(Onze heures trente-quatre minutes)
La
Présidente (Mme Richard) : Bonjour. À
l'ordre, s'il vous plaît! Donc, on va reprendre nos travaux. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'économie ouverte. Je demande à
toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie
de leurs appareils électroniques.
La commission
est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions
publiques sur le projet de loi
n° 173, Loi visant principalement à instaurer un revenu de base pour des
personnes qui présentent des contraintes sévères à l'emploi.
Mme la secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
La
Secrétaire : Oui, Mme
la Présidente. M. Schneeberger
(Drummond—Bois-Francs) remplace M. Lamontagne (Johnson).
Auditions (suite)
La Présidente (Mme Richard) :
Merci. Nous recevons un premier groupe, et je souhaite la bienvenue à la Confédération
des organismes de personnes handicapées du Québec. Bienvenue à l'Assemblée
nationale, mesdames. Je vous rappelle que vous avez un temps à votre disposition
de 10 minutes. Par la suite suivront les échanges avec les parlementaires. Et je vous invite à commencer votre exposé et peut-être
nous présenter la personne qui vous accompagne. Mme Vézina ou
Desforges, qui va commencer?
Confédération des
organismes de personnes
handicapées du Québec (COPHAN)
Mme Vézina (Véronique) :
Vézina.
La Présidente (Mme Richard) :
Parfait. Allez-y.
Mme Vézina
(Véronique) : Merci, Mme la Présidente. M. le
ministre, Mmes, MM. les députés, merci de nous recevoir. J'aimerais souligner la présence dans l'assistance de quelques
personnes qui sont membres de nos groupes, qui appuient le mémoire qu'on
dépose aujourd'hui.
La COPHAN est
un organisme de défense des droits des personnes ayant des limitations et de
leur famille. Nous avons pour mission
de rendre le Québec inclusif afin d'assurer la participation sociale
pleine et entière des personnes ayant des
limitations fonctionnelles et de leur famille. Nous regroupons plus de
50 organismes et regroupements régionaux de personnes ayant tout type de
limitation fonctionnelle.
Nous tenons à
souligner que le soutien du revenu et la pauvreté des personnes ayant des
limitations sont des sujets qui préoccupent la majorité de nos membres
et que près de la moitié d'entre eux ont participé aux rencontres de
concertation entourant la rédaction du mémoire que l'on vous présente aujourd'hui.
D'emblée,
nous tenons à appuyer la mise en place un Programme de revenu de base pour les
personnes ayant des contraintes sévères à l'emploi. Il s'agit d'une avancée
majeure afin qu'elles puissent avoir un niveau de vie décent,
revendication que nous portions déjà avant l'adoption de la première loi
assurant l'exercice des droits des personnes handicapées, qui fêtera ses
40 ans le 23 juin prochain.
Selon nous,
l'adoption du Programme de revenu de base constitue un pas vers ce qui avait
été promis il y a 40 ans. De
nombreuses études ont démontré que les personnes ayant des limitations
fonctionnelles vivent souvent dans la pauvreté et l'exclusion sociale. Dans les faits, seulement une minorité d'entre
elles occupent un emploi, et celles qui travaillent le font souvent dans des conditions
irrégulières : des emplois à temps partiel, des emplois contractuels ou
des emplois de façon discontinue. En
2012, seulement 39 %
des personnes ayant des limitations fonctionnelles occupaient un emploi versus
72 % des personnes sans limitation.
Les personnes que nous représentons subissent
une discrimination systémique au moment d'intégrer ou de réintégrer le marché de l'emploi, lors du maintien
ou d'une progression professionnelle. Certaines personnes pourraient occuper un emploi, mais n'en ont pas la
possibilité en raison de différents préjugés qu'entretient la société à leur
endroit. Qui plus est, certaines
personnes peuvent avoir des limitations de type épisodique et des douleurs
chroniques les empêchant sporadiquement de pouvoir exercer leur emploi et
doivent avoir des accommodements pour l'exercer. Notons même que certaines personnes, à la fin de leurs
études et après l'obtention d'un diplôme qualifiant, se retrouvent sans
emploi et sont alors contraintes de se tourner vers le Programme de solidarité
sociale de par l'absence d'opportunités professionnelles.
La
COPHAN considère que l'instauration du Programme de revenu de base est un
véritable gain pour contrer certains des effets dommageables de la
discrimination systémique en emploi des personnes ayant des limitations fonctionnelles. Il est important de préciser que,
malgré notre appui à l'instauration du revenu de base, le meilleur moyen
de contrer la pauvreté et l'exclusion
sociale des personnes ayant des limitations et la meilleure façon d'améliorer
leurs conditions de vie est de leur donner accès à des emplois
qualifiants.
Un
outil important pour atteindre cet objectif est la Stratégie nationale pour
l'intégration et le maintien en emploi des personnes handicapées. Selon
nous, la stratégie nationale doit être mise en oeuvre de façon complémentaire
au Programme de revenu de base. Rappelons que la phase I de cette
stratégie s'est terminée en 2013 avec un déficit de 6 millions d'investissements et que nous attendons depuis cinq ans
la deuxième phase. Le 5 millions de dollars annoncé lors du dernier budget pour bonifier les
programmes d'employabilité pour les personnes ayant des limitations suffira à
peine à combler les effets de l'augmentation du salaire minimum sur des
programmes indexés sur le salaire minimum.
Nous trouvons cette
situation inquiétante quant au contenu de la future stratégie.
Pour
la COPHAN, l'instauration du Programme
de revenu de base constitue un point de départ pour les personnes les plus éloignées du marché du travail. Ainsi, nous demandons à ce que le projet de loi soit adopté
avant la fin de la présente session parlementaire et que le règlement visant à définir le détail du Programme de revenu
de base soit publié et adopté
avant les prochaines élections provinciales.
• (11 h 40) •
Mme Desforges (Camille) : Je vais maintenant poursuivre plus dans le détail, là, du projet de loi. Nos membres ont fait valoir
que l'échéance de 2023 est incohérente avec la volonté d'aider les personnes à
atteindre un niveau de vie décent.
Selon notre compréhension, le Programme
de revenu de base sera institué dès
janvier 2019 avec des bonifications annuelles
des prestations. Bien que nous comprenions l'enjeu budgétaire
derrière cette augmentation graduelle, il s'agit essentiellement de l'opérationnalisation du programme.
Nous ferons des recommandations lors de la publication du règlement, mais, pour
l'instant, l'instauration du régime prime.
La
COPHAN est confiante quant aux modalités qui encadreront l'instauration du Programme de revenu de base puisqu'un comité de travail, notamment
composé du milieu communautaire et du ministère, sera mis sur pied afin de déterminer une procédure d'admission au revenu de
base plus rapide pour certaines personnes pour lesquelles le marché de travail est très difficilement envisageable.
Des recommandations doivent être prises d'ici décembre 2019. Une
avancée majeure pour les futurs prestataires du Programme de revenu de base est à souligner en lien avec
l'individualisation des prestations.
La
COPHAN revendique depuis plusieurs années que des prestataires aient la
possibilité d'avoir une vie de couple sans
craindre de voir leurs prestations réduites. Nous voudrions que le principe
d'individualisation soit élargi pour permettre aux personnes qui ont un conjoint, quel que soit son revenu d'emploi,
d'avoir accès au Programme de solidarité sociale.
Lors
de la parution du plan pour l'inclusion économique, la COPHAN a réagi dans les
médias pour mettre de l'avant que les personnes qui sont prestataires du
Programme de solidarité sociale et qui sont hébergées doivent bénéficier des augmentations des prestations financières. Une
consultation entre le ministère du Travail, de l'Emploi et de la Solidarité
sociale avec le ministère de la Santé et des Services sociaux est prévue. Selon
nous, il doit exister une équité entre les prestataires qui sont hébergés et ceux qui ne le sont pas. Une façon
simple serait d'attribuer au minimum le même pourcentage d'augmentation des prestations aux personnes hébergées, à
savoir 8 %. Nous demandons à ce que la Régie de l'assurance maladie du Québec cesse immédiatement
de prendre intégralement le montant d'augmentation des prestations des personnes hébergées et qu'elle procède au
remboursement des sommes déjà saisies depuis le 1er février 2018. Nous
saluons le fait que les personnes qui
recevront le revenu de base pourront toucher des revenus de travail sans que
ceux-ci soient automatiquement retranchés de leurs prestations.
Pour les prestataires
du Programme de solidarité sociale, le plan pour l'inclusion économique prévoit
une augmentation de revenu d'emploi pour
atteindre un montant de 200 $ par mois. Or, cette augmentation n'apparaît
pas dans les intentions réglementaires. Il s'agit toutefois d'une avancée pour
la COPHAN. Cependant, cela ne correspond pas pleinement à notre revendication conjointe avec l'AQIS, l'AQRIPH et
le COSME, à savoir un montant de revenu d'emploi autorisé de l'ordre de
500 $ par mois.
Concernant
les biens et les avoirs liquides, un montant majoré de 500 000 $ est
prévu. Pour la COPHAN, cette modification pourrait également servir de
base à tous les prestataires des programmes d'aide financière afin de ne pas
les placer inutilement dans une situation de précarité financière. À notre
sens, le Programme de revenu de base constitue
un début vers l'amélioration des conditions de vie pour les personnes ayant des
limitations fonctionnelles. Or, lors
des prochains mois, voire des prochaines années, certains aspects du programme
devront être bonifiés. Selon nous, toute
la question de l'élargissement du Programme de revenu de base à plus de
prestataires du Programme de solidarité sociale sans que les personnes n'aient
à passer à travers 66 mois de prestation est un premier chantier qui
mériterait d'être examiné.
De plus, en date de
janvier 2018, il y avait environ 45 000 prestataires du Programme
d'aide sociale avec des contraintes
temporaires à l'emploi depuis 48 mois. On peut ainsi se questionner sur
l'aspect temporaire de telles contraintes. De la même façon que pour l'accès au Programme de revenu de base, les
prestataires ayant des contraintes temporaires à l'emploi, après un certain temps, pourraient se voir attribuer
automatiquement le statut de contrainte sévère à l'emploi.
Sans dresser
l'ampleur des travaux à effectuer dans le futur, nous tenons à rappeler qu'il
s'agit de certaines propositions pour
l'avenir et nous espérons que l'ensemble des parlementaires ne se saisiront pas
de ces idées pour bloquer l'instauration
du Programme de revenu de base, programme qui, rappelons-le, permettra
d'améliorer sensiblement les conditions de vie de quelque
84 000 personnes.
Nous
espérons que vous prendrez ces idées pour les intégrer dans des engagements
dans vos programmes électoraux respectifs.
Nous espérons également que, pour souligner le 40e anniversaire de la Loi
assurant l'exercice des droits des
personnes handicapées, le gouvernement annonce, et ce, avant le 23 juin
prochain, la création du programme du revenu de base. Merci.
La Présidente (Mme Richard) : Merci beaucoup, Mmes Vézina et
Desforges. Et nous allons débuter les échanges. La parole est maintenant
à M. le ministre.
M. Blais :
Je vous remercie beaucoup à la fois pour le caractère très complet, là, hein,
de votre présentation. Je vais vous
dire, je suis un peu ému parce que vous rappelez ces 40 années, hein,
donc, et vous dites : Bien, quand on regarde en arrière, on voit bien que, déjà, il y a des
engagements, peut-être, qui n'ont pas été toujours à la hauteur de la vision
qui date maintenant de 40 ans. Donc,
c'est toujours assez touchant de voir le progrès, mais aussi les difficultés du
progrès social.
Je
vais poser une question que j'ai posée à d'autres organismes, et c'est assez
important pour moi. Je pense que c'est
important aussi pour la population, qui n'est peut-être pas toujours au courant
du fonctionnement de nos nombreux programmes,
là, pour, disons, favoriser l'intégration sur le marché du travail dans un
contexte post-Walmart, hein, où il y
a eu beaucoup d'indignation, là, sur ce qu'il s'est passé. Et ma question,
c'est la suivante : Comment, là, vous faites un lien entre
intégration sur le marché du travail, une stratégie à venir, qui s'en vient
bientôt, et le revenu de base? Parce que,
pour beaucoup de personnes, ça peut être vu comme assez opposé, tout ça. Un
revenu de base, c'est une pension qu'on laisse aux gens, on leur demande
de rester à la maison ensuite, là, puis ceux qui peuvent travailler vont y
aller. Comment vous voyez, là, une espèce de continuum entre tout ça?
La Présidente
(Mme Richard) : Mme Vézina.
Mme Vézina
(Véronique) : Oui. Nous, ce qu'on trouve intéressant dans la
proposition qui est sur la table actuellement,
c'est que les gens qui auront accès au revenu de base vont quand même pouvoir
poursuivre d'avoir accès à des
mesures d'employabilité, donc de permettre à des gens d'avoir un revenu
relativement décent dès maintenant tout en ayant accès à des mesures d'employabilité. Et c'est là où on fait le
lien avec la stratégie nationale. Nous, on compte sur la stratégie pour avoir des mesures structurantes qui
vont permettre à des gens qui, actuellement, sont sur le revenu de base
de pouvoir en sortir et avoir accès à une meilleure qualité de vie, à une moins
grande exclusion sociale et pouvoir travailler comme la majeure partie des
Québécoises et des Québécois.
M. Blais :
Mais vous ne craignez pas que ça ait un effet inverse, finalement, qu'un revenu
qui est quand même un peu plus
substantiel, là, donc une augmentation de tout près de 40 % revenu, bien,
les gens vont être moins incités à aller
travailler, ils ne vont pas vouloir perdre leurs avantages? Je fais un peu
l'avocat du diable, mais c'est assez important de vous entendre parce
que vous connaissez très, très bien la clientèle, là, en question.
Mme Vézina (Véronique) : À l'heure actuelle, la majeure partie des gens
souhaitent travailler ou ont essayé de travailler, et les expériences qu'elles
ont vécues n'ont pas été positives. Nous, pour ces gens-là, il faut qu'on
trouve un moyen qu'elles aient un revenu décent pour leur permettre de
bien vivre malgré les échecs qu'elles ont subis ou leur incapacité ou leur capacité limitée à intégrer le marché du travail.
Donc, l'arrivée du revenu de base, pour nous, n'est pas une voie d'évitement, mais plutôt une voie... je
dirais une voie de passage dans laquelle on va encore permettre aux gens
qui le souhaitent et qui ont des capacités
de travailler... parce que, selon moi, toutes les personnes qui sont sur le
revenu de base, si le marché du
travail était capable de s'adapter à leur réalité, auraient au moins les
capacités de travailler à temps partiel,
mais malheureusement, tant et aussi longtemps que le marché du travail ne
changera pas, n'aura pas d'ouverture à
intégrer des gens qui ont différentes limitations dans leurs entreprises, il
sera impossible de faire travailler ces gens-là. Donc, en attendant qu'on change la société... ça fait
40 ans qu'on tente de la changer, on ne l'a toujours pas changée, ça
fait 40 ans qu'on attend des mesures,
on a un premier pas vers une mesure qui est intéressante. Donc, selon nous, il
faut aller de l'avant, mais éviter
justement... parce que souvent les gens perçoivent le revenu de base comme voie
d'évitement où on va mettre les gens
puis on va dire : Ceux-là, on les laisse tranquilles puis on ne fait plus
rien pour eux. Non, pour nous, avoir
accès au revenu de base, c'est avoir accès aussi à des mesures pour leur
permettre de sortir de là et d'avoir accès à un emploi ou à des
activités socioprofessionnelles qualifiantes.
M. Blais :
Que pensez-vous de l'argument qui voudrait que ça favorise l'exploitation
économique des personnes handicapées?
Tout ça parce que, bon, les employeurs vont dire : Écoutez, ces gens-là,
ils ont déjà un revenu de base, on ne va
comme pas quand même les payer en plus. Comment vous voyez ça? L'exemple de Walmart pourrait être utilisé, par
exemple.
• (11 h 50) •
Mme Vézina (Véronique) : Certaines personnes peuvent percevoir l'exemple
de Walmart comme de l'exploitation, d'autres
non. Pour ces gens-là, c'est une façon de sortir de l'exclusion sociale, ce
n'est pas une façon d'être exploité par la société. Là, vous parlez de l'exemple de Walmart. Pour
nous, l'exemple de Walmart a des conséquences très négatives sur les personnes qui le vivent. Est-ce qu'il faut juste blâmer Walmart dans ça? Je pense qu'il y a
différents acteurs de la société qui doivent regarder qu'est-ce qui a
amené Walmart à prendre cette décision-là. Mais il faut aussi voir les conséquences positives que ça a eues. Il y a
plusieurs employeurs qui ont manifesté de l'intérêt à embaucher des personnes
qui ont des limitations. Bien, ces
employeurs-là, qui ont manifesté cet intérêt-là, il faut aller de l'avant, il
faut aller les voir, il faut qu'elles embauchent des personnes qui ont des contraintes
sévères à l'emploi puis qu'elles les prennent dans leur entreprise pour
les faire travailler.
On n'a jamais autant parlé de l'emploi des
personnes handicapées depuis des années. Dans les deux dernières semaines, on a entendu parler des différentes mesures
qui existent, des organismes qui offrent du soutien aux personnes handicapées qui veulent intégrer le marché du
travail. Ça fait que, oui, il y a des conséquences négatives à ce qui est
arrivé aux gens qui travaillent chez Walmart, mais il faut voir les
impacts positifs que ça peut avoir aussi.
M. Blais :
On a parlé du 100 $ par mois. Les stagiaires ou employés de Walmart, là,
avaient 100 $ par mois. Moi, j'ai
rencontré des employeurs qui m'ont dit : Vous savez, moi, je pourrais les
payer davantage, de toute façon vous allez le récupérer parce que c'est des
personnes à l'aide sociale. On oubliait que les employés ou les stagiaires de
Walmart, c'étaient des personnes à la solidarité sociale, hein? Ce n'est
pas mentionné, là.
