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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le mardi 22 mars 2005 - Vol. 38 N° 61

Consultation générale sur le document intitulé Le secteur énergétique au Québec - Contexte, enjeux et questionnements


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Table des matières

Journal des débats

(Quinze heures six minutes)

Le Président (M. Jutras): Alors, étant donné que nous avons quorum, nous allons débuter nos travaux, et je déclare la séance de la Commission de l'économie et du travail ouverte. Je rappelle le mandat de la commission. Alors, l'objet de cette séance est de poursuivre la consultation générale sur le document intitulé Le secteur énergétique au Québec ? Contexte, enjeux et questionnements.

Mme la secrétaire, avez-vous des remplacements à annoncer?

La Secrétaire: Non, M. le Président, il n'y a pas de remplacement.

Le Président (M. Jutras): Alors, je demande aux parlementaires mais aussi à tous ceux et celles qui sont dans la salle: Si vous avez des cellulaires en votre possession, voulez-vous les fermer, s'il vous plaît?

Alors, je donne lecture de l'ordre du jour. Nous entendrons, dans les minutes qui suivent, SNC-Lavalin; à 16 heures, Les Ami-e-s de la Batiscan; à 17 heures, le Groupe Stop, et, à 18 heures, nous ajournerons nos travaux.

Auditions (suite)

Alors, les représentants de SNC-Lavalin sont déjà en place. Alors, je comprends que vous êtes prêts pour la présentation de votre mémoire. Oui? Alors, je vous souhaite la bienvenue à la Commission de l'économie et du travail. Je vous rappelle les règles: vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire; par la suite, il y aura un échange de 20 minutes avec le ministre et les députés ministériels; et par après un échange de 20 minutes avec les députés de l'opposition.

Alors, vous pouvez débuter la présentation de votre mémoire, mais je demanderais au porte-parole ou à la porte-parole de s'identifier et de présenter la personne qui vous accompagne.

SNC-Lavalin

M. Dufresne (Paul): Oui. Alors, merci beaucoup, M. le Président. Mon nom est Paul Dufresne, je suis vice-président principal chez SNC-Lavalin et directeur général de la Division énergie. Je suis accompagné, aujourd'hui, par Mme Suzanne Leblanc, qui est vice-présidente, Aménagement hydroélectriques à la Division énergie chez SNC-Lavalin.

Le Président (M. Jutras): Alors, allez-y.

M. Dufresne (Paul): Alors, M. le Président de la Commission de l'économie et du travail, M. le ministre des Ressources naturelles et de la Faune, Mmes et MM. les députés et membres du comité, la présente de Commission de l'économie et du travail sur le secteur énergétique est de première importance pour le Québec, car elle nous permettra de développer une stratégie énergétique à long terme pour le bénéfice de tous les Québécois et de toutes les Québécoises. Les choix qui seront retenus suite à la commission seront déterminants pour l'avenir économique, environnemental et social du Québec.

SNC-Lavalin est heureuse de l'occasion qui lui est offerte de participer à cette consultation générale. Ayant oeuvré dans le secteur énergétique québécois depuis près de 100 ans, nous croyons pouvoir contribuer de façon positive au débat. Alors, l'essentiel de notre vision est compris dans le mémoire qui a été déposé le 11 janvier dernier, et, aujourd'hui, nous aimerions tout simplement faire ressortir les éléments primordiaux sur la sécurité énergétique, le choix des moyens de production d'électricité, l'exportation d'électricité, les économies d'énergie et le secteur du gaz naturel.

Alors, un premier constat: nos approvisionnements en électricité sont actuellement précaires. Il y a présentement une rareté relative de l'électricité au Québec, et cette situation est le résultat direct de notre inaction suite aux tergiversations des 15 dernières années. Nous trouvons cette situation déplorable.

n (15 h 10) n

La stratégie énergétique qui découlera du présent débat devra assurer une marge de manoeuvre plus que suffisante à Hydro-Québec pour satisfaire à la demande résidentielle et à la demande des entreprises présentes ou désireuses de venir s'installer au Québec, tout en ayant la capacité de parer à une augmentation imprévue de la demande, ou à un échec partiel des programmes d'efficacité énergétique, ou encore à des retards dans les mises en service de certains équipements.

Un deuxième constat: pour le Québec, l'hydroélectricité demeure la meilleure option pour combler ses besoins en électricité. C'est une source d'énergie renouvelable et propre qui assure au Québec une très grande indépendance énergétique. L'hydroélectricité donne aussi quatre autres avantages déterminants au Québec. Le premier; une expertise de classe mondiale pour les industries de fournitures électriques et électromécaniques ainsi que pour les firmes comme SNC-Lavalin qui se sont spécialisées dans la conception et la gestion de grands travaux. Ces compagnies exportent, aujourd'hui, leurs produits et leurs services à valeur ajoutée partout dans le monde, avec des retombées économiques importantes pour le Québec. Le deuxième; la possibilité pour le Québec de favoriser la venue de certaines industries sur son territoire. Attirées par des tarifs concurrentiels et par un approvisionnement énergétique fiable, les alumineries, les papetières, les industries métallurgiques et agroalimentaires ont investi massivement au Québec. Or, à elles seules, ces industries produisent une part significative de la valeur ajoutée au Québec et emploient une part importante de la main-d'oeuvre industrielle. En fait, une bonne partie de la structure industrielle de l'emploi au Québec repose sur ses orientations énergétiques.

Le troisième; les investissements reliés à l'hydroélectricité ont un effet d'entraînement sur les économies régionales, contribuant très souvent à la réalisation d'infrastructures telles que routes, commerces et industries. Le quatrième; l'hydroélectricité est sans nul doute l'une des options qui globalement entraîne le moins d'impacts environnementaux: faibles émissions de gaz à effet de serre, aucune pollution atmosphérique et impacts locaux atténués. Ce dernier avantage semble méconnu auprès de la population, bien souvent, et à notre avis il serait très indiqué que les membres du Parlement se mettent d'accord pour en faire la promotion. En effet, si le Québec devait avoir à importer de l'électricité pour combler un éventuel déficit, il est fort probable que la production hors territoire de cette électricité se traduirait par des impacts environnementaux locaux et globaux bien plus néfastes pour le Québec que si l'électricité était produite par des centrales hydroélectriques du Québec. Nous appuyons donc le choix de continuer à privilégier la filière hydroélectrique pour répondre aux besoins du Québec en électricité. Nous recommandons que le Québec développe, le plus rapidement possible, son potentiel hydroélectrique économiquement aménageable et acceptable du point de vue environnemental et social.

Un troisième constat: il est primordial que les règles du processus de revue environnementale soient très bien définies et que tous les efforts possibles soient faits pour éviter un dédoublement des activités à Ottawa. Rappelons que le cycle de planification d'une grande centrale hydroélectrique exige plus... exige souvent plus de 10 ans, pardon. Les délais des études environnementales doivent être suffisants pour permettre la consultation publique et les approbations gouvernementales, bien sûr. Cependant, il importe que tous les intervenants soient soumis à des échéances réglementaires fixes de manière à ce que leurs interventions puissent s'inscrire dans un processus de planification structuré. À l'heure actuelle, plusieurs étapes de la procédure d'autorisation, que ce soit ici, à Québec, ou à Ottawa ne sont soumises à aucune échéance. Alors, nous recommandons que les règles du processus de revue environnementale soient très bien définies et que tous les efforts possibles soient faits pour éviter un dédoublement des activités entre Québec et Ottawa.

Un quatrième constat: diversification des sources de production d'électricité. Alors, outre l'hydroélectricité, l'électricité que nous consommons provient du nucléaire, du gaz naturel, du pétrole, de l'éolien et de la biomasse. Bien que l'électricité soit notre premier choix, chacune des sources d'électricité énumérées ci-dessus peut combler les besoins futurs. Alors, nous retenons les critères suivants pour dicter le choix des sources de production à venir. Premièrement, les coûts de production et de transport ainsi que les délais de mise en oeuvre des équipements, et ce, au bénéfice des clients d'Hydro-Québec; la mitigation des impacts sur l'environnement et sur les collectivités locales au bénéfice du développement durable, soit le patrimoine que nous transférerons aux générations futures; la disponibilité locale au bénéfice de l'autosuffisance du Québec; le contenu québécois au bénéfice de la richesse du Québec et de ses régions; et finalement la diversification des points de production sur le territoire pour la sécurité.

Alors, maintenant, quelques observations sur ces diverses sources.

L'éolien. L'éolien est une source d'énergie renouvelable. Elle est en émergence, donc avec un potentiel de meilleur rendement économique, et peut certainement contribuer à la... sécurité, pardon, énergétique du Québec. À quelle hauteur? L'expérience ailleurs varie, mais nous souscrivons à la valeur de 10 % de la puissance installée mentionnée dans le document de synthèse du ministère. Avec le temps et l'expérience vécue au Québec, la valeur maximale que le réseau peut supporter se fixera d'elle-même. Avec le temps également, la connaissance acquise sur les impacts environnementaux de cette option ou le niveau d'acceptation par les communautés locales confirmera son potentiel réalisable.

À plusieurs endroits dans le monde, la production d'électricité à partir de gaz naturel est classée parmi les moins dommageables pour l'environnement. Elle mérite donc qu'on s'y attarde un peu. L'option de centrales au gaz naturel est économiquement compétitive et offre des avantages certains. On en a deux: premièrement, la construction d'une centrale au gaz naturel peut se faire sur une période relativement courte; et, deuxièmement, les centrales au gaz naturel peuvent être construites à proximité des centres de consommation. Ce dernier point est un grand avantage en termes de sécurité des approvisionnements en éliminant les risques liés au transport d'électricité. Malgré les rejets atmosphériques qu'entraîne la filière thermique, on ne peut à notre avis se permettre, aujourd'hui, de la rejeter en bloc.

L'option nucléaire est actuellement retenue par les régions ou pays industrialisés qui ne disposent pas de ressources locales. À moins de changements technologiques majeurs, il est envisageable que le Québec doive éventuellement se tourner lui aussi vers cette option. Il convient donc de prolonger la vie utile de la centrale de Gentilly-2 pour aider à combler les besoins en électricité du Québec et pouvoir conserver cette expertise québécoise dans ce secteur.

Un mot sur l'énergie solaire dont il n'est pas fait mention dans le document de synthèse. Cette énergie, elle aussi renouvelable, mérite d'être examinée dans le cadre de l'autoproduction résidentielle ou commerciale et devrait, à tout le moins, faire l'objet d'une recommandation de la part de cette commission.

Un cinquième constat: le Québec n'est pas un exportateur net mais bel et bien un importateur net d'électricité. Même si les ventes à l'exportation d'électricité ont déjà totalisé plus de 15 milliards de kilowattheures par an, nos importations actuelles, en très grande partie de la province de Terre-Neuve-et-Labrador, s'élèvent à quelque 30 milliards de kilowattheures annuellement. L'exportation d'électricité à notre avis est un dossier qui n'a pas d'effet fondamental sur l'orientation énergétique du Québec. Dans une perspective à long terme, ces contrats d'exportation engendrent simplement le devancement de projets qu'il faudrait de toute façon aménager. Comme il s'agit d'une ressource renouvelable qui ne risque pas de s'épuiser en l'écoulant sur les marchés étrangers, rien ne peut s'objecter au principe d'une telle pratique. Au contraire, les ventes d'hydroélectricité à nos voisins ne peuvent que contribuer positivement à la richesse collective du Québec tout en augmentant sa marge de manoeuvre.

Un sixième constat: les programmes d'économies d'énergie ne devraient pas être intégrés aux modèles de prévision de la demande. Dans le secteur industriel, comme dans le secteur domestique et institutionnel, les 20 dernières années ont donné lieu à une très grande amélioration de l'efficacité énergétique. Il faut noter qu'au-delà d'un certain niveau l'amélioration de l'efficacité énergétique coûte très cher. Pour obtenir des résultats significatifs et rapides, il faudrait revivre les conditions analogues à celles du choc pétrolier des années soixante-dix, où on a bien vu alors que, dans un tel contexte, toute l'industrie automobile a su mettre au point, sur une période d'environ 10 ans, des véhicules beaucoup moins énergivores.

Une augmentation graduelle et concertée du prix de l'électricité peut encourager les économies d'énergie. Pour améliorer l'efficacité et la conservation énergétique, il y aurait sans doute lieu de commencer à envisager un mode de tarification qui établirait une distinction entre l'énergie consommée pour les besoins de base et l'énergie consommée pour les besoins de luxe. Une telle voie n'est ni facile à appliquer ni populaire, mais elle peut logiquement favoriser les économies d'énergie tout en étant équitable socialement et sans danger pour la productivité de la société. Toutefois, contrairement à un programme de construction, qui peut toujours être retardé, ou, dans certaines limites, devancé, les programmes d'économies d'énergie n'apportent pas nécessairement une marge de manoeuvre garantie. Si les économies ne se réalisent pas au rythme prévu, on ne peut quand même pas fermer le robinet pour qu'elles correspondent aux prévisions. Les économies potentielles donc ne doivent pas être intégrées aux modèles de prévision de la demande. Et, si elles se réalisent, ce que nous souhaitons, elles viendront alors améliorer la marge de manoeuvre.

n (15 h 20) n

Un septième constat: le développement du secteur du gaz naturel, au Québec, doit également être encouragé. Les champs de gaz de l'Ouest canadien sont sollicités pratiquement au maximum de leur capacité pour répondre à la demande nord-américaine, et l'Ontario a des besoins en électricité pressants à satisfaire. Aujourd'hui, les États-Unis et l'Est du Canada veulent donc se doter de terminaux méthaniers et d'usines de regazéfication. Le Québec est au bout de la ligne d'approvisionnement des champs de gaz de l'ouest du pays. À l'est, les champs de gaz de la côte atlantique sont reliés au nord-est américain mais ne le sont pas avec le Québec. Cette situation, au point de vue de sécurité énergétique, est inquiétante et risquée et à notre avis, pour assurer la sécurité d'approvisionnement du Québec en gaz naturel, les deux ports méthaniers et usines de regazéfication actuellement à l'étude doivent être construits.

De plus, cette capacité additionnelle permettrait au Québec de devenir une plateforme importante d'approvisionnement en gaz naturel pour le Canada et le nord-est américain. Cela nous donnerait une flexibilité d'utiliser le gaz pour le chauffage ainsi que pour la cogénération. La recherche de champs de gaz naturel locaux doit également être encouragée. Une telle découverte améliorerait l'autosuffisance énergétique du Québec et pourrait éventuellement assurer une part de la sécurité énergétique.

Alors, pour conclure, l'avenir économique du Québec passe par le développement durable de ses ressources énergétiques, principalement l'hydroélectricité mais également l'éolien, le solaire et, un jour peut-être, le gaz naturel. Une marge de manoeuvre plus que suffisante, pour satisfaire à la demande d'électricité et pour soutenir le développement économique du Québec, doit être mise en place. À partir du moment où les besoins locaux en électricité sont satisfaits, nous devons continuer à exporter nos surplus d'électricité, car ces ventes représentent une source importante de richesse collective. Finalement, nous encourageons la conservation et l'efficacité énergétiques en donnant un signal de prix approprié. Alors, je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Jutras): Alors, merci, M. Dufresne. Je cède maintenant la parole au ministre des Ressources naturelles. M. le ministre.

M. Corbeil: Merci, M. le Président. Merci, M. Dufresne et Mme Leblanc, de votre participation aux travaux de cette commission et, M. Dufresne, pour la présentation de votre mémoire. Je pense que vous êtes modeste, puisque vous avez gardé, je dirais, sous silence, l'importance d'une société comme la vôtre dans l'économie du Québec, qui est la renommée du Québec sur le plan international. Je lisais, dans la description de votre organisme, que vous êtes une société d'ingénierie ? ça, c'est connu ? ingénierie de construction très active dans le secteur de l'énergie. Vous avez votre siège social à Montréal ainsi que des bureaux dans tout le Canada et dans 30 pays. Alors, on parle de 10 000 emplois permanents et de 30 000 effectifs contractuels ou sous-traitants. Je pense que c'est un apport significatif à l'économie du Québec. Félicitations.

Je commencerai tout de suite la question en vous posant toute la question de la marge de manoeuvre et j'aimerais obtenir votre opinion sur les propositions d'Hydro-Québec à cet effet, c'est-à-dire sur l'équivalent de 18 TWh. Est-ce que vous auriez un commentaire à formuler là-dessus?

M. Dufresne (Paul): C'est un débat que nous avons eu à l'interne, M. le Président, à savoir: Qu'est-ce qui est une marge de manoeuvre suffisante ou alors plus que suffisante? Volontairement, nous nous sommes abstenus de mettre une valeur. Mais je regardais les ventes à l'exportation que nous avions jusqu'en 2001, et on exportait, à ce moment-là, autour de 15 TWh nets ou 12 à 15 TWh, et puis c'est à partir de ce moment-là où les ventes fermes se sont réduites énormément puis c'est un peu à peu près en même temps où on a commencé à parler justement de pénurie d'électricité ou de quasi-pénurie d'électricité. Alors, qu'on parle de 12, ou 15 TWh, ou jusqu'à 18 TWh qui seraient faits à partir d'un calcul plus détaillé, à l'aide des moyens qu'Hydro-Québec a, pour nous, c'est dans les mêmes marges.

Maintenant, si on arrivait, un jour, à dire que c'est 12 plutôt que 18, je pense qu'on serait satisfait de ça. Mais, moi, mon propos tient qu'on a commencé à en parler quand les ventes nettes se sont écoulées, puis qu'on a commencé à consommer tout ce surplus-là de l'ordre de 12 à 15 TWh ici, au Québec, et puis que, là, on a commencé à dire: Aïe, on n'en a peut-être plus. Donc, ce serait à partir de là, 12 à 15 TWh.

M. Corbeil: Merci, M. Dufresne. M. le président, dans votre mémoire, en page 9, vous affirmez que l'exportation d'électricité n'a pas d'effet fondamental sur l'orientation énergétique du Québec. Quand on regarde ça sous l'angle du long terme, vous dites tout simplement que les contrats d'exportation engendrent simplement le devancement de projets qu'il faudrait de toute façon aménager éventuellement. Et vous recommandez «que le Québec développe le plus rapidement possible tout son potentiel hydroélectrique économiquement aménageable, acceptable du point de vue environnemental et par les communautés locales». Alors, au-delà de cette marge de manoeuvre dont on vient de parler, tout excédent de production pourrait faire l'objet de contrats de puissance et d'énergie de long terme avec un réseau voisin.

Est-ce que vous proposez que le Québec planifie résolument la construction d'équipements au-delà de la marge de manoeuvre requise? Si oui, quelles balises apporteriez-vous à ce développement accéléré et à la signature d'ententes de long terme avec les provinces et États voisins, pour écouler cette production excédentaire?

M. Dufresne (Paul): Mais, M. le Président, il y a des balises qui sont d'ordre technique. Évidemment, les moyens d'exporter l'électricité produite doivent évidemment pouvoir transiter à travers les réseaux du Québec et les réseaux voisins. Donc, à la lumière de ce qui existe aujourd'hui, le 15 TWh... 15 à 20 TWh net qui était exporté au-delà donc d'une certaine marge de manoeuvre qui ne serait peut-être pas jusqu'à ce niveau-là, parce qu'on peut jouer entre la marge de manoeuvre requise entre des contrats interruptibles... On pourrait aller facilement donc jusqu'à un niveau de 15, 20 TWh nets exportables, et, s'il y a d'autres interconnexions qui se construisent, tout ce qui pourrait être développé, accepté d'un point de vue environnemental et d'un point de vue social, bien, à ce moment-là, c'est une source d'énergie qui est renouvelable, donc il n'y a rien qui s'y oppose.

