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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le jeudi 27 août 1998 - Vol. 35 N° 119

Consultation générale sur l'introduction des clauses orphelin dans les conventions collectives


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Table des matières

Auditions


Autres intervenants
Mme Cécile Vermette, présidente suppléante
M. Matthias Rioux
M. Michel Côté
M. Claude Béchard
M. Henri-François Gautrin
Mme Fatima Houda-Pepin
M. Mario Dumont
M. Robert Kieffer
M. Benoît Laprise
M. Normand Cherry
*M. Gilles Grenier, PQ
*M. Jean-Hertel Lemieux, idem
*M. Patrice Gobeil, idem
*Mme Isabelle Bouchard, idem
*M. Gérald A. Ponton, AMEQ
*M. Manuel Dussault, idem
*Mme Louise Dubé, idem
*M. Robert Savard, CNCQ
*M. Jacques Fortin, idem
*M. Gilles Lachance, idem
*M. Gaston Verreault, FISA
*M. Jean-Louis Harguindeguy, idem
*M. Claude Filion, CDPDJ
*M. Michel Coutu, idem
*M. Jean-François Roberge, ADJEQ
*M. Fréderic Lapointe, idem
*M. Normand Morin, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures trente-sept minutes)

La Présidente (Mme Vermette): Je vous demanderais, s'il vous plaît, de bien vouloir vous asseoir pour qu'on puisse procéder. Je déclare la séance ouverte. Je peux rappeler le but de la commission, c'est de poursuivre la consultation générale sur l'évolution du phénomène ayant trait à l'introduction des clauses orphelin dans les conventions collectives.

Mme la secrétaire, est-ce que nous avons des remplacements?

La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. Mme Houda-Pepin (La Pinière) remplace M. Benoit (Orford) et M. Gautrin (Verdun) remplace M. Sirros (Laurier-Dorion).

La Présidente (Mme Vermette): Bien. Alors, nous avons l'horaire de la journée. Oui, c'est vrai, M. Dumont, il faut vous donner du temps de parole, comme on l'a fait mardi de cette semaine. Alors, est-ce que les deux parties sont consentantes à donner du temps de parole? Chacune trois minutes, de chaque formation politique, ce qui donne six minutes à la formation que représente M. Dumont. Consensus?

Une voix: ...

La Présidente (Mme Vermette): L'ordre du jour: de 9 h 30 à 10 h 30, le Parti québécois; de 10 h 30 à 11 h 30, l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec; de 11 h 30 à midi trente, Me Fernand Morin, professeur en relations industrielles, de l'Université Laval; et la suspension est à midi trente.

Nous reprendrons les travaux à 14 heures; de 14 heures à 15 heures, c'est la Confédération nationale des cadres du Québec; de 15 heures à 16 heures, c'est la Fédération indépendante des syndicats affiliés; de 16 heures à 17 heures, c'est la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse; de 17 heures à 18 heures, l'Association de défense des jeunes enseignants du Québec; et l'ajournement est à 18 heures.

Alors, on peut commencer par le groupe qui est devant nous, qui est le Parti québécois, et qui est représenté par Gilles Grenier, deuxième vice-président du Parti québécois, M. Jean-Hertel Lemieux, président du Comité national des jeunes, Mme Isabelle Bouchard et M. Patrice Gobeil. La parole est à vous. Vous avez 20 minutes.


Auditions


Parti québécois (PQ)

M. Grenier (Gilles): Bonjour, Mme la Présidente, Mmes et MM. les membres de la commission parlementaire. Ça me fait plaisir de comparaître devant vous ce matin. On a présenté les noms, mais, pour être plus certain... J'ai ici, à ma droite, Jean-Hertel Lemieux. C'est un étudiant en enseignement à l'Université du Québec à Rimouski, il est président du Comité national des jeunes du Parti québécois. À ma gauche, Patrice Gobeil. C'est un jeune avocat d'Alma, qui est conseiller au même Comité national. Et Mme Isabelle Bouchard est étudiante en philosophie à l'UQAM et elle est vice-présidente au contenu du Comité national des jeunes.

(9 h 40)

Ce qui me frappe dans le débat qui nous intéresse, les clauses dites orphelin, c'est, au fond, la petitesse du débat, dans le sens d'étroitesse, pointu, comme on dit souvent, mais, en même temps, comment, par un débat qui, d'apparence limitée, a des effets structurants, des effets éthiques... Parce que, en réalité, derrière tout ce débat des clauses orphelin, se profile une conception de la société, se profile une manière d'agir d'un État. C'est un débat profondément philosophique d'évolution morale d'une société à laquelle cette commission parlementaire nous invite, au fond. Bien sûr, ça peut être vu sous un angle très technique: limiter, empêcher un type de clauses dans les conventions collectives ou les contrats de travail. Mais, à chaque fois qu'un gouvernement s'est attaqué à réglementer ce secteur des relations de travail, il s'est toujours attaqué, en réalité, à cette division profondément idéologique – et sans entrer dans ce débat – mais profondément, également, éthique d'une recherche d'égalité. Parce que, au fond, qu'est-ce que c'est que d'intervenir dans la dynamisation du marché du travail sinon que de réglementer à l'encontre de ce marché et à l'encontre de ce qu'on appelle les forces vives qui devraient normalement, naturellement, si tout le monde était enclin vers le bien? Ne pas agir serait suffisant.

Mais l'expérience humaine nous démontre que l'État doit parfois intervenir. On l'a vu dans le passé. Il a fallu, dans les années vingt, une loi du salaire minimum. Il faut lire les débats de l'époque, des années vingt, lorsqu'un des gouvernements a décidé d'introduire au Québec une première loi sur le salaire minimum, pour voir à quel point encore les acrimonies, qu'on retrouve aujourd'hui, qui sont donc ancrées dans la nature humaine, se retrouvaient en filigrane et qu'on retrouve encore aujourd'hui. C'est donc un débat qui, d'apparence, est technique, mais qui ne l'est pas. C'est un débat profondément éthique.

Le Parti québécois n'a jamais hésité à embarquer, à travailler, à oeuvrer dans cette conception de l'égalité. C'est connu d'ailleurs, c'est un secret de Polichinelle, nos déchirements sur la place publique, on n'a jamais craint ces débats profondément éthiques, et nous abordons toujours les questions d'abord sous l'angle éthique pour voir comment, ensuite, on va articuler dans les faits une législation, et non pas comment articuler une législation et vérifier ensuite quel sera son effet éthique. Alors, je vous invite donc à examiner ce projet de loi – que l'on veut, nous – sous l'angle de l'égalité pour tous et toutes dans cette société, et c'est pour ça que nous avons pris la tangente qui est indiquée dans ce mémoire.

Nous voulons, au Parti québécois, construire, comme pour paraphraser le poète Michel Rivard, une société, disait-il, sans sexisme, sans racisme et sans violence, et j'ajouterais sans âgisme, dans le respect de ceux qui nous ont précédés – et je parle de quelqu'un qui a 50 ans – mais aussi dans le respect de ceux qui nous suivent. Au fond, un gouvernement, c'est celui qui permet à l'ensemble des citoyens de porter un flambeau. On n'est pas là pour que, après nous, ça se termine. On est là pour que, après nous, cela se continue, et cela se continue, espérons-nous, d'une meilleure façon, un peu meilleure que celle qui nous avait été léguée. C'est ça, l'objectif. Et, quand on regarde l'ensemble du bilan gouvernemental jusqu'à maintenant, je vous dirais: Oui, on est dans ce sens-là, le gouvernement du Parti québécois.

Des mesures qui ont favorisé les jeunes, on en mentionne de façon importante dans le mémoire qui est devant vous, mais j'ajouterais, j'insisterais sur un. Par exemple, quand on parle d'un débat sur le déficit zéro, dans mon esprit à moi, c'est une responsabilité des générations qui ont dépensé de faire les ménages pendant qu'elles sont encore des forces vives pour laisser à ceux et celles qui vont suivre une situation, une maison plus nette. C'est vrai également, par exemple, des modifications au Régime de rentes, l'ajustement pour que les rentes de ceux et celles qui vont nous suivre soient d'un niveau... à tout le moins comparables ou «satisfaisamment» comparables à celles que nous aurons ou que ceux et celles qui nous ont précédés auront eues. C'est donc, encore là, une forme de relais intergénérationnel. Le débat sur les clauses orphelin est comme une cheville là-dedans. Elle s'articule. Elle illustre, dans un microcosme, tout ce débat sociétal.

Je disais, et nous disons dans le mémoire, que les jeunes sont les grands gagnants du fait que le Parti québécois ait pris le pouvoir en 1994; les exemples sont nombreux. J'ajouterais cependant aussi que la société en général, par la manière d'agir du gouvernement, par consensus, aussi, est une manière gagnante d'avoir agi. Consensus dans les grands sommets qui nous ont amenés à définir, dans plusieurs secteurs, des modes d'actions, des actions à entreprendre, mais aussi des objectifs très difficiles qu'on s'est donnés. J'ai entendu le ministre du Travail parler de consensus dans les clauses orphelin. Mais je voudrais juste rajouter, et je sais qu'il le sait, mais je tiens à le dire publiquement, que «consensus» ne veut pas toujours dire «unanimité», et ça, on le sait.

Dans le débat sur les clauses orphelin, on voit apparaître toutes sortes de tendances. Il est bien évident qu'une législation, quelle qu'elle soit, est restreignante pour un groupe donné dans la société. C'est clair que laisser libre le marché serait aussi être restreignant pour des gens. Comme on a accepté d'agir dans l'arène politique, l'arène la plus visible, le milieu peut-être le plus ingrat, parce que, quoi que l'on dise, 50 % de la population trouve que nous avons tort... Les gouvernements les plus populaires ont à peine 55 %. Les gouvernements les moins populaires ont 40 %. Donc, dans le milieu politique, quel que soit le côté où l'on est, nous acceptons ce débat. Mais parce que nous acceptons ce débat, nous acceptons la responsabilité qui va avec le débat. Alors, consensus, oui, nous souhaitons ce consensus et nous venons ici pour promouvoir ce consensus, mais en rappelant que «consensus» n'est pas «unanimité».

Je vais immédiatement passer la parole maintenant à ceux et celles qui ont conçu le mémoire. Jean-Hertel Lemieux.

M. Lemieux (Jean-Hertel): Oui, on parle évidemment de consensus. Chez les jeunes au Québec, le consensus est donné à la reconnaissance des mémoires qui ont été présentés jusqu'à maintenant. L'ensemble des intervenants jeunesse au Québec parlent d'une législation. C'est clair, c'est net. Vous avez vu, cet été, il y a un comité de travail qui a été instauré par le ministère du Travail, un comité sur lequel les jeunes de différents groupes au Québec ont pu discuter du phénomène des clauses orphelin et des moyens pour venir, justement, à l'abolition des clauses orphelin dans les conventions collectives, et je crois que le consensus qui a été établi est le suivant. C'est évident que, pour les finalités d'une législation, ce n'est pas encore clairement défini, puis ça a été déjà, d'ailleurs, annoncé. Mais c'est clair, il y a une chose aussi dont il va falloir que les gens se rendent compte, c'est que les jeunes au Québec, de plus en plus, font preuve de consensus. De plus en plus, les jeunes se réunissent sur les grands enjeux de la société québécoise. Les groupements de jeunes au Québec se réunissent, se questionnent entre eux autres. Et je peux vous dire que pour l'avenir, c'est de très bon augure pour la jeunesse québécoise, les jeunes veulent faire front commun de plus en plus. Alors, c'est à nous d'en profiter.

Aussi, évidemment, il faut savoir une chose qui est importante, les jeunes, le 6 novembre 1996 – c'était dans La Presse – les jeunes étaient favorables à l'atteinte du déficit zéro, dans les deux tiers. Ce qui est important de savoir à ce niveau-là, c'est que le gouvernement du Québec – nous en sommes fort conscients – ne voulait pas nécessairement de clauses orphelin dans les conventions collectives au niveau municipal. On ne se fera pas de cachette. Une fois le 6 % dans les municipalités, ce n'est pas au gouvernement à décider de la gestion de cette coupure-là, du 6 %. Il y a eu peut-être des ententes, mais ce n'est surtout pas le gouvernement du Québec qui a institué ou qui a demandé que les clauses orphelin soient dans les conventions collectives. Ça, il faut se le rappeler, c'est important. Et ceux qui se plaisent à faire porter le chapeau au gouvernement actuel sont dans l'erreur la plus complète, mais ça, on est habitué.

Aussi, ce qui est important de savoir... La définition d'une clause orphelin, nous, on a retenu évidemment la définition de la Commission des droits de la personne: «une pratique ayant pour effet de ne plus fonder la politique des conditions de travail sur des critères communs à l'ensemble du personnel». C'est à la page 6 du mémoire du Parti. Alors, nous, ce qu'on veut évidemment, c'est aucune clause discriminatoire à l'emploi, évidemment au niveau salarial, au niveau des conditions de travail. Ça, on y tient très clairement. Et puis, il faut aussi se rappeler – puis ça, c'est important – contrairement à ce que prétendent certains, le phénomène n'est pas nouveau. La Commission des droits de la personne avait dit, dans un avis en 1990, qu'il y avait de plus en plus de clauses orphelin qui s'en venaient, et les libéraux, à ce moment-là, qui étaient le gouvernement, n'ont absolument rien fait, ont encore une fois hypothéqué l'avenir de la jeunesse québécoise. Au même titre que lors de leur gestion du budget de l'État à l'époque, les libéraux parlent beaucoup mais agissent très peu, et puis, ça en a été une autre belle preuve. Alors, à l'époque, évidemment, le dossier était déjà amené par la Commission des droits de la personne, et les libéraux à l'époque, au gouvernement évidemment, n'avaient rien fait sur la question.

Nous, ce qu'on veut évidemment, c'est faire partie du consensus québécois de la jeunesse québécoise, consensus, vous avez pu le voir, qui est très clairement établi en faveur d'une législation. C'est évident qu'il en va de la société québécoise, de l'avenir de la société québécoise, et je crois que c'est à nous, c'est au gouvernement actuel et à vous tous des différents partis politiques, il y a une responsabilité énorme à l'égard de la jeunesse québécoise – rappelez-vous-le, s'il vous plaît – à légiférer dans ce sens-là et à agir dans ce sens-là.

Alors, je passe maintenant la parole à M. Patrice Gobeil pour la suite.

M. Gobeil (Patrice): Suite à ce constat, il faut voir aussi quels sont les gestes à poser. Je vais référer à compter de la page 8 du mémoire. Il faut voir aussi quels sont les gestes à poser. Il ne faut pas oublier que le Parti québécois est un parti éminemment démocratique. Il faut voir ce qu'est le plancher d'un conseil national ou d'un rassemblement national jeunes pour voir que, chez nous, on débat et que, chez nous, on fait des consensus, et les consensus auxquels nous en sommes arrivés sont énumérés à la page 9. Je vous en fais lecture.

Alors, la première proposition. Il est proposé que le Conseil national demande au gouvernement du Québec de légiférer dans des délais raisonnables pour interdire les clauses orphelin ou le principe de la double échelle salariale dans les conventions collectives. Ça venait du Comité national des jeunes. C'est passé au dernier Conseil national de février.

Il est proposé que le Conseil national du Parti québécois demande au gouvernement de légiférer afin d'interdire les clauses orphelin dans les conventions collectives. Ces clauses modifient de façon discriminatoire certaines conditions de travail des salariés embauchés après une date déterminée par rapport aux salariés embauchés avant cette date. Ça venait du conseil régional de Montréal Ville-Marie ainsi que du comité exécutif de la circonscription de Saint-François, au Conseil national de février.

(9 h 50)

Un gouvernement du Parti québécois s'engage à – puis là, c'est un extrait de programme, c'est quand même important: 3.5 légiférer afin d'interdire les clauses orphelin dans les conventions collectives. Ces clauses modifient de façon discriminatoire certaines conditions de travail des salariés embauchés après une date déterminée par rapport aux salariés embauchés avant cette date. Programme du Parti québécois adopté en 1996.

C'est un consensus chez nous que de vouloir interdire les clauses orphelin et c'est même un consensus chez les principaux intervenants du monde du travail. On cite notamment la FTQ, la CSN. La plupart des partis politiques ne sont pas contre la vertu. C'est quand on parle de moyens que les nuances arrivent. De notre côté, le Comité national des jeunes du Parti québécois, c'est un dossier qui nous a tenus à coeur énormément et qu'on a mené, c'est une bataille qu'on a menée, qu'on n'a pas fini de mener et qu'on mène encore, et, pour notre part, la solution réside dans une législation.

Il faut voir si les dangers de légiférer dans ces matières-là sont vraiment réels. On peut dire, certains pourraient dire que ça menacerait la liberté de négociation. Ce qu'il ne faut pas oublier, c'est qu'à un moment donné tout contrat doit être conclu en conformité avec la morale, les bonnes moeurs, l'ordre public, pour citer mon langage légal. Il faut faire attention justement, puis c'est là que la loi doit intervenir aussi pour déterminer qu'est-ce que l'ordre public, qu'est-ce que... Le rôle de l'État, c'est un peu de codifier la morale et de la faire intervenir. Alors, si c'est immoral que d'avoir un traitement inéquitable pour une partie de la société, bien, c'est à ce moment-là, c'est à l'État d'intervenir pour contrôler ça.

Il faut se rappeler que ce sont des objections aussi. Légiférer menacerait la liberté de négociation, qu'on a déjà entendu, notamment quand il y a eu les débats sur la loi antibriseurs de grève ou encore la Loi sur l'équité salariale. Mais, dans ces deux cas-là, on en est venu à la conclusion: 1, on a légiféré; et 2, on en est venu à la conclusion que c'étaient des domaines où il fallait que l'État intervienne de façon législative pour qu'une coercition soit appliquée sur les intervenants sociaux pour leur donner des balises claires.

Les clauses orphelin, ça ne doit pas devenir une option de négociation. Elles portent atteinte à un principe qu'on appelle la solidarité entre les générations. Elles sont discriminatoires dans la mesure où les nouveaux employés issus d'une minorité particulière ne pourraient bénéficier des mêmes avantages que leurs collègues. Il faut faire attention, hein. Ce qui se passe souvent dans une négociation ou dans l'adoption d'une convention collective par un syndicat donné, la peur aussi, c'est qu'on recherche où se situe notre majorité dans notre assemblée, et puis, avec cette majorité-là, bien on joue avec cette majorité-là pour négocier des conditions de travail au risque de déplaire à des minorités qui peuvent même être à l'intérieur. Toutefois, en ce moment, je voudrais être clair, on ne fait pas le débat sur la représentation des membres par un syndicat ou la représentation des gens compris dans l'unité d'accréditation. On parle des gens qui sont à l'extérieur de ce qu'on appelle... c'est un concept qui s'appelle «le salarié virtuel», celui qui n'est pas encore là, celui qui s'en vient après la date de conclusion de la convention.

On parle aussi de sous-traitance, mais la sous-traitance, il faut savoir qu'on a déjà légiféré. C'est encore un endroit où on a légiféré. C'est à l'article 45 du Code du travail, ma foi, qui apparaît comme étant assez restrictif aussi. C'est un endroit où on a cru bon, pour protéger les associations de salariés et pour protéger les emplois de ces gens-là et leurs conditions de travail, intervenir. On est intervenu contre la pratique de la sous-traitance législativement.

Pour le régler, le problème, il faut explorer différentes pistes, bien entendu. Alors, le Conseil exécutif national du Parti québécois croit qu'il ne serait pas opportun d'amender la Charte québécoise des droits de la personne puisqu'il y a un facteur qui s'appelle la discrimination fondée sur un des motifs. Il faudrait absolument faire référence à l'âge, ou au sexe, ou à quoi que ce soit, alors que ce n'est pas toujours le cas. Ce n'est pas toujours ce qui se produit, là. C'est en fonction de la date d'embauche que le problème se pose. Peu importe l'âge du salarié, dans le fond, à qui cette discrimination ou à qui ce sort-là s'applique.

Aussi, le problème de la Charte, ce n'est pas nécessairement non plus une question... je veux dire, l'idée de ne pas amender la Charte, ce n'est pas que, en termes philosophiques, ce ne serait pas nécessairement bon, c'est une question... Parce qu'il ne faut pas oublier que, dans la Charte, il y a une section qui est relative aux droits socioéconomiques des gens, là. Le travail, si ce n'est pas un droit socioéconomique, je ne sais plus ce que c'est. Le travail, c'est un droit socioéconomique.

Par contre, c'est le problème notamment dans le traitement des plaintes, dans les délais puis dans la lourdeur de cet appareil-là. Quand on arrive pour légiférer relativement aux clauses orphelin, il faut aller voir s'il n'y a pas une loi plus spécifique qui s'applique, qui fait l'affaire, dans laquelle on peut incorporer et dans laquelle on peut jouer avec des mécanismes plus souples ou des mécanismes de traitement de plaintes.

En fait, la législation, nous, on croit que ça pourrait aller directement dans le Code du travail sous la forme d'un article confirmant le principe d'inéquité et le caractère discriminatoire des clauses orphelin avec, éventuellement, des modalités d'arbitrage, des délais, la mise en place d'un cadre autour de ça. L'actuel Code du travail, à l'article 62, prévoit que les conditions de travail contenues à la convention collective ne peuvent être contraires à l'ordre public ou aux prohibitions de la loi. Seulement, on ne vient pas définir ou on ne vient que très peu donner quelles sont les prohibitions de la loi, dans la loi en question, et qu'est-ce que c'est, l'ordre public. Quand on a vu des concepts qui allaient à l'encontre de ça, c'est-à-dire protéger la sous-traitance, protéger l'équité salariale, bien, on est intervenu législativement. Alors, il faut savoir si les clauses orphelin, c'est quelque chose qui va à l'encontre de l'ordre public, que de laisser de côté des gens ou que de leur appliquer d'autres conditions de travail. Si ça va à l'encontre de l'ordre public, la meilleure façon de le dire, c'est de l'incorporer dans une législation puis peut-être même dans la législation qu'est le Code du travail.

Les discriminations et les inéquités provoquées par l'emploi de telles mesures commandent une intervention législative donnant des droits aux salariés non encore compris dans l'unité d'accréditation, à l'encontre de pratiques leur imposant des conditions de travail différentes de celles des salariés contenus dans l'unité d'accréditation au moment de la signature de la convention. C'est une protection. Ce n'est pas la même chose, par exemple. Il faut faire la distinction, techniquement parlant, entre ce qui est l'article 47.2 du Code du travail. L'article 47.2 vient nous dire que le syndicat est tenu de représenter équitablement les gens dans l'unité d'accréditation, peu importe qu'ils soient ses membres ou non. Parce qu'il y a des gens dans une unité d'accréditation d'une entreprise qui n'ont pas leur carte de membre du syndicat, qui n'adhèrent pas, tu sais, comme il y a des souverainistes qui n'ont pas leur carte du PQ encore. Que voulez-vous, c'est la vie! Donc, on vient leur demander d'agir équitablement, à l'article 47.2. Mais là il faut aller plus loin et définir qu'est-ce qui est l'ordre public, qu'est-ce qui est les bonnes moeurs, puis aller dans 62.

Par contre, il ne faudrait pas tomber dans le piège... ce n'est pas vraiment un piège, parce que je ne peux pas faire autrement que de dire que le débat amorcé par le député de Rivière-du-Loup, M. Dumont, que le projet de loi présenté par lui, c'est un pas en avant, c'est nettement un pas en avant. Par contre, moi, je vois que ça doit s'articuler de façon peut-être un petit peu plus complexe; je le trouve court, le projet de loi.

Dans ce cas-là, on ne traite aucunement de moyens, de mise en oeuvre des plaintes, on ne crée pas de délais, ou encore on ne crée pas de présomptions favorables aux salariés, puis ça, c'est des choses qu'il faut analyser aussi, parce que, dans un régime de présomptions, bien, c'est la partie adverse qui a à faire la preuve que ce n'est pas une clause orphelin. Il ne faut pas oublier aussi que, souvent, les gens qui sont des orphelins, c'est des gens qui sont dépourvus de moyens, qui n'ont pas nécessairement les mêmes moyens que les patrons ou que le syndicat en place, parce que, dans ce cas-là, souvent, le syndicat en place peut aussi être considéré comme une partie adverse.

Je vous laisse avec ma collègue Isabelle Bouchard quant à la conclusion.

La Présidente (Mme Vermette): Je m'excuse, avant que vous commenciez. Il reste très peu de temps. Alors, si vous vouliez synthétiser votre pensée pour qu'on puisse avoir au moins une idée.

Mme Bouchard (Isabelle): Oui, pas de problème. L'idée, c'est que c'est clair pour le Comité national des jeunes du Parti québécois et l'exécutif national que la question de l'inéquité des clauses orphelin s'inscrit dans un débat beaucoup plus large. Il y a, entre les générations au Québec, des malaises qui sont profonds. On n'est pas les premiers à le dire. Évidemment, les jeunes au Québec, nous n'avons pas le poids démographique que vous avez pu avoir dans votre jeunesse, nos prédécesseurs ne nous l'ont pas donné. C'est quelque chose qu'on reçoit, le poids démographique, ce n'est pas quelque chose que l'on a. Évidemment, l'avenir du Québec, c'est les jeunes qui le portent en ce moment, et il va falloir mettre ses culottes et cesser d'utiliser le «politiquement correct» et de se transformer en tapis devant ceux qui ont les moyens supposément de mener le Québec quelque part. Parce que, sinon, c'est tous les jeunes qui vont payer le prix tôt ou tard.

(10 heures)

Présentement, avec la mondialisation, le monde change, la planète change, le monde du travail change. Le syndicalisme aussi doit changer. Il doit y avoir un débat beaucoup plus large dans notre société sur le monde du travail et sur le syndicalisme. Cependant, pour nous, c'est clair qu'avant qu'il y ait toute forme de débat, ça prend une législation contre l'utilisation des clauses orphelin pour que le débat soit mené dans la bonne direction.

La Présidente (Mme Vermette): Je vous remercie. Donc, effectivement, c'était important de vous entendre, on a bien fait de vous donner votre temps de parole. Alors, M. le ministre.

M. Rioux: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais saluer Mme Bouchard – sa dernière intervention, c'est musclé, intéressant – M. Gobeil, Jean-Hertel Lemieux et M. Grenier.

M. Grenier, vous avez raison que c'est un débat profondément éthique, philosophique. On ne l'a pas fait véritablement à cette commission, ici, encore, mais on sent bien que ça s'en vient. Vous l'évoquez, il y a tout un débat rattaché aussi aux valeurs profondes qui circulent dans une société comme la nôtre et ce que ça génère comme pôle de progrès mais aussi comme pôle de résistance, hein. On le voit et on le sent, et ça, c'est important.

J'aimerais que vous me disiez, M. Grenier en particulier: Quand vous retenez la définition que donne la Charte des droits et libertés, la définition de la clause orphelin qui est retenue par la Charte, est-ce qu'à votre avis la notion telle que définie dans ce texte-là est suffisamment claire pour en arriver à greffer une législation efficace là-dessus?

M. Grenier (Gilles): Pour en arriver à greffer...?

M. Rioux: À greffer une législation efficace. C'est-à-dire, on ne légifère pas... Normalement, on dit que le législateur ne parle pas pour ne rien dire. Si on légifère, il faudrait que ce soit une législation qui a une portée concrète, facile d'application et aussi assez expéditive, parce qu'on ne voudrait pas se ramasser avec un dédale de procédures qui fait en sorte que la personne discriminée n'obtient jamais justice. M. Grenier.

M. Grenier (Gilles): Je suis venu ici à titre de politicien, même si je suis avocat de métier. Ça me fait quand même plaisir de tenter sommairement de répondre à votre question, mais sous un angle qui ne serait peut-être pas aussi juridique qu'on pourrait le faire en d'autres circonstances.

Je lis la définition: «...de ne plus fonder la politique des conditions de travail sur des critères communs à l'ensemble du personnel.» Ça existe dans nos lois depuis un certain temps. Et on voit l'efficacité relative de cela, puisqu'on a une commission parlementaire. C'est donc dire que, si la définition était suffisamment claire ou suffisamment comprise, ce problème devrait être résolu, ce qui n'est pas le cas. Donc, ça incite quand même à faire un pas en avant.

Sur la question, maintenant, de ce qu'on appelle les clauses orphelin, vous avez ouvert sur la définition. Nous n'avons pas voulu, de façon délibérée, entrer dans un débat technique. Vous savez, les clauses orphelin, dans les conventions collectives, il y a différentes clauses qu'on peut faire, il y a des échelles complètes. Il y a peut-être d'ajouter des échelons. Il y a peut-être de faire des modifications au taux horaire. Il y a plusieurs façons de faire des clauses orphelin. On n'en a pas fait d'inventaire. On pense qu'il y a des experts beaucoup mieux qualifiés que nous qui peuvent, au ministère ou ailleurs, faire cet inventaire.

À partir de cet inventaire, tirer une grille de ce qui est acceptable. L'acceptable, ce n'est pas nécessairement l'idéal. Vous savez, dans la vie, ce que j'accepte, j'accepte aussi de baisser mon idéal un certain temps. Il n'y a pas de problème là-dessus. On a voulu, de façon délibérée, laisser une marge de manoeuvre à cette commission parlementaire ou au gouvernement qui s'en vient. Parce qu'on est à une étape préliminaire: Doit-on ou non légiférer?

Vous aurez à faire des choix, comme gouvernement. Et, au parti, on va surveiller ces choix en interaction avec vous. Mais, s'il y a une autre commission parlemen-taire, il est possible qu'on revienne, mais sur des éléments plus techniques. Au moment où on se parle, on n'a, de façon délibérée, pas voulu entrer dans un débat trop technique qui ferait dévier de ce débat éthique.

Donc, la commission, si elle me demande si cette définition permettrait de greffer... Oui, elle permet de greffer. De greffer à la Charte? On dit non. On dit que ce n'est pas souhaitable au plan technique.

M. Rioux: Allons un petit peu plus loin. Si cette notion de protection était incluse dans la Loi sur les normes du travail au lieu de la Charte des droits et libertés et si on s'en référait à un arbitre de griefs ou à un commissaire du travail pour le règlement des litiges, est-ce que ça, ça vous serait acceptable?

M. Gobeil (Patrice): Je vais répondre à la question. Se référer à un arbitre de griefs, c'est un mécanisme qui est assez souple, qui peut apparaître comme étant intéressant, effectivement. Quant à la Loi sur les normes, pour notre part, ce n'est pas nécessairement l'option qui est préconisée par nous parce que le problème des clauses orphelin, dans sa technicité, c'est un problème de relations collectives de travail. Le problème des clauses orphelin, c'est quand quelqu'un vient négocier quelque chose pour quelqu'un qui n'est pas encore là. Le salarié qui subit la clause orphelin, il n'est d'aucune façon représenté ou d'aucune façon partie à la conclusion du contrat de travail qui lui est imposé. Par contre, et là je vais dire quelque chose qui va peut-être surprendre un peu, mais théoriquement, le salarié qui négocie lui-même son contrat de travail, il ne peut pas être orphelin, il ne peut pas se laisser pour compte lui-même. C'est pour ça.

Les normes, ça vient non seulement réglementer les rapports collectifs de travail syndiqué, mais aussi surtout les rapports individuels de travail. Or, comme individu, je suis présumé avoir la pleine capacité de négocier moi-même mes conditions de travail. La Loi sur les normes vient, bien entendu, établir un plancher pour l'employeur et vient établir un plancher pour moi aussi, ce qui n'est pas une mauvaise chose. Mais, puisque je suis partie au contrat que je négocie moi-même avec mon employeur, par exemple... Si j'accepte de me le faire imposer, c'est encore moi qui suis directement partie au dossier. C'est pour ça que la Loi sur les normes, ce n'est pas l'idéal, c'est qu'on vient l'étendre à un marché de salariés qui ne sont pas nécessairement ceux qui sont laissés pour compte par un contrat conclu par quelqu'un d'autre.

M. Rioux: Mais, M. Gobeil...

M. Grenier (Gilles): En complément, oui.

M. Rioux: ...vous êtes conscient que...

M. Grenier (Gilles): J'ajouterais un complément, M. le ministre.

M. Rioux: ...la Loi des normes est une loi de portée générale...

M. Gobeil (Patrice): Oui, oui, qui vient...

M. Rioux: ...et qu'elle est une loi... Vous savez, tout l'aspect de l'ordre public est bien identifié là-dedans. Mais, si vous vous en tenez au Code, il risque d'y avoir un pan de travailleurs ou de travailleuses qui risquent d'être laissés pour compte, si on n'y prend pas garde.

M. Grenier (Gilles): Si vous me permettez, M. le ministre. Si les études plus détaillées de la situation du marché du travail démontraient que la prémisse sur laquelle on s'est basé, c'est-à-dire que ce que l'on voit, ce que l'on sent, ce que l'on pense, c'est dans le rapport collectif, si vos données démontrent que cette prémisse est fausse parce que dans le secteur privé non réglementé par le Code du travail il y aurait des effets, nul doute que le mémoire, tel qu'il est rédigé, vous ouvre la porte à explorer d'autres voies: le titre, Des pistes à explorer, le paragraphe où on parle du Code du travail, c'est «pourrait – au conditionnel – s'appliquer». Et j'ajouterais qu'on parle, comme moyen de régulation, du Commissaire du travail, qui est au moins, maintenant, autant rattaché à la Loi sur les normes par les articles 122 et 124 que peut l'être le Commissaire du travail par les articles 39 et 45. Il y a donc, dans ce mémoire, oui, une place à réflexion plus grande.

Ce que mon collègue vous dit, c'est que, dans l'état de nos observations, ce que l'on voit, c'est dans les conventions collectives. Et, si cette prémisse est vraie, le meilleur endroit, c'est sans doute au Code du travail. Mais, si cette prémisse s'avérait moins vraie qu'on ne le croit, vous avez la marge de manoeuvre requise pour intervenir dans la Loi sur les normes, si tel est votre souhait.

M. Rioux: Alors, Mme la Présidente, je vais laisser du temps à mes collègues.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, je demanderais au député de La Peltrie, s'il vous plaît.

M. Côté: Merci, Mme la Présidente. Alors, j'aimerais souhaiter la bienvenue à Mme Bouchard, à M. Grenier, à M. Lemieux et à M. Gobeil pour leur participation à cette commission.

(10 h 10)

Dans votre mémoire, à la page 7, vous mentionnez que le phénomène des clauses orphelin, ce n'est pas récent, ce n'est pas nouveau. Alors, ça a déjà été relevé dès 1990 par la Commission des droits de la personne, qui rendait un avis sur le sujet. Et là sont arrivés justement des exemples, notamment dans le secteur municipal. Mais, justement, relativement a cet exemple dans le secteur municipal, vous dites qu'«il semble que, dans certains cas, la liberté de négociation entre patrons et syndicats ait jouée en défaveur des jeunes». Vous ne semblez pas dire que les clauses orphelin sont généralisées. Est-ce que vous seriez intervenus quand même, même si le fait municipal n'était pas apparu, le printemps dernier, en ce qui a trait aux clauses orphelin?

