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Version finale

42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)

Le mercredi 19 août 2020 - Vol. 45 N° 56

Ministère de l'Économie et de l'Innovation, volet PME et innovation


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Table des matières

PME et Innovation

Discussion générale

Intervenants

Mme Claire IsaBelle, présidente

M. Pierre Fitzgibbon

M. Monsef Derraji

M. Vincent Marissal

M. Martin Ouellet

Note de l'éditeur : La commission a aussi siégé en matinée et en soirée pour l'étude des crédits du ministère du Travail, de l'Emploi et de la Solidarité sociale. Le compte rendu en est publié dans un fascicule distinct.

Journal des débats

(Quinze heures trente minutes)

La Présidente (Mme IsaBelle) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'économie et du travail ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de procéder à l'étude du volet PME et Innovation des crédits budgétaires du portefeuille Économie et Innovation pour l'exercice financier 2020‑2021. Une enveloppe de deux heures a été allouée pour l'étude de ces crédits.

M. le secrétaire, y a-t-il de nouveaux remplacements?

Le Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. Mme Dansereau (Verchères) est remplacée par Mme Chassé (Châteauguay); M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve) est remplacé par M. Marissal (Rosemont); et Mme Richard (Duplessis) est remplacée par M. Ouellet (René-Lévesque).

PME et Innovation

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Nous allons procéder aux échanges entre les groupes d'opposition et le ministre par blocs de 10 à 20 minutes. Le temps d'échange inclut les questions et les réponses. Et, tel que mentionné tantôt, votre collaboration... je fais appel à votre collaboration pour que le temps des réponses soit proportionnel au temps et à la valeur des questions, comme le veut la pratique.

Discussion générale

Nous sommes maintenant prêts à reconnaître une première intervention avec l'opposition officielle pour un premier bloc d'échange. M. le député de Nelligan, la parole est à vous.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. le ministre, bonjour aux collègues du gouvernement, mes salutations. Bonjour aux collègues membres de l'opposition, avec qui j'ai eu le grand plaisir de partager des moments presque hebdomadaires avec M. le ministre.

Et je vais saisir l'occasion, Mme la Présidente, de remercier le ministre, pendant la pandémie, d'avoir pris le temps. Je pense que ça a été quelque chose que, personnellement... mais d'autres collègues... nous avons apprécié les échanges que nous avons eus pendant la pandémie. Il y a des fois où on était d'accord, des fois où on n'était pas d'accord, c'est ça, les règles du jeu. Le ministre avait ses convictions, nous avons eu nos convictions par rapport à certains enjeux, mais ça n'enlève pas le crédit au ministre et à son équipe d'avoir maintenu les échanges, surtout en temps de crise — et on voulait tous collaborer, contribuer avec les autres collègues — donc prenez le crédit, M. le ministre, parce que j'ai des questions par la suite, donc, pour le moment, prenez-le. Et je suis au fait, le ministre aime ça, les questions, ce n'est pas quelqu'un qui se cache, ce n'est pas quelqu'un qui n'aime pas être challengé.

Et je vais commencer avec mon premier bloc de questions. Et je sais que vous avez votre point de vue, mais la situation, de plus en plus, on la voit, c'est l'aide directe aux PME, je l'annonce dès le début. Et vous l'avez vu, M. le ministre, dans d'autres pays, il y avait des... Je vais juste citer un exemple qu'on cite beaucoup, l'Allemagne, qui a investi 40 milliards d'euros dans l'aide aux petites entreprises qui emploient moins de 10 employés, donc on parle vraiment de petites et moyennes entreprises, et le T, vous l'avez vous-même cité à un certain moment, le T des très petites entreprises. De cette somme, donc, les 40 milliards, il y avait 10 milliards d'euros utilisés en subventions directes aux entreprises et 30 milliards d'euros utilisés sous forme de prêts.

Je vais vous citer, M. le ministre, la citation de l'ancien... malheureusement, l'ancien propriétaire de l'Hôtel Delta, qui est juste à côté de l'Assemblée nationale, qui est maintenant de propriété... qui appartient maintenant à une firme de Toronto, qui a été vendu pour 20 millions de dollars. Donc, l'ex-propriétaire, Jean-Guy Sylvain, blâme les gouvernements pour leur inaction, et je vais vous citer M. Sylvain, M. le ministre : «M. Sylvain aimerait que les gouvernements se soucient davantage de son industrie qui génère des milliards de dollars par année. "Ils ne nous donnent pas un sou. Ils aiment mieux donner cela au Cirque du Soleil et à des compagnies qui ne paient pas d'impôts au Québec", digère-t-il mal.»

Ma première question, M. le ministre : Est-ce qu'on n'est pas rendus à une étape où votre gouvernement ne doit plus attendre les mesures du gouvernement fédéral mais agir d'une manière très efficace auprès des PME qui souffrent des effets de la pandémie?

M. Fitzgibbon : Alors, bonjour. Merci pour les fleurs, tantôt. Puis également je pense que ça a été un bon exercice, parce que, les communications, c'est toujours le meilleur remède pour différents maux. Alors, j'ai beaucoup apprécié nos échanges durant l'été, moi aussi.

Alors, votre question, évidemment, est... vous êtes conséquent avec vous-même, alors on va reprendre cette discussion-là, qu'on a eue dans le passé. Écoutez, je pense qu'on peut regarder ce qui se fait ailleurs dans le monde, mais, quand je regarde au Canada, je regarde les mesures qui ont été prises par notre gouvernement, largement définies... Puis d'ailleurs il y a une statistique qui a été publiée par le vérificateur du gouvernement fédéral où on indique que, les injections d'argent, autant pour les particuliers que pour les entreprises, le Québec se situe quand même numéro un au Canada avec une injection de 28,7 milliards, soit près de 7 % du PIB. Alors, le plus proche est le Manitoba à 3,4 %, et l'Ontario est à 2 %. Donc, c'est 28 milliards, quand même, qui ont été injectés.

Il faut admettre, par contre, que, sur ce 28 milliards là, quand on fait la répartition, il y a 16 milliards qui représentent des reports, tout simplement, des reports d'impôt des particuliers, les reports de la TPS, donc c'est sûr que ce 16 milliards-là va être repayé un jour, ça, je l'accepte. Mais il y a quand même un montant important, quand même, de 12 milliards qui a été mis en disponibilité en liquidités qui pourraient être quasi permanentes aux particuliers et aux entreprises. Quand on parle des entreprises, on parle d'un montant combiné de 18 milliards, donc 11 de reports d'impôt, donc qui vont être repayés, mais, quand même, qui donnent une période de repos, entre guillemets, puis il y a quand même à peu près 6,5 milliards. Alors, je pense que le Québec n'a pas à être gêné par rapport aux autres juridictions canadiennes, premièrement.

Deuxièmement, j'ai toujours été conséquent, moi aussi, sur ce sujet-là. C'est sûr que le risque de faire des prêts aux entreprises, c'est qu'à un moment donné le niveau d'endettement va être trop élevé et il y aura peut-être une question de revoir la pérennité des entreprises. Le Cirque du Soleil est un bon exemple : 1,2 milliard de dettes. Pourquoi on est dans le trou aujourd'hui? Il y avait trop de dettes. Mais moi, j'ai toujours dit que, je pense, le rôle du gouvernement, c'est de, premièrement, s'assurer que les entreprises peuvent survivre, on verra après comment on va traiter la dette. Puis aujourd'hui la dette qui a été donnée aux entreprises, puis plusieurs l'ont utilisé, le FLI, le PACTE, personne n'a rien payé encore, là. Les gens ont pris l'argent, ont juste pu pouvoir respirer. Je pense que c'est important pour le gouvernement de regarder qu'est-ce qui va arriver dans la plateforme d'écosystème, parce qu'il y en a qui vont survivre sans d'aide, d'autres qui ont besoin d'aide. Certains ont besoin d'aide, on ne pourra pas les aider parce qu'on ne va pas aider tout le monde.

Moi, je pense qu'on a fait les bonnes choses pour s'assurer qu'on stabilisait les liquidités. Et on est conscients, très conscients, qu'il va falloir faire attention, mais on dealera en temps et lieu. Moi, je pense qu'on a encore du temps devant nous, parce qu'on en a encore pendant un an et demi, je pense, avant qu'on retourne dans un environnement économique qui était celui d'avant la COVID.

M. Derraji : Très d'accord avec vous par rapport à stabiliser. Mes questions, c'est vraiment pour le futur et avoir votre plan.

Je vous cite encore, et je vous cite parce que j'aime vraiment cette citation : «Certaines vont passer à travers sans difficulté — ça, c'est vous — mais il faut que nous restions attentifs au "P" des PME, c'est-à-dire les petites entreprises qui n'ont pas le même coussin financier. Le gouvernement doit mettre l'épaule à la roue pour créer du financement...»

Ma question : Comment créer ce financement? À la lumière de ce que vous venez de dire, c'est comme... j'ai l'impression, corrigez-moi si je me trompe, que tout ce que vous avez avancé risque de se transformer en subventions ou probablement pas un prêt. Donc, si c'est le cas, dites-le-nous. Mais ça, ça a été, dans le passé, pour stabiliser une situation économique qui a été très, très, très difficile. Là, maintenant, j'ai eu, il y a quelques minutes, une rencontre avec... un échange avec votre collègue ministre de l'Emploi, il m'a cité quatre secteurs que vous connaissez très bien : l'hébergement, tourisme, commerce de détail et... j'ai oublié un autre...

Une voix : ...

M. Derraji : ...restauration. Là, c'est pour bientôt, il y a d'autres enjeux. C'est quoi, votre plan par rapport à la suite, M. le ministre?

• (15 h 40) •

M. Fitzgibbon : Bien, écoutez, encore une fois, je vais être conséquent, il fallait stabiliser. Il y a le programme du 40 000 $ du fédéral, le PACTE, les FLI. Au niveau plus subventionnaire, dans le cas de l'hébergement, on a le fameux prêt pardon jusqu'à 100 000 $. On a le loyer, on avait discuté de ça, vous et moi. On est la seule province, en passant, qui a osé vouloir compenser la moitié de la perte potentielle des propriétaires immobiliers.

Je pense que l'enjeu qu'on va avoir, c'est pour les petites entreprises. On n'ira pas à la pièce. Oui, il y a des FLI qui vont faire... Les FLI sont rendus à 4 000 ou 5 000 interventions. Le PACTE, évidemment, est plus élevé. Et là il faut faire attention, on ne peut pas s'impliquer dans chacune des entreprises, on parle de 25 000 restaurants, à peu près, puis on parle de 25 000 commerces, là... des petits commerces, on parle de 50 000 établissements. Est-ce qu'on va pouvoir intervenir dans chacun des établissements? La réponse, c'est non, on ne peut pas. Quand même que je voudrais, qu'on voudrait, nous n'avons pas les ressources pour le faire.

Par contre, il faut avoir des programmes, des... pas... des filets, que j'appellerais. Donc, pour l'instant, ce qu'on a, c'est qu'on a, évidemment, le loyer, parce qu'on s'entend, hein, dans les petits commerces, il y a deux dépenses importantes, le loyer et le salaire. Pour le loyer, je pense qu'on fait quelque chose, le cinq mois, moi, je pense qu'on va aller à six très bientôt. Pour les salaires, bon, il y a la PCU, évidemment. Bon, elle va finir, l'assurance chômage. Il va y avoir un peu des programmes de formation de M. Boulet, qui a... le PACME. Alors, je pense qu'on n'est pas pire dans nos programmes. Est-ce qu'il faut aller plus loin que ça? On va voir. Pour l'instant, ça va très bien... relativement bien au niveau touristique puis au niveau hébergement, sauf Montréal, qu'on parlera tantôt. Mais, à l'automne, on va voir ce qui va arriver, il faut réagir.

Alors, moi, la crainte que j'ai toujours eue dans ces programmes-là : est-ce qu'on va trop vite? Puis je pense qu'on est un gouvernement qui est rigoureux. Si on va trop vite puis on laisse de l'argent d'un bord puis de l'autre, qui va payer cet argent? C'est la dette que M. Girard va emprunter, que tous les Québécois vont rembourser. Ça fait qu'avant qu'on hypothèque tous les Québécois je pense qu'il faut prendre du recul, voir c'est où, les points sensibles. Et j'ai...

M. Derraji : Non, non, allez-y.

M. Fitzgibbon : Non, j'ai dit : J'ai toujours dit qu'il va falloir être flexible. Puis je suis d'accord que les... Moi, le point le plus important pour moi, puis je vais conclure sur ça, je pense que les infrastructures, au Québec, doivent être maintenues. Donc, si on perd des hôtels, si on perd... ce n'est pas correct, alors il faut que l'infrastructure reste là. Mais malheureusement il y a des gens qui vont devoir prendre le filet social, la PCU ou d'autres choses, puis de recommencer leur entreprise après, je pense que c'est inévitable.

M. Derraji : Et c'est là où je lève un drapeau rouge et, probablement, je ne suis... De nature, je suis très optimiste, mais je veux vous partager mes inquiétudes, M. le ministre. Vous basez votre argumentaire sur des choses qu'on a, présentement, avec le gouvernement fédéral. Je commence avec 75 %. Je peux vous partager des plans que... j'ai des gens qui me disent : Notre plan, il est prêt, qu'on va mettre des gens à la porte avec la fin du 75 %. Je peux vous partager des plans que... j'ai des gens qui me disent : Notre plan, il est prêt, qu'on va mettre des gens à la porte avec la fin du 75 %.

Le loyer, merci, hein? Vous avez... Lors de nos échanges, nous avons vu que, le Québec, la seule province où le programme ne marche pas... ne marchait pas, vous avez agi en mettant 12,5 %. Ça, encore une fois, on se base sur l'hypothèse que le gouvernement fédéral va continuer à mettre 50 %.

Donc, l'éviction commerciale, la subvention salariale, tous ces paramètres, vous n'avez et on n'a aucune idée si le gouvernement fédéral va les poursuivre à l'automne. C'est demain. La situation va être un peu difficile pour certains secteurs. Et, si j'ai bien compris, aujourd'hui je ne vois pas de plan où vous mettez vraiment l'hypothèse que le gouvernement fédéral va continuer à mettre sur la table l'argent qu'on a jusqu'à... je ne sais pas jusqu'à quel moment. Mais je ne veux pas qu'on se ramasse avec un nombre de faillites très élevé pour dire : Écoute, bien, la loi de la nature, eux, ils vont fermer, là on va commencer à agir. Juste ça, c'est quoi, votre vision par rapport à la suite des choses?

M. Fitzgibbon : Écoutez, la première chose, je pense qu'il ne faut pas... il faut être en complément au fédéral non pas en duplication. Alors, je pense qu'il serait prématuré de poser des gestes au cas où il le fédéral ne serait pas là. J'ai toujours dit que moi, j'ai salué qu'est-ce que le fédéral a fait, parce que le... bien, ça a coûté cher, ça coûte cher, mais je pense que c'est le rôle du fédéral de mettre le filet social. Ils l'ont bien fait, et nous, il faut complémenter. Bon, à un moment donné, s'ils arrêtent parce qu'ils n'ont plus d'argent, ce qui est possible, il va falloir réagir. Mais je peux vous dire qu'avec mes collègues et mon collègue Eric Girard... le ministre des Finances — on ne peut pas dire les noms, ici — mais, tu sais, on va réagir vite, là. Tu sais, on suit la situation de façon très, très précise.

Aujourd'hui, aujourd'hui, je suis relativement confortable que, pour la plupart des chantiers économiques... Tu sais, on est quoi? Dans le... on est à 240 000 d'emplois de moins qu'en février avant la COVID, avant la pandémie. Ce n'est pas si pire, on était à 850 000, à un moment donné. Ça fait que je pense qu'on s'en va dans la bonne direction. C'est sûr qu'au passage il y en a qui vont payer pour, il y en a qui paient pour : la culture, on parle de l'aéronautique, l'aérospatiale — bon, ils sont plus gros, ces compagnies-là, elles peuvent peut-être survivre plus longtemps — il va falloir être à l'écoute.

Alors, je ne suis pas contre de l'aide directe potentielle, mais, à ce moment-ci, je pense que c'est prématuré pour le gouvernement de s'avancer parce qu'il faut voir ce qui va arriver. Puis moi, je pense qu'on est capables... tu sais, on est juste 8 millions, là, on n'est pas... ce n'est pas compliqué, le gouvernement du Québec, là, les prises de décision, là, avec le premier ministre, ça se fait assez vite, là. Alors, je pense qu'on est assez nombreux qui suivent ce qui se passe, que, s'il faut réagir, on va réagir, mais je pense qu'il faut laisser les choses se passer.

M. Derraji : Et c'est là où je ne suis pas d'accord avec vous, M. le ministre. Moi, je ne pense pas qu'il faut laisser le temps et attendre de voir, on voit déjà... on a déjà des signaux. Pour moi, le fait qu'un Québécois perd cet hôtel... et il le dit clairement, qu'il y a... qu'il ne voit pas de l'aide de la part du gouvernement. Vous l'avez très bien dit, garder nos infrastructures comme les hôtels, vous avez raison, mais je n'ai pas envie qu'on commence à vendre nos propriétés à rabais à des gens qui ont de l'argent et parce que le gouvernement n'était pas là. Je pense qu'il y a quand même pas mal de signaux envoyés par certains secteurs.

Et, encore une fois, ma crainte... Je veux que... pas juste me rassurer en tant que porte-parole de l'opposition officielle, mais rassurer ces entrepreneurs qui attendent de vous un signal et attendent du gouvernement un signal par rapport à l'insécurité. Bien, on parle de la deuxième vague, votre collègue ministre de la Santé a déposé un plan. Je tiens juste à vous rappeler que, le chiffre d'emplois, on parle de presque un demi-million, ce n'est pas uniquement 250 000, pour revenir au mois de février, mais on traîne encore quelques milliers de chômeurs, donc la situation, elle est beaucoup plus complexe. Et moi, je pense qu'en date d'aujourd'hui, à mon avis, le gouvernement doit envoyer un signal fort par rapport à l'aide et qu'il doit le démontrer pour ne pas laisser ces entrepreneurs dans l'inconnu.