Alors, quel
est le lien que vous faites entre cette situation-là et les employeurs qui
disent : Moi, je serais prêt à les payer davantage, mais votre
programme, lui, il va le récupérer?
Mme Vézina
(Véronique) : Le fait
d'avoir accès au Programme de revenu de base, nous, ce qu'on a compris, c'est que, si les gens font des gains d'emploi
supplémentaires au 100 $ auquel elles ont droit actuellement, elles vont
pouvoir les conserver. Donc, ça va
permettre justement à ces gens-là... Parce qu'on s'entend qu'avoir accès à
18 000 $ par année, pour
arrondir le chiffre, on ne sort pas les gens de la pauvreté, on leur permet de
couvrir l'essentiel de leurs besoins de base. Les montants excédentaires qu'ils vont pouvoir gagner sans être
comptés vont peut-être leur permettre de sortir de la pauvreté, et tant
mieux.
Puis il faut
savoir qu'actuellement les personnes qui travaillent à 5 $ par jour ou à
100 $ par mois, les montants qu'ils reçoivent, ce ne sont pas les
entreprises, pour la plupart, qui les embauchent, ce sont nos CISSS et nos CIUSSS
qui les versent, ce sont le ministère de
l'Emploi et de la Solidarité sociale qui les défraient parce que c'est
considéré comme des montants qui sont alloués pour payer les frais de
déplacement pour se rendre au travail. Donc, pour l'instant, les entreprises mettent très peu d'argent dans le
salaire de ces personnes-là. C'est beaucoup l'État, finalement, qui finance,
je dirais, qui finance le transport aller-retour pour ces personnes-là qui vont
sur les plateaux de travail.
M. Blais : Merci, madame.
La
Présidente (Mme Richard) :
Merci. Nous allons maintenant du côté de l'opposition officielle. M. le député
de Rimouski.
M. LeBel :
Merci, Mme la Présidente. Bienvenue. Le ministre dit que c'est l'avocat du
diable, mais il a bien fait ça. Sur le revenu, de dire qu'un revenu de base qui
nous amène au niveau d'un peu de sortir de la pauvreté, qu'un revenu comme ça pourrait inciter des gens à ne pas aller
travailler, je comprends qu'il faisait l'avocat du diable, mais c'est un
préjugé qui rôde toujours puis que j'essaie de m'inscrire en faux à chaque fois
que je l'entends. On parle ici, dans ce revenu
de base, là, de sortir vraiment, là, avec un calcul, là, de, tu sais, du panier
de consommation, on fait... on fait juste sortir un peu de la misère, là. On ne sort pas de la pauvreté, là. Puis
je ne pense pas que ce petit gain là fait en sorte qu'on ne veut pas
travailler. Ça, je tenais à le dire.
L'autre chose
que je veux dire, c'est mon... Moi, je vais appuyer le projet de loi, là, tu
sais, pour les personnes qui sont en...
Je pense que c'est un gain, là, que le revenu de base, là, pour les gens qui...
les personnes handicapées ou les personnes
qui ont des contraintes très sévères. C'est un gain. Puis je comprends
l'émotion du ministre, tu sais, quand on parle du 40 ans qui... Si
on fait ces gains-là, c'est bien tant mieux.
Mais je
ramène toujours au fait que, là, on est en train de travailler à quelque chose
qu'on... à un projet qui veut lutter
contre la pauvreté. Puis ce qu'on est en train de faire là, ça se rajoute, le
revenu de base se rajoute à l'aide sociale à des gens qui sont dans la misère, qui sont à l'aide sociale, qui ont de
la misère puis qui ne peuvent pas avoir de conjoint, qui se font couper leur pension alimentaire. On a
un système complètement pourri, dur à gérer puis administrativement
inhumain souvent. Ça fait qu'il faut continuer à en parler, de ça.
Puis, avant
d'arriver au revenu de base, on va être dans la solidarité sociale pendant cinq
ans, cinq ans et demi, là, de misère,
à passer à travers ça pour être bien sûr que tu es vraiment... tu as des
contraintes, bien sûr, là, parce que, sinon, tu n'auras pas... Moi, ce cinq ans et demi là, là, je... Bien, on parle
du comité, bien tant mieux. Mais on vit avec ça, là. Puis là on parle de
2023 quand on va arriver... Tu sais, il faut quand même dire ce que c'est, là,
tu sais. Puis on est à quelques mois des élections. Ça fait que
ça nous arrive là, là. Mais comment on va mettre ça en marche? Comment ça va
être fait? Encore beaucoup de questionnement.
Ça fait que moi, j'aimerais vous poser deux
questions. Une première, c'est dans votre recommandation, c'est dans votre... à
la page 5, au début de la page 6, là, quand vous parlez du... de la
bonification de 29 millions de dollars prévue
sur cinq ans à l'embauche des personnes ayant des limitations, puis que ce
n'est pas beaucoup, vous dénoncez un peu ça. Puis vous dénoncez le fait que la stratégie nationale de
l'emploi n'aboutit pas. J'aimerais ça vous entendre parler de ça. C'est
quoi, votre vision des choses?
La Présidente (Mme Richard) :
Mme Vézina.
Mme Vézina
(Véronique) : La stratégie
nationale, lorsqu'elle a été adoptée, c'était pour une durée de 10 ans.
On a fait un premier cinq ans jusqu'en 2013, et tous les argents qui avaient
été promis pour cette première phase là n'ont pas été alloués. Notamment, on parle de la mesure
«contrainte sévère à l'emploi» où il
y a un 6 millions de déficit qui avait... il y a un 6 millions de dollars
qui avait été annoncé et qui n'a jamais été investi dans la mesure.
Depuis 2013, la première phase est terminée. On
est rendus en 2018, on n'a toujours pas sorti la deuxième stratégie. On nous annonce qu'elle va sortir au
printemps. On a vu dans le dernier budget les sommes qui ont été allouées,
mais on a aussi entendu, dans les derniers mois, l'annonce de l'augmentation du
salaire minimum.
Il faut
savoir que les principaux programmes qui soutiennent l'intégration des
personnes en emploi, il y en a deux, celui qui permet aux entreprises de
travail adapté de payer entièrement et même un peu plus le salaire des employés
handicapés qu'elles ont et le contrat
d'intégration au travail. Il faut savoir que ces deux mesures-là sont des
mesures qui indemnisent les employeurs sur la base du salaire minimum.
Le montant
qu'on nous annonce, le 29 millions, 5 millions la première année, c'est un montant qui va venir
à peu près absorber l'ensemble de ces
augmentations-là pour ces deux programmes-là. Nous, ce qu'on dit, c'est que ça
laisse peu d'argent pour mettre en
place d'autres mesures ou pour offrir d'autres contrats à des personnes pour
intégrer le marché du travail.
M. LeBel : O.K. Mais vous
attendez avec impatience...
Mme Vézina (Véronique) : La
sortie de la stratégie.
M. LeBel : À quelques mois des
élections.
Mme Vézina (Véronique) : Oui.
M.
LeBel : Une autre de vos
recommandations, puis ça vient un peu en lien avec ce que je disais au début,
vous dites : «Que le ministère
donne accès aux statistiques ayant trait — l'impact du vieillissement, on va mettre les lunettes — aux
nombres de refus de demandes d'intégration au Programme de solidarité sociale
des 10 dernières années...» Quand
vous demandez ça, c'est quoi votre... si vous voyez un problème, là, si vous
demandez ces données-là, c'est pour arriver à une conclusion?
Mme Vézina
(Véronique) : On veut avoir
accès à ces statistiques-là parce
qu'on ne voudrait pas que la création du Programme de revenu de base
devienne, je dirais...
Une voix : ...
Mme Vézina (Véronique) :
...oui, un prétexte pour empêcher l'accès aux gens au Programme de solidarité sociale et, éventuellement, au Programme de revenu de base. Donc, on veut suivre
l'évolution des demandes de refus pour s'assurer
que les refus d'accès au Programme de solidarité sociale n'augmentent pas de
façon importante, considérant qu'on vient d'instaurer le revenu de base.
M. LeBel : Ça, je veux dire, il
faut savoir qu'avant d'arriver au revenu de base il faut que tu aies passé le
calvaire de la solidarité sociale.
Selon votre
expérience, être accepté à la solidarité sociale, de passer de l'aide sociale à
contrainte sévère, selon votre expérience, des gens que vous connaissez,
actuellement, c'est quoi, votre opinion? Comment ça se passe?
• (12 heures) •
Mme Vézina
(Véronique) : Je vous dirais,
pour certains types de limitation, ça se fait très facilement. Une personne, par exemple, qui est aveugle, qui a un
problème de surdité où on peut chiffrer son niveau de handicap, le passage
se fait relativement bien. Là où c'est plus difficile, c'est pour des gens qui
vivent avec un problème de santé mentale, qui
ont une déficience intellectuelle légère, qui ont un trouble du spectre de
l'autisme où, là, les zones puis les limites pour avoir accès à une catégorie par rapport à une
autre sont beaucoup plus grises, ce qui fait que certain peuvent passer,
d'autres non. Puis je pense que les
difficultés sont vraiment liées pour des diagnostics très précis où, là, les
difficultés sont plus grandes ou pour
une personne qui, pendant des années et des années, a été capable de
travailler, et puis, pour toutes sortes de raison, notamment une dégénérescence
de la maladie ou une augmentation des limitations, doit arrêter de travailler puis
elle n'est plus en mesure de travailler.
Souvent, comme elle a travaillé pendant plusieurs années, ça devient
une contrainte pour accéder au Programme de solidarité sociale.
M. LeBel : C'est un peu le défi du ministre,
là, puis un peu le nôtre aussi. On va essayer de s'aider, tout le monde, un peu là-dessus. C'est de... parce que l'objectif de coller le
programme à la réalité de chaque personne, c'est un peu ça qu'on essaie... que
le ministre essaie de faire, puis je pense que c'est une bonne chose. Mais la difficulté,
c'est de bien connaître, c'est pour ça. L'idée du cinq ans et demi, c'était un
peu pour être sûr de bien connaître, mais, si on descend le cinq ans et demi,
comme je pense qu'il faut faire, il faut trouver d'autres façons de bien
connaître la situation de chacune des personnes. Et c'est un peu ça, le rôle de
son comité qu'il veut mettre en place. Moi, je pense qu'il faut y arriver, il
faut trouver la solution, surtout pour ceux qui ont des problèmes plus au
niveau de la santé mentale ou des choses qui sont moins visibles mais qui sont
aussi pesantes pour la personne.
Est-ce que
vous avez des idées là-dessus, comment on pourrait... Vous avez probablement participé au comité, là, ou n'être pas loin. Est-ce que vous
avez des idées de comment on pourrait trouver des solutions?
Mme Vézina (Véronique) : Nous, on a débuté notre réflexion à ce propos-là. C'est sûr qu'il y a
certaines voies de passage qu'on a déjà identifiées. On pense à une, notamment. Actuellement, il existe une mesure, à la Régie des rentes,
qui permet, par exemple, à une famille qui s'occupe d'un enfant qui a des
besoins exceptionnels d'avoir accès à un montant d'argent annuellement pour pouvoir s'occuper de son enfant. Ça
fait que, selon nous, les besoins de ces jeunes-là, lorsqu'ils vont arriver à l'âge où ils vont devoir
passer... où ils vont avoir, plutôt, accès à l'aide sociale, bien, pour nous,
ça devrait être une voie de passage
systématique. Les gens, pendant 18, même certains 21 ans, les parents les
ont soutenus, ils avaient peu accès
au milieu scolaire parce que leurs limitations étaient trop importantes, ils
ont des troubles graves, souvent ils
ont besoin d'assistance 24 heures sur 24. Donc, c'est des voies de passage
qui devraient se faire automatiquement.
On ne veut
pas le baser uniquement sur un diagnostic parce que, souvent, le diagnostic
peut être même... pour un même diagnostic, les impacts peuvent être très
variables sur la personne. Donc, il va vraiment falloir trouver des indicateurs. Puis, pour l'instant, celui qu'on a
clairement identifié, c'est les gens qui ont accès aux mesures pour les besoins
exceptionnels.
M. LeBel :
Bien, j'espère qu'on va trouver des solutions. Moi, ce que... Hier, les
notaires nous expliquaient aussi, puis
là il faudra revérifier, mais l'histoire du cinq ans avant d'arriver à un
revenu de base, ça voudrait dire que, quand tu arrives à 18 ans, il faut que tu attendes au moins à 23 ans
avant d'avoir accès. Il y avait un problème au niveau de l'âge, là, qui
était...
Ça fait que
moi, je vous remercie, mais je veux juste rappeler qu'il faut quand même
continuer à avoir une vision plus
large de la pauvreté. Tu sais, là, on veut travailler auprès de ceux... les
personnes handicapées puis des gens qui ont des contraintes sévères, mais ce projet de loi là s'inscrit dans une...
doit s'inscrire dans une vision plus large, de ceux qui ont de la misère à arriver, qui sont au salaire
minimum souvent, qui travaillent très fort. Il faut continuer à travailler pour
eux autres.
La
Présidente (Mme Richard) :
Merci beaucoup, M. le député de Rimouski. Maintenant, nous allons du côté
du deuxième groupe d'opposition. M. le député de Drummond—Bois-Francs.
M. Schneeberger :
Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour à vous deux. Alors, d'emblée, n'ayez
crainte, là. Actuellement, là, je
pense que toutes les parties s'entendent pour accepter le projet de loi, qu'il
soit en oeuvre avant les élections.
Alors, je pense que vous pouvez dormir tranquille là-dessus. De toute manière,
ils sont majoritaires. Alors, même qu'on s'opposerait, ça passerait de
toute manière, peu importe, là.
Bon, alors...
Par contre, j'ai quand même... en page 14, recommandations. Vous mentionnez
que, si le revenu de base cesse de couvrir une prestation spéciale,
qu'elle soit assumée par le ministère. Je pense comprendre un petit peu l'approche, mais auriez-vous peut-être des
exemples? Parce que ça, souvent, bien, c'est plus imaginatif ou, tu sais, plus...
la réalité, là. En même temps, je parle des
fois des sommes qui pourraient être allouées, je pense, par le ministère de la
Santé pour que la personne puisse aller
suivre, là, des cours, ou peu importe, et que cette prestation-là, j'imagine,
elle est... Dans le fond, on diminue
le chèque d'aide sociale parce que... de la solidarité, pardon, parce qu'on
prend en considération cette somme-là. J'imagine que c'est un peu ça.
Mme Vézina
(Véronique) : C'est toujours
délicat de citer un exemple parce qu'après ça on ne voudrait pas qu'on l'utilise pour nuire aux personnes qui bénéficient
de certains programmes, mais je vais quand même prendre la chance. Il
existe, actuellement au Québec, trois différents moyens, je dirais, de payer...
d'offrir des fournitures ou de donner de
l'aide financière aux personnes pour les fonctions d'élimination. Il y en a une
au Programme de solidarité sociale ou à l'aide sociale, même. Il en existe une au ministère de la Santé. Il en
existe une à la RAMQ. Ces trois programmes-là ne couvrent pas exactement la même chose, n'offrent pas les mêmes sommes, et
certains, je pense notamment à celui qui est géré par le ministère de la
Santé et qui est offert par les CISSS
et les CIUSSS, ont des listes d'attente. Pour avoir accès à de l'argent pour se payer des fournitures, les gens peuvent
être mis en attente. C'est très variable d'une région à une autre, mais il
y a des régions que ça peut aller jusqu'à au-delà d'un an.
Donc, nous,
ce qu'on ne voudrait pas, c'est que, si une personne qui est sur l'aide
sociale, et qui a besoin de ces fournitures-là, et qu'on décide de
couper ces allocations-là... qu'elle perde d'abord accès à des fournitures
parce que le ministère de la Santé de les
couvre pas, et qu'on arrête de le fournir via les programmes de dernier
recours, et les mettre sur une liste
d'attente au ministère de la Santé pour leur offrir les fournitures, mais
qu'elles vont attendre plusieurs mois avant qu'on puisse défrayer les
coûts pour qu'elles les aient.
M. Schneeberger :
O.K., parfait. Je vous écoutais tantôt dire : Regardez, nous, on trouve ça
bien, là, le nouveau programme, la nouvelle approche, mais ne nous laissez pas
de côté. On veut faire partie intégrale de la société, on veut être capables de... si on est capables, à
la juste mesure d'être sur le marché du travail, et autres. Puis ça, je pense
que la bonne majorité des employeurs l'ont
compris. Et aujourd'hui... Moi, je viens d'une région où est-ce qu'on cherche
constamment des emplois. Par contre, il y a
une réalité, c'est qu'aujourd'hui on est de plus en plus mécanisés, tu sais.
Les industries, c'est le «just in time», comme on dit. C'est la rapidité, il
faut être là. Alors, quand on engage quelqu'un, il faut être capable de
compter dessus. Tu sais, on ne peut pas dire une journée sur deux qu'on ne sait
pas combien de personnes... tu sais, mettons
qu'on en emploie plusieurs. C'est ça, la problématique de l'entreprise. Moi, je
ne peux pas arrêter mes activités
cette journée-là parce que j'en manque deux. Alors, c'est de créer des emplois
où est-ce que, si la personne ne peut pas rentrer, bien, que
l'entreprise continue à tourner.
Et j'imagine
que vous avez sûrement déjà rencontré des entreprises autres. Et, eux,
qu'est-ce qu'ils demandent? Qu'est-ce
qui pourrait être mis en place pour soutien, pour justement pallier à ces
problématiques et que ces entreprises disent : Bien, moi, regarde, c'est parfait,
là, comme ça, je suis en mesure d'engager des personnes qui ont des difficultés
physiques, ou peu importe, là, que vous
représentez? Il y a-tu des choses qui, concrètement, pourraient être faites
avec le ministère pour améliorer ça?