M. Lemieux (Jean-Hertel): C'est clair que, pour nous, les clauses orphelin dépassent largement le cadre municipal. Le débat, d'ailleurs, ça fait plus longtemps... ça fait un bout de temps qu'au CNJ, entre autres, et au niveau du Parti québécois... Ça fait longtemps. Dans les propositions qui ont été amenées, les résolutions adoptées à l'intérieur même de l'instance du Parti québécois, ça date de 1996. Ça fait un bon bout de temps, c'est clair.

Pour ce qui est de la législation en tant que telle ou pour ce qui est, plutôt, de la question au niveau municipal, c'est important de savoir – puis on l'a marqué aussi dans notre mémoire – que le gouvernement actuel a été, quelque part, lésé, si je peux employer le terme. Le gouvernement a tenté d'imposer aux municipalités ou de demander aux municipalités de faire un ménage dans leurs finances de 6 %. C'est évident qu'il n'avait pas la main-mise sur la façon de faire, d'assainir les finances publiques, et c'est pour ça qu'au niveau municipal il y a eu des ententes de prises entre les syndicats et les patrons avec des clauses orphelin à l'intérieur de celles-ci. C'est évident que, pour nous, encore une fois, ça dépasse largement le cadre municipal, on peut aller même au privé.

Nous, ce qu'on souhaite, c'est que le gouvernement légifère pour donner des balises à l'ensemble du monde du travail pour l'avenir, pour permettre justement à la jeunesse québécoise une meilleure équité. Ça, c'est important. On y va toujours sur le principe de l'équité entre les générations, c'est essentiel.

M. Côté: Lorsque vous parlez aussi, dans votre mémoire, qu'il y a justement eu une proposition, lors du Conseil national du Parti québécois des 21 et 22 février 1998, lorsque vous demandez au gouvernement de légiférer dans des délais raisonnables, pour vous, des délais raisonnables, c'est... Est-ce que vous pourriez préciser un petit peu plus, davantage?

M. Lemieux (Jean-Hertel): C'est évident que les délais raisonnables, pour nous, c'est le plus tôt possible. Vous savez, on le souhaite évidemment, au cours de la prochaine année; ça, c'est clair et net, on y tient. Et même, on ne le souhaite pas, on y tient. Et puis on va faire les démarches dans ce sens-là à l'intérieur même du Parti québécois. On y tient et on le veut. C'est évident, par contre, que, lorsqu'on prend exemple sur l'ancien gouvernement, qui était au courant depuis 1990 et qui n'a rien fait, on considère que, si le gouvernement... dans la prochaine année, c'est un gouvernement nettement plus responsable à l'égard de la jeunesse québécoise, c'est un gouvernement nettement plus à l'écoute de la jeunesse québécoise. Alors, nous, on a évidemment confiance en notre gouvernement pour savoir qu'il va légiférer, nous en sommes certains. Mais aussi, c'est évident que nous allons faire, comme a dit précédemment M. Grenier, preuve de vigilance à cet égard-là. Nous faisons confiance au gouvernement.

M. Côté: Merci. J'aurais une autre question, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vermette): Oui.

M. Côté: Je pense que ça s'adresserait aussi à vous, M. Lemieux. On sait que le député de Rivière-du-Loup a déposé un projet relativement aux clauses orphelin. Et, dans le journal, ce matin, lors d'une entrevue, vous avez déclaré que vous considérez que le projet Dumont, c'est un document de base préliminaire, mais que c'est incomplet, comme tel. Est-ce que vous pourriez, un peu, nous... Qu'est-ce qui manque, exactement, dans le projet de M. Dumont?

M. Lemieux (Jean-Hertel): Oui. Bon, à ce niveau-là, ce que j'ai dit, ce matin, dans les journaux, c'est que c'est évidemment un document incomplet. Évidemment, c'est au niveau de la gestion des plaintes, des problèmes. C'est-à-dire qu'il y avait beaucoup d'éléments techniques qui manquaient. Par contre, je tiens à le spécifier, puis c'est important de le faire, je crois que ça va de soi, je lui lance une fleur, il est mieux de la prendre, c'est rare que ça va arriver, à la veille d'élections, il a initié le débat. C'est important, on l'en remercie, c'est clair. On compte évidemment poursuivre, peut-être même avec lui et avec son groupement politique.

Ce qu'il faut savoir, puis je fais rapidement une intrusion à ce niveau-là, les jeunes du Québec, de plus en plus, il va falloir que le gouvernement comme les partis d'opposition, que l'ensemble de la société québécoise s'associe. Et même à l'encontre des lignes partisanes, s'il le faut, des partis politiques, nous allons nous associer pour défendre la société québécoise, les jeunes de la société québécoise. Ça, c'est important, vous allez le voir de plus en plus, c'est une réalité qui risque peut-être... On ne souhaite pas vous choquer, mais on souhaite que ce soit le contraire. Mais les jeunes, de plus en plus, vont aller au-delà des lignes partisanes pour s'associer pour véritablement défendre la cause des jeunes du Québec. Ça, il va falloir que vous le teniez en compte, ça s'en vient.

M. Côté: Dans votre mémoire, vous n'abordez pas du tout l'aspect de la permanence, particulièrement dans la fonction publique. Il y a quelqu'un hier qui est venu devant cette commission, le Groupe anti-permanence, un monsieur Réjean Breton, qui est professeur de droit du travail à l'Université Laval. Lui, il y a un passage dans son mémoire qui dit: «Combien coûtent tous ces permanents, depuis toujours, qui sont tous au maximum du salaire de leur classe d'emploi et qui attendent passionnément l'heure de la retraite dorée, sans trop se passionner pour le travail à faire ou pour les changements à y apporter?», et ainsi de suite. Alors, versus la permanence, est-ce que vous avez une position relativement à ça?

M. Gobeil (Patrice): On n'a malheureusement pas eu la chance de lire le mémoire du professeur Breton. On n'a pas nécessairement abordé spécifiquement le thème de la permanence. La permanence, par contre, c'est une condition de travail au même titre que d'autres conditions de travail, puis ça peut être quelque chose, ça peut être un endroit où il y a des clauses orphelin possibles, ça peut être un endroit où la législation peut s'appliquer. Mais, seulement, on n'a pas creusé ce domaine-là.

Mme Bouchard (Isabelle): Pour l'instant, ce qu'est notre préoccupation, ici, c'est une législation contre les clauses orphelin. La question de la permanence pourra toujours faire partie du débat plus large auquel on vous invite à la fin du document, entre autres, par rapport aux conventions collectives et aux employés qui sont syndiqués. On pourrait s'embarquer puis on pourrait rester ici quatre jours à parler de ça, les permanents qui attendent leur retraite dorée. Mais ça, ça ferait partie, suite à une législation, d'un débat plus large sur le monde du travail.

La Présidente (Mme Vermette): On vous remercie beaucoup. Je pense que le message est bien passé. Vous avez eu, en tout cas, suffisamment les mots pour nous faire comprendre l'urgence, en fait, de regarder plus large les clauses orphelin. Je vous remercie.

Des voix: ...

La Présidente (Mme Vermette): Ce n'est pas fini! Nous sommes rendus avec l'opposition.

Une voix: ...

La Présidente (Mme Vermette): Ha, ha, ha! Non, mais il semblerait qu'on est au-dessus des partis, actuellement. Alors, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Oui, Mme la Présidente, vous n'avez sûrement pas entendu le même exposé que moi pour dire ça. Il reste la partie la plus intéressante, définitivement. M. Grenier, M. Lemieux, Mme Bouchard, M. Gobeil, moi, je m'attendais de voir, ce matin, le Parti québécois... C'est sûr que ce n'est pas une question constitutionnelle, mais je m'attendais à voir le président du Parti québécois et le responsable, finalement, des clauses orphelin, nouvelle vague, que j'appelle, et je vous dirais que je suis surpris de voir un groupe qui vient et qui... Aïe! C'était beau, entre le ministre puis... C'est merveilleux, on est en train d'oublier tout le passé. Puis là vite: Quelle loi? puis un grand débat philosophique sur quoi il faut aller. Je n'en reviens pas de voir à quel point, surtout quand...

Moi, je me disais, en partant: on va y aller comme ça se déroule depuis le début, de la façon la plus apolitique possible et pour les jeunes. Mais, quand je vous entends dire que le gouvernement précédent n'a rien fait pour les clauses orphelin, il ne faut quand même pas exagérer. Il ne faut quand même pas exagérer. Pour vous donner juste un petit cours d'histoire là-dessus, dès 1987, les jeunes, chez nous, au Parti libéral du Québec, ont dit qu'il fallait réagir, qu'il fallait faire quelque chose. La réaction, ça n'a pas été deux semaines plus tard, comme dans votre cas, de déposer une loi à l'Assemblée nationale pour donner des clauses orphelin aux municipalités. Ça a été de faire différentes actions, des avis de la Commission des droits de la personne, des consensus au niveau de la Table de concertation du travail et de la main-d'oeuvre pour faire en sorte que le nombre de personnes touchées par les clauses orphelin est passé de 25 000 à 9 600 en quatre ans. Un.

Quand vous parlez de solidarité puis quand vous parlez des engagements des grands sommets, je vais faire juste la lecture d'un autre mémoire qui va être présenté – puis, d'ailleurs, il y a des jeunes qui en ont parlé – de l'Association de défense des jeunes enseignants du Québec. Eux, ce qu'ils disent dans leur mémoire: «L'Association parle de la dérive du gouvernement Bouchard. Alors que tout le monde devait faire sa part dans l'atteinte du déficit zéro, dans les faits, cela s'est passé autrement.»

(10 h 20)

Eux, ils dénoncent, entre autres, la loi Trudel. Je ne sais pas si vous le connaissez, c'est un des ministres, ça, du Parti québécois. Puis, si vous n'avez pas de définition claire d'une clause orphelin, il y en a deux dans son projet de loi qui a été déposé en mars, deux semaines après que vous ayez pris l'engagement... C'est un beau respect pour vous autres, ça. Vous prenez un engagement au Comité national des jeunes, puis, deux semaines après, votre ministre arrive puis – flow! – tiens, on fait exactement le contraire.

Puis ce matin, vous osez dire que vous ne blâmez pas le gouvernement? C'est un peu inquiétant. Et je vous dirais que, quand vous parlez d'équité, s'il y a une chose qui a toujours été fondamentale pour le Parti libéral, c'est l'équité. La preuve en a été faite sur les actions au niveau des clauses orphelin et la preuve en a été faite au niveau des jeunes et de l'aide sociale. La parité de l'aide sociale, je ne sais pas si vous savez ce qui va arriver prochainement là-dessus, mais ça va changer. Donc, quand on parle d'éthique et d'équité, je vous demanderais d'élever un petit peu les critères d'analyse et surtout de mettre les choses en perspective.

Il y a un autre élément qui est fondamental aussi. C'est bien beau, de parler du Code du travail puis de la Loi sur les normes, mais là il y a un phénomène qui est encore plus inquiétant que ça. Écoutez, en 1995, suite à la réforme – pour utiliser un terme parlementaire – du ministre Rochon, qui a payé? Les jeunes médecins. Les coupures de 6 %, en 1997, dans la fonction publique, qui a payé le plus? Les jeunes enseignants. Ils en parlent, ils vont le présenter cet après-midi, ils vont venir nous le dire. Le pelletage Trudel, qui a payé le plus? C'est encore les jeunes.

Puis vous savez qu'on a eu une présentation, mardi soir, là-dessus, avec un expert qui étudie ça sur tous les angles. Il nous a dit – écoutez bien ça: L'arbitre qui est nommé en fonction du projet de loi n° 414 pour les conventions collectives dans les municipalités, cet arbitre-là n'a même pas le pouvoir de refuser une clause orphelin, il faut qu'il choisisse entre les deux ententes. Si les deux contiennent une clause orphelin, il est obligé d'en prendre une. Ce sont des gestes simples à poser, ça, aujourd'hui.

Puis l'autre geste très simple, et moi je le demande au ministre, j'aimerais ça, je suis même prêt à lui laisser une minute pour prendre l'engagement, c'est qu'il prenne l'engagement tout de suite qu'au niveau des municipalités s'il est capable de se tenir debout, comparativement à ce qu'il a fait au mois de mars, ça va être fini. Ce n'est pas dur. Il faut tout de suite, le plus vite possible qu'au niveau des municipalités ce soit fini avant qu'il soit trop tard.

Les conventions collectives qui s'en viennent dans le secteur public, ça, je ne surprendrai personne en disant que ça va se signer. On est à quelques mois des élections. C'est officiel que vous allez vous entendre. Ce n'est pas dur de prendre cet engagement-là de dire qu'il n'y en aura pas de clauses orphelin dans le secteur public. Ça serait un beau geste, en commençant. Et ça, ça éviterait de laisser de côté tous ceux et celles qu'une modification législative, sur laquelle on est d'accord et en laquelle on croit nous aussi... ils seraient laissés de côté par des modifications au Code du travail et à la Loi sur les normes.

Vous connaissez sûrement le ministre Chevrette. Il dit qu'on est capable de mâcher de la gomme, puis de marcher en même temps. Ce matin, je pense que ça serait un beau moment pour le ministre, le premier pas qu'on pourrait faire concrètement, de prendre l'engagement de ne pas faire et de ne pas laisser passer le train, comme il l'a fait en mars dernier, mais de dire tout de suite: Les municipalités, c'est fini. Des conventions collectives dans le secteur public, il n'y en aura plus. C'est simple, ce serait un geste très simple. Puis là on aurait besoin de beaucoup moins de monde, puis de beaucoup moins de livres de recettes, puis de codes du travail, puis de normes, puis de grands débats philosophiques là-dessus. C'est simple, lancer ce signal-là. Ce serait un beau signal à lancer aujourd'hui.

Moi, sur le fond, c'est certain que tous les jeunes au Québec s'entendent sur le phénomène que les clauses orphelin sont discriminatoires, que les clauses orphelin sont inacceptables. Et, à ce niveau-là, il faut absolument que les jeunes reçoivent, ce matin, un signal clair que cette commission-là qui a été mise en place, que les débats qu'on a sur quelle loi modifier plutôt que telle autre, c'est sous-tendu par un argument de fond, par un élément de départ, par un engagement clair.

Puis là on peut parler pendant plusieurs heures du projet de loi n° 414. Et ça, tout le monde en parle dans les municipalités, partout. Mais, ce matin, est-ce qu'on ne pourrait pas... Puis est-ce que vous seriez d'accord pour dire que le premier geste que le gouvernement devrait poser au niveau des clauses orphelin, tout de suite, même pas besoin de convoquer la Chambre, ou quoi que ce soit, ça prend une réunion du Conseil des ministres, un décret, un engagement clair que le ministre pourrait prendre au nom de son gouvernement, de dire: C'est fini, les clauses orphelin dans le secteur public, puis on va s'attaquer au secteur qui n'est pas régi par le secteur public et parapublic?

Tous les jeunes, vous parlez de consensus, là. Bien, je pense qu'il y a un consensus de tout le monde là-dessus, qui est un moyen très clair. Et c'est pour ça que, moi, je pense que ça serait le premier geste à poser, ce matin. Et j'ose espérer que vous serez d'accord avec ce premier geste là et que vous serez aussi d'accord avec le fait surtout d'espérer que le gouvernement en place et le ministre ne fassent pas les mêmes erreurs du mois de mars, c'est-à-dire de laisser passer, de laisser rallumer un feu qui fait en sorte qu'aujourd'hui l'exemple qui est envoyé par le secteur public, c'est que, si vous avez des économies à faire, faites-les sur le dos des jeunes.

M. Lemieux (Jean-Hertel): Alors, pour répondre à une supposée question, mais c'est plutôt un exposé, un monologue individuel – parce que M. Béchard semble oublier lui aussi l'histoire de son parti politique – ce qu'il faut savoir, c'est que le Parti libéral du Québec a carrément hypothéqué l'avenir des jeunes, avec des déficits incroyables, avec une façon de faire, un délestage complet des responsabilités à l'égard de la jeunesse.

M. Béchard: Juste pour votre information, le plus gros déficit jamais réalisé au Québec...

M. Lemieux (Jean-Hertel): M. Béchard, c'est à moi la parole.

La Présidente (Mme Vermette): M. Béchard.

M. Béchard: ...1981-1982, sous Jacques Parizeau.

La Présidente (Mme Vermette): M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Du jamais vu avant!

La Présidente (Mme Vermette): S'il vous plaît! O.K., une présidence, s'il vous plaît, ce sera assez. M. le député, s'il vous plaît, on vous a écouté, alors vous voudrez bien laisser parler, en fait, la personne à qui on a donné l'autorisation de parler.

M. Lemieux (Jean-Hertel): Merci, Mme la Présidente, pour votre respect à l'égard de la personne qui parle, contrairement à d'autres. M. Béchard, j'ai lu dans les journaux dernièrement que vous parliez évidemment d'un retour à un pacte social. Vous êtes, les libéraux, actuellement, aussi par les bourses du millénaire, les apôtres des virages successifs. Les bourses du millénaire... Là, c'est rendu les clauses orphelin. Il y a des virages. On vire, on vire, on aime ça virer. Il y a un problème. Votre discours n'est même plus cohérent. Ce qu'on souhaite, nous, puis c'est notre discours qui a toujours tenu, c'est une législation; c'est clair. Pour ce qui est des modalités comme telles, on laisse ça au gouvernement. M. Béchard, je vous remercie.

La Présidente (Mme Vermette): S'il vous plaît! Juste un instant, s'il vous plaît! Écoutez, on a de la courtoisie...

M. Gautrin: J'aurais une question de règlement, Mme la Présidente.

M. Lemieux (Jean-Hertel): M. Gautrin...

M. Gautrin: Sur une question de règlement...

La Présidente (Mme Vermette): Oui, un instant s'il vous plaît! Il y a une question de règlement.

M. Gautrin: Actuellement, j'ai la parole, monsieur. Pouvez-vous respecter...

La Présidente (Mme Vermette): Il y a une question de règlement.

M. Gautrin: J'ai une question de règlement. Il y a un principe qui est...

La Présidente (Mme Vermette): Écoutez, on va rester calme. On a débuté dans le calme et la sérénité, on va rester calme et serein.

M. Gautrin: Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vermette): Bienvenue.

M. Gautrin: Est-ce que vous pourriez demander, s'il vous plaît, à l'interlocuteur la pertinence du débat? On est en train de débattre actuellement des questions qui touchent les clauses orphelin. L'intervenant vient de parler des bourses du millénaire. Moi, je veux bien rentrer dans le débat sur les bourses du millénaire. C'est une autre question. Pouvez-vous le rappeler à la pertinence?

La Présidente (Mme Vermette): Je reçois votre question de règlement, mais je crois qu'à ce stade-ci elle n'est pas pertinente. Et je rappelle au député qui est responsable du dossier actuellement qui a, par ses propos, favorisé un tel débat... Alors, je ne peux...

M. Gautrin: Sur les bourses du millénaire?

M. Béchard: La présidence, oui, elle est neutre...

La Présidente (Mme Vermette): Elle est neutre, la présidence. Et j'ai regardé, j'ai entendu, et c'est ce que je constate. Alors, la parole est à M. Jean-Hertel Lemieux.

M. Lemieux (Jean-Hertel): Alors, merci, Mme la Présidente. Nous, le problème, évidemment, avec les clauses orphelin... Nous, on parle de répartition de la richesse. Ce qu'on souhaite c'est que de plus en plus les pauvres s'enrichissent et qu'il y ait une espèce d'équité, une stabilité à l'égard de l'économie et de la société québécoise. C'est évident qu'avec les propos qu'on entend, les propos, je pourrais dire, virevoltants d'un certain parti politique, on trouve que les jeunes sont très souvent ou trop souvent laissés pour compte.

Le gouvernement actuel a été responsable, il va l'être encore, nous en sommes persuadés. Et, pour ce qui est des clauses orphelin, nous serons évidemment à l'écoute du débat et surtout partie prenante, comme on l'a fait jusqu'à maintenant. Par contre, lorsqu'on se plaît à nous donner des leçons de morale sur les clauses orphelin, par un parti politique qui n'a absolument rien fait pour la jeunesse québécoise, on se pose des questions. C'est juste ça.

La Présidente (Mme Vermette): Merci. Oui...

M. Béchard: Non, bien, là, je pense que j'ai eu ma réponse. Je peux poser une autre question?

La Présidente (Mme Vermette): Oui. Il n'a pas fini sa réponse, alors il voudrait... Vous voulez terminer?

M. Lemieux (Jean-Hertel): J'ai terminé.

La Présidente (Mme Vermette): Vous avez terminé?

M. Gobeil (Patrice): J'ai un complément, oui.

La Présidente (Mme Vermette): Un complément de réponse et, après, on donnera le droit de réplique.

M. Gobeil (Patrice): Écoutez. M. le député de Kamouraska veut savoir si on est contre. Le mémoire est clair. Le mémoire est clair. Le député de Kamouraska veut savoir si on est prêts à le débattre, le dossier. Le mémoire est clair, la position est claire. Il veut savoir si on est prêts à le faire avancer, puis qu'est-ce qu'on veut du gouvernement. Le mémoire est clair. On va le faire avancer, on l'a dit, Jean-Hertel l'a dit. On va aller peut-être un petit peu au-delà de la ligne partisane. On est capables, nous autres, on n'a pas de problème avec ça. Ce dossier, on le gère ça fait quelques années. On a l'intention de continuer à le mener, puis on a l'intention de s'adjoindre les partenaires qu'il faut pour ça.

La Présidente (Mme Vermette): M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Oui. Je pense qu'on va relever le débat. Ce n'est pas une question de qui beurre plus l'autre, ce matin, là.

La Présidente (Mme Vermette): J'espère.

(10 h 30)

M. Béchard: C'est plus la question de rétablir les faits. Mais, moi, le premier élément sur lequel j'aimerais qu'on s'entende... Et, moi, je vous crois sincères, je vous ai lus sincères, dans votre document. Sauf que mon problème, et force est de s'en rendre à l'évidence, est que votre parti, qui est au gouvernement, ne vous écoute pas. Vous avez dit, le 20 février dernier, une chose. Exactement deux semaines après, ils ont fait le contraire. Exactement le contraire. Et quand on dit que le parti précédent n'a rien fait pour les clauses orphelin, ça, bon, on peut se beurrer longtemps là-dessus. Mais le parti que vous représentez a adopté le premier modèle gouvernemental de clause orphelin au Québec. Le premier modèle de clause orphelin.

Moi, ce que je vous dis ce matin: Seriez-vous d'accord – puis on peut se rappeler exactement la présentation des agents de sécurité – mais seriez-vous d'accord, ce matin, pour dire que, oui, le geste le plus simple, le plus rapide et le plus concret... Puis vous êtes dans le même parti, vous avez sûrement une meilleure relation avec le ministre puis avec le premier ministre que moi. On a des divergences majeures sur d'autres points. Mais seriez-vous prêt à prendre l'engagement, ce matin, de dire à votre gouvernement que le geste, le premier qu'il devrait poser, le plus simple, c'est de faire le ménage dans sa propre cour et d'arrêter de se mettre à plat ventre en avant du premier ministre quand il dit quelque chose puis de mettre en place ce que les militants de votre parti, je suis sûr, veulent autant que vous, c'est-à-dire de faire le ménage dans la cour du secteur public? Puis, en même temps, on est d'accord avec une législation. On est d'accord avec une législation. Il n'y a aucun problème là-dessus. Mais comment voulez-vous qu'on croit que ça va arriver quand le ministre n'a même pas été capable de se tenir debout et d'être là quand il y a une législation qui encourageait les clauses orphelin qui a été posée?

Une voix: ...

La Présidente (Mme Vermette): Ça va. Un instant, s'il vous plaît! Il y a une question qui a été posée. Est-ce qu'on peut permettre aux gens d'y répondre, s'il vous plaît? Alors, M. Grenier.

M. Grenier (Gilles): Mme la Présidente, j'ai été témoin, ce matin, de ce que j'appellerais l'art sublime d'éviter un débat éthique sur lequel on a été invités et en faisant un superbe tête-à-queue. D'une part, le député de Kamouraska nous dit que, dans l'historique de son parti, ils avaient suffisamment agi, en parlant des années quatre-vingt-dix, pour exiger, sans plus de débat, que le gouvernement actuel agisse au-delà de ce qu'ils ont même pensé jusqu'à maintenant. Et il est assez étonnant d'entendre le député de Kamouraska nous dire ce qu'il nous dit ce matin quand, dans les dernières semaines, le premier groupe à avoir reculé sur les intentions éthiques de légiférer sur les clauses orphelin, c'est justement lui-même. Et ça, ça me surprend beaucoup. Maintenant, je prends acte du fait qu'il est maintenant d'accord avec une législation et je m'en réjouis.

Quant au contenu, la discussion que M. le ministre et moi avons eue très sommairement... Et quand mon collègue Patrice, à côté, dit que c'est clair, vous lirez le mémoire attentivement. Et quand on parle d'ordre public et qu'on parle de Loi sur les normes du travail, l'article 1 ou 2, ou dans ce coin-là, oblige le gouvernement à respecter l'ordre public. Si la législation qui vient est d'ordre public, elle liera donc le gouvernement. Et c'est dans ce sens-là qu'on a fait une discussion éthique, M. le ministre et moi, accompagné de M. Patrice.

Je passerai la parole à Mme Isabelle.

Mme Bouchard (Isabelle): Le modèle gouvernemental de clause orphelin, ça, je trouve ça assez fort. Je pense qu'il y a un petit problème technique, là. Même, je pense que ça ne vaut même pas la peine que je réponde, parce que je n'ai pas l'impression... Là, vous nous demandez: Votre gouvernement vous «écoute-tu»? Ce n'est pas nous autres, l'opposition; ce n'est pas nous autres qui nous sommes fait élire comme opposition. Vous autres, vous dormez au gaz depuis quatre ans, vous n'êtes même pas au courant du bilan du gouvernement, puis là vous nous dites que c'est nous autres qu'il faut qu'ils parlent au gouvernement pour x, y et z. Tu sais, si le patronat n'est pas d'accord avec une législation, comment est-ce que votre M. Charest en question va réagir? Il reçoit un appel puis il est «shaké» pendant trois jours. Tu sais, s'il vous plaît!

La Présidente (Mme Vermette): Alors, c'est terminé ou est-ce qu'il y a un complément de réponse par rapport à ça? C'est fait? Alors, la député de La Pinière? Je vous donne la parole, Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, Mme la Présidente. Alors, j'aimerais qu'on ramène un peu de paix dans ce débat-là.

La Présidente (Mme Vermette): Il vous reste deux minutes, Mme la députée.

Mme Houda-Pepin: Une minute?

La Présidente (Mme Vermette): Deux.

Mme Houda-Pepin: Deux minutes.

La Présidente (Mme Vermette): Court.

Mme Houda-Pepin: Alors, je vais peut-être partager avec mon collègue. Question très courte. Dans votre commentaire tantôt, votre présentation, Mme Isabelle Bouchard, vous avez dit, en parlant de la mondialisation et tout ça: Les choses changent. Et vous avez dit: Le syndicalisme doit changer. Ça m'intéresse beaucoup de vous entendre élaborer là-dessus, parce que nous avons eu, avant-hier, un intervenant qui, lui, parlait d'abolir l'ancienneté et la sécurité d'emploi, le monopole syndical. Où se situe votre réflexion sur le changement qui doit s'opérer au sein des syndicats à la veille du troisième millénaire?

Mme Bouchard (Isabelle): O.K. Évidemment, on en a, des positions, sur qu'est-ce qui doit être modifié dans le syndicalisme. Cependant, on n'a pas écrit un mémoire sur ça. On a écrit un mémoire sur les clauses orphelin. On pourrait en parler beaucoup. Le mode du travail, d'après les conventions collectives, ça définit qu'est-ce que tu as à faire, comment tu le fais, si on pense, entre autres, au système de la santé, sauf que ça serait de déborder beaucoup que de commencer à expliquer quels seraient les changements majeurs à avoir dans les conventions collectives ou dans le système du syndicat. Mais je pense que, pour conclure, je vais laisser la parole à mon président.

M. Lemieux (Jean-Hertel): Donc, c'est évident que, pour ce qui est des modifications apportées sur une ouverture à une future, je pourrais dire, je pourrais employer le terme... plutôt une espèce d'ouverture ou une espèce de refonte ou de réforme du monde du travail, les technicalités vont être à venir, c'est clair. Nous, ce qu'on souhaite, c'est d'amorcer le débat. C'est que premièrement, évidemment, au Québec, il y ait une législation en bonne et due forme, puis, évidemment, les jeunes du Parti québécois vont y participer de façon très active, parce que les jeunes du Parti québécois ne font pas qu'avoir une carte de parti dans les poches, eux parlent, eux osent parler, eux parleront toujours pour la jeunesse québécoise. Alors, c'est clair qu'à ce niveau-là, contrairement à d'autres partis politiques, les jeunes du Parti ne plieront jamais devant les instances parce que nous avons nos convictions et nous y tenons beaucoup à ça. C'est évident que ce n'est pas tout le monde, malheureusement, qui a cette chance de faire, mais, nous, on l'a et on en profite bien. Je tiens à dire aussi à ce niveau-là que le gouvernement actuel nous aide beaucoup, est très à l'écoute de nos revendications, de nos propos, et on le remercie beaucoup.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, sur ces paroles, ceci met fin à nos débats.

Une voix: ...

La Présidente (Mme Vermette): Ah non! c'est vrai, bien oui, le député de...

Une voix: ...

La Présidente (Mme Vermette): C'est important. Bien oui, c'est sûr, c'est tout aussi important, en fait. Alors, je vous reconnais.

M. Dumont: Merci, Mme la Présidente. D'abord, je vous souhaite la bienvenue aux travaux de notre commission. Je pense que c'est M. Lemieux qui l'a dit tout à l'heure, les groupes de jeunes de tous les horizons, sur cette question-là, sont assez unanimes dans l'objectif et, en ce sens-là, je vous remercie de l'appui de principe que vous donnez au projet de loi n° 393 que j'ai déposé. Quand vous dites qu'il est incomplet et qu'il doit être complété, je pense qu'on est à une étape de consultations, de travaux de réflexion. Mardi, on a commencé à fouiller dans les différentes lois, on a discuté des articles qui pourraient permettre de compléter ou d'aller plus loin, et c'est le travail d'une commission parlementaire.

Je vais vous poser ma première question justement là-dessus. Vous nous dites, par rapport au projet de loi, que ce qui vous préoccupe, c'est la gestion des plaintes. Un des avantages qu'on voyait, à l'ADQ, en légiférant au niveau du Code du travail, c'est que contrairement aux normes où le fonctionnement est essentiellement par plaintes... Tu t'aperçois que les normes ne s'appliquent pas dans ton cas – et M. Gobeil, je pense, a bien décrit tantôt le type de relations qui sont gérées par les normes – tu penses que ton employeur ne respecte pas les normes dans ton contrat, dans ta relation individuelle avec lui, tu vas te plaindre aux normes et tu peux obtenir réparation. Mais, dans le cas des conventions collectives, il y a un avantage, c'est que les conventions collectives étant des contrats de travail, elles sont déposées au ministre du Travail. Tous les contrats sont déposés au ministre du Travail. Et, étant ainsi rendus publics ou remis entre les mains d'un officier public qu'est le ministre du Travail, il m'apparaissait qu'on n'aurait pas besoin, justement, d'un mécanisme de plaintes. C'est que le seul fait qu'ils soient déposés au ministère, au ministre du Travail, ferait, d'abord, qu'il n'y en aura pas dedans, parce que personne ne va oser prendre le risque de les inclure, et, deuxièmement, que le ministère du Travail, qui vérifie la validité de chacune des conventions collectives, pourrait voir l'inclusion des clauses orphelin ou de double palier, si tel était le cas.

M. Gobeil (Patrice): Ça, c'est parce que vous ne connaissez pas, puis là, je vais le dire en farce, mais c'est mon métier... c'est parce que vous ne connaissez pas nécessairement les avocats. Ha, ha, ha!

M. Dumont: Ha, ha, ha!

M. Gobeil (Patrice): Dans le sens où, demain matin, vous demandez aux experts du ministère du Travail d'évaluer toutes les conventions collectives ou d'évaluer les conventions collectives qui viennent, oui, ils vont le faire. Ils risquent, par contre, de s'en faire passer ou de déterminer que certaines choses n'en sont pas. Il va forcément y avoir interprétation, il va forcément y avoir débat, il va forcément y avoir des demandes, puis ça prend l'accès à des demandes de gens qui vont dire: Oui, ça, c'en est une, alors que le patron va dire: Non, ça, c'en n'est pas une. Même si ce contrôle-là de facto arrive, il va forcément y avoir négociation et, dans les conventions, il va forcément se glisser des clauses ou des assortiments de clauses. Il va sûrement se trouver un petit brillant à quelque part pour faire quelque chose et pour arriver à faire indirectement ce qu'on ne peut pas faire directement. C'est pour ça que ça prend un mécanisme de plaintes ou un mécanisme d'arbitrage, la possibilité pour quelqu'un de soulever une clause ou un assortiment de clauses qui apparaîtraient comme n'étant pas claires.

(10 h 40)

M. Dumont: Non, je comprends. Vous dites: Dans des cas où – pour reprendre votre expression – un petit futé essaierait une formule nouvelle de clause orphelin et que le ministère du Travail n'évaluerait pas à première vue, il faudrait qu'il y ait un mécanisme qui permette à quelqu'un de contester. Mais il reste que, au ministère du Travail, disons, de façon générale, si on a produit l'étude vers une équité intergénérationnelle, l'étude... c'est qu'il y a quand même des balises assez claires. Au ministère du Travail, on est capable d'évaluer les clauses orphelin, on a bâti un portrait statistique depuis 10 ans, et puis il y a quand même une évaluation qui peut être faite. Mais je comprends, je retiens votre...

M. Gobeil (Patrice): Oui, puis ce qu'il ne faut pas oublier aussi, c'est que la formalité, c'est le dépôt, ce n'est pas l'évaluation de la convention. L'évaluation de la convention, ça se fait par après, par des gens qui sont engagés par le gouvernement ou par des chercheurs universitaires qui, de bonne foi, de leur propre chef, dans leur champ d'étude – qui ne sont peut-être pas nécessairement des juristes non plus, des sociologues, des choses comme ça, ou des groupes de pression – vont dire: Bon, bien, nous autres, on travaille sur tel thème puis on s'en va au BCGT, le Bureau du commissaire général du travail, où les conventions sont déposées, on sort des conventions, puis là on l'apprécie, mais on l'apprécie avec notre modèle puis notre cadre interne.

M. Dumont: Je comprends très bien. Il faut reconnaître quand même qu'il y a un poids moral important. C'est que le jour où un syndicat ou un employeur décide de négocier une convention collective avec une clause orphelin sachant que c'est interdit puis sachant qu'il va la déposer au ministère du Travail... tu sais, c'est comme rouler à 180 sur la 20 entre Rivière-du-Loup puis Montréal en sachant qu'il y a des radars un peu partout, à Montmagny, tu n'es pas sûr de te faire poigner, mais tu te mets dans des zones très hautement à risque. Et ça, je pense que c'est bien compris. Cela étant dit, je ne le fais pas, M. le ministre.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dumont: Mon autre question, et je comprends la position dans laquelle vous vous trouvez, et je pense que le député de Kamouraska-Témiscouata, par son angle, par son approche, ne vous a pas donné beaucoup de marge de manoeuvre pour vous exprimer sur le fond. Il n'en demeure pas moins que peut-être que je suis dans une position pour être plus compréhensif quant à la position d'un groupe de jeunes quand le parti est au pouvoir et dont l'écoute est partielle ou incomplète.

