(Onze heures vingt minutes)
Le Président (M. Rioux): Nous avons quorum, je déclare donc la séance ouverte. Et je rappelle le mandat de la commission: c'est de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques à l'égard du projet de loi n° 143, Loi modifiant la Loi sur les normes du travail et d'autres dispositions législatives.
Est-ce qu'il y a des remplacements, Mme la secrétaire?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. Alors, Mme Caron (Terrebonne) remplace M. Kieffer (Groulx) pour la durée du mandat et Mme Thériault (Anjou) remplace M. Poulin (Beauce-Nord) pour la séance d'aujourd'hui.
Mémoires déposés
Le Président (M. Rioux): Merci. Alors, avant d'entreprendre le mandat qui nous a été confié aujourd'hui, j'aimerais déposer, conformément à une motion qui a été proposée par le vice-président de la commission, le député de Laurier-Dorion, et adoptée à l'unanimité par les membres en séance de travail le 10 septembre 2002, l'ensemble des mémoires qui ont été transmis à la commission dans le cadre de la consultation générale qui avait été initiée sur la machinerie de production. Alors, je dépose les mémoires.
Mémoire déposé
Et dans le cadre de la consultation d'aujourd'hui sur la loi n° 143, l'Association pour le soutien et l'usage de la langue française a fait parvenir un mémoire à la commission, mais ne pouvant se présenter, je le dépose également.
Document déposé
Et finalement, je dépose copie d'une lettre, reçue le 2 décembre 2002, de la Fédération des policiers et policières municipaux du Québec qui fait part de ses commentaires à l'égard du projet de loi n° 143. Je dépose également la lettre.
Alors, à la déclaration d'ouverture, c'est-à-dire ce qu'on appelle communément les remarques préliminaires, le groupe ministériel aura 12 minutes au total, incluant l'intervention du ministre; l'opposition officielle a également 12 minutes, incluant l'ensemble des députés représentés par l'opposition. Et le député de... Excusez-moi. Le député de Vimont aura six minutes. Je m'excuse. Le député de Vimont aura donc six minutes et l'opposition officielle 12 minutes.
Remarques préliminaires
Alors, maintenant que tout est clair pour tout le monde, je vais inviter le ministre du Travail à faire ses remarques préliminaires.
M. Jean Rochon
M. Rochon: M. le Président, mes chers collègues de la commission de l'économie et du travail, mesdames, messieurs qui se joignez à nous pour les travaux de cette commission, je pense que nous sommes tous, à différents titres, témoins du fait que le monde du travail est en évolution constante et que les changements que l'on observe dans ce monde se sont accélérés, surtout au cours des 10 dernières années. Une combinaison de facteurs ? les nouvelles technologies, l'évolution démographique, la mondialisation des échanges commerciaux ? ont en effet amené des changements profonds dans l'organisation du travail et ont aussi entraîné l'apparition de nouvelles formes d'emplois et de nouvelles formes de relations contractuelles entre employeurs et salariés. De plus, les valeurs des travailleuses et des travailleurs ont évolué et les préoccupations en vue d'un meilleur équilibre entre le travail et la vie professionnelle sont beaucoup plus présentes.
C'est pourquoi, prenant compte de ces changements, le gouvernement du Parti québécois avait pris l'engagement en 1999 de moderniser l'ensemble des lois du travail afin de les adapter à ces nouvelles réalités. On se rappellera qu'après avoir adopté des modifications importantes au Code du travail, l'année dernière, le ministère a continué et complété les travaux pour maintenant faire l'adaptation de la Loi des normes du travail.
Dans la foulée de ces travaux, le printemps dernier, un document de consultation a été élaboré afin de permettre aux principaux groupes intéressés de me faire part de leurs commentaires et de leurs suggestions sur les principales modifications que nous envisagions pour une révision de la Loi des normes du travail. La participation d'une bonne quarantaine de groupes de divers horizons à ces séances de travail nous a permis d'élaborer le projet de loi, et un projet de loi qui, je pense, tient compte des préoccupations respectives de tous les groupes.
La commission qui s'ouvre aujourd'hui offre cette fois à près de 40 groupes, je pense, intéressés l'occasion de venir échanger avec les parlementaires sur les changements qui sont proposés dans cette révision de la Loi des normes du travail. Je suis assuré que les commentaires qui nous seront présentés, les propositions, les discussions que nous auront nous permettront de parfaire encore le projet de loi, et tel est là, d'ailleurs, je crois, le principal objectif des travaux que nous amorçons aujourd'hui.
Le projet de loi qui fera l'objet de nos discussions constitue une révision substantielle d'une loi qui est une législation fondamentale pour les travailleuses et les travailleurs du Québec. On se rappelle que, d'une part, cette loi établit la base minimale des conditions de travail de toutes les Québécoises et de tous les Québécois et, d'autre part, elle constitue la seule protection dont disposent 1,6 million de personnes au Québec pour établir leurs conditions de travail. C'est, en fait, plus de 58 % de la main-d'oeuvre québécoise. Et, de ce groupe, il faut se rappeler qu'une très grande proportion sont des jeunes dans le groupe d'âge de 15 à 29 ans.
Par la révision que nous proposons aujourd'hui, le gouvernement poursuit essentiellement trois objectifs: d'abord, élargir la protection de la loi à un plus grand nombre de salariés; deuxièmement, soutenir davantage la conciliation du travail avec la vie personnelle et familiale; et, troisièmement, assurer une meilleure protection aux salariés. Et tout cela en tenant bien compte de la réalité des entreprises québécoises.
Il est aussi important de souligner que cette révision s'inscrit en toute cohérence avec les autres actions et les autres politiques gouvernementales qui contribuent d'une façon ou d'une autre à l'atteinte d'objectifs similaires ou apparentés. Elle tient compte spécialement de la politique de lutte contre la pauvreté ? en lien avec laquelle un projet de loi est présentement à l'étude devant une autre commission ? elle tient compte aussi de la politique familiale, de la politique en matière de condition féminine, de la politique de la jeunesse et du plan d'action à l'égard des aînés.
La révision de la Loi des normes du travail s'inscrit de plus en ligne directe avec le plan d'action gouvernemental qui vise le maintien de la création d'emplois et d'emplois de qualité, c'est-à-dire des emplois qui assurent un niveau de vie décent, qui permettent une véritable qualité de la vie personnelle et familiale et qui, aussi, sont accompagnés de conditions de travail acceptables.
À cet égard, je suis particulièrement convaincu que l'amélioration des conditions de travail ne s'oppose pas à la compétitivité des entreprises, à la création d'emplois ou aux investissements. Bien au contraire! Dans un contexte où les besoins de main-d'oeuvre sont grands et où les entreprises se doivent d'être de plus en plus productives, de meilleures conditions de travail facilitent le recrutement et la rétention d'une main-d'oeuvre compétente et motivée. De plus, il faut bien réaliser que la modernisation de la Loi des normes du travail, par les améliorations qu'elle veut apporter aux conditions de travail et au bien-être des salariés, constitue un des meilleurs outils pour soutenir le développement du capital humain au sein des entreprises. Les ressources humaines sont en effet la plus grande richesse et le meilleur facteur concurrentiel des entreprises et celles qui souhaitent vraiment prospérer se doivent de prêter une attention toute particulière à cette réalité.
Je suis par ailleurs bien conscient que la capacité d'investissement des entreprises n'est pas sans limite et qu'il nous fallait trouver le juste équilibre afin de répondre aux préoccupations des salariés tout en tenant compte de la réalité des entreprises québécoises. Dans cette optique, les impacts économiques des mesures proposées ont été soigneusement évalués, et je profite de l'ouverture des travaux de cette commission, M. le Président, pour déposer à la commission les évaluations qui ont été faites afin de bien s'assurer que les mesures que nous préconisons étaient réalisables.
Je pense que vous pouvez faire le dépôt.
Document déposé
Le Président (M. Rioux): Alors, oui, le dépôt du document.
M. Rochon: Le dépôt est fait.
Alors, je terminerai ces remarques préliminaires, M. le Président, en rappelant que la Loi des normes du travail n'est pas uniquement une loi du travail au sens restreint du terme. Je suis profondément convaincu que cette loi doit aussi veiller au respect de la dignité des personnes, à l'amélioration du filet de sécurité sociale, à la redistribution de la richesse et à la protection de l'emploi pour des personnes qui ne sont pas seulement des travailleurs et des travailleuses, mais qui sont aussi des mères, des pères, des membres d'une famille qui visent à s'épanouir autant dans leur vie personnelle que dans leur vie professionnelle.
L'ensemble de la société, dont nous sommes les représentants comme parlementaires, doit concourir à l'atteinte de cet objectif d'épanouissement individuel, et ce, pour le mieux-être de toute la collectivité québécoise.
Merci, M. le Président.
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(11 h 30)
n
Le Président (M. Rioux): Merci beaucoup, M. le ministre. Est-ce qu'il y a des députés ministériels qui ont des remarques préliminaires? Merci. Je cède maintenant la parole au porte-parole de l'opposition officielle, M. le député de Mont-Royal.
M. André Tranchemontagne
M. Tranchemontagne: Merci, M. le Président. À mon tour, il m'est très agréable d'intervenir et de passer ces quelques jours en compagnie du ministre pour un projet de loi qui est, à mon point de vue, d'une extrême importance, la Loi sur les normes du travail, le projet de loi n° 143.
Comme je l'ai dit au moment de l'approbation du principe, c'est très important pour nous, puisque le Parti libéral, du moins en 1998 lors de l'élection, dans le programme du Parti libéral, on faisait mention de l'importance de réviser la Loi sur les normes du travail étant donné que tout le milieu du travail a tellement changé; la compétitivité entre les entreprises qui s'est accrue énormément avec la disparition des barrières, que ce soient les barrières interprovinciales ou les barrières entre les différents pays.
Donc, c'est important de reconnaître l'avènement, par exemple, des travailleurs autonomes, etc. Alors, il y a plusieurs changements qui ont eu lieu et, depuis trop longtemps malheureusement, depuis 1990, sous un gouvernement libéral, les lois du travail n'avaient pas été modifiées. Elles l'avaient été pour la dernière fois en 1990 et, depuis ce temps-là, je pense qu'il s'est passé énormément de changements au cours de ces environ 10 années, 10, 12 années.
Alors donc, et au moment de l'approbation du principe, nous avons dit d'ores et déjà que nous sommes favorables dans l'ensemble avec le projet de loi. Nous avons par contre manifesté ? puis je voudrais le réitérer ce matin pour que les gens le sachent bien ? certaines inquiétudes. Les inquiétudes sont à l'effet particulièrement des PME. On sait que la Loi sur les normes du travail risque de toucher beaucoup plus les PME que la grande entreprise, puisque très souvent ce sont les petites et moyennes entreprises qui ont des conditions de travail plus difficiles, plus serrées et plus, peut-être, exigeantes pour les employés.
Par contre, c'est aussi ces petites et moyennes entreprises qui, au cours de la dernière décennie, ont créé entre 75 et 80 % des emplois. Alors, ce qu'il faut faire, c'est essayer d'atteindre une espèce de juste équilibre entre la protection des travailleurs, le respect des travailleurs et aussi le respect de l'emploi que ces travailleurs-là peuvent avoir particulièrement auprès des PME, comme je le disais tantôt.
Ça nous apparaît inquiétant du point de vue de la productivité. Il faudrait s'assurer que ces nouvelles normes du travail n'aient pas d'influence justement sur la productivité parce que, comme vous le savez, si on diminue la productivité des entreprises, bien évidemment on touche énormément leur compétitivité et finalement le but qu'on essayait d'atteindre, c'est-à-dire de protéger l'employé, le travailleur, bien, on le perd, ce but-là, parce que, si l'entreprise disparaît, bien évidemment les emplois disparaissent avec la disparition de l'entreprise.
Ça nous inquiète un peu, ça nous inquiète parce qu'on a mis énormément de pression dans l'ensemble au cours des dernières années sur les PME dans l'ensemble. Qu'on parle, par exemple, de l'équité salariale... Je ne parle pas de l'équité en soi, mais je parle du processus de l'équité salariale pour une PME qui ne jouit pas du bénéfice d'avoir un vice-président ou un directeur des ressources humaines. C'est souvent le propriétaire qui doit les mettre en application.
Alors donc, tout le processus de l'équité salariale, c'est une lourdeur. Toutes les questions de CSST, par exemple, le nouveau Code du travail qui a une incidence sur la vie des entreprises au Québec et, finalement, le dernier, l'assujettissement de la machine de production au Décret de la construction qui, encore une fois, ajoute beaucoup de pression, je pense, sur les entrepreneurs, particulièrement, comme je le disais, les petites et moyennes entreprises.
Alors donc, je pense qu'il faut essayer, au cours de ces quatre ou cinq jours que nous allons passer ensemble, de garder un oeil ouvert et de peser justement la protection des travailleurs mais aussi la protection du travail comme tel, c'est-à-dire s'assurer que ces travailleurs-là gardent, conservent un emploi, mais que cet emploi-là soit absolument décent et libre de toute intervention artificielle de la part du patron.
Vous me permettrez, M. le Président, de souligner qu'on vient de nous déposer l'évaluation des impacts économiques de ces modifications-là. Vous me permettrez de souligner quelque chose que j'ai déjà souligné. Vous allez vous rappeler que ce n'est pas la première fois. Malheureusement, j'aurais aimé avoir ces documents-là quelques jours à l'avance pour en avoir le bénéfice, et ça nous aurait éclairés. Et j'imagine que les intervenants qui vont venir ici aujourd'hui et au cours des prochains jours auraient probablement aussi bénéficié d'un dépôt plus tôt de ces évaluations d'impact. Alors, je le déplore malheureusement.
Un autre... Et je voulais revenir à... Une autre inquiétude qui nous touche plus particulièrement, c'est tout le domaine du harcèlement psychologique, pas parce qu'on ne croit pas qu'il y a du harcèlement psychologique, oui, on sait qu'il y en a, mais on a peur qu'il y ait un excès du côté du harcèlement psychologique. Et il y a eu, il y a un an et demi, M. le Président, une étude d'un comité interministériel sur justement le harcèlement psychologique au travail, et on se rendait compte, quand on regardait leurs recommandations, que ce comité interministériel était beaucoup, beaucoup plus prudent que ce qu'on avance maintenant. On parlait, par exemple, de travailler au niveau de la sensibilisation, au niveau de la formation. Ce matin, il y a un article d'ailleurs dans les journaux que la CSN veut travailler au niveau de la formation et de la prévention auprès de ces gens qui s'occupent de sécurité, du côté de la CSN en particulier, puis je suis certain que les autres centrales syndicales le font aussi. Alors, le document du groupe interministériel touchait le domaine, mais il le touchait d'une façon beaucoup plus prudente. On parlait, par exemple, d'évaluer les lois actuelles, qu'est-ce qu'elles couvrent, qu'est-ce qu'elles ne couvrent pas, et aussi on parlait évidemment de regarder une espèce de vue d'ensemble et de pousser surtout sur sensibilisation, formation, préparation, sensibilisation des entreprises, des employés, mais aussi des employeurs évidemment, alors que, ce matin, on nous dépose la section sur le harcèlement psychologique qui nous inquiète, soit dit en passant, comme je le disais tantôt.
Alors, M. le Président, donc, dans l'ensemble, je voudrais vous dire que nous sommes d'accord. Nous avons aussi une autre inquiétude quand on parle d'absence dans les modifications que le ministre nous propose, absence, que ce soit en cas de maladie, absence pour des raisons familiales, par exemple, décès ou maladie d'un membre de la famille ou absence pour cause de maternité. Dans tous ces cas d'absence là, le projet de loi nous propose de réintégrer la personne, une fois que l'absence n'est plus motivée, à son poste habituel. Nous sommes inquiets un peu de la restriction que ça peut représenter, parce qu'on sait, de nos jours, qu'il y a énormément de réorganisation, et ce n'est pas juste à la Caisse de dépôt qu'il y en a, des réorganisations, il y en a aussi dans les PME, et on se demande qu'est-ce qui se produit, quelle est l'intention du projet de loi finalement si, lorsque la personne revient, soit d'un congé de maternité ou d'une absence quelconque, le poste n'existe plus. Alors, on aurait peut-être été plutôt porté à parler d'un poste équivalent plutôt que du poste habituel que la personne avait au moment de son départ.
Alors, ce sont là, M. le Président, l'ensemble de nos inquiétudes. Mais, comme je le disais au début, dans l'ensemble, nous sommes d'accord avec le projet de loi dans son ensemble tout au moins.
Le Président (M. Rioux): Merci beaucoup, M. le député de Mont-Royal. Est-ce qu'il y a des représentants de l'opposition officielle qui... Il reste encore un peu de temps. Non? Ça va?
Je vais céder la parole au député de Vimont pour six minutes. M. le député.
M. François Gaudreau
M. Gaudreau: Alors, merci, M. le Président. Alors, nous sommes déjà prononcés lors de l'adoption du principe, mais je tiens quand même à spécifier que notre préoccupation première est de s'assurer que des mesures touchant la conciliation du travail avec les responsabilités familiales et la vie personnelle soient mises de l'avant. Il faut que le marché du travail soit plus flexible pour les travailleurs et travailleuses du Québec qui désirent assurer des responsabilités parentales ou familiales. Alors, ce projet de loi est un pas dans la bonne direction.
Quant à moi, représentant de l'Action démocratique du Québec, je suis ici pour écouter les divers représentants des travailleurs et travailleuses ainsi que des groupes patronaux. Il y aura sûrement des discussions qui seront sans aucun doute très constructives, et nous réagirons, à la fin des consultations, basés sur cette même écoute. Merci.
Auditions
Le Président (M. Rioux): Merci beaucoup, M. le député de Vimont. J'invite maintenant la Centrale des syndicats du Québec à venir prendre place, et je profite de ce déplacement pour demander à ceux qui auraient des cellulaires soit de les laisser ailleurs qu'ici ou de les fermer. Il n'y a rien de plus désagréable que d'entendre... surtout que, maintenant, il y a des nouvelles tounes sur les cellulaires qui sont assez...
n
(11 h 40)
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Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Rioux): ...assez dérangeantes merci.
Alors, je voudrais souhaiter la bienvenue aux représentantes de la Centrale des syndicats du Québec. Mme Jocelyne Wheelhouse, il nous fait plaisir de vous accueillir, et Mme Nicole de Sève, qui, elle, bien, je n'ai plus besoin de la présenter, tout le monde la connaît maintenant. Alors, madame, vous avez 15 minutes pour présenter votre document, et chaque parti, les partis... Le parti ministériel aura 15 minutes pour vous interroger, poser des questions, et il en va de même pour l'opposition officielle. Alors, on vous écoute, madame.
Centrale des syndicats du Québec (CSQ)
Mme Wheelhouse (Jocelyne): Alors, merci de nous recevoir. Effectivement, je serai accompagnée, pour la période d'échange, de Mme Nicole de Sève, qui est conseillère aux politiques sociales et en droits sociaux, et je suis également accompagnée de Mme Maryse Morin, conseillère en relations de travail.
Alors, je pense que ? merci beaucoup de nous recevoir ? c'est un projet de loi excessivement important pour nous. Je pense que M. Rochon a situé que ça concernait 1,6 million de personnes et a situé un groupe d'âge qui était particulièrement visé, mais rappelé aussi que les deux tiers de ces gens-là sont des femmes. Alors, ça revêt une importance primordiale.
Ça fait plusieurs années, comme centrale, que nous militons pour une réforme en profondeur des normes du travail, pour deux considérations. D'abord, beaucoup pensent qu'à la Centrale des syndicats du Québec on n'est pas touchés par des salariés qui sont régis par les normes du travail. Alors, dans le comité Bernier, on a eu l'occasion de présenter comment on a de nos groupes de membres qui sont touchés par les normes du travail. Et deuxièmement, je vous dirais que notre premier terrain de légitimité, comme centrale, c'est vraiment de travailler sur la défense de l'emploi, des conditions de travail, des conditions de vie de nos membres et, plus largement, de l'ensemble des travailleuses et des travailleurs du Québec.
Alors, on accueille donc avec une très grande satisfaction le projet de loi n° 143 qui vise à modifier les normes du travail. On doit souligner le travail important et les efforts considérables qui ont été faits par le ministre du Travail pour doter le Québec d'une Loi sur les normes du travail qui vient renforcer le cadre juridique et limiter la subordination des travailleuses et des travailleurs à un employeur. Je pense qu'il a été situé, en début, comment le marché du travail avait subi des bouleversements dans les dernières années. Et je sais que vous allez recevoir d'autres groupes qui vont voir des modifications aux normes minimales du travail comme une entrave à la productivité. Bien au contraire, on croit que des travailleuses et des travailleurs qui sont respectés, qui retrouvent de la dignité, c'est un élément de productivité et que, effectivement, ça mérite toute notre appréciation.
Ce qu'on peut dire, aussi, c'est que notre appréciation va se fonder sur le fait qu'on fait plusieurs représentations devant l'Assemblée nationale et on a souvent l'impression que ces représentations-là ne donnent pas grand-chose. Mais là je peux témoigner que, définitivement, nous avons été entendus, nous avons été écoutés et entendus. Puis je veux témoigner aussi de cette grande capacité d'écoute du ministre Rochon, qui a démontré cette capacité d'écoute là aussi dans son passage, son court passage, mais son passage à la Commission des partenaires. Alors, nous tenions à le souligner.
Bien sûr, comme centrale, ce projet de loi là a quand même des lacunes, et puis nous allons le souligner devant vous. Entre autres, la plus grande critique, le jugement le plus sévère va porter sur le fait qu'il y a des grands oubliés dans cette réforme-là. Il s'agit des travailleuses et des travailleurs à statut précaire et du travail autonome. Bon, je pense qu'il y a eu des statistiques qui ont été dévoilées pour montrer comment le travail autonome... il y avait 70 % du travail autonome, il y a quelques années, qui était occupé par des femmes, et, 70 % de ces emplois-là, les femmes avaient des salaires inférieurs à 10 000 $. Alors, vraiment, là, on est dans une... On aurait espéré, en tout cas, plus de résultats du comité Bernier.
Maintenant, je vais vous soulever le fait que ça concerne énormément de gens, le travail autonome et le travail précaire. En 1997, Emploi-Québec évaluait déjà à 360 000, et, dans les dernières statistiques qu'on a, qui relèvent de 2000, on parle de plus d'un demi-million de personnes qui sont touchées par le travail précaire et le travail autonome. Et donc, c'est important.
Je vous rappellerai les propositions, ce qu'on avait comme représentations là-dessus. C'était de dire que, pour un travail équivalent, il faut octroyer aux employés qui ont un statut d'emploi précaire un salaire... on ne doit pas octroyer un salaire qui est inférieur à des travailleurs réguliers. C'est qu'à travail équivalent, le salaire doit être le même. Et il nous apparaît important que la loi prévoie une indemnité salariale proportionnelle au nombre d'heures travaillées, parce qu'il faut comprendre qu'il faut compenser la perte de tous les avantages sociaux qu'on ne retrouve pas dans des personnes qui travaillent dans un travail précaire ou dans un travail autonome.
Maintenant, on s'inquiète de l'article 53 qui vient modifier l'article 86 de la loi. On se demande comment comprendre cet article-là quand vous parlez de changements au mode d'exploitation. Alors, je vais donner quand même un exemple, ça va nous permettre de voir quelle inquiétude on peut avoir. Par exemple, si un employeur décidait de fermer son service de traduction pour cause de réorganisation, mais il faisait appel à la même traductrice comme pigiste ponctuelle, est-ce qu'on doit comprendre que cette personne-là vient de perdre son statut de salariée? Ça, c'est une inquiétude qu'on a, puis ça méritera certainement des précisions, parce qu'il y a beaucoup de réorganisations qui surviennent dans la petite et moyenne entreprise qui composent avec les lois du marché, et donc on pense qu'il y a là quelque chose à corriger.
Maintenant, nous considérons qu'une loi sur les normes du travail doit introduire la présomption de statut de salarié et la modification de la notion actuelle afin d'y inclure à la fois un lien de subordination juridique et la notion de «prestataire de services dépendant économiquement du donneur d'ouvrage». Elle doit prévoir l'interdiction d'obliger une travailleuse ou un travailleur à conclure un contrat d'entreprise pour obtenir ou conserver un emploi qui en réalité est un emploi de salarié.
Nous réjouissons du renforcement du caractère universel de la loi par l'abolition de plusieurs exclusions qui touchaient particulièrement les domestiques et les travailleuses et les travailleurs agricoles. Le projet de loi exclut les salariés qui doivent exercer la fonction de garde de manière ponctuelle ou en raison d'une relation d'entraide familiale ou communautaire. Nous portons à l'attention du ministre que l'utilisation de la notion d'«entraide communautaire» peut porter à confusion et qu'il conviendrait de mieux définir la situation prévue par cette notion.
Par ailleurs, nous allons déplorer le fait que les gardiennes et les gardiens de personnes ne vont être couverts par cette loi-là, par la semaine normale de travail, qu'un an après l'adoption du projet de loi et que le mécanisme qui va leur permettre d'accéder au salaire minimum, on étale ça sur une période de cinq ans. Alors, pour nous, c'est une disposition qui est totalement injustifiable, socialement injustifiable. Alors, nous allons demander au ministre d'élargir, dès l'adoption de la loi, l'application de la semaine normale de travail aux personnes qui assument la garde, sauf celles qui le font de manière ponctuelle, et puis on inviterait aussi le ministre à corriger le délai, à le faire à l'intérieur d'une période de deux ans. Puis on est conscients qu'il y aura des familles à faibles revenus qui auront des difficultés à s'adapter à ces nouvelles mesures-là. À ce moment-là, il pourrait y avoir des mesures fiscales qui facilitent les personnes, les familles à faibles revenus à se conformer à une mesure comme celle-là.
Maintenant, il y a eu un pas important de franchi dans la question des responsabilités parentales, l'ensemble des partis ici en Chambre en ont témoigné. Alors, c'est une obligation de tenir compte maintenant des nouvelles réalités de l'État mais des employeurs aussi à l'égard de la conciliation du travail et de la famille, c'est majeur. Alors, il y en a qui disent que ce n'est pas de la responsabilité des entreprises. Mais, au contraire, on considère qu'une personne qui travaille, c'est plus qu'une personne qui travaille, c'est une personne entière qui arrive avec des responsabilités, et donc l'entreprise a sa part de responsabilité en matière de conciliation travail-famille. Et on sait que vous allez avoir des pressions énormes. On vous invite à résister, d'autant plus avec la situation particulière du Québec qui vit un faible taux de natalité. Toutes les mesures doivent être mises en place pour soutenir la conciliation travail-famille.
Maintenant, nous allons inviter le ministre à élargir dès l'adoption... la semaine normale de travail aux personnes qui assument la garde... Là, je suis, je pense, dans la même page. Ça va bien? Vous allez m'excuser, c'est la nervosité de l'avant-Noël.
Alors, oui, dans nos représentations qu'on avait faites auprès du ministre au mois de juin, on avait demandé que cinq des journées qui étaient assumées pour la conciliation travail-famille soient rémunérées, parce qu'on est devant des personnes qui sont à faibles revenus et qui n'ont même pas de congés pour elles-mêmes. Alors, on est conscients que c'est un coût énorme pour les petites et moyennes entreprises, alors notre demande va se limiter à trois jours, et puis on pense que ça pourrait paraître raisonnable.
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(11 h 50)
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Nous souhaitons que le ministre porte une attention particulière aux enjeux qui sont soulevés sur la durée du travail. Il y a des balises qui sont proposées, qui sont plus respectueuses des réalités familiales et personnelles, mais c'est des balises, à notre avis, qui nous semblent insuffisantes. Nous réitérons notre demande pour qu'on détermine une journée de travail de huit heures, et puis la loi devrait prévoir le droit de refus de faire du travail en heures supplémentaires après une journée de neuf heures ou une semaine de 45 heures. La loi doit aussi être modifiée de manière à garantir une journée complète de repos hebdomadaire en prévoyant un congé hebdomadaire de 36 heures.
Alors, au chapitre de la reconnaissance du harcèlement psychologique, je vous dirai que c'est là qu'on a trouvé que le ministre du Travail innovait. Je vous rappelle, comme centrale, qu'on a mené depuis quatre ans une importante recherche avec M. Angelo Soares sur la réalité du harcèlement psychologique au travail. Ça s'incluait dans un plan d'action pour essayer de voir l'ampleur de la violence au travail. On a été très, très surpris, dans une enquête qu'on a faite dans nos rangs, de voir qu'un tiers de nos membres étaient touchés par le harcèlement psychologique et, de ceux-là, 26 % nous disaient que ça existait depuis cinq ans. Alors, vous voyez l'ampleur de ce phénomène-là. Et non seulement il y a des campagnes de sensibilisation, mais le travail se poursuit, et il doit vraiment y avoir des mesures qui sont prises. Alors, bravo pour avoir fait cette inclusion-là.
Le seul bémol qu'on aurait là-dessus, c'est qu'il nous semble que l'article introduit un fardeau trop lourd à la personne qui est harcelée pour la démonstration, la preuve directe du lien entre le harcèlement qu'elle subit et les conséquences préjudiciables. Alors, nous allons vous inviter à retenir la définition du comité interministériel sur le harcèlement psychologique. Vous avez cette définition-là. Alors, je pense que ça permettrait en tout cas d'être capable de faire la preuve de façon plus facile.
Maintenant, je terminerai en vous disant qu'aucune loi, même la plus satisfaisante, ne peut régler tous les problèmes qui sont liés au respect des droits des salariés. C'est pourquoi, nous autres, on apprécie énormément l'inclusion dans la loi d'un ensemble de mécanismes d'information et d'affichage sur les lieux de travail. Il est important que les gens soient au courant des droits et des lois qui sont là pour les protéger. Alors, notre espoir est que la Commission des normes du travail ait les ressources financières et du personnel nécessaire pour accomplir cette mission essentielle qui est l'information et l'éducation du public. Dans les écoles, je pense qu'à l'intérieur des cours d'économie, c'est quelque chose qui se fait, mais l'importance de l'information est primordiale.
Alors, en terminant, je voudrais vous dire que la Centrale des syndicats du Québec souhaite que l'Assemblée nationale du Québec procède avec diligence afin que l'adoption de ce projet de loi ait lieu avant la période des fêtes. Il est important de bonifier cet important projet de loi et de résister à toute pression qui viserait à en réduire la portée. Merci beaucoup.
Le Président (M. Rioux): Merci beaucoup, Mme Wheelhouse. Est-ce qu'il y a d'autres remarques de la part des représentants de la Centrale? Ça va?
Mme Wheelhouse (Jocelyne): Je pense que, par les questions, on pourra, dans les échanges...
Le Président (M. Rioux): Très bien. Alors, la période de questions. M. le ministre.
M. Rochon: Oui. Eh bien, merci beaucoup de votre contribution, pas seulement aujourd'hui, mais tout au long du processus qui a duré quelques années. Je pense que vous assuré une collaboration qui aura contribué beaucoup à nous donner le produit que l'on a aujourd'hui.
Je vais relever rapidement quelques-uns des points, s'entendant qu'on ne peut pas nécessairement tout couvrir aujourd'hui, parce que je vais laisser une chance à mes collègues aussi de pouvoir intervenir.
Je voudrais souligner le premier point que vous avez soulevé quant aux travailleurs autonomes et au travail précaire. Bon, d'une part, je pense que je suis bien d'accord avec vous que l'idéal aurait été qu'on puisse, lors de cette révision, inclure un traitement complet de la situation du travail autonome. Je veux simplement rappeler ? vous y avez fait allusion d'ailleurs ? que ce n'est pas quelque chose qui a été repoussé de côté. Il y a un groupe d'étude là-dessus qui va effectivement produire son rapport, avec des recommandations précises, avant la fin de l'année, au cours des prochaines semaines, et qu'on a bien l'intention de donner suite, dans les meilleurs délais possible, quant aux actions que ça pourrait nous dicter, qui ne sont pas nécessairement toutes des actions qui devront passer par cette législation-ci. Il y a peut-être d'autres passages aussi. Et je veux rappeler que le choix qu'on a fait, c'est de ne pas tout retarder le train parce qu'il y avait encore un wagon qui n'était pas prêt, risquant de finalement manquer tout. Donc, soyons clairs là-dessus. Ce n'est pas une mise de côté, ce n'est pas un oubli. Ça va venir, ça va suivre.
L'autre élément que je soulignerais par rapport à votre commentaire là-dessus, c'est que vous mettez un peu dans la même phrase travail précaire ou autonome. C'est assez différent comme situation, on s'entend là-dessus. Le travail autonome est toute une réalité qu'il faut appréhender par elle-même. Le travail précaire, c'est-à-dire qu'on entend par là des occasionnels, des temporaires, des gens en contrat à durée déterminée, courte, et le reste.
Ça, ce que je voudrais souligner, parce que vous avez peut-être des commentaires plus précis que vous voulez nous faire, on a vraiment essayé d'en tenir compte le plus possible dans le cadre de ce qu'est la Loi des normes, de ce que couvrent les normes minimales du travail. L'exemple le plus patent, je pense, c'est l'inclusion des jours de congé, des congés fériés, et le reste. C'est quand même là qu'est l'impact économique le plus important dans les recommandations qu'on fait. L'impact total est de l'ordre de 180 millions à peu près, entre 180 et 188, puis il y en a 124 millions qui viennent de là.
Et je pense qu'on a essayé mais, si on a fait des oublis ou qu'on peut mieux couvrir ce qu'est le territoire de cette loi-là, le champ de couverture de la loi, ça, on a vraiment voulu au moins se rendre jusque-là et voir après, quand le travail... le statut précaire rejoint un petit peu la réalité des travailleurs autonomes, comment on pourra en tenir compte par après.
La question que vous soulevez, deuxièmement, l'article 53 qui amende l'article 86, ce que je peux vous dire là-dessus, c'est que là aussi il y a peut-être quelque chose de progressif qu'on pourra faire en ayant... l'intervention qu'on pourra faire quand on pourra mieux traiter la question des vrais autonomes. Là, ce qu'on a voulu faire, comme on avait fait l'an passé pour le Code du travail, s'assurer au moins que le statut d'un salarié ou d'une salariée ne peut pas être changé de façon artificielle et que, ça, la notion d'un salarié dans la loi et dans la jurisprudence est assez claire.
Il y a des éléments ? on n'a pas le temps que je rentre en détail là-dessus, mais vous les connaissez ? qui font dire que, si un entrepreneur décide de traiter quelqu'un comme un non-salarié alors que sa situation de fait est toujours un salarié, c'est ça qui sera impossible. Mais on ne peut pas empêcher un entrepreneur de réorganiser son entreprise de façon tout à fait différente et de créer des vrais autonomes. Là, il faudra tenir compte après de comment on s'assure d'assurer une bonne protection sociale aux vrais autonomes.
Mais ce qu'on veut empêcher, c'est ce qu'on appelle communément les faux autonomes. Alors, ça, s'il y a une faille dans ce qu'on propose, dites-nous-le. On va le regarder. Par ailleurs, pour l'autre, je vous incite à être encore un petit peu patients pour qu'on voie dans les prochains mois ce qu'on aura comme recommandations.
Votre commentaire sur l'entraide communautaire, une définition plus précise, ça, on serait bien ouverts à toute suggestion de votre part comme de tout le monde. On a essayé de cerner ce concept-là le plus possible pour tenir compte de la réalité des gens et ne pas s'introduire, comme gouvernement, dans des réseaux d'entraide que les gens développent. Mais, si on peut être plus précis, on est très ouverts à vos suggestions là-dessus.
La question des gardiennes, on va prendre en considération ce que vous nous dites. On est bien conscients de la difficulté de la situation. Tout ce que je voudrais préciser là-dessus, dans ces commentaires, c'est que notre souci a été et est toujours de s'assurer qu'on se donne le temps... d'abord, l'obligation d'agir, des délais, mais qu'on se donne le temps de bien appréhender, de connaître la réalité des gens qui vont être affectés par ce qu'on aura comme législation et comme réglementation.
Parce que là on est dans un territoire beaucoup plus délicat. Il ne s'agit pas d'entreprises, même de petites entreprises, qu'il faut protéger aussi, mais il s'agit vraiment de familles, comme vous l'avez dit d'ailleurs, et souvent des familles qui ne sont pas nécessairement celles qui engagent une gardienne, un gardien à revenus très élevés. Alors, il y a un équilibre là qui est encore plus délicat à faire et, dans l'état actuel des connaissances, on manque de données, on manque d'informations pour bien connaître les gens qui vont être affectés par ça. Alors, s'il y a des moyens... D'ailleurs, on dit là-dedans que c'est un délai maximum qui est là, c'est un moyen qu'on a mis dans la loi. Si la réalité et la collaboration font qu'on peut mieux cerner la réalité, l'intention, c'est d'aller plus vite. Bon.
Est-ce qu'on pourrait aller jusqu'à dire que l'ensemble des normes sur le travail minimum s'appliquent tout de suite plutôt que dans un an? On va y réfléchir. Mais notre préoccupation, vous réalisez ce qu'elle est, c'est de faire bien attention, en voulant bien faire, de ne pas faire à d'autres personnes... de poser une difficulté.
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(12 heures)
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Je pense que je vais m'en tenir à ça comme première réaction pour donner une chance à mes collègues et, au besoin, je reviendrai sur d'autres éléments.
Le Président (M. Rioux): Mme la députée de Terrebonne.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, merci beaucoup de votre présentation. Et, effectivement, vous avez souligné à juste titre que, au niveau des normes du travail, les deux tiers des personnes sont effectivement des femmes, ce que j'avais noté aussi dans mon propre texte.
Je voudrais profiter de votre connaissance, vos compétences, votre expérience au niveau du travail pour vous interroger sur une des inquiétudes qui a été présentée par l'opposition officielle, tant dans le discours au niveau du principe de la loi et, tantôt, au niveau des remarques préliminaires. Dans la loi présentée par notre gouvernement, on prévoit qu'à la fin d'un congé le salarié a le droit de réintégrer son emploi habituel lors de son retour au travail avec les mêmes avantages, y compris le salaire auquel il aurait droit s'il était resté au travail. De l'autre côté, on a certaines inquiétudes avec cette notion-là de permettre au salarié de réintégrer son emploi habituel. Qu'est-ce que vous en pensez?
Le Président (M. Rioux): Alors, qui prend la parole? C'est Mme Wheelhouse?
Mme Wheelhouse (Jocelyne): O.K. Alors, je vais permettre à Mme Morin de répondre à la dernière question qui a été posée, c'est-à-dire l'inquiétude par rapport à une réintégration au travail après un congé.
Le Président (M. Rioux): Très bien. Mme Morin.
Mme Morin (Maryse): Alors, effectivement, nous avons pris connaissance des déclarations de l'opposition, quoique notre mémoire, effectivement, parle qu'on est très favorable à ce que le gouvernement amène. Oui, ça pourrait être une piste intéressante, parce que, dans les faits ? et on le voit particulièrement dans une petite entreprise ? c'est vrai qu'il peut y avoir des transformations puis qui peuvent parfois même être utilisées comme prétexte pour prétendre que l'emploi n'existe plus. Alors, peut-être que de prévoir une... d'avoir une ouverture à ce que... Prioritairement, cependant, ça ne doit pas être une substitution, puis il ne faut pas non plus que ce soit l'occasion de reléguer des tâches qu'on ne souhaitait pas... que normalement le poste continue d'exister, puis c'est plus simple de garder la personne qu'on a embauchée pour remplacer puis de confier d'autres tâches. Mais ça pourrait être effectivement intéressant dans la transformation d'un emploi, donc, de permettre, en alternative, un emploi convenable à l'intérieur de l'entreprise.
Le Président (M. Rioux): Merci. Mme la députée de Terrebonne.
Mme Caron: Il y avait une réponse, je crois, qui voulait s'ajouter.
Le Président (M. Rioux): Est-ce qu'il y avait un complément?
Une voix: Mme de Sève donnerait une réponse à M. Rochon.
Le Président (M. Rioux): Ah, très bien. Mme de Sève, bien, allez-y.
Mme de Sève (Nicole): Oui, je donnerais un complément. Dans notre mémoire, nous sommes essayés sur une piste parce que nous avions peur justement que la notion d'entraide communautaire fasse référence... Ce qu'on vous suggère, c'est, d'entrée de jeu, de mettre dans l'alinéa 2° de l'article 2: «Si l'employeur poursuit, au moyen de ce travail, des fins lucratives ou est une personne morale.» Donc, le centre de bénévolat qui, sur la base de l'entraide communautaire, enverrait... Ce n'est pas son problème. Et là on vous renvoie au Dictionnaire de droit québécois qui vous définit... qui est l'«entité légalement constituée, dotée d'une personnalité juridique indépendante». En tout cas, peut-être d'explorer, donc, une avenue de cette manière-là de manière à ce que des organismes d'entraide communautaire style Armée du Salut, les Petits frères des pauvres, bon, etc., ce ne sera pas comme associé.
Quant à la question sur la précarité du travail, vous avez raison là. Toutefois, on vous fait une proposition. C'est que même si vous dites: Nous sommes en réflexion, nous avons essayé, via les congés fériés, à déjà rétablir un certain équilibre, il reste que, dans plusieurs entreprises, il y a un déséquilibre de rémunération entre les travailleuses à temps partiel précaires et les travailleurs et travailleuses à temps plein. Il y a souvent ce déséquilibre-là. C'est pour ça qu'on vous suggère dans notre mémoire de réfléchir à la notion que, pour un travail équivalent dans une même entreprise, il soit interdit d'octroyer aux employés ayant un statut d'emploi précaire un salaire inférieur à celui des autres employés. Ça ne veut pas dire, là, qu'ils soient aux normes, mais... Moi, je fais ça, mais je le... Bon, je suis, je ne sais pas, moi, caissière, prenons un exemple, mais je ne suis là que huit jours-semaine ou neuf jours-semaine, l'autre, elle est là 30 heures...
Une voix: ...
Mme de Sève (Nicole): ... ? heures-semaine, je m'excuse ? l'autre est là 30 heures, et, à cause de cette dichotomie, il y a souvent de grands écarts de rémunération. C'est une piste qu'on vous remettait, M. Rochon, sur la table.
Le Président (M. Rioux): Très bien. M. le député de Maskinongé, est-ce que vous avez toujours en tête votre question?
M. Désilets: Non, ça va. Non, elles ont répondu à ma question.
Le Président (M. Rioux): Mme la députée de Terrebonne, est-ce que c'est... Moi, j'aimerais savoir, Mme Wheelhouse, en quoi la définition du Comité interministériel sur le harcèlement psychologique au travail serait plus complète que celle proposée dans le projet de loi. J'aimerais comprendre les avantages clairs de ça, parce que... En tout cas, ça ne saute pas aux yeux à première vue.
Mme Wheelhouse (Jocelyne): Alors, vous me permettez, je vais le demander à madame...
Le Président (M. Rioux): Oui, parce que vous le suggérez fortement dans votre papier.
Mme de Sève (Nicole): C'est parce que j'aurais voulu avoir... C'est parce que je l'avais comparée avec l'autre, là. Me donnez-vous deux minutes que je retourne à votre définition qui est là?
Le Président (M. Rioux): Le seul problème, Mme de Sève, c'est que plus vous prenez de temps, plus vous m'en enlevez.
Mme de Sève (Nicole): Bien, je ne le retrouve pas. Ce que nous semble... Donc, je vais y aller, d'abord, de cette manière-là. Ce qui nous paraît intéressant avec la proposition, c'est la notion... Comment je pourrais dire ça? Elle rejoint plus, en tout cas, l'ensemble des définitions qui étaient proposées d'ailleurs et qui sont proposées par l'ensemble des chercheurs, que ce soit en France, de jour, médecins en médecine du travail, ou etc. Il nous apparaît qu'elle soit plus englobante et qu'en plus elle élargit. Ce n'est pas seulement un dommage, je dirais, qui va entraîner automatiquement une dépression nerveuse ou une lésion professionnelle grave, entre guillemets, mais qu'elle va porter aussi atteinte à la dignité. Si vous allez sur la lésion professionnelle grave, vous ne pouvez pas aller comme ça devant la Commission des droits, tandis que, si vous regardez que vous avez la dignité, l'intégrité psychologique ou physique, la nature à compromettre un droit, d'entraîner pour elle des conditions de travail défavorables, il nous semble que nous avons là un ensemble d'éléments qui permettent à une salariée de mieux faire valoir, soit en médiation sur les lieux de travail ou soit devant la Commission des normes, le droit à ce que ces attitudes-là, ces comportements-là cessent.
Il me semble qu'il y a plus d'éléments pour elle de faire valoir cette preuve-là que si on adopte... En tout cas, elle nous semble plus englobante et plus susceptible, en tout cas, de faciliter à la travailleuse de dire: Bien, écoutez, moi, je ne suis plus capable, parce que c'est ma dignité de personne. Bon, bien, là, il peut y avoir une mesure de dire: Arrêtez ce type d'actes, arrêtez cette chose-là. Si ça perdure, on ira vers... Mais, elle est plus générale, elle est plus riche.
Le Président (M. Rioux): Merci, madame. Maintenant, je cède la parole au député de Mont-Royal.
M. Tranchemontagne: Merci, mesdames. Merci d'être présentes. Ça va être intéressant, notre discussion. La première question que j'ai pour vous, c'est... J'aimerais qu'on s'entende sur une chose. Vous parlez des travailleurs autonomes, puis ça, c'est facile à comprendre. Mais, au niveau des travailleurs précaires, j'aimerais comprendre c'est quoi exactement, votre définition de ce que vous entendez, parce que vous revendiquez, vous dites que la loi devrait prévoir que ces gens-là soient traités de la même façon que ceux qui sont... C'est-u des permanents? Ou je ne sais pas comment l'exprimer, là. Alors, pourriez-vous m'aider à comprendre? Parce que je n'ai pas eu le bénéfice d'être présent lors de la session que vous avez faite avec le ministre au mois de mai dernier, c'était à huis clos, en tout cas à mon égard. Alors, j'aimerais que vous m'aidiez à comprendre votre définition de «travailleur précaire».
Le Président (M. Rioux): Est-ce qu'on donne la parole à Mme de Sève? Très bien.
Mme de Sève (Nicole): D'ailleurs, ces éléments-là sur la précarité ont été présentés pas devant M. Rochon, mais, disons, M. Bernier, particulièrement son comité de travail.
Ce sont toutes ces personnes, comme l'a dit si bien M. Rochon, qui sont en situation de travail atypique. Chez nous, ça peut être une éducatrice en services de garde en milieu scolaire qui commence en septembre, mais dont le contrat est résilié à la fin juin, et ça, c'est chaque année. Ça peut être une surveillante d'élèves. Ça peut être tout un ensemble de gens, donc, qui ont... À la leçon, enseignante à la leçon. Donc, vous pouvez avoir ça chez nous. Sur le marché du travail, votre précarité, vous pouvez l'avoir avec... être sur horaire. Disons, dans la période des fêtes, j'ai un rush, tu peux-tu rentrer? Bien, excusez l'expression, mais peux-tu venir pour trois heures? Là, elle retourne, l'autre qui attend, sur appel. C'est ça, le travail précaire qui est, oui, de fait, nettement à dissocier du travail autonome.
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(12 h 10)
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Là, peut-être que... Dans la vitesse du temps qui nous est donné, des fois on met les deux termes ensemble, mais ils sont très nettement distingués dans notre... Et c'est à ces personnes-là auxquelles on pense lorsqu'on parle d'équité, si vous voulez, de rémunération, de traitement, mais pour un travail similaire, là. On parle donc... Pourquoi moi qui suis sur appel, qui fais trois heures, je suis minimum, minimum, puis l'autre... Bon. Alors, c'est dans cette logique-là que nous apportons une piste, une alternative.
Le Président (M. Rioux): Très bien. M. le député.
M. Tranchemontagne: Est-ce que je vous ai bien comprise si je disais que vous parlez de quelqu'un qui travaille à temps partiel, si vous voulez, soit que ce soit trois heures, une journée, ou une semaine dans l'année, ou un mois dans l'année, ou quelque chose comme ça?
Mme de Sève (Nicole): Partiel, occasionnel, vous avez énoncé tout l'ensemble des atypiques.
Le Président (M. Rioux): Mme de Sève, pourriez-vous répéter ce que vous venez de dire? Pourriez-vous répéter ce que vous venez de dire?
Mme de Sève (Nicole): Ah, j'ai dit: Ça peut être, oui, les occasionnels. C'est toute la gamme des travailleuses et des travailleurs à temps partiel et précaires. Ça peut être des gens à contrat déterminé pour trois mois, comme ça peut être des gens à l'heure, comme ça peut être des gens à la leçon, comme je viens de vous dire, comme ça peut être des gens sur appel. Donc, c'est tout ce qui n'est pas inscrit dans... qui est inscrit dans l'aléatoire. Il n'y a jamais d'horaire fixe.
Le Président (M. Rioux): Bon.
Mme de Sève (Nicole): Ça, vous en avez pas mal, beaucoup.
Le Président (M. Rioux): Ah, là, ça marche. Là, je comprends. Est-ce qu'il y a quelque chose à ajouter? Donc, M. le député de Mont-Royal.
M. Tranchemontagne: O.K. Merci. Mme Wheelhouse, dans votre texte, vous dites que... Bon, vous trouvez que, au niveau du harcèlement psychologique, le fardeau est trop lourd pour la personne harcelée. Pouvez-vous m'aider à comprendre quelle est votre inquiétude de ce côté-là? Ou si c'est quelqu'un d'autre...
Le Président (M. Rioux): Mme Wheelhouse.
Mme Wheelhouse (Jocelyne): Vous allez permettre, Mme Morin va vous donner la réponse.
M. Tranchemontagne: Oui, il n'y a pas de problème.
Le Président (M. Rioux): Mme Morin.
Mme Morin (Maryse): Oui. Je vais me retrouver. C'est que dans la définition qu'on retrouve au projet de loi, à l'article 81.18, on voit qu'il faut établir le lien entre «qui entraîne des conséquences préjudiciables»... Donc, il faut faire la preuve des conséquences préjudiciables. Ce qu'on disait tantôt, c'est que dans la définition que nous proposons on parle également de l'atteinte à la dignité et que le fardeau de preuve de démontrer qu'on a une conséquence préjudiciable qui nous est opposée par le comportement, le fardeau va revenir évidemment au salarié, et c'est beaucoup plus lourd à démontrer, la conséquence préjudiciable, que l'atteinte à la dignité que l'on retrouve... L'atteinte à la dignité, c'est le principe qu'on retrouve dans les chartes, au niveau de la discrimination entre autres.
M. Tranchemontagne: Ne croyez-vous pas qu'il est parfaitement normal qu'il y ait... Le fardeau de la preuve, vous savez, il faut prouver, il ne faut pas juste dire... Je ne suis pas sûr que je vous suis, moi, quand vous me dites, là... Il me semble que ça prend que le fardeau soit démontré d'une façon quelconque, sans ça, où est-ce qu'on arrête?
Le Président (M. Rioux): Mme Morin.
Mme Morin (Maryse): Il faut que le fardeau... Je suis d'accord avec vous, là, qu'on doit démontrer un préjudice, mais, de la façon que le texte est libellé, il faut, si vous voyez, là, «une conduite se manifestant par des attitudes, des paroles, des actes ou des gestes répétés [...] qui porte atteinte à la dignité, à l'intégrité psychologique ou physique du salarié et qui entraîne des conséquences». Donc, il faut avoir le cumul de chacun des éléments pour être en mesure de faire la démonstration. C'est l'intégrité ou physique ou psychologique et qui entraîne des conséquences, donc le fardeau est important. Mais, oui, il faut qu'il y ait une démonstration de l'atteinte, ça va de soi, là, parce que, sinon, il n'y a pas de préjudice. Mais peut-être qu'il y aurait lieu de faciliter par une présomption.
Le Président (M. Rioux): Ça va jusqu'à l'analyse des séquelles, finalement.
M. Tranchemontagne: Pardon?
Le Président (M. Rioux): Ça va jusqu'à l'analyse des séquelles. M. le député.
M. Tranchemontagne: Oui. Peut-être une dernière question. Vous avez dit que vous sembliez être d'accord avec nous ? je ne suis pas sûr jusqu'à quel point vous êtes d'accord, là, mais en tout cas ? au niveau de l'interprétation de réintégrer l'employé à son travail... Je pense que c'est «habituel», là, si ma mémoire est bonne, que le texte de loi utilise. Est-ce que je vous ai bien compris, que vous avez une interprétation qui est comme la nôtre, c'est-à-dire que s'il y a eu une réorganisation dans l'entreprise... Et ça arrive souvent de nos jours, avec tout ce qui se passe dans le milieu des affaires, que les réorganisations ont lieu, puis, à ce moment-là, vous êtes inquiets que le travail ou la job de la personne ? si vous me passez l'expression ? est disparu, et puis, à ce moment-là, bien il n'y a plus d'emploi possible dans cette entreprise-là.
Alors, est-ce que vous croyez ? ça, c'est la deuxième partie de ma question ? que l'expression... Moi, je parlais d'un emploi équivalent. Si jamais l'emploi habituel n'existe pas, là, évidemment, est-ce que vous croyez qu'«emploi équivalent» ferait l'affaire?
Le Président (M. Rioux): Mme Morin.
Mme Morin (Maryse): On est effectivement ouvert à ce que vous avez avancé pour les raisons, là, que vous invoquez. La réorganisation, il ne faut pas... Il faut d'abord faire primer le droit au poste, mais, effectivement, l'emploi équivalent pourrait être une avenue intéressante, qui n'apparaît pas à notre mémoire, mais auquel on pourrait souscrire.
M. Tranchemontagne: ...
Le Président (M. Rioux): Oui, oui, allez, M. le député.