Mme Vézina
(Véronique) : Je dirais
qu'un des obstacles majeurs, il y en a plusieurs, mais un des obstacles
majeurs, c'est l'accessibilité des entreprises. Une personne qui est en
fauteuil roulant, une fois qu'elle peut rentrer dans l'entreprise,
qu'elle peut aller aux toilettes, que son poste de travail est adapté, une
grande partie peuvent être aussi productives
que n'importe quel autre employé. Mais, s'il y a une marche à l'entrée de
l'entreprise, déjà, quand même qu'on lui parlerait d'accéder au travail,
on oublie ça, à moins qu'elle puisse faire du travail de la maison.
Donc, je
dirais qu'une première étape, une chose que le gouvernement pourrait faire,
c'est notamment... Il y a un an à la même commission, via le regroupement, le
RAECAQ, que nous, on appelle, la COPHAN était représentée, et on avait revendiqué l'accessibilité aux petits commerces,
aux petites places d'affaires. Le programme est maintenant adopté. On est
revenus il y a quelques mois en commission, on a reparlé de ce programme-là. Ça
fait un an que le programme est adopté. Ça fait un an qu'il y a de
l'argent qui est prévu pour rendre des commerces, des petites places d'affaires
accessibles. Et, malheureusement, on n'a pas
encore adopté le projet de loi qui transfère la responsabilité de la gestion de ce programme-là à la SHQ et on attend toujours.
Les personnes attendent pour pouvoir rentrer, mais plusieurs entreprises
attendent après cet argent-là pour pouvoir rendre accessibles leur immeuble et
permettre à des personnes pas juste d'aller consommer, mais aussi d'y
travailler.
M. Schneeberger :
Ça fait que ça, vous dites... pour moi, sérieusement, je trouve ça quand même
assez simple à régler parce qu'on
s'entend les entreprises, habituellement, là, il faut que ça soit accessible
facilement. Les livreurs, les choses, il ne faut pas avoir des marches.
Puis je trouve que juste ça, ce point-là, je trouve ça révoltant un peu de
dire : Coudon, on est à ce point-là...
de dire on n'est pas accessibles. Puis, on s'entend, les entreprises
aujourd'hui, là, c'est assez moderne,
hein? Ce n'est pas... La plupart, ce n'est pas des vieilles bâtisses ou des...
comme dans la restauration, dans des vieux restaurants, des fois, les...
tu sais, dans le Vieux-Québec, ce n'est pas évident à modifier. Mais les
entreprises aujourd'hui, c'est tout du plain-pied.
La
Présidente (Mme Richard) :
Merci beaucoup, M. le député de Drummond—Bois-Francs, c'est tout le temps dont vous
disposiez.
M. Schneeberger :
C'est fini? En tout cas, merci.
La Présidente (Mme Richard) :
Mesdames, merci beaucoup pour votre contribution à nos travaux.
Et je suspends les travaux quelques instants
afin de permettre au prochain groupe de prendre place.
(Suspension de la séance à 12 h 10)
(Reprise à 12 h 13)
La
Présidente (Mme Richard) : ...s'il
vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux.
Et nous
recevons maintenant Mme Ruth Rose. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Vous êtes professeure associée au Département des sciences économiques et membre
de l'Institut de recherche et d'études féministes de l'UQAM. Vous aurez 10 minutes pour nous faire part de
votre exposé. Par la suite suivra un échange avec les différents parlementaires. Donc, je vous cède la parole, Mme Rose.
Mme Ruth Rose
Mme Rose
(Ruth) : Merci. Alors, d'abord,
j'aimerais vous remercier de m'avoir accueillie et aussi vous féliciter,
le gouvernement, d'avoir déposé ce projet de loi et le plan d'action. Il y a des bonnes choses, mais évidemment
on a encore des critiques, d'autres suggestions à faire. En particulier,
je trouve que le revenu de base est une bonne nouvelle. Et cependant j'espère
qu'on pourrait faire des améliorations.
La première chose que j'aimerais dire, c'est
que, comme beaucoup d'autres personnes ont sans doute dit, la période de 66 mois est excessive et que le
graphique que montrait le gouvernement pour justifier ces 66 mois démontre qu'en fait la très grande majorité des personnes
qui vont quitter le Programme de solidarité sociale vont le faire dans les
trois premières années. Alors, ma première recommandation est de réduire le
critère 30 mois sur 36.
La deuxième recommandation, c'est le fait qu'il
y a plusieurs façons d'établir l'incapacité de travailler, les contraintes sévères à l'emploi, et, en
particulier, il y a une interaction avec les autres programmes
d'indemnisation au Québec, notamment
la rentabilité du Régime de rentes du
Québec et les prestations de
remplacement de revenus pour la CSST et la société d'automobile du
Québec. Et je pense que — je viens d'écouter la COPHAN — il y a aussi toutes sortes d'autres
cas où les gens n'étaient pas admissibles à un programme, mais qui deviennent
démunis, entre autres les enfants qui atteignent
leur majorité. Et donc je suggère que la mesure de contrainte sévère à l'emploi
et la période d'attente soient aussi
mesurées par une période soit au Régime de rentes du Québec, une rente
d'invalidité, ou des autres programmes d'indemnité,
ou seulement un dossier médical qui indique que la personne a eu des
contraintes sévères à l'emploi depuis très longtemps parce que l'on sait qu'avec le
Programme de solidarité sociale, si vous avez un conjoint qui a un revenu, vous
pouvez avoir un handicap, mais vous n'êtes pas admissible au programme, alors
que, s'il y a rupture de l'union, tout
d'un coup, vous vous trouvez démuni, mais vous n'êtes toujours pas
admissible... vous n'allez pas avoir accompli cinq ans et demi à la
solidarité sociale.
Ensuite, il y a le
problème de : Est-ce que le montant est suffisant? Alors, je trouve que la
notion de fixer le revenue de base au même
niveau que la Mesure de panier de consommation est un choix judicieux, sauf que
l'on sait que... Et, quand on regarde
les façons que le gouvernement fédéral, Statistique Canada et emploi et
développement humain du Canada a
établi ces mesures-là, ils disent que ça prend plus que... toutes les autres
dépenses, comme notamment pour les problèmes
liés au handicap, doivent être soustraites du revenu pour déterminer si la
personne qui a un revenu égal aux mesures
de panier consommation est pauvre. Et ils disent : En moyenne, c'est
7 %, sauf qu'évidemment, pour les personnes qui ont des handicaps,
c'est plus que 7 %.
Alors,
une des mesures qu'on a, au Québec et au Canada, pour tenir compte de ces
dépenses additionnelles, ce sont les
crédits d'impôt non remboursables pour handicaps ou pour, au Québec,
déficiences sévères et prolongées. Alors, je propose, et ça fait
longtemps que je l'ai proposé, qu'ils doivent être convertis dans un crédit
remboursable parce qu'actuellement une
personne qui n'a pas de revenu et qui n'est pas imposable ne peut pas profiter
de ces crédits-là. Il doit le transférer à son conjoint, à son parent ou à une
autre personne qui le prend en charge, alors que ce n'est pas sûr que ça va servir pour les fins. Et ça, c'est une
mesure fiscale qui me semble assez simple. Donc, je demande au Québec de
faire ces changements et je demande aussi au Québec d'intervenir auprès du
gouvernement fédéral et des autres provinces
pour modifier ces crédits. Et je vous ferais remarquer que, parce que c'est un
crédit non remboursable, les gens au
Québec reçoivent moins de crédits fédéraux que dans le restant des provinces à
cause de l'abattement fiscal du Québec. Et donc, si c'était un crédit
remboursable au fédéral, les Québécois récupéreraient quelques centaines de
dollars.
Ensuite,
j'ai essayé de faire des calculs en fonction de la fiscalité puis je regardais
qu'est-ce qui se passerait avec la
prestation fiscale pour le revenu de travail si des personnes qui reçoivent
le... qui recevraient le revenu de base ou même l'augmentation prévue au niveau du Programme de solidarité. Et, à cause
des paramètres du programme fédéral, les gens vont recevoir beaucoup
moins à la suite de cette mesure. Et je sais que, quand ça a été établi, en
2007, d'abord, ça a fait une grosse
différence pour les personnes seules qui ont des faibles revenus de travail et
que le Québec a demandé que ce
crédit-là soit modulé différemment au Québec pour que ce soit justement
harmonisé avec notre prime de travail et, entre autres, que ça profite surtout
aux personnes sans enfants. Alors, c'est une bonne chose, mais je pense qu'avec
cette modification-ci et les autres
conséquences que ça va faire il faudrait retourner négocier avec le fédéral
pour adapter la prestation fédérale au nouveau programme du Québec.
Je suis en train de
donner des travaux à votre collègue M. Leitão, M. Blais.
• (12 h 20) •
M. Blais :
...j'ai le temps, de ce temps-ci.
Mme Rose
(Ruth) : Ensuite, le supplément au revenu de travail, qui prévoit que
la personne à l'aide de dernier recours puisse garder 10 % de ses
gains au-delà de l'exemption de 200 $, si j'étais un jeune qui essaie
d'entrer sur le marché du travail, je trouverais que les différentes mesures
qui visent à offrir une incitation au travail, dont le 200 $ d'exemption,
dont la prime au travail, la prestation fédérale, ce 10 %, les différentes
allocations pour participer à des programmes...
je serais complètement mêlée. Et surtout que la façon que ça rentre dans le
temps est très complexe. Alors, je
pense qu'il faudrait s'adresser à ce problème de complexité et surtout de bien
informer les gens. Moi, je suis une experte en prime au travail puis je
suis mêlée.
Mais
le 10 %, si on l'offre, je pense qu'il devrait être offert sans limite de
temps parce qu'une personne qui a des problèmes d'employabilité et
qui... dont les emplois qui sont accessibles sont souvent précaires, intérimaires,
à temps partiel, il y a des fluctuations, il
doit faire plusieurs tentatives de rentrer sur le marché du travail, et donc il
ne devrait pas avoir à se
préoccuper : Est-ce que, ce mois-ci, j'ai le 10 %? Est-ce que ça
expire dans un mois? Je pense qu'on ne devrait pas avoir de limite de
temps.
Ensuite,
il y a la question des dépenses personnelles pour les personnes âgées. Je sais
que, juste en termes de lecteur de journaux, j'ai été un peu choquée
d'apprendre que les personnes à la solidarité sociale ont eu une augmentation
de 73 $, mais ça a été entièrement
récupéré pour les personnes qui sont hébergées. Alors, comme le COPHAN, je
suggère qu'un pourcentage des augmentations qui sont à prévoir soit
intégré, leur permette aussi d'augmenter l'allocation personnelle, et aussi pour les personnes qui ont des contraintes
temporaires. Moi, quand ma belle-mère était à l'hôpital, à un CHSLD,
j'ai vu comment cette mesure — et ça, ça fait 20 ans — est
difficilement suffisante.
Finalement,
j'aimerais venir à la question des prestations pour les personnes sans
contrainte à l'emploi parce que je
pense qu'on peut faire un parallèle avec l'augmentation... la modification de
la politique familiale qu'il y a eu en 2005 et qui a, d'après les plans
d'action, eu un grand succès et a été la principale mesure qui, dans les plans
d'action... des deux précédents plans
d'action, et qui ont eu pour effet de réduire, par exemple, le nombre des
familles monoparentales par les deux tiers, et même pour les familles
biparentales aussi.
Alors, j'ai eu
l'occasion d'intervenir directement pour convaincre les ministres, Finances et
Solidarité sociale à l'époque, d'adapter
cette politique-là. Et nous avons, en 2004, déposé un mémoire qui démontrait
deux choses. Premièrement, qu'à
l'époque les programmes de soutien aux familles étaient complètement
incohérents, inéquitables. Alors que
ça devait aider les personnes qui avaient des faibles salaires, par exemple une
famille monoparentale qui gagnait, à l'époque, entre 15 000 $ et
25 000 $, c'étaient celles-là qui avaient le moins d'aide pour leurs
enfants. L'autre chose qu'on a démontrée, c'est que — ...
La Présidente (Mme Richard) :
Mme Rose, si vous me le permettez, je vais vous demander de conclure.
Mme Rose
(Ruth) : ...oui — ça démontrait aussi que, sur les dernières 10 années, les
personnes qui ont le moins... qui
n'ont pas bénéficié des baisses successives
d'impôt, c'étaient les familles. Et donc le gouvernement a trouvé de l'argent
pour baisser les impôts, alors qu'il l'a fait en grande partie en coupant les
familles. Et ça a convaincu les deux ministres de l'époque d'adopter
cette politique.
Alors, je
suggère que c'est peut-être l'occasion maintenant de hausser les prestations pour les personnes qui
sont les plus pauvres de notre société, c'est-à-dire les personnes qui
sont sur l'aide sociale, sans contrainte à l'emploi.
La
Présidente (Mme Richard) : Merci. Nous allons commencer les échanges. M. le ministre, la parole est à vous.
M. Blais : Merci beaucoup pour
l'exposé, Mme Rose, puis pour ce que vous avez fait depuis de nombreuses années, hein, pour améliorer le système,
la protection sociale, disons, au Québec, à la
fois fiscale et parafiscale, mais
aussi bien sûr les mécanismes de sécurité du revenu.
J'ai deux
choses... Donc, je suis très sensible à l'argument que vous dites, bon, qu'ils
puissent garder 10 % de leur revenu, bon, pendant 12 mois. Tout ça,
c'est bien sur papier, mais c'est compliqué dans la vie, et puis on a un
problème rapidement d'ayants droit.
On a eu une
discussion, réflexion, échange lorsqu'on a développé le plan de lutte sur la
valorisation ou non du crédit d'impôt
de solidarité par rapport à la prime au travail. Je ne vous dirai pas dans quel
camp je suis. Et il y avait des avantages.
On sait, ça dessert des publics un peu différents, hein, parce que la prime au
travail est liée à une prestation de travail, un revenu d'emploi, et que
le crédit d'impôt de solidarité est lié au revenu.
Est-ce que vous êtes, en termes de complexité,
d'accessibilité, vous êtes plutôt contente du crédit d'impôt de solidarité, de ce qu'il permet de faire, ou vous
pensez qu'on devrait aller vers un vase communiquant puis aller davantage
vers une prime au travail plus généreuse, plus substantielle?
Mme Rose
(Ruth) : Je pense que les deux ont leur rôle. C'est-à-dire que le
crédit de solidarité, en général, les gens le perçoivent plus
facilement, et puis c'est plus général. Donc, je pense qu'ils ont tous les deux
leur place.
La prime au
travail, elle fonctionne très bien pour des familles parce qu'elle est
relativement généreuse et parce que,
contrairement au programme APPORT, quand on a d'autres revenus, elle est
récupérée à seulement 10 % plutôt que 40 %. Le problème avec, c'est qu'il vient... parce qu'il est basé
sur le revenu de l'année dernière, il revient de six à 18 mois plus
tard, puisqu'on a fait l'effort de travail. Pour les familles avec enfants,
c'est moins grave parce qu'ils ont des allocations
directes du fédéral et du Québec. Pour les personnes seules, il y a un problème
dans le temps. Cependant, je pense
qu'on ne peut pas l'éviter parce qu'avec le programme APPORT on tentait de le
leur donner pendant l'année, et le résultat
était qu'ils devaient rembourser à la fin. Alors, il y a un problème avec ces
programmes-là, mais je pense que c'est le
mieux qu'on peut faire. Le 10 % visait justement à leur donner quelque
chose qui est plus concret et plus immédiat.
Peut-être que
la solution serait ce que d'autres provinces ont essayé, c'est qu'au lieu
d'avoir 200 $ plus 10 % on pourrait
dire : Gardez 50 % de vos gains jusqu'à ce que vous sortiez de l'aide
sociale, ce qui serait plus concret et plus visible.
M. Blais : Ça m'étonnerait,
mais je veux quand même vous poser la question : Est-ce que ça existe, des
recherches qui ont mesuré l'impact sur la décision d'une personne d'occuper un
emploi ou de le conserver parce qu'il y
avait une prime au travail? Ce qu'on veut faire avec «au travail», c'est
redistribuer, donc améliorer le revenu disponible. Ça, on le fait, c'est sûr. Mais on voulait aussi
que ça ait un impact sur la prise de décision d'aller chercher un emploi ou
d'y demeurer, hein, normalement. Est-ce que
vous connaissez des recherches là-dessus qui ont attesté cet élément-là, là,
de la justification de la prime au travail?
Mme Rose
(Ruth) : Très franchement, je retournerais la question à vous. Est-ce
que le ministère a effectué de telles recherches?
M. Blais : Je n'en connais
aucune, j'en doute en plus.
• (12 h 30) •
Mme Rose
(Ruth) : Je pense que ce qu'on peut dire, c'est qu'ensemble avec les
services de garde, et le soutien aux enfants, et les prestations fédérales,
c'était enlever les enfants de l'aide sociale. On a eu très clairement un
mouvement pour les familles monoparentales de quitter l'aide sociale et
que la prime au travail a joué sa part là-dedans. Je pense qu'aussi...
M. Blais : Beaucoup les
allocations familiales, l'intégration des allocations familiales aussi, je
pense.
Mme Rose (Ruth) : Oui, oui,
c'était une série de programmes, sauf que la prime au travail a joué son rôle.
Et l'autre chose que j'ai remarquée, c'est que,
quand j'ai regardé l'amélioration de revenu pour les gens qui gagnent 15 000 $,
c'est substantiel suite à l'adoption de la prestation fédérale, le PFRT, parce
que, tout d'un coup, les personnes
seules ont reçu quelque chose, alors que la prime au travail ne leur donne
presque rien. Alors, ça, je pense que c'est aussi très concret.
