(Dix heures)
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, bonjour, tout le monde. J'espère que vous avez passé un bel été.
Bonjour et bon retour au travail officiel à l'Assemblée. Alors, écoutez, ayant constaté le quorum, je déclare la séance
de la Commission de l'économie et du
travail ouverte. Je demande à toutes
les personnes qui ont un téléphone de bien le fermer, s'assurer que tout
est fermé.
La commission
est réunie aujourd'hui afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques
sur le projet de loi n° 33, loi modifiant le Code du travail concernant le maintien des services
essentiels dans les secteurs publics et dans les secteurs
public et parapublic... dans les services publics, pardon. Je me suis trompée
tantôt.
Mme la secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
La Secrétaire :
Oui, Mme la Présidente. Mme Dansereau (Verchères) remplace Mme Blais
(Abitibi-Ouest); Mme Guillemette
(Roberval) remplace M. Lévesque (Chauveau); et M. Roy (Bonaventure)
remplace Mme Richard (Duplessis).
Remarques préliminaires
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Merci. Alors, écoutez, nous allons débuter cet
avant-midi par les remarques préliminaires, puis ensuite nous entendrons les
groupes, et le premier groupe sera le Conseil du patronat du Québec.
Nous
débutons par les remarques. J'invite d'abord le ministre du Travail, de
l'Emploi et de la Solidarité sociale à faire ses remarques
pour une durée maximale de six minutes.
M. Jean Boulet
M. Boulet :
Six minutes? Merci, Mme Claire IsaBelle qui est présidente de la
commission, Jean Rousselle qui est vice-président de la commission, Monique Sauvé, Alexandre Leduc. Ça me
fait plaisir que nous nous retrouvions ce matin, représentants des groupes qui interviendront durant ces consultations
particulières et ces audiences ou auditions publiques. Je voudrais remercier tous ceux qui vont intervenir.
Ça m'apparaît tellement fondamental, dans notre processus démocratique,
que des groupes aient l'opportunité de s'exprimer. Votre participation
m'apparaît vraiment primordiale.
Je
vais essayer de résumer assez simplement ce projet de loi là. Souvenons-nous
qu'à l'origine il y avait une décision qui a été rendue par la Cour suprême du Canada en
2015, l'affaire Saskatchewan, où les syndicats plaidaient que le droit d'association étant prévu dans la charte, de
limiter le droit de grève en imposant le maintien des services essentiels ou
certains services essentiels en cas de grève,
ça pouvait être contraire à l'exercice du droit de grève. Donc, les syndicats
en Saskatchewan disaient : Le droit d'association, qui est
fondamental, inclut le droit de grève. Et la Cour suprême a dit :
Effectivement, c'est constitutionnellement inopérant.
Plaidant
cette affaire-là de la Cour suprême au Québec, le Tribunal administratif du
travail, le 31 août 2017, a jugé que l'article 111.10 du Code du travail était
constitutionnellement inopérant, portant atteinte à l'exercice du droit de
grève inclus dans le droit d'association qui
est reconnu dans nos chartes. Cet article-là imposait des seuils minimums, un
pourcentage de salariés à maintenir en cas
de l'exercice d'un droit de grève. Donc, on ne peut plus, selon le tribunal,
parce que c'est contraire au droit de grève qui, je le répète, est
inclus dans le droit d'association.
Donc,
on a... ce projet de loi là vise essentiellement à remplacer les seuils
minimums par un critère général qui est celui de la santé et sécurité publique. C'est un
critère qui est reconnu non seulement par la Cour suprême du Canada,
dans les autres juridictions, ici et à l'étranger, de même que par
l'Organisation internationale du travail. Donc, plus de seuil minimum, une
appréciation dorénavant aussi par le Tribunal administratif du travail plutôt
que par voie de décret, une procédure qu'on
considérait beaucoup trop longue, beaucoup trop complexe, donc remplacée par
une appréciation par le Tribunal administratif du travail qui va
déterminer le niveau et la suffisance des services essentiels à maintenir,
particulièrement dans le secteur de la santé et des services sociaux.
Et,
comme vous savez, les conventions collectives de travail expirent le
31 mars 2020, l'année prochaine. Donc, ça m'apparaît
extrêmement important que nous agissions avec diligence pour éviter les
incidences potentiellement préjudiciables pour les Québécois et les Québécoises à
l'expiration des conventions collectives... si jamais il y avait
exercice de droit de grève, qu'il n'y ait pas de vide juridique et les
conséquences qui peuvent en découler.
Donc, il y a
trois régimes de maintien des services essentiels dans le Code du travail. Un,
c'est les services publics, essentiellement
les villes et les sociétés de transport. Ce qu'on vient dire dans notre projet
de loi, c'est que cette notion-là de
service public pourra être élargie. Le tribunal pourra considérer que, dans une
entreprise, même si elle n'est pas incluse dans la définition de service public, si une grève peut potentiellement
porter atteinte à la santé, sécurité du public, il y aura
potentiellement une obligation pour cette organisation-là de maintenir les
services essentiels. On modernise aussi cette définition-là en enlevant, par exemple,
entreprises de téléphone et en enlevant les agences de santé et services
sociaux suite, comme vous le savez, à la création des CIUSSS et des
CISSS.
Et, pour les services publics, avant, ce qu'on
faisait, c'est que le ministre recommandait le maintien des services essentiels et faisait adopter, par voie de décret,
par le Conseil des ministres, la liste des entreprises ou organisations
qui étaient assujetties au maintien des services essentiels. Et c'est ça, cette
responsabilité-là, qui va être transférée à des personnes qui l'évaluaient en
amont, qui ont des ressources spécialisées pour évaluer et s'assurer de la
suffisance des services essentiels.
Et, pour la
santé et services sociaux, comme je le mentionnais tout à l'heure, on
remplace... bien, on remplace la notion de seuil minimum ou
l'application des seuils minimums par le critère général du maintien de la
santé et sécurité du public.
Et, pour la
fonction publique, le troisième régime, il n'y a à peu près rien qui concerne
ce régime-là. Et là il y a à peu près
60 000 personnes qui sont concernées, alors qu'en santé et services
sociaux, peut-être que je ne l'ai pas précisé, il y a à peu près 200 000 salariés qui sont
concernés par ce projet de loi là. Alors, voilà, je suis à six minutes, Mme la
Présidente. Merci beaucoup.
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Merci, M. le ministre. Alors, j'invite
maintenant le porte-parole de l'opposition officielle en matière de travail et député de Vimont à faire ses
remarques préliminaires pour un maximum de quatre minutes.
J'en profite
également pour rappeler... peut-être, les vacances... on l'a oublié, là,
pendant les vacances, mais on ne peut pas nommer les députés par leur
nom, mais bien par le nom de leur circonscription. À vous la parole, M. le
député de Vimont.
M. Jean Rousselle
M.
Rousselle : Bien, merci, Mme la Présidente. Premièrement, je suis
content de vous revoir, Mme la Présidente. On revient de vacances, donc on est plein d'énergie. M. le ministre
aussi, on s'est parlé tantôt, vous n'avez pas changé puis restez comme ça, c'est bien correct. Je voudrais
saluer tous les collègues aussi du côté gouvernemental. Je voudrais
saluer ma collègue de Fabre, collègue aussi d'Hochelaga-Maisonneuve.
Donc, je
pense qu'on a un travail assez important. Oui, c'est un projet de loi qui...
seulement 25 articles, mais il ne faut pas se fier que c'est
seulement 25 articles. C'est vraiment... On change vraiment le Code du
travail concernant le maintien essentiel des services publics et secteurs
public et parapublic.
Là-dedans,
vous savez, donc... Avant de commencer, j'aimerais ça remercier d'ailleurs tous
les groupes qui vont nous envoyer ou
qui nous ont envoyé des mémoires. C'est un travail, je dirais, de moine de le
faire, bien souvent, des fois dans des
temps record. Donc, merci puis merci aussi de la présence de ceux qui se
déplacent, vraiment. Parce que, vite comme ça, les gens ont dit : Oui, ils ont envoyé un mémoire, mais il y a du
travail en arrière de ce mémoire-là, puis je veux vraiment le spécifier,
puis merci vraiment de faire ce travail-là.
Oui,
aujourd'hui, on modifie... puis c'est suite, justement, comme le ministre l'a
expliqué... Je pense que le ministre a fait le tour vraiment de la
problématique au niveau de la décision de la Cour suprême, Saskatchewan, comme
il l'a mentionné, justement, en 2015.
• (10 h 10) •
Vous savez,
le lien ou la... c'est fragile, des fois, entre le maintien... parce que c'est
sûr que, quand on parle de niveau santé,
moi, en partant, je vais penser à mes parents. J'ai encore la chance d'avoir
mes parents. On pense au niveau de
santé, on va penser de leur bien-être et
tout. Donc, c'est la première chose, les gens vont penser tout de suite à leur coeur, dire : Oui,
mais ma mère ou ma voisine... Ils vont toujours penser... le système de santé, je pense,
c'est le plus important que tu peux retrouver dans le milieu.
Police, santé, tout ça, c'est des services vraiment très importants.
Par contre, il ne faut pas non plus... puis la ligne est très mince entre... parce qu'il faut protéger aussi le travailleur là-dedans. Donc, la ligne, bien souvent, est très
mince entre l'exagération ou quoi que ce soit parce qu'il faut... on veut
toujours préserver le droit des
travailleurs, qui est vraiment très important, puis j'y crois beaucoup, mais, de
l'autre côté aussi, il faut penser aussi aux gens qui ont besoin de ces
services-là, puis c'est des services vraiment, on le dit, essentiels. Donc, on ne peut
pas passer à côté de ces services-là. C'est des services essentiels, on en a
tous de besoin, surtout... Les sentiments sont partagés, mais le moindrement que vous pensez à vos enfants, à vos
parents ou quoi que ce soit, bien, c'est sûr que, là, ça vient
augmenter, justement, l'importance de ces services-là.
C'est sûr qu'on va faire un travail vraiment
d'opposition officielle, mais on va le faire de manière vraiment constructive,
je vous le dis, M. le ministre, vraiment, parce qu'on veut vraiment essayer
d'avoir la meilleure loi possible pour
justement maintenir cet équilibre-là qui est fragile. Et, écoutez, de ce
côté-là, je sais que je suis bien appuyé par ma collègue de Fabre, et on
va faire un travail vraiment essentiel.
On a lu tous les mémoires qui... ou en tout cas
pratiquement...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
En conclusion.
M. Rousselle :
Oui. En tout cas, juste vous dire qu'on va faire un bon travail ensemble, je
suis certain de ça. Merci, Mme la Présidente.
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Quand je dis «en conclusion», il vous
reste quand même 30 secondes. C'est beau. Alors, merci. Merci
beaucoup.
J'invite
maintenant le porte-parole du deuxième groupe d'opposition en matière de
travail et député d'Hochelaga-Maisonneuve à faire ses remarques
préliminaires. Vous disposez d'une minute.
M. Alexandre Leduc
M. Leduc :
Oh! bon, ce n'est pas long. C'est parti. Je ne ferai pas de résumé du jugement
de la Cour suprême en une minute, vous me comprendrez.
D'abord,
salutations à tout le monde, très heureux de vous retrouver. Ça a été un bel
été aussi pour moi, alors je reviens
avec beaucoup d'énergie. J'espère qu'on est prêts à débattre de toutes ces
choses-là. C'est un nouveau projet de loi qui, comme le précédent qu'on a traité, répond à un jugement, hein?
Alors, j'ai hâte de voir aussi un projet de loi qui va venir des
entrailles du ministre peut-être sur la santé et sécurité. On l'attend cet
automne. Ça va être intéressant.
Puis je
terminerai, en fait, avec une très courte réflexion. L'ancienne version souvent
de cette loi-là était malheureusement
utilisée parfois comme une arme de neutralisation de la mobilisation des
travailleurs et travailleuses qui veulent défendre des meilleures
conditions de travail. Et je pense qu'il faut remercier en quelque sorte les
organisations syndicales d'exister pour
mener ce genre de débat là, nous questionner comme État, comme partis
politiques aussi, par rapport à la
manière dont on organise les relations de travail au Québec. Et on est là
aujourd'hui, donc, en conséquence à un contrôle judiciaire qui a été
initié par la CSN, si je ne me trompe pas. Heureux d'en débattre avec vous.
Auditions
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Merci beaucoup. Alors, nous
commençons maintenant les auditions. Je souhaite la bienvenue à
Mme Gagnon et à M. Centomo du Conseil du patronat du Québec. Je vous
rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé et je vais vous
inviter, dès le début, à vous présenter avant de commencer l'exposé.
Conseil du patronat du Québec (CPQ)
Mme Gagnon (Karolyne) : Merci,
Mme la Présidente. M. le ministre, M. le ministre de l'opposition. Alors,
Karolyne Gagnon, vice-présidente, travail et affaires juridiques au
Conseil du patronat. Je suis accompagnée de M. Centomo, Pietro, qui est le
conseiller juridique, santé, sécurité et travail au sein du Conseil du patronat
du Québec.
Alors, merci
de nous accueillir aujourd'hui au sein de la Commission de l'économie et du
travail et de l'Assemblée nationale.
Je comprends qu'on est un hors-d'oeuvre au début de la saison. Alors, j'ai
compris qu'il y avait également un 30 secondes, là, qui n'avait pas
été octroyé. Je ne me permettrai pas de le prendre, mais je me permettais de
faire une introduction un peu cocasse.
Alors,
naturellement, le CPQ, à titre de véritable confédération québécoise, et vous
le savez, demeure un des principaux
interlocuteurs du gouvernement et représente effectivement des entreprises de
services publics et parapublics visées
par les dispositions du service essentiel. Comprenons que maintenant, puis par
un biais de simplification, et le Conseil du patronat salue cette initiative, que le TAT possède dorénavant les pouvoirs pour
ordonner les services essentiels, ce qui facilitera, d'une certaine façon, la rapidité au niveau des conflits de
travail ou de tout... excusez-moi, des conflits de travail ou de tous les mécanismes, là, qui peuvent être mis
en place dans le cadre d'un règlement ou dans le cadre d'une
négociation.
Dans un premier temps, je tiens à... le CPQ
tient à souligner son appui notamment en vertu des modifications apportées aux dispositions de
l'article 111.0.17 qui permet maintenant à une personne intéressée de pouvoir être entendue afin de faire valoir ses préoccupations. Ici, nos
remarques seront de façon beaucoup plus générale. Ce qu'on veut amener
au niveau de la notion de service essentiel,
c'est de se dire, parce que la loi le prévoit, quand on prend 111.0.17, qui a
été modifié pour permettre qu'une
personne intéressée puisse intervenir dans le cas de services essentiels...
alors on veut qu'ici, autour de la table,
on puisse se poser la question : Est-ce que la définition de service essentiel,
quand on comprend, à ce niveau-là, une question de santé et sécurité publique, répond à tous les
cas de figure qui peuvent se retrouver? Non pas pour empêcher, puis je
pense que c'est important, le droit de grève... le droit de lock-out est quelque
chose qui est fondamental au sein des relations
de travail, mais est-ce que... En
regard d'une modification, aujourd'hui, de la législation, ce qu'on veut apporter, c'est principalement de vous faire réfléchir au niveau,
effectivement, de ce tiers, qui est généralement une personne qu'on
dirait qu'on prendrait en otage dans un
monde du travail où deux parties s'opposent et discutent, mais où ce tiers en
otage... Et quand on parle de santé, on
a souvent pensé à des soins directs, et je pense que le ministre
de l'opposition l'avait bien mentionné, des soins directs à la personne, mais il y a
aussi toutes sortes d'impacts sur la société qui peuvent également être importants.
Alors, naturellement, je ne ferai pas l'introduction, vous l'avez très bien
faite, au niveau du jugement qui a donné lieu à ces changements-là. Ce que je voudrais faire, dans un premier temps, c'est bien de voir quels critères identifiés par
la cour au niveau du Tribunal administratif du travail vont être considérés.
Alors, quand on parle de critères, on ne tient pas nécessairement compte de
toutes les situations données qui pourraient comporter des enjeux importants
et fondamentaux au niveau du Code
du travail. On a deux sections, on a
la section II, on a la section III. Dans la section II, on vient dire
que c'est un critère qui vise uniquement la
santé et la sécurité du public, et dans la section III, qui était une section,
auparavant, où on n'avait pas le critère de santé et sécurité publiques, on
s'est aperçu que les tribunaux ont également considéré des critères importants.
J'y reviendrai.
Naturellement, le CPQ représente des membres, des membres qui nous disent être
satisfaits avec les modifications qui
ont été apportées. Dans un cadre de leurs relations de travail, ils
trouvent un juste équilibre. On représente aussi des membres qui sont des employeurs, qui sont visés
indirectement par des situations où les services essentiels qui sont
donnés à la population ne sont pas
suffisants ou vont avoir un impact. On peut parler d'un impact économique
important, un impact sur leurs travailleurs également, qui, dans une situation où les services ne
peuvent pas nécessairement être disponibles, vont être mis à pied,
un impact sur le citoyen comme tel.
Ce
qu'on vous dit, puis on respecte Saskatchewan aussi, oui, le droit de grève est un droit — tout
comme le lock-out, même si Saskatchewan n'en parle pas — est
un droit qui est important, mais, si je ne m'abuse, dans Saskatchewan, on n'a pas considéré, puis
la question n'était pas posée, la question
des tiers au niveau d'un litige. Qu'est-ce que les tiers
subissent quand on parle de services essentiels sur lesquels ils n'ont pas
d'emprise à ce moment-là?
• (10 h 20) •
Alors,
naturellement, il y a des questions, puis ça s'est posé souvent, surtout dans la
partie III, quand les tribunaux se sont
prononcés au niveau des critères qui devaient être considérés. On ne
parlait pas de dignité humaine, mais vous avez, en annexe, plusieurs des critères qui avaient été mentionnés, dans le
secteur public et parapublic, qui affectaient directement un tiers qui,
lui... Puis on ne parle pas de n'importe quel système ici, on parle d'un système
monopolistique, là, si je peux m'exprimer
ainsi, un monopole dans lequel ce tiers n'a pas le choix de se tourner vers une
autre entreprise pour avoir les services parce que c'est
des entreprises qui sont des entreprises de monopole.
Alors, dans un cadre
comme ça, et c'est la question qu'on vous pose... On ne vous dit pas que le système
ne fonctionne pas. Le système
fonctionne, il n'y a pas de crise actuellement, généralement, mais il
y a des situations
qu'on peut trouver quelquefois
dans les domaines comme les domaines du transport, les domaines... mais je
nommerai... Quand on arrête le port
de Montréal, toute la chaîne logistique qui est reliée à un
arrêt de travail, dans le cadre de deux parties pour lesquelles les règles sont claires, a un impact important
au niveau de la société, un impact important au niveau,
et des individus, et des clients, et des entreprises qui sont visés.
Est-ce
qu'il n'y a pas lieu ici de penser est-ce que la santé économique d'une
entreprise n'ait pas un impact grave, non
pas sur la santé, la sécurité publiques, mais sur la survie même de l'économie
du Québec. C'en est une. Est-ce que les gens en position de vulnérabilité, si
on prend les enfants qui ont... service de transport, l'enseignement, si on
prend des gens qui... je vous nommerais
également, quand on parle de cimetières, d'exhumation, du fait de pouvoir
enterrer ses proches, toute la question de la dignité humaine.
Est-ce
qu'on ne doit pas se poser la question... et le tribunal sera là pour
l'apprécier, parce qu'on n'agira plus à titre de décret. Est-ce qu'on pourrait, à ce moment-là, se poser la
question : Sont-ce des facteurs réellement fondamentaux, qu'on ne peut taire dans un monde comme le nôtre, où on
parle qu'effectivement les parties peuvent avoir des moyens de pression
de part et d'autre? Mais le coeur même demeure les gens pris en otage au niveau
de la société.
Alors,
on a un bon exemple, je pense, au niveau du secteur de la construction, où le
gouvernement, ici, a reconnu qu'il y a une obligation, au niveau de la
construction, de faire en sorte — je veux me presser — de
faire en sorte, à ce niveau-là, qu'on
consulte le maître d'oeuvre, qu'on consulte l'entrepreneur pour lequel il va y
avoir un impact au niveau des prix.
Alors, on comprend que tout un système de négociation peut avoir un impact sur
un tiers, qui va faire en sorte qu'il faut soulever, à un moment
opportun... Et je pense que, quand on définit la question de la personne
intéressée, ça peut être également
l'entreprise qui est aux prises avec ces éléments-là pour pouvoir le consulter
et pour avoir un regard très large par rapport à ça.
Alors,
naturellement... Puis j'ai un paragraphe, dans mon mémoire, qui dit : On
ne vise pas à interdire le droit de grève.
Et j'ai bien entendu le deuxième ministre de l'opposition, c'est bien comme ça
qu'il se prononce, on ne vise pas à enlever ces pouvoirs-là, qui sont
fondamentaux, entre deux parties. Mais ce qu'on vous dit, outre ça, quand on
parle de services essentiels à la population, on ne parle pas de grève. On
parle de choses qui sont primordiales et qui peuvent avoir un impact aussi
grand.
Alors,
on invite ici les gens autour, à la Chambre, de se poser la question. On n'a
pas la réponse au niveau du CPQ, mais
c'est bon de pouvoir ouvrir sur cette question-là, et c'est ce qu'on vous
propose. Avant d'adopter un projet de loi, maintenant qu'on est en modification, peut-on se dire : Ouvrons la
question et parlons ensemble, là, des éléments qui sont fondamentaux et qui ont été reconnus par la cour?
Et je vous le dirais, dans l'affaire des juristes, parce que ça m'a
particulièrement intéressée, en 2000... Je vais plus vite. En 2000, les
juristes...
La Présidente (Mme
IsaBelle) : En conclusion. Il vous reste 30 secondes.
Mme Gagnon
(Karolyne) : 30 secondes. En 2000, les juristes ont effectivement
été considérés, l'ordre, le fonctionnement de l'Assemblée nationale, et la
justice comme des éléments importants.
Alors,
je vous remercie et puis je vous demande, en terminant, qu'une réflexion
importante se fasse au niveau de ce que constitue
un service essentiel, qui est tout à
fait distinct de ce qui avait été
traité dans Saskatchewan. Merci bien.
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Merci. Merci pour l'exposé intéressant.
Alors, nous allons maintenant
débuter la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous. Vous
disposez de 16 min 30 s.
M. Boulet :
16 minutes?
La Présidente (Mme
IsaBelle) : 30 secondes.
M.
Boulet : Donc, pour faire
des échanges... Belle présentation. D'abord, je veux vous remercier, je veux
remercier le Conseil du patronat du Québec pour cette belle présentation.
Je comprends que, pour le
régime essentiel qui concerne les services publics, vous exprimez un confort, à
tout le moins, avec le transfert de
la procédure d'assujettissement actuelle, c'est-à-dire par voie de
décret, à une appréciation par le
Tribunal administratif du travail. Est-ce
que... Moi, j'aimerais savoir comment
les membres du CPQ... est-ce que
vous avez sondé les membres du Conseil du patronat sur le maintien des services
essentiels? Quelle est leur réaction?
Mme
Gagnon (Karolyne) : Oui, les
membres... En fait, le maintien des services essentiels, les règles qui
étaient déjà établies demeurent, à ce
niveau-là, que ça soit par décret ou
que ce soit au niveau du tribunal. Si
on parle de services comme tels, ce
qu'on m'a dit, c'est que, généralement, la question ou l'attribution de
l'appréciation de la santé et la sécurité publique posait des problèmes
parce qu'elle était limitée à des soins particuliers, qui sont très justifiés,
mais sur un critère plus large.
Ça
fait que, quand je parle des membres, je ne vous parle pas des membres qui sont
plus... des membres qui étaient satisfaits par rapport aux entreprises,
là, qui ont un conflit et qui doivent effectivement, là, sauvegarder certains
services essentiels. Je vous parle des
membres qui, eux, par rapport à leurs entreprises, par rapport à l'organisation
du travail, se sentent aux prises et
se sentent en otage, aux prises avec des décisions dans lesquelles ils ne
peuvent pas recevoir des services qui, pour eux, sont tout aussi
essentiels parce qu'ils sont la survie même de leurs entreprises.
Alors,
naturellement, ces concepts-là, quand ils ne sont pas considérés à un certain
plan parce qu'ils ne peuvent pas l'être...
et, devant les tribunaux, c'est toujours des critères qui sont interprétés de façon assez stricte, ont un
impact sérieux qui peuvent même en
venir... Puis, quand on parle de santé, on parle de santé des travailleurs aussi, parce qu'une entreprise qui ne fonctionne pas, qui ne peut pas fonctionner parce qu'on n'a pas
certains biens, à ce moment-là, ou certains services... si on n'a pas de service
de garde offert à nos enfants puis qu'on doit, à ce moment-là, ne pas aller au
travail, ne pas pouvoir effectivement effectuer une tâche de travail, c'est
tout un cercle vicieux dans lequel il y a un effet un peu plus domino, dans
lequel l'impact n'a pas à être soulevé devant les tribunaux parce qu'on réduit
la question des services essentiels à la santé et à la sécurité publique.
Alors,
naturellement, quand les gens nous
arrivent pour nous dire : On n'a pas de service autres les services
pour l'école, l'enseignement, les services
de garde... et ça fait en sorte que les gens, les travailleurs ne peuvent pas
se présenter, à ce moment-là, c'est
limité et se vit une certaine frustration de ne pas, à tout le moins, pouvoir
exprimer. Je comprends qu'il y a la
question des tiers intéressés aujourd'hui, mais ces tiers-là ne pourront pas
ouvrir autrement que par rapport à des soins qui sont bien particuliers
et qui, pour eux, sont extrêmement fondamentaux dans leur quotidien, dans leur
travail, dans leur roulement de personnel et professionnel également.
Est-ce que je peux
continuer? Excusez. Je ne connais pas tout à fait les procédures.
M. Boulet :
Non. Merci. Je pense que ce que vous soulevez, peut-être vous souhaiteriez ou
vos membres souhaiteraient que les critères d'appréciation du concept de santé,
sécurité publique soient plus élargis. Vous faites référence notamment à des situations où les personnes seraient en otage, parce que,
là où il y a un conflit
de travail, ils sont en situation de monopole.
Je veux juste vous
référer au critère qui répond au jugement rendu par le Tribunal administratif
du travail dans l'affaire Flageole et qui citait Saskatchewan Federation of
Labor. Puis la Cour suprême fait essentiellement sienne la définition de l'Organisation
internationale du travail sur ce qu'est un service essentiel, puis là je vous
cite, on dit : «Un service essentiel
est un service dont l'interruption pourrait mettre en péril la vie, la sécurité
ou la santé de la personne dans une
partie ou dans la totalité de la population.» Et ça, c'est une définition qui
est assez classique, qui est reprise constamment dans la jurisprudence
non seulement au Québec, mais partout au Canada.
Évidemment, au-delà
de ça, c'est vraiment du cas par cas. Il y a eu une province, je crois, c'est
en Colombie-Britannique, où on ajoute,
au-delà du critère du respect de la santé et de la sécurité publique, on réfère
au bien-être de la population et on
dit : Ça doit être tenu en compte lors de la détermination de ce que constitue
un service essentiel. Mais partout au Canada et ce qui est reconnu à
l'OIT, c'est vraiment la définition que je viens de vous mentionner.
Puis
ce critère-là harmonise le fonctionnement du régime des services essentiels
applicable aux établissements de santé
et de services sociaux avec celui applicable dans les services publics. Ça fait
que ça permet une cohésion qui m'apparaît totale. Et ce régime-là, je vous rappellerai qu'il est en vigueur depuis
1982. Et je n'ai pas eu de cas patent où il y a eu des expressions
publiques que ça ne permettait pas une autre disposition actuelle, là, de santé
et de sécurité publique, de préserver la
santé et la sécurité dans un cas de grève dans un service public, parce qu'en
santé et services sociaux, c'étaient les seuils minimums, et c'est ça
qui a été déclaré constitutionnellement inopérant.
Ça
fait que je fais ces remarques-là, là, si ça peut aider à une meilleure
compréhension de ce critère-là. Le reste, moi, j'ai pris bonne note de
vos commentaires. Oui, allez-y.
• (10 h 30) •
Mme Gagnon
(Karolyne) : ...une remarque par rapport à ça. On comprend que
c'est... bon, quand on parle de 111.16
et 111.10, c'est différent, les critères. Avant, à 111.10, on n'avait pas la
notion de santé, sécurité qui nous permettait
d'aller... Ici, le Conseil du patronat... puis je vous dis, il y a des
membres, là, de toutes parts, et je parle au nom des deux membres. Oui, c'est vrai que lorsqu'on a déterminé santé,
sécurité et sécurité publique au travail lors d'un conflit de travail, on est d'accord avec les définitions qui
sont données par les tribunaux, on est d'accord avec la définition comme
telle. Ce qu'on vous dit aujourd'hui, puis
naturellement, je n'ai pas la solution
pour vous, c'est : Est-ce que c'est... surtout qu'on l'ajoute à la section III alors qu'avant on
pouvait amener devant les tribunaux d'autres éléments que les questions
de santé et sécurité. Parce que,
si vous vous référez à l'annexe, à l'annexe on retrouve protection et
prévention de la santé végétale, la santé
animale, le maintien des services inhérents pour l'Assemblée nationale, on
retrouve des questions d'intérêt de la justice. Alors, c'est ça que nos tribunaux ont déterminé. Aujourd'hui, dans la section III, on a un élément nouveau qui se limite
à la santé et la sécurité publique.
Ce qu'on vous dit aujourd'hui, dans les deux cas, que ce soit pour la section II ou III : Est-ce qu'il y aurait lieu... parce que, quand on parle de santé et sécurité publique, on comprend bien, puis les définitions sont là, et effectivement c'est conforme à l'OIT. Mais est-ce
que la santé, sécurité publique n'est pas aussi reliée d'une certaine façon au monde du travail,
au monde de l'éducation, à des services...
quand on parle des cimetières, à des questions de dignité humaine. C'est des valeurs également
de société qui sont importantes. Alors, en limitant... puis devant les
tribunaux, c'est ce qu'on fait, on se dit : Oui, mais il
y a un intérêt économique. Moi, mon entreprise va devoir fermer
ses portes. Ne pensez qu'à la santé psychologique des travailleurs, puisque je sais que vous y êtes
très sensibles, mais un employeur qui ne peut plus, à ce moment-là,
parce qu'il est pris... quand je parle de
prise en otage, c'est qu'il n'y a pas un service essentiel pour lui qui lui
permette de recevoir des biens puis
qui lui permette de recevoir certains services, qui a un impact important au
niveau de l'entreprise. Est-ce qu'effectivement
la santé économique n'est pas quelque chose de fondamental, tout aussi
fondamental que la sécurité et la santé des individus de façon générale?
On s'en préoccupe de plus en plus. Posons-nous la question.
On ne vous soumet pas
qu'il faut changer les choses, mais est-ce qu'on a bien réfléchi à cet
élément-là qui, généralement, devant les
tribunaux, est soulevé, mais pas soulevé longtemps parce que la première chose
qu'on nous dit : Ça ne répond pas aux critères de santé et sécurité
alors que c'est des critères essentiels qui avaient été longuement considérés par nos tribunaux, par le TAQ ou
autrement, qui sont venus régler les questions? Puis, quand je nomme la
question des juristes, c'étaient des
questions qui n'étaient pas reliées à la santé ni à la sécurité. On s'est
dit : Si le système de justice en place ne fonctionne plus... c'est
fondamental dans une société.