M. Fitzgibbon : Bien, je suis... premièrement, je veux corroborer que nous sommes très, très, très soucieux de la santé des entrepreneurs, c'est très proche de notre gouvernement.

Je veux juste corriger, les statistiques qui viennent du Canada montrent qu'à la fin juillet nous sommes à 245 000 emplois de moins qu'à la fin février. Donc, c'est quand même... c'est un chiffre important, là, je ne veux pas minimiser ce chiffre-là, mais on est loin du 800 000. Alors, moi, je pense qu'on s'en va dans la bonne direction.

      Deuxièmement, bon, vous parliez des hôtels, vous parliez d'autres choses, moi, je pense que le programme de liquidités... Je vais vous donner une statistique, le projet du PACTE, là, de 2,5 milliards, on a pris 1,5 milliard, qui est comme «earmarked», là, pour être alloué, il y a 700 compagnies qui ont appliqué. Il y a beaucoup de sociétés qui n'ont pas appliqué sur le PACTE. Pourquoi, ils ne veulent pas emprunter? Bien, parce qu'on n'en a pas besoin. Alors, moi, je pense que le programme de prêts — je sais que ce n'est pas parfait, les prêts — il est disponible pour toutes les sociétés. Alors, un entrepreneur qui est pris avec un horizon qui est sombre, qu'est-ce qui va arriver? Bien, il devrait emprunter pour pouvoir survivre.

      Dans le cas des hôtels, on est allés plus loin que ça. Vous vous rappelez, on a mis un programme où on peut emprunter jusqu'à 400 000 $, 100 000 $ de pardon. Bon, 100 000 $ de pardon, ce n'est pas la fin du monde, mais, quand même, 100 000 $ par hôtel, il y en a 1 700, au Québec, bien, moi, je pense que la liquidité existe. Et, comme j'ai dit, on va voir, parce qu'effectivement on va voir ce qui va arriver, ça va durer combien de temps. On pense qu'on va revenir à l'équilibre du PIB à la fin 2021. On ne le sait pas, personne ne le sait, ici. Moi, je pense qu'il faut se donner les moyens de s'ajuster. M. Girard a mis 4 milliards de dollars dans le plan financier annoncé il y a quelques mois, en disant : Il y a 4 milliards pour l'automne s'il arrive quelque chose. Attendons, on est capables de réagir très rapidement. Moi, je pense qu'on est... je suis sensible, très, très, très sensible aux entrepreneurs, c'est la fibre québécoise de notre développement économique, on ne peut pas les laisser tomber, mais en même temps on ne peut pas non plus mettre des programmes comme ça, endetter le Québec, que nos enfants aient à supporter des choses qui ne sont pas requises. Et moi, je suis très nerveux de faire des programmes aveuglément.

Puis, je pense que, pour finir, je vais finir comme ça, vous avez raison, le fédéral peut arrêter, mais là, ils sont là, bien, profitons du fédéral. On paie de l'impôt, là, aussi, là, profitons du fédéral puis complémentons.

M. Derraji : Oui, mais je vous rappelle qu'on est au Québec, et moi aussi... On est toujours au Canada, ça, c'est très bien, mais on est au Québec, j'aimerais bien voir une bonne présence, aussi, du Québec dans l'économie du Québec et venir en aide, surtout qu'on a beaucoup de drapeaux et de feux rouges qui se lèvent un peu partout.

Le FLI, avez-vous des résultats statistiques à nous partager? Le fonds, le... oui, combien a été utilisé? L'argent, est-ce qu'il a été dépensé? À quelle hauteur, 90 %, 100 %? Si ça a été à 100 %, c'est un projet qui a marché, comptez-vous le renouveler?

M. Fitzgibbon : Oui, bon, bonne question. Les FLI, vous vous rappelez, les premiers projets, c'était 150 millions, on a rajouté 100, on a dépensé... — «on a dépensé», on ne dit pas «dépensé», on dit «investi» — on a investi, dans le 250 millions, 100 millions, 4 000 compagnies, à peu près. Donc, il y a encore beaucoup d'argent disponible, puis on encourage les gens à le faire, parce que je pense que c'est un bon programme, alors on essaie de le communiquer le plus possible. J'ai fait quelques tournées, malgré la COVID, et je pense qu'on a une bonne réceptivité, les gens savent que ça existe.

Il y a le programme du 40 000 $ du fédéral, aussi, qui est disponible, qui est très facile à avoir, qui a été... qui est un très, très grand succès. Puis par contre, vous avez raison, il faut que le Québec fasse quelque chose, mais, si le fédéral fait quelque chose, là, moi, je suis capable de me tasser puis de laisser mon ego de côté puis laisser le fédéral dépenser de l'argent. Je n'ai pas de problème avec ça, moi.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci, M. le ministre. Je veux juste souligner qu'il reste 1 min 25 s dans l'échange.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. Donc, je veux juste comprendre, vous dites qu'il reste encore de l'argent sur la table. Est-ce que c'est parce que ça a été mal communiqué, le programme, ou bien le programme n'est pas adapté à certains besoins? Parce que, moi, les appels que je reçois : Je veux de l'aide, mais parfois je ne rentre dans aucun programme. Donc, est-ce que vous avez fait une rétrospective par rapport aux critères de ce programme ou vous êtes en train de me dire, aujourd'hui : Le programme, il est parfait, il répond à tous les besoins, bingo! et ça marche?

M. Fitzgibbon : On n'a pas la prétention de dire qu'il est parfait, là, mais je pense qu'on a même permis aux municipalités de prendre KPMG pour les aider. Le problème des FLI, là, juste 30 secondes, là... Combien de temps j'ai pour répondre?

• (15 h 50) •

La Présidente (Mme IsaBelle) : 45 secondes.

M. Fitzgibbon : Bon, FLI, les municipalités, il faut qu'elles remboursent l'argent. Il y a des municipalités qui sont averses aux risques, qui... puis là on leur a dit, là : Non, prenez un peu de risques, là, d'autres, qui sont très bons. Alors, c'est à géométrie variable. Est-ce que je suis satisfait que tous les FLI du Québec sont aussi performants? La réponse, c'est non. Est-ce qu'on peut améliorer ça? La réponse, c'est oui, puis on essaie de faire du mieux qu'on peut. D'ailleurs, Investissement Québec et le MEI essaient le plus possible de faire ça. Alors, il faut probablement avoir une plus grande... une meilleure communication, mais disons que, d'où on est partis, je suis relativement... je suis satisfait.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Bon, il reste 12 secondes, vous aurez certainement la chance, là, de reparler de ce dossier plus tard. Nous donnons donc la parole maintenant au deuxième groupe d'opposition, au député de Rosemont. Vous avez 9 min 45 s.

M. Marissal : Merci, Mme la Présidente, content de vous revoir. On se voit beaucoup, ces jours-ci. M. le ministre, content de vous revoir aussi. On s'est beaucoup parlé au téléphone, mais on s'est moins vus physiquement. Salutations à votre équipe aussi, que je salue et que je remercie pour l'ouverture quand on a eu des échanges dans les moments un peu plus «crunchy» où on avait des demandes plus précises ou du monde à aiguillonner vers vos services, ça a bien fonctionné, je tiens à le dire. Mon collègue de Nelligan l'a dit, ce n'est pas parce qu'on n'est pas toujours d'accord qu'on n'est pas capables de travailler ensemble, puis, quand ça chauffe et que les gens ont besoin d'aide, je pense qu'on est tous là pour essayer de les aider.

Moi, j'en suis là, parce que le côté sanitaire de la pandémie s'est un peu calmé, puis on est contents, puis on touche du bois à deux mains et à deux pieds, même, parce qu'on ne souhaite pas, personne, retomber là-dedans, ça, c'est clair. Puis on a perdu beaucoup trop de notre monde, en particulier des personnes âgées. Ça, ça va rester comme une grosse cicatrice, malheureusement, sur l'imaginaire collectif du Québec.

Cela dit, regardons en avant. Moi, je suis très inquiet aussi, je pense, comme mes collègues, de l'avenir des très petites entreprises et des petites entreprises, donc les T et les P. J'en ai discuté, hier soir, avec votre collègue aux Finances, je lui ai dépeint un paysage assez sombre, je dois le dire, qu'il a qualifié, lui, d'apocalyptique. Je ne pense pas être un chevalier d'Armageddon, là, mais je vis à Montréal et je vois un peu ce qui se passe aussi dans le Vieux-Québec, ici, je vois qu'il y a des commerces qui en arrachent, je vois les chiffres de la FCEI, je vois les chiffres de d'autres institutions. J'ai des discussions avec des regroupements de gens d'affaires, et ils nous disent tous : Le pire est à venir. On a réussi, à ce jour, à se maintenir, à peu près, parce qu'on avait un peu de réserves, ce pour quoi, peut-être, qu'ils n'ont pas encore profité de vos prêts, M. le ministre. Éventuellement, ils en auront peut-être besoin. D'autres nous disent : On n'en veut pas, de prêt, on est déjà dans l'eau, on a des roches plein nos poches, on coule, on ne va se rajouter un aggloméré de ciment à la cheville, parce que, là, on ne remontera jamais.

Alors, votre collègue des Finances... puis je ne veux pas le mettre «on the spot», il n'est pas ici pour se défendre, mais il m'a répondu que mes faits et mes exemples, et je lui parlais de commerces que je connais très bien... Je peux vous en nommer un autre, là, Moishes, qui a annoncé ce matin, après 83 ans... Je suis sûr que vous connaissez Moishes, sur la «main», qui vient de fermer. Un autre, le Tomas Tam, que je ne connais pas, mais qui était, apparemment, une institution à Québec, à la trappe aussi. Combien d'autres? Je me suis fait répondre, hier, que mes faits étaient anecdotiques. J'aimerais ça savoir si le ministre de l'Économie partage l'épithète ou l'analyse de son collègue aux Finances, à savoir que les fermetures de tant de petites et moyennes entreprises, c'est du domaine de l'anecdote, au Québec.

M. Fitzgibbon : Bien, écoutez, M. Girard et moi, on se parle régulièrement... le ministre des Finances, on se parle régulièrement des programmes qu'on a en place, là. On est tous les deux fiers de ce qu'on a fait puis on est tous les deux réalistes qu'il y a de l'inconnu en avant de nous puis il va falloir être flexibles, s'ajuster aux besoins.

La difficulté qu'on a avec les petites entreprises, c'est que je ne pense pas que le gouvernement a l'habilité de pouvoir choisir lesquelles devraient, pourraient survivre. Là, on rentre dans un territoire où, je pense, ça pourrait être très dangereux. Je suis plus à l'aise de prendre des grosses sociétés comme le Cirque du Soleil puis dire : On va voyager, là, on peut être pas d'accord, ça, je suis à l'aise avec ça, parce que c'est tangible, c'est... on peut comprendre l'impact économique. Alors, conséquemment, pour les petites entreprises comme ça, qui sont aussi importantes pour le Québec — «by the way», je partage votre opinion — il faut avoir des programmes plus holistiques, il faut avoir des programmes accessibles à tout le monde et que les survivants se démarquent d'eux-mêmes, et ce n'est pas à nous de choisir les survivants.

Alors, c'est quoi, les enjeux? Pour ces établissements-là — bien, Moishes, c'est peut-être une exception, là, mais, bon, ils ferment pour d'autres raisons, «by the way», là, je sais qui les a achetés, là, avant, là, mais, bon, n'allons pas là — je pense qu'on a le salaire, on a le loyer, c'est les deux dépenses importantes. Mais, bon, le loyer — on en a parlé, bon, ça n'a pas eu le succès que j'aurais voulu avoir, en passant, puis ça me déçoit beaucoup parce qu'on était avant-gardistes de faire ça — bien, je pense que ce n'est pas fini, là, si un sixième mois s'en vient, là, je pense que ça va encourager les gens, mais il faut pousser pour que ça se fasse. Les salaires, bien, là, évidemment, la PCU, c'est une solution salariale. Il y a des programmes qui existent, ils ne sont pas parfaits, mais ils sont là. Je me dis : Quoi d'autre qu'on peut faire? Il n'y a pas... ce n'est pas magique, cette affaire-là, là. Il y a les taxes, là, je travaille avec la mairesse de Montréal, parce que, moi, mes soucis, c'est Montréal, alors je suis en contact avec Valérie sur une base constante. M. Bahan, les équipes se parlent, il faut regarder ces affaires-là. Alors, moi, je suis ouvert à considérer des choses, ça va être holistique. Je ne veux pas intervenir dans chacun des établissements, on n'y arrivera pas, et ça devient trop subjectif.

M. Marissal : Oui, mais, visiblement, il y a des ratés, là, parce que Montréal, la semaine dernière, est sortie, l'administration municipale — je comprends que ce n'est pas la vôtre, là, mais il manque peut-être de coordination — est sortie, récemment, en sonnant des cloches, en disant qu'il restait de l'argent, alors qu'il y a des commerces et des commerçants et des entrepreneurs qui cognent à nos portes, là, les députés, tous les jours, en disant : Je suis en train de crever, puis il n'y a personne qui ne fait rien pour moi.

Je vous rappelle que ce que le Québec a fait, c'est beaucoup des reports et des prêts, toutes des choses qu'il faudra rembourser un jour. Là, vous dites : On va attendre, et j'entends beaucoup «attendre» dans votre discours. Mais attendre, c'est risquer qu'il n'y ait plus rien à faire avec ces entreprises-là, parce qu'une fois qu'on aura mis la clé sous la porte, de un, on aura perdu nos billes, de deux, on va se ramasser avec des gens plus de job, avec des gens peut-être en dépression parce qu'ils ont vécu des moments extrêmement difficiles depuis des mois. Là, vous me dites : J'aime mieux rester assis sur mes mains puis attendre le fédéral. Ça a donné, par exemple, le programme mal foutu, au début, là, de l'aide au loyer, qui était mal foutu, qui a failli... fallu détricoter puis retricoter parce que ce n'était pas fait pour le Québec, c'était «one-size-fits-all» pour tout le Canada, alors il a fallu le refaire. Alors, il me semble qu'on n'est jamais mieux servis que par nous-mêmes. Puis vous dites que vous connaissez ça, la business, puis je n'ai pas de doute que vous connaissez ça, pourquoi vous n'êtes pas plus proactif plutôt que d'attendre que l'argent arrive d'Ottawa?

M. Fitzgibbon : Bien, premièrement, peut-être qu'on s'est mal compris, là, quand je dis «attendre», attendre pendant que des prêts sont disponibles. On s'entend qu'un prêt n'est pas la résolution de tous les maux, mais un prêt, ça permet au moins d'avoir la liquidité. Puis il y a quand même les FLI, l'accès PME Mtl, dans lequel on a mis de l'argent avec Mme Joly, on a le PACME — bon, ça, c'est pour les plus grosses entreprises — les banques sont là, on fait des garanties de prêt. Alors, je pense que, pour la plupart des entreprises, ils ont accès à des liquidités. Clairement, un jour, il va falloir s'asseoir avec ces institutions-là puis leur dire : Comment vous allez repayer votre prêt? Il y en a, probablement, que ça va prendre des années avant de le repayer, puis on va être flexibles de ce côté-là, on va être humains.

Mais je ne pense pas que c'est approprié, aujourd'hui, de dire : On va mettre de l'argent dans chacun des commerces. Mme Plante a — vous vous rappelez, sous l'ancien gouvernement — le programme Réflexe Montréal, il y a 150 millions là-dedans, elle en a commis 50, 60? En tout cas, il y a de l'argent qui reste. Puis j'ai parlé à Valérie, l'autre fois, j'ai dit : Bon, là, arrive-nous avec des plans, là. Parce que ce programme-là, il est conjoint, hein? L'argent est là, mais il faut... c'est une gouvernance. Puis on est ouverts, on a dit à Valérie : Arrive-nous avec des plans qu'on est confortables, on va dire oui. Je la rencontre la semaine prochaine. Alors, on est conscients qu'il faut faire quelque chose, mais je pense qu'en attendant il y a quand même des liquidités de disponibles.

L'autre chose, tu sais, il faut appeler un chat un chat, les tours à bureaux sont vides, à Montréal, là. On fait quoi, nous autres, là, au gouvernement? On va mettre de l'argent dans chacun des commerces de Montréal, centre-ville? Ça ne peut pas arriver, là, ça serait inconséquent, là. Il faut mettre des programmes généraux pour toutes les entreprises, ce n'est pas facile.

M. Marissal : ...parce que je n'ai pas beaucoup de temps, puis je comprends...

La Présidente (Mme IsaBelle) : Il reste 1 min 35 s.

M. Marissal : Merci, Mme la Présidente. Je sais où vous vous en allez, on a eu ces conversations-là, sauf qu'on ne peut pas non plus attendre que ces commerces-là ferment tous parce qu'un jour l'activité va reprendre. Et puis il y a une forme d'injustice, là-dedans, perçue par les PME, parce que certains reçoivent de l'aide, d'autres, non, nommément la restauration, les bars, qui ont l'air d'avoir été considérés à part, comme pas vraiment des PME, puis, bon, ça va être la sélection naturelle, seulement les plus forts s'en sortiront. Combien de commerces, à ce jour... de PME — «PME», je devrais dire, là — ont fermé et combien fermeront, selon vos chiffres? Vous avez déjà avancé des chiffres. La FCEI a avancé le chiffre de 18 000 au Québec. Est-ce que ce sont des chiffres que vous partagez? Et quels chiffres avez-vous en main, maintenant?

• (16 heures) •

M. Fitzgibbon : Bon, les pronostics, ça va entre 15 000 et 25 000. Moi, je suis plus optimiste, je pense, le 15 000 à 18 000, je suis très confortable avec ça. Généralement, il y en a à peu près 4 000 qui vont fermer, donc on parle de quatre fois ce chiffre-là, on parle d'un 10 000 à 12 000 excédentaire.

