(Quatorze heures six minutes)
Le Président (M. Bachand): Donc, je déclare la séance de la Commission de l'économie et du travail ouverte. Et je vous rappelle rapidement: Le mandat de la commission est d'examiner le rapport quinquennal 2000-2005 sur la mise en oeuvre de la Loi favorisant le développement de la formation de la main-d'oeuvre.
Je m'excuse un petit peu pour les retards qui ont été causés, parce qu'on est en train de mettre en place le système vidéo pour permettre la présentation en PowerPoint de nos invités. Donc, par le fait même, je vous souhaite la bienvenue. Bienvenue d'être avec nous. C'est le Conseil régional des partenaires du marché du travail de la Capitale-Nationale.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Gaudet (Maskinongé) remplace Mme Hamel (La Peltrie) et M. Girard (Gouin) remplace Mme Richard (Duplessis) pour la durée du mandat.
Le Président (M. Bachand): Merci, Mme la secrétaire. Donc, je vous donne la lecture de l'ordre du jour pour cet après-midi: le conseil régional, comme je le disais, à 14 heures; 14 h 45, M. Charest, celui qui est professeur agrégé de l'École de relations industrielles de l'Université de Montréal; à 15 h 30, M. Denis J. Garand, professeur de la Faculté des sciences de l'administration à l'Université Laval; à 16 h 15, M. Pierre Doray, professeur du Centre interuniversitaire de recherche sur la science et la technologie et M. Paul Bélanger, Faculté de l'éducation, formation spécialisée de l'UQAM; à 17 heures, la Coalition des organismes communautaires pour le développement de la main-d'oeuvre; et à 17 h 45, si tout va bien, on devrait ajourner à l'heure.
Donc, je vais demander bien sûr à tous et à chacun de bien vouloir fermer leurs cellulaires, compte tenu du fait que ça peut déranger nos travaux mais surtout perturber les prestations de nos invités et celles de nos parlementaires.
Je vous rappelle un petit peu les règles de fonctionnement, qui sont fort simples: vous avez 15 minutes de présentation, et il va y avoir un 30 minutes d'échange, donc 15 minutes de la part des parlementaires du côté ministériel et 15 minutes de la part des parlementaires du côté de l'opposition officielle.
Auditions (suite)
Ceci étant, je vous souhaite la bienvenue et je vais vous demander, madame, de présenter peut-être vos collègues de chaque côté pour le bénéfice de ceux qui vous accompagnent.
Conseil régional des partenaires du
marché du travail de la Capitale-Nationale
(CRPMT de la Capitale-Nationale)
Mme Drapeau (Lyne): Certainement. Alors, bonjour tout le monde. Je veux tout d'abord vous présenter M. Yves Fortin. Alors, Yves est vice-président du Conseil régional des partenaires du marché du travail de la Capitale-Nationale ? je vais réduire ça à conseil régional pour le reste des propos ? et il est représentant de la main-d'oeuvre au conseil. Et à ma droite j'ai M. Benoît Lemay, qui est directeur régional du conseil des partenaires. Alors, à ce titre, il est membre du conseil à titre de directeur régional. Et, moi, mon nom est Lyne Drapeau, et je suis la présidente du conseil régional, et je suis représentante des entreprises à ce même conseil. C'est beau?
Le Président (M. Bachand): Allez-y, madame, on vous écoute.
Mme Drapeau (Lyne): Alors, je veux bien sûr vous exprimer, en débutant, ma satisfaction de pouvoir présenter les particularités et les priorités du Conseil régional des partenaires du marché du travail en termes de développement de la formation de la main-d'oeuvre. Il est assez peu fréquent que l'on demande un avis régional. Je vais même me permettre un petit dicton chinois où on dit que, quand on sort de chez soi, on s'enquiert de la route; quand on entre dans une région, on s'enquiert des coutumes. Alors, ça nous fera plaisir un peu de vous parler des coutumes du conseil régional dans la région de la Capitale-Nationale.
Dans le fond, ce que je veux, c'est vous inviter à vous laisser imprégner des convictions profondes des 23 membres de notre conseil, qui sont rigoureusement représentatifs du marché du travail, soit du point de vue économique, social et éducatif. En fait, la révision de la Loi favorisant le développement de la formation de la main-d'oeuvre aura des impacts majeurs sur Emploi-Québec et surtout sur ses actions auprès des entreprises et des personnes en emploi.
Je me permets de vous rappeler qu'Emploi-Québec est le plus important réseau de services aux individus du gouvernement tant au niveau de l'emploi, de l'aide de dernier recours, de développement social que de la gestion des ressources humaines dans les entreprises. Par le biais du conseil régional, Emploi-Québec cherche, à chaque année, à approfondir les enjeux et à améliorer les solutions afin d'obtenir le difficile équilibre entre l'offre de main-d'oeuvre et la demande.
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(14 h 10)
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La loi n° 150 créant notre organisme nous demande d'adapter les mesures de services d'Emploi-Québec aux besoins de la région, ce que nous faisons depuis 1998. Dans ce contexte, on a choisi de vous présenter la couleur de la région de la Capitale-Nationale par le biais de cinq éléments de réflexion. Ces éléments de réflexion sont tirés des huit points de consensus établis par la Commission des partenaires du marché du travail qui, je pense, vous ont été présentés hier. Donc, nous avons retenu des éléments qui, pour la Capitale-Nationale, avaient une connotation plus significative compte tenu de notre réalité.
Parlant de réalité, je fais un bref survol statistique. La Capitale-Nationale, c'est 8,8 % de la population totale du Québec. C'est une population plus âgée et plus scolarisée en moyenne que celle du Québec. C'est un taux de chômage annuel moyen le plus bas au Québec. C'est aussi un taux d'activité, un taux d'emploi et le nombre d'emplois à temps plein en progression.
Si on va un petit peu plus pointu par rapport à la révision de la loi, dans notre région nous avons 17 447 entreprises. 78 % de ces entreprises ont entre deux et 19 employés, c'est donc dire qu'ils ont une masse salariale bien en deçà du fameux million. Un autre 12 % ont entre 20 et 49 employés, donc probablement autour de cette norme. Et seulement 3,7 % de nos entreprises ont 100 employés et plus. Alors, évidemment, ces chiffres, là, soutiennent notre intérêt à favoriser le soutien aux entreprises ayant une masse salariale inférieure à 1 million.
À la page 4 du mémoire, vous retrouverez une première recommandation. Pour nous, c'est l'accès à des mesures incitatives et d'accompagnement soit par des crédits d'impôt ou autres subventions. Nous croyons fermement qu'il est possible de développer une formule allégée qui soutiendrait nos petites et moyennes entreprises dans le développement des compétences de leur main-d'oeuvre. Pour nous, c'est une mesure cruciale parce qu'il n'y a que 5,4 % de nos entreprises qui sont actuellement assujetties à cette loi. Nous ne souhaitons pas ramener l'assujettissement à la loi des PME d'une masse salariale inférieure à 1 million. Ce n'est vraiment pas ça, nous croyons plutôt qu'il faut innover et s'associer avec les entreprises pour développer une culture et des outils concrets de formation continue en emploi.
En fait, la main-d'oeuvre active de la Capitale-Nationale, c'est celle qui vieillira le plus vite au Québec et c'est aussi celle où il y a le plus faible taux de natalité. Alors, il faut être bien conscient que cela menace notre croissance économique, car, faute de main-d'oeuvre qualifiée, les entrepreneurs feront deux choses: soit modifier leurs objectifs d'affaires ou déplacer leurs activités à l'extérieur. Donc, la révision de la loi ne pouvait tomber à un meilleur moment, puisqu'une des priorités de notre plan d'action régional 2006-2007 est justement le maintien en emploi. Et le meilleur moyen pour y arriver, c'est, quant à nous, la formation des travailleurs.
Devant la rareté appréhendée de la main-d'oeuvre, les grandes entreprises performantes, elles, ont déjà compris que l'actualisation des compétences est le moyen le plus sûr pour conserver leur main-d'oeuvre. Nous soutenons que nous avons le devoir d'offrir aussi aux PME, le moteur de notre économie, des moyens pour concurrencer au chapitre de l'emploi. Sinon, on pourrait voir du cannibalisme des compétences par la grande entreprise, ce qui bien sûr fragiliserait beaucoup notre économie. Ajoutons aussi que l'argent disponible au fonds national diminuera de façon importante au cours des prochaines années, donc ne pourra plus être utilisé par ces entreprises.
Je terminerais ce point en énumérant brièvement d'autres options de notre mémoire dont les effets escomptés seraient positifs sur l'adaptation et l'insertion en emploi ainsi que la mobilité de la main-d'oeuvre.
Alors, vous en avez certainement déjà entendu parler, l'expérimentation d'une mutuelle de formation regroupant des employeurs ayant une masse salariale inférieure à 1 million via des organismes accrédités. Ce projet, quant à nous, est d'autant plus réaliste qu'il existe déjà des normes professionnelles dans 32 secteurs, ce qui veut dire qu'il serait possible de faire des regroupements d'entreprises ayant des besoins similaires.
Emploi-Québec de la Capitale-Nationale prévoit aussi l'élaboration de formations qualifiantes de courte durée ou de perfectionnement pour les travailleurs en emploi en complémentarité avec la loi du 1 %.
Emploi-Québec entend ? toujours Capitale-Nationale ? expérimenter des mesures à des fins de rétention en emploi, entre autres par la définition et la réévaluation des compétences génériques reliées à la tâche et aussi les conditions de travail offertes.
Notre deuxième priorité, quant à nous, est celle de rendre plus explicite le concept de qualification. La définition du concept de qualification devrait facilement permettre d'identifier les éléments de formation à réaliser pour satisfaire les exigences de la loi. Selon nous, la signification de la qualification devrait être la reconnaissance officielle de toutes les activités qui permettent le développement et l'amélioration des compétences et du savoir des travailleurs. Nous poursuivons un objectif très concret par cette priorité, soit la reconnaissance des compétences relationnelles qu'on appelle aussi le savoir-être.
Plus particulièrement dans notre région, 50 % des entreprises de notre région offrent un service direct à la clientèle. En fait, on les retrouve dans les secteurs du commerce et autres services, hébergement, restauration, services professionnels, scientifiques et techniques et finalement les soins de santé. Donc, il y a une majorité importante de nos employés qui ont un service à la clientèle intégré dans leur travail sur une base régulière. Ça identifie donc une nécessité à développer ces compétences relationnelles. Les employeurs identifient de façon non équivoque les éléments reliés au savoir-être comme obstacles à l'embauche ou au maintien en emploi. Une étude réalisée par la firme FRP en 2004, mandatée par Emploi-Québec, a clairement identifié que la condition minimale des employeurs pour l'embauche des personnes éloignées du marché du travail est la note de passage au niveau du savoir-être. Évidemment, ça demeure une notion un peu abstraite. J'aimerais vous parler de deux exemples d'initiatives qui sont déjà en route.
Suite à des échanges réalisés à la table du conseil de la Capitale-Nationale, il y a eu la mise sur pied d'un projet pilote au ministère de l'Éducation visant la rédaction d'un guide d'accompagnement pour supporter l'enseignant à développer et évaluer les compétences transversales ou les savoir-être ? il y a une terminologie, là, qui varie un peu d'un organisme à l'autre ? et, depuis deux ans, Emploi-Québec, Capitale-Nationale, le volet savoir-être doit apparaître dans tous les achats de formation faits par Emploi-Québec. Alors, systématiquement, dans un achat de formation, il doit y avoir un volet savoir-être pour les gens qui suivent cette formation-là. Nous souhaitons donc, par la clarification du concept de qualification, que soient incluses ces compétences relationnelles, surtout qu'elles constituent des compétences transférables au sein du marché du travail et donc un atout non négligeable pour la mobilité du travailleur.
Le troisième élément d'importance que nous tenons à porter à votre attention, c'est le développement de la main-d'oeuvre comme projet de société. Nous sommes d'avis que cette responsabilité doit relever principalement de l'employeur et non de l'employé, compte tenu qu'il doit y avoir une approche structurante à ce niveau. Toutefois, la qualification de la main-d'oeuvre, comme nous nous plaisons à le dire, c'est une valse à deux, et l'employeur ne peut pas être le seul porteur de ce changement de société. L'intervention de l'employé dans le développement de ses compétences est incontournable. Nous le constatons à chaque fois qu'une entreprise offre un cadre structuré et structurant de formation à l'employé, les choses changent et font évoluer la culture de l'organisation.
On a un exemple, qui nous a été rapporté par un professionnel d'Emploi-Québec, dans une entreprise de fabrication de comptoirs de cuisine. Suite à l'application du Programme d'apprentissage en milieu de travail, les travailleurs déclaraient qu'avant la venue de ce programme la formation en entreprise, c'était du temps perdu. Aujourd'hui, ces mêmes travailleurs affirment que le Programme d'apprentissage en milieu de travail a sauvé leur emploi, a contribué à un esprit d'équipe inexistant auparavant et que la formation continue est maintenant une façon de vivre leur travail. L'employeur, quant à lui, avait, préalablement à ce programme, des doutes réels sur la capacité d'apprentissage de ses employés. Il a donc eu l'occasion d'en découvrir tout le potentiel, augmenter la productivité et bien sûr améliorer la qualité de vie de l'entreprise.
Quand à la fois l'employeur et les travailleurs font ce constat, je pense qu'on est à l'orée d'une culture de formation dans une entreprise. Et ce n'est pas utopique de croire qu'une activité de formation qui vise directement l'exercice d'une fonction de travail dans l'entreprise peut changer les choses tout en rejoignant les objectifs de production. Les activités cependant doivent être absolument appuyées par des moyens de reconnaissance de ces initiatives de développement des travailleurs. Nous croyons que la façon la plus efficace demeure des crédits d'impôt ou des subventions pouvant s'appliquer via l'employeur. Toutefois, pour assurer un réel acquis des compétences, l'attestation à la formation devra être obligatoire.
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(14 h 20)
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En fait, ce que nous proposons, ça vise l'implantation d'une nouvelle culture dont la base est l'initiative individuelle des travailleurs ainsi que la reconnaissance par l'employeur des bénéfices de celle-ci pour son organisation. C'est, quant à nous, une position gagnant-gagnant où l'effort est partagé par les deux parties. Puis, si on revient à notre petite image au niveau de la valse, bien, maintenant, on pense que les deux partenaires peuvent danser ensemble sur la musique de la mondialisation et de la productivité.
Je voudrais aussi ajouter quelques éléments, si vous me le permettez, concernant la situation des entreprises assujetties à la loi. Notre bilan dans la région, pour 2004, est encourageant, 6,8 % des 958 entreprises assujetties ne se sont pas conformées à la loi. On trouve un taux provincial de 8 %, on a dû vous en parler déjà. Alors, bien que nous sommes relativement satisfaits d'être en bas un peu de la norme provinciale, nous allons continuer, via des moyens de promotion et d'accompagnement, à faire en sorte de réduire encore cette norme. Nos dépenses moyennes en formation dans nos entreprises sont de 1,9 %, donc au-delà du 1 % réglementaire et de la moyenne de 1,6 % qu'on retrouve pour l'ensemble du Québec.
Toutefois, de notre point de vue, un paradoxe demeure concernant la révision de la loi. L'aspect monétaire, quant à nous, ne rend pas justice aux vertus découlant de l'objectif fondamental de la loi, puisqu'il contribue à maintenir une impression de dépenser perçue par les entreprises. À notre avis, il faudrait, en complément, définir davantage les stratégies qui permettent l'amélioration des dites compétences, mettant ainsi en évidence la souplesse de la réglementation, luttant, par le fait même, contre cette image qu'on connaît depuis 10 ans de lourdeur administrative, là, qui a été évoquée dans toutes les enquêtes et sondages.
Pour contrer ces effets, au cours des dernières années, dans la région, nous avons développé des efforts substantiels de promotion. Nous avons mis sur pied des réseaux de gestionnaires d'entreprises et des sessions d'information sur la loi, mais, selon nous, ces efforts n'ont pas été suffisants. Nous proposons donc trois modalités: la mise sur pied de comités de formation obligatoires en entreprise, l'établissement d'un temps minimum de formation par individu dans une période donnée et une évaluation des compétences des employés en fonction des objectifs organisationnels à atteindre ou des profils de compétence recherchés. Alors, ces modalités devraient nous permettre d'atténuer les dommages qui pourraient être causés par la rareté de la main-d'oeuvre ou la mondialisation. Selon nous, il faut tendre vers un assouplissement des mesures financières et laisser place à des modalités ayant un caractère qualitatif, donc visant l'obtention de compétences chez le travailleur et non pas une unité monétaire pour l'entreprise.
Nous voulons réaffirmer notre approbation au niveau de l'approche sectorielle. Toutefois, il faudra les trois acteurs principaux pour que cela fonctionne, donc Emploi-Québec, les comités sectoriels et bien sûr les organismes de l'éducation.
Alors, on me dit que le temps file, alors je vais accélérer un peu. Si ce travail se fait avec les trois partenaires, on considère que ça permettra une uniformité régionale de l'application des mesures pour la mise en profit des points de services d'Emploi-Québec.
En conclusion, nous reconnaissons le leadership de la Commission des partenaires du marché du travail dans la mise en oeuvre de la loi et souhaitons que cela soit maintenu. Évidemment, nous réitérons notre message à la Commission des partenaires du marché du travail de travailler de plus en plus en collaboration avec la région. Les régions peuvent donc mettre au service des entreprises et leur capacité à livrer la marchandise et à mettre à profit un réseau de partenaires diversifiés et compétents. Alors, nous vous remercions beaucoup de votre attention.
Le Président (M. Bachand): Je vous remercie, Mme Drapeau, de votre collaboration. Donc, je vais donner l'opportunité à la ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale de vous poser quelques questions. Mme la ministre.
Mme Courchesne: Merci, M. le Président. Alors, mesdames messieurs, soyez les bienvenus. Vous êtes le premier conseil régional à vous présenter devant nous, il y en aura d'autres la semaine prochaine. Je suis très contente de cette initiative et que vous ayez accepté l'invitation, puisque j'ai souvent dit que nous devrions, dans chacune des régions ? quand je dis «nous», j'inclus tous les intervenants socioéconomiques, et particulièrement les entreprises ? travailler plus étroitement avec les conseils régionaux. Je crois que votre existence comme organisme revêt toute son importance particulièrement au moment où des enjeux démographiques, vous l'avez souligné, sont importants, mais au moment où on se rend compte, dans le type d'économie que nous avons aujourd'hui, qu'il faut bien sûr une plus grande et plus étroite concertation entre les partenaires.
J'ai eu l'occasion de le dire hier, on a beaucoup parlé, hier, de la grande Commission des partenaires du marché du travail, mais il ne faut jamais oublier que cette grande commission, elle a des satellites partout au Québec. Et je souhaite pouvoir, avec vous, redonner à ces satellites non seulement l'importance, mais la capacité de jouer un rôle qui est certainement très structurant pour chacune des régions, puisque les personnes qui sont membres de ces conseils régionaux sont issues du milieu, connaissent bien leur région et, vous l'avez vous-même si bien énoncé tout à l'heure, ont la capacité de mettre en réseau toutes les ressources disponibles en fonction des enjeux et des priorités de la région. Alors, soyez les bienvenus.
Je voudrais reprendre certains éléments de votre mémoire. Vous avez mentionné dès le départ qu'il faut innover. Vous ne semblez pas remettre en cause les paramètres de la loi, mais vous dites: Il faut se donner des moyens pour innover, comprenant que nous devons aller plus loin. Et curieusement, je le dis très amicalement, le premier moyen dont vous nous parlez, ce sont les crédits d'impôt. Je ne veux pas faire un mauvais lien entre l'innovation et les crédits d'impôt, mais vous savez que les crédits d'impôt, par le passé, ont été utilisés davantage par la grande entreprise. Vous semblez avoir une préoccupation aussi pour les petites et moyennes entreprises. Donc, en quoi croyez-vous que, si nous réinstaurions les crédits d'impôt, il y aurait un meilleur résultat, une meilleure efficacité? En quoi il serait plus convaincant pour les entreprises d'adhérer à la formation? Et, si on les établissait, sous quels critères plus spécifiques ou comment pourrions-nous envisager la chose?
Le Président (M. Bachand): Mme Drapeau.
Mme Drapeau (Lyne): Alors, c'est bien intéressant comme commentaire. Effectivement, ce n'est pas nouveau, les crédits d'impôt, mais on comprend un peu et pour y avoir été à l'époque où la loi a été instaurée, à agir à titre de directeur de ressources humaines d'une entreprise et se demander par quel bout on prend ça. Et je vous dirais que c'est certainement un outil qui permettra aux gens d'Emploi-Québec de continuer à faire ce qu'ils font déjà mais d'intensifier leurs démarches pour aller un peu ? et je vais utiliser le terme qu'on utilise dans le privé ? materner l'entreprise à ses débuts pour lui faire comprendre à quel point les enjeux économiques de la majorité des secteurs ? je n'en connais pas qui n'ont pas ces enjeux-là, au niveau de la rareté de la main-d'oeuvre et aussi, il faut le dire, les technologies, la mondialisation ? les défis des entreprises sont de plus en plus grands et ils passent très certainement par la qualification de la main-d'oeuvre.
Alors, je pense que ce serait une espèce de carte de visite de première entrée qui permettrait... Une fois la culture bien intégrée dans une entreprise, je pense que ce sera accessoire, cette question de crédits d'impôt. Mais je pense qu'il s'agit là d'un élément pour convaincre les entreprises de faire un pas en avant en matière de formation, et évidemment ça vise essentiellement la petite entreprise, petite et moyenne entreprise, qui, elle, n'a pas l'équipement, la direction des ressources humaines, la structure pour le faire, comme la grande entreprise, elle, est déjà... Et je pense que les grandes entreprises, je n'ai pas les chiffres exacts, mais dépassent de loin la fameuse barre du 1 %.
Le Président (M. Bachand): Mme la ministre.
Mme Courchesne: Ce que je comprends, c'est que vous dites oui aux crédits d'impôt, mais ils doivent être accompagnés de d'autres actions. Et ce que je crois entendre, c'est qu'il faut renforcer le support aux entreprises, au fond. Ce que vous dites ? puis je partage tout à fait cet avis: que le crédit d'impôt seul ne fait pas de miracles. Donc, ce que vous nous dites, il faut aussi qu'Emploi-Québec ou le ministère peut-être restructure, renforce ou change légèrement la façon de travailler avec les entreprises.
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(14 h 30)
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C'est ça que je comprends, et ça m'amène à la question suivante. Je fais le préambule en disant: Je souhaiterais que les conseils régionaux soient tous très actifs dans leur région. J'aimerais savoir comment on peut harmoniser davantage les approches que vous préconisez comme conseil régional avec, par exemple, les comités sectoriels. Hier, on nous a beaucoup parlé des comités sectoriels. Moi, je n'en ai pas parlé beaucoup, mais je crois beaucoup au travail des comités sectoriels. Évidemment, eux, ils travaillent de façon plus ciblée, plus pointue, bon, élaborent des normes professionnelles, j'imagine, parfois sous votre recommandation ou j'imagine qu'il y a des liens entre vous tous. Mais comment on peut, par exemple, dans la Capitale-Nationale, maximiser, ou harmoniser, ou rapprocher ce que vous souhaitez comme développement et ce que font les comités sectoriels? Quel type de lien devrait-il exister entre les deux?
Mme Drapeau (Lyne): Je vais me permettre un début de réponse, mais probablement que M. Lemay voudra compléter, compte tenu, là, que c'est dans ses équipes que ça se passe. Quant à nous, les comités sectoriels ont une approche plutôt verticale. À notre point de vue, Emploi-Québec en a une plutôt horizontale. Alors, on pourra à mon avis, en travaillant en collaboration, couvrir le terrain. Alors, ils sont spécialisés. Tous les employés de toute façon d'une région ne sont pas couverts par un comité sectoriel. Donc, si on veut s'assurer que tout le monde a accès au même type de possibilités pour le développement de sa main-d'oeuvre, bien les comités sectoriels, il y a des trous, tout n'est pas couvert. Et toute la mise en marché, la mise en oeuvre... Emploi-Québec a un tel réseau, tous les centres locaux d'emploi, les 11 dans le fond de notre région sont en mesure... ont déjà un rapport de collaboration avec la majorité des entreprises dans leurs secteurs. Alors, à mon avis... Et ce n'est pas facile à faire, ça fait des années qu'il y a ce genre de discussions-là. Mais c'est très certainement dans... et on le propose d'ailleurs, une espèce de regroupement ? milieu de l'éducation, sectoriel et Emploi-Québec ? d'un point de vue régional, et non pas national mais régional, où on arrivera concrètement. Je ne sais pas si M. Lemay veut compléter.
Le Président (M. Bachand): Allez-y, M. Lemay.
M. Lemay (Benoît): Juste une précision. C'est qu'effectivement la création d'un comité régional qui toucherait l'ensemble des particularités est à souhaiter.
Et, deuxièmement, moi, je pense qu'au niveau... Et ce que probablement Mme Drapeau veut dire, c'est qu'au niveau des services aux entreprises actuellement il y a beaucoup de présence sur le terrain, donc en entreprise. Ils seraient en mesure très facilement d'apporter toute l'analyse nécessaire au comité en question, régional, à ce moment-là.
Le Président (M. Bachand): Oui, Mme la ministre.
Mme Courchesne: Je veux laisser la parole à d'autres collègues, mais je vais être très brève. Vous parlez d'un comité de formation obligatoire. Au sein de chaque entreprise, j'imagine? Hier, les syndicats nous ont parlé d'un comité paritaire de formation. Est-ce qu'on parle de la même chose? Est-ce que, dans les cas des entreprises syndiquées, vous voyez ça sous la forme officielle d'un comité paritaire? Comment voyez-vous ça? Très brièvement.
Mme Drapeau (Lyne): Dans le mémoire, on a parlé d'un comité paritaire. Moi, c'est vrai que j'ai parlé d'un comité et non pas paritaire, parce qu'il y a des entreprises non syndiquées. D'ailleurs, dans la petite entreprise, essentiellement c'est ça. Moi, je vous dirais que je pense qu'il faut un comité qui marche. Et, s'il y a un syndicat, il marche beaucoup mieux quand le syndicat est présent. Alors, je pense que c'est la façon.
Je le sais qu'on bouscule un peu certains employeurs quand on énonce ces choses-là, mais je me permets un exemple où on a bénéficié d'un programme en RTT à l'époque, qui était la réduction du temps de travail, qui obligeait au comité paritaire lorsque... parce qu'Emploi-Québec nous donnant des sous, ils avaient des règles, et honnêtement c'est les mesures qui fonctionnaient le mieux parce qu'elles étaient à la fois partagées par les représentants des travailleurs et l'employeur.
Le Président (M. Bachand): Ça va? Mme la ministre, d'autres questions ou ça va? M. le député de Groulx.
M. Descoteaux: Merci, M. le Président. Merci de votre présentation, de votre présence ici. Il y a un ancien ministre du Travail, je pense, qui a commencé à dire ça une fois qu'il a quitté la politique, il disait: Plus ça change, plus c'est pareil. J'aime toujours ça entendre des propos ou lire... avoir des commentaires avec des termes comme «innover». D'ailleurs, hier, lorsqu'on a... Souvent, l'exemple du domaine de la construction est revenu à la surface. Les entrepreneurs, dans le domaine de la construction, eux-mêmes vont rechercher obligatoirement, d'une part parce qu'ils sont obligés de se qualifier, mais par la suite une certaine formation. Par le biais du compagnonnage, les travailleurs comme tels dans les différents corps de métier sont obligés de rechercher cette formation-là. Et je prends pour... Même les surintendants, les surintendants de chantiers, on voit que de plus en plus ils vont rechercher de la formation.
Et je me dis que normalement ce besoin de formation là, qu'il soit transversal, ou qu'il soit à l'intérieur de la profession, ou du corps de métier, ou de la fonction, ne devrait-il pas venir d'un besoin de l'employeur et d'un besoin des travailleurs? Et ce qui... pas qui me désole, mais au fond quand on dit: Il faudrait... Vous parlez de forcer, jusqu'à un certain point, un comité sur la formation. Il y a un élément de coercition, là. Vous parlez de crédits d'impôt. Est-ce qu'il n'y a pas une étape additionnelle au niveau de l'innovation que vous pourriez nous suggérer, là? Vers quoi on devrait s'en aller et peut-être quitter ces vieilles façons de faire ou ces façons de faire de retourner à une imposition du 1 % ou justement un crédit d'impôt? Est-ce qu'il n'y a pas d'autres moyens? Lorsque vous utilisez le terme «innovation», j'aimerais ça entendre, moi, des choses innovatrices.
Le Président (M. Bachand): Oui, M. Fortin.
M. Fortin (Yves): Oui, merci. On s'en est tenus là parce qu'on était comme dans une démarche qui n'est pas achevée encore. Si vous voulez mon humble avis...
M. Descoteaux: Vous ne saviez pas que j'étais ici, aujourd'hui.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Fortin (Yves): C'est parce qu'on n'était pas encore dans les grandes conclusions, là, quant aux montants puis... Si on veut innover, c'est que l'approche, qu'on se disait, même un conseil régional, c'est qu'idéalement, si on veut une norme qui soit qualitative, ce serait un minimum d'heures par employé qui devrait se donner et non pas 1 % de la masse salariale. En bout de ligne, ce serait ça qui serait l'idéal. Donc, s'il y a un nombre minimum d'heures, toujours en gardant cette prémisse-là, donc il y a une planification qui doit se faire et une évaluation des besoins qui doit se faire. Donc ça, si on ne met pas à contribution les salariés puis les employeurs, c'est difficile de mobiliser alentour d'objectifs comme ceux-là. Donc, à partir du moment où l'ensemble des parties sont prenantes au projet, à ce moment-là il y a une mobilisation qui est plus naturelle à faire. Et donc, si on a défini des objectifs ensemble, on va travailler pour les obtenir ensemble.
M. Descoteaux: M. le Président.
Le Président (M. Bachand): Oui. Bien oui, absolument.
