaire pour le plaisir de le faire. Les PME sont en train de reprendre leur équilibre, évitons donc de créer un fardeau supplémentaire. Les PME doivent reprendre leur vitesse de croisière. Évitons de les freiner avec une augmentation de leurs cotisations salariales.

Mme la Présidente, quand j'ai appris à mon fils à faire du vélo sans roue d'appoint, je ne l'ai pas envoyé sur une rue avec des dos-d'âne en lui demandant de porter, dans son sac à dos, des poids et haltères de 10 livres. Disons que ça n'aurait pas été prudent et que ça aurait créé des conditions pas propices pour qu'il prenne sa vitesse et trouve son équilibre pour réussir. C'est ce qu'on demande aujourd'hui, d'être prudent et de prendre les bonnes décisions pour créer des conditions propices pour les entreprises qui se trouvent encore au coeur de la tempête. Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci, M. Vincent, pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous, vous avez neuf minutes, hein, je vous rappelle qu'on a coupé le temps. Alors, M. le ministre, vous avez neuf minutes.

M. Boulet : Oui, merci, Mme la Présidente. Dans un premier temps, François, excellente présentation, mémoire bien préparé. Je l'ai dit souvent, j'ai énormément d'estime pour la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Les PME, c'est l'épine dorsale de notre structure industrielle, c'est elle qui crée le plus d'emplois au Québec, qui ont été, bien sûr, affectées par la pandémie, mais qui reprennent assez vigoureusement. Mais je sais que le niveau des opérations n'est pas à sa pleine capacité et le niveau d'emploi n'est pas non plus à sa pleine capacité.

Puis, le fardeau réglementaire, c'est une préoccupation que nous partageons totalement et, juste à titre d'information, on m'informait, d'ailleurs... Tu sais, on se souvient que le régime québécois découle d'une entente Canada-Québec en 2006. On a créé un régime distinct, mais on se sert encore du relevé d'emploi qui doit être produit en vertu de la loi fédérale sur l'assurance-emploi. C'est là qu'on cueille toutes nos informations, et il y a une entente qui permet de divulguer l'information et qui diminue l'impact réglementaire sur, notamment, les PME. On appelle ça une mesure d'allègement des échanges de renseignements. Et on le fait aussi parce que, depuis février 2019, il y a une liste d'employeurs qui exigent de recevoir des demandes d'informations par écrit, qui a été constituée et, depuis juin de cette année-là, dès que tu demandes de produire un relevé d'emploi modifié, tu peux le faire verbalement dans le respect, évidemment, de certaines normes de conformité, mais la déclaration verbale est acceptée et suffisante pour modifier le dossier, et ça, moi, à chaque fois que j'ai des témoignages de PME qui, souvent, n'ont pas de département — tu le dis souvent, François — de ressources humaines, c'est extrêmement apprécié.

Les cotisations, elles ont baissé de 4 %, le 1er janvier 2019, de 6 % le 1er janvier 2020, et ça, c'est un retour dans les poches, si j'ose... si je peux dire, des entreprises au Québec, de 131 millions de dollars. Ça fait que c'est quand même un retour qui est intéressant et, sur la masse salariale d'un employeur, ça représente 0,6 % de sa masse salariale, donc c'est sûr qu'il y a un coût-bénéfice, hein, pour une PME, puis pour les entreprises du Québec. On se donne un régime, oui, qui est intéressant, d'assurance parentale, on le fait pour la qualité de vie des Québécois, des Québécoises pour assurer un soutien financier aux familles et aux parents, c'est éminemment apprécié, et on devait le mettre à jour. Souvent, on me dit : Il fallait le moderniser, mais il fallait le mettre à jour puis tenir compte des nouvelles réalités du marché du travail.

Puis je ne peux pas m'empêcher, François, de dire à quel point l'augmentation de l'exemption pour les revenus concurrents, ça va profiter aux PME parce qu'il y a plein de personnes, en contexte de pénurie de main-d'oeuvre, qui vont retourner travailler à temps partiel sans être pénalisées sur le calcul de leurs prestations. C'est extrêmement avantageux. L'augmentation de la période d'étalement pour le congé parental, d'adoption, de paternité, il faut que ce soit fait avec le consentement de l'employeur et, ça aussi, il y a des avantages pour les PME qui peuvent bénéficier de la présence des personnes.

C'est sûr qu'une personne qui est en congé parental, ça implique parfois du temps supplémentaire, des coûts de remplacement pour les PME, mais il y a un fardeau social que, je pense, collectivement, les entreprises sont prêtes à assumer pour permettre à nos familles et nos parents de bien gérer la naissance d'un enfant.

Puis, François, maintenant, peut-être quelques questions. Dans votre rapport, vous souhaitez qu'on analyse l'impact du régime sur le taux de natalité. C'est quoi, ça, ce questionnement-là?

M. Vincent (François) : On se questionne sur l'impact que le régime a eu sur le taux de natalité, et ce qu'on dit, c'est : On a le régime le plus avantageux, mais ça n'a pas eu un impact d'être la province où le taux de natalité a été plus élevé. Donc, on dit : Est-ce qu'on atteint effectivement un objectif visé, et est-ce que cette générosité-là atteint cet objectif-là?

Donc, on a mis ça en parallèle pour dire que ça ne va pas mieux que dans le reste du Canada à cet égard-là, qui a un régime plus... moins, moins, moins favorable.

M. Boulet : Et ce n'est pas le but de ce que nous faisons. Moi, j'ai toujours cerné les objectifs de ce que nous faisons comme visant à améliorer la flexibilité du régime dans un contexte de conciliation travail-famille. C'est beaucoup dans ce contexte-là qu'on le fait. Ce n'est pas pour avoir un impact sur le taux de natalité. C'est un fonds autonome autogéré, il y a des revenus puis des dépenses, François, puis le taux de natalité, dépendamment de sa variation, ça a un impact, bien sûr, sur la santé financière du régime. Plus le taux de natalité est élevé, plus ça exerce de pression sur le montant des prestations, et aussi, par voie de conséquence, ou corollaire, sur les cotisations, mais ce n'est pas ce que nous avions en tête. Je pense qu'il faut trouver un bon équilibre. Puis vous savez que le taux de cotisation va demeurer le même aussi le 1er janvier 2021.

Est-ce que les projets pilotes... François, autre question : Est-ce qu'il y en a un, ou des, projets pilotes découlant de l'habilitation réglementaire que nous devrons raffiner, là? Parce que je ne veux pas non plus que le pouvoir réglementaire serve à aller au-delà de ce que la loi permet de faire, mais on s'assurera, dans nos discussions et quand on fera l'étude article par article, de s'assurer que ça nous permet de le faire. Mais comme quoi... Est-ce que vous référez à certaines bonifications que nous annonçons qui devraient être transformées en projets pilotes?

• (16 h 10) •

M. Vincent (François) : La question, c'est : Qu'est-ce que vous devriez faire comme projets pilotes? Est-ce que c'est bien ça?

M. Boulet : Oui. Exact.

M. Vincent (François) : Bien, nous, on pense que vous devriez faire, les projets pilotes, des modifications quant aux générosités que vous proposez dans le projet de loi, mais, pour ça, il ne faudrait pas que vous adoptiez ces propositions-là dans le projet de loi. Donc, le 70 semaines, l'augmentation de quatre semaines, le partage pourraient se faire en projets pilotes pour voir réellement l'impact plus concret. Nous, on pense que ce n'est pas le temps de le faire maintenant, puis on a trouvé peut-être une avenue pour être capable de mieux analyser l'impact que ça peut réellement avoir sur les petites entreprises, sur le changement de comportement des parents avec ce nouveau pouvoir là.

Maintenant, on est contents que les cotisations diminuent. On l'a annoncé lorsque vous l'avez annoncé et on l'a réitéré dans le mémoire, mais on est quand même inquiets. Les revenus de placements du conseil de gestion passent de 14 millions à 63 millions en 2023. Mais je n'ai pas fait le calcul, mais c'est quand même une augmentation assez significative, puis on ne sent pas que ça roule extrêmement bien au niveau économique, puis on a peur qu'on revienne comme dans les années 2008, 2009, 2010, 2011, 2012, où on a connu des cotisations... des augmentations de cotisations. Donc, on est inquiets puis on voulait vous le partager aujourd'hui.

M. Boulet : C'est pour ça qu'on fait un suivi qui est extrêmement prudent. Ce que nous faisons est teinté, d'ailleurs, de cette prudence-là. Il y avait une provision pour s'assurer que nous avions une marge au conseil de gestion. Il y avait une marge de crédit qui a été négociée avec Financement-Québec pour la... pendant la pandémie, et elle n'a pas été utilisée du tout.

La Présidente (Mme IsaBelle) : En conclusion, M. le ministre, il reste 10 secondes.

M. Boulet : D'accord. Qu'est-ce que vous dites à un comptable, qui a une période active de travail pour les impôts, qui ne peut pas étaler son congé parental au-delà de 52 semaines, et à ceux qui revendiquent que ce soit 104 semaines?

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Très bonne question, mais vous n'aurez pas le temps d'y répondre. Alors, nous y allons immédiatement avec le porte-parole de l'opposition officielle, avec le député de Nelligan.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. Je trouve la question bonne. Vous pouvez répondre.

M. Vincent (François) : O.K. Qu'est-ce que je dis à un professionnel? Bien, qu'il va pouvoir retourner dans la deuxième partie de son congé sans être défavorisé parce que vous avez mieux rédigé l'article, puis, donc, ça ne sera pas, je crois, de 25 % ou 20 % de 50 %, là. Donc, ce n'était vraiment pas beaucoup. Donc, il va pouvoir aller contribuer à augmenter son revenu pendant la deuxième partie de son 52 semaines. Puis, après 52 semaines, bien, il va pouvoir retourner au travail et contribuer pleinement à l'entreprise.

Qu'est-ce que je dis à ceux qui proposent 108 semaines? Ça pourrait être 252, M. le ministre, ça pourrait être 500. On pourrait offrir 100 % des cotisations pour les parents qui les reçoivent. Nous, on trouve que le régime tel quel, il est bien, il est généreux, puis les cotisations des employeurs sont déjà extrêmement élevées.

Puis je vous invite tous à aller voir à la page... à plusieurs pages de notre mémoire, pas toutes les pages, mais, à la page 7, vous pouvez voir vraiment comment le Québec se distingue au niveau des cotisations salariales qui sont les taxes les plus défavorables pour les entreprises. Puis, si on veut aussi tirer notre épingle du jeu au niveau économique, ça pourrait être bien de pouvoir ne pas être les premiers là-dedans. Puis, oui, tendre vers un régime des plus généreux, mais, oui, tendre vers un allègement fiscal dont les PME ont besoin surtout actuellement. J'espère que je n'ai pas trop tout pris votre temps.

M. Derraji : Mais je ne voulais pas vous arrêter, mais ce n'est pas grave.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Il reste neuf minutes, là.

M. Derraji : Droit au but. Je sens qu'il y a quand même une inquiétude par rapport à la FCEI. Je comprends la problématique, surtout qu'on voit que nous sommes à la porte où nous sommes déjà dans une deuxième vague. Je comprends le rôle de la FCEI, et vous le faites très bien, de défendre les intérêts des PME. Je suis moi-même le premier à se lever en Chambre, à plusieurs reprises, à demander, je dirais, de plus d'aides directes que ce soit au collègue du ministre du Travail, donc le ministre de l'Économie. Là, selon vous, ce n'est pas le bon moment d'aller de l'avant avec ce projet de loi, si j'ai bien compris votre première introduction.

M. Vincent (François) : Bien, c'est certaines dispositions du projet de loi qui vont, quand tu les additionnes ensemble, créer une plus grande problématique. Si on allonge sur 78 semaines, qu'on partage plus le congé, qu'on rajoute des semaines, bien, il va avoir plus de départs pour des petites périodes qui vont être difficiles à compenser pour les PME, puis, à ce moment-là, bien, ils vont avoir de la misère, puis ils vont faire eux-mêmes le travail. Je pense que c'est le deux tiers ou le trois quarts. Là, je pourrais trouver la donnée exacte. On avait fait un sondage sur la pénurie de main-d'oeuvre, qui disait : Qu'est-ce que vous faites quand vous manquez un travailleur? Bien, ils compensent par eux-mêmes, là. Ils sont déjà dans le tourbillon, puis là on va rajouter une plus grande flexibilité et générosité dans un régime, puis nous, on ne pense pas que c'est nécessairement le bon moment actuellement.

M. Derraji : Donc, le contexte économique, pour vous, est défavorable. Si je rajoute la pression sur les augmentations de cotisations au régime, donc c'est un fardeau supplémentaire pour l'ensemble des PME?

M. Vincent (François) : Ça pourrait. Puis, là-dessus, on offre une solution de créer un régime à parts égales de 50-50 entre employeur et employé, puis donc ça pourrait réduire les cotisations des employeurs puis améliorer la générosité du programme. Bon, on a pensé : Pourquoi les employeurs contribuent davantage? Bon, ça vient de l'assurance-emploi. Donc, logiquement, même si la FCEI demande à ce que ça soit des parts égales aussi avec l'assurance-emploi, on peut comprendre qu'il y a des contributions supplémentaires parce que l'employeur a un pouvoir dans la fin d'emploi de l'employé, puis donc il peut compenser avec une contribution supplémentaire. Mais j'ai fait des recherches, mais je ne vois pas en quoi l'employeur a un lien ou une implication à avoir dans la création d'un enfant ou l'adoption d'un enfant dans une famille, ça, c'est la responsabilité des individus, d'où le fait que ça serait un petit peu plus logique d'aller chercher une contribution égale entre employeur et employé.

La Présidente (Mme IsaBelle) : ...le ministre voudrait intervenir. Est-ce que j'ai votre consentement?

M. Derraji : Ah! là, vous abusez de ma gentillesse.

M. Boulet : Non, c'est parce que j'ai fait la précision ce matin, c'est 7/12, cotisation de l'employeur, 5/12, cotisation de l'employé, puis ça, ça a été convenu. Il y a eu une négociation de clause d'équivalence pour que Québec offre un régime minimalement équivalent à ce qui existe dans le reste du Canada. Et on a fait le calcul, si c'était 50-50, il y aurait une augmentation de 20 % de la cotisation des employés, incluant les travailleurs autonomes, et de 14 % pour les employeurs. Ça fait que ça a été calculé en tenant compte de l'équité dans le partage.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci, M. le ministre. N'abusez pas trop.

M. Derraji : ...récupérer son temps. Non, mais... parce que c'est extrêmement important, ce que vous avez mis sur la table. Et, juste pour nous sensibiliser davantage, j'ai lu qu'il y a déjà une dette 135 000 $, 41 % des entreprises, plus qu'un an nécessaire pour rembourser la dette. Donc, je comprends le contexte actuel. Donc, vous, vous êtes venus nous sensibiliser qu'à court terme ce projet de loi risque d'avoir des effets — je ne sais pas quel mot utiliser — néfastes pour les PME.

M. Vincent (François) : Ça peut augmenter la complexité dans la gestion de la main-d'oeuvre. Ça peut augmenter le temps que l'employeur va avoir à faire pour sa productivité sans avoir de travailleur. Ça peut avoir une pression sur l'augmentation des cotisations.

Maintenant, il y a des bonnes mesures aussi, là, sur la flexibilité permettant aux travailleurs d'avoir une meilleure option pour retourner au travail. Bien, ça, ça peut répondre à une réalité particulière de la petite entreprise, ça peut donner un choix à l'employé. Il n'est pas obligé, là. Il n'est pas obligé, mais il ne sera pas défavorisé s'il le fait par rapport à la contribution au régime. C'est ça qui est intéressant, je trouve, dans la formulation de cet article-là.

Donc, oui, tu sais, il y a des articles qui nous créent des problématiques, on les a cités là-dessus, mais on ne veut pas nécessairement que tout le projet de loi aille sur pause, là, que les dispositions qui font l'affaire des entreprises puissent être adoptées.

M. Derraji : J'ai vu aussi une note qui est importante par rapport à la masse... en fait, au nombre de taxes sur la masse salariale. Le Québec, il est toujours... on peut dire qu'il est le champion, c'est 12,98, ce que vous avez mentionné, sur la masse... pour un salaire de 50 000 $. Et, si on se compare par rapport aux autres provinces, bien, il y a la Colombie-Britannique à 10,51, l'Ontario, 10,23.

Donc, pour vous, déjà, au niveau de la compétitivité des entreprises, vous pensez que l'ajout de ces mesures va, encore une fois, augmenter le poids sur la taxe sur la masse salariale?

• (16 h 20) •

M. Vincent (François) : Tout dépendamment de la générosité de l'impact que ça va avoir sur le conseil de gestion, de l'instabilité économique sur le fonds de rendement... Mais disons que ce n'est pas en augmentant la générosité de notre programme qu'on crée des conditions gagnantes à diminuer les cotisations ou de ne pas créer d'augmentation, disons-le comme ça.

Deux éléments, bon, la pression sur les cotisations, puis on trouve que c'était une bonne direction que le conseil de gestion avait prise en diminuant les cotisations, puis il faut continuer dans ce sens-là pour aller chercher une meilleure compétitivité, puis diminuer une taxe qui va vraiment faire une différence pour une entreprise, parce qu'ils fassent de l'argent, qu'ils ne fassent pas d'argent, ils vont payer le même montant basé sur le salaire de l'employé.

Puis l'autre aspect à prendre en considération, c'est le fardeau administratif et réglementaire, c'est le coût de la paperasserie, puis il n'y a pas rien, là. À la page 15 puis à la page... à la page 15 de l'analyse d'impact réglementaire, et, quand même, c'est marqué clairement qu'il va y avoir de la prolongation des prestations parentales... L'adoption pourrait fournir... de fournir des pièces justificatives va créer des formalités administratives. On parle, bon, de 80 $ par employeur, par entreprise visée, mais c'est quand même une somme supplémentaire, puis, à la page 21 aussi, on précise par rapport à ça, donc, les formalités en tant que telles. Maintenant, ça, ces formalités-là, si vous rajoutez le fait que... je vais juste conclure, là... que je suis une... la moitié des entreprises ont moins de cinq employés, que j'en perds un sporadiquement à chaque deux semaines, bien, je ne vais pas aller remplacer quelqu'un pour un mois, là.

M. Derraji : Dernière question, projets pilotes. J'ai entendu votre réponse. Pouvez-vous juste être beaucoup plus clair? Parce que je ne l'ai pas bien compris. Pour vous, la FCEI veut qu'une disposition vienne garantir que l'impact financier des projets pilotes sur les cotisations des employeurs soit pris en compte avant qu'ils soient lancés.