M. Blais :
Alors, ma deuxième question, bien, je n'ai pas parfaitement compris, là, les
remarques que vous avez faites sur
l'intégration ou la non-intégration des prestations, par exemple, de la Régie
des rentes du Québec et du revenu de base. Alors, comment vous voyez cette
complémentarité-là ou comment on peut améliorer la complémentarité entre
les deux situations? Quelqu'un pourrait
avoir une prestation de la Régie des rentes qui est modeste, avoir droit à une
partie de son revenu de base... Je n'ai pas bien compris ce que vous
vouliez dire exactement.
Mme Rose
(Ruth) : C'est-à-dire qu'il doit y avoir déjà un grand nombre de
personnes, dont la rente d'invalidité est inférieure à la prestation de
solidarité sociale, et donc ils deviennent admissibles à un complément de
solidarité sociale. Sauf qu'à la
Régie des rentes il n'y a pas de test de revenu... de test d'actifs, de biens,
et puis on ne tient pas compte du revenu
du conjoint, alors que, si la personne n'est pas admissible, a une rente
d'invalidité pendant 10, 15 ans et qu'elle a aussi des biens ou un conjoint, elle ne serait pas
admissible à un complément de solidarité sociale. S'il perd ces deux
éléments-là, je suis en train de dire
qu'il ne faudrait pas qu'on lui demande de faire ses cinq ans et demi à la
solidarité sociale avant de devenir admissible au revenu de base. Donc,
c'est une question de délai.
M. Blais :
Ce n'est pas une intégration en termes de revenu plutôt que de considérer les
délais, là, un délai de carence, disons.
Mme Rose
(Ruth) : S'il a reçu la rente d'invalidité, il est considéré comme
ayant des contraintes sévères... les cinq ans et demi.
M. Blais :
Je comprends. Merci.
La Présidente (Mme Richard) : Merci beaucoup. Nous allons
maintenant du côté de l'opposition officielle. M. le député de Rimouski.
M. LeBel :
Merci, Mme la Présidente. Bienvenue. Effectivement, ça fait longtemps que vous
êtes dans le milieu à défendre vos
points de vue. Puis, je me souviens, moi, j'étais dans les milieux populaires
il y a une trentaine d'années, là, quand j'avais des cheveux, et je me
souviens de vous avoir vue dans des commissions populaires un peu partout.
Une voix :
...
M. LeBel :
Oui, oui, à peu près ça. Mon collègue de la deuxième opposition disait
tantôt : De toute façon, ils sont majoritaires,
ils vont toujours... Mais on travaille ensemble, on est capables de travailler
ensemble pour faire avancer les projets.
Des fois, on a des batailles qu'on perd, par exemple, quand on est dans
l'opposition. Une bataille qu'on a perdue sur le projet de loi
n° 70 à l'époque, c'est d'essayer de convaincre le gouvernement de ne pas
aller vers des pénalités aux gens qui ne voulaient pas participer à des
parcours. On a essayé, mais ça n'a pas marché.
Dans
votre mémoire, à la page 11, vous en parlez. Vous doutez de... que
l'approche de la pénalisation, c'est une approche qui amène des gains ou
qui... J'aimerais ça vous entendre parler de ça.
Mme Rose
(Ruth) : Bien c'est-à-dire que, lors de la réforme de 1990, on a
établi cinq catégories, dont la catégorie «disponible» pour les gens qui étaient en attente d'un programme, mais
il y avait aussi une catégorie «non participant» pour des gens qui avaient
refusé un programme.
En
1993, on a aboli le programme... «disponible», et donc on a en quelque sorte
pénalisé tout le monde dès qu'ils arrivent à l'aide sociale. Il y a eu
d'autres...
Je
n'ai pas fait une recherche systématique sur les programmes de participation,
mais je me rends compte que, chaque
fois qu'il y a une réforme, un nouveau ministre, un nouveau parti, on introduit
une nouvelle pénalité. En 2005, le gouvernement
a adopté l'article 59 de la Loi sur l'aide sociale et qui dit qu'il n'y
aurait pas de pénalité pour un refus. Puis maintenant, l'été dernier, on
a réintroduit.
Alors,
il me semble que ça n'a pas marché par le passé, ça ne va pas marcher
maintenant et ça va encore créer une grande insécurité pour les
personnes qui font une tentative sérieuse d'entrer sur le marché du travail.
M.
LeBel : Puis je pense, comme vous le dites, ça va un peu... dans la loi sur la pauvreté, on avait comme introduit
ce qu'on appelait un barème plancher, là. Et
là, bien, ça vient un peu en contradiction au barème plancher, d'introduire
des pénalités.
Mme Rose
(Ruth) : Bien, c'est ça. Il
me semble que les personnes... sans que nécessairement que le niveau
de revenu soit le même que pour les
personnes qui ont des contraintes sévères, je pense qu'il faudrait créer un
vrai plancher pour les personnes qui n'ont pas de contraintes et
respecter.
M. LeBel : Là-dessus, dans votre mémoire aussi, vous
requestionnez c'est quoi, le calcul d'un revenu plancher qui est digne,
là, qui permet de sortir de la pauvreté. Vous dites qu'il faut le revoir puis
vous dites qu'il devrait être donné à tout le monde, là, qu'ils soient en
contraintes ou sans contraintes. C'est un peu ce que vous dites dans votre
mémoire.
Mme Rose
(Ruth) : ...
M. LeBel : Parce
que vous dites... à la page 11,
vous dites : «Que le gouvernement fasse une estimation des besoins immédiats
des différents ménages, en fonction des prix et des habitudes de consommation
d'aujourd'hui, et qu'il établisse un vrai
minimum garanti pour les prestataires de l'aide sociale sans contraintes à
l'emploi basé sur cette estimation.»
Mme Rose
(Ruth) : Je répète ce qu'a
dit le comité d'experts, c'est-à-dire qu'on a fixé les barèmes sans référence à rien, on les a coupés systématiquement dans le temps. Je suggère qu'on revienne à la philosophie qu'on
avait à la fin des années 80, de
baser les barèmes sur une estimation de ce qu'on appelait les besoins
immédiats, c'est-à-dire les gens ont besoin de faire ça pour pouvoir vivre d'une journée à l'autre. Et donc
j'ai fait mes calculs basés sur ce qui était dans les années 1987,
mais ce sont des données désuètes. Et c'est exactement ce que le comité
d'experts a dit.
M. LeBel : Est-ce
que vous... dans ce sens-là, si on
établit un vrai minimum garanti pour les prestataires de l'aide sociale,
qu'ils soient à contraintes ou sans contraintes...
Mme Rose
(Ruth) : Non, non, non. J'ai
dit qu'il va y avoir un vrai minimum pour des gens qui n'ont pas de
contraintes...
M. LeBel :
C'est ça que je dis, oui.
Mme Rose
(Ruth) : ...mais qu'on peut
avoir des montants plus élevés pour... donc, on a la notion de revenu de base
pour les gens qui ont des contraintes sévères.
M. LeBel :
O.K. Mais le revenu...
Mme Rose
(Ruth) : Et puis quelque chose entre les deux pour les contraintes
temporaires.
M. LeBel : O.K. Mais, pour ceux qui sont sans contraintes, le
revenu, est-ce qu'il équivalerait à peu près au panier de
consommation?
Mme Rose
(Ruth) : Non, j'avais fait mettre un chiffre qui correspond plutôt à
ce qui était proposé en 1987.
M. LeBel : O.K. Hier, on a rencontré des gens du revenu de base,
là, parce que, là, on crée un revenu de base pour des personnes en particulier. Est-ce que
vous pensez que c'est faisable, un vrai revenu de base inconditionnel et
universel qui s'installe ici, au Québec, qui pourrait se faire au Québec?
Est-ce que vous pensez que c'est faisable?
Mme Rose
(Ruth) : Non. J'ai étudié ça
en long et en large et, pour diverses raisons techniques et sociales, je ne
pense pas qu'on peut aller jusqu'au MPC pour tout le monde.
M. LeBel :
Et pourquoi? Est-ce que vous nous expliquez pourquoi?
Mme Rose
(Ruth) : C'est parce que,
quand tu as un revenu de base comme ça pour tout le monde, il faut quand même justement, à mesure que les gens
travaillent, il faut taxer, puis il faut taxer au moins 50 %. On a déjà...
avec le revenu minimum pour les personnes
âgées, avec le supplément de revenu garanti, il y a des taux de taxation qui
sont entre 50 % et 75 %,
selon l'intervalle, et ça crée une trappe de pauvreté. C'est-à-dire qu'un très
grand nombre de personnes âgées ne peuvent jamais aller au-delà de ce
revenu minimum de base.
Si on appliquait à
l'ensemble de la population, on aurait une situation où on va appauvrir les
trois quarts de la population, et l'autre
quart va être obligé de supporter une prestation pas maximum, mais une grande
partie... il va subventionner le restant
du 75 %. Alors, quand j'ai débattu avec M. Blais, quand il était
professeur, c'était mon objection à
son programme d'allocation universelle aussi. Mais on peut offrir une
prestation de base de 10 000 $ aux personnes qui n'ont pas
d'autres ressources.
M. LeBel :
O.K. Puis ce piège-là du revenu de base que vous voyez, on l'évite dans le
programme qu'on crée aujourd'hui pour les personnes avec contraintes
sévères?
Mme Rose
(Ruth) : Non, parce que c'est quand même une catégorie bien établie,
comme on a pour les personnes âgées. On a un revenu minimum garanti pour
les personnes âgées, qui est à peu près au MPC.
M. LeBel : Mais vous venez de m'expliquer que les personnes
âgées, ça peut emmener des problèmes de pauvreté. C'est ce que vous
venez de me dire.
• (12 h 40) •
Mme Rose
(Ruth) : C'est de la quasi-pauvreté. Quand on regarde les chiffres
officiels sur la pauvreté des personnes
âgées, ça a beaucoup diminué, mais il
y a beaucoup de quasi-pauvreté pour les personnes âgées, mais il n'y a pas, pour des personnes âgées, des contraintes sur
les biens. Un grand nombre de personnes âgées ont leur propre maison déjà,
puis ça fait une énorme différence sur le coût de la vie.
M. LeBel : O.K. Mais, un jour,
j'aimerais ça qu'on puisse discuter de la pauvreté des aînés. Ça m'a surpris. Il y a une quinzaine d'années, moi, je travaillais
pour la ministre Goupil à la Solidarité sociale, on avait piloté le projet
de loi pour lutter
contre la pauvreté puis on a fait une tournée du Québec. Je viens d'en faire
une, là, avec mes plus petits moyens,
et il me semble que je vois aujourd'hui beaucoup plus de pauvreté par rapport
aux aînés qu'il y a une quinzaine d'années.
Souvent, c'est plus à cause de l'isolement. Il faudrait en discuter
éventuellement, ça m'intrigue beaucoup, la pauvreté des aînés. Pour aller faire l'épicerie, c'est très loin, ça
coûte plus cher. On dirait, je ne sais pas, ça les rattrape. En tout
cas, ça m'intrigue. Quand vous parlez de pauvreté des aînés, ça m'intrigue
beaucoup.
Mme Rose
(Ruth) : Le problème aussi,
c'est la hausse du coût des logements. Alors, j'espère, dans le plan d'action, il y a de l'argent pour augmenter le logement social
puis j'espère qu'on va faire des avances là aussi parce que, dans les
pays scandinaves, par exemple, les principaux programmes d'aide sociale sont
des subventions au logement.
M. LeBel :
C'est beau pour moi. Merci, madame.
La Présidente (Mme Richard) : Merci, M. le député de Rimouski. Maintenant, nous allons vers le deuxième groupe d'opposition. M. le député
de Drummond—Bois-Francs.
M. Schneeberger : Merci,
Mme la Présidente. Alors, bonjour.
Première question, dans votre recommandation n° 1,
vous dites que le critère d'admissibilité au
Programme de revenu de base devrait être d'avoir été en
contraintes sévères 30 mois sur les
36 derniers mois. Ça, c'est-à-dire que vous maintenez quand même une période, mais
on coupe à peu près de moitié avec le plan actuel. J'aimerais savoir
comment vous en êtes venue à ces chiffres-là.
Mme Rose
(Ruth) : C'est-à-dire que je me suis basée seulement sur ce qui était dans le plan d'action, qui montrait que la plupart
des gens qui vont sortir du Programme de solidarité sociale vont le faire dans les
trois premières années, et même c'est dans la première année qu'ils vont le
faire. Alors, je pense que les gens du COPHAN seraient d'accord
avec moi que, si une personne a une contrainte sévère à l'emploi, c'est généralement permanent. Donc, si voulez choisir un an sur deux, je serais d'accord
avec ça.
M. Schneeberger :
O.K. Dans le cas des personnes qui, à l'âge de 18 ans, sont déjà en
contraintes sévères à l'emploi parce qu'ils
ont un handicap sévère ou autre, est-ce que vous recommanderiez qu'il y ait quand même un délai avant qu'ils puissent avoir le programme
de base?
Mme Rose
(Ruth) : Quand vous regardez
ma recommandation 2, je dis qu'une des façons de mesurer la
durée de la contrainte d'emploi doit être un dossier médical. Alors, si, à 18
ans, l'enfant a toujours été en contraintes sévères, il aurait déjà
rencontré le critère.
M. Schneeberger :
O.K. Donc, il n'y aurait pas de délai, il embarquerait automatiquement.
Mme Rose
(Ruth) : Non, il y aurait eu
le délai de six ans et demi, de trois ans, ou de deux ans, ou de six ans, mais
on l'aurait constaté par le dossier médical.
M. Schneeberger : Parfait. J'ai mal compris, tantôt,
vous parliez de mesures fiscales avec les compensations au niveau du fédéral, puis, en tout cas, ce que j'ai
compris, c'est qu'actuellement avec les régimes ces cas-là, on n'a pas refusé,
mais on s'épargnait de l'argent qui venait
du fédéral, dans le fond, on se privait d'argent qui venait du fédéral actuellement.
Mme Rose
(Ruth) : Avec le crédit pour personnes handicapées?
M. Schneeberger :
Oui. Pouvez-vous juste l'expliquer pour bien le comprendre?
Mme Rose
(Ruth) : Bien, il y a
un crédit d'impôt qui veut dire que, quand vous faites votre rapport d'impôt,
vous calculez, sur la base de votre revenu imposable, le montant que
vous avez à payer. Ensuite, vous avez vos crédits non remboursables, le montant personnel, le montant pour handicap, le montant
pour frais médicaux, et on multiplie ça par 15 % au fédéral et ensuite on déduit ce montant-là de
l'impôt que vous avez à payer. Si vous n'avez pas d'impôt à payer, vous
perdez des crédits, vous n'en profitez pas.
Mais,
en plus, parce qu'on a l'abattement du Québec, si vous en profitez, ça va être
multiplié par... on va enlever 16,5 %.
Donc, les Québécois reçoivent... pour ces crédits-là, ils reçoivent 16,5 %
de moins que dans le restant du Canada, alors que, si c'était un crédit
remboursable, comme les allocations familiales, qui sont des crédits
remboursables, on fixe le montant puis on les donne à tout le monde.
M. Schneeberger :
O.K. Ça, c'est un très bon point, là. Moi, je ne refuse jamais l'argent du
fédéral. Il en a plein, il dépense tout plein. Ça fait que, tant qu'à
s'endetter, on est aussi bien d'en avoir la plus grosse partie.
Mme Rose
(Ruth) : Bien, il y a plusieurs interférences entre la fiscalité du
fédéral et la fiscalité du Québec, dont les déductions pour les services de
garde.
M. Schneeberger :
O.K., oui, c'est un très bon point, c'est un très bon point. Ça va. Bien, merci
beaucoup, ça va. Merci.
La
Présidente (Mme Richard) : Merci beaucoup à M. le député
de Drummond—Bois-Francs.
Merci...
Mme Rose
(Ruth) : ...profiter pour parler un petit peu des pensions
alimentaires?
La Présidente (Mme Richard) : Malheureusement, là, le temps est
écoulé. Merci beaucoup, Mme Rose, pour votre contribution à nos
travaux.
Et la commission
suspend ses travaux jusqu'à 15 heures, cet après-midi.
(Suspension de la séance à
12 h 46)
(Reprise à 15 h 2)
La Présidente (Mme Richard) : À l'ordre, s'il vous plaît!
Bonjour. Donc, nous allons commencer nos travaux. La Commission de l'économie et du travail reprend
ses travaux, et je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de
bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.
Nous poursuivons les
consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi
n° 173, Loi visant principalement à instaurer un revenu de base pour des
personnes qui présentent des contraintes sévères à l'emploi.
Je souhaite la
bienvenue à Mme Pierre, qui représente la Table des regroupements provinciaux
d'organismes communautaires et bénévoles. Je
vous rappelle, Mme Pierre, que vous avez 10 minutes pour faire votre
présentation. Par la suite suivra un échange avec les parlementaires. Et
vous avez la parole.
Table
des regroupements provinciaux d'organismes
communautaires et bénévoles (TRPOCB)
Mme Pierre
(Alexandra) : Bonjour. Merci à toutes et tous, merci pour l'invitation
à cette commission. Avant de
commencer, je vais évidemment vous dire quelques mots sur la table. La Table
des regroupements provinciaux d'organismes
communautaires et bénévoles regroupe 43 regroupements qui sont actifs à la
grandeur du Québec et qui abordent la
santé, le bien-être, les services sociaux et la famille sous différents angles,
donc angles femmes, hébergement, sécurité alimentaire, santé mentale,
personnes racisées.
Par exemple, pour
vous donner une idée, on compte parmi nos membres le regroupement des CALACS,
le Regroupement québécois des centres d'aide
et de lutte contre les agressions à caractère sexuel, le Regroupement des
cuisines collectives, la Coalition
des organismes communautaires québécois de lutte contre le sida, le
Regroupement des aidants naturels du Québec.