Est-ce qu'on est concernés par ça? La réponse, c'est oui, on est concernés. Maintenant, est-ce qu'on va... C'est sûr qu'il y a beaucoup de ces établissements-là qui étaient déjà en situation problématique avant la COVID, on pense à des commerces sur la rue Sainte-Catherine, pour des raisons qu'on connaît. Alors, on... je peux vous confirmer que, dans le cas du PACME...

La Présidente (Mme IsaBelle) : En conclusion, 10 secondes.

M. Fitzgibbon : En conclusion, les chiffres que la FEI mentionne, on na pas les mêmes chiffres. Puis l'actuel, aujourd'hui, je n'ai pas le chiffre dans la tête, combien qui ont fermé, il y en a quelques-uns, mais j'ai... ce n'est pas encore catastrophique, là, parce que c'est... il y a encore du... comme on dit, avant qu'on arrive là.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Merci, M. le ministre. Nous y allons maintenant avec un deuxième bloc avec l'opposition officielle, le député de Nelligan.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. Pour le prochain bloc, M. le ministre, j'aimerais bien qu'on parle un peu de l'exportation. Vous l'avez très bien dit au début, si on n'exporte pas, c'est très grave pour notre économie. Vous avez aussi cette responsabilité que d'accompagner les PME, surtout manufacturières, les exportatrices, etc. On sait c'est quoi, la situation au niveau international. C'est quoi, le portrait que vous avez sur la table aujourd'hui?

M. Fitzgibbon : Bien, c'est sûr que la balance commerciale, bon, ce qu'on sent aujourd'hui, nos estimations, c'est M. le ministre des Finances qui l'a avancé, on risque d'avoir plus d'importations que d'exportations cette année, donc l'écart pourrait s'agrandir.

Par contre, il y a beaucoup de spéculations là-dedans. Dans les... puis c'est plus anecdotique, mais, dans les exportateurs québécois, vu qu'on a été très vocal sur le fait que je veux réduire — c'est un de mes trois chantiers — l'écart, le déficit commercial de 23 milliards à l'international, on a beaucoup d'interactions... M. Bolduc, Montréal International, qui gère maintenant le PEX, là, met tout ça ensemble. Je dirais qu'il y a beaucoup d'améliorations sur l'utilisation des ressources des délégations du Québec à l'extérieur, parce qu'il y a encore du monde qui travaille à l'extérieur. Ceux qui sont locaux, il y a des bonnes histoires, il y a des bonnes portées qui sont devant nous. Mais c'est sûr que les chaînes d'approvisionnement internationales sont un peu perturbées — on pense à l'aérospatiale — alors c'est sûr qu'il y a un effet sur nous.

Mais je dirais que nos sociétés québécoises manufacturières, principalement, sont quand même relativement prêtes. On regarde les chiffres d'emploi, là, c'est très encourageant, parce que, le niveau manufacturier, on n'est pas tellement loin d'où nous étions, là. On parle de... fabrication, on est à 32 000 emplois de moins qu'on avait au mois de... Le monde ne travaillait pas à temps plein nécessairement. Alors, écoutez, c'est très anecdotique, ce que je vous dis là, mais les sociétés québécoises sont prêtes, mais les chaînes d'appro internationales ne le sont peut-être pas non plus, là.

M. Derraji : Je suis d'accord avec vous par rapport à la chaîne internationale. Nous avons eu l'occasion, pendant la pandémie, d'en parler, surtout avec ce qui se passe en Europe, où parfois des chaînes n'arrivent pas à satisfaire la demande pour pouvoir continuer la production.

Mais je veux vous ramener plutôt sur un terrain que vous aimez bien, c'est le commerce interprovincial, donc à l'échelle canadienne. Avez-vous eu des discussions avec les autres provinces? Comment le Québec se positionne sur ce chemin?

M. Fitzgibbon : On a... Moi, j'ai eu des discussions avec mes homologues de deux provinces, l'Alberta puis l'Ontario, ceux avec qui je travaille le plus. L'Ontario, M. Fedeli, que vous connaissez probablement, on essaie d'avoir des projets conjoints. Quand on parle de transport, entre autres, là, ils sont très forts en automobile; nous, on est forts dans d'autres véhicules commerciaux, la filière batterie, la filière électrification.

Écoutez, il y a... comme vous savez, on est déficitaires de 23 milliards au niveau international puis on est en surplus de 9 milliards au Canada, donc on est net 14. Le 9 milliards, on veut le protéger, on aimerait maintenir ça. On a des discussions, définitivement, avec les deux provinces, puis probablement qu'il y en a d'autres, au niveau du ministère, avec les autres provinces. Je ne vois pas de raison pourquoi on réduirait notre commerce interprovincial.

M. Derraji : Oui, mais vous savez mieux que moi qu'il y a beaucoup de barrières par rapport au commerce interprovincial — je ne vous apprends rien — énormes, réglementaires et d'autres. Je voulais vous interpeler par rapport à la Table de conciliation et de coopération en matière de réglementation de l'Accord de libre-échange canadien. Il y a une table... je vais juste... pour ne pas dire... je vais vous citer le mot exact, c'est la TCCR, je ne sais pas si ça vous dit quelque chose, vos équipes. J'aimerais bien savoir, est-ce qu'on peut avoir... S'il y avait des rencontres récemment, est-ce que vous avez eu à mettre sur la table un plan ou à défendre les intérêts du Québec au niveau de la Confédération par rapport aux échanges interprovinciaux?

M. Fitzgibbon : C'est un comité interprovincial sur lequel je siège, et, avec ma collègue Marie-Eve Proulx, on se relaye. Il y a M. Dubuisson, qui est le sous-ministre adjoint... M. Bahan est en contact fréquent avec ses homologues des différentes provinces. Je ne suis pas familier, aujourd'hui, s'il y a eu des discussions récentes sur la COVID, mais je pense que c'est un comité, en tout cas, qui va très bien. Puis moi, j'ai siégé dessus, puis il y a des choses... les barrières que vous dites, là, que ce soit l'alcool, que ce soit le transport routier... Il y a des règles, là. Chaque réunion, il y a un agenda. Il y a un effort de la part des provinces d'alléger le fardeau réglementaire pour être plus ouverts, mais, tu sais, je dirais qu'on est quand même privilégiés pareil, on a 9 milliards de surplus avec les provinces.

M. Derraji : C'est un dossier que j'ai suivi pas mal, et, je ne sais pas, avec l'accord de la présidente, j'aimerais bien qu'on reçoive ces documents, parce que je tiens à vous dire que nous avons demandé des documents, que nous n'avons... on n'a pas reçu, parce que ça va nous donner de l'information par rapport aux enjeux. Et, quand je voix les enjeux, M. le ministre, le rapport annuel — ça, c'est de 2019, je ne sais pas s'il y a un rapport annuel de 2020 qui est sorti — je vois beaucoup d'enjeux sur la table où le Québec doit être un champion dans les négociations interprovinciales. Comme vous, j'ai eu l'occasion à parler avec beaucoup d'entrepreneurs qui ne comprennent pas pourquoi ils ne peuvent pas exporter à d'autres provinces. C'est des entrepreneurs québécois de plusieurs régions que... j'en suis sûr et certain, en tant qu'homme de terrain et un homme d'affaires, que vous connaissez très bien ces enjeux.

J'aimerais bien, pour le bénéfice des membres de notre commission, avoir plus d'information sur l'agenda que le Québec défend au niveau canadien par rapport à cette table. Qu'est-ce qu'on défend, aujourd'hui, par rapport à nos entrepreneurs? Si un entrepreneur à Shawi, ou sur la Côte-Nord, ou sur n'importe quelle région au Québec veut exporter tel produit et on lui dit non, parce qu'en BC, il y a des règles, en Ontario, il y a des règles et, en Alberta, il y a d'autres règles, comment vous les défendez, ces entrepreneurs, sur cette table? Et nous partager vos conclusions.

M. Fitzgibbon : Bien, écoutez, deux commentaires. Je pense qu'on ne va pas retirer de l'information. Alors, vous voulez avoir l'agenda des tables de concertation, je pense, c'est aux six mois que ça se rencontre, là. Alors, je n'ai pas de problème à ce qu'on vous soumette ça, là, via le secrétariat.

D'autre part, je vous entends puis je suis d'accord qu'il faut permettre à nos entrepreneurs de pouvoir exporter à l'intérieur du Canada. Mais je dirais qu'on est probablement les champions canadiens, là, on est quand même 9 milliards en surplus, donc on exporte plus qu'on importe, donc on doit avoir quand même un certain succès. Est-ce qu'on peut augmenter ça? C'est sûr que, si on peut l'augmenter, on va le faire. Alors, je suis très ouvert à ce qu'on allège ça. Puis, comme vous savez, c'est complexe, hein, il y a 10 provinces. Mais moi, j'ai participé à deux rencontres, là. Je ne sais pas si on parle de la même rencontre, je pense que oui, là...

Une voix : ...

M. Fitzgibbon : O.K., bon, c'est au niveau technique. Bon, moi, j'ai eu des rencontres avec mes homologues, là, où on a un agenda de ce qu'ils appellent «trade barriers», puis on adresse ça sur une base... à tous les six mois. Il y a un désir collectif d'alléger ça. Alors, on va vous partager ça. Là, vous référez à un sous-comité, probablement, technique, avec M. Dubuisson, on regardera c'est quoi, les agendas, mais je n'ai pas de problème à vous partager les agendas.

M. Derraji : Sérieux, ce n'est pas pour aller voir le détail technique, mais sur la table, maintenant, s'il y a une leçon qu'on doit tous apprendre par rapport à la COVID, c'est justement la coupure avec l'extérieur. Donc, tout ce qui a été par bateau, même parfois par avion... On a eu de la misère d'aller chercher des masques en Chine. On a eu même de la misère à ce que... on s'est fait avoir par un intermédiaire pour aller chercher un 40 millions de dollars de masques.

Et les entrepreneurs se posent souvent la question : Est-ce qu'on est Canadiens ou on ne l'est pas? On a un marché canadien, on a une complémentarité entre les provinces. Je ne vais pas challenger les ministres que vous avez dit tout à l'heure, mais, il me semble, il y a d'autres provinces qui nous dépassent par rapport à leur flux interprovincial. Je n'ai pas les chiffres devant moi, donc je préfère m'abstenir par rapport à ça, mais je ne vais pas m'avancer et dire qu'on est les champions. Je vous crois, et les chiffres que vous avez, c'est des bons chiffres, mais je me dis : S'il y a... Je vais utiliser quelque chose que vous aimez plus, c'est un nationalisme fort économique que j'aimerais voir, c'est aller se battre avec les autres provinces par rapport au point de vue réglementaire et aussi ouvrir des marchés pour nos entrepreneurs.

À plusieurs reprises... et j'en suis sûr et certain, que votre sous-ministre aussi a entendu ça lors des missions à l'extérieur, un entrepreneur québécois avec un entrepreneur ontarien qui se rencontrent à Dubaï, mais ils n'ont jamais eu l'occasion de se rencontrer au Québec ni au Canada et en Ontario. Pourtant, ils sont complémentaires. Et c'est là où la leçon de la COVID... où j'aimerais bien... où notre marché d'exportation est important, de voir un plan de match, d'encourager le commerce interprovincial. C'est là où je veux vraiment avoir un plan, avoir une vision et avoir quelqu'un qui se lève et dit : Bon, je ne vais pas attendre que les gens... les autres agissent, mais j'aimerais bien aller de l'avant par rapport à encourager le commerce interprovincial. C'est là où je veux...

• (16 h 10) •

M. Fitzgibbon : Je suis entièrement d'accord avec vous, et le plan, on l'a. Il n'est pas sur un PowerPoint, là, mais on a le plan. Puis d'ailleurs je vais en profiter pour remercier mon sous-ministre, qui a été responsable pour la transaction de Medicom. Je ne sais pas si vous le savez, Medicom, ils font les masques, et non seulement on fait les masques au Québec pour le Québec, on fait les masques au Québec pour les autres provinces.

Alors, avec le fédéral, on a fait un projet conjoint, puis c'est David qui a piloté ça, et on a maintenant, au Québec... je ne sais pas c'est quoi, l'autosuffisance québécoise de masques, dépendamment qui en porte, là, mais... Vous avez absolument raison, géopolitiquement, on est tous rendus nationalistes. Puis, personnellement, je veux que ce soit le Québec en premier, puis après on va aller voir les autres provinces, on va aller voir les Chinois. Ça, je suis entièrement d'accord avec vous.

M. Derraji : Oui, mais ça, bravo, parce que, grâce à la COVID, vous avez agi comme ça. S'il n'y avait pas la COVID, on ne va pas penser à être autosuffisants. Moi, c'est ce réflexe que je veux, à partir d'aujourd'hui, le voir auprès de mon ministre de l'Économie, et dire : Bon, sur la table, député de Nelligan, pour l'allègement réglementaire au niveau du commerce interprovincial, j'ai enjeu un, deux, trois. C'est ça que j'aimerais entendre aujourd'hui.

Si votre agenda ou l'agenda technique... moi, je n'ai aucun problème, si vous voulez que le sous-ministre intervienne, mais moi, je veux juste savoir, vos priorités, en termes d'allègement réglementaire interprovincial, c'est quoi. C'est quoi, l'urgence aujourd'hui, surtout dans le contexte de la COVID?

M. Fitzgibbon : On va commencer par le Québec. Je pense que la première chose qu'on doit faire, c'est que le gouvernement du Québec doit être plus supporteur d'achat local, et ça, c'est notre priorité numéro un. Alors, je n'ai pas de PowerPoint, là, mais je peux vous dire qu'aujourd'hui, là, on a eu un Conseil des ministres, là, le message de notre premier ministre est très clair, là, intraministériel, là, on va alléger les règlements. Commençons par nous autres, là, après ça le Canada, entièrement d'accord. Puis je pense qu'on a déjà identifié... En fait, moi, mon obsession, c'est que l'écart de 23 milliards, international, là... Tu sais, on est champions canadiens, «by the way», on est 9 milliards en surplus. Je ne sais pas si d'autres sont en surplus, mais je présume qu'on est dans les premiers, peut-être pas les premiers, mais, en tout cas, on est forts, là, on est... je suis satisfait de cet écart-là.

Le 23 milliards qu'il faut combler à l'international, donc, qu'est-ce qu'on fait? Le sous-ministre a identifié quels sont les produits qu'on pourrait arrêter d'importer parce qu'on va les faire au Québec, déjà, ça, c'est bien, puis on a identifié des produits, là, certains sont stratégiques. Évidemment, les masques, les blouses puis les gants, on va essayer de les faire nous autres mêmes, dans la mesure où on peut, les visières, et d'autres segments, l'alimentation... On a déjà identifié les segments où on veut que, dans deux ans, qu'on ait vu une progression de réduire l'importation.

Deuxièmement, pour la question sanitaire, vous avez absolument raison, toutes les... je pense que le Canada... puis autant les autorités fédérales de la santé sont en coordination avec l'Ontario et toutes les provinces, on participe à ça déjà. Puis c'est sûr qu'on va être tous... On a appris de la COVID puis on veut être moins dépendants des avions qui vont atterrir de la Chine. À Dorval, ils n'atterriront pas, là, je pense qu'on est là. Puis l'allègement réglementaire intraprovincial, qui est un autre segment, c'est en continuum, puis on va vouloir continuer, puis on va vouloir l'améliorer dans la mesure où on peut.

M. Derraji : Par rapport à l'achat local, je vais revenir. Je vois l'annonce, j'ai pas mal de questions, mais je veux vraiment qu'on termine cet échange par rapport à l'allègement réglementaire parce que, j'en suis sûr et certain, vos équipes et vous-même, vous l'avez entendu de pas mal d'entrepreneurs. Mais je veux et j'espère que, tôt ou tard, je vais avoir les mots de mon ministre de l'Économie, qui va dire que : Mon combat interprovincial, sur l'échelle canadienne, va être un, deux, trois, parce que ça heurte beaucoup de PME qui ne sont pas intégrées dans la chaîne d'approvisionnement canadienne. Oui, probablement, on réussit. J'aimerais bien savoir c'est quoi, les produits qui contribuent dans la balance, où on est forts, au niveau Québec versus le Canada. Mais, si on voit concrètement, il y a plusieurs handicaps, et on peut les voir, là, il y a un beau... le rapport de gestion annuel, il est très clair, de la table, de la TCCR. Mais j'espère que la leçon de la COVID va booster vos équipes et vous-même d'avoir ce leadership canadien.

M. Fitzgibbon : Je vous le promets, puis on va commencer par le Québec. Que le gouvernement achète québécois, déjà, ça va déjà être un bon pas en avant.

M. Derraji : Non, on se comprend par rapport à agir au niveau du Québec, mais, vraiment, on parle de deux choses, deux choses vraiment différentes, M. le ministre. Le Québec, l'achat local, écoute, on peut en parler, là, il y a pas mal de choses. Mais je vous dis, on exporte... la plupart de nos PME exportent, ils ont de la misère à pénétrer l'Ontario, à pénétrer l'Alberta, et on est au Canada. Ça, c'est des faits, il y a des mesures réglementaires que parfois ça empêche un producteur au Québec de vendre certains produits. Vous avez mentionné le vin, la bière, il y a pas mal de choses. Et, avec ce qu'on a vécu avec la COVID et la perturbation au niveau exportations, c'est une chose qu'on ne doit pas revivre et faire vivre à nos entrepreneurs. C'est là où mon message... J'espère qu'on va y arriver ensemble.

Donc, ça commence par la présence à cette table, avoir un leadership au niveau interprovincial, un leadership canadien et que vous le partagiez, votre agenda par rapport à la défense des intérêts de nos PME au niveau de ce commerce interprovincial, parce que ça ne va pas être, probablement, facile. Il va y avoir des concessions que nous aussi, on va faire, en tant que Québécois, en tant que marché local. Mais, en bon homme d'affaires que vous êtes, balance entre ce qu'on va gagner et ce qu'on va perdre, c'est là, l'enjeu. C'est là, l'enjeu pour les PME, M. le ministre.