M. Vincent (François) : Oui. On peut...

M. Derraji : Avez-vous quelque chose à nous partager par rapport à ça? C'est quoi, l'impact sur les PME?

M. Vincent (François) : Bien, c'est ça qu'on veut qui soit évalué, parce que ça pourrait créer une possibilité de faire plein de projets pilotes puis de légitimer le fait que, ah! bien oui, c'est apprécié, ça n'a pas trop d'impacts sur les entreprises, alors mettons-le, là, un sur un, sur un, ça va faire en sorte que le régime va prendre de l'ampleur. Donc, par rapport à ça, si on fait une analyse préalable, avant l'établissement d'un projet pilote, de l'impact que ça va avoir sur le fardeau administratif, l'impact sur les futures augmentations de cotisations, bien, ça peut donner une image un petit peu plus claire au régulateur dans l'établissement des projets pilotes puis ne pas devenir un véhicule pour augmenter le fardeau administratif et réglementaire des entreprises.

La Présidente (Mme IsaBelle) : En conclusion. Il reste 30 secondes.

M. Derraji : Oui. Parlons des propriétaires de PME utilisateurs de ce service. Avez-vous des pourcentages à nous partager?

M. Vincent (François) : J'ai vu que, les travailleurs autonomes, c'était très faible. Je pense que c'était en bas de... C'était vraiment faible. Je ne veux pas dire n'importe quel pourcentage, mais sur... Il y a un rapport des utilisateurs du service qui a été fait en 2019 qui est sur le site du conseil de gestion, puis qui donne une tarte de la participation. Mais c'est...

M. Derraji : ...actuel.

M. Vincent (François) : Ce n'est pas les travailleurs autonomes qui bénéficient en majorité du RQAP, non.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Merci pour l'échange. Merci au député de Nelligan. Nous cédons maintenant la parole au porte-parole du deuxième groupe d'opposition, avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous disposez de 2 min 40 s.

M. Leduc : Je vais essayer d'être plus discipliné que ce matin, Mme la Présidente. Bonjour, M. Vincent. Bienvenue à l'Assemblée.

J'avoue que je suis assez subjugué par votre référence au taux de natalité, parce que c'est quand même un vieux débat, d'associer le RQAP à des politiques natalistes. C'est un terme qu'on n'utilise plus ou à peu près plus depuis au moins 20, 25 années dans les politiques publiques. On dit plutôt politiques familiales. Moi, personnellement, je trouve que le RQAP, c'est une politique féministe. Ça vise à donner un bien-être à la femme, à la famille, au père aussi, bien sûr, puis à maintenir un lien d'emploi, parce qu'autrement, dans la culture entrepreneuriale du passé, ça existe encore malheureusement. Combien de femmes ont perdu leur emploi? Ma propre mère a perdu son emploi parce qu'elle est tombée enceinte. Combien de femmes se font demander en entrevue d'embauche : Penses-tu avoir des enfants? Quels sont tes plans d'avenir en termes de famille? C'est cette culture-là qu'on voulait venir changer et qui a commencé à changer, qui a beaucoup changé, mais qui reste encore à changer. Donc, cette référence-là au taux de natalité me surprend beaucoup.

Vous vous positionnez de manière très forte contre l'essentiel du projet de loi. Je vois que votre mémoire a été modifié. C'est une deuxième version. J'imagine que c'est normal avec la pandémie, on a tous un peu retravaillé ça. Est-ce que vous aviez la même position très critique avant la pandémie ou elle est vraiment développée avec la pandémie?

M. Vincent (François) : O.K. La première question, taux de natalité, bien, on faisait pas mal référence à ça dans toutes les lettres qu'on a envoyées dans les 10 dernières années. Puis, si, oui, on veut créer un système plus avantageux pour les familles, bien, au bout de la ligne, est-ce que ça va aider ou stimuler les personnes à avoir des enfants parce qu'ils vont être en mesure de le faire, parce qu'on a un programme plus généreux? Alors, je ne pense pas que c'est une nouvelle pensée, je pense que c'est : juste, si on crée un régime plus généreux pour les familles, nécessairement, on peut s'attendre à ce qu'il y ait plus de gens qui veulent fonder une famille.

Maintenant, sur la deuxième version, c'est parce que j'avais enlevé, par inadvertance, la barre des Prairies dans le taux de natalité, qui est vraiment au-dessus des autres provinces, puis je voulais m'assurer que ce soit là, parce qu'ils sont quand même assez... il y a plus de naissances là-bas, puis ils n'ont pas un régime plus généreux que le nôtre ici. Je ne sais pas s'il y avait une autre question que j'ai oublié de répondre.

M. Leduc : Écoutez, donc, ce que je comprends, c'est que vous étiez très critique du projet de loi avant le projet de loi.

M. Vincent (François) : Ah oui, oui! Si on était critiques avant? Oui, on a toujours été très critiques par rapport...

M. Leduc : Là, vous l'êtes encore aujourd'hui, mais, quand vous faites référence que ce n'est pas le temps avec la pandémie, qu'est-ce que... Vous étiez déjà contre avant, dans le fond.

M. Vincent (François) : C'est pire. On est en train... on peut remplir le Centre Bell de possibilités d'entreprises qui vont tomber à cause de la COVID-19. Ça fait que, si on rajoute, là, d'ici l'hiver, plein de règlements...

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci.

M. Vincent (François) : ...bien, ça ne va pas juste être la neige qu'on va voir tomber, ça va être de nombreuses...

M. Leduc : Ce n'est jamais le bon moment.

M. Vincent (François) : ...projets d'entreprise aussi.

M. Leduc : Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci, merci pour le bel échange. Alors, nous cédons la parole maintenant au porte-parole du troisième groupe d'opposition avec la députée de Joliette.

Mme Hivon : Oui, bonjour. Bienvenue parmi nous. J'irais exactement dans le même sens, c'était une question que j'avais dans le sens où je pense que vous aviez sensiblement la même position avant la pandémie, et là vous dites : Dans le contexte actuel, ce serait vraiment épouvantable d'aller de l'avant avec cette réforme-là. Mais est-ce que vous ne pensez pas qu'on peut dire : Oui, les PME ont besoin d'aide, mais on va les aider d'une autre manière complètement reliée à la réalité des PME pendant la pandémie? Mais, par ailleurs, les familles du Québec ont besoin de plus de souplesse, plus de flexibilité et de soutien en matière de conciliation famille-travail, donc trouvons les bonnes mesures pour aider les PME de la meilleure manière possible, mais il n'y a pas là-dedans de nouvelle taxe, il n'y a pas là-dedans de nouveau fardeau énorme. Vous avez eu des baisses, le ministre y a fait référence, depuis deux ans, importantes, qu'il y a beaucoup de gens, vous le savez, qui auraient voulu qu'on réinvestisse complètement plutôt que de donner des baisses de cotisation.

Donc, est-ce que vous ne pensez pas qu'on peut, justement, trouver un équilibre en disant : On va trouver des manières d'appuyer les PME, mais on va continuer à aller de l'avant avec la réforme du RQAP?

La Présidente (Mme IsaBelle) : En 1 min 30 s.

M. Vincent (François) : Pour les aider, on écoute ce qu'elles nous disent par sondage, puis elles nous demandent moins de taxes, moins de réglementation, à 85 % puis à 75 %.

Ensuite de ça, il n'y a pas tant de choses, il y a quand même un mois supplémentaire qui est donné s'il y a un partage de plus entre familles. Donc, un partage, ça veut dire qu'il va y avoir plus de possibilités qu'il ne soit pas dans deux entreprises en même temps.

Puis, ensuite de ça, est-ce qu'on peut... qu'est-ce... Tu sais, je veux dire, j'ai acheté une minifourgonnette parce qu'on a trois enfants maintenant. On ne s'est pas acheté une limousine, on a acheté une minifourgonnette. Donc, je pense qu'il faut penser quel véhicule on a vraiment de besoin au Québec puis qu'est-ce qu'on est capable de mettre en place sans mettre de pression supplémentaire aux entreprises, qui vont contribuer au dynamisme économique. Puis nous, on pense qu'actuellement ce n'est vraiment pas le bon moment de rajouter plus de pression à des entrepreneurs qui sont déjà à bout de souffle.

Mme Hivon : Mais vous ne trouviez pas non plus, avant la pandémie, que c'était le bon moment.

M. Vincent (François) : Puis pourquoi je changerais de... Pourquoi les PME changeraient de perspective si elles sont en train de fermer, si elles ont des dettes moyennes de 135 000 $, si elles sont deux tiers à ne pas avoir leurs revenus normaux? Je ne vois pas pourquoi ces entreprises-là viendraient dire : «Let's go», État, fais plus de règlements, fais plus... complexifie ma vie. Je pense que c'est... leurs demandes sont encore plus importantes, puis leur situation est encore plus critique, puis c'est important d'en prendre en considération ici, puis d'agir avec prudence, puis je vous implore de faire ça, s'il vous plaît.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Merci, M. Vincent, pour votre contribution aux travaux de la commission.

Alors, nous suspendons les travaux quelques instants pour permettre au prochain groupe de s'installer. Alors, merci beaucoup.

( Suspension de la séance à 16 h 30)

(Reprise à 16 h 34)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Nous débutons et nous souhaitons la bienvenue à la Fédération des chambres de commerce du Québec. Nous avons M. Milliard et M. Gagnon. Je vous invite, avant de commencer votre exposé de 10 minutes, à bien vous présenter.

Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ)

M. Milliard (Charles) : Excellent. Alors, bonjour, tout le monde. Merci de votre accueil. Donc, je me présente : Charles Milliard, P.D.G. de la Fédération des chambres de commerce du Québec. Je suis accompagné de M. Alexandre Gagnon, directeur main-d'oeuvre, santé et sécurité au travail.

Alors, je remercie la commission de nous permettre de comparaître devant vous aujourd'hui pour parler du projet de loi n° 51 visant principalement à améliorer la flexibilité, un terme clé, je pense, du présent projet de loi, donc du régime d'assurance parentale afin de favoriser la conciliation famille-travail, et j'en profite aussi pour vous souhaiter une bonne rentrée parlementaire à tous.

Alors, brève présentation de la fédération, qui, grâce à son réseau de 130 chambres de commerce et 1 100 entreprises établies au Québec, représente plus de 50 000 entreprises qui exercent leurs activités dans tous les secteurs de l'économie et dans toutes les régions du Québec. La FCCQ participe activement aux instances de gouvernance, de consultation de plusieurs organisations publiques en lien avec le monde du travail, notamment, donc, la CPMT, la Commission des partenaires du marché du travail, la CNESST et le Comité consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. Nous siégeons aussi au Conseil de gestion de l'assurance parentale.

D'entrée de jeu, et peut-être à l'écoute des précédents gens qui sont passés en comparution, je tiens à préciser que nous sommes en faveur du projet de loi dans sa nature même. C'est un régime qui est très important pour le tissu social québécois. Alors, on est plus avec vous aujourd'hui en mode bonification qu'en mode contestation.

Le dépôt du projet de loi au mois de novembre dernier est devenu... est survenu dans un contexte où le régime était en excellente santé financière et où le gouvernement avait octroyé, on se rappellera, deux baisses de cotisation consécutives. Depuis, il y a eu évidemment, vous le savez, une hécatombe sanitaire, sociale et économique en raison de la pandémie de la COVID-19. Ce projet de loi se manifeste également suite à une bonification du régime d'assurance-emploi administré par le gouvernement fédéral visant à rapprocher les avantages octroyés par celui-ci à notre régime québécois. Pour autant, notons que le régime québécois se maintient en tête des régimes équivalents en Amérique du Nord quant à la générosité des prestations et des balises, et ce, même avant le dépôt du présent projet de loi. Par voie de conséquence, le régime québécois est également celui qui nécessite évidemment les cotisations les plus élevées spécifiquement pour les travailleurs, qui paient 40 % de plus que les travailleurs.

Selon nous, le contexte économique et démographique du Québec appelle à une certaine prudence dans la bonification des régimes sociaux. Les crises économiques consécutives, nombreuses, récentes et même actuelles causées par le blocus ferroviaire, on se rappellera, le conflit de travail au port de Montréal et évidemment la COVID-19 et sa deuxième vague qui commence à nous frapper laissent entrevoir des résultats économiques plus pessimistes que prévu l'an dernier. L'heure est donc loin d'être à la réjouissance pour de nombreux employeurs au Québec, et l'ajout de régions jaunes dans le système d'alerte, donc, du gouvernement actuel n'arrange rien au niveau de la confiance et de la prévisibilité pour les entreprises québécoises. La démographie spécifique au Québec, notamment quant au vieillissement de la population et une diminution marquée des seuils d'immigration, amène aussi une inquiétante pénurie de main-d'oeuvre pour les prochaines décennies. Cette démographie aura un poids important sur les dépenses publiques qui pèse et pèsera lourdement, évidemment, sur nos régimes publics.

Chacune des mesures prévues au projet de loi, regardées individuellement, nous semble positive et nous semble aller de soi. Cependant, prises globalement, il faut reconnaître qu'elles amènent un poids supplémentaire considérable sur le coût de la main-d'oeuvre québécoise, un obstacle important à l'augmentation de la capacité des employeurs à offrir une meilleure rémunération globale et ainsi à l'objectif annoncé du gouvernement d'augmenter substantiellement le salaire moyen québécois et de rattraper notre fameux retard de productivité avec l'Ontario. On peut difficilement tout faire en même temps, bien malheureusement. Nous en avons fait la démonstration dans notre mémoire, du moins je le crois, le coût hors rémunération d'embaucher la main-d'oeuvre québécoise est en constante croissance depuis les dernières années. Prenons ici le temps de reconnaître que nous avons successivement connu une bonification importante du RRQ, un plan de hausses historiques du salaire minimum, une mise à jour de la Loi sur l'équité salariale et une révision de la Loi sur les normes du travail, sans compter, si j'ai bien compris dans l'actualité, une réforme prochaine, évidemment, de la Loi sur la santé et sécurité du travail. Nous avons salué et reconnu l'importance sociale de ces divers changements, comprenez-moi bien, mais leur accumulation a quand même un coût économique important, et toute nouvelle législation du travail devrait prendre ceci en considération.

C'est pourquoi notre première recommandation du mémoire consiste à prévoir législativement dans le présent projet de loi que les prochains surplus du fonds... on souhaite qu'il y en ait... donc, les prochains surplus du fonds servent prioritairement à ajuster les taux de cotisation au fonds dans une répartition équitable de 50 %-50 % entre les employeurs et les travailleurs. Cela permettrait, donc, de ne pas imposer une hausse des cotisations des travailleurs tout en annonçant une baisse éventuelle et surtout prévisible pour les employeurs. Alors, on vise, par cette idée, un juste retour vers l'équilibre sans nuire à la cotisation... au fardeau, je vous dirais, des travailleurs. Soyons clairs, la formule de répartition des cotisations au fonds qui découle du modèle de l'assurance-emploi fédérale n'a pas sa raison d'être ici, selon nous.

Nous saluons les principales mesures du projet de loi visant à permettre et encourager le maintien d'une prestation de travail afin de répondre à la fois aux impératifs financiers des jeunes familles, mais aussi aux besoins opérationnels des employeurs, particulièrement en cette période de rareté de main-d'oeuvre, période de rareté qui devrait se prolonger malgré la COVID.

Nous supportons donc l'augmentation de la période à l'intérieur de laquelle les prestations peuvent être prises prévue, donc, aux articles 16 et 22 du projet de loi. Allonger de 12 à 18 mois la période de prise de congé parental avec l'accord de l'employeur permettra une plus grande flexibilité afin d'aider le régime... afin d'adapter le régime, pardon, aux besoins divers des nouveaux parents et aux besoins des employeurs.

Nous tenons aussi particulièrement à souligner l'article 31, qui vise à augmenter les exemptions relatives aux revenus gagnés en cours de prestations. Grâce à ce nouvel article, un parent pourra obtenir des gains de travail permettant de combler l'écart entre la prestation du régime et son salaire habituel. Cet article, selon nous, est un ajout important et incontournable au RQAP. La perte de revenus engendrée par le taux de remplacement est probablement, fort probablement l'argument principal qui explique que certains parents n'utilisent pas l'ensemble des semaines de prestations auxquelles ils ont droit. Nous croyons que la possibilité d'obtenir davantage de gains avant que ça impacte les prestations sera, d'ailleurs, un puissant incitatif à une meilleure répartition des prestations des semaines de congé parental. De plus, cela permettra à davantage d'employeurs d'offrir des retours progressifs, en collaboration avec les travailleurs, en collaboration, et profiter d'une certaine prestation de travail cruciale, alors que les remplacements de congés parentaux, on le sait, sont de plus en plus difficiles à combler. Conséquemment, nous ne croyons pas nécessaire aujourd'hui d'offrir des semaines supplémentaires de prestations pour les parents qui partagent le congé parental. Nous croyons que les précédentes mesures suffiront amplement à renforcir le partage sans pour autant rendre le régime plus onéreux, ce qui demeure évidemment une préoccupation pour nous.

Vous retrouverez donc l'ensemble de nos recommandations dans notre mémoire, et ça nous fera plaisir de répondre à vos questions. Merci de votre attention.

• (16 h 40) •

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci, M. Milliard, pour votre intervention. Nous procédons, donc, à la période d'échange avec M. le ministre. M. le ministre, vous disposez de 12 minutes.

M. Boulet : Merci, Mme la Présidente. Merci à la FCCQ pour la qualité de sa présentation, de son mémoire et un point de vue qui est extrêmement intéressant. Je vais faire quelques commentaires, puis il y a deux sujets qui m'intéressent, Charles.

Dans un premier temps, quand on a négocié — je me répète, là, mais... — l'entente Canada-Québec, il y avait une clause d'équivalence, ce qui explique qu'à l'époque, 7/12 de la cotisation étaient assumés par les employeurs, 5/12 par les employés, incluant les travailleurs autonomes. Et, si on mettait ça à 50-50, c'est les... il y aurait une diminution de 14 % pour les employeurs, mais une augmentation de 20 % pour les employés, ça fait qu'il y aurait une problématique d'équité, là, en termes de partage équitable.