M. Descoteaux: Bien, justement, on l'a entendu, il faut considérer la formation non pas comme une dépense. Ça a été les propos qu'on a entendus à maintes reprises hier, et je pense que ce sont vos propos aussi. Mais donc c'est un investissement. Mais je pense qu'il faut aller peut-être au-delà de ça et rechercher à créer... à faire comprendre et à l'employeur et au travailleur ce besoin de formation là autant à l'intérieur de son domaine que de façon transversale ou les savoir-être, comme vous dites, et à ce moment-là je ne le vois pas là-dedans. Est-ce que ce serait dans une deuxième étape ou est-ce que je fais fausse route?
Le Président (M. Bachand): Mme Drapeau, allez-y.
Mme Drapeau (Lyne): Je vais me permettre, puis on... En fait, il est identifié dans le document ? on n'est peut-être pas allés aussi loin, mais on pourra le faire ici ? où on pense que l'initiative individuelle aussi compte. On parle de culture de formation, on compare toujours avec les mêmes pays européens où ils ont une culture de formation. On ne développe pas une culture dans une société avec juste une partie. Alors, on pense que l'employé, le travailleur doit lui-même se sentir responsable. Alors, à mon avis, pour ce faire, il faut favoriser des choses. Lui peut, de sa propre initiative, aller chercher une formation qu'il considère importante, aller voir son employeur et dire: M., Mme l'employeur, j'ai été me chercher cette formation-là et je la considère qualifiante pour le poste que j'exerce ici, dans votre entreprise. Et là on a effectivement utilisé le moyen bien traditionnel des crédits d'impôt, mais l'employeur pourra lui rembourser la dépense que l'employé aura encourue en totalité ou en partie, si c'est le type de modalité qui pourra être établi, et lui le mettre à ses crédits d'impôt. Et ultérieurement je pense qu'une fois la culture établie on pourra passer à autre chose. Mais on pense que l'innovation, elle va venir quand on va avoir intégré que c'est essentiel pour une société comme le Québec de se faire former, de se former puis de former notre personnel.
Le Président (M. Bachand): Merci, Mme Drapeau. Merci, M. le député. M. le porte-parole de l'opposition officielle en matière de solidarité sociale.
M. Girard: Merci, M. le Président. Mme Drapeau, M. Fortin et M. Lemay, je vous souhaite la bienvenue à cette commission parlementaire. Je vous remercie pour votre présentation et pour votre mémoire. Je voudrais vous poser une question en ce qui a trait à la décision qui a été prise par le gouvernement, en 2003, de procéder à une modification de la loi du 1 % qui fait en sorte que les entreprises qui ont moins de 1 million de masse salariale ne sont plus assujetties à la loi.
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(14 h 40)
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À la page 6 et 7 de votre mémoire, vous nous indiquez qu'avec cette décision-là le Fonds national de formation de la main-d'oeuvre va diminuer, et donc il y aura moins de support pour les petites et les moyennes entreprises, les possibilités de support en termes de formation seront moins importantes. Et vous nous dites même aussi que le bassin de PME dans la Capitale-Nationale a vécu en peu de temps le retrait de son assujettissement à la loi ainsi qu'une diminution des subventions et des programmes offerts pour le développement économique. J'aimerais que vous m'expliquiez un peu quel est l'impact pour les PME dans la région de Québec de ces décisions-là et à quels programmes vous faites référence.
Mme Drapeau (Lyne): Alors, en fait, l'élément important, si on parle du fait que ces gens-là ne sont plus assujettis... Dans le fond, je ne me souviens pas exactement du pourcentage, mais j'imagine que mes collègues pourront me le souffler. Il y avait un pourcentage important de ces entreprises-là qui dans le fond se contentaient de faire un chèque et d'envoyer des sous au fonds. Je ne pense pas que, lorsqu'on a voulu faire une loi sur la formation, on a voulu ce genre de transfert. On sait très bien d'ailleurs que, les premières années, ce sont les grandes entreprises qui sont allées chercher les sous dans le Fonds national de formation parce qu'ils avaient, eux, la structure nécessaire pour monter les demandes. C'est toujours un peu complexe, là, avec un paquet d'informations. Et dans le fond on se retrouvait dans un contexte où, oui, il y avait de la formation qui se faisait, mais elle se serait faite de toute façon, parce que, dans la grande entreprise, il s'en est toujours fait, de la formation.
Comme on veut travailler sur une culture, ce transfert d'argent et de chèques ne travaillait pas, ne faisait pas en sorte qu'on améliorait la culture de formation dans nos entreprises, dans les entreprises qui regroupent la majorité des travailleurs, c'est-à-dire la petite et la moyenne entreprise pour notre région à nous, de la Capitale-Nationale. C'est vrai, je pense, pour beaucoup de régions du Québec, mais particulièrement chez nous. Alors, dans ce sens-là, c'était un embarrassement, cette notion-là, pour ces entreprises-là qui, pour la plupart, faisaient des chèques a contrario. Je pense qu'on doit récupérer le terrain perdu auprès de ces entreprises-là et recommencer un peu avec le bâton de pèlerin. Et je pense qu'Emploi-Québec est l'organisme qui peut faire ça parce qu'il y a déjà un partenariat avec la majorité des entreprises de leurs secteurs. Il y a 11 centres locaux d'emploi, donc la région est divisée en 11 secteurs.
Alors, ce type de décision là sera beaucoup plus porteur que d'y aller avec... ramener, par exemple, des entreprises. Les subventions dont on parle, c'est celles qui étaient plus de développement économique, ce n'était pas relié directement à la formation. Nous, ce qu'on dit, c'est: Si l'entreprise décide de participer à certains projets de formation ou d'évaluation de besoins, elle pourra alors avoir accès à des crédits d'impôt.
Le Président (M. Bachand): M. le député, allez-y, oui.
M. Girard: Vous faites référence à une diminution des subventions et des programmes qui ont été offerts pour le développement économique pour ces entreprises-là dans la région de Québec. À quels programmes faites-vous référence ou à quelles subventions les PME de la région de Québec n'ont plus accès?
Mme Drapeau (Lyne): Moi, je ne pourrais pas vous les nommer nommément. Je ne sais pas si mes collègues peuvent. Moi, nommément, j'avoue que je ne peux pas répondre à ça.
M. Girard: Est-ce que vous y faites référence dans le mémoire, là? C'est parce que je me demandais...
Mme Drapeau (Lyne): C'était dans la décision à l'époque, on se rappelle. Mais des programmes exactement avec les noms, je m'excuse, je ne peux pas vous répondre.
Le Président (M. Bachand): M. Fortin, vous avez des informations additionnelles, peut-être.
M. Fortin (Yves): En fait, quand on parle de programmes, les subventions, c'étaient des subventions du fonds national. Ça, c'était le retour sur ce qui avait déjà été payé. On me dit qu'à partir du moment qu'on a eu des données disponibles, là, du ministère du Revenu c'était à peu près un tiers des entreprises participantes qui payaient au fonds. Et de là on avait pris la décision, au conseil régional, de s'attaquer justement... de se donner comme défi d'aller voir ces entreprises-là qui versaient pour qu'ils puissent faire de la formation pour l'équivalent d'au moins 1 %. Ça avait donné des résultats, ça, parce qu'on avait réussi à baisser ça à 20 % l'année qui suivait. Puis en plus, dans ce 20 % là, la moitié, c'étaient des nouvelles entreprises. Donc, ils avaient cotisé cette année-là, mais, l'année d'avant, ils avaient fait de la formation pour 1 %.
Pour ce qui est des programmes, il n'y avait pas nécessairement... Quand on parle de programmes, entre autres, c'est qu'une fois tu commences à faire de la formation il y a les programmes de développement des ressources humaines en emploi, il y a des programmes de formation où l'employeur va contribuer pour 50 % puis Emploi-Québec contribue pour 50 %. Et, si tu ne fais pas le premier pas pour faire ton 1 %, donc tu ne seras pas porté à faire le pas plus loin pour continuer à investir puis là à aller te servir du programme qui existe déjà, là, de formation en emploi, les programmes réguliers, là.
Le Président (M. Bachand): Oui, M. le député.
M. Girard: Est-ce que je dois comprendre qu'au moment où la décision a été prise, en 2003, de modifier la loi du 1 % vous auriez souhaité que simultanément le gouvernement annonce des initiatives ou des mesures pour aider et favoriser la formation dans les petites et moyennes entreprises et que ça aurait eu un effet intéressant pour les PME de la Capitale-Nationale?
Mme Drapeau (Lyne): En fait, on a toujours, au Conseil régional des partenaires, voulu favoriser une approche qualitative plutôt que quantitative. On a voulu travailler plus en démontrant aux employeurs qu'il y avait un avantage concurrentiel pour leur entreprise à former leurs travailleurs. Donc, le débat n'était pas tant au niveau de l'argent, ou du pourcentage, ou du nombre d'entreprises assujetties, mais de trouver des moyens. Et c'est ce que M. Fortin disait, nous, comme organisme régional, c'est à ça qu'on s'est employés. On a déployé de plus en plus de ressources pour les entreprises, ayant de toute façon un marché de l'emploi où il y avait de moins en moins de gens disponibles pour les postes à combler. Il y a une espèce de transfert de ressources qui a été fait pour être en mesure d'aider les entreprises pour amener ça. Alors, le débat était beaucoup plus en termes de qualitatif et d'amener ces changements-là qu'en termes quantitatifs. On se trouve encore aujourd'hui dans un contexte quantitatif, on comprend qu'il y a toujours une notion d'argent dans ces éléments-là, mais on doit absolument pousser l'autre élément si on veut arriver à l'objectif de la loi.
Le Président (M. Bachand): M. le député.
M. Girard: Vous réclamez des crédits d'impôt, mais donc, depuis 2003, là, est-ce qu'il y a de nouvelles initiatives qui ont été mises de l'avant dans la Capitale-Nationale pour encourager, aider les PME à faire davantage de formation? Est-ce que vous êtes en demande... Dans le cadre de votre présentation en commission parlementaire, vous demandez davantage d'outils et de moyens. Depuis 2003, est-ce qu'il y a eu des outils supplémentaires pour les PME de la Capitale-Nationale?
Mme Drapeau (Lyne): Alors, il y a eu, entre autres, on me souffle, la mesure de formation aux employeurs qui était une mesure dans le fond où le conseiller en entreprise allait à la fois partager les frais et aussi supporter la démarche de contenu. Mais c'est... Ça va?
Une voix: ...
Mme Drapeau (Lyne): Alors, est-ce qu'on me souffle quelque chose? Non? Ça va. Alors, c'est ce genre de mesure là. Il y a eu des ressources additionnelles de consacrées aussi au support des entreprises pour les amener à pouvoir former leur personnel. Alors, c'est des actions dans l'entreprise.
M. Girard: Je veux revenir aussi sur un autre élément de votre mémoire où vous abordez la question du vieillissement de la main-d'oeuvre, qui est un élément fort important, et vous indiquez que c'est un défi à relever. On sait qu'il y a eu la mise en oeuvre de la politique de formation continue, d'éducation des adultes en 2001 puis il y a eu également en 2002 une stratégie d'intervention à l'intention des travailleurs âgés de plus de 45 ans qui avait été annoncée par le précédent gouvernement.
Alors, je veux savoir: Est-ce que vous êtes allés de l'avant avec cette stratégie-là? Est-ce qu'il y a des mesures qui ont été mises de l'avant pour venir en aide aux travailleurs âgés de 45 ans et plus? Puis quels sont les effets que vous avez pu noter de cette nouvelle stratégie?
(Consultation)
Mme Drapeau (Lyne): C'était à la base des projets pilotes, et on me dit qu'on en a fait trois ou quatre. Est-ce qu'on connaît les entreprises?
(Consultation)
Mme Drapeau (Lyne): On parle de Tembec dans Portneuf, on parle de Natrel aussi. Alors, il y a eu effectivement des projets pilotes, parce qu'à la base c'était l'idée de ce projet-là. Alors, il y en aurait eu quatre dans la région. Les deux dont on se rappelle aujourd'hui, là, c'est Tembec et Natrel. Mais c'est très certainement une priorité parce qu'effectivement, on l'a dit tantôt, c'est le maintien en entreprise de ces gens-là. Et je pense que ça passe par deux outils, un dont on parle ici, c'est-à-dire la formation. Mais je pense aussi qu'Emploi-Québec aura un rôle, de sensibiliser les entreprises à modifier certaines conditions de travail. Je prends à titre d'exemple la retraite progressive, qui est malheureusement très peu utilisée par les entreprises. Il y a eu des études là-dessus, c'est une mesure... Il est possible au Québec de permettre à un travailleur d'aller grever quelques sommes de son régime de retraite pour lui permettre d'alléger sa semaine de travail sans trop baisser son revenu moyen annuel. C'est une mesure qui est très peu utilisée. Ce n'est pas le propos ici, mais c'est quand même des choses où il faudra discuter, parce que maintenir nos travailleurs en emploi âgés, il faudra les former, mais il faudrait leur donner le goût aussi de rester avec nous, là.
M. Fortin (Yves): Puis peut-être si vous voulez...
Le Président (M. Bachand): Allez-y, M. Fortin, oui.
M. Fortin (Yves): Il y a toute la notion de gestion prévisionnelle du personnel, des âges entre autres, là. Dans les procédés de gestion, il y a des projets pilotes qui ont été mis sur pied dans la région pour assister les entreprises à mieux prévoir, entre autres, le vieillissement de son personnel en entreprise mais aussi prévoir la relève, comment la gérer, puis le choc des âges qu'il peut y avoir aussi entre les deux. Et on rejoignait à ça aussi, puis il a toujours été insisté sur les besoins de formation pour que les gens puissent assumer des tâches pour rester le plus longtemps possible en emploi aussi, là.
Le Président (M. Bachand): M. le député.
M. Girard: Sur les projets pilotes, est-ce que c'est possible d'avoir un bilan de ces expériences-là qui ont été tentées, vous me dites, dans quatre entreprises de la région, de voir est-ce que ça...
Mme Drapeau (Lyne): Très certainement, on pourra vous faire...
M. Girard: Mais vous pensez qu'il faut aller plus loin que les projets pilotes, alors qu'est-ce que vous proposez de plus pour aider ces travailleurs-là dans la région de la Capitale-Nationale? Parce que vous en faites un élément central de votre mémoire, et vous nous dites que c'est un défi que vous devez relever, et qu'il y a un vieillissement plus important, là, de la main-d'oeuvre.
Mme Drapeau (Lyne): Toujours dans un cadre de formation?
M. Girard: Oui.
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(14 h 50)
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Mme Drapeau (Lyne): Alors, dans un cadre de formation, bien M. Fortin l'a amené un peu en douceur, c'est-à-dire qu'il y a des métiers où physiquement il arrive un certain âge où c'est plus difficile, donc il faut penser à des fois refaire une formation plutôt fondamentale pour garder la personne dans l'entreprise.
Je vais me permettre aussi de faire un aparté au niveau du recrutement. Je pense que de plus en plus les employeurs comprennent qu'on engage des gens en deuxième carrière. Mais là aussi l'employeur qui embauche devra revoir ses plans de formation à l'embauche parce qu'il n'aura peut-être pas nécessairement les gens qui ont les compétences de base. Il devra compléter déjà sur la base des compétences. Mais, vous savez, le marché va s'ajuster, hein? Plus les entreprises vont avoir de la difficulté à recruter, plus l'ouverture sur la formation et ce genre de concept là va s'installer, c'est la loi du besoin.
Le Président (M. Bachand): Oui, M. le député.
M. Girard: Je veux revenir sur les mutuelles de formation. Vous y faites référence dans votre mémoire comme étant un moyen pour les entreprises, bon, de se regrouper, de mettre en commun des ressources. Est-ce qu'il y a des initiatives qui ont été tentées dans la région de la Capitale-Nationale au niveau de mutuelles de formation, des projets pilotes? Je sais qu'il y a eu 11 projets pilotes dans différentes régions. Est-ce qu'il y en a eu dans la Capitale-Nationale? Est-ce que ça a donné des résultats? Et à quel type de formule vous pensez pour la région?
Mme Drapeau (Lyne): Alors, pour la région, il n'y a pas eu de formule dans ce sens-là. Ce à quoi on pense quand on l'inscrit dans notre mémoire, c'est principalement parce que ce sera là que ce sera plus facile pour débuter et pour instaurer ce processus-là, c'est au niveau sectoriel. Lorsqu'il y a un comité sectoriel, lorsqu'il y a déjà des normes professionnelles dans un secteur, on peut donc penser que de petites entreprises auront des besoins comparables ou similaires, et on pourra donc les faire se regrouper autour d'un certain nombre de programmes. Il faudra que ces programmes-là soient souples cependant, il faut le mentionner, parce qu'on a beau être dans le même secteur, les réalités de production ou d'exécution ne sont pas nécessairement les mêmes. Alors, pour que ça se concrétise, il faudra être souple.
Mais ça passe encore une fois par la concertation. Et, Mme Courchesne le mentionnait tantôt, on ne travaille plus avec des volumes maintenant quand on arrive à l'adéquation de l'offre et de la demande, hein? On est dans des petits nombres et on est vraiment dans de l'ajustement de marché par secteurs, par sous-régions, et ça, il n'y a que la concertation au niveau de régional et même, je dirais, local qui va permettre au marché d'être vraiment optimisé par rapport à l'offre et la demande de main-d'oeuvre.
Le Président (M. Bachand): Oui. D'autres... M. Fortin, vous vouliez...
M. Fortin (Yves): Non, c'est beau.
Le Président (M. Bachand): Non, ça va. Allez-y, M. le député.
M. Girard: Je voulais revenir aussi... Dans votre mémoire, vous faites référence à l'initiative individuelle ? à la page 12 de votre mémoire ? pour le bénéfice de l'entreprise, responsable du développement des employés. Vous dites que cette responsabilité-là doit relever de l'employeur et non pas de l'employé. Si un employé fait une demande dans une organisation, dans une entreprise pour avoir accès à de la formation, vous ne pensez pas qu'il y a une obligation de la part de l'employeur aussi d'y répondre? Et pour quelle raison vous ne croyez pas que l'employé pourrait avoir une initiative ou pourrait avoir accès à des politiques? Par exemple, certains évoquent des congés de formation, est-ce que c'est une avenue que vous envisagez?
Le Président (M. Bachand): Une réponse en 30 secondes, Mme Drapeau.
Mme Drapeau (Lyne): C'est un beau défi, ça, avec une question comme ça.
Le Président (M. Bachand): Ah! Mais vous êtes capable de faire ça, je suis convaincu de ça.
Mme Drapeau (Lyne): Sérieusement, je veux que ce soit bien clair, on voulait amener dans ce point-là que l'initiative peut être individuelle, au contraire. Parce qu'on n'a jamais beaucoup entendu parler de ça dans les débats concernant la loi du 1 %, on pense que dans le fond chaque travailleur devrait peut-être consacrer 1 % de son propre budget à sa formation. Mais ceci étant dit... Mais c'est pour une reconnaissance dans l'entreprise, parce qu'il faut que l'entreprise reconnaisse cette formation-là pour les emplois qui y seront attribués, les postes qui y seront attribués. Mais il faut que ça se fasse à deux.
Le Président (M. Bachand): Vous avez bien relevé le défi, Mme Drapeau. Merci pour votre collaboration. M. Lemay, M. Fortin, bon retour chez vous. Merci pour votre collaboration à la commission. Je vais demander à M. Jean Charest de se présenter, s'il vous plaît.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Bachand): M. Charest, si vous voulez prendre place.
Une voix: ...
Le Président (M. Bachand): Un peu, oui. Et, si ce n'est pas grâce à vous, M. le député de René-Lévesque, on va le retrouver, là. Bon. M. Charest, je vois que vous êtes aussi populaire que votre homonyme. Nous allons donc commencer tout de suite. Vous êtes professeur agréé de l'École de relations industrielles de l'Université de Montréal. Donc, je vous souhaite la bienvenue à cette commission. Et, je vous rappelle, les règles sont fort simples, vous avez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire et 30 minutes d'échange de part et d'autre, du côté ministériel et du côté de l'opposition officielle. Donc, à vous la parole, M. Charest, amusez-vous.
M. Jean Charest
M. Charest (Jean): Alors, merci, M. le Président. Mme la ministre, MM., Mmes les députés, je vous remercie beaucoup de cette invitation. Je remercie aussi le premier ministre de s'être réfugié à Ottawa aujourd'hui pour éviter toute confusion sur les personnes.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Charest (Jean): Alors, il n'y a qu'un Jean Charest à la fois à l'Assemblée nationale. Aujourd'hui, c'est moi. Alors donc, merci beaucoup de l'invitation à cette commission. Je salue bien sûr les travaux de cette commission et au moins à deux titres, d'abord parce qu'il m'apparaît important de procéder à un exercice périodique d'évaluation de la loi. Il n'y a pas de dispositif en matière du travail qui puisse demeurer immuable alors que l'économie de marché du travail change rapidement. Les institutions doivent évoluer et s'adapter pour être efficaces.
D'autre part, je tiens aussi à souligner l'excellence du rapport qui fait l'objet des présents travaux de la commission. Il s'agit d'une base très solide en termes de données, d'évaluation et de pistes de travail, et, à bien des égards, j'en partage le contenu. Alors, essentiellement, je vais me limiter à souligner quelques enjeux majeurs, ou enfin qui m'apparaissent majeurs, du développement de la formation de la main-d'oeuvre.
Dans une première partie de mon mémoire, sur laquelle je vais passer plus rapidement, je rappelle certains éléments du contexte de l'adoption de la loi du 1 % parce qu'il s'agissait peut-être d'éléments sur lesquels on n'allait pas assez en profondeur dans le rapport quinquennal. Je rappelle quelques points qui étaient soulignés à l'époque, on parle d'il y a une dizaine d'années. On soulignait déjà donc la faiblesse de l'investissement en formation, la faiblesse du partenariat patronal et syndical, le contexte de libre-échange et de mondialisation, l'échec du crédit d'impôt à la formation et bien sûr on identifiait les enjeux croissants de la qualification de la main-d'oeuvre dans une économie du savoir.
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(15 heures)
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La plupart de ces enjeux-là d'ailleurs étaient déjà présents dès le début des années quatre-vingt-dix dans l'énoncé de politique soumis par le gouvernement libéral à l'époque, qui s'appelait Partenaires pour un Québec compétent et compétitif, et l'adoption de la loi du 1 % s'inscrit dans une certaine continuité logique à mon avis par rapport aux actions qui avaient été posées antérieurement avec la création de la SQDM à l'époque, et ainsi de suite, et on a poursuivi le travail avec le développement des comités sectoriels de la Commission des partenaires du marché du travail et les nombreux services déployés au sein d'Emploi-Québec à l'égard des milieux de travail. On a donc, au fil des années, développé ce que j'appelle une complémentarité des modes d'intervention, qui est un modèle unique au Canada et en Amérique du Nord, et j'insiste sur le fait que ce n'est pas la loi qui est unique, c'est vraiment cette complémentarité des interventions à l'égard de la formation qui est un modèle unique.
Les enjeux identifiés à l'époque de l'adoption de la loi nous apparaissent encore tout à fait pertinents aujourd'hui, et je ne les reprendrai pas en détail. Je veux seulement rappeler qu'en particulier il m'apparaît ? je vais en reparler tantôt ? que nous avons fait des progrès assez importants en ce qui concerne le partenariat patronal-syndical, bien que j'ai suivi un peu les débats hier et je me suis dit qu'il y avait encore du progrès à faire, mais on a beaucoup avancé là-dessus. Et il n'est pas inutile de se rappeler le contexte beaucoup plus conflictuel auquel on a assisté pendant de nombreuses décennies, au Québec, en la matière. Alors, je pense que ça, il faut avoir ça à l'esprit quand on considère les retombées directes et indirectes de la loi.
J'arrive sur les données du bilan de la loi comme telles, ou en fait comment apprécier le chemin parcouru depuis l'adoption de la loi en 1995. Le rapport quinquennal présente un ensemble de données très pertinentes pour les fins de l'évaluation et pour les fins du suivi de la loi. Et cela est heureux, parce que, comme on peut le voir aussi dans le rapport, les données qu'on a, de manière générale, à l'aide des statistiques pour l'ensemble canadien, par exemple, sont plutôt pauvres en la matière. Alors, on est évidemment privilégiés, si je peux dire, de disposer de l'ensemble des travaux qui ont été faits dans le cadre de l'évaluation de la loi.
Évidemment, une des principales mesures qui retient l'attention, quand on regarde l'application de la loi, c'est l'investissement annuel qui a été consacré à la formation depuis l'entrée en vigueur de cette loi-là ou depuis la période 2000, là, si on se réfère uniquement à la période plus récente d'évaluation. J'ai ramené dans deux tableaux, dans mon mémoire, certaines données qui ont été produites bien sûr par les organismes responsables, mais ce qu'on peut voir ? et c'est déjà un fait connu ? c'est que le pourcentage moyen annuel qui a été consenti à la formation par les entreprises a dépassé assez largement le seuil minimal du 1 % qui a était imposé, et ce seuil-là, comme on le sait aussi, était croissant avec la masse salariale des entreprises.
En fait, on observait une relative stabilité, au fil des années, autour de 1,5 % en moyenne de la masse salariale qui était consacrée à la formation, alors que l'obligation annuelle était de 1 %. Je pense qu'on doit lire de manière positive ces résultats-là et ce que certains d'ailleurs voient plutôt comme étant une stagnation des investissements, comme si c'était péjoratif ou un mauvais résultat en soi.
D'une part, je rappelle qu'il n'y a rien qui stipule dans la loi que l'on doive déclarer toutes les dépenses, mais en fait, dès qu'on atteint le seuil du 1 %, c'est suffisant comme type de déclaration. Il n'y a rien qui stipule par ailleurs, ni sur le plan empirique ou théorique, que le pourcentage consenti annuellement doive augmenter constamment. Ce serait assez problématique si on constatait qu'au fil des années des entreprises consacrent deux, trois, quatre, cinq, six... il n'y a pas de logique donc à une telle croissance. Je pense plutôt, moi, qu'il faut lire la donnée du 1,5 % qu'on a dans le sens de la capacité des entreprises à renouveler annuellement l'investissement en formation, ce qui est, en soi, une bonne nouvelle et ce qui était en fait un des objectifs recherchés avec la loi. Il faut donc voir ça vraiment dans une perspective dynamique, cette idée-là de l'investissement annuel.
Par ailleurs, on sait que le pourcentage des employeurs qui atteignent annuellement le seuil minimal fixé par la loi avait tendance à croître ou au pire à se stabiliser selon la taille des entreprises, ce que l'on peut assimiler à un effet d'apprentissage, chez les entreprises, à l'égard de la loi.
D'autre part, les indicateurs quantitatifs sont à mon avis bien insuffisants pour avoir un juste aperçu des enjeux qui demeurent et pour avoir aussi un juste aperçu des progrès qui ont été réalisés. En particulier, des données aussi agrégées cachent des enjeux distributifs importants. J'en mentionne deux.
D'abord, il y a un enjeu qui est relié à la taille des entreprises assujetties. Les plus petites entreprises ont plus de difficultés à se conformer à l'obligation de la loi, bien qu'elles le font assez largement malgré tout, et ça va être le cas même avec le rehaussement du plafond salarial à 1 million. Une PME qui a une trentaine d'employés et dont la masse salariale atteint le million de dollars n'a pas les mêmes possibilités organisationnelles pour prendre en charge la formation que l'entreprise de 1 500 employés qui a un département de ressources humaines, avec des professionnels, et ainsi de suite. Alors, il faut porter une attention spéciale à mon avis aux plus petites entreprises, car la loi ne doit pas devenir une mesure pénalisante pour celles-ci, alors que les plus grandes peuvent s'y conformer bien aisément. J'y reviendrai.
L'autre enjeu est relié à la distribution de l'effort de formation selon certaines catégories ou caractéristiques de la main-d'oeuvre. Les données du rapport indiquent que, on le sait, le personnel de direction, cadre et professionnel bénéficie davantage de la formation que le personnel de bureau, production, ventes ou des services. On sait aussi que les gens plus scolarisés en bénéficient ou ont accès davantage à la formation que les gens moins scolarisés, et donc on peut constater à la lumière des données qu'il ne semble pas que la loi ait eu un effet à caractère distributif différent de ce que l'on peut constater ailleurs au Canada ou ailleurs dans les données internationales à cet égard-là.
D'une certaine façon, cela n'étonne guère, dans la mesure où la loi ne donne aucune directive ou incitation à modifier la distribution de l'effort de formation en entreprise par rapport aux choix standards des employeurs ou par rapport à leur propre rationalité. Mentionnons aussi le fait que, possiblement, étant donné que seulement deux employés sur cinq savaient que la loi existait, et cela pratiquement huit ans après son adoption, n'aide peut-être pas ces employés à rechercher les avantages de cette loi auprès de leur employeur.
La loi produit par ailleurs des effets que l'on pourrait qualifier d'indirects et qui ne se retrouvent pas forcément dans le rapport quinquennal. Mentionnons les points suivants: le développement du partenariat et les effets sur l'organisation du marché de la formation. En matière de partenariat, il m'apparaît évident que, avec la loi, la constitution de la Commission des partenaires du marché du travail, les commissions régionales, la mise sur pied d'une trentaine de comités sectoriels, tout ça a amené la constitution de partenariats qui impliquent, bon an, mal an, au-delà de 300 délégués patronaux et syndicaux dans l'ensemble du Québec depuis une décennie maintenant. Sans la loi du 1 %, il est tout à fait probable qu'un tel partenariat n'aurait pas vu le jour, en tout cas de manière aussi soutenue et organisée, et il faut se promener dans l'ensemble du Canada pour savoir que ces structures partenariales là étonnent toujours et font l'envie chez les autres délégués patronaux, syndicaux et même gouvernementaux dans le reste du Canada. On est assez fascinés par cette capacité à avoir constitué un tel réseau ou de tels réseaux, au Québec, en matière de développement de la main-d'oeuvre, sur une aussi longue période.