M. Fitzgibbon : Je vous entends très bien, collègue, mais, comme je vous dis, on n'est pas... on a un certain succès, quand même. On est 9 milliards en excédent. Est-ce qu'on peut le monter à 12, 13 milliards? Je vais être le premier...

L'enjeu pour moi, puis les compagnies québécoises, les producteurs québécois : le Québec en premier, le Canada, les États-Unis puis le reste du monde. Je pense qu'il faut y aller dans l'ordre. Puis c'est sûr que le marché de proximité est un marché logique, je suis entièrement d'accord avec vous. Et je ne pense pas qu'on est mal pris, mais est-ce qu'on peut s'améliorer? C'est sûr qu'on peut toujours s'améliorer. Puis la réglementation est un enjeu qui est complexe, et il faut l'adresser, puis il y a des comités qui existent. Mon ancienne collègue était au comité, je l'ai remplacée. Alors, on travaille fort sur ça, et, je pense, les sous-ministres se sont impliqués aussi. Alors, il faut continuer, je suis d'accord avec vous.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Il reste trois minutes à l'échange.

M. Derraji : Oui, merci. J'ai vraiment aimé cet échange, Mme la Présidente, avec le ministre. Donc, je m'attends, et on peut s'attendre, M. le ministre, à ce qu'on va voir prochainement vos priorités par rapport à ce que vous allez défendre au niveau de l'échelle canadienne en termes d'allègements réglementaires pour nos entrepreneurs.

M. Fitzgibbon : Je vous le promets.

Des voix : ...

M. Fitzgibbon : J'ai mes devoirs, je fais mes devoirs.

M. Derraji : Oui. Et ce qui est bien, c'est qu'il prend des notes, mais je pense que vos équipes peuvent vous partager le rapport annuel de la TCCR.

Je veux juste conclure par rapport à ce point, Mme la Présidente, c'est que... j'apprécie énormément, si on peut recevoir de vos équipes les communications, ou bien les travaux, ou bien les choses que vos équipes développent au niveau de cette table. Merci.

M. Fitzgibbon : ...on a un agenda qui est commun à toutes les provinces, là, on va vous envoyer les agendas, vous allez voir la liste des initiatives qui sont discutées.

M. Derraji : Et ce que vous développez, un agenda poussé par le Québec, au niveau interprovincial.

M. Fitzgibbon : Bien, c'est un agenda global, qui est un agenda multiprovincial, chacune des provinces, mais on identifiera les choses que le Québec pousse particulièrement.

M. Derraji : O.K. Merci. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme IsaBelle) : C'est noté également, je vais le rappeler à la fin de la séance. Il reste quand même 1 min 55 s.

M. Derraji : ...je peux la reprendre dans l'autre bloc.

La Présidente (Mme IsaBelle) : D'accord. Alors, nous y allons avec le troisième groupe d'opposition, le député de René-Lévesque, vous avez 9 min 45 s.

• (16 h 20) •

M. Ouellet : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Donc, à mon tour de vous saluer, M. le ministre. Je suis d'accord avec mes collègues de Nelligan et de Rosemont, ça a été grandement apprécié, les échanges que nous avons eus pendant la première phase, la phase de confinement. Et je suis d'accord aussi avec le collègue de Rosemont, pas juste les échanges que nous avons eus, mais la réponse rapide de votre cabinet et de vos équipes, parce que ce n'était pas évident. Le gouvernement fédéral annonçait plusieurs programmes, ils n'étaient pas tous paramétrés, il y avait beaucoup de questions, il y avait beaucoup de panique, et on voyait bien que le gouvernement du Québec attendait aussi, dans certaines mesures, la façon dont le Canada allait paramétrer pour savoir quelle allait être votre réponse. Donc, on est bien conscients qu'il y avait des enjeux de coordination à faire, mais on a réussi à obtenir quand même des réponses rapidement, qu'on a pu transmettre dans nos différents réseaux. Et je pense que ça, ça a été apprécié, du moins pour baisser certaines craintes.

J'aimerais revenir sur un échange qui a eu lieu tout à l'heure, notamment sur les programmes que vous avez mis de l'avant, des programmes de prêts. Ce que j'ai cru comprendre, M. le ministre, c'est que vous allez évaluer la situation pour décider, au final, dans le cas du programme PACTE d'Investissement Québec, s'il y aura remboursement total ou pas pour certaines entreprises. J'aimerais que vous précisiez vos intentions, parce qu'on a présentement des entreprises qui ont demandé ce prêt, et, ce prêt, ils ont des intérêts présentement à payer, et il y a un moratoire de capital qui peut varier entre 12 et 24 mois.

Donc, évidemment, si le gouvernement décide d'aller de l'avant et de dire : Bien, écoutez, on regarde la situation, puis, sur le prêt que vous avez consenti, il y aura un montant qui sera non-remboursable, finalement, je pense que cette information-là devrait être connue rapidement, si c'est votre intention, parce qu'on l'a vu avec le programme... le Compte d'urgence canadien, ça a été annoncé d'emblée, le 40 000 $, il y avait déjà un 10 000 $ qui ne serait pas remboursable si, à partir de janvier 2021 et pour les deux prochaines années, il était remboursé en totalité. Donc, ça, ça a permis de sécuriser certains entrepreneurs pour dire : Écoutez, je vais le prendre et, si finalement je n'en ai pas besoin, au final, je pourrai le rembourser, mais, si j'en ai besoin, bien, j'aurai peut-être, effectivement, à la clé, une subvention.

Donc, moi, je veux juste être certain, là, vous vous donnez du temps d'évaluer, mais est-ce que vous pouvez donner une indication à ces entreprises-là pour dire : Il pourrait ou il devrait y avoir, au final, un pardon d'un certain montant? Parce que ça, ça va donner une indication sur la pression financière. Parce que je suis d'accord avec vous, là, les gens font juste payer l'intérêt, le capital n'est pas encore remboursé, il va venir tôt ou tard, mais ça représente quand même une épée sur leur tête qui pourrait effectivement être raccourcie, en termes de pesanteur, pour leur permettre de passer à travers cette crise.

M. Fitzgibbon : Écoutez, effectivement, moi, je pense que... j'essaie de simplifier la réponse, les entreprises qui sont sous le PACTE, donc qui sont techniquement plus grosses, je ne m'attends pas à ce qu'il y ait des pardons à ces prêts-là, par contre il est possible qu'il y ait de la conversion en équité. Une entreprise qui a une équité, puis qui a des problématiques de cash-flow pendant un an, un an et demi, mais qu'on sait qu'elle va pouvoir se remettre dans l'ordre financier, moi, j'aimerais mieux, comme gestionnaire de fonds publics, dire à la société : Écoute, je vais te convertir en équité, tu me rachèteras dans quatre, cinq ans, quand tu vas être capable de me repayer, parce qu'on ne veut pas être actionnaire de PME, ce n'est pas le métier du gouvernement.

Mais, avant de donner un pardon, moi, je suis un peu réticent à donner des pardons parce que c'est de l'argent qui s'en va, puis c'est de l'argent de tous les citoyens du Québec. Alors, dans les compagnies PACTE, là, les 700, 800 qui vont emprunter, moi, je pense, ça va être ça, le scénario. D'ailleurs, j'ai commencé à discuter... j'ai fait des... on a fait des prêts PACTE, puis, avec Guy LeBlanc, on disait : Bien là, woups! c'est de l'équité qu'il te faut, là. Mais là on n'avait pas le temps de commencer à jouer là-dedans, on a dit : Parfait, on va te donner un PACTE, là, mais, «by the way», là, si tu ne paies pas, là, on s'en va en équité, tu vas peut-être te faire diluer temporairement, tu nous rachèteras après.

Quand on arrive avec des FLI, c'est une autre game, parce que les FLI... je ne suis pas sûr qu'on veut être actionnaires de Bar machin truc ou de Restaurant machin truc, ça n'a pas de bon sens, on ne peut pas être actionnaires de ces compagnies-là. Dans ces cas-là, fort probablement, il va falloir considérer un pardon. Mais là, écoutez, là, je parle à la télévision, probablement, mais, tu sais, si on annonce, demain matin, que les FLI vont être pardonnés, bien, «guess what», il n'y en a pas un qui va payer. Alors, il faut faire attention, c'est quand même l'argent du public, là, c'est l'argent de la population.

Mais je suis conscient, je suis très, très conscient qu'à un moment donné, si l'eau du lac est là, tu es en train de te noyer... On gagne quoi de vouloir se faire payer si la compagnie ferme? Tu sais, je ne suis pas cave 24/7, là. Ça fait qu'il faut faire attention, mais en même temps je veux qu'on ait la chance... Quand je dis «je veux attendre», là, ce n'est pas «je veux attendre l'argent du fédéral», je veux attendre de voir... C'est surprenant comment les sociétés se... Les restaurants, là, j'en ai vu une couple, là, ça ne va pas mal, là, il y a du monde qui vont survivre puis ils vont faire de l'argent, là, tu sais. Il faut faire attention, tu sais. Quand on a une pression, des fois on se réinvente, hein? Ça fait que je ne veux pas être trop rapide pour mettre des programmes.

Mais, au niveau des crédits budgétaires, les FLI, là, je ne dirai pas le pourcentage, là, on va prendre des provisions pour prêts, là, on sait que tout le monde ne le repaiera pas. Mais je pense qu'il faut faire attention avant d'aller trop vite dans quel va être l'ordre du pardon. Mais, de façon réaliste, on ne prendra pas d'équité dans les petites entreprises de FLI. On n'aura pas le choix de dire : Ou tu nous repaies dans 10 ans, 15 ans, ce qui revient à la même chose de dire que c'est un pardon, là, je pense qu'on est... La question fondamentale, c'est : Est-ce que tout le monde a accès au FLI? Puis ceux qui n'ont pas accès au FLI, la question a été posée tantôt, est-ce qu'on peut faire une meilleure communication? Il reste 150 millions à investir, puis on va en mettre d'autres s'il en manque. Ça fait que, tu sais, je pense qu'il faut faire un bon travail pour que les gens puissent y avoir accès.

M. Ouellet : Justement, quand je suis dans le programme avec Investissement Québec, je n'ai pas accès au FLI, là, tu sais, ce n'est pas en communion, ça fait que c'est un ou l'autre. Puis il y a des entreprises qui ne se qualifient pas dans un ou dans l'autre. Donc, ça, on en a parlé ensemble pendant la pandémie, il y a des entreprises qui se retrouvent, probablement, simplement avec le Compte d'urgence canadien pour... comme support.

Juste être certain de bien comprendre, puis je ne veux pas vous mettre en boîte, là, mais vous venez de dire... dans le fond, dans le cas d'IQ, le programme PACTE, attendez-vous pas... c'est clair, là, il n'y aura pas de pardon, au mieux ce sera de l'équité. Ça, c'est ce que vous venez de dire, puis ça serait votre orientation.

M. Fitzgibbon : Oui, mais là, tu sais, il y a des exceptions. Il y a 700 compagnies dans le PACTE, présentement. Est-ce qu'on va se ramasser, à un moment donné, il va falloir faire un peu de pardon? Puis le pardon, tu sais, c'est quoi, le pardon? Il faut regarder, tu sais, un pardon... Parce qu'il va y avoir un investissement qui va être fait, on va faire de l'optimisation. On n'a pas parlé d'innovation encore, là, tu sais, mais, à un moment donné, le pardon, ça se met dans une globalité. Mais je pense que... Je regarde le profil des sociétés qui sont dans le PACTE, je ne pense pas qu'elles ont besoin de pardon. Je pense qu'il peut y avoir un déséquilibre d'une source de capital, auquel cas on met de l'équité temporaire, alors que, dans le FLI, c'est des PME, et, ces entreprises-là, prendre de l'équité, il n'y a pas de sens. Alors, je sursimplifie, mais c'est l'approche que nous prenons, présentement.

M. Ouellet : O.K. Dans le cas des FLI, des fonds locaux d'investissement, quand est-ce que vous allez prendre votre décision, effectivement? Parce que, là, les entreprises ont demandé de l'argent, il y en a qui ne survivront pas, ils vont probablement déclarer faillite, et, au moment de déclarer faillite, ils ne vous rembourseraient pas, mais, s'ils avaient su qu'ils n'avaient pas eu cet argent-là à rembourser, ça pourrait effectivement leur permettre, tu sais, de passer la crise. Vous comprenez un peu mon raisonnement? Plus vite ils vont le savoir, mieux ils vont pouvoir planifier la suite. Mais, s'ils se disent : J'ai ça qui me pend au bout du nez, je ne serai jamais capable, je déclare faillite, or, deux mois après, vous annoncez que, dans certains secteurs ou dans certains cas, il y a effectivement des prêts qui seront pardonnés, l'entreprise se dit : Bien, écoute, avoir su ça, je n'aurais peut-être pas déclaré faillite, là. Il y a toute une question de temps pour l'entrepreneur. J'essaie de voir...

M. Fitzgibbon : Je ne suis pas sûr que je vous suis. Parce qu'honnêtement j'espère qu'on n'a pas fait des prêts dans les FLI de compagnies qui vont faire faillite d'ici quelques mois, on n'aurait pas dû faire de prêt.

M. Ouellet : Non, mais le contexte va peut-être amener des entreprises, finalement... Parce que, quand vous avez... quand on a fait le programme, là, on était au mois d'avril, mai, vous me corrigerez... juin?

M. Fitzgibbon : ...

M. Ouellet : Fin juin? On commençait le déconfinement. Dans certains secteurs d'activité, le tourisme a été présent, ailleurs au Québec, peut-être pas le même cas, notamment Montréal. Donc, je pense que la situation n'est pas pareille pour tous partout au Québec. Des salons de coiffure, entre autres, ont vu : Wow! Le mois de juin a augmenté, mais finalement...

Une voix : ...

M. Ouellet : Avril? 3 avril? Donc, il y a une différence entre ce qu'on a vécu en avril puis ce qu'on vit aujourd'hui.

Ce que je suis en train de vous dire, c'est que probablement que la décision était juste au moment de dire : Non, non, l'entreprise veut continuer, puis il y a des chances de survie, mais l'évolution de la situation, les changements d'habitudes des consommateurs a amené une pression financière supplémentaire aux petites et très petites entreprises, et là elles se disent : Écoutez, là, je vais devoir cet argent-là puis je n'y arriverai pas, donc, techniquement, je déclare faillite.

Est-ce que vous jugez que le plus tôt serait le mieux pour annoncer vos couleurs, comme gouvernement, pour dire : Dans le cas des FLI, il y a un risque qu'on est prêts à laisser sur la table... pas un risque, il y a une perte qu'on est prêts à laisser sur la table et voici à la hauteur... Est-ce que, ça, vous êtes prêts à l'indiquer ou, encore une fois, vous dites : On veut évaluer la situation? Mais plus vous attendez, plus il va en tomber, là.

M. Fitzgibbon : Écoutez...

La Présidente (Mme IsaBelle) : ...secondes.

M. Fitzgibbon : Comment?

La Présidente (Mme IsaBelle) : 25 secondes.

M. Fitzgibbon : De facto, on l'annonce, là. Nous, on se parle, là, c'est... Écoutez, je pense que les MRC suggèrent les FLI. Ils sont parfaitement conscients, plus que nous, au gouvernement, de la sévérité de la situation. Moi, j'ai toujours dit : Si c'est pour être une entreprise qui va mourir dans les prochains mois, on est mieux de ne pas l'aider. Si on peut l'aider à survivre, bien, prenons les mesures pour pouvoir... qu'elle ait l'oxygène pour le faire. Alors, je pense que je réponds indirectement à la question en disant, sans faire une annonce publique, que tout le monde va avoir un pardon de 25 %. On a ouvert la porte.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, nous continuons avec un troisième bloc avec l'opposition officielle. Député de Nelligan, vous avez 19 min 30 s.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. Le ministre a fait mention, tout à l'heure, de la rencontre avec le Conseil des ministres, de travailler au niveau local, de s'encourager, d'agir au niveau du Québec. J'aimerais bien qu'il nous partage aujourd'hui les résultats du Panier bleu. C'est rendu où?

• (16 h 30) •

M. Fitzgibbon : Bon, Le Panier bleu a été lancé au mois d'avril, évidemment, dans un contexte... je n'ai pas besoin de l'expliquer. Je pense que la... mon constat du Panier bleu, c'est que l'objectif de sensibilisation des Québécois a été atteint. Je pense que, clairement, on est dans une période... on est en psychose, Le Panier bleu arrive, il est beau, achat québécois, alors je pense qu'on a atteint cet objectif-là.

On a été très réalistes, que ça a été porté à bout de bras par quelques entrepreneurs. On est loin d'un site transactionnel, on est loin d'un site où on peut faire la chaîne logistique, mais j'ai été excessivement enthousiasmé de voir le support humain que nous avons eu, à travers Le Panier bleu, et qu'on a encore, à savoir qu'on a un conseil d'administration de gens compétents. On a lancé — c'est public — au mois de juin, huit chantiers du Panier bleu pour voir jusqu'où Le Panier bleu devrait aller, et, dans les huit chantiers, on a 40 entrepreneurs du Québec impliqués, de la chaîne logistique, de l'informatique puis la numérisation, des associations pour le commerce de détail du Québec. Je suis très enthousiaste de voir le support à l'effort.

Maintenant, il faut être réalistes, est-ce que Le Panier bleu, aujourd'hui, il est parfait? La réponse, c'est non. On a 20 000 commerçants qui ont adhéré au Panier bleu, on a des visites de 10 000 à 15 000 visiteurs par semaine. Les chantiers vont nous permettre, au gouvernement, de voir où on amène Le Panier bleu. Et je ne veux pas que ce soit le gouvernement qui décide ça, je veux que ce soient les gens qui sont dans l'environnement de services ou de commerces. Alors, moi, je pense que je suis satisfait de ce qui s'est passé, mais c'est clair qu'il faut aller ailleurs, puis je pense qu'il y a un désir du gouvernement d'aller ailleurs. Il faut le faire de façon rigoureuse, mais on s'en va là.