J'ai tout le temps la même préoccupation, puis je pense que les partis d'opposition l'ont, c'est : on est à la recherche d'un bon équilibre entre la capacité de payer des entreprises, les besoins, les préoccupations des travailleurs. C'est ce qui nous guide, d'ailleurs, dans toutes les lois sociales et du travail. Là, vous faisiez référence, Charles, au salaire minimum. C'est un bel exemple, puis il y en a qui me demandent d'aller à 17 $, 18 $, puis il y a eu une campagne pour 15 $, puis il y en a qui trouvent que le salaire minimum est beaucoup trop élevé, parce que ça cause des mises à pied, certains me disent : Ça nuit à la scolarisation des jeunes. Il y a évidemment beaucoup d'écoles de pensée, mais je pense qu'on doit chercher le bon point d'équilibre, et ça l'est aussi pour l'équité salariale. On a participé à la bonification de la Loi sur l'équité salariale, et il y a des contestations, il y a des insatisfactions, parce qu'on n'a pas permis de faire des exercices rétroactivement pour la relativité salariale pour ce qui était postérieur à 2009, là. Il y aurait eu deux exercices, en 2010 et en 2015, mais la loi telle qu'elle avait été bâtie par le parti qui était au pouvoir en 2009 ne le permettait pas. Mais on fait une bonification. Ce n'est pas parfait pour les uns puis ça ne l'est pas pour les autres non plus.

Les normes du travail, la santé, sécurité, Charles, et là je vais revenir à l'importance de l'équilibre au Québec... Ce qui nous distingue au Québec, c'est notamment notre réseau partenarial, puis, Charles, vous êtes un contributeur fantastique à la commission des partenaires, au conseil consultatif, vous êtes dans toutes les discussions paritaires au Québec, et ce que nous faisons dans nos lois est issu d'une discussion puis d'un dialogue social que nous devons perpétuer et que nous devons reproduire dans notre corpus législatif. Puis moi, je suis fier de dire qu'on a un régime généreux puis je pense qu'ultimement c'est bénéfique dans un contexte de pénurie de main-d'oeuvre pour attirer du talent, pour retenir de la main-d'oeuvre.

Et, quand on parle de disponibilité de la main-d'oeuvre, puis vous l'avez bien souligné, la période d'étalement, elle est bénéfique. Peut-être que ça aurait pu être plus. Il y en a qui veulent que ça reste à 52, d'autres vont vouloir qu'on aille à 104 ou ailleurs. Mais, encore une fois, je pense qu'on a trouvé une bonne demi-mesure.

L'exemption relative aux revenus concurrents, ça, ça va être une de mes questions, Charles. Vous dites qu'on devrait même augmenter les exemptions relatives au revenu de travail, mais vous recommandez... Bon. Ce qu'on a dans la loi, là, avant, c'était 25 % de la prestation, maintenant, c'est l'écart entre le revenu hebdomadaire habituel et la prestation, ce qui va permettre aux personnes de travailler plus en contexte de pénurie de main-d'oeuvre et de ne pas être pénalisées dans le calcul de la prestation. Mais vous dites : l faudrait que les revenus gagnés le soient... doivent être gagnés auprès des employeurs qui accordent le congé.» Est-ce qu'il y a des cas? Un, comment l'opérationnaliser? Puis, deux, illustrez-moi donc ça par des cas concrets. Alexandre, peut-être.

M. Milliard (Charles) : Oui. Bien, je vais laisser Alexandre répondre à la deuxième partie.

Simplement par rapport à vos commentaires d'introduction, effectivement, on fait partie de ceux qui sont très fiers, comme Québécois, de la générosité ou l'amplitude, appelons ça comme on veut, du régime. Je pense que ça nous distingue au Canada et dans le reste du monde, il faut être fier de ça. D'où l'idée, nous, de ne pas suspendre, donc c'est important de le dire, l'étude du présent projet de loi.

Mais vous faites votre travail comme parlementaires aujourd'hui, moi, je le fais comme président d'une association de valorisation et de défense des intérêts et des préoccupations des entrepreneurs, des employeurs du Québec. Alors, mon prédécesseur à la fédération avait un terme, et je n'en ai pas trouvé un meilleur, alors je vais le réutiliser : il y a un peu un effet de sédimentation qui se fait. Ça fait en sorte que, quand on regarde les charges sur la masse salariale, on n'est pas contre chacune des augmentations qu'il y a eu, mais, quand on les prend dans son ensemble, il faut reconnaître qu'on a un écart qui est appréciable avec l'Ontario, une province à laquelle, je pense, au gouvernement, on aime bien se comparer. Alors, il faut reconnaître quand même que ça nuit à la compétitivité et la productivité des entreprises. Je ne vous dis pas que ça nuit... que le Régime d'assurance parentale nuit à la performance des Québécois, mais il faut reconnaître que cet ajout-là successif finit un jour ou l'autre par causer des enjeux qui nous préoccupent.

Pour la deuxième question, Alexandre, je te laisserais...

M. Gagnon (Alexandre) : Oui. Au niveau des cas concrets, pourquoi on a rajouté ce petit critère pour dire que ça soit chez le même employeur? Ce qu'on s'est fait à maintes occasions raconter par les employeurs, c'est que le retour au congé parental est souvent également un moment crucial où il y a beaucoup de changements de carrière, il y a beaucoup de changements d'employeur, et on craignait que ça... qu'on augmente cette situation-là en permettant un congé à la fois d'un employeur, et que l'autre personne, à la fois l'employé, pourrait en profiter pour aller chercher et essayer d'autres emplois en même temps. Donc, d'un coup, on a une bonne foi d'un employeur qui est prêt à allonger sur plus longue durée les congés, mais, à la fois, il y a un petit risque, il y a une petite crainte, chez certains employeurs, de dire : Bien, peut-être que ce que je suis en train de lui donner, c'est l'occasion de trouver un autre emploi.

M. Boulet : Ailleurs. C'est intéressant. Donc, mon emploi est auprès de l'entreprise A, j'ai un congé parental et je profite de l'augmentation de l'exemption pour revenu concurrent pour aller travailler pour l'entreprise B. Donc, vous voudriez que cette exemption-là soit effective uniquement si tu travailles... si les revenus concurrents sont gagnés chez ton... chez l'entreprise A?

M. Gagnon (Alexandre) : Exactement, tu sais, que, pour... Vous l'avez mentionné, hein, le régime est un... et notre générosité... la générosité de nos mesures, c'est beaucoup pour faire... ça aide aussi à notre rétention, l'attractivité de notre marché du travail, mais, par le fait même, il faudrait que ça soit également un atout pour l'employeur, et donc là on aurait une situation gagnant-gagnant, là.

M. Boulet : Et qu'est-ce que vous feriez, Alexandre, si une personne cumule deux emplois, par exemple? Parce qu'il y en a de plus en plus qui font ça, qui ont deux emplois, des fois un à temps plein, un à temps partiel ou deux emplois à temps partiel. Comment on l'opérationnaliserait?

M. Gagnon (Alexandre) : Bien, à la fois pour le congé parental, pour les mesures d'exception ou d'allongement, d'une façon ou d'une autre, il faudrait qu'il ait l'approbation des deux employeurs pour décider quand est-ce... ou chez quel employeur, à ce moment-là, il aurait eu... il aurait pris son congé. Donc, il y a toujours moyen de... que cet accord-là vienne avec la particularité qu'on demande actuellement.

M. Boulet : Parce que la personne pourrait décider d'aller travailler chez B uniquement et pas chez A. Mais je ne pense pas qu'on puisse requérir l'accord de A si la personne veut aller travailler seulement chez B.

• (16 h 50) •

M. Gagnon (Alexandre) : Ah! vous avez parfaitement raison, ce n'est pas ça qu'on demande. Tu sais, il était déjà à l'emploi de B, par exemple, et qu'il veut retourner...

M. Boulet : O.K. Donc, c'est possible de le faire.

M. Gagnon (Alexandre) : Exactement.

M. Boulet : O.K. Autre question. Nouveaux pouvoirs réglementaires du Conseil de gestion de l'assurance parentale de modifier — vous recommandez ça — de modifier le nombre de semaines de prestations ou le taux de remplacement de revenu lors du partage des prestations parentales, j'aimerais ça, juste que vous développiez un peu cette idée-là ou recommandation.

M. Gagnon (Alexandre) : En fait, c'était pour le partage, mais c'étaient également différentes mesures. On parlait du taux de remplacement aussi dans les projets pilotes, hein? On trouvait que c'était assez fondamental dans... du régime, c'est des mesures qui sont même à la base même de la générosité des... et des fondements du régime, et que ça devait nécessairement rester dans les pouvoirs du ministre, et non pas un pouvoir réglementaire spécifique au conseil de gestion. On n'est pas contre les projets pilotes, c'est simplement une caution politique également qui vient avec ces changements-là.

M. Boulet : Totalement. Ça rejoint le point de vue qu'on exprimait tout à l'heure : il ne faut pas que le règlement permette d'aller au-delà de la loi, le pouvoir législatif. Et je suis totalement conscient, puis c'est un excellent commentaire.

Je veux juste vous redire, hein, les taux de cotisation ont baissé le 1er janvier 2020 de 6 %, 4 %, 2019. C'est 131 millions de plus auprès des entreprises. Et la loi nous impose, quand il y a un surplus, soit de diminuer les cotisations, soit d'augmenter les prestations. Je pense qu'on essaie d'y aller de façon coordonnée, mais de façon à moderniser notre régime pour qu'il soit respectueux, là, des impératifs du marché. Mais on va le faire dans le souci, là, certainement de préserver la capacité compétitive des entreprises du Québec. Merci beaucoup de votre présentation, Charles et Alexandre.

M. Milliard (Charles) : Peut-être un dernier commentaire.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Oui, allez-y, il reste une minute.

M. Milliard (Charles) : Vous faisiez référence au 14 % et 20 % tout à l'heure, là, par rapport à la contribution des travailleurs et des employeurs, et nous, ce qu'on suggère clairement, c'est que, s'il y a d'éventuelles baisses de cotisations à faire suite à d'autres surplus dans le fonds, c'est que ce soit principalement pour les employeurs. Donc, on ne veut pas augmenter la cotisation des travailleurs, on veut juste ramener l'équilibre sans nuire à l'autre côté de la balance, si vous voulez.

M. Boulet : Très bien compris...

M. Milliard (Charles) : Très bien?

M. Boulet : Oui, tout à fait.

M. Milliard (Charles) : D'accord, merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Y a-t-il d'autres interventions du côté... Non. Alors, parfait, merci. Nous cédons maintenant la parole au porte-parole de l'opposition officielle, au député de Nelligan.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. M. Milliard, M. Gagnon, bienvenue, merci, excellent rapport. Je vais aller à la dernière remarque que vous avez soulevée par rapport à ce que... en fait, c'est la recommandation 3 : «Prévoir législativement que les prochains surplus du fonds servent prioritairement à ajuster les taux de cotisation patronale afin d'équilibrer les cotisations au fonds dans une répartition équitable de 50-50.» Je tiens à rappeler que la situation financière du régime nous a permis tous de transformer... en 2019 une baisse de 4 % et de 6 % en 2020, et que vous avez saluée. C'est quoi, votre proposition par rapport à l'avenir? Est-ce que vous pouvez être beaucoup plus précis par rapport aux surplus? Et comment vous voyez l'ajout de ça dans le projet de loi? Parce que je trouve l'idée importante, ça envoie un beau message aux employeurs. Mais comment vous voulez qu'on l'opérationnalise au niveau du projet de loi?

M. Gagnon (Alexandre) : Donc... Bien, l'objectif est simple, hein? Donc, en premier lieu, l'objectif, c'était de ne pas pénaliser les travailleurs. Je pense que, ça, il n'y a personne qui veut aller dans ce sens-là actuellement. Donc, si, exemple, dans quatre ans, on a des surplus au fonds et que vient le choix qui a été mentionné par M. le ministre de décider entre une baisse des cotisations et une bonification du régime et qu'on... qu'avant de décider d'aller vers une baisse... vers une bonification du régime, qu'on aille prioritairement pour abaisser la cotisation patronale. Donc, c'est simplement une équation supplémentaire qu'on vient mettre en place. On est dans... On rappelle : on est d'accord avec les bonifications qui sont actuellement dans le projet de loi pour la grande majorité, mais c'est une perspective dans l'avenir de venir rassurer les employeurs pour dire : On va tendre à diminuer les charges sur la masse salariale et, notamment, là, on a une belle opportunité pour donner cette nouvelle politique là gouvernementale.

M. Derraji : Ce que je trouve extrêmement intéressant, c'est que vous voulez qu'on envoie un message positif, avec la mise en place de ce projet de loi, aux employeurs pour s'assurer de leur adhésion. Techniquement et historiquement, ça a été démontré qu'il y avait une baisse à quatre et à six en 2020, vu le rendement du conseil, et vous voulez aujourd'hui que nous, lors de l'étude article par article... qu'on vienne prévoir législativement cette notion. Est-ce que j'ai bien compris?

M. Gagnon (Alexandre) : Vous avez bien compris.

M. Derraji : Excellent.

M. Gagnon (Alexandre) : Si je peux imager le tout, on veut que... sur le fond, rassurer les travailleurs sur la pérennité et la générosité du fonds... du régime, pardon, alors que sur la forme, donc dans la réglementation, on veut sécuriser les employeurs que le gouvernement comprend le besoin de prévisibilité sur la charge sur les masses salariales.

M. Derraji : On va faire le suivi en temps et lieu avec M. le ministre par rapport à ça. Moi, je trouve l'idée...

M. Gagnon (Alexandre) : C'est un bon moment.

M. Derraji : ...je trouve l'idée bonne. Il est sensible, il est ouvert, hein? On va en profiter, hein?

M. Boulet : On va écouter tout le monde, là.

M. Derraji : Ah oui! Un autre point que, contrairement à plusieurs groupes, c'est la première fois que je l'entends : «ne pas instaurer une habilitation réglementaire pour permettre des projets pilotes», l'article 21. Pourquoi?

M. Gagnon (Alexandre) : C'est un peu ce qu'on a expliqué tout à l'heure, ou tenté d'expliquer. C'est que les fondements mêmes, lorsqu'on vient changer le nombre de semaines de prestations ou le nombre de... le taux de couverture du salaire au niveau des prestations qui sont offertes par le régime, pour nous, c'est dans les fondements mêmes de la loi. Donc, de permettre à un conseil de gestion qui est très compétent et très... qui a démontré sa capacité à bien gérer, là — on ne remet pas ça en compte, considérant qu'on y siège — mais... Donc, c'est simplement considérant que c'est un fondement même de la loi puis de nos... de la façon qu'on a imaginé le régime, de donner ça comme étant un pouvoir réglementaire à une commission, on trouvait ça un peu... pas risqué, mais on pensait que la caution politique que ça soit dans les mains du ministre était importante.

M. Derraji : Oui, mais à... jusqu'à... Oui, allez-y, allez-y.

M. Milliard (Charles) : Bien, j'allais dire qu'effectivement, pour nous, c'est une décision qui est éminemment politique, qui relève vraiment d'un projet de société. L'assurance parentale, pour nous, ça a quand même une valeur qui qualifie un peu la nation dans laquelle on est. Et Dieu sait, on était dans la salle de comparution à côté pour un autre projet de loi, le projet de loi n° 44, où on avait des craintes, justement, qu'il y ait des décisions au niveau du ministère de l'Environnement qui soient trop centralisées dans le bureau du ministre. Mais, pour nous, dans le cadre actuel du régime parental, ça nous apparaît plus politique que technique.

M. Derraji : Sur le premier point, je vous l'accorde. Par rapport au 44, je l'ai dit haut et fort, oui, vous avez raison.

M. Gagnon (Alexandre) : Bon, voilà. C'est n'est pas le bon forum, mais voilà.

M. Derraji : Vous avez raison. Je vais saisir la balle au bon moment. Mais concentrons-nous sur le projet de loi du ministre du Travail et de l'Emploi. Vous avez dit, et je trouve ça intéressant : «modifier les analyses d'impact dans le futur pour incorporer une comparaison des charges sociales». Là, ça revient à ce que vous avez dit aussi avec l'ancien P.D.G. de la FCCQ, la...

M. Milliard (Charles) : Sédimentation.

M. Derraji : Sédimentation, sédimentation. Avez-vous vu l'analyse d'impact de ce projet de loi?

M. Milliard (Charles) : Oui. En fait, nous, la suggestion qu'on fait, c'est qu'il y a des excellentes analyses d'impact qui se font pour chacun des projets de loi, chacune des mesures, mais, parfois, la prise en... je me répète, là, mais la prise en compte de l'ensemble du portrait, des fois, peut... le manque de cette analyse-là masque parfois des préoccupations pour les entrepreneurs du Québec, là.

M. Derraji : Qu'est-ce que vous aimeriez avoir dans les analyses d'impact? Parce que, j'imagine, je me mets dans votre place, vous avez vu l'analyse d'impact. Pour vous, les décisions prises, en lisant cette analyse d'impact, ne vous donnent pas ou ne donnent pas... nous-mêmes, incluant vous aussi, un bon portrait de la situation, parce que ce n'est pas inclus, d'autres juridictions ou d'autres provinces.

M. Gagnon (Alexandre) : En fait, les analyses d'impact sont complètes quant au projet de loi qui est déposé à ce moment-là. Ce qu'on proposait, c'est que, lorsqu'on vient changer les coûts sur la main-d'oeuvre québécoise, considérant le déficit qu'on a de... par rapport aux autres provinces, aux autres juridictions et par rapport au coût des mesures des autres projets de loi qu'il y a eu dans le passé qu'on a énumérées un peu plus tôt, bien, qu'il fallait prendre... se reconnaître dans le sens... dans les analyses d'impact l'ensemble d'où est-ce qu'on en était de la situation actuelle, et donc de viser une diminution et non pas de contrôler les augmentations.

• (17 heures) •

M. Derraji : Si on lit le projet de loi avec les lunettes d'aujourd'hui et éventuellement une deuxième vague, j'ai lu les chartes sociales et législations du travail, vous parlez... encore une fois, si on cumule le tout, on parle de 13 milliards sur cinq ans pour les employeurs québécois. Bon. Ce qui nous intéresse tous aujourd'hui, c'est la fiabilité du système et du régime, et non pas le contraire, pour que ce régime continue à jouer son rôle essentiel. Je pense que, tous autour de la table, on veut la pérennité pour ce régime, que le régime remplit à 100 % sa mission. Et je l'ai senti dans vos propos, vous voulez que les employeurs qui jouent le rôle en partenariat avec nous tous, mais aussi pour permettre aux travailleurs de bénéficier de ce régime. Avez-vous des craintes, en ajoutant toutes les casquettes et vos lectures économiques macros et micros, avec ce qu'on a sur la table aujourd'hui?