Donc,
la table rejoint 3 000 organismes communautaires autonomes en santé
et services sociaux dans toutes les régions,
comme je l'ai dit tout à l'heure. La table n'est pas une experte de la
mécanique de l'aide sociale, mais on s'intéresse aux conséquences de la pauvreté et des inégalités parce que les groupes
qu'on rejoint sur le terrain les vivent au quotidien, et ça fait partie des préoccupations dont ils font
régulièrement part à leurs regroupements, qui sont membres de la table.
Les
déterminants sociaux de la santé sont au centre de l'analyse de la santé, du
bien-être et de la justice sociale de la table. C'est quoi, les déterminants
sociaux de la santé? C'est l'idée que les caractéristiques de la société dans
laquelle les gens vivent ont autant, si ce
n'est pas plus, d'impacts que leur comportement et leurs choix individuels. Au
Canada, la recherche identifie généralement
14 déterminants sociaux de la santé. Vous les avez à la page 4 de mon
mémoire. Mais j'aimerais vous porter
l'attention sur quelques-uns d'entre eux, dont le revenu, l'exclusion sociale,
l'accès à un filet de sécurité, l'insécurité alimentaire et le logement.
Une
autre des choses qui est fondamentale à l'analyse de la table, c'est le respect des droits humains. La Déclaration universelle des droits de l'homme, le pacte
relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et évidemment
la charte des droits et libertés du Québec sont des textes
fondamentaux pour orienter les actions du gouvernement québécois, de l'État québécois. Ils affirment des droits
inaliénables qui sont, entre autres, le droit à des mesures d'assistance
financière, comme le mentionne
l'article 45 de la charte, mais aussi le droit à la santé et le droit à un
niveau de vie décent. C'est avec ces
deux éléments en tête, donc les déterminants sociaux de la santé et les droits
humains, que la table a analysé le projet de loi dont il est question
aujourd'hui.
Donc, d'abord, pour
nous, le projet de loi est peu précis. Plusieurs des éléments seront déterminés
par voie de règlement. C'est sûr qu'il y a
les intentions réglementaires, mais, à tout moment, la nature du programme
Revenu de base pourra être changée
sans l'aval de l'Assemblée nationale et surtout sans débat public. Ça, ça
inclut le calcul de la prestation. Pour
nous, c'est évident que le plancher, qui est la Mesure du panier de
consommation, devrait être dans la loi. Toute la question du délai de carence de cinq ans et demi, je vais en reparler
tout à l'heure, pour les personnes avec des contraintes sévères, c'est cinq ans et demi aujourd'hui, mais
peut-être six ans ou sept ans plus tard, compte tenu du règlement. La
possibilité de garder ses gains de travail, c'est aussi dans le règlement, et
les exclusions des biens et avoirs liquides également. Cette manière de légiférer par règlement est de plus en plus
courante et nous semble vraiment problématique parce qu'elle ne permet pas un débat ouvert puis aussi parce qu'elle
empêche les personnes assistées sociales de défendre leurs droits et
d'avoir une prise sur leur avenir.
Il
y a des éléments qui sont intéressants dans le projet de loi n° 173, mais,
quant à nous, ces éléments-là devraient être appliqués à toutes les personnes assistées sociales.
Avec le
projet de loi et ses intentions réglementaires, le gouvernement du Québec
accepte enfin le consensus qui dit que la Mesure du panier de
consommation est un niveau de vie... un niveau de revenus, pardon, sous lequel
on ne peut pas se
procurer les biens et les services de première nécessité. C'est un revenu
minimum qu'il faut pour survivre, et on sait bien qu'il en faudrait
beaucoup plus pour sortir de la pauvreté.
Avec ce projet de
loi, seuls les prestataires avec des contraintes sévères à l'emploi qui
seraient admissibles au programme Revenu de
base pourraient atteindre ce seuil-là, alors que toutes les personnes assistées
sociales devraient obtenir la MPC pour commencer à vivre en santé.
À
notre sens, donc, comme je disais, plusieurs des éléments qui se retrouvent
dans ce projet de loi devraient être appliqués à toutes les personnes assistées
sociales. On parle de l'individualisation des prestations, l'individualisation
complexe, qui n'est même pas le cas dans le
cas du projet de loi, la possibilité de conserver l'entièreté de ses revenus de
travail et l'aide financière qu'apportent
les proches, la possibilité de conserver des prestations spéciales et l'exclusion
de 500 000 $ des biens et avoirs liquides.
Donc,
le plus grand défaut du projet de loi, à notre avis, c'est le fait qu'il ne
s'applique pas à toutes les personnes assistées sociales. Mais, même
dans sa logique, il comporte des incohérences. Pour nous, c'est injustifiable
de devoir attendre jusqu'en 2023 pour que
les prestataires du programme Revenu de base aient 100 % du panier de
consommation.
Toute
la question du délai de carence aussi, les 66 des 72 derniers mois que les
prestataires... que les personnes avec
contraintes sévères à l'emploi devront attendre, est aussi inacceptable si on
prend au sérieux le consensus de la Mesure du panier de consommation. Et le projet de loi ne règle pas les
problèmes qui sont dénoncés depuis des décennies par les personnes assistées sociales et les groupes qui
les défendent. C'est-à-dire que plusieurs prestataires qui ont des contraintes
ne sont pas reconnus comme tels par le
gouvernement. Quand je parle de contraintes, je parle, par exemple, de
problèmes de santé mentale, physique,
de toxicomanie, d'itinérance, d'analphabétisme, de vivre des situations
parentales compliquées et difficiles, être issu d'immigration récente,
être une personne racisée victime de discrimination.
• (15 h 10) •
Un
autre des enjeux pour nous, c'est que le projet de loi néglige la participation sociale des
personnes ayant des contraintes
sévères à l'emploi. En matière de préemployabilité, d'employabilité, de formation
et de soutien à la recherche d'emploi, on sait que... bien, en fait, les
groupes ont documenté le fait que les mesures étaient inadaptées, les budgets insuffisants, particulièrement pour les
personnes qui vivent avec des contraintes ou qui vivent avec un handicap. Et le
gouvernement ne précise en rien les moyens qu'il va prendre pour mettre en
oeuvre les objectifs de l'article 83.16 du projet de loi, c'est-à-dire d'offrir des mesures, des programmes et des services d'aide à l'emploi,
de l'accompagnement aux prestataires qui vivent avec des contraintes sévères
à l'emploi.
À ce compte-là, je
dois souligner quand même que la Stratégie nationale pour l'intégration et le
maintien en emploi des personnes handicapées est finie depuis 2013. Donc, c'est peu dire de
dire qu'on attend avec impatience un nouveau plan qui, peut-être,
éclaircira l'article dont je viens de vous parler.
La
dernière chose qu'on aimerait souligner, c'est qu'on ne comprend pas du tout pourquoi l'exemption complète des pensions
alimentaires pour enfants n'est pas intégrée au projet de loi n° 173.
C'est une demande qui date depuis quelques années déjà, et il y a même eu une
motion unanime à l'Assemblée nationale dans ce sens-là en 2012.
Pour la table, il y a
un constat aussi inquiétant qui ressort du projet de loi n° 173, c'est la multiplication
des programmes à l'aide sociale. Alors que l'aide sociale est un droit humain
et devrait être universelle, accessible, inconditionnelle
et permettre de vivre en santé, en 2023 on va se retrouver avec quatre
programmes d'aide sociale avec plein
de trous. Donc, l'aide sociale, pour les personnes considérées sans contraintes
à l'emploi, qui va s'établir à 52 % de la MPC, le Programme de solidarité sociale, pour les personnes avec des
contraintes à l'emploi, qui va être à 75 % de la MPC, je vous rappelle que la MPC, c'est quand même
le minimum pour couvrir ses besoins de base, Objectif emploi, pour les primodemandeurs, avec un revenu qui
pourrait descendre jusqu'à 38 % de la MPC, et le Revenu de base, pour
les personnes avec contraintes sévères à
l'emploi qui sont sur le programme de Solidarité sociale depuis plus de cinq
ans, qui sera, lui, à 100 % de la MPC, selon le projet de loi.
À ce titre-là, la
disparition de l'expression «aide de dernier recours», à l'article 12 du
projet de loi, inquiète grandement la table
et ses membres. La question qu'on se
pose, c'est : Est-ce qu'on s'en va vers une multiplication de programmes avec des admissibilités conditionnelles
qui remplaceraient le principe même de l'aide
sociale? Si c'est ça, l'intention, la table et ses
membres s'y opposent vigoureusement.
Comme
pour les derniers changements à l'aide
sociale, dont Objectif
emploi, le projet de loi présent est basé aussi, selon nous, sur
des préjugés, des personnes qui méritent l'aide sociale et d'autres qui ne
méritent pas l'aide sociale. Encore une fois, l'aide
sociale, c'est un droit, et cette
vision aussi du bon et du mauvais pauvre équivaut à faire abstraction du peu de contrôle qu'ont les individus sur
certaines situations de pauvreté, donc la conjoncture économique, le taux de chômage, les emplois disponibles,
les pratiques de recrutement, etc.
Je
conclus en disant qu'une prestation d'aide
sociale qui respecte les droits
humains est simple à définir : elle doit être universelle, accessible, inconditionnelle et doit procurer une
somme d'argent au moins suffisante pour permettre la satisfaction
des besoins de base de tout le monde. Elle doit aussi être indexée annuellement
pour tenir compte de la hausse du coût de la vie. Pour couvrir ces besoins-là,
évidemment, la Mesure du panier de consommation est la base minimale, et ça
doit correspondre, cette prestation, à 100 % de cette mesure-là.
Pour mes recommandations,
je vais les lire très rapidement.
La Présidente
(Mme Richard) : En quelques secondes, j'ai déjà dépassé le
temps.
Mme Pierre
(Alexandra) : Oui. «Que le
[...] Revenu de base s'applique à toutes les personnes assistées sociales[...], dans les plus brefs délais. Que le gouvernement bonifie les
prestations des personnes assistées
sociales afin d'atteindre 100 %
de la MPC. Que le gouvernement retire la règle instaurant le programme Objectif
emploi[...]. Que le gouvernement s'engage à ce que [les] mesures
favorisant leur insertion au marché...»
La
Présidente (Mme Richard) : Je suis vraiment désolée, je
suis vraiment désolée, Mme Pierre.
Mme Pierre
(Alexandra) : Oui. Bien, vous avez les autres, de toute façon, les
trois autres.
La Présidente
(Mme Richard) : Vous pourrez sûrement, lors des échanges,
pouvoir communiquer vos recommandations.
Mme Pierre
(Alexandra) : Merci.
La Présidente
(Mme Richard) : M. le ministre, vous avez la parole.
M. Blais : Merci beaucoup pour l'exposé, là. C'était très clair. Peut-être
de petits éléments d'échange, si vous voulez
bien, là. Sur votre préoccupation par
rapport à pourquoi, le revenu de
base, on le sort de l'aide sociale, c'est...
l'aide de dernier recours, parce qu'on ne veut pas que ça soit considéré comme
une aide de dernier recours, hein, tout simplement. Je
l'ai déjà mentionné ici, c'est un revenu socle à partir duquel on peut
construire d'autres revenus, on peut établir d'autres revenus et en conserver une partie. Ça, c'est
fondamental dans notre démarche.
Et
donc, si on a réussi à diminuer la présence des femmes à l'aide sociale,
notamment, familles monoparentales, qui
étaient extrêmement présentes, moi, quand j'étais plus jeune, j'étudiais déjà
un peu ces questions-là, c'est parce qu'on a sorti l'allocation familiale de l'aide sociale, hein? C'est parce
qu'on a sorti l'assurance médicaments de l'aide sociale.
Donc,
c'est en sortant ces éléments-là de l'aide sociale, en leur donnant une
composante plus universelle, bien sûr, finalement,
qu'on a lissé la sortie de l'aide sociale pour ces groupes. Et c'est ce qu'on
veut aussi faire pour ces personnes-là. On ne veut pas seulement les
placer au-dessus de la MPC, on veut, pour ceux qui seront en mesure, hein, donc
qu'ils puissent aller chercher d'autres revenus puis améliorer leur sort
au-delà de la MPC.
Sur
la question du cinq années et demie, tout ça, on a eu déjà des échanges puis on
a beaucoup de représentations là-dessus.
On s'est déjà engagés à établir un comité qui pourrait regarder si certaines
catégories pourraient rentrer plus tôt, même très rapidement. On a déjà
eu quelques propositions là-dessus. Ce n'est pas facile d'identifier quelles
sont ces catégories-là et d'avoir des consensus, mais on a accepté de faire ce
travail-là.
Il
faut comprendre cependant que le pas qui est fait est assez important. Si ce
projet de loi là n'était pas adopté... Hein,
vous dites : Bien, il va falloir attendre 2023 pour avoir le plein
montant. Mais, si ce projet-là n'était pas adopté, une personne aujourd'hui
qui a 18 ans, qui est avec des contraintes sévères, ne devrait pas
attendre jusqu'à 2023 mais jusqu'à 2065 pour avoir un revenu disponible qui se
rapproche de la MPC, c'est-à-dire lors de ses 65 ans, deviendra ensuite... alors, il serait à la sécurité de la
vieillesse et au supplément de revenu garanti. Donc, c'est énorme, comme pas,
là, hein? Il faut considérer le progrès dans toutes ses formes, puis ça,
c'est une forme de progrès.
Je
voudrais vous entendre sur la MPC parce que, ça a été intéressant, vous
utilisez beaucoup la MPC comme étant une mesure qui est une mesure qui,
semble-t-il, vous apparaît fiable. On a eu quelques représentations ici pour
dire : Oh! la MPC, écoutez, c'est peut-être un autre... il faut peut-être
regarder ailleurs, il y a d'autres mesures possibles.
Mme Pierre
(Alexandra) : Je ne doute pas qu'il y ait probablement d'autres
mesures pour qualifier, donc, ce qu'il
faut pour répondre à ses besoins de base. Ce que je sais par contre, c'est que,
pour le moment, il y a ce consensus autour
de la Mesure du panier de consommation. Cette mesure, comme je l'ai dit tout à
l'heure, est une mesure minimale, c'est-à-dire
que c'est pour couvrir les besoins de base et non pas pour sortir de la
pauvreté. Donc, s'il y a d'autres indices qui peuvent nous permettre d'atteindre
cet objectif ou de réfléchir à cet objectif de couvrir les besoins de base,
pourquoi ne pas l'entendre? Mais je
pense que la logique derrière la réflexion de la table, c'est qu'il faut
pouvoir... il me semble que... pour nous, c'est un droit fondamental de
pouvoir couvrir ses besoins de base.
Ensuite,
tout le reste est possible. Pour nous, la MPC, c'est donc la ligne de base, et
ensuite, pour les personnes avec
contraintes sévères à l'emploi, pour les personnes avec des situations
particulières, évidemment que d'autres types de prestations, en plus de la MPC, le maintien des services publics et
d'autres types de programmes sociaux va évidemment de soi et est
complémentaire. On ne peut pas s'en sortir.
• (15 h 20) •
M. Blais :
Dans votre mémoire, j'avais le sentiment, mais ce n'était pas le cas
aujourd'hui, mais que vous aviez un malaise avec l'idée même de
contrainte, pas contrainte, qu'il y ait une catégorie... qu'on reconnaisse que
certains concitoyens ont des contraintes importantes qui justifient qu'on
puisse, hein, leur donner plus et que d'autres... Mais aujourd'hui vous semblez... en tout cas, j'avais l'impression que vous acceptiez quand même qu'il y ait
une différenciation qui mérite d'être prise en considération.
Mme Pierre
(Alexandra) : Ce avec quoi
on a un malaise et ce qu'on rejette, c'est l'idée que les personnes
ne puissent pas couvrir leurs besoins
de base. Une fois qu'on est à ce minimum, évidemment que, s'il y a
des besoins spéciaux, s'il y a
la présence de handicap, on sait comment ça peut peser sur la vie des gens, toute prestation supplémentaire sera la
bienvenue, et il faut réfléchir à cette articulation-là. Mais le minimum, c'est
la MPC, pour nous.
M. Blais :
Donc, ça pourrait justifier que des personnes qui ont des contraintes sévères
aient plus que la MPC, c'est ça votre...
Mme Pierre (Alexandra) : La
MPC, c'est la base. Après, les prestations supplémentaires pour des situations
spécifiques particulières, il en existe, de toute façon.
M. Blais :
Il n'y a pas de... Je comprends.
Mme Pierre
(Alexandra) : L'idée, c'est vraiment d'avoir cette base commune à tous
les prestataires de l'assistance sociale.
M. Blais : Très bien. Merci,
madame.
Mme Pierre (Alexandra) : Ça
fait plaisir.
La
Présidente (Mme Richard) :
Merci, M. le ministre. Nous allons maintenant du côté de l'opposition
officielle. M. le député de Rimouski.
M. LeBel :
Merci, Mme la Présidente. Bienvenue. Juste une observation, vous êtes toute
seule à la table, mais vous
représentez plein de monde. Il y a plein de monde... Je regarde les
43 regroupements nationaux, c'est beaucoup de monde qui sont derrière ce mémoire-là. Ça vaut la
peine de le dire. Il y a une puissance derrière l'action communautaire, puis une de
ces forces-là, c'est cette force démocratique de pouvoir déposer ce genre de
mémoire là puis de donner votre opinion.
Dans la
première recommandation, un revenu de base qui s'applique à toutes les
personnes assistées sociales, vous avez
entendu le ministre, puis on entend ça souvent : Plus on en donne, plus on
monte le montant d'aide sociale, dans le fond, ça incite les gens à rester à l'aide sociale, ça ne les incite pas
à travailler. On entend ça. Moi, je pense que c'est porté par un préjugé, mais on l'entend beaucoup. C'est
un argument qui fait en sorte... qui dit qu'il ne faut pas trop monter l'aide
sociale. Même si c'est un argument qui dit
que, si on veut amener le monde à travailler, bien, il faut leur dire que, si
tu ne participes pas, on peut même te couper ton aide sociale, c'est ça, les
pénalités dans Objectif emploi. Qu'est-ce que vous pensez de cet
argument-là, qui dit que, si tu en donnes trop, ils n'iront pas travailler?
