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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le mercredi 6 septembre 2000 - Vol. 36 N° 75

Consultation générale sur le projet de loi n° 136 - Loi modifiant la Loi sur les forêts et d'autres dispositions législatives


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Table des matières

Journal des débats

heures trente minutes)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Mesdames et messieurs, bonjour. La commission de l'économie et du travail est maintenant ouverte. Je vous rappelle que nous nous rencontrons ce matin pour procéder à une consultation générale, tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 136, Loi modifiant la Loi sur les forêts et d'autres dispositions législatives.

Alors, Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Benoit (Orford) remplace M. Gobé (LaFontaine); M. Béchard (Kamouraska-Témiscouata) remplace M. Marsan (Robert-Baldwin); M. Whissell (Argenteuil) remplace M. Sirros (Laurier-Dorion); et M. Côté (Dubuc) remplace Mme Blanchet (Crémazie).

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Je vous remercie. Comme vous savez, nous avons un ordre du jour qui va être assez chargé. C'est la première journée d'une longue série de rencontres. Alors, ce matin, après les remarques préliminaires, remarques préliminaires qui sont d'une durée d'une heure maximum, c'est-à-dire 30 minutes pour chacun des partis ici, suite à ces remarques préliminaires, donc, je disais, nous allons rencontrer des groupes. le Conseil de la recherche forestière du Québec d'abord. Ensuite, nous rencontrerons la municipalité régionale du comté de La Matapédia. Puis, en après-midi, nous reviendrons rencontrer plusieurs autres groupes aussi.

Remarques préliminaires

Alors, là-dessus, M. le ministre, je serais prête à vous reconnaître pour vos remarques préliminaires.

M. Jacques Brassard

M. Brassard: Merci, Mme la Présidente. Je vais faire une quinzaine de minutes, puisque d'autres de mes collègues auront aussi quelques remarques préliminaires à faire pour utiliser le 30 minutes qui nous est dévolu. L'ouverture, ce matin, de cette autre consultation sur le régime forestier québécois vient en quelque sorte confirmer toute la particularité de notre Loi sur les forêts. Il m'apparaît essentiel, en effet, de souligner que, depuis 1972, de manière régulière, le gouvernement, les intervenants forestiers de tous ordres, les utilisateurs de la forêt publique et la population se sont rencontrés, se rencontrent afin de faire le point et de proposer des améliorations quant à nos manières de gérer ce patrimoine collectif inestimable et renouvelable que sont les forêts du Québec, les forêts publiques du Québec.

Depuis la publication en 1972 d'un premier exposé sur la politique forestière par le ministère des Terres et Forêts d'alors, les exercices se sont multipliés. À peu près tous les sujets ont été abordés, et disons que la population et des centaines d'experts se sont impliqués pour nous conduire en 1986 à l'adoption unanime de la Loi sur les forêts par l'Assemblée nationale.

Les exemples de consultation et d'implication des populations ne manquent pas. Pensons entre autres, en 1991, à des audiences publiques du BAPE sur le projet de stratégie de protection des forêts. En 1995, il y a eu un sommet sur la forêt habitée. En 1996, ça a été le début des travaux sur le bilan du régime forestier. En 1997, on a consulté des représentants de l'industrie, du milieu faunique, du milieu environnemental, des municipalités et du gouvernement et, 1998, des consultations publiques dans toutes les régions du Québec sur la révision du régime forestier, ce qui a conduit, en mai 2000, au dépôt d'un projet de loi, n° 136, qui modifie substantiellement la Loi sur les forêts et d'autres dispositions législatives.

Mme la Présidente, la bonification du régime forestier amorcée depuis maintenant trois ans s'est faite avec transparence. Il y en a qui aiment beaucoup ça, la transparence. Et je pense qu'on peut dire que ce processus de modification du régime forestier s'est fait avec transparence, sans détour, démocratiquement et avec transparence, je le répète. La gestion forestière, la Loi sur les forêts s'appuie donc sur un principe de constante évolution. Périodiquement, l'État doit tenir compte de l'évolution des connaissances, des besoins des gens et apporter les modifications nécessaires. Voilà bien l'objectif que je poursuis et que le gouvernement poursuit.

Au cours des prochaines semaines, nous entendrons donc des personnes, des organismes provenant de tous les horizons. Nous pourrons échanger avec des groupes sociaux et environnementaux, des intervenants du monde municipal, des groupes représentant les travailleurs forestiers, que ce soit des coopératives ou des syndicats de producteurs, des intervenants de la forêt privée, des organismes fauniques et récréotouristiques, des industriels forestiers, petits et grands, des organismes d'enseignement et de recherche, des aménagistes régionaux, des biologistes, des ingénieurs forestiers, des techniciens, des syndicats, des représentants des communautés autochtones. Plus de 120 mémoires ? ce n'est peut-être pas un record, mais c'est une bonne moyenne ? nous seront présentés en provenance de toutes les régions du Québec. Je vous rappelle que, lors des consultations en région, en 1998, il y avait eu plus de 500 mémoires.

À l'avance, je remercie toutes celles et tous ceux qui participeront à cette commission. Une fois la commission parlementaire terminée, nous feront la synthèse des points de vue, qui nous permettra de faire des amendements au projet de loi, de soumettre une nouvelle proposition au Conseil des ministres et de revenir devant l'Assemblée nationale afin de faire adopter un projet de loi représentatif des aspirations de la population et des intervenants en forêt.

Aujourd'hui, nous vivons donc une autre étape déterminante d'un long processus qui a commencé en 1998 et qui a comporté plusieurs étapes, dont une consultation publique ? je l'ai mentionné tantôt ? dans toutes les régions du Québec. Nous avons fait la synthèse de ces consultations, et c'est à partir de ça, que nous avons élaboré un projet de loi que j'ai déposé au printemps dernier.

Qu'ai-je donc retenu de ces consultations menées conjointement dans 17 régions du Québec en collaboration avec les conseils régionaux de développement? Et qu'est-ce qu'on retrouve dans le projet de loi? D'abord, des dispositions concernant l'amélioration de la gestion et de la planification forestière. Et ce que je propose pour atteindre cet objectif d'une meilleure gestion, d'une meilleure planification, c'est d'établir d'abord la coresponsabilité ? c'est un concept nouveau ? des bénéficiaires de CAAF, ou de contrats d'aménagement et d'approvisionnement, d'un même territoire déterminé dans la réalisation de leur plan d'aménagement forestier ainsi que les travaux d'aménagement forestier, l'obligation pour les bénéficiaires d'évaluer les travaux effectués et de fournir au ministre un bilan. À défaut, le ministre pourra le faire réaliser aux frais des bénéficiaires. Nous allons aussi redécouper le territoire forestier en unités d'aménagement stables, ce qui permettra une meilleure gestion de chacun des territoires forestiers.

On me demande aussi ? et on va le faire, et on le retrouve dans le projet de loi ? de soutenir la participation accrue du public. Nous y arriverons d'abord en mettant en oeuvre une politique de consultation et en obligeant les bénéficiaires de CAAF à faire participer les MRC, les communautés autochtones, les gestionnaires de territoires fauniques, que ce soit les zecs ou les pourvoiries, au moment de l'élaboration et de la confection des plans généraux d'aménagement forestier. Nous allons donner un accès public au plan annuel devant être autorisé par le ministère et au rapport annuel déposé aussi par les bénéficiaires.

On nous a dit aussi très souvent qu'il fallait viser l'utilisation maximale des bois de la matière ligneuse, et je crois que nous atteindrons cet objectif par un certain nombre de dispositions, d'abord en établissant un nouveau contrat d'aménagement forestier pour des organismes qui n'ont pas de permis d'usine. Ça pourrait être des coopératives, des groupes d'aménagement, des communautés autochtones qui pourraient conclure ce nouveau contrat d'aménagement forestier sans usine. On pourra mieux autoriser aussi une récolte ponctuelle des bois alloués, ce qui est pas mal difficile dans les circonstances actuelles. Il y aura des dispositions également pour faciliter la récupération des bois en perdition suite à des incendies ou à des épidémies d'insectes. Nous allons répondre également à de nouveaux besoins par des autorisations pour d'autres fins que l'approvisionnement des usines de transformation du bois. Je pense à l'acériculture, je pense aussi à la production de bleuets, etc.

On m'a demandé souvent, c'était unanime, d'augmenter les contrôles et les suivis; c'est ce qui sera fait. Je propose un ajout de 15,5 millions sur trois ans provenant de l'obligation faite à tous les bénéficiaires de contribuer au fonds forestier et une hausse de la contribution. Nous allons augmenter les amendes. Et j'envisage également, comme ça se fait dans d'autres ministères, de rendre publics les jugements sur les infractions commises.

Il faut poursuivre nos efforts de protection du milieu forestier. Et, dans le projet de loi, je suggère l'imposition d'abord immédiate d'une limite nordique temporaire qui sera confirmée de manière permanente après consultation. L'échéance est septembre 2002. Il y aura de nouvelles obligations également pour limiter les impacts de la récolte de bois sur les paysages, les habitats fauniques et la biodiversité. Et nous allons fixer des objectifs spécifiques de protection des écosystèmes exceptionnels en collaboration évidemment avec le ministère de l'Environnement et le ministre responsable de la Faune et des Parcs.

n(9 h 40)n

Le projet de loi n° 136, Mme la Présidente, n'est pas désincarné, il n'a pas été concocté en vase clos. Ses objectifs ont fait l'objet de larges consensus à l'occasion de consultations tout aussi larges à travers toutes les régions. Et le projet de loi est donc une réponse à des attentes, à des revendications, à des demandes en provenance ou issues de cette consultation. Je l'ai souvent dit et je le répète, ce que nous voulons tous c'est aller de l'avant, aller plus loin, se donner tous les outils nécessaires pour que la foresterie québécoise continue à s'imposer comme un modèle à tous les points de vue. Mais déjà actuellement nous n'avons pas à avoir honte de la foresterie québécoise. La foresterie québécoise est une foresterie tout à fait conforme à ce qui se fait de mieux en forêt. Et le discrédit qu'on a voulu jeter sur la foresterie québécoise n'est pas, d'aucune façon, justifié et n'est pas fondé non plus. Quand on fait un examen et une analyse objective de ce qui se fait en forêt, on se doit de constater que nous n'avons pas à avoir honte de ce qu'on fait en forêt, de la façon dont on gère la forêt et avec aussi beaucoup de transparence.

Je ne comprends pas qu'on puisse exiger plus de transparence parce que tout est sur la table. Et récemment, il y a 15 jours, dans le Bas-Saint-Laurent, j'ai fait ce qui ne s'est jamais fait auparavant, j'ai tout mis sur la table, j'ai rencontré tous les intervenants forestiers, les industriels, le monde municipal, tous les membres du Conseil régional de développement du Bas-Saint-Laurent, ils étaient tous là, et tout a été mis sur la table. Ce n'étaient pas des nouvelles agréables que j'avais à leur annoncer, mais je l'ai fait, et toutes les explications, les réponses à des interrogations étaient au rendez-vous. Et je vais le faire aussi dans d'autres régions en espérant, dans ces cas-là, que les nouvelles seront meilleures. Et effectivement, c'est la région du Bas-Saint-Laurent qui a connu et qui connaîtra la baisse de possibilité la plus importante, la plus substantielle dans toute cette opération d'élaboration, de confection et d'approbation des plans généraux d'approvisionnement.

La performance, la cohabitation, l'harmonisation sont des obligations de résultat auxquelles la société québécoise ne peut échapper. Il est donc temps de revoir notre régime forestier, de le bonifier, de l'améliorer, c'est l'objet du projet de loi n° 136. Et, encore une fois, cet exercice de consultation que nous commençons aujourd'hui sera extrêmement utile pour la suite des choses. Ce ne sera pas, d'aucune façon, une consultation bidon. Ce que nous entendrons ici va nous aider à apporter d'autres modifications, d'autres amendements au projet de loi pour en faire, encore une fois, une loi sur les forêts qui répondra aux attentes des populations, des intervenants, des usagers de la forêt et qui va faire que notre foresterie se retrouvera toujours à l'avant-garde à travers le monde. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Merci, M. le ministre. Mme la députée de Bonaventure, pour vos remarques préliminaires.

Mme Normandeau: Merci, Mme la Présidente. Oui?

M. Lelièvre: Si vous me permettez, Mme la députée de Bonaventure, est-ce qu'on y va en alternance au niveau des remarques?

Mme Normandeau: D'accord.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Oui, M. le député de Gaspé, on procède par alternance. Ça fait déjà une couple de semaines qu'on rencontre des groupes et on va continuer de cette façon-là.

M. Lelièvre: O.K. C'est beau.

Mme Nathalie Normandeau

Mme Normandeau: Bien. Merci, Mme la Présidente. D'entrée de jeu, vous me permettrez de saluer le ministre et l'ensemble de ses collaborateurs et collaboratrices qui l'accompagneront au cours des prochains jours et des prochaines semaines. Vous me permettrez également, au nom de mon équipe, de l'opposition officielle, de saluer tous ceux et celles, les groupes, les personnes qui ont répondu à l'invitation de la commission et déposé un mémoire sur la révision du régime forestier.

On sait que tous ces groupes ont passé de très longues heures à rédiger leur mémoire, et ce, souvent dans un délai très court. Alors, dans ce contexte, nous devons nous réjouir que plus de 130 mémoires aient été déposés et surtout d'avoir l'opportunité aujourd'hui de partager avec eux la vision qu'ils ont de notre foresterie. Alors qu'on nous convie à un exercice de consultation sur la révision du régime forestier et la mise à jour de la Loi sur les forêts, nous nous réjouissons que tous ces groupes et personnes qui ont déposé un mémoire aient l'occasion de se faire entendre.

Le présent exercice commande la plus grande transparence. Et nous souhaitons que cette commission ne soit pas uniquement un paravent qui donne bonne conscience au ministre des Ressources naturelles. Les enjeux qui nous interpellent dans le domaine forestier méritent de se faire via un large débat où chacun aura l'occasion d'exprimer ses positions. Ce n'est qu'à cette condition que nous pouvons dégager des consensus. Au cours des prochains jours et des prochaines semaines, nous aurons la chance d'entendre des gens qui ont acquis expérience et expertise en matière de gestion forestière. C'est donc une chance inespérée pour nous, les parlementaires ? et soit dit en passant, on n'est pas des spécialistes évidemment de la forêt ? de vous entendre, de nous inspirer de vos propos, suggestions et recommandations pour avoir un régime forestier qui soit moderne et adapté aux particularités de chacune de nos forêts. Nous souhaitons donc que cette commission parlementaire soit l'occasion de débattre en toute confiance ? et j'insiste là-dessus, en toute confiance ? et en toute transparence des principes et des moyens à mettre de l'avant pour avoir des forêts qui répondent à nos besoins et soient le reflet de nos aspirations comme collectivité.

En effet, quelle forêt voulons-nous dans 30 ans, 40 ans, 50 ans, 60 ans? Les principes permettant d'assurer d'une part la pérennité de la ressource, le maintien de la biodiversité, la protection des différents écosystèmes et un aménagement forestier durable s'imposent avec force. Il est de notre devoir de concilier ces principes avec les objectifs de développement économique du Québec.

Mais de quelle façon pourront-nous concilier ces objectifs? Voilà bien sûr un défi qui nous interpelle tous et qui nécessitera obligatoirement des choix et des coûts. Le virage auquel on nous convie est louable, mais les moyens pour les atteindre font cruellement défaut dans le projet de loi qui a été déposé par le ministre des Ressources naturelles.

De notre côté, nous souhaitons aborder les travaux de la présente commission d'une manière très constructive. Ce choix repose sur un historique qui a placé le Parti libéral du Québec au coeur d'une véritable révolution. Pour bien comprendre, bien sûr il faut remonter au début de la colonisation, où la forêt était perçue comme l'ennemi à abattre. Il fallait des espaces pour développer l'agriculture et permettre à la population de s'établir. Par la suite, nous avons pris conscience du potentiel économique de la forêt, où elle était perçue plutôt comme une ressource inépuisable. La possibilité forestière apparaissait alors infinie. Aujourd'hui, ça nous fait sourire un peu lorsqu'on regarde ça.

En 1986, M. Albert Côté, alors ministre responsable des Forêts sous le gouvernement de Robert Bourassa, nous proposait une loi qui allait transformer radicalement nos façons de percevoir les forêts au Québec. Nous avons alors réalisé qu'elles n'étaient pas inépuisables mais plutôt renouvelables. La préoccupation d'aménager nos forêts pour le futur allait imposer un nouveau rythme à l'exploitation forestière. Le régime des concessions forestières a donc cédé le pas au régime des contrats d'approvisionnement et d'aménagement forestier, les fameux CAAF. Près de 15 ans après l'adoption du régime forestier, le temps des bilans est venu. Les choix que nous ferons aujourd'hui sont importants, puisqu'ils engagent plusieurs générations à venir. Donc, évidemment les choix qui seront faits aujourd'hui sont très, très importants et devront être les bons.

Dans un souci de mieux comprendre les enjeux qui se dessinent, de prendre le pouls des intervenants sur le projet de loi qui a été déposé, de voir ce qui se fait en matière de gestion forestière partout au Québec, nous avons initié une vaste tournée provinciale de consultations qui nous a menés bien sûr dans différentes régions forestières au Québec. Je me suis rendue avec certains de mes collègues dans les régions du Saguenay?Lac-Saint-Jean, de la Gaspésie, du Bas-Saint-Laurent, de l'Outaouais, de la Côte-Nord, de l'Abitibi-Témiscamingue, de la Mauricie et de l'Estrie. C'est une tournée qui nous a permis, donc, pendant près de 20 jours, de rencontrer une soixantaine de groupes, qui nous a permis de voir les efforts qui sont déployés sur le terrain en matière d'exploitation et d'aménagement forestier.

n(9 h 50)n

Nous avons rencontré des intervenants autant du domaine de la forêt publique que de la forêt privée. Nous avons échangé avec eux, visité des usines, des parterres de coupe, rencontré des chercheurs, des professeurs, des ingénieurs, des techniciens forestiers, des autochtones, des élus municipaux, des aménagistes, des acériculteurs, des travailleurs forestiers, des représentants des chasseurs et des pêcheurs, donc beaucoup de monde et des échanges qui nous ont permis de mieux comprendre comment s'articulent sur le terrain nos pratiques forestières et les difficultés que tous ces gens rencontrent quotidiennement. Vous me permettrez de prendre quelques instants, Mme la Présidente, pour remercier tous ces gens de nous avoir rencontrés, d'avoir accepté de nous rencontrer et de nous livrer leur vision des choses. Nous avons été à même de constater tout le savoir-faire et la créativité qu'ils déploient à chaque jour. Ils nous ont livré leur vision en matière de gestion forestière, et je tiens à leur dire que ces échanges furent très, très instructifs. Cette tournée bien sûr nous a permis de constater que des améliorations importantes peuvent être apportées et doivent être apportées à la loi actuelle, au régime actuel.

Plusieurs constats sont ressortis lors de cette tournée. Alors, le premier constat, je pense, qui ralliait tous les intervenants qu'on a rencontrés, le ministre y a fait référence tout à l'heure: assurer une plus grande transparence dans la gestion de nos forêts. Alors, le ministre nous a dit évidemment que le concept de la transparence semblait séduire plusieurs intervenants, et lui-même semble séduit par ce concept puisque la transparence est au coeur des motifs qui l'ont conduit à déposer le projet de loi en mai dernier.

Le deuxième constat, et ça, je vous dirais que c'est également un élément important qui évidemment a un lien avec le fait d'assurer une plus grande transparence de la gestion de nos forêts: permettre une plus grande participation de la population à la gestion des forêts du domaine public. Pour y arriver, nous proposons d'intensifier le travail d'information et de sensibilisation qui est fait auprès du public. Cette responsabilité a été abandonnée jadis par le ministère des Ressources naturelles. Aujourd'hui, ce sont des organismes comme l'Association forestière de l'Abitibi-Témiscamingue que nous avons rencontrée, qui ont pris la relève. Et je dois vous dire qu'on a été très impressionnés par la qualité du travail qui se fait sur le terrain. Et je pense que, sur la base de la qualité justement du travail qu'ils font, nous devons les soutenir de façon plus importante.

Un troisième constat qui a été fait, et j'insiste particulièrement sur ce point parce que, à notre sens, il est majeur: avoir un régime forestier qui tienne compte des particularités régionales. Trop souvent, les intervenants, autant au niveau de la récolte, de l'exploitation que de l'aménagement, se butent à des normes trop rigides qui ne sont pas adaptées aux spécificités de chacune de nos forêts. La diversité de notre territoire empêche une foresterie unique, mur à mur. Il est donc impératif d'avoir un régime qui fasse preuve de toute la latitude pour s'adapter aux réalités régionales. Ça, je dois vous dire que c'est vraiment un constat qui a été fait auprès de tous les intervenants, peu importe la région dans laquelle nous étions.

Quatrième constat, les intervenants du domaine de la forêt privée déplorent le peu de place qui leur a été réservé dans ce projet de loi. Plusieurs intervenants de ce domaine souhaitent voir se développer une plus grande synergie entre les secteurs privé et public plutôt que continuer à évoluer dans un climat de confrontation. Tous s'entendent pour que le principe de résidualité soit respecté.

Cinquième constat, les acteurs de la forêt privée souhaitent être partie prenante dans le débat entourant la politique de rendement accru. L'intensification de l'aménagement doit se faire autant en forêt publique qu'en forêt privée. Et je pense notamment à une région comme l'Estrie, évidemment, qui est représentée par mon collègue, ici, d'Orford, où la forêt privée représente 92 % sur le territoire. Alors, vous comprendrez bien que ces gens-là souhaitent une plus grande place, compte tenu de la place que représente la forêt privée dans leur région, donc souhaitent être interpellés par le projet de loi qui a été déposé pour éviter bien sûr que des régions soient exclues.

Sixième constat, plutôt que de parler de consultation, il serait souhaitable de parler de concertation. Dans un contexte de gestion intégrée des ressources, le processus de consultation pourrait s'établir en amont, c'est-à-dire au cours de l'élaboration des plans généraux d'aménagement forestier. Alors, certains groupes nous ont dit: Plutôt que d'y aller d'une consultation passive, nous souhaiterions prendre part de façon plus active au processus qui mène à l'élaboration de la fameuse planification des industriels.

Septième constat, maintenir un environnement d'affaires permettant de faire face aux enjeux liés à la compétitivité et à la mondialisation. En ce moment, les intervenants que nous avons rencontrés déplorent le manque de support gouvernemental. Ce qu'il est important de comprendre, c'est que les activités économiques découlant de l'industrie forestière représentent 3 % du produit intérieur brut ici, au Québec. C'est 80 000 emplois directs qui dépendent de l'industrie forestière, c'est 250 municipalités au Québec qui vivent directement de la forêt. Alors, dans ce contexte-là, je pense que nous devons nous assurer que notre industrie, pour le futur, soit en mesure d'être compétitive. On sait que nos concurrents maintenant, ce ne sont plus nos voisins à l'intérieur du Canada mais bien des pays à l'extérieur, comme par exemple le Brésil ou le Chili. Alors, je pense qu'on doit déployer d'énormes efforts pour permettre à notre industrie de pouvoir prospérer et bien sûr s'assurer que d'autres emplois soient créés.

Huitième constat, c'est le fait que les industriels rencontrés déplorent la façon de faire du ministre en matière d'établissement des droits de coupe. Pour eux, il est difficile de faire des prévisions, alors qu'on ne sait pas trop à quoi s'attendre d'année en année. Il serait donc souhaitable d'avoir une politique claire à ce sujet.

Neuvième constat, les intervenants rencontrés s'inquiètent du pouvoir discrétionnaire qui est conféré au ministre dans le projet de loi. Les gens s'en inquiètent et le déplorent. Et je dois vous dire que, de notre côté également, c'est une chose qui nous a frappés à la lecture du projet de loi. Et ce qui est le plus surprenant, c'est qu'on ne peut pas parler des deux côtés de la bouche en même temps, insister sur le fait qu'on doit avoir un régime forestier qui soit transparent et, de l'autre, permettre au ministre de se réserver donc des pouvoirs discrétionnaires importants.

Dixième constat, on déplore le fait que la confirmation des budgets pour les travaux d'aménagement forestier arrive trop tardivement. Pour permettre une meilleure planification des travaux et de stabiliser les emplois qui y sont rattachés ? parce que, ici, on parle d'une véritable industrie de l'aménagement ? on souhaite que les budgets soient sécurisés. On déplore également le manque de volonté politique de prendre le virage aménagement. Alors, compte tenu que la pression sera de plus en plus grande sur la forêt du domaine public, nous pensons donc qu'en investissant plus d'efforts dans le domaine de l'aménagement il y a peut-être là une solution pour permettre à des communautés comme celles qui sont touchées par les baisses d'approvisionnement, je pense au Bas-Saint-Laurent et à la Gaspésie... Donc, on a peut-être ici une piste de solution.

Onzième constat, l'urgence de valoriser les travailleurs forestiers, sylvicoles et autres. Les conditions de travail et de salaire sont à améliorer. Et je dois vous dire que j'ai rencontré plusieurs de ces gens sur le terrain. Vous savez comme moi que c'est des travailleurs qui souvent font leurs travaux dans des conditions difficiles, les terrains souvent sont en pente et sont difficilement praticables. Et nous pensons qu'une partie plus importante des crédits dédiés à l'aménagement devrait revenir aux travailleurs forestiers. Et je dois vous dire que, personnellement, c'est un sujet qui me tient beaucoup à coeur. Je pense que, s'il y a un aménagement de qualité qui se fait sur le terrain, c'est grâce bien sûr à ceux qui en font la planification, mais c'est surtout grâce à ceux et celles qui l'exécutent à chaque jour.

Douzième constat, de nombreuses réactions ont été formulées au sujet du fameux CAAF 1-A. Assurer l'accessibilité de la ressource à un plus grand nombre d'utilisateurs est louable. Mais, dans un contexte où la marge de manoeuvre est pratiquement inexistante dans l'octroi de volumes additionnels, comment réussira-t-on à préserver les approvisionnements actuels dans les usines tout en répondant aux promesses que laisse planer le projet de loi? Où prendra-t-on ce nouveau bois pour satisfaire les nouvelles demandes alors qu'on est à la limite de la possibilité forestière actuellement? Je pense que nous devons éviter de déplacer l'activité économique d'une région à l'autre et éviter la politique qui consiste à déshabiller Paul pour habiller Jacques. Alors, il y a également le fait que le projet de loi est totalement muet sur les critères qui seront retenus par le ministre pour octroyer ces nouveaux volumes.

Le treizième constat tient au fait qu'on déplore donc le fait qu'on repousse le débat sur le rendement accru. Nous pourrions profiter de cette commission pour débattre ouvertement de cette question. Évidemment, lors de la commission parlementaire sur l'analyse des crédits qui sont dévolus au ministère des Ressources naturelles et où le ministre nous annonçait qu'il avait décidé de se lancer vers ce nouveau virage, nous lui avions demandé à l'époque de déposer toutes les évaluations qui ont été faites par le ministère justement, qui démontrent la nécessité et la pertinence d'augmenter la productivité de nos forêts. Alors, je profite à nouveau de cette commission pour demander au ministre de déposer les évaluations qui ont été faites par son ministère. Je pense que la commission parlementaire qui s'ouvre pourrait être une très bonne tribune pour nous permettre d'approfondir ce fameux concept de rendement accru, qui n'est pas nouveau bien sûr dans le domaine forestier. Et il y a vraiment une urgence de clarifier le concept et les objectifs également qu'on tente de poursuivre avec cette fameuse augmentation de notre rendement de nos forêts.

Quatorzième constat, on souhaite que le territoire se retrouvant au-delà de la limite nordique puisse être sous aménagement. Alors, on a la nette impression que ce qui a été annoncé par le ministre, c'est qu'au-delà de la limite nordique le territoire deviendrait, si vous voulez, abandonné. Alors, des chercheurs que nous avons rencontrés souhaitent qu'on puisse mettre ce territoire sous aménagement, qu'on puisse continuer, donc, de s'en occuper.

n(10 heures)n

Le quinzième constat, et c'est le dernier, concerne le principe de gestion intégrée des ressources. Ce concept risque de demeurer évidemment un concept vide de sens si les orientations ne sont pas clairement définies. Il y a une urgence de définir les moyens et les mécanismes nous permettant d'atteindre cet objectif. Alors, de façon générale, je dois vous dire que plusieurs intervenants s'entendent pour dire que ce projet de loi dénote un manque de vision. Les objectifs et les moyens ne sont pas clairement identifiés, on ne sait pas très bien où le ministre veut nous conduire, et il serait peut-être intéressant qu'il puisse nous dire lui-même quelle est sa vision en matière de forêt, quelle forêt il souhaite qu'on obtienne dans 30 ans, 40 ans, 50 ans. De notre côté, pour répondre à la préoccupation du ministre, évidemment, qui insiste beaucoup sur la transparence, et de plusieurs intervenants d'assurer une plus grande transparence dans la gestion de nos forêts, nous proposons la création d'un inspecteur général des forêts. Plusieurs raisons, bien sûr, militent en faveur de ce choix. Ce que nous favorisons, c'est une structure souple, efficace. Donc, notre inspecteur relèverait du Vérificateur général du Québec. Les raisons sont multiples.

Premièrement, permettre un décloisonnement de l'information en provenance du ministère des Ressources naturelles sur la gestion des forêts et assurer du même coup une meilleure diffusion de l'information sur l'état des forêts québécoises. En déposant son rapport à chaque année à l'Assemblée nationale du Québec, la population serait à même de constater quel est l'état de nos forêts. Il y a plusieurs questionnements à l'heure actuelle sur nos pratiques forestières, et je dois vous dire que ce questionnement, nous l'entendons énormément du côté du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie, étant moi-même une députée qui vient de la Gaspésie.

Une deuxième raison qui milite en faveur de la création d'un inspecteur général des forêts tient au fait que, dans un contexte où la conciliation des considérants environnementaux, économiques s'impose avec vigueur, l'inspecteur général des forêts permettra donc l'atteinte de cet équilibre. Et, sur le plan des échanges qu'ont nos industries, sur le plan nord-américain ou alors à l'international, on sait que les considérants environnementaux deviennent de plus en plus une préoccupation de nos futurs acheteurs. Alors, nous pensons donc que l'inspecteur général des forêts, par son travail impartial, qui n'est pas, donc, rattaché au ministère des Ressources naturelles, pourrait contribuer à démontrer à nos clients partout à l'étranger, effectivement, qu'il y a des principes environnementaux qui sont respectés.

Et, bien sûr, une autre raison qui milite en faveur de ce choix est d'assurer une meilleure crédibilité dans la gestion des forêts du domaine public. Les mandats seraient multiples et ils tiendraient, entre autres, au fait qu'il faut s'assurer, donc, d'avoir une évaluation juste et impartiale des suivis et des contrôles qui sont effectués par le ministère des Ressources naturelles. Deuxièmement, un mandat de notre inspecteur général des forêts tiendrait au fait qu'on verrait à la mise en application des principes contenus dans les lois et règlements relatifs à la gestion des forêts, on s'assurerait de l'équité dans la mise en oeuvre des principes contenus dans les lois et règlements en vigueur, et, dernièrement, on s'assurerait d'un traitement équitable et impartial des plaintes, des plaintes qui pourraient être formulées par la population, par un industriel qui se sent lésé, par des environnementalistes, par des chasseurs, des pêcheurs, etc.

Ce qui est le plus important à retenir, je pense, c'est que la forêt est le plus grand actif que possèdent les Québécois, et jamais cet actif n'est vérifié par un intervenant qui n'est pas rattaché au ministère des Ressources naturelles. Alors, pour s'assurer, donc, d'avoir une expertise qui n'est pas rattachée au ministère des Ressources naturelles, qui est impartiale, on souhaite la création d'un inspecteur général des forêts.

En terminant, ce que nous souhaitons, c'est que cette commission soit l'occasion de retenir les recommandations qui nous permettent d'avoir un régime forestier moderne et qui fasse preuve de latitude, lui permettant de s'adapter aux réalités de chacune des régions forestières. Il est clair que le projet de loi actuel peut être amendé. Donc, nous souhaitons que le ministre s'inspire de ce qu'il va entendre tout au cours de cette commission pour apporter des bonifications au projet de loi qu'il a déposé.

En ce moment, le ministre est plongé dans une tourmente où sa crédibilité est fortement entachée. Et, tout à l'heure, je faisais référence aux régions du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie, le ministre s'est rendu sur le terrain dernièrement, et il y a des baisses d'approvisionnement drastiques qui ont été annoncées, on parle de 30 %, même 40 % dans certains cas. Les gens ne comprennent tout simplement pas ce qui se passe. Le ministre, pour justifier sa décision, blâme la tordeuse, et je dois vous dire que c'est le cas de le dire que la tordeuse a le dos large quand on sait que, évidemment, les effets ont été constatés dans les années soixante-dix, quatre-vingt et que cette tordeuse, cette épidémie a pris fin en 1992. On se questionne qu'on justifie nos choix, les baisses d'approvisionnement aujourd'hui par cette raison. En principe, à tous les cinq ans, les plans sont mis à jour. Alors, si les plans sont mis à jour à tous les cinq ans, comment se fait-il qu'aujourd'hui on arrive avec des baisses aussi drastiques? Alors, il y a une grave crise majeure, M. le ministre, qui se prépare en Gaspésie, dans le Bas-Saint-Laurent, et je pense qu'on en n'est pas encore conscient ici aujourd'hui. Il y a des centaines d'emplois qui sont en jeu.

Tout à l'heure, le ministre nous disait: Écoutez, c'est la première fois qu'un ministre se rend dans une région pour justifier les décisions qui ont été annoncées. Le ministre nous a dit: J'ai tout mis sur la table, mais, à l'heure actuelle, ce qu'on constate, c'est que la table est encore vide, parce qu'il n'y a aucune solution, aucune mesure de rechange qui a été annoncée. Il y a des gens à l'heure actuelle, il y a des travailleurs forestiers qui sont en attente, et, lorsqu'on sait que dans le Bas-Saint-Laurent et dans la Gaspésie il y a des économies locales qui dépendent directement de la forêt, je vais vous dire, M. le ministre, que les inquiétudes sont très grandes.

Alors, nous avons donc tout un exercice à faire au cours des prochains jours, des prochaines semaines, nous souhaitons que cette commission, bien sûr, puisse faire la lumière sur les pratiques qui sont utilisées dans le régime actuel. Et, il y a plusieurs interrogations qui sont formulées, je souhaite ardemment que l'exercice auquel nous sommes conviés puisse nous permettre, donc, de répondre à nos questions, également de faire les meilleurs choix pour nous permettre d'avoir un régime forestier adapté à chacune de nos régions. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Alors, merci, Mme la députée de Bonaventure. M. le député de Gaspé et adjoint parlementaire au ministre des Ressources naturelles, pour vos remarques préliminaires.

M. Guy Lelièvre

M. Lelièvre: Merci, Mme la Présidente. Alors, je me sens un peu privilégié de participer à cette commission sur la révision du régime forestier. La commission de l'économie et du travail aborde souvent plusieurs études, différents domaines ? on pense à l'énergie ou on pense encore au travail ? la question des forêts, c'est une question très importante pour tout le Québec, pour les régions particulièrement, où c'est aussi une source d'emplois principale. La consultation publique de 1998, je me souviens, a été tenue dans toutes les régions du Québec, et, comme député j'y étais associé également. Et, à ce moment-là, lors des audiences qui ont été tenues dans plusieurs localités du territoire gaspésien, dans chacun des comtés, ceux qui sont venus nous dire que, oui, il y avait des améliorations à apporter, mais que le régime forestier, tel qu'on l'avait connu depuis 1986, était un bon régime... mais qu'il y avait des améliorations, comme je le disais tout à l'heure, à apporter.

Naturellement, la forêt, bon, soulève les passions, mais la forêt, ce n'est pas uniquement des arbres. La forêt, c'est aussi une source d'emplois, une source de villégiature, une source où les différents usages s'y retrouvent, le voisinage entre les industriels qui font la récolte et aussi ceux qui font, par exemple, des activités de loisir, etc. Alors, il y a plusieurs emplois qui sont reliés à la forêt, non seulement dans la récolte ou encore dans la transformation dans les usines de pâtes et papiers, les usines de sciage, mais également dans l'industrie du meuble. Il y a énormément d'emplois qui sont reliés à la forêt, et tout le monde est conscient que c'est un patrimoine qu'il faut protéger et continuer à améliorer, parce que la forêt, c'est quelque chose qui se cultive, hein? On le voit dans nos régions.

On soulève différentes interrogations en ce qui a trait à la gestion des CAAF dans les régions de la Gaspésie ou du Bas-Saint-Laurent. Vous vous souviendrez qu'avant 1986 c'était un régime de concessions forestières où, dans le fond, les industriels avaient la totalité des responsabilités, et le ministère, au niveau de l'aménagement, avait pris l'entière responsabilité. Et, au niveau de la récolte, c'est les industriels qui la faisaient. À partir de 1986, ça a été un nouveau régime qui a été mis en place. On constate qu'il y a eu des obligations et également des responsabilités tout en ayant des droits.

n(10 h 10)n

Tout à l'heure, Mme la députée de Bonaventure nous disait: Dans le Bas-Saint-Laurent, ils vivent une crise majeure. Oui, ils vivaient déjà aussi une crise majeure lorsque le ministre de l'époque, Albert Côté, avait déjà réduit de 15 % les approvisionnements lorsqu'il avait renouvelé les CAAF. Donc, il avait constaté à la révision du régime forestier que la forêt du Bas-Saint-Laurent, bas-laurentienne, était en difficulté et principalement à cause de la tordeuse du bourgeon d'épinette qui s'attaque principalement au sapinage, aux sapins, et c'est une forêt de résineux. Donc, que les effets de la tordeuse ne se soient pas manifestés jusque dans les années quatre-vingt-dix, je pense que l'opposition fait un survol un peut trop rapide parce que l'ancien gouvernement en a tenu compte. Et il faut dire que les approvisionnements du Bas-Saint-Laurent proviennent en très grande partie de la forêt publique aussi. Près de 50 % du territoire du Bas-Saint-Laurent, l'approvisionnement est privé et l'autre partie est publique. Puis ça, je ne veux pas nier le problème qui puisse exister dans le Bas-Saint-Laurent.

En ce qui a trait à notre consultation, je partage l'avis de mes collègues également que cette commission, on l'a dit, doit être un lieu d'échanges, un lieu d'expression où tous les points de vue seront écoutés, et nous échangerons avec la plus grande ouverture ? en tout cas, en ce qui me concerne ? avec tous ceux qui vont venir nous faire des représentations.

En ce qui a trait aux améliorations du régime, bien, le ministre en a parlé tout à l'heure, oui, il y a des innovations. Il y a des gens qui sont en forêt, qui gagnent leur vie, puis il y en a d'autres qui veulent davantage utiliser la ressource ligneuse à différents usages, et on sait qu'actuellement, quand un industriel est détenteur d'un CAAF, bien il faut son autorisation pour d'autres tiers pour aller faire de la récolte.

Alors, je voudrais donner la chance aussi à mes collègues de s'exprimer, mais soyez assurés que tous les éléments du projet de loi, nous allons les scruter et écouter attentivement les commentaires de tous ceux et celles qui sont ici. Je n'ai aucun doute, moi, que, jusqu'à ce jour, la forêt québécoise a été bien gérée, on le voit. Ce n'est pas parce qu'il y a des lacunes au niveau, par exemple... Pas des lacunes, mais des accidents de la nature. On parle, chez nous, de la tordeuse, mais il y a eu les feux, il y a eu des chablis, il y a des épidémies. C'est cyclique, donc tout ça revient au fil du temps, et il faut composer avec ça et s'adapter. Alors, merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Merci, M. le député de Gaspé. M. le député de d'Orford, tout en vous rappelant qu'il reste huit minutes pour l'ensemble de votre formation politique.

M. Robert Benoit

M. Benoit: Très bien. Merci, Mme la Présidente. Écoutez, deux intervenants du gouvernement nous disent que la forêt est bien gérée au Québec. On s'en réjouit si c'est le cas, mais, dans l'imagerie populaire, chez l'ensemble des citoyens du Québec, ce n'est pas ça qui est perçu en ce moment, et on aura tout un ouvrage à faire ici, avec les 125 mémoires, pour se faire nous-mêmes une idée. Est-ce que, oui ou non, la forêt, elle est bien gérée du Québec? Vous pouvez faire la propagande que vous avez à faire, nous, on va écouter les gens et on aura à se faire une idée si, oui ou non, environnementalement, cette forêt-là, elle est bien gérée. De là ce doute, de là cette proposition qu'a faite l'opposition d'un inspecteur général des forêts.

Et, vous savez, on a vécu au Québec une époque où, par exemple, en environnement, quand les débats se faisaient entre la dynamique économique et la dynamique environnementale, très souvent la dynamique économique avait le dessus. Et est arrivé le Bureau d'audiences publiques en environnement, et on a vu un juste équilibre s'établir dans notre société entre ces deux forces qui s'affrontaient trop souvent et qui auraient dû ultimement travailler dans une même direction. Le Bureau d'audiences en environnement est arrivé à apaiser un peu tout le monde et a fait qu'on a remis à la bonne place où devait être l'environnement et on a remis aussi à la bonne place où devait être l'économie. C'est un peu ça qu'on recommande ici, un inspecteur général des forêts.

Et je comprends que le ministre, il est souvent pris presque en conflit d'intérêts. Comment dire à une région qu'on doit se préoccuper des emplois, mais, dans la même phrase, dire qu'il n'y a plus d'arbres pour se préoccuper des emplois? Alors, à la veille d'une élection, c'est peut-être plus facile d'oublier les arbres pour une période et de penser aux emplois, et je reconnais que ce n'est pas un métier facile que d'être ministre des Forêts du Québec. De là, un inspecteur général des forêts qui remettrait à sa juste place ce qui devrait être la réalité environnementale.

Je suis un peu surpris de voir que le ministre de l'Environnement n'est pas parmi nous ici aujourd'hui. Je pense que le débat, il est à ce point important dans la société québécoise que nous nous serions attendus, nous de l'opposition, à ce que le ministre de l'Environnement soit aux côtés du ministre des Forêts, et nous le déplorons vivement.

D'autre part ? je finirai avec ça, Mme la Présidente ? le ministre nous arrive avec des nouveaux concepts, que bien lui soit fait. D'autre part, le premier groupe que nous allons entendre aujourd'hui, le Conseil de la recherche forestière du Québec ? ce ne sont pas les derniers venus ? nous dira, et je vous cite un court passage de ces objectifs que le ministre nous fixe: «Il existe de nombreuses inconnues reliées aux trois méthodes proposées pour rencontrer l'objectif gouvernemental, soit augmenter de 22 %, c'est-à-dire 10 000 000 mètres cubes, la possibilité actuelle, et ceci en 60 ans et sur 50 000 hectares annuellement. À défaut de précisions sur les hypothèses retenues par le législateur pour fixer ces objectifs, le Conseil de la recherche forestière du Québec s'interroge sur la faisabilité de la démarche...» C'est gros, ça, là.

Et, un peu plus loin, il dira: «L'atteinte du rendement accru exigera une sylviculture intensive, pour laquelle le Québec possède peu d'expérience à l'échelle opérationnelle et sur l'ensemble de son territoire forestier.» Et, plus loin, il dira: «L'atteinte du rendement accru contient plusieurs variables qu'on ne contrôle pas parfaitement [...] Le Conseil s'étonne également de l'absence de détails sur le rôle de la forêt privée dans l'objectif d'augmentation du rendement des forêts.» Et là c'est le député d'une région où c'est la forêt privée qui est importante.

Alors, Mme la Présidente, pourquoi nous croyons à cet inspecteur général des forêts? Et je terminerai en vous rappelant que, le ministre, on a l'impression qu'à l'occasion il a été pris presque en conflit d'intérêts entre trois dynamiques dans son ministère, et peut-être que l'aspect environnemental n'a pas eu toute son importance. Et je lisais récemment ce sondage qui a été fait à l'intérieur de son personnel où 41 % de son personnel disait qu'effectivement les études des CAAF n'étaient pas valables. Dans son propre ministère, 41 % de son personnel. Alors, si 41 % de son personnel doute des études au ministère, imaginez-vous la population québécoise, elle, si elle a raison, possiblement, de douter de certaines des informations qui nous sont parvenues du ministère. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Merci, M. le député d'Orford. Alors, M. le député de Maskinongé, en vous rappelant que, du côté ministériel, il reste 12 minutes et qu'il y a aussi des collègues qui veulent prendre la parole. À vous la parole, M. le député.

M. Rémy Désilets

M. Désilets: Merci, Mme la Présidente. D'entrée de jeu, je vous dirai que nous sommes très bien conscients de la problématique et de l'importance du secteur forêt dans le développement social et économique du Québec. Il n'est pas question pour nous de baisser les bras et de donner la gestion de la forêt à d'autres, nous avons été élus pour gérer et gouverner, et c'est ce que nous allons faire. C'est ce que nous faisons, d'ailleurs, et on va continuer à le faire.

La consultation publique en 1998, c'est une consultation qui a été vaste et large à la grandeur du Québec, qui a fait le tour de toutes les régions, avec l'aide des CRD de chacune des régions. Plus de 500 mémoires ont été présentés, et les commentaires des intervenants, je vais vous en lire quelques-uns. «Les fondements du régime forestier doivent demeurer.» Donc, pas question de transférer ça à d'autres.

«Le ministre doit conserver ses responsabilités en matière de suivi et de contrôle des unités d'aménagement des forêts dans le domaine de l'État.» Et ça encore, ça ne date pas de voilà 50 ans, consultation de voilà deux ans.

«Le ministre doit favoriser une utilisation plus polyvalente des territoires forestiers pour en accroître les retombées sociales et économiques. Le mode de préparation des plans d'aménagement doit être révisé en profondeur.» C'est ce que le projet de loi propose, c'est ce qu'on va faire.

«Il faut accroître la production du milieu forestier. Il faut protéger les vieilles forêts et les écosystèmes exceptionnels. Il faut qu'un plus grand nombre de personnes, d'entreprises, d'organismes aient accès aux ressources forestières du domaine de l'État.» Le ministre, c'est ce qu'il propose de faire aussi.

«Consulter les MRC, les villes, les municipalités, les régions, les organismes du territoire. Il faut resserrer le contrôle pour s'assurer que le principe de rendement soutenu soit respecté.» C'est encore une des priorités du ministère.

n(10 h 20)n

Ce que l'opposition propose, parce que ça va mal, au lieu de contrôler, au lieu de gérer, au lieu de prendre le taureau par les cornes et puis de résoudre le problème puis de trouver des solutions, on donne ça à d'autres. On va donner ça, toute la gestion, à un inspecteur général, et lui va gérer ça. Vous avez des problèmes, vous dites, au niveau de la transparence dans la gestion du domaine public, son rôle, ça va être ça. Lui, il va devoir résoudre cette problématique-là. L'État, le ministère sous votre gouverne n'aurait pu rien à faire que de dire: Oups! c'est la faute de l'inspecteur. Il aurait supposément le mandat d'assurer l'application des contenus des lois au niveau des règlements. Ce n'est même plus le ministère, ça serait une autre personne encore qui s'assurerait du contrôle de la gestion. Même au niveau des plaintes, ça ne serait plus au ministère, ça serait encore au niveau de l'inspecteur général.

Dans le sens que l'opposition est dans l'opposition, puis elle n'a pas encore compris le rôle d'un gouvernement. Et ils ont été sortis voilà quelques années du ministère justement parce que c'était un gouvernement de laisser-aller et de laisser-faire, ils ne géraient plus rien, et c'est encore ce qu'ils proposent. Ils n'ont pas changé, ils n'ont pas encore compris que les gens, ce qu'ils veulent, c'est du monde qui ait à coeur l'État. Mais, quand ça va mal, on a des propositions. On a consulté les gens, ils nous ont donné des contenus de discussion et de réflexion, et c'est ce sur quoi on travaille et c'est ce qu'on vise, qu'on veut faire, encadrer et superviser et donner un meilleur accès, un meilleur contrôle à notre population, au monde qui travaille dans le milieu. Mais ce n'est pas de donner... et puis de baisser les bras, c'est le temps de travailler, c'est le temps de se retrousser les manches, et c'est ce que le projet de loi propose. Je vous laisse là-dessus, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Merci, M. le député de Maskinongé. Alors, M. le député de Kamouraska. Il reste quatre minutes, M. le député.

M. Claude Béchard

M. Béchard: Oui, merci. Quelques minutes tout simplement pour mentionner qu'effectivement on a eu, dans le Bas-Saint-Laurent, la visite du ministre au cours des dernières semaines, et, vous savez, quand le ministre parle d'une crise dans le Bas-Saint-Laurent, cette crise-là existe depuis, je vous dirais, plusieurs mois, et tous ont été surpris de voir que, lors de sa visite, le ministre disait qu'il avait tout mis sur la table, sauf que, du côté solutions, la table n'était pas très, très remplie.

Et la raison qui me fait prendre la parole aujourd'hui, c'est qu'il n'y a personne dans le Bas-Saint-Laurent qui veut couper des arbres qui n'existent pas, il n'y a personne qui veut faire des interventions qui vont nuire à la pérennité de la forêt, cependant plusieurs se posent des questions sur les chiffres, sur les calculs. Mon collègue d'Orford a parlé du manque de confiance au sein même du ministère des Ressources naturelles envers les chiffres qui sont là, mais ces mêmes doutes là existent de la part de la majorité des entreprises qui, au cours des dernières années, ont fait des investissements majeurs en calculant eux-mêmes quelles étaient les possibilités, et, au cours des derniers mois, bien on arrive et on dit à ces entreprises-là: Vos calculs ne sont pas bons. Vos investissements sont donc remis en question. Et encore, pour aller plus loin que ça, en termes d'emploi, du côté des travailleurs, bien ces gens-là se retrouvent devant rien. Et la crise se fait déjà sentir. Et on parle d'une moyenne de 15 %, mais je veux vous rappeler que, en ce qui concerne sapin, épinette, entre autres, on parle d'une moyenne de 26 % de diminution des contrats d'aménagement.

Peut-être que le ministère lui-même, que le ministre lui-même s'est fait prendre de vitesse, parce que plusieurs disent: Quand il est venu dans le Bas-Saint-Laurent, pourquoi ne pas venir avec des solutions et des alternatives? Les alternatives qu'il a présentées, les approvisionnements en provenance de l'île d'Anticosti, plusieurs ont mentionné que ce n'était pas une solution envisageable, adéquate et les possibilités d'avoir des programmes de travailleurs ou d'augmenter les emplois en forêt, bien, tout ça, il a remis ça au budget.

Donc, dans le projet de loi qui est devant nous, on a beaucoup de doutes dans le Bas-Saint-Laurent quand on voit que le ministre veut encore plus de pouvoirs, alors qu'il semble lui-même dépassé par ceux qu'il a actuellement et son manque de capacité de trouver des solutions. Donc, Mme la Présidente, je pense qu'on va entendre des groupes du Bas-Saint-Laurent aujourd'hui et dans les prochains jours et j'ose espérer que ces groupes-là permettront de sensibiliser encore plus le ministre à la problématique qui se vit dans le Bas-Saint-Laurent et dans la Gaspésie. Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Merci, M. le député de Kamouraska. M. le député de Groulx, il reste sept minutes à votre formation politique.

M. Kieffer: Vous avez bien dit sept?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Sept.

M. Robert Kieffer

M. Kieffer: C'est ça. Merci, Mme la Présidente. Bien, pour débuter, je souhaite, moi aussi, la bienvenue à tous ceux et toutes celles qui vont venir exprimer leurs points de vue, je suppose, dans le prochain mois. C'est au-dessus de 125 mémoires, probablement 130. Ça va être une tâche colossale qui attend les députés qui siègent ici, et le ministre aussi. Nous avons l'intention évidemment d'en tirer le plus de leçons possible et de véritablement être à l'écoute. Ça fait six ans que je siège, je pense que c'est la première fois que l'écoute va être aussi prononcée et la participation aussi forte.

Moi, je viens d'un comté presque urbain. On peut se demander ce que je fais ici, les seuls arbres que j'ai dans mon coin, ils sont dans les parcs. Sauf que ça s'adonne aussi que dans mon comté il y a une des entreprises créatrices d'un très grand nombre d'emplois dans la transformation de la forêt. Elle embauche bon an, mal an plus de 3 000 travailleurs, ce qui, entre autres, démontre que la forêt, ça touche l'ensemble du Québec. C'est une activité économique qui n'affecte pas uniquement les régions, qui affecte aussi, par la transformation qu'on fait subir au bois, aussi bien les comtés semi-urbains que les comtés urbains.

Je regarde l'exercice que nous nous apprêtons à faire au cours des prochaines semaines, et, comme le relevait la députée de Bonaventure, il est nécessaire et important pour une société et pour son gouvernement de se repositionner, de requestionner, de voir les nouvelles voies qui s'ouvrent. Compte tenu des nouveaux problèmes qui apparaissent au fil de l'évolution d'une société, il est bon pour un gouvernement de se questionner sur la gestion qu'il fait d'un des principaux secteurs d'activité de son économie.

La dernière grande transformation, on l'a mentionné tantôt, elle est arrivée finalement aux confins des deux régimes ? le nôtre en 1985 continué par celui des libéraux en 1986 ? et qui a donné naissance à une nouvelle politique de la gestion de la forêt qui a donné naissance aux CAAF, qui a donné naissance au PGAF, et autres.

Suite à des consultations que nous avons faites depuis deux ans, rappelons-nous, le ministre l'a mentionné tantôt, qu'il y a eu, dans la consultation de 1998, tout près de 500 mémoires qui ont été déposés partout au Québec lors des tournées régionales. C'est énorme. Si, avec 500 mémoires on n'est pas capables d'avoir une vision approfondie, généralisée et complète des préoccupations de ceux et de celles qui sont affectés par la forêt québécoise à quelque niveau que ce soit, alors là, on a vraiment manqué notre coup.

J'ai écouté attentivement à la fois les remarques, les commentaires, les suggestions du ministre et à la fois aussi les remarques, les commentaires et les suggestions de la critique de l'opposition officielle. J'ai scribouillé rapidement les notes ? évidemment, j'aurais bien aimé pouvoir y aller au texte ? au-dessus d'une quinzaine de remarques, recommandations qui étaient effectuées par la ministre. Et, lorsque je les compare...

Une voix: ...

M. Kieffer: J'ai dit la ministre, hein? Ah, mon Dieu! C'est peut-être un voeu pieux de votre part que j'ose... Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Kieffer: Alors, de la critique du ministre. Ha, ha, ha!

M. Brassard: J'espère que ce n'est pas un lapsus signifiant.

M. Kieffer: Non, ce n'est pas un lapsus signifiant, M. le ministre, soyez assuré.

Alors, je disais donc que les remarques qui avaient été formulées de part et d'autre, à plusieurs niveaux, se rejoignaient.

M. Brassard: ...

M. Kieffer: Ha, ha, ha! J'y arrive, M. le ministre. La députée relevait les questions de la transparence, relevait les questions de la participation des intervenants à la gestion, relevait la question de la forêt privée. Bon, je ne répéterai pas, elle l'a dit clairement. Et, ensuite de ça, le ministre répondait à un certain nombre de préoccupations quant au redécoupage du territoire forestier, quant à la participation accrue du ministre, etc. Je m'aperçois que les suggestions de part et d'autre se recoupent à plusieurs niveaux, mais, là où je comprends beaucoup moins, c'est la solution que semble vouloir proposer l'opposition officielle ou, en tout cas, l'élément central de son projet et qui est celui non pas d'un directeur général, mais d'un inspecteur général des forêts, tel que soumis par l'opposition pour, semble-t-il, régler tous les problèmes de la forêt.

n(10 h 30)n

Moi, il y a un principe fondamental que j'ai toujours utilisé lorsque j'enseignais la politique, et maintenant que je la pratique je n'ai pas le choix, hein, je vis avec, c'est celui de l'imputabilité. L'imputabilité est probablement ce qui caractérise le plus les élus du peuple. Les citoyens et les citoyennes les mettent à Québec, les envoient à Québec pour gérer, pour gouverner au nom de leurs intérêts et de leurs préoccupations.

J'ai lu rapidement le descriptif des mandats ou du mandat tel que le Parti libéral l'a produit dans son communiqué de presse. Je cite: «Il aurait comme mandat d'assurer la mise en application des principes contenus dans les lois et les règlements en vigueur.» C'est énorme, ça. C'est énorme. Ça signifie concrètement ? et je terminerai là-dessus, il me reste une minute à peu près, c'est ça?...

Une voix: 30 secondes.

M. Kieffer: ... ? et ça signifie concrètement que l'Inspecteur général verrait à faire appliquer la Loi sur les forêts. C'est ça que je comprends. Je peux me tromper, mais à ce moment-là il faudrait que le Parti libéral soit beaucoup plus précis dans son descriptif des tâches et des mandats de cet inspecteur-là.

Le ministre, il peut être interrogé à toutes les périodes de questions. C'est ça, le rôle d'un député, de pouvoir interroger son ministre à toutes les périodes de questions. Avec un Inspecteur général, et c'est peut-être le souhait et le voeu pieux caché de la députée de Bonaventure, si éventuellement elle devenait ministre, peut-être qu'elle refuserait ou qu'elle n'aurait pas envie de répondre à ces questions-là. L'Inspecteur général, c'est enlever au ministre son imputabilité devant l'Assemblée nationale, et à ce niveau-là, c'est absolument inacceptable. Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Merci, M. le député de Groulx. Alors, M. le député d'Argenteuil, il reste deux minutes.

M. David Whissell

M. Whissell: Deux minutes. On va suivre le temps. Alors, bonjour, Mme la Présidente. Je salue mes collègues libéraux auxquels je me joindrai pour les présents mémoires. Je tiens également à souligner le travail de ma collègue députée qui pilote le dossier, qui a pris le temps cet été de faire une tournée à travers le Québec, contrairement au ministre responsable du dossier, qui, elle, a vraiment rencontré des groupes sur le terrain dans les régions et a vraiment été mise au fait des problèmes que la forêt vit actuellement au Québec.

Vous savez, Mme la Présidente, les forêts, souvent au premier abord on pense aux compagnies forestières, au sciage de bois, mais il y a beaucoup d'autres usages avec la forêt également: il y a les pourvoyeurs, lesquels utilisent largement la forêt au Québec. Alors, la forêt, c'est un ensemble d'utilisateurs, et il faut penser que la forêt appartient à l'ensemble de la population du Québec. Le rôle du gouvernement du Québec, au niveau de la forêt, est vraiment de trouver un équilibre entre les différents utilisateurs.

J'écoutais mes collègues du gouvernement qui disaient que l'opposition n'avait rien fait par le passé, que, si la situation était telle qu'on la vit présentement, c'était notre faute. Je tiens à rappeler, Mme la Présidente, aux membres de cette commission que ça fait maintenant six ans que le Parti québécois est au pouvoir, ça fait maintenant plus de deux ans que je suis député et, tout au long de ces deux années, j'ai entendu des problèmes, des problématiques. On a vu des films tels que L'Erreur boréale. Ça fait plus de deux ans et demi que ça dure, et c'est le même gouvernement qui est toujours là, Mme la Présidente. Alors, il est temps que ça bouge, et je pense que c'est le rôle de l'opposition de rendre ces gens-là imputables.

Le député de Groulx parlait d'imputabilité. Mme la Présidente, nous sommes ici pour rendre le gouvernement imputable et lui rappeler ses obligations envers la population du Québec.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Merci, M. le député d'Argenteuil. Cela met donc fin aux remarques préliminaires.

Auditions

Je demanderais maintenant aux représentants du Conseil de la recherche forestière du Québec de bien vouloir prendre place. Alors, M. Frisque, je crois?

M. Frisque (Gilles): Oui.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Alors, M. Frisque, je vous rappelle seulement que vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire et que, par la suite, il y aura 20 minutes d'échanges avec chacun des côtés, soit de l'opposition officielle et le gouvernement. S'il vous plaît, avant de déposer votre mémoire, si vous voulez nous présenter la personne qui vous accompagne.

Conseil de la recherche forestière du Québec

M. Frisque (Gilles): Oui, mon nom est Gilles Frisque, directeur général du Conseil de la recherche forestière du Québec. Je suis accompagné, à ma droite, de Mme Ariane Plourde, présidente du Comité de coordination de la recherche forestière du Québec.

Mme la Présidente, M. le ministre, mesdames et messieurs. Nous tenons d'abord à vous remercier de nous avoir invités et de vous présenter le fruit de nos réflexions.

Nous sommes également excessivement flattés d'être les premiers à comparaître devant vous et à ouvrir le bal, si vous me passez l'expression. Comme nous sommes foncièrement optimistes, nous pensons que cela reflète sans doute l'importance que le gouvernement attache à la recherche et au développement.

J'avais préparé un texte bien écrit, bien policé, mais je crois que j'ai peur de vous endormir dès le début de ces travaux. Ça fait que, si ça ne vous ennuie pas, je vais improviser. Vous y perdrez au point de vue qualité du langage, mais vous allez en gagner en spontanéité.

Le Conseil de la recherche forestière du Québec est un organisme privé à but non lucratif qui a été créé par un décret gouvernemental. Il rassemble les principaux intervenants du secteur forestier et il profite surtout de l'expertise d'un comité de coordination de la recherche forestière du Québec, dont la présidente m'accompagne. Ce comité regroupe les directeurs de recherche des 12 principaux organismes actifs dans ce domaine au Québec. C'est assez rare, à ma connaissance, que, dans un secteur donné, dans ce cas-ci le secteur forestier, il y ait une table de concertation entre les gens qui créent la recherche, qui la font, et ceux qui l'utilisent. Et ça nous donne un avantage, je crois, important au point de vue crédibilité et au point de vue efficacité, puisque ça assure un dialogue constant entre les utilisateurs de la recherche et ceux qui la développent.

Au sujet du projet de loi, l'élément évidemment qui nous préoccupe le plus, c'est l'absence de références spécifiques à la recherche et au développement qui malheureusement découle de la lecture du projet de loi. Le gouvernement parle beaucoup de transparence, autant M. le ministre que la porte-parole de l'opposition. La crainte du Conseil, c'est que, si on manque d'information, la transparence ne conduira peut-être pas très loin. Nous craignons ? puis le gouvernement l'a admis lui-même ? qu'on manque encore beaucoup d'information sur l'état de la forêt du Québec. Et c'est dans ce sens-là que nous estimons que des travaux de recherche et de développement sont nécessaires afin d'acquérir les connaissances qui nous manquent actuellement et de pouvoir faire état d'une image complète et globale de l'ensemble des ressources des milieux forestiers québécois.

Nous croyons aussi que, sans recherche et développement, plusieurs des objectifs du projet de loi n° 136 risquent de ne pas être atteints. Ceci est dit d'une façon constructive. Il y a certains éléments critiques, mais il n'est jamais trop tard pour bien faire et pour s'améliorer.

Nos commentaires, conformément à notre mandat, vont se limiter strictement à la recherche et au développement. De nombreux intervenants vont suivre et ils sont beaucoup mieux placés que nous pour argumenter et défendre leur point de vue. Ils auront chacun le leur, et c'est normal. Je crois que c'est à vous de faire l'arbitrage. Nous, nous allons nous contenter de parler de recherche et de développement.

Je dois vous avouer que la tâche n'a pas été facile. Parce que, comme je l'ai dit tantôt, on parle très peu de recherche et développement dans le projet de loi n° 136. C'est malheureux. On s'explique mal cette décision qui a été prise ou cet oubli si c'est un oubli. Comme je vous l'ai dit, l'élément du projet de loi qui nous préoccupe le plus est la modification qui est proposée au mandat et aux activités qui seront financées par le fonds forestier.

n(10 h 40)n

Dans l'ancienne Loi sur les forêts, le fonds forestier avait trois objectifs très bien délimités. Un de ces objectifs concernait la recherche et le développement. Dans la nouvelle proposition qui nous est faite, le mandat du fonds forestier est élargi de façon assez importante, malheureusement imprécise à notre goût. Et, dans le texte de loi, il n'est fait aucune mention à la recherche et au développement. On ne veut préjuger en aucune façon des intentions du législateur, qui a peut-être dans l'esprit de continuer à assurer le financement requis pour la recherche et le développement, mais on doit constater qu'il n'y a plus aucune obligation légale, avec le nouveau projet de loi, à assurer le soutien et le financement de la recherche et du développement. Nous percevons cela comme un danger important. En effet, si une crise survenait, si des contraintes imprévues apparaissaient dans le secteur forestier, la crainte que nous avons, c'est que, dans le nouveau fonds forestier tel qu'il est proposé dans le projet de loi n° 136, la recherche et le développement écopent, si vous me passez l'expression.

Prenons l'exemple d'une épidémie de la tordeuse, qui entraînerait des déboursés importants de la part du gouvernement et de son partenaire industriel, la crainte est forte que, face à des dépenses imprévues, ce soient la recherche et le développement qui fassent les frais d'une catastrophe qu'on ne peut normalement pas prévoir à l'avance. Cette absence de références à la recherche et au développement nous inquiète d'autant plus que, lors des consultations de l'automne 1998, auxquelles de nombreuses références ont été faites, plusieurs intervenants ont mentionné la nécessité, de leur point de vue, de s'assurer que le soutien à la recherche et au développement et au transfert de technologies, qui est un aspect fort important également, soit plus présent dans le projet de loi.

Dans le mémoire que nous vous avons présenté, il y a certains éléments plus spécifiques concernant le rendement accru, l'imposition d'une limite nordique à la récolte des forêts. Je dis bien «à la récolte» et pas «à l'exploitation»; dans l'esprit du Conseil, il y a plus qu'une question de sémantique. La forêt est une ressource renouvelable, contrairement au secteur minier, ce qui fait qu'on n'exploite pas la forêt, on la récolte, parce que, après cette récolte, une autre forêt va pouvoir s'installer. C'est malheureux, mais l'opinion publique, je crois, ne saisit pas bien cette nuance qui, à notre avis, est fort importante.

L'autre aspect qui nous frappe, c'est devant la demande croissante de l'opinion publique en information sur l'état de la forêt québécoise ? vous êtes aussi, mieux sans doute que nous, conscients de cette réalité ? il nous semble que de la recherche en socioéconomie serait certainement bienvenue, dans le sens principalement où on assiste actuellement à une certaine polarisation des débats. Je crois qu'il serait utile de tester des méthodes d'atteinte de consensus, des méthodes de meilleure intégration des activités, et les chercheurs ou les chercheuses en socioéconomie peuvent avoir, je crois, un apport important dans ce secteur-là. Il y a malheureusement peu de personnes au Québec qui sont actives dans ce domaine, et le Conseil, depuis une dizaine d'années, souligne cet aspect comme une faiblesse importante. L'objectif, évidemment, est de résoudre des situations qui sont potentiellement conflictuelles, et je crois que le recours à des méthodes d'atteinte de consensus pourrait être avantageux pour l'ensemble des groupes qui ont souvent des demandes et des intérêts qui semblent divergents mais qui sont cependant légitimes de part et d'autre.

L'autre élément qui nous frappe, c'est que le projet de loi n° 136 semble surtout être un projet de loi qui met beaucoup l'emphase sur l'allocation et la récolte de la matière ligneuse. Chaque citoyen du Québec sait, actuellement, que la forêt a des ressources qui dépassent de loin strictement la matière ligneuse. Dans ce sens-là, nous croyons encore une fois que le gouvernement et la société auraient avantage à faire appel à des groupes de chercheurs qui ont une certaine crédibilité et une certaine neutralité, dans la majorité des cas, pour leur proposer des pistes de solution ou des avenues qui pourraient être intéressantes.

Au-delà de la recherche habituelle qu'on a parfois tendance à voir comme des gens un peu flyés, dans les nuages, je crois que le monde scientifique peut aider lors d'élaboration de politiques et de prise de décision. Il peut être utile pour l'État et pour la société d'avoir des personnes qui avec la neutralité qui doit les caractériser sont capables de prendre un certain recul et, par exemple, d'évaluer si telle facette ou telle approche d'une politique forestière a donné les résultat escomptés ou ne les a pas donnés.

Pour terminer, vous savez aussi bien que moi, et d'autres personnes vont vous le démontrer amplement, l'importance économique et sociale du secteur forestier. Vous savez aussi très bien que l'impact de l'activité forestière dans les régions est absolument fondamental.

Ça m'amène à aborder un problème difficile qui est celui de la concertation entre les équipes de recherche. Il est souhaitable d'avoir des équipes de recherche polyvalentes qui sont actives dans les principales régions du Québec. Une des équipes de recherche importantes est bien sûr celle de la Direction de la recherche forestière du ministère des Ressources naturelles du Québec, qui est localisée à Québec, comme vous le savez, mais qui est active en région. Nous croyons qu'afin de répondre aux demandes des partenaires dans les régions il serait fort utile d'améliorer le maillage ou le réseautage entre les équipes de recherche gouvernementales et les équipes de recherche universitaires. Les équipes de recherche universitaires ont accès à des fonds qui leur sont réservés, et je crois que nous avons tout intérêt, étant donné que nos forces ne sont pas considérables, à les mettre en commun. Je crois que j'ai quasiment terminé mon temps, je vais lire ma conclusion.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Vous avez encore huit minutes, M. Frisque, alors vous pouvez...

M. Frisque (Gilles): Ah, bon.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Vous avez encore du temps.

M. Frisque (Gilles): Tant mieux. Le Conseil s'est aussi étonné que, dans la perspective du rendement accru, qui, je crois que c'est inutile de le dire, est une excellente hypothèse de travail, et il faut absolument parvenir à atteindre le rendement accru dans les forêts du Québec, on s'est étonné que le rôle de la forêt privée soit relativement peu souligné et peu défini.

Si on prend un des moyens retenus par le ministère pour améliorer, pour augmenter le rendement, qui est la plantation d'essences à croissance rapide, il est très probable qu'elles auront lieu dans le Québec méridional, là où on a une grande proportion de la forêt privée, où le climat est approprié, où l'infrastructure routière existe, où la main-d'oeuvre est disponible; pourtant, on ne précise pas vraiment quel pourrait être l'apport de la forêt privée. Certains experts prétendent que des interventions adéquates et mieux planifiées dans la forêt privée pourraient permettre de doubler le rendement de la forêt privée du Québec à elle seule. Je crois que c'est important, et c'est sans doute un aspect qu'il ne faut pas négliger.

C'est évident que, au-delà de l'absence de références spécifiques à la recherche et au développement dans le projet de loi n° 136, l'autre élément qui nous inquiète beaucoup est l'absence de précision sur l'enveloppe budgétaire qui va être allouée au fonds forestier. Le fonds forestier, comme vous le savez, est financé principalement, pas principalement, uniquement actuellement par deux sources, le gouvernement d'un côté et l'industrie de l'autre. Vous savez aussi bien que nous que la capacité de payer, autant de l'État que de l'industrie, est limitée. L'absence de précision sur l'enveloppe budgétaire du nouveau fonds forestier, et en particulier l'enveloppe budgétaire qui pourrait être allouée à la recherche et au développement, nous préoccupe énormément.

n(10 h 50)n

Je réalise que ce n'est pas habituel que, dans un projet de loi ou dans une loi, lorsqu'elle sera adoptée, on atteigne ce niveau de précision, mais nous serions fort rassurés, comme nous l'avons déjà dit, de voir une référence spécifique à la recherche et au développement et de sentir que le gouvernement est sensible à l'apport que peut apporter ce secteur d'activité à la résolution des problèmes, autant les problèmes auxquels lui est confronté qu'auxquels la société est confrontée dans son désir d'avoir une gestion de l'aménagement des forêts publiques qui correspond à son besoin, ou en tout cas qui correspond à la perception bonne ou mauvaise qu'elle en a actuellement.

Si on compare le Québec avec d'autres provinces ou d'autres pays, en ce qui concerne la recherche et le développement, on est en retard nettement sur la Colombie-Britannique. Ça, je crois que plusieurs personnes le savent déjà. On est en retard aussi sur plusieurs des pays qui sont nos compétiteurs directs. On n'est quand même pas aussi pire, si je peux dire, que ça, puisque l'investissement de source provinciale pour la recherche et le développement dans le secteur forestier du Québec est le second au Canada. On n'est moins bon que la Colombie-Britannique, mais après eux on est les meilleurs. Donc, il y a une base sur laquelle il faudrait probablement construire. Je vais terminer parce qu'on préfère beaucoup répondre à vos questions que de vous faire une espèce de Sermon sur la Montagne. Mais là je vais lire le texte de la conclusion parce que je peux vous assurer que chaque mot est pesé d'une façon très prudente.

Dans l'ensemble, le Québec dispose d'une force d'intervention active, diversifiée, compétente et bien organisée en recherche et développement sur la forêt et les produits forestiers. Le capital humain est là, et les infrastructures existent. Il serait malheureux que le législateur et les utilisateurs des ressources de la forêt n'en profitent pas.

Contrairement à ce qui se passe dans la plupart des autres pays, l'État québécois est très majoritairement propriétaire du territoire forestier. Il s'agit d'un aspect spécifique de notre régime forestier qui entraîne des obligations de la part du propriétaire. Il est clair pour le Conseil de la recherche forestière du Québec que le gouvernement du Québec doit mieux assumer une de ses obligations, qui est de financer la recherche et le développement qui lui permettront de mieux gérer son bien, soit la forêt québécoise.

Si l'État, propriétaire de la forêt, ne peut à lui seul répondre à la nécessité de maintenir ou d'augmenter cet effort de recherche, il lui incombe de trouver les moyens d'inciter les autres intervenants du secteur forestier à investir avec lui.

En conclusion, le Conseil de la recherche forestière du Québec croit avoir démontré dans son mémoire le rôle et l'apport important que la recherche et le développement peuvent remplir et fournir aussi bien dans l'élaboration de politiques forestières que dans l'atteinte des objectifs qui sont fixés par le projet de loi n° 136. Le Conseil souhaite donc que le législateur mentionne spécifiquement la recherche et le développement dans le projet de loi qui nous est proposé. Les conséquences sociales et économiques d'un manque d'innovation dans le secteur forestier québécois et de programmes de recherche et de développement dynamiques risquent d'être sérieuses et de coûter beaucoup plus cher à moyen et long terme que l'accroissement requis des budgets de recherche. Je vous remercie de votre attention.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Merci, M. Frisque. Alors, nous allons procéder à la période d'échanges. M. le ministre.

M. Brassard: D'abord, merci, M. Frisque, merci, Mme Plourde, d'avoir accepté l'invitation de la commission. C'est intéressant et c'est significatif que le premier mémoire que nous entendons à cette commission porte sur la recherche. Ça nous permet, je pense, d'adhérer tout à fait à votre point de vue dans le sens de dire que, en matière de forêts, de gestion de la forêt, il est clair que la recherche doit occuper une place majeure importante et que la recherche qui s'est faite au Québec, je pense, a grandement influé sur les modes de gestion de la forêt.

Je pense que la façon dont on gère la forêt actuellement est très différente de ce qui se faisait il y a 30 ou 40 ans, et c'est très largement à cause de travaux de recherche, qui se sont faits dans nos universités, par exemple, là, que nous avons modifié substantiellement nos façons de faire. Ça ne veut pas dire qu'il faille s'arrêter; ça veut dire au contraire qu'il faut poursuivre et continuer. Et là-dessus je suis pleinement d'accord avec vous; il y a encore bien des secrets à découvrir dans cet immense écosystème que constitue la forêt québécoise. Il faut donc poursuivre.

Je constate que vous trouvez cependant que les investissements en recherche portant sur la forêt au Québec ne sont pas suffisants, qu'il faudrait songer à les augmenter. Je prends bonne note de cette recommandation.

Mais concernant précisément votre mémoire, évidemment vous n'appréciez pas qu'il n'y ait pas de références précise concernant la recherche dans le projet de loi, alors que le texte actuel de la loi, concernant le fonds forestier, stipule très clairement que le fonds forestier servira à financer les inventaires, la production de plans et la recherche. Évidemment, nous l'avons amendée parce que nous souhaitons que le fonds forestier, alimenté par une contribution plus substantielle des industriels, puisse aussi servir à financer d'autres activités liées à l'aménagement et à la gestion. Ça ne doit pas signifier cependant qu'on va cesser, via le fonds forestier, de financer la recherche forestière, bien au contraire. Mais je comprends que vous souhaiteriez que la loi, telle qu'amendée, continue de comporter des références précises à la recherche. Ça vous rassurerait.

M. Frisque (Gilles): Beaucoup.

M. Brassard: Bon. Alors, je pense qu'on va en prendre acte, mais je pense que ce n'est pas une garantie non plus. Ce n'est pas... parce que, dans la Loi sur les forêts, il y a une référence à la recherche, ce n'est pas une garantie que le niveau d'investissements consacrés à la recherche sera suffisant. Il n'y a pas de lien direct, mais personnellement je n'ai pas d'objection à ce qu'on puisse retrouver une mention précise de la recherche dans le projet de loi.

Vous avez parlé aussi de maillage entre les équipes de recherche dans les universités et au ministère. Votre opinion, c'est donc qu'il y a des lacunes dans cet arrimage. Est-ce que vous pourriez être plus précis sur ces lacunes dans le maillage entre universitaires, et comment concrètement pourrait-on l'améliorer, ce maillage ou cet arrimage entre les diverses équipes de recherche?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) M. Frisque.

M. Frisque (Gilles): Oui, certainement. Bien, les chercheurs et les chercheuses sont des êtres humains malheureusement, comme nous tous, et puis, dans une situation où le financement se fait plus rare, ce qui est le cas dans de nombreux secteurs d'activité, la première réaction d'un individu normal, c'est de se rattacher à l'argent qu'il a. Et cette attitude est vraie également pour les organisations.

n(11 heures)n

La tendance actuelle dans le monde de la recherche ? et ce n'est pas spécifique au secteur forestier ? c'est, lorsqu'on accorde un financement, de donner des incitatifs au travail en équipe, au réseautage. C'est très vrai pour les chercheurs universitaires qui, en général, dépendent de sources de financement publiques, qu'elles viennent de Québec ou d'Ottawa. C'est peut-être moins vrai pour les organismes gouvernementaux, qui, à la limite, peuvent fonctionner en vase clos. Ce n'est pas ce qu'ils font actuellement. Ce n'est pas ça qu'on dit. Mais le danger qu'on voit, c'est que, s'il n'y a pas un incitatif qui est créé à mettre toutes les ressources ensemble, c'est-à-dire, lorsqu'on fait face à un problème, d'aller chercher les meilleures personnes dans les meilleures équipes où quelles soient, qu'elles soient gouvernementales, qu'elles soient industrielles, qu'elles soient de la forêt privée ou qu'elles viennent des maisons d'enseignement.

Je crois que c'est la façon la plus efficace et la plus efficiente d'arriver à une solution rapide avec un investissement qui reste raisonnable. Et c'est dans ce sens-là qu'on souhaite qu'un maillage soit... que le réseautage soit amélioré entre la DRF en particulier et les autres partenaires en recherche et développement dans le secteur forestier. Et, dans ce sens-là, il y a une partie, comme vous le savez, du financement qui est accordée à la direction de la recherche forestière qui sert à financer des activités extra muros. Je crois que c'est fort important que ce financement-là continue à exister et qu'il ne diminue pas, encore une fois, ce qui n'est pas le cas.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Oui, alors, M. le ministre.

M. Brassard: Oui, Mme Plourde.

Mme Plourde (Ariane): Si vous me permettez juste un commentaire?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Mme Plourde.

Mme Plourde (Ariane): Oui. Pour renchérir un peu sur la réponse de M. Frisque, ce que je pourrais, je pense, mentionner, c'est qu'on a deux points importants à considérer dans cette problématique-là. C'est d'abord les programmes de financement qui sont en place et les critères de financement qui y sont associés et un certain changement de culture qui est à implanter un peu partout. Ce n'est pas unique au Québec, ce n'est pas unique au provincial, c'est particulier pour l'ensemble du pays, où on essaie de créer des équipes multidisciplinaires et de rapprocher les chercheurs des utilisateurs, ce qui favorise l'identification des problèmes, ce qui favorise le transfert éventuel des technologies aux utilisateurs. Alors, la remarque de M. Frisque sur ce besoin-là de réseautage vient du fait qu'on a un changement de culture à implanter, et c'est ce qu'on constate partout, de toute façon.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Oui, merci. Alors, M. le ministre.

M. Brassard: On pourra y arriver par des modifications de critères dans la sélection des projets, en accordant davantage de points, par exemple, aux projets qui s'appuient sur des équipes multidisciplinaires, comme vous dites. Ça serait une façon de faire via la sélection et les critères de sélection.

Vous avez abordé évidemment la question du rendement accru. Depuis qu'on a lancé cette proposition-là, ça a provoqué beaucoup de débats. Mais je dois vous dire d'entrée de jeu qu'il n'est pas question d'exclure la forêt privée d'une politique de rendement accru. C'est clair que, dans notre esprit, la forêt privée doit être partie prenante d'une politique de rendement accru.

J'aurai l'occasion, je pense, au cours des semaines de consultation, le plus tôt possible, j'espère, de déposer non pas un projet de politique de rendement accru ? on en n'est pas encore là ? mais de proposer les bases, je dirais, scientifiques sur lesquelles on pourrait s'appuyer pour orienter le ministère dans l'élaboration d'une politique de rendement accru. Je pense que, ça, c'est un document que je pourrais déposer le plus rapidement possible. Ça apporterait un éclairage, je pense, intéressant et utile sur: Sur quelles bases scientifiques peut-on ou doit-on s'appuyer pour concevoir, élaborer et mettre en oeuvre une politique de rendement accru? Et il est clair dans mon esprit, il ne faut pas qu'il y ait une équivoque à cet égard, que la forêt privée doit être partie intégrante d'une politique de rendement accru parce que, effectivement, en forêt privée, au Québec, on peut très bien concevoir une plus grande productivité de la forêt. Mais je constate cependant que, comme chercheurs, il s'agit là d'une orientation qui ne vous répugne pas.

M. Frisque (Gilles): Absolument pas.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) M. Frisque.

M. Frisque (Gilles): Absolument pas. Ça ne nous répugne pas, ça nous enchante, pour vous dire la vérité. On a seulement un petit bémol à cet enchantement-là, c'est que, dans le projet de loi ou dans les documents qui l'accompagnent, il y a trois méthodes, trois moyens qui sont proposés pour atteindre le rendement accru. La crainte du Conseil de la recherche forestière du Québec, c'est qu'en se limitant à ces trois moyens si par malheur un des moyens ne donnait pas les résultats escomptés, on se pénalise peut-être nous-mêmes en se mettant dans une sorte de carcan de trois moyens qui sont préconisés.

Le souhait du Conseil, c'est que des alternatives soient envisagées. Et, encore une fois, dans ce cas-là, je crois, des travaux de recherche et développement seraient nécessaires pour développer et valider les alternatives ou, si les trois moyens donnent les résultats prévus, pour essayer de valider le plus rapidement possible que les effets réels des moyens qui ont été retenus correspondent aux hypothèses qui ont été formulées. Dans notre esprit, c'est excessivement important.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Alors, merci, M. Frisque.

M. Brassard: Je dois vous dire que...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Très rapidement, M. le ministre.

M. Brassard: ...simplement vous dire que je suis pleinement d'accord avec ce que vous venez de dire. C'est trois moyens qu'on a identifiés, mais je pense que ce n'est pas limité ou ce n'est pas exclusif. On peut en prévoir d'autres ou, comme vous dites, faire en sorte qu'en matière de recherche on puisse ajouter des façons de faire, en plus de ces trois-là, qui permettraient d'atteindre l'objectif d'une plus grande productivité ou d'un rendement accru. Je suis tout à fait d'accord avec vos dernières remarques.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Alors, c'était un commentaire.

M. Brassard: Oui.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Donc, par alternance, je vais céder la parole à la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, Mme la Présidente. M. Frisque, Mme Plourde, bonjour. Votre mémoire, effectivement, est très instructif. Et, M. Frisque, à titre de porte-parole pour mon équipe au niveau des ressources naturelles, vous me permettrez de vous remercier d'avoir fait la distinction entre exploitation et récolte. Vous avez bien pris soin tout à l'heure de faire la différence entre les deux et je dois vous dire que ça a été très apprécié.

M. Frisque, il y a un certain nombre d'éléments qui sont contenus dans votre mémoire que j'ai entendus lors de ma tournée. J'ai rencontré des chercheurs de l'Université du Québec à Chicoutimi et à Rouyn-Noranda. Effectivement, on a insisté sur le fait notamment d'augmenter les efforts qui sont faits en matière de recherche et développement. Au niveau du rendement accru, c'est un élément également que... Bon, vous avez souligné le manque d'objectifs ou le peu de précisions entourant ce nouveau concept que souhaite atteindre le ministre ou que propose le ministre.

De ce côté-là, effectivement, puis c'est pour cette raison-là qu'on a demandé au ministre de déposer toutes les évaluations qui ont été faites par son ministère, est-ce que vous pouvez nous préciser davantage? Lorsqu'on parle de rendement accru, donc on va favoriser un aménagement qui soit plus intensif. Est-ce que vous pensez qu'on a toutes les données actuelles entre les mains et que toutes les données sont disponibles pour s'assurer qu'on fait les bons choix en termes d'aménagement au niveau de ce nouveau virage d'intensification de l'aménagement? Est-ce qu'on a suffisamment de données sur le type de pratiques sylvicoles qu'on fait?

Par exemple, j'ai rencontré un chercheur à Rouyn-Noranda qui travaille sur l'éclaircie commerciale. De quelle façon, concrètement, là... Qu'est-ce qui nous manque concrètement, en termes de données pour s'assurer d'avoir tous les éléments en main, pour effectuer effectivement ce fameux virage au niveau du rendement accru? Concrètement, sur quoi pourraient, par exemple, porter vos recherches demain matin si on vous donnait des budgets additionnels?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Alors, M. Frisque.

n(11 h 10)n

M. Frisque (Gilles): On n'a pas toutes les données, c'est bien certain. Par contre, je crois que, si on attend d'avoir toutes les données, on ne bougera jamais. Ce n'est pas souhaitable. Je crois que les données, en termes de sylviculture, qui est vraiment la base de l'atteinte du rendement accru, sont existantes en très grande partie. Le ministère a des spécialistes, il y a des travaux de recherche qui ont été faits dans le passé qui ont donné des résultats fort utiles. Comme l'a dit M. le ministre tantôt, ces résultats ont été utilisés pour établir les hypothèses de travail, il faut le reconnaître.

Ce qui préoccupe le plus le Conseil actuellement, c'est que, dans les moyens suggérés pour l'atteinte du rendement accru, on ne semble pas avoir attaché beaucoup d'importance, encore une fois, à l'aspect socioéconomique, à l'acceptabilité sociale, entre autres, des plantations à croissance rapide. Ce n'est pas évident, à notre avis. La question du zonage est sans aucun doute fondamentale aussi, si on considère, si on accepte le principe de ce qu'on appelle en jargon forestier la triade, c'est-à-dire qu'il y aurait trois sortes d'aménagements qui seraient mis en marche simultanément. Ça implique des problèmes de zonage qui sont importants, et je crois que tout n'est pas réglé de ce côté-là. Du côté des connaissances plus scientifiques, je demanderais probablement à Mme Plourde de vous en parler, c'est son domaine et son dada.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Alors, Mme Plourde.

Mme Plourde (Ariane): Merci, madame. C'est exact que nous n'avons pas en main actuellement toutes les connaissances, idéalement, qu'on aimerait avoir pour atteindre ces objectifs-là qui sont ambitieux. Je les considère, par contre, réalistes, dans le sens que nous avons au Québec un 30 ans d'investissement en recherche. Certains diront qu'en foresterie 30 ans, ce n'est pas long, une révolution... L'épinette noire, de l'épinette blanche, on parle de 100 ans en conditions naturelles. Mais nous avons quand même des acquis sur lesquels on peut bâtir une certaine confiance de nos moyens, de ce qu'on pourrait faire.

Le point important pour réaliser les objectifs que le projet de loi propose, c'est qu'il faut continuer de bâtir sur nos acquis puis continuer à développer cette expertise que nous avons déjà en main pour amener ces connaissances-là à l'échelle opérationnelle. Et là je fais référence spécifiquement à la question des plantations à croissance rapide, où on n'a pas un historique, c'est certain, parce que, pour bâtir un programme de plantations à croissance rapide, il faut d'abord avoir le matériel génétique qui performe dans ces conditions-là, il faut connaître la régie de culture et il faut mettre en place, développer l'expertise sylvicole requise pour en faire la mise en oeuvre et en faire un suivi pour assurer les succès.

Vous savez très bien qu'en foresterie il ne suffit pas de planter un arbre pour le récolter en bout de ligne avec un rendement accru, il faut s'en occuper. Et, au Canada, de par la nature de la foresterie, et au Québec, de par la nature de la forêt qu'on a, une forêt naturelle, extensive, à très grande superficie ? au début, on avait confiance qu'elle était renouvelable, maintenant, on sait qu'il faut en prendre soin ? il faut poursuivre nos efforts de recherche et de développement pour se donner les moyens de réussir nos objectifs.

Alors, moi, je demeure convaincue, de par les connaissances que nous avons en amélioration génétique, en sylviculture intensive, de par les acquis que d'autres pays ont réalisés, que nous avons au Québec les capacités de réaliser ces objectifs-là. Mais est-ce que les délais qu'on se donne sont réalistes? Est-ce que les moyens qu'on va mettre en place vont permettre de le faire? Parce que les barrières sont multiples: la question du zonage du territoire, l'acceptation par le grand public d'une plantation intensive de peupliers, par exemple, où on a des conflits d'utilisation du territoire en termes d'utilisation de la fibre et des qualités non fibreuses, des valeurs non fibreuses de la forêt. C'est là qu'on a le plus grand défi, à mon avis. Et on a un certain rattrapage à faire pour développer cette expertise-là, puisqu'on a dû, au cours des 10 dernières années, relativement ralentir nos efforts dans ce but spécifique là.

J'aimerais également mentionner que le défi est grand parce que, dans le passé, au cours des 20 ou 30 dernières années, comme vous le savez tous, on avait une préoccupation unique de la forêt, c'était le bois qu'on en récoltait. Alors, on regardait une dimension de la forêt. Maintenant, on regarde toutes les dimensions qu'on y rattache. M. Frisque faisait référence au besoin de recherche socioéconomique pour nous donner des outils pour faire nos analyses et faire nos choix. C'est vrai que la question est beaucoup plus complexe qu'elle l'était dans le passé, ce qui fait qu'au cours des cinq dernières années tous les organismes de recherche ont dû réévaluer leurs priorités et multiplier les questions qui étaient soulevées, de la forêt avec pratiquement les mêmes moyens ou même, dans beaucoup de cas, des moyens moindres qu'avant. Alors, c'est un défi immense que de se donner les moyens de rencontrer ces objectifs très variés tout en ayant des moyens de recherche et développement qui sont du même ordre que ceux qu'on avait du temps où on avait pratiquement un seul objectif.

Alors, moi, je suis convaincue qu'on serait capable de le faire si on poursuit nos efforts. Le rendement accru, c'est conditionnel à bien connaître le matériel qu'on va utiliser et la régie qui est requise pour ça et à mettre aussi les investissements pour que ce rendement-là soit atteint. On n'a pas d'expérience opérationnelle spécifiquement sur le peuplier hybride, par exemple, qui est l'espèce avec laquelle on pourrait prédire un rendement et une récolte à 20 ans, ce qui est carrément exceptionnel par rapport à l'ensemble des espèces qu'on récolte sur notre territoire. Mais on demeure convaincus que, oui, on a les capacités de développer cette expertise-là et de la mettre en oeuvre. Est-ce qu'on va de donner les moyens de réaliser nos objectifs? Ça, c'est l'autre point.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Alors Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: C'est ce que vous souhaitez, effectivement, qu'on puisse vous donner tous les moyens de concrétiser ou de travailler sur l'élaboration de cette fameuse expertise qui nous manque en ce moment.

Mme Plourde (Ariane): Bien, il faut se donner les moyens de le faire, il faut se donner le temps de le développer. En foresterie, tu ne fais pas des grands pas en cinq ans. Une recherche comme vous parliez peut-être avec nos collègues de l'Abitibi, où on se préoccupe beaucoup de la résilience des écosystèmes et comment nos interventions en pratique forestière permettent cette résilience-là ou cette permanence des écosystèmes, ça ne s'étudie pas en cinq ans. Une rotation d'un écosystème x, ça se fait sur de très nombreuses années. Alors, même si on a encore beaucoup de questionnement, si on sait qu'est-ce qu'on veut regarder puis qu'est-ce qu'on recherche, je pense qu'on peut se donner les moyens de le faire, sans demander la lune, mais je pense qu'on peut prioriser aussi.

Mais, comme M. Frisque le disait, au niveau des capacités humaines en recherche au Québec, on est quand même assez bien garni. On a eu un petit peu de problèmes au cours des cinq dernières années et on va avoir le défi de renouveler cette... On parle de la relève au niveau de la recherche beaucoup, où on a un contingent qui va nous quitter et on devra garder cette mémoire collective là. Et c'est pour ça que le Conseil de la recherche forestière se préoccupe parce que, sans être une garantie absolue, on a au moins l'intention écrite de maintenir cet effort-là. Et, moi, je demeure convaincue qu'on peut le réaliser si on se donne les moyens puis qu'on s'attelle à l'ouvrage puis qu'on le fait correctement.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Alors, merci, Mme Plourde. Mme la députée de Bonaventure, une dernière question avant que je procède à l'alternance.

Mme Normandeau: Simplement peut-être revenir... M. Frisque, vous avez souligné tout à l'heure, vous disiez que, dans le fond, on a polarisé le débat à l'heure actuelle et que vous souhaiteriez qu'on dégage davantage des consensus. Est-ce que vous pouvez élaborer un peu plus dans ce côté-là? Comment vous les voyez, effectivement, vous, de votre côté, ces fameux consensus qui pourraient être dégagés pour éviter justement qu'on poursuive dans la polarisation du débat? Comment vous voyez ça?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) M. Frisque.

M. Frisque (Gilles): Bien, je le vois avant tout par une information et ? ça peut paraître prétentieux ? par un système d'éducation de la population. Je crois que les gens au Québec, puis dans d'autres pays c'est encore pire, réagissent de façon très viscérale actuellement quand on leur parle de la forêt. C'est évident que la majorité de la population, c'est des citoyens des grands centres urbains, à Montréal et à Québec. Le Montréalais qui lit le journal, il n'a pas forcément l'heure exacte sur l'état de la forêt québécoise. En fait, je crois qu'afin d'éviter des polarisations qui sont nocives et néfastes pour tout le monde il faudrait mettre sur pied un système d'éducation de la population et, pourquoi pas, commencer à l'école primaire, tant qu'à y être. Et puis vous me direz: L'éducation, ça n'a pas grand-chose à faire avec la recherche et le développement, mais ça nous amène à toute la problématique du transfert des technologies. C'est bien beau d'acquérir des connaissances, si elles ne sont pas transférées aux utilisateurs, si elles ne sont pas mises à la disposition des gens, des différents groupes de pression qui vont influencer le processus décisionnel politique, je crois qu'on a un peu perdu son temps, son énergie et son argent. Donc, on croit que c'est fort important que cet aspect-là soit mis en valeur. Et ce n'est pas notre travail de...

n(11 h 20)n

Vous le savez, on va tous prêcher pour notre chapelle. Nous, on a prêché pour la recherche et le développement. Des gens vont le faire pour le transfert des technologies et de connaissances. Je crois que c'est absolument fondamental. Et puis la recherche et le développement, s'il n'y a pas un transfert qui s'effectue après, à toutes fins pratiques elle est perdue. Et c'est une autre chose qui nous inquiète. Dans l'ancienne loi, le Fonds forestier identifiait la recherche et le développement, mais il n'y avait pas de mécanisme formel qui était prévu pour assurer un transfert vers les gens, les utilisateurs sur le terrain, ou un transfert de façon à mieux informer la population. C'est encore moins vrai dans le nouveau projet de loi.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Merci, M. Frisque. Maintenant, je vais vous céder la parole, M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Merci, Mme la Présidente. Dans votre mémoire, tout à l'heure vous y avez fait référence, vous parliez de la recherche en ce qui a trait aux budgets qu'il y avait au Québec, en Colombie-Britannique, qu'il y a des produits de substitution qui viennent en compétition avec les produits de la forêt. On sait que les budgets alloués en Colombie-Britannique sont plus élevés. Puis par ailleurs vous disiez que, dans le fond, au Canada, au Québec, ce n'est pas avancé ? dans votre mémoire. Puis on constate que les budgets sont quand même très élevés en Colombie-Britannique. Ailleurs dans les autres provinces, je ne le sais pas, il n'y a pas de références exactes. Et on retrouve aussi dans votre mémoire une insistance marquée sur le financement. Du début jusqu'à la fin, vous voulez être certains que le message a bien passé, et on le retrouve. Maintenant, un, pour augmenter le financement, quel moyen vous privilégiez? Et, deuxièmement, par rapport à la compétition entre les produits de substitution et les produits de la forêt, quel rôle vous voyez à l'industrie dans ce domaine-là?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) M. Frisque.

M. Frisque (Gilles): Ce que vous soulignez est excessivement important. On a beaucoup parlé de forêt, de la ressource forestière, jusqu'à présent; on a peu parlé des produits forestiers. Ça inquiète le Conseil. Il y a un tableau dans le mémoire qui fait la comparaison entre la répartition des dépenses aujourd'hui, en 1999-2000, avec ce qui se passait il y a 10 ans. Et on voit que la différence, c'est qu'actuellement on dépense moins sur les produits forestiers et plus sur la forêt. J'imagine que ça correspond à une pression de l'opinion publique. Par contre, tout le monde est très conscient que la vitalité de l'industrie forestière, que ce soit celle du sciage ou celle des pâtes et papiers, dépend de façon importante de l'innovation. Et on constate aussi que, traditionnellement, les industriels investissent plutôt dans le secteur qui est relié aux produits, aux produits forestiers, de nouveau sciage ou pâtes et papiers, que dans la ressource. Je crois qu'il faudrait trouver des incitatifs pour s'assurer que l'industrie a la capacité fiscale d'investir les sommes nécessaires pour assurer sa compétitivité et garder la part des marchés qu'elle a actuellement. Si ce n'est pas le cas, on va avoir des réveils assez douloureux dans les mois ou les années qui viennent.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Merci, M. Frisque. Alors, M. le député d'Orford.

M. Benoit: Oui. Vous nous dites dans votre mémoire, à la page 19, à 2.4: «Imposition d'une limite nordique à la récolte des forêts.» D'abord, si je comprends bien, vous êtes pour la récolte des forêts dans la limite nordique. Est-ce que c'est ce que je dois comprendre?

M. Frisque (Gilles): Non.

M. Benoit: Non?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) M. Frisque.

M. Frisque (Gilles): Ha, ha, ha! Excusez-moi. On s'est probablement mal exprimé. Ce qu'on a voulu dire, c'est qu'on n'a pas d'opposition à ce qu'une limite nordique soit établie pour la récolte des forêts. L'interrogation qu'on a, c'est que c'est bien beau de dire: Bon, bien là c'est une limite. Puis c'est un trait sur une carte. C'est pas mal noir et blanc, ça manque un peu de nuance. L'interrogation qu'on a, c'est: Qu'est-ce qu'on fait juste à la limite, juste au sud de la limite nordique? Mettons, au nord de la limite, on ne fait rien, pantoute. C'est une possibilité. Il faudra avoir un peu plus de nuance que ça. Donc, le souci qu'on a, c'est: Quelles sont les activités qui vont être permises juste au sud de la limite, aussi dans la zone de récurrence des feux de forêt, qui couvre, malgré tout, assez large? Peut-être que dans certains cas, puis je crois que le ministère envisage cette option-là, c'est que certaines interventions ponctuelles pourraient être faites au-delà de la limite nordique. Parce que, s'il y a nécessité importante, bon, bien, il faut le faire.

Ce qu'on dit aussi, c'est que le nord du Québec est probablement la partie du territoire forestier québécois qu'on connaît le moins bien et que, là encore, des travaux de recherche et de développement seraient fort utiles pour donner une assise scientifique et rationnelle lorsqu'on va prendre la décision finale sur l'établissement de la limite nordique.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) M. le député d'Orford.

M. Benoit: C'était mon autre question. Est-ce que tous les intervenants s'entendent à savoir où est la limite nordique?

M. Frisque (Gilles): Honnêtement, je n'ai pas fait de sondage à ce sujet-là. Je crois que le ministre a indiqué qu'il prendra une décision finale en 2002. Bon, bien, je crois qu'il est assez... Je suis persuadé qu'il va consulter les intervenants avant de prendre sa décision.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) M. le député d'Orford.

M. Benoit: Mais ce n'est pas aussi clair que la barrière entre le Canada puis les États-Unis, si je comprends bien, la limite nordique. Il y a des zones grises. C'est exact?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) M. Frisque.

M. Frisque (Gilles): Bien, dans mon esprit, oui. Parce que ça a l'air un peu draconien, la façon dont c'est présenté actuellement. Tu sais, on pourra tout faire au sud puis on ne pourra rien faire au nord de la limite. Il me semble qu'il y a sans doute un peu de nuance à apporter.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) D'accord. M. le député d'Orford.

M. Benoit: C'est terminé? Non? J'ai encore du temps?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Oui, je vous laisse une dernière question.

M. Benoit: Vous dites dans votre mémoire: «Nous devons cependant encore adapter nos méthodes d'intervention dans la zone grise.» La zone grise, c'est celle qui est en amont ou en aval de la limite nordique, si je comprends bien. Quand vous parlez de méthodes d'intervention, à quoi vous pensez, dans les régions plus nordiques?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) M. Frisque.

M. Frisque (Gilles): Bien, je pense avant tout à une méthode qui serait basée sur une information scientifique validée. Je ne voudrais pas que les décisions qui seront prises et qui vont être imposées aux utilisateurs de la forêt, qu'ils soient industriels ou autres, soient la réponse à une pression de l'opinion publique, qui, comme je l'ai dit tantôt, est souvent mal informée.

Le souhait du Conseil, c'est qu'on ait l'information nécessaire pour pouvoir défendre l'approche de façon crédible. Et puis je crois qu'il y a une zone tampon qui devra être établie. On ne peut pas dire: Bon, bien là, à un demi-mille de différence, on peut faire tout ce qu'on veut, puis, si, par malheur, la personne est un demi-mille au-dessus de la zone nordique, elle a les mains liées, il me semble que ce n'est pas raisonnable.

M. Benoit: Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Merci, M. Frisque. M. le député de Dubuc.

M. Côté (Dubuc): Merci, Mme la Présidente. Alors, Mme Plourde, M. Frisque, à mon tour de vous saluer et de vous remercier pour votre mémoire. Je vais revenir un petit peu sur le rendement accru, quoique j'aie eu quand même des réponses aux questions que je me posais. Mais j'aimerais peut-être, lorsque vous soulevez dans votre mémoire qu'il existe de nombreux inconnus reliés aux méthodes proposées et vous dites également que vous ne disposez pas de toutes les connaissances et les outils nécessaires pour atteindre l'objectif que le ministère se propose d'atteindre... Vous avez, au sein de votre organisme, un comité de coordination de la recherche forestière. J'aimerais que vous nous parliez du rôle de ce Comité. Est-ce que c'est simplement de coordonner la recherche qui existe présentement ou ce comité-là a-t-il aussi un pouvoir décisionnel d'orienter la recherche, par exemple? Et, si tel est le cas, est-ce que ce comité-là ne pourrait pas décider justement de faire les recherches sur lesquelles vous dites que vous n'avez pas les connaissances et les outils nécessaires pour les faire?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) M. Frisque.

M. Frisque (Gilles): Je vais passer la parole à Mme Plourde, qui est la présidente du Comité dont vous parlez.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Alors, Mme Plourde.

Mme Plourde (Ariane): Merci, madame. Le Comité de coordination de la recherche forestière relève du Conseil de la recherche forestière du Québec et réunit les directeurs de recherche des différentes institutions qui mènent la recherche au Québec. Alors, on parle des représentants au niveau du provincial, du fédéral, des universités, des instituts de recherche. Notre mandat est d'analyser les priorités de recherche, d'assister le Conseil de la recherche forestière dans ses analyses sur les priorités de recherche, lequel fait ses recommandations pour que les instituts de recherche orientent leurs priorités. Ça peut permettre évidemment au ministère des Ressources naturelles de prendre ses orientations également.

n(11 h 30)n

Alors, le Comité de coordination de la recherche n'a pas pour rôle, entre guillemets, de gérer la recherche qui est menée dans les différentes organisations, mais, chacun de nous, nous tenons compte de nos délibérations, de nos échanges d'informations pour prendre nos décisions chez nous sur l'orientation des recherches. Alors, ça nous permet d'échanger où nous en sommes, d'échanger sur nos connaissances de la situation et de se donner un certain cadre où chacun peut ensuite faire sa propre gestion dans ces centres.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Oui, M. le député de Dubuc.

M. Côté (Dubuc): Autrement dit, le comité établit des priorités, mais les équipes de recherche sont libres de choisir la recherche qu'elles veulent faire.

Mme Plourde (Ariane): Pas les équipes de recherche, non.

M. Côté (Dubuc): Pas nécessairement?

Mme Plourde (Ariane): Les centres de recherche, dans leur gestion, comme ce que je fais, moi, à tous les jours, c'est au niveau de la direction de la recherche. Connaissant les priorités de recherche qui ont été recommandées par le Conseil de la recherche forestière, nous pouvons ensuite influencer et diriger nos équipes de recherche pour aborder les priorités qui sont établies.

M. Côté (Dubuc): Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Alors, merci, Mme Plourde. Maintenant, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Non.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Non? C'est lequel? Excusez-moi. C'est M. le député d'Argenteuil. Pardonnez-moi. Il reste trois minutes.

M. Whissell: Oui. Merci, Mme la Présidente. Madame, monsieur, dans votre document au tableau, Budget par organisme, vous dites que 41 % vient des instituts de recherche industrielle et 2 % du privé. Est-ce qu'on doit comprendre que le 41 %, il y a quand même du privé là-dedans?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) M. Frisque ou Mme...

M. Frisque (Gilles): Oui. Les instituts de recherche industrielle, je peux vous les nommer: c'est PAPRICAN, qui est à Montréal, qui travaille sur les pâtes et papiers; l'Institut de recherche en génie forestier du Canada, qui est à Montréal aussi, qui travaille sur la récolte des forêts; Forintek, qui est à Québec et qui travaille sur les produits forestiers; et le Centre de recherche industrielle du Québec, c'est la filière bois du Centre de recherche industrielle. Donc, ces quatre instituts de recherche qu'on appelle industrielle sont financés de différentes façons, par l'industrie prioritairement et aussi par les gouvernements, le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral.

M. Whissell: Dans le 41 %, il y a déjà une portion de fonds publics qui sont inclus.

M. Frisque (Gilles): Oui. Le tableau que vous avez là, c'est par catégories d'organismes qui établissent, qui font la recherche. C'est épouvantable d'essayer de retracer l'origine de l'argent parce qu'il y a beaucoup de financement qui passe par différentes voies. Ça fait que le Conseil a pris comme politique de dire, pour simplifier et éviter la double comptabilité, qu'on budgétise ou on comptabilise l'argent au niveau de l'organisme qui effectue la recherche sur le terrain ou en usine.

M. Whissell: Dans le document, je pense que c'est clairement démontré...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) M. le député d'Argenteuil, très rapidement, s'il vous plaît.

M. Whissell: Pardon?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Oui, très rapidement, M. le député d'Argenteuil. Il reste quelques minutes.

M. Whissell: Oui. C'est clairement démontré que le Québec a un retard par rapport à la Colombie-Britannique et les autres États qui nous entourent et même ceux de l'Europe. Il y a un retard marqué au niveau de la recherche et développement.

Au niveau du privé, est-ce que le gouvernement du Québec a présentement des incitatifs pour encourager les entreprises privées à développer encore plus la recherche et le développement? Est-ce qu'il y a des crédits d'impôt? Est-ce qu'il y a des avantages fiscaux qui peuvent favoriser que les entreprises du Québec développent encore plus la recherche et développement? Parce que c'est le nerf de la guerre. Il faut faire du bois plus rapidement, il faut le cueillir d'une façon plus économique, il faut valoriser nos pâtes. Il y a beaucoup, beaucoup à faire. Est-ce qu'il y a des incitatifs? Est-ce que le ministre, dans son projet de loi, va jusque-là, c'est-à-dire à chercher des solutions pour augmenter la recherche et le développement?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Alors, très rapidement, M. Frisque. Il reste quelques secondes. La commission va vous permettre de terminer votre réponse.

M. Frisque (Gilles): Mais très rapidement. Le gouvernement québécois est sans doute le gouvernement le plus généreux au monde pour les incitatifs à la R-D, comme vous le savez et comme M. Landry le mentionne souvent. En ce qui concerne le secteur forestier, plus spécifiquement, non, dans ce cas-là, les incitatifs ne sont pas évidents à notre avis.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Alors, merci, M. Frisque. Il reste une minute. Alors, M. le ministre.

M. Brassard: Mme la Présidente, je vais prendre cette minute-là pour informer les membres de la commission que, suite aux questions posées sur la limite nordique... Avant de partir en vacances cet été, j'ai rendu public le rapport d'un comité scientifique qui avait été formé au sein du ministère, un rapport sur la limite nordique. Et c'est à partir de ce rapport que nous avons imposé une limite dite temporaire, et c'est évident que les groupes scientifiques, les entreprises, les intervenants peuvent prendre connaissance de ce rapport, ce sur quoi on s'est appuyé pour délimiter la frontière et évidemment nous faire part de leurs commentaires, de leurs suggestions en vue évidemment d'établir une limite permanente. Alors, c'est sur Internet, c'est un communiqué... je n'ai pas vu une ligne dans les journaux, par exemple. Ça arrive, des fois, qu'on émet des communiqués...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Alors, le message est fait.

M. Brassard: Mais le rapport est sur le site Internet.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) C'est tout le temps qu'on avait. Alors, merci, M. le ministre. M. Frisque, Mme Plourde, merci pour votre participation à cette commission.

Je vais suspendre quelques instants pour permettre à l'autre groupe de pouvoir venir nous retrouver.

(Suspension de la séance à 11 h 36)

 

(Reprise à 11 h 39)

Le Président (M. Kieffer): J'inviterais maintenant le prochain groupe, la municipalité régionale de comté de La Matapédia, à bien vouloir venir présenter son mémoire. Est-ce que la municipalité régionale de comté... Oui. Bon.

Alors, j'inviterai les parlementaires à prendre place puis, si on respectait les horaires... Messieurs, bonjour. Vous connaissez les règles: 20 minutes pour la présentation; 20 minutes de chaque côté par la suite. Avant d'amorcer votre présentation, je vous prierais de vous présenter. À vous, la parole. Merci.

Municipalité régionale de comté
de La Matapédia

M. Marquis (Philippe): M. le Président, M. le ministre, Mme la députée de Matapédia, mesdames, messieurs, je suis Philippe Marquis, de la municipalité de Sainte-Marguerite-Marie, dans la vallée de la Matapédia. C'est une municipalité à vocation forestière. Je suis également préfet suppléant de la MRC de La Matapédia. Donc, bonjour tout le monde.

Située au centre de la péninsule gaspésienne, la municipalité régionale de comté couvre un territoire qui s'étend entre la MRC de Matane, au nord, la Haute-Gaspésie et Bonaventure, à l'est, Davignon, au sud, et de La Métis, à l'ouest. Sur le plan administratif, la MRC de La Matapédia fait partie du Bas-Saint-Laurent. Au-delà du territoire, la MRC de La Matapédia est aussi un lieu de concertation et une structure de services pour 18 municipalités qui comptent quelques 20 900 habitants. Vous connaissez tous probablement, ceux qui ont un certain âge, les opérations dignité qui sont nées dans notre région. Vous connaissez également les revendications de la population en ce qui a trait à la transformation des produits forestiers, ce qui a donné éventuellement Panval à Sayabec. La MRC a succédé en 1982 au conseil de comté. J'ai participé comme préfet de la MRC, la première MRC si on veut, pendant sept ans. L'instance régionale s'occupe de l'aménagement du territoire, de l'évaluation foncière, du génie municipal, de la gestion des déchets solides, de développement économique et de gestion puis de développement des ressources forestières.

n(11 h 40)n

Donc, j'ai avec moi Bruno Chabot, qui est ingénieur forestier, qui est responsable des ressources forestières dans la MRC de La Matapédia. On a une table de concertation où les ressources forestières ont été mises sur pied depuis que la MRC a fait l'objet d'une expérience-pilote en 1996... Il faut se rappeler que la MRC de La Matapédia avait été capitale forestière canadienne en 1993. Donc, l'expérience-pilote en 1996 en matière de gestion décentralisée des ressources en milieu forestier. Cette table de concertation regroupe les principaux acteurs et utilisateurs du territoire public.

M. Chabot (Bruno): La MRC, au point où on en est aujourd'hui en 2000, oui, on a eu une expérience-pilote en 1996, qui s'est terminée. On a travaillé fort, je pense, on a réussi des choses. Il y en a d'autres, bien, comme toute chose, qu'on a peut-être moins réussies, peu importe. Actuellement, la MRC joue plusieurs rôles puis je crois que ce qui est intéressant dans le message qu'on va livrer aujourd'hui, la MRC, c'est un lieu de concertation. Donc, toutes les fois qu'il y a des problématiques forestières, la MRC est interpellée souvent comme médiateur ou du moins comme celle qui recherche des solutions. La MRC est aussi un gestionnaire de programmes. À la suite de l'expérience-pilote, la MRC gère, par exemple, le Programme de mise en valeur des ressources du milieu forestier. Elle dispose d'une enveloppe de l'ordre de 300 000 $ à 325 000 $. D'ailleurs, une parenthèse, ledit programme très apprécié et la caractéristique principale est une certain forme de régionalisation des décisions. Donc, on est gestionnaire de programmes.

On est aussi gestionnaire des terres publiques intramunicipales. On a eu un essai de gestion des érablières publiques qui s'est terminé cette année et enfin, on est aussi, puis c'est un peu drôle, contracteur forestier. Par le biais des négociations qu'on a menées durant quelques années avec l'industrie forestière, on a eu une entente sur un essai sur un territoire, en CAAF à deux A, sur terre publique, où on intervient puis on est responsable d'à peu près tout, de la planification, des opérations, de la récolte. Donc, la MRC se trouve à être contracteur forestier; elle vend le bois à l'industrie. Vous voyez, dans notre position, ce qui est intéressant, c'est que, à tour de rôle, on joue le ministère, on joue évidemment la MRC, on joue l'industrie forestière puis le sylviculteur. Ça fait que je pense qu'on est en mesure, puis ça ne se reflétera pas complètement dans le mémoire, parce que c'est quand même bref, les messages qu'on a à passer, mais on est en mesure de voir ce qui se passe, peut-être pas tout, mais on a une bonne idée depuis cinq ans, à agir avec les intervenants du milieu forestier, là: Comment ça se passe en forêt publique? Qu'est-ce qui serait à améliorer?

M. Marquis (Philippe): Vous comprendrez que, disons, après avoir fait tout ce travail-là pour apprendre il y a quelque temps que, dans une aire commune, dans notre territoire, il va manquer 185 000 m³ de bois... Donc, ça va donner un coup très fort finalement à l'emploi dans notre région.

Maintenant, nous tenons d'abord à vous remercier de nous donner l'occasion d'exprimer notre point de vue concernant l'adoption prochaine d'un nouveau régime forestier. La Matapédia, comme plusieurs autres MRC du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie, est aujourd'hui économiquement déstructurée et démographiquement affaiblie. Elle subit en partie les zones de choc d'une crise économique régionale jamais solutionnée. La forêt est d'une importance capitale. Elle est le moteur économique de la région. Nous croyons qu'elle pourrait contribuer davantage au bien-être socioéconomique des communautés locales. C'est dans ce contexte que la MRC de La Matapédia présente ce mémoire qui contient une vision, celle des élus municipaux d'un territoire, sur ce que devrait être une politique forestière structurante pour une région ressources comme La Matapédia.

Le ministère des Ressources naturelles procède à une révision du régime forestier non sans raison, car le système actuel est déficient à plusieurs égards. Nous pouvons nous demander cependant si les modifications envisagées sont suffisantes pour corriger les lacunes du régime. Bien que les principales modifications proposées dans le document d'information sur la mise à jour du régime forestier ont le mérite de vouloir aborder et solutionner les faiblesses actuelles, il nous semble peu probable qu'on puisse y arriver. Le problème principal réside dans la nature du véhicule utilisé, soit le régime actuel centralisé à Québec, auquel se greffent les améliorations souhaitées. Il aurait été préférable, selon nous, de remettre en question certains acquis du régime tout en maintenant la garantie d'approvisionnement des industries forestières. Puis je ne veux pas mettre en doute ici la possibilité... je veux dire, on est conscient de la possibilité de la forêt, si on savait c'est quoi, la possibilité de la forêt.

En effet, si on considère que les aspirations de la population sont nombreuses et variées, les régions rurales, quant à elles, attendent toujours une politique de forêts habitées. La gestion des forêts publiques est toujours centralisée. Le régime forestier a été et est encore, dans une certaine mesure, un régime basé sur le sapin et l'épinette. Cela entraîne encore aujourd'hui un biais dans l'approche sylvicole. Le rendement accru passe nécessairement par une régionalisation des normes sylvicoles. Puis vous avez un document qui parle justement de normes, un projet qu'on a présenté.

Les documents et les règlements encadrant la pratique forestière, qui découlent de la Loi sur les forêts, sont d'une portée provinciale et difficilement applicables pour des travaux à petite échelle, notamment dans les forêts mélangées. Le ministère n'a pu jusqu'à maintenant être en mesure d'assurer un contrôle des bois récoltés et de nous convaincre que l'évaluation de la possibilité forestière est adéquate. Le ministère est responsable de la diminution importante de la possibilité de récolte sur les terres publiques de notre région parce que le ministère est le gestionnaire de notre forêt publique. L'on comprend alors qu'il nous est difficile de croire à une amélioration significative des résultats escomptés d'un nouveau régime forestier.

Avant de passer rapidement en revue les quelques modifications proposées dans le document, nous formulons une première recommandation, qui a un caractère d'urgence: Que le ministère des Ressources naturelles instaure une enquête publique sur la gestion et la mise en valeur des forêts publiques au Québec.

Dans la gestion participative, un des objectifs principaux visés par le ministère pour la mise à jour du régime forestier consiste à ce qu'il puisse tenir compte des particularités et des priorités locales et régionales et permettre à la population en général ainsi qu'aux communautés concernées et aux institutions locales et régionales de participer à la gestion du milieu forestier. La MRC de La Matapédia partage entièrement cet objectif. Les élus municipaux souhaitent être partie prenante à la gestion forestière et être en mesure de participer aux décisions de toute nature entourant la mise en valeur des ressources forestières. Les propositions de modifications à la Loi sur les forêts sont cependant tièdes à cet égard. En effet, on propose essentiellement de mettre en place une politique de consultation à définir ultérieurement et de prévoir une participation de certains intervenants, dans un cadre, encore là, à définir, à l'élaboration des plans généraux d'aménagement. On ne peut qualifier ces mesures de véritable participation active des milieux à la gestion des forêts publiques. Ce faisant, la MRC de La Matapédia propose ce qui suit en matière de gestion participative: Que le ministère des Ressources naturelles crée un comité de gestion permanent à l'échelle d'une unité de gestion de forêts publiques ou d'un territoire plus restreint, lequel comité serait composé des principaux intervenants, dont les MRC.

n(11 h 50)n

Les rôles et mandats du comité seraient de consulter régulièrement les institutions et les individus sur l'application du nouveau régime forestier, de recommander au ministre des Ressources naturelles tout changement dans l'application du régime forestier, notamment en ce qui a trait aux adaptations normatives et administratives nécessaires, selon la réalité du terrain ou du projet en cours.

Je vais passer maintenant la parole à Bruno. On va parler de contrats d'aménagement forestier.

M. Chabot (Bruno): L'idée du contrat d'aménagement forestier doit être maintenue. Cependant, l'objet du contrat est à revoir. On veut faire du contrat d'aménagement forestier un nouveau mode d'attribution des bois, alors que le volume disponible à court terme est peu élevé, voire nul, et se compose essentiellement d'essences feuillues. La pâte feuillue n'est pas la plus rentable à récolter. Les prix, je vous dirais, ont plutôt tendance à baisser qu'à monter. De plus, si le territoire couvert par le contrat est composé de forêts mélangées, le volume de sapins et d'épinettes étant déjà attribué, il pourrait s'ensuivre des négociations ardues entourant la récolte, surtout lorsque deux méthodes d'opération de récolte seraient confrontées.

Enfin, en considérant que des détenteurs de contrats devraient suivre les mêmes règles et auraient les mêmes obligations qu'un détenteur de CAF, des frais élevés pourraient alors annuler, pour certains, les avantages d'obtenir un contrat d'aménagement forestier. Voyez, comme ici, la MRC, on a un projet, nous autres, sur la Seigneurie du lac Matapédia et on a une problématique au niveau du feuillu parce que bien sûr la forêt est très mélangée. Il y a sept ou huit essences dans le même peuplement quand on fait des interventions, on doit effectuer la récolte. Et on s'est même positionné, on a demandé au ministère un certain volume ad hoc qui pourrait ressembler peut-être à un contrat d'aménagement forestier pour des essences feuillues.

Mais, voyez, mettons que le ministère nous dit oui et nous octroyait 2 000 m³, 3 000 m³, pour un si petit volume, on suivrait les règles puis je vous dirais que les règles sont peut-être bonnes pour quelqu'un qui récolte plusieurs mille mètres cubes, mais pour 2 000 m³, si on suivait exactement les mêmes règles... Et, en plus, si on a à négocier, parce que c'est devenu parfois notre spécialité, avec l'industrie forestière, le volume de sapins est présent, alors que, lui, il dit: Bien, moi, je récolte un multifonctionnel, ça me coûte 18 $. Nous autres, ça nous en coûte 25 $, 26 $. Ça ne finit plus. D'ailleurs, ça ne finit plus de finir depuis quelques années dans nos projets. Ça fait que, si le ministère continue à aller dans cette voie-là en disant: Le contrat d'aménagement forestier est une bonne idée... Ce qui n'est pas une bonne idée, c'est d'y associer exactement les mêmes règles que les CAAF à deux A. Ainsi, le contrat d'aménagement forestier tel que présenté par le ministère ne rencontrera pas vraiment, sauf exception, les objectifs pour lesquels il est mis sur pied, à savoir: supporter les initiatives locales de développement. Puis à la MRC, ils sont chanceux, ils ont un ingénieur forestier. Un contrat d'aménagement forestier qui serait donné à une municipalité locale, je vous jure que ça ne serait pas la même chose.

Je continue. Par contre, le contrat d'aménagement forestier pourrait servir à octroyer directement la réalisation de travaux sylvicoles où il n'y a pas de récolte de matière ligneuse, l'expertise dans ce domaine étant concentrée principalement dans des groupements forestiers et des coopératives. Le ministère pourrait signer des contrats avec eux, même pour des travaux liés aux CAF. Nous encourageons le MRN à aller de l'avant avec la formule, mais en tenant compte des recommandations suivantes:

Que le ministre des Ressources naturelles permette la signature de contrats d'aménagement forestier pour la récolte de matière ligneuse ? parce que c'est une bonne idée puis ça pourrait régler parfois des problèmes ? cependant en prévoyant des mesures d'assouplissement dans les procédures administratives, notamment en ce qui concerne la préparation du plan général et le suivi des travaux;

Que le contrat d'aménagement forestier puisse aussi être attribué à des entreprises sylvicoles pour des travaux où il n'y a pas de récolte de matière ligneuse.

Au sujet de la convention de l'aménagement forestier, nous sommes en faveur de la signature de conventions d'aménagement forestier. Cependant, nous sommes en désaccord avec la modification proposée par le MRN, qui ferait en sorte que les obligations des titulaires de CAF seront dorénavant les mêmes que les bénéficiaires de contrats. Il convient donc ici de faire la distinction entre un bénéficiaire de contrats d'approvisionnement et d'aménagement forestier, CAAF à deux A, souvent associés et uniquement associés à l'industrie forestière, et un bénéficiaire de CAF, qui dans ce cas-ci est souvent une municipalité, une entreprise sylvicole, une OSBL, quelque chose comme ça. La convention est généralement de cinq ans et le contrat, le CAAF à deux A, de 25 ans. Déjà, au niveau de l'investissement de se gréer de la machinerie forestière, quand tu as un contrat de cinq ans, ce n'est pas comme un contrat de 25. Les profits étant surtout concentrés au niveau de la vente de produits finis, c'est-à-dire à la transformation et non à la production de matière ligneuse, les bénéficiaires de CAAF à deux A profitent des retombées monétaires de la transformation, ce qui est différent de la plupart des bénéficiaires de CAF, qu'on appelle des petites CAAF souvent dans le langage. Le volume donc des CAF est généralement beaucoup plus faible que celui des industries forestières.

Le coût d'opération au mètre cube est plus élevé chez les petites CAF, entre autres, dû au facteur suivant: ces CAF là vont signer non pas éloignés sur la grande forêt publique, mais des fois ça va être à proximité des communautés locales où les forêts sont plus mélangées. Donc, les forêts généralement mélangées et riches que l'on retrouve sur les territoires des petites CAF présentent une grande variété dans la composition des peuplements forestiers. Cela entraîne deux conséquences: le volume à récolter par essence exige beaucoup plus de travail, encore davantage si la nature du marché empêche la production d'une catégorie de bois donnée, et il y est également plus difficile d'établir une prescription sylvicole valable. Les travaux prescrits sont plus coûteux à réaliser, notamment parce que les moyens de récolte sont semi-mécanisés. C'est le cas chez nous. Ces forêts étant situées les plus près des communautés locales, elles font l'objet de revendications concernant leur mise en valeur. Beaucoup de temps doit être investi par les organisations oeuvrant sur le terrain dans des échanges avec des tiers.

Les directives gouvernementales ou municipales ? parce que, nous autres aussi, des fois, la MRC en émet ? les ententes particulières sur l'aménagement du territoire des CAF, le respect des différents usagers, les préoccupations de la population font généralement en sorte que l'on demande, par exemple, aux organisations oeuvrant sur le terrain de travailler à une échelle très réduite, de l'ordre de deux à cinq hectares, ce qui n'est pas nécessairement le cas de la grande forêt publique et surtout souvent pas le cas d'intervenir aux endroits les plus prioritaires, de mieux cerner les secteurs d'intervention, de répartir les coupes à l'intérieur du paysage, de tenir compte des autres ressources. Le tout, ça se fait un peu sur CAAF à deux A, mais le tout d'une manière beaucoup plus précise. Donc, en résumé, un hectare de travail à l'intérieur d'une convention entraîne des coûts plus élevés qu'un hectare sur CAAF. Ce faisant, il est inapproprié d'appliquer les mêmes règles. Dans ce cas-ci, le régime forestier se détériore, à notre point de vue, et ne s'améliore pas. Je vais aux recommandations immédiatement:

Que le ministre des Ressources naturelles permette la signature de conventions d'aménagement forestier avec des obligations parfois différentes des bénéficiaires de CAAF;

Que les obligations soient déterminées par les MRC en tant que gestionnaires délégués de certaines terres et par le comité de gestion permanent ? qu'on vous a mentionné à la première recommandation ? en ce qui concerne les autres terres publiques;

Que l'obligation de contribuer au fonds forestier soit levée pour les CAF où une MRC est gestionnaire.

Les droits imposés aux titulaires de permis. J'y vais rapidement, parce que le temps file. Là-dedans, ce dont il est question là-dessus, c'est que les règles vont changer, mais le ministère veut maintenant que tous les détenteurs de droits quelconques qui récoltent de la matière ligneuse paient la même chose au niveau des droits de coupe. Juste pour faire une différence entre une industrie forestière qui récolte 500 000 m³ puis qui transforme et un OSBL qui fait un sentier en forêt puis qui utilise le bois à d'autres fins, on ne peut pas charger le même droit de coupe. Nous autres, on le voit impensable.

Aux pages suivantes, la stabilité des unités d'aménagement. On demande ici ? je vais directement à la recommandation: Que le territoire public sous CAAF à proximité des communautés locales, communément appelé la forêt habitée, fasse l'objet d'unités d'aménagement forestier particulières pour lesquelles existeront des modalités de mise en valeur spécifiques.

Au niveau du rendement accru, la MRC de La Matapédia se dit en parfait accord avec le principe du rendement accru sur les terres publiques. Cela est même nécessaire dans notre région pour des raisons de stabilité économique, d'une part, les sommes versées à l'aménagement forestier devant être haussées, nonobstant la recette des industries forestières inscrites à leur plan général. Nous croyons, d'autre part, qu'il sera difficile de pratiquer le rendement accru sans revoir le cadre normatif en usage.

C'est fini, monsieur?

Le Président (M. Kieffer): C'est fini, messieurs. Je vous remercie. Vous aurez l'occasion, de toute façon, dans les échanges de pouvoir poursuivre votre argumentation. Alors, je cède la parole maintenant à M. le ministre.

M. Brassard: Je voudrais d'abord vous remercier, M. le préfet, de même également que M. Chabot, d'avoir accepté de venir témoigner devant nous. Je pense que, vous l'avez indiqué d'entrée de jeu, vous êtes une MRC profondément impliquée dans la gestion de la forêt, en tout cas, fortement intéressé à tout ce qui se passe en forêt depuis fort longtemps d'ailleurs.

n(12 heures)n

J'aimerais quand même avoir des précisions sur certaines de vos recommandations. La première porte sur ce comité de gestion permanent à l'échelle d'une unité d'aménagement que vous recommandez. D'abord, quand on regarde les rôles, les mandats que vous souhaiteriez lui attribuer, c'est plutôt un comité consultatif de gestion. Mais est-ce que vous souhaitez mettre en place une instance pareille parce que ça pourrait être fort utile pour bien aménager la cohabitation des divers usagers et l'harmonisation aussi des divers intervenants en forêt? Est-ce que c'est l'objectif que vous poursuivez?

Le Président (M. Kieffer): M. Marquis? M. Chabot? M. Marquis.

M. Marquis (Philippe): Moi, je pense que ce comité-là serait utile pour consultation. Disons, le ministre n'aurait peut-être pas juste un son de cloche. Moi, je pense qu'actuellement il y a un son de cloche qui est donné par l'industrie, mais est-ce que la population, comme telle, a voix au chapitre ou encore est capable ? à part dans des moments comme ici ? de donner son point de vue sur l'état de la forêt puis, disons, les travaux qui se font en forêt, en tout cas, tout l'ensemble de la forêt? Puis, quand je parle de forêt, je ne parle juste du bois, on parle aussi des autres ressources.

Donc, je pense que le ministère, le ministre auraient l'oreille finalement de la population peut-être un peu mieux qu'aujourd'hui. Donc, on croit que ça répond à un besoin que les gens du milieu, si on veut, puissent donner leur opinion sur ce qui se passe réellement sur le territoire. Puis j'en ai comme exemple l'état de la situation actuelle. Tantôt, je parlais de coupures très importantes. Il me semble que... Puis pourquoi on n'a pas vu venir ça? Est-ce qu'on l'a vu venir au ministère? Dans la population, on entendait certains sons de cloche. Mais on se réveille aujourd'hui avec une coupure très importante au niveau des aires communes dans notre territoire. Donc, moi, je pense qu'il a manqué de quelque chose à quelque part. Puis c'est vrai, la tordeuse, ça, personne ne va nier ça, mais il y a d'autres raisons, je pense. Donc, c'est pour ça que, s'il y avait un comité permanent puis que, disons, il y aurait consultation, peut-être qu'on arriverait à un résultat plus valable, si on veut.

Le Président (M. Kieffer): Merci, M. Marquis. M. le ministre.

M. Brassard: Quant au contrat d'aménagement forestier qui serait un nouveau véhicule qu'on introduirait dans la loi, vous êtes d'accord en principe, mais, un peu curieusement, vous proposez que, dans certaines circonstances, les règles s'y rattachant et les obligations s'y rattachant, soient assouplies, plus souples. J'ai un peu de misère avec ça parce que, de tous côtés, on réclame la rigueur, de plus en plus de rigueur en matière de gestion de la forêt, et puis là vous réclamez plus de flexibilité, plus de souplesse. Vous n'avez pas peur que ça va être perçu comme une certaine forme de relâchement en matière de gestion? Comment vous justifiez une pareille demande de réduire les obligations, d'assouplir les règles dans certaines circonstances ou pour certains intervenants en ce qui concerne le contrat d'aménagement forestier?

Le Président (M. Kieffer): M. Marquis.

M. Marquis (Philippe): Je vais donner mon point de vue puis Bruno, lui, pourra peut-être ajouter des choses. Mais, moi, je connais l'industrie forestière, bien, tout le monde la connaît, l'industrie forestière, ils font de la récolte de bois, de l'aménagement forestier un peu puis, après ça, de la transformation. C'est quand même très important au niveau activités, il n'y a personne qui nie ça. Mais la transformation, c'est là qu'est l'argent, c'est là que ça amène des revenus. Quand on parle de petites... en tout cas, des groupements forestiers, quand on parle de municipalités ou de petits regroupements de personnes qui tentent de gagner leur vie dans le domaine forestier puis qui ont les mêmes obligations, ils n'ont pas les mêmes revenus parce que, eux, ils font de la coupe ou de la récolte ou de l'aménagement. Ils n'ont pas les mêmes revenus que l'industrie forestière.

Moi, je pense qu'il y a moyen d'avoir des règles différentes. Ça, c'est facile à administrer, une règle générale. Tout le monde embarque dans le même moule, pas de problème avec ça, puis ça ne cause pas de problème au ministère, aux fonctionnaires, puis ainsi de suite. Mais, si on veut donner la chance à tout le monde, là ça demande un peu plus d'imagination. Puis, nous autres, ce qu'on propose: si ce n'est pas bon, il y a peut-être moyen de trouver d'autres formules qui vont rendre justice à l'ensemble de la population, pas seulement à l'industrie.

Le Président (M. Kieffer): M. le ministre.

M. Brassard: Je ne sais pas si M. Chabot pourrait être plus concret ou donner un exemple de ce que pourrait être un pareil assouplissement. Ne pas payer de redevances, ça, c'est clair, on comprend ce que ça veut dire, et ça rejoint un peu votre propos, M. Marquis, quand vous dites que les revenus sont moindres dans des circonstances comme celles-là. Ça, c'est une recommandation qu'on comprend bien. Mais le reste, ça m'apparaît un peu flou. Pouvez-vous donner des exemples où il y aurait assouplissement sans pour autant évidemment nous empêcher d'atteindre des objectifs clairs en matière d'aménagement, de travaux sylvicoles, de régénération, etc.?

Le Président (M. Kieffer): M. Chabot.

M. Chabot (Bruno): Certainement, ça va me faire plaisir. Tout d'abord, quand on parlait de redevances, ce à quoi vous faites allusion, M. le ministre, on ne veut pas nécessairement qu'il n'y ait aucune redevance, mais on aimerait qu'elles soient...

M. Brassard: Vous recommandez de ne pas contribuer au fonds forestier.

M. Chabot (Bruno): Pardon?

M. Brassard: Vous recommandez de ne pas contribuer au fonds forestier dans ces cas-là. C'est ça?

M. Chabot (Bruno): Oui. Mais les redevances, les gens ont à en payer sur le terrain. C'est rien qu'une parenthèse, mais peut-être qu'elles ne sont pas les mêmes. Concernant votre question, regardez, c'est plus du vécu quotidien. Une industrie forestière qui a des interventions à assez grande échelle, un assez grand volume, elle va faire une planification de coupe puis ça va être une coupe de 40 ha à quelque part, une coupe de 30 ha pas trop loin puis une coupe de 50 ha un peu plus loin. Ça fait que, là, dans le suivi des interventions ? puis ça, ça fait partie aussi des règles des mesures administratives ou normatives ? ils font un plan de sondage, ils font un suivi des travaux, ils regroupent tout ça ensemble, ça fait qu'ils font un inventaire sur le 120 ha et quelques.

Moi, ça m'arrive, je mets des bottes des fois. Puis, l'année passée, pour le fun, je suis allé faire un suivi avec les règles du ministère pour un reboisement de 10 000 plants qu'on avait fait. 10 000 plants, ce n'est pas gros, c'est 4 ha. Ça m'a pris, savez-vous, presque la journée, en suivant les règles pour l'industrie forestière, qui sont bonnes à grande échelle, mais, à petite échelle, pour quelqu'un qui va récolter 1 000 m... Dans mon cas, on avait reboisé 10 000 plants. Savez-vous que ça m'a pris quasiment la journée à faire les parcelles selon les méthodes du ministère, les petits rubans un en arrière de l'autre, les planter dans la terre puis selon une méthode très, très précise pour permettre aux fonctionnaires du ministère d'aller voir dans mon 10 000 plants aux endroits où j'ai fait ma parcelle alors qu'ils pourraient venir de façon... comme vous appelez ça maintenant, un suivi parallèle.

Ça fait que vous voyez, c'est un petit exemple de temps. Ça a coûté tellement cher pour une opération à très petite échelle. Ça fait que ça ne veut pas dire que mon suivi n'a pas été bon. Moi, j'aurais été là-dedans, j'aurais fait des parcelles de façon différente. Je me serais assuré qu'il y a un bon reboisement là-dedans, mais je n'aurais pas obligé de transmettre un plan de sondage au ministère, puis tout ce cossin-là ? excusez l'expression ? qui fait en sorte que, pour des petits travaux, ce n'est pas adéquat. Puis c'est la même chose pour un volume de récolte de 1 000 m³ où on va aller récolter des petites superficies à des endroits, dans des peuplements différents. Ça fait que là, au lieu de faire un inventaire sur le 130 ha, on va en faire 10 pour 2 ha, 3 ha chacun.

n(12 h 10)n

Ça fait qu'il y a déjà des règles. Puis, dans ce qu'on a produit, si vous me donnez la chance d'en parler, une autre parenthèse, c'est qu'en 1996 quand la MRC a eu une expérience-pilote, on a consulté tous nos gens, l'industrie forestière, les gens de faune, les gens de forêt bien sûr, et une des choses qui ressortaient le plus, c'était justement l'appareil normatif du ministère qui faisait défaut pour des travaux plus pointus, plus de rendement accru même, si je peux prendre l'expression aussi. Ça fait qu'à la suite de ça on a produit ? puis ça ne fait pas longtemps, vous avez reçu ça, M. le ministre, au mois de février ? un nouveau cadre normatif d'opérations forestières sur le territoire de forêts habitées, qui fait pratiquement l'unanimité dans tous les intervenants chez nous, puis qui permet aussi... Vous avez des règles de fonctionnement dans la mesure d'une perspective de travaux à plus petite échelle pour faire un bon suivi des travaux, pour avoir une certaine... Comme des gens responsables, on s'assure que les choses sont bien faites, mais de façon simplement différente. Ça fait que, mon exemple du petit reboisement, je ne sais pas s'il vous suffit, je peux vous en nommer d'autres.

Le Président (M. Kieffer): Merci...

M. Brassard: Non, simplement pour vous dire que, oui, effectivement, nous avons reçu ce document. Et nous sommes en train d'ailleurs de l'analyser avec beaucoup de sérieux, de façon approfondie, et on vous recontactera.

Le Président (M. Kieffer): Alors, je vous remercie, M. Chabot. Je passe maintenant la parole à la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bienvenue aux gens de la MRC Matapédia. J'ai eu la chance, durant ma tournée, de rencontrer certains élus de la MRC Matapédia. Évidemment, c'est une MRC qui a fait parler beaucoup d'elle dernièrement, avec la demande notamment de la fameuse enquête publique. Je dois d'entrée de jeu vous féliciter pour le travail qui a été accompli. Évidemment, j'ai pris connaissance du mémoire mais également de l'étude qui était associée au mémoire, vous venez de le souligner, M. Chabot, le fameux cadre normatif d'intervention en forêt privée. L'étude qui a été faite est très sérieuse, c'est vraiment surprenant de voir ce qui a été fait.

Moi, j'ai plusieurs questions. Une première, qui est un peu plus générale, M. le maire. Puisqu'on parle beaucoup chez vous d'enquêtes publiques, évidemment vous êtes touchés de plein fouet par les baisses d'approvisionnement qui ont été annoncées. Vous, vous êtes un maire, vous êtes très près de votre monde, hein, vous les côtoyez à chaque jour. Comment c'est perçu, la forêt, la gestion de nos forêts, dans le Bas-Saint-Laurent, dans la vallée de la Matapédia? Comment c'est perçu? Qu'est-ce que les gens vous disent quand vous les rencontrez? Parce que, j'imagine, compte tenu de l'activité économique que représente le secteur forestier chez vous et qu'il y a des centaines de personnes qui sont touchées... Qu'est-ce que les gens vous disent?

Le Président (M. Kieffer): M. Marquis.

M. Marquis (Philippe): Disons qu'avant toute cette histoire-là les gens, ils n'étaient pas nécessairement préoccupés par... Bon. De temps en temps, on entendait certaines réflexions, mais ce n'était pas très étayé, si on veut. Mais, depuis l'annonce par le ministre de coupures importantes au niveau des approvisionnements, les gens sont inquiets. Ils sont inquiets parce que c'est leur emploi qui est en jeu, pour une partie en tout cas. Je veux dire, ce n'est pas tout le monde qui va être touché, mais une partie importante de la population, chez nous, qui sont beaucoup de travailleurs forestiers puis qui oeuvrent dans des domaines connexes, ils sont inquiets, ils ne savent pas c'est quoi qui va se passer. On sait qu'il y a une étude ou en tout cas... C'est-à-dire qu'au niveau du régime forestier il va y avoir des modifications, mais c'est à peu près tout ce qu'on sait actuellement. Donc, quand tu n'as pas de réponse à tes questions ou que tu ne peux pas te faire une idée de l'ampleur puis des résultats que ça va produire, bien, tu es inquiet, et c'est ça qui se passe actuellement dans la population.

Le Président (M. Kieffer): Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Donc, les gens sont inquiets, puis à juste titre, M. Marquis. Si je résume vos points, les principaux points, vous parlez de forêts habitées, d'enquête publique, d'un comité de gestion par région, de régionalisation dans les interventions qui peuvent être faites autant au niveau de la récolte que de l'aménagement, de l'augmentation des budgets dédiés à l'aménagement, vous questionnez les méthodes au niveau du mesurage, au niveau du calcul de la possibilité, si je comprends bien. Au niveau de l'enquête publique, évidemment il y a votre député, qui est ici aujourd'hui, qui s'est positionné publiquement pour une enquête publique. Il serait peut-être intéressant de connaître la position du ministre de ce côté-là. Peut-être qu'il a changé d'idée depuis le temps. Qu'est-ce que vous souhaiteriez retirer d'une enquête comme celle-là, une vaste enquête publique? Avec une enquête comme celle-là, qu'est-ce qu'on pourrait retirer, selon vous?

Le Président (M. Kieffer): M. Marquis.

M. Marquis (Philippe): Ce que l'on souhaiterait, c'est d'avoir des réponses. On connaît les annonces qui ont été faites. Mais pourquoi ça? En fait, on nous annonce des coupures d'approvisionnement, mais ça repose sur quelque chose, je pense, on ne fait pas ça pour le plaisir. Mais c'est des réponses à nos questions. Puis ça fait un bout de temps qu'on pose des questions sur l'état de la forêt, la possibilité de la forêt. Puis je disais, au début, qu'on est préoccupé par la possibilité de la forêt. On ne voudrait pas que... Si on a des chiffres sérieux qui nous disent: La possibilité est ça, on accepterait ça, pas de gaieté de coeur, mais on l'accepterait. Mais on n'a pas vraiment de réponse.

M. le ministre nous dit que c'est la tordeuse. Je l'ai mentionné tantôt, je suis conscient de ça. Mais on croit, puis on l'a dit dans notre mémoire, qu'on a probablement surestimé la possibilité forestière. Mais il faudrait peut-être avoir des chiffres qui nous diraient justement qu'on a surestimé la possibilité forestière. On parle du mesurage, puis c'est un peu dans le même... en tout cas, c'est une question qu'on se pose. On se pose des questions aussi sur les contrôles en forêt. Parce qu'il circule dans la population certaines affirmations qui sont peut-être fausses, qui sont peut-être gratuites, mais qui sont peut-être sérieuses aussi, on ne le sait pas. Donc, c'est un peu tout ça, ces questions-là. Si on avait des réponses puis qu'on puisse se fier, je pense qu'on accepterait la pilule si vraiment... Bien, en tout cas, elle est là, la pilule. Je disais tantôt, par exemple, pour Cèdrico, c'est 185 m³ de moins. Donc, ça, je disais aussi que ça se reflète dans l'emploi. Puis ça va être important, ça va être un coup majeur pour l'économie de chez nous qui n'est pas déjà en très bonne condition. Donc, c'est toutes ces questions-là qu'on a.

Le Président (M. Kieffer): Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Mais, M. Marquis, vous nous dites: Écoutez, quand le ministère nous donne une information... Vous semblez dire que vous ne croyez pas les chiffres qui sont avancés par le ministère. Pourquoi...

M. Marquis (Philippe): Je n'ai pas de chiffres, madame. Disons que...

Mme Normandeau: Ah! vous n'avez pas de chiffres du tout. Bon. Mais pourquoi vous avez... J'essaie de comprendre pourquoi vous avez besoin... Parce que, de toute évidence, selon les propos que vous maintenez, il y a comme une crise de confiance dans votre région à l'endroit du ministère. De quelle façon... Quel est le problème exact, là? Parce que, dans le fond, je comprends, c'est que l'enquête publique vous permettrait de répondre à toutes ces questions-là. C'est ce que vous me dites. C'est ça?

M. Marquis (Philippe): On pense que...

Le Président (M. Kieffer): M. Marquis.

M. Marquis (Philippe): Les questions qu'on se pose... Il y a le ministère d'un côté qui dit que les approvisionnements, on doit les diminuer parce que la possibilité est diminuée. L'industrie forestière dit exactement le contraire. Alors, nous, on est situés entre les deux. Puis c'est clair, c'est normal que la population se pose des questions. Donc, c'est tout simplement ça. On croit qu'une enquête publique plutôt qu'une commission parlementaire... Puis là je suis content d'être capable de dire ce qu'on ressent chez nous. Mais il me semble qu'une enquête publique irait beaucoup plus en profondeur. Puis ce n'est pas parce que j'ai une mauvaise confiance contre les gestionnaires de la forêt, mais il reste qu'on a des problèmes puis on voudrait bien avoir des solutions. Ça va nous amener, disons... Il y a des problèmes, comment on va les solutionner aussi? Ça aussi, c'est une question importante chez nous. À cause du manque d'approvisionnement, c'est quoi qu'on va faire pour occuper, pour donner de l'emploi au personnel qui va être mis à pied ou qui n'aura pas d'emploi? Ça, c'est préoccupant aussi.

Le Président (M. Kieffer): Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci beaucoup. Je souhaite, M. Marquis, que le ministre puisse donner suite évidemment à votre demande parce que je pense que les appréhensions et l'inquiétude des gens sont fondées. Parce que, évidemment, tant et aussi longtemps qu'on n'a pas de réponse claire à leur fournir, on maintient la population dans un état d'inquiétude qui est déplorable.

Vous revenez sur le fait dans votre mémoire, l'importance de régionaliser, d'avoir la latitude nécessaire dans les interventions qui sont faites en forêt. Je dois vous dire que c'est un point que j'ai entendu beaucoup lors de la tournée que j'ai effectuée partout en région. Et ce qu'on constate, effectivement, c'est que le régime actuel offre très peu de latitude aux intervenants sur le terrain quand vient le temps de faire certaines interventions. Alors, vous avez fait, en déposant votre annexe, cette démonstration que ça pourrait mieux servir la région. Alors, plus concrètement peut-être, comment pourrait prendre forme ce genre de régionalisation, de décentralisation dans les décisions qui peuvent être prises ou mises en branle de votre côté?

Le Président (M. Kieffer): M. Marquis.

Mme Normandeau: Ou peut-être nous donner un exemple concret de tracasseries ou de rigidité dans les normes auxquelles sont confrontés, par exemple, les intervenants. Peut-être que M. Chabot pourrait nous répondre à ça plus concrètement.

Le Président (M. Kieffer): M. Chabot.

n(12 h 20)n

M. Chabot (Bruno): Puis, regardez, je vais sauter sur le rendement accru, puis ça va vous donner peut-être une idée, en tout cas, de ce que pourrait être une réponse. Puis là il ne faut pas être prétentieux, ce n'est pas parce qu'il y a une étude... Puis on pense qu'on l'a bien faite. On a consulté les gens de la recherche forestière, on est venu à Québec, on a consulté beaucoup de gens pour la faire. Mais ce n'est pas parfait, bien sûr. Mais, dans le régime actuel, par exemple, vous voyez, des petits sapins de cinq ou 10 cm de hauteur sont qualifiés comme des plans faisant partie du rendement soutenu, qui peuvent être comptabilisés dans un objectif de rendement soutenu. Bien que l'industrie ait approuvé huit ans plus tard que la forêt est bien régénérée, entre zéro et huit ans, il peut y avoir un laps de temps important qui s'écoule entre deux opérations. Et c'est du temps perdu beaucoup, quand on parle de croissance de forêt sur 60 ou 65 ans.

Alors, tout nous indique, toutes nos consultations, toute notre recherche nous dit que des petits plans de 10 cm, on ne devrait pas... oui, les compter, mais peut-être les prendre avec une certaine perspective. Ça fait que, nous autres, là-dedans, on est un peu plus sévères, puis on dit: Un sapin, quand il a 30 cm de hauteur après coupe, il a une chance sur deux de survie, appuyés sur des études, sur des choses. Ça fait que, voyez-vous, le rendement accru, là, peut-être que, dans certains cas, une forêt qu'actuellement le ministère dit bien régénérée à l'âge zéro ne l'est peut-être pas tant que ça. Elle va peut-être le devenir à l'âge 8 ou à l'âge 6, mais à l'âge zéro, elle ne l'est peut-être pas tant que ça. Nous autres, on pourrait procéder immédiatement à une remise en production, ou à des choses comme ça, vis-à-vis une amélioration souhaitée de la productivité de la forêt. Ça fait que c'est un petit exemple.

Je peux vous en donner un autre, rapidement. Des fois, tu as des forêts d'âge variable, tu as un arbre qui arrive à maturité avant un autre. L'approche sylvicole forestière jusqu'à maintenant étant beaucoup basée sur le sapin-épinette, des fois, c'est cette essence-là qui dicte les normes à suivre, alors que des fois on aurait peut-être avantage à penser autrement. Mais c'est beaucoup technique bien sûr, mais il y a une panoplie de choses là-dedans qui sont réfléchies dans ce sens-là.

Le Président (M. Kieffer): Merci, M. Chabot. Avant de poursuivre les échanges, j'ai besoin de deux consentements. Le premier, Mme la députée de Matapédia a demandé un droit de parole, elle n'est pas membre de la commission, il me faut donc le consentement. Et, deuxièmement, il va falloir un consentement pour poursuivre après l'heure indiquée. Est-ce que j'ai les deux consentements? Ça va? Alors, Mme la députée de Matapédia, à vous la parole.

Mme Doyer: Merci, M. le Président. D'abord, je veux remercier M. Marquis et M. Chabot de la MRC de La Matapédia pour leur intervention, pour leur travail intense, parce que je sais qu'ils ont mis beaucoup de temps. Ce que je veux souligner aussi, c'est que bien sûr votre intervention et ce qui se passe et se dit dans la vallée de la Matapédia et même dans le Bas-Saint-Laurent traduit l'inquiétude des gens et leur goût d'avoir les vraies réponses aux vraies questions. Et c'est ce que j'ai dit, c'est ce que j'ai demandé, et je crois que c'est mon devoir de députée.

Et notre ministre des Ressources naturelles est venu, lors d'une rencontre au CRCD Bas-Saint-Laurent, donner plusieurs réponses. Et, parmi ces réponses-là, il y a eu aussi de nous ramener une perspective historique à partir de laquelle... Mme la députée de Bonaventure, je crois qu'on se donne une perspective historique. On se rend compte qu'en 1988 M. Albert Côté, qui était ministre, avait annoncé une coupure de 15 % au niveau de la possibilité forestière. Il a pu se rabattre sur 7 % de réduction de cette coupure-là parce qu'on était regroupé, les deux régions en une, soit l'Est du Québec. Alors, on a pris le bois de la Gaspésie, on l'a inclus, et c'est pour ça qu'on a pu annoncer une coupure de 7 % au lieu de 15 %.

Et là ce que notre ministre nous a dit, et je crois que c'est ce qu'il faut regarder: Quelle est la situation réelle de la forêt gaspésienne et de la forêt bas-laurentienne? Pour ma part, les gens chez moi vivent de la forêt bas-laurentienne. Et il faut arriver à un consensus sur la réalité des choses. Et c'est là qu'on doit faire l'exercice. Et, ensuite, moi, je ne suis pas intéressée à aller à une chasse aux sorcières, je suis intéressée à ce qu'on trouve des solutions pour que nos travailleurs... Et notre ministre des Ressources naturelles a annoncé qu'il y aurait davantage d'aménagement et qu'on se tournerait vers ça. Alors, pour ce qui est des travailleurs en usine, je dirais que c'est là où se retrouvent les questions les plus délicates et les plus aiguës et ce qui doit nous interpeller et mobiliser tous les leaders socioéconomiques de nos deux régions, de la région du Bas-Saint-Laurent.

Mais, moi, j'aimerais ça... En tout cas, si je peux me permettre de poser une question, parce que je sens que c'est l'idée du mur-à-mur qui... Parce qu'on n'a jamais été forts sur le mur-à-mur dans un comté comme le mien, la MRC de La Matapédia, où il s'est produit pas mal de projets-pilotes, justement en gestion forestière, c'en est un. Et même l'existence de la MRC a été un projet-pilote, la création de la première MRC au Québec. Alors, c'est toute la question du rendement accru versus le rendement soutenu et quand vous parlez d'un nouveau cadre normatif... D'ailleurs, vous en avez présenté un qui est assez étoffé. Mais comment vous résumeriez ça en deux, trois phrases?

Le Président (M. Kieffer): M. Chabot.

M. Chabot (Bruno): Le rendement accru, bien sûr il y a une question de données scientifiques, de données forestières, d'avoir en main les meilleurs éléments de recherche pour appliquer à une forêt qui n'est pas là pour le fun, elle est là pour approvisionner l'industrie forestière en bonne partie... Si on fait des travaux sylvicoles, c'est pour cette raison-là.

Mais il y a aussi un autre aspect du rendement accru qui n'est pas souvent cité, c'est la manière dont on planifie les opérations. Ça, tu n'as pas de nouvelles recherches à faire, tu n'as pas de nouveaux éléments à amener, simplement la façon dont tu planifies un chemin forestier puis faire en sorte que l'intervention... Moi, le rendement accru, j'y vois, c'est une intervention à petite échelle de façon intensive. Donc, un peu plus de chemins forestiers ? mais ça, ça coûte cher ? et aller chercher au bon moment, aux bons endroits les peuplements qui sont en perdition. Ça, vous auriez un gain déjà, à un moment donné, sur la possibilité forestière, au moins évité une perte si vous allez chercher dans le bon temps les peuplements qui sont en mauvais état.

La grandeur des interventions, puis malheureusement j'ai même eu, moi, à la vivre cette année... Puis c'est pour dire. C'est que, quand tu inclus un peuplement sur une échelle un peu trop grande ? mettons que tu fais une coupe de 40 ha, 50 ha, comme c'est souvent le cas dans l'industrie forestière ? des fois, parce qu'il y a un manque de planification, tu vas te retrouver avec des insertions, des peuplements de l'ordre de 4 ou 5 ha, ce qui est insignifiant juste pour un morceau, mais quand ça se répète... Une inclusion d'un peuplement plus jeune, de l'épinette noire dans du sapin. L'épinette noire, elle pourrait être là 20 ans, 25 ans de plus, mais le sapin, il est prêt tout de suite. Ça fait que, quand on intervient à grande échelle, on ramasse tout. Quand on intervient à petite échelle, on dit: Bon, l'épinette noire, je la laisse là, je vais rien que ramasser le sapin. Puis ça, ça aide un rendement accru. Mais il n'y a pas de nouvelles données, il n'y a pas de données scientifiques ou forestières, c'est rien qu'une façon de planifier les interventions sur le territoire puis d'y aller à plus petite échelle. Parce que, en forêt publique, dans notre comté, partout, il y a 10 %, 15 % de perte sur le terrain, à la grandeur. La forêt est déjà mûre. Je pense qu'il faut aller chercher les bons peuplements puis laisser ceux qui peuvent pousser, pousser. Ça, c'est du rendement accru aussi.

Mme Doyer: Merci.

Le Président (M. Kieffer): Merci, M. Chabot. Merci, Mme la députée. Je retourne maintenant la parole à la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Oui. Au niveau de la forêt habitée, compte tenu évidemment des expériences-pilotes dans le passé chez vous... On se souvient que le gouvernement actuel a mené une vaste consultation en matière de forêt habitée en 1995 et, cinq ans plus tard, on attend toujours cette fameuse politique au niveau de la forêt habitée. Alors, est-ce que vous avez été en mesure chez vous de quantifier tout le potentiel qui découle de la mise en valeur ou de la concrétisation d'un concept de forêt habitée chez vous?

Une autre question porterait sur votre fameux comité de gestion permanent. Ma question est à deux volets. J'ai effectivement entendu cette suggestion-là dans certaines régions. Bien, Bas-Saint-Laurent, on m'a parlé, dans le Témiscouata, d'une espèce de vigie dans chacune des régions. Chez nous, en Gaspésie, le Syndicat des producteurs de bois m'a parlé aussi d'un comité consultatif. Eux autres, ils vont plus loin en parlant d'un comité qui serait rattaché à chaque unité d'aménagement, ce qui me semble un peu lourd. Mais, eux autres, ils vont jusqu'à dire que le comité pourrait avoir des pouvoirs de recommandation auprès du ministre, pas seulement de consultation. J'aimerais savoir: De votre côté, est-ce que vous seriez prêts à aller aussi loin dans votre suggestion? Alors, première question, forêt habitée, et votre fameux comité de gestion.

Le Président (M. Kieffer): M. Marquis.

M. Marquis (Philippe): Je pense qu'au niveau de la forêt habitée Bruno, c'est un dossier qu'il pilote depuis quelque temps, même quelques années. Disons, moi, j'ai participé également, mais je pense qu'il est plus au courant que moi de comment ça fonctionne parce que c'est du travail de terrain. Le travail de débroussaillage ou, en tout cas, les demandes qu'on a faites, c'est bien sûr, ça s'adresse à l'appareil politique. On se demande bien sûr pourquoi on n'a pas eu de réponse tellement à venir jusqu'à maintenant au niveau de la forêt habitée. C'est-à-dire qu'il n'y a pas de politique, puis il devait y en avoir une. On nous avait dit, à un moment donné, qu'il devait y avoir une politique sur la forêt habitée. Ce n'est pas là encore maintenant. Donc, au niveau de la technique, disons, je laisserais Bruno répondre à ça.

Le Président (M. Kieffer): Alors, M. Chabot.

n(12 h 30)n

M. Chabot (Bruno): Pour répondre à votre question, madame, la MRC, on a déjà un comité en place qui regroupe l'industrie forestière. À peu près tous les intervenants sont sur ce comité-là. Ça va relativement bien. On pense qu'un comité comme ça peut être élargi un petit peu soit à l'échelle locale, donc à l'échelle d'une MRC ou quelque chose comme ça. Puis on n'est pas contre à une échelle un peu plus grande au niveau de l'unité de gestion, par exemple. Bien sûr, là, les intervenants pourraient changer un petit peu, mais, quand même, l'élément recommandation, dans notre recommandation, est là. Le comité, oui, est consultatif, mais il recommande au ministre des Ressources naturelles des changements dans l'approche forestière dans le territoire où le comité intervient.

Bien sûr, on serait encore plus contents de dire... le comité aurait des décisions à prendre lui-même, mais, quand même, un comité formé de plusieurs personnes qui s'entendraient ? puis, c'est le cas des fois, ça arrive assez souvent ? sur certaines questions forestières, les soumet au ministre, on pense que le ministre aurait un accueil favorable vis-à-vis des décisions concertées comme ça, à limite, pourrait être arbitre au niveau de décisions que le comité n'arriverait pas à rendre. Mais, au moins, on se sentirait impliqués beaucoup plus qu'être le compagnon d'industries forestières dans la fabrication des plans généraux, alors qu'on aimerait peut-être aussi regarder qu'est-ce qu'on met dans les plans généraux, être aussi le gestionnaire et non simplement celui-là qui fabrique quelque chose. Vous comprenez?

Le Président (M. Kieffer): Merci, M. Chabot. Alors, pour une dernière période de questions, M. le ministre.

M. Brassard: Oui. Je voudrais quand même faire un certain nombre de remarques suite aux propos de M. le préfet, M. Marquis, quand il dit qu'il y a bien des questions, il n'y a pas de réponse. Quand je suis allé, il y a 15 jours, dans le Bas-Saint-Laurent, il y avait pas mal de monde, et l'un des buts de ma visite, c'était justement de donner des réponses, et toutes les réponses à toutes les questions, parce que, si on en est arrivés à cette décision-là, ce n'est pas en tirant à pile ou face, c'est appuyé d'abord sur l'inventaire décennal. Les données du dernier inventaire décennal ont été transmises aux entreprises pour qu'elles préparent leur PGAF, leur plan d'aménagement, et c'est évidemment cet inventaire décennal, le dernier, qui fait le portrait, je dirais, complet de l'état de situation de la forêt dans le Bas-Saint-Laurent. Et c'est là qu'on constate, entre autres, quand on regarde les peuplements... J'avais distribué à tout le monde, d'ailleurs, des tableaux pour comparer les données de 1975 puis les données de l'an 2000 en matière de peuplement, de pyramide des âges des peuplements. On voit très bien, là, ça apparaît très clairement, les effets de l'épidémie de la tordeuse. Je ne me défile pas sur le dos de la tordeuse, elle a fait des ravages, puis elle a fait plus de ravages dans le Bas-Saint-Laurent qu'ailleurs, et la preuve, c'est que Albert Côté, ministre libéral, en a déjà tenu compte en 1988 dans la première génération des PGAF. Il en a tenu compte, il a baissé la possibilité de 15 % à ce moment-là.

En 1994, la deuxième génération des PGAF, là, évidemment, on ne disposait pas d'un inventaire récent, alors ça n'a à peu près pas bougé en termes de possibilité. Mais, à partir du moment où l'inventaire décennal est disponible, c'est sûr qu'il faut s'appuyer là-dessus, on ne peut pas l'ignorer. Alors, ça, c'en est une réponse, là. Je comprends que chaque citoyen ne peut pas consulter l'inventaire forestier, mais votre ingénieur forestier, lui, il peut, puis il comprend ça, puis il connaît ça. Et une bonne partie des réponses se trouvent là. On a changé les tables de rendement aussi des forêts, ça a eu des effets. Il y a eu davantage de précisions sur l'impact des normes de protection des cours d'eau, ça a affecté aussi la possibilité. L'aménagement du cèdre et des forêts feuillues, ça aussi, ça a eu de l'effet. Il y a toute une série, donc, de données, de réponses qui expliquent ce que j'ai été obligé de décider quant au Bas-Saint-Laurent.

L'autre exemple, le mesurage. Toutes sortes de ragots sur le mesurage ont circulé, entre autres, un de vos collègues préfets. Le mesurage, c'est plein de lacunes, de défaillances, on ne sait pas... Alors, j'ai émis un communiqué. Il n'y a pas eu une ligne non plus dans les journaux, mais les données étaient dans la pochette de tout le monde à ce moment-là. On a fait un suivi parallèle dans le Bas-Saint-Laurent précisément sur le mesurage, et ça démontre hors de tout doute que l'écart n'est pas plus que de 1,5 %, et on considère que 3 % est acceptable.

Le Président (M. Kieffer): M. le ministre, je vous inviterai à conclure.

M. Brassard: Je vais conclure en disant: Encore là, le mesurage, réponse donnée. Mais c'est sûr que M. Ruest, là, il continue encore de dire partout, à chaque fois qu'il a l'occasion de le dire, que le mesurage, c'est un système qui fonctionne mal puis qui est plein de lacunes. Il était là, lui, pourtant. La preuve a été faite, on a fait un suivi parallèle sur le mesurage ? ça a bien adonné, comme on dit ? dans le Bas-Saint-Laurent.

Le Président (M. Kieffer): Merci, monsieur...

M. Brassard: Alors, les réponses, elles sont là, il faut en prendre connaissance. Mais peut-être qu'elles ne sont pas satisfaisantes, et ça, c'est une autre affaire.

Le Président (M. Kieffer): Merci, M. le ministre. Mme la députée de Bonaventure, il vous reste cinq minutes. C'est ça?

Mme Normandeau: Oui, M. le Président. Je ne sais pas si, suite aux arguments ou aux commentaires du ministre, MM. Marquis et Chabot ont le loisir de réagir, parce que vous ne leur avez pas laissé, évidemment, le soin de réagir aux propos du ministre.

Le Président (M. Kieffer): Je n'ai pas perçu ça comme étant une question, mais, si MM. Marquis et Chabot, vous voulez réagir, vous en êtes fort aise, messieurs.

M. Marquis (Philippe): Les réponses du ministre, vous le dites vous-même, il y a des gens qui, bien, ne le croient pas. Nous, ce qu'on a comme informations... C'est vrai que ça ne repose pas sur des études très scientifiques, bien d'accord avec ça, mais ce qu'on a comme feed-back au niveau de la population, surtout la population forestière, c'est que le mesurage est déficient. Vous nous dites que c'est faux, bon, il va falloir faire la part des choses nous-mêmes.

Au niveau de la possibilité, vous avez dit que M. le ministre Côté avait diminué les approvisionnements. Il y a cinq ans, ça ne l'a pas été parce que vous n'aviez pas d'inventaire, mais il y avait quand même un problème très sérieux, parce que, aujourd'hui, vous êtes obligé de le diminuer. Bon, ça donne une réponse, ça. Ça n'a pas été dit précédemment. En tout cas, moi, je ne l'ai pas entendu. On nous a parlé de la tordeuse, mais on ne nous a pas dit que les inventaires n'étaient pas là puis qu'on n'a pas pu, à ce moment-là, faire la part des choses. Je suis heureux de savoir qu'aujourd'hui... C'est effectivement une réponse. La possibilité, elle n'était peut-être pas là il y a cinq ans, puis, aujourd'hui, avec les inventaires récents, on est capables de dire que la possibilité, on doit la diminuer parce qu'elle n'est pas là. Bon, ça veut dire qu'il y a eu des coupes peut-être trop importantes à un moment donné. Bien, en tout cas, moi, je considère ça comme une réponse. L'avenir nous dira si c'est réel.

C'est parce qu'il y a aussi ? puis ça, je le mentionne; en tout cas, vous le prenez ou pas ? qu'on se fait une banque. Parce qu'il circule dans la population l'idée qu'on se fait une banque avec le retrait de certains approvisionnements. C'est vrai ou pas vrai? Moi, je ne le sais pas, tout simplement.

Le Président (M. Kieffer): Merci, M. Marquis. Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Oui, en terminant ? merci, M. le Président ? effectivement, là, ce que je constate, c'est qu'il y a une espèce de dialogue de sourds entre le ministre et une région comme celle de la vallée de la Matapédia où la forêt représente évidemment un secteur d'activité économique très important. Ce que vous demandez, vous, au nom de votre MRC, c'est d'avoir des réponses à vos questions, et, de toute évidence, on n'a pas été en mesure, malgré les démonstrations qui ont été faites, de répondre de façon satisfaisante à vos questions, M. Marquis.

n(12 h 40)n

Et ce que vous venez de dire à l'effet que les gens... Ce qu'on entend sur le terrain, je l'ai entendu dans le Témiscouata, dans la vallée de la Matapédia, les gens vont même jusqu'à croire que la décision de baisser les approvisionnements dans le région du Bas-Saint-Laurent serait une décision politique. Alors, c'est ce qu'on entend lorsqu'on se présente, et, moi, je pense que dans le contexte actuel on aurait tout intérêt, pour assurer une plus grande transparence dans tout ce qui se passe actuellement chez vous, d'avoir justement un mécanisme impartial qui nous permettrait de répondre à ces questions-là.

Lorsque le ministre s'est rendu dans le Bas-Saint-Laurent, il a fait la distribution d'une pochette évidemment. Il y a un petit texte qui portait sur la tordeuse de l'épinette, et, en bout de ligne, on dit dans les conclusions qu'il faut rechercher des solutions pour atténuer les effets dus aux diminutions des approvisionnements.

M. le ministre, je vous ai questionné là-dessus en mai en commission parlementaire, on est en septembre, les gens n'ont toujours pas de réponse. C'est extrêmement inquiétant, il n'y a aucun plan de match, il n'y a aucun plan B, aucun scénario de proposé, et, moi, je pense que, pour éviter que ces économies-là sombrent dans le marasme au cours des prochains mois, des prochaines semaines ? c'est l'hiver qui s'en vient ? alors je pense qu'on doit donner des réponses satisfaisantes à des gens comme les représentants, ce matin, de la MRC de Matapédia.

Alors, moi, ce n'est peut-être pas une question que j'ai, mais c'est un commentaire. Si on veut faire la lumière sur toute cette question-là, mesurage, calcul de la possibilité, si on veut répondre aux questions des gens, il faut urgemment avoir un mécanisme justement qui nous permette de répondre puis de faire une fois pour toutes la lumière sur cette question-là, qu'on puisse passer à autre chose. Alors, je pense qu'on aurait tout intérêt à répondre aux demandes qui sont formulées par les gens de la MRC Matapédia.

Le Président (M. Kieffer): M. Chabot, vous avez une réaction aux commentaires de la députée?

M. Chabot (Bruno): Oui. Peut-être mentionner qu'il y a une volonté politique de diminuer l'approvisionnement. En tout cas, pour notre part, je pense que c'est peut-être, on ne croit pas ? sinon, vous comprenez que ça ne serait vraiment pas drôle ? que le ministre fait exprès pour diminuer l'approvisionnement, ce qu'on dit... Puis même, M. le ministre, vous l'avez dit tantôt, vous autres, vous avez un ingénieur forestier. ...chanceux, il peut lire à travers ces plans-là, mais ce n'est pas nécessairement vrai... Je fais tout mon possible, puis c'est un débat, souvent, d'experts de haut niveau, il y en a peut-être deux dans le Bas-Saint-Laurent au complet qui sont à l'aise puis capables d'interpréter tout ce qu'il y a dans un plan général avec le calcul de la possibilité. La population veut se faire une idée un petit peu, de son côté, de comment va la forêt, c'est difficile avec les outils qu'a fournis le ministère jusqu'à maintenant, puis les gens sont inquiets. Ça fait que des réponses, oui, il y en a des partielles, mais il y en a d'autres à venir, on le souhaite.

Le Président (M. Kieffer): C'est terminé? Alors, messieurs, je vous remercie de votre présentation. Je remercie les participants et je suspends les travaux jusqu'à la reprise, à 14 heures. Les députés, vous pouvez laisser votre documentation ici, les portes seront barrées. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 43)

 

(Reprise à 14 h 5)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) À l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît! Est-ce que je pourrais avoir un petit peu de silence en arrière, s'il vous plaît?

La commission va donc reprendre ses travaux. Je demanderais aux représentants du Centre local de développement de la MRC de Charlevoix-Est de bien vouloir s'approcher, s'il vous plaît.

Alors, messieurs, bonjour. Je demanderais donc au responsable de présenter les membres qui l'accompagnent, vous rappeler que vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire et que par la suite il y aura échange avec les deux parties. Alors, vous pouvez procéder.

Oui. Alors, qui est le responsable?

Centre local de développement
de la MRC de Charlevoix-Est

M. Néron (Guy): Madame Carrier-Perreault, Guy Néron. Je suis le directeur général du Centre local de développement de la MRC de Charlevoix-Est.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Bonjour, monsieur.

M. Néron (Guy): Mme Carrier-Perreault, Mme Normandeau, M. le ministre, membres de la commission, bonjour. Je vous présente les gens qui m'accompagnent. Alors, à ma droite, M. Stéphane Charest, ingénieur forestier et surintendant du Groupement des propriétaires de boisés privés de Charlevoix et aussi administrateur au centre local de développement, responsable du collège électoral forêts et environnement. À ma gauche, M. Lévis Perron, technicien forestier et propriétaire de l'entreprise Experts sylvicoles 2000, et moi-même. Alors, MM. Charest et Perron interviendront pour présenter les recommandations qui sont contenues au mémoire.

Nous profitons tout de suite de l'occasion pour vous remercier de bien vouloir entendre nos représentations au sujet du nouveau régime forestier.

D'entrée de jeu, je vais procéder, les deux MRC de Charlevoix et Charlevoix-Est ? qui, soit dit en passant, en début de semaine, nous avons une résolution d'appui au mémoire de la MRC de Charlevoix, notre voisine ? c'est au-delà de 6 000 km², de Baie-Sainte-Catherine à Petite-Rivière-Saint-François, et le forêt occupe plus de 83 % de l'ensemble du territoire. Nous y retrouvons une papetière, une usine de sciage, six entreprises de foresterie, des propriétaires de multifonctionnels, des transporteurs.

Nous retrouvons également deux parcs provinciaux, le parc des Hautes-Gorges-de-la-rivière-Malbaie et celui des Grands-Jardins, nous retrouvons 14 pourvoiries, trois zecs, deux rivières à saumons, deux centres de ski, un centre écologique, soit pour le saumon, et un centre écoforestier, Les Palissades. Et ça, c'est sans compter les villégiateurs.

Cette énumération a pour but de montrer l'importance de la forêt pour les Charlevoisiens et les Charlevoisiennes ? à partir d'ici, j'ouvre une parenthèse, j'utiliserai le masculin pour le reste de la présentation ? je disais, donc, l'importance pour les Charlevoisiens et Charlevoisiennes, autant en termes d'emplois, parce que c'est 1 000 emplois, qui sont reliés directement au secteur de la forêt ? sur 6 000 emplois, dans Charlevoix, dans les deux MRC, donc c'est un sixième ? ainsi que la diversité des activités en forêt. La gestion intégrée des ressources est essentielle, pour une région comme la nôtre, et toutes initiatives du gouvernement qui vont dans ce sens seront les bienvenues, qui plus est dans une perspective de développement durable afin d'assurer la pérennité des différentes ressources pour que nos jeunes puissent aussi en bénéficier.

Nous croyons que la concertation régionale favorise l'émancipation des pratiques forestières, fauniques, récréatives et touristiques. C'est pourquoi nous avons quelques projets dans ce sens qui sont en cours présentement dans Charlevoix. On parle, entre autres, par exemple, de la MRC de Charlevoix-Est, qui s'est vu déléguer la gestion des lots intramunicipaux pour l'ensemble de son territoire. Le projet Éco-Village de Saint-Siméon et la forêt du Massif, à Petite-Rivière-Saint-François, sont développés selon le concept de Forêt habitée.

n(14 h 10)n

Alors, depuis deux ans, également les deux CLD, de Charlevoix et Charlevoix-Est, priorisent et recommandent les projets dans le cadre du programme de mise en valeur des ressources du milieu forestier, communément appelé par nous le volet II. Les propositions et recommandations qui vont suivre ont comme objectif de renforcer le sentiment d'appartenance d'une population à sa région, car selon nous la vigueur de l'économie d'une région est fortement reliée au travail disponible en quantité et en qualité. Toutefois, la perfection n'étant pas de ce monde, il faut donc préciser certains éléments.

Je passe donc la parole à M. Charest, pour y aller de la présentation de la première recommandation.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) M. Charest.

M. Charest (Stéphane): Bonjour. Notre première recommandation stipule entre autres que... Pour faire un bref état des choses, les bénéficiaires de CAAF, lors de la récolte, ont à payer des redevances au gouvernement; ces redevances sont créditables soit sous forme de travaux forestiers ou de programme volet II, par exemple. Le reste qui n'est pas utilisé va dans le fonds forestier, le fonds consolidé.

Dans la région de Charlevoix, pour les MRC, par exemple, du Fjord, de Charlevoix-Est et Ouest et de la Côte-de-Beaupré, nous avons comme redevances totales un montant de 4 millions qui est généré par la récolte de la matière ligneuse. Pour faire une parenthèse, normalement, avant le régime forestier de 1987, ces redevances-là allaient au gouvernement entièrement; depuis 1987, il y a une partie qui sert en travaux sylvicoles. Sur ce 4 millions là, présentement il y a 1,7 million qui est utilisé pour différents travaux sylvicoles sur les territoires. On a un autre montant, 1 million, qui est utilisé en volet II. Le volet II, pour ceux qui sont plus ou moins familiers, c'est un programme qui vise à intégrer un peu les différents aspects de la forêt, et il y a des organismes qui peuvent bénéficier de financement pour des projets particuliers qui ont un rapport avec la forêt.

Donc, sur 4 millions, 1,7 en travaux sylvicoles et 1 million en volet II; il reste donc 1,3 million qui va dans le fonds consolidé, le fonds forestier. On est conscient que sur ce 1,3 million là, ce montant-là sert, entre autres, aux inventaires, à la production de plans également. Sauf qu'on se dit qu'il y aurait peut-être moyen, considérant certaines particularités de région, on parle de Charlevoix, mais ça peut s'appliquer à d'autres régions ici, au Québec, de bonifier certaines enveloppes, entre autres des enveloppes de volet II, pour amener une création d'emplois, augmenter la création d'emplois, et de ce fait diminuer le chômage et augmenter la richesse collective d'une communauté.

Donc, notre première recommandation se résume à ça, utiliser les surplus des redevances forestières en région d'origine ou augmenter les montants déjà alloués. Je passerai la parole à M. Perron qui va parler de la deuxième recommandation.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Alors, M. Perron.

M. Perron (Lévis): Alors, tout d'abord je voudrais vous remercier de nous donner l'opportunité de venir nous exprimer ici cet après-midi. Dans notre deuxième recommandation qui s'intitule Adapter les taux à la réalité régionale, présentement qu'est-ce qu'on constate, en tout cas nous autres, c'est que les taux qui sont alloués pour les travaux à la grandeur de la province sont les mêmes taux, peu importe la région où est-ce qu'on se situe, peu importe l'endroit, la difficulté de terrain. Alors, nous, depuis de nombreuses années, on a fait des demandes à plusieurs intervenants et même il y a plusieurs personnes du ministère des Ressources naturelles qu'on a sensibilisées à cette chose-là. Vous savez que Charlevoix, c'est un endroit qui est merveilleux par ses montagnes, mais, pour les travailleurs forestiers qui ont à travailler dans ces mêmes montagnes, souvent, c'est beaucoup moins merveilleux, parce que travailler dans une pente et travailler sur une surface plane, c'est tout à fait différent. Malheureusement, présentement les taux sont les mêmes peu importe l'éloignement du site des travaux, peu importe la difficulté de terrain.

Alors, nous, qu'est-ce qu'on voudrait vous sensibiliser aujourd'hui, c'est que, selon nous puis selon plusieurs personnes également, il faudrait que les taux qui sont alloués pour les travaux sylvicoles soient déterminés en tenant compte de la difficulté terrain, l'éloignement de ces travaux-là et puis l'accessibilité aussi. Parce que, nous autres, dans Charlevoix, on vit des situations... il y a des endroits où il faut faire 150 km par jour pour aller travailler en forêt, mais malheureusement les travailleurs qui font 150 km par jour ont le même taux que ceux qui en font 50. Alors, on trouve qu'il y a une certaine aberration qu'il y aurait lieu de corriger, en tout cas une certaine partie, parce qu'on pense que ce n'est pas tout à fait logique que ces choses-là ne soient pas tenues en compte dans la détermination des taux. C'est à ça qu'on voudrait vous sensibiliser.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Merci.

M. Néron (Guy): M. Charest va prendre la troisième.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Oui, alors, M. Charest.

M. Charest (Stéphane): Comme troisième recommandation, rapidement, c'est une recommandation qu'on retrouve dans d'autres textes et même dans le document d'information. C'est une ouverture. Je crois que le gouvernement est déjà très sensibilisé. On l'a incorporée pour dire qu'on était d'accord un peu avec ça, tout ce qui est promotion de l'accès à la ressource forestière et aux territoires forestiers pour des utilisateurs autres que des bénéficiaires de CAAF.

On est d'accord avec ça dans la mesure bien sûr où les obligations vont avec cette délégation-là et dans la mesure où tout le monde n'est pas lésé non plus, parce qu'on comprend que les bénéficiaires sont des acteurs économiques importants. Sauf que, dans certains cas, on pourra avoir des projets intéressants qui pourraient déboucher sur cette permission-là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Oui, alors, est-ce que ça termine votre présentation?

M. Néron (Guy): Oui. M. Charest va continuer les autres recommandations.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Ah bon, d'accord.

M. Charest (Stéphane): Les autres recommandations, recommandations 4 et 5 stipulent, entre autres, que parfois, sur le terrain ou dans le feu des opérations, on se retrouve avec des situations qui peuvent devenir difficiles pour des petites entreprises en aménagement forestier. Pour citer un exemple bien concret, lors de travaux d'aménagement sur le terrain, parfois il y a des dynamiques de fonctionnement entre les bénéficiaires et les ministères qui font en sorte que certains contrats peuvent être retardés.

Pour bien situer, quand une entreprise fait un contrat de travaux sylvicoles en forêt, de travaux forestiers avec débroussailleuse, souvent ces contrats-là ont une retenue de 10 % avant le paiement final. Ce paiement-là est fait sur acceptation finale du contrat après vérification par les agents concernés. Ce qui arrive ou ce qui est déjà arrivé dans le passé, c'est que ces retenues-là pouvaient être retenues assez longtemps ? on parle de délais d'un à deux ans avant que ça soit réglé ? et ça a amené des problèmes pour des petites compagnies qui avaient un chiffre d'affaires assez réduit, et qui ont une marge de manoeuvre assez réduite également.

Donc, ce qu'on a reçu comme commentaires de ces entreprises-là, c'est qu'il y aurait peut-être moyen d'améliorer certains processus entre le ministère et le bénéficiaire, ce qui ferait en sorte que ces retenues-là, de contrats, ou cette dynamique-là pourrait être améliorée pour donner une chance à ces compagnies-là. Parce qu'il faut comprendre qu'une compagnie qui a un chiffre d'affaires de 300 000 $, ce n'est pas beaucoup. Sur une retenue de 10 %, c'est 30 000 $. C'est souvent la différence entre les liquidités pour commencer la nouvelle saison ou le serrement à la gorge.

Donc, c'est pour vous sensibiliser un peu à ça, là. Je comprends que c'est des problématiques assez pointues quand on parle de projet de loi qui est quand même assez général. On vous arrive peut-être avec des choses un peu taillées au couteau, mais c'est des choses terrain, des choses qui concernent directement des entreprises qui engagent directement des gens. C'est une réalité terrain, vraiment terre-à- terre.

n(14 h 20)n

Comme autres recommandations, la cinquième et la sixième ? je vais en discuter peut-être les deux ensemble ? ça concerne surtout les normes pour les travaux. Vous savez que les travaux sylvicoles effectués sur les forêts sont soumis à des normes de vérification, des normes pour vérifier l'admissibilité, et souvent l'application de ces normes-là peut amener des problèmes pour les entreprises.

On sait que la forêt est un milieu assez variable, assez vivant, où il y a beaucoup de contraintes et d'évolution. On comprend également que des normes sont nécessaires pour régir les choses, pour savoir où on va. Sauf qu'on croit qu'il y aurait peut-être moyen, dans l'application des normes, d'avoir une certaine souplesse par rapport à l'application, une certaine souplesse par rapport aux types de terrain rencontrés. Et ça, ça s'applique dans notre région; ça peut s'appliquer aussi dans d'autres régions au Québec. M. Perron va finaliser la dernière.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) M. Perron.

M. Perron (Lévis): Peut-être juste comme complément. En ce qui concerne les normes qui sont appliquées dans l'énoncé de politique, il est mentionné que le ministère veut accentuer le nombre de personnes sur le terrain pour les contrôles. Nous autres, on est pour ça à condition que ça accélère vraiment le contrôle. Parce que, comme Stéphane disait tout à l'heure, l'acceptation des contrats présentement, c'est un processus qui est très lourd, c'est très, très long. On comprend qu'il faut qu'il y ait des normes, c'est tout à fait louable, mais, comme Stéphane disait, quand ça prend, dans certains cas, huit, 10, 12, 15 mois avant d'avoir l'acceptation finale d'un projet mentionné; nous, on trouve que c'est un peu long. On pense qu'il y aurait moyen d'accélérer les choses, comme, par exemple, il se faisait avant sur le terrain de la vérification conjointe, qu'on appelait. C'est-à-dire, le représentant du ministère avec le représentant du détenteur de CAAF allaient sur le terrain pour vérifier la validité des travaux. On éliminait tout de suite un niveau d'intervention, tandis que là on semble revenir à chacun vérifie de son côté, ce qui diminue encore le temps d'acceptation.

Pour ce qui est des normes, juste une petite chose qu'on voudrait vous faire remarquer, c'est que, dans l'énoncé de politique, il n'est pas beaucoup fait mention des travailleurs forestiers dans la politique du nouveau régime forestier ? à moins que je fasse erreur, je n'ai pas lu tellement longtemps sur cette question-là ? alors que, nous, depuis des années on se bat en tout cas de toutes les façons qu'on peut pour essayer de démontrer qu'un travailleur sylvicole c'est un métier comme n'importe quel autre métier. Mais il faut que ces gens-là soient reconnus à leur juste valeur. Et, pour être reconnus à leur juste valeur, il y a les conditions de travail, il y a le salaire que les ouvriers peuvent gagner. Vous êtes sûrement au courant que les travailleurs forestiers travaillent tous à forfait, c'est-à-dire qu'ils sont payés à la pièce: ils produisent, ils sont payés; ils ne produisent pas, ils ne sont pas payés.

Alors, quand arrive l'application des normes, souvent on constate que les normes sont de plus en plus difficiles, en tout cas on demande de plus en plus de qualités pour le travailleur et l'entrepreneur. Mais il faut quand même faire la part des choses: quelqu'un qui travaille à forfait, il n'a pas toujours le temps de choisir le sapin qui a la plus belle cime, qui a le plus bel avenir, qu'est-ce qu'il nous demande de faire. Quand il travaille à forfait, il n'a pas toujours le temps de tout faire ces choses-là à 100 % de perfection.

Alors, on pense que les normes devraient rester là mais qu'il y a certaines choses qui pourraient être assouplies, surtout dans des choses qui ne remettent pas en cause la valeur du travail qui a été effectué. C'est ça que je voulais mentionner là-dessus.

M. Néron (Guy): En ce qui concerne la dernière recommandation, on disait de voir plus loin que le taux de chômage et utiliser d'autres indicateurs. Il peut arriver, à certains moments... On a vécu l'exemple à un moment donné dans un dossier avec REXFOR. Il y a des programmes de formation ou des opportunités qui s'offrent et qui sont accordés dans des régions mais en fonction du taux de chômage. Or ? ça touche Charlevoix, ça peut toucher d'autres régions ? c'est que souvent, une sous-région à l'intérieur d'une région administrative, Charlevoix, par exemple, dans la région de Québec, si le taux de chômage de référence est celui de la région administrative, les données sont faussées de façon qu'une sous-région à l'intérieur de la région administrative peut être pénalisée.

Donc, ce qu'on recommande ? ça s'applique dans ce cas-ci au niveau forestier, ça pourrait s'appliquer aussi dans plusieurs autres domaines ? c'est de s'assurer d'avoir d'autres indicateurs que seulement celui de chômage quand vient le temps d'accorder différents programmes. Ça fait le tour des recommandations, Mme Carrier-Perreault.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) D'accord. Alors, merci. Je vais donc céder la parole au ministre. M. le ministre, pour la période d'échanges.

M. Brassard: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais remercier le CLD de Charlevoix-Est d'avoir bien voulu venir témoigner devant la commission: M. Néron, M. Charest, M. Perron. Juste une remarque sur ce que vous avez dit à la toute fin. S'il est vrai que le Programme de création d'emplois en forêt s'appuie particulièrement sur le taux de sans-emploi, celui du volet II, Programme de mise en valeur, comporte quand même plusieurs critères: il y a la proportion de redevances générées dans la région mais dans la région administrative, ce n'est pas dans une sous-région, le taux de sans-emploi dans la population active, la proportion aussi du territoire en zone habitée. Ce programme-là s'appuie sur plus d'un critère.

Vous avez montré beaucoup d'intérêt pour faire en sorte que la ressource forestière soit plus accessible dans des territoires comme le vôtre. Est-ce que vous avez bien examiné la proposition de ce nouveau véhicule qu'on retrouve dans le projet de loi qui consiste à accorder un contrat d'aménagement forestier sans qu'il soit rattaché à une usine? Est-ce que ça vous apparaît un véhicule qui pourrait justement, dans des régions comme la vôtre, rendre plus accessible la ressource forestière aux populations concernées et aux intervenants forestiers d'une région?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) M. Perron.

M. Perron (Lévis): Nous autres, on pense que, oui, ce serait quelque chose qui pourrait améliorer, en tout cas on pense à l'accessibilité à la forêt, tout dépendant de la façon que ça serait amené, que ça serait géré. Mais on voit que dans l'industrie en tout cas ça ne semble pas faire l'unanimité, de transmettre des territoires de CAAF à d'autres entreprises. Mais on n'est pas contre le fait. On trouve que c'est quelque chose qui pourrait être regardé d'assez près.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) M. le ministre.

M. Brassard: Parce que ça pourrait être un moyen. Actuellement, on ne peut pas le faire, hein, vous le savez très bien. Actuellement, un bénéficiaire de CAAF, comme on dit dans le jargon, doit avoir une usine, ça doit servir à alimenter une usine. S'il n'y a pas de permis d'usine, il n'y a pas de CAAF. Alors, ça, ce véhicule-là, je pense, pourrait permettre d'atteindre ou de répondre aux attentes que vous exprimez, dans le sens où des MRC pourraient être impliquées ou des organismes locaux ou régionaux d'aménagement forestier pourraient être impliqués et ainsi gérer, faire la récolte, faire l'aménagement. Les obligations sont aussi contraignantes que pour un détenteur de CAAF avec usine, mais ça permet à ce moment-là de concrétiser, d'incarner d'une certaine façon le concept de Forêt habitée.

Alors, c'est un peu dans cet esprit-là qu'on veut amender la loi.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) M. Néron.

M. Néron (Guy): M. le ministre, effectivement, c'est le genre de projet qui serait bienvenu dans Charlevoix comme dans d'autres régions au sens où je suis convaincu que ça pourrait permettre de renforcer le sentiment d'appartenance de travailleur à sa région. Or, comme directeur général du CLD, je peux l'amener facilement. Je peux comprendre que, pour un collègue comme Lévis, qui a sa propre entreprise et qui fait déjà affaire avec le bénéficiaire, il a peut-être la tête sur le billot pour répondre plus ouvertement.

n(14 h 30)n

Mais, moi, je peux vous dire qu'effectivement je pense que ça ramènerait d'ailleurs les pôles de décision beaucoup plus proches. Les MRC, nous, on le vit présentement avec une délégation de gestion et elles s'en tirent très bien au moment où on se parle. Et effectivement, à ce moment-là les interventions seraient beaucoup plus pointues, et, comme Forêt habitée, selon le concept, du moins la définition qu'on lui a donnée, je pense que ça se pourrait très bien. Je pense que Stéphane aurait peut-être quelque chose à rajouter.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Oui. Alors, M. Charest.

M. Charest (Stéphane): C'est un peu pour abonder dans le même sens. Je pense qu'il y a beaucoup d'intervenants qui ont déjà manifesté cette ouverture-là ou ces idées-là de créer des territoires d'aménagement où une entreprise serait responsable de la récolte et des travaux d'aménagement.

Comme M. Néron disait, l'avantage, c'est que vous créez un sentiment d'appartenance à ce territoire-là par rapport à l'entreprise qui est responsable et ces gens-là ont à coeur la réussite et l'aménagement intensif de cette forêt-là parce qu'ils pensent à leur nom qui est associé à ça. On dit ça sans vouloir dénigrer le travail actuel des bénéficiaires. Je pense que, même à un certain niveau, ça pourrait aider les bénéficiaires dans la mesure où les bois récoltés habituellement vont aux bénéficiaires.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Merci. M. le ministre.

M. Brassard: Vous avez une recommandation que j'aimerais vous voir clarifier. Vous parlez de l'application uniforme des normes à travers tout le Québec, donc nationales, et en même temps de souplesse à tous les niveaux d'intervention.

Je sais que, M. Perron, vous avez abordé cette question-là. On l'a abordée ce matin aussi avec la MRC de Matapédia. Ça m'apparaît un peu ambigu. J'aimerais que vous puissiez nous clarifier cette recommandation-là. Qu'est-ce que vous entendez par l'application uniforme de normes à travers tout le Québec et en même temps souplesse, flexibilité? Comment ça peut s'incarner, se concrétiser dans la vraie vie, une recommandation comme celle-là?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) M. Perron.

M. Perron (Lévis): Il y a peut-être eu un peu de... quelque chose qui s'est écrit dans le mémoire. En tout cas, ce n'est pas tout à fait ça qu'on voulait dire. Quand on parle d'uniformisation de l'application des normes, on est convaincu, en tout cas, on pense que les normes sont appliquées provincialement de la même manière. Je l'espère, en tout cas, mais je ne peux pas vérifier ça à la place de personne. Qu'est-ce qu'on voulait surtout faire dans ce mémoire-là, c'est qu'on voulait surtout vous sensibiliser à la question que, selon nous en tout cas, les normes présentement qui sont appliquées pour les interventions au niveau de la forêt publique sont trop sévères pour le travailleur forestier puis les intervenants, pour arriver à des résultats qui seraient semblables s'il y avait beaucoup de choses qui étaient assouplies.

Nous autres, on pense que la foresterie n'est pas une science infuse puis que parfois, bien, il faut faire place à l'interprétation de certaines choses sur le terrain. Parce que présentement vous n'êtes pas sans savoir qu'au Québec il y a diminution du nombre d'ouvriers sylvicoles à chaque année. Bien, il y a une raison à ça. C'est que les gens, avec tous les contrôles qui sont exercés, avec toutes les normes qui leur sont demandées de travailler sur le terrain... Je reviens encore avec l'histoire du travailleur à forfait, mais ça va ensemble. Les gens ne peuvent plus vivre en travaillant en forêt avec tous les contrôles, toutes les pressions qui sont exercées sur eux pour faire un travail qu'on nous demande de plus en plus de très, très haute qualité. Il n'y a personne qui n'est pas pour ça, faire du travail de très haute qualité, mais il y a à un moment donné une marge qu'on ne peut plus franchir où est-ce que le travailleur, malgré toute la formation... Tous les travailleurs forestiers maintenant au Québec ont presque tous reçu des formations d'ouvrier sylvicole, ils ont suivi des cours de maniement de débroussailleuses, des cours de foresterie. Mais à un moment donné ils ne peuvent pas aller plus qu'au niveau humainement possible de faire pour un ouvrier sylvicole sur le terrain.

Alors, nous, on pense qu'il y a certaines choses qui pourraient être assouplies, qui ne remettent pas en cause la valeur d'un traitement qui va être fait quand même pour l'avenir. Alors, c'est ça qu'on voulait dire. Mais, dans votre énoncé de politique, vous parlez d'augmenter les contrôles. Je ne sais pas qu'est-ce que ça veut dire, augmenter encore les contrôles plus qu'ils sont là, mais, si on augmente encore les contrôles, je me demande qui va pouvoir travailler en forêt bientôt, très sincèrement. C'est ça qu'on veut sensibiliser.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) M. le ministre.

M. Brassard: M. Perron, vous savez très bien que, suite aux consultations précédentes qui ont eu lieu, en particulier dans chacune des régions, un des consensus et une des demandes très fortes qui venaient d'à peu près tous les milieux, c'était d'accroître les contrôles et les suivis en forêt. Je pense que là-dessus il y avait un très fort consensus, alors on est allé dans cette direction-là. Mais vous êtes vous-même un intervenant forestier, c'est ce que le directeur général vient de nous dire, donc vous êtes déjà sur le terrain. Je vous écoute puis je ne trouve pas ça très clair. J'aimerais que vous me donniez des exemples précis de contrôle que vous pourriez qualifier de tatillon ou même d'abusif ou d'inutile.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Oui, M. Perron.

M. Brassard: Parce que vous savez devant quel dilemme je suis, là: j'ai à la fois une demande très forte et très pressante d'accentuer les contrôles, parce que la population veut que la forêt soit gérée avec rigueur, puis en même temps, ce matin, une MRC, maintenant aussi un CLD, qui nous demandent de la souplesse, de la flexibilité par rapport au contrôle et au suivi et aux normes. Moi, je suis bien prêt à regarder ça avec un esprit ouvert, encore faut-il que je ne me retrouve pas dans une situation où, sur certains territoires forestiers ou certaines portions du territoire forestier, la rigueur soit moindre qu'ailleurs. Je ne sais pas si vous me comprenez.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Alors, M. Perron.

M. Brassard: J'ai un problème, là.

M. Perron (Lévis): Je comprends. Mais il faut bien comprendre qu'on ne demande pas que les normes soient appliquées moins sévèrement dans Charlevoix qu'ailleurs. Dans Charlevoix, qu'est-ce qu'on demande? On demande que les taux soient appliqués à la réalité régionale. Ça, je comprends que la population en général, surtout après le film L'Erreur boréale qui est passé il y a quelques mois, il y a eu un mouvement populaire disant: Écoutez, on va accentuer les moyens de contrôle sur les compagnies forestières. Ça, c'est une chose. Mais, moi, je vous dis qu'aujourd'hui, nous, on est ici, on ne vous parle pas de grands énoncés de politique, nous autres, on vit tous les jours quotidiennement avec les contrôles qui sont exercés, c'est nous autres qui les avons, là, en bout de ligne. Puis le travailleur, c'est lui qui vit aussi avec ça, en bout de ligne. Au-delà de toutes les choses qui peuvent se dire, c'est toujours les gens au bout de la chaîne qui résultent des conséquences de tout ça.

Un exemple que je pourrais vous amener, si j'ai le temps, c'est que souvent, sur le terrain, il y a certaines normes techniques. Les normes techniques, ça ? il y a des gens sûrement des Ressources naturelles, ici ? c'est un guide qui est ça d'épais. Mais vous comprendrez que le travailleur forestier qui gagne sa vie avec une débroussailleuse, on ne commencera pas à lui faire lire ça, 300 pages de devis techniques, en lui expliquant: Ça, c'est une tige de veneer; celle-là elle est moins de veneer, elle a un petit peu moins de veneer; il faut que tu choisisses celle qui a le plus de veneer; il ne faut pas que tu laisses les souches trop hautes; il ne faut pas que tu laisses de feuillus un mètre autour du résineux; il ne faut pas que tu laisses de petits sapins autour. C'est toutes sortes de choses comme ça qui font que le travailleur, là...

Je ne sais pas si je m'explique mal, mais on est tous pour ça, qu'il y ait des contrôles, mais on dit qu'à un moment donné il faut qu'il y ait une barre, que ça arrête, puis il faut qu'il y ait une certaine souplesse. Comme je vous expliquais tantôt, dans un certain projet donné, exemple, on arrive à 85 %, et c'est le taux qui est demandé pour avoir le paiement des travaux, ce qui est tout à fait normal. Bien, ça pourrait arriver à 83,5 %, 84 %, ça ne remet pas en question la qualité du traitement, qui a été très bien effectué, à cause, peut-être, de deux trois arbres de veneer qui n'ont pas été sélectionnés par le travailleur, comme il aurait pu être fait. Mais selon nous autres, ça ne remet pas en question la valeur du traitement.

n(14 h 40)n

Mais je suis persuadé que c'est toutes des choses, que ça pourrait être agencé, puis avec de la bonne volonté, puis que tout le monde, je suis sûr, va arriver à un consensus. Des fois, ce n'est pas grand-chose qui fait en sorte qu'un projet peut être accepté ou peut être refusé. C'est juste une question peut-être, des fois, d'interprétation sur le terrain, par exemple. C'est pour ça que, nous, on pense que, s'il y avait vérification conjointe, comme c'était le cas auparavant, bien, quand le représentant du ministère est avec le représentant du bénéficiaire, ils puissent argumenter tous les deux en même temps, parce qu'ils ont le même visu de la situation. Mais, quand ils y vont chacun de leur côté, bien là, après ça, il va falloir qu'ils se donnent un rendez-vous quand même plus tard pour aller revoir le terrain parce qu'ils ne s'entendent pas sur qu'est-ce qu'ils ont vu tous les deux. C'est ça, des choses comme ça qu'on pense qui pourraient être améliorées.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Merci, M. Perron. Alors, question... Mme la députée de Bonaventure.

M. Charest (Stéphane): J'avais une petite remarque à faire.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Oui, pardonnez-moi. Oui, M. Charest.

M. Charest (Stéphane): Quand on parle de contrôle au sens où vous l'entendez, puis je pense au sens où la population l'a manifesté, moi, je vois plus ça comme le contrôle de la forêt en général, le contrôle des différentes ressources, des normes environnementales, par exemple, pour tout ce qui est cours d'eau. Ce qu'on amène, nous, comme contrôle, c'est le contrôle vraiment qualitatif d'un traitement. C'est peut-être à ce niveau-là que... on n'est pas contre les contrôles en général de la forêt. Puis je pense que la population était sensible à ça. Le contrôle dont on parle, c'est vraiment un contrôle qualitatif du traitement, directement sur les peuplements en cause.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Merci, M. Charest. Alors, Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour à vous trois, M. Néron, M. Charest, M. Perron. Merci d'avoir pris le temps de nous faire part de votre vision entourant le nouveau projet de loi qui a été déposé. Évidement, il y a dans les recommandations que vous formulez, il y en a plusieurs que j'ai entendues, moi, ailleurs sur le territoire, dont celle à l'effet d'avoir plus de souplesse dans les normes d'intervention, donc que nos normes soient plus adaptées à la réalité régionale. Souvent, on nous a dit: On a une norme par exemple qui est décidée à Québec et là évidemment qu'on soit en Gaspésie, en Abitibi, dans le Bas-Saint-Laurent, on souhaite voir appliquer cette norme-là de façon uniforme, alors que nos forêts, les territoires forestiers, on sait très bien qu'il sont différents, qu'on soit dans une de ces régions-là.

Votre deuxième recommandation porte sur le sort qu'on réserve à nos travailleurs forestiers. Ce matin, dans la présentation, j'en ai parlé et je vais vous dire, pour avoir rencontré plusieurs d'entre eux, effectivement, je pense qu'on a un problème à l'heure actuelle avec les travailleurs forestiers. C'est des gens qui travaillent souvent dans des conditions très difficiles, vous y avez fait référence tout à l'heure, les gens qui travaillent, bon, par exemple dans des pentes, des terrains qui sont vraiment... où le nombre de tiges à l'hectare est important. J'aimerais savoir, concrètement, quand vous dites: On a des problèmes de recrutement, est-ce que vous vivez ça chez vous? Et, deuxièmement, quand le ministre tout à l'heure vous questionnait sur comment on pourrait adapter les normes de façon plus pointue sur le terrain, moi, ce que je comprends, c'est que vous nous dites: On pourrait arriver au même résultat au niveau de la qualité de l'aménagement qu'on fait, du travail sylvicole qu'on fait en étant peut-être moins exigeant. Et je discutais avec un travailleur sylvicole de la région du Saguenay?Lac-Saint-Jean qui me disait, par exemple: On est payé pour x nombre de tiges à l'hectare, mais, s'il y en a deux fois plus sur le terrain, bon, on doit tout couper puis on n'est pas payé pour ces tiges-là, pour ce travail-là qu'on fait.

Alors, je pense qu'il faudrait peut-être revoir nos façons de rémunérer les travailleurs forestiers. Tout à l'heure, vous faisiez référence au fait qu'ils sont payés à forfait. Est-ce qu'il y aurait d'autres mécanismes qui nous permettraient de mieux les rémunérer? Vous nous avez souligné tout à l'heure le fait que souvent les employés, les travailleurs sont obligés de parcourir de longues distances. Est-ce que, par exemple, sur le plan fiscal on pourrait leur accorder une certain exemption d'impôts, par exemple pour le carburant qu'ils utilisent, et tout ça? Je pense que ça pourrait être une avenue de solution.

Alors, de votre côté, au niveau du problème de recrutement dans Charlevoix, est-ce que c'est un problème? Parce que vous semblez un peu, bien, probablement réaliste, M. Perron, quand vous nous dites: On a vraiment un problème. Ça semble être un sujet qui vous tient à coeur, le sort de nos travailleurs forestiers, et peut-être nous en dire davantage sur les problèmes de recrutement que vous rencontrez dans Charlevoix.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) M. Perron.

M. Perron (Lévis): Oui, le recrutement, c'est-à-dire il faudrait voir ça dans deux volets. On a dispensé longtemps des cours de formation d'ouvrier sylvicole à la commission scolaire de Charlevoix. On n'avait pas de misère à avoir des gens pour venir suivre des cours intensifs de sept, huit, 10 semaines. Mais, quand les gens arrivaient sur le terrain, dans la vraie réalité, malheureusement on en perdait 75 % parce qu'ils ne réussissaient pas à vivre de ça. C'est ça, le problème. Puis tantôt, quand vous disiez... les taux, bien, nous, on pense que, si les taux étaient mieux adaptés, si on a 945 $ de l'hectare environ pour traiter une éclaircie précommerciale de 22 500 tiges à l'hectare... puis en réalité, comme vous dites, c'est un petit peu ce qui se passe, c'est que l'inventaire fait en sorte qu'on ne dénombre pas les tiges résineuses de 1,20 m et moins et on ne dénombre pas les tiges feuillues de 1,8 m et moins. Donc, plutôt que d'en avoir réellement 25 000, il y en a peut-être 30 000 ou 35 000. C'est ça que votre travailleur vous disait. Il a effectivement raison. Parce qu'il faut qu'il les coupe quand même.

Mais, dans la politique du ministère, il semble nous dire que les tiges de 1,2 m, ça ne retarde pas le travailleur, il va aller à la même vitesse que s'il en coupait 22 000. Nous, bien entendu, on n'est pas d'accord, parce que, quand on a une débroussailleuse dans les mains, on se rend compte qu'il y a une très grosse différence entre en couper 35 000 puis en couper 22 000. C'est juste une logique qui parle. Mais, en tout cas, on vit quand même avec ça. Mais, dans ce qui est de l'application des taux, si les taux étaient plus élevés pour certains traitements en tenant compte des pentes, du chablis, l'accessibilité au territoire, le travailleur pourrait avoir plus cher, donc il pourrait en faire moins dans la même semaine pour gagner le même salaire. Mais, si les taux ne sont pas augmentés, le travailleur est obligé de faire un rendement accéléré pour avoir un salaire potable. Mais là encore, on rentre dans une autre dynamique. Il y a certaines gens qui pensent que des travailleurs forestiers devraient gagner 500 $ par semaine, alors que, moi, je pense qu'ils doivent en gagner 900 $, 800 $ pour vivre, parce que c'est des gens qui n'ont aucune allocation de dépenses. Il faut qu'ils paient toutes leurs dépenses, tous leurs frais. Alors, ça, c'est une autre dynamique.

Mais, nous, on se bat depuis 20 ans pour faire accepter aux gens que les travailleurs forestiers, ce sont eux qui sont sur le terrain, ce sont eux qui font la qualité, ce sont eux qui font la forêt pour demain et on pense qu'il faudrait que ces gens-là soient plus considérés. Parce que c'est bien beau dire qu'on veut avoir une forêt pour l'avenir, mais ça prend des travailleurs pour faire ça, et puis c'est eux autres qui sont là sur le terrain, il faudrait peut-être tenir plus compte un peu de ces gens-là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Oui, Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Ils ont un très bon ambassadeur en votre personne, M. Perron, puis je partage tout à fait le point de vue que vous venez d'exprimer.

Tout à l'heure, vous parliez de taux. Effectivement, ce que vous dites, dans le fond, c'est qu'on devrait augmenter... c'est la souplesse à laquelle vous faisiez référence tout à l'heure, qu'on augmente les taux en fonction du coefficient de difficulté que le travailleur retrouve sur le terrain. C'est ce que vous nous dites, finalement.

M. Perron (Lévis): Oui, oui.

Mme Normandeau: O.K. D'accord. Une autre question peut-être porterait sur.. juste un commentaire au niveau des travailleurs, en terminant, juste avant de passer au processus de contrat.

Dans un contexte de rendement accru, c'est ce que le ministre annonce, où on va intensifier l'aménagement en forêt, est-ce que vous avez un jugement plutôt alarmiste à l'effet qu'on pourrait avoir des difficultés de recruter toute la main-d'oeuvre nécessaire pour qu'on puisse effectivement répondre aux objectifs qui seront identifiés dans la politique du rendement accru? Est-ce que vous êtes en train de nous dire, dans le fond, qu'on pourrait avoir un manque de main-d'oeuvre justement si on intensifie éventuellement l'aménagement qui sera fait en forêt, compte tenu des difficultés qu'on vit à l'heure actuelle au niveau, par exemple, du salaire qui est octroyé à ces travailleurs-là? Est-ce que vous pensez qu'on pourrait avoir, dans un horizon plus ou moins lointain, là, un problème de recrutement de main-d'oeuvre?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) M. Perron.

M. Perron (Lévis): Je ne voudrais pas répondre à la place de mes confrères. Moi, je ne suis pas alarmiste, mais je pense qu'il y a un problème qui va arriver très bientôt, parce que, moi, qu'est-ce que je pense, c'est que présentement les travailleurs forestiers qui travaillent en forêt, c'est un métier qu'ils ont en attendant d'avoir autre chose, alors que ça devrait être le contraire. Ces gens-là devraient être fiers de ce qu'ils font, ils devraient gagner un salaire convenable, ils devraient faire vivre leur famille convenablement, tandis que présentement il y a beaucoup de travailleurs qui sont ramenés à la forêt parce qu'ils n'ont pas d'autre chose ailleurs. Mais, la minute où il se présente quelque chose de plus potable, si je peux m'exprimer comme ça, qui est moins exigeant, qui est aussi payé et même sinon moins payé, ils vont tout de suite lâcher la forêt pour s'en aller dans ce domaine-là. De là va venir, selon moi, qu'il va y avoir beaucoup de misère à recruter du personnel très bientôt, si les conditions ne s'améliorent pas, en tout cas, sensiblement du moins, sans être drastiques.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Oui, M. Néron.

n(14 h 50)n

M. Néron (Guy): Je rajouterai peut-être quelque chose pour Mme Normandeau. Lorsqu'on parlait tout à l'heure, nous, on parle d'exode de nos travailleurs forestiers, à partir du moment où, dans d'autres régions à un moment donné, il va y avoir un relief qui favorise ou qui facilite un petit peu le travail, ils vont manquer de ressources et, à ce moment-là, nos meilleurs vont aller travailler ailleurs pour deux, trois raisons. Des fois, il va y avoir beaucoup moins de kilométrage à faire, parce que peut-être le bénéficiaire de ce coin-là va installer un camp, où ils n'auront pas justement à faire 150 km le matin pour aller travailler. Et, à ce moment-là, même si parfois ils ne vont pas chercher peut-être plus de salaire, ils vont le faire à des conditions qui sont beaucoup plus agréables. Et, à ce moment-là, ceux qui partent, comme je vous le disais tout à l'heure, ce sont les meilleures de ces entreprises-là et non pas celles qui sont, bon, on pourrait dire, B ou C, peu importe. Mais je veux dire, ceux qui sont les plus performants vont être les premiers partis. Donc, qui plus est, ça implique autre chose, c'est que les coûts de formation dispensés dans notre région se font au bénéfice d'autres.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Merci, M. Néron. Alors, M. le député d'Orford.

M. Benoit: M. Néron, votre CLD, dans son mémoire, vous nous rappelez que, pour une population de 30 000 habitants, le tourisme permet la création de plus de 3 000 emplois directs et d'environ 1 000 emplois indirects, en plus de générer une activité économique d'environ 90 millions. On sait tous que, votre MRC, c'est important, le tourisme chez vous.

Louis-Gilles Francoeur, qui est le grand journaliste en environnement, dans Le Devoir de ce matin, nous rappelle qu'il vient de descendre une des rivières du nord du Québec et que les marges de bords de rivière qui ne sont pas coupées, c'est relativement étroit. Et il nous dit qu'un des groupes va venir nous voir pendant la commission parlementaire et il va nous suggérer que les bandes riveraines, sur le bord des rivières, ne soient plus coupées. Je crois qu'il parle de 2 000 m. Dans une MRC où, j'imagine, il y a des affrontements à l'occasion entre le développement touristique et le développement forestier, une proposition comme celle-là, comment elle serait reçue chez vous, entre ces deux groupes de citoyens?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) M. Néron...

M. Benoit: Deux cent mètres. Excusez, pas 2 000 m, 200 m; 2 000 m, il n'y a plus un pouce carré qu'on coupe au Québec.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Néron (Guy): Ça n'apporterait pas de confrontations. Disons que ça...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) D'accord. M. Néron.

M. Néron (Guy): Je préfère 200 m, remarquez. Ce n'est pas nécessairement une confrontation que cela apporterait, ça amènerait peut-être un effort supplémentaire de concertation, mais qui se fait déjà au moment où on se parle. Et c'est une des raisons pour lesquelles, lorsqu'on parlait de CAF, C-A-F, avec le ministre tout à l'heure, de dire: Oui, des entreprises chez nous pourraient très bien travailler sur des territoires qui leur seraient attribués. Et ces territoires-là, à partir du moment où ils sont de plus petite superficie, on pourrait parler de 1 000 ha, à ce moment-là, les gens seront capables de travailler sur un regroupement de parcelles ou sur un territoire qui tient compte effectivement de cette distance-là sur les bords.

Chez nous, déjà on vous parlait tout à l'heure qu'il y a des exercices et il y a des projets qui ont nécessité une concertation entre forestiers et amants d'activités dans la forêt ? O.K., on s'entend, je ne vous ai pas fait d'énumération pour rien ? au sens où ces gens-là sont déjà assis ensemble et travaillent déjà ensemble. Alors, ça demande simplement un peu plus de concertation. Et, effectivement, c'est que dans les territoires comme... On parle de 6 000 km² chez nous, avec au-delà de 83 % de territoires occupés par la forêt. Effectivement, il y a de la place pour tout le monde.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Oui, M. le député d'Orford.

M. Benoit: Est-ce que cette concertation-là pourrait aller aussi loin que... On sait que les touristes aiment les beaux paysages et on sait que, quand il y a une coupe agressive, les beaux paysages deviennent un peu moins beaux pour un bout de temps. Est-ce que cette politique de concertation, vous avez été capables de la pousser aussi loin que la protection, par exemple, de beaux paysages ou de forêts qui sont en évidence sur un déclin de montagne, face à une route? Est-ce que vous êtes capables de pousser ces concertations-là aussi loin et que les forestiers en acceptent les résultats?

M. Néron (Guy): ...là-dessus, je vais laisser Stéphane approfondir le dossier.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) M. Charest.

M. Charest (Stéphane): Oui. Je pense que ça se fait déjà, cet exercice-là, puis je pense que, Charlevoix étant une région très touristique, les bénéficiaires, les gens des MRC sont très en contact, ont un contact étroit entre eux pour minimiser les impacts sur les paysages, entre autres. Et depuis plusieurs années, je pense que même la région est à l'avant-garde là-dessus parce que tout le monde est conscient de l'importance des paysages pour l'industrie touristique.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Oui. M. Néron.

M. Néron (Guy): Je peux même préciser qu'en 1993 la Corporation de développement industriel, à l'époque, l'ancêtre du CLD chez nous, s'était opposée au plan quinquennal du bénéficiaire qui, en l'occurrence, à ce moment-là, était Donohue avec le ministère, sous prétexte qu'effectivement il n'y avait pas eu de consultations. Alors, ça, ça date de longue date. Donc, depuis au moins 1993, les gens s'assoient. Et dans le projet d'écovillage comme dans le projet du Massif, les bénéficiaires sont assis à la même table que les utilisateurs, pourvoyeurs et autres, et déjà il y a quand même un bon travail qui se fait de ce côté-là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) D'accord. Merci, M. Néron. Oui, M. le député d'Orford.

M. Benoit: C'est peut-être, bon, un petit côté politicien qui va remonter à la surface. Mais, dans le débat de la côte des Éboulements, est-ce que vous aviez pris position?

M. Néron (Guy): Je ne veux pas être méchant, mais c'est parce que ce n'était pas sur mon territoire de CLD. Ha, ha, ha!

M. Benoit: Je sais que ce n'est pas sur votre territoire.

M. Néron (Guy): Mais, effectivement, à l'heure actuelle, on n'a pas pris position. Nous, on n'était pas impliqués dans le dossier.

M. Benoit: D'accord.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Alors, M. le député de Dubuc.

M. Côté (Dubuc): Merci, Mme la Présidente. Alors, M. Néron, M. Perron et M. Charest, bonjour. Si on regarde vos propositions et vos recommandations, la majorité d'entre elles sont des propositions qui m'apparaissent d'ordre technique, c'est-à-dire qu'elles touchent à la réglementation comme telle plutôt, à l'exception de la troisième où vous parlez de promouvoir l'accès à la ressource forestière.

Alors, ce que j'aimerais savoir, c'est que, en fait, vous ne vous prononcez pas comme tel sur le projet de loi n° 136 et sur les modifications qui y sont proposées. Je pense, entre autres, au rendement accru, aux contrats d'approvisionnement et d'aménagement forestier. Est-ce que, dans les recommandations que vous faites, vous pensez que les dispositions qui sont incorporées dans le projet de loi pourraient répondre en partie ou en totalité aux recommandations que vous faites dans ces propositions?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) M. Néron.

M. Néron (Guy): La façon dont le mémoire a été présenté... Et vous l'avez dit tout à l'heure, la troisième recommandation, pour nous, c'est important dans Charlevoix qu'il y ait une gestion intégrée. C'est important que, effectivement, tout ce qui est travaux forestiers soit fait de concert et en accord avec les autres utilisateurs. Quand il y a un pont à faire, que le pourvoyeur et la ZEC concernés avec le bénéficiaire s'assoient et le règlent ensemble. C'est ce qu'on souhaite et c'est ce qui est en train de se faire chez nous. À partir du moment où il y a d'autres éléments au niveau du projet de loi qui viennent renforcer cette position-là, nous, on est d'accord avec le projet de loi. Là où il y a des choses avec lesquelles on n'était pas d'accord, c'était au niveau technique et c'est là-dessus qu'on s'est prononcé, c'est là-dessus que nos deux gens sont intervenus.

En ce qui concerne le reste, compte tenu que... Effectivement, je pense que tous les gens s'en sont rendu compte, on parle au nom de deux MRC et il y en a au-delà d'une centaine au niveau de la province. Alors, on peut avoir des éléments très pointus qui nous concernent. On considère qu'ils sont exportables, qu'ils sont applicables à d'autres territoires, mais on n'a pas pris position sur l'ensemble de la politique pour tout ce qui est... Parce que je pense qu'il y a des associations beaucoup plus représentatives de l'ensemble de la province qui ont à prendre position. Nous, on a pris position, en étant bons opportunistes, sur ce qui fait notre affaire, mais ce qui est en même temps exportable.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Merci, M. Néron. Oui, M. le député de Dubuc. Il reste très peu de temps.

M. Côté (Dubuc): Ma deuxième question: Lorsque vous parlez de l'utilisation des surplus, des redevances forestières qui doivent retourner dans la région d'origine, ça veut dire que vous demandez au gouvernement de redistribuer totalement le montant complet des redevances forestières.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Oui, M. Néron.

M. Néron (Guy): Bien, en fait, c'est l'idéal. Si on produit 4 millions et qu'il en revient 4 millions, ça va être numéro un, mais on est conscient que la forêt québécoise appartient à tous les Québécois. Ça, c'est une chose. Mais on se rend compte que, dans une population, chez nous, 30 000 habitants, 83 % du territoire forestier, sur 4 millions, il y en a au moins 1,5 million qui sort de la région, alors qu'il nous est resté, par exemple pour la MRC de Charlevoix et Charlevoix-Est, 500 000 $ pour le volet 2. On se dit: On a eu des demandes pour au-delà de 2 millions chacune et il reste 500 000 $. Donc, on a dit: On pourrait effectivement recevoir ou pouvoir conserver une plus grande partie et pouvoir permettre à ce moment-là à des gens de travailler davantage au niveau forestier. Et présentement, ce n'est pas le cas.

M. Côté (Dubuc): Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Merci, M. Néron. M. le député d'Argenteuil.

M. Whissell: Merci. Dans une de vos recommandations, vous dites que, lors de certains travaux sylvicoles et de la prise de données et de la vérification par les fonctionnaires du ministère, il semble y avoir certains problèmes. Vous dites... recommandation: «Souplesse dans l'application des normes techniques et vérification conjointe».

Je me pose la question: Est-ce que c'est vraiment souplesse dans l'application des normes ou c'est d'avoir des normes peut-être mieux définies où il y a moins, justement, interprétation de la part du fonctionnaire?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) M. Charest.

M. Charest (Stéphane): Moi, je vous répondrais peut-être par un exemple. Quand on parle de souplesse, imaginez que vous faites un inventaire au mois de juin en prévision de travaux qui vont se dérouler à l'été. Vous faites l'inventaire au mois de juin alors que les arbres... disons à la fin mai, les gens vont sur le terrain prendre des données de hauteur d'arbres. Les arbres n'ont pas encore débourré, n'ont pas encore laissé aller leur pousse annuelle. Ce que madame disait tantôt, ce qui s'applique dans sa région, dans le coin de Bonaventure, on parle de hauteur d'arbres qui ne sont pas admissibles; en bas de 1,2 m, on ne les compte pas. On arrive au printemps puis ces arbres-là qui ont 1,2 m, disons 1 m, on ne les compte pas. Le travail se fait au mois d'août puis ces arbres-là n'ont plus 1 m, ils ont peut-être 1,3 m. Donc, normalement, si l'inventaire avait été fait tout de suite avant le travail, ils auraient été considérés.

C'est ça qu'on veut dire un peu par «souplesse», la forêt étant quelque chose de vivant, ça évolue. On prend des données qui s'appliquent de façon drastique, alors que les choses ne sont pas aussi drastiques qu'elles le sont en réalité. C'est un peu dans cet ordre d'idées là qu'on...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) M. le député d'Argenteuil.

n(15 heures)n

M. Whissell: O.K. Mais, dans le fond, c'est peut-être de mieux définir les normes techniques.

M. Charest (Stéphane): Oui, ou mettre des balises techniques. On parle plus maintenant de balises techniques que de normes. En ayant des balises minimums ou maximums, ça évite des choses trop... Puis on comprend les gens qui travaillent pour les différents ministères, les fonctionnaires qui travaillent à ces normes-là, à cette prise d'échantillons là, ils font leur travail. On ne dit pas autre chose, sauf que donnons-leur l'opportunité d'avoir une souplesse aussi.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Merci, M. Charest. Alors, M. le député de Maskinongé, vous rappeler qu'il reste une minute seulement à votre formation politique. Alors, très, très, très rapidement, et une réponse tout aussi rapide.

M. Désilets: Je vous remercie beaucoup de votre générosité. Ha, ha, ha! Tantôt, vous avez parlé du processus d'acceptation des contrats sylvicoles, des travaux, comme quoi il fallait accélérer le processus parce qu'il était lent. Vous avez mentionné également ? je crois que c'est dans ce volet-là ? vous faisiez référence à autrefois, qu'on avait une vérification conjointe, les deux, et vous avez tendance à privilégier cette approche d'autrefois, à revenir à autrefois. Je voudrais savoir si c'est bien ça ou si vous avez d'autres alternatives à proposer pour augmenter la vitesse dans l'obtention des contrats.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Alors, merci, M. le député de Maskinongé. M. Perron.

M. Perron (Lévis): Ça ne sera pas long. Pour nous autres, il me semble que... Je vais faire une comparaison entre vous et moi. Si vous travaillez pour le ministère des Ressources naturelles et que, moi, je travaille pour le détenteur du CAAF, je vais faire ma vérification sur le terrain, la lecture que j'en ai, je vous la transmets par courrier. Après ça, vous, vous partez, vous allez sur le terrain voir la même chose que, moi, j'ai vue, mais ça ne veut pas dire que vous allez le voir de la même manière que moi.

M. Désilets: Présentement?

M. Perron (Lévis): Présentement, c'est comme ça que ça fonctionne dans la plupart des cas, alors que, nous, on pense que, si je partais avec vous, qu'on allait tous les deux ensemble, si on a des divergences de vue du travail qui a été effectué, on va pouvoir se le dire tout de suite. Mais là, si je vous transmets ça par courrier, le temps que ça va prendre, c'est normal qu'il y ait un certain délai, bien ça va allonger le temps de réponse. S'il y a des difficultés qui sont rencontrées en cours de route, ça va encore allonger la difficulté. Donc, ça fait en sorte que l'acceptation des travaux prend du temps qu'on pourrait peut-être raccourcir de cette manière-là. Selon nous, en tout cas.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) D'accord. Merci, M. Perron. Alors, Mme la députée de Bonaventure, il reste trois minutes à votre formation politique.

Mme Normandeau: Merci beaucoup. Alors, pour ces trois dernières minutes, j'aurais deux interrogations qui portent sur deux de vos recommandations. La première, celle qui a trait à l'acceptation dans le processus des contrats pour accélération du paiement final, alors, effectivement, vous faites référence à une réalité que je ne connais pas. Est-ce que c'est possible de nous donner des exemples concrets qui permettraient justement de raccourcir le délai de deux ans auquel vous faites référence pour qu'une entreprise puisse se voir payée pour le contrat qu'elle a effectué au niveau de l'aménagement? Est-ce que vous avez une proposition à faire, une recommandation, plus concrètement, pour éviter ce délai que vous jugez indu et problématique pour certaines petites entreprises forestières?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) M. Perron.

M. Perron (Lévis): Bien, selon nous, ce n'est pas juste problématique pour les petites entreprises, mais les grosses entreprises également. Il y a certaines grosses entreprises, sans m'avancer, qui ont des retenues de plusieurs centaines de milliers de dollars. Ça commence à être beaucoup de choses.

Mais la proposition qu'on fait, c'est... Une des propositions, c'est qu'on fasse la vérification conjointe sur le terrain pour éliminer au moins une étape dans le processus d'évaluation finale qui va, selon nous, sauver au moins... je m'avancerais sur un mois ou deux, tout dépendant des cas. Mais, pour une compagnie comme nous autres, par exemple, une petite compagnie, 40 000 $ de paiements en retard de 12 à 15 mois, bien c'est quelque chose de très, très important.

Mme Normandeau: Quel est le délai que vous jugeriez acceptable?

M. Perron (Lévis): Au début, on se rencontre toujours avec les intervenants, on parle toujours d'un délai de 12 mois qui nous semble raisonnable, parce qu'on sait que, sur le terrain, il faut quand même faire le travail, après ça il faut qu'il soit vérifié. On a toujours parlé d'un délai raisonnable de 12 mois, qui nous apparaissait quelque chose de réaliste, mais, quand on va au-delà de 12 mois, on pense que c'est un peu trop long pour plusieurs personnes.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: O.K. Une dernière question, très rapidement...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Il reste une minute.

Mme Normandeau: ...porterait sur la dernière recommandation au niveau des critères qui sont utilisés pour l'obtention de certains programmes. Tout à l'heure, vous faisiez référence à REXFOR, est-ce que vous avez un exemple concret? Parce que j'essaie de voir, là. Bon, la région bénéficie, par exemple, du volet II. Compte tenu de votre réalité au niveau, par exemple, du taux de chômage, est-ce que vous avez été pénalisés dans le passé? Est-ce que votre région s'est vu refuser accès à certains programmes? Parce que c'est ça que vous semblez dire, à moins que j'aie mal compris.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Oui. Il reste à peine quelques secondes, alors j'imagine qu'il y aura consentement pour que nos invités puissent répondre entièrement à la question. M. Charest.

M. Charest (Stéphane): Oui. Rapidement, comme exemple, je pourrais vous mentionner que, l'an dernier, dans Charlevoix, pour ce qui est d'un programme REXFOR, qui est un programme d'insertion au travail, il n'y en a pas eu parce que des critères faisaient en sorte que ce n'était pas admissible, alors qu'il y en a eu dans d'autres régions au Québec. C'est un peu ce genre de situation là qui peut arriver. Charlevoix, étant une région qui a plus de chômage comparativement à la région administrative de Québec, aurait pu avoir un ou deux programmes REXFOR qui auraient pu être appliqués à des entreprises.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Alors, M. Néron, M. Charest, M. Perron, merci pour votre participation à cette commission. Je vais suspendre quelques instants pour permettre à nos invités de pouvoir prendre place.

(Suspension de la séance à 15 h 7)

 

(Reprise à 15 h 8)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Alors, la commission va donc reprendre ses travaux. Nous accueillons maintenant la Conférence des coopératives forestières du Québec. M. Beaulieu, je crois, vous êtes le président. Alors, si vous voulez nous présenter, M. Beaulieu, les personnes qui vous accompagnent. Je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire et que par la suite nous procéderons aux périodes d'échanges.

Conférence des coopératives
forestières du Québec

M. Beaulieu (Gérald): Merci, Mme la Présidente. Je suis accompagné, à ma gauche, du vice-président de la Conférence des coopératives forestières du Québec, M. René Babin, et de M. Jocelyn Lessard, à ma gauche, qui est directeur général de la Conférence des coopératives.

Mme la Présidente, M. le ministre, Mme la porte-parole de l'opposition officielle en matière de ressources naturelles, MM. et Mmes les députés membres de la commission, je tiens d'abord à vous remercier de nous recevoir en cette première journée de la commission parlementaire. Il s'agit d'une démarche périlleuse, voire audacieuse, mais nécessaire dans un contexte où la foresterie et le régime sont fortement remis en question et où les institutions, selon nous, semblent manquer de crédibilité.

Permettez-moi également, dans un premier temps, de vous préciser dans quelle perspective et quelles préoccupations nous animent et où se situent les coopératives forestières dans ce débat très important pour nous. Considérant l'enjeu majeur que cela constitue pour les coopératives, ces dernières se doivent de mettre le focus sur le dossier de l'aménagement forestier plutôt que sur l'ensemble des modifications suggérées à la Loi sur les forêts.

n(15 h 10)n

Pour produire leur mémoire, les coopératives ont procédé à une analyse en profondeur, et ce, à partir de trois perspectives qui sont les suivantes. D'abord, la nécessité d'améliorer le sort de ceux qui vivent de la forêt pour qu'ils soient capables d'ouvrir de nouvelles perspectives de développement local, afin qu'ils occupent le territoire et qu'on puisse ralentir l'exode majeur et les prédictions démographiques catastrophiques dans nos régions-ressources.

Également, animés par l'importance d'introduire un contrepoids au phénomène de concentration et d'intégration de l'industrie forestière au Québec par des mesures qui favorisent concrètement l'implication plus directe des communautés dans la gestion de ces ressources très importantes sans toutefois miner la compétitivité de l'industrie.

En terminant, l'importance de profiter de l'expertise et de l'engagement des coopératives forestières pour améliorer la performance sur le terrain en matière d'aménagement forestier et ainsi améliorer la crédibilité du système forestier au Québec.

Pour bien comprendre où nous voulons aller comme coopératives et comme société, je vous propose un peu d'histoire. Les coopératives forestières sont des coopératives de travailleurs. Elles existent depuis plus de 60 ans au Québec. Ce sont des entreprises collectives à fonctionnement démocratique appartenant à leurs membres, avec des avoirs inaliénables, et fortement enracinées dans toutes les régions-ressources du Québec. On peut dire également qu'elles font partie du modèle québécois, car nulle part ailleurs au monde la formule existe à une telle échelle. Également, elles rayonnent à travers le monde. En effet, par l'intermédiaire de notre affiliation avec SOCODEVI, le modèle a été reconnu comme étant le plus performant pour répartir la richesse dans les pays en émergence.

Quant à elle, la Conférence des coopératives forestières du Québec existe formellement depuis 1985. Elle regroupe sur une base volontaire les coopératives afin de favoriser la concertation et la représentation de leurs intérêts. Depuis trois ans, elle livre également pour ses membres des programmes nationaux, dont un programme de développement de main-d'oeuvre et également un programme de certification des pratiques forestières et, depuis peu, un programme d'appui et d'échange d'expertise au niveau coopératif.

Au chapitre des réalisations, les coopératives forestières occupent une importance capitale dans la filière forestière avec 47 coopératives regroupant au total plus de 6 200 travailleurs et travailleuses et un chiffre d'affaires consolidé de plus de 440 millions de dollars. Depuis leur création, les coopératives forestières ont déjà reboisé plus de 800 millions d'arbres au Québec et, au cours de la dernière année, elles ont effectué environ 28 % de la production de plans forestiers, 66 % du reboisement sur forêt publique, 50 % de tous les travaux sylvicoles sur forêt publique, environ 25 % de la récolte et sont à la hauteur d'environ 10 % dans la transformation, principalement dans le sciage et, depuis peu, dans des projets de valeur ajoutée.

L'histoire des coopératives forestières est également jalonnée par l'influence des politiques forestières, et je vous en rappelle quelques-unes. D'abord, leur laborieuse émergence au temps de la colonie, où des travailleurs exploités ont choisi collectivement de s'organiser pour améliorer leur sort pratiquement sans aucun soutien de l'État. Maintenant, le moment le plus déterminant est lorsque le gouvernement adoptait, en 1977, la décision ministérielle 77-515 qui permettait de consolider des coopératives forestières en favorisant les fusions et en limitant chaque territoire à la mise en place d'une seule coopérative par unité de gestion. Et, enfin, une décision qui est également très importante, qui était à l'origine des décrets 1953-80 et 580-85, qui faisait en sorte que l'État devait confier 50 % des travaux sylvicoles d'aménagement intensif à des coopératives forestières.

Par la suite, des décrets ont également permis à des coopératives d'être nommément identifiées dans les CAAF lors du transfert du régime des forêts domaniales pour le régime actuel. À cette époque, une décision gouvernementale s'est également traduite par la perte d'une opportunité de consolider le développement des coopératives forestières, soit la décision de transférer la remise en valeur des arrérages à une société d'État plutôt que de les accorder à des coopératives forestières, comme c'était prévu initialement dans le projet de loi.

Avant d'aller de l'avant avec le pacte forestier proposé, les coopératives forestières tiennent à souligner qu'elles ont pris des engagements formels: d'abord, au niveau de l'environnement en adoptant un projet très concret d'appui aux coopératives pour la certification des pratiques forestières avec le concours du ministère des Ressources naturelles, d'Emploi-Québec et également du ministère de l'Industrie et du Commerce; au niveau du développement local et de l'insertion des travailleurs en partenariat avec le Fonds de lutte et également avec d'autres partenaires comme Rexforêt et RESAM pour la formation de main-d'oeuvre; et également au niveau du développement et du renouvellement de la formule coopérative par des projets d'échange et par des projets d'appui coopératif par notre réseau que constitue la Conférence.

Maintenant, pourquoi choisir les coopératives forestières? D'abord, à cause de leur expertise et de l'importance qu'elles occupent dans la filière forestière; à cause aussi de leur vision du développement forestier au Québec et de leur structure, de leur organisation ? elles sont des entreprises collectives, je me répète, mais indéracinables et inaliénables qui font partie également du réseau de l'économie sociale, mais dans un circuit économique; de l'impact également de leur présence qui, vous verrez, est très bien documentée dans notre mémoire; pour les individus qui sont également propriétaires de ces entreprises-là qui sont donc impliqués directement dans la gestion; également pour la collectivité québécoise par la création d'emplois durables; et aussi par l'implication des cadres et des gestionnaires des coopératives dans les communautés où les coopératives sont; et également par un rapprochement du centre de décision pour la gestion des forêts publiques du Québec; pour l'État, une importance considérable, car choisir les coopératives, ça n'implique pas d'incidence budgétaire, ce sont des outils performants de création et qui ont démontré leur capacité de partager la richesse.

Suite à l'analyse du régime forestier, les coopératives reconnaissent sans contredit que celui-ci a eu des retombées incontestables, dont principalement les suivantes: d'abord, la stabilité de l'industrie forestière en lien direct avec leur capacité d'investir grâce à leurs garanties d'approvisionnement; le choix de l'industrie du sciage pour une plus grande valeur ajoutée à notre forêt; la progression phénoménale des pratiques forestières au cours des 15 dernières années et, qui s'ensuit, une progression de la sylviculture en importance et également en connaissance; la croissance des coopératives forestières dont on peut vous faire la démonstration; la valorisation de la ressource ? donc, la ressource a pris beaucoup de valeur en termes de redevances, ce qui permet aujourd'hui de justifier une stratégie de protection et une meilleure protection de cette forêt-là; et également, en terminant, un lien plus solide entre la capacité industrielle et le potentiel forestier.

Cependant, force est d'admettre qu'une grande lacune reste encore à combler. En effet, le régime forestier n'a pas permis de démontrer qu'il est facile de concilier les défis de l'aménagement forestier, qui représentent du long terme, avec les contraintes de l'approvisionnement, qui se situent davantage à court terme. Alors que les industriels ont des garanties d'approvisionnement de 25 ans, comment expliquer que les aménagistes, les entreprises d'aménagement doivent survivre avec des ententes annuelles de courte durée qui ont pour conséquence les éléments suivants? D'abord, la précarité des entreprises de l'industrie de l'aménagement forestier; l'essoufflement de la main-d'oeuvre; l'augmentation des coûts de l'aménagement forestier due à un manque de planification forestière.

Pour la CCFQ, l'analyse de la proposition du ministre reçoit un accueil globalement favorable, notamment en ce qui concerne la stratégie de rendement accru, que nous endossons entièrement, l'exercice d'un plus grand contrôle sur la planification et les réalisations forestières pour redonner la confiance aux Québécois envers les gestionnaires de la forêt, la coresponsabilité des bénéficiaires de CAAF et également la transparence et le respect de l'environnement.

Cependant, elle suscite également des attentes et des inquiétudes, dont le silence du projet pour le sort de l'industrie de l'aménagement forestier et de ses travailleurs et travailleuses et le contrôle accru sans pouvoir accru pour l'industrie de l'aménagement, ce qui risque d'augmenter la précarité de l'industrie et de diminuer la compétitivité de l'ensemble de la filière forestière. Pour les recommandations, je céderai la parole à M. Lessard qui va vous en faire une présentation. Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Alors, M. Lessard.

M. Lessard (Jocelyn): Nous avons 13 recommandations, donc je vais procéder rapidement en insistant un peu plus sur celles qui nous semblent les plus délicates.

La première, c'est d'identifier au plan d'aménagement l'exécutant des travaux. L'objectif, c'est de permettre aux organismes qui ont des contrats d'aménagement d'obtenir des ententes à long terme. On s'inspire de ce qui s'est fait à la transmission du régime des forêts domaniales alors que des coopératives ont été clairement identifiées à des CAAF. On voudrait qu'un mécanisme semblable s'applique, ce qui permettrait notamment aux exécutants d'obtenir un processus d'arbitrage en cas d'interruption de l'entente.

n(15 h 20)n

La deuxième, c'est l'accroissement des responsabilités de gestion des coopératives forestières. Actuellement, le régime forestier, la Loi des forêts permet, à l'article 55.2, aux coopératives forestière d'agir en tant que personne désignée pour le compte des bénéficiaires, alors que dans la mise à jour cet article a disparu. On considère que c'est fondamental que des coopératives forestières puissent continuer à jouer ce rôle, donc nous suggérons que, au troisième alinéa de l'article 59.1, on ajoute comme personnes admissibles les coopératives forestières et non pas seulement un des bénéficiaires. On souhaite également faire en sorte que des projets-pilotes soient mis en place pour permettre aux coopératives forestières d'agir à titre de mandataire de gestion et mandataire d'exécution. Nous sommes persuadés qu'il y a des gains de productivité à faire en intégrant ces deux activités-là et que les aménagistes sont les mieux placés pour y parvenir. On souhaite également que M. le ministre fasse la promotion de cette formule auprès de bénéficiaires de CAAF.

La troisième recommandation, c'est l'attribution aux coopératives forestières de 100 % des travaux liés au rendement accru. Mon président vous rappelait tout à l'heure que, lors de la transmission du régime, il y a eu une opportunité ratée des régions alors qu'il était possible d'investir un montant de l'ordre de 100 millions de dollars pour remettre en valeur les arrérages. Cette fois-ci, nous espérons, à cause des avantages de faire affaire avec des coopératives forestières, qu'il sera possible de confier 100 % des travaux du rendement accru sur forêt publique. On estime qu'il y en a une partie, bien sûr, qui se passera en forêt privée, ce n'est pas ce que l'on demande. Et, donc, aussi on vous demande de prévoir des sommes supplémentaires suffisantes pour défrayer les coûts de la planification, puisque ceci ne fait pas partie des engagements et des obligations des bénéficiaires de CAAF.

Quatrième recommandation: préservation de la procédure d'établissement de la valeur des traitements. Cela n'est pas remis en question par le projet de modification. Par contre, nous tenions à profiter de l'occasion pour vous rappeler que, selon nous, le marché n'a pas atteint encore une maturité suffisante pour se passer de cette intervention du ministre. Par contre, comme les intervenants précédents, nous croyons que le moment est venu de mettre à jour les références qui ont servi à établir la grille des taux. Il y a quand même pas mal de rattrapage à faire de ce côté-là.

La cinquième recommandation, ça porte sur les contrats d'aménagement forestier. Nous sommes très ambigus par rapport à ce projet. D'une part, nous nous réjouissons de la possibilité pour les coopératives forestières d'assumer un tel rôle, mais nous sommes très inquiets qu'une façon de faire comme celle-là remette en question le fondement et la puissance du régime, en ce moment, qui consiste à créer une interface vraiment rigide entre l'aménagement et l'approvisionnement. Nous préférons, de notre côté, consolider la façon de faire l'aménagement dans cette formule que de différencier ces deux activités. Nous avons vu dans le passé que des coopératives forestières qui ont été jusqu'au de 170 sur l'ensemble du territoire n'étaient pas une façon de créer de la richesse, nous pensons qu'il vaut mieux consolider avec les entreprises qui sont performantes et compétentes. Nous invitons d'ailleurs les élus de la politique locale et régionale à s'associer avec des coopératives forestières pour justement mettre en place des entreprises performantes et des emplois durables.

La politique de consultation, un bref commentaire pour dire que nous sommes en accord avec les propositions. Comme plusieurs autres, par contre, nous suggérons au ministre d'accélérer un peu le processus. Nous souhaitons également que les autorités politiques locales jouent un rôle très actif au niveau des consultations et également au niveau de la concertation qui sera nécessaire entre les intervenants. On fait un petit commentaire également pour dire à tous ceux qui veulent participer à ces activités qu'ils devront tenter d'avoir une certaine légitimité, c'est-à-dire représenter des groupes, pour ne pas que les décisions et les consensus qui peuvent s'établir lors des concertations soient remises en question continuellement.

La coresponsabilité des bénéficiaires de CAAF, comme on vous le disait, nous sommes en accord avec ce principe. Nous pensons toutefois que la marche, elle est très haute pour réussir à faire cette opération en une seule étape. On devrait d'abord débuter avec la planification et le suivi forestiers, qui devraient être mis en commun entre les bénéficiaires de CAAF. Nous ne croyons pas qu'il est réaliste de croire que les bénéficiaires, aussi nombreux qu'ils puissent être sur les aires d'aménagement, seront capables de se surveiller les uns les autres. Par contre, on pense qu'il est bien venu maintenant, le temps de mettre en place des indicateurs de performance pour mesurer la qualité d'exécution des travaux. Nous sommes persuadés que les coopératives forestières vont pouvoir croître davantage dans un système où on reconnaît la compétence.

Contrôles et procédures. Très rapidement, on vous dit que c'est très important d'associer directement les coopératives au processus décisionnel menant à l'adoption de procédures de vérification. On a différentes recommandations qu'on pourra étudier tout à l'heure si vous le souhaitez.

Rapports d'intervention. On souhaite d'exiger de la part de bénéficiaires de CAAF de rendre public le bilan quinquennal afin que soit reconnue la performance des bénéficiaires et que cela alimente le processus de consultation.

Notre dixième recommandation porte sur le rendement accru. Nous suggérons au ministre d'aller de l'avant avec sa proposition. On vous fait quelques commentaires complémentaires. Pour nous, la stratégie de rendement accru est indissociable d'une stratégie de zonage forestier. Il va falloir établir des priorités pour que l'on arrête de se crêper le chignon sur le territoire. Le concept de la triade dont on entend de plus en plus parler nous semble un concept approprié, c'est-à-dire aménager de façon très intensive certaines parties du territoire pour être capable d'en libérer certaines autres parties. Les sites productifs et la zone de la forêt habitée nous semblent des endroits privilégiés avec nos investissements. Et on ne manque pas l'occasion de vous rappeler qu'il faut faire la même chose en forêt privée. Les groupements forestiers qui sont nos cousins sur l'aménagement forestier devraient y jouer également un très grand rôle

Les coopératives forestières estiment également que la politique de rendement accru devra tenir compte surtout de la valeur de la production et non pas seulement du volume. On croit aussi à l'augmentation de la production de l'ensemble des ressources et non pas seulement de la matière ligneuse.

Nous encourageons également le ministre dans sa stratégie d'investir directement des fonds publics pour mettre en valeur les ressources et conserver l'usufruit, ce qui facilitera les processus d'arbitrage si ça continue dans le temps.

Nous souhaitons également être des promoteurs de projets d'intensification de l'aménagement tout en n'oubliant pas de vous rappeler que vous devez prévoir des budgets en dépenses admissibles pour les coûts de la planification parce que ça ne fera pas partie des responsabilités des bénéficiaires de CAAF.

Onzièmement, pour la protection de l'environnement, nous souhaitons également que le ministre aille de l'avant avec ses propositions. Nous l'encourageons dans cette voie.

On propose également de mettre en oeuvre un vaste programme de voirie à frais partagés avec les bénéficiaires de CAAF, sans oublier l'exercice préalable du zonage forestier. Il n'est pas question de faire des chemins partout, mais, si on veut étaler les coupes, il va falloir qu'on partage les frais de cette opération-là, parce que c'est quelque chose qui est un investissement.

Et également on souhaite que, s'il y a des coûts qui augmentent, pour respecter des contraintes pour l'environnement, il faudrait qu'on soit capable de partager les responsabilités et les coûts. S'il y a, par exemple, des mesures de mitigation à entreprendre, il faudrait envisager parfois la possibilité de diminuer la valeur des redevances.

Création d'emplois durables. C'est un commentaire que l'on souhaite faire parce que le régime forestier induit des programmes occasionnels et ponctuels et pour lesquels on voit apparaître beaucoup de personnes qui s'improvisent pour un temps sylviculteurs. Nous, on croit à la professionnalisation. Nos travailleurs forestiers qui sont là depuis de nombreuses années reçoivent ça de façon un peu étrange qu'il y ait toujours de nouveaux emplois qui apparaissent comme ça. On suggère plutôt, s'il y a création d'emploi, de se diriger vers des opérations multiressources qui ont beaucoup de mal à trouver du financement et, dans la sylviculture, que l'on axe les fonds pour le développement de la main-d'oeuvre plutôt que pour la création d'emplois.

La treizième recommandation, la dernière, recherche et expérimentation. Le Programme de mise en valeur des ressources du milieu forestier a permis à des entreprises comme des coopératives de développer des connaissances et de l'expertise, et c'est très important que ça puisse continuer même si le programme est aboli. Donc, on souhaite qu'il y ait des budgets qui servent à assister les opérateurs. Je repasse la parole à mon président pour la conclusion.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) En conclusion et rapidement, M. le président. S'il vous plaît, M. Beaulieu.

M. Beaulieu (Gérald): La forêt est une ressource fabuleuse. Le régime forestier qui sera bientôt mis à jour a constitué un progrès remarquable pour le développement de notre foresterie et de notre société. Les coopératives ont d'ailleurs contribué significativement à moderniser les pratiques forestières durant cette période. Ce régime a contribué également à créer beaucoup de richesse pour l'ensemble des Québécois et Québécoises. Cependant, des progrès restent à accomplir pour améliorer l'interface entre les contraintes de l'approvisionnement et les défis de l'aménagement forestier.

Pour améliorer la performance du régime, nous proposons un partenariat solide avec l'État et avec le monde industriel. Grâce à leur expertise dans le domaine et à leur volonté d'aller plus loin en matière d'aménagement forestier, les coopératives forestières sont des partenaires indispensables pour améliorer le régime forestier actuel. La nature publique de la ressource et les fonds qui sont également publics qui doivent servir à la mettre en valeur impliquent que le gouvernement a le devoir de revoir le système et de considérer l'importance d'impliquer davantage les communautés qui en dépendent. Les coopératives forestières ? je termine ? veulent aller plus loin que leur rôle de simples exécutants qui provient de l'application stricte du cadre du régime forestier actuel, elles veulent devenir des interlocuteurs de plein droit. Elles doivent dorénavant compter sur des ententes à long terme et elles doivent jouer un plus grand rôle dans la planification de l'aménagement forestier.

Les coopératives forestières ont connu plusieurs rendez-vous historiques dans l'évolution des politiques forestières. Certains ont été très favorables, d'autres moins. Aujourd'hui, le ministre des Ressources naturelles a le pouvoir de poser un nouveau jalon qui pourrait marquer l'histoire en adoptant un nouveau pacte forestier qui conserverait le meilleur du régime actuel tout en donnant les moyens aux faiseurs de forêts de contribuer davantage à l'enrichissement collectif. Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Merci, M. Beaulieu. Nous passons maintenant à la période d'échanges. Alors, M. le ministre.

n(15 h 30)n

M. Brassard: Alors, merci, M. Beaulieu, M. Babin, M. Lessard, de la Conférence des coopératives forestières, d'être parmi nous aujourd'hui. Je ne voyais pas vraiment une consultation sur le régime forestier sans votre présence et sans votre implication parce que vous êtes sans le moindre doute, l'ensemble des coopératives, un des intervenants majeurs en forêt. Et les chiffres qu'on retrouve dans votre mémoire le démontrent amplement: 50 % des travaux sylvicoles sont exécutés par des coopératives forestières; 66 % du reboisement des terres publiques, ce sont des coopératives forestières qui le font; 28 % de production de plants; même la récolte, le quart de la récolte est exécuté par des coopératives forestières. Alors, c'est dire l'importance et le rôle majeur que les coopératives forestières jouent en matière de foresterie. Particulièrement, dans certaines régions, la mienne en particulier, en Abitibi-Témiscamingue aussi, les coopératives sont très présentes. Alors, je vous remercie de votre contribution, et vos recommandations seront évidemment examinées avec beaucoup d'attention.

Il y a une chose, c'est un des aspects de votre mémoire que je trouve à la fois intéressant mais, en même temps, qui suscite des interrogations parce que ça remet un peu, d'une certaine façon, en cause l'un des fondements du régime forestier, qui date d'une quinzaine d'années. À partir de 1986, l'orientation majeure qu'on a prise unanimement, c'est de faire en sorte qu'un bénéficiaire de contrat d'approvisionnement et d'aménagement, alors qu'autrefois ce n'était pas le cas, ait le privilège de la récolte ? c'est une sorte de privilège ? le privilège de récolter un certain niveau, un certain volume, mais, en même temps, il avait des responsabilités et des obligations en matière d'aménagement pour s'assurer de la pérennité de la ressource. Ça, c'était une nouveauté. Autrefois, les concessionnaires, dans les anciennes concessions, ils récoltaient et l'aménagement était une responsabilité qui relevait de l'État.

Là, vous semblez être critiques à l'égard d'une des assises de ce régime forestier. Vous indiquez, par exemple, si je peux trouver votre... En fait, vous faites un rapport ou une corrélation entre le court terme et le moyen et long terme. La récolte, c'est vraiment des préoccupations de très court terme, alors que l'aménagement, ça exige une vision à plus long terme. Et vous mettez, d'une certaine façon, en cause la capacité des bénéficiaires de CAAF de bien assumer leurs responsabilités en matière d'aménagement, pour en arriver à la conclusion évidemment qu'en matière d'aménagement les coopératives forestières sont mieux placées, sont mieux en mesure d'assumer ces responsabilités-là, ce que vous faites d'ailleurs très bien un peu partout sur le territoire et, on le voit, dans des proportions grandissantes.

Mais là où j'ai un problème, je vous le dis tout de suite, c'est que vous réclamez une certaine forme d'exclusivité de ces travaux, que l'État, par la loi, vous accorde l'exclusivité des travaux d'aménagement. Vous savez très bien qu'il n'y a pas uniquement les coopératives forestières qui oeuvrent dans ce secteur-là. Il y a les groupes de gestion aussi en aménagement qui sont regroupés dans une autre organisation que vous connaissez bien aussi, qui s'appelle RESAM. Il y a même des petites entreprises privées qui oeuvrent aussi dans ce secteur-là. Est-ce que vous ne pensez pas, M. Beaulieu, que votre demande d'exclusivité est un peu forte?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) M. Beaulieu.

M. Beaulieu (Gérald): M. le ministre, avant de répondre à cette question-là, je vais être obligé de faire une rétrospective sur le commentaire à l'effet qu'on remet en cause les fondements du régime. Non, on ne remet pas en cause les fondements du régime. Nous ne demandons pas de dissocier les deux A du CAAF. Ce que nous offrons, c'est un partenariat avec l'industrie pour le renforcer. Et, par notre expertise, on pense qu'on peut y contribuer. Ce régime-là, et on le dit dans notre texte, on l'a répété dans notre présentation, a contribué de façon exemplaire au développement du Québec, et le Québec aujourd'hui fait figure de leader au plan mondial. On pense que, si on veut y demeurer, au plan mondial, comme leaders, on doit innover dans notre façon de gérer la forêt et on doit établir des partenariats. La pression est très forte présentement pour remettre en cause ce mode de gestion. Et on pense que, s'il n'y a pas d'innovation, il y a des risques très importants que ce fondement que vous appelez de base, au niveau du régime, s'effrite et qu'on puisse à ce moment-là assister à un déséquilibre très important ou à une fragilisation de l'industrie.

Quant à votre question concernant la demande d'exclusivité, loin de nous l'idée de demander l'exclusivité. Il y a un portrait existant au Québec qui fait en sorte qu'il y a plusieurs intervenants qui sont présents sur le territoire. On pense cependant qu'au niveau du rendement accru ? donc, on parle d'additionner des activités ? vous avez la possibilité d'envoyer un signal très clair à vos faiseurs de forêt, qui sont les coops forestières, en leur disant: Nous avons confiance et nous vous en faisons un partenaire. Ceci n'introduit aucune dépense additionnelle à l'État. Vous ne venez que confirmer ce qui a déjà été fait dans le passé, avoir un préjugé favorable envers des structures coopératives, des structures démocratiques qui sont enracinées dans toutes les régions du Québec. Et ceci ne se fait pas au détriment des autres, absolument pas.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) M. le ministre.

M. Brassard: Oui. Moi, je suis persuadé aussi que, quand on mettra en oeuvre une politique de rendement accru, les coopératives forestières vont sans doute y jouer un rôle-clé et majeur. Mais est-ce qu'on doit aller jusqu'à vous réserver de façon exclusive tous les travaux rattachés au rendement accru? Il y a aussi d'autres organisations d'aménagement qui n'ont pas le caractère coopératif mais qui sont quand même communautaires aussi. Dans certaines régions, elles sont même plus nombreuses que les coopératives. Et je pense que ce ne serait pas opportun de les exclure d'emblée.

Cependant, je comprends votre point de vue quant à la corrélation approvisionnement-aménagement. Ce que vous nous dites, c'est que vous souhaitez une certaine permanence dans les responsabilités d'aménagement. Ça suppose à ce moment-là que, dans le PGAF, les détenteurs de CAAF devraient vous désigner, d'une certaine façon ? c'est ce que vous demandez, vous désigner ? et que le lien contractuel soit, si je comprends bien, de la même durée que le PGAF, c'est-à-dire cinq ans, ce qui assure à ce moment-là une planification à moyen terme puis ce qui assure également que les travaux d'aménagement sont faits dans une perspective qui dépasse le court terme. Au fond, c'est ce que vous réclamez.

Donc, le détenteur de CAAF continuerait d'avoir des responsabilités d'approvisionnement mais aussi d'aménagement. Et, à partir du moment où les travaux d'aménagement sont surtout maintenant confiés à des entreprises qui se sont spécialisées dans ce genre d'activité, il faudrait qu'elles soient mieux reconnues dans le plan général et que la durée du lien contractuel soit plus longue qu'un an. Est-ce qu'actuellement c'est une pratique qui a tendance à se répandre? Ce que vous demandez, c'est que ça devienne en quelque sorte une obligation légale en vertu de la loi, mais je comprends aussi que c'est une pratique qui se propage de plus en plus, que le lien, le contrat qui vous lie à des détenteurs de CAAF est maintenant très souvent de plus d'un an.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Ça va, M. le ministre? M. Beaulieu.

M. Beaulieu (Gérald): M. le ministre, concernant votre politique de rendement accru, nous osons croire que, si vous souhaitez qu'elle soit efficace, elle devra également toucher le territoire de la forêt privée, qui est un territoire à haut potentiel de production forestière au Québec.

n(15 h 40)n

M. Brassard: Ce sera le cas aussi.

M. Beaulieu (Gérald): Dans notre esprit à nous, il s'agit d'un vaste champ de pratique pour les organisations de forêt privée qui sont d'abord dédiées et qui sont nées par la volonté des propriétaires d'aménager cette forêt-là. Les coopératives forestières se sentent très légitimes de réclamer une place très importante sinon à 100 % du rendement accru. Elles sont nées de l'aménagement de la forêt publique.

M. Brassard: Publique.

M. Beaulieu (Gérald): D'accord? Donc, une distinction importante, sans exclure personne. On parle de rendement accru nommément. Dans notre mémoire, M. le ministre ? vous parlez d'entente à long terme ? effectivement, on arrive difficilement à comprendre que le régime ait eu des impacts très positifs, très intéressants au niveau de l'industrialisation et qu'on ne s'est pas servi du fondement merveilleux d'une entente à long terme avec l'État de 25 ans pour introduire des ententes semblables au niveau de l'aménagement forestier. Quel serait le paysage forestier québécois aujourd'hui, quelle serait la performance de nos entreprises d'aménagement forestier si elles pouvaient bénéficier d'ententes à long terme de même nature? Je vous laisse répondre à cette question-là.

Dans notre mémoire, on parle d'impartition stratégique du travail. Au niveau de l'économie mondiale, c'est une phénomène qui est en forte croissance dans toutes les économies performantes du monde entier. Il s'agit de regarder deux fleurons québécois que nous avons, entre autres Bombardier, pour s'imaginer à quel point l'impartition a donné lieu à une performance. Bombardier maintenant est le troisième meilleur avionneur au monde plus important, et ils supportent leurs sous-traitants par l'impartition, par des ententes à long terme, par un transfert des connaissances et des responsabilités mais avec une grande imputabilité. Les coopératives ne réclament pas d'exclusivité ni de parti pris. Nous réclamons de jouer notre rôle selon nos compétences et nous allons, en réseau, améliorer la performance globale du système et contribuer au développement forestier du Québec.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Alors, merci, M. Beaulieu. Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs. Merci d'avoir pris le temps de rédiger le mémoire. Vous nous conviez évidemment à un grand changement, vous parlez de pacte forestier. Ma première question porte exactement sur celle du ministre, au niveau de l'attribution aux coopératives forestières d'un premier droit de refus pour des travaux liés au rendement accru. En ce moment, on a l'impression que les rôles sont un peu confus au niveau de l'aménagement. Je m'explique. C'est qu'il y a plusieurs joueurs qui tentent de se positionner. Le ministre y a fait référence. Il y a les coopératives, il y a les groupements, il y a une société d'État qui s'appelle REXFOR, Rexforêt maintenant, il y a des entreprises privées. Bref, tout ce monde-là tente de se positionner actuellement. Et il y a un positionnement. Je pense que ces gens-là vont faire davantage de représentations dans le futur, compte tenu du principe qui a été annoncé au niveau de l'augmentation de la productivité de nos forêts.

Alors, comment vous voyez ça, dans le fond, concilier tous ces joueurs-là de votre côté? Parce que, dans le fond, c'est une espèce d'exclusivité que vous demandez au niveau des travaux qui sont liés au rendement accru, en soulignant: Écoutez, consultez-nous davantage pour des travaux d'aménagement à faire sur tel, tel territoire et on aura le loisir de dire oui ou non, si on y va ou si on n'y va pas. C'est un peu comme ça que je le comprends. Alors, vous, de votre côté, comment on peut concilier tout ça, ces intérêts-là, pour avoir justement une industrie de l'aménagement qui soit performante et qu'on évite une confrontation entre chacun des intervenants? Parce que c'est ça, la vraie vie, c'est ça, la réalité, tous les gens essaient évidemment d'aller chercher un petit morceau de la tarte. Alors, comment vous voyez ça, de votre côté?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) M. Lessard.

M. Lessard (Jocelyn): Bon, c'est intéressant qu'on puisse développer là-dessus parce que c'est vraiment ça qui nous intéresse, nous. Nous, on ne parle contre personne, on parle seulement pour les coopératives forestières. C'est très important de vous spécifier que, depuis 1996, lors du Sommet de l'économie et de l'emploi, le gouvernement du Québec avait pris position pour faire une place importante à l'économie sociale.

Une coopérative forestière, ce n'est pas un groupe qui est unique, ce n'est pas une personne, ce sont des gens qui proviennent des communautés, qui s'associent ensemble et qui possèdent collectivement une entreprise et qui sont prêts à se dévouer pour faire du développement. Ce que l'on veut, c'est que cette formule-là soit privilégiée parce que, selon nous et selon plusieurs observateurs, c'est la plus performante pour amener de la richesse dans une collectivité et la partager. À ce titre-là, il n'y aucun de nos concurrents qui peut revendiquer une situation comme celle-là. En plus de ça, depuis 60 ans, on est là, on a contribué activement au développement. Donc, on pense que c'est une formule, grâce à la présence du réseau, des coopératives qui sont là pour s'entraider...

J'en profiterais pour vous raconter une brève anecdote qui s'est produite pas très loin de chez vous. Il y a une entreprise privée qui travaillait depuis longtemps avec un industriel dont les travailleurs étaient, comme bien des travailleurs forestiers au Québec, un peu exaspérés de ne pas recevoir une rémunération suffisante, et ils ont dit à cet entrepreneur qu'ils ne voulaient plus le voir. Les leaders du groupe étaient sur le point de se regrouper pour former une nouvelle compagnie, et l'industriel qui travaille avec mon vice-président, M. Babin, lui a dit: Je préférerais que vous créiez une coopérative, puisque cette formule-là me semble plus apte à rendre des bénéfices. Et c'est ce que le groupe a décidé. Ils ont obtenu une accréditation et il y a maintenant une nouvelle coopérative forestière dans le nord de la Gaspésie. Ce que l'on dit, c'est qu'il y a des entreprises qui sont performantes puis qui traitent bien leurs employés, c'est certain. Mais, si l'État veut faire un choix, désigner un partenaire pour faire du développement forestier, c'est une formule qui a fait ses preuves puis qui devrait s'imposer.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Dans votre réflexion ? j'imagine, puisque c'est effectivement au coeur de votre mémoire et de vos revendications ? est-ce que vous avez pensé, si on vous confiait effectivement ce premier droit de refus, à un réaménagement des tâches, dans le fond, ou du rôle de vos concurrents ? appelons-les comme ça ? éventuellement? Si on vous accordait ce droit-là, est-ce que vous avez imaginé les impacts qui pourraient découler de l'obtention d'un droit comme celui-là?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) M. Beaulieu.

M. Beaulieu (Gérald): Mme Normandeau, il n'est pas question pour nous de remettre en cause le paysage actuel, il n'est pas question de sortir les gens de la forêt. Ce qu'on vous demande dans le mémoire, c'est le rendement accru, donc les travaux additionnels qui vont être produits. Ils va continuer à se reboiser encore 150 millions de plants. Peut-être, M. le ministre va nous annoncer 50 millions ou 60 millions additionnels pour les prochaines années. Donc, il n'est pas question de modifier le paysage actuel. Et c'est là que notre propos se situe par rapport au rendement accru.

Vous avez déjà, comme gouvernement et comme Parlement, adopté des mesures qui ont permis à nos entreprises coopératives de performer et de se développer au Québec. On ne vous demande pas un avantage, on vous demande un préjugé favorable à une formule qui a fait ses preuves et pour laquelle vous avez déjà adopté une série de décrets, une série de mesures qui ont donné des résultats. Nous avons livré la marchandise.

Mme Normandeau: Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Mme Normandeau. Non? Alors, vous avez d'autres questions?

Mme Normandeau: Oui. Bien, j'ai droit à une autre question, c'est ça? Dans votre recommandation 5, vous parlez de «limiter exclusivement ? puis je vais la lire, votre recommandation ? aux coopératives forestières et aux entreprises autochtones la possibilité de bénéficier» du fameux contrat avec... le CAF 1-A, «et inviter les autorités politiques locales à s'associer avec des coopératives forestières pour mettre en oeuvre des projets d'aménagement des lots intramunicipaux».

Alors là compte tenu qu'un des motifs qui sont avancés par le ministre qui ont conduit à la proposition d'un CAF 1-A, c'est d'assurer une plus grande accessibilité de la ressource à d'autres utilisateurs qui ne sont pas rattachés, qui n'ont pas de permis rattaché à une usine de transformation, j'ai l'impression que c'est encore un peu une exclusivité que vous revendiquez de ce côté-là. Parce qu'il y a d'autres joueurs qui vont se positionner évidemment pour l'obtention d'un fameux CAF avec un 1-A. Alors, comment justifier ça de votre côté? Dans le fond, quels étaient les motifs ou les buts que vous poursuivez par rapport à une demande comme celle-là?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) M. Beaulieu.

M. Beaulieu (Gérald): Mme Normandeau, nous avons fait une certaine mise en garde concernant la mise en place du CAF, concernant l'inquiétude que nous avons de voir le territoire se morceler. Nous avons également émis des inquiétudes concernant l'introduction de nouveaux joueurs sur le terrain. Vous savez, la forêt est une ressource très complexe, l'aménagement forestier fait appel à des notions techniques très évoluées et, si nous voulons maintenir notre position concurrentielle, nous devons avoir beaucoup d'expertise dans ce domaine-là. Donc, notre prétention, c'est: avant d'établir, d'ouvrir les CAF à tout le monde si on a le goût de l'expérimenter, on demande que ça se fasse avec des entreprises qui ont de l'expertise, comme les coopératives, plutôt que de voir arriver de nouveaux joueurs dans le réseau qui n'auraient pas cette expertise-là, pour avoir des effets probants de l'essai de cette nouvelle façon de gérer la forêt du Québec.

n(15 h 50)n

Par ailleurs, la proximité que nous avons d'une industrie forestière nous permet de croire que, si le ministre nous faisait confiance pour expérimenter des CAF, avec toutes les mises en garde qu'on fait, nous sommes en mesure de négocier des ententes à long terme afin de ne pas fragiliser le lien important qui existe entre l'aménagement et l'approvisionnement des usines, donc de ne pas fragiliser la compétitivité de l'industrie. Donc, c'est sur cette base-là que nous invitons le ministre à être prudent à la mise en place des CAAF et aussi nous tendons la main aux élus locaux qui, par leur volonté d'avoir accès à la gestion de la ressource, expriment un grand sentiment d'inquiétude sur la façon ou sur les résultats de la gestion de nos forêts. Donc, pour nous, la réponse n'est peut-être pas nécessairement dans les CAAF qu'elle repose mais par l'établissement d'un nouveau parc forestier qui va donner lieu à des partenariats entre le gouvernement et également des partenariats entre les coopératives et l'industrie. Et ça, à mon avis, on doit expérimenter ça avant de découper le territoire.

Mme Normandeau: Est-ce que vous seriez prêts...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Oui, Mme la députée.

Mme Normandeau: ...à proposer une espèce de projet-pilote dans ce sens-là? Est-ce que vous avez pensé à un scénario x qui nous permettrait de valider dans la pratique comment tout ça pourrait s'articuler?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) M. Beaulieu.

M. Beaulieu (Gérald): Le gouvernement du Québec, en 1995, avait adopté des mesures qui s'appelaient des projets témoins de forêts habitées. Quelques coopératives forestières au Québec, dont la mienne, que je dirige, ont obtenu un projet témoin. Nous sommes à mettre en oeuvre des projets témoins de forêts habitées qui s'apparentent à ce que M. le ministre a appelé un CAAF. Et, pour nous, il est déjà possible de tirer des grandes leçons de cette expérience de quelques années de mise en valeur d'une forêt qu'on dit habitée. Et on ne pense pas qu'il faut fragiliser le régime actuel pour poursuivre cette expérimentation-là. Nous avons les moyens de le faire à l'intérieur des programmes existants et de tirer les grandes conclusions de ça; ça serait à mon avis hâtif, mais il y a déjà des leçons très intéressantes qu'on peut faire ressortir. Et nous sommes en train d'associer l'industrie à ce projet-là, qui y voit des avantages très intéressants. On est capable d'augmenter de façon très importante la productivité de nos forêts, qui poussent dans la cour des usines.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Alors, merci, M. Beaulieu. À ce moment-ci, je reconnaîtrais le député de Dubuc.

M. Côté (Dubuc): Merci, Mme la Présidente. Alors, M. Beaulieu, M. Babin, M. Lessard, bonjour. Permettez-moi de saluer particulièrement M. Beaulieu, puisque nous sommes du même comté, le comté Dubuc, le troisième plus grand comté du Québec. Alors, j'aurais une question. Vous savez que le gouvernement s'apprête à adopter bientôt une politique sur la ruralité, et un des objectifs importants de cette politique fait référence à l'occupation du territoire. Est-ce que vous croyez que l'aménagement forestier, que vous souhaitez être confiée aux coopératives forestières ? et là je pense au partenariat que vous avez tout à l'heure soulevé ? puisse être un exemple concret de cette occupation du territoire et pourrait également atténuer les insécurités que la population vit présentement relativement à l'exploitation forestière à travers le Québec?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) M. Beaulieu.

M. Beaulieu (Gérald): Je vous dirais sans contredit oui, vous avez déjà la réponse, M. Côté. Regardez l'histoire, les 100 dernières années de l'occupation du territoire dans toutes les régions. À travers toutes les crises qu'ont connues toutes les régions du Québec, le résultat qu'on a vu apparaître, ça a été l'éclosion et le développement de coopératives. Les coopératives forestières ont toujours performé dans des périodes de crise et ont toujours réussi à créer des emplois et à créer des emplois durables. Donc, si on veut parler d'un modèle de ruralité, il y en a 47 coopératives forestières au Québec qui ont démontré qu'elles étaient capables de consolider des gens, de développer de la main-d'oeuvre, d'acquérir des nouvelles technologies et de les mettre au service de la forêt du Québec et de la société. Donc, si on veut parler de ruralité, parler d'un modèle coopératif...

Puis je vous citerais une phrase du président de l'Alliance coopérative internationale, qui disait que, pour lui, la coopération, c'est la meilleure réponse aux effets très négatifs de l'exclusion qui découle de la mondialisation des marchés parce que les gens se regroupent, se donnent des moyens de travailler ensemble, chez eux. Mais il ne faut pas nécessairement créer de petites unités partout. Il faut consolider ce qui existe et permettre à ces entreprises coopératives de rayonner dans les régions où elles exercent pour renforcer la ruralité.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Oui, M. le député de Dubuc.

M. Côté (Dubuc): J'aurais juste un petit commentaire. Je vous remercie d'abord de la réponse. Et je voudrais vous féliciter pour votre mémoire, que j'ai lu, que j'ai pris la peine de lire parce que je le trouve très intéressant. Et je trouve entre autres qu'il a été préparé de façon très professionnelle et que les recommandations que vous proposez sont très intéressantes. Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Alors, c'était un commentaire. Merci, M. le député de Dubuc. M. le député d'Orford.

M. Benoit: Oui. Bonjour. M. Beaulieu, quand vous parlez d'environnement, à la page 40 de votre mémoire, je suis un peu surpris de voir ? mais ce n'est pas la première surprise qu'on a en commission parlementaire... Vous parlez de routes, vous voulez augmenter le réseau routier et vous êtes capable de mettre ça dans le même paragraphe que l'environnement. J'aimerais ça que vous m'expliquiez ça un petit peu. Parce que les environnementalistes ont été un peu allergiques aux routes. Alors, j'essaie de comprendre la logique de tout ça.

M. Lessard (Jocelyn): Je vais me permettre de répondre.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Oui, M. Lessard.

M. Lessard (Jocelyn): Bon. On savait déjà, en l'écrivant, qu'on provoquait quelque chose. C'est pour ça que j'ai essayé de nuancer tout à l'heure en présentant cette recommandation-là. Mais, dans les propositions du ministre, il y a des recommandations très techniques et très strictes qui font en sorte que les industriels forestiers vont devoir, dans leur planification, étaler les coupes de façon très importante sur le territoire, ce qui constitue, à notre avis, une démarche très intéressante mais qui ne sera pas réalisable comme ça, de façon abstraite. C'est pour ça que j'ai bien insisté pour dire que l'opération préalable, c'est d'abord d'avoir une stratification du territoire pour savoir où on veut aller dans plusieurs années. Il doit y avoir un zonage, il doit y avoir des décisions de prises sur l'occupation et l'utilisation du territoire.

Puisque vous suivez bien les médias, je suis sûr que vous avez écouté Le Point hier soir. Il y avait une de nos coopératives qui était aux prises avec un pourvoyeur, et le pourvoyeur souhaitait que la coopérative s'arrête à la rivière pour éviter que ses avions ne servent plus à rien. Mais ça, ce genre de débat et de conflit, ça surviendra toujours tant qu'il n'y aura pas des décisions de prises, claires sur l'utilisation prioritaire du territoire. Et donc cet exercice-là doit être couplé à l'exercice de mise en oeuvre d'un vaste programme de voirie forestière. Mais, si on veut avoir accès à l'ensemble du territoire dédié à la production forestière, ça prend des chemins. Puis les environnementalistes, il va falloir qu'ils l'acceptent un bout ou bien qu'on accepte collectivement de réduire l'activité économique liée à l'exploitation de nos forêts. Donc, c'est vrai qu'il y a un paradoxe, mais on en est très conscients.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) M. le député d'Orford.

M. Benoit: Oui. Toujours dans ce chapitre, vous nous dites: «Les coopératives forestières considèrent également qu'il serait judicieux d'identifier les pratiques forestières les plus menaçantes pour l'environnement.» Si vous l'avez mis, c'est parce que j'imagine que vous en connaissez quelques-unes, vous en avez probablement déjà identifié quelques-unes. Est-ce que vous pouvez nous faire part de vos réflexions?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) M. Lessard.

M. Lessard (Jocelyn): Un bref exemple. On a deux coopératives forestières qui, dans la Gaspésie, travaillent avec une technique qui s'appelle le téléphérage, c'est-à-dire qu'ils prennent le bois puis ils le descendent à partir d'installations qui ressemblent un peu à un centre de ski. Plutôt que de monter les skieurs, c'est pour descendre le bois. C'est des bois qu'ils utilisent qui ne font pas partie des calculs de possibilité. C'est une opération qui est très coûteuse, qui n'est pas évidente à rentabiliser, pour laquelle il faudrait faire des calculs différents pour établir la valeur des redevances. Mais c'est une pratique qui permet d'éviter des chemins qui montent dans les pentes, ce qui est certainement la pratique la plus délicate pour la protection de nos écosystèmes. Donc, c'est un des exemples que l'on veut donner. Nos coopératives ont beaucoup de mal à rentabiliser cette opération-là. Il faudrait quand même continuer de le faire.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) M. le député d'Orford.

M. Benoit: Oui. La question que je vous posais, je vous demandais d'identifier des pratiques forestières menaçantes. Là, vous m'avez répondu avec une pratique forestière non menaçante finalement. Mais quelles sont les pratiques forestières, en ce moment, qui sont vraiment menaçantes à l'environnement?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) M. Lessard.

M. Beaulieu (Gérald): Je peux y aller?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Oui. Alors, M. Beaulieu.

M. Beaulieu (Gérald): Écoutez, M. Lessard vous a expliqué tout à l'heure qu'on a imaginé un nouveau système pour éviter d'avoir à gravir des montagnes. Qu'est-ce que vous avez en bas d'une montagne? Vous avez souvent des ruisseaux, vous avez souvent des rivières, parce que l'eau doit s'écouler, définitivement, vers le bas, comme les arbres qu'on doit aller récolter. Donc, si vous créez un réseau de chemins forestiers dans ces montagnes-là, qui sont souvent des pentes très, très fortes, vous avez des risques d'érosion très importants. Qui dit risques d'érosion dit risques d'ensablement et des problèmes au niveau des cours d'eau. Donc, c'est un exemple quand on dit qu'on doit innover, qu'on doit adopter des pratiques qui vont faire en sorte de réduire les impacts négatifs de l'activité humaine, dont l'exploitation forestière.

M. Benoit: Très bien. Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Alors, merci. M. le député de Chicoutimi, il reste cinq minutes à votre formation politique, et vous avez aussi un collègue qui a des questions à poser. Alors, si vous faites rapidement...

M. Bédard: Je vous remercie des recommandations, Mme la Présidente. Je vais tenter d'être bref, en autant que mes questions ne suscitent pas de longues réponses, mais on ne sait jamais. Effectivement, votre mémoire est très intéressant et très documenté. Je vous dirais que j'aborde, moi, cette commission-là en toute humilité. Je connais la forêt, j'habite aussi en région, mais je n'ai pas une connaissance aussi approfondie que tous les gens qui vont venir déposer pendant cette commission, d'où mon intérêt de creuser. Il y aurait plusieurs éléments qu'on pourrait creuser ensemble, mais il y en a deux qui ont attiré mon attention.

Vous soulignez dans votre mémoire la précarité des entreprises ? et, d'ailleurs, votre mémoire est vraiment ciblé sur l'aménagement forestier, ce qui est très intéressant ? de l'industrie de l'aménagement, et vous arrivez avec une proposition, qui est celle finalement d'arriver avec des contrats sur une période beaucoup plus longue. Ce que vous avez identifié, c'est que les contrats sont souvent sur une période annuelle, avec des travailleurs... Bon. Il y a beaucoup de mouvance. Et vous arrivez avec une proposition. J'aimerais, si c'est possible, que vous me l'expliquiez d'une façon un petit peu plus... Quelle forme ça pourrait prendre? Et est-ce que ça a déjà été appliqué? Est-ce que vous connaissez un fonctionnement ailleurs où on aurait justement... Parce que le problème d'aménagement, il est peut-être vécu ici, mais il est vécu sûrement dans les pays scandinaves aussi, dans plusieurs pays qui exploitent la forêt. Est-ce que ce mode-là a déjà été essayé ailleurs?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Alors, M. Babin.

M. Bédard: Ça, c'est ma première question, et j'en aurais deux, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Alors, M. Babin.

n(16 heures)n

M. Babin (René): O.K. Le but premier d'essayer d'avoir des ententes à plus long terme, premièrement, c'est de consolider l'industrie de l'aménagement forestier. Pour consolider l'industrie de l'aménagement forestier, ça nous prend des travailleurs. Pour avoir des bons travailleurs, il faut leur donner des bonnes conditions de travail. Puis qui dit bonnes conditions de travail... en partie ça peut être soit des équipements sanitaires adéquats ou des moyens de transport qui sont adéquats. Avec des contrats annuels, il n'y a pas beaucoup d'entreprises qui peuvent se permettre d'accéder à toutes ces commodités-là. Donc, quand tu as un contrat qui peut être d'une période de cinq ans, bien, à ce moment-là, c'est plus facile d'investir dans des équipements de ce genre-là. Le mécanisme pour intégrer tout ce fonctionnement-là, lorsque les industriels ont à déposer leurs plans quinquennaux ou généraux, bien, c'est facile à ce moment-là d'inclure l'exécutant des travaux d'aménagement dans leurs plans généraux.

M. Bédard: Et de l'obliger à signer un contrat de cinq ans finalement avec un seul ou, en tout cas, avec un ou deux, mais obligation d'avoir un contrat de cinq ans avec cette entreprise-là.

M. Babin (René): C'est ça. Mais il y a toujours un moyen... C'est un contrat de cinq ans mais pratiquement renégociable à toutes les années, avec un moyen d'arbitrage s'il y a des conflits qui peuvent en arriver à survenir entre l'un et l'autre.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Oui, une autre question.

M. Bédard: Très rapidement. Oui, mais, donc ? et c'était l'autre volet de cette question-là ? est-ce que ça a déjà été essayé ailleurs cette formule-là de réglementer comme ça au niveau de l'aménagement forestier? Parce que, moi, je trouve ça intéressant, je vous le dirais, effectivement. Et j'ai même des gens que je connais qui ont travaillé dans l'aménagement forestier. Je sais un peu effectivement la précarité de ces entreprises-là. Alors, je voulais savoir un peu si ça a déjà été essayé.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Alors, M. Beaulieu.

M. Beaulieu (Gérald): Nos régimes forestiers existent depuis 1987. Nous avons réussi à mettre en place une industrie forestière performante, capable de transformer des arbres de plus en plus petits, de plus en plus loin dans la forêt. On pense qu'il y a moyen de... Et c'est très justifié, parce que n'oubliez pas que les redevances que l'industriel réinvestit en forêt, c'est des redevances publiques, c'est de l'argent du domaine public. Déjà, nous avons quand même, au cours des dernières années, réussi à négocier au niveau de la coupe. Selon les statistiques que nous détenons, environ entre 40 % et 50 % sont des ententes sur plus d'un an. Au niveau des travaux sylvicoles, environ 20 % de nos ententes sont plus qu'un an. Imaginez-vous la performance qu'on pourrait réussir à introduire dans le système si on pouvait y aller sur une base pluriannuelle. Pourquoi on demande au ministre de nous aider à l'inclure dans les travaux d'aménagement? C'est qu'on a tenté dans le passé de le négocier de gré à gré. Mais force est de constater qu'on n'a pas réussi à obtenir cette marque de confiance nécessaire au bon développement, malgré le fait que, avec toute la bonne volonté du monde, ces gens-là ont des contrats à long terme pour l'approvisionnement de leur usine.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Alors, merci, M. Beaulieu. C'est malheureusement terminé.

M. Beaulieu (Gérald): Et juste un complément d'information...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) D'accord. Je vais vous laisser terminer, M. Beaulieu.

M. Beaulieu (Gérald): ...s'il vous plaît. Merci, Mme la Présidente. Vous pouvez vérifier. Dans les CAAF actuels, vous avez encore des coopératives qui sont nommées. Ça, ça ne coûte rien de plus à l'État. Ça permet de consolider des jobs dans les régions, des emplois dans les régions pour les hommes et les femmes qui occupent ce territoire-là. Et ça existe déjà dans les CAAF. Donc, on parle d'un moyen au PGAF, mais il peut y avoir d'autres sortes de moyens. Nous tendons la perche à l'industrie et au gouvernement pour introduire des méthodes qui vont nous permettre d'avoir des ententes à long terme et atteindre notre objectif qui est de consolider l'industrie de l'aménagement forestier.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Alors, merci. Mme la députée de Bonaventure, est-ce qu'il y avait d'autres questions?

Mme Normandeau: Mon collègue d'Argenteuil avait une question.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Ah! c'est M. le député d'Argenteuil.

M. Whissell: Merci. Je rejoins un peu dans le même sens la question de mon collègue. Dans le fond, les contrats, présentement, la grande partie, c'est des contrats d'un an que vous avez à exécuter. Est-ce que ça arrive que l'industrie présentement accorde déjà des contrats qui vont au-delà d'un an, qui peuvent être de deux ans ou trois ans ou renouvelables à chaque année, selon certaines conditions, ou vous êtes toujours face à une situation... c'est un an puis au bout d'un an vous ne savez pas si c'est renouvelé ou pas?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) M. Beaulieu.

M. Beaulieu (Gérald): Au niveau des travaux sylvicoles, environ 20 % de nos ententes sont sur une durée de plus qu'un an. Au niveau de la coupe, tout près de 50 % sont sur une durée supérieure. Donc, ce qu'on vous dit, c'est que, encore aujourd'hui, on a 80 % de nos contrats qui sont d'une durée d'un an, donc qui ne permet pas, à notre avis, de tirer le maximum au niveau de la synergie nécessaire, au niveau d'une planification à long terme également. Nous aurions des gains très appréciables à avoir des ententes à long terme.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) M. le député d'Argenteuil.

M. Whissell: Ce gain-là, j'imagine, il n'y a pas juste vous qui pourriez l'obtenir. Il y a des entreprises privées à but lucratif qui font le même travail de réaménagement, dans le fond. Alors, elles aussi peuvent avoir un gain. C'est l'industrie dans l'ensemble qui pourrait en bénéficier.

M. Beaulieu (Gérald): Nous n'avons pas la prétention de demander l'exclusivité pour des ententes à long terme. Nous représentons ici les coopératives forestières, qui sont à une hauteur de plus de 50 % des travaux sylvicoles au Québec.

M. Whissell: Mais, présentement, quand vous soumissionnez sur un projet, ça doit arriver à l'occasion qu'il y a du nouvel équipement à acheter et, quand vient le temps de faire le financement de tout ça, ça ne doit pas être évident. Si le contrat est pour une durée d'un an, acheter une pièce d'équipement, des fois, de 100 000 $, 200 000 $, 300 000 $... Est-ce qu'il y a des problèmes au niveau du financement?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) M. Beaulieu.

M. Beaulieu (Gérald): Définitivement, il y a des problèmes. Écoutez, les équipements de récolte aujourd'hui, lorsqu'on parle de multifonctionnels, c'est des équipements qui, au total, peuvent se chiffrer à plus de 1 million de dollars. Comment voulez-vous... Quelle marque de confiance on a dans le système des coopératives pour permettre à un de nos membres d'aller se financer aux banques dans le cadre d'ententes à long terme? C'est sur la bonne foi de la coopérative que le banquier accepte de prêter, sur son historique. Imaginez-vous quel impact on pourrait avoir dans le développement de financement beaucoup plus approprié, si on avait des ententes à long terme.

M. Whissell: Ouais, des meilleurs taux, des...

M. Beaulieu (Gérald): Des meilleurs taux, des meilleures garanties, une meilleure technologie également, un meilleur parc de machinerie et même une formation beaucoup plus appropriée et beaucoup plus pointue. On réussit à être performant dans les ententes à court terme. Imaginez-vous si on avait des ententes à long terme.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Alors, Mme la députée de Bonaventure, en vous rappelant qu'il reste environ 3 minutes.

Mme Normandeau: Merci. Pour les trois dernières minutes, j'aimerais qu'on puisse aborder la question des travailleurs forestiers, parce que c'est un sujet qui a fait l'objet de plusieurs discussions aujourd'hui. Alors, je me permettrai de poser... Je constate que c'est mon collègue de mon comté qui va me répondre, M. Babin. Alors, évidemment on a entendu, ce matin et cet après-midi, là, le fait que les travailleurs forestiers souvent travaillent dans des conditions difficiles, que le salaire n'est pas ajusté au travail, à la qualité du travail qu'ils effectuent. Concrètement, comment vous voyez ça? Est-ce que vous seriez prêts à proposer une nouvelle méthode au niveau des taux, une nouvelle façon... Comment vous voyez ça pour justement augmenter la formation, mais sur le plan peut-être plus monétaire, là? Est-ce que vous avez des propositions à faire de ce côté-là?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) M. Babin.

M. Babin (René): Oui. On a déjà fait des propositions par le passé. Présentement, le seul critère qui influence le taux versé à l'entreprise pour l'éclaircie précommerciale, c'est le nombre de tiges à l'hectare. Nous autres, on pense, à la Conférence, qu'il y a d'autres critères qui devraient être évalués, autres que la densité, c'est-à-dire il peut y avoir des ajustements qui pourraient se faire selon la pente du terrain, selon les déchets de coupe au sol, quand on fait une éclaircie précommerciale ou que... Dans un peuplement qui est issu de chablis ou d'épidémie de tordeuse, bien, on n'a pas les mêmes contraintes au sol que lorsque ça a été dans un peuplement où tout a été ramassé puis presque balayé à la fin du traitement, là. Les difficultés sont différentes d'une région à l'autre. On parle peut-être de l'Abitibi, c'est plus des contraintes de pyrosité; la Côte-Nord, peut-être un peu plus de la pente; la Gaspésie, c'est plus des contraintes de déchets au sol, avec la pente un peu aussi.

Alors, c'est là qu'on pense, nous autres, qu'il y a d'autres éléments à étudier que la densité à l'hectare pour établir le taux de l'éclaircie précommerciale.

M. Beaulieu (Gérald): En complément de réponse...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Oui, M. Beaulieu.

M. Beaulieu (Gérald): ...M. le ministre a annoncé, lors de notre congrès, la mise en place d'un comité interministériel. Nous entendons être présents à ce comité pour soumettre différentes recommandations qui vont nous permettre de mieux baliser ou de mieux encadrer la tarification des travaux sylvicoles pour qu'on puisse rémunérer de façon adéquate le travail. Je tiens à vous signaler qu'au Québec, pour juger de la valeur d'un arbre, nous avons plus d'une centaine de zones de tarification, M. le ministre, une centaine et plus, et on a une seule zone de tarification au niveau des travaux sylvicoles. Donc, il y a un problème à mon avis d'adéquation qu'il est important de discuter, et on pense que le comité interministériel que M. le ministre nous a annoncé va être un endroit très intéressant qui, de façon progressive, va nous permettre d'améliorer les conditions en forêt.

Mme Normandeau: Est-ce que les travaux du comité avancent? Est-ce que ça va bien, les travaux du comité?

M. Beaulieu (Gérald): Nous avons eu des communications à l'effet que les travaux vont débuter incessamment.

Mme Normandeau: Ah, d'accord.

n(16 h 10)n

La Présidente (Mme Carrier-Perreault) Alors, c'est tout le temps dont on disposait. Messieurs, merci de votre participation à cette commission. Je vais suspendre les travaux pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 10)

 

(Reprise à 16 h 14)

Le Président (M. Kieffer): La commission va reprendre ses travaux. J'inviterais les représentants de Gérard Crête et fils inc. à bien vouloir prendre place. Alors, bonjour messieurs. Vous connaissez les règles du jeu: 20 minutes de présentation; 20 minutes pour chaque parti. Avant de débuter votre présentation, j'apprécierais que vous vous présentiez afin d'aider la prise des notes. Alors, à vous, la parole.

Gérard Crête et fils inc.

M. Richard (Luc): Oui. Bonjour. Mon nom est Luc Richard. Je suis directeur des forêts chez Gérard Crête et fils.

M. Crête (Sébastien): Sébastien Crête, adjoint au président-directeur général.

Le Président (M. Kieffer): Alors, nous vous écoutons.

M. Richard (Luc): M. le Président suppléant, M. le ministre, membres de la commission, c'est avec un grand intérêt que Gérard Crête et fils a pris connaissance du projet de modification de la Loi sur les forêts déposé par le ministre des Ressources naturelles, M. Jacques Brassard. À cet effet, Gérard Crête et fils est heureuse de pouvoir apporter son point de vue à la commission parlementaire.

Gérard Crête et fils inc. croit que le Québec doit, à partir de ses forêts bien aménagées, pouvoir compter sur une industrie forestière stable et prospère, s'il veut continuer à bénéficier d'un maximum de retombées, notamment pour les communautés locales. Une industrie en bonne santé financière favorisera des investissements tant en forêt qu'en usine afin de garantir un développement durable du milieu forestier et d'affronter la compétition de plus en plus grande. D'une façon générale, Gérard Crête et fils inc. est d'accord avec bon nombre de principes contenus dans le projet de loi. Toutefois, elle aimerait apporter à la commission des commentaires sur certains éléments du projet de loi, après avoir fait une présentation de l'entreprise.

L'entreprise de Gérard Crête et fils. Gérard Crête et fils est une société industrielle engagée principalement dans l'aménagement forestier et dans la transformation des bois résineux en produits finis pour la construction domiciliaire ainsi qu'à des fins industrielles. Les origines de Crête remontent en 1949 avec la mise en opération à Saint-Séverin de Proulxville d'une petite scierie de service. Depuis, l'entreprise a progressé, surtout par la construction de nouvelles usines et par des acquisitions. L'entreprise exploite au Québec trois usines de sciage résineux, deux usines de rabotage, une usine de bois à valeur ajoutée et neuf cellules de séchage. Elle est aussi active aux États-Unis où elle possède une usine de bois de sciage résineux, une usine de rabotage et des séchoirs à bois. Elle fournit du travail à quelque 1 200 personnes, tant au Québec qu'aux États-Unis. Plus spécifiquement, dans la région de la Mauricie, où elle possède son siège social, elle procure de l'emploi à environ 900 personnes provenant de plus de 40 municipalités.

Afin de tendre vers une pleine utilisation de ses équipements de transformation de bois résineux en Mauricie, Crête a besoin d'un approvisionnement annuel de plus de 1,1 million de mètres cubes de bois. La stabilité de l'entreprise est basée sur la sécurité et la qualité de ses approvisionnements que lui offrent ses contrats d'approvisionnement et d'aménagement forestier. En effet, elle bénéficie actuellement de trois CAAF de bois résineux d'un volume total de 845 000 m³ par année, soit un peu plus des trois quarts de ses besoins. L'autre quart ne peut être comblé totalement par les forêts privées du Québec, de l'Ontario et des États-Unis. Par conséquent, Gérard Crête et fils a besoin d'attributions additionnelles pour combler ses besoins.

La stabilité des approvisionnements a permis d'entreprendre un vaste programme de modernisation des usines, qui requiert de la part de ses actionnaires des investissements de l'ordre de 40 millions de dollars pour la période quinquennale qui se terminera en 2001. Pendant cette même période, des dépenses additionnelles de plus de 15 millions de dollars seront affectées en forêt pour rendre les ressources forestières accessibles, c'est-à-dire les arbres et les autres ressources telles que la faune, le paysage, la villégiature, la pêche, etc.

Les plans d'aménagement forestier. Le ministère propose une fusion du plan général d'aménagement forestier et du plan quinquennal d'aménagement forestier. En plus, à chaque année, les détenteurs de contrats et de conventions devront confectionner un plan annuel d'intervention. Ainsi, les détenteurs de contrats n'auront à produire que deux plans: l'un à tous les cinq ans et l'un annuel. Par cette proposition, le MRN ramène le nombre de plans de trois à deux. L'objectif est louable et allège la tâche tout en conservant un contrôle sur l'orientation des activités forestières. Gérard Crête et fils est d'accord pour diminuer le nombre de plans, mais pas selon la formule proposée. Elle voit plutôt un plan général d'aménagement forestier et un plan quinquennal d'intervention forestière. Le PGAF, dans sa présente forme, peut être conservé à titre de plan stratégique. Il fixe les orientations et objectifs d'aménagement forestier; il est révisé à tous les cinq ans.

Le plan quinquennal deviendrait un plan d'opération. Il pourrait être dynamique, c'est-à-dire qu'une année serait ajoutée au plan à mesure qu'une année serait épuisée. Les opérations sur le territoire pourraient se dérouler à l'intérieur de ce plan. Dans un tel contexte, les détenteurs de contrats pourraient se partager sur plus d'une année les opérations sur le territoire et ainsi favoriser la négociation de contrats de plus d'une année avec des entrepreneurs indépendants, tant pour les travaux de récolte que sylvicoles. Cette formule favoriserait une stabilité de l'emploi, faciliterait les investissements dans les infrastructures et maximiserait l'utilisation des équipements, en plus de donner plus de la souplesse au chapitre des opérations du prélèvement de la matière ligneuse et des travaux sylvicoles. Évidemment, il faudra mettre en place des mécanismes de consultation auprès des autres utilisateurs afin que l'aménagement des forêts se fasse dans l'harmonie. Annuellement, la liste des activités à réaliser serait fournie au MRN et un rapport annuel des activités continuerait d'être déposé. Les tâches administratives seraient allégées sans toutefois compromettre une bonne gestion des activités sur le territoire.

n(16 h 20)n

La confection des plans. Le ministère propose une participation obligatoire des organismes du milieu ? MRC, zecs, pourvoiries, etc. ? à la confection des plans généraux ou d'aménagement forestier. Gérard Crête et fils est d'accord avec le principe d'une participation accrue des organismes à la préparation des plans. Toutefois, dans un tel contexte, chacun des utilisateurs du milieu forestier devra assumer sa part de responsabilités selon le principe d'utilisateur-payeur. De plus, les objectifs et besoins de ces utilisateurs devront être connus dès le début du processus. Sur les huit unités d'aménagement où Crête détient des contrats d'aménagement et d'approvisionnement forestier dans les régions 03 et 04, le territoire est tapissé de 12 zecs, de 24 pourvoiries à droits exclusifs, de trois réserves fauniques, de deux communautés autochtones, de six MRC, de nombreux villégiateurs regroupés ou non et de pourvoiries à droits non exclusifs. Chacun desdits intervenants se trouve également sur une ou plusieurs unités de l'aménagement dont les limites territoriales sont la plupart du temps dissemblables l'une de l'autre. Par conséquent, il devient extrêmement difficile et d'une lourdeur administrative importante pour tous les intervenants de suivre d'une façon proactive les activités préconisées dans chaque unité d'aménagement.

Pour diminuer le nombre de plans généraux et quinquennaux, pour faciliter l'intégration des besoins de l'ensemble des utilisateurs du milieu, pour permettre une plus grande transparence et une plus grande flexibilité dans les interventions forestières, Gérard Crête et fils propose qu'il y ait une redéfinition des aires communes, soit par fusion complète ou partielle d'aires communes. Elle propose aussi que les différents plans soient préparés par une société de gestion mixte, compétente et autonome, qui sera libre de toute influence interne ou externe. Ce mandataire de coordination de la foresterie devra consulter les intervenants du milieu et faire le suivi des plans. Les travaux d'aménagement, y compris la récolte, seraient exécutés par les détenteurs de contrats d'aménagement et d'approvisionnement forestier à titre de mandataires d'opérations. Ils seraient responsables de l'atteinte des objectifs de production mis de l'avant par la société de gestion. Celle-ci vérifierait la conformité des travaux avec les plans et devis. Enfin, compte tenu des problématiques différentes d'une région à l'autre, le MRN devrait mettre en place des mécanismes afin de maintenir une équité entre chacun des industriels forestiers.

L'aménagement forestier, un rendement accru. Gérard Crête et fils est d'accord avec une intensification de l'aménagement forestier. Les fruits de cette approche doivent servir, d'une part, à compenser les pertes de production de matière ligneuse sur les superficies forestières dédiées, entre autres, aux aires protégées, et, d'autre part, à consolider les approvisionnements des usines existantes. Crête voit des préalables à une politique de rendement accru. Premièrement, le zonage forestier doit être revu afin de cibler davantage les priorités de développement du territoire. Deuxièmement, Crête favorise une fusion d'unités d'aménagement afin d'obtenir un maximum de souplesse au chapitre de l'établissement d'une stratégie d'aménagement visant un rendement accru et une utilisation polyvalente du territoire. Le périmètre de ces nouveaux territoires doit être permanent. La stabilité de l'assise territoriale est un préalable à son aménagement multiressource. La gestion forestière en sera également simplifiée. Troisièmement, Crête est d'avis que la totalité des coûts reliés à la planification et à l'exécution des travaux visant à améliorer le rendement des forêts et son aménagement polyvalent soient admissibles à une compensation complète, à partir des redevances ou de toute autre source de financement gouvernementale ou mixte.

La dispersion des coupes. Le projet de loi prévoit une dispersion des aires de récolte afin de favoriser une utilisation polyvalente du territoire. Bien que Gérard Crête et fils soit d'accord avec l'objectif recherché, l'industrie ne peut à elle seule en faire les frais. Chaque utilisateur du milieu forestier doit assumer sa quote-part selon le principe d'utilisateur-payeur. Dans le cas contraire, le gouvernement doit financer cette ouverture de territoire en retournant dans le milieu une part suffisante des redevances forestières. Dans la même proposition, le ministre se réserve le droit de resserrer les exigences dans certains milieux ou d'imposer des obligations additionnelles aux détenteurs de CAAF. À cet égard, Crête est d'avis que les règles doivent être reconnues au départ et qu'elles doivent être équitables d'un industriel à l'autre et d'une région à l'autre.

Attribution des bois. Les contrats d'aménagement forestier. Présentement, Gérard Crête et fils détient des contrats d'aménagement et d'approvisionnement forestier pour 845 000 m³ de bois. Ses besoins sont de plus de 1,1 million de mètres cubes. Les CAAF ont permis à l'entreprise de compter sur une stabilité d'approvisionnement en matières premières pour ses trois usines de la Mauricie et faciliter le financement de ses activités industrielles, dont celles de la modernisation de ses usines. Gérard Crête et fils est en total désaccord avec l'attribution de nouveaux contrats d'aménagement forestier, tel qu'il est proposé dans le projet de loi sur les territoires où il y a déjà des CAAF.

Crête est un acteur économique important dans le développement des régions où elle est présente et favorise le développement socioéconomique régional. Toutefois, accorder de nouveaux contrats d'aménagement forestier à d'autres personnes que les propriétaires d'usine ne fera que déshabiller Pierre pour habiller Paul. Accorder de nouveaux volumes aujourd'hui sur la base du rendement accru ne ferait qu'hypothéquer le futur et serait contraire à la définition du rendement soutenu. Tout nouveau volume doit d'abord servir à maintenir puis à consolider les approvisionnements des entreprises existantes dans un contexte où il y a plus de pression sur l'utilisation du territoire par d'autres utilisateurs et d'un éventuel retranchement de superficie forestière au bénéfice notamment de l'établissement d'aires protégées. De plus, lesdits volumes permettraient de conserver une marge de manoeuvre pour d'éventuelles pertes en raison de feux et d'épidémies d'insectes.

Renouvellement de contrats d'aménagement et d'approvisionnement forestier. Le projet de loi propose que les volumes attribués au renouvellement des CAAF soient fonction, entre autres, de la performance environnementale et forestière et de la performance industrielle. Crête est favorable à l'idée d'une performance forestière conjointe des détenteurs de CAAF d'une même unité d'aménagement relativement à l'atteinte des objectifs de la stratégie d'aménagement, puisque celle-ci est déjà établie par l'ensemble des détenteurs de CAAF. Par contre, l'entreprise est contre l'évaluation d'une performance environnementale commune des industriels forestiers agissant sur un même territoire. Cette performance doit être individuelle et uniquement pour ceux qui interviennent directement sur le territoire et, en aucun temps, elle ne devrait affecter les attributions d'un industriel forestier. Elle devrait servir à évaluer la capacité d'une entreprise à exécuter des mandats sur le territoire. Les dossiers de performance environnementale serviraient donc à accréditer les entreprises performantes et à écarter celles qui ne le sont pas.

Bien que Crête soit en accord avec un certain contrôle de l'utilisation de la fibre pour éviter tout gaspillage exagéré de la matière ligneuse, elle voit, dans le contrôle de la performance industrielle, une ouverture inquiétante à l'ingérence du gouvernement dans la gestion de l'entreprise privée. La performance industrielle ne saurait répondre à une formule unique. Elle est le propre des décisions d'affaires. D'une façon ou d'une autre, les non-performants devront un jour ou l'autre cesser leurs activités parce qu'ils ne pourront demeurer rentables.

n(16 h 30)n

Le contrôle des activités forestières. Dans son projet de loi, le ministre veut augmenter son contrôle à l'égard des activités forestières sur la forêt publique. Pour ce faire, il désire faire financer une partie des frais de ce contrôle par une charge additionnelle aux détenteurs de CAAF. Présentement, plusieurs entreprises forestières ont entamé des procédures visant une certification de leurs pratiques forestières, notamment Gérard Crête et fils. Ainsi, des sommes considérables sont investies pour l'implantation de ces systèmes et d'autres le seront sur une base continue pour le maintien de cette certification, laquelle nécessitera des coûts importants de contrôle dans un objectif d'amélioration continue des pratiques forestières. Ainsi, Crête voit dans cette nouvelle orientation du MRN un dédoublement des activités de contrôle. Le ministère pourrait se servir des résultats de contrôles effectués par l'industrie et surtout de ceux des auditeurs externes accrédités par les dépositaires des normes. Le MRN pourrait ainsi se concentrer davantage sur l'élaboration de politiques et de règles claires et sur une vérification des résultats.

L'amélioration de la connaissance. Le projet de loi propose une bonification des connaissances nécessaires à la planification des activités forestières. À cet égard, Crête et fils croit que les activités reliées à l'acquisition de connaissances devraient être mieux arrimées avec celles du fonds forestier et des inventaires décennaux.

En conclusion, Gérard Crête et fils est d'accord avec plusieurs principes suggérés par le projet de loi, soit:

À une diminution du nombre de plans, en autant que celui-ci permette une souplesse opérationnelle et administrative. Pour ce faire, elle suggère la diminution du nombre de plans par une fusion d'unités d'aménagement. En plus de faciliter l'administration des plans, la concertation des organismes du milieu serait simplifiée et la planification des activités d'aménagement forestier gagnerait en souplesse. En plus, Crête suggère qu'une société de gestion indépendante assure la confection et le suivi des plans. Les détenteurs de CAAF réaliseraient les travaux terrain;

Elle est aussi d'accord avec le principe du rendement accru. Cependant, des préalables sont essentiels: revoir le zonage forestier, fusionner des unités d'aménagement et une pleine compensation des coûts reliés aux travaux d'aménagement;

Elle est d'accord avec l'évaluation d'une performance forestière conjointe des détenteurs de CAAF.

Toutefois, elle désapprouve certaines orientations, soit:

L'évaluation d'une performance environnementale conjointe pour le renouvellement de ses CAAF;

L'évaluation de sa performance industrielle, puisque celle-ci ne peut faire l'objet d'une formule unique et qu'elle constitue une ouverture inquiétante à la gérance du gouvernement dans la gestion d'entreprises privées;

L'attribution de nouveaux contrats d'approvisionnement ? CAF. Tout volume rendu disponible devrait être destiné à consolider les entreprises existantes.

Gérard Crête et fils, dont les besoins annuels en bois sont de 1,1 million de mètres cubes, doit compter sur un approvisionnement fiable à long terme, de qualité et à un coût compétitif pour continuer son développement.

Le Président (M. Kieffer): Alors, je vous remercie, M. Crête. Nous allons...

Une voix: ...

Le Président (M. Kieffer): Pardon?

M. Richard (Luc): M. Richard.

Le Président (M. Kieffer): Je m'excuse, M. Richard. M. Crête est à votre droite, c'est ça? Alors, tous mes regrets.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix:

Le Président (M. Kieffer): Ha, ha, ha! Non. Vous voyez, j'ai regardé Gérard Crête et fils inc., alors j'avais cru que. Bon. Ceci étant dit, M. le ministre, à vous la parole.

Une voix: Passez la parole au plus vite.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brassard: M. Richard, M. Crête, je vous remercie d'avoir accepté de venir nous rencontrer pour nous faire part de vos points de vue sur le projet de loi. C'est intéressant de la part d'une entreprise qui opère sur le terrain. Je pense que c'est certainement une contribution qui nous sera utile.

Je regarde ça dans votre mémoire, et vous nous dites ? je vous cite d'ailleurs, c'est assez intéressant: «Sur les huit unités d'aménagement, où Crête détient des contrats [...] dans les régions 03 et 04 ? c'est à la page 12 de votre mémoire ? le territoire est tapissé de 12 zecs, de 24 pourvoiries à droits exclusifs, de trois réserves fauniques, de deux communautés autochtones, de six MRC, de nombreux villégiateurs regroupés ou non et de pourvoiries à droits non exclusifs.» Ça fait beaucoup de monde en forêt, beaucoup d'usagers, beaucoup d'utilisateurs et beaucoup d'intervenants.

J'ai le goût de vous demander, étant donné que vous êtes sur le terrain, comment ça se passe avec tout ce monde-là, comment vous fonctionnez pour vous entendre, dégager des consensus, des compromis, éviter des conflits. Comment ça marche sur le terrain?

M. Richard (Luc): Bon. Le tout n'est pas facile nécessairement. Ça fait beaucoup de monde, comme vous le dites. D'ailleurs, c'est un peu pour ça qu'on s'objecte à ce qu'il s'en rajoute d'autres.

C'est venu avec le temps, je pense. C'est sûr qu'il faut s'asseoir ensemble puis se concerter, discuter, regarder, prendre compte des préoccupations des différents intervenants. Au niveau des consultations, par exemple, au niveau du plan quinquennal et des plans généraux, je pense que ça a amené, les consultations obligatoires, les gens à se connaître, à prendre conscience que l'industrie n'était pas nécessairement toute seule et que tous les autres utilisateurs pouvaient occuper le territoire aussi. Mais ça a fait comprendre aussi aux autres utilisateurs qu'ils n'étaient pas non plus tout seuls et qu'il y avait l'industrie forestière aussi avec ses préoccupations.

À la longue, les gens se sont connus, et il s'est développé aussi un système de consultations que je dirais un peu parallèle, c'est-à-dire avec les plans annuels. Chaque année, les gens s'inquiètent un petit peu d'où les interventions vont se produire et, à la longue, le monde, se sont jasés, compris et connus et de plus en plus sensibles aux préoccupations de chacun d'eux. Ça fait que c'est dans ce sens-là un peu où la table s'est mise, je dirais, pour régler les problèmes. C'est sûr que, dans certains cas, c'est plus difficile, dans d'autres, c'est un peu plus facile, mais on s'assoit puis on discute.

Le Président (M. Kieffer): M. le ministre.

M. Brassard: C'est ça qui est intéressant dans votre cas, là, c'est parce que vous êtes carrément sur le terrain. Et, ce que je comprends de vos propos, c'est que vous réussissez, par des échanges, des discussions, à aplanir les difficultés et à régler les problèmes, et même, on peut dire, des litiges potentiels avec un certain nombre d'intervenants. Parce que, parfois ce qui ressort dans certains médias, c'est les conflits, hein, les situations conflictuelles, les situations de confrontation.

Quand on regarde votre situation puis qu'on se rend compte finalement que vous réussissez bon an mal an à cohabiter harmonieusement avec tout ce monde-là, je pense que vous apportez la preuve que justement la cohabitation est possible en forêt entre divers usagers. Ça suppose cependant qu'il y ait des lieux pour se parler.

Au fond, ce que le projet de loi apporte, c'est simplement de rendre un peu plus formel ce qui se pratique déjà sur le terrain depuis un bon moment. Je ne pense pas que ça ait pour effet ou ça aura pour effet d'alourdir votre tâche mais plutôt, je pense, de la faciliter. Vos pourvoiries, vos gestionnaires de zecs, s'ils sont impliqués dès le départ dans l'élaboration de vos plans, moi, j'ai nettement l'impression même la conviction que ça va aller beaucoup mieux par la suite, que l'harmonisation des usages va se faire beaucoup mieux par la suite sur le terrain. Je trouve intéressant que vous nous fassiez part de votre expérience à cet égard.

Vous proposez une chose qui m'a un peu étonné, puis en même temps je ne vois pas comment ça peut s'articuler concrètement sur le terrain. Vous proposez que «les différents plans soient préparés par une société de gestion mixte, compétente et autonome qui sera libre de toute influence interne ou externe.» J'aimerais ça que vous m'explicitiez un mieux ce que vous entendez par ce que je viens de vous lire dans votre mémoire. Ça signifie quoi exactement? Ça consisterait en quoi, cette société de gestion mixte? Quel serait son mandat, sa composition?

Le Président (M. Kieffer): M. Richard.

M. Richard (Luc): Merci. Évidemment, la réflexion n'est pas complète à cet égard-là. Ce qu'on y voit, c'est une piste de solution qui pourrait faciliter la tâche à tout le monde, donner aussi une crédibilité à tout le monde, tant aux industriels forestiers et au ministère, au niveau de la planification. On l'a vu au cours des derniers mois ou dernière année où la crédibilité a été mise beaucoup en doute. Elle donnerait aussi beaucoup de transparence.

n(16 h 40)n

La formation, comment ça pourrait être fait? Au lieu de multiplier les rencontres et se croiser à gauche et à droite, on verrait un assouplissement à cet égard-là. Je verrais une composition, par exemple, de représentants de pourvoiries, de représentants de zecs, des MRC, des détenteurs de CAAF, ou peut-être autres qui pourraient administrer ce type de société ou, je ne sais pas comment l'appeler, de groupe ou de mandataire de coordination pour en arriver à constituer des plans qui seraient complètement intégrés ou qui viseraient un multiusage de la forêt.

Le Président (M. Kieffer): M. le ministre.

M. Brassard: Donc, vous voyez cette société-là qui aurait la responsabilité de préparer...

M. Richard (Luc): C'est un outil...

M. Brassard: ...les plans...

M. Richard (Luc): ...qui servirait à l'ensemble des utilisateurs à préparer les plans.

M. Brassard: Chaque utilisateur demeurerait responsable...

M. Richard (Luc): Chaque utilisateur...

M. Brassard: ...légalement de la préparation de son plan.

M. Richard (Luc): ...pourrait demeurer responsable, effectivement.

M. Brassard: Sur le plan de l'aménagement, comment ça se passe chez vous? Est-ce que ce sont des tiers qui sont mandatés par contrat pour faire les travaux d'aménagement prévus à vos plans?

M. Richard (Luc): Oui.

M. Brassard: C'est des coopératives ou...

M. Richard (Luc): Il y a des coopératives et il y a des entrepreneurs.

M. Brassard: Les contrats qui vous lient à ces intervenants, en matière d'aménagement, sont de quelle durée?

M. Richard (Luc): Un an.

M. Brassard: Un an? Je ne sais pas si vous étiez présent quand on a échangé avec la Conférence des coopératives forestières, tout à l'heure. Ils trouvent que ce serait un progrès considérable si on prévoyait que la durée des contrats d'aménagement était l'équivalent de la durée du plan entre deux révisions, c'est-à-dire cinq ans. Ça permettrait une plus grande stabilité de la main-d'oeuvre, des cadres, beaucoup d'intérêt ou d'avantages sur le plan des technologies, des investissements, des équipements, d'une vision à plus long terme. Est-ce que vous seriez réfractaire à une pareille proposition?

M. Richard (Luc): C'est ce qu'on parle...

Le Président (Kieffer): M. Richard.

M. Brassard: On parle d'aménagement, là.

M. Richard (Luc): Merci. C'est ce qu'on parle au niveau de... dans notre mémoire où on propose un plan opérationnel sur cinq ans au lieu d'un plan annuel d'intervention forestière. On aurait un plan d'opération sur lequel on pourrait mieux définir la répartition des travaux effectués entre détenteurs de CAAF et, par le fait même, avoir un horizon un peu plus long que sur un an. Et ceci pourrait favoriser justement cette signature d'entente là, autant avec des entrepreneurs sylvicoles que récolte sur des contrats à plus long terme.

M. Brassard: Ça ne vous répugne pas, ça.

M. Richard (Luc): Non.

M. Brassard: Comme industriel, là, puis comme détenteur de CAAF, vous n'avez pas de problème...

M. Richard (Luc): Non.

M. Brassard: ...idéologique avec une proposition comme celle-là. Au contraire, ça ferait même votre affaire, si je comprends bien.

M. Richard (Luc): Bien, je pense...

Le Président (Kieffer): Allez-y, M. Richard, vous semblez bien parti.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Richard (Luc): Non, je pense qu'il y a... Il faut favoriser l'investissement en forêt. Les machines coûtent de plus en plus cher, il y a la stabilité d'emploi qui est importante, la relève, je pense que c'est important, et signer des contrats à long terme peut nous aider aussi à avoir un meilleur coût de bois ou un meilleur coût de réalisation compte tenu qu'il y a moins d'incertitude pour les entrepreneurs.

M. Brassard: Merci.

Le Président (Kieffer): À votre tour, Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Je voulais joindre ma voix au ministre pour vous remercier d'avoir pris le temps de rédiger votre mémoire. Effectivement, ce qui est intéressant, comme le ministre le soulignait, c'est que dans votre cas vous êtes sur le terrain. Au niveau de la cohabitation avec les autres utilisateurs sur votre territoire, bon, le ministre vous a questionné comment ça se passait sur le terrain. Bon, vous avez dit: C'est un peu difficile, mais on finit par s'entendre. Lorsqu'il y a un problème, lorsque, effectivement, là, ce n'est pas possible de s'entendre, quels sont les mécanismes que vous avez prévus justement? J'imagine il y a des situations qui sont arrivées où ça a été très, très difficile, là, vous n'avez pas été en mesure de dégager de consensus, est-ce que le ministère, par exemple, est là pour vous supporter? Comment ça se passe concrètement quand vous avez une difficulté majeure, là? Ça ne vous est jamais arrivé?

M. Richard (Luc): ...excusez, monsieur.

Le Président (M. Kieffer): La raison est bien simple, M. Richard, hein, c'est pour la transcription, ça facilite la tâche de ceux qui ont à réécrire les textes, de savoir qui parle. Ce n'est pas parce que j'ai envie de parler nécessairement. Alors, à vous la parole.

M. Richard (Luc): Merci. Non, on a vécu des problèmes un peu plus difficiles. Ce n'est pas toujours facile, des mariages forcés, mais il y a un processus de conciliation qui existe lors de la consultation des plans, et ça peut jouer son rôle très bien.

Le Président (M. Kieffer): Mme la députée.

Mme Normandeau: J'ai entendu beaucoup, en me promenant sur le terrain, qu'on souhaiterait, plutôt que dans le processus de consultation, d'y aller dans un processus en amont, c'est-à-dire où tous les utilisateurs, les intervenants, sur une même unité d'aménagement, seraient partie prenante dans l'élaboration du plan d'aménagement. Tout à l'heure, à la page 13, vous avez un peu expliqué votre fameuse société de gestion mixte. J'essaie aussi de comprendre un petit peu le but que vous poursuiviez en proposant ça. Si je comprends bien, ce sera une espèce d'outil.

Quand vous parlez d'outil, à quoi exactement vous faites référence? Parce que, si je comprends bien, vous seriez d'accord avec le fait d'impliquer les intervenants. Est-ce que vous seriez d'accord avec le fait d'impliquer les intervenants dès le début de la conception du plan? Parce que votre modèle que vous proposez au niveau de la société de gestion mixte, on a l'impression que vous perdriez un peu le contrôle sur l'élaboration de votre plan général d'aménagement forestier. Est-ce que je me trompe ou...

M. Richard (Luc): Non...

Le Président (M. Kieffer): M. Richard.

M. Richard (Luc): Excusez. Non, on ne perd pas le contrôle, ce n'est pas une question non plus de contrôle du plan général d'aménagement forestier. On a un plan; ça nous est demandé, de préparer un plan général qui établit la stratégie d'aménagement. Avec les autres intervenants du milieu qui vont confectionner avec nous le plan... Bon, avec une société de gestion, ça pourrait être plus simple ? en fait, je pense que ça pourrait être plus simple ? mais le même principe est là, où tout le monde pourrait amener aussi leurs besoins là-dedans. Ils ont aussi des obligations, je pense, ces autres intervenants-là du milieu, ça les amène aussi à les amener leurs objectifs d'aménagement et aussi à assumer éventuellement leurs responsabilités face à leurs demandes.

Le Président (M. Kieffer): Mme la députée.

Mme Normandeau: Quand vous parlez d'obligations, est-ce que vous pensez, par exemple... Parce qu'on a entendu beaucoup aujourd'hui que, par exemple, des bénéficiaires, certains utilisateurs, par exemple au niveau du CAF, un A, ne seraient pas assujettis aux mêmes obligations que les bénéficiaires de CAAF, deux A. Quand vous parlez d'obligations, de quoi exactement vous parlez? Est-ce qu'on parle d'obligations financières? À quoi vous faites référence, exactement?

Le Président (M. Kieffer): M. Richard.

M. Richard (Luc): Bien, les obligations, tu as des obligations, par exemple... Les détenteurs de CAAF à deux A ont des obligations en vertu de notre contrat d'aménagement de la forêt; bon, on récolte, oui, et on aménage la forêt. Bon, on a des obligations à rendement soutenu. Et j'imagine qu'une pourvoirie à droits exclusifs a des obligations aussi, demande des aménagements particuliers. Nous autres, notre mandat, c'est de produire de la forêt; on va produire de la forêt. Ce n'est pas de produire de la faune. C'est évident que c'est complémentaire. Mais un autre a besoin d'un paysage; le paysage est aménagé, bon, il en assumera ses obligations aussi.

Mme Normandeau: D'accord.

Le Président (M. Kieffer): Mme la députée.

Mme Normandeau: Peut-être une dernière question au niveau de la confection des plans. Vous proposez dans le fond une fusion du plan annuel et du plan quinquennal, puis vous conservez donc le PGAF puis le PQAF. Concrètement, parce qu'on entend ça de temps à autre, qu'il y a beaucoup de tracasseries administratives, que ça fait beaucoup de brassage de paperasse, il y a des plans puis il y a toutes sortes de choses, est-ce que vous le vivez comme ça, chez vous? Pour proposer une recommandation comme celle-là, c'est que ça vous permettrait d'alléger tout le processus, toute la bureaucratie ou tout le papier, finalement. C'est dans ce sens-là, qu'on doit comprendre votre proposition?

Le Président (M. Kieffer): M. Richard.

M. Richard (Luc): Je vais finir par comprendre.

Des voix: Ha, ha, ha!

n(16 h 50)n

M. Richard (Luc): Oui, tu élimines un plan; ça fait moins de plans à analyser et, donc, par conséquent un peu moins d'administration. Moins de modifications possiblement, parce que, en ayant quelque chose sur une base de cinq ans qui est acceptée, sur laquelle tous les intervenants du milieu ont déjà passé et contribué à sa fabrication, à son élaboration, tu facilites toute cette démarche-là; tu n'as plus besoin de recommencer, tu as l'ensemble du territoire. Et en plus de ça bien là tu as de la souplesse au niveau opération, parce que, comme on n'est pas tout seul sur le territoire à avoir des activités, il y a des activités de chasse, il y a des activités de pêche, il y a des activités de skidoo, des activités de traîneaux à chiens, des activités de ski de fond, c'est avec ça qu'on travaille sur le terrain, et ça prend une certaine souplesse sur le territoire; il faut être capable de l'avoir pour être capable de déplacer des choses, arranger des affaires, ordonner, pas désordonner quand même mais tout ordonner pareil. Mais ça simplifierait beaucoup de choses, beaucoup de discussions et beaucoup de paperasserie administrative.

Mme Normandeau: D'accord, merci.

Le Président (M. Kieffer): Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Est-ce que j'ai droit encore à un peu de temps? Oui?

Le Président (M. Kieffer): Ah! oui, oui. Il vous reste un bon quatre minutes.

Mme Normandeau: Peut-être revenir sur la notion de «performance industrielle». Bon, vous voyez la proposition du ministre comme une ingérence dans les opérations de votre entreprise, est-ce que c'est possible de nous en dire un peu plus là-dessus, de nous livrer votre vision? Parce que, effectivement, je pense que le discours que vous avez, c'est un discours qu'on entend beaucoup au niveau des industries. Alors, peut-être m'en dire davantage sur ce qui vous horripile dans la proposition qui est formulée dans le projet de loi au niveau de la performance. Qu'est-ce qui ne fait pas votre affaire là-dedans là plus spécifiquement?

Le Président (M. Kieffer): M. Richard.

M. Richard (Luc): Si j'ai bien compris au niveau de la performance industrielle, hein?

Mme Normandeau: Oui, c'est ça.

M. Richard (Luc): Au niveau de la performance industrielle...

Mme Normandeau: Au niveau de l'évaluation de votre performance.

M. Richard (Luc): Présentement, il y a déjà des choses qui existent au niveau de la performance industrielle. Je crois qu'aller plus loin que ce qui existe déjà, c'est comme trop c'est trop là, à un moment donné. Et comparer une entreprise avec une autre, sur quelle base on va faire ça? C'est difficilement comparable. On ne peut pas évaluer la même chose d'une entreprise à l'autre: les technologies sont différentes, les orientations sont différentes, les prises de décisions d'affaires ne sont pas nécessairement basées sur les mêmes paramètres. Ça fait que je ne sais pas comment il peut y avoir une équité là-dedans.

Mme Normandeau: D'accord. Merci.

Le Président (M. Kieffer): Mme la députée?

Mme Normandeau: Non, ça va. Moi, j'ai terminé.

Le Président (M. Kieffer): Ça va aller? Alors, je vais redonner la parole, il y a le député... Il y avait le député de Maskinongé, vous voulez céder votre droit à votre confrère?

Une voix: ...

Le Président (M. Kieffer): Non, alors à vous la parole cher député. Ha, ha, ha!

M. Désilets: Ha, ha, ha! Merci, M. le Président. Un petit commentaire, j'avais quasiment le goût de répondre à votre place tantôt face au ministre concernant la... parce que vous êtes... Tantôt, M. le ministre vous a posé la question: Comment ça marche sur le terrain? Bien, vous venez de... Parce que l'entreprise est du comté de Maskinongé: une partie dans le comté de Maskinongé, une partie dans Laviolette, une partie dans Saint-Maurice, ce qui...

Mais, pour avoir vécu, M. le ministre, une situation particulière avec la compagnie Crête, effectivement elle a une très bonne réputation sur le territoire; la compagnie prend le temps d'asseoir, pour l'avoir vécu, les intervenants du milieu, surtout parce qu'il y a beaucoup d'entreprises chez nous, des auberges, puis l'aspect paysage est important. Elle assoit les intervenants du milieu ensemble: le maire, les députés, la population, les travailleurs, les gens du développement économique. Tout le monde est assis autour d'une table, et puis on travaille, on met sur place ensemble un projet de... Puis tout le monde s'approprie le développement. C'est une chose que je sais que ça n'existe pas partout mais que ça devrait prendre de plus en plus d'espace. Et c'est un peu le projet de loi, si je comprends, qui se tire de plus en plus vers cette ligne.

Bien, bonjour, M. Richard et M. Crête, bienvenue à Québec. Je voudrais passer de la performance industrielle à la performance environnementale. J'aimerais vous entendre sur le rôle concernant l'environnement, concernant l'industrie. Vous n'élaborez pas tellement dans votre projet, là, l'aspect environnemental et vous avez sûrement une idée arrêtée sur le rôle de la performance environnementale; j'aimerais un peu vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Kieffer): M. Richard. Avez-vous terminé, M. le député?

M. Désilets: Oui.

Le Président (M. Kieffer): M. Richard.

M. Richard (Luc): Performance environnementale, on a des objectifs à atteindre au niveau, par exemple, du règlement sur les normes d'intervention, les sentiers espacés, une pose de ponceau bien faite, qui visent des objectifs là-dedans. Et ce qu'on vise là-dedans, c'est le mandataire d'opération; celui qui est désigné pour faire des opérations sur le territoire doit pouvoir être en mesure d'évaluer sa performance. Puis sa performance ne doit pas venir affecter la performance, par exemple, d'un petit détenteur de CAAF de la Beauce, qui tire un 200 m³ de bois, je ne sais pas moi, de la région de la Mauricie. C'est dans ce sens-là. Ta performance, par rapport à tes objectifs qui te sont fixés sur le terrain. Je ne sais pas si ça répond?

Le Président (M. Kieffer): Merci.

M. Désilets: Mais un petit peu plus précis dans le sens que le...

Le Président (M. Kieffer): Assez rapidement, s'il vous plaît.

M. Désilets: Le responsable finalement, est-ce que ça se trouve vraiment celui qui fait...

M. Richard (Luc): ...

M. Désilets: Pardon?

M. Richard (Luc): Le détenteur de CAAF...

M. Désilets: C'est le détenteur de CAAF.

M. Richard (Luc): Qui est le mandataire d'opération.

M. Désilets: O.K. C'est beau.

M. Richard (Luc): Au niveau de la performance environnementale. Puis ce que j'entends par environnementale, ce que je voulais signifier là-dedans, c'est surtout relié, entre autres, aux RNI par exemple, au Règlement sur les normes d'intervention, et les autres règlements applicables, par exemple sur les produits pétroliers, etc, mais c'est là-dessus. Mais le mandataire qui exécute des opérations, le bénéficiaire qui exécute des opérations, que ce soit en régie ou via un entrepreneur, mais ça demeure le détenteur de CAAF.

M. Désilets: Qui est responsable. O.K. C'est beau.

Le Président (M. Kieffer): Merci, M. le député. Je cède maintenant la parole au député d'Argenteuil.

M. Whissell: Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Vous dites qu'avec le principe du rendement accru il est essentiel qu'il y ait pleine compensation des coûts reliés aux travaux d'aménagement. Est-ce que vous pouvez nous expliquer présentement comment ça fonctionne? Est-ce que vous avez une compensation? Est-ce qu'elle est à 100 %? À 50 %? Comment ça fonctionne présentement avec le ministère?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Kieffer): Ah, je m'excuse. J'étais en train de gérer le droit de parole. Alors, M. Richard, je m'excuse, à vous la parole. Vous êtes un élève remarquable.

Une voix: Il a bien compris la leçon.

M. Richard (Luc): Il y a pleine compensation en termes de crédits pour les travaux admissibles pour l'exécution et non pas pour l'ensemble du travail, soit de contrôle ou de planification de ces travaux-là.

M. Whissell: M. le Président.

Le Président (M. Kieffer): Merci. M. le député d'Argenteuil, de nouveau.

M. Whissell: Oui. Vous avez écouté le groupe précédent, qui était les Coopératives du Québec, qui nous parlait au niveau des travaux d'aménagement. Souvent, dans 20 % des cas, c'était des contrats de plus d'un an, donc 80 % étaient des contrats d'un an et moins. Vous qui êtes un industriel, seriez-vous mal à l'aise à ce que les coopératives ou les entreprises privées qui font du réaménagement forestier aient des contrats sur une base plus longue, deux ans, trois ans, voire même jusqu'à cinq ans pour la durée du CAAF?

Le Président (M. Kieffer): M. Richard.

M. Richard (Luc): Bien, que ce soit une coopérative ou un autre organisme qui, en travaux sylvicoles, ait des contrats de trois ans, je n'ai aucun problème avec ça. C'est un intervenant qui engage du monde, qui vise à faire travailler des gens. Puis ces gens-là ont des investissements. Aucun problème avec ça. D'ailleurs, on a une coopérative qui travaille à titre de mandataire qui fait et de la récolte et des travaux sylvicoles. On a des contrats annuels. Mais ce serait aussi souhaitable d'avoir des contrats à plus long terme.

Le Président (M. Kieffer): Merci. Une autre. M. le député d'Argenteuil.

M. Whissell: Une question complémentaire sur le même sujet. Mais actuellement vous donnez déjà des contrats. Qu'est-ce qui fait que vous allez aller sur un an et non des fois sur deux ans ou sur cinq ans? Parce que l'argument est de dire que plus le terme est long, plus possiblement que l'industrie et les coopératives ou les entreprises privées peuvent arriver avec un coût dans le fond moindre, parce qu'elles peuvent amortir, elles savent dans quel type de projets elles s'engagent exactement. Alors, comme vous dans votre cas, présentement, est-ce qu'en grande partie c'est des contrats un an ou c'est des contrats pour la durée du CAAF? Vous, là, vous en avez déjà des gens avec qui vous devez donner en sous-traitance dans le fond pour l'aménagement. Règle générale, c'est un an. Si oui, pourquoi?

Le Président (M. Kieffer): M. Richard.

n(17 heures)n

M. Richard (Luc): C'est tous des contrats d'un an parce que la deuxième année ou la troisième année il y a trop d'incertitude. On marche avec un plan annuel basé sur un an, et, au niveau des travaux sylvicoles, il y a beaucoup de travail à faire au niveau de la recherche de secteurs, de ci, de ça. Il y a beaucoup d'incertitude qui entoure ça. Il faut développer le territoire en termes de réseau routier, ça contribuerait beaucoup, et avoir un plan qui permet d'avoir au moins une assise sur une plus longue période favoriserait ça.

Le Président (M. Kieffer): C'est terminé? Oui. J'aurais besoin maintenant d'un consentement. Il y a le député de Roberval qui voudrait pouvoir poser des questions. Est-ce qu'il y a consentement? Il y a consentement. Alors, à vous la parole, M. le député de Roberval. Vous avez quatre minutes, c'est tout le temps qu'il vous reste.

M. Laprise: Merci beaucoup, M. le Président. Concernant la performance industrielle, est-ce que vous évaluez ça... La performance industrielle, en fait, c'est l'utilisation maximum de l'arbre qu'on coupe. Ce qui veut dire à ce moment-là qu'il y a une première étape d'utilisation, et il y a de la deuxième et troisième transformation qui peut se rajouter ? qui peut se rajouter, je dis bien ? dans certains cas. Ce n'est pas toujours le cas d'ailleurs que ça se rajoute, mais ça peut se rajouter.

Quand vous parlez de performance industrielle, est-ce qu'on attache beaucoup d'importance à l'utilisation maximum de l'arbre afin que ça se transforme le plus possible dans votre milieu, ou dans votre région?

Deuxième question: Est-ce que les crédits qui sont donnés aux entreprises détentrices de CAAF, pour des crédits de prix de CAAF, si vous voulez, pour l'aménagement sont transférés en totalité à l'entreprise qui fait de l'aménagement ou s'il y a un pourcentage qui est gardé pour l'administration au niveau de l'entreprise?

Le Président (M. Kieffer): M. Richard.

M. Richard (Luc): Je peux commencer par répondre à la deuxième. Il n'y a rien qui se garde; tout est reversé à l'entrepreneur.

M. Laprise: O.K. Qui fait l'aménagement.

M. Richard (Luc): Qui fait l'aménagement, puis des fois plus.

M. Laprise: Ça n'a pas toujours été ça.

M. Richard (Luc): Pardon?

M. Laprise: Ça n'a pas toujours été ça, mais c'est amélioré.

M. Richard (Luc): Ah, bien, j'avais dit ça par rapport à chez nous.

M. Laprise: O.K.

M. Richard (Luc): Pour la première, performance industrielle. Le bois coûte assez cher quand tu l'amènes dans ton usine, là, qu'il faut que tu l'utilises au mieux que tu peux. Ça fait qu'il faut éviter de le gaspiller, oui, mais tout ça encadré par l'ensemble de tous tes marchés. T'utilises tout ton arbre marchand et tu le regardes par rapport à tes clients, à tes décisions d'affaires que tu dois prendre, à une foule de facteurs. Mais ce qui est visé, c'est une utilisation pleine et entière de la fibre.

Le Président (M. Kieffer): Est-ce que ça vous va, M. le député de Roberval?

M. Laprise: Oui.

Le Président (M. Kieffer): Y a-t-il d'autres questions du côté du parti ministériel? Alors, je repasse la parole... Ça vous va aussi? Alors, messieurs, nous vous remercions beaucoup de votre présentation.

Pour ce qui est des membres de la commission, je vous avise que la séance est ajournée jusqu'à demain matin, 9 h 30, dans cette même salle. Merci.

(Fin de la séance à 17 h 3)



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