M. Milliard (Charles) : Bien, écoutez, là, on a... il y a un tableau dans notre mémoire. Justement, vous faites mention du 13 milliards sur cinq ans, ça, ça nous inquiète. Maintenant, est-ce qu'on va régler le sort de l'aide... le sujet dans le cadre de la réflexion sur le projet de loi n° 51? Non. Est-ce que c'est la plus haute des augmentations par rapport... quand on se compare à l'Ontario? Non plus. Alors, on peut quand même, en toute honnêteté, reconnaître que ce n'est pas la plus haute hausse par rapport à d'autres, mais c'est certain que ça nous préoccupe. Alors, une des façons de rassurer les employeurs qu'on peut faire dans le cadre du projet de loi n° 51, c'est, justement, de reconnaître que des futurs surplus seront imputés... seront crédités, si on veut, aux employeurs davantage qu'aux travailleurs pour, justement, tenir en compte cette surcharge-là qui nous distance de l'Ontario, entre autres. Je pense que c'est le mode d'action. Votre question, elle est quand même de nature un peu plus globale. L'action précise qu'on peut faire, selon nous, c'est de considérer cette suggestion.

M. Derraji : Vous avez raison. Et pourquoi je vous ai posé la question? Parce qu'à la fois vous avez cette casquette, casquette de représentant d'entreprise, et vous êtes un acteur important au niveau du milieu des affaires, et, pour moi, vous êtes la bonne personne. Parce que, si on veut que ce projet de loi voie le jour, et aussi c'est l'adhésion des entreprises et des patrons et du patronat en général. Vous l'avez mentionné au début que, si on dit au patronat ou aux gens que, voilà, les surplus seront plutôt versés dans le cadre de surplus... mais là, mon inquiétude, c'est que la pérennité du régime aussi... parce que, là, il y a un contexte économique qui n'est pas favorable. Je ne sais pas... Est-ce que j'ai été clair ou pas?

M. Milliard (Charles) : Je vous comprends.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Il vous reste une minute, hein?

M. Milliard (Charles) : Oui. Bien, en fait, on n'a pas de boule de cristal ni vous ni moi. Nous, ce qu'on parle, c'est dans une situation où il y aura des surplus, évidemment, dans le cadre du fonds. On aura une bonne moyenne au bâton, si on peut utiliser une comparaison de baseball. Mais c'est difficile de prévoir le futur.

Par contre, je pense que le fait d'enchâsser qu'on reconnaît qu'il y a déjà eu une très bonne contribution des employeurs au régime, ce serait une bonne façon de rassurer et de stimuler le milieu entrepreneurial.

M. Derraji : Si je veux résumer, un de vos messages les plus... je dirais, le plus important aujourd'hui, vous êtes pour. Il y a un élément qu'on doit surveiller et mettre dans le projet de loi, c'est dire : En cas de surplus, c'est pour les employeurs. Et, pour vous, le projet de loi passe le test aujourd'hui.

M. Milliard (Charles) : C'est un excellent résumé.

M. Derraji : Excellent. Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci au député de Nelligan. Nous cédons maintenant la parole au député du deuxième groupe d'opposition, le député d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Bienvenue, bonjour à vous deux. M. Milliard, vous me pardonnerez de faire un clin d'oeil au fait que je trouve que votre nom de famille est un merveilleux aptonyme. Il vous semble être destiné en fonction des fonctions que vous occupez.

Plus sérieusement, ma question, donc, sur le rajout des semaines. Vous vous positionnez en défaveur du plan d'obtenir quatre semaines supplémentaires advenant un partage. Il y a eu d'autres propositions qui ont été soumises au débat depuis des années, au fait de rajouter peut-être plutôt de l'argent pour des semaines réservées aux parents. Puis la philosophie de l'une et l'autre des deux options, c'est de faire... en tout cas, essayer de s'assurer que, les parents... les pères en particulier puissent obtenir plus de congés et prennent plus de place dans la famille, surtout à la naissance. On sait que ça a des effets très, très forts, très positifs chez les enfants, chez le père, qui est plus susceptible d'être présent dans la vie de l'enfant tout au long de sa vie si, au moment de la naissance, dans les premiers mois, dans les premières années, c'est le cas. Advenant, donc, si vous êtes en défaveur de ça, avez-vous d'autres idées qui pourraient faciliter la présence de ce père-là dans les faits? Parce que, juste en terminant, on le sait, souvent, que le père a peut-être un peu plus de misère à obtenir le congé, pour une question de culture, parce que... Puis, moi-même, ça m'est arrivé, quand j'ai demandé un congé parental dans mon ancien emploi, dans un syndicat même, la réaction, tout de suite, est de dire : Oh! ce n'est pas ta conjointe qui va en prendre un plus gros morceau? Ça fait qu'imaginez, même dans un endroit dit progressiste, ça a été la réaction, alors on imagine la moyenne des ours, ce que ça peut être. Qu'est-ce qu'on pourrait faire en dehors de ça si c'est vraiment quelque chose qui vous répulse, cette... bien, répulse, en tout cas, si vous êtes en défaveur? Le terme était trop fort.

M. Milliard (Charles) : Le terme est fort.

M. Leduc : Mais, bref, avez-vous d'autres idées?

M. Milliard (Charles) : Oui. Alors, premièrement, je dirais qu'on représente, nous aussi, les milieux progressistes, un peu à la blague. Mais, ceci étant dit, je pense qu'il faut... Pour nous, en fait, les mesures qui font partie du projet de loi n° 51 sont... donnent une flexibilité suffisante. On pense qu'on devrait laisser la chance, finalement, à ces modifications-là pour voir qu'est-ce que ça a comme impact sur la condition et l'admissibilité des pères, particulièrement, on le sait, dans le cadre du programme, de voir comment ça fonctionne avant d'ajouter, encore une fois, un nombre de vacances... pas de vacances, un nombre de semaines, pardon, supplémentaire.

M. Gagnon. Ce n'est pas un vilain nom, non plus.

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Gagnon (Alexandre) : Oui, en fait, pour nous, il y a une bonne raison, c'est qu'on essaie de voir l'objectif. Pourquoi est-ce que certains pères ne prennent pas le congé, hein? C'est sur cette voie-là qu'on a réfléchi et qu'on a regardé, puis on s'est dit : Souvent, certains pères ne le prennent pas en raison des besoins financiers d'une jeune famille, et donc la perte de salaire venant avec les taux de prestations... évidemment, je ne vous dis pas de hausser les taux de prestation, comprenez-moi, là, mais fait que certaines familles font le choix de ne pas bénéficier amplement de tout le régime auquel ils ont droit, de toutes les prestations auxquelles ils ont droit.

Donc, pour nous, la mesure quant au revenu concomitant à la prestation du régime viendrait rassurer les familles, viendrait rassurer sur leur capacité à bénéficier de ce régime-là et donc viendrait répondre à l'objectif qui est de s'assurer que toutes les familles en bénéficient au maximum possible et que l'argent ne soit pas le facteur déterminant dans la prise ou non du régime. Donc, pour nous, l'élément central qui permet au projet de loi de répondre à cet enjeu-là, il est là, il est présent. Donc, est-ce qu'on pourrait voir déjà l'impact de cette mesure-là et voir le résultat de ce qui s'en vient pour qu'éventuellement on y réfléchisse, dans quatre ou cinq ans, selon les résultats qui vont venir, vont découler de ça?

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci, c'est déjà tout. Merci au député d'Hochelaga-Maisonneuve. Nous cédons maintenant la parole à la députée de Joliette. À vous la parole.

Mme Hivon : Alors, bonjour à vous deux, merci beaucoup de votre présentation. Juste pour bien comprendre, à quelle mesure vous faites référence pour dire que c'est déjà présent pour faciliter l'implication du père?

M. Gagnon (Alexandre) : C'est l'article qui vient permettre l'exemption du revenu.

Mme Hivon : Parfait. Parce que vous savez que c'est un grand défi, puis on n'est pas la première société à essayer de vouloir valoriser et favoriser davantage l'implication du père. Et on avait une présentation très intéressante, ce matin, du Conseil du statut de la femme qui nous disait que les cinq semaines sont prises par une forte majorité de pères, mais le partage du congé parental, c'est toute une autre histoire, pour des questions monétaires potentiellement. Mais, même dans des couples — puis ça, c'est moi qui vous dit par ce que j'ai pu lire — même dans des couples où les salaires sont équivalents, c'est très, très majoritairement la mère qui prend presque l'entièreté du congé parental. Donc, pour tous les effets positifs, je pense qu'on doit se questionner à savoir quels sont les meilleurs moyens pour favoriser.

Donc, je comprends que vous dites, dans votre mémoire, que c'est un objectif que vous partagez, mais vous ne partagez pas le fait de modifier le RQAP, à l'heure actuelle, pour aménager les choses autrement dans cet objectif-là.

M. Milliard (Charles) : ...

Mme Hivon : Voilà. Ça a le mérite d'être clair.

M. Milliard (Charles) : Bien, en fait, non, mais on a le même...

Mme Hivon : On a le même objectif, mais...

M. Milliard (Charles) : On a le même objectif. On pense qu'il y a peut-être un peu trop de moyens dans le cadre du projet de loi.

Mme Hivon : Vous ne voulez pas de nouveaux moyens, donc, vous, vous dites : Ça va se faire par un changement global des mentalités. Mais c'est correct, je voulais juste que vous me le confirmiez. J'ai une autre petite question. Je pense, des fois, il faut aider ces changements de culture là.

Mais l'autre petite question, c'est toute la question de la flexibilité. Donc, je suis heureuse de voir que vous êtes à l'aise avec le 18 mois, donc plus de flexibilité. Mais une idée que nous, on a faite nôtre, puis qui a circulé beaucoup, c'est l'idée de ne pas nécessairement segmenter le congé en semaines, mais en ayant peut-être un plafond d'un certain nombre de semaines qui pourrait être en jours. Et moi, je pense que, d'un point de vue de l'employeur, ça peut aussi être intéressant, plutôt que quelqu'un dise : Je vais prendre huit mois, mais, dans six mois, je vais prendre un autre mois, puis, dans un trois mois, un autre mois, de dire : Je veux me garder, par exemple, un mois mais où je vais juste avoir, pendant x années, la possibilité de prendre des jours pour avoir de la flexibilité quand mes enfants sont tout petits. Est-ce que c'est quelque chose à quoi vous avez réfléchi et avez-vous une réaction sur ça?

• (17 h 10) •

La Présidente (Mme IsaBelle) : En 30 secondes.

M. Milliard (Charles) : ...oui. Pouvez-vous qualifier x années? Combien d'années?

Mme Hivon : Bien, les premières années, ça pourrait être les premières, quatre premières années, cinq premières années, quand l'enfant est petit, en fait, puis qu'il est souvent malade.

M. Milliard (Charles) : D'accord.

M. Gagnon (Alexandre) : Effectivement, c'est quelque chose qu'on a regardé, qu'on a discuté avec nos membres, parce que ça venait également venir jouer avec le facteur d'est-ce qu'on peut bénéficier de l'employé pendant son congé, puis que ça soit à son avantage aussi. Ce qu'on a pu comprendre, c'est que c'était très, très complexe administrativement à mettre en place, que, pour... également pour la machine qui évalue ça, puis également pour l'employeur, pour l'employé qui ont à remplir et à déclarer les moments où qu'ils prennent ces congés-là. Ça serait très complexe et administrativement difficile à mettre en place. Mais, sur le fond, on n'a rien contre.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci.

Mme Hivon : Vous n'avez rien contre.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci, merci, merci. Nous vous remercions beaucoup, M. Milliard ainsi que M. Gagnon, alors, pour votre contribution à la commission.

Nous suspendons les travaux quelques instants pour donner la chance au prochain groupe de s'installer. Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 11)

(Reprise à 17 h 20)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Nous souhaitons la bienvenue à Mme Proulx et Mme Labranche de l'organisme Manufacturiers et exportateurs du Québec. Bonjour. Alors, je vous invite, avant de commencer votre exposé de 10 minutes, à bien vous présenter.

Manufacturiers et exportateurs du Québec (MEQ)

Mme Proulx (Véronique) : Alors, Véronique Proulx, je suis présidente-directrice générale de Manufacturiers et exportateurs du Québec.

Mme Labranche (Marie-Ève) : Bonjour. Mon nom est Marie-Ève Labranche, je suis directrice aux affaires gouvernementales et publiques au MEQ.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, vous pouvez commencer votre exposé.

Mme Proulx (Véronique) : Excellent. Merci. Alors, M. le ministre, chers membres de l'Assemblée nationale, merci de l'invitation à venir présenter ce mémoire sur le projet de loi n° 51 visant principalement à améliorer la flexibilité du régime d'assurance parentale.

Alors, tout d'abord, qui sommes nous, Manufacturiers et exportateurs du Québec? On est une association d'affaires. On représente 1 100 entreprises manufacturières partout à travers le Québec, des entreprises de toute taille et de tout secteur d'activité et qui sont présentes dans différentes régions.

Rapidement, le secteur manufacturier au Québec, c'est 23 000 entreprises. J'ai envie de vous dire environ 460 000, 475 000 employés. Donc, on a eu... On a perdu des employés au début de la crise, et il y a eu un certain rebond au cours des derniers mois. Le secteur manufacturier, c'est 14 % du PIB et 89 % de nos exportations. Donc, c'est clairement un vecteur de développement économique important pour le Québec.

Rapidement, avant de commencer, je voulais vous partager quelques données sur l'impact de la COVID sur notre secteur, et qui va avoir un impact aussi sur l'analyse que l'on a faite du projet de loi. Alors, je vous dirais que les entreprises, dans notre secteur, s'attendent à une baisse de la demande de 20 % à 50 %. Alors, ça varie d'un secteur d'activité à l'autre. Il y en a qui sont plus affectés, d'autres moins, mais tout le monde s'entend néanmoins pour dire : Il y a une baisse de la demande mondiale.

En parallèle à ça — et on vient tout juste de terminer une tournée régionale où on a consulté plusieurs entreprises — dans plusieurs secteurs et plusieurs régions, la pénurie de main-d'oeuvre demeure. C'est vrai dans les régions éloignées, mais c'est également vrai à Montréal, à Québec, autant dans les postes spécialisés que non spécialisés. Pour plusieurs, la COVID-19 n'a pas tellement changé le niveau de difficulté qu'ils ont à recruter et à trouver des travailleurs.

Et, finalement, je vous dirais que, vous le savez, là, il y a beaucoup d'incertitude. Alors, cette incertitude-là fait en sorte que les entreprises reportent leurs projets d'investissement. Personne ne sait ce qu'il va se passer cet automne, l'hiver prochain, alors, pour l'instant, les dépenses, les projets sont mis sur la glace.

Et, en terminant, je vous inviterais à jeter un coup d'oeil à la dernière page du mémoire, l'annexe 1, où on regarde plus spécifiquement les données sur la main-d'oeuvre dans le secteur manufacturier. Alors, on voit, dans le premier tableau, que les hommes, donc de février à août, dans le secteur manufacturier... En fait, le deuxième, c'est plus simple, de mars à août, pardon, il y a eu une croissance de 1,2 % chez les hommes. Donc, tous ceux qui ont perdu leur emploi l'ont retrouvé et même plus, alors que, du côté des femmes, on est à moins 19,6 %. Alors, c'est une donnée qui nous préoccupe beaucoup. Ça veut dire qu'il y a plusieurs femmes qui ne sont pas revenues dans le secteur manufacturier. Il y a plusieurs raisons qui peuvent potentiellement expliquer cette donnée, mais c'est quelque chose qui nous préoccupe et dont on voudrait tenir compte dans l'analyse du mémoire.

Alors, on se lance. Tout d'abord, je tiens à dire qu'on est d'accord et favorables avec les objectifs fondamentaux du projet de loi. Et je vous dirais que MEQ favorise et encourage la mise en place de mesures incitatives à l'emploi dans le secteur manufacturier comme celles sur la conciliation travail-famille dans la mesure où ça ne nuit pas à la compétitivité du secteur. Alors, vous comprendrez qu'à la lumière des données que je vous ai présentées on est très préoccupés par la pérennité et la croissance du secteur manufacturier, et tout projet de loi, tout règlement doit s'assurer de ne pas venir nuire aux entreprises manufacturières, particulièrement aux PME manufacturières. On ne doit pas augmenter les coûts, on ne doit pas augmenter le fardeau administratif. Pour nous, c'est vraiment une prémisse de base qui est essentielle.

Alors, les quatre recommandations spécifiques face au projet de loi. La première, qui correspond au point 6.1 dans notre mémoire, alors, MEQ est favorable à l'augmentation de l'exemption permettant de cumuler des revenus de travail en plus des prestations. Pourquoi? Bien, essentiellement, ça donne plus de flexibilité aux travailleurs.

Alors, je reprends l'exemple d'une PME manufacturière. Parfois, elle va avoir des périodes de pointe, elle peut avoir des projets ponctuels, elle peut vouloir avoir un retour progressif de l'employé. Alors, ça lui permet effectivement... ça permet à l'employé de maintenir certaines prestations et de cumuler des revenus. Et, l'employeur, ça lui donne la flexibilité dont ils ont besoin. Et je dis les PME, parce que, souvent, dans la PME, on ne va pas toujours remplacer le travailleur, surtout si on parle d'un congé parental, et que c'est quelqu'un qui est parti pendant une période de deux mois, trois mois ou quatre mois. Alors, je pense que c'est une mesure qui peut être gagnante-gagnante pour les deux parties.

Deuxième recommandation, qui correspond au point 6.2, MEQ est également d'accord avec l'augmentation de 52 à 78 semaines pour la période à l'intérieur de laquelle les prestations peuvent être prises. Pour nous, ce qui est vraiment important, c'est que ça soit prévu d'avance, qu'il puisse y avoir une prévisibilité, que l'entreprise — je reprends l'exemple de la PME encore une fois — puisse planifier à quel moment le congé va se prendre pour qu'elle puisse allouer les bonnes ressources au bon moment puis qu'elle puisse s'assurer que son entreprise fonctionne et roule bien.

Troisième recommandation. Dans le contexte où on étale davantage la période des prestations parentales, MEQ recommande d'assurer une meilleure prévisibilité du congé de paternité et parental, de manière à ce que les employeurs puissent mieux planifier l'allocation de leurs ressources au cours du congé.

Alors, je m'explique. Dans un premier temps, on est favorables à l'implication du père. Pour nous, ça, c'est très clair. Toutefois, présentement, pour le congé parental, il y a un préavis de trois semaines qui est exigé, puis, pour nous, ça nous apparaît trop court, surtout dans le contexte où les papas prennent des congés de plus en plus longs, si on parle d'un congé de deux mois, trois mois, six mois, potentiellement qu'on va vouloir le remplacer ou, au minimum, réallouer ses tâches à d'autres collègues. Donc, on demande à ce qu'il y ait plus de prévisibilité pour pouvoir le planifier, d'autant plus qu'on allonge la période dans laquelle le congé parental peut être pris.

Puis je vais faire le parallèle avec la période des vacances. Quand on va en vacances, on le planifie toujours à un certain moment. Chaque entreprise a leur propre politique interne, mais on pourrait penser que le congé parental pourrait être géré de la même façon, donc donner plus de prévisibilité pour que l'employeur puisse se retourner et allouer les ressources qui sont requises.

Quatrième recommandation. On suggère néanmoins de reporter à plus tard la mesure qui concerne les semaines additionnelles de prestation aux parents qui partagent les prestations. Vous comprendrez que, dans un contexte de COVID-19, ce qui nous préoccupe encore une fois, c'est la compétitivité. On trouve ça positif qu'il puisse y avoir des semaines additionnelles qui soient allouées, mais, présentement, ce n'est peut-être pas le bon temps. On pourrait attendre dans 12 mois, dans 18 mois, quand les employeurs se seront sorti la tête de l'eau, pour mettre en place une mesure comme celle-là, qui, ultimement, va être bien reçue.

Alors, peut-être, en terminant, revenir plus spécifiquement sur le concept de mesures facilitant l'attraction et la rétention des femmes dans le secteur manufacturier, la conciliation travail-famille est certainement une mesure qui va permettre de faire ça. Je pense que c'est favorable aux femmes, aux mamans, aux papas, puis ultimement ça sert les deux. Mais je pense qu'on pourrait penser d'aller au-delà de ça.

Les données que je vous ai présentées tout à l'heure démontrent que les femmes se sont vraiment retirées du secteur manufacturier. Avant la crise, c'est 28 % des emplois qui étaient occupés par des femmes dans le secteur manufacturier, et ça faisait 30 ans qu'on stagnait. On peut s'attendre, avec les données récentes de la COVID, qu'on soit en dessous du 28 %. Donc, c'est une avancée qui est très fragile.

Alors, comment est-ce que le gouvernement, comment est-ce que l'Assemblée pourrait proposer des mesures pour aller chercher ces femmes-là, mais aussi les femmes qui sont dans d'autres secteurs qui vont moins bien? Je pense au tourisme, je pense à l'hôtellerie, à la restauration, où il y a beaucoup de femmes qui occupent ces emplois-là, qui ont potentiellement perdu leur emploi. Comment on fait pour les intéresser, requalifier vers le secteur manufacturier, sachant qu'il y a certains sous-secteurs où il y a une pénurie de main-d'oeuvre et qu'il y a des postes à combler? Alors, c'est une... je vais parler de passerelle, parce que je sais que le gouvernement le considère dans d'autres secteurs, ça pourrait potentiellement se faire avec les femmes aussi. Il y a peut-être d'autres solutions qui pourraient être proposées, mais, pour nous, c'est une avenue qui pourrait être prometteuse.

Alors, écoutez, en conclusion, un, je vous remercie pour cette opportunité. Deux, j'offre notre entière collaboration au gouvernement, à l'Assemblée pour pouvoir travailler sur d'autres mesures qui seront favorables à l'intégration des femmes dans le secteur manufacturier. Ce qui est vraiment important pour nous, encore une fois, c'est la notion de compétitivité, d'assurer la pérennité et la croissance de notre secteur. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci pour l'exposé. Nous allons maintenant commencer la période d'échange. M. le ministre, vous disposez de 16 minutes.

M. Boulet : Merci. Merci beaucoup, hein, pour la qualité du mémoire, de la présentation très, très claire, très bien comprise, puis une position qui est sensée, qui est raisonnée et qui est respectueuse des intérêts puis des préoccupations du monde manufacturier québécois, puis je vais y aller de quelques commentaires. Après ça, Véronique, je vais vous poser quelques questions.

Je suis totalement d'accord que la reprise ou la relance des activités économiques soit la plus inclusive possible, et il faut penser, en tout premier lieu, aux femmes puis, vous l'avez noté, il faut penser en termes de passerelles de requalification. Oui, l'hébergement, le tourisme, il faut s'assurer de bien comprendre le profil des personnes, leur intérêt, leur volonté, mais les aider à rehausser ou à mettre à jour leurs qualifications pour qu'elles puissent penser notamment au secteur manufacturier, particulièrement dans les entreprises où il y a une pénurie de main-d'oeuvre. Ça fait qu'on est totalement d'accord avec ça.

Est-ce qu'il y en aurait d'autres? Je vais poser une question tout de suite, Véronique. Est-ce qu'il y en aurait d'autres mesures concrètes pour permettre d'accroître le nombre de femmes dans le secteur manufacturier? Parce que c'était 28 % avant, probablement plus bas, comme tu mentionnes. Il y a-tu une autre mesure concrète qu'on pourrait identifier?

Mme Proulx (Véronique) : Mais, en fait, une fois qu'on a parlé de requalification, on présume que les femmes sont intéressées à venir travailler dans le secteur, et c'est là où il y a vraiment une grosse barrière pour les femmes. Puis on avait fait une étude pancanadienne avec des données spécifiques au Québec. Pour les femmes, le secteur du manufacturier, c'est un secteur... elles n'ont pas une bonne perception, donc c'est un secteur qui est lourd, qui est sale, où il n'y a pas d'emploi intéressant pour elles.

Alors, il y a vraiment un travail de sensibilisation à faire pour démontrer les possibilités. Je vais faire référence à la campagne des métiers, sur les métiers, j'oublie le terme exact, là, mais les métiers en demande...

• (17 h 30) •

M. Boulet : En déficit.

Mme Proulx (Véronique) : Oui, exactement. Donc, je pense qu'il y a davantage de sensibilisation qui pourrait être faite pour faire connaître ce secteur-là aux femmes. Les mesures de conciliation travail-famille, c'est clair que c'est aidant. Par la suite, la qualification. Je vous dirais, peut-être, lorsqu'on voit qu'il y a un plus haut taux de présence des femmes dans le secteur manufacturier, ce sont souvent des entreprises qui sont davantage automatisées puis robotisées, parce qu'il y a moins de travail manuel, de base, là, de postes d'entrée, et là on va vraiment voir une présence féminine plus importante.

M. Boulet : Excellente réponse, puis, là-dessus, on est vraiment sur la même longueur d'onde. Je pense que, quand on améliore nos mesures de conciliation travail-famille, ça a une valeur d'attraction et de rétention, notamment des femmes. L'automatisation, oui, on a un écart de productivité, hein, on tient, à ce sujet-là, le même discours. Il faut introduire de plus en plus les technologies numériques dans nos entreprises manufacturières, et ça, c'est une mesure concrète, en plus de l'augmentation de la productivité, de l'efficacité et de la qualité de vie, mais ça permet une meilleure intégration des femmes dans ce domaine d'activité là.

Les coûts, fardeau... Juste rappeler, Véronique, hein, le taux a baissé de 6 % cette année, 4 % l'année passée, 131 millions de plus pour les entreprises. Donc, on est conscients des coûts. Ce que la loi nous demande de faire, c'est, s'il y a un surplus, il faut soit baisser les cotisations ou améliorer les prestations, et c'est ce qu'on essaie de faire avec ce projet de loi, trouver le meilleur équilibre. Fardeau administratif, on est extrêmement soucieux de ça. On a des ententes de partage d'information avec Ottawa pour éviter que les relevés... Tu sais, les relevés d'emploi pour le régime fédéral d'assurance-emploi, il est utilisé aux fins de la gestion du régime d'assurance parentale, puis on essaie, quand il y a des amendements aux relevés d'emploi, que ça puisse se faire électroniquement ou par voie téléphonique, de façon à diminuer l'incidence administrative pour les entreprises.

Le report, comment vous voyez ça, Véronique, le report? Tu sais, nous, on appelle ça un incitatif pour les pères, pour... il y a un meilleur investissement des papas dans la sphère familiale. Reporter... Vous souhaiteriez que nous reportions cette mesure incitative là?

Mme Proulx (Véronique) : La reporter sur une période de 12 à 18 mois, juste pour s'assurer qu'on n'ajoute pas, encore une fois, de charge et de lourdeur sur l'entreprise. Puis, en fait, tu sais, ce n'est pas tant cette mesure-là, prise seule, qui va avoir un impact significatif sur la compétitivité du secteur, mais c'est l'ensemble des mesures, dans tous les secteurs d'activité, qui font qu'à quelque part ça devient lourd pour eux. Alors, dans le contexte de la COVID, ce qu'on cherche à faire, c'est de réduire au minimum tout ce qui est charge financière et administrative pour les employeurs. Alors, c'est vraiment dans ce contexte-là qu'on vous propose de la reporter.

M. Boulet : O.K. Ça me va. Le préavis, Véronique, il y a un article dans la Loi sur les normes du travail, 81.13, qui prévoit un préavis de trois semaines pour le congé parental. Là, on n'amende pas la Loi sur les normes du travail, mais ça pourra faire l'objet d'une... En même temps, quand on fait le parallèle avec les vacances, la même loi dit qu'un salarié a droit de connaître un mois d'avance la période de ses vacances.

L'autre question que j'avais en tête, Véronique, pour le... Puis je suis d'accord, hein, puis on va en discuter en commission parlementaire, on va étudier le projet de loi article par article, mais il pourrait y avoir un étalement dans le temps, par exemple, sur l'entrée en vigueur de certaines bonifications. C'est dans cette...

Mme Proulx (Véronique) : Exact, exact.

M. Boulet : O.K. Bien compris, puis, ça, bien, on aura à en discuter, tout le monde ensemble, là, les partis d'opposition.

Les projets pilotes, qu'est-ce que vous en pensez?

Mme Proulx (Véronique) : Marie-Ève.

Mme Labranche (Marie-Ève) : Honnêtement, on n'avait pas vraiment de position à ce sujet-là. Ce qu'on comprenait, c'est, dans le fond, que le conseil de l'assurance parentale allait avoir un peu plus de pouvoirs par règlement. C'est comme ça que ma compréhension était à ce sujet-là. On n'avait pas rien... On a consulté quelques entreprises, nous, quand on a fait la rédaction du mémoire, puis il n'y avait rien à ce sujet-là qui était soulevé par les projets pilotes. C'était vraiment... L'inquiétude, c'était vraiment sur la prévisibilité puis l'aspect concurrentiel, qui ressortaient beaucoup, donc c'est ce qu'on a essayé de mettre le plus en lumière. Mais il n'y avait rien sur le projet pilote qui ressortait auprès de nos entreprises consultées.

M. Boulet : O.K. C'est intéressant. On voulait donner... Les projets pilotes, ça pourrait découler de l'application d'un pouvoir réglementaire qui est confié au Conseil de gestion de l'assurance parentale et qui permet, pour une durée de temps limitée, de mettre en application un programme qui répond, par exemple, à des besoins spécifiques, les étudiants, d'autres milieux, qui tiennent compte de problématiques sociales qui pourraient apparaître dans un an ou dans deux ans. Mais, évidemment, pour faire ça, ça prend une disposition, dans la loi habilitante, qui est claire, pour ne pas que le pouvoir réglementaire excède ce que le législateur peut faire, là, en modifiant la loi, là. Mais c'était une des raisons qui nous motivaient, là, à ce que cette possibilité-là soit incluse dans la loi.

Moi, le reste, ça va. Moi, j'ai très bien compris votre mémoire. Puis, encore une fois, merci beaucoup, là, Véronique, toujours appréciés, tes commentaires... vos commentaires. Puis la contribution aussi des manufacturiers, des MEQ dans le débat social québécois, c'est de quoi que je considère extrêmement important. Vous le savez, on est dans une société qui met beaucoup l'accent sur le paritarisme, sur ce qu'on appelle le dialogue social, puis je trouve que les parties, tout le monde ensemble, on réalise qu'on a beaucoup plus d'intérêts communs que d'intérêts divergents. Puis je trouve que ce programme-là, bien, ces bonifications-là, on peut les voir de différentes façons, et je trouve que votre approche, elle est positive. Il faut voir ça dans un contexte où on veut régler nos problèmes nouveaux de notre marché du travail, notamment pour la disponibilité de la main-d'oeuvre. Merci beaucoup.

Mme Proulx (Véronique) : Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci, M. le ministre. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? S'il n'y a pas d'autre intervention, nous allons poursuivre avec l'opposition officielle. Député de Nelligan.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. Mme Proulx, Mme Labranche, bienvenue, merci pour l'excellent rapport. Encore une fois, des bonnes propositions. Ça m'a... J'ai été interpelé quand vous avez commencé à parler du secteur manufacturier, notamment les femmes, et je pense que j'aurais besoin de l'appui du ministre de l'Emploi et du Travail pour aller faire du «push» au niveau de son collègue le ministre de l'Économie, parce que, c'est vrai, la pandémie a affecté pas mal les femmes. Ça, c'est des faits. Ce n'est plus des hypothèses nulles à vérifier, mais c'est des faits. C'est très préoccupant, parce que je sais que, dans le monde des affaires, le Québec a travaillé très fort, les dernières années, pour amener des femmes en affaires. Et vous êtes une femme en affaires, et là je vous interpelle, en tant que femme en affaires, par rapport au projet de loi. Vous avez vous-même vécu une situation, hein, je ne sais pas si vous pouvez ou voulez aller à en parler. Mais comment, avec le projet de loi, on peut donner plus de chances à des femmes en affaires de, un, continuer, mais de profiter aussi de leurs... des prestations de congé...

Mme Proulx (Véronique) : Oui. En fait, là, vous faites référence au fait que j'ai bénéficié du RQAP et que j'ai eu des enfants. On remet en contexte.

M. Derraji : Je n'osais pas, je n'osais pas, mais, probablement... ça va nous mettre, probablement, dans un bon contexte de femmes en affaires.

Mme Proulx (Véronique) : Bien, en fait, je vous dirais que les mesures qui sont proposées sont intéressantes parce qu'on parle, justement, d'être capable de travailler tout en gardant, maintenant un certain de niveau de cotisations. Donc, si vous travaillez à temps partiel ou que vous revenez progressivement, c'est intéressant. Le fait de partager le congé parental, c'est hyperintéressant, parce que, si vous êtes une femme à la tête d'une entreprise manufacturière, par exemple, et que vous prenez seulement le congé de maternité, bien, le papa peut prendre le reste du congé sans problème. Il y a même une bonification qui est proposée. Alors, pour moi, ce régime... les mesures proposées donnent encore plus de flexibilité aux femmes pour faire les choix qu'elles ont envie de faire, en fait.

M. Derraji : O.K., excellent. J'ai vu un point qui est aussi avec... ça a été dit par pas mal de groupes, le contexte de la pandémie. C'est que, si j'enlève la pandémie, en date d'aujourd'hui, la plupart des mesures font votre affaire?

Mme Proulx (Véronique) : Oui.

M. Derraji : O.K. Donc, vous, la seule chose qui vous préoccupe — et ça a été dit, l'autre groupe qui était avant vous — c'est la charge supplémentaire qui risque...

(Interruption) Désolé. C'est éteint.

La charge supplémentaire qui risque de se rajouter sur les entreprises, vu le contexte de la COVID et, en fait, l'absence de prévisibilité, on ne sait pas si on est dans une deuxième vague ou pas. Donc, ce que vous proposez, c'est que, pour certaines mesures, avoir une date de début qui va prendre en considération la pandémie. Est-ce que j'ai bien compris?

• (17 h 40) •

Mme Proulx (Véronique) : Exactement, exactement. C'est vraiment le plus de prévisibilité possible pour accompagner les entreprises dans le contexte économique actuel.

M. Derraji : O.K. Et vous évaluez cette date de début en années, en mois ou... C'est quoi, la meilleure date, pour vous?

Mme Proulx (Véronique) : Bien, en fait, la mesure que l'on proposait, de reporter l'entrée en vigueur de la mesure, c'était celle sur l'augmentation des prestations pour le papa, lorsqu'on partage. Donc, on parlait d'une période de 12 à 18 mois.

M. Derraji : Oui. Donc, pour vous, cette mesure, à court terme... en tout cas, nous parlons de 2020, 2021, et, je ne sais pas, 2022?

Mme Proulx (Véronique) : 2022, l'entrée en vigueur en 2022.

M. Derraji : 2022, en 2022.

Mme Proulx (Véronique) : Oui.

M. Derraji : O.K., vu le contexte de la pandémie.

Mme Proulx (Véronique) : Exactement.

M. Derraji : O.K. Il n'y a pas d'autre interprétation que c'est une charge supplémentaire, ou autres, c'est vraiment le contexte de la pandémie.

Mme Proulx (Véronique) : Bien, écoutez, nous, lorsqu'on a parlé... On a quand même consulté plusieurs entreprises, des PME et de la grande. Dans la mesure où il n'y avait pas de hausse de cotisations, ce n'était pas une préoccupation. Je vous dirais que les gens sont assez favorables au régime et tout ce qui vient avec. C'était vraiment la notion qu'il n'y ait pas de coût et que ce ne soit pas plus complexe à gérer, particulièrement pour la PME.

M. Derraji : O.K., oui. Et ça, à part un des groupes que, pour eux, et je les comprends, ils défendent les intérêts des PME, la situation change quand un département de ressources humaines... ou que c'est une entreprise importante, où les ressources sont là pour pallier au manque ou à l'absence d'un employé.

Mme Proulx (Véronique) : Oui, puis je vous dirais que, tu sais, plus l'entreprise est importante, moins ça devient significatif en termes de coûts d'impact, surtout en termes de fardeau administratif. Puis, en même temps, j'ai envie de vous dire... et peut-être que la donne va changer, mais, quand on regarde les statistiques sur les femmes dans le secteur manufacturier, ce n'est pas le secteur qui est le plus affecté par le RQAP. Alors, il y a un pourcentage de femmes qui sont présentes, et, de plus en plus, les papas prennent leur congé parental. Là, je n'ai pas les données, vous les connaissez certainement mieux que moi. Plus on va aller dans le temps, plus l'impact se fera sentir dans le manufacturier, mais, pour l'instant, c'est moins présent. Alors, je comprends que d'autres secteurs sont peut-être... réagissent davantage. Dans le nôtre, je vous dirais que c'est vraiment au niveau de la PME, où on nous dit tout simplement : N'alourdissez pas ce programme-là et ne faites pas en sorte qu'on ait des cotisations additionnelles.

M. Derraji : ...pousser même plus loin la réflexion. Au niveau de l'analyse d'impact, ça doit se séparer un peu, que ce soit PME, moyenne ou grande entreprise, parce que ce n'est pas le même impact.

Mme Proulx (Véronique) : Exact, exact. Comme vous le mentionnez, dans la PME, on n'a pas nécessairement un département de ressources humaines, donc, un congé, lorsque vous avez 20... une personne qui quitte lorsque vous avez 20 ou 50 employés, vous le ressentez vraiment, versus une multinationale, qui compte des milliers d'employés.

M. Derraji : O.K. Là, je reviens au 6.3, congé de paternité parental, avoir plus de prévisibilité pour mieux planifier, O.K. Pour être beaucoup plus... d'une manière beaucoup plus concrète, parce que, là, on va commencer l'étude du projet de loi, c'est quoi, pour vous, la meilleure prévisibilité? Et, si j'ai bien compris la prévisibilité, la prévisibilité dans une grande entreprise, ce n'est pas la même chose dans une moyenne, ce n'est pas la même chose dans une très petite.

Mme Proulx (Véronique) : Oui. Bien, en fait, sur la notion du délai dans lequel le... C'est surtout le papa, en fait, parce que ce que les gens nous ont dit, puis c'est un peu anecdotique, mais quand même, lorsqu'une femme est enceinte, tout le monde le voit, tout le monde le sait, puis on sait à quel moment, environ, elle va partir et pour combien de temps. Donc, c'est clair dans la tête de tout le monde, c'est planifié, c'est organisé, c'est structuré. Quand vient le temps du papa, est-ce qu'il va prendre trois semaines, cinq semaines ou il va partir six mois? Et là, s'il part six mois, puis on a seulement trois semaines de préavis, c'est quand même court, puis, si quelqu'un part six mois, bien, on va vouloir le remplacer, probablement, alors on peut penser à un six à huit semaines avant d'être capable d'afficher, d'embaucher puis d'intégrer la personne. Alors, pour nous, un deux mois, donc, un huit semaines serait un préavis qui pourrait être raisonnable.

Et là je reviens... Tout à l'heure, au commentaire sur les trois semaines de préavis, tant pour les congés, les vacances que les congés parentaux, souvent, les entreprises vont mettre... on peut avoir une politique où ils exigent beaucoup plus de temps, et c'est là où je dis : On pourrait penser à un deux mois, un deux mois de préavis pour ces congés-là.

M. Derraji : Donc, pour vous... vous êtes pour la mesure.

Mme Proulx (Véronique) : Oui.

M. Derraji : La seule chose que vous demandez, ou bien, vos membres vous demandent, c'est que le projet de loi envoie un signal de prévisibilité. Qu'on partage le congé, pas de problème.

Mme Proulx (Véronique) : Il n'y a pas d'enjeu, exact.

M. Derraji : Il n'y a pas d'enjeu. Vous semblez dire, même, que c'est une très bonne idée, ça peut aider à la fois à la femme ou l'homme, à... chacun peut jongler avec son travail.

Mme Proulx (Véronique) : Exact.

M. Derraji : Mais vous voulez davantage de prévisibilité dans le projet de loi. C'est qu'on ne laisse pas ça sans... je n'aime pas le mot «restreindre», je ne sais pas c'est quel mot utiliser, mais on ne laisse pas vague la date de départ. Vous voulez voir vraiment des mesures, pas contraignantes, mais des mesures qui limitent un peu l'utilisation de... je dirais, du partage entre le conjoint ou la conjointe, l'homme ou la femme.

Mme Proulx (Véronique) : C'est vraiment... Je ne suis pas sûre sur la limite, mais c'est vraiment une durée, un préavis, un temps déterminé, une suggestion, une recommandation, ou ça peut être formel aussi. Mais c'est clair que trois semaines n'est pas suffisant lorsqu'on a quelqu'un qui part pour six mois.

M. Derraji : O.K. Mais c'est là où, moi, je voulais... désolé si je vous pousse à avoir plus de jus, là...

Mme Proulx (Véronique) : C'est correct.

M. Derraji : ...mais, dans le contexte de l'étude article par article, c'est... à un certain moment, on va arriver à cette question. Bien, est-ce qu'on va pousser plus pour voir, avec le ministre, son ouverture par rapport à mettre un délai? Le délai, si on l'ajoute dans le projet de loi, est-ce que c'est valable? Est-ce que c'est un délai de huit semaines? Est-ce que... Tu sais, je pense que ça va mériter une bonne discussion par rapport à la prévisibilité. C'est là où moi, je voulais savoir votre point de vue.

Mme Proulx (Véronique) : D'accord. Bien, pour nous, un huit semaines, c'est un minimum de préalable, encore une fois, parce que c'est le temps que ça prend pour pouvoir afficher et remplacer quelqu'un.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Il reste 1 min 45 s.

M. Derraji : Merci beaucoup. Je vais saisir l'occasion que vous êtes là, et ça m'inquiète vraiment, le contexte de la COVID, et vous avez parlé pas mal des femmes en affaires, quelque chose qui m'est très cher, parce que je sais qu'on a fait beaucoup de progrès les dernières années. Toujours dans le contexte de ce projet de loi, est-ce que vous avez des recommandations à nous proposer par rapport au contexte de la COVID et, surtout, avoir cet esprit de conciliation travail-famille? Il y a-tu quelque chose qui vous vient à l'esprit?

Mme Proulx (Véronique) : Bien, je vous dirais que c'est sûr que le thème de la conciliation travail-famille est vraiment d'actualité dans le contexte de COVID-19, où plusieurs ont été pris avec leurs... «pris», je parle de moi... ont été avec leurs enfants... je ne présumerai pas que les autres ont été pris... ont été avec leurs enfants à la maison, puis dans un contexte où, oui, où ils sont de retour à l'école, à la garderie, mais, dès qu'ils ont des symptômes, on les ramène à la maison, alors ce n'est pas clair qu'on est repartis pour travailler pour de bon. Je pense que la notion de conciliation travail-famille va être très, très importante, et la notion de flexibilité.

Alors, est-ce qu'il y a plus qui peut être fait que présentement? Je ne pourrais pas vous dire si, dans le cadre du projet de loi, il y a autre chose qui devrait être spécifique, mais je reviens, par exemple, aux mesures plus larges que j'ai proposées, tout à l'heure, pour attirer davantage de femmes dans un secteur où il y a quand même des possibilités d'avoir une certaine flexibilité dans son horaire, dépendamment des postes que l'on occupe.

M. Derraji : Bien, merci beaucoup. Quand je vais me lever en Chambre, je vais faire mention à mon collègue ministre de l'Emploi et du Travail qu'on vous a entendue par rapport au secteur manufacturier et je vais lui demander que je vais compter sur lui de faire un peu de «push» par rapport à son collègue ministre de l'Économie. Merci beaucoup à vous deux, excellente présentation. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci au député de Nelligan. Nous poursuivons avec le deuxième groupe d'opposition, avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, bienvenue. Pour avoir vécu le confinement avec une petite fille de deux ans et demi, très énergique, je comprends le défi.

Je veux d'abord aller sur les chiffres aussi, qui sont vraiment intéressants, que vous nous avez déposés dans votre mémoire, dans l'annexe, puis je veux bien comprendre, surtout, la fin du tableau, du deuxième tableau, parce qu'on constate, évidemment, donc, une baisse des emplois générale, qui se fait, là, assez de manière drastique en mars, avril, puis ça remonte tranquillement, mais ça ne remonte pas tout à fait à ce que c'était au moment du déclenchement de la pandémie. Cependant, pour les hommes, non seulement ça a remonté, mais ça a dépassé un peu, le nombre d'emplois pour les hommes avant la pandémie, tandis que les femmes, on le devine, donc, on est encore presque à 20 %, là, par rapport au contexte prépandémie. Est-ce que ça voudrait dire qu'il y a des hommes qui ont pris des jobs des femmes dans le retour au travail? Concrètement, est-ce que c'est ce que ça veut dire?

Mme Proulx (Véronique) : C'est ce qu'on comprend. Parce qu'en fait, tu sais, je vous le mentionnais, il y a quand même certains secteurs où il y avait des opportunités, où il y avait une croissance. Ça fait que c'est probablement ce qui fait qu'on se... Bien, en fait, ça peut être ça, ça peut être, effectivement, qu'il y a des hommes qui ont pris la place des femmes qui ne sont pas revenues, ou ça peut être une croissance, tout simplement, de l'emploi, parce qu'il y a de nouveaux postes qui ont été créés. On avait plusieurs membres qui affichaient des postes et qui peinaient à les combler. Ça fait que je ne pourrais pas vous dire la raison précise, mais c'est possible.

M. Leduc : O.K. Ça demeure plus une intuition, pour l'instant...

Mme Proulx (Véronique) : Oui, c'est possible.

M. Leduc : ...qu'une analyse plus pointue. Mais c'est vraiment intéressant, merci de nous avoir partagé ça.

Quand vous parlez du report de quatre ans... pardon, des quatre semaines, le report des quatre semaines, excusez... des quatre ans... le report des quatre semaines, moi, je m'interroge, parce que... Je comprends, puis vous n'êtes pas les premières à nous souligner le côté difficile que la pandémie a eu pour les entreprises, petites, grandes, moyennes. Tout le monde a trouvé ça difficile, mais, justement, il y a les salariés, aussi, des jeunes familles, et je pense particulièrement aux gens qui étaient... les femmes qui avaient une grossesse pendant la pandémie, ça devait être aussi particulièrement angoissant.

Donc, est-ce que l'idée d'avoir des bonnes nouvelles aussi pour les familles, dans le cadre de la relance économique, ne peut pas être quelque chose d'intéressant? Parce qu'il y a aussi des bonnes... il y a quand même des bonnes nouvelles pour les entreprises. Tout le plan de relance qui est en train d'être discuté, les investissements publics dans toutes sortes d'infrastructures, ça va quand même, on l'espère, recréer une certaine demande, pour peut-être aussi, même, plus précisément votre secteur, mais est-ce qu'aussi une bonne nouvelle pour les familles ne pourrait pas être de bon augure pour remonter le moral, de manière plus générale?

Mme Proulx (Véronique) : Au-delà de ce qui est présenté... Vous faites référence aux quatre semaines spécifiquement comme étant...

M. Leduc : Oui, parce que c'est probablement la mesure la... une des mesures les plus intéressantes, en plus du report... pas du report, mais de l'étalement des semaines, là. C'est un peu les deux grands morceaux.

• (17 h 50) •

Mme Proulx (Véronique) : Bien, j'ai envie de vous dire oui, oui, mais, en même temps, dans la mesure de ce que peut supporter le secteur. Puis je reviens à ce que j'ai dit tout à l'heure, ce n'est pas cette mesure spécifiquement, là, qui va faire que le secteur ne sera plus compétitif. C'est vraiment la somme ou le cumul de toutes les mesures, dans les différents ministères, dans... que ce soit au provincial, fédéral ou municipal, qui fait qu'à un moment donné c'est très lourd, puis, dans un contexte de COVID, on essaie vraiment de réduire, de diminuer tout ce qu'on est capable... ou de reporter... pour permettre aux entreprises de rester à flot.

Et c'est vrai que, dans le secteur, ça va relativement bien par rapport à d'autres secteurs d'activité que j'ai nommés tout à l'heure, services, restauration, hôtellerie, mais on s'attend quand même à des mises à pied importantes au cours de l'automne, début 2021. Je pense que plusieurs entreprises vivent sur la subvention salariale présentement, fédérale, et, lorsqu'elle va disparaître, c'est clair qu'il y a des entreprises qui vont devoir laisser aller des employés. Alors, on veut préserver, au minimum, ce que l'on a, puis, ça, c'est l'une des mesures que l'on pourrait reporter qui nous permettrait de faire ça.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. C'est tout le temps que nous avions. Alors, nous cédons maintenant la parole au troisième groupe d'opposition, à la députée de Joliette.

Mme Hivon : Merci beaucoup. Très intéressant de vous entendre. Juste sur la question, justement, de l'augmentation, même, du nombre d'emplois chez les hommes versus la baisse significative chez les femmes, est-ce qu'une hypothèse, dans cette logique de conciliation, c'est qu'évidemment les travailleurs du milieu manufacturier n'avaient pas beaucoup de flexibilité de travail à distance, et donc c'est majoritairement des femmes qui ont dû rester à la maison pour vivre avec la nouvelle réalité familiale des enfants à la maison, et tout ça? Est-ce que c'est quelque chose qui vous semble plausible?

Mme Proulx (Véronique) : Oui, tout à fait, puis c'est sûr que, quand on travaille sur le plancher d'usine, la flexibilité sur les horaires, si c'est sur une chaîne de montage, c'est très difficile. Alors, ce qu'on peut comprendre ou lire, c'est que les femmes sont retournées et les hommes sont restés sur...

Mme Hivon : ...pas le choix d'avoir quelqu'un à la maison, avec les enfants à la maison.

Mme Proulx (Véronique) : Exact, exact.

Mme Hivon : Voilà. Donc, je pense que ça prouve le point qu'il faut continuer à travailler sur une meilleure équité hommes-femmes dans la perception des choses et le rôle de chacun.

Moi, je veux vraiment vous entendre sur la question de la prévisibilité. Je pense que, oui, je comprends votre préoccupation. Donc, vous nous dites huit semaines, mais est-ce que vous nous dites : Huit semaines serait l'idéal dans tous les cas de figure? Ou vous nous dites, par exemple, quand la personne partirait pour une période de plus de deux mois, par exemple? Donc, est-ce que vous faites ce jeu d'équilibre là?

Mme Proulx (Véronique) : ...on en parlait, lorsque, par exemple, pour le congé de maternité, et, si le papa prend les trois ou cinq premières semaines, tu n'as pas de... bien, en fait, tu as une prévisibilité, mais tu n'es pas capable de dire : À tel moment, je pars pour cinq semaines. Alors, ça, je pense que ce serait un cas d'exception, clairement. Mais, dans le cas où on part pour... en fait, dans le cas où on part pour plus de deux mois, l'employeur va chercher à nous remplacer. Deux mois, c'est difficile de remplacer quelqu'un, mais, pour plus de deux mois, il va certainement nous remplacer, et c'est là où on pourrait s'attendre à avoir la prévisibilité qui est requise.

Mme Hivon : ...je ne sais pas si j'ai échappé quelque chose, mais est-ce que vous mettez une période de temps pour laquelle ce préavis-là vous semble nécessaire?

Mme Proulx (Véronique) : On ne l'a pas mis, on ne l'a pas mis.

Mme Hivon : Non? Mais vous comprenez que, si quelqu'un dit : Je vais prendre trois semaines là puis deux semaines là, on n'est pas dans le même cas de figure...

Mme Proulx (Véronique) : Non, non, exactement.

Mme Hivon : ...que quelqu'un qui dit : Je vais prendre trois mois là puis, dans trois mois, un autre trois mois.

Mme Proulx (Véronique) : Non, non, exact.

Mme Hivon : O.K. Ça fait que...

Mme Proulx (Véronique) : On s'entend, oui.

Mme Hivon : Je comprends, on s'entend. Puis, juste pour être bien claire, si on vous avait entendue en mars dernier, donc, avant l'événement de la pandémie, vous nous auriez dit que vous étiez d'accord avec tout, y compris avec l'ajout des...

Mme Proulx (Véronique) : Des quatre semaines?

Mme Hivon : ...des quatre semaines?

Mme Proulx (Véronique) : Oui, je ne pense pas qu'il y aurait eu d'enjeu là, oui.

Mme Hivon : O.K. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme IsaBelle) : C'est tout? Alors, nous remercions Mme Proulx ainsi que Mme Labranche pour vos interventions et votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux quelques instants... En fait, non, en fait, c'est terminé. Je vous remercie pour votre contribution, et la commission suspend ses travaux jusqu'à 19 h 30. C'est bien, merci.

(Suspension de la séance à 17 h 55)

(Reprise à 19 h 30)

La Présidente (Mme IsaBelle) : À l'ordre, s'il vous plaît! Merci. La Commission de l'économie et du travail reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 51, Loi visant principalement à améliorer la flexibilité du régime d'assurance parentale afin de favoriser la conciliation famille-travail.

Ce soir, nous entendons le Regroupement des jeunes chambres de commerce du Québec. Alors, je vous souhaite la bienvenue. Je souhaite donc la bienvenue à Mme Lamarche et à M. Al-Nosir. Je vous invite donc à commencer votre exposé, vous avez 10 minutes. Mais avant, prenez le temps de bien vous présenter.

Regroupement des jeunes chambres de commerce du Québec (RJCCQ)

Mme Lamarche (Alexandra) : Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Donc, je me présente : Alexandra Lamarche. Je suis directrice générale adjointe du Regroupement des jeunes chambres de commerce du Québec.

M. Al-Nosir (Ronny) : Mon nom est Ronny Al-Nosir. Je suis responsable du contenu au Regroupement des jeunes chambres de commerce du Québec.

Mme Lamarche (Alexandra) : Donc, Mme la Présidente, Mmes et MM. les députés, M. le ministre, merci beaucoup. Permettez-moi de vous remercier à mon tour pour l'invitation à participer à cette consultation particulière.

D'entrée de jeu, je vais vous présenter rapidement le Regroupement des jeunes chambres de commerce du Québec. Donc, fondé en 1992, le regroupement est un organisme sans but lucratif qui regroupe 45 jeunes chambres de commerce et ailes jeunesse à travers le Québec qui représentent environ 13 000 jeunes professionnels, cadres, travailleurs autonomes, entrepreneurs âgés entre 18 et 40 ans. Donc, en plus d'avoir une étendue géographique très importante, on est présents sur presque 15 des 17 régions administratives. Le regroupement compte parmi ses rangs une douzaine d'organisations issues des communautés culturelles, ce qui le rend unique en son genre au Québec.

Donc, le regroupement est la voie de la relève d'affaires au Québec et s'affaire à défendre les intérêts de ses membres tout en respectant les trois objectifs prioritaires suivants : représenter les jeunes gens d'affaires auprès d'intervenants publics et privés, favoriser l'échange et la synergie entre les jeunes chambres de commerce membres, et encourager le développement des jeunes chambres de commerce à travers le Québec. Donc, en ce sens, le regroupement souhaite réitérer sa disponibilité à soutenir le gouvernement du Québec, visant à encourager et faciliter l'entrepreneuriat auprès de la jeunesse québécoise. Par sa connaissance du milieu, le regroupement peut également arrimer la réalité de la relève entrepreneuriale à la vision gouvernementale au profit du développement économique à court, moyen et long terme.