M. Tranchemontagne: O.K. Par contre, il faut aussi dire que si, dans l'ensemble, l'entreprise a réorganisé à tel point qu'ils ont mis à pied plusieurs employés, là, peut-être, il faudrait prévoir d'autres choses comme, par exemple, je ne sais pas, moi, l'ancienneté des employés ou, je ne sais pas, moi... Parce que, je veux dire, prenons l'exemple d'une petite PME où il y avait 10 personnes et puis que l'emploi disparaît, mais qu'aussi l'ensemble, là, au lieu d'être 10 personnes, ils sont maintenant à sept, pour prendre un exemple précis, là, à ce moment-là, il faudrait aussi repenser cette partie-là.
Le Président (M. Rioux): Mme de Sève.
Mme de Sève (Nicole): Bon, ne perdons pas de vue que là on parle d'une absence quand on s'est absenté 12 semaines pour prendre soin d'un parent, d'une famille ou du congé de maternité. Ce pourquoi nous avions tant demandé la réintégration, qui peut être dans le poste habituel ou en poste équivalent, c'est parce que c'est souvent ces femmes-là qui sont privées. Donc, nous voulons que le projet de loi conserve et conserve de manière très ferme la possibilité pour cette travailleuse-là de ne pas être pénalisée parce qu'elle s'est absentée pour des raisons familiales ou de maternité et de retourner dans l'entreprise. Donc, on ne va pas se mettre, ce matin, à négocier toutes les petites manières qu'on pourrait l'écrire. Nous, c'est ce principe-là. Toutefois, si, par réorganisation, le poste comme tel a disparu, mais qu'il y a des équivalences, ça peut... Mais, il faut que la personne revienne en entreprise, les filles ont trop payé cher pour avoir pris des congés de responsabilités parentales ou de maternité pour qu'on ne conserve pas ça tel que proposé dans la loi.
Le Président (M. Rioux): Mme Morin, vous voulez ajouter quelque chose?
Mme Morin (Maryse): Très court complément. Entre autres, ce qui se fait en CSST, on a vu que ça a été interprété de façon très restrictive, là, le retour au travail dans son poste. C'est vraiment son poste, il ne faut pas que ce soit des faux-fuyants.
Le Président (M. Rioux): Bien. M. le député de Vimont.
M. Gaudreau: Bonjour, mesdames. Deux points que j'aimerais toucher. Premièrement, le harcèlement psychologique. Vous savez que c'est un élément qui a fait beaucoup parler. J'aimerais savoir si vous avez des statistiques concernant les gens qui sont touchés, ou qui pourraient être touchés, ou... Qu'est-ce que ça représente, ça, au juste, là, sur...
Mme Wheelhouse (Jocelyne): Alors, je pense que, dans ma présentation, tout à l'heure, je vous faisais part d'une enquête qu'on a faite dans nos propres rangs. Alors, ce n'est que ces statistiques-là, aujourd'hui, qu'on peut vous donner, une enquête qu'on a faite avec M. Soares. Alors, une personne sur trois se disait victime de harcèlement psychologique. C'est ça que j'avançais tantôt. Et, de ces personnes qui se disaient victimes de harcèlement psychologique, il y en avait 26 % qui disaient que cette situation-là durait depuis cinq ans.
Et puis, je pense qu'on se rappelle, il a commencé à avoir des émissions d'information là-dessus, des livres qui ont été publiés, alors, vous dire que, depuis ce temps-là, c'est incroyable, le nombre d'appels qu'on reçoit sur ces situations-là et qui demandent... Maintenant qu'on est conscient de ça et qu'on s'aperçoit que c'est un phénomène qu'il faut dénoncer, que l'information a pénétré, on est rendu à une étape où les gens disent: Maintenant, qu'est-ce qu'on fait? Et quelles sont les possibilités qu'on a de recours pour retrouver une dignité dans le travail? Alors, on a été nous-mêmes surpris de l'ampleur du phénomène dans cette étude-là.
Le Président (M. Rioux): M. le député de Vimont.
M. Gaudreau: Oui, effectivement, c'est surprenant. Et, deuxième point, il y a un élément qui me chatouille concernant le congé hebdomadaire. Bon, on passe de 24 à 32 selon la proposition; vous, vous conseillez 36. Pourquoi ce quatre heures là semble si important? Et quel impact ce quatre heures là peut avoir, là, sur les entrepreneurs ou sur les travailleurs, travailleuses? Si on pouvait m'expliquer, là, l'importance du quatre heures, s'il vous plaît.
Mme de Sève (Nicole): Ce qu'on avait observé, et je pense que nos collègues... Vous nous permettrez quand même de ne pas toujours avoir réponse à tout, je pense que nos collègues de l'équipe d'Au bas de l'échelle seront même très... avec des exemples très concrets. Ce que nous avons compris ? et c'est pourquoi nous appuyons cette revendication d'Au bas de l'échelle et du Front de défense des non-syndiqués ? ce que nos filles nous expliquaient, c'est que 32 heures, ça ne permettait pas, souvent, d'avoir deux jours consécutifs. C'est-à-dire que tu quittais ton emploi, disons, à minuit, le vendredi et tu rentrais le dimanche, donc tu n'avais jamais un temps suffisant, avec ce 32 heures là, pour soit te reposer ou soit pour faire, bon, tes tâches familiales, etc.
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(12 h 20)
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Donc, ce n'est pas qu'on le refuse, mais on dit: C'est déjà un progrès, mais on peut-u aller un peu plus loin pour s'assurer que les personnes qui ont si peu de temps de congé hebdomadaire puissent avoir quand même le temps minimum de se reposer? Parce que ça chevauche deux jours, cette histoire-là. Vous faites 24 heures, vous êtes rendu dans votre deuxième journée, puis, oups, je retourne. Ce n'est pas beaucoup, là, entre vous puis moi, là, une fois que vous avez dormi, là, un peu parce que vous venez de faire une grosse semaine de travail. Ce n'est pas beaucoup de récupérer, d'essayer de reprendre son souffle. Donc, il est là. Les cas concrets... Comme je vous dis, la compréhension, elle est là. Les cas concrets, c'est surtout ces personnes-là qui les ont.
Le Président (M. Rioux): Merci. Merci, M. le député de Vimont. Je voudrais demander à Mme Morin... Tout à l'heure, on parlait des emplois équivalents qu'on recherche advenant une restructuration d'entreprise puis la disparition d'un poste qui engendrait souvent la disparition de la personne en même temps. Est-ce que la Loi sur l'équité salariale, qui a raffiné l'analyse des tâches et des fonctions... Est-ce que ça peut aider l'application de la présente loi si elle est votée?
Mme Morin (Maryse): Mon Dieu! Peut-être. C'est une grosse question, hein, à laquelle, honnêtement, je n'ai pas réfléchi. Peut-être que ça peut donner un descriptif, effectivement, des fonctions. Je ne suis pas sûre, par exemple, qu'il va falloir se limiter, parce que le travail évolue, hein, l'entreprise évolue, et je ne sais pas dans quelle mesure on va pouvoir se limiter à la fonction telle que définie à un moment précis. C'est une photo, hein, alors j'ai peut-être une réserve, là, peut-être pas trop limiter...
Mme Wheelhouse (Jocelyne): Puis peut-être ajouter que la Loi sur l'équité salariale, elle ne s'applique pas à toutes les entreprises. La petite entreprise est beaucoup exclue de la Loi sur l'équité.
Le Président (M. Rioux): Oui, oui, oui. Alors, Mme Wheelhouse, Mme de Sève et Mme Morin, merci beaucoup. Et je vais inviter le Conseil du patronal à prendre place.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Rioux): Alors, nous accueillons le Conseil du patronat du Québec. M. Taillon, vous allez nous présenter vos collègues?
Conseil du patronat du Québec (CPQ)
M. Taillon (Gilles): M. le Président, oui. Merci beaucoup de votre accueil. Alors, je suis accompagné de M. André Caron, qui est le président de la Fédération des commissions scolaires du Québec, qui est aussi membre du conseil d'administration au Conseil du patronat et membre du comité exécutif. Donc, il m'accompagne à ce titre. On sait que vous recevez la Fédération ce soir, donc il ne fera pas de plaidoyer aujourd'hui et il va pouvoir répondre à vos questions s'il y a lieu. Et aussi de Bernard Tremblay, qui est le directeur des relations de travail à la Fédération des commissions scolaires, qui a travaillé avec nous, une des associations membres, donc.
Le Président (M. Rioux): Je voudrais informer les membres de la commission que nous avons 45 minutes avec le Conseil du patronat. Nous devrons donc déborder légèrement dans la période de 13 heures, alors ne soyez pas surpris que je vous demande une période de prolongation à 13 heures. Alors, M. Taillon, vous avez 15 minutes pour nous présenter votre document.
M. Taillon (Gilles): Alors, merci beaucoup, M. le Président. Comme je viens de déposer le document, je vais en faire une lecture la plus rapide possible en essayant de respecter l'échéancier que vous m'avez fixé.
D'abord, je vous remercie de nous recevoir. C'est avec plaisir que nous voulons faire nos remarques eu égard à ce projet de loi là. Je ne ferai pas la lecture de la première page. En fait, on passe un message et on exprime un souhait. Nous considérons que nous sommes très imputables eu égard à l'application de cette loi-là. Nous pensons que nous n'avons pas été suffisamment écoutés, mais on est sûr qu'après la commission d'aujourd'hui ce ne sera plus vrai.
Donc, nous allons commencer la lecture à la page 2 en vous signalant les modifications que nous souhaitons au projet de loi. Donc, dans la plupart des cas, il s'agit de modifications.
Quant au harcèlement psychologique en milieu de travail, il apparaît nettement que le gouvernement a été sensible aux plaidoyers de groupes, notamment l'organisme Au Bas de l'échelle. Nous sommes bien au fait de leurs revendications. À la suite de leurs demandes, un comité interministériel a été formé par le ministre du Travail de l'époque, Mme Lemieux, et un mandat d'étudier et d'évaluer l'ampleur du harcèlement psychologique au travail lui a été confié. Ce comité a produit un rapport le 4 mai 2001, et, un mois plus tard, le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre ? nous sommes membres du Conseil ? était consulté. En octobre 2001, il transmettait ? le CCTM, bien sûr ? au ministre Rochon son avis sur la question et lui suggérait de compléter le travail amorcé par le comité interministériel en faisant plus d'enquêtes sur le terrain au Québec.
Les membres du CCTM qui ont analysé attentivement les différents rapports estiment que la problématique du harcèlement psychologique au travail est une réalité qui mérite toute l'attention nécessaire en raison de ses conséquences néfastes et coûteuses tant pour les individus que pour les organisations. Des actions doivent être menées sans tarder afin de mettre au point des mécanismes appropriés de prévention et de réparation adaptés aux besoins des entreprises du Québec, soit la grande comme la petite et la moyenne entreprise. Ils recommandaient un plan d'action avec un échéancier permettant de planifier la mise en oeuvre des recommandations qui référaient, en premier lieu, à l'obligation du gouvernement de fournir aux milieux concernés un soutien et des outils d'appoint dans les meilleurs délais. Nous attendons toujours ces outils.
Nous pensons que le gouvernement agit actuellement avec précipitation. Il met la charrue devant les boeufs. Si cela paraît bien de prévoir le traitement des plaintes et le processus judiciaire dans le projet de loi, la confusion des genres qui risque de s'ensuivre peut faire dérouter un objectif louable en lui-même, soit celui de contrer le harcèlement psychologique en milieu de travail. Les risques sont grands de discréditer le bien-fondé des plaintes parce que les distinctions claires entre harcèlement, violence, santé mentale, stress ne seront pas établies.
La définition du harcèlement psychologique prévue à l'article 81.18 est beaucoup trop large. Nous estimons qu'elle devrait être circonscrite. Ainsi, la conduite reprochée devrait être qualifiée de façon moins subjective, avec un adjectif plus percutant que celui prévalant pour des attitudes, des paroles, des actes ou des gestes non désirés. Il serait plus clair que cette conduite soit identifiée comme hostile et que les gestes répétés soient manifestement vexatoires ou malveillants.
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(12 h 30)
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D'autres éléments sont à considérer eu égard à la formulation du libellé, et nous les abordons immédiatement. À titre indicatif, l'Organisation internationale du travail identifie la violence psychologique comme un comportement abusif ou tyrannique envers un subalterne ou un pair. Les moyens alors utilisés sont qualifiés de vindicatifs, cruels, malicieux ou humiliants. Un problème de plus en plus courant prendrait la forme d'un harcèlement psychologique exercé par un groupe à l'encontre d'un individu. Il se produit lorsque plusieurs personnes s'allient pour persécuter un employé en lui faisant constamment des remarques négatives, le critiquant sans arrêt, l'isolant en le laissant sans contact social ou en diffusant de fausses informations à son sujet.
Il apparaît donc visiblement que l'obligation qui est faite à l'employeur dans le projet de loi n° 143 de prendre les moyens nécessaires pour préserver le droit du salarié à un milieu de travail exempt de harcèlement psychologique devrait être une obligation partagée via les employeurs, les syndicats et les employés, collectivement et individuellement. Le harcèlement au travail doit être une responsabilité partagée si nous voulons que l'objectif de tolérance zéro soit ultimement atteint. À titre d'exemple, il nous semble injuste, selon les pouvoirs énormes conférés à la Commission des normes du travail aux articles 123.15 et suivants, d'ordonner à l'employeur de payer au salarié une indemnité jusqu'à un maximum équivalent au salaire perdu alors que la responsabilité en serait partagée entre l'employeur et l'employé ou encore qu'elle serait imputable à des pairs.
Les recours qui existent en cette matière, que ce soit à la CSST ou à la Commission des droits des personnes et, avec le projet de loi, devant la Commission des normes du travail puis la Commission des relations du travail, ne devraient pas être concurrents et engendrer le cumul. Rien n'est spécifié à cet égard. Donc, une autre observation: c'est qu'il y a danger de cumul et de recours multiples.
De plus, dans la mesure où le harcèlement est à l'origine d'une lésion professionnelle ? donc qui aboutirait finalement à la CSST ? l'article 123.16 est une dérogation injustifiée à la règle de l'immunité à l'égard de toute responsabilité civile et porte atteinte au «compromis social, longuement mûri, entre diverses forces contradictoires», et cela, ça a été évoqué par le juge Gonthier, de la Cour suprême, dans l'affaire Béliveau?Saint-Jacques. Bref, si un recours était placé au civil, on serait pris devant une situation où le consensus social qui a été entendu à la CSST pourrait être brimé par l'ouverture que laisse le projet de loi actuellement déposé.
Dans la mesure où la plainte est déférée à la Commission des relations du travail ? qui, en passant, vient d'être opérationnelle et est loin d'être prête à entendre des causes en matière de harcèlement psychologique en milieu de travail ? il faudra s'assurer qu'il y ait filtrage pour ne pas engorger le système avec des plaintes manifestement non fondées. Or, il appert que cette notion fondamentale n'est pas prise en considération par le gouvernement, puisque le projet précise qu'en cas de refus par la Commission de donner suite à une plainte et même en tout temps le salarié peut demander qu'elle soit transmise à la Commission des relations du travail ? les articles 123.8, 123.9 tels que nous les comprenons.
Avant de mettre de l'avant de telles dispositions dans la loi ? par ailleurs, fort discutables ? le gouvernement doit prendre ses responsabilités. Le harcèlement est une nouvelle problématique difficile à définir avec précision et conséquemment à identifier. Au Québec, nous disposons de très peu de ressources pour la documenter et développer des pistes d'intervention. Un tel phénomène, s'il en est, serait systématique, sociétal, et, conséquemment, les solutions devraient viser la prévention, le soutien aux victimes et les recours juridiques mais dans cet ordre de priorité. Ce que nous retrouvons actuellement, c'est strictement une ouverture aux recours juridiques. C'est un défi collectif, et les moyens mis en oeuvre engagent l'ensemble de la collectivité.
Dans son avis au ministre, le CCTM termine son rapport en insistant sur le fait que les ressources à mettre en oeuvre par les pouvoirs publics soient développés en complémentarité avec celles des milieux de travail en permettant d'agir à la source, au sein des milieux de travail. Le CCTM ne s'opposait pas à l'inclusion dans la Loi sur les normes de dispositions, eu égard au harcèlement psychologique ? là, je déborde le texte ? mais souhaitait que cela soit fait de façon graduée, en commençant d'abord par de la prévention, du soutien, du support, pour finalement en arriver à un recours légal mais, bien sûr, beaucoup mieux balisé que ce qu'on retrouve dans le projet de loi.
Le 15 novembre dernier, le CCTM a aussi été consulté sur une stratégie de prévention en milieu de travail. Le comité interministériel n'a pas été en mesure de nous présenter l'importance du phénomène et de ses impacts. Nous aurions estimé qu'avant de légiférer il aurait été intéressant de connaître les impacts. Au regard de l'évaluation des recours juridiques disponibles, il faut procéder à une analyse rigoureuse, quantitative comme qualitative, de l'accessibilité et de l'efficacité des recours, sans oublier la formation nécessaire aux commissaires qui devront être saisis de la question. Là aussi, il semble que ce soit à venir, et nous sommes très, très inquiets que l'application rapide des dispositions de la loi, eu égard au harcèlement psychologique, fasse en sorte d'empêcher la Commission des relations du travail d'exercer les fonctions qu'on lui a confiées par ailleurs dans les autres domaines de sa compétence.
En matière d'outils de prévention à mettre en place, nous venons d'être consultés sur un inventaire produit par la Commission de la santé et de la sécurité du travail et faisant état de ce qui se fait au Québec à cet égard. Les références sont des organismes syndicaux, gouvernementaux et universitaires. Les ressources sont peu nombreuses, sinon inexistantes, en provenance de l'entreprise privée, malgré les efforts de la CSST. Plus de ressources doivent être consacrées à la recherche. Peut-être qu'une campagne de prévention, de sensibilisation aiderait les intervenants du milieu à développer ensemble de tels outils connectés aux réalités du milieu des affaires et en réponse à leurs besoins. Nous souhaitons que ce soit à venir.
En synthèse, le Conseil du patronat du Québec demande à ce que le libellé de ces articles portant sur le harcèlement psychologique au travail soit modifié pour tenir compte de ses commentaires et que l'entrée en vigueur des dispositions du projet de loi sur ces dispositions soit reportée à une date permettant de mettre en place les mesures et les normes de prévention, de support et de soutien requises. Bref, on peut adopter la loi une fois qu'on aura mieux balisé la définition, mais il faudrait donner un temps d'implantation avant de mettre les mesures en vigueur au plan juridique. Bref, que l'entrée en vigueur n'intervienne pas avant que des moyens préalables et à venir ne soient implantés, analysés et évalués.
À défaut par le gouvernement d'agir dans cette séquence et d'être animé par cette logique, il faudra conclure qu'il adopte des politiques et des lois dites pour relever un défi collectif pour l'ensemble de la société mais qu'il porte la facture et la responsabilité au compte des entreprises uniquement.
Au niveau des coûts, je vais passer très rapidement, puisque nos prétentions à cet égard sont connues. Nous aurions souhaité avoir une étude d'impact plus complète, eu égard aux coûts du projet de loi. À 11 heures ce matin, ce n'était toujours pas disponible. Elle l'est mais on n'a pas pu en prendre connaissance; donc on s'interroge un peu sur...
Le Président (M. Rioux): ...Monsieur...
M. Taillon (Gilles): Bon. O.K.
Le Président (M. Rioux): Le document a été déposé.
M. Taillon (Gilles): D'accord. Donc, nous ne l'avons pas, mais vous connaissez un peu nos prétentions à cet égard. Et, sur la question des coûts, sur la question des impacts, nous insistons souvent sur le fait qu'il peut en résulter, avec toutes les législations sociales et du travail, il peut en résulter un impact sur l'emploi. Nous disons ça au niveau du patronat; on est souvent peu écouté ou peu compris. Je vous inviterais, le gouvernement, j'inviterais les parlementaires à prendre connaissance des interventions faites par le professeur Pierre Fortin qui, dans la stratégie gouvernementale pour le plein emploi, invite le gouvernement à porter une attention très sérieuse à l'impact de la modification de la Loi sur les normes et ce que ça pourrait représenter comme atteinte possible à la possibilité de s'en aller vers un plein emploi établi à 5 %. Alors donc, je n'insisterai pas plus longtemps. Des experts indépendants, donc, qui ne sont pas à notre solde, disent la même chose.
Modifications souhaitées sur d'autres aspects que le harcèlement psychologique: les absences pour raisons familiales. L'augmentation du nombre de jours de cinq à 10 n'est pas documentée. Cela dit, l'article 81.2 actuel prévoit que le salarié peut s'absenter lorsque sa présence est nécessaire en raison de circonstances imprévisibles ou hors de son contrôle alors que la nouvelle disposition à l'article 79.7 en ferait un automatisme. Que les raisons soient élargies pour un plus grand nombre de dépendants ? conjoints, pères, mères, enfants ? c'est une chose; nous trouvons, par contre, qu'il y a de l'abus lorsqu'on l'élargit aux frères et aux soeurs. De plus, il faudrait maintenir clairement l'élément de nécessité pour justifier l'absence.
Réintégration du salarié dans son emploi habituel. J'ai peur de me faire prendre par le temps. Donc, je vais résumer ce qui apparaît dans le mémoire en vous disant que ce que nous souhaitons, c'est qu'il y ait une disposition permettant de réintégrer le salarié dans son emploi habituel ou un emploi comparable. Notre objectif n'est pas de pénaliser la personne mais de tenir compte des modifications importantes qui interviennent dans les entreprises à l'heure où elles doivent compétitionner avec l'extérieur, et particulièrement cette disposition-là serait essentielle du côté des petites et des moyennes entreprises. Donc, plutôt que de parler d'emplois habituels, il faudrait ajouter «emplois habituels ou comparables».
La durée de travail. La notion de surtemps doit...
Le Président (M. Rioux): Une minute.
M. Taillon (Gilles): O.K. Je vais y aller de façon plus brève. Durée de travail, nous voulons... nous insistons là-dessus ? vous pourrez prendre le temps de le lire attentivement ? sur le fait que dans certains secteurs d'activité la limite de la période de 12 heures est problématique: dans le camionnage, en forêt et dans certains autres secteurs. Il nous fera plaisir d'informer le ministre là-dessus, mais, particulièrement du côté du camionnage, il y a une problématique.
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(12 h 40)
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Du côté de la formation, mes collègues qui sont plus spécialistes que moi pourront vous en parler, mais, du côté de la formation, nous sommes inquiets des dispositions qui visent à faire en sorte qu'on compute du temps supplémentaire pour la formation, que ça ait un effet contraire à ce qu'on recherche, c'est-à-dire de promouvoir la formation. Les collègues pourront en parler. Surtout, il faudrait peut-être définir la formation, faire la distinction: est-ce que c'est de la formation pour accéder à l'emploi, préparatoire à l'emploi ou si c'est du recyclage ou du perfectionnement sur le tas.
Le recours à l'encontre d'un congédiement sans cause juste et suffisante: nous pensons que la diminution de trois ans à deux ans pourrait être néfaste pour certains secteurs. J'attire votre attentivement particulièrement du côté du génie, dans tous les secteurs liés aux infrastructures actuellement, où, très, très souvent, les contrats des personnes sont d'une durée de deux ans. Alors, c'est très, très difficile, à l'intérieur du temps imparti, de faire l'évaluation nécessaire; le trois ans nous convenait beaucoup mieux.
Au niveau du licenciement collectif, nous l'avons déjà dit, nous trouvons que le nombre de 10 est un nombre qui est très, très petit.
Bref, dans l'ensemble, nous demandons au gouvernement de porter une attention très, très spéciale à nos commentaires et de bien les comprendre comme des intentions de bonifier et de modifier le projet de loi qui est présenté. Vous l'avez réalisé, nous n'avons pas décrié la pertinence de présenter un projet. Merci beaucoup, M. le Président.
Le Président (M. Rioux): Merci beaucoup, M. Taillon. Alors, je vais céder la parole à M. le ministre.
M. Rochon: Oui. Merci, M. le Président. Je vais soulever d'abord quelques commentaires, là, pour être bien sûr de... disons que je vais utiliser un autre mot qu'«écouter», là; je vais dire «de bien comprendre», parce que je ne sais pas dans quel sens vous employez le terme «écouter». Il y a au moins deux sens à «écouter»: il y a entendre, comprendre, bien saisir puis il y a «écouter et fais ce que je te dis de faire». Alors, dans le premier sens, vous avez été très écoutés...
M. Taillon (Gilles): Je vais commenter. Ha, ha, ha!
M. Rochon: ...et vous allez l'être encore. Bon. Ha, ha, ha!
Pour la question du harcèlement, permettez-moi d'abord de souligner... là, vous faites référence à l'avis que le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre a donné effectivement au ministre en novembre 2001, il y a à peu près un an.
Maintenant, juste avant, dans la conclusion du rapport, le CCTMO ? le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre ? disait très bien, et je le cite: «Finalement, la révision en cours de la Loi des normes du travail devrait être l'occasion de prévoir l'interdiction du harcèlement psychologique au travail fondée sur une définition claire de celle-ci. La présence de recours accessibles et efficaces dans la Loi des normes du travail est une condition essentielle à la mise en oeuvre d'une telle interdiction.» On a écouté ça aussi.
Par contre, je prends bien au sérieux, là, les commentaires que vous soulevez. La question de la définition: si on peut l'améliorer avec les travaux de la commission parlementaire, ce qui va nous être représenté, la resserrer, s'assurer que pour tout le monde, autant la personne qui formule une plainte que pour l'employeur, pour la personne qui est visée par la situation de harcèlement que pour la Commission, ça, on est très ouverts à ça et on recherche, là, jusqu'à la dernière minute. On va vraiment tout intégrer ce qui peut nous être présenté, parce qu'on est bien conscients que, plus la définition sera précise... Et on réalise aussi que c'est une notion, là, c'est une réalité qu'on définit qui n'est pas facile à saisir. Tout ce qu'on peut faire pour préciser ce concept-là, on va être très, très ouverts à ça.
Deuxième point que je voudrais souligner, c'est la question de l'engorgement possible, là. Je pense que, dans la proposition qu'on a sur la table, il faut reconnaître que la Commission des normes du travail va assumer un rôle important d'aider évidemment les gens qui font une plainte, acheminer leur recours, mais ça va impliquer nécessairement un filtrage dans un sens, en fonction de la définition qui sera retenue, et la suite des choses, ce sera comme pour l'ensemble des normes minimales du travail, où la Commission représentera un travailleur ou une travailleuse si elle est d'avis qu'il s'agit vraiment d'une question de harcèlement.
Le fait, pour un travailleur ou une travailleuse, de pouvoir continuer seul, c'est vrai, comme vous le dites, mais, déjà là, ça impose une contrainte importante, là. Si un travailleur ou une travailleuse doit seul se pourvoir de services légaux ou autres, il y a déjà là des freins.
Tout ce que je veux dire, c'est qu'on... Puis là aussi, on peut toujours améliorer, si on comprend bien les choses. Mais il y a eu un souci, là, de s'assurer qu'on n'ouvre pas une boîte de Pandore, qu'on définit quelque chose de clair, qu'il y a un mécanisme, un processus qui est à la fois léger, qu'on n'a pas... qui soit trop lourd pour la personne qui formule la plainte mais qui, par contre, cible très bien les véritables situations de harcèlement psychologique.
Bon. Troisièmement ? puis je vais terminer là-dessus pour le harcèlement psychologique présentement ? beaucoup de vos commentaires et de vos remarques, si je les comprends bien, ne s'opposent pas vraiment au fond. Vous nous mettez beaucoup en garde pour s'assurer qu'on ne procède pas de façon précipitée et qu'on s'assure que la mise en application de la loi est accompagnée des différentes mesures qui doivent permettre une bonne mise en application. Et ça, on a ce souci-là, nous aussi. On verra, d'ici la fin des travaux de la commission, comment on peut... quelle décision il faudra prendre là-dessus. Il y a déjà en préparation, par un comité interministériel qui regroupe aussi des gens qui ont déjà travaillé là-dessus depuis quelques années pour nous donner ce qui a permis de préparer la loi... il y a déjà des travaux très avancés pour s'assurer qu'on a des outils, qu'on aura des instruments, qu'on aura de l'information de disponible, et tout ça. Mais je retiens très bien votre souci qu'on s'assure que tout ça vienne en application en même temps. Et ça, ça peut se gérer plutôt par une décision qu'on aura à prendre de la mise en application des articles particuliers pour s'assurer qu'ils arrivent au bon moment, que de ne pas légiférer tout de suite espérant qu'on y reviendrait plus tard. Alors ça, on prend bonne note de ça.
Et, par contre, le fait de se donner dans une loi une date de mise en application d'un règlement, à condition de le faire de façon réaliste compte tenu des travaux en cours, est une bonne application du principe qui dit que les échéances forcent les décisions. Alors, en se donnant un objectif réaliste avec une échéance, on va s'assurer qu'on a un traitement complet de la question parce qu'autrement on ne servirait pas la cause qu'on veut régler. Voilà pour le harcèlement psychologique.
Pour la question... Il y a un autre point que je voudrais soulever: la question des licenciements collectifs. Je voudrais bien vous comprendre, là. Parce que, dans les modifications qu'on fait, on maintient la nécessité de donner un avis pour l'ensemble des entreprises ? ça nous apparaît bien essentiel ? mais on allège un peu le processus puis on met plus de flexibilité en maintenant l'obligation du comité de replacement et de toute la procédure pour les entreprises de 50 et plus, s'assurant que pour des entreprises de moins de 50 employés on peut avoir une intervention plus directe, plus adaptée à la situation. Alors, je voudrais bien saisir votre commentaire par rapport à ça, là. Est-ce qu'il y a quelque chose vraiment qui ne marche pas là-dedans ou qu'on devrait préciser autrement? Parce qu'on avait l'impression de répondre un peu, sur cette question-là, à ce qui était une préoccupation très justifiée des travailleurs et aussi des employeurs. Voilà.
Le Président (M. Rioux): M. Taillon.
M. Taillon (Gilles): Oui. Au niveau de...
M. Rochon: Permettez-moi un tout autre commentaire...
M. Taillon (Gilles): Oui.
M. Rochon: ...dans les précisions que j'aimerais que vous nous donniez: la question de la formation. Ça, c'est bien important dans le monde d'aujourd'hui et avec l'évolution du marché du travail. Moi, je comprends que, ce qu'on a dans le projet de loi, là, c'est de s'assurer que la formation qui est faite, en somme, en cours d'emploi et qui est demandée par l'employeur, qui est nécessaire pour l'employeur et qui est exigée par lui, ça soit assumé par l'employeur et que le salarié soit effectivement payé pour ces heures passées là. Est-ce que c'est là-dessus que vous n'êtes pas d'accord, que vous voudriez que la formation jugée nécessaire, exigée par l'employeur, soit aux frais du salarié? J'aimerais bien saisir votre commentaire là-dessus.
Le Président (M. Rioux): Bien. M. Taillon.
M. Taillon (Gilles): Alors, M. le Président, je vais répondre aux deux ou trois premières questions puis je vais laisser, sur la formation...
Le Président (M. Rioux): Oui.
M. Taillon (Gilles): ...Me Tremblay y aller, là-dessus. D'abord, au niveau de l'écoute ? le ministre posait la question ? on jugera le résultat de votre degré d'écoute aux modifications qui apparaîtront dans le projet de loi. On ne veut pas être écoutés sur tout mais on pense qu'on a été bien raisonnables.
Dans la mise en application de la notion de harcèlement psychologique, vous avez bien compris une partie de nos souhaits, à savoir une mise en application quand les autres éléments auront été appliqués ou seront disponibles, comme les mesures de soutien, les ressources, etc.
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(12 h 50)
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Vous avez remarqué que dans notre mémoire nous sommes collés d'assez près aux recommandations du CCTM. Ce que l'on vous reproche, c'est de n'avoir retenu que le «finalement» et d'avoir oublié ce qui précédait le «finalement». Donc, on vous dit: Portez une attention là-dessus aussi; importance de regarder ça.
Harcèlement psychologique. Il y avait dans la phrase du «finalement» la nécessité d'une définition claire. Vous avez compris que nous jugions que la définition n'était pas claire et on vous a donné quelques éléments pour la clarifier.
Au niveau du licenciement collectif, nous sommes heureux qu'il y ait eu l'intégration dans la loi. Nous disons: Nous aurions souhaité, compte tenu de cette intégration, que, le licenciement, l'avis s'applique quand il y a plus que 10 employés, donc qu'on hausse le nombre d'employés. Et on vous dit aussi: Attention pour dans les mesures transitoires... on fasse attention au fait que ça peut aussi s'appliquer dans des organisations syndiquées, où il y aurait la possibilité d'application de doubles mesures. On dit donc: Attention à cela. Et votre sous-ministre, qui était présent aujourd'hui au colloque que l'on faisait à cette occasion-là, a bien entendu, et on m'a confirmé que les notes avaient été prises à cet effet-là. Donc, vous aurez davantage de détails là-dessus.
Quant à la formation, Me Tremblay.
M. Tremblay (Bernard): Oui. À l'égard de la formation, et c'est un commentaire que vous retrouverez également dans notre mémoire, notre inquiétude... Je ne crois pas qu'évidemment on n'a de réticences sur le principe qui veut que la formation qui est demandée de façon expresse par l'employeur soit assumée, le temps de formation soit reconnu comme du temps de travail.
La préoccupation que l'on a, c'est plus évidemment dans les modalités de tout ça, du fait que, si je peux témoigner, entre autres, de la réalité de notre réseau, il y a souvent évidemment des formations qui sont offertes, on le sait, à Montréal ou à Québec, et les gens, en particulier des régions, doivent se déplacer. Et la crainte qu'on a, c'est que, au-delà donc de ce temps de déplacement là, qui, bien souvent, est du temps qui se fait sur le temps de travail mais qui demande dans certains cas évidemment, en fonction des horaires des avions, de dépasser un peu l'horaire de travail... et que ce temps-là finalement soit reconnu comme étant du temps qui doit être payé. Il y a beaucoup d'ententes qui se font de façon à permettre justement aux gens de se déplacer en plus grands groupes vers ces formations-là qui se donnent à l'extérieur. Et, l'entente, évidemment, c'est qu'il n'y a pas de coupure de traitement pour ces gens-là, c'est bien clair. Mais parfois, ça déborde des horaires habituels des gens, et la préoccupation qu'on a, c'est que ce débordement-là, si, demain matin, il devient du temps de travail reconnu qui doit être rémunéré, que ça ait pour conséquence qu'on décide d'envoyer une personne au lieu de deux, au lieu de trois.
Évidemment, comme je disais, c'est la réalité de notre réseau en particulier. Il y a beaucoup de formation qui se donne à l'extérieur, mais je pense que c'est aussi le propre d'autres employeurs, là, au Québec.
Le Président (M. Rioux): Bien. Autres questions du côté ministériel? M. le député de...
Une voix: La Peltrie.
Le Président (M. Rioux): ...La Peltrie. Je m'excuse.
M. Côté (La Peltrie): Merci, M. le Président. Messieurs, bonjour. Dans votre mémoire, vous parlez quand même assez intensément sur la mise en vigueur de la loi, là, pour qu'elle n'intervienne pas avant que tous les moyens préalables et à venir soient implantés, analysés et véhiculés. C'est une de vos recommandations, d'ailleurs.
Mais comment... C'est quoi que vous suggérez? Vous dites ça, là... Comment on peut analyser et évaluer une loi ou les impacts d'une loi avant qu'elle soit appliquée? Alors, vous semblez vouloir reculer davantage l'application de la loi, mais comment voulez-vous l'analyser et l'évaluer... Comment vous allez vous prendre, par la suite, là, si on ne va pas tout de suite à son application?
Le Président (M. Rioux): M. Taillon.
M. Taillon (Gilles): On a d'autres exemples dans notre histoire où des lois qui sont complexes, qui demandent un soutien et un support... on a d'autres exemples où on promulgue... c'est-à-dire qu'on adopte la loi mais on promulgue l'application plus tard, c'est-à-dire qu'on donne un délai pour permettre aux gens de se préparer, de s'instrumenter. Et c'est ce que disait le comité interministériel et c'est ce que disait aussi le CCTM: Attention! il faut mettre des mesures en place pour en arriver à une application, dans le cas du harcèlement psychologique particulièrement, une application ferme.
Je comprends que le ministre a bien compris ce type de revendication-là de notre part. Donc, ce que l'on souhaite, c'est qu'il y ait un certain temps pour permettre aux gens de se prendre en charge au niveau du phénomène de harcèlement psychologique au travail; les employeurs, d'une part, mais aussi tous ceux qui sont concernés. Parce qu'on a vu ? on vous l'a dit, le comité interministériel l'avait souligné ? c'est un problème qui concerne l'ensemble de la communauté «entreprises», pas strictement l'employeur.
M. Côté (La Peltrie): C'est surtout en ce qui a trait au harcèlement psychologique au travail.
M. Taillon (Gilles): Définitivement, définitivement.
M. Côté (La Peltrie): O.K. Merci. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Rioux): M. Taillon, vous semblez insister beaucoup dans votre mémoire sur le partage de responsabilités. Vous dites: Le harcèlement dans une entreprise, ça devrait être une responsabilité partagée. Vous soulevez là quelque chose d'important, et vous craignez également qu'il y ait des griefs dont la portée peut être assez frivole et créer des engorgements à la Commission puis ultimement à la Commission des relations de travail.
Mais, quand on lit bien votre document, je me demande si ce n'est pas plutôt le pouvoir que l'on donne à la Commission des normes qui vous embête que la responsabilité comme telle qui devrait être partagée entre l'employeur et l'employé.
M. Taillon (Gilles): Je vous dirais, M. le Président, qu'il faut aborder le tout dans son ensemble. On dit, d'une part: Il devrait y avoir une définition claire du harcèlement pour éviter qu'on donne prise à n'importe quoi. Donc, définition plus claire que ce qu'il y a là.
Deux, il faut s'assurer qu'il y a des mesures qui permettent au milieu de travail de se préparer et d'assumer collectivement. L'employeur peut assumer sa part, mais on sait qu'il y a du harcèlement qui se pratique dans les milieux de travail, qui est probablement majoritaire, qui ne vient pas de l'employeur, qui ne vient pas du patron directement, qui vient de la communauté. Donc, on dit: Il y a nécessité qu'il y ait une prise en charge, et tout le monde reconnaît ça. Avant d'arriver à la recommandation du CCTM 3 qui parlait du «finalement», il y avait 1 et 2, trois conditions.
Ensuite, au niveau de la Commission des normes et de la CRT ensuite ? de la Commission des relations de travail ? on dit: Attention que les pouvoirs ne soient pas là trop étendus. Mais, si les choses sont bien balisées et bien circonscrites, l'exercice du pouvoir ensuite va être moins grave. Mais ce n'est pas d'abord ça qui nous fait peur, c'est davantage le fait qu'il y ait une bonne définition, que ça ne donne pas prise à n'importe quoi, et, ensuite, qu'on puisse permettre au milieu de travail de se prendre en charge.
Ensuite, les recours, il faudrait éviter qu'ils soient abusifs. Surtout, ce qu'on insiste, c'est qu'il n'y ait pas des recours à deux ou trois endroits différents. On voudrait bien s'assurer, quand on a un recours à la CSST, qu'on n'a pas en même temps un recours à la Commission des normes, à la Commission des relations de travail, etc.
Le Président (M. Rioux): M. le député de Mont-Royal.
M. Tranchemontagne: Merci. Merci, bienvenu, M. Taillon. Merci d'être parmi nous. Dans vos recommandations, si on parle de harcèlement psychologique, vous avez plusieurs recommandations. Dites-moi si j'interprète mal vos paroles, si... je n'ai pas compris que vous étiez contre les recours qui ont lieu dans la loi telle que proposée par le projet de loi n° 143 mais que vous avez certaines inquiétudes. Vous venez d'en soulever une par exemple, que, à travers les différentes lois, est-ce qu'il n'y a pas double emploi ou enfin la possibilité de.
Mais aussi, vous semblez mettre... inclure dans les responsables du harcèlement psychologique, vous semblez inclure aussi le gouvernement, le gouvernement qui aura un rôle ? et si j'utilise vos mots ? de développer et de rendre publics des outils par exemple d'appoint, de soutien, etc., pour sensibiliser le milieu des affaires mais le milieu des affaires au sens général, je suppose, que ce soit l'employeur ou les travailleurs eux-mêmes.
Alors, est-ce que je comprends bien, quand vous dites ça, que vous dites: Bon. On n'est pas contre, sauf qu'il y a des choses qui devraient être faites par le gouvernement, qui devraient être faites par les employeurs eux-mêmes, si on leur donne les outils pour le développer et l'apprendre, parce que vous semblez reconnaître aussi dans votre rapport qu'il y a peu de travail qui a été fait à date, dans ce domaine-là. On est dans un monde qu'on ne connaît pas tellement et on se sent peut-être un petit peu insécures.
Est-ce que, d'abord, je vous lis bien dans votre... dans ma façon de vous comprendre? Est-ce que je vous entends bien ou je ne sais pas trop, pour revenir à la discussion de tantôt?
Le Président (M. Rioux): Vous devriez vous poser la question: si vous le voyez bien.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Rioux): Alors, M. Taillon.
M. Taillon (Gilles): Alors, M. le Président, je vous dirais: Écoutez, d'entrée de jeu, j'ai bien situé que, au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre qui est composé de représentants syndicaux et patronaux, on a pris contre cette situation-là en disant: Oui, il faut agir.
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(13 heures)
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Maintenant, voici comment il serait souhaitable d'agir, et là, on a dit: Il faut y aller de façon graduée. Il faut y aller d'abord par sensibilisation, il faut faire en sorte d'identifier des ressources capables d'aider, il faut un plan de soutien. Il y a une partie qui appartient aux employeurs, travailleurs et, bien sûr, au gouvernement aussi. Et, ensuite, si on veut introduire ça dans la loi, il faudrait une définition claire pour ne pas donner prise à toutes sortes de conduites qui pourraient être interprétées par les individus comme du harcèlement psychologique et mettre tout de suite en vigueur, à ce moment-là, le soutien par la Commission des normes de la plainte qui démarre le processus. Donc, voilà un peu la séquence dans laquelle on fait ça. Donc, nous ne sommes pas opposés à une disposition comme celle-là, mais nous sommes opposés à la disposition telle que libellée dans ce projet de loi.
Le Président (M. Rioux): Alors, je vais demander le consentement pour pouvoir déborder 13 heures. M. le député de Mont-Royal, est-ce qu'il y a consentement pour qu'on... Oui? Très bien. Allez, M. le député.
M. Tranchemontagne: Alors donc, je comprends que j'avais assez bien compris. Les recommandations 1 à 8 que vous nous faites, là, sont justement de préparer la venue des articles en question.
Par contre, à la recommandation 9, c'est là que vous dites, là, «que l'entrée en vigueur de la loi n'intervienne pas avant que tous les moyens préalables et à venir ne soient implantés, analysés». Est-ce que, avant de faire cette recommandation-là, vous avez évalué combien de temps serait retardée la mise en application de cette loi-là si jamais on traversait tout le processus auquel vous faites référence dans les items précédents qui sont de 1 à 8?
Le Président (M. Rioux): M. Taillon.
M. Taillon (Gilles): Alors, M. le Président, 1 à 7, c'était la préparation; 8, c'est la modification du libellé; et 9, c'est une entrée en vigueur retardée. Moi, je vous dirais qu'il faut au moins que ça soit un minimum de deux ans.
M. Tranchemontagne: Un minimum de deux ans avant la mise en application...
M. Taillon (Gilles): Pour se préparer, oui.
M. Tranchemontagne: O.K. Parfait. Je vous remercie. J'ai remarqué dans vos commentaires que vous avez eu en même temps que moi l'évaluation des impacts économiques sur la modification...
M. Taillon (Gilles): Pas en même temps que vous, je ne l'ai pas encore, M. le député.
M. Tranchemontagne: Ah, vous ne l'avez pas encore? Alors, vous êtes...
M. Taillon (Gilles): Non. Et, à 11 heures, il n'était toujours pas disponible sur Internet.
M. Tranchemontagne: Alors, je suis très avantagé par rapport à vous, je l'ai eu à onze heures et quart, ou je ne sais pas trop quelle heure il était.
M. Taillon (Gilles): J'ai bien tenté de l'avoir, je dois vous dire.
M. Tranchemontagne: Je n'en doute pas. Ha, ha, ha! J'aurais une question pour vous: Avez-vous un estimé, votre estimé, O.K., au Conseil du patronat, des impacts? Je le reconnais, n'ayant pas lu l'étude que le ministère a faite, est-ce que vous avez une idée des impacts que cette loi-là pourrait avoir sur l'emploi au Québec et sur les entreprises aussi, là?
Le Président (M. Rioux): M. Taillon.
M. Taillon (Gilles): En termes de coûts, nous n'avons pas évalué l'impact sur les emplois. Cependant, on sait qu'une proposition comme celle-là, accompagnée des dispositions d'augmentation du salaire minimum, ça peut produire une augmentation des charges sociales à l'entreprise touchée par la Loi sur les normes qui dépasse le 10 %. Ça nous a été confirmé par M. Fortin. Donc, je vous dirais, c'est lourd.
M. Tranchemontagne: Pouvez-vous me l'expliquer? 10 % pour une entreprise? Pour une entreprise, d'augmentation de coûts?
M. Taillon (Gilles): Pour l'entreprise, d'augmentation de coûts de charges sociales. C'est l'estimation de Pierre Fortin lors d'une rencontre qu'on a eue avec lui, là, il y a quelques jours.
Le Président (M. Rioux): M. le député de Laurier-Dorion.
M. Sirros: Merci, M. le Président. Bienvenue également, M. Taillon. Et j'aimerais juste retourner sur la question du harcèlement psychologique par rapport à une des recommandations que vous faites. Le projet de loi met le fardeau, la responsabilité, si vous voulez, pour le maintien d'une atmosphère exempte de harcèlement psychologique clairement sur l'employeur. Vous revenez, vous dites: On voudrait que ça soit partagé avec les employés et les syndicats, etc. Je peux comprendre qu'il y ait un espace pour une discussion quand il y a un syndicat, mais, dans d'autres cas, qui d'autre pourrait avoir une responsabilité pour assurer un milieu de travail exempt de ça, si ce n'est le patron qui est responsable de ça? Ou, en tout cas, élaborez un petit peu sur la façon que vous voyez cette recommandation n° 3, je pense.
Le Président (M. Rioux): M. Taillon.
M. Taillon (Gilles): Nous ne dénions pas que la responsabilité ultime appartient, là, à l'employeur, à l'entreprise, mais nous disons: Il faut s'assurer qu'il y a une responsabilité partagée aussi, parce que l'employeur n'est pas responsable de tous les cas de harcèlement.
Et, là où il n'y a pas de syndicat, il y a quand même des représentants d'employés, il y a quand même des représentants de travailleurs. On a une loi en santé et sécurité qui s'applique où il n'y a pas nécessairement des syndicats partout, mais où il y a des organismes, il y a des représentants des travailleurs qui participent à l'élaboration de programmes de prévention, et tout ça.
M. Sirros: J'aimerais juste comprendre comment vous verriez l'opérationnalisation de cette recommandation, parce que, ultimement, ça reviendrait, j'imagine, à l'employeur de décider...
M. Taillon (Gilles): Bien, il faut se donner dans l'entreprise une politique qui vise le harcèlement psychologique, qui fait en sorte de prévoir des mécanismes d'appel, de dénonciation et aussi de l'aide, du support lorsqu'une situation comme celle-là se produit. Donc..
Le Président (M. Rioux): Un comité paritaire.
M. Taillon (Gilles): Pas nécessairement, on en a déjà beaucoup.
Le Président (M. Rioux): O.K. M. le député de Vimont.
M. Gaudreau: Merci, M. le Président. Messieurs, deux petites questions, la première touchant les absences pour raisons familiales. Présentement, ce que le gouvernement nous propose, c'est de passer de cinq jours à 10 jours, et aucune de ces journées-là ne serait rémunérée. Je me demandais si le Conseil du patronat avait eu des réflexions sur des journées qui pourraient être payées ou... Est-ce que vous avez réfléchi à ça? Est-ce qu'il y a une réflexion qui s'est faite là-dessus?
M. Taillon (Gilles): Non, on n'a pas réfléchi, on a plutôt réfléchi dans le sens inverse. On se dit: Il y a 10 jours de congé sans solde, mais c'est sans salaire. Mais sauf que les bénéfices marginaux sont à la charge des employeurs. Quand on vous disait tantôt: On évalue que la Loi sur les normes comporte des charges additionnelles, une de celles-là, c'est le paiement des bénéfices.
On dit, par contre: On ne s'oppose pas au quantum, on dit simplement: Il faut que les raisons soient sérieuses. Et on trouvait qu'il y avait dans l'énumération de la loi, notamment frères et soeurs, peut-être un abus dans l'énumération. Peut-être, se restreindre aux parents et aux enfants.
M. Gaudreau: D'accord, mais il y a absolument...
M. Taillon (Gilles): Mais il n'y a pas eu d'évaluation.
M. Gaudreau: O.K. Deuxième petite question.
M. Taillon (Gilles): On n'en sentait pas la nécessité, le projet de loi ne va pas si loin que ça.
M. Gaudreau: Non, mais il va falloir l'évaluer un jour ou l'autre.
Deuxième question. En matière de recours à l'encontre d'un congédiement sans cause juste et suffisante, vous parlez de maintenir le délai à trois ans, vous dites que, bon, même après deux ans, certaines entreprises ne sont pas capables d'évaluer leurs employés. Est-ce qu'on parle d'une minorité d'entreprises qui ne sont pas capables de le faire ou une majorité des entreprises qui ne sont pas capables de le faire?
M. Taillon (Gilles): Je vous dirais que, dans certains secteurs d'activité, ça peut être une majorité. Je vous ai signalé le génie. O.K.? Dans l'ensemble des entreprises, c'est sûr que c'est une minorité, mais la loi s'applique et peut toucher très fortement des entreprises qui ont plus de problèmes que d'autres, hein? On sait qu'ici la loi s'applique aux petites entreprises. Ce n'est pas les grandes entreprises qui sont visées à cet égard-là. Donc, on dit: Attention, à trois ans, on était déjà dans une situation très avantageuse au Québec par rapport à d'autres juridictions avec lesquelles ont compétitionne.
Le Président (M. Rioux): Merci. M. le député de Mont-Royal, rapidement, là.
M. Tranchemontagne: Je vais... Rapidement. Il reste encore du temps?
Le Président (M. Rioux): Oui. Vas-y.
M. Tranchemontagne: Votre recommandation 17, vous dites que le gouvernement devrait prévoir des mesures transitoires pour des entreprises qui ont des conventions collectives. Est-ce que, à votre avis, il y a plusieurs entreprises qui ont des conventions collectives qui ne rencontrent pas ces nouvelles normes minimales là?
M. Taillon (Gilles): Il y en a. Nous ne les avons pas recensées comme telles, mais il y en a beaucoup. Quand on a préparé notre réaction au mémoire, on avait plusieurs associations présentes, une douzaine, et la plupart disaient: Chez nous, on a des entreprises qui risquent d'être touchées s'il n'y a pas harmonisation.
Le Président (M. Rioux): Bien.
M. Tranchemontagne: O.K. Finalement, à la page 8, quand vous parlez de la durée du travail, vous nous avez dit ? verbalement, en tout cas ? qu'il y avait certaines catégories d'emploi ou certaines industries où la durée du travail, telle que définie par le nouveau projet de loi, ne s'appliquait pas. Vous avez mentionné, par exemple, en foresterie si ma mémoire me sert bien. Est-ce qu'il y en a plusieurs de ça? Comment vous traiteriez ça dans un texte de loi?
M. Taillon (Gilles): Je vous dirais que c'était particulièrement camionnage et du côté des scieries, mais Bernard peut peut-être...
M. Tremblay (Bernard): Oui, peut-être vous mentionner que, même dans notre secteur de l'éducation, où on a évidemment des conventions collectives assez complètes, on envisage des possibilités d'avoir des difficultés. On a connu des époques, par exemple, avec les fusions de commissions scolaires il n'y a pas si longtemps ? on parle d'il y a quatre ans ? où on a dû évidemment, pendant des périodes très courtes, là, mettre en place, là, les nouvelles commissions scolaires, ce qui a demandé, dans certains cas, à du personnel administratif de faire des heures supplémentaires, là, en quantité importante et dans des secteurs cruciaux comme, par exemple, le service de la paie, hein, où on sait qu'une difficulté, par exemple, d'ordinateur peut faire en sorte que les délais deviennent très courts et où les gens sont tenus de travailler au-delà des heures habituelles.
M. Tranchemontagne: Mais le cas dont vous parlez, c'était, je pourrais dire, un «one-shot deal», là, tu sais, c'était lors des fusions ou des choses comme ça.
M. Taillon (Gilles): Mais dans les deux secteurs...
M. Tranchemontagne: Ce à quoi M. Taillon référait, je pense, c'était quelque chose de plus permanent. Quand on parle du camionnage ou de la foresterie...
M. Taillon (Gilles): Effectivement.
M. Tranchemontagne: Et, là était le sens de ma question, comment est-ce qu'on traite ça dans un projet de loi, à ce moment-là, des exceptions comme ça?
M. Taillon (Gilles): Bien, je vous dirais, si on était à 14 heures, on serait déjà beaucoup plus près d'une capacité de respecter tout le monde.
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(13 h 10)
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Le Président (M. Rioux): Merci beaucoup. Mais ça n'enlève rien au mérite du monde de l'éducation d'être capable d'être flexible lorsque la nécessité oblige.
Une voix: ...démontré ce soir.