M. Corbeil: Merci beaucoup. En page 5 de votre mémoire, vous affirmez qu'il est impératif de construire les deux ports méthaniers et les usines de regazéfication actuellement à l'étude pour assurer la sécurité d'approvisionnement du Québec en gaz naturel. Je pense que vous apportez cette question-là sous l'angle de la diversification des sources d'approvisionnement.

Alors, selon vous, quelle place pourra occuper le gaz naturel dans le bilan énergétique du Québec? Et l'implantation éventuelle de terminaux méthaniers au Québec peut-elle avoir un effet significatif sur le développement économique régional?

M. Dufresne (Paul): Alors, la première partie de cette question, M. le Président, au niveau de l'apport au niveau de sécurité énergétique, effectivement c'est une question de sécurité. Un port méthanier représente environ une fois la consommation annuelle de gaz naturel au Québec. Donc, éventuellement, si la consommation des champs de l'Ouest devait être tarie, ailleurs, pour ne point arriver au Québec, d'avoir un seul port nous mettrait dans, à ce moment-là, une autre source unique. On serait au bout d'une autre ligne. Donc, la construction de deux devient un aspect de sécurité énergétique, et évidemment, avec deux sources ou trois, en assumant qu'il y a, pendant un certain temps, toujours du gaz naturel qui provient de l'Ouest, bien, à ce moment-là, il y a un surplus potentiel ici qui peut être utilisé à d'autres fins ici, en commençant pour la consommation au Québec ou le développement de l'économie.

M. Corbeil: En passant, dans un autre secteur ou une autre forme d'énergie, concernant l'éolien, vous souscrivez à l'idée qu'elle puisse occuper jusqu'à 10 % de la puissance installée d'Hydro-Québec. Pouvez-vous étayer les raisons et les expériences vécues de votre entreprise qui motivent cette proposition?

M. Dufresne (Paul): Alors, SNC-Lavalin n'a pas d'expérience vécue directement dans ce domaine-là. Cependant, ce qu'on connaît de ce qui se fait ailleurs, ça peut varier de cinq... on entend parler jusqu'à 20 % dans certains pays. De ce que nous avons pu trouver là où il y a 20 %, c'est qu'il y a peut-être une interconnexion qui va au-delà de la capacité d'un pays. On sait que l'Europe, par exemple, est très interconnectée. Alors, la valeur de 10 %, c'est celle qui nous apparaît comme étant connue, mais on ne se limite pas à ça, comme on le dit dans notre mandat. Est-ce qu'on pourra même l'atteindre? Peut-être pas, mais, en admettant que le réseau puisse la supporter, étant donné que c'est une énergie qui est interruptible et que le réseau puisse supporter éventuellement jusqu'à 15 % ou jusqu'à 20 %, c'est bien, mais, nous, on présente ça sous un angle de prudence, c'est-à-dire que, si ça devait s'arrêter à 8 % pour des raisons de fiabilité du réseau ou de stabilité du réseau, bien approchons-le d'une façon prudente, tout simplement.

n (15 h 30) n

M. Corbeil: Merci, M. Dufresne. Toujours dans la question de l'éolien, dans votre mémoire, en page 11, je comprends que vous parlez d'un élément de prudence et de prendre le temps et de développer l'expertise pour préciser le ratio puis d'acquérir plus de connaissances sur les impacts environnementaux de cette option. Est-ce que vous pourriez aller un petit peu plus loin dans l'aspect des impacts environnementaux?

M. Dufresne (Paul): Bon. Je crois que, M. le Président, il y a plusieurs sources d'impact ou de pollution ? que ce soit visuel; on a parlé du problème lié à certains oiseaux, qu'ils soient migrateurs ou de certaines régions ? dans certaines régions où il y a des éoliennes de construites. C'est une des choses qui est mentionnée comme étant problématique. Et donc ça devient une étude qui doit être faite, comme pour tous les autres projets, où il faut vraiment le regarder dans son ensemble. Alors, l'éolien, aujourd'hui, étant relativement jeune comme source d'énergie, on commence à entrevoir quels peuvent être ces problèmes-là associés à ça.

Dernièrement, je lisais qu'il y avait des problèmes, à certains endroits, d'assèchement de la terre. Alors, si vous êtes en zone, je ne sais pas, agricole, par exemple, est-ce que ça peut créer un autre problème? Alors, ce sont des choses qui, à force d'études, comme il y a eu énormément d'études dans le domaine de l'hydroélectricité, qu'on va apprendre à maîtriser de plus en plus. Alors, encore là, c'était un point qu'on désirait apporter pour que ce soit tout simplement connu. Puis les études requises d'un point de vue environnement suivront leur cours. On n'a pas à s'objecter à tout ce qui va être environnementalement acceptable.

M. Corbeil: Alors, M. le président, si on abordait la question des économies d'énergie, puisque vous êtes une société qui est dans des projets de construction notamment et vous dites que vous planifiez un programme d'équipements en fonction des prévisions d'économies d'énergie. Alors, je pense que votre suggestion vient à contre-courant de ce que la Régie de l'énergie autorise dans le cadre de l'examen du plan d'approvisionnement du... distributeur, excusez.

Pourriez-vous donc être plus explicite sur les motifs qui vous amènent à suggérer de ne pas prendre en compte les économies d'énergie dans la prévision de la demande d'électricité du Québec?

M. Dufresne (Paul): M. le Président, sous le point de vue d'une marge de manoeuvre plus que suffisante, la question des économies d'énergie, à ce moment-là, devient un élément plus marginalisé dans l'équation qui est faite. Alors, elle peut être prise en compte par un modèle très élaboré, mais ce qu'on dit, c'est qu'encore là, par prudence, de voir à ce que les économies d'énergie souhaitées sur une plus longue période de temps, parce qu'on peut imaginer qu'au fur et à mesure qu'on va réaliser des économies d'énergie ces économies-là vont devenir de plus en plus ardues à atteindre et de plus en plus coûteuses... donc, par prudence, encore une fois de, oui, chercher toutes les économies d'énergie mais de ne pas les inclure dans les modèles prévisionnels, pour ne pas être trop juste, trop près d'un équilibre qui pourrait, à ce moment-là, être dépassé pour des raisons inconnues ou imprévues et, à ce moment-là, d'avoir un problème.

M. Corbeil: Alors, vous abordez ça, si je comprends bien, sous l'angle de la prévisibilité. Est-ce que vous pourriez élaborer un peu plus sur les programmes d'efficacité énergétique qui pourraient être développés et quel angle ça devrait prendre, en tenant compte, là, de la présentation de la réponse que vous venez de donner?

M. Dufresne (Paul): Je préfère ne pas aller dans trop de détails, n'étant pas un spécialiste de prévisions au point de vue économies d'énergie, mais ce qu'on réalise aujourd'hui va être plus facile à réaliser que ce qui va venir dans l'avenir, que ce soit au niveau des économies, en ayant des incitatifs à l'isolation des maisons ou rénovation de maisons, et autres. Plus ça va aller, à notre avis plus les gains vont être plus difficiles à atteindre.

M. Corbeil: J'aimerais aborder la question de nouvelles technologies qui permettent d'accéder avantageusement à de nouvelles ressources énergétiques. En cette matière, quelles perspectives de développement technologique et économique entrevoyez-vous pour les différentes sources d'énergie?

M. Dufresne (Paul): Alors, au niveau ? si on aborde ça, c'est une question, M. le Président, on pourrait en parler longtemps ? au niveau du pétrole, plus les coûts du pétrole augmentent, plus ça amène de l'argent à la recherche et puis aux recherches de bassins de pétrole ou de gaz naturel. Quand les prix montent, ça amène de l'argent là, donc ça permet de découvrir de nouvelles sources. Alors donc, c'est un développement technologique, et on peut mettre de l'argent en recherche et développement dans une technologie de recherche. Ça, ça existe.

Au niveau de l'efficacité des équipements, vous savez, il y a beaucoup de recherche au niveau des moteurs à combustion, au niveau de l'utilisation du gaz naturel. Donc, là aussi, il y a des développements technologiques qui font qu'on a un meilleur rendement. Au niveau de l'hydroélectricité également, il y a beaucoup de recherche et développement qui se fait. Donc, on a développé beaucoup d'améliorations technologiques sur des turbines hydrauliques qui font qu'aujourd'hui on produit plus d'électricité avec la même goutte d'eau, la même quantité d'eau qu'on le faisait il y a 20 ans. La même chose dans le domaine du transport d'électricité, où on a des équipements de plus en plus efficaces, donc moins de pertes d'énergie de transport, plus grande capacité de transport. Alors, ce sont d'autres développements technologiques qui nous amènent ça.

On pourrait s'avancer un peu, un avis, ici. Au niveau des développements technologiques, on parle beaucoup de l'hydrogène. Mais l'hydrogène, c'est une source d'énergie que j'appelle de remplacement parce que vous avez besoin d'autres formes d'énergie pour la produire. Donc, éventuellement, si on pense à l'électricité, ça peut être de l'électricité produite à partir de l'éolienne ou même du nucléaire, comme on l'envisage dans certains pays, mais ça va nous amener un remplacement peut-être pour du pétrole. Mais il va falloir d'autres énergies pour le produire.

M. Corbeil: Tout développement énergétique, que ce soit hydroélectrique, éolien, gazier ou autre, soulève la question de l'acceptabilité sociale. Étant une société de génie et de construction, quelles seraient vos vues sur la question de l'acceptabilité sociale, sous deux angles: sous l'ange d'un projet particulier et sous l'angle de: Est-ce que ce doit être les intervenants locaux qui s'expriment ou, dans un sens plus large, englober l'ensemble de la population dans la mise en oeuvre de projets de grande envergure, exemple?

M. Dufresne (Paul): Ça, M. le Président, c'est une question qui peut souvent demander une étude au car par cas. C'est un peu difficile de se positionner là-dessus. On voit un peu des deux, que ce soit ici ou ailleurs. Il y a souvent des projets qui peuvent être pris à partir d'un côté ou de l'autre, à l'échelle d'un pays. Il peut y avoir des situations d'urgence où certains projets qui ne seraient pas acceptables deviennent acceptables.

Je me souviens, à l'époque du verglas, où on a utilisé des diesels, on a brûlé beaucoup de bois pour satisfaire aux besoins de chauffage. C'était certainement, à certains niveaux, environnementalement plus difficile à accepter, mais on l'a fait pour différentes raisons. Donc, je pense qu'il y a un cas par cas à juger. Idéalement, si on était capables de développer des projets qui n'auraient aucun impact sur l'environnement, on serait tous ici très heureux. Cependant, c'est impossible, alors on essaie de développer des projets à partir desquels on est capables de tenir en compte l'ensemble des impacts et de mettre en place des mitigations. Alors, je pense que c'est comme ça qu'il faut le regarder. Point de vue local et global, il y a un aspect, là, que je vais appeler politique ici, qui dépasse, je pense, chacun des projets. C'est un peu difficile de voir comment on pourrait limiter à l'un ou à l'autre.

M. Corbeil: Merci, M. le Président. Je vais céder la parole à un de mes collègues.

Le Président (M. Bachand): Absolument. Merci, M. le ministre. Donc, M. le député de Roberval, et j'ai bien compris que le député de Montmagny-L'Islet voulait intervenir. Donc, vous avez quatre minutes en tout à vous partager.

M. Blackburn: Merci, M. le Président. Mme Leblanc, M. Dufresne, bienvenue. J'aurais juste besoin d'un élément qui à mon avis est un peu pertinent. Par rapport à votre document de mémoire, à la page 3, vous mentionnez, vis-à-vis de l'électricité: «Les approvisionnements en électricité sont actuellement précaires et, paradoxalement, ce sont ceux sur lesquels le Québec a le plus de contrôle. Il y a présentement une rareté relative de l'électricité au Québec et cette situation est le résultat de notre inaction suite aux tergiversations des 15 dernières années et non [à] un problème d'approvisionnement ou de rareté des ressources.» Et, si je m'en vais à la page 9 de votre mémoire, comme tantôt vous avez eu l'occasion d'en parler un petit peu avec le ministre, c'est que vous recommandez que «le Québec développe le plus rapidement possible tout son potentiel hydroélectrique».

D'après vous, d'après l'expertise que vous détenez, d'après, je dirais, ce que vous êtes en train de faire, un peu partout à travers le monde, comme travaux, est-ce qu'il y a encore un potentiel important de rivières sur lesquelles il peut y avoir des ouvrages importants au Québec?

n (15 h 40) n

M. Dufresne (Paul): Alors, je pense que les projets qui sont nommés, M. le Président, dans le document de la Régie de l'énergie et les projets annoncés par Hydro-Québec, nous amènent assez rapidement dans l'ordre de 5 000 MW. Alors, pour nous, c'est certainement une quantité importante de projets potentiels, réalisables économiquement. Et ce n'est pas la fin du potentiel techniquement développable. Et puis, au fur et à mesure que les prix de l'énergie vont remonter, d'autres projets pourraient venir, à ce moment-là, à être économiquement rentables. Il y en a peut-être d'autres qui le sont à l'heure actuelle, économiquement rentables, qu'Hydro-Québec est en train de regarder sans les avoir nommés. Alors, pour nous, c'est une capacité qui est là, qui existe. Et donc, effectivement, c'est une capacité qui est entre nos mains, entre les mains des décideurs, ici, au Québec, pour les mettre de l'avant.

Alors, c'est une situation que nous pouvons gérer complètement, ici, au Québec, sans être dépendants de sources externes.

Le Président (M. Bachand): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Morin (Montmagny-L'Islet): Merci, M. le Président. À la page 12 de votre rapport, vous parlez de l'option nucléaire. Vous dites: «À moins de changements technologiques majeurs et imprévisibles, il est envisageable que le Québec doive éventuellement se tourner lui aussi vers cette option.» J'aimerais vous entendre.

Le Président (M. Bachand): ...M. Dufresne, s'il vous plaît.

M. Dufresne (Paul): Oui. Alors, M. le Président, à ce sujet, c'est qu'au niveau de sources de production d'électricité, ce que j'appelle les poids lourds que sont l'hydroélectricité, que sont le gaz naturel, ailleurs, là ? on ne parle pas nécessairement du Québec ? mais, pour produire de l'électricité, du pétrole en certains endroits, du charbon, il y a le nucléaire. Alors, ici, au Québec, on a mentionné, un peu plus tôt, qu'il y a un potentiel peut-être de 5 000, peut-être d'un peu plus, et on parle d'essayer de réduire d'autres formes de pollution. Alors, assumons qu'un jour on veuille se tourner vers une plus grande production d'électricité pour le transport, que ce soit le train, ou d'autres services comme ça, ou même des voitures électriques, ça voudrait dire augmenter la production d'électricité au-delà de ce qu'on envisage, aujourd'hui, pour d'autres moyens. Alors, cette électricité-là, à partir de quoi est-ce qu'on la produirait ici, au Québec?

Alors, pour nous, le nucléaire pourrait certainement être une technologie envisageable et nécessaire à ce moment-là, sur un horizon un peu plus lointain peut-être qui est envisagé aujourd'hui, sur une présente commission, mais à nos yeux elle demeure une option qu'on ne peut pas éliminer à l'échelle des besoins énergétiques.

Le Président (M. Bachand): Merci, M. le député de Montmagny-L'Islet. Donc, je vais donner l'opportunité à la porte-parole de l'opposition officielle en matière d'énergie, Mme la députée de Rosemont... (panne de son) ...questions. Allez-y, Mme la députée.

Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. Alors, madame, monsieur, bonjour et bienvenue. Je dois avouer que j'ai apprécié votre petite phrase, ce que j'appellerais votre déclaration d'intérêt, à la page 1, quand vous dites: «Vue sous cet angle, notre participation à la Commission de l'économie et du travail peut paraître intéressée; [et] elle l'est effectivement.» Je pense que c'est très sincère et très honnête d'avoir dit ça parce qu'effectivement vous êtes une grande firme qui effectivement a beaucoup de réalisations. Le ministre en a parlé. Je ne reviendrai pas là-dessus parce que je suis assez familière avec ce que vous avez fait. Et on peut dire d'ailleurs que vous portez bien les couleurs du Québec un peu partout dans le monde, au niveau des grands barrages. Et on connaît aussi les occasions de développement que le secteur de l'énergie québécois a données à SNC-Lavalin pour développer ce qu'il est devenu grâce bien sûr à la force et à l'intelligence des hommes et des femmes de chez vous.

Cela étant dit, il y a quand même des petites choses qui me fatiguent dans votre mémoire et qui, je crois, méritent des explications additionnelles. D'abord, je prends vos recommandations, là. Vous dites: «Qu'on s'assure que l'électricité satisfasse à la demande du Québec en tout temps ? ça, je pense que c'est la responsabilité d'Hydro. La marge sécuritaire doit être plus que suffisante pour couvrir la demande résidentielle et la demande des entreprises.» Et là le ministre en a parlé tout à l'heure, donc je ne poserai pas les mêmes questions, mais en même temps vous dites que, dans la prévision de la demande, on ne devrait pas tenir compte des économies d'énergie de façon encore à assurer ? à moins que j'aie mal lu, là ? de façon à ce qu'on s'assure qu'on a quand même encore une marge de manoeuvre. Ça me fait penser à la ceinture et les bretelles, ça, hein? Ça fait bien de la sécurité, ça. Là, moi, je trouve que vous en mettez un peu trop. Vous ne trouvez pas?

M. Dufresne (Paul): Non. On peut débattre d'une valeur de marge de manoeuvre. Volontairement, comme j'ai mentionné un peu plus tôt, on ne l'a pas fixée. Pour nous, c'est vraiment déplorable qu'on en soit à essayer de balancer une offre et une demande d'une façon aussi serrée que ce qu'on fait à l'heure actuelle, à travers des calculs très poussés. C'est très bien de les faire, hein, ne me méprenez pas là-dessus. On peut aller dans des équations ou des études très, très poussées à ce niveau-là, mais force est de voir qu'on a eu une prévision de la demande qui a été plus élevée, qui a surpris certaines personnes. On a eu aussi des années d'hydraulicité un peu plus faible. On pourrait se retrouver avec un problème de transport ou de production éventuellement. Alors, de gérer ça plus serré que moins serré, pour nous, c'est malheureux, surtout qu'avec un surplus on peut l'exporter. Il n'y a pas de mal en principe à cette chose-là. Et puis on pourrait, à ce moment-là, mettre cette question-là un peu de côté.

Au niveau du calcul, ce qu'on avance dans le mémoire, c'est que, les économies d'énergie qu'on pourrait faire, on ne veut pas les nier, mais, à l'heure actuelle, dans un calcul si serré où on est, là, de ce que, moi, j'ai vu récemment, attendons donc. C'est notre propos. Attendons donc de voir qu'est-ce qu'on va réussir à réaliser en économies d'énergie. Puis, oui, éventuellement les économies réalisées, ne me méprenez pas encore, vont tomber automatiquement dans le calcul de la consommation. Donc, la marge, ça va prendre en... Va être pris en compte ce qui va vraiment être réalisé plutôt que d'aller du côté de la prévision. C'est notre propos.