M. Derraji : Et c'est ce «aller ailleurs» que j'aimerais bien avoir de vous aujourd'hui. Pourquoi... Et je sais que vous êtes très ouvert, que ce soit aux commentaires, aux questions, même les critiques.

J'ai été interpelé par un groupe, et le groupe, ça s'appelle le Regroupement des firmes de services professionnels indépendantes. Je ne sais pas si ça vous dit quelque chose, à votre équipe, mais ils m'ont dit qu'ils vous ont contacté, ils ont contacté le ministre du Trésor... Conseil du trésor, l'ancien, ils ont même contacté la nouvelle. Ils essaient, avec tous les moyens, de parler avec votre gouvernement. Ils ont eu quelques accusés de réception. Mais moi, je vais vous dire pourquoi je veux vous sensibiliser de les rencontrer, deux choses.

Première chose, c'est beau, Le Panier bleu, mais ça sert à quoi, un panier bleu, si le service n'est pas bleu? Je m'explique. C'est que, si le gouvernement va continuer cette tendance de... et je ne suis pas en train de dire d'encourager les firmes étrangères, parce que je peux vous lire... et j'en suis sûr, que vous l'avez vu aussi passer, c'est la subvention que votre collègue ministre de l'Emploi a donné à l'entreprise Slalom, que, probablement, Montréal International a démarché, ils sont venus pour une certaine technologie pour sécuriser quelques emplois.

Mais ce que j'entends d'un secteur, M. le ministre, c'est le secteur des services professionnels du Québec, qui regroupe 225 firmes québécoises, propriétés québécoises, aucune discussion pour inclure ce regroupement dans le plan de relance. C'est 225 firmes de services professionnels indépendantes qui unissent leurs forces pour contribuer activement à la relance économique du Québec. J'ai devant moi le communiqué de presse.

Et pourquoi je vous dis ça? Parce que, encore une fois, je tiens à le préciser, que je ne suis pas contre le fait d'avoir des compagnies qui viennent d'ailleurs au Québec, parce que Moment Factory, CGI amènent quelque chose de nouveau sur le marché et sont ailleurs dans d'autres marchés, mais il faut savoir que le fait de s'installer dans un marché qui est très dynamique et compétitif, et vous le savez, c'est qui, ce marché compétitif, tout ce qui est au niveau organisationnel...

Mais je veux juste vous citer rapidement le communiqué de presse de ce regroupement : «Depuis maintenant plus de 10 ans, le Québec vit une situation de plein-emploi dans le secteur des services professionnels, notamment en technologie et en transformation numérique. Loin de favoriser la création d'emplois, l'annonce faite hier — là, je parle de l'annonce de votre collègue ministre de l'Emploi, du Travail, de Solidarité sociale de donner un demi-million en subventions, donc — favorisera le déplacement des emplois d'une firme vers une autre et accentuera la pression chez les[...].

«Le Québec regorge de firmes...» Donc : «Que ce soit au niveau de la mise en [...] plateforme [...] de [la] stratégie [du] commerce électronique, d'automatisation des processus ou d'intégration, les firmes de consultation d'ici ont l'expertise nécessaire. Loin de redouter la compétition internationale, que nous accueillons positivement avec l'envie d'en découdre, c'est plutôt la mauvaise compréhension du marché de notre propre gouvernement qui est inacceptable. Encore une fois, il manque une opportunité de montrer son soutien envers les entreprises locales et indépendantes et d'appuyer les principes qu'il prône jour après jour par des actions concrètes.

«Plutôt que de subventionner des entreprises étrangères dont l'effet ne sera que d'accroître la guerre des talents, le gouvernement devrait tout d'abord définir un programme d'aide directe aux entreprises nécessitant une transformation et inciter ces dernières à avoir recours au talent local. Ensuite, le gouvernement devrait accepter l'invitation [de ce regroupement] de réfléchir sur la place des services professionnels indépendants dans l'économie québécoise et des politiques d'achat local au sein même de l'appareil gouvernemental. Finalement, le gouvernement devrait orienter ses subventions vers une valorisation des emplois bleus.»

Moi, je pense que ce que vous avez entendu, aujourd'hui, au Conseil des ministres ou la demande du premier ministre, et j'en suis sûr et certain, que vous-même, vous êtes sensible... Moi, je pense, premièrement, une rencontre avec le Regroupement des firmes de services professionnels indépendantes est importante. Je vous la suggère, vous êtes le maître de votre agenda. Mais, pour moi, c'est clair qu'on ne veut pas manquer le train de la relance économique, surtout avec des PME québécoises. Aujourd'hui, c'est un cri du coeur de ces gens. Et, quand j'ai parlé avec ces gens, vous savez qu'est-ce qu'ils m'ont dit, M. le ministre? En fait, c'est la cerise. En fait, ils ne contestent pas uniquement Slalom, il y a Cossette, il y a McKinsey, il y a Slalom. Là, on commence à voir une tendance. Et je suis sensible à ce que vous avez dit au début, que ça nous prend un «thinking» bleu, ça nous prend quelque chose entre nous déjà, au Québec, mais comment allez-vous le faire concrètement sur le terrain, M. le ministre?

M. Fitzgibbon : Bon, premièrement, je viens de réaliser que je pense que mon chef de cabinet, ici, M. Ramacieri, a rencontré le regroupement en question. Je ne les ai pas rencontrés personnellement encore, mais je suis très à l'aise de les rencontrer. Généralement, le cabinet fait le démarchage avant, mais je suis très, très ouvert à rencontrer des sociétés québécoises, je le fais le plus possible, là, dans la mesure de mon agenda, premier point.

Deuxième point, je pense, effectivement, il faut séparer deux choses. Le Panier bleu se veut un cri du coeur du gouvernement, une courroie de transmission pour que les consommateurs prennent encore plus conscience du bénéfice d'acheter local, et je pense qu'on a atteint cet objectif-là. Il faut mettre d'autres choses dans Le Panier pour qu'il puisse rouler plus rondement.

Parallèlement à ça, il est clair que le gouvernement acheteur local doit mieux performer. Et ça, c'est une problématique qui existe, vous le savez très bien, vous étiez au pouvoir, ça ne date pas de deux ans, ça date de 10, 15 ans. Et, de façon anecdotique ou pas anecdotique, les différents ministères ont le loisir de ne pas prendre le plus bas soumissionnaire, mais ce n'est pas toujours utilisé parce que, pour beaucoup de personnes, d'employés, c'est assez sécure, de prendre le plus bas soumissionnaire sans égard aux critères qualitatifs. Et, je pense, c'est le rôle du gouvernement... et on a un premier ministre qui est excessivement focalisé sur le nationalisme d'achat local, je pense qu'on est très bien servis, de ce côté-là. Et c'est à la direction politique de vouloir progressivement changer la culture pour que les fonctionnaires puissent prendre en compte des enjeux tels que la production locale, tels que la connaissance du marché, tout en respectant, évidemment... Parce que notre sous-ministre nous rappelle à l'ordre souvent en disant : Il faut faire attention, on a des ententes bilatérales, hein, on veut avoir des contrats à l'international, on est un pays... on est un pays, on est une communauté qui est très axée sur l'exportation, quand même, hein, on veut des investissements étrangers, donc il faut balancer les deux côtés. Mais il n'y a aucun doute, pour conclure sur ce volet-là, qu'il faut faire mieux pour l'achat local du gouvernement. Et je reviens... 100 % d'accord, il faut le faire dans les règles bilatérales, il faut le faire avec les fonctionnaires, d'expliquer aux gens qui se servent... Alors, ce n'est même pas une loi qu'il faut faire, c'est... il faut que les fonctionnaires se sentent à l'aise de vouloir mettre une grille d'évaluation autre que le plus bas soumissionnaire.

Pour revenir au Panier bleu, présentement, comme vous savez, on a focalisé sur les produits et non pas les services. Mais vous amenez un point : Est-ce qu'on devrait promouvoir, au Panier bleu, les services locaux? La réponse, c'est oui. C'est juste, à un moment donné, on avait des limites, quoi faire. Le budget qui avait été alloué était relativement petit. On va avoir d'autres crédits budgétaires qu'on va mettre dans Le Panier bleu, que... je vais prendre des crédits budgétaires du ministère de l'Économie que je vais mettre là-dedans.

Et on veut éventuellement faire deux choses : on veut être capables d'avoir des services locaux puis on veut être capables de mettre une espèce d'identification. Le bleu peut être bleu pâle, bleu foncé. Quand ça va être bleu foncé, c'est fait au Québec. Parce que le problème qu'on a aussi, c'est qu'on a des commerçants québécois qui vendent des produits chinois. Ils sont-tu éligibles au Panier bleu? Oui, moi, je pense qu'ils le sont, c'est des commerçants québécois. Sauf que, quand ils vont vendre des produits que c'est fait en Chine, bien, ça va être bleu pâle. Quand ça va être des produits... j'exagère, là, mais, quand c'est des produits qui vont être faits au Québec, ça va être bleu foncé. Alors, il faut... C'est multidimensionnel, tu sais, on fait de la géolocalisation de proximité, on fait l'identification de la source des produits, la source des commerçants, d'où est l'«ownership». Alors, c'est assez complexe, mais je pense qu'on doit y arriver, et les services doivent être incorporés là-dedans.

• (16 h 40) •

M. Derraji : On s'entend par rapport à ça, et je vous remercie par rapport à cet engagement au niveau des services, content que votre chef de cabinet les ait rencontrés. Les services doivent aussi contribuer. D'ailleurs, ils lancent un cri du coeur qu'ils veulent vraiment... le Regroupement des firmes de services professionnels indépendantes veulent vraiment contribuer à la relance économique. Donc, je suis content qu'il va y avoir des échanges avec vous. C'est un groupe qui est très actif et qui a à coeur... la seule chose que je vous partage, ils ont à coeur l'avenir économique du Québec. C'est des employeurs, c'est des consultants et c'est des gens qui connaissent aussi la réalité du terrain.

Là, ça me ramène à l'autre question de la relance économique, M. le ministre. Là, on a... Vous venez de dire que, par rapport aux services... Vous avez parlé, tout à l'heure, de l'aéronautique. Moi, j'ai beaucoup de drapeaux rouges qui se lèvent au niveau de la chaîne des pièces dans le secteur aéronautique, j'ai eu quelques rencontres la semaine dernière. Je ne sais pas c'est quoi, le son de cloche que vous avez par rapport à ce secteur.

M. Fitzgibbon : Écoutez, je suis très, très près du secteur de l'aéronautique, là. D'ailleurs, on me l'a reproché à quelques reprises.

M. Derraji : Moi, jamais je ne vous le reprocherais.

M. Fitzgibbon : Non, non, je fais des farces. C'est clair que c'est un des moteurs sectoriels du Québec, il n'y a aucun doute. On a plusieurs «tier 1», maintenant. C'est un secteur qui est très affecté par la chaîne d'approvisionnement internationale. À quelle vitesse les transporteurs vont changer leur Boeing pour un A220? On ne le sait pas, on est limités dans ce qu'on peut faire par rapport à la chaîne d'approvisionnement.

Par contre, avec le sous-ministre, le cabinet et le bureau du premier ministre, on regarde comment, dans la stratégie de l'aéronautique, on va redynamiser la recherche fondamentale des projets d'innovation. Alors, on est à travailler avec l'industrie. Moi, je suis très près d'Aéro Montréal, et on regarde pour relancer un autre programme d'innovation, comme on a fait dans le passé, qui a très bien réussi. Alors, il faut pouvoir prendre nos ingénieurs aéronautiques... Et moi, je ne veux pas qu'ils quittent l'aéronautique, qu'ils s'en aillent ailleurs, même s'ils vont rester au Québec. Il faut demeurer performants sur ça. On travaille avec l'ENA, on travaille avec... Alors, c'est sûr qu'il y a un vent de face, c'est sûr que ça va être difficile, et, je pense, c'est le rôle du gouvernement, de mettre des programmes d'innovation, d'appels à projets pour qu'au moins nos ingénieurs puissent travailler.

Et, je vais vous dire, je suis... c'est un clou que je tape très fortement avec M. Bains, mon équivalent en Ontario... en Ontario, à Ottawa. Comme vous savez, le fédéral... bon, ce côté-là, je les critique un peu, je ne pense pas qu'ils ont fait ce qu'ils auraient dû faire pour maintenir le statut national, mais je pense qu'on commence à avoir des... une écoute plus grande. Alors, nous allons... on n'a pas le choix, nous allons mettre des programmes d'appels d'offres, des programmes d'accès à l'innovation pour qu'on maintienne ça.

D'autre part, heureusement, un secteur qui va bien, c'est le secteur spatial, et je mets... on met beaucoup d'efforts sur ça. Il n'y a pas juste Flying Whales, on a d'autres segments dans le spatial. Et moi, je mets beaucoup d'efforts là-dedans, parce que c'est un secteur qui va très bien, présentement. Alors, si on peut compenser une certaine baisse en aéronautique traditionnelle, on met le côté espace, bien là, moi, je pense qu'on va pouvoir prendre notre cluster puis en faire un encore un plus grand. Mais il y a des enjeux...

M. Derraji : Est-ce que j'ai cru comprendre entre les lignes que ça ne va pas, les dirigeables?

M. Fitzgibbon : Bien, ça va aller bien, mais là on est en train de les construire, là, mais...

M. Derraji : Vous êtes en train de les...

M. Fitzgibbon : Je suis aussi optimiste que je l'étais à l'époque.

M. Derraji : Vous êtes toujours confiant par rapport à un dirigeable made in Québec dans les prochains mois, prochaines semaines?

M. Fitzgibbon : Ça, c'est mon rêve.

M. Derraji : Bien, à part le rêve... On peut toujours rêver. Moi, je peux rêver d'un...

M. Fitzgibbon : Bien, il faut avoir de la vision, oui. Non, mais... Oui, moi, je pense, c'est un projet qui... en fait, qui va bien, là, il se développe, là, on est en train de travailler avec le fédéral...

M. Derraji : Mais, vous savez quoi, M. le ministre, j'aimerais bien avoir le même rêve et la même vision pour monter dans mon PME aussi.

M. Fitzgibbon : Ton quoi, excuse?

M. Derraji : J'aimerais bien sentir la même passion, le même rêve que je viens de sentir au niveau des PME aussi, parce que, ça, je... Quand je parle des dirigeables, on dirait que je cherche quelque chose chez vous qui est extrêmement... une certaine fierté que vous... un projet que vous voulez le réaliser au Québec, mais j'aimerais bien ressentir la même chose au niveau des PME, parce qu'il y en a pas mal qui souffrent aussi.

M. Fitzgibbon : Oui, moi, je pense, les PME, on... je pense, les PME, en général, sentent que le gouvernement est... pas juste moi, là, le gouvernement est excité par eux autres aussi. Moi, je pense que...

M. Derraji : Bien, il y a plusieurs déclarations qui disent le contraire, mais, sur ce point, je vous fais confiance. Vous lisez mieux que moi, vous avez une bonne équipe, bien entourée, qui lisent la revue de presse, il y a beaucoup de drapeaux rouges et des déclarations. Comme, à la lumière que vous venez de mentionner, au niveau du secteur aéronautique, il y aura un plan d'action, un appel à projets, je vous félicite, parce qu'il faut le faire, c'est vraiment urgent.

Quand j'entends qu'il y aura probablement une délocalisation de certaines unités de fabrication de pièces, c'est alarmant. Quand on voit que la relance dans ce secteur... on me parle de cinq ans, maintenant, je ne sais pas c'est quoi... qu'est-ce qu'on vous a partagé, c'est les petits avions et non pas les long-courriers ou les avions de longue portée. Donc, si on le perd, vous savez mieux que moi c'est quoi, la portée de ce secteur par rapport à Montréal. On a parlé de l'aéronautique. Les autres secteurs qui vous préoccupent, M. le ministre?

M. Fitzgibbon : Bien, préoccupent... Il y a deux questions. Les secteurs qui vont être les plus lents à reprendre, c'est sûr, c'est tourisme, culture, aéronautique, les trois secteurs qui vont être les plus frappés, donc on regarde ça.

D'autres secteurs pour lesquels il faut profiter d'un certain momentum : sciences de la vie. Moi, je suis très excité par ça, sciences de la vie. On a perdu beaucoup de notre notoriété depuis une dizaine d'années. Je pense que... à cause de la médecine personnalisée, à cause des programmes de recherche que nous avons, à cause de l'intelligence artificielle, je pense qu'on a un momentum. Puis on est en train de revoir, justement, la stratégie des sciences de la vie, qui vient à échéance dans 18 mois, on est en train déjà de la revoir.

Moi, un projet qui m'excite énormément aussi, c'est le programme Électrification des transports. Là, on parle de matériaux à batteries, recyclage, production de véhicules électriques commerciaux. Ça, c'est un projet de société, c'est un projet qui peut être un legs du gouvernement qui va être assez important et sur lequel on travaille beaucoup, alors c'est des... puis l'aluminium, parce que l'aluminium, l'aérospatiale, sciences de la vie, l'électrification, ça, c'est les verticaux. Puis, l'horizontal, évidemment, on demeure toujours les champions, entre guillemets, de l'intelligence artificielle, puis le côté robotisation, puis l'environnement aussi. L'environnement, on... il y a beaucoup, beaucoup de projets environnementaux qu'on regarde, présentement.

M. Derraji : J'ajouterais juste à votre liste de venir en aide à votre collègue ministre du Tourisme, parce qu'il ne semble pas y avoir un plan. Je viens d'avoir une statistique par rapport au taux d'occupation des hôtels à Montréal, c'est très alarmant, c'est très alarmant. Le secteur touristique joue un rôle extrêmement important, pas uniquement à Montréal, mais dans toutes les régions du Québec. Est-ce qu'on va avoir, finalement, un bon plan de relance ou d'accompagnement du secteur touristique? Parce que, votre collègue ministre du Tourisme, aux réponses à mes collègues, il ne semblerait pas qu'il y a un plan sur la table.

M. Fitzgibbon : Vous me permettrez d'être en désaccord avec vous. Je pense, Mme Proulx a fait un très bon travail. Il faut réaliser... Pardon?