Mme Pierre
(Alexandra) : Oui, en effet, c'est un argument qu'on entend beaucoup.
Je vais réitérer la base de notre compréhension de ce que c'est, l'aide
sociale. Il faut au moins que ça couvre les besoins de base.
Survivre,
c'est de la job, c'est du travail. Quand on est dans cette situation-là, c'est
très difficile de participer d'une façon
ou d'une autre à la société, ce qui inclut travailler, parce que tout notre
temps est passé à cette survie-là. Et c'est le principe même des droits humains, c'est-à-dire que les droits humains...
on dit que les droits humains sont interreliés. Si tu n'as pas la santé, tu ne peux pas participer à ta
société. Si tu ne peux pas participer à ta société, tu ne peux pas améliorer
ton sort individuellement et collectivement.
Si tu n'as pas ces revenus-là, bien, c'est pareil. Pas de revenu égale un
logement de mauvaise qualité,
l'impossibilité de se transporter pour aller voir son médecin, pour aller
porter un C.V. Tout ça est relié.
Donc, c'est ça, je répondrais par le fait que survivre, c'est du travail, puis
que les gens font d'abord ça avant de pouvoir faire autre chose.
M. LeBel :
C'est bon. Ce matin, je rencontrais quelqu'un aussi, en aparté, qui me disait
que le revenu de base... c'est une
personne qui est lourdement handicapée et qui disait que le revenu de base,
pour elle, ce ne serait pas le retour au
travail, parce qu'elle ne peut pas, mais ça lui permet de s'impliquer
socialement, tu sais. Elle me contait son agenda de la semaine, là. Hier, elle
était à Québec pour une affaire culturelle, aujourd'hui, elle venait assister
au dépôt de mémoire, demain, elle
va... Et ça, c'est de la participation sociale. Vous en parlez un peu dans
votre mémoire. Ça aussi, avoir un revenu décent, permet aux gens de
sortir puis de participer socialement à la vie de leur communauté.
Mme Pierre
(Alexandra) : Tout à fait. Puis, comme vous l'avez vu, là, à la
page 4, l'exclusion sociale, c'est un des déterminants sociaux de
la santé. Donc, ça ne veut pas dire juste être exclu du marché de l'emploi,
même si c'est évidemment majeur dans nos
sociétés, mais c'est aussi de ne pas être reconnu au sein de sa société, d'être
constamment stigmatisé. Puis ça, ça
mène à un certain isolement social. Donc, c'est sûr qu'avoir un revenu qui
permet de couvrir ses besoins de
base, éventuellement d'avoir un revenu qui permet de sortir de la pauvreté,
bien, ça change tout au niveau de cette exclusion ou pas des affaires de
la société.
M. LeBel :
Vous mentionnez, bon, qu'un programme de revenu de base qui s'applique à tout
le monde... je ne reviendrai pas là-dessus, mais ça me permet de dire
que ce qu'on a devant nous, ce n'est pas un véritable revenu de base, là. Le ministre est même ouvert à essayer de voir si on n'a pas un autre nom
qui aurait peut-être mieux adonné. Mais c'est un gain pour les regroupements de personnes handicapées. Ils sont
venus nous rencontrer, puis je pense que ça, il faut convenir qu'il y a un gain pour eux autres puis il
faut collaborer pour... moi, c'est ce que je vais faire, collaborer au projet
de loi pour ce gain-là. Mais je suis
d'accord avec vous de dire : Ce n'est pas un véritable revenu de base. Un
véritable revenu de base, il devrait
couvrir toutes les personnes qui vivent des situations de pauvreté. Puis, dans
certains pays, on couvre... c'est universel et inconditionnel. Bon, ça,
ça serait un véritable revenu de base.
Juste aussi
rajouter, vous parlez des pensions alimentaires, je suis dans votre camp. On va
essayer de trouver une façon de l'intégrer. Je sais qu'on est pas mal...
pas mal de monde sont d'accord avec, mais il faut le regarder comme il faut. Et, à l'étude article par article, on
trouvera une façon de voir si on est capables d'intégrer cet engagement-là
parce qu'il y a eu un consensus à l'Assemblée nationale. Il me semble
qu'on devrait trouver une solution.
L'autre
élément que j'aimerais ça, vous entendre parler, vous semblez tiquer sur
l'aspect réglementaire, qu'il y a beaucoup
de choses qui sont par règlement. J'aimerais ça vous entendre parler parce que
c'est vrai qu'on voit ça de plus en plus dans les projets de loi, là.
J'aimerais ça vous entendre parler de ça.
Mme Pierre (Alexandra) :
Bien, c'est un peu ce que je disais tout à l'heure, c'est-à-dire que les
règlements sont des éléments qui
peuvent être changés à tout moment. C'est beaucoup plus difficile, évidemment,
de changer la loi. Donc, il faut avoir les bons éléments dedans.
Là-dessus, c'est évident qu'il faut faire attention à quels éléments qu'on met.
Mais il me semble que, sur des principes de
base comme couvrir les besoins de base, ça vaudrait la peine que ça soit dans
la loi, puis il y a un certain nombre de
choses qui vaudraient la peine d'être la loi pour s'assurer que ces éléments-là
restent et que, si on les change, on
les change à partir d'un débat, d'un certain consensus social, et que tout le
monde, y compris les organismes
communautaires autonomes, puisse participer à ce débat-là, et y compris les
premières personnes concernées, qui sont les personnes assistées
sociales.
M. LeBel :
Peut-être une dernière question, puis, hier, j'appelais ça une passe sur la
palette puis je vais le faire encore
aujourd'hui. Quand on a des groupes... vous représentez des groupes, beaucoup
de groupes qui défendent des droits, qui
défendent les personnes, on a un système... le système d'aide sociale est
compliqué. C'est bien difficile de sortir de là-dedans. On rencontre des
gens qui sont analphabètes, puis ils viennent à nos bureaux, puis juste
comprendre, juste comprendre tout ça, c'est
compliqué. Ces personnes-là ont besoin de groupes communautaires, des groupes
comme vous autres, comme de vos membres, qui vont accompagner des personnes.
Moi, ça me permet de réitérer l'importance de mieux financer les organisations communautaires puis les groupes
communautaires pour qu'ils puissent répondre aux besoins. Puis, par cette
réforme-là, il va y avoir encore d'autres besoins parce qu'il faudra comprendre
comment on passe de la sécurité
sociale au revenu de base, c'est quoi, tes droits, comment ça fonctionne, la
vie maritale, entre autres, puis il
faut... Ça fait que je pense que ça prend des groupes communautaires mieux
financés pour accompagner les personnes.
Mme Pierre
(Alexandra) : Mais ça me permet de dire que la table est membre de la
Coalition Main rouge et que la Coalition Main rouge se bat pour des services
sociaux, des programmes sociaux et une action communautaire autonome mieux financée, notamment, et on voit que tout ça
est lié. C'est-à-dire que, pour avoir des revenus suffisants et pour être en
santé, il faut avoir ces trois éléments-là dans notre système social, et la
Coalition Main rouge propose notamment des solutions,
10 milliards de solutions pour financer ça parce qu'un des arguments,
c'est souvent : On n'a pas d'argent. Nous, on pense que l'argent,
il y en a.
M. LeBel :
Peut-être un dernier élément, je trouve que vous pouvez être une solution aussi
parce que j'ai eu un malaise, moi, depuis le début de la consultation
sur le... Tu sais, je le vois qu'il y a un gain, qu'il y a un gain pour les
personnes handicapées, les personnes qui ont des limitations au travail puis
qui ont des contraintes sévères. Je vois qu'il
y a un gain puis je veux être de bonne humeur avec eux autres, puis je veux les
appuyer. Mais, en même temps, il y a d'autres
groupes communautaires qui couvrent plus large, qui disent : Oui, mais là
il y a plusieurs personnes qui vont rester dans la pauvreté, puis on ne
répond pas à leurs affaires.
Ça fait que vous avez
beaucoup de groupes, vous autres, qui travaillent un peu pour autant les
personnes handicapées que d'autres
organismes. Je pense qu'il faut garder une vision plus large aussi sur la lutte
à la pauvreté, ne pas y aller par
silo, par clientèle, mais avoir un vrai projet social qui va nous permettre de
sortir de la pauvreté. Puis ça, le fait d'avoir des groupes comme ça qui
se parlent, mais je pense que ça peut aider à trouver le projet social. Merci.
• (15 h 30) •
La Présidente
(Mme Richard) : Merci beaucoup, M. le député de Rimouski.
Nous allons maintenant vers le deuxième groupe d'opposition. M. le député de Drummond—Bois-Francs.
M. Schneeberger : Oui, merci, Mme la Présidente. Bonjour.
Dans vos recommandations, la dernière, quand vous dites : «Que le gouvernement s'engage à lutter contre la pauvreté en prenant compte l'ensemble
des déterminants sociaux de la
santé», je ne suis pas sûr de bien saisir. Je comprends l'approche, mais,
quand vous dites «l'ensemble des déterminants», pouvez-nous en énumérer ou,
quand vous dites «la santé», c'est-u pour la santé globale? Qu'est-ce que vous voulez dire pas là?
Mme Pierre
(Alexandra) : Alors, je vous renvoie à mon mémoire, à la page 4.
L'idée, c'est de dire...
M. Schneeberger :
Page 7?
Mme Pierre
(Alexandra) : À la page 4. L'idée, c'est de dire qu'évidemment
les revenus sont une question fondamentale pour pouvoir être en santé,
fondamentale, mais il y a aussi d'autres éléments, comme d'avoir accès aux services de santé, d'avoir un logement accessible,
abordable. Toute la question des logements sociaux rentre là-dedans.
La présence d'un handicap ou pas influence
si on va être en santé et pouvoir atteindre un certain niveau de bien-être.
Donc, toute la question des
prestations spéciales aux personnes
handicapées, des services adaptés
rentre là-dedans. Donc, de prendre en compte l'ensemble... toute la question du genre et du sexe. Quand
on est femme, il y a plus de chances qu'on ait des plus bas
revenus ou qu'on soit pauvre.
Donc, l'idée de la
dernière recommandation, c'est de prendre en compte tous ces éléments-là parce
que ces éléments-là influencent sur notre
santé et notre bien-être. Ça fait que ça couvre évidemment large, mais c'est
surtout pour dire qu'on ne peut pas
parler juste de revenu si on ne parle pas de l'égalité des sexes, on ne peut pas parler juste de revenu et ne pas parler de logement, on ne peut pas
parler juste de revenu et ne pas parler d'accès aux services de santé, aux
services sociaux ou aux services publics plus largement. C'est un peu
ça, l'état d'esprit de cette dernière recommandation.
M. Schneeberger :
O.K. Quand vous parlez de logement, on sait très bien que, dépendamment où
est-ce qu'on habite au Québec, le
prix du logement n'est pas le même. Est-ce que, justement, les mesures
devraient tenir compte de ça pour pallier à cette...
Mme Pierre
(Alexandra) : Oui, ça fait partie...
M. Schneeberger :
L'épicerie, souvent, peut être assez équivalente, mais par contre le logement,
lui, il a souvent... il y a de grandes différences dépendamment des
endroits où est-ce que l'on reste, là.
Mme Pierre
(Alexandra) : Oui, ça peut faire partie des choses, notamment quand on
parle de... parce que c'est un peu ce que voulait cibler le projet de loi, même
si nous, on essaie de voir plus largement. Bien, dans le cas du logement, par
exemple, bien, toute la question des
logements adaptés pour les personnes qui ont des contraintes physiques,
notamment, fait partie de ça.
M. Schneeberger :
O.K. Quand vous dites, au début : «Que le programme Revenu de base
s'applique à toutes les personnes assistées sociales[...], dans les plus
brefs délais», bon, je comprends ça, c'est le plus rapidement. Mais maintenant, dans le fond, est-ce que la personne,
qu'elle soit classée apte au travail ou avec contrainte sévère, vous diriez
que, vous, ça serait le même montant qu'elle
devrait avoir ou il y a des différences? Parce qu'en même temps quelqu'un
qui est en contrainte sévère, à quelque
part, lui, tu sais, il est pris comme ça, il a un accident, peu importe, là, il
veut bien aller travailler, mais il
n'a pas la même capacité que l'autre qui est, en tout cas, en santé, entre
guillemets, parce que, des fois, on
s'entend qu'il y a des problèmes au niveau des fois de la classification avec
des personnes, là, surtout au niveau des problèmes avec la maladie
mentale, et autres, là. Ça, c'est ce qui est le plus dur à évaluer, souvent.
Mme Pierre
(Alexandra) : Bien, l'idée, c'est de dire que la Mesure du panier de
consommation devrait être la base
pour tout le monde. Puis, comme je l'ai dit, par la suite, des prestations
particulières, notamment pour les personnes qui vivent avec un handicap ou des personnes qui ont des contraintes à
l'emploi, on pense qu'il doit y avoir des mesures adaptées en termes de compléments de revenu, mais
aussi en termes de services sociaux et de programmes sociaux pour toutes les personnes qui ont des besoins
particuliers. Mais la base de l'aide sociale devrait être au moins la Mesure du
panier de consommation.
M. Schneeberger :
O.K.
Mme Pierre
(Alexandra) : Donc, tout le monde devrait avoir ça, d'où la première
recommandation. Puis après tout est possible, évidemment, et il y a
beaucoup de choses qui sont souhaitables, même.
M. Schneeberger :
Il me reste-tu encore du temps?
La Présidente
(Mme Richard) : Oui, il vous reste
1 min 30 s
M. Schneeberger :
Oh! O.K., parfait. Vous dites aussi, dans le fond : «Que le gouvernement
s'engage à [avoir toutes les] mesures
favorisant [l'insertion] au marché du travail [qu'elles] soient accessibles [à tous].»
Bon, on a eu le projet de loi
n° 70, là. Les mesures viennent d'être mises en application. Moi, j'avais
beaucoup parlé justement de ce qu'on appelle,
là, le développement des habiletés sociales. Est-ce que vous, avec vos
organismes, avez-vous déjà des sons de cloche
où est-ce que, là, ils ont peut-être même des améliorations à faire? Parce
qu'on sait très bien que la problématique entre le ministère de la Solidarité sociale et la Santé, là, avec le
financement des organismes, là, c'est un peu, malheureusement, encore un
peu des silos, là. Il n'y a pas... Il y a encore des liens à faire mieux que
ça, là.
Mme Pierre
(Alexandra) : Bien, le retour qu'on a régulièrement, c'est que les
mesures sont souvent inadaptées. Quand
je dis «inadaptées», je ne sais pas si vous avez vu récemment ce papier
d'opinion dans Le Devoir, qui était très intéressant, d'un prof précaire qui est passé
régulièrement de l'aide sociale à des jobs précaires puis qui disait : On
m'a appelé régulièrement pour me faire refaire mon C.V. Bon, c'est
peut-être un peu anecdotique, mais c'est de ça que je parle quand je parle d'inadaptées... et que, souvent, les budgets sont
insuffisants. C'est-à-dire qu'il y a un budget à l'année, puis, à un moment donné, bien, les fonds... il n'y
a plus de fonds. Donc, si tu arrives à un organisme d'État ou un organisme
communautaire autonome, bien...
La Présidente (Mme Richard) : Merci beaucoup, Mme Pierre.
C'est malheureusement tout le temps qui était à la disposition du
deuxième groupe d'opposition. Je vous remercie pour votre contribution à nos
travaux.
Et je suspends la
commission quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre
place.
(Suspension de la séance à
15 h 37)
(Reprise à 15 h 39)
La
Présidente (Mme Richard) : Donc, la commission reprend ses travaux. Et nous recevons maintenant
l'organisme du Curateur public du Québec. Bienvenue à l'Assemblée
nationale. M. Lamarche, je pense que c'est vous qui allez prendre la parole au nom du
Curateur public. Je vais vous demander de présenter les personnes qui vous
accompagnent. Et vous avez un temps
de 10 minutes pour nous faire votre présentation. Par la suite vous
pourrez échanger avec les parlementaires. Vous avez la parole.
Curateur
public
M. Lamarche (Pierre) : Merci, Mme la Présidente. M. le ministre, Mmes,
MM. les parlementaires, bonjour. Merci de
nous recevoir. Permettez-moi d'abord de vous transmettre les salutations de Me
Normand Jutras, le Curateur public du Québec, et surtout ses excuses de ne pas
pouvoir présenter lui-même le mémoire du Curateur public aujourd'hui. Il
est retenu chez lui pour une raison personnelle importante.
Alors,
je suis accompagné, à ma gauche, de Mme Pascale De Latrémoille, qui est la
chef du Service de l'hébergement et des revenus au Curateur public, et
de M. Gilles Brunet, qui est coordonnateur des politiques et de la
recherche.
• (15 h 40) •
Alors,
pourquoi le Curateur public se présente-t-il devant cette commission et en quoi
le projet de loi n° 173 le concerne-t-il?
Ma présentation va porter sur trois enjeux : l'admissibilité au revenu de
base, l'administration des prestations spéciales et les allocations pour
dépenses personnelles.
Au
Québec, 35 000 adultes ont une mesure de protection en vigueur,
12 000 personnes sont représentées par un mandataire dans le cadre d'un mandat de protection
homologué par le tribunal, 9 000 sont représentées légalement par un
proche à titre de tuteur et de curateur, et,
à défaut de proche ou en cas
d'isolement pour remplir ce rôle, le Curateur public est nommé. Et actuellement
il est nommé pour représenter légalement 13 500 personnes.