Le Président (M. Rioux): Oui. M. le ministre, vous aviez juste un petit mot à dire?
M. Rochon: Oui, très rapidement. D'abord, sur la fameuse question de l'impact économique, là, l'étude, présentement, qui est sur le site du ministère, je rappellerais que le 188 millions, ça représente 0,18 % de la masse salariale des entreprises visées. Alors, s'il y a des écarts importants comme ceux auxquels vous avez pu faire référence, on va être bien intéressé de savoir où est cet écart, de quelle base de comparaison on parle, parce que je répète qu'on est très soucieux de s'assurer de ne pas avoir un impact négatif sur l'emploi. Le gouvernement s'est assez commis, je pense, pour ça au cours des dernières années pour ne pas défaire maintenant ce qu'on a fait. Il ne nous semble pas que 0,18 % sur la masse salariale, que ça risque de faire disparaître des entreprises et des emplois. Mais, encore une fois, s'il y a des failles dans notre étude, qu'on nous les pointe, et on va être très ouvert à ça.
L'autre précision que je voudrais juste... On n'a peut-être pas le temps d'en discuter, là, je suis conscient, mais quitte à nous fournir de l'information, sur la fameuse réintégration du travailleur dans son emploi habituel, tout ce qu'on dit, là, à l'article 27 qui rajoute l'article 79.4, c'est que le travailleur, travailleuse retrouve son emploi habituel s'il existe. S'il n'existe pas, c'est bien sûr que là il aura un emploi comparable. Est-ce que vous, par vos recommandations, souhaitez que, même si l'emploi existe, l'emploi habituel, qu'il pourrait y avoir une flexibilité au point où on ne va pas redonner son emploi habituel au travailleur?
Le Président (M. Rioux): Alors là on joue à...
M. Rochon: Parce qu'on ne veut surtout pas empêcher les entreprises de se réorganiser.
Le Président (M. Rioux): Très bien. On joue en temps supplémentaire, là.
M. Rochon: Ah, excusez.
Le Président (M. Rioux): Alors, M. Taillon, rapidement...
M. Taillon (Gilles): Oui. J'ai compris que le président s'impatientait. Très rapidement, oui, ça pourrait aller au-delà de ça parce que l'emploi habituel pourrait, pour la période qui est longue, être occupé par quelqu'un d'autre qui a été formé, qui a été... parce que l'emploi s'est modifié. Donc, on ne remplacerait pas cette personne-là, mais l'entreprise aurait l'obligation de lui donner un emploi comparable, mais pas l'emploi habituel. Ça va plus loin, donc, que le fait qu'il est disponible ou pas.
Le Président (M. Rioux): Alors, merci beaucoup, gens du Conseil du patronat. Nous serons de retour à 15 heures. On ajourne jusqu'à 15 heures, c'est-à-dire.
(Suspension de la séance à 13 h 13)
(Reprise à 15 h 4)
Le Président (M. Rioux): Alors, nous reprenons nos travaux et nous accueillons Au Bas de l'échelle. Alors, Mme David, bonjour.
Mme David (Françoise): Bonjour. Mme Paquet aussi.
Le Président (M. Rioux): Mme Paquet, oui, qui ne nous est pas inconnue d'ailleurs. Ha, ha, ha! Alors, vous avez 15 minutes pour présenter votre mémoire, et ensuite on échangera avec les députés. Alors, on vous écoute.
Au Bas de l'échelle
Mme David (Françoise): Alors, bonjour. Effectivement, Esther Paquet et moi-même sommes les porte-parole d'Au Bas de l'échelle aujourd'hui pour vous présenter notre mémoire.
J'aimerais signaler aussi aux membres de la commission, qui en ont reçu copie, je crois, que nous vous avons apporté ce que nous appelons notre cahier des lettres d'appui. Donc, je pense que ça vous a été distribué, parce que nous tenons à vous dire qu'Au Bas de l'échelle, quand il vient, ne vient pas seul, nous sommes accompagnés par le mouvement des femmes, par le mouvement syndical, le mouvement communautaire et même par des employeurs, par exemple, dans le domaine socioéconomique.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, je vous rappelle que les priorités d'Au Bas de l'échelle, réaffirmées maintes et maintes fois depuis plusieurs années, sont la lutte contre la précarité et la prolifération des faux travailleurs autonomes, un meilleur recours... un droit de recours, en fait, contre le harcèlement psychologique, un meilleur recours contre les congédiements injustes, des mesures de conciliation travail-famille et l'inclusion complète des gardiennes et domestiques dans la loi. Nous allons donc, dans notre présentation, insister particulièrement sur cette question, mais, évidemment, l'ensemble de notre mémoire est important, et je vous invite à le lire. Je passe tout de suite la parole à Esther.
Le Président (M. Rioux): Mme Paquet.
Mme Paquet (Esther): Oui, bonjour. Alors, effectivement, Au Bas de l'échelle salue très positivement le dépôt du projet de loi n° 143. Je dois toutefois dire que nous déplorons vivement le manque de dispositions qui s'attaquent au travail précaire. Il n'y a, en effet, à peu près aucune proposition dans le projet de loi hormis celle qui porte sur les congés fériés ? je vais y revenir tout à l'heure ? donc, à peu près aucune proposition qui s'attaque à la précarisation du travail, et je dois dire qu'on ressent une profonde déception face à cette lacune importante. On répète qu'il faut introduire dans la loi un principe d'égalité de traitement pour les travailleurs et les travailleuses précaires sur le plan salarial et sur le plan des avantages sociaux. On maintient qu'il est tout à fait envisageable et nécessaire de légiférer dans ce sens-là maintenant sans attendre le rapport du comité Bernier. Alors, on pourra y revenir plus tard.
Je passerais tout de suite à la question des jours fériés. La question des jours fériés, on appuie sans réserve l'abolition de la notion de jour ouvrable et de service continu pour permettre aux travailleurs, aux travailleuses qui sont, par exemple, à temps partiel, ou sur appel, ou qui ont un contrat à durée déterminée... Bref, toutes les personnes qui n'ont pas un emploi régulier, de neuf à cinq, du lundi au vendredi vont pouvoir bénéficier d'une indemnité lors d'un jour férié, une indemnité proportionnelle au nombre d'heures travaillées. Alors, ça, c'est une avancée qui est significative pour les travailleurs, les travailleuses précaires. On y tient beaucoup, parce que c'est à peu près la seule mesure... C'est la seule mesure, en fait, qui va venir tenir compte de la situation des précaires.
Je passerai maintenant à la question du maintien du statut de salarié ? c'est un peu plus compliqué; en fait, c'est plus complexe au niveau juridique ? l'article 53 du projet de loi qui vise à établir clairement le droit au maintien du statut de salarié. Alors, on appuie évidemment absolument l'intention qu'il y a derrière cet article-là, mais je vous dirai qu'on a certaines réserves sur le libellé, là, quand on parle des «changements que l'employeur apporte au mode d'exploitation de son entreprise». Pour nous, le problème n'est pas relié au mode d'exploitation de l'entreprise, il est relié au lien d'emploi. Alors, c'est pour ça qu'on proposerait une modification au libellé. On pense que ça faciliterait la compréhension et l'application de cet article-là. On pense qu'il serait préférable de dire qu'«un salarié a droit au maintien de son statut de salarié lorsque les changements que l'employeur apporte à ce statut n'ont pas pour effet de rompre le lien de subordination qui le lie à cet employeur», parce que le fond de l'affaire, il est là, c'est le lien de subordination. Alors, c'est la proposition qu'on fait pour ce qui est de la section normes.
Maintenant, pour ce qui est du recours correspondant ? parce que là on parle du droit qu'on établit dans la section normes de la loi ? le recours qui correspond à ce droit, selon nous, mérite d'être plus fort. On voudrait que ce soit un recours distinct de l'article 122. C'est-à-dire que, actuellement, ce qui est proposé, c'est qu'un salarié dont on modifierait le statut de façon factice devrait se prévaloir de l'article 122 de la loi, c'est-à-dire exercice d'un droit... Il faudrait, en fait, que ce salarié ait été victime d'une suspension, d'un congédiement, ou d'un déplacement, ou de représailles. Là, il faudrait qu'il porte plainte, puis en vertu d'une pratique interdite, exercice d'un droit, c'est-à-dire demander le maintien de son statut de salarié. Mais, si ce salarié n'a pas subi de représailles ou de congédiement, bien il n'en a pas de recours.
Donc, on voudrait avoir un recours plus direct. On pense que ça éviterait beaucoup de difficultés d'application, là. Pour simplifier et améliorer l'exercice du recours, ce qu'on propose, c'est de créer au chapitre V de la loi une nouvelle section qui s'appellerait Recours à l'encontre d'une modification du statut de salarié. Ça stipulerait que la personne qui veut maintenir son statut de salarié, qui croit que les changements apportés par son employeur à son statut n'ont pas pour effet de rompre le lien de subordination qui la lie à cet employeur, peut déposer une plainte à la Commission, et, bon, bien, le commissaire aurait les mêmes pouvoirs que ceux qui sont prévus en cas de congédiement.
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(15 h 10)
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Et, chose importante, il faudrait que le délai de prescription pour ce recours soit de six mois, parce qu'on sait que, concrètement, ça peut prendre plusieurs mois pour qu'un travailleur ou une travailleuse réalise que le changement de statut était factice puis qu'au fond il est un faux autonome. Il faut le voir comme dans la pratique. Alors, il faut avoir un délai de prescription qui est suffisamment long. Alors, je termine sur cette question du travail autonome et je repasse la parole à Françoise.
Le Président (M. Rioux): Mme David.
Mme David (Françoise): Alors, moi, je vais maintenant intervenir sur la question des gardiennes et domestiques. Sur la question des domestiques, que nous préférons appeler aides familiales, merci, c'est parfait. Surtout, ne changez plus rien, on est extrêmement contentes.
Sur la question des gardiennes, d'abord nous voulons attirer votre attention sur le libellé, où on parle d'entraide communautaire. Et c'est un libellé qui nous fait peur parce que ça pourrait donner l'impression que, si une personne est envoyée pour faire du maintien à domicile dans une famille auprès d'une personne handicapée ou âgée et qu'elle provient d'un organisme communautaire, cette personne pourrait ne pas être incluse dans la loi. Alors, évidemment, ça ne convient pas. Nous voulons simplement proposer un changement au libellé, à ce moment-là, pour parler d'une relation d'entraide familiale ou provenant de la communauté. Donc, ce n'est pas un changement qui est majeur, mais ça apporte une précision intéressante.
Deuxièmement, et c'est encore plus important...
Le Président (M. Rioux): ...que ça nous échappe, là, répétez donc ça un peu, que je prenne ça en note, là.
Mme David (Françoise): Mais là vous allez allonger 30 secondes à mon 15 minutes, là.
Le Président (M. Rioux): Ah bien, continuez alors.
Mme David (Françoise): Ha, ha, ha! Je reviendrai en période de questions. Toujours en ce qui a trait aux gardiennes, alors, il y a dans le projet de loi ? et nous le saluons ? une volonté d'inclusion. C'est la première fois, nous en sommes heureuses. Cependant, les gardiennes sont exclues de l'application de la semaine normale de travail. Nous ne trouvons pas ça normal, ça veut dire que ces femmes-là n'auraient jamais de temps supplémentaire. Nous voulons, en fait, quant à nous, l'inclusion générale de toutes les normes dès l'entrée en vigueur de la loi, à l'exception du salaire minimum. On propose de rehausser progressivement le salaire de ces femmes ? je dis femmes parce que ce sont des femmes la plupart du temps ? pour qu'au bout de cinq ans elles aient le même salaire minimum que tout le monde. Ça nous paraît extrêmement long. Je souligne qu'ici on parle de salaire minimum. Alors, cinq ans pour y arriver, c'est une éternité. Nous proposons deux ans, ce qui nous apparaît être un délai suffisant pour que le gouvernement puisse réfléchir, comme nous le lui demandons depuis plusieurs années, à des mesures de support aux familles qui ont des besoins de garde particuliers, aux personnes handicapées, aux personnes âgées.
Ça fait très longtemps qu'on dit: Ce n'est pas aux travailleuses à payer le prix des services qu'on considère essentiels, là, qui sont donnés dans des familles. On conçoit que, pour certaines familles, ça peut être des coûts qui dépassent leur capacité. Il nous semble que c'est à l'État, donc à nous tous, à nous toutes, de soutenir ces familles et ces personnes. Et, finalement, là-dessus, on répète encore une fois qu'il s'agit là d'un travail presque exclusivement féminin et qu'il est plus que temps que le travail des femmes soit reconnu à sa juste valeur.
Je vais maintenant vous parler de conciliation famille-travail-vie personnelle. Et vais aborder seulement trois points, parce que le temps va nous manquer, mais peut-être qu'en période de questions on pourra répondre sur d'autres points.
D'abord, les congés pour responsabilités familiales, nous disons bravo pour le nombre, 10; bravo pour l'élargissement de la portée de l'article, c'est-à-dire ce n'est pas seulement pour les enfants mineurs; et bravo pour la levée des restrictions. Mais nous demandons qu'au moins une de ces journées soit payée. La plupart du temps, ce sont les femmes qui prennent ces journées, des journées sans solde, des journées où les femmes, donc, perdent un revenu qui est souvent déjà modeste, un revenu qui, statistiquement parlant, est déjà moindre que celui des hommes. Encore une fois, nous considérons qu'il est plus que temps de reconnaître la contribution sociale majeure des femmes qui consiste très souvent à s'occuper des autres. Nous considérons notre demande extrêmement minimale lorsque nous disons une journée payée sur les 10 et nous savons déjà que plusieurs groupes vont plus loin que nous. Alors, on vous demande vraiment d'ouvrir une brèche et, au fond, de nous rendre collectivement responsables de soutenir les femmes et les hommes qui s'absentent du travail pour prendre soin d'une personne.
Deuxième point sur conciliation famille-travail-vie personnelle, le droit de refus de faire du temps supplémentaire. Alors, encore là, enfin il y a un droit de refus. Au Bas de l'échelle peut vivre avec le 50 heures-semaine même si nous demandions 45, mais nous ne pouvons pas accepter que, sur une base quotidienne, ce droit de refus s'exerce après 12 ou 14 heures par jour selon les cas. En fait, après 12 heures par jour, la question ne devrait même plus se poser, la question d'avoir le droit ou non de refuser de faire du temps supplémentaire. Ce que nous voulons, c'est qu'un travailleur, une travailleuse puisse refuser d'en faire après une heure de plus que son horaire habituel comme c'est le cas, selon les données du ministère, en Ontario et au Manitoba. Ce que ça veut dire, en fait, c'est: On peut faire du temps supplémentaire ? beaucoup de salariés, et particulièrement les bas salariés, en font et veulent en faire ? mais on doit pouvoir refuser parce qu'on suit un cours ou parce que nos enfants ont besoin de nous. On doit pouvoir refuser aussi parce qu'on est fatigué, qu'on est stressé, que notre santé en souffre. Et ça, il y a de multiples études qui sont là pour le démontrer.
Et, finalement, toujours sur ce sujet, la question du retour au poste habituel ? nous avons entendu, ce matin, plusieurs commentaires là-dessus ? retour sur le poste habituel après un congé de maladie, ou un congé de 12 semaines pour prendre soin d'un proche, ou les congés de maternité et parentaux, je veux simplement vous dire rapidement ? et on pourra y revenir ? qu'Au Bas de l'échelle tient à ce que la salariée ou le salarié qui a donc dû s'absenter pour de très bonnes raisons puisse revenir sur son poste habituel. Mais nous pourrons y revenir, et je passe la parole à ma compagne.
Le Président (M. Rioux): Mme Paquet.
Mme Paquet (Esther): Alors, je vais vous parler du harcèlement psychologique au travail. Je pense que vous doutez qu'Au bas de l'échelle accueille très, très favorablement les propositions qui portent sur le harcèlement. Moi, je tiens, aujourd'hui, particulièrement à remercier les gens qui ont travaillé là-dessus, parce que je sais qu'il y a des équipes, en arrière, qui ont travaillé très fort. Ce n'était pas un dossier facile, et je trouve qu'il y a un excellent travail qui a été fait, puis on tient à le souligner.
Alors, ce qui est proposé, pour nous, c'est une avancée majeure pour les travailleurs et les travailleuses, puis on est vraiment... C'est un problème qui coûte cher à tout le monde, qui coûte cher aux entreprises, qui coûte cher aux salariés, qui coûte cher à la société en général. On trouve très courageux d'avoir effectivement décidé de s'attaquer à ce problème-là. Et, moi, ce que j'ai envie de... J'ai décidé de changer un peu la présentation que j'avais prévue pour répondre un peu à ce qui a été dit ce matin, là, ce que j'ai envie de vous dire, c'est pourquoi Au Bas de l'échelle demande depuis des années qu'il y ait un recours contre le harcèlement psychologique au travail. C'est parce que, depuis des années, on a des appels à tous les jours de centaines de personnes qui vivent des problèmes de harcèlement au travail, de personnes qui sont démolies, de personnes qui ne sont plus en mesure, souvent, de retourner au travail, parce que, la plupart du temps, les impacts sont tellement graves que les personnes doivent être retirées de leur milieu de travail, et ces personnes-là sont absolument estomaquées quand on leur explique qu'il n'y a pas de recours. Alors, ça fait longtemps qu'on le dit, il y a un problème majeur et il faut apporter des solutions à ce problème-là.
Alors, écoutez, nous, on a étudié la question avec des juristes, avec des gens spécialisés en droit civil, en santé et sécurité, au niveau des droits de la personne. On sait que les recours à la CSST, la plupart du temps, ce n'est pas reconnu, il faut aller en appel, en deuxième instance. Avec la Charte, il n'y a à peu près pas de recours. Au niveau civil, les non-syndiqués, ils n'ont pas les moyens d'aller au niveau du civil. Écoutez, le meilleur véhicule législatif, c'est la Loi sur les normes du travail. C'est la conclusion à laquelle on en est arrivé, et c'est pour ça qu'on est très satisfait de voir ce recours.
Alors, autre chose, c'est important d'avoir un recours là-dessus dans la Loi sur les normes du travail, parce que, dans les cas de harcèlement, il faut agir le plus vite possible. Il faut agir tôt, il faut agir au début du processus, parce que, plus on attend, plus la situation se dégrade et plus la réintégration à l'emploi devient difficile. À un moment donné, il y a comme une espèce de point de non-retour qui est atteint, on n'est plus capable de rétablir la situation. C'est pourquoi il faut avoir un recours qui va être accessible rapidement. En fait, ce recours a un effet qui sera, nous l'espérons, dissuasif et qui est, dans un certain sens ? et je le dis entre guillemets, avec prudence ? préventif, parce que justement les gens n'auront pas besoin d'attendre d'être malades pour essayer d'avoir, s'ils sont très, très chanceux, une indemnisation à la CSST. Bon.
Alors, on pourra revenir plus longtemps tout à l'heure au niveau des questions, mais, ceci dit, nous avons des commentaires à faire au niveau du libellé. La définition, selon nous, apporte un fardeau de preuve qui est assez lourd, qui est trop lourd sur le dos des salariés, parce que la façon dont c'est libellé, un juriste va vous dire: Il y a trois exigences qui sont sur le dos des salariés, il faut prouver une atteinte à la dignité, il faut prouver une atteinte à l'intégrité psychologique ou physique et il faut prouver les conséquences préjudiciables. Alors, vous savez que prouver une atteinte à la dignité, ce n'est pas simple. Prouver une atteinte à la dignité qui va être couplée d'une atteinte à l'intégrité, c'est encore plus lourd. Et arriver avec, en plus, l'obligation de faire preuve de conséquences préjudiciables, on trouve que c'est très exigent. Et la peur qu'on a, c'est que ça force les gens à rester en emploi jusqu'à ce qu'ils tombent malades pour être en mesure de prouver qu'ils ont des conséquences préjudiciables. Et le but du recours, c'est que les gens puissent porter plainte avant de tomber malade. Donc, c'est pour ça qu'on propose des modifications au libellé, et on aimerait que ce libellé se rapproche davantage de ce que proposait le comité interministériel qui a travaillé sur cette question-là.
Ah, pas déjà! Quelle horreur! Alors, bref, vous verrez qu'on propose un nouveau libellé. Et le recours correspond tout à fait à nos attentes. Le recours, il est absolument réaliste et efficace. Nous avions d'autres commentaires, que vous regarderez, au niveau des uniformes, des outils, du pourboire, qui étaient importants et sur l'article 124 aussi qui doit être accessible après un an de service continu.
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(15 h 20)
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Le Président (M. Rioux): C'est parce que vous avez un bon discours que ça paraît si court. Les bonnes choses sont courtes, de toute façon. Alors, je cède maintenant la parole à M. le ministre.
M. Rochon: Merci, M. le Président. Et merci pour votre contribution, votre travail assidu et rigoureux sur ces questions. On n'aura pas le temps, comme vous avez dit, de tout revoir, là. Le but d'un court échange comme ça, ça va être de bien s'assurer qu'on saisit bien, là, les représentations que vous nous faites aujourd'hui pour voir comment on peut continuer notre réflexion quand la commission va continuer à travailler là-dessus.
Un premier point que vous avez soulevé, sur la question du changement du statut de salarié, là, la protection... Je ne reviens pas sur la discussion jusqu'où on peut aller, là, je l'ai en tête, là. Mais, jusqu'où on peut aller pour couvrir le plus grand possible sans attendre le rapport du comité Bernier, et tout ça, là, je suis conscient de votre préoccupation là-dessus. Je ne suis pas du tout opposé à aller le plus loin possible. Au contraire, on va continuer à travailler pour s'assurer qu'on se rende le plus loin possible, là, puis qu'on ne s'arrête pas avant le point qu'on aurait pu franchir, là, autrement.
Maintenant, sur cette question de la référence au recours général de l'article 122 pour quelqu'un à qui on aurait changé le statut, je saisis bien que votre compréhension de la lecture de l'article 122, c'est qu'il faut que la personne ait eu un changement de statut factice, non réel et qu'elle ait eu des représailles en plus parce qu'elle n'a pas voulu l'accepter, et c'est seulement à ce moment-là, après les représailles, qu'elle a recours. Bon, si le recours de 122 est possible parce qu'on a fait un changement de statut injustifié, votre objection ne tient pas à ce moment-là. Votre objection tient au fait qu'on oblige le cumul, en fait, et du changement de statut, du refus et des représailles successives.
Mme Paquet (Esther): En fait, c'est que le lien entre la norme et le recours n'est pas clair. On a regardé le projet de loi puis on a dit: Il est où, le recours? Bien, là, le recours, il faut qu'il passe comme par une pratique interdite. Ce n'est pas assez fort. Ce n'est pas assez fort, je veux dire, il faut vraiment être capable d'avoir un... Parce que là c'est trop limitatif, là. Une personne dont on change le statut, qui va voir son employeur, qui dit: Écoutez, moi, je ne suis pas d'accord pour devenir travailleur autonome, d'autant plus que vous me gardez dans un lien de subordination, puis que l'employeur dit: Bien non, mais c'est comme ça, c'est tout, mais qu'il n'y a pas de congédiement, de représailles, bien il n'y a pas de recours.
M. Rochon: Bien, on va examiner ça, parce que l'intention, ce n'était pas d'être restrictif. Mais, par contre, on ne voulait pas non plus être redondant en reprécisant à tout bout de champ des recours dans la loi s'il y a déjà un article qui prévoit les recours. Alors, on va s'assurer, là, que l'ajustement est fait correctement.
Bon, pour aller aux plus gros points à cause du temps qui nous presse, je prends bonne note, là, de votre suggestion, d'autres groupes, même si on commence la commission, ont déjà soulevé la question de la définition de l'entraide familiale et de s'assurer qu'on est plus précis. Ça, on est ouvert à tous les commentaires là-dessus, là, puis on sent qu'on est vraiment dans quelque chose de nouveau, là, et qu'il faut trouver les bonnes expressions et s'assurer que les interprétations, pour ceux qui auront à vivre avec la loi, ce ne sera pas trop difficile. Alors, on reçoit bien vos commentaires, puis on va travailler là-dessus.
La question de la semaine normale de travail pour les gardiennes, toujours, tout ce que je veux dire pour le moment, là, c'est que je comprends très bien ce que vous suggérez. Vous savez que notre préoccupation, là-dessus, en termes des équilibres qu'on cherche et du temps qu'on veut se donner, c'est de bien s'assurer qu'en améliorant le sort des gardiennes ? parce que, effectivement, c'est surtout des femmes, là ? gardiens ou gardiennes, on ne crée pas une difficulté que les familles qui les engagent ne pourraient pas porter, là. Alors, ça, ça a été vraiment notre préoccupation et ça va nécessairement guider, là, ce qui sera notre décision finale.
Sur le harcèlement, vous lisez l'article qui le définit, quand on dit «qui porte atteinte à la dignité, à l'intégrité psychologique ou physique du salarié et qui entraîne...» Vous les jugez comme étant nécessairement cumulatifs, qu'il faut qu'il y ait une atteinte à tous pour être applicable.
Le Président (M. Rioux): Mme Paquet.
Mme Paquet (Esther): Oui, je pense qu'il y a plusieurs juristes qui pourraient vous dire qu'effectivement c'est cumulatif. Ce n'est pas «ou», c'est une énumération. Dans les deux premiers cas, les deux premiers éléments, il y a une virgule, hein? Alors, vous vérifierez...
M. Rochon: On va vérifier.
Mme Paquet (Esther): ...il y a des juristes qui pourront vous confirmer ça. Mais, moi, j'ai vérifié, puis c'est ce qu'on me dit. Alors, ça pose problème. Un petit «ou», là...
M. Rochon: Bien, je peux vous dire que l'intention... Ce n'est pas encore du législateur parce que le législateur ne s'est pas prononcé, mais de la rédaction de l'avant-projet, ce n'était pas de les mettre cumulatifs. Parce que, quand on lit l'article, on dit «qui porte atteinte à la dignité, à l'intégrité physique ou psychologique et qui entraîne des conséquences». Là, il faut les deux, mais, dans l'intention, c'était un ou l'autre. On va s'assurer que l'écriture finale précise l'interprétation. Ça, c'est un bon point.
Dernière remarque, M. le Président... Ou commentaire ? ce n'est pas une remarque ? sur ce que vous nous demandez, la fameuse question, là, des congés parentaux qui passent de cinq à 10, d'en avoir un de payé. Ça, je veux juste souligner, c'est revenu à chaque fois que notre difficulté, quand on aura à juger puis à discuter, est celle de l'impact financier. Et une journée de congé, d'après les estimations qu'on a actuellement, dépendant sur quelles bases on fait l'évaluation... Salaire minimum, ça peut vouloir dire à peu près 150 millions d'impact financier pour les entreprises. Si on prenait le salaire industriel moyen, ça peut aller à 400 millions. Alors, c'est là, là, qu'est la difficulté. En principe, je pense, ce que vous dites a plein de sens, là, on n'a pas d'objection à ça, mais il faut s'assurer de voir que ce qu'on va faire là peut être applicable. Là, je vous dis que, dans la décision, ce n'est pas une question de principe qui nous dérange là-dessus, c'est vraiment l'applicabilité de notre mesure par la suite.
Le Président (M. Rioux): Merci. Mme la députée de Terrebonne.
Mme David (Françoise): Est-ce que je peux répondre?
Le Président (M. Rioux): Oui, oui, oui. Allez.
Mme David (Françoise): Oui, juste un mot. D'abord, j'aimerais ça qu'on comprenne qu'il ne s'agit pas d'un congé comme un autre congé. Je suis certaine qu'on se comprend là-dessus, là. Ce n'est pas un congé pour se reposer, pour aller à la pêche, à la chasse ou à je ne sais quoi, c'est un congé pour s'occuper de gens en difficulté qui sont nos enfants ou nos proches. Alors, je comprends qu'on dit: C'est un congé, bon, parce que, ce jour-là, on n'est pas au travail. Ou cet après-midi-là, parce que, comme c'est fractionnable, il peut s'agir simplement d'une couple d'heures pour aller à l'école. J'ai beaucoup de difficultés à comprendre en quoi le fait qu'il y ait dans une année quelques heures qui puissent être prises avec solde, ce que certains employeurs donnent déjà d'ailleurs, hein, gentiment, là, à une femme qui, très souvent, va s'occuper d'une personne... J'ai de la misère à comprendre comment on peut dire que ça coûte si cher étant donné que, la plupart du temps, ça va être une question de quelques heures, qu'on ne remplacera pas cette personne pour quelques heures. Et, on parle d'une fois par année, là, ou peut-être de deux, si c'est fractionnable, mais ce n'est pas plus, c'est évident qu'on ne la remplacera pas, c'est évident qu'elle va travailler encore plus les heures suivantes, parce que c'est comme ça que ça se passe. Moi, je trouve ça important qu'on considère vraiment là-dedans la responsabilité sociale que nous avons collectivement d'appuyer cette prise en charge des personnes.
Le Président (M. Rioux): Merci. Mme la députée de Terrebonne.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, Mme David, Mme Paquet, d'abord je veux vous remercier pour la qualité du travail, mais pour la qualité du travail que vous faites aussi au quotidien avec toutes les personnes qui font appel à vous. Et je pense que nous considérons que vous êtes effectivement, au niveau des groupes ? et puis tous les groupes qui vous appuient le démontrent ? la voie des non-syndiqués, et donc cette loi-là, le travail que vous avez fait, il est majeur au niveau de cette adoption de la loi.
Vous avez fait certaines recommandations ? vous n'avez pas eu le temps d'y arriver, là ? concernant les uniformes, les outils. Je pense que c'est des précisions qui sont importantes, qui peuvent apporter des correctifs intéressants.
Je veux revenir, parce qu'on a parlé, puis ça ne m'apparaît pas très clair dans le questionnement, de toute la question du retour au poste habituel. Alors, vous avez dit: On y tient puis on est prêts à y revenir en période de questions. Donc, j'aimerais que vous nous précisiez votre pensée à ce niveau-là. Est-ce que le texte, tel qu'il est rédigé, est correct? Et qu'est-ce que vous souhaitez véritablement à ce niveau-là?
Mme David (Françoise): Alors, oui, le texte, tel qu'il est rédigé, nous convient, et nous ne voudrions surtout pas le changer. Alors, en même temps, je réponds à ce que nous avons entendu ce matin. Dans le cas où le poste continue d'exister de la façon que c'était avant que, disons, la salariée ou le salarié s'absente, bon, bien, il n'y a pas de problème. On ne voit aucune raison pour laquelle cette personne-là ne reviendrait pas sur son poste habituel.
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(15 h 30)
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Dans le cas, qui a été mentionné ce matin, où le poste aurait entre-temps été aboli pour quelque raison que ce soit, ce que nous disons, c'est que cette personne ? et c'est ce qui est dit dans le projet de loi, nous semble-t-il ? devrait avoir les droits qu'elle aurait eus si elle avait été à l'emploi au moment de l'abolition du poste. Alors, s'il s'agit d'une entreprise de taille moyenne ou grande, il se peut qu'on puisse lui offrir effectivement dans ce cas-là un poste comparable en termes de responsabilité, salaire, avantages sociaux. S'il s'agit ? parce qu'on nous a dit aussi ça ? d'une très petite entreprise où il n'y a pas possibilité de reclassement, eh bien, on lui donnera le dédommagement qu'on lui aurait donné si elle avait été à l'emploi.
Donc, pour nous, il est hors de question de dire: poste habituel ou comparable. Ce qui va amener très souvent des employeurs ? parce que c'est déjà la pratique ? d'envoyer la personne sur le poste comparable plutôt que habituel. Alors, poste habituel, mais, s'il est aboli, bien entendu, nous comprenons très bien qu'on voudra ou bien replacer la personne ou bien lui donner un dédommagement.
Le Président (M. Rioux): Mme la députée de Terrebonne.
Mme Caron: Oui. Je vous remercie. Je pense que c'est clair comme position.
J'aimerais maintenant vous entendre au niveau de toute la question... au niveau de la précarité. Il va y avoir effectivement le rapport Bernier. Mais quels sont les éléments que vous croyez que nous pourrions immédiatement amener pour aller un peu plus loin?
Le Président (M. Rioux): Mme Paquet.
Mme Paquet (Esther): Oui. Alors, nous, ce qu'on demande, c'est qu'on introduise dans la loi un principe d'égalité de traitement entre les travailleurs précaires ou, en fait, entre les personnes qui n'ont pas un statut de régulier temps plein et les personnes qui ont un statut de régulier temps plein dans une même entreprise au plan salarial et au plan des avantages sociaux. Je vous donne un exemple. On peut retrouver dans une même entreprise sur une chaîne de montage, par exemple... Je ne veux pas qu'on prenne cet exemple-là comme étant... ce n'est pas nécessairement un cas type, là, ça peut arriver dans toutes sortes de milieux. Par exemple, sur une chaîne de montage, on peut retrouver un travailleur ou une travailleuse qui est engagée directement par l'entreprise, qui va avoir, je ne sais pas, on va dire 15 $ de l'heure et certains avantages sociaux. Sur la même chaîne de montage, à côté, il pourrait y avoir une personne engagée par l'entremise d'une agence de placement temporaire, même si on dit temporaire, elle peut être là depuis 10 ans ? ce qu'on peut questionner déjà énormément ? et l'écart salarial peut être de l'ordre de 20 à 40 %. Ça, c'est sorti du rapport Tapin qui date de 1987, à peu près. Il y a très peu d'autres études qui ont été faites là-dessus plus récemment. Mais, bon, donc il y a un problème en termes de discrimination salariale.
Dans la loi, actuellement, il y a l'article 41.1 qui vient interdire la discrimination salariale pour les gens qui travaillent à temps partiel, c'est-à-dire qu'on ne peut pas payer quelqu'un moins cher pour le seul motif que cette personne-là travaille habituellement moins d'heures par semaine, si elle fait les mêmes tâches, les tâches équivalentes, O.K. On exclut de cette protection les gens qui gagnent plus de deux fois le taux du salaire minimum. Bien, vous voyez, on se retrouve avec une protection qui ne vise que les temps-partiels, qui ne gagnent pas plus de deux fois le taux du salaire minimum, donc c'est très restreint. Nous, on trouve que cette discrimination salariale devrait être interdite, pas juste pour les temps-partiels. C'est comme si on vient dire qu'elle est acceptable pour d'autres catégories de travailleurs et de travailleuses. Donc, on veut l'interdire pour les gens qui ont des contrats à durée déterminée, qui sont pigistes, qui sont sur appel, bref, qui ont un statut d'emploi plus précaire.
Et la question des avantages sociaux, évidemment, en proportion des heures travaillées devrait aussi être accordée.
Le Président (M. Rioux): Merci. Ça va? La Centrale des syndicats du Québec, cet avant-midi, nous a parlé de la définition. Puis eux autres, ils rejoignent dans leur pensée que la définition qui était donnée par le comité ministériel, qui était chargé de faire cette étude-là sur le harcèlement psychologique, était plus conforme. Vous autres aussi, je crois que vous avez un petit problème avec la définition. On en a parlé avant la séance, Mme Paquet. Est-ce que la pensée de la CSQ... Est-ce que vous rejoignez ce mouvement?
Mme Paquet (Esther): Bien, je vais parler de la nôtre plutôt que celle de la CSQ parce que je ne suis pas certaine... je veux dire, j'ai peut-être été à l'extérieur à un moment donné, donc je ne voudrais pas... ce n'est pas parce que je ne suis pas d'accord avec eux, là, mais je ne suis pas en mesure de répondre exactement par comparaison.
Le Président (M. Rioux): Mais votre position, oui, c'est ça.
Mme Paquet (Esther): Notre position à nous, comme je l'expliquais tout à l'heure, c'est que le fardeau de preuve... le problème avec la définition, c'est qu'elle amène un fardeau de preuve trop lourd.
Le Président (M. Rioux): O.K.
Mme Paquet (Esther): Donc, il faut revoir cette définition-là dans la perspective d'alléger le fardeau de preuve. C'est pour ça qu'on demande qu'il y ait un changement en termes de définition. La définition en dehors de cet aspect du fardeau de preuve, elle n'est pas mauvaise, je veux dire, elle se rapproche de ce qu'à peu près tous les spécialistes de la question proposent. On n'est pas complètement dans le champ avec la proposition, mais elle impose un fardeau de preuve qui est trop lourd.
Le Président (M. Rioux): Très bien. Merci. M. le député de Mont-Royal.
M. Tranchemontagne: Bien. Merci, M. le Président. Tandis qu'on est sur le harcèlement psychologique... Bien, bonjour. Merci d'être ici, merci aussi pour votre rapport. Je veux juste poursuivre sur le harcèlement psychologique pour terminer là-dessus. Pouvez-vous m'expliquer exactement quand vous dites que c'est trop lourd, le fardeau de la preuve qui est exigé de la part du salarié? Aidez-moi à comprendre.
Mme Paquet (Esther): Alors, il est trop lourd parce que les salariés vont avoir trois éléments de preuve à faire. Ils vont devoir prouver qu'ils ont eu une atteinte à la dignité, ils vont devoir prouver qu'ils ont une atteinte à l'intégrité psychologique et physique et ils vont devoir prouver qu'il y a des conséquences préjudiciables. La question des conséquences préjudiciables, ce que je disais tout à l'heure, le problème que ça risque d'entraîner, c'est que les gens vont rester avec le problème jusqu'à ce qu'ils tombent malades pour être en mesure de démontrer qu'ils ont des conséquences préjudiciables. Nous, c'est la crainte qu'on a. Et comme je vous disais, c'est important de pouvoir agir tôt dans le processus, de pouvoir intervenir tôt.
Et ce qui est intéressant avec le recours, c'est que le recours, ce qui est prévu, c'est qu'une personne porte plainte, il y a une enquête qui est faite par la Commission et il y a une médiation, il y a un processus de médiation qui entre en ligne de compte, qui est mené par la Commission des relations du travail, si je ne me trompe pas. Donc, il y a différentes étapes avant d'en arriver à l'étape de la judiciarisation. Ce n'est pas vraiment que... M. Taillon, ce matin, disait que ce que M. Rochon propose, c'est d'aller direct à la judiciarisation. Moi, je ne suis pas d'accord avec cette analyse-là du tout parce qu'il y a des étapes précédant la judiciarisation, justement, une étape d'enquête puis une étape de médiation. Et ça permet de pouvoir intervenir. D'où je vous dis que c'est essentiel, cet aspect-là des choses est absolument essentiel.
Le Président (M. Rioux): O.K. M. le député.
M. Tranchemontagne: D'accord. Merci de votre réponse. Par contre, je voudrais juste, sans défendre le Conseil du patronat de ce matin, là... je pense que les étapes préalables qu'eux autres parlaient, c'était une sensibilisation des entrepreneurs, une sensibilisation des travailleurs, aussi, que ça existe, le harcèlement psychologique, et comment on le définit, etc., comment on le perçoit dans l'entreprise. Quels sont les gestes que les gens posent, qui en arrivent... Moi, c'est ce que j'ai compris de la part du Conseil du patronat avant d'arriver à la judiciarisation. Comment vous réagissez à mon interprétation, en tout cas?
Mme Paquet (Esther): Elle n'est pas fausse, mais, moi, j'ai compris qu'il y avait ça et aussi qu'on voyait qu'il y avait immédiatement judiciarisation. En tout cas, moi, je ne comprends pas ce qui est présenté de cette façon-là. Vous savez, on n'est absolument pas contre le fait qu'il y ait du support aux entreprises, mais il faudrait que... La question du recours, on n'a jamais dit que ça ne prenait qu'un recours. Point à la ligne. On n'a jamais dit ça. On a toujours dit que ça prend autre chose, mais la question du recours est au coeur de la solution par exemple. Ça fait qu'il n'est pas question de mettre en place des politiques pour les trousses d'aide aux employeurs puis pas de recours. Ce n'est pas comme ça qu'on va régler le problème. Et puis le problème... De la sensibilisation, moi, je pense que ça fait des années qu'on en fait, qu'on en parle dans les médias au Québec, on a fait un bout de chemin là-dessus, là. On est rendu plus loin que ça. On n'a pas de problème à ce qu'il y ait des campagnes publiques, à ce qu'il y ait des mesures de support, mais il faut qu'il y ait un recours. Ça, on ne peut pas passer à côté, c'est inévitable.
M. Tranchemontagne: Si vous permettez...
Le Président (M. Rioux): M. le député.
M. Tranchemontagne: ...je vais passer à un autre sujet. Dans le cas des gardiennes ? je pense que c'est vous qui l'avez soulevé ? dans le cas des gardiennes, vous dites... bien, vous objectez au fait qu'elles soient exclues de la possibilité de faire du temps supplémentaire. Par définition, une gardienne ou un gardien, pour être plus juste, c'est une personne qui travaille aujourd'hui chez moi, demain chez vous, après-demain ailleurs, etc. Comment vous voyez que c'est possible de payer du surtemps? Comment est-ce qu'on gérerait ça dans le cas des gardiennes?
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(15 h 40)
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Mme David (Françoise): Là, je pense qu'il va falloir y aller avec un ensemble de situations. Les femmes, par exemple, qui sont employées via le chèque emploi-services ? je dis «femmes», dans ce cas-ci je peux me le permettre, là, c'est si rare qu'on dise «femmes», mais ça inclut les hommes aussi ? bon, elles sont en fait... il y a une évaluation qui est faite des besoins de la famille ou des personnes âgées par les CLSC. Ces femmes-là peuvent aller effectivement dans plusieurs logements mais, à la fin d'une semaine, on va savoir combien d'heures de travail elles ont faites, et, si elles débordent le 40 heures-semaine, moi, je ne vois pas pourquoi elles n'auraient pas de temps supplémentaire. Il faudrait sans doute trouver le mécanisme par lequel ça devrait se faire. Dans le cas du chèque emploi-services, je rappelle qu'on parle d'un programme qui est un programme mis en place par l'État quand même.
Dans beaucoup d'autres cas, les gardiennes sont des personnes ? gardiennes ou gardiens ? qui déjà travaillent 35 ou 40 heures-semaine dans une famille, auprès d'une personne âgée qui, par exemple, a des problèmes avec la maladie d'Alzheimer, c'est un exemple que je donne, ou une personne handicapée qui doit absolument avoir quelqu'un auprès d'elle à la semaine longue. Alors, là, ce ne sera pas tellement difficile de savoir qu'est-ce qui se passe. Je pense qu'après 40 heures-semaine on pourra effectivement payer du temps supplémentaire.
En fait, on est prêt à comprendre qu'il puisse y avoir des cas particuliers. Ce que nous voudrions voir, c'est une, comment je dirais, une règle générale qui ferait que les gardiennes et gardiens bénéficieraient de la couverture de la Loi sur les normes du travail non seulement sur la semaine normale de travail, mais dans tous les aspects, et ce, dès l'entrée en vigueur de la loi. La seule exception que nous faisons, c'est pour le salaire.
M. Tranchemontagne: Bien. Est-ce que je vous comprends bien? Ce que vous me dites, c'est qu'il y a possibilité, règle générale, de payer ou de déterminer le temps que ces gens-là font?
Mme David (Françoise): Je pense que oui, parce que beaucoup de gardiennes d'enfants, par exemple, à domicile... parce que, je ne sais pas, moi, si c'est une mère monoparentale, elle travaille de 4 heures à minuit, il n'y a pas d'agence de services de garde, il n'y a pas de garderie, bon, etc., elle va possiblement travailler 40 heures, elle va avoir la même gardienne durant les 40 heures, alors si ça déborde, si on arrive, je ne sais pas, à 45 ou 50 heures, je ne vois pas pourquoi on ne paierait pas du temps supplémentaire.
Je conviens qu'il puisse y avoir des cas, comme vous le soulevez, où la personne va de maison en maison et je conviens que dans ces cas-là il faut regarder qui est l'employeur, qui, dans ces conditions-là, va payer le temps supplémentaire, mais je ne voudrais pas qu'on exclue la majorité ou la totalité des gardiennes de la loi parce qu'il y aurait peut-être des cas particuliers à regarder.
M. Tranchemontagne: Dernier sujet, après ça je passe la parole au député de Laurier-Dorion. Au niveau du retour au poste habituel, vous avez manifesté que vous êtes d'accord avec le poste habituel, sauf que, en même temps que vous dites ça, vous commencez à le baliser, le retour au poste habituel. Vous dites: Si le poste habituel n'existe pas, bien, si c'est une grande entreprise, ce serait un poste équivalent ou semblable, même salaire, même rémunération, en fait, et vous allez aussi dire que, si c'est une plus petite entreprise puis vraiment le poste est disparu, bien, à ce moment-là, la personne sera... il sera accessible pour elle d'avoir les mêmes bénéfices que si elle avait travaillé au moment de la disparition de son poste.
Mais, tout en expliquant tout ça, n'êtes-vous pas d'accord que le retour au poste habituel n'est pas clair justement, n'est pas suffisant dans le texte de loi?
Le Président (M. Rioux): Mme David.
Mme David (Françoise): Oui.
Le Président (M. Rioux): Allez.
Mme David (Françoise): Au niveau du texte de loi, ce qui nous paraît très clair, c'est qu'on dit que la personne devra revenir sur son poste habituel. On l'a lu au moins à trois reprises dans la loi avec des situations différentes, là: congé de maternité, de maladie et congé de 12 semaines pour prendre soin d'un proche. Bon. Alors, ça, ça nous paraît très clair.
Maintenant, dans je ne sais plus exactement quel article, là, on dit que, advenant le cas où le poste soit aboli, la personne devrait conserver les mêmes droits et privilèges que si elle avait été sur son poste. La façon dont nous comprenons cet article ? et s'il mérite d'être amélioré, évidemment, on ne sera pas contre ? je le répète, c'est que, si le poste est aboli, il doit se passer pour cette personne-là la même situation que si elle avait été au travail au moment de l'abolition du poste. C'est-à-dire qu'ou bien, au moment de l'abolition du poste, on lui aurait offert, là où c'est possible, un poste comparable avec mêmes avantages, etc., ou bien on lui aurait, je l'espère, offert un dédommagement. Alors, c'est assez simple, pour nous, la règle.
Maintenant, si le libellé mérite d'être amélioré, nous comptons sur tout le monde pour le faire, mais le principe, pour nous, est très clair: mêmes droits, exactement les mêmes droits que si il ou elle avait été au poste au moment de l'abolition.
Le Président (M. Rioux): Très bien. Je dois passer la parole à la députée de Jonquière, mais ça me prend un consentement parce que Mme la députée de Jonquière n'est pas membre de la commission. Alors, tout le monde est d'accord?
Des voix: ...
Le Président (M. Rioux): Mme la députée de Jonquière, on vous écoute avec plaisir.
Mme Gauthier: Merci. Bonjour.
Une voix: ...
Le Président (M. Rioux): Une vieille rivalité, Chicoutimi.
Mme Gauthier: Mais qui n'existe plus. Nous faisons partie de la même ville maintenant.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Gauthier: Bonjour. Moi, je voudrais avoir des précisions sur vos préoccupations concernant le degré de preuve qu'on doit apporter en vertu de quelqu'un qui est victime de harcèlement, qui subirait un congédiement ou une mesure de représailles. Parce que ma compréhension du recours, elle se retrouve à l'article 122 où il y a une présomption à l'effet que la salariée est victime de...
J'ai de la misère à vous suivre parce que... Je fais, par analogie, une présomption, qui existe, de congédiement pour activités syndicales. Tout ce qu'on a à démontrer devant un tribunal, dans le fond, c'est que ? je vais aller par analogie ? la salariée a fait une activité syndicale, a signé une carte d'adhésion syndicale puis elle a été congédiée. C'est la seule preuve qu'on doit faire, et on a établi une présomption qu'elle a été congédiée pour ses activités syndicales. Alors, je fais la même analogie en vertu de 124 et de 123, là, les recours en vertu de la Loi sur les normes; 124, le congédiement injustifié, et 122, c'est les pratiques illégales. Il y a aussi l'effet de la présomption qui s'établit. On n'a pas à prouver que nous avons été victimes de, on a à établir que nous sommes une salariée qui pense avoir subi des mesures de représailles pour des gestes de harcèlement. J'ai de la misère à comprendre votre préoccupation.
Le Président (M. Rioux): Mme Paquet.
Mme Paquet (Esther): Oui. Le recours harcèlement est un recours à part. Ce qui est proposé, c'est un recours à part du 122 et du 124, hein, ce qui est proposé ici, là. Dans la section des normes, il y a le droit à avoir un milieu de travail exempt de harcèlement, etc., et ça réfère à une nouvelle section dans la loi qui propose un nouveau recours. Donc, on ne parle plus du 122 et du 124. Bien là, en tout cas, c'est la compréhension que j'en ai.
On parle de l'article 65 du projet de loi qui crée une nouvelle... Je vais vérifier, là, pour être certaine qu'on se comprenne bien. Est-ce que je me trompe d'article? Alors, une nouvelle section créée dans la loi: Recours en cas de harcèlement psychologique au travail, article 123.5. Donc, on crée une nouvelle section. Ce n'est pas le 122 puis le 124, là. Donc, il y a quand même un fardeau de preuve qui est sur les épaules du salarié.
Je pense que ce qui est important de comprendre, c'est que, pour une personne non syndiquée, exercer un recours à la Commission des normes du travail, que ce soit pour harcèlement ou autre chose, ce n'est jamais simple. Exercer un recours, quand on est non-syndiqué ou quand on est syndiqué, ce sont deux planètes différentes. Quand on n'est pas syndiqué, on n'aura pas de témoin. Je veux dire, c'est excessivement difficile pour les non-syndiqués. Ils sont très isolés dans leur milieu de travail. Ils sont seuls face à l'employeur pour porter plainte et, vous verrez, parlez-en à des avocats qui défendent des personnes non syndiquées, essayez...
Mme Gauthier: ...23 ans, madame.
Mme Paquet (Esther): Bon, bien, vous devez savoir, à ce moment-là ? je suis contente de le savoir ? que c'est difficile d'avoir des témoins pour les personnes non syndiquées. C'est excessivement difficile. Donc, d'arriver avec un recours qui est nouveau, on est contents qu'il soit là, mais ça ne sera pas plus facile... on peut présumer que ce ne sera pas plus facile d'exercer ce recours-là que d'exercer les recours qui existent actuellement dans la loi.
On sait qu'il y a énormément de non-syndiqués qui ne se prévalent pas de leurs recours, d'abord, parce qu'ils connaissent mal la loi, parce qu'ils ont peur des représailles. On a beau leur dire: Il y a une protection pour l'exercice d'un droit, les gens ont peur d'exercer leurs recours, parfois avec raison malheureusement. Donc, c'est ça, il faut comprendre qu'il y a une difficulté. On peut difficilement comparer l'exercice des droits chez les personnes syndiquées et chez les personnes non syndiquées.
Mme Gauthier: Je voudrais juste...
Le Président (M. Rioux): Oui, Mme la députée.
Mme Gauthier: Comme je vous disais, je l'ai fait pendant 23 ans. Alors, la difficulté que je retrouvais, c'était effectivement du côté pratique, le délai que ça prenait. Vous dites que la Loi sur les normes, c'est la loi qui offre le meilleur recours. Dans la région où je pratique ? je viens du Saguenay?Lac-Saint-Jean ? avant d'avoir une date d'audition pour un congédiement illégal, des fois, je comptais 16 mois, 17 mois. Pour la personne qui est congédiée, même pour l'entreprise d'ailleurs, c'est lourd à supporter. Et j'ai toujours pensé que c'était plus facile d'y aller par la CLP, les délais étaient moins longs. Moi, je comptais six mois. Je veux dire, chez nous, les délais sont excessivement difficiles. Est-ce que vous avez eu cette préoccupation? Avez-vous des gens des régions qui vous ont dit que les tribunaux administratifs ne viennent pas en région?
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(15 h 50)
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Mme Paquet (Esther): Écoutez, les problèmes de délais, ils ne sont pas uniques aux régions, je pense. Et ça, c'est des choses qui vont varier, hein. Il y a des périodes à la Commission où les délais sont plus longs que d'autres. Il y a des fois où on peut arriver en bas de 12 mois et... Bon. Mais ça, pour moi, c'est une autre question. Je ne dis pas que ce problème-là n'existe pas, mais c'est comme un autre débat que le recours sur le harcèlement, la question des délais, là, des ressources de la Commission. Effectivement, il faut que la Commission ait des ressources pour faire face à la musique, quoi, c'est certain. Mais...
Le Président (M. Rioux): Mme Paquet...
Mme Paquet (Esther): Oui.
Le Président (M. Rioux): ...Mme David, merci 1 000 fois...
Mme Paquet (Esther): On resterait des heures et des heures.
Le Président (M. Rioux): Ça nous a fait plaisir de vous accueillir. La qualité de votre document était remarquable. Merci beaucoup.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Rioux): J'aimerais que les représentants du CANO s'installent. Le Comité d'action des non-organisé-e-s.
Mme Carrier, vous allez nous présenter vos collègues qui vous accompagnent?
Comité d'action des non-organisé-e-s (CANO)
Mme Carrier (Sylvie): Mme Andrée Desrosiers puis Michel Martel. Moi, je m'appelle Sylvie Carrier, mais ça va être Mme Desrosiers qui va vous entretenir le plus longtemps.
Le Président (M. Rioux): Mme Desrosiers.
Mme Desrosiers (Andrée): On s'est trompé. Bonjour. Alors...
Le Président (M. Rioux): Alors, vous avez 15 minutes...
Mme Desrosiers (Andrée): Nous avons 15 minutes.
Le Président (M. Rioux): ...pour nous présenter votre mémoire. On vous écoute.
Mme Desrosiers (Andrée): Alors, d'entrée de jeu, on a trouvé que 15 minutes, ce n'était pas beaucoup. Évidemment, vous avez eu le mémoire qui a été déposé quand même vendredi, qui faisait suite à notre avis. Le mémoire est une synthèse de l'avis qu'on a déposé en 2000. Ça va, M. Rioux?