Alors,
naturellement, il y a des éléments autres qui devraient être considérés quand
on parle de services essentiels, qui ne sont pas de l'ordre des
négociations et du droit de grève et de lock-out.
M.
Boulet : Totalement d'accord, puis c'est la raison, Mme Gagnon,
il faut revenir à la base. Avant que le Tribunal administratif du travail apprécie et mesure la suffisance des services
essentiels en s'appuyant sur le concept de santé et sécurité publique, les parties négocient entre
elles les services essentiels, et c'est ça, la base. Le tribunal n'a pas à
s'exprimer. C'est dans une minorité de cas
que le tribunal a à s'exprimer, et les parties entre elles peuvent convenir...
puis ce n'est pas dans le Code du travail, ce n'est pas obligatoire,
c'est...
Par
exemple, le conflit de travail qu'il y a eu à l'UQAM, les parties se sont
rencontrées puis ont convenu de services essentiels à maintenir pour protéger et prévenir la santé animale puis
les soins dispensés aux animaux. Et, dans ce contexte-là, les parties ont la
liberté de considérer les incidences humaines, sociales et économiques. Elles
peuvent... elles sont invitées, c'est
ce qui est la base de notre régime de maintien des services essentiels. Les
parties négocient, s'entendent, souhaitons-le.
S'il
n'y a pas d'entente, le syndicat produit une liste de services essentiels, et
là, s'il y a des désaccords ou s'il y a des écarts entre ce que l'employeur considère qu'il devrait constituer un
service essentiel, là, il y a des représentations qui sont faites au Tribunal administratif du travail qui
considère la santé et la sécurité publique. Mais on ne pourrait pas, dans
le code, dire : Il faut considérer
l'impact économique, les inconvénients d'un conflit, les inconforts, les... tu
sais, il y en a qui plaident ça. iIs
disent : Il y a un inconfort. Tu sais, à un moment donné, il faut le
restreindre, je pense, à la santé et sécurité publique, ce qui n'évacue pas tout le champ des autres intérêts qui
concernent, bon, les animaux, la... j'en ai, là, plusieurs exemples, là, d'ententes entre des parties sur des
services essentiels, et les parties ne sont pas limitées à la santé et
sécurité publique. Elles peuvent convenir et utiliser tous les critères qu'on
ne peut pas imaginer, mais qui sont propres à leur environnement de travail.
Mme
Gagnon (Karolyne) : Alors,
sur cet élément-là, c'est sûr que la jurisprudence qui a été développée à
partir de 111.10, qui aujourd'hui est rendu 111.10.1, ne parlait pas de santé et sécurité publique.
Alors, on a de la jurisprudence qui a
été développée. Maintenant qu'elle en parle spécifiquement, elle limite à
ce champ-là qui va être beaucoup plus restrictif. Oui, les parties peuvent faire une entente. Ce dont on vous parle, c'est
des tierces parties qui sont indirectement visées par ça. Alors, c'est
ces personnes-là où on est sensibles.
Quand
on parle du milieu économique, on dit : Bon, ce n'est pas la santé, tout
ça, mais le milieu économique peut avoir
un impact important. Quand je vous ai dit, dans l'économie, puis je le reprends
dans mon mémoire, les chaînes de distribution,
les produits sont davantage en flux continu et impliquent des projections de
la demande, ça peut causer un tort irréparable
au niveau de l'économie et au niveau... non pas de la santé. C'est ce que
je vous dis, au niveau de la santé et de la sécurité publique, ça n'a pas d'impact, alors je ne peux pas le
soulever. Mais ce tort irréparable, que je pourrais causer parce que je n'ai pas de moyen de transport adéquat pour
pouvoir ramener les produits, parce que j'ai une législation qui est
limitée à ce moment-là, peut, à ce moment-là, faire des dommages qui sont beaucoup
plus grands.
La
santé, la sécurité publique, d'office, c'est extrêmement important. Oui, on
va dire puis on en discutera également par
les gens qui prônent du côté du droit de grève : On ne veut pas enlever le
droit de grève — le
lockout, c'est important — puis on ne veut pas le dénaturer aussi.
Quand Saskatchewan nous disait : Faites attention, c'est
primordial, oui, c'est primordial, mais ce
qu'on demande, c'est : Posez-vous la question, est-ce qu'il n'y a pas des
éléments également en société, pour
la survie de notre société, pour le bien-être de nos enfants ici, des gens qui
travaillent, des personnes qui ont besoin
de certains services, qui ne sont pas, non, une atteinte directe à la
santé,sécurité, mais qui sont une atteinte directe à leur intégrité personnelle, à leur fait de
fonctionner en société, à leur fait de pouvoir transiger dans un monde du
travail? Et je ne nomme que ça, parce
que, si je vous parle des cimetières puis qu'on ne peut pas exhumer, embaumer
le corps d'une personne proche, ce n'est pas visé par la loi, mais c'est
un élément, peut-être, qui n'atteint pas la santé, sécurité, mais la dignité
humaine est très importante.
En
limitant, dans la loi, ces termes-là, on ne peut pas soulever par la suite ces
éléments qui, je suis sûre, autour de la
table, font consensus comme étant fondamental... fondamentaux, pardon, mais qui
sont légitimes à poser devant un tribunal qui, lui, entendra la preuve
par rapport à ça.
Alors, je ne veux pas voler tout le temps de M.
le ministre...
La Présidente (Mme
IsaBelle) : ...minute à l'échange.
M.
Boulet : ...débat
intéressant, là, puis c'est sûr que ça remet en question l'exercice même du
droit à la grève. Moi, je suis
convaincu que le droit à la grève s'impose. Quand on est à une table de
négociation, même si on négocie de façon raisonnée, de la même façon que le droit au lockout, c'est une façon
pour les deux parties de mettre la pression sur l'autre pour accepter
des conditions de travail qui sont particulières.
Et la
décision de Saskatchewan, sur le fond, moi, je n'ai pas l'intention de me
prononcer, mais il ne faut pas élargir le
champ des critères pour se rapprocher d'une quasi-négation du droit de grève,
parce que moi, je ne suis vraiment
pas favorable à élargir le champ
d'appréciation du TAT. Et je veux simplement rajouter que, le fait que, dans la
section III, on réfère à la
santé et sécurité, encore une fois, je le réitère, ça n'empêche pas les parties
de considérer quelque incidence que ce soit,
qu'elle soit de nature humaine, sociale ou économique, et d'utiliser des
éléments extrinsèques qui élargissent ou qui rendent le critère de santé
et sécurité du public plus élastique.
La Présidente (Mme IsaBelle) : En
conclusion.
M.
Boulet : Mais bon, c'est un
beau débat académique, là, mais je suis totalement, encore une fois,
reconnaissant pour les représentations que vous avez faites devant nous ce
matin. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci, M. le ministre. Nous cédons maintenant la parole au porte-parole de
l'opposition officielle, au député de Vimont. Vous disposez de 11 minutes
pour l'échange.
• (10 h 40) •
M. Rousselle : Merci, Mme la
Présidente. Premièrement, bonjour, Mme Gagnon, M. Centomo. Merci de
votre présence, de un, et, de deux, merci d'avoir déposé, justement, un
mémoire.
Comme je le
disais plus tôt, ce n'est pas nécessairement évident. Des fois, le temps, il
est court pour le produire. Donc, merci d'avoir fait un dépôt de mémoire
mais de cette qualité-là aussi, parce que c'est bien beau, déposer un mémoire,
mais il faut qu'il soit aussi de qualité. Je pense que vous avez réussi à tous
points de vue. Donc, merci de votre présence.
Vous avez parlé tantôt de votre regroupement.
Vous avez combien de membres, au total, qui font partie de...
Mme Gagnon
(Karolyne) : En fait, au niveau
des associations sectorielles et des entreprises que nous représentons, naturellement,
c'est indirectement également, on parle de 70 000 membres et même plus
qu'on représente, là, au niveau du Québec.
M.
Rousselle : Puis tantôt
j'écoutais les questions du ministre. Vous avez justement sûrement fait des
appels, vous avez sûrement été voir vos membres, justement, pour
produire ce mémoire-là.
Mme Gagnon
(Karolyne) : En fait, comme
je vous disais, nos membres, de façon générale, dans un premier abord, n'avaient pas de commentaire particulier, parce que
les membres qui sont visés sont souvent les membres qui, eux-mêmes, vont discuter d'une entente, ne vont pas nécessairement
prendre... Alors, s'ils s'entendent, ils s'entendent sur les conditions
qu'ils déterminent.
Mais ce dont on
parle, c'est les membres qui sont à l'extérieur du conflit de travail. Eux
disent : Bien, si moi, j'ai à soulever
quelque chose, je ne peux pas le faire en opposition. Je ne
peux pas intervenir et aller sur une autre question que la santé, la
sécurité publique, même si je le voulais.
Si les
parties s'entendent... puis les parties s'entendent généralement, là, sont d'accord avec ça, ils s'entendent sur les éléments qui seront des services essentiels. Mais
celui qui est à l'extérieur, puis ça peut être également tout citoyen parce que la loi le permet, ne peut
pas, lui, d'office, arriver puis dire : Bien, moi, j'ai quelque chose qui
est plus au niveau de la garde des enfants. Là, on va leur dire : Non,
non, ce n'est pas la santé et sécurité, alors il ne pourra pas le soulever
d'office en s'opposant.
M.
Rousselle : Vous avez parlé
comme quoi que vous n'avez rien contre le droit de grève, rien de ça, mais par
contre, vous avez été sur un terrain que... je suis le même raisonnement un
peu... je pense, en tout cas, le même raisonnement que le ministre.
Vous avez
soulevé souvent la santé économique puis l'économie du Québec
dans vos dires, là. Puis dites-moi si je fais erreur, là, mais j'ai compris ça à plusieurs reprises. Parce que,
là, actuellement on parle, justement, des services
essentiels dans le secteur public et
parapublic, et vous, vous semblez déborder de là parce que vous semblez... Si j'ai
bien compris, vous semblez déborder,
dire : Oui, mais il y a des gens qui peuvent offrir des services puis, à
cause que c'est des gens... parce que ça peut être des compagnies
privées qui donnent des services à l'intérieur de... publics et parapublics...
puis les services parapublics et publics pourraient être affectés par ça. Est-ce
que j'ai bien compris?
Mme Gagnon
(Karolyne) : Bien, c'est un
des cas de figure. Naturellement, je nommais la santé économique, ça peut être également quand je parlais de dignité humaine, quand je
parlais d'autres facteurs qui n'ont pas de lien avec les éléments.
Au niveau
économique, quand je vous parle de santé économique, si une entreprise ferme,
puis il y avait une garderie, bien,
les gens qui sont au sein de service-là qui était, pour eux, essentiel sont
atteints. On doit faire le bilan de : Est-ce que ça fonctionne? Est-ce que ça va bien dans mon
économie? Est-ce que le fait que je sois obligé de réduire... parce que ça
arrive, ces éléments-là, parce que je n'ai pas les moyens de transport qui me
permettent d'avoir les biens au niveau d'une entreprise, je n'ai pas les services qui
permettent à mes travailleurs de venir travailler au niveau
des transports, est-ce qu'indirectement,
quand il y a certaines contraintes extérieures — je parle d'économie du Québec de façon
générale — ça
n'a pas un impact aussi important?
Quand je vous parle
de santé, de santé du travailleur, santé de l'employeur, santé de sa business,
oui, c'est un élément qui peut être... qui devrait être considéré dans certains
cas.
Puis
je suis tout à fait d'accord avec vous, parce que, quand on parle du droit de
grève, c'est le droit de lock-out aussi. On y croit à ça. C'est la base même des relations de travail. Et, quand
je vous amène ici, je ne vous amène pas pour dire : Ouvrez demain, parce que c'est le fondement même
des relations de travail qu'il ne faut pas réduire à un point que ça ne
soit plus efficace.
Et
je suis tout à fait d'accord avec le fait que de se dire : On se pose la
question, mais est-ce que dans Saskatchewan... et est-ce qu'on a amené devant les tribunaux un jour... Puis c'est pour
ça que je vous ouvre la porte puis je pense qu'il y a une réflexion intéressante. Est-ce qu'on peut amener
ici, autour de la table... Est-ce qu'il faut toujours se limiter à ça ou,
dans certains cas, le tribunal pourrait être à même d'apprécier cet élément-là
pour justement considérer que, dans des cas particuliers,
hein, tu sais, on prend les cas de transport au fédéral... Bien, non, ce n'est
pas santé et sécurité que de dire que la personne est aux prises en
Europe puis elle n'a pas moyen de retourner, mais c'est un facteur important.
Quand
je réduis cette loi-là à santé et sécurité, ce qui n'était pas dans la
partie II avant, quand je le fais... santé et sécurité publique, pardon, à ce moment-là, c'est
que je ne peux pas ouvrir la porte comme tiers intervenant. Je peux,
entre les parties, dire : Oui, c'est
vrai que c'est important, mais, comme tiers intervenant, si on me donne le
droit maintenant, en vertu de
111.0.17, d'être une personne intéressée, qu'on me permette de dire c'est quoi,
pour moi, qui est essentiel,
puis le tribunal jugera à ce moment-là, mais qu'on ne me limite pas à un critère qui est un critère... Oui,
c'est vrai que ça fonctionne, ça fonctionne
de façon générale, mais on est dans une économie
qui est fragile, là, on est dans un système qui est complexe au niveau des relations de travail et de plus en plus complexe, mais aussi une économie qui est fragile, où, à tout le moins, le tribunal n'aura pas à
retenir l'argument du tiers, mais pourra considérer que ces éléments étaient
fondamentaux et étaient tout aussi dommageables que la santé et la
sécurité publique.
M.
Rousselle : Parce que,
là, on regarde, là, l'article 111.0.17 qui parle de «toute personne
intéressée». Je suis sûr que, si on
faisait le tour de tout le monde ici, là, on demanderait c'est quoi, un service
essentiel pour chacun, puis je pense qu'on pourrait peut-être même avoir
des différences assez importantes, je pense, juste ici.
Quand
vous dites que... Vous, vous allez vraiment plus large, parce que là vous avez parlé effectivement de dignité humaine, et puis
ça, je comprends ça. Comprenez-vous, là? S'il y en a un, comme je vous
dis... Tout à l'heure, j'ai mentionné : S'il y en a un qui
comprend ça ici, là... je suis avec mes parents, puis ce n'est pas nécessairement
toujours facile. Mais quelque part, de l'autre côté, si on y va chacun sur notre
définition puis on essaie vraiment de couvrir très large, comme vous le mentionnez, à un moment donné, on n'enlève
pas... parce que bien beau, vous dites que vous êtes... vous
n'avez rien contre le droit de grève,
mais on ne s'en va pas attendre comme : Oui, je suis pour le droit de
grève, mais, regarde, il ne faut pas que
ça soit... il ne faut pas que tu affectes la dignité humaine, au niveau de l'économie,
puis là, bon, on peut y aller, comme je
vous dis, à chacun notre tour. Alentour, on pourrait en mettre beaucoup
de choses. Donc, à ce moment-là, quelque
part, à un moment donné, il n'y aurait plus de négociation, il n'y aurait plus
de possibilité de négociation.
Trouvez-vous que je
vais trop loin dans mes dires ou...
Mme
Gagnon (Karolyne) : Il ne
faut pas affecter, puis je suis d'accord avec vous, ce rapport de force entre les
parties. C'est la base même d'une entente, c'est la base même des relations de
travail.
Ce
que je vous dis, ce n'est pas de... Je vous parlais de ce cas de figure au
niveau économique. Je ne vous dis pas d'ouvrir
sur différents facteurs. Ce qu'on vous dit aujourd'hui, c'est : Il y a peut-être
des personnes vulnérables. Je trouvais que
la question, là, des cimetières, du fait qu'on puisse prendre soin d'un corps,
d'une personne, une question de dignité humaine... Il y a peut-être certains des services... On ne vous dit pas
d'enlever tous les services, mais il
y a peut-être des services qu'on
peut questionner. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu, puis j'ouvre la porte, là, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu
de dire... Oui, c'est vrai, chacun peut y aller d'un cas d'espèce, d'un cas de
figure.
Mais
il y a un tribunal qui apprécie aujourd'hui, il y a un tribunal qui va recevoir
une preuve qui va être complète puis qui
va retenir ou non certains éléments. Ce qui est important dans ça, c'est que la
loi le permette également. Si c'est farfelu, le tribunal va le mettre de
côté, puis les... ou les parties vont s'entendre. Mais effectivement, quand on
parlait... dans la construction, on demande
aux donneurs d'ouvrage, parce que ça a un impact direct par la suite sur le
prix des services... C'est important
d'avoir une figure puis d'avoir un portrait vraiment général quand on met en
place des services essentiels, non pas par rapport au droit de grève. Le
service essentiel, il est pour autrui.
Alors, cet autrui-là,
est-ce qu'il peut faire valoir effectivement : Moi, j'ai l'impression que,
si on m'enlève ce service-là en particulier, je n'arriverai plus à fonctionner
en société, que ça soit économique ou autre? Économique, naturellement, c'est un élément qui nous rattache
souvent au monde du travail. Alors, c'est important, au monde du
travail, de pouvoir laisser mes enfants à la
garderie pour m'en aller au travail. On peut très bien dire que, si on est pris
à partie, puis que ça dure des mois,
c'est un élément, mais il y aura toujours le tribunal pour l'apprécier, et
justement, en donnant les pouvoirs au TAQ, qui généralement le faisait... Dans
la partie II, le TAQ le fait. Dans la partie I, on parlait toujours de santé et
sécurité, mais, dans la partie II, on
n'en parlait pas. Aujourd'hui, on impose, on limite à la santé et sécurité et
on a pensé que les questions de justice...
bien des cas, des éléments qui étaient importants en société ont été jugés
comme des services qui étaient essentiels.
Aujourd'hui,
la façon dont la loi est rédigée, là, est modifiée, on ne pourra plus se servir
de ces éléments-là, parce qu'on va se
limiter aux soins qui sont des soins bien particuliers de survie, puis M. le
ministre l'a bien nommé. Ce qui est devant les tribunaux, qu'on
retrouvait...
Quand je sens un... je ne sais pas à qui ça
s'adresse. Alors...
La
Présidente (Mme IsaBelle) : ...votre échange.
Mme Gagnon
(Karolyne) : Oui. Parfait.
M.
Rousselle : ...je regardais dans votre mémoire, là, vous parlez
justement... «Le CPQ estime une réflexion globale nécessaire...», puis là vous parlez justement
des... vous semblez avoir une inquiétude au niveau des prochaines
négociations du secteur public et
parapublic. Vous parlez toujours des victimes silencieuses, là, mais vous
semblez avoir des craintes au niveau des futures négociations.
Pouvez-vous m'expliquer un petit peu, là, c'est quoi, votre crainte?
• (10 h 50) •
La Présidente (Mme
IsaBelle) : 30 secondes.
Mme
Gagnon (Karolyne) : Oui, 30 secondes. Bien, on a les négociations de
l'État qui s'en viennent. Naturellement, au niveau des ententes qui seront faites, au niveau des discussions, si
on ne peut pas mettre ça en place, il y aura peut-être effectivement des éléments qu'on ne pourra pas
considérer ou pas soulever. Alors, il faut voir le... Oui, ça peut être
très positif, mais, en même temps, ça peut
faire en sorte qu'il y ait des éléments aujourd'hui qui ne pourront plus être
pris en considération, surtout dans
la troisième partie, parce qu'on va limiter tout autre secteur, comme on aurait
pu le faire aussi chez les juristes en disant : Non, l'aspect de la
justice...
La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, nous vous remercions. Merci pour
l'échange. Nous cédons maintenant la parole au porte-parole du deuxième
groupe d'opposition, au député d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous disposez de
2 min 45 s.
M.
Leduc : Merci, Mme la Présidente. J'aimerais commencer par un
commentaire puis après une question. J'ai beaucoup d'inconfort avec l'utilisation du terme et de l'expression
«prise en otage». Je vous explique pourquoi, parce qu'une vraie prise en otage, c'est très sérieux. C'est
des gens qui se font prendre au bout du fusil, qui perdent leur liberté.
Alors, quand on copie-colle cette
expression-là dans une relation de travail, j'ai un inconfort majeur. Alors,
moi, je vous invite, je nous invite à
ne pas utiliser cette expression-là. Je trouve qu'elle est vraiment
inappropriée dans le cadre des discussions par rapport aux services
essentiels.
Ceci
étant dit, ma question... parce que, là, j'ai lu, dans votre mémoire, que vous
considérez que le système fonctionne. Vous
dites ça à quelque part, je pense, c'est à la page 4, le système fonctionne
présentement et n'est pas en péril, mais force est de constater que beaucoup de gens ne sont pas d'opinion avec vous,
là. Les syndicats ne sont pas d'opinion avec vous. Ils ont réussi à convaincre la cour que le système
actuel ne fonctionne pas. Il y a peut-être eu de l'abus. Et moi, j'ai...
vous avez compris peut-être avec mes
remarques préliminaires que j'ai un passé syndical, j'ai encore plusieurs amis
évidemment dans le mouvement des
travailleurs et des travailleuses. Ils m'expliquaient récemment que, dans le
cas des résidences privées conventionnées,
la loi des services essentiels est tellement dure, la loi actuelle, là, que
parfois il y a plus de monde sur le plancher,
quand ils sont assujettis à la loi des services essentiels, qu'en temps
régulier. Vous comprenez l'absurdité de la chose?
Alors,
qu'on aille dans une approche qui regarde les vrais besoins réels plutôt qu'un
pourcentage fixe qui n'est pas nécessairement collé à la réalité me
semble être une approche intéressante. Qu'est-ce que vous avez à répondre à
cette réalité-là des résidences privées, par exemple?
Mme
Gagnon (Karolyne) : Bien, je trouve ça intéressant. D'ailleurs, j'ai
dit que le Conseil du
patronat est d'accord avec les
changements législatifs. C'est de bon augure, là, qu'on puisse, cas par cas,
selon le contexte, apprécier.
Je
reviendrais, par exemple, sur la question de prise en otage, parce
qu'effectivement, quand une personne a un service, on ne parle pas de n'importe quel service, on parle d'un
service qui est essentiel, que ce soit sa santé, sécurité, que ce soit sa survie, ses besoins primaires à sa
dignité. Oui, une prise en otage et les services essentiels est un bon cas de
figure, je m'excuse de l'utiliser encore, mais c'est...
M. Leduc :
...par exemple, James Richard Cross
Mme Gagnon
(Karolyne) : ...c'est face à cet élément-là que justement...
M. Leduc :
Pierre Laporte.
Mme Gagnon (Karolyne) : ...vous dire : C'est important. Oui, la
force, parce qu'ils... ne pas agir, il n'y a pas d'autre...
M.
Leduc : Non, non, madame. Pierre Laporte a été pris en otage. Pierre
Laporte a été pris en otage. Les gens du service essentiel ne sont pas pris en otage. Des vraies prises en otage,
on en a connues, au Québec, ce n'est pas ça. Les mots ont un sens, puis
je pense qu'il faut les respecter.
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, merci pour l'échange. Alors, je
remercie Mme Gagnon, M. Centomo, du Conseil du patronat du Québec. Merci
pour votre contribution à l'audition.
Alors,
nous prendrons quelques secondes, une minute ou deux pour... Nous suspendons
pour pouvoir laisser la place à l'autre groupe de se présenter. Merci.
(Suspension de la séance à 10 h 54)
(Reprise à 11 heures)
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, tout le monde est de retour?
Avant d'être en ondes, je veux juste mentionner que le député de
Bonaventure, du troisième groupe d'opposition, ne sera pas avec nous de la
journée. Alors, je veux juste le mentionner.
Alors, nous pouvons aller en ondes. Donc, nous y
allons.
Bonjour. Bonjour, tout le monde. Alors, nous
reprenons. Nous souhaitons la bienvenue à l'Association des établissements
privés conventionnés, aux membres de l'association, Mme Lavoie,
Mme Marcil et M. Brossoit.
Je vous rappelle que vous disposez de
10 minutes pour votre exposé, et ensuite nous commencerons la période
d'échange. Je vous invite d'abord à bien vous présenter.
Association des établissements privés conventionnés (AEPC)
Mme Lavoie (Annick) : Alors,
bonjour, Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les députés.
Alors, je me présente, Annick Lavoie. Je suis
directrice générale de l'Association des établissements privés conventionnés.
Je suis accompagnée de M. Hugo Brossoit, il est conseiller en gestion et
développement des ressources humaines à
l'association, ainsi que Mme Marcil, qui est chef d'unité en hébergement
au Centre d'hébergement du Boisé.
Alors,
permettez-moi d'entrée de jeu de vous remercier, chers commissaires, pour
l'invitation. Nous sommes heureux de participer à cette commission
parlementaire.
L'Association des établissements privés
conventionnés compte 30 membres propriétaires gestionnaires, qui représentent 57 CHSLD et deux centres de
réadaptation, incluant une unité de soins palliatifs. Ils sont répartis dans
11 régions du Québec. Alors, c'est près
de 7 000 résidents qui sont
hébergés dans nos établissements privés conventionnés, soit environ 20 % de la clientèle hébergée au Québec. Près
de 14 000 employés travaillent au mieux-être de notre clientèle,
composée principalement de personnes âgées et vulnérables en grande perte
d'autonomie.
Les établissements privés conventionnés font
partie du réseau de la santé et des services sociaux. Ce sont des partenaires des CISSS et des CIUSSS et font partie
du continuum de soins. Les établissements privés conventionnés offrent à
la population des services publics qui sont
gérés par le privé. Nos employés ont les mêmes échelles salariales, les
mêmes avantages sociaux, et nous suivons les conventions collectives nationales
de même que les décrets.
Alors, si on
fait un petit topo, qu'est-ce que c'est qu'un CHSLD? Alors, c'est un milieu de
vie substitut qui offre de l'hébergement,
de l'accompagnement et des soins à une clientèle vulnérable qui ne peut plus
vivre à domicile. Ses résidents sont
en grande perte d'autonomie et leur état requiert des services intensifs,
continus et de longue durée. Et j'insiste sur ce dernier point :
services intensifs, continus et de longue durée.
Alors, cela
étant dit, je laisse la parole à M. Brossoit qui va entrer dans le vif du
sujet, et Mme Marcil, pour sa part, pourra répondre à vos
questions, si ça porte sur les répercussions en établissement.
M. Brossoit
(Hugo) : Alors, bonjour à
tous. Tout d'abord, on va mettre la table en disant que la Loi assurant
le maintien des services essentiels est
primordiale pour assurer, justement, la santé et la sécurité de tous les
résidents de tous les CHSLD au
Québec, les privés conventionnés comme les publics. Et c'est toujours une
question de trouver la balance entre le
respect du droit de grève des associations accréditées et le respect des soins
auxquels les résidents ont le droit de s'attendre.
Sous sa forme
actuelle, du moins, avant la modification du projet de loi d'aujourd'hui, le
Code du travail indiquait, pour les
CHSLD, un maintien des effectifs de 90 % du personnel en place en CHSLD.
Et on est très au courant, dans le fond, qu'il y a eu une décision du Tribunal administratif du travail qui vient
nous obliger à modifier ça. Parce qu'à 90 % on avait trouvé le moyen de fonctionner, on était habitués
à ça, mais on comprend que le statu quo n'est pas possible et donc qu'on
doit modifier la loi.
Dans la
modification du projet de loi, les points qu'on veut aborder, tout d'abord,
c'est... On suggère de remplacer, comme
point de négociation, je disais tantôt, le nombre de salariés à maintenir par
unité de soins et catégories de services parmi les salariés habituellement affectés à ces unités et catégories de
services. On veut le remplacer par les services essentiels à maintenir.
Donc, ce qu'on doit déterminer avec une négociation avec les associations
accréditées, ce sont les services essentiels à maintenir.
On dit ensuite
qu'on doit respecter trois critères dans ces négociations-là, soit les services
essentiels qui doivent être répartis
par unités de soins et catégories de soins ou de services, le fonctionnement normal
des unités de soins intensifs et des urgences doit être assuré et le
libre accès d'une personne aux services de l'établissement doit être assuré.
Le retrait, dans le projet de loi, de la mention
du nombre de salariés à maintenir, précédemment déterminé en pourcentage ou prédéterminé en pourcentage, laisse
place selon nous à une interprétation sur ce qui doit être effectivement négocié
entre l'établissement et l'association accréditée. Est-ce toujours une notion
de pourcentage d'effectifs ou une détermination
simple des services qui sont essentiels ou ceux qui ne le sont pas? Dans les
critères qui ont été énumérés tout à l'heure, le premier critère qui implique une répartition
par unités de soins et catégories de soins et de services est celui qui engendre, encore là, une certaine subjectivité,
selon nous, dans les termes qui ont été utilisés. Si je vous résume, un
CHSLD, quand on parle d'unité de soins, on
sait de quoi on parle. Généralement, on va parler d'un étage où des résidents ont
leur chambre et où leurs soins, qui sont évidemment très importants et très
variés, sont donnés. On parle d'unité de soins et on sait de quoi on parle.
Par contre,
lorsqu'on parle de catégorie de soins ou de services, c'est un terme qui, pour
nous, est beaucoup plus vague. On croit que ça laisse un vide qui laisse
place à ce que la définition même de ce qu'est une catégorie
de soins va devoir être négociée avec
les accréditations. Ce qui veut dire qu'on va multiplier les négociations dans chacun des établissements, à savoir, bon, bien, tout d'abord, qu'est-ce qu'une catégorie de soins et ensuite, dans cette catégorie
de soins là, quels sont les services essentiels à maintenir.
On comprend d'entrée de jeu que certains services qui sont offerts dans les CHSLD peuvent paraître,
des fois, moins essentiels, je vais
dire ça comme ça, moins essentiels que d'autres. On peut penser tout de suite, les soins infirmiers et les préposés
aux bénéficiaires, c'est essentiel.
C'est des soins qui sont directement aux résidents, mais je ne pense pas qu'on
doit diminuer, en fait, le travail qui peut
être fait par les techniciens en loisir, les conseillers en milieu de vie, les travailleurs sociaux, les cuisiniers, les
préposés à la salubrité qui font un travail qui est tout aussi essentiel dans
le respect de la santé, de la sécurité et de la qualité de vie des résidents.
Vous savez,
les résidents des CHSLD, on l'a mentionné en introduction qu'ils sont en grande
perte d'autonomie et que leur état
requiert des services intensifs, continus et de longue durée, 24 heures
par jour, sept jours sur sept, 365 jours par année. Ce n'est pas
rien de penser que ces gens-là, en CHSLD, ça devient leur milieu de vie
substitut et qu'une simple diminution des
services a automatiquement un impact. On ne peut pas nier l'impact que, même
avec l'ancien système, on pouvait
avoir. Donc, c'est très important de se concentrer sur ce qu'on peut et ce
qu'on ne peut pas diminuer en termes
de services essentiels.