En termes de partenariats, une autre retombée importante que je pense pouvoir associer à la loi du 1 % est celle de la croissance des clauses de conventions collectives, au Québec, portant sur la formation. C'était un des objets dont on disait qu'il y avait... pour lequel il y avait beaucoup de faiblesses, il y a une douzaine d'années, quand on a adopté la loi. On a fait des progrès assez remarquables là-dessus. Dans des travaux, que j'ai dirigés, sur ce sujet-là, j'ai pu démontrer que, depuis l'introduction de la loi, il y avait eu une croissance assez importante de la fréquence des conventions collectives qui incluaient des clauses sur la formation, de la fréquence aussi des comités conjoints, patronal-syndical, en milieu de travail sur la formation. On parle d'à peu près 25 % des conventions collectives actuellement, au Québec, qui comportent un tel comité, alors que ça ne dépassait pas 10 % durant la décennie qui a précédé l'adoption de la loi. Et c'est en soi une bonne nouvelle à mon avis, parce que, dans les données de l'enquête de 2005, on illustre que la présence syndicale dans un milieu de travail a un effet positif sur l'équité dans la distribution de l'effort de la formation entre les catégories de travailleurs. Alors, le fait donc que la loi a eu une incidence sur le développement des clauses dans les conventions collectives de manière indirecte, on peut y associer un effet bénéfique sur la distribution de l'effort de la formation.
Enfin, mentionnons que la loi a mis en perspective la nécessité de mieux organiser le marché de la formation au Québec. À cet égard, il y a le processus d'agrément des formateurs qui a été mis sur pied. Du côté de l'offre de formation continue, dans les institutions publiques ? commissions scolaires, cégeps, universités ? on a assisté vraiment au déploiement d'une offre de formation continue d'envergure, dans les 10 dernières années, pour répondre à la demande, et ça fait référence à l'existence de la loi. Le Cadre général de développement et de reconnaissance des compétences, qui a été adopté en 2001, constitue donc aussi une mesure structurante de ce qu'on peut appeler la formation ou le développement d'un marché de la formation continue au Québec.
Maintenant, quelle direction prendre pour les prochaines années? À partir du bilan, il me semble qu'il y a au moins deux questions qui se posent. La première, c'est: Quels sont les objectifs que l'on veut atteindre à partir d'aujourd'hui? La deuxième, c'est: Quelles sont les formes d'intervention ou quelles sont les innovations qui sont appropriées pour ce faire?
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(15 h 10)
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La première question, elle est d'ordre normative, ou certains diraient d'ordre politique, alors que la deuxième question est plutôt d'ordre technique, et il m'apparaît important de ne pas les inverser. Je pense que trop souvent on évite la discussion sur les enjeux de fond à caractère plus politique, à savoir quels sont les objectifs qu'on veut se donner, en s'enfargeant dans des technicalités autour de dispositifs dont on ne connaît même pas encore la teneur. Je pense qu'il faut plutôt prendre les deux questions dans leur ordre logique.
Le dispositif choisi en 1995 faisait reposer sur les employeurs la décision d'investir en formation afin de respecter un minimum légal sans imposer de critère trop déterminant quant au choix des employeurs. L'enquête 2005 auprès des employeurs assujettis révèle très bien la rationalité qu'ils expriment dans leur choix. Les employeurs offrent de la formation suivant les aptitudes des employés, suivant l'engagement des employés à l'égard de l'organisation et lorsqu'il s'agit d'employés permanents de l'organisation. Bref, les employeurs sont sélectifs, et leurs décisions laissent de côté beaucoup d'employés.
De plus, la loi n'est pas d'application universelle, et elle l'est encore moins depuis la modification du seuil de la masse salariale de 2004. Si on est d'avis que la loi vise la qualification de la main-d'oeuvre, il devient légitime de se demander ce qu'il advient de la main-d'oeuvre qui ne fait pas partie des choix exprimés par les employeurs et de celle qui ne se retrouve pas dans les entreprises assujetties. Autrement dit, il faut constater que la probabilité d'accès à la formation pour la main-d'oeuvre est déjà fortement prédéterminée par les paramètres de la loi elle-même en plus d'être conditionnée par certaines caractéristiques organisationnelles dans les entreprises. Voulons-nous maintenir cet état de fait?
Le Président (M. Bachand): Je vais devoir vous demander de conclure en deux minutes, M. Charest.
M. Charest (Jean): Deux minutes.
Le Président (M. Bachand): Oui.
M. Charest (Jean): Alors, si on pense qu'il faille améliorer la chose, à mon avis il faut aller dans le sens de certaines innovations en particulier.
Dans l'optique d'élargir les possibilités de formation pour les salariés, plusieurs pays européens se sont tournés, dans les dernières années, vers des dispositifs stimulant la demande de formation chez les salariés et soutenant la réalisation de cette demande. On a introduit récemment dans certains pays des mesures comme les comptes formation, les bourses à la formation ou l'accès à des fonds sectoriels pour financer les parcours de formation continue. À mon avis, il faut explorer de ce côté-là sans alourdir en même temps la responsabilité financière de l'État.
Du côté des employeurs qui offrent de la formation, je pense qu'on peut paramétrer davantage certains choix qui sont faits, comme le fait le crédit d'impôt qui vise l'apprentissage, mais on ne peut pas penser en même temps que, dans une loi, on va édicter tous les paramètres de la distribution de l'effort de formation en milieu de travail. Une des voies, il me semble, qu'on devrait considérer, c'est l'introduction de comités paritaires dans les milieux de travail. Je rappelle que la commission Jean avait suggéré ça, il y a plus de 20 ans, dans tous les milieux de travail, qu'ils soient syndiqués ou non syndiqués. Que ces comités soient consultatifs ou décisionnels, à la limite, ça aurait au moins l'avantage de créer un espace de dialogue dans l'entreprise, d'offrir de facto une voix aux employés et de faire en sorte possiblement de modifier les décisions de l'employeur en matière de distribution de l'effort de formation. Il s'agit d'une piste à explorer à mon avis et qui ne serait pas très problématique à introduire dans les dispositifs déjà existants.
En ce qui concerne les entreprises, on sait que les plus petites entreprises ont plus de difficultés ? je vais conclure dans une minute ? et à mon avis le fait de désassujettir les entreprises ne règle pas la problématique de la formation. Ça règle peut-être un problème pour les entreprises, mais ça ne règle pas le problème du développement de la qualification de la main-d'oeuvre. En fait, ça peut peut-être juste l'amplifier.
Je pense que, pour les PME, il faut regarder du côté de la mise en commun des ressources. On parle ici de mutualisation des fonds et des services. Le rapport quinquennal nous invite à regarder cette avenue. Je suis aussi de cet avis-là. Je pense qu'il faut se pencher sur l'expérience la plus connue et la plus intéressante au Québec en la matière, c'est celle de l'industrie de la construction, qui a donné des résultats tout à fait remarquables au fil des ans. L'idée des fonds sectoriels ou des mutuelles n'est pas nouvelle, on en retrouve plusieurs exemples dans plusieurs pays d'Europe.
Je termine en disant qu'il faut accroître à mon avis les possibilités et les modalités en les choisissant autant que possible de manière consensuelle avec les partenaires. Le rapport quinquennal parle en ce sens d'approche plurielle à l'égard du développement de la qualification de la main-d'oeuvre, et je crois qu'il s'agit là d'une approche pertinente.
Il faut se rappeler que la problématique de la main-d'oeuvre est complexe et évolutive. Il faut poursuivre l'évaluation continue des mesures adoptées, associer les partenaires du marché du travail à cette démarche, et il faut suivre les expériences étrangères les plus dynamiques pour en tirer les meilleurs enseignements possible. On assiste à plusieurs innovations actuellement, et le Québec ne devrait pas être en reste à cet égard. Merci beaucoup.
Le Président (M. Bachand): Merci, M. Charest.
Des voix: ...
Le Président (M. Bachand): Sans commentaire. Mme la ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale.
Mme Courchesne: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Charest, ça me fait plaisir de vous rencontrer. Je vous ai lu souvent, je n'avais jamais eu le plaisir et le privilège de pouvoir échanger avec vous. Vous m'apparaissez être un homme qui privilégie beaucoup la théorie du verre qui est à moitié plein plutôt que celle du verre qui est à moitié vide.
Quand je lis votre mémoire très objectivement, c'est intéressant de voir que chacune des données que vous apportez, chacune des données que vous présentez, vous essayez constamment de nous faire voir davantage le chemin parcouru. Il est énorme, nous en convenons.
Et j'aimerais tout de suite vous demander... Par contre, vous insistez beaucoup sur l'importance du partenariat. Je crois qu'on a démontré... Tout le monde a semblé, depuis hier matin, insister là-dessus. Mais vous dites: Entre les patrons et les syndicats, ça s'est amélioré, mais probablement qu'on pourrait aller plus loin, il y a encore beaucoup de choses à faire. J'aimerais vous entendre là-dessus, parce que vous rejoignez une des préoccupations des syndicats. Vous dites: Le comité paritaire peut être une avenue intéressante.
Nous, notre réaction, c'est de dire: Est-ce que... Ou alors la question que je vous poserais, c'est: Comment l'articuler pour qu'il ne soit pas plutôt empreint de lourdeur administrative ou de difficulté d'arriver justement à voir cet élément de flexibilité? Parce que est-ce que ce n'est pas l'efficacité que l'on recherche avant tout? Alors, quels seraient les éléments qui seraient garants d'une réussite si nous avions ces comités à l'intérieur de l'entreprise? Puis je vais commencer par vous entendre là-dessus pour bien cerner ce que vous avez en tête quand vous parlez de cette notion de partenariat entre, entre autres, les patrons et les syndicats.
Le Président (M. Bachand): M. Charest.
M. Charest (Jean): Écoutez, à mon avis, je vais essayer de faire une réponse assez courte et simple à une question par ailleurs complexe, qui est celle du partenariat. Mais la question qu'il faut se poser, c'est: Quelles sont les modalités qui peuvent permettre de développer les qualifications de la main-d'oeuvre? Alors, on peut imaginer que l'État va y aller d'un dispositif extrêmement lourd, extrêmement directif, etc., ce n'est pas la voie qu'on retient, qu'on a retenue.
On peut imaginer par ailleurs qu'on laisse l'ensemble des décisions dans les mains des employeurs en se disant: Ils vont faire les choses et ils vont les faire correctement en fonction de leurs besoins. C'est vrai, c'est plus ou moins vrai, ça dépend des capacités organisationnelles, etc., et ça atteint des limites, notamment en termes d'effet distributif de l'effort de formation.
Alors, il reste à se poser la question de quelles sont les autres modalités possibles. Une de ces modalités-là, qui m'apparaît pas complexe et certainement pas lourde sur le plan administratif, c'est l'idée de dire: Est-ce que la formation, étant donné qu'elle regarde ? je le rappelle ? en premier lieu la main-d'oeuvre elle-même, est-ce que la formation ne devrait pas être un objet de discussion dans les milieux de travail au même titre qu'il y a des discussions dans les milieux de travail sur toutes sortes de questions, au Québec?
Dans une époque où on met de l'avant le dialogue dans les milieux de travail, où on cherche à dégager de la souplesse, à faire en sorte que les employés et les patrons puissent discuter de l'ensemble des enjeux, etc., moi, il m'apparaît qu'une modalité très simple serait de dire, et on pourrait l'inclure dans la loi, qu'à la demande d'une des parties et en l'occurrence par exemple à la demande des employés, qu'ils soient syndiqués ou non, je le répète, on pourrait dire: À la demande donc, il y a constitution d'un comité. Comme je vous dis, qu'il soit consultatif ou décisionnel, à la limite, je pense qu'à tout le moins ce que ça pourrait engager, c'est une dynamique de discussion, dans les milieux de travail, sur la question de formation.
Ce n'est pas lourd, on ne leur demande pas de faire des procès-verbaux et d'envoyer ça à la ministre une fois par six mois. On leur dit tout simplement: Voilà une modalité, et ce dialogue-là devrait produire... on pourrait s'attendre à ce qu'il produise des résultats différents ou, à tout le moins, plus partagés entre les employés et les employeurs sur les objectifs qu'on doit viser avec la formation de la main-d'oeuvre. C'est aussi simple que ça.
Le Président (M. Bachand): Mme la ministre.
Mme Courchesne: Les syndicats ont aussi dit, hier, favoriser le congé de formation, ont aussi dit favoriser une espèce de contrat d'initiative individuelle de la formation, et, tout à l'heure, un intervenant nous a dit, probablement, bon, à juste titre: Au lieu de dépenser un pourcentage d'une masse salariale, on devrait peut-être exiger un nombre minimum d'heures de formation par employé. Alors, j'apporte là trois concepts, trois éléments, trois possibilités. Qu'est-ce que vous pensez, vous, de... C'est une forme de responsabilisation de l'individu aussi, lorsqu'on met ces éléments-là sur la table. Je veux savoir comment vous réagissez, vous, à ces aspects-là.
Le Président (M. Bachand): M. Charest.
M. Charest (Jean): En ce qui concerne la responsabilisation de l'individu?
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(15 h 20)
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Mme Courchesne: En ce qui concerne, par exemple, est-ce qu'on devrait demander ou imposer un congé de formation?, est-ce qu'on devrait demander à l'employé ou exiger de l'employé qu'il s'engage dans un processus de formation?, est-ce qu'on devrait lui exiger ou lui demander un minimum d'heures de formation?, ça équivaut à une forme de responsabilisation de l'employé. Mais est-ce que ces trois éléments que je viens de décrire seraient, selon vous, des éléments positifs ou des éléments qui pourraient inciter et améliorer la formation chez les travailleurs?
M. Charest (Jean): En fait, moi, je pense qu'il faut élargir les possibilités qui sont offertes aux employés, alors qu'actuellement elles sont plutôt restreintes. Est-ce que ça doit prendre la forme de congé éducation? Est-ce que ça doit prendre la forme d'autres suggestions que vous avez... Possiblement. Mais ce que je constate très certainement, et c'est ce que les données de la loi nous indiquent, c'est qu'actuellement l'ensemble en fait des choix en matière d'investissement en formation sont largement ramenés uniquement...
Mme Courchesne: À l'entreprise.
M. Charest (Jean): à l'employeur...
Mme Courchesne: À l'employeur.
M. Charest (Jean): ...à l'entreprise elle-même, qui fait les choix selon la logique, bien sûr, qui est la sienne et qui n'est pas forcément mauvaise. Et je ne dis pas que le portrait est tout à fait noir, ce n'est pas le cas, mais on constate une certaine rationalité qui délaisse ou qui met de côté beaucoup d'employés. Et c'est là où à mon avis il y a des problèmes d'ordre distributif avec cette loi-là. Par ailleurs, on ne peut pas s'attendre, là, à ce que, bon, on va implanter un congé éducation et que tous les employés vont sauter là-dessus. Il y a...
Mme Courchesne: Autrement dit, ce que vous dites... Parce que, moi, je partage un peu ce souci d'équité là. Je l'ai dit hier, je le répète avec vous. Vous avez ce même souci, là, de dire qu'effectivement on peut perdre certaines catégories de travailleurs. Ce que j'entends par ailleurs, c'est que ces mesures-là ne favorisent pas nécessairement l'équité, c'est-à-dire que... Et ce que je crois comprendre, c'est que ce comité, dont vous parlez, qui est établi sur la base d'un partenariat... Puisque ça se ferait possiblement à la demande des travailleurs, ce que j'entends de vous, c'est que ça a peut-être un gage de succès plus grand.
Maintenant, ce que je voudrais savoir, c'est que... Vous avez mentionné l'exemple de la construction. On sait qu'il y a un fonds CCQ pour la formation, dans lequel le travailleur participe financièrement. Actuellement, pour l'ensemble des autres secteurs et l'ensemble des autres entreprises, le mode de financement, si on prend par exemple le fonds national, est complètement différent. Ma question, c'est: Comment voyez-vous l'avenir de ce financement-là? Parce qu'il y a toujours une facture à payer, peu importe ce qu'on décide, il y a toujours une facture à payer. Comment verriez-vous un partage équitable de ce financement-là, je dirais, là, en 2006 et les années subséquentes? Je pèse mes mots en disant 2006 parce que je crois qu'on a une réalité économique et financière qui évolue. Donc, comment voyez-vous ça?
Le Président (M. Bachand): M. Charest.
M. Charest (Jean): Juste une petite correction. D'abord, en ce qui concerne le fonds de formation dans l'industrie de la construction, les travailleurs n'y contribuent pas. Non, les employeurs seulement contribuent à hauteur de 0,20 $ par heure travaillée. Bien sûr, on peut se dire que de toute façon, quand c'est une contribution de l'employeur, c'est aussi une contribution de l'employé, parce qu'on dit souvent, dans les travaux, que les contributions qui sont versées par l'employeur sont des augmentations que peut-être les employés n'ont pas eues et ont laissé aller dans le cadre de la négociation, ce qui peut être le cas. Alors, on ne s'enfargera pas dans les fleurs du tapis à cet égard-là, mais c'est un modèle tout à fait intéressant. Ils auraient pu convenir que l'employeur verse 0,10 $ de l'heure et les travailleurs versent 0,10 $. Ça ne m'apparaît pas être très important, je vous dirais, comme modalité.
Je pense qu'il doit y avoir de l'ouverture du côté des deux parties à l'idée de contribuer dans un fonds, si tel était le cas. Moi, je ne verrais pas de problème à ce qu'on instaure des fonds sectoriels dans lesquels il y aurait des contributions versées à la fois par les travailleurs et à la fois par les employeurs. D'ailleurs, il y en a un, fonds, qui existe, et qui existe depuis plus de 50 ans, à cet égard-là, c'est la caisse de l'assurance-emploi. Alors, la caisse, elle existe, elle est déjà là, les employés versent une contribution sur la base de leur paye, même chose pour les employeurs dans une proportion un peu plus élevée. On l'a modulée d'ailleurs, cette proportion-là, au fil des années. Donc, ce sont des modalités discutables qui peuvent être aménagées. Ce n'est pas problématique. Et, moi, je ne vois pas d'un mauvais oeil l'idée qu'on instaure une caisse ou des fonds sectoriels, par exemple, qui reposeraient sur une contribution des parties.
La caisse de l'assurance-emploi, je vais vous dire bien franchement, c'est une caisse qui est extrêmement mal utilisée. Malheureusement, on n'y a pas beaucoup accès, mais c'est une caisse qui est extrêmement mal utilisée. C'est une caisse d'ailleurs qui porte mal son nom, parce qu'on l'a rebaptisée «d'assurance-emploi» alors qu'on continue de s'en servir, et en fait très, très peu, pour l'assurance chômage. Et c'est une caisse qui, si on avait à en inventer une pour la formation, on pourrait prendre ce modèle-là, en disant: Voilà une caisse dans laquelle il y a une contribution de l'ensemble des personnes, et on pourrait imaginer que l'ensemble des travailleurs pourraient faire des demandes à cette caisse-là pour un congé éducation qu'ils pourraient financer, par exemple, pour se payer des frais de scolarité dans le cadre de cours qu'ils veulent suivre, pour prendre un congé partiel d'une journée par semaine pour aller à la commission scolaire, au cégep ou à l'université. Les employeurs pourraient faire des demandes à ce fonds-là également. Alors, c'est un peu le modèle en fait qu'ils ont développé dans l'industrie de la construction, mais, pour l'industrie elle-même, avec des succès, je vous l'indique, tout à fait impressionnants et sans équivalent dans les autres secteurs au Québec.
Mais, bon, je ne veux pas ouvrir tout un débat sur la caisse de l'assurance-emploi, mais peut-être qu'il faudrait le faire, parce que de toute façon, en attendant, cette caisse-là, elle est extrêmement mal utilisée. Elle n'est certainement pas utilisée aux fins du développement de la qualification de la main-d'oeuvre.
Le Président (M. Bachand): Merci, Mme la ministre. M. le député de Groulx.
M. Descoteaux: Merci, M. le Président. Merci de vos lumières, M. Charest. Mme la ministre disait que vous aviez une approche par le biais du verre à moitié plein. Je vais me faire l'avocat du diable, si vous permettez, et prendre une approche du verre à moitié vide, au niveau de la petite entreprise, de la plus petite entreprise. Au niveau de la formation, dans les grandes entreprises, je vois qu'il y a toujours de toute façon une économie d'échelle. C'est plus facile, dans une grande entreprise, de faire de la formation. On ne perd pas son personnel, on peut le faire à l'interne.
Au niveau de la petite entreprise ? c'est l'exemple que vous avez donné, on en a parlé avec nos invités qui vous précédaient ? la construction est un bon exemple à ce niveau-là. Mais, sans être un travail saisonnier, on sait qu'il y a une période de l'année où c'est plus tranquille, dans le domaine de la construction. Entre autres, à peu près toutes les associations qui donnent de la formation donnent cette formation à partir de la fin de l'automne jusqu'au début du printemps.
Moi, je vise... j'aimerais vous entendre sur la question des plus petites entreprises. Hier, en discutant, on entendait: Bien, oui, mais, moi, si je perds la moitié de mon personnel ou tout mon personnel pour de la formation, je suis aussi bien de mettre la clé dans la porte. Comment voyez-vous ça, au niveau des petites entreprises? Parce que, là, on ne parle pas d'entreprises où il y a un syndicat. Il peut y avoir des rencontres patronales-syndicales pour mettre de l'avant un plan. On parle de très petites entreprises. Au niveau pratique, est-ce que vous avez des suggestions à nous faire justement pour celles-là, indépendamment des coûts? Et est-ce qu'à ce moment-là l'État devrait être plus interventionniste, donner un appui additionnel pour les petites entreprises, comme je vous dis, indépendamment des coûts?
Le Président (M. Bachand): M. Charest.
M. Charest (Jean): Il est vrai que la question de la disponibilité de la main-d'oeuvre se pose différemment dans les petites entreprises par rapport aux grandes. Cela dit, je vous ferais remarquer que, quand on parle de formation, on ne parle pas nécessairement ? en tout cas, à mon avis ? de formation qui doit se faire sur les lieux de travail, sur les heures de travail pendant lesquelles donc on doit arrêter tout le processus de production.
Si déjà on avait plus de soutien pour les employés qui veulent se former ne serait-ce qu'en dehors des heures de travail, ce serait déjà une bonne chose. C'est d'ailleurs le cas dans la construction, hein? Les travailleurs, ils font un effort, dans la construction. Quand ils suivent des cours, ils ne disent pas au contremaître: J'arrête de travailler à 2 heures et puis je m'en vais suivre un cours. Ils suivent des cours le soir; ils suivent des cours la fin de semaine; ils suivent des cours pendant les périodes plus creuses de l'année. Ils planifient leurs agendas, si je peux dire, de cette manière-là, et particulièrement parce qu'il s'agit effectivement d'un secteur où il y a en moyenne trois, quatre employés par employeur, dans la construction, hein? C'est la taille moyenne du nombre d'employés dans cette industrie-là. On parle de très petites entreprises.
Alors, il faut trouver des modalités qui sont adaptées à ces petits milieux de travail là. Et, comme je vous dis, il est sûr que, quand on a 30 employés qui font à peu près le même travail, on peut peut-être se permettre d'en dégager un ou deux pour l'envoyer, sur les heures de travail, en formation. Dans d'autres cas, c'est moins possible, et ça ne veut pas dire, donc, comme je vous dis, qu'on doive faire la formation sur le temps de travail. Ça peut se faire à l'extérieur du temps de travail, mais ça prend des modalités facilitantes aussi de la part de l'employeur, et ça peut être des modalités facilitantes en termes de réduction ou d'aménagement de l'horaire de travail.
Moi, je vois beaucoup d'étudiants qui arrivent à l'université pour suivre des cours... Nos cours sont assez mal faits, dans bien des cas. On a des cours qui commencent à 4 heures, l'après-midi...
M. Descoteaux: Ce n'est pas à cause des professeurs.
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(15 h 30)
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M. Charest (Jean): Non, pas du tout, mais c'est à cause de la culture, disons, de notre institution ? je parle de l'Université de Montréal. Il y a d'autres institutions qui sont mieux organisées à ce point de vue là. Mais on a, entre autres, dans notre séquence de cours, on a des cours qui commencent à 4 heures. Et on a des étudiants, on les voit qui arrivent à pleine course à 5 h 10, alors que les cours commencent à 4 heures, parce qu'ils ont un emploi, puis ils disent: Bien, je ne peux pas partir avant, l'employeur ne veut pas me laisser partir avant. Ils mangent une sandwich pendant qu'on donne le cours, et ainsi de suite. Moi, je trouve que ce sont des aberrations, en 2006, que des employeurs ne puissent pas trouver des aménagements pour dégager l'employé une heure, deux heures avant le temps.
Alors, on ne parle pas, donc, de dire: On ferme l'entreprise parce qu'on a trois employés et ils vont tous aller en formation aujourd'hui, là. On parle de modalités de souplesse, flexibles, qui sont adaptées à la petite taille des organisations. C'est tout à fait imaginable, et c'est peut-être là qu'un comité conjoint pourrait permettre de discuter et d'aménager de telles pistes qui sont probablement plus adaptées aux besoins que dire: Bon, on va adopter un congé éducation universel qui va s'appliquer à tout le monde. Dans les faits, on sait que ce ne sera pas pris par tout le monde.
Le Président (M. Bachand): Bien. On va y revenir, M. Charest, pas de problème. Merci, M. le député de Groulx. M. le porte-parole de l'opposition officielle en matière de solidarité sociale, allez-y, M. le député.
M. Girard: Merci, M. le Président. M. Charest, merci pour la présentation de votre mémoire en commission parlementaire. Je veux revenir sur plusieurs éléments de votre présentation.
Vous nous dites que le Québec est un modèle de concertation avec la création notamment de la Commission des partenaires, qu'on a fait des progrès significatifs sur le plan de la concertation entre les employeurs, les syndicats et que vous avez eu l'occasion... Bon. Un peu partout dans le monde ou en tout cas dans le reste du Canada, on a mentionné qu'on est impressionné par le modèle qu'on a réussi à mettre en place ici. D'ailleurs, au moment où on a adopté la loi du 1 %, on a mandaté la Commission des partenaires pour l'appliquer, donc on a fait des progrès importants.
Est-ce que vous ne trouvez pas pour le moins étonnant que, quand le gouvernement a décidé de procéder, en 2003, à des modifications de la loi du 1 % alors qu'elle donne le mandat à la commission de l'appliquer, ça se soit fait sans la consultation des principaux partenaires qui sont membres ? c'était une consultation auprès de la Commission des partenaires ? et que ça se soit fait avant même qu'on ait pu faire une analyse complète des tenants et des aboutissants de la loi et faire un bilan, que nous faisons à l'heure actuelle, en commission parlementaire?
Et j'ai eu l'occasion de lire quelques textes, quelques interventions que vous avez faits dans les journaux avec d'autres professeurs de d'autres universités qui s'intéressent à la question de la loi du 1 %, et vous aviez indiqué à l'époque que, de votre point de vue, le gouvernement prenait une décision qui était hâtive sans avoir toutes les données. J'aurais aimé vous entendre là-dessus.
Le Président (M. Bachand): M. Charest.
M. Charest (Jean): Effectivement, vous l'avez dit, on était intervenus à l'époque, en 2003, donc quelques mois après l'élection du nouveau gouvernement. J'ai des collègues, qui sont ici présents d'ailleurs, qui avaient cosigné cette lettre-là qu'on avait fait paraître dans plusieurs journaux au Québec, dans laquelle on demandait au ministre de surseoir à cette décision, en disant: Écoutez, là, la loi va être en évaluation bientôt. Il nous semble qu'on devrait attendre l'évaluation formelle de la loi avant de prendre des décisions. Bon. Ça n'a pas été le cas, pour toutes sortes de raisons.
Si vous me demandez: Est-ce que je trouve ça bizarre que ça a été fait? On le disais à l'époque, on trouvait ça en fait précipité comme geste. Si vous me demandez mon opinion très directe là-dessus, je pense qu'effectivement on est allés trop vite avec cette mesure-là. Ça a été une mauvaise décision, je vais vous dire pourquoi: essentiellement parce qu'on n'a pas mis d'autre dispositif en remplacement, il n'y avait pas d'alternative qui était proposée. On a tout simplement à mon avis lancé un mauvais message aux employeurs en leur disant: Écoutez, à partir de 1 million et moins, là, ce qu'on vous dit, c'est que la loi ne s'applique plus.
Qu'on prenne cette décision-là dans un contexte d'évaluation, ça aurait déjà été une chose, mais qu'on la prenne aussi dans le contexte où on aurait eu quelque chose d'autre à mettre sur la table en termes de proposition, il me semble que ça aurait été un signe plus positif qui aurait été lancé aux employeurs.
Je pense que c'est un geste un peu... sur le plan politique, c'est une décision qui ne lançait pas un message très, très, très intéressant. Je me rappelle qu'à l'époque un ministre avait dit: Ce n'est pas grave, parce que les entreprises vont en faire de toute façon, de la formation. Si elles n'en font pas, elles vont disparaître du marché. Je regrette, mais c'est une fausseté sur le plan scientifique. Les entreprises ne font pas de la formation comme ça par la magie du marché. Il y a toutes sortes de contraintes organisationnelles qui font que certaines entreprises n'en font pas, et on a lancé un mauvais message avec cette décision-là en 2003.
Est-ce qu'il aurait fallu la prendre suite à l'évaluation? Possiblement. Est-ce qu'il aurait fallu adopter d'autres dispositifs pour ces entreprises-là? Possiblement. Je dis, moi-même, dans mon mémoire aujourd'hui qu'il y a des modalités qui doivent être particulières pour les plus petites entreprises. Mais, bon, puisque vous me demandez si, en 2003, c'était une bonne idée de le faire, moi, je pense qu'on l'a fait trop vite.
C'est une décision que, moi, j'associe à une décision politique voulant montrer la volonté du gouvernement à l'époque de déréglementer le marché du travail. Il y a eu d'autres décisions par la suite avec l'article 45, et ainsi de suite. C'était dans le même esprit, dans la même foulée. On voulait lancer des messages positifs aux associations d'employeurs, qui l'ont très bien reçu. Mais est-ce que c'est un message positif à l'égard des employeurs? Ça, c'est une autre histoire.