Le Président (M. Rioux): Oui, oui, oui, oui.
Mme Desrosiers (Andrée): Oui. Alors, nous...
Le Président (M. Rioux): Sans contexte.
Mme Desrosiers (Andrée): Pardon?
Le Président (M. Rioux): Faites-nous...
Mme Desrosiers (Andrée): Une mise en contexte?
Le Président (M. Rioux): ...votre mise en contexte.
Mme Desrosiers (Andrée): Alors, le CANO est un groupe populaire ouvrier qui oeuvre depuis à peu près 20 ans, bientôt 20 ans, dans la région de la Mauricie, donc à la défense collective des droits des non-syndiqués à faibles revenus. Et, dans notre pratique de tous les jours, on a réalisé qu'il y avait énormément de lacunes à la Loi sur les normes du travail. On a fait des études, on a travaillé beaucoup, beaucoup, parce que ce sont les non-syndiqués qui gèrent l'organisme uniquement et ce sont eux qui amènent leur réalité, la réalité de ce qu'ils vivent. Alors, le principe qui alimente le CANO, c'est la primauté de la personne sur les profits. C'est toujours ça, là, que la personne est la plus importante. D'accord?
Alors, pour nous, le législateur... le rôle de l'État, c'est d'être le gardien des institutions démocratiques. Et la Loi sur les normes du travail se doit de protéger les plus démunis parmi les citoyens, ceux qui n'ont aucun rapport de force avec leur employeur.
C'est la raison pour laquelle le principe d'inclusion, nous y revenons toujours. Nous en avons parlé au mois de mai justement lors des premières consultations et nous y revenons, parce que cette loi devrait être une loi qui protège universellement tous les travailleurs et toutes les travailleuses du Québec, qui édicte des normes minimales de travail. Or, même dans le projet de loi, on conserve des exclusions totales ou partielles à différentes normes ou à la loi complètement, et on ne comprend pas quelle est la justification à ces exclusions. Bon. Vous en avez parlé un petit peu tout à l'heure, pourquoi est-ce qu'il y a des classes de salariés qui n'ont pas le droit d'être protégées par la Loi sur les normes du travail? Alors, c'est une de nos revendications principales qui est l'abolition de ces exclusions-là qui sont fondées souvent, quand on lit la loi, sur des motifs d'âge, de sexe, de statut d'emploi ou d'employeur lui-même, d'accord. Alors, c'est évident que, nous, on recommande qu'il y ait abolition de toutes les exclusions de la loi pour que la Loi sur les normes du travail soit une politique de travail pour tous les non-syndiqués.
Autre chose qu'on se rend compte et, bon, ça a fait partie de nombreuses campagnes depuis plusieurs années, il y a de plus en plus... La Loi sur les normes du travail a été adoptée en 1979 alors que le type d'emploi était un emploi stable à temps plein pour la même entreprise pendant plusieurs années. Ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. On se rend compte que l'emploi se précarise de plus en plus. Alors, les employeurs multiplient les statuts d'emploi, que ça soit à temps partiel, occasionnel sur appel, surnuméraire, contractuel, sur des programmes et pour mesures d'employabilité, autonome, des agences de placement temporaire, etc. Donc, ces catégories de travailleurs et de travailleuses sont peu ou pas protégées par la Loi sur les normes du travail. Ce qui fait qu'on aura beau avoir beaucoup, beaucoup de recours, il y a beaucoup de personnes qui sont exclues.
Et, si on ne peut pas empêcher les employeurs de décider du statut de leurs salariés, par contre, on peut légiférer de façon à leur enlever les avantages que ça leur procure, c'est-à-dire de façon à protéger les travailleurs. Par exemple ? et là le projet de loi est muet là-dessus ? au niveau du travail précaire, alors il y a l'article 41.1 qui interdit la discrimination salariale pour les personnes à temps partiel. Cet article-là, a contrario, je pourrais dire, permet la discrimination salariale sur toutes les autres bases, ce qui n'est pas à temps partiel, alors, parce qu'il ne l'inclut pas. Je vois une question dans vos yeux, M. Rochon. Ha, ha, ha! Alors, l'article 41.1 dit qu'il est interdit pour un employeur ? je paraphrase, là ? d'accorder un salaire moindre à une personne pour le seul motif qu'elle travaille moins d'heures par semaine. Alors, pour tout autre motif, il peut le faire, là, parce que, bon, les employeurs sont très habiles à lire ces articles-là.
On pense aussi aux agences de placement temporaire. Bon. Il y en a de plus en plus de personnes qui travaillent sur des agences de placement temporaire, qui ont des salaires différents, qui ont aussi des conditions de travail différentes des personnes qui sont en emploi pour la même entreprise. Alors, ça peut être, mettons, dans une caisse populaire ? c'est juste un exemple parce qu'il y en a plus que ça ? où la caissière, qui est là et qui est employée de la caisse, va gagner un certain salaire avec certains congés, certains avantages, et la personne qui est pour l'agence de placement va gagner 5 $ de moins de l'heure, avec pas de congé et, bon, pas d'avantages sociaux. Si la personne est lésée dans ses droits, elle ne sait plus trop contre qui déposer la plainte. Qui est l'employeur? L'agence de placement ou l'entreprise cliente. Alors, évidemment, il faudrait qu'il y ait nommément dans la loi une coresponsabilité de l'employeur et de l'entreprise cliente. Il faudrait aussi qu'il soit interdit aux employeurs de donner des conditions différentes pour les personnes qui sont sur des agences de... qui sont salariées des agences de placement, des conditions de travail différentes de ce qui sied dans l'entreprise cliente.
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(16 heures)
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Au niveau du travail autonome, vous avez rajouté un article, le fameux article 53 qui modifie en ajoutant l'article 86.1, si je ne me trompe pas, là. Bon. On l'a lu à l'endroit, à l'envers. Quand on le lit à l'envers, c'est comme si on accorde la permission à l'employeur de modifier le statut de son salarié en autonome à condition qu'il satisfasse à certains critères, alors que, nous, ce qu'on demande, c'est de décourager cette façon de faire parce qu'il y a multiplication du faux travail autonome. Il y a une étude qui a été produite en 1997 par le CANO, bon, qui a circulé un peu partout, là, dans les ministères, et on demande qu'il y ait, dans la Loi sur les normes du travail, une définition du travail autonome pour que les personnes qui accueillent les plaintes à la Commission des normes ne soient pas obligées d'examiner le statut par la négative, parce qu'il y a juste une définition du salarié, il n'y a pas une définition du travailleur autonome. Donc, c'est plus difficile, hein? On sait qu'on n'a pas grand-chose sur le travail autonome, mais on a quand même, bon, des jurisprudences qui définissent, là, le test de la fourchette à quatre dents et, bon, certains critères qui peuvent servir de critères objectifs, là, à la définition.
On demande également qu'il soit interdit dans la loi de forcer une personne à s'incorporer ou à conclure un contrat d'entreprise pour obtenir ou conserver un emploi normalement salarié. Et, évidemment, qu'il y a un recours, là, que ce ne soit pas lancé dans le vide comme ça, là, que ce soit vraiment interdit. Alors, ce sont des façons de déjouer les stratégies patronales de précarisation du travail et de mieux protéger des travailleurs et les travailleuses.
La notion d'ancienneté. Dans la loi, on reconnaît la notion de service continu, bon, pour dire si la personne a droit, bon, présentement aux congés fériés, si elle a un droit à un certain recours, mais la notion d'ancienneté, n'est pas reconnue quand vient le temps de faire des mises à pied temporaires, quand vient le temps de faire des licenciements administratifs, le choix des vacances, ce qui fait que plusieurs employeurs, quand ils ont un licenciement administratif ou une mise à pied à faire, vont se débarrasser de la personne qui coûte le plus cher ou de la personne qui est la plus âgée pour conserver les plus jeunes, qui ont peut-être plus d'énergie, moins de chances d'être malades puis qui coûtent moins cher. Alors, il y a là une injustice flagrante pour des personnes qui sont en emploi depuis quand même longtemps, et donc on demande que la notion d'ancienneté soit reconnue dans la Loi sur les normes du travail. Ce n'est pas quelque chose qui, tout de suite, coûte une fortune aux employeurs. C'est juste une façon de choisir les personnes qui vont laisser l'emploi de façon objective, des critères objectifs que ça introduit.
Au niveau du salaire minimum, on y revient, on y reviendra toujours, le Québec est une société riche. J'écoutais Mme Marois, ce matin, qui disait que, bon, on n'a plus de déficit et puis ça va bien. Je pense qu'il y a des grandes compagnies, il y a plusieurs compagnies qui font des profits, et il n'y a pas de raison que les personnes au travail s'appauvrissent de plus en plus. Alors, ce n'est pas un secret, à 7,20 $ de l'heure et bientôt 7,30 $, les personnes vivent sous le seuil de la pauvreté même en travaillant 40 heures-semaine. Alors, nous, notre demande, c'est que ce soit haussé immédiatement à 9,27 $ de l'heure et qu'il y ait un mécanisme légal annuel et automatique d'indexation basé sur l'augmentation du coût de la vie, ce qui a déjà été là d'ailleurs, mais qui a été aboli par la suite.
Au niveau des différents congés, bon, on regardait ce qu'il y avait dans le projet de loi, le projet de loi instaure plusieurs nouveaux congés pour les non-syndiqués. Malheureusement, ce sont des congés sans solde. Alors, je viens de parler du salaire minimum, de la pauvreté des personnes qui travaillent au salaire minimum, ou autour du salaire minimum, ou à statut précaire, c'est un leurre de penser qu'on va pouvoir prendre des congés sans solde puis s'absenter alors que, déjà avec notre plein salaire, on a de la difficulté à arriver. Au niveau des personnes qui sont non syndiquées, c'est laissé au bon vouloir des employeurs. Souvent, on est malade et on n'a même pas notre journée payée, ce qui est aberrant, là, parce que, dans les grosses compagnies ou dans les compagnies syndiquées, il y a des congés de maladie, par année, qui sont payées.
Alors, on demande pour les non-syndiqués une demi-journée d'absence maladie payée par mois travaillé, cumulable sur 12 mois, parce qu'il se peut qu'on soit malade pendant une semaine et pas pendant les autres mois.
On demande également une compensation pour les personnes qui s'absentent pour prendre soin d'un proche parent malade. On donne 12 semaines sans solde dans le projet de loi si je ne me trompe pas. Et, finalement, c'est rendu nécessaire à cause du virage ambulatoire, et les personnes s'appauvrissent encore plus pour aller prendre soin de leurs proches parents. Il ne faut pas se le cacher, ça va être le plus souvent des femmes qui vont être obligées de faire ça. Donc, on veut favoriser travail, famille, vie personnelle, il faut aussi donner les moyens financiers aux personnes de se prévaloir des congés et aussi de prendre soin de leur famille.
Le droit au...
Le Président (M. Rioux): Il vous reste trois minutes.
Mme Desrosiers (Andrée): Il me reste trois minutes.
Le Président (M. Rioux): Si vous voulez toucher au harcèlement psychologique, là, il y a comme...
Mme Desrosiers (Andrée): Nous l'avons mis à la fin, ce n'est pas pour rien. On le savait que ça vous préoccupait beaucoup puis que ça reviendrait à la période de questions.
Alors, le droit au repos. Bon, ce qu'on demande, c'est que les personnes aient vraiment droit à du repos. Donc, pourquoi pas, comme dans la loi fédérale, instaurer une journée normale de travail de huit heures?
On demande aussi... Bon, on parle beaucoup de partage du temps de travail, alors que les personnes en emploi aient le droit en tout temps de refuser de faire du temps supplémentaire sans avoir à se justifier, à moins que ce soient des circonstances, bon, comme pour les employeurs dans le cas des mises à pied, là, des circonstances incontrôlables.
On demande aussi que l'employeur puisse donner un horaire de travail à l'avance et respecte les disponibilités qui sont fournies par les employés pour que ceux-ci puissent vivre aussi, et qu'ils aient une pause santé de 15 minutes à l'intérieur de chaque demi-journée de travail.
On demande également que soient bonifiées les vacances annuelles en fonction du nombre d'années d'ancienneté.
Maintenant, au niveau des recours en 122 et en 124, on demande que... Bon, c'est déjà un pas. Une personne qui avait trois ans de service continu pouvait faire un recours en 124, maintenant on propose de le baisser à deux. Nous, on demande... Et on revient toujours à une année de service continu, puisque, chez les syndiqués, trois à six mois suffisent, là, pour que l'employeur sache si la personne fait l'affaire ou pas. Les délais pour porter plainte nous semblent excessivement courts, surtout que la Loi sur les normes est méconnue. Et, on se dit, la personne arrive à la Commission des normes la 46e journée parce qu'elle ne connaissait pas ses droits, et, tout à coup, l'infraction commise par l'employeur devient moins grave. Ça nous semble tout à fait hors propos.
On demande également qu'il y ait une obligation légale pour la Commission des normes de produire et de diffuser les documents sur les différentes normes et que la personne salariée puisse choisir d'être indemnisée ou réintégrée.
Au niveau des 17 à 26 semaines ? c'est moi qui fais ça, excusez-moi ? au niveau des 17 à 26 semaines pour le délai de congé maladie, réintégration en emploi, on demande que la personne puisse être réintégrée dans son poste, quelle que soit la durée de son absence.
Et il y en avait plein. Il y en a 107 dans notre avis, et nous y tenons toujours.
Le Président (M. Rioux): Très bien. Merci beaucoup, madame. Alors, M. le ministre.
M. Rochon: Oui. Merci, M. le Président. Je vais revenir sur trois éléments que vous avez soulevés, là, pour être sûr de bien saisir ce que vous nous dites. La question de la couverture, on avait le sentiment, en préparant le projet de loi, là, qu'il n'y a plus tellement de personnes qui correspondent à la situation de salarié qui ne soient pas couvertes par la loi. Dans votre document, à la page 2, vous faites référence aux travailleurs et travailleuses, notamment les domestiques, les étudiants, étudiantes, les gardiennes, ça, c'est tout du monde... Les étudiants, c'est déjà couvert par la loi.
Mme Desrosiers (Andrée): Un étudiant qui travaille dans une colonie de vacances, par exemple...
M. Rochon: C'est ça, les deux qui restent vraiment, là, à préciser, je pense, c'est les stagiaires puis les gens qui travaillent dans des colonies de vacances. On s'entend que c'est à peu près les seules personnes, là? Parce que, s'il y en a d'autres qu'on n'a pas identifiées, on voudrait bien les identifier, là. Nous, on est conscient qu'il y a ces deux groupes-là encore.
Les stagiaires, il y a une situation un peu particulière, là, à clarifier. Dans bien des cas, les stagiaires, je pense, ne sont pas reconnus comme des salariés. Il y a différents types de stagiaires. Il y a des gens qui sont dans des programmes de formation, certains ont des crédits académiques, universitaires de reconnus pour les stages qu'ils font. Donc, ce n'est pas vraiment un salarié de l'entreprise. Juste souligner, là, présentement, que ce n'est pas si clair comme ça comme statut et de savoir ou pas est-ce qu'il y a des stagiaires qui sont, en fait, des salariés et qui devraient être couverts. Alors, c'est pour ça qu'on ne s'est pas rendu jusque-là, parce que ce n'est pas une réalité, là, tout à fait claire.
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(16 h 10)
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La question des colonies de vacances, ça, je veux juste souligner, c'est une question à regarder aussi, là. C'est souvent des étudiants qui vont là, qui ont différents avantages, le gîte, le couvert, l'intégration. Il y a tout un environnement puis un contexte qui fait que, si toutes les normes de travail minimales étaient appliquées tout de suite, ça pourrait poser des problèmes à plusieurs colonies de vacances.
Alors, je ne veux pas vous argumenter que ça ne devrait pas être couvert, là, mais je voulais d'abord m'assurer qu'il n'y en a pas d'autres dans votre esprit à part de ces deux-là qui sont encore pas couverts, parce qu'on avait le sentiment que les autres qui n'étaient pas couverts, les travailleurs agricoles, les gardiennes, les domestiques résidentes vont être maintenant couverts. Je voulais mettre au point tout de suite pour gagner du temps, là, puis vous pourrez revenir au besoin sur les trois ou un ou l'autre après coup.
La question des agences. Là, je pense que vous soulignez vraiment une situation particulièrement difficile, là, et je veux juste vous dire qu'on ne s'est pas rendu jusque-là parce qu'il va nous falloir les analyses et les recommandations du comité d'étude qui a été mis en place sur les statuts non traditionnels. Et, par exemple, une des difficultés qui semblent ne pas être importantes, c'est de voir, selon les situations, qui est le véritable employeur de la personne. Est-ce l'agence ou est-ce l'entreprise cliente de l'agence? Et je pense que la jurisprudence a statué, selon les situations, dans un sens ou dans l'autre. Si l'entreprise cliente est celle qui, effectivement, se comporte comme un patron, a un contrôle complet sur le travail de ses gens, et le reste, et le reste, on a statué dans certains cas que c'était elle qui était le véritable employeur. Dans d'autres cas, c'est l'agence. Alors, ça, ce n'est pas laissé pour compte, on va y revenir dans les prochains mois. Le rapport du travail de nos experts va nous être remis dans les prochaines semaines, et, entre autres, ils vont s'inspirer de d'autres pays qui ont déjà légiféré sur cette question-là. On pourra y revenir, mais on ne se sentait pas prêt, là, d'être capable vraiment de clarifier la situation à ce stage-ci.
Troisième point que je veux soulever, c'est la question que vous avez mentionnée vous-même, quand on parle de l'article 53 qui modifie 86.1 pour la question des autonomes. Là, je voudrais bien voir. Je lis et je relis l'article, vous avez à peu près dit qu'on avait peut-être une rédaction qui encourageait les travailleurs à changer le statut, là, ce n'est vraiment pas ça qu'on veut faire, là. Je vais prendre la peine de le lire, c'est trois lignes, là: «Un salarié a droit au maintien de son statut de salarié lorsque les changements que l'employeur apporte au mode d'exploitation de son entreprise n'ont pas pour effet de modifier ce statut en celui d'entrepreneur ou de prestataire de services.» On ne peut pas, dans la Loi des normes ? puis on ne veut pas ? empêcher des employeurs de réorganiser ou d'organiser comme ils veulent le fonctionnement de leur entreprise. Et, si le nouveau fonctionnement les amène à travailler avec des vrais autonomes, ça, c'est un autre genre de réalité qui peut poser problème actuellement parce qu'on n'a pas le réseau de protection sociale, le filet de protection sociale pour les autonomes qu'on a pour les salariés. Bien, là, je vous ramène à l'autre étude, là, qu'on attend dans quelques semaines, celle à laquelle on réfère toujours sous le nom du président du groupe, là, du comité Bernier, pour voir comment on peut intervenir dans le cas des véritables autonomes. Mais, en lisant vraiment l'article, je veux être bien sûr, là, que si vous identifiez un trou qui fait que... Le faux autonome, c'est ça qu'on veut viser. Ça, ça va être complètement empêché par ça, là. La personne va avoir un recours, en fait, pour éviter qu'on la transfère en autonome, qui n'est pas vraiment la réalité, et qu'on la prive, ce faisant, de certains aspects de sa rémunération. Alors, au besoin, là, aidez-nous à préciser qu'est-ce qui rend ça pas clair dans la rédaction de l'article qu'on a actuellement. Merci.
Le Président (M. Rioux): Mme Desrosiers.
Mme Desrosiers (Andrée): Oui. Alors, M. Rochon, la Loi sur les normes et la Commission des normes du travail sont des lois et une commission très importantes pour aider les salariés à faire respecter leurs droits. Maintenant, c'est extrêmement difficile pour un salarié non syndiqué, un, de connaître ses droits, deux, d'aller porter plainte pour différentes raisons. Un article comme celui-là ne définit pas clairement ce qu'est un travailleur autonome, ce qu'est un entrepreneur indépendant et, donc, ne dit pas au salarié: Voici, telle personne peut examiner votre statut, si vous êtes... Voyons, si vous n'êtes pas comme dans la définition qu'on donne, vous pouvez demander à la Commission des normes d'examiner votre statut.
M. Rochon: Vous avez raison, quand on dit... Puis je vous donnais l'explication tout à l'heure qu'on ne définit pas l'autonome ou l'entrepreneur indépendant. Par contre, la définition du salarié, elle est claire. Elle est claire dans la Loi des normes du travail, et il y a une jurisprudence qui l'a interprétée aussi. Alors, si quelqu'un a un statut de salarié et qu'on lui enlève ce statut de façon factice, disons, alors que la réalité n'a pas changé, il y a la base légale pour déterminer si, oui ou non, on a changé le statut de la personne.
La Commission des normes du travail a un rôle qui vient aider les gens un peu aussi. Si des gens formulent une plainte, la Commission, en analysant puis en enquêtant au besoin sur la situation, va aider le travailleur, la travailleuse à déterminer si, oui ou non, on a vraiment changé son statut. Et, si c'est le cas et s'il faut un recours, bien la Commission... Comme c'est une norme qu'on a introduite, la Commission des normes pourra accompagner, si c'est nécessaire d'aller jusque-là, le travailleur ou la travailleuse dans les demandes de correction, dans l'intervention au besoin, jusqu'à la Commission des relations de travail.
Mme Desrosiers (Andrée): Mais je continue à dire qu'en l'absence d'une définition les salariés vont hésiter à aller porter plainte et à aller demander, là, qu'on les aide à ce niveau-là, d'autant plus que, déjà avec les recours qui sont là actuellement, on a tendance à les envoyer vers les tribunaux civils ou à les décourager de porter plainte. C'est quelque chose... Plus c'est clair et plus c'est précis, plus ça aide tant les employés de la Commission des normes que les salariés, là, à faire valoir des droits. Quand on laisse des choses un petit peu nébuleuses, bien il faut s'attendre à ce que les gens ne comprennent pas et ne sachent pas où s'orienter pour faire valoir leurs droits et, souvent, ne savent même pas, là, qu'ils ont des droits. C'est pour ça que ça nous semblait très important chez nous ainsi que...
Bon, vous aviez fait une intervention au niveau des agences de placement temporaire à savoir, bon, qui est l'employeur et que la jurisprudence statuait tantôt l'entreprise cliente, tantôt l'agence de placement, ce qui fait que finalement, souvent, les deux se lancent la balle, et ça demande tout un courage pour un ou une salariée de demander qu'on aille vérifier ou qu'on aille voir, là, si ses conditions de travail sont respectées. C'est pour ça qu'on demandait, nous, qu'il y ait l'établissement d'une coresponsabilité entreprise cliente et agence de placement temporaire, là, en tant qu'employeurs et en tant que responsables de l'application de la loi.
Ce qui me fait peur, vous parlez depuis tantôt... C'est le rapport Bernier dont vous parlez? Qui va venir après l'adoption de cette loi pour parler d'une grande, grande partie des non-syndiqués qui ne sont pas couverts par la Loi sur les normes ni même par le projet de loi. Une fois que la réforme va être faite, bon, le rapport va arriver... Je vais trop lentement à votre goût, M. Rioux?
Le Président (M. Rioux): Oui, oui, terminez votre réponse, madame.
Mme Desrosiers (Andrée): Pardon?
Le Président (M. Rioux): Allez, terminez votre réponse.
Mme Desrosiers (Andrée): D'accord. Alors, il va y avoir des délais, et nous avons peur que ça n'aboutisse pas.
Le Président (M. Rioux): O.K. Mme Desrosiers, j'aimerais que vous nous expliquiez, dans une boîte non syndiquée, comment pourrait se vivre la notion d'ancienneté. Vous dites que la prépondérance de l'arbitraire vient jouer dans les boîtes non syndiquées lorsqu'il s'agit de congédiements, de mises à pied, de promotions, bon, etc. Dans votre esprit, est-ce que la notion d'ancienneté est simplement rattachée au concept de service continu au sein d'une entreprise?
Mme Desrosiers (Andrée): Ça peut être une définition basée sur la notion de service continu, effectivement, qui fait très bien l'affaire, là, dans le cas de notion d'ancienneté, mais qui soit rattachée au fait que l'ancienneté sert à déterminer l'ordre des rappels au travail, des mises à pied temporaires, des licenciements, des choix de vacances, et tout ça, effectivement.
Le Président (M. Rioux): Mais avez-vous pensé ce que ça représente comme gestion, appliquer la notion d'ancienneté avec ce que vous appelez, vous, l'absence d'arbitraire? Qui va décider qu'il n'y a pas d'arbitraire quand il n'y a pas de syndicat, qu'il n'y a pas de comité d'entreprise, qu'il n'y a pas de... il n'y a rien? Comment on applique ça, l'ancienneté?
n(16 h 20)nMme Desrosiers (Andrée): Premièrement, il y a la date d'embauche, comme dit Mme Carrier. Et, ensuite de ça, bien, si les personnes sont lésées dans leurs droits face à l'ancienneté, il y a la Commission des normes pour dire: Bien, écoutez, j'ai été congédiée, j'ai été licenciée ou j'ai été mise à pied et je n'étais pas la dernière personne entrée dans l'entreprise pour faire le même travail.
Le Président (M. Rioux): ...aux promotions, par exemple. Ça, c'est très important au sein d'une entreprise, les promotions. Quand la boîte n'est pas syndiquée et qu'on applique ce que vous souhaitez, le principe de l'ancienneté à des fins de promotion, comment voulez-vous contraindre un employeur de nommer telle personne parce qu'elle a 12 ans d'ancienneté alors que l'autre à côté, que l'employeur trouve très compétente, mais elle, elle en a 10? Alors vous demandez à la Commission des normes de gérer ça et, ultimement, d'arbitrer ça?
Mme Desrosiers (Andrée): Bien, tout à fait. Ce n'est quand même pas si compliqué que ça, M. Rioux. Voyez-vous, les syndicats ont introduit la notion d'ancienneté justement parce qu'il y avait de l'arbitraire, ce qui n'empêche pas l'employeur d'avoir un droit de gérance quand même. Et c'est qu'à compétence égale, la personne la plus ancienne doit normalement avoir la promotion.
Le Président (M. Rioux): ...pas contre la notion d'ancienneté, madame, comprenons-nous bien, mais j'essaie de voir comment on mettrait dans une loi sur les normes minimales de travail comment ça se gère au quotidien. Pour que ce soit efficace et valable pour les salariés, c'est difficile. J'aimerais ça que vous nous éclairiez un peu. Sur la seule foi du service continu, ce n'est pas satisfaisant.
Mme Carrier (Sylvie): Peut-être, le fait d'y aller de cette façon-là, de donner les points positifs à l'application de ce principe-là, semble compliqué, mais nous autres, on vit avec les conséquences quand ce n'est pas appliqué. Quand c'est des femmes qui ont 49 ans puis qui se font congédier pas parce qu'elles ne sont pas compétentes, mais parce qu'elles ne sont plus assez jolies pour faire le poste, bien c'est des problèmes majeurs, c'est des vies gâchées, c'est des femmes monoparentales qui ne sont plus capables de s'occuper de leur enfant. C'est sûr que ça semble compliqué. Si on ne peut pas appliquer la chose à tous les aspects du travail, il faudrait au moins que ce soit appliqué au niveau des congédiements, parce qu'il y a une espèce de sélection naturelle, entre guillemets, qui peut se faire qui fait qu'il y a beaucoup de gens qui subissent des injustices parce qu'ils ne font plus partie de la game parce qu'ils sont plus âgés, parce qu'ils sont moins jolis et non parce qu'ils ne sont pas compétents. Puis, nous autres, on le vit. À tous les jours, on en voit des victimes de ça, puis c'est inacceptable. On voit des vies gâchées, on voit des dépressions, on voit toutes ces choses-là, puis c'est une chose qui ne peut plus se faire. Il faut qu'il y ait quelque chose qui se fasse. Ces gens-là sont les gens les plus démunis, il faut qu'il y ait quelque chose pour les protéger. C'est sûr que si on regarde ça de façon théorique, ça semble très compliqué. Mais, nous autres, on le vit de façon pratique, et il faut qu'il y ait quelque chose, il faut qu'il y ait une protection.
Le Président (M. Rioux): Merci, Mme Carrier. M. le député de Mont-Royal.
M. Tranchemontagne: Merci. Merci, mesdames, d'être ici. Et merci aussi pour votre document. C'est deux sujets que je voudrais aborder avec vous qui n'ont pas été abordés à date. Un, c'est le harcèlement psychologique. À la page 10, vous dites... Une de vos recommandations, qui est la dernière, en fait, que vous faites, c'est que le législateur prévoie un processus de retrait de la victime de son milieu de travail pour toute la durée des procédures sans perte de revenus. La façon que je lis ça, moi, je le lis de deux façons. La première, c'est que déjà vous mettez le travailleur ou la travailleuse en état de... Vous l'accusez quasiment déjà, parce que vous dites: Bon, bien, sors de ton milieu de travail. Et, deuxièmement, je trouve qu'on présume que l'employeur a aussi mal agi et que le processus peut avoir lieu, d'enquête et de vérification, sans nécessairement que l'employeur soit accusé au départ ou que l'employé soit reconnu aussi coupable. Moi, c'est comme ça que j'interprète, des deux façons en même temps, cette recommandation que vous nous faites de dire: Vous retirez l'employé, et payez-le.
Le Président (M. Rioux): Alors, madame, on vous écoute.
Mme Desrosiers (Andrée): Ça va, M. Rioux. Alors, je vais répondre à la deuxième question. Oui, on demande qu'il y ait un retrait pour... Bon, ce sont les non-syndiqués qui le vivent qui le demandent. D'accord? Ces personnes-là, souvent, sont sur le point de ne plus être capables d'entrer au travail. C'est un processus extrêmement souffrant à tous les niveaux, au niveau psychologique, au niveau physique, qui brise des vies complètement, des couples et des familles. Les personnes sont obligées de consulter et de payer elles-mêmes régulièrement et souvent des services de professionnels en relation d'aide. Ces personnes-là ont besoin d'être retirées de leur milieu de travail, elles demeurent là parce qu'elles ont besoin d'argent pour survivre. Alors, elles demandent à être retirées le temps que durent les procédures, qui sont parfois très longues ? on le voit dans les autres recours ? et qu'il y ait un processus d'indemnisation, effectivement, pour qu'elles ne subissent pas de perte de revenus. Ce n'est pas de les retirer parce qu'elles sont coupables de quelque chose, c'est de les retirer d'un milieu de travail malsain et qui atteint à leur santé et à leur sécurité.
Maintenant, oui, il y a possiblement, dans cette demande-là, une présomption que l'employeur est fautif. Maintenant, il faut que vous compreniez, dans la petite mise en contexte que je faisais tantôt au début en essayant de ne pas trop gruger de temps, que ce sont les non-syndiqués de la région de la Mauricie qui gèrent le groupe, l'organisme ici. Ce sont eux qui vivent les situations et qui, en très grande majorité, vivent du harcèlement psychologique au travail. Donc, ils demandent qu'il y ait un processus pour les protéger contre ça. Effectivement, on travaille également sur un autre comité, là, à une sensibilisation, à des formations tant pour les employeurs que pour les salariés, mais il faut qu'il y a quelque chose de fait concrètement pour que ces personnes-là ne continuent pas à rester dans leur milieu de travail avec leur agresseur.
M. Tranchemontagne: Vous n'êtes pas d'accord que ça équivaut à une suspension avec solde tout simplement?
Mme Desrosiers (Andrée): Ça dépend du point de vue où on se place.
M. Tranchemontagne: Bien, je vous ai donné les deux points de vue. Je l'ai donné du point de vue d'accuser l'employeur déjà puis du point de vue de l'employé qui est comme suspendu avec solde. Tu sais, alors, ils sont comme tous les deux accusés, tous les deux, dans le moment, tu sais, si je comprends bien votre recommandation n° 3.
Le Président (M. Rioux): Mme Carrier.
Mme Carrier (Sylvie): Ce qu'on remarque et ce qu'on vit au CANO souvent, c'est que les gens ont beaucoup de difficultés à porter plainte, que ce soit... peu importe la raison, parce qu'ils ont peur de perdre leur emploi, et souvent c'est des gens qui n'ont pas les moyens d'être arrêtés une semaine parce qu'ils vivent de façon très restreinte. Porter plainte pour harcèlement psychologique, c'est très difficile. C'est très difficile à faire, parce qu'on sait à l'avance que c'est très difficile à prouver. La personne, quand elle en est rendue au fait qu'elle comprend qu'elle est victime de harcèlement psychologique, elle est déjà à moitié toute défaite parce que c'est très difficile à vivre. Souvent, c'est des gens qui sont en emploi depuis 10 et 15 ans qui deviennent victimes après ça. C'est des choses qui ne sont pas connues de ces gens-là, c'est très difficile. Puis c'est sûr qu'on demande qu'ils soient retirés, parce que, nous autres, on les voit, ils sont terrorisés à l'idée d'aller porter plainte. Puis, c'était déjà difficile dans le milieu de travail avant de porter plainte, je ne sais pas si vous pouvez vous imaginer, après, qu'est-ce que ça va être, le contexte de travail.
Le Président (M. Rioux): Mme la députée de Jonquière. Rapidement, parce qu'il faut que je garde un peu de temps pour mon collègue de Vimont.
M. Tranchemontagne: Excusez-moi, je n'avais pas fini.
Le Président (M. Rioux): Ah, vous n'avez pas fini. Allez-y. Mais, je protège vos intérêts, M. le député de Vimont, n'ayez crainte.
Mme Gauthier: Protégez les miens aussi, là.
M. Tranchemontagne: Oui, oui, mais on ne l'a pas maltraité ce matin, hein? M. le député de Vimont, on ne vous a pas maltraité ce matin, hein?
Le Président (M. Rioux): Ce n'est pas de ça dont il est question. Allez, M. le député de Mont-Royal.
M. Tranchemontagne: Juste une deuxième question. Vous ne vous êtes pas manifestés sur la question du retour au travail pour des gens qui ont été absents soit pour maternité, maladie, etc., là ? je n'étirerai pas la question pour le bénéfice de ma collègue ? est-ce que ça veut dire que vous êtes totalement d'accord avec le texte de loi tel que proposé par le ministère?
Mme Desrosiers (Andrée): N'étant pas des juristes, nous avons examiné ce qui est proposé ? mais on ne s'est pas non plus prononcé sur les congés fériés, là ? alors, ça nous semble satisfaisant à première vue, là, ce qui est proposé.
Le Président (M. Rioux): Mme la députée de Jonquière.
n(16 h 30)nMme Gauthier: Merci, M. le Président. Deux questions. Ma première, c'est concernant les recours en vertu de 122 et 124 à la page 9 de votre mémoire. Vous dites que, dans tous les cas, la personne salariée peut choisir d'être indemnisée plutôt que d'être réintégrée. Est-ce que je dois comprendre... Parce que l'article 128, alinéa 3, permet effectivement à un commissaire d'indemniser plutôt que de réintégrer, mais c'est l'employé qui doit en faire la demande, la preuve pourquoi il ne veut pas être réintégré. Vous, vous dites que ça devrait être sans preuve. C'est ça que je dois comprendre?
Mme Desrosiers (Andrée): C'est que... Bon, nous, on fait affaire avec des personnes qui travaillent dans des petites entreprises et qui, souvent, disent: Bien, si je dois être intégrée ou demander la réintégration dans mon poste et y retourner, je ne serai pas capable. Alors, oui, j'aimerais ça avoir une indemnité pour pouvoir me permettre de me retrouver un autre emploi ou de retourner aux études, le temps de me replacer.
Le Président (M. Rioux): Une question?
Mme Gauthier: Oui. C'est la notion d'ancienneté. Je veux juste bien comprendre, parce que vous savez que, dans les conventions collectives, la notion... la promotion par ancienneté, cette clause d'ancienneté pure, ça n'existe plus, il faut toujours qu'on soit capable de répondre aux exigences. Est-ce que vous pensez que, dans la Loi sur les normes, on devrait retrouver cette même exigence minimalement?
Mme Desrosiers (Andrée): Oui, c'est dans cet esprit-là que nous l'avons écrit.
Mme Gauthier: Merci.
Le Président (M. Rioux): M. le député de Vimont.
M. Gaudreau: Oui, merci, M. le Président. Oui, bonjour. Écoutez, on se rejoint sur au moins deux éléments: journées de congé familial, important qu'il y en ait au moins quelques-unes de rémunérées; et congédiement sans cause juste, minimum d'un an, je crois que c'est tout à fait réaliste.
Il y a un élément ici qu'on a survolé qui est le 9,27 $, salaire minimum. Comment vous arrivez à ce montant-là? Où est-ce que vous l'avez...
Mme Desrosiers (Andrée): Bon, c'est historique, là. Les groupes de défense collective des droits prennent le seuil maintenant de faibles revenus, avant le seuil de pauvreté de Statistique Canada pour une personne seule, divisé par 52 semaines, 40 heures-semaine, ce que ça fait brut.
M. Gaudreau: Ah! C'est comme ça que vous y arrivez. Parfait.
Mme Desrosiers (Andrée): Tout à fait.
M. Gaudreau: Merci.
Mme Desrosiers (Andrée): Pour qu'une personne seule puisse...
Le Président (M. Rioux): M. le député, ça va?
M. Gaudreau: Oui, oui, tout à fait.
Mme Gauthier: Il y a encore du temps?
Le Président (M. Rioux): Oui, oui, il y a encore du temps. Vous êtes ravie, Mme la députée de Jonquière?
Mme Gauthier: Pardon?
Le Président (M. Rioux): Vous êtes ravie? Il vous reste deux minutes.
Mme Gauthier: Merci. Alors, je reviens sur... parce que j'aurais voulu avoir plus de précision sur le harcèlement psychologique au travail. Ma compréhension à moi, c'est que... Dans le fond, je ne comprends pas pourquoi on ne demanderait pas aux collègues de travail... Si, par exemple, j'accuse mon collègue de m'avoir harcelé, pourquoi ce n'est pas lui qui sortirait du milieu de travail au lieu de la victime?
Mme Desrosiers (Andrée): Vous avez tout à fait raison, Mme la députée de Jonquière. Dans les faits, c'est toujours la victime qui paie. C'est la victime qui va voir son médecin, qui prend des antidépresseurs, qui ne dort plus la nuit, qui consulte un psychologue depuis des mois. Vous savez, par contre, ce qu'on voit présentement, c'est que... Je vais vous faire l'image de la marmite d'eau bouillante. Alors, on prend une marmite tiède et on met une grenouille dedans ? peut-être que vous la connaissez ? et là on part le feu. Et la grenouille reste dedans et ne se rend pas compte et, tout à coup, explose avec les gros bouillons de la marmite. On prend une marmite qui bout à gros bouillons et on y jette la grenouille dedans, elle va ressortir aussitôt.
Le harcèlement psychologique, c'est le même principe. Ça se fait de façon insidieuse. La personne baigne à l'intérieur de cette marmite d'eau tiède, sent qu'il y a des choses qui ne fonctionnent pas, n'ayant pas été sensibilisée, n'ayant pas été prévenue, se remet en question, se demande qu'est-ce qu'elle a fait, ce qu'elle aurait pu faire. Alors, quand elle arrive au recours, elle est déjà... elle veut être retirée du milieu de travail. Elle a besoin de prendre soin d'elle. Alors, ce n'est pas une mesure punitive que nous voulions instaurer là, c'est une mesure pour lui permettre de ne plus subir cette agression-là et de se refaire, de refaire ses forces pendant le temps que durent les procédures. Il ne faut pas oublier, comme disait mon collègue, que, souvent, l'agresseur va être l'employeur et que, ayant déposé une plainte, elle se retrouve face à face avec son employeur alors qu'elle est déjà amoindrie.
Alors, c'est pour ça que les personnes qui le vivent nous demandaient de pouvoir dire: Est-ce que je peux être retirée, ne pas subir en plus une perte de revenus?
Le Président (M. Rioux): Merci. Merci beaucoup.
Mme Gauthier: Il y a encore du temps?
Le Président (M. Rioux): Il vous reste une minute.
Mme Gauthier: Est-ce que, à ce moment-là, elle devra apporter une pièce justificative de son médecin comme...
Mme Desrosiers (Andrée): Tout à fait, et c'est très prouvable. Ces personnes-là sont suivies par des psychologues, des médecins, et tout ça.
Le Président (M. Rioux): C'est bien. Alors, merci beaucoup. Merci beaucoup aux membres du Comité des non-organisé-e-s.
Et, les gens de Chicoutimi et de Jonquière, ne bougez pas parce que maintenant les représentants des personnes retraitées du Saguenay?Lac-Saint-Jean s'en viennent nous rencontrer. Alors, madame, c'est terminé.
Mme Desrosiers (Andrée): ...les personnes qui sont venues nous entendre veulent vous donner des cadeaux de Noël symboliques.
Le Président (M. Rioux): Ah, oui, oui. Très bien. Merci. On va demander à Mme Larouche et ses collègues de prendre place.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Rioux): Alors, Mme Larouche, ça nous fait plaisir de vous accueillir, de la belle visite du Saguenay?Lac-Saint-Jean. Vous allez nous présenter vos collègues, Mme Larouche.
Association des résidences de personnes
retraitées du Saguenay?Lac-Saint-Jean
(ARPR Saguenay?Lac-Saint-Jean)Mme Larouche (Régine): M. Laurent Arsenault, du Manoir de la Sérénité du Saguenay; M. Jean-Pierre Blackburn qui nous représente.
Le Président (M. Rioux): Allez-y.
M. Blackburn (Jean-Pierre): Alors, M. le Président, Mmes, MM. les députés...
Le Président (M. Rioux): On ne s'étonne pas qu'il y ait un Blackburn parmi le groupe.
M. Blackburn (Jean-Pierre): Oui. Pardon?
Le Président (M. Rioux): On ne s'étonne pas qu'il y ait un Blackburn dans le groupe parce qu'il y en a beaucoup dans votre région, quand même.
M. Blackburn (Jean-Pierre): Vous savez, quand j'entre dans une belle enceinte comme ça, ça me rappelle des souvenirs.
Le Président (M. Rioux): Oui. Ha, ha, ha!
M. Blackburn (Jean-Pierre): C'est toujours agréable de venir vous rencontrer. Alors, je voudrais saluer nos députés du Saguenay?Lac-Saint-Jean en passant: je vois Mme Françoise Gauthier, députée de Jonquière, et M. Stéphane Bédard, député de Chicoutimi.
Alors, à vous tous, nous allons vous faire part de notre mémoire qui est quand même court. Et moi, je me trouve à agir comme consultant pour l'Association des résidences de personnes retraitées du Saguenay?Lac-Saint-Jean.
Alors, permettez-nous de vous témoigner notre appréciation de pouvoir comparaître devant cette commission parlementaire afin de vous exprimer notre point de vue à l'égard des récentes décisions sur l'application de l'ancien article 57 de la Loi des normes du travail, lequel devient aujourd'hui l'article 15 dans la Loi modifiant la Loi sur les normes du travail.
Mais, dans un premier temps, il serait approprié de nous représenter. Notre organisme, l'Association des résidences de personnes retraitées du Saguenay?Lac-Saint-Jean, représente les propriétaires de résidences de personnes âgées dans notre région. Pour votre information, nous dénombrons au Saguenay?Lac-Saint-Jean une centaine de résidences de personnes âgées dont plus des trois quarts sont des petites et moyennes résidences. Moins de 15 résidents, pour nous, c'est une petite résidence; entre 15 et 40, c'est moyen; et plus de 40 résidents, c'est une grosse résidence pour personnes âgées.
Le conseil d'administration est composé de 12 personnes, dont plus ou moins la moitié des membres sont en provenance de Saguenay, et l'autre du Lac-Saint-Jean. Nous travaillons principalement à promouvoir les intérêts de nos membres et à améliorer la qualité de vie de nos résidents.
Quelle est la problématique? À chaque année, depuis trois ans, nous tenons un colloque annuel regroupant les propriétaires de résidences de personnes retraitées auquel participent les propriétaires et gestionnaires de ces résidences. Lors de notre dernier colloque, nous invitions, à titre de conférencière, Mme Guylaine Claveau, directrice régionale de la Commission des normes du travail dans notre région. Ce fut la stupéfaction en apprenant que, en vertu de l'article 57 de la loi, le personnel de nuit dans les résidences de personnes âgées, qu'il dorme ou non, devait être payé au salaire minimum. Personne parmi nous, parmi les résidences de personnes âgées, ne semblait payer le salaire minimum à son personnel de nuit.
Malgré l'étonnement, malgré les nombreuses questions sur l'interprétation de l'article 57 et le comment se fait-il que maintenant la Commission des normes du travail décide d'appliquer cette règle, peu importent les objections et notre incrédulité, rien ne fit. Le tout s'est résulté que nous étions maintenant avisés que la Loi des normes du travail doit s'appliquer et qu'elle peut s'appliquer rétroactivement suite à des plaintes.
n(16 h 40)n Quel est notre point de vue par rapport à cela? C'est un non-sens. Sans doute, ceux qui ont pris cette décision n'ont pas de résidence de personnes âgées ou encore méconnaissent le fonctionnement des résidences. Il y a des différences de fonctionnement appréciables entre les grosses résidences de personnes âgées et les autres. Les différences qu'il y a entre les types de résidences: dans les petites et moyennes résidences, l'on ne peut affecter le personnel de nuit à des tâches de travail telles l'entretien, la préparation des mets, etc., c'est inapplicable. Les petites et moyennes résidences ne sont pas conçues à cette fin.
Ce qui a été développé au fil des ans dans les petites et moyennes résidences, c'est un climat familial où chacun se sent un peu comme à la maison. On ne peut tout chambarder, ce sont des personnes âgées.
Il faut que la loi différencie dormeur et travailleur de nuit. Dans les petites et moyennes résidences de personnes âgées, le personnel dort la nuit. Celui-ci intervient uniquement lorsqu'une personne parmi les résidents sollicite de l'aide, et c'est peu fréquent.
Répercussions. En fait, depuis cet été, là, depuis qu'on a dit: Voici, il faut maintenant appliquer cette norme-là, quelles ont été les répercussions dans les résidences? Il n'est pas possible pour les propriétaires de résidences de personnes âgées de hausser le taux de location qu'ils chargent à leurs résidents. Comme ils ne peuvent compenser ces nouveaux coûts, la rentabilité de leur entreprise est compromise, voire menacée, au point où des propriétaires de résidences de personnes âgées n'ont d'autre choix que de remercier leurs employés de nuit pour assumer eux-mêmes cette nouvelle responsabilité. Depuis cet été, plusieurs ont pris la décision de coucher eux-mêmes sur les lieux, n'étant pas en mesure d'assumer des nouveaux coûts parce qu'il faut qu'ils les paient au salaire minimum. Une situation qui n'est pas saine et que nous ne recommandons pas, c'est difficilement compatible avec une qualité de vie convenable.
Également, comment justifier au personnel de nuit... c'est-à-dire comment justifier à notre personnel, lesquels travaillent si fort en journée, qu'ils sont rémunérés au même taux que ceux qui dorment la nuit? Autre difficulté concernant le personnel actuel: lorsqu'on leur demande de travailler la nuit, ils refusent. Ces derniers nous disent ne pas être en mesure de maintenir leur emploi s'ils ne peuvent dormir la nuit. Il faut toujours penser qu'on est dans un contexte de résidence de personnes retraitées.
L'Association des résidences de personnes retraitées demande des changements à la loi n° 143. Nous demandons instamment à nos élus d'apporter des correctifs pour reconnaître la situation particulière qui est vécue dans les résidences de personnes âgées lorsque l'on parle des dormeurs. Nous demandons à nos députés et ministres de reconnaître et de différencier, au niveau des résidences de personnes retraitées, le travailleur de nuit versus le dormeur, de faire en sorte que le travailleur de nuit, qui effectue des tâches de travail la nuit, soit rémunéré au salaire minimum, nous en convenons, mais que l'article 15 ou encore l'article 1.2 de la loi n° 143 soit modifié pour tenir compte de la situation différente du dormeur, c'est-à-dire que c'est une personne qui n'effectue point de tâches de travail comme telles la nuit dans une résidence de personnes âgées. Nous demandons que le dormeur soit exclu des catégories sujettes au salaire minimum, puisqu'il s'agit d'une situation complètement différente.
Ce que nous proposons: que le personnel de nuit qui ne travaille pas soit considéré comme un dormeur entre 22 heures et 7 heures le matin; que le personnel, compte tenu qu'il s'agit de dormeurs, soit rémunéré à un taux moindre que celui du salaire minimum, et nous suggérons le taux de 5 $ l'heure.
Aussi, avant de conclure, j'inviterais notre présidente et, également, M. Arsenault à enrichir davantage le propos en vous expliquant les mesures qu'ils ont dû prendre suite à l'application de cette norme-là à la fin de l'été dernier, qui était déjà dans la loi mais qui semblait non appliquée auparavant, et là, depuis, ils doivent l'appliquer. Ils vont vous faire part un peu de ce que ça amène avant de conclure.
Le Président (M. Rioux): Alors, M. Blackburn... M. Arsenault, excusez.
M. Arsenault (Laurent): Alors, moi, je tiens une résidence de personnes âgées depuis sept ans, et puis, depuis sept ans... Moi, quand j'ai ouvert mes postes de nuit, j'ai demandé, moi, aux Normes du travail comment est-ce que je faisais avec des personnes qui dormaient? C'est eux autres mêmes qui m'ont conseillé d'agir... tu sais, d'employer mes personnes selon que... sous la forme, je veux dire, de ce qu'ils appelaient, eux autres, des travailleurs-dormeurs. Moi, je ne connaissais même pas ça, à cette époque-là, c'est eux autres qui me l'ont dit. Alors, moi, je paie mes personnes sur... Les personnes qui rentrent sur mon quart de nuit, pour les heures où est-ce qu'ils sont au travail, qu'ils font des tâches, je les ai tout le temps payés au salaire minimum, puis, pour les heures qu'ils dormaient, je ne les payais tout simplement pas, comme ils n'étaient pas rémunérés pour les heures qu'ils n'étaient pas au travail. Ça, ce n'est pas moi qui l'ai inventé, c'est les personnes du salaire minimum qui me l'ont dit.
Maintenant, moi, cette nouvelle mesure là, que les choses se trouvent... que c'est inapplicable dans le sens que, dans nos petits... Moi, je pense que c'est important. Dans le document, on mentionne qu'il faut distinguer entre les petites résidences puis les grosses résidences. Les grosses résidences qui ont des aires de travail un peu partout, où est-ce que... qui sont très... qui sont à l'écart, je veux dire, des chambres des résidents, ce qui fait que, eux autres, c'est possible pour eux autres de trouver du travail à leurs employés de nuit sans que ce soit trop dérangeant. Mais, nous autres, dans nos petites résidences, là, quand quelqu'un lave un plancher, quand quelqu'un est dans la cuisine à faire de la popote, les aires de travail sont tout près, ça réveille les résidents. Nous autres, on a déjà commencé, suite à ces nouvelles applications là qu'ils nous ont demandé de faire, on a déjà commencé à le faire autrement. On a donné des tâches, mais on a commencé à avoir des plaintes de nos résidents aussi que, durant la nuit, ils se faisaient réveiller souvent par du bruit puis tout ça, puisqu'ils ne sont pas habitués de vivre ça, avant il n'y en avait pas.
Nous autres, on travaille très fort dans nos résidences pour essayer de créer un climat vraiment, tu sais, de situation familiale. Moi, je ne pense pas qu'il y en ait beaucoup qui sont à la maison, des personnes âgées, je veux dire, qui ont quelqu'un qui travaille durant la nuit à faire la popote puis à laver les planchers, là. Ça fait que, tu sais, moi, je pense que les personnes qui sont dans nos résidences, c'est des personnes qui sont comme dans la même situation qu'en maintien à domicile. Donc, moi, je pense qu'elles doivent vivre la même chose que le maintien à domicile. Je ne pense pas, je veux dire, que... Quand un CLSC envoie des personnes pour faire des tâches dans une maison, il ne les envoie pas faire des tâches durant la nuit, c'est durant le jour que ça se passe. Ça, c'est un premier volet.
Il y a aussi le volet qu'on a parlé au niveau des coûts. Cette nouvelle mesure là, ça représente pour nous autres des coûts qu'on n'est pas capable d'assumer. Il faut déjà penser que, dernièrement, le salaire minimum a augmenté. J'ai augmenté, moi, les pensions de mes résidents à cause de cette augmentation-là du salaire minimum, puis là on nous arrive encore avec une autre chose qui nous augmente les coûts. Nous autres, on n'est pas capables tout simplement d'absorber ça. Puis, comme on disait, c'est nous autres à ce moment-là qui... On est déjà contraints d'être là durant le jour parce que, étant propriétaires de nos résidences, c'est durant le jour que, quand il y a des problèmes à régler, on a à les... Puis, en plus de ça, nous autres, il faudrait s'en aller durant la nuit pour pouvoir combler. Ça fait que c'est ça qu'on...
Le Président (M. Rioux): Mme Larouche, avez-vous quelque chose à ajouter?
Mme Larouche (Régine): Bon, bien, nous autres, les problèmes aussi qu'on peut voir surgir, c'est que le personnel qu'on avait, c'étaient souvent des étudiants, des étudiants en soins infirmiers qui venaient garder, puis qui avaient 18 ans et plus, puis qui gardaient, puis ils ne sont plus capables maintenant de venir parce que, là, il faut qu'ils travaillent. Alors, c'est des travaux qu'ils n'ont plus. Alors, c'est difficile de se trouver un personnel. Puis le monde, non plus... Nos employés, souvent, des résidences, ils sont partis parce que ça faisait leur affaire d'être dormeurs, puis là, bien, on les oblige à travailler, dans le fond, on leur donne du travail et puis ils ne veulent pas le faire, ce n'est pas ce qui leur convenait.