Les
13 500 personnes représentées par le Curateur public comptent parmi
les citoyens les plus vulnérables et les plus démunis. On croit, à tort, que les majeurs
représentés par le Curateur public sont surtout des personnes âgées de plus
de 65 ans qui souffrent des
conséquences d'une maladie neurodégénérative, alors qu'au contraire 75 % des majeurs que l'on représente
sont de tous âges. Ce sont des personnes qui sont affectées par la maladie
mentale, la déficience intellectuelle ou,
par exemple, les conséquences d'un traumatisme crânien. En fait, plus de
6 000 personnes représentées par le Curateur public sont
prestataires du Programme de la solidarité sociale. Nous sommes donc les
témoins au quotidien des limites qu'impose leur faible revenu, puisque nous
administrons leur budget.
On comprendra alors
pourquoi le Curateur public salue la volonté du gouvernement de sortir plus de 100 000 personnes de la pauvreté, salue
le Plan d'action gouvernemental pour l'inclusion économique et la participation
sociale ainsi que la mesure phare de ce plan
d'action, soit l'instauration d'un revenu de base de même que la mise en place
de conditions favorables à l'intégration et au maintien à l'emploi.
La hausse prévue au
nouveau programme de revenu de base est significative. Elle représente à terme
une augmentation de 440 $ par mois pour
une personne seule. Le Curateur public considère que l'initiative du gouvernement
constitue une avancée importante pour agir
contre la pauvreté et en particulier pour les personnes inaptes, dont la
majorité pourrait se qualifier sous le nouveau programme et voir ses
conditions de vie améliorées.
Cependant,
le critère relatif à un délai de 72 mois et d'une présence de 66 mois
à la solidarité sociale restreint l'accès au programme. Le Curateur public est d'avis qu'en ce qui concerne les
personnes inaptes l'imposition de ce délai pour évaluer la persistance des limitations socioprofessionnelles n'est pas
nécessaire. En effet, les personnes inaptes sont déjà passées par une procédure juridique très
rigoureuse. Cela signifie que leurs limitations fonctionnelles ont été évaluées
par un médecin et par un travailleur social.
Le médecin évaluateur a la responsabilité d'évaluer l'impact de la pathologie
sur les habiletés cognitives de la personne,
son fonctionnement et la gestion de ses finances. L'évaluation psychosociale,
quant à elle, sert à se prononcer sur les
impacts de l'inaptitude sur le fonctionnement de la personne et sur son
environnement. Ces évaluations, une
fois complétées, sont jointes au rapport du directeur général d'un
établissement de santé et de services sociaux et transmises au Curateur
public.
Ensuite,
le Curateur public analyse les preuves soumises, émet une recommandation au
tribunal en s'appuyant sur les
orientations de sa politique sur l'ouverture des régimes de protection qui
prévoit notamment qu'un régime ne devrait être ouvert que s'il est nécessaire puisqu'il prive la personne
concernée de l'exercice propre de ses droits civils, qui seront
dorénavant exercés par un représentant légal.
Ce
bref aperçu des conditions d'ouverture d'un régime ou de mesures de protection
démontre à quel point le processus est rigoureusement encadré. Conséquemment,
les conditions légales pour évaluer l'inaptitude d'une personne sont suffisamment rigoureuses et exigeantes pour
permettre de conclure qu'une personne déclarée inapte présente de facto
des limitations socioprofessionnelles persistantes. Il est d'ailleurs
significatif à cet égard que toutes les personnes en tutelle ou en curatelle
sont d'emblée admissibles au Programme de la solidarité sociale lorsqu'elles
reçoivent l'aide financière de dernier
recours. Dans la même logique d'une admissibilité automatique au Programme de
la solidarité sociale, le Curateur
public recommande que les personnes inaptes, compte tenu de leur condition
particulière, soient exemptées de la
condition liée au délai de 66 mois et que leur admission au programme de
revenu se fasse automatiquement et de plein droit.
Ce
sont actuellement plus de 6 000 personnes inaptes sous régime de la
protection publique qui sont inscrites au Programme de la solidarité sociale. De ce nombre, au moins 68 %,
environ 4 000 personnes, se qualifieraient déjà immédiatement si les conditions prévues à la loi
et aux intentions réglementaires étaient en vigueur, c'est-à-dire qu'elles
auraient déjà complété 66 mois à
l'intérieur des 72 derniers mois. En fait, ce pourcentage-là est même plus
élevé puisque, quand le Curateur
public prend juridiction, la personne a souvent été sur l'aide sociale depuis
déjà plusieurs mois, sinon des années.
Par ailleurs,
cela ne signifie pas que toutes ces personnes inaptes soient incapables
d'occuper un emploi. Un certain nombre
d'entre elles le font, mais on comprend que leurs revenus sont fort modestes.
Le Curateur public les encourage à développer d'ailleurs
leurs capacités à travailler, ce qui favorise le développement de leur
autonomie et de leur dignité. Ainsi,
le Curateur public est favorable à la Stratégie nationale pour l'intégration et
le maintien en emploi des personnes handicapées
et accueille positivement l'introduction d'un supplément au revenu de travail
pour les prestataires de l'aide financière de dernier recours, tel que
prévu aux articles 9 et 17 du projet de loi.
Enfin, ce ne sont pas
toutes les personnes inaptes, de fait, pour qui des régimes de protection
juridiques sont ouverts. Je m'explique.
Certains concitoyens inaptes peuvent recevoir l'assistance de leur famille sans
qu'elles aient besoin d'être
légalement représentées en utilisant des mesures de rechange simples, telles
que, par exemple, le statut d'administrateur de prestations sociales. Selon les données
épidémiologiques, il y a environ 2 % de la population qui est, de facto, inapte, et, à l'échelle du Québec, ça
voudrait dire qu'il y aurait à peu près 160 000 personnes inaptes.
Mais, comme je vous le disais au début, il n'y en a que 35 000 que ce
sont des personnes isolées qui ont besoin d'une mesure juridique de protection. Alors, il serait
important que, par équité, des critères soient développés afin de prendre en
compte leur situation. Ce sont des
personnes qui présentent les mêmes caractéristiques, mais qui ne sont pas
isolées socialement.
Le
Curateur public recommande donc que les personnes inaptes soient exemptées de
la condition liée au délai de
66 mois de contraintes sévères à l'emploi, et que leur admission au
programme de revenu de base se fasse automatiquement et de plein droit, et que le ministère du Travail,
de l'Emploi et de la Solidarité sociale développe des critères d'admissibilité
permettant l'accès au revenu de base à toutes les personnes inaptes présentant
des contraintes sévères et permanentes à l'emploi. Le Curateur public est
disponible pour contribuer à une réflexion à cet effet.
S'agissant
des prestations spéciales, le projet de loi prévoit que, dans le cadre du
Programme de revenu de base, elles
soient accordées aux mêmes cas et aux mêmes conditions que celles du Programme
de solidarité sociale. Le Curateur public
souscrit entièrement à cette disposition. En effet, il serait illogique que les
personnes qui reçoivent ces allocations en vertu du Programme de solidarité sociale en soient privées au moment
où elles prouvent qu'elles sont inscrites au programme de façon
prolongée et persistante.
Cependant,
puisque le gouvernement souhaite en arriver à une simplification et un
allègement administratif dans les différents
transferts destinés aux personnes, comme cela est indiqué au plan d'action, le
Curateur public croit qu'il y aurait là
une belle occasion de le faire. La gestion du remboursement des prestations
spéciales entraîne, pour le Curateur public et pour le ministère du Travail, de l'Emploi et de la Solidarité
sociale, qui doit les traiter, une masse bureaucratique assez
importante. Nous pourrons en donner quelques exemples, si cela vous intéresse,
un petit peu plus tard.
Le Curateur public
recommande que les autorités du ministère du Travail, de l'Emploi et de la
Solidarité sociale et le Curateur public
confient à leurs administrations respectives un mandat de simplification
administrative dans le traitement des
prestations spéciales. Le Curateur public considère que les ressources
consenties à la gestion de ces activités bureaucratiques seraient beaucoup mieux investies si elles servaient en
services directs à la clientèle, aux personnes inaptes.
Finalement,
je dirais un mot des allocations pour dépenses personnelles. Une première
bonification des prestations de
solidarité sociale a été effectuée le 1er février 2018 en augmentant de
73 $ la prestation versée à un adulte. Cette mesure vise, et je cite : «[À] permettre une
amélioration du revenu disponible qui surpasse considérablement la hausse du
coût de la vie.» Le Curateur public appuie cette mesure qui pourrait
faire une différence significative pour de nombreuses personnes inaptes. Il estime, lui aussi, qu'elle doit permettre une
amélioration du revenu disponible et que, pour cela, elle doit donc revenir aux
personnes elles-mêmes. Cependant, dès le 1er février 2018, la Régie de
l'assurance maladie du Québec a
augmenté le montant de la contribution des adultes hébergés d'un montant égal à
l'augmentation accordée. Le montant d'allocation de dépenses
personnelles est donc demeuré le même qu'auparavant, ce qui va, selon nous, à
l'encontre de l'intention affichée dans le plan d'action, d'améliorer le revenu
disponible des personnes ayant des contraintes
sévères à l'emploi. De son côté, le ministère de la Santé et des Services
sociaux n'a pas modifié la circulaire qui vient établir la contribution
des personnes hébergées dans les ressources intermédiaires et dans les
ressources de type familial. Il a indiqué aux établissements que la hausse des
prestations devait être conservée par les usagers.
Le
résultat de cette situation est que, depuis le 1er février 2018, certaines
ressources d'hébergement ont augmenté la
contribution d'hébergement des personnes hébergées en ressources intermédiaires
et ressources de type familial, alors que
d'autres ne l'ont pas fait. Une résolution rapide de cette situation est
souhaitable pour éviter qu'elle ne cause préjudice aux personnes inaptes
hébergées ayant des contraintes sévères à l'emploi.
• (15 h 50) •
Le
Curateur public soumet que les personnes hébergées dans un établissement ou une
ressource du réseau de la santé doivent elles aussi bénéficier des hausses
prévues au Programme de solidarité sociale et dans le cadre du nouveau Programme de revenu de base afin de leur permettre
d'avoir une meilleure qualité de vie. Le Curateur public recommande donc
que la bonification des prestations de solidarité sociale permette une
amélioration du revenu disponible des personnes
y ayant droit, que le ministère du Travail, de l'Emploi et de la Solidarité
sociale et le ministère de la Santé et des
Services sociaux harmonisent leur réglementation de façon à établir la hausse
de l'allocation des dépenses
personnelles de manière équitable entre toutes les personnes hébergées
ayant des contraintes sévères à l'emploi.
En
conclusion, les actions en faveur de la lutte contre la pauvreté existent
depuis de nombreuses années et elles ont
eu un impact réel sur la situation des personnes les plus démunies de notre société.
Le projet de loi n° 173 et le Plan
d'action gouvernemental pour l'inclusion économique et la participation
sociale, et particulièrement l'instauration du Programme de revenu de base
représentent des contributions significatives.
Par
ces actions, le gouvernement améliore la situation des personnes inaptes qui,
dans leur grande majorité, font partie
des personnes démunies de notre société et sont sans espoir d'améliorer leurs
conditions par des revenus de travail. Somme
toute, nous devons toujours
garder en tête que les personnes inaptes ont droit, elles aussi, à une belle
qualité de vie.
La Présidente (Mme Richard) :
Merci, M. Lamarche. Les échanges vont débuter avec les parlementaires.
Nous allons donner la parole à M. le ministre.
M. Blais : Merci,
Mme la Présidente. Alors, je vous
remercie, bien sûr, pour votre présentation. Je vais être clair
aussi, je pense qu'il y a
un élément important sur lequel vous voulez insister. Je ne pense pas que c'est la première fois, je
pense que, même, il y a peut-être des
discussions avec le ministère sur l'enjeu du remboursement des prestations
spéciales. Et on a des petits
frissons quand vous dites : Bien, écoutez, c'est devenu tellement long et
tatillon que peut-être qu'il faudrait trouver une façon de simplifier
les choses. Tout le monde sortirait gagnant. Je pense, c'est un petit peu ça,
votre...
Vous
avez une idée un peu? Parce que ce à quoi vous pensez, ça pourrait bénéficier
autant aux personnes à la solidarité
sociale, hein, si je comprends bien, qu'aux personnes au revenu de base ou
peut-être même à d'autres clientèles. Alors,
à quoi vous pensez exactement comme simplifications? Ou est-ce que vous avez
déjà même testé vos propositions?
M. Lamarche (Pierre) : Oui. Alors, d'abord quelques précisions. On fait
quelque 40 000 demandes de prestations spéciales par année. Alors, il faut se rappeler qu'on représente
6 000 personnes. Et, pour vous donner un exemple de la
complexité administrative, on a autant d'employés qui traitent pour une valeur
de 2,6 millions, environ 3 millions, de prestations spéciales que d'employés qui traitent la prestation
régulière pour 80 millions de dollars. Alors, ça, c'est le fait de devoir accumuler beaucoup de pièces-preuves
pour des dizaines, et des dizaines, et des dizaines de prestations différentes,
qui varient selon le cas, et de les
regrouper de façon à ce qu'on rencontre toutes les règles et tous les principes...
toutes les règles d'admissibilité à ces prestations-là.
Oui,
il y a eu d'ailleurs beaucoup de travail de fait avec le ministère de l'Emploi
et de la Solidarité sociale, qui a porté
souvent sur des discussions prestation par prestation. Alors, pour telle
prestation, comment est-ce qu'on peut améliorer les choses? Pour telle prestation, etc. Peut-être que... Bien, je ne
voudrais pas lancer de projet définitif ici, mais il serait peut-être intéressant de regarder... Nous, on
parle de personnes qui ont des contraintes sévères à l'emploi et qui sont...
qui ont aussi très peu de chances d'avoir
jamais un revenu de travail. En réalité, on a dénombré, parmi les
6 000 personnes qui sont à
l'aide sociale, à peine 80 personnes qui ont un revenu de travail. Alors,
ces gens-là ne sont pas des gens qui vont abuser de... elles sont dans
des ressources.
Est-ce
qu'on peut penser à quelque chose, par exemple, comme une planification
annuelle? Parce qu'une même personne
va avoir besoin de couches, par exemple, de produits du système urinaire, peut
avoir besoin de lunettes, peut avoir
besoin d'outils de déplacement, de souliers orthopédiques. Alors, plutôt que de
ramasser tous ces milliers de petits papiers
et les brocher ensemble, s'assurer qu'ils sont en ordre alphabétique et les...
plutôt que de faire ça, est-ce qu'on peut
penser dans une perspective annuelle avec ensuite des contrôles, parce qu'il
faut faire des contrôles, évidemment, on
a tous des obligations de contrôle interne, qui pourraient être, peut-être,
moins tatillon et basé sur des principes reconnus de contrôle, par exemple aléatoires, analyse de
dossiers? Est-ce qu'on peut penser plus macro que de tenter de corriger
toutes les petites exigences qui se présentent prestation par prestation?
M. Blais :
Mon autre question, je... dans l'exposé, du moins, je ne vous ai pas entendu
beaucoup sur les enjeux de
l'individualisation ou non de la prestation, ce que ça peut donner comme
avantage ou d'inconvénients, je ne sais trop, pour le curateur, la question du caractère cumulable de prestations et
surtout, surtout, surtout, là, de la possibilité d'avoir des actifs assez importants, là, autour de, hein,
maximum de 500 000 $, donc, pour la totalité des actifs. C'est une
réalité, ça? On touche à des
réalités? Il y a des gens que vous suivez et qui ont des actifs qui sont quand
même assez importants? Ça, vous avez une idée assez précise de ça, je
suppose.
M. Lamarche (Pierre) : Oui, je vous dirais qu'en fait l'actif moyen,
incluant la valeur des immeubles, évidemment, dans l'actif, l'actif moyen des personnes qu'on représente est de 39 000 $.
Alors, vous voyez qu'il y a de la place pour bouger. Et, oui, effectivement, quand même, on a quelques personnes
qu'on représente qui sont millionnaires, on en a, effectivement. C'est
vraiment l'exception, c'est des cas uniques, mais je vous dirais que...
M. Blais :
...par ailleurs.
M. Lamarche
(Pierre) : Pardon?
M. Blais :
Qui ne sont pas à la solidarité sociale, par ailleurs.
M. Lamarche (Pierre) : Évidemment, évidemment. Alors donc, je pense que
la réponse à votre question, c'est donc que le patrimoine... la valeur
totale moyenne du patrimoine est de 39 000 $, 39 000 $.
M. Blais :
La question du délai... Bon, l'image que l'on a bien sûr, c'est que vous vous
occupez de ceux qui sont les plus éloignés du marché du travail pour des
raisons évidentes. Est-ce que c'est possible d'imaginer que, pour ces
personnes-là, les plus éloignées, là, un revenu de base va changer quelque
chose au niveau de la possibilité d'aller chercher
un revenu supplémentaire ou la possibilité, qui sait, d'accepter, par exemple,
un héritage, ou des choses comme ça, ou ce n'est pas vraiment... ce
n'est pas très fréquent, là, comme situation pour cette clientèle?
M. Lamarche
(Pierre) : Bien, la première partie de votre question, avoir un
emploi, je pense qu'il faut que...
M. Blais :
...avoir des revenus de travail, c'est autre chose, là.
M. Lamarche
(Pierre) : Oui. D'abord,
est-ce que ça va changer quelque chose pour avoir un revenu de travail? On parle ici beaucoup de personnes... on parle de
personnes qui ont généralement... qui présentent des comorbidités, des gens, par exemple, qui ont une intelligence limite, qui ont
des troubles sévères du comportement, qui présentent des troubles mentaux. Et
plusieurs occupent occasionnellement des petits emplois à gauche et à droite.