Le Président (M. Bachand): M. le député.
M. Girard: Au fond, vous auriez souhaité à l'époque que le gouvernement ait un plan de match plus large. Pas simplement de modifier la loi du 1 %, mais qu'on annonce une série de mesures notamment pour venir en aide aux petites et moyennes entreprises, pour stimuler et favoriser davantage la formation. Ce que vous nous dites, c'est qu'on a uniquement amputé une partie importante de la loi, mais qu'on n'a pas joint à cela des mesures, des initiatives qui auraient fait en sorte d'inciter et de favoriser la formation dans les petites et moyennes entreprises.
M. Charest (Jean): Et surtout à l'égard de la main-d'oeuvre qui s'y retrouve. Comme je dis, c'est un peu ça. C'est un des problèmes qu'on a avec la loi actuellement. C'est qu'elle est d'application assez limitée somme toute à l'égard des milieux de travail. Et, moi, je pose la question dans mon document: Est-ce qu'en fait on doit accorder des droits ou des possibilités différentes à un salarié du fait qu'il se retrouve dans un type d'organisation ou un autre? Moi, il me semble qu'en termes d'équité sur le marché du travail, du point de vue législatif, ça n'a pas de sens.
C'est comme si on disait aujourd'hui, en 2006: Est-ce que ça a du sens que le fait qu'on soit dans une petite entreprise plutôt que dans une grande, ça fasse en sorte qu'on n'ait pas accès à l'assurance-emploi parce que les petits employeurs ne sont pas assujettis à la cotisation de l'assurance-emploi? On dirait: Ça n'a pas de bon sens. Et la même chose si on disait: Est-ce que ça a du bon sens qu'un employé qui se retrouve dans une petite entreprise ne soit pas assujetti à la Loi sur la santé et sécurité au travail parce qu'il est dans une petite entreprise versus une grande? On dirait: Ça n'a pas de bon sens.
Alors, je trouve que ça, c'est un des problèmes de la loi. Elle est d'application de plus en plus limitée. Et, moi, je dis: Oui, peut-être qu'on a voulu soulager les entreprises. Mais en l'occurrence ce sont des salariés, ce sont des travailleurs et des travailleuses qui manquent maintenant d'outils pour les supporter dans leurs démarches.
Le Président (M. Bachand): Allez-y, M. le député, oui.
M. Girard: J'ai une autre question pour vous avant de céder la parole à mon collègue. Hier, plusieurs organisations patronales sont venues en commission parlementaire nous dire que la loi du 1 %, le Québec était l'un des rares États à exiger une contribution de la part des entreprises pour favoriser la formation de la main-d'oeuvre, que c'était un concept unique et que même, dans certains cas, on affirmait que c'est un désavantage pour les entreprises qui viennent s'établir ici, au Québec, et que, dans un contexte de concurrence, ils sont désavantagés par rapport à d'autres États qui n'ont pas de législation similaire. Votre point de vue: Est-ce que le Québec est un concept unique, va à contre-courant de ce qui se fait dans le reste du monde, ou il y a d'autres États qui ont choisi la même voie et qui ont connu du succès sur le plan du développement de la formation?
M. Charest (Jean): Non. Il y a plusieurs dispositifs équivalents ou du même ordre qui existent. Évidemment, on a toujours l'exemple de la France, qu'on cite comme étant un des plus anciens... La loi date de 1971 là-bas. On s'en est beaucoup inspiré à l'époque, quand on a adopté la loi, en 1995, ici.
On s'était inspiré du modèle australien à l'époque, qui a duré seulement quelques années et qui a été aboli essentiellement pour des raisons politiques, parce qu'il y a eu un changement de gouvernement et que les conservateurs ont détruit en fait les dispositions à l'égard du monde du travail en Australie. Alors, je passerai là-dessus. Mais il y a des dispositifs de cette nature-là qui existent en Espagne donc d'une contribution obligatoire des employeurs pour aller dans un fonds pour financer par la suite des activités de formation.
Il y a des dispositifs de la même nature qui existent au Danemark, où il y a une cotisation substantielle sur les masses salariales, qui est de l'ordre de 8 %, pour financer l'ensemble des mesures actives et des mesures visant le développement de la qualification de la main-d'oeuvre.
Il y en a en Belgique, si je ne m'abuse. J'ai des collègues aussi en arrière qui pourront le préciser ou qui pourront me corriger si je me suis trompé. Mais il y en a une en Belgique qui vise à financer le congé éducation, si je ne me trompe pas. Il y a beaucoup de pays d'Amérique du Sud qui ont des cotisations sur les masses salariales depuis de nombreuses années pour financer non seulement la formation continue, mais la formation professionnelle initiale.
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(15 h 40)
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Récemment, en Allemagne, qui pourtant est considérée depuis longtemps comme étant le modèle par excellence en matière de qualification de la main-d'oeuvre ou de formation professionnelle à tout le moins, donc, récemment, en Allemagne, il y a une commission d'experts ? j'en fais mention en page 3, je crois, de mon document ? sur le financement de la formation continue qui a recommandé au gouvernement fédéral allemand d'introduire une cotisation sur les masses salariales à la manière française. Ce dispositif-là a déjà existé en Angleterre, il a été aboli pour des raisons aussi de changement de gouvernement et d'orientations donc politiques.
Bref, il y a de multiples exemples de ce dispositif-là qui ont souvent des couleurs locales très particulières, comme je vous dis, qu'on adapte en fonction d'objectifs plus précis, qu'on module selon soit les tailles d'entreprises, le nombre d'employés par exemple, ce qui est le cas en France, alors qu'ici on a choisi la masse salariale. Ça, là-dessus, évidemment, il y a beaucoup de variantes.
Le Président (M. Bachand): M. le député...
M. Charest (Jean): Et, si je peux ajouter...
Le Président (M. Bachand): M. le député de René-Lévesque.
M. Charest (Jean): Si je peux ajouter...
Le Président (M. Bachand): Oui...
M. Charest (Jean): ...on continue ? et ça, c'est important à retenir ? dans la plupart des pays, à chercher de nouvelles innovations. Alors, la France, c'est vrai qu'elle a fait des progrès spectaculaires en matière d'investissement en formation depuis 1971, mais, quand on regarde les données les plus récentes sur les problèmes qui se posent, on retrouve à peu près les problèmes similaires à ici, en termes par exemple des plus petites organisations qui ont plus de difficultés, le congé éducation qui est pris par des gens qui ont les moyens de le prendre, et ainsi de suite. Et donc on continue, là aussi, de se dire: Il faut innover.
Le marché du travail évolue, le lien d'emploi qu'on a aujourd'hui n'est plus le même qu'on avait il y a 30 ans, il y a 20 ans, et il faut trouver de nouveaux instruments pour en fait améliorer le plus possible le développement de la main-d'oeuvre. Et ça, je pense que c'est important à retenir: il faut innover sur le plan institutionnel parce que, si, nous, on ne le fait pas, il y en a d'autres qui le font.
Le Président (M. Bachand): M. le député de René-Lévesque.
M. Dufour: Oui. Merci, M. le Président. Alors, M. Charest, en page 4 de votre document, vous signifiez qu'«il faut enfin se rappeler que le partenariat patronal et syndical n'est jamais acquis et qu'il bénéficie du soutien institutionnel de l'État pour se réaliser. En contrepartie, l'État a besoin de ce partenariat pour l'atteinte des objectifs nationaux en matière de formation de la main-d'oeuvre.» Je vais plus loin dans votre document, et vous parlez qu'il y a des clauses, dans le secteur privé, dans les conventions collectives, qui ont passé d'environ 35 % à 50 %. Bon. On sait que, dans des grosses entreprises, ça peut se faire, mon collègue parlait... dans les plus petites boîtes, ça se fait moins un peu, il peut y avoir moins de partenariat qui se fait là.
Mais vous dites aussi, à la page 11 ? et je n'étais pas là il y a 20 ans, vous comprendrez que ça manque à ma culture: «À ce titre, rappelons que la commission Jean ? je ne la connais pas, mais vous allez m'en parler ? avait recommandé il y a plus de 20 ans d'implanter dans les milieux de travail un comité paritaire de formation.» Est-ce que, dans ces recommandations-là, il y avait une obligation de résultat par rapport à ce type de partenariat là, là, au niveau des comités paritaires de formation? Est-ce qu'il y avait des outils qui étaient proposés? Et est-ce qu'il y avait des ressources financières de l'État?
Le Président (M. Bachand): M. Charest.
M. Charest (Jean): Il y avait de nombreuses recommandations qui avaient été faites par la commission Jean, dont une aussi qui était d'introduire une taxe sur les masses salariales pour financer le développement de la formation continue.
En fait, la plupart des recommandations... je me demande même s'il y en a une seule qui a été retenue de cette commission-là à l'époque, pour des raisons d'absence de consensus et des questions politiques aussi, je dirais. Mais, si votre question est l'idée qu'il doive y avoir un soutien institutionnel étatique au partenariat, ça m'apparaît évident. Ça m'apparaît évident. Il ne peut pas y avoir de partenariat patronal-syndical, en tout cas pas dans notre système de relations industrielles à nous, qui est très décentralisé et qui fait qu'en fait c'est dans les milieux de travail que les conventions collectives se négocient, hein? Sauf quelques exceptions, secteur public, construction, sauf exception, on n'a pas de pratique de discussion à des niveaux sectoriel ou national, si je peux dire, en matière de relations de travail. Alors, il faut donc des lieux. Ça prend des lieux pour ça. Et les parties elles-mêmes ne vont pas se les donner, et c'est donc le rôle de l'État de fournir ces instruments-là.
C'est très bien fait jusqu'à présent. La Commission des partenaires, si elle n'existait pas du fait du soutien de l'État, je ne pense pas que les partenaires eux-mêmes se la donneraient, cette commission-là, et peut-être que bien des fois ils aimeraient mieux ne pas se voir que de se rencontrer à la Commission des partenaires.
Il faut que ce soit le cas. Il faut que ça existe, parce qu'en bout de piste la question qu'il faut se poser, c'est: Si on ne compte pas sur les partenaires du marché du travail pour partager ces responsabilités-là, qui va les assumer? Et il faut faire très attention au fait qu'en affaiblissant le partenariat on ne se retrouvera pas dans la dynamique où les partenaires, eux, après ça, de manière séparée, vont se tourner vers l'État en disant: Faites quelque chose pour la formation de la main-d'oeuvre. Et ça, c'est la pire des situations, c'est le pire des scénarios. L'État ne doit pas se retrouver dans cette situation-là, parce qu'évidemment il n'en a ni, comme je dis dans mon mémoire, la capacité organisationnelle ni la capacité financière.
Alors ça, c'est un grand pas qu'on a réussi à mon avis avec la loi, que de faire en sorte que les partenaires sont devenus de plus en plus responsables, entre guillemets, à l'égard du développement de la qualification de la main-d'oeuvre.
Le Président (M. Bachand): Merci, M. le député de René-Lévesque. Merci, M. Charest, de vous être présenté à la commission. Bon retour chez vous.
M. Charest (Jean): Merci.
Le Président (M. Bachand): Et je vais suspendre les travaux quelques instants, le temps d'installer le système PowerPoint, puisqu'on en a besoin pour la prochaine présentation.
(Suspension de la séance à 15 h 46)
(Reprise à 15 h 54)
Le Président (M. Descoteaux): Donc, si vous permettez, la commission va reprendre ses travaux après cette brève suspension.
Donc, bienvenue à la Commission de l'économie et du travail. M. Garand, vous pouvez peut-être vous présenter simplement pour les fins de l'enregistrement. Comme vous savez, vous avez une période de 15 minutes allouée pour la présentation de votre mémoire ? je comprends que vous avez une présentation audiovisuelle aussi ? suivie de 15 minutes d'échange et de questions du côté ministériel, 15 minutes, par la suite, du côté de l'opposition officielle. M. Garand, la parole est à vous.
M. Denis J. Garand
M. Garand (Denis J.): D'accord. Alors, je vous remercie de me donner la possibilité de m'exprimer devant la commission. Denis Garand. Je suis professeur en entrepreneuriat et gestion de PME à l'Université Laval. Je travaille sur les questions de gestion de ressources humaines et de stratégies des entreprises depuis une quinzaine d'années environ, après avoir été une douzaine d'années dans le secteur privé, principalement dans des PME. Alors, mes champs de recherche sont principalement autour de gestion de ressources humaines et stratégies principalement, en fait presque uniquement, en contexte de PME.
Alors, je suis ici, aujourd'hui, pour vous parler d'une particularité de la loi qui à maintes reprises semble être mal connue, c'est-à-dire le fait que nos entreprises, au Québec, sont principalement des PME ? en fait 97 % ou 98 % des entreprises sont des PME ? et que ces PME là sont dirigées par un entrepreneur ou deux ou trois propriétaires dirigeants. Et, comme on le verra très rapidement dans la présentation visuelle, bien nos PME ne sont pas dirigées par des gestionnaires ni des cadres et que, lorsqu'il est question d'appliquer une loi ou une réglementation à des PME, eh bien, on se retrouve dans une situation où il n'y a, premièrement, pas les ressources pour s'occuper de tout ce qui s'appelle l'application de la loi, et ça, je n'ai aucun doute que la FCEI et le Conseil du patronat le font valoir de toutes les façons possible. Mais la réalité, c'est que l'entrepreneur, c'est quelqu'un qui est très particulier, ce n'est pas comme un gestionnaire où tous les gestionnaires sont formés à peu près de la même façon et ont les mêmes réflexes ou les mêmes modalités de gestion.
Alors, sur cette introduction, je vais enchaîner avec la présentation visuelle, et ça me permettra de développer sur chacun des éléments. Alors, mon thème de présentation, aujourd'hui, porte sur la prépondérance des particularités de l'entrepreneur dans la gestion des ressources humaines et la formation dans les PME québécoises. C'est une présentation qui s'appuie sur une recherche qui est en cours actuellement, financée par le PSRA, le Programme de subvention à la recherche appliquée, du Fonds national de formation de la main-d'oeuvre, recherche dont malheureusement les résultats ne seront disponibles que d'ici quelques mois. Et c'est une recherche qui porte sur la recension de documentation et la définition d'une problématique, en premier lieu. Il y aura idéalement par la suite une application empirique sur le terrain, qui nous permettra de valider ce qu'on avance pour l'instant.
Et le thème de cette recherche-là, comme vous le voyez... Bien, stratégie innovante et dispositifs régulateurs en formation et développement des compétences dans les entreprises. Alors, on rejoint des sujets dont vous avez entendu parler hier et déjà il y a quelques minutes, lorsqu'on parlait de dispositifs adaptés et de dispositifs alternatifs, de moyens qui permettent aux PME d'effectuer de la formation et du développement des compétences sans pour autant être régies directement et uniquement par une loi.
Alors, l'objectif principal de cette recherche-là est de mieux comprendre les réalités des PME en matière de formation, réalités qui ont été abordées par diverses études, mais plusieurs de ces études-là... ou enfin la majorité de ces études-là n'ont pas nécessairement pris en compte les caractéristiques particulières des entrepreneurs. Alors, les objectifs de mon propos aujourd'hui, c'est de vous souligner encore ? ce n'est probablement pas la première fois que vous en entendez parler ? qu'il faut mieux comprendre la propension souvent limitée des PME à former. En fait, ce n'est pas naturel, dans une PME, d'envoyer quelqu'un en formation, et j'explique pourquoi dans quelques minutes.
Il faut reconnaître les particularités des entrepreneurs, en matière de gestion de ressources humaines et formation, parce que la gestion de ressources humaines, en PME, c'est une activité qui souvent arrive plusieurs positions après les activités de base que sont la production, la vente et compter ses sous.
Identifier des dispositifs régulateurs et des stratégies alternatives innovantes. On en a parlé à plus d'une reprise.
Alors, le contexte des PME et de leur gestion de ressources humaines. Bien, la gestion de ressources humaines, ça constitue l'une des activités de gestion que l'entrepreneur délègue le plus souvent en situation de crise. En réalité, dans une PME, la gestion de ressources humaines, c'est la responsabilité première de l'entrepreneur, qui assume lui-même ces questions-là. Et, lorsqu'il est coincé, lorsqu'il n'a plus de temps, lorsqu'il doit favoriser d'autres activités, bien il commencera à déléguer graduellement les activités de gestion de ressources humaines.
Évidemment, les ressources limitées des PME en matière financière, humaine et matérielle, bien, limitent leurs possibilités d'intégrer des normes réglementaires externes en matière de ressources humaines. Ça veut dire que, comme il n'y a pas de responsable de ressources humaines ou de directeur des ressources humaines et encore moins de service des ressources humaines dans les PME, bien, lorsqu'on arrive avec des contraintes réglementaires, bien l'entrepreneur, lui ? et les gens de la FCEI ont dû vous en parler ? l'entrepreneur voit ça évidemment comme une contrainte. Le mot anglais «burden» est assez clair, c'est un poids qui s'ajoute à tout le reste.
Alors, évidemment, vous êtes au courant de cette situation-là. Sauf que cette réalité-là, elle est inaltérable, ça ne peut pas changer. Une PME, ça existe parce qu'un entrepreneur l'a mise sur pied. Et vous allez me dire: Mais il n'y a pas de gestionnaire en PME? On verra plus tard qu'il y en a, mais ça vient beaucoup plus tard, et l'explication est assez simple à formuler.
n(16 heures)n Alors, l'entrepreneur, est-ce que c'est un gestionnaire? Bien, justement pas. L'entrepreneur, ce n'est pas un gestionnaire. L'entrepreneur, c'est un individu comme vous et moi qui a des idées, qui est créatif, qui a une personnalité qui favorise... ou qui le pousse à exceller, à s'accomplir, à se dépasser, bref à être carrément différent des autres. Le gestionnaire, lui, est plutôt formé sur un modèle typique qui s'appelle le M.B.A., ou le bac en administration, ou le bac ou la maîtrise en gestion de projets. En fait, même un ingénieur est un peu formé comme un gestionnaire. C'est une formation assez standard qui se ressemble partout, d'une université à l'autre.
L'entrepreneur, c'est quelqu'un qui est différent... Tous les entrepreneurs sont différents les uns des autres. Alors, quand on fait face à une telle hétérogénéité des entrepreneurs, bien, par rapport à une homogénéité structurelle qu'on retrouve chez les gestionnaires, il faut comprendre que toutes les PME comme telles sont différentes les unes des autres, contrairement aux grandes entreprises où, si vous prenez des Bombardier, des Alcan, des Cascades, des... ainsi de suite, et vous les mettez tous ensemble, bien ils sont assez facilement comparables: ils ont tous un organigramme relativement pareil, des vice-présidents, un conseil d'administration, un comité exécutif, des directeurs, des spécialistes, et les modes de décision et les modes stratégiques se ressemblent. Par contre, dans les PME, le noyau de la PME, c'est l'entrepreneur. Alors, je reviens un peu plus tard encore sur l'incidence directe sur la formation.
Alors, le noyau d'une PME, c'est trois, quatre employés clés. L'équipe de gestion d'une grande organisation, c'est cinq à 15 cadres, parfois 20 et 35, 50 cadres. Alors, dans la PME, les cadres, souvent cherchez-les pas. Très souvent, il n'y en a pas avant 40 ou 50 employés. Et, si on utilise le concept des effets de seuil, bien on ne retrouve pas de service des ressources humaines avant une centaine, voire 150 employés dans les entreprises manufacturières et industrielles et, dans les entreprises de services, à peu près autour d'une centaine. Alors, dès qu'on parle de gestion de ressources humaines planifiée et structurée et de l'application de modalités de formation régies par une loi ou une réglementation, on se retrouve dans une espèce de no man's land où il n'y a personne pour s'en occuper. Notre entrepreneur, lui, voudrait bien s'en occuper, mais, pour lui, ce n'est pas une priorité.
L'autre élément qui est important, c'est les processus décisionnels en PME. En fait, malheureusement, il y a méconnaissance des processus décisionnels et stratégiques en PME, en fait ceux qui sont réellement appliqués, premièrement, parce qu'ils ne sont pas standard; deuxièmement, parce qu'on ne les trouve pas dans les livres, on ne les trouve pas dans les livres de gestion, on ne les trouve pas dans les livres qu'on utilise pour former à la fois les consultants, à la fois les gestionnaires et non plus les gens qui travaillent dans les ministères et les agences gouvernementales.
Alors, ce qui prévaut, lorsqu'on parle de gestion dans les PME, c'est quatre mots clés. Comme je le dis toujours dans mes cours, c'est quatre mots qui finissent en i-o-n, en «ion», et le premier, c'est centralisation. Une PME, c'est une organisation dans laquelle il y a forte centralisation autour de l'entrepreneur. Lorsqu'il s'agit d'un propriétaire dirigeant, c'est un petit peu moins centralisé, mais c'est lui, le pivot. Il n'y a pas de conseil d'administration, pas de comité exécutif, pas de vice-président, c'est lui qui est le noyau.
L'autre élément, c'est une structuration aplatie et flexible. Alors, si je vais un peu plus dans le détail, c'est une structure, comme je l'indique dans mon document, qui est en étoile ou prismatique. Autrement dit, on a quelqu'un au milieu avec trois, quatre employés clés autour. Ou prismatique, vous rajoutez deux autres dimensions, mais vous avez toujours quelqu'un qui est au sommet et au centre et quelques autres entités, quelques... appelez ça des satellites autour qui sont nos employés clés et qui contrôlent chacun de leurs groupes. La structure habituelle, arborescente, hiérarchique, où on va de haut en bas, avec différents niveaux, en PME, ça existe, mais dans des PME de plus grande taille, lorsqu'elles sont plus structurées. Le standard, c'est quelque chose de flexible et dans lequel on assume des tâches polyvalentes. Tout le monde assume deux, trois tâches en PME.
L'autre mot très utile, c'est la formalisation. Alors, le concept de formalisation, c'est simple: plus c'est formalisé, plus il y a d'écrits, de normes, de procédures, de politiques, plus les choses se transmettent par voie écrite. La non-formalisation ou l'informel, c'est la tradition orale. En PME, vous rentrez là... si vous arrivez là et vous demandez: Bien, comment les choses fonctionnent?, donnez-moi donc le cédérom de manuel... ou le manuel de politiques et procédures, on va vous regarder en disant: Bien, d'où vous débarquez, mon cher ami? Les choses s'apprennent sur le tas, en deux, trois mois, et c'est comme ça que ça se fait, et c'est comme ça que les décisions se prennent.
Alors, l'autre élément, c'est la sophistication. Quand on arrive avec une loi sur la formation, ou des règles, ou des pratiques de gestion de ressources humaines, on utilise des outils, des instruments, des techniques plus ou moins sophistiquées. Alors, la référence qu'on peut faire, c'est: lorsque vous faites la cuisine, il y a des gens qui font la cuisine avec une vieille casserole bosselée puis une palette en bois, il y en a d'autres qu'il leur faut toute la batterie de cuisine avec les casseroles en cuivre qui couvrent un mur complet et l'échantillonnage du Starfrit, là, pour tous les petits bidules. Bien, en gestion de ressources humaines, c'est pareil, vous pouvez faire de la gestion de ressources humaines avec très peu d'outils et vous pouvez la faire avec simplement du bon leadership, un charisme efficace et les bonnes façons d'approcher les gens. Sauf que, lorsqu'on arrive avec une loi, une réglementation, la PME souvent fonctionne avec une casserole et une palette en bois. Alors, si vous lui dites: On doit fonctionner de telle, telle et telle façon, les choses se compliquent singulièrement.
Je poursuis rapidement. Ce que ça donne concrètement, ça a un impact sur la délégation. Comme dans la PME, c'est centralisé, comprenez que la délégation est difficile à faire. L'entrepreneur, c'est quelqu'un qui a beaucoup de difficultés à déléguer. Et, quand on dit déléguer, bien on dit former. Comment voulez-vous former si vous avez de la difficulté à déléguer? Et c'est un peu le noeud du problème dans la PME, déléguer, c'est presque antinomique, c'est contraire à la nature de l'entrepreneur. Alors, former, c'est encore plus difficile. Déléguer comme former, ça implique de partager son pouvoir et son contrôle et ça s'oppose un peu, beaucoup à la personnalité de l'entrepreneur.
Autre élément important, dans la PME il n'y a pas vraiment de planification écrite, il y a ce qu'on appelle la vision entrepreuriale. Notre entrepreneur, c'est quelqu'un qui a des idées, qui poursuit une vision qui souvent est non verbalisée, qui n'est pas partagée, qui n'est pas facile à saisir et à cerner. Alors, quand un consultant arrive dans une PME et essaie de comprendre comment fonctionne la gestion des ressources humaines, comment on pourrait vous aider à former votre personnel, il est obligé d'essayer de comprendre la vision de l'entrepreneur. Et cette vision-là, en plus d'être une vision stratégique éventuellement, elle englobe aussi les éléments propres à la gestion de ressources humaines. Si j'arrive dans la famille, chez vous, et que je vous demande quelle est votre façon d'aborder l'éducation des enfants, vous n'aurez pas facilité à me le dire. De la même façon, en gestion de ressources humaines, ce n'est pas facile à exprimer. J'achève, il m'en reste seulement trois.
Alors, est-ce qu'il y a des alternatives innovantes en formation qu'on peut appliquer? Vous en avez entendu parler, je n'entrerai pas dans le détail tout de suite, il y en a beaucoup qui existent en Europe, qui malheureusement n'ont pas été appliquées ici. L'élément qui serait important, ce serait de distinguer les réglementations et les objectifs de formation et de développement des compétences pour les PME et les grandes entreprises parce que c'est deux contextes radicalement différents: un contexte qui est formalisé et structuré, un autre qui est informel, peu structuré, où il y a centralisation des processus décisionnels et stratégiques.
D'autre part, il faudrait, avant de réformer la loi, mieux comprendre les particularités des entrepreneurs pour être capable de faire les adaptations nécessaires. On parlait de décisions qui ont été prises à l'automne 2003 et qui étaient un peu hâtives. Bien, je confirme, c'était un peu hâtif parce qu'on n'a pas appliqué de modalités alternatives.
Est-ce qu'il n'y aurait pas justement des dispositifs alternatifs qu'on pourrait mettre en place de façon intérimaire? Bien, premièrement, il y a urgence de mettre en place des dispositifs intérimaires pour inciter les PME à former parce que, d'une façon très claire ? et il y a plusieurs études qui ont été faites, entre autres par Statistique Canada ? formation, innovation et réussite des entreprises, ce sont des corollaires, ça va ensemble. Pas de formation, il y aura éventuellement moins d'innovation, moins de réussite dans les entreprises, plus faible compétitivité, et là, bien, il y a les scénarios catastrophes que tout le monde peut vous expliquer facilement. Alors, il y a plusieurs exemples qui viennent des pays scandinaves et de la France, je n'entrerai pas dans le détail tout de suite.
Quelles orientations la commission devrait privilégier face à ça? Bien, le premier élément, c'est de mieux documenter et comprendre la propension des entreprises à former, ce qui a été fait de façon théorique mais que, dans les PME, on devrait faire de façon plus précise. Identifier des moyens alternatifs pour stimuler et favoriser l'accès à la formation dans les PME, on n'est pas allé suffisamment dans l'alternatif. Et moduler l'application de la loi en fonction de la taille, de la présence d'un entrepreneur ou d'un gestionnaire, de la présence d'un syndicat aussi, qui change toute la donne.
Finalement, quelles sont les orientations à privilégier en matière de recherche? Eh bien, je vous fais une suggestion qui n'a probablement jamais été faite: le Fonds national de formation de la main-d'oeuvre devrait contraindre les équipes de recherche à travailler ensemble plutôt que d'octroyer une subvention à un et à l'autre qui travaillent chacun en silo fermé, de façon à intégrer leurs approches complémentaires. Il n'y a pas suffisamment de multidisciplinarité, de mixte des compétences sur les recherches en formation actuellement, et c'est un peu un vase clos duquel il faudrait s'échapper.
n(16 h 10)n Deuxièmement, orienter les travaux et les applications et correctifs à apporter sur la loi pour maintenir une culture de formation en PME. Depuis deux ans, les PME, le message, c'est: La formation, ce n'est plus une priorité. Si on ramène des dispositifs réglementaires même alternatifs dans un an ou deux, il faudra recommencer un processus de conscientisation, d'explication, de stimulation, et ça, ça risque d'être long. Finalement...
Une voix: ...
M. Garand (Denis J.): Finalement, bien le reste, c'est le lien entre innovation, compétitivité et avenir du Québec qui malheureusement est directement lié à la formation.
Le Président (M. Descoteaux): Merci bien, M. Garand. Est-ce que la caractéristique des entrepreneurs, ce n'est pas a priori d'être Beauceron?
M. Garand (Denis J.): Malheureusement, les Beaucerons sont minoritaires au Québec.
Le Président (M. Descoteaux): Ne répondez pas à ça. Mme la ministre.
Mme Courchesne: Merci, M. le Président. M. Garand, merci d'être devant nous. Vous avez pris la peine de faire une présentation. C'est la première fois que, moi, j'ai l'occasion de tirer profit de ces merveilleuses installations. C'est intéressant.
M. Garand, j'ai écouté attentivement vos propos puis j'ai lu aussi, là, très rapidement, puisqu'on a eu le texte relativement tard quand même... Je crois que vous avez une vision extrêmement juste de ce qu'est l'entrepreneur de très petite entreprise. C'est intéressant de l'aborder de cet angle-là, parce que, depuis hier, on a quand même concentré, je dirais, une grande partie de nos travaux sur la situation des petites entreprises. Et vous nous faites un rappel qui non seulement est intéressant, il est pertinent puis certainement important. Si on veut bien adapter nos mesures envers ces entreprises-là, vous avez raison de nous rappeler que nous devons très, très bien comprendre leur réalité et leur mode de fonctionnement.