Au nom du Regroupement des jeunes chambres de commerce du Québec, je tiens à souligner, encore une fois, notre reconnaissance de nous octroyer une tribune permettant le partage des réflexions de la relève d'affaires au sujet du projet de loi n° 51. Sans plus tarder, je vais céder la parole à mon collègue Ronny, avant de faire la conclusion.

M. Al-Nosir (Ronny) : Merci, Alexandra. Donc, bonjour à toutes et à tous. Comme vous le savez, nous devions nous rencontrer en mars, mais la vie en a décidé autrement. Le contexte particulier que nous connaissons a retardé notre discussion à aujourd'hui, mais c'est une discussion très nécessaire que nous allons avoir.

À la lecture du projet de loi, nous nous sommes réjouis de la plupart des mesures qui ont été mises en place. Cependant, nous aimerions vous proposer aujourd'hui trois recommandations qui visent à améliorer ce projet-là pour le bien de nos concitoyennes et concitoyens. Sachez que ce qui vous sera présenté dans les prochaines minutes prend en considération le contexte que nous vivons et nous les croyons toujours pertinentes à ce jour.

Tout d'abord, nous nous référons à une étude sur l'implication des pères dans le développement cognitif des bébés, conduite en 2017 par les prestigieuses universités du King's College de Londres et Oxford, menée par l'équipe de M. Paul Ramchandani de l'université Cambridge. Cette étude a... conclu, pardon, qu'il est primordial que le père soit présent le plus tôt possible pour le développement cognitif des nouveau-nés.

Effectivement, Mme la Présidente, cette corrélation n'avait jusqu'à maintenant jamais vraiment été explorée, mais nous avons découvert que même à partir de trois mois, les interactions père-enfant peuvent prédire positivement ce développement cognitif presque deux ans plus tard. En ce sens, le regroupement appuie le fait qu'il est essentiel de discuter de la présence du père au courant des premiers instants de la vie d'un enfant pour son futur bien-être cognitif.

Pour reprendre une étude de chez nous, la professeure et directrice intérimaire au département de psychologie à l'Université de Sherbrooke, Mme Guadalupe Puentes-Neuman, confirme que le rôle du père et de la mère sont complémentaires et donc tout aussi importants dans les premières années de la vie d'un enfant. Plus spécifiquement, le Conseil de la famille et de l'enfance a publié un rapport en 2008 qui explique qu'un engagement plus précoce des parents bénéficie aux compétences cognitives et sociales des enfants, au niveau de leur estime personnelle et leur santé mentale, la santé mentale, un thème qui est très récurrent de nos jours.

En ce sens, Mme la Présidente, il nous semble logique et pertinent comme première recommandation de vous proposer d'étaler le congé parental sur 104 semaines, donc deux ans, plutôt que 78, donc une année et demie, ce qui représente une amélioration par rapport au un an permis actuellement. Comme il a été démontré, cela nous permettrait non seulement d'avoir des impacts positifs notoires sur le développement cognitif, mais permettrait plus crucialement de bâtir une jeunesse québécoise plus forte pour affronter les défis du futur.

De plus, il serait injuste envers les prochaines générations que nous fassions des réformes sociales ou environnementales trop lentes, surtout lorsque la science nous dit de le faire et que nous avons les moyens d'agir.

Ensuite, pour la deuxième recommandation. Elle concerne la fréquence de révision du RQAP. Ce régime, comme vous le savez, n'a connu aucune révision depuis 2006, depuis son adoption. Il était évident que cette mise à jour que nous faisons actuellement était plus que bienvenue. Dans le même ordre d'idées, nous souhaitons souligner l'importance d'empêcher que les prochaines révisions du RQAP se fassent avec un délai très long.

Considérant l'évolution constante de la réalité parentale et l'adoption... l'adaptation du régime qui doit être faite en conséquence, M. le ministre a déposé des amendements qui prévoient la publication d'un rapport par le MTESS au plus tard le 1er janvier 2026 pour assurer une révision du projet. Nous saluons cette volonté de réviser régulièrement le RQAP.

Cependant, nous trouvons que la fréquence est trop mince. Ce que nous vous suggérons plutôt, c'est une révision obligatoire aux quatre ans et la publication d'un rapport annuel qui ferait état un peu des mesures du RQAP pour voir comment ça évolue et ce qui pourrait être changé. Bien sûr, le gouvernement peut procéder à une révision dès qu'il la juge nécessaire. Nous maintiendrons ainsi un RQAP moderne et adapté à la réalité changeante de la société.

Enfin, en tant qu'organisation qui représente la relève d'affaires et la jeunesse, l'équité intergénérationnelle et l'égalité des genres sont, pour le regroupement, des enjeux qui sont incontournables. Selon une étude du Conseil du statut de la femme publiée en mars 2019, une famille sur quatre, au Québec, est monoparentale, et 75 % des familles monoparentales ont une femme à leur tête.

Nous croyons que le gouvernement doit s'assurer d'une flexibilité évolutive pour défendre le principe d'équité intergénérationnelle et d'égalité des genres. Par exemple, M. le ministre a déposé des amendements pour permettre plus de semaines de congé parental aux parents adoptants. C'est le genre de flexibilité que nous voulons voir. Cependant... Nous croyons donc qu'il faut considérer... Il faut s'assurer que le projet de loi permette une flexibilité afin que des groupes de la société qui pourraient être oubliés ne le soient pas.

En prenant cette considération, nous croyons que nous pourrons avoir un impact positif en plus de redresser les potentielles iniquités qui pourraient avoir lieu et qui pourraient ne pas avoir été observées au moment d'adopter une réforme.

Je vais maintenant céder la parole à ma collègue, qui fera notre conclusion.

Mme Lamarche (Alexandra) : Merci, Ronny, pour la présentation. Donc, vous avez pu le constater, somme toute, le regroupement salue la vision du gouvernement et la volonté de bonifier le RQAP pour lequel la révision était plus que nécessaire. Donc, instauré il y a 14 ans, ce programme a eu des impacts positifs pour la conciliation famille-travail, puis ça a permis d'améliorer à la fois la qualité de vie des parents et le développement de l'enfance au Québec.

Les propositions présentées aujourd'hui sont celles que nous jugeons pertinentes pour le renforcement du projet de loi n° 51 et surtout pour que la nouvelle mouture du RQAP soit aussi avantageuse que possible pour les parents du Québec, ces derniers s'incluant dans la relève d'affaires représentée par le regroupement.

De plus, le contexte incertain qui vient renchérir un peu l'importance d'une révision fréquente du RQAP, selon nous... Je vais vous citer quelques statistiques, là, pour terminer. Donc, une étude du Women Entrepreneurship Knowledge Hub a révélé que la pandémie a eu un impact économique démesuré sur les femmes entrepreneures. En effet, deux entreprises sur trois fonctionnent à 50 % de leur capacité, et 22,3 % des femmes entrepreneures sondées affirment anticiper avoir de la difficulté à se remettre de la crise actuelle.

Donc, par conséquent... Donc, à la lumière de ce que je viens de dire, c'est très pertinent de s'adapter aux nouvelles réalités, et ce projet de loi est déjà une première manière juste de le faire, de les aider. Mais on croit que, justement, les propositions pourraient renchérir ce projet de loi pour avoir une plus grande flexibilité et une révision plus fréquente de tout cela.

Donc, pour terminer, j'aimerais réitérer qu'on accueille favorablement la restructuration du RQAP. Il s'agit d'une étape nécessaire, selon nous, et très juste considérant la situation actuelle. Selon nous, le RQAP est un exemple et un modèle à suivre dans le monde, et sa refonte ne ferait que renforcer sa réputation internationale. Donc, je vous remercie infiniment. Je suis prête pour les questions, on est prêts pour les questions.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, merci pour votre exposé. Donc, nous allons commencer la période d'échange. M. le ministre, à vous la parole, et vous disposez de 16 minutes.

M. Boulet : Merci, Mme la Présidente. D'abord, vous remercier sincèrement pour votre présence et votre contribution à un débat qui est tellement fondamental pour l'évolution de la société québécoise et la qualité de vie des familles et des parents. Et, comme vous êtes l'espèce de parapluie des jeunes entrepreneurs au Québec, c'est particulièrement rafraîchissant de vous entendre. Que vous soyez favorables, en plus, au projet de loi, malgré le contexte pandémique, je pense que ça démontre que vous avez bien saisi la réalité puis les objectifs de ce projet de loi là.

Pour votre première recommandation, je le comprends très bien. L'étude — c'est Ronny — à laquelle tu faisais référence, l'importance du père dans le développement cognitif et social de l'enfant, est-ce que cette étude-là référait seulement au père, ou parlait de la présence des parents, ou la présence des deux, ou c'était axé...

• (19 h 40) •

M. Al-Nosir (Ronny) : Dans le fond, justement, c'est ce que je spécifiais, c'est que cette question-là, elle n'a pas vraiment été étudiée, donc on s'est concentrés vraiment sur le père. On a déterminé aussi le rôle des parents comme étant complémentaire, mais il y a aussi... on s'est penché sur le père. Donc, vraiment, c'est un peu des deux, mais, oui, c'est une des premières études qui se concentrait vraiment sur le rôle du père en soi.

M. Boulet : Parfait. Et, quand vous parlez d'étalement sur 104 semaines, je le comprends, c'est une revendication qui est présentée par plusieurs groupes, est-ce que... Quel est le niveau de confort des jeunes entrepreneurs québécois face à un potentiel étalement sur 104 semaines?

Mme Lamarche (Alexandra) : En fait, c'est ce qu'on entend dans les échos qu'on a de notre côté, c'est que, justement, une plus grande flexibilité, donc de l'étalement sur deux ans au lieu d'un an et demi... bien que le un an et demi soit très bien accueilli, c'est déjà une première étape, on croit que deux ans seraient favorables, justement, pour la situation des entrepreneurs.

M. Boulet : Oui, particulièrement, j'imagine, les travailleurs et travailleuses autonomes...

Mme Lamarche (Alexandra) : ...inclus là-dedans, oui.

M. Boulet : ...qui pourraient mieux planifier. C'est plus prévisible. O.K.

Pour la fréquence de révision, je comprends, révision obligatoire aux quatre ans. Moi, j'accueille favorablement des commentaires comme ceux-là, et je pense que je l'ai dit un peu plus tôt aujourd'hui, il faut que nos lois permettent à la société d'avancer, pas que nos lois soient des mainteneurs de statu quo social, mais qu'on joue un rôle un peu plus proactif puis qu'on soit en avant, qu'on soit des provocateurs de changement, plutôt que réagir après, ici, dans le cas présent, l'évolution du marché du travail, puis les besoins, puis les préoccupations des jeunes familles.

Est-ce que vous avez pris connaissance de la possibilité de mettre en place des projets pilotes évidemment par voie réglementaire? J'aimerais vous... Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Al-Nosir (Ronny) : Bien, oui, c'est évident qu'un projet pilote c'est quelque chose qui est toujours accueilli favorablement parce que ça permet de tester, justement, une idée autant sur une politique publique que sur un programme.

Pour ce qui est de la révision, juste faire un point, M. le ministre, si vous le permettez. C'est que, dans le fond, les entrepreneurs, généralement, ils vont faire un plan d'action aux quatre ans, sur quatre ans, sur cinq ans. Donc, une révision aux quatre ans, ça leur permet un peu de savoir à quoi s'attendre au niveau du RQAP, une révision plus fréquente. Donc, ça permet de mieux planifier un peu la planification stratégique de sa PME, de son entreprise. C'est pour aussi ça qui a un peu... qui a alimenté cette recommandation-là.

Au niveau de ce que vous dites sur les projets pilotes, c'est certain qu'on accueille favorablement si le gouvernement veut mettre en place des projets pilotes. Nous, justement, quand tu es une PME, tu prends souvent part à des nouveaux programmes, des nouvelles subventions que le gouvernement met en place et tu es parfois dans les premières cohortes qui appliquent pour des programmes. Donc, effectivement, je pense que c'est accueilli favorablement, un projet pilote, absolument.

M. Boulet : Puis, si je vous demandais de... Avez-vous des idées ou des suggestions de projet pilote? Est-ce que vous seriez en mesure d'en identifier? Alexandra.

Mme Lamarche (Alexandra) : Oui, bien, en fait, on a soulevé la cause des femmes entrepreneures. Je pense que des femmes à la tête d'entreprises, ça pourrait être, justement, un cas qu'on pourrait étudier plus attentivement. On a eu aussi écho de certains... Souvent, il y a beaucoup de couples qui se lancent en affaires ensemble, donc, des fois, d'avoir deux entrepreneurs à la tête d'une entreprise, ça devient plus complexe aussi. On parle de cas vraiment uniques et particuliers, mais qui sont quand même... qui rejoignent quand même une bonne partie de nos entrepreneurs qui font partie de notre réseau.

M. Boulet : C'est intéressant, Alexandra. Les projets pilotes visent à répondre à des besoins particuliers. Et c'est mis en place, comme on disait, temporairement, et ça vise à tester — j'aime bien le terme — tester une réalité sociale puis voir, à l'expiration du projet pilote, si c'est plus bénéfique, tu fais la balance des avantages et inconvénients et tu décides si ça doit devenir permanent ou non.

Le troisième élément, ça, je n'ai pas bien suivi, Ronny. L'équité intergénérationnelle, je suis un défenseur de ça, bien sûr, c'est très vertueux de le mentionner. Quand on parle des disparités de traitement, ça engendre beaucoup de contentieux dans les partis politiques puis sur la place publique. On l'a vu avec la Loi sur les normes du travail. Mais... Puis j'ai compris le lien que tu faisais avec les mères monoparentales. Mais est-ce que le régime comporte, en soi, des éléments qui laissent croire à une iniquité intergénérationnelle?

M. Al-Nosir (Ronny) : Oui, mais on parlait tout à l'heure, justement, d'un projet pilote, là, ma collègue a mentionné les femmes entrepreneures. Mais ce n'est pas nécessairement qu'on vous dit qu'en ce moment le régime a des iniquités, c'est juste qu'il faut rester vigilant, que, parfois, il y a des groupes de personnes comme, par exemple, les femmes entrepreneures qui pourraient peut-être avoir de la difficulté à accéder au régime ou qui ne sont peut-être pas au courant de comment y accéder ou les droits qu'elles ont, tout ça.

Donc, c'est vraiment juste de rester vigilant et de toujours s'assurer que ce principe-là est pris en compte, puis je sais qu'il est pris en compte, mais juste, dans le fond, d'appliquer ce principe-là, de toujours le garder en tête. C'est vraiment juste parce que c'est une de nos valeurs qui nous est chère au regroupement, puis on voulait la mettre sous forme de recommandation parce qu'on trouvait ça à ce point-là important.

Vous parlez des disparités de traitement, on travaille avec des groupes, depuis la fin des années 90, pour mettre fin aux clauses de disparité de traitement, mais c'est ce genre de truc là qu'on veut juste éviter qu'il arrive. Mais, en ce moment, on ne fait pas un signalement, là, en ce moment, dans le RQAP, d'une iniquité.

M. Boulet : O.K. Parfait. Parce que je suis convaincu, dans cette salle, il n'y a personne qui veut contribuer à la mise en place ou à la perpétuation de disparités de traitement, surtout dans un régime qui est tellement axé sur le bien-être des familles puis des parents. Moi, j'ai bien compris, puis on va être attentifs à ça, là, dans toutes les lois du Québec, là, à être prudents, à maintenir l'équité intergénérationnelle, c'est bien important. Je pense, Ronny, vous faites plus référence à l'équité entre les groupes de la société puis particulièrement les jeunes femmes entrepreneures, Alexandra.

Mme Lamarche (Alexandra) : Bien, aussi, par équité intergénérationnelle, ce qu'on veut dire, qu'en ce moment on veut que les jeunes bénéficient des mêmes chances. Donc, on ne veut pas non plus empêcher qu'ils puissent bénéficier d'un régime plus flexible, plus ouvert, plus... avec une révision plus fréquente. Donc, c'est par là aussi qu'on avait abordé cette thématique-là.

M. Boulet : O.K. C'est un bon point. Moi, ça complète, mais, encore une fois, je veux... est-ce qu'il y avait un point... est-ce que ça va? Merci beaucoup, encore une fois. Votre présence est extrêmement appréciée puis vraiment des bons commentaires. Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci, M. le ministre. Y a-t-il d'autres interventions? S'il n'y a pas d'autre intervention, nous allons poursuivre maintenant avec le député de Nelligan.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. Donc, j'espère qu'il n'y aura pas d'autre intervention, M. le ministre.

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Boulet : ...vous êtes moins flexible.

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Derraji : Bon. Bon. Bon. Il n'y a pas de café.

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Derraji : Alors, on s'amuse, parce que c'est important, hein, ça rentre dans la conciliation. Merci pour votre présence.

Des bons points, ça m'a... une question m'interpelle beaucoup, surtout dans le contexte de la COVID, la situation des jeunes entrepreneurs. Je sais que le regroupement a pas mal de jeunes entrepreneurs comme membres via le réseau des jeunes chambres un peu partout au Québec. C'est quoi, la situation? Parce qu'il y a beaucoup de groupes qui représentent des entreprises, juste avant vous, qui nous ont partagé un peu une situation, mais j'aimerais bien voir avec vous c'est quoi, la situation présentement de...

Mme Lamarche (Alexandra) : Des entrepreneurs?

M. Derraji : Oui.

Mme Lamarche (Alexandra) : Oui. Bien, en fait, c'est sûr qu'ils sont très, très affectés par la pandémie actuelle. On ne se le cachera pas, ça affecte pas mal tous les groupes de la société actuellement. Ils font preuve de beaucoup de résilience, d'adaptabilité aussi. C'est des gens, justement, qui sont ouverts à se revirer sur un 10 cents, si je peux me permettre. Donc, c'est sûr que d'avoir des programmes en place qui sont faciles d'accès, qui sont, justement, clairs et aussi très, justement, très, très ouverts et très... moins restrictifs, ça leur permet, justement, de s'en sortir plus facilement, de cette crise-là.

M. Derraji : Et, justement, dans ce sens, vous avez évoqué un point qui est extrêmement important, c'est la situation des jeunes femmes entrepreneures. Et sérieux, le ministre vous a ouvert une porte énorme, prenez le temps de réfléchir par rapport à un projet pilote. Probablement pas maintenant, on va commencer l'étude du projet de loi dans quelques semaines, mais prenez le temps vraiment de réfléchir. Parce qu'une autre petite parenthèse, j'étais au regroupement dans une ancienne vie, M. le ministre, donc je pense...

• (19 h 50) •

M. Boulet : La raison pour laquelle vous allez consentir à d'autres interventions.

M. Derraji : Vous faites très bien de me le dire. Mais je pense qu'on a, devant nous, une situation où je vois bien vraiment un autre projet pilote. Je ne sais pas si c'est le cas ou pas, mais à un certain moment d'une autre vie professionnelle où j'étais moi-même sensibilisé à cette question par rapport à des jeunes femmes entrepreneures, ça, c'est cas 1. Cas 2, vous l'avez évoqué, Alexandra, le cas que deux jeunes entrepreneurs, au même moment, ils se lancent. Et là, à un certain moment, tu arrives à adopter une conciliation à l'intérieur du couple, mais aussi une conciliation en termes d'affaires. Et c'est très difficile. Donc, je vous invite à réfléchir, à suivre le projet de loi, les discussions.

Le Conseil du statut de la femme aujourd'hui nous a parlé des 2 000 cas ou 2 200 familles monoparentales. Et il nous a aussi sensibilisés par rapport à la question des étudiants avec des bourses, surtout universitaires. Réfléchissez, parce que ce n'est pas très tard, on a encore le temps. Probablement, vous n'avez pas eu le temps de faire le tour de la question, mais prenez le temps de réfléchir à ces deux cas de figure, et, si on peut, d'ici là, recommuniquez avec nous, avec l'équipe de la commission.

L'autre point que je trouve, écoute, c'est la première fois que je l'entends moi aussi, la révision du RQAP. Donc, vous avez basé votre raisonnement... je trouve l'idée bonne, mais vous avez basé votre argument... Vous avez basé vos arguments sur quels points? C'est quoi, les éléments qui vous poussent à dire, à venir aujourd'hui en commission nous dire : Écoutez, vous devez... on vous suggère de faire la révision au bout de quatre ans?

M. Al-Nosir (Ronny) : Oui, bien, écoutez, merci, M. le député de Nelligan, premièrement, pour votre intervention et votre question. Avant de répondre à la question sur la révision, j'aimerais revenir sur le projet pilote, si vous permettez. Dans le fond, oui, le regroupement... d'ailleurs, on a un livre blanc qu'on a publié aujourd'hui, justement, qui comporte une vingtaine de recommandations, et, parmi celles-ci, il y a une recommandation qui est, par exemple, d'embaucher des conseillères en entrepreneuriat féminin dans les groupes comme la RJCCQ pour accompagner les femmes entrepreneures qui voudraient se lancer en affaires. On dit que c'est un défi non seulement au niveau de la conciliation travail-famille, mais juste se lancer en affaires en général. Ça fait que ça pourrait être un projet pilote intéressant. Je vous dis ça comme ça. Vous pouvez l'étudier et voir si c'est quelque chose qui est intéressant. Mais, par exemple, c'est le genre d'idée qu'on peut mettre de l'avant. On pourrait vous soumettre une proposition peut-être plus détaillée à une date ultérieure.

Pour ce qui est de votre question sur la révision, c'est que, dans le fond, on... nous, quand on a vu aux six ans, on a accueilli favorablement, mais, comme je vous dis, au niveau d'une entreprise, on fait généralement des plans aux quatre ans, les plans gouvernementaux aussi sont aux quatre ans, aux cinq ans. Tu sais, il y en a qui sont plus longs... parfois, mais c'est aux quatre ans, aux cinq ans. Donc, on s'est dit que réviser aux quatre ans, ça permettrait d'avoir une révision plus fréquente, mais non seulement ça, on demande un état des lieux un peu annuel du RQAP, voir combien de gens le prennent, combien de gens en bénéficient, est-ce qu'il y a des gens qui seraient oubliés, comme ce qu'on a mentionné. Puis, si le ministre juge, après deux ans ou trois ans, ou le ou la ministre, pardon, que c'est nécessaire de réviser, ils peuvent le faire avant, tu sais, c'est vraiment juste de garder cette flexibilité-là puis, aux quatre ans, d'avoir un rapport complet, dans le fond, qui nous donnerait un état des lieux plus complet. Donc, c'est vraiment ça, notre suggestion, oui.

M. Boulet : ...il y en a un, hein, Ronny...

La Présidente (Mme IsaBelle) : M. le ministre, attendez un instant. Avons-nous le consentement? Vous avez failli me prendre, M. le ministre.

M. Derraji : Je pense que nous avons bien commencé, on va terminer, mais je ne suis pas sûr que je lui ferais ça demain, donc ce n'est pas grave. Allez-y.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Allez-y, M. le ministre.

M. Boulet : Évidemment, pour confirmer qu'il y en a un, rapport annuel... Le Conseil de gestion de l'assurance parentale en produit un, avec tous les éléments qualitatifs et quantitatifs, eu égard à l'application du régime québécois. Ça fait qu'à ce niveau-là le conseil fait très, très bien son travail, un rapport qui est aussi très rigoureux.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci, M. le ministre.

M. Derraji : Justement, par rapport au rapport, mais par rapport à la fréquence de révision, pour vous... pour se donner les meilleures pratiques ou avoir une meilleure prévisibilité par rapport à des groupes oubliés, si j'ai bien compris. C'est bon?

M. Al-Nosir (Ronny) : Oui, oui. Dans le fond, oui, exactement. C'est que, pour une PME, surtout, la prévisibilité, c'est très important. Donc, pour les gens qu'on représente, aux quatre ans, ça serait bénéfique.

M. Derraji : Vous avez aussi mentionné, dans le troisième point, où vous parlez beaucoup de l'équité intergénérationnelle, etc., et vous avez mentionné des groupes oubliés... Est-ce que vous pensez que ce projet de loi oublie des groupes? S'il oublie des groupes, lesquels? Et, si vous avez des suggestions...

Mme Lamarche (Alexandra) : Oui, bien, en fait, parmi les oubliés, c'est toujours la question des travailleurs autonomes, entrepreneurs aussi, pour qui le RQAP répond moins directement à leurs besoins, je dirais, mais, selon nous, les propositions de flexibilité et de fréquence de révision viennent un peu, justement, pallier à ça, puis, justement, des cas de projets pilotes, comme vous l'avez mentionné, M. le ministre, c'est des trucs qui sont accueillis favorablement de notre côté, parce que c'est la façon, pour nous, d'essayer des nouvelles façons de faire, pour, justement, aider nos membres.

M. Derraji : Oui. Encore une fois, par rapport à vos membres, à part les femmes entrepreneures, à part les jeunes entrepreneurs, en couple ou en affaires, avez-vous d'autres groupes que vous devez nous sensibiliser aujourd'hui, que vous jugez que c'est important que la commission prenne en considération ces gens?

M. Al-Nosir (Ronny) : Bien, oui, peut-être, si je... Moi, je complète une maîtrise, en ce moment, aux HEC Montréal, puis les parents étudiants, c'est peut-être un groupe à considérer. Je ne dis pas, là, qu'ils sont oubliés ou non par le projet de loi, mais je vous dirais peut-être juste de voir la situation des parents étudiants, comment on peut aider... le régime peut aider les parents étudiants, là, ce serait vraiment quelque chose à considérer.

M. Derraji : C'est un bon point et ça a été ramené sur la table par le Conseil du statut de la femme ce matin. J'ai moi-même posé la question, parce que, vous comprenez, quand on est... quand on étudie un projet de loi ou une loi, on a des articles, etc. Vous comprenez la dynamique. Et. quand j'ai posé moi-même la question au Conseil du statut de la femme, le chiffre, et corrigez-moi si je me trompe, on parle de 1 300... on parle d'un cas spécifique, c'est des bourses où ils ne sont pas pris en considération. Donc, le cas, c'est de 1 300, mais, dans le rapport, eux aussi, ils mentionnent que c'est un groupe à suivre. Et c'est pour cela, le ministre, tout à l'heure, vous a parlé des projets pilotes, ça serait un cas où est-ce qu'on peut dire... je vais utiliser le mot de notre collègue députée de Joliette tout à l'heure, si on peut parler de la solidarité, si on impose à l'ensemble des étudiants, bien, tous les étudiants vont commencer à cotiser par rapport au régime.

Si on cible par un projet pilote un groupe spécifique, on répond aux besoins de ce groupe spécifique. Vous, qu'est-ce que vous en pensez? Est-ce qu'on doit aller d'une manière générale ou bien un projet pilote pour... spécifique à un groupe en particulier? On répond à leurs besoins.

M. Al-Nosir (Ronny) : Dans le fond, un projet pilote, ça peut être autant général que spécifique, mais, généralement, si vous me demandez ce que j'en pense, c'est qu'un projet pilote, c'est justement pour aider une population spécifique, plus généralement, qui est comme, peut-être, délaissée ou qui a de la difficulté à accéder à quelque chose. Donc, je pense effectivement que ça doit être spécifique.

Comme, par exemple, je vous parle des parents étudiants, qu'en est-il, par exemple, des parents étudiants qui sont entrepreneurs ou qui veulent devenir entrepreneurs? Il y a peut-être un projet pilote à faire là. Tu sais, je n'en ai pas à vous proposer aujourd'hui à part les conseillères en entrepreneuriat féminin dont je vous ai parlé, qui sont dans notre livre blanc, que je vous invite à aller lire, d'ailleurs. Mais à part ça, tu sais, il y a des projets pilotes pour des groupes spécifiques, je pense, c'est ça qu'il faut viser, effectivement.

M. Derraji : Donc, vous avez raison. Mon but, aujourd'hui, c'est vraiment valider avec vous les groupes que vous avez dits oubliés. Nous avons déjà quelques groupes que nous avons répertoriés avec quelques groupes avant vous, donc c'est très clair de ma part. Merci, encore une fois, pour votre présence et de faire... de nous ramener vos propositions. Merci à vous deux. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci, député de Nelligan. Alors, nous poursuivons avec le deuxième groupe d'opposition, avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Bonsoir, bienvenue, merci d'être là. On a entendu aujourd'hui plusieurs groupes dirons-nous patronaux ou, en tout cas, dans le milieu de l'entreprise, et votre présentation détonne grandement de celles qu'on a entendues plus tôt aujourd'hui sur le fond, et peut-être un peu sur la forme, mais sur le fond, donc. Qu'est-ce qui explique cette différence-là? Est-ce que c'est une question de génération?

Mme Lamarche (Alexandra) : Oui, en fait, peut-être, c'est une question de génération. C'est aussi à la lumière des échos qu'on a eus de notre côté. On est conscients que d'autres groupes sont moins en faveur, justement, de la flexibilité ou de mettre ça sur 104 semaines considérant, peut-être, les charges administratives que ça peut avoir sur l'employeur. Par contre, nous, si on se fie plus au bassin qu'on représente, on croit que c'est bénéfique, notamment pour, justement, permettre aux entrepreneurs, aux pères, aux mères de, justement, pouvoir bénéficier du congé sur une plus longue durée.

Dans un contexte de crise, aussi, je crois que certains... par exemple, un employé qui ne voudrait pas nécessairement prendre son congé maintenant parce qu'il doit travailler, il doit être au front, de le mettre sur 104 semaines, c'est juste une question d'avoir une... d'une plus grande flexibilité pour lui de pouvoir profiter de ce congé-là, dans le fond.

• (20 heures) •

M. Leduc : Intéressant. Sur la question des semaines supplémentaires, il y avait eu différentes options à savoir est-ce qu'on rajoute quatre semaines de plus s'il y a un partage? D'autres personnes, dont chez nous, mais d'autres groupes aussi qui ont passé aussi ce matin, le Conseil du statut de la femme disait que ça serait mieux d'avoir des semaines directement pour le père, donc de bonifier les cinq semaines à sept, par exemple, ou plus, là. Est-ce que vous avez une opinion par rapport à ça?

Mme Lamarche (Alexandra) : En fait, ce que je peux soulever, nous, on accueillerait favorablement tout ce qui peut encourager, justement, le père à prendre des semaines de congé paternel, parce que, justement... ou parental, en fait, parce que ce qu'on voit souvent, c'est que c'est majoritairement les femmes qui prennent ces congés-là. Donc, nous, s'il peut y avoir des mesures qui font en sorte que les pères sont incités à les prendre et qu'ils voient aussi... puis ça... Au final, je pense que plus ils sont incités, plus ils vont voir les bienfaits que ça peut apporter. Donc, c'est un peu comme ça que nous, on le voit, si je peux m'exprimer ainsi.

M. Al-Nosir (Ronny) : Je rajouterais aussi, si vous permettez, que, dans le fond, les pères, il y a un changement de culture à faire, parce que, dans le fond, oui, il y a, dans le fond, les... il y a plus de flexibilité, puis les pères peuvent passer plus de temps, mais il y a beaucoup de familles que... de couples qui ont encore la mentalité que le père doit rester moins longtemps avec les enfants, mais l'étude qu'on vient de vous citer aujourd'hui nous prouve tout le contraire. Donc, c'est vraiment ça qu'il faut prendre en considération aussi.

M. Leduc : J'aime beaucoup ce que j'entends. Puis, peut-être dans les dernières questions, comme le temps file, il y a un groupe qui est passé avant vous, là, sur le secteur plus manufacturier, qui décelait une baisse importante du nombre de femmes dans le secteur à cause, bien sûr, de la pandémie, pour des raisons sociologiques, économiques. Bref, on les connaît. Est-ce que, dans vos milieux, avec des jeunes entrepreneurs, est-ce que vous avez décelé le même phénomène, donc plus les femmes qui se sont retirées pour garder les enfants à la maison et qui ne reviennent pas tout de suite, ou, du moins, pas dans cette première vague de retour du déconfinement au travail?

Mme Lamarche (Alexandra) : Bien, je n'ai pas observé ça directement. On n'a pas de chiffre à vous donner aujourd'hui. Par contre, c'est certain que beaucoup ont dû peut-être mettre sur pause certains éléments pour assurer leur croissance ou leur pérennité d'entreprise. Dans ce cas-ci, je pense que les mesures de conciliation famille-travail sur lesquelles on travaille au regroupement également sont importantes à prendre en considération, mais je n'ai pas de chiffre, là, à vous donner particulièrement pour ce cas-là.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Merci, c'est tout pour l'échange. Alors, nous poursuivons avec le troisième groupe d'opposition, avec la députée de Joliette.

Mme Hivon : Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci à vous deux d'être là. Effectivement, c'est vraiment intéressant de vous entendre et de voir que les représentants des entreprises, des commerces, tout ça, n'ont pas un point de vue unique et unidimensionnel sur la chose et que la jeunesse est quand même là pour revoir un peu comment on pourrait améliorer la situation de la conciliation famille-travail. Donc, c'est bien de vous entendre.

Moi, je voulais, justement, voir votre point de vue quand on a entendu beaucoup des prédécesseurs aujourd'hui, des autres groupes avant vous nous parler que ce serait une charge importante pour les entreprises d'augmenter de quatre semaines, ensuite la difficulté, dans certains cas, de pouvoir étendre sur 18 mois. Vous, vous demandez deux ans. Si vous pouvez, d'ailleurs, spécifier, là, les raisons pour lesquelles vous voulez le deux ans... Donc, j'aimerais ça vraiment entendre votre point de vue là-dessus, autant sur la question de la prévisibilité et de la charge additionnelle.

M. Al-Nosir (Ronny) : Oui. Donc, pour ce qui est de pourquoi on insiste pour le deux ans, c'est qu'on vous a parlé d'équité intergénérationnelle, puis l'étude qu'on vous a citée anglaise nous démontre que ça aide au développement cognitif. Donc, juste à la base, ça, ce serait inéquitable envers les générations futures, de ne pas leur donner les meilleures conditions pour leur développement cognitif. Donc, ça, c'est le premier point.

Le deuxième point, c'est que, oui, il peut...

Mme Hivon : S'il vous plaît... Je m'excuse, c'est important. Pourquoi deux ans? Je veux dire, l'important, c'est que le père soit présent en partie, tout ça. Mais pourquoi il faut qu'il soit présent dans une période x de deux ans plutôt qu'un an ou un an et demi?

M. Al-Nosir (Ronny) : En fait, c'est que l'étude démontre qu'il y a des impacts positifs importants à partir de trois mois, mais notables à partir de deux ans. C'est que, vraiment, à partir de deux ans, on observe des impacts encore plus importants. Donc, c'est pour ça qu'on a décidé de mettre de l'avant le deux ans. Puis je vais laisser ma collègue peut-être sur la prévisibilité.

Mme Lamarche (Alexandra) : Oui. En fait, pour ce qui est de la prévisibilité, on comprend qu'on est un peu à l'encontre de ce qui a été dit avant. Par contre, moi, je le... on l'a vu vraiment de façon différente, je crois, puis je pense que c'est important d'avoir différents points de vue là-dessus. Dans le fond, oui, on comprend que ça peut avoir des charges supplémentaires, mais je pense qu'il y a vraiment un changement... Nous, dans le fond, on le voit vraiment dans l'optique d'un changement de mentalités qui est très important à instaurer, notamment pour que... encourager le père à prendre sa place dans la vie... les premiers instants de vie d'un enfant.

Mme Hivon : Puis, ultimement, dans votre optique, qu'il se pourrait que je partage, vous pensez que ce plus-là social pour le développement des enfants vaut amplement le coût, qui peut être représenté économiquement, pour les entreprises?

M. Al-Nosir (Ronny) : Exactement. Dans le fond, c'est un investissement à court terme pour des bénéfices à long terme. Donc, je pense qu'en général, en politiques publiques, quand on a le goût... au gouvernement, quand on est législateur, c'est quelque chose qu'on vise. Des fois, il faut pouvoir avoir des coûts supplémentaires à court terme, mais pour qu'on ait des bénéfices à long terme, puis je pense que c'est le cas dans cette situation-là.

Mme Hivon : Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Parfait, merci. Alors, merci beaucoup, hein, merci, Mme Lamarche, M. Al-Nosir, pour votre grande contribution aux travaux de la commission.

La commission ajourne ses travaux jusqu'au mercredi 18 septembre, après les affaires courantes, vers 11 h 15, où elle poursuivra son mandat. Merci. Bonne soirée à tous et à toutes.

(Fin de la séance à 20 h 06)

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