Mme Dionne-Marsolais: Pour votre information, vous parlez d'hydraulicité faible ? je vais peut-être vous rafraîchir la mémoire ? mais, si vous regardez les prévisions d'Hydro-Québec de 1994 à 2004, ces prévisions de taux de croissance de la demande sont passées de 1,7 à 1,3 par année, pendant 15 ans. C'étaient leurs prévisions qu'ils soumettaient ici, à l'Assemblée nationale, à tous les deux ans, pour leur plan de quatre ans. Alors, leurs prévisions étaient plus basses.

Deuxièmement, vous parlez d'hydraulicité faible, et c'est vrai, mais vous oubliez de parler de la responsabilité de gestion de la production et de gestion des réservoirs. Ça aussi, c'est une considération importante. Le facteur d'utilisation d'Hydro-Québec a baissé, entre 1990 et 2000 à peu près, là, de 80 à quelque chose comme 72, si ma mémoire est bonne. Il a peut-être monté depuis, là, ça m'étonnerait. Il y a des décisions de choix d'investissement qui ont été prises par l'entreprise avec ces connaissances approfondies, qui peuvent peut-être avoir eu pour conséquence une gestion serrée, mais on n'en a pas manqué, d'électricité, là.

Et je tiens à vous dire que, de ce côté-ci de la Chambre, développement durable, pour nous, ce n'est pas juste un mot, hein, il y a une philosophie dans ça, il y a un concept, il y a une approche, et je suis certaine que vous êtes sensible à cette approche-là. Mais le développement durable, c'est pour le monde. Donc, ça tient compte de toute une dimension, ce n'est pas juste un volet de durabilité théorique, là. Alors, je crois que la responsabilité du gouvernement, c'est de s'assurer justement de la sécurité énergétique des Québécois et de le faire en donnant un certain nombre d'orientations et en donnant des mandats où chaque composante qui réalise ces mandats-là assume sa responsabilité de gestion comme le fait Hydro-Québec, comme le fait Gaz Métro, comme le font les pétrolières.

Mais en tout cas je ne veux pas vous donner un cours, là, à ce niveau-là, ce n'est pas le but de ma question, mais c'est parce que je trouve que vous avez des énoncés là-dedans qui sont à mon avis excessifs et un peu abusifs, parce que nous ne sommes pas dans une situation à ce point précaire pour des raisons de manque de direction. Il y a des décisions de gestion qui sont prises par une société, dont Hydro-Québec qui a pris ses décisions d'optimisation de réservoirs à sa façon, et il y a des chiffres qui sont actuellement disponibles, qui ont été déposés à la régie, qui ont montré l'opération gestion des réservoirs de la part de la société durant cette période de fin des années quatre-vingt-dix, là, qui traduisent des choix que la société a faits. Et elle les a faits en toute connaissance de cause. Bon.

n (15 h 50) n

On a été sauvé peut-être par des pluies plus fortes, mais la cause de ce déséquilibre-là n'a rien à voir avec des orientations gouvernementales, parce que, pour faire des projets, il faut aussi que ces projets-là soient acceptables. C'est un peu le sens d'une orientation d'une politique énergétique.

Bon. J'ai quand même des questions puis je vais aller rapidement. Vous avez répondu au ministre, tout à l'heure, que vous souhaitez deux ports méthaniers dans vos recommandations. On l'a posée à plusieurs, la question. Actuellement, en Amérique du Nord, c'est la course au port méthanier. Je ne sais pas combien il y en a, de projets, sur les tables à dessin. En fait, c'est quasiment une farce. Quand on regarde une carte, là, de ports méthaniers, là ? il y a quelqu'un qui est venu nous en présenter, on en a vu que quelques-uns ? mais si on regarde... J'arrive d'une réunion aux États-Unis, où est-ce qu'on nous a présenté une belle carte de l'Amérique avec des ports méthaniers partout. Il y en a partout, mais, s'il y a tout ça partout, à un moment donné, il va manquer de gaz liquéfié tout à l'heure.

Alors, la question que je me pose. Nous, on en a deux, puis ils vont suivre le processus, l'évaluation, et tout ça, mais il y en a un, entre autres, qui se trouve dans une zone assez serrée sur le plan fluvial ? il n'y a pas deux kilomètres entre le terminal puis l'île d'Orléans de l'autre côté, là ? et qui est une zone de passage assez intense au niveau de la navigation. Est-ce que votre entreprise a déjà travaillé sur des projets de cette nature-là? Êtes-vous en mesure de nous donner un commentaire sur les exigences, la réglementation pour des grands méthaniers en matière de circulation maritime?

M. Dufresne (Paul): Alors, M. le Président, oui, effectivement on voit qu'il y a grosse demande pour des ports méthaniers parce que tout simplement ça répond à des prévisions de demandes de gaz naturel qui sont confrontées justement avec les possibilités des champs gaziers ici, en Amérique du Nord. Donc, les prévisions montrent que la consommation requise de gaz naturel appelle plusieurs projets de ce genre. Alors, le problème de la capacité de transport de gaz naturel liquéfié viendra peut-être à se poser, mais, nous, on ne peut pas répondre en ce moment à cette question. Mais on pourrait le regarder.

Au niveau du transport maritime, alors, oui, effectivement, nous, SNC-Lavalin, on fait plusieurs études au niveau des gabarits de paquebots, de bateaux de transport, de cargos, que ce soit pour toutes sortes de formes de transport, domaine industriel ou autres. Je n'ai pas, sous la main, aucune étude, de mémoire au niveau des méthaniers, mais ça me fera plaisir, si je peux la trouver, de faire parvenir aux membres, ici, de la commission, voir qu'est-ce qu'on aurait dans ce domaine-là ou, si ce n'est pas directement lié aux ports méthaniers, certainement dans des cargos de taille similaire.

Mme Dionne-Marsolais: D'accord. Dans les sources de production d'électricité, vous avez parlé de la production d'électricité à partir de technologies de recyclage de déchets solides. Pourriez-vous nous dire un petit peu, nous en parler un petit peu, de ce que vous dites ici, là. Vous êtes à l'avant-garde en matière de technologies de recyclage des déchets solides pour fins de production d'électricité et de vapeur. Elle dispose d'équipes. Quel serait le potentiel, au Québec, pour de la production d'électricité à partir de déchets solides?

M. Dufresne (Paul): ... quand ça, ça a été écrit, les mots «déchets solides» faisaient peut-être aussi référence, là, aux résidus de l'exploitation forestière, O.K.? Il faudrait voir le potentiel ici, au Québec, mais nous travaillons à l'heure actuelle, SNC-Lavalin, sur un projet de production d'électricité à partir de déchets de poulaillers, de...

Une voix: ...

M. Dufresne (Paul): ...oui, d'excréments de poulet.

Mme Dionne-Marsolais: Ah bon. Et vous n'avez pas du tout parlé de géothermie. Est-ce que c'est parce que c'est une microproduction qui n'est pas dans votre champ d'intérêt?

M. Dufresne (Paul): Effectivement, on a très peu d'expérience qui est très ancienne chez SNC-Lavalin en géothermie. Habituellement, les endroits où la géothermie est très utilisée sont dans des zones où ? les zones, je vais les appeler actives, là ? d'un point géologique, les sources de chaleur sont plus près de la surface. Mais je vais m'arrêter là parce que ma connaissance dans ce domaine-là est très réduite.

Mme Dionne-Marsolais: Juste une petite question, parce que je dois me rendre à une autre commission, là. Est-ce que vous croyez que le Québec devrait maintenir l'électricité comme facteur d'implantation industrielle sur tout son territoire? Et mon collègue de René-Lévesque vous donnera des chiffres tout à l'heure, là, mais j'aimerais ça entendre votre opinion là-dessus, parce que dans le passé on a toujours utilisé cet élément-là comme un facteur d'implantation industrielle. Est-ce que c'est encore à votre avis une bonne approche pour le Québec?

M. Dufresne (Paul): Alors, M. le Président, pour nous, à mon humble avis, ça devient une question de voir, dans la conjoncture actuelle du développement économique du Québec, du développement des régions du Québec, à quels endroits est-ce que certaines industries seraient le mieux utilisées en fonction de besoins globaux. En fonction de besoins de base, on sait que le Québec demeure quand même un endroit où les ressources naturelles sont très importantes. Alors, si on est à un point de conjoncture, mon propos en devient un de prudence. C'est que, si on voit une orientation globale du Québec vers d'autres champs d'activité ? je sais qu'on a développé beaucoup de nouveaux secteurs de services au Québec ? bien il y a une question de passage d'un type d'économie à un autre, et puis, à ce moment-là, ce seraient des projets à analyser au cas par cas.

Le Président (M. Bachand): Merci, Mme la porte-parole. Donc, je vais céder la parole au député de René-Lévesque.

M. Dufour: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bienvenue, M. Dufresne et Mme Leblanc. Alors, juste une confirmation ou une précision. Vous parlez, à la page 1 de votre document, que vous avez été des grands maîtres d'oeuvre de l'aménagement d'une dizaine de grandes alumineries au Québec. Si je ne me trompe pas, vous étiez à Baie-Comeau, en 1982-1983, pour la modernisation de la série D et, en 1989, pour la série E. Est-ce que ça se peut?

M. Dufresne (Paul): Vous parlez de l'aluminerie...

M. Dufour: La Reynolds...

M. Dufresne (Paul): ...la Reynolds? Effectivement, M. le Président...

M. Dufour: ...qui est rendue Alcoa aujourd'hui.

M. Dufresne (Paul): Oui, j'ai même participé, en tant que jeune ingénieur, sur la partie 1981-1982 à Baie-Comeau.

M. Dufour: Alors, est-ce que ce serait trop vous demander si vous auriez été partie prenante de la modernisation qu'il y aurait au cours des prochains mois?

M. Dufresne (Paul): Ah, écoutez, c'est une question, là, qui est dans le futur, là, ou qui fait partie des possibilités. Effectivement, SNC-Lavalin s'intéresse à tous les projets dans le domaine de l'aluminerie. On a travaillé sur 13 des 22 dernières alumineries dans le monde entier, depuis, je pense, 1990. Alors, on suit ça avec beaucoup d'intérêt, c'est certain.

M. Dufour: O.K. En page 7 de votre document, vous signifiez que: «De plus, les investissements du secteur de l'électricité ont un effet d'entraînement sur les économies régionales, [contribuent] très souvent à la réalisation d'infrastructures. Ainsi, le Québec est aujourd'hui l'un des principaux producteurs d'aluminium au monde et cette industrie apporte un dynamisme spécifique à certaines régions du Québec. On peut en dire autant de l'industrie des pâtes et papiers.» Je viens d'une région industrialisée où est-ce que j'ai Abitibi, Reynolds, il y a Hydro-Québec.

Et, au deuxième paragraphe, vous marquez: «Nous devons quotidiennement faire face à une concurrence de plus en plus forte sur les marchés internationaux.» De là vient ma question. Dans le dossier de la modernisation d'Alcoa à Baie-Comeau, il est clair, que, bon, il y a des blocs patrimoniaux. On connaît les cylindres au niveau de Québec Distribution, Production, et il y a des grands investissements, au Québec, qui sont en attente par rapport à l'incertitude, vu la prévision au niveau des tarifs d'électricité qui s'en viennent. La grosse industrie parle qu'ils veulent savoir du gouvernement, avoir un message clair si effectivement ils peuvent avoir des prévisions au niveau des tarifs d'électricité. Alors, vous marquez, en page 8: «Il est important de rassurer les industriels en leur indiquant que l'électricité continuera d'être possible pour favoriser le développement des entreprises et les emplois qui y sont associés.»

n(16 heures)n

Je dois vous dire que pour ma région, Alcoa, à Baie-Comeau, la modernisation, c'est extrêmement important. L'association manufacturière est venue nous voir et ils nous parlaient qu'eux, ils ont fait une étude. Pour 1 kW d'électricité, ça rapporte 0,69 $ au niveau de l'exportation. M. Van Houtte de l'Association de l'aluminium, principalement ici, au Québec, dit que l'équivalent de 1 kW, c'est 0,148 $ au niveau de l'exportation et que l'exportation brute de 1 kW d'électricité à Boston, c'est 0,08 $. Alors, pour vous, la priorité, est-ce que c'est des investissements en région, au niveau de la grande industrie avant exportation?

Le Président (M. Bachand): Allez-y, M. Dufresne.

M. Dufresne (Paul): Honnêtement, M. le Président, pour nous, c'est une question qui relève du gouvernement, à savoir comment faire la balance entre des projets qui ont un caractère de développement régional et des décisions d'exportation, si c'étaient des exportations sur une longue durée versus des exportations qui pourraient se faire au niveau du marché de courtage, par exemple, qui est une autre façon de voir les ventes d'électricité sur le marché externe, et il y a des études de cas par cas. C'est comme n'importe quel autre choix de société, une situation à voir.

Le Président (M. Bachand): Oui. Très rapidement.

M. Dufour: Alors, en page 15, vous marquez: «En augmentant les tarifs d'une manière trop brusque, on risquerait d'affecter la productivité du Québec et sa position concurrentielle sur les marchés extérieurs. C'est pourquoi il est souhaitable que les tarifs d'électricité reflètent, pour chaque catégorie de clients, les coûts véritables de fourniture.»

C'est quoi, votre opinion, votre vision là-dessus, là, par rapport à ce que je viens de vous dire?

Le Président (M. Bachand): En deux minutes, M. Dufresne.

M. Dufresne (Paul): Oui. Bien, écoutez, M. le Président, j'allais rajouter à votre première question précédente: les coûts d'électricité évidemment que les gens, les industries recherchent partout dans le monde, ils les comparent. Alors, il y a plusieurs facteurs, dont les coûts d'électricité, que les gens vont rechercher. Donc, si on se compare à l'environnement nord-américain, nord-est américain, on voit que c'est quand même un endroit, ici, au Québec, qui demeure très attrayant au niveau des prix d'électricité et pour plusieurs autres raisons qui sont la capacité de travail des Québécois, puis la productivité des Québécois, puis l'environnement social. Alors, ce sont des choses que les industriels vont tout prendre en compte quand ils vont voir ça.

Pour la hausse des prix concertés, bien c'est ce qui se passe un peu partout autour. C'est sûr qu'un choc de prix, à ce moment-là, ça insécurise bien du monde, dont bien des entreprises.

Le Président (M. Bachand): Merci, M. le député de René-Lévesque. Le temps étant écoulé, M. Dufresne et Mme Leblanc, ça a été un plaisir de vous recevoir à la commission. Vous êtes toujours les bienvenus ici. Bon retour chez vous.

Je vais demander dans l'immédiat aux Ami-e-s de la Batiscan de se présenter, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bachand): Donc, très rapidement, messieurs, mesdames, bienvenue à la Commission de l'économie et du travail sur la consultation générale sur le document donc Le secteur énergétique au Québec ? Contexte, enjeux et questionnements. Donc, je vous rappelle rapidement les règles de la commission: 20 minutes pour la présentation de votre mémoire et 20 minutes de questions de part et d'autre de l'Assemblée. Bienvenue à la commission. Nous vous écoutons, messieurs, mesdames.

Les Ami-e-s de la Batiscan

Mme Trudel (Denise): O.K. Bonjour. Nous sommes heureux d'être ici, pour vous présenter le mémoire qui a été préparé par Les Ami-e-s de la Batiscan. D'abord, Les Ami-e-s de la Batiscan, on est un groupe de citoyens, des citoyens ordinaires. On n'est pas des spécialistes en environnement, on n'est pas des spécialistes en énergie, on est des simples citoyens qui, en 1999, se sont réunis au moment où on a eu peur, vraiment peur de perdre un bijou de notre patrimoine. Au mois d'août 1999, on s'est réunis et on voulait contrer la construction d'un barrage sur la rivière Batiscan qui devait commencer à l'automne...

Une voix: ...

Mme Trudel (Denise): O.K. Et, mettons, comme une image vaut 1 000 mots et qu'on a un temps qui est restreint, j'ai emmené des images de l'endroit que, nous autres, on a voulu protéger. Ça fait que je vais les faire circuler, puis j'aimerais ça que vous preniez le temps de les regarder. O.K.

Le Président (M. Bachand): C'est bien Mme Tessier, c'est ça? Mme Lafontaine?

Mme Trudel (Denise): Trudel.

Le Président (M. Bachand): Trudel, parfait, donc Mme Lafontaine à ma gauche. Excusez, c'est mon erreur, j'ai oublié de vous demander de vous présenter. Et j'ai, en face de moi, M. Tessier...

Une voix: C'est ça.

Le Président (M. Bachand): ...c'est bien ça? Merci.

Mme Trudel (Denise): Pour bien comprendre le contexte, dans le comté de Champlain, il y a le parc de la rivière Batiscan. C'est un parc régional qui est situé dans les municipalités de Saint-Stanislas, Saint-Narcisse et Sainte-Geneviève-de-Batiscan, et, à l'intérieur de ce parc-là, il y a une rivière qui coule avec des très belles chutes. La compagnie Boralex, avec l'accord des dirigeants du parc et après avoir eu aussi un certificat d'autorisation émis par le ministre de l'époque, voulait construire un barrage dans le parc de la rivière Batiscan et détruire ainsi les plus beaux attraits du parc de la rivière Batiscan, en tout cas ce que, nous, on considère comme les plus beaux attraits.

Nous autres, on est des citoyens qui sont natifs du coin. On connaît ces chutes-là, on connaît la beauté de cet endroit-là et on ne pouvait pas se résoudre de voir détruire ça. Au début, on se sentait vraiment seuls, chacun de notre côté, puis, après avoir parlé, après avoir sensibilisé des gens, on s'est rendu compte qu'on n'était pas les seuls à ne pas vouloir que cet endroit-là soit bouleversé à ce point-là. On sait que ces chutes-là sont là depuis des dizaines et des dizaines d'années. On sait que ce paysage-là a séduit plein de générations avant nous. Moi, je me rappelle que mes parents m'emmenaient là, le printemps, et je me rappelle des émotions que je ressentais devant la beauté de ce paysage-là, devant l'énergie qui se dégageait de ce paysage-là. Puis, au souvenir de ça, ça nous a donné l'énergie pour se battre pendant plusieurs années. Et, au terme de cinq ans de saga juridique, finalement la compagnie Boralex a perdu le certificat d'autorisation pour construire ce barrage-là. Alors, je vais demander à...

M. Tessier (Michel): Je poursuis. Donc, techniquement, nous avons gagné. Nous en sommes fort heureux. Que faisons-nous ici? Nous sommes ici parce que nous sommes inquiets. Nous sommes inquiets de la suite des événements concernant la construction de minicentrales au Québec. Et, dans le cadre d'une commission qui se penche sur l'avenir énergétique du Québec, je crois que ce n'est pas le débat central: Faisons-nous des minicentrales ou pas?, c'est important de se poser la question: Est-ce qu'on a besoin de ça pour le futur?

Cet automne, un peu plus haut que sur la rivière, que la première centrale que nous avons réussi à éviter, il y a des promoteurs qui sont venus faire une assemblée, qui posaient la question aux 300 personnes qui étaient réunies là, à Saint-Adelphe: Est-ce que vous préférez recourir à l'électricité produite au charbon? Évidemment, posée comme ça, quand on nous pose devant le choix: Aimez-vous mieux le charbon, le nucléaire ou une petite centrale où on entend des petits oiseaux qui font cui-cui?, c'est bien évident qu'on va mettre de côté le charbon. Sauf que, nous, nous disons que ? je pense que tout le monde va être assez rapidement d'accord là-dessus ? le débat actuellement, au Québec, n'est pas entre l'électricité ou le charbon, le débat, au Québec, il a deux volets: il faut s'interroger sur les besoins actuels et futurs, s'interroger sur les moyens qu'on va retenir pour y répondre. Ce débat-là, en toile de fond, il y a le fait que le Canada et le Québec sont les cosignataires des accords de Kyoto. Ces accords-là, vous le savez, nous invitent à réfléchir sur le rythme de notre consommation, nous invitent à au minimum remettre en question des scénarios qui ne font que dire: Ça va augmenter, ça va augmenter, les besoins s'en vont toujours croissants, toujours croissants, sans se poser la question: Est-ce que ça pourrait être différent?

n(16 h 10)n

Deuxièmement, sur les moyens à retenir pour y répondre, nous comprenons bien que ? on a lu et entendu un certain nombre de mémoires ? la question des minicentrales n'est pas au coeur. Elle n'est pas au coeur, entre autres, parce que le poids des minicentrales ne sera jamais important dans le bilan énergétique du Québec, je parle, quantitatif. Si on regarde certaines données, là ? comme je vous dis, on n'est pas des spécialistes ? mais certaines données qui sont publiques, Hydro-Québec s'est engagée dans des économies d'énergie de l'ordre de 350 MW d'ici 2006. D'ailleurs, Le Devoir nous apprenait que ces objectifs-là devraient être atteints peut-être même plus rapidement. Alors, 350 MW d'économies d'énergie, ça correspond à 35 centrales comme Boralex voulait bâtir sur la Batiscan. On a aussi parlé beaucoup de la question de l'éolien avec les gisements éoliens, tout ce qui est sorti là-dessus. Le potentiel, semble-t-il, est d'au moins 800 MW. Vous vous rendez compte du nombre de minicentrales que ça pourrait représenter si on décidait de couvrir le Québec de minicentrales.

Nous, ce qu'on pense, c'est que, les minicentrales, dans le contexte de ce qu'on est capable de faire pour un grand bout de temps, en termes d'économies d'énergie puis en termes de choix de moyens qui sont différents, on peut se passer très, très facilement de ces minicentrales-là, sinon on va décider de couvrir le Québec de minicentrales, on va décider de ne voir, dans les rivières qui sont proches des centres urbains, que des pompes à hydrodollars, et la moindre chute va devenir éventuellement la proie carrément de promoteurs qui ont des projets privés d'électricité.

Mme Lafontaine (Anne-Marie): Alors, nous, lorsque c'est arrivé dans notre région, on s'est demandé: Pourquoi une petite minicentrale comme ça qui arrive dans le décor? La réponse arrive assez facilement des élus municipaux ou des gens qui sont en arrière de ces projets-là. Les réels problèmes sont presque toujours des problèmes de sous-financement des régions, donc: Une belle petite vache à lait, on va construire un barrage. Les retombées économiques; le promoteur lui-même, dans un reportage qui avait été diffusé à Télé-Québec, disait que ça ne créait pas d'emploi. On met un gars là, il pèse sur le piton. Ça ne crée vraiment pas d'emploi lors du fonctionnement de cette centrale-là. Lors de la construction, oui, effectivement il y a des camions, des pépines qui circulent, mais, des emplois durables à long terme, ça n'en crée pas. Les redevances? Jamais on n'a pu avoir de Boralex des chiffres précis sur les redevances que le parc aurait pu recevoir de cette petite centrale-là et même de la région. C'était un projet strictement privé. Les coûts hypothétiques étaient très élevés, très élevés pour finalement qu'un mur de béton s'érige.

En tout cas, vous avez des photos qui ont circulé. Donc, sur les photos que vous avez eues, c'est la rivière Batiscan sur laquelle la chute des Ailes devait être harnachée. Et, pour contrer ça, on devait faire des mesures de mitigation, refaire des petits murets, refaire du reboisement. Mais, lorsqu'on a une ressource naturelle comme on l'a, un patrimoine qui est là, il faut le conserver. Pour assurer des revenus au parc de la rivière Batiscan, ce n'est vraiment pas acceptable qu'un pareil projet vienne atteindre ce patrimoine-là. En moins de cinq ans, n'eût été l'opposition des citoyens et des citoyennes de notre région, nous serions témoins de la construction d'une troisième centrale sur la rivière Batiscan, parce qu'actuellement, sur la rivière Batiscan, la chute des Ailes était supposée d'être harnachée. Actuellement, il y a un autre projet qui est sur la table à Saint-Adelphe et il y en a un troisième plus haut, à Notre-Dame-de-Montauban. Si on laisse aller ça, là, le moindre petit dénivelé de la rivière Batiscan, dans 10 ans, sera harnaché, on se retrouvera coudon avec 10 petites centrales.

Et, Les Ami-e-s de la Batiscan, si nous sommes ici, aujourd'hui, c'est... Oui, on s'est battus durant cinq ans. Le ministre de l'Environnement a retrouvé son pouvoir de révoquer un certificat d'autorisation grâce à notre lutte, avec de l'énergie et beaucoup de temps passé à essayer de comprendre ce phénomène-là des petites centrales. En tout cas, nous sommes nombreux, dans nos villages, à Saint-Narcisse, Sainte-Geneviève, Saint-Stanislas mais aussi dans tout le Québec, à avoir la conviction qu'une série de petites centrales, c'est une bien mauvaise solution au manque réel d'infrastructures écotouristiques de notre région et de sous-financement de ces moyens-là d'accueillir la population dans nos régions.

Notre rivière devrait être considérée comme une rivière patrimoniale. Sa situation géographique en a longtemps fait une voie de passage pour diverses communautés autochtones. Le parc de la rivière Batiscan est d'ailleurs considéré comme un site ayant un potentiel archéologique très intéressant. En 1979, les municipalités de Saint-Narcisse, Sainte-Geneviève et Saint-Stanislas, avec l'aide de M. René Lévesque, créent un parc régional. Le but de la création de ce parc-là était pour préserver et faire connaître les nombreux atouts de cette portion de rivière. À mi-distance de Montréal et de Québec, le parc de la rivière Batiscan offre encore des chutes, des rapides sauvages, un environnement forestier vierge, des paysages uniques et des aménagements qui font la joie des pêcheurs, des campeurs et des kayakistes. Bon an mal an, et je vous dirais qu'avec la mise en vedette de la rivière Batiscan le parc de la rivière Batiscan a attiré plus de 35 000 visiteurs l'été dernier, et au-delà de 35 000. De tels sites se font de plus en plus rares au Québec, comme en témoigne l'origine des visiteurs. Plus de 70 % proviennent de l'extérieur de la région. Le potentiel récréotouristique de ce site naturel exceptionnel constitue un filon à exploiter nettement plus prometteur que le bétonnage d'une rivière.

Nos grands-parents et nous-mêmes avons connu des rivières impétueuses. Bien, est-ce qu'on va laisser au moins nos enfants et nos petits-enfants pouvoir profiter de cette belle ressource? Est-ce qu'on va venir figer notre patrimoine et nos paysages? La construction de ce barrage privé par Boralex soulevait un véritable conflit d'usage pour cette rivière, comme ce fut le cas à peu près partout au Québec où de tels projets ont été proposés. Ces dernières années, ces projets de centrales ont constitué une source majeure de division au sein des populations touchées, et, nous, Les Ami-e-s de la Batiscan, nous voulons témoigner que, oui, ça vient diviser des collectivités, ça vient diviser des familles, et, des petits projets comme ça, qui ont des retombées très, très minimes au niveau des emplois, il faut éviter de créer ça et finalement il faut arriver avec des projets novateurs, créateurs d'emplois durables et respectueux de l'environnement.

M. Tessier (Michel): En conclusion, étant donné qu'on croit que les minicentrales n'auront jamais d'impact significatif dans le bilan énergétique du Québec, étant donné qu'on croit que les économies d'énergie et le développement de la filière éolienne constituent des avenues prometteuses pour répondre aux besoins futurs du Québec, étant donné que la pertinence de laisser libre cours au développement d'une production d'électricité privée n'a pas été soumise au débat public, étant donné que ces projets-là ont divisé et divisent toujours fortement les populations concernées, étant donné que les hypothétiques retombées économiques, qui sont souvent le fer de lance des promoteurs, sont bien inférieures aux atteintes à l'environnement de sites naturels uniques, étant donné que la protection et la mise en valeur du potentiel récréotouristique de la rivière Batiscan et de son parc ne font pas et ne feront jamais partie de la mission de promoteurs privés d'électricité, nous proposons, nous suggérons, nous exigeons ? le terme est un peu fort, là; ici, ça n'a pas sa place ? que les projets de minicentrales sur la Batiscan et ailleurs au Québec doivent être clairement et définitivement mis de côté, que la rivière Batiscan devrait obtenir un statut de rivière patrimoniale et que le parc de la rivière Batiscan devrait obtenir un statut ? aire protégée, parc provincial, peu importe ? propre à lui accorder un financement récurrent, parce que le fond des débats qu'il y a autour de plusieurs de ces minicentrales-là est toujours le même: c'est une mauvaise solution à des problèmes réels de sous-financement d'équipements récréotouristiques.

Un dernier point sur la question des populations divisées. C'est sûr qu'il faut ? et c'est un équilibre qui n'est pas nécessairement facile à atteindre ? il faut que ça revienne aux communautés régionales de décider de l'avenir des ressources, mais en même temps on ne peut pas laisser chaque municipalité décider du sort du bout de rivière qui passe en avant de chez eux. Ça a l'air très démocratique de dire: Faisons un référendum à Saint-Adelphe, puis à Saint-Clinclin, puis à Saint-Narcisse pour décider qu'est-ce qu'on fait avec le bout de rivière en avant de chez nous, mais ça n'a pas de bon sens quand on pense au portrait que ça peut donner dans quelques années.

Il y a une structure qui est en train de se mettre sur pied, au Québec, présentement en sourdine, dont on n'entend pas suffisamment parler, la question de la gestion des rivières par bassins versants.

n(16 h 20)n

Il faudrait au minimum que l'acceptabilité sociale passe par là, au minimum qu'il y ait des débats de fond et que ce ne soit pas laissé simplement entre des promoteurs et des maires qui vont être élus à tous les trois, quatre ans, parce que, quand on installe une centrale comme ça, on l'installe pour longtemps. Je suis convaincu qu'on est en train de faire... Dans les années soixante-dix, on a fait, au Québec, un choix extrêmement important qui a été de choisir l'hydroélectricité plutôt que le nucléaire. À l'aube des années 2000, je pense qu'il faut, nous pensons qu'il faut faire le choix des économies d'énergie et de l'éolien. Puis, quand on va se revoir dans une quarantaine d'années, on refera un choix pour le solaire et le géothermique.

Une voix: ...

M. Tessier (Michel): Oui, monsieur dit qu'il ne sera pas là, mais, bon, il faut être optimiste. On fera un choix énergétique, dans 40 ans probablement, sur le solaire et le géothermique. Et, si on fait ces choix-là, bien je pense qu'on aura aussi l'immense satisfaction de dire: Nous avons répondu ce que vous parliez tantôt, de la sécurité énergétique du Québec, puis en même temps on a des rivières qui coulent encore, on a de l'eau oxygénée qui coule, on a des sites merveilleux à léguer. Et vous pouvez en tout cas, je pense, assez facilement comprendre qu'on va être pas mal plus fiers, dans 100 ans, d'avoir encore ces photos-là qui circulent que de voir des dames de ciment, quelles soient petites, traverser des sites qui sont uniques et magnifiques.

Le Président (M. Bachand): Merci, M. Tessier. On m'assure que les députées de Rosemont et Matapédia seront là dans 40 ans, et, dans 100 ans, là, il faudrait voir. Donc, M. le ministre des Ressources naturelles et de la Faune, M. le ministre, pour la période de questions.

M. Corbeil: Merci, M. le Président. Les informations de firmes de sondage concernant les petites centrales nous présentent le portrait à l'effet qu'un bon nombre de personnes interrogées savaient que des installations hydroélectriques avaient permis l'aménagement de sites récréotouristiques qui se sont mérités des prix.

Comment vous faites pour mettre en contradiction la coexistence de petites centrales et d'activités récréotouristiques dans ce contexte, où 40 % des personnes savaient que des installations avaient permis l'aménagement de sites majeurs qui se sont mérités des prix?

Le Président (M. Bachand): M. Tessier.

M. Tessier (Michel): Tant mieux s'ils se sont mérités des prix. Nous, ce qu'on dit, c'est qu'à la base, quand on propose une minicentrale, c'est qu'on dit: Voici le moyen pour mettre en valeur une ressource naturelle. Et, dans l'histoire, dans le processus de comment ça s'est passé à Batiscan et à beaucoup d'endroits, c'est de toute bonne foi que des élus, des bénévoles ont dit: Voici la manière de mettre en valeur nos sites. Alors, nous, ce qu'on a vu, ce qu'on a vu dans les plans, ce qu'on a vu dans tout ça, c'est qu'on est certains que ce n'est pas une bonne manière. Est-ce qu'ils ont réussi ailleurs potentiellement? Je ne sais pas.

Mme Lafontaine (Anne-Marie): Mais, lorsqu'on parle d'aménagement... Lorsque parfois des organismes gagnent des prix, lorsqu'on décide de venir aménager un sentier, de rebâtir un sentier ou de fermer une section d'un parc parce qu'on vient inonder une grande superficie de territoire qui était déjà aménagée en sentiers, mais je ne suis pas vraiment certaine que c'est un aménagement. Je pense qu'on vient de désaménager ce que la nature nous avait donné. Et le cas de la rivière Batiscan est vraiment un cas qui n'a pas nécessairement besoin d'aménagement au niveau de ses rives, avec des trottoirs bordés de béton et d'acier, et de faire les chutes qu'on vous a montrées, d'en faire un plan d'eau où on peut faire de la chaloupe.

Parce qu'actuellement aussi, M. le ministre, dans les statistiques, on parle de plus en plus, la clientèle cible, c'est des gens qui veulent faire des activités, du kayak de rivière. Et ce site-là, on n'a pas besoin d'en aménager un artificiel, il est extraordinaire. Et, même d'ici probablement un mois, si vous venez au parc de la rivière Batiscan, vous verrez des kayakistes en train de glisser dans les chutes. De toute façon, le parc de la rivière Batiscan se gagne des prix. Ça fait déjà quelques années qu'ils en ont gagné plusieurs. Donc, on a au moins ce flambeau-là.

M. Corbeil: Vous avez...

Le Président (M. Bachand): C'est ça, allez-y.

M. Corbeil: ...vous avez évoqué tantôt la question du sous-financement des régions. Comment vous feriez pour concilier les attentes des élus locaux et régionaux, des intervenants du milieu qui disent que justement la réalisation de projets de cette nature-là serait une source de revenus autonome pour le maintien de services de qualité?

M. Tessier (Michel): En tout cas, la preuve n'est pas faite que c'est une source de revenus autonome, parce que d'une part il y a des producteurs, c'est des producteurs privés qui sont là-dedans de manière importante. On pense aussi qu'est-ce qu'il y aurait moyen d'avoir... Il y a une phrase qui a été dite par M. Proulx, là, récemment, de Solidarité rurale, qui disait: On devrait peut-être se creuser la tête, mettre de l'énergie pour faire du développement régional plutôt que de faire du développement régional pour sortir l'énergie des régions. Est-ce que vraiment c'est une bonne idée de mettre nos oeufs dans un panier d'un développement qui ne met pas en valeur ce qui est déjà là? Puis là évidemment on parle de barrages, là.

Si on revient dans l'expérience qu'on a vécue, la preuve n'a jamais été faite que les argents qui vont revenir dans le milieu puis aux parcs, ça va être un moteur économique. Le contraire a été fait par contre, entre autres, par M. Lemaire de Cascades, qui avait dit, sur les ondes de Radio-Québec, que les minicentrales, c'était extraordinaire parce que ça ne créait aucun emploi ? on a passé d'ailleurs ce court message là dans une assemblée publique ? parce que tout se gérait à distance et que c'était merveilleux. Où sont les retombées? En redevances d'électricité? Peut-être, mais ce qui manque, par exemple... La rivière Batiscan, juste la mobilisation autour de cet événement-là a permis, entre autres, d'aller chercher une subvention, là, avec le programme des infrastructures. Tu sais, ce n'est pas des millions, là, qui manquent pour un parc, là, pour des parcs de cette taille-là, pour des endroits de cette taille-là, là, mais des fois ce serait une politique des parcs au Québec un petit peu plus pro-parcs.

Le parc de la rivière Batiscan a un chiffre d'affaires d'autour de 250 000 $ par année, pas 250 millions, là, 250 000 $, et ça s'équilibre. Ce qui manque, c'est un peu de sous pour faire du développement, c'est un peu de sous pour engager quelqu'un qui est impliqué plus dans la faune. Il manquait des sous pour rebâtir les infrastructures. Ça a été réglé par un programme des infrastructures. Est-ce que pour ça on va sacrifier le coeur de ce qui attire le monde là? C'est ça qui n'a pas de bon sens. Générer des sous, oui, mais avec quoi puis pourquoi? Quand ça, ça va être brisé, là, puis qu'on va avoir des sous pour faire quoi? Bâtir des condos autour d'une mare à grenouilles, en arrière du barrage? Mais non, mais non. Peut-on être plus inventif pour dire: On a des ressources, puis évidemment elles sont sous-utilisées. On cherche toujours la mine de laquelle va sortir quelque chose, l'usine de pâtes et papiers de laquelle va sortir des emplois. Y a-tu moyen, dans les régions, avec les ressources qu'on a? Il y a un bout de travail à faire là-dedans, qui n'est pas évident.

Mme Trudel (Denise): Puis, moi, quand on parle de sous-financement...

Le Président (M. Bachand): Oui, Mme Trudel. Allez-y, allez-y.

Mme Trudel (Denise): Quand on parle de sous-financement de municipalités ou de parcs, c'est sûr. Mais il me vient une image un peu caricaturale que je me permets de dire ici, présentement, c'est l'image, mettons, d'une famille avec quatre beaux enfants, une famille qui n'a pas de sous mais qui ont quatre beaux enfants puis, pour se sortir de leur sous-financement, ils décident de faire travailler la petite de 13 ans dans des activités. Ça ne se fait pas. Il y a des choses, pour vous, pour moi, qui ne se font pas. C'est une caricature, mais c'est un peu ça. Moi, sacrifier des choses aussi belles que ce qu'on voit là, les sacrifier puis les perdre à jamais, bien, en tout cas, il faut au moins y penser deux fois.

Le Président (M. Bachand): M. le ministre.

M. Corbeil: M. le Président, l'Association québécoise pour la production d'énergie renouvelable ? on parle bien d'énergie renouvelable ici ? a fait état dans son mémoire, devant la commission, des retombées économiques, pour une municipalité régionale de comté, d'un projet type de petite centrale de 30 MW. Elle mentionne à cet égard que les retombées totales d'exploitation, durant 25 ans, représenteront pour la MRC des revenus nets de 38 millions de dollars. C'est sûr que c'est 30 MW, et le projet qui avait été soumis sur la rivière Batiscan n'était pas de cette envergure-là, mais on pourrait faire des proportions puis des règles de trois.

Alors, sans embarquer dans un débat de chiffres, dans ces circonstances, ne considérez-vous pas que de telles installations représentent une source de revenus appréciable pour la MRC concernée ou n'importe quelle MRC qui envisage ce genre de développement sur son territoire?

Le Président (M. Bachand): M. Tessier.

M. Tessier (Michel): 25 millions, c'est ça que vous avez dit? 30 millions?

M. Corbeil: 38 millions sur 25 ans.

n(16 h 30)n

M. Tessier (Michel): 1,5 million par année. Pour moi, ça ne vaut pas le coût. Ça ne vaut pas le coût. A-t-on besoin de ça dans le bilan énergétique du Québec? Moi, je suis certain que la réponse, c'est non. Est-on capable en mobilisant les ressources du milieu pour générer 1,5 million en toutes sortes de microentreprises? Je suis sûr que oui. Évidemment, c'est plus facile de faire une dame de ciment.

M. Corbeil: Plus facile de?

M. Tessier (Michel): De bâtir un barrage.

Mme Lafontaine (Anne-Marie): Je veux bien spécifier que, quand on parle du cas de la rivière Batiscan, du barrage de la Chute-des-Ailes qui aurait été construit par Boralex, les redevances, jamais on n'a pu avoir un chiffre là-dessus. Et les redevances n'allaient vraiment pas aux citoyens des municipalités, c'était un projet strictement privé, strictement privé, aucun partenariat ou à peine. En tout cas, on avait eu vent de chiffres qui redonnaient, je pense, 25 000 $ par année à un parc, mais ça n'avait absolument pas de sens. Et, ce type de projet là, il ne faut plus que ça se passe au Québec, absolument pas.

Le Président (M. Bachand): M. le ministre.

M. Corbeil: M. le Président, bien la dernière réponse qui vient d'être transmise m'amène justement à soulever la question de l'acceptabilité, parce que vous avez dit: Il ne faudrait plus que ça se passe au Québec. On parle du projet sur la rivière Batiscan. Et, dans une autre présentation, le préfet d'une MRC dans la région de Trois-Pistoles nous a fait l'état d'un résultat d'un référendum tenu dans sa municipalité et supervisé par le Directeur général des élections.

Ce résultat était favorable à 65 %, dans la localité du projet, à l'implantation d'une petite centrale hydroélectrique. Ne croyez-vous pas que nous devrions respecter ce choix démocratique?

Le Président (M. Bachand): M. Tessier.

Mme Lafontaine (Anne-Marie): ...écoutez, si on regarde à quoi ressemblent nos municipalités, là ? je regarde, chez nous, comment ça se passe, là ? premièrement, ils ont dû avoir beaucoup de division. Les promoteurs viennent parfois dans des communautés vieillissantes, des communautés qui sont... il y a de l'exode rural se passe, et, au niveau de référendums, est-ce que les rivières appartiennent à tous les Québécois? Est-ce que les rivières appartiennent seulement qu'à ceux qui restent en face de la rivière? Je ne penserais pas.

M. Corbeil: Je n'ai pas d'autre question, M. le Président.

Le Président (M. Bachand): M. le député de Roberval.

M. Blackburn: Merci, M. le Président. M. Tessier, Mme Lafontaine, Mme Trudel, bonjour, bienvenue. J'écoutais votre présentation tout à l'heure et bien sûr certaines réponses que vous avez données au ministre concernant les questions qui vous étaient posées, et à mon avis ce n'est pas aussi facile que ça d'être aussi blanc ou bien aussi noir dans le sujet qu'on est en train de regarder aujourd'hui.

Vous mentionnez que pour aucune considération le projet des petites centrales peut apporter un élément important pour la sécurité énergétique. Peut-être, mais je pense ? et plusieurs groupes sont venus me le dire, et encore, demain matin, d'autres groupes vont venir nous le dire ? que le projet de petites centrales, dans leur milieu, peut jouer un rôle drôlement important justement pour leur développement économique, pour se doter des infrastructures, pour se doter des services. Et, dans ce contexte-là, c'est là où il est important, je pense, pour nous, il est important pour vous, il est important pour tous ceux et celles qui sont concernés de pouvoir être en mesure de faire la part des choses. Et, dans ce que je comprends dans ce que vous dites, pour aucune considération vous êtes en faveur des petites centrales. Bon. Mais, si jamais il était clairement démontré que nous étions capables d'aménager des petites centrales dans un respect d'environnement, dans un contexte où le potentiel peut se faire et qu'en même temps on est capables de dégager des marges de manoeuvre importantes et des ressources financières importantes pour générer d'autres avantages dans nos milieux, moi, je pense que ça vaut la peine de les regarder.

Puis j'ai en tête deux exemples qui me viennent et que j'ai eu l'occasion de mentionner régulièrement. Je pense à Val-Jalbert, chez nous, dans la région du Saguenay?Lac-Saint-Jean. Val-Jalbert a été créé parce qu'il y avait une énergie, une ressource qui était là. On a utilisé cette ressource-là pour faire de l'activité économique. Je pense au lac Saint-Jean. Le bassin du lac Saint-jean est un bassin artificiel qui a été créé de façon artificielle, pour justement se servir de l'énergie qui est là. Et il n'y a pas personne actuellement qui est capable de me dire que je ne suis pas fier de mon lac Saint-Jean comme il l'est actuellement.

Alors, c'est là qu'à quelque part j'ai de la misère à avoir une position aussi drastique que la vôtre, de dire: Pour aucune considération on fait du développement de minicentrales, alors qu'à mon sens il y a encore un potentiel important qui peut générer des activités importantes dans les milieux, en utilisant des ressources naturelles.

Le Président (M. Bachand): M. Tessier.

M. Tessier (Michel): Moi, je vous dis, c'est vraiment la place ? je suis bien content que ce soit apporté comme ça ? c'est vraiment la place, dans une commission parlementaire sur l'avenir énergétique du Québec, de bien mesurer les gestes qu'on va poser pour longtemps. Il me semble qu'on ne les appelle pas mini pour rien. Les minicentrales, par rapport aux mégabesoins, par rapport à la mégaproduction, il me semble que ça ne vaut pas la peine de se lancer là-dedans, quand on voit les effets que ça a sur les populations. Ça fait que, ça, je trouve que c'est comme un premier pas. Au niveau du Québec, il faut qu'on se fasse une tête: A-t-on besoin de ces petits ouvrages là pour contribuer vraiment, parce qu'on sait bien qu'il y a coût local à les mettre en place?

La deuxième chose, je pense qu'il faut mettre... Notre intransigeance, là, en tout cas la mienne, là, c'est sur le fait qu'on dépose des projets, alors qu'ils ne sont pas demandés par le milieu, que des promoteurs privés d'électricité privée viennent déposer des projets à la pièce, municipalité par municipalité. Ça se fait à la pièce. Si on parle d'acceptabilité sociale d'un projet, il faudrait qu'au minimum il y ait une décision démocratique qui se prenne au Québec, dise: Oui, dans le bilan énergétique du Québec, pour avoir la marge de sécurité dont le monsieur parlait tantôt puis qui ne tienne pas compte des économies, patati, patata, on a à ce point besoin d'électricité au Québec qu'il faut faire 1, 10, 30, 100 MW en minicentrales. Ça, il faudrait que ce serait comme la base, là, que tout le monde serait entendu là-dessus, pas par consensus, mais par vote, etc.

Deuxièmement, qu'il y ait des mécanismes d'acceptabilité sociale qui soient réels. Ce n'est pas vrai que de faire prendre un référendum... D'ailleurs, le référendum dont M. le ministre parlait tantôt, vous savez comme moi qu'il a été fortement questionné sur le type d'encadrement, sur les moyens mis en place, sur les ressources que chacun des camps possédait, et tout, et tout, là. Ce n'est sûrement pas non au barrage à jamais, au Québec, là, ce n'est pas ça qu'on dit, mais c'est sûrement non à la manière. Actuellement, il y a une espèce de flou artistique, là, qui dit que: Moi, là, je suis un promoteur, j'arrive chez vous, j'arrive à Saint-Adelphe, il y a 400 personnes, puis on a un barrage pour vous autres. Je parle d'un film western, là. Tu as un promoteur en cravate, en avant, qui dit: Le charbon ou l'électricité. C'est comme ça que ça se passe, là, présentement.

M. Blackburn: Donc, ce que je comprends de par vos propos, s'il y a des projets de minicentrales qui peuvent être regardés mais par le public, comme par exemple une municipalité ou une MRC, est-ce que vous êtes favorables à ça?

M. Tessier (Michel): ...une unité suffisante, une unité géophysique suffisante pour que ce ne soit pas un village qui décide de la rivière en avant d'elle.

M. Blackburn: Mais c'est parce que ce que je comprends dans vos propos, il n'y a pas nécessairement de place à la marge de manoeuvre nécessaire quand vous me parlez d'unité suffisante parce que, dans vos exemples que vous donnez, pour aucune considération vous n'allez avoir la possibilité ou le goût de regarder ça, que ce soit privé ou que ce soit public.

Tantôt, l'exemple de la petite fille de 13 ans, je m'excuse, mais, tu sais, c'est un peu tiré par les cheveux. C'est là que je me dis qu'à quelque part pourquoi on n'essaie pas de jouer dans une zone grise et là qu'on ait au moins l'ouverture d'esprit de la faire, cette démarche-là? Et, dans ce contexte-là, si jamais il y avait une municipalité ? parce que, la semaine passée, on avait la municipalité de Saguenay qui était ici; demain matin, on va avoir la MRC de Maria-Chapdelaine et le Domaine-du-Roy qui vont être ici ? s'il y a la possibilité pour des gens qui sont gestionnaires de fonds publics, qui sont les leaders, qui ont été mandatés par leur population pour s'occuper de la gestion mais aussi en même temps faire un peu de développement économique, s'il y a la possibilité pour ces gens-là de pouvoir utiliser la ressource qui est sur notre territoire, toujours dans un contexte de développement durable, est-ce que vous êtes en faveur pour qu'on puisse avancer dans ce genre de démarche là ou pour toutes sortes de raisons vous allez être contre? Moi, ce que je comprends dans vos propos, vous allez être contre.

Le Président (M. Bachand): Mme Lafontaine.

Mme Lafontaine (Anne-Marie): Nous, ici, là, nous sommes Les Ami-e-s de la Batiscan. Il faut bien comprendre que le projet pour lequel on s'est opposés était dans un parc régional qui à l'époque était intégré dans le schéma d'aménagement de la MRC de Francheville dans laquelle était intégrée la ville de Trois-Rivières, la grande ville de Trois-Rivières, maintenant. Donc, ce parc-là, au moment où tout se passait, ça se passait dans le cadre de la MRC de Francheville, et jamais les élus de la MRC de Francheville n'avaient été intégrés là-dedans, jamais les citoyens de ces grandes villes là n'avaient été consultés. Non, c'étaient trois petits villages avec environ 2 500 de population qui se seraient prononcés sur le harnachement de la rivière Batiscan, le harnachement de la chute des Ailes à l'intérieur d'un parc qui était un parc régional à l'intérieur de la MRC de Francheville.

Je pense qu'il arrive des situations. Le cadre dans lequel les petites centrales se font actuellement, au Québec, il y a vraiment du ménage à faire là-dedans. S'il y en a à se bâtir, elles vont se bâtir, c'est sûr. Ce n'est pas des citoyens comme nous qui allons être capables de nécessairement monter au front et se battre comme on l'a fait. Ça, c'est certain. Mais vous allez créer des conflits d'usage dans plusieurs endroits, lorsque des rivières sont au coeur même de la vie des populations. Parce que le parc de la rivière Batiscan fait partie de la vie de la région de la Mauricie. Mais, écoutez, c'est certain qu'on va s'opposer à ça.

n(16 h 40)n

Moi, c'est certain, s'il arrive un autre projet sur la rivière Batiscan, dans le parc de la rivière Batiscan, tant que j'aurai de l'énergie pour me battre, je vais me battre, et ça, c'est certain. Vous allez me revoir là, dans 10 ans, si vous êtes encore là.

Le Président (M. Bachand): ...M. le député de Roberval. Mme la porte-parole de l'opposition officielle en matière d'énergie, Mme la députée de Rosemont.

Mme Dionne-Marsolais: Merci. Alors, mesdames, monsieur, bienvenue. Je regrette de ne pas avoir été là, mais je n'ai pas encore le don d'ubiquité, puis il a fallu que j'aille à une autre commission dont j'ai la responsabilité de la présidence. Mais cela ne m'a pas empêchée ni de prendre connaissance de votre mémoire ni de vous entendre, du moins en partie.

Moi, j'ai des petites questions puis j'aimerais ça vous entendre sur une question peut-être plus élaborée, à savoir la gestion des rivières par bassins versants, là, parce que je pense que c'est important. Je ne sais pas qui l'a dit tout à l'heure, mais un cadre de référence est important si on veut se projeter dans l'avenir, avec des choix énergétiques responsables dans un contexte de développement que certains appellent «durable», que, moi, j'appelle au service de l'être humain, là.

Premièrement, la recommandation que vous faites, c'est que l'on mette de côté, définitivement, tous les projets de minicentrales aujourd'hui, et vous dites: Une des raisons, c'est qu'effectivement on n'en aurait pas besoin dans le bilan énergétique du Québec. Est-ce que ce serait prudent de les mettre de côté définitivement? Est-ce qu'on ne devrait pas, dans une réflexion à long terme comme celle qu'on essaie de faire ici, se donner des périodes d'évaluation? On peut dire, bon: Je pense qu'en ce moment, au Québec, il y a une bonne... en tout cas, je serais tentée de dire qu'il y a une unité de pensée quant à la valeur ajoutée marginale de ces projets-là au niveau du bilan énergétique du Québec. Donc, aujourd'hui, on peut affirmer ou on peut donner suite à ce que vous proposez, moyennant un certain nombre de conditions mais pour une période, je ne sais pas, moi, qui peut être à réviser à chaque 10 ans, à chaque nouvelle politique énergétique, vous ne pensez pas? Parce qu'on a quand même une responsabilité ici, là, par rapport à l'ensemble de la sécurité énergétique du Québec, et il m'apparaîtrait prudent, moi, de limiter, à moins évidemment qu'on décide de classer certaines rivières patrimoniales. Ça, c'est autre chose.

Mais je parle sur la question du principe de base, là, que les petites centrales ou des centrales de petite taille, on n'en a pas besoin au Québec. Vous ne pensez pas qu'on devrait être prudents pour se limiter dans le temps ou se donner une balise de temps de réévaluation?

Le Président (M. Bachand): M. Tessier.

Mme Dionne-Marsolais: Au départ, ma première question.

M. Tessier (Michel): On va enlever: Doivent être clairement et définitivement mis de côté; doivent être clairement et mis de côté très, très longtemps. Mais j'ai terminé tantôt, j'ai conclu en disant que, dans les années soixante-dix, on a fait un choix très important de développer. Ça a été le bon choix de développer l'hydroélectricité par rapport au nucléaire. Moi, je pense, je le redis ? excusez-moi pour les autres, là ? que, dans 40 ans, quand on sera encore ici, on va refaire un autre choix qui sera pour le géothermique et le solaire puis que, là, maintenant je pense que, 30 ans plus tard, on devrait... Ça ne veut pas dire de mettre de coté le développement hydroélectrique, mais ça veut dire de se donner...

Mme Dionne-Marsolais: Un cadre de référence.

M. Tessier (Michel): ...non, mais plus qu'un cadre de référence. Dans le années soixante-dix, on s'est dit: L'hydroélectricité, c'est notre choix. Moi, je pense que maintenant on devrait dire, à l'aube des années 2000, où on est avec les informations qu'on a... on est capables de dire: Ça va être les économies d'énergie puis le développement du potentiel éolien tout en continuant, à la marge, de développer. On parlait tantôt qu'il y a peut-être un 5 000 MW ? je ne suis pas spécialiste là-dedans ? qui serait développable, et tout, et tout, mais, dans ce contexte-là, dans ce portrait-là, il me semble qu'on peut vraiment dire: Au moins pour 40 ans.

Et, les minicentrales, il me semble que ce n'est pas nécessaire évidemment en regard des impacts que ça a dans les petites municipalités et sur des, pas des équipements, mais sur des richesses naturelles qui sont relativement peu développées dans les régions. Veut-on développer les rivières, ces beautés-là, par des centrales ou veut-on développer ces rivières? Nous, on n'est pas contre le développement, là. Le monsieur de Roberval ? on sentait ça un peu, en arrière ? on n'est pas contre le développement, on est pour le développement de ces richesses-là, qui le sont mal, développées, présentement. Et on est convaincus ? c'est là que notre conviction, que monsieur peut-être identifiait trop à de l'intransigeance... on est convaincus qu'un développement intelligent de ces ressources-là va être bien plus payant à moyen terme puis à long terme pour les régions que de faire du développement hydroélectrique à cette échelle-là.

Mme Dionne-Marsolais: Et puis d'ailleurs vous le dites dans votre mémoire, que le potentiel récréotouristique de votre parc et des rivières qui y baignent ne demandent qu'à être mis en valeur. Et donc il y a effectivement d'autres manières de mettre en valeur ces régions-là à des fins autres que production d'énergie.

Non, mais je vous suis. Écoutez, je vous suis par rapport à l'orientation qu'on doit donner. Ce que vous nous dites, c'est: l'orientation que l'on prend au niveau de l'hydroélectricité, vous souhaitez qu'elle exclue les petites centrales. Et vous dites: On doit aujourd'hui, maintenant, prendre un virage vers des énergies plus décentralisées. Vous avez dit géothermie, qui serait peut-être de l'autoproduction; vous dites solaire, qui est peut-être aussi de l'autoproduction, mais ça peut être aussi une production plus de masse, et vous dites un virage éolien. Vous n'utilisez pas l'expression un virage vert, puis je pense que vous avez raison parce qu'actuellement, aux États-Unis, il y a un gros débat, hein, vous savez, sur la petite hydraulique versus la grande. Je pense que c'est ça qui nous, pas qui nous préoccupe, mais qui nous assaille ici, parce qu'on regarde ce qui se fait ailleurs puis on a souvent l'habitude, au Québec, de dire: Bien, si ça se fait ailleurs, ce doit être bon, donc on devrait l'importer.

Puis, quand on regarde ce qui se passe aux États-Unis, il y a une grosse campagne pour des petites centrales hydroélectriques. Même les crédits verts, dont on parle tant, sont liés à ça dans une certaine mesure, à tel point que, dans certains États, c'est la grande hydroélectricité qui n'est plus accessible aux crédits verts. Mais ce que je retiens de votre commentaire, puis corrigez-moi si j'ai tort, c'est que les communautés qui sont à proximité de ces ressources ont un mot à dire à ce niveau-là. Est-ce que c'est correct?

M. Tessier (Michel): C'est correct dans la mesure où, comme je mentionnais tantôt, il faut que l'unité de référence soit suffisamment importante, puis l'unité de référence dont j'ai parlé tantôt, qui, il me semble, pourrait être utile ? peut-être pas que ça pourrait être la seule, mais au minimum utile ? c'est les comités...

Mme Dionne-Marsolais: ...versant.

M. Tessier (Michel) ...le bassin versant qui intègre effectivement beaucoup de monde et qui ne prend pas des décisions, normalement qui ne prendra pas des décisions à la pièce. Il faut qu'ils bâtissent un plan directeur sur un certain nombre d'années. Et quand, par exemple, on dirait: Il faut développer le récréotouristique, comment pourrait-on faire? Nous avons déjà un parc qui va bien, comment pourrait-on le bonifier? Ce n'est plus le même type de question que de répondre à un promoteur qui arrive parce qu'il y a du fric à faire, point, puis qui dit: Regarde, là, moi, je vais vous faire une pompe à argent, on va briser un peu, mais on va arranger ça ensuite, puis ça devrait bien aller. Ce n'est pas la même dynamique du tout, du tout. Et ce sur quoi nous sommes intransigeants, c'est là-dessus. Nous espérons vraiment que ça, ça va disparaître du paysage.

Mme Dionne-Marsolais: Pour les fins des parlementaires que nous sommes, qui ne sommes pas tous au même niveau de connaissances, pourriez-vous nous en parler, des modalités de fonctionnement de la gestion des bassins versants, parce que je pense que c'est une voie extrêmement intéressante que vous nous ouvrez et j'aimerais ça qu'on la comprenne? Ça veut dire quoi? Comment ça se manifeste? Et comment on peut s'assurer que les populations concernées s'expriment là-dedans aussi, parce qu'il y a aussi des mécanismes d'organisation du processus de décision dans ces moyens de gestion?

M. Tessier (Michel): ...là-dedans, ça n'ira pas tellement plus loin que des généralités. J'étais parmi les premiers qui étaient assis autour de la table de la mise sur pied du comité de la gestion du bassin versant de la rivière Batiscan, parce qu'à l'époque je travaillais à l'UPA, à l'Union des producteurs agricoles. Évidemment, c'est un secteur de la société qui est relativement interpellé de toutes parts. Puis, concernant les rivières, ils l'étaient beaucoup. Ils se demandaient même s'ils devaient aller là, s'ils ne devaient pas y aller, bon, etc.

En tout cas, à l'époque je les avais convaincus d'y aller, que c'était très important.

n(16 h 50)n

Un bassin versant, l'unité géophysique, c'est l'ensemble du territoire qui draine dans la partie la plus basse. Donc, des fois les bassins versants sont grands, sont moyens. Et tous les usagers qui sont sur ce bassin versant là ont voix au chapitre, là. Il y a des représentants du milieu agricole, du milieu industriel. Il y a des représentants des riverains, des représentants ? je ne sais pas trop, là ? des zecs. En tout cas, en fait, toute l'activité qui est présente sur le territoire, il y a une table, et ça peut être 20, 25 personnes, etc. Je pense qu'aussi, au Québec, là, c'est encore... Vous parlez de modes de fonctionnement. Pour l'instant, ce n'est pas un lieu décisionnel, ça commence, là. Ils ont 60 000 $ par année. Ce n'est pas beaucoup. Mais en tout cas j'ai beaucoup confiance que, si évidemment c'est un choix politique, de donner à cette structure-là, qui est en naissance, de lui donner des mandats puis le financement qui va avec pour dire: À l'aide des gens. Puis effectivement, s'il y a un paquet de monde sur ces tables-là, dans une région, qui disent: Nous autres, là, c'est les minicentrales, puis qu'au niveau du Québec on aura dit: Bien, oui, à la marge, on peut laisser développer quelques minicentrales, bien, là, vive les minicentrales. Mais il faut au minimum que les questions se posent.

Puis, dans le cas, nous, qui nous a occupés, il y avait un problème de sous-financement d'un parc, puis on dit: Voilà la solution. Il y aurait-u eu moyen de mettre des solutions côte à côte, alors que, là, on a répondu à un promoteur qui a dit: «Venez-vous-en»?

Le Président (M. Bachand): Donc, Mme la députée de Champlain. J'ai besoin du consentement pour qu'elle puisse intervenir à cette assemblée. Y a-t-il consentement? Sans hésitation, Mme la députée de Champlain.

Mme Champagne: Quelle belle fin de journée. Alors, merci beaucoup. Bien, bienvenue à vous tous, Michel, Anne-Marie, qu'on connaît un peu parce qu'on a vécu la saga du parc de la rivière Batiscan avec la bataille que vous avez faite, qui est tout à votre honneur parce qu'on a une preuve de plus que, quand les gens réagissent à temps et tiennent leur bout, bien les explications ont fait bouger les juges de la Cour suprême, là. On ne parle pas d'enfants, là, on parle de gens qui ont dit: Regarde, en quelque part ils avaient raison. Et ça a donné effectivement un droit énorme au ministre de l'Environnement, qui est un droit de pouvoir revenir sur une décision, droit qu'il n'avait pas avant, et ça a impacté d'autres ministères aussi.

Donc, on a fait à l'époque ? parce que ça vient de mon comté ? cette grande saga là. Et ce qui sous-tendait tout ça, c'était une volonté importante que vous soulevez depuis le début et que j'ai lue dans votre mémoire, d'une volonté plus haute que juste le milieu, qu'on peut mettre en porte-à-faux puis qui peut amener plus de chicanes qu'autre chose parce que l'appât du gain, l'appât des sous, ça peut faire bouger bien du monde, puis on le sait. Alors, on l'a tous connu. On l'a connu.

Là, vous parlez de Sainte-Adelphe, vous parlez de Notre-Dame-de-Montauban qui sont en litige et très, très sollicitées et très courtisées, comme je le disais récemment, à ces deux groupes-là. Tant qu'au dossier qui concerne le parc de la rivière Batiscan, on sait très bien que, demain matin, un nouveau promoteur pourrait arriver. Et, s'il n'y a pas, en haut lieu, une volonté ferme de maintenir le moratoire tel qu'il était à l'époque pour dire: Regarde, on n'en a pas besoin, de cette énergie-là, donc on ne la prend pas, je pense que ça réglerait une grosse partie de l'histoire. Donc, il faut qu'il y ait au départ une volonté. Autant ? pour votre connaissance, et je le dis aussi pour mes collègues d'en face ? autant, hier, on a eu un débat sur la protection des forêts, autant ce débat-là a soulevé des passions puis il va en soulever encore, autant c'est un débat correct, autant, je pense, on doit maintenir le débat sur la sauvegarde des rivières qu'on doit protéger sous le même titre que pour le développement durable, qui est devenu un mot employé à toutes sauces mais qui a quand même un impact.

Or, je vois que, dans votre document, vous en êtes rendus à une étape beaucoup plus loin que d'autres, là, qui n'ont pas eu à faire la saga que vous avez faite, et vous parlez bien sûr de bassins versants, parce qu'on a connu, là, la CAPSA puis la SAMBBA, SAMBBA qui touche la rivière Sainte-Anne, et la CAPSA qui touche la rivière Batiscan, puis on sait qu'il y a un travail extraordinaire de fait pour la maintenir en vie, la protéger par toutes sortes de moyens. Mais il y a également un autre point. Quand vous dites: «Nous croyons que la rivière Batiscan doit obtenir un statut de rivière patrimoniale», puis vous ajoutez: doit obtenir aussi un statut soit d'aire protégée, de parc provincial propre à lui accorder un financement, parce qu'il faut se le dire sans ambages, là, c'est une question de financement, hein? Tu as besoin de sous dans ton village? Harnache ta rivière, mon grand, vas-y allègrement puis tu vas avoir de l'argent qui va revenir vers toi. Et je sais qu'entre autres à Chute libre, à Notre-Dame-de-Montauban, c'est la MRC qui est porteuse du dossier. Ce n'est pas nécessairement du privé, là. Les retombées vont venir là, ce qui fait une autre forme de débat qui fait, je pense, se questionner le gouvernement présent.

Or, à partir du moment où le statut de rivière patrimoniale serait justifié, ou d'aire protégée, ou de parc provincial, est-ce que vous avez déjà entamé des démarches à ce niveau-là? Et, si oui, vous en êtes rendus où, parce que ce sera peut-être une des solutions, de protéger, là, les joyaux qu'on peut avoir dans nos petites municipalités?

Le Président (M. Bachand): M. Tessier. Mme Lafontaine, allez-y, pas de problème.

Mme Lafontaine (Anne-Marie): Il y a déjà trois ou quatre ans, on avait approché les fonctionnaires pour qu'ils nous expliquent exactement comment on pouvait faire pour créer une aire protégée ou un parc, ou tout ça, mais, il ne faut pas se leurrer, les promoteurs du barrage étaient aussi les gens qui... Le conseil d'administration qui gère ce parc-là était aussi les promoteurs, et, comme on fait affaire avec une mouche à peu près à six têtes, ça fait que j'aime peut-être mieux ne pas embarquer là-dedans. Parce que, comme citoyenne, je n'ai pas grand pouvoir pour aller demander une aire protégée. On peut faire des pressions, mais je pense qu'il faut que ça revienne au conseil d'administration du parc de la rivière Batiscan d'aller voir Mme Champagne, qui se fera un plaisir de les accueillir. Nous, on fait de la pression sur ces gens-là pour que ceci se fasse.

Mme Champagne: Je pense qu'il y a un message qui est passé, M. le Président, à savoir que les corporations de parcs sont formées de gens du milieu normalement, habituellement, et que parfois ça peut aller jusqu'à causer les difficultés que vous avez connues à l'époque, là, avec les gestionnaires du parc qui voyaient, dans l'arrivée d'un barrage, qui voyaient dans cette nouvelle forme de... je dirais, dans le fait de harnacher la rivière, y voyaient un potentiel financier important, et c'était discutable, tellement discutable qu'il y a eu, je dirais, moi, toute une saga effectivement autour de ça.

Au-delà du fait que les promoteurs du parc ne sont peut-être pas allés très loin dans la demande, pour le faire reconnaître comme patrimoine, est-ce qu'il n'y a pas lieu de penser que les municipalités d'une MRC, la nouvelle MRC des Chenaux qui est toute récente, là, qui a été créée dans les années 2000, ne pourraient pas avoir cette volonté-là ? et ce serait peut-être souhaitable ? de faire les démarches en conséquence? Est-ce que ça, également c'est quelque chose qui a été fouillé de votre part, pour demander à la nouvelle MRC des Chenaux de protéger, là, un de ses joyaux, pour ne pas dire un de ses plus beaux joyaux? Et, petite parenthèse, samedi dernier, à l'occasion de remise de prix au niveau du gala touristique, là, de l'ATR Mauricie, de Tourisme Mauricie par contre ? on l'appelle comme ça maintenant ? ce sont des gens qui, chaque année, reçoivent des prix à cause de l'achalandage, parce qu'il y a un beau potentiel, et tout. Alors, on a la preuve que ça attire, même s'il n'y a pas de barrage, O.K., là? Donc, ce sont des gens qui sont déjà reconnus par le milieu.

Alors, est-ce que la démarche auprès de la MRC vous a amenés à des résultats? Puis y voyez-vous une possibilité de résultats dans l'avenir?

Le Président (M. Bachand): En conclusion, M. Tessier.

M. Tessier (Michel): Oui. Nous le souhaitons énormément. Par contre, il reste encore, dans le milieu, pour ceux qui désirent avoir les barrages, la possibilité qu'à un moment donné on va les avoir, parce qu'il n'y a pas une volonté claire. Puis j'espère qu'à la suite de cette commission parlementaire là, et tout, et tout, on les mettra de côté pour ? madame voulait 30 ans, entendons-nous sur 50 ans ? les mettre de côté pour les 40 prochaines années, parce que ceux qui les veulent encore, pourquoi on ferait des efforts pour rendre ça patrimonial si on va les avoir, nos petites centrales, tu sais? Ça fait que ça, quand ça, ce sera réglé, je pense qu'il y aura... Évidemment, on souhaite que la MRC des Chenaux s'enligne.

n(17 heures)n

Le Président (M. Bachand): Merci, Mme la députée de LaFontaine. Donc, Mme Lafontaine, M. Tessier et Mme Trudel, merci infiniment de vous être présentés à la commission, et bon retour chez vous.

Je vais demander au Groupe Stop de venir se présenter, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bachand): Donc, bienvenue, messieurs, à la Commission de l'économie et du travail sur la consultation générale sur le document intitulé Le secteur énergétique du Québec ? Contexte, enjeux et questionnements. Je vous rappelle rapidement les règles en commission: donc, vous avez 20 minutes de présentation pour votre mémoire et 20 minutes, de part et d'autre, pour la période des questions. Donc, sans plus tarder, pour le bénéfice de mes collègues, je vais vous demander de vous présenter. Allez-y, messieurs.

Groupe Stop

M. Walker (Bruce): Merci, M. le Président. Je m'appelle Bruce Walker. Et je voudrais également présenter mon collègue, M. Thomas Welt. Nous sommes ici au nom du Groupe Stop, un groupe écologiste formé de citoyens et incorporé en vertu de la troisième partie de la Loi des compagnies du Québec, le 15 septembre 1970. Je suis membre actif depuis 1972. Personnellement, je m'occupe surtout des dossiers atmosphériques et aquatiques, et M. Welt est notre spécialiste dans le domaine énergétique. Peut-être que vous avez une question tout de suite: Qu'est-ce que ça veut dire, Stop? On a choisi le nom il y a 35 ans, parce qu'on a voulu stopper la pollution ici, au Québec, et ailleurs, mais ce n'est pas du tout notre intention de stopper tout le développement économique, pas du tout.

Donc, Stop a été créé dans l'ère des groupes antipollution plutôt que des groupes en faveur du développement durable. Nous sommes impliqués dans toute une gamme de dossiers écologiques, dont la qualité de l'air à Montréal et ailleurs, le dossier des pluies acides, qui est toujours un dossier chaud, sauf que pour le moment c'est un dossier qui existe en dessous du radar politique. Nous sommes également impliqués dans le dossier de l'épuration des eaux usées à Montréal, par exemple. Et le fait que la plus grande station d'épuration des eaux usées municipales au pays, la station d'épuration de la ville de Montréal, ne fait pas la désinfection de ses eaux usées, et ça cause beaucoup de problèmes pour les résidents en aval de Montréal, surtout autour de lac Saint-Pierre. Donc, nous sommes impliqués dans toute une gamme de dossiers, depuis 35 ans. Nous avons 120 membres, des individus qui habitent dans la région du Grand Montréal. Nous avons un seul bureau au centre-ville de Montréal, donc on n'a pas de chapitre ailleurs au Québec ou ailleurs au monde.

Depuis une dizaine d'années, M. Welt nous représente devant divers forums, dans les domaines énergétiques. Il a été très impliqué dans le débat public sur l'énergie au Québec, en 1995, en 1996, et par le suivi avec les plans de développement d'Hydro-Québec. Et, depuis la fondation de la Régie de l'énergie, M. Welt nous a représentés devant une vingtaine de dossiers devant la Régie de l'énergie.

Donc, je pense que c'est le temps pour moi de passer le bâton à M. Welt.

Le Président (M. Bachand): Allez-y, M. Welt.

M. Welt (Thomas): Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord faire une toute petite parenthèse qui n'est pas liée à ce que nous avons présenté mais qui est liée au principe même de ce qu'on fait aujourd'hui. Pour assurer le succès de la participation des groupes comme le nôtre, qui sont des groupes qui ont des petits moyens financiers, il aurait été peut-être bon d'allouer des ressources mais surtout des délais suffisants aux organismes de la société civile. Nous avons demandé une extension des délais. Nous ne l'avons pas obtenue. Nous avions un tout un petit mois pour préparer le mémoire. Alors, par manque de moyens et surtout à cause des courts délais impartis à la rédaction du mémoire, notre contribution est très modeste. Notre contribution, bien que limitée, elle s'adresse au transport parce que le transport, comme nous le verrons, est un élément fondamental de ce que nous faisons aujourd'hui. Mais nous avons aussi voulu faire une petite parenthèse sur la substitution de l'électricité par le gaz pour le chauffage.

Revenons maintenant au transport. Quel est le contexte du transport? C'est le principal émetteur des gaz à effet de serre au Québec. Il est tributaire d'une seule source d'énergie qui est le pétrole importé, qui est particulièrement nocif sur le plan environnemental. Le transport est continuellement en croissance. Il y a 600 000 voitures de plus qu'en 1997, qui était l'année de la signature du Protocole de Kyoto, et, entre 1990 et l'an 2000, les émissions des voitures et des camions ont augmenté de 18 %, alors que le Protocole de Kyoto demandait qu'on réduise les émissions. En plus, entre 1984 et 2002, la puissance des voitures neuves vendues au Québec a augmenté de 79 %. En ce qui concerne le transport des personnes, deux tiers de la consommation énergétique globale du secteur de transport est dû au transport des personnes. C'est le transport par route en milieu urbain qui accapare l'essentiel de la consommation et c'est le moins efficace et le plus nuisible sur le plan environnemental.

Quels sont les moyens à mettre en oeuvre? Je dois vous dire que j'ai fait ce mémoire en m'inspirant de ce même mémoire que nous avons fait exactement il y a 10 ans, et, depuis 10 ans, finalement ça n'a pas beaucoup changé. Ce même mémoire que l'on a fait il y a 10 ans, on pourrait le reprendre mot par mot, aujourd'hui. J'espère que, dans 10 ans d'ici, en l'an 2015, on n'aura pas exactement la même situation. Alors, quels sont les moyens à mettre en oeuvre? Ils sont bien connus. Ce qu'on dit aujourd'hui n'a rien d'exceptionnel. Tout le monde sait ce qu'il faut faire. Il faut d'abord promouvoir le transport en commun, freiner l'utilisation de l'automobile, freiner l'étalement urbain et améliorer l'efficacité énergétique des véhicules. Ce sont les quatre moyens. C'est les quatre moyens, qui sont bien connus, et ils sont connus depuis presque toujours.

Alors, le transport en commun. Bien, tout le monde connaît les avantages du transport en commun. Il contribue à la qualité de l'environnement; il contribue à la qualité de vie; il contribue beaucoup à la sécurité des personnes; il contribue au développement économique et social. Donc, au fond, c'est un facteur très important, le transport en commun. Alors, quels sont les moyens pour promouvoir le transport en commun? Ces moyens sont aussi bien connus depuis de nombreuses années. Il faut évidemment consolider le développement de l'infrastructure du transport en commun. Il faut intégrer les réseaux tant sur le plan tarifaire que sur le plan interface. Il faut faire des horaires qui sont avantageux pour le public et il faut que le temps d'attente pour prendre le transport en commun soit aussi faible que possible. Il faut que la qualité des véhicules... Il faut avoir une bonne qualité de véhicules; il faut assurer une bonne vitesse de transport; il faut des incitatifs tarifaires, etc.

Donc, au fond, tous ces moyens pour promouvoir le transport en commun sont bien connus, et nous n'avons rien inventé. Nous l'avons d'ailleurs dit il y a 10 ans, de la même manière.

n(17 h 10)n

Le deuxième point, c'est de freiner l'utilisation de l'automobile. Là aussi, les moyens sont connus. Il faut limiter les stationnements, limiter l'accès au centre-ville. Il faut avoir des espaces interdits à la circulation de l'automobile. Il faut taxer les voitures et les carburants. Tout ça, c'est fort difficile. Taxer les voitures et les carburants, du point de vue politique, c'est un acte fort difficile et fort dangereux. Il faut limiter la construction routière. Il faut instaurer les péages. Enfin, tous ces moyens sont connus, et c'est difficile, du point de vue politique, à les mettre en oeuvre. Donc, pour ça, sans doute ils ne sont pas mis en oeuvre.

Il faut freiner l'étalement urbain par la politique fiscale, par le dézonage, par l'aménagement du territoire et puis il faut améliorer la qualité de vie dans les territoires déjà aménagés.

Bon. Le troisième aspect, c'est le transport et c'est le véhicule automobile lui-même. Il faut améliorer l'efficacité énergétique du véhicule et il faut aussi réduire sa taille. Il faut promouvoir la voiture hybride et la voiture électrique. La voiture hybride, c'est un moyen qui existe déjà, et on peut s'étonner; pourquoi il y a si peu d'efforts faits par les pouvoirs publics pour promouvoir la voiture hybride? C'est une technologie qui existe. La voiture est déjà là. Elles coûtent un peu plus cher, mais il n'y a aucun effort des pouvoirs publics pour les acheter. Donc, c'est assez étonnant qu'il n'y ait rien de fait sur cet aspect.

Je voudrais toucher un mot sur le carburant de substitution dont, je crois, on a beaucoup parlé ici. Alors, il y a deux sortes de carburants de substitution. Ça, il y a d'abord les carburants de substitution qui émettent des gaz à effet de serre. Je parle de l'éthanol. Mais notre position, par rapport à l'éthanol, est très critique. Si on fait des calculs du point de vue gaz à effet de serre, sur toute la durée de vie, c'est-à-dire sur tous les moyens qu'on a mis en oeuvre pour avoir de l'éthanol, on trouve probablement qu'il n'y a pas de gain. Donc, l'éthanol en quelque sorte n'est pas un carburant d'avenir. Nous disons qu'il n'y a pas de raison qu'il y ait des subsides, là. Et la seule raison pourquoi, de notre point de vue, il y a une promotion de l'éthanol, c'est pour aider certains secteurs agricoles pour se débarrasser des surplus.

Alors, ensuite, il y a un autre carburant de substitution dont on a beaucoup parlé, même dans cette enceinte, qui est l'hydrogène. Alors, en ce qui concerne l'hydrogène, il faudrait d'abord prendre note que ce n'est pas une source d'énergie primaire. Il y a souvent cette confusion. L'hydrogène n'est pas une source d'énergie primaire, il ne fournit pas d'énergie. Il faut d'abord lui mettre de l'énergie pour en recevoir un petit peu. Donc, c'est un moyen de distribution. L'utilisation de l'hydrogène dans un domaine de transport ? parce que c'est vraiment là qu'on voit une possibilité de l'utilisation de l'hydrogène ? se heurtera à un nombre considérable de difficultés, d'abord la production de l'hydrogène, la distribution, le stockage, etc. Donc, avant que l'hydrogène entre vraiment dans le circuit des transports, il y aura énormément de difficultés de toutes sortes à résoudre. Il est vrai d'autre part ? il ne faut pas être totalement négatif par rapport à l'hydrogène ? dans une économie postpétrole, peut-être d'ici 10, 20, 30 ans, certaines applications pourront être envisagées. Mais ce n'est pas une solution, sûrement pas, pour les transports à court terme ou même à moyen terme.

Il y avait, je crois, il y a deux ans ? et M. Walker nous représentait ? il y avait un comité pour étudier justement comment réduire les gaz à effet de serre dans les transports. Alors, il y avait quatre possibilités et quatre mesures qui étaient envisagées, et je vais les réciter encore une fois. Dans notre mémoire, nous les avons davantage développés. C'est la redevance-remise, les droits d'immatriculation, les taxes sur le carburant, les taxes sur le stationnement. Donc, ce sont les quatre mesures qui ont été envisagées il y a de cela deux ans, je pense, et qu'au fond pratiquement aucune n'a été vraiment introduite.

Alors, en ce qui concerne le transport ? ça, tout ça, c'est pour les transports des personnes ? en ce qui concerne le transport des marchandises, eh bien, nous voyons aussi qu'il y a une dégradation. Le camionnage est de plus en plus là. Or, le camionnage, du point de vue environnemental, il est à éviter par rapport au transport beaucoup plus efficace qu'est le rail, la voie maritime et éventuellement le transport hybride qui est rail-route ou autres combinaisons. Mais on voit aussi que, depuis 10 ans, le moment où on a fait le premier mémoire sur le transport, le camionnage a pris de plus en plus de place.

Alors, en ce qui concerne le transport, quelles sont les conclusions? Le transport est dominé à 85 % par la route, dépend d'une seule forme d'énergie, le pétrole, à 99 %. C'est le mode peu efficace tant pour les personnes que pour les marchandises et c'est le mode le plus polluant. Malheureusement, la tendance naturelle, c'est le transport le plus énergivore et le plus polluant.

Alors, quelles sont nos recommandations? Encore une fois, ces recommandations que nous faisons maintenant sont les recommandations que nous avons faites il y a 10 ans. Évidemment, c'est des recommandations qui sont bien connues. Nous n'inventons rien en ce moment. La première recommandation, c'est: promouvoir le transport en commun urbain et interurbain; mettre en place les quatre mesures les plus prometteuses que nous venons de citer; faciliter l'émergence de la voiture hybride; freiner la circulation automobile par un ensemble de mesures dissuasives; promouvoir l'efficacité énergétique et la réduction des émissions nocives des véhicules par une réglementation plus contraignante. Nous avons aussi cité quelques recommandations additionnelles: limiter les dépenses publiques pour la route; promouvoir le transport par rail et voie maritime; promouvoir l'efficacité des transports dans l'administration publique et faciliter l'émergence de la voiture hybride et électrique. Voilà le chapitre que nous avons consacré pour le transport.

Maintenant, nous voudrions aborder en quelques minutes la substitution de l'électricité par le gaz pour le chauffage. Alors, il y a deux cas qu'il faut considérer. Le premier cas: quand l'électricité est produite par des centrales au gaz. C'est le cas de Bécancour. Le chauffage direct au gaz produit deux fois moins de gaz à effet de serre; il est deux fois moins coûteux, c'est-à-dire que, si on utilise le gaz à Bécancour, pour faire l'électricité, et prendre cette même électricité pour le chauffage, au lieu de prendre le gaz qui ira à Bécancour, le distribuer dans les locaux, eh bien, on va émettre deux fois moins de gaz à effet de serre, et en principe ça devrait être deux fois moins coûteux. Ce n'est malheureusement pas le cas. À cause des tarifs très bas qui sont actuellement en vigueur, le chauffage à l'électricité coûte légèrement moins cher que le chauffage au gaz. Mais ça, ce n'est pas naturel, ça, c'est un cas artificiel. Mais, du point de vue gaz à effet de serre, en ce qui concerne l'environnement, une telle substitution est évidemment favorable. D'ailleurs, nous ne sommes les premiers à vous le dire. Je crois que M. Carpentier qui était un de vos experts l'a démontré. Et nous avons voulu le mettre encore en évidence et nous avons fait, dans notre mémoire, un calcul qui montre pourquoi c'est le cas.

Il y a une deuxième situation où c'est l'hydroélectricité ou l'éolienne qui sont utilisées pour le chauffage. Là, la démonstration est plus difficile. Mais, si on se place sur le plan canadien, nous avons des voisins qui sont l'Ontario, Nouveau-Brunswick et ensuite nous avons les États-Unis.

n(17 h 20)n

Mais prenons seulement le Canada, qui s'est engagé dans le Protocole de Kyoto, eh bien ? d'ailleurs, ça vous a déjà été dit par M. Carpentier ? si on vendait l'électricité à l'Ontario, au Nouveau-Brunswick pour éviter qu'ils utilisent, eux, les gaz ou le charbon ? c'est encore pire ? à ce moment-là, on aurait le même effet: sur le plan des trois provinces voisines, bien on émettra deux fois moins de gaz à effet de serre. Donc, le Canada en tant que tel, en tant que signataire du Protocole de Kyoto, sera très avantagé.

Le Président (M. Bachand): M. Welt, je vais vous inviter à conclure. Il reste une minute.

M. Welt (Thomas): Oui. Bon, écoutez, j'ai d'autres aspects. Je voulais quand même voir avec vous un regard sur le futur, un regard sur l'énergie durable, sur l'époque postcarbone, si vous permettez. Je pense que c'est la partie finalement qui me semble la plus novatrice que je voudrais vous proposer. Et je vais le lire. Coincée, d'une part, par l'épuisement des ressources et, d'autre part, par la nécessité de faire face aux changements climatiques, l'économie à base du carbone, plus particulièrement à base de pétrole, sera en déclin dans un avenir plus ou moins rapproché. Dans un futur énergique durable, respectueux de l'environnement, l'électricité produite à partir du solaire sous toutes ses formes, qui sont la radiation solaire directe, l'énergie cinétique d'origines éolienne et hydraulique, sera la forme énergétique dominante.

Pour les applications logistiques fixes, le transport, la... de l'énergie électrique directe et non pas au moyen de l'hydrogène sera évidemment la plus avantageuse. Pour les applications mobiles, des véhicules mus par moteurs électriques équipés de batteries performantes sera la norme pour la majorité des applications envisageables. Certains niches mineures pourraient éventuellement être occupées par l'hydrogène. Le Québec sera à ce titre considérablement avantagé, car il disposera d'un grand potentiel d'énergie électrique d'origine cinétique durable: éolienne, hydraulique. Il faudrait voir que, dans une économie postcarbone, le Québec sera excessivement avantagé parce qu'il disposera d'une énergie cinétique qui est l'éolienne et l'hydraulique. Cette énorme richesse potentielle ? je crois que vous ne réalisez peut-être pas sur quelle richesse vous êtes assis ? ira en croissant, devra être utilisée à bon escient et ne pas être gaspillée par les applications à faible valeur ajoutée qui sont le chauffage et l'industrie énergivore.

Le Président (M. Bachand): M. Welt, je vais être obligé de vous interrompre, mais, regardez, vous allez pouvoir...

Une voix: ...

Le Président (M. Bachand): Oui?

M. Welt (Thomas): C'est dans cette perspective qu'à travers une telle vision une politique énergétique durable et performante pourrait être élaborée. Merci de votre attention.

Le Président (M. Bachand): C'est moi qui vous remercie, messieurs, pour votre présentation. Donc, je tiens à m'excuser auprès de vous et de l'ensemble des collègues; le ministre étant absent quelques minutes, c'est le député de Montmagny-L'Islet qui va prendre la parole. M. le député.

M. Morin (Montmagny-L'Islet): Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. M. Welt, vous avez terminé avec une vision d'avenir. C'est tout à votre honneur.

Au dernier paragraphe de la page 9 de votre mémoire, vous mentionnez que: «Les carburants de substitution tels que le gaz naturel, le propane [et] le méthanol [...] n'améliorent pas de manière significative l'efficacité énergétique des véhicules.» On sait qu'au niveau canadien le fédéral favorise le recours à l'éthanol. Puis il y a aussi l'effet. Là, on parle de maïs, mais, si on utilise la cellulose, là, les résidus de bois, est-ce que votre opinion change? Parlez-moi un peu de tout ça.

Le Président (M. Bachand): M. Welt.

M. Welt (Thomas): Oui. Peut-être que ça change. D'abord, ce qu'on voulait surtout faire, c'est à partir du blé et du maïs qui sont deux sources, quoi, alimentaires qui nécessitent une culture avec beaucoup d'engrais chimiques, etc., qui ne sont aussi à long terme pas très bons pour les terres cultivables, etc. Et, si on fait toute l'équation sur la durée, sur le cycle total, on s'aperçoit finalement qu'on y met plus d'énergie qu'on y récolte.

Mais, à partir des résidus du bois, ça peut être différent. Nous n'avons pas étudié à fond les résidus du bois, mais il se peut que finalement les résidus qui ne sont pas de type alimentaire, qui se produisent tout seuls comme des résidus, il se peut que l'équation soit différente. Mais de toute façon je ne pense pas que ce sera quelque chose de majeur. Ce n'est pas ça qui va sauver la situation dans une économie postpétrole.

Le Président (M. Bachand): M. le député.

M. Morin (Montmagny-L'Islet): Oui, merci, M. le Président. M. Welt, à la page 7 de votre mémoire, vous citez la taxation du carburant comme étant une mesure importante de dissuasion et que cette taxation pourrait être modulée pour des considérations économiques et sociétales. Pourriez-vous élaborer sur le type de modulation que vous pensez?

Le Président (M. Bachand): M. Welt.

M. Welt (Thomas): Oui. Si on s'aperçoit que, pour certaines applications, il est... comme société de favoriser une certaine application, on pourrait évidemment faire une taxation moindre. Ça dépend des applications. Il faudrait voir, du point de vue sociétal, quels sont les domaines qui démontrent un subside, hein, quels sont les domaines. Enfin, ce ne serait en quelque sorte pas un subside, mais moins de taxation. Mais c'est des choses que vous faites déjà.

Sur le point de vue de taxation, on détaxe certains produits qu'on considère d'importance pour la société. Donc, ce serait au fond la même philosophie qui pourrait s'appliquer à la taxation sur les carburants.

Le Président (M. Bachand): M. le député.

M. Morin (Montmagny-L'Islet): Merci, M. le Président. Comme député de région, quand on parle d'étalement urbain, je suis toujours impressionné. Est-ce que les infrastructures d'une ville, compte tenu de l'étalement urbain qu'on connaît, sont capables de garder tout son monde dans le milieu? Ça m'inquiète toujours d'entendre ça: étalement urbain.

Le Président (M. Bachand): M. Welt.

M. Morin (Montmagny-L'Islet): Vous me comprenez?

M. Welt (Thomas): Du point de vue énergétique ? nous, on se place actuellement du point de vue énergétique, hein, c'est notre domaine ? enfin du point de vue environnemental, donc il est clair que plus la population est dispersée, plus les lignes de communication doivent être allongées, plus il faut du transport. Ça, c'est évident. Si tout le monde habite de façon très dense, pour se rendre d'un endroit à l'autre, évidemment il faut moins d'énergie. Donc, c'est dans ce sens-là que l'étalement urbain par définition n'est pas favorable à une économie d'énergie.

M. Morin (Montmagny-L'Islet): O.K. M. le Président, simplement ce que je me posais comme interrogation: Est-ce qu'il y a les résidences, est-ce qu'il y a les maisons qu'il faut pour garder tout ce monde-là tout près, là, du milieu de travail dans les villes qu'on connaît, comme Montréal, Québec?

M. Welt (Thomas): Je ne vois pas quelle est votre question.

M. Morin (Montmagny-L'Islet): Non? C'est que les gens quittent la ville parce qu'il manque d'endroits pour rester, donc il manque de résidences, il manque...

M. Welt (Thomas): Bien, écoutez, on peut avoir des villes qui sont très confortables, qui ne sont pas très étalées, quoi. C'est une question d'urbanisme beaucoup plus qu'autre chose. Pourquoi Montréal est plus étalée que des villes européennes? D'abord, parce qu'il y a ici de la place, parce que, dans certaines villes européennes, il n'y a pas où aller, donc il faut bien densifier. Est-ce que c'est toujours le confort? Enfin, c'est un problème de société. Mais, du point de vue strictement énergétique, il est absolument clair que plus il y a de l'étalement, plus il faut consommer de l'énergie. Ça, c'est certain.

M. Morin (Montmagny-L'Islet): Merci, M. Welt. C'était une interrogation personnelle. À la page 25 de votre mémoire, vous recommandez, pour le chauffage des locaux et de l'eau, de «favoriser progressivement au Québec, par des moyens tarifaires [...] autres, la substitution du chauffage à l'électricité par le chauffage direct au gaz.» Pour vous, quels sont les moyens concrets que vous pensez?

Le Président (M. Bachand): M. Welt.

M. Welt (Thomas): Premièrement, actuellement, il y a une difficulté fondamentale, que les tarifs d'électricité sont très bas pour les résidentiels. Donc, le gaz a beaucoup de mal de s'étendre parce qu'il est en concurrence avec ? je ne voudrais pas utiliser ce mot parce que c'est un mot dangereux ? l'électricité, dans une certaine mesure globale, nord-américaine au moins. Les tarifs sont bas, quoi. Il y a une espèce de subside par rapport à ce que des tarifs devraient être faits dans un libre marché.

n(17 h 30)n

Le gaz est dans un libre marché, et le prix du gaz pour le chauffage, il n'est pas fixé de manière artificielle, il est fixé par le marché, alors que le prix de l'électricité pour le chauffage, il est fixé et il a été fixé pendant quatre ans, de façon pas arbitraire mais enfin d'une décision gouvernementale, et en plus il y avait toute la partie patrimoniale, donc le prix a été fixé par décret. Ce n'est pas un prix du marché, hein? Donc, le gaz a beaucoup de mal à s'étendre dû à cette barrière tarifaire favorable à l'électricité.

Alors, comment peut-on faire? C'est un point difficile, là. Dans la situation actuelle, c'est difficile. Dans la situation actuelle, l'électricité par plinthes est un élément de chauffage qui est le plus apprécié par la population simplement à cause du prix. Je dis qu'il faut faire autre chose, mais je ne vois pas très bien quels sont les instruments pour favoriser l'implantation du gaz à cause de cette difficulté majeure qui est la barrière tarifaire. Moi, je n'ai pas de réponse.

Le Président (M. Bachand): M. le député.

M. Morin (Montmagny-L'Islet): Oui, merci, M. le Président. Une dernière question, M. Welt. Vous savez que la plupart des gens ont investi dans des équipements pour le chauffage au niveau électrique. Donc, c'est possiblement une barrière aussi, là.

M. Welt (Thomas): ...donc il y a à la fois la barrière tarifaire, il y a la barrière d'équipements, mais peut-être pour les maisons évidemment, c'est très difficile. Moi-même, j'ai construit une maison. À l'époque où je l'ai construite, eh bien, j'ai pris la solution la plus facile, la moins coûteuse, j'ai le chauffage par plinthes. Si je devais changer, moi, maintenant, dans ma maison, par ce que je préconise, eh bien, je devrais mettre beaucoup d'argent là-dedans pour changer tous les systèmes. C'est une difficulté.

Mais cette barrière, pour des maisons neuves, n'existe pas, hein, parce qu'on part en nouveau. Je sais très bien que c'est difficile, mais, moi, tout ce que je voulais faire dans ce mémoire, c'est de montrer, et puis à part un petit calcul élémentaire, au fond, du point de vue strictement des gaz à effet de serre, certaines situations anormales. C'est tout.

Le Président (M. Bachand): Merci, M. le député. Mme la députée de La Peltrie.

Mme Hamel: Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Bon. C'est clair, vous l'avez très bien expliqué, là, que vous souhaiteriez que le gaz naturel prenne une plus grande place au Québec, là.

Vous parlez de chauffage des résidences, mais le fait que le Québec importe, doit importer le gaz naturel, est-ce que ça vous inquiète? Est-ce que vous y voyez un frein? Je pense, entre autres, là, aux ports méthaniers, là. Donnez-moi donc votre avis là-dessus, en même temps.

M. Welt (Thomas): Nous en avons discuté. Voulez-vous d'abord la réponse pour les ports méthaniers?

Mme Hamel: Comme vous voulez.

M. Welt (Thomas): D'accord. En ce qui concerne les ports méthaniers, c'est un sujet délicat pour nous, hein? Philosophiquement, nous, si on démontre que, sur le plan environnemental et que sur le plan de la sécurité, on a pris toutes les mesures, qu'on a tout réglé, que tous ceux qui s'y connaissent ont dit que, du point de vue sécurité, il n'y a pas de problème, il n'y avait pas de problème, nous, en principe on n'est pas contre, à condition que tout soit bien en ordre.

Ceci étant dit, à long terme, le gaz, non plus il n'est pas une solution parce qu'il a les mêmes difficultés que le pétrole. Il émet des gaz à effet de serre et en plus il va être épuisé. Il va être épuisé un peu plus tard que le pétrole. Il y a toutes sortes de dates qui sont données. Certains parlent de cinq ans, d'autres, de 70 ans. En tout cas, à la fin du siècle, il n'y en aura plus, du gaz, ou alors ce qu'il y aura sera tellement cher qu'on ne pourra pas l'utiliser.

Donc, à long terme, la solution n'est pas le gaz. À long terme, c'est l'électricité mais à grande valeur ajoutée, par exemple l'électricité avec la géothermie. Là, il n'y a pas de problème. Actuellement, ce que nous sommes contre, c'est l'utilisation de l'électricité brute, l'utilisation de l'électricité qui une énergie excessivement noble, surtout quand elle est hydroélectrique ou éolienne. L'utiliser et la dégrader en chaleur, ça, c'est une utilisation qui est contre les lois de la nature. Elle est contre les principes fondamentaux en thermodynamique, mais utiliser l'électricité avec la géothermie, ça serait très bon. Ça, c'est beaucoup mieux encore que le gaz. Donc, à long terme, c'est ça, la solution, mais à moyen terme ? à moyen terme, 50 ans, c'est beaucoup, 50 ans, hein, beaucoup de vous n'ont pas atteint encore 50 ans ? alors, d'ici 50 ans, surtout si on prend ce gaz, on va l'envoyer à Bécancour, pour produire de l'électricité qu'on va dégrader en chauffage, non. Prenons donc ce gaz et alimentons le chauffage. Mais on ne peut pas parce qu'il y a toutes sortes de barrières tarifaires autres, etc.

Alors donc, voilà ma réponse. Elle n'est pas très claire parce que le problème n'est pas très facile. Mais, en ce qui concerne, le port méthanier, nous, en principe on n'est pas contre, à condition que tout soit bien en ordre, que la sécurité de la population soit assurée à 100 %, que l'environnement soit protégé à 100 %. Est-ce que ça répond à votre question?

Mme Hamel: J'ai très bien compris la nuance. Je vous remercie. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bachand): C'est moi qui vous remercie, Mme la députée. Donc, Mme la porte-parole de l'opposition officielle en matière d'énergie, Mme la députée de Rosemont, à vous la parole.

Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. Alors, messieurs, bonjour. Votre mémoire est très intéressant, d'autant qu'il y a peu de gens qui ont parlé du transport. Et, quand on connaît ? vous l'avez bien présenté, là ? ce secteur-là comme étant le plus gros secteur de consommation d'énergie, c'est très important d'en discuter dans le contexte d'une politique énergétique qui vise à une sécurité de l'approvisionnement énergétique.

J'ai été étonnée quand vous avez mentionné que votre document, finalement il est presque pareil, à peu de choses près, à ce que vous aviez écrit il y a 10 ans. Donc, les choses n'ont pas évolué tant que ça, mais il y a quand même un certain nombre de choses qui se sont faites. Parce que vous avez, il y a 10 ans, vous avez dû ajouter d'autres composantes. Vous n'avez pas fait seulement le transport et puis des calculs d'équivalences en électricité, vous avez dû couvrir aussi d'autres choses. C'est ça. Alors, je trouve ça intéressant et important de se pencher sur la question du transport parce qu'un des enjeux de l'avenir de nos villes au Québec, c'est vraiment notre capacité à développer le transport en commun. Et vous le présentez assez bien. Malheureusement, quelquefois, des décisions politiques viennent à l'encontre de ça.

Je vais vous demander une question parce qu'elle m'apparaît très importante dans la problématique actuelle à Montréal. Est-ce que l'autoroute 25 à votre avis, son prolongement de l'autoroute 25 pour faciliter l'accès à Montréal est une décision qui rencontre les objectifs que vous poursuivez en matière d'efficacité énergétique sur le plan du transport?

M. Welt (Thomas): ...

Le Président (M. Bachand): M. Walker.

M. Walker (Bruce): Merci beaucoup. Stop est à 100 % contre la construction de la nouvelle autoroute 25 et aussi nous sommes contre la construction de ce que j'appelle la nouvelle autoroute Notre-Dame. Plutôt, nous sommes en faveur de la reconstruction d'un nouveau boulevard Notre-Dame dans l'est de l'île de Montréal mais pas du tout en faveur d'une nouvelle autoroute 25.

Mme Dionne-Marsolais: D'accord. Je partage votre avis là-dessus. Vous avez parlé d'améliorer l'efficacité énergétique des véhicules, mais vous avez aussi parlé de certains avantages pour des véhicules hybrides qui sont, on le sait, très à point aujourd'hui, très au point.

n(17 h 40)n

Est-ce que vous seriez prêts à proposer au ministre des Finances que l'on offre un crédit de TVQ pour les acheteurs de voitures hybrides? Est-ce que vous trouvez que ce serait une décision ou une recommandation qui aiderait l'achat de véhicules hybrides? Est-ce que c'est une mesure qui vous sourit?

M. Welt (Thomas): Oui. Comme je l'ai dit dans la présentation, on est étonnés qu'aucun palier gouvernemental ne propose des mesures d'aide financière à la voiture hybride. Je pense que la voiture hybride... Au lieu de chercher des solutions très lointaines comme la voiture à hydrogène, il y a des solutions qui sont là, hein, et qui sont prouvées. Évidemment, il faudrait l'aider. Mais, si je peux me permettre, je pense que ça, c'est une mesure très spécifique. Mais il y a cette mesure de remise ? comment ça s'appelle? ? redevance qu'il faudra appliquer parce qu'au fond il n'y a pas que le fait hybride, mais il y a toutes ces grosses voitures qui sont venues dans les derniers 10 ans, voitures énormes souvent qui consomment énormément.

Donc, il faudrait avoir une politique globale comme la redevance-remise qui a été jugée par le comité que le gouvernement a formé comme une des mesures fondamentales. Il faudrait avoir des politiques plus globales. C'est bon, il faut aider la voiture hybride, c'est sûr, ça, c'est donné, mais il faudrait l'insérer peut-être dans une politique plus globale comme cette politique qui a été proposée par le comité que vous avez créé.

Mme Dionne-Marsolais: Oui. En fait, d'un côté vous dites: Oui, favoriser les achats, mais, pour ceux qui en ont, des voitures trop consommatrices et pas assez efficaces, une pénalité ou une prime, puisqu'ils veulent...

M. Welt (Thomas): Redevance-remise, comme c'est structuré...

Mme Dionne-Marsolais: Absolument, absolument.

M. Welt (Thomas): ...par ces propositions, oui.

Mme Dionne-Marsolais: Absolument. Je remarque aussi, dans votre mémoire, que vous avez fait état du déclin du transport en commun dans la région métropolitaine. Et par contre on constate, à vous lire, aussi que, durant une période, après 1995 jusqu'à 2002, là, il y a eu une augmentation. Alors, on comprend qu'un gouvernement peut mettre de l'avant des mesures qui favorisent l'utilisation des transports en commun comme le gouvernement du Parti québécois l'a fait de 1995 à 2000, et il peut aussi arrêter, enfin pas de favoriser, mais arrêter d'encourager des investissements dans le transport en commun. Et, moi, je pense que c'est important parce que dans l'avenir, dans une géographie comme la nôtre, le transport est très important. Alors, il faut vraiment mettre des efforts à ce niveau-là.

Vous avez une réflexion sur les péages qui m'a surprise parce que vous dites: On pourrait réintroduire les péages et même l'étendre à plus grande échelle. Alors, vous dites: Même sur des autoroutes qui existent déjà. On ne parle pas seulement des nouvelles, là, on parle de tout ce qui existe.

M. Welt (Thomas): C'est dissuasif, c'est sûr.

Mme Dionne-Marsolais: Oui.

M. Welt (Thomas): Si vous mettez 100 $ de péage, il y aura peu de voitures qui vont l'emprunter.

Mme Dionne-Marsolais: Oui.

M. Welt (Thomas): Enfin, on a cité ici pléthore de possibilités, quoi...

Mme Dionne-Marsolais: ...ça fait partie de votre...

M. Welt (Thomas): ...et certaines sont plus ou moins efficaces.

Mme Dionne-Marsolais: Ça fait partie de votre philosophie pour freiner l'utilisation de l'automobile.

M. Welt (Thomas): Oui.

Mme Dionne-Marsolais: Effectivement, ces mesures-là, dans les discussions qui ont cours notamment à Montréal, elles sont toutes à l'étude, hein, dans le cadre de la consultation que le ministre de l'Environnement fait en ce moment. Je sais, entre autres, que la Conférence régionale des élus à Montréal a déposé une étude documentée sur un certain nombre de mesures pour améliorer le financement du transport en commun, d'une part, et réduire l'utilisation de l'automobile en milieu urbain, d'autre part. Et c'est toute la question. En fait, c'est toute la question de l'avenir de nos villes, hein?

Vous avez identifié, vous avez parlé d'une politique. À la page 8, là, vous dites: Pour freiner l'étalement urbain, on pourrait suggérer des mesures telles que des «politiques fiscales et autres mesures privilégiant la rénovation et la construction domiciliaire sur des sites déjà aménagés». Vous pensez à quoi, là? Pensez-vous à la rénovation urbaine?

M. Welt (Thomas): Bien, écoutez, il y avait une mesure dont personnellement j'ai profité ? et j'ai gardé cela, je crois, 20 ans ? où on me donnait, sur le plan municipal ? la construction en ville, à Montréal ? la municipalité donnait un subside. Je crois que c'était 10 000 $. Je ne me rappelle plus exactement. Donc, par des mesures fiscales, on peut très bien favoriser une densification des villes, c'est sûr. On peut le faire. Et il y a toutes sortes de mesures qu'un gouvernement peut introduire à tous les niveaux. Ce n'est pas nécessairement le gouvernement provincial, ça peut être fédéral, ça peut être le municipal qui peut favoriser la densification des villes, enfin pas la densification des villes, mais limiter l'étalement urbain. Il y a des gens qui vont à Blainville, qui travaillent à Montréal; évidemment il faut qu'ils fassent ce trafic-là tous les jours. Du point de vue énergétique, ce n'est évidemment pas la bonne chose à faire.

Je voudrais ici répondre à ce que vous avez dit au début, que le mémoire est à peu près identique ? et c'est vrai d'ailleurs, je l'ai dit ? à ce que nous avons préparé en 1995, à l'occasion des débats. À l'occasion du débat, nous avons fait un mémoire beaucoup plus gros que le transport en termes de chapitres. Nous avons eu en tout cinq chapitres mais parce que nous avions eu le temps. Ça revient à notre avant-propos. On nous a mis un mois, et c'était le mois de décembre où étaient les Fêtes. On a dit qu'il faut que le mémoire soit fait en dedans d'un mois. Alors, on a pris ce qu'il semblait manquer dans le mémoire du ministère. Le ministère a fait un mémoire au mois de novembre, où il parle essentiellement de l'électricité. Il ne parlait presque pas du transport, c'est pour ça que nous avons dit: Nous n'avons pas beaucoup de temps, faisons quelque chose qui n'est pas beaucoup débattu, parlons du transport. C'est pour ça que finalement nous avons choisi le transport, mais aussi parce que c'est un élément très important dans la lutte contre le changement climatique.

Mme Dionne-Marsolais: Bien oui. Vous parlez aussi de l'hydrogène. On a eu évidemment toutes sortes de présentations ici et, au niveau de l'hydrogène, on a l'impression que ce sera beaucoup plus tard. Et vous dites aussi: En ce moment, la production d'hydrogène évidemment, on la fait surtout avec le gaz naturel, mais il y a d'autres formes de production de l'hydrogène sur lesquelles différents groupes travaillent.

M. Welt (Thomas): Bien, j'ai suivi un peu vos débats par Internet et j'ai vu que, le problème d'hydrogène, il y en a certains qui sont tellement enthousiastes, hein, qu'il ne faut pas s'en faire, l'hydrogène va nous sauver. Et puis j'ai vu qu'au fond il y avait, première chose, une confusion, une confusion fondamentale que l'hydrogène n'est pas une source d'énergie. Et ça, c'est une chose que beaucoup de gens ignorent peut-être, en tout cas c'est une première chose. Donc, il faut mettre de l'énergie avant d'en retirer.

Il y a beaucoup ? je peux vous les envoyer si vous ne les avez pas ? beaucoup d'articles là-dessus qui ont été faits. Il y a des articles qui disent que jamais l'hydrogène ne prendra d'essor parce que d'abord il faut y mettre beaucoup d'énergie et ensuite il faut savoir le transporter, le distribuer, l'emmagasiner. Tout ça, ça crée des énormes pertes en route. Et à la fin, quand on y arrivera, avec cette énergie, à mettre dans les roues d'une voiture, on n'aura presque plus rien. Donc, au fond, il y a un certain mythe d'hydrogène. Il faut faire très attention. Je ne dis pas que l'hydrogène, c'est quelque chose qu'il faut ignorer. Il ne faut pas l'ignorer, mais il faut être très prudent dans ce domaine et, avant de donner des larges subsides à son élaboration, il faudrait vraiment avoir tous les éléments en main. Je pense qu'il faut faire attention. Tout ce qu'on veut dire: on n'est pas contre ce combustible, mais il faut bien comprendre qu'il y a beaucoup de difficultés, que ce n'est pas la panacée, ce n'est pas nécessairement la panacée.

Le Président (M. Bachand): Mme la députée, oui.

n(17 h 50)n

Mme Dionne-Marsolais: Oui. Vous savez qu'aux États-Unis ? j'ai été à une conférence, il n'y a pas longtemps ? on parle, dans le programme du président, on parle de 2015 pour ? ils appellent ça: l'économie de l'hydrogène, mais en fait pour une utilisation de l'hydrogène de manière compétitive pour fins de transport. On voit aussi qu'en Allemagne le gouvernement allemand est à commanditer, financer un réseau de stations-service pour l'approvisionnement de moteurs à hydrogène, et ils se donnent comme objectif 2008, hein, en Allemagne. Ce n'est pas gros, ça, 2008, là, c'est bientôt.

Alors, on voit qu'il y a beaucoup de travail qui se fait là-dedans, et je me demande si, au Québec, on ne devrait pas mettre un peu plus d'attention. Parce que, si vous avez suivi nos débats, vous avez dû entendre les représentants de l'Université du Québec à Trois-Rivières qui nous ont fait part de leurs difficultés à se financer, à financer leurs projets de recherche, alors qu'on sait très bien que les membres de cette équipe du Dr Bose sont des sommités reconnues dans le monde. Ils travaillent pour presque tous les grands de ce monde en hydrogène, mais ils ne sont pas capables d'aller chercher un 60 000 $ par année, au Québec, alors qu'au niveau fédéral on a des budgets de financement de recherche et de développement en hydrogène qui ne nous sont pas accessibles parce qu'on n'a pas d'entreprise ici qui peut financer ça. Et le gouvernement, pour des raisons qui sont siennes, n'a pas jugé bon, encore en tout cas ? peut-être que ce sera différent quand on verra le budget ? mais n'a pas jugé bon de renouveler les enveloppes financières qui avaient été prévues pour des recherches en hydrogène.

Est-ce que vous pensez que le Québec, par notre avantage hydroélectrique, n'aurait pas intérêt à préparer l'avenir finalement?

Le Président (M. Bachand): Très rapidement, monsieur.

M. Welt (Thomas): Pardon?

Le Président (M. Bachand): Très rapidement, M. Welt.

M. Welt (Thomas): Pardon?

Le Président (M. Bachand): Très rapidement, M. Welt.

M. Welt (Thomas): Bien, écoutez, moi, je ne suis pas un spécialiste de l'hydrogène. J'ai lu, j'ai regardé la documentation et je n'ai pas eu évidence que, du point de vue énergétique, par rapport à la voiture hybride ou par rapport à la voiture électrique, ils peuvent avoir un avantage. S'ils peuvent démontrer que, du point de vue énergétique, c'est ça qu'il faut faire, eh bien, il faut les aider. Mais, dans la littérature telle que, moi, j'ai accès à cela ? je ne suis pas un spécialiste, je n'ai pas lu toute la documentation mondiale qui est très large ? mais, le peu que j'ai lu, je n'ai pas vu a priori, en qualité d'ingénieur qui doit faire un projet, je n'ai pas vu les avantages dans ce domaine.

Maintenant, peut-être qu'il y a d'autres avantages. Par exemple, un des avantages de l'hydrogène peut être d'utiliser l'énergie éolienne qui est intermittente pour créer, sous forme d'hydrogène, de l'énergie qui peut être restituée. Mais je ne suis pas assez connaisseur pour émettre une opinion ferme. Pour dire mon opinion personnelle, je suis hydrosceptique, si on peut utiliser ce mot.

Le Président (M. Bachand): M. Welt, je vous invite donc à prendre 30 secondes. Quand vous dites que l'hydrogène n'est pas une source d'énergie; les propriétés caractéristiques de l'hydrogène sont: un gaz très léger et hautement explosif... (panne de son) ...expérience. Vous pouvez prendre un chargeur à batterie chez vous et vous prenez les deux électrolyses; vous les plantez dans l'eau; recueillez les gaz et approchez une flamme de l'hydrogène et de l'oxygène une fois l'eau décomposée et vous allez vous apercevoir, au son que ça fait, que l'hydrogène est très explosif, donc une source d'énergie assez impressionnante pour la quantité qu'on utilise. Donc, sur ce...

M. Welt (Thomas): ... que je commente votre commentaire?

Le Président (M. Bachand): Si vous voulez essayer, oui.

M. Welt (Thomas): L'hydrogène, il faut le produire. Pour le produire, il faut mettre de l'énergie. L'énergie qu'elle restitue sera toujours plus petite que l'énergie qu'on lui met, donc ce n'est pas une source. Une source, c'est quand on... La différence entre une source, c'est, quand vous mettez de l'énergie, vous en retirez beaucoup plus. Le pétrole est une source d'énergie primaire parce que l'énergie que vous avez mis pour le produire, le pétrole, vous en retirez cinq fois plus quand vous l'utilisez, c'est donc une source. L'hydrogène, ce sera toujours moins, donc ce n'est pas une source.

Le Président (M. Bachand): Merci infiniment de ces explications-là, monsieur. Merci surtout d'être venus aussi à notre commission, M. Welt et M. Walker. Je vous souhaite un bon retour. Et, sur ce, compte tenu du temps écoulé, j'ajourne les travaux au mercredi 23 mars, 9 h 30, à la salle du Conseil législatif. Bon retour chez vous, messieurs mesdames.

(Fin de la séance à 17 h 56)


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