On peut
considérer, comme je disais tantôt, une légère réduction. On a appris à
fonctionner puis à fonctionner avec un
pourcentage. Toutefois, dans l'éventualité
où l'interprétation de la détermination simple d'un service essentiel
prévaut... donc, quand je mentionnais tout à
l'heure qu'on ne parle plus nécessairement d'un nombre d'effectifs à maintenir,
mais de détermination d'un service
essentiel, on vient prendre en considération que, si cette définition-là
prévaut, que c'est simplement la définition d'un service essentiel,
bien, qu'on ne peut pas retirer aucun des services qui sont donnés aux
résidents présentement sans affecter leur qualité de vie, leur santé ou leur
sécurité.
On aimerait
également attirer votre attention sur le fait que le projet de loi implique
présentement une négociation avec les associations accréditées dans
chaque établissement, je l'ai mentionné tout à l'heure. Et on croit que cette
multiplication de négociations là risque de créer une disparité importante dans
la définition non seulement des critères d'application
de la loi, mais également dans la définition des services essentiels dans
chacun des établissements de santé du Québec.
Ce qui veut dire que, dans un CHSLD x, on pourrait avoir des services
essentiels qui sont déterminés d'une certaine manière puis, dans l'autre
CHSLD à côté, on aurait d'autres services essentiels. Donc, un résident
pourrait se retrouver avantagé ou pénalisé en fonction d'où il a eu la chance
d'être hébergé.
Et j'aimerais souligner également qu'on est,
avec le projet de loi actuel, à la remorque de la coopération des associations accréditées pour uniformiser ce
processus-là de négociation dans l'ensemble du Québec. Ce qui veut dire
que, si le syndicat décide de prendre le
terme «catégorie de soins», le limiter soit par type d'emploi ou soit dans des
définitions plus larges, on est vraiment en fonction de... à leur merci, si on
veut, de déterminer ces critères-là.
Je vais... Si je passe tout de suite à mes
recommandations afin d'être sûr de les dire, dans l'éventualité où la
détermination des services essentiels se fait en excluant une proportion de
salariés à maintenir dans les différents types d'emplois, l'AEPC recommande aux législateurs de décréter que les
services offerts dans les CHSLD doivent être maintenus afin d'assurer le
fonctionnement normal de ces établissements, et ce, au même titre que les
services d'urgence et de soins intensifs.
On recommande
également de maintenir la notion de nombre d'effectifs dans la définition des
éléments à négocier pour le maintien
des services essentiels afin qu'on sache exactement ce qu'on a à négocier avec
les associations accréditées. Et on
recommande également d'instaurer la notion de négociation nationale, dans le
projet de loi, pour le réseau de la santé, afin de limiter les
disparités dans la définition de services essentiels suite à une multiplication
de négociations dans les différents établissements. Merci.
• (11 h 10) •
La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci
pour l'exposé. Nous débutons maintenant la période d'échange. M. le ministre,
la parole est à vous. Vous disposez toujours de 16 min 30 s.
M.
Boulet : Merci pour la présentation, vraiment bien appréciée.
Peut-être juste quelques explications, après ça, je pourrai vous poser
une question.
Mais
effectivement, on introduit l'obligation aux parties de négocier la répartition
des services essentiels en tenant compte
des unités de soins et des catégories de services ou catégories de soins, c'est
quand même une notion qui est nouvelle. Mais d'abord, les catégories, il faut qu'une unité de soins... il faut
bien comprendre que ça réfère aux soins dispensés en établissement et, de façon plus particulière, les
soins intensifs, les unités de gériatrie, les soins prolongés et les soins
palliatifs. La catégorie de services, ça
inclut généralement des éléments qui sont à l'extérieur des soins directs aux
patients, mais qui pourraient potentiellement mettre en danger la santé
ou la sécurité publique s'ils étaient interrompus. Et là ça fait aussi
référence à l'entretien ménager, les services alimentaires, la buanderie, le
transport des patients, et autres.
On ajoute la
catégorie de soins pour s'assurer de couvrir des soins qui ne sont pas
dispensés dans les unités de soins que
l'on retrouve en établissement. Je donne quelques exemples : les soins
infirmiers prodigués à domicile... par exemple, bon, il y a des soins
palliatifs, là, qui sont dispensés à domicile, les soins infirmiers prodigués
dans le cadre de services ambulatoires en
clinique externe, les soins infirmiers prodigués dans le cadre d'un programme
de désintoxication. Je pense que cet
ajout-là de la notion de catégorie de soins permet de tenir compte de
l'évolution des soins et services qui tendent à être dispensés dans un
milieu. Donc, je pense que c'était important de le considérer dans une
perspective de globalité et d'évolution, là, quant à la qualité puis la
quantité des soins.
Je comprends
mal, cependant, quand vous dites : maintenir la notion de nombre
d'effectifs dans la définition des éléments
à négocier pour le maintien des services essentiels. Bon, évidemment, avant, on
parlait de seuil miminum. Dans CHSLD, on référait à 90 %. Là,
est-ce que vous nous dites : Il faudrait maintenir ça comme à 100 %?
M. Brossoit (Hugo) : Bien, en fait, ce qu'on vient recommander,
c'est... parce qu'à notre sens, lorsque le vocabulaire de la loi a été changé, on parlait avant,
justement, de nombre de personnel à maintenir. Pour nous, c'était clair, on
parle d'un nombre. Maintenant, on parle de... on doit négocier, avec
l'association accréditée, quels sont les services essentiels à maintenir. Et, pour nous, c'est une définition qui
est beaucoup plus large et qui pourrait porter à interprétation, donc on
n'est plus nécessairement sûrs.
Et
dans l'éventualité où ce serait simplement quels services essentiels sont à
maintenir, bien, pour nous, c'est évident qu'on ne parle pas simplement d'un nombre. Et pour nous, c'est évident
qu'il n'y a aucun service. On ne peut pas, demain matin, demander à nos cuisiniers, qui sont experts
pour la nourriture et les différentes textures, d'arrêter de fonctionner,
tandis que, quand on parle d'un nombre d'effectifs, bien, on peut dire :
Bien, O.K., les cuisiniers, on va diminuer leur nombre d'heures par semaine, exemple, de 10 %, comme c'était le cas avant.
Et là on pourra dire : Bien oui, ce service-là peut être maintenu, diminué à 90 %. Mais pour nous,
c'est évident que, si on doit déterminer quels sont les services essentiels
à maintenir, l'ensemble des services sont à maintenir.
M.
Boulet : Il ne faut pas oublier que, dans l'affaire Saskatchewan, dont
s'inspire la décision Flageole au Québec, quand on impose des nombres, ou des seuils, ou des pourcentages, c'est
là que, quand on ne laisse pas ça à
l'appréciation d'un tiers indépendant, comme ici le Tribunal administratif du
travail, c'est là qu'on se trouve en contexte de violation potentielle d'un droit fondamental, qui est ici le
droit d'association. Ça fait qu'il faut être prudent. Ça serait
extrêmement risqué d'embarquer dans des
impératifs qui comprennent des nombres. Donc, ça ne m'apparaît pas
envisageable, là, dans le contexte jurisprudentiel que nous connaissons
maintenant.
Je
veux juste vous rappeler, à la lecture... je pense, c'est l'article 12 du
projet de loi, on le verra article par article... ça me préoccupait quand vous disiez : Bien, les
services essentiels peuvent varier d'un établissement à l'autre. Mais on
prévoit, dans le projet de loi, la
possibilité d'un regroupement d'établissements et d'associations accréditées
qui pourront discuter de paramètres, donc des tenants et aboutissants
des services essentiels, et le temps... et, selon le projet de loi n° 33, tenus aussi de considérer ces paramètres-là dans la
définition des services essentiels. Est-ce que ça, vous l'avez considéré?
M. Brossoit (Hugo) : Oui, on l'a considéré, mais comme, effectivement, c'est une... je
vais le dire comme ça, c'est une possibilité, en fait, de le négocier avec les différentes associations accréditées,
je vous dirais qu'encore là, comme on mentionnait,
on est un peu à la remorque, justement, que ces associations-là acceptent qu'on est un regroupement,
qu'ils acceptent que ce soit une seule négociation, justement, pour les établissements,
exemple, pour tous les CHSLD, on fait une seule négociation.
Par
contre, s'ils refusent, s'ils décident, au contraire, de diviser la négociation, c'est là où la disparité peut devenir dangereuse. Puis je pense que les syndicats ont peut-être des gains à faire en
termes d'augmentation de leur droit de grève. Ils sont peut-être
mieux de diviser justement ça, au lieu de le regrouper, justement.
M.
Boulet : Oui, mais, en même temps, notre régime d'accréditation syndicale est basé sur la notion
d'établissement, là, tu sais. Je comprends que les associations patronales ont
souvent tenté de décloisonner, de faire en sorte que les accréditations syndicales puissent être émises
multi-établissement, ou de façon plus régionale, ou de façon plus
nationale.
Mais
moi, je suis quand même un partisan de l'appropriation, par les parties,
de leur milieu de travail. C'est les parties elles-mêmes qui connaissent bien leur environnement de travail, qui sont
en mesure de bien définir ce qui doit être maintenu ou ce qui n'a pas à être maintenu dans le cas de
l'exercice d'un droit de grève. Et ce n'est pas parce qu'il y a cinq établissements
qui font le même type de service que nécessairement, selon moi, les services
essentiels doivent contenir les mêmes, mêmes paramètres. Ça peut varier
d'un établissement à l'autre, dépendamment du profil de la clientèle, du nombre
de patients.
Mais,
selon plein de facteurs, il peut y avoir des variations dans la définition ou
dans l'interprétation à donner sur ce que
constitue un service essentiel. Moi, je suis un partisan de : Il faut
faire confiance aux parties. C'est elles qui, d'abord et avant tout,
doivent discuter... et de convenir d'une liste de services essentiels à
maintenir.
M. Brossoit
(Hugo) : Si je peux répondre...
M. Boulet :
Oui, bien sûr. Oui, allez, allez.
M. Brossoit (Hugo) : Oui, excusez-moi, je ne suis pas très habitué. En fait, si je peux
répondre, je pense que oui, on doit
reconnaître l'autonomie, je pense, des associations accréditées des
établissements de pouvoir négocier. Effectivement, ils sont les mieux
placés pour connaître les réels besoins de leur établissement.
Toutefois,
je pense que le risque, justement, que ces négociations-là... et on peut le
voir, ne serait-ce que dans les négociations
des conventions collectives au niveau des CISSS et des CIUSSS dans le réseau,
il y a toujours des disparités. On a
beau penser que ces disparités-là sont, oui, en fonction de la situation
locale, ça peut être le cas, mais des fois, c'est des disparités qui sont seulement le résultat d'une
négociation, parce que chaque négociation a ses intervenants différents
qui ont chacun leur vision de ce que les soins peuvent être donnés ou de ce que
les besoins peuvent être donnés.
Et,
à mon sens, le risque, justement, de disparité est peut-être trop grand, et je
me verrais bien mal, moi, expliquer à une
famille pourquoi est-ce que, dans son cas à elle, la préposée aux
bénéficiaires, par exemple, est moins présente, sa mère a dû attendre
plus longtemps avant d'avoir des soins, simplement parce qu'elle est dans
l'établissement X au lieu de l'établissement Y, mais... C'est un point.
• (11 h 20) •
M. Boulet : Tout à fait.
Il y a ce risque-là. On est dans le domaine des relations de travail, donc il y
a des dynamiques humaines. Il ne faut pas oublier que le Tribunal
administratif du travail pourra même intervenir, tu sais. S'il n'y a pas d'entente entre les parties, il y a une liste, comme vous le savez, qui est soumise
par la partie syndicale, mais même ça, à la limite, même si c'est entériné par le tribunal, il pourrait revenir si,
dans les faits, de façon concrète, ça s'avère être insuffisant. Ça fait
qu'il y a vraiment un modèle qui nous permet de s'adapter à la réalité
particulière.
Mais
moi, je pense que, tu sais, l'uniformité... je pense que l'unité dans la
diversité est un concept de loin préférable à une espèce d'uniformité qui est imposée à tout le monde en fonction de services essentiels qui devraient être maintenus dans l'établissement X. L'établissement Y peut être confronté à des réalités humaines,
sociales ou autres qui sont totalement différentes.
Là, à tout le moins, on laisse la liberté aux parties de s'entendre,
de négocier. On donne même l'autorité au Tribunal administratif du
travail de déléguer une personne pour aider les parties à négocier. Encore une
fois, il y a une diversité de réalités, il
faut s'adapter. Je pense qu'il faut s'adapter, puis c'est une... En même temps, il ne faut pas non plus nier l'exercice du droit de grève dans
les établissements.
Bien,
écoutez, moi, j'ai pris note de vos commentaires, puis j'apprécie comment vous les soumettez,
puis on va certainement faire une réflexion additionnelle sur ce que vous
nous avez exposé. Moi, ça compléterait, Mme la Présidente.
La
Présidente (Mme IsaBelle) :
Ça complète? Parfait. Est-ce qu'il y
a d'autres interventions? Non? Alors, merci pour l'échange intéressant.
Nous y allons donc
avec l'opposition officielle, avec le député de Vimont. Vous disposez de
11 minutes.
M.
Rousselle : Merci, Mme la Présidente. Mme Lavoie, M. Brossoit, Mme Marcil, merci d'être ici,
de un, de vous avoir déplacé, et, de
deux, d'avoir fait un mémoire d'une manière assez rapide, là. En tout cas, on l'a eu avant, donc on a pu justement se nourrir de vos commentaires, et tout. Donc,
merci, puis... sachant que c'est un travail souvent qui demande des
petits rajustements.
C'est
parce que... Je regardais, justement, vous avez tellement... vous représentez tellement
beaucoup de monde, donc... puis 7 000 personnes
qui reçoivent de vos soins, donc on parle de beaucoup de monde qui travaille
chez vous.
Oui,
c'est une nouvelle définition, on le
sait tous, donc ajustements. Quand il y a une nouvelle définition, ça
change des manières de faire, mais, comme le
ministre l'a mentionné, bien, c'est... je pense qu'on était rendu là aussi,
hein? Il faut s'ajuster avec le temps puis il faut modifier des choses.
Vous
avez parlé, M. Brossoit, comme quoi c'est une loi primordiale. Moi, je pense
que oui, c'en est une, parce qu'on parle de gens qui ont besoin des
soins. Et puis, comme je le disais plus tôt à l'autre groupe, je peux vous en
parler personnellement, j'ai des parents qui
en ont besoin, des soins, donc je suis vraiment... on parle ici, côté humain,
quand on parle d'un CHSLD ou quoi que
ce soit. C'est des gens qui sont soit en fin de vie ou soit qui ont des besoins
particuliers. Et oui, effectivement,
vous avez raison, le moindrement qu'on bouge un petit peu quelque chose de leur
quotidien, ça peut déranger beaucoup de choses. Ça, je suis très
conscient.
Je
suis conscient de ça, mais aussi je suis conscient aussi qu'il y a un droit de
grève puis un droit de lock-out qui existent,
puis moi, je crois beaucoup à ça, parce que c'est ça qui amène, à un moment
donné, le juste milieu. Ce n'est pas toujours
évident d'avoir le juste milieu, hein? À un moment donné, on est porté à tomber
sur un bord ou de l'autre, mais je pense,
le travail qu'on fait ici, c'est d'essayer justement de trouver le juste milieu
pour que tout le monde puisse se trouver correct là-dedans, autant les
gens que vous desservez, donc les gens qui ont besoin de soins, mais aussi vos
travailleurs.
On
le sait qu'on est dans une pénurie d'emplois actuellement, donc vous devez
avoir des problèmes, sûrement. Parce que
j'en entends parler, il y a des gens qui viennent à mon bureau de comté, puis
j'en entends souvent parler, et justement la négociation aussi est
importante pour eux, parce que c'est peut-être avec cette négociation-là que
vous allez pouvoir justement les garder à votre emploi, qu'ils ne pourront
pas... qu'ils n'iront pas ailleurs, comme je vous parlais.
Vous
parlez de pourcentage, puis je suis le même questionnement que M. le ministre vous a posé. J'ai eu l'impression comme quoi vous dites : Écoutez,
dans le fond, il ne faut pas que je touche à aucun de mes
services pour donner un service correct à mon monde. La première idée
qui me vient en tête, puis je relie ça avec pénurie d'emplois :
Marchez-vous au minimum?
M. Brossoit (Hugo) : Bien, je vous dirais que, d'entrée
de jeu, oui, la pénurie de main-d'oeuvre, on la ressent tous les jours. Je pense que des gens comme Mme Marcil
pourraient en témoigner facilement de l'effort qui est fait tous les jours de
s'assurer d'avoir le personnel nécessaire
pour donner des soins de qualité aux résidents dans les CHSLD privés
conventionnés. On le vit tous les jours. C'est un combat, en fait, de tous les
jours, de s'assurer que ce soit le cas.
C'est sûr
que le droit de grève, je pense que vous avez raison qu'il faut absolument
s'assurer de le respecter puis de trouver
le juste milieu là-dedans. Nous, on met de l'avant comme quoi, évidemment,
dans toute cette balance-là, il faut toujours regarder, justement, qu'en
premier lieu, ce qui est le plus important pour nous, ça va toujours demeurer
les soins qui sont donnés aux résidents.
Et,
en fonction de la pénurie, comme vous mentionnez, c'est sûr
et certain que le droit de grève, on doit se dire : Bon, bien, aujourd'hui, on avait un droit de grève qui était planifié,
on avait quelqu'un qui devait quitter, exemple,
une heure, pour respecter son droit
de grève, mais là, oups, on a deux absences le matin. Est-ce que,
finalement, on est capable de fonctionner?
Est-ce qu'on est toujours capable de fournir ces services essentiels là aux
résidents dans les circonstances? Si on a à trancher, moi, je vais trancher à 100 %, tout le temps, à dire :
Malheureusement, c'est le soin aux résidents qui doit être donné. Il n'y
a pas de doute là-dessus.
M.
Rousselle : Pour maintenir, justement, les services que...
puisqu'on parle de services essentiels, effectivement, j'ai eu... parce que les gens, je pense que là, au
niveau syndical, ça a changé. La mentalité, en tout cas, dans le temps que
j'en faisais, là, je
pense que ça a évolué, ça a changé et sur le côté patronal aussi. Je pense que
les gens sont comme plus conscients
des besoins, surtout les gens qui travaillent au milieu de la santé, souvent,
vont avoir un côté plus réaliste aussi aux besoins des gens, puis ils
vont l'analyser différemment.
En
tout cas, à moins que j'ai mal compris, mais vous sembliez avoir un doute sur
la négociation que vous allez avoir avec patronat et syndicat pour en
arriver à une entente pour donner des bons services aux gens que vous
desservez.
M. Brossoit
(Hugo) : Bien, en fait, moi, je ne remets absolument pas en doute la
bonne foi des associations accréditées. Pour
avoir eu l'occasion de négocier avec eux à plusieurs reprises, je pense que
tout le monde est capable de s'entendre, justement, sur les principes à
respecter dans le cadre d'une négociation.
Par
contre, là où je disais qu'il pouvait y avoir des problématiques, c'est que je
pense que chaque négociation a sa réalité
propre, a son ambiance, a ses intervenants qui sont différents. Donc, là où les
difficultés peuvent apparaître, c'est que dans la multiplication de ces négociations-là et dans certains termes...
M. le ministre, tout à l'heure, est venu nous définir sa vision de ce qui est une catégorie de services ou
une catégorie de soins, mais ces définitions-là ne se retrouvent pas
dans la loi, ce qui veut dire qu'à la base
il va falloir qu'on s'entende, est-ce que la définition que le ministre donnait
tout à l'heure, c'est effectivement ça, une catégorie de soins pour
l'association accréditée ou est-ce que c'est quelque chose d'autre. Est-ce que le syndicat ne pourrait pas déterminer,
dire : Bien, moi, une catégorie de soins, c'est mon technicien en
loisir, en CHSLD. Les loisirs sont une
catégorie de soins en soi. Et donc, on se retrouve à dire : Bon, bien, on
doit négocier seulement pour le technicien en loisir en CHSLD.
Donc,
la difficulté dans la négociation... dans les termes qui peuvent, selon nous,
être interprétables et également la multiplication de ces
négociations-là par établissement.
M. Rousselle :
Je vais laisser la place à ma collègue de Fabre.
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Alors, la parole est au député de Fabre.
Mme Sauvé :
Merci, Mme la Présidente. Merci, collègue de Vimont. Alors, merci pour votre
présentation. Je suis très sensible à
la qualité des soins aux aînés dans les CHSLD. Alors, merci d'être présents et
pour votre mémoire également.
Je
reviens à ce que vous avez dit tantôt puis je suis en réaction et très sensible
à ce que vous venez de dire, il y a quelques
minutes, dans la volonté de tous de tendre vers l'équilibre entre l'exercice du
droit de grève et, bien sûr, assurer les soins essentiels. La pénurie est vraiment au coeur de ça, puis, quand je
regarde votre recommandation 2, de dire l'importance de mettre le nombre d'effectifs, dans le fond,
vous voulez vous assurer qu'il y a un nombre minimal, il y a un seuil
plancher pour la qualité du service
essentiel. Et, comme il y a pénurie, bien, si vous avez un choix difficile et
déchirant à faire, vous allez assurer
les services essentiels. Vous l'avez dit, là, c'est vraiment important, malgré
votre bonne intention de vouloir tendre
vers l'équilibre, il y a une réalité de services essentiels aux aînés qui doit
être respectée à tout prix, et ça vous honore.
Moi,
je veux vous demander, puis je vais parler de pénurie, dans le fond, quand le
gouvernement annonce des bourses pour
former les préposés, c'est... en fait, c'est 2 000 bourses par année, donc
10 000 bourses, puis on prévoit qu'il y aura 32 000 préposés nécessaires d'ici cinq ans.
On n'est pas en train de régler la situation. Ça fait que je veux juste
m'assurer que votre préoccupation, c'est
celle-là, en lien avec la pénurie, de dire : Comment on va assurer
l'équilibre entre, oui, le droit de grève auquel... bien sûr, qu'on
doit honorer, et assurer des services essentiels dans un contexte de pénurie?
C'est ça, votre préoccupation.
• (11 h 30) •
M. Brossoit (Hugo) : C'est sûr que, dans le
contexte actuel, on ne peut absolument pas diminuer l'impact de la pénurie de main-d'oeuvre sur l'exercice des services essentiels,
l'exercice du droit de grève. Et oui, au final, oui, ça fait partie de
nos préoccupations, parce
que la pénurie, malgré les efforts du
gouvernement, on va tous les prendre, les petites choses
qui peuvent nous aider à recruter plus de
préposés aux bénéficiaires. Mais malgré tout, dans les mois qui vont suivre,
les négociations qui vont venir, la pénurie ne sera pas réglée à court
terme. Donc, c'est sûr et certain que c'est une préoccupation.
Mme Sauvé :
O.K., parfait. Merci. Oui?
Mme Marcil
(Carmen) : ...quand on parle
de la définition de la catégorie, que c'est très important... parce que
quand on dit... Tantôt, M. Brossoit donnait l'exemple, quand on arrive le
matin, on est à moins deux préposés sur une unité où, normalement, il y en a six. Vous comprendrez qu'on est dans les soins de
base, de vie essentielle, qu'on veut au moins qu'ils puissent tous
manger chaud, c'est un droit, bien là, on va aller utiliser, dans le quotidien,
des gens d'une autre catégorie d'emploi pour
venir assurer ce service de base là qui est d'avoir un repas à une heure
adéquate et chaud pour tout le
monde.
Donc,
on va utiliser la technicienne en loisirs, on va utiliser l'éducatrice
spécialisée pour venir compenser. Mais si ces catégories-là... si on les définit par catégorie d'emploi, bien là...
puis qu'on dit qu'eux autres, ils ne sont pas essentiels parce que
c'est des loisirs, on n'est pas dans
les soins vitaux, bien là, on vient de multiplier le service... le risque de
sécurité pour nos résidents puis la
qualité des services qu'on veut normalement leur donner. Si je peux faire une image, là,
c'est pour ça que la notion de
catégorie, la définition principale, que tout le monde s'entende sur
c'est quoi qu'on... à quoi on réfère quand on parle de ça.
Mme
Sauvé : Mais je vous entends
très bien. Merci pour cette nuance. Puis j'ai entendu le ministre
aussi qui était sensible tantôt à
entendre votre discours. Alors, c'est une réalité dont on va tenir compte parce qu'il est question de compétence aussi associée aux services essentiels. Alors, merci
beaucoup pour vos réponses. On est très sensibles à ce que vous dites.
Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Il
vous reste 25 secondes, si vous le voulez.
Mme Sauvé : C'est
parfait.
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, nous cédons la parole au député
d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous disposez de 2 min 45 s.
M. Leduc : Merci beaucoup. Bonjour,
bienvenue. Merci d'être là.
J'ai été touché par votre paragraphe à la page
6, à la toute fin, quand vous faites un plaidoyer qui dit que l'ensemble des travailleurs dans vos établissements
font partie de la mission intégrale, dans le fond. Ils sont au coeur de votre mission, puis ça, je suis d'accord, puis je
fais un petit aparté pour dire : J'ai toujours traité... toujours trouvé
un peu dommage des jugements qui
permettaient des sous-traitances qui étaient basées sur le fait que ce n'était
pas au coeur d'une mission. Tu sais,
des fois, il y a des ententes qui sont faites pour dire : Ah! bien, le
ménage, ça, ça peut être sous-traité parce que ce n'est pas au coeur de
la mission.
Alors, moi,
je trouve que votre approche de dire : Tout le monde à l'intérieur est
important, c'est important. Alors, je ne sais pas si vous, vous faites
affaire avec des sous-traitants, parfois, dans certains domaines.
Mme Lavoie
(Annick) : Ça peut arriver.
À l'occasion, on va avoir peut-être le service alimentaire qui peut être
donné à l'extérieur ou l'entretien de la buanderie. Ça peut arriver.
M. Leduc : Qui ne serait pas, donc,
dans ce coeur-là que vous définissez, de gens qui sont essentiels.
Mme Lavoie (Annick) : Pour certains établissements,
effectivement, oui.
M.
Leduc : Je comprends. Ma question,
vous l'avez peut-être entendue, celle que j'ai posée à vos collègues
qui sont passés plus tôt. Je vais vous la reposer.
En fait, j'ai
un passé syndicaliste. J'ai encore des amis beaucoup là-dedans,
et on m'a informé, puis j'aimerais ça vous
entendre là-dessus, que dans l'ancienne loi, la façon dont c'était
écrit avec des pourcentages fixes, faisait en sorte que dans certains cas, pas systématiquement, mais dans certains cas, l'application de la loi des services essentiels faisait
en sorte que, dans une grève, il y avait plus de monde sur le plancher qu'en
temps régulier. Est-ce que vous confirmez cette information-là? Est-ce que
c'est déjà arrivé dans votre réseau?
M.
Brossoit (Hugo) : Moi, je
vous dirais que... Ah! en tout cas, si on regarde la réalité d'aujourd'hui, l'effort de maintenir les
services essentiels, les services qui sont minimaux, là, pour s'assurer que tout le monde ait une qualité de vie décente
en CHSLD, c'est un effort de tous les jours. Le fait de dire, si on prend
l'ancienne application de la loi, dire : On maintient à 90 %, aujourd'hui, ça n'aurait pas l'impact de dire : Ah! bien,
c'est sûr, aujourd'hui, là, on va s'assurer de respecter la loi, on va... 90 % des gens et on va
augmenter, finalement, le personnel qui est présentement sur place, je vous
dirais que non, ce n'est pas la réalité.
Mme Lavoie
(Annick) : J'ajouterais
peut-être que, comme on mentionnait d'entrée de jeu, ils ont besoin...
leur état de santé requiert des services intensifs et soutenus en continu.
Donc, la notion d'avoir trop de personnel est évacuée, là, par ce besoin
intensif.
M. Leduc : Peut-être une dernière question,
rapidement.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
14 secondes.
M. Leduc : Vous dites que ce n'est
pas la réalité, mais est-ce que vous dites que ça n'arrive jamais?
M. Brossoit (Hugo) : Je vous dirais
que présentement, ce ne serait pas ce qui arrive.
M. Leduc : Merci.
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Très bien.
Merci. Merci pour l'échange pertinent. Alors, merci à Mme Lavoie,
Mme Marcil et M. Brossoit.
Nous allons
suspendre les travaux jusqu'à approximativement 15 h 30 ou soit après les affaires courantes. C'est bien. Merci. Bon dîner à tout le monde.
(Suspension de la séance à 11 h 36)
(Reprise à 15 h 30)
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, bonjour, tout le monde. Alors, nous sommes de retour. La Commission de l'économie
et du travail reprend donc ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans
la salle qui ont un appareil électronique de bien éteindre la sonnerie.
Nous poursuivons les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 33, Loi modifiant le Code
du travail concernant le maintien des services essentiels dans les services
publics et dans les secteurs public et parapublic.
Nous
accueillons, cet après-midi, la Confédération
des syndicats nationaux avec
M. Létourneau, MM. Jean et Laurin. Je vous souhaite la bienvenue. Vous savez que vous avez 10 minutes
pour faire votre exposé, et ensuite on commencera la période d'échange
avec les députés et ministre. Je vous demande de vous présenter avant de
commencer votre exposé.
Confédération des syndicats
nationaux (CSN)
M. Létourneau
(Jacques) : Bien. Alors, Jacques Létourneau, président de
la CSN. Vas-y, Benoit.
M. Laurin
(Benoit) : Benoit Laurin, du service juridique de la CSN.
Bonjour.
M. Jean
(Pascal) : Pascal Jean, je suis adjoint au comité exécutif de la CSN.
M. Létourneau (Jacques) : Alors, bien, merci, Mme la Présidente. M. le ministre, messieurs dames les
députés, ça nous fait extrêmement plaisir d'être ici, cet après-midi, pour être entendus sur le projet de loi n° 33. Benoit s'est présenté, mais, si c'est moi qui l'avais présenté, j'aurais
ajouté que c'est lui, devant la CRT, qui a plaidé le recours des syndicats
affiliés, à l'époque, à la CSN, qui a mené à
la décision Flageole et qui explique la raison pour laquelle nous nous
retrouvons ici aujourd'hui. Donc, dans la période d'échange, gênez-vous
pas, on a celui qui a porté de long et en large le dossier. Mais avant, bien sûr,
d'échanger, vous faire peut-être une ou deux remarques générales, puis, après ça,
je ferai le tour des modifications qu'on souhaiterait voir au projet de
loi.
Évidemment,
comme je viens de le dire, c'est un projet
de loi qui est le fruit d'une longue
bataille juridique qui a quand même duré deux ans et une trentaine de jours
d'audition. Et il faut comprendre que, pour la CSN, on est une organisation
syndicale qui, bien sûr, représentons des
travailleuses et travailleurs dans le secteur public québécois,
particulièrement dans le réseau de la
santé et des services sociaux, et on en représente dans toutes les catégories
d'emplois puis dans tous les secteurs d'activité.
Donc, c'est un débat qui nous intéresse, bien sûr, comme représentants des
travailleuses puis des travailleurs, mais on est aussi une organisation
syndicale qui intervenons régulièrement sur des questions liées aux politiques
publiques adoptées par les gouvernements parce qu'évidemment nos travailleurs
sont aussi des citoyens et des citoyennes.
Alors,
il faut dire que, comme organisation syndicale, ça fait plusieurs années qu'on
dénonce ou qu'on décrie un peu l'absurdité
de l'application des pourcentages dans la définition des services essentiels au
Québec. Étant moi-même préposé aux
bénéficiaires pendant des années à l'hôpital Charles-LeMoyne, j'ai vu des
conflits de travail où il y avait plus de monde qui travaillait pendant
les conflits qu'en temps normal, et ça, c'était à une époque, quand même... on
parle d'il y a une vingtaine d'années, là.