Le Président (M. Rioux): Alors, le dormeur est en disponibilité quand même.
M. Blackburn (Jean-Pierre): Pour conclure, M. le Président. En fait, l'Association des résidences de personnes retraitées tient à rappeler à quel point la situation des petites et moyennes résidences de personnes retraitées diverge de celle de la vie qui se passe dans les grandes résidences. Puis, elle est à la fois plus familiale mais aussi elle est plus fragile. Alors, tant la rentabilité que le mode de fonctionnement sont dissemblables. Et la Loi sur les normes du travail doit tenir compte des particularités qui prévalent en étant juste et équitable. Et c'est pour ça qu'on dit: Profitez des nouveaux changements que vous êtes en train d'apporter à la loi pour clarifier cette question-là de l'ancien article 57.
Le Président (M. Rioux): Très bien. Merci beaucoup, M. Blackburn. Alors, M. le ministre.
n(16 h 50)nM. Rochon: Bon. Bien, merci. Vous nous apportez, vous nous présentez une situation vraiment assez particulière dans tout ce qu'on a vu depuis le temps où on travaille sur la Loi des normes du travail. Vous me permettrez d'abord d'apporter une petite précision: ce n'est pas une nouvelle mesure, l'article 57.
M. Blackburn (Jean-Pierre): Non.
M. Rochon: Ça existe depuis que la loi existe, depuis 1979, je pense.
M. Blackburn (Jean-Pierre): Vous avez raison, M. le ministre. Et c'est pour ça, cet été, dans les résidences, que personne n'appliquait ça. Puis, à un moment donné, la Régie des normes du travail, ils ont comme décidé de statuer, la Commission des normes, de statuer sur ça. Puis là ils ont dit: Voici, vous devez appliquer ça: votre personnel qui dort la nuit, comme il est tenu d'être au travail, vous devez lui verser le salaire minimum. Alors, c'est là que ça a créé tout un impact au niveau des résidences.
Le Président (M. Rioux): Très bien, très bien. M. le ministre.
M. Rochon: Alors, pour continuer au moins, pour préciser les faits, là, puis vous corrigerez si je me trompe: Si la Commission des normes est intervenue, ce n'est pas parce que tout d'un coup ils ont décidé d'intervenir, c'est parce qu'il y a eu des plaintes. Des gens dans cette situation-là, des travailleurs ? que vous appelez des dormeurs ? ont formulé une plainte parce que la loi, l'article 57 dit: «Un salarié est réputé être au travail ? puis il y a trois conditions, comme vous le savez ? ...lorsqu'il est à la disposition de son employeur sur les lieux du travail et qu'il est obligé d'attendre qu'on lui donne du travail...» Alors, il faut qu'il soit sur les lieux de travail, à la disposition, et il est là qu'il attend le travail, et c'est une norme générale. Il y a beaucoup de types de situation où quelqu'un, pour qui on exige une présence, tout à fait disponible pour faire ce qu'on va lui demander pendant cette présence-là sur les lieux du travail, est en attente d'avoir du travail.
Vous faites référence... Alors, au moins les faits sont assez clairs, là. Ça existe depuis 1979. Ça a peut-être été longtemps une situation que tout le monde acceptait. Des gens se sont plaints, la Commission a dû intervenir, et je pense que la Commission a essayé d'être la plus souple possible dans l'application de la loi au début, mais il y en a qui sont venus en appel de la décision de la Commission, ils sont allés jusque devant les tribunaux, et c'est des tribunaux qui ont statué pour dire que c'était ça, l'application de l'article 57. Ça ne veut pas dire qu'on ne peut pas rien faire pour ça, là, mais je voudrais bien marquer très clairement que ce n'est pas tout d'un coup une intervention qui a voulu venir vous compliquer la vie. C'est parti du fait qu'on a peut-être, je ne sais pas, des gens qui... une situation où c'était généralement accepté par beaucoup de monde de faire ce travail-là sans se référer aux normes du travail et, pour une raison ou pour une autre, c'est moins accepté. Il y a des gens qui s'en sont plaints.
Maintenant, ceci dit, ce que je voudrais vous demander, là, avant qu'on... Je ne peux pas vous dire aujourd'hui qu'est-ce qu'on peut faire puis comment on peut intervenir, parce que c'est vraiment très récent que ça nous est présenté comme situation. Quand on regarde l'article 57, avez-vous fait l'examen pour voir s'il n'y a pas, tout en respectant ce terme-là qui est très général comme application... Si vous avez une situation particulière, est-ce qu'il y a moyen de vous entendre avec ces gens-là pour que la façon dont ils font le travail soit dans des conditions différentes de celle de l'article 57? Par exemple, quelqu'un qui a un quart régulier de travail de jour, par exemple, dans des fonctions précises, et qui accepte de faire ça, un travail la nuit en disponibilité, ça, je pense qu'il y a des situations où ça ne serait pas nécessairement le quart de travail. Là, c'est qu'on exige qu'il rentre à telle heure, jusqu'à telle heure pour cette disponibilité-là de travail. S'il y a des gens qui résident aussi sur place, si c'est leur endroit de résidence, la résidence où vous êtes, là, ça peut être une... Je veux juste bien m'assurer, là, avant de créer un statut particulier dans une loi, qu'il n'y a pas moyen de respecter une norme générale en faisant les accommodements qu'il faut, si c'est réaliste, sur place.
Le Président (M. Rioux): M. Blackburn.
M. Blackburn (Jean-Pierre): M. le Président, Mmes, MM. les députés, je veux revenir à la question du colloque. Moi, j'animais le colloque annuel, et nous avions invité justement la conférencière de la Commission des normes du travail parce qu'on avait eu vent que, tout à coup, la Commission des normes du travail était en train d'appliquer... il y avait une nouvelle chose qui rentrerait en fonction. Et même quand on les a contactés, ce n'était pas encore formel. Ils étaient, eux-mêmes, en vérification à savoir comment ils allaient procéder avec ça. Et, le temps qu'on organise le colloque, c'est là qu'est arrivée sur la table cette question-là que le personnel de nuit, même s'il dort, compte tenu qu'il est en attente de travail, il est en attente d'un travail potentiel, il devait être rémunéré au salaire minimum. Or, de là toute la problématique dans les petites et moyennes résidences de personnes âgées, parce que vous comprendrez que ça représente quand même des coûts appréciables.
Mais tout le monde est bien d'accord que, si les personnes travaillent, font des choses, elles doivent être au salaire minimum, du moins, au moins au salaire minimum. Mais, quand ils dorment, puis c'est exceptionnel, on peut demander à la présidente et aux gens de chaque côté de moi, c'est très peu fréquent, au fil des années...
Mme Larouche (Régine): C'est très rare qu'on est dérangé dans la nuit. C'est vraiment un travail de dormeur. Puis ce qu'on voyait, ce que la représentante nous disait au colloque, c'est que, quand les gardiens, là... Si tu vas garder une personne âgée dans une maison privée, tu n'es pas obligé de payer le salaire minimum. Il y a des clauses pour ça, je crois, hein. C'est différent.
Puis nous autres, bien, on est quand même considérés soins à domicile, alors on se demandait si on ne pourrait pas rentrer dans une clause, si on ne fait pas travailler nos gens et puis s'ils sont là vraiment pour garder. Si jamais ils sont une heure après une personne, obligés d'être éveillés, ça, c'est normal, ce sera payé.
Le Président (M. Rioux): Alors, M. le député de Gaspé.
M. Lelièvre: Vous nous posez un problème très particulier. Vous parlez de personnel, mais j'aimerais savoir, dans les résidences, dans les petites résidences, parce que c'est à ça que vous faites allusion, vous avez combien de personnes qui travaillent la nuit, une personne, deux personnes, pour qu'il y ait une problématique aussi importante et la soumettre aux parlementaires?
Mme Larouche (Régine): En fait, là, si, moi, je compare à ma résidence à moi, tout le travail peut se faire le jour. Je ne suis même pas capable... J'ai réussi, là, en transférant du travail la nuit, à faire deux nuits de travail, si je ne veux pas les payer pour qu'ils travaillent. Le reste des autres journées, c'est impossible qu'on les fasse monétairement. Alors, c'est nous autres qui vont coucher, puis on assume. Mais, on travaille le jour et on couche la nuit, ça, je...
M. Lelièvre: Mais, avant d'assumer ça, vous, personnellement, comme vous l'indiquez dans le mémoire, que les propriétaires assument eux-mêmes le travail de nuit, il y avait combien de personnes qui travaillaient?
Mme Larouche (Régine): J'avais deux personnes sur sept jours qui se reléguaient pour faire, une, quatre nuits, une, trois nuits, ou selon ce qu'ils demandaient. Des fois, il y en a une, elle voulait faire six nuits, l'autre en faisait... bon, pas six nuits. Si elle en faisait cinq, l'autre en faisait deux, là. On avait deux personnes comme ça, comme dormeurs. Et puis, s'il y avait quelque chose, nous autres, on demeurait pas loin, ils nous appelaient puis, nous autres, on allait combler. Ils étaient vraiment comme gardiens, là. Uniquement comme gardiens.
M. Lelièvre: Merci, madame.
Le Président (M. Rioux): Oui, allez.
Une voix: ...
Le Président (M. Rioux): Ça va? M. le député de Chicoutimi.
M. Bédard: Très rapidement. Alors, je vous salue. Simplement vous dire que votre situation n'est pas particulière; elle est semblable pour toute maison de même nature, qu'elle soit dans la région ou qu'elle soit peu importe sur le territoire québécois. C'est pour ça que je vous inviterais peut-être plus à vous informer comment fonctionnent d'autres maisons prises dans la même situation. Parce que, si je suis votre raisonnement... et c'est pour ça qu'il faut bien se rendre compte que, oui, dormir, ce n'est pas... ça peut vous paraître ne pas travailler mais, si, moi, je vous demandais demain de venir dormir dans ma maison et que je ne vous paierais pas, mais je vous dirais: Venez mais, quand mon bébé va pleurer, je vais vous payer, c'est sûr que vous allez avoir tendance à me dire: M. Bédard, je ne dors pas à la maison, je dors chez vous. C'est comme si je travaillais.
Alors, souvent, les maisons vont avoir une autre façon de procéder pour faire soit comme vous le faites, donner du travail pendant la nuit, ou soit opérer d'une autre façon. Mais informez-vous, je suis convaincu que vous allez trouver une autre façon, parce que la loi telle qu'elle était, elle s'appliquait. Si la Commission des normes ne l'a pas appliquée, c'est parce que soit effectivement il y a peut-être eu une plainte ou soit parce que vous n'aviez pas été informés de ça tout simplement. Alors, ça arrive. Moi, c'est arrivé fréquemment que des gens, suite à une pratique de 30 ans, se rendent compte qu'effectivement, depuis 30 ans, ils allaient à l'encontre de la loi sans que personne... Et ça, ce n'est pas un reproche que je vous fais, mais je vous dis que, dans les faits, cette loi-là et la modification qui est apportée n'ont pas pour effet de l'étendre à votre cas; elle s'appliquait déjà comme elle est actuellement.
Et dites-vous aussi qu'au Québec des maisons comme vous ont la même... sont restreintes à la même loi, donc doivent respecter cette loi-là et payer leurs gens au salaire minimum et arrivent quand même. Comment ils le font? Vous avez sûrement une association, vous voyez de quelle façon ils le font. Mais c'est qu'on ne peut pas, vous comprendrez, dans un processus législatif, faire une différence aussi précise pour un cas. Il y a peut-être d'autres façons, le ministre vous le disait, mais ce n'est pas... peut-être qu'un bon avocat vous le dirait aussi. Peut-être qu'il faut le garder, lui payer logement, comme s'il demeurait chez vous, peut-être qu'il y a d'autres façons, ou de prendre un des locataires qui est autonome, je ne sais pas. Mais, informez-vous. C'est plus de cette nature-là que vous allez régler votre problème que celui... par une modification législative. Je pense, sans présumer ce que le ministre pourrait conclure, mais j'aurais tendance plus à vous conseiller ça.
n(17 heures)nLe Président (M. Rioux): M. Arsenault.
M. Arsenault (Laurent): D'amener... Là, vous référez surtout à la partie, je veux dire, au niveau des coûts. Mais moi, je veux vous rappeler aussi, là, toute la situation au niveau des personnes âgées.
D'abord, généralement, les petites résidences comme les nôtres, c'est des personnes qui n'accueillent pas nécessairement juste des personnes très autonomes, là; c'est des personnes en légère perte d'autonomie. Moi, ma moyenne d'âge est à peu près 85 ans. Il n'y a pas une seule de mes personnes que je pourrais dire... que je pourrais mettre responsable... dire que, quand c'est la nuit, il y en a une qui sonne, elle m'appelle chez nous, à la maison ? je reste à 1 km ? pour venir répondre à l'appel. Tu sais, c'est impensable de faire ça avec le type de clientèle.
Nous autres, au niveau des affaires sociales, je peux vous dire que les petites résidences comme les nôtres, elles rendent un grand service, au niveau des affaires sociales. Parce que je peux vous dire que, nous autres, là, on est un petit peu l'intermédiaire... une des résidences intermédiaires entre les centres de gérontologie et les grosses résidences. Parce que les grosses résidences, la clientèle qu'on a, eux autres, ils ne veulent pas en avoir, de cette clientèle-là, parce que c'est des personnes qui ont besoin d'être encadrées. Puis, nous autres, c'est ce qu'on fait: on leur donne un encadrement sécuritaire, où ils ont besoin aussi d'avoir une tranquillité durant la nuit. C'est impossible de mettre des personnes au travail durant la nuit dans nos résidences parce que ça brise la quiétude de ces personnes-là. Quand on dit, là: Bon, nous autres, on n'emploie pas nos personnes seulement... Les personnes qui viennent travailler de nuit, là, ne viennent pas juste pour dormir. Oui, elles ont des tâches à faire, durant la nuit. On les paie au salaire minimum pour tout ce qu'elles ont à faire sur le plancher durant la nuit, les choses qui ne sont pas dérangeantes. On leur fait faire des choses qui ne sont pas dérangeantes pour les résidents. Les autres heures, elles sont en disponibilité, oui. On suggère même, oui, de les payer, de les payer pour ces heures de disponibilité là, mais on voudrait qu'elles soient payées en deçà du salaire minimum pour les heures où est-ce qu'elles dorment. On reconnaît que, oui, elles ont une responsabilité dans ce... mais sauf qu'elles ne font pas le travail que... Moi, je suis obligé de... Pour les faire travailler durant la nuit, là, je suis obligé d'aller couper des heures à mon personnel de jour. Je veux dire, mon personnel de jour, là...
M. Bédard: Je comprends, je comprends ce que vous dites. Mais ce que je vous dis, c'est que vous n'êtes pas les seuls comme ça. Tous les autres établissements de même nature que le vôtre, dont la nécessité, ça, je n'en ai aucun doute... mais ils sont pris dans la même situation et ils trouvent un moyen. C'est pour ça que je vous invite, peut-être par le biais de votre Association, de voir de quelle façon eux procèdent justement pour sauver des coûts avec la même préoccupation de celle de donner le meilleur service à un coût le plus bas possible pour vous. Puis ça, c'est normal.
Mais informez-vous auprès de votre Association, parce que, sinon, on aurait eu une avalanche de gens... et vous n'êtes pas les seuls, là. Des dormeurs, ça doit exister dans d'autres... pour d'autres types de services. Ce n'est pas commun mais ça doit arriver. Mais les gens concluent que les gens qui sont à la disposition de l'employeur sont des gens qui doivent avoir le salaire minimum. Est-ce qu'ils dorment ou ils ne dorment pas? Si la personne dit: Moi, je ne suis pas capable de dormir la nuit autrement que dans mon lit, va-t-elle recevoir... Vous comprenez que c'est difficile au niveau législatif de faire une démarcation aussi précise. Ce serait même, je vous dirais, très aléatoire de le faire. Alors, c'est peut-être plus à vous... Et là, je comprends votre... mais je veux qu'on comprenne... Quand je vous comprends, vous, vous me comprenez une peu aussi dans le sens: Regardez auprès de votre Association comment eux fonctionnent.
M. Arsenault (Laurent): Quand j'emploie une personne durant la nuit...
Le Président (M. Rioux): M. Arsenault, il vous reste une minute.
M. Arsenault (Laurent): Quand j'emploie une personne durant la nuit, là, je lui dis mes choses. Moi, j'en ai une de mes personnes que ça fait cinq ans qui est là, qui travaille durant la nuit puis elle m'a tout simplement dit: Mais, si je suis obligée de travailler la nuit, asteur, bien, elle dit: Moi... elle dit, moi, je m'en vais. Ça fait qu'elle accepte le travail comme ça. Ce n'est pas une personne qui va venir me faire une plainte; elle l'accepte. Elle aurait été même prête à me signer un papier comme quoi, même si ça allait à l'encontre des choses, des normes du travail... Ça fait que, quand tu trouves une personne qui accepte de faire comme ça, pourquoi pas? Moi, je trouve que c'est une bonne façon, c'est une bonne façon de...
Le Président (M. Rioux): Alors, vous demandez au ministre soit de changer la définition d'un salarié qui est vraiment au travail ou encore vous donnez un statut spécial...
M. Arsenault (Laurent): Faire une exception, je veux dire, pour des petites résidences comme les nôtres.
Le Président (M. Rioux): ...de moins de 15 personnes ou de 15 résidents? Très bien.
M. Arsenault (Laurent): Oui, c'est ça.
Le Président (M. Rioux): M. le député de Mont-Royal.
M. Tranchemontagne: Merci. Merci, M. le Président. Madame, messieurs, merci beaucoup de votre présence. D'abord, la première question que j'ai, c'est une question de compréhension de ce que vous faites dans le moment. Qu'est-ce que vous faites avec ces gens-là qui sont des travailleurs dormeurs que vous appelez, là? Vous les payez, vous ne les payez pas ou vous les payez comment?
Le Président (M. Rioux): Mme Larouche.
Mme Larouche (Régine): Maintenant, présentement, depuis qu'on sait qu'on est obligés au salaire minimum toutes les nuits, on les paye puis on a essayé de mettre du travail au moins pour qu'ils travaillent la nuit, mais on n'est pas capables de mettre sept jours de travail. Alors, les autres jours, on n'est pas capables d'assumer le travail, on couche là. C'est nous autres qui l'assume, comme propriétaires.
M. Arsenault (Laurent): Moi, je vais vous expliquer, dans le concret, moi, ce que je fais, avant qu'ils nous imposent ça, là. Mes personnes travaillent de 10 heures le soir aller jusqu'à 8 heures, le lendemain matin. Ils ont environ cinq heures de travail sur le plancher à faire; entre ça, bien, ils font le service du déjeuner. C'est eux autres qui servent le déjeuner aux personnes. Le soir, ils ont des choses à préparer justement pour le déjeuner, bon, des choses comme ça, des choses qui ne sont pas dérangeantes, qui se font dans des aires où est-ce que ça ne dérange pas les personnes. Moi, je les payait pour toutes ces heures. Ces cinq heures-là, je les payais au salaire minimum. Mettons 7 $ de l'heure, là, ça leur faisait 35 $ pour cette période-là puis je les payais, après ça, à 3 $ de l'heure pour les périodes où est-ce qu'ils dormaient, ce qui leur faisait... Moi, je leur donnais par nuit 50 $. Puis, même, je les ajustais. Je les avais justement ajustés dernièrement à cause... à 55 $ par nuit, à cause de l'augmentation du salaire minimum; je les ai ajustés, justement. Nous autres, on le fait aussi; quand il y a une augmentation de salaire minimum, on les ajuste aussi. Puis les personnes étaient très satisfaites de leur rémunération, comme ça.
Le Président (M. Rioux): M. le député.
M. Tranchemontagne: Oui, merci. Alors, si je vous comprends bien, donc vous les rémunériez à deux taux. Un, quand ils travaillaient vraiment, que ce soit pour préparer les repas ou s'ils étaient sur appel aussi, pendant qu'ils étaient sur un appel, je présume, là, et un autre taux qui était peut-être 50 %, peut-être grosso modo, lorsqu'ils dormaient simplement. Ce que vous nous dites, c'est: Vous seriez prêts à, s'il y avait une exception dans la loi ou une modification, là, ou une précision dans la loi... Parce que, si on est capables de modifier ou de faire des cas spécifiques pour les domestiques par exemple ? je vais prendre ça comme exemple, là, pas parce que je vise eux autres, là, mais c'est un exemple qui s'applique aussi ? alors, on pourrait en faire une pour vous autres aussi dans ce cas-là de la fonction travailleur dormeur. Je ne comprends pas l'intervention du député de Chicoutimi à ce point de vue là, là. Ça m'apparaît clair.
Le Président (M. Rioux): Mme Larouche.
Mme Larouche (Régine): C'est un peu ça qu'on demande. Puis, de plus, on paie nos employés de jour qui travaillent au salaire minimum ou presque. Et qu'est-ce qu'on a eu comme rebound? C'est: Bien, c'est ça. Nous autres, on travaille puis, eux autres, ils dorment puis ils sont payés pareil comme nous autres.
M. Tranchemontagne: Question d'équité, autrement dit, ce que vous nous dites, entre...
Mme Larouche (Régine): Tu sais, c'est difficile, là. C'est difficile asteur, là. Entre nos employés, là, ça crée des... bon.
M. Tranchemontagne: D'accord, merci.
Le Président (M. Rioux): Alors, madame...
Mme Larouche (Régine): Puis, dans les autres résidences, vous dites: C'est un cas de la région à nous autres. Ce n'est pas un cas de la région à nous autres; c'est un cas provincial. Puis je vous dirais que, bon, c'est encore partout qu'ils payent leur monde, bien, illégalement à tant par nuit, là.
Le Président (M. Rioux): Mme la députée de Jonquière.
Mme Gauthier: Merci, M. le Président. Bonjour. Bonjour, M. Arsenault, bonjour, madame, bonjour, M. Blackburn. Je connais bien la résidence exploitée par M. Arsenault; ma mère était résidente chez lui.
Simplement, je voudrais savoir: Dans le concret, est-ce que vous avez été obligés... Parce que j'ai vu effectivement qu'il y avait une note de la Commission dans les années passées qui disait de traiter les travailleurs dormeurs sans les payer nécessairement au salaire minimum. Et vous avez eu une note cet été, je pense, en vous disant de vous ajuster à la définition de l'article 57 de la Loi sur les normes du travail. Dans la réalité, est-ce que ça va entraîner des coûts pour vos bénéficiaires, pour vos locataires, pardon?
Le Président (M. Rioux): M. Arsenault.
M. Arsenault (Laurent): C'est-à-dire que, ce que ça va m'entraîner comme coûts, moi, il va falloir que j'aille le chercher chez mes résidents, c'est sûr. Mais là, c'est que... justement, là, c'est que cette année, comment je dirais, moi, je trouve que nos personnes, elles sont déjà, vous dites, beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup sollicitées, là, dans... Parce que chaque fois que le salaire minimum augmente, je suis obligé de les augmenter; chaque fois qu'il y a des augmentations du coût de la vie, je suis obligé de les augmenter. Il y a la question des médicaments, tu es obligé de les augmenter. Ils ont une capacité, ces personnes-là. Moi, je n'ose plus, je veux dire, je n'ose plus. Puis je vous le dis: Je vous assure que, quand on fait des augmentations de loyer, c'est sûr qu'il y en a des fois qui nous taxent, tu sais, d'exagérer, d'exagération. Puis, moi, je les comprends, aussi. Il y a peut-être des personnes qui sont plus en moyens, mais il y en a d'autres qui en arrachent puis qui ne sont pas capables de... qui sont obligées de s'en aller parce qu'ils n'ont pas les moyens de rester chez nous.
n(17 h 10)nLe Président (M. Rioux): Merci, Mme la députée. Autres questions du côté de l'opposition? M. le député de Vimont, ça va?
M. Gaudreau: Oui.
Le Président (M. Rioux): Très bien. Alors, vous voulez faire une conclusion, j'imagine.
M. Blackburn (Jean-Pierre): Un commentaire. S'il vous plaît, oui.
Le Président (M. Rioux): Alors, allez, monsieur. M. Blackburn.
M. Blackburn (Jean-Pierre): C'est sûr que c'est un contexte particulier, parce que, auparavant, ça ne s'appliquait pas, hein? C'est comme si, la Loi des normes du travail, ils considéraient ça normal que les gens qui travaillaient la nuit n'aient pas à être payés... c'est-à-dire qui dormaient la nuit n'aient pas à être rémunérés au salaire minimum.
Tout à coup, on décide de modifier cette interprétation, puis là, ça crée des problèmes. Encore hier, lors de la réunion du conseil d'administration, il y avait une douzaine de personnes, puis, les gens, c'est ce qu'ils ont fait, là. Depuis trois mois, ils ont décidé eux-mêmes d'aller dormir dans leur résidence pour assumer cette responsabilité. Alors, ça crée des difficultés, hein?
Puis c'est pour ça qu'on dit: Il doit y avoir moyen, sans exploiter le monde, tout en étant corrects envers les gens, de reconnaître qu'il y a une différence entre quelqu'un qui doit faire un travail la nuit puis celui qui est là en termes de gardiennage et qui dort la nuit. Puis il y a moyen de faire quelque chose de sensé puis de... La réflexion des gens, c'était que 5 $...
Puis pourquoi également ils ont mis entre 22 heures et 7 heures, là? Ce n'est pas pour le fun, là. C'était que, à cette heure-là, tout est réglé dans les résidences. Les personnes âgées qui avaient besoin de médicaments, c'est fait. Alors, ils tombent vraiment dans la situation où les gens dorment. Puis, eux aussi, c'est ce qu'ils veulent, ces gens-là; c'est continuer à dormir. Puis je pense que la rémunération pourrait être balancée pour que ce soit plus acceptable.
Le Président (M. Rioux): ...compris, je pense que le ministre a certainement capté votre message. C'est que, au salaire minimum, en état de veille ou en état de sommeil, ça met en cause l'existence même de votre résidence pour personnes âgées qui a de 15 personnes et moins. C'est ça, 15 personnes et moins?
Mme Larouche (Régine): Ah oui!
M. Blackburn (Jean-Pierre): Les petites, les moyennes... Quand on tombe dans les grosses résidences, ce n'est pas du tout le même concept, hein? Eux autres, ils ont beaucoup plus de gens puis il y a des travaux qui se font la nuit. Alors, c'est normal; les gens qui sont payés au salaire minimum, dis-je. Mais, dans les petites puis les moyennes, c'est difficilement applicable; de là le problème.
Le Président (M. Rioux): Alors, merci.
M. Blackburn (Jean-Pierre): Merci à vous tous.
Le Président (M. Rioux): Mme Larouche, M. Blackburn, M. Arsenault, merci beaucoup.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Rioux): Les gens de Leucan, s'il vous plaît! Alors, M. Latulippe, bonjour. Vous allez nous présenter vos collègues?
Leucan
M. Latulippe (Daniel): Bonjour. Je suis Daniel Latulippe, président du conseil d'administration de Leucan. Je suis en compagnie de Ginette Charest, qui est la directrice générale de Leucan, et M. Yvan Samson, qui est le docteur du CHU, du centre hospitalier de Québec, au niveau de l'hémato-oncologie pédiatrique.
Le Président (M. Rioux): Alors, M. Latulippe, c'est vous qui présentez le mémoire?
M. Latulippe (Daniel): Alors, je vais immédiatement céder la parole à Mme Charest qui nous introduit...
Le Président (M. Rioux): Mme la directrice. Très bien. Mme Charest, on vous écoute.
M. Latulippe (Daniel): ...au mémoire.
Mme Charest (Ginette): Les membres de la commission auront droit à une triple présentation. Nous parlerons à tour de rôle, dépendant des domaines d'expertise.
Alors, évidemment, nous pourrions comprendre que les membres de la commission ont été étonnés qu'une institution comme Leucan qui travaille auprès des enfants qui sont atteints de cancer ait tenu vraiment à être reçue à une audition portant sur la révision des normes du travail. Toutefois, notre demande est basée sur les droits de ces enfants mineurs, et nous sommes ici pour parler en leur nom. Vous êtes tous des grands-parents, parents ou potentiellement l'un ou l'autre, et je suis convaincue que vous comprendrez le bien-fondé de la demande. À l'avance, nous vous remercions.
Pour ceux qui ne connaissent pas Leucan, Leucan est une organisation sans but lucratif qui vise principalement la guérison et le bien-être des enfants atteints de toutes formes de cancer ainsi que le soutien à leurs familles. Leucan répond aux besoins de ses membres à travers tout le Québec grâce au travail de comités de direction régionaux. Nous sommes présents partout au Québec: dans les Laurentides, l'Estrie, le Saguenay?Lac-Saint-Jean, la Mauricie, la Montérégie, l'Outaouais, l'Abitibi-Témiscamingue et dans la grande région de Québec. Notre siège social est à Montréal.
Leucan compte 4 500 membres actifs et 500 membres associés, à travers tout le Québec. On assume un rôle fort important dans le soutien aux familles des enfants atteints de cancer en réunissant les conditions nécessaires pour leur assurer un support moral et financier afin de les aider dans leurs besoins quotidiens et dans la reprise de leur activité régulière. Leucan a mis en place différents programmes qui s'adressent aux enfants, à la fratrie, aux parents, tels les programmes de soutien affectif, sensibilisation scolaire, information, documentation, activités sociorécréatives, massothérapie. Nous gérons aussi un programme d'aide financière qui permet de rembourser les nombreux frais encourus par les familles durant la maladie: entre autres, frais de transport, hébergement, etc. Ce programme spécifique accorde une aide financière à plus de 150 familles au Québec, par année.
Par ailleurs, Leucan travaille conjointement avec les cliniciens et autres professionnels de la santé afin de fournir aux enfants atteints de cancer l'accès aux meilleurs traitements possible. Un pourcentage de nos revenus sont pour supporter la recherche clinique. Leucan est d'ailleurs la seule institution au Québec à soutenir ce genre de recherche, et j'aimerais préciser que le Dr Samson est aussi responsable principal de la recherche clinique au Centre d'oncologie pédiatrique du Centre hospitalier universitaire de Québec.
J'aimerais céder la parole au président de notre institution pour qu'il présente la formulation de la demande de Leucan à la commission.
Le Président (M. Rioux): Alors, on vous écoute, M. le président. M. Latulippe.
M. Latulippe (Daniel): Alors, c'est en tant que parent d'un enfant atteint que je m'adresse aujourd'hui à vous. Leucan apprécie les modifications faites aux normes du travail, notamment en ce qui a trait aux articles portant sur la conciliation du travail avec la vie familiale et principalement ceux portant sur les absences pour raisons familiales.
n(17 h 20)n L'article 79.7 initie la notion de responsabilité familiale et augmente à 10 jours par année le nombre de jours où un employé peut s'absenter pour prendre soin de son conjoint, de son enfant, de l'enfant de son conjoint, de son père, de sa mère, d'un frère, d'une soeur ou de l'un de ses grands-parents.
Nous apprécions que cet article ne porte plus la mention restrictive que nous retrouvions auparavant à l'alinéa 1 de l'article 81.2, à savoir que l'employé doit avoir pris tous les moyens raisonnables à sa disposition pour assurer autrement ses obligations et pour limiter la durée du congé.
L'article 79.8 précise que le salarié qui justifie trois mois de service continu puisse s'absenter pour une durée maximale de 12 semaines au cours des 12 derniers mois lorsque sa présence est nécessaire auprès d'une des personnes ci-haut identifiées qui serait atteinte d'une grave maladie ou qui aurait subi un grave accident. Nous croyons que ces modifications constituent une percée intéressante dans la reconnaissance des obligations familiales des salariés.
Comme étant un premier pas vers la reconnaissance des obligations parentales face aux enfants mineurs, nous apprécions les modifications suivantes que je vous énumère: L'article 81.10 est modifié par le remplacement, dans le premier alinéa, des mots «n'ayant pas atteint l'âge à compter duquel un enfant est assujetti à l'obligation de fréquentation scolaire» par le mot «mineur». Cette modification reconnaît le lien particulier unissant l'enfant mineur à son parent.
L'article 81.11 fait l'ajout de l'alinéa suivant: «Toutefois, le congé parental peut, dans les cas et aux conditions prévus par règlement du gouvernement, se terminer au plus tard 104 semaines après la naissance ou, dans les cas d'adoption, 104 semaines après que l'enfant a été confié au salarié.». Cette modification, qui porte de 70 à 104 semaines le congé parental, reconnaît ainsi implicitement le besoin d'un enfant mineur à une présence parentale.
L'article 81.12 stipule que l'avis de trois semaines à donner à l'employeur dans le cas d'un congé parental peut être moindre si la présence du salarié est requise auprès d'un enfant nouveau-né ou nouvellement adopté, en raison de son état de santé. Cette modification est en effet une reconnaissance de l'obligation morale du parent à être au chevet de son enfant malade. Elle reconnaît aussi le lien instinctif de protection qui lie le parent à l'enfant mineur.
L'article 81.13 module le congé et précise la flexibilité qui doit être attachée aux besoins des enfants et, de fait, la flexibilité nécessaire du congé parental par l'ajout de l'alinéa: «Si l'employeur y consent, le salarié peut reprendre son travail à temps partiel ou de manière intermittente pendant son congé parental.» Toutefois, Leucan déplore que les cas d'enfants mineurs malades soient traités dans les articles 79 portant sur les obligations familiales, donc incluant les enfants majeurs et mineurs, plutôt que dans les articles 81 portant sur le congé parental. Poser comme postulat que le rôle et le devoir du salarié face à un frère ou à une grand-mère malade ou même face à son enfant majeur sont identiques à ses responsabilités face à son enfant mineur ne correspond pas à la réalité et ne reconnaît en aucune façon ni le lien qui lie le parent à l'enfant mineur ni les obligations légales liées au statut de parent.
Nous sommes parfaitement en accord avec le fait qu'un enfant mineur adopté ait besoin de la présence du parent pour favoriser son adaptation à sa nouvelle vie, pour être assuré, rassuré, encadré, etc., et que, pour ce faire, le parent adoptif puisse bénéficier d'un congé parental de 104 semaines. Nous ne pouvons toutefois admettre qu'un enfant mineur atteint de maladie grave ne puisse bénéficier que de 12 semaines de présence parentale. Nous soutenons à nouveau que ces dispositions ne correspondent pas à la réalité et vont à l'encontre d'une véritable politique de congé parental, les devoirs parentaux étant différents des devoirs familiaux. Nous réitérons qu'elles ne correspondent pas non plus aux obligations légales des parents et aux exigences des milieux médicaux face à un enfant mineur gravement malade.
Notre demande se formule donc comme suit: Que les parents dont les enfants mineurs sont atteints d'une maladie grave puissent bénéficier d'un congé de présence parentale pour enfant malade d'une durée relative au diagnostic défini par l'équipe médicale; que ces congés soient régis par les articles portant sur les congés parentaux. Vous trouverez d'ailleurs en annexe 1 les modifications à la Loi sur les normes du travail tenant compte du projet de loi actuel, la loi n° 143.
Un congé de présence parentale aura pour but de permettre aux parents dont l'enfant est affligé d'une maladie grave d'être présents auprès de lui lors des traitements ou des périodes de réhabilitation sans avoir à se préoccuper des complications pouvant en résulter au niveau de leur vie professionnelle. Nous entendons par «maladie grave» une maladie potentiellement mortelle et nécessitant des traitements aigus et intensifs à risque élevé de complications, entre autres les cancers de toutes sortes. Ainsi, le parent dont l'enfant est atteint d'une telle pathologie pourra prendre un congé pour présence parentale afin d'être présent auprès de son enfant pour lui apporter tout le support nécessaire lors des traitements reliés à cette pathologie.
Contrairement à un congé parental suite à la naissance et à l'adoption d'un enfant, dont la durée est circonscrite de manière arbitraire à 104 semaines ? 70 avant les modifications ? il n'est pas possible de limiter un congé pour présence parentale à un nombre de semaines fixe et prédéterminé. En effet, les traitements de l'enfant peuvent s'échelonner sur une période très courte ou très longue, selon le cas, et la durée prévisible pourra même être amenée à changer selon l'évolution de la maladie.
En conséquence, il serait contraire à l'esprit des modifications proposées que de fixer un nombre déterminé de semaines pour présence parentale. Nous croyons qu'il sera plus opportun de laisser à l'équipe médicale le soin de déterminer la période appropriée du congé pour présence parentale en prenant en considération différents secteurs, tels la durée du traitement, l'âge de l'enfant et la nécessité ou non de la présence du parent auprès de l'enfant. En conséquence, le salarié devra remettre à son employeur un certificat médical prévoyant une certaine durée de congé pour présence parentale, durée qui pourra néanmoins faire l'objet d'une réévaluation, selon les résultats obtenus suite au traitement. En cas de non-respect des nouvelles dispositions de la loi concernant ce congé pour présence parentale, le salarié devra bénéficier d'un recours comparable à celui prévu pour le salarié de retour d'un congé parental.
Je cède maintenant la parole au Dr Samson qui va nous donner le contexte médical.
Le Président (M. Rioux): M. Samson.
M. Samson (Yvan): Merci, M. le Président. Je vais commencer par parler du bien-fondé de la demande en expliquant un petit peu le contexte médical.
Premièrement, quelques statistiques pour débuter. Le cancer de l'enfant représente 1 % de tout le cancer de la population en général. Il n'en reste pas moins qu'un enfant sur 500 entre l'âge de zéro et 19 ans sera atteint de cette maladie. Au Canada, entre 1991 et 1995, il y a eu, en moyenne, 1 279 cas de cancer diagnostiqués chez des enfants de cet âge; 249 de ceux-là décèdent, à chaque année. Au Québec, le nombre de nouveaux cas d'enfants atteints de cancer varie entre 250 et 300, à chaque année.
Les exigences médicales en ce qui concerne le cancer en particulier. Lors de la période du diagnostic, les parents doivent assumer une présence constante auprès de leur enfant. L'hospitalisation initiale varie entre deux et quatre semaines. Une étude préliminaire de 70 patients diagnostiqués en 1999 à l'hôpital Sainte-Justine, à Montréal, nous a démontré que la durée moyenne d'hospitalisation dans les six premiers mois suivant le diagnostic est de 33,3 jours, avec un intervalle de un à 157 jours. Ensuite, les enfants sont soumis à des visites hebdomadaires pour des évaluations et/ou des traitements. Un grand nombre d'entre eux nécessitent des hospitalisations aux trois à quatre semaines, de quatre à cinq jours chacune, pour des traitements plus agressifs. La durée totale des traitements est d'un à deux ans, dans la majorité des cas. L'enfant doit absolument être accompagné d'un parent, lors de ces visites. Dans les cas de greffe de moelle osseuse, l'hospitalisation varie de six à huit semaines.
Le Président (M. Rioux): Dr Samson?
M. Samson (Yvan): Oui?
Le Président (M. Rioux): Peut-être résumer un peu, parce qu'il vous reste deux minutes et demie puis on voudrait bien profiter du reste de votre mémoire.
M. Samson (Yvan): Oh! On va passer aux conséquences psychologiques; le reste est écrit dans le mémoire. La partie 4, peut-être, la partie sur les enfants et sur les parents, à la fin.
Les enfants en traitement ont besoin d'un environnement stable afin qu'ils aient les meilleures conditions possible de guérison. L'instabilité émotive des parents ajoute de la pression chez l'enfant. Si l'enfant perd ses repères, il est alors soumis à des stress supplémentaires nuisibles au processus de guérison.
Le handicap associé aux séquelles de la maladie et ses traitements est le résultat d'un équilibre entre les difficultés cognitives, sociales et affectives de l'enfant et les réactions de l'environnement, dont la famille. Chez l'enfant, une interaction négative peut amplifier le handicap, au cours du développement.
n(17 h 30)n Je vais passer à la conclusion de cette section-là: les conséquences sur le parent qui sont particulièrement importantes. Le diagnostic de cancer chez un enfant est un des pires générateurs de stress par une menace vitale sur l'être le plus cher au coeur des parents. La durée des traitements, l'incertitude du pronostic transforment ensuite le stress aigu initial en un stress chronique. La capacité d'absorber les difficultés professionnelles devient pratiquement nulle par la suite. Les parents dont l'enfant est atteint de cancer vivent une période de grande déstabilisation émotive de plusieurs mois avec aucune capacité de travailler. En annexe II, vous allez trouver des témoignages illustrant nos propos qu'on ne lira pas ici.
Mme Charest (Ginette): M. le Président, est-ce qu'il serait possible de conclure quand même, même s'il y a un léger dépassement du temps?
Le Président (M. Rioux): Oui, il vous reste un peu de temps pour la conclusion, allez.
Mme Charest (Ginette): Merci. Alors, au moment de la présentation de ce mémoire, nous n'avons pu analyser l'étude d'impact du projet de loi n° 143 portant sur les modifications parce que cette étude d'impact a été déposée aujourd'hui, 3 décembre. On n'est toutefois pas insensible aux coûts que peuvent engendrer les modifications supplémentaires qu'on demande. Par contre, on est convaincu que des congés de présence parentale suffisants et gérés adéquatement seraient socialement et économiquement moins onéreux que les déstabilisations familiales, psychologiques et professionnelles générées par une loi inadéquate. Des travailleurs stressés sont des travailleurs à risque. Des frères, des soeurs déstabilisés risquent la déperdition scolaire. Des enfants angoissés par l'absence d'un parent lors de traitements majeurs répondent mal à la médication, répondent mal aux traitements. Ça engendre des coûts sociaux qui sont importants.
Vous pourriez nous dire aussi ? et je préfère prévoir la question ? que, de toute façon, des parents qui n'ont aucun revenu pendant 104 semaines de congé ne pourront pas prendre ces congés, ils ne pourront pas assurer les obligations financières qui vont avec ça. Mais je pense qu'on doit admettre ensemble que, dans une société démocratique, moderne et progressiste, il faut au moins, au moins leur en laisser la possibilité. Ceci dit, il va de soi que la situation serait difficile pour ces parents-là.
Leucan ne présente pas ici une demande concernant une assurance de présence parentale pour enfant gravement malade, là n'est pas l'objet de la commission. Toutefois, on est conscient que nous devrons ultérieurement faire des démarches en ce sens. À cet effet, nous tenons à préciser à la commission qu'une analyse des coûts liés à des allocations pour présence parentale a été effectuée à notre demande par la firme Samson Bélair, que tout le monde connaît. Cette analyse est basée sur des données vérifiables. Il ressort de cette étude que les coûts annuels attachés à une assurance seraient de l'ordre de 900 000 $ à 1,5 million par année, ce qui est très peu dans le contexte.
Pour conclure, on aimerait beaucoup porter à l'attention des membres de la commission que, le 27 décembre dernier, à Montréal, lors d'un déjeuner-conférence organisé par l'Ordre des conseillers en ressources humaines et relations industrielles du Québec, le sous-ministre du Travail, M. Roger Lecourt, nous informait que certaines modifications à la loi qui sont très intéressantes, notamment celles ayant trait au harcèlement psychologique, étaient innovatrices en Amérique du Nord et qu'elles s'étaient inspirées de certaines approches ayant cours en Europe. Nous sommes étonnés que les analyses comparatives avec l'Europe n'aient pas pris en compte les approches novatrices de la France et de la Suède en matière de congés de présence parentale pour enfants mineurs gravement malades.
En France notamment, depuis plus d'un an, une loi régit les congés de présence parentale pour enfants gravement malades. Par cette loi, le gouvernement français précise qu'il a pour objectif de reconnaître la primauté de la relation parentale lors d'une maladie grave d'un enfant mineur. Et nous citons: «Pour la première fois, la valeur de la vie d'un enfant et le besoin de présence parentale qui s'y attache est reconnue par la création non seulement d'un congé, mais d'une allocation de présence parentale.» Notre demande ici est que le congé, au moins, s'applique aux parents qui ont des enfants mineurs gravement malades. Merci.
Le Président (M. Rioux): Merci, Mme Charest. M. le ministre.
M. Rochon: Oui, M. le Président. Bien, merci beaucoup de votre intervention. Je pense que Leucan, vous êtes très connus, probablement de la plupart des gens autour de la table, et vous faites vraiment un travail formidable.
Je ne pense pas qu'on puisse vous donner une réponse complète, satisfaisante aujourd'hui, mais je peux vous dire que vous nous soumettez là une situation qui n'était pas apparue jusqu'à présent dans tous les travaux et les consultations qu'on a faites, c'est-à-dire d'associer ? je veux m'assurer de bien vous comprendre, là ? à un congé parental plutôt qu'à un congé de maladie la situation de l'enfant mineur, et qu'à ce moment-là ce n'est pas le fait qu'il soit mineur qui est important, c'est le fait qu'il est malade. Mais, comme le congé permis est beaucoup plus long pour élever un enfant mineur après la naissance ou l'adoption, ce serait plus approprié comme délai que ce qu'on donne pour un cas de maladie, qui est plus limité. Et vous semblez avoir des statistiques qui démontrent bien que la période réaliste est plus entre un an et deux ans, vous nous dites, qu'une période de 12 semaines.
Bon, les modifications qu'on fait à la Loi des normes dans le projet actuel étaient beaucoup inspirées, pour ces modifications dont on parle, de l'harmonisation qu'on voulait faire avec la Loi sur l'assurance emploi et la Loi de l'assurance parentale, et on ne peut pas penser, là, qu'on peut aller toucher à ces lois-là par les travaux qu'on fait actuellement. Maintenant, est-ce que la Loi sur les normes du travail pourrait aller jusqu'à tenir compte de la situation particulière où vous avez aussi... quitte à le voir un peu une définition, là, que vous nous suggérez, que vous avez en page 4 pour ce qui est de la maladie grave qui correspondrait à cette situation-là pour l'enfant, d'au moins d'assurer sur une période plus longue la protection de l'emploi de la personne en vertu des lois des normes du travail? Moi, tout ce que je peux vous dire aujourd'hui, c'est qu'il va falloir qu'on regarde ça. On va regarder ça très sérieusement. On ne peut pas ne pas analyser les implications de ça, voir ce que ça fait, là, je ne peux pas vous donner une réponse sur-le-champ, mais... Je ne peux pas vous donner une réponse positive, mais je ne vous en donne pas de négative non plus, là. Alors, on va vraiment regarder ça. Au besoin, on recommuniquera avec vous pour préciser des informations que vous nous donnez quant à définition, délais, qu'est-ce qui est raisonnable, pour être sûr qu'on fait quelque chose qui est bien balisé, là.
Et, si on trouve un moyen de faire ça, moi, je suis tout à fait ouvert, là, à ce qu'on regarde ça, parce que, je pense, effectivement, vous faites référence à une situation particulière où l'enfant a besoin de soins, a besoin d'attention. Si ce n'est pas les parents, ça va être quelqu'un d'autre, puis qui, mieux que les parents, peut faire ça? Vous mettez le doigt sur quelque chose de très important. Alors, on va se reparler là-dessus en ce qui me concerne.
Le Président (M. Rioux): Très bien. Oui, Mme la députée de Terrebonne.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, d'abord, je vous remercie d'attirer notre attention sur cette réalité qui est effectivement importante. Vous avez fait référence à la France et à la Suède. Vous nous dites que, du côté de la France, depuis un an, il y a un congé. Est-ce que vous pouvez nous donner la teneur de ce congé, la précision sur le congé comme tel et sur l'Allocation de présence parentale? Et, du côté de la Suède, est-ce que c'est exactement la même solution qui a été trouvée?
Mme Charest (Ginette): Pour la Suède, les congés sont de plus courte durée. Je pourrai envoyer aux membres de la commission la teneur exacte des congés suédois.
Pour la France, c'est des congés qui ont une certaine flexibilité, qui sont donnés sur des blocs de quatre mois, sur un an, et ensuite renouvelables sur une deuxième année, et les parents qui bénéficient de ces congés peuvent en bénéficier à temps partiel, à demi-temps, dépendant des besoins qu'ils ont face à l'enfant atteint.
Mme Caron: Merci beaucoup.
Mme Charest (Ginette): Je vous en prie.
Le Président (M. Rioux): Merci. Alors, M. le député de Mont-Royal.
M. Tranchemontagne: Madame, messieurs, merci beaucoup d'être ici présents. Je dois dire que vous soulevez un problème fondamental, je pense, et on doit reconnaître qu'il y a clairement une différence entre le cas que vous soulevez, le cas d'enfants malades d'un cancer, par rapport aux autres cas dont vous avez parlé, soit un frère, une soeur ou d'autres personnes.
Je veux vous dire tout simplement que, moi, j'endosse d'emblée l'ensemble de vos recommandations. Je pense qu'il faut absolument essayer de trouver un moyen pour adapter la loi pour qu'elle reconnaisse que, si on est prêt à donner 104 semaines de congé pour, par exemple, adopter un enfant, on devrait sûrement être capable de donner autant de semaines quand on fait face à la mort probablement ou, enfin, au danger de mort pour un enfant qui est malade du cancer.
Ceci étant dit, j'ai quand même une question pour vous. Vous parlez de maladies graves. Dans un texte de loi, est-ce que «maladies graves» serait une façon suffisante pour cerner les cas dont vous parlez ou si on devrait être plus précis pour en arriver à cibler enfin l'objet de votre démarche?
Mme Charest (Ginette): Si on se réfère à la loi n° 116, entre autres, il est très clair que les cas de cancer ont été considérés, les cas de très grande prématurité des enfants, certains cas d'allergie, des accidents majeurs qui demandent une réadaptation. Donc, ce sont des appuis ponctuels.
Le gouvernement français n'a pas tenu compte de ce qu'on appelle la chronicité, la chronicité tombant, là-bas, sur une autre loi. Et, ici aussi, il y a des modalités pour gérer la chronicité, donc une maladie grave, potentiellement mortelle.
Et peut-être que, M. le Président, on en discutait... Peut-être que vous pourriez ajouter ce dont ont discuté... À savoir comme, par exemple, le corps médical pourrait...
M. Latulippe (Daniel): Alors, c'est ça, nous, on a l'expérience au niveau des cancers de toutes sortes. Le Dr Samson pourrait certainement témoigner qu'un certain nombre d'enfants, on ne sait jamais lesquels qui vont décéder à partir du moment où le traitement commence. Alors, au point de vue médical, il y a certainement un certain nombre de critères qui pourraient être élaborés pour bien préciser ce dont on parle, à savoir que nous, dans le contexte du cancer, ce qu'on voit très bien, c'est que peu importe le traitement il est toujours possible que l'enfant décède, et cela, généralement, ça peut être dans la première année, ça peut être dans la deuxième année et ça peut être avant le cinq ans où l'enfant est déclaré médicalement guéri. Alors, il y a un certain nombre de critères qui pourraient certainement être relativement faciles à déterminer qui circonscrivent la situation.
n(17 h 40)nM. Tranchemontagne: Merci beaucoup pour votre présence.
Le Président (M. Désilets): M. Samson.
M. Samson (Yvan): Oui. J'aurais juste une précision à apporter, c'est que la présence des parents est essentielle pour donner les traitements. Les traitements de chimiothérapie, les traitements pour les enfants atteints de cancer sont difficiles, et, sans la présence des parents, on ne peut pas avoir la collaboration des enfants pour donner facilement les traitements. Donc, en tout temps, on demande aux parents de se présenter avec les enfants. Alors, les... Avec leur enfant, oui. Et les parents n'ont pas, de toute façon, la tête pour aller travailler. Je crois que ça, c'est relativement aisé à comprendre aussi.
Le Président (M. Désilets): M. le député de Mont-Royal.
M. Tranchemontagne: Merci pour votre précision. Ça m'amène à une question additionnelle: Est-ce que la présence des deux parents est nécessaire ou si, par exemple, les deux travaillent... Est-ce qu'il peut y avoir alternance ou... Est-ce qu'un parent est suffisant à la fois, là, je parle?
M. Samson (Yvan): Il y a des périodes où la présence des deux parents est essentielle, c'est les périodes où il y a des prises de décision. Quand on prend une décision, les deux parents, que la famille soit unie ou séparée... la présence des deux parents est, la plupart du temps, essentielle. Il y a des grandes périodes où la présence d'un seul parent est suffisante pour assumer la bonne marche des traitements. Et la plupart des familles, il y a un arrangement qui se fait entre les deux parents en fonction de leur travail respectif, en fonction des revenus respectifs, et ils finissent par trouver un genre de modus vivendi. Mais, la plupart du temps, un des parents ? et c'est souvent celui qui a le revenu moindre des deux ? quitte son emploi ou le perd tout simplement pour prendre soin de l'enfant. C'est vraiment ce qu'on observe.
Le Président (M. Désilets): Mme Charest.
Mme Charest (Ginette): Et, très souvent, ce qu'on retrouve ? et c'est comme dans les aidants naturels ? les femmes, souvent, laissent leur emploi et, par la suite, après le décès de l'enfant, la déstabilisation de la famille, la réinsertion au niveau professionnel peut devenir difficile quand il y a eu perte d'emploi. Mais c'est les femmes, selon nos statistiques, qui sont les premières au front.
Le Président (M. Désilets): Bien, je vous remercie beaucoup. M. le député de Vimont.
M. Gaudreau: Écoutez, en tant que parents, je pense qu'on ne peut pas rester insensible devant votre présentation, et soyez assurés de notre appui. Maintenant, j'aimerais vérifier quelque chose avec vous. Vous mentionnez ici qu'il y aurait peut-être une demande qui pourrait être faite concernant une assurance de présence parentale pour enfants gravement malades. Je lis par la suite qu'en France il y aurait peut-être quelque chose de semblable, on parle de congé. Est-ce que c'est des congés rémunérés? Comment que c'est fait?
Mme Charest (Ginette): En France, les congés sont rémunérés au salaire minimum. En fait, la loi a été passée avant que l'euro ait cours, donc c'était sous le franc, et c'était une allocation de 3 000 francs par mois, donc, qui pouvait être versée complètement, ou, si le parent décidait de prendre un demi-temps pour s'occuper de l'enfant, partiellement, ou dépendant des aménagements de la famille. Donc, il y a différentes modalités qui sont possibles.
J'aimerais rappeler à la commission qu'il y a deux ans Leucan était devant une commission parlementaire aussi, celle sur la loi n° 140, loi qui a été adoptée le 25 mai 2001, et, à ce moment-là, on avait déposé une demande pour congé et allocation parentale, mais dans le cadre de la loi n° 140. Mais, effectivement, on a des analyses qui sont basées sur les cas européens et dont on pourrait faire bénéficier tous ceux qui s'intéressent à la question.
Le Président (M. Désilets): Avez-vous une autre question, M. le député de Vimont? Non? M. le député de Chicoutimi.
M. Bédard: Très rapidement, simplement pour manifester aussi... On le sait, là, il y a une belle unanimité, alors je vais y participer. Alors, mon entier appui par rapport, effectivement, au prolongement à une période... Et, là vous ne mettez pas de limite, donc vous le laisseriez à la... Bien, pas à la discrétion, le médecin jugera au fur et à mesure. Ce que vous me dites, c'était un délai qui était fixé, je ne le sais pas, moi... Parce que, des fois, il y a des maladies qui peuvent se prolonger sur plusieurs années et même, malheureusement, là... Si c'était, par exemple, sur une période de deux ans, ça vous semblerait...
Mme Charest (Ginette): On l'a circonscrit à l'intérieur du projet de loi actuel.
M. Bédard: O.K. Jusqu'à la période de deux ans.
Mme Charest (Ginette): Tout à fait. Tout à fait.
M. Bédard: O.K. Je ne l'avais pas lu. O.K. Parfait. Alors, c'est tout à fait... Moi, je pense que... Et, quant à l'assurance, bien c'est une autre question. Effectivement, comme société, est-ce qu'on doit se donner ce service-là? Ça, je pense que...
Une voix: ...
M. Bédard: C'est une autre discussion, mais c'est une belle discussion, par contre, et souhaitons que... Mais ce que j'ai entendu du ministre, c'est qu'il semble très, très ouvert par rapport à vos propositions. Merci de votre témoignage.
Le Président (M. Désilets): Eh bien, M. Samson, Mme Charest, M. Latulippe, on vous remercie de la présentation de votre mémoire. Et, sur ces paroles, je pense, c'est terminé, hein? On suspend pour jusqu'à 20 heures. Ça fait qu'on vous remercie beaucoup.
(Suspension de la séance à 17 h 45)
(Reprise à 20 h 3)
Le Président (M. Rioux): Je vais demander au député de Maskinongé de réintégrer son siège. Alors, mesdames et messieurs, nous allons maintenant poursuivre nos travaux. Le rappel est peut-être important, on procède à une consultation particulière et on tient des audiences publiques sur le projet de loi n° 143, la loi modifiant les normes du travail et d'autres dispositions législatives. Et nous accueillons ce soir le Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail conjointement avec la Fédération des femmes du Québec.
Je vous dis tout de suite que ça vous donne un exposé, un temps d'exposé de 20 minutes, parce que vous êtes deux groupes qui vous présentez, et on a une heure, au total, au lieu de 45 minutes, avec ces deux groupes. Alors, Mme Goulet, vous allez nous présenter votre collègue.
Conseil d'intervention pour l'accès des femmes
au travail du Québec inc. (CIAFT) et
Fédération des femmes du Québec (FFQ)
Mme Goulet (Nathalie): Oui. Je vous présente Mme Vivian Barbot, présidente de la Fédération des femmes du Québec.
Le Président (M. Rioux): Très bien. Merci. On va écouter tout de suite votre présentation et, ensuite, on engagera le dialogue avec vous.
Mme Barbot (Vivian): Bonsoir et merci de nous recevoir ici ce soir. Nous savons que votre horaire va se prolonger bien au-delà de notre présence, donc nous allons essayer de vraiment pouvoir nous acquitter de notre tâche dans les délais prescrits.
Alors, en guise d'introduction, nous dirons que, depuis plusieurs années, les deux organismes que nous représentons, autant la Fédération des femmes du Québec que le Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail, dénonçons l'inégalité et l'iniquité que vivent les femmes au travail. Dès 1995, la marche Du pain et des roses, convoquée par la Fédération des femmes du Québec, établissait des revendications concrètes pour une réforme des normes du travail. À l'occasion de la Marche mondiale des femmes en l'an 2000, la FFQ a réitéré ses principales revendications en réclamant de nouveau une réforme en profondeur des normes du travail.
Le Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail est une organisation nationale constituée de groupes et de femmes qui oeuvrent dans le domaine de l'accès et du maintien des femmes au travail. Depuis son congrès de fondation en 1984, le CIAFT s'est vu identifier comme principal défenseur des droits des femmes au travail. Parmi ses principaux dossiers, il y a l'équité salariale, le développement de la main-d'oeuvre féminine, le développement régional et les programmes sociaux.
Nos deux organismes remercient la commission de l'économie et du travail de son invitation à cette audition publique et applaudit le dépôt du projet de loi n° 143 visant à modifier la Loi sur les normes du travail. Elles ont décidé d'unir leurs voix pour démontrer à quel point les femmes sont touchées par cette loi et bénéficieront des avancées que le présent projet de loi propose.
Avant de nous pencher sur les aspects du projet de loi que nous approuvons et ceux pour lesquels nous demandons des modifications, nous voulons rapidement situer les enjeux qui entourent une législation adaptée à la nouvelle donne politique et économique que nous vivons.
L'idéologie néolibérale est dominante dans les économies occidentales depuis des décennies et les changements politiques au niveau mondial, depuis 20 ans, ont amplifié sa domination à l'échelle planétaire, ce qu'on appelle désormais la mondialisation.
La signature des traités continentaux et internationaux a commencé à libéraliser les échanges commerciaux, ce qui a profondément et rapidement transformé le monde du travail. Politiquement, ces forces puissantes de concentration et de transnationalisation économique créent des pressions sur les gouvernements pour qu'ils revoient à la baisse les programmes sociaux et les réglementations liées au travail accusés d'enfreindre la libre compétitivité des entreprises.
Cette mutation du monde du travail est en fait une dégradation et ses conséquences sont nombreuses: précarisation, exigence de flexibilité et de disponibilité pour la main-d'oeuvre, ainsi que discrimination et exclusion accrues pour ceux et surtout celles ne se conformant pas à ces nouvelles règles.
En parallèle, le discours économique actuel au Québec repose sur la collaboration des partenaires du marché du travail à qui l'on demande d'améliorer leur synergie, leur concentration afin de mieux s'adapter au système économique. Une bonne loi sur les normes du travail lance un message clair que le gouvernement n'accepte pas que ce ne soit qu'aux travailleuses et aux travailleurs de s'adapter à la donne actuelle et que cette précarisation doit être freinée sous peine de voir se diluer davantage le rôle de l'État et la structure même de la société.
En ce qui concerne le travail féminin, nous dirons que, parmi les personnes les plus touchées par ce phénomène, nous avons les femmes. La précarisation des conditions de travail a eu pour conséquence que les phénomènes subis par les femmes depuis des lustres, comme la discrimination systémique ou l'inégalité et l'iniquité salariale, ont été accentués. les femmes occupent 85 % de la main-d'oeuvre dans le grand secteur des services, secteur moins syndiqué et où les emplois sont les plus rémunérés au salaire minimum. Rappelons simplement que près des trois quarts des travailleurs au salaire minimum sont des femmes, donc 71,2 %.
Deux emplois à temps partiel sur trois sont occupés par des femmes. En tout, 27 % des femmes en emploi travaillent à temps partiel. En comparaison, un homme sur 10 a un emploi à temps partiel. Les femmes sont aussi plus âgées que les hommes dans ce type d'emplois. Ce n'est pas non plus volontairement qu'elles occupent ce type d'emplois: elles représentent 66 % des personnes occupant involontairement un emploi à temps partiel. De plus, seulement 5 % d'entre elles invoquent des raisons d'obligation personnelle ou familiale pour expliquer leur travail à temps partiel.
Pour ce qui est du travail autonome, il est en progression chez les femmes et en diminution chez les hommes, passant de 26,9 % en 1976 à 33,9 % chez les femmes et de 73,1 % en 1976 à 66,1 % en 1998 chez les hommes.
Ajoutons enfin qu'à ces phénomènes économiques se greffe pour les femmes la discrimination systémique à leur endroit qui fait que, encore aujourd'hui, elles gagnent 65 % du revenu annuel des hommes. Cette discrimination systémique est de plus en plus reconnue par le gouvernement québécois à travers la Loi sur l'équité salariale et la Stratégie d'intervention à l'égard de la main-d'oeuvre féminine, par exemple, qui sont deux acquis majeurs pour les travailleuses du Québec malgré leurs difficultés d'implantation.
n(20 h 10)n Les femmes sont également les citoyennes les plus touchées par les profonds changements sociodémographiques qui s'annoncent. Avec le vieillissement de la population et la déréglementation des services de santé et des autres services sociaux, c'est au moins deux générations de femmes qui seront fortement sollicitées comme aidantes naturelles. Dans ce contexte, les mesures de conciliation travail-famille sont absolument fondamentales et les entreprises, exigeant toujours plus de flexibilité et de disponibilité de leurs employées, devront elles aussi participer à cet effort collectif qui ne peut reposer sur le dos des seules travailleuses.
Dans le présent projet de loi, nous tenons à souligner notre satisfaction devant l'inclusion d'un recours contre le harcèlement psychologique, l'abolition de la discrimination envers les aides familiales qui résident chez leur employeur, l'inclusion des gardiennes et gardiens de personnes dans la loi, l'application du salaire minimum et des congés annuels à la main-d'oeuvre agricole, l'accès aux indemnités de congés fériés pour les travailleuses et les travailleurs précaires, certaines modifications qui vont faciliter, entre autres, la conciliation travail-famille et vie personnelle, l'exercice des recours et une meilleure protection contre les abus dans le paiement de frais reliés au travail et dans l'attribution des pourboires.
Nos deux organismes tiennent, d'entrée de jeu, à appuyer les revendications des organisations et coalitions suivantes: Au Bas de l'échelle, le Front de défense des non-syndiqué-e-s et le Regroupement québécois pour une assurance parentale dont nous sommes membres. Comme elles, nous soulignons que la réforme doit au premier chef s'attaquer à la précarisation et à l'exclusion, car toutes les exclusions de la Loi sur les normes du travail, qu'elles soient totales ou partielles, sont synonymes de discrimination, d'arbitraire et d'injustice.
Mme Goulet (Nathalie): Alors, maintenant, nous allons nous pencher sur le renforcement, le premier point sur lequel on a traité dans notre mémoire, le renforcement du caractère universel de la loi qui comporte, dans ce projet de loi, beaucoup d'avancées significatives que nous allons toucher.
Il y a un point cependant qui est absent du projet de loi, c'est le droit à l'égalité de traitement pour tous les statuts d'emploi.
La précarisation des emplois féminins sur le marché de l'emploi est causée par une multiplication des statuts d'emploi sans précédent et constitue un facteur de discrimination salariale aggravant qui s'ajoute à l'inéquité salariale que subissent déjà les femmes.
Le CIAFT et la FFQ dénoncent le fait que ce principe soit absent de ce projet de loi. Une réforme des normes du travail ne peut absolument pas passer outre un encadrement de tous les statuts d'emploi. Il est en effet injuste et inéquitable que des salariés soient discriminés, tant au niveau du salaire qu'au niveau des avantages sociaux, lorsqu'ils n'ont pas un statut de salariés réguliers ou à temps plein au sein d'une même entreprise, et ce, lorsqu'ils accomplissent le même travail.
Nous demandons donc que l'article 41.1 de la Loi sur les normes du travail soit modifié et se lise comme suit ? je vais prendre le temps de le lire parce que c'est important: «Un employeur ne peut accorder à un salarié un salaire inférieur à celui consenti aux autres salariés qui accomplissent un travail équivalent pour la même entreprise pour le motif que ce salarié travaille habituellement moins d'heures par semaine, ou qu'il travaille sur une mesure ou un programme d'employabilité, ou qu'il travaille sur une base temporaire ou occasionnelle, ou que le travail effectué par ce salarié découle d'un contrat conclu avec une agence de placement temporaire, ou que le travail est réalisé en dehors de l'établissement.» Nous demandons aussi que la Loi prévoie une indemnité salariale proportionnelle au nombre d'heures travaillées pour compenser la perte de tout avantage social causée par le statut d'emploi. Cette indemnité doit être proportionnelle aux avantages sociaux consentis aux travailleuses et travailleurs réguliers de l'entreprise.
En ce qui concerne les salariés agricoles, aux articles 8 et 14 du projet de loi, nous souscrivons entièrement à l'article 8 qui a pour effet d'accorder le salaire minimum aux travailleuses et aux travailleurs de petites fermes. Le ministère a décidé de tenir compte de l'industrialisation croissante des exploitations agricoles et du fait que cette main-d'oeuvre n'a pas déjà droit à l'application de la semaine normale de travail.
Il ne devrait, selon nous, y avoir aucune exception à l'application du taux général du salaire minimum. À ce sujet, il faudrait retirer, sans attendre, l'article 2 qui exclut encore de l'application du salaire minimum le salarié surnuméraire et le salarié employé à des opérations non mécanisées. En conséquence, nous demandons d'abroger les paragraphes 5° et 6° de l'article 2 du Règlement des normes qui exclut du salaire minimum les salariés surnuméraires embauchés sur une base occasionnelle pour les récoltes et les salariés employés aux productions fruitières ou horticoles et affectés principalement à des opérations non mécanisées.
En ce qui concerne le droit aux congés annuels, aux articles 24 et 25, pour la main-d'oeuvre agricole, nous accueillons favorablement les dispositions du projet de loi.
Maintenant, en ce qui concerne les gardiennes et gardiens de personnes, nous pensons qu'afin de refléter tous les aspects du service professionnel offert par les travailleuses en maison privée, qui combine en tout temps des interventions interpersonnelles de soutien moral ou pédagogique avec des tâches plus techniques liées à la gestion ou au ménage, le CIAFT et la FFQ font sienne la revendication de l'Association des aides familiales du Québec qui indique que les catégories de domestiques ou de gardiennes utilisées dans la loi sont dépassées et ne reflètent pas l'importance du travail en maison privée.
En ce sens, nous demandons que le législateur adopte le terme «aide familiale» pour désigner les employées et employés en maison privée et que cette catégorie s'applique autant aux tâches ménagères qu'à celles liées à la garde des personnes.
Nous appuyons également les revendications de l'Association en ce qui concerne la mise en place d'un registre obligatoire des employeurs et des employés en maison privée, l'obligation pour les agences de placement d'obtenir un permis d'exploitation, l'exigence de contrat de travail entre l'employeur et l'employé et la couverture des travailleuses qui ne sont pas en possession d'un permis de travail valide par la loi.
Le Président (M. Rioux): Il reste huit minutes et votre mémoire est considérable, alors il faudrait peut-être penser à résumer un peu.
Mme Goulet (Nathalie): Alors, écoutez, je vais vous demander de vous reporter, même si ce point est fort important pour nous, des gardiennes et gardiens, à nos revendications dans notre mémoire.
Nous demandons cependant, pour les gardiennes, l'application de la semaine normale de 40 heures de travail et que l'application de toutes les normes entre en vigueur dès l'entrée en vigueur de la loi, et celle qui est relative au salaire minimum, nous demandons qu'elle entre en vigueur au plus tard deux ans après l'entrée en vigueur de la loi.
En ce qui concerne les domestiques, au point 1.4, nous signifions notre très grande satisfaction au sujet de l'abolition de la discrimination envers les domestiques qui résident chez leur employeur. Elles pourront enfin bénéficier de la semaine normale de 40 heures et du taux général du salaire minimum.
En ce qui concerne les indemnités de départ et dommages pour les gardiennes et gardiens, je vais vous renvoyer à notre mémoire.
Mme Barbot (Vivian): En ce qui concerne le harcèlement psychologique au travail, nous avons quelques recommandations en ce qui concerne la définition même du «harcèlement psychologique». Celle qui est proposée est intéressante, cependant il nous semble que le fardeau de preuve est un peu trop lourd. Donc, prouver l'atteinte à la dignité, couplée d'une atteinte à l'intégrité psychologique ou physique, est loin d'être une chose facile. Et, s'il faut en plus demander la preuve de conséquences préjudiciables, alors là ça nous semble vraiment trop exigeant. Il ne faudrait pas que les victimes soient tenues de se rendre jusqu'à la maladie afin de pouvoir prouver qu'elles ont été victimes d'un quelconque harcèlement.
Donc, à cet égard, nous demandons que le nouvel article 81.18 se rapproche davantage de la définition proposée par le Comité interministériel sur le harcèlement psychologique au travail. Il se lirait donc comme suit: «Pour l'application de la présente loi, on entend par "harcèlement psychologique" une conduite se manifestant par des attitudes, des paroles, des actes ou des gestes répétés et non désirés qui sont de nature à porter atteinte à la dignité ou à l'intégrité psychologique ou physique du salarié.» Et nous proposons de plus que le deuxième alinéa du nouvel article 81.18 se lise comme suit: «Est aussi du harcèlement psychologique une seule conduite grave qui est de nature à porter atteinte à la dignité ou à l'intégrité psychologique ou physique du salarié.»n(20 h 20)nMme Goulet (Nathalie): En ce qui concerne la conciliation du travail avec les responsabilités familiales et la vie personnelle, nous approuvons totalement l'élargissement du congé pour obligations parentales vers un congé pour responsabilités familiales, avec l'élimination des conditions restrictives qui les accompagnaient. Le ministre a reconnu la contribution sociale des travailleurs, souvent des travailleuses, qui prennent soin de proches parents en doublant le nombre de congés pour responsabilités familiales. Pour que ce droit ne soit pas que fictif, nous insistons fortement pour que la moitié de ces congés soit rémunérée.
Comment les femmes pourront-elles se prévaloir de 10 congés sans solde sans s'appauvrir davantage? Nous pensons particulièrement aux jeunes mères monoparentales, à 95 % responsables uniques des familles monoparentales, qui comptent pour 20 % des familles au Québec. Ces femmes responsables d'enfants mineurs vivent avec un faible revenu dans une proportion de 43 % comparativement à 10 % pour les familles biparentales. Comment se sortir de la pauvreté en travaillant si leur contribution parallèle à la société, comme mère, n'est pas reconnue par des congés avec solde?
Nous demandons aussi que l'on permette à un parent adoptif prospectif de se prévaloir des journées de congé prévues pour des responsabilités familiales afin d'effectuer les démarches nécessaires en prévision d'une adoption.
À l'article 19, nous approuvons sans réserve l'introduction du droit de s'absenter pour une durée maximale de 12 semaines lors d'accident ou de maladie grave d'un proche.
En ce qui concerne les absences pour cause de maladie ou d'accident, nous approuvons le rajout d'un droit à un congé pour cause de maladie ou d'accident. Porter la durée maximale du congé à 26 semaines est également une excellente chose, de même que le retour au poste habituel après tout le congé.
Pour les autres détails, à l'article 22, je vous renvoie à notre mémoire.
Maintenant, la durée du travail, au point 3.3. Les mesures touchant la durée du travail sont fondamentales dans la conciliation travail-famille et vie personnelle et ce sont elles qui peuvent le plus fortement freiner la précarisation des conditions de travail. La disponibilité et la flexibilité demandées aujourd'hui aux salariés, surtout ceux occupant des emplois précaires, sont incroyables et expliquent grandement les cas de détresse psychologique et physique chez un nombre grandissant de travailleuses et de travailleurs.
À cause des horaires brisés et changeants, beaucoup de travailleurs n'ont même pas une journée complète de repos par semaine. Nous réitérons qu'un congé de 36 heures consécutives accorderait une journée complète de repos sans devoir se présenter au travail, ce qui est moins garanti avec un congé de 32 heures tel que prévu au projet de loi.
Nous apprécions l'avancée majeure que constitue l'insertion dans la loi du principe de droit de refus de faire du temps supplémentaire. Le ministre a d'abord proposé que ce droit soit utilisable après 60 heures, et 50 heures dans le projet de loi. Cependant, sur une base quotidienne, le ministre instaure un droit de refus quatre heures après les heures normales de travail ou au plus 14 heures par période de 24 heures. Si l'horaire est variable, le droit de refus s'exerce après 12 heures.
Ces dispositions sont beaucoup trop faibles et contredisent la reconnaissance dans ce projet de loi d'autres aspects favorisant la conciliation travail-famille. Comment peut-on sérieusement parler de conciliation du travail avec la vie personnelle et familiale quand on risque de perdre son emploi si on refuse de travailler 12 ou 14 heures dans une journée? Comment une travailleuse peut-elle s'occuper de ses enfants si elle ne peut refuser de travailler un soir de semaine, après sa journée normale de travail, sans risquer des représailles? Alors, nous demandons donc que les salariés puissent refuser de faire du temps supplémentaire une heure après leur horaire habituel de travail. Lorsque cet horaire n'est pas clairement établi dans une convention collective, un décret ou dans un contrat de travail écrit, il est réputé être de huit heures par jour.
Le Président (M. Rioux): Alors, Mme Goulet, vos 20 minutes sont écoulées. Alors, nous allons maintenant entreprendre la discussion avec les parlementaires. M. le ministre.
M. Rochon: Bien, écoutez, merci beaucoup. Vous nous donnez là un mémoire qui est presque aussi fouillé que le projet de loi lui-même. Alors, on va sûrement prendre le temps de l'étudier, de le voir en détail.
Il y a peut-être deux ou trois commentaires que je voudrais formuler, dans notre échange, pour qu'on précise de part et d'autre les intentions et ce qu'on a vraiment voulu dire, pour voir si c'est le fond qui est différent ou les formulations qui sont peut-être moins évidentes, là.
D'abord, si vous voulez aller à la page 7 de votre mémoire, dans l'encadré, le premier qui est là, vous dites: «D'abroger les caractères 5 et 6 de l'article 2 du Règlement, et le reste, qui exclut du salaire minimum les salariés surnuméraires embauchés...», et le reste. Dans le projet de loi qu'on soumet, je pense qu'on fait déjà ça. Si vous regardez l'article 55... vous regarderez l'article 55 qui dit que l'article 88 de la loi actuelle est modifié en supprimant, à la quatrième ligne du premier alinéa, «les travailleurs agricoles» et par les autres changements qu'on fait. Alors, on vérifiera au besoin, là, mais je pense que ce que vous souhaitez ici, là, en regardant bien ce qu'on fait, c'est dans le projet de loi, pour un.
Deuxièmement, sur la question du harcèlement ? là, c'est vraiment la partie qui est la plus de droit nouveau ? je pense que tout le monde qui vient nous rencontrer et nous-mêmes, on est tous conscients que la notion, qui n'est peut-être pas facile à définir, va être assez cruciale pour qu'on s'assure, d'une part, que ça ne devienne pas une ouverture à toutes sortes de plaintes qui seraient trop vastes et qui engorgeraient n'importe quel système, je pense, qui voudrait aider les gens.
Maintenant, ce que vous semblez... qu'il y a de trop là-dedans, c'est le lien de relation un peu de cause à effet avec les préjudices qui peuvent être causés à une personne. Pouvez-vous être un peu plus explicites là-dessus? Pourquoi vous ne souhaitez pas voir cette notion qui peut être un critère qui aide à faire la différence entre des situations où il y a sûrement conduite critiquable, là, mais il y a un peu un état de gravité qui peut faire la différence entre du harcèlement qui est nocif... Et remarquez qu'en le mettant de cette façon-là on est déjà pas mal plus en amont dans le processus que la loi sur les accidents du travail et les lésions professionnelles où, là, vraiment il y a une intervention possible une fois qu'il y a eu lésion. Si on me dit qu'il y a des effets dommageables, c'est quand même situé à ses débuts, mais c'est un peu un élément d'appréciation de la gravité de la conduite.
Alors, quand on parle de difficulté de la preuve, vous ne pensez pas que ça peut être aussi difficile à faire si on n'a qu'à démontrer la dignité... l'atteinte à la dignité ou à l'intégrité psychologique, s'il n'y a pas un critère de référence pour montrer que c'était à un niveau qui est celui du harcèlement?
Alors, j'apprécierais que vous puissiez nous aider, parce que ça va être crucial, la définition. On sent déjà qu'il va falloir la retravailler puis la préciser, avec tous les commentaires qu'on a. Ça, je pense que c'est quasiment acquis. Mais il faut être sûrs que, à mesure qu'on la précise, on la bonifie vraiment.
Le Président (M. Rioux): C'est Mme Goulet ou Mme Barbot qui répond à l'interrogation de M. le ministre?
n(20 h 30)nMme Barbot (Vivian): ...compléter. Quand on dit: Porter atteinte à la dignité et à l'intégrité psychologique, c'est quand même très, très grave, là. On ne peut pas dire: Ce n'est que ça. Alors, ce que nous disons, c'est qu'il ne faut quand même pas attendre à ce point d'avoir des signes physiques d'une atteinte, que ça devienne absolument dans des situations extrêmes pour qu'on puisse dire que, oui, il y a harcèlement, alors qu'il y a des attitudes, il y a des comportements. Et la répétition aussi de ces comportements-là montre bien que c'est de nature à porter atteinte.
Autrement dit, s'il faut que les effets soient dévastateurs, ce qu'on a actuellement, on n'arrive même pas à trouver les moyens d'intervenir à moins que la personne soit complètement défaite. Et on s'entend qu'il faut absolument travailler en amont. Et je comprends aussi que c'est un concept sur lequel on essaie de légiférer actuellement et qu'il faut trouver la bonne façon de le faire. Cependant, on ne saurait invoquer la difficulté de le nommer alors qu'on a des signes, quand même, quand quelqu'un amène des preuves qu'elle se fait harceler qui sont donc des attitudes, des façons de faire, la répétition, etc., qui devraient militer pour qu'on prenne au sérieux la victime.
C'est un peu la même chose si vous reportez à tout ce qu'on avait sur les cas, par exemple, de viol. Bon, on a fait beaucoup de chemin là-dessus en admettant que la femme qui est violée n'a pas un comportement qui appelle ça, par exemple. Donc, si on le transpose ici, c'est dire que quelqu'un qui donne des preuves d'un comportement répétitif contraire et qui la harcèle, qui la met dans une situation d'inconfort, une situation, oui, qui, à terme, peut avoir des effets pervers sur sa personne, bien c'est déjà une menace à son intégrité. Donc, c'est comme intervenir au moment même où ces gestes-là se font et non pas attendre que la personne soit à ce point démunie qu'elle-même ne puisse plus intervenir et que ce sont, par exemple, les personnes qui travaillent dans les différents groupes qui doivent aller porter plainte parce que la personne est à ce point défaite qu'elle n'est plus en mesure d'intervenir. Je comprends la difficulté que vous avez à nommer. Cependant, il y a aussi toute une expérience de la chose qui nous permet de vous dire qu'à moins de dire que c'est de nature à porter atteinte à la dignité, à l'intégrité psychologique, bien on interviendra trop tard. Et, à cet égard, avoir une loi serait à peu près la même chose que ne pas en avoir, parce que ce que nous voulons faire, c'est de protéger les victimes.
Le Président (M. Rioux): Bien. Madame... Ça va?
M. Rochon: Un seul autre point qui est un commentaire...
Le Président (M. Rioux): Oui, allez.
M. Rochon: ...en lien avec votre suggestion pour les congés sans solde, là, de prévoir que certains pourraient être payés. Ce que je veux vous dire, là, c'est que je comprends très bien le point, puis on n'est pas désaccord avec ce principe. Ce qu'on doit vraiment peser, c'est l'impact. Et là c'est toujours l'équilibre qu'on recherche, là, entre les améliorations qu'on va apporter et l'impact économique. Et l'évaluation qui est faite présentement nous donne un impact économique, pour une journée payée, qui varie d'à peu près 150 millions à 400 millions, selon qu'on fait des calculs en fonction du salaire minimum, par exemple, ou le salaire industriel moyen. Alors, je veux juste le mentionner, là, pour que vous sachiez qu'est-ce qui va être notre préoccupation, là, dans nos débats pour s'assurer qu'on maintient un équilibre pour voir jusqu'où on peut aller maintenant dans ce sens-là.
Le Président (M. Rioux): Mme la députée de Terrebonne.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, Mme Barbot, Mme Goulet, merci beaucoup pour votre mémoire. Il est effectivement de très grande qualité. J'aimerais vous donner l'occasion d'exprimer une demande qui est partagée par de nombreux groupes. Mais, comme notre temps est court, on ne se rend jamais à cet article dans les présentations. Alors, vous demandez, à l'article 66 sur le service continu nécessaire pour avoir droit au recours à l'encontre d'un congédiement sans cause juste et suffisante... Vous demandez de réduire à un an le service continu nécessaire, alors que, dans la loi actuelle des normes, c'était de trois ans. La proposition dans le projet de loi, c'est de le ramener à deux ans. Dans votre mémoire, vous nous donnez des raisons, mais j'aimerais que vous puissiez les présenter à la commission.
Le Président (M. Rioux): Mme Barbot.
Mme Barbot (Vivian): Alors, le service continu, donc, on l'a vu, la continuité de l'emploi, elle est plus difficile à atteindre pour les femmes. Donc, s'il y a un congédiement sans cause juste et suffisante et que le délai octroyé à l'employeur est trop long, on comprendra que, plus souvent qu'autrement, ce sont les femmes qui vont faire les frais de ce congédiement-là. Donc, pour nous, c'est urgent de faire en sorte que les femmes soient en possibilité de contester un congédiement non justifié après un an de service et non pas après deux, comme on le propose. Un an de probation, selon nous, c'est amplement suffisant pour que l'employeur puisse déterminer si la salariée est apte à remplir un poste quel qu'il soit. Et, selon l'enquête sur la population active de mars 2002 ? donc, c'est très récent ? 50 % des travailleuses et des travailleurs non syndiqués ont moins de trois ans de service continu, 41 % n'ont pas deux ans et 25 % n'ont pas un an. Donc, si on veut pouvoir rendre justice à la majorité des salariés, et surtout à ceux et celles qui vivent plus durement la précarisation de leurs conditions de travail, il faudrait donc raccourcir ce délai-là.
Et, comme on l'a souligné, en permettant l'exercice de ce recours après un an, ça n'empêchera pas du tout l'employeur de pouvoir congédier pour une cause juste et suffisante. Donc, on parle vraiment des cas où les employés se retrouvent dans une situation d'iniquité. Donc, pour nous, c'était important que la majorité des femmes en emploi puissent avoir accès à ce recours-là.
Mme Caron: Je vous remercie.
Le Président (M. Rioux): Merci. Mme la députée, allez.
Mme Caron: Merci, M. le Président. J'aimerais aussi vous entendre sur une proposition que je n'ai pas vue dans d'autres mémoires jusqu'à maintenant. En page 16, dans les congés parentaux, à l'article 36 du projet de loi, concernant l'interruption de grossesse avant la vingtième semaine... Dans le projet de loi, on parle de respecter, en fait, le congé du certificat médical, et vous, vous nous ajoutez un autre élément. Est-ce que vous pouvez nous expliquer pourquoi?
Le Président (M. Rioux): C'est Mme Goulet ou Mme Barbot?
Mme Goulet (Nathalie): Oui, je vais lire...
Le Président (M. Rioux): Oui, allez, Mme Goulet, oui.
Mme Goulet (Nathalie): Cet article 36 du projet de loi ? je veux le lire, là ? stipule que «lorsque survient une interruption de grossesse avant le début de la vingtième semaine précédant la date prévue de l'accouchement, la salariée a droit à un congé de maternité spécial, sans salaire, de la durée indiquée au certificat médical».
Et il y a un règlement, actuellement, sur les normes, à l'article 21, qui dit que, «lorsque survient une fausse couche naturelle ou provoquée légalement avant le début de la vingtième semaine précédant la date prévue de l'accouchement, la salariée a droit à un congé de maternité n'excédant pas trois semaines».
Alors, pour que ces deux articles-là ne se contredisent pas, nous demandons que les femmes puissent bénéficier d'un congé le plus favorable possible, soit un congé de maternité spécial sans salaire n'excédant pas trois semaines, à moins qu'un certificat médical ne détermine un congé plus long.
Mme Caron: Bien, je vous remercie beaucoup de cette précision qui est très utile. Merci beaucoup.
Le Président (M. Rioux): M. le député de Mont-Royal.
M. Tranchemontagne: Merci. Merci, M. le Président. Mesdames, bonsoir. Merci d'être ici. Merci pour votre mémoire également.
Quelques questions. La première concerne les gardiens et gardiennes, où vous recommandez de payer du temps supplémentaire passé 40 heures. J'ai déjà posé la question à un autre groupe, mais je vais vous la reposer à vous: Comment vous pensez que ça se gère, ça, dans le cas de gardiens et gardiennes, parce que, à l'occasion, certaines d'entre elles, pas nécessairement toutes ou tous, passent d'une maison à l'autre? C'est très difficile de déterminer qui est l'employeur de ces personnes-là. Et, des fois, il y a de multiples employeurs dans une même journée ou dans une même semaine, en tout cas...
Comment vous pensez que ça se gère, ce problème de surtemps passé 40 heures ou 45 heures? En fait, peu importe le nombre d'heures, le problème du surtemps.
Le Président (M. Rioux): Mme Goulet.
Mme Goulet (Nathalie): C'est évident que ce n'est pas simple à gérer lorsqu'il y a plusieurs employeurs, mais, lorsqu'il n'y en a qu'un, c'est tout à fait possible de le faire. Et ce que nous disons, c'est que de plus en plus de femmes occupent cet emploi puis que cet emploi se compare beaucoup à celui des aides familiales ou des domestiques et des travailleuses du chèque emploi-services.
Alors, c'est possible de réglementer ce secteur d'activité qui est actuellement peu connu, et c'est pour ça justement qu'il y a une proposition dans le projet de loi, qu'on demande deux ans avant de donner à ces travailleuses surtout, là, le salaire minimum. Nous comprenons cet état de fait, mais nous pensons que, dès l'entrée en vigueur de la loi, elles aient droit à tous les autres avantages et droits compris dans les normes du travail.
M. Tranchemontagne: Ne croyez-vous pas qu'il y aura peut-être une question d'équité s'il y en a une proportion, ceux qui sont du groupe que vous appelez chèque emploi-services, qui elle... Ça se gérerait si j'ai bien compris votre réponse et aussi celle d'un groupe qui vous a précédé, qui est encore ici, dans la salle. Mais est-ce qu'il n'y a pas aussi une question d'équité? Pour ceux que ça se gère, on le ferait, puis ceux que ça ne se gère pas, on ne le ferait pas. Au point de vue équité, est-ce que ça ne vous inquiète pas, par exemple, ce phénomène-là?
Mme Goulet (Nathalie): Ce que nous visons, c'est...
M. Tranchemontagne: Je ne connais pas les proportions, soit dit en passant... Je ne connais pas les proportions de ceux qui sont qualifiés comme chèques emploi-services et ceux qui sont... Je ne sais pas comment les appeler, les autres, mais qui sont...
Mme Goulet (Nathalie): C'est évident, ce que nous visons, c'est l'équité complète.
n(20 h 40)nM. Tranchemontagne: Pardon?
Mme Goulet (Nathalie): Ce que nous visons, c'est l'équité complète pour...
M. Tranchemontagne: Oui, mais ça se gère difficilement.
Mme Goulet (Nathalie): ...ce type de travailleuses là. C'est un peu la même chose, les domestiques, là. L'Association des aides familiales pourrait, bien mieux que nous, se prononcer là-dessus, là, mais on peut... Les aides familiales vont maintenant être couvertes, les domestiques en maison privée, par la loi, avec la semaine normale de 40 heures et le droit au salaire minimum sans qu'il y ait actuellement registre obligatoire des employeurs et employés en maison privée, ou obligation pour les agences de placement d'obtenir un permis d'exploitation, ou exigence de contrat de travail même entre l'employeur et l'employé. Donc, on ne voit pas pourquoi les gardiennes en maison privée soient exclues également des normes du travail.
M. Tranchemontagne: Vous avez soulevé le cas des domestiques. Si je compare les gardiennes, mettons, en maison privée puis les domestiques, à mon point de vue, la définition de «domestique» comprend que la personne est logée et nourrie. Par contre, le projet de loi propose un salaire minimum, le même que ceux qui sont, par exemple, des gardiens ou gardiennes. Encore là, est-ce que vous ne croyez pas qu'il y a une question d'iniquité, c'est-à-dire une personne est payée le même salaire que l'autre, mais en plus elle a l'avantage d'être logée, nourrie? Et vous, vous allez plus loin, vous proposez qu'il y ait une semaine normale de 40 heures.
Mme Goulet (Nathalie): ...pourquoi que c'est un avantage que d'être logé et nourri quand ça fait partie du travail obligatoire, c'est une des conditions de travail de cet employé qui travaille en maison privée et qui est logé chez son employeur parce que l'employeur le demande.
M. Tranchemontagne: Vous ne croyez pas que c'est un avantage. C'est un bénéfice, en tout cas. Si ce n'est pas un avantage... C'est peut-être une obligation, mais c'est quand même un avantage, c'est-à-dire que cette personne-là n'a pas à payer un loyer et n'a pas à payer pour se nourrir. Donc, en fait, son salaire lui reste totalement pour faire autre chose par rapport à... Je vais prendre l'exemple de la gardienne, pour faire véritablement l'analogie, où elle, son salaire doit lui servir pour se nourrir et se loger aussi.
Mme Goulet (Nathalie): C'est le cas de d'autres types d'emplois avec d'autres conditions de travail, par exemple ceux qui travaillent dans des régions éloignées à qui on paie un logement. Enfin, je pense que ce n'est pas une question de bénéfice marginal si important que ça que d'être logé lorsque son endroit de travail est aussi l'endroit où on vit.
M. Tranchemontagne: Mais vous admettez que, si moi, je suis logé nourri et que vous, vous ne l'êtes pas, puis qu'on fait un travail sensiblement le même, j'ai un avantage sur vous quand même. Je n'ai pas ces dépenses-là à faire. Non?
Mme Barbot (Vivian): ...l'avantage est celui de l'employeur qui peut disposer de cette personne-là pendant beaucoup plus longtemps et quand il en a besoin. Donc, ça en fait une condition de travail à laquelle l'employé adhère, mais qui ne fait pas nécessairement son affaire, comme vous semblez le dire. Donc, c'est une contrainte, plutôt, du travail qu'un avantage.
M. Tranchemontagne: C'est votre point de vue, oui. J'aimerais vous parler de harcèlement psychologique deux secondes. C'est-à-dire j'aimerais qu'on s'en parle un petit peu. Dans votre recommandation, bon, vous proposez une définition différente, là, puis ça va, je n'ai pas de problème avec ça, mais j'aimerais vous attirer sur la deuxième partie de votre proposition qui dit: «Est aussi du harcèlement psychologique une seule conduite grave qui est de nature à porter atteinte à la dignité ou à l'intégrité psychologique ou physique du salarié.» Ne croyez-vous pas que c'est aller un peu loin que de parler d'une seule conduite, grave, je l'admets, mais qui serait de nature à porter atteinte à l'intégrité et la dignité psychologique d'une personne, du salarié? Est-ce qu'il n'est pas convenu que, très souvent, quand un seul geste peut amener cette situation auprès du salarié... Il est souvent convenu que, finalement, c'est peut-être ce geste-là qui a fait renverser le vase, comme on dit souvent, mais que la personne était probablement en situation de fragilité pour peut-être une multitude d'autres raisons, et de faire porter l'odieux de cette situation par l'employeur, croyez-vous que c'est vraiment juste, quand je parle, là... dans le cas où il y aurait un seul acte grave de nature qu'on qualifierait, là, de harcèlement?
Mme Barbot (Vivian): Évidemment, il y va de la gravité de l'acte en question. Alors, la notion d'un seul, c'est pour éviter justement qu'il se passe des choses très graves à répétition et que l'on dise: Ah, c'est arrivé juste une fois, deux fois, trois fois. Nous disons qu'il y a des gestes que l'on pose à l'encontre de salariés qui sont graves en soi et qu'il faudrait les considérer comme tels et non pas attendre une répétition pour statuer sur leur nature.
M. Tranchemontagne: Écoutez, j'en suis, là, je comprends ça, mais ce que j'essaie de vous dire, c'est: Ne croyez-vous pas que quand c'est un seul geste qui entraîne des conséquences... Est-ce que ce n'est pas plutôt parce que c'est un geste parmi plusieurs autres, pas nécessairement fait par l'employeur, ou des collègues de travail, ou des choses comme ça, qui a entraîné... mais c'est celui-là qui fait renverser le vase, comme on dit souvent chez nous, là, qui fait que cette personne-là va être atteinte dans sa dignité? Mais de faire porter l'odieux de tout ce qui s'est passé dans la vie de cette personne-là qui est arrivée à ce résultat-là, ça m'apparaît un petit peu aller loin.
Je comprends, je n'ai de problème avec la première partie où vous parlez de récurrence, c'est-à-dire que ça arrive plus d'une fois, là, je le comprends très bien. Mais, quand c'est juste une seule fois, il me semble que c'est une situation qui, souvent, arrive après une multitude d'autres qui ont été occasionnées par la vie, quoi.
Le Président (M. Rioux): Mme Barbot.
Mme Barbot (Vivian): La réponse simple, c'est: Non, je ne crois pas que c'est exagéré, un seul fait, d'autant plus que vous semblez insinuer que c'est la victime qui aurait des conditions qui la rendent plus vulnérable à ça. C'est, disons, une façon de voir que nous ne partageons pas.
Le Président (M. Rioux): Bien. M. le député de Maskinongé.
M. Désilets: Oui. O.K. Excusez-moi.
Le Président (M. Rioux): Est-ce que vous suivez, M. le député?
M. Désilets: Ah, je le suivais, oui. Ha, ha, ha!
Le Président (M. Rioux): C'est important.
Une voix: ...un autre débat.
M. Désilets: Je voudrais vous entendre concernant le salaire minimum et puis, plus spécifiquement, là, le pourboire. Dans votre mémoire, vous parlez des pourboires et puis de la notion de pourboire que vous voulez spécifier d'une façon davantage... Ça fait que je voudrais vous entendre un petit peu là-dessus de même que sur les uniformes. Vous avez ça à la page 23 de votre mémoire, et je voudrais vous entendre davantage sur ces deux points-là.
Le Président (M. Rioux): Mme Goulet.
Mme Goulet (Nathalie): Alors, je vais vous lire notre recommandation, qu'on n'a malheureusement pas eu le temps de vous présenter. On dit d'abord que cette situation touche de nombreuses femmes dans le secteur de l'industrie hôtelière, et nous sommes très satisfaites que soit précisé que le pourboire appartient en propre à la personne salariée qui a rendu le service et que l'employeur est tenu de verser à la personne salariée au moins le salaire minimum prescrit sans tenir compte des pourboires qu'elle reçoit.
Nous approuvons aussi qu'il soit désormais interdit à un employeur de faire payer aux personnes salariées les frais administratifs reliés à l'utilisation d'une carte de crédit, par exemple. Nous demandons donc que soit précisée la notion de pourboire par rapport aux frais administratifs ou autres frais de service.
Et nous demandons aussi que soit maintenant inclus dans la loi les établissements dont les employés sont exclus de la définition de salarié habituellement à pourboire et que ces employés aient droit, dès l'entrée en vigueur, au taux général du salaire minimum. Nous demandons aussi que la définition de salarié à pourboire soit incluse rapidement dans les règlements.
Le Président (M. Rioux): Allez.
M. Désilets: Pour vous, rapidement, c'est combien de temps?
Mme Goulet (Nathalie): Rapidement, c'est combien de temps? En tout cas...
Mme Barbot (Vivian): Le temps que ça prendra pour imprimer les documents nécessaires.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Goulet (Nathalie): Et on ne pense pas que ce soit très long non plus que cette définition-là soit établie.
Le Président (M. Rioux): Mais on comprendra que Mme Barbot veut ça rapidement.
Mme Barbot (Vivian): Tout à fait.
Le Président (M. Rioux): Hein? C'est ça.
Mme Barbot (Vivian): Absolument.
M. Désilets: Et, concernant l'uniforme, est-ce que vous, là, avez un point spécifique?
Mme Barbot (Vivian): Alors, la question d'uniforme, évidemment, on veut changer pour «vêtements particuliers», parce que, je vais vous donner un simple exemple, dans les magasins, par exemple, qui vendent des vêtements de marques X, Y, Z, généralement très chers, les employés sont tenus de porter les vêtements du magasin. Et, on ne les leur prête pas, on leur demande de les acheter. Et, la mode changeant très souvent, les employés, souvent des femmes, sont obligés de se mettre au goût du jour. Donc, nous disons qu'à ce moment-là la disposition pour la notion d'uniforme devrait parler aussi de vêtements particuliers. Donc, sans être un uniforme, il y a là une imposition des employeurs qui force finalement les employés à se vêtir de vêtements particuliers, donc de vêtements qui sont vendus par ce magasin-là. Ça peut être le fait d'accessoires aussi.
n(20 h 50)nM. Désilets: O.K. Je vous remercie.
Le Président (M. Rioux): Alors, plus on veut imposer la mode au travail, plus ça va coûter cher à l'employeur évidemment. La mode au travail, ça existe. Ça va, M. le député de Maskinongé? Merci. Alors, M. le député de Vimont, ça va également?
M. Gaudreau: Oui, ça va très bien. Non, honnêtement, peut-être que je pourrais juste constater des petites choses qui reviennent, qui sont récurrentes, que j'ai entendues venant de tous les organismes qui sont venus, exception faite du Conseil du patronat évidemment. Mais ce qui revient souvent, à part le harcèlement psychologique, on parle de réduire à un an le temps de service continu pour empêcher un congédiement sans cause juste et suffisante. Tous les organismes ont parlé d'un an ? encore une fois, exception faite du CPQ ? et la proposition qu'on a, venant du gouvernement, est de descendre de trois à deux ans. Alors, je ne vois pas la problématique. Puis, j'imagine que vous allez peut-être pouvoir m'aider, je ne comprends pas la problématique de passer de deux ans à un an. Tantôt, on m'expliquait que, bon, il y a des employés qui sont engagés à contrat deux ans, c'est compliqué, se rendre compte s'ils sont satisfaisants au bout d'un an. Alors, je trouve ça un peu étrange.
Puis il y a un autre élément qui me touche beaucoup, c'est le temps supplémentaire. Vous considérez, la plupart des organismes, qu'une journée de travail devrait être constituée de huit heures. Passé une heure de travail de plus, l'employé aurait le droit de refuser, là, de faire du travail supplémentaire.
Alors, ce qui me vient à l'esprit, c'est: Un, pourquoi c'est si difficile de passer de deux ans à un an pour tout ce qui touche les congédiements? Et pourquoi que, pour le temps supplémentaire, il n'y aurait pas des difficultés de gestion, là, de la part de l'entrepreneur? Parce qu'il faut penser aussi qu'il y a des emplois qui sont nettement différents et qu'une journée de huit heures peut sembler anormale dans certains secteurs d'activité. Alors, ces deux choses-là, je sais qu'elles ne se touchent pas, là, mais j'aimerais ça qu'on éclaircisse un peu les positions des organismes là-dedans.
Le Président (M. Rioux): Bien. Mme Barbot.
Mme Barbot (Vivian): En ce qui concerne la notion de un an, de réduire à un an le temps de recours, c'est, comme j'ai essayé de l'expliquer tout à l'heure... C'est que les femmes, généralement, ne gardent pas leur emploi si longtemps, parce que ces emplois-là sont de nature précaire, et donc elles sont, plus souvent qu'autrement, aux prises avec des congédiements abusifs. Donc, si on veut que la loi puisse s'appliquer aux gens qui en ont le plus besoin, il faut donc pouvoir être à l'intérieur des limites qu'elles rencontrent dans le travail comme tel. Sinon, c'est dire qu'elles sont exclues d'office, puisque généralement elles n'y seront pas.
M. Gaudreau: Elles ne se rendent pas à trois ans.
Mme Barbot (Vivian): Elles ne se rendent pas, exactement.
M. Gaudreau: À deux ou trois ans, dépendamment.
Mme Barbot (Vivian): Exactement. Et il y a, dans ces cas-là, suffisamment de congédiements abusifs pour qu'on demande instamment que la loi puisse s'appliquer à leur cas. Donc, c'est vraiment pratico-pratique, si j'ose dire. Cette question-là, c'est une question de fond quant à la nature même du travail occupé par les femmes en particulier.
Le Président (M. Rioux): Merci. Alors, oui, Mme Goulet.
Mme Goulet (Nathalie): Le dernier point, en ce qui concerne la journée normale de huit heures, c'est une revendication historique, c'est sûr. Ce que nous demandons, c'est un droit de refus de faire du temps supplémentaire pour favoriser la conciliation travail-famille, parce que la durée de travail quotidienne est au coeur de ce qu'on appelle la conciliation travail-famille autant, sinon plus, que les congés pour responsabilités familiales et congés parentaux. C'est absolument fondamental pour nous.
Ce que nous demandons, c'est que le salarié puisse refuser de faire du temps supplémentaire une heure après son horaire habituel de travail. Lorsque cet horaire n'est pas clairement établi dans une convention collective, un décret ou dans un contrat de travail, il est réputé être de huit heures par jour. C'est ça, la nuance que nous apportons ici.
Le Président (M. Rioux): Merci. M. le député, ça va?
M. Gaudreau: Oui.
Le Président (M. Rioux): Merci. Alors, Mme Barbot et Mme Goulet, bien, merci beaucoup. Vous nous avez présenté une pièce de résistance. Il y a objet à méditation. Alors, on vous remercie. Merci beaucoup. Et suivra le Conseil de la famille et de l'enfance.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Rioux): ...Mme Boily. Il nous fait plaisir de vous accueillir. Vous allez nous présenter vos collègues qui vous accompagnent ce soir.
Conseil de la famille et de l'enfance
Mme Boily (Nicole): Alors, M. le Président, il me fait plaisir de vous présenter Jacinthe Roberge, qui est analyste-conseil au Conseil; et M. Jean-Pierre Lamoureux, qui est le secrétaire général du Conseil.
Le Président (M. Rioux): Alors, vous avez 15 minutes pour nous présenter votre réflexion.
Mme Boily (Nicole): Oui, oui. Alors, M. le Président, M. le ministre, et Mmes et MM. les députés, d'abord je voudrais remercier la commission de son invitation qui nous permet de mettre en relief quelques aspects d'un projet de loi d'importance majeure, que nous considérons d'importance majeure dans la vie des Québécoises et des Québécois. Alors, nous saluons cette initiative et ce projet de loi tant attendu d'ailleurs, projet de loi qui apporte des améliorations majeures aux conditions de travail au Québec. Alors, même si nous insistons sur des dimensions propres à notre mission, soit le mieux-être des familles et la possibilité de concilier ou articuler la vie familiale et la vie professionnelle, je puis vous assurer que toute amélioration des conditions de travail a un impact direct sur la qualité de vie des familles.
Notre présentation... Et, je regrette, on vous dépose en séance ce mémoire, le temps un peu réduit nous a empêchés de vous l'envoyer précédemment. Alors, je pense que vous avez cependant des copies maintenant. Alors, notre présentation, elle en sera en trois points: un premier point qui est sur la conciliation des responsabilités familiales et professionnelles ? pour nous, c'est une question de survie personnelle et collective; le deuxième point, qui est l'apport du projet de loi, c'est une modernisation qui s'imposait; et le troisième point, les améliorations à apporter.
Alors, si on commence avec la conciliation du travail avec les responsabilités familiales et la vie personnelle, c'est plus qu'un objectif, c'est une question de survie à double titre, d'abord pour l'équilibre des familles puis ensuite pour l'équilibre démographique. Alors, dans son avis sur la situation démographique du Québec, notre Conseil rappelait, en avril dernier, qu'améliorer les conditions de travail des jeunes adultes devrait être une priorité si l'on veut favoriser la natalité. En effet, c'est entre 20 et 35 ans qu'on retrouve de tout temps, au Québec, le plus grand nombre de naissances. Les Québécoises et les Québécois souhaitent, de façon générale, avoir deux enfants en moyenne, mais ils révisent leur projet ou l'abandonnent carrément au fur et à mesure qu'ils font face aux contraintes d'être parents. Or, l'organisation du travail fait partie des principaux freins à la réalisation du désir d'enfant. C'est pourquoi le Conseil est d'avis qu'il est grand temps d'examiner les lois et les façons de faire pour lever ces obstacles. La loi sur les normes minimales de travail, qui définit les conditions de travail de 1,6 million de personnes, dont une grand proportion de jeunes de moins de 30 ans, est un outil majeur pour agir en ce sens.
n(21 heures)n Ces dernières années, le monde du travail a été complètement transformé par la progression du travail atypique et des horaires non usuels, qui vont de pair avec la précarité financière. On sait maintenant que ce sont les familles dont le revenu est entre 20 et 30 000 $ qui doivent le plus composer avec des horaires difficiles. Seulement 9 % de ces familles ont des horaires réguliers pour les deux parents. Ainsi, ce sont les jeunes et les bas salariés qui sont le plus aux prises avec le conflit emploi-famille. Pas étonnant que le taux de séparation des couples avec horaire atypique de soir et de fin de semaine soit le double de celui des familles avec horaire régulier. Même chose pour... Selon une étude de la démographe Évelyne Lapierre-Adamcyk, c'est une même chose pour l'indice de dépression chez les femmes. De 2,8 pour celles qui bénéficient d'un travail de jour, il passe à 3,8 pour celles qui ont un horaire qui soit moins bien et à 4,1 pour les femmes partageant avec leur conjoint un horaire atypique.