Par contre, je vous écoute, je vous lis et je me pose la question: Est-ce que, même si la réalité de la formation est aussi importante, on en convient, pour toutes les raisons mentionnées... J'apporterai une nuance à vos propos. Le rapport d'évaluation quinquennal nous dit quand même qu'il y a eu des augmentations et des croissances intéressantes de formation dans les PME. Je ne veux pas laisser croire que, parce que, depuis deux ans, le seuil d'assujettissement est changé, il n'y a plus de formation dans les PME. Je pense qu'il faut faire attention, là, il ne faut pas tomber dans ce piège-là. Là, on contribuerait vraiment à augmenter une perception qui n'est pas tout à fait conforme à la réalité. Mais, pour les raisons que vous nous mentionnez à l'égard des caractéristiques de ces entreprises, nous convenons, nous convenons d'emblée, très facilement qu'il est difficile peut-être, dans certains cas, d'organiser le modèle de formation pour l'ensemble de ces petites entreprises.
Mais, en vous écoutant, je me dis, d'une part: Est-ce que c'est véritablement envisageable si le pouvoir de délégation est si difficile? Puis, hier, on nous a même dit ? puis je crois qu'il y a eu ces préjugés de la part de ces mêmes dirigeants ? que, s'ils forment trop, ils vont perdre leurs meilleurs employés parce que leurs employés vont vouloir des nouveaux défis peut-être dans une entreprise plus grande. Est-ce qu'il y a encore ce type de préjugé là? Et, d'autre part, bien, si c'est difficilement envisageable à cause de la difficulté de déléguer, qu'est-ce qu'on fait?
Vous nous dites dans votre document qu'il faut songer à des mesures alternatives et vous nous dites qu'il faut innover. Moi, j'aime beaucoup l'innovation, je crois beaucoup en la force, dans la force de l'innovation. Mais nous innovons comment? Et quelles sont ces mesures alternatives qui pourraient faciliter ces enjeux et ces réponses? Et vous nous parlez aussi de mutualisation. J'aimerais vous entendre, est-ce que la formule de mutualisation que nous connaissons à l'heure actuelle, est-ce qu'elle contient, cette formule, tous les éléments propres à un succès ou à une réussite? Alors, je vous écoute là-dessus.
Le Président (M. Descoteaux): M. Garand.
M. Garand (Denis J.): En fait, je voudrais ? je vous remercie de l'appréciation que vous faites de ma présentation ? je tiendrais quand même à préciser que je n'ai ni écrit ni dit qu'il n'y avait plus de formation en PME, que simplement le message du non-assujettissement des petites entreprises, c'est-à-dire c'est environ moins de 35, 40 employés... Quand on applique notre million de masse salariale, ça donne à peu près 35, 40 employés temps plein. Malheureusement, c'est dans ces entreprises-là que les innovations... c'est dans les petites entreprises que les innovations surviennent, contrairement à ce que la majorité des gens pensent. Alors, la priorité, c'est malheureusement là qu'il faut faire la formation.
Alors, quand on parle ? autre élément ? de perte des employés lorsqu'ils sont formés, je dois vous dire que j'ai fait une étude sur ça il y a une dizaine d'années, et j'avais récupéré à peu près une dizaine d'études qui avaient abordé la question, et statistiquement ce n'est pas vrai. D'accord? C'est un préjugé, c'est une peur humaine normale que les entrepreneurs ont de perdre leurs employés une fois formés parce que souvent, une fois qu'ils sont formés, ils ont la possibilité de prendre des responsabilités plus adéquates, d'avoir peut-être une augmentation de salaire, pas si grande que ça. Mais ça, c'est un préjugé, et c'est une rumeur, une espèce de légende urbaine, d'accord, puis statistiquement pas prouvée.
Ce qu'il faut comprendre, c'est que, quand on parle de mesures alternatives ou innovantes, nous sommes actuellement à faire l'inventaire des mesures alternatives et innovantes qui sont mises en place dans les différents pays du monde occidental. Malheureusement, je suis ici trois ou quatre mois avant le moment où j'aurais pu vous les présenter, alors c'est malheureux. Alors, ce que je peux vous dire, c'est qu'il en existe, que ces mesures-là innovantes existent ailleurs, comme M. Charest l'a dit, que je ne crois pas qu'il soit nécessaire pour l'instant, pour nous, de chercher à tout prix à inventer des nouvelles choses parce que ce qui existe ailleurs est suffisamment important et diversifié pour qu'on puisse s'en inspirer et les appliquer ici, ce qui n'a pas nécessairement été fait dans la loi qui avait été originalement faite en 1995, environ. D'accord?
Alors, c'est à nous de... Nous sommes actuellement en train de faire l'inventaire de ces mesures-là. Les mutuelles, c'est une de ces formes-là. Les mutuelles, ça fonctionne bien dans certains domaines d'activité mais pas dans tous les domaines. Et le problème, c'est que l'entrepreneur, c'est un individualiste à la base, et, quand vous lui demandez de mutualiser, si ça lui coûte moins cher, ça va bien. Si ça lui prend plus de temps ? woups! ? là, c'est compliqué parce que, le temps, il n'en a pas. Si vous lui demandez de déléguer quelqu'un qui le représentera dans une activité paritaire ou une mutuelle, c'est aussi compliqué pour lui parce que c'est généralement lui qui représente son entreprise et qu'il n'a personne à qui déléguer pour le représenter dans une instance donnée. D'accord? Alors, ce n'est pas impossible, mais ce n'est pas la solution miracle.
Une autre solution alternative qui malheureusement n'a jamais été suffisamment développée au Québec, c'est la fameuse alternance études-travail qui, dans plusieurs pays européens, donne, depuis des décennies, des résultats extraordinaires, ça fonctionne bien. Et, je m'excuse, je suis moi-même un produit de l'alternance études-travail. J'ai fait mon bac, ma maîtrise et mon doctorat sur une durée de 18 ans. D'accord? Et cet enrichissement-là d'alterner une année d'études, deux, trois ans de travail, c'est inestimable. Ça remplace n'importe quelle formation où on dit à quelqu'un: Tu vas travailler cinq ans, et là on t'envoie en formation. Retourne travailler 10 ans, puis on ira t'envoyer deux semaines en formation. L'alternance études-travail, c'est une solution qui, en termes de société, est une façon de permettre aux gens d'évoluer en même temps qu'ils contribuent au marché du travail. Cette décision-là n'a jamais été prise formellement, on n'a que quelques exemples au Québec à ce niveau-là.
D'autres dispositifs qui pourraient être appliqués dans le contexte des PME, c'est le dispositif qui est bien simple... Une PME, c'est une entité qui fonctionne à partir des modèles et de relations de confiance. Je suis entrepreneur, j'ai des amis qui sont entrepreneurs qui appliquent des pratiques de gestion de ressources humaines et de formation qui donnent des résultats positifs. C'est grâce à leur exemple que je vais évoluer et non pas grâce aux mesures coercitives ou non coercitives d'un gouvernement ou d'une loi. Alors, les PME et les entrepreneurs, ça fonctionne quand ils sont en gang et qu'ils partagent leurs bons coups. Le groupement québécois des entreprises, les activités de maillage, les cercles de tout ce que vous voulez sont les endroits où on doit implanter les dispositifs alternatifs de formation. C'est dans ces endroits-là qu'on doit travailler auprès des entrepreneurs pour les aider à comprendre.
n(16 h 20)n Et je reviens à mon exemple familial. Si j'arrive dans la famille, chez vous, et que je veux vous enseigner comment éduquer vos enfants, vous allez me foutre à la porte. Si vous arrivez dans ma PME et vous dites: Je viens vous montrer comment montrer votre personnel, écoute, je suis la troisième génération, on n'a jamais eu de problèmes à former notre personnel, qu'est-ce que vous avez à nous montrer de plus que l'on sait déjà? Alors, il y a un phénomène d'éducation des entrepreneurs qui n'a malheureusement jamais suffisamment été pris en compte, qui n'est pas impossible à résoudre, mais ça fait partie des mesures alternatives qui peuvent être mises en place.
Le Président (M. Descoteaux): Mme la ministre.
Mme Courchesne: Qu'est-ce que ça prendrait pour que ça fonctionne bien, l'alternance travail-études? Qu'est-ce qui fait que... Je comprends qu'on a eu des projets pilotes, mais il y a eu quand même des tentatives, là. Qu'est-ce qu'il faudrait de plus pour que ce soit un succès comme en Europe, par exemple?
Le Président (M. Descoteaux): M. Garand.
Mme Courchesne: Qu'est-ce qui manque?
M. Garand (Denis J.): Écoutez, on en a parlé déjà à plus d'une reprise. Vous avez entendu le mot régulièrement, le Québec est une société où tout le monde est habitué de fonctionner en partenariat. On a atteint, au cours des deux dernières décennies, un partenariat... On est une des sociétés où le consensus s'atteint relativement facilement, d'accord, comparativement aux pays méditerranéens ou en France où le mot «consensus» n'existe que dans le dictionnaire. Ça discute pas mal fort, et puis, le consensus, d'habitude il n'y en a pas. D'accord? Alors, on a déjà cet avantage-là. Une des solutions, ce serait sûrement de faire de l'alternance études-travail un projet de société dans lequel les partenaires sociaux, les partenaires éducatifs et les partenaires privés accepteraient d'investir leur temps et leur énergie pour au moins voir comment on peut l'implanter.
Si j'avais la solution magique, inquiétez-vous pas que je vous la dirais tout de suite. Mais il y a quelque chose à faire là-dedans, il y a quelque chose à réfléchir parce que c'est l'avenue dans laquelle nous avons presque tous les éléments de base pour instaurer des pratiques comme celle-là: une population qui est habituée de discuter, des partenaires sociaux qui sont habitués de collaborer, des institutions d'enseignement qui sont aussi habituées de discuter entre elles. Alors, évidemment, je peux vous dire tout de suite ce qui va arriver dès que vous allez parler à des institutions d'enseignement d'études-travail, bien on va vous parler du financement des institutions d'enseignement. Puis à l'université je suis bien placé pour vous dire qu'on a été largués, donc c'est clair qu'il y a des étapes à prendre avant d'arriver là.
Mme Courchesne: C'était ma question: Qui paie?
M. Garand (Denis J.): Le problème, qui paie?, c'est qu'on arrive aux questions d'équité, on arrive aux questions de conciliation travail-famille, on arrive aux questions d'instaurer un modèle alternance études-travail. Je vous dirais, qui paie?, ce n'est pas à l'étudiant de payer la totalité. Est-ce que c'est aux entreprises d'implanter les modalités elles-mêmes? Si on regarde l'exemple français le plus récent où on vient de libérer un petit peu les contraintes de la loi prud'homale, de la réglementation prud'homale qui fait qu'en France, quand vous avez embauché un employé, vous ne pouvez plus le virer à vie, bien, là, on a fait une petite variation, on a dit: Vous pouvez embaucher des jeunes de moins de 26 ans puis vous en débarrasser avant qu'ils aient 26 ans. Bien, c'est un peu maladroit peut-être, là, mais c'est des mesures comme celle-là auxquelles il faut faire attention. Alors, si on dit aux jeunes: Le poids de l'alternance travail ne porte que sur vos épaules et bien... Et encore une fois la réponse qu'ils vont vous donner, je vous la dis tout de suite: Bien, c'est parfait, les baby-boomers, vous vous êtes enrichis depuis deux décennies et là vous allez nous imposer le fardeau d'assumer nous-mêmes notre propre alternance études-travail. Le blocage risque d'être assez radical.
Alors, encore là je vous répète que, si j'avais une solution, je vous la dirais volontiers, mais c'est des choses auxquelles on réfléchit, c'est des objectifs que, dans notre projet de recherche, qui est un projet, comme je vous dis, essentiellement pour l'instant de recension de ce qui existe ailleurs... d'essayer de trouver des façons de proposer des solutions à ce niveau-là.
Mme Courchesne: Merci.
Le Président (M. Descoteaux): Merci bien. M. le député de Gouin.
M. Girard: Merci, M. le Président. Merci, M. Garand, pour votre présentation. Mais je veux revenir justement sur l'alternance travail-études dont vous parliez. Dans les autres pays que vous avez étudiés, quand ce modèle-là est mis en application, qui le finance, qui paie? Est-ce que c'est une responsabilité partagée? Et est-ce que le Québec pourrait s'inspirer d'un modèle comme celui-là où il y a une responsabilité de la part de l'entreprise, de l'État et de celui qui en bénéficie? Est-ce que c'est une avenue intéressante? Puis est-ce que d'autres pays le font de cette manière-là?
M. Garand (Denis J.): Les modèles qui fonctionnent bien en formation sont comme par hasard les pays sociaux-démocrates, la Scandinavie, l'Allemagne, la France qui est, bon, beaucoup plus socialiste, mais quand même on peut dire sociale-démocrate sous certains aspects. Et, dans certains de ces pays-là, il y a, comme en France, une taxe d'apprentissage. La taxe d'apprentissage est une des solutions, mais ici, au Québec, si on rajoute une taxe d'apprentissage, bien, là, on oublie ça, là, je veux dire, il va falloir faire une frontière avec l'Ontario, le Maine et puis New York parce que les entreprises vont vouloir fuir. Alors, ce n'est pas la solution.
Si on regarde le modèle allemand, le modèle allemand est un modèle qui ressemble un petit peu au nôtre, sauf qu'on n'est pas allés aussi loin que les Allemands. Le modèle allemand, les syndicats, les entreprises et l'État fonctionnent dans un partenariat où il y a toujours conciliation, où on discute toujours ensemble des modalités, des façons de faire évoluer le monde du travail. On n'est pas très loin de ce modèle-là au Québec, sauf qu'on ne l'a pas exploité autant que les Allemands. Évidemment, on est beaucoup plus méditerranéens, et les Allemands sont beaucoup plus germaniques. Pour un Allemand, c'est à gauche et à droite. Nous, on a tendance à zigzaguer un peu. Mais par contre ça nous amène des atouts. Au Québec, on va chercher des idées à gauche et à droite, alors c'est de ça qu'il faut bénéficier.
La solution n'est pas facile. Est-ce qu'on instaure une taxe additionnelle? Pas idéal. Est-ce qu'on essaie de convaincre les partenaires sociaux, les partenaires privés d'investir eux-mêmes par un retour d'impôt sur le financement de l'alternance études-travail au niveau des entreprises et une espèce de dégrèvement quelconque chez les institutions d'enseignement? Ah! Ça, peut-être que ça passerait un peu mieux. Si le gouvernement proposait aux institutions d'enseignement d'avoir accès à un financement quelconque en fonction de l'effort qu'ils mettent sur l'instauration d'un modèle alternance études-travail, bien peut-être que les recteurs d'université seraient prêts à faire un deal entre le 375 millions de sous-financement annuel et la possibilité d'implanter quelque chose qui favorise l'alternance études-travail. Ce n'est pas impossible, mais il y a beaucoup d'éléments à planifier avant de proposer ces choses-là, il y a beaucoup de remue-méninges à faire.
Et le problème avec tout ça, c'est lorsqu'on arrivera dans les PME, où, là, vous allez dire: Bien, les PME, on vous donne un crédit qui ressemble au crédit de R & D si vous favorisez l'alternance études-travail. C'est bien, le crédit de R & D, sauf qu'en PME, le crédit de R & D, on se creuse les méninges pour trouver de l'argent qu'on peut mettre dans cette rubrique R & D là parce qu'on n'en a pas des millions à dépenser, on a un petit 15 000 $, un petit 50 000 $, quelques équipements et, en bout de ligne, quand on peut demander un crédit d'impôt de recherche et développement de 100 000 $ par année, c'est extraordinaire. Alors, ça ne donne pas une ristourne d'impôt si énorme que ça. Bien, ça pourrait être la même chose si on applique une modalité alternance travail-études. Dans une entreprise où il y a cinq, 10, 30 ou 50 employés, ce n'est pas ça qui va transformer le bilan de la PME, mais c'est une partie d'une solution éventuelle.
Le Président (M. Descoteaux): M. le député de Gouin.
M. Girard: Je sais que, dans certaines entreprises ou dans une entreprise de mon quartier, au Cinéma Beaubien, on encourage les étudiants et on les appuie pour qu'en même temps qu'ils occupent des emplois au cinéma ils puissent avoir accès aux études. Et ça, c'est un modèle qui fonctionne bien, qui est fait en collaboration avec le syndicat qui est implanté au Cinéma Beaubien, et chaque année on remet des prix et on valorise les étudiants qui réussissent à concilier leurs obligations professionnelles et leurs obligations scolaires. Et ça, je pense que c'est un modèle qui est intéressant, mais ça prend, je pense, une volonté autant de l'entreprise qu'une volonté du personnel et une volonté, je pense, aussi gouvernementale. Donc, c'est pour ça que je faisais référence à un modèle où ça prend une véritable concertation, un partenariat pour que ça puisse se faire, et pensez-vous que le Québec, on pourrait dans le fond pousser plus loin notre logique de concertation et de partenariat en mettant de l'avant une politique comme celle-là et que ça pourrait avoir un effet bénéfique sur l'amélioration de la formation de nos jeunes?
Le Président (M. Descoteaux): M. Garand.
n(16 h 30)nM. Garand (Denis J.): En fait, lorsqu'on parle de partenariat ? et c'est un des objectifs de notre étude ? on a déjà une entité qui existe dans le milieu de la formation qui s'appelle les CSMO, les comités sectoriels de main-d'oeuvre, qui sont eux-mêmes un premier niveau de partenariat entre les instances de formation de la main-d'oeuvre et les entreprises elles-mêmes. Les CSMO pourraient jouer un rôle plus grand dans l'éducation des entrepreneurs, la sensibilisation des entrepreneurs et la mise en place d'exemples ou de propositions, de modèles qui favoriseraient le développement des compétences et la formation dans les petites et les moyennes entreprises. Il y a plusieurs CSMO qui représentent beaucoup plus les grandes entreprises du domaine que les petites, mais c'est toujours le problème des petites. Dans un domaine où il y a 10, 15 grandes entreprises au Québec et il y a 200 PME, bien c'est normal que, dans les 200 PME, il y en a seulement 10, 15 qui participent à ces instances-là.
Alors, si je reviens à votre exemple du Cinéma Beaubien, ce qui fonctionne bien avec les PME, comme je le disais, ce sont des modèles qu'on leur propose, dont on leur démontre l'efficacité, et l'entrepreneur, en voyant ces modèles-là, évolue généralement dans une direction où il dit: Bien, ça, c'est une bonne idée, ça pourrait marcher chez nous, et je vais l'essayer parce qu'untel, un de mes collègues idéalement et non pas un conseiller qui vient d'une instance gouvernementale, lui a proposé d'essayer ça parce que ça fonctionne. C'est la façon traditionnelle de réseauter et de régler les problèmes dans les petites entreprises.
Alors, l'idée qu'on a derrière la tête dans notre projet ? et je vous avoue que j'aurais bien souhaité arriver ici avec les solutions déjà toutes prêtes ? c'est de proposer un éventail de modèles, de dispositifs, de stratégies qui permettraient à la fois aux CSMO, mais aux organismes de formation, de proposer aux entrepreneurs et à leurs PME diverses modalités desquelles elles peuvent s'inspirer, et ça, ce serait un point de départ à très court terme. En même temps, on pourrait penser à instaurer quelque chose qui ressemble à un modèle d'alternance études-travail, qui n'a pas nécessairement besoin d'être identique à ce qui se passe ailleurs dans le monde mais qui permettrait, dans plusieurs domaines d'activité, de résoudre les problèmes d'accès à la formation et de favoriser la formation continue des gens qui autrement sont obligés de quitter leur emploi.
Le Président (M. Descoteaux): M. le député de Gouin... M. le député de René-Lévesque.
M. Dufour: M. Garand, bonjour. Concernant, études-travail, je me rappelle, au milieu des années quatre-vingt-dix, il y avait des formules que plusieurs gens prenaient pour être capables d'être créateurs d'emplois, et il a été mis au monde à ce moment-là ? c'est sûr que tu ne peux pas faire ça n'importe comment, là ? les congés sabbatiques autofinancés. Ça existe dans le secteur public, ça existe dans la grande entreprise privée, alors ça ne pourrait pas être un congé sabbatique études que le monde se financerait? Par contre, ils pourraient avoir l'aide de l'État et l'aide de l'employeur aussi, là. Je vous dis ça comme ça parce que ce n'est pas en soi une mauvaise piste au niveau travail-études... au niveau de quelques pistes de solution.
Et, dans votre document, dans Orientations à privilégier par la commission, vous dites dans le troisième alinéa: Moduler l'application de la loi en fonction de la taille, de la présence d'entrepreneurs et de la représentation syndicale, etc. Et vous avez signifié que, quand il y a la représentation syndicale, vous avez dit: Ça change toute la donne. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus, vous exprimer sur le fait que ça change toute la donne au niveau de la représentation syndicale.
Le Président (M. Descoteaux): M. Garand.
M. Garand (Denis J.): Oui. C'est la raison pour laquelle je vous ai parlé de mes quatre mots en «ion», en fait centralisation, formalisation, structuration et sophistication. En l'absence de syndicat, comme c'est le cas dans la majorité des PME, bien c'est très clair qu'il n'y a rien qui vous oblige à structurer vos choses, il n'y a rien qui vous oblige à formaliser votre façon d'agir et de décider, et évidemment il n'y a rien qui vous oblige à respecter une loi parce qu'il n'y a personne, il n'y a pas de chien de garde, il n'y a personne qui va venir vous surveiller. D'accord? C'est très clair que, dans une PME, lorsqu'un syndicat prend sa place, qui, dans certains cas, lui revient... Ça dépend des entreprises, hein? Ce n'est pas toutes les PME qui sont gérées dans un contexte agréable et harmonieux, il y en a où le syndicat a tout à fait raison de s'implanter.
Alors, c'est évident que, quand un syndicat arrive, la première chose, c'est qu'il y a négociation, convention collective, un écrit, une formalisation, une sophistication des procédures, etc. Et, dès que vous entrez dans une codification des manières de procéder, bien tout ce qui s'appelle gestion de ressources humaines et formation de la main-d'oeuvre, bien ça devient presque... ça va de soi parce que c'est intégré dans la dynamique de l'approche syndicale, c'est intégré dans les revendications syndicales normales et ça oblige évidemment l'entrepreneur à respecter les représentations qu'il a devant lui et éventuellement à se conformer aux lois et aux réglementations auxquelles il est soumis. Mais en l'absence de syndicat vous arrivez et vous dites: Bien là, vous devriez faire de la formation. Pourquoi? Qui m'a déjà expliqué pourquoi je devrais le faire? Qui va me l'imposer? Comment vous allez faire pour me forcer à le faire? Combien ça me coûte de le faire? Qu'est-ce que ça me rapporte de le faire? Et, écoutez, s'il n'est pas convaincu, bien là, c'est du missionnariat, il faudra aller voir l'entrepreneur en question pendant cinq ans avant de le convaincre.
Je reviens toujours à l'exemple familial. Si vous élevez vos enfants comme dans le monologue d'Yvon Deschamps, on le monte sur une boîte à beurre puis on lui donne une taloche, après il saura pourquoi, puis ça va mieux marcher. Bien, c'est malheureux, l'éducation, ce n'est pas pour vous. Dans les PME, c'est la même chose. Si l'entrepreneur gère son entreprise comme il le veut, de façon plus ou moins acceptable, disons, l'élément formation, ce n'est pas dans sa vision entrepreneuriale. On reviendra dans cinq ans, on reviendra lorsqu'il aura embauché des cadres ou des gens qui l'aideront à mieux planifier ses actions de gestion.
Alors, c'est pour ça qu'il faut tenir compte du contexte de la PME, qu'il faut prendre en compte le fait qu'un entrepreneur et un gestionnaire, ce n'est pas la même chose. On n'a pas beaucoup de lois au Québec qui s'appliquent différemment dans la PME et dans la grande entreprise, mais pourquoi est-ce qu'on ne commencerait pas à y penser? Ce sont deux entités foncièrement différentes, et il y en a une qui représente 97 % des entreprises, 65 % des emplois; l'autre, 3 % des entreprises et 35 % à 40 % des emplois. Bien, il me semble que c'est assez consistant pour qu'on puisse penser à des applications modulées selon les entreprises.
Le Président (M. Descoteaux): M. le député de...
M. Dufour: Ça va.
Le Président (M. Descoteaux): Ça va? Ça va, de part et d'autre? Merci beaucoup, Pr Garand, pour votre présence dans la commission.
Nous suspendons nos travaux pour permettre à nos invités de prendre place.
(Suspension de la séance à 16 h 37)
(Reprise à 16 h 40)
Le Président (M. Descoteaux): Messieurs, si vous voulez prendre place. La commission va reprendre ses travaux.
Bienvenue, messieurs, devant la Commission de l'économie et du travail. Comme vous le savez, il y a une période de 15 minutes pour la présentation de votre mémoire, 15 minutes d'échange avec le côté ministériel et 15 minutes avec le côté de l'opposition officielle. Pour les fins de nos enregistrements, si vous pouviez vous présenter, s'il vous plaît, et débuter tout de suite.
MM. Pierre Doray et Paul Bélanger
M. Doray (Pierre): Merci, M. le Président. Mon nom est Pierre Doray, et mon collègue est Paul Bélanger. Nous sommes tous deux professeurs dans différents départements, là, de l'Université du Québec à Montréal et nous travaillons ensemble depuis déjà de nombreuses années sur le développement de la formation des adultes et le développement de la formation en entreprise, en particulier en travaillant sur les questions de participation des travailleurs et des adultes.
Donc, M. le Président, Mme la ministre, Mmes, MM. les députés, mesdames, messieurs, on est très heureux, là, d'être ici, aujourd'hui, pour présenter un certain nombre d'éléments de bilan qui, nous l'espérons, vont permettre d'orienter et de nourrir en tout cas les travaux de la commission, de nourrir aussi les travaux des partenaires, que ce soit au niveau national, local ou sectoriel, et voire l'Assemblée nationale si éventuellement elle sera appelée à réviser le présent cadre institutionnel, là, qui guide le développement de la formation de la main-d'oeuvre dans les entreprises. Donc, notre présentation, on va essayer d'être très courts et de s'autodiscipliner pour aussi faire en sorte que le président ait moins de travail.
Donc, nous le présentons en trois temps. Dans un premier élément, on va revenir sur un certain nombre d'éléments de bilan, quantitatifs et qualitatifs; dans un deuxième temps, nous pensons qu'il y a un certain nombre d'éléments ou des questions qui sont toujours à travailler au cours des prochaines années; et, dans un troisième temps, nous reviendrons aussi sur quelques expériences internationales pour guider notre action.
Au niveau du bilan, un premier élément au niveau du bilan quantitatif à souligner, ce qu'il faut dire et ce qu'il faut rappeler, c'est d'abord que le Québec, dans l'ensemble canadien, était, dans les années quatre-vingt-dix, surtout en formation professionnelle et en formation en entreprise, à la queue du peloton des provinces canadiennes. On sait qu'un rapport récent de Statistique Canada avait souligné que cette situation-là avait quelque peu changé, dans la mesure où le taux de progression de la formation, entre 1997 et 2002, avait été très élevé. Et, nous, on veut revenir sur un certain nombre d'informations tirées de ces mêmes enquêtes-là mais qui vont préciser et qui soulignent des éléments encore plus importants de cette évolution au cours des dernières années.
En fait, une analyse plus serrée des deux enquêtes, en ne considérant que les publics et les types de formation strictement comparables entre 1997 et 2002, nous donne un portrait convergent avec les autres données antérieurement publiées mais en même temps beaucoup plus révélateur. Essentiellement ? et c'est peut-être l'élément le plus important à souligner ? c'est que le taux de participation de la population en emploi à la formation parrainée par l'employeur est passé, en cinq ans, au Québec, de 16 % de taux de participation à 25 %, rejoignant en cela la moyenne canadienne. La croissance de la participation a été au Québec trois fois plus importante que dans l'ensemble du Canada, au point où l'écart significatif de 1997 qui existait entre le Canada et le Québec est maintenant rétréci et ne cesse d'être significatif. Cette croissance est observable pour toutes les entreprises, quelle que soit leur taille. La participation a en effet doublé dans les très petites entreprises, passant de 7 % à 14 %. Elle a augmenté de quatre points dans les petites entreprises, de sept dans les moyennes et de 15 dans les grandes entreprises.
Donc, si le Québec a pratiquement rattrapé le retard par rapport au Canada dans les entreprises de 100 employés et plus, le taux de participation à la formation parrainée chez les employés des PME est encore significativement plus faible au Québec. On le voit bien, c'est le cas dans les petites entreprises, qui montrent toujours un retard significatif.
En d'autres mots, ce qu'il faut retenir, nous semble-t-il ? et c'est le premier élément ? même si ce n'est pas une causalité directe qu'on est en train de montrer, il reste que l'existence de la loi entre 1997 et 2002 ne peut pas être indépendante de cette progression importante en cinq ans qui a existé au Québec. Donc, à ce niveau-là, il faut vraiment, en quelque sorte, donner le crédit à la loi et à l'ensemble des interventions autour de la loi et des intervenants autour de la loi pour avoir structuré la formation en entreprise et structuré la formation donnée aux employés.
Par ailleurs, il y a tout un certain nombre d'éléments de bilan qualitatifs qu'il faut souligner et que l'excellent rapport de la Commission des partenaires du marché du travail met en évidence. D'abord, il y a des effets structurants au niveau sectoriel ? Jean Charest l'a souligné, tout à l'heure, de façon importante ? mais il reste que la création et la multiplication des comités sectoriels réalisées au cours des 10 dernières années ne sont pas sans rapport nommément avec la loi et ses règlements et surtout aux mesures et coopérations que ces cadre institutionnels ont permis et facilitées. Et là on énumère un certain nombre d'éléments, mais je pense que vous pouvez le lire. Cette structuration sectorielle concertée et volontaire constitue un élément majeur du bilan constatable de la loi et de l'intervention générale du gouvernement, dans la mesure où la création des comités sectoriels ne dépend pas uniquement de la loi mais existait déjà depuis longtemps.
Il y a des effets structurants au niveau des entreprises aussi, effets structurants au plan de la mise en évidence des activités de formation qui existaient, au niveau du renforcement de l'organisation de la formation dans l'entreprise, au niveau du renforcement de la réflexion que les acteurs des entreprises peuvent avoir au niveau de l'articulation entre stratégie économique, travail, emploi et formation. Il y a aussi le fait que, avec les disponibilités, les sommes minimales que la loi garantit pour les années à venir, les entreprises peuvent facilement élaborer des plans de développement de la formation sur plusieurs années.