Alors, est-ce que l'arrivée du revenu de
base va leur permettre de stabiliser leurs conditions et peut-être de
l'améliorer sur le plan... J'en doute. Je pense que les personnes que le
Curateur public représente sont des personnes qui ont vraiment un besoin du
Curateur public, leur degré d'autonomie est relativement limité.
En
ce qui concerne les héritages, par exemple, bien, évidemment, les nouvelles
conditions qui sont présentées, la
valeur de 500 000 $ du patrimoine va permettre effectivement
d'accueillir des héritages sans que la personne ne soit pénalisée.
La Présidente (Mme Richard) : Merci. Nous allons maintenant du
côté de l'opposition officielle. M. le député de Rimouski.
M. LeBel :
Merci, Mme la Présidente. Bienvenue. Dans votre mémoire, vous dites, puis ça
m'a fait rire : «...il suggère
[...] d'en arriver à une simplification et un allègement administratifs avec
les autorités du ministère du Travail, de
l'Emploi et de la Solidarité...» Bref, vous mentionnez que... dans la
recommandation, vous demandez même qu'on pourrait travailler avec le
ministère pour essayer de trouver... pour alléger les règles administratives.
Dans
un bureau de comté, on travaille souvent, là, avec les gens qui viennent nous
voir, puis, je vais vous dire, c'est
vrai que c'est compliqué. Et là on vient un rajouter un niveau avec le revenu
de base. Déjà, l'aide sociale, après ça la sécurité, puis le revenu de
solidarité, puis là le revenu de base, c'est beaucoup de choses, puis il y a
beaucoup... puis les gens qui
arrivent à l'aide sociale, souvent, sont... déjà, ils ont plein de pression,
puis comprendre tout le système, c'est compliqué.
Moi,
si quelqu'un réussit à trouver une façon d'alléger tout ça puis de comprendre
quelque chose, je pense que c'est un
beau cadeau du ciel. Comment vous voyez ça? Comment ça pourrait se faire, un
genre de groupe qui pourrait regarder tout ça? Comment ça marcherait?
• (16 heures) •
M. Lamarche (Pierre) : Bon, merci. Comme je disais, on a déjà entamé les
travaux avec les gens du ministère de
l'Emploi et de la Solidarité sociale. On pourrait continuer dans cette
direction-là, mais je pense qu'il n'y a pas d'avenir à chercher des
allègements prestation par prestation parce qu'on en a vraiment des dizaines et
des dizaines, là. Mme De Latrémoille
a une liste, je pourrais juste vous la montrer, là, ça va vous donner une idée
de combien il y en a.
Alors,
voici les prestations spéciales auxquelles on peut recourir, mais ce sont
seulement celles auxquelles on recourt le
plus fréquemment. Vous voyez le nombre, je ne les ai pas comptées, il doit y en
avoir une centaine, à peu près, là. Alors, si on commence, imaginez-vous,
si on commence à les regarder une par une, on ne s'en sortira pas.
Je pense qu'il faut
changer notre façon de penser et regarder un peu à côté de la boîte. Puis, vu
qu'on parle de personnes qui ont des contraintes sévères à l'emploi, qui ont
des conditions particulières qui ont été validées par un médecin, par un travailleur social, je pense
qu'on pourrait peut-être regarder une approche plus globale pour couvrir
leurs besoins spéciaux sur une base
annuelle, par exemple, et se simplifier la vie de cette façon-là. Personnellement, je trouve que c'est... Les 10 personnes que je mets à
traiter ces prestations spéciales là, j'aimerais mieux les mettre à donner des
services directs à la clientèle plutôt qu'à brocher puis débrocher des papiers.
M. LeBel :
C'est impressionnant, votre liste. Est-ce qu'on pourrait avoir une copie de ça,
cette liste-là?
M. Lamarche
(Pierre) : Bien sûr. 110...
M. LeBel :
110, c'est...
M. Lamarche
(Pierre) : Vous le savez.
M. LeBel : C'est du stock. Mais là on parle des prestations
pour des gens qui ont des contraintes sévères, cette liste-là? Ça fait
que je rajoute les différents... Si j'ajoute ceux qui sont à l'aide sociale,
les primodemandeurs, avec le programme
Objectif emploi, je rajoute la
Solidarité sociale, on peut se ramasser avec pas mal plus de pages que ça
encore.
Ça
fait que je me dis : C'est vrai qu'il
faut trouver une façon d'alléger ou
de... on pourrait commencer par ça, mais il faut trouver une façon
d'alléger ce système-là, qui devient compliqué pour tout le monde. Il y en avait deux cas, hier ou avant-hier, là, qui sont venus nous expliquer un peu comment on
réussit à passer à travers les dédales, là. Ça a été assez compliqué,
merci. Je pense qu'il y a quelque chose à faire avec ça, à mon avis.
Vous
parlez aussi des délais, là, des cinq mois. Là, le ministre
a ouvert un peu là-dessus. J'aimerais ça vous entendre parce que
tout le monde a tiqué là-dessus, là, sur le délai de cinq ans, un peu plus de
cinq ans avant d'arriver au revenu de base.
Puis là j'explique. Les cinq ans, tu le passes à la solidarité, à la solidarité
sociale, avec ses règles, puis là tu vas changer de règles après cinq ans et demi. Vous dites là-dedans, vous : Il ne devrait pas y avoir
de délai, aucun délai, mais c'est pour une catégorie bien précise.
M. Lamarche (Pierre) : Bien, en fait, ce que je vous dis, c'est que les
personnes qu'on représente ont toutes été évaluées rigoureusement, passées à travers un système judiciaire, le
système judiciaire pour valider ces évaluations-là, valider leur inaptitude. Et, dans les cas des
tutelles, la réévaluation est faite à tous les trois ans, dans les cas des
curatelles, la réévaluation est faite
à tous les cinq ans. Alors, c'est assez rigoureux. Et, dans le fond, la
question, c'est : Pourquoi est-ce qu'il y aurait un purgatoire de
six ans?
M. LeBel :
Mais pour cette clientèle-là bien précise.
M. Lamarche
(Pierre) : Pour cette
clientèle-là. Et la clientèle du Curateur public, les personnes que le Curateur
public représente sont des personnes qui
sont isolées. Il n'y a personne dans leur famille qui peut les aider ou qui
veut les aider. On voit, par exemple,
que, dans de nombreux cas, un proche va pouvoir obtenir le statut
d'administrateur de la prestation,
par exemple. Alors, ça peut être suffisant pour protéger la personne, encadrer,
payer son hébergement, payer ses
dépenses, et tout ça. Alors, ces gens-là aussi ont des contraintes sévères et
sont des personnes inaptes de facto, si vous voulez. Alors, c'est pour ça qu'on dit : Il faut faire attention.
Il ne faudrait pas que ce soient juste les personnes qui sont représentées par un tuteur ou un curateur, le
Curateur public, notamment, mais il y a aussi, dans la population, des
personnes qui présentent le même
profil, mais, comme elles ne sont pas isolées, il ne faudrait pas qu'elles
soient pénalisées. Et c'est là qu'il
y a une réflexion à faire sur... Parce que ce n'est pas simple de voir ou de
déterminer comment on peut décrire ces groupes-là pour qualifier leur
admissibilité.
M. LeBel :
Merci. Dans une autre recommandation, vous recommandez que le ministère du
Travail, de l'Emploi et de la Solidarité sociale et le ministère de la
Santé et des Services sociaux s'harmonisent, entre autres au niveau des dépenses personnelles. Votre expérience... Si vous
arrivez à cette recommandation-là, c'est que vous avez une expérience terrain. C'est quoi, le... Vous trouvez que ce
n'est pas assez harmonisé? Qu'est-ce que ça donne comme problématique?
Le Président (M. Reid) :
Mme De Latrémoille.
Mme De
Latrémoille (Pascale) : Bon, en ce qui concerne la contribution, bien,
évidemment, là, quand le règlement est
entré en vigueur, le 1er février, il y a eu une hausse, bon, de 73 $,
mais aussi la hausse de 16 $, là, pour les personnes hébergées en établissement, d'une part. Et, de
l'autre part, bien, comme on l'a expliqué, là, RAMQ, là, est venue augmenter
d'autant, là, de 73 $, là, les taux
d'hébergement pour les personnes en ressources intermédiaires, ce qui a fait en
sorte que, pour ces personnes-là, il
n'y avait aucune hausse, en fait, si on compare soit avec les gens à domicile
ou les gens hébergés en établissement.
Bon, là,
après, ce qu'on s'est fait dire, c'est qu'il y avait des discussions, puis tout
ça, puis que, finalement, là, il y
aurait des travaux à ce niveau-là. Nous, c'est sûr que, depuis ce temps-là,
bien, on reçoit des factures pour des gens, 73 $ par mois fois des milliers et des milliers. Et, bien, pour
d'autres, ils n'ont pas augmenté.
Donc, on est vraiment avec des
cas de figure très différents selon chaque centre, chaque centre d'hébergement,
et tout ça. Puis donc ça fait des créances pour certaines personnes chez
nous, pour d'autres, pas de créances. Puis vous imaginez que nous, on ne traite
pas ça manuellement, à la main. C'est du
traitement de masse automatisé, là, de paiement qui se fait à chaque mois.
Donc, c'est tout un cas à gérer, disons, d'un point de vue opérationnel.
Donc, on a hâte que la situation se clarifie, mais aussi qu'il y
ait une certaine harmonisation du
montant, là, d'allocation dont les personnes peuvent bénéficier quand elles
sont hébergées, là, entre les différents types d'hébergement parce que
là aussi il faut s'y retrouver là-dedans.
M. LeBel : O.K. Merci.
La
Présidente (Mme Richard) :
M. le député de Rimouski, vous nous
avez demandé, je crois, à M. Lamarche de vous fournir la liste.
M. LeBel : Oui, si c'était...
La
Présidente (Mme Richard) : Donc, si c'était possible, on va reprendre votre
liste, on va faire des photocopies et les distribuer aux membres de la commission.
Nous allons maintenant du côté du deuxième groupe d'opposition. M. le député de
Drummond—Bois-Francs.
M. Schneeberger :
Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, bonjour. Bien, premièrement, vous
saluerez M. Jutras de ma part. On a déjà été
des adversaires politiques dans le passé, mais on a toujours
gardé un bon lien, puis c'est un chic type. Non, mais c'est important de
le dire.
Une voix : Non, mais c'est
vrai.
M. Schneeberger :
Et puis c'est ça. Bien, M. le député de Rimouski doit le connaître certain.
Alors,
premièrement, j'aimerais ça... parce
qu'un curateur public, là, pour beaucoup
de personnes, là, ça ne dit pas beaucoup
de choses. J'aimerais ça que vous pouviez nous donner quelques
exemples, un petit peu, pour connaître au public, là, ce que vous donnez comme services, parce que
vous donnez beaucoup de services qui ne sont malheureusement pas très connus toujours de
la part du grand public, là.
M. Lamarche (Pierre) : Alors,
le Curateur public, il agit pour 13 500 personnes comme vous agissez
pour vous-même dans votre vie. C'est-à-dire qu'on doit voir avec la personne à s'occuper de son hébergement, des
soins, des services, de sa vie
sociale et on doit voir, au point de vue de son patrimoine, à percevoir tous
ses revenus, payer toutes ses
dépenses. Alors, on paie des comptes Vidéotron, on paie des comptes Telus, on
reçoit des revenus de pension, on les encaisse, on paie l'hébergement,
on assure que la personne est hébergée dans un milieu qui lui convient.
On
est en interface avec nos collègues du réseau de la santé et des services sociaux, avec les médecins, les travailleurs sociaux. On consent aux soins pour
ces personnes-là aussi sur une base de 24 heures, sept jours, 365 jours
par année. Alors, ce qui arrive dans votre
vie, ça arrive aux 13 500 personnes qu'on représente, et on doit être
là pour faire face à toutes ces
situations-là. On gère des immeubles, on gère des entreprises, on gère des
fermes, c'est tout ce que vous pouvez penser.
M. Schneeberger :
O.K. Justement, dans vos explications, merci beaucoup, vous dites : On
fait le lien entre l'Emploi et Solidarité et
la Santé. Et là j'imagine que vous devez presque tous les jours un peu... la
bataille, justement, de souvent
d'avoir les services nécessaires quand une personne prestataire de la
solidarité ou de l'aide sociale... et avec la santé où est-ce que, des fois, ce n'est pas évident, même comme nous,
des fois, pour un rendez-vous, on cherche, et surtout les délais après ça, quand on parle de la maladie
mentale, des choses comme ça. Alors, peut-être nous expliquer, là, c'est
quoi, un peu, le travail, un peu, presque on
peut dire une guerre de tous les jours pour pouvoir donner un service aux
personnes que vous représentez.
M. Lamarche
(Pierre) : Oui, bien, je ne
dirais pas que c'est une guerre. Nos relations, je pense que la réceptivité
des intervenants du réseau aux besoins des personnes qu'on représente est très
grande. Ce qu'il faut savoir, c'est que généralement,
quand le directeur général... c'est-à-dire le directeur général d'un
établissement de santé qui nous identifie une personne qui est en difficulté, qui demande une évaluation médicale,
une évaluation psychosociale, alors, pour cet établissement-là, c'est assez clair que la personne a besoin de
services. Souvent, elle a déjà un médecin soigneur, elle a un psychiatre, elle a des intervenants qui s'occupent
d'elle. Et, nous, notre responsabilité, à ce moment-là, c'est de s'assurer
que les services soient maintenus, qu'il y
ait un plan de soins individualisé, que les services continuent à être donnés à
cette personne-là.
M. Schneeberger :
O.K. Mais est-ce que vous éprouvez souvent un peu des délais, vous voyez les
délais au niveau des soins, choses
comme ça, ou votre clientèle a une plus grande facilité à avoir ces soins-là
parce qu'ils sont chez vous? Tu sais,
parce que, moi, ce que je remarque souvent, ce que j'entends, c'est souvent les
délais, là. Les gens, ils disent : Bon, bien, il faudrait que vous alliez consulter telle personne, mais
finalement les mois passent, quand ce n'est pas les années, là.
• (16 h 10) •
M. Lamarche
(Pierre) : En fait, ce qu'on
remarque, c'est que, pour avoir accès, par exemple, à des services de santé, à des services médicaux, les personnes
qu'on représente ont la même attente
que tout citoyen. D'ailleurs, c'est assez important pour nous que le fait d'être représenté par le Curateur
public, ça ne doit pas devenir un avantage pour couper les files d'attente. La
personne qu'on représente est une citoyenne ou un citoyen comme les autres.
Cependant, on fait valoir ses droits,
par exemple, ça, c'est sûr, comme vous le feriez pour vous-mêmes, ce que la
personne qu'on représente n'est pas en mesure de faire.
M. Schneeberger :
Encore du temps, oui?
La Présidente (Mme Richard) :
Oui.
M. Schneeberger :
O.K. J'aime beaucoup votre première recommandation, justement, vous parlez du
66 mois, parce qu'il y a quand
même plusieurs organismes qui sont venus nous voir. Alors, souvent, les
organismes qui viennent nous voir, tu
sais, on peut comprendre leur position qu'ils ont déjà. Mais vous, vous êtes un
curateur. Le Curateur public, vous
êtes un organisme beaucoup plus neutre, puis aussi vous proposez ça. Ça fait
que je trouve que ça met beaucoup plus
de poids à cet argumentaire du 66 mois, justement, pour certaines
clientèles. On le sait déjà que, dans 66 mois, ils vont encore être au
même point, ils ne seront pas améliorés. Alors, moi, j'aime bien votre recommandation.
Et puis, si vous le dites, parce que vous voyez la réalité chez vous,
là, c'est des personnes souvent qui sont... tu sais, les cas plus extrêmes, si
on veut, là.
M. Lamarche
(Pierre) : Pour nous, c'est
assez évident que... Comme je vous disais tout à l'heure, on répertorie
actuellement 80 personnes sur 6 000 qui ont un revenu d'emploi, puis
on parle d'un revenu d'emploi extrêmement modeste,
un revenu de travail, disons. Alors, c'est clair que ce sont des personnes qui
sont très loin du marché du travail, très
loin de se donner une qualité de vie par le revenu de travail. Ce n'est pas ça
qui va les sortir d'une vie, disons, misérable. Ce n'est pas le revenu
de travail qui va les aider.
M. Schneeberger :
Encore du temps?
La Présidente (Mme Richard) :
Oui, vous avez encore 1 min 5 s.
M. Schneeberger :
O.K. Là, ça sort du cadre, mais, en même temps, c'est de quoi qui vient me
chercher personnellement. Chaque
année, on voit la liste ou le nombre de personnes qui ne sont pas réclamées,
des décès qui ne sont pas réclamés, là, à Montréal, et autres. J'imagine
que vous devez... Est-ce qu'il y a de la clientèle qui sont chez vous
là-dedans?
M. Lamarche (Pierre) : Est-ce
que vous parlez des biens non réclamés?
M. Schneeberger :
Non, pas les biens, des personnes. Ce qu'on appelle des décès qui sont non
réclamés par personne. J'imagine que...
M. Lamarche (Pierre) : Non,
nous, ça ne nous concerne pas du tout.
M. Schneeberger :
Aucunement?
M. Lamarche (Pierre) : Non.
M. Schneeberger :
O.K. Parfait. Bon, parfait. C'est bon. C'est beau.
La Présidente (Mme Richard) :
Mesdames et messieurs, merci pour votre contribution à nos travaux.
Mémoires déposés
Et, avant de
terminer, je vais déposer les mémoires des personnes et organismes qui n'ont
pas été entendus lors des auditions.
Et la commission, ayant accompli son mandat,
ajourne ses travaux au mardi 17 avril 2018, à 10 heures, afin d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi
n° 152. Et je vais vous souhaiter à tous et à toutes une bonne fin de
journée. Merci.
(Fin de la séance à 16 h 13)