Certes, il y a un coût à l'introduction de conditions facilitantes pour minimiser le conflit emploi-famille, mais le coût de l'absence de mesures est encore plus élevé. Des chercheurs ont estimé les coûts du conflit emploi-famille pour l'ensemble des entreprises canadiennes à 2,7 milliards de dollars et les frais de santé publique à 426 millions de dollars, de quoi faire réfléchir. Voilà pour la conciliation.
Le deuxième point, c'est la loi, sa modernisation. Alors, le Conseil est heureux des changements proposés aux conditions minimales de travail qui amélioreront la qualité de vie des familles. Dans plusieurs cas, il s'agit de rétablir des injustices qui ont cours depuis trop longtemps. Le Conseil salue le courage du gouvernement d'inclure ces modifications dans son projet de modernisation de la loi.
En particulier, le Conseil soutient l'inclusion des gardiennes et gardiens de personnes et des domestiques au groupe de travailleurs et travailleuses assujettis à la loi. Nous sommes conscients qu'il s'agit plutôt d'une acceptation de principe et qu'il reste beaucoup de travail à faire pour en préciser l'application. Il n'en demeure pas moins que c'est un premier pas vers l'élimination de la discrimination dont sont victimes ces personnes. Le Conseil estime toutefois que les délais de mise en oeuvre sont beaucoup trop longs.
De la même façon, le Conseil appuie l'introduction des nouvelles dispositions concernant le harcèlement psychologique. Ce harcèlement en milieu de travail est un problème réel. Bien souvent, c'est une façon déguisée de congédier quelqu'un pour un motif autre que sa compétence en poussant une personne à démissionner d'elle-même. En donnant une définition de ce fléau, en obligeant l'employeur à fournir un milieu exempt de ce type de comportement et en instaurant un recours pour les personnes qui en sont victimes, la loi fournira un outil pour commencer à l'enrayer.
Le harcèlement est une forme insidieuse de violence qui mine à petit feu la personne qui en fait l'objet et qui a de graves conséquences pour elle-même et pour la famille. Avant de comprendre ce qui lui arrive, la personne victime d'agressions répétées à coups d'attitudes, de paroles, d'actes, de gestes portant atteinte à son intégrité restera souvent en poste jusqu'à ce qu'elle tombe malade physiquement ou psychologiquement. Ce n'est qu'en dernier ressort qu'elle démissionnera. Il ne s'agit pas seulement de la perte d'un revenu pour la famille, mais de dommages qui, parfois, demeureront permanents.
Le fait de reconnaître cette situation dans la Loi des normes est un moyen de signifier aux personnes qui pratiquent cette forme de violence que ces agissements sont inacceptables et qu'ils ne seront plus tolérés par l'organisation. Le harcèlement psychologique au travail coûte très cher au milieu de travail. Devons-nous attendre, pour agir, qu'il supplante les maux de dos à ce chapitre? Alors, ce problème, maintenant bien documenté, est reconnu dans le monde occidental, et plusieurs États, comme la France, ont déjà légiféré à ce sujet.
Quant aux absences pour responsabilités familiales, le Conseil reconnaît que le projet de loi fait un grand pas dans la bonne direction en élargissant le droit de s'absenter non plus seulement pour donner des soins à son enfant mineur, mais également à ses proches. Dorénavant, en acceptant qu'une travailleuse ou un travailleur s'absente pour s'acquitter de responsabilités envers son conjoint, sa conjointe, l'enfant, son enfant, l'enfant de sa conjointe, son père, sa mère, ses frères, ses soeurs, ou encore ses grands-parents, on permet enfin que la solidarité familiale ne soit plus perçue comme une pratique déloyale envers son employeur. C'est donc avec satisfaction que nous accueillons l'introduction d'une disposition permettant aux salariés de s'absenter sans salaire pendant un maximum de trois mois pour prendre soin d'un proche lors d'un accident ou de maladie grave.
Pour ce qui est de faire face aux urgences ponctuelles, la nouvelle disposition prévoyant 10 jours d'absence sans solde pour raisons familiales apportera un peu d'oxygène aux personnes aux prises avec ces obligations. Cependant, le Conseil souhaite plus de flexibilité dans l'utilisation de ces congés. On devrait pouvoir en prendre en demi-journées. De plus, nous considérons que les responsabilités familiales sont des obligations civiles au même titre que les responsabilités professionnelles. Notre société a bien intégré les impératifs de la production, mais, si nous voulons accorder une certaine valeur aux activités entourant la reproduction, la loi devrait prévoir, par principe, au moins une journée d'absence rémunérée.
Le Conseil appuie également l'allongement à 26 semaines de la période maximale allouée aux absences pour cause de maladie ou d'accident du salarié ainsi que la protection accordée du retour dans le poste habituel et le maintien de la participation au régime de retraite et d'assurances collectives. Ces événements étant par définition en dehors du contrôle d'une personne, il est normal qu'elle ait la possibilité de réintégrer son poste et qu'elle n'encoure pas de pénalité au titre de la retraite et des assurances.
D'autre part, le Conseil est particulièrement heureux que le projet reconnaisse le principe et accorde aux travailleurs le droit de refuser du temps supplémentaire au-delà d'une certaine limite. Il s'agit d'un geste significatif vers la reconnaissance d'un meilleur équilibre entre l'univers du travail et celui de la vie familiale ou personnelle. La disposition visant à fixer à 32 heures consécutives la durée minimale de repos hebdomadaire va dans le même sens, même si 36 heures nous aurait paru plus bénéfique. Cependant, le Conseil s'inquiète que la loi n'établisse pas à huit heures la journée normale de travail et aussi des abus que cette absence de balise peut entraîner.
Pour ce qui est des congés parentaux, le Conseil appuie sans réserve les modifications proposées, et le projet de loi prévoit des périodes d'absence similaires à la durée des prestations des régimes de remplacement du revenu, soit d'assurance emploi ou de régime d'assurance parentale, lorsque ce dernier sera en vigueur. Il s'agit d'une mesure d'harmonisation rendue nécessaire par les changements survenus en cette matière. Pour le maintien de la participation au régime de retraite et d'assurances collectives, cela viendra atténuer une partie des impacts négatifs à long terme qui existaient lorsqu'une personne, très souvent une femme, s'absentait du travail pour la naissance ou l'adoption d'un enfant. Un autre changement majeur est sans contredit la garantie de retour, après le congé parental, dans le poste habituel de travail plutôt que dans un poste comparable.
Troisième point maintenant, soit les améliorations. Alors, sans minimiser l'importance des modifications proposées dans le projet de loi, le Conseil veut attirer l'attention sur une dimension que le projet de loi ne couvre pas, mais qui n'en est pas moins primordiale pour les travailleurs et travailleuses, en particulier pour ceux et celles qui vivent avec des enfants, c'est la durée des vacances. Le Conseil a maintes fois souligné que les journées pédagogiques, le congé de Noël, la semaine de relâche hivernale, les vacances scolaires sont des périodes où l'on enregistre des pics de tension dans le conflit emploi-famille. Lorsque les services de garde en milieu scolaire sont fermés, beaucoup de parents doivent s'absenter du travail pour être présents auprès des enfants, et peu d'entre eux bénéficient du nombre de congés suffisant pour faire face à la situation. Cela est d'autant plus difficile que le Québec est, parmi l'ensemble des pays occidentaux, celui où les enfants passent le moins de jours à l'école.n(21 h 10)n La Loi des normes prévoit actuellement 10 jours de vacances payées pour les salariés qui ont cumulé entre un an et cinq ans, 15 jours pour ceux qui ont accumulé plus de cinq ans. En comparaison, la durée minimale des vacances pour tout travailleur, dès la première année de travail, est de 20 jours au Royaume-Uni, 24 jours en Allemagne, 25 jours en France, 30 jours en Autriche. Le Québec se situe donc, à ce chapitre, loin derrière les pays européens. Seuls les États-Unis, où aucun congé statutaire n'est prévu par la loi, font exception à la règle.
La précarisation des emplois a aussi une conséquence, qu'il est plus difficile pour les travailleurs d'accumuler l'ancienneté suffisante auprès du même employeur pour avoir accès à la troisième semaine de vacances payées.
La transformation du marché du travail a aussi procuré l'apparition du phénomène des vacances fractionnées, et la Loi des normes n'aide pas à contrer ce phénomène, bien au contraire. Parce que la loi fixe à deux semaines la durée minimale des vacances annuelles, pour beaucoup de travailleurs, il est devenu quasiment suspect de s'absenter plus longtemps pour les vacances. Ainsi, en ce moment, au Québec, plus de la moitié de la population ne réussit pas à partir en vacances au moins une fois par année.
La situation s'est grandement détériorée comparativement aux années soixante-dix. À titre d'exemple, à partir d'études faites par Stafford et Jolin, en 1970, 75 % des Montréalais prenaient la route des vacances comparativement à 56 % en 1995. Il y a 30 ans, la majorité des familles partaient en voyage pour une semaine à 15 jours, alors qu'aujourd'hui on fait de courts séjours de trois à quatre jours à l'extérieur du foyer. Non seulement les familles se sont-elles appauvries, mais les exigences accrues en termes de disponibilité au travail concourent à effriter le droit aux vacances.
Le Président (M. Rioux): Mme Boily...
Mme Boily (Nicole): Oui?
Le Président (M. Rioux): ...on va devoir conclure.
Mme Boily (Nicole): Oui. Alors donc, congés annuels payés.
Aussi, le travail précaire. Par le passé, on martelait le slogan À travail égal, salaire égal en revendiquant la reconnaissance du travail des femmes. Maintenant, il arrive trop souvent que le statut définisse... et que des gens, des occasionnels ou des temps-partiels, n'aient pas le même salaire que les gens à temps complet. Alors...
Le Président (M. Rioux): Quel serait votre paragraphe de conclusion?
Mme Boily (Nicole): Oui. Ha, ha, ha! En conclusion, le Conseil tient à réaffirmer son appui à cette réforme. Ce projet de modernisation de la Loi des normes comporte un grand nombre d'avancées significatives à la fois pour la qualité de vie des familles et aussi pour une société plus productive.
Le Président (M. Rioux): Merci, madame. M. le ministre.
M. Rochon: Oui, merci. Merci infiniment pour votre contribution. Moi, dans un premier temps, là, je voudrais soulever un point pour préciser votre pensée s'agissant des gardiennes. Vous nous dites que votre critique, ou commentaire, ou suggestion est à l'effet que les délais sont longs. Bon, il y a deux délais, en fait, qu'on a mis dans la loi: le premier, d'un an, pour l'application de l'ensemble des normes, sauf le salaire minimum; et, après ça, un délai maximum de cinq ans, mais qui serait, selon une échelle qui serait prévue, après un an de l'adoption de la loi aussi. Mais au maximum cinq ans.
La question est: Est-ce que c'est les deux délais que vous trouvez trop longs? Sinon, lequel? Et votre commentaire pour voir comment, si on voulait les raccourcir... Et là peut-être que le Conseil, dans les fonctions que vous occupez, pourrait nous aider. Si je vous dis qu'est-ce qui nous a amenés à prendre cette approche, c'est la grande difficulté, que l'on a eue et que l'on a encore présentement, de bien connaître la situation sur le terrain. C'est-à-dire, quand on demandera d'améliorer, surtout pour le salaire minimum, la situation des gardiennes, ce qu'on veut faire, de s'assurer qu'on ne met pas des familles en difficulté. Donc, on était conscient qu'il y a une période un peu plus délicate qui sont les trois prochaines années, à peu près, que ça prendra pour venir à bout de couvrir complètement l'ensemble des demandes pour la garde en milieu familial, après ça que les gens, à ce moment-là, auront vraiment le choix. D'ici là, ils n'ont pas vraiment le choix. Alors, ça, on avait déjà un bloc de trois ans, là, où on trouvait ça difficile d'imposer ça aux familles qui n'auraient pas le choix de faire autrement, parce qu'on est dans la situation ? puis on dirait qu'il y a des difficultés ? où ce n'est pas une entreprise qui fait des profits, c'est une famille et qui, souvent, n'est pas nécessairement dans une situation financière très, très riche, là, même si ce n'est pas des gens dans une situation de pauvreté.
Alors, est-ce qu'il y a des moyens, d'après vous, de connaître plus vite la réalité, d'être plus sûr, si on veut accélérer le calendrier... qu'on s'assure qu'on ne nuit pas à des gens en voulant améliorer le sort des autres? Parce que, en principe, on serait d'accord pour procéder dans les meilleurs délais, mais ça nous a semblé imprudent, à ce moment-ci, d'aller plus vite. Mais on a quand même voulu se donner ça comme un maximum. On est prêt à améliorer, mais on a besoin d'aide, là.
Le Président (M. Rioux): Mme Boily.
Mme Boily (Nicole): Je pense qu'on est tout à fait conscient d'une certaine difficulté d'application. Ce n'est pas simple d'application, mais c'est une question d'équité, je pense, pour ces travailleurs et ces travailleuses là. Le délai, c'est... Principalement, le délai de cinq ans pour l'application du salaire minimum... Jusqu'à une période de cinq ans, ça nous apparaît très... C'est ce délai-là qui est peut-être le plus long. Qu'il faille connaître exactement la situation, je pense qu'il faut un certain temps, mais le délai de cinq ans m'apparaît très fort. Est-ce que trois ans... Je n'ai pas toutes les données pour pouvoir mettre un terme exact, mais ça m'apparaît une très longue période.
Par ailleurs, il va falloir vous parler de la difficulté des familles qui auraient à assumer cette réalité-là. Est-ce qu'il ne faut pas regarder ça en même temps que toutes sortes d'aspects du vieillissement, c'est-à-dire aussi comment interviendra l'État pour aider le maintien à domicile, que ce soit par la fiscalité ou par d'autres moyens? Je pense qu'il faut regarder les deux choses en même temps, parce que ce n'est pas simplement le fait d'une charge supplémentaire pour la famille, mais il faut le regarder dans l'intervention à la fois de l'État pour des familles qui ne pourraient pas le payer. Ce serait, à ce moment-là, de pouvoir respecter l'équité pour les personnes qui travaillent et, en même temps, de pouvoir fournir les services dont ont besoin les familles.
M. Rochon: Très bien. Il y aurait peut-être une toute petite chose, là, aussi pour bien comprendre...
Le Président (M. Rioux): Oui, allez.
M. Rochon: Bien, merci pour ça. Je pense que vous me donnez une bonne approche, là, de l'ensemble de la situation. Et, encore là, si on maintient que c'est un délai au plus tard dans cinq ans, il s'agira que tout le monde qui peuvent aider à accélérer contribuent en même temps.
Quelque chose d'un peu plus pointu, mais pour être bien sûr qu'on se comprend aussi. La page 3 de votre document, dans les absences pour raisons familiales, le troisième paragraphe, à peu près au milieu, vous dites que le Conseil souhaite plus de flexibilité dans l'utilisation de ces congés, qu'on pourrait les fractionner en demi-journées. On prévoit qu'ils peuvent être fractionnés dans le projet de loi, mais en ajoutant «avec l'accord de l'employeur». Avez-vous vu qu'on le prévoit ou c'est «avec l'accord de l'employeur» que vous n'êtes pas d'accord?
Mme Boily (Nicole): C'est ça. On croit que, pour les demi-journées, c'est beaucoup plus facile à gérer. On pourrait penser à un fractionnement... D'ailleurs, dans un premier mémoire qu'on vous avait présenté, on avait parlé d'un fractionnement encore plus grand, mais là avec l'approbation, l'accord de l'employeur. Mais on croit que, par demi-journées, c'est facilement gérable. Et ça correspond tellement à des situations vécues par les familles, par les parents qui doivent s'absenter à la fois pour les enfants ou pour des aînés, et ce n'est pas quelque chose qui serait ingérable. Si on demande avec l'accord de l'employeur, on met encore plus de contraintes. C'est pourquoi on parle d'un fractionnement par demi-journées, mais sans l'accord de l'employeur.
Le Président (M. Rioux): Merci. Mme la députée de Terrebonne.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, Mme Boily, merci beaucoup, Mme Roberge, M. Lamoureux. J'aimerais peut-être vous entendre sur les congés parentaux. En page 4 de votre mémoire, vous soulignez à juste titre, je pense, qu'«un autre changement majeur est sans contredit la garantie de retour, après le congé parental, dans le poste habituel de travail plutôt que dans un poste comparable». Alors, j'aimerais vous entendre davantage là-dessus et vous demander si le texte tel que libellé dans le projet de loi que nous avons déposé vous convient à cet égard-là.
n(21 h 20)nMme Boily (Nicole): On pense que ce changement-là est un changement qu'on retrouve dans la loi qui est un changement important, parce que, même si on assurait... depuis la loi sur le congé de maternité, on assurait le retour à un poste, ce n'était pas le poste habituel. Et je pense qu'il est important que l'on puisse garantir aux personnes qui sont visées pas simplement par le congé de maternité, mais qui sont visées, donc, par le congé parental, soit le père ou la mère, qu'elles puissent réintégrer, dans la mesure du possible, le poste habituel de travail.
Le Président (M. Rioux): Merci.
Mme Caron: Deuxième question, vous nous parlez... J'ai apprécié que votre mémoire nous présente vraiment l'angle famille, ce qui est votre rôle premier, évidemment, puis toute la question au niveau de la démographie et de faire le lien entre le désir d'enfant et l'obstacle premier qui est souvent la conciliation famille-travail. Je voudrais vous entendre au niveau des vacances, parce que peu de mémoires nous ont parlé de cet élément-là. Vous l'étoffez énormément, vous êtes allé chercher beaucoup de données. Au niveau des suggestions concrètes, précises, vous nous parlez d'ajouter une troisième semaine de congé sans solde.
Mme Boily (Nicole): Non, non, non. Non, la demande...
Mme Caron: La demande précise, ce serait-u une troisième ou...
Mme Boily (Nicole): ...c'est d'avoir après... Donc, les jours tels que dans la loi, à moins d'un an, c'est une journée par mois et, ensuite, 15 jours d'un an à trois ans, et trois semaines après la période de trois ans. Donc, c'est d'ajouter pour essayer à un moment donné... Notre objectif là-dedans, c'est... Quand on regarde dans la majorité des pays européens, on a quatre semaines au moins et souvent davantage. C'est un moment privilégié que les vacances pour les familles, pour que les familles puissent se retrouver. On sait à quel point, avec la précarité dans laquelle on vit, précarité financière, précarité d'emploi... On sait que le niveau de stress est très élevé. Donc, il est important qu'il y ait des vacances. Il y a donc des impacts négatifs du manque de repos qui se font sentir sur la santé des gens, la qualité de vie des familles, et tout ça, ça contribue à la baisse de la productivité. On croit que, si on a davantage de temps libre, de temps de repos, d'abord ce sera pour la qualité de vie des familles, mais ce sera aussi lié à la productivité des travailleurs et des travailleuses. Donc, pour nous, c'est un aspect important et c'est une chose qui est relevée partout. Quand on va en consultation avec... rencontrer les parents sur le terrain, c'est des choses qui reviennent constamment, ce temps de vacances qui est nécessaire et qu'il soit davantage allongé.
Mme Caron: Je m'excuse, Mme Boily, pouvez-vous me répéter juste vos trois normes, là? Un jour par mois pour...
M. Rochon: Moins d'un an.
Mme Caron: Moins d'un an.
Mme Boily (Nicole): C'est pour les...
M. Rochon: Un an, trois semaines.
Mme Caron: Un an, trois semaines.
Mme Boily (Nicole): Alors, le Conseil souhaite que la loi accorde trois semaines de vacances payées dès qu'une personne cumule un an de service continu, quatre semaines à partir de trois ans de service continu. Alors, c'est ce que... Et je pense qu'il y a un autre élément qui nous amène à aussi faire valoir plus rapidement ces semaines supplémentaires de congé, c'est toute la précarité de l'emploi, parce qu'on n'arrive pas, les gens... Et, Mme Barbot, tout à l'heure, donnait les chiffres d'un emploi continu, maintenant, avec toute la précarité, on n'arrive pas assez rapidement à avoir ces années. Il y en a, tout au long de leur vie, qui pourront ne pas avoir cinq ans de service continu au même endroit, donc resteront toute leur vie à deux semaines de vacances par année.
Mme Caron: Merci beaucoup.
Le Président (M. Rioux): M. le député de La Peltrie.
M. Côté (La Peltrie): Merci, M. le Président. Mesdames, messieurs, bienvenue à cette commission. Ma question va porter sur la durée du travail. À la page 4 de votre mémoire, vous parlez que le Conseil s'inquiète que la loi n'établisse pas à huit heures la journée normale de travail, parce qu'il y a des abus que cette absence de balise peut entraîner. J'aimerais que vous mentionniez quels sont les abus que vous appréhendez, considérant que ce n'est pas balisé à huit heures pour une journée normale, alors que la semaine est de 40 heures, elle est établie à 40 heures, puis on voit dans des entreprises qu'il y a des semaines de quatre jours également, il y a des endroits qui vont jusqu'à des périodes, des quarts de travail de 12 heures ? en tout cas, ça peut aller jusque-là ? qui sont négociés. Alors, c'est quoi, vos appréhensions, là, versus les abus qui pourraient être commis étant donné que ce n'est pas balisé à huit heures pour une journée de travail?
Le Président (M. Rioux): Mme Boily.
Mme Boily (Nicole): D'abord, première chose, nous croyons que la journée de travail, si on veut l'avoir à huit heures, c'est qu'il y a du temps à passer avec les enfants, et c'est pour ça que c'est situé dans la conciliation... Pour améliorer la conciliation famille-travail, il faut faire en sorte que les parents aient au moins, à un bout ou à l'autre de la journée, une présence avec les enfants. Donc, il y a ce niveau de principe là.
D'autre part, on voit se répandre de plus en plus, autant en milieu syndiqué que non syndiqué, des journées de travail qui peuvent être de 12 heures, de 14 heures, de 15 heures et même parfois davantage. Parfois négociées et en accord avec le syndicat, les gens s'en vont vers des semaines de trois jours, trois jours et demi de travail avec leurs 40 heures ou leurs 37 heures et demie, leurs 40 heures de travail, ce qui, en même temps, n'augmentera pas la productivité. À mon avis, ça va à l'encontre de la productivité et ça va à l'encontre aussi d'une certaine valorisation du travail. Alors, c'est de dire finalement: Le travail, c'est uniquement le fait de gagner sa vie. Il n'y a aucune valorisation, dépêchons-nous de nous en débarrasser, et puis nous ferons autre chose. Il y a une valeur dans le travail, comme il y a une valeur dans la vie familiale, comme il y a une valeur dans l'implication dans la société, dans la société civile. Donc, il faut sa place à chacun, et nous croyons que c'est exagéré, qu'il y a des abus qui s'en viennent.
Le Président (M. Rioux): Merci, Mme Boily, c'est tout le temps que nous avons. M. le député de Mont-Royal.
M. Tranchemontagne: Merci, M. le Président. Mesdames, bienvenue à la commission, monsieur aussi. D'abord, je voudrais vous féliciter pour votre rapport, je le trouve assez exceptionnel et factuel. J'aime beaucoup votre rapport... Votre mémoire, devrais-je dire.
n(21 h 30)n Le premier commentaire que je voudrais faire, qui est un commentaire positif, je trouve vous êtes le premier groupe à relier les conditions de travail favorables avec le fait que ça peut favoriser la natalité. Que ça ne la créera pas, mais ça peut la favoriser, et je trouve ça intéressant comme point de vue.
L'autre point de vue que je trouve intéressant, c'est à la page 2 quand vous parlez gardiens, gardiennes. Et, je vais vous citer, vous dites: «Nous sommes conscients qu'il s'agit plutôt d'une acceptation d'un principe et qu'il reste beaucoup de travail à faire pour en préciser l'application.» C'est souvent le sens de certaines des questions que j'ai posées aux groupes qui vous ont précédés, le mot «groupes» étant au pluriel ici.
J'aimerais peut-être, par contre, vous poser quelques questions puis j'aimerais revenir au point du député de La Peltrie qui s'enlignait sur la même chose que moi. Parce que je n'étais pas sûr que je comprenais le but, et je vais vous relater, par exemple, que dans certaines entreprises il y a des fois que le travail se prête beaucoup mieux à des périodes un peu plus longues ? comme, par exemple, quatre jours de 10 heures ou trois jours de 12 heures, dépendant ? mais ça a non seulement trait... ce n'est pas pour bousculer le travail, là, contrairement à ce que vous venez de dire, mais ça a trait des fois au processus de fabrication, par exemple, et c'est plus favorable, et souvent, très souvent, vous allez voir que l'employé, il est extrêmement favorable, parce que c'est peut-être vrai qu'il se prive de deux heures de sa famille par jour. Par contre, il y gagne une journée complète à la fin de la semaine, par exemple... peu importe la journée, en fait, qu'il gagne.
Alors, moi, mon expérience, ça a été très favorable à l'égard de dire, à l'intérieur du 40 heures-semaine, là, que le 40 heures s'adapte aux besoins et de l'entreprise et de l'employé ? il faut que ça marche pour les deux évidemment. Mais je n'ai pas vu de cas dans ma vie antérieure où, une fois que les employés ont vécu, par exemple, quatre jours de 10 heures, je n'ai pas vu de cas où les employés ne trouvaient pas ça extrêmement favorable. Sans vouloir bousculer le travail, là, parce que ça se prêtait bien; il y a des départements où ça ne se prête pas du tout, je l'admets.
Mme Boily (Nicole): Bien, moi, je vous dirais qu'il y a quelque chose d'un peu anormal quand vous me parlez de trois jours pour faire les 40 heures. Souvent, et ce qu'on a remarqué dans certaines entreprises, bien, le père travaillait trois jours puis la mère travaillait trois jours. Finalement, il n'y a jamais... la famille ne se rejoint jamais. Donc, si on veut parler de vie familiale, on ne l'a plus.
Et je vois mal une productivité vraiment très grande à 12 heures, à 14 heures par jour. Je ne suis pas sûre et je ne sais pas si ce sont des véritables contraintes et de véritables exigences. Dans certaines, je ne vois pas quel type de travail qui pourrait être... où on pourrait exiger autant d'heures de suite des travailleurs et travailleuses.
M. Tranchemontagne: Je nous souhaite de ne pas être malades dans ce cas-là, parce que dans le réseau de la santé, apparemment, on le fait souvent.
Mme Boily (Nicole): C'est peut-être anormal aussi.
M. Tranchemontagne: Ça, je le sais. Ha, ha, ha!
Je comprends ce que vous dites, mais je voudrais vous dire que je ne le partage pas tout à fait parce que je pense qu'il y a des cas où ça s'applique et il y a des cas où c'est très favorable et pour la famille et pour l'entreprise, et puis tant mieux si ça peut exister.
J'aimerais, par contre, reparler d'autres choses. Vous semblez satisfaite que, dans le texte de loi, on parle de la... quand quelqu'un doit s'absenter, là, pour maternité, maladie ou accident, vous semblez satisfaite que l'employé ait à réintégrer son poste. Dans mon cas, je ne suis pas sûr que c'est exactement ce qu'on devrait faire, d'autres groupes aussi semblent partager mon opinion, d'autres non. Vous, vous ne vous êtes pas exprimée dessus. Est-ce que vous êtes satisfaite?
C'est parce que, moi, ce qui m'inquiétait, puis je vais vous exprimer ce qui m'inquiétait, c'est que, si le poste disparaît ou est modifié d'une façon importante, moi, j'aurais voulu qu'on s'assure que l'employé qui revient au travail ait un emploi, sinon l'emploi habituel, parce qu'il n'existe plus, au moins un emploi équivalent, c'est-à-dire: on maintient le salaire et les conditions de travail de la personne.
Mme Boily (Nicole): Je pense que, d'une façon, on doit préférer que le travailleur ou la travailleuse réintègre son emploi habituel, à moins que ces conditions l'empêchent de le faire. Donc, je pense que c'est les conditions les plus favorables. Et on peut remarquer... parce que dans certaines entreprises, quand il y a des conventions, il y a des conventions collectives qui le permettent, et c'est toujours plus favorable. Cependant, si l'emploi n'existe plus, il est certain qu'il faut assurer à l'employé un emploi équivalent à celui qu'il pouvait avoir avant.
M. Tranchemontagne: O.K. J'ai noté de vos suggestions, au niveau du nombre minimal de semaines de travail, évidemment vous faites référence à l'Europe en général. Et puis on sait qu'en Europe ils ont des habitudes différentes des nôtres. D'ailleurs, quand on compare le Québec ou la proposition qu'on a devant nous, là, avec ce qui se fait ailleurs au Canada ? je n'ai pas l'Amérique du Nord au complet mais, si on regarde, c'est trouvable, là, sur le site, vous avez ça sur le site du ministère ? on est très, très comparables avec toutes les autres provinces, là. C'est absolument comparable. Et, comme on est en compétition avec les autres provinces, nos entreprises sont en compétition avec les entreprises des autres provinces, ça m'apparaît plus normal de s'enligner sur ce qui se fait ailleurs dans notre environnement que d'aller se comparer avec la France ou l'Angleterre, ou je ne sais pas qui vous avez soulevé.
Mme Boily (Nicole): Mais, pour nous, c'était... bien sûr, c'est tout à fait au niveau canadien, des provinces canadiennes. C'est à peu près la norme, ce qui était existant. Mais ce n'est pas une raison pour ne pas prendre en considération ce qui se passe ailleurs et les gens qui vivent les mêmes conditions, parce que, dans tout le monde occidental, la réalité du travail, du travail précaire, des conditions de conciliation famille-travail, on vit exactement la même chose. On n'a qu'à lire les journaux européens et à regarder les études de la Communauté européenne ou de l'OCDE, on s'aperçoit qu'on vit les mêmes conditions et on a une disparité importante, des écarts qui sont importants. Et, vivant la même situation, on se dit: Il faudrait qu'on fasse des progrès en ce sens-là pour faire en sorte qu'on puisse y arriver. Et on ne s'enligne pas tout de suite sur l'Autriche à 30 jours, mais se dire: Augmentons peu à peu les journées de vacances, qui sont des éléments majeurs. Et je pense qu'en termes de productivité, c'est quelque chose qui pourrait être un bienfait pour les entreprises. Donc, les deux y gagneraient, à la fois pour les familles, donc autant pour les individus, les familles et, aussi, donc, les employés et les employeurs.
M. Tranchemontagne: Une dernière question.
Le Président (M. Rioux): Allez, M. le député.
M. Tranchemontagne: Au niveau des travailleurs autonomes, la dernière page de votre mémoire, bon, vous encouragez le ministère à poursuivre ses travaux au niveau de l'amélioration de la protection sociale. Nous, lors des dernières élections, au Parti libéral, on avait parlé, on a soulevé le concept d'une caisse où les travailleurs autonomes pourraient contribuer sur une base volontaire. Qu'est-ce que vous pensez de ce concept-là? Trouvez-vous que c'est ça que vous voulez, une espèce de filet social où les travailleurs autonomes, puisqu'ils sont des travailleurs autonomes, seraient appelés à contribuer, mais sur une base volontaire, pas obligatoire?
Mme Boily (Nicole): Bien, c'est là où il faudrait voir. Si on veut être équitable, c'est peut-être pour l'ensemble des travailleurs autonomes. Ce qui était... Puis, j'ai ici la recommandation. On avait dans un précédent mémoire auprès de M. Rochon: «Le Conseil recommande d'entreprendre des études, de déterminer la faisabilité, de mettre en place des mécanismes qui feraient en sorte que les employeurs contribuent eux aussi aux coûts de participation aux programmes sociaux actuellement défrayés en tout ou en partie par ces travailleurs autonomes qu'ils embauchent.» Donc, c'est, pour nous, une caisse, mais où il y aurait aussi une contribution des employeurs, de ceux qui donnent... des donneurs d'ouvrage, si vous voulez, et parce qu'il faut ce filet de sécurité et que vous savez fort bien que, dans beaucoup d'entreprises... Et je pense à des bureaux de... à la traduction, où les grandes compagnies avaient toutes des bureaux de traduction mais elles se sont toutes délestées de ça pour faire en sorte de devenir des donneurs d'ouvrage pour des travailleurs autonomes. Alors, pourquoi est-ce que ces donneurs d'ouvrage là ne participeraient pas à une certaine protection, à ce filet de sécurité? Alors, c'est le sens de notre propos dans le présent mémoire, c'est de dire: Il faut aller de l'avant, n'oublions pas ces travailleurs-là.
Le Président (M. Rioux): Merci.
M. Tranchemontagne: Je comprends ce que vous me dites, mais il reste quand même que, si le travailleur autonome doit contribuer pour se donner un filet social, bien, il y a des chances que ça se retrouve dans le prix qu'il va demander au donneur d'ouvrage, finalement. Et, ultimement, c'est celui qui paie ultimement qui va le payer directement.
Le Président (M. Rioux): Ça, c'est un commentaire, M. le député de...
M. Tranchemontagne: Oui.
n(21 h 40)nLe Président (M. Rioux): Oui, très bien.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Rioux): M. le député de Vimont. Non, mais, Mme Boily, vous n'êtes pas obligée de commenter le commentaire de monsieur. M. le député de Vimont.
M. Gaudreau: Merci, M. le Président. Mesdames, monsieur. Je constate, en lisant les derniers mémoires, que, bon, on parle d'augmentation des congés payés, d'augmentation des vacances, parce que je pense que vous êtes le deuxième ou troisième groupe à apporter ça, journée de travail de huit heures. Bon, c'est très intéressant, tout ce qu'on apporte, sauf que le gouvernement ne peut pas toujours justifier ça auprès des entrepreneurs.
Bon. Alors, la question que je me posais, c'est: Est-ce qu'il ne pourrait pas y avoir un genre de plan établi avec les entrepreneurs, avec les entreprises pour arriver à faire un partenariat puis essayer de planifier sur des années à venir des changements qui pourraient être apportés pour faciliter l'application de toutes vos exigences? Parce que, bon, c'est sûr qu'on vise le maximum pour tout le monde, puis je pense que c'est très justifiable, mais tous ces éléments-là me semblent, tous mis ensemble, irréalisables dans un avenir très court. Ne pourrait-on pas, avec les entrepreneurs, s'asseoir puis essayer de planifier des étapes, dans les années à venir, qui permettraient un meilleur étalement de ces exigences? Pensez-vous que c'est possible?
Mme Boily (Nicole): Si on parle, par exemple, des vacances, ce que nous mettons de l'avant, c'est dire: Il faut qu'on commence à regarder les choses autrement, ne plus les regarder de la même façon qu'on a pu le faire dans le passé. Il y a deux parents qui travaillent, il y a des moments privilégiés, il y a aussi toute la précarité. Donc, il faut peut-être aller de l'avant vers quelque chose de nouveau. Est-ce qu'il y a moyen d'en parler avec les employeurs, avec le milieu patronal? Peut-être. Ça fait partie aussi... Il faut arriver à convaincre les gens qu'il y a un avantage aussi.
Ça, c'est comme la conciliation famille-travail. Pendant longtemps, on a dit: Ça nous coûte trop cher, on ne veut pas en entendre parler. Maintenant, on commence à voir qu'il y a peut-être des avantages à faire en sorte qu'on mette en place des mesures pour la conciliation famille-travail, parce qu'il y a moins d'absentéisme, il y a plus d'implication dans l'entreprise. Donc, on commence à y voir un profit. Je pense qu'on pourrait faire la même chose avec des vacances qui soient allongées, avec un certain nombre de mesures, tels des congés familiaux. Et je pense que, au bout du compte, il y a un coût, mais peut-être que le coût va être moindre que les coûts sociaux et les coûts directs aussi...
Le Président (M. Rioux): Merci beaucoup. Merci. C'est tout le temps que nous avons. Alors, Mme Boily, on vous remercie beaucoup. Merci à M. Lamoureux et également à Mme Roberge.
On va demander à la Fédération des commissions scolaires du Québec de s'avancer, avec la Fédération des cégeps de même que l'Association des commissions scolaires anglophones du Québec.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Rioux): Alors, on est prêts? Les deux fédérations sont là? Les anglophones? Les cégeps? Très bien. Who's the speaker? C'est vous, monsieur?
M. Caron (André): Oui.
Le Président (M. Rioux): Très bien, M. Caron. Alors, M. Caron, on va vous souhaiter la bienvenue à la commission, et vous allez nous présenter vos partenaires.
Fédération des commissions scolaires
du Québec (FCSQ), Fédération des cégeps
et Association des commissions scolaires
anglophones du Québec (ACSAQ)
M. Caron (André): Merci, M. le Président. C'est avec plaisir effectivement que je vous présente, à ma gauche, Me Nicole Tremblay, directrice des relations du travail à la Fédération des cégeps; à mon extrême gauche, Me Monique D'Amours, avocate à cette même Fédération des cégeps; à mon extrême droite, M. Bernard Huot, directeur des relations du travail de l'Association des commissions scolaires anglophones du Québec; et, à ma droite immédiate, Me Bernard Tremblay, directeur des relations du travail à la Fédération des commissions scolaires du Québec.
D'abord, dans un premier temps...
Le Président (M. Rioux): Vous êtes encadrés juridiquement, vous autres?
M. Caron (André): C'est tellement complexe, M. le Président, que ça nous prend des avocats, et je ne suis que le porte-parole, donc vous allez comprendre tout à l'heure que les questions vont être dirigées.
Le Président (M. Rioux): Très bien. On vous écoute, mon cher.
M. Caron (André): D'abord, dans un premier temps, je voudrais remercier la commission d'avoir fait des pieds et des mains pour accepter qu'on puisse exprimer notre point de vue, puisque nous considérons quand même être un morceau important du secteur public, notamment dans l'éducation.
Donc, la Fédération des commissions scolaires du Québec, l'Association des commissions scolaires anglophones du Québec et la Fédération des cégeps ont pour mission de promouvoir l'enseignement de niveaux primaire, secondaire et collégial et d'agir à titre de porte-parole officiels du réseau de l'éducation sur toutes questions qui les concernent, en particulier dans les domaines des ressources humaines et de la négociation des conventions collectives. Nous regroupons l'ensemble des 70 commissions scolaires francophones et anglophones et 48 collèges publics. Et, bien sûr, les établissements présents sur le... tous les établissements de l'éducation sur le territoire québécois, avec les employeurs que nous sommes, nous représentons 200 000 salariés. Non négligeable, n'est-ce pas?
Malgré que nous reconnaissions le bien-fondé d'une modernisation des lois du travail, nous désirons vous faire part de nos inquiétudes quant à certaines dispositions du projet de loi n° 143.
À titre de remarques préliminaires, nous constatons que le projet de loi n° 143 s'écarte grandement des orientations qui ont été soumises le printemps dernier par M. Rochon dans le document Revoir les normes du travail du Québec: un défi collectif et, en particulier, en ce qui a trait à la clause du harcèlement psychologique.
Malgré un objectif louable, le projet de loi comporte des aspects susceptibles de rendre difficiles et complexes la gestion des ressources humaines et les relations du travail dans le secteur de l'éducation.
Aussi, nous sommes d'avis que la loi devrait prévoir, comme elle le fait déjà sous certains aspects, une disposition excluant de son application les salariés assujettis à une convention collective, salariés qui bénéficient de conditions de travail supérieures à celles prévues à la loi. Ainsi, les problèmes engendrés par la gestion d'un double régime de droits, c'est-à-dire la Loi sur les normes du travail et les conventions collectives, seraient ainsi écartés. À défaut d'une telle exclusion, nous désirons faire part à la commission parlementaire de l'économie et du travail de nos réserves sur certains sujets.
À propos du harcèlement psychologique, la répression de la violence au travail et en particulier de la violence psychologique est une préoccupation partagée par les commissions scolaires et les collèges. Plusieurs employeurs du secteur de l'éducation se sont d'ailleurs penchés sur ce phénomène et sont en démarche afin de le contrer. Dans nos réseaux respectifs, les conventions collectives liant les personnels enseignant, professionnel et de soutien conclues avec les différentes organisations syndicales comportent déjà des dispositions qui militent en faveur d'un milieu de travail sain.
De plus, soulignons quelques initiatives qui témoignent de la préoccupation de nos réseaux à cet égard. La commission scolaire de Montréal, le plus gros employeur dans le secteur de l'éducation, s'est dotée de mesures majeures afin de prévenir la violence au travail de façon permanente. En décembre 1999, cette commission scolaire réunissait l'ensemble de son personnel afin de réfléchir sur les causes de la violence au travail. À la même époque, la Fédération des commissions scolaires du Québec organisait un colloque sous le titre Colloque sur la santé mentale et la violence au travail en milieu scolaire.
Présentement, la Fédération des commissions scolaires du Québec participe à un projet-pilote dont la finalité est la prise en charge par les milieux de travail de la prévention de toutes formes de violence au travail et dont la première étape a été la réalisation d'une enquête menée par la Direction de la santé publique de Québec portant sur l'état de situation en matière de violence au travail. Ici, je fais un petit message du commanditaire: cette étude est disponible sur le site Internet de la Fédération.
n(21 h 50)n Finalement, le réseau collégial n'est pas en reste, puisque plusieurs collèges ont adopté des politiques concernant le harcèlement en milieu de travail, notamment le harcèlement psychologique. Au printemps de 2001, les gestionnaires de collèges ont participé à une session de formation sur la gestion de la violence incluant le harcèlement psychologique, session de formation préparée à leur intention. Vous êtes donc à même de constater notre implication par rapport à ce problème.
Riches de ces expériences, nous croyons que la notion de «harcèlement psychologique» étant très complexe, celle-ci ne saurait être introduite dans un texte de loi qu'après une réflexion et une analyse poussées, ce qui nous amène à recommander le retrait des dispositions proposées quant au harcèlement psychologique.
À défaut de suivre cette recommandation qu'on dit très prudente, nous croyons essentiel d'apporter certaines modifications au projet de loi. La définition de «harcèlement psychologique» prévue au texte de loi, fortement inspirée de la notion de «harcèlement sexuel», doit se distinguer de cette dernière notion. Mieux circonscrite, elle permettrait davantage d'objectivité.
Nous vous proposons donc une autre définition de «harcèlement psychologique» que vous trouverez en page 8 de notre mémoire. Nous croyons que cette définition permettrait plus facilement de distinguer les situations réelles de harcèlement psychologique des autres phénomènes présents dans les milieux de travail.
Par ailleurs, il est reconnu par tous que le maintien d'un climat de travail sain est une responsabilité collective impliquant également le syndicat représentant les salariés concernés. À ce propos, il est intéressant de noter que les résultats d'une enquête ? et là je fais référence à la même enquête que tout à l'heure, menée par la même Direction de la santé publique de Québec ? démontrent que seulement 6,9 % des cas de violence au travail et de harcèlement psychologique vécus par les salariés impliquent la relation de ceux-ci avec une personne en autorité. Par conséquent, nous croyons fermement que l'employeur ne devrait être tenu seul responsable de cette question et que la loi devrait imposer une obligation de collaboration aux syndicats, voire aux salariés concernés.
Nous critiquons également le fait que le législateur s'arroge le pouvoir d'introduire les dispositions concernant le harcèlement psychologique aux conventions collectives, alors que la dynamique de la négociation collective ne nous semble pas nécessiter cette façon d'agir, particulièrement dans le secteur public.
À la lumière de l'ensemble de ces remarques, nous craignons que le projet de loi n° 143 entraîne des effets pervers. Nous faisons consensus dans le réseau sur le fait qu'il créera beaucoup d'insatisfaction et des tensions dans les milieux de travail en rendant uniquement l'employeur imputable du harcèlement psychologique, alors que la prévention et les redressements liés à une telle situation sont l'affaire de tous.
À propos de l'avis du licenciement collectif, rappelons que ces dispositions existaient déjà dans la Loi sur la formation et la qualification professionnelles de la main-d'oeuvre. Mais, comme le soulignait M. Rochon lors de la présentation du projet de loi n° 143, ces règles étaient très peu connues. Or, leur intégration à la Loi sur les normes du travail leur accordera une visibilité qui justifie nos inquiétudes actuellement. Nous ne croyons pas que l'objectif du ministre soit de couvrir la réalité du secteur public. Or, le texte actuel entraîne cet effet.
À propos des absences pour cause de maladie ou d'accident et des absences et des congés pour raisons familiales ou parentales, nous sommes conscients de la préoccupation du gouvernement quant à la conciliation travail-famille. Vous comprendrez que les commissions scolaires et les collèges ne peuvent qu'espérer que ces mesures auront un impact éventuellement sur le taux de natalité particulièrement bas au Québec. Toutefois, le gouvernement doit être conscient que l'ajout de ces avantages ne se réalisera pas sans coûts. Au contraire, ces bénéfices risquent de générer des engagements financiers et des coûts de gestion additionnels.
À l'égard de la présence réputée au travail, nos conventions collectives comportent déjà des règles à cet effet. Par conséquent, nous croyons que l'article 57 devrait comporter la mention «sauf disposition contraire dans une convention collective».
En conclusion, nous croyons que le projet de loi n° 143 modifiant la Loi sur les normes du travail et d'autres dispositions législatives, bien que louable dans ses objectifs, ne tient pas compte de certaines réalités auxquelles font face les employeurs des réseaux de l'éducation.
Nous vous rappelons notre position à l'effet que les organismes dont les salariés sont régis par des conventions collectives, comportant des dispositions plus généreuses dans leurs applications générales à la Loi sur les normes du travail, ces organismes devraient être exclus de cette dernière.
Des modifications importantes devraient également être apportées au texte portant sur le harcèlement psychologique afin de mieux situer cette notion dans un contexte de relations du travail et d'en établir les limites; ce qui milite, selon nous, en faveur d'un report de l'adoption de telles dispositions ou, du moins, d'un report de son application.
Finalement, le projet de loi devrait être adapté afin de pallier aux diverses difficultés de son application au secteur de l'éducation, difficultés dont nous avons illustré les principales préoccupations dans le présent mémoire. Merci de votre écoute.
Le Président (M. Rioux): Merci, M. Caron. Alors, M. le ministre.
M. Rochon: Oui. Alors, merci beaucoup pour votre présentation. Vous me permettrez peut-être d'abord d'apporter une petite précision à un commentaire que vous avez fait. Vous me dites un peu que nous faisons un grand écart entre ce qu'on a fait en consultation, au printemps, et ce qui est présenté actuellement. Je voudrais peut-être rappeler, là, pour replacer les faits, que le document de consultation qui a été présenté ne contenait pas de recommandations quant au harcèlement psychologique, c'est vrai, mais avant, pendant et après toute la consultation, j'ai dit... j'ai redit à chaque groupe qui se présentait, on l'a dit dans le communiqué qui a annoncé la consultation, qu'il y avait deux autres travaux en cours: un sur le harcèlement psychologique, qui était déjà en chantier depuis quelques années, il y avait un comité interministériel qui avait travaillé là-dessus, qui a consulté des groupes, qui a reçu des commentaires de différents groupes. Et j'ai dit qu'on faisait un effort maximal pour voir si ce travail, qui, au début, était associé à la révision des normes qui avaient été traitées en parallèle vu, comme vous le dites, la complexité de la question, donc, un groupe qui s'est un peu spécialisé là-dedans... et j'ai répété tout le temps qu'on essaierait de faire une jonction, au moment où on préparait un projet de loi, dans la mesure où ce serait possible, et ça s'est avéré possible.
L'autre dossier aussi qui est cours, qui est celui qui s'adresse à la question du travail atypique, là aussi, on fait une jonction qui est plus pointue pour au moins protéger le statut de salarié, s'il est changé de façon artificielle par l'employeur. Et là il y aura d'autres mesures qui viendront, actuellement, parce que ce n'est pas évident que tout ça, comme intervention éventuelle, passerait par la Loi des normes du travail. Il y a peut-être d'autres types d'interventions, législatives ou autres, qui pourraient être faites.
Alors, je voudrais juste rectifier ça, parce qu'on ne fait pas vraiment une fausse représentation en sortant un lapin du chapeau à la dernière minute, là. Et les documents qui avaient été utilisés pour le travail qui était fait depuis quelques années, c'était quand même des documents disponibles et publics. Alors, je veux juste mettre les choses correctes là-dessus.
Ah! je crois que vous avez un autre commentaire que vous voulez faire tout de suite là-dessus, là.
Le Président (M. Rioux): M. Caron.
M. Caron (André): Peut-être un commentaire puisque, comme groupe, depuis le printemps dernier, depuis votre document d'orientation, en tout cas, à ma connaissance ? et peut-être que je me trompe ? comme groupe, on n'a pas été consulté dans les travaux du ministère.
M. Rochon: Nous, comme ministère, on travaille directement avec tous les autres ministères et, par eux, avec le réseau.
M. Caron (André): On ferme la parenthèse.
n(22 heures)nM. Rochon: Bon, je pense qu'on va parler surtout du harcèlement psychologique parce que c'est vraiment le noeud de votre intervention. J'aurais peut-être une question d'ordre un peu général. Je vous fais deux, trois commentaires pour vous permettre de répondre de façon un peu intégrée. Vous dites que vous êtes portés à penser que ce n'était pas de l'intention de la préparation du projet de traiter, s'agissant du harcèlement psychologique, du secteur public comme du secteur privé. En rapport avec le harcèlement psychologique, il ne m'apparaît pas évident... qu'est-ce qu'il y a de différent au niveau des conditions et des relations de travail dans le secteur public par rapport au secteur privé qui fait que ça demanderait une intervention ou une approche différente, que la même approche n'est pas valable. Bon. Alors ça, si vous pouvez nous éclairer là-dessus. S'il y a quelque chose qu'on n'a pas vu, on est bien ouverts pour essayer de comprendre qu'est-ce qui ferait que cette situation du harcèlement psychologique serait différente ou pas.
Je vais faire mes deux, trois commentaires en série, si vous voulez. Ça va être plus facile pour vous, je pense, de reprendre ça de façon intégrée, puis ça va peut-être sauver du temps. Bon. Une autre chose aussi qu'il serait bon de préciser. À la page 4 de votre mémoire, quand vous commencez les commentaires généraux, vous faites référence à la Loi sur les normes du travail et ça recoupe un commentaire que vous faites un peu plus loin sur la Loi des normes du travail, dans un sens.
Vers la fin, à la page 10, quand vous parlez des recours: La Loi des normes du travail est une loi qu'on appelle, je pense, d'ordre public, là, qui est une loi de base et qui s'applique partout et de façon générale. Alors, qu'il y ait convention collective ou pas, qu'il y ait syndicat ou pas, la base, c'est les normes minimales du travail. Évidemment, un syndicat, avec son employeur, peut convenir de faire plus, de faire mieux, de faire différemment mais pas moins.
Alors, quand le commentaire est fait qu'on crée un problème avec un double régime de droit, je vous avoue que je n'avais jamais vu et compris ça comme ça; ce n'est pas deux régimes qui s'opposent ou qui sont en conflit. Il y a un peu un régime de base, qui sont les normes minimales, et, au-delà de ça, évidemment, les parties peuvent convenir de ce qu'elles veulent mais pas moins que ça. Alors, c'est plutôt complémentaire, me semble-t-il, que conflictuel. Mais ça, j'aimerais que vous me précisiez votre pensée, là-dessus.
Quant à la définition, page 8, ça, comme on a dit à d'autres groupes: On est très ouverts, là, puis on compte bien que les consultations qu'on fait présentement, l'ensemble des parlementaires en commission pourront nous amener à préciser encore puis à améliorer la définition parce qu'on est conscients que c'est crucial. C'est un concept qu'il faut définir. On ne peut pas prévoir des obligations, un droit et un recours si on n'a pas défini le plus clairement possible ce dont on veut parler ? on s'entend là-dessus ? puis on va tenir compte de ce que vous nous présentez.
Maintenant, dans la suggestion que vous nous faites, je me réfère à la fin, où on dit: «...qui porte atteinte à la dignité et à l'intégrité psychologique du salarié et qui entraîne pour celui-ci des conditions de travail défavorables, une mise à pied, un congédiement ou une démission forcée.» Bon. Il existe déjà une protection du salarié en regard de situation qui peut causer ce qu'on appelle une lésion professionnelle et qui est compensée par la Loi des accidents de travail et des lésions professionnelles. L'intervention au niveau des normes du travail a l'intention d'essayer de remonter le plus en amont et de façon la plus préventive possible pour que les moyens mis en oeuvre, parce que, en plus des moyens législatifs, on prévoit que, quand la loi s'appliquerait, il y ait des outils qui seraient donnés, offerts aux employeurs, il y ait des recours, pas seulement juridiques mais cliniques, qui seraient disponibles pour les gens.
Il faut que ce soit une intervention intégrale qui a sa partie législative mais qui n'a pas que ça ? on est très conscients de ça ? mais avec l'idée de pouvoir agir, et sans compter que le rôle que jouerait la Commission des normes du travail pour aider à apprécier les situations, s'agit-il vraiment en fonction de la définition de harcèlement psychologique ou est-ce que c'est d'autres genres de problèmes qui se présentent, tout ça fait que je trouve que votre définition, dont on voudrait bien tenir compte, nous amène pas mal en aval, peut-être, à la fin. Et est-ce que ce n'est pas possible, là, que, de votre côté aussi, vous puissiez nous aider à la remonter ou, au cas où vous n'êtes pas d'accord, qu'on essaie d'agir vraiment en amont plutôt qu'en aval?
Dernier commentaire. Je ne veux pas prendre tout le temps, mais pour vous faire une précision, aussi. Page 9, à la toute fin, l'avant-dernière ligne, vous dites que «l'employeur est [...] tenu à une obligation de résultat». L'article 91.1 dit bien qu'à cette fin l'employeur doit prendre les moyens nécessaires pour préserver... Moi, j'avais compris, quand on préparait ça, qu'on voulait en faire une obligation de moyens pour l'employeur, reconnaissant que ce n'est pas nécessairement lui qui est directement responsable et qu'il ne peut pas vraiment être dans une situation où il peut garantir le résultat mais qu'il doit démontrer qu'il a pris tous les moyens nécessaires, ce qui fait qu'il peut avoir d'autres responsabilités qui sont impliquées d'autres personnes aussi.
Alors, je ne vois pas comment vous nous aidez... comment vous lisez. Là, sûrement que les juristes qui vous accompagnent pourraient nous aider à améliorer notre stipulation de l'article parce qu'on voulait aussi viser une obligation de moyens. Je vais m'arrêter là-dessus.
Le Président (M. Rioux): Alors, ça appelle des réponses. M. Caron.
M. Caron (André): Ça appelle des réponses, et, pour avoir entendu M. Rochon aujourd'hui, j'imagine que vous allez avoir une bonne écoute. Vous l'avez dit ce midi, et je demanderais...
M. Rochon: Comme on essaie de l'avoir toujours. Ha, ha, ha!
M. Caron (André): ...dans un premier temps, pour le premier volet ? parce qu'il y a quatre volets à votre remarque ? à Mme Nicole Tremblay de répondre sur l'approche différente public-privé, et, ensuite, j'enchaînerai avec les autres sujets.
Mme Tremblay (Nicole): Bien, dans le fond, je pense que c'est tout à fait pertinent de s'interroger sur la pertinence de distinction entre le secteur public et le secteur privé. Tout compte fait, le gros bon sens nous dit: Du harcèlement psychologique, c'est la même chose, que tu sois dans un secteur ou dans l'autre.
Ce que, nous, on peut tenter d'essayer de faire valoir, c'est que dans nos conventions collectives il y a même certaines conventions collectives où il y a déjà une définition de ce qu'est le harcèlement psychologique. Il y a aussi... c'est des discussions, des comités de travail, une organisation du travail qui tient compte de ces problématiques-là. Ça fait qu'à partir de ce moment-là on voulait éviter la juxtaposition.
On s'est dit: Dans le fond, dans nos propres régimes de négociations, est-ce qu'il n'y a pas lieu de laisser place à la négociation autour de ces problématiques-là? On a prévu des mécanismes pour, à partir du moment où il y a effectivement faute, de quelle façon on transige avec nos syndicats. Je pense qu'il y a là en fait les éléments qui permettent une situation différenciée.
M. Rochon: Écoutez, juste... je ne veux pas faire un argumentaire avec ça, on n'a pas le temps, mais des entreprises privées pourraient nous dire la même chose, des grandes entreprises qui ont des syndicats. On me dit que dans plusieurs cas aussi les conventions collectives prévoient déjà et ont déjà des mesures.
Je reconnais que, en introduisant ça dans les lois des normes minimales, ça peut peut-être demander aux prochaines négociations certains ajustements dans la mesure où il y aurait contradiction ou dans la mesure où dans une convention collective, ce qu'on fait est moins que la norme minimale. Mais comme probablement dans la plupart des cas, c'est déjà plus...
Mme Tremblay (Nicole): Je pense que dans le secteur public...
M. Rochon: ...dans les négociations, ça ne changerait probablement pas grand-chose de ce qu'il y a dans les conventions collectives.
Mme Tremblay (Nicole): Tout à fait.
M. Caron (André): Sur le troisième volet, je demanderais à Me D'amours sur les recours, définition du recours.
Le Président (M. Rioux): Mme D'Amours.
Mme D'Amours (Monique): Oui. Alors, sur la définition de harcèlement psychologique, pour répondre, en tout cas, de façon... une tentative au niveau de votre interrogation. Écoutez, nous, on pense que... dans la définition suggérée, on dit bien «qui entraîne pour celui-ci des conditions de travail défavorables». Alors, il y a également la mise à pied, le congédiement ou une démission forcée effectivement qui font plutôt appel à la rupture du lien d'emploi. Mais en visant les conditions de travail défavorables, on visait également l'aspect prévention, de pouvoir intervenir de façon préalable à une rupture du lien d'emploi, ce qui d'ailleurs se distingue par comparaison, si vous voulez, à l'article 124 de la Loi sur les normes du travail, où, là, ce qui est visé, c'est le congédiement sans cause juste et suffisante, alors, où on vise spécifiquement la rupture du lien de travail. C'est un peu aussi dans d'autres recours au niveau des 122, par exemple, on utilise plutôt que «rupture du lien d'emploi»; on vise également les représailles, hein, les mesures de représailles. Mais ici, je pense qu'avec l'expression «conditions de travail défavorables», c'est beaucoup plus large que les seules représailles et ça vise dans le fond une condition qui s'est détériorée au niveau du travail.
Alors, on visait par ce biais-là l'aspect prévention mais on visait également à remettre dans son contexte cette définition-là de façon à ce que les obligations qui incombent à l'employeur en vertu de l'article 81.19 se situent dans un environnement où l'employeur, lui, exerce un contrôle, ce qui, actuellement, compte tenu du libellé actuel de la définition de harcèlement psychologique, n'est tout à fait pas possible, là, parce que, ce qui est proposé, c'est «qui entraîne des conséquences préjudiciables». Alors là, on vise même des situations externes au milieu de travail, ce qui nous apparaissait tout à fait exorbitant, dans les circonstances.
n(22 h 10)n Alors, je pense que, pour répondre à votre question et quant à l'employeur tenu à une obligation de résultat, je voudrais seulement souligner que 81.19 dit bien qu'on oblige... que l'employeur est tenu de prévenir par les moyens nécessaires mais également de ? je veux reprendre le texte, là, si vous permettez...
M. Rochon:«...l'employeur doit prendre les moyens nécessaires...»Mme D'Amours (Monique): ...«intervenir efficacement lorsque survient...»M. Rochon: Oui.
Mme D'Amours (Monique): Alors, à ce moment-là, ce n'est pas seulement prévenir, c'est une intervention efficace, d'où l'obligation de résultat. C'est pour ça que, nous, on tendait vraiment plus vers une obligation de prévenir et de favoriser un milieu de travail sain, parce qu'on est d'accord avec le principe, évidemment, là, voulant que le milieu de travail doit être exempt de harcèlement psychologique.
Le Président (M. Rioux): J'ai un petit problème, il me reste une minute, au côté ministériel. Le quatrième volet a-t-il été répondu?
M. Caron (André): Non, sur celui du double régime, et monsieur...
Le Président (M. Rioux): Parce que j'ai le député de Chicoutimi, là, qui trépigne; il voudrait bien intervenir.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Tremblay (Bernard): Je vais tenter de faire rapidement.
Le Président (M. Rioux): Mais allons-y pour le quatrième volet.
M. Tremblay (Bernard): Alors, rapidement, mais remarquez qu'on se doutait évidemment que vous alliez trouver notre proposition assez inusitée de finalement indiquer que, oui, la Loi sur les normes, c'est clair que, pour nous aussi, c'est une loi d'ordre public, mais la difficulté qu'on constate, c'est qu'elle est aussi beaucoup perçue comme étant, entre guillemets, un peu la convention collective du personnel non syndiqué.
Pour un secteur comme le nôtre, c'est clair que je pense que c'est de commune renommée que les bénéfices qu'on accorde sont plus étendus que ce que la Loi sur les normes prévoit. Mais la difficulté qu'on vit déjà et qu'on va continuer à vivre, c'est de devoir à la fois gérer les particularités d'une convention collective et les particularités de la Loi sur les normes.
Et un exemple que je pourrais vous donner ? ça fait partie de notre mémoire ? c'est au niveau du licenciement collectif. On pense que, évidemment, ce n'est pas ce qui était souhaité, mais de la façon dont les dispositions sont libellées, on constate, à notre avis, que ça a une application dans nos secteurs. Or, on a déjà évidemment, vous le savez, des règles qui concernent la sécurité d'emploi, qui viennent établir de quelle façon les mises à pied, les non-réengagements doivent être faits, et tout ça, évidemment, si on devait continuer d'appliquer nos conventions collectives et à la fois aussi appliquer des dispositions qui concernent le licenciement collectif, on aurait un double, c'est là qu'on aurait un double régime de droit à gérer.
Et on pense qu'à différents égards on le retrouve; on vous a donné l'exemple de la formation, le temps réputé au travail, là, l'article 57 par rapport à des particularités qu'on a dans nos conventions collectives. Donc, s'il y avait une mécanique qui nous permettait vraiment de dire: Bien, à partir du moment où il y a un constat à l'effet que la Loi sur les normes est nettement inférieure à ce qu'accorde une convention collective, qu'on puisse l'analyser section par section. On a déjà ce principe-là par rapport aux jours fériés, par exemple, dans la Loi sur les normes. Donc, si on avait un peu le même type de principe dans chacune des dispositions ou dans chacune des sections, est-ce qu'on ne pourrait pas à ce moment-là avoir une gestion à tout le moins un peu simplifiée?
Le Président (M. Rioux): Merci.
M. Tremblay (Bernard): J'ai voulu court, mais ça n'a pas...
Le Président (M. Rioux): C'est dommage qu'on n'ait pas plus de temps parce qu'on aurait un excellent débat là-dessus.
M. Tremblay (Bernard): Ha, ha, ha!
Le Président (M. Rioux): M. Tranchemontagne. Ha, ha, ha! Excusez-moi, M. le député de Mont-Royal.
M. Tranchemontagne: C'est ça, je vais vous mettre à l'amende. Merci, M. le Président. Mesdames, messieurs, merci; bienvenue d'être ici et merci pour votre mémoire que je trouve excellent, soit dit en passant.
Ceci étant dit, il y a une chose que je voudrais vous dire d'entrée de jeu. C'est que j'ai toujours un petit peu de difficulté à accepter qu'on demande par exemple que le secteur public ne soit pas soumis aux mêmes règles que l'ensemble des entreprises, et ça, ça vaut pour ce que vous nous dites mais ça vaut dans l'ensemble aussi. J'ai toujours de la misère de dire: Le secteur public est différent, devrait être traité d'une façon particulière. C'est juste un petit point négatif au passage, en tout cas, à mon point de vue.
Je trouve intéressante l'expérience que vous avez tous vécue, je pense, à différents niveaux, là, que ce soit au niveau des commissions scolaires ou des collèges ou des choses comme ça sur le harcèlement psychologique. Et, à partir de cette expérience-là ? et c'est peut-être là que le ministre devrait vraiment écouter, dans le sens le plus fondamental du mot ? parce que vous dites: Riches de ses expériences ? et ça, c'est le texte que vous dites ? on vous recommande d'abandonner ça pour le moment, tant que vous n'aurez pas approfondi comme nous autres on a semblé le faire, en tout cas, ou on commence à l'approfondir, on commence à effleurer, et on se rend compte que finalement il faudrait vivre une expérience plus poussée avant d'être capables d'avancer dans ce secteur qui s'appelle le harcèlement psychologique, et je trouve ça intéressant. C'est d'autant plus intéressant que le ministre devrait écouter doublement, parce que vous dites: Mais, si vous ne nous écoutez pas, M. le ministre, on a quand même des recommandations à vous faire dans le contexte actuel. Et, donc, je trouve que c'est très positif.
Je remarque que dans votre définition du harcèlement psychologique vous retenez une conduite mais qui est fréquente, qui est récurrente, par rapport à la définition qu'on trouve dans le projet de loi, qui parle aussi de cas graves, mais d'une seule occasion, d'une seule occurrence. Et ça rejoint un petit peu ma façon de penser, parce que j'ai toujours l'impression que, si ce n'est qu'une seule fois qui entraîne quelque chose, c'est que ce n'est pas... C'est celle qui a peut-être entraîné mais ce n'est pas la seule; sûrement qu'il y avait un contexte auprès de cette personne-là qui faisait qu'elle était plus vulnérable alors que la récurrence, là, on parle vraiment de harcèlement, parce que, pour moi, «harcèlement» veut dire que tu ne lâches pas, tu persistes, tu continues, tu reviens à la charge, continuellement. Pour moi, ça fait partie de la définition du mot «harcèlement».
Est-ce que c'est volontaire que vous avez abandonné complètement le...
M. Caron (André): Mme D'Amours, vous pouvez répondre à ce dernier volet, je vais revenir sur le début de votre intervention.
Mme D'Amours (Monique): Alors, oui, c'est volontaire. Parce que, effectivement, la conduite grave, on la retrouve en matière de harcèlement sexuel, hein? Elle se prête très bien, cette définition-là. C'est reconnu effectivement en droit qu'une seule conduite grave peut entraîner effectivement... constituer une manifestation du harcèlement sexuel.
Cependant, après mûre réflexion, on en est venu à la réflexion qu'on trouvait peu, et je dirais même, voire, pas de cas d'application lorsqu'il s'agissait d'une conduite grave au niveau du harcèlement psychologique parce qu'effectivement le caractère répété des gestes est tout à fait primordial en matière de harcèlement psychologique pour conserver les propriétés ou la nature propre du harcèlement, hein? Le harcèlement, c'est quelque chose d'insidieux et qui se répète.
Alors, effectivement, on ne voyait pas de quelle façon on pouvait appliquer la situation du harcèlement à une seule manifestation grave, aussi grave soit-elle. Et, d'ailleurs, on s'est même dit que, si elle était à ce point grave, probablement qu'elle dégénérerait plutôt en d'autres formes de violence en milieu de travail, hein? Ça peut être effectivement en forme plutôt physique ou de choses comme ça plutôt que le harcèlement psychologique. Parce que le harcèlement psychologique, c'est quand même... c'est une atteinte d'ordre émotionnel ou psychologique. Alors, pour que ça agisse en une seule fois, j'ai de la misère, en tout cas, personnellement, à trouver un cas d'application d'une atteinte grave à ce point.
M. Tranchemontagne: Merci.
Le Président (M. Rioux): M. le député.
M. Tranchemontagne: C'est parce qu'il y a une partie, une deuxième.
Le Président (M. Rioux): M. Caron.
M. Caron (André): Sur le premier volet, si vous permettez, M. le Président, sur les règles, vous comprendrez que nos conventions collectives, on considère qu'on a des règles supérieures au secteur privé. C'est pour ça qu'on dit qu'il devrait y avoir distinction et notamment au niveau du licenciement. Quand, nous, le 30 juin arrive, par exemple, et tous les employés, les enseignants ou les personnes de soutien ou les services de garde à contrat, les licenciements, c'est à coup de centaines que ça se fait dans le réseau. Donc, si on applique ça, là, on s'aperçoit qu'on est encore moins... on a une autre divergence.
Et sur la clause de harcèlement qu'on vous demande de regarder très attentivement et d'écouter, c'est que ça nous est apparu, depuis deux ans qu'on travaille dans ce dossier-là, très, très, très complexe et avec des conséquences qui sont difficiles à envisager, au moment où on se parle. Donc, c'est pour ça qu'on dit prudence parce que ça peut être plus néfaste que... Le remède, dans le fond, risque d'être plus dommageable que la maladie qu'on pense.
M. Tranchemontagne: Alors, ce que vous nous suggérez, c'est la théorie des petits pas, dans ce domaine-là.
M. Caron (André): Tout à fait.
M. Tranchemontagne: Merci.
Le Président (M. Rioux): M. le député de Vimont.
M. Gaudreau: Écoutez, ça se concentre beaucoup sur le harcèlement, mais il reste que j'ai quand même lu la suite ? ha, ha, ha! ? et, ici, à la section V.0.1, les absences pour cause de maladie ou d'accident, vous dites que: «Nous sommes conscients de la préoccupation du gouvernement quant à la conciliation travail- famille.» Bon.
Et vous dites aussi que: «Malgré qu'aucun versement de salaire ne soit associé à ces congés en vertu de la Loi sur les normes du travail, il est clair que des demandes dans ce sens seront formulées par des organisations syndicales.» Alors, j'en déduis que dans vos conventions collectives il n'y a sûrement rien qui ressemble à 10 jours de congé non payés.
M. Caron (André): C'est payé.
M. Gaudreau: Alors!
M. Caron (André): C'est toujours payé, nous autres.
M. Gaudreau: Et vous avez présentement quoi? Cinq, six jours, sept jours...
Une voix: Six.
M. Caron (André): Six jours qui sont...
M. Gaudreau: O.K.
M. Caron (André): ...qui peuvent être rémunérés par le biais de l'utilisation de la banque de congés de maladie.
M. Gaudreau: Donc, si ça monte à 10 jours, ça veut dire que pour nous autres il y a un coût supplémentaire. Dans le secteur privé, c'est non payé; donc, il n'y a pas de coût. Mais, pour nous autres, il va y avoir un coût parce que...
M. Caron (André): Alors, vous pensez que les...
M. Gaudreau: Les syndicats?
M. Caron (André): ...vont vous négocier 10 jours payés.
Une voix: Certainement.
M. Gaudreau: Bien, voyons donc! Qu'est-ce que vous en pensez?
M. Caron (André): Ah! je ne sais pas. C'est ce que je vous demande. Ha, ha, ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Rioux): ...M. Caron?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Caron (André): Vous avez la réponse, M. le Président.
M. Gaudreau: Et un dernier élément aussi dans la présence réputée au travail. Vous parlez de formation, et vous écrivez ici: «Or, il arrive parfois que des ententes interviennent.» Vous semblez dire que parce que parfois, ça arrive, ça pourrait nuire à tout votre système, là, de formation, là...
Le Président (M. Rioux): M. Bernard.
M. Tremblay (Bernard) : On en a brièvement parlé, ce midi. Dans l'exemple que je vous donnais, ce n'était peut-être pas très clair. Mais l'idée, c'est clair que, chez nous, on ne remet pas en question le fait que, pendant que les gens sont en formation, il y a maintien du traitement, il y a maintien du salaire. Ça, c'est absolument acquis.
n(22 h 20)nM. Gaudreau: Oui.
M. Tremblay (Bernard): Mais compte tenu des distances souvent que les gens doivent... pour lesquelles les gens doivent se déplacer, souvent, les compromis, entre guillemets, qui sont faits dans le cadre des comités paritaires de formation, c'est de faire en sorte qu'il n'y aura pas une rémunération additionnelle. C'est-à-dire que, si la formation déborde d'une heure, de deux heures ou s'il y a un temps de déplacement, bien, que ça, ça n'occasionnera pas une dépense additionnelle pour la commission scolaire ou le cégep. Et, en contre-partie, bien, ça permet évidemment d'utiliser les fonds de perfectionnement pour plus de gens au maximum.
Et c'est ça qui nous inquiète, tout comme la notion évidemment de frais de déplacements, où on se dit: On a des habitudes très claires, encore une fois, à cause des territoires qu'on couvre. La commission scolaire de l'Estuaire avec 350 km de littoral à couvrir. Bon. Vous connaissez la taille de nos territoires maintenant avec les fusions de commissions scolaires. Il y a toutes sortes d'ententes qui se prennent et qui se font toujours évidemment avec accord des parties syndicales. Donc, on craint évidemment, encore une fois, que ça vienne dédoubler un peu les ententes qu'on a déjà dans nos conventions.
Le Président (M. Rioux): Bien. M. le député de Mont-Royal, il vous reste un peu de temps.
M. Tranchemontagne: Oui. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Rioux): Vous avez... à poser, je pense.
M. Tranchemontagne: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Rioux): Ha, ha, ha! Vous demandez des chiffres, surtout. Ha, ha, ha!
M. Tranchemontagne: À partir de l'expérience que vous avez vécue dans vos domaines respectifs, pourriez-vous nous parler justement de votre vécu? C'est-à-dire, combien vous avez eu de cas, par exemple, de harcèlement psychologique? Est-ce que vous pouvez déterminer un pourcentage?
C'est parce qu'il y a plusieurs personnes qui sont venues nous parler, qui avaient des pourcentages, etc. Mais là, on a l'avantage d'avoir un groupe devant nous qui a vécu une situation très précise, pratique, etc., et vous pourriez peut-être nous éclairer sur c'est quoi la dimension du problème. Parce qu'il y a toutes sortes de chiffres qui sont avancés puis je ne suis pas sûr qu'il y en a qui sont basés sur une expérience...
Le Président (M. Rioux): Ils ont des bons services de relations de travail, ils devraient avoir des statistiques assez précises.
M. Caron (André): M. Tremblay.
M. Tremblay (Bernard): Vous savez, on anticipe toujours qu'on a beaucoup de statistiques; malheureusement, on n'a pas toujours le temps de les compiler ou de faire ces enquêtes-là.
Ce qu'on peut vous dire, c'est que, nous, le concept sur lequel on travaille, c'est la violence au travail, hein? On couvre donc plus large finalement dans nos enquêtes et dans nos travaux que simplement le harcèlement psychologique, parce qu'on sait qu'il y a des phénomènes de violence dans les écoles, que ce soit entre collègues, avec des élèves, avec la clientèle, bon, tout ça. Donc, c'est difficile de vous donner des statistiques.
Mais ce qui nous amène évidemment à être craintifs, c'est le fait qu'on est interpellés, je vous dirais, presque toutes les semaines par des situations, où, justement, il y a des poursuites qui sont intentées. Je pourrais vous citer des cas: la commission scolaire des Phares, la commission scolaire du Lac-Saint-Jean où il y a des dossiers qui ont été des dossiers très lourds, qui ont amené... la commission scolaire des Phares, une décision de 150 pages récemment, une décision d'arbitrage de grief où il y avait évidemment un problème de harcèlement psychologique qui a entraîné une situation vraiment assez perturbante chez eux, ce qui fait en sorte que, sur cette base-là, même si on ne peut pas faire de statistiques précises chez nous, on peut quand même témoigner que les cas qui se présentent sont des cas très lourds et très coûteux, tant en termes de gestion qu'en termes évidemment de procureurs.
Le Président (M. Rioux): Oui. Madame...
M. Caron (André): En complément de réponse...
Le Président (M. Rioux): Mme Tremblay.
Mme Tremblay (Nicole): Oui. Bien, mon collègue a tout à fait raison de dire que c'est difficile d'avoir des statistiques tout à fait précises. Mais on a fait une enquête maison, nous, en discussion, dans le secteur de l'éducation, sur un comité au niveau du Conseil du trésor. C'est excessivement difficile d'avoir des données sur le harcèlement psychologique comme tel. Mais toutes... en tout cas, dans une catégorie qu'on parlerait... d'une catégorie confondue, là: violence physique, harcèlement ? et là, c'est harcèlement sexuel évidemment et harcèlement psychologique ? on aurait autour de 79 griefs actifs, dans le secteur de l'éducation.
Mais vous savez que c'est à géométrie variable, là, qu'est-ce qui est... Et là, il faudrait voir de façon beaucoup plus pertinente, parce que les statistiques sont excessivement difficiles à recueillir, à cet égard-là.
Le Président (M. Rioux): C'est surprenant.
Mme Tremblay (Nicole): Et là, écoutez, c'est aussi collatéraux ou en autorité ou avec des collègues, impliquant également des étudiants, etc., beaucoup sur le harcèlement, vous le savez, sexuel, en milieu de travail.
M. Tranchemontagne: Vos chiffres sont surprenants. Quand on regarde le tableau que l'étude d'impact nous donne, là, à la fin ? je ne sais pas si vous avez pris connaissance...
Une voix: Non.
M. Tranchemontagne: C'est parce qu'on parle ici, selon le ministère, le pourcentage de l'incidence, si vous voulez, du harcèlement psychologique, ce serait de 3,1 %, quand, vous, vous me parlez, de toutes catégories confondues, à 79 griefs?
M. Tremblay (Bernard): Et c'est là la difficulté évidemment dans le fait de bien circonscrire la notion qu'on vise à encadrer parce que je pense qu'on est tous très conscients qu'il existe du harcèlement psychologique, que c'est un phénomène qu'on doit contrer, mais de s'assurer que la définition ne mêlera pas finalement les autres phénomènes qui ne sont pas des phénomènes de harcèlement psychologique. Et ça, pour nous, c'est... Je pense, c'est l'élément fondamental de notre mémoire: de bien distinguer, de bien circonscrire. Parce que, sinon, le phénomène que ça va entraîner dans les milieux de travail, c'est beaucoup, beaucoup de problèmes de relations de travail, là.
M. Tranchemontagne: Je comprends ce que vous dites. Mais moi, ce que je veux vous dire, c'est que, basé sur vos 79 cas qui sont... qui comprennent tous les types de violence, si vous voulez, de sexuelle à psychologique à physique même...
Mme Tremblay (Nicole): Mais de griefs, hein, on a bien parlé de griefs, à ce moment-là...
M. Tranchemontagne: De griefs, oui.
Mme Tremblay (Nicole): ...actifs. Il y a peut-être eu des cas qui ne sont pas allés jusqu'au grief, là.
M. Tranchemontagne: Jusqu'au grief. Donc, c'est signe qu'il n'y avait pas de cause, je suppose.
Mme Tremblay (Nicole): Écoutez, là, c'est pour ça que je donne ça avec un bémol, là. On regarde, aux griefs de l'éducation actuellement, là.
M. Tranchemontagne: Mais, si vous ne vous êtes pas rendue au grief... Pas vous, mais, si le cas ne s'est pas rendu au grief, c'est signe qu'il n'y avait peut-être pas matière à.
Mme Tremblay (Nicole): Pas nécessairement. Il y a des cas de CSST aussi, hein, puis...
M. Caron (André): C'est pour ça qu'on vous dit que c'est très complexe, donc, d'être très prudents.
M. Tranchemontagne: Mais le peu ou le faible nombre que vous nous donnez me permet de rester perplexe à l'égard de ce que le ministère nous dit comme étant 3,1 % de harcèlement psychologique uniquement.
Le Président (M. Rioux): Merci beaucoup, M. le député de Mont-Royal. Alors, je remercie...
M. Bédard: ...peut-être, avant qu'ils quittent. Comme il y a une expertise qui a été développée, moi, j'aimerais bien, peut-être, avoir les décisions qui ont été rendues en cette matière, en avoir quelques-unes. Sans les avoir toutes, là, vous êtes... Moi, j'aimerais bien que ce soit déposé au greffe de la commission.
M. Caron (André): Elles sont publiques, oui.
Le Président (M. Rioux): Est-ce que ça peut être déposé à la commission?
M. Bédard: Quelques-unes, là, qui illustreraient bien...
M. Caron (André): Oui, oui; c'est oui.
Le Président (M. Rioux): Très bien. Mme Tremblay, c'est possible, ça?
Mme Tremblay (Nicole): Oui, oui.
Le Président (M. Rioux): Très bien, merci. Alors, merci aux deux Fédérations, merci à la Fédération des cégeps, aussi. Merci infiniment.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Rioux): Est-ce que la Fédération étudiante est... Ah, voilà! Alors, Mme Fauteux-Lefebvre, on vous souhaite la bienvenue et on vous écoute.
Fédération étudiante collégiale
du Québec (FECQ)
Mme Fauteux-Lefebvre (Clémence): Je vous remercie, M. le Président, M. le ministre, MM., Mmes les députés, de me recevoir quand même tard, ce soir.
L'avis que vous avez entre les mains est un avis qu'on avait remis justement lors des premières consultations, ce printemps. En fait, si je vous remets encore ce soir cet avis, c'est parce que, bien, nos revendications n'ont pas vraiment changé et puis on retrouve aussi beaucoup de points qui se retrouvent par la suite dans le projet de loi. Donc, je vais faire, là, les parallèles entre le projet de loi puis l'avis que vous avez devant vous.
n(22 h 30)n Pour la Fédération étudiante collégiale du Québec qui représente donc des étudiants au cégep qui travaillent souvent pendant leurs études, soit pendant l'été, dans des conditions qui habituellement sont régies par la Loi sur les normes du travail, pour nous, il est très important de venir les représenter ici, ce soir, puisqu'on sait que très peu de ces étudiants, donc des jeunes âgés entre 15 et 24 ans, sont syndiqués.
Donc, ce soir, je vais vraiment porter mon attention sur ce qui est, pour nous, le plus important pour ces jeunes-là, donc autant au niveau du respect des normes du travail, au niveau du caractère universel qui, selon nous, doit être appliqué dans la Loi des normes du travail, de la conciliation travail-famille, puisque ça concerne quand même les étudiants, certains des étudiants, puis aussi l'ensemble de la société, la protection des salariés, la notion de «salaire minimum», puis certains éléments du projet de loi.
Pour ce qui est du respect des normes, on trouve aberrant que la majorité des travailleurs salariés qui sont sous la Loi des normes du travail ne connaissent pas en fait cette loi, outre le salaire minimum, sont souvent dans une grande ignorance. On croit que, dans le cours de citoyenneté qui est maintenant donc en train de s'établir au secondaire, devrait être incluse donc une session sur la Loi des normes du travail, surtout dans le début du parcours, pour s'assurer que les jeunes y aient accès avant d'accéder au marché du travail.
Ensuite, on voit dans le projet de loi que la Commission pourra obliger des employeurs à émettre des documents donc sur la Loi des normes du travail à ces employés. Nous, on considère que ça ne devrait pas seulement être un pouvoir de la Commission des normes du travail, mais que ça devrait être universellement obligatoire à l'ensemble des employeurs de remettre ce document aux nouveaux travailleurs qu'ils peuvent engager.
Ensuite, donc on recommandait qu'il y ait un système pour les délateurs anonymes, dans le fond, pour éviter que des travailleurs aient à faire un recours au niveau de la Commission puis... dans le fond, ils sont souvent bloqués par la crainte qu'ils peuvent avoir de leur employeur, donc une ligne 1-800, un formulaire sur Internet pour donc faciliter à ce niveau-là.
Et finalement, donc, au niveau du respect des normes, il y avait d'instaurer beaucoup plus de pouvoirs et de ressources aux enquêteurs de la Commission, ce qu'on retrouve très peu dans le projet de loi. Nous, on croit que plus on va leur donner de pouvoirs, de ressources, augmenter le nombre d'enquêteurs, ça va permettre vraiment d'amener plus de respect de ces normes, ce qui est la base, dans le fond, lorsqu'on établit une loi.
Ensuite, au niveau du caractère universel, ce qui est quand même, pour nous, le plus important dans ce que l'on revendique au niveau de la Loi des normes du travail, premièrement, on avait une revendication pour assurer un salaire minimum aux travailleurs agricoles. On retrouve dans le projet de loi... Donc, pour que le congé, annuellement... ça a été inclus. Toutefois, au niveau du salaire minimum, on se demande de quelle façon on pourrait assurer à ces travailleurs agricoles là le salaire minimum, ce qu'on ne retrouve pas dans le projet de loi. Bien, on n'a pas compris, là ? je vois des hochements de tête ? de quelle façon ce sera inclus.
Ensuite, c'est pour tous les travailleurs dans les colonies de vacances. On croit que, pour tous les organismes à but non lucratif ou à vocation sociale ou communautaire, on devrait s'assurer qu'ils aient une rémunération de 280 $ par semaine avec la période de repos normale, donc obligatoire, là, ce qui souvent n'est pas le cas, ce qu'on relevait. Puis on voulait savoir, donc, de quelle façon on pourrait inclure ça aussi dans le projet de loi au niveau, dans le fond, d'adapter au travail des domestiques, de la même façon au travail des domestiques.
Ensuite, il y avait la notion, pour nous, de «travail égal, traitement égal», ce qu'on ne retrouve pas encore dans le projet de loi. En fait, ça concerne tous les employeurs qui vont engager des étudiants pour soit remplacer d'autres travailleurs pendant l'été, qui vont faire exactement le même travail pendant tout un été mais qui ne recevront pas la même rémunération, n'auront pas droit aux mêmes conditions de travail, ce qu'on considère inacceptable, puisqu'ils vont faire exactement la même chose. Souvent, on voit ça donc dans les chaînes de production, les chaînes de montage.
Puis finalement, donc, je vais enchaîner, en fait, avec la notion de travail-famille. Donc, on trouve très bien que, dans le projet de loi, soit augmenté à 10 le nombre de congés possibles pour tous les congés parentaux, les congés pour la famille. Toutefois, on croit que cinq sur 10 de ces congés devraient être payés puis qu'ils devraient être fractionnables non pas seulement sur l'accord de l'employeur, comme on le retrouve dans le projet de loi, mais qu'ils devraient être fractionnables donc sur simple demande du travailleur pour prendre ces congés-là.
Finalement, pour la protection des salariés, on recommandait que le congédiement sans cause juste passe de trois ans à un an. On voit que, dans le projet de loi, ça passe de trois ans à deux ans. On considère qu'un an est amplement suffisant. On voyait comme... On écrit dans notre avis que, souvent, dans les conventions collectives, c'est trois mois pour la zone de précarité. Donc, on croit qu'un an est suffisant pour avoir droit à faire ce recours lors d'un congédiement sans cause juste.
Ensuite, je mentionnerais avec... donc qu'on retrouve dans le projet de loi, encore une fois... donc d'augmenter de 24 à 32 heures la période de repos. On croit que ça devrait être 36 heures, puis de diminuer à six jours, donc, la semaine, pour prendre une période de repos, pour assurer que, dans toute période de sept jours, chaque travailleur ait droit à une journée entière de repos.
Puis finalement, pour le refus pour travail supplémentaire, pour faire des heures supplémentaires, on voit dans le projet de loi que c'est plus quatre heures des heures habituelles puis un maximum de 50 heures par semaine. On considère que ça devrait être abaissé à 10 heures pour amener un refus, puis à 44 heures par semaine. Donc, vraiment pour s'assurer que les travailleurs, leur santé, soit psychologique, santé physique, ne soit jamais remise en cause, qu'ils puissent faire un refus à leur employeur donc de faire ces heures supplémentaires.
Donc, c'est ce qui fait quand même le tour de nos revendications donc les mieux... Nous, ce qu'on veut, c'est vraiment des normes universelles, équitables, efficaces. Au niveau vraiment de la jeunesse, on retrouve encore beaucoup de lacunes, que ce soit au niveau des statuts qui sont différents pour les travailleurs d'été, des colonies de vacances, le recours pour congédiement abusif. Donc, on croit que la Loi sur les normes doit protéger tous ceux qui sont défavorisés dans leurs conditions d'emploi, donc qui sont ni syndiqués puis... Donc, ça conclut ce qu'on avait à vous dire sur ce projet.
Le Président (M. Côté, La Peltrie): Alors, merci, Mme Fauteux-Lefebvre. Je cède la parole maintenant à M. le ministre.
M. Rochon: Merci beaucoup. Dans un temps relativement court, vous avez vraiment clenché pour faire une bonne révision du projet de loi. Je vois que, dans l'ensemble, on se rejoint pas mal sur la plupart des points: ce qu'il y a dans le projet de loi et ce que vous souhaitez.
Un petit commentaire sur la question de la connaissance de cette loi-là. Je pense que vous avez bien raison de dire qu'il y a beaucoup de travailleurs qui n'en connaissent pas l'existence. Vous avez vu qu'à l'article 6 du projet de loi, qui amende... qui rajoute à l'article 39, on a prévu trois types de mesures ou d'interventions justement pour mieux avoir des moyens de base, et même une obligation qu'on donne dans la loi, pour la Commission des normes du travail, pour les employeurs, pour être obligés d'afficher, de faire connaître les normes.
Est-ce qu'il y a des moyens concrets, précis, de plus, que vous auriez à l'esprit qui pourraient nous permettre d'enrichir cet article-là? Évidemment, tout n'a pas besoin d'être dans la loi pour être fait en termes de promouvoir une meilleure connaissance de la loi. Mais, c'était vraiment notre préoccupation au niveau de l'article 6 de s'assurer que, au-delà d'en faire un voeu, on s'en fasse un peu une obligation. S'il y avait quoi que ce soit que vous avez à l'esprit qui peut être plus précis ou plus efficace comme moyen de faire connaître la loi, on serait très ouverts à cette situation.
Le deuxième élément que je voudrais soulever, c'est la question des colonies de vacances, des stagiaires, parce que, là, avec les changements qu'on fait, les seules personnes qui ne seront pas vraiment couvertes par la Loi des normes du travail, ce seraient les gens dans ces deux situations-là. À peu près toute autre personne, je pense, le serait actuellement. Pour la question des colonies de vacances, est-ce que ce n'est pas là une situation un peu particulière? Si on suivait votre recommandation, par exemple, d'imposer un salaire minimum de 280 $ par semaine ou de suivre celui des domestiques, comme vous le dites, est-ce que c'est une situation qui est viable dans la façon dont fonctionnent les colonies de vacances? Est-ce que ça leur serait possible de continuer à engager des gens? Vous connaissez probablement assez bien le détail de la situation.
n(22 h 40)n Et de même que pour les stagiaires, est-ce qu'il n'y a pas des différences à faire selon le type de stage et le genre de situation de l'étudiant? L'étudiant, par exemple, qui fait un stage dans un programme collégial ou universitaire qui fait partie de son programme de formation, est-ce qu'on peut le considérer comme étant aussi en même temps un salarié par rapport à peut-être un autre type de stage où l'étudiant est complètement détaché, complètement, pendant une période de temps et est vraiment intégré tout simplement avec les salariés de l'entreprise, sans être là comme stagiaire en période de formation, bénéficiant donc de quelque chose de plus que juste son salaire à ce moment-là? Vous voyez un peu le genre de situation.
Le Président (M. Côté, La Peltrie): Alors, Mme Fauteux-Lefebvre.
Mme Fauteux-Lefebvre (Clémence): Bon, pour la première partie de votre intervention, donc, au niveau de la connaissance. Bon, comme je vous disais, nous, on voudrait que ce soit intégré dans les cours de citoyenneté. À la base, on croit que, comme on l'écrivait dans notre avis, 97 % des jeunes passent par le début du secondaire. Donc, on croit qu'on va aller, à ce niveau-là, au moins à la base pour... C'est sûr que ça ne touche pas ceux qui sont déjà passés par le secondaire mais, à la base, on va aller toucher ces jeunes-là.
Ensuite, on disait de rendre obligatoire, donc, à chaque employeur qui engage un nouveau travailleur, de lui remettre un exemplaire d'un document expliquant l'ensemble de la Loi sur les normes du travail. À ce niveau-là aussi, bon, ça responsabilise l'employeur à informer ses employés, ses travailleurs qui sont dans son entreprise sur la Loi des normes du travail. Donc, à ce niveau-là, c'est les recommandations qu'on faisait pour améliorer la connaissance, donc, de ne pas seulement donner un pouvoir à la Commission, mais bien d'en faire une obligation pour les employeurs.
Ensuite, au niveau des colonies de vacances, on ne croit pas, non, que ce soit une situation si particulière de leur donner un salaire minimum à 280 $ par semaine. Premièrement, on demandait donc d'aller vérifier, au niveau de ces entreprises, souvent privées, si elles sont vraiment à but non lucratif ou pas, de faire une enquête à ce niveau.
Ensuite, la façon donc que j'ai parlé de votre intervention, c'était un petit peu au niveau, peut-être, de savoir si les colonies de vacances auraient les moyens de pouvoir payer de cette façon leurs travailleurs. Je crois que, à ce niveau-là, bien, c'est un peu aberrant de s'arrêter à savoir s'ils vont avoir les moyens ou pas. On fait des lois... des normes du travail, donc, pour protéger les travailleurs qui ne sont pas syndiqués, souvent. Donc, les exclure, parce que, peut-être, la colonie de vacances ne serait pas en mesure de pouvoir payer, de pouvoir... Parce que, là, il faudrait peut-être trouver d'autres voies de solution pour aider soit les colonies de vacances à pouvoir aider les travailleurs correctement à ce niveau-là, parce que je ne crois pas que ce soit une raison évidente pour les exclure de facto.
Ensuite, au niveau des stagiaires, je voudrais savoir à quel niveau donc se situait votre question, plus au niveau des stagiaires qui sont en entreprise, qui sont vraiment dans leur programme d'études ou qui font partie d'un programme d'études... Parce qu'il y a plusieurs catégories de stages pour les étudiants. Donc, il y a l'alternance travail-études. Là, je ne sais pas à quel niveau. C'est vraiment la précision.
Le Président (M. Côté, La Peltrie): M. le ministre.
M. Rochon: Écoutez, j'ai lu, évidemment, là, très rapidement votre document. Je vois que, quand vous parlez de «à travail égal, salaire égal», à la page 11, vous faites référence entre autres au travailleur étudiant. L'étudiant est déjà couvert par la Loi des normes du travail. Un étudiant qui travaille, ce n'est pas parce qu'il est étudiant qu'il va être payé moins, il est couvert.
Alors, j'essayais de voir, là, puis je ne sais pas... Vous ne parlez peut-être pas du stagiaire comme tel, je n'ai pas pu voir, mais ça nous est venu par ailleurs, ce commentaire-là. C'est pour ça que je me demandais si vous faites référence à des situations particulières à l'endroit de l'étudiant dans un stage, parce que, autrement, il est couvert par la Loi des normes.
Mme Fauteux-Lefebvre (Clémence): Non, on ne faisait pas en fait référence aux stagiaires, on faisait vraiment référence, donc, à un étudiant qui, pendant l'été, se trouve un travail. C'est à ce niveau-là qu'on parlait des travailleurs étudiants, dans cette section, ou des travailleurs à temps partiel, vraiment. Donc, des travailleurs qui, pendant l'été, se trouvent un emploi ? donc, on explique, des chaînes de montage manufacturières ? qui vont remplacer, donc, les travailleurs ordinaires, si on veut, qui travaillent là à temps plein pendant toute l'année, qui vont en vacances pendant l'été, qui prennent leurs vacances, donc l'entreprise les engage pour remplacer, pour pouvoir continuer à faire fonctionner son entreprise, mais ne les paie pas au même salaire que les employés qui sont là pendant l'année. On ne parle pas, là... bon, c'est sûr qu'on exclut toute la notion d'ancienneté, là, on parle à notions égales; ils sont souvent payés pratiquement à 50 % du travail que, s'ils étaient employés à temps plein, ils recevraient. C'est à ce niveau-là qu'on considère qu'il devrait y avoir des dispositions dans la loi qui empêchent les entreprises de faire ça.
M. Rochon: Merci. En fait, le dernier cas que vous mentionnez, là, c'est un peu un problème plus général aussi dans certaines situations des travailleurs qu'on appelle occasionnels...
Mme Fauteux-Lefebvre (Clémence): Oui, oui, oui. Mais, on avait plusieurs...
M. Rochon: ...qui sont engagés en remplaçants mais qui ne sont pas payés de la...
Mme Fauteux-Lefebvre (Clémence): Mais ça rejoint aussi une autre section dans notre avis, là, où on parlait de faire signer des contrats pour que les travailleurs deviennent travailleurs autonomes mais qu'ils continuent d'être, de la même façon, travailleurs dans l'entreprise... et qui ne sont pas du tout, en fait, travailleurs autonomes sauf qu'ils perdent plusieurs conditions, là, d'emploi.
Le Président (M. Côté, La Peltrie): Terminé, M. le ministre?
M. Rochon: Oui.
Le Président (M. Côté, La Peltrie): D'autres intervenants? Alors, M. le porte-parole de l'opposition officielle et député de Mont-Royal.
M. Tranchemontagne: Oui, M. le Président, merci. Merci, madame, de votre présence ici, merci de votre mémoire. J'ai peu de questions, mais il y en a une qui m'intéresse à la page ? je l'ai-tu perdue? Non ? à la page 7 où vous parlez que soit mis sur pied un système de délation via une ligne 1-800. Qu'est-ce qui vous motive à suggérer un tel système?
Mme Fauteux-Lefebvre (Clémence): Bien, en fait, on sait que, souvent, les employeurs, surtout, mettons les employeurs... les étudiants n'ont pas nécessairement beaucoup d'ancienneté, ce n'est pas un emploi, là, qu'ils ont depuis 10 ans avec des conventions, ça représente beaucoup d'étudiants qui ne sont pas à statut précaire comme tel, mais qui ont des emplois, donc, à temps partiel, qui n'osent pas aller contre leur employeur de crainte de perdre leur emploi, parce qu'ils en ont nécessairement besoin. Donc, nous, on veut leur permettre... vraiment leur donner la chance, si les employeurs contreviennent à la Loi des normes du travail, de pouvoir facilement en avertir la Commission, parce qu'il n'est vraiment pas évident pour un étudiant d'aller contre son employeur. Donc, on veut, par cette ligne-là, leur donner vraiment la possibilité de faire la délation, donc, de dire: Bon, bien, telle entreprise ne me paie pas des heures supplémentaires.
C'est des cas qu'on voit souvent, donc, soit il y a des heures supplémentaires, des demi-heures supplémentaires qui ne sont pas payées, donc, des uniformes qui sont obligatoirement payés par le travailleur au salaire minimum. Donc, nous, on veut que ce soit simple pour eux de dire que leur entreprise contrevient à la loi puis qu'ils n'encourent pas nécessairement, en fait, de contre-recours par leur employeur.
M. Tranchemontagne: Mais, si je suis un employeur, je peux penser que vous avez ? si on joue, si on fait le rôle, là ? que vous avez parlé à votre collègue de travail qui, lui, a soulevé le cas parce que vous ne vouliez pas le soulever vous-même. Tu sais, je veux dire, dans le fond, là, je ne suis pas sûr que le but que vous poursuivez va être atteint nécessairement, il le sera peut-être, mais pas nécessairement, puisque l'employeur peut aussi penser que vous êtes la personne qui a incité un autre travailleur à devenir un délateur et à accuser l'employeur de ne pas respecter les normes. Je ne suis pas trop sûr que le but poursuivi serait atteint par une telle mesure.
Mme Fauteux-Lefebvre (Clémence): Bien, en fait, nous, on veut juste s'assurer que ce soit anonyme, on veut aussi s'assurer que ça se fasse d'une façon allégée, comme on dit, là, que ce soit simple de soumettre le fait que l'employeur contrevient à la loi. Donc, de façon anonyme, peu importe la personne qui peut le faire dans l'entreprise, que ce soit une personne, donc, qui soit présente lors... que ça ne touche pas personnellement, mais que ça touche, donc, un collègue, ou que ce soit directement la personne qui est touchée par ce que l'employeur a pu faire.
n(22 h 50)nM. Tranchemontagne: Mais, pour que la plainte soit valide, la personne qui va faire ce téléphone-là, la personne qui est anonyme, si je vous comprends bien, va devoir dire que les normes du travail ne sont pas respectées dans telle occasion, donc ça va viser un employé spécifique, à ce moment-là, un ou plusieurs, mais...
Mme Fauteux-Lefebvre (Clémence): Oui, ça peut arriver, mais ça peut aussi viser un ensemble de mesures. Si on regarde, souvent dans des entreprises, donc, c'est tous les employés qui ne se feront pas payer leurs heures supplémentaires. Donc, peu importe c'est qui. Puis, si, ensuite, la Commission va sur place puis voit qu'il y a vraiment... On demandait aussi, là, donc, qu'il y ait plusieurs mesures... On demande donc d'augmenter les pouvoirs justement au niveau de la Commission pour que, justement, s'il y a un problème qui survient, ça se règle facilement puis ça n'entraîne pas le congédiement du travailleur par la suite.
Le Président (M. Côté, La Peltrie): M. le député de Mont-Royal...
M. Rochon: Je veux juste faire un commentaire parce que j'ai vérifié... Dans l'état actuel de la loi, c'est possible, ça se fait, ce qui ne s'appelle pas une délation mais une dénonciation. Si un travailleur veut faire une plainte, il doit s'identifier pour donner cours à la plainte. Mais quelqu'un peut dénoncer une situation et, dans ce cas-là, la Commission des normes du travail fait enquête et, si son enquête l'amenait à constater qu'effectivement il y a un problème, elle peut intervenir et la source de la dénonciation est gardée toujours confidentielle. Je vous donne ça comme information, là. Votre proposition est intéressante dans le sens où vous suggérez peut-être des moyens encore plus faciles, ligne 1-800 ou des choses comme ça. C'est dans ce sens-là que vous faites le cas.
Mme Fauteux-Lefebvre (Clémence): Oui, oui, c'est vraiment dans le sens donc d'alléger le processus pour qu'encore plus de travailleurs y accèdent de façon anonyme.
Le Président (M. Côté, La Peltrie): M. le député de Mont-Royal.
M. Tranchemontagne: Je voulais... Vous êtes le premier groupe, à ce que je sache en tout cas, qui soulève la question des ressources à la Commission des normes du travail, et j'imagine que ça demande une certaine lucidité pour justement parler et dire: On n'est pas sûr que les ressources que la Commission a seront suffisantes pour faire face aux cas... Si on rajoute, par exemple, les cas de harcèlement psychologique, on ne sait pas combien, en fait, moi, je ne le sais pas, je ne sais pas si le ministère le sait. Mais il est certain, quand on regarde l'ensemble des exigences que ces nouvelles normes du travail vont imposer à la Commission... Je ne sais pas mais, si on veut que la Commission ne se ramasse pas dans six mois avec une charge de travail qu'elle ne peut pas faire en dedans d'un an... Est-ce que vous avez des idées? Qu'est-ce qui vous a amené sur cette ligne de pensée?
Le Président (M. Côté, La Peltrie): Mme Fauteux-Lefebvre.
Mme Fauteux-Lefebvre (Clémence): Au niveau des ressources? En fait, c'était dans l'optique qu'on disait: Si on allège le processus ? ça allait vraiment dans notre lien avec la dénonciation qu'on le faisait ? si on allège le processus, donc il y a plus de travailleurs qui font des plaintes. Parce que, nous, on est convaincus qu'il y a beaucoup, beaucoup de situations où le travailleur ne fait jamais de plainte. Donc, la Commission ne se rend pas sur place. À ce moment-là, c'est évident que, si on allège le processus, s'il y en a plus, automatiquement, c'est une augmentation de charge de travail, c'est une augmentation de besoins pour la Commission, pour pouvoir aller régler ces cas-là, se rendre sur place, puis on voulait aussi...
Donc, on disait qu'elle ait le pouvoir donc d'émettre des amendes administratives aux entreprises prises en flagrant délit d'infraction. Donc, ça demande encore plus de pouvoirs, plus de ressources encore à ce niveau-là, puis de faire un suivi aussi au niveau des entreprises qui ont été reconnues coupables. Donc, ça aussi, ça demande plus de ressources. C'est vraiment tout en lien qu'on faisait nos revendications en demandant donc que ce soit allégé. Automatiquement, c'est évident qu'il faut augmenter le nombre de ressources pour que le processus en fait ait un aboutissement puisque, si on a plus de plaintes puis qu'on n'est pas capable de les traiter, dans le fond...
M. Tranchemontagne: Ça ne donne rien.
Mme Fauteux-Lefebvre (Clémence): Ça ne donne rien. C'est ça.
Le Président (M. Côté, La Peltrie): M. le député de Mont-Royal.
M. Tranchemontagne: Je veux juste rajouter. Si on rajoute à ça, pour le mettre dans la perspective, si on rajoute ? si on prenait votre idée ? si on rajoute à ça tout l'aspect du harcèlement psychologique dont on a parlé depuis le début de la journée, je ne sais pas ça va être quoi, les conséquences du harcèlement psychologique, mais sûrement que ça va exiger énormément, ça va mettre énormément de pression sur la Commission des normes et même sur la Commission des relations de travail parce que le projet de loi laisse l'ouverture même au travailleur de décider: s'il ne veut pas aller aux normes, il peut aller à la Commission des relations de travail ou, s'il n'en est pas satisfait, il peut se rendre à la Commission des relations de travail. Donc, il faudrait que le ministère, je pense, en tout cas, prévoie qu'il y aura une augmentation des effectifs de ce côté-là, si on veut que la loi proposée devienne une loi qui est vraiment applicable et qui est en force finalement.
Mme Fauteux-Lefebvre (Clémence): Effectivement, si on augmente les mesures, donc, automatiquement, on croit qu'il faut augmenter les ressources. Ça va de paire, ça va de soi aussi, donc, même avec la notion, justement, du harcèlement psychologique qui fait partie du nouveau projet de loi.
Le Président (M. Côté, La Peltrie): M. le député de Mont-Royal, ça va? M. le député de Vimont, est-ce que vous avez une question?
M. Gaudreau: Plutôt une constatation qu'une question. Je voudrais faire remarquer à mademoiselle ? bonjour, en passant, ou bonsoir ? ...je lis une partie de votre mémoire, les faux pourboires, pauses au travail, bris et déficit de caisses... Je trouve que votre travail a été très bien fait parce que c'est des situations ? j'ai des adolescents ? des situations qu'eux autres vivent présentement. Alors, je trouve que ce que vous avez mis ici est excellent et mérite d'être regardé de très près. Mais je pense que le gouvernement présentement a un projet de loi qui va vraiment arrêter toutes ces situations-là. Je voulais quand même vous faire remarquer que c'était excellent. Merci.
Le Président (M. Côté, La Peltrie): Mme Fauteux-Lefebvre, avez-vous quelque chose à ajouter?
Mme Fauteux-Lefebvre (Clémence): Je vous remercie. On espère bien que, justement sur les points que vous avez soulevés, on puisse donc arriver à justement... C'est dans le but d'offrir un salaire minimum à tous, donc d'offrir vraiment la sûreté d'un salaire minimum. Je vous ferai remarquer que, dans notre avis, on remarque souvent que les employeurs vont supposer que les travailleurs reçoivent un pourboire qui ne leur permet pas d'avoir le salaire minimum. C'est un des points. Au niveau de tous les uniformes aussi, des bris. C'est vraiment dans le but de l'appréciation du salaire minimum qu'on croit importante dans toute cette révision de la Loi des normes du travail.
Le Président (M. Côté, La Peltrie): Est-ce que ça va, M. le député de Vimont? Alors, je vous remercie, Mme Clémence Fauteux-Lefebvre, présidente de la Fédération étudiante collégiale du Québec, pour votre présentation.
Alors, comme nos travaux sont terminés pour ce soir, j'ajourne nos travaux à demain, mercredi, après la période de questions. Merci.
(Fin de la séance à 22 h 58)