M. Derraji : Mon collègue l'a questionnée, député de...

M. Fitzgibbon : Bien, peut-être, là, je n'étais pas là, là, mais, bon, moi, je pense que... Il n'y a pas de monde, à Montréal, dans les hôtels. On va faire quoi? On va attirer le monde des États-Unis pour qu'ils viennent dans les hôtels? Il faut être réalistes, là. On va-tu mettre... On va-tu remplir les chambres avec des... avec nous autres, là? Tu sais, il faut être pratiques, là. Tu sais, c'est facile, de critiquer, dire qu'il n'y a rien qui s'est fait, là. Moi, je pense qu'au contraire, touristique, au niveau des hôtels, le prêt de pardon de 100 000 $, là, 400 000 $, 100 000 $, c'est un très bon programme. On parlait de subventions directes, là, on a 100 000 $ par hôtel, il y en a 1 300 au Québec. Moi, je pense qu'on n'est pas si pire. Le programme de Caroline sur tout... J'ai voyagé au Québec cet été, je suis allé, avec ma moto, en Abitibi, aux Îles-de-la-Madeleine, Charlevoix, il y a du monde partout, là. C'est l'été, c'est sûr, ça va être plus dur à l'automne. Mais, moi, le touristique, dire que ce n'est pas bon, là, je ferais attention, là. Montréal, entièrement d'accord, mais ça, c'est... On fait quoi, là?

La Présidente (Mme IsaBelle) : Il reste 40 secondes.

M. Fitzgibbon : Il faut ouvrir les frontières avec les États-Unis, moi, je suis le premier qui va dire oui, mais en même temps, là, on a peur du COVID. Ça fait que, tu sais, il faut être pratique, là. Moi, je pense qu'il faut faire attention avant de juste tirer, là, en l'air comme ça, là.

M. Derraji : Non, bien, c'est sûr qu'il n'y a personne qui tire dans les airs, M. le ministre, et je n'ai pas dit qu'il faut aller tirer les gens des États-Unis pour les ramener, mais j'insiste juste sur une chose, qu'il y a un secteur économique qui souffre, on ne va pas croiser les bras. Je vous ai dit que je vois la flamme dans vos yeux quand vous parlez de dirigeables, ça se voit, et vous pouvez l'avoir pour d'autres secteurs d'activité, parce que, probablement, d'autres collègues à vous ont besoin de cette flamme, parce que le secteur touristique, il est important pour toutes les régions du Québec, pas uniquement Montréal.

M. Fitzgibbon : Comme la culture, je suis entièrement... on est d'accord.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, je vous remercie pour cet échange. Nous continuons avec le député de Rosemont, vous avez 9 min 45 s.

M. Marissal : Merci, Mme la Présidente. On va parler d'un de vos sujets préférés, qui amène peut-être moins d'étincelles dans vos yeux depuis hier soir, mais, le Cirque du Soleil, on est malheureusement rendus à faire un post-mortem d'une triste fin d'aventure. Ça, c'est mon qualificatif. J'en aurais d'autres, là, mais je n'ai pas beaucoup de temps puis j'aimerais ça vous entendre. D'abord, M. le ministre, comment vous qualifiez la fin de l'aventure du cirque? Du moment où vous l'avez repris, vous l'avez piloté avec un plan qualifié de brillant par le premier ministre. Cette fin en queue de poisson, hier soir, est le résultat devant lequel on est, je pense, tous navrés aujourd'hui.

M. Fitzgibbon : ...

M. Marissal : Vous n'êtes pas obligé de reprendre aucun de mes mots et de mes appréciations, mais j'aimerais vraiment... je suis très sincère, j'aimerais ça vous entendre. Comment vous qualifiez la fin de cette aventure-là?

• (16 h 50) •

M. Fitzgibbon : Bien, premièrement, je ne pense pas qu'on peut dire que c'est la fin de l'aventure, parce qu'il faut comprendre le processus de... qui s'est passé. Je suis déçu que le plan que j'avais établi avec M. LeBlanc, d'Investissement Québec, TPG, Fosun et la Caisse de dépôt ne sera pas matérialisé, parce que c'est un plan qui était, à mon avis, extraordinaire. Bon, je suis un peu biaisé parce que c'est moi qui l'ai fait, là, mais j'aurais aimé qu'il se matérialise parce que, d'une part, l'investissement qu'on faisait... Si j'avais pu, personnellement, j'aurais mis de l'argent dedans. Puis moi, quand je regarde... quand j'investis l'argent du gouvernement, je me dis toujours la même chose : Est-ce que mon argent irait là-dedans? Dans cette transaction-là... j'aurais aimé mettre mon argent dans cette transaction-là, parce qu'il n'y avait pas de dette autre que la nôtre, on gardait le cirque au Québec, on achetait TPG dans quatre, cinq ans. Bon, ce n'est pas arrivé.

Surprenant? Je dois dire qu'au mois de mars, quand je parlais à TPG, il n'y avait pas grand monde qui était présent pour garder le Cirque du Soleil. Aujourd'hui, on a un scénario un peu particulier, il y a un excès de liquidités dans le système. C'est un peu paradoxal, l'argent, il y en a de partout. Alors, les chers détenteurs de la créance du Cirque du Soleil, 1,2 milliard, ont décidé que : Ah! il y a de l'argent dans le système, on va l'acheter, le cirque. Qui peut, aujourd'hui, payer plus que 1,2 milliard, qui est la valeur de la créance? Personne. Nous, on avait un «bid» d'à peu près 500, 600. Donc, c'est triste, je ne suis pas heureux de cette situation-là, mais, en même temps, qu'est-ce que le gouvernement aurait pu faire? Une chose : soumissionner 1,4 milliard, 1,5 milliard. J'aime le risque, là, mais il y a une limite au risque. Donc, le gouvernement avait les mains liées.

Maintenant, ce n'est pas fini pour la raison suivante : Catalyst, qui représente les créanciers, a gagné parce qu'il représente les créanciers. Catalyst connaît autant le Cirque du Soleil que vous et moi ensemble, donc ça ne sera pas des gestionnaires du Cirque du Soleil. Alors, Catalyst, même s'ils sont maintenant, techniquement, détenteurs de l'actif, vont devoir se trouver des partenaires... le management, des partenaires. Alors, le temps va le savoir. Moi, je pense que le dossier n'est pas terminé. Ma crainte, c'est que Catalyst n'est pas aligné avec les intérêts du gouvernement, de toute évidence. L'assistance financière qu'on avait accordée, ils n'en veulent pas parce qu'ils ne la trouvent pas bonne, parce que c'est trop contraignant, donc, malheureusement, ils ne la prendront pas. Parce que, s'ils la prendraient, moi, je serais heureux, parce qu'on aurait de l'assurance.

Maintenant, on va tout faire ce qu'on peut pour essayer de... Puis je pense que, tu sais, le Cirque du Soleil, qui a eu une intermission abrupte, puis il n'y a plus rien qui se passe, est-ce que c'est plausible que ces gens-là prennent le cirque puis l'amènent ailleurs? Il y a des risques à ça, là. Alors, je pense qu'on a... on est peut-être dans une bonne position. Est-ce que je suis content de l'«outcome»? La réponse, c'est non. Est-ce qu'il y avait d'autres choses qu'on aurait pu faire? Oui, «bider» 1,3 milliard. On ne l'a pas fait.

M. Marissal : Pourquoi vous dites «1,3 milliard»? Je suis mal votre calcul.

M. Fitzgibbon : Bien, c'est parce que la façon que ça fonctionne, c'est que les créanciers du cirque, qui ont 1,2 milliard de dette... un «credit bid», là, c'est un peu comme Nemaska, là, ont mis le 1,2 milliard, c'est ça qu'on «bid». Comment ils vont se repayer? C'est une autre histoire. Alors, pour que quelqu'un d'autre puisse pouvoir acheter le cirque, il faudrait qu'il surenchère, ce qui est impossible. Mais, moi, à l'époque, on ne pensait pas que les créanciers étaient pour faire ça, mais aujourd'hui, ils ont de l'argent.

Alors, les créanciers, malgré ce que je peux penser, Catalyst a dit publiquement qu'ils vont garder le bureau-chef à Montréal, ils ont dit ça. Ils ont dit qu'ils étaient pour mettre... je pense, c'est 500 millions de dollars. Alors, s'ils disent... s'ils font ce qu'ils disent, bien, ce n'est pas si pire. Maintenant, le problème, c'est qu'on n'a pas d'assurance de ça. Alors, le gouvernement du Québec ni la Caisse de dépôt n'est impliqué, donc on est passagers, on n'est pas conducteurs.

M. Marissal : Bien sûr. Donc, vous me dites que, si c'était à refaire, vous referiez exactement la même chose.

M. Fitzgibbon : Oui, absolument, puis avec enthousiasme, à part de ça.

M. Marissal : Avez-vous tenté de les convaincre de prendre une partie de l'aide du gouvernement puis d'être...

M. Fitzgibbon : Ils n'en voulaient pas.

M. Marissal : ...partie prenante plutôt que passager?

M. Fitzgibbon : Ils n'ont pas voulu l'aide du gouvernement, parce que je ne pense pas qu'on était compatibles. Tu sais, ça prend une compatibilité. Alors, ces gens-là, ce sont des créanciers, ils veulent reprendre le plus de leurs billes possible. Alors, s'ils n'ont pas besoin de nous autres, moi, je ne peux aller forcer Catalyst à venir... du gouvernement, là. On a parlé à ces gens-là via TPG, là, tu sais, il y a des discussions. Ça ne se fait pas en vase clos, tout ça, là, il y avait des vases communicants. Ces gens-là n'ont pas aimé l'offre que nous avons faite.

M. Marissal : Mais TPG ne sont-ils pas reconnus aussi un peu comme des mercenaires de la haute finance, je dirais même des cow-boys? Ce n'est pas parce qu'ils viennent de Dallas, mais parce qu'ils sont un petit peu cow-boys dans la façon de gérer, puis vous étiez prêt à faire affaire avec eux autres.

M. Fitzgibbon : Bien, premièrement, TPG était actionnaire existant. Il faut comprendre ça aussi, là, TPG était là, là, c'étaient des actionnaires. Alors, moi, j'étais très content d'être avec eux autres. Je referais la même transaction parce que j'avais réussi... on avait réussi à structurer quelque chose où il n'y avait pas dette, sauf notre dette. Il y avait une dette, c'était la dette du gouvernement. 200 millions au Cirque du Soleil, là, moi, j'aurais mis mon argent là-dedans, à des retours très intéressants, un. Deux, ils ont dit : Bureau-chef à Montréal, on le signe. Troisièmement, quand on va sortir dans deux, trois ans, on vous vend la business. Alors, moi, ce deal-là était extraordinaire, alors je le referais demain matin. Malheureusement, il n'a pas été accepté.

M. Marissal : Dans le deal qui vient de passer, qui a été, donc, entériné hier soir, vous n'avez pas pu obtenir de garantie de quelque façon que ce soit qu'au-delà des cinq ans, sur la bonne foi, le Cirque du Soleil reste réellement au Québec avec...

M. Fitzgibbon : La réponse, c'est non, parce que quel droit ai-je de demander une garantie alors que je ne mets pas d'argent? Alors, vous devriez être content, on n'a pas mis d'argent. On ne peut pas avoir le... l'expression... Il faut payer pour avoir quelque chose, là, je n'ai rien mis. J'aimerais ça pouvoir dire à Catalyst : Aïe! Gardez le bureau-chef à Montréal. Qui je suis, moi, d'aller voir Catalyst? Ils vont me dire...

M. Marissal : Bien, on ne lancera pas un débat sur la nationalisation, ce qu'on aurait pu faire avec une institution comme le cirque, là, mais est-ce que vous considérez que c'est un échec de votre part et de votre gouvernement?

M. Fitzgibbon : Non, non. Il y en a un qui a payé 1,2 milliard. Go! Est-ce que nous, on va mettre 1,3 milliard dans le Cirque du Soleil? Tu sais, je suis moron, mais pas 24/7, là. Alors, j'aurais... je suis déçu que nous... la transaction qu'on avait convoitée ne soit pas exécutée, je suis déçu, mais en même temps on va-tu payer 1,3 milliard pour le Cirque du Soleil? La réponse, c'est non.

M. Marissal : Mais là c'est peut-être la quadrature du cercle, là, parce qu'il me semble qu'on arrive, aujourd'hui, avec le cirque au même endroit où on est arrivés avec le gouvernement précédent avec RONA. Et vous étiez parmi les premiers à critiquer — moi de même, nous de même, je pense — le fait que, finalement, on n'a pas de leviers pour retenir des fleurons comme ceux-là, puis qu'à la fin, bien, c'est la loi du plus fort, puis c'est ça qui est arrivé. «So be it», on n'y peut rien, si ce n'est que d'essayer de bricoler des échafaudages financiers, mais qu'à la fin on n'a pas vraiment le pouvoir de retenir nos entreprises comme celles-ci.

M. Fitzgibbon : Écoutez, aidez-moi à vous aider, là, je suis ouvert avec... Quel était le moyen, pour le gouvernement? Une société qui avait 1,2 milliard de dettes avec zéro revenu... J'ai une certaine rigueur financière. Alors, oui, le cirque... j'ai été critiqué parce qu'on voulait garder le cirque à Montréal. Là, vous... de l'autre bord : Pourquoi tu l'as laissé partir? 1,2 milliard. Je ne peux pas... le gouvernement ne peut pas, intellectuellement, faire ce chèque-là. On va-tu trouver des moyens... Puis on parle à différentes personnes, puis à différentes personnes, parce que Catalyst, là, il ne gérera pas le cirque, en passant, là, puis d'autres personnes regardent... Puis ce n'est pas fini, cette transaction-là, là. Ils ont... Ils sont les actionnaires du cirque parce que, de facto, il y avait tellement de dettes qu'il n'y avait personne d'autre qui pouvait les équilibrer. Je doute que M. Glassman, à Toronto, va vouloir gérer le cirque, là, ça fait qu'il va y avoir d'autres affaires qui vont se passer. Alors, on est à la table, on n'est pas loin. Est-ce qu'on va réussir à s'insérer là-dedans pour gagner ce qu'on avait réussi à avoir avec TPG? J'espère, mais on est limités.

M. Marissal : Il me reste très peu de temps pour une question, là, sur un secteur dont on ne parle jamais assez, malheureusement, là — puis je m'en veux moi-même de ne pas l'avoir abordé avant — l'industrie culturelle. Vous êtes visiblement ferré dans bien des secteurs, M. le ministre, mais ça se pourrait-tu que l'industrie culturelle, ça ne soit pas vraiment votre tasse de thé, votre premier intérêt? Ça se peut-tu que, dans votre équipe, une bonne équipe, là, j'en conviens, là, férue... ça se peut-tu que vous ne soyez pas super forts, au MEI, en culturel? Parce que c'est vraiment l'enfant pauvre de la relance, en ce moment, là.

La Présidente (Mme IsaBelle) : 20 secondes.

M. Fitzgibbon : Bien, écoutez, je serais prétentieux de dire que c'est mon expertise. Par contre, je suis soucieux de la culture, du tourisme, de l'aérospatiale, c'est les trois secteurs qui vont être plus problématiques dans les prochains 18 mois.

On a la SODEC, on a des instruments. Je pense qu'on est capables de... On a mis des fonds, on a fait des choses. La culture, c'est complexe, là, tu sais... Le tourisme, on parle des restaurants puis on parle des auberges, quelques affaires touristiques. Le culturel, c'est multidimensionnel. Je pense, il faut y aller à la pièce puis je pense que ma collègue a fait un relativement bon travail. On a mis de l'argent en disponibilité. Le premier ministre en est très, très, très conscient, il est pris là-dedans, il s'implique beaucoup avec Mme Roy.

Moi, personnellement, si je suis un expert de la culture? Non, je serais prétentieux... mais je suis sensible puis je suis capable d'ajuster... Investissement Québec, on essaie de voir comment on travaille avec la SODEC, avec le... On essaie d'aider, là, à faire...

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci, M. le ministre. Alors, nous y allons... nous retournons avec l'opposition officielle. Vous avez 19 min 30 s, député de Nelligan.

• (17 heures) •

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. M. le ministre, je vous interpelle sur un dossier qui, vraiment, me préoccupe et préoccupe beaucoup de femmes entrepreneures. Je vais vous partager quelques chiffres. Les femmes entrepreneures ont été durement impactées par la crise. Deux entreprises sur trois ont affirmé fonctionner à 50 % de leur capacité. Le pourcentage qui m'interpelle le plus : 49,4 % des entrepreneures sondées sont en recherche active de financement pour assurer leur survie ou pour adapter leur offre de services ou de produits à la situation actuelle. Pour les mois de mars à avril, les entreprises à propriété féminine ont subi des pertes financières de 83 902 $ en moyenne. On parle de 83 000 $, perte nette, par entreprise. Ça, c'est une étude de Femmessor que vous connaissez très bien.

Le 28 janvier dernier, M. le ministre, lors d'une journée de consultations et de réflexion sur l'entrepreneuriat féminin, vous et quelques collègues à vous, vous avez annoncé une nouvelle enveloppe pour soutenir les initiatives d'entrepreneuriat féminin. Combien de cette enveloppe a été octroyé jusqu'à maintenant?

M. Fitzgibbon : C'est un sujet très d'actualité. On est à travailler, présentement, avec mon collègue le sous-ministre... on regarde, avec Femmessor et une autre organisation, comment on va organiser le déploiement de cet argent-là. Il faut comprendre qu'il reste de l'argent dans Femmessor, hein, ils n'ont pas épuisé leurs fonds, et on travaille sur une mouture qui va être beaucoup plus large que ce qui existait présentement. Je pense que la directrice générale, avec qui on a des rapports constants, je l'ai rencontrée à plusieurs reprises avec d'autres femmes d'affaires... on est en train de revoir la mouture, et moi, je pense que, d'ici quelques mois, on va annoncer quelque chose. Mais entre-temps il y a de l'argent dans... chez Femmessor, le puits n'est pas vide. Alors, c'est un dossier qui est très actif, présentement. Est-ce qu'il y a eu du retard avec la COVID? Oui, c'est sûr qu'il y a eu du retard, mais on n'a pas délaissé, au contraire, le support de fonds entrepreneurial.