Alors, imaginez aujourd'hui, avec toutes les mesures de restructuration, les
compressions budgétaires qui sont appliquées dans les grands réseaux,
c'est clair que, comme organisation syndicale qui défendons des principes fondamentaux comme celui du droit de grève dans
l'exercice d'une donnée... du renouvellement de convention collective,
on a, à plusieurs reprises, dénoncé
justement ce fameux principe des pourcentages, de là évidemment les recours qui
ont été pris par quatre syndicats, à l'époque et qui ont fait l'objet,
là, de la décision du CRT.
Je
pense que c'est important aussi, pour
nous, de saluer le projet de loi. On entend le ministre du Travail, à plusieurs reprises, nous dire qu'au Québec il y a des fondamentaux comme
le dialogue social qui repose sur la négociation collective entre les patrons et les syndicats. Je pense que,
dans la façon dont s'articule le projet de loi... puis vous allez voir les
petites modifications qu'on propose, parce
qu'il n'y a rien de fondamental dans ce qu'on propose. On propose plutôt de
clarifier des ambiguïtés qui pourraient être
introduites par le projet de loi et de clarifier la portée de la loi. Mais,
pour nous, et ça s'inscrit tout à fait dans l'esprit présenté par le ministre du Travail depuis l'élection de la CAQ, nous, on croit au dialogue social, on croit à la
négociation collective puis on pense que les relations entre
les parties, c'est-à-dire entre les employeurs puis les syndicats, ça peut bien sûr déterminer c'est quoi,
les conditions de travail mais aussi les conditions d'exercice, par
exemple, dans le réseau de la santé et des
services sociaux, quand il y a des moyens de pression ou qu'il y a une grève,
de déterminer, en fonction de la réalité du milieu de travail, ça doit
être quoi, les services essentiels. Donc, dans ce sens-là, la CSN accueille
très positivement la loi.
Maintenant,
vous allez le voir dans notre mémoire, là, puis on pourra échanger là-dessus,
mais il y a effectivement cinq recommandations que nous adressons. D'abord,
il y en a une qui vise à biffer, à l'article
111.0.17, là, la demande d'une personne
intéressée devant le Tribunal
administratif du travail. Nous, comme
je viens de le dire, on pense que les relations de travail,
les conditions de travail, la
détermination de l'organisation du travail, ça doit se faire entre les parties,
donc entre un syndicat et un
employeur. Et on pense que, si on introduit une notion de personne intéressée,
on comprend très bien qu'est-ce qui
est visé par le projet, ça pourrait alourdir les processus. Parce que, tu sais,
négocier les services essentiels, là, il va falloir toujours bien s'asseoir avec les employeurs pour
déterminer, dans tel département, dans telle catégorie, on a besoin,
alors que peut-être, dans d'autres
départements ou dans d'autres catégories, on n'a pas besoin d'assurer des
services essentiels à 80 % ou à 90 %. Donc, si vous
introduisez, devant le TAT, des personnes intéressées par la question, ça
pourrait alourdir le processus. Donc, nous,
on pense que ça doit reposer sur les relations entre le syndicat et l'employeur
ou la partie patronale.
La deuxième
recommandation, c'est de biffer la notion d'entreprise. Bon, le code prévoit
clairement, là, c'est qui qui est assujetti
aux dispositions concernant les services essentiels. Je vous avoue que, quand
on a préparé notre mémoire, on s'est
demandé de quelle entreprise on parle. On parle de quoi? On parle d'une
commission scolaire? On parle de services de garde? On parle de CPE? Bref, on trouve ça un peu large comme
interprétation. Et, si tu te retrouves devant le Tribunal administratif du travail avec l'inclusion de
nouvelles personnes désignées par l'application de la loi, ça pourrait poser
un problème. Donc, on dit : Biffons-le
ou disons clairement à qui ça s'adresse pour être capable de voir si c'est
gérable ou pas gérable dans l'application de la loi.
L'autre
recommandation, rapidement, qui est tout à fait en phase avec l'arrêt
Saskatchewan, c'est d'intégrer les gestionnaires
puis les administrateurs dans la détermination des services essentiels. Dans la
pratique, ça existe déjà, et nous, on
pense que, si on veut être conforme à la réalité de comment doivent s'organiser
les services essentiels, en fonction de ce que l'arrêt Saskatchewan
prévoit, c'est de les inclure.
Il y a deux
autres recommandations que nous souhaitons. D'abord, c'est de conserver un seul
délai de sept jours pour le déclenchement d'une grève. Ça peut paraître
un peu technique, là, mais actuellement, si vous fixez une date de déclenchement de la grève au 8 septembre,
vous devez donner un avis le 1er, puis, si jamais vous changez, en cours
de route, la journée d'application de la
grève, c'est un délai supplémentaire de sept jours qui doit être donné. Donc,
nous, on juge que ça devient, disons,
au niveau de l'application, là, quelque chose d'extrêmement lourd. On pense
qu'il ne devrait... avoir un seul délai de sept jours.
Et la
dernière recommandation, elle peut paraître technique, mais, pour nous, elle
est quand même importante, c'est que l'article 22 de la loi prévoit
que la négociation des services essentiels débute aussitôt que la loi va être
sanctionnée. Nous, on souhaiterait le 1er
janvier 2020, parce qu'on ne sait pas, d'abord, quand est-ce qu'elle va être
sanctionnée, puis vous n'êtes pas
sans savoir, M. le ministre, qu'on s'en va vers la prochaine négociation du
secteur public, donc il va y avoir quand même une transition à faire,
des adaptations à faire. Donc, si on veut être sûr qu'on est capables de faire correctement les affaires au niveau de
l'application des services essentiels, au niveau de la négociation dans les
établissements, on devrait l'appliquer au 1er janvier 2020.
Je vous avais
dit que je ferais ça en cinq minutes, vous m'avez montré deux minutes, je pense
que j'ai fait mon temps.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Il
vous resterait quand même 1 min 30 s.
M. Létourneau (Jacques) :
On peut commencer la période de questions.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
...pour votre exposé. Merci. Alors, nous allons débuter la période d'échange.
M. le ministre, la parole est à vous. Vous disposez de
16 min 30 s.
• (15 h 40) •
M.
Boulet : Merci, M. Létourneau. Merci à... félicitations, Me Laurin,
pour votre succès dans ce dossier. Je
savais que vous étiez impliqués dans ce
recours. Et bienvenue, M. Jean. Merci pour vos commentaires qui sont extrêmement appréciés.
Juste poser peut-être
quelques questions pour obtenir des précisions. 111.0.17, M. Létourneau, est-ce
que vous référez au premier, ou au deuxième paragraphe, ou les deux
paragraphes?
M. Jean
(Pascal) : Bien, c'est ça,
notre mémoire fait l'objet de cinq recommandations, M. Létourneau l'a dit. Ce qui fait référence à la partie intéressée, on la
retrouve à plusieurs articles, comme on le voit dans notre recommandation n° 1,
c'est énuméré. Et la recommandation 2, qui est la notion de l'entreprise, c'est au deuxième paragraphe du nouveau
111.0.17.
M.
Boulet : Mais c'est parce
que 111.0.17, le premier paragraphe vise un service public tel qu'apparaissant
et tel que défini à 111.0.16, alors
que le deuxième paragraphe vise une entreprise qui n'est pas définie dans la
notion de service public et à l'égard
de laquelle une personne intéressée pourrait prétendre et vouloir faire des
représentations qu'un conflit, qu'une grève
pourrait porter atteinte à la santé et sécurité publique, d'où ma question.
Mais je comprends, là, votre réponse que vous vous intéressez aux deux
points ou... Me Laurin, vous avez une précision.
M. Laurin
(Benoit) : Oui, tout à fait. Alors, bien, c'est deux éléments différents. Alors, la question
de la personne intéressée se retrouve
effectivement au premier alinéa, et au second alinéa, et à deux
autres articles qui se retrouvent un petit peu plus loin dans la loi.
Évidemment,
pour le premier alinéa, comme pour le deuxième au demeurant, parce que c'est la
même notion de personne
intéressée, nous, on pense qu'évidemment, «personne intéressée», on pense que ça vise des
groupes d'intérêts qui se
présenteraient devant le Tribunal
administratif pour faire des représentations concernant les services
essentiels. Mais je le sais, pour en avoir vécu quelques fois à l'ancien
Conseil des services essentiels, aussi pertinent soit-il d'entendre ces personnes intéressées là, généralement, ces
gens-là ne connaissent pas la réalité sur le terrain, c'est-à-dire ne
connaissent pas les nécessités de l'entreprise en termes de services
essentiels.
Et c'est la
raison pour laquelle, à tout le moins, en raison du premier alinéa, la
suggestion, c'est d'enlever la notion de partie intéressée, comme au
second alinéa au demeurant.
M.
Boulet : O.K. Merci de vos commentaires, Me Laurin. Je vais profiter
de l'opportunité qui m'est offerte pour bien préciser ce qu'est une
personne intéressée, on ne réfère pas à des groupes d'intérêts quelconques. Le
TAT, le Tribunal administratif du travail
aura la faculté d'apprécier et de se prononcer sur l'intérêt de cette
personne-là qui a des critères qui sont bien connus et établis par la
jurisprudence.
Là, vous
acquiescez, Me Laurin, mais c'est important de le redire, il y a trois éléments
que le TAT doit considérer pour
déterminer si c'est une personne intéressée. Ce n'est pas n'importe qui, là,
sur le coin de la rue, là. Il faut que la personne démontre qu'elle a un intérêt direct, personnel et
actuel; deux, qu'il y a une question sérieuse qui doit véritablement
être résolue par le tribunal; puis enfin, le
troisième critère qui m'apparaît vraiment fondamental, c'est que cette
intervention-là doit être acceptée
uniquement lorsque la personne démontre que ses droits sont directement
affectés par la grève qui est déclenchée.
Donc, c'est sûr que le corridor est extrêmement étroit et cette notion-là de
personne intéressée, elle existe de façon commune et courante dans la
législation en matière de relations de travail.
Je
m'en vais à la troisième recommandation, quand vous dites qu'il faudrait, M.
Létourneau, tenir compte des gestionnaires dans la détermination des services
essentiels. Il me semble que la CSN a intenté un recours sur cette notion-là. Est-ce que c'est actuellement devant
les tribunaux? Et, si c'est le cas, j'aimerais mieux ne pas trop en
débattre, et, si c'est le cas,
j'aimerais ça connaître devant quel tribunal ce recours-là a été intenté. Je ne
sais pas si, Me Laurin, vous êtes informé de ça.
M. Laurin (Benoit) : Bon, alors, à la suite du jugement du commissaire Pierre Flageole,
enfin, il y a deux choses qui lui étaient demandées, c'était de déclarer inopérants la question
des pourcentages et il lui était également demandé d'invalider l'ancien article
111.10, en raison du fait que seuls les salariés de l'unité de négociation
étaient appelés à donner une prestation en termes de services essentiels. Donc,
on lui a demandé ça.
La
réponse que le commissaire nous a donnée, semble-t-il que les dispositions actuelles du code permettent qu'on puisse utiliser les gestionnaires et les administrateurs. Mais je dois
avouer bien candidement que l'opinion qu'il avait formulée était à l'encontre
d'une jurisprudence assez unanime de l'ancien Conseil de services essentiels
sur cette question-là.
Alors,
effectivement, la question a été resoumise à la Cour supérieure. Il y a effectivement un
recours qui a été déposé. Alors, quand on a l'a signifié, le Procureur
général l'a appelé un recours mammouth. Alors, il est effectivement assez volumineux, et la question est effectivement
redemandée à nouveau à la Cour supérieure. Mais il nous semble que
notre... enfin, la compréhension commune
qu'on avait du jugement Pierre Flageole, c'est que les gestionnaires et les
administrateurs devaient participer à l'effort des services essentiels tant et
si bien que ces personnes-là devaient quand même subir les pressions du conflit
de travail.
Alors,
le projet de loi utilise le terme «le nombre de salariés», alors je pense que
ça peut porter à confusion sur cette question-là
tant et si bien qu'il serait vraisemblablement opportun, et utile, et pertinent
de mentionner, dans le projet de loi, que les gestionnaires et les
administrateurs doivent participer à l'effort des services essentiels.
M. Boulet : O.K. Ça va. Donc, par respect pour la Cour supérieure, qui est notre
tribunal concerné par ce recours-là, je vais éviter de faire des
commentaires additionnels, mais je comprends bien le point que vous soumettez.
Quatrièmement,
la quatrième recommandation... Vous savez que, dans notre projet de loi, on a
modernisé la définition de services publics, on a enlevé notamment les
agences de services de santé et de services sociaux. Vous savez, depuis
l'intégration, la création des CIUSSS et des CISSS, ce n'était plus opportun ni
approprié. On a enlevé aussi l'entreprise de
téléphone. Et il nous apparaissait que cette définition-là pouvait être
considérée comme étant restrictive et qu'elle pouvait, dans certains cas particuliers, être élargie à des
entreprises où une grève pourrait porter atteinte à la santé et sécurité
publique, d'où l'importance pour nous d'élargir cette définition-là. Est-ce que
vous avez un commentaire à faire sur ce point-là?
M. Laurin
(Benoit) : Je vous ai entendu parler de la quatrième recommandation.
Vous voulez dire plutôt la recommandation n° 2? Le
deuxième alinéa de l'article 111.0.17?
M. Boulet :
Exact, oui.
• (15 h 50) •
M. Laurin (Benoit) : Oui, effectivement, comme M. Létourneau l'a dit, la proposition ou
la recommandation de la CSN, c'est
effectivement de biffer ce deuxième alinéa, effectivement, en fonction du fait
qu'une entreprise qui n'est pas visée
par l'article 111.0.16 pourrait, comme le tribunal pourrait le faire
également, pourrait effectivement demander au tribunal d'être assujettie
aux services essentiels et être assimilée à un service public.
Alors,
c'est effectivement, à notre avis, un élargissement qui n'est quand même pas banal.
Je comprends les propos que vous avez
tenus tantôt sur la personne intéressée, mais est-ce que... Par exemple, dans
la notion que vous dites, est-ce qu'un
centre de la petite enfance ne serait pas alors une partie intéressée? Est-ce
qu'un service de garde, dans une commission scolaire, ne serait pas une
partie intéressée pour les fins de demander des services essentiels?
Alors, c'est la
raison pour laquelle on pense que la liste exhaustive qui est prévue à 111.0.16
suffit amplement. Il n'y a pas eu de
problème, historiquement, sur la liste exhaustive de 111.0.16. Le vécu de cette
disposition-là fait en sorte que, comme je le dis, aucun problème n'a
été soulevé et que ça pourrait justement être une occasion pour des groupes d'intérêt, là, excusez-moi si je reprends le
terme, ou enfin des parties intéressées à un conflit où ces gens-là seraient
d'avis que, tu sais, ils devraient être
soumis à des services essentiels. Alors, en ce sens-là, on pense en réalité
qu'on devrait biffer le paragraphe.
Et
je finirais... simplement une observation. Alors, on permettrait à un tribunal
d'assimiler une entreprise à un service public. On est tout à fait
d'accord à élargir les pouvoirs du Tribunal administratif du travail, mais
vraisemblablement, probablement, à un moment
donné que ça prend des limites. Et je m'exprime ainsi : En droit international, lorsque vient le temps de déterminer si des entreprises devraient
être soumises à des services minimums ou des services essentiels, le
Comité de liberté syndicale est plutôt
d'avis que les pouvoirs publics, les associations d'employeurs et les
associations de salariés devraient se rencontrer et tenter d'en arriver
à un accord sur ce que constitue un service public.
Alors,
autrement dit, c'est une forme de discussion, négociation entre les parties
prenantes, où, à l'issue de cette négociation-là, il y aurait
vraisemblablement une forme d'acceptabilité qui permet alors aux législateurs
d'intervenir et de ne pas laisser le Tribunal administratif faire des
déclarations d'assimilation d'une entreprise à un service public.
M.
Boulet : Je ne suis pas
certain, Me Laurin, de bien comprendre la compatibilité entre votre position à
l'effet que la définition est suffisante en soi, qu'on ne devrait pas
permettre de l'élargir, et, en même temps, dire que les parties elles-mêmes
pourraient s'entendre pour dire que c'est un service public, à la limite, qui
requiert le maintien des services essentiels en cas de grève. Je pense que ce
n'est pas compatible, ceci dit avec respect.
Et je veux simplement préciser que
cette définition-là, elle doit être évolutive et pouvoir s'adapter en fonction de l'évolution de la nature de la prestation des services, notamment
dans les services de santé. Puis je vais vous donner juste quelques exemples et qui vont vous faire comprendre pourquoi on
veut que le TAT, qui est un tiers indépendant... et ça, c'est tout
à fait respectueux de la décision Saskatchewan et de la décision dans l'affaire Flageole, vous le savez très
bien.
Mais,
par exemple, des services de transport des personnes
handicapées par véhicule, ce n'est pas dans la définition de service
public, et une grève peut avoir pour effet de porter atteinte à la santé et
sécurité publique. Les organismes communautaires
qui ne sont pas des établissements de santé et services sociaux peuvent, dans
certains cas, dépendamment de la
spécificité de l'organisme communautaire... s'il y a une grève, ça risque de
porter atteinte à la santé et sécurité publique.
Il y a des entités
qui offrent des services d'hébergement sans être des établissements de santé ou
de services sociaux. Je pense beaucoup
aux offices municipaux d'habitation,
puis les centres de désintoxication, on en parle souvent.
Il y a des grèves qui
peuvent avoir pour effet de porter atteinte à la santé et sécurité publique. Il
me semble que cette définition-là ne devrait pas être cristallisée dans le
temps, être coulée dans le béton. On devrait laisser à un tiers indépendant, qui est le Tribunal administratif du
travail, le loisir et la discrétion de s'adapter en fonction, bien sûr, de
la preuve qui sera soumise et des représentations des parties.
Ça fait que c'étaient
mes commentaires sur cette recommandation-là.
M. Laurin
(Benoit) : O.K. Allez-y.
M.
Boulet : L'autre, la cinquième recommandation, c'est le
1er janvier 2020, alors que dans notre projet de loi on parle de la sanction, la date de sanction.
Évidemment, comme vous le soulignez, les conventions collectives du secteur
expirent le 31 mars 2020. On ne veut pas se retrouver dans un trou ou dans
un vide.
On
veut lancer un signal clair que, pour qu'il y ait une amorce de négociation...
puis ça, on est vraiment sur la même longueur
d'onde, ça appartient aux parties, mais que les parties, le plus rapidement
possible, de façon diligente, amorcent les discussions pour bien définir
la nature, la qualité puis la quantité des services essentiels à maintenir en
cas de grève.
Et
moi, j'anticipe que cette date de sanction là, avec la collaboration des partis
d'opposition, soit la plus rapprochée possible
pour permettre aux parties de commencer à discuter et d'éviter, là, des
contentieux qui ne seraient pas opportuns pour la population du Québec.
M.
Jean (Pascal) : Oui. Bien, peut-être, je vais commencer par la
recommandation 5. C'est sûr que nous, dans la faisabilité de l'opération, on est conscients, là, on est tous
conscients que c'est énormément de travail, autant pour les militants syndicaux, les gens qui représentent les gens qui
donnent des services mais aussi pour les administrations. Et,
considérant que le 30 octobre, M. Létourneau l'a dit, c'est le dépôt des
demandes salariales, c'est le dépôt des demandes sectorielles, ça crée une
espèce de bouchon d'étranglement. C'est un peu ça, le sens de nos
recommandations.
C'est
pour ça qu'on disait :
Donnons-nous l'espace pour, justement, être en mesure de sensibiliser nos gens,
parce que c'est une nouvelle mécanique
aussi, là. On passe d'un régime où est-ce qu'on a appliqué des pourcentages,
qui étaient plutôt simples d'application,
à un nouveau régime. Donc, ça va nous donner aussi le temps de sensibiliser nos
gens, former nos gens aussi qui
auront la responsabilité au local d'appliquer ces nouveaux services
essentiels là, tels qu'ils sont définis avec le critère unique de la
santé et sécurité.
Puis peut-être
revenir rapidement sur la recommandation n° 2, effectivement,
l'entreprise visée, le deuxième paragraphe, nous, ce qu'on suggère, c'est de biffer le deuxième paragraphe et de resserrer peut-être,un
petit peu l'écriture au niveau de la
référence qu'on fait à 1.16 pour justement que les exemples que vous donnez,
qui sont de très bons exemples, soient couverts, 1.16, sans qu'elle soit
exhaustive, sans pour autant ouvrir la porte à ce qui ne devrait pas être
couvert, exemple, les CPE et services de garde en milieux scolaires, etc. Ça
fait que peut-être resserrer l'article au-delà de...
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Alors, merci pour le bel échange. Le temps est écoulé.
M. Boulet :
Merci à la CSN pour votre présence, pour vos brillants commentaires. Bien
apprécié.
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, nous cédons maintenant la
parole au porte-parole de l'opposition officielle, au député de Vimont.
Vous disposez de 11 minutes.
M.
Rousselle : Merci, Mme la Présidente. M. Létourneau,
M. Jean, M. Laurin, bienvenue dans cette enceinte. Merci d'être ici. Merci aussi d'avoir présenté,
justement, ce mémoire-là qui, effectivement... Effectivement, j'ai su,
justement, que vous étiez dans les débats,
justement, pour amener ce projet de loi là, dans le fond, là, parce que vous
avez été à la Cour suprême et tout, là... donc, en tout cas, on a lu
attentivement, justement, votre mémoire.
On
sait tous, puis vous le savez autant que moi et même peut-être plus que moi que
l'équilibre entre... dans une grève, ou dans, peu importe, là, quand on
parle de relations de travail, avec des services, des gens, bien, c'est
toujours fragile, hein? La ligne est
toujours mince et tout. Je parlais tantôt avec le Conseil du patronat, parce que vous avez... il y a d'autres
groupes qui ont passé avant vous, ceux qui représentent aussi les CHSLD. Je
sais que vous représentez... composez 1 500 syndicats, donc
vous touchez large, vous représentez 4 500 lieux de travail, j'ai lu
ça dans votre mémoire, c'est... Wow! vous couvrez vraiment large.
Voyez-vous
un problème vraiment? Parce que tantôt, je parlais... j'avais des échanges,
puis il y en a... en tout cas, ils n'ont
pas dit qu'ils avaient un problème, mais les gens dans le milieu, pour en venir
avec une entente, là, pour les services essentiels, entre syndical et patronal... Vous, est-ce que vous voyez...
il y a des endroits que c'est plus difficile que d'autres d'avoir des
ententes ou, en général, ça va bien?
M. Létourneau
(Jacques) : Bien, je peux
commencer puis tu pourras compléter, là. Mais avant 1985, les services essentiels étaient déterminés, justement, par la
voie de la négociation ou de la discussion entre les administrations,
donc les employeurs, et les syndicats. Et, de façon générale, le bilan qu'on en
faisait, c'est qu'on a toujours réussi à s'entendre, justement, sur ce qui est
essentiel puis ce qui ne l'est pas.
L'introduction
des pourcentages est venue un peu, entre guillemets, tuer ce principe-là en
l'appliquant de façon égale à tout le
monde, alors qu'on conviendra que, dans une salle d'opération, ça se peut bien
que les services soient plus essentiels que dans une buanderie ou dans
une cuisine, bien qu'on comprend que l'ensemble des services doivent
fonctionner.
Donc,
de façon générale, on a toujours, en amont de 1985, réussi à les négocier.
Donc, on ne verrait pas pourquoi, aujourd'hui, on ne serait pas capable
de s'entendre, parce que, un peu comme on l'a dit dans la présentation, ceux
qui connaissent le milieu, bien, c'est les
travailleuses, les travailleurs puis les gestionnaires. Et effectivement,
l'objectif, quand tu fais la grève,
c'est d'augmenter ton rapport de force, mais d'augmenter ton rapport de force,
ça ne se fait pas au détriment de la
qualité des services qui sont donnés à la population. Donc, moi, je pense qu'on
va être capable de faire ça, comme on est capable de négocier des
conventions collectives, là. Je ne sais pas si, Benoit, tu veux ajouter ou...
M. Laurin (Benoit) : Bien, d'autant plus que, dans les services publics, les parties ont
l'expérience de négocier les services
essentiels, à la différence des secteurs publics, parapublics où il y a des
pourcentages. Alors, au Québec, on a au moins une quarantaine d'années d'expérience dans les services publics où les
parties négocient les services essentiels, et, à moins qu'on nous
présente ici un événement qui est arrivé, à notre avis, historiquement, il n'y
a jamais eu de problème, là.
Alors,
bien sûr, des fois, c'est un petit plus long, un petit peu moins long. Des
fois, on va au tribunal, des fois, on ne
va pas au tribunal, mais il y a des assises jurisprudentielles qui sont connues
de tout le monde maintenant. Alors, je ne pense pas qu'il y ait de
problème là. Tout le monde va négocier de bonne foi les services essentiels.
• (16 heures) •
M. Rousselle :
Pensez-vous que... Merci de votre réponse. Pensez-vous qu'avec la pénurie
d'emplois qu'on a actuellement... puis ça,
vous l'avez dans toutes les sphères...
parce que, là, au nombre d'endroits que vous couvrez,
c'est sûr, vous l'avez. Ça, c'est certain.
Mais la pénurie d'emploi, mais avec la négociation... Comprenez-vous? Parce que, là, c'est sûr que vous allez avoir une négociation avec le patronat pour en arriver à une entente, mais je sais... Je sais
qu'il y a des endroits, c'est déjà
serré. C'est déjà... En temps régulier, c'est serré.
Donc,
comment vous allez pouvoir exercer, vous, là, votre rôle de syndicat,
de représentation? Parce que vous
avez droit, justement, à des moyens de
pression. Vous avez droit à vous faire entendre. Donc, comment vous allez être
capable de gérer tout ça, là? Comment vous allez vous en sortir là-dedans?
M. Létourneau (Jacques) : Bien, c'est un peu comme je l'ai mentionné dans
ma présentation, c'est-à-dire qu'on a constaté
qu'il y avait plus de monde en fonction des pourcentages quand il y avait un
conflit de travail qu'en temps normal. Donc, il y a là, manifestement,
là, quelque chose qui ne tourne pas rond.
En même temps, quand
vous posez la question sous l'angle de la pénurie de main-d'oeuvre, la
prochaine négociation du secteur public,
malgré tout le respect, nous, on a entendu le premier ministre dire : Les
surplus ne seront pas pour les
syndiqués, ils seront pour les Québécois et Québécoises. On a rappelé au
premier ministre que les syndicats représentent les travailleuses et
travailleurs, notamment dans le secteur public, dans le réseau de la santé et
des services sociaux. Et on devrait utiliser
la prochaine période de négociation dans le secteur public pour procéder,
justement, à des ajustements puis des
bonifications qui vont permettre d'attirer du monde dans le réseau de la santé
et des services sociaux, parce que,
malheureusement, ça fait plusieurs années, là, que les services sont compressés
dans les commissions scolaires, dans les écoles. Bon, il n'y a pas une
journée où on n'entend pas parler des problématiques de remplacement. Puis
évidemment, la question de la pénurie de main-d'oeuvre, elle affecte à peu près
tous les secteurs d'activité au Québec.
Bien
moi, je pense que, dans le cadre de la prochaine négociation du secteur public,
il faut, parce que vous parlez des employeurs,
là, mais c'est le gouvernement qui est l'employeur, là, il faut trouver des
voies de passage qui vont répondre, justement, aux demandes puis,
finalement, aux besoins qui sont exprimés par les travailleuses puis les
travailleurs, qui se traduisent bien sûr par des salaires, mais qui se
traduisent aussi par des conditions de travail plus générales.
Maintenant,
on verra comment ira la négociation. Y aura-tu un... Je n'ai pas de boule de
cristal. Ça fait que je... On n'a pas
encore été convoqués par le Conseil du trésor. Alors, quand on le sera, on
verra un peu comment tout ça va évoluer. Mais évidemment, il n'y a
personne qui souhaite de faire... Tu sais, faire la grève, là, il n'y a pas un
travailleur ou une travailleuse qui se lève
le matin en disant : Je vais-tu faire la grève à soir, là. Ça n'existe
pas, ça. C'est un mythe. Au contraire, même,
les gens, ils veulent faire leur prestation de travail puis, dans le service
public, ils la font correctement puis dignement. Mais, en même temps... Benoit faisait référence aux normes
internationales du travail. Bien, le droit de grève est aussi quelque chose de reconnu, tout comme le droit de se
syndiquer puis le droit de négocier une convention collective. Alors, quand
il faut l'utiliser, bien, on l'utilise, tu sais.
M. Rousselle :
Vous avez parlé tantôt des entreprises privées, parce que, veux veux pas, il y
a des entreprises privées qui vont donner
des services, justement, que ça soit dans les hôpitaux ou, peu importe, là, je
veux dire. Et puis ce projet de loi
là peut toucher un peu peut-être ces secteurs-là. Mais parce que... un exemple,
la literie, est-ce qu'elle est nettoyée à l'extérieur? Est-ce que les repas sont faits à l'extérieur? Là, je vous
donne juste des exemples. Tantôt, on parlait des exemples de gens qui
vont être transportés, donc le transport de personnes qui doit aller à
l'hôpital ou quoi que ce soit, là, le transport de personnes.
Mais pensez-vous
qu'on devrait comme définir ou inscrire, vraiment faire une liste d'endroits
pour que ça soit vraiment... qu'il n'y ait
pas de dérape, un exemple, là, dans les demandes au niveau de l'entreprise
privée. Je ne sais pas si je me comprends... vous me comprenez bien, là.
M. Létourneau
(Jacques) : Bien, vas-y. Moi, je pense que oui.
M. Laurin
(Benoit) : Oui. Alors,
effectivement, je pense que, de notre côté, on a été heureux d'entendre le
ministre préciser la volonté dans le projet
de loi de définir ce que serait une entreprise qui serait assimilée à un
service public. Mais il n'en reste pas moins que le libellé actuel
semble néanmoins permettre à des personnes qui ne seraient pas visées par
l'intention du projet de loi de se manifester devant le Tribunal administratif
du travail et de chercher à devenir assimilé à un service public.
Maintenant,
on comprend que ces personnes-là, d'une manière ou d'une autre, il va falloir
qu'ils se raccrochent à une des
missions des établissements qui sont visés à 111.0.16, c'est-à-dire des
établissements qui sont déjà des services publics. Si on a une compréhension commune de ça,
normalement, il ne devrait pas y avoir de problème. Mais j'ai entendu le
Conseil du patronat ce matin, j'ai entendu
le mot centre de petite enfance, j'ai entendu service de garde dans les
commissions scolaires. Alors, si... Il y a certainement... Si eux le
comprennent comme ça, il y a d'autres personnes qui vont certainement le
comprendre de cette manière-là et qui vont probablement s'essayer devant le Tribunal
administratif du travail.
Alors, la question,
c'est : Est-ce qu'il n'y aurait effectivement pas nécessité de
préciser davantage ou de serrer le texte pour qu'on puisse faire un lien entre l'entreprise qui serait visée au deuxième alinéa et les missions d'établissements qui sont par ailleurs visées à 111.0.16? Alors,
c'est probablement, effectivement... Enfin, nous, on pense que ça serait utile.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Il reste 1 min 30 s.