Donc, à ce niveau-là et au niveau de l'entreprise, il y a énormément d'effets qualitatifs qu'on peut repérer. Il y a des effets directs d'investissement aussi dans l'innovation et la recherche-développement. Il y a des effets aussi importants quant à la capacité rapide de rétroaction sur les problèmes qui peuvent être soulevés dans le développement de la formation de la main-d'oeuvre à travers la régulation partenariale.
Par contre, c'est tout un travail important ? et on insiste beaucoup là-dessus, hein ? le boulot n'est pas tout à fait achevé. Il existe encore un certain nombre d'éléments à poursuivre, et là on voudrait en soulever quatre. Le sous-développement de la formation dans la petite entreprise, on l'a déjà souligné, les gens et les intervenants avant nous l'ont déjà indiqué de façon importante. Il y a aussi le sous-développement pour les personnes, les employés moins qualifiés. Il y a aussi un enjeu important au niveau des travailleurs, et des travailleurs plus âgés, enjeu important face à la transformation démographique qui va avoir lieu au cours des prochaines années et dans certains secteurs industriels. Nous reviendrons sur ces questions-là de façon plus précise.
Nous voudrions aussi signaler deux autres enjeux qui nous apparaissent importants, sur lesquels on n'a pas le temps de revenir de façon systématique, c'est celui de la qualité, de la pertinence de la formation et celui de l'expression de la demande de formation dans les entreprises pour tenir compte à la fois des intérêts de l'entreprise et des desiderata des travailleurs.
Donc, au niveau des disparités persistantes, des travaux à réaliser, je voudrais revenir sur la question de la petite entreprise en soulignant un certain nombre d'informations qu'on a pu acquérir sur la question de la formation informelle, et après je passe la parole à mon collègue Paul.
Essentiellement, là, on dit souvent que, dans la petite entreprise, c'est surtout la formation informelle qui est plus importante que la formation formelle. Le traitement de données qu'on peut donner, tant au Canada qu'au Québec, montre qu'en fait il se fait plus de formation informelle dans les grandes entreprises que dans les petites entreprises, quand on pose la question aux travailleurs. L'écart entre les très petites et les grandes entreprises est très faible, mais il reste qu'en quelque part on peut dire que... et la formation informelle est présente dans toutes les entreprises et non pas uniquement dans la petite entreprise. On ne doit pas penser en termes de substitution de la formation structurée par la formation informelle.
Et l'autre élément aussi concernant les entreprises, c'est le fait qu'effectivement il y a une disparité importante entre les différents secteurs. On parle des services personnels, du commerce de détail, du secteur primaire et même, dans certains cas, de la fabrication, dont les taux de participation sont relativement faibles. C'est vrai au Québec, mais c'est vrai aussi au Canada. Voilà. Je passe la parole à mon collègue Paul Bélanger.
n(16 h 50)nLe Président (M. Descoteaux): Merci, M. Doray. M. Bélanger.
M. Bélanger (Paul): On veut souligner deux autres catégories qui, lorsqu'on parle que c'est un sentier inachevé... sur lesquelles il faudra mettre l'accent dans l'avenir. La première, c'est évidemment les groupes les moins qualifiés de la population active. L'espérance de formation, si on peut l'appeler comme ça, est trois fois plus forte pour les cadres et les professionnels que pour les cols bleus. Elle est sept fois plus forte pour les gens plus scolarisés que les gens moins scolarisés. Il est clair que, là, il y a un problème important. Et ce qui est intéressant là-dessus, c'est qu'il y a une convergence des intérêts patronaux et syndicaux sur cette question-là: tous auraient intérêt à relever le niveau de qualification. Et ça, ce n'est pas juste la qualification de base, les compétences transversales, les compétences de base, sur lesquelles on va revenir, c'est aussi des questions extrêmement techniques dans l'entreprise, la formation des formateurs, la formation des mentors, des coachs, la formation pour les changements technologiques, la formation à l'entrée dans l'entreprise, etc. Il est clair là-dessus qu'il va falloir créer de nouvelles conditions, on pourra y revenir dans le débat tantôt.
La deuxième chose, c'est les travailleurs plus âgés. La chance de se former dans l'entreprise est deux fois plus élevée selon que tu es plus jeune ou que tu es plus vieux, et ça, c'est extrêmement important pour des raisons évidentes de la démographie québécoise et de la démographie qui s'en vient. Je n'ai pas le temps d'en parler, on pourra y revenir dans le débat, si vous voulez.
Au plan international, laissez-moi souligner quatre points importants de l'expérience internationale que nous avons eu la chance d'analyser au cours des 20 dernières années. La première, c'est que la concertation qui est réussie au Québec au niveau national, au niveau sectoriel, au régional doit maintenant passer aussi au niveau local. Ce qui a réussi aux autres paliers peut réussir. D'ailleurs, on parlait d'accessibilité des travailleurs moins qualifiés, ça ne coûte rien, faire des mesures dans la loi pour encourager la formation de comités de consultation dans l'entreprise, mais ça peut faire toute la différence dans l'accessibilité.
La deuxième chose, c'est les compétences de base. Bien, les compétences de base, c'est très important. Et les enquêtes récentes qu'a publiées l'Institut des statistiques du Québec l'ont montré, et c'est une question majeure pour l'ensemble des pays industrialisés. La Suède a lancé une énorme initiative là-dessus il y a sept ans en accordant des congés éducation payés pour 100 000 travailleurs sous-qualifiés pour corriger le niveau de base de la main-d'oeuvre, une mesure qui a été proposée d'ailleurs par les parties patronale et syndicale et qui a porté des effets importants. L'Angleterre vient de décider d'accorder un droit absolu pour la formation obligatoire des adultes jusqu'au niveau de «level 2 attainment», etc. C'est un problème important, on pourra y revenir dans le débat.
L'autre question majeure ? et là vraiment c'est un chantier qui est à développer ? c'est l'accès individuel à la formation pour les gens en emploi. Ce qu'on a fait jusqu'à maintenant, c'est des pas importants pour développer la formation dans l'entreprise avec le partenaire, mais les travailleurs, comme individus, ont aussi besoin ? étant donné les parcours très saccadés maintenant de nos parcours professionnels, notre emploi on ne le garde pas très longtemps ? ils ont besoin d'avoir accès, comme individus aussi, à la formation. Il y a plusieurs scénarios à cet égard, on peut en reparler dans le débat, mais il est clair que ça, c'est un chantier qui est à ouvrir... important. L'OCDE avait ramené un débat important à Ottawa là-dessus, il y a à peine trois ans, sur cette question-là. Je sais qu'il y avait des représentants du Québec à ce débat-là, ce séminaire international. C'est un des grands enjeux sur est-ce que c'est des crédits formation, est-ce que c'est des congés éducation, est-ce que c'est des bons de formation, est-ce que c'est de régimes d'épargne-formation. Il y a des scénarios possibles, mais il va falloir s'attaquer à cette question importante.
Le dernier enjeu qu'on veut soulever, c'est celui des ressources institutionnelles québécoises, et là il y a un double défi. Je vais le dire en caricaturant, en deux mots: Il faut déconstiper les institutions publiques pour qu'elles s'ouvrent aux besoins des entreprises. Et, deuxièmement, il faut que les entreprises acceptent qu'il y a là un réseau énorme de ressources qu'on ne peut laisser complètement de côté. C'est des ressources importantes, il y a un double défi.
Je vais terminer en une seconde, en disant que l'investissement dans la formation et dans le développement continu de la main-d'oeuvre, ce chantier qui maintenant a été bien démarré, eh bien, c'est devenu un instrument stratégique obligé. Merci.
Le Président (M. Descoteaux): Merci, M. Bélanger. Mme la ministre.
Mme Courchesne: Merci, MM. Doray et Bélanger. Je vais vous dire que je vais aborder peut-être, si vous me permettez, parce que je trouve ça passionnant... C'est dommage qu'on n'ait que 15 minutes pour échanger. Peut-être, on aura l'occasion dans un autre temps, mais j'aimerais aborder tout de suite directement la question des travailleurs âgés parce qu'on ne l'a pas fait, depuis deux jours, là. C'est un dossier qui m'interpelle beaucoup. C'est un dossier que je suis de très, très près. Et vous nous dites qu'effectivement ? puis je partage beaucoup cette lecture ? comme on a des enjeux démographiques importants... Je suis une de celles qui croient que, tant chez les jeunes que chez les plus expérimentés... D'ailleurs, je n'aime pas beaucoup l'expression «travailleurs âgés», je ne me sens pas très âgée au moment où on se parle, mais je pense qu'on peut parler de travailleurs d'expérience, cela dit. Vous nous dites: Il faut donc que ces personnes-là puissent continuer de contribuer, là. C'est ce que je lis un peu entre les lignes. Et vous nous dites: À travers la formation, il y a certainement moyen de leur permettre de continuer de contribuer tant pour eux-mêmes personnellement que pour la société.
Et, nous, on croit en tout cas, à Emploi-Québec, que la formation demeure... Par exemple, dans le secteur de la forêt, dans le secteur du vêtement, que, lorsqu'il y a des licenciements collectifs, on puisse tout de suite leur offrir une formation adaptée. Bien sûr, ça pose la question que, dans bien des cas, ces personnes sont moins scolarisées, donc on revient à la formation de base. Et la formation de base, qui doit l'assumer? Et, d'autre part, je vais vous dire franchement, les syndicats, de façon très forte, très ferme, disent: Écoutez, quand on a 55 ans, qu'on a passé 20 ans, 25 ans derrière la même machine, dans la même entreprise, on est fatigué, et il y a des travailleurs, c'est illusoire de penser que ces travailleurs-là vont vouloir être formés. Et, vite, vite, vite, on veut ce qu'on appelle l'ancien PATA, c'est-à-dire le soutien au revenu. Puis très franchement je vous le dis: Je suis sensible à ça. Puis je dis: Oui, probablement qu'il y aura toujours une portion d'hommes et de femmes pour qui ce sera très difficile. Donc, plutôt que ces hommes et ces femmes soient tout de suite dirigés vers l'aide sociale, bien peut-être qu'un soutien au revenu pour faire le pont, la passerelle, éviter de vendre les actifs, peut-être que c'est une solution. En tout cas, les syndicats sont très, très fermes à cet égard-là, et un des chefs syndicaux ? puis je ne le nommerai pas ? m'a dit, la semaine dernière, dans une rencontre: Regarde, oubliez ça la formation pour eux, tout de suite le soutien au revenu.
Puis, chez nous, mes sous-ministres me disent: Attention, parce que, si on ouvre ça... Et, je vous le dis, là, je le dis à mon vis-à-vis, là, on négocie actuellement avec le gouvernement fédéral puis on va continuer à négocier avec le gouvernement fédéral, mais, chez nous, là, les sous-ministres qui m'accompagnent disent: Lumière jaune, parce que, si on va trop vite vers le soutien au revenu, c'est sûr qu'ils ne voudront plus aller vers une formation. J'aimerais vous entendre là-dessus.
Le Président (M. Bachand): M. Bélanger.
M. Bélanger (Paul): D'abord, ce qu'il faut dire, c'est que les syndicats ont été extrêmement timorés sur cette question-là traditionnellement à travers le monde. Mais le problème, l'autre donnée est que l'expérience ne va pas du tout dans ce sens-là. Regardez l'Allemagne, regardez l'Angleterre qui est en train de prolonger l'âge obligatoire de la retraite, l'âge obligatoire de la retraite à 67, 68 ans. Deuxièmement, l'entreprise a besoin du transfert intergénérationnel de l'expertise, et les travailleurs ont besoin de formation pour se maintenir en emploi, d'une part. D'autre part, toutes les recherches ? on n'a pas le temps de le démontrer aujourd'hui ? de gérontologie éducative nous montrent que c'est faux qu'on n'est pas capable d'apprendre après 65 ans, 70 ans, 75 ans, etc. Le problème est le suivant: c'est que ne pas permettre maintenant à 20 %, à 15 % de la population active potentielle de ne pas contribuer à produire la richesse collective, c'est des coûts qu'on ne peut pas se permettre.
D'autre part, il y a un problème de dignité, il y a un problème de dignité des individus. C'est possible, ça se fait ailleurs, c'est un besoin important. Dans certaines régions du Québec, on est en besoin de main-d'oeuvre. C'est une population active importante. Et les expériences dans la pâte et papiers là-dessus sont extrêmement éclairantes, même chose que dans l'industrie biopharmaceutique. On a des expériences fulgurantes où, d'un côté, la majorité des travailleurs à qui on offrait soit le départ soit la formation ont eu peur de prendre la formation parce qu'ils ont peur, mais ceux qui ont réussi la formation, les taux de succès dans la pâte et papiers ? je ne nommerai pas les entreprises, je ne nommerai pas l'entreprise de Montréal qui produit les serviettes sanitaires non plus ? c'est des succès monstres.
n(17 heures)nMme Courchesne: ...je partage ça, là. Les chiffres, je les ai puis je les ai région puis je les ai par entreprise. Puis, nous-mêmes, on a des histoires à succès, au cours de la dernière année, à cet égard-là.
Mais il n'en demeure pas moins que, dans certains endroits ou certains... Mon propos, c'est: Comment faisons-nous pour convaincre ces individus-là? C'est-à-dire qu'on pourrait dire qu'un succès appelle un succès, on pourrait voir l'effet d'entraînement. Mais on s'aperçoit que, par ailleurs, toujours vers l'individu, ça demeure plus difficile. Mais je veux juste vous dire que je partage en totalité ce que vous venez de me dire. Vous n'avez pas à me convaincre, je suis très convaincue par rapport à cet aspect-là de la question.
Je voudrais vous amener aussi sur le financement.
M. Bélanger (Paul): Est-ce que je peux ajouter une petite chose?
Mme Courchesne: Oui. Certainement.
Le Président (M. Descoteaux): M. Bélanger.
M. Bélanger (Paul): Il y a une chose sur laquelle les syndicats ont raison, c'est que ton parcours professionnel pendant ta vie active va beaucoup déterminer ta capacité de formation et de reconversion professionnelle à 50 ans. Évidemment, dans des conditions de travail pénibles, on peut comprendre que. Ça, c'est une réalité. Mais n'empêche que, dans toutes nos sociétés ? c'est un grand débat de la Commission européenne ? on ne peut pas se permettre qu'une population entre 55 et 67 ans ne puisse contribuer à la richesse collective, d'autant plus qu'elle peut le faire.
M. Doray (Pierre): Et par ailleurs je voudrais juste souligner un dernier élément, c'est que l'important, c'est aussi de penser à moyen terme et de faire de la prévention. Et, à ce moment-là, c'est non pas d'intervenir uniquement sur les 45-55 d'aujourd'hui, mais aussi sur les 35-45, pour qu'effectivement le boulot qu'on demanderait de reconversion ne soit pas insurmontable.
Si effectivement on dit à quelqu'un de 55 ans: Il faut que tu retournes à l'école pendant deux ans pour te retrouver un autre emploi, c'est tâche impossible. On oublie ça. Mais c'est sûr que, si on a prévu et on est intervenu tant au niveau des entreprises qu'au niveau public pour améliorer la formation de base tout au long de la vie, c'est sûr qu'à ce moment-là, la tâche, l'élément, l'effort nécessaire va apparaître beaucoup moindre. Et donc, moi, il faut plaider, il faut travailler sur le moyen terme aussi.
Le Président (M. Descoteaux): Mme la ministre.
Mme Courchesne: Je partage... en fait on s'entend, c'est: actuellement, on a comme une sorte de transition à franchir, dans l'organisation du travail, pour permettre ces choses-là.
Je voudrais vous amener sur le financement, parce que vous en parlez à la page 14. Vous dites: «Le financement de [la] participation des individus ? là, puis j'ai lu ce qui précédait, là ? ne pourra se faire [sans qu'il y ait] un équilibre à trouver entre l'apport de l'entreprise, celui de l'État et celui [de l'individu]...» Ça aussi, je pense que c'est inévitable. La loi avait le mérite de trouver une nouvelle façon à l'époque d'assurer le financement, on en fait l'évaluation. On s'aperçoit que probablement, inévitablement, il va falloir aller vers l'apport des trois: l'entreprise, l'État et l'individu. Vous avez dit: On n'a pas trouvé la bonne façon. Vous avez énuméré tout ce qui avait été essayé, puis on n'a pas énuméré... la bonne façon, on n'a pas trouvé encore entre cette capacité de financer l'importance de la formation mais aussi la capacité d'intéresser et les uns et les autres à en faire un enjeu important. Donc, comment voyez-vous l'avenir à l'égard de ce financement-là?
Le Président (M. Descoteaux): M. Doray ou M. Bélanger? M. Doray.
M. Doray (Pierre): Deux, trois idées. Les effets de la loi, en tout cas en termes de développement de la participation, montrent bien que finalement la loi, c'est un bon coup, là. Le Québec a fait un bon coup en adoptant cette loi-là. Donc, il ne s'agit pas de l'abroger, là, de l'éliminer. Travaillons dans ce cadre-là et améliorons les pratiques.
L'autre élément sur lequel on est revenus beaucoup, c'est sur la question des partenariats, de la concertation entre les partenaires socioéconomiques... autour de la loi puis autour de l'ensemble institutionnel, on a un modèle qui, au bout de la ligne, marche bien. C'est sûr qu'il y a des choses, comme on le dit, il y a des choses à améliorer, il y a des chantiers prioritaires à développer. Ça, là-dessus, il n'y a pas de problème. Mais un des éléments, me semble-t-il, c'est peut-être de voir comment, dans l'entreprise, cette concertation peut être un peu plus organisée.
Jean Charest soulignait qu'il y avait des progressions au niveau des conventions collectives, mais peut-être que cette progression-là devrait se faire sur un mode un peu plus rapide et avec des mesures qui font en sorte que la concertation nationale, régionale, sectorielle soit en quelque sorte alimentée par des formes de concertation très locale. Et, là, dans le fond, c'est, je pense, aux partenaires les mieux placés, c'est les partenaires eux-mêmes à voir comment ça pourrait se faire, comme tel.
Le Président (M. Descoteaux): M. Bélanger.
M. Bélanger (Paul): Sur le financement comme tel, ce qu'on apprend de l'expérience internationale, il me semble, c'est trois choses importantes. Un, il n'y a pas de solution mur à mur. Les solutions mur à mur, ça ne va pas. Ça va dans un secteur mais pas dans l'autre. Ça va pour des catégories de travailleurs, ça ne va pas dans d'autres. La deuxième dimension importante, c'est que, dans cet équilibre financement de l'État, financement des entreprises, financement des individus, il faut bien tenir compte de la capacité très différente de financer, en particulier des individus. Par exemple, le programme qu'avait le livre rouge du parti fédéral, il y a quelques années, sur le plan d'épargne formation continue n'a pas tenu la route simplement du fait que c'est un programme qui encourageait pour les gens qui étaient de hauts revenus, mais qui avait pour effet de ne pas faciliter pour ceux qui étaient de faibles revenus.
On n'a pas le temps de débattre de ça aujourd'hui. Il y a plusieurs scénarios possibles. La commission Pagé s'est essayée là-dessus, le mot «essayée» est juste. Il va falloir qu'on revienne sur cette question-là. C'est une question majeure.
Le Président (M. Descoteaux): Oui, Mme la députée de Maskinongé.
Mme Gaudet: Merci. Dans votre discours, je perçois un fil conducteur, qui est la flexibilité. Je ne sais pas si c'est juste. Et, moi, j'aimerais vous entendre sur les institutions d'enseignement. Vous avez dit: Déconstiper les institutions publiques.
J'ai participé à une mission, et le Danemark entre autres présente des histoires à succès. Et ces histoires à succès sont en partie fondées sur un genre de formation à la carte, des formations courtes, des formations plus longues, des offres de formation, en tout cas c'est très varié, c'est très flexible. Et j'aimerais vous entendre: Comment, nous, là, au Québec, on pourrait tendre vers cette flexibilité, et qu'est-ce que vous vouliez dire au juste?
M. Bélanger (Paul): D'abord...
Le Président (M. Descoteaux): M. Bélanger, l'expression va vous suivre.
Mme Gaudet: Oui.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bélanger (Paul): Je ne serai pas flexible dans le temps, je vais être rigoureux dans le temps. Je pense que d'abord ce qu'il faut dire, c'est que, déjà ? les statistiques le montrent, le rapport quinquennal le montre ? le recours aux institutions publiques est important, il est même plus important que le recours aux organismes agrémentés, donc c'est important.
Sauf que, prenez le problème de la formation de base ? je vais le prendre comme exemple parce qu'on ne peut pas parler de tout aujourd'hui ? quand une entreprise demande que son personnel ait de meilleures compétences en mathématiques appliquées, en mathématiques mentales, en calcul mental, etc., bien que c'est à l'étape 3 du curriculum prévu de formation de base du Centre de l'éducation des adultes, est-ce qu'il n'y a pas moyen, pour ce public-là, d'inverser les séquences et de commencer avec cette séquence-là et, s'il y a une réussite sur cette fréquence-là, de passer à d'autres? Une chose.
Deux choses. Est-ce qu'il n'y a pas moyen aussi que l'enveloppe ouverte de formation de base du ministère de l'Éducation ne soit pas seulement ouverte pour les gens en chômage, pas seulement ouverte pour eux autres, mais soit aussi ouverte pour les gens en emploi, pour faire de la prévention? Mais, pour cela, encore faut-il que les CLE s'ouvrent aussi aux personnes en emploi, et là on a un problème.
Il y a des expériences extrêmement intéressantes là-dessus. Je pense qu'il y a une expérience en Estrie par exemple, soit des expériences au Centre-du-Québec, à Drummondville, Nicolet, des expériences extrêmement intéressantes là-dessus qui commencent à se faire. Mais ils le font parce que ce sont des acrobates de la bureaucratie. Ils vont dans les craques du système pour essayer de trouver des solutions pour les entreprises avec les comités sectoriels du textile, du plastique, etc. Mais il faut que là-dessus les entreprises s'ouvrent aux institutions publiques, mais que les institutions publiques aussi comprennent que, dans l'éducation d'aujourd'hui, la formation initiale n'est qu'une partie minoritaire des efforts éducatifs d'une société.
Le Président (M. Descoteaux): Merci. Nous allons passer à l'opposition officielle. M. le député de Gouin.
M. Girard: Merci, M. le Président. Alors, M. Doray, M. Bélanger, merci beaucoup pour votre présentation, pour la qualité de votre mémoire.
n(17 h 10)n Vous semblez tracer un bilan somme toute assez positif de la loi du 1 %. Vous nous dites cependant qu'il y a quatre disparités, deux enjeux, et vous nous dites qu'il y a des défis à relever notamment au niveau de la petite entreprise. Comment vous percevez cela que 70 % des entreprises ne sont dorénavant plus couvertes par la loi du 1 %, puisque vous mentionnez dans votre mémoire également que cela a une incidence sur les sommes d'argent disponibles au niveau du fonds national de la main-d'oeuvre, puis que ça va requérir un apport, ça va nécessiter un apport substantiel de la part de l'État? Alors, comment fait-on pour relever le défi de mieux appuyer les petites et les moyennes entreprises, également de permettre aux travailleurs d'avoir accès à davantage de formation?
Le Président (M. Descoteaux): M. Doray? M. Bélanger?
M. Bélanger (Paul): Bien, je pense que...
Le Président (M. Descoteaux): M. Bélanger.
M. Bélanger (Paul): Écoutez, il y a une décision qui a été prise il y a deux ans. Qu'est-ce qu'on fait maintenant? C'est clair que la petite entreprise, nos données le montrent, c'est encore le seul secteur où il y a une différence significative avec le reste du Canada dans la formation parrainée avec l'employeur, pas dans l'ensemble de la formation des adultes, il faut faire attention, dans la formation parrainée par les employeurs. Ça, c'est clair. Je pense qu'il faut se tourner vers l'avenir, là. C'est quoi, les meilleurs scénarios?
Il y a deux scénarios proposés dans le mémoire de la CPMT. Nous, ce qu'on dit là-dessus, c'est que, peu importent les scénarios, il va falloir que ces scénarios-là tiennent de trois conditions. La première, c'est qu'il va falloir que la solution soit négociée. C'est le critère de réussite qu'on voit depuis 1995.
La deuxième chose, c'est qu'il est évident, il est évident que, quand on regarde le scénario financier du fonds de main-d'oeuvre, regardez le rapport quinquennal où on va venir maintenant à un fonds stable de 15 millions par année, c'est clair que ce fonds-là est insuffisant. Et, si on veut avoir des mesures significatives pour la petite entreprise, il va bien falloir que les budgets publics mettent de l'argent dans le fonds pour que le fonds puisse répondre aux demandes de l'entreprise, peut-être dans des scénarios incitatifs, peut-être dans certains scénarios obligatoires, c'est aux partenaires à le décider. Mais il est clair que le scénario de l'évolution du fonds de main-d'oeuvre ne peut plus répondre à cette demande-là et qu'il va falloir qu'on fasse une correction. C'est important, la petite et moyenne entreprise, on n'a pas besoin de le débattre aujourd'hui, mais la correction va devoir être de ce côté-là.
Nous, je dirais, l'important: les partenaires décideront de négocier entre eux. D'ailleurs, il y a déjà des scénarios de négociation, on le voit bien, dans le mémoire de la CPMT, et c'est fort heureux, en passant. C'est une des réussites les plus extraordinaires de tout ce train-là d'activités depuis 10 ans. On est capables de faire des consensus sur ce terrain-là.
D'ailleurs, c'est intéressant, Mme la ministre, au plan international, la formation de la main-d'oeuvre dans l'entreprise est un des secteurs où les syndicats et les patrons, à travers le monde, ont créé les plus grandes convergences. C'est un terrain où tout le monde a intérêt au développement de la main-d'oeuvre.
Donc, il y a eu une décision, on l'a critiquée lorsqu'il a été le temps. Il faut penser à l'avenir, et l'avenir, c'est: il faut investir dans la petite et moyenne entreprise pour la formation. Comment le faire? Les partenaires vont négocier des solutions. Mais le fonds que vous avez actuellement n'est pas suffisant dans les scénarios qu'on voit du fonds dans trois ou quatre ans. Pour y répondre, il va falloir qu'il y ait des corrections majeures de ce côté-là.
M. Doray (Pierre): Mais une chose est sûre, hein, c'est que toute intervention, peu importe ce qu'elle est, va devoir travailler à la fois sur la demande et l'offre. C'est-à-dire qu'il faut travailler autour de l'enjeu des petites entreprises, mais aussi il faut travailler sur tout l'encadrement institutionnel, comités sectoriels et autres formes, mutualisation et tout, pour s'assurer aussi qu'il y ait une offre de formation qui va être attirante pour les PME. Et ça, effectivement, on est dans un régime de régulation public et partenarial à fond, là. En tout cas, peu importe la méthode, il faut travailler sur les deux bouts en même temps.
Le Président (M. Descoteaux): M. le député de Gouin.
M. Girard: Vous dites que ça va prendre un appui, de la part de l'État, plus important pour faire face aux besoins de la petite et de la moyenne entreprise. Est-ce que vous pensez également que les entreprises doivent faire une contribution, ou si ça ne doit être uniquement qu'une contribution institutionnelle?
Le Président (M. Descoteaux): M. Bélanger.
M. Bélanger (Paul): C'est évident qu'il faut que les entreprises fassent une contribution, ça va de soi. C'est dans leur intérêt d'investir dans leur ressource la plus stratégique qui est leur personnel. Ça, ça va de soi. Le problème, c'est comment s'y prendre pour accélérer ce processus d'investissement et faire que les entreprises ont intérêt, avec le compétiteur aussi, de le faire. L'avantage de la loi pour les grandes entreprises actuellement, c'est que mon compétiteur est aussi forcé que moi d'investir, et donc je ne veux pas faire de gains à court terme en sauvant sur les ressources humaines, etc.
Là, il va falloir trouver de nouveaux scénarios, et c'est clair que, là-dessus, le crédit d'impôt, le Québec l'a expérimenté en 1994-1995 avec des résultats mitigés. Le problème de l'État qui fournit au fonds: Est-ce que le fonds va garder son caractère partenarial? Un des éléments importants de l'échec australien, c'est que le fonds n'a pas été partenarial. Les entreprises qui investissent dans le fonds, le fonds s'en allait à des fonds consolidés du pays. Ça n'a pas été la seule erreur, mais c'est une des erreurs importantes de l'expérience australienne. Il est important qu'on trouve un mécanisme par lequel le fonds peut être nourri davantage, mais que ce fonds garde une gestion partenariale des trois acteurs: l'État et les deux autres partenaires aussi de l'économie sociale, c'est un signe de succès.
En formation, là, les individus y mettent du temps, y mettent de la motivation, donc la participation des individus à tous les niveaux devient une condition de rentabilité des investissements. C'est pour ça que les comités de consultation dans l'entreprise sont majeurs. Les gens y mettent... Ils sont majeurs, ils sont importants parce que les individus y mettent de leur propre motivation, de leur propre temps, ils se forment à l'heure de la vaisselle. Ce n'est pas facile, la négociation en arrivant à la maison le soir, etc. Ils ont le droit de parole là-dessus, mais c'est vrai à tous les niveaux.
Le Président (M. Descoteaux): M. Doray? Ça va?
M. Doray (Pierre): Oui. Il y avait juste un élément sur lequel Paul a insisté, c'est que l'important aussi, c'est d'avoir tous les mêmes règles du jeu, là, et, quand, au Québec, une entreprise est présente au Québec, les règles du jeu sur le développement de la main-d'oeuvre soient les mêmes pour tous. À ce moment-là, ça va être beaucoup plus facile et beaucoup plus incitatif pour les entreprises s'il y a une régulation publique claire, d'une part, et si effectivement les partenaires peuvent communiquer entre eux et discuter entre eux pour trouver les solutions qui vont être les plus optimales. Il y a des niveaux d'action qui sont beaucoup plus pertinents que d'autres, sur le développement des formations et le développement de la main-d'oeuvre, et c'est à ces niveaux-là qu'il faut qu'ils aient les marges de jeu pour développer et intervenir, là, dans leur secteur, dans leur région, là.