M. Derraji : Juste me préciser, ce que vous avez annoncé le 28 janvier n'est pas encore déployé en date d'aujourd'hui.

M. Fitzgibbon : Vous avez bien compris.

M. Derraji : Hein?

M. Fitzgibbon : Vous avez bien compris.

M. Derraji : O.K., excellent. Merci. Ce que j'aime avec vous, c'est toujours la réponse correcte et de manière très précise. Donc, jusqu'à maintenant, Femmessor fonctionne avec l'argent qu'ils ont.

Là, je vous expose quelques chiffres. C'est quand même alarmant parce qu'on risque de perdre des entreprises. Et au fait ce qu'on risque de perdre et qui me préoccupe le plus... Nous avons tous travaillé, en tant que société, d'avoir des femmes à la tête de plusieurs PME. Les voir partir, les perdre, ça va nous prendre encore beaucoup d'années pour récupérer le niveau où on était, hein? Un des chiffres que j'ai vus passer, là, ce que toutes ces femmes, elles ont gagné en 10 ans, il est presque perdu pendant la COVID. Moi, je pense qu'il y a un plan d'urgence... Je ne sais pas c'est quoi, votre échéancier, si vous permettez de nous le partager, d'agir très rapidement, parce que c'est quoi, le pourcentage de survie de ces entreprises, si on les perd?

M. Fitzgibbon : Je vais vous surprendre en vous disant quelque chose, j'ai... Femmessor, évidemment, on connaît tous, et d'autres entrepreneures d'ici aussi, il y a d'autres organismes, vous seriez surpris peut-être — je ne sais pas si vous parlez à beaucoup de femmes entrepreneures — que la majorité trouvent que ce n'est pas une bonne idée, d'avoir un fonds pour des femmes entrepreneures, pour des raisons assez évidentes. Donc, on crée un fonds de femmes entrepreneures, donc, qui sont... si ce ne sont pas des femmes, ils vont ailleurs. Aujourd'hui, pour moi, c'est une incompréhensibilité intellectuelle de dire : Pourquoi la Caisse de dépôt, pourquoi le fonds de la Banque Nationale, qu'on a mis ensemble, là, avec M. Vachon, 200 millions... pourquoi ces fonds-là ne sont pas aussi efficaces avec les femmes? Alors, je vous dirais que la majorité des femmes qui ont du succès en affaires ne veulent pas un fonds dédié pour les femmes parce qu'elles ne sont pas différentes des autres.

Cela étant dit, ce qu'on regarde, présentement, la mouture qu'on regarde avec M. Bahan, c'est une mouture d'un fonds de diversité, pas juste femmes, parce qu'il faut avoir un filet pour prendre ceux qui vont pouvoir échapper. Et je pense que, pour que les femmes entrepreneures aient accès à du capital, aient le courage d'aller voir leur banquier, il ne faut pas les mettre dans un «bucket» de femmes... de fonds pour les femmes, il faut les incorporer. Et je pense qu'il y a des femmes d'affaires du Québec... je ne les nommerai pas ici, là, on n'a pas le droit de nommer de noms, là, mais je travaille avec eux autres, puis elles disent : Non, non, non, il ne faut pas, on va incorporer... Il faut que les jeunes femmes entrepreneures aient le courage de voir leur banquier comme les jeunes hommes vont faire. Alors, ça, il faut faire ça en les incluant dans les autres patentes, pas juste faire un fonds dédié. Alors, moi, je pense qu'il faut faire attention, des fonds dédiés, là, ça...

Mais, ça étant dit, avant qu'on arrive à ce que toutes les femmes du Québec soient à l'aise de travailler avec un domaine qui est traditionnellement plus différent, il y a une transition à faire, alors il faut avoir un filet pour prendre les autres. Mais je veux faire attention de ne pas trop focaliser sur un fonds pour les femmes entrepreneures, ils doivent être dans les autres fonds.

M. Derraji : Je partage votre réflexion par rapport à ça. Ma préoccupation, c'est que vous avez annoncé l'enveloppe au mois de janvier, on est au mois d'août, et l'enveloppe n'a pas encore été déployée. Moi, c'est ça, ma préoccupation. On ne peut pas attendre. Et jusqu'à quel moment on doit attendre? Si vous me dites que vous continuez votre réflexion, ce n'est pas grave, c'est excellent, continuez votre réflexion. Ce que je tiens à vous dire... que c'est urgent, la situation est préoccupante.

Et je vais même rajouter une autre interprétation à ce que vous venez de dire : «Seulement 20 % [de ces dernières] ont affirmé avoir l'intention de se prévaloir des mesures mises en place par le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada. Parmi les raisons évoquées, nous notons qu'une grande proportion dit de ne pas se qualifier aux programmes.» Donc, quand vous dites «la Caisse de dépôt ou les banques», vous savez mieux que moi les critères de qualification. «Pour le reste, certaines ne savent pas encore si elles pourront profiter de ces mesures et si, même, elles répondent à leurs besoins. D'autres regardent plutôt vers d'autres sources de financement.»

Donc, l'obstacle, face au financement, il est réel. Vous avec mentionné Entreprendre ici, je connais très bien cet organisme qui a été, d'ailleurs, lancé par notre gouvernement, notamment par rapport aux gens issus de la diversité. Femmessor, ça a été aussi une annonce de notre gouvernement. Donc, je sais que vous aimez ces organismes, mais il faut le mentionner que moi aussi, j'y tiens, parce que ça aide plusieurs entrepreneurs de... je dirais, du Québec.

La question qui se pose, c'est que l'urgence, elle est là. Avez-vous un plan de... un échéancier pour lancer ce champ ou bien vous continuez encore votre réflexion? Est-ce qu'on va aller avec un fonds de la diversité ou un... Fonds dédié, j'imagine que je l'enlève, vous n'êtes pas un fan des fonds dédiés, mais j'imagine que vous préparez un fonds de la diversité qui sera annoncé au courant des prochaines semaines ou mois.

M. Fitzgibbon : Écoutez, premièrement, l'urgence, oui, mais je peux vous dire qu'il n'y a pas de situation où il y a un manque d'accès au capital. Le capital, il est là. Il reste... je ne sais pas combien qu'il reste dans Femmessor, je pense qu'il reste 5 à 10 millions. Sévrine, on la rencontre régulièrement, les équipes la rencontrent. On parle à d'autres femmes entrepreneures aussi, ce ne sera pas juste elle. Et moi, je suis très à l'aise que le cheminement est bon. Est-ce qu'on va annoncer ça dans un mois, un mois et demi? Je ne le sais pas.

Mais, tu sais, le fonds qu'on a annoncé, si vous vous rappelez bien, là, c'est moi qui ai fait l'annonce, là, on avait deux composantes là-dedans. On a dit qu'on va allouer des fonds dans un organisme, il faut que les règles soient bien établies. Et, comme je l'ai dit tantôt, il faut bien établir les balises parce que je ne veux pas non plus qu'on crée des fonds juste pour créer des fonds. Je ne suis pas contre les fonds dédiés, je suis juste... je veux faire attention de ne pas trop segmenter un fonds de femmes entrepreneures, alors qu'il y a beaucoup de femmes entrepreneures qui ont accès à des capitaux à l'extérieur.

Et ces femmes-là travaillent avec nous aussi, parce que l'annonce que j'ai faite au mois de janvier a créé un stimulus, a créé un besoin de discussion. Moi, j'ai eu cinq, six, sept discussions, David en a eu, le cabinet aussi. Alors, je suis à l'aise que les femmes sont au rendez-vous. Et, quelque part à l'automne, on devrait annoncer quelque chose, mais entre-temps l'argent est disponible, là.

M. Derraji : Bien, vous dites : L'argent est disponible. M. le ministre, je vous crois, mais regardez, ça, c'est Femmessor, c'est l'organisme qui travaille avec les femmes entrepreneures, bien, j'ai 80 % qui ne se qualifient pas aux programmes, elles n'ont pas accès à l'argent. J'ai des entreprises qui disent... qui déclarent des pertes financières, de mars à avril, de 83 000 $. J'en suis sûr et certain, que vous êtes en communication avec la P.D.G. de Femmessor, vos équipes aussi. Je me demande : Est-ce qu'il n'y a pas une urgence à agir en attendant l'annonce de ce fonds que vous êtes en train de préparer?

M. Fitzgibbon : On parle de deux choses, là. Je dis : L'argent dans Femmessor est là, il y a de l'argent présentement, donc ce n'est pas qu'il y a un manque d'argent. Donc, le fait que l'argent qu'on a annoncé, qui pourrait aller là, n'est pas dans le compte de banque n'a aucune influence sur ce qui se passe. Là, vous parlez d'autre chose, les critères d'évaluation — ça, c'est une autre discussion qu'on doit avoir — et quelle est la ramification ou le scope de Femmessor, le fonds diversifié. C'est ça qu'on est en train de discuter, présentement, avec David.

Et évidemment ce qu'on veut faire, c'est... on veut que ce soit un fonds filet. Moi, je préfère que les femmes entrepreneures se présentent à la Banque Nationale, dans le fonds de développement qu'on a créé, qu'elles se présentent dans les... à Investissement Québec. C'est ça qu'on veut. Bien, pour ceux qui n'auraient pas nécessairement le confort de faire ça, bien là, ça prend des fonds dédiés. Alors, je pense qu'il faut juste s'assurer que le filet de ces fonds-là soit approprié, justement, pour prendre des opportunités qui autrement ne seraient pas là. Alors, ce n'est pas un manque d'argent dans Femmessor. C'est le scope du...

M. Derraji : ...du financement.

M. Fitzgibbon : ...du financement.

M. Derraji : Oui, mais c'est sûr que c'est un sujet que j'aurai l'occasion de revenir au courant de la session, mais je tiens juste à vous le dire, regardez ça sur... Je sais que vous êtes sensible aussi à cette question, que ça nous a pris beaucoup d'efforts, au Québec, d'avoir des femmes entrepreneures, et j'espère que ces femmes entrepreneures font partie aussi... font partie intégrante de votre nouvelle politique d'achat ou de vision d'achat du gouvernement du Québec. Je dis souvent que j'aime plus donner des contrats que donner des subventions. Donc, si on a des contrats, bien, on va plus impliquer ces femmes entrepreneures dans le marché étatique des contrats publics.

Un autre sujet qui me vient toujours en tête, c'est le PACTE, donc le PACTE, P-A-C-T-E, donc, les critères pour... Donc, les entreprises qui veulent se prévaloir de l'aide de Québec devront démontrer que leur structure financière permet une perspective de rentabilité. C'est quoi, les critères permettant de calculer et d'analyser cette perspective? Donc, on parle d'une rentabilité à court terme, moyen terme? Je veux juste qu'on clarifie ça, parce que ça, c'est une question que j'ai eue de plusieurs, plusieurs personnes. Je ne sais pas si vous ou vos équipes peuvent nous...

• (17 h 10) •

M. Fitzgibbon : Bien oui, bien, c'est nous autres qui l'avons écrit, là, je peux vous l'expliquer. Écoutez, c'est un critère de rigueur, parce que le PACTE, évidemment, qu'on a annoncé, 2,5 milliards de disponibilités, on voulait éviter que les gens utilisent la COVID comme excuse pour aller chercher de l'argent du gouvernement. Pour être «blunt», c'est ça, la situation.

Donc, beaucoup d'entreprises... Alors, il y a eu des refus, en passant. On a refusé... je n'ai pas le chiffre exact, là, on pourra vous le donner, on a refusé des transactions parce que la problématique de l'entreprise n'était pas reliée au COVID, était reliée à des enjeux structurels de l'entreprise ou de l'industrie dans laquelle ils travaillaient.

Donc, la clause que vous référez, c'est de dire : Assurons-nous qu'on peut associer une perte de liquidités, perte de profitabilité à la COVID. Donc, après COVID, soit six mois, 12 mois ou 18 mois, dans le cas de la culture, parce qu'on fait aussi les gens de culture, si on sait qu'il y a le retour à la profitabilité après le COVID, peu importe c'est quand, ils sont éligibles à recevoir le prêt PACTE. En gros, c'est ça. Mais, si par contre, structurellement, ils ne peuvent pas sortir... profitables, bien, on ne prêtera pas. Puis là on s'en va ailleurs, on s'en va dans les départements de restructuration des firmes puis on dit : Bien là, vous devez vous restructurer. Il y en a une couple qui sont comme ça, qui ont profité... ils ont voulu profiter du COVID pour avoir un prêt de 200 000 $, 300 000 $ pour gagner du temps, on a dit : Non, allez vous restructurer tout de suite, déposez votre bilan, on va faire une restructuration, on reviendra dans le portrait.

M. Derraji : Avez-vous une idée sur ce nombre?

M. Fitzgibbon : Le nombre de?

M. Derraji : De refus que vous avez fait au...

M. Fitzgibbon : Bien, je peux vous le donner, là...

Une voix : ...

M. Fitzgibbon : ...vérifier, on va te donner ça.

M. Derraji : Oui, c'est... au niveau de la commission...

M. Fitzgibbon : Une centaine. 100, 200, probablement, là.

M. Derraji : Oui. Nous aimerions vraiment recevoir ça, parce que c'est des préoccupations de plusieurs entrepreneurs par rapport aux critères. On a parlé du PACTE, et je sais que vous n'êtes pas directement lié, mais le P-A-C-M-E — écoute, il y a tellement de programmes — le PACME, le PACME, écoute... Je ne vais pas vous piéger avec ça, parce que, je tiens à le dire, ce n'est pas mon but, mais mon but, c'est qu'il y a plusieurs entreprises qui ont soumis des demandes, que ce soit de plusieurs régions, mais malheureusement le fonds a été épuisé au bout, probablement, d'une dizaine de jours. Et je ne sais pas si vous avez été interpelé ou pas, mais, en tant que ministre de l'Économie, je pense que vous êtes aussi sensible à ces questions d'ordre économique.

Vous allez agir comment pour répondre à ces entreprises à qui votre collègue le ministre de l'Emploi et du Travail a dit non, qu'il n'y a plus de financement, on a épuisé le fonds? Le fonds a été disponible jusqu'au mois de septembre. Et on parle de formation, hein, c'est... la plupart, c'est des bons projets, et j'ai des exemples en masse.

M. Fitzgibbon : Je connais le programme de fond en comble parce que c'est un programme qui a été mis en place par le ministère du Travail, comme vous le savez, mais qui était aligné avec les Finances puis avec l'Économie, parce que c'est relié, hein? Dans toute la question du confinement ou du déconfinement, tu sais, il y avait le côté... la gestion sanitaire, gestion de la main-d'oeuvre, formation puis économie, ça, c'était très relié ensemble. Le programme a été extraordinaire, hein, on a eu... on a été victimes du succès, et là on est en train de revoir une nouvelle mouture du programme qui va être moins généreuse. C'est un programme qui a coûté quand même beaucoup d'argent. Je n'ai pas le chiffre en tête, là, mais ça a coûté beaucoup...

M. Derraji : ...100 millions du fédéral, 50 millions...

M. Fitzgibbon : Oui, c'est plus que ça.

M. Derraji : C'est 150 millions : 100 millions du fédéral, c'est un transfert, 50 millions, c'est les fonds des promoteurs collectifs de la CPMT.

M. Fitzgibbon : Alors, écoutez, donc, on est en train de revoir ça. M. Boulet est en train de revoir son programme, parce qu'on veut continuer, mais on va être un peu moins généreux, puis là on est en train... on va voir quels montants d'argent qui vont être mis là-dedans. Mais effectivement la formation, c'est un excellent programme pour le confinement, alors on va continuer.

M. Derraji : Donc, vous répondez aujourd'hui aux PME qui avaient des programmes de formation sur la table qu'il va y avoir une suite et qu'elles vont avoir l'occasion de faire les projets qu'elles voulaient faire pendant la pandémie.

M. Fitzgibbon : Bien, je n'ai pas ce détail-là, mais je peux vous dire que, pour le gouvernement, dans la relance, la formation de la main-d'oeuvre, considérant qu'on va revenir très prochainement dans une pénurie de main-d'oeuvre, de former de la main-d'oeuvre pour qu'elle soit en adéquation avec les besoins de l'entreprise, c'est prioritaire, au gouvernement, alors c'est sûr que la formation devient essentielle. Et le programme que M. Boulet a mis en place est un programme qui a eu un succès énorme. Bien, comme la PCU, il faut faire attention, à un moment donné, il faut avoir une rigueur financière aussi, alors on veut l'ajuster un petit peu. M. Boulet s'est fait dire : Bien, travaille un programme qui va être aligné. Alors, il est en discussion avec le ministère des Finances, mais je peux vous confirmer que le gouvernement est favorable à continuer la formation des employés en entreprise, c'est sûr.

M. Derraji : Parlant de projets de croissance, je sais que le contexte de la COVID a été un peu difficile pour plusieurs PME. Au dernier budget, vous avez prévu 25 millions de dollars sur cinq ans pour l'accompagnement des PME dans leurs projets de croissance. Est-ce qu'on est sur la même ligne au niveau de cette interprétation?

M. Fitzgibbon : Oui, en fait, je pensais que c'était plus que ça, là, mais...

M. Derraji : C'est plus?

Une voix : ...

M. Fitzgibbon : Oui, la réponse, c'est oui. Premièrement, juste revenir...

M. Derraji : Est-ce que j'ai les bons chiffres? Juste pour mon 25 millions sur cinq ans...

M. Fitzgibbon : Bien, il y a tellement de programmes, je les mélange, là. Celui-là, c'est 25? C'est beau, c'est le bon chiffre.

M. Derraji : O.K. 25? O.K.

M. Fitzgibbon : Puis il y a d'autres programmes aussi. Mais en fait on avait réussi à négocier, dans le budget, des mesures additionnelles pour respecter nos chantiers, hein, il faut rappeler, l'innovation, pour augmenter la productivité, balance commerciale, investissements directs étrangers. Et ce qu'on a pris comme situation, c'est qu'on a ces crédits-là de disponibles, et même plus parce qu'il y a des programmes qui vont être moins utilisés. Il faut penser à l'exportation. Des missions internationales, j'en fais moins, là, à mon regret. Donc, il y a de l'argent disponible, on va réallouer ça pour l'innovation. Alors, c'est clair que ces programmes-là... il n'y a aucun programme qui a été coupé. Le budget que nous avions au MEI n'a pas été coupé.

M. Derraji : Oui, mais ce qui m'intéresse, c'est que, là, est-ce que ce programme va commencer, a déjà commencé? Où vous êtes rendus par rapport à ce programme?

M. Fitzgibbon : Bien, ça, c'est toute la chaîne des capitaux, hein? On a créé le fonds santé avec le Fonds de solidarité, on a créé le fonds de la Banque Nationale, là on parle de fonds d'incubation d'accélérateurs, là. Alors, ça, cet argent-là va être mis en disponibilité très prochainement, on va faire un appel d'offres, on a commencé à parler à des gens. Alors, la réponse, c'est : On va l'exécuter à l'automne, c'est un budget pour l'année 2019‑2020, alors, 2020‑2021, on va l'utiliser.

M. Derraji : Oui. Dernière question, parce qu'il ne reste pas beaucoup de temps, l'autonomie et la production locale, je sais que ça a été une des annonces que vous avez faites lors de la pandémie. C'est quoi, le résultat de ce que vous avez annoncé et lancé?

M. Fitzgibbon : Vous référez... augmenter les exportations, diminuer les importations?

M. Derraji : Bien, en fait, l'autonomie au niveau... tout ce qui est lié à la COVID, matériel, etc., est-ce que...

M. Fitzgibbon : O.K. Bien là... là, on a parlé de Medicom, mais, écoutez, mon collègue, à ma droite, a passé une partie de son mois de mars et mois d'avril à revoir tous les EPI. Puis je vous dirais qu'on a plusieurs projets, un a été annoncé, d'autres sont en train de se faire. Alors, on travaille très étroitement pour que, la plupart des équipements médicaux, on soit autosuffisants. C'est impossible de le faire au complet. Les respirateurs, on n'ira pas jusque-là, quoique CAE en fait un petit peu.

M. Derraji : CAE, ça, c'est avec le fédéral, oui, aussi?

M. Fitzgibbon : CAE, oui, le fédéral. Nous autres aussi, là, on a mis beaucoup d'argent là-dedans. Alors, on travaille sur ça.

M. Derraji : Mais, à part les respirateurs, ce que j'aimerais, c'est la liste des produits que vous avez dans le pipeline que ça va être made in Québec. C'est ça, ma question.

M. Fitzgibbon : Bien, écoutez, là, on parle de blouses, on parle de gants en nitrile, on parle de...

Une voix : ...

M. Fitzgibbon : Oui, je ne sais pas si on va mettre ça public, mais on pourrait, là. Il faut que je pense à ça, comment on va le faire, mais, oui, on travaille sur ça, absolument.

M. Derraji : O.K. Merci pour l'échange. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Il reste 50 secondes.

Une voix : ...

La Présidente (Mme IsaBelle) : Il dit : Je vais le prendre.

M. Derraji : Aucun problème. Je vais être généreux avec mon ami, mon collègue de la Côte-Nord.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Nous avons le consentement pour donner... Il ne reste plus rien que 40 secondes.

M. Derraji : Je n'ai aucun problème.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Parfait, on y va donc tout de suite.

M. Derraji : Pour des crevettes de sa région, la prochaine fois.

M. Ouellet : Oui, oui, oui.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, la parole est maintenant au député de... pardon, de René-Lévesque avec 9 minutes et quelques secondes, là. Allez-y.

M. Ouellet : Du temps pour des crevettes, ce sera un échange parlementaire fructueux, Mme la Présidente.

Avant de tomber dans le dernier sujet, M. le ministre, je voudrais juste revenir sur la transaction du Cirque du Soleil pour que les Québécois comprennent bien. Si ça avait été votre offre qui aurait été acceptée, est-ce que je crois comprendre que la Caisse de dépôt n'aurait pas radié son 228 millions?

M. Fitzgibbon : Écoutez, ils auraient probablement pris une provision, parce que l'offre que nous avions faite, je ne sais pas si... comment clair ça avait été, c'est assez complexe, là, les actionnaires existants étaient dilués parce qu'on prenait les créanciers. Et, pour empêcher qu'il y ait trop de dettes — moi, je suis allergique à la dette — on les mettait comme actionnaires, ça fait qu'il y avait comme une dilution, disons, un pour un, là. Disons que la Caisse de dépôt avait 10 %... 20 %, ça tombait à 10 %.

Quand on regarde un placement comme ça, bien, tu fais une évaluation, comme la CSeries, là, ça vaut quoi aujourd'hui? On est 22 dans la salle, tu vas avoir 22 chiffres, tu fais une moyenne... tu sors un chiffre. Donc, ils auraient pris une provision. Est-ce qu'elle aurait été aussi élevée? Probablement pas, mais ça aurait été une provision qui aurait été très aléatoire, parce que c'est seulement quand tu sors après que tu sais vraiment ce que tu as perdu. Dans le cas présent, bien là, ils ne sont pas actionnaires, ils n'ont pas le choix, tout passe dans le tordeur.

• (17 h 20) •

M. Ouellet : À quel moment le ministère de l'Économie ou vous, M. le ministre, vous vous êtes intéressés à la situation du cirque?

M. Fitzgibbon : Bien, le cirque... le 2 octobre 2018, parce que, quand je suis arrivé en poste, la première chose que j'ai faite avec mes collègues, on a listé les fleurons québécois, les compagnies, tu dis : Ça, là, c'est sur le radar, qu'est-ce qu'on fait pour... Le cirque était là. Le cirque était là parce que c'était TPG qui était actionnaire. Puis, comme on sait très bien, ces actionnaires-là, je n'ai pas les mots de mon collègue de Rosemont, mais ils sont temporaires. Alors, toutes les entreprises québécoises où il y a un actionnariat temporaire, bien, ils sont sur notre liste. Et j'ai eu des contacts avec le CEO de l'époque, M. Tétrault, Jonathan Tétrault, très peu de temps après mon arrivée en poste, parce que je me disais : Cette compagnie-là, il faut la surveiller.

M. Ouellet : Est-ce que ces échanges-là ont eu lieu aussi avec le président-directeur de la Caisse de dépôt?

M. Fitzgibbon : Il faut comprendre, je parle à M. Emond... M. Sabia, à l'époque, à toutes les semaines. Je n'ai jamais dirigé les décisions de la caisse, pour des raisons assez évidentes, mais il est clair qu'Investissement Québec, surtout le nouveau Investissement Québec, duquel je suis très fier... Investissement Québec et la Caisse de dépôt sont dans une très grande complémentarité. Alors, évidemment, on ne veut pas être en compétition puis, évidemment, on veut être en complémentarité. Alors, je parle à Charles Emond, là, maintenant, à toutes les semaines.

M. Ouellet : Est-ce que M. Emond a échangé avec vous au début de 2020 concernant la volonté de la Caisse de dépôt de prendre 10 % supplémentaires du Cirque du Soleil?

M. Fitzgibbon : Oui.

M. Ouellet : Donc, il a échangé avec vous.

M. Fitzgibbon : Oui.

M. Ouellet : O.K. Ce n'est pas ce qu'il nous a dit. M. Emond nous a dit qu'il a annoncé au gouvernement la transaction. Là, ce que vous nous dites, c'est qu'il y a eu des échanges entre le gouvernement et la Caisse de dépôt avant la prise de participation.

M. Fitzgibbon : Je n'ai pas les dates exactes. L'échange d'information, oui, mais, définitivement, le gouvernement du Québec n'a pas demandé à la caisse d'acheter, la caisse avait pris sa propre décision. On était informés, parce que je parlais au Cirque du Soleil depuis des mois, M. Laliberté, qui voulait vendre ses actions, là, on retourne six mois en arrière, là.

M. Ouellet : O.K. Je veux juste bien comprendre, le P.D.G. de la caisse décide... puis il nous explique que ça passe à travers trois comités, décide de racheter les 10 % restants de M. Laliberté. Vous venez de nous dire que, lors de votre arrivée en 2018, il y a une check-list — puis je ne dis pas que c'est mauvais, là — une check-list, voici les entreprises fragilisées sur le radar avec lesquelles le gouvernement du Québec aurait une attention particulière, le Cirque du Soleil en fait mention. Vous venez de nous dire que vous avez échangé régulièrement, pas juste avec M. Emond, mais avec madame... M. Sabia, pardon, sur la situation de certaines entreprises, et le fait qu'en créant IQ, c'est important que les deux ne se concurrencent pas, ça, j'en suis. Pensez-vous que M. Emond, sachant que c'est sur le radar, sachant qu'il discute ardemment... fréquemment, pardon, avec le gouvernement, sachant la volonté du gouvernement d'affirmer un nationalisme économique... pensez-vous que M. Emond a pu être tenté de prendre une prise de participation parce que le gouvernement en était intéressé?

M. Fitzgibbon : Non, parce que j'aurais pu le faire moi-même, et c'est justement ça, le point. C'est qu'il faut comprendre, là, puis vous comprenez très bien, la Caisse de dépôt a le double mandat, développement économique du Québec, il n'y a aucun doute, mais retour pour les déposants. Investissement Québec, retour pour son déposant, qui est le ministère de l'Économie, très différent comme mandat. Et je veux simplifier la façon qu'on travaille, qui est la bonne façon. S'il y a une prise de risque qui est requise, c'est plus le dossier d'Investissement Québec que la Caisse de dépôt. Alors, la Caisse de dépôt a tendance à prendre des sociétés qui font... qui sont performantes, et nous, Investissement Québec, on se greffe à ça.

Alors, dans la situation de sociétés sur ma liste, j'ai des discussions constantes avec la caisse pour comprendre quelle est leur position. C'est leur décision. Si Charles décide de prendre telle participation dans telle compagnie, c'est bon que je le sache un peu à l'avance pour ne pas que je perde du temps ou que je complémente ça. Alors, c'est une discussion qui est naturelle. Mais, encore une fois, on respecte le fait que la Caisse de dépôt a une autonomie par rapport au gouvernement, mais ça n'empêche pas d'avoir une collaboration.

Alors, oui, je peux vous lister 25 compagnies... je ne le ferai pas, là, mais 25 compagnies... non, je ne ferai pas ça à la télévision, là, mais 25 compagnies où on est soucieux... je suis soucieux de l'actionnariat. Mais, si la Caisse de dépôt me dit : Je m'en occupe, bien, regarde... je ne m'en occupe pas. Ça fait que... on fait autre chose, c'est pour ça qu'il faut être complémentaires.

M. Ouellet : Vous avez dit quelque chose, tout à l'heure, puis je ne veux pas vous faire dire ce que vous n'avez pas dit, mais je veux juste bien comprendre. Donc, vous, comme ministre de l'Économie, vous auriez été intéressé à prendre le 10 % de M. Laliberté, c'est ce que j'ai...

M. Fitzgibbon : Moi, comme ministre de l'Économie, il est clair que j'étais soucieux de ce que TPG ferait avec son investissement. Il y avait plusieurs scénarios qui avaient été envisagés, puis j'étais partie prenante des discussions, puis c'est un peu normal. Alors, oui, j'étais soucieux de qu'est-ce qui va être le cirque, qui va acheter le cirque, définitivement, depuis octobre, et ça a été plus intense en 2019. M. Laliberté, c'était relativement connu qu'il voulait vendre ses actions pour d'autres raisons, il avait des besoins financiers. Alors, c'est sûr que j'étais attentif à ça, qui va acheter ça, je voulais être sûr de savoir qui était pour l'acheter. Ça fait qu'à un moment donné, s'il n'y avait pas eu d'acheteur puis j'aurais été nerveux d'un acheteur non compatible, bien, on aurait peut-être fait quelque chose. À quelle valeur? Là, on ne rentrera pas là-dedans, là, c'est de la spéculation.

M. Ouellet : À quel moment vous avez su que la caisse était intéressée d'acheter la participation de M. Laliberté?

M. Fitzgibbon : Écoutez, ça avait commencé avec M. Sabia, ça, c'est... ça faisait six mois que ça se parlait, là, tu sais. Charles a donné les dates hier, je ne m'en rappelle pas, là. Mais, encore une fois, tu sais, le processus décisionnel de la caisse, qui était déjà actionnaire, «by the way», il était déjà au conseil d'administration, avait 10 %... alors la discussion était naturelle pour eux autres. Je le savais, qu'ils considéraient ça, parce que... forcément, parce que Guy avait dit qu'il voulait vendre. Ça fait que les acheteurs normaux, ça serait TPG, Fosun, la caisse. Bien, les trois sont là, Fosun n'était plus intéressé, il n'a pas été impliqué, puis TPG en avait assez. Ça fait que, de facto, c'était clair que c'était la caisse. Je n'ai pas les dates exactes, là, mais...

M. Ouellet : Donc, ça se savait, ça circulait. Il y avait déjà des offres qui devaient avoir été faites ou, en tout cas, des propositions, je crois comprendre, parce que ce que M. Emond nous expliquait, c'est que la caisse avait déjà fixé un prix et des conditions, M. Laliberté avait dit non. Et, au tournant de février, M. Laliberté revient en disant : Finalement, ça m'intéresse à toutes vos conditions, je suis prêt à faire la transaction.

M. Fitzgibbon : Je n'ai pas le détail d'offres compétitrices. Moi, je suis en discussion avec M. Laliberté, je lui parle... bien, je lui parlais... je lui parle assez régulièrement. J'aime beaucoup ce qu'il fait dans Lune Rouge. Il y a des projets qui m'intéressaient, structurants pour la culture. Il y a des choses au niveau culturel, là-dedans, que je trouve intéressantes, là, les start-up, et ainsi de suite. Alors, moi, je suis intéressé à ce qui se passait dans Lune Rouge, de facto, c'était relié indirectement. Donc, j'avais des discussions comme j'en ai normalement avec tous les CEO du Québec : Comment on peut vous aider? Comment ça peut fitter avec l'objectif du gouvernement? Alors, j'avais des discussions. Le détail de... il avait-tu magasiné le bloc, à qui, je n'ai pas été bien, bien pris là-dedans, mais j'avais dit à M. Laliberté, à un moment donné : Avant que tu vendes ça à quelqu'un qu'on n'aime pas, peut-être qu'on devrait se parler. Quand j'ai vu que la caisse était pour faire quelque chose, bien là, tant mieux, la caisse va regarder.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Il reste 1 min 40 s.

M. Ouellet : Oui, je serai bref. Après coup, on se rend bien compte que la transaction a été désastreuse pour la caisse, considérant la pandémie, la fin des activités. Mais le cirque perdait déjà de l'argent en 2018, en 2019 et avait une dette quand même assez énorme de 1,2 milliard. Ça, c'était connu en février. Vous, comme ministre de l'Économie, en sachant tout ça, là, puis en sachant que l'OMS avait déjà levé le flag sur le risque de pandémie, à ce moment-là, auriez-vous pris une prise de participation de 10 % dans la caisse... dans le Cirque du Soleil?

M. Fitzgibbon : Probablement, probablement, mais, tu sais, il faut faire attention, il ne faut pas lire... il faut lire différents journaux, hein? Je pense que, tu sais, la réalité, là, c'est que, le Cirque du Soleil, on parle de... je ne veux pas être technique, mais je vais l'être, le BAIIA, là, le profit avant intérêts, le profit du Cirque du Soleil était supérieur en février 2020 qu'il l'était en 2015‑2016, quand Guy a vendu à TPG. Croissance des profits, pas une baissée des profits.

La problématique du cirque, depuis le début, a été une structure financière dysfonctionnelle, c'est comme Nemaska. Alors, la problématique du cirque, c'était ça, c'était la structure de capital. Ils faisaient de l'argent. Est-ce qu'ils auraient pu en faire plus? Oui. Charles l'a dit, je pense, même, il a dit : L'anticipation, les attentes... étaient plus grandes. Mais ils faisaient 150 millions US de... plus que quand ils avaient la... Alors, il faut faire attention. Le Cirque du Soleil, au mois de février, avant qu'on réalise ce qui nous arrivait, c'était profitable. Ils faisaient des pertes à cause de l'intérêt. 1,2 milliard d'intérêts à 10 %, c'est 120 millions, c'est quasiment le...

La Présidente (Mme IsaBelle) : En conclusion, M. le ministre.

M. Fitzgibbon : Alors, je pense, il faut faire attention. Alors, est-ce que je l'aurais... est-ce que j'aurais acheté le bloc? Probablement. À quel prix? Je ne le sais pas, là, on spécule.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Merci pour le bel échange. Je veux juste rappeler, et corrigez-moi si je fais une erreur, mais, M. le ministre, vous vous êtes engagé à transmettre l'agenda, les rapports, les travaux des tables interprovinciales. C'est bien ça?

M. Fitzgibbon : Oui.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Également le nombre de demandes qui ont été refusées au PACTE, c'est bien ça?

M. Fitzgibbon : On va revenir, ça, demain matin, on va...

La Présidente (Mme IsaBelle) : Donc, vous allez les transmettre. Merci.

Une voix : ...

La Présidente (Mme IsaBelle) : Les transmettre, oui, hein, vous allez les transmettre par le biais du site de...

M. Fitzgibbon : Par quoi?

La Présidente (Mme IsaBelle) : ...l'adresse courriel de la commission, hein? Et ce sont des demandes du député de Nelligan, on insiste pour que je le mentionne.

Alors, écoutez, compte tenu de l'heure — merci, d'abord, hein, pour le bel échange — la commission suspend ses travaux jusqu'à 19 h 30, où elle entreprendra l'étude du volet Emploi et Solidarité sociale du portefeuille Travail, Emploi et Solidarité sociale. Bonne soirée à tous.

(Fin de la séance à 17 h 30)

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