Vous êtes, surtout M. Lemieux, étudiant en enseignement. Le cas des enseignants – ils vont venir nous voir cet après-midi – la négociation qui s'est produite, on a rajouté des échelons, finalement on a protégé 70 % des enseignants, qui n'ont pas perdu une cenne de leur poche en termes clairs, et les jeunes ont finalement été les seuls à payer la facture.

Le cas des municipalités, je ne peux pas être d'accord avec vous. Vous dites: Le gouvernement ne voulait pas de clauses orphelin. En plein débat sur les clauses orphelin, celui qui vous parle a soulevé – et je pense que le député de Kamouraska-Témiscouata aussi l'avait fait – que ces articles-là de la loi devaient être retirés, devaient être amendés. En cours de débat, on l'a soulevé, ça aurait pu être amendé. Il y avait des articles qui invitaient clairement les municipalités à des clauses orphelin et le gouvernement a refusé de les retirer alors que...

La Présidente (Mme Vermette): Est-ce que vous pouvez poser votre question rapidement parce que le temps est déjà terminé?

M. Dumont: Oui, j'y arrive. En plein débat, on aurait pu les retirer. Alors, ma question, c'est vraiment: Est-ce que vous ne pensez pas que, parallèlement à ça, le gouvernement doit prendre un engagement – surtout que ça vient de se passer, il y a quatre, cinq, six mois – très clair, faire un mea culpa et prendre un engagement très clair que lui-même, le gouvernement, n'utilisera plus ces formules-là et ne sera pas un des petits futés, que M. Gobeil nommait, pour prendre des formules plus améliorées pour faire la même chose?

La Présidente (Mme Vermette): Votre question est posée, alors ne grugez pas le temps du répondeur. Ha, ha, ha!

M. Lemieux (Jean-Hertel): Rapidement. Pour ce qui est du débat sur les clauses orphelin, c'est un débat qui nous préoccupe beaucoup. Bon, les technicalités, entre autres, au niveau des... ce n'est pas les technicalités, mais, au niveau des enseignants, ces choses-là, effectivement, je suis préoccupé par ça parce que, effectivement, je suis en formation comme futur jeune enseignant. Pour la suite des choses, par contre, nous savons que le gouvernement est très à l'écoute des jeunes du Québec et aussi des instances de notre parti politique. S'il vous plaît! Vous seriez surpris, je crois. Et nous croyons actuellement que le gouvernement respecte la jeunesse québécoise et le gouvernement fait en sorte que les jeunes du Québec, de plus en plus, prennent leur place sur le marché du travail. La législation sur les clauses orphelin va en être une bonne preuve et puis, à ce niveau-là, nous lui faisons entièrement confiance.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, là, c'est vrai, par exemple. Cette fois-ci, on met un terme à nos échanges et nous avons conclu avec les dernières paroles de M. Lemieux. Je demanderais, s'il vous plaît, que nous suspendions quelques instants.

(Suspension de la séance à 10 h 45)

(Reprise à 10 h 46)

La Présidente (Mme Vermette): À l'ordre, s'il vous plaît! Comme nous avons un peu de retard, je demanderais, s'il vous plaît, de reprendre vos places, de chaque côté des formations politiques, ainsi que le groupe suivant. Donc, j'appelle l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec. Bienvenue, messieurs dames. Alors, si vous voulez vous présenter.


Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec (AMEQ)

M. Ponton (Gérald A.): Bonjour, Mme la Présidente, Mmes, MM. les députés. À ma droite, Manuel Dussault, directeur de la recherche et de l'analyse à l'Alliance des manufacturiers; à ma gauche, Me Louise Dubé, avocate chez Heenan, Blaikie; et, à mon extrême gauche, Nancy Lauzon, qui est directrice des ressources humaines et de la qualité au bureau de l'Alliance des manufacturiers.

Mme la Présidente, l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec désire tout d'abord souligner l'initiative du ministre Rioux quant à la tenue de cette consultation. Nos membres considèrent cette invitation à discuter des enjeux sous-jacents au dossier des clauses orphelin ainsi que des mesures à adopter comme des plus pertinentes.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, l'Alliance désire rappeler qu'elle représente 700 entreprises, manufacturiers et exportateurs, au Québec. Sa mission consiste à défendre les intérêts de l'industrie auprès de tous les paliers de gouvernement dans le but d'améliorer la compétitivité de nos entreprises et la création de richesse au Québec. Notre action s'articule en fonction de quatre axes stratégiques principaux: promouvoir les exportations, appuyer le développement des alliances stratégiques, favoriser la formation, les possibilités d'apprentissage et le développement professionnel et, enfin, favoriser le développement et l'implantation de nouvelles technologies.

Quant au secteur manufacturier, je vous rappelle, Mme la Présidente, qu'il contribue à l'emploi au Québec tant par sa taille que par sa croissance. Ainsi, en 1997, ce secteur représentait 19 % du total des emplois. Pour ce qui est de la création d'emplois, depuis 1992, les emplois manufacturiers ont maintenu, voire accru leur importance dans l'économie québécoise. L'an dernier, ce secteur a créé 40 000 emplois, soit plus que tous les autres secteurs de l'économie réunis.

Quelques remarques en débutant mes propos. Une première remarque est à l'effet que l'Alliance tient à affirmer qu'elle considère la préoccupation relative aux clauses orphelin comme tout à fait légitime. Elle tient également à réitérer qu'elle favorise le respect des droits fondamentaux pour toutes les personnes, avec ou sans emploi. Une deuxième remarque: Dans le cadre de cette consultation, nos membres ont décidé de ne pas se limiter à défendre certains principes. Ils préfèrent adopter une approche basée sur la résolution de problèmes, tenter de comprendre les raisons qui contribuent à l'existence de ces clauses.

Notre présentation traitera principalement des deux volets discutés dans notre mémoire, soit, d'abord, des enjeux propres aux clauses orphelin et, deuxièmement, des pistes d'intervention jugées possibles et souhaitables par nos membres.

Compte tenu de notre mission, l'Alliance se limite à discuter de cette problématique en la situant dans un contexte d'entreprise privée, et plus particulièrement celui dans lequel évoluent les manufacturiers et les exportateurs du Québec. Avant qu'une décision soit prise, il est essentiel de replacer une problématique dans son contexte. Trois perspectives différentes permettent d'expliquer l'existence des clauses orphelin: la réalité économique, les relations du travail ainsi que le climat de travail dans l'entreprise. Ces éclairages ne sont pas mutuellement exclusifs. Leur interdépendance témoigne de la complexité de la réalité organisationnelle.

(10 h 50)

Traitons d'abord de l'enjeu économique. L'Alliance a mené une consultation auprès de ses membres; elle avait pour but de mieux cerner les raisons qui contribuent à expliquer l'existence des clauses orphelin. Un consensus se dégage de cette consultation: c'est la nécessité d'être compétitif qui incite les entreprises à opter pour ce type de clauses, dans une proportion somme toute minime, 5 %, suivant le document du ministère du Travail. Cette nécessité s'explique notamment par la globalisation des marchés, de l'industrie et de la concurrence et la marge de liberté des clients. Dans cette perspective, les clauses orphelin peuvent être considérées comme une stratégie d'ajustement, une mesure en faveur de la compétitivité.

Comme nous l'avons mentionné, dans le secteur manufacturier, les entreprises n'évoluent pas en vase clos. Elles ne se trouvent pas en situation de monopole. Les règles de la compétitivité sont fréquemment dictées par la réalité de l'exportation. Pour les manufacturiers québécois, en effet, les marchés internationaux et interprovinciaux sont plus importants que le marché domestique. Le marché international représente à lui seul 43 % des livraisons, une progression de 50 % depuis 1991. Conséquence de tout cela: le secteur manufacturier québécois est désormais intégré à l'économie internationale. Or, s'il veut croître, voire survivre, il doit pouvoir disposer d'une marge de manoeuvre pour développer des stratégies d'ajustement dont celles liées aux coûts de main-d'oeuvre.

Les clauses orphelin ont justement pour but de contrôler ces coûts, variable fort significative dans l'équation de la compétitivité du secteur manufacturier. Ainsi, le total des traitements et salaires relativement à la valeur ajoutée dans les établissements du secteur manufacturier correspondait à 36 % en 1997. Les enjeux de ce contrôle sont importants. C'est la possibilité de faire de nouveaux investissements en biens d'équipements, en recherche et développement, dans la formation des ressources humaines, et, par voie de conséquence, une hausse des probabilités de défendre sa part de marché, voire d'en pénétrer de nouveaux.

Cela étant dit, nos membres ne présentent pas pour autant les clauses orphelin comme une solution idéale. Ils la voient plutôt comme une solution applicable, compte tenu des conditions particulières et cycliques dans lesquelles leur entreprise évolue. L'existence de ces clauses témoigne notamment des règles du jeu dictées par le marché dans lequel leur entreprise évolue, les ressources financières disponibles et le résultat de la négociation entre les parties en présence.

Ce qui nous amène à traiter de l'enjeu relié aux relations de travail. Les clauses orphelin résultent d'une négociation entre les parties en présence. Cet aspect revêt une importance capitale non seulement sur le plan organisationnel mais également sur le plan social. Sur le plan organisationnel, l'entente intervenue correspond à une solution qui émerge pour composer avec des données d'une situation particulière: changement de l'environnement, forces et limites de l'organisation. Elle résulte d'une analyse de la situation et d'une évaluation des différents scénarios d'ajustement possibles par les parties. Non moins important, elle s'appuie sur des critères de décision reconnus comme légitimes par les parties en présence. Dans le cas des clauses orphelin, celui d'ancienneté est fréquemment cité.

Traitons, enfin, du troisième enjeu, celui lié au climat du travail dans l'entreprise. On soulève que la présence des clauses orphelin peut nuire au climat de travail. Plus précisément, l'existence de ces clauses pourrait avoir un effet sur les perceptions de justice organisationnelle des employés. Dans ce cas, on fait généralement référence à la notion d'équité.

Comme il a été mentionné, nos membres n'ont pas la prétention d'affirmer que les clauses orphelin constituent une solution idéale. La consultation suggère toutefois que la présence de ces clauses ne soit actuellement responsable d'aucune situation de crise dans les entreprises. Quoi qu'il en soit, ils n'en nient pas les conséquences potentielles dans certaines situations. Nos membres demeurent toutefois convaincus que l'on ferait fausse route en évaluant isolément ces clauses. De fait, il faut analyser ces clauses par rapport aux autres solutions qui se proposent à l'entreprise pour contrôler ses coûts de main-d'oeuvre et ainsi demeurer compétitive. Citons, à cet égard, le gel de l'embauche, une diminution de salaire de tous les employés, des mises à pied, l'introduction d'un système de rémunération variable, d'incitation à la préretraite, de départs volontaires, et j'en passe.

Sans effectuer une analyse systématique de chacune de ces solutions en termes de coûts-bénéfices, nous réalisons qu'elles ont des conséquences potentielles fort significatives tant du point de vue économique qu'humain. On ne doit pas non plus ignorer les autres considérations qui interviennent dans cette décision de gestion: tenter de conserver ses meilleurs employés, préserver la mémoire collective de l'entreprise, ne pas alourdir la charge de travail, protéger la relation entre la stabilité de l'emploi et des attitudes telles que l'engagement organisationnel et l'implication au travail. Pour ce qui est de la perception de justice organisationnelle, le débat risque de ne jamais se clore. La notion d'équité est complexe. Non moins important, tout dépend du point de vue duquel on se place: les anciens, les nouveaux, les syndiqués, les non-syndiqués.

Somme toute, nos membres veulent éviter de se retrouver dans une situation où ils auraient à évaluer les avantages et les contraintes propres à leurs différentes générations d'embauchés ou d'avoir à procéder à une analyse comparative dans laquelle ils devraient intégrer les différents éléments qui caractérisent le contexte économique de différentes époques, puisque, dans ce cas, ils auraient à analyser des phénomènes complexes et fort difficilement quantifiables. Par exemple, ils devraient tenir compte de l'offre et de la demande de travail qui existent ou ont existé à une époque donnée et ce qui a un effet sur le délai requis pour trouver un emploi, les probabilités d'être embauché, les compétences exigées. À cela s'ajouteraient d'autres éléments de comparaison tels que la possibilité d'avoir accès à l'éducation pour ces différentes générations d'embauchés, les gels de salaires vécus par certains, les mises à pied vécues par d'autres. Somme toute, Mme la Présidente, ils veulent éviter qu'on crée une véritable arène où viendront se confronter les grands-pères aux orphelins.

Une fois ces enjeux présentés, bien que sommairement, nous en convenons, voyons les pistes d'intervention jugées tant possibles que souhaitables aux yeux de nos membres. Mais précisons d'abord que ces interventions s'inscrivent dans une perspective où la compétitivité des entreprises – et, par voie de conséquence, l'accès à l'emploi – est le véritable enjeu, à nos yeux. En conséquence, toute intervention envisagée doit être évaluée par rapport à ces critères. Comme la consultation présente le suggère, le phénomène des clauses orphelin est fort complexe. Or, les interventions suggérées doivent tenir compte de cette complexité. Dit autrement, nous ne croyons pas à l'existence d'une solution universelle.

Parlons d'abord de cas possibles de non-respect de droits fondamentaux. Pour débuter, il nous apparaît important de préciser que, pour nous, les clauses orphelin ne sont pas nécessairement discriminatoires. Les conditions de marché peuvent, dans certains cas, expliquer la présence de ces clauses; par exemple, les phénomènes de l'offre et de la demande auxquels Manuel Dussault pourra faire référence lors de la période d'échanges qui suivra.

Mais cela étant dit, il nous apparaît fondamental de le préciser, cela ne signifie pas qu'elles ne peuvent pas, dans certains cas, conduire à des abus, et nous le reconnaissons. Pour ces cas où les droits fondamentaux des travailleurs et travailleuses ne seraient pas respectés, il existe des législations, telle la Charte des droits et libertés de la personne en ce qui concerne les raisons de discrimination que vous connaissez tous. Il y a d'autres lois, tel le Code du travail, précisément son article 47.2 qui défend l'égalité de traitement par l'association accréditée et qui pourrait donner lieu à un recours, à grief et à la cassation d'une clause qui s'avérerait contraire au Code du travail. Il y a la Loi sur les normes du travail qui établit des normes d'ordre public et qui fournit même des recours d'assistance aux démunis qui se prévalent des dispositions de la loi, car c'est la Commission qui agit en leur nom auprès des tribunaux. Des recours précis sont d'ailleurs disponibles pour assurer la sanction de ces droits.

Parlons ensuite de légiférer pour interdire les clauses orphelin. Nos membres s'opposent à une telle législation, Mme la Présidente, et cela pour diverses raisons. D'abord, selon eux, ce serait se limiter à traiter le symptôme. Si on ne s'attaque pas à la source du problème, soit les raisons qui empêchent la création d'emplois bien rémunérés pour tous, tout ce qu'on risque de faire, c'est de détourner le cours de la rivière. Or, dans ce cas, quelles seront les zones immergées? Quelles en seront les conséquences sur l'emploi tant du point de vue qualitatif que quantitatif? Nul ne saurait le dire à ce moment précis.

Deuxièmement, nos membres se préoccupent des impacts défavorables d'une telle législation. Il nous semble qu'une analyse sérieuse de ses coûts et de ses bénéfices devrait être menée. Certes, on peut légiférer, mais cela exige d'abord de s'entendre, préalablement, sur une définition claire et explicite. Ensuite, il faut voir comment sera appliquée cette loi, comment elle sera gérée et quelles sanctions seront appliquées.

Cette réflexion incite nos membres à opter pour d'autres types d'interventions. Ces dernières ont notamment l'avantage de ne pas alourdir le fardeau réglementaire. Elles sont de deux ordres: dans un premier temps, elles ont trait à l'aide qui pourrait être apportée aux entreprises pour hausser leur productivité; dans un second, elles visent les stratégies d'ajustement privilégiées par les parties.

Une des interventions proposées par nos membres et par l'Alliance a trait à la fiscalité des entreprises. À cet égard, l'Alliance souhaiterait que le gouvernement poursuive sa réforme de la fiscalité des entreprises afin de limiter l'impact des taxes fixes telles que la taxe sur le capital et la taxe sur la masse salariale, cela, de façon à les rendre plus variables selon la conjoncture et la situation des entreprises. Dans cet ordre d'idées, l'Alliance recommande notamment de diminuer substantiellement les taxes sur la masse salariale pour les nouveaux embauchés.

(11 heures)

Les stratégies d'ajustement négociées. Nos membres invitent, Mme la Présidente, le gouvernement à offrir aux groupes concernés, soit le patronat, le syndicat et les partenaires socioéconomiques, dont sont nos jeunes touchés par cette problématique, l'occasion de véritablement travailler ensemble pour élaborer des solutions innovatrices. Bien entendu, leurs travaux devraient tenir compte des conséquences de ces solutions sur l'emploi, la création ou leur maintien. De plus, ce comité pourrait explorer des mesures alternatives aux clauses orphelin, telles qu'une rémunération basée davantage sur la productivité. Cette réflexion pourrait se dérouler dans le cadre des travaux du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, dont l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec fait partie à titre représentant patronal.

Et pour les sceptiques, je vous dirais qu'il nous a fallu deux rencontres, l'année dernière, pour ramener la semaine normale de 44 heures à 40 heures en l'espace de quatre ans. Alors, quand on dit que des organismes gouvernementaux ne peuvent pas être efficaces, bien moi, je prends exception en vous citant cet exemple.

Sa préférence, au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, permettrait sans nul doute de faire progresser le débat et de voir émerger de nouvelles innovations en matière de relations de travail.

En conclusion, Mme la Présidente, et comme il a été mentionné préalablement, nos membres n'affirment pas que les clauses orphelin sont une solution idéale. Cependant, il leur semble primordial de ne pas tomber dans le piège de ne voir que l'arbre sans tenir compte de la forêt, de penser que légiférer pour interdire les clauses orphelin réglera le problème de fond. À leur avis, il serait imprudent d'intervenir sans avoir préalablement analysé les différentes facettes de cette problématique et évalué les conséquences de toute intervention sur la compétitivité des entreprises et, par voie de conséquence, sur l'emploi au Québec qui, je vous le rappelle, n'est pas des plus vigoureux dans les périodes que l'on traverse actuellement.

Le décret sur l'analyse d'impact économique adopté par le gouvernement du Québec l'oblige d'ailleurs à ce faire; ce faisant, il propose des interventions qui offrent la possibilité de dépasser cette sorte de jeu à somme nulle, tout en n'alourdissant pas le fardeau réglementaire. Non moins important, les interventions suggérées par nos membres favoriseraient l'emploi au Québec.

Mme la Présidente, je vous remercie. Nous sommes disponibles à répondre à vos questions.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, je remercie M. Ponton. Je laisse la parole à M. le ministre du Travail.

M. Rioux: J'aimerais d'abord souhaiter la bienvenue à M. Ponton et à son groupe. Je reconnais, encore une fois, la qualité et le travail que fait l'Alliance. Lorsqu'elle présente des documents, c'est toujours bien fait, bien monté, bien articulé et une position très claire.

D'ailleurs, votre grand frère, le Conseil du patronat, s'est présenté ici en début de semaine pour nous faire valoir son point de vue. Je constate que la position des manufacturiers est un peu différente. Je vois dans votre mémoire aussi beaucoup d'ouverture; ça me plaît, ça me plaît beaucoup.

M. Ponton, vous évoquez la nécessité de garder les clauses orphelin comme possibilité aux employeurs de diminuer les coûts de main-d'oeuvre, de rationaliser leur organisation et faire en sorte que les entreprises demeurent compétitives. Moi, je suis très sensible à ce discours-là. Croyez-moi, je n'ai pas de problème avec ça. Mais il y a une chose, par exemple: jamais personne, depuis qu'on travaille là-dessus, depuis une couple d'années, ne m'a fait la preuve que, si on enlevait les clauses orphelin, une entreprise serait menacée dans son existence ou encore risquerait de connaître des moments difficiles. Cette preuve-là n'a jamais été faite.

D'ailleurs, ça me rappelle le débat qu'on a chaque année sur le salaire minimum. On a l'occasion de s'en parler, M. Ponton, on se rencontre, on en discute. Les employeurs disent: Il ne faut pas toucher à ça. Les syndicats disent: Bien oui, il faut augmenter le salaire minimum. Les groupes populaires viennent et demandent une augmentation généralement entre 10 % et 14 %. Et on augmente le salaire minimum à peu près chaque année et on ne voit pas mourir les entreprises à cause de ça.

Je suis content que vous soyez là parce que ça va nous permettre d'en débattre, parce que c'est fondamental. Parce que vous avez bien pris soin de dire que dans tout ce débat il faut voir, en bout de piste, l'emploi. Dieu sait si le gouvernement du Québec est sensible à l'emploi. Vous avez vécu, comme moi, les sommets et aussi les suites – je dis bien les suites des sommets – aussi importantes que le sommet lui-même.

M. Ponton, fort de l'expérience que vous avez de votre organisation, qui est une organisation sérieuse – vous êtes équipés pour faire de la recherche – j'aimerais ça que vous nous fassiez cette démonstration que les clauses orphelin participeraient au développement des entreprises ou tout au moins à leur maintien et qu'en cela il faut les garder. Je vous le dis, je suis très clair avec vous, je suis très honnête, j'ai de la misère avec ça.

J'ai dit à M. Taillon que c'était une façon facile de s'en sortir en sortant une argumentation de la sorte. Je vous connais mieux que je connais M. Taillon. Il est tout jeune, il vient d'arriver au conseil. On sait qu'il doit prendre une succession difficile. Moi, j'ai hâte de vous entendre. Je pense que les membres de la commission aussi ont hâte de vous entendre approfondir cette notion-là.

M. Ponton (Gérald A.): Je vous répondrais simplement, MM., Mmes les députés, Mme la Présidente, que jamais je ne voudrais faire partie du club des «on aurait dû pas adopter une loi». Ce qui m'amène à une grande prudence parce que les effets sensibles sur l'emploi ne se mesurent pas sur une période de six mois ou sur une période de 12 mois. Les effets sont beaucoup plus en profondeur au niveau des répercussions sur l'embauche et sur la compétitivité.

Ce que je sais actuellement, c'est que dans le cas du salaire minimum, on peut avoir un arbitrage parce qu'on sait ce sur quoi on se prononce et ce sur quoi on discute. Vous avez droit, dans vos discussions, à des opinions variées dépendant des gens à qui vous parlez. On convient d'une approche, de dire: Cette année, c'est tant. Chez nous, ça n'a pas fait de saut, dans le secteur manufacturier, parce qu'on n'est pas un secteur où le salaire minimum a un impact significatif parce que dans l'ensemble de nos membres, le salaire industriel moyen est autour de 18 $ de l'heure.

En ce qui concerne l'emploi, c'est un sujet beaucoup plus délicat. Ma réponse aurait deux volets. Pour répondre à votre question de façon précise sur les clauses orphelin, il faudrait d'abord qu'on en ait une, clause type, savoir ce qu'elle vise. Si vous parlez des échelles multiples, c'est une chose; si vous étendez la définition de clause orphelin comme étant la même base pour tous les types d'embauchés dans l'entreprise, c'est une autre chose.

Si vous me dites, comme dans le secteur de la distribution alimentaire, qu'on ne peut pas adopter une clause pour que les employés, après une certaine date, commencent à travailler le dimanche, versus ceux qui étaient là avant, qui ne sont pas des nouveaux embauchés là – ils ne peuvent pas travailler le dimanche mais les nouveaux employés, eux, doivent travailler le dimanche pour s'ajuster à la loi qui maintenant permet, au Québec, l'ouverture des magasins le dimanche; parce que ça s'est fait dans les conventions collectives – c'est une autre chose.

Alors, j'ai envie de vous répondre par une question, parce que, sur les résultats d'une clause orphelin, telle qu'elle pourrait être proposée par le CCTM, on va devoir réaliser des études d'impact, comme le décret gouvernemental le précise. Vous savez très bien que le décret gouvernemental du Conseil des ministres, dont j'ai copie avec moi, exige que toute mesure réglementaire ou législative mesure les impacts sur la fiscalité de nos entreprises, évalue les procédés alternatifs de solution de problèmes avant de procéder à une législation. Ce décret-là, que le gouvernement lui-même a adopté, qui a force de loi et dont on a fait état à cette commission ou à une autre lors du débat sur le projet de loi sur le tabac, va obliger le gouvernement à mesurer les impacts. Là, je serais en mesure de donner réponse à votre question. Parce que moi, la réponse, je ne l'ai pas, M. le ministre. Mais je pense qu'il est important que le législateur se rassure sur les impacts avant de procéder à une législation.

Finalement, je terminerais en vous disant que l'emploi au Québec, s'il était le champion au Canada, m'amènerait peut-être à réfléchir de façon plus généreuse sur la portée d'une clause orphelin. Mais dans les circonstances, on a beaucoup de difficultés à tirer notre parti de la création d'emplois. Je ne pense pas qu'une mesure comme celle-là, qui viendrait limiter la capacité de l'entreprise de s'ajuster au cycle économique, serait favorable à la création d'emplois.

(11 h 10)

Alors, j'aimerais être plus précis, mais dans le cas de la clause orphelin, M. le ministre, comme on n'a pas de définition précise à considérer, il est très difficile d'évaluer l'impact sur l'emploi.

M. Rioux: Vous avez échappé les mots que j'attendais, au fond: les cycles économiques. On sait que les entreprises doivent subir, vivre et composer avec les cycles économiques, et parfois c'est difficile. Mais, M. Ponton, quand on a eu à travailler ensemble sur la diminution de la semaine de travail, vous vous souvenez des réticences qu'il y avait dans le milieu? Et grâce à votre aide, d'ailleurs – puis je suis content de le dire devant tout le monde – on a pu arracher le morceau et dire que, en l'an 2000, la semaine normale de travail sera de 40 heures, alors que certains de vos collègues patronaux y voyaient la mort certaine de leur entreprise.

Je sais aussi que c'est chez vous qu'on retrouve les entreprises peut-être les plus performantes. Vous avez chez vous des entreprises exportatrices qui sont absolument extraordinaires; c'est ce qu'on appelle parfois – le mot n'est pas de moi, je l'emprunte à d'autres... on associe les manufacturiers au patronat progressiste. Je ne sais pas si ça vous fait mal d'entendre ça mais, moi, ça me ferait plaisir si vous le receviez comme un compliment.

M. Ponton (Gérald A.): Merci, M. le ministre.

M. Rioux: Alors, quand on regarde la Charte des droits et libertés, la charte dit bien qu'on peut tenir compte d'un certain nombre d'éléments pour l'attribution d'une rémunération: on peut tenir compte de l'ancienneté, on peut tenir compte de la qualification, on peut tenir compte de beaucoup d'éléments qui ne sont pas discriminants selon la Charte des droits et libertés, mais je vois à cet article 19, moi, une sorte d'ouverture. Est-ce que vous l'avez regardé, cet aspect-là? Et je sais que vous êtes juriste, j'aimerais que vous nous en parliez un peu.

M. Ponton (Gérald A.): Vous parlez de l'équivalence en emploi, je pense, à l'article 19 de la Charte des droits et des libertés, c'est ça? Bon. Cet article-là, une de ses faiblesses, c'est qu'il ne propose pas de moyens pour déterminer ce qui est équivalent. Puis je ne veux pas vous ramener, ni Mme la Présidente, au débat sur l'équité salariale où on a longuement discuté de la comparaison des postes les uns à l'égard des autres et toutes les complexités techniques que ça recèle. Mais effectivement l'article 19 s'applique pour les emplois dans l'entreprise qui doivent avoir une rémunération équivalente.

Ceci étant dit, les nouveaux emplois, il y a une dynamique additionnelle qui, elle, n'est pas dans la Charte des droits et des libertés, c'est la conjoncture, l'offre et la demande. Souvent, j'ai des discussions, à l'interne. Chez nous, ce n'est pas toujours facile, vous savez. Je vous remercie pour vos compliments mais ils sont un petit peu... Ils sont bien accueillis, mais le secteur manufacturier, parce qu'il est plus ciblé, permet de dégager une orientation plus précise face à une problématique donnée parce qu'on a moins d'intervenants de tous les secteurs économiques, ce qui n'est pas nécessairement la caractéristique d'autres organismes. Alors, chez nous, nous ne sommes que des manufacturiers, donc c'est souvent plus facile d'arrêter une position, et c'est le secteur manufacturier qui est le plus performant en termes d'emplois au niveau économique.

Et, ceci étant dit, on a souvent des discussions à l'interne, avec mon équipe de jeunes – entre autres M. Dussault, Mme Lauzon – et une des contraintes, des variantes qui ne se contrôlent pas, c'est la disponibilité de l'offre et de la demande. On a sorti des articles, qu'on pourrait vous remettre, du Wall Street Journal , qui font état des jeunes qui, dans le domaine informatique, reçoivent des primes de 40 000 $ pour signer dans certaines compagnies américaines; ils sortent de l'école puis on les promène dans des jets privés à travers les grandes capitales américaines pour leur offrir des emplois; on leur donne des bonis de signature incroyables. Et, pour les députés qui seraient sceptiques, on a apporté des copies de l'article qu'on a sorti sur le réseau Internet, à l'entête du Wall Street Journal , et vous avez toute une série d'exemples de cas qui...

Est-ce que c'est des clauses orphelin ou c'est l'inverse des clauses orphelin? Parce que c'est des contributions à la hausse auxquelles les grands-pères n'ont pas droit. Parce que les grands-pères n'ont pas le niveau technologique des nouveaux arrivants sur le marché. Alors, il n'y a pas que toutes des situations blanches ou toutes des situations noires, dans l'exemple que je vous illustre, il y a des cas qui justement établissent clairement que les jeunes sont fortement en demande, qu'il y a de l'emploi pour eux mais, malheureusement, c'est dans des secteurs très ciblés et très particuliers.

À l'interne, on l'a discuté. Si une firme d'avocats a un budget de 3 000 000 $ pour engager une centaine d'avocats à 30 000 $ chacun – ça fait 3 000 000 $, dans ma mathématique – et, l'année suivante, il y a 150 avocats disponibles à qui on pourra offrir de l'emploi, est-ce qu'on doit en embaucher seulement 100 à 30 000 $, pour respecter notre 3 000 000 $, ou si on peut se permettre de les embaucher à des salaires moindres pour donner de l'emploi à 150? Ça va très loin, la réflexion sur les clauses orphelin. Moi, je suis un partisan de l'emploi et je vous dirais que, moi, je serais partisan de la solution qui voudrait qu'on donne de l'emploi à 150 personnes au lieu de 100. Alors, ce n'est pas facile puis ce n'est pas simple. Le document le dit dans son mémoire, que c'est complexe.

Honnêtement, à l'occasion d'une situation parlementaire, c'est difficile de mesurer tous les impacts dans le brouhaha quotidien, puis de faire les analyses qu'une telle interdiction ou qu'une telle proposition de législation pourrait avoir. C'est pour ça que le recours au comité consultatif serait très porteur. Ce n'est pas une mesure dilatoire. Je regarde M. Dumont. Ce n'est pas une mesure dilatoire que je vous propose. Je crois sincèrement qu'avec les parties patronale et syndicale et les groupes de jeunes socioéconomiques impliqués on pourrait arriver à des pistes pour dire: il faut que nos jeunes participent à la richesse au même titre que les autres dans notre société.

M. Rioux: Mme la Présidente, je laisserai la parole au député de Groulx et au député de La Peltrie.

La Présidente (Mme Vermette): Oui. Alors, M. le député de Groulx.

M. Kieffer: Je vais prendre tout le temps, M. le ministre. Ha, ha, ha! M. Ponton, mesdames, messieurs, une très, très courte question parce que, après ça, j'en ai une beaucoup plus longue, qui est beaucoup plus philosophique.

Vous parlez du CCTMO comme étant un véhicule efficace pour traiter des problèmes parmi lesquels on retrouve les clauses orphelin, mais qui sont des problèmes beaucoup plus fondamentaux. Il n'y a pas de jeunes au CCTMO, il n'y a pas d'organisme systématiquement représentant des jeunes comme, par exemple, vous l'êtes pour les manufacturiers ou les syndicats ou autres. Est-ce que ça signifierait que vous seriez prêts, par exemple, à l'occasion d'un sommet qui porterait sur le travail, à ouvrir cette discussion-là aux regroupements de jeunes, aux organisations de jeunes pour qu'ils puissent faire valoir leurs points de vue?

M. Ponton (Gérald A.): Je me permettrais juste une petite remarque. Je peux vous dire que maintenant le CCTMO est rendu efficace. Mais ceci étant dit, nous, on est prêts à recommander qu'on ouvre la participation des jeunes à une discussion patronale-syndicale au sein du CCTMO. Je ne sais pas quel aval ça va obtenir des autres partenaires, ça sera au ministre de le vérifier, mais nous pour un, on pense que c'est un forum de discussion privilégié où il faut absolument que les jeunes aient partie, soient partie prenante.

M. Kieffer: Je suis bien content de vous l'entendre...

La Présidente (Mme Vermette): Juste un instant. Là-dessus, M. Ponton – je vous donnerai la parole, M. le député de Groulx – les jeunes ont vécu une certaine expérience, à un certain moment, lors d'un sommet socioéconomique important et ils se sont sentis un peu floués. Quelles sont les garanties que vous pouvez leur donner que cette fois-ci ce ne sera pas la même chose?

M. Ponton (Gérald A.): Écoutez, je ne peux pas leur donner de garanties, madame, sauf de vous dire que c'est l'instance qui est la plus habilitée à proposer des solutions porteuses pour l'emploi puis l'avenir des jeunes au Québec. Parce que légiférer, vous pouvez le faire très certainement, c'est votre privilège, mais comme je vous l'ai dit tantôt, je ne voudrais pas que dans cinq ans, dans 10 ans, on se retrouve puis qu'on se dise: Ah! On aurait donc dû pas... Alors, il faut vraiment mesurer. Et on n'est pas à l'aube d'une crise, d'une catastrophe. Ce n'est pas six à huit mois de plus qui va, je pense, changer l'enjeu.

Le mouvement auquel on assiste actuellement puis le fait que vous convoquiez témoignent de l'importance du phénomène – je disais tantôt à François Rebello que m'obliger à travailler jusqu'à 1 heure, 2 heures du matin, ça fait longtemps que je n'ai pas fait ça – et ça dénote l'importance que cet enjeu-là a pour l'ensemble de la population du Québec et les jeunes en particulier. Utiliser le CCTMO, à mon avis, serait une étape additionnelle, certes, mais beaucoup plus garantie des résultats qu'on pourrait espérer même d'une législation éventuelle dans le domaine, si tel devait être le cas.

Quant à votre réponse spécifique, je pense qu'il faut... Est-ce que de ne pas comparaître devant un juge on a plus de chances d'être acquitté que d'être condamné? Je vous dis que c'est l'instance qui est en place et il faudrait que les jeunes y participent. Moi, je ne crois pas à la chaise vide. Et je vous dirais qu'au sommet... Moi, je ne partage pas leur opinion parce que je pense que, dans l'ensemble, on est sortis gagnants comme société de cette rencontre-là, mais il se peut très bien qu'il y ait des parties qui soient plus ou moins satisfaites. Ça, c'est le jeu de la démocratie, madame.

M. Kieffer: Je suis bien content d'entendre que l'Alliance serait prête non seulement à appuyer ce type de sommet...

La Présidente (Mme Vermette): Il reste une minute.

M. Kieffer: Ah non! C'est parce que là, Mme la Présidente, vous avez pris de mon temps, si je comprends bien.

La Présidente (Mme Vermette): En fait, on est tous dans la même enveloppe de temps. Ha, ha, ha!

(11 h 20)

M. Kieffer: Bon. Allons-y. Deux remarques. Vous avez souligné effectivement que les causes profondes débordaient largement les clauses orphelin. Deuxièmement – et ça m'intrigue – l'Alliance des manufacturiers est probablement le secteur d'activité où il y a le moins de clauses orphelin. Ça, ça m'interpelle. Pourquoi?

Là, quand je regarde votre plaidoyer – oui, Mme la Présidente – ça me laisse sur ma faim. Je vais vous dire pourquoi ça me laisse sur ma faim. Vous invoquez la notion de compétitivité pour justifier le recours aux clauses orphelin. Vous invoquez la globalisation, l'intégration de l'économie québécoise au marché international. Vous dites que les coûts de main-d'oeuvre représentent, grosso modo, 36 % et qu'il faut donc par ailleurs contrôler ces enjeux-là parce qu'ils effectivement importants mais, par ailleurs, il faut investir dans la formation des ressources humaines, dans la formation de la main d'oeuvre.

Les économistes sérieux prétendent qu'au XXIe siècle – et vous l'avez souligné à la fin de votre exposé – la richesse va être dans la main-d'oeuvre. On s'en va vers une économie de la connaissance où le facteur main-d'oeuvre va devenir un des facteurs les plus importants. Compte tenu de cette réalité-là, comment peut-on justifier par ailleurs que dans une usine, que dans un hôpital, où que ce soit, on puisse avoir deux catégories de travailleurs, que la catégorie la plus pénalisée, c'est celle qui est la plus porteuse d'avenir? Vous l'avez souligné vous-même en faisant référence aux statistiques américaines.

Comment un mécanisme, qui, par ailleurs, sabote cette génération porteuse d'avenir, porteuse de connaissances et porteuse de richesse, peut être efficace, peut être économique pour l'entreprise quelle qu'elle soit? Moi, je pense qu'elle est là, la réponse au fait qu'il y a seulement 5 % des manufacturiers qui ont recours à ce type de clause-là.

La Présidente (Mme Vermette): Ça va, M. le député de Groulx.

M. Kieffer: Merci, Mme la Présidente.

M. Ponton (Gérald A.): La réponse est brève, Mme la Présidente, ce serait de dire à M. le député que la raison pour laquelle il n'y en pas beaucoup dans le secteur manufacturier, c'est parce qu'on crée de l'emploi; et on crée de l'emploi parce qu'on est en croissance; puis on est en croissance parce qu'on exporte. Puis on n'est pas en récession; on n'est pas dans une phase de consolidation au niveau de nos activités économiques. Mais il y a des secteurs qui échappent à cette règle-là, beaucoup de secteurs dans le secteur des ressources, qui actuellement, à cause de la situation en Asie, ont des difficultés.

Moi, je vous dirais que, pour nous, la clause qu'on semble vouloir appeler orphelin, à cause des niveaux de rémunération, c'est un outil de gestion pour contrôler nos coûts de main-d'oeuvre, pour demeurer opérationnels peut-être pendant les périodes de basse conjoncture.

Dans la différence que vous me faites, je vous dirais que le fait d'avoir un emploi, en 1998, dans une usine, c'est déjà beaucoup, puis il n'y a pas beaucoup de gens qui se plaignent, dans nos usines en tout cas, d'avoir peut-être au début un salaire un peu moins généreux que peut-être les anciens ont eu par le passé. Mais il y a une autre façon aussi de corriger ça. Je ne dis pas que c'est bien, là, mais ça ne crée pas de tumulte chez nous, parce que les gens sont très heureux de travailler.

Il y a toute la dynamique de la rémunération à la productivité aussi qui pourrait être évaluée dans le cadre du CCTMO et où les nouveaux entrants, parce qu'ils sont mieux éduqués et plus performants technologiquement, pourraient ultimement recevoir plus à la fin de l'année que les anciens, si c'est des gens qui, au niveau du travail, au lieu de constamment recourir à l'ancienneté... utiliser des formules nouvelles de rémunération comme... Je sais qu'il y a beaucoup de députés qui n'aiment pas tellement la rémunération-rendement parce qu'ils associent ça encore à une forme d'esclavagisme, qui n'est pas du tout mon cas, soit dit en passant. Moi, je ne me suis jamais considéré esclave; quand je recevais 45 % de mon salaire en boni, je «peut-u» vous dire que j'aimais ça! Je travaillais fort, par exemple. Mais en tout cas, c'est arrivé, ça.

Alors, les jeunes seraient dans une position où ils pourraient ultimement, si l'entreprise va bien, avoir plus que même leur salaire d'entrée ou le salaire de leurs aînés, si les modèles de rémunération étaient proposés en conséquence. Et c'est un travail que le CCTMO peut faire, si naturellement la partie syndicale est ouverte à ce qu'on en discute.

Maintenant, je veux juste vous donner l'exemple. J'ai ici des cas. Je m'excuse, c'est uniquement en anglais, Wall Street n'imprime pas en français, le Wall Street Journal . Ici, Deloitte & Touche a offert jusqu'à 5 000 $ pour signer des bonus pour les jeunes. Et ça, je vous dirais que l'année passée, les jeunes qui ont fini en informatique, il n'y en avait pas, de ces bonus-là, parce que le marché, la conjoncture faisait qu'il n'y avait pas de demande aussi forte pour ce type d'employé là.

Alors, le système, il n'est peut-être pas parfait mais il n'est pas entièrement mauvais non plus. C'est la raison pour laquelle moi, je ne vois pas... Je l'ai dit dans mon mémoire, dans mon texte: il n'y a pas de problème dans les entreprises avec des niveaux de rémunération différents. Les gens veulent se sentir traiter équitablement, et les programmes de rémunération de performance seraient un outil pour justement valoriser ceux qui veulent en faire plus puis qui ont plus de talent, peut-être, que d'autres dans notre société.

La Présidente (Mme Vermette): Je vous remercie, M. Ponton. Alors, je donne la parole maintenant au député de l'opposition, le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: C'est ça. Merci, Mme la Présidente. M. Ponton, Mme Lauzon, M. Dussault, Mme Dubé, bienvenue. Et je vous dirais que le mémoire que vous présentez soulève certains éléments, entre autres au niveau de la performance économique et de la création d'emplois.

Je pense que quand on regarde les statistiques de l'emploi depuis le début de l'année au Québec et qu'on se rend compte que le taux de chômage va atteindre les 11 % bientôt; quand on regarde que depuis le début de l'année au Québec il ne s'est créé que 8 000 emplois comparativement à 96 000 en Ontario et 155 000 au Canada, c'est certain qu'il semble y avoir un problème de création d'emplois et de capacité au Québec, depuis deux ou trois ans – dans notre parti, on a une certaine théorie là-dessus, que vous avez sûrement déjà eu l'occasion de voir – une sous-création d'emplois par rapport au reste du Canada.

Il y a aussi un phénomène qui est très important, c'est l'écart entre ce taux de chômage et le taux de chômage des jeunes, des 15-24 ans. Moi, je vous entendais sur cette préoccupation économique là, mettre tout ça dans la perspective, la présence de clauses orphelin presque présentée comme une solution ou une alternative de compétitivité. Moi, je crois plutôt que, s'il y a des clauses orphelin dans les conventions collectives, si on utilise ce moyen-là, c'est que c'est peut-être quelque part parce qu'il y a d'autres éléments, comme vous l'avez mentionné, sur lesquels on ne joue pas. On peut penser à toutes les questions de déréglementation dont on entend parler depuis deux ou trois ans mais qui, dans le concret de tous les jours, ne se traduisent pas vraiment. Également au niveau de la sous-traitance, des travaux qui ont été faits là-dessus; il n'y a rien qui bouge, là-dessus. Donc, on se retrouve dans un contexte économique où les clauses orphelin sont un élément, peut-être une réponse qui est amenée.

Moi, j'ai un petit peu de problèmes quand on dit... Puis juste pour être sûr, je pense que, de prime abord, vous n'êtes pas contre une législation. Vous n'êtes pas contre la mise en place d'une législation encadrant le phénomène des clauses orphelin. Et ça, là-dessus, j'ai plusieurs questions parce que, étant pour une législation sur les clauses orphelin, il est certain qu'il va falloir prévoir une transition quelque part, si ça se met en place. Je pense que là-dessus, il y a des pas à faire.

Quand on dit qu'une entreprise a une convention collective avec des clauses orphelin à l'intérieur, moi, je pense que, également, il faut sauver l'emploi, mais il faut d'abord et avant tout mettre fin aux clauses orphelin parce que... Et ça, je vous entendais dire que certaines entreprises le négocient. Il faut se rendre compte qu'actuellement la Commission des droits de la personne, au Québec, a dit clairement que ces clauses orphelin là sont discriminatoires, inacceptables et contraires à l'ordre public. Donc, c'est reconnu que c'est discriminatoire.

Moi, je me dis: On a un phénomène qui est là, qui est discriminatoire, selon la Commission des droits de la personne, et l'équité qui est à la base de la société québécoise fait en sorte que, pour moi, c'est quelque chose qu'il faut enrayer très rapidement. Le phénomène des clauses orphelin, qui est peut-être si présent, c'est qu'il n'y a personne, selon les droits de la personne, qui va aller dénoncer la clause orphelin dont il est victime parce qu'il sait qu'il va se faire mettre dehors, le jeune qui va faire ça. La personne qui fait ça sait qu'elle n'a pas grande chance de survie dans l'entreprise. Moi, j'aimerais savoir quand...

(11 h 30)

Je pense que sur la rapidité d'apporter une législation, on est aux prises avec un phénomène qui est discriminatoire, qui est inacceptable. Je pense qu'il faut aller très rapidement là-dessus, mais il faut également voir – et j'aimerais vous entendre là-dessus – comment ça se fait que présentement, si c'est contre, si c'est discriminatoire, selon la Commission des droits de la personne, comment ça se fait que ça continue? Comment ça se fait que c'est encore en place? Et j'ose espérer que ce n'est pas la seule réponse à la compétitivité internationale qu'on a trouvée au Québec, les clauses orphelin. Et ça, je suis certain que vous allez me convaincre du contraire.

M. Ponton (Gérald A.): Mme la Présidente, je dirais au député de Kamouraska-Témiscouata, d'abord, que la Commission des droits a émis un avis. Elle n'a pas statué que les clauses étaient orphelin, elle a dit: Si – si, si! – ça tombe sur l'âge et qu'il y a une preuve statistique qui se fait à l'effet que la plupart des gens qui sont victimes de clauses orphelin en sont victimes en fonction de l'âge, ça serait effectivement une clause discriminatoire. Moi, là-dessus, je vous dirais que le Code du travail contient un article, l'article 47.2, qui, sur simple plainte à un arbitre, permet de faire déclarer illégales des clauses discriminatoires. Ça existe déjà dans nos législations, et les parties n'ont qu'à utiliser les recours qui leur sont reconnus.

Maintenant, sur votre affirmation, à ce stade-ci, l'Alliance n'est pas favorable à l'adoption d'une législation sur les clauses orphelin parce qu'on n'en a pas mesuré les impacts. Ce que l'Alliance dit, c'est qu'elle serait prête à examiner les situations qui pourraient donner lieu de façon beaucoup plus élaborée à des inéquités qui pourraient être perçues dans notre système comme telles, suite à des discussions avec les parties syndicales et les jeunes au CCTMO, à la suite desquelles certaines recommandations seraient formulées au ministre. Mais, à ce stade-ci, on ne pense pas qu'une législation soit nécessaire parce qu'elle créerait...

D'abord, il faudrait qu'on s'entende sur: Qu'est-ce qu'on va définir dans une loi? Comment on va définir la clause orphelin? Comment on mesure ses impacts? Parce qu'on n'est pas certains... Nous, on est persuadés, à ce stade-ci, suivant les définitions qu'on a vues, que ça créerait plus d'effets négatifs que positifs dans la dynamique de la création d'emplois au Québec. C'est ce que je vous répondrais.

Parce que, la Commission des droits, j'ai relu et relu l'avis qu'elle a donné, qui provient du directeur de la recherche, qui est avocat – ce n'est pas la Commission elle-même ni le tribunal qui a sanctionné là-dessus, donc ça n'a pas l'effet d'un jugement – c'est une opinion que la Commission a donnée, certes importante, mais ça ne nous amène pas à conclure que toutes les clauses orphelin sont discriminatoires. Ça, je ne suis pas capable d'endosser cette recommandation-là.

M. Béchard: Vous savez, le Conseil du patronat, qui est passé avant... Et c'est un peu un paradoxe qui se dégage. C'est que, d'une part, on minimise la présence et l'importance des clauses orphelin, on dit: Bon, il n'y en a pas tant que ça; il y en a quelques-unes, mais il n'y en a pas tant que ça. Mais, d'un autre côté, on arrive avec un argument, que ça serait absolument épouvantable sur l'emploi, si on bougeait rapidement là-dedans, si on faisait quelque chose de rapide. J'ai de la misère à comprendre ce paradoxe-là, moi. Pourquoi, d'un côté, on tente de minimiser le phénomène et, de l'autre côté, on dit: Bien, si on légifère là-dedans, ça va être épouvantable?

M. Ponton (Gérald A.): Tout dépend de la définition que vous allez donner, M. le député, que l'Assemblée nationale va donner à une clause orphelin. Si on retient comme une clause orphelin toute clause qui établit des bases différentes entre les générations d'embauchés, d'une année à l'autre, dans une entreprise, bien, là, c'est bien évident que ça a des répercussions très importantes dans l'économie. Mais, si la clause est circonscrite à une définition, qu'on ne connaît pas encore mais qu'on serait en mesure d'apprécier, le discours peut être tout autre.

Parce que, actuellement, on ne nous propose pas de définition. C'est très difficile pour nous de dire: On serait d'accord avec telle approche plutôt que telle autre. Ce qu'on vous propose, c'est d'en mesurer les impacts pour être encore plus sensibilisé aux conséquences d'une législation avant de vouloir adopter une législation à tous crins qui aurait des effets peut-être plus négatifs que positifs pour l'ensemble de l'accessibilité des jeunes au marché du travail. Et ça, je pense que c'est une préoccupation que, nous, nous avons. Et nous vous recommandons la plus grande prudence à cet égard.

M. Béchard: Sur la définition comme telle, je pense qu'il y a une définition claire qui a été donnée dans le projet de loi n° 414 du ministre des Affaires municipales, Rémy Trudel, et qui a démontré clairement, pour la première fois de l'histoire du Québec, ce qu'était une clause orphelin et surtout comment un gouvernement, lui-même, qui veut légiférer avec un impact dans le secteur public, n'est pas capable de faire le ménage chez lui et même, au contraire, provoque chez lui des clauses orphelin.

Moi, j'aimerais savoir: Comment vous trouvez ce signal-là que le gouvernement envoie, d'une part, quand il propose lui-même, comme moyen d'économie à faire sur le dos des jeunes dans le secteur municipal, une loi qui prévoit tous les mécanismes pour la mise en place de clauses orphelin, et, par ailleurs – on parlait de sommet, tantôt, le député de Groulx parlait de sommet – un gouvernement qui n'est pas capable de respecter son engagement au Sommet de ne pas faire porter sur le dos des jeunes le poids des coupures, alors que, on l'a vu dans l'enseignement, c'est les jeunes qui ont écopé et que ça se développe de plus en plus dans les municipalités? Moi, j'aimerais que vous me disiez comment c'est perçu chez vous, ce signal-là, d'une part, que donne le gouvernement – et est-ce qu'il ne devrait pas commencer par faire le ménage dans sa propre cour en même temps que proposer une législation – et la volonté de légiférer, qui est nécessaire et qui est utile, mais qui a deux éléments, c'est-à-dire faire le ménage dans les secteurs public et parapublic et, du même coup, voir, dans le secteur privé, comment on peut agir.

Et en sous-question sur le secteur privé, moi, je pense que la législation est nécessaire, et est-ce qu'il ne faudrait pas, une fois qu'on part du principe que la législation est nécessaire, s'attarder beaucoup plus sur, je dirais, les mécanismes de transition, comment faire pour sauver l'emploi, comment faire pour s'assurer qu'une entreprise qui veut mettre fin à ces iniquités mette en place un mécanisme de transition pour sauver ces emplois-là au lieu de dire: Bien, écoutez, si on n'a plus de clauses orphelin, on va garder 100 emplois au lieu de 150?

M. Ponton (Gérald A.): Mme la Présidente, d'abord, moi, je n'ai pas d'expertise dans les municipalités, je ne connais pas leur problématique, alors ça serait très difficile pour moi de me prononcer sur l'à-propos des ententes qui ont été signées parce qu'il y a peut-être d'autres aspects, dans ces ententes-là, qui vont donner une meilleure chance au coureur un petit peu plus tard, je ne sais pas. Puis ça ne serait pas sérieux de ma part de me... Je peux avoir mes opinions, mais je pense qu'elles ne sont pas pertinentes pour les fins du débat que nous avons aujourd'hui.

Une chose que je peux vous dire, cependant, c'est qu'il existe des moyens autres que des interdictions législatives dont on ne connaît pas la portée pour favoriser l'emploi chez les jeunes. Puis c'est ce qu'on vous recommande tous de travailler, donc de donner suite peut-être avec plus de vigueur aux recommandations du groupe Lemaire sur l'allégement réglementaire, de baisser les taxes sur la masse salariale au Québec, comme votre homologue fédéral, dans son dernier discours de 1998, l'a fait en baissant les taxes de l'assurance-emploi – pas encore assez à notre goût, mais il l'a fait pour les jeunes. Et, si cette commission recommande des mesures progressistes de cette nature-là, les jeunes vont trouver leur place beaucoup plus facilement qu'actuellement dans les entreprises.

Et, honnêtement, une disposition législative dont on peut très difficilement mesurer les impacts à ce stade-ci sans connaître les effets sur l'emploi, moi, je ne peux que vous recommander une grande prudence avant de vous engager dans cette voie-là. C'est facile, tenir des discours, mais il faut aussi mesurer ce qui sort au bout du pipeline. Puis je ne suis pas sûr que vous allez être très heureux des résultats.

M. Béchard: Mais je vous dirais que, sur la question de la réduction des taxes sur la masse salariale, et autres, sur la déréglementation, on n'est absolument pas contre ça. Au contraire, on trouve, nous aussi, que c'est un des freins, présentement, à la création d'emplois en général.

Mais je reviens sur le fait. On est devant une situation qui est discriminatoire, et ça, je pense qu'on n'a pas... À partir du moment où, pour le même emploi – pour prendre un exemple cité précédemment dans cette commission – pour boucher le même trou d'asphalte dans une rue, dépendamment de la date où tu es rentré, tu n'as pas le même salaire, je pense que c'est discriminatoire à ce niveau-là.

Et, moi, je reviens sur le fait. Est-ce qu'on ne doit pas plus partir du fait que c'est discriminatoire, qu'il faut une législation et s'attarder sur les mécanismes de transition pour mettre ça en place pour sauver des emplois chez les jeunes, parallèlement aux autres travaux qui doivent être faits ailleurs pour créer de l'emploi en général? Ça, tous les chiffres le montrent, qu'on est en retard chronique par rapport à l'Ontario, par rapport au reste du Canada. On est hors normes à plusieurs niveaux. Puis vous avez sûrement plus de chiffres que moi là-dessus encore. Sauf que, pour les jeunes, c'est une situation qui est discriminatoire. Je pense, s'il y a un consensus qui va se dégager de la commission, c'est le premier.

M. Ponton (Gérald A.): Mme la Présidente, je pensais avoir répondu aux questions du député. Peut-être que M. Dussault pourrait compléter ma réponse.

La Présidente (Mme Vermette): M. Dussault.

M. Dussault (Manuel): Oui, s'il vous plaît. Je vous remercie. Sur l'aspect peut-être discriminatoire, j'endosse l'approche de l'Alliance qu'il faut être prudent, sage, étudier. Mais il faut faire attention de ne pas empêcher tout ajustement des salaires en fonction des années d'expérience – l'exemple de l'article du Wall Street Journal , où on donne des bonis aux jeunes. Il y a des changements dans la valeur relative de l'expérience à travers les années. Et le danger de dire que toute clause orphelin est discriminatoire, si vous voulez, c'est le danger de la réglementation en général, c'est de rigidifier le marché du travail.

(11 h 40)

Alors, si on a des cas où, par exemple, il y a une demande particulière pour des gens d'une année d'expérience, par exemple en informatique, pour revoir le code informatique des programmes des années 2000, ce qu'on va constater, c'est une hausse du salaire de ces gens-là, et puis, en même temps, il peut y avoir des moments où ça va aller à la baisse. Je pense que c'est pertinent – et là, on va entrer dans l'aspect légal – de confier la tâche aux autorités légales ou au CCTM d'étudier dans quels cas c'est discriminatoire, effectivement, ou non. Et puis Me Dubé pourra parler des recours qui existent déjà.

La Présidente (Mme Vermette): Me Dubé, est-ce que vous avez un complément de réponse sur les recours?

Mme Dubé (Louise): De façon générale, il faut situer le débat où il se trouve, c'est-à-dire qu'on est en présence d'un projet visant à créer une sérieuse entrave au processus de négociation et de détermination des conditions de travail par les parties habilitées à le faire de par notre Code du travail, qui est une institution dans notre société et qui a évolué en ce sens progressivement au fil des ans. Je considère qu'outre tous les enjeux économiques qui sont valables et qui ont été mis de l'avant, il faut considérer... une restriction quant au contenu que les parties peuvent se donner, connaissant leur milieu de travail, dans une convention collective, ça, c'est dangereux.

Et on est dans une société, au Québec, où on a évolué plutôt en sens inverse. On a permis aux parties, justement, d'y aller de l'avant avec des solutions innovatrices, par exemple, en 1994, lorsqu'on a déplafonné la durée des conventions collectives. Et est-ce que ça a donné lieu à des abus? Pas du tout. On voit qu'il y a des conventions à durée plus longue. Mais il y a des perles renfermées dans ces nouvelles conventions collectives qui illustrent des solutions créatrices de la part des parties pour, justement, tenir compte de l'évolution des besoins.

La Présidente (Mme Vermette): J'essaie de me faire un peu le porte-parole de ce que j'ai entendu par certains jeunes. Comment on fait le...

M. Béchard: Sur votre temps ou sur le temps de...

La Présidente (Mme Vermette): Non. Bien, je demandais juste ça. Comment on fait...

M. Béchard: ...c'est ça, là.

La Présidente (Mme Vermette): Ah! Mais ça arrive souvent. J'ai vu souvent des présidents faire ça aussi.

M. Béchard: Oui, mais c'est parce qu'il faut donner notre consentement pour prolonger, à ce moment-là.

La Présidente (Mme Vermette): Oui.

M. Béchard: O.K.

La Présidente (Mme Vermette): Comment on arrive à faire le pont entre les générations, à l'effet que, compte tenu des situations, parce qu'ils ont été protégés... Et je ne mets pas en compte l'ancienneté. Mais comment on arrive à faire le pont entre les générations, qui fait en sorte qu'un certain groupe a été favorisé au détriment d'un autre dans un cycle économique plus faible, à un moment donné? Et comment on arrive à faire du rattrapage pour ne pas que ces jeunes soient constamment... en fassent les frais tout le long d'une vie?

Mme Dubé (Louise): D'abord, se situant dans le contexte des rapports collectifs, il faut tenir compte de la dynamique des relations de travail et des mécanismes mis en place dans notre Code du travail. D'abord, les clauses orphelin permettent – je crois que c'est assez communément accepté – un plus grand accès aux jeunes au marché du travail. Une fois que ces jeunes ont intégré le marché du travail, ils deviennent des salariés à part entière. La convention collective est toujours d'une durée déterminée, même si elle peut être plus longue qu'auparavant. Elle est sujette à renégociation, à son terme.

Les nouveaux intrants vont faire partie de la masse des salariés qui auront à voter sur le contenu et l'adoption de la nouvelle convention collective, et ce vote va s'inscrire dans une dynamique. Il ne faut pas regarder ça en vase clos. La société qu'est un milieu de travail, les gens se connaissent là-dedans, ils vont voter en connaissance de cause. Et puis les syndicats et les patrons sont très sensibles à l'évolution de la composition de leur main-d'oeuvre, ils ne vont pas proposer quelque chose qui choque une bonne partie de leur main-d'oeuvre. Alors, je pense qu'il faut tenir compte de cette réalité et de cette dynamique des relations de travail et de l'évolution qu'elle amène et qui se concrétise dans les conventions collectives, au fil des ans.

M. Ponton (Gérald A.): Mme Vermette.

La Présidente (Mme Vermette): Oui.

M. Ponton (Gérald A.): En complément d'information, de réponse, M. Dussault, à votre interrogation.

M. Dussault (Manuel): Oui. Si j'ai bien compris, votre question porte sur un aspect un peu plus macroéconomique. Il n'y a pas juste le fonctionnement de l'entreprise qui affecte les jeunes. Je pense que c'est la raison pour laquelle on propose au gouvernement, dans notre mémoire, de regarder à abaisser les taxes sur la masse salariale pour les jeunes, particulièrement pour les employés, parce qu'il y a des aspects démographiques, il y a des aspects conjoncturels qui affectent ça.

Le gouvernement fédéral l'a annoncé dans son dernier budget qu'il exempterait les cotisations patronales pour les jeunes de 18 à 24 ans en emploi. C'est une solution qui semble tout à fait pertinente, dans le sens où le gouvernement a un rôle aussi de gérer l'aspect macroéconomique du pont entre les générations. Je dois d'ailleurs dire que je fais partie, personnellement, du groupe de réflexion du Pont entre les générations. Donc, c'est un débat qui continue aussi.

La Présidente (Mme Vermette): Je vous remercie. Mme la députée La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, Mme la Présidente. Alors, à mon tour, M. Ponton, Mme Lauzon, M. Dussault et Mme Dubé, je vous remercie pour le mémoire. Il est assez clair. En tout cas, ça reflète assez bien la position de votre organisme. Vous êtes clairement contre une législation qui viserait à interdire les clauses orphelin. Vous rejoignez, dans ce sens, le Conseil du patronat. Nous avons, entre-temps, entendu d'autres groupes qui sont plutôt pour une législation.

Vous dites, à la page 14, qu'il y aurait d'abord et avant tout lieu de considérer des étapes préalables à toute décision qui viserait à légiférer. Entre autres, vous dites également qu'il faut d'abord et avant tout définir ce qu'on entend par les clauses orphelin. On a déjà entendu un certain nombre de définitions. Vous posez d'ailleurs des très bonnes questions en rapport avec ça. Vous dites qu'il faut d'abord définir de quoi on parle pour pouvoir mesurer l'impact réel de ce que ça peut être. Parce que, en fait, nous sommes dans des hypothèses, jusqu'à maintenant. Cependant, nous avons entendu, dans certains mémoires – le ministre aussi, la Commission des droits de la personne – des définitions qui nous ont été proposées. De votre point de vue, quelle serait une définition correcte de «clause orphelin»?

M. Ponton (Gérald A.): Mme la députée, j'aime mieux m'abstenir d'en proposer parce qu'on en a vu tellement de variées qu'on ne saurait en formuler une. Et ça serait très présomptueux de ma part, à ce stade-ci, parce que je ne connais pas tous les impacts des définitions que je pourrais proposer. Alors, ce ne serait pas tellement prudent de ma part, ni sérieux, je crois, de recommander une définition, alors que je propose qu'on réfère le dossier au CCTMO pour, justement, avec les ressources du ministère et dans un cadre de discussion avec les entités syndicales et les jeunes, examiner certaines applications.

Parce que je me suis laissé dire qu'à une certaine époque on avait fait une opération, au CCTMO, du temps de M. Dulude, l'ancien président, qui avait amené une réduction dans l'utilisation des clauses orphelin dans la société québécoise et, comme par hasard, ça avait été suivi d'une période plus importante au niveau de la croissance économique dans notre province.

Alors, je me dis que les parties en présence, bien saisies des orientations claires gouvernementales à cet égard, pourraient faire exactement le même travail qu'on a fait lorsqu'on a réduit la semaine normale – c'était beaucoup plus simple – de 44 à 40 heures. Mais, moi, je crois beaucoup en ces solutions-là pour proposer au ministre des avenues qui, tout en éliminant les cas abusifs, ne pénaliseront pas l'emploi des jeunes ni leur progression dans nos entreprises.

Mme Houda-Pepin: Très bien. Vous avez aussi dit que l'enjeu principal du débat que nous faisons sur les clauses orphelin, c'est l'accès à l'emploi. Est-ce que, selon vous, l'accès à l'emploi peut être à n'importe quel prix?

M. Ponton (Gérald A.): Non, je ne pense pas, pas au prix des salaires qu'on paie au Mexique ou dans les pays sous-développés, définitivement pas. Mais, entre ça puis certaines clauses que j'ai vues, il y a une marge. Où on tire la ligne, Mme la députée? Ça dépend. Moi, j'ai un fils qui a 23 ans puis, si, à un moment donné, il gagne un salaire un peu moindre que l'année antérieure compte tenu de la conjoncture du marché, bien, je ne m'offusquerai pas de ça. Je vais dire: Travaille plus fort, mon jeune, puis tu vas t'en sortir. Moi, je vais réagir comme ça, comme père de famille. Moi, je ne vois pas de... mais des salaires qu'on verse dans certains pays sous-développés, là, j'ai des grosses réserves personnelles.

Mme Houda-Pepin: Très bien.

(11 h 50)

La Présidente (Mme Vermette): Alors, Vous avez d'autres questions? Non? Alors, on peut passer au député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Oui, Merci, Mme la Présidente. M. Ponton, vos collègues vous souhaitent la bienvenue à notre commission. Je veux dire que plus votre présentation avance, plus ça dérape – sans être méchant – parce que, les derniers propos, je pense que c'est de Mme Dubé, chaque phrase était à faire dresser le poil sur les bras.

Madame nous dit: Pour favoriser l'entrée des jeunes sur le marché du travail, il faut accepter des conditions inférieures. C'est un argument qui n'a pas de fin, finalement. Je veux dire, probablement qu'on pourrait l'utiliser dans le monde municipal. On est en train de l'utiliser dans les cégeps, dans le monde de l'éducation, en disant: Bon, bien, le chômage étant élevé, puis les acquis étant incontestables, les jeunes vont accepter des miettes de plus en plus minces, puis c'est comme ça qu'ils vont entrer sur le marché du travail.

Puis elle a dit: Une fois entrés, ils sont des salariés à part entière. Ça ne peut pas être plus faux. Ils sont des salariés de deuxième classe, une fois entrés, ils ramassent les miettes. On a créé une condition spéciale pour eux autres, on a mis un chapitre pour eux autres dans la convention collective, pour dire: Les jeunes qui arrivent, ils vont avoir moins, ils ne sont pas des salariés à part entière, ils sont des salariés de deuxième classe.

Dans le secteur public, c'est encore pire parce qu'on a inventé des termes d'«occasionnels» qui sont utilisés d'une façon complètement malhonnête pour les garder occasionnels 10 ans de temps, pour ne pas qu'ils soient à part entière dans aucun des volets de leur travail, qu'ils ne soient pas à part entière dans le syndicat et qu'ils ne se retrouvent jamais des employés à part entière. On a eu, cette semaine, des agents de la paix. Il y en a que ça fait 10 ans. Des gens qui ont des enfants, qui ont des familles de trois enfants, ça fait 10 ans qu'ils font le même emploi, ils ne sont toujours pas des employés à part entière. En tout cas, c'est un débat... Plus ça avance, plus je trouve que vous êtes partis avec une certaine ouverture. Puis on dirait que plus vous vous laissez aller, plus vous dérapez.

Et, quand vous dites: Les emplois bien rémunérés... C'est parce que M. Ponton, il a dit: Ils sont peu disponibles. Les emplois bien rémunérés, si on regarde ça, dans le secteur municipal, je trouve qu'ils sont disponibles: 27 % de rémunération supérieure au reste de la rémunération de l'ensemble du secteur public. Puis je regarde, je trouve qu'il y en a des emplois bien rémunérés. Le problème, c'est que les emplois bien rémunérés, quand vient le temps de faire un sacrifice, quand le premier ministre demande des sacrifices à tout le monde, le premier ministre, dans sa propre loi, inclut une disposition en disant: Si ça ne vous tente pas de toucher à vos conditions, dumpez donc ça aux jeunes. Puis il y a les deux tiers des municipalités qui ont dit: Savez-vous, ce n'est pas fou, ça. Nous autres, on se protège, on garde nos acquis, on garde nos privilèges, puis les jeunes ramassent la facture.

Vous étiez présent, M. Ponton, au sommet socioéconomique. Ça avait été dit. Puis les beaux engagements, les beaux discours, on ne finissait plus d'applaudir. Ça a fini avec les mains rouges ça d'épaisses d'avoir applaudi parce qu'il y avait des consensus puis que tout le monde allait faire son effort. Là, les groupes de jeunes viennent un après l'autre nous dire, ici, qu'en bout de ligne c'est les jeunes qui ont ramassé la grande majorité des factures, et qu'il y a bien du monde, entre autres les représentants des grandes centrales syndicales, ceux qui étaient les vrais acquis, les vrais contrôleurs du monopole syndical, eux autres, qui se sont protégés les fesses puis qui n'ont rien payé.

Alors ça, c'est la réalité très dure à laquelle on fait face, quand on prend le débat des clauses orphelin. Et ma question va être bien simple, je viens de dire: au Sommet, le consensus du Sommet, c'était d'abord et avant tout... Il y avait différents intervenants, mais ceux qu'on a retenus et les propos qui ont été tenus par le mouvement étudiant, ce n'est pas ça qui a renversé le Sommet. C'était le patronat et le syndicat qui étaient les deux... Dès qu'on avait ces deux-là, on disait: Consensus.

Curieusement, c'est les mêmes acteurs qui sont aux tables de négociation pour décider de faire des clauses orphelin. C'est les mêmes acteurs qui sont arrivés, dans le cas des enseignants, puis qui ont dit: 70 % des enseignants protègent leurs acquis, 30 % des enseignants ramassent la facture. Au Comité consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, c'est les mêmes intervenants qui sont à la table, c'est les mêmes intervenants qui contrôlent cet organisme-là. Il me semble que ça a toutes les caractéristiques d'un cimetière pour un débat comme celui-là. Il me semble que c'est le design parfait d'un cimetière à problèmes qu'on ne veut jamais régler. Alors, quand vous nous arrivez avec comme suggestion: On va envoyer ça au Comité consultatif du travail et de la main-d'oeuvre pour...

Et je suis parfaitement d'accord, quand vous nous dites: Pour créer des emplois, il faut au moins une réglementation. Vous connaissez notre programme là-dessus, on est les premiers à aller au front pour ça. Et, dans le présent, le projet de loi que j'ai formulé est en termes très simples pour dire: Il n'y aura pas de comité, il n'y aura pas de commission, ça va être archisimple. Quand tu fais une convention collective, tu la fais pour tout le monde, tu n'en fais pas une pour ceux qui rentrent après telle date puis une pour les autres. Ce n'est pas une réglementation qui alourdit, qui complique. C'est une réglementation, par contre, qui pourrait obliger une entreprise ou une municipalité ou quand il y a un sacrifice à faire, à dire: Bon bien, là, le sacrifice...

Puis, vous-même, à la page 9 de votre mémoire, vous le dites. Il faut analyser ces clauses par rapport aux autres solutions. Vous en faites une liste d'autres solutions pour contrôler les coûts de main-d'oeuvre, entre autres, une diminution de salaire de tous les employés. Bien, je pense que, pour les enseignants, ça aurait peut-être été une alternative d'évaluer une diminution de salaire de tous les employés de 0,5 % plutôt que ce soit les jeunes qui, eux autres, vivent des baisses de salaire incomparables. Dans le monde municipal, où ils sont payés 27 % de plus que les autres, ça aurait peut-être été une alternative que tout le monde baisse de 0,5 % plutôt que les jeunes et les nouveaux baissent de 20 % puis de 25 %. Alors, vous-même vous soulevez ça. Mais, au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, essayez de nous convaincre que ce n'est pas un cimetière à débats qu'on ne veut jamais régler.

M. Ponton (Gérald A.): Bien, si je pensais ça, je n'aurais pas fait la recommandation, parce qu'on y passe beaucoup de temps puis on accomplit des choses, comme, vous, vous en accomplissez d'autres à votre niveau. Mais je vous dirais que notre mémoire recommande aussi des mesures précises comme la baisse des taxes sur la masse salariale. Ça, on pense que c'est bien plus porteur qu'un article d'une loi qui va venir dire que les clauses orphelin, qu'on ne sait pas trop comment on va les définir, sont interdites. Ce faisant, c'est votre privilège de le faire, mais les outils disponibles pour faire face aux conjonctures vont être en moins grande quantité, et il y a des impacts au niveau de l'emploi. Et ce qu'on vous dit, c'est qu'il faut mesurer les impacts avant de légiférer. Alors, je pense que, ça, ce n'est pas déraper une présentation. Au contraire, c'est d'être très sérieux et crédible dans sa formulation.

Je vous dirais également qu'au niveau des jeunes on recommande dans notre mémoire d'examiner la rémunération à rendement. Ce n'est pas un cimetière, ça. Alors, quand vous parlez de dérapage je pense qu'il faut aussi nuancer. Je peux comprendre que l'enthousiasme du moment et certains propos qui vous font osciller les oreilles peuvent vous amener à verbaliser davantage vos sentiments, mais il y a aussi dans notre mémoire des mesures porteuses.

Puis ce qu'on vous recommande... On n'a pas parlé de cinq ans, on a parlé de huit mois, où on pourrait, au CCTMO, se pencher sur la mécanique des clauses, voir ce qui pourrait être fait pour en cerner... puis donner des avis au ministre avec lesquels il peut revenir de façon, je pense, crédible et recommander des mesures pour qu'on s'occupe de cet enjeu pour l'avenir.

Pour ce qui est du passé, moi, je n'étais pas aux tables qui ont négocié les ententes, donc je ne peux pas me prononcer ni juger. Puis chacun a ses opinions, à ce niveau-là. Mais, moi, je vous dirais que le CCTMO serait l'endroit le plus approprié pour évaluer les impacts des mesures. Personne, vous-même, M. Dumont, vous ne souhaitez pas que ces mesures-là se traduisent en termes négatifs en termes d'emplois pour les jeunes au Québec, je suis persuadé de ça. Alors, de mesurer et d'en discuter les impacts avant de procéder avec une orientation finale, je pense que ça serait très sage de la part du ministre et du gouvernement. Mais je ne dis pas qu'ils feraient ça pour passer à côté du problème. Moi, je ne le propose pas comme mesure dilatoire. Je le propose parce qu'on ne connaît pas les impacts qu'une telle clause aurait au niveau de l'embauche chez les jeunes et de l'emploi en particulier.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, sur ces paroles, je dois mettre un terme à nos propos. Nous avons eu beaucoup de latitude en ce qui concerne le temps. Nous avons même une demi-heure de retard. Alors, je vous remercie, M. Ponton, ainsi que les gens qui vous accompagnent.

(Changement d'organisme)

La Présidente (Mme Vermette): S'il vous plaît, messieurs dames, j'aimerais qu'on procède le plus rapidement possible. Nous avons déjà une demi-heure de retard. Alors, si on veut prendre place et permettre à M. Dumont de bien vouloir s'avancer à la table, s'il vous plaît.

(12 heures)

Alors, Me Dumont. Entre-temps, j'aimerais demander aux membres de la commission... Nous allons dépasser notre temps. Nous devions terminer nos travaux à 12 h 30. Donc, je demande le consentement pour que nous puissions poursuivre jusqu'à 13 heures. Il y a consentement?

Une voix: Consentement.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, M. Dumont, Me Fernand Dumont, professeur en relations industrielles...

Une voix: Morin.

La Présidente (Mme Vermette): Morin, excusez. Je m'excuse, M. Morin. Me Fernand Morin, professeur en relations industrielles à l'Université Laval. On vous donne la parole, M. Morin.


M. Fernand Morin

M. Morin (Fernand): En premier lieu, je voudrais vous remercier de me consacrer quelque temps, même si c'est à la fin de l'avant-midi et que la faim peut donner quelques signes. Je dois dire également que je viens ici seul, à titre de professeur. J'exerce ainsi ma liberté académique à l'extérieur du campus. C'est normal. Donc, je suis seul, sans aucun mandat exprès ou occulte. Je suis, disons, pour la cause, un orphelin.

Autre chose. Il est vrai, et dans toute logique de ceux qui m'ont précédé, et c'est tout à fait normal, qu'on pose mutuellement la question de ce qu'est une clause orphelin au départ, pour savoir au moins de quoi il s'agit, de quoi on parle, parce que, autrement, sans traiter du même sujet, on peut avoir toujours tort, de part et d'autre, ou toujours raison. C'est pourquoi il y a souvent des débats interminables.

Or, une clause orphelin, d'après moi, c'est toute disposition – puisqu'on parle de clause, alors je me limiterai à la convention collective – toute disposition conventionnelle dont l'effet pratique – et j'y reviendrai – consiste à instituer un régime de conditions de travail moins avantageux et applicable à un seul sous-groupe de salariés par rapport au groupe majoritaire, puisqu'on est dans les rapports collectifs, ce groupe majoritaire étant celui qui constitue l'unité d'accréditation.

Donc, j'insiste ici: à mon avis, du moins, et c'est l'approche que je retiens – M. le Président, maintenant – l'approche que je retiens, c'est-à-dire que ce n'est pas simplement sur les salaires. C'est sûr que c'est ce point-là qui frappe le plus, mais ce n'est pas vrai, ce n'est pas seulement sur les salaires, c'est sur toutes les conditions de travail, autant, par exemple, sur les règles de protection suite à l'exercice du pouvoir disciplinaire de l'employeur où on suspend le droit d'arbitrage notamment, et autre chose, où on suspend le droit d'arbitrage d'une façon inconsidérée, pour une durée inconsidérée, bien au-delà d'une période normale d'essai. C'est un exemple, entre autres clauses, qui serait qualifié de parent pauvre.

Donc, si on retient cette définition comme point de départ, la question consiste à savoir si de telles clauses contreviennent au principe d'égalité. Je pense que c'est fondamental. On ne peut pas parler de liberté s'il n'y a pas égalité et, par conséquent, c'est le sous-sol d'une société démocratique. Autrement, il n'y a rien, ou il y a beaucoup pour d'autres. Si on parle de la question d'égalité, il faut se demander alors si ces dispositions sont à la fois légales et à la fois légitimes. Ces deux mots, «égalité» et «légitimité», vous en savez quelque chose depuis quelque temps, c'est un duo.

Je dirai tout de suite que, si on devait répondre à cette double question, légale et légitime, évidemment il n'y aurait plus rien à faire – je dirais, entre guillemets et par déformation, vous auriez congé de devoir – parce qu'on devrait à ce moment-là laisser faire les parties et laisser braire. Si, par ailleurs, elles sont une atteinte à la légalité et à la légitimité de telles dispositions venant des parties, bien, à ce moment-là, il vous faut intervenir, ou il vous faudrait intervenir.

Quand on regarde la convention collective et le régime des rapports collectifs, il est vrai que les parties – et je pense que c'est une donnée essentielle de notre régime au Québec et en Amérique – les parties disposent d'une grande liberté de manoeuvre pour adapter le régime de travail à un milieu, ce qui fait que les conventions collectives ont une plasticité très particulière, c'est-à-dire qu'elles adoptent la couleur du lieu, couleur qui est nécessairement différente en tel lieu, si bien qu'une vérité dans un cas peut être une erreur au-delà ou dans une autre convention collective. Mais cette liberté dont jouissent les deux parties à la convention collective, liberté juridique, a un certain contenu, est limitée, comme toute liberté, par l'exercice des autres libertés et aussi par des droits fondamentaux, au départ. Et cette consigne, elle est donnée à l'article 62 du Code du travail qui nous dit que la convention collective doit contenir des dispositions qui ne contreviennent pas à l'ordre public et aux lois. Alors, c'est dans ce cadre-là qu'il nous faut revenir, si vous voulez, et non seulement par déformation mais par obligation, à savoir si elles sont légales.

Or, je vous dirais que, sur le principe d'égalité, il suffirait de considérer votre préambule de la Charte, parce que c'est l'oeuvre de l'Assemblée nationale, votre préambule de la Charte qui remet, comme point de départ, comme moteur de la Charte, cette égalité. Je lis un des considérants de la Charte – on les oublie souvent: «considérant que tous les êtres humains sont égaux en valeur et en dignité et ont droit à une égale protection de la loi». Alors, c'est un élément important.

Or, quand on regarde encore cette Charte, on s'aperçoit que, contrairement à la Charte canadienne, mais pour des raisons différentes, bien sûr, cette Charte, elle est particulièrement taillée, organisée, je dirais, principalement pour la situation, notre population qui est une population de salariés en grande partie, ce qui fait qu'on y retrouve 14 dispositions qui traitent des salariés, et on ne peut pas négliger ces dispositions qui doivent nous servir de guide, de balises pour traiter de la question, quel que soit le côté où on se trouve.

Bien sûr, il y a l'article 10 sur la définition de la discrimination sous 15 chefs. Mme la Présidente, si vous me permettez, je n'irai pas dans la partie casuistique à discuter de certains éléments et de telles jurisprudences, etc., parce qu'à ce moment-là... généralement, d'ailleurs, quand je donne un cours comme ça, c'est au moins trois heures, et je suis sûr que vous ne m'accorderez pas trois heures. Alors, je vais éviter la question. Mais je voudrais essayer de tirer le suc de la Charte sur le principe d'égalité, et non pas trouver une petite clause pour dire: Oui, la jurisprudence appuie puis c'est légal ou c'est illégal. Ce n'est pas ça du tout, le débat. C'est de savoir si, dans le fond, ces clauses heurtent notre sens légitime et normal, notre bon sens d'équité. C'est ça qui est le vrai débat au départ. On peut s'enfarger, on peut jouer, faire des variations sur des thèmes, mais l'essentiel, il est là.

Or, à l'article 10, il y a un deuxième alinéa qui est très important. La Cour suprême a été obligée de sortir quatre décisions avant d'arriver à cette disposition-là, à ce même constat pour ce qui est de la Charte fédérale, à savoir que ce n'est pas l'intention qui compte, ce n'est pas l'effet direct, circonstanciel ou indirect qui compte, c'est l'effet réel. Est-ce que, oui ou non, il y a égalité? Est-ce que, oui ou non, il n'y a pas égalité de chances entre les salariés, ou traitement égal entre les salariés? C'est ça qui compte. C'est le fait. Ce qui nous invite, bien sûr, et je pense que, moi, ça me paraît important dans les circonstances, c'est d'éviter de faire des débats d'intention, de bonne foi ou de mauvaise foi, de complicité ou autre. Ça ne rapporte rien sur un tel débat aussi sérieux, aussi important pour la construction d'une société québécoise.

(12 h 10)

Il est vrai que, en prenant l'article 10, avec la définition et les 15 chefs, on pourrait dire: En conséquence, dans les faits, les nouveaux arrivants dans les entreprises sont les plus jeunes, donc l'âge est un chef de discrimination, et, par conséquent, c'est discriminatoire. C'est vrai puis c'est faux. Mais, encore là, ça serait, en toute bonne foi et ouvertement ou pudiquement, je dirais que ça serait un peu mesquin, parce que la réalité est plus large, plus variée que ça, et les nouveaux arrivants dans une entreprise ne sont pas toujours de 22 et 23 ans. Alors, par conséquent, s'il y a discrimination, le fait, il est là, au-delà de l'âge, quel que soit l'âge.

Vous avez aussi l'article 16 de la Charte qui montre bien qu'il ne pourrait y avoir de discrimination dans l'embauche, l'apprentissage, la durée de probation ou le renvoi. Et, quand vous lisez selon la définition que je vous ai proposée tout à l'heure des clauses orphelin, il est évident que c'est ou à l'embauche, l'apprentissage, la durée de probation et le renvoi qui doit être aussi considéré. C'est pourquoi, d'ailleurs, je l'ai soulevé.

L'article 17, qui s'adresse directement au syndicat, impose un traitement égal non seulement dans les statuts, mais dans les conditions que le syndicat établit, ou donne à ses membres, ou procure à ses membres par voie directe ou indirecte. Par conséquent, on ne peut pas oublier non plus cette idée soulevée à l'article 17.

L'article 19 nous dit qu'elle garantit un salaire égal pour un travail équivalent au même endroit. J'y reviendrai, sur ces derniers mots, «au même endroit», parce qu'il est toujours difficile de savoir si c'est juste ou non si vous changez d'endroit et, si vous considérez ou vous comparez deux choses différentes, il est évident qu'à ce moment-là on peut avoir quelques problèmes.

Et je soulèverai immédiatement un point. Vous avez été obligés, et avec raison, d'établir une loi sur l'équité salariale. Vous avez été obligés, après x nombre d'années d'élaboration, d'inégalité – parce qu'on ne peut pas parler d'égalité dans une loi s'il n'y a pas inégalité... pas justifiée – vous avez été obligés de corriger la situation, et ça va nous prendre 10 ans pour la corriger, 10 ans au minimum, si jamais on réussit, si jamais tout le monde est de bonne foi dans l'application de cette loi et si les fonctionnaires et la commission chargée font leur travail. Et d'où venait cette inégalité – je ne fais pas d'intention, je regarde les faits – si ce n'est pas par convention collective? Et, sur ça, la commission a déjà, il y a sept ou huit ans, fait une étude de contenu des conventions collectives pour montrer ces inégalités.

Vous avez également l'article 46 – je vais un peu plus rapidement – qui impose des conditions de travail ou qui garantit, à la Charte, des conditions justes et raisonnables. Bien sûr, on est dans le flou, hein. Ce qui peut vous paraître, à l'un ou à l'autre, juste et raisonnable ne l'est pas nécessairement pour d'autres. Même saint Thomas d'Aquin a eu de la difficulté à établir ce qu'était un juste salaire; alors, par conséquent, soyons humbles.

Il faut quand même s'en remettre à l'idée des articles 17 et 19 de la Charte qui nous disent bien que, pour un travail équivalent à un même endroit, on doit avoir le même salaire. Sur ce point-là, je voudrais simplement souligner, disons comme élément incident, un texte du juge Louis Marceau, qui était le doyen quand j'ai commencé ma profession, doyen de la Faculté de droit à Laval, et qui est maintenant juge à la Cour d'appel fédérale, et qui disait, pas parce qu'il devait défendre une cause particulière, mais, dans l'affaire des navigateurs aériens, il disait, et je cite simplement une phrase: «Il est de toute évidence impensable qu'à un moment quelconque il puisse y avoir plus d'une échelle de salaire pour un même poste dans une unité d'accréditation.» C'est son sens de l'équité, son sens de justice qui, nécessairement, l'animait. Donc, si, comme on disait ou comme on dit généralement, on ne peut pas faire des distinctions ou juger une personne en raison de sa date de naissance, je dirais qu'on ne peut pas imposer à des salariés, surtout en leur absence, à des nouveaux arrivants, avant qu'ils arrivent, un régime distinct, inférieur en raison de leur date d'embauche.

Et quant à la question de la légitimité, il faut se poser cette question: Est-ce que, en notre âme et conscience, ces dispositions – sans égard aux motifs, sans égard au contexte – heurtent notre sens commun de l'équité, de ce qui peut nous paraître juste et raisonnable au sens, notamment, de l'article 9.1 de la Charte, qui est le pendant de l'article 1 de la Charte fédérale, et qui nous dit que ces conditions de travail doivent être établies dans le respect des valeurs démocratiques, de l'ordre public et du bien-être général des citoyens du Québec?

Donc, j'arriverais plus rapidement à ce constat, qu'il faut intervenir et qu'il faut intervenir clairement. Il faut intervenir clairement de manière à ce que les parties sachent bien en quoi... qu'elles aient une balise, qu'elles aient un point d'arrivée pour savoir où se diriger dans l'avenir. Autrement, à laisser les parties à la simple conjoncture, au simple contexte d'un moment ou les circonstances, il est évident qu'elles vont encore revenir ou réitérer ces mêmes dispositions.

Bien sûr, je ne suis pas économiste, mais j'ai beaucoup de difficultés à voir une relation entre ces clauses et la création d'emplois. Ça me paraît deux discours tout à fait différents, anachroniques pour ne pas dire plus. Vous avez d'ailleurs des études... Parce que vous savez, ces questions de clauses ont commencé dans les années quatre-vingt, notamment dans le milieu aérien aux États-Unis. Or, il y a quand même un écart. Ça permet la décantation, ça permet de voir plus loin et plus grand les choses. Or, il y a des études américaines – j'en ai apporté trois – qui montrent bien qu'il n'y a aucune relation directe entre ces clauses, entre la réduction notamment pour les salaires, la réduction, pour un groupe ou les nouveaux arrivants, de salaires, et les profits de l'entreprise. Bien au contraire. Il n'y a aucun rapport direct. Et si, pour créer des emplois – encore faudrait-il montrer la relation de cause à effet – on est obligé de réduire le salaire, j'ai l'impression, moi, personnellement, qu'il y a des effets pervers à l'intérieur de l'entreprise que l'on crée ainsi, une animosité que l'on va créer de toutes sortes. Et ce n'est pas en pensant que, dans 15, 20 ans, ces jeunes vont devenir des vieux et ça sera leur tour de bénéficier d'autres choses. Ça, ça me paraît, justement, une base nocive pour organiser une société. Ce n'est pas sur ce point-là qu'on pourrait se vanter d'être Québécois.

La Présidente (Mme Vermette): Me Dumont, à ce stade-ci...

M. Morin (Fernand): Moi, c'est Morin.

La Présidente (Mme Vermette): ...il vous reste deux minutes.

M. Morin (Fernand): Oui?

Une voix: Morin.

La Présidente (Mme Vermette): Morin.

(12 h 20)

M. Morin (Fernand): Oui. Donc, je proposerais tout simplement, dans ces deux minutes, que la disposition porte sur... dans la Loi sur les normes du travail, puisque, dans la Loi sur les normes du travail, qui serait d'ordre public, notamment à l'article 93... pour qu'on condamne ces clauses, c'est-à-dire qu'on les déclare nulles et sans effet, et ce, à partir, à titre d'exemple, du 1er janvier 2000, ce qui fait que les gens qui sont sous des conventions collectives actuelles et qui pourraient être renouvelées d'ici là vont s'adapter. Les gens qui ont des conventions collectives de longue durée pourraient, bien sûr, à ce moment-là, négocier une annexe d'ici l'an 2000, ils ont 18 mois, et comme l'article 72 du Code du travail leur permet d'adapter les choses.

Et je voudrais terminer simplement en vous disant, messieurs, mesdames: Ces questions-là des clauses, ce n'est qu'un volet, qu'une pointe d'un iceberg sur les atypiques. Le ministère a fourni d'ailleurs, d'une façon éclatante, un très bon dossier sur la situation des emplois atypiques. Et toute notre législation bâtie à partir du début du siècle est sur le modèle du salarié temps complet pour une durée indéterminée; ce modèle n'existe plus ou est en voie de disparition. Mais la législation, nécessairement, devient de plus en plus, de jour en jour, vétuste. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vermette): Merci, M. Morin. Alors, M. le ministre, je vous cède la parole.

M. Rioux: Mon cher professeur, votre présence ici aujourd'hui me rappelle une période, hélas, trop brève durant laquelle on a eu l'occasion de travailler un peu ensemble. Je suis très heureux que vous soyez là.

J'ai lu votre document deux fois plutôt qu'une et je vous avoue qu'il est éclairant. D'abord, premièrement, vous détruisez le mythe, que ce n'est pas avec les sirènes néolibérales qu'on entend un peu partout qu'on va réussir à convaincre qui que ce soit de maintenir les clauses orphelin dans notre système. Vous avez dit tout à l'heure que vous n'étiez pas économiste, mais, cependant, je sais que, connaissant votre capacité de chercher les réponses aux questions, vous avez dû la fouiller, cette question-là aussi.

Vous savez également que, si les clauses orphelin sont arrivées dans notre décor, c'est dû aux rapports collectifs de travail, c'est dû à la signature de conventions collectives. Je m'étonne que vous choisissiez la voie de la Loi des normes au lieu d'apporter le correctif par la voie du Code. Ce que j'ai trouvé important pour la suite de notre débat, c'est que vous avez bien pris soin de définir clairement ce que vous entendiez, vous, comme universitaire et chercheur, par «clause orphelin». C'est net. Mais vous allez nous expliquer maintenant pourquoi vous empruntez cette voie-là plutôt que l'autre. Évidemment, 20 minutes, c'est bien court; un mémoire, c'est aussi très court. Alors, moi, j'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Morin (Fernand): Parfait. Comme vous savez, le plus contient le moins et, par conséquent, si l'article 62 du Code du travail nous dit que les dispositions ne doivent pas être contraires à l'ordre public et si, à la Loi sur les normes du travail, à l'article 93.1, disons, vous dites que c'est défendu, c'est nul et sans effet, par conséquent, les parties – entre autres, les parties – ne pourront pas valablement négocier une telle disposition, parce qu'elles doivent respecter la Loi sur les normes du travail, c'est le plancher. D'une part.

Deuxièmement, en mettant là la disposition, également vous touchez à tous les autres, et c'est 70 %. Vous touchez à tous les autres qui sont encore plus faibles, qui peuvent avoir des régimes différents. C'est pourquoi je proposerais – j'avais préparé un petit texte sur ce point-là... En étant sur la Loi sur les normes du travail, à l'article 93, et en donnant un recours en vertu de l'article 124 et à 131 de la Loi sur les normes, de deux choses l'une: si vous êtes sous convention collective, vous procédez par voie d'arbitrage, s'il y a lieu; si vous n'êtes pas sous convention collective, vous procédez par le Commissaire du travail, en vertu de l'article 124, et avec l'aide de la Commission des normes du travail. En d'autres termes, en étant sur la Loi sur les normes du travail, vous avez une formule générale et vous évitez également le biais de la sous-traitance pour faire, par Marie – c'est très catholique – passer à Jésus par Marie, c'est-à-dire que vous évitez la sous-traitance également pour payer des salaires ou des conditions de travail inférieures. Voilà, monsieur. Ceci explique cela.

M. Rioux: M. Morin, un salarié qui entrerait dans une entreprise non syndiquée, est-ce qu'il pourrait prétendre être victime de discrimination ou victime de quelque chose, d'une réalité dans l'entreprise qui ressemblerait à une clause orphelin, s'il a été lui-même le négociateur de son propre contrat individuel de travail?

M. Morin (Fernand): Alors, je poserais la question, c'est justement: Peut-il valablement accepter, et est-ce que ça... En d'autres termes, vous savez, M. le ministre, que la Loi sur les normes du travail, ce qu'on appelle «une incapacité de protection»... le salarié, même s'il veut, il ne peut pas accepter un salaire moindre que le salaire minimum. C'est le plancher au-dessous duquel il ne peut pas accepter. Sa volonté est limitée. C'est ce qu'on appelle «l'incapacité de protection». Alors, ce serait la même chose, on ne pourrait pas dégager par présomption qu'il a accepté des conditions inférieures puisqu'il ne pouvait pas les accepter. C'est là, pour reprendre l'expression de Lacordaire, «entre le faible et le fort, la liberté asservie et la loi affranchie».

M. Rioux: Vous avez abondamment parlé de la Charte des droits et libertés, vous avez évoqué aussi plusieurs articles. Est-ce que vous voyez dans ces éléments-là des pistes qui pourraient nous conduire, comme législateurs, à proposer non seulement une définition mais également une législation appropriée? Cette voie-là, vous l'avez évoquée beaucoup, mais vous ne la retenez pas au niveau des solutions.

M. Morin (Fernand): Je vous dirais: Au niveau de la législation, il m'apparaît que la Charte... la Charte, ce doit être un monument, ce doit être un guide, on devrait le moins y toucher possible, sauf s'il s'agit de toucher à des principes, ne pas l'appesantir, l'alourdir par des règles techniques. C'est dans les lois, je pense, et c'est pour ça que la Charte, moi, je n'y toucherais pas. Je n'y toucherais pas. Je pense que les balises qui y sont à ce niveau-là sont, à mon avis, suffisantes. Ce serait dans la Loi sur les normes du travail. Et, bien sûr, si vous voulez aller réduire votre intervention, c'est le Code du travail, à l'article 62.

Mais je me permettrais, M. le ministre, compte tenu que j'ai été témoin de la présentation antérieure... sur la voie du Conseil consultatif et comme j'ai été président une dizaine d'années, je peux peut-être en parler un peu. Je vous dirais: Si vous allez au Conseil consultatif, allez-y avec un projet; n'allez pas au Conseil consultatif pour demander ce qu'ils en pensent parce que vous allez revenir avec une valise vide ou trop pleine.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rioux: Ça fait rire l'ancien ministre du Travail, lorsqu'il était au pouvoir...

M. Morin (Fernand): Je n'ai pas peur de...

M. Rioux: D'ailleurs, il aurait pu nous éviter tout ça s'il avait voulu.

M. Morin, merci beaucoup. Je vais laisser la parole à mes collègues.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, je cède la parole au député de Roberval. M. le député de Roberval.

M. Laprise: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Maintenant, vous avez parlé beaucoup d'égalité et, moi, j'aime mieux le mot «équité», c'est sûr. Est-ce que vous pensez que c'est possible que les employés, dans une convention collective, qu'on puisse respecter justement cette équité-là? Parce que l'équité, ça nécessite qu'on considère également la potentialité de la personne, ses talents, sa formation et sa compétence. Pensez-vous que c'est possible, indépendamment des clauses orphelin, de retrouver une certaine égalité dans la justice sociale au niveau de la répartition de la richesse, au niveau des entreprises?

(12 h 30)

M. Morin (Fernand): Bien, j'ai l'impression de défendre une thèse de philosophie, mais je vous dirai, vous savez, que tout est relatif. Je pense qu'il est préférable au niveau de notre régime de permettre au syndicat et à l'employeur de négocier des conditions de travail; ils sont plus près. C'est la beauté, d'ailleurs, de la convention collective par rapport à d'autres milieux. Elle est limitée à une entreprise, les gens se connaissent, les gens connaissent le milieu. Elle peut être limitée. Comment expliquer qu'on ait pu quand même négocier des dispositions semblables? Personnellement, je ne suis pas psychiatre non plus, ni psychanalyste, mais je dirais que l'intérêt y a joué pour beaucoup. Si l'employeur dit, lors de la négociation: Moi, j'ai une masse salariale que j'augmente de 2 %. Comment on le répartit, le 2 %? Moi, je m'en contrefous, mais pas plus que 2 %. Il se peut fort bien que les présents se prennent le 2 % et peut-être un peu plus, et les absents en souffrent. Ce ne serait pas nouveau dans le monde que les absents aient tort. C'est comme ça que j'expliquerais la situation, mais je ne suis pas découragé pour tout cela.

C'est pour ça que je revenais tout à l'heure sur l'idée que le législateur doit donner l'indication. On doit savoir où aller, ce que l'on peut faire, ce que l'on ne peut pas faire, et laisser braire pour le reste. Les parties ont assez d'initiative pour être capables de mouler leur convention collective. Parce que ce qui est vrai dans leur cas n'est pas vrai dans l'autre. Donc, elles vont trouver des voies qui leur seront propres pour arriver à l'objectif. C'est là qu'on peut trouver un alliage, une conjugaison de l'autorité et de la convention collective.

M. Laprise: Vous avez donné un bel exemple comme de quoi une convention collective ne peut pas rétablir l'équité. Lorsqu'on a passé la Loi sur l'équité salariale, pour avoir négocié des conventions collectives dans les municipalités, c'était impossible de penser qu'on pouvait éliminer... Rendre l'équité salariale aux femmes, par exemple, c'est impossible. On a essayé autant comme autant et c'était impossible de faire accepter par le syndicat qu'un concierge pouvait, par exemple, avoir un salaire moindre que la secrétaire de direction, alors que c'était le contraire, c'était la secrétaire de direction qui avait un salaire moindre que le concierge, puis de beaucoup différent. On n'a pas été capables, par négociation, dans une convention collective, d'essayer de rapprocher ces choses-là; au contraire, ça s'accentuait de convention en convention. Ça veut dire que, à ce moment-là, si ce n'est pas légiféré dans une loi, de protéger certaines normes... Je pense que vous l'avez donné très bien comme exemple. C'est tout.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, M. Morin, permettez-moi de vous poser une question à mon tour, parce que j'essaie de concilier ce que vous venez de dire, les affirmations que vous venez de dire, en fait, qu'il faut maintenir cette négociation-là, qui est très importante, puis que ça permet aux parties en présence de modeler selon leur entreprise. D'autre part, il faut leur donner un certain cadre. C'est là-dessus, en fait, que, autant le Conseil du patronat que les entrepreneurs tantôt, l'Association des entrepreneurs, sont venus nous dire: Non, on n'en veut pas, de législation, parce que justement on est capables de le faire nous-mêmes. Faites-nous confiance, on connaît l'entreprise, on connaît la culture de notre entreprise et notre intérêt est de faire en sorte de bien traiter nos employés. Comment on arrive à concilier tout ça? Ce n'est pas évident.

D'autre part, vous semblez dire que oui, effectivement, une loi est importante mais, d'autre part, du monde patronal nous dit que non. On rentre justement dans ce qui est le coeur même d'une négociation, c'est-à-dire qu'on rentre dans leur droit de gérance et on ne doit pas justement établir le périmètre.

M. Morin (Fernand): Mme la Présidente, je ne comprends pas qu'on puisse avoir tort et raison à la fois. Le problème vient d'une convention collective à laquelle elles ont souscrit. Et elles disent: Non, faites-nous confiance, on va corriger notre propre situation, mea-culpa. Moi, ça me surprendrait beaucoup. Ça me surprendrait beaucoup.

Et il faut aussi être prudent face aux discours alarmistes. Quand vous avez eu les règles sur les briseurs de grève, quand vous avez vu l'article 12 de la Loi sur la santé et la sécurité pour le refus des travailleurs, c'était la catastrophe au Québec, tout le monde était pour partir. Maintenant, on n'en entend plus parler. Il n'y en a pas eu, de grève générale en raison du droit de refus, etc. Il faut aussi pondérer les choses. C'est évident que ça dérange, une législation, mais je pense qu'il est important que, au Québec, on se dote d'indications claires de ce qu'on veut être au lieu des ronrons simplement de salon.

La Présidente (Mme Vermette): Je vous remercie. Alors, maintenant, je cède la parole au député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci, M. Morin, pour votre représentation. Il y a des éléments, dans votre présentation, qui m'intéressent énormément, entre autres sur la période de transition. J'aimerais vous entendre sur l'effet rétroactif. Est-ce que, selon vous, il serait logique aujourd'hui de dire: On dépose une loi et toutes les conventions collectives du Québec – les 7 000, 8 000 conventions collectives – vont être examinées et, dès aujourd'hui, toutes celles qui comportent des clauses orphelin tombent caduques? Cet effet rétroactif là, selon vous, est-ce que c'est réaliste de penser vouloir le corriger, dire: La loi va être rétroactive et on retourne en arrière, ou si ce n'est pas plus simple de dire: On va arrêter l'hémorragie – un peu comme vous le proposez – et on va se donner les moyens pour que, dans un horizon respectable, acceptable et logique, on vienne à bout des clauses orphelin? Puis j'aime bien le fait qu'à un moment donné il y a une date butoir, c'est-à-dire que si vous n'avez pas fait votre job telle date, bien, là, on va rentrer dans le dossier. L'effet rétroactif d'une loi, selon vous, est-ce que c'est logique?

M. Morin (Fernand): D'abord, la législation rétroactive, c'est, d'une part, inacceptable de principe, sauf les exceptions, pour faire un pléonasme, très exceptionnelles. C'est pour ça que je pense qu'il ne faut pas porter un jugement sur le passé, rentrer et revenir, faire un retour à l'arrière sur la situation puis essayer de porter des jugements: Qui était coupable, d'où vient cette demande, etc. Ça, ça porte à faux, ça va causer des problèmes. Je pense que c'est inacceptable au niveau des rapports collectifs.

Je pense que si la disposition est claire, si la date butoir, comme vous dites, est précise, il est évident qu'à ce moment-là vous reprenez le discours patronal en leur disant: On vous fait confiance pour trouver des voies et des moyens pour arriver à cette gare.

M. Béchard: Mais il serait farfelu de dire, par exemple, qu'aujourd'hui on va entamer un processus de révision de tout ce qui est existant et...

M. Morin (Fernand): J'aurais peur des effets pervers encore plus graves que ceux qu'on subit actuellement.

M. Béchard: Il y a un autre élément. Depuis le début de cette commission, le ministre du Travail a la mauvaise habitude d'oublier ce qui se passe dans le secteur public. Selon vos modifications... C'est sûr que c'est des lois d'ordre public, donc tout le monde y serait contraint. Sauf qu'on se rend compte dans les faits, notamment au niveau municipal mais aussi dans des secteurs comme... On l'a vu avec les agents de la paix, on l'a vu avec les jeunes enseignants ou encore les jeunes médecins, les jeunes médecins, avec la Loi sur la santé, n'étant pas soumis au Code du travail comme tel, à la Loi sur les normes. Est-ce qu'il ne faudrait pas plutôt y aller d'une loi, je dirais, spécifique?

Vous parliez tantôt de la Charte, et qu'il faut y toucher le moins possible. Mais le phénomène n'est-il pas assez important et, je dirais, disparate dans son application qu'il ne faudrait peut-être pas, dans l'intérêt de protéger tous les jeunes, y aller beaucoup plus, je dirais, avec une loi d'ordre général qui a un impact sur les lois existantes et qui prévoit des recours pour les gens? Parce qu'il y en a qui ne... On va en échapper. Je pense qu'on le voit avec les jeunes enseignants, on le voit avec les jeunes médecins, que même si on modifie, soit le Code ou la Loi sur les normes, on en échappe.

Une autre sous-question là-dessus: Qu'est-ce qu'on fait, comment on peut rectifier le tir quand le gouvernement lui-même ne respecte pas ces engagements-là?

M. Morin (Fernand): Je vous dirais que le problème, s'il se pose, dans le secteur public... Personnellement, je ne ferais pas de distinction secteur public, secteur privé, scolaire ou autre. Je ne ferais pas de distinction. S'il y a eu et s'il y a des clauses orphelin, quelles qu'elles soient et quels que soient les auteurs, je pense que la même balise devrait s'appliquer.

Pour revenir à votre question précédente, ne faisons pas de procès d'intention sur le passé mais considérons l'état actuel des faits et agissons en fonction des faits. C'est pourquoi, au tout début de mon intervention, j'ai bien souligné le deuxième alinéa de l'article 10 qui dit: C'est l'effet et le fait qui portent atteinte à l'égalité qui doivent être considérés sans égard à toute autre nuance subtile ou pas.

(12 h 40)

M. Béchard: Présentement, je pense qu'il y a des groupes qui commencent à les contester, l'aspect discriminatoire et l'aspect des outils qu'on a déjà pour éviter les clauses orphelin. Il y a un aspect important. On a beau avoir le processus de transition, la date butoir, mais il y a tout le processus de recours de l'individu. Et je parle de l'individu parce que, souvent, c'est une personne qui va déclencher ça. Et s'il y a un mouvement de masse, bon, c'est une autre chose, mais la personne, surtout quand on parle de gens qui ne sont pas régis par le Code du travail, ce processus-là de dénonciation ou de recours, est-ce que vous pensez... Moi, le danger que je vois, c'est qu'un processus de recours selon les normes va aller selon le Code, puis là on va perdre la personne quelque part là-dedans. Et souvent, il faut que la personne paie certains frais donc il n'y aura pas de recours.

Selon vous, la meilleure façon pour s'assurer qu'il y ait un recours simple et efficace pour les gens – puis j'aime bien le fait que ce ne sont pas seulement des jeunes – qui sont victimes de clauses orphelin, comment on pourrait avoir un processus de recours efficace pour ces gens-là?

M. Morin (Fernand): C'est pourquoi, M. le député, je proposais un amendement à la Loi sur les normes du travail, amendement qui, notamment, dirait expressément que les recours de 124 et suivants s'appliquent. Alors, de deux choses l'une: ou vous avez la convention collective par 124 ou vous avez la Commission des normes du travail qui pilote le dossier et à ses frais. Ça, c'est une chose. Mais il ne faudrait pas penser, être alarmiste et dire: S'il y a 50 personnes ou 100 personne dans une entreprise, ça va faire 100 recours. Non. Parce que l'employeur est aussi intelligent – il faut présumer l'intelligence également répartie – et, par conséquent, il est évident que s'il y a un cas, une entreprise, et que le commissaire du travail établit qu'il y a discrimination, il est évident que l'effet d'entraînement va s'appliquer pour les autres cas. L'employeur a autre chose à faire que de comparaître devant un Commissaire du travail.

M. Béchard: Je vais laisser le temps, je sais qu'il y a plusieurs de mes collèges qui ont des questions; je vais leur laisser le temps. Merci.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Mme la Présidente, j'ai apprécié, dans votre texte, la définition large que vous donnez des clauses orphelin. Vous dépassez la définition traditionnelle du travailleur virtuel. Vous avez une définition, ce sont des clauses qui, d'après vous, écartent un groupe minoritaire à l'intérieur du groupe de salariés. Alors, je vais essayer de voir avec vous dans cette définition et je prends un exemple très concret. Vous êtes certainement au courant des mesures qui ont été prises dans la fonction publique, ce qu'on appelle la loi sur les départs assistés qui a accordé à un certain nombre de personnes, c'est-à-dire aux gens qui avaient un certain âge, les bénéfices des surplus – je ne veux pas entrer sur les détails – d'une caisse de retraite où tout le monde avait contribué. Est-ce que, dans votre esprit, dans votre définition, ça, c'est une clause orphelin?

M. Morin (Fernand): Non, absolument pas. Cependant, je dois vous dire, si vous me permettez, M. le député, je voudrais soulever deux éléments, à ce sujet-là. Il est évident que si une entreprise dispose d'une clause orphelin, elle a tout intérêt à faire partir au plus vite et de façon accélérée les plus âgés pour arriver à augmenter la relève à prix modique. Une étude américaine sur ça montre bien que c'est vrai au niveau économique, c'est vrai et c'est rentable pour une entreprise dans la mesure où elle est capable de se défaire à bon compte et dans trois ans des plus vieux.

M. Gautrin: Ça, je comprends.

M. Morin (Fernand): Donc, ce que je veux dire, c'est que, moi, je rattache ces départs précipités ou précoces, achetés, je les rattache à une dynamique, à une stratégie d'abaissement de la masse salariale.

M. Gautrin: Mais, si vous me permettez, c'est seulement une minorité qui pouvait en profiter, c'est-à-dire qu'il fallait avoir un certain âge pour pouvoir en profiter. Premièrement, c'est une minorité et, d'autre part, un bien qui était un bien collectif, qui était donc le surplus d'une caisse de retraite, a été utilisé par une minorité. Et d'après moi, si je regarde la définition que vous donniez, si j'essaie de comprendre votre définition des clauses orphelin, il s'agit là réellement d'un bénéfice qui a été accordé à une minorité de salariés.

M. Morin (Fernand): J'avoue, M. le député, que je n'ai pas envisagé ce point-là, mais je suis très intéressé par votre question, par exemple.

M. Gautrin: Merci.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, oui, Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, Mme la Présidente. Me Morin, votre mémoire est très éclairant parce qu'il soulève des questions, puis vous l'avez défendu avec beaucoup d'éloquence.

À la page 14 de votre mémoire, vous faites un constat qui est, à mon avis, très réaliste, vous dites que la législation du travail fut initialement conçue pour le salarié temps plein engagé pour une durée indéterminée. Vous relevez aussi le fait que le marché du travail a changé, que de plus en plus les emplois créés se créent dans la catégorie des emplois atypiques, c'est-à-dire non-salariés, avec une durée indéterminée. Et vous dites qu'il faudrait, pour ces travailleurs atypiques qui sont de plus en plus nombreux, offrir une protection judiciaire. À quoi vous pensez, exactement? Moi, j'ai à l'esprit les travailleurs autonomes.

Dans mon propre comté, c'est une catégorie de travailleurs qui est assez nombreuse et, effectivement, lorsqu'on parle avec eux de leurs besoins, ils ne se reconnaissent pas du tout dans les dispositifs législatifs existants. Ils sont d'ailleurs en dehors de toute protection sociale, comme vous savez. Alors, je voudrais vous entendre, peut-être que vous pouvez nous éclairer: Qu'est-ce que la législation du travail peut faire pour offrir une protection minimale à cette catégorie de travailleurs qui est loin d'être quand même insignifiante, puisque c'est la tendance la plus croissante pour l'avenir?

M. Morin (Fernand): Oui, vous avez parfaitement raison, je n'avais pas assez de temps tout à l'heure pour soulever cette question-là mais elle est particulièrement importante. Et je reprends l'étude du ministère qui montre bien... Si vous avez mon texte, à la page 15, en bas de page, on vous dit que sur 100 emplois nouveaux on compterait maintenant 26 emplois temps plein et les autres à temps partiel, occasionnels. Et c'est ça, le vrai problème de notre société actuelle.

Et au plan juridique – parce que je n'ai pas beaucoup de temps – je vous dirais qu'actuellement ce sont des laissés-pour-compte et ils sont régis par le droit commercial; or, le droit commercial repose sur une tout autre économie. Et c'est pourquoi j'ai fini mon texte, à la page 16, en disant que le seul volet de la loi commerciale auquel ils vont être obligés de s'accrocher un jour ou l'autre, ça sera la loi sur les faillites. Ce n'est pas beaucoup, ça. Et c'est en ce sens-là qu'il faut rafraîchir notre législation pour l'adapter à sa population. La législation est stable et l'évolution de la population, elle, est grandissante et se modifie d'année en année.

C'est dans ce sens-là que les Français ont déjà fait, il y a cinq ans ou six ans, la loi Robien qui, justement, prend en compte et donne un régime particulier aux travailleurs autonomes. Et il y a aussi le télétravail, il y a aussi le tripartisme, hein. C'est engager des gens via une agence et soutenir que vous n'êtes pas employeur tout en bénéficiant de leurs services. Et, si ça va mal, on se lave les doigts. Je pense qu'il y a des problèmes particuliers à ce niveau-là et il faudrait s'y pencher, et c'est pourquoi je vous proposais que vous reveniez à la charge pour un plus grand mandat.

Mme Houda-Pepin: Bien, en effet, pour ma part – et je sais que plusieurs de mes collègues sont préoccupés de cette question-là – je pense que c'est un grand, grand défi à relever aussi bien pour l'économie que pour les élus, aussi, qui font la législation. Et cette catégorie de citoyens n'est pas protégée du tout. Je pense qu'il faudrait effectivement dire au ministre, au gouvernement et au prochain gouvernement qui va venir, évidemment, de regarder...

M. Morin (Fernand): Je ne sais pas de quel côté regarder, là, quand vous dites... Ha, ha, ha!

Mme Houda-Pepin: Non, non. Bien, je regarde de notre côté. De notre côté, Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Vermette): ...la présidence, M. Morin. Ha, ha, ha!

Mme Houda-Pepin: Alors, je regarde de notre côté pour dire que c'est une règle qui...

M. Cherry: Elle est impartiale, la présidence. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

(12 h 50)

Mme Houda-Pepin: Oui, c'est ça. Au-delà de toute partisanerie politique, c'est un dossier majeur sur lequel les gouvernements doivent se pencher et surtout y apporter des solutions pertinentes.

La Présidente (Mme Vermette): Il vous reste deux minutes et demie, alors est-ce que vous pourriez soit commenter ou passer à une autre question?

Mme Houda-Pepin: Allez-y.

M. Cherry: Merci. Je suis content parce que ça nous permet collectivement de nous interroger sur ce qu'on définit maintenant comme une clause orphelin, comme si c'était quelque chose de nouveau par rapport que ça ne progresse pas aussi rapidement. Les emplois ne sont pas maintenant créés aussi rapidement qu'ils l'étaient autrefois. Dans certains cas plafonnés. Quand, autrefois, on engageait des temporaires, des occasionnels, on les définissait avec un autre vocabulaire, mais est-ce que le résultat n'était pas atteint de la même façon, à savoir que l'employeur voulait s'assurer d'obtenir le service qu'il jugeait avoir besoin tout en entrant à l'intérieur de ses coûts?

À une certaine époque, à venir jusqu'à quelques années, surtout dans la fonction publique, les gens acceptaient ce cheminement-là, étant convaincus que finalement ce cheminement-là les amènerait à déboucher sur un emploi permanent avec l'ensemble de la protection. Mais comme ce n'est plus le cas et que la tendance est vers autre chose, une des choses que vous avez bien spécifié au début, vous avez parlé: Il faut regarder l'effet réel. Et donc l'effet réel, qu'on l'appelle occasionnel, temporaire ou autrement, ça a comme résultat, pour celui ou celle qui occupe cette fonction-là, d'être traité de façon différente pour l'ensemble de sa rémunération par rapport à la prestation de services qu'il offre ou qu'elle offre.

M. Morin (Fernand): Vous avez raison, monsieur. Autrefois, ce n'était qu'un vestibule et on entrait avec une porte ouverte ou entrouverte, alors que maintenant, ce n'est pas le vestibule, c'est l'annexe à côté et on la laisse là, quitte à fermer la porte hermétiquement, s'il y a lieu. Alors, c'est toute la différence.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, sur ces propos, nous allons mettre un terme à nos échanges. Nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 52)

(Reprise à 14 h 2)

La Présidente (Mme Vermette): Nous reprenons nos travaux et nous commençons avec le groupe la Confédération nationale des cadres du Québec. Alors, je leur demande de bien vouloir avancer, s'il vous plaît, et de prendre place.

Donc, j'aimerais bien que vous puissiez vous présenter, s'il vous plaît.


Confédération nationale des cadres du Québec (CNCQ)

M. Savard (Robert): Oui, Mme la Présidente. Je suis Robert Savard, président sortant de la Confédération nationale des cadres, et je suis accompagné aujourd'hui, à ma gauche, par M. Gilles Lachance et, à côté de M. Lachance, par M. Jacques Fortin et, à ma droite, par M. Conrad Berry.

La Présidente (Mme Vermette): Vous pouvez y aller. Vous avez 20 minutes pour vous exprimer.

M. Savard (Robert): Merci, Mme la Présidente. Mme la Présidente, mesdames et messieurs, la Confédération, naturellement, souhaite adresser à la commission ses remerciements pour recevoir aujourd'hui ses représentants. Ce merci, veuillez le croire, n'est pas qu'une formalité ou qu'une politesse, c'est un merci bien senti, parce que, ici, à l'Assemblée nationale, nous les salariés de l'encadrement, nous nous sentons des citoyens comme les autres, avec des droits égaux. Malheureusement, ce n'est pas le cas particulièrement dans le monde du travail, où les cadres sont exclus, entre autres, des protections qu'accorde le Code du travail. Nous nous réjouissons que l'Assemblée nationale serve ainsi d'exemple en nous traitant comme des citoyens comme les autres et nous espérons que d'autres constituantes de notre société suivront cet exemple. Nous aimerions aussi féliciter les personnes grâce à qui cet important débat sur la discrimination dans les conditions de travail se tient.

Maintenant, je voudrais dire un bref mot de présentation de la Confédération. La Confédération nationale des cadres a été fondée en 1992 par des associations de cadres déjà existantes dans le secteur parapublic et dans le secteur privé. Elle a comme raison d'être principale d'obtenir pour les quelques centaines de milliers de salariés de l'encadrement des droits égaux à ceux que les lois québécoises accordent aux autres salariés, notamment en matière de droit d'association et de droit à la négociation collective. Elle cherche aussi, en second lieu, à faire entendre la voix des cadres dans les débats de société comme celui-ci.

Notre mémoire, le mémoire que nous avons soumis, Mme la Présidente, cherche essentiellement à redire notre solidarité à nous, les cadres, et, en conséquence, notre refus de composer avec tout ce qui peut contribuer à des ruptures intergénérationnelles dans les conditions de travail, que ces ruptures ou ces disparités soient négociées librement ou imposées unilatéralement.

Notre mémoire veut aussi être un geste responsable, en proposant, nous le reconnaissons, des éléments de solution qui n'atteignent pas la perfection et, cependant, qui pourraient contribuer à la solution du problème. Finalement, nous avons voulu redire, dans notre mémoire, notre attachement profond aux libertés syndicales que constituent, dans une société démocratique comme la nôtre, le droit d'association et le droit de négociation. Et nous pensons que, par rapport au problème des clauses orphelin et plus généralement des disparités dans les conditions de travail, la mise en oeuvre et la promotion de ces libertés constituent la voie de solution à privilégier.

Donc, Mme la Présidente, comme les séances d'aujourd'hui et celles qui les ont précédées tentent de trouver des solutions, donc, selon nous, cinq raisons imposent à la société québécoise de se prémunir contre la multiplication sans limite des clauses orphelin. Premièrement, des considérations propres à la justice et à l'équité sociale. Deuxièmement, nous croyons que la solidarité intergénérationnelle doit être préservée comme valeur fondamentale de notre société. Troisièmement, en tant que gestionnaires, nous pensons que les clauses orphelin heurtent les principes de saine gestion qu'il incombe aux cadres de mettre en oeuvre à l'égard de la main-d'oeuvre qu'ils encadrent. Quatrièmement, ces clauses font courir des risques certains à la cohésion syndicale et contribuent au désintéressement de la vie associative, qui constitue un des piliers de notre démocratie. Enfin, cinquièmement, un État de droit, comme l'État québécois se qualifie à juste titre d'être, ne peut tolérer la discrimination découlant de conditions de travail qui ne s'appliquent qu'à certaines catégories d'employés.

En conséquence, Mme la Présidente, la Confédération donne son appui à l'idée de restreindre par voie de législation la possibilité d'inclure dans les conditions de travail des clauses orphelin. Toutefois, nous estimons que le débat entourant le phénomène des clauses orphelin ne doit pas se limiter à la question des clauses orphelin contenues dans les conventions collectives et ainsi courir le risque d'ignorer le sort réservé à la majorité de la population active dont, comme on le sait, les conditions de travail ne sont pas déterminées par la négociation collective.

C'est pourquoi nous suggérons d'envisager la question dans une perspective plus large, notamment en se préoccupant aussi des employés qui oeuvrent dans des secteurs non assujettis à notre régime commun de rapports collectifs. De plus, nous sommes conscients que des situations peuvent survenir, où les employés visés par une clause de type orphelin trouvent néanmoins préférable cette situation à toute autre. Nous ne saurions donc adhérer, si des précautions nécessaires sont prises, à une prohibition absolue qui empêcherait absolument ce genre d'arrangement. Nous suggérons plutôt d'accorder un droit de veto aux personnes qui sont spécifiquement concernées par une telle disposition.

À partir de ces éléments, la Confédération propose donc que deux avenues soient retenues pour remédier à la situation. D'abord, le renforcement des dispositions législatives pertinentes nous semble incontournable. Puis, parce que la voie législative ou réglementaire ne peut à elle seule éliminer la discrimination et ses manifestations parfois subtiles, nous préconisons que l'État québécois s'emploie résolument à faire la promotion de la négociation collective, comme le prévoient d'ailleurs les conventions internationales du travail. Nous entendons ici l'obligation qu'assumerait le gouvernement de faciliter l'accès à la négociation collective pour les centaines de milliers de salariés qui en sont privés et parmi lesquels figurent les salariés de l'encadrement.

(14 h 10)

Pour terminer cette introduction, Mme la Présidente, avant la période d'échanges, je voudrais rappeler quelles sont les quatre recommandations que nous formulons à la commission. Nous recommandons que le Code du travail soit amendé pour régir la question des clauses orphelin et que cet amendement soit rédigé dans une perspective large, de manière à inclure toutes les situations où des conditions de travail prévalant pour l'ensemble des employés comportent des effets limitatifs pour certaines catégories d'entre eux

Deuxièmement, que l'adoption d'une clause dite orphelin puisse être possible à la condition que soit prévu par la loi un processus de ratification octroyant un droit de veto aux personnes concernées. Pour être acceptée dans un premier temps, une telle clause, comme toutes les autres du contrat de travail, devrait recevoir l'aval de la majorité des employés, mais, dans un second temps, cette clause devrait aussi, pour entrer en vigueur, recevoir l'approbation de la majorité des employés qu'elle vise spécifiquement.

Troisièmement, nous proposons que des amendements à des fins similaires soient aussi apportés aux autres lois qui le nécessitent, notamment la Loi sur les normes du travail qui, en pratique, sert de convention minimale de travail à certains des salariés non couverts par une convention collective négociée.

Et, finalement, que la définition de salarié apparaissant à l'article 1 du Code du travail soit revue de façon à inclure les salariés de l'encadrement, tant du secteur public que privé, ou, à défaut, que l'État québécois dote ce type de personnels d'un régime spécifique de relations de travail qui leur donne droit d'accès à la négociation collective de leurs conditions de travail et, donc, qui puisse leur permettre de se prémunir contre les clauses orphelin non souhaitées. Mme la Présidente, nous sommes à votre disposition.

La Présidente (Mme Vermette): Je vous remercie. Je passe la parole à M. le ministre. M. le ministre.

M. Rioux: M. Savard, je voudrais vous souhaiter la bienvenue ainsi qu'à vos collègues qui vous accompagnent. J'aimerais, dès le départ, répondre à une de vos recommandations, celle que vous souhaitez voir rédigée un jour soit dans le Code du travail ou dans une autre législation, c'est-à-dire la syndicalisation des cadres.

Alors, vous le savez, on a mis sur pied un comité de travail qui est en train de réfléchir sur l'ensemble de la problématique. J'ai eu l'occasion de vous rencontrer à plusieurs reprises. Ce que vous avez présenté lors de nos rencontres, c'est clair, on sait exactement ce que vous voulez. Et, quand notre comité aura terminé ses travaux, on aura l'occasion de débattre du contenu ensemble.

Cela dit, je suis content de vous voir parce que je sais que votre organisme réfléchit beaucoup sur la question des conditions de travail des travailleurs et des travailleuses et sur l'encadrement légal de tous les personnels.

Mais j'aimerais bien que vous me disiez, M. Savard, en ce qui a trait au phénomène des clauses orphelin, phénomène cyclique, on l'a dit à quelques reprises, phénomène qui est apparu, nous dit-on, aux États-Unis, mais qu'on a emprunté assez facilement, au Canada et au Québec... Et les études semblent nous dire que ça risque de prendre de l'ampleur, si on n'agit pas rapidement. Moi, j'aimerais que vous me disiez, en termes de définition – parce que je sais que vous êtes un juriste – quelle serait, selon vous, la meilleure définition qu'on pourrait donner à une clause orphelin? Et quel serait, selon vous, le meilleur véhicule législatif qui nous permettrait d'agir avec efficacité? Parce que légiférer et doter le Québec d'une législation qui fonctionne mal ou qui ne fonctionne pas, on ne fera pas de progrès avec ça. Et ce qu'on aimerait, c'est d'en arriver à une législation appropriée, véritablement, une législation appropriée qui réponde aux besoins et aux attentes d'un mouvement comme le vôtre.

M. Savard (Robert): M. le ministre, ce n'est certainement pas le juriste que vous avez devant vous... À cet égard, je n'ai pas d'autre qualité que celle de mes collègues, celle d'être moi aussi un bénévole à la Confédération nationale des cadres. Mais votre question est suffisamment intéressante pour qu'elle m'incite à prendre le risque de ne pas trop m'approcher du droit, mais d'essayer de dire quelle est la substance de notre réflexion là-dessus.

D'une part, notre mémoire attire l'attention sur le fait que la discrimination dans les conditions de travail entre différents types d'employés... Nous n'avons pas fait d'étude là-dessus, mais nous souhaiterions qu'elle se fasse. Nous appréhendons que l'existence de deux régimes de conditions de travail en fonction de l'âge, en fonction de l'ancienneté, en fonction d'autres dispositions risque d'être un phénomène beaucoup plus répandu dans le milieu du travail non conventionné, risque donc d'être beaucoup plus répandue dans les milieux où les conditions de travail sont déterminées unilatéralement, sans accord avec les salariés concernés.

Donc, vous l'avez vu, la piste que nous suggérons au législateur d'explorer, c'est celle de donner des moyens nouveaux aux salariés qui ont théoriquement accès à la négociation collective de pouvoir exercer ce droit et, deuxièmement, de donner ce droit-là aux salariés qui n'ont pas ce droit, parce que nous estimons que les conditions de travail nous croyons encore à ça – peut-être est-ce que c'est une vision conservatrice – nous croyons que, essentiellement, des conditions de travail, ça doit résulter de la libre négociation d'un employeur ou d'un groupe d'employeurs et de salariés et de groupes de salariés, au pluriel.

Dans le deuxième aspect de la question, en ce qui concerne les salariés qui sont couverts par des conventions collectives et, à l'intérieur d'une même organisation, pour lesquels il existe deux types de conditions de travail, donc des clauses orphelin pour certains d'entre eux, ce que nous suggérons, c'est, bien sûr, des moyens de contrôler ce phénomène-là, mais par les salariés eux-mêmes, par la démocratie syndicale, en imposant, si jamais un employeur et un syndicat représentatif conçoivent le projet que ce soit proposé aux salariés, de s'assurer qu'une majorité n'impose pas une clause orphelin à certains d'entre eux qui constituent une minorité et, donc, de s'assurer, en amendant les dispositions législatives relatives au vote syndical sur l'approbation des conditions de travail, que, lorsqu'il y a une clause qui accorde un régime différent, un régime inférieur pour un groupe de salariés, ce groupe de salariés particulièrement concernés ait littéralement le droit de veto.

Mais, en bout de compte, si, pour des raisons qui leur sont expliquées et auxquelles ils adhèrent, ces salariés particulièrement visés par des clauses orphelin trouvent opportun de les accepter pour une période temporaire ou pour la période qu'ils jugent appropriée, nous hésiterions à dire qu'il faut empêcher ça. Il faut s'assurer que c'est fait de façon très sérieuse, qu'il n'y a pas de groupes qui sont brimés. Mais la nécessité, par exemple, de prévoir des conditions différentes, je n'en ferai pas la démonstration cet après-midi. La vérité peut peut-être avoir une direction, mais j'hésiterais à dire que tout est blanc et que tout est noir dans les clauses orphelin.

M. Rioux: Vous seriez d'accord pour qu'un individu qui travaille dans une entreprise, qui est embauché dans une entreprise puisse négocier sur une base individuelle avec son employeur des conditions moindres que les conditions qui prévalent pour l'ensemble des autres salariés?

M. Savard (Robert): Je n'ai pas parlé de négociation individuelle. J'ai parlé de ratification par un groupe de salariés de conditions qui s'appliqueraient particulièrement à eux. Parce que, vous savez, si je prends l'exemple que je connais plus, quand les jeunes cadres du réseau de la santé et des services de santé et les plus jeunes cadres du réseau scolaire se sont fait refuser l'avancement d'échelon ou la progression salariale au 1er juillet 1995 et 1996, il n'y a pas eu accord des plus vieux pour ça, ni des plus jeunes, d'ailleurs, bien entendu, c'est une chose qui a été imposée.

(14 h 20)

Mais il aurait été possible et il serait possible que, dans des situations qu'on peut envisager, que, pour des raisons valables, l'ensemble des salariés et le sous-ensemble du groupe, entre guillemets, discriminé puissent accepter cette chose-là ou, bien sûr, la refuser. Une clause orphelin, dans un tel système, ne pourrait pas entrer en vigueur sans l'accord de cette double majorité, la majorité d'ensemble et la majorité du groupe, entre guillemets, discriminé.

M. Rioux: Le professeur Morin nous disait, cet avant-midi, que faire payer la génération qui va entrer dans l'entreprise, les nouveaux, avant même qu'ils soient dans l'entreprise, leur faire payer les coûts, par exemple d'une rationalisation du fonctionnement de l'entreprise ou de la diminution des coûts de main d'oeuvre, c'est inacceptable. Est-ce que, vous, vous accepteriez que ce soit tout le monde qui paie, au fond?

M. Savard (Robert): Naturellement.

M. Rioux: Les anciens comme les nouveaux. C'est-à-dire qu'il faudrait qu'il y ait une solidarité, là.

M. Savard (Robert): Bien, naturellement. D'ailleurs, nous pensons que la règle, ce n'est pas la clause orphelin. La règle, c'est justement la solidarité entre tous les salariés. Là, j'ai eu l'air peut-être de faire l'apologie de la clause orphelin – merci de votre question – ce n'est certainement pas ça que je veux indiquer. D'ailleurs, même, pour prendre notre propre exemple, dans nos groupes à nous, lorsque, par exemple, il a fallu payer à même nos surplus de fonds de pension des mesures de départ anticipé pour les gens qui avaient 55 ans et plus, nos organisations ont vu à ce que – comment dirais-je – l'agenda unique des départs à la retraite précipitée ne soit pas celui qui soit retenu, mais qu'il y ait également des conditions compensatoires pour ceux qui demeuraient et qui, forcément, étaient plus jeunes.

M. Rioux: J'aimerais que vous nous expliquiez cette espèce de droit de veto dont vous nous avez parlé tout à l'heure. C'est assez nouveau dans le débat. Et j'apprécierais que vous puissiez nous dire comment ça pourrait se présenter de façon opérationnelle pour l'individu qui arrive dans une entreprise, qui négocie ses conditions de travail. Si on veut lui en imposer des conditions qui sont contraires à sa volonté, il aurait un droit de veto. Expliquez-nous ça clairement.

M. Savard (Robert): M. le ministre, je ne vous expliquerai pas ça parce que notre formule ne règle pas ce problème, je vous l'avoue candidement. Elle règle le problème, pensons-nous, des salariés qui sont déjà dans l'entreprise et pour lesquels il existerait pour certains d'entre eux une condition plus avantageuse qui serait maintenue ou qui serait ajoutée et d'autres qui n'en bénéficieraient pas. Nous n'avons pas eu le temps – certainement, si nous en avions la possibilité, nous pourrions réfléchir à ça – de poursuivre notre réflexion en dehors de l'entreprise et de l'organisation. Notre recommandation – je ne veux pas farder la réalité – ne règle pas le problème de l'employé qui arrive de l'extérieur et qui n'avait pas déjà un lien avec l'organisation. Elle cherche à régler le problème existant des employés déjà dans une entreprise et qui sont affectés et qui bénéficient de conditions qui ne sont pas égales en fonction de critères de discrimination.

M. Rioux: Merci.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, M. le député de La Peltrie.

M. Côté: Merci, Mme la Présidente. Alors, M. Savard, bienvenue à cette commission, ainsi que vos collègues. Dans vos recommandations, vous ne proposez pas la prohibition absolue relativement aux clauses orphelin. Vous recommandez de permettre l'adoption des clauses orphelin pour autant que les personnes visées y consentent. Alors, on a eu des groupes de jeunes, particulièrement, hier, qui demandent carrément l'abolition de la clause orphelin, de la possibilité de la clause orphelin. Alors, dans vos recommandations, comment vous pouvez concilier... Puis vous parlez aussi d'une perspective élargie.

Concrètement, qu'est-ce que vous croyez qui serait le plus équitable pour les nouveaux arrivés sur le marché du travail, devant le changement constant dans le milieu du travail, puis de plus en plus rapidement, également, puis l'élargissement au niveau des possibilités d'emplois? Elles s'élargissent, mais elles sont limitées, en même temps, parce qu'elles sont élargies à travers la globalisation des marchés, et ainsi de suite.

Moi, j'ai de la misère à situer les bienfaits que ça pourrait avoir, l'abolition de la clause orphelin, par rapport à ce que vous proposez, vous aussi. Bon. Vous êtes un peu entre les deux, vous. Vous dites: Prohibition absolue, non. Mais, par contre, vous dites oui pour certaines catégories de personnels ou de travailleurs. J'aimerais vous entendre un peu plus, de manière élaborée sur ce point-là.

La Présidente (Mme Vermette): M. Savard.

M. Savard (Robert): Mme la Présidente, vous avez bien compris, je pense, le sens de notre recommandation: pas de prohibition absolue de la possibilité d'inclure des clauses orphelin, mais droit de veto, donc obligation, si on tient absolument à les inclure, de les inclure dans les conditions de travail d'une façon plus absolument démocratique. Donc, les gens concernés s'en mêlent.

Deuxièmement, encore une fois, si on ne regarde dans le collimateur que le cas des clauses orphelin incluses dans les conventions collectives et que c'est juste ça, le champ d'observation, on va arriver à la conclusion qu'effectivement il reste encore beaucoup de problèmes. Mais, si on regarde l'ensemble de la situation du monde du travail, qui est principalement non conventionné, où les conditions de travail sont, sauf exception, déterminées unilatéralement par l'employeur, les risques d'avoir des clauses orphelin, donc des disparités dans les conditions de travail qui s'appliquent en raison des dates d'entrée en fonction et autres critères qui ne sont pas des discriminations acceptables, sont beaucoup plus grands.

Alors, si vous me demandez comment on ferait pour empêcher toute clause orphelin, je fais de nouveau le même aveu, nous n'avons pas réussi à trouver la solution parfaite. Ce que nous disons c'est: il y a beaucoup de travail à faire là-dessus et il y a une solution qui a fait ses preuves, c'est celle de la négociation des conditions de travail. Les appareils, les représentants des travailleurs sont parmi les piliers de notre démocratie, ils sont même assujettis par la loi à des règles pour adopter des conditions ou des projets de conditions de travail. Ce phénomène-là n'a pas produit, dans l'ensemble, que des horreurs. Au contraire, il a produit des effets plus qu'acceptables. Et, même dans les effets qui sont inacceptables, on a eu tendance à les corriger.

Et, si on regarde aussi le monde du travail, la réalité d'une entreprise, ce n'est pas moi qui vais vous apprendre ça, c'est extrêmement complexe. Les plus vieux travailleurs, est-ce qu'on va se mettre à examiner quelle clause orphelin ils ont acceptée, il y a treize ans, parce qu'il y avait une passe difficile pour l'entreprise? Est-ce qu'on va comprendre qu'ils ont aujourd'hui un régime de retraite qui a l'air plus favorable que celui qui a été accordé aux plus récemment arrivés dans l'entreprise, mais qu'il y a plusieurs années ils ont négocié librement cela en contrepartie de hausses de salaires moindres? Écoutez, ça demanderait une minutie, à mon avis, étouffante qui ne correspond pas à la dynamique du monde du travail.

On peut penser que, généralement – généralement – les résultats sont de bonne qualité. Et des débats de société comme ceux que permet la commission... Et vous savez que, dans la société, c'est un sujet d'actualité. Tous les journaux – et pas juste les journaux – parlent de cette question, de ce problème des clauses orphelin. Les groupes les plus touchés par ça – ma foi d'honneur! – ont parfaitement réussi à sensibiliser toute personne intéressée à cette question-là. Et, à mon avis, cet ensemble de moyens, y compris la sensibilisation des travailleurs, je dirais, l'enrichissement de la solidarité entre les générations de travailleurs à l'intérieur des entreprises et, bien entendu, l'extension de la convention collective, nous paraîtrait résoudre une bonne partie des problèmes. Mais je ne prétendrai jamais que ça résoudra tous les problèmes. Mais ce serait un immense pas en avant.

M. Côté: Merci.

La Présidente (Mme Vermette): M. Savard, est-ce que je pourrais vous demander une question, si vous me le permettez? Est-ce que vous vous êtes prononcés en faveur d'une modification d'une législation du Code du travail? Parce qu'il me semble que c'est difficile à suivre. Est-ce que, oui ou non, vous êtes d'accord ou si, finalement, vous êtes plutôt pour, justement, un droit de veto ou une amélioration des clauses orphelin, en laissant les parties elles-mêmes trouver leurs solutions?

(14 h 30)

M. Savard (Robert): Nous suggérons deux voies législatives: la première, la plus globale, la facilitation et la promotion du droit à la négociation collective et son extension; deuxièmement, dans le mécanisme de ratification des conventions collectives, l'introduction d'une majorité qualifiée.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, je passe la parole, maintenant, du côté de l'opposition, donc au critique, le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci, Mme la Présidente. Messieurs, bonjour. À la lecture de votre mémoire, il y a certaines choses qui me fatiguent un petit peu. Il y a des points intéressants, là-dedans, entre autres, et je pense que vous le soulevez très bien, c'est un des points que je soulève depuis le début, c'est tout ce qui concerne le secteur public – il y a des choses à faire là – et les secteurs non syndiqués. Il ne faut pas oublier ces gens-là dont vous faites partie.

Mais il y a une chose, avant, moi, juste pour continuer sur la question du droit de veto, et tout ça. Ce que je trouve particulier, c'est que, si une clause orphelin est discriminatoire, si, par définition, c'est discriminatoire, que c'est deux régimes différents et que c'est inacceptable, et tout ça, moi, je trouve ça particulier qu'on puisse soumettre ce type de clause là à un vote. On voterait pour être discriminé ou pour être non discriminé. Puis, à ce moment-là, quelle est la façon d'éviter l'intimidation, ou quoi que ce soit, au cours de ce vote-là? Moi, je trouve que la solution est extrêmement dangereuse.

Et, l'autre chose, il ne faut pas oublier que la plupart des gens qui sont concernés par les clauses orphelin ne sont pas assis autour de la table, ils ne sont pas là pour voter. Alors, comment on peut mettre en place votre solution, qui laisserait une marge de manoeuvre pour ceux qui veulent être discriminés, les ouvrant peut-être à différentes formes de pression pour qu'en bout de ligne ils votent? On a vu un groupe qui nous a dit carrément qu'il subissait ce genre de pression-là.

Moi, je trouve que la solution est peut-être plus ou moins applicable. Ou on évite la discrimination et on prend les moyens pour, comme je le dis, s'assurer de n'oublier personne. Puis, vous avez absolument raison, si on y va seulement sur le Code du travail, l'intervenant, sur l'heure du midi, l'a dit qu'on oubliait beaucoup de gens, puis, si on y allait de façon rétroactive, on mettait en danger presque la paix sociale, et si on y va sur la Loi sur les normes, on oublie aussi plusieurs parties, notamment au niveau de la santé.

Mais là, moi, je me dis, à partir du moment où on veut avoir une solution globale sur les clauses orphelin, je trouve ça un peu dangereux de laisser la porte ouverte à dire: Bien, oui, si on veut être discriminé, on va être discriminé, puis, que ce soit les anciens qui sont là ou par pression ou quoi que ce soit qui pourrait éventuellement arriver puis dire: Il faut faire des pressions pour que la discrimination continue. Selon moi, on le fait ou on ne le fait pas.

M. Savard (Robert): Mme la Présidente, je pense que je ne peux pas faire autrement que de reconnaître qu'il y a un problème. Je veux juste rappeler que, en ce qui regarde les salariés qui ne sont pas encore dans l'entreprise et qui, donc, n'auraient aucune occasion de dire leur mot sur l'introduction de clauses orphelin dans les conditions négociées, nous reconnaissons que notre solution ne règle pas ça.

Cependant, puisque, sans vouloir défendre à tout prix notre solution... Et je vous dirais qu'on s'est rappelé, sans doute, en cherchant rapidement une solution qui respecterait le milieu du monde du travail, que le mieux est souvent l'ennemi du bien. Et la solution parfaite, nous, vraiment, on ne l'a pas trouvée, on le reconnaît. Mais vaut-il mieux une solution imparfaite, un pas en avant que pas de pas du tout? Si vous voulez dire que notre solution ne règle pas tous les problèmes, je le redis, c'est le cas.

D'autre part, nous n'avons pas comme conception, je le dis bien crûment, d'empêcher toutes sortes de discriminations, parce que la discrimination, ce n'est pas, en soi, quelque chose qui est négatif. Il y a des discriminations qui sont justifiées, mais il y a des discriminations qui ne le sont pas. Et, entre autres choses, notre Charte énumère une série de discriminations qui sont fondées sur des motifs prohibés. Ce ne sont pas les seuls pour lesquels la discrimination devrait être prohibée. Mais pourquoi est-ce que des arrangements qui prévoient des conditions différentes, ponctuellement, pour des groupes de travailleurs et de salariés dans une même entreprise, seraient-ils injustes si, par ailleurs, avec les années, un équilibre s'était fait, donnant, donnant, comme la négociation est constituée? Pourquoi est-ce que ce serait nécessairement une discrimination qu'il faudrait prohiber à tout prix? Il est possible que, dans les arrangements qui sont faits entre un employeur ou des employeurs et des salariés, il y a des groupes pour lesquels on fait du rattrapage. On constate, à un moment donné, a posteriori, qu'on avait une condition qui a été inéquitable, que ce n'étaient pas les effets désirés, mais que ça a produit des effets inéquitables, on la corrige.

Mais, comme on ne peut pas tout faire en même temps, il y a des réalités économiques – un autre député a appelé ça la mondialisation, ça ne change pas les choses, excepté que ça sensibilise davantage – qui font qu'une entreprise et les syndicats les mieux intentionnés du monde et les moins intéressés à faire de la discrimination sont obligés, à un moment donné, de moduler la façon dont les conditions de travail s'appliquent. Ce n'est pas inimaginable. Je ne dis pas qu'on doit procéder comme ça tout le temps, parce que la règle, je le répète, c'est les salariés traités de façon équitable. Et je reconnais, nous reconnaissons que, généralement, l'équité, c'est l'égalité. Nous reconnaissons que la manifestation la plus habituelle de l'équité, c'est l'égalité. Mais, en même temps, nous reconnaissons que, parfois, il est plus équitable de ne pas pratiquer l'égalité.

La Présidente (Mme Vermette): Oui.

M. Béchard: Je regarde, dans votre mémoire, à la page 10, le deuxième paragraphe. Je vais vous le lire: «D'abord, nous l'avons déjà signalé, des milliers de cadres du secteur public ont, contre leur gré et malgré de vives protestations, subi les effets discriminatoires d'un gel de la progression salariale pour les années 1995-1996 et 1996-1997.» Et, plus loin, vous dites: «C'est ainsi que des centaines de travailleuses et de travailleurs des secteurs de l'éducation et de la santé et des services sociaux, les plus jeunes employés et les femmes dans la majorité des cas, virent bloquer leur rémunération au motif d'un effort budgétaire que tous devaient présumément fournir...» Et ça, tantôt, j'entendais le ministre qui avait l'air d'avoir découvert une nouvelle solution, quand il a dit: Aie! si on faisait payer tout le monde. Bravo! Belle constatation! Il faut la mettre en place maintenant. Mais, vous, vous continuez à dire: «...à la suite d'un pseudoconsensus social à l'élaboration duquel ils avaient été exclus, malgré leur volonté d'en être éventuellement partie.»

Ça amène le problème du secteur public et de la... Comment je dirais ça? Dans le secteur public, il y a des gens qui ne sont pas protégés, vous l'avez mentionné, qui n'ont pas le droit d'association comme tel, puis, en plus, qui ne sont pas soumis, dans des cas, aux conventions collectives, aux normes. Comment on fait pour englober ces gens-là dans une législation? Disons qu'on laisse de côté votre droit de veto, et tout ça. Mais, si on veut mettre en place une législation, si on veut régler le problème, comment on fait pour englober ces gens-là et s'assurer de n'oublier personne?

M. Savard (Robert): D'une part, vous avez raison de souligner que les cadres du secteur public n'ont pas droit d'accès et sont exclus du Code du travail, mais le problème, quantitativement, est beaucoup plus important dans le secteur privé parce qu'il y a beaucoup plus de cadres dans le secteur privé. Et ce sont tous les cadres, au Québec, qui sont exclus des droits reconnus par le Code du travail aux autres salariés.

Deuxièmement, la solution que nous avons proposée, naturellement, elle ne pourrait pas produire des effets instantanés, mais, précisément à l'égard des travailleurs dont vous venez de faire mention, ce serait de leur donner les moyens de conclure avec leur employeur des conventions collectives. Et je suis personnellement confiant – peut-être l'êtes-vous, vous aussi – que ces gens-là n'intégreront pas de clauses orphelin inéquitables ou de clauses orphelin tout court. Mais, si vous voulez qu'on vous parle un petit peu plus de la question de 1995-1996, 1996-1997, peut-être, mon collègue, Jacques Fortin, qui avait particulièrement creusé la question là-dessus, pourrait vous donner quelques détails.

(14 h 40)

M. Fortin (Jacques): Oui. Mme la Présidente, effectivement, le gouvernement avait, d'entrée de jeu, à ce moment-là, après nous avoir consultés là-dessus, imposé aux commissions scolaires, aux organismes scolaires l'obligation de ne pas verser la progression salariale, une progression salariale, d'ailleurs, qu'on versait depuis peut-être 25 ans. Alors, les commissions scolaires avaient, dans certains cas, déjà versé la progression salariale. Alors, on parle ici de cadres nouvellement nommés, de cadres qui sont ce qu'on appelle communément en croisière. Et la progression est revenue en avril 1997, donc il y a eu deux ans de perdus, et ça n'a jamais été récupéré. Et, mieux que ça, les gens qui ont reçu de leur employeur des sommes d'argent – parce que les commissions scolaires ne soupçonnaient pas que le gouvernement irait jusqu'à imposer une mesure semblable – remboursent présentement ou ont remboursé leur employeur.

Je peux vous assurer que, du côté des cadres scolaires, que je connais plus particulièrement, jamais les collègues plus vieux n'auraient accepté une mesure semblable, d'aucune façon. D'ailleurs, la mesure qu'on a acceptée, l'ensemble des cadres, volontairement, c'est les mises à la retraite précoces, le Programme de départs volontaires, le PDV, dans lequel on a investi 75 000 000 $ pour justement permettre à des plus vieux de s'en aller avec des réserves qu'ils avaient largement contribué à constituer. C'étaient des surplus, ça a été pris dans la caisse des employés, et le gouvernement a contribué aussi. Et ça a permis, justement, de faire sortir des gens plus vieux pour empêcher que des plus jeunes perdent leur emploi. Ça s'est soldé par une perte, évidemment, assez importante de postes, mais ça a permis quand même à des plus jeunes de rester là. C'est la solution équitable qu'on avait trouvée.

Et, comme M. Savard l'a dit tout à l'heure, nous avions aussi pris soin de demander au gouvernement d'ajouter des augmentations d'échelle, qu'il a finalement consenties pour les gens qui restaient en place. Alors, ceux qui restaient en place, ce n'étaient pas seulement des jeunes, mais il y avait, entre autres, des jeunes là-dedans. Donc, on a tenté, à l'époque, de trouver une solution qui permettait de traiter tout le monde équitablement. Ça, ce groupe-là qui doit actuellement rembourser, ça demeure, ça reste une tache dans toute cette opération-là. Et encore, à chaque fois qu'on a des assemblées, évidemment, ça nous est soulevé, et nous avons été impuissants à régler ça convenablement.

M. Béchard: Donc, vous êtes en train de me dire que le gouvernement a imposé une clause orphelin rétroactive pour ceux qui l'avaient déjà eue et qu'il y a des gens qui paient encore parce qu'ils avaient eu déjà, je dirais, l'avancement salarial qui a été enlevé par la suite.

M. Fortin (Jacques): Non, elle n'était pas rétroactive.

M. Béchard: Elle s'appliquait...

M. Fortin (Jacques): Ce que je vous dis, c'est que le gouvernement ne s'était pas encore prononcé là-dessus. Alors, les commissions scolaires ont présumé que, comme c'est le cas à chaque année depuis tant d'années, ça serait reconduit. O.K.? Elles ont donc versé les montants aux personnes concernées. Mais le gouvernement a décrété plus tard qu'il n'y en aurait pas. Et les commissions scolaires avaient, là, versé des montants non autorisés, donc, et ont dû les récupérer – c'est dans ce sens-là – à leur corps défendant, je dois le dire. Les commissions scolaires, la totalité des commissions scolaires et leur fédération, évidemment, considéraient que toutes ces personnes auraient dû... et méritaient amplement leur progression salariale.

M. Savard (Robert): Donc, vous voyez là – si vous me permettez, Mme la Présidente – l'illustration d'une clause non conventionnée. C'est une condition de travail qui fait des orphelins. Et, comme il n'y avait pas de processus de négociation, l'accord ou le désaccord, ça valait la même chose, ça a été imposé. Et nous pensons que la première solution à laquelle il faut penser et à laquelle il faut avoir recours pour régler les clauses orphelin, c'est de donner aux salariés – de l'encadrement ou non – concernés le pouvoir de conclure une entente sur leurs conditions de travail.

M. Béchard: Est-ce qu'il y a des gens qui ont pensé à aller soit à la Commission des droits de la personne, suite à ces choses-là, ou à quelque recours que ce soit pour, je dirais, voir à éliminer cette mesure discriminatoire qui leur était imposée par le gouvernement? Et sous-question: Est-ce que vous avez des membres dans le secteur municipal aussi, au niveau des cadres, pour représenter aussi le secteur municipal? Peut-être la première question, puis on verra...

M. Fortin (Jacques): La première partie, il y a des poursuites qui sont pendantes, actuellement, devant les tribunaux, là-dessus. On a fait une cause type, du côté de l'éducation, et les employeurs et les associations se sont entendus. On attendrait la fin des procédures pour les appliquer à l'ensemble des gens.

M. Béchard: Devant quelle instance?

M. Fortin (Jacques): On est allé d'abord devant l'instance administrative qui est prévue dans nos décrets et puis on est maintenant rendu en Cour supérieure.

M. Béchard: Vous êtes en Cour supérieure?

M. Fortin (Jacques): En Cour supérieure.

M. Béchard: Et l'employeur, là-dedans, est le gouvernement.

M. Fortin (Jacques): C'est les commissions scolaires, en l'occurrence, ici, qui se défendent et non pas le gouvernement, puisque ce sont elles, les...

M. Béchard: Mais c'est proche quand même. C'est assez proche.

M. Fortin (Jacques): C'est le contribuable qui paie tout ça.

M. Béchard: O.K. Et sur les municipalités, vous avez aussi des membres, au niveau des municipalités, qui, eux aussi, sont aux prises avec le projet de loi n° 414 de Rémy Trudel, qui a imposé des clauses orphelin dans les municipalités. Est-ce que ça a aussi touché certaines parties des cadres, soit en place ou des nouveaux qui arrivent? Est-ce que vous avez eu des échos là-dessus ou...

M. Lachance (Gilles): Oui, Mme la Présidente. Effectivement, surtout avec toute la réforme et l'effort qui a été demandé aux municipalités, l'an dernier, bien sûr que ça a touché, je dirais, de plein fouet plusieurs cadres municipaux. Alors, la CNCQ représente, au moment où on se parle, à tout le moins, un millier de cadres municipaux de différents niveaux. Et le secteur, je dirais, le plus névralgique dans la façon de trouver les économies pour en arriver à un 6 % de réduction de la masse salariale, bien sûr, les premiers touchés ont été les cadres et assez souvent, je dirais presque totalement, sans aucune négociation.

Les municipalités ont dû, bien sûr, s'asseoir avec les différents syndicats pour trouver les façons les plus équitables d'en arriver à une solution, et, dans bien des villes, ça s'est relativement bien passé. Mais, au niveau des cadres, je peux vous dire que neuf fois sur 10, la directive, elle est venue drue. Et puis c'est de cette façon-là, et puis ça a été, bien sûr, par la stagnation des échelles de salaire, un gel de différentes conditions, des retraites anticipées, des fois, à ce qu'on a vu, assez forcées, et puis le remplacement de cadres par de plus jeunes à des conditions qui ne prévalaient absolument pas dans ces municipalités-là auparavant.

La Présidente (Mme Vermette): Oui. Mme la députée de La Pinière, je vous rappelle qu'il vous reste cinq minutes.

Mme Houda-Pepin: Merci, Mme la Présidente. Mardi dernier, nous avons entendu le témoignage des agents de la paix, qui sont venus en grand nombre nous expliquer un peu comment ils vivent l'impact et les effets des clauses orphelin. Aujourd'hui, on vous entend, on entend les cadres du Québec, vous êtes les représentants de l'Association des cadres du Québec. Et vous nous dites aussi que vous êtes, effectivement, pris dans cet engrenage des clauses orphelin. C'est la preuve que, finalement, le gouvernement est dû pour faire le ménage dans sa propre cour avant de donner, peut-être, des leçons au privé. Je pense que mon collègue l'a amplement exprimé et je suis tout à fait de cet avis.

Dans votre recommandation n° 2, vous dites: «Que l'adoption d'une clause dite orphelin puisse être possible à la condition que soit prévu au Code du travail un processus de ratification octroyant un droit de veto aux personnes concernées.» Donc, vous êtes contre les clauses orphelin, mais vous êtes aussi pour les clauses orphelin dans certaines conditions, si je comprends bien.

Les groupes que nous avons entendus jusqu'à maintenant, enfin, les plus nombreux, sont carrément pour l'abolition des clauses orphelin, pour abolir, en fait, les différentes échelles salariales différenciées ainsi que l'inéquité et la discrimination qui peut en découler. Comment expliquez-vous l'ambivalence de votre position? Qu'est-ce qui motive que vous soyez à la fois pour les clauses orphelin et contre les clauses orphelin?

M. Savard (Robert): Certainement que notre mémoire a manqué de clarté, parce que nous ne sommes pas en faveur des clauses orphelin. Nous pensons qu'une façon de réprimer ce phénomène ou de le limiter à des cas exceptionnels, ce n'est pas de le prohiber de façon législative, mais d'imposer aux parties qui, démocratiquement, décideraient d'y avoir recours de le faire d'une façon absolument sans équivoque, en donnant un droit de veto exercé librement aux personnes concernées.

(14 h 50)

Quant à la question de faire des leçons au gouvernement ou au privé, vous comprendrez bien que ce n'est pas l'objet de notre mémoire. Et, quant à nous, nous avons les plus grandes craintes que la situation ne soit absolument pas meilleure dans le secteur privé, qui comporte de nombreux salariés non conventionnés. Nous avons les plus grandes craintes que la situation ne soit pas meilleure que celle des salariés du secteur public, qui sont, malgré tout, entre autres grâce à l'intervention des députés, presque dans une maison de verre, et les excès sont, je dirais, plus visibles et, donc, plus difficiles à connaître. Dans le secteur privé, la maison de verre, c'est du verre épais. Alors, non, au contraire, notre perspective est que, si les travailleurs non conventionnés, qu'ils soient du secteur public ou du secteur privé, doivent subir des clauses orphelin, il faut également les protéger.

Mme Houda-Pepin: En fait...

La Présidente (Mme Vermette): Je m'excuse, Mme la députée, votre temps est écoulé.

Mme Houda-Pepin: Ah, oui? O.K.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, on va passer au député de Rivière-du-Loup. M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Oui, merci, Mme la Présidente. D'abord, je vous remercie pour votre mémoire, qui nous amène un point de vue intéressant parce que c'est différent de ce que tous les autres intervenants ont eu à nous présenter, différent de ce qu'ils vivent.

D'abord, une première constatation, c'est que, plus on travaille et plus on écoute des groupes, des clauses orphelin de toutes les formes, on en trouve partout. Et je dois dire qu'en lançant les travaux de la commission à celle des jeunes cadres, telle que vous nous la présentez – moi, je ne l'avais pas vue – plus on constate non seulement qu'il y en a partout, mais que, dans ce cas-ci, c'est le gouvernement qui a imposé que ça se passe de cette façon-là puis, dans certains cas, même rétroactivement. Donc, Dieu merci, maintenant, je peux vous rassurer, le gouvernement est un converti de la dernière heure, semble-t-il, puis on s'en va vers une législation. Mais je constate que non seulement il les a suggérées, dans le cas des municipalités, l'hiver passé, mais qu'une ou deux années avant il les imposait.

L'aspect qui m'intéresse surtout dans votre mémoire, c'est... Je disais que vous amenez un angle différent. On a parlé beaucoup d'équité entre les générations, vous y faites référence, vous êtes très, très fermes là-dessus. Mais vous êtes des cadres, donc vous gérez au quotidien, dans votre travail, des ressources humaines. Et je pense que c'est le troisièmement de votre liste de raisons fondamentales pour lesquelles vous voulez éliminer les clauses orphelin ou, en tout cas, à quelques nuances près, comme vous l'avez présenté très clairement, vous dites: «En tant que gestionnaires, nous pensons que les clauses orphelin heurtent les principes de saine gestion qu'il incombe aux cadres de mettre en oeuvre.»

Et ça, ça m'intéresse au plus haut point parce que, moi, je suis de ceux qui pensent ça, qu'en bout de ligne à court terme, on peut penser faire des économies, dire: Bon, plutôt que de partager la facture entre tout le monde, ce que j'appelle, moi, la solution de la lâcheté, dire: On va dumper la facture aux jeunes puis on va protéger tous les acquis qui sont là... Dans le fond, ce que vous nous dites, c'est: Ce n'est pas vraiment profitable pour personne parce que, en bout de ligne, pour ceux qui ont à gérer ça, c'est, quoi, de la démotivation, c'est des conflits. C'est là-dessus que je veux vous entendre. Ça donne quoi, comme gestionnaires, des situations comme ça quand elles sont créées?

M. Savard (Robert): Écoutez, notre point de vue, comme gestionnaires, c'est qu'il s'agit presque, à la limite, de faire une chose qui est un peu l'antithèse du rôle d'un cadre. Parce que, si on conçoit le rôle d'un gestionnaire comme un peu un leader dans une organisation ou dans les organisations, l'une des principales qualités que l'on recherche chez un leader, c'est d'être équitable, non seulement d'être équitable de fait, mais d'être équitable en apparence. Et, évidemment, lorsque des employés subissent une condition de travail qui les défavorise mais qui est pourtant légale, non seulement ça ne facilite pas la tâche des gestionnaires qui ont à l'appliquer, mais, même, ça les limite considérablement.

Je dirais que la situation pourrait cependant être différente lorsque les cadres ont à gérer une convention qui contient des conditions de travail différentes lorsqu'elles ont été solidement acceptées par les employés concernés. Mais c'est pour ça que nous appelons, d'ailleurs, de nos voeux, non pas les clauses orphelin, mais, tout en les rendant difficiles d'adoption, lorsque les conditions sont négociées, généralement, les employés attendent de l'équité de leur leader, mais généralement aussi, un employé accepte que les règles du jeu, ce sont les règles du jeu. Et, donc, appliquer des clauses orphelin imposées, c'est manifestement l'antithèse des outils et des façons de faire qu'un gestionnaire digne de ce nom veut adopter. Ce n'est pas seulement difficile, c'est la négation même du rôle.

M. Dumont: Mon autre question, c'est concernant la proposition que vous faites. Et je comprends l'objectif que vous visez. Vous parlez d'une espèce de veto ou de double majorité, finalement, donc une majorité des salariés, au sens général, puis une majorité de ceux qui seraient visés par une clause. Est-ce que vous avez songé à la difficulté d'application qui résulterait de ce qui est, finalement, la majorité des cas des clauses orphelin, c'est-à-dire les cas où on fait une clause pour des gens qui ne sont pas encore dans l'entreprise? Par exemple, on signe une convention, aujourd'hui, puis on dit: Ceux qui seront embauchés à partir de lundi matin, lundi prochain, repartiront sur telle échelle. Puis là tu prends un paragraphe, tu décris la nouvelle échelle pour ceux qui vont rentrer. Ils sont durs à consulter, ceux-là, parce qu'il peut en rentrer dans six mois puis, il peut en rentrer d'autres dans un an, dans deux ans puis ils vont toujours être dans la nouvelle échelle. Et j'ai compris, dans vos explications tout à l'heure, que vous, dans votre esprit, c'était lorsque quelque chose est appliqué à l'intérieur d'un corps d'employés qui est déjà en place. Mais est-ce que vous avez pensé à comment on pourrait organiser, pour le cas des...

M. Savard (Robert): Mme la Présidente, le problème, de nouveau, je le reconnais, mais ce problème-là ne va pas faire oublier un problème beaucoup plus vaste des conditions de travail qui sont des clauses orphelin qui ne sont pas conventionnées. La majorité des clauses orphelin découlent d'une décision unilatérale et sont imposées. Si un début de législation permettait que les conditions, dans l'ensemble, soient négociées plutôt qu'imposées, on viendrait à bout d'une partie du problème.

Maintenant, en ce qui regarde les employés qui sont à l'intérieur des organisations et qui sont couverts par des conventions collectives, certainement que, dans la constitution de la double majorité ou dans l'exercice du droit de veto, le droit de veto risque d'être exercé dans le sens défavorable aux clauses orphelin, si elles sont jugées inéquitables. Et j'imagine qu'il n'y aura pas deux paliers de clauses orphelin: une pour les plus jeunes déjà dans l'entreprise et une pour les plus jeunes qui s'apprêtent à y entrer. Donc, l'influence du double veto exercé par les employés en place dans les organisations risque d'avoir des effets bénéfiques pour ceux de l'extérieur.

Pour le reste, je crois que nous ne pouvons pas fermer la question. Nous n'avons pas la solution. Peut-être qu'il faut y réfléchir davantage – peut-être plus que «peut-être» – sans doute, il faut y réfléchir davantage. Mais la tolérance à l'égard de cette imperfection nous paraît préférable à une prohibition absolue.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, sur ces propos, nous allons clore le débat. Alors, nous vous remercions de votre présentation. Je vous remercie.

(Changement d'organisme)

La Présidente (Mme Vermette): Alors, je demande au prochain groupe s'il veut bien s'approcher, s'il vous plaît, de la table. Il s'agit de la Fédération indépendante des syndicats affiliés.

Alors, si vous voulez bien prendre place, s'il vous plaît. Alors, pour représenter, je demanderais à M. Gaston Verreault de bien nous présenter les gens qui l'accompagnent, la personne qui l'accompagne, dans le cas qui nous concerne.


Fédération indépendante des syndicats affiliés (FISA)

M. Verreault (Gaston): Alors, bonjour, Mme la Présidente, mon nom est Gaston Verreault, président de la Fédération indépendante des syndicats affiliés, organisation syndicale qui existe depuis plus de 50 ans. Nous représentons quelque 200 syndicats dans le secteur municipal, le secteur scolaire et le secteur privé. Celui qui m'accompagne est M. Jean-Louis Harguindeguy. Je pense que plusieurs parmi vous le connaissez. M. Harguindeguy est directeur administratif à la Fédération depuis déjà un an et quelques mois. Alors, nous désirons aujourd'hui vous faire part de notre réflexion dans le cadre de cette commission parlementaire relativement aux clauses orphelin.

La Présidente (Mme Vermette): Vous disposez de 20 minutes.

(15 heures)

M. Verreault (Gaston): Merci, madame. Alors, évidemment, on est interpellés par ce débat. Étant présents dans 85 municipalités, nous avons vécu au cours des derniers mois des difficultés. On constate depuis quelques années, avec le contexte économique et la mondialisation, la recherche du développement de la sous-traitance dans le secteur municipal et dans le secteur scolaire, une pression et, je dirais même, une forme de crise de la négociation. On doit, nous aussi, dans le milieu syndical, s'adapter: s'adapter aux nouvelles formes de relations de travail, aux nouvelles réalités économiques et sociales et également politiques.

Mais, si on fait un survol rapidement, on constate que, depuis quelques années où il y a eu augmentation de clauses orphelin, c'est lors de l'interventionnisme de l'État. Il est vrai et on peut facilement le constater dans le secteur municipal où le gouvernement est intervenu pour transférer des responsabilités financières aux municipalités et a dû légiférer pour forcer les syndicats à faire des concessions, avec une loi qui balisait jusqu'à un certain point la liberté de négociation. Nous avons dans notre organisation certaines conventions collectives avec des clauses qu'on pourrait assimiler à des clauses orphelin pour différents motifs. Il y a d'autres clauses, que des gens qualifient d'«orphelin», que nous ne justifions pas comme étant des clauses orphelin.

Nous avons encore présentement, au moment où on se parle... des municipalités ont réglé, avec la loi n° 414, la récupération du 6 %, mais ces municipalités-là n'ont pas encore renouvelé leurs conventions collectives parce que les syndicats ne veulent pas accepter de clauses orphelin, et l'employeur, la municipalité ou les municipalités concernées veulent et menacent le syndicat de faire des mises à pied si le syndicat n'accepte pas, entre autres, des clauses orphelin. Donc, nous avons des syndicats qui, entre guillemets, dans notre jargon, se tiennent debout, mais ça crée des problèmes, ça crée des déchirements.

J'ai été témoin cette semaine du témoignage des deux agentes de la paix. J'ai été touché de constater combien ces gens-là vivent des difficultés et un climat déchirant, un climat déchirant dans leur famille et dans leur milieu de travail respectif. J'aurais aimé être capable de les aider, mais je n'ai pas été élu, je ne suis pas à l'Assemblée nationale.

Mais force est de constater que, depuis plusieurs années, le gouvernement lui-même précarise les emplois. Prenez le milieu scolaire; il n'y a plus de permanences, ce sont des emplois à statut précaire, du travail pour quatre mois, du travail pour six mois. Et quels sont ceux qui obtiennent ces emplois? Ce ne sont pas nécessairement des jeunes, ce sont des nouveaux, des nouvelles personnes sur le marché du travail, et c'est difficile à vivre. Et lorsqu'il y a des assemblées générales, je peux vous dire que ce n'est pas facile, les membres se déchirent entre eux. Mais, à un moment donné, il faut qu'ils se rendent à l'évidence. C'est la facilité peut-être. On est tous pour la vertu. Une chose est certaine, on est tentés à pratiquer le vice, mais, souvent, il y a des situations qui créent le larron.

Nous sommes contre la discrimination dans les conventions collectives. Nous ne prétendons pas avoir la solution. Et nous constatons aussi que peut-être que dans le temps l'État a donné l'exemple. Vous, les parlementaires, les jeunes parlementaires, les nouveaux parlementaires, avez-vous le même régime de retraite que les anciens? En 1982, quand le gouvernement a modifié le régime de retraite pour ses fonctionnaires en changeant l'indexation, ils ont protégé les acquis des gens qui étaient là, mais les nouveaux, maintenant, c'est IPC moins 3. Les anciens ont gardé la pleine indexation. Ça en est une clause orphelin. On pourrait citer plusieurs exemples.

Dans le secteur municipal, il y a eu des modifications au régime de retraite des élus municipaux. Encore là, il y a une clause orphelin. On en retrouve. Quelle définition donnons-nous aux clauses orphelin? J'ai entendu le professeur Morin ce matin. Il donnait une définition très large. Dans les régimes de retraite, dans les vacances, dans les congés parentaux, on peut en trouver. Mais il est certain qu'il faut faire le débat, il faut en discuter entre nous, il faut trouver des solutions. Comme je le mentionnais au début, il faut s'adapter, il faudra s'adapter, mais pas au détriment toujours des employés. Il faut garder une paix industrielle dans une entreprise et, souvent, l'introduction de clauses orphelin contribue à la détérioration d'un climat de travail.

Dans bien des endroits, dans les municipalités récemment, les gens ont accepté des échelles salariales différentes pour contrer la sous-traitance, permettre à la municipalité d'engager des gens à des salaires supérieurs au salaire minimum, en modifiant quelques tâches, en enlevant certaines responsabilités par rapport aux postes déjà existants. Est-ce que c'est contourner une clause orphelin? On a la preuve dans plusieurs municipalités où des emplois ont été protégés. À d'autres endroits, on a créé des emplois. Mais il demeure qu'il y a des gens qui font un travail similaire pour un salaire moindre ou qui ont des avantages sociaux moindres.

Alors, ceci dit, Mme la Présidente, je vais laisser la parole à M. Jean-Louis Harguindeguy, directeur administratif, et je répondrai à vos questions éventuellement.

La Présidente (Mme Vermette): Parfait. Alors, M. Harguindeguy.

M. Harguindeguy (Jean-Louis): Pour la Fédération, en fait, le débat est beaucoup plus large que strictement la clause orphelin. Il nous apparaît que c'est la pointe de l'iceberg qui ressort et qu'on constate, mais c'est peut-être plus profond, en fait, la recherche, parce qu'il nous semble que c'est beaucoup plus la philosophie de l'ensemble des relations de travail dont on doit discuter.

On se rappellera que, lorsque la Charte a été adoptée en 1975, on était peut-être à une époque où le contexte économique était florissant. Ce n'est plus le cas à l'heure actuelle. D'ailleurs, les études même des ministères ont démontré que, depuis les années quatre-vingt, on a noté l'introduction de clauses orphelin dans les conventions collectives. De plus en plus, avec encore les deux ou trois dernières années, c'est encore beaucoup plus apparent, particulièrement dans le monde municipal, comme l'a expliqué le président, avec le transfert de responsabilités qui n'était pas assorti du transfert monétaire qui a incombé ou qui aurait pu incomber aux municipalités. Ça a donc amené les parties à convenir de certaines modalités particulières.

Bien entendu, dans certaines municipalités entre autres, les gens avaient l'alternative soit d'introduire des dispositions moindres pour des nouveaux employés jeunes, ou même plus vieux, ou d'envisager des mises à pied des employés actuels. C'était de savoir: Est-ce qu'on va mettre à pied le père pour faire travailler l'enfant? pratiquement. Donc, les décisions étaient difficiles à prendre. Et je vous dirai que les débats sont déchirants à l'intérieur des syndicats; c'est beaucoup plus difficile à vivre, des situations à la suite d'introduction de clauses orphelin, que pour l'employeur. L'employeur a beau jeu, c'est toujours facile, l'excuse est simple: C'est ton syndicat; ils ont négocié, ils ont signé; va les voir. Alors que, des fois, on est dans l'obligation de le faire.

Je dirais qu'avec l'interprétation ou la définition de M. Morin, ce matin, moi, j'aurais été tenté de répondre au député de Verdun et dire que les mesures transitoires de mise à la retraite qui ont été mises en place dans le secteur scolaire, de l'éducation, le secteur social, et public, tant qu'à moi ça l'est, si je prends la définition de M. Morin, c'est une clause orphelin. Comme il peut y en avoir beaucoup d'autres qui nous ont été imposées. Moi, j'ai vécu 30 ans dans le monde des relations de travail, directement avec le gouvernement. J'en ai vécu plusieurs à ce compte-là. On peut dire que quelques-unes datent même antérieurement à l'introduction de la Charte.

Quand on a créé le régime de retraite RREGOP pour l'ensemble des employés des services publics, en 1973, il était différent, avec des avantages moindres que ceux qui étaient dans le Régime de retraite des fonctionnaires, le vieux régime, et le Régime des enseignants. Est-ce que c'était une clause orphelin? Quand on a prévu que dorénavant un employé permanent ne pouvait pas avoir sa sécurité d'emploi avant deux ans, ça aussi, c'était une modalité imposée. Quand on a fait perdre l'année 1983, la rémunération, et même actuellement aussi on la perd... Jusqu'où ça peut aller? C'est l'interrogation que nous avons à la Fédération. On s'interroge, à savoir: Où ça débute et où ça arrête? Parce que c'est facile à constater pour ce qui est des échelles salariales, c'est visuel. On prend les échelles, on les compare, même job, puis ça va bien. Mais parfois c'est plus subtil.

Moi, j'ai vécu, au gouvernement, l'imposition d'une révision de classification où le gouvernement, pour la même fonction, les mêmes attributions qu'un technicien à l'information, on a créé un plan d'emploi, qui s'appelle «préposé aux renseignements», qui est payé moins cher, pour faire essentiellement le même travail. Et la classification n'était pas négociable. On l'a subie. Et j'ai vécu ça avec tous les gouvernements, quels qu'ils soient. J'ai passé tous les partis, moi. Alors, je les ai tous connus, puis je peux vous dire que les relations de travail dans la fonction publique, c'est identique, parce que les permanents... les hauts fonctionnaires demeurent. Les politiciens changent, mais les hauts fonctionnaires demeurent, et les politiques suivent.

(15 h 10)

Donc, il y a plusieurs interrogations qu'on peut avoir. Au niveau des augmentations salariales, quand on dit: On veut traiter tout le monde pareil, le fait de donner 5 % d'augmentation à tout le monde, est-ce que c'est juste, logique, légitime? Quelqu'un qui gagne 20 000 $, il en a moins que quelqu'un qui gagne 40 000 $, à 5 % d'augmentation. Est-ce que c'est une clause orphelin, le fait de ne pas donner, en signe de piastre absolu, la même augmentation salariale? Ça va être quoi, la définition? Nous, l'interrogation qu'on a, c'est de dire: On est peut-être d'accord pour dire qu'on devrait traiter tout le monde pareil, mais le contexte ne s'y prête pas. Et il nous semble que le débat doit être plus grand, plus élargi, qu'on évalue toutes les conséquences, tout l'impact que ça peut avoir, autant sur l'emploi que sur les relations proprement dites. Parce que, si on doit légiférer l'ensemble de l'application, il n'y aura plus de place pour la négociation, il n'y aura plus besoin de syndicats à ce moment-là. Les gens vont dire: Ça donne quoi de plus si on ne peut pas rien négocier de plus, parce qu'on va déborder du cadre législatif.

D'autre part, on est convaincus, parce qu'on le constate aussi quand on crée des syndicats dans une entreprise, que, dans le secteur privé qui est non syndiqué, des clauses orphelin, vous en avez aussi. Nous, on accrédite des secteurs puis on négocie pour eux, parce que, justement, le principal élément qui les amène à se syndiquer, c'est que les gens sont traités de façon différente au niveau rémunération pour le même travail, selon qu'ils sont amis, pas amis, parents, pas parents. S'ils sont bien chums avec le patron, ils sont payés plus cher que d'autres. Ça en est une forme de clauses orphelin, sur lesquelles il n'y a pas de recours non plus.

D'autre part, on sait pertinemment que... parce que, tantôt, on parlait d'introduire dans les normes une telle définition avec un droit de recours. Vous savez fort bien comme moi que les recours possibles en vertu de 124 pour ce qui est des congédiements arbitraires de l'employeur, les recours sont tellement limités qu'il y a bien des employés qui ne les exercent même pas. Donc, quelle va être la mécanique? Est-ce que vous allez introduire des obligations aux employeurs de faire comme pour le 1 % de formation où les entreprises ont l'obligation de soumettre des rapports formels pour indiquer comment elles ont fait, qu'est-ce qu'elles ont dépensé et où c'est allé, l'argent? On n'en finira plus. Je pense que les entreprises veulent être déréglementées pour, justement, éliminer un certain fardeau fiscal que, à l'inverse, on aurait tendance à le faire. Si on veut s'assurer de l'application de la loi, il va falloir qu'il y ait une police pour la vérifier. Donc, on va encore augmenter les charges. Au détriment de qui? Il faut l'évaluer.

Nous, c'est pour ça qu'on dit: C'est assez difficile. On est d'accord sur le principe, mais d'adopter la loi comme elle est déposée actuellement, selon le projet de loi n° 393... elle est simple, c'est évident, mais elle est compliquée d'application et elle est aussi difficile d'interprétation. Tant qu'on n'aura pas une définition claire et des balises précises pour savoir jusqu'où les mandataires des parties peuvent aller dans une négociation, on estime qu'on va être rendu avec des causes à l'arbitrage ou, en fait, devant les cours de justice, si, finalement, il n'y a plus de latitude, plus de liberté.

Et, moi, je dirais que la solution idéale, ce serait de créer des emplois pour tout le monde. Tout le monde fait des promesses. Tout le monde en parle. On veut en créer. L'emploi, l'emploi, l'emploi. Sauf qu'on n'en crée pas. Le gouvernement en crée indirectement avec des emplois occasionnels ou surnuméraires, appelez-les comme vous voudrez. C'est facile, ça rejoint deux objectifs politiques: un, la réduction des effectifs, parce qu'on dit: Regardez nos permanents... Moi, j'ai vécu ça pendant 30 ans, j'étais au syndicat. Les permanents réduisent. Au lieu de 30 000, on est rendu à 20 000, sauf qu'en contrepartie on est rendu avec 40 000 occasionnels. Et là on a créé des emplois. Donc, on a deux statistiques favorables pour le gouvernement qui légifère: d'un côté, il administre bien parce qu'il réduit les effectifs, parce que c'est uniquement les permanents, mais, d'un autre côté, on crée des emplois parce qu'on crée des emplois précaires, occasionnels. Ça fait qu'il faudrait qu'à un moment donné on puisse savoir sur quel pied on doit danser parce que, malheureusement, ceux qui paient pour ça, c'est toujours ceux qui sont en bas de ligne, c'est les travailleurs à différents niveaux. Et malheureusement, charité bien ordonnée commençant par soi-même, bien, les gens qui sont en place, qu'est-ce que vous voulez, quand ils ont le choix entre déterminer une échelle salariale pour celui qui va rentrer plus tard et se priver eux-mêmes ou se mettre à pied eux-mêmes, bien, le choix est facile. On a des récriminations partout.

Quand on négocie puis qu'on améliore les avantages ou les conditions pour ce qui est des vacances où des gens ont attendu 15 ans pour avoir quatre semaines de vacances, et là on obtient qu'après 10 ans ils ont quatre semaines, les gens disent: Comment ça se fait? Moi, ça m'a pris 15 ans et, lui, il va l'avoir après 10 ans. On vit ça dans tous les niveaux, sur tous les éléments d'une convention collective, pas seulement les salaires. Et c'est pour ça qu'on a à coeur de le régler. Mais de quelle façon on le règle? On estime que ce n'est pas nécessairement en légiférant immédiatement. Il me semble qu'il y a une réflexion beaucoup plus profonde qui doit être faite par l'ensemble des parties concernées, et ne pas faire non plus comme l'a fait le gouvernement, quand on a vécu les clauses orphelin à l'inverse, la pyramide inversée. Quand on a subi la coupure des salaires, en 1983, c'était variable de 0 % à 19,5 %, en fonction du salaire. Ceux qui ont été coupé le plus, c'est ceux qui gagnaient le plus cher. Mais ça a contrebalancé les échelles aussi, ce qui n'amène pas plus de résultat non plus. Alors, dépendant des positions qu'on adopte, il y a toujours un impact négatif qu'il faudrait évaluer au préalable, ce que, malheureusement, on ne fait pas trop régulièrement.

La Présidente (Mme Vermette): Est-ce que vous avez terminé votre exposé, M. Harguindeguy?

M. Harguindeguy (Jean-Louis): Oui, oui. Pour tout de suite, oui.

La Présidente (Mme Vermette): Oui. Alors, on va procéder à l'échange. M. le ministre, s'il vous plaît, si vous voulez bien commencer.

M. Rioux: MM. Verreault et Harguindeguy, bienvenue. Quand je regarde le nom de votre fédération, ça me rappelle son ancienne appellation; on appelait ça la fédération de René Bélanger. Si on étudie l'histoire des schismes au Québec, on va dire que la CSN a été comme l'Église. Il y a eu le schisme d'Orient puis le schisme d'Occident. Le deuxième, ça a été celui de la CSD. Mais c'est quand même une époque importante. Et il faut rappeler que M. Harguindeguy, ici présent, a fait de grandes luttes. Quand vous avez évoqué la classification tout à l'heure, je ne peux pas non plus passer sous silence la déclassification massive de tous les enseignants du Québec autour des années soixante-dix. S'il avait fallu qu'on soit dans le vocable «clause orphelin» à cette époque-là, ça aurait été la révolution. On s'était contenté à l'époque d'une petite grève tournante et sans plus, M. Harguindeguy s'en souviendra.

J'aimerais vous souligner, en passant, que votre fédération, qui est très présente dans le secteur public, surtout dans le secteur municipal... vous avez évoqué tout à l'heure les dernières années. Il faudrait voir aussi comment tout ça a évolué, parce que, avant de jeter les blâmes sur la 414 trop rapidement, ce que le député de Kamouraska-Témiscouata fait à chaque fois qu'il intervient, c'est le seul 45 tours qu'il a enregistré au cours des derniers temps... D'ailleurs, j'aimerais beaucoup mieux qu'il participe activement à trouver une solution, parce que, comme législateurs, ça serait plus constructif et certainement que ça ferait avancer notre cause. Mais il faut signaler que, entre 1992 et 1994, le pourcentage des clauses orphelin dans ce secteur a plus que doublé; il est passé de 8,9 % à 19,4 % en 1994. Ce sont des scores, ça, qui ont comme de l'importance, en tout cas, pour la suite des choses.

Ma question s'adresse à M. Harguindeguy. Quand vous avez négocié ce genre de clause là dans le passé, et dans le présent, comment ça s'est passé? On sait que la loi n° 414 établissait un cadre à l'intérieur duquel les parties patronale et syndicale dans le secteur municipal devaient procéder d'abord à une période de médiation et, ensuite, s'en aller à l'arbitrage. C'était le «last best offer», la meilleure offre qui était retenue, et l'arbitre tranchait. L'autonomie patronale municipale était préservée dans la loi; l'autonomie syndicale aussi, faut-il le dire. Donc, je voulais faire cette petite nuance là. Mais, dans les faits, étant donné que vous l'avez vécu, j'aimerais ça que vous nous expliquiez comment ça s'est passé concrètement. Parce qu'il semble y avoir du mystère autour de ça, j'aimerais ça qu'on le démystifie. Le président l'a évoqué tout à l'heure, mais j'aimerais ça qu'on soit plus clair encore pour qu'on se comprenne tout le monde.

M. Harguindeguy (Jean-Louis): Disons quand même que la loi n° 414 a établi des balises assez claires qui étaient, à notre sens – en tout cas, on peut interpréter ça différemment – à l'avantage de la municipalité, et je m'explique. D'abord, les médiations, il y en a très peu eu. Chez nous, à la FISA, je pense qu'on a eu à peu près trois médiateurs qui ont été désignés. Il y a eu à peu près une réunion. Parce que, généralement, c'était juste pour temporiser un peu puis attendre que les délais arrivent. Finalement, il y avait un délai pour adopter la résolution du conseil municipal et, éventuellement, aller en réplique, si l'on veut. Sauf que la loi n° 414, en plus de prévoir également que les salaires... enfin, les conditions de travail des gens qui étaient en place ne pouvaient être réduites, il y avait également la balise que la partie municipale, en fait la municipalité pouvait, elle, réduire des effectifs ou réduire des services, ce que le syndicat ne pouvait pas faire. Si, en contrepartie, on revenait pour dire: Bien, vous allez peut-être procéder à la mise à pied ou à la mise à la retraite de trois, quatre employés pour récupérer cette masse salariale là pour compenser la récupération de 6 %, le syndicat ne pouvait pas proposer cette alternative. La municipalité, elle, pouvait la mettre de l'avant. Mais, si la municipalité ne la mettait pas, le syndicat ne pouvait pas intervenir. Donc, dans certains cas, on n'a pas tellement eu le choix, parce qu'on ne pouvait pas proposer, dire: Bien, dans un an ou d'ici six mois, il y en a deux qui peuvent partir à la retraite, on va récupérer ces postes-là; l'année prochaine, il va y en avoir trois, et ainsi de suite. On ne pouvait pas faire ces progressions-là. Donc, ça a été immédiat, il fallait que la récupération se fasse immédiatement.

(15 h 20)

Dans bien des cas, il n'y avait pas tellement d'autre alternative que de jouer sur les salaires. C'est parce que dans toutes les municipalités – mis à part Québec, Montréal, les grosses municipalités où il y a des régimes de retraite avec quelques surplus – dans bien des municipalités, il n'existe même pas de fonds de pension, de régime. Donc, l'alternative, c'est quoi? C'est de se retourner sur les conditions de travail strictement et purement, il n'y a pas d'autre alternative possible, et la seule façon de régler, c'est de dire: Bien, on embauche généralement 20 ou 30 employés surnuméraires; ceux qu'on va embaucher l'an prochain, on va les payer moins cher, le minimum étant strictement le salaire minimum. Donc, les choix ont été malheureusement faciles à faire, puis je dirai que...

Vous disiez tantôt: Depuis 1982 qu'on note l'introduction des clauses orphelin. Je dirais qu'à la FISA, c'est beaucoup plus dans le cadre de la récupération de 6 % qui avait été annoncée au mois de septembre dernier. Il y a des syndicats qui ont pris peut-être les devants avec leur municipalité, qui ont réglé leur convention collective jusqu'en 2001 dans le contexte d'une récupération éventuelle, parce que la loi a été promise depuis déjà quelques semaines, quelques mois. Mais les gens ont essayé de trouver un moyen de satisfaire à la demande des municipalités. Moi, actuellement, je négocie, on est en conciliation avec, je peux la nommer, la ville de Tracy, où on se bat contre l'introduction aussi d'une clause orphelin pour ce qui est des journaliers, qui est la catégorie d'employés la plus vulnérable. C'est sûr que le salaire est plus élevé que le salaire minimum, mais la municipalité veut déjà modifier la clause pour que ça revienne moins cher. Nous, on dit non, parce qu'on estime qu'on a déjà payé dans le 6 %. Les gens ont accepté, au niveau des régimes d'assurance, de contribuer, d'avoir un minimum à payer de 175 $ par année, alors qu'auparavant c'était 50 $, pour les frais de médicaments. Ils estiment avoir déjà fait un certain effort.

Il y a eu des efforts de cette nature qui ont été mis de l'avant, mais, malheureusement, les possibilités n'étaient pas non plus si grandes. Quand, dans une municipalité, vous avez quatre employés qui travaillent puis que vous devez récupérer 80 000 $, vous faites quoi pour le récupérer? J'ai l'impression que, quand 414 a été adoptée, ça devait être le principe des grandes municipalités, des grandes villes: Sainte-Foy, Sillery, Québec, Sherbrooke, Trois-Rivières. C'est peut-être facile parce qu'il y a un potentiel humain assez grand. Mais, quand vous allez dans une municipalité de 15, 10, 12 employés, ce n'est pas aussi facile que ça, trouver la solution.

M. Verreault (Gaston): Si vous permettez, Mme la Présidente. Il y a peut-être une explication aussi, M. le ministre. C'est la récurrence de la loi. Il fallait que la récupération soit récurrente. Alors, évidemment, il fallait trouver quelque part les argents. Ça devait être récurrent. Alors, l'employeur – une municipalité, souvent – la récurrence, il la voyait surtout sur les salaires, puis ça a baissé la masse salariale. Alors, il y avait aussi cette pression. Comme je mentionnais tout à l'heure, c'était balisé. Donc, quand vous discutiez avec l'employeur: Non, ce n'est pas récurrent, ce que tu proposes; il faut que ça soit récurrent. Puis, à un moment donné, comme je vous ai dit tantôt, il y a eu des décisions de prises, mais avec déchirement dans les assemblées générales.

M. Rioux: Mais 414, c'est terminé. Les arbitrages ont eu lieu, c'est terminé. Il n'y a plus de recours en vertu de ça, O.K.?

M. Harguindeguy (Jean-Louis): On vit encore pareil avec. Ha, ha, ha!

M. Rioux: Oui. M. le président, nous, on est à la recherche d'une définition de ce que c'est une clause orphelin. On est à la recherche aussi d'une législation appropriée. On veut sortir d'ici, de cette commission, avec des éléments suffisamment importants, suffisamment nombreux qui nous permettent après de bâtir une synthèse et de s'orienter ensuite en termes législatifs. Moi, j'aimerais ça entendre une fédération vieille de 50 ans et plus nous dire ça serait quoi, votre définition d'une clause orphelin – un des deux – et quel instrument législatif devrions-nous utiliser pour y parvenir?

La Présidente (Mme Vermette): Alors, on s'entend, les deux?

M. Harguindeguy (Jean-Louis): Oui, oui, pas de problème. Je respecte la hiérarchie, mon président. D'abord, on n'a pas fait ce...

M. Rioux: Vous l'avez été assez longtemps.

M. Harguindeguy (Jean-Louis): Oui, c'est ça, je sais comment ça doit marcher. Disons que, au point de départ, on n'a pas poussé notre recherche jusque-là parce qu'on estime qu'il y a, au préalable, une évaluation de l'ensemble de la situation et des conséquences qu'on doit faire et qu'on n'a pas faite et que la commission, à mon sens – connaissant un peu les débats et le système législatif, comment ça procède – ne pourra, non plus, pas faire. Si on désire uniformiser – je prends juste l'exemple des vacances. Actuellement, le quantum des vacances est variable selon les années de service, qui vont nécessairement avec l'âge aussi. Quelqu'un qui commence à travailler, qui a 25 ans, il ne peut pas avoir 20 ans de service. Donc, il peut avoir moins de vacances. Est-ce que le fait de légiférer pour faire en sorte que tout le monde... Comme des fois, dans certains pays d'Europe, tout le monde a un mois, tout le monde a cinq semaines, puis pas plus ni moins, à moins qu'on négocie d'autre chose de plus, des privilèges. Ça va être quoi comme impact pour, d'abord, l'entreprise, et pour l'ensemble de l'économie québécoise aussi? Donc, il faut faire cette évaluation-là pour chacune des questions. Il y a le fait de payer aussi des gens selon une échelle. On sait pertinemment, au Québec, que, quand c'est un emploi technique, clérical, il y a généralement un minimum et un maximum qu'on atteint après un certain nombre d'années d'expérience. Côté manuel, c'est plutôt... parce qu'on a le principe de dire: Tout le monde fait la même job pareille. Dès qu'il sort avec sa carte de compétence, qu'il ait cinq ans, 10 ans, 15 ans d'expérience, il mérite le même prix. Généralement, il y a un taux unique. Puis les employés cléricaux ne sont pas nécessairement d'accord avec ça, ou techniques non plus. Le fait de changer ça, ça a quoi comme impact?

M. Rioux: Mais, en termes de définition, vous n'en avez pas à nous proposer.

M. Harguindeguy (Jean-Louis): Non. On dit qu'on devrait faire des échanges plus complets, regarder l'ensemble de tout ce qu'on retrouve comme dispositions dans une convention collective et regarder jusqu'où on peut légiférer.

M. Rioux: Mais je ne m'étonne pas que vous ne nous fassiez pas la suggestion d'aller au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, vous n'y siégez pas. Je le comprends. Mais, par ailleurs, dans votre conclusion, vous dites: Il faudrait aller plus loin...

M. Harguindeguy (Jean-Louis): C'est ça.

M. Rioux: ...dans la réflexion avec les partenaires. Ça, j'ai compris là-dedans que c'était une invitation au ministre du Travail de vous associer à la réflexion si on devait poursuivre un peu plus loin.

M. Harguindeguy (Jean-Louis): Bien, vous avez déjà fait bien des sommets économiques; les gouvernements ont fait ça sur bien des sujets qui n'ont peut-être pas l'importance que celui-ci a.

M. Rioux: J'ai compris votre message, hein.

M. Verreault (Gaston): Si vous permettez, Mme la Présidente. C'est évident qu'il est difficile de vous donner une définition et c'est pour ça qu'on vous disait tantôt, au début, qu'on est en réflexion, nous aussi, et qu'on va écouter tous les intervenants et les intervenantes qui vont passer ici.

Je vais donner un exemple. Dans quelques municipalités, le régime de retraite a été modifié dans les années quatre-vingt pour les nouveaux employés embauchés après telle date. C'est une clause orphelin. Ces employés-là acquièrent moins de crédits de rente par année de service, ont moins d'indexation sur le régime. En contrepartie, ils versent moins. La contribution dans le régime, pour eux, est moindre. Si c'était une clause orphelin, il fallait rétroagir. Donc, il faudra leur donner les mêmes avantages que ceux avant les années quatre-vingt, mais l'employé devra contribuer sa quote-part. Si c'est une quote-part 50 % l'employeur, 50 % l'employé, et que ça coûte 7 000 $, 8 000 $, 10 000 $, 12 000 $ pour venir payer ça à l'arrière, est-ce qu'ils vont avoir le moyen de payer ça? Alors, c'est pour ça qu'on voit les effets, la portée d'une telle loi. Nous, on dit: On est contre les clauses discriminatoires dans les conventions collectives, dans le sens large; mais, avant de légiférer – ce que M. Jean-Louis Harguindeguy mentionnait – on veut regarder toutes les facettes et entendre les spécialistes et les parties pour, après ça, être capables de se faire une idée sur l'ensemble de la problématique, parce qu'elle est majeure.

M. Rioux: Merci.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, j'aurais juste une petite réflexion, en fait. Ce que j'entends souvent de la part des jeunes embauchés, généralement, c'est qu'au cours des dernières années ils se sont sentis un petit peu laissés pour compte par les syndicats et que les syndicats avaient plutôt l'intérêt à défendre ceux qui étaient en place plutôt que les nouveaux arrivants et que, finalement, on n'était pas prêt, justement, à établir les ponts intergénérationnels. Qu'est-ce que vous pensez de cette réflexion-là?

M. Verreault (Gaston): Dans un syndicat local – je ne parle pas d'une organisation, d'une centrale syndicale – qui a sa propre autonomie, lorsqu'il prépare son projet de convention collective, ce ne sont pas les gens qui attendent pour entrer qui font les demandes, ce sont les gens qui sont dans la salle qui établissent les priorités, et c'est l'exécutif syndical qui va négocier. Et quand il y a une possibilité de règlement, c'est encore les mêmes personnes qui vont voter. Alors, c'est évident. Partout où il y a de l'homme, il y a de l'hommerie. Alors, c'est évident qu'un syndicat peut aussi être directeur, diriger les membres. Mais, en bout de ligne, quand on vote dans la boîte, c'est un vote personnel. Le résultat est collectif. Alors donc, le résultat est fonction du résultat du mandat que les membres ont donné à leur exécutif. Alors, la personne qui entre après, comme vous dites, future, constate qu'il y a des différences. Évidemment, je le maintiens, c'est déchirant, parce qu'à un moment donné – on l'a vu cette semaine avec les agentes et les agents de la paix – la proportion des derniers embauchés prend de l'ampleur et, entre guillemets, prend du poids et de l'influence.

(15 h 30)

M. Harguindeguy (Jean-Louis): Mais, Mme la Présidente, ce n'est quand même pas d'aujourd'hui, non plus, que la clause des droits acquis existe, ça fait des lunes que ça existe. Partout où il y a des changements qui surviennent dans des conditions générales qui étaient applicables, on les maintient sur les gens qui sont en place. Partout, ça existe. Alors, est-ce que ça aussi, ça pourrait être considéré comme étant une clause orphelin, à la rigueur? Si on veut faire le pont entre les générations, pour dire: Quand on paie des primes d'ancienneté pour quelqu'un qui a 15, 20 ans, puis ceux qui sont embauchés après, on dit: On laisse tomber les primes, mais on les garde pour ceux qui en avaient auparavant et ils continuent à les payer tant qu'il sont en emploi, ça pourrait aussi, à la rigueur, être considéré comme une clause orphelin. C'est pour ça que c'est difficile de savoir où on doit mettre le point final.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, je laisse la parole au critique de l'opposition, M. le député d'Arthabaska-Témiscouata.

M. Béchard: Kamouraska-Témiscouata.

La Présidente (Mme Vermette): Kamouraska.

M. Béchard: Les gens de mon comté ne seront pas fiers de vous.

La Présidente (Mme Vermette): Bien oui! Je suis en train de changer la géographie du Québec. Ha, ha, ha!

M. Béchard: Eux qui ont fait un bon choix. Arthabaska, ce n'est pas le même choix.

M. Verreault, M. Harguindeguy, bonjour! Avant de commencer, une petite mise au point. Je suis heureux que vous ayez démontré aussi clairement les impacts de la loi 414 au ministre du Travail, parce que ça fait six mois qu'elle est passée puis je pense qu'il ne l'a pas comprise encore. J'espère que vos explications vont l'aider à la comprendre.

Surtout, c'est beau de dire que les gens répètent toujours la même chanson, mais une chose est certaine: Lui, il ne peut pas la répéter parce que, quand elle a été enregistrée, la 414, il n'était pas là. Il n'était visiblement pas là parce que, sinon, il aurait au moins quelques arguments pour se défendre. Et tellement pas là que, dans les chiffres et l'étude que le ministère du Travail nous a fournis sur les clauses orphelin dans le secteur municipal, par hasard, on a oublié 98. Par hasard, sans doute. J'espère.

Ensuite, quand il vient dire qu'on ne contribue pas ou qu'on ne veut pas aider à la mise en place d'une loi ou quoi que ce soit, je pense qu'on a, au contraire, posé des questions très pertinentes et amené des points très intéressants, d'abord, sur la nécessité et la mise en place d'une législation; deuxièmement, sur le fait que cette législation-là doit être applicable, doit toucher tout le monde. On le voit, si on touche seulement au Code du travail, aux lois sur les normes... Puis vous le dites vous-mêmes: il ne faut pas se ramasser avec une loi dans laquelle on va oublier la moitié du monde quelque part, en oublier une large partie.

Et je dirais là-dessus en terminant que, troisièmement, si, lui-même, n'est pas capable de l'écrire, je pense qu'on peut déclencher des élections et elle sera écrite dans quelques mois sans aucun problème, j'en suis certain.

Mais pour revenir à votre mémoire, il y a un point que vous avez apporté, que je trouve très intéressant, c'est-à-dire le climat de travail, le climat que ça amène, les clauses orphelin, dans le milieu de travail. Vous le dites, vous l'avez vu en assemblée, vous le voyez souvent, c'est un phénomène qui est, un, inacceptable et, deux, l'effet, comme on dit, sur le terrain, c'est quoi, l'effet d'une clause orphelin? Pouvez-vous nous en parler un peu plus pour que les gens comprennent? Comment vos syndiqués se sentent là-dedans? Autant d'un côté que de l'autre, comment ils se sentent avec ce type de clause là dans leur contrat de travail?

M. Verreault (Gaston): Vous avez mentionné tout à l'heure les relations de travail. Vous savez, on a tendance à faire bien des débats, bien des réunions, bien des commissions sur l'économie, mais la société, elle est composée de quoi? Elle n'est pas composée du dollar canadien puis du dollar américain, des êtres humains: deux pattes, deux bras, puis une tête. Puis ça, c'est oublié! C'est rare qu'on voit des organisations défendre l'aspect humain.

Un être, un employé, j'espère qu'il a le droit d'entrer un matin fatigué parce que ses enfants n'ont pas dormi la nuit, parce qu'ils avaient mal aux dents. Autant un homme et une femme. Non, il est blâmé, il a une tête de cochon, il ne veut rien savoir. Excusez l'expression, Mme la Présidente. Mais je veux dire: C'est ça. C'est ça! C'est toujours l'aspect économique dont on entend parler.

Vous allez entendre, la semaine prochaine, l'Union des municipalités; ils vont venir vous dire qu'ils sont d'accord avec ça, le contexte leur est favorable. Le contexte leur est favorable, ils l'ont eue, la pelletée. Ils ont été obligés de la prendre, la pelletée. Ça les a favorisés. Le plus bel exemple, puis ce n'est pas dans mon secteur: ville Laval, les policiers. La décision a été rendue. L'arbitre, il a pris la proposition patronale dans laquelle on crée des nouveaux policiers à moins cher.

Mais vous avez raison: les relations humaines, ça, c'est oublié. Quand on parle de discrimination, là on touche le coeur, on touche l'être humain. Je pense que c'est oublié dans bien des débats.

C'est vrai que c'est avec de l'argent que je paie mon épicerie, que je paie mon loyer puis que je rembourse mes dettes, mais il y a au-delà de ça. Il y a au-delà de ça. Comment j'accumulerais de l'argent dans ma tombe, ça ne rouille pas, de l'argent. Sauf que, qu'est-ce que je vais laisser à mes enfants?

J'entendais quelqu'un ce matin qui témoignait. Moi aussi, j'ai une fille de 26 ans. Ça fait trois ans qu'elle a fini l'université, elle vend de la pizza dans un restaurant. Elle n'a même pas d'offres à une échelle inférieure à ce qu'il y a dans les conventions collectives. Elle n'en a pas d'ouvrage. Mais elle est comme son père, elle a du coeur puis elle travaille. Elle va se débrouiller. Ça, c'est un témoignage du coeur. C'est un père de famille qui parle.

On pourrait peut-être tous ici faire les mêmes témoignages. Laissons de temps en temps le débat sur l'économie puis parlons donc des êtres humains, l'homme, la femme qui, le matin, est obligée de reconduire les enfants à l'école, à la garderie, arrive à la course à la commission scolaire, se fait dire qu'elle n'est pas assez productive. Le rendement baisse, trop de personnel. Les fonctionnaires du Conseil du trésor: le ratio est trop élevé, trop bas, coupe ici, coupe là. Batinse! – excusez – on va se ramasser où? On va se ramasser où? Je pense qu'il est temps – même les organisations syndicales – qu'on parle des êtres humains, c'est ça qui compose une société. Qu'on soit au Québec, au Canada, aux États-Unis, en Europe, une société est composée d'êtres humains avant tout.

Je pourrais vous en donner, des exemples de déchirement dans les assemblées générales. Il y a même, récemment encore, des présidents de syndicat, des présidentes de syndicat qui ont démissionné parce qu'ils en ont soupé de se faire, entre guillemets, barder par les membres, compte tenu des résultats qu'ils auraient pu obtenir dans leurs négociations.

Je m'excuse pour l'émotivité mais...

La Présidente (Mme Vermette): J'ai l'impression que c'est le cri du coeur. Ha, ha, ha!

M. Verreault (Gaston): Oui.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, est-ce qu'il y a d'autres questions?

M. Béchard: Avec la loi actuelle, n° 414 – vous avez mentionné le cas des policiers – l'arbitre qui est là, si on lui donnait tout de suite le pouvoir de refuser une convention dans laquelle il y a une clause orphelin – parce que présentement il ne l'a pas, il faut qu'il accepte la meilleure des deux – est-ce que, selon vous, ce serait déjà un bon point de départ et ça démontrerait que quelque part il y a une volonté de ne pas juste faire du blabla puis des belles intentions, puis de retourner à la dernière minute, mais de dire que, bon, il y a un signal qui est envoyé? Pensez-vous que ce serait faisable, le signal que ça enverrait?

M. Verreault (Gaston): Mais la loi n° 414, le style de loi, c'est relativement nouveau. Évidemment, les policiers et pompiers ont le droit à l'arbitrage lors de négociation des différends; ils ont le droit. Les cols blancs, les cols bleus, dans une municipalité, n'ont pas le droit à l'arbitrage. Alors, évidemment, c'est une loi qui a été limitée dans le temps, la n° 414. C'est évident, si le législateur avait permis à l'arbitre de faire autre chose que de prendre la meilleure offre, il aurait pu échanger; mais ça, on peut dire bien des si, là.

Mais en temps normal on n'a pas le droit à l'arbitrage. Et les gens qu'on représente, les cols blancs, les cols bleus, les employés de soutien, les emplois de secrétariat, les emplois techniques n'ont pas le droit à l'arbitrage des conventions collectives puis des différends, contrairement aux policiers, aux pompiers. Eux autres, ils ont cet avantage-là. Un corps de police, un syndicat de police peut bien tenir son bout pour refuser des clauses orphelin, il sait qu'un jour il va pouvoir se rendre à l'arbitrage puis faire valoir son point, mais pas les autres groupes de syndiqués dans la société, que ce soit dans l'entreprise privée ou dans le secteur public ou parapublic.

M. Béchard: Il y a eu plusieurs discussions sur le fait: est-ce qu'on doit modifier le Code du travail ou modifier la Loi sur les normes? Je sais qu'au départ vous êtes plus ou moins favorables à la mise en place d'une loi. Je pense que votre argument est beaucoup plus de dire, «c'est parce qu'on n'est pas prêts à le faire» que «parce qu'on n'a pas besoin d'une loi», si j'ai bien compris. C'est peut-être un peu plus cet aspect-là. Il faut attendre pour voir vraiment les conséquences de ce que ça va amener.

Mais selon vous, dans la mise en place d'une législation, il y a, c'est sûr, la définition à faire clairement. Il y a le secteur touché. Il ne faut pas oublier personne, il faut que ça s'applique à tous et à toutes, indépendamment du secteur, que les jeunes enseignants qui ont été victimes du gouvernement, les jeunes médecins, les jeunes cadres qu'on a entendus tantôt puissent avoir une poignée là-dedans pour s'en sortir, mais aussi, il faut que ce soit applicable. Et là, quand on parle d'applicabilité, il y a eu un projet qui a été mis sur la table, qui parle de l'aspect rétroactif d'une telle mesure. Entre autres, de retourner voir toutes les conventions collectives puis déclarer caduques celles qui ont des clauses orphelin. Qu'est-ce que vous pensez de cette proposition-là?

(15 h 40)

M. Harguindeguy (Jean-Louis): D'abord, le fait de l'introduire dans le Code du travail, ça limite quand même le champs d'application puisque ce serait uniquement pour les syndicats accrédités et, quant à nous, l'expérience démontre que dans le secteur privé non syndiqué ou même public non syndiqué il y en a, des modalités qui sont équivalentes à des clauses orphelin, qui ne seraient donc pas couvertes.

D'autre part, si on fait comme pour l'équité salariale, où on ne touche que les entreprises de 10 employés et plus, je pense qu'on n'atteindrait pas non plus les résultats parce que, habituellement, c'est dans les plus petites entreprises également qu'on retrouve, je dirais, pratiquement le plus de vices. Quant à nous, on favorise beaucoup plus l'introduction... Si éventuellement il y a législation après qu'on ait fait l'ensemble des évaluations et des études, qu'il y ait une législation qui s'applique à tout le monde; qu'elle soit uniforme comme l'est un peu la charte à l'heure actuelle, malgré que les recours sont pas mal difficiles pour les gens qui n'ont pas de syndicat. Si on se fie aux expériences des recours potentiels, à l'article 124 des normes, il faut dire que c'est quand même très peu exercé.

M. Béchard: Donc, vous seriez plutôt d'accord avec la mise en place d'un processus spécifique au phénomène de clauses orphelin, qui prévoirait autant ce qu'est la définition, ce qu'on en entend par une clause orphelin, qu'est-ce que ça implique, les procédures de recours pour la personne, les individus, puis les procédures de règlement aussi. Le professeur, ce matin, a parlé, lui, de tout l'aspect de la nécessité d'avoir une période de transition pour permettre aux gens de s'adapter aussi, parce que quelque part le phénomène des clauses orphelin est là et c'est certain qu'il faut faire le choix de l'emploi. Il ne faut pas s'organiser pour que le lendemain matin la solution la plus facile soit de couper l'emploi, point final.

M. Harguindeguy (Jean-Louis): Bien, c'est évident que si vous adoptez une loi qui entre en vigueur immédiatement et qui impose des modifications aux conventions actuelles, quoique le gouvernement a déjà fait l'expérience contraire avec la réduction des heures de travail et a maintenu quand même l'application des conventions collectives qui prévoyaient des heures de travail excédentaires ou supérieures au 43 qui est en vigueur depuis un an et 42 cette année, donc, il faudrait prévoir quand même des modalités pour ne pas créer un chaos non plus.

Ce qu'on a réglé par négociation de façon assez ardue l'automne dernier pour la récupération de 6 %, et qui a introduit peut-être des clauