(Neuf heures trente-quatre minutes)
Le Président (M. Bachand): Donc, puisque tout le monde est au rendez-vous ? fidèle, devrais-je dire, au rendez-vous ? il ne me reste plus qu'à souhaiter la bienvenue à tous. Et je sens dans l'air qu'il y aura beaucoup de collaboration de part et d'autre, ça me semble évident. De toute façon, le passé étant garant de l'avenir, je suis convaincu que nous allons fort apprécier la venue de ceux qui sont ici, ce matin.
Donc, ayant constaté le quorum, je déclare la Commission de l'économie et du travail ouverte. Je vous rappelle donc le mandat de la commission pour le bénéfice de nos invités et de nos auditeurs aussi: l'objet de cette séance est de poursuivre la consultation générale sur le document intitulé Le secteur énergétique au Québec ? Contexte, enjeux et questionnements.
Donc, Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire: Non, M. le Président, il n'y a pas de remplacement.
Le Président (M. Bachand): Donc, c'est tout un record, ce matin. Donc, je vais demander aux membres de la commission... C'est une blague entre nous parce qu'il y a souvent des remplacements, et puis donc, ce matin, on considère ça comme un plus, oui, un événement particulier. On est très heureux de ça.
Donc, je vais demander aux membres de la commission... Évidemment, vous le savez, que la règle est à l'effet qu'il faut fermer les cellulaires pour permettre à tout le monde de bien travailler dans la quiétude. Donc, je vous demanderais de fermer ces cellulaires-là pour la bonne marche de nos travaux.
Donc, à la lecture de l'ordre du jour, je vous rappelle qu'à 9 h 30 nous allons accueillir ? d'ailleurs, nos invités sont déjà installés ? l'Association des consommateurs industriels de gaz; à 10 h 30, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec; à 11 h 30, les intervenants politiques et économiques de la MRC de Sept-Rivières; et, à 12 h 30, bien, la suspension des travaux.
Auditions (suite)
Donc, rapidement, pour le fonctionnement de notre commission ? je vais parler lentement parce que je sais que, nos interlocuteurs, il y a aussi des anglophones à l'intérieur de votre équipe ? donc, pour bien comprendre le fonctionnement, vous avez 20 minutes où vous allez présenter votre mémoire, 20 minutes à l'opposition pour la période de questions et 20 minutes du côté ministériel pour la période de questions aussi. Donc, sans plus tarder, je vais demander à nos invités de se présenter pour le bénéfice de chacun de nos collaborateurs et de commencer leur présentation. Allez-y, messieurs.
Association des consommateurs
industriels de gaz (ACIG)
M. Fournier (Peter L.): Merci, M. le Président. Mon nom, c'est Peter Fournier, je suis le président d'ACIG, et avec moi, à la gauche de moi, c'est M. Jean-Paul Schaack, vice-président, Approvisionnement et environnement pour Mittal. Mittal, c'est le plus grand consommateur de gaz naturel au Québec. C'est l'ancienne Ispat Sidbec, et Jean-Paul est directeur d'ACIG. Et, au centre, c'est M. Guy Sarault, peut-être bien connu de beaucoup de gens ici. M. Sarault est avec la compagnie Heenan Blaikie et il nous représente devant la Régie de l'énergie pour les affaires régulièrement. Je veux inviter Guy pour vous donner un sommaire de notre soumission.
Le Président (M. Bachand): Oui, M. Schaack.
M. Sarault (Guy): M. Sarault.
Le Président (M. Bachand): Sarault? Excusez-moi.
M. Sarault (Guy): Ça me fait plaisir. Merci, M. le Président. Bonjour, M. le ministre, MM., Mmes les députés. Alors, écoutez, je pense que notre mémoire décrit bien qui est l'Association des consommateurs industriels de gaz: c'est un regroupement de 48 sociétés qui sont de grands consommateurs de gaz naturel. Vous les retrouvez dans plusieurs secteurs, celui des pâtes et papiers, celui des métaux, vous en avez dans le secteur des mines, des fonderies et des raffineries, dans le secteur des produits chimiques et également dans d'autres secteurs de la fabrication et de la production industrielles au Québec.
Bien évidemment, le gaz naturel, et c'est peut-être méconnu du grand public, mais est une source très, très, très importante d'énergie pour la grande industrie québécoise. Pour ceux qui ne le savent peut-être pas, les clients industriels représentent plus de 50 % de la consommation totale de gaz naturel au Québec, ce qui est très significatif. Le gaz est utilisé par les clients industriels non seulement pour des besoins de chauffage, mais également pour produire la vapeur et aussi pour faire fonctionner les procédés industriels dans toutes sortes de secteurs comme ceux que je viens de vous énumérer comme étant des membres représentatifs de l'Association des consommateurs industriels de gaz.
En termes d'emplois, les grands clients industriels représentent 36 700 emplois directs dans la province de Québec, et il y a beaucoup de ces emplois-là qui sont en région, et c'est un facteur qui est selon nous important à considérer pour toute politique qui se veut équilibrée au Québec. Il y a également, selon nos évaluations, entre 250 000 et 350 000 emplois indirects qui dépendent des industries consommatrices de gaz.
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(9 h 40)
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Pour plusieurs de ces industries-là, le gaz naturel représente une portion importante de leurs coûts de production et à plusieurs égards. Et, dans un contexte comme celui-là, vous comprendrez que les clients industriels sont très préoccupés par la nécessité d'obtenir des approvisionnements sécuritaires, fiables et stables ainsi que des prix compétitifs pour le gaz naturel. Il ne faut pas perdre de vue qu'il y a plusieurs des industries du Québec, qui sont membres de l'association que je représente, qui sont en concurrence directe avec des industries similaires qui sont situées en Ontario, dans d'autres provinces canadiennes et également aux États-Unis.
Et je vous signalerai en passant que la capacité concurrentielle de l'industrie québécoise a pris un coup, au cours des dernières années, en raison évidemment de la montée du dollar canadien par rapport au dollar américain. Alors, la marge de manoeuvre dont l'industrie bénéficiait autrefois s'est amoindrie en raison de la remontée du dollar canadien.
Alors, pour plusieurs des clients industriels qui sont membres de l'association, la sécurité d'approvisionnement en gaz naturel de même que les coûts du gaz naturel sont des facteurs qui peuvent parfois faire la différence au niveau de certaines décisions d'investissement ou de faire des expansions industrielles, etc. Vous savez, il y a des membres de l'ACIG qui ont des installations non seulement au Québec, mais également en Ontario et ailleurs, et, lorsque les décisions d'investissement se prennent, bien ils vont soupeser tous les facteurs économiques dans la balance. Et, pour plusieurs d'entre eux, la sécurité d'approvisionnement en gaz naturel, qui est une portion importante de leurs coûts, et le coût même de la marchandise, du transport et de la distribution sont des facteurs qui peuvent faire la différence.
Alors, ceci étant dit ? et c'est le point central de notre mémoire ? il existe présentement des restrictions d'approvisionnement au Québec, des restrictions d'approvisionnement qui, soit dit en passant, sont largement au-delà du contrôle des distributeurs, et particulièrement Gaz Métropolitain, et ces restrictions d'approvisionnement, sur lesquelles je vais revenir dans un instant, font en sorte que la sécurité d'approvisionnement en gaz naturel des clients industriels est compromise. Pour utiliser un langage simpliste, il n'y a tout simplement pas assez de gaz naturel de disponible en ce moment pour rencontrer la demande de la grande industrie. Et, deuxièmement, c'est une conséquence logique des restrictions d'approvisionnement, les coûts du gaz qui est disponible pour les clients industriels sont de moins en moins compétitifs, et ça, sont de moins en moins compétitifs à tous les aspects.
Dans une facture de gaz naturel, on retrouve essentiellement trois grandes composantes. La première, c'est la marchandise qui est négociée librement par les clients avec des fournisseurs qui sont majoritairement situés dans l'Ouest canadien, en Alberta, pour mentionner une province évidente à ce chapitre-là. Et, en raison de la restriction de l'offre et de l'augmentation de la demande continentale, particulièrement aux États-Unis, on a connu, au cours des dernières années, une flambée des prix de la molécule, de la marchandise gaz naturel. En plus de ça, la deuxième composante que vous retrouvez sur la facture payée par les clients industriels, c'est celle du transport, celle de transporter le gaz des points de production qui sont situés dans l'Ouest canadien, particulièrement en Alberta, jusqu'à la frontière du Québec, et ça, en ce moment le transporteur majoritaire, de prédilection, c'est TransCanada PipeLines.
Alors, TransCanada PipeLines a connu certains problèmes au cours des dernières années: il y a de la concurrence qui s'est instaurée dans l'Ouest canadien, dans le centre du Canada, au chapitre du transport, et TransCanada a augmenté ses tarifs de façon assez importante, et les clients industriels du Québec en ont fait les frais. Et évidemment la troisième composante, c'est celle de la distribution, donc les tarifs de Gaz Métropolitain pour son réseau de distribution au Québec sont également parmi les plus élevés en Amérique du Nord, la raison étant que Gaz Métropolitain a une infrastructure assez significative, assez importante, et qu'il n'y a pas suffisamment de marchandise gaz qui s'écoule dans les tuyaux pour permettre une réduction des coûts unitaires de distribution pour Gaz Métro.
Alors, lorsque l'on combine ces facteurs-là, on est, aujourd'hui, dans un contexte où il y a non seulement une restriction physique des approvisionnements par rapport à la demande, mais également une augmentation substantielle des coûts de la marchandise, du transport et de la distribution qui font en sorte que, pour les industries dont les coûts de production dépendent largement du gaz naturel, il y a un impact de toute évidence très néfaste sur leur capacité concurrentielle.
Alors, les enjeux et les préoccupations de l'ACIG sont bien relatés aux pages 7 à 9 de notre mémoire que je vous invite à parcourir avec moi. Et, sans les relire textuellement, je voudrais quand même les parcourir avec vous et vous expliquer les points saillants. Alors, ça commence à la page 7, sous la rubrique Préoccupations concernant l'approvisionnement en gaz.
Alors, la première préoccupation que nous relatons, c'est que l'approvisionnement en gaz est un sujet fort préoccupant pour l'industrie, pour deux raisons. Primo, la capacité du gazoduc qui est en provenance de l'Ouest canadien et qui approvisionne le Québec est insuffisante, et ça, c'est particulièrement vrai sur le segment qui est le dernier segment, qui relie le point de livraison qu'on appelle Dawn, qui est situé en Ontario, près de Sarnia, jusqu'à la frontière du Québec. Alors, cette dernière portion est littéralement congestionnée au moment où on se parle et les possibilités d'expansion sont fort limitées.
Et, deuxièmement, l'offre du gaz naturel ? on parle ici de la marchandise ? provenant des bassins de production de l'Amérique du Nord, principalement de l'Ouest canadien, est restreinte, et ça, c'est une des conséquences de la continentalisation du marché du gaz naturel, si je peux m'exprimer ainsi. La demande en provenance des États-Unis pour le gaz canadien représente, aujourd'hui, plus de 50 % de la production canadienne ? et ça, c'est un phénomène nouveau ? avec la conséquence que tout ce gaz naturel qui est acheminé vers les États-Unis, à partir de l'Ouest canadien, bien, n'est plus disponible pour les clients de l'Est du Canada comme ceux du Québec. Et il ne faut pas oublier, là, comme je vous l'ai expliqué tout à l'heure, qu'on est au bout du tuyau, là, nous, littéralement de TransCanada PipeLines.
Au niveau du transport, la capacité du réseau de TransCanada PipeLines vers le Québec est entièrement sous contrat, donc est contractée à 100 % pour répondre aux besoins réels du marché, et TransCanada n'accroîtra sa capacité que si un ou plusieurs expéditeurs signent un contrat de transport de 10 ans pour justifier une expansion et aider le désengorgement. Vous comprendrez que, pour des clients industriels ? prenons l'exemple des pâtes et papiers ou de la métallurgie qui oeuvrent dans des secteurs très concurrentiels qui sont parfois volatils ? il est excessivement aléatoire, voire même dangereux pour eux de s'engager pour des périodes aussi longues dans des contrats de transport fermes avec TransCanada PipeLines.
Prenez, par exemple, la crise du bois d'oeuvre. Il y a des industries forestières, des industries des pâtes et papiers qui ont été affectées de façon sévère par ça, il y a des industries qui ont été affectées par l'augmentation du dollar canadien et ce sont des phénomènes qui peuvent se produire en assez peu de temps. Alors, pour une industrie, de s'engager à long terme alors que ses possibilités de générer des revenus à même sa production peuvent être aléatoires sur un horizon à court ou moyen terme, ce n'est pas une stratégie d'affaires qui est nécessairement très gagnante, et il n'est pas étonnant de constater que les industries sont très peu enclines à s'engager pour des périodes aussi longues que 10 ans pour des contrats fermes de transport de gaz naturel. Alors, c'est un problème réel pour l'industrie que nous représentons.
Un autre problème qui résulte directement des restrictions sur la capacité de transport du réseau pancanadien TransCanada, c'est que les clients de Gaz Métropolitain, les clients industriels qui sont alimentés par les services interruptibles, se font de plus en plus interrompre pour de longues périodes. Alors que les périodes d'interruption des autres distributeurs qui exploitent leurs entreprises au Canada et ailleurs en Amérique du Nord peuvent aller à quelques jours, quelques semaines par hiver, dans le cas de Gaz Métropolitain, au cours des dernières années, il y a des interruptions de service qui peuvent aller de 50 à 150 jours par année. Alors, 150 jours par année, nous parlons de cinq mois d'interruption complète d'alimentation. Alors, les clients qui se font ainsi interrompre... Et c'est nouveau au Québec. Je vous dirai qu'autrefois, il y a à peu près 10, 15 ans, le niveau d'interruption chez Gaz Métropolitain était beaucoup moins élevé et il y avait moins de préjudices à la clientèle.
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(9 h 50)
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Alors, les clients qui sont en service interruptible et qui subissent un préjudice de ces interruptions de plus en plus longues, bien ils ont deux choix: soit qu'ils vont opter pour le service ferme, le service continu de Gaz Métropolitain, qui est légèrement plus cher et qui comporte un engagement ferme, de la part de Gaz Métropolitain, d'alimenter les clients... Et, cette solution, bien il faut lui apporter un bémol parce que Gaz Métropolitain ne pourrait pas réalistement alimenter toute sa clientèle industrielle en service ferme. Gaz Métropolitain se sert justement des interruptions pour desservir sa clientèle résidentielle en période de pointe. Alors, c'est un outil important pour le distributeur, et on ne peut pas concevoir... il n'y aurait pas suffisamment de capacité pour Gaz Métro pour desservir l'ensemble de la clientèle industrielle en service continu.
Le deuxième choix qui s'offre aux clients qui sont affectés par les interruptions, c'est d'aller au mazout tout simplement. Évidemment, ça peut, un, comporter des inconvénients au niveau des coûts, et on laissera les environnementalistes vous faire des représentations à ce chapitre-là, mais disons que de façon générale le mazout a la réputation d'être moins propre comme source d'énergie que le gaz naturel. Alors, voilà une autre source de préoccupation.
Une autre source de préoccupation, je vous en ai glissé un mot tout à l'heure, c'est que le prix de la marchandise, le gaz naturel lui-même, la molécule, a augmenté considérablement au cours des dernières années, le marché est devenu très volatil, on a vu des soubresauts de 2 $ le gigajoule à 7 $ le gigajoule, et ça, c'est le jeu de l'offre et de la demande, et c'est largement tributaire du fait que les Américains sont en concurrence directe avec nous pour la demande en gaz naturel.
Les nouvelles réserves de gaz que nous pourrions espérer obtenir de l'Ouest canadien et des autres bassins nord-américains ? je parle des réserves traditionnelles, classiques ? ne seront pas disponibles avant un horizon à long terme. Par exemple, pour ce qui est du gaz canadien qui vient du delta du MacKenzie, on ne parle pas de disponibilité avant 2010. Donc, on parle d'un horizon à très long terme.
Alors, la solution à tout ceci ? et je terminerai là-dessus ? c'est que, selon l'Association des consommateurs industriels de gaz, la meilleure réponse pour le Québec, aussi bien pour les clients industriels que pour les autres acheteurs de gaz, réside dans la livraison de gaz naturel liquide à des terminaux méthaniers en eau libre qui pourraient être aménagés dans le fleuve Saint-Laurent. Il y a des projets concrets, qui vont vous être présentés par Gaz Métropolitain et d'autres investisseurs, que nous considérons comme essentiels à la santé et à la croissance économique du Québec parce que ça permettrait au marché du gaz naturel du Québec de croître. Et aussi, si vous augmentez la disponibilité du gaz ici, en territoire québécois, grâce à de tels terminaux méthaniers, évidemment, en augmentant l'offre par rapport à la demande, ça va entraîner selon nous un effet à la baisse sur les prix. Ça va donner au Québec une corde de plus à son arc puis ça constituerait une alternative tout à fait valable au gaz de l'Ouest canadien et au réseau de transport de TransCanada PipeLines dont nous sommes à peu près totalement dépendants en date d'aujourd'hui. Alors, on exhorte le gouvernement à prêter une oreille attentive et à voir favorablement l'implantation de ces projets de gaz naturel liquéfié sur le Saint-Laurent et on pense que ce serait fort bénéfique pour l'industrie québécoise et, partant, pour l'économie des régions, pour les emplois qui dépendent des grands clients industriels.
Alors, je vous remercie beaucoup, M. le Président, M. le ministre, MM., Mmes les députés, de nous avoir écoutés. Ça conclut nos propos. Alors, le grand message que nous vous lançons: augmentez les approvisionnements en gaz. Et, si le gaz peut nous être acheminé à partir d'ici, au Québec, à des prix compétitifs, le message que nous vous lançons est: oui, il y a un marché criant, il y a une demande pour prendre ce gaz naturel. Alors, merci beaucoup.
Le Président (M. Bachand): C'est moi qui vous remercie, M. Sarault, pour la présentation de votre mémoire. Donc, je vais céder la parole au ministre des Ressources naturelles, de la Faune et des Parcs.
M. Hamad: Merci, M. le Président. Bienvenue à Québec. J'ai compris votre résumé: port méthanier, si je comprends bien. Alors, dites-moi, quel est l'impact d'un port ou deux ports méthaniers sur le développement industriel des entreprises du Québec si, demain matin, on en a un ou deux?
Le Président (M. Bachand): M. Sarault.
M. Sarault (Guy): Vous voulez dire un plutôt que deux? Je pense que je vais laisser M. Schaack... il est assez familier avec les projets en question par rapport aux besoins de la clientèle industrielle.
Le Président (M. Bachand): Allez-y, M. Schaack.
M. Schaack (Jean-Paul): Alors, M. le Président, de ce que je sais de ces deux projets-là, ils ont à peu près des tailles équivalentes et chacun représente environ 75 % de la consommation du Québec. Donc, il est certain que, premièrement, un terminal pourrait être très facilement absorbé par le marché du Québec. Bon, le réseau gazier nord-américain est un réseau qui est très bien interconnecté, et, s'il y en avait encore un peu plus, ça pourrait être écoulé aussi. Maintenant, je pense que ce serait aux promoteurs à vous faire la preuve de la rentabilité économique d'un deuxième terminal.
Le Président (M. Bachand): M. le ministre.
M. Hamad: La question, c'est plutôt: Quel est l'impact si, demain matin, on a un port ou deux? Je vois que, vous autres, vous parlez de un, là.
M. Sarault (Guy): Bien, l'impact est nécessairement très favorable. Comme je vous expliquais, en ce moment la clientèle du Québec ? et c'est vrai non seulement pour la clientèle industrielle, c'est vrai pour la communauté des clients de Gaz Métropolitain ? est totalement dépendante du gaz de l'Ouest canadien et du réseau de transport de TransCanada Pipelines. Alors, les règles élémentaires en économie: si vous ajoutez une source d'approvisionnement ici même, au Québec, à des prix concurrentiels, on est persuadés que ça va entraîner, un, une plus grande disposition, donc un préjugé favorable aux investissements dans le Québec plutôt qu'ailleurs pour la grande industrie, et aussi que ça devrait entraîner un effet à la baisse sur les prix, et sur les prix non seulement de la marchandise, mais ultimement du transport et de la distribution.
Je vous parlais de la distribution tout à l'heure. Gaz Métropolitain, l'un de ses problèmes en ce moment, c'est qu'ils ont une très grande infrastructure qui est répartie sur l'ensemble du grand territoire québécois, et il n'y a peut-être pas suffisamment de gaz naturel qui coule dans ces tuyaux-là pour abaisser les coûts unitaires de distribution. Alors, il y aurait un impact favorable à peu près à tous les niveaux, en autant que la clientèle industrielle est concernée. Je ne sais pas si ça répond à votre question, mais, oui, on le voit d'un oeil très, très favorable.
M. Hamad: Ça répond à deux questions, même. Donc, vous pensez qu'il y a un effet de baisser le prix aussi du gaz au Québec?
M. Sarault (Guy): Oui.
M. Hamad: Vous êtes certains, là.
M. Sarault (Guy): Bien, écoutez, aussi certains qu'on peut l'être en matière de prévisions économiques. Mais on pense que d'avoir deux sources d'approvisionnement, une plus grande offre par rapport à la demande, devrait fort logiquement entraîner un effet à la baisse sur les prix.
M. Hamad: Par le fait même, le fait qu'il y a une grande offre de gaz naturel, est-ce qu'on peut dire que ça va peut-être encourager l'implantation d'autres industries au Québec qui ont besoin du gaz?
M. Sarault (Guy): Écoutez, la grande industrie, qui prend des décisions ? et peut-être que M. Schaack pourra vous donner des exemples propres à la société qu'il représente ? mais la grande industrie vont mettre, dans l'équation, toutes les composantes de coûts qui entrent dans leur production, et le gaz naturel en est un qui est très important pour plusieurs des industries que nous représentons. Alors, ils vont mettre ça dans la balance puis ils vont comparer ce coût-là, tel qu'il existe au Québec, par rapport à d'autres juridictions où ils peuvent prendre des décisions d'investissement. Évidemment, ce n'est pas le seul facteur ? il ne faut pas être naïf, là ? mais c'est un facteur qui peut être important pour certaines industries. Peut-être que M. Schaack pourra vous donner une idée de chiffres typiques que ça peut représenter pour certaines entreprises.
Le Président (M. Bachand): Avec plaisir, M. Schaack! Bien sûr!
M. Schaack (Jean-Paul): Moi, ce que je pourrais vous dire, M. le Président, c'est qu'avant de voir si on peut avoir des expansions peut-être qu'il faut voir si on peut maintenir les industries qui sont là d'abord. Et la raison pour laquelle je dis ça, là, c'est que je ne suis pas sûr que, dans deux ou trois ans, j'aurai assez de capacité de gaz pour faire marcher nos usines. Et donc c'est non seulement une question d'avoir de nouveaux investissements, mais d'assurer que ceux qui sont ici ont tout le gaz nécessaire pour faire marcher les capacités qui sont installées.
Le Président (M. Bachand): M. le ministre.
M. Hamad: Vous avez parlé d'interruption. C'est frappant quand même, dans votre mémoire et dans votre présentation, vous avez parlé de 50 à 150 jours. Par rapport à d'autres endroits en Amérique du Nord, là, c'est la place où il y en a le plus. Alors, expliquez-moi ça, pourquoi.
M. Sarault (Guy): Bien, ma compréhension de la situation est que les interruptions sont largement attribuables à des restrictions sur la capacité de transport de TransCanada Pipelines. C'est que Gaz Métropolitain a une quantité limitée de gaz livrable en hiver, et, en hiver, évidemment, c'est là où la consommation est la plus élevée au Québec, dans les autres secteurs, en raison des besoins de chauffage, et c'est le cas depuis longtemps. Gaz Métropolitain a traditionnellement utilisé son service interruptible comme source d'alimentation d'appoint, si vous voulez, en période hivernale. Ça n'a pas toujours été comme ça au Québec. À une époque où la demande totale était inférieure à ce qu'elle est aujourd'hui, il y avait des niveaux d'interruption au Québec qui étaient beaucoup plus comparables à ce que l'on retrouve, aujourd'hui, ailleurs au Canada ou en Amérique du Nord et le service interruptible évidemment était moins cher.
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(10 heures)
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Quand une entreprise accepte le service interruptible, elle signe un contrat par lequel elle accepte d'avance d'être interrompue au gré et à la discrétion de Gaz Métropolitain, advenant des besoins pour la clientèle qui est en service continu. Alors, en raison finalement du manque de disponibilité de l'offre de transport et de l'augmentation de la demande au Québec, bien le niveau d'interruption a naturellement augmenté, ce n'est pas étonnant, c'est ça qui le cause, et ça va demeurer comme ça tant et aussi longtemps qu'il y aura des restrictions sur le transport à destination du Québec et particulièrement des restrictions sur la dernière portion, qui relie Dawn, en Ontario, près de Sarnia, région de Toronto, à la frontière québécoise. C'est là qu'il y a le goulot d'étranglement qui mène vers les marchés québécois, M. le Président.
M. Hamad: Je dois conclure ou constater que le fait d'avoir un port méthanier, ça va diminuer la période interruptible, le 50 à 150 jours par année, comme avantage.
M. Sarault (Guy): Bien, ça va rendre le service interruptible plus attrayant qu'il ne l'est aujourd'hui. Vous savez, quand un client choisit de s'en aller en service interruptible, il paie moins cher, mais il a un service de moindre qualité qu'un service garanti, qu'un service continu. Pour lui, il y a une décision d'affaires. Et, s'il se dit: Le service interruptible comporte deux ou trois semaines d'interruption par hiver, bien ça vaut la peine parce que, là, il a un prix moins élevé pour son tarif de distribution puis des périodes d'interruption qui ne sont quand même pas si mal. Alors, si vous ajoutez des approvisionnements en provenance du Québec dans le portefeuille d'approvisionnement de Gaz Métropolitain, il est bien évident que Gaz Métropolitain va avoir moins besoin de recourir aux interruptions pour alimenter sa clientèle en service continu.
Je laisserai les gens de Gaz Métro parler pour la compagnie, mais c'est certain que, pour Gaz Métro, ils ne sont pas contents, eux non plus, d'avoir à interrompre des clients et de se priver de revenus en provenance de la clientèle industrielle parce qu'ils ont besoin d'alimenter la clientèle en service continu.
Une voix: ...
M. Hamad: You can say it in English, Peter.
Le Président (M. Bachand): Mr. Fournier could speak in English.
M. Fournier (Peter L.): Merci.
M. Hamad: You can go in English, yes, no problem.
M. Fournier (Peter L.): Moi, je suis Canadien français, j'ai le nom de Fournier, mais je pense qu'au Québec c'est mieux de parler français. Mais certainement ma langue maternelle, c'est l'anglais, s'il vous plaît.
Another reason for our concern is that before, when the interruptible periods were short, almost all of Québec industry has on-site tankage to store... They buy the oil in the summertime, when it is less expensive, and they have just short interruption periods in the wintertime. It's economic for them to be interruptible, and they burn some oil. But when we get into very long periods like the 50 to 150 days, the industrials have to buy oil during the winter to resupply their tanks and it's much more expensive in the wintertime. So, it's a double hit for the industrials right now in terms of the security of their supply and the costs they're facing.
Le Président (M. Bachand): M. le ministre.
M. Hamad: Qu'est-ce que vous diriez... Évidemment, actuellement, à Lévis, sur la Rive-Sud de Québec, on parle d'un projet méthanier, port méthanier, et l'aspect sécurité est un aspect qu'on entend souvent parler. Qu'est-ce que vous diriez aux gens de la Rive-Sud sur la sécurité?
Le Président (M. Bachand): M. Sarault.
M. Sarault (Guy): M. Schaack va ajouter à la réponse, mais évidemment je ne pense pas qu'il nous appartient, comme clients industriels, de nous prononcer sur l'aspect sécuritaire ou non sécuritaire de ces projets-là. Selon ce que nous en comprenons, nous n'avons aucune inquiétude. Nous sommes conscients qu'il existe des ports méthaniers semblables ailleurs en Amérique du Nord, dont, entre autres, à Boston, et que le dossier sécuritaire de ces installations-là, à venir jusqu'à aujourd'hui, semble être vierge, qu'il n'y a pas eu d'incident à déplorer. Mais évidemment c'est un peu à la limite de ce que nous pouvons vous dire. On va laisser aux promoteurs le soin de convaincre le gouvernement et les autorités compétentes du côté sécuritaire de ces projets-là. Je ne sais pas si M. Schaack...
Le Président (M. Bachand): M. Schaack, allez-y, oui.
M. Schaack (Jean-Paul): Ce que je pourrais dire, M. le Président, et que peut-être certaines personnes ignorent ici, bien c'est que, quand on passe sur la 40, à côté des installations de Gaz Métropolitain à Montréal, il y a une usine de liquéfaction du gaz que Gaz Métropolitain utilise tous les étés pour se faire une réserve de gaz liquide qui est regazéifié en hiver. Autrement dit, là, vous avez une petite usine de liquéfaction à Montréal-Est, depuis des décennies, puis on n'en a jamais entendu parler.
M. Hamad: Vous, comme des gens qui manipulent le gaz quand même, vous êtes des consommateurs, donc vous manipulez le gaz. Évidemment, le port méthanier, ce n'est pas la même chose, là, c'est du liquide, c'est moins inflammable, c'est beaucoup encore plus sécuritaire.
M. Sarault (Guy): C'est très froid.
M. Hamad: Pardon?
M. Sarault (Guy): C'est très froid.
M. Hamad: Oui, c'est ça.
M. Sarault (Guy): M. le Président, on parle de moins 160 °C, selon ma compréhension.
M. Schaack (Jean-Paul): Ce que je peux vous dire aussi, c'est que nos usines consomment 10 % du gaz qui est consommé au Québec. C'est beaucoup de gaz. Puis, chaque processus industriel a des risques qui sont inhérents, puis je pense que connaître son métier, c'est de savoir gérer ces risques-là.
M. Hamad: O.K. Pour moi, c'est correct. Je ne sais pas si...
Le Président (M. Bachand): Merci, M. le ministre. D'autres intervenants du côté ministériel? M. le député de Roberval.
M. Blackburn: Bonjour, messieurs. Bienvenue. M. Fournier, vous avez un nom français, mais vous parlez anglais. Moi, j'ai un nom anglais, mais je parle français. Alors, on va essayer de se comprendre.
Juste pour un peu renchérir sur ce que le ministre mentionnait tout à l'heure, par rapport à la capacité d'approvisionnement, de ce que je comprends, au net-net, on n'est pas capables de faire entrer assez de gaz naturel pour fournir l'ensemble de vos clients, et, pour pallier à ça, ce que vous devez faire en période de pointe intense: vous coupez certains clients.
M. Sarault (Guy): M. le Président, on parle des clients interruptibles. Évidemment, les clients industriels ont le droit de s'alimenter en service continu chez Gaz Métropolitain. Le service existe sur papier, il est dans les livres de Gaz Métro. La raison pour laquelle certains vont choisir le service interruptible: un, il est moins cher et, deux, ce sont des industries qui typiquement ont la flexibilité qui leur permet de subir certaines interruptions. C'est lorsque les interruptions dépassent un certain seuil que, là, ça commence à devenir préjudiciable. Mais, comme je le signalais tout à l'heure ? et c'est très important ? on ne peut pas imaginer que, du jour au lendemain, tous les clients qui sont alimentés en service interruptible pourraient transférer au service ferme. Ce serait tout simplement impossible pour Gaz Métro de rencontrer toute cette demande-là en service ferme pendant la période hivernale. M. le Président, ça, c'est un point qui est assez important à soulever, il existe, le service ferme, mais il y a des limites physiques, là, qu'il faut réaliser.
Le Président (M. Bachand): M. le député de Roberval.
M. Blackburn: Dans ce contexte-là, vous mentionnez qu'il y a un potentiel énorme quant au développement du gaz naturel, puis on sait qu'on a un problème d'approvisionnement, d'une part. Puis d'autre part comment peut-on arriver à développer ce système-là en faveur des régions du Québec? Parce qu'il y a beaucoup de régions du Québec dans lesquelles le gaz naturel est disponible sur certaines parties de territoire, mais, dans beaucoup d'autres parties, il ne l'est pas. Donc, lorsqu'on vient me dire que, oui, il y a des intérêts de vouloir amener le gaz naturel en région, dans certaines parties, en sachant qu'il en manque en quantité importante pour approvisionner une grande partie de ceux qui sont déjà clients, comment je peux arriver à concilier ces deux informations-là?
Le Président (M. Bachand): M. Sarault.
M. Sarault (Guy): Merci, M. le Président. Alors, bien, écoutez, comme je l'ai mentionné très brièvement lors de notre présentation, tout à l'heure, il ne faut pas perdre de vue que plusieurs des industries qui sont membres de l'Association des consommateurs industriels de gaz sont situées en région. Ce sont des employeurs en région majoritairement. Vous parlez de la région de la Sorel, vous parlez de la région de Bécancour, vous parlez de d'autres régions éloignées au Québec. Je pense, comme le disait M. Schaack, qu'il faut s'interroger sur non seulement de l'expansion future, etc., mais sur le maintien de ce que nous avons déjà sur le territoire québécois. Alors, déjà, pour, je pense, l'économie des régions, le maintien, l'encouragement des industries qui sont déjà là, sur place, et qui emploient beaucoup de monde, et qui génèrent aussi des retombées économiques indirectes est une considération... devrait être une considération importante.
Le Président (M. Bachand): M. le député.
M. Blackburn: Donc, en termes de priorités, si je comprends bien, la première, c'est d'assurer un approvisionnement...
M. Sarault (Guy): La sécurité d'approvisionnement.
M. Blackburn: ...sécurité pour les clients qui sont déjà sur place. Et, dans une autre phase, c'est de développer des nouveaux marchés pour être en mesure de faire en sorte, ce que vous avez mentionné tantôt par rapport au potentiel énorme du développement du gaz naturel, qu'on puisse pénétrer ces nouveaux marchés là avec des approvisionnements sécuritaires d'une part et les développements de d'autres marchés. Et, de ce que je comprends, je ne suis pas un spécialiste du gaz, là, mais une des conditions sine qua non pour arriver à faire ça, c'est d'augmenter la capacité par l'installation d'un port méthanier.
M. Sarault (Guy): Exact.
M. Blackburn: O.K.
Le Président (M. Bachand): D'autres interventions du côté ministériel? M. le député de... Donc, merci, messieurs. Mme la porte-parole de l'opposition officielle en matière d'énergie, Mme la députée de Rosemont.
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(10 h 10)
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Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. Alors, messieurs, bonjour. On a un certain nombre... D'abord, la première question pratique, vous avez dit qu'il y avait une limite entre Dawn et la frontière du Québec et vous avez parlé de règles de restriction. Pourquoi il y a une limite de capacité? C'est quoi, la raison de cette limite-là?
M. Fournier (Peter L.): Est-ce que je peux répondre?
Le Président (M. Bachand): Absolutely. You can speak in English, I know she understands very well English.
M. Fournier (Peter L.): The main problem is that the National Energy Board requires that if there is an expansion, the party seeking the expansion must sign a 10-year contract. Gaz Métro has been reluctant to do that. The change in the marketplace: we will have more direct purchases, such as industrials, and they don't want to sign a 10-year contract, they prefer to buy from year to year and one-year contracts.
And then, more recently, with the prospect of LNG, Liquefied Natural Gas, coming in from the east end of the system, there is concern with TransCanada and with Gaz Métro that if they sought an expansion, they could be left with what was called stranded capacity, in other words, say five or six years time. There will be suddenly excess pipeline in Ontario to serve the Québec market. So, these are constraints.
I think that given that we are not going to see the Liquefied Natural Gas probably for at least five years, that there are steps we could encourage Gaz Métro to take to keep them whole. If they would sign a 10-year contract, that would be some kind of undertaking involving probably the Régie and the stakeholders to say: We will not, in five years time, say you're imprudent and you cannot recover the contract cost you have for this extra capacity. We need to do something like that, so the gas marketing in Québec can continue to expand, so that the industrial market can expand and create more jobs. Without that, we are in a situation of stagnation.
Mme Dionne-Marsolais: I thought I understood English, but I really didn't understand the restriction. What I understood is that the National Energy Board has a requirement. For what? So that the purchaser commits to five or 10 years? You mentioned both.
M. Fournier (Peter L.): 10 years.
Mme Dionne-Marsolais: 10 years. So he would have to commit to a 10-year purchase of natural gas in order to have the license to expand...
M. Fournier (Peter L.): A 10-year contract for a transportation capacity on TransCanada PipeLines.
Mme Dionne-Marsolais: Between Dawn to the Québec border?
M. Fournier (Peter L.): From wherever you're bringing your gas into Québec, it's got to...
Mme Dionne-Marsolais: Why does the National Energy Board require that? What's the history behind that?
M. Fournier (Peter L.): It's part of their act to ensure that the pipeline is... Any expansion is economic, there's a market to be served. So they have established for over 30 years guidelines and filing requirements, and one of those is... It used to be a 20-year contract. They've cut it down to 10.
Mme Dionne-Marsolais: For what they changed?
M. Sarault (Guy): Si je peux ajouter quelque chose...
Mme Dionne-Marsolais: Oui, je vous en prie, M. Sarault.
Le Président (M. Bachand): Allez-y, M. Sarault. Absolument.
Mme Dionne-Marsolais: Ça va nous éclairer tous.
M. Sarault (Guy): ...bien, vous savez, c'est parce que, lorsqu'une société pépinière ou un distributeur comme Gaz Métropolitain ajoute des infrastructures dans le sol, des infrastructures assez coûteuses, ces infrastructures feront partie de ses immobilisations, qu'on appelle la base de tarification, et sont facturées aux usagers via les tarifs. Alors, les organismes de réglementation, tant au niveau fédéral, à l'ONE, qu'au Québec, veulent s'assurer, lorsque des investissements majeurs comme ça sont proposés et encourus par un pipeline ou une société de distribution, qu'ils soient rentables à long terme, donc qu'il y ait un marché garanti, ou plus ou moins garanti, de revenus à être générés par ces nouvelles infrastructures. Les organismes de réglementation ne veulent pas permettre aux sociétés de pipeline ou aux distributeurs d'enterrer des tuyaux dans le sol qui vont demeurer vides. Alors, c'est ça, la demande de garantie à long terme de revenus générés par ces nouvelles installations.
Le Président (M. Bachand): Mme la députée.
Mme Dionne-Marsolais: Dans ces conditions-là...
C'est quoi, la distance entre Dawn et puis la frontière du Québec? Je n'ai pas la carte du Québec sous les yeux puis je n'ai aucune idée où est-ce que c'est, ça, Dawn. Vous me dites que c'est près de Sarnia, mais...
Le Président (M. Bachand): M. Schaack.
M. Schaack (Jean-Paul): Je dirais 800 kilomètres, peut-être.
Mme Dionne-Marsolais: 800 kilomètres?
M. Schaack (Jean-Paul): Oui. Montréal-Toronto, c'est 500.
M. Sarault (Guy): Il faut prendre l'avion pour aller là, là. C'est loin.
Mme Dionne-Marsolais: O.K. Bon. Alors, l'autre question, dans le partage de la consommation de gaz naturel au Québec, quelle est la part du résidentiel, de l'industriel et du commercial? Ce n'est pas dans votre mémoire.
Le Président (M. Bachand): M. Sarault.
M. Sarault (Guy): Je pense que c'est 50 % pour la clientèle industrielle, M. le Président. Pour la clientèle résidentielle, commerciale, là il y a eu une augmentation relative de la clientèle résidentielle. Il y a eu beaucoup d'efforts de Gaz Métropolitain, dans le domaine de la nouvelle construction, qui ont été réalisés au cours des dernières années. Mais, si vous me permettez, je n'ai pas les chiffres précis puis on laissera Gaz Métropolitain vous les donner. Mais notre perception, c'est que la part du service résidentiel au Québec, par comparaison à l'Ontario, par exemple, est beaucoup moins élevée. Si vous prenez des distributeurs comme Enbridge ou Union en Ontario, ils ont une clientèle résidentielle assez considérable par rapport à ce que nous trouvons au Québec, et ça, la raison est bien simple, c'est que nous avons, pendant plusieurs années, privilégié l'électricité au Québec pour toutes sortes de facteurs que vous connaissez mieux que moi. Alors, la part résidentielle au Québec, je ne la situerais pas personnellement à beaucoup plus que 20 %, mais je vous le dis sous toutes réserves, là. Gaz Métropolitain pourra vous procurer des chiffres précis. Et je pense que c'est de l'information également qui est disponible dans leur rapport annuel.
Le Président (M. Bachand): Mme la députée.
Mme Dionne-Marsolais: 11 % résidentiel...
M. Hamad: 53 % industriel et 34 %, le commercial.
Mme Dionne-Marsolais: Bon. Merci beaucoup.
Une autre petite question. Vous avez dit qu'il y avait trois composantes dans la facture de gaz naturel, le cube, le...
Une voix: La molécule.
Mme Dionne-Marsolais: La molécule. Voilà. La molécule, la marchandise, le transport et la distribution. Quelle est la part de la molécule en pourcentage?
M. Sarault (Guy): Ça dépend. Ha, ha, ha! Je pense que je peux laisser... Parce que la molécule est...
Mme Dionne-Marsolais: Bien, donnez-moi un intervalle, là.
M. Sarault (Guy): Parce que la... Vous avez...
Mme Dionne-Marsolais: Actuellement, là, au prix actuel. Je sais que ça varie beaucoup, là.
M. Sarault (Guy): Non, mais, si vous me permettez, M. le Président, c'est important d'apporter ce bémol-là parce que la marchandise gaz n'est pas réglementée. Alors, c'est le jeu de l'offre et de la demande, et les clients industriels peuvent négocier librement avec leurs fournisseurs, en Alberta et ailleurs, les conditions et les prix de la marchandise, et il y a toutes sortes de contrats qui existent. Pour vous donner l'exemple que nous prenons pour les dernières années, le prix de la marchandise, il y a eu des soubresauts de 2 $ à 7 $ le gigajoule. Alors, vous pouvez imaginer que la proportion de la marchandise, dans la facture totale, fluctue de façon comparable. Alors, c'est pour ça que je vous dis que c'est bien difficile d'arrêter un chiffre dans le temps, M. le Président, à ce chapitre-là. Je pense que M. Schaack, qui est un acheteur de gaz, peut vous donner des exemples plus complets.
Le Président (M. Bachand): Allez-y, M. Schaack, bien sûr.
M. Schaack (Jean-Paul): Je pourrais vous donner des ordres de grandeur, M. le Président. Comme on l'a mentionné tout à l'heure, la molécule, aujourd'hui, là, n'est pas... Le prix d'hier, je ne sais pas comment il st ce matin, mais on parlait d'à peu près 7 $. Pour le transport, vous parlez d'à peu près... Ah! je parle en gigajoules, en gigajoules. Pour le transport, vous parlez, premièrement, d'un tarif de 1,10 $ le gigajoule, auquel vous rajoutez le coût de compression, c'est-à-dire le coût du gaz qui est utilisé pour alimenter les compresseurs le long du pipeline. Donc, il fait partie intégrante de votre coût de transport, qui est à peu près, en ce moment, de 5 % du coût de la molécule. Donc, vous parlez d'un autre 0,35 $, 0,40 $ en chiffres ronds. Et le coût de distribution varie énormément selon votre taille. Plus vous consommez, plus votre coût unitaire est bas. Mais je dirais que ça varie entre... je dirais que ça peut varier entre 0,50 $ et 1 $ pour des clients industriels. Ça dépend également du type de service qu'ils prennent, si c'est un service ferme, comme on a mentionné tout à l'heure, ou un service interruptible.
Le Président (M. Bachand): Mme la députée, oui.
Mme Dionne-Marsolais: Donc, 7 $, mettons 1,60 $ et 1 $, ça fait... La majorité du prix, c'est le prix de la molécule. La grosse ? aujourd'hui, en tout cas ? la grosse composante du prix du gaz naturel, c'est le prix de la molécule. Donc, il y a intérêt effectivement à augmenter sa capacité.
Vous dites aussi qu'au niveau... Vous êtes une industrie réglementée. Mais, quand Gaz Métro fait ses demandes d'augmentation de tarifs, elle fait une demande à la régie et elle doit soumettre le partage de ses composantes de coût là-dedans pour avoir ses tarifs, j'imagine. Ça doit être public, ça. Non?
M. Sarault (Guy): Pas pour la marchandise. La marchandise est complètement déréglementée.
Mme Dionne-Marsolais: Oui, c'est ça.
M. Sarault (Guy): Les clients industriels s'approvisionnent auprès d'un fournisseur de leur choix et négocient librement les conditions d'approvisionnement et le prix, tout comme vous le feriez pour de l'huile à chauffage, par exemple, qui est un marché libre également.
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(10 h 20)
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Mme Dionne-Marsolais: O.K. Parce qu'en fait là où je veux en venir, c'est qu'effectivement le Québec, le gouvernement du Québec a très peu de marge de manoeuvre sur le prix du gaz naturel à la consommation parce que 80 %, sinon 90 % de ce prix-là, c'est la molécule.
M. Sarault (Guy): Oui, vous avez raison, mais, M. le Président, je voudrais ajouter quelque chose. Si le gouvernement du Québec adopte des politiques qui sont susceptibles d'augmenter la quantité d'approvisionnement en marchandise gaz, il est raisonnable d'anticiper que cela pourrait entraîner un effet à la baisse sur les prix pour la clientèle du Québec. Ça, c'est le jeu de l'offre et de la demande. On pense qu'il est raisonnable d'anticiper que, s'il y a deux sources majeures d'approvisionnement plutôt qu'une seule et que par ailleurs la demande reste au niveau où elle est aujourd'hui, ça devrait avoir un effet favorable sur les prix. Et je pense que M. Schaack voudrait ajouter quelque chose, M. le Président.
Le Président (M. Bachand): Allez-y, M. Schaack.
M. Schaack (Jean-Paul): Oui. Ce que je voulais rajouter, M. le Président, c'est que, le prix de la molécule, là, tous mes concurrents qui sont en Ontario ou aux États-Unis, ils le vivent aussi, et donc, sur la base de la molécule, on a tous le même coût. En revanche, là où je peux améliorer mon sort par rapport à eux, c'est par rapport au coût de transporter et d'amener la marchandise dans mes usines, et ça, c'est un aspect sur lequel l'arrivée d'un terminal méthanier pourrait avoir énormément d'importance.
Mme Dionne-Marsolais: O.K. Vous conviendrez avec moi que, dans les conditions actuelles, tout le monde... Vous l'avez dit vous-même, le prix du gaz naturel n'est pas réglementé, le prix de la molécule, là, et effectivement il suit le prix du pétrole. On a peu d'influence là-dessus, les variables qui influencent ce prix-là sont totalement exogènes au Québec. On a beau avoir 12 sources d'approvisionnement, à moins qu'on en trouve chez nous, on n'aura pas une grosse influence sur le prix. Ça va jouer dans des 5 %, 10 % maximum, quasiment la marge d'erreur.
M. Schaack (Jean-Paul): Mais dans mon cas, puis je peux juste parler pour ma société, là, mais 1 $ sur le prix du gaz, c'est 20 millions de dollars, madame. Ça, ça a une grosse importance sur ma concurrentialité.
Mme Dionne-Marsolais: Bon. Est-ce que c'est suffisamment important pour investir et s'engager pour 5 ou 10 ans dans l'extension ou dans l'augmentation de la capacité d'un pipeline, peut-être? Non?
Le Président (M. Bachand): M. Schaack.
M. Schaack (Jean-Paul): Si j'étais sûr que les conditions vont rester stables, je vous dirais oui. Mais malheureusement on est dans une économie mondiale, et, si je retourne à la fin de l'année 2000, le prix du gaz, qui est, aujourd'hui, à 7 $, était monté à 12 $. En 2003, la sidérurgie et d'autres grands secteurs industriels étaient en pleine récession. Et donc, dans le contexte économique actuel, il est très difficile pour un industriel de se commettre comme ça pour des périodes de 10 ans.
Mme Dionne-Marsolais: Mais d'un autre côté vous êtes très favorables à vous commettre pour un port méthanier, alors que...
Moi, je regrette, mais, quand vous me dites que l'augmentation de l'approvisionnement permettra au marché du gaz naturel de croître et qu'il devrait exercer un effet modérateur sur le coût d'approvisionnement en gaz des Québécois, je suis fort sceptique, fort sceptique. Je ne le conteste pas, en théorie c'est totalement vrai, mais en pratique c'est un effet très marginal de modération, il me semble.
Autre question: Pourquoi, à ce moment-là, quand le pipeline en provenance de l'île de Sable... C'est comme ça qu'elle s'appelle, cette île en Nouvelle-Écosse? Pourquoi est-ce que l'industrie... Pourquoi est-ce qu'on n'a pas influencé... ou on ne s'est pas engagé derrière l'extension de ce réseau-là jusqu'au Québec? Ce n'était quand même pas si loin, ça. C'était peut-être moins loin que les 800 kilomètres de Dawn à la frontière, non? J'aimerais avoir une réponse pour le bénéfice de tout le monde.
M. Sarault (Guy): Si vous me permettez, M. le Président, d'abord le gros problème avec l'île de Sable, c'est que les promoteurs de ces projets-là ont dirigé le gaz naturel essentiellement vers le marché du Nord-Est américain, vers Boston et la Nouvelle-Angleterre, et Gaz Métropolitain a bien essayé, ils sont allés à l'Office national de l'énergie pour appuyer un projet qui aurait extensionné le pipeline vers le Québec, mais la viabilité de ce projet-là n'a pas pu être démontrée parce que justement la marchandise était déjà commise vers d'autres marchés, et ça, c'était indépendant de la volonté de Gaz Métropolitain et également de l'Office national de l'énergie, à la limite. Mais ce n'est pas parce que des efforts n'ont pas été faits, mais les jeux des forces du marché dans cette industrie-là, dans les Provinces atlantiques, ont fait en sorte que, non, ça n'a pas fonctionné. Alors, aujourd'hui, on doit se rabattre sur autre chose.
On peut le déplorer si ça s'est produit comme ça, mais ce sont les promoteurs qui ont accepté d'investir beaucoup, beaucoup de millions de dollars dans ces projets-là qui ont pris les décisions dans un marché qui est libre et déréglementé, qui est celui de la marchandise, ne l'oublions pas.
Mme Dionne-Marsolais: J'ai deux autres questions. Vous parlez beaucoup de l'ONE, et c'est vrai, mais est-ce que l'Office national de l'énergie n'a pas modifié sa réglementation au cours des dernières années? Il s'est passé quelque chose par rapport aux contrats court terme et long terme d'approvisionnement, les contrats d'exportation. Est-ce que vous pouvez nous expliquer comment les acheteurs qui vont chercher... les acheteurs ou les vendeurs qui vont chercher un permis auprès de l'ONE ? ça doit être les vendeurs ? obtiennent un permis de vente à court terme qui se transforme avec le temps ? parce que finalement ils en font un à chaque année, pendant je ne sais pas combien d'années; ça devient un contrat à long terme sans en être un ? et, à ce moment-là, évitent une autorisation additionnelle de la part de l'ONE? Pouvez-vous clarifier ça, là? Parce que l'impression que j'ai, moi... Et je me suis laissé dire que la réglementation de l'Office national de l'énergie avait changé et permettait maintenant à ceux qui achètent ou vendent du gaz, là ? c'est pour ça que je vous demande des précisions ? de faire des contrats à court terme mais répéter ça pendant quatre, cinq, six ans, peut-être même 10 ans. Ça devient du long terme, mais ça ne s'appelle pas comme ça, donc on n'a pas besoin d'avoir de permis. Est-ce que je me trompe?
Le Président (M. Bachand): M. Sarault.
Mme Dionne-Marsolais: Je vois M. Fournier qui sourit.
M. Sarault (Guy): Je pense que je vais laisser M. Fournier répondre à cette question parce que M. Fournier transige régulièrement à l'Office national de l'énergie, est très familier avec les développements en matière réglementaire à l'Office national.
Le Président (M. Bachand): Allez-y, M. Fournier.
M. Fournier (Peter L.): Merci. Je comprends la question. Sous le North American Free Trade Agreement, on n'a presque pas maintenant...
Mme Dionne-Marsolais: Réglementé.
M. Fournier (Peter L.): ...réglementé les exports. On demande un permis et on reçoit un permis. Presque tous maintenant ont un terme court, environ un an, parce qu'on peut avoir un nouveau...
Mme Dionne-Marsolais: Un renouvellement. Vous dites: Tout est court terme, puis on peut avoir des renouvellements. C'est ça?
M. Fournier (Peter L.): ...
Mme Dionne-Marsolais: The contract is for short term, and you can have a renewal every year. Am I correct?
M. Fournier (Peter L.): Yes. Oui. C'est ça. C'est ça. Oui, oui. Excusez-moi.
Mme Dionne-Marsolais: Voilà. C'est beau? Alors donc, est-ce que c'est parce que... Is it because the National Energy Board has changed its regulation or its law ? I don't know ? or is it a new way of doing business in the natural gas industry?
M. Fournier (Peter L.): Non. M. le Président, en 1985, quand le fameux Halloween Agreement... quand le gouvernement fédéral, avec les provinces, «deregulate»...
M. Sarault (Guy): Déréglementé.
M. Fournier (Peter L.): Parmi les choses, le test que l'Office national de l'énergie a utilisé avant pour la réserve du Canada, la sécurité du Canada, ça, c'est terminé. Et, depuis 1985, les exports ont monté extraordinairement et presque sans limites. Et, le Free Trade Agreement aussi, le Canada ne peut pas refuser de permettre une exportation s'il y a le «supply», l'approvisionnement pour ça.
Mme Dionne-Marsolais: Même si une province en a besoin ou même si elle devient en compétition. Donc, il faudrait...
M. Fournier (Peter L.): Le problème est quand tu parles de l'approvisionnement sur la capacité de TransCanada.
Mme Dionne-Marsolais: C'est la capacité de?
M. Fournier (Peter L.): Le gazoduc, le gazoduc TransCanada.
Mme Dionne-Marsolais: De transport. O.K. D'accord.
Le Président (M. Bachand): Merci, Mme la députée de Rosemont. Je vais donner l'opportunité au député de Vanier de s'exprimer. M. le député.
M. Légaré: Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Peut-être trois petites questions assez rapides concernant... Tantôt, on parlait, là, que peut-être que les compagnies éventuellement iraient même jusqu'à manquer peut-être de gaz naturel ou... Est-ce qu'il y a un plan B face à... Là, on des projets de port méthanier qui sont en train de se... Est-ce que, le plan B, vous y songez sérieusement? Parce qu'on parle du mazout, je crois. Est-ce que la situation est à ce point préoccupante que vous pensez sérieusement au plan B? Je veux voir un peu, là, la position de l'industrie face à... Exemple, si les projets de port méthanier ne fonctionnent pas, est-ce que le plan B est envisageable ou... Peut-être vous entendre là-dessus pour ma première question.
Le Président (M. Bachand): M. Sarault.
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(10 h 30)
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M. Sarault (Guy): M. le Président, je vais demander à M. Schaack de répondre à ça parce qu'il est, lui, sur le terrain, il est un acheteur important de gaz et il peut vous donner des exemples plus concrets.
Le Président (M. Bachand): Allez-y, M. Schaack.
M. Schaack (Jean-Paul): Bien, comme l'a mentionné mon collègue tout à l'heure, si la disponibilité diminue, la première option pour les industriels, c'est de substituer le combustible qu'ils utilisent et même de passer au fuel, comme vous le mentionnez. En revanche, dans la clientèle industrielle de Gaz Métropolitain ? et c'est mon cas ? il y a des industries qui n'utilisent pas le gaz pour son pouvoir calorifique mais pour la valeur chimique dans la molécule et pour laquelle il n'y a pas de substitution au gaz naturel. Alors, dans ce cas-là, ça devient vraiment un problème sérieux.
Le Président (M. Bachand): Merci, M. Schaack. M. le député de Vanier, oui, rapidement.
M. Légaré: Question très rapide: La différence de prix qu'on a entre, bon, le service ferme et l'interruptible, est-ce que c'est une différence de prix qui est très importante? Parce qu'on parlait tantôt que les compagnies ne pourront probablement pas toutes faire le transfert dans un service ferme. Est-ce que vraiment, à un moment donné, les compagnies vont dire: Même s'il y a une différence de prix x, on va le faire pareil? Et est-ce que cette différence de prix là est vraiment importante?
M. Sarault (Guy): Bien, il y a définitivement un avantage, là, en termes de...
M. Légaré: En pourcentage, peut-être.
M. Sarault (Guy): Je ne peux pas vous le quantifier précisément, peut-être que M. Schaack pourra m'aider. Mais il y a une chose qui est certaine, ce que j'ai dit tout à l'heure, ce n'est pas en raison de leur incapacité de payer que les clients ne pourraient tous faire le transfert de l'interruptible vers le ferme, c'est que nous croyons... Et on laissera à Gaz Métropolitain le soin de vous l'expliquer davantage, si nécessaire. Nous ne croyons pas que Gaz Métropolitain pourrait desservir toute sa clientèle industrielle en service ferme, la capacité n'est tout simplement pas là. Ils ont besoin de la clientèle à l'interruptible pour desservir la clientèle résidentielle, commerciale en service ferme, en période de pointe hivernale. Alors, c'est vraiment un outil de gestion des approvisionnements, chez Gaz Métropolitain, et il est selon nous impensable de ne pas avoir un minimum de clientèle en service interruptible.
Le Président (M. Bachand): Merci, M. le député de Vanier.
M. Légaré: Dernier petit point: Est-ce que vous faites des interventions...
Le Président (M. Bachand): Merci, M. le député. Honnêtement, on a largement dépassé le temps. Merci infiniment de votre compréhension.
Messieurs, il ne me reste qu'à vous remercier. Mr. Fournier, we know you put a lot of efforts to speak in French, so we appreciated that. Merci infiniment. Je vais donc demander à la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec de venir prendre place, s'il vous plaît.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Bachand): Messieurs, c'est toujours un plaisir de vous recevoir à la commission, particulièrement à celle de l'économie et du travail. Donc, vous connaissez les règles, vous êtes des habitués de la commission et des commissions. Donc, rapidement, 20 minutes pour la présentation de votre mémoire et, de part et d'autre, 20 minutes pour la compréhension de votre mémoire sous forme de questions.
M. le président, je vous prie de présenter votre mémoire mais vos collègues aussi qui vous entourent.
Fédération des travailleurs
et travailleuses du Québec (FTQ)
M. Massé (Henri): Oui. Je voudrais d'abord... À ma droite, MM. Pierre Rousseau, Claude Arseneault et Richard Perreault, qui sont les trois présidents des syndicats d'Hydro-Québec; à ma gauche, Charles Paradis, qui est le coordonnateur des trois syndicats d'Hydro-Québec, et M. Robert Demers, qui est à la recherche, à la FTQ, dans le dossier énergétique.
Je voudrais d'abord vous remercier pour nous donner l'opportunité de nous faire entendre devant cette commission, et on voudrait d'entrée de jeu vous indiquer qu'il y a eu pas mal de consultations autour de la politique énergétique, entre autres en 1996, et où il y avait eu de larges consensus sur toute la question de la planification intégrée des ressources, c'est-à-dire comment mieux utiliser notre gaz, notre électricité, notre pétrole d'une façon plus intégrée, et on souhaite que la commission parlementaire ne réinvente pas la roue. Je pense qu'il faut partir de là.
La base de la politique énergétique, on pense qu'on l'a. On pense qu'à l'heure actuelle on est plus dans une étape de stratégie et on aurait souhaité, M. le Président, être consultés, ce matin, beaucoup plus sur une stratégie, stratégie du ministre, où on s'en va avec ça. Malheureusement, ce n'est pas le cas. Bon, on est contents d'être consultés, mais en même temps, M. le ministre, on est inquiets parce que, l'autre étape, je pense que c'est par e-mail, par Internet. On n'est pas bien, bien accoutumés avec ces méthodes-là et on souhaite qu'en tout cas on ne nous garroche pas n'importe quoi là-dessus puis qu'on ait juste à envoyer des remarques par Internet après. On trouverait ça déplorable parce qu'on travaille fort sur cette question-là, ça nous préoccupe.
La première chose qu'on dit, nous autres, c'est qu'est-ce qu'on fait concrètement pour assurer la sécurité énergétique. Dans son avis de 2004, la régie, même en prenant en compte, là, des projets qui s'en viennent, nous dit que, d'ici 2011, on va passer de 6,8 TWh à 12,7 TWh mais que la presque totalité de ces ressources-là va être sollicitée. Il n'y a pas de marge de manoeuvre. Et, si on continue notre petit bonhomme de chemin, on a l'impression qu'on va rester dans le trouble comme on l'est à l'heure actuelle.
Et, tout en gardant, nous autres, le cap sur l'axe central de la fourniture d'énergie, nous autres, c'est l'hydro, l'hydroélectricité, et avec une volonté réelle de continuer à développer l'énergie hydroélectrique. C'est ce qu'on a toujours privilégié, à la FTQ. On dit que, sur la question de l'énergie, on peut revenir sur la planification intégrée des ressources puis l'efficacité énergétique pour préserver des recours aux coûteuses importations.
Et, avant d'embarquer là-dedans, sur toute la question de l'économie d'énergie et d'une meilleure planification, on veut être très clairs, à la FTQ, ça prend des nouveaux chantiers hydroélectriques. On a dit ça ici il y a 10 ans, et, des deux côtés de la Chambre, on s'était fait rabrouer, et, 10 ans plus tard, on est dans le trouble. Je reviendrai plus tard sur le dossier de Baie-Comeau, là, mais on a du monde qui vivent dans cette région-là puis qui vivent un drame monumental. Et, des deux côtés de la Chambre, on s'était fait dire: Bah! on a de l'électricité en masse, l'exporter, c'est pour ça qu'on veut créer des barrages, alors que, nous, à la FTQ, avec un taux de chômage de 13 % à ce moment-là, on disait: Si on veut développer le Québec, il faut avoir de l'électricité, il faut avoir de l'énergie, il faut faire rouler notre économie.
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(10 h 40)
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Il y a cinq projets en cours, à l'heure actuelle, pour 1 500 MW à peu près, et ça prend 10 ans pour les développer, là. Ça fait que, nous, on dit qu'il est impérieux de lancer rapidement les projets à l'étude, La Romaine, Rapide-des-Coeurs, Eastmain-Rupert, et le gouvernement du Québec doit s'entendre avec le gouvernement fédéral pour harmoniser leurs évaluations environnementales afin de raccourcir les délais de mise en chantier. Et, maintenant que la «Paix des Braves» a été signée avec le gouvernement du Québec et les Cris, on pense qu'il est possible de relancer le projet Grande-Baleine, d'une puissance de plus de 3 000 MW. Toutes les études ont été réalisées, projets qui ont été avalisés par plusieurs communautés autochtones, et on pense que c'est le temps de foncer.
On ne s'est jamais privés, encore une fois, à la FTQ, d'insister lourdement sur la nécessité d'investir dans l'hydroélectricité, le développement de l'hydroélectricité. Mais ça ne veut pas dire qu'en même temps on est d'accord à gaspiller notre électricité, et c'est là-dessus qu'on demande à la commission et au gouvernement de revenir en force sur l'efficacité énergétique et les économies d'énergie. Maintenant, contrairement à ce que plusieurs avancent, nous, on pense qu'il y a des limites à l'économie de l'énergie. Ça vaut la peine d'insister en termes d'emplois, en termes d'économies d'énergie, mais en même temps ce n'est pas une panacée, ce n'est pas une solution miracle, et on ne cédera jamais à dire: On n'a pas d'affaire à développer de nouveaux projets d'hydroélectricité parce qu'on va avoir assez d'économies d'énergie. Ça, on pense que c'est un non-sens, c'est une utopie. Mais ça vaut la peine de travailler dans ce dossier-là. Mais, si on veut que ce soit vraiment efficace, nos programmes d'économies d'énergie, je pense qu'il faut retravailler nos programmes puis il faut retravailler les politiques gouvernementales autour de cette question-là, autrement on ne sera pas sérieux.
De 2005 à 2010, Hydro va investir 1,7 milliard dans les programmes d'économies d'énergie, 1 milliard qui vient d'Hydro, un autre 700 millions qui vient des consommateurs, entre 650 et 700 qui viennent des consommateurs, et on n'est pas sûrs, à la FTQ puis au syndicat de l'Hydro-Québec, qu'on va atteindre ces objectifs-là, qu'on va atteindre la cible si on continue notre petit bonhomme de chemin puis qu'on ne frappe pas plus fort. Le gouvernement doit d'abord modifier le Code du bâtiment. Beaucoup d'autres pays l'ont fait, beaucoup d'autres provinces canadiennes l'ont fait. Tu sais, l'économie d'énergie, là, c'est surtout dans les maisons nouvelles, dans les constructions nouvelles qu'on est capable de sauver vraiment.
Et il y a un journaliste de La Presse qui rapportait, l'autre fois ? on a vérifié ça, puis je pense bien que c'était correct ? que, depuis 1999, sur 200 000 nouvelles habitations au Québec, 840 seulement sont certifiées Novoclimat, seulement 800. Et on nous parle de programmes d'économies d'énergie? Ce n'est pas sérieux si on ne règle pas ce bout-là, parce que, là, on peut économiser jusqu'à 25 % de la facture d'électricité. Aux États-Unis, même il y a des programmes semblables qui vont beaucoup plus loin, où, quand on respecte ces normes-là, un emprunteur peut avoir un taux d'intérêt sur son hypothèque de 1 % à 1,5 % de moins que sur une hypothèque régulière parce qu'il y a une meilleure revente sur sa maison. Ça fait que c'est toute une politique d'ensemble qu'il faut regarder. Au Québec, quand on discute avec les entreprises professionnelles en isolation ? puis elles ne sont pas légion ? on a un problème à ce niveau-là. Au niveau de la construction, il faut changer nos habitudes, nos façons de construire, et encore là le gouvernement, Hydro-Québec, nos sociétés d'État doivent être à l'avant-garde sur ces questions-là.
Bon, Hydro-Québec et Gaz Métro, c'est deux compagnies qui sont réglementées, c'est les deux seules qui ont des programmes d'économies d'énergie. Hydro est revenue avec un programme beaucoup plus vigoureux dernièrement, sauf que tout le pétrole et la biomasse passent complètement à côté de cette question-là. On ne peut pas demander juste à la société d'État ou aux sociétés réglementées de régler cette question-là, puis d'autres vont y échapper complètement. Et il y a un expert, M. Carpentier, qui est passé devant vous en commission parlementaire et qui est venu dire que le gouvernement devrait prélever, au niveau des prix des produits pétroliers, des montants équivalents à ce qu'on exige d'Hydro-Québec ou de Gaz Métropolitain dans les programmes d'économies d'énergie. Il faut que tout le monde y participe, il n'y a personne qui doit y échapper. Ça fait que ça, c'est le rôle du gouvernement, encore une fois.
Et la dernière chose que je voudrais dire là-dessus, c'est qu'il faut bonifier nos programmes pour les rendre vraiment plus accessibles. M. Carpentier encore une fois donnait l'exemple du locataire à faible revenu qui va payer, à travers ces taux d'électricité plus élevés, pour des programmes énergétiques mais qui ne sera pas capable d'en bénéficier parce que son revenu est trop bas. Deuxièmement, il est locataire. La plupart des programmes, il faut que tu rentres dans ton argent 15, 20 ans après. Y a-tu un locataire qui pense qu'il va rester dans sa maison pendant 15 ou 20 ans?
Moi, je dirais que l'économie d'énergie, à l'heure actuelle, avec les programmes qu'on a au Québec, qui devraient être meilleurs, qui devraient être bonifiés, c'est très peu le luxe du monde à l'aise, là. Parce que ceux et celles qui s'achètent une première maison, qui n'ont pas des gros revenus, sont-ils capables de mettre 15 000 $, 20 000 $ de plus quand ils vont rentrer dans leur investissement juste dans une vingtaine d'années? Ça fait qu'il faut qu'il y ait des mesures comme... Puis il y en a dans d'autres provinces puis il y en a en Europe où on vient subventionner les taux d'intérêt, on vient rendre ces mesures-là plus attractives, qui demandent moins d'argent au départ à ceux qui ont des revenus plus bas, puis finalement ça peut leur rendre ça intéressant. Et, si on ne le fait pas, bien, encore une fois, on pense qu'on va discuter beaucoup mais qu'on va rater la cible.
L'autre élément, c'est d'utiliser nos énergies à la bonne place, et on pense qu'au Québec produire de l'électricité avec du gaz, ça n'a pas sa place. On sait qu'on parle d'une perte d'efficacité qui varie entre 40 % et 50 % et on pense qu'on serait mieux d'utiliser ce gaz-là pour la chauffe, entre autres, de nos maisons, de nos usines, pour remplacer, entre autres, le pétrole qui est beaucoup plus polluant. Et on sait qu'avec les nouvelles politiques, en vertu de Kyoto, nos exportations de surplus, à ce moment-là, pourraient même nous mériter des crédits en vertu des accords de Kyoto, et ça, là-dessus, on invite le gouvernement du Québec à travailler très fort, parce que, malgré qu'en vertu de la convention de Bonn l'énergie hydroélectrique soit reconnue comme une énergie propre, une énergie verte, il y a plusieurs États des États-Unis qui ne le reconnaissent pas encore. Et là-dessus il faut travailler très fort parce que, dans toute la question encore une fois du Protocole de Kyoto, ça peut nous aider à rencontrer nos cibles, mettre des entreprises au Québec moins en difficulté puis même aller chercher des sommes d'argent assez appréciables pour nos crédits.
Je voudrais dire quelques mots aussi sur la filière éolienne. Il y a plusieurs études au Québec qui semblent démontrer que le Québec a le plus fort potentiel éolien dans le monde, qu'on nous dit. Les technologies des éoliennes s'améliorent graduellement pour produire à des coûts inférieurs. La technologie aussi d'intégration au réseau ? ce n'est pas le terme exact, là, mais, quand on... je sais que c'est assez compliqué, ces questions-là; notre monde tantôt pourront vous en parler de long en large ? s'améliore aussi, les marges de manoeuvre s'agrandissent, et ça aussi, on veut dire, là, il n'y a pas de solution magique, mais on pense que ça vaut la peine qu'Hydro-Québec soit plus agressive et ait de meilleures politiques vis-à-vis de l'éolien. Mais on veut être clairs, nous, on veut que ce soit intégré au réseau d'Hydro-Québec.
Et, si on parle encore une fois d'Hydro-Québec comme une valeur patrimoniale au Québec, moi, je suis convaincu que, lorsque Jean Lesage a décidé de nationaliser l'électricité au Québec, si on avait eu la situation éolienne d'aujourd'hui, il l'aurait nationalisée en même temps. Ça fait qu'on ne veut pas de privatisation du réseau d'Hydro-Québec par la bande. Et là-dedans on voudrait qu'Hydro-Québec encore une fois soit sur le même pied que...
Les producteurs privés vont pouvoir avoir des rendements de 5 % pour rencontrer le tarif d'Hydro-Québec alors qu'on demande à Hydro-Québec d'avoir des rendements de 10 %. Donc, Hydro-Québec, même si elle voulait investir dans l'éolien, avec les règles actuelles, ne pourrait pas. C'est un non-sens. Et, nous, on pense ? on pourra y revenir en force tantôt ? on pense que, pour entrer sur le marché de l'éolien puis d'aplomb, on pourrait peut-être même penser à un rendement zéro à Hydro-Québec, dans les premiers temps. Parce que, là, qu'est-ce qu'on est en train de faire dans l'éolien? On n'est pas en train de développer une expertise au Québec, là, on est en train de ne rien développer. On est en train d'installer l'expertise d'ailleurs. Et, si c'est vrai qu'on a le plus grand potentiel au monde d'énergie éolienne, Hydro-Québec a un rôle essentiel à jouer là-dedans, puis essentiel en termes de développement de technologies puis de développer quelque chose au Québec qu'on pourrait exporter ailleurs après, et ça, on est convaincus qu'il va y avoir plus de business, pour l'ensemble des entreprises privées au Québec qui sont sérieuses là-dedans, que juste vouloir venir installer de la technologie étrangère puis faire quelques cennes sur le réseau hydroélectrique.
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(10 h 50)
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Il y a quelque chose à développer là, on y croit, mais encore une fois il faut que ce soit Hydro-Québec qui fasse ça. Nous autres, on ne laissera pas brader Hydro-Québec puis nos valeurs hydroélectriques, notre patrimoine hydroélectrique au Québec.
Sur la question de l'exportation, je voudrais être bien clair, nous autres, à la FTQ, on n'est pas contre l'exportation de nos surplus. Il y en a déjà assez qui font des fixations là-dessus, puis j'en parlais d'entrée de jeu, tantôt, à la commission. Mais, avant d'exporter, on maintient toujours la même position: l'hydroélectricité doit d'abord servir à notre développement économique. Et il y a une étude des Manufacturiers et exportateurs du Québec ? puis je pense qu'elle vous a été déposée ? qui nous apprend que le secteur manufacturier, par ses exportations, génère 0,69 $ par kilowattheure qu'il consomme. C'est pas mal mieux que les 0,08 $, 0,09 $, 0,10 $ ? même, on peut vendre jusqu'à 0,25 $, je pense, dans certaines périodes de pointe ? que peuvent offrir les exportations d'électricité aux États-Unis. Ça fait qu'il serait en tout cas ironique de prendre notre ressource ici, de se priver de la transformer afin de l'envoyer là-bas pour qu'ils puissent transformer et nous réacheminer ici ce que, nous autres, on a produit.
Et nos industries reposent sur des matières premières et sont de grandes consommatrices d'énergie, on l'a vu. Il ne faut pas oublier que, chaque fois que nous exportons un baril de pâtes et papiers, une anode de cuivre, un lingot d'aluminium, une boulette de fer, c'est de l'électricité en fait que nous exportons sous une autre forme, mais enrichie, celle-là, et il faut que ça continue comme ça.
Et je donnais l'exemple d'Alcoa tantôt, en début de commission parlementaire. Nous, on demande qu'Hydro-Québec verse, je ne me rappelle pas le nombre de mégawatts, mais, qu'elle verse le nombre de mégawatts nécessaires à Alcoa pour développer cette partie-là, surtout qu'il y a des engagements, à l'heure actuelle, des alumineries pour développer de la deuxième puis troisième transformation. On ne sauvera pas la Côte-Nord puis on ne sauvera pas le Saguenay?Lac-Saint-Jean s'il n'y a pas de deuxième puis de troisième transformation puis s'il n'y a pas l'énergie nécessaire pour le faire. Et on ne permettra pas non plus ? en tout cas, on ne sera pas d'accord avec ça, à la FTQ ? des projets de cogénération qui n'en sont pas ou qui sont des projets de cogénération juste de nom. Nous, un produit de cogénération dont le montage financier repose uniquement sur la revente d'électricité, ce n'est pas de la cogénération, puis on pourra y revenir tantôt.
On a vu quelques projets, là, c'est la revente d'électricité. Tout le montage financier est là-dessus, puis on se garde un peu de vapeur pour alimenter un stand à hot-dogs pendant trois mois, sur le coin de la rue. Ça, ce n'est pas des projets de cogénération, puis on n'en veut pas, pas plus qu'on veut une série de petits projets privés, là, de barrage sur nos rivières au Québec. Ça fait une dizaine d'années qu'on prêche là-dessus, puis on a l'impression qu'on prêche dans le désert. Là, je parle aux deux côtés de la Chambre. Ça a parti avec des projets de 25 MW, ça a monté à 50 MW. Là, je sais que le ministre ? parce qu'on me l'a rapporté souvent ? se questionne en commission parlementaire: Qu'est-ce que vous pensez de 100 MW? On vous le dit tout de suite, 100 MW, c'est la centrale Rivière-des-Prairies à Montréal. Allez voir ce que c'est, là. Ce n'est plus des petites centrales, ça.
Encore une fois, on est en train de brader notre hydroélectricité au Québec, puis, moi, je pense que vous êtes en train de foutre le bordel au Québec, en plus. Non, non, vous êtes en train de foutre le bordel. Il y a des chicanes dans les communautés, à l'heure actuelle, puis des chicanes féroces parce qu'il y en a qui veulent leurs petits projets pour... Puis je ne dis pas que l'idée est... Tu sais, il y en a qui défendent ça en disant: On va amener de l'argent à notre communauté, puis bon. Je ne dis pas que l'idée est mauvaise en soi, mais ce n'est pas tout le monde qui est d'accord là-dessus. Puis on est en train de faire une série de chicanes sur une série de rivières potentielles, puis je pense qu'on est en train de mettre le Québec à l'envers. Vous allez vous ramasser avec pas mal de problèmes tantôt là-dessus.
Et, en terminant, moi, je voudrais dire qu'Hydro-Québec, moi, je pense qu'on a une maudite belle patente dans les mains. Je pense qu'on peut être fiers d'Hydro-Québec. Comme d'autres entreprises, elle a ses qualités, elle a ses défauts, on a tous nos qualités et nos défauts, mais ça a été extraordinaire pour le développement du Québec, extraordinaire pour le développement du Québec. Je regarde, à l'heure actuelle, le programme d'investissement de 3,5 milliards au Québec. Ça nous aide à développer dans plusieurs régions du Québec. On a une belle affaire dans les mains. Ça fait que bradons-la pas, arrêtons de la privatiser par petits morceaux. Puis encore une fois on dit tout le temps: Les petites rivières, ce n'est pas grave; on est rendu à 100 MW, ça commence à être pas mal plus grave.
L'éolien: Ah! ce n'est pas grave, c'est juste un 1 000 MW, là, tu sais, pour se pratiquer. Mais en même temps il y a du monde qui salive au Québec, qui salive puis qui travaille à tour de bras pour entrer sur le marché de l'hydroélectricité puis venir privatiser par la bande Hydro-Québec. Je ne les nommerai pas, là, mais ils frappent aux portes. Puis, quand ils viennent frapper aux portes chez nous, ça veut dire que ça fait longtemps qu'ils ont frappé aux portes du gouvernement, et ça, on n'est pas d'accord avec ça, pas d'accord avec ça. Je pense qu'Hydro-Québec, ça a développé l'économie du Québec, ça a fait un réseau fantastique, il y a encore des améliorations à apporter, mais on a quelque chose dans les mains qui a de l'allure.
Le Président (M. Bachand): Merci, M. Massé, pour la sobriété de votre présentation. Je vais donc donner l'opportunité au ministre des Ressources naturelles, de la Faune et des Parcs de vous poser des questions. Allez-y, M. le ministre.
M. Hamad: Merci, M. le Président. M. Massé, messieurs, bienvenue à Québec.
Tout d'abord, j'aimerais vous dire qu'il y a plein de points dans votre mémoire qui collent exactement à notre vision comme gouvernement, en fait à ce qu'on a fait à date. Quand vous dites: Hydroélectricité, axe principal de développement, vous avez raison. Nous, on dit la même chose. Quand vous parlez d'efficacité énergétique puis de l'importance, oui, on est d'accord puis on l'a fait. Vous avez dit que c'était un petit peu... Peut-être qu'on ne l'atteint pas, l'objectif, mais on va l'atteindre puis Hydro-Québec aussi est prête à l'atteindre. Le gaz à sa bonne place, on est d'accord. Hydro-Québec, locomotive de développement, oui, c'est effectivement pour ça qu'on veut développer le Québec, pour ça qu'on veut le faire. Tantôt, vous avez parlé de partir les projets Eastmain-Rupert, La Romaine. Effectivement, vous avez raison, on l'a fait, on a le décret pour La Romaine, pour les études. On les a partis.
Actuellement, pour votre information ? et c'est important de le savoir, au Québec, actuellement, qu'est-ce qui se passe ? les projets en construction actuellement, au Québec, on a à peu près 2 000 MW. C'est 7 milliards d'investissement actuellement, 27 000 jobs, là, à part Hydro-Québec, à part tous les... 27 000 jobs. Et ce qu'on est en train de planifier pour les années à venir, c'est 4 400 MW en hydroélectricité qu'on parle, 18 milliards, 39 000 jobs aussi à venir. Donc, ça fait un total de 65 000 et plusieurs milliards. Et là-dessus on se rejoint, les deux, je pense, il n'y a pas de problème. Nous, on veut développer, notre gouvernement, on veut développer, et c'est ce qu'on fait. Et d'ailleurs la commission parlementaire, c'est pour confirmer tout ça, pour voir aussi les idées des autres, pour bonifier notre stratégie.
Quand vous avez parlé de 1996... Ça va faire 10 ans bientôt. Alors, vous savez, les choses changent aussi, là. En 1996, on ne parlait pas d'éoliennes comme vous en avez parlé dans votre discours aujourd'hui, dans votre mémoire, donc il y a des choses qui ont changé. Puis, nous, on veut écouter pour bonifier notre stratégie puis arriver avec une stratégie après qu'on est prêts à défendre partout.
Il y a un petit point que j'aimerais aussi corriger... en fait pas corriger mais amener une clarification. Effectivement, l'Association des manufacturiers et exportateurs, ils ont dit 0,69 $ par kilowatt, là. Il faut comprendre... Comme le maire de Baie-Comeau le dit, il dit: On peut torturer les chiffres, pour prendre son expression à lui. En fait, le 0,69 $ par kilowatt, il n'est pas comparable au 0,09 $ d'exportation, et je vais expliquer pourquoi. C'est deux chiffres complètement différents. Le 0,69 $, ça vient d'une chose simple, ils prennent le montant total de l'exportation au Québec, qui est de 57 milliards, ils le divisent par le nombre de kilowatts utilisés par l'industrie puis ils disent: Bon, bien, voici, ça donne 0,69 $. Mais, dans ce 0,69 $ là, il y a 0,04 $ qui vient du tarif L, parce qu'ils achètent l'électricité à 0,04 $, puis le reste, le 0,65 $, il vient évidemment des coûts de produits qu'on achète au Québec pour le faire.
Il est clair, on s'entend tous, que, exporter un produit avec une valeur ajoutée, on est tous d'accord avec ça parce que c'est là que les entreprises, les gens font plus d'argent, c'est clair. Et exporter l'électricité à 0,09 $, c'est une valeur ajoutée aussi, c'est un produit qu'on vend. En fait, le 0,09 $, là, c'est un produit, on le vend moins cher que 0,69 $ mais il n'est pas comparable. Mais où on se rejoint, nous deux, là-dessus, c'est que, nous, on dit ? puis, vous, vous dites la même chose: Il est clair... Et je prends le temps de clarifier très bien là-dessus. C'est qu'il est clair que, nous, on veut évidemment fournir toutes les entreprises du Québec en électricité pour développer le Québec en premier. Ça, c'est clair. Ça, c'est la première priorité, ce qu'on appelle, aujourd'hui, nous autres, sécurité énergétique. Et, vous l'avez bien dit tantôt, en 1995, vous le disiez vous-même, vous demandiez au gouvernement de développer, il n'a pas répondu à votre appel. Mais, nous, on veut développer aujourd'hui et, nous, pour nous, la sécurité énergétique, c'est répondre à la demande des Québécois, et après ça on prend le surplus.
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(11 heures)
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En vendant le surplus, en exportant le surplus, on ne nuit pas aux entreprises du Québec, au contraire. On va alléger aussi le fardeau fiscal des Québécois parce que, cet argent-là, on l'utilise pour faire d'autres projets. Donc, on s'entend là-dessus. On dit la même chose, sauf que ça vaut la peine juste de dire qu'on ne fait pas l'un au détriment de l'autre. Cette année, les gens disent: On a exporté... Hydro-Québec a exporté. Cette année, on a exporté juste 1 TWh. On n'en a pas exporté. Il y a des années qu'on en a exporté 15, et là c'est un, c'est presque l'équilibre.
Une voix: ...
M. Hamad: Pardon?
Une voix: 1,5.
M. Hamad: 1,5, oui, c'est ça, un point quelque chose.
L'autre point que je vais vous parler, c'est: bon, vous, vous dites, là: Tout le développement éolien, il faut qu'on le fasse par l'Hydro-Québec. Bon, je vais réfléchir tout haut avec vous. Vous le savez très bien et vous l'avez bien dit aussi, vous le savez, actuellement, nous, notre gouvernement, avec l'Hydro-Québec, on a dit à Hydro-Québec: Il faut investir au maximum dans votre capacité de financement, et capacité d'emprunt, et capacité d'investissement, et surtout aussi, quand on fait des chantiers au Québec, il faut qu'on fasse... à la capacité des gens du Québec de faire les travaux. C'est-à-dire, si Hydro-Québec investit, au lieu de 3,5 milliards, on s'en va à 5 ou 6 milliards par année, à un moment donné, vous le savez très bien, vous connaissez ça, votre monde est dans la construction, à un moment donné, à 6 milliards, la capacité du Québec, dans ce domaine-là, de livrer...
Tous les entrepreneurs, les travailleurs, les compagnies ne sont pas capables de livrer 6 milliards de travaux au Québec annuellement, un. Deux, évidemment aussi, en termes financiers, il faut regarder la structure, la capacité d'emprunt d'Hydro-Québec. Elle n'est pas capable, je ne pense pas, aujourd'hui, d'augmenter sa capacité d'investissement à 6 milliards, de 3,5 à 6, demain matin. Et on veut comme vous développer le Québec, on veut continuer à faire des projets parce qu'il y a des besoins énergétiques importants. Et, pour le faire, l'éolien, ça vient d'un investissement extérieur, évidemment, vous l'avez dit, mais quand même c'est des jobs locales, c'est du monde local qui vont travailler et ça n'influencera pas nécessairement... L'objectif principal, c'est investir dans l'hydroélectricité. Puis, avec les 4 milliards que je viens de parler tantôt, avec les 7 milliards d'investissement, avec le 18 milliards à venir, donc ça peut se faire en parallèle et au contraire ça va aider à développer l'économie du Québec.
Alors, là-dessus, qu'est-ce que vous en pensez de ce que je viens de dire en termes de capacité d'investissement? Je suis convaincu que vous serez contre, à un moment donné, qu'on fasse travailler des entreprises de l'extérieur en construction, au Québec, parce qu'on veut faire travailler nos entreprises puis on veut les maintenir sur le long terme, parce que ces entreprises-là puis les travailleurs... L'objectif principal pour un travailleur, c'est avoir une job à long terme. Ça veut dire pas travailler à un chantier comme on a connu dans les années passées. La dernière visite que j'ai faite à Eastmain, les gars me disaient, sur le chantier, me disaient qu'on a actuellement... La moyenne d'âge des gars sur le chantier, des filles, c'est 50 ans et plus, puis ils disent: Il y a un manque de main-d'oeuvre de construction, sur le terrain, entre 35 et quelque chose parce que, ces gens-là, on les a perdus. On a bâti une expertise dans les années quatre-vingt-dix. On a arrêté les gros chantiers, on a arrêté les chantiers de la Baie James, on a arrêté d'autres chantiers et on les a perdus, ces gens-là, les contremaîtres, les travailleurs, les soudeurs, les gens... Évidemment, il faut maintenir une job à long terme. Je vous laisse la parole, M. Massé.
Le Président (M. Bachand): M. Massé.
M. Massé (Henri): Bien, écoutez, je trouve votre explication fort habile, mais c'est loin de nous satisfaire. Sur la question de l'exportation, puis tout ça, là, vous dites à peu près la même chose que nous autres. Pas de problème. Nous autres, on ne fait pas de fixation encore une fois contre l'exportation. Une fois qu'on a vu au développement de notre économie puis qu'il y a des surplus, bien exportons-les, surtout qu'on peut le faire dans les périodes de pointe puis faire de l'argent avec. On n'a pas de problème là-dessus. On vous en reparlera tantôt.
Maintenant, sur la question de l'éolienne, quand on dit: Ça doit relever d'Hydro-Québec... D'abord, vous avez fini avec la main-d'oeuvre, là. En termes de main-d'oeuvre, installer des éoliennes, là... C'est dans les entreprises qu'il y a le plus d'emplois pour les monter. Les installer sur les chantiers, là, ça ne prend quasiment pas de main-d'oeuvre. Ce n'est pas ça qui viendrait créer un problème de surenchère dans la main-d'oeuvre. Il n'y a pas beaucoup d'emplois dans le montage des turbines sur les chantiers.
En termes de coûts, encore une fois, ce n'est pas des milliards. Vous avez passé de 3,5 milliards d'investissement dans l'hydroélectricité... Si on met les éoliennes, on va monter à 7 milliards? On n'est pas dans des montants aussi importants, aussi impressionnants. Mais encore une fois ce qu'on veut vous dire: si c'est vrai ? moi, j'ai encore des doutes un peu, mais je pense que la technologie va s'améliorer, puis elle devra s'améliorer ? si c'est vrai qu'on a le plus fort potentiel au monde dans l'hydroélectricité, bien faisons ce qu'on a fait avec l'hydroélectricité, puis développons notre expertise, puis développons quelque chose ici qui se tienne au lieu d'acheter de la technologie étrangère qu'on va monter pendant la durée du projet pour continuellement vendre de la technologie étrangère.
Et là il n'y a pas grand monde au Québec, parce que c'est plus un projet en même temps d'investissement, mais de recherche et développement, il n'y a pas grand monde au Québec... je pense qu'il n'y a pas grand monde, je pense qu'il n'y en a pas au Québec qui sont capables de faire ça, à part Hydro-Québec. Ça fait que, si on veut laisser Hydro-Québec en dehors de ça, on va faire fausse route. Puis, si c'est vrai que tantôt on est capable de monter à 10 MW, puis 15 MW, puis 30 MW, bien on aura vraiment bradé ce qu'on n'aurait pas dû brader puis on aurait dû donner le rôle principal à Hydro-Québec.
Puis encore une fois... pas contre l'entreprise privée. Nous, l'entreprise privée, là-dedans, on est d'accord qu'elle vienne faire des profits. Si on développe de la technologie encore une fois au lieu de l'exporter, on peut développer passablement d'affaires intéressantes au Québec où le monde là-dedans vont faire plus d'argent probablement que venir vendre leur électricité avec un rendement de 5 %, comme c'est le cas à l'heure actuelle. C'est juste ça qu'on dit, juste ça.
Le Président (M. Bachand): M. le ministre.
M. Hamad: En fait, on s'entend pas mal, là. 95 %. C'est juste l'affaire de... Mais je reviens là-dessus pour clarifier davantage. 1 000 MW d'éolienne, là, c'est 1,7 milliard. 2 000 MW, c'est 3,4 milliards. C'est de l'argent, là. C'est le double. On doublerait la capacité d'Hydro-Québec d'investir actuellement, un. Deux, évidemment, gérer le risque, parce que vous savez que c'est un risque additionnel qu'on ajoute dans l'expertise, surtout qu'on est encore au début, là, du phénomène... On n'est pas... L'expérience... Alors ça, c'est le deuxième. Donc, gérer le risque, il y a un prix là-dessus. Et, mettre la société d'État dans une situation de risque, on sait très bien que les gens d'Hydro-Québec, c'est des gens qui gèrent très bien les risques. Ils ont un bon record à date. Donc ça, c'est le deuxième élément. Pour le moment, là, tu sais, je pense tout haut, il n'y a pas de décision de prise, mais on le dit tout haut pour le moment.
L'expertise dans l'éolienne, en fait, lorsqu'on parle d'expertise dans l'éolienne, actuellement, au Québec, on a des gens qui connaissent ça en termes de capacité, d'étude sur le vent, où on l'installe, comment on le fait. Il y a une capacité au Québec, les entreprises québécoises sont capables de bâtir la structure. Où elle est vraiment, l'expertise fine, fine, là, sous la forme de turbines puis comment... quelle forme on fait, bien c'est à peu près la même chose dans les turbines d'Hydro-Québec, actuellement, parce que, l'expertise fine, fine dans la forme d'une turbine hydraulique, là, il y en a au Québec, mais il y en a ailleurs aussi. C'est à peu près similaire. C'est tout des turbines qui tournent avec l'hydrodynamique. Donc, l'idée là-dedans, pour le moment en tout cas, c'est de partager le risque. Tu as une capacité d'investissement. Tu ne peux pas aller plus loin, à un moment donné, là, il y a des risques pour ton endettement. Puis tu dis: Je le fais en montant une expertise, en ayant l'expérience, puis on verra plus tard comment ça se passe. Parce que notre priorité est comme la vôtre, c'est l'hydroélectricité. Mais, l'hydroélectricité, je viens de vous dire les chiffres, c'est des milliards d'investissement qu'il faut faire, puis il faut le faire par Hydro-Québec parce que le champion au Québec, c'est Hydro-Québec dans l'hydroélectricité, les gros barrages.
M. Massé (Henri): Je vais demander à Charles Paradis de compléter la rencontre, mais, nous, notre priorité, ce n'est pas juste l'hydroélectricité, là, notre priorité, c'est de conserver le patrimoine, la société d'État comme patrimoine collectif, et ça, là, c'est important pour nous. Je pense que, si on est là, aujourd'hui, c'est parce que ça a été un outil collectif au Québec.
M. Paradis (Charles): En fait...
Le Président (M. Bachand): Oui, M. Paradis.
M. Paradis (Charles): Oui. Bonjour. Bonjour, M. le Président. Écoutez, gérer le risque, ça, Hydro-Québec est habituée. Quand on a développé 735 000 V au niveau du transport, on a géré le risque puis on a réussi. Je pense que, dans l'éolien, Hydro-Québec est capable de gérer ce risque-là et de réussir aussi. Ça, c'est la première des affaires, on va partir sur l'histoire.
L'autre élément, l'avantage que ce soit Hydro-Québec qui développe l'expertise, c'est que ça va pouvoir s'intégrer, se coupler à la gestion des barrages hydroélectriques, à toutes les autres formes d'énergie, et là ça va amener une économie et ça va baisser le coût de l'éolien au niveau de l'intégration des ressources. Donc, quand on parle d'un projet qui coûte 1,7 milliard pour 1 000 MW, probablement que, couplé aux barrages, couplé aux autres productions, on va baisser les coûts. Donc, ce ne sera pas aussi dispendieux pour Hydro-Québec de développer l'éolien qu'une compagnie privée.
L'autre élément, comme on a dit, au niveau de l'équité, les compagnies privées qui produisent l'éolien se contentent d'un rendement de 5 % au niveau de la vente, elles incluent ça dans les tarifs, alors qu'on impose à Hydro-Québec, comme actionnaire, un rendement de 10 %. Nous, ce qu'on dit: si le gouvernement, comme actionnaire, oubliait le 10 % de rendement sur la production éolienne, ça pourrait permettre à Hydro-Québec d'investir, dans le cadre de la recherche et développement, au niveau de l'éolien avec ce montant d'argent là, ce qui baisserait les coûts et ce qui baisserait le niveau de capitalisation nécessaire, et ça, c'est dans l'objectif que les générations futures puissent avoir une énergie publique à moindres coûts, sur le même principe qu'on a développé l'hydroélectricité dans les années soixante-cinq, quand on a créé Hydro-Québec.
Le Président (M. Bachand): D'autres intervenants? En additionnelle, M. le ministre.
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(11 h 10)
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M. Hamad: Il est clair pour notre gouvernement qu'Hydro-Québec est un patrimoine de tous les Québécois et c'est clair qu'on va conserver Hydro-Québec. Ça, je veux dire, c'est un fleuron québécois.
Je reviens aux minicentrales. Je comprends que vous êtes une grosse centrale, vous n'aimez pas ça, les petites centrales.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Hamad: Donc, je vais vous dire une chose, c'est qu'on a eu ici le maire de Notre-Dame-de-Montauban, et il y avait la MRC, et cette municipalité-là est une petite municipalité malheureusement très pauvre, et leur budget annuel était de 900 000 $ par année. Les autres, ils sont des promoteurs d'un projet d'une petite centrale dans leur coin, dans la Mauricie. Et le maire me disait que pour lui ce projet-là... Il veut être promoteur, là. C'est lui, le promoteur, là. Ce n'est pas avec évidemment d'autre monde. Mais il dit que ce projet-là, s'il le fait, il amènerait 250 000 $ de revenus additionnels pour sa municipalité. Alors, 250 000 $ sur 900 000 $, on se comprend bien que c'est intéressant pour une petite municipalité qui n'a pas de source de revenus. Non, mais il y en a qui disent: Bien, là, le gouvernement, donnez de l'argent puis comblez ça. À un moment donné, il y a des limites, là, à donner, il y a une capacité de payer puis on ne commence pas, demain matin, à en donner comme ça à gauche et à droite, avec la situation financière puis lorsqu'on veut investir dans la santé et l'éducation. Alors, là, comment vous répondez à ces gens-là?
Un autre maire d'une municipalité, Magpie, le maire, il dit: Là-bas, il dit, moi, là, je suis en haut, puis les gens quittent mon village, puis j'ai un village à continuer à entretenir, mais j'ai moins de monde à payer des taxes puis on ne paiera pas une grosse taxe là-bas, on est loin. Les gens, ils n'ont pas le moyen de payer non plus. Donc, un projet de Magpie autour de mon village permet d'avoir un peu de revenus pour maintenir... Et finalement, un jour, son souhait... Évidemment, ce n'est pas avec ce projet-là qu'il va garder les jeunes, mais au moins maintenir son village. C'est la même chose que le maire de Notre-Dame-de-Montauban.
Évidemment, vous avez souligné un point intéressant et fort, c'est que vous avez dit: On fait des chicanes entre les gens, là, tu sais. Bien, actuellement, partout où il y a des projets, les gens s'expriment, puis souvent il y a des contre, des pour. Vous avez ça chez vous, on a ça partout, on a l'opposition. Il y a des gens qui sont contre et pour. Mais évidemment ce qui est important, c'est d'arriver à un objectif de développer lorsqu'il y a un consensus, évidemment. C'est-à-dire que, lorsqu'un projet est acceptable localement, qu'il est bon pour l'environnement puis qu'économiquement il est bon, ça veut dire que ça peut être bon pour tout le monde. Comment vous répondez au maire de Notre-Dame-de-Montauban?
Le Président (M. Bachand): M. Massé.
M. Massé (Henri): En tout cas, commençons par Magpie, j'ai des amis là. Il y a une méchante chicane dans la communauté, là. Ce n'est pas réglé, ça, Magpie, là.
M. Hamad: Non.
M. Massé (Henri): Il y en a qui font de l'opposition. Nous, on pense que ce qui est dangereux là-dedans... Moi, je pense qu'il devrait y avoir des politiques gouvernementales pour aider. Ce n'est pas venir subventionner à travers le réseau hydroélectrique. Ça, ça nous fait peur. Au Québec, à l'heure actuelle, il y a un discours à la FTQ qu'on trouve passablement épeurant, puis on en discute avec notre propre monde, là, dans chacune des régions du Québec. Tu sais, c'est rendu qu'il faudrait tout, nos redevances, les garder dans les régions, ce qui est hydroélectrique, le garder dans les régions, et puis là il y a des pressions un peu partout au Québec, là. Moi, je trouve ça passablement épeurant et je pense que ce n'est pas de même qu'on développe. Si on veut développer des politiques régionales puis même de développement local, ça prend quand même une ossature nationale importante puis intéressante. Ce n'est pas quand tout le monde veut essayer de démolir ça. Puis j'en suis un, régionaliste, je viens de l'Abitibi. Mais en même temps je voudrais rappeler que, quand Hydro-Québec a été créée, c'est la population du Grand Montréal puis des grosses régions qui a payé pour l'électrification rurale puis l'amélioration.
Moi, je viens de l'Abitibi. Je ne me rappelle pas comment qu'ils appelaient ça, là, mais ça sautait à tout bout de champ, puis ils ont tout reconstruit le réseau, hein? Bon. C'est après la période... c'est après la nationalisation. Même au niveau des travailleurs de Montréal et Québec, ils gagnaient plus que les travailleurs en région. Ils ont été obligés de réduire leurs conditions de travail pour permettre au monde des régions de venir les égaler. Ça fait que c'était un projet national. Aujourd'hui, on dirait, là, qu'on est en train d'oublier ça, puis le régionalisme là-dessus revient en force. Il faut garder une Hydro-Québec qui est forte puis qui n'est pas séparée dans toutes les régions du Québec. Ça nous préoccupe, ça.
M. Perreault (Richard): Oui, M. le Président, M. le ministre...
Le Président (M. Bachand): Oui. Allez-y, M. Perreault.
M. Perreault (Richard): Au niveau des petites centrales, là, c'est un débat depuis longtemps, au Québec. On a déjà fait des manifestations avec les artistes et tout. Je pense qu'il faudrait se poser... de base: Le Québec a-t-il besoin de harnacher des rivières pour développer un sept, un 10, un 8 MW, peut-être l'ensemble des choses, là? On a-tu besoin de ça, en partant? Si oui, pourquoi le Québec, pourquoi Hydro-Québec ne pourrait pas mettre la main à la pâte? Et, en partenariat avec ces MRC là, ces petites municipalités là, vous avez annoncé, la semaine passée, 350 millions de redevances pour 16 000 personnes dans le bout de la Baie-James, là, à cause d'un développement d'Eastmain-Rupert. Moi, je verrais très bien, si Hydro-Québec a besoin de ce petit huit ou ce petit 10 MW là, de le faire, d'être maître d'oeuvre de ça et d'avoir un partenariat avec les municipalités pour leur donner les mêmes redevances qu'avec le privé.
La semaine passée, il y a une association qui est venue ici, puis, vous-même, vous lui avez demandé, pour un développement de 30 MW, ce seraient quoi, les retombées pour la MRC avec un apport financier d'à peu près 30 %. Ils vous ont répondu: C'est à peu près 38 millions de dollars de bénéfices sur 25 ans. Donc, le 70 % restant, qui viendrait du privé, on fait un peu la moyenne, il récupérerait environ un profit de 100 millions de dollars sur 25 ans. Nous autres, on dit: Si le peuple du Québec a besoin de cette énergie, bon, bien, les redevances et les profits de ça doivent revenir à la collectivité du Québec, comme on connaît depuis le début, ce qui fait la grandeur d'Hydro-Québec. Donc, les petits projets, les petits barrages, on n'a pas bien, bien besoin de ça ici.
Le Président (M. Bachand): Merci, M. Perreault. Très, très rapidement, M. le ministre.
M. Hamad: Oui. Je comprends ce que vous dites. Finalement, on dit: Enlevons le privé de là, Hydro-Québec le fait, puis, pour le bénéfice des Québécois, on le fait de même puis...
Mais je voudrais juste, en terminant, dire à M. Massé: Nous, Hydro-Québec, pour nous c'est important, puis le développement du Québec, c'est important. Puis, lorsqu'on parle des développements à venir, de 18 milliards, pour Hydro-Québec, c'est Hydro-Québec qui va le faire. Actuellement, 4 milliards, ça fait 22 milliards sur un échelon de 10, 15 ans. Je veux dire, ça démontre très bien la volonté du gouvernement de continuer à s'appuyer sur Hydro-Québec pour le développement du Québec.
Le Président (M. Bachand): Merci, M. le ministre. Donc, au tour de l'opposition, 20 minutes, Mme la porte-parole de l'opposition officielle en matière d'énergie. Mme la députée de Rosemont.
Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. Alors, messieurs, bienvenue. Je suis tentée de vous poser la question: Qu'est-ce qui est arrivé avec madame? Mais on en discutera après, je ne veux pas prendre du temps de la commission pour ça. Mais, cela dit, c'est une blague.
Je comprends donc que votre réflexion a très peu changé depuis vos premières réflexions sur la politique de 1996. C'est-à-dire qu'en 1996... La politique énergétique du Québec, elle est encore d'actualité, et vous avez ajouté quelques mises à jour. Je comprends aussi que vous... Je le crois, en tout cas. J'ai compris que vous étiez favorables à modifier la loi n° 116, puisque, dans la politique de 1996, on avait une loi qui nous permettait de bien connaître les coûts de production d'Hydro-Québec, ce qui n'est pas le cas avec la loi n° 116. Est-ce que j'interprète bien votre mémoire?
Le Président (M. Bachand): M. Massé.
M. Massé (Henri): Oui.
Mme Dionne-Marsolais: Oui? Bon. Vous dites maintenant: Il faut qu'on s'entende sur où est-ce qu'on veut aller. Il y a une chose qui... et vous l'avez dit tout à l'heure. Ce qui me frappe, et c'est ça que vous semblez dire: on n'est pas une société en discontinuité, au Québec, on est en continu, on a une vision. Quand on a créé Hydro-Québec, quand on a nationalisé les entreprises et acheté les autres... Mais en fait est-ce que c'est juste de dire... La mission d'Hydro, qui est toujours d'ailleurs de fournir de l'électricité, on lui a ajouté un certain nombre d'éléments qui modifient l'essence même et qui modifient sa contribution aux coffres de l'État mais qui ne devraient pas modifier sa mission, qui est de fournir de l'électricité aux Québécois et qui devrait toujours être aux plus bas coûts parce qu'effectivement c'est l'essence de la mise sur pied d'Hydro-Québec.
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(11 h 20)
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Mais ce qu'on doit revoir, c'est le lien peut-être entre, si je vous comprends bien, la société d'État et son impact régionalement, puisqu'on sent qu'au niveau régional on voudrait avoir plus de contrôle sur nos ressources. Et, si j'ai bien compris, même s'il y a une préoccupation au niveau de ces exigences régionales, cette préoccupation-là, elle repose sur une raison, c'est parce qu'on a l'impression... J'imagine que les gens des régions ont l'impression qu'ils perdent un petit peu, pas leur force d'attraction... oui, leur force d'attraction, finalement, comme si on avait tendance, aujourd'hui, à penser que l'électricité n'était plus un avantage comparé. Est-ce que je me trompe?
Le Président (M. Bachand): M. Massé.
M. Massé (Henri): Bien, ça mérite des nuances. D'ailleurs, quand j'ai répondu oui tantôt sur la première question, j'ai demandé à Charles Paradis tantôt de compléter sur la question de la réglementation des coûts de production. Nous, on n'est pas d'accord, là, sur la question de la réglementation des coûts de production. Je vais demander à Charles de revenir là-dessus.
Sur la mission d'Hydro-Québec, qui est toujours de produire de l'électricité puis aux meilleurs coûts aux Québécois, ça n'a pas changé. Bon, il y a l'éolien qui... Aujourd'hui, on voit qu'il y a un peu plus d'ouverture à partir de la technologie, et tout ça, des nouvelles études qui ont été menées. Sur la question des coûts aux Québécois, bien il faut prendre en compte aussi ce qui se passe un peu dans le monde. La plupart des études, aujourd'hui, démontrent que bon c'est toujours une boule de cristal, mais, à cause de l'entrée de la Chine, des pays du tiers-monde au niveau du mode de production industrielle de l'Europe ou de l'Amérique du Nord, l'énergie va être en surdemande. On peut penser à une augmentation du prix du pétrole qui peut monter jusqu'à 100 $ le baril dans les 10, 12, 15 prochaines années. C'est clair que ça va dégager encore plus de marge de manoeuvre pour Hydro-Québec, parce qu'on ne veut pas brader non plus notre électricité. Et, si le prix du pétrole augmentait du double, on est convaincus qu'au niveau de l'électricité il va falloir faire quelque chose.
Mais où on veut être bien clairs ? c'est par la négative qu'on devrait d'abord répondre ? où on veut être bien clairs... Ce qu'on ne veut pas... On sait ce qu'on ne veut pas. On ne veut pas, là... Il y a un discours, à l'heure actuelle, au Québec, puis il y en a plusieurs qui reprennent ça, qui viennent dire: Il faudrait tripler les coûts de l'énergie pour en économiser davantage. Ça, là, c'est ne pas tenir compte du monde ordinaire. Il n'y a pas personne qui va être capable d'économiser trois fois l'énergie parce qu'on triple les coûts. Et on se rend compte que souvent ce monde-là qui tiennent ce discours-là... Puis j'en ai vu une, là, l'Association des producteurs...
Une voix: De l'industrie électrique.
M. Massé (Henri): ...de l'industrie électrique. Ils sont passés, la semaine passée, pour demander de tripler les coûts avec des environnements environnementalistes. Aïe! j'ai déjà travaillé, à la FTQ, avec ce monde-là, moi, en coalition. Je n'en ai jamais entendu un seul me parler de l'environnement, là. On se cache en arrière de l'environnement pour venir faire augmenter les tarifs d'hydroélectricité pour être capable après ça de venir se ploguer avec des projets de «cogen» puis des projets d'éolienne puis venir faire de l'argent sur l'électricité au Québec. C'est ça qu'on vise, et ça, là, on n'en veut pas, ça, c'est clair.
Une fois ça dit, une fois ça dit, il va falloir qu'ils augmentent, les tarifs, pour être capable de mieux réinvestir encore dans notre technologie, à Hydro. Il faut être à la fine pointe. On a vu, là, quand l'Hydro s'était laissée aller là-dessus, les pannes que ça a créé au Québec. On n'en veut plus. Il faut être capable de réinvestir au Québec dans des projets majeurs. C'est très bon pour l'économie. Là, l'Hydro y va à 3,5 milliards par année au lieu de 1,5 milliard les dernières années. On voit ce que ça fait dans l'économie au Québec puis dans nos régions. Puis là, s'il en reste, là, parce que le prix encore une fois de l'huile monte puis il double, puis on a de la marge de manoeuvre, puis on est capable de mettre un peu plus d'argent puis d'avoir un peu plus d'argent dans l'éducation puis la santé, ce n'est pas nous autres qui va chialer là-dessus. Mais on ne veut pas partir de faux arguments pour arriver là.
Et, si jamais les prix avaient à monter parce que le pétrole monte d'une façon fantastique puis le gaz pareil, c'est sûr qu'on ne pourra pas rester à la même place, mais il va toujours falloir avoir comme premier objectif le développement économique du Québec, des bons tarifs d'hydroélectricité. Puis, si ça monte un peu plus qu'on pensait, bien, à ce moment-là, il faudrait qu'il y ait une politique pour les plus démunis dans la société, puis ça, ce n'est pas à Hydro, c'est au gouvernement de s'en occuper. J'ai déjà eu la chance de le dire au ministre. Et là ça prend une véritable politique où on vient aider ceux qui sont frappés par cette augmentation-là. Ça fait que c'est de même qu'on voit ça, à la FTQ. Ce n'est pas plus compliqué que ça.
Le Président (M. Bachand): Mme la députée de Rosemont.
Mme Dionne-Marsolais: Je suis contente que vous fassiez cette précision-là parce que, dans votre mémoire, à la page 13, on aurait pu avoir l'impression que vous étiez favorables aux augmentations de tarifs, et la nuance que vous avez apportée est importante. Parce que c'est une chose que d'augmenter les tarifs avec un certain nombre de conditions et de raisons puis c'est une autre chose que de dire: Il faut augmenter les tarifs parce qu'il faut qu'on soit au même niveau que tout le monde. Moi, je vous rejoins et je vous comprends là-dessus.
Sur la recherche et le développement, le syndicat des chercheurs de l'Hydro, je crois, ils sont venus nous dire qu'en matière d'éolien, par exemple, depuis 1986, on a mis fin à l'équipe de recherche dans ce domaine-là. Est-ce que la recherche et le développement à votre avis en électricité, faire un plan... Parce que vous dites qu'il faut qu'on regarde où est-ce qu'on veut aller. Bien, il y a deux choses qui peuvent nous aider à aller plus loin et aller plus loin mieux, ce sont des activités de recherche et de développement. Est-ce que la recherche et le développement, dans le champ d'action de l'électricité, devraient toujours être assujettis à Hydro-Québec, ou est-ce qu'il n'y aurait pas un intérêt à ce que ce soit un institut de recherche comme l'IREQ, mais, je dirais, national, financé à même ? bien identifié, là ? à même les revenus de la société d'État mais autonome, avec des équipes de recherche qui représentent l'élite du Québec pour qu'on puisse vraiment faire des percées dans des champs d'action ou d'application, que ce soit de la production ou que ce soit de l'utilisation d'électricité?
Je vous pose la question parce que, depuis 15 ans, les efforts de recherche d'Hydro-Québec, ils sont strictement sur papier. Ils sont financiers. On y ajoute maintenant l'amortissement, ce qui fait qu'on a l'impression qu'il se dépense beaucoup d'argent, mais dans les faits, quand on regarde ce qui se fait ? puis c'est un peu ce que le syndicat est venu nous dire ? les efforts de recherche sont très, très faibles, proportionnellement aux capacités de l'entreprise et aux besoins, je dirais.
Le Président (M. Bachand): M. Massé.
M. Massé (Henri): Nous, c'est clair, on pense que ça devrait rester à l'intérieur du giron d'Hydro-Québec. Et l'IREQ, là, c'est un fleuron... C'était un fleuron. Tu sais, il y avait des belles études sur la fission nucléaire. C'est toute une avancée, ça, si...
Mme Dionne-Marsolais: Sur la fusion, monsieur, pas la fission.
M. Massé (Henri): Fusion? Moi, j'appelle ça la fission, en tout cas.
Mme Dionne-Marsolais: La fission, c'est la production d'électricité par...
M. Massé (Henri): La fusion?
Mme Dionne-Marsolais: C'est la fusion, oui. Le tokamak, c'est la fusion.
M. Massé (Henri): O.K. Merci. Je ne serai pas venu ici pour rien ce matin.
Mme Dionne-Marsolais: C'est correct, ce n'est pas grave, là, tout le monde fait l'erreur. Ce n'est pas grave.
M. Massé (Henri): Il y avait des études assez avancées sur toute la question de la supraconductivité. Supra ou super? Supra?
M. Paradis (Charles): Supraconductivité.
M. Massé (Henri): Bon, on n'en fait quasiment plus, et c'est clair là-dedans qu'Hydro-Québec a coupé à tour de bras, puis il faudrait revenir où on était. L'éolien, c'est la même chose. Je demanderais à Charles de compléter.
Le Président (M. Bachand): M. Paradis.
M. Paradis (Charles): En fait, on est dans la même ligne de pensée depuis le début. À partir du moment où on demande d'avoir une gestion intégrée des ressources, je pense que c'est à l'IREQ, sous le couvert d'Hydro-Québec, d'avoir un institut de recherche qui va pouvoir développer des nouvelles technologies en fonction de l'avenir énergétique et d'être à la fine pointe et développer la fine pointe, à même titre que c'est l'Institut de recherche qui a développé le transport à 735 000 V, qui devient une technologie exportable et qui permet à Hydro-Québec d'être sur le marché international, entre autres au Chili, parce qu'on est reconnus comme des experts mondiaux au niveau du transport. Donc, pour nous, il est clair que la compagnie qui a la responsabilité de la gestion intégrée des ressources pour l'approvisionnement sécuritaire de la population du Québec, aujourd'hui et dans l'avenir, doit être maître d'oeuvre dans sa propre recherche parce que c'est elle qui va être en mesure de déterminer quels éléments de recherche et quelles nouvelles technologies seront profitables pour l'avenir du Québec, et ça, je pense que c'est primordial. C'est ce qui a fait le succès d'Hydro-Québec et c'est ce qui a fait le succès, je dirais, de l'industrie énergétique au Québec depuis 1965.
M. Massé (Henri): C'est une de nos plus grandes déceptions vis-à-vis l'administration d'Hydro-Québec, très grande déception.
Mme Dionne-Marsolais: Je la partage. Je conclus là-dessus. La planification intégrée des ressources, elle relève d'une entité de réglementation plus que d'une seule société. Et je termine en disant: Le ministre a parlé de développement économique tout à l'heure. J'aimerais ça qu'il passe de la parole aux actes et, si on parle de valeur ajoutée, qu'il s'assoie à nouveau avec Alcoa pour reprendre les discussions pour que ce projet-là se fasse. Ça ne s'adresse pas à vous. Je passe la parole à mes collègues.
Le Président (M. Bachand): Merci, Mme la députée.
M. Massé (Henri): Mais, si le ministre voulait le faire, on va le saluer sur la place publique. On ne fait pas ça souvent, mais on va le faire.
Le Président (M. Bachand): Merci, M. Massé.
Une voix: ...
Le Président (M. Bachand): Nous sommes dans l'attente de l'ensemble de ces gestes-là. Mme la députée de Matapédia.
Mme Doyer: Merci, M. le Président. Alors, moi, je voudrais revenir sur l'éolien parce que, dans ma région, vous savez, M. le Président, que c'est important, et je veux vous ramener à la page 9 de votre mémoire où vous faites mention d'une étude du GRAME qui avance qu'en produisant lui-même de l'énergie éolienne Hydro-Québec aurait pu réduire les coûts ? 0,081 $ du kilowattheure ? en raison des taux d'intérêt, et toute la suite que vous connaissez de votre mémoire. Et M. Raymond Gilbert est venu ici nous présenter un mémoire extrêmement intéressant qui avait exactement la même idée que vous avez, puis, moi, je trouve que c'est une bonne idée. Et, si on s'était dit, au début des années soixante: On n'est pas capables, laissons encore ça à la Compagnie de pouvoir du Saint-Laurent, à la famille Brillant, etc., partout au Québec, on n'aurait pas eu l'électrification rurale puis on n'aurait pas développé toute l'expertise qu'on a développée et qu'on exporte actuellement partout dans le monde, dans certains endroits, au niveau de l'hydroélectricité. Alors, moi, je voudrais...
Comment vous la verriez, cette société-là, un peu à l'image de la Société de la Baie-James, qui pourrait servir à l'ensemble des Québécois?
M. Massé (Henri): Nous autres, on voit tout simplement une division d'Hydro-Québec.
Mme Doyer: Une filiale?
M. Massé (Henri): Il y a des divisions à l'Hydro-Québec, à l'heure actuelle.
Mme Doyer: Oui.
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(11 h 30)
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M. Massé (Henri): Bon, il y en a une qui va s'occuper de l'éolien. Puis, je veux le répéter encore une fois, là, on n'est pas anti-entreprise privée là-dedans. On pense que, si l'Hydro prenait le leadership, si l'Hydro remettait de l'argent dans la recherche et le développement puis voyait la filière éolienne comme ça, on va développer quelque chose de fantastique pour nos entreprises au Québec, dans l'éolienne, qui va aller beaucoup plus loin que ce qu'on est en train de faire à l'heure actuelle. C'est là-dessus qu'on... Puis, dans ce sens-là, nous autres, là, on serait même prêts, avec le Fonds de Solidarité, à aider. Si c'est pour brader l'Hydro-Québec, non. Mais, si c'est pour développer quelque chose de sérieux où c'est l'Hydro qui est le maître d'oeuvre, on serait capables de travailler avec les entreprises privées au Québec là-dessus.
Mme Doyer: C'est parce qu'il y a quelque chose de bizarroïde, parce que le réseau de transport qu'on a à nous, c'est-à-dire réseau... Hydro-Québec Distribution, dans le fond, on passe notre route de transport d'électricité, puis ça vient à être complémentaire à l'hydroélectricité, puis ça ne nous appartiendrait pas. C'est quelque chose d'autre qui ferait des profits. Moi, je n'admets pas ça. Alors, je pense qu'il y a quelque chose, là, à regarder pour l'ensemble des Québécois. Puis je passe la...
Le Président (M. Bachand): Merci, Mme la députée de Matapédia. M. le député de René-Lévesque.
M. Dufour: Merci, M. le Président. Alors, M. Massé et vos représentants, merci pour votre mémoire. Dans la poursuite de ce que ma collègue disait, je pense que l'IREQ avait développé l'éolien, là, au niveau de la recherche, à la fin des années quatre-vingt. Je pense que le monsieur qui est venu présenter son mémoire, il nous en avait parlé.
Dans vos commentaires, vous parlez de brader. Alors, nous, comme parlementaires, ici, je vais vous dire que c'est presque du macramé, parce qu'on reçoit beaucoup de mémoires qui sont complètement à l'opposé. Et, moi, je veux revenir sur un élément qui est extrêmement important, les minicentrales. Effectivement, il y en a qui viennent, ils sont pour, il y en a d'autres qui viennent, ils sont contre, il y en a qui veulent être partenaires. Je pense à la communauté innue de Betsiamites où est-ce qu'ils veulent être partenaires dans des développements hydroélectriques. J'ai bien pris soin de noter que pour vous il faut qu'Hydro-Québec soit l'axe central au niveau du développement hydroélectrique, puis vous avez parlé même de l'éolien.
Alors, vous disiez, tout à l'heure, 7, 8 MW, 10 MW. Alors, est-ce que vous êtes, vous autres, pour effectivement quand ça fait consensus au niveau local, régional? Est-ce que vous êtes pour les minicentrales, mais toujours en faisant en sorte qu'Hydro-Québec soit le maître d'oeuvre? Et vous aviez rajouté, monsieur, vous, une possibilité de partenariat. Alors, j'aimerais que vous élaboriez davantage là-dessus parce que c'est un sujet qui est extrêmement parlé ici, à cette commission.
Le Président (M. Bachand): M. Massé, avant même, pour le bénéfice de nos auditeurs et des parlementaires, quand vous parlez de brader, vous parler de troc, d'échange? C'est bien la signification du terme?
M. Massé (Henri): Troc, mais... Troc, mais ils vont se faire fourrer.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Massé (Henri): C'est-u plus clair?
Le Président (M. Bachand): Je ne sais pas si c'est plus clair, mais je sais que c'est plus imagé, en tout cas. Allez-y, M. Massé.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Perreault (Richard): O.K. M. le Président, au niveau des petites centrales, là, nous autres, la prémisse de base, là: Est-ce qu'on a besoin de développer une rivière avec un potentiel, exemple, de 10 MW? Le peuple du Québec a-t-il besoin de ça? Si oui, nous autres on dit: Hydro-Québec, comme maître d'oeuvre de tout ouvrage hydroélectrique, devrait s'emparer de cet ouvrage-là et le développer. Comme dans tous les ouvrages qu'Hydro-Québec fait, quand je parle de partenariat, il doit développer des redevances au niveau des trois critères, comme vous dites, l'environnement, la collectivité qui l'accepte, et tout ça. Et, comme il se fait présentement, quand Hydro-Québec fait des grands projets, il y a des redevances aux communautés locales, et ça devrait continuer comme ça, et les communautés vont continuer... C'est les petites rivières qui se développent. Les communautés pourraient continuer quand même à recevoir les dividendes.
Et, juste pour vous dire, tantôt mon confrère Massé parlait... Vous connaissez la centrale Rivière-des-Prairies, à Montréal, qui traverse la rivière d'un bout à l'autre, là. Savez-vous que ce n'est pas 100 MW, cette centrale-là, c'est 48 MW? Alors, vous pouvez imaginer une centrale au fil de l'eau de 48 MW de cette grosseur-là. Ça fait que, quand M. le ministre demande à tous ceux qui salivent à développer ce genre de centrales là de monter à 100, alors, là, on voit l'ampleur des centrales qui pourraient exister un peu partout au Québec, sur nos petites rivières. Non, je pense que le Québec... Moi, je crois que le Québec n'a pas besoin, avec tous les projets qui s'en viennent, n'a pas besoin de développer ce genre de petites centrales. Mais, si jamais Hydro-Québec dit: Oui, j'en ai besoin, bien ça devrait être elle, le maître d'oeuvre dans ça.
M. Dufour: Parfait.
Le Président (M. Bachand): M. le député.
M. Dufour: C'est beau.
Le Président (M. Bachand): Mme la députée de Rosemont.
Mme Dionne-Marsolais: Vous parlez aussi d'efficacité énergétique et vous semblez... D'abord, les recommandations sur le Code du bâtiment, on espère que ce sera fait, puisqu'il y a déjà des travaux qui ont été engagés depuis déjà trois ans là-dessus. L'idée du financement bancaire dont vous avez parlé, c'est intéressant, ça. Je pense qu'il y a peut-être des initiatives qui pourraient être prises. En fait, ce que vous nous dites, c'est d'être un peu plus imaginatif, là, dans les programmes. Pour ce qui est de l'Agence d'efficacité énergétique, est-ce que vous pensez que son mandat est suffisant, à l'heure actuelle?
M. Massé (Henri): L'agence de quoi?
Mme Dionne-Marsolais: L'Agence de l'efficacité énergétique.
M. Massé (Henri): Je vais demander à Claude Arseneault... Moi, je ne connais pas ça.
Le Président (M. Bachand): M. Arseneault.
M. Arseneault (Claude): Bonjour. Merci, M. le Président. Oui, son mandat est probablement suffisant, quoique des fois, de notre côté, on pense que toute cette question d'efficacité énergétique devrait revenir aussi sous Hydro-Québec.
Mme Dionne-Marsolais: Ah oui?
M. Arseneault (Claude): Si on veut avoir une politique globale au niveau de l'énergie, l'efficacité énergétique en fait partie, et on pense qu'Hydro-Québec pourrait aussi avoir son mot à dire et prendre plus d'espace sur ce terrain-là en complément avec l'Agence de l'efficacité énergétique. Alors, l'agence...
Mme Dionne-Marsolais: Oui, mais sur ça, là, vous ne trouvez pas que, vendre de l'électricité puis faire la promotion de l'économie, il y a un conflit là?
M. Arseneault (Claude): Il peut y avoir un conflit si on le voit strictement d'un point de vue économique. Mais, si on parle d'une politique globale au niveau de l'énergie, là ce n'est pas conflictuel. C'est-à-dire qu'il y a des divisions d'Hydro-Québec. À la rigueur, on pourrait dire: Il y a déjà un conflit à l'heure actuelle quand on voit que la production est sortie des pattes de la régie, mais, au niveau de l'efficacité énergétique, Hydro-Québec pourrait agir en complément avec l'Agence de l'efficacité énergétique, particulièrement avec l'argent qui est investi par Hydro là-dedans. Les kilowatts qui vont être économisés avec les différents programmes, c'est des kilowatts qui peuvent servir ailleurs dans l'économie, et Hydro-Québec pourra en faire la gestion autant au niveau de l'efficacité que dans la vente par la suite, puis ce serait profitable.
Le Président (M. Bachand): Merci, M. Arseneault. Oui, en complément, très rapidement, M. Paradis.
M. Paradis (Charles): Mme la députée, est-ce qu'il y a une contradiction d'économiser un kilowatt à 0,02 $ pour le vendre à 0,10 $? Expliquez-moi ça. Donc, elle est où, la contradiction d'économiser l'énergie au Québec qui est vendue à un tarif plus bas pour être capable de l'exporter à un tarif plus haut? Il n'y a pas de contradiction, je pense, là-dedans, absolument pas.
Le Président (M. Bachand): Merci, M. Paradis, M. Demers, M. Massé, M. Rousseau. Vous êtes toujours les bienvenus à la commission. Merci infiniment de votre présence. Je vais demander aux interventions politiques et économiques de la MRC de Sept-Rivières...
(Changement d'organisme)
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(11 h 38 ? 11 h 43)
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Le Président (M. Bachand): Donc, on vous souhaite la bienvenue, messieurs, intervenants politiques et économiques de la MRC de Sept-Rivières. Donc, M. Dion, M. Detroio, vous êtes bienvenus à la commission. Donc, je vais vous rappeler rapidement les règles, qui sont fort simples: 20 minutes pour votre présentation, 20 minutes de part et d'autre... de l'opposition officielle et 20 minutes aussi... de l'opposition et de l'opposition officielle et 20 minutes de la part du côté ministériel. Donc, pour les besoins de la cause, c'est le député de Roberval qui va vous poser des questions, compte tenu de l'absence du ministre. Je m'en excuse auprès de vous, bien évidemment. Donc, allez-y, messieurs, et nous vous écoutons. Et je vais vous demander, pour le bénéfice des gens qui sont autour de nous, de vous présenter.
Intervenants politiques et économiques
de la MRC de Sept-Rivières
M. Detroio (Anthony): M. le ministre, Mmes, MM. les députés, membres de la commission parlementaire sur la sécurité et l'avenir énergétiques du Québec, bonjour. Je me présente ? puis on va faire une présentation conjointe si ça ne vous dérange pas ? je me présente, Anthony Detroio, je suis maire de la ville de Port-Cartier, je suis préfet de la MRC des Sept-Rivières puis je suis président de la Table des préfets de la Côte-Nord. Je suis accompagné de M. Luc Dion, qui est président de la Corporation de promotion industrielle et commerciale de Sept-Îles.
Les villes de Port-Cartier et Sept-Îles, la Corporation de promotion industrielle et commerciale de Sept-Îles, les chambres de commerce de Sept-Îles, de Port-Cartier, la Corporation de développement économique de Port-Cartier et la MRC des Sept-Rivières ont convenu de joindre leur voix afin de présenter leur vision de l'avenir énergétique du Québec et sa sécurité. Il nous apparaît très important d'inscrire notre opinion à l'occasion des travaux de la commission, entre autres parce que l'un de ses volets traite le développement économique régional et, bien entendu, à cause de choix que le Québec adoptera à l'égard des filières énergétiques à développer et de l'affectation des revenus pouvant en résulter.
Comme le fait valoir notre mémoire, un bref historique est nécessaire afin d'exprimer notre position à l'égard des questions qui sont, aujourd'hui, posées. Le Québec a cet avantage d'être une des régions du monde où il y a abondance de rivières riches en potentiel hydraulique et, aujourd'hui, hydroélectrique. Il y a de cela quelques siècles, les bâtisseurs de ce coin de pays utilisaient l'eau pour sa force motrice afin de transporter, moudre ou forger. Puis, à la fin du XIXe siècle, l'eau était utilisée pour produire de l'hydroélectricité. D'abord utilisée pour l'industrie, rapidement on se rendit compte de l'intérêt de l'utiliser pour nous éclairer, puisqu'il faut se rappeler qu'à cette époque le chauffage des résidences était assuré par le charbon, le mazout ou le bois.
Sur la Côte-Nord, dès 1908, la Gulf Pulp & Paper développait un barrage sur la rivière Sainte-Marguerite, SM-1, afin d'alimenter une usine de pâte, une pâte d'ailleurs rendue célèbre, puisqu'on l'a utilisée pour imprimer l'Encyclopédie Britannica, ouvrage de référence à travers le monde, au début du XXe siècle.
À Port-Cartier, le colonel McCormick, à la gouverne de l'Ontario Paper Company, propriétaire de journaux prestigieux de Chicago, installa, vers 1918, là aussi, un pouvoir hydroélectrique sur la rivière aux Rochers de manière à alimenter une usine d'écorçage et une scierie.
Plus tard, dans les années cinquante, ce sera au tour de la compagnie minière IOC de développer ses installations hydroélectriques toujours sur la rivière Sainte-Marguerite, cette fois baptisées SM-2, et un autre au nord du territoire terre-neuvien, celui de Menihek. On comprendra qu'à ce moment-là l'exploitation du minerai de fer de Schefferville justifiait l'utilisation de l'électricité, et c'est par le biais de l'hydroélectricité qu'était aussi produite l'énergie nécessaire à la transformation de cette ressource.
Lorsque, le 22 octobre 1962, le premier ministre Jean Lesage lança son gouvernement en campagne électorale après à peine deux ans de mandat, ce dernier utilisa le slogan Maîtres chez nous. Il nous apparaît que les citoyens du Québec ont oublié cette page d'histoire pourtant cruciale dans notre développement économique moderne. M. Lesage, à l'occasion de la conférence de presse concernant l'élection, rappelait que l'Ontario avait nationalisé l'hydroélectricité depuis 1906 et qu'elle s'était aussi assuré un avantage incontestable sur le Québec au niveau de son développement industriel. M. Lesage ajoutait ceci, et je cite, «que l'Ontario était industrialisé à un rythme plus rapide que la province de Québec, dû en bonne partie par le taux industriel avantageux d'électricité».
Hydro-Québec achetait, dans les mois et les années suivant cette élection, en fait sur une période de trois ans, plusieurs producteurs privés hydroélectriques afin d'uniformiser les tarifs et normes de distribution. L'objectif permet la démocratisation et l'accès à l'hydroélectricité pour électrifier, bien entendu, toutes les régions du Québec mais aussi nous donner la possibilité de développer notre économie.
M. Dion (Luc): M. Bourassa, au début des années soixante-dix, donnait en quelque sorte un second souffle au développement industriel, par le biais de la filière hydroélectrique, en amorçant les grands travaux du Nord. À l'époque, bon nombre de nos messagers à travers le monde livraient une information voulant que le Québec soit un endroit politiquement stable, avec une main-d'oeuvre qualifiée mais aussi avec de l'hydroélectricité en abondance transportée par un réseau fiable de distribution et surtout à un prix très concurrentiel. Cette campagne musclée d'interventions à travers la planète porta ses fruits: au cours des années quatre-vingt et début quatre-vingt-dix, quatre nouvelles alumineries ont vu le jour au Québec. Rappelons qu'il s'agissait des projets d'Alcan à Laterrière, Aluminerie de Bécancour, de l'aluminerie de Lauralco, à Deschambault, et, bien entendu, du projet Aluminerie Alouette qui impliquait Hoogovens, des Hollandais, Austria Metall, des Autrichiens, VAW, des Allemands, Marubeni-Kobe, des Japonais, et la Société générale de financement.
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(11 h 50)
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Pour certains, ces projets représentaient la phase I de leur implantation, les phases II étant à venir. Certes, au moment où le gouvernement a pris la décision d'accorder des blocs d'énergie importants, le Programme de développement de barrages hydroélectriques au Québec était ambitieux. Pour des raisons que nous avons difficulté à nous expliquer, les Québécois ont, au cours des années quatre-vingt, commencé en quelque sorte à douter de la poursuite de la mise en valeur du potentiel hydroélectrique tout en profitant des impacts de l'installation de nouvelles alumineries, puisque près de 5 milliards de dollars étaient alors investis sur une période d'à peine 10 ans dans ce secteur d'activité, sans compter la création de milliers d'emplois s'y rattachant.
Nous sommes à même de constater, le maire de Port-Cartier et moi, et d'en témoigner, que, dès 1987, nous défendions le harnachement de la rivière Sainte-Marguerite dans sa partie haute, un projet désigné SM-3 par Hydro-Québec. Nous avons dû à l'époque argumenter avec des moines bouddhistes, argumenter avec les Kennedy, argumenter avec des environnementalistes purs et durs pour nous assurer la réalisation de ce projet de barrage au début des années quatre-vingt-dix. Nous étions dès lors convaincus et à même de constater que le Québec s'engageait vers une pénurie d'hydroélectricité. Dès 1996, nous avons soutenu Aluminerie Alouette pour l'obtention d'un bloc d'énergie nécessaire à la réalisation de sa phase II qui, aujourd'hui, est presque complétée après un investissement additionnel de 1,4 milliard dans l'économie québécoise.
Ces mégawatts auront été obtenus à l'arraché, puisqu'Aluminerie Alouette aura dû se soumettre au concours des mégawatts lancé par le gouvernement du Québec le 11 septembre 2001. Certes, nous constatons que l'attribution de ce bloc d'énergie à l'aluminerie aura permis d'y associer un programme de création d'emplois dans la transformation de l'aluminium de 1 010 emplois. Il n'en demeure pas moins que, bien que comprenant l'importance et étant d'accord avec l'idée de créer une deuxième et une troisième transformation de la première fusion d'aluminium au Québec, le réel problème sous-jacent était le peu de disponibilité d'hydroélectricité.
Encore plus récemment, dans le dossier d'Alcoa, l'absence de disponibilité d'énergie ou autrement, une marge de manoeuvre insuffisante nous semble être un élément important de la rupture des négociations entre le gouvernement du Québec, Hydro-Québec et Alcoa, ce que nous trouvons regrettable.
Dans son rapport annuel de 1999, donc à peine six ans, Hydro-Québec indiquait avoir poursuivi ses efforts en vue de favoriser la venue ou l'expansion au Québec de grandes entreprises pour lesquelles les bas tarifs ainsi que la fiabilité et la qualité de l'approvisionnement représentaient des attraits majeurs. Encore aujourd'hui, ce 9 février 2005, nous souhaiterions que cette affirmation fasse partie de la mission intégrante d'Hydro-Québec.
L'eau, tout comme le vent, circule dans nos régions. En effet, il ne s'agit pas d'exporter de l'eau potable mais de turbiner une eau qui de toute façon coulera du nord au sud et se trouvera nécessairement dans le Saint-Laurent. L'hydroélectricité s'inscrit parfaitement dans des objectifs de développement durable. Qui plus est, lorsque l'électricité produite permet la création d'emplois, on rejoint ainsi non seulement un premier critère de développement durable lié à la conservation ou à la minimisation des impacts pour l'environnement, mais aussi la création et pérennité des emplois créés par la transformation additionnelle de cette ressource naturelle qu'est l'eau. Non seulement l'électricité est-elle produite, mais transformée chez nous.
Les grands projets hydroélectriques des années soixante, soixante-dix, quatre-vingt, quatre-vingt-dix et ceux actuellement en construction sont en quelque sorte des laboratoires géants pour nos firmes d'ingénierie, nos écoles de formation, pour les jeunes employés du domaine de la construction et auront permis au Québec de se démarquer à l'échelle internationale en exportant ce savoir développé par les bâtisseurs d'eau. Environ 1 000 entreprises gravitent autour du développement hydroélectrique du Québec.
Pour certains Québécois, surtout ceux qui ne résident pas proche des ouvrages hydroélectriques ou autrement pour ceux qui ont l'impression de grever un patrimoine éloigné que sont les régions ressources, le développement d'un barrage hydroélectrique est une agression du territoire. Mais, avec respect, plusieurs de ces Québécois vivent près d'un réservoir de barrage qui bien souvent prend des apparences bucoliques. Le lac Memphrémagog est en partie un bassin de rétention pour les ouvrages d'Hydro-Sherbrooke. La centrale Beauharnois a permis de créer un bassin envié par tous au niveau de la navigation de plaisance. Les centrales d'Alcan ont permis de créer un bassin plus grand que nature, avec le lac Saint-Jean, et de lui donner la notoriété internationale qu'il connaît aujourd'hui. Le réservoir Gouin, comme son nom l'indique, est un réservoir pour une centrale hydroélectrique maintenant prisé par les amateurs de chasse et de pêche. C'est donc dire que les Québécois cohabitent très bien avec leur environnement et réagissent très bien à l'implantation des centrales hydroélectriques petites ou grandes, dans la mesure, bien entendu, où on respecte l'environnement et l'on protège la sécurité de ses habitants.
M. Detroio (Anthony): La Côte-Nord produit environ 30 % de l'énergie hydroélectrique du Québec. Pourtant, la Côte-Nord, en parallèle, peut se vanter d'avoir une des plus grandes réserves forestières du Québec, d'avoir les plus grandes réserves minières du Québec, de pouvoir offrir des produits en écotourisme appréciés à travers la planète. Les barrages n'ont pourtant aucunement ombragé ces activités économiques importantes, bien au contraire. Les ouvrages hydroélectriques ont permis l'accès au territoire et auront créé des nouvelles zones récréotouristiques, auront permis aux prospecteurs d'amoindrir les coûts de la prospection minière. Vous comprendrez que d'une seule voix les intervenants économiques et politiques de la Côte-Nord souligneront l'importance de poursuivre le développement hydroélectrique québécois et plus particulièrement celui de la Côte-Nord par les projets de La Romaine, de Mécatina.
Nous sommes tous autant convaincus de l'importance de développer le potentiel éolien nord-côtier. Les éoliennes devraient être construites à proximité des lignes de transport, où nous voyons la production d'énergie éolienne comme un complémentaire à la production hydroélectrique. Et en concentration les éoliennes devraient autant que possible se trouver non loin des productions hydroélectriques de manière à emprunter le même réseau routier et le transport énergétique.
Les minicentrales font partie aussi d'une filière nécessaire à développer. Dans la mesure où leurs promoteurs sont associés avec les municipalités concernées, ils trouveront l'appui chez nous.
Nous ne pouvons passer sous silence la question du gaz naturel. La Côte-Nord n'est pas desservie par le réseau gazier, contrairement à la région de Chicoutimi, Québec, Montréal et l'Estrie. Au niveau industriel, nous aurions donc un avantage stratégique sur les autres villes en étant près des points de production hydroélectrique. Dans notre esprit de démocratiser l'accès à l'hydroélectricité, nous n'avons pu confirmer cet avantage. Malheureusement, étant loin des centres de production et du réseau de distribution de gaz, l'argument de l'éloignement nous est alors évoqué afin de ne pas poursuivre le développement du réseau gazier vers la Côte-Nord.
Le territoire de la Côte-Nord est constitué d'environ 1,5 % de la population québécoise. Cependant, il y est produit 31 % de l'aluminium québécois, 28 % de la production minière, et 28 % de l'effort de la pêche, et 27 % de l'hydroélectricité, et 15 % de la production forestière. Plus de 70 % de ce qui est produit sur la Côte-Nord est voué à l'exportation. Les entreprises ancêtres et précurseurs de celles qui oeuvrent présentement voyaient dans la Côte-Nord non seulement la présence de ressources naturelles, mais aussi cette ressource qui est l'eau pouvant être transformée en force motrice ou hydroélectrique. Vous comprendrez que nous ne pouvons abandonner le développement du potentiel hydroélectrique. Le développement régional de celui de la Côte-Nord est axé sur ses atouts, à savoir les ressources naturelles.
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(12 heures)
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Comme mentionné précédemment, environ 1 010 emplois devront être créés au Québec, et plus particulièrement dans la région de Sept-Îles, en transformation de l'aluminium. Nous sommes actuellement à examiner la possibilité de transformer le minerai de fer. L'usine de pâte de Port-Cartier a été relancée avec succès par le groupe Katahdin, filiale du groupe américain Fraser. La Côte-Nord a fait ses preuves par le passé et encore aujourd'hui quant à son attractivité, mais celle-ci s'appuie, entre autres, sur la disponibilité de l'énergie. Plusieurs programmes ont été mis de l'avant afin d'assurer le développement harmonieux des entreprises et des ressources naturelles sur la Côte-Nord. Nous travaillons présentement à l'implantation de grappes industrielles regroupant des activités en amont et en aval des produits primaires. Nous considérons cependant comme une pierre d'assise la possibilité d'avoir les avantages liés à la filière énergétique et plus particulièrement celle de l'hydroélectricité. Nous misons sur la diversification du tissu industriel de la région afin d'affronter beaucoup plus facilement les fluctuations dans les différents secteurs économiques. Cependant, nous le répétons, nous sommes une ressource de ressources naturelles.
M. Dion (Luc): Qui dit...
Le Président (M. Bachand): M. Dion, s'il vous plaît, en conclusion, très rapidement.
M. Dion (Luc): Oui. Trois minutes. Qui dit ressources naturelles dit énergie pour la transformer et donc disponibilité énergétique. Or, l'enjeu est donc double aujourd'hui: produire, dans les meilleurs délais possible, plus d'énergie afin de combler des besoins et en même temps alimenter nos grandes entreprises afin de maintenir des emplois chez nous.
En conclusion, les intervenants de la MRC des Sept-Rivières qui se sont réunis pour cette présentation souhaitent la poursuite et la réalisation des projets hydroélectriques, notamment sur la Côte-Nord, par les barrages La Romaine et Mécatina. Nous souhaitons que les grandes entreprises oeuvrant sur notre territoire soient assurées dans leur pérennité et qu'on puisse élargir l'assiette de celles-ci en rendant disponible l'énergie provenant de l'hydroélectricité à des tarifs abordables, l'exportation d'électricité ne devant pas être priorisée mais contribuant certes à des revenus additionnels pour Hydro-Québec, mais surtout créer des emplois à l'étranger favorisant le développement de nos compétiteurs.
La Côte-Nord doit bénéficier de l'accès à l'hydroélectricité qu'elle produit, et consolider, et développer sa base industrielle. La construction de minicentrales doit être envisagée dans la mesure où elles sont acceptées par les milieux récepteurs. La filière éolienne doit être développée sur la Côte-Nord en complémentarité avec les ouvrages hydroélectriques et l'implantation de grappes industrielles centrées sur les entreprises de base, notamment celles de première fusion de l'aluminium, doit être favorisée pour diversifier l'économie régionale.
Le développement du potentiel énergétique de la Côte-Nord devra se faire dans le respect des populations qui y habitent et, bien entendu, en concertation avec les Innus. Il devra se faire dans le respect de l'environnement. Il devra être rentable mais pas au plus haut prix. Voici en résumé l'esprit avec lequel nous entrevoyons le développement durable de notre région et entendons assurer sa sécurité énergétique. Merci.
Le Président (M. Bachand): Merci infiniment, messieurs. Merci, M. le préfet. Donc, je vais donner l'opportunité au député de Roberval de poser ses questions. Allez-y, M. le député.
M. Blackburn: Merci, M. le Président. Messieurs, bienvenue chez vous. Et, comme M. le président l'a mentionné tout à l'heure, ce n'est pas parce que le ministre est absent que votre mémoire ne sera pas entendu; au contraire, je pense qu'on a pris bonne note des éléments que vous avez mentionnés. Et je vous avouerai que, lorsque vous avez eu l'occasion de faire votre présentation de mémoire, il y a beaucoup d'éléments qui m'ont fait remémorer certaines actions dans lesquelles j'ai été impliqué au cours des dernières années, entre autres par rapport à des centrales et par rapport à des projets hydroélectriques.
Vous avez mentionné que vous aviez rencontré les moines bouddhistes. Moi, j'ai rencontré certains artistes qui bien sûr, compte tenu de certaines positions qu'on avait prises vis-à-vis le développement hydroélectrique, faisaient effectivement ce que vous avez mentionné, tout à l'heure, comme stratégie, et bien sûr que, dans ce contexte-là, c'était d'être en mesure de faire la juste part des choses, je pense, qu'il est important de regarder.
Tu sais, on va avoir besoin de vous, vous savez, dans des dossiers particulièrement près de votre région, entre autres avec le projet de La Romaine qui va certainement... peut-être avoir des personnes qui vont vouloir être entendues, dont peut-être des moines bouddhistes. Mais, dans ce contexte-là, votre expertise va être importante pour qu'on puisse aller de l'avant dans un projet comme celui-là. On parle d'un projet d'investissement de 6,6 milliards, 1 500 MW, alors un nombre important de travailleurs et de travailleuses, et d'industries, et d'entreprises, et de centres de formation de votre région qui vont bien sûr pouvoir profiter de ces ouvrages-là. Et, dans ce contexte-là, votre vigilance et votre collaboration vont être certainement importantes et appréciées pour qu'on puisse continuer d'aller de l'avant dans des projets comme celui-là.
Ce que j'ai l'occasion de faire souvent à cette commission parlementaire là, c'est de parler souvent de ma région. Moi, je viens de la région du Saguenay? Lac-Saint-Jean dans laquelle effectivement le développement hydroélectrique est extrêmement important aussi, comme l'ensemble de la transformation de nos ressources naturelles. Mais j'aimerais vous entendre davantage me parler de votre région parce que vous avez eu l'occasion, tout à l'heure, de parler, de faire un peu la nomenclature de différents services, de différentes alternatives qui étaient offertes grâce, entre autres, aux ouvrages hydroélectriques. Vous avez parlé de mégalaboratoires. Bien, parlez-moi davantage des retombées tant au niveau de la formation, au niveau de l'entreprise, au niveau de l'expertise, au niveau du savoir que vous arrivez même à exporter, que les ouvrages hydroélectriques procurent à votre région particulièrement et à votre MRC.
Le Président (M. Bachand): M. Dion, allez-y.
M. Dion (Luc): Oui. Tout à l'heure, un intervenant mentionnait, là, qu'on avait à peu près 10 ans de notre histoire de formation en industrie de la construction qu'on avait perdus effectivement par l'arrêt des grands travaux de construction, M. le Président, et je suis d'accord avec cette affirmation. Un des premiers impacts dans les régions, c'est la rétention. Si on parle d'un projet comme La Romaine, c'est 6 000 travailleurs de la construction qu'on espère voir oeuvrer, là, dès 2008, c'est sûr, en progression de chantier. Ça, c'est la possibilité pour la Côte-Nord, qui compte environ 100 000 habitants, de voir des centaines de ses jeunes demeurer chez eux avec un plan de carrière, là, une fenêtre 0-10 ans si on parle de La Romaine puis, si on ajoute Mécatina, un cinq à 10 ans additionnel. C'est des emplois bien rémunérés mais surtout des emplois bien encadrés.
Il faut visiter un barrage hydroélectrique, la construction d'un barrage hydroélectrique pour voir jusqu'à quel point on axe sur la sécurité. On axe sur la formation, effectivement, la question de la qualification de la main-d'oeuvre qui y oeuvre, et les gens ont de beaux exemples, des beaux exemples aussi sur les outils de travail à être utilisés. C'est épatant de voir que maintenant les camions s'opèrent, là, avec les manettes de jeux vidéo, à toutes fins pratiques. Alors ça, c'est un élément, je pense, important de l'impact du développement hydroélectrique dans nos régions.
Un autre impact, c'est la connaissance de notre milieu. Si je prends simplement SM-3, pour en arriver à harnacher la rivière Sainte-Marguerite dans sa partie haute, Hydro-Québec a dû effectivement mettre en évidence bon nombre d'artefacts et donc nous faire prendre connaissance de notre culture, de notre histoire que l'on partage avec le peuple innu, là, de notre région. Donc, c'est un autre élément, je pense, important.
L'accès au territoire. Un barrage ? enfin, on ne favorise pas la construction de barrages, et, sur la Côte-Nord, je pense que c'est possible d'y avoir accès par voie routière ? permet l'accès au territoire, donc amortit les coûts de prospection. Vous savez que la Côte-Nord n'est pas prospectée. On a une vague idée de ce que contiennent, là, les réserves minières de la Côte-Nord, mais une très vague idée. Donc, le fait de créer ces voies routières, ça donne la possibilité aux prospecteurs de fin de semaine d'aller faire de la prospection et effectivement, là, trouver des gisements intéressants. Vous seriez surpris de voir comment on a pu cartographier la question des ressources minérales dans le secteur de SM-3 suite à la construction de cette route de 88 kilomètres.
Ça sert aussi à consolider l'économie, un barrage. On n'aurait pas pu relancer l'usine d'Uniforêt s'il n'y avait pas eu le barrage SM-3 en 1994, dans la région de Sept-Îles. On a amorti les coûts de construction pour l'exploitation forestière puis, aujourd'hui, on peut affirmer qu'Uniforêt va très bien, puis l'usine de pâte, comme on l'a mis dans notre mémoire, est maintenant ouverte puis fonctionne très bien. Donc, ce sont des impacts très importants pour notre économie.
Mais il y a davantage aussi, il y a l'électricité qu'on produit. Exemple, une aluminerie, ça prend un approvisionnement en continu, une sécurité d'approvisionnement. Donc, plus on multiplie les sources d'arrivée d'énergie dans un poste, bien, à ce moment-là, on sécurise l'entreprise dans la consommation de son énergie. Alors, nous, on considère qu'un barrage comme Sainte-Marguerite ou Toulnustouc, qui est en construction présentement, et ceux de La Romaine et de Mécatina sont essentiels au développement économique.
Le Président (M. Bachand): M. le député de Roberval.
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(12 h 10)
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M. Blackburn: Merci, M. le Président. Je pense que c'est effectivement une illustration très claire et très précise des retombées économiques que génère l'hydroélectricité pour bien sûr des régions particulières sur lesquelles ce développement-là se fait mais ce qu'il peut aussi procurer pour l'ensemble des Québécois et Québécoises en termes de potentiel économique, et c'est sur ce côté-là que j'aimerais un peu vous amener aussi, par rapport, entre autres, aux minicentrales. Vous avez eu l'occasion, tout à l'heure, d'en parler et de leur impact qu'il peut y avoir, dans certaines mesures, des impacts considérables, importants et des retombées importantes mais, dans d'autres circonstances, qui peuvent être plutôt négatives. Dans ce contexte-là, vous mentionnez dans votre mémoire que, les minicentrales, dans la foulée des visites et des audiences que vous avez dû faire concernant le développement hydroélectrique, certaines personnes ou certains groupes prétendent que les intérêts supérieurs doivent prévaloir par rapport au développement économique des régions, concernant ? puis je pense que c'est un débat qu'on fait de plus en plus ? concernant, entre autres, l'utilisation des ressources naturelles. Bon.
Particulièrement sur le dossier des minicentrales, pouvez-vous m'expliquer davantage qu'est-ce que vous entendez par cette notion-là de développement supérieur du Québec au détriment... ou en priorité par rapport à ce que des régions pourraient décider ou tenter de mettre de l'avant concernant leur développement économique?
Le Président (M. Bachand): M. Dion.
M. Dion (Luc): Le plus bel exemple: Magpie. Je ne partage pas l'opinion de M. Massé sur cet élément. Ce n'est pas vrai qu'il y a de la bisbille à Magpie, au contraire. On pourrait faire témoigner, là, tous les citoyens de Magpie, ils cautionnent effectivement le projet de minicentrale sur cette rivière. Ceux qui sont contre, c'est encore les Kennedy, c'est Roy Dupuis puis c'est ses amis. Je veux dire, ce n'est pas compliqué. Alors, c'est ça qui nous fatigue.
La rivière Magpie est au coeur d'un village qui s'appelle Rivière-Saint-Jean, puis les gens ont la possibilité de turbiner l'eau qui est là ? puis il faut rappeler qu'il y a déjà une centrale hydroélectrique d'installée sur place ? puis d'amener, dans le fond, des revenus à cette communauté. Ça permet aussi, comme je l'expliquais tantôt... Pour eux, là, ils voient l'aspect récréotouristique derrière ça parce qu'il va y avoir nécessairement des voies d'accès qui vont être effectuées le long de la rivière puis ils vont pouvoir utiliser ça pour bâtir des promontoires, pour mettre en évidence effectivement l'écotourisme dans ce secteur-là. Donc, il n'y a que des plus pour la population qui est sur place.
Mais là, au nom du patrimoine collectif, il y a des gens qui se mobilisent sans même être allés sur la rivière Magpie puis en prenant pour acquis en plus les fausses publicités qui ont été montées durant l'été. Parce qu'on a été pris au dépourvus avec ça. Ils nous montrent la rivière en nous montrant: Regarde si c'est beau, la chute. Mais elle ne descend pas, la chute, elle fait rien que de la monter puis elle va rester là. Donc, c'est vrai qu'elle est belle. Alors, c'est ça qui choque un peu les gens. C'est que, si effectivement on peut faire un projet de minicentrale, amener des sous additionnels à la municipalité puis que l'ensemble de l'économie de cette municipalité-là en tire profit, tant mieux.
Vous savez que, dans ce projet-là, l'association touristique était favorable, la Corporation d'environnement de la Côte-Nord était favorable. Ça, on n'a pas fait valoir ces informations-là parce que c'était dérangeant. On a capitalisé sur des vedettes, puis c'est ça qui est malheureux, puis c'est ce qu'on mentionnait tantôt, c'est qu'on se fait rapidement manipuler, je dirais, puis on perd le focus sur la réalité des choses. Dans ce cas-là, une minicentrale, c'est excellent. Il peut y en avoir une à Port-Cartier aussi ou ailleurs puis il faut respecter les gens dans ça.
À l'époque, dans nos villages, là... Il y en a même eu ici, dans la région de Québec, des minicentrales. Pour moudre le grain, les forges du Saint-Maurice, on turbinait l'eau de la rivière, on ne se posait pas de questions. Là, on est en rendu qu'on se pose des questions sur tout. On me consulte-tu quand on grandit Brossard, moi? Jamais. Pourtant, c'est les terres arables du Québec qui sont là.
Le Président (M. Bachand): M. Detroio, avez-vous des choses à ajouter?
M. Detroio (Anthony): Je peux ajouter à ça: nous, quand on a rencontré les écologistes, les artistes ? il y en a une, entre autres, là, qui est native de Port-Cartier ? elle, elle me disait que sa plus grosse contrainte, c'était qu'il n'y avait pas de bénéfice réel pour la municipalité et ses citoyens. Le projet se faisait dans la municipalité, on pouvait espérer recevoir 200 000 $, 250 000 $ par année de redevances, quand la compagnie elle-même, elle, dans son étude de faisabilité, à laquelle les gens avaient accès, démontrait des profits de 5 millions. Donc, c'était injuste, la proportion. Mais là, avec la possibilité que la municipalité peut s'associer jusqu'à 30 % dans le projet, donc, si on parle d'un profit de 5 millions, bien, si on reçoit 30 % de ça ? puis on pourrait considérer que les projets des minicentrales, c'est des projets sûrs, c'est vendu à un prix abordable par l'acheteur, Hydro-Québec ? donc on sait qu'on embarque dans un projet qui est rentable.
Donc, pour la municipalité, je peux vous dire ? 30 ans d'expérience à la ville de Port-Cartier ? qu'on ne sait plus où aller chercher nos revenus. Depuis les dernières années, avec toutes les obligations que la municipalité a à faire présentement, on ne peut plus aller piger dans les poches des citoyens, il faut absolument se trouver... C'est un cri du coeur que les maires vont vous faire. S'il y a une possibilité de développer une minicentrale dans une municipalité, il faudrait l'accorder, cette permission-là, pour la simple raison qu'on doit aller chercher 1 million, 1,5 million annuellement, notre part des profits, dans la minicentrale pour aider à pallier à toutes les obligations puis à donner la qualité de vie à nos citoyens.
Le Président (M. Bachand): M. le député de Roberval.
M. Blackburn: Merci. Une dernière petite question, puis par la suite je vais laisser la parole à mes collègues. À la page 23 de votre mémoire, vous parlez d'exportation. Vous savez, il y a des gens qui sont en train de faire quasiment du délire collectif par rapport à l'exportation, et, vous, vous mentionnez à cet égard-là que l'exportation ne doit pas être une priorité ou prioritaire puisqu'elle contribuerait à créer des emplois à l'étranger et à développer nos compétiteurs.
Pensez-vous que les exportations peuvent contribuer à créer des emplois au Québec par les bénéfices qu'elles génèrent et bien sûr qui peuvent être réinvestis dans nos services publics, dans nos services structurants, dans nos services sociaux?
Le Président (M. Bachand): M. le préfet, allez-y.
M. Dion (Luc): Oui. Alors, M. le Président...
Le Président (M. Bachand): M. Dion, en...
M. Dion (Luc): Bien, écoutez, il y a deux peut-être volets à votre question. La première des choses, oui, c'est sûr que, si on dédie des centrales pour l'exportation, les emplois qu'on crée en la construisant ont un impact économique au Québec. On n'est pas contre l'idée de produire suffisamment d'électricité pour en exporter. C'est d'ailleurs comme ça que M. Bourassa avait, je dirais, là, échafaudé son grand projet de l'énergie du Nord. Par contre, c'est sûr que les Américains ne sont pas dupes. M. Bush, là, on l'oublie peut-être, mais, avant le 11 septembre 2001, avait annoncé 1 000 projets de centrale pour régler les problèmes énergétiques des Américains parce qu'en 2000, quand il a pris le pouvoir, c'était la crise énergétique en Californie. Pour le moment, ils mettent l'argent dans la guerre, mais ça ne veut pas dire qu'ils ne reviendront pas effectivement pour compléter cette série de centrales au mazout, au charbon, au nucléaire. Donc, ce qu'on dit: oui, construisons des projets de barrage qu'on peut affecter en partie à l'exportation, mais faisons attention, les Américains ne font pas de cadeau. Alors, s'ils ne peuvent pas nous acheter, bien ils vont s'organiser pour être indépendants un jour ou l'autre. Donc, momentanément, vendons quand c'est payant, mais gardons nos emplois chez nous.
Je veux dire, aux États-Unis, on produit de l'aluminium. Si on leur vend de l'électricité puis qu'ils réussissent à faire de l'aluminium, on est mieux de faire l'aluminium chez nous puis de le transformer chez nous. C'est un peu ça, notre raisonnement. Donc, c'est un heureux mélange des deux. On n'est pas contre l'exportation, mais pas au détriment de la création d'emplois.
Le Président (M. Bachand): Merci, M. Dion. Merci, M. le député de Roberval. Désolé pour les collègues, le temps nous manque. Mme la députée porte-parole de l'opposition officielle en matière d'énergie, Mme la députée de Rosemont.
Mme Dionne-Marsolais: Alors, messieurs, bienvenue. Votre appui aux petites centrales est assez clair, et je trouve ça intéressant que vous rameniez sur la table la question de la position américaine parce qu'on sait que les Américains ne considèrent pas les grands projets hydroélectriques comme de l'énergie, entre guillemets, verte, là, ou renouvelable, dans leur tête, même si ce n'est pas partagé par tout le monde. Mais c'est quand même la réalité en ce moment.
À votre avis, quelle est la meilleure... Quand vous dites: La construction de minicentrales doit être envisagée dans la mesure où elles sont acceptées par le milieu, comment pouvons-nous, comme élus à l'Assemblée nationale, nous assurer que cette acceptation du milieu est réelle? Parce qu'ici on est venu nous dire la chose et son contraire.
M. Detroio (Anthony): Bien, les audiences publiques, s'il y en a, des registres établis à l'hôtel de ville d'une façon démocratique, un peu comme les référendums, comme un règlement d'emprunt, les gens peuvent venir voter. Nous, on a fait une consultation quand le promoteur est venu nous présenter le projet. On a invité la population dans une immense salle, puis on a mis une feuille à l'entrée, puis on a vraiment donné la chance aux gens de voter librement, dans une colonne pour le oui ou l'autre colonne pour le non. C'est sûr qu'il y a eu peut-être 5 % des gens, mais, quand ça a été bien expliqué, à quoi vont servir les sous...
Les revenus, on est en partenariat avec le promoteur, puis les sous vont servir à maintenir la qualité de vie, garder les services des loisirs à l'état où est-ce qu'ils sont là actuellement. Le traitement des moustiques, ça coûte, pour la municipalité de Port-Cartier, 150 000 $ par année, mais quelle façon de se débarrasser de ce fléau qu'est les mouches noires! Donc, s'il fallait dire à la population qu'on n'a plus les sous pour continuer le traitement, bien... C'est des façons d'aller chercher de l'argent pour continuer à avoir les mêmes activités qu'on a présentement. Donc, les minicentrales, là, quand c'est bien expliqué...
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(12 h 20)
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La plupart des projets, c'est à fleur de l'eau, c'est un tuyau qu'on ne voit même pas. C'est de la désinformation. C'est les gens qui viennent... Nous, ce qu'on a entendu qui était le plus grave, ce n'était pas le dommage à l'environnement, c'était le fait que le milieu ne recevait pas autre chose que des miettes. Eux autres appelaient ça des miettes quand on parle de 200 000 $, 225 000 $. Quand le promoteur partait avec des profits de 5 millions, ils trouvaient que c'était cette partie-là... Mais, si on pouvait équilibrer les profits... Puis une partie de ces argents-là vont servir à aider les organismes communautaires dans la région, comme les centres de bénévolat, les endroits, là, qui viennent à l'aide aux femmes en détresse. On dit que le montant que la municipalité va recevoir ne va pas tout aller dans un fonds consolidé, mais il va être voué à être distribué parmi les gens en région pour les aider à poursuivre les oeuvres qu'ils font, qui sont pour le bien de la collectivité.
Le Président (M. Bachand): Mme la députée.
Mme Dionne-Marsolais: Est-ce que vous pensez qu'il y a un seuil de puissance au-delà duquel ce n'est plus vraiment une minicentrale? À date, à ce jour, là, le seuil est 50 MW, hein? Tout ce qui est au-dessus de 50 MW, Hydro-Québec possède le monopole, les droits hydrauliques, le monopole des droits hydrauliques pour développer les ressources de plus de 50 MW quand il y a une capacité de plus de 50 MW. Est-ce que ce seuil-là vous apparaît trop élevé, ou suffisant, ou trop bas?
M. Detroio (Anthony): Nous, on souhaiterait que ce soit haussé à aller jusqu'à 100 MW.
Mme Dionne-Marsolais: Pourquoi?
M. Detroio (Anthony): Parce que, tant qu'à faire un projet sur une rivière, si on n'implique pas les inondations de terrains... Il y a des projets, là, où on peut développer 60 MW sans inonder les terrains.
Mme Dionne-Marsolais: Sans inonder du tout?
M. Detroio (Anthony): Du tout. Bien, peut-être un mètre, mais sans affecter du tout la forêt ou affecter la faune ou la flore. Il y a certaines rivières que c'est possible de faire ça. Si ce n'est pas possible, bien c'est à être regardé. Mais c'est un fait que, certaines rivières, on peut développer 60, 70 MW puis on ne dérange pas... c'est l'écoulement de la rivière. Puis des fois ces mégawatts-là peuvent être faits en différents barrages. On peut avoir un premier, un deuxième puis un troisième barrage. C'est un total de ces trois ou quatre barrages sur la même rivière qui fait en sorte qu'on accumule une soixantaine de mégawatts.
Mais quand même, à 50 MW, que les projets soient faits par l'entreprise privée ou qu'ils soient faits par Hydro-Québec, ça ne nous dérange pas, à condition qu'on ait cette participation. La participation de 30 % aussi, on trouve ça un peu bas. Je pense que le maximum permis à une municipalité, la participation d'une municipalité, peut être de 30 %. On se disait: Si on pouvait avoir 40 % et même 50 % de la participation, pourquoi pas?
Le Président (M. Bachand): Mme la députée.
Mme Dionne-Marsolais: Merci. Est-ce que vous pensez que, dans certaines régions où ces ressources se trouvent en territoire autochtone, là, ou sur des... sans que ce soit sur des réserves, mais que ce soit sur des territoires où les populations principales sont des autochtones, est-ce que vous pensez qu'il est important de les impliquer dans ces projets-là?
M. Dion (Luc): M. le Président.
Le Président (M. Bachand): M. Dion, allez-y, oui, bien sûr.
M. Dion (Luc): Oui. Je pense que c'est clair, puis on a des beaux exemples, là, qui, dans les 15 dernières années, ont démontré leur succès. On a la «Paix des Braves» qui est un gros exemple, mais on a aussi l'entente de...
Mme Dionne-Marsolais: ...ce n'est pas une minicentrale, là.
M. Dion (Luc): Non. On a aussi par contre le projet Betsiamites qui était, je dirais, une négociation améliorée par rapport à celle des Innus d'Uashat mak Mani-Utenam dans SM-3. Donc, oui, c'est essentiel. Je pense que c'est des gens qui occupent le territoire beaucoup, et on doit considérer leur point de vue dans l'élaboration de n'importe quel projet.
Le Président (M. Bachand): Mme la députée.
Mme Dionne-Marsolais: Est-ce que vous pensez que, dans ces endroits-là, il serait important que l'on accorde une priorité à la participation autochtone? Je parle même, là, au niveau de partenariats. Puis est-ce que le pourcentage, qui actuellement est de l'ordre de 30 % pour les municipalités, pourrait s'appliquer... devrait s'appliquer aux autochtones aussi?
Le Président (M. Bachand): M. Dion, allez-y.
M. Dion (Luc): M. le Président, dans le projet Toulnustouc, effectivement on avait établi un ratio de présence de main-d'oeuvre autochtone. On avait aussi établi, là, un ratio au niveau de certains contrats qui seraient adjugés directement à des firmes autochtones reconnues. C'est comme n'importe formule, elle peut toujours être améliorée. Mais, oui, encore une fois je crois que l'on doit favoriser, dans le fond, la présence autochtone sur des projets, là, comme des projets hydroélectriques. Mais je vous signale qu'Aluminerie Alouette, sans obligation légale de le faire, l'a aussi fait dans la construction de l'aluminerie en réservant des lots dédiés aux autochtones, en accordant une place privilégiée aux autochtones et même en réservant des emplois, dans la future partie de l'usine, pour des autochtones. Donc, c'est un partenariat qu'on doit développer.
Mme Dionne-Marsolais: Oui, bien, là, on charrie le mot «partenariat» un peu, là. Moi, je pensais à un partenaire investisseur, là, pas seulement au niveau des contrats de sous-traitance ou au niveau de l'emploi. Parce que ce qu'on est venu nous dire ici... Dans certains endroits, notamment au Témiscamingue, ils ont... Remarquez que c'est un cas particulier parce que c'est dans un endroit vraiment où ils vivent vraiment dans leur communauté. Mais ce qu'ils réclament pour progresser, c'est d'être un des partenaires investisseurs dans ce développement-là de manière à constituer des actifs pour développer leur communauté, de la même manière que vous le réclamez ici.
Est-ce que c'est quelque chose qui, dans votre région, est aussi... Je sais que c'est sensible, là, mais, s'il y a des projets qui émergeaient par des autochtones, est-ce que c'est quelque chose qu'on ne devrait pas considérer?
M. Dion (Luc): Tout à fait.
M. Detroio (Anthony): Tout à fait.
Le Président (M. Bachand): Allez-y, M. le préfet.
M. Detroio (Anthony): Nécessaire, très nécessaire. Aussi, pour garder l'harmonie dans la région, leur participation financière est souhaitable puis devrait être une obligation.
Le Président (M. Bachand): Merci. M. le député de René-Lévesque.
M. Dufour: Oui. Merci, M. le Président. Alors, M. Detroio, M. Dion, bienvenue à cette commission. Merci pour votre mémoire. C'est remarquable, en lisant votre mémoire, comment la MRC des Sept-Rivières ressemble, presque à tout point de vue, à la MRC de Manicouagan parce que votre économie est basée sur la grande industrie aussi.
Je continue dans la même foulée des minicentrales parce qu'on en parle souvent. Il y a des prédécesseurs qui ont parlé tout à l'heure que l'axe central, même au niveau des minicentrales, si c'était accepté, devrait être Hydro-Québec. Alors, ma collègue a parlé de partenariat avec les Innus. Bon, la semaine dernière, les Innus de Betsiamites sont venus. Il est clair qu'ils veulent faire partie prenante de partenariats aussi par rapport au développement hydroélectrique. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus, par rapport à Hydro-Québec qui devrait être l'axe central de tout développement, même au niveau des minicentrales.
M. Dion (Luc): M. le Président.
Le Président (M. Bachand): Allez-y, M. Dion, bien sûr.
M. Dion (Luc): Si Hydro-Québec adopte des méthodes souples, je vous dirais: On n'a pas d'objection. Mais en général c'est une machine très, très lourde, alors je ne suis pas convaincu, là, qu'à l'échelle d'une minicentrale, si on respecte certaines règles du jeu, il n'est peut-être pas préférable d'aller vers un partenariat, là, municipal-privé plutôt qu'Hydro-Québec, municipalité et constructeur indépendant.
Le Président (M. Bachand): Oui, allez-y, M. le député.
M. Dufour: Quand vous parlez de plus souples, c'est par rapport à bon ce qui se passe déjà à l'heure actuelle. On sait que bon, par rapport à la Toulnustouc, vous parliez des Innus tantôt, bon c'est les Innus de Betsiamites où il y avait des contrats. Il y avait même une petite entreprise qu'ils appelaient EPI, qui faisait du placement. Bon. Mais, quand vous parlez d'être plus souple, vous parlez au niveau des redevances qu'il faudrait... C'est sur ça que je veux vous entendre, là.
M. Dion (Luc): M. le Président.
Le Président (M. Bachand): Allez, M. Dion, bien sûr.
M. Dion (Luc): Non, plus souple dans le sens que souvent, quand on a à négocier avec Hydro-Québec, c'est une machine qui est lourde à bouger. Donc, quand on parle de minicentrales, on ne parle quand même pas de projets de milliards de dollars. Donc, oui, travailler avec Hydro-Québec, mais dans la mesure où on garde de la souplesse dans l'administration, dans l'opération, dans l'élaboration du projet.
J'entendais des intervenants précédents, là. On a vécu, nous, trois processus d'audiences publiques en matière d'hydroélectricité. C'est lourd. Alors, s'il faut que, par la présence d'Hydro-Québec, on alourdisse un projet de minicentrale, il n'y en aura aucun de rentable. C'est dans ce sens-là que je le dis. Après ça, sur les partages des bénéfices, effectivement je pense que, pour que les populations se disent: Regarde, j'ai un intérêt à harnacher une petite rivière, bien il faut que j'y trouve mon compte, sinon bien sûr on va laisser faire.
Le Président (M. Bachand): Oui, M. le député.
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(12 h 30)
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M. Dufour: Juste pour ma propre culture, M. Detroio, vous parlez d'une minicentrale aussi à Port-Cartier. La rivière des Chutes, c'est-u celle-là quand on...
M. Detroio (Anthony): ...rivière Pentecôte, mais il y en a une sur la rivière aux Rochers aussi.
M. Dufour: Oui. Elle se situe où, elle, là, là, juste pour que je me...
M. Detroio (Anthony): Celle à Port-Cartier, elle, à 3 kilomètres au nord de la 138. Puis, la rivière Pentecôte, elle aussi est à 7 kilomètres au nord de la 138.
Le Président (M. Bachand): Merci, M. le député, M. le préfet, M. Dion. Merci infiniment de vous être présentés à la commission. Vous êtes toujours les bienvenus. Bon retour chez vous! Je suspends donc les travaux jusqu'à 14 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 31)
(Reprise à 14 h 6)
Le Président (M. Bachand): Donc, nous allons reprendre nos travaux, compte tenu de l'heure qui avance. Je m'excuse auprès de vous au nom du ministre, compte tenu du fait qu'il y a un Conseil des ministres actuellement. Et donc on va commencer à procéder, mais je suis convaincu que, s'il est possible qu'il nous rejoigne, il va faire diligence. Ça, j'en suis convaincu.
Donc, Mme la porte-parole, bienvenue à la commission. Bienvenue à tous. Messieurs, bienvenue à notre commission. Donc, je vous rappelle les règles rapidement: il y a 20 minutes pour votre présentation, 20 minutes du côté de l'opposition et 20 minutes aussi du côté ministériel pour les questions. Donc, pour le bénéfice des gens de la commission, si c'est possible de vous présenter, messieurs.
Association québécoise des consommateurs
industriels d'électricité (AQCIE)
M. Boulanger (Luc): Alors, merci, M. le Président. Alors, je m'appelle Luc Boulanger, je suis le directeur exécutif de l'Association québécoise des consommateurs industriels d'électricité, l'AQCIE, et permettez-moi de vous présenter les gens qui m'accompagnent aujourd'hui: alors, à ma droite, j'ai M. Michel Gariépy, qui est le président du conseil de l'AQCIE, notre association, mais qui est aussi responsable de toute la question énergétique chez CEZinc, à Valleyfield, qui est une compagnie qui est une filiale du Groupe Noranda; à ma gauche, j'ai M. Jean Matuszewski, qui est président de E&B Data, qui est une firme de consultants indépendante en recherche économique à qui nous avions confié le mandat de faire l'enquête dont nous vous parlons dans notre mémoire.
Alors, je tiens tout d'abord à remercier la commission d'avoir accepté de nous entendre. Et, comme nous l'avons indiqué dans notre mémoire, nous considérons le débat sur la sécurité de l'avenir énergétique du Québec de la première importance. Pour nous, il est urgent que le gouvernement livre sa façon... sa vision, pardon, du rôle de l'électricité dans le développement régional et mette fin aux incertitudes quant à la politique tarifaire qui sera appliquée. Il en va de l'avenir de plusieurs projets de développement industriel et du maintien ou non de certaines industries consommatrices au Québec.
Parlant d'usines, l'AQCIE en représente quelque 130 qui appartiennent à ses entreprises membres. Elles sont majoritairement réparties dans les régions du Québec, au nord du Saint-Laurent. Ces grandes entreprises consommatrices d'électricité oeuvrent dans les secteurs des pâtes et papiers, de la première transformation des métaux, des minéraux non métalliques, des produits chimiques, de l'aluminium et de la pétrochimie. D'autres associations sectorielles qui les représentent ont d'ailleurs également déposé des mémoires devant cette commission.
Mais ce qui rend les entreprises que nous représentons absolument incontournables dans le présent débat, c'est le fait qu'elles consomment 42 % de l'électricité produite par Hydro-Québec. C'est aussi parce qu'elles sont à l'origine du développement économique québécois. En fait, elles ont littéralement bâti le Québec industriel avec une présence qui remonte au Régime français, des usines qui ont en moyenne 50 ans d'existence, qui ont été régulièrement modernisées, qui ont structuré le développement régional. Elles souhaitent continuer de le faire, car, contrairement au pétrole en Alberta qui est essentiellement destiné à l'exportation, l'électricité a servi, au Québec, de ressource fondatrice du développement industriel.
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(14 h 10)
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Même si ces grandes entreprises consommatrices ne représentent que 9 % des usines manufacturières, elles comptent pour 15 % de l'emploi et les biens qu'elles fabriquent constituent 31 % de la valeur totale des exportations du secteur. Au cours des 10 dernières années, elles ont investi près de 20 milliards de dollars dans les régions du Québec, un montant qui dépasse largement ce que les organismes publics ou privés peuvent revendiquer comme engagement financier. Elles sont en tête du peloton de nos industries dans presque toutes les catégories. De plus, fait non négligeable pour les décideurs publics, elles versent 1,7 milliard de dollars à chaque année, dans les coffres du gouvernement du Québec. Elles fournissent des milliers d'emplois de qualité dotés d'une rémunération de 21 % supérieure à la moyenne manufacturière. Elles se font également un point d'honneur de garder une longueur d'avance en ce qui a trait à la formation de la main-d'oeuvre, à la santé et la sécurité au travail, à l'environnement et au Programme d'efficacité énergétique.
Les usines consommatrices d'électricité sont généralement les plus grands employeurs privés dans leurs régions respectives. Elles contribuent à la stabilité de la vie économique, à la richesse des populations, notamment par les taxes qu'elles versent, l'industrie des sous-traitants qu'elles supportent et des achats locaux de biens et de services. D'ailleurs, en ce qui a trait aux industries sous-traitantes, il faut bien comprendre l'effet domino que les décisions des grandes entreprises ont sur elles. Par exemple, lorsque les coûts de l'électricité augmentent au Québec, l'industrie chimique ne peut plus produire à coût compétitif le chlorate de sodium dont elle approvisionne les usines de pâtes et papiers. La fin de cette production occasionne des pertes d'emplois et prive une industrie connexe d'un fournisseur à proximité. Les effets d'une augmentation des coûts d'électricité agissent donc en cascade et touchent non seulement des usines, mais des grappes industrielles ou des filières qui ont souvent pris des dizaines d'années à se constituer.
L'AQCIE a commandé une étude à une firme de recherche économique indépendante, E&B Data, une vaste étude des secteurs que nous représentons. Celle-ci comportait un sondage portant notamment sur la valeur des investissements projetés pour lesquels le Québec est une localisation envisageable d'ici 2008. Il en ressort l'existence d'un pipeline de projets d'immobilisations de quelque 5,7 milliards. Leur réalisation est qualifiée de très probable pour les répondants dans près de la moitié des cas, soit pour 2,8 milliards de dollars d'investissement. Ce montant évidemment exclut les dépenses normales d'entretien et de réparation.
Il est par ailleurs important de noter que ce sondage s'est tenu l'été dernier, soit à un moment de relative sérénité, c'est-à-dire que les grandes entreprises consommatrices d'électricité n'avaient pas atteint le degré d'insécurité qu'elles vivent actuellement face à l'avenir des tarifs, car il est clair que l'absence de stabilité, qui se perpétue depuis des mois, pourrait compromettre, en tout ou en partie, certains des projets dont ils avaient fait état à ce moment. Autrement dit, si on leur posait à nouveau la question aujourd'hui, les réponses seraient vraisemblablement en baisse.
De plus, dans ce même sondage, 96 % des répondants ont identifié le coût de l'électricité comme étant un facteur principal dans le choix de réaliser ou non ces projets. Ajoutons que le coût d'électricité aura également un impact sur le maintien des usines actuellement en opération, car, comme nous le mentionnons dans notre mémoire, les entreprises consommatrices d'électricité possèdent généralement des usines dans plusieurs pays du monde. Lorsqu'elles considèrent que les conditions qui leur permettent de se développer avec succès dans un lieu donné ne sont plus réunies, elles ne viennent pas manifester ici, devant le parlement, comme d'autres lobbys le font, elles cessent tout simplement d'investir dans la modernisation de ces usines. Celles-ci deviennent alors désuètes, elles ferment et continuent leur production ailleurs dans le monde. Les lois du marché mondialisé sont impitoyables mais bien réelles, et nous avons tous la responsabilité d'en tenir compte.
Jetons maintenant un coup d'oeil au contexte dans lequel nous évoluons. En raison d'une situation conjoncturelle et temporaire de prix à l'exportation plus attrayants, la société d'État et certains experts consultés semblent tenter de mettre tous les oeufs dans le panier de l'exportation de la ressource brute, même si cela risque de nuire au développement industriel réalisé par les clients historiques que sont les grandes entreprises consommatrices d'électricité. Nous demandons au gouvernement de ne pas laisser Hydro-Québec s'engager dans cette voie de l'exportation tous azimuts, car c'est une vision de court terme, axée uniquement sur les profits tirés de l'exportation d'énergie brute, au détriment de la transformation qui a généré, et continue de le faire, des retombées multiples au Québec. À notre avis, ce serait irresponsable de ne plus miser sur les grandes entreprises consommatrices d'électricité comme facteur de développement des régions, au profit des gains temporaires liés à l'exportation de la ressource brute.
Face à cela, la question que nous posons au gouvernement est de savoir quel mandat il entend donner à la société d'État. Lui permettra-t-il de tout miser sur l'exportation, apparemment plus payante en raison d'une situation conjoncturelle et temporaire de prix à la hausse? Se rend-il compte qu'en agissant de la sorte il contribuerait à ce que cessent les investissements de la plupart des entreprises consommatrices qui utilisent l'électricité sur place pour produire des biens, créent des emplois et de la richesse dans les communautés souvent situées en région éloignée?
La grande industrie consommatrice est en relative bonne santé. Les grandes sociétés consommatrices qui ont pignon sur rue au Québec ont des projets dans leurs cartons et s'apprêtent à procéder à des dépenses d'immobilisations de quelque 5,7 milliards. Où dépenseront-elles cet argent? Où réaliseront-elles ces projets? Une partie de la réponse se trouve dans cette salle, car l'issue de ces projets dépend des décisions qui seront prises par le gouvernement au sortir de cette commission.
Je vais tenter de vous résumer le plus simplement possible, et sans entrer dans trop de détails techniques, de quoi les grandes entreprises consommatrices d'électricité ont besoin pour maintenir leurs usines au Québec et développer le pipeline de projets. Deux grandes conditions succès: une politique tarifaire stable, juste et prévisible et une relation d'affaires de long terme fondée sur la confiance et la réciprocité avec le fournisseur d'électricité.
Commençons du côté des tarifs et regardons le contexte. En mettant fin, de façon abrupte et prématurée, au gel tarifaire dont bénéficiaient des grandes entreprises consommatrices d'électricité et en annonçant trois augmentations successives qui totaliseront à terme 7,1 % en 18 mois, le gouvernement et la société d'État ont semé l'inquiétude, ce qui a déjà entraîné le départ de certaines opérations vers d'autres juridictions canadiennes ou américaines ou ailleurs dans le monde, mis au neutre des projets qui auraient dû être lancés, bref créé un climat néfaste au développement et qui remet en cause non seulement la capacité des usines québécoises à aller chercher le meilleur du pipeline de projets en vue, mais aussi à simplement maintenir et développer leurs usines en place. Trois éléments ont contribué au climat d'incertitude: l'abandon du gel tarifaire, l'augmentation très importante et imprévisible des tarifs et les messages contradictoires envoyés par le gouvernement et la société d'État au niveau de la stratégie tarifaire.
Concernant plutôt l'environnement externe, mentionnons aussi que la concurrence est féroce et que plusieurs juridictions, dont certaines voisines, offrent des tarifs nettement plus avantageux et de long terme ? 10 ans dans certains cas ? que le Québec, ainsi que des programmes incitatifs des plus attrayants. C'est le cas notamment de certaines provinces canadiennes comme la Colombie-Britannique et le Manitoba, de certains États des États-Unis et de certains pays d'Amérique du Sud, d'Afrique, et l'Australie.
D'ailleurs ? et cela est déplorable ? la rumeur relative au climat d'incertitude qui sévit ici a déjà traversé les frontières, venant aux oreilles de juridictions concurrentes qui ne se gênent pas pour l'utiliser à des fins compétitives. En outre, concernant les options tarifaires, la disparition du Programme de puissance interruptible et la modification radicale de celui de la tarification en temps réel sont venus encore plus grever l'avantage du Québec comme site d'exploitation pour les grandes entreprises consommatrices. Comme elles réalisent des projets qui nécessitent une très grande capitalisation, elles doivent pouvoir compter sur une politique tarifaire stable, juste et prévisible qui leur offre la flexibilité et la prévisibilité dont elles ont besoin. L'AQCIE formule, dans son mémoire, des recommandations précises pour répondre à ces attentes, dont l'absolue nécessité que les tarifs reflètent les coûts et que toute augmentation tarifaire soit justifiée par une preuve de hausse de coûts devant la Régie de l'énergie.
Le temps des choix stratégiques approche pour le gouvernement. La haute direction d'Hydro-Québec a manifesté récemment, sur la place publique, son agacement face aux tarifs patrimoniaux dont bénéficient les Québécois et au premier chef les grandes entreprises consommatrices d'électricité. À l'instar de certains groupes de consommateurs, l'AQCIE considère que le fait d'avoir payé collectivement le développement hydroélectrique du Québec devrait donner accès à des tarifs patrimoniaux aux citoyens individuels et corporatifs.
Le lobby antientreprises consommatrices compte des adeptes, notamment parmi les experts qui ont défilé devant cette commission. Certaines de ces personnes peuvent même dire sans sourciller que le fait d'augmenter, de manière substantielle, les tarifs d'électricité des grandes entreprises consommatrices, même si elles représentent de 60 % à 80 % de leurs coûts d'exploitation dans certains cas, n'aura pas de conséquence négative sur leur présence ici, voire sur leur développement. En leur nom l'AQCIE vous dit: Ceci est complètement faux. Au contraire, des augmentations des coûts énergétiques non prévisibles auront un impact négatif tant sur le maintien de leurs activités que sur la réalisation de leurs projets de développement au Québec. C'est pourquoi le gouvernement doit se poser les bonnes questions. Préfère-t-il regarder partir des entreprises consommatrices installées depuis des décennies en sachant qu'il en coûte davantage pour attirer de nouveaux investissements pour les remplacer par la suite? Est-il bien conscient de la force d'attraction exercée par d'autres juridictions, et pas seulement l'aérospatiale, pour attirer chez elles des entreprises présentes ici?
Une grande entreprise consommatrice d'électricité qui quitte une région, c'est des villages qui ferment, des drames humains, des coûts sociaux importants. Il vaut mieux y penser avant et, malgré la conjoncture favorable à l'exportation d'électricité, conserver des relations d'affaires, entre le fournisseur et les grandes entreprises consommatrices, fondées sur la confiance, le respect et le dialogue. De toute façon, dans un secteur où il y a au moins cinq ans entre le début d'un projet et sa finalisation, la prévisibilité et le maintien d'une marge de manoeuvre font partie du quotidien. En ce sens, Hydro-Québec a tout intérêt à garder de bons liens avec son marché local, celui qui représente presque la moitié de ses ventes, car, en tant que partenaires d'affaires, les deux parties sont condamnées à travailler ensemble, et le temps viendra, une fois la manne américaine passée, où le fournisseur sera heureux de les avoir conservées comme clientes de proximité et de les avoir traitées en partenaires. À ce titre, elles souhaitent participer à la réflexion et considèrent pouvoir, notamment en ce qui a trait au Programme d'options tarifaires et à l'efficacité énergétique, contribuer positivement à aider la société d'État dans la gestion de sa marge de manoeuvre.
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(14 h 20)
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Le gouvernement doit prendre parti et reconnaître que le tarif industriel établi à partir de l'allocation des coûts, qui reflète ce qu'il en coûte pour desservir les grandes entreprises consommatrices d'électricité et qui n'est aucunement subventionné, s'il est moins élevé que le résidentiel, c'est parce qu'il est moins coûteux pour le fournisseur d'électricité de desservir les grandes entreprises. À titre d'illustration, une usine peut consommer, sur une base annuelle, autant d'électricité que trois fois une ville comme Valleyfield, mais elle le fait à partir d'un seul point de distribution, en continu, de façon uniforme sur toute l'année, contrairement à la consommation résidentielle qui compte des milliers de points de desserte et qui varie grandement d'une saison à l'autre.
Le tarif patrimonial moyen dont fait partie le tarif industriel est établi annuellement par législation. Il se situe actuellement à 0,0279 $ du kilowattheure. Et, comme la loi le prévoit, il augmentera progressivement pour intégrer les coûts de marché, avec l'ajout, à compter de 2005, des coûts marginaux de production excédentaires à 165 TWh. Il est avantageux pour tous et il a permis à la société d'État de générer des profits nets attribuables à la production qui dépassent largement 1 milliard de dollars par année. Par contre, certains observateurs recommandent plutôt de fixer dès maintenant des tarifs en fonction des prix de marché du Nord-Est, ce qui représenterait une augmentation de près de 300 % du tarif payé par les grandes entreprises consommatrices. Signalons qu'avant de formuler une telle proposition personne n'a pris la peine de réaliser ou même de suggérer la réalisation d'études portant sur l'impact qu'une augmentation aussi vertigineuse pourrait avoir sur les entreprises en place.
Cette position est tout à fait irresponsable pour plusieurs raisons. D'abord, elle entraînerait immédiatement un arrêt des investissements visant à moderniser les usines existantes, qui serait suivi d'un important exode de ces grandes entreprises vers d'autres localisations. Le marché se trouverait inondé d'une importante quantité d'électricité, ce qui ne pourrait être écoulé localement, forçant à l'exportation de grandes quantités, ce qui ferait chuter les prix. Finalement, comble de l'ironie, le gouvernement utiliserait les supposés surplus liés à ces ventes au prix du marché pour attirer de nouvelles usines créatrices d'emplois et de richesse dans les régions, en remplacement des grandes entreprises consommatrices d'électricité qui, elles, auraient fermé après plus de 50 ans ou de 100 ans de présence dans bien des cas. Pour éviter de se retrouver dans une situation aussi aberrante, il est essentiel de lier l'analyse sur l'avenir énergétique du Québec à celle du développement régional.
Deux questions dont je veux vous parler brièvement font également l'objet de recommandations de notre mémoire. Il s'agit de l'interfinancement et de l'efficacité énergétique. Au Québec, non seulement les tarifs industriels ne sont pas subventionnés, mais ils comportent un interfinancement de l'industriel vers le résidentiel de l'ordre de 116 %. Un interfinancement se produit lorsqu'une catégorie d'usagers ne produit pas suffisamment de revenus pour couvrir les coûts marginaux encourus par le distributeur pour fournir le service. Dans ce système, comme le résidentiel ne fait pas ses frais, alors l'industriel doit interfinancer en payant plus de 300 millions additionnels par année. Nous souhaitons que le gouvernement mette fin graduellement à cette façon de faire.
En ce qui concerne les programmes d'efficacité énergétique, les grandes entreprises consommatrices d'électricité considèrent qu'ils sont essentiels à l'atteinte des objectifs de développement durable qu'elles partagent avec le gouvernement et la société d'État. En fait, non seulement elles croient dans la pertinence de ces programmes, mais elles y participent et investissent dans leur mise en application à l'intérieur de leurs usines.
En plus de la fixation comme telle des tarifs dont nous avons parlé, il y a aussi toute la structure tarifaire qui est à revoir. Elle est en vigueur depuis plus de 20 ans. Elle est rigide et désuète et ne répond plus aux besoins d'une clientèle oeuvrant dans un marché de plus en plus compétitif. Ainsi, par exemple, elle ne permet pas aux industriels d'augmenter leur production pour bénéficier d'une circonstance ponctuelle, elle pénalise ceux qui auraient besoin de marge de manoeuvre dans la gestion des volumes d'électricité consommés à cause d'aléas de production imprévus et finalement elle n'offre pas d'option tarifaire qui pourrait en augmenter la flexibilité et réduire le coût moyen de l'électricité.
Dans plusieurs autres régions, les grandes entreprises consommatrices peuvent consommer... compter plutôt sur des tarifs de long terme ? 10 ans, par exemple. Cela leur permet de planifier et de gérer le risque associé à tout nouvel investissement. Au Québec, le gel tarifaire qui s'est terminé en 2003 a joué un rôle semblable à ces tarifs de long terme. Par quelle politique serait-il remplacé? Par des augmentations successives comme celles que l'on vient de connaître? Par des prix fixés par le marché? L'enjeu est important et se mesure en termes de développement économique pour les régions et de nombre d'emplois.
En ce qui regarde la nécessaire marge de manoeuvre de la société d'État, les grandes entreprises consommatrices d'électricité appuient sans réserve le fait qu'Hydro-Québec détienne une marge de manoeuvre d'au moins 10 TWh. En fait, elles considèrent que la société d'État devrait toujours être en mesure de fournir toute capacité additionnelle requise par les grandes entreprises consommatrices. Il s'agit là tant d'une condition d'attraction de nouveaux projets et de nouvelles usines que d'une condition de maintien de celles qui y sont actuellement. Cependant, il ne saurait être question qu'au nom de la marge de manoeuvre soient engagés des coûts tels qu'ils exerceraient une pression indue à la hausse sur les tarifs. De plus, elles considèrent que des programmes comme la puissance interruptible pourraient grandement aider la société d'État à prévoir et gérer sa marge de manoeuvre et sont disposées à y participer.
L'AQCIE recommande également que le développement de toute nouvelle source de production ou l'acquisition de nouveaux blocs d'électricité par la société d'État fassent l'objet d'une étude d'impact économique préalable et ne soient autorisés par la Régie de l'énergie qu'après s'être assuré que cette acquisition ne mettra pas en péril la compétitivité des tarifs québécois.
Selon nous, le Québec est en quelque sorte à la croisée des chemins en matière de gestion d'énergie électrique. Il est impératif que des décisions soient prises pour lever l'incertitude des derniers mois qui entoure la politique tarifaire. Déjà, des entreprises ont décidé de quitter le Québec et de réaliser leurs projets ailleurs. Un pipeline d'investissement projeté de quelque 6 milliards, d'ici 2008, se profile. Quelle sera la stratégie du gouvernement et de la société d'État face à cet investissement manufacturier potentiel? L'AQCIE considère être un interlocuteur de premier plan entre la société d'État et les grandes entreprises consommatrices d'électricité du Québec et est tout à fait disposée à jouer un rôle de facilitateur. Je vous remercie de votre attention et je suis disposé à répondre, ainsi que mes collègues, à vos questions.
Le Président (M. Bachand): Merci, M. Bélanger, pour cette présentation. Je vais donc permettre au député de Roberval de vous poser quelques questions. M. le député de Roberval.
M. Blackburn: Merci, M. le Président. M. Boulanger, messieurs, bienvenue d'abord chez vous. Je vous avouerai que, depuis le début de la commission parlementaire, nous avons eu l'occasion d'entendre des choses pas mal intéressantes qui nous ont été livrées, je pense, à chacune des sessions, et, moi, je suis convaincu que, sur le plan personnel, on va sortir de là grandis.
Mais il y a un élément sur lequel j'aimerais qu'on revienne parce que ça revient régulièrement et ça contribue à maintenir un certain niveau, je dirais, quasiment d'hystérie actuellement sur ceux qui viennent nous rencontrer, c'est par rapport à l'exportation versus l'électricité pour des gros projets. Jamais il n'a été question, de ce côté-ci de la salle, de dire qu'on allait priver des grands projets d'électricité au détriment de l'exportation. Et vous savez comment ça fonctionne parce que vous êtes dans le domaine, et, dans ce contexte-là, je n'ai rien à vous apprendre, mais vous savez qu'au niveau de la régie, par exemple, Hydro-Québec Distribution, versus le mandat que la régie... Et le mandat que la régie a comme surveillance... doit s'assurer de fournir à la population québécoise, aux besoins québécois de l'énergie.
D'autre part, nous avons Hydro-Québec Production qui, lui, alimente Hydro-Québec Distribution. Ce qui peut être exporté, c'est les surplus d'Hydro-Québec Production. Dans ce contexte-là, encore une fois, à chacune des fois que je vais avoir l'occasion de le faire, je vais le faire parce que c'est important qu'on puisse faire une démystification là-dedans. Ce n'est pas vrai qu'on a dit qu'on allait pénaliser le développement économique dans des régions, dans des projets, au détriment de l'exportation. Mais l'un n'empêche pas l'autre. Il n'y a rien qui dit là-dedans qu'on n'a pas le droit de faire d'exportation si on a la possibilité de la faire pour générer encore plus d'activités. Alors, j'aimerais juste faire cette mise au point là parce que tantôt, dans votre présentation de cette partie-là, vous sembliez mentionner qu'on avait pris cette décision-là de freiner le développement économique.
Mais j'aimerais vous entendre, M. Boulanger, sur ce que je viens de dire. Si à quelque part on est en mesure d'assurer de fournir de l'électricité à l'ensemble des industries québécoises, à l'ensemble de la population québécoise pour assurer son développement économique et qu'on a des surplus, est-ce que vous êtes en faveur de l'exportation de ces surplus-là?
Le Président (M. Bachand): M. Boulanger.
M. Boulanger (Luc): Dans un premier temps, le seul fait de mentionner que les tarifs de la production seraient enlignés avec le marché du Nord-Est américain, c'est-à-dire le 0,08 $, 0,09 $ dont certains experts ont parlé, ipso facto ça veut dire que l'orientation du gouvernement à Hydro-Québec, c'est l'exportation. Parce que, dans ces conditions-là, il est manifeste que le bloc d'énergie qui est actuellement consommé par la grande industrie en région ne pourrait pas se maintenir. C'est complètement utopique de penser à ça. Alors, notre inquiétude se réfère beaucoup plus à la stratégie d'Hydro-Québec et du gouvernement en ce qui a trait à la façon de fixer le prix des volumes patrimoniaux qui sont présentement légiférés, de l'ordre de 0,0279 $ du kilowattheure.
Ceci étant dit, on est évidemment conscients de la façon dont le système fonctionne, avec la responsabilité du producteur et du distributeur en matière de desservir les besoins des utilisateurs québécois. Et, sur la question spécifique de l'exportation, on est entièrement d'accord que l'exportation doit avoir lieu parce qu'il est complètement utopique de penser qu'on peut arrimer, de façon parfaite, la demande et l'offre en ce qui concerne l'électricité. Il faut toujours s'assurer qu'on a une certaine marge de manoeuvre pour faire face aux différents aléas qui peuvent survenir. Alors, dans cette optique-là, oui, on est d'accord avec l'exportation. On n'a jamais été contre ça. Au contraire, c'est une façon intelligente et logique de gérer la production d'électricité au Québec. Mais là où le bât blesse, c'es: Quelle est la taille de cette marge de manoeuvre? Est-ce que c'est 20 TWh? Est-ce que c'est 10 TWh? Est-ce que c'est 5 TWh? Et je pense que c'est là qu'il faut se poser de sérieuses questions. Parce que, aller tous azimuts et développer sans tenir compte que les coûts de production marginaux dépassent les prix qui sont consentis à l'exportation, on ne pense pas que c'est de la bonne business, à notre point de vue.
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(14 h 30)
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M. Blackburn: Je vous la pose, M. Boulanger, cette question-là parce que, ce matin, on a eu l'occasion de parler par rapport à certains chiffres ? même hier encore, en commission parlementaire ? puis on disait, à ce moment-là, que, certains chiffres, on les distorsionnait, on faisait de l'élasticité, on faisait de la contorsion. Il y a Pierre Fortin qui est venu nous rencontrer ici, un économiste, qui nous mentionnait justement cette marge de manoeuvre là, qu'elle devait être de l'ordre de 20 TWh... 10... ils devaient nous mettre une marge de manoeuvre de 20 TWh au lieu de 10. Mais selon vous ce serait quoi, la marge de manoeuvre idéale?
M. Boulanger (Luc): Il est évident que 20 TWh, c'est énorme. Je pense que la façon d'établir quelle est la marge de manoeuvre dont on a besoin, c'est de regarder à différents scénarios d'évolution de la demande, en tenant compte également des différents aléas comme l'hydraulicité et également la température. Et, une fois qu'on s'est satisfait pour être en mesure de faire face aux pires scénarios qui se reproduisent à une certaine fréquence, bien, là, on détermine une marge de manoeuvre. Et, moi, je vous soumets que 20 TWh, ça me semble énorme parce que, 20 TWh, quand on met ça sur le marché d'exportation, avec ces quantités d'énergie, vous allez exactement agir à contre-courant et il est fort probable que les prix ne se maintiendront pas parce que la quantité d'énergie qu'Hydro-Québec peut véhiculer sur les marchés d'exportation, c'est énorme, et ça, ça peut avoir une influence sur les prix. Alors, c'est des lois économiques élémentaires. Il faut essayer de viser un médium qui fait du sens, qui permet d'obtenir une sécurité énergétique d'une part sans pour autant aller dans l'excès et se doter d'une réserve qui ferait en sorte que les prix seraient moins attrayants. Et, 20 TWh, on vous soumet que c'est énorme.
Le Président (M. Bachand): M. le député.
M. Blackburn: ...cette année, je pense qu'on a eu l'occasion d'avoir une année exceptionnelle en termes de quantité d'eau qui a été...
M. Boulanger (Luc): Bien, justement, le modèle qu'on devrait prendre en compte, ce n'est pas celui qui nous donne l'exemple de cette année, ou de l'année passée, ou de l'année prochaine, c'est un modèle qu'on devrait prendre sur une période de très longue date, regarder les apports hydrauliques, regarder les différents écarts de température et, avec des formules informatiques, mathématiques de probabilités, en arriver à établir une taille de cette marge de manoeuvre. Et je vous soumettrai que, pour établir cette taille, l'organisme tout indiqué pour faire ça, qui serait prêt à entendre tous les experts dans le domaine, ce serait évidemment la Régie de l'énergie, et là on pourrait aller faire nos représentations à partir de différents scénarios pour pouvoir conseiller quelle serait la taille de cette marge de manoeuvre.
M. Blackburn: Juste une dernière question, M. Boulanger, pour permettre à mes collègues de pouvoir poser des questions aussi à leur niveau. Vous avez insisté, dans votre mémoire, sur la possibilité puis la nécessité de rendre des blocs de quantité importants à des tarifs stables et prévisibles. Mais il y a des experts qui sont venus nous rencontrer et qui nous ont dit aussi que, le tarif de grande puissance, le tarif L qu'on parle, semble-t-il que le tarif L n'est plus nécessairement concurrentiel pour permettre aux grandes entreprises de pouvoir venir s'installer ici et bien sûr faire du développement économique.
D'après vous, est-ce qu'il existe un potentiel pour le développement économique des grandes entreprises versus le grand tarif électrique?
M. Boulanger (Luc): Actuellement, on vous parle qu'il y a des projets d'environ 5,7 milliards de dollars. Alors, c'est sûr que le tarif L actuellement, dans sa structure actuelle, peut permettre de pouvoir continuer à oeuvrer au Québec, mais on sait que ce n'est pas le tarif le plus compétitif qui existe présentement, on est le sixième en Amérique du Nord et le neuvième au monde. Actuellement, l'action se déroule au Kentucky, ça se déroule en Islande, ça se déroule à Bahreïn, ça se déroule en Australie, au Brésil, en Afrique du Sud. Alors, il y a des évolutions effectivement où les tarifs sont plus attrayants qu'au Québec, et, quand on regarde, présentement on a quatre cas, entre autres, qu'on peut vous mentionner qui ont décidé de s'établir ailleurs. Il y a, par exemple, ERCO Mondial, qui est un client de chez nous, qui a décidé de choisir le Chili parce que c'est plus payant de s'y développer, il y a, entre autres, Nexen Chimie qui a décidé de s'établir au Manitoba, il y a Alcoa qui a choisi l'Islande et il y a Alcan présentement qui est en train de choisir le Kentucky. Alors, effectivement, il y a des endroits où c'est beaucoup plus attrayant pour s'y développer, et l'incertitude à laquelle on fait face présentement quant à la stratégie tarifaire, ce n'est pas de nature non plus à convaincre les investisseurs de venir s'établir au Québec.
Le Président (M. Bachand): Merci, M. Boulanger, M. le député de Roberval. M. le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue.
M. Bernard: Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Comme vous voyez donc, je viens de Rouyn-Noranda, où il y a une grande usine de fonderie, la fonderie Horne, que vous connaissez très bien. Moi-même, je suis ingénieur, j'ai travaillé dans le secteur minier. Alors, le sujet que vous venez de parler... Puis je vais être bref dans ma question. On parle beaucoup d'exportation versus le développement économique au Québec dans le choix qu'on peut faire des surplus d'énergie. Actuellement, donc, M. Caillé, l'année dernière, lors du plan stratégique d'Hydro-Québec, favorisait de diriger l'énergie disponible vers des entreprises, qu'il y ait plus d'emplois par mégawatt, c'est-à-dire, à ce moment-là, moins développer des secteurs comme les alumineries puis les fonderies.
Nous, quand on est arrivés au gouvernement, puis même le gouvernement précédent... On a actuellement des difficultés, dans le sens qu'il faut se battre avec les villes mono-industrielles, dans le sens que, malgré des tarifs... vous savez pertinemment que ce n'est pas simplement les tarifs d'électricité qui vont vous garder ici. O.K.? Puis je pourrais prendre plusieurs exemples du secteur minier, Murdochville, Matagami, la fonderie Horne, 400 emplois qui ont été perdus à Schefferville, puis le plus récent, Magnola, Magnola, un projet qui a été construit puis qui n'a pas démarré à cause de la compétition, et ce n'est pas à cause des tarifs d'électricité, à ce moment-là.
Alors, moi, je vous pose une question. Je suis d'accord à aider les grandes industries, mais, advenant qu'on donne des blocs d'électricité pour permettre... devrait-on attacher, à ce moment-là, des obligations que l'entreprise qui reçoit de l'électricité développe de la deuxième et troisième transformation pour diversifier l'économie des régions, pour éliminer les villes mono-industrielles?
Le Président (M. Bachand): M. Boulanger.
M. Boulanger (Luc): Alors, sur cette question-là, je pense que l'industrie qui a été interpellée était, entre autres, les alumineries, et je pense que, dans les différentes discussions qui ont eu cours, je ne pense pas que ces entreprises se sont objectées à faire des efforts pour la deuxième et la troisième transformation, à ma connaissance. Je ne peux pas spécifiquement parler pour le cas de Noranda, la fonderie Horne, mais il est évident que dans certains cas... Si, par exemple, on prend Murdochville, il y a une mine, il y a du cuivre, le minerai arrive à l'extinction. Alors, c'est bien clair que, même avec des tarifs d'électricité qui seraient zéro, si la mine est finie, elle est finie, là. Il faut quand même être réaliste.
Mais ce qu'il ne faut pas perdre de vue, c'est que l'électricité compte dans certains cas jusqu'à 60 % et 80 % des coûts d'opération. C'est déjà énorme. Alors, si on agit avec une politique tarifaire qui permet de maintenir des tarifs les plus compétitifs possible, on met déjà des chances de notre côté pour continuer. D'ailleurs, on vous fera remarquer que ce matin, dans La Presse, il y a deux entreprises qui ont fait part de leurs états financiers, Alcan et Cascade, et, dans les deux cas, on déclare que les revenus sont moins intéressants, et, dans les deux cas, on cite, entre autres, l'énergie comme étant un facteur qui a contribué à la détérioration de leurs états financiers.
Le Président (M. Bachand): Merci. M. le député, ça va? M. le ministre.
M. Hamad: Oui. Bonjour, messieurs. Bienvenue à Québec. Alors, juste ramener, là... Le Québec, moi, selon moi, c'est une belle terre fertile pour recevoir beaucoup d'entreprises, et je suis très fier. C'est une oeuvre de tous les gouvernements, là, ce n'est pas de la partisanerie, mais je suis convaincu, moi. Pourquoi je suis convaincu? Parce qu'on a des études KPMG qui parlent de coûts d'implantation et d'exploitation d'entreprises, là, comparativement au Royaume-Uni, l'Italie, France, Autriche, États-Unis, Allemagne et Japon. Et, si on prend l'indice qu'ils ont fait, en fait Québec, c'est 82; le Japon, c'est 119; les États-Unis, là, 100; et finalement le Québec, c'est le plus bas. Et, quand je prends l'indice de coût d'implantation et d'exploitation des entreprises dans les grandes villes d'Amérique du Nord, Montréal encore une fois est le plus bas, 84; Toronto, 87; Chicago, 101; Seattle, 105; New York, 115.
Il y a beaucoup d'éléments, là, au Québec qui sont des facteurs, la qualité de main-d'oeuvre. On a eu, il n'y a pas longtemps... L'automne passé, on a rencontré des présidents des ensembles des compagnies majeures américaines, et européennes, et même de l'Amérique du Sud. Le Québec présente beaucoup d'éléments, là, beaucoup d'éléments positifs: qualité de main-d'oeuvre, la sécurité aussi. La sécurité, c'est important. C'est bien sûr, on peut aller n'importe où investir, mais on n'a pas de sécurité pour l'investissement, on n'a pas de stabilité. Et il reste les coûts de l'énergie quand même ? tu sais, ils sont les plus bas, là, ils sont parmi les plus bas ? et aussi la qualité.
Un élément majeur, et j'aimerais le rappeler ici, là: quand on a eu le black-out, au mois d'août, aux États-Unis, là, on était fiers d'être Québécois. On était fiers parce qu'on n'a pas eu de problème, parce que notre réseau était disconnecté d'avec le réseau américain et aussi parce qu'on investit énormément dans notre réseau. La sécurité d'alimentation électrique joue un rôle majeur. Et donc, là, je peux en citer beaucoup de facteurs.
Vous avez parlé tantôt ? je vous ai écoutés en arrivant ? vous avez parlé d'un petit peu la marge de manoeuvre de l'exportation, etc. Historiquement, là, juste comprendre. Depuis l'année, mettons, je pense, 1995, on a exporté 24 TWh, 19, 14, 18, 22, 22, 15, 16. On a exporté énormément dans les années... Une marge de manoeuvre de 20 TWh pour Hydro-Québec pour l'exportation, ce n'est pas un objectif qui n'est pas atteignable, là, c'est faisable, et évidemment il faut bâtir les réserves.
Bien sûr, il faut encore une fois ? et je me répète là-dessus ? il faut toujours faire la distinction entre notre obligation, l'obligation, c'est-à-dire Hydro-Québec Distribution, de fournir à toutes les entreprises... Puis, une fois que c'est fait, avec Production on est capables d'avoir la marge pour exporter. Les deux ne vont pas l'un contre l'autre. C'est comme une entreprise. Vous êtes dans le domaine des entreprises. Je fournis à ma clientèle, et mon objectif, c'est avoir une nouvelle clientèle. C'est ça, on fait dans la business. Puis, une fois que j'ai répondu au carnet de commandes, mon objectif, c'est avoir un autre carnet de commandes, et évidemment ça continue à se développer.
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(14 h 40)
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Vous, vous pensez que... Quand vous parlez des états financiers des deux compagnies qu'on a vues aujourd'hui, je pense, ou hier, qui ont sorti... Il y a d'autres facteurs internationaux, là, dont on n'a pas le contrôle. Le dollar affecte nos exportations, il ne faut pas s'en cacher. Le dollar, il a monté depuis, comme on le sait, depuis deux, trois ans. Le prix du pétrole, le baril du pétrole, là, il n'y a personne au monde qui prévoyait, là, qu'il se rende à 52 $US le baril, personne, même la Banque du Canada, personne. Et, pour terminer puis venir à ma question, le Conference Board, il n'y a pas longtemps, l'automne passé, il disait que Québec, Québec, actuellement, dans le marché, c'est une des places les plus intéressantes à venir.
Et d'ailleurs, pour terminer, en termes d'impôts de compagnies, on est plus compétitifs que l'Ontario. Souvent, on dit que le fardeau fiscal est plus élevé. Au Québec, les compagnies paient moins d'impôts, uniquement impôts directs, là. Je ne parle pas de d'autres mesures fiscales. On paie moins cher que l'Ontario. Alors, moi, je pense qu'au Québec on présente beaucoup d'avantages.
Qu'est-ce que vous en pensez, de notre philosophie d'exportation, c'est-à-dire remplir, compléter la demande interne puis après ça faire l'exportation par Hydro-Québec Production?
Le Président (M. Paquin): M. Gariépy.
M. Boulanger (Luc): Bon. Alors, sur ce point-là, tout à l'heure, on a été très clairs, on n'est certainement pas contre l'exportation, puisque, de par le fait même, on ne peut pas arrimer l'offre et la demande de façon parfaite. Quand vous parliez, tout à l'heure, du passé, d'Hydro-Québec qui aura exporté jusqu'à 20 puis 24, et ainsi de suite, térawattheures par année, il faut quand même être très prudent avec ça parce qu'actuellement on ne fait pas face aux mêmes conditions de marché, le marché est déréglementé. Puis actuellement, du côté des États-Unis, présentement ils sont en train aussi de mettre en place toutes sortes de facilités de production pour aussi satisfaire leur demande. Alors, partir en pensant que, parce qu'on a déjà exporté 24 TW, on est en mesure de pouvoir encore le faire, c'est peut-être des paris, ça, là, qu'on n'est peut-être pas tout à fait prêt à prendre. Je pense qu'on aurait peut-être avantage à regarder ça de façon un petit peu plus critique, un petit peu plus analytique. Alors ça, c'est le point de vue qu'on a là-dessus.
On est d'accord que l'exportation, c'est un bien pour l'ensemble des usagers québécois. Ce qu'on vous dit cependant, c'est que, la taille de la marge de manoeuvre, on doit l'établir de façon prudente. Et, pour s'assurer que c'est fait de façon impartiale, on recommande que la régie soit appelée à trancher sur cette question et qu'on aille faire nos représentations devant cet organisme-là. Et là on déterminera c'est quoi, la fameuse taille de marge de manoeuvre dont on a besoin.
Le Président (M. Paquin): M. le ministre.
M. Hamad: Mais actuellement les indices... en fait la référence dans l'énergie... Le prix de pétrole, là, c'est une référence, et la pérennité des ressources ? gaz, pétrole, etc. ? est une référence de prix, là, on se comprend là-dessus. Et, lorsqu'on sait qu'une bonne partie aux États-Unis sont alimentés par le charbon, par le gaz, par le pétrole... Et, on a vu, là, on a vu, les chiffres sont là sur place, les prix montent, là, et notre électricité demeure toujours concurrentielle. La preuve, c'est que les prix sont là, actuellement, pour nous démontrer ça, et je ne pense pas que le pétrole, un jour, avec la pérennité de ressources, avec le contexte mondial... Et on le voit aux États-Unis, ils essaient d'avoir une sécurité énergétique nord-américaine. Bon, tout démontre actuellement... En tout cas, de ce que j'entends, les spécialistes nous disent que le prix de pétrole, il va continuer à être au moins à ce prix-là ou monter. Les coûts de ressources naturelles, on le sait, le gaz aussi, il monte. Évidemment, là, on essaie d'amener des ports méthaniers puis de stabiliser le marché. Ça monte.
Lorsque ça monte, automatiquement, automatiquement ça donne un avantage au Québec en termes d'électricité. Je ne parle pas évidemment de pétrole qu'on paie au Québec. Automatiquement, c'est un avantage. Alors, qu'est-ce que vous en pensez, de ce que les gens disent, les spécialistes à ce niveau-là?
M. Boulanger (Luc): Vous seriez prêt à gager tout votre REER sur la possibilité que ces prix-là seraient attrayants à ce point-là? C'est qu'à un moment donné les prévisionnistes prévoient, à partir de certains scénarios et des probabilités, que les prix soient à un certain niveau et à un autre, mais ce ne sont que des prévisions. De là à s'engager tous azimuts et investir massivement en assumant que tel sera le scénario qui va se matérialiser, c'est quand même très risqué. Alors, je pense que ce qu'on propose, c'est de... Tout en considérant dans le modèle que ce sont des possibilités qui peuvent se matérialiser, bien je pense qu'on dit: Oui, mais essayons d'avoir une taille qui puisse faire en sorte qu'on peut minimiser le risque de se retrouver avec des développements qui ne pourraient pas être écoulés à des prix attrayants. L'objectif premier, c'est en fait de servir les besoins québécois, et, dans cet objectif-là, il est clair que ça prend une marge de manoeuvre. Puis, sans la marge de manoeuvre, ça veut dire à ce moment-là qu'on a besoin d'exporter. Alors, il s'agit donc d'essayer de déterminer quelle est la taille idéale.
Le Président (M. Paquin): Rapidement, M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Hamad: Oui. En fait, là, je ne suis pas là pour gager, je suis là pour écouter les gens puis écouter des bonnes idées surtout aussi. Mais vous savez très bien que la Chine récemment a augmenté son besoin en pétrole, et ça continue à augmenter. Et vous savez que plus que l'économie chinoise avance et se développe, la demande augmente, et c'est une pression sur le marché. Juste ce facteur-là, ça donne beaucoup de choses, là, tu sais. On n'a pas besoin de gager, là, puis être un économiste ou un spécialiste dans le domaine pour comprendre que la Chine joue un facteur important sur l'économie.
Et, pour terminer là-dessus aussi, la Chine évidemment est un concurrent au Québec, mais en même temps c'est une bonne opportunité pour le Québec parce que, l'économie chinoise, quand elle va bien, nos ressources naturelles prennent de la valeur: le fer, l'or. Regardez le prix de l'or, regardez le prix du fer, tout ça a monté dans les années, là... cette année et l'année dernière, il y a deux ans à peu près, à cause de la Chine en bonne partie. Donc, on voit, là, que les ressources naturelles sont en... Le prix est en montant, compte tenu du contexte économique. Merci.
Le Président (M. Paquin): Mme la députée de Rosemont.
Mme Dionne-Marsolais: Merci. Messieurs, bonjour. D'abord, je vais tout de suite vous dire que, si, du côté du gouvernement, on pense qu'il y a de l'hystérie dans la réflexion énergétique, de ce côté-ci de la Chambre, on essaie vraiment de se documenter sur la réalité du développement économique de demain, et je pense que le document que vous nous soumettez, qui peut sembler sonner l'alarme, est assez cru mais assez clair. Vous dites dans vos constats... Vos constats, si on comprend bien, là, sont basés sur 130 usines qui appartiennent à vos membres et qui représentent le gros de l'activité industrielle. 42 % de l'électricité est consommée par eux. Vous avez des tableaux sur l'emploi, assez important aussi en termes de... Je pense que 85 % de l'emploi, là, vient des... 15 % de l'emploi... Oui, c'est ça.
Et vous dites une chose qui... Et je trouve ça important de le mentionner parce que vos entreprises, malgré... À la page 8, là, quand vous les positionnez dans le marché mondial, vous dites que, même si, de 2000 à 2001, il y a des secteurs qui ont subi un choc important au niveau des exportations, à cause de la variation sans doute du dollar, vous dites que les grandes entreprises, elles, se sont à peu près maintenues au niveau des exportations vers les États-Unis et ont à peine fléchi vers le reste du monde, malgré la détérioration des termes de l'échange nord-américain. Donc, ce qu'on comprend, c'est que, même dans le cas où la valeur du dollar canadien augmente par rapport au dollar américain, les grandes entreprises, elles, au niveau de leurs activités industrielles au Québec, n'auraient pas subi le même choc à la baisse de leur production que le secteur manufacturier dans son ensemble. C'est juste?
M. Matuszewski (Jean): C'est exact.
Mme Dionne-Marsolais: Bon. Si on vous suit, donc vous dites aussi, puis ça c'est extrêmement important, vous dites que ces mêmes entreprises là ont, dans leurs cartons, un pipeline, comme vous dites, de projets d'immobilisations pour une valeur de 5,7 milliards de dollars qui sont envisagés par leurs sociétés mères et qui pourraient se réaliser au Québec d'ici 2008. J'espère que le ministre m'écoute parce que c'est beaucoup d'investissements, ça. Et ce que vous dites ? c'est la phrase qui m'a le plus surprise: «Après analyse, le seul avantage comparatif qui peut véritablement faire la différence est le coût de l'électricité.» Pouvez-vous nous expliquer comment vous êtes arrivés à cette conclusion-là?
M. Matuszewski (Jean): Oui. On a fait donc un sondage auprès des entreprises en leur demandant les différents facteurs de localisation, et effectivement c'est les facteurs relatifs à l'énergie qui sont sortis de loin en premier. On a également posé la question comment ces facteurs ont évolué dans le temps, autrement dit par rapport à la première implantation de l'entreprise, quelle que soit la période, et aujourd'hui, et on s'est également rendu compte, à ce moment-là, que l'énergie était encore plus importante qu'auparavant.
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(14 h 50)
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Un autre élément qui est sorti, qui mérite d'être mentionné, les accès au marché, en termes de facteurs de localisation, ont augmenté. Et, soit dit en passant, il est important de rappeler que la majorité de l'industrie énergivore au Québec n'est pas ici, n'est pas au Québec, pour la taille du marché québécois, non plus que pour sa croissance. On pourrait même dire que la croissance des marchés mondiaux, parce qu'elle continue dans ces secteurs, est de plus en plus éloignée du Québec pour se trouver en Asie. C'est donc dire que la proximité, la présence d'un marché, la proximité du marché est de moins en moins un facteur pour la localisation de ces entreprises ici, au Québec. Et donc, à la marge, le prix de l'énergie finit par devenir un facteur déterminant, à plus forte raison lorsqu'on agit dans un contexte qui est de moins en moins prévisible, ce qui est désastreux pour un investisseur.
Mme Dionne-Marsolais: En fait, ce que vous dites, là, c'est un peu révolutionnaire, parce que, par rapport au passé, dans les industries grandes consommatrices d'électricité, la proximité de certains marchés de consommation était une variable extrêmement importante, même un peu décisionnelle. Ce que vous venez de nous... En fait, si j'ai bien compris, vous dites que maintenant ce n'est plus le cas, c'est le coût de l'énergie pour 96 % de vos répondants, là.
M. Matuszewski (Jean): L'énergie devient la denrée rare et donc la denrée déterminante dans le choix de site.
Mme Dionne-Marsolais: C'est extrêmement... Moi, en tout cas, je suis renversée d'entendre ça. Et, quand je lis votre échantillon puis votre note technique, là, je vois le degré de confiance qu'on peut avoir à ça. Je trouve ça extrêmement important pour l'avenir du Québec, je dirais, de ramener les yeux vis-à-vis les trous, là. La réalité d'aujourd'hui, ce n'est plus la réalité de 2000 ou de 2001 qu'on avait dans le document du profil économique et financier du Québec. Ça a changé, ça.
M. Gariépy (Michel): J'aimerais peut-être ajouter un point sur ça.
Le Président (M. Bachand): Allez-y, M. Gariépy, oui.
M. Gariépy (Michel): Présentement, la réalité que les industries, grands consommateurs électriques, vivent présentement... On sait que, dans nos usines, il y a environ cinq à sept ans, on avait des rencontres de planification puis on parlait bon de la globalisation des marchés. La globalisation de marchés, oui, c'était beau, on disait: Oui, ça va venir, ça va venir. Mais on peut dire aujourd'hui qu'elle est arrivée. Elle n'a pas juste frappé à nos portes, elle est entrée sans que... On ne voulait peut-être pas nécessairement qu'elle entre. Donc, de ce fait, on est rendus à compétitionner avec des usines à travers le monde qui, côté environnement, n'ont pas les mêmes exigences que l'on a ici et que l'on veut respecter pour nos industries ici.
L'aspect santé et sécurité, c'est la même chose. J'ai visité plusieurs usines dans le monde et je peux vous dire que l'aspect monétaire attribué à cet élément-là est réellement négligeable, l'aspect de la matière première aussi. On dit que, la matière première, il y a beaucoup d'usines au Québec qui se sont implantées pour le facteur électrique et le facteur de la matière première. Il faut dire que la matière première commence à descendre, au Québec, donc on doit aller la chercher ailleurs. Donc, le facteur de l'aspect du lieu où une usine va s'implanter joue aussi là-dessus. Donc, si réellement la matière première n'est plus au Québec, alors l'aspect énergétique devient de plus en plus important.
Donc, qu'est-ce qu'il reste à faire pour essayer de garder cette compétition-là? Il faut réduire absolument nos coûts unitaires. C'est la seule façon. Deux façons de le faire, essayer de travailler sur nos coûts de production. Donc, on travaille très fortement, pour toutes ces grosses industries là, à essayer de réduire nos coûts de production. Un gros élément, c'est l'efficacité énergétique. C'est un gros élément. On dit qu'il y a au moins, en moyenne, facilement 50 % des coûts de nos industries qui sont attribuables à l'électricité. Donc, naturellement, on travaille très fort sur ce domaine-là et plusieurs autres aussi.
Depuis le gel tarifaire, en 1997, donc ce qui est arrivé, c'est qu'on a travaillé très fort aussi à essayer de baisser nos coûts de production. Et ce que je peux vous dire: dans la majorité de plusieurs entreprises, juste l'augmentation tarifaire qu'on a eue en l'année 2004, côté électrique, est venue complètement annuler tous les efforts considérables qui avaient été faits dans plusieurs domaines autres que l'énergie. Donc ça, ça a fait très, très mal.
Et l'autre élément, ce qu'il est important de considérer ? on essaie aussi l'autre moyen ? c'est d'essayer d'augmenter notre production pour essayer de diminuer nos coûts par tonne, essayer de garder les coûts directs le plus faibles possible en augmentant notre production. Et de là c'est là qu'on a besoin de ressources électriques pour pouvoir augmenter cette productivité-là, et ça, c'est super important de voir que c'est l'avenir des usines existantes au Québec, pas strictement les projets. Donc, quand on parlait de pipeline de projets de 5,7 milliards, il faudrait être très prudent, ce n'est pas strictement des nouvelles usines qu'on va venir implanter pour aller chercher plus de profits, au contraire; c'est pour essayer de garantir déjà les investissements qui ont été faits au Québec et, on l'a mentionné tantôt, majoritairement dans les régions. Donc, c'est très important. C'est ce qui nous attend, là, dans les prochaines années.
Le Président (M. Bachand): Mme la députée de Rosemont.
Mme Dionne-Marsolais: C'est très intéressant, parce que, si je lis bien votre rapport, vous dites: Ces entreprises ? dans votre échantillon ? c'est à peu près 17 milliards de dollars de valeur d'expédition, là, de contribution au PNB, puis elles ont 5 milliards d'investissement prévu, enfin qu'elles pourraient réaliser moyennant des conditions satisfaisantes. Et vous dites aussi, troisième constat, vous dites que la société d'État ? on parle d'Hydro-Québec, évidemment ? a semé l'inquiétude, et a entraîné le départ de certaines opérations vers d'autres juridictions, et a mis au neutre certains projets justement en mettant fin, de façon abrupte et prématurée, au gel tarifaire dont bénéficiaient les grandes entreprises. Et donc trois éléments ? je vous cite, là ? ont contribué au climat d'incertitude: l'abandon du gel tarifaire, l'augmentation très importante des tarifs et les messages contradictoires envoyés par le gouvernement du Québec et la société d'État au niveau de leur stratégie tarifaire. C'est assez sérieux.
Et vous dites aussi quelque chose que je trouve... Ce sont des entreprises qui sont ici. Et, dans votre chapitre 3, vous êtes très précis: De quoi est-ce qu'elles ont besoin pour demeurer au Québec et se développer? Alors, la recette est là, si je peux utiliser cette expression-là. C'est assez clair.
Le quatrième constat ? et là ça m'amène à ma question typique, là ? vous dites: Elles réalisent des projets qui nécessitent une très grande capitalisation et elles doivent pouvoir compter sur une politique tarifaire stable, juste et prévisible, révisée également pour leur offrir la flexibilité et la prévisibilité dont elles ont besoin. Et vous formulez des recommandations pour que les tarifs reflètent les coûts et que toute augmentation tarifaire soit justifiée par une preuve de hausse des coûts devant la Régie de l'énergie. Vous me voyez venir: Est-ce que vous croyez que la production d'électricité devrait être assujettie à la Régie de l'énergie?
Le Président (M. Bachand): M. Boulanger.
M. Boulanger (Luc): O.K. D'abord, c'est une question qui est importante et qui pourrait à mon sens à elle seule faire probablement un débat d'une autre commission parlementaire parce que ce n'est pas une question qui est facile. Disons, dans un premier temps, quand on parle de production, on a les volumes patrimoniaux avec un tarif qui n'est non seulement pas réglementé, mais qui est en fait légiféré. Alors, comme disait M. Caillé, c'est plus que réglementé, c'est légiféré. Et nous sommes très confortables avec ça dans la mesure où le gouvernement pourrait, soit par décret, baisser le tarif dans l'éventualité où on jugerait que les profits d'Hydro-Québec Production sont suffisants, mais, chose qui est certaine, qu'ils ne pourraient pas être augmentés autrement que par une modification de la loi.
Alors, généralement, je pense que le bloc des volumes patrimoniaux fonctionne relativement bien, en ce qui nous concerne, et on ne verrait pas vraiment d'aménagement législatif à ce niveau-là. Là où le bât blesse, c'est quand on parle des facilités additionnelles de production, là où justement il n'y a pas de réglementation. Le meilleur exemple qu'on peut vous donner, c'est Suroît. Suroît, ce n'était pas réglementé, mais, en bout de ligne, est-ce qu'on ne peut pas dire que c'était réglementé, justement? Parce qu'une fois que les gens sont descendus dans la rue le gouvernement a eu besoin peut-être d'aller chercher un avis pour voir ce que la régie allait dire là-dessus. Et puis la régie, dans son avis, d'ailleurs, elle dit bien au gouvernement: Le système ne fonctionne pas vraiment, parce que de toute façon la compétition entre les différentes filières, ça ne marche pas. C'est évident, parce que, chaque fois qu'on veut développer une filière par rapport à une autre, ça prend un décret gouvernemental pour le faire, parce que, quand la libre concurrence fonctionne, il y a toujours la même filière qui est privilégiée.
Alors, nous, ce qu'on pense, c'est qu'effectivement la régie devrait avoir des pouvoirs plus larges en ce qui concerne la considération des développements additionnels de facilité de production, qu'on ne puisse pas laisser aller Hydro-Québec Production comme ça, «at large», et développer tous azimuts les différentes ressources, d'où ce qu'on mentionnait au début, là, sur la taille de la marge de manoeuvre qu'on estime être nécessaire, qui devrait être quant à nous sous la juridiction de la régie. C'est un aspect, je pense, qui devrait être considéré.
Mme Dionne-Marsolais: Vous avez aussi un cinquième constat fort intéressant quand vous dites que les grandes entreprises consommatrices doivent pouvoir compter sur une relation d'affaires de long terme, avec la société d'État, fondée sur la confiance et la réciprocité. Est-ce que cette relation-là est disparue? Elle a déjà existé?
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(15 heures)
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M. Boulanger (Luc): Bien, écoutez, à un moment donné, quand on fait face à des volte-face... On rencontre périodiquement les autorités de la société d'État. On a un message qui nous est livré. Quelque temps après, le message ne fonctionne pas. Il y a des messages qui ont été livrés en commission parlementaire sur une politique tarifaire qui ne se matérialise pas. Soudainement, ça nous vient par le coin gauche du champ, la possibilité de fixer les tarifs patrimoniaux à l'échelle des tarifs ou des prix à l'exportation. Tout ça, ce sont des déclarations, des déclarations publiques qui ont été faites par des gens responsables. Alors, quand le président d'Hydro-Québec dit publiquement qu'il serait préférable que les tarifs soient fixés à l'échelle des marchés d'exportation, on doit quand même prendre que c'est sérieux, ça, là.
Alors, quand on fait face à ce genre de commentaires, ou encore on nous dit: Bien, le modèle de l'Alberta, c'est un modèle qui est très efficace, peut-être qu'on pourrait penser à appliquer le modèle de l'Alberta au Québec. Quand on regarde aussi la commission parlementaire qui reçoit différents experts qui viennent dire: Oui, c'est vrai, ça a du sens, on pourrait aller chercher 7,9 milliards de revenus additionnels sur lesquels on pourrait verser des dividendes au gouvernement, et ainsi de suite, la grande entreprise est fortement affectée par ça.
Mme Dionne-Marsolais: Oui, oui. Moi, en tout cas, je... Vous dites qu'il est de votre devoir de sonner l'alarme, et je pense que votre mémoire sonne l'alarme, et je crois qu'il y a beaucoup de députés en tout cas qui l'ayant lu et qui vont le diffuser sont alarmés.
Et je vais terminer mon intervention parce que je sais que j'ai un collègue qui veut poser une question. À la page 15 de votre mémoire ? puis ça, j'insiste parce que je voudrais que le ministre et les députés d'en face regardent cette page-là ? à la page 15, il y a un graphique qui s'appelle Variations d'importance des facteurs de localisation entre 1994 et 2003, et, si je le lis bien, c'est la différence entre les facteurs de localisation futurs et passés considérés déterminants, en pourcentage de pondération par emploi, en 2003. Et ce que l'on constate, le plus gros facteur aujourd'hui, c'est l'énergie autre ou le coût de l'électricité, qui est très près, et ça, c'est la différence, là, en termes...
C'est extrêmement significatif parce que ce que vous nous dites puis ce que vous nous présentez, c'est une nouvelle stratégie de développement industriel pour le Québec, qui doit maintenant, de manière encore plus agressive que dans le passé, utiliser cet avantage que nous avons, qu'est l'électricité, pour fins de continuer son développement économique et social. Est-ce que je le lis bien?
M. Boulanger (Luc): Vous lisez très bien. Et ce qu'on veut et ce qu'on demande au gouvernement, c'est non seulement une confirmation quant à son intention, à sa stratégie de continuer d'utiliser l'électricité comme facteur de développement régional de la même façon qu'on le faisait traditionnellement, on a besoin de cette garantie du gouvernement ou au moins de cet engagement du gouvernement, d'une part, et aussi l'absolue nécessité de commencer à travailler avec la société d'État pour développer des options tarifaires.
Mme Dionne-Marsolais: Adéquates, oui.
M. Boulanger (Luc): Elles sont vitales pour nous parce qu'elles viennent réduire nos coûts moyens d'utilisation d'électricité. Ça veut dire, ça, de la puissance interruptible qui est vraiment payante pour l'industrie et payante pour le distributeur et la société d'État parce qu'elle l'aide à gérer sa marge de manoeuvre, des options également d'énergie interruptible, de tarification en temps réel. On a besoin d'un tarif L qui est plus flexible, qui ne pénalise pas la consommation et qui permet à l'industrie d'être capable d'opérer dans un cadre flexible. C'est de ça qu'on a besoin et c'est de ça qu'on a besoin comme engagement du gouvernement face à sa société d'État.
M. Gariépy (Michel): J'aimerais peut-être ajouter un peu par rapport à ce que M. Boulanger...
Le Président (M. Bachand): Oui. Oui, allez-y... M. Gariépy, parce qu'il y a M. le député de René-Lévesque qui aimerait intervenir.
M. Gariépy (Michel): Donc, juste un point. Il faut se rappeler que le tarif L des industriels date de plus de 20 ans. Donc, il est temps qu'on s'adapte réellement à l'économie d'aujourd'hui et aux contraintes que les entreprises ont présentement à essayer d'arriver avec des coûts unitaires moyens le plus bas possible. Et on a beaucoup de propositions à faire avec Hydro-Québec pour travailler sur ce sens-là pour essayer d'aider justement cette flexibilité-là.
Le Président (M. Bachand): Ça va? Merci, M. Gariépy. M. le député de René-Lévesque, en deux minutes. Si vous êtes capable de nous faire ça, ce serait idéal.
M. Dufour: Impossible que je fasse ça en deux minutes, il faut que je fasse une mise en contexte.
Le Président (M. Bachand): Je suis sûr que la qualité va... Ce n'est pas une question de qualité, c'est une question de quantité pour vous? Non. C'est plutôt l'inverse. Allez-y, M. le député.
M. Dufour: Merci, M. le Président. Alors, messieurs, bienvenue à la commission parlementaire. Alors, peut-être quelques mises en situation, là, parce que quelques collègues du côté ministériel ont avancé certaines choses.
Moi, je comprends, là, ce que M. le ministre dit. À plusieurs reprises, d'ailleurs, on se regarde puis on rit. Hydro-Québec Production, Distribution, 160 TWh, les blocs patrimoniaux, ça, je comprends tout ça. Dans le dossier d'Alcoa à Baie-Comeau, André Caillé a confirmé ici, en commission parlementaire, le printemps dernier, qu'il avait les 175 MW pour Alcoa à Baie-Comeau.
Effectivement, un autre collègue a parlé d'emplois de deuxième et de troisième transformation. Il y avait, dans les ententes antérieures, des obligations de résultat de deuxième et de troisième transformation au niveau des emplois avec des pénalités. O.K.? Il y en avait, dans ces ententes-là, avant.
J'ai expliqué hier, puis je le dis ouvertement: à mon avis, ce qui a causé l'échec des négociations dans le dossier d'Alcoa à Baie-Comeau, c'est exactement ce que votre première recommandation cite: c'est la prévisibilité des hausses de tarifs d'électricité. Ce n'est pas compliqué, là, quand la société... quand l'État demande à sa société 600 millions de plus, la société se revire de bord puis elle demande des hausses de tarifs d'électricité. Même chose au niveau de Loto-Québec: 75 millions de plus à l'État, on double les billets de loterie. C'est comme ça que ça fonctionne.
Puis, il est important que je dise aussi: Hier, il y a du monde qui se sont présentés ici. Ils disaient que, sur sept grandes entreprises au Québec, les sept entreprises donnent à la société d'État 571 millions. Alors, j'ai fait un calcul rapide, là, c'est sept chèques au niveau de sept entreprises qui donnent directement à Hydro-Québec. Si on enlève ces entreprises-là parce qu'il n'y a pas de prévisibilité de hausses tarifaires, il faut qu'on connecte 450 000 résidences. Alors, si on enlève l'industrie, on va plutôt en déconnecter, des résidences, on n'en connectera pas. Alors, quelle est votre vision de la prévisibilité des hausses tarifaires, pour vous?
Le Président (M. Bachand): Très rapidement, M. Boulanger, et en conclusion, s'il vous plaît.
M. Boulanger (Luc): En conclusion, pour être prévisibles, c'est très simple, il faut que les tarifs reflètent les coûts. Alors, les coûts évidemment ne peuvent pas être, du jour au lendemain, complètement virés à l'envers, là. Alors donc, dans la mesure où les tarifs reflètent les coûts, je pense qu'on obtient la prévisibilité. C'est aussi clair que ça.
Le Président (M. Bachand): M. Boulanger, M. Matuszewski et M. Gariépy, merci infiniment de vous être présentés à la commission. On vous souhaite un bon retour. Donc, je vais inviter tout de suite l'Association des propriétaires du Québec à se mettre en place.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Bachand): Donc, bonjour, messieurs. Bienvenue à la commission, messieurs de l'Association des propriétaires du Québec, M. Messier.
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(15 h 10)
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Donc, je vous rappelle rapidement les règles de la commission, même s'il vous semble qu'elles sont familières maintenant, compte tenu du nombre de personnes, du nombre d'invités que nous avons reçus à la commission. Vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire et 20 minutes de questions de la part de l'opposition et aussi de la part... un autre 20 minutes du côté ministériel.
Donc, sans plus tarder, je vais vous demander de vous présenter, messieurs, pour le bénéfice des membres de cette commission. Monsieur, allez-y.
Association des propriétaires
du Québec (APQ)
M. Messier (Martin A.): Bonjour, M. le Président. M. le ministre, Mmes et MM. les députés, mon nom est Martin Messier, je suis le président de l'Association des propriétaires du Québec; à ma gauche, M. Richard Lemay, directeur général, et, à ma droite, M. Berthold Lévesque, conseiller.
M. le Président, M. Lemay fera la présentation de notre mémoire, et j'enchaînerai ensuite avec diverses précisions.
Le Président (M. Bachand): Allez-y, M. Lemay.
M. Lemay (Richard): Parfait. M. le Président, donc vous avez le mémoire qui a été préparé par l'Association des propriétaires du Québec pour la commission parlementaire sur la prochaine stratégie énergétique du Québec.
Un court résumé au niveau de l'APQ. Donc, l'Association des propriétaires du Québec a été fondée en 1984 dans le but de défendre les droits des propriétaires de logements locatifs du Québec. Pendant toutes ces années, l'APQ a été impliquée dans tous les dossiers qui touchent de près les propriétaires et gestionnaires d'immeubles en regroupant, aujourd'hui, plus de 7 000 membres qui possèdent plus de 300 000 logements. Cette implication de l'APQ dans tous les dossiers socioéconomiques qui concernent l'habitation s'est faite en communication et en collaboration avec les principales instances gouvernementales et municipales.
L'APQ offre également à ses membres des services tels que des conseils juridiques par le biais d'avocats spécialisés en droit locatif et qui sont au service des propriétaires. Le principal regroupement des propriétaires de logements locatifs du Québec qu'est l'Association des propriétaires du Québec fournit à ses membres une panoplie de services et de réductions avec des fournisseurs tout en publiant de l'information pertinente sur l'habitation avec son journal mensuel, Le propriétaire, qui est édité depuis plus de 20 ans.
Enfin, l'APQ a toujours participé activement aux différents dossiers qui touchent de près les propriétaires de logements locatifs et est heureuse encore une fois de fournir ses commentaires dans le cadre de la présente réflexion sur la future politique énergétique du Québec initiée par le ministère des Ressources naturelles, de la Faune et des Parcs.
Le gouvernement du Québec tient une consultation particulière, en 2005, sur le document intitulé Le secteur énergétique au Québec ? Contexte, enjeux et questionnements. L'Association des propriétaires du Québec apporte sa participation en fournissant quelques commentaires, en gardant dans l'esprit qu'on doit planifier à long terme nos ressources d'énergie pour tout le Québec alors que nos propriétaires de logements locatifs seront touchés directement par nos futures stratégies énergétiques.
Nous savons que le chauffage, l'éclairage sont des frais d'exploitation très importants pour les propriétaires, et ceux-ci souhaitent que notre société puisse bien planifier l'avenir et diversifier les ressources existantes afin de pourvoir aux besoins futurs des Québécois. Nous croyons finalement que l'initiative du gouvernement, par le biais de son ministère des Ressources naturelles, de la Faune et des Parcs, s'imposait réellement alors qu'on connaîtra des hausses importantes des coûts en provenance des différentes sources d'énergie présentement utilisées, autant au niveau du gaz naturel, du pétrole que de l'électricité.
Dans le cadre de cette consultation, il faut avoir à l'esprit que le secteur énergétique est d'une importance capitale pour notre société, nos citoyens, nos institutions et qu'il faut vraiment rechercher et mettre en place des nouvelles stratégies pour développer et rendre des plus compétitives nos entreprises. La réflexion s'impose d'autant lorsqu'on a toujours à la mémoire cette importante pénurie d'électricité qui a provoqué toute une crise en Californie, celle également chez nous l'hiver dernier et chez nos voisins américains et ontariens en 2003. Donc, l'importance de la sécurité énergétique.
L'énergie est absolument nécessaire pour le bon développement du Québec sur deux plans fondamentaux. D'une part, pour les nécessités sociales des Québécois, l'énergie est capitale dans la satisfaction des besoins de base des citoyens, comme se chauffer, se nourrir ou se transporter. Le Québec est un territoire de grand froid pendant près du tiers de l'année. Le froid est un élément du risque important pour la sécurité de la population du Québec. Il nous faut donc avoir une politique énergétique qui soit à la mesure de nos besoins en énergie. Un accès fiable et à prix concurrentiel aux différentes sources d'énergie est donc une nécessité pour maintenir et développer notre mode et notre niveau de vie.
D'autre part, pour les besoins économiques du Québec, l'énergie est un facteur fondamental de réussite économique. Un accès fiable et à prix concurrentiel permet de rendre nos entreprises et notre économie plus dynamiques et plus compétitives. Une économie où le prix de l'énergie serait trop élevé au Québec par rapport à celui de nos concurrents commerciaux pourrait affecter sérieusement nos entreprises et provoquer d'importantes pertes au niveau de l'emploi.
Au Québec, depuis maintenant longtemps, la disponibilité de l'électricité est considérée comme un avantage important pour le développement économique de toutes les régions. Dans un contexte de très forte compétition internationale, il faudrait être en mesure de conserver nos avantages les plus importants. Le Québec ne peut donc se permettre une situation où la disponibilité de l'énergie serait mise en doute.
Ce qu'il faut faire, c'est assurer la sécurité énergétique du Québec. Pour mieux assurer la sécurité énergétique du Québec, deux stratégies principales devraient être adoptées: premièrement, adopter des habitudes de consommation d'énergie, mais surtout au niveau de l'électricité, avec des programmes encore plus efficaces et plus économes. Ceci peut se faire par plusieurs moyens, dont de l'information publique, des technologies de chauffage plus efficaces mais aussi plus rentables pour l'acheteur, un prix de l'électricité qui favorise plus l'économie, car présentement les très bas prix que l'on retrouve au Québec incitent les consommateurs à consommer toujours plus. Deuxième méthode: diversifier les ressources d'approvisionnement et les filières de production pour s'assurer de satisfaire la croissance et la demande au Québec dans les années à venir. Il nous faut diversifier nos sources d'approvisionnement. En gros, cela signifie de lancer de nouveaux projets de production hydroélectrique, éolienne ou par cogénération au gaz naturel.
Le Québec possède des ressources hydroélectriques considérables qu'on doit pouvoir exploiter tout en s'assurant de minimiser le plus possible les impacts de l'environnement. Le Québec se doit aussi de mieux utiliser ses ressources énergétiques, donc de mettre la bonne énergie à la bonne place. Ceci veut dire utiliser l'électricité là où elle est la plus efficace, soit la lumière, force motrice, le gaz naturel là où il est le plus efficace, pour le chauffage de l'air et de l'eau. À cet effet, l'usage du gaz naturel pour le chauffage peut se faire à l'aide d'équipement de très haute performance, soit 95 % d'efficacité. De plus, le gaz naturel est le combustible fossile le plus propre de tous. Il produit environ 40 % moins de gaz à effet de serre que le mazout n° 2 et significativement moins d'oxyde de soufre et d'oxyde d'azote.
D'autre part, l'usage de l'électricité au chauffage exerce une pression considérable sur les approvisionnements électriques au Québec. Faire un plus grand usage de gaz naturel au chauffage résidentiel, qui n'en représente que 8 % au total au Québec et environ 15 % pour la grande région de Montréal, serait un gain important pour la sécurité énergétique du Québec.
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(15 h 20)
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Enfin, pour favoriser une plus grande sécurité des approvisionnements du gaz naturel et de meilleur prix, il faut aussi pouvoir diversifier nos sources d'approvisionnement. Présentement, le Québec est captif d'une seule source de gaz, l'Alberta, et d'un seul transporteur, TransCanada PipeLines. Le Canada doit donc favoriser des projets comme des ports méthaniers qui appuient une stratégie de diversification des sources et qui seraient très avantageux pour les consommateurs de gaz naturel du Québec.
En conclusion, les Québécois peuvent profiter de deux grandes sources d'énergie importantes: le gaz naturel et l'électricité. Nous devons favoriser les deux sources d'énergie dans le futur portefeuille énergétique du Québec. Il faut utiliser de façon optimale cette importante source québécoise qu'est notre électricité. Nous croyons également que notre future politique énergétique doit comprendre des bons systèmes d'économies d'énergie alors qu'on devrait y mettre un effort prioritaire en ce sens au cours des années à venir. Nous savons qu'un travail important a déjà été entrepris par Gaz Métropolitain et Hydro-Québec pour la mise en place de programmes d'économies d'énergie, et notre appui en ce sens est inconditionnel. Pour pouvoir conserver notre mieux-être actuel, il faudrait miser fortement sur une sensibilisation très significative des citoyens de notre territoire qu'est le Québec pour participer aux différents modes d'économie d'énergie qui doivent être encouragés fortement dans le cadre de notre future politique énergétique québécoise.
L'Association des propriétaires du Québec reconnaît que le Québec devait réellement se donner la présente réflexion sur notre dossier énergétique, un grand défi à relever qu'il faut faire avec des partenaires aussi importants que Gaz Métropolitain, Hydro-Québec, et favoriser également de nouvelles sources d'énergie, une commande bien précise pour nos experts dans le domaine. En conclusion, l'APQ croit qu'il faut miser sur les ressources actuelles énergétiques, entreprendre de sérieux efforts pour créer de nouveaux systèmes d'économies d'énergie et sensibiliser, d'une façon importante et répétitive, tous les Québécois à économiser cette même énergie avec des sources qui ne sont plus considérées comme étant intarissables.
L'Association des propriétaires du Québec tient à remercier le gouvernement du Québec qui lui a donné l'occasion de s'exprimer dans le cadre de la présente consultation.
Le Président (M. Bachand): Merci, messieurs, pour la présentation de votre mémoire. Est-ce que ça conclut la présentation de votre mémoire?
M. Messier (Martin A.): Non, M. le Président.
Le Président (M. Bachand): O.K. Excusez-moi. Allez-y, M. Messier.
M. Messier (Martin A.): M. le Président, je vais tout de suite me permettre de procéder en me permettant de souligner à la commission les préoccupations qui sont celles des propriétaires d'immeubles locatifs du Québec. On en a fait état, évidemment l'intérêt pour nous de maintenir une diversité de sources d'énergie est importante, mais, dans le contexte actuel, elle est malheureusement illusoire.
Dans les projets de construction résidentielle, actuellement on n'étudie même pas en fait la possibilité d'utiliser autre chose que de l'énergie électrique, pour la simple et bonne raison que c'est le seul mode d'énergie, avec les systèmes qui sont à notre disposition, qu'on peut refacturer aux locataires, hein? Le locataire a un compte directement d'électricité, et c'est la raison pour laquelle, dans tous nos projets... dans la vaste majorité des projets, on met un compteur électrique pour chacun des locataires.
Dans la mesure où on considère qu'il est souhaitable qu'on maintienne une diversité en approvisionnement... Et même je vous dirais que, pour le parc actuel, on parlait d'un faible pourcentage, et c'est un pourcentage qui a tendance à réduire parce qu'encore une fois les propriétaires vont avoir le goût d'abandonner les autres modes de chauffage pour en revenir à un chauffage électrique. Alors, je veux sensibiliser les membres de la commission à cet aspect-là pour ensuite parler d'économies d'énergie et sensibiliser aux difficultés que notre marché rencontre.
Dans le système actuel, quand on se compare à nos voisins du Sud, les possibilités de répartir la facture énergétique, dans les autres systèmes de chauffage, que ce soit le gaz ou l'huile, c'est chose du courant. On a des systèmes informatiques qui vont permettre la répartition en fonction du nombre de pieds carrés, en attribuant un pourcentage aux espaces communs, mais finalement le locataire, même avec les autres types d'énergie, va se voir impartir une facture qui est celle de sa consommation estimée à l'aide des logiciels ou dans certains cas de compteurs individuels, là, ce qu'ils appellent le sous-mesurage.
Malheureusement, au Québec, en fonction des normes qui sont utilisées, notamment les normes de fixation de loyer de la Régie du logement, c'est impossible. Vous savez que notre système de fixation de loyer au Québec, il utilise plutôt un pourcentage de la facture totale, et c'est seulement la variation de la consommation qui est répartie à l'ensemble des locataires. Encore une fois, la problématique est encore plus difficile dans le cas des autres sources d'énergie que l'électricité parce que la statistique fait en sorte que la variation estimée par Statistique Canada n'est pas la variation réelle des propriétaires.
Concrètement, ce que ça veut dire, c'est que, cette année, un propriétaire qui demande une augmentation de loyer, qui chauffe ses immeubles à un gaz, va se voir multiplier par un facteur négatif. S'il a dépensé 100 000 $ d'énergie en gaz naturel, il va avoir moins 1 300 $ d'augmentation de loyer à distribuer, pour ce qui est du gaz, parce que Statistique Canada a établi que, de 2004 à 2003, il y a eu une réduction du prix du gaz. Or, dans 100 % des cas, les propriétaires vont vous dire que leur facture à eux a augmenté. Pourquoi? Parce que le système actuellement est désuet et tient compte des mois où il fait chaud dans la même importance que les mois où il froid. Donc, on prend juillet, il est d'égale importance à janvier. Or, on le sait, les coûts du marché sont régis par l'offre et la demande, et, moi, mon gaz et mon huile de chauffage, en janvier je les paie malheureusement beaucoup plus cher que je ne les paierais en juillet si je chauffais à ce moment-là. Et donc cette dynamique-là fait en sorte que, dans une recommandation où on veut maintenir un équilibre ou favoriser un équilibre entre les différentes sources d'énergie, c'est un frein, sinon un mur en fait important pour les propriétaires. Il n'y a pas un propriétaire, avant qu'on réforme cette façon d'attribuer les coûts d'énergie, qui va investir dans d'autre chose que de l'électricité. Donc, premier point.
Deuxièmement, on soutient évidemment les démarches, là, qui ont été entreprises pour l'efficacité énergétique. Particulièrement dans le domaine de l'immobilier locatif, c'est une problématique, hein, notre parc immobilier se détériore. C'est un parc qui a été construit il y a déjà plusieurs années pour la vaste majorité des logements. Et encore une fois, dans cette dynamique-là, malgré tout le support et tout l'appui qu'on est en mesure de donner, de l'information qu'on tente de distribuer à nos membres, encore là il y a un frein important parce que tous ces travaux-là qui devraient être entrepris par le propriétaire sont des travaux qu'on considère être comme des travaux majeurs. Alors, changer des fenêtres, refaire un toit, refaire l'isolation, changer les systèmes, par exemple, de thermostats électriques conventionnels pour des thermostats électroniques plus précis, ce sont tous des éléments qui sont considérés comme des travaux majeurs.
C'est travaux-là sont encore une fois régis, quant à leur augmentation, de façon très, très stricte. On prend pour le calcul cette année, pour chaque 1 000 $ investi, le propriétaire n'avait droit qu'à 3,25 $ par tranche de 1 000 $. Donc, finalement, pour chaque 1 000 $, j'ai le droit d'augmenter mon loyer de 3,25 $ parce qu'on tient compte, dans cette dynamique-là, de l'augmentation du taux d'intérêt. On prend le certificat de dépôt à terme de cinq dans les grandes institutions financières et on majore ce taux-là de 1 %. Avec les taux d'intérêt qu'on connaît actuellement, ça nous donne un rendement extrêmement faible depuis plusieurs années, ce qui fait que malheureusement, dans tout ce qui est économie d'énergie, les propriétaires, s'ils investissaient, auraient un rendement sur leur argent, un PRI, là, qui dépasse la mesure. Donc, il y a une autre dynamique où, oui, dans ces deux dynamiques-là, on veut maintenir un équilibre.
On veut également faire de l'efficacité énergétique, mais il faut être sensible au fait que notre marché est soumis à des freins plus qu'importants, et il nous apparaissait important de souligner à la commission que des recommandations qui iraient dans ce sens-là doivent nécessairement s'intégrer avec une révision de ces normes-là.
Ça complète la présentation, M. le Président.
Le Président (M. Bachand): Excusez-moi. Merci infiniment, messieurs, de votre présentation. M. le ministre des Ressources naturelles, de la Faune et des Parcs, allez-y, M. le ministre.
M. Hamad: Merci, M. le Président. Bienvenue à Québec. Vous savez, il y a... Comment vous répondez à ça? On entend ça souvent, on dit: Bon, bien, il y a des locataires qui assument la facture d'électricité. Donc, évidemment, là, tout dépend. Vous l'avez bien dit tantôt, certains parcs immobiliers sont un peu plus vieux, moins bien isolés, donc on consomme plus d'électricité pour un locataire, et finalement c'est le locataire qui paie pour ça. Donc, qu'est-ce qu'on peut faire pour inciter les propriétaires à isoler davantage ou à faire mieux?
Le Président (M. Bachand): Allez-y, M. Messier.
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(15 h 30)
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M. Messier (Martin A.): Écoutez, c'est heureux comme question mais malheureux comme problématique. On a effectivement une problématique où le propriétaire devrait investir, alors que c'est le locataire qui réalise les économies d'énergie. Et le retour sur investissement qui est généré par les mesures d'économies d'énergie est, écoutez, ridicules 3,25 $ du 1 000 $, là, il faudrait que l'investissement sur cette mesure-là... Même si elle se traduit en rendement, en confort et possiblement en valeur ajoutée pour l'immeuble, il n'y a pas un propriétaire qui le fait, et c'est donc extrêmement malheureux, d'où selon nous la nécessité d'implantation de programmes à incitatifs partagés qui permettent aux propriétaires d'y trouver leur compte et en même temps d'aider leurs locataires. Ce sont des solutions qu'on étudie avec certains partenaires actuellement. Mais c'est la seule façon d'en venir, hein... parce qu'il va être extrêmement difficile de convaincre un propriétaire d'investir dans une mesure qui ne lui rapporte pas directement à lui, d'autant plus qu'on parle de 3,25 $ du 1 000 $.
Donc, effectivement, il y a un ajustement à faire au niveau de cette méthode-là de répartition des coûts, qu'il y ait peut-être une exception de faite à la loi, notamment quand le propriétaire investit dans des travaux qui visent l'efficacité énergétique, l'économie d'énergie, qu'on permette une hausse plus raisonnable, sans être élevée, mais raisonnable des loyers, et également sûrement de prévoir, comme on aide cette clientèle-là, qui souvent est une clientèle à plus faibles revenus dans ce type d'immeubles là, qu'on puisse avoir des programmes de subventions, d'aide à la fois au locataire qui veut améliorer son logement mais aussi au propriétaire. C'est ce qu'on dit quand on parle de programmes à incitatifs partagés.
Le Président (M. Bachand): M. le ministre.
M. Hamad: Quand vous dites que vous faisiez l'investissement et que c'est le locataire qui en profite, je suis un petit peu... Il me semble que, si vous faites l'investissement et évidemment vous baissez les coûts, donc vous pouvez louer mieux, louer plus rapidement aussi. Si vous avez une belle bâtisse bien isolée et plus confortable, ça va se vendre, mettons, mieux?
M. Messier (Martin A.): Vous avez raison dans la mesure où l'augmentation qui est permise est raisonnable et dans la mesure où on peut ajuster le prix de nos loyers en fonction de cette valeur marchande là, cette valeur ajoutée. Et c'est la raison pour laquelle, sans une modification de cette réglementation-là, ce serait extrêmement difficile à obtenir, parce qu'actuellement le contrôle des loyers au Québec fait en sorte que le logement est protégé et que je ne peux faire varier le loyer au-delà de ce qui m'est accordé par la Régie du logement, même s'il s'agit de travaux d'efficacité énergétique qui visent en premier lieu des immeubles où c'est le locataire qui paie sa facture, qui visent l'intérêt du locataire. Et c'est là que je vous disais, là, que, même si on soutient des mesures comme celles-là, j'aime bien être réaliste et voir dans quelle mesure elle aura un impact sérieux, et, sans une concertation entre cette commission et peut-être d'autres intervenants du gouvernement, ce sera impossible d'y arriver.
M. Hamad: Autrement dit, si je comprends bien, mettons que vous avez un bloc, je ne sais pas, de 12 logements, et vous voulez faire l'isolation pour mieux améliorer en fait votre isolation, par le fait même l'efficacité énergétique. Bon, facture de moins. Vous mettez, je ne sais pas, mettons que vous mettez 3 000 $ par fenêtre. Il y en a, je ne sais pas, une centaine, de fenêtres, et ça fait... Là, c'est beaucoup, là, 300 000 $. Mettons moins, là. Mais, cet investissement-là que vous mettez, vous, vous dites: Je vais le refiler automatiquement aux locataires, parce que vous êtes là pour faire de l'argent aussi, c'est normal. Donc, votre investissement, il faut qu'il soit payé par ceux qui louent, et donc, automatiquement, ça signifie une augmentation de loyer. Quelqu'un qui a un trois pièces et demie loué, je ne sais pas, moi, 500 $, là vous allez l'augmenter à 550 $, et vous n'êtes pas en mesure de le faire à cause des lois et règlements, actuellement.
M. Messier (Martin A.): Bien, de 300 $ à 550 $, ça fait partie peut-être du rêve de certains, mais, simplement pour reprendre votre exemple...
M. Hamad: C'est de 500 $ à 550 $.
M. Messier (Martin A.): Ah! Pardon. O.K. J'avais compris...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Messier (Martin A.): La dynamique, elle est celle-là, et la problématique...
M. Hamad: C'est-u raisonnable, 500 $ à 550 $?
M. Messier (Martin A.): Pardon?
M. Hamad: C'est-u raisonnable, 500 $ à 550 $...
M. Messier (Martin A.): Ça pourrait être raisonnable.
M. Hamad: ...pour un trois et demie?
M. Messier (Martin A.): Ça pourrait être raisonnable. Malheureusement, si je le fais actuellement, j'aurai probablement de 500 $ à 508,50 $, et c'est là qu'est la problématique.
Cette dynamique-là, voyez-vous, le propriétaire est prêt à collaborer et à investir. Ça donne une valeur ajoutée, ça permet à sa clientèle de bénéficier d'un confort. Mais actuellement, selon les normes en vigueur, s'il le fait, ce ne sera pas du tout intéressant pour lui et c'est vraiment là qu'est la problématique.
Actuellement, les propriétaires au Québec, malheureusement on ne rénove pas vraiment, on répare, hein? Si nos fenêtres sont brisées, on va les réparer. Mais, pour rénover, les hausses de loyer sont à ce point limitées que c'est, à toutes fins pratiques, là, inutile de le faire.
M. Hamad: Dans un calcul qu'on fait... Parce que le locataire, une année avant les travaux, il payait plus cher en électricité, hein, chauffage parce que ce n'était pas isolé, puis on fait les travaux. On le fait pour économiser de l'énergie, baisser la facture d'électricité, donc il y a un gain là pour commencer.
M. Messier (Martin A.): Et voilà.
M. Hamad: Et plus vous allez augmenter les tarifs... les tarifs... vous allez augmenter le loyer, parce qu'on sait que l'électricité est tellement chère que l'économie d'énergie directe, ça ne paie pas la facture... Puis là vous dites que vous n'avez pas le droit d'augmenter plus que, sur un 500 $...
M. Messier (Martin A.): Sur 1 000 $ actuellement, pour chaque 1 000 $ de travaux, cette année j'ai droit à 3,25 $.
M. Hamad: D'augmentation?
M. Messier (Martin A.): D'augmentation. Donc, si je change...
M. Hamad: 3 %.
M. Messier (Martin A.): Oui, bien... Donc, dans ces tarifs-là, ça prend au-delà de 20 ans, là, avant de récupérer l'investissement, dépendamment des façons de le calculer. Votre exemple est excellent et ça fait partie de la problématique.
Actuellement, je ne peux pas le faire. Si je pouvais dire: Je vais investir dans mon immeuble, permettre au locataire de diminuer sa facture et, à même les économies générées, je vais refinancer cette mesure-là, là on aurait sûrement des projets intéressants, en nombre considérable, au Québec. Malheureusement, je ne peux pas le faire. Il y a un nom pour ça, je pense que c'est Éco... Il y a un système de financement, là, qui porte... L'acronyme m'échappe toujours, là, mais vraiment on finance à ce chapitre-là.
Mais, comme propriétaire, évidemment je ne suis pas le fournisseur d'électricité, hein? Je ne peux pas dire, moi, à Hydro-Québec: Mon locataire, l'année passée, payait 75 $ de plus; maintenant, il a sauvé 50 $. Ce 50 $ là, j'aimerais bien l'avoir parce que c'est avec ça que je vais payer mes travaux. Actuellement, ce n'est pas possible de le faire, et, si c'était possible de le faire, on aurait vraiment des investissements d'envergure au Québec dans ce secteur-là.
M. Hamad: ...programme, de dire: Si le locataire investit uniquement... la partie investie dans l'efficacité énergétique doit être reflétée évidemment par l'économie d'énergie de la facture, plus le pourcentage d'augmentation. Donc, ça, ce sera une bonne mesure à...
M. Messier (Martin A.): Tout à fait. Si on avait une mesure comme celle-là, moi, je peux vous garantir qu'il y aurait des investissements considérables en économies d'énergie, au Québec, dès les premiers mois de sa mise en vigueur.
M. Hamad: O.K. Deuxième élément, qu'est-ce que vous en pensez, là? On réfléchit tout haut, là. Si vous avez, en avant de vous, des augmentations des tarifs prévisibles sur cinq ans, est-ce que pour vous ce sera un bon élément?
M. Messier (Martin A.): Oui. Oui, pour nous c'est un bon élément que de prévoir à long terme. Notamment, maintenant, pour ce qui est de l'électricité, bon, évidemment, on suit l'actualité pour essayer de le savoir, mais, pour ce qui est du gaz naturel et du pétrole, de plus en plus, ça devient populaire chez les propriétaires, on achète pour des contrats fermes un certain volume pour des durées déterminées, et notamment, là, dans le gaz naturel. Plusieurs d'entre nous ont acheté des durées de cinq ans justement pour être en mesure de planifier les coûts parce que c'est un milieu où le coût varie continuellement, et, moi, je ne peux pas le faire varier continuellement. Donc, évidemment, oui, ça, c'est une saine mesure pour nous que de planifier à long terme.
M. Hamad: O.K. Merci. Je ne sais pas s'il y a d'autres questions de mes collègues.
Le Président (M. Bachand): Merci, M. le ministre. M. le député de Saint-Jean et M. le député de Rouyn-Noranda.
M. Paquin: Saint-Jean?
Le Président (M. Bachand): Absolument. Oui. Allez-y, M. le député de Saint-Jean.
M. Paquin: Merci. Merci, M. le Président. Bien, je n'étais pas sûr que je m'étais reconnu, là.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Paquin: Bien, un élément... Messieurs, merci de votre mémoire très intéressant, et je pense que l'Association des propriétaires du Québec ont beaucoup d'intérêt, avec raison, envers l'énergie parce que c'est d'une importance capitale.
Un élément d'information sur la question que le ministre vous a posée. J'ai cru comprendre que, chaque dollar d'investissement, ou de réparation, ou d'amélioration, vous avez le droit d'augmenter le loyer de 3,25 $ par 100 $?
M. Messier (Martin A.): Non, par 1 000 $.
M. Paquin: Par 1 000 $. Oh! D'accord. Ce n'est pas pareil, ça. Une grosse différence.
M. Messier (Martin A.): Effectivement, oui.
M. Paquin: Qu'est-ce que vous pensez... Certains groupes qui sont venus nous voir ici ? vous en avez parlé un peu tantôt, mais j'aimerais que vous élaboriez un peu plus là-dessus ? plusieurs groupes qui sont venus nous rencontrer puis nous présenter des mémoires nous ont suggéré que ce serait positif d'augmenter le coût d'électricité parce qu'on était meilleur marché ici qu'ailleurs, et qu'au niveau de l'énergie les gens feraient plus attention parce qu'ils paieraient plus cher et que l'Hydro-Québec aurait beaucoup plus de revenus ? on ne parlait même pas de millions, de milliards si on était au prix équivalent d'ailleurs ? et que le gouvernement pourrait réinvestir cet argent-là pour les Québécois et les Québécoises, là, pour différents projets, pour baisser la dette, peu importe, différents projets du genre. Qu'est-ce que vous pensez de ça, vous autres?
Le Président (M. Bachand): M. Messier.
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(15 h 40)
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M. Messier (Martin A.): Pour nous, d'abord, il faut considérer que de façon globale c'est certainement vrai de dire que plus on paie cher, plus on fait attention à la dépense, hein? Mais, de là à dire que c'est une mesure qu'on doit appliquer, il faut faire attention, parce que, dans notre parc locatif, nous, cette hausse-là, elle est directement répercutée sur souvent les plus démunis de notre société. Et donc, moi, je crois fermement qu'une éducation, que des mesures d'économies d'énergie, c'est peut-être à favoriser, à tout le moins dans ces clientèles-là, avant une hausse des tarifs parce que leur revenu disponible est déjà assez limité.
Moi, écoutez, si j'avais à choisir entre les deux, je vous dirais en premier l'éducation et les mesures d'économies d'énergie et ensuite peut-être la hausse. Mais il faut faire attention, dans nos locataires, là, les frais sont à être surveillés étroitement.
M. Paquin: Parfait. Bien, heureux d'avoir une opinion qui peut être différente, parce que cette présentation de plusieurs personnes qui sont venues présenter les mémoires ici est très discutée et même très contestée. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Bachand): C'est moi qui vous remercie, M. le député de Saint-Jean. M. le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue.
M. Bernard: Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Très intéressants, votre présentation puis votre mémoire, parce qu'on a parlé passablement au niveau de la situation des personnes à faibles revenus et de la dynamique dans laquelle vous vivez, puis, suite à votre mémoire et aux autres rencontres qu'on a eues, on voit que c'est une situation très complexe et que ce ne sera facile de trouver une solution.
Un point que j'aimerais vous entendre, on parle de rénovation, mais j'aimerais aussi parler peut-être de nouvelles constructions puis même de rénovation, dans le sens qu'actuellement plusieurs groupes nous ont entretenus de la fameuse norme de construction, les résidences Novoclimat, O.K., c'est-à-dire avec des normes d'efficacité plus importantes. On a entendu des groupes encore ce matin puis au cours des derniers jours qui disaient qu'il faudrait pratiquement en faire une obligation, d'appliquer les normes Novoclimat dans les nouvelles constructions, mais on sait qu'il y a des impacts là-dessus. Dans le secteur, comme vous, locatif, à ce moment-là qu'est-ce que serait l'impact de l'application plus stricte d'une norme telle Novoclimat?
M. Messier (Martin A.): Difficile, hein? Si on veut répondre aux demandes du marché, on a des impératifs de concurrence à respecter, notamment le fait qu'au Québec les loyers sont très bas, parmi les plus bas en Amérique du Nord, et d'ajouter des normes qui représentent un surcoût, c'est difficile parce que le promoteur, quand il va évaluer son investissement, il risque peut-être tout simplement de ne pas investir dans cette tranche d'habitations là où on a besoin de générer du logement abordable dans ce secteur-là, alors que peut-être le Novoclimat représenterait des coûts qui nous permettraient seulement d'offrir des résidences de luxe qui... Et donc de mettre un frein ou une exigence à l'investissement actuellement dans le secteur de l'immobilier locatif, c'est extrêmement difficile. On a beaucoup de difficultés déjà à avoir des projets, à avoir des promoteurs qui sont intéressés à construire, compte tenu de toutes les normes, et, si on en ajoute d'autres, on risque peut-être d'éteindre de nouveaux projets avant même le départ.
Mais par contre, au niveau énergétique, c'est sûrement souhaitable, et il y a peut-être encore là des possibilités d'incitatifs partagés. Il y a peut-être des programmes qui peuvent être mis sur pied pour faciliter la vie de ces entrepreneurs-là et participer aux dépenses supplémentaires qui sont générées par ça. Mais il faut bien voir qu'au niveau des coûts, là, actuellement, construire du logement locatif, les coûts sont déjà nettement en haut du loyer moyen et ça pose un problème.
M. Bernard: Est-ce qu'il reste du temps?
Le Président (M. Bachand): M. le député, allez-y, allez-y.
M. Bernard: O.K. Dernière question, tout simplement. Ce matin, par exemple, je prends les propos des gens de la FTQ, on a parlé de l'Agence de l'efficacité énergétique. On a beaucoup parlé d'efficacité énergétique, là, vous vous êtes entretenus avec M. le ministre. Les gens de la FTQ étaient, je dirais, un peu négatifs par rapport à l'Agence de l'efficacité énergétique, c'est-à-dire l'efficacité de l'Agence de l'efficacité énergétique. Il y a d'autres personnes aussi qui nous ont proposé de revoir peut-être la forme, c'est-à-dire faire du partenariat public-privé à l'intérieur de ça, puis peut-être revoir le mandat.
Moi, j'aimerais, de votre côté, savoir quelle est votre vision de l'agence en termes d'efficacité, de fonctionnement de l'agence mais également de son rôle dans la société. J'aimerais avoir votre point de vue là-dessus. Et apporter des pistes peut-être correctives, selon ce que vous en pensez.
Le Président (M. Bachand): Allez-y, M. Messier.
M. Messier (Martin A.): Écoutez, pour nous l'Agence de l'efficacité énergétique va n'intervenir actuellement, dans les programmes qui sont actuellement en place, là, que dans les très petits immeubles, hein? C'est duplex, triplex. Je pense qu'ils vont jusqu'à quatre logements.
Bon, évidemment, ce qu'on entend dans les programmes qui nous touchent, c'est que ce n'est pas tant l'efficacité de l'agence mais des programmes qui sont en place. Les impacts sont très, très faibles. Quant au Programme notamment d'économies d'énergie et de rénovation, les délais sont très, très longs, ce qui fait en sorte que peu de nos propriétaires sont incités vers des dynamiques comme celle-là. Et effectivement, nous, on est toujours prêts, avec sûrement plusieurs partenaires sur le marché, à collaborer pour aider des démarches d'efficacité énergétique. Je pense que ça devient maintenant une nécessité.
Le Président (M. Bachand): Merci, M. Messier. Merci, M. le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue. Mme la porte-parole de l'opposition officielle en matière d'énergie, Mme la députée de Rosemont.
Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. Alors, messieurs, bienvenue. J'essaie de vous suivre et de trouver une solution pour améliorer l'efficacité énergétique dans les logements et je me suis demandé... Tantôt, vous avez dit ? corrigez-moi si j'ai mal compris ? que, dans la majorité des cas, les locataires payaient leur électricité. Est-ce que j'ai bien compris?
M. Messier (Martin A.): C'est vrai.
Mme Dionne-Marsolais: C'est vrai. Alors, j'essaie de voir dans... Puis vous avez aussi dit que connaître vos tarifs d'électricité sur quatre, cinq ans à l'avance, ça vous serait très utile. Ça ne vous dérange pas, ce n'est pas vous qui payez.
M. Messier (Martin A.): Non, mais, dans la majorité des cas, on a quand même plusieurs dizaines de milliers de locataires qui ont des plinthes électriques, si vous me pardonnez l'expression, mais qui sont assumées par les propriétaires.
Mme Dionne-Marsolais: Ah!
M. Messier (Martin A.): Alors, c'est quand même une donnée importante pour nous. Également...
Mme Dionne-Marsolais: Alors, quel est le...
M. Messier (Martin A.): Oui. Pardonnez-moi.
Mme Dionne-Marsolais: Je peux-tu avoir une... Peut-être que vous ne le savez pas, mais le pourcentage de votre parc immobilier qui serait d'abord à l'électricité, ce serait quoi?
M. Messier (Martin A.): Écoutez, je n'ai pas les données exactement en tête. Je pense que c'est 15 % au niveau du gaz naturel, à peu près l'équivalent au niveau de l'huile ? il faudrait que je ressorte les chiffres ? donc pratiquement 70 % qui seraient électriques.
Mme Dionne-Marsolais: Parce qu'ici, à la page 5 de votre mémoire, vous dites: Il y a deux grandes sources d'énergie, gaz naturel et électricité. Vous n'avez pas mis le mazout, mais il y en a quand même.
Une voix: ...
Mme Dionne-Marsolais: Ah! O.K. Donc, dans vos 7 000 membres, ce que j'essaie de voir, là, c'est le portrait global de la consommation des locataires au niveau énergétique. Alors, il y a le mazout, il y a le gaz et l'électricité. Est-ce que vous pouvez me donner une idée de chacun? Pas du tout?
M. Messier (Martin A.): Ce serait vraiment une idée, parce que... C'est vraiment une idée. Écoutez, c'est...
Mme Dionne-Marsolais: Bien, entre, je ne sais pas, entre ça et ça, ça et ça, ça et ça, là, je veux dire.
M. Messier (Martin A.): Oui. Bien, je vous dirais environ 60 %, autour de 60 % qui est chauffé électrique, là, dans ce portefeuille-là.
Mme Dionne-Marsolais: 60 % à l'électricité?
M. Messier (Martin A.): Oui.
Mme Dionne-Marsolais: Puis le reste, entre les deux?
M. Messier (Martin A.): Oui.
Mme Dionne-Marsolais: Moitié-moitié à peu près ou plus au gaz?
M. Messier (Martin A.): À peu près. Non, à peu près moitié-moitié.
Mme Dionne-Marsolais: À peu près moitié-moitié?
M. Messier (Martin A.): Ça dépend des zones du Québec, là. On a des zones qui sont très huileuses et d'autres qui sont plus gaz, là.
Mme Dionne-Marsolais: Ah oui? Mais ceux qui sont à l'électricité, techniquement, vous l'avez dit vous-même dans la présentation, ils reçoivent leurs factures d'électricité incluant le chauffage.
M. Messier (Martin A.): Pas toujours. Dans les plus petits immeubles, c'est très souvent le cas. Par contre, dans les plus gros immeubles chauffés électrique, c'est souvent le propriétaire qui assume la facture de l'électricité, même si le locataire a son contrôle.
Mme Dionne-Marsolais: Donc, le propriétaire a avantage à faire des efforts en efficacité énergétique, lui aussi.
M. Messier (Martin A.): Dans les cas où lui assume la facture, c'est vrai.
Mme Dionne-Marsolais: Dans les cas où il assume la facture.
M. Messier (Martin A.): Oui.
Mme Dionne-Marsolais: Et vous avez dit que... Est-ce que vous avez une... Bon, j'ai compris que, par rapport au calcul que la Régie du logement fait, pour ce qui est de l'augmentation de vos tarifs d'électricité, ce n'est pas incitatif pour un propriétaire d'investir en économies d'énergie parce qu'il ne récupère pas suffisamment. Donc ça, je pense que c'est une mesure concrète. Si je vous comprends bien, on devrait s'attarder à regarder ça attentivement puis peut-être redéfinir ou encourager une redéfinition des balises de ce qui doit être compris dans une composante d'augmentation de tarifs... de loyer, pardon. Bon, ça, je pense que c'est assez clair puis je pense que c'est une... C'est intéressant comme approche parce que ça permettrait... Mais en contrepartie il faudrait qu'il y ait un mécanisme de suivi pour qu'on puisse s'assurer que ces investissements-là sont vraiment faits pour améliorer l'efficacité énergétique. Alors ça, je pense que je vous suis là-dessus.
Par rapport à l'Agence de l'efficacité énergétique, est-ce que, comme association, vous avez déjà été consultés par l'agence?
M. Messier (Martin A.): J'ai été sur certains dossiers où l'agence était impliquée, et certains de nos membres plus petits nous ont fait part de leur expérience dans la rénovation de leurs immeubles, l'isolation de leurs immeubles. Mais, écoutez, avoir participé directement et seulement avec l'agence, non, ça n'a pas été une occasion pour nous.
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(15 h 50)
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Mme Dionne-Marsolais: Pensez-vous qu'il y aurait de l'intérêt à ce que l'Association des propriétaires devienne... bien fasse partie du processus décisionnel de l'agence, de quelque manière, pour apporter une valeur ajoutée à... Parce que c'est bien beau, faire des plans d'efficacité énergétique, mais au Québec, en tout cas à Montréal, je pense que c'est 55 %, 60 % des gens qui sont locataires alors qu'à Québec ça doit être autour de ça aussi, 50 %, 60 %, peut-être. En région, ça doit être certainement plus bas. Mais c'est quand même beaucoup, là, comme clientèle, pour utiliser un mot bassement mercantile mais qui veut dire «comme population concernée par ça».
Donc, si vous êtes impliqués à définir des manières de consommer l'énergie, entre guillemets, plus responsables, plus optimales, vous pourriez peut-être apporter des suggestions constructives soit dans le cadre de la définition de programmes soit dans le cadre de la définition de certains avantages, fiscaux ou autres, là, qui pourraient arriver à un objectif qu'on poursuit tous, qui est de consommer de manière plus responsable l'énergie.
M. Messier (Martin A.): Effectivement, ce serait avec grand plaisir que nous accepterions une telle invitation à participer à l'élaboration des programmes et aussi à leur mise en place, peut-être même à la transmission de l'information à nos membres.
Mme Dionne-Marsolais: Est-ce que vous pensez... Ce matin, on a eu... Je crois que c'est la FTQ qui est venue nous dire qu'ils souhaitaient un peu plus d'imagination dans le financement des programmes d'efficacité énergétique, et ils ont même fait référence, je crois ? j'espère que je ne me trompe pas, là; ce n'est peut-être pas eux, mais en tout cas un groupe ce matin ? à ce que les institutions financières soient aussi impliquées pour favoriser justement des mesures d'efficacité énergétique plus rapides, leur mise en place plus rapide à partir du moment où on comprend que c'est des bons choix d'investissement.
Votre expérience avec les institutions financières, est-ce que c'est quelque chose où les institutions financières seraient réceptives, de participer à l'élaboration de certains programmes qui pourraient...
M. Messier (Martin A.): Écoutez, dans la mesure où... On peut le voir peut-être dans l'industrie plus lourde. Dans la mesure où on peut aller chercher des économies sur l'énergie sauvée par le locataire, oui, c'est possible que ces institutions financières là soient intéressées, mais actuellement ce n'est pas le cas.
Mme Dionne-Marsolais: Ça, je comprends.
M. Messier (Martin A.): Mais éventuellement certainement que ça saurait rassembler l'intérêt des institutions financières et même de partenaires qui pourraient s'investir et investir dans l'économie d'énergie moyennant une rétribution basée sur les économies à venir.
Mme Dionne-Marsolais: Oui. Vous avez mentionné des programmes à incitatifs partagés. Éduquez-nous donc là-dessus, là. Vous pensez à quoi, là? C'est quoi, ces programmes à incitatifs partagés?
M. Messier (Martin A.): Écoutez, ce qu'on envisage, dans une dynamique où il faut inciter le locataire à adopter des mesures et inciter le propriétaire à investir, ce n'est pas tellement plus compliqué que de les aider par le biais de programmes de subventions, de rabais de volume, et ça fait partie des champs d'exploration actuellement pour nous, d'essayer de voir comment on peut aider notre propriétaire à aller chercher des solutions avec les volumes qu'on peut générer, et peut-être, avec l'aide de sociétés, de sociétés d'État, du gouvernement, donc de financer une partie de ce programme-là, puisqu'il n'est pas possible de le financer avec la hausse de loyer, et en même temps de donner des mesures qui vont permettre au locataire de, lui, faire des économies d'énergie. Et, incitatifs partagés, c'est ça, il faut trouver une situation gagnant-gagnante ou gagnant-gagnant ? et voilà, c'est le mot de l'heure ? mais ça passe par de l'argent disponible et des économies d'échelle pour le propriétaire qui veut investir et des économies d'énergie pour le locataire.
Mme Dionne-Marsolais: Est-ce qu'à votre expérience les locataires sont réceptifs à ce type de collaboration?
M. Messier (Martin A.): C'est difficile de convaincre les locataires et c'est pour ça que, dans les expériences qu'on se propose de mettre sur pied, on veut également informer le locataire, le rassurer sur l'impact de ces mesures-là et sur l'impact que cela aura ou aurait sur une augmentation de son loyer versus l'économie en coûts d'énergie. Et ça fait partie d'une dynamique, là, qui est importante. Il faut que le locataire ne soit pas craintif quand on entre dans le logement pour faire des changements, qu'il sache exactement à quoi s'en tenir.
Mme Dionne-Marsolais: O.K. Et je termine en disant: Le Code du bâtiment et Novoclimat, vous avez mentionné tout à l'heure que le coût d'investissement a été augmenté. Hier, on nous a dit que les normes Novoclimat, c'était 5 %, 6 %, peut-être même moins. Plus le coût de l'investissement est élevé, plus le pourcentage additionnel est bas, et donc ça peut peut-être être 3 %, 4 %, là, sur un complexe d'habitations. À votre avis, si on voulait faire une promotion plus réussie de ces normes-là, qu'est-ce qu'on devrait faire?
M. Messier (Martin A.): Écoutez, pour le moment, comme le marché est régi par des impératifs de rentabilité où les coûts de construction sont déjà supérieurs au loyer moyen québécois, le fait d'ajouter des normes Novoclimat pour qu'elles soient empreintes de succès selon moi devrait se traduire pratiquement par une subvention à ce surcoût dont vous parlez.
Mme Dionne-Marsolais: Pensez-vous que les institutions financières seraient réceptives à jouer sur le taux d'intérêt hypothécaire dans des cas comme ça?
M. Messier (Martin A.): Écoutez, dans la mesure où ça représente une économie d'énergie. Mais, compte tenu des problématiques qu'on a déjà soulevées, pour le moment ce n'est pas le cas. Mais, dans la mesure où il y aurait, je dirais, une contrepartie pour l'institution financière, peut-être. Mais là ça ne me semble pas être le cas.
Le Président (M. Bachand): Mme la députée, ça va? Mme la députée de Matapédia.
Mme Dionne-Marsolais: Merci.
Mme Doyer: Merci, M. le Président. Alors, bonjour, messieurs. On s'est déjà vus dans une autre commission, celle de l'aménagement du territoire, on avait parlé justement beaucoup de la question des loyers, et, hier, il y avait un organisme, l'ACEF, qui sont venus nous présenter un autre point de vue que le vôtre, mais ils disaient... Bon, ils disent surtout: Le gouvernement devrait mettre sur pied des programmes d'aide ? un peu dans le sens de ce que vous disiez ? à l'efficacité énergétique qui soient performants et accessibles aux gens à faibles revenus. Ils disent: En particulier, il doit prévoir des programmes d'aide significatifs qui améliorent l'enveloppe thermique des vieux bâtiments tout en prévoyant des règles strictes avec des mécanismes de contrôle réels pour empêcher la spéculation et la hausse des loyers, en particulier dans le cas des immeubles locatifs. Alors ça, qu'est-ce que vous pensez de cette déclaration? C'est le commentaire de l'ACEF de Québec au sujet de la politique énergétique du Québec. Ça, c'est la première question que je vous pose.
Et la deuxième...
Le Président (M. Bachand): Allez-y. Mme la députée, il n'y a pas de problème, je vais vous redonner la parole.
Mme Doyer: Ah bon! C'est parfait.
Le Président (M. Bachand): Allez-y, M. Messier.
Mme Doyer: Alors, est-ce que vous pensez qu'on est capables de... Parce que tous les ACEF au Québec ont toujours cette crainte qu'on aille chercher des mesures mais que ça se répercute sur le prix des loyers.
M. Messier (Martin A.): Écoutez, dans la mesure où cette démarche-là fait l'objet d'une subvention, donc d'une aide, comme vous le dites si bien, alors je pense qu'il est important qu'il n'y ait pas de hausse de loyer qui se suive. Si ce n'est pas le propriétaire qui a assumé les coûts, normalement il n'y a pas de hausse de loyer qui va se traduire. Et je pense que ça fait partie de la démarche d'engagement du propriétaire envers son locataire. S'il y a une subvention, il est clair que la dépense ne doit pas être comptabilisée quand ce n'est pas nous qui l'avons payée.
Mme Doyer: D'accord.
Le Président (M. Bachand): Mme la députée.
Mme Doyer: Merci, M. le Président. Puis, que pensez-vous de la proposition de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante qui dit qu'il faut augmenter les tarifs d'Hydro pour payer la dette? Et, eux, ils disent... Bon, ils proposent d'augmenter les tarifs résidentiels plus rapidement que les tarifs des entreprises pour éliminer l'interfinancement qui fait en sorte que les consommateurs résidentiels paient moins que ce qu'il en coûte à Hydro-Québec pour leur fournir le service.
Et, vous, vous êtes des PME souvent. Les propriétaires de logements locatifs, vous êtes des petites et moyennes entreprises et vous avez pignon sur rue. Vous payez des tarifs d'électricité. Vous êtes d'accord avec cette hausse-là?
Ils nous avaient présenté un tableau. C'était quand même substantiel dans le résidentiel: sur sept ans, c'était 10 % ? c'est ça, hein? ? 10 % de hausse. Comme PME, comme propriétaires de maison, vous aussi, comme PME, vous êtes d'accord avec ça, qu'on paie la dette, ou...
M. Messier (Martin A.): Écoutez, il faut bien voir qu'on fait face à une clientèle qui souvent est plus démunie, dans ces logements-là, et c'est une problématique qui nous pose problème parce que cette répercussion-là des loyers aura un impact sur leurs revenus à eux. Et, dans la mesure où il y a une hausse à ce niveau-là, il va falloir trouver un moyen de hausser leurs revenus à eux, et, bon, quand ce sont des prestataires de la sécurité du revenu, au bout de la ligne, ça change quatre trente-sous pour une piastre, dirait-on.
Mme Doyer: C'est ça.
M. Messier (Martin A.): Donc, ça fait partie de la problématique. On fait affaire avec une clientèle particulière, une clientèle qui a des ressources à gérer de façon serrée, et il faut prendre ça en considération.
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(16 heures)
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Le Président (M. Bachand): Ça va? Merci, Mme la députée. Merci infiniment, messieurs. Il ne me reste qu'à vous souhaiter un bon retour et vous remercier d'avoir participé à cette commission. Je vais inviter tout de suite le groupe Sentinelles des Quinze à venir prendre place, s'il vous plaît.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Bachand): Donc, messieurs de Sentinelles des Quinze, vous êtes les bienvenus à la commission sur l'énergie. Je vous rappelle un petit peu, très rapidement, les règles de cette commission: 20 minutes de présentation, et il y aura 40 minutes d'échange, au niveau des questions, de part et d'autre de cette vénérable enceinte. Je vais donc donner l'opportunité de vous présenter pour le bénéfice des membres de cette commission. Allez-y, messieurs.
Sentinelles des Quinze
M. Laquerre (Simon): Eh bien, tout d'abord, merci beaucoup, M. le Président, de nous inviter à cette commission. C'est toute une source de fierté pour nous parce qu'on est un comité de citoyens qui n'a pas encore un an d'existence, puis on est bien contents.
Bon, sans tarder, je vous présente Justin Tremblay, membre fondateur et secrétaire-trésorier des Sentinelles des Quinze, et, moi-même, Simon Laquerre, président des Sentinelles des Quinze.
Les Sentinelles des Quinze, c'est une association à but non lucratif qui a vu le jour en mai 2004 afin de faire obstacle au projet hydroélectrique de la Regional Power à Angliers, en Abitibi-Témiscamingue. Bon, nos principaux objectifs, c'est de protéger l'environnement puis le patrimoine du réservoir de la rivière des Quinze, d'informer et sensibiliser la population aux questions environnementales puis de travailler à mettre en valeur le territoire par l'entremise d'un développement durable et harmonieux. On compte sur un membership de près de 150 membres puis, de ce nombre, on représente 65 adultes de la municipalité d'Angliers, Angliers qui compte une population de 300 habitants, enfants et adultes confondus.
Des personnalités bien connues embrassent la cause des Sentinelles des Quinze, notamment Léo-Paul Lauzon, qui est parrain de la rivière des Quinze en plus d'être directeur de la Chaire d'études socioéconomiques de l'UQAM, Mario Peluso, auteur-compositeur-interprète originaire d'Angliers puis qui est également parrain de la rivière des Quinze. Il y a des organismes qui possèdent une forte crédibilité et qui nous ont également donné leur appui: la première nation de Long Point, Winneway, au Témiscamingue, Fondation Rivières, l'Action boréale de l'Abitibi-Témiscamingue, le Conseil central de la CSN pour l'Abitibi-Témiscamingue?Ungava et puis les 6 000 membres du Syndicat des employé-e-s de métiers d'Hydro-Québec.
Les Sentinelles des Quinze ont été très actives, au courant de l'année 2004, par la projection d'un documentaire à Angliers, Rivières d'argent, du réalisateur Michel Gauthier. On a également fait une marche de protestation où plus de 120 personnes ont manifesté leur opposition au projet. Il y a eu une conférence de deux chercheurs de l'UQAM également à Angliers, Léo-Paul Lauzon et Denis Gendron. Puis, Mario Peluso a donné un spectacle de musique au pied des chutes, en septembre dernier. Puis, dernièrement, on a participé aussi au rassemblement annuel de Fondation Rivières à Montréal. Bon.
Le projet d'Angliers, ça consiste à ériger une centrale hydroélectrique privée de 25 MW sur la rivière des Quinze, dans le village d'Angliers, au Témiscamingue. Le promoteur du projet, c'est la Regional Power inc. L'actionnaire principal, c'est la Financière ManuVie. Le dossier a vu le jour dans les années quatre-vingt-dix. À cette époque-là, le gouvernement du Québec, Hydro-Québec puis certains promoteurs privés identifiaient les sites les plus susceptibles d'être aménagés à des fins de production hydroélectrique. La plupart des sites de l'époque avaient déjà une digue en place, comme c'est le cas présentement à Angliers.
En mai 2001, le gouvernement du Québec a désigné 36 sites du domaine de l'État dans le cadre du nouveau régime d'octroi des forces hydrauliques pour les petites centrales de moins de 50 MW, puis cette décision controversée de sacrifier ces richesses publiques que sont nos rivières puis nos chutes, eh bien, ça a créé un engouement collectif. Il y a un regroupement qui a vu le jour, c'est Adoptez une rivière. De nombreux groupes environnementaux et sociaux et des personnalités publiques ont appuyé ce mouvement-là, puis l'impact médiatique que ça a donné, ça a fait reculer le gouvernement, puisque 33 des 36 sites offerts ont été retirés. Il y en a donc trois qui ont passé, puis ces trois sites-là qui ont eu l'aval du gouvernement, eh bien, c'est des petites centrales qui ont été acceptées sous prétexte que c'est des rivières déjà harnachées, comme c'est le cas à Angliers présentement.
Le rapport... d'audiences publiques sur l'environnement, le BAPE, fut rendu public en septembre 2003. Ils ont donné l'acceptation au projet. Cependant, la commission a bien souligné que le promoteur devait poursuivre le dialogue avec les communautés algonquines afin de s'assurer d'une intégration plus harmonieuse du projet dans le milieu. Et, en juin 2004, le gouvernement provincial a émis le décret autorisant la construction de la centrale. Toutefois, le barrage des Quinze est sous la juridiction de Travaux publics Canada. Le gouvernement fédéral a également donc son mot à dire dans ce projet-là. La Regional Power inc. est prête à construire sa centrale, mais le fédéral a récemment refusé de donner le droit de passage.
Dans le mémoire que vous avez entre les mains, bon, bien, on souligne clairement que les rivières, c'est une propriété qui est commune, qui appartient à tous les Québécois. Les forces hydrauliques, c'est de propriété gouvernementale, puis elles appartiennent à tous, puis ça devrait être logique que leur accès puis le partage des richesses en soient ainsi aussi. Le cas d'Angliers soulève un cas d'appropriation d'un bien public par une entreprise privée à son profit et au profit d'une poignée de partenaires locaux qui ont réalisé toutes ces démarches-là depuis 1993. Les rivières, ça constitue une richesse publique inestimable, puis leur sort ne doit pas reposer seulement sur la volonté et vision de certains.
D'autre part, M. le Président, nous considérons extrêmement important de mentionner que les Algonquins de Long Point, au Témiscamingue, ont été durement éprouvés, par le passé, par les décisions unilatérales prises par les gouvernements. Par deux fois ils ont été forcés de déménager leur village en raison de la construction d'un barrage. Long Point était situé à l'époque tout près du village d'Angliers, et puis ils ont été forcés de déménager près de 50 kilomètres plus loin, puis d'autres inondations, quelques années plus tard, les ont fait redéplacer 100 kilomètres plus loin, à leur lieu d'origine qui est Long Point. On espère, nous autres, que cette époque est révolue, où les premières nations n'avaient aucun mot à dire sur des projets qui affectent directement leurs territoires, puis des territoires qui n'ont jamais été cédés. Donc, ça affecte aussi leur mode de vie.
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(16 h 10)
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L'époque est aussi révolue où les premières nations n'avaient qu'à subir les inondations de projets dont les bénéfices leur étaient inaccessibles et le sont toujours d'ailleurs avec le projet de la Regional Power. Nous croyons, M. le Président, tout comme affirmé dans un document officiel du gouvernement du Québec, que la majorité des nations indiennes vivant au Québec affirment qu'elles n'ont jamais cédé leurs droits sur leurs terres ancestrales. Il faut leur donner raison sur ce point, ce qui est le cas pour les Algonquins. Dans ce même document, il est écrit aussi que chacun peut y trouver son compte à condition de partager.
À titre de recommandations, les Sentinelles des Quinze interpellent le gouvernement pour qu'il règle la question des droits aborigènes, sur les territoires traditionnels des Algonquins, avant d'aller de l'avant avec quelque projet que ce soit sur des territoires faisant l'objet de revendications autochtones et, à titre de démonstration de la bonne volonté du gouvernement, que soit enfin réglée la question du barrage de Winneway, tel que demandé dans le rapport Doyon.
D'autre part, notons, M. le Président, que l'examen de ce projet de la Regional Power révèle de très graves lacunes ayant trait au processus démocratique de consultation des citoyens. Ainsi, nous croyons que l'étude d'impact est incomplète quant à son volet sur le milieu humain. En premier lieu, nous avons constaté qu'aucune rencontre formelle entre le promoteur et le Conseil de bande de Long Point n'avait été effectuée. En deuxième lieu, comment se fait-il que le promoteur du projet hydroélectrique ait décidé de rencontrer la population d'Angliers, pour une première séance d'information, en 2001, soit huit ans après les premières démarches du projet? Pourquoi cette consultation-là n'a pas eu lieu plus tôt dans le processus? Nous autres, on pense qu'il est primordial de faire intervenir le public plus tôt dans l'élaboration d'un projet de cette ampleur-là. Puis les citoyens bien sûr n'ont pas été en mesure de dégager les enjeux du projet parce qu'ils ont manqué de temps.
En troisième lieu, le rapport du BAPE concernant le projet d'Angliers passe sous silence d'importantes questions, notamment sur les droits ancestraux des Amérindiens, sur l'esturgeon jaune, une espèce susceptible d'être menacée, sur la création des emplois et sur les appels d'offres. Ces questions ont pourtant été soulevées lors des interventions aux audiences publiques. Mais le rapport n'en fait mention qu'un petit peu, effleurant beaucoup d'enjeux importants. À nos yeux, c'est une analyse partielle et incomplète qui n'a pas permis de faire la lumière sur de nombreux points. En résumé, le rapport a suscité pour nous beaucoup plus de questions que de réponses.
Bon, nous voulons également vous souligner que, comme souvent dans le cas de projets de développement qui touchent l'environnement ou le paysage, eh bien, la communauté d'Angliers est divisée. D'un côté il y a ceux qui supportent le projet dans l'espoir de trouver quelques avantages, puis de l'autre on retrouve des citoyens qui sont très attachés à leur fierté locale, qui est la chute, puis qui veulent préserver une qualité de vie. Il est malheureux de constater que cette division malsaine et profonde se retrouve jusqu'au sein de nos familles à nous, là, les membres du comité de citoyens des Sentinelles des Quinze. Alors, on se demande pourquoi le gouvernement s'acharne à mettre de l'avant des nouvelles minicentrales quand ça nuit à un développement local harmonieux, d'autant plus que la sécurité énergétique du Québec ne se trouverait pas compromise par l'annulation de ce projet-là.
En ce qui concerne l'analyse des impacts économiques du projet, il a été mentionné, lors de la promulgation du nouveau régime d'octroi des forces hydrauliques, que la concurrence entre les différents producteurs, que garantit le mécanisme d'appel d'offres, permettra à Hydro-Québec d'acheter l'électricité à un prix concurrentiel puis aux producteurs indépendants d'obtenir un rendement normal sur leur investissement. Eh bien, dans le projet d'Angliers, il n'y a pas eu d'appel d'offres. M. le Président, le dossier fut traité sans qu'aucun promoteur ne puisse déposer une soumission.
Les conséquences de l'absence de concurrence sont évidentes: Hydro-Québec paie plus cher pour cette électricité. On peut prévoir que l'introduction de la concurrence permet habituellement d'obtenir des prix inférieurs d'environ 10 %. Dans le cas d'Angliers, 10 % de 8 millions de revenus annuels pour la vente de 160 GW représentent 800 000 $ de pertes annuelles pour Hydro-Québec ou bien de profits supplémentaires pour le promoteur. Bon, il s'agit à notre avis d'une hypothèse très conservatrice, mais, dans le cas d'Angliers, le promoteur bénéficie gratuitement d'infrastructures publiques majeures, comme le barrage d'Angliers de Travaux publics Canada.
Puis, comme pour tout autre projet public, que ce soit la construction de routes, d'écoles, d'infrastructures municipales, le gouvernement doit planifier un déroulement d'appels d'offres pour des projets pour assurer une saine concurrence. Puis surtout, dans le cas d'Angliers, il s'agit d'un contrat de 25 ans, puis c'est important pour ça.
Nous recommandons, à défaut d'annuler le projet, que le processus d'appel d'offres pour Angliers soit repris, que les terrains requis à l'aménagement de la centrale soient préalablement acquis par le ministère des Ressources naturelles à leur juste valeur. Ces terrains seraient loués au promoteur au lieu que cédés ou vendus, au même titre que les droits hydrauliques. Bon, cette recommandation-là est conditionnelle à une acceptation des premières nations.
Je voulais aussi vous faire part, M. le Président, que le projet d'Angliers ne bénéficie pas de la participation du milieu, tel que prévu dans le nouveau régime. Le régime reconnaît exclusivement comme participation du milieu celle d'une association du promoteur en société en commandite avec une MRC ou bien avec une communauté autochtone. Le promoteur ne peut pas être une municipalité, c'est inscrit dans l'article 2.7 du nouveau régime. Pourtant, Angliers, le village d'Angliers agit clairement comme partenaire d'Hydro-Angliers inc. et de la Regional Power, selon les ententes qui ont été signées et que nous avons entre nos mains. Cette structure contrevient au principe du régime qui prévoit que la MRC ou la communauté autochtone puisse être partenaire du promoteur.
Puis il est important aussi de quantifier les sommes qui vont échapper au milieu s'il ne participe pas au projet jusqu'à concurrence du 49 % souhaité par le nouveau régime. On estime que, la MRC, ou la communauté autochtone, ou bien les deux participant à ce projet-là, ça représenterait des profits de plus de 600 000 $ dès la première année, pour atteindre 4 millions la 25e année, après indexation. Nous recommandons que le projet, tel que soumis, ou l'éventuel projet qui pourrait résulter d'un nouvel appel d'offres ne soit autorisé qu'à condition que la MRC et/ou les communautés autochtones soient partenaires à 49 %. Le projet profiterait ainsi à l'ensemble des habitants.
Nous souhaitons aussi vous faire part, M. le Président, que la Regional Power et/ou Hydro-Québec refusent de rendre accessible le contrat d'achat d'électricité. Le résumé du contrat qu'on a reçu ne contient aucune information pertinente. Les organismes publics sont assujettis aux règles d'accès à l'information. Tout contrat public, soit gouvernemental, municipal, provincial, d'achat ou de construction, est de nature publique. Nous autres, on ne comprend pas que ces informations-là n'ont pas été déposées puis on se demande quels sont les enjeux de compétition mentionnés. Peu importe quel est le prix de l'électricité, Hydro-Québec, on sait qu'elle la revendra à des prix publics. La Regional Power n'est d'ailleurs aucunement en compétition ici.
On peut aussi noter que le montant de l'investissement se chiffre à 55 millions pour la Regional Power. Mais ce 55 millions là, il n'est pas détaillé. Ça nous apparaît pas mal élevé, compte tenu de l'ampleur du projet. Les résultats de notre calcul indiquent qu'Hydro-Québec achèterait pour 8 millions de dollars d'électricité dès la première année complète de production, puis les dépenses oscilleraient autour de 6,7 millions, laissant donc un profit avant impôts de 1,3 million pour la première année. Compte tenu de l'augmentation indexée du tarif, les profits annuels avant impôts croissent rapidement d'environ 200 000 $ par année.
Bon, ces hypothèses-là, ça ne remplace évidemment pas les données réelles qu'on aurait pu obtenir du promoteur ou d'Hydro-Québec, mais ces informations-là nous ont été refusées. Nous recommandons que le contrat d'achat d'électricité par Hydro-Québec soit rendu public, tout comme le sont les autres coûts d'achat et de production d'électricité par Hydro-Québec. C'est une question de transparence.
Les retombées locales, maintenant. Nous croyons que ce projet, dans la forme actuelle, loin de créer de la richesse, nous appauvrit collectivement. Comment en effet penser que les Québécois vont s'enrichir avec ce projet-là quand c'est avec leur argent qu'est financée la construction de la centrale via un contrat d'achat d'électricité par Hydro-Québec? Puis, les énormes profits que la compagnie va se faire ? 5,5 millions de dollars, selon nos sources, par année ? eh bien, ça va seulement être issu finalement de l'entreprise privée. La majorité des actionnaires, soulignons-le, sont de l'extérieur du Québec.
Pourquoi on doit collectivement nous appauvrir pour le seul bénéfice d'une entreprise? La Regional Power offre, en redevances à la municipalité, 100 000 $ à 165 000 $ par année. C'est vraiment des miettes, comparé aux profits qui vont se faire. Bon, il s'agit d'un montant qui est fixé en fonction de leur chiffre d'affaires mais ce chiffre d'affaires là nous est inaccessible, étant donné que les livres sont fermés. On veut souligner aussi que la compagnie ne paiera aucune taxe municipale. Pour la création d'emplois liés à la construction, la création d'emplois semble un enjeu important dans le cas du projet de la Regional Power. Pourtant, l'exploitation puis l'entretien de la centrale créeraient quatre emplois, selon le promoteur. La nature de ces emplois devrait être définie, ainsi que leur durée. De quel type d'emplois on parle? Est-ce que c'est des manoeuvres, des postes d'ingénieur, de gestionnaire? Est-ce que c'est des emplois à temps partiel? Est-ce que c'est des emplois qui sont... Est-ce que les emplois maintenus au siège social de Montréal puis de Toronto sont inclus là-dedans? Puis on se demande aussi: Si le barrage est automatisé, est-ce qu'il va y avoir des pertes d'emplois? C'est plein d'interrogations. On n'a pas de réponse à ces questions encore.
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(16 h 20)
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La commission Doyon s'est penchée sur cet aspect-là puis elle mentionne dans son rapport que les emplois permanents sont presque inexistants, puis la surveillance et le contrôle de l'opération technique sont souvent assurés à distance au siège social du promoteur. La seule activité locale est alors liée à la sécurité, ou à l'entretien, ou les deux et ne s'exerce qu'à temps partiel.
Bon. D'autre part, en ce qui concerne les transactions de terrains pour la réalisation du projet, il appert que la municipalité a agi comme intermédiaire, auprès du ministère des Ressources naturelles, en faveur de la Regional Power, puis ça, depuis 1993. Il faut se rappeler que, dans le premier programme, les tarifs payés par Hydro-Québec pour l'achat d'électricité étaient établis d'avance, de sorte que la concurrence entre les promoteurs n'était pas prévue. À cette époque, la municipalité, au début des années quatre-vingt-dix, elle a acquis plusieurs terrains publics afin de développer le projet de centrale hydroélectrique à Angliers. L'interrogation qui subsiste ici, c'est: Pourquoi la Regional Power n'a pas acquis directement les terrains du ministère des Ressources naturelles? La Regional Power, est-ce qu'elle a fait indirectement ce qu'elle n'aurait pas pu faire directement, finalement?
L'ensemble des transactions ont eu pour effet que tout autre promoteur ne pouvait soumettre un projet, puisque tous les terrains requis appartenaient désormais à la Regional Power. Bon. De ce fait, la municipalité, la MRC puis les communautés autochtones n'ont pas pu transiger avec aucun autre promoteur, puis cette situation-là, c'est contraire au principe de la concurrence. On recommande, dans tous les cas impliquant des terrains privés, eh bien, que le MRN acquière les terrains avant les appels d'offres finalement pour assurer une saine concurrence. On recommande aussi que le gouvernement se penche sur la légitimité des transactions de terrains effectuées par la municipalité en considérant les limites imposées par la loi.
Soulignons que les trois principaux actionnaires de la Regional Power sont de Toronto, selon la fiche de l'Inspecteur général des institutions financières. On souligne également que la compagnie Hydro-Angliers inc., présidée par Peter Kuczer, a signé la première entente en 1993. Or, nous avons appris que Peter Kuczer avait un passé assez mouvementé. On a aussi appris que ce dernier était associé à un homme qui s'appelait M. Jean Roch, puis M. Jean Roch est, aujourd'hui, un employé de la Regional Power. Rappelons aussi que M. Jean Roch a déjà failli dans un projet hydroélectrique à Sainte-Brigitte, il y a plusieurs années déjà. Bon. Ici, on voit bien que la crédibilité des promoteurs n'a pas été établie, et c'est une source d'inquiétude pour notre regroupement.
En juin 2004, le gouvernement provincial a émis le décret autorisant la construction de la centrale. Toutefois, étant donné que le barrage est sous la juridiction de Travaux publics Canada, eh bien, le gouvernement a également son mot à dire. Puis la Regional Power est prête à construire sa centrale. Elle attend juste le droit de passage. Mais récemment le droit de passage lui a été refusé.
Le Président (M. Bachand): M. Laquerre, en conclusion, si c'est possible de synthétiser, là. Allez-y.
M. Laquerre (Simon): O.K., c'est bon. O.K. Bon, rapidement, nous allons passer aux impacts environnementaux. Les chutes au pied du barrage d'Angliers sont reconnues pour être un endroit assez riche en phytoplancton et zooplancton. C'est un milieu riche pour la faune aquatique, puis, nous autres, on s'interroge beaucoup sur le cas de l'esturgeon jaune. C'est une espèce de poisson qui est susceptible d'être menacée, puis la population locale d'Angliers puis les communautés autochtones aux alentours nous l'ont dit souvent, qu'ils ont déjà vu des esturgeons jaunes au pied de ce barrage-là puis de ces chutes. À ce niveau-là, on trouve étonnant que l'étude environnementale n'en ait fait pratiquement pas de cas, en disant qu'il n'y a pas de population d'esturgeons jaunes. On recommande par conséquent qu'une meilleure évaluation de la population d'esturgeons jaunes soit effectuée.
Bon, je vais faire vite. Bon, pour conclure, là, comme on vient de le voir, le projet de la centrale de la Regional Power comporte plusieurs faiblesses, que ce soit au niveau social, économique ou environnemental, que ce soient les gros montants d'argent qui vont échapper à la communauté au Québec, que ce soit le niveau de la qualité de vie des habitants qui vont être perturbés ou bien les nombreuses irrégularités qui touchent l'achat des terrains puis la crédibilité des promoteurs. À moins qu'Hydro-Québec en fasse la démonstration, sa capacité de répondre à la demande d'électricité ne dépend en rien de l'ajout de cette petite centrale. Nous devrions convenir que ce projet n'est pas justifié. Par conséquent, on demande au gouvernement d'annuler le décret. Merci.
Le Président (M. Bachand): Merci, M. Laquerre. Je vais donner donc l'opportunité au député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue de poser des questions. M. le député.
M. Bernard: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Laquerre, M. Tremblay. En tout premier lieu, je voudrais vous dire: M. le ministre a dû s'absenter à cause que c'est la journée du Conseil des ministres, mais je peux vous assurer que tous les propos sont bien enregistrés. Et, autour de moi, j'ai les gens, les conseillers de M. le ministre, donc tous les échanges, je peux vous assurer, sont bien rapportés puis ils seront rapportés fidèlement à M. le ministre.
Je vous remercie d'avoir déposé votre mémoire. Vous le savez de toute façon, on a entendu plusieurs groupes depuis le début de la commission et on va en entendre d'autres aussi qui vont venir beaucoup nous parler des projets de minicentrale au Québec. Alors, actuellement, on a deux tendances qui sont en place: les groupes qui s'opposent à tout projet de minicentrale, il y en a d'autres, surtout les MRC, je dirais, de manière générale, qui sont en faveur de ces minicentrales-là en termes de développement économique, et il y a aussi une autre tendance qui rejoint les propos, je dirais, de M. Lauzon puis des employés d'Hydro-Québec que vous mentionnez.
Quand on prend les propos de M. Lauzon, les employés d'Hydro-Québec, ils ne s'opposent pas aux minicentrales proprement dites. Eux, ce qu'ils veulent, c'est que les minicentrales appartiennent exclusivement à Hydro-Québec, c'est-à-dire que tout projet hydroélectrique au Québec devrait être réalisé par Hydro-Québec exclusivement.
À partir de ça, quand je prends, de manière générale, les propos de votre mémoire, d'un côté, vous semblez vous prononcer contre les projets de minicentrale de manière générale, mais, de l'autre côté, vous ouvrez la porte à des projets de minicentrale. Si la participation du milieu ou, à la rigueur, d'Hydro-Québec était plus forte dans une minicentrale, vous auriez tendance à les accepter. Quand on lit vos propos, dans le mémoire, on sent les deux tendances. Alors, j'aimerais savoir clairement, de votre côté, quelle est votre position par rapport aux minicentrales et qui pourrait les développer, selon vous, en tant qu'organisme.
Le Président (M. Bachand): M. Laquerre.
M. Laquerre (Simon): O.K. Bon, tout d'abord, M. Bernard, pour ce qui est de notre mémoire, vous dites que vous pensez qu'on se contredit à certains endroits. Eh bien, nous autres, les recommandations qu'on fait, on ne les endosse pas nécessairement toutes, c'est en quelque sorte des avertissements sévères au gouvernement ou aux municipalités qui ont affaire au privé, pour ne pas qu'ils répètent les mêmes erreurs. Nous, notre vision des minicentrales hydroélectriques, c'est que c'est des technologies qui sont déjà dépassées. L'Institut de recherche d'Hydro-Québec, qui est passé ici il y a une semaine, a bien dit que l'avenir présentement, que ce soit la fine pointe de la technologie, c'est rendu les éoliennes, puis les éoliennes également font beaucoup plus consensus que le développement hydroélectrique. C'est pas mal ça, la réponse à la question. Est-ce que ça répond comme il faut?
Le Président (M. Bachand): M. le député.
M. Bernard: Merci. Bon. Donc, je peux conclure qu'à ce moment-là, tout projet de minicentrale, vous seriez contre probablement, n'importe où au Québec.
Le Président (M. Bachand): M. Laquerre.
M. Laquerre (Simon): Bien, nous, on pense que les projets de minicentrale hydroélectrique, ça bloque l'opportunité à d'autres développements futurs. Quand on prend, en Abitibi-Témiscamingue, votre comté, le tourisme, c'est un secteur économique en pleine émergence puis c'est en pleine expansion. À construire des minicentrales hydroélectriques sur nos rivières, est-ce qu'on bloque un développement pour le futur?
Le Président (M. Bachand): M. le député.
M. Bernard: Merci, M. le Président. Ce point-là a été très bien soulevé par d'autres organismes en commission parlementaire. Mais on sait, par exemple, que la centrale, la minicentrale d'Angliers, elle, elle a une caractéristique particulière, le barrage est déjà existant, et il s'agit de mettre tout simplement deux turbines dedans. Et, lors des audiences du BAPE, à ce moment-là, il a été clairement démontré que toute la qualité de l'environnement n'était pas dégradée. Donc, on a vraiment une particularité.
À titre d'exemple ? j'avais le document plus loin, ici ? mais il y a eu une centrale similaire au nord de Mont-Laurier, la centrale Mercier, qui est exactement un projet similaire de turbines qui sont mises dans un barrage existant déjà, comme le barrage de la rivière des Quinze, et tout le monde reconnaissent que c'est une bonne manière d'optimiser du potentiel hydroélectrique dans des barrages déjà existants et que l'eau n'est pas turbinée.
Le Président (M. Bachand): M. Laquerre.
M. Laquerre (Simon): Bon, en ce qui concerne le barrage d'Angliers, c'est vrai qu'il existe, puis il y a des chutes qui coulent à travers, mais le projet de minicentrale n'est pas à même le barrage, il est à peu près 200 mètres plus loin. Ça fait que finalement on harnache une chute complètement, on déplace un écosystème aquatique au pied duquel il y a deux frayères à poissons qui ont été reconnues également par l'étude d'impact environnemental.
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(16 h 30)
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Au niveau de cette étude-là, on met en doute un petit peu la crédibilité, puis je vais vous expliquer pourquoi. Génivar, en visitant leur site Internet, c'est une firme d'ingénieurs-conseils qui se spécialise dans la gestion de projet, que ce soient les études environnementales mais aussi la construction de centrales hydroélectriques. Que ce soient les études environnementales puis la construction hydroélectrique, on se demande si Génivar finalement aurait pu être aussi impartiale qu'elle devrait l'être, finalement. Pourquoi ce n'est pas le gouvernement, qu'il n'a pas effectué les études environnementales pour que ce soit totalement indépendant?
Le Président (M. Bachand): M. le député.
M. Bernard: Merci, monsieur. Bien, là, vous m'ouvrez une grande porte puis que je vais me permettre d'utiliser, et peut-être même aller-retour. Actuellement, il y a une difficulté dans beaucoup de projets. Par exemple, je vous dirais, de manière générale, quand je regarde votre rapport, vous reprenez beaucoup d'arguments qui ont été présentés par le groupe Adoptez une rivière, et ce groupe-là a présenté des arguments... a été présent à la commission parlementaire, a posé ces questions-là. Le BAPE a répondu à ces questions-là. Et votre organisme revient un an après et ramène le même débat qui a été répondu par rapport aux audiences du BAPE.
À titre d'exemple, puis je me permets de le prendre, l'esturgeon jaune. Vous mentionnez que le rapport, vous dites, n'en tient pas assez considération. Quand je vais dans le rapport du BAPE, à la page 34, quand je regarde le volet sur l'esturgeon jaune, O.K., il y a une place en bas où ils parlent, entre autres, de certaines personnes, les représentants des premières nations. Ils disent: Il a été déposé, avec leur mémoire, une copie de déclaration statutaire d'un résident de la réserve de Timiskaming témoignant de la présence d'esturgeons dans le tronçon de la rivière.
Le BAPE, suite aux revendications, et aux demandes, et aux questionnements, ils sont allés voir le ministère de la Faune et des Parcs, O.K.? J'ai les copies des lettres ici qui ont été adressées aux biologistes de la Faune et des Parcs sur la question justement de l'esturgeon jaune proprement dit. Et, si je prends la réponse qui a été envoyée à Mme Marie-Ève Rochette, entre autres qui a été envoyée par Daniel Nadeau, qui était biologiste à la Faune et aux Parcs, il dit clairement là-dedans qu'actuellement la population d'esturgeon a disparu, à toutes fins pratiques, de ce plan d'eau. Il y a possiblement des vieux esturgeons qui sont encore présents, mais la capacité de reproduction est complètement diminuée. Puis ça, c'est clairement indiqué là-dedans. Puis plus loin ils disent: La centrale projetée n'aura donc aucun impact sur le ou les groupes de quelques esturgeons pouvant habiter le petit réservoir des Quinze.
Alors, vous dites: Les gens de Génivar ont fait une étude, ils ont dit qu'il n'y aurait pas d'impact. Le BAPE est allé voir, à ce moment-là, le ministère de la Faune et des Parcs et leur a demandé de valider l'information, et l'information a été validée. Alors, le BAPE s'est prononcé et l'a indiqué clairement dans son rapport.
Votre groupe revient un an plus tard et requestionne les gens sur ce dossier-là sans tenir compte des avis qui ont été prononcés et écrits par des personnes indépendantes. Si constamment, par exemple, le BAPE est remis en cause... Parce qu'il semble que certains organismes, quand ça fait leur affaire, disent: Le BAPE, oui, il fait des bons rapports. Si ça ne fait pas leur affaire, ils remettent en cause l'objectivité du BAPE. Puis, nous, en tant que gouvernement, c'est très difficile de naviguer dans cette situation, on ne peut pas constamment remettre en doute les rapports du BAPE. Je ne sais pas quel est votre avis là-dessus, parce que vous questionnez vraiment, vraiment le travail du BAPE quand vous ramenez le questionnement.
Le Président (M. Bachand): M. Laquerre.
M. Laquerre (Simon): Bon, présentement, je vois qu'il y a deux questions, là. La première, c'est qu'on a repris le rapport d'Adoptez une rivière, c'est vrai qu'on l'a repris, mais on l'a étoffé, on a amené des nouveaux éléments. Ça faisait plus de deux ans de ça, ça fait que je crois qu'il y a beaucoup de nouveautés puis il y a beaucoup de choses à se mettre sous la dent. Puis je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas remettre un mémoire semblable, on n'a pas entendu ça encore à la commission parlementaire, ça a passé seulement devant le BAPE.
Puis, concernant l'esturgeon jaune, nous, on a rencontré M. Nadeau, le spécialiste par rapport aux poissons au FAPAQ, en Abitibi-Témiscamingue, puis c'est vrai qu'ils ont été consultés, mais, premièrement, il est important de dire que les ministères sont questionnés sur des questions bien pointues. Ce n'est pas eux qui ont effectué finalement toutes les pêches expérimentales. Puis, à une question que je lui avais posée, M. Nadeau m'avait répondu que le FAPAQ n'avait jamais fait de pêche expérimentale au pied du barrage. Ça fait qu'ils se sont basés uniquement sur les études qui avaient été faites finalement par Génivar. Ça fait que, nous, on se pose quand même des questions. Puis, si la population locale autour de nous dit qu'ils en voient, si la population qui vit sur le territoire en voit, de ces esturgeons jaunes là, ce n'est pas une bonne façon finalement de prouver qu'il y en aussi? Puis il est important de mentionner que, de l'esturgeon jaune, on en trouve en aval et en amont du barrage des Quinze. Pourquoi il ne pourrait pas y en avoir au pied des chutes?
Le Président (M. Bachand): M. le député.
M. Bernard: Vous avez entièrement raison. Et d'ailleurs c'est exactement qu'est-ce que les gens du FAPAQ ont dit aussi. Ils ont dit: Effectivement, il peut avoir resté des esturgeons captifs, puis ils reconnaissent qu'effectivement il y en a quelques-uns présents, mais ils disent clairement que ceux qui sont là, les quelques-uns, ne peuvent malheureusement pas avoir un cycle vital complet. Alors, éventuellement, ils vont évoluer vers une disparition définitive, ceux qui sont coincés là.
Moi, j'aimerais aussi vous ramener sur un autre sujet, par exemple la dimension sociale. Vous dites: Le processus de consultation des citoyens est défaillant, puis, ça encore, je voudrais vous ramener par rapport à quelques propos du BAPE pour avoir, si vous me permettez, votre avis là-dessus, parce que vous dites que le processus de déroulement du BAPE est défaillant.
À la page 23, entre autres, en parlant des rencontres avec les communautés algonquines, c'est bien indiqué, entre autres: «Ainsi, sept rencontres [ont] été tenues entre octobre 2001 et décembre 2002 [avec les communautés algonquines]. Quatre de ces rencontres concernaient plus spécifiquement le projet Angliers, les autres visaient un aménagement hydroélectrique éventuel à Sturgeon Rapids, près de Winneway.» Donc, il... qu'il y a eu des consultations.
Dans le paragraphe suivant, c'est indiqué, dans le rapport du BAPE: «Pour sa part, le ministère de l'Environnement a considéré que les rencontres faites par le promoteur avec les représentants des communautés algonquines, au même titre que pour l'ensemble de la population, étaient suffisantes.» C'est écrit dans le... BAPE. Vous, vous dites que le processus de consultation des citoyens est défaillant. Qu'est-ce qui vous permet de dire ça puis un peu de contredire les écrits dans le rapport du BAPE?
Le Président (M. Bachand): M. Laquerre.
M. Laquerre (Simon): O.K. Bon, tout d'abord, je vais répondre évidemment à la dernière question par rapport à l'esturgeon jaune. Une dernière remarque: les esturgeons jaunes, c'est des vieux poissons, puis ça peut vivre jusqu'à 100 ans, puis c'est souvent les plus vieux spécimens qui sont les meilleurs reproducteurs. Nous autres, on pense que le principe de précaution doit prévaloir dans ce cas-là.
Pour ce qui est de la consultation, nous, on a des preuves que Long Point First Nation n'a pas été consultée. Il y a eu des séances d'information, mais il n'y a pas eu de consultation. On leur a donné des papiers puis décrit le projet, mais ils n'ont pas été consultés. Nous, on a les preuves ici. Si vous voulez les voir tout à l'heure, on va vous les prêter.
Le Président (M. Bachand): M. le député.
M. Bernard: Oui. Je vous remercie. Le BAPE mentionne clairement que tous les documents étaient disponibles sur le site en anglais, en français. Et, lors de la consultation, à ce moment-là, on a les rencontres, parce qu'il faut revenir aussi à la dynamique de départ. C'est qu'historiquement c'est la communauté de Témiscaming qui est, là, vraiment celle qui peut revendiquer des droits sur le territoire. Long Point est plus à l'est. Malgré la dynamique que vous soulevez, très, très vraie, là ? tout l'historique que vous mentionnez par rapport à la communauté de Long Point est véridique ? elle a été déplacée par la construction du barrage proprement dite. Mais l'entreprise, et le groupe, et les gens reconnaissent de manière générale que c'est quand même Témiscaming qui est la communauté la plus impliquée. Témiscaming a déposé un rapport d'ailleurs aux audiences du BAPE, ils se sont présentés, et il y a eu beaucoup d'échanges avec eux, et ce sont les premiers concernés, puis il y a eu des rencontres avec les gens de Long Point. Donc, il faut vraiment remettre le tout en perspective.
Et encore une fois, moi, qu'est-ce qui est important, c'est qu'est-ce qui est écrit dans le rapport du BAPE. Ce sont les écrits qui sont véridiques à cet égard-là. Les gens de Winneway se sont d'ailleurs présentés aux audiences publiques et ont pu échanger avec les gens du BAPE, et nulle part, dans le rapport, il n'est mentionné que les gens de Winneway n'ont pas été consultés par les promoteurs. Même, c'est le contraire. Alors, ce sont les documents officiels que je me permets de rapporter, et encore une fois c'est pour ça qu'il faut vraiment faire une petite dynamique, faire attention quand on ramène des propos.
Le Président (M. Bachand): Donc, merci, M. le député de Rouyn. Une autre question?
M. Bernard: Oui.
Le Président (M. Bachand): Allez-y, M. le député.
M. Bernard: Puis quand même je vous remercie. Je ne sais pas... Combien de temps, s'il vous plaît?
Le Président (M. Bachand): Tout le temps qu'il vous faut, en autant que vous ne dépassez pas huit minutes.
M. Bernard: Huit? Bon, parfait. Alors ça, c'est le point.
Tantôt, vous parliez des contrats d'achat d'électricité, entre Hydro-Québec et le promoteur, qui étaient demeurés cachés. O.K.? Je sais que vous avez mentionné beaucoup cette demande-là depuis le début que vous êtes présents. Cette approche-là a été encore une fois demandée lors des audiences du BAPE. Toutefois, quand on retourne à la loi qui existe à ce moment-là puis le point qui avait été effectivement soulevé aux audiences du BAPE, encore une fois le BAPE est clair à propos de ça, c'est bien indiqué, à la page 20 du rapport du BAPE: «Pour les sites privés, comme il a été expliqué précédemment ? parce qu'il se réfère au paragraphe plus haut ? il n'y a pas d'appel d'offres public et Hydro-Québec Production négocie directement avec le propriétaire.» Alors donc, on a ici un cadre qui était particulier, c'étaient des terrains privés et un projet privé, et la loi, à ce moment-là ? puis Mme la députée de Rosemont connaît mieux le dossier que moi à cet égard-là ? n'avait pas à aller public parce que c'était un dossier privé, de cette manière-là.
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(16 h 40)
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Deuxièmement, quand on a un dossier privé, c'est un contrat de gré à gré qui demeure privé. Ça prend le consentement des individus pour à la rigueur le rendre public. Mais jamais une entreprise privée... Parce que c'est un terme de... Ça implique des coûts, et éventuellement c'est des avantages concurrentiels. Alors, jamais une entreprise privée puis Hydro-Québec n'ont à divulguer des contrats. Alors ça, c'est très important. Puis je sais que vous en faites une demande particulière et je sais que probablement les gens vous ont déjà répondu ça. Mais pourquoi est-ce que vous pensez, de votre point de vue, que ces ententes privées là devraient être rendues publiques?
Le Président (M. Bachand): M. Laquerre.
M. Laquerre (Simon): Bon, pour retourner en arrière, là, par rapport à Long Point, là, comparativement à Timiskaming First Nation, moi, je pense qu'il ne faut pas dénigrer une population algonquine comparativement à l'autre. Les deux ont leur importance, puis leur point de vue compte autant.
Puis, par rapport aux preuves, on les a ici, les preuves écrites qu'à Long Point ils n'ont pas été consultés. Je vais vous en faire part tantôt, M. Bernard. Puis, en ce qui concerne Hydro-Québec, nous, là, on trouve que ça prend de la transparence parce que c'est nous qui payons Hydro-Québec finalement par nos impôts, puis tout ça. C'est nous qui faisons vivre Hydro-Québec, les Québécois. Pourquoi on n'a pas le droit de savoir des éléments essentiels? Parce que, ces profits-là qu'Hydro-Québec vont se faire, on doit les savoir, c'est nous qui payons pour ça, finalement.
Le Président (M. Bachand): M. le député, allez-y.
M. Bernard: Sur ce point-là, je vous donne raison, sauf que la loi actuelle permet ça dans le cadre des minicentrales. Et effectivement, dans le cadre de la commission, ces temps-ci, que vous souleviez ce point-là est très pertinent parce qu'il y a d'autres organismes aussi qui l'ont soulevé, d'où plusieurs s'opposent aux projets de minicentrale par des privés. Ils aimeraient mieux que ce soit réalisé par Hydro-Québec. Alors ça, je peux vous dire qu'à cet égard-là votre point est pertinent. Toutefois, quand on regarde ce dossier-là, au moment où le tout s'est présenté, il respectait la loi, alors... Et personne ne peut forcer ces individus-là, dans le contexte de la loi actuelle, de divulguer ces informations-là. Mais toutefois votre point, je tiens à vous le dire, est pertinent à cet égard-là, il n'y a aucun doute là-dessus.
Juste un dernier point avant de finir. Dans la rédaction de votre rapport ? on est en commission parlementaire, ici ? une partie qui m'a mis personnellement mal à l'aise, puis, je pense, plusieurs de mes collègues députés, c'est les allégations par rapport au passé douteux des employés de la Regional Power. Je le sais, que vous allez certainement écrire d'autres mémoires dans le futur, que vous allez probablement participer à des commissions parlementaires. Mais rendre de tels propos, comme vous l'avez écrit, dans un rapport public et également présenté à une commission parlementaire, ce n'est pas la place pour de tels propos. Et je peux vous dire d'un autre côté que vous êtes peut-être juste à la limite aussi d'allégations qui pourraient vous entraîner en cour. Alors, pour le futur, je vous prie de vraiment, vraiment faire attention à cette dimension-là parce qu'on parle de la crédibilité.
Vous avez mentionné le mot tantôt, précédemment, que les individus n'étaient pas crédibles, et vous mettiez en doute leur crédibilité. Alors ça, je peux vous dire, c'est très dangereux et ce n'est pas la place pour alléguer de telles choses ici, en commission parlementaire, avec les députés. Si vous avez des doutes et si vous avez un dossier, je vous dirais, à ce moment-là: Allez devant les tribunaux, O.K., puis en étant prêts. Puis de l'autre côté je tiens encore à affirmer que M. Saladzius avait soulevé ces problèmes-là, encore une fois, ce questionnement-là lors des audiences du BAPE, et les audiences du BAPE ont répondu que tout le processus avait été fait de façon légale. Alors, encore une fois, vous soulevez le fonctionnement du BAPE, ce qui rend mal à l'aise, je vous dirais, l'ensemble des députés puis, je vous dirais, probablement même beaucoup de ministres. Le BAPE est reconnu comme un organisme crédible, qui fait de l'excellent travail dans tous les dossiers auxquels il est interpellé. À cet égard-là, je pourrais vous demander: Pourquoi personnellement votre organisme et vous n'étiez pas là lors des audiences du BAPE, en février 2003, et que votre organisme n'a vu le jour que 12 mois après les audiences du BAPE et six mois après la publication du rapport du BAPE?
Le Président (M. Bachand): M. Laquerre, rapidement.
M. Laquerre (Simon): O.K. La première question, par rapport au passé douteux des promoteurs, nous, on s'est basés sur des informations qui sont publiques, c'est des coupures de journaux qui ont été rendues publiques. Alors, on ne comprend pas pourquoi ce serait mal de faire ça. On rapporte finalement de l'information qui a été divulguée.
Puis, par rapport au BAPE, on était présents. C'est sûr qu'on n'était pas formés, mais il y avait déjà des membres de notre association aujourd'hui qui étaient présents. Puis, bon, qu'est-ce qui nous a soulevé tant de questions? C'est après la lecture finalement du rapport, là. Ça fait que c'est pour ça qu'on réagit un petit peu plus tard. On n'a pas pu se former avant le BAPE parce qu'on n'avait pas les résultats encore. C'est pour cette raison-là que les Sentinelles des Quinze ont vu le jour quelques mois après.
Le Président (M. Bachand): Merci, M. le député. Malheureusement, c'est tout le temps qu'on a.
M. Bernard: Merci beaucoup, M. le Président.
Le Président (M. Bachand): C'est moi qui vous remercie. Donc, Mme la porte-parole de l'opposition officielle en matière d'énergie, Mme la députée de Rosemont.
Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. D'abord, j'aimerais ça éclaircir un certain nombre de choses. Vous dites que vous comptez 150 membres, votre association, et que vous avez 65... Local, vous définissez «local» comment?
M. Laquerre (Simon): O.K. 150 membres, c'est surtout des gens du Témiscamingue, de l'Abitibi aussi, puis les 65 personnes, c'est 65 adultes, 18 ans et plus, qui habitent finalement dans le périmètre de la municipalité, qui sont à nos yeux directement touchés par la Regional Power et le futur projet.
Mme Dionne-Marsolais: Vous avez dit qu'il y avait 300 citoyens dans cette municipalité-là?
M. Laquerre (Simon): Oui. Ça fait que ça fait quand même une grosse proportion, parce qu'il y a 300 citoyens, selon les statistiques, puis ça, on compile autant les enfants que les adultes. Comme là, ici, on a 65 adultes, ça fait qu'on a quand même beaucoup d'appuis dans le village.
Mme Dionne-Marsolais: O.K. Vous dites aussi que vous... En tout cas, j'ai entendu ça. Corrigez-moi si je n'ai pas bien entendu. Vous dites que vous n'endossez pas toutes les recommandations de votre mémoire. Vous avez dit ça au début. Lesquelles est-ce que vous endossez?
M. Laquerre (Simon): Bon. Bien, nous, finalement, les petites centrales, on trouve que c'est des technologies qui sont dépassées. On ne croit pas que c'est l'avenir. Qu'est-ce qu'on endosse, finalement? Bien, nous, c'est des sortes d'avertissements pour ne pas que ça se répète ailleurs. Je ne le sais pas, mettons que ce soit un autre promoteur privé avec un autre projet. C'est finalement pour que les gens soient aux aguets quand il arrive un privé puis... C'est pas mal ça.
Mme Dionne-Marsolais: Donc, autrement dit, vous déposez un mémoire à la commission qui réfléchit sur la sécurité énergétique du Québec pour nous mettre en garde contre la mise en valeur, enfin la mise sur pied ou l'utilisation de... l'exploitation de petites centrales pour produire de l'électricité. C'est ce que vous dites? C'est ça, en gros, là?
M. Laquerre (Simon): Oui.
Mme Dionne-Marsolais: O.K. Donc, c'est un petit peu plus large.
Quand je regarde le barrage actuel, c'est un barrage de régularisation des eaux. Vous comprendrez que je connais un petit peu le projet parce que j'ai eu l'occasion de le regarder comme il faut. Donc, le barrage actuel, c'est un barrage de régularisation des eaux. Ce barrage-là, il ne va pas disparaître, il va rester. Et vous dites d'ailleurs que ce barrage-là, il est actuellement sous la juridiction de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada. Et vous dites: Donc, le gouvernement fédéral a son mot à dire dans ce projet. Et vous dites: Notre inquiétude se situe au niveau du transfert du barrage à une autorité privée. Un barrage de régularisation des eaux, ce ne sera pas transféré à une autorité privée, ce serait transféré sans doute à une autorité provinciale. Donc, votre inquiétude ne tiendrait pas. Est-ce qu'il a déjà été question de transférer le barrage à quelqu'un d'autre que le gouvernement du Québec?
M. Laquerre (Simon): Bon, pour répondre à votre question, on s'est informés puis, à la Commission de régularisation de la rivière des Outaouais...
Mme Dionne-Marsolais: ...vous vous êtes informés par les journaux encore ou si vous avez vraiment une documentation écrite, là?
M. Laquerre (Simon): Non, non, au gouvernement. On a des documents écrits par rapport à Travaux publics Canada qui veulent se départir d'ouvrages qu'ils ont au Témiscamingue, dont le barrage des Quinze.
Mme Dionne-Marsolais: D'accord.
M. Laquerre (Simon): Puis notre inquiétude, c'est parce que, dans une entente que la municipalité a signée avec le promoteur, il est clairement défini que, si la municipalité réussit à obtenir le barrage, elle va le transférer à la compagnie Regional Power. Puis, nous, notre inquiétude, c'est: si le fédéral le transfère, mettons, à une autorité quand même publique, comme une municipalité, puis que la municipalité le retransfère à la compagnie, nous, on a peur finalement d'une privatisation d'un bien public.
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(16 h 50)
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Mme Dionne-Marsolais: Alors donc, vous avez mis votre inquiétude à l'imparfait, ce qui se comprend, parce qu'en fait ce n'est pas l'objet et ce n'est pas ce qui se passerait.
Vous avez aussi parlé de transparence. Donc, j'en comprends que vous seriez d'accord pour qu'on change la loi n° 116 et qu'Hydro-Québec Production soit assujettie à la Régie de l'énergie. Est-ce que je comprends ça correctement?
M. Laquerre (Simon): Oui. C'est ça.
Mme Dionne-Marsolais: Vous êtes d'accord avec ça?
M. Laquerre (Simon): Oui.
Mme Dionne-Marsolais: O.K.
M. Laquerre (Simon): Pour répondre à votre question, la loi n° 116, je ne la connais pas au complet, mais...
Mme Dionne-Marsolais: Mais le principe de la transparence, que l'on ait connaissance des coûts d'Hydro-Québec Production, c'est quelque chose avec lequel vous êtes d'accord?
M. Laquerre (Simon): Oui, on l'endosse complètement.
Mme Dionne-Marsolais: D'accord. Alors, M. le Président, je vais passer la parole à ma collègue qui a d'autres questions plus pointues.
Le Président (M. Paquin): Mme la députée de Matapédia.
Mme Doyer: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Paquin): Ça me fait plaisir, madame.
Mme Doyer: Alors, je ne connais pas, M. le Président, l'esturgeon jaune, mais je connais le saumon. Alors, je vais essayer de... à l'aide du saumon. Chez moi, dans mon comté, on a des barrages et on a des saumons, et je dirais même dans ma région, parce qu'on s'est préoccupés de la présence du saumon. L'esturgeon jaune, j'imagine que ça n'escalade pas les chutes comme le saumon? Monsieur, oui ou non?
M. Laquerre (Simon): Oui, oui, je réponds. Bien, on ne croit pas que, dans le cas d'Angliers, il puisse remonter le courant, non, il fait juste dévaler la rivière.
Mme Doyer: Voilà. Et, dans votre mémoire, à la page 11, vous dites, dans le premier paragraphe: «Bien que ces chutes soient artificielles, les poissons s'y sont adaptés, car ces conditions prévalent ainsi depuis la construction du barrage, en 1909.» Donc, l'esturgeon jaune, il est établi à la base du barrage, en bas des chutes, donc en aval. C'est bien ça? En bas. Et, moi, bon, j'ai une inquiétude comme vous, hein, parce qu'on veut toujours que les espèces menacées ou rares au Québec perdurent, et effectivement Félix Leclerc disait que les vieux pommiers donnent des jeunes pommes. Alors, effectivement, les esturgeons jaunes vieux peuvent donner des jeunes poissons.
Moi, ma question, c'est que vous dites... Ha, ha, ha! C'est un peu nono, mais c'est ça pareil.
Une voix: ...
Mme Doyer: Pardon?
Une voix: ...
Mme Doyer: Bien, c'est vrai qu'effectivement, s'il y a juste des mâles, ça ne fait pas bien, bien de reproduction. Mais en tout cas votre préoccupation, elle est légitime, et chez nous on se préoccupe que nos saumons perdurent.
Puis là je ne veux pas, à un moment donné ? comment je dirais ça? ? qu'on aille chercher un refus d'avoir un barrage, un nouveau barrage sur une rivière, là ce n'est pas la même chose, parce qu'effectivement on a eu plein d'objections sur des barrages. Il y a les Innus, dans le Grand Nord, qui sont venus intelligemment nous faire des représentations sur, oui, on en a déjà, des barrages sur une rivière, puis on accepterait qu'il y en ait, hein? Les gens du Grand Nord sont venus nous dire: Oui, on accepterait un deuxième ou un troisième barrage sur une rivière qui est déjà harnachée, à la condition que nous soyons partie prenante de ce développement et qu'il y ait des retombées pour notre milieu, qu'on sente que le développement économique se fait pour nous.
Alors, moi, ma question, c'est: Est-ce que c'est une vraie raison, ou si ce sont des fausses raisons? Et, moi, l'esturgeon jaune, ce qu'on mon collègue ? c'est dans sa circonscription ? semble nous dire, c'est que c'est une fausse préoccupation. Et vous minimisez vous-mêmes, vous dites... Bon, vous dites ici, là, dans la dimension environnementale, vous écrivez: «Le rapport d'évaluation des impacts minimise la présence de l'esturgeon jaune, une espèce susceptible d'être désignée comme menacée.» Puis: «L'attrait de la chute actuelle au déversoir sera considérablement altéré, puisque le débit moyen qui s'écoule passera de 350 m³/s à 10 m³/s et sera de zéro en hiver. Le secteur au pied du déversoir [sera] inerte.» Mais tantôt vous avez dit: Il y en a qui auraient vu des esturgeons jaunes peut-être. Alors, y en ont-u vu? Y en ont-u pas vu? Y en a-tu? Y en a-tu pas? Ils sont-u menacés, ou ils ne sont pas menacés? On dirait que ce n'est pas vrai, là. Je ne le sais pas. Moi, je veux bien comprendre la question de l'esturgeon jaune. Puis on dit que, dans le rapport du BAPE, bien ça n'avait pas l'air d'être une inquiétude terrible.
Le Président (M. Paquin): M. Laquerre.
M. Laquerre (Simon): Bon, par rapport à l'esturgeon jaune, c'est une espèce susceptible d'être menacée, puis c'est inscrit dans le ministère Faune et Parcs... pas Faune et Parcs mais le FAPAQ, puis c'est eux qui le disent.
Puis, pour ce qui est des observations qui ont été faites, c'est sûr que ce n'est pas scientifique, mais c'est des gens de la place, des gens du local qui nous disent qu'il y en a. Puis c'est pour ça qu'on croit que c'est important, parce que les gens qui utilisent le territoire, il me semble, sont encore plus attentifs aux petits détails qui s'y trouvent.
Puis, par rapport, madame, aux MRC puis... c'est sûr que c'est important, là, enrichir les régions, mais, nous, on croit que le problème... Bien, par rapport au débat, on croit que ce n'est pas le bon enjeu parce que, là, on parle ici de distribution de la richesse puis c'est un tout autre débat. C'est pour cette raison que je ne voudrais pas m'aventurer là non plus.
Mme Doyer: Oui, mais, monsieur... Votre nom? C'est parce que je... M. Laquerre? M. Laquerre? Non? Oui. En tout cas. C'est parce que c'est un débat aussi ici. Vous êtes venus vous présenter en commission parlementaire avec différents enjeux et vous nous parlez de partage de la richesse. Il y a une MRC qui s'appelle la MRC de Mékinac, dans laquelle il y a 13 000 personnes, puis ils sont venus nous faire valoir des enjeux pour un barrage en disant qu'ils allaient avoir des retombées de 1 million dans une petite MRC vraiment pas riche du Québec, et il y a d'autres personnes qui sont venues nous dire: Non, non, non, on n'en veut pas, de barrage, on ne veut pas qu'on touche à notre chute, à Notre-Dame-de-Montauban, elle traverse le village, un peu comme le vôtre. Mais, moi, ma question, c'est aussi que le barrage, il existe déjà, et là c'est l'ajout de, je crois, deux turbines, hein? C'est ça? Deux turbines.
Est-ce que c'est une catastrophe écologique telle qu'on ne doit pas toucher... Parce que pour ma part, quand le barrage existe déjà... On a eu justement avec Hydro-Québec la réfection, de l'argent pour avoir la réfection du barrage de la Mitis, de la rivière Mitis chez nous. On s'est préoccupés ensemble, dans le milieu, que notre saumon ne se fasse pas charcuter en passant dans les turbines, on a fait un couloir pour faire passer le saumon. L'intelligence, en 2005, elle est là, l'intelligence des Québécois. Et, moi... Comment je dirais ça? Avec le bon vouloir d'un milieu, c'est possible de faire un projet avec le moins d'inconvénients possible. Et, moi, personnellement, quand on fait appel à mon intelligence, j'essaie toujours d'aller dans un dossier avec intelligence et l'analyse des différents facteurs en présence.
Mais, vous savez, si vous saviez comment est-ce que je ne suis plus tellement ? comment je dirais ça? ? sensible. Et souvent, dans des régions comme les nôtres, le fait d'aller chercher... Vous avez eu l'habileté d'aller chercher un chanteur qui est parti ailleurs, qui revient et tout, mais, nous autres, là, on fait adopter nos rivières par des vedettes de la ville. Bravo! Tant mieux! Moi, Patrice L'Écuyer, il a adopté, en passant, ma rivière Matapédia, une magnifique rivière patrimoniale au saumon. Patrice L'Écuyer, je mange avec lui une fois par année...
Une voix: Du saumon?
Mme Doyer: ...oui, du saumon, d'ailleurs, et il protège notre saumon, puis, si jamais il y a quelqu'un qui veut toucher à ma rivière, qui que ce soit, négativement, j'y ferai appel, moi, à Patrice L'Écuyer. Mais il est intelligent, lui, puis il est capable aussi de voir que, dans ma région, la MRC de Matapédia, on a 22 % de taux de chômage puis on a besoin de travailler. Et ce que les gens veulent faire: ils veulent sentir que le développement se fait intelligemment, avec ? comment je dirais ça? ? des arguments qui sont valables pour s'opposer à des projets. Alors, moi, bravo d'être venus ici, d'avoir eu ce courage de venir nous présenter des arguments comme ça, mais sincèrement, votre affaire d'esturgeon jaune, là, j'ai de la misère à y croire.
Le Président (M. Paquin): M. Laquerre, vous avez une réplique?
M. Laquerre (Simon): Oui. Bon, nous aussi, on vient d'une région périphérique, puis on est deux jeunes qui étudiaient à l'extérieur, qui sont revenus, puis le développement local... régional, ça nous tient vraiment à coeur. Nous, on ne pense pas que le développement hydroélectrique, c'est absolument la seule voie d'avenir. Pourquoi le tourisme, ce ne serait pas aussi bon? Angliers a vu le jour par l'exploitation forestière, puis, à cause que la richesse finalement est disparue, ils se sont alignés vers le tourisme. C'est devenu un village-vacances, un village-tourisme. Puis là, on se demande, avec cette centrale-là en plein coeur d'un village, ça va devenir une ville, un village-usine, un village hydroélectrique. On va perdre une qualité de vie puis des milliers de touristes. C'est des retombées économiques fort importantes, puis, nous, on veut s'en aller vers cette direction-là. Pourquoi la population ne pourrait pas s'en aller vers le tourisme au lieu que vers la production, vers des usines qui vont tout défigurer les noyaux villageois?
Maintenant, je vais diriger la question vers Justin qui aimerait compléter...
Le Président (M. Paquin): Oui.
M. Tremblay (Justin): Qu'est-ce qu'on fait lorsque les MRC n'ont pas de centrale, de possibilité de centrale électrique? Elles sont condamnées à ne pas se développer? Est-ce qu'il y a des projets alternatifs du gouvernement? Dans le contexte ici, ce n'est pas la MRC qui le développe, c'est la Regional. Il y a une création d'emplois pendant deux ans, mais par la suite les capitaux sortent de la région, sortent du Québec, et c'est une chose qu'on dénonce. Et ce n'est pas deux turbines, c'est quatre turbines, et non intégrées à la «dam», c'est à 200 mètres vers la droite.
Juste un exemple. Travaux publics Canada ont rénové, il y a deux ans, la digue actuelle, et, durant l'été, environ un pied d'algues s'est développé. Ça va ressembler à une «swamp», excusez l'expression, mais, devant le village, là, ça va ressembler à une «swamp» parce qu'il va y avoir une stagnation de l'eau. Ça, c'est une de nos inquiétudes.
Mme Doyer: Je vous remercie.
Le Président (M. Paquin): Mme la députée de Rosemont.
Mme Dionne-Marsolais: Juste une dernière question. Vous dites, à la page 1, là: Le fédéral refuse de donner le droit de passage. Pouvez-vous être plus explicites? Pourquoi? Vous avez fait une recherche. Pourquoi? Et quel droit de passage est-ce qu'il refuse?
n(17 heures)nM. Laquerre (Simon): Bon, nous, on n'a pas beaucoup d'information à ce sujet-là parce que ça se décide finalement à Travaux publics Canada, puis finalement c'est le Bloc québécois qui nous a informés que ce seraient les premières nations qui auraient mis un frein au projet puis que le fédéral aurait ralenti puis il aurait refusé le droit de passage. Parce qu'il l'aurait accordé pendant une heure, puis il l'aurait retiré suite à...
Mme Dionne-Marsolais: Parce qu'un peu plus loin vous parlez du transfert du barrage au Québec, alors j'ai de la misère à comprendre. Il y a une différence entre un droit de passage puis un transfert de barrage.
Et, pour terminer, M. le Président, de mémoire, le développement qui était prévu, si ma mémoire est bonne, comportait un complexe récréotouristique à côté... ou au site, en fait, à côté du barrage de régularisation qui existe. Vous donnez l'impression que ça a changé, ça. Mais ce qui avait été présenté à l'époque, c'était un concept intégré de développement récréotouristique comme il se fait dans d'autres régions du Québec. Ce n'est pas une question, là, c'est un constat. Et je n'ai plus d'autre question, M. le Président.
Le Président (M. Bachand): Merci, madame. Mme la députée de Matapédia.
Mme Doyer: Non, ça va aller. Merci.
Le Président (M. Bachand): M. le député de René-Lévesque.
M. Dufour: C'est beau.
Le Président (M. Bachand): Merci infiniment, messieurs, de vous être présentés à la commission. Je vous souhaite un bon retour. Et je vais inviter dans l'immédiat le groupe Innu Takuaikan Uashat mak Mani-Utenam.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Bachand): Donc, messieurs, bienvenue à cette commission. Donc, malgré tous mes efforts pour prononcer de façon la plus décente possible le nom de votre groupe, malheureusement on m'a dit qu'il y avait encore du travail à faire. Donc, je vous salue tout de même au nom de chacun de mes collègues. Bienvenue à cette importante commission.
Je vous rappelle rapidement les règles. Vous parlez bien français? O.K. Parfait. Donc, je vous rappelle bien les règles. Les règles sont: 20 minutes de présentation pour votre groupe, il y aura 20 minutes, de part et d'autre, de questions. Donc, sans plus tarder, je vais demander de présenter vos collègues pour l'ensemble du bénéfice de ceux qui sont membres de la commission. Messieurs, allez-y.
Innu Takuaikan Uashat
mak Mani-Utenam (ITUM)
M. Rock (Yves): O.K. Je vous remercie, M. le Président et les députés. À ma droite, c'est Ricky Fontaine, consultant pour notre organisation; et, pour le développement communautaire, M. Serge Mckenzie; et moi, M. Yves Rock, vice-chef. (S'exprime dans sa langue).
J'ai fait une présentation un peu en montagnais, en notre langue, parce qu'on a beaucoup de monde qui regarde aussi la commission. Puis normalement le chef était supposé être ici, mais on avait une réunion très importante à Montréal. Il assiste à une réunion des chefs et il s'en excuse, de ne pas être présent à cette commission.
Le Président (M. Bachand): ...nous acceptons les excuses, d'autant plus qu'un de nos chefs n'est pas présent. Donc, sentez-vous bien à l'aise dans cette situation-là.
M. Rock (Yves): O.K. La communauté d'Uashat mak Mani-Utenam, le chef, Élie Jacques Jourdain, et Innu Takuaikan désirent vous remercier, M. le Président, les commissaires, du temps que vous mettez à sa disposition pour présenter, dans le débat de l'avenir énergétique du Québec... Mon nom est Yves Rock, et je suis le vice-chef de la communauté d'Uashat mak Mani-Utenam. Je vous représente les excuses de tout à l'heure.
La communauté d'Innu Uashat mak Mani-Utenam juge qu'il est primordial que les communautés autochtones se fassent entendre dans le débat sur l'avenir énergétique du Québec, mais le tout sans pour autant vouloir agir comme porte-étendard de ces dernières. Les expériences passées de la communauté justifient selon nous notre participation, mais les positions exprimées n'engagent que notre communauté et aucune autre. La primauté étant au niveau local, il revient à chacune des premières nations d'énoncer les politiques qui prévalent chez elles et de vous faire connaître leur position qui, de temps à autre, se démarque des grands consensus régionaux ou nationaux.
La conclusion principale de notre mémoire est qu'Innu Takuaikan Uashat mak Mani-Utenam juge que le gouvernement du Québec doit assumer l'intégration des premières nations à la nouvelle politique énergétique du Québec. Cette position émane principalement d'une analyse légale découlant des différents jugements de la Cour suprême du Canada, de l'historique des négociations entre les Innus, le gouvernement du Québec et du Canada, les différentes représentations faites par les organisations autochtones, y compris l'Assemblée des premières nations du Québec et du Labrador, et de l'entente politique signée entre cette dernière et le gouvernement du Québec en juin 2003. Cette position d'ITUM émane de ses propres expériences dans le domaine de l'énergie qui lui permettent d'identifier les conditions de réalisation des différents projets à venir sur Nitassinan. À ces conditions générales s'ajoute une argumentation sommaire sur les différentes filières énergétiques menant à des recommandations spécifiques par notre communauté.
La communauté d'Uashat mak Mani-Utenam a décidé d'identifier les filières de la production d'énergie par éolienne, par petites centrales hydroélectriques, par biomasse comme filières à être priviligiées, le tout supporté par un programme d'économies d'énergie. Toutefois, le développement de ces filières doit se faire dans le cadre d'une stratégie plus globale intégrant la communauté. Pour ce qui est des filières, et des grandes centrales, et des hydrocarbures, ces projets spécifiques devront être analysés à l'aide de filtres communautaires identifiés avant que notre communauté ne supporte l'une ou l'autre de celles-ci.
À l'aube de l'élaboration d'une nouvelle politique énergétique par le gouvernement du Québec, Innu Takuaikan Uashat mak Mani-Utenam et son chef, Élie Jacques Jourdain, désirent participer activement au processus de réflexion du gouvernement du Québec. Innu Takuaikan Uashat mak Mani-Utenam est l'entité politique représentant la communauté d'Uashat mak Mani-Utenam au niveau politique, social, culturel, économique et administratif. Le conseil est composé d'un chef, M. Élie Jacques Jourdain, de même que neuf conseillers, tous responsables de portefeuilles spécifiques au sein de l'organisation.
n(17 h 10)n La commission a identifié les enjeux suivants, à savoir: diversifier les sources d'énergie du Québec; accroître la fiabilité des sources d'approvisionnement en énergie du Québec; assurer, à tout le moins, l'équilibre entre l'offre et la demande d'électricité; viser le juste prix de l'énergie; concilier le recours à l'énergie et le développement durable. Même si nous croyons que les objectifs visés représentent un minimum à rencontrer, Innu Takuaikan Uashat mak Mani-Utenam considère qu'un enjeu majeur n'a pas été considéré et consiste à la place à être accordée aux premières nations dans l'élaboration de cette nouvelle politique. La communauté d'Uashat mak Mani-Utenam ne désire pas être le porte-étendard de toutes les premières nations mais désire faire partager ses propres expériences et suggérer des recommandations au gouvernement du Québec. Le mémoire qui vous est présenté s'intéresse principalement à cette question mais offrira des pistes en ce qui a trait aux différentes filières énergétiques.
Les Innus d'Uashat mak Mani-Utenam ont toujours occupé leur territoire ancestral. C'est là une évidence pour les aînés innus qui connaissent parfaitement la relation intime du peuple innu avec Nitassinan, notre terre. Les recherches des anthropologues et des historiens abondent dans le même sens. Ces travaux ont mis en évidence les cycles saisonniers du mode de vie innu, les paramètres de l'occasion du territoire, la toponymie innue. Cette occupation s'inscrit dans le cadre d'un système de valeurs et normes propres au peuple innu.
Face à cette préoccupation immémoriale, le droit canadien n'est pas en reste. Il la reconnaît et lui confère les effets juridiques au moyen du concept de titre ancestral. Ce concept est issu de la tradition juridique britannique qui, lors d'une conquête ou d'un changement de souveraineté, reconnaissait les droits des habitants et du territoire visé.
Il est clair que les Innus d'Uashat mak Mani-Utenam satisfont ces conditions. Dans l'arrêt de Delgamuukw, les juges font les remarques suivantes sur ce qui constitue une occupation du territoire qui donne lieu à un titre ancestral: «L'occupation physique peut être prouvée par différents faits, allant de la construction de bâtiments à l'utilisation régulière de secteurs bien définis du territoire pour y pratiquer la chasse, la pêche et d'autres types d'exploitation de ses ressources, en passant par la délimitation et la culture de champs.» Comme il a été suggéré plus tôt, la notion d'occupation d'un territoire par des autochtones ne s'entend pas seulement de la présence du peuple autochtone dans des villages ou des établissements permanents; est également visée par cette notion l'utilisation de terres adjacentes et même des territoires éloignés dans le cadre du mode de vie traditionnel. À titre d'exemple d'occupation territoriale obéissant à un cycle saisonnier, on peut citer l'arrêt Bernard de la Cour d'appel du Nouveau-Brunswick. Dans cette affaire, la cour a reconnu que les Micmacs détenaient le titre ancestral sur des terres relativement éloignées de leur village actuel. Même si la preuve présentée au procès ne visait pas l'endroit exact qui était en cause, la cour a conclu que les Micmacs détenaient un titre ancestral qui les autorisait à exploiter les ressources de l'ensemble du territoire qu'ils fréquentaient traditionnellement.
Le titre ancestral des Innus d'Uashat mak Mani-Utenam leur confère en principe le droit exclusif d'utiliser le territoire. Cette utilisation n'est pas limitée aux activités qu'on pourrait qualifier de traditionnelles ou qui avaient cours il y a deux ou trois siècles. En vertu d'un titre ancestral, les autochtones peuvent exploiter eux-mêmes les ressources naturelles du territoire en utilisant des techniques modernes. En matière de minicentrales électriques et éoliennes, cette priorité signifie que l'État québécois a l'obligation d'aménager la législation de manière à permettre aux peuples autochtones qui, comme les Innus, détiennent un titre d'entreprendre un tel projet sur leurs territoires. Concrètement, des lois comme la Loi sur le régime des eaux... Les droits ancestraux des Innus d'Uashat mak Mani-Utenam ont également des répercussions importantes sur les projets d'exploitation des ressources naturelles qui pourraient être mis en oeuvre par l'État, ses mandataires ou des entreprises privées autorisées par l'État. De tels projets portent atteinte au titre ancestral des Innus. Cette atteinte ne sera justifiée que si elle satisfait les critères établis par la Cour suprême dans l'arrêt Sparrow.
La Cour suprême pose cependant une deuxième exigence afin de valider une atteinte à un droit ancestral: la mesure en cause doit être compatible avec l'obligation de fiduciaire de l'État envers les peuples autochtones. Concrètement, cela signifie que l'État doit accorder la priorité aux autochtones dans l'allocation d'une ressource rare, que l'État doit consulter, accommoder et compenser les autochtones lorsqu'il entreprend lui-même l'exploitation de ces ressources ou lorsqu'il concède à une entreprise privée... Dans certains cas qui n'ont pas encore été circonscrits par la jurisprudence les autochtones possèdent même un droit de veto à l'égard des projets de l'État. Il faut souligner que les obligations de consultation et d'accommodement ont leur plein effet même avant qu'un peuple autochtone ait présenté une preuve complète de ses droits ancestraux. Il n'y a pas de doute qu'elles s'appliquent dès maintenant aux Innus, dont la revendication territoriale est solidement étayée et a été acceptée pour fins de négociation il y a plus de 25 ans.
Même si la conclusion d'ententes spécifiques comme celle qui est relative au projet SM-3 constitue un pas dans la bonne direction, le cadre législatif québécois actuel n'est pas à la hauteur des obligations qui découlent du titre ancestral des Innus et de sa protection constitutionnelle. De façon générale, les lois québécoises ne reconnaissent pas le titre ancestral des peuples autochtones et ne créent pas les mécanismes obligatoires de consultation, d'accommodement et de compensation des peuples autochtones lorsqu'un projet ou une mesure affecte leurs droits. Il est vrai que certains projets majeurs doivent faire l'objet d'une évaluation environnementale par le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, le BAPE. Or, les Innus ont appris à leurs dépens, dans l'affaire du lac Robertson, que le processus du BAPE pouvait être mené à bien sans que leurs intérêts n'aient été véritablement pris en considération et que le projet en cause ne soit modifié pour recommander leurs intérêts. Force est donc de conclure que la législation québécoise ne satisfait pas les critères établis par la Cour suprême. Il y a donc lieu pour l'Assemblée nationale de modifier ses lois afin de prévoir, dans un esprit de partenariat, un processus qui satisfasse l'obligation de l'État de consulter, d'accommoder et de compenser les autochtones en relation avec les projets d'exploitation des ressources naturelles.
La communauté... Excusez-moi.
M. Fontaine (Ricky): La communauté d'Uashat mak Mani-Utenam a signé une entente avec Hydro-Québec en 1994. Cette entente prévoyait des compensations, des bénéfices et des mesures de compensation pour la réalisation du barrage de la Sainte-Marguerite-3. Ce que vous avez devant vous, c'est une communauté qui a vécu la période préconstruction et maintenant, après la construction.
La communauté d'Uashat mak Mani-Utenam est composée de trois territoires non contigus d'une superficie totale de 6 km². Deux territoires se trouvent à l'intérieur des limites de la ville de Sept-Îles. Ce qu'il y a en dessous de ce territoire-là, c'est du sable et de la glaise. Alors, le développement est assez limité. Et, du côté de Mani-Utenam, c'est principalement du sable et c'est en direction de la rivière Moisie. On parle de terres de réserve, bien entendu. Le territoire traditionnel est beaucoup plus grand que ça, et vous avez vu la carte du territoire traditionnel qui a été jointe au mémoire qui a été présenté.
Le territoire traditionnel fait l'objet de revendications territoriales depuis la fin des années soixante-dix. On a participé, avec le Conseil tribal Mamuitun, on a participé, avec le Conseil Attikamek-Montagnais, à toute une série de négociations qui devaient traiter du territoire, des ressources, trouver des aménagements, et la négociation n'est toujours pas complétée. Trois communautés, le Conseil tribal Mamuitun, qui regroupe Mashteuiatsh, Essipit, Betsiamites et Natashquan, ont signé une entente de principe d'ordre général qui couvre plusieurs éléments, y compris le territoire et les ressources.
Le projet SM-3 a été mis en opération en 2003, et les marqueurs socioéconomiques de la communauté sont les suivants: la population a crû à un niveau de 18,4 % entre 1996 et 2001, pour un taux de croissance de 3,4 % par année. Et même les projections démographiques pour les 25 prochaines années établissent la croissance de la population à environ 2,5 %. L'âge médian de la population est à 21,1 ans, 23,6 ans dans les deux communautés, alors que l'âge médian au Québec est de 38,6 ans.
n(17 h 20)n Le taux de chômage de la communauté est cinq fois supérieur à celui du Québec, avec un taux de 46,1 %, alors que la Côte-Nord est à 15,7 %. Le taux d'emploi est à 30 % alors qu'au Québec il est à 58,9 %. Et on parle toujours d'une communauté qui est supposée avoir bénéficié d'une entente qui a rapporté des grands, grands bénéfices.
Les gains moyens des individus sont à un niveau moyen de 12 000 $ de moins que ce qui est rencontré au Québec. Non seulement les revenus sont moindres, mais leur origine diffère passablement aussi. La prépondérance des paiements de transfert est extrêmement importante au niveau de la communauté. Au Québec, on parle de 13,9 %; pour la communauté, on parle de 33 %. Bien entendu, les revenus tirés d'intérêts ou d'autres sources sont aussi de beaucoup inférieurs: on parle de 11 % pour le Québec et de 6,2 % pour la communauté.
Bien entendu, les autres marqueurs, que ce soit au niveau de l'éducation, que ce soit au niveau primaire, secondaire et postsecondaire, tout ça, c'est inférieur à ce qui se fait au Québec. La situation est quand même alarmante parce que tous les jeunes qui poussent, bien entendu, ont le désir de se trouver un emploi, veulent travailler.
La structure commerciale. La structure est principalement commerciale, pas d'industrie. Vous comprendrez que, ce faisant, à peu près tous les bénéfices ont été retirés de la période de construction. On appelle ça du «bungee» économique, c'est-à-dire que l'argent rentrait dans la communauté pour une certaine période de temps qui durerait à peu près 15 secondes et sortait pratiquement automatiquement. Alors, on était juste un canal pour envoyer de l'argent ailleurs dans la région. L'entente a eu ses bons côtés, mais par contre, à la fin, une fois le projet terminé, pendant une période d'à peu près huit ans, on a eu une situation où on vivait comme sur un nuage. Il y a eu un mirage pendant une certaine période de temps, et la triste réalité est revenue.
La présentation d'aujourd'hui, c'est aussi pour vous dire que, oui, ça prend du développement, on n'a pas le choix, parce que, s'il n'y a pas de développement, les jeunes vont devenir oisifs encore une fois. On parle d'assistance sociale, et on ne peut pas faire strictement une communauté qui vit de l'assistance sociale.
L'accès au territoire, l'accès aux ressources est au centre de tout ça, et ça, ça ne s'est pas réglé. Comme je le disais, on est en négociation territoriale depuis la fin des années soixante-dix et ce n'est toujours pas réglé. L'entente avec Hydro-Québec n'a pas réglé cette partie-là non plus, et c'est pour ça qu'on interpelle le gouvernement du Québec plutôt que les sociétés d'État. La société d'État a un mandat de réaliser des projets. On a beau faire des représentations au niveau du BAPE, mais il en reste que la relation, c'est avec le Québec qu'elle doit se passer. Et l'accès aux ressources, l'accès au territoire passe par le Québec et non pas par les sociétés d'État.
L'approche de la communauté en est une qui est basée sur une approche holistique du développement. Elle respecte les conditions de développement durable et elle est principalement orientée vers un développement social et communautaire. Bien entendu, on va chercher, dans tout ce qu'on va faire, à maximiser les retombées locales et régionales. Alors, les différentes recommandations qui vont être faites sont à partir de ces filtres communautaires là.
Depuis la fin des années quarante, la région Côte-Nord a établi une orientation de développement qui a fait en sorte que beaucoup d'industries énergivores se sont installées. Encore une fois, quand on regarde les conditions socioéconomiques de notre communauté, on oublie cette partie-là, les retombées ne se sont pas rendues chez nous. Sur le territoire, on parle de différents aménagements qui ont été réalisés, que ce soit SM-1, SM-2, SM-1A et SM-3. Dans le cas de Port-Cartier, on a une centrale de biomasse et on a aussi, à Rivière-Pentecôte, certains aménagements hydroélectriques. Le chantier de SM-3 a permis d'avoir certaines retombées. Il y a eu des associations qui ont été faites entre des entreprises de la région et des membres de la communauté, ce qui a permis de créer de l'emploi pour une certaine période, mais encore une fois ça a été un canal par lequel on a augmenté les retombées dans la région. Pas qu'on en a contre ça, mais il faut réussir à augmenter les retombées qui sont au niveau local.
Le projet a aussi été une source de problématique extrêmement importante. Bien entendu, lors de l'annonce d'un projet au niveau de la région, les intervenants politiques, socioéconomiques ont intérêt à ce qu'un projet se réalise. On parle quand même de projets de l'ordre de 2,5 à 3 milliards de dollars, alors les retombées pour l'ensemble de la région sont importantes. Quand une minorité s'oppose à un projet, comme ça a été le cas dans notre communauté pour un bout de temps, on se ramasse avec une pression sociale qui est extrêmement importante. Le BAPE ne traduit pas ça. Le vécu des gens dans la région, dans les différents restaurants, dans tout ce qui se passe au niveau local, on le sent. Et, si vous allez faire un tour à Sept-Îles présentement, encore une fois tout ce qui entoure l'Approche commune fait qu'au niveau social il y a un coût, mais ce coût-là n'est jamais comptabilisé. Encore une fois, on interpelle non pas la société d'État, mais le gouvernement parce que c'est vraiment à ce niveau-là que les choses vont se régler.
Au niveau local, il y a eu un coût social à l'entente SM-3. Le vote a été par des centièmes... On peut parler par des dizaines de personnes en faveur de la signature de l'entente. Alors, vous pouvez vous imaginer la scission qu'il y a eu au niveau de la communauté et le coût social que ça, ça a entraîné au fil des années. Il y aurait peut-être lieu, à un moment donné, qu'on puisse faire une évaluation de ces ententes-là pas très longtemps après que les projets soient mis en opération, de façon à pouvoir en tirer des leçons, ce qui n'est pas toujours le cas.
Encore une fois, les questions sur l'avenir énergétique du Québec nous ont interpellés parce qu'on a quand même vu plusieurs projets passer. Au fil des années, on a été interpellés à plusieurs reprises pour participer dans des projets. En 1990, des entrepreneurs privés étaient venus rencontrer la communauté pour participer à un projet éolien. Au début des années quatre-vingt-dix, on s'entend, là, le prix de l'électricité produit par éolienne, à ce moment-là, était aux alentours de 0,12 $, alors ce n'était même pas un projet qui était viable. Mais le concept déjà était un concept intéressant pour la communauté. Alors, vous comprendrez que voir l'appel d'offres qu'il y a eu en Gaspésie, la possibilité qu'on en voie un arriver sur la Côte-Nord à un moment donné... On sait qu'il y a un 1 000 MW qui est déjà annoncé. Alors, c'est une source d'intérêt accrue d'autant que cette industrie-là est à être développée. Alors, pour nous, il y a un intérêt particulier à voir ce qui va se passer du côté éolien.
Au niveau des petites centrales hydroélectriques, avec l'ancien Programme d'octroi des forces hydroélectriques, bien entendu, plusieurs promoteurs se sont présentés, un premier, un deuxième, un troisième, sur certains petits ouvrages dans la région immédiate, sur le territoire traditionnel de la communauté. Encore une fois, le fait d'associer une communauté pour nous peut présenter certaines problématiques. On regarde au niveau du projet, les offres ont été d'être un partenaire avec un certain pourcentage, avec plus ou moins un droit de regard. Alors, la communauté s'est toujours questionnée sur les réelles intentions. Encore une fois, la communauté revient toujours à ses filtres, et les filtres par lesquels elle regarde tout ça... Est-ce que les impacts sont maximisés? Est-ce que ça permet le développement de la communauté? Alors, on regarde encore une fois les petites centrales, on a considéré et on considère que c'est une possibilité, ça pourrait être intéressant, mais encore une fois en autant qu'on ait un rôle réel à jouer et qu'on ne soit pas juste une porte d'entrée pour le gouvernement.
Le Président (M. Bachand): M. Fontaine, je vais être obligé de vous inviter à conclure parce que le temps nous manque.
M. Fontaine (Ricky): O.K. Au niveau des différentes recommandations ? bien entendu, je vais conclure très rapidement avec les quelques recommandations qu'on a mises de l'avant ? la première, c'est que, un, le gouvernement émette une vraie politique, un processus de consultation vraiment au niveau du gouvernement du Québec et de participation réelle au niveau des premières nations. On espère qu'il y aura l'élaboration d'une politique générale de partage des revenus tirés des ressources. Il y en a quelques éléments à l'intérieur de l'entente de principe d'ordre général, mais je pense qu'il y a moyen de travailler plus avant. Il devrait y avoir certains programmes spécifiques aux autochtones en ce qui a trait à l'accès aux capitaux. Je n'entrerai pas dans le détail des problèmes d'accès aux capitaux au niveau des communautés, mais c'est extrêmement problématique. Il devrait y avoir des directives claires quant à l'intention de ces sociétés d'État en ce qui a trait au programme de consultation, et ce programme-là devrait servir de base aussi à ce qui va être exigé des promoteurs privés qui pourraient être invités à faire des projets.
n(17 h 30)n La communauté Uashat mak Mani-Utenam n'est pas opposée au développement. Par contre, les filtres communautaires vont être utilisés afin de voir quelles sont les sources potentielles et quels sont les impacts de chacun des projets. On a entendu parler du gaz et du pétrole, on a pensé qu'il y a de l'exploration qui se fait un peu dans la région. La crainte: on vient d'entrer l'industrie des pêches et il y a certaines zones où il y a de l'exploration à l'heure actuelle. Avant de donner l'aval sur ces filières-là, il y aura certainement l'intention par la communauté de voir les impacts potentiels pas juste sur la période d'exploration, mais au niveau des opérations, en tant que telles, de ces différentes filières énergétiques. Merci beaucoup.
Le Président (M. Bachand): C'est moi qui vous remercie. M. Fontaine, M. le vice-chef Rock, merci infiniment de votre présentation. Donc, M. le ministre des Ressources naturelles, de la Faune et des Parcs, à vous la parole pour une période de questions.
M. Hamad: Merci, M. le Président. Il est 5 h 30, hein?
Messieurs, bienvenue à Québec. Première question qui m'intéresse... En fait, merci, et c'est apprécié, vous avez fait pas mal de distance pour venir ici présenter votre communauté et présenter évidemment l'intérêt de votre communauté, puis un petit peu l'expérience que vous avez vécue à date avec Hydro-Québec, et les besoins que vous sentez, en fait. Et il y a un point qui... Parlez-moi de votre expérience avec SM-3, là. Vous en avez parlé un petit peu. Ce que vous avez dit, ça m'a surpris un petit peu, en fait, et j'aimerais ça bien comprendre. C'est que vous avez dit que vous avez eu une entente avec Hydro-Québec, et, une fois que l'Hydro-Québec a fini son projet... Je comprends bien que l'Hydro-Québec a respecté ses ententes, mais, vous, après le projet, il reste que vous avez encore, mettons, des problèmes, ceux que vous m'avez donnés: taux de chômage, etc. Évidemment, quand j'entends ça, ce n'est pas la faute d'Hydro-Québec si le chômage est là, en fait. Parlez-moi de cette expérience-là, comment elle a été, votre expérience avec Hydro-Québec.
Le Président (M. Bachand): M. le vice-chef ou M. Lafontaine... M. Fontaine.
M. Fontaine (Ricky): Alors, l'expérience avec Hydro-Québec, il y a la partie, je pourrais dire, préconsultation et une période de négociation. Toute la négociation d'ententes, maximisation des retombées, cette partie-là s'est déroulée quand même assez bien, le cadre est déjà pas mal arrêté. Bien entendu que les ententes avec Hydro-Québec, c'est beaucoup plus pour empêcher la judiciarisation du dossier, des poursuites légales, des retards dans la réalisation des chantiers, beaucoup plus que les objectifs sociaux. Dans le cas de la communauté, les problèmes sont nombreux. Les problèmes qu'il y avait avant, dans la communauté, étaient toujours là. La population est toujours aussi importante, avec des taux d'emploi qui sont inférieurs à ceux du Québec. La démographie y est pour beaucoup.
M. Hamad: L'argent que vous avez reçu d'Hydro-Québec, c'est combien à peu près dans l'entente?
M. Fontaine (Ricky): Dans l'entente, il y a une partie de l'entente qui sont des retombées économiques qui sont réparties sur une période de 50 ans. Le montant initial était de 750 000 $ par année, là. Il y a une indexation, il y a des facteurs d'indexation. Il y a des travaux correcteurs ? il y a une société des travaux correcteurs ? qui ont été identifiés et là il y a des travaux spécifiques qui sont réalisés pour remédier à des impacts négatifs. Mais on parle d'interventions ciblées dans un délai bien précis. Alors, pendant un bout de temps, il y a beaucoup, beaucoup d'activités dans la communauté, sauf que ça ne permet pas d'asseoir une politique industrielle ou un renouveau industriel dans la communauté parce que tout se fait à l'intérieur d'un horizon d'à peu près huit ans puis les besoins sont immédiats. Alors, dans l'exercice de planification, il y aurait probablement un besoin de regarder où en est la communauté.
M. Hamad: Combien vous êtes, les membres de la communauté? Combien de personnes?
M. Fontaine (Ricky): Résidents, 2 800.
M. Hamad: 2 800.
M. Fontaine (Ricky): 3 000...
(Consultation)
M. Hamad: Il me semble que c'est 2 900. 2 900, je pense?
M. Fontaine (Ricky): 3 400 en 2004. 3 387. Vous l'avez en page 11.
M. Hamad: Résidents, 3 387, je pense.
M. Fontaine (Ricky): 2 800 résidents qui sont séparés entre Uashat et Mani-Utenam sur à peu près un 51-49.
M. Hamad: C'est ça. Donc, 500 000 et quelques par année pour les membres de la communauté. Évidemment, cet argent-là, c'était pour évidemment partager un petit peu. C'est une entente entre les deux parties. Et vous avez investi ça dans la communauté, l'argent que vous avez reçu, et là il demeure que ce n'était pas la solution pour régler tous les problèmes de la communauté, évidemment, on s'entend. Et là, aujourd'hui, ce que vous me dites: vous avez encore des problèmes et vous cherchez bien sûr à trouver des solutions à ces problèmes-là. Donc, c'est intéressant d'avoir des projets parce que ça peut amener des retombées.
Évidemment, à chaque fois qu'il y a un projet, il y a des retombées intéressantes pour la communauté. Votre objectif, c'est avoir des projets tout le temps. Comme ça, il va y avoir des retombées en continu ou avoir au moins des revenus qui aident votre... Plus que vous avez des projets... En fait, ça permet à la communauté d'avoir des retombées directes, là. C'est un petit peu ça, hein?
M. Fontaine (Ricky): C'est un peu ça, mais par contre, si on s'attarde un peu à la dynamique de l'emploi chez nous, on parle d'à peu près 50 nouveaux entrants sur le marché du travail par année. Alors, projet pour projet, si le projet a une durée déterminée dans le temps, ça ne permet pas d'asseoir des assises économiques qui sont extrêmement fortes. Quand le projet va disparaître, il va y avoir besoin d'un nouveau projet. Je ne pense pas que c'est la façon de pouvoir résoudre des problèmes qui sont beaucoup plus larges. La réalisation du projet a permis d'avoir une situation en emploi qui a été un peu meilleure pour la durée du projet, mais, à l'heure actuelle, on retourne à ce qu'on était avant.
Le Québec a changé sa structure industrielle à partir des années quarante. La Côte-Nord, principalement à partir des années quarante, a réussi à amener des industries grâce à des taux, au niveau de l'électricité, qui étaient inférieurs à ce qu'il y avait ailleurs dans le monde. Alors, nous, on n'a pas pu bénéficier de ça. Alors, nous, ça va nous prendre beaucoup plus qu'un projet ponctuel qui arrive. Pas qu'on est contre, mais le projet va devoir être associé à une politique qui est beaucoup plus large.
M. Hamad: C'est quoi que ça prend?
M. Mckenzie (Serge): On a juste à se référer à la première...
Le Président (M. Bachand): M. Mckenzie, oui, allez-y.
M. Mckenzie (Serge): Excusez-moi.
Le Président (M. Bachand): Allez-y, M. Mckenzie.
M. Mckenzie (Serge): On a juste à se référer, M. le ministre, aux premières recommandations. C'est de croire à cette recommandation-là et de la mettre en oeuvre dès demain matin. La première recommandation stipule clairement: élaboration par le gouvernement d'un processus de consultation et de participation réelle des premières nations, et ça, ça se traduit par une implication directe des Innus, notamment des Innus d'Uashat mak Mani-Utenam, aux activités projetées par le gouvernement et via ces sociétés en question. Je pense que...
M. Hamad: Vous pensez, avec les consultations... C'est une bonne chose, la consultation. Vous pensez qu'avec ça vous allez régler un problème de chômage, vous allez régler un problème de création d'emplois, créer la richesse?
M. Mckenzie (Serge): On va atténuer les choses, d'une part.
M. Hamad: Avec la consultation?
M. Mckenzie (Serge): Et implicitement je reviens à la recommandation n° 2 où on parle concrètement du des revenus tirés des ressources. Ça, c'est un aspect... Pour être plus précis à votre question, il y a des prémisses de base qui doivent être répondues, à mon avis. Et, moi, pour avoir participé directement et quotidiennement, cinq jours-semaine, aux activités du chantier SM-3, le personnel, les gestionnaires, je les connais, j'ai travaillé avec eux, les entrepreneurs qui étaient là, je les connais, et, les gens qui ont travaillé là, aujourd'hui certains ne travaillent plus. Même avec l'avènement du projet Alouette, il y a des gens qui ont travaillé, mais pas tous, même s'il y a eu un gros chantier à Sept-Îles. N'empêche que l'apport industriel via des projets hydroélectriques a amené quand même une certaine capacité à participer au développement économique régional. Moi, personnellement, je peux être fier là-dessus parce que je vois les gars en question arriver avec leurs sacs à lunch, puis ils ont acquéri l'autonomie en question. Puis ça, ce n'est pas juste ça, ça va prendre plus, un peu plus, puis ça, il faut répondre aux prémisses de base qui sont énoncées dans nos recommandations.
M. Hamad: Donc, vous êtes d'accord pour le développement hydroélectrique dans votre région parce qu'il a des retombées positives pour vous autres, mais vous cherchez à avoir une façon de maintenir vos besoins comme développement de la communauté. Vous avez parlé de capitaux, accès aux capitaux. C'est ça, c'est qu'autrement dit, demain matin, il y a un autre développement hydroélectrique, vous êtes ouverts. Et en plus ce que vous me dites aussi, c'est que, les petites centrales, vous êtes intéressés aussi à en développer ou à en avoir pour finalement s'assurer d'avoir des revenus.
Le Président (M. Bachand): M. le vice-chef, oui, allez-y.
n(17 h 40)nM. Rock (Yves): C'est sûr, ce n'est pas dans n'importe quelle petite centrale puis n'importe quel grand projet hydroélectrique. C'est sûr, dans notre processus de consultation qu'on fait quand il y a des projets qui touchent notre territoire, je pense qu'on a un processus à l'intérieur de la communauté. C'est sûr, si on donne l'exemple du SM-3, ça a été un processus très difficile, puis, encore aujourd'hui, on le sent, nous autres, à l'intérieur de la communauté. On a embarqué dans les projets comme aujourd'hui. Je pense que c'en est un, des beaux exemples qu'on a aujourd'hui: on dépose un mémoire puis on analyse nos pensées à l'intérieur, ce qu'on a vécu, ce qu'on voit, les ententes qu'il y a ailleurs. Tu sais, je pense que tout est là, la façon qu'on peut travailler avec le gouvernement dans les projets, les gros projets. Je pense que le message qu'on veut lancer, c'est qu'on veut être consultés. On veut être là, on veut avoir notre mot à dire comme communauté Uashat mak Mani-Utenam.
Je pense qu'avec ce qu'on a vécu du projet SM-3... C'est sûr, tout projet est encadré par des ententes à l'intérieur. C'est des budgets qui peuvent être alloués aux communautés autochtones comme dans le projet SM-3. C'est sûr qu'à l'intérieur de ces montants-là il y a des bons côtés puis c'est sûr que tu as des mauvais côtés aussi, c'est dans les deux sens. Mais c'est sûr que tu es limité après ça. Une fois que tu as des montants qui sont alloués, tu es limité à t'en servir de telle façon. Tu sais, ça ne permet pas à la communauté vraiment d'avoir un levier économique... facile quand on a des gros projets.
Le Président (M. Bachand): M. le ministre.
M. Hamad: Quand vous parlez des petites centrales, ça vous permet d'avoir des revenus que vous pouvez utiliser comme un levier de développement économique. C'est ça que vous demandez?
M. Rock (Yves): Oui. Oui. C'est sûr qu'on veut participer dans les partages des revenus qu'il peut y avoir dans ces projets-là. Quand on va être impliqués dans les choix qu'on va faire de minicentrales, c'est sûr que ce n'est pas avec toutes les minicentrales qu'on est d'accord. Mais, tu sais, il y a des minicentrales qu'on a un peu regardées, un peu qu'est-ce qui s'en vient dans les prochaines années, c'est sûr qu'il y a des minicentrales qui vont avoir un impact sur nos territoires. Je pense qu'on a à analyser tous ces projets-là.
M. Fontaine (Ricky): M. le ministre, si je peux ajouter...
Le Président (M. Bachand): Allez-y. Allez-y, M. Fontaine.
M. Fontaine (Ricky): ...le 17 juin 2003, le premier ministre Charest a signé avec Ghislain Picard, le chef régional de l'Assemblée des premières nations, une entente politique où la première thématique qui devait être discutée était le territoire et les ressources. Il y a quelques communautés qui sont en négociation territoriale globale depuis maintenant près de 30 ans. Alors, à un moment donné, si on peut finir par discuter de ces sujets-là et les régler, probablement qu'il va y avoir des revenus et que les communautés et que nos communautés vont pouvoir dire: On va prendre des risques.
À l'heure actuelle, le développement, dans les communautés, se fait principalement par l'utilisation de fonds d'opération qui habituellement vont à la santé, l'éducation, le bien-être social. Pour prendre des risques supplémentaires pour créer de l'emploi dans des entreprises... Je ne pense pas que mettre en danger le versement de l'assistance sociale est la façon de faire du développement. Et, à l'heure actuelle, le développement des communautés s'est fait, au cours des 30 dernières années, depuis le milieu des années soixante-dix, par la prise en charge de programmes et de services. On s'occupe de santé, de bien-être, d'assistance sociale, d'éducation, de développement économique jusqu'à un certain point, de services municipaux, mais tout ça, c'est une prise en charge progressive de ce qui était offert aux communautés par le ministère des Affaires indiennes.
La présence ou l'importance du conseil dans les activités de la communauté, c'est incroyable, c'est 90 % des activités de la communauté qui sont liées au conseil directement. Alors, il va falloir changer ça à un moment donné. Et, à l'heure actuelle, les politiques gouvernementales auxquelles on fait face ne nous permettent pas, à moins de prendre des risques incroyables, de créer des entreprises et de créer de l'emploi qui ne dépendent pas de paiements de transfert. C'est extrêmement difficile. C'est pour ça que la question que vous posez...
Aujourd'hui, on parle d'énergie, on parle de filières énergétiques qui pourraient amener des revenus supplémentaires pour la communauté, mais c'est beaucoup plus large que ça. Les communautés font face à des problématiques qui sont extrêmement importantes, et l'énergie et le potentiel de réaliser des projets qui sont viables, rentables à long terme, c'est strictement un élément d'une stratégie de développement pour les communautés. Je pense qu'en termes de priorités, si vous me disiez, demain matin: Quelle serait la première priorité?, réglons et essayons de régler, le plus rapidement possible, le différend qui oppose le Québec et les premières nations au niveau politique, et, à partir de là, on s'entendra pour qui est responsable de quoi.
À l'heure actuelle, les projets ou les filières énergétiques, pour nous ce qu'on espère, c'est qu'on puisse établir un rapport à l'intérieur duquel on pourra participer dès le moment de la planification, comme on le fait aujourd'hui, vous dire: Considérez ce qui se passe dans les communautés, s'il y a moyen d'augmenter les retombées dans les communautés, parce que les communautés ont une main-d'oeuvre qui va être nécessaire demain matin. À partir de 2015, il va y avoir plus de monde qui sort du marché du travail qu'il y en a qui y rentrent. On a des jeunes à tour de bras qui sont dans les communautés, qui sont peu utilisés, qui n'ont peut-être par la formation à l'heure actuelle mais qui ont besoin d'être mis sur le marché du travail, et vous allez en avoir besoin autant que nous tantôt. Alors, les problématiques sont extrêmement importantes, l'énergie est strictement un élément d'une stratégie qui est beaucoup plus globale.
Le Président (M. Bachand): M. le ministre.
M. Hamad: Je vais laisser mes collègues...
Le Président (M. Bachand): Oui? Excellent. M. le député de Roberval.
M. Blackburn: Merci, M. le Président. Chef, M. Fontaine, M. Mckenzie, «kuei» et bienvenue ici, à l'Assemblée nationale. Je pense que c'est une belle présentation que vous nous avez faite, mais, dans le portrait que vous avez dressé, tout à l'heure, de la communauté, je pense que c'est un portrait qui ressemble à beaucoup d'autres communautés autochtones sur le territoire du Québec, compte tenu de la démographie, compte tenu de la situation économique que vivent ces communautés-là. Et je vous avouerai que c'est dans cette perspective-là d'ailleurs que, suite au Forum des générations, le premier ministre du Québec a annoncé, suite à la demande expresse du chef Ghislain Picard, la tenue d'un forum économique à l'automne 2005 justement concernant les communautés autochtones. Je pense que ce forum-là, dans la foulée du Conseil conjoint des élus qui a été formé, va nous permettre de continuer de faire des avancées dans les relations que nous avons entre les communautés autochtones et les communautés non autochtones, et, moi, je suis convaincu que c'est une étape de plus dans un processus d'avancement pour faire en sorte que les problèmes que vous vivez dans vos communautés... Et je vous avouerai que je suis bien placé pour le savoir, compte tenu du fait que je suis voisin de la communauté de Mashteuiatsh. Les problèmes qui sont vécus dans vos communautés vont certainement, je pense, trouver une écoute attentive à cette situation-là.
J'aimerais revenir sur un des éléments parce que vous avez mentionné que...
Le Président (M. Bachand): ...M. le député, s'il vous plaît, très, très rapidement.
M. Blackburn: Vous avez mentionné que, sur la communauté dans laquelle vous êtes interpellés, il y a eu un projet qui a été fait, vous avez participé au projet, à la construction, vous avez participé au projet en ayant des compensations qui vous ont été versées par Hydro-Québec, et, maintenant que le projet est terminé, il ne reste plus rien. À Mashteuiatsh, on est en train de faire un peu le même phénomène avec la construction du projet de la Péribonka, d'abord avec des contrats importants qui sont octroyés à la communauté et aux entrepreneurs de Mashteuiatsh qui développent une expertise, d'une part, et, d'autre part, les compensations qui sont versées et bien sûr tout ce qui peut arriver comme ententes de partenariat. Vous avez fait des recommandations, puis j'aimerais vous entendre rapidement sur certaines de ces recommandations-là, entre autres la troisième où vous parlez d'élaborer un programme spécifique aux autochtones en ce qui a trait à l'accès aux capitaux. À ma connaissance, il y a le FDA qui existe, qui est en place, qui peut peut-être être un élément qui peut permettre d'avoir accès à des capitaux. Vous pourriez peut-être parler là-dessus un petit peu.
Et l'autre question...
Le Président (M. Bachand): Je suis obligé de vous...
M. Blackburn: En terminant. En terminant.
Le Président (M. Bachand): Honnêtement, je suis obligé de vous interrompre parce que je n'aurai même pas de temps à laisser aux gens pour répondre à la question. Donc, très rapidement, si vous voulez répondre à la question du député. On y reviendra, M. le député, ça va me faire plaisir, mais actuellement, là, je dois... Allez-y très, très rapidement, M. Fontaine.
M. Fontaine (Ricky): Alors, très rapidement, je reviens très rapidement sur la situation de Mashteuiatsh où c'est passablement différent de la situation d'Uashat mak Mani-Utenam parce qu'il y a un secteur privé, il y a du terrain en pleine propriété à Mashteuiatsh, ce qui n'est pas le cas chez nous, le développement est vraiment beaucoup plus communautaire que ce qui se passe à Mashteuiatsh. Il y a beaucoup, beaucoup d'entrepreneurs privés du côté de Mashteuiatsh.
n(17 h 50)n Je dirais qu'au niveau des impacts vraiment l'évaluation pré et post projet SM-3 serait nécessaire. La préparation des communautés à participer à un projet... Tout le monde savait, dans la région immédiate de Sept-Îles, qu'un projet s'en venait. À un moment donné, l'information était: Est-ce que vous pouvez vous trouver des associés indiens? Il y a des consortiums qui ont été créés à 10, 12 entreprises avec un autochtone, et ça, c'était suffisant. Alors, à un moment donné, le conseil a repris le contrôle de certaines activités directement avec Hydro-Québec, mais tout le monde se cherchait un autochtone de la place pour avoir accès à des contrats.
Ce n'est pas sur cette base-là que le développement devrait se faire, c'est vraiment en assurant que les communautés vont développer des capacités. Et ces observations-là ont été faites aux gens d'Hydro-Québec aussi. Ce n'est pas en annonçant d'avance qu'une communauté va avoir un projet et que tout le monde se cherche un porteur de ballon autochtone pour rencontrer des gens d'Hydro-Québec qu'on va faire du développement dans les communautés. Il y a des gens qui vont ramasser des commissions, mais il ne se passera rien. Alors, c'est le seul danger, et c'est un danger réel, dès le moment où il y a une annonce d'un projet, bien on est pris avec une course à se trouver un partenaire autochtone. Et il reste très, très peu des entreprises qui avaient été développées dans le temps, autres que celles du conseil, qui sont encore là présentement.
Le Président (M. Bachand): Merci, M. Fontaine. Mme la députée porte-parole de l'opposition officielle en matière d'énergie.
Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. Alors, messieurs, bienvenue. Votre mémoire est très intéressant, puis vous avez beaucoup d'information très utile pour les parlementaires. Ce que je comprends de l'essentiel de vos demandes et de vos recommandations, c'est vraiment d'être impliqués en amont des projets, en partenariat au sens réel du terme. Et vous avez une recommandation concernant l'accès aux capitaux. Bon, ça, moi, j'aimerais ça que vous nous expliquiez comment vous voyez ça. Vous dites, à la recommandation 3: «Élaboration d'un programme spécifique aux autochtones en ce qui a trait à l'accès aux capitaux.» Quel est le problème d'accès aux capitaux? Moi, j'ai toujours pensé ? puis corrigez-moi, là, si je me trompe ? mais j'ai toujours pensé que les autochtones qui habitaient une réserve avaient des actifs qui étaient insaisissables. Est-ce que c'est encore le cas?
Le Président (M. Bachand): M. Fontaine.
M. Fontaine (Ricky): C'est toujours le cas.
Mme Dionne-Marsolais: O.K. Bon. Donc, comment on peut gérer ça? Parce qu'en fait le problème, ça doit être qu'il n'y a pas de banque qui veut vous passer de l'argent.
M. Fontaine (Ricky): Exact.
Mme Dionne-Marsolais: C'est ça, hein? Bon.
M. Fontaine (Ricky): Ou c'est extrêmement limité, avec des durées...
Mme Dionne-Marsolais: Oui, c'est ça. Si vous n'êtes pas saisissables, évidemment ils ne veulent pas prendre le risque, dans le fond. Alors, comment vous voyez ce programme spécifique aux autochtones? Jusqu'où on peut aller? Parce qu'il n'y a pas personne qui va prendre ? en tout cas, je ne le crois pas ? il n'y a pas personne qui va prendre le risque de prêter à des personnes morales ou autres, physiques ou morales, sur lesquelles on ne peut pas être assuré d'un remboursement, ou d'un retour, ou ultimement d'une saisie. Comment vous voyez ça?
Le Président (M. Bachand): M. Fontaine.
M. Fontaine (Ricky): Alors, il y a plusieurs façons. Au niveau canadien, ces problèmes-là ont été attaqués de différentes façons. Entre autres, il y a eu des sociétés de financement autochtones qui ont été créées, la Société de capital de risque ou la Société d'investissement des premières nations qui existent à l'heure actuelle, et il y a certaines sommes qui ont été mises à la disposition. Mais encore une fois c'est l'équivalent des sociétés d'aide au développement des collectivités dans le cas des sociétés de financement autochtones, alors il y a une limite qui est imposée. Lorsqu'on parle de projets majeurs, on oublie ça. Il n'y a pas de projets majeurs qui peuvent être développés par des communautés, à moins de signer des ententes, à un moment donné, utiliser ça comme levier. Le système financier actuel ne sert pas les communautés. Alors que les municipalités ont accès au marché, les communautés autochtones n'y ont tout simplement pas accès. Dans notre cas, on a fait un projet, on a signé une entente avec Sobeys dans le temps pour construire un supermarché. Alors, ça nous a pris quatre ans avant de pouvoir arriver avec la façon de construire un édifice et de le louer à une entreprise comme Sobeys et ça a pris une modification au Code civil du Québec, lorsque le Code civil a été...
Mme Dionne-Marsolais: Modifié.
M. Fontaine (Ricky): ...modifié, pour pouvoir réussir à trouver une façon de pouvoir prendre une garantie sur un immeuble de la réserve. Ça a été extrêmement compliqué. Alors, il y a plusieurs façons où on pourrait faciliter ou créer certains instruments et il y a plusieurs exemples à la grandeur du pays, des sociétés de capital de risque sur une base de projets pilotes. Il y a plusieurs autres instruments qui pourraient être développés, il y en a plusieurs exemples.
Encore une fois, tout ça, ces montants-là, ça reste quand même des montants limités. Alors, c'est sûr qu'une communauté qui a pu réussir à faire un premier projet ou qui a déjà une entente avec Hydro-Québec ou une entente... On n'a pas besoin de passer à côté, dans le cas de projets énergétiques, dès le moment où on s'entend sur un contrat d'approvisionnement d'électricité, on se comprend que c'est à peu près ce qu'il peut y avoir comme meilleure garantie. Les banques habituellement vont être beaucoup moins hésitantes. Bien entendu, la taille de l'investissement qui va être nécessaire va faire en sorte, là, de limiter le type de projet qui est réalisable. C'est sûr qu'un projet éolien de 150 ou 200 MW, à l'heure actuelle, on parle de pratiquement 300 à 400 millions de dollars; 20 % d'équité, on parle de 60 millions. Il n'y a pas une communauté au Québec qui peut se permettre un projet comme ça.
Par contre, je vous dirais que mettre des crédits disponibles qui permettraient de prendre une position à 10 % d'équité, ça pourrait être un début, alors que présentement, dans les projets de petite centrale, certains promoteurs viennent voir les communautés puis ils disent: Vous ne mettez pas d'argent, on va vous donner 10 %, 10 % du contrat de l'entreprise. Qu'est-ce que ça veut dire? Les communautés ne sont pas vraiment au courant. La seule chose qu'ils voient, c'est qu'ils ont une possibilité de ramasser 10 %. À quel prix? Pour les différentes propositions que j'ai vues sur la table, il n'y avait pas grand-chose d'intéressant. C'est sûr qu'on ne mettait pas d'argent, mais à long terme ce n'était pas si intéressant que ça.
Alors, dans plusieurs cas, il faut être un peu innovateur. On a des fonds de pension qui ont investi dans certaines de nos entreprises. Est-ce qu'on a accès à la SGF? Je n'ai pas vu beaucoup de communautés qui avaient accès au financement auquel la plupart des autres entreprises du Québec ont accès. C'est sûr que c'est compliqué, faire affaire avec les communautés. C'est toujours un peu plus compliqué, l'approche est différente, c'est communautaire. C'est plus compliqué, la Loi sur les Indiens, les terres de réserve. Alors, je pourrais vous donner la litanie de toutes les objections possibles pour ne pas faire affaire avec une communauté.
La problématique par contre, c'est que je vous ai donné des considérations sociales, je vous ai donné un portrait des communautés, puis, si on ne fait pas affaire avec nos communautés, si on ne trouve pas une façon d'amener les communautés à se développer, on va tous se battre, tout à l'heure, pour des coûts sociaux parce que tout le monde va s'en aller sur l'assistance sociale, où on va se battre et on va augmenter les coûts pour le système en général. Il faut mettre le monde à l'emploi. Il faudrait peut-être trouver des façons de favoriser le développement dans les communautés. Et, des outils, il y en a, il y a eu des exemples, il y a eu des exemples aux États-Unis. J'ai quand même participé à plusieurs conférences aux États-Unis où ils ont développé des outils spécifiques pour favoriser le développement dans les communautés. Alors, quand on veut être innovateur, quand on s'ouvre, il y a moyen de faire des choses, et il y a plusieurs exemples.
Le Président (M. Bachand): Mme la députée.
Mme Dionne-Marsolais: Oui. Je trouve ça intéressant, ce que vous proposez, et je pense qu'il y a beaucoup... Je crois que c'est un gros défi, mais, avec ce qui se fait ailleurs, on pourrait peut-être regarder ce qu'on pourrait faire ici. Est-ce que vous avez regardé aussi... ou avez-vous discuté avec d'autres communautés? Je pense, entre autres, aux communautés qui sont assujetties à la Convention de la Baie James. Eux, ils ont accès à un certain fonds. Est-ce que ce fonds-là... Je pose la question, là, je ne connais pas la réponse, là, mais est-ce que ce fonds-là est suffisant pour faire certaines amorces dans d'autres groupes autochtones, d'autres communautés, ou si la manière dont vous fonctionnez, c'est très isolé, par communauté, ou s'il peut y avoir des ententes? Parce que je comprends de ce que vous dites que, dans certaines autres régions hors Québec, il y a des initiatives qui ont été développées. Vous-mêmes, dans votre communauté, vous en avez développé, vous avez donné l'exemple, là, de Sept-Îles. Mais est-ce qu'avec d'autres communautés au Québec ça s'est discuté aussi?
Le Président (M. Bachand): M. Fontaine.
n(18 heures)nM. Fontaine (Ricky): Il y a eu plusieurs projets, même au niveau de l'Approche commune qui comprend les quatre communautés. Il y a la possibilité de créer un fonds d'investissement qui est séparé. À l'heure actuelle, comme je le disais, il y a SOCARIAQ qui est une réunion de sociétés de financement. Le fonds de pension, qui est le Régime des bénéfices autochtone, est une autre possibilité. Du côté du Québec, il y avait le Fonds de développement autochtone, le FDA et, ce qu'on sait, c'est qu'il est en train d'être modifié pour être beaucoup plus large. Alors, il y a sûrement des enveloppes à l'intérieur qui doivent être confirmées et qui seront confirmées dans les prochaines semaines, mais il y avait déjà là un outil qui pouvait être...
Sauf qu'à l'intérieur de ces fonds-là la problématique, c'est qu'on met en compétition deux choses: des infrastructures qui sont nécessaires au niveau local et qui répondent à des besoins sociaux, et, quand on fait le... Pour visiter quelques communautés, vous allez percevoir que les infrastructures communautaires, c'est un manque chronique à peu près partout. Alors, on crée un fonds à l'intérieur duquel on met en compétition des besoins qui sont complètement différents, des besoins qui sont de type communautaire et des besoins de développement économique. Alors, vous comprendrez que le choix n'est pas tellement dur à faire pour la plupart des communautés, ils répondent à un besoin qui est beaucoup plus social, mais ce qui cause aussi des problèmes, parce que, le fonds, lorsqu'il est utilisé pour créer des infrastructures communautaires, la plupart du temps, les coûts d'opération de ces infrastructures-là, il n'y a pas de financement qui y est attaché. Alors, il ne faut pas bâtir beaucoup, beaucoup d'édifices pour se ramasser avec des gros problèmes financiers.
Le Président (M. Bachand): Mme la députée.
M. Fontaine (Ricky): Alors, il y a certains avantages à avoir des fonds qui s'adressent à ça, mais il y a aussi des inconvénients.
Mme Dionne-Marsolais: Oui, oui. En fait, ce que je comprends, c'est que... le message que vous nous faites aujourd'hui, c'est que, dans la politique énergétique du Québec pour l'avenir, non seulement vous voulez être partenaires, ce qui est bien exprimé, mais vous voulez aussi qu'il y ait une politique de développement autochtone à l'intérieur de cette politique énergétique là. C'est ça?
M. Fontaine (Ricky): Exact.
Mme Dionne-Marsolais: En termes simples, là.
M. Fontaine (Ricky): L'intention, c'est vraiment de s'assurer qu'à l'intérieur de la politique énergétique du Québec il y ait un volet autochtone qui permet d'intervenir dès le moment où on commence à planifier. De cette façon-là, on pourra faire les constats qui sont nécessaires avant, et, au moment de réaliser des projets, on aura déjà apprécié la situation des communautés qui sont concernées. Sinon, on fait juste mettre de la pression sur l'ensemble de la région pour réaliser un projet et là on se ramasse en compétition qui peut ne pas s'avérer saine et qui s'adresse strictement à la période de construction du projet. Et là j'ai des problèmes parce qu'à long terme ça ne résout pas les problèmes de fonds des communautés.
Mme Dionne-Marsolais: Ça aide un peu, mais ça ne répond pas aux problèmes.
M. Mckenzie (Serge): Oui. C'est un baume en tant que tel... Excusez-moi, M. le Président.
Le Président (M. Bachand): Allez-y, M. Mckenzie, oui.
M. Mckenzie (Serge): C'est un baume en tant que tel, mais il faut être visionnaire relativement au développement économique en tant que tel, puis ça ne fait pas longtemps qu'on est quand même impliqués dans le processus des projets hydroélectriques. Alors, je pense qu'il faut... Le besoin est criant, étant donné notre démographie. Alors, moi, je ne veux pas voir mes enfants, mes petits-enfants être sur l'assistance sociale. Alors, concrètement, sur le plan des principes, il est clair que nous devons participer au développement en n'étant pas oisifs comme on pouvait l'être dans les années cinquante. Aujourd'hui, on veut participer, concrètement et de façon réelle, au développement énergétique du Québec. Ça, je pense qu'il faut... J'espère que les membres de la commission, M. le Président, M. le ministre, comprennent ce message-là.
Mme Dionne-Marsolais: On le comprend puis, je vous dirais même, non seulement on le comprend, on le reçoit positivement parce qu'il y va de l'intérêt de tout le monde de développer le Québec au bénéfice des Québécois, tous, et donc, dans ce contexte-là, des premières nations comme des... j'allais dire des Blancs, mais en fait des autres.
Vous dites aussi que la... Vous avez fait, si je comprends bien, un apprentissage avec SM-3, hein, et vous avez dit... Je crois que ça avait été très, très difficile, et c'est sans doute pour ça que vous demandez qu'il y ait des directives claires à l'intention des sociétés d'État. Est-ce que c'est pour ça? Oui? Bon. Qu'est-ce qui a été le plus difficile dans la... Est-ce que c'est parce que c'était un premier projet de développement avec une société d'État, ou bien si c'est parce que... Il y a quelqu'un qui a mentionné, là, un choc de culture, l'idée d'une vision communautaire versus corporative, des trucs comme ça. Qu'est-ce qui a été si exigeant et si... Parce qu'on apprend toujours, même si c'est difficile.
Le Président (M. Bachand): M. Mckenzie, allez-y.
M. Mckenzie (Serge): À votre première, difficile parce que, quand tu te trouves dans un chantier hydroélectrique où tu as 2 000 hommes sur le chantier en question, évidemment... Pour vous dire concrètement, moi, je m'occupais du placement de la main-d'oeuvre au chantier SM-3 puis également j'essayais de faire la prospection de contrats relativement au chantier SM-3. Évidemment, rentrer dans ce domaine-là, qui était tout à fait nouveau pour moi, fut quand même difficile, mais il a fallu quand même que je crée des occasions pour pouvoir discuter avec EBC-Neilson, etc., tous les entrepreneurs qu'on retrouve généralement dans les gros chantiers hydroélectriques.
Il n'en demeure pas moins que, pour moi et pour une bonne majorité de la communauté, ça a été difficile, le fait que ce soit nouveau de participer ou de travailler dans un projet hydroélectrique. Concrètement, on peut appeler ça comme étant un choc culturel. La plupart des travailleurs étaient quand même âgés en moyenne de 35 ans. Se retrouver dans un chantier autre que chez eux, dans un chantier au nord de Sept-Îles, sur la rivière Sainte-Marguerite, dans un environnement qui n'est pas le leur, bon ça a créé un choc, mais, avec ce phénomène-là, ce processus d'apprentissage, ça a permis quand même de développer des ressources humaines pour travailler à d'autres chantiers, comme Alouette.
M. Fontaine (Ricky): O.K. Bien, je pense qu'il y a deux niveaux au niveau des problèmes qu'on a pu rencontrer. Le premier en est un politique, politique avec l'externe et politique au niveau interne. En ce qui concerne l'environnement politique dans lequel on s'est ramassés, c'est que la région, elle, voulait le projet, ça faisait déjà un bon bout de temps, et je peux vous dire que la pression était forte, au niveau des intervenants économiques, pour que le projet se réalise.
Au niveau interne, la communauté était tiraillée, à savoir quels allaient être les impacts sur le territoire, quels allaient être les impacts négatifs, et ça, ça a pris quand même un bon bout de temps. Pendant que tout ce qui se faisait au niveau économique bâtissait de la pression pour pouvoir voir le projet se réaliser et que les intervenants économiques jouaient leur rôle, bien, dans la communauté, tout le monde se posait la question: À quoi va ressembler le projet? Qu'est-ce qu'ils vont faire?
Et il y a toute l'histoire du détournement de Carheil et Pékans. Vous vous souviendrez, là, il y a une partie de la rivière... Il y a la rivière Moisie, là. Il y a une chose qui est sûre, c'est que, si les gens ne travaillent pas, au moins ils pêchent, ils sont en mesure de continuer à se nourrir. Les pratiques de subsistance sont toujours là. Alors, s'il avait fallu qu'en plus de réaliser le projet on coupe les affluents de la rivière Moisie, on se serait ramassés dans des problèmes beaucoup plus importants, et ça, au niveau...
L'aspect politique interne de la communauté a été un dur apprentissage. Comme on vous l'a dit, là, un référendum qui passe, on parle d'à peu près une quinzaine de personnes, là, l'écart entre le camp du Oui et le camp du Non. On parle à peu près des mêmes pourcentages, là, qu'un certain référendum. Mais je peux vous dire une chose, c'est que le processus politique, autant à l'externe qu'à l'interne, a été un processus extrêmement difficile.
Une fois ça passé, c'est toute la pression avec les intervenants régionaux. Les maires, les municipalités, les MRC voulaient tous voir le projet se réaliser. Alors, vous comprendrez qu'une communauté qui est toute seule puis qui va à contre-courant de tous ces gens-là... Parce que, pendant un bon bout de temps, ce qu'on voulait avoir, c'est une idée assez précise de ce que c'est que le projet allait avoir comme impact. Je peux vous dire qu'on était à contre-courant pendant un bon bout de temps, et les pressions ont été extrêmement importantes.
Quand le projet a commencé ? alors, je n'irai pas dans les détails, là, parce qu'on a eu de la pression même en cours de projet parce que la rumeur voulait à un moment donné qu'on s'associe avec des firmes de Québec ? je peux vous dire qu'on a eu de la visite, dans nos bureaux, pour se faire mettre de la pression pour engager des entrepreneurs locaux. Ça fait que, même si on avait dit que, oui, on était d'accord puis qu'on passait avec la réalisation du projet, même en cours de route, on a eu de la pression qui est venue des représentants du milieu. Alors, ce n'est pas facile. On finit le projet, et maintenant, bon, quand on fait le constat, ce n'est peut-être pas ce qu'on avait pensé.
n(18 h 10)n Il y a eu des retombées. Pendant une certaine période, on a été dans une certaine zone un peu d'ivresse mentale. La plupart des sommes qu'on a reçues ont été injectées pour régler des problèmes d'habitation, d'infrastructures communautaires, et ? encore une fois, je reviens, là ? une fois qu'on a bâti les immeubles, il faut les opérer, et ça, il n'y avait pas de budget pour ça. Alors, on est obligés d'absorber... Pas très facile.
Et je sais que le Québec a certains immeubles qu'il considère aussi se départir. Bien, chez nous, c'est la même chose: une fois que c'est monté, ces édifices-là, il faut les entretenir, et ça coûte des sommes assez importantes. Alors, le processus... difficile.
Le Président (M. Bachand): En conclusion, M. Mckenzie. M. Mckenzie, là, très, très rapidement.
M. Mckenzie (Serge): Relativement à l'entente SM-3, il ne faut pas oublier que c'était dans un contexte non pas... à celui d'aujourd'hui que l'on vit avec les projets Toulnustouc ou le projet Péribonka. Ça, c'est un aspect important aussi à tenir compte. Le virage commercial n'était pas encore aussi fort, en 1994. Je termine là-dessus.
Le Président (M. Bachand): M. Mckenzie, M. Fontaine, M. le vice-chef Rock, merci infiniment de vous être présentés à cette commission. Bon retour chez vous! Je vais donc ajourner les travaux à jeudi 10 février, 9 h 30.
(Fin de la séance à 18 h 11)