Le Président (M. Descoteaux): M. le député de Gouin.
M. Girard: Pour inciter les petites et moyennes entreprises à faire davantage de formation, est-ce que l'idée de mutuelle de formation vous apparaît une avenue, une avenue intéressante pour...
M. Bélanger (Paul): Très certainement. Mais là-dessus il va falloir que la réglementation actuelle sur les organismes collecteurs soit revue. On le voit bien dans le rapport quinquennal, on le voit dans nos expériences, on le voit dans les expériences de l'économie sociale, les contraintes des organismes collecteurs actuels, ça ne fonctionne pas. Ça, c'est évident.
Je veux profiter du fait que j'ai encore un peu de temps de parole pour dire que, dans le mémoire, on insiste beaucoup aussi, dans ce chantier inachevé, sur la qualité de la formation. La qualité et la pertinence de la formation doivent devenir des objectifs majeurs dans l'avenir. On a réussi à un impact quantitatif. Et la qualité, je voudrais souligner deux points importants sur la qualité. Il est clair que les activités en amont et en aval de la formation doivent être aussi supportées et être aussi objet d'avantages, peu importent les mécanismes qu'on trouvera. Parce que la qualité est beaucoup liée à l'expression de la demande, et au suivi, et à l'évaluation. Et donc il ne faut pas financer uniquement la formation, mais aussi s'assurer que la planification, le diagnostic, l'expression de la demande, d'un côté, et le suivi et les différentes formes d'évaluation plus ou moins formelles soient aussi assurés. La qualité passe beaucoup par ces volets-là, et la dimension de la qualité est majeure pour l'avenir.
L'investissement en formation, c'est lorsque la productivité s'accroît, et la productivité, c'est la productivité des acteurs, c'est leur créativité, c'est la capacité accrue d'agir. Donc, c'est là qu'est le nerf de la guerre pour l'avenir.
Le Président (M. Descoteaux): M. Doray, ça va?
M. Doray (Pierre): Ça va.
Le Président (M. Descoteaux): Ça va. M. le député de Gouin.
M. Girard: Vous faites référence au modèle suédois quant au... c'est qu'ils y ont un exemple intéressant, dont le Québec pourrait s'inspirer, au niveau du relèvement des compétences de base. Est-ce qu'à votre avis il y a d'autres pays qui ont tenté ce même genre d'initiative que le modèle suédois et si vous pouvez nous en parler un peu, de l'expérience suédoise et des impacts que ça peut avoir?
Le Président (M. Descoteaux): M. Doray? M. Bélanger.
M. Bélanger (Paul): Bien, ce serait trop long de parler de l'expérience suédoise. Les évaluations ont été faites. Le programme maintenant se termine parce qu'il a fait son travail. Le modèle suédois répond à une culture qui n'est pas la nôtre. Je pense que c'est illusoire de penser qu'on peut introduire ça ici. Mais une chose certaine, c'est qu'il y a peut-être des expériences pilotes qui peuvent être menées ici pour des clientèles cibles, en termes de congé éducation et de libération de temps, et qui nous permettraient à la fois de répondre à ce besoin et d'expérimenter tranquillement des choses. Je reviens là-dessus ? l'échec des bons de formation, en Grande-Bretagne, le montre bien ? il n'y a pas une solution sur le financement des individus. Il va falloir qu'on explore plusieurs solutions et que l'avantage maintenant des comités sectoriels, au Québec, nous permet maintenant d'avoir des solutions beaucoup plus sophistiquées selon les secteurs, et là on a un potentiel d'action si on peut maintenir les organismes de concertation.
Le Président (M. Descoteaux): Mme la députée de Matapédia.
n(17 h 20)nMme Doyer: Oui. Merci, M. le Président. Je trouve ça extrêmement intéressant, ce que vous nous avez présenté. Mais, quand vous parlez de national, régional, vous nous arrivez au local, et vous parlez, je pense, ce que j'ai compris, de l'entreprise. Mais, moi, mon expérience de députée, c'est que nous travaillons à l'intérieur d'une MRC. Dans ma circonscription, j'en ai deux, et, au CLD, il y a le directeur du centre local d'emploi qui est là. Mais, outre ça, là, il n'y a pas nécessairement, je dirais ? c'est mon avis comme députée ? de recherche d'équilibre entre les besoins des différentes entreprises présentes dans notre MRC, par exemple, et ce que nous devrions, comme institution d'enseignement, sur un territoire donné, donner comme formation, comme formation continue, comme formation en entreprise, etc.
Et, moi, ça me semble trop éclaté, et avec les difficultés qu'on vit en forêt ? et je trouve ca intéressant que Mme la ministre soit là pour entendre ce que j'ai à dire ? on a des montants qui sont alloués, mais c'est comme si chacun faisait sa petite affaire. Et, il ne faut pas l'oublier, les institutions d'enseignement sont aussi en lutte entre elles pour donner des formations. Où vous voyez cette recherche intelligente d'équilibre entre les besoins de la formation que nous avons dans nos entreprises et ce que nous devrions faire, les différentes institutions d'enseignement et les entreprises? Parce que ça m'apparaît trop éclaté. Où on va être plus intelligents dans la dispensation de ces formations-là? Puis, vous, vous nous ramenez à l'entreprise. Il me semble que ça...
Le Président (M. Descoteaux): M. Bélanger.
M. Bélanger (Paul): C'est deux niveaux différents.
Mme Doyer: Oui, c'est ça.
M. Bélanger (Paul): Au niveau régional, il commence à y avoir, il commence à y avoir, au Québec, dans certaines régions, des expériences de concertation des acteurs à tous les niveaux avec Emploi-Québec, avec les CLE, etc. Ça commence. C'est clair que c'est une voie importante. La réforme des CRD en CRE, et tout ça, prend du temps à se mettre en place, etc. Il y a des problèmes, là, du côté... Et c'est important, la concertation, à ce niveau-là. Nous, on parlait aussi d'une autre concertation importante, au niveau local, à l'intérieur même de l'entreprise.
M. Doray (Pierre): Mais encore une fois je pense qu'effectivement, là, quand on regarde, là, à un niveau régional, on peut effectivement voir qu'il y a des régions où l'offre de formation peut apparaître éclatée, mais encore une fois il n'y a pas de recette miracle. Et c'est en quelque part dans la concertation qu'on peut essayer d'orienter et préciser les orientations qu'on peut prendre en termes d'offre de formation pour les adultes puis les travailleurs, là.
Donc, je ne pense pas que, pour avoir travaillé déjà avec des gens du secteur industriel, entre autres dans la forêt et tout, c'est dans cette systématisation des relations entre les acteurs socioéconomiques, les acteurs éducatifs qu'il peut y avoir une optimisation en tout cas des ressources. Mais en même temps il faut aussi réaliser que c'est aussi le développement puis les ressources que le ministère de l'Éducation, en termes de formation professionnelle et technique, peut mettre qui est aussi en jeu, là. On sait très bien que, dans la formation professionnelle et technique, il y a les entreprises, il y a Emploi-Québec et tout l'appareil du ministère, mais il y a aussi les ressources de...
Mme Doyer: Merci. J'ai une autre petite question. Jusqu'où vous iriez...
Le Président (M. Descoteaux): En quelques secondes.
Mme Doyer: En quelques secondes. Jusqu'où iriez-vous dans... Il y a les incitatifs pour les petites et moyennes entreprises à aller vers de la formation, mais ça me semble des fois laissé à l'arbitraire et inéquitable, justement, d'une entreprise à l'autre. Et jusqu'où vous iriez dans des mesures d'obligation ou ? comment je dirais ça? ? serrer la vis un petit peu en termes d'obliger, en quelque part? Parce que c'est inéquitable. Dans des entreprises, des travailleurs ont accès à de la formation; dans d'autres, ils ne l'ont pas et ils creusent leur propre tombe, autant l'entreprise que les travailleurs eux-mêmes, parfois, en n'en ayant pas suffisamment.
Le Président (M. Descoteaux): Pour conclure, très brièvement.
Mme Doyer: Je sais que c'est une grosse question.
M. Bélanger (Paul): Oui. Le débat sur l'obligation est trop lourd pour le faire en une minute. Mais je dirais une chose, c'est: Il me semble qu'il est important que, dans les conditions qu'on met en place, on aide les entreprises à ne pas se mettre en compétition du fait qu'elles investissent ou qu'elles n'investissent pas en formation. Ça, c'est important. C'est une des dimensions importantes. L'autre, il ne faut pas oublier qu'il y a peut-être une obligation à faire à l'ensemble des entreprises québécoises, indépendamment du 1 %, sur les objectifs de la loi, de souscrire aux objectifs de la loi, quitte à trouver des mécanismes différents pour y participer. Et, deuxièmement, et on ne pourra pas éviter le problème, il va falloir aussi, pour la petite entreprise, poser des exigences de qualité, autant pour les mesures incitatives, si c'est la stratégie que vous retenez, que pour les mesures d'obligation. On ne pourra pas passer à côté.
M. Doray (Pierre): Mais c'est aussi en travaillant sur l'environnement de l'entreprise, autour de l'entreprise, pour développer une offre et pour faire le travail de démarchage pour faire connaître l'offre, qu'on va réussir finalement à inciter dans le fond l'entreprise, au-delà des aspects financiers, là.
Mme Doyer: Merci.
Le Président (Descoteaux): Merci, MM. Doray et Bélanger.
Nous allons suspendre quelques instants.
(Suspension de la séance à 17 h 26)
(Reprise à 17 h 27)
Le Président (M. Descoteaux): ...prendre place, nous allons poursuivre. La commission accuse un certain retard. Donc, nous poursuivons nos travaux.
Bienvenue à la Coalition des organismes communautaires pour le développement de la main-d'oeuvre. Comme vous savez, 15 minutes de présentation pour le mémoire, 15 minutes du côté ministériel et 15 minutes pour l'opposition officielle.
Si vous permettez, vous présenter rapidement, et tout de suite commencer.
Coalition des organismes
communautaires pour le développement
de la main-d'oeuvre (COCDMO)
Mme Neamtan (Nancy): Alors, moi, c'est Nancy Neamtan. Je suis une des représentantes de la coalition à la Commission des partenaires du marché du travail.
Mme Nadeau (Marie-Claire): Marie-Claire Nadeau. Je suis responsable de la mutuelle FormaPlus et membre de la Coalition des organismes communautaires.
M. Baril (Daniel): Je suis Daniel Baril, chargé de projets aux politiques en éducation des adultes, à l'Institut de coopération pour l'éducation des adultes, membre actif de la coalition.
Le Président (M. Descoteaux): Merci, mesdames, monsieur. Donc, on vous écoute.
Mme Neamtan (Nancy): Oui. Alors, je vais commencer rapidement. Je ne prendrai pas beaucoup de temps pour présenter la coalition, simplement vous rappeler que nous représentons autant les organismes communautaires dans le domaine de l'employabilité, du développement local, de la formation et de la défense des droits et que notre mission est d'assurer que, dans toutes les discussions pour le développement de la main-d'oeuvre, on n'oublie pas et jamais les personnes qui sont plus éloignées du marché du travail, les gens qui sont plus faiblement scolarisés.
C'est un enjeu qui, pour nous, a toujours été important. On a été très actifs, par exemple dans le débat sur le développement de la politique de formation continue, à défendre l'importance de la diversité des lieux de formation justement pour répondre aux besoins des gens qui ont vécu, pour toutes sortes de raisons, des échecs scolaires ou qui sont moins formés.
Alors, si on vient ici pour discuter de la loi n° 90, et normalement peut-être, il y a quelques années, on se serait posé la question pourquoi les gens qui travaillent avec les gens plus éloignés dans le domaine de l'employabilité et d'autres parlent de la formation en entreprise, c'est parce que le contexte est changé d'une façon importante depuis quelques années.
Le contexte de pénurie de main-d'oeuvre fait en sorte que les gens plus faiblement scolarisés, qu'on le veuille ou non, doivent rentrer plus rapidement au marché du travail, doivent rentrer dans les entreprises, et que l'enjeu du développement des compétences donc ne peut pas être vu comme quelque chose qui est pris en compte juste avant qu'ils rentrent sur le marché du travail. Mais ce qu'on doit regarder d'une façon claire: comment ces gens-là vont pouvoir continuer à développer leurs compétences dans le processus en emploi puis une fois qu'ils sont en emploi.
Donc, ces gens-là se retrouvent souvent dans la petite entreprise, dans l'entreprise non syndiquée. Et il est très important... Et nous avons donc choisi de focusser notre mémoire sur les enjeux liés à deux questions, qui sont les questions particulièrement de la formation de base en entreprise et, deuxièmement, l'enjeu du regroupement des petites entreprises où se trouvent souvent des gens peu scolarisés et les gens qui sont dans les situations beaucoup plus précaires.
n(17 h 30)n Alors, je laisserais à mes deux collègues d'aller plus en profondeur sur ces deux questions-là.
Je veux simplement rappeler que, dans notre mémoire, premièrement, on adhère, comme coalition, au consensus qui a été développé au sein de la Commission des partenaires du marché du travail. Deuxièmement, on veut aussi réitérer notre appui à la proposition de reconnaître la capacité des... l'initiative individuelle dans le développement des compétences puis dans la formation en entreprise, pour la simple raison qu'on ne peut pas forcer des gens à se former. Si des individus ne sont pas responsabilisés, s'il ne sont pas partie prenante de la démarche, il est illusoire de penser que ces gens-là vont pouvoir aller au bout de tout ce qui est nécessaire pour améliorer leurs compétences. Alors, c'est un enjeu, pour nous, qui est important.
Deuxième point qu'on a soulevé, que je veux souligner rapidement, c'est que, pour nous, l'enjeu de développement et la reconnaissance des compétences génériques est un enjeu aussi qui touche beaucoup les personnes peu scolarisées, et nous faisons la recommandation que, quand on reconnaît le type de formation que la loi peut reconnaître et le FNFM ont, la question des compétences génériques soit reconnue comme un type de formation qualifiante.
Troisième, on a osé apporter peut-être une nuance ou une troisième voie dans le débat sur l'assujettissement des petites entreprises. On sait que, bon, effectivement, il y a une décision qui a été prise par le gouvernement il y a quelques années que les petites entreprises ne sont pas assujetties. Mais en même temps on recommande, à la page 19 de notre mémoire, de considérer la possibilité que les entreprises, les petites entreprises puissent se faire reconnaître comme organisations ou entreprises apprenantes, c'est-à-dire des entreprises qui font la preuve et démontrent qu'elles appliquent un processus clair de développement des compétences puissent être qualifiées comme telles et donc puissent avoir accès à un soutien financier en provenance du Fonds national de formation.
La dernière chose avant de passer la parole à mes collègues, c'est qu'on voulait quand même souligner... c'est qu'on a aussi une préoccupation pour les plus de 120 000 personnes, travailleuses et travailleurs, qui travaillent dans le secteur communautaire et d'économie sociale, que nous représentons ici. Ces gens-là souvent sont dans des organisations qui reçoivent un soutien de l'État pour accomplir une mission sociale, pour réaliser par exemple le développement en employabilité en partenariat avec Emploi-Québec. Et, malheureusement, présentement, malgré le fait que ces gens-là, souvent venant des groupes plus marginalisés, ont besoin, eux aussi, de se former et de se développer, on est exclus présentement de l'accès au Fonds national de formation, sur la base, une certaine base d'un double financement, en tout cas. Et donc on espère pouvoir reconsidérer ça, parce que ce sont des gens qui sont des travailleurs et travailleuses de plein droit et devraient aussi avoir accès à la formation continue en entreprise.
Alors, j'arrêterais là, sur ces points-là, et je passerais la parole à Daniel Baril pour qu'il puisse parler d'une des pièces maîtresses de notre mémoire, la notion de congé de formation pour la formation de base.
Le Président (M. Descoteaux): Merci bien, madame. M. Baril.
M. Baril (Daniel): Dans notre mémoire, on a mis l'emphase sur un défi, qui est à mon avis majeur et incontournable, de formation de la main d'oeuvre au Québec: le déficit de formation de base des travailleurs et des travailleuses du Québec.
Il y a quelques données qu'on cite, je vais les survoler juste pour replacer le portrait qu'on brosse dans notre mémoire. Récemment, Statistique Canada nous a dit que 54 % des personnes de 15 ans et plus, au Québec, se situaient dans les niveaux les plus bas de littératie, qui sont pour certains techniquement sinon proches de l'analphabétisme. Et le chiffre peut paraître important, mais, contrairement à l'enquête précédente, le ministère de l'Éducation a pris des précautions pour que l'échantillon soit le plus inattaquable dans la présente enquête. Parce que le ministère jugeait que le dernier échantillon laissait à désirer, et donc il y a des efforts redoublés qui ont été mis pour que cet échantillon-là soit inattaquable. Donc, le chiffre est gros, mais le chiffre, selon cet échantillon-là et les précautions qui ont été prises, est réel. Donc, 54 %, on ne peut pas dire que c'est un problème qui n'existe pas et que c'est une réalité qui... elle n'est malheureusement pas assez sur la place publique, mais elle est bien là.
Statistique Canada nous dit aussi qu'une personne qui a moins de huit années de scolarité va... 6 % des personnes qui ont moins de huit années de scolarité vont participer à la formation de la main d'oeuvre. Donc, les personnes qui ont le plus grand besoin sont ceux qui participent le moins. Et encore là une réalité qui est frappante et qui doit être réglée: les personnes qui n'ont pas un diplôme d'études secondaires, de leur côté, participent à un taux de 12 %.
Un petit tableau qu'on a mis dans notre mémoire: l'Institut de la statistique du Québec a brossé un peu le bilan des pertes et des gains d'emplois dans la dernière décennie, et c'est assez étonnant de voir que 62 % des pertes d'emploi de la dernière décennie étaient occupés par des gens qui n'avaient pas un diplôme d'études secondaires. Donc, de manière générale, le problème du déficit de la formation de base et le risque que ça incombe pour les travailleurs et les travailleuses du Québec est réel.
Et aussi, dans le passeport pour l'emploi du présent gouvernement, on nous disait que, contrairement à d'autres générations ou à d'autres époques, des nouvelles vagues de jeunes pouvaient remplacer les travailleurs, et on pouvait donner des coups de barre importants à notre main-d'oeuvre par les nouveaux jeunes qui rentrent sur le marché du travail. Présentement, la démographie n'est pas de notre côté, et ce qui est clair aussi, c'est que les travailleurs en place... Le slogan dit que 80 % de la main-d'oeuvre des 10, 15 prochaines années est déjà en emploi. Donc, ce déficit de formation de base là, c'est par les travailleurs en emploi qu'on va pouvoir le combler, et on est dans l'obligation de former ces travailleurs-là, sinon c'est collectivement qu'on se met à risque de ne pas avoir la main-d'oeuvre dont on a besoin.
Je considère que la loi n° 90, elle s'organise de deux manières: il y a un objectif très large de développement de la formation de la main-d'oeuvre, et, dans le corps de la loi, on énonce des moyens. Présentement, il n'y a qu'un moyen qui est mis de l'avant par la loi: c'est le 1 %. Il n'y a rien qui nous empêche, pour répondre à l'objectif de la loi, d'ajouter d'autres moyens. On n'est pas condamnés à l'obligation de financement, on peut aller sur d'autres terrains. Les gens qui souhaitent que des éléments de reconnaissance des acquis soient dans la loi sont sur ce terrain-là, les gens qui souhaitent que des enjeux de qualité de la formation soient dans la loi sont sur ce terrain-là. Nous, ce qu'on souhaite amener dans une logique de développement de la loi, c'est le congé de formation.
Et j'anticipe que la question va être posée, donc je vais y répondre présentement, sur le coût de ce congé-là, nous, ce qu'on propose, c'est que ce soit un congé rémunéré pour la formation de base, donc spécifiquement pour les gens qui ont des besoins en termes de formation de base, donc un équivalent de secondaire V, et non pas pour l'ensemble de la main-d'oeuvre. Un jour, on pourra y arriver, mais il y a une première étape à faire.
Ce que j'ai pu trouver, des données statistiques, dans l'État de la formation de base du ministère de l'Éducation, c'est qu'une personne sans diplôme d'études secondaires gagne 19 000 $. Si on y va au taux horaire, un congé de formation de 200 heures par année coûterait 2 000 $ par travailleur; un congé de formation de 100 heures par année coûterait 1 000 $ au travailleur ? sans faire de boutade, j'ai envie de dire: Combien coûte une personne sur le chômage, combien coûte une personne sur l'aide sociale? ? et c'est extrêmement économique.
Et, si c'est l'entreprise qui le paie au complet, elle a, si je prends 200 heures, pendant 200 heures, une perte de productivité. Ça ne lui coûte pas plus. Le salaire, elle l'aurait versé. Et, après le congé de formation, après la formation, elle a un gain de productivité parce que, le travailleur qui aurait cheminé et qui serait davantage formé, on peut escompter, faire l'hypothèse qu'il sera davantage productif. Donc, l'enjeu du coût est à la fois un débat important, mais à la fois un débat à remettre en perspective parce que le salaire serait de toute façon payé, et pourquoi pas le payer à un travailleur qui est davantage productif? Et je trouvais important de remettre ça en perspective parce que ce n'est pas des nouveaux argents dont on parle. S'il est rémunéré, c'est de l'argent qui est déjà là, c'est des gains de productivité, c'est un investissement dans les gains de productivité.
Et je terminerais sur un autre bout qui est important pour nous. Si la charte québécoise des droits et libertés de la personne dit que chaque Québécois et chaque Québécoise a le droit à l'instruction publique, si la Loi sur l'instruction publique dit que ce dont on parle, c'est un secondaire V, il est clair, pour nous, que la loi du 1 % pourrait appliquer à l'intention des travailleurs et des travailleuses du Québec une obligation qui est dans la charte et dans la Loi sur l'instruction publique et, tranquillement pas vite, devenir, pour la formation de la main-d'oeuvre, une loi-cadre aussi importante et qui jouerait un rôle similaire à ce que la Loi sur l'instruction publique fait présentement pour les jeunes en formation initiale.
Donc, si je conclus sur ces deux éléments-là, le congé de formation n'est pas un nouvel investissement, c'est l'utilisation de fonds existants ? le salaire des travailleurs ? et, d'une autre manière, il s'appuie sur la Charte des droits et libertés et le droit pour chaque Québécois à l'instruction publique et à un diplôme de secondaire V. Et, très pratico-pratique, dans un contexte de pénurie de main-d'oeuvre et de vieillissement de la population active, je considère qu'on n'a pas le choix de s'y attaquer. Et la conciliation famille-travail-études, le temps, c'est de l'argent, et il serait bien investi dans un congé de formation.
Le Président (M. Descoteaux): Mme Nadeau.
Mme Nadeau (Marie-Claire): Oui. Vous n'êtes pas sans vous douter certainement que la Coalition des organismes est également préoccupée des travailleurs et des travailleuses qui sont à l'oeuvre dans les PME, dans les petites entreprises, et également des entreprises communautaires et d'économie sociale.
n(17 h 40)n Alors, le fait a été amplement, je pense, documenté depuis hier par d'autres partenaires: les moyennes et les petites entreprises vivent beaucoup plus intensément que les grandes le combat quotidien pour se maintenir sur le marché. Et je pense que je n'ai pas de chiffres à vous donner là-dessus, vous les connaissez probablement plus que moi. Un trop grand nombre de ces petites et moyennes entreprises n'arrivent pas encore à affronter la complexité de ce vaste chantier qu'est la formation. Et je pense que, dans le bilan de la loi, on le voit aussi.
Alors, ces entreprises représentent, par exemple, près de 50 % de la main-d'oeuvre au Québec, et on sait qu'au Québec, sans la PME, bien l'économie pourrait se désertifier, surtout en contexte de mondialisation. Donc, il faut voir à la mise en place de nouvelles stratégies, peut-être, moi, je dirais, d'un chaînon manquant, dans tout le chantier de la formation depuis 1995, et c'est celui des mutuelles. Alors, je veux vous en parler concrètement, étant donné que je suis responsable d'une mutuelle de formation...
Le Président (M. Descoteaux): En deux minutes, Mme Nadeau.
Mme Nadeau (Marie-Claire): En deux minutes?
Le Président (M. Descoteaux): En deux minutes.
Mme Nadeau (Marie-Claire): Je pensais qu'il m'en restait plus. O.K., j'accélère. Alors, l'expérimentation, depuis 2003, a été appuyée par la Commission des partenaires du marché du travail, et ça nous a permis de mettre sur pied des mutuelles. Je dirais, trois caractéristiques: c'est innovant, c'est structurant, puis c'est multiplicateur.
Très concrètement, si je vous parle d'une expérience ? celle où nous sommes: dans le sud-ouest, il y a à peu près 2 372 entreprises qui ont cinq employés et plus, ça représente 85 000 employés, et il y a, depuis 2002, des chefs d'entreprise qui se sont mis ensemble pour décider de s'attaquer au dossier de formation. Et ils ont mis sur pied la mutuelle FormaPlus dans ce cadre-là de l'aide reçue par la Commission des partenaires. C'est une à une que les entreprises adhèrent à la mutuelle, et c'est une à une que la mutuelle les dessert.
Alors, FormaPlus, c'est innovateur, ça permet justement d'entrer dans l'entreprise, d'être sur place, de travailler autant avec les gestionnaires que les employés à tout le processus, mettre en place tout le processus de formation en amont, en aval. C'est aussi structurant parce qu'une des priorités d'une mutuelle, c'est de mettre en place la concertation locale pour la formation. Alors, il n'est pas question qu'on travaille chacun de notre bord. Les gestionnaires et les employés se réunissent dans ce qu'on appelle idéalement des comités d'organisation de la formation pour justement contrôler. Les gestionnaires, les entreprises restent totalement en contrôle de la gestion de leur formation, ce n'est pas un consultant externe qui ne revient plus jamais. C'est vraiment: ils sont membres et ils sont administrateurs de cette entité-là, qui est sans but lucratif.
Le Président (M. Descoteaux): Merci...
Mme Nadeau (Marie-Claire): Alors, je vois que vous allez me dire d'arrêter, là? C'est dommage, je répondrais, moi, aux questions.
Le Président (M. Descoteaux): On pourra continuer, Mme Nadeau, au niveau des périodes de questions.
Mme Nadeau (Marie-Claire): J'ai des petits messages à vous lancer aussi.
Le Président (M. Descoteaux): Merci d'avoir accéléré le tempo. Mme la ministre, est-ce que, de part et d'autre, on peut avoir consentement pour dépasser légèrement l'heure pour respecter le temps alloué, là, à nos invités?
Des voix: ...
Le Président (M. Descoteaux): Merci. Donc, Mme la ministre.
Mme Courchesne: Merci, M. le Président. Mme Neamtan, Mme Nadeau, M. Baril, merci. Malgré l'heure tardive, soyez sans inquiétude, nous sommes toujours aussi vifs, et l'intérêt de votre mémoire est aussi grand, même si vous avez été bien patients.
J'ai bien sûr parcouru attentivement votre mémoire. J'irai droit au but, et je commencerai par parler de ce congé de formation ? parce que, Mme Neamtan et moi, on a déjà eu beaucoup de discussions: c'est un peu de transformer les mesures passives en mesures actives. Mais là on l'aborde cette fois-ci dans un cadre beaucoup plus précis, beaucoup plus ciblé. Je comprends qu'on parle de formation de base, je comprends aussi que les statistiques sont assez inquiétantes, je partage ça avec vous. Maintenant, j'essaie de voir concrètement, dans l'application, comment on peut y arriver.
Entre autres, M. Baril, là, puis tout a été très vite, là, corrigez-moi si je me trompe, on s'adresserait davantage à ceux et celles qui n'ont pas de secondaire V. Donc, on sait aussi que notre taux de décrochage est très élevé chez les jeunes. Donc, par exemple, je n'obtiens pas mon secondaire V, j'essaie pendant quelques années, puis je fais toutes sortes de petites jobines, puis, à un moment donné, à 23, 24 ans, je me retrouve sur le marché du travail, peut-être même avant, puis je dis: C'est formidable, il y a un congé de formation rémunéré. Donc, à 18 ans, 17 ans, je me dis dans ma tête: Je n'ai pas besoin d'avoir mon secondaire V parce que, tu sais, je vais aller à l'école, je vais travailler, je vais être rémunéré.
J'essaie de voir le lien entre tout ça et en me disant: Est-ce qu'il n'y a pas une responsabilité de formation de base par le système de l'éducation? Puis est-ce que là on n'est pas en train indirectement d'avoir un effet pervers par rapport à toute responsabilité par rapport à la formation qu'on doit donner? Je comprends que ceux qui sont là depuis très longtemps, sur le marché du travail, il y a d'autres problématiques pour les travailleurs âgés, j'en conviens totalement, c'est autre chose dans mon esprit.
Ensuite, M. Baril, vous nous dites: Bien, écoutez, de toute façon, ce n'est pas de l'argent neuf parce que c'est le salaire du travailleur. Moi, je suis un entrepreneur, puis, si je suis l'entrepreneur de M. Garand, tout à l'heure, je dis: Bien, c'est parce que, oui, il y a un salaire, mais il n'y a pas de productivité. Donc, l'entreprise, elle, elle va venir voir le gouvernement, quel qu'il soit, puis elle va dire: Bien, vous, gouvernement, c'est votre responsabilité, comme vous l'écrivez dans votre mémoire, donc, gouvernement, payez.
Je conclus en disant: Au fond, ce que vous dites... Une fois que j'ai fait ce long détour ? mais j'essaie de suivre votre logique à vous ? au fond disons-nous tout de suite: Pourquoi on ne prend pas l'argent de l'aide sociale pour le transformer? Mais ces gens-là, on s'entend, ne sont pas sur l'aide sociale nécessairement. Donc, comment on fait pour accrocher tout ça? Parce que, sur le fond, je comprends votre préoccupation, et je suis sensible à vos... Mais est-ce que c'est réaliste de l'aborder de la façon dont vous êtes... Et j'arrête là.