M. Rousselle : Bien, juste vous dire... vous avez sûrement
écouté le Conseil du patronat ce matin, puis je sais que le ministre a précisé, donc, oui, ça rassure en partie. Mais
eux ont même parlé jusqu'à... ils ont même été jusqu'à l'économie du Québec. Vous en
pensez quoi, vous?
M. Jean
(Pascal) : Bien, je ne
pourrais pas répondre d'une façon plus adéquate que le ministre
l'a fait ce matin, là. Effectivement, les enlignements suite à la décision en Saskatchewan sont clairs. Il y a un critère, qui est la sécurité du public,
santé et sécurité du public. On se limite à
ça. Autrement, ça a un effet direct sur le pouvoir de négociation puis le rapport de force, là.
Donc, ça serait une trop grande ingérence sur le rapport de force puis le
pouvoir qu'on peut dégager ou espérer dégager en cas de grève. Donc, évidemment,
on s'en tient à... On est fort aise avec la réponse du ministre ce matin au Conseil du patronat.
M. Létourneau
(Jacques) : Si on s'en
tenait aux associations patronales au Québec, on n'aurait pas le droit
de se syndiquer, on n'aurait pas le droit de négocier puis on n'aurait pas le
droit de faire la grève. Ça fait que, je veux dire...
M. Rousselle : Je terminerais
juste pour vous dire merci, merci de votre présence. Merci à vous.
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Parfait, merci pour le bel échange. Écoutez, en l'absence du
député du deuxième groupe d'opposition, ça met fin, là, si vous voulez,
à la consultation. Nous vous remercions beaucoup, MM. Jean, Létourneau et
Laurin, pour votre présence, et votre exposé, et la réponse aux questions.
Nous allons donc suspendre les travaux quelques
secondes, question de donner... au deuxième groupe de se présenter. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 07)
(Reprise à 16 h 11)
La
Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, nous souhaitons la bienvenue aux membres de la Fédération des travailleurs et
travailleuses du Québec. Vous avez 10 minutes pour faire votre exposé, et
je vais vous demander de vous présenter d'abord, avant de commencer l'exposé.
Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec
(FTQ)
M.
Boyer (Daniel) : D'abord,
merci, Mme la Présidente. Merci, M.
le ministre. Merci, Mmes, MM. les
députés. Je suis accompagné de Frédéric
Brisson, du Syndicat canadien de la
fonction publique, et de Karine
Cabana, qui est du Syndicat canadien
de la fonction publique également,
et Marie-Anne Gilbert et Damien Lafontaine, qui sont du Syndicat québécois
des employés de service, section locale 298 de la FTQ. Et moi, je suis Daniel
Boyer, le président de la Fédération des travailleurs et travailleuses du
Québec.
Tout d'abord, je tiens à vous remercier de nous inviter à prendre la parole pour
commenter le projet de loi n° 33. Vous savez, la Fédération des travailleurs et travailleuses du
Québec, on représente 600 000 travailleurs, travailleuses dans
de nombreux secteurs d'activité à travers
l'ensemble des régions du Québec. Et la centrale compte notamment des
membres qui oeuvrent dans des services
publics, au sens du Code du travail, tels que... et là je ne les énumérerai pas
tous, parce que je pense qu'on est
présents dans l'ensemble des secteurs qui sont prévus à 111.0.16, mais on
représente aussi des travailleurs, travailleuses
dans les secteurs public et parapublic, dont les établissements de santé et de
services sociaux. Puis la FTQ est un acteur important, bien sûr, des
négociations collectives dans le secteur public et parapublic.
Au fil des années, nous
sommes intervenus à de nombreuses reprises sur des enjeux qui touchent, bien
sûr, les encadrements des relations de
travail au Québec, mais aussi concernant les services essentiels à maintenir,
notamment dans différents secteurs,
mais aussi dans le secteur de la santé. La FTQ reconnaît le droit de la
population d'avoir accès à un minimum
de services en cas de grève dans certains secteurs d'activité, lorsque ceux-ci
répondent strictement au besoin de préserver
sa santé et sa sécurité. On reconnaît qu'il s'agit d'un motif légitime et
raisonnable pour justifier une limitation du droit de grève, mais on est inquiets des difficultés que les
dispositions actuelles du Code du travail occasionnent à ce dernier.
Puis on a
constaté, au fil du temps, au fil des années, avec les dispositions actuelles
du code, certains problèmes au niveau
de la communication des informations, des délais qui sont parfois trop courts,
des pourcentages de prestation de services
dans le secteur de la santé et des services sociaux. Et tout ça brime, bien
sûr, l'exercice du droit à la grève d'un grand nombre de nos membres, d'un
grand nombre de travailleurs et de travailleuses au Québec.
On croit que le Code du travail doit être mis à
jour pour réviser certains mécanismes au maintien des services essentiels, mais
surtout on souhaite que le code soit modifié pour que soit respecté le droit à
l'exercice de la grève qui découle
directement de la liberté d'association. On vient de le mentionner avec la CSN,
là, comme l'a reconnu la décision de Flageole, mais aussi la décision de
la Cour suprême du Canada en 2015 dans l'arrêt Saskatchewan.
C'était aussi
avec beaucoup d'attentes qu'on a accueilli le dépôt du projet de loi n° 33, qui doit donner suite aux recommandations du juge Flageole.
On a participé, bien sûr, aux consultations organisées par le ministère. De
manière générale, on doit avouer que le
projet de loi présenté par le gouvernement répond de manière rigoureuse à un
certain nombre des problèmes soulevés
ces dernières années par les organisations syndicales en matière d'application
de services essentiels. La FTQ
accueille donc le projet de loi n° 33 avec satisfaction, mais souhaite
tout de même émettre quelques mises en garde et recommandations. Ça fait
partie de nos valeurs, là. On est des syndicalistes, on ne peut pas toujours
être d'accord avec tout, quand même.
Deux principaux
enjeux retiennent notre... Je vois Alexandre qui sourit, mais... Deux
principaux enjeux retiennent notre attention : l'abolition des
pourcentages et la négociation locale.
Donc,
premièrement, le projet de loi répond de manière précise et rigoureuse aux
principales objections des syndicats et du juge Flageole quant aux
pourcentages de prestation de services appliqués dans le réseau de la santé et
des services sociaux. En abolissant ces
pourcentages au profit d'une négociation locale et en appliquant le critère
qualitatif du danger à la santé et à
la sécurité du public, le projet de loi lève un important obstacle à l'exercice
du droit de grève et ramène l'équité avec les mécanismes qui existent
déjà dans les services publics.
Pour la FTQ,
cette approche reconnaît l'expertise locale et témoigne d'une grande confiance
dans la capacité des parties au sein
des établissements de santé et de services sociaux à s'entendre dans l'intérêt
de la population, et ce, sans sacrifier
le droit de grève. La centrale ne peut qu'encourager la commission à retenir
cette avenue. À cet égard, il est heureux que le TAT puisse fournir aux parties locales le soutien nécessaire à la
conclusion d'ententes de services essentiels adéquates, notamment avec
l'accompagnement de médiateurs.
La FTQ
accueille positivement la reconnaissance des associations accréditées en leur
donnant accès aux informations relatives
aux effectifs des établissements. Que les parties disposent des mêmes
informations ne peut qu'améliorer les chances de succès des ententes concernant les services essentiels. Cependant, la
FTQ estime que l'état des effectifs relatif au personnel cadre devrait également être communiqué aux
syndicats afin qu'il soit pris en compte dans les discussions locales
entourant le maintien des services
essentiels. De plus, nous recommandons que des mécanismes d'échange
d'informations similaires soient prévus dans les services publics.
Par contre,
la FTQ s'inquiète que la grande confiance envers la négociation locale ne donne
lieu à d'importantes disparités dans
la fourniture des services essentiels si des lignes directrices générales ne
sont pas proposées. C'est pourquoi nous
recommandons qu'un mécanisme soit ajouté pour que les organisations syndicales
et patronales — je
souligne en passant que c'est le
premier exercice que les parties locales vont être invitées à faire en vertu
des nouvelles dispositions — soit ajouté pour que les organisations syndicales et patronales identifient
des paramètres nationaux qui permettraient d'exclure d'emblée des négociations locales des enjeux qui
pourraient facilement être exclus, et on aurait quelque chose de plus
équitable à l'échelle du Québec. Donc, on
pense aussi que ça ferait gagner du temps et une énergie très précieuse aux
parties locales.
Enfin, en
prévision de la prochaine négociation collective dans les secteurs public et
parapublic, la FTQ s'attend à ce que le TAT dispose des ressources
financières et humaines adéquates pour pouvoir soutenir et accompagner de
manière optimale les parties locales qui
auront à établir à temps, pour la première fois, des listes de services
essentiels conformes aux nouveaux critères définis par le projet de loi.
On parle ici
d'évaluer des dizaines de milliers de tâches et fonctions dans des centaines
d'installations à travers le territoire.
Tant pour les parties patronales que syndicales, ça va exiger beaucoup de
travail en même temps que la négociation des conventions collectives elles-mêmes, et nous faisons face à une
obligation de résultat. La FTQ s'attend donc à ce que les moyens
nécessaires soient déployés rapidement pour que les négociations des services
essentiels se déroulent dans les meilleures
conditions possible, pour assurer le respect du droit à la santé et à la
sécurité de la population et du droit des travailleurs et travailleuses
à exercer un moyen de pression légitime.
Le second
enjeu sur lequel on désire attirer l'attention de la commission concerne les
pouvoirs du TAT, auquel le projet de
loi confie d'importantes responsabilités. On reçoit positivement l'abandon de
certains pouvoirs par le gouvernement, tel
que l'abolition des décrets gouvernementaux au profit d'un pouvoir d'initiative
du TAT. Compte tenu des tensions qui peuvent
exister dans certaines négociations avec le gouvernement, il est heureux que
certains processus soient transférés à un organisme indépendant qui
s'appuie sur une jurisprudence constante et reconnue. Le processus
d'assujettissement et d'observance des
services essentiels ne peut que gagner en impartialité et en crédibilité. Donc,
le tribunal disposera de plus de latitude pour apprécier les ententes
puis notre régime gagnera en maturité et en confiance.
• (16 h 20) •
Par contre, on est
inquiets que la loi permette d'assimiler des entreprises privées à des services
publics. Il est problématique que
l'article 3 du projet de loi donne au TAT le pouvoir d'assujettir à la
pièce, de son propre chef ou à la demande
d'une personne intéressée, des entreprises privées non visées, au nom d'un
risque pour la santé et la sécurité. Donc, pour la FTQ, ça va à
l'encontre même de l'esprit du Code du travail.
En conclusion, la FTQ est d'avis que le projet
de loi n° 33 vient corriger d'importants problèmes dans la détermination et le maintien des services
essentiels dans les services publics et dans les secteurs public et parapublic.
De manière générale, il répond aux grandes préoccupations qui ont été soulevées
par le jugement Flageole. Il permet aussi d'accroître l'indépendance de certains processus et accorder une plus
grande confiance aux parties locales. Mais le projet de loi est encore
perfectible, puis on vient de le mentionner. Donc, il y a tout à fait lieu de
bonifier ce projet de loi.
Et je
terminerais en disant que je tiens à vous rappeler, et vous le savez, que les
conventions collectives dans le secteur public et parapublic vont venir à échéance le 31 mars prochain. Il
est donc important que ce projet de loi soit adopté le plus rapidement possible afin que les organisations
syndicales et patronales se mettent à la page pour convenir,
établissement par établissement, des
services essentiels à maintenir en cas de grève. Il est également souhaitable
que le TAT puisse rapidement mettre à leur disposition les ressources et
le soutien nécessaire pour y parvenir.
Je vous remercie, et on est prêts à accueillir
vos questions. J'ai une armée avec moi pour m'aider.
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Parfait. Alors, merci pour votre
exposé. Nous allons débuter effectivement la période de questions. M. le
ministre, vous disposez de 16 min 30 s.
M. Boulet :
Oui. Merci à vous tous et toutes pour votre présence, pour vos commentaires,
pour votre analyse du projet de loi n° 33. Et j'ai apprécié l'utilisation de concepts comme la rigueur,
l'équité dans les services publics. Je pense qu'on est encore une fois essentiellement sur la même
longueur d'onde sur le fond. Il faut remplacer les seuils par un concept
qui est reconnu même par l'Organisation internationale du travail, la santé,
sécurité publique. Et la définition de service public, je vais y revenir, mais je veux d'abord traiter de... le plus rapidement
possible, on est totalement d'accord, puis je pense qu'on va travailler de façon transversale dans ce
dossier-là avec nos collègues des partis d'opposition pour faire en sorte que
la loi soit sanctionnée le plus rapidement
possible pour éviter des écueils dans le processus de négociation du
renouvellement des conventions collectives de travail.
Sur les ressources financières et humaines au
TAT, je veux simplement vous rassurer qu'actuellement le TAT dispose de 76 conciliateurs. Il y a aussi des
agents de relations de travail là-dedans, mais, sur les 76, il y en a entre 12
et 14 qui sont assignés spécifiquement à la
conciliation des dossiers de services essentiels. Il y en a six à Québec puis
il y en a de six à huit à Montréal. Puis, au moment des consultations
préalables, le TAT n'a soulevé aucun, parce que ça a été soulevé, là, mais aucun problème de
ressources relativement aux nouvelles responsabilités qui découlent de
l'application du projet de loi n° 33.
Et la
conciliation, vous le savez, on est tous du même avis, c'est un mécanisme
efficace qui aide les parties à s'entendre sur la nature, la qualité et la quantité des services essentiels, et ça
a été utilisé dans un certain pourcentage de cas. Mais vous savez qu'avec le projet de loi n° 33 cette
ressource-là pourrait être assignée dès le début par le TAT, et ça a mené à
une entente, c'est une statistique
intéressante, entre les parties dans 81,3 % des cas au cours des
12 derniers mois. Puis, au total, 81 % des négociations des
services essentiels, entre 1992 et 2007, se sont soldées par une entente entre
les parties.
Et quand vous
disiez, M. Boyer, c'est les parties qui sont les mieux placées, ils
connaissent leurs milieux de travail, ils
savent c'est quoi, les services essentiels... Puis je disais, ce matin, à des
représentations d'un autre groupe que ça peut varier. Il faut faire attention à l'espèce de paramètre ou
de ligne de conduite nationale qui évacuerait les particularités de chaque
établissement aussi.
Et le délai
moyen du temps, pour rendre une décision quant à la suffisance des services
dans les 12 derniers mois, ça a
été de 10 jours. Donc, quand vous saluez le caractère indépendant puis
l'intervention du TAT dans la détermination des services essentiels puis quant
à l'application du critère de santé, sécurité publique, je pense
que le TAT a aussi fait ses preuves.
Il y a
un outil supplémentaire, je vous le rappelle, là, parce qu'on parlait
d'éléments à connotation plus nationale pour faciliter les négociations
entre les parties, il y a la possibilité de faire des regroupements. Ça va
donner une flexibilité et ça va
donner la possibilité aux parties d'identifier ce que nous, on appelle
des paramètres nationaux qui pourront guider le TAT dans la détermination de ce qui est un service essentiel qui permet d'assurer la santé et la sécurité publique. Donc,
c'est quand même une nouvelle option qui est offerte aux parties, et je pense
que ça peut donner des résultats qui sont relativement intéressants.
Entreprise
privée, là, je tiens... je sens le besoin de le repréciser, on n'a pas
l'intention d'élargir la définition de service public pour ouvrir la
porte à tout le monde. On lève la main, on veut être un service public, et
donc, s'il y a une grève, l'association accréditée devra maintenir des services essentiels, ce n'est pas le cas. Puis je pense qu'on parle bien de service public, et cette entreprise-là ou cette
organisation-là devra démontrer qu'elle a une mission apparentée à la
définition qui contient une certaine
énumération. Ça vise, ce nouveau pouvoir là, essentiellement, à moderniser la
définition, à l'adapter à l'évolution
de la prestation des services, notamment dans le domaine de la santé et des
services sociaux. Et on pense beaucoup aux
services de transport des personnes handicapées par véhicule automobile. Ce
n'est pas dans la définition de service public. Une grève pourrait avoir un impact sur la santé, sécurité publique, le
TAT doit avoir la possibilité de dire : Il y a un impact, il y a une atteinte à la santé, sécurité publique.
Même si vous n'êtes pas dans la définition d'un service public, vous
pouvez en faire partie. Je me sers de mon
pouvoir pour faire en sorte que vous soyez reconnus comme un service public,
donc assujettis au maintien des services essentiels en cas de grève.
Les
organismes communautaires, il y en a beaucoup qui offrent des services de
première ligne qui permettent de désengorger le réseau traditionnel,
mais qui ne sont pas des établissements de santé et de services sociaux et qui
offrent notamment des
services à domicile. Il faut que ces organismes-là aient la possibilité de
faire des représentations au TAT pour être
reconnus comme étant une organisation ou une entreprise où on doit maintenir
les services essentiels en cas de grève.
Enfin, le
troisième exemple que je donne souvent, c'est les services d'hébergement qui ne
sont pas des établissements de santé
et de services sociaux, offices municipaux d'habitation, les centres de
désintoxication et autres qui sont, sans être dans la définition, parfois restrictive, de service
public, peuvent avoir des incidences extrêmement importantes en cas de
grève pour la santé, sécurité publique.
C'est pour ça qu'on donne ce pouvoir au Tribunal administratif du travail
d'élargir la définition. Les
définitions statiques, vous le savez, les procureurs le savent très bien, ça
donne lieu à des contentieux, il y a des problèmes d'interprétation ou d'application, on essaie de
l'éviter le plus possible et de permettre au TAT de faire en sorte que
cette notion-là puisse s'adapter.
C'étaient mes principaux commentaires, là, mais
ça m'irrite un peu quand on dit service public... Il y a des appréhensions, puis je comprends que ça peut être
légitime, que ça puisse couvrir à peu près n'importe quelle entreprise
privée. La réponse, c'est non. Il faut vraiment qu'il y ait une atteinte à la
santé et la sécurité publique.
• (16 h 30) •
M. Boyer (Daniel) :
Bien, ça nous réjouit d'entendre ça, mais, en même temps, pourquoi ne pas
l'écrire? Un organisme communautaire, ça se peut que ce soit un service
public, puis on serait peut-être les premiers à considérer que c'est un service public. Mais ce n'est pas vrai que
c'est tous les organismes communautaires qui doivent être des services
publics.
Donc là, on
va commencer à s'obstiner, là. Vous nous dites qu'une liste ça provoque le
contentieux. Moi, je vous dis que pas
de liste, ça provoque davantage le contentieux, parce que là on va tous se
mettre à interpréter. Là, à moins que je vous enregistre puis que j'amène ça au TAT puis... regardez, ce que le ministre
voulait, c'était ça. Mais c'est parce
que ce n'est pas de même que ça marche dans vie, là. Ce n'est pas comme
ça que ça marche. Donc, à notre avis...
M. Boulet : Bien, les avocats le
plaident souvent, M. Boyer.
M.
Boyer (Daniel) : Oui, mais
moi, ce que je vous dis, il y a une liste, là. À 111.0.16, il y a
une liste. Pourquoi on ne bonifie pas cette liste-là, si elle mérite d'être
bonifiée? Puis, à tout le moins, ça nous permettrait de faire un débat sur
ce qu'on vient ajouter à la liste.
Mais là on
est un peu dans le néant, là. Là, on ne sait pas. Là, on va laisser à la
discrétion d'un tribunal, demain matin, dans deux ans, dans 10 ans, d'ajouter des groupes qui pourraient
être visés par des services essentiels. Puis je n'ai pas entendu le Conseil du patronat ce matin, mais je me doute
de ce qu'ils peuvent dire, là, puis ce qu'ils peuvent interpréter comme
service essentiel. Parce qu'à partir du
moment... Si un service essentiel, c'est à partir du moment où une grève
dérange, bien, tout va être un service essentiel. Tout va être un
service essentiel, puis c'est là le danger.
Donc, nous,
on est d'accord avec l'élargissement des pouvoirs du TAT, mais il y a une
limite à l'élargissement des pouvoirs
du TAT, et on pense que ça vous appartient, en tant que ministre, de déterminer
qui, spécifiquement, doit être visé par des services essentiels.
Vous nous
rassurez aussi quand vous nous dites que le TAT... vous avez consulté le TAT et
que le TAT semble avoir les
ressources. Vous me rassurez, mais, en même temps, on n'a pas connu un tel
exercice, tel qu'il est mentionné dans le projet de loi, on n'a pas connu un tel exercice depuis bien longtemps,
depuis 1985. Je ne sais pas ce que ça va donner avec la grandeur et la
monstruosité du réseau de la santé au moment où on se parle. Je pèse mes mots
quand je dis ça, mais le nombre
d'installations, d'établissements, d'emplois... Écoutez, je ne sais pas ce que
ça peut donner, mais c'est de l'ouvrage.
Puis nous, on
est inquiets aussi, là. Autant on a dit qu'on n'était pas d'accord avec les
pourcentages parce que ça portait
atteinte à un sacro-saint droit de liberté qu'est la grève, autant on est aussi
inquiets de l'exercice qu'on va devoir faire au niveau local. Oui, on
fait confiance aux parties locales. On pense que c'est les mieux placés pour
déterminer des services essentiels. Mais
l'ampleur de l'exercice, là... J'espère que le TAT va avoir des ressources. On
va avoir besoin de soutien là-dedans,
puis nous, on va soutenir nos membres, là. Écoutez, inquiétez-vous pas, on va
les soutenir. Mais l'exercice, il est périlleux, il est immense, il
est... ça demande...
Puis quand on
a mentionné, là... vous dites : on fait confiance aux parties locales,
nous, on le répète à plusieurs reprises, là, mais on pense que pour un premier exercice, là, on devrait peut-être
s'asseoir au niveau national ou régional, peu importe, puis qu'on convienne de certaines lignes d'abord.
On pense ça. Pour qu'on parte l'exercice comme il faut, tout en laissant
toute la latitude aux parties locales de
convenir des ententes qu'elles doivent convenir... Mais il me semble qu'on
partirait... Tu sais, qu'on s'entende, je ne
sais pas, si ce n'est pas des paramètres de qu'est-ce qui est un service
essentiel ou qu'est-ce qui ne l'est
pas, à tout le moins, sur une façon de faire des... un modèle de liste, un...
je ne sais pas, mais, en tout cas, aider les parties locales, autant
patronale que syndicale, à faire l'exercice.
M.
Boulet : O.K. C'est la raison pour laquelle, M. Boyer, dans le projet
de loi, on demande qu'une personne soit assignée rapidement dans les
dossiers, pour aider les parties. S'il manque de ressources, il y en a aura,
des personnes additionnelles qui seront ajoutées.
Mais, je le
répète, un, la plupart des dossiers se règlent entre les parties, puis, à
défaut de règlement entre les parties, c'est
l'association accréditée qui soumet sa liste de services essentiels. Il n'y en
a pas tant que ça, des contentieux, et, quand le TAT intervient en amont, actuellement, avant le p.l. n° 33, les résultats sont non seulement satisfaisants, mais ils sont
très, très rapides. Ceci dit, je ne veux pas
qu'on ait peur d'avoir peur. On aura les ressources. Si c'est plus monstrueux
que ce qu'on anticipe, on va s'adapter puis on va s'assurer que le TAT
ait les moyens de répondre aux ambitions des parties. Donc, soyez rassurés à
cet égard-là.
Sur la définition de
service public, moi, je persiste à croire qu'on peut faire une énumération à
l'infini, mais on ne sera pas capable de
s'adapter. S'il y a une modification, par exemple, à la structure du réseau
traditionnel de santé services sociaux qui pourrait
nécessiter l'assujettissement de nouvelles entités qui dispensent des services
fondamentaux de base, là, santé et services sociaux, on ne peut pas amender
111.0.16 à chaque fois. On ne peut pas amender la loi à chaque fois. Il faut que le TAT ait ce pouvoir-là
d'apprécier et de s'assurer que le maintien des services essentiels en cas de
grève s'impose en raison du concept
incontournable de santé et de sécurité publique. Je pense que c'est plus
réaliste de réfléchir comme ça que de
penser... de faire une réflexion puis se rassurer à l'infini en faisant une
énumération qui est trop longue.
Je
pense que je vous entends bien. Je ne veux pas, cependant, que ça ouvre la
porte à tout le monde. Il faut que ce soit une mission qui soit assimilée ou qui s'apparente à un service public,
tel que l'énumération le prévoit. On essaiera, en équipe avec les partis d'opposition... je veux vraiment
qu'on envoie un signal que ce projet de loi là, il faut qu'il soit clair,
parce que c'est un pouvoir nouveau. Je veux
qu'il soit exercé de façon respectueuse de notre marché puis je ne veux pas
que... Tu sais, je le sais que le
maintien des services essentiels, ça peut être vu comme une limitation à
l'exercice du droit de grève, puis le droit
de grève, c'est maintenant constitutionnellement reconnu, ça découle du droit
d'association qui apparaît dans les chartes. Ça fait que ça, moi, je respecte ça. Que ça limite l'exercice du droit
de grève, le maintien des services essentiels, je pense qu'on le reconnaît tous, puis vous le disiez dans
vos remarques préliminaires, mais il faut s'assurer que ça ne soit pas
ouvert à n'importe qui et de n'importe quelle manière, et ça, je vous ai
vraiment bien entendus. Ça fait que merci beaucoup, hein, de votre présentation.
La
Présidente (Mme IsaBelle) : C'est tout? Il vous restait
54 secondes. Il reste 54 secondes, vous pouvez l'utiliser,
oui.
Mme
Cabana (Karine) :
Rapidement, juste pour revenir sur les paramètres... et j'ai apprécié le fait
que vous dites, effectivement, c'est les parties locales qui connaissent
le mieux leurs établissements, leurs réseaux.
Par contre,
je suis inquiète quand j'entends que ça pourrait être différent d'une région à
une autre. Le service
essentiel, de la façon qu'il sera dispensé,
pourra être différent, effectivement, en fonction... Mais ce qui n'est pas un
service essentiel dans une région
pourrait n'être difficilement pas un service essentiel dans une autre région,
et c'est pour cette raison-là qu'au niveau
de la FTQ on propose une négociation nationale, pour s'assurer qu'on ne se
retrouve pas devant le TAT et qu'on surcharge
le TAT avec, au niveau local, des contestations au niveau de ce qui est un
service essentiel, de ce qui ne l'est pas. Donc, ce n'est pas pour
déterminer le niveau de service essentiel...
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Je vous remercie beaucoup. Vous
aurez probablement la chance, là, de parler lors des autres questions des autres partis. Alors, merci pour le bel
échange. Nous y allons avec l'opposition officielle, avec le député
de... M. Vimont... député de Vimont.
M. Rousselle :
Oui, merci. Mais je suis monsieur avec, il n'y a pas de problème, là, tout va
bien.
Bien, premièrement,
bien, bienvenue, M. Boyer, M. Brisson, Mme Nelson, Mme Gilbert puis Mme
Lafontaine. Bienvenue. Merci d'avoir préparé
ce document-là. On le sait que c'est toujours
un travail, je dirais, de moine, là, mais c'est vraiment toujours
parler à nos membres, parler... Ce n'est pas nécessairement évident,
donc... puis aussi, bien, merci, de vous avoir déplacé.
Je
vous laisserais la chance de continuer. Vous étiez partie sur une envolée. Moi,
je vais vous laisser la chance puis, après ça, je continuerai avec mes questions.
Ça va-tu, ça?
M.
Boyer (Daniel) : ...
Des voix :
Ha, ha, ha!
Mme Cabana
(Karine) : Je vais essayer de faire ça.
M. Rousselle :
Allez-y.
• (16 h 40) •
Mme
Cabana (Karine) : Effectivement, je tiens à revenir sur l'importance
de déterminer... Pour qu'il y ait une équité pour l'ensemble des Québécois et des Québécoises qui reçoivent des
services, il serait impensable que, dans des établissements, un service soit maintenu essentiel et que, dans un autre
établissement, le même service ne soit pas maintenu essentiel.
Nous,
la négociation nationale, de la façon qu'on la voit, ce n'est pas de déterminer
le niveau de services essentiels. Ça,
c'est effectivement une négociation strictement locale avec des réalités qui
sont régionales, locales ou tout dépendant des missions. Mais, pour
nous, il est important qu'on détermine, tous ensemble, les associations
syndicales, les associations patronales,
avant d'envoyer dans la négociation locale, ce qui ne sera pas considéré comme
un service essentiel, pour qu'on évite
de se retrouver constamment devant le Tribunal administratif pour déterminer
est-ce que ce service, dans tel endroit, est un service essentiel ou
non.
Donc,
c'est à ce niveau-là qu'on veut déterminer les paramètres et rien d'autre.
C'est de cette façon-là qu'on le voit et surtout pour la première phase
de négociation, où on va se retrouver... Si on prend en compte, dans les
nouveaux mécanismes, où les services
essentiels devront être déterminés par unité et catégorie de soins ou services,
quand on regarde l'ampleur des CISSS et des CIUSSS, ça représente des
centaines et des centaines de services et unités de soins à faire l'évaluation. Donc, si, pour les parties locales,
on pourrait en éliminer plusieurs, au niveau national, où il n'y aurait
aucune négociation parce que le droit de
grève s'exercerait pleinement dans ces endroits-là, on se concentrerait à
vraiment négocier le service essentiel qu'on doit donner à la population
dans les régions.
M. Rousselle : Merci,
madame. Écoutez, je regardais ça, au niveau... parce que les... vous couvrez
6 000 membres, travailleurs,
travailleuses. On sait que, dans le domaine que vous êtes, il y a pénurie
d'emplois, ça, c'est certain. Des fois, à un moment donné... justement, des fois, il y a sûrement beaucoup de
temps supplémentaire qui se fait à certains endroits déjà. Et j'associe ça, à un moment donné, avec un droit
de grève, qui est primordial. Ça, il n'y a pas aucun problème. Mais, en même temps, pour déterminer qu'est-ce qui est
faisable dans une période où les... On fait quoi, là, tu sais, dans un
moment de grève? Est-ce qu'on... Déjà, il manque de personnel. Vous prévoyez ça
comment avec les futures négociations, qui s'en viennent, d'ailleurs?
M. Boyer (Daniel) : Bien, écoutez, ça ne sera pas simple. Je vous le
dis tout de suite, ça ne sera pas simple. Puis c'est pour ça que je vois l'ampleur de la tâche de nos
équipes locales. Je vois l'ampleur de la tâche, parce que déjà, on pourrait
peut-être prétendre, dans certains
établissements, dans certains départements, dans certains services, qu'on
serait en bas des services essentiels, dans le but de ne pas entacher la
santé puis la sécurité du public. Donc, c'est compliqué.
Mais,
écoutez, on écoutait, là, notre collègue Jacques Létourneau, de la CSN. Je
pourrais vous tenir le même discours, hein? Il faut réinvestir dans nos
services publics. Cet argent-là, je ne veux pas commenter ce que le premier
ministre a mentionné, mais ce n'est pas de
l'argent pour les syndicats, là. C'est de l'argent pour les travailleurs et
travailleuses qui prennent soin de la
population. Je veux que ce soit bien clair. Et, si on ne donne pas cet
argent-là, on n'attirera pas de monde, on
ne retiendra pas de monde. Écoutez, il va falloir faire quelque chose, là, je
l'ai dit puis je vais le répéter, sinon, ça va péter, à un moment donné.
Il faut faire quelque chose pour nos services publics. C'est vrai en santé,
c'est vrai en éducation. Il faut faire quelque chose.
M.
Rousselle : Je regardais dans votre...
M. Boyer (Daniel) : Bien, pour avoir travaillé... Jacques Létourneau
disait qu'il avait travaillé comme préposé aux bénéficiaires. Bien, moi aussi, j'ai travaillé sept ans comme préposé
aux bénéficiaires, puis, je vous le dis, c'était pas mal plus simple
dans mon temps que ça l'est aujourd'hui, parce que, quand je me promène un peu
sur le terrain, je constate qu'il y a un alourdissement de la tâche. C'est une
vocation maintenant, là. C'est vraiment une vocation.
M.
Rousselle : Je regardais, puis vous avez la même suggestion que la CSN
au niveau... Votre recommandation 3, dans
le fond, que je viens... m'a parlé, là. C'est concernant... un avis de grève de
sept jours ouvrables francs est exigé à l'association, mais vous, vous
n'en parlez pas. C'est la CSN qui parle de ça et...
M.
Boyer (Daniel) : Bien, on en parle à la recommandation 10.
M.
Rousselle : O.K., dans la recommandation 10. Parce qu'eux autres,
qu'est-ce qu'ils parlent, donc vous en parlez aussi sûrement, c'est que, si jamais, à un moment donné, tu changes
d'une journée ou deux, un exemple, le début de la grève, à ce moment-là,
il fallait attendre un autre sept jours, si j'ai bien compris, là.
M. Boyer (Daniel) : Il fallait attendre que la journée de grève qu'on
aurait annulée, il fallait attendre qu'elle soit passée avant d'envoyer un nouvel avis, alors qu'il me semble que, si on
respecte le délai qui est prévu pour donner notre avis de grève, si on annule une journée de grève puis
qu'on donne un nouvel avis, il me semble qu'on respecte le délai quand même, là. C'est en autant que la partie patronale
et que la population est avisée suffisamment à l'avance qu'il y aura une
grève dans les services publics, dans la
santé, dans les services sociaux ou dans l'éducation qu'il y aura une grève à
un moment donné.
M.
Rousselle : Je vais laisser la place à ma collègue de Fabre.
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Parfait. Alors, à vous la parole. Il vous reste cinq
minutes.
Mme Sauvé :
Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, bonjour à vous tous, très heureuse de
vous entendre.
Je
vais y aller avec trois points. D'abord, je veux vous dire que j'entends très,
très bien votre préoccupation face aux mots
du premier ministre qui dit qu'il n'y a pas d'argent pour la négociation à
venir, malgré la marge de manoeuvre. Alors, vous le réaffirmez de façon
bien importante et essentielle qu'il faut réinvestir dans les services publics.
Donc, je voulais vous dire que je vous entends bien.
Comme
tout ce projet de loi, il y a l'équilibre entre le droit de grève et la
définition du service... du maintien des services essentiels, je vais y aller sur les deux aspects. Donc, par
rapport au maintien des services essentiels, je reprends un peu tantôt la préoccupation du ministre de l'Emploi lorsqu'il a... et du Travail, évidemment,
lorsqu'il a nommé l'importance de la contribution des organismes communautaires. Vous posiez la question :
Est-ce que ce sont des services publics? Dans le principe, ils sont
financés par l'argent public, donc, jusqu'à un certain point, ils peuvent être
considérés publics.
Mais
il y a une nuance à apporter. Et je pense que la porte qui a été ouverte par le
ministre, de dire : Est-ce qu'on peut reconnaître les organismes communautaires dans la gestion et la réalité
du maintien des services essentiels?, je pense qu'il faut se ramener aux missions des organismes
communautaires. Alors, tous ne sont pas dans le même volet, tous ne sont
pas dans la même orientation. On parle bien
sûr des organismes d'action communautaire autonomes. Alors, je vais vous
donner des exemples précis.
Il
y a des organismes qui sont dans la prévention, qui sont financés au niveau de
santé et services sociaux. Il y en a d'autres
qui sont des milieux de vie pour les citoyens du Québec, mais il y en a qui
sont vraiment dans la gestion de crise, et c'est là où je pense que le
ministre tantôt mentionnait, il faut peut-être regarder ça d'un petit peu près.
Je vais vous
donner deux exemples concrets. Les maisons d'hébergement pour les femmes
violentées, qui vivent des crises,
des situations tragiques, ça peut être une question de sécurité de la personne,
bien souvent, de sécurité de la femme, la sécurité de ses enfants. Alors, je pense que ça mérite cette
réflexion-là et j'espère que vous entendez un peu mon propos dans la
nuance qu'il se doit.
Un autre
exemple, la prévention du suicide chez les jeunes. Il y a des organismes qui
ont pour mandat et mission de s'assurer
de gérer une crise suicidaire et de s'assurer que le jeune est en démarche,
bien sûr, soit au niveau de la santé mentale ou avec les autres
ressources de la communauté.
Alors, tout
ça pour dire que, dans le maintien des services essentiels, je pense qu'il faut
avoir un peu cette ouverture de
regarder dans la nuance et non pas de façon unilatérale, et globale, et, bien
sûr, sans discernement. Mais je pense que les deux exemples que je viens de donner méritent peut-être qu'on s'y
attarde un peu. Ça, c'était par rapport au maintien des services
essentiels.
Pour ce qui
est du droit de grève, bien sûr, je reviens à votre recommandation n° 7 et je m'attarde un peu parce que c'est un élément commun de plusieurs représentants syndicaux lorsqu'ils
viennent à cette commission. Et vous avez bien mentionné, dans le fond, l'importance d'inclure l'équipe de gestion qui
peut être mise à contribution dans le déclenchement de la grève. Je veux
vous entendre là-dessus, sur l'importance de cette recommandation.
M. Boyer
(Daniel) : Bien, écoutez, je
vous dirais que la position historique de la FTQ, c'est que les cadres ne
devraient pas travailler en temps de grève.
Ça, c'est la position historique de la FTQ. Mais on est bien conscients, dans
le réseau de la santé puis des services sociaux notamment, que les cadres ont
travaillé dans le passé et vont continuer à le faire de toute façon.
Donc, si on
veut négocier de façon correcte les services essentiels, on devrait avoir
l'information correcte, de la part de
l'employeur, du nombre de cadres qui vont exercer des fonctions lorsqu'il
arrivera le temps où on déclenchera la grève. Comme ça, on pourra
dire : Bien, si on a besoin... je ne sais pas, moi, si on a besoin, sur
cinq préposés, on a besoin de trois préposés
aux bénéficiaires sur l'étage, si on vient ajouter un cadre, bien là, on en a
quatre. Si on a tous convenu que c'est
trois, bien, ça va être trois incluant le cadre. Mais on veut savoir quel cadre
va travailler et combien il y en a, de cadres qui vont travailler. C'est
ça qu'on veut savoir. Donc, on veut une information transparente, là.
Puis vous
avez tout à fait raison, là, le ministre avait sorti... a sorti une série
d'organismes ou d'entreprises, vous en avez
sorti d'autres. Vous avez tout à fait raison qu'il y a probablement d'autres
entreprises, d'autres organismes qui doivent être visés par les services essentiels. Mais est-ce qu'on peut s'en
jaser? Moi, je ne le sais pas. Je ne le sais pas, c'est lesquels. Je n'en
ai aucune idée, c'est lesquels.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Il reste 30 secondes.
Mme Sauvé : Je vais les
remercier. Je vais vous remercier pour votre ouverture à cette réflexion puis
merci d'avoir précisé. Je comprends mieux le sens de votre recommandation.
Merci beaucoup.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci pour l'échange. Alors, nous donnons la parole maintenant au deuxième
groupe d'opposition, au député d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc :
Mme la Présidente, je me demandais s'il serait possible de pouvoir utiliser le
temps qui ne sera pas utilisé après moi.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, vous voulez parler du 2 min 45 s du troisième groupe
d'opposition?
M. Leduc : Exact.
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, est-ce qu'on est d'accord pour
lui accorder le 2 min 45 s? Donc, ce qui lui fera un
total de 5 min 30 s, si je ne me trompe pas. C'est bien ça? On
lui accorde? C'est parfait, il est accordé.
M. Leduc : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour.
M. Boyer (Daniel) :
On a-tu le droit d'être pas d'accord?
Des voix : Ha, ha, ha!
M. Leduc : Je vais changer mes questions, d'abord. Bien,
bonjour, tout le monde. Bonjour. Content d'être ici avec vous.
Ma première
question concerne la page 7. Vous faites référence à ma mention du
lock-out puis vous expliquez, si je
comprends bien, puis vous me corrigerez, là, que là on précise plusieurs choses dans le cas
d'une grève, mais que la mention du lock-out n'est pas là et qu'il y a
comme un danger que, si c'est un lock-out dans le conflit qui est devant nous, il
n'y ait pas la même application. Pouvez-vous nous expliquer un peu ce qui vous
inquiète?
• (16 h 50) •
M. Boyer (Daniel) : Bien, on nous oblige à des listes de services essentiels, si on déclenche une grève, mais on n'oblige pas de services
essentiels dans le cas d'un conflit
qui serait un lock-out. Donc, on pense qu'on devrait tout viser. Bien évidemment, dans le secteur de la santé et des services sociaux, il est comme impensable qu'il y ait
un lock-out. Mais, si on vise de
nouveaux organismes communautaires, peu importe, ce n'est pas dit que ces
organismes-là n'utiliseront pas le
lock-out, comme ils ont le droit de l'utiliser de toute façon. Donc, si on juge
qu'il s'agit d'un service essentiel, il faudrait qu'il soit soumis aux
mêmes règles, c'est-à-dire déterminer une liste de services essentiels pour le
bien de la population, là.
M.
Leduc : Je comprends donc que si, finalement, le ministre change
d'avis sur l'élargissement de l'applicabilité de cette loi-là, ce genre
de requête là serait moins à propos. Dans le sens, si on reste dans les
services publics traditionnels, il y a moins de danger d'un lock-out, comme
vous le mentionnez.
M.
Boyer (Daniel) : Effectivement.
M. Leduc :
O.K. Je comprends. Recommandation n° 9, vous
expliquez que vous voulez parler des grèves non continues. Est-ce que vous pouvez m'expliquer un peu
ce qui en retourne de ça? «La FTQ recommande que l'avis de grève dans les services publics et les secteurs public
et parapublic permette une plus grande liberté aux associations
accréditées quant à l'organisation et à
l'exercice d'une grève dans le temps, en autorisant des journées de grève non
continues.» C'est simplement de séparer des blocs de grève, ce qui n'est
pas le cas actuellement? Ce n'est pas permis actuellement?
M.
Boyer (Daniel) : Bien, c'est permis, mais là on est pris dans
les délais, puis c'est ce qu'on dit aussi à la recommandation 10. C'est
que ce n'est pas permis dans le sens qu'on ne peut pas aviser qu'on va faire
deux blocs de deux jours de grève. Il faut
commencer par faire le premier bloc, que ça passe, et là on envoie un deuxième
avis. C'est ça qui est un problème.
Pourquoi on ne peut pas tout faire en même temps?
M. Leduc :
Simplifier la procédure, en quelque sorte.
M.
Boyer (Daniel) : Bien, simplifier la procédure.
M.
Leduc : Parfait. Ce matin,
on a reçu les gens de l'Association des établissements privés
conventionnés, et je leur ai posé la question,
que j'ai d'ailleurs aussi posée au Conseil du patronat qui les précédait, à savoir si ce que j'avais entendu... un
petit oiseau m'avait glissé à l'oreille que, dans certains cas, puis, en fait,
M. Boyer, vous avez dit que vous l'avez expérimenté
vous-même, dans certains cas, entre autres les résidences privées conventionnées, quand il y a
un service essentiel qui est appliqué en raison d'une grève, il y a
plus de monde sur le plancher qu'en cas régulier. Et on m'a répondu que
ce n'était pas tout à fait la réalité. Ce n'est pas la réalité. C'est ça qu'on
m'a répondu. Quelle est votre réalité, votre version de la réalité?
M. Boyer (Daniel) : Bien, écoutez, si on se parle à l'époque où moi, j'étais préposé aux bénéficiaires, effectivement, ce n'était pas la réalité, mais c'est la réalité d'aujourd'hui, là. Quand on a du non-remplacement parce
qu'on n'est pas capable de remplacer, parce qu'il y a une rareté ou
une pénurie de main-d'oeuvre, on est des fois, là, la fin de semaine, des jours fériés, on est en
bas des services essentiels qu'on devrait rendre au moment où on se parle, là, en vertu du
Code du travail. Donc, oui,
effectivement, c'est le cas. C'est effectivement le cas. Je ne vois pas
pourquoi on dit que ce n'est pas le cas, parce qu'on le constate dans
les milieux de travail, là.
M. Leduc :
Donc, ceux qui vous accompagnent aujourd'hui sont des gens qui sont directement
dans le milieu. Est-ce que c'est une pratique qui est très courante? Est-ce que
c'est quelque chose qui pose des défis en matière de mobilisation aussi?
Mme
Cabana (Karine) : Il est certain que, si on le prend en fonction du
nombre... on garde les pourcentages qui existent à l'heure actuelle, c'est sûr que, quand on regarde ce qui se
passe présentement autant dans les privées conventionnées que dans les établissements de santé, il n'est pas
rare de travailler des fins de semaine, et on l'a vu souvent, là, en
Estrie, c'est arrivé à plusieurs reprises,
moins 10, moins 15, moins 20 préposés, alors que, si on était assujettis
aux services essentiels et on était
en temps de grève, ces pourcentages-là... ce chiffre-là ne serait pas
acceptable. On devrait syndicalement maintenir beaucoup plus de
personnes parce qu'on doit partir de la liste qui devrait être en place.
Alors,
s'il devrait y avoir 10 personnes en place et que, dans la loi, on doit en
maintenir neuf, à 90 %, il n'est pas rare que, de façon générale, sur les unités de soins, on travaille à six ou
sept préposés aux bénéficiaires. Donc, on est en deçà de ce que la loi
nous obligerait à maintenir si on était en grève. Ça, ce n'est pas rare.
M. Leduc :
Est-ce qu'il y a d'autres secteurs que les résidences privées conventionnées
qui vivent ce genre de dynamique là?
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Vous avez 30 secondes.
M.
Boyer (Daniel) : Dans le réseau public, là, dans les hôpitaux,
dans les CHSLD, dans les CLSC. Quand j'ai mentionné tout à l'heure qu'il faut
réinvestir dans nos services publics, là, bien, c'est tout à fait ça, parce
que, si on ne réinvestit pas dans nos services publics, bien, on va avoir de la
misère à retenir le monde puis à attirer le monde.
M.
Leduc : Merci beaucoup.
La
Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, ça met fin à la consultation. Je
vous remercie beaucoup,
les membres de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec,
pour votre contribution, votre précieuse contribution.
Nous allons nous
arrêter quelques minutes pour donner le temps à l'autre groupe de s'installer.
Merci encore. C'est bien. Au revoir.
(Suspension de la séance à
16 h 55)
(Reprise à 17 h 01)
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Alors, nous commençons. Nous souhaitons la bienvenue aux
membres de la Fédération
interprofessionnelle de la santé du Québec. Bienvenue. Comme vous le savez, vous disposez de 10 minutes
pour votre exposé. Je vais vous inviter d'abord à vous présenter avant de
commencer.
Fédération
interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ)
Mme Bédard (Nancy) : Alors, bonjour, Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes, MM. les députés. Alors, tout d'abord, je tiens vraiment
à vous remercier pour l'invitation à ces audiences de la commission sur le projet de loi n° 33. Donc, je
me présente, Nancy Bédard, je suis la présidente de la FIQ, la Fédération interprofessionnelle de la
santé du Québec. Alors, les gens qui m'accompagnent : Roberto Bomba,
qui est trésorier et puis qui est coresponsable à la négociation nationale; Catherine Hopkins,
qui est conseillère juridique à la fédération; et Serge Prévost, qui est
conseiller à la coordination de la négociation nationale.
Donc,
nous saluons le projet de loi n° 33 puisqu'il permet d'améliorer le régime québécois
de détermination des services
essentiels, et ce, à la faveur d'un meilleur équilibre entre les intérêts des
parties. Bien que cela puisse paraître un peu contradictoire, on croit fermement que le régime des services
essentiels doit diminuer le moins
possible l'impact sur la grève. La
portée des revendications syndicales, vous le savez, elle est portée par nos
syndicats, par nos membres et elle ne vise
pas uniquement à améliorer les conditions de travail des professionnels en
soins, mais elle est nécessaire pour mettre en place des conditions de travail qui leur permettent de
dispenser des soins de santé humains, de qualité et sécuritaires à
l'ensemble de la population, et ces revendications permettent aussi, pour nous,
de préserver les services publics.
De
façon plus spécifique, nous tenons à vous signifier que nous accueillons aussi
favorablement les modifications qui
sont apportées au régime des services publics. Le législateur témoigne d'un
plus grand respect du droit à un véritable processus de négociation
collective en confiant au Tribunal administratif du travail le mandat du
contrôle des services essentiels. En ce qui
a trait au régime concernant le secteur public, nous saluons aussi l'idée
générale qu'à l'avenir les services essentiels
seront déterminés par la voie de la négociation d'une entente ou encore par le
dépôt d'une liste sans pourcentages prédéterminés
et que l'ensemble de ce processus sera sous le contrôle du tribunal. Nous
souhaitons un régime clair, bien sûr, et
bien adapté à la réalité des parties. Donc, la disparition d'un pourcentage
unique à maintenir dans une installation, pour nous, est vraiment un pas dans la bonne direction. Il était plus que temps
qu'on révise cette façon de faire pour tenir compte des nombreuses réformes qui ont marqué le réseau
de la santé, et, vous êtes à même de le constater, les installations du
passé ne correspondent vraiment plus à la réalité d'aujourd'hui.
Donc,
cependant, à cet égard, nous nous interrogeons quand même sur le choix des
termes utilisés dans le projet de loi, sur certains termes, notamment
les termes «unité de soins» et «catégorie de soins ou de services», qui ne sont
pas définis actuellement ni dans le projet
de loi, mais ni dans nos conventions collectives. Le choix de ces termes, à
notre avis, pourrait prêter flanc à
des interprétations différentes et à rendre plus complexe la détermination des
services essentiels à négocier entre
les parties. Donc, pour être en phase avec la réalité, la réalité de nos
conventions collectives, la réalité des professionnels en soins, nous croyons plutôt que l'utilisation du terme
«centre d'activité» serait beaucoup plus appropriée.
Par
ailleurs, nous croyons important d'inclure dans le projet de loi que les
services essentiels soient négociés entre les parties et qu'ils ne visent que les salariés de l'unité d'accréditation.
Cette précision, que l'on retrouve actuellement dans le Code du travail, est absente dans le cadre de ce
projet de loi. Nous saluons le retrait des pourcentages obligatoires
prévus dans le Code du travail. Ce retrait
permet une plus grande latitude lors des négociations entre les parties
locales, en plus de rétablir un juste
équilibre entre le droit de grève et les services essentiels. D'ailleurs, ces pourcentages qui étaient fixés unilatéralement ne
reflètent vraiment plus le niveau réel requis pour éviter que la santé et la
sécurité de la population soient menacées.
Il
nous apparaît, et je ne peux l'éviter, je vais vous le dire, de
souligner qu'au quotidien et en temps normal plusieurs centres d'activité et plusieurs établissements,
actuellement, se permettent — on a eu la question, tout à l'heure, dans
l'autre avant nous — de
fonctionner avec des effectifs inférieurs à ces pourcentages requis lors d'un
arrêt de travail, et ça, contrairement à ce
qui vous a été confirmé ici par les EPC, les représentants des EPC ce matin, et
je souhaitais vous le dire au passage.
À défaut d'entente entre les parties, nous suggérons aux législateurs de
prévoir une disposition qui obligerait le tribunal à faire un exercice de pondération visant le juste équilibre
entre le maintien des services essentiels et le droit des salariés à la grève. Sans remettre en question
l'obligation de donner un préavis avant de déclencher un arrêt de travail,
on croit qu'une réduction des délais actuels prévus favoriserait un meilleur
équilibre entre le droit et les obligations des parties. L'atteinte de ce juste équilibre passe aussi par
une réduction des délais dont dispose le tribunal pour approuver la
suffisance des services essentiels. Nous suggérons donc de passer de 90 à
60 jours.
Les parties locales auront dorénavant un rôle
crucial à jouer pour la détermination des services essentiels et, pour être à
même de jouer ce rôle, les parties doivent avoir en main toute l'information
nécessaire. Donc, nous saluons l'introduction, dans le projet de loi, de l'obligation de communiquer
aux syndicats les informations requises pour déterminer les services essentiels. Cependant, il nous
apparaît primordial que cette information contienne notamment les horaires
de travail et qu'elles soient transmises au
syndicat local dans les 15 jours de la demande. Et si on se permet et on
vous demande cette précision, c'est
parce qu'à chaque fois nous devons faire de nombreuses représentations auprès
des employeurs pour obtenir cette information qui est nécessaire à la
réalisation et à la détermination des services essentiels.
Nous saluons
la volonté du législateur de réviser le régime de détermination des services
essentiels à prévoir en temps de
grève afin de se conformer aux enseignements de la Cour suprême. Ces
modifications redonnent un rôle stratégique aux syndicats locaux dans la détermination des services essentiels et
dans la mise en oeuvre des moyens au soutien aussi de leurs
revendications. Cependant, puisque le régime de négociation dans le secteur de
la santé et des services sociaux comprend également les négociations locales,
nous souhaitons que ce régime soit aussi révisé à la lumière de ces
enseignements puisque le recours à la grève est interdit par le Code du travail
et les autres lois encadrant ce régime.
Nous sommes
préoccupés par les changements proposés visant les pouvoirs aussi du tribunal à
reconsidérer ses décisions si les
services essentiels prévus à une entente ou à une liste s'avèrent suffisants.
Nous craignons que toute personne intéressée
puisse demander une reconsidération de la décision du tribunal alors que la
liste ou l'entente ont déjà fait l'objet d'une évaluation de ce tribunal. Nous croyons qu'il est préférable de ne
pas remettre en question la décision du tribunal qui approuve la liste ou l'entente, à moins qu'il y
ait des faits nouveaux. Permettre au tribunal de reconsidérer sa propre
décision sans preuve de faits nouveaux
ferait peser une épée de Damoclès sur les syndicats et les membres qui
respecteraient et qui vont respecter de bonne foi une entente ou une
liste approuvée par le tribunal. C'est pourquoi nous demandons que la décision du tribunal soit exécutoire et sans
appel, sous réserve des demandes de révision, qui sont déjà quand même
prévues au code actuellement.
En conclusion, les professionnels en soins que
nous représentons ont toujours eu la préoccupation d'offrir à la population des soins de qualité et des soins
sécuritaires. Nous ne remettons pas en cause la nécessité de maintenir les
services essentiels en cas de grève. L'enjeu
réel est plutôt l'ampleur de ces services. Nous accueillons favorablement la
volonté de rétablir un tant soit peu
l'équilibre entre les parties. Nous devons souhaiter que le tribunal
reconnaisse à sa juste mesure les droits
des salariés d'utiliser leur rapport de force afin d'obtenir des conditions de
travail favorisant une meilleure qualité et sécurité des soins à la
population du Québec. Donc, tout est une question d'équilibre.
• (17 h 10) •
Nous
profitons de cette audience, en terminant, pour vous partager notre immense
préoccupation quant à l'état actuel du
réseau et des établissements de la santé et des services sociaux. Ces derniers
fonctionnent actuellement, et ça, depuis des semaines et des mois, vraiment en deçà et en déficit important de personnel. Les nombreuses mesures d'austérité
au cours des dernières années ont laissé des séquelles importantes.
Donc, au-delà du projet de loi actuellement sous
étude, nous croyons que la priorité du gouvernement et du Tribunal
administratif devrait être de veiller à ce que les établissements s'efforcent
de se doter du nombre suffisant de professionnels en soins à tous les jours, et
à tout moment, et certainement pas seulement en temps de grève.
Donc, nous
souhaitons des mesures concrètes qui soient mises de l'avant rapidement afin
notamment d'éliminer le recours au temps supplémentaire obligatoire et
ainsi permettre aux professionnels en soins d'offrir des soins de qualité
sécuritaires à la population, et ça, en tout temps au Québec.
Nous sommes à
l'aube de la négociation nationale. La détermination des services essentiels
fera partie du processus de
négociation. Alors, nous souhaitons une entrée en vigueur rapide du projet de
loi afin que les nouveaux paramètres soient connus par les parties en
temps opportun. Alors, je vous remercie de votre attention.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Merci pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période
d'échange. M. le ministre, vous disposez de 16 min 30 s.
M.
Boulet : Merci à la FIQ pour
la qualité de votre mémoire et de vos représentations. C'est extrêmement clair. Évidemment, vous touchez plusieurs
aspects. Je comprends que, sur le fond, vous êtes d'accord
avec ce projet de loi là qui,
en partie, s'imposait mais, en partie, assure, je pense, un meilleur rapport de
force ou un meilleur équilibre.
Puis moi, que
vous référiez souvent à cette notion-là d'équilibre, j'y adhère et je trouve
que le meilleur équilibre entre le maintien des services essentiels puis
l'exercice du droit de grève, il réside essentiellement dans le concept de
santé et sécurité publique qui est reconnu, bien appliqué et utilisé, notamment,
par l'Organisation internationale du travail.
Les points un
peu périphériques de votre présentation, déficit de personnel, oui, bien sûr
que ça m'interpelle, hein? On vit
dans un contexte de rareté de main-d'oeuvre, vous savez pourquoi. La population
du Québec vieillit beaucoup, les personnes
en âge de travailler diminuent, puis, dans le domaine de la santé, c'est un des
trois secteurs les plus déficitaires. On a souvent parlé des préposés aux bénéficiaires, des infirmiers,
infirmières, puis il y a des professionnels comme les psychologues, les
kinésiologues, les pharmaciens aussi, les pharmaciennes aussi. C'est un secteur
qui est en déficit. On y travaille beaucoup,
vous savez, puis, pour le temps supplémentaire obligatoire, on sait que ça
engendre de la détresse psychologique, puis on est particulièrement
sensibles à ça.
Puis ma collègue Danielle McCann, puis ainsi que
ma collègue Marguerite Blais ont fait des plans d'action parallèles pour les préposés aux bénéficiaires.
Vous savez ce que nous avons annoncé il y a quelques semaines, là, les
bourses en collaboration avec les CIUSSS et
les CISSS. Je pense qu'on essaie de faire tout ce qu'on peut puis je pense que
ça va donner des résultats qui sont
intéressants avec l'écoulement du temps. L'entrée en vigueur de la loi... de ce
projet de loi là, bien sûr, hein, il est requis le plus rapidement
possible.
Je
veux m'attarder, là, si vous me permettez... puis vous pourrez me faire des
commentaires additionnels, là, mais les
termes «unité de soins» puis «catégorie de services», c'est important d'y
référer, mais ils sont déjà utilisés dans le régime actuel. Il y a catégorie de soins qui n'existe
pas, qui est un concept nouveau, mais d'abord, unité de soins, c'est
important de dire que ça réfère aux soins
dispensés en établissement, notamment les soins intensifs, les unités de
gériatrie, les soins prolongés et les soins palliatifs.
Pour
la catégorie de services, ça inclut les éléments qui sont à l'extérieur des
soins directs aux patients mais qui pourraient potentiellement mettre en
danger la santé ou la sécurité publique s'ils étaient interrompus en cas de
grève. Et là ça comprend notamment l'entretien ménager, les services
alimentaires, la buanderie, le transport des patients, la brancarderie, et
autres.
Le
projet de loi vient ajouter la notion de catégorie de soins afin... on veut
vraiment s'assurer de couvrir des soins qui ne sont pas dispensés dans les unités de soins que l'on retrouve en
établissement, notamment
dans les cas suivants : les soins infirmiers prodigués à domicile — bon, il
y en a beaucoup, là — et
de plus en plus les soins palliatifs à domicile, il y a les soins infirmiers prodigués dans le cadre des services ambulatoires en clinique externe, par exemple, l'enlèvement des points de
suture, les soins de plaies et pansements, les soins de sonde ou de colostomie,
l'administration de médicaments par intraveineuse et autres, il
y a aussi les soins infirmiers
prodigués dans le cadre d'un
programme de désintoxication. À titre
d'exemple, le suivi en hébergement externe peut inclure la prise et
l'administration de médicaments de substitution et nécessiter le suivi
par une infirmière.
Ça
fait qu'on ajoute «catégories de soins», mais ça permet de couvrir aussi
l'évolution des soins et services qui tendent à être donnés dans le milieu de vie, parce qu'on la sent, cette
tendance-là, les soins qui sont prodigués à domicile ou dans le milieu de vie des patients. Mais je pense que ces
concepts-là, «unités de soins», «catégories de services», c'est
important que je fasse les références que je viens de faire, et c'était déjà
dans le régime actuel de maintien des services essentiels. Et «catégories de soins», ça vise à tenir compte de
l'évolution dans la nature et dans la localisation des services qui sont
rendus aux patients. Et ça, c'est un concept
qui est nouveau, mais je pense que mes commentaires, bien, je veux
essentiellement que ça aide à préciser ce qu'on a l'intention de faire.
Le
délai... Je sais que vous avez fait référence aussi au délai pour permettre au
TAT... le délai dont il dispose pour... Tu sais, actuellement, si, à l'expiration du 90 jours, il n'y a pas
de décision rendue par le TAT, l'entente entre les parties ou la liste de services est réputée approuvée par le
TAT. Et ce qu'on a prévu dans le projet de loi, c'est qu'il ait la possibilité,
le tribunal, de bénéficier d'un délai
supplémentaire de 30 jours pour la première ronde de négociation, parce
que ça risque parfois d'être un peu plus... il faut s'adapter à une
nouvelle réalité législative et le TAT bénéficiera de ce délai-là additionnel
de 30 jours.
Donc,
c'étaient des commentaires, là, que je sentais le besoin d'apporter, là,
surtout sur les définitions de concepts. Outre ça, je pense que je vous ai bien entendus puis je salue, moi, à
mon tour votre quête incessante pour un juste équilibre entre le
maintien des services essentiels et l'exercice du droit de grève.
Mme Bédard (Nancy) : Je pense que je préciserais, M. le ministre, puis
ce que je souhaite porter à votre attention, c'est qu'effectivement toute notion qui n'aurait pas de définition et
qui ne serait pas claire, dans cette loi-là, va complexifier... Vous savez, le diable est dans les détails, je
vais le dire comme ça, et, quand on arrive pour s'asseoir avec les
employeurs et surtout... là, on va vraiment
conférer à nos syndicats locaux et aux établissements le fait de s'entendre.
Bien, tout flou qu'il pourrait y
avoir à ce chapitre-là va complexifier les travaux, et, pour les professionnels
en soins et dans notre contrat de travail, et partout, nous, quand on
discute des paramètres et... les notions, c'est des notions de centres
d'activité.
Alors, je comprends
que vous avez vos définitions. Elles ne sont pas claires pour nous, elles ne
sont pas bien précisées. Cependant, il
faudrait potentiellement aussi songer à préciser pour nous la notion de centres
d'activité. Elle serait extrêmement
importante et faciliterait beaucoup les travaux, parce que c'est vraiment avec
cette notion-là qu'on travaille actuellement au niveau de tous les
établissements qu'on représente.
• (17 h 20) •
M.
Boulet : Oui, c'est un bon point. En même temps... puis il y a
des approches, hein, qui peuvent être différentes. Moi,
j'ai toujours eu la conviction que quand on veut trop définir puis quand on
veut éviter que le diable soit dans les détails, on essaie de donner
plus de détails puis là on se perd. Et plus il y a de mots dans une définition,
plus il y a des risques d'interprétation, des problèmes d'interprétation ou
d'application et des ambivalences.
Ce
qui m'apparaît vraiment crucial, c'est de donner un pouvoir d'appréciation au
Tribunal administratif du travail. Je
comprends, il y a
des concepts comme «centre d'activité», «unité de soins», mais on parlait de services publics un peu plus tôt. Il y a des définitions qui, je pense, ça
doit constituer des guides qui permettent au Tribunal administratif du
travail de s'adapter et de s'assurer du maintien de l'équilibre ou de
rechercher l'équilibre dont vous faites souvent référence.
En
même temps, on ne sera pas fermés à ce qu'il y ait des précisions pour éviter
des dérapages, là, comme service... la
notion de service public, là, tu sais, il y en a qui sont venus faire des
représentations un peu plus tôt puis qui disaient : On ne veut pas
que ça s'applique à n'importe quelle entreprise privée. Tout le monde va lever
la main puis va dire : Il faut limiter le droit de grève par le maintien
des services essentiels en plaidant l'atteinte ou le risque pour la santé et
sécurité publique. Oui, il faut définir pour
mieux orienter les parties parce que les services essentiels, je suis d'accord
avec vous, ça appartient vraiment aux
parties. Il faut que les définitions servent de guide, comme je l'ai dit, au
Tribunal administratif du travail,
mais, en même temps, il ne faut pas que le corridor soit trop étroit parce que,
là, ça va avoir l'effet pervers de susciter des ambivalences puis des
contentieux entre les parties, là.
Mme Bédard (Nancy) : Alors, on vous soumet notre demande, puisque
nous, pour nous, on souhaite qu'il n'y ait pas une grande file au TAT parce qu'on va avoir trop d'établissements
qui n'auront pas d'entente finalement où on aura besoin du TAT, parce que, pour nous, ce qu'on vous soumet, c'est que
c'est un flou qui est là actuellement et c'est un risque.
Alors, je comprends
vos propos, je n'adhère pas tout à fait à tout ce que vous dites pour avoir une
longue expérience sur avoir établi des services essentiels dans ma carrière
syndicale. Et, si on vous nomme nommément cette précision-là, c'est parce que, pour nous, elle a
une importance. Et je pense que l'idée, ce n'est pas de faire en sorte
qu'il y ait le moins d'ententes possibles,
au Québec, avec ce nouveau projet de loi là, mais c'est qu'il y en ait le plus
possible, et que le TAT, à ce chapitre-là, n'ait pas à se pencher sur
ces notions-là le moins possible.
Alors,
c'est pour ça qu'on vous soumet bien humblement le fait que cette précision-là
pourrait, dans l'ensemble des établissements, être favorable à des
ententes.
M. Boulet :
J'apprécie puis je vais essayer de trouver des exemples où il a pu y avoir des
flous, parce que, dans la réalité,
dans la vaste majorité des dossiers, les parties s'entendent sur les contours
des services essentiels. C'est rare qu'on a à intervenir pour imposer ou pour modifier soit... bien, tu sais, pas
l'entente, mais la liste des services essentiels soumise par la partie syndicale. Mais je vais essayer de me
figurer, là, des exemples où, sur la catégorie de soins, par exemple, il
aurait pu y avoir des ambivalences. Puis là
où ça risque d'affecter négativement la santé, sécurité publique, on va
sûrement être attentifs, là, de façon très sérieuse.
Encore
une fois, merci beaucoup, hein, pour la qualité de vos représentations. Puis
j'ai apprécié aussi que vous traitiez de
questions qui ne sont pas périphériques, là, quand vous parlez de rareté de
personnel, puis de qualité de soins, puis de temps supplémentaire obligatoire, puis des impacts que ça peut engendrer.
Ça démontre que vous êtes une fédération qui est aussi présente pour les
salariés que vous représentez. Alors, je ne peux que vous dire bravo.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : C'est terminé? M. le ministre, c'est tout?
M. Boulet :
Oui, c'est complet. Excusez-moi, Mme la Présidente.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Merci. Alors, nous cédons la parole à
l'opposition officielle avec le député de Vimont.
M. Rousselle :
Merci, Mme la Présidente. Mme Bédard, M. Bomba, Mme Hopkins et
M. Prévost, bienvenue. Bienvenue puis
merci d'être présents, mais aussi d'avoir préparé le mémoire. C'est toujours un
travail assez ardu, donc ça, je n'en
doute même pas. Donc, ce n'est pas nécessairement évident, surtout qu'il faut
toujours consulter nos membres et puis voir, dans différents secteurs,
comment ça fonctionne.
Vous
avez... mais justement vous m'avez entendu dans mes questions, justement, dans
des autres groupes, qui me préoccupent.
Le ministre en a parlé aussi parce que c'est bien beau qu'on détermine... Vous
savez, on le sait tous, vous avez... on
a tout autant... on a pas mal d'expérience au niveau du travail, l'équilibre
dans la négociation pour les droits de la grève et les droits des usages ou des gens qui reçoivent
des soins, c'est toujours fragile, hein? C'est toujours mince, quelque...
à des endroits, puis il faut faire attention.
Je
sais que vos membres, parce que vous avez 76 000 professionnels,
donc, eux autres aussi prennent ça à coeur, donc réalisent justement que... tu
sais, je veux dire, oui, j'ai besoin... moi aussi, je veux avoir des conditions
de travail meilleures, et puis on
travaille dans ce sens-là, mais, de l'autre côté, ils sont bien conscients puis
ils sont vraiment humains, dans le sens
que oui, mais j'ai des patients puis je m'en occupe. Ça, je suis... On le voit,
d'ailleurs. Donc, vous n'avez pas besoin de le démontrer, je pense que
la population du Québec le voit facilement.
Mais
je reviens encore... oui, puis je comprends que vous avez... comme le ministre
l'a mentionné à la fin, vous n'avez pas
tombé, vraiment, dans le discours comme quoi, au niveau... il manque d'emplois
puis tout le kit. Mais moi, je reviens toujours
dans la question que j'ai posée aux autres syndicats... O.K., on sait, on est
en pénurie d'emplois, on sait tous ça. Moi, où ça m'inquiète, c'est que pour préserver, justement, les droits des
travailleurs et préserver, justement, le bon service aux usagers... vous, au niveau de la FIQ, vous vous
situez où là-dedans? Parce que vous ne devez pas être... vous devez
faire de la gymnastique, sûrement, à quelque part, à un moment donné, là, tu
sais. Donc, j'aurais aimé ça vous entendre là-dessus.
Mme
Bédard (Nancy) : Si je comprends bien votre question, c'est,
dans le cadre de l'application des services essentiels, où on se situerait.
Bien,
ce qui est bien dans ce projet de loi
là, c'est de référer, justement,
au niveau local et, à chacun des établissements et
des syndicats locaux, le fait de déterminer les services essentiels. Donc, au
moment où ça arrive, dans chacun des établissements,
avec le niveau de soin de chacun des centres d'activité, ça va permettre, justement, tout cet équilibre-là entre le
droit de grève et entre la sécurité et le droit de soins que nos patients ont
actuellement besoin au Québec.
Alors,
pour nous, ça correspond au juste équilibre que... Bien, le législateur, si on
veut, puis les enseignements de la cour...
le fait de conférer à chacun des établissements au lieu d'avoir des paramètres
qui sont unilatéraux au Québec. Alors, on y voit là, effectivement, un
élément extrêmement positif au chapitre de vos interrogations, M. le député.
M.
Rousselle : Vous savez, dans la recommandation 5, vous
parlez de l'article 17, réduire de 90 jours à 60 jours.
Voulez-vous nous en donner un petit peu plus là-dessus?
Mme
Bédard (Nancy) : Catherine, je vais te laisser...
Mme Hopkins
(Catherine) : Je n'ai pas compris la question.
M. Rousselle :
C'est la recommandation 5.
Mme Hopkins (Catherine) : La recommandation
5, oui?
M. Rousselle : C'est que, là, vous amenez de 90 à 60 jours. Je comprends que vous dites, en espèce, la TAT dispose... 90 jours, peut
statuer sur la suffisance des services. Avant, là... Je lis un petit peu votre
texte, là. Donc, j'aimerais vous expliquiez, parce que j'ai bien beau lire le
texte, mais j'aimerais ça que vous m'en disiez, m'en donniez plus, là, pour que
je comprenne.
Mme
Hopkins (Catherine) : Bien, écoutez,
notre recommandation, effectivement, est de réduire les délais dans la mesure où, en faisant les vérifications, les
délais qui sont prévus au code prévoient effectivement 90 jours
pour le TAT, dans le fond, une fois qu'une liste ou une entente lui est
soumise, qu'elle est présumée approuvée par le tribunal.
Nous, dans le fond,
ce qu'on demande, c'est réduire ce délai-là afin qu'on soit statué assez rapidement,
à savoir s'il y a une impasse par rapport à la liste ou à l'entente et
également qu'on sache si cette liste ou cette entente-là est approuvée par le tribunal. Donc, c'est pour ça
qu'on a demandé une réduction du délai afin qu'on soit statué plus
rapidement, compte tenu que le droit de
grève étant un droit assez névralgique. Puis il y a aussi une question de
conjoncture lorsqu'on exerce ce droit-là. On préfère être statué plus
rapidement sur la situation.
M.
Rousselle : Je n'ai pas vu... Merci. Je n'ai pas vu, puisque
j'ai... vous avez sûrement écouté la FTQ, CSN avant vous. Eux autres, ils parlent du sept jours,
justement, pour déclarer une grève, et, si jamais, à un moment donné, ils
changeaient de date, eux autres, ils ne
trouvent pas ça normal qu'il y ait un autre sept jours qui s'ajoute pour
changer la date. Vous, vous en dites quoi là-dedans? Parce que je ne
l'ai pas vu, à moins que j'ai trop... je n'ai pas regardé assez rapidement.
Mme
Hopkins (Catherine) : Écoutez, par rapport, effectivement, à la
question du sept jours, pour nous, ça ne fait pas l'objet, nécessairement, d'une préoccupation. C'est pour ça qu'on ne
l'aborde pas. En tant que tel, le code, tel qu'il est rédigé
actuellement, ne nous pose pas problème à cet égard-là.
M. Rousselle :
Je vais laisser ma collègue de Fabre...
La Présidente (Mme
IsaBelle) : À vous la parole.
Mme Sauvé :
Merci, Mme la Présidente. Combien de temps me reste-t-il?
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Il vous reste cinq minutes.
• (17 h 30) •
Mme Sauvé :
Cinq minutes. Alors, je vous remercie et à mon tour de vous dire à quel point
votre intervention, votre présentation a été d'une grande qualité... une
préoccupation sur le terrain.
Moi,
je veux... puis la qualité, évidemment, de votre mémoire. Je veux revenir un
peu, tantôt, sur votre préoccupation de
clarifier, bien sûr, jusqu'à un certain point, la définition des services essentiels. Il y a
eu un dialogue. J'ai été attentive à la conversation entre le ministre
et vous, et puis la volonté d'aller, jusqu'à un certain point, préciser
certains éléments.
En même temps, quand
je regarde dans votre mémoire, la recommandation 4, on prend...
L'hypothèse, c'est qu'il y a possibilité, dans le fond, qu'il n'y ait pas d'entente entre les parties,
et là vous définissez, dans le fond, vous amenez un élément nouveau, une disposition qui devrait être ajoutée pour tenir compte d'un
exercice de pondération. Et là, là-dessus, moi, j'aurais besoin de clarifications. Ça peut ressembler à quoi, la pondération, la
définition de l'exercice de pondération? Et j'ajouterais, à la
définition que j'aimerais entendre, tout en tenant compte de la réalité de la
pénurie, parce que cette pondération-là dans l'équilibre entre le droit de
grève et le maintien des services essentiels, bien, s'il y a une réalité de pénurie, ça rend l'exercice de pondération beaucoup
plus ardu et difficile, alors... Puis je sais que vous êtes très concrète
et je sais que vous êtes très près du terrain, ça fait que j'ai le goût de vous
entendre me préciser tout ça.
Mme Bédard
(Nancy) : Bien, l'idée, là, c'est qu'on sent que le législateur,
au niveau du projet de loi, a voulu s'assurer d'un équilibre, hein, entre, justement,
la sécurité du public et le droit aux salariés à la grève.
Ce
qu'on souhaite, dans cette précision-là, c'est juste un rappel au tribunal que,
quand il aura à prendre une décision sur une impasse, bien, qu'il se rappelle que, dans
ses obligations, il faut qu'il y ait toujours
ça dans sa balance. Donc, cet exercice
de pondération là, c'est juste venir clairement, dans un texte, lui rappeler ses obligations
qui, en vertu de ce que le législateur a voulu lui faire... tu sais,
s'assurer qu'il y a des écrits là-dessus.
Honnêtement, dans les dernières expériences que nous avons eues, quand il y a
des litiges, bien, il y a des décisions qui nous apparaissent être assez unilatérales sur le fait que, quand il y a une mésentente, bien, on va y
aller tout de suite sur c'est quoi les règles. Si c'était 90 %
qu'on avait statué dans un établissement, bien, ça va être 90 % sans
regarder plus précisément c'est quoi
l'élément qui a soulevé ce litige-là. Donc, honnêtement, c'est seulement
pour faire un rappel au tribunal en
mettant un élément qui considère ça, que son obligation, c'est de toujours
s'assurer maintenant qu'il y
ait un équilibre, et c'est ce
que le législateur a voulu.
Donc, tout simplement, peut-être que ce n'est pas
clair, la façon dont un exercice de pondération... mais pour nous, en
l'inscrivant comme ça, c'est vraiment un rappel au TAT qu'on voulait faire.
Mme Sauvé :
Est-ce qu'il me reste un peu de temps?
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Il vous reste 1 min 50 s.
Mme Sauvé : Alors, je vais compléter. Merci pour votre
réponse. S'il n'y a pas d'écrit... vous avez dit, s'il y a des écrits, s'il y a des situations, s'il y a
jurisprudence, mais s'il n'y a pas d'écrit... Alors, est-ce que vous pouvez me
décrire une situation où ça devient... où la
pondération, là, il faut la définir, presque l'inventer parce que c'est une
situation unique? Est-ce que vous... puis, dans le contexte de la
pénurie, là, est-ce que...
Mme Bédard (Nancy) : Bien, si je me réfère à certaines expériences
qu'on a, certainement, s'il y a un litige... alors si, comme partie, on établit que, dans un centre d'activité, il devrait y avoir
60 % de services essentiels, il y a une difficulté, il y a un litige à ce
chapitre-là, bien, le TAT rapidement pourrait rendre et a fait ça régulièrement dans nos expériences, a toujours rendu, si on veut, sa décision qui était
favorable aux employeurs, je vais le dire comme ça. Alors, ce que
l'employeur disait... On n'a pas d'équilibre
entre le droit... et ce que nous, on revendiquait, pour les salariés dans notre
vision, et ce que l'employeur revisait. Souvent, c'est comme on a
l'impression qu'il va au plus court, il va statuer qu'est-ce qui a été demandé,
qu'est-ce qui est dit, et c'est ce qui va être donné.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : En conclusion. Il reste 30 secondes.
Mme Bédard (Nancy) : Donc, pour favoriser, si on veut, ce juste
équilibre-là, on souhaite lui rappeler qu'il doit toujours pondérer entre le droit de grève et la
sécurité du public. C'est un rappel dans une ligne qui, pour nous, aurait
une portée extrêmement importante.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Merci. Merci pour l'échange. Nous cédons la
parole maintenant au député d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous disposez de
2 min 45 s.
M. Leduc :
Merci. Bienvenue. Content d'être ici avec vous. Merci pour votre mémoire très
intéressant. Ça va nous être très utile pour l'étude détaillée qui
suivra dans quelques jours, j'imagine. On va être convoqués très rapidement.
Connaissant M. le ministre, il va se dépêcher à nous convoquer.
J'aimerais
vous entendre sur votre recommandation n° 1, qui peut sembler un peu technique, mais je veux
être bien sûr de la comprendre. Vous voulez changer les termes
«unités de soins» par «centres d'activité»? Qu'est-ce que ça implique?
Mme Bédard (Nancy) : O.K.
C'est un peu ce que j'expliquais d'entrée
de jeu au ministre
tout à l'heure. Donc, c'est juste parce qu'actuellement il
n'y a aucune définition, ni dans la loi, de ce qui est proposé actuellement
dans le projet de loi. Et dans nos conventions collectives, dans nos
contrats de travail et dans toutes les discussions qu'on a, nous, dans les
établissements de soins, c'est toujours la notion de centre d'activité, pour
éviter...
M. Leduc :
C'est un élément de langage, dans le fond.
Mme Bédard (Nancy) : Exactement. Et, pour éviter tout flou, pour éviter des
mésententes, bien, ce qu'on souhaite, c'est que cette notion-là soit
plus précise, parce que c'est cette notion-là qui correspond à notre réalité.
M.
Leduc : Parfait. Des
centrales syndicales qui vous ont précédé étaient un peu inquiètes par rapport à l'éventuel élargissement de
l'applicabilité de la loi. Est-ce que
c'est une inquiétude qui concerne un peu vos membres ou est-ce que, dans
le créneau où vous êtes, c'est déjà très
pointu et qu'il n'y a pas tellement beaucoup de membres qui pourraient être
assujettis, en dehors du secteur de la santé et des services sociaux, à la FIQ?
Mme Bédard (Nancy) : Bien, nous, on a salué le fait que les
services... au niveau des services publics aussi, là, le législateur avait statué et déterminé qu'au niveau
du Tribunal administratif, il y avait effectivement maintenant tout le
pouvoir de pouvoir déterminer. Alors, pour nous, on a plutôt salué l'ensemble
du projet de loi actuel qui nous est proposé.
M. Leduc :
Parfait. Et sinon...
Une voix :
...
M. Leduc :
Pardon? O.K. Le temps coule.
La Présidente (Mme
IsaBelle) : ...restait une minute.
M. Leduc :
Parfait. On a invoqué aussi la question de l'effet miroir sur les lock-outs,
que, vu que ce n'est pas mentionné dans la
loi, il y en a qui s'inquiètent qu'en cas de lock-out,
l'invocation des services essentiels, toute la notion du danger pour la santé et sécurité du public
n'aurait pas d'effet. Est-ce que c'est une préoccupation qui vous a animé
aussi?
Mme
Bédard (Nancy) : Catherine.
Mme Hopkins
(Catherine) : Bien, écoutez, c'est sûr que ça pose la question que,
dans le cas d'un lock-out, effectivement, qu'est-ce qui va advenir des services
essentiels. Je dirais que c'est une préoccupation, mais on ne l'a pas nécessairement adressée, parce qu'on peut s'attendre à ce que, dans les
services dans lesquels on représente nos membres, ça serait relativement
étonnant qu'on se retrouve dans une situation de lock-out.
M. Leduc : Ce
n'est pas arrivé de mémoire, hein, dans l'histoire?
Mme
Hopkins (Catherine) : Ce n'est pas arrivé, de mémoire. Évidemment,
c'est sûr qu'on se retrouve aussi dans... On représente également les
membres dans des plus petits établissements, les privés. Peut-être que cette
situation-là pourrait s'y produire, mais
évidemment, on va se retrouver un peu comme dans ce contexte-là face à une
situation nouvelle, ceci dit, mais les services essentiels, quant à
nous, devraient trouver application également.
M. Leduc : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Alors, merci, Mme Bédard, Mme Hopkins, M. Bomba et
M. Prévost, de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec.
Merci pour votre contribution aux travaux. Très apprécié.
Nous allons donc suspendre les travaux jusqu'à
19 h 30.
(Suspension de la séance à 17 h 38)
(Reprise à 19 h 32)
La
Présidente (Mme IsaBelle) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission
de l'économie et du travail reprend
donc ses travaux. Je demande à toutes les
personnes dans la salle qui ont un appareil de bien le mettre en mode éteint ou
vibration.
Alors, nous poursuivons les consultations
particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 33,
Loi modifiant le Code du travail concernant le maintien des
services essentiels dans les services publics et dans les secteurs public et
parapublic.
Nous
accueillons ce soir la Fédération des médecins résidents du Québec. Alors, je
vous rappelle que vous avez 10 minutes et je vais vous demander de
vous présenter avant de commencer votre exposé. C'est bien?
Fédération des médecins résidents du Québec (FMRQ)
M.
Campagna (Christian) : Donc,
merci, Mme la Présidente. Je me présente, moi, je suis le Dr Christian
Campagna. Je suis un médecin résident et président de la belle Fédération des
médecins résidents. Je suis accompagné ce soir de la Dre Valérie Massey, qui est secrétaire du conseil d'administration de la fédération, et, à ma droite, on a Me
Patrice Savignac Dufour, qui est
notre directeur général, et puis Mme Marie-Anik Laplante, là, juste à ses
côtés, qui est notre coordonnatrice aux
affaires syndicales de la fédération. Merci aussi aux membres de la commission
de nous recevoir puis de nous donner l'occasion de donner notre point de
vue sur le projet de loi n° 33.
Sans plus
tarder, on sait que la journée a été longue pour vous tous, donc j'enchaîne. La
fédération, c'est quoi? C'est une
fierté pour nous. C'est 3 600 membres, 3 600 membres qui se
répartissent, environ 25 % en
médecine familiale, 75 % dans
les autres spécialités médicales. Pour les 25 % en médecine familiale,
c'est une formation qui suit l'obtention d'un doctorat en médecine, qui s'échelonne sur deux ans. Certains d'entre eux
vont poursuivre vers une troisième année, qui est une minorité, par
exemple, en urgence. Pour les autres spécialités, le 75 %, c'est des
formations qui vont de quatre à sept ans, et puis de leur côté, eux, ils ont
59 spécialités, finalement, qui peuvent prendre part.
Des médecins
résidents, ça fait quoi? Eh bien, vous en avez peut-être rencontré vous-même,
mais il y en a dans tous les milieux.
Il n'y en a pas juste dans les milieux universitaires. Il y en a dans plus de
48 UMF et un peu plus, même, au Québec,
dans toutes les régions qui sont bien représentées. Donc, il y a des résidents
vraiment partout. Des résidents, bien, on offre beaucoup de services à la population, on est présents. Il y a plus
de 72 heures par semaine, là, qui sont faites par les résidents, en moyenne, puis cette moyenne-là, elle
est calculée puis elle est toujours la même depuis au moins les
10 dernières années.
Donc, on
participe aux diagnostics, on participe aux traitements. On est là pour faire
des chirurgies, on participe aux accouchements.
Bien sûr, notre niveau d'autonomie varie du début de la résidence à la fin, où,
le but, c'est d'être vraiment
autonomes puis d'avoir la pratique, justement, la plus sécuritaire possible
puis accréditée par tout le monde. Donc, des médecins nous supervisent. Des
fois, c'est d'autres résidents plus séniors qui nous supervisent, mais, au
final, on est souvent aussi très autonomes dans cette pratique-là.
Donc, sans
plus tarder, pour vous exposer les points un peu plus techniques du projet de
loi, bien, je passe la parole à Me Savignac Dufour sur ces sujets-là.
M.
Savignac Dufour (Patrice) :
Bien, merci. Bien, effectivement, comme l'expliquait Dr Campagna, si l'organisation du travail dans le secteur de la santé est souvent complexe, dans le cas
des médecins résidents, c'est vraiment beaucoup
de choses particulières. Alors là, vous avez des postdoctorants en médecine qui
pratiquent la médecine, si on veut, avec le
statut de médecin résident dans pas mal tous les hôpitaux du Québec et beaucoup
dans les centres universitaires, mais pas mal en périphérie, dans une cinquantaine d'unités de médecine de famille
partout au Québec, et avec une situation un peu particulière qui a des impacts sur l'analyse qu'on fait du projet de loi
n° 33, c'est-à-dire que le travail des médecins résidents, grosso
modo, est réparti, dans une année, sur 13 périodes de 28 jours.
Et ils ont un
établissement employeur attitré à chaque année, mais, dans les faits, vont
travailler dans une multiplicité d'installations ou d'établissements de
santé, la logique étant que, comme ils ont deux chapeaux, celui de
post-doctorant affilié à une faculté de médecine. L'université les déploie, les
médecins résidents, dans les différentes installations et établissements
de santé du Québec, mais à chaque année, règle générale, c'est en fonction de
l'endroit où ils vont faire la majorité de
leur stage. Ils vont être associés, au sens du Code du travail puis du sujet
qui nous intéresse aujourd'hui, à un établissement employeur, sauf que
leur employeur, l'établissement de santé sur lequel ils sont sur, en bon
français, le «payroll», donc, va parfois ne
pas les voir de l'année parce qu'ils vont être dans d'autres établissements ailleurs
en province en fonction des grilles de stage déterminées par les milieux
universitaires.
Donc, ça a
des impacts assez majeurs sur l'organisation du travail quand on parle, par
exemple, de l'organisation des services
essentiels. C'est ce pour quoi, là, dans le mémoire qu'on vous a fait parvenir
à la dernière minute... il y en a sûrement d'autres qui n'ont même pas eu le temps encore d'en prendre
connaissance, puis on s'en excuse, mais on explique que la question d'organisation par unités de soins, par
catégories de services, dans le cas des médecins résidents, ça appelle,
je dirais, une prise en compte de la
situation particulière, qu'on réussit à faire, à chaque négociation, dans nos
ententes avec les milieux qui connaissent bien les résidents. Mais, dans
le fond, les médecins résidents sont regroupés par spécialité. Dr Campagna est en gériatrie, Dre Massé,
immunologie, c'est ça. Bon, on a des gens en radiologie et diagnostic, des
gens en médecine de famille, et c'est, règle
générale, au niveau... par spécialité qu'on va organiser et analyser, quand les
parties négociantes négocient les listes de services essentiels, le déploiement
des services des médecins résidents.
Donc, c'est
pour ça que c'est un des points principaux qu'on vous soumet dans notre
mémoire, que, par exemple, quand, à
l'article 111.10.1... puis, pour l'ensemble des groupes, là, tu sais, on
ne veut pas qu'un cas soit amendé pour un cas très, très, très particulier, mais on veut juste que ça soit pris en
compte, que la question de déploiement des services par unités de soins, catégories de soins ou de
services, on pense que, dans notre cas à nous... puis on a un cas historique
qu'on vous rappelle dans le mémoire, où, par exemple, pour organiser les soins,
les établissements qui sont habitués de fonctionner avec des médecins
résidents... et nous avions convenu de listes de services essentiels qui
faisaient que, par exemple, les résidents pouvaient faire la grève une journée
sur 10 pour respecter l'esprit du 90 % qui prévalait avant l'invalidation,
là, par la décision Flageole.
Et on a mis
les extraits dans le mémoire, vous pourrez les lire, le tribunal nous dit,
bon... a entendu et l'employeur et la
partie syndicale représentée par le FMRQ en disant : Bien, vous nous avez
fait la preuve et on est d'accord avec vous que c'est la meilleure façon d'établir les services essentiels.
Malheureusement, la loi nous empêche de consentir à votre entente. Et
l'entente a été rejetée.
Alors, on a
les extraits dans notre mémoire, ce qui nous fait dire que les dispositions qui
existaient dans le cas des médecins
résidents n'étaient pas uniquement illégales, comme la décision Flageole l'a
décidé, mais étaient même inefficaces et
tout simplement inadaptées. Donc, notre crainte, c'est que... Et on est, ceci
dit, très, très, très heureux de la facture générale du projet de loi n° 33. Dans le fond, nous, on trouve que c'est un excellent
projet de loi, qui rencontre l'essentiel des prescriptions,
si je peux dire, du tribunal du travail dans la décision Flageole sur la
question, là, de la protection d'un vrai, puis ça, on pourra y revenir, d'un vrai droit de grève, l'exercice d'un
vrai droit de grève. Mais, dans notre cas, on pense que la question de
la façon qu'on peut organiser, par unité de services ou par unités de soins, on
peut difficilement rendre compte de la réalité des médecins résidents.
C'est pour ça
qu'on vous soumet que peut-être qu'il y aurait lieu de mettre une... On vous
fait une proposition très humblement
dans notre document, mais une façon de prévoir que le tribunal pourrait
décider, dans certains cas, que c'est peut-être
d'une autre façon que c'est mieux d'organiser les services essentiels dans un
cas particulier. Je ne sais pas si ça s'appliquerait
à d'autres groupes que nous. Honnêtement, on n'a pas fait cet exercice-là, mais
c'est sûr que, dans notre cas à nous,
souvent, on convenait avec les établissements de termes qui ne donnaient pas
l'impression que ça contrevenait à la loi,
mais tout le monde s'entendait que, dans les faits, on le ferait différemment.
Mais l'entente prenait des termes pour qu'elle passe au Conseil des services essentiels, tu sais. C'est comme ça que ça
se faisait. Alors, je pense que l'idéal, ça serait qu'on puisse donner
encore plus de flexibilité au tribunal pour fixer la meilleure façon de
répartir les services essentiels dans des cas atypiques comme le nôtre.
• (19 h 40) •
Alors, ça,
c'était une des choses qu'on voulait vous soumettre. Et donc, au niveau plus...
on l'a soumis aussi, au niveau plus
philosophique, je pourrais dire, une des préoccupations que nous avions, c'est
qu'on pense que le niveau requis de services
essentiels normalement devrait varier en fonction devant quelle situation on
est au niveau, par exemple, de l'exercice des moyens de pression. Je pense que tout le monde pourrait convenir que le
niveau requis de services essentiels pour une grève d'une journée n'est peut-être
pas le même que si on est vis-à-vis une grève générale illimitée.
Maintenant,
on n'a pas de solution miracle à
proposer ici à la commission. C'est une situation qui n'est absolument pas simple. On est très bien capables de vivre
avec le projet de loi tel qu'il a été libellé. Je sais que 111.16, par exemple,
va pouvoir permettre au tribunal de revoir, en cours de route, ses ordonnances.
Alors, ça, ça pourrait être une façon.
Mais on soumettait quand même au bénéfice des
membres de la commission que... est-ce que les décideurs, s'il n'y a pas entente entre les parties, vont
d'emblée définir le niveau requis de services essentiels en fonction du pire
des cas, par exemple, une grève générale
illimitée, ou auraient une approche plus libérale d'emblée, en se disant :
Peut-être que le niveau requis de
services essentiels est plus bas, et quitte à revenir et à donner une autre
ordonnance plus tard, si on est parti avec, par exemple, des grèves
perlées et qu'on se retrouve en grève générale illimitée?
Évidemment,
ce n'est pas évident à appliquer, parce qu'il n'y a aucune organisation
syndicale qui sait d'avance ou qui va
décider d'avance comment ils vont déployer leurs moyens de pression, s'ils
doivent aller jusqu'à la grève. Mais on se disait qu'il y a peut-être quelque chose sur lequel il y aurait lieu de
réfléchir sur... dans l'évolution d'un conflit. Est-ce que ça serait possible de prévoir d'avance des niveaux
requis de services essentiels en fonction de la situation à laquelle on
fait face, tu sais, des grèves perlées d'une
journée versus une grève générale illimitée qui... à notre avis, c'est clair
qu'il y a des services qui ne
seraient pas essentiels dans une grève d'une journée, qui pourraient le devenir
si la grève était rendue à un mois de façon
continue. Ce n'est pas simple. Honnêtement, on n'a pas de solution claire, je
pourrais dire législative, à vous proposer là-dessus,
mais c'est quelque chose qu'on voulait apporter, une préoccupation qu'on
voulait apporter à l'attention de la commission.
Sinon, il y a
d'autres éléments plus techniques dans notre mémoire, là, qui ne nécessitent
pas nécessairement une présentement au niveau verbal, là.
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Parfait. C'est tout? Merci. Merci pour
votre exposé. Nous commençons donc la période d'échange. Alors, M. le
ministre, vous disposez de 16 min 30 s.
M. Boulet : Merci, Mme la
Présidente. Merci pour la présentation de votre mémoire, qui est bien
structuré. Je comprends que, sur le fond,
vous êtes bien sûr confortable avec les principaux éléments du projet de loi
n° 33. Juste quelques points, là, puis au lieu de les faire tous en
même temps, je vais peut-être les soulever un à un.
Quand vous référez à... plus de flexibilité, par
ailleurs, est nécessaire à 111.10.1, c'est là que vous référez plus
particulièrement à la répartition, hein, des services? Êtes-vous à l'aise avec
les concepts d'unité de soins puis catégorie de services?
M.
Savignac Dufour (Patrice) :
Bien, c'est là que... ce qu'on aurait aimé, c'est quelque chose, là... ce qu'on
suggérait humblement, c'est de dire, tu
sais, que ça puisse être réparti par unités de soins, catégories de services...
de soins ou de services ou autrement
si le tribunal serait d'avis qu'une répartition différente serait mieux adaptée
à des particularités d'un groupe. Nous,
on pense que, là, ça donnerait une complète flexibilité au tribunal pour des
cas particuliers comme les nôtres, où nos résidents ne sont pas répartis
par unités de soins ou unités de services.
Mais est-ce
que ça, ça pourrait amener d'autres difficultés que, nous-mêmes, on n'a pas
vues dans le déploiement pour
d'autres groupes? Mais on pensait qu'humblement, de prévoir, dans le cas où le
tribunal jugerait qu'il y a un cas vraiment particulier, que la
flexibilité puisse être dans le texte de loi.
M.
Boulet : O.K. Essayez de me donner des exemples, parce que je vais
essayer de définir l'unité de soins, puis la catégorie de services, puis... Donnez-moi des exemples de ce qui
pourrait aller au-delà de ça, qui pourraient peut-être nous inciter à
ajouter, par exemple, la catégorie de services essentiels, là, si le tribunal
le juge opportun.
Mais je
dirais que l'unité de soins réfère aux soins dispensés en établissement,
notamment les soins intensifs, les unités
de gériatrie, les soins prolongés et les soins palliatifs. Puis la catégorie de
services, les éléments qui sont à l'extérieur des soins directs au patient, mais qui pourraient potentiellement mettre
en danger la santé ou la sécurité publique s'ils étaient interrompus, là, c'est les services autour du
coeur des activités de l'établissement. C'est l'entretien ménager, les
services alimentaires, transport des patients, brancarderie, buanderie et
autres.
Puis on
ajoute quand même, dans le projet de loi une autre notion qui est la catégorie
de soins, et ça, c'est pour couvrir tous
les soins qui ne sont pas dispensés dans les unités de soins que l'on retrouve
en établissement. Et là, ça réfère plus aux soins infirmiers, aux soins
prodigués à domicile, notamment les soins palliatifs, les soins prodigués dans
le cadre de services ambulatoires en clinique externe, puis tout ce qui est
prodigué dans le cadre d'un programme, notamment, de désintoxication :
hébergement externe, administration de médicaments, nécessité de suivi.
Je pense que
le Tribunal administratif du travail n'est pas trop contraint. Je pense qu'il peut
tenir compte de tout. Il ne faut pas
oublier que primairement, ce qui compte, c'est l'entente qui est faite entre
les parties, entre l'association
accréditée puis l'établissement. On prend
toujours pour acquis que c'est les parties qui ont la meilleure connaissance,
du moins, la plus approfondie de leur
environnement de travail, et qui sont en mesure de définir les tenants et
aboutissants de ce qu'est un service essentiel.
Ça fait que,
je ne sais pas, peut-être me donner un exemple qui va au-delà de ça puis qui
réfère spécifiquement à la répartition.
Parce que je vois que vous l'avez souligné à la page 6 de votre mémoire,
vous dites : «ou autrement, si le tribunal est d'avis qu'une autre répartition de services essentiels serait mieux
adaptée»... puis, en fait, je ne comprends pas trop, trop ce que ça veut
dire.
M.
Campagna (Christian) : Je
pense que, pour intervenir là-dessus, il faut avoir les deux situations qui
viennent ensemble.
La première
situation, c'est que nos horaires ont tellement de flexibilité à l'intérieur
qu'on va être apportés, justement, à
travailler sur différents types d'unités une même journée puis souvent sur des
unités différentes au cours de semaines qui s'entresuivent mais qui ne sont pas sur les mêmes unités, par exemple
les consultations à l'urgence, puis, en même temps, tu vas gérer l'unité de l'étage. Puis certains
résidents en médecine de famille vont faire de la clinique externe puis,
l'après-midi, se retrouvent en soins à domicile, donc vont carrément
être dans deux types de catégories d'emplois différents, dans deux milieux
différents. Ça, c'est une chose.
On peut se
dire : Oui, ils sont toujours dans une unité ou dans une catégorie
spécifique. Cependant, quand on commence à vouloir faire des nombres puis à mettre ces gens-là ensemble pour
pouvoir dire : Bien, comment on fait pour organiser les services essentiels pour sept unités ou sept
catégories... puisqu'une semaine, on peut avoir trois médecins résidents qui
sont en formation puis, le mois d'ensuite,
on se retrouve avec zéro, par exemple, puis que c'était juste la répartition de
stage, usuelle, qui a été faite pour ce
milieu-là. Ça rajoute une complexité que, si on y va fragmentaire, par unités
et catégories, on risque de se
retrouver avec une gestion qui est excessivement difficile pour faire
respecter, peu importe le chiffre qu'on va mettre sur la table, alors que, si on dit : Tous les
résidents d'un tel établissement, qui sont dans tel type de résident, par
exemple, ceux en médecine de famille,
peu importe leur unité ou leur catégorie, ont un chiffre fixe, à ce moment-là,
ça va rendre les choses beaucoup plus faciles à être administrées.
Ça,
c'est un exemple que je peux donner de notre part. Je ne sais pas si, Patrice,
tu as d'autres choses, mais moi, c'est comme ça que je le vois. Ça
serait difficile de pouvoir spotter où tout le monde est en tout temps.
M.
Boulet : ...les docteurs que les syndicats crieraient fort en
disant : Vous limitez encore plus l'exercice de notre droit de grève, parce que, le médecin résident,
qui va d'une unité à une autre, le tribunal est en mesure d'évaluer c'est
quoi, le niveau des services essentiels à
maintenir par unité. Donc, même si le médecin résident va d'une unité à
l'autre, on ne pourrait pas
dire : Toi... Les services essentiels sont déterminés en fonction des
services, entre guillemets, pas en fonction des individus. Tu sais, le médecin résident peut faire une rotation de
différentes unités de soins, mais ce n'est pas lui qui est requis de maintenir les services essentiels. C'est
les services qui doivent être évalués puis mesurés par unité de soins
puis par catégorie de services.
Ça fait que
c'est les commentaires que je voulais vous partager... Quand vous dites : Un
niveau de services essentiels évolutif
selon la durée de... puis, encore une fois, je reviens au point antérieur.
C'est des choses qu'on va avoir à évaluer. On va discuter. La commission parlementaire va se poursuivre après les
consultations que nous faisons. On va discuter article par article puis, si jamais il y a des embûches,
on verra à faire des discussions puis à apporter les correctifs qui
s'imposent.
Niveau de
services essentiels évolutif selon la durée de grève, ça, ça peut aussi être
prévu dans une entente, puis normalement,
les parties vont le discuter. Si la durée de la grève est un élément à
considérer, je pense que je ne suis pas en désaccord avec ça, quand vous mentionniez : Les services essentiels
peuvent être à un niveau x, si c'est une grève d'une journée, peuvent évoluer et être à un niveau y, si c'est une grève à durée
illimitée, mais ça appartient aux parties. Puis, s'il n'y a
pas d'entente entre les parties, on sait que la liste est produite par le
syndicat, par l'association accréditée qui tient compte, évidemment, de cette durée-là. À défaut, il va y avoir des représentations qui vont devoir être faites par les parties au TAT, là. Est-ce
que vous comprenez ce point-là? Oui?
• (19 h 50) •
M. Savignac Dufour (Patrice) :
Oui, bien, c'est une piste intéressante, là, si les parties peuvent le prévoir,
là. Notre seule préoccupation, c'est qu'il n'arrive pas ce qui nous est arrivé, nous, dans
l'histoire, qu'on s'entend entre les parties, puis le tribunal nous dit bêtement après : Ah! bien, écoutez,
le législateur ne m'a pas donné cette liberté d'accepter
votre liste. Mais ce qu'on entend de ce que
vous dites, là, moi, ça me satisfait, si les parties peuvent le prévoir
d'avance et que ça puisse être entériné par le tribunal.
M. Boulet : D'ailleurs, le sens profond de notre projet de loi, c'est de se débarrasser, entre
guillemets, des seuils minimums. Là, on redonne la responsabilité aux parties, clairement, d'établir le seuil des services essentiels et au Tribunal administratif
du travail d'intervenir en cas
d'insuffisance. On le voit à 111.16, notamment, que le tribunal peut intervenir. Puis, même si les parties ont convenu, même si
les parties n'ont pas convenu puis le syndicat a produit une liste, si on
est capable de faire une preuve de l'insuffisance des services, le Tribunal administratif
pourrait intervenir.
Dernier
point, le sens du pouvoir du tribunal d'ordonner de son propre chef. Est-ce que
vous vous questionnez sur le sens de cette possibilité-là qu'a le
tribunal?
M. Savignac
Dufour (Patrice) : Non, ce
n'est pas le sens qu'il puisse le faire de son propre chef et se saisir
du dossier. L'inquiétude qu'on avait, qui
est d'ordre plus de libellé juridique, c'est que dans un cas... On donne les
deux exemples, là. À 111.17, par
exemple, on prévoit explicitement que le tribunal peut se saisir du dossier
mais après que les parties aient présenté leurs observations. Et la
notion du droit d'être entendu, là, que l'ordonnance peut venir après les
observations des parties n'est pas à 111.0.17. C'est juste ça qu'on soulevait,
c'est d'ordre technique.
Normalement,
évidemment, un tribunal rend une décision après que les parties se sont fait
entendre, là. Mais on se disait : Est-ce que ça peut être
interprété qu'à 111.0.17 le tribunal pourrait ne pas entendre les parties puis
rendre son ordonnance, alors qu'à 111.17
c'est explicitement prévu que c'est après avoir entendu les parties? C'est la
seule chose qu'on soulevait, qui est d'ordre plus technique, là.
M. Boulet :
O.K. Juste une nuance qui est quand même importante. À 111.0.17, le tribunal
entend les parties, permet les
observations, mais là on est dans la phase avant la grève, avant l'exercice du
droit de grève, alors qu'à 111.17 c'est après la grève, après que la grève ait débuté. Et on ne souhaitait pas qu'il y
ait une deuxième fois possibilité d'observation. Les observations ont déjà été présentées au TAT, et, comme
on est en danger de matière où on doit agir rapidement, c'est-à-dire les services essentiels, et qu'on ne voulait pas
qu'il y ait de préjudice additionnel, là, à ce stade-là, il n'y a pas de
nouveau la possibilité pour les parties de présenter des observations au TAT.
M. Savignac
Dufour (Patrice) : ...vous
confirmez notre crainte parce que, dans le fond... Je comprends très
bien, puis, comme procureur, j'ai plaidé des
injonctions dans ma vie, puis des fois les juges, ils nous disaient : Là,
tu as 15 minutes, puis, dans 15 minutes, moi, je rends mon
ordonnance puis elle va être appliquée. Ça, je comprends que ça peut exister.
Mais dans...
Je pense que, puisqu'on parlait tout à l'heure de l'évolution d'une situation,
si le tribunal prend la peine de réouvrir une entente qui avait été déjà
convenue, c'est parce que la situation a changé. On présume qu'il devrait minimalement avoir un minimum de preuves sur
qu'est-ce... à quel point la situation a changé avant de rendre une
nouvelle ordonnance. Donc, je pense que...
Puis ça se
gère, là. Je veux dire, un tribunal qui gère... qui agit en urgence, il
convoque les parties : Dans une heure, il faut que vous soyez ici, on veut vous entendre, on vous donne
20 minutes puis on rend notre décision, je pense que ça se fait. Ça ne nécessite pas trois jours d'audience
quand on est en situation d'urgence. Je pense que le droit d'être entendu,
pardon, par les parties devrait prévaloir dans tous les cas.
M. Boulet :
Je comprends, puis je le sais, même en matière d'injonction interlocutoire
provisoire, il peut y avoir des
représentations, puis après ça, quand on quitte le provisoire, qui dure
10 jours, et qu'on est au stade de l'interlocutoire ou de l'injonction permanente, il y a possibilité de
faire des observations. Je vais revoir le libellé, puis si... Le tribunal
pourrait, selon moi, demander aux parties de
soumettre des nouvelles observations, parce que, là, la grève est déjà
commencée, comme on le mentionnait, puis ça aurait pu évoluer de façon à
justifier ou à rendre pertinentes des nouvelles observations.
Dans mon
esprit, ça pouvait se faire, mais ce n'était pas un automatisme. Puis
l'automatisme, c'est là que ça
peut préjudicier les parties, mais je vais
revoir le libellé. Je comprends le sens de votre intervention. Moi, ça complétait, Mme la Présidente, les remarques. Merci beaucoup de vous être déplacés et de
vous être présentés en commission parlementaire.
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, la parole est au député de
Vimont, du groupe d'opposition officielle.
M.
Rousselle : Merci. Bienvenue, M. Campagna, M. Savignac
Dufour, Mme Laplante et Mme Massey. Merci d'être ici. Merci d'avoir préparé le mémoire. Je veux
dire, c'est toujours un travail pas nécessairement facile. Surtout, il vous
faut consulter vos membres en plus, puis... Bon, je sais bien, vous êtes...
M. Campagna, vous êtes médecin, vous n'êtes pas nécessairement un avocat,
mais je pense que vous êtes bien accompagné. Donc, c'est parfait comme ça.
Écoutez, je
regarde ça, vous avez 3 600 membres puis vous avez mentionné tantôt
que vous êtes répartis vraiment partout, dans les GMF. Est-ce que vous
êtes aussi à l'intérieur des CHSLD? Est-ce que vous couvrez vraiment...
M.
Campagna (Christian) : En
fait, on est appelés à couvrir toutes sortes de situations. Donc, moi-même,
comme résident en gériatrie, je suis amené à
faire certaines rotations qui m'amènent à voir des patients en CHSLD. Bien
entendu, cette catégorie de patients là est
principalement vue par des résidents en médecine familiale, où eux ont vraiment
des rotations plus intensives dans
ces milieux-là. Mais moi, comme gériatre, je suis peut-être celui des
spécialités médicales qui est le plus amené, justement, à faire des
consultations de différents types dans les établissements de longue durée.
M.
Rousselle : Donc, quand on parle de services essentiels, donc là on
prend vraiment ce secteur-là, parce que j'ai bien compris, là, il faut... tout dépendant où on va, parce que les
besoins, effectivement, changent. Puis j'ai bien compris aussi que ça change parce que, dû au fait que vous avez
une rotation, donc ça change d'une manière régulière. Donc, ça, j'ai
compris ça. Mais quelqu'un qui est assigné,
un exemple, dans un CHSLD, à ce moment-là, au niveau services essentiels, dû au
fait que le médecin de médecine familiale
est là, est-ce que l'importance est moins grande ou... vous la voyez comment,
vous?
M.
Campagna (Christian) : Je
pense qu'il est un peu précipité, à ce moment-ci, d'être capable de vraiment
établir qu'est-ce qui sera effectivement un
service essentiel dans chaque situation. Nous, ce qu'on reconnaît d'emblée,
c'est que l'urgence et les soins intensifs sont des services essentiels
qui ont été reconnus comme devant être couverts selon la capacité maximale
disponible au moment où les résidents effectuent leurs stages. Pour toutes les
autres disciplines puis Me Savignac,
gênez-vous pas à rajouter là-dessus, je pense qu'il va falloir se pencher sur
la question le temps venu, là, qu'est-ce qui est vraiment considéré
comme un service essentiel.
M.
Savignac Dufour (Patrice) :
Mais votre question illustre bien une situation particulière des
résidents, c'est qu'il n'y a aucun médecin résident dont l'employeur, ce
serait un CHSLD. Donc, ils sont vraiment déployés dans les CHSLD, mais ils sont à l'emploi d'une autre installation
ou établissement, là, mais ils sont essentiellement dans une autre
installation ou établissement. Donc, effectivement, quand on convient des listes de services essentiels, ça va être avec les établissements employeurs, au sens des médecins résidents, et il
n'y a pas, corrige-moi,
Marie-Anik, il n'y a pas de CHSLD dans ce cas-là, mais ce n'est pas
dit que les parties ne pourraient pas par ailleurs tenir compte de ce que vous
soulevez, là.
M.
Rousselle : Je vous pose des questions, parce que tantôt, justement,
on va y aller article par article, puis je veux comprendre aussi la complexité que vous autres, vous vivez, là, tu sais.
Donc, je m'en vais aussi en région, je m'en vais en région, des hôpitaux... dites-moi, un résident
chez vous, est-ce que, des fois, il devient comme le patron de la place?
Est-ce que c'est lui qui est le boss? Parce
qu'on le sait tous, un résident, bien souvent, est accompagné, comme vous
l'avez mentionné tantôt, tout
dépendant où il est rendu dans ses années d'études. Est-ce que ça se peut qu'un
résident soit rendu le patron parce qu'il n'y a pas d'autre médecin dans
la place?
M.
Campagna (Christian) : Le
médecin en exercice demeure la personne morale responsable de tous les
actes médicaux qui sont posés par les
résidents, peu importe le niveau de résidence, qu'on soit un résident R1 ou R7 aux soins intensifs, la responsabilité légale revient au médecin en exercice. Moi,
j'ai étudié à l'Université de Sherbrooke. Mon exemple est que, quand on est en milieu plus
universitaire, bien, effectivement, il y a plus de supervision. Donc, les gens
vont dire : On va en région, on
a l'impression d'avoir plus d'autonomie, on a l'impression que, plus vite, ils
nous donnent plus de tâches à faire,
puis justement on a cette impression-là. Cependant, le travail ne repose jamais
essentiellement sur le résident à 100 % et le médecin en exercice
en est bien conscient.
Donc, oui, il
y a une particularité que les apprentissages ou les tâches peuvent être
différentes concernant un milieu très
universitaire comparativement à un milieu en région. Mais à qui on fait
rapport, de qui nous sommes responsables, et nos tâches pour le patient,
puis l'encadrement qu'on doit offrir aux patients est le même.
M. Rousselle : J'imagine, en région,
ça doit souvent se faire par téléphone ou de cette manière-là.
• (20 heures) •
M.
Campagna (Christian) : Puis
en milieu universitaire, souvent, aussi, la révision va se faire par téléphone.
Donc, la supervision directe diminue avec
les grades de résidence. Parfois, on va même réviser, avec un résident plus
sénior de la même discipline que nous, qui est rendu plus loin, mais
la révision par téléphone n'est pas une particularité régionale. C'est vraiment,
là, quelque chose qui va arriver fréquemment dans tous les établissements et
installations du Québec.
Mme Massey (Valérie) :
Si je peux ajouter quelques mots...
M. Rousselle : Allez-y.
Mme Massey (Valérie) :
...bien, la plupart... à l'urgence, les médecins résidents sont souvent
supervisés plus directement. Souvent il
y a un médecin superviseur sur place
dans les urgences, mais dès qu'on sort de cette situation-là, que ce soit sur les étages ou même aux
soins intensifs, dans des hôpitaux
tertiaires, là, comme le CHUM, comme McGill, souvent, ça va être des résidents qui sont en charge des patients, qui
vont les prendre en charge si leur état se dégrade ou se détériore, puis ça va être des supervisions
téléphoniques, là. Alors, les médecins résidents sont vraiment autonomes,
et actifs, et essentiels aux soins des patients la nuit.
M. Rousselle :
Bien, merci de l'information, parce que comme... je sais que le ministre l'a
mentionné qu'il était pour regarder
le libellé pour voir peut-être que... tu sais, je veux dire, on essaie... tu
sais, une règle générale, des fois, ça ne se fait pas. Tu sais, des
fois, il faut y aller différemment, tout dépendant le milieu que vous couvrez.
Il me vient
une autre idée. Vous, est-ce que vous couvrez aussi tout ce qui est radiographie?
Parce que je sais... puis là c'est
vous qui êtes médecin, moi, bien souvent, c'est moi le patient. La
radiographie, bien souvent, c'est l'entrée à l'hôpital. Bien souvent, les médecins vont envoyer le monde
dans une période où on cherche justement à avoir des... protéger, justement, le
service aux patients. Vous en pensez quoi au niveau des règles qu'on est en
train de regarder?
M. Campagna
(Christian) : Encore une
fois, par tout respect, loin de moi
de vouloir sectorioriser chaque intervention
que nous faisons, mais, par exemple, si vous voulez l'exemple de la radiologie
diagnostique, effectivement, il y a des résidents
qui sont de garde, hein, puis qui vont lire les différentes radiographies,
puis, dépendamment des stages qu'ils ont faits et des expositions qu'ils ont eues, ils vont avoir un certain
degré d'autonomie sur à dire : J'ai fait tous mes stages
de scans thoraciques, donc là je me sens plus confortable, je n'ai pas besoin
de réviser avec mon patron. Le patron est de garde, et c'est lui qui est responsable.
On s'entend
qu'un résident qui est plus loin dans sa formation va parfois retarder certaines
révisions au matin en se disant qu'il
est confortable avec les décisions qui ont été prises, et elles vont toutes
être révisées avec le médecin superviseur. Mais, même si on offre service de garde dans toutes ces disciplines-là,
ces gardes-là ne sont pas obligatoires. On n'est pas obligés d'avoir un médecin résident de garde.
Donc, par exemple, si, pour une raison x, il n'y a pas de médecin résident,
puis on n'est pas en période de grève, puis
qu'il y a une semaine où il n'y a pas de résident ou même un mois où il n'y a
pas de résident dans un milieu, le patron va effectuer le travail par lui-même
sans le support de ses résidents.
M. Rousselle : Merci. Je vais
laisser la place à ma collègue.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Parfait. Donc, la parole est à la députée de Fabre.
Mme Sauvé : Merci, Mme la
Présidente. Combien de temps me reste-t-il?
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Il vous reste 3 min 40 s.
Mme Sauvé : Oh mon Dieu!
Fantastique. Alors, merci à vous d'être ici. J'ai lu avec attention votre
mémoire.
Je reviens sur les éléments de conversation que
vous avez eus avec le ministre et j'ai bien entendu quand vous amenez l'article 111.10.1, quand vous ramenez
l'éclairage de votre réalité qui fait en sorte que les médecins, dans le
fond, vont d'un service à l'autre, et la
problématique de la catégorisation par unités de soins et catégories de soins
ou de services, et je suis évidemment sensible à la réalité aussi
syndicale. Donc, il y a un élément auquel le ministre a répondu par rapport à
votre réalité.
Mais, dans un
contexte où on parle de prévisibilité puis, dans votre résidence, vous allez
d'un établissement à l'autre, vous
allez d'une région à l'autre, qu'on est dans un contexte de pénurie de
main-d'oeuvre, est-ce que ça ne fait pas partie de la préoccupation que
vous avez dans la définition des services essentiels et à l'unité de soins? Et
tout ça, dans votre réalité, comme il y a
une prévisibilité qui peut être un petit peu difficile en raison de la pénurie,
ça vous préoccupe dans la définition
qui devra être par rapport aux services essentiels? On le voit dans les médias.
On voit à quel point il y a des réalités d'urgences, de manque de résidents, de manque de médecins. Est-ce que ça
fait partie de votre plaidoyer, de votre réflexion?
M. Campagna
(Christian) : De notre côté,
quand on considère, justement, les découvertures de services ou les manques d'effectifs sur certaines unités, il faut
dire que, oui, on en est conscients, oui, on le vit, on est dans ce milieu-là
à chaque jour. Cependant, ce qu'on sait,
c'est que nos grilles de stages ne sont nullement affectées par les pénuries de
services dans les milieux.
Donc,
moi, si le collège me demande de
faire trois rotations dans une unité de soins palliatifs, puis qu'il faut
être trois en même temps, puis qu'ils
disent : Coudon, il y a donc bien des résidents ici... On est là pour
notre formation. Oui, on délivre des soins, à ce moment-là, en équipe puis on se répartit la
tâche, mais, si la pénurie est à l'urgence, il n'y aura jamais un stage d'urgence parce que, soudainement,
il y a plus de gens à l'urgence. Ce qui prime, d'abord et avant tout,
c'est la formation.
Donc,
oui, ça, on l'entend, on le comprend très bien, mais la raison qu'on a abordé
l'argument, tantôt, avec le ministre, c'est
parce que ce qui est le plus prévisible pour nous, c'est où on est entre telle
date et telle date, qui représente une période pédagogique. Donc, ça, on sait combien de résidents sont dans quels
milieux à un moment donné, mais où ils sont exactement à chaque jour et
pendant chaque semaine, ça peut varier selon l'exposition dont ils ont besoin.
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Il vous reste une minute.
Mme Sauvé :
J'avais une autre question, donc je vais y aller. Toujours dans le dialogue qui
a précédé, par rapport à toute la
notion de préoccupations que vous avez devant une grève qui dure plus longtemps
et l'évolution du niveau de services essentiels qui est requis, vous
avez entendu, le ministre a dit tantôt : On entend ça, on va peut-être
regarder s'il y a des observations. J'ai vu
dans votre mémoire que c'est ce que vous souhaitiez, que la réflexion s'ouvre,
donc c'est une bonne nouvelle. En
même temps, vous dites que vous n'avez pas de solution. Est-ce que vous êtes
prêts à regarder, donc, de votre côté, des solutions?
M. Campagna
(Christian) : On est disposés à regarder des solutions qui vont en ce
sens-là.
Mme Sauvé :
O.K., parfait. Merci.
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Vous avez répondu rapidement.
Alors, la parole est au deuxième groupe d'opposition avec le député
d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous disposez de 2 min 45 s.
M.
Leduc : Merci, Mme la Présidente. Bonsoir, merci d'être là. Je
voudrais commencer par la question de l'unité de soins, là. Vous avez bien expliqué, là, que ce n'est pas le terme qui
vous convenait, et les gens qui vous ont précédés plus tôt aujourd'hui, là, notamment de la FIQ, avaient une
préoccupation similaire, puis eux, ils ont fait une suggestion de
remplacer ça par «centre d'activités». C'est leur première recommandation,
d'ailleurs. Je me demandais si c'était quelque chose qui sonnait positif à vos
oreilles.
M. Savignac Dufour (Patrice) : Il faudrait analyser, là. Remarquez, là, non, on
n'a pas eu la chance de visionner cette
partie de la journée aujourd'hui. C'est peut-être intéressant. On pensait qu'on
libellé plus général pour prévoir les cas de figure... mais ça pourrait
être une piste intéressante. Il faudrait l'analyser. On ne l'a pas analysé,
honnêtement.
M. Leduc :
Vous n'étiez pas lancés dans la rédaction encore...
M. Savignac Dufour
(Patrice) : Non.
M.
Leduc : Parfait. Vous parlez du service essentiel, à la page 7,
là, que vous craignez qu'il soit évolutif, puis je trouve que c'est une réflexion intéressante. Et
justement, à la fin, dans votre dernier paragraphe, vous parlez du fait
d'une grève, là, qui peut changer d'intensité avec le temps évidemment. Mais,
de mon expérience, il me semble que c'est souvent... ça commence rarement par une grève générale illimitée, le
jour 1, là. C'est souvent des grèves, une journée, deux
journées, par-ci, par-là.
Vous, votre crainte
c'était qu'il y ait deux types de grèves ou c'était l'évolution de la grève?
M. Savignac Dufour (Patrice) : Non, c'est peut-être que si d'emblée il n'y a pas
eu d'entente entre les parties, par exemple,
prenons ce scénario-là et que l'ordonnance est venue du tribunal, le niveau
requis de services essentiels qui serait fixé par le tribunal va-t-il être en fonction du potentiel d'une grève
générale illimitée? Et auquel cas peut-être qu'on aura des services
essentiels qui sont plus importants que ce serait nécessaire, si on parle d'une
grève d'une journée. C'est ça, notre préoccupation davantage.
M.
Leduc : Parce que, que ce soit une grève d'une journée ou une grève
illimitée... Dans le fond, une grève illimitée est composée de grèves de
plusieurs journées collées. C'est les mêmes personnes qui ne sont pas aux mêmes
places au même moment, ça fait qu'il y a une forme peut-être d'intensité dans
la rhétorique d'une illimitée, mais concrètement...
M. Savignac Dufour (Patrice) : C'est plus est-ce qu'il y a un service que... si,
dans un établissement donné, il y a
un service qui ne serait pas donné aux patients une journée, qu'on ne mettrait
pas du tout la santé et la sécurité de personne en cause, mais que si
c'était une semaine ou un mois, là, on pourrait peut-être rencontrer ce
critère-là. C'était plus ça...
M. Leduc :
La question de la durée vient jouer un peu sur...
M. Savignac Dufour (Patrice) : Ça peut jouer sur ce qui devient plus essentiel,
parce que, là, ça fait plusieurs jours que le service n'est pas donné.
M. Leduc : Je comprends. Puis avec le temps qui resterait, si vous voulez, oui,
parler peut-être de la recommandation n° 6, là, la toute
dernière, sur le caractère linguistique.
M. Savignac Dufour (Patrice) : Oui.
Bien en fait, on pense que c'est juste à un article en particulier, là. Une association n'émane pas d'une entreprise, là.
L'association va représenter des salariés qui eux peut-être travaillent au
sein d'une entreprise, là. C'était plus une
remarque d'ordre linguistique pour 111.0.17, là. Donc, c'était une formulation
qui nous a apparu étrange, là.
M. Leduc : Merci beaucoup.
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Parfait, merci. Merci, Mme Laplante,
M. Savignac, M. Campagna, Mme Massey, de la Fédération
des médecins résidents du Québec pour votre contribution aux travaux de la
commission.
Alors, la
commission ajourne ses travaux au mercredi 18 septembre 2019, donc à
demain, 12 h 15, afin de poursuivre l'étude du projet de loi.
Alors, je vous souhaite une bonne soirée à tous et à toutes.
(Fin de la séance à 20 h 10)