Le Président (M. Descoteaux): Mme Neamtan.
Mme Neamtan (Nancy): Oui. Je veux dire deux choses. L'argumentation qu'aussitôt qu'on paie la formation en entreprise les jeunes vont décrocher: il n'y a pas de congé de formation maintenant et les jeunes décrochent. Alors, je pense qu'on a un problème, et je suis d'accord, il faut le régler. Mais, nous, on le voit plus de la perspective que, dans le milieu de travail, souvent ce qui arrive, c'est qu'on attend que les gens perdent leur emploi. Puis les statistiques sont parlantes, tu sais, les secteurs où est-ce que les gens perdent leur emploi, à 40 ans, etc., ils se retrouvent... ils n'ont pas leur diplôme d'études secondaires. Alors là, on va soutenir leurs revenus, on va soutenir les coûts de formation, on va les envoyer en institution. Puis, en tout cas, depuis 20 ans que je suis ça, les taux de réussite qu'on renvoie les gens qui ont décroché l'école sur les bancs de l'école, pour finir, c'est pas fort. En tout cas. Puis on l'a vu même en Europe, c'est la même chose.
Donc, pour nous, c'est plus de dire: Par exemple... Et on l'a vu en Europe, des expériences où est-ce qu'on dit: Tu travailles quatre jours, la cinquième journée, là, tu peux aller chercher la formation. Ça va coûter beaucoup moins cher à l'État de faire ça que de continuer à payer la personne qui est sur l'aide sociale ou l'assurance chômage, payer la formation en institution, puis attendre que la personne ait le diplôme, puis après aller en travail. Alors, c'est plus dans ce sens-là de l'intégrer, pas dans une... Puis on pourrait expérimenter différentes façons de faire. Mais c'est de constater...
On a fait une expérience par exemple, il y a très longtemps, dans le sud-ouest, à Consumer Glass, c'était: les gars qui étaient sur les chiffres, l'entreprise, ils payaient une heure, ils finissaient une heure plus tôt. Ils rachetaient une heure de leur propre temps. C'était un formateur communautaire qui venait, puis on faisait la formation de base en usine. Mais c'est ces genres de choses là. Mais, si on met le congé de formation pour la formation de base sur la table, l'État, il va épargner par rapport aux mesures passives et tout ce qu'on paie dans les institutions publiques et qui ne donnent pas les résultats.
Le Président (M. Descoteaux): Mme la ministre.
Mme Courchesne: M. le Président, je ne veux pas faire de sémantique, là, mais ce que vous dites, plutôt, là, c'est vraiment la formule alternance travail-études, là. Tu sais, pour moi, il y a une certaine... Parce que le quatre jours au travail et une journée... et le congé de formation rémunéré à temps plein pour tous ceux qui n'ont pas de secondaire V, pour moi, là, il y a deux nuances, là. Il y a une nuance importante. On ne va pas élaborer, là, sur la façon de le faire. Je comprends que votre demande, au fond, là, sur le fond, c'est de trouver des mécanismes, résumons ça comme ça parce que ce n'est pas en 15 minutes qu'on va être capables de conclure, mais c'est de trouver des mécanismes où il y aurait ce partenariat, dans le fond, État-entreprise-individu pour compléter cette formation de base.
Et je terminerai sur ce volet-là en vous demandant: Quelle est la responsabilité de l'individu? Qu'est-ce qu'on va lui demander, à l'individu ou à la personne, pour avoir cette espèce de contrat d'échange où tout le monde va être gagnant-gagnant? À quoi va devoir se conformer la personne qui adhérerait à un tel programme?
Le Président (M. Descoteaux): M. Baril.
n(17 h 50)nM. Baril (Daniel): Sur ce bout-là, ce que je dirais, et je ne le dis pas en boutade, là: Si on libère du temps dans la vie d'une personne pour un premier diplôme avec tout ce que ça peut ouvrir en termes de mobilité et de choix, c'est de le prendre, le temps. Je pense que l'individu... On le fait pour les jeunes, et je pense que, pour les travailleurs, c'est d'en profiter et de le faire.
Puis le bout sur l'absence d'un travailleur pour une PME, l'importance que ça peut avoir, il n'y a rien qui nous empêche d'avoir une pensée plus globale et de profiter de cette libération de temps là pour offrir un stage d'insertion à une personne sur le... à un chômeur qui pourrait prendre la place de ce travailleur-là, dans un programme bien ficelé, et avoir une occasion de 200 heures, une occasion de travail réel pour faciliter son insertion professionnelle. Je sais qu'il y a des pays qui ont profité de ça en libérant des travailleurs, de profiter de ces places-là de libres pour offrir des stages d'insertion, et là on fait d'une pierre plusieurs coups.
Une approche globale nous amènerait à penser... Je ne sais pas si ça cadre dans la définition d'innovation qui était soulevée tout à l'heure, mais, moi, j'estime qu'on est assez proches de l'innovation en balayant large de même, et je le resouligne: Si les gens profitent de leur temps, c'est ce qu'on peut leur demander. Et, si les gens profitent de leur temps pour se former à un premier diplôme ? là, on n'est pas dans le luxe de la formation, là, on est dans ce qui est essentiel ? c'est beaucoup déjà de le demander, d'insister, et c'est pas mal de l'obtenir.
Le Président (M. Descoteaux): Mme la ministre.
Mme Courchesne: Comme le temps file, je vais tout de suite sauter à d'autres volets. Je crois comprendre, à la lecture de votre mémoire, que vous êtes quand même assez d'accord avec l'ensemble des mesures, que ce soit la mutualisation, que ce soit un peu, là, tout ce qui est amorcé. Ce que vous demandez, par ailleurs, dans chacune de vos recommandations, c'est un renforcement de chacune des initiatives. Et, dans chacune de vos recommandations, vous demandez d'augmenter le financement, que ce soit la mutualisation, que ce soit aux organismes, de différentes façons. Est-ce que vous avez chiffré vos demandes pour l'ensemble de votre mémoire? Est-ce que vous avez été capables d'évaluer ce que représentait l'ensemble de vos demandes pour justement atteindre les objectifs d'amélioration ou de changement de façon de faire ou...
Le Président (M. Descoteaux): Mme Neamtan.
Mme Neamtan (Nancy): Bien, écoutez, honnêtement, moi, je reviens sur la question des congés de formation. Moi, je pense qu'il y a une épargne là-dedans. Honnêtement, là, si on faisait l'exercice puis on faisait des vases communicants dans ce qu'on investit pour le raccrochage des adultes et la formation des adultes, moi, je trouve que c'est une façon plus économique. Mais je dois dire: Honnêtement, il faut aller dans la capacité de le faire et, on l'a dit comme tous les gens de la Commission des partenaires, il faut investir là-dedans.
L'enjeu des mutuelles, Marie-Claire pourrait peut-être en parler un peu plus, mais l'idée, là, c'est peut-être de mettre plus l'argent et l'emphase de l'investissement sur l'aide à l'organisation des entreprises pour qu'ils se mettent ensemble, parce qu'après ça ils sont plus sensibilisés et plus prêts à acheter, et payer, et investir eux-mêmes dans la formation. Donc, c'est plus de changer l'emphase où est-ce qu'on met l'argent.
Le Président (M. Descoteaux): Mme Nadeau.
Mme Nadeau (Marie-Claire): Oui. Alors, une des recommandations qu'on faisait, c'était d'obtenir effectivement que l'émergence des nouvelles mutuelles et la consolidation des mutuelles existantes, au Québec, soient appuyées d'une façon, là, temporaire, peut-être sur une période de cinq ans. Moi, je mets un chiffre, là, sur la table, je me dis: Les comités sectoriels sont appuyés avec un certain montant pour leur fonctionnement de base. Il me semble que les mutuelles qui se consacrent plutôt aux petites entreprises devraient avoir un équivalent, donc assurer le fonctionnement de base. Moi, je ne connais pas exactement les chiffres, mais j'imagine que c'est entre un 200 000 et un 300 000 par mutuelle, ça, c'est vraiment, là, on consolide. Et, après, du un pour un dans une espèce de partenariat, c'est l'autre recommandation qu'on fait à partir des membres qu'on a à date, là, c'est qu'une entreprise qui fait un effort pour mettre en place tout le processus de formation, analyse des besoins, puis des entreprises qui se mettent ensemble pour vraiment, justement, répondre à la demande tantôt de préparer une offre de formation qui est plus consistante puis qui vraiment répond à leurs besoins, à leurs réalités, moi, je trouve que du un pour un, ça pourrait être, là, sur une période de trois ans. Mais évidemment je ne suis pas comptable, là, mais je suis organisatrice.
Mme Courchesne: M. le Président, c'est un peu une boutade de ma part, là. Je vous ai tendu une perche, là. Parce que, tu sais, tout ça, là, sur le fond, c'est attrayant. Maintenant, je regarde toujours le côté réaliste. En fait, à mon avis, pour arriver à avoir des résultats significatifs, avoir la capacité de convaincre tous ces partenaires d'y adhérer, là vous nous dites qu'il y a des propositions, vous nous dites: Trois ans, cinq ans, mais, tu sais, ça prend un certain temps. Est-ce qu'on n'en convient pas? Parce qu'au fond ce n'est pas qu'une simple question d'argent, c'est vraiment de changer complètement non seulement l'approche, mais c'est vraiment la mentalité, la culture d'entreprise, c'est un changement majeur.
Et, depuis que je suis ministre, la question que je me pose pour essayer de vous suivre ? parce qu'on discute de ça très souvent, soit avec vous soit avec les gens du ministère ? c'est: Les projets pilotes, là, je veux bien, là, mais les projets pilotes, c'est long, ça prend du temps. Parfois, c'est significatif, mais, à l'échelle du Québec, tu sais, comment on fait pour faire ce genre de virage, pour que vraiment, collectivement, on soit convaincus non seulement du résultat, mais que la personne y trouve son compte aussi? Parce que, vous le savez, ce genre de situation là, s'il y a trop d'échecs, c'est fini, tout le monde décroche, et on n'est plus capables de remobiliser vers ce type de réinsertion.
Je ne veux pas être ni pessimiste ni trop sceptique, mais je crois, corrigez-moi si je me trompe, vous allez me dire: C'est peut-être juste une question de volonté. Mais est-ce que c'est vraiment juste une question de volonté, ou si on n'a pas vraiment trouvé exactement la façon de s'y prendre? Et c'est pour ça que je vous ai posé la question de l'argent. Parce que vous auriez pu me répondre aussi qu'au-delà de la volonté c'est aussi une question d'argent ou d'investissement ? mettons ça comme ça, là, je ne veux pas avoir l'air bêtement mercantile ? mais dans la capacité d'investir les sommes nécessaires.
Le Président (M. Descoteaux): Pour répondre en une minute, M. Baril.
M. Baril (Daniel): Si je m'attrape un petit bout de la perche que vous nous tendez, je disais tout à l'heure que les personnes sans diplôme d'études secondaires participaient à un taux de 12 %. Si je continue de faire le calcul que je faisais, ça se chiffre à peu près à 75 millions de dollars. Si on regarde ce qui est disponible dans la caisse d'assurance-emploi, là, ça ne la défoncerait pas, si je me permets d'utiliser cette expression-là. Et aussi, en matière de formation, il n'y a rien qui nous empêche, la formation de base, de nous donner une décennie de la formation de base et de calculer sur 10 ans combien, après cinq ans, on rentre dans notre argent et comment, sur un effort d'une décennie, on a fait un bon coup. Tu sais, vous savez mieux que moi que, si on s'enferme dans un budget d'une année, bien vous le savez beaucoup mieux que moi, là...
Mme Neamtan (Nancy): Mais je veux juste...
Le Président (M. Descoteaux): Mme Neamtan.
Mme Neamtan (Nancy): L'autre élément, c'est que, dans le cas des mutuelles, c'est clair, on parle des changements de mentalité, puis on n'a pas le temps d'en parler, mais comment tu fais en sorte que les projets pilotes, ils se répercutent sur la culture. Mais c'est sûr que, quand tu vas en France ou ailleurs, les mutuelles, c'est comme ça que ça se passe. Et, à partir du moment où ça va devenir un avantage concurrentiel pour un groupe d'entreprises d'être en mutuelle, ce ne sera pas long que les autres vont suivre.
Et l'autre chose, je dirais, si on regarde ? et, moi, ça fait longtemps que je suis dans la main-d'oeuvre ? les montants et les dizaines et les centaines de millions qu'on investit pour la formation de base en institution qui n'ont pas donné les résultats escomptés, on peut en parler longuement. Je pense qu'à un moment donné il faut peut-être reprendre ça par un autre bout, et c'est ça qu'on a essayé de faire par la notion de congé de formation de base en emploi.
Le Président (M. Descoteaux): Merci, madame. M. le député d'Iberville, malheureusement... M. le député de Gouin.
M. Girard: Merci, M. le Président. Alors, merci pour votre présentation, Mme Neamtan, M. Baril et Mme Nadeau.
Je voulais revenir sur les mutuelles de formation, nous parler un peu de l'expérience de FormaPlus. Il y a plusieurs projets pilotes qui ont vu le jour, qui ont été financés. Quel bilan vous tracez de ces projets-là? Et vous nous dites: Il faut pousser l'expérience plus loin, il faut qu'il y ait un financement de base pour permettre la création de d'autres mutuelles de formation sur le territoire québécois. Mais en même temps, à partir de 2006, les petites et moyennes entreprises n'auront plus accès au fonds national, ne pourront plus avoir de subvention pour ce genre d'activité. Alors, comment fait-on pour maintenir un soutien et maintenir les mutuelles de formation?
Et j'aimerais également que vous m'expliquiez, dans le sud-ouest, quand vous avez mis sur pied votre mutuelle de formation, quel a été l'impact? Est-ce qu'il y a beaucoup de petites et moyennes entreprises qui ont cru à ce concept-là? Est-ce que vous sentez de la résistance chez les petites et moyennes entreprises? Et est-ce que le fait que dorénavant les petites et moyennes entreprises ne sont plus assujetties à la loi du 1 %, est-ce que cela a eu un impact sur votre capacité de les attirer à se joindre à la mutuelle de formation?
Le Président (M. Descoteaux): Mme Nadeau.
Mme Nadeau (Marie-Claire): Oui. Merci, M. le Président. Il est vrai que, quand la loi a changé, la modification de la réglementation... de l'assujettissement, ça a eu un impact assez grave sur tous les projets pilotes de mutualisation, pas seulement sur celle dans le sud-ouest.
n(18 heures)n Je pense que tous les promoteurs se sont redressés, se sont relevé les manches et avec beaucoup de flexibilité, c'est là où on a compris qu'il ne fallait pas parler de mutualisation des fonds de formation mais de mutualisation des besoins, de mutualisation des pratiques, des ressources, des énergies. Donc, on met en commun les entreprises qui ont tenu le coup puis qui ont décidé de continuer à adhérer. Je vous disais qu'il y en avait 30 dans le sud-ouest, qu'on va les chercher une par une, qu'elles se convainquent une par une. Un changement de mentalité, la ministre le disait, c'est long. Ça fait qu'on est patient. Alors, celles qui adhèrent, quand elles se regroupent ensemble, elles trouvent une communauté de pratique sur la formation. Il n'y a pas mieux qu'une entreprise pour influencer une autre entreprise. Donc, ça marche, l'action du semblable sur le semblable. Et en plus, à cause des services qu'elles peuvent se donner de cette façon-là, les entreprises, elles sont à même de développer des partenariats qui font...
Par exemple, des entreprises de la construction qui sont chez nous actuellement, qu'est-ce qu'elles ont demandé à l'équipe de la mutuelle? De préparer leur dossier, de préparer leur offre de formation. Et elles sont, avec nous, allées voir la CCQ, et là sont les fonds. Donc, elles n'étaient jamais capables d'arriver là avant parce que tout le préalable, tout l'amont, toute l'identification des besoins, là, elles n'avaient pas les moyens de le faire. Donc, c'est une question que ce n'est pas juste la mutuelle qui va tout faire mais faire avec, faire en partenariat.
Donc, pour répondre à vos... Oui, c'est long, changer des mentalités. Celles qui y sont y restent parce qu'elles y voient leur avantage, puis elles ont un service, là, continu et non pas ponctuel, puis elles s'influencent les unes les autres.
Alors, moi, je pense que ça vainc toute résistance et je vous dirais même celle des employés, parce que les employés ont besoin aussi d'être stimulés puis d'être motivés pour ne pas avoir peur de la formation. Et l'action comme ça, de vraiment présence continue, d'accompagnement soutenu, fait que les employés commencent à exprimer leurs besoins de formation. Une entreprise, par exemple, qui me disait: Aïe! Je ne savais jamais que mes employés étaient capables d'exprimer des besoins en formation. Qu'est-ce que c'est ça que tu viens de découvrir? Et cette entreprise-là maintenant est au fonds national, puis elle a son programme d'activités sur deux ans, puis... Alors, ça fait une petite... un changement très intéressant dans la culture de l'entreprise. On commence à considérer la formation comme un moyen de plus de se développer.
Le Président (M. Descoteaux): M. le député de Gouin.
M. Girard: Est-ce que toutes les entreprises qui ont accepté de participer à la mutuelle de formation y sont restées? Puis mon autre question, c'est: Cette mutuelle de formation là a vu le jour dans le sud-ouest de Montréal, comment fait-on pour rejoindre l'ensemble des besoins qu'on a des travailleurs et des petites et moyennes entreprises sur le territoire montréalais, par exemple?
Le Président (M. Descoteaux): Mme Nadeau.
Mme Nadeau (Marie-Claire): Je pense qu'il faudrait multiplier les projets... puis pas des projets, multiplier les mutuelles comme les mutuelles de santé et sécurité se sont multipliées au Québec. Il faut qu'il y en ait partout, pas juste sur les territoires. Il faut qu'il y en ait dans les comités sectoriels aussi. Parce que, nous, on fait des liens, je vous le disais tantôt, avec le sectoriel de la construction, mais il y a un partenariat à faire. Et il faut qu'il y ait des mutuelles où il y a des petites entreprises, où il y a des besoins. Je pense qu'il faut que le modèle se multiplie.
Nous, on est prêts à aider, là, mais on ne peut pas... On a décidé de miser sur le contact de proximité. On est un territoire puis géographiquement on travaille avec les entreprises qui sont voisines, qui sont proches. On développe les services. Mais il faut que ça se multiplie, le modèle de mutualisation, comme dans la santé et sécurité ça s'est fait puis comme dans d'autres pays, Nancy le disait tantôt. En France, ça marche ça fait 30 ans. Donc, je ne vois pas... Il faudrait que, chez nous aussi, on mette l'accent là-dessus puis on soutienne le développement.
Le Président (M. Descoteaux): M. le député de Gouin.
M. Girard: Les entreprises qui bénéficient de votre service de formation vous versent un montant, à FormaPlus, pour que vous puissiez offrir la formation? De quelle façon, vous, vous procédez?
Mme Nadeau (Marie-Claire): Bien, d'abord, elles sont membres. Donc, il y a une adhésion assez importante. Il y a aussi des offres de services à la carte qu'elles vont payer. Et il y a actuellement... on profite vraiment de l'intervention regroupée au fonds national. Donc, on regroupe cinq entreprises pour aller chercher, au fonds national, tout le financement, là, de toute la mise sur pied, là... en place du processus, en amont, en aval des activités. Donc, c'est un financement en trois parties.
Le Président (M. Descoteaux): M. le député.
M. Girard: Et votre financement de base, il vient à échéance... Actuellement, vous avez une subvention, là, de l'ordre, je pense, de 300 000 $ pour le projet pilote. Est-ce que vous souhaitez avoir un financement de base sur une période entre trois et cinq ans? À ce moment-là, si vous n'avez pas cette formule de financement là, ça ne vous permettra pas de maintenir les opérations, de maintenir les mutuelles de formation?
Le Président (M. Descoteaux): Madame.
Mme Nadeau (Marie-Claire): C'est sûr qu'il faut avoir un appui. Le financement de base, il est terminé, là. C'était dans le temps des projets pilotes. Mais en même temps je pense que c'est à discuter avec...
Mme Neamtan (Nancy): Et, moi, je pense qu'on n'est pas ici pour discuter d'un cas particulier, là, mais peut-être pour dire, par exemple, dans le Fonds national de formation, quand on parle, tu sais, d'encourager le regroupement, il y a moyen encore d'orienter peut-être les argents qu'on a à notre disponibilité pour assurer qu'on met l'emphase, plutôt que sur le saupoudrage à plein, plein de petits projets individuels, de dire: Bon, l'incitation, c'est que, si vous êtes regroupés, vous avez accès, puis, si c'est juste des petites affaires individuelles, bien là vous ne l'avez pas. En tout cas, il y a moyen aussi de moyenner avec ça, pour répondre un peu à votre question mais aussi à la question de la ministre par ricochet.
Le Président (M. Descoteaux): M. le député de Gouin.
M. Girard: Maintenant, je vais revenir sur le projet de congé de formation. Est-ce qu'il y a d'autres expériences dans le monde dont le Québec pourrait s'inspirer? Est-ce que vous avez fait toute l'analyse de ce qui se fait dans d'autres pays, européens par exemple, et est-ce que ça a donné de bons résultats?
Le Président (M. Descoteaux): M. Baril.
M. Baril (Daniel): Ce que j'en sais: par exemple, si je prends le cas de la Belgique, le congé est de 180 heures rémunérées par l'employeur et peut couvrir l'ensemble des besoins de formation. Donc, c'est beaucoup plus large que ce qu'on a mis de l'avant, étant donné qu'on croit qu'il y a un défi assez important, là, pour les travailleurs sans diplôme d'études secondaires. Je n'ai pas à ma connaissance, là, les études d'évaluation d'impact, mais je présume que, dans beaucoup de pays européens... dans quelques pays, des congés existent depuis un bon bout de temps. Ça doit être déjà un signe que c'est quelque chose qui fonctionne. Et c'est aussi un appel que l'Organisation internationale du travail avait fait en 1974 ou 1972 et qui est toujours un appel fait à l'ensemble des pays, dont le Canada, d'adopter un congé rémunéré de formation. Ça fait qu'il y a une partie aussi de notre propos qui est de nous rappeler ça, de nous rappeler que le Canada a cette demande-là qui est sur sa table et de dire: Pourquoi pas profiter d'un élargissement puis d'un enrichissement de la loi du 1 % pour au moins au Québec faire ce bout-là de chemin que le Canada n'a pas encore fait comme pays?
Mme Neamtan (Nancy): Mais ce qu'on peut aussi dire, c'est que, lors de la mission dernièrement en Europe, on a pu voir aussi qu'il y a vraiment une tendance pour l'investissement public dans la formation des travailleurs, d'orienter ça d'une façon très claire vers les travailleurs peu qualifiés ou non, ou pas du tout qualifiés, donc de dire: Tant qu'à investir, il faut aller là. C'est les mêmes constats que tout le monde fait, c'est que les gens plus formés cherchent la formation, et les gens moins formés ou pas formés n'en cherchent pas. Alors, s'il y a une priorité à faire, de le mettre là. Et ça, on l'a vu, ainsi que cette idée de dire: Bien, les gens peuvent retourner plus rapidement sur le marché du travail sans être formés et on va compenser par, bon, nous, on appelait ça un congé de formation payé, mais, pour la formation continue, ça peut alterner entre une journée, etc. Mais c'est ces genres de tendances qu'on voit en Europe, en dehors même des pays scandinaves où ça existe depuis belle lurette.
Le Président (M. Descoteaux): M. le député.
M. Girard: Mais vous avez l'impression qu'actuellement il n'y a pas suffisamment de sommes et d'appui qui est donné pour que les travailleurs puissent avoir accès à de la formation, de la formation de base, que ça ne semble pas être une priorité et que, s'il n'y a pas un engagement clair et ferme de la part de l'État, des partenaires, on ne réussira pas le virage de la formation et que, les problèmes auxquels le Québec fait face en termes d'analphabétisation, on ne réussira pas à opérer un virage sans un leadership politique fort autant de la part du gouvernement mais des partenaires qui sont à la Commission des partenaires du marché du travail. C'est ce que je comprends.
Le Président (M. Descoteaux): Mme Neamtan.
Mme Neamtan (Nancy): Bien, moi, ce que je dirais, c'est que ça fait des années qu'on investit, que le gouvernement investit beaucoup, tente... mais ça ne donne pas... on n'a pas les succès qu'il faut. Alors, comme on dit: Il faut le prendre par un autre biais. Il faut voir qu'on... peut-être réorienter une partie de cette formation-là qui n'est pas nécessairement... de cet investissement-là d'une autre manière. Et effectivement, si on ne dit pas qu'il faut prioriser les gens peu qualifiés... C'est normal et, comme j'ai dit, toutes les études le démontrent et toutes les expériences internationales, c'est les gens... on l'a vu avec la loi sur le 1 %, c'est plus les cadres, c'est plus les gens plus formés. Alors, il faut qu'il y ait un virage clair et qu'il soit partagé autant par l'État que par les partenaires, de reconnaître cette importance-là. Sinon, on s'en va sur le mur, effectivement.
Le Président (M. Descoteaux): M. Baril.
M. Baril (Daniel): Puis, en complément, nous l'avons déjà, là, ce consensus-là, c'est l'orientation, les orientations fondamentales de la politique de formation continue. Nous avons, à la grandeur du Québec, les centres d'éducation des adultes, il y a des organismes communautaires, tout est là. Mais on est encore face à un problème qui est gigantesque, qui est même dur à croire quand on regarde les chiffres.
n(18 h 10)n Ça fait que je pense que la table est mise, le consensus est là, il faut ? puis c'est un slogan aussi ? passer à l'action. Mais je pense que, dans ce cas-là, le consensus est là puis le problème est aussi reconnu par tout le monde. On réussit à percer l'opinion publique par des témoignages comme M. Jacques Demers, qui, comme on dit, a mis un visage sur cette réalité-là. Huntingdon ? on fait référence aussi à ça dans notre mémoire ? nous a rappelé que ce n'est pas juste individuel, ça peut être collectif. Ça fait que, d'après moi, on est à être sur le terrain et de le régler, le problème. Le consensus, à mon sentiment, il est dans la politique, et la table est mise pour ça. C'est de le prendre de front puis de le régler, hein?
Le Président (M. Descoteaux): M. le député de Gouin.
M. Girard: On va vous souhaiter qu'au terme de cette commission parlementaire, après avoir fait l'analyse du rapport quinquennal ? on a entendu plusieurs groupes en commission parlementaire ? le gouvernement apporte des modifications législatives à la loi du 1 % ? c'est le souhait que vous avez ? pour intégrer votre souhait que le congé de formation soit accessible pour les travailleurs.
Le Président (M. Descoteaux): M. Baril.
M. Baril (Daniel): C'est notre souhait. Et, à tous les cinq ans, on va se retrouver à faire le bilan de cette loi-là. Ce sera un des moments privilégiés pour la loi et pour la formation de la main-d'oeuvre. Nous, ce qu'on souhaite, c'est cette mesure-là et les autres mesures qui sont dans notre mémoire... c'est que cette loi-là devienne une loi-cadre ? je vais reprendre l'expression ? de la formation de la main-d'oeuvre et qu'elle ait le statut et le poids, au Québec, le même statut et le même poids que la Loi sur l'instruction publique pour la formation initiale des jeunes. Donc, elle a le 1 %, mais qu'on lui ajoute des mécanismes qui... au fil de cinq ans en cinq ans, on arrive, à un moment donné, à être bien équipés et à ce que, notre volonté collective à régler les différents problèmes puis à développer la formation de la main-d'oeuvre, qu'on ait les moyens que cette loi-là en soit à la fois le symbole puis à la fois le véhicule concret.
Le Président (M. Descoteaux): Oui.
M. Girard: Je vais aborder également un autre élément de votre mémoire ? vous en avez parlé ? sur la question du double financement. Je vais essayer de comprendre quelle est la nature du problème. Et vous me dites que ça fait, bon, trois ans que la situation perdure. Est-ce qu'il y a eu des discussions avec la ministre? Est-ce qu'il y a des solutions qui sont envisagées? Peut-être aussi que la ministre pourrait nous éclairer sur cette question-là. Mais j'essaie de comprendre pour quelle raison vous n'avez pas accès, que les organismes qui oeuvrent dans le secteur de l'action communautaire n'ont pas accès au Fonds national de formation de la main-d'oeuvre.
Le Président (M. Descoteaux): En une minute, tout au plus.
Mme Neamtan (Nancy): Oui, c'est autre chose. C'est simplement parce que souvent les organismes communautaires ou, par exemple, les organismes en employabilité ou d'autres, ils reçoivent le financement de l'État. Donc, il y a eu une décision d'éliminer... Si vous recevez déjà le financement de l'État pour les services que vous offrez ou pour les... dans l'organisation, vous n'avez pas accès à ce fonds-là. Donc, ça fait en sorte que nos gens sont dans l'impossibilité de... C'est parce qu'il faut quand même rendre des services. On est payés par tête de pipe même par Emploi-Québec, alors il faut qu'on soit efficaces, productives. Libérer les gens, ça pose un problème, puis les marges bénéficiaires évidemment... Donc, ça veut dire que ça pénalise, ça nous empêche d'utiliser ce fonds-là pour pouvoir offrir la formation à nos travailleuses et travailleurs.
M. Girard: Ce fonds-là, c'est du financement...
Mme Neamtan (Nancy): Fonds national de la formation.
M. Girard: ...qui provient de la part des entreprises.
Mme Neamtan (Nancy): C'est ça.
M. Girard: Donc, ce n'est pas de l'argent public qui transite par le biais du fonds, là.
Mme Neamtan (Nancy): Exactement, c'est ça. On voudrait comprendre s'il y a moyen de s'en sortir. C'est ça.
M. Girard: O.K.
Le Président (M. Descoteaux): Le temps est écoulé. Mme Neamtan, Mme Nadeau, M. Baril, merci beaucoup de votre présence devant la commission.
La commission ajourne donc ses travaux au mardi 21 février, à 9 h 30. Bonne soirée à tous. Merci.
(Fin de la séance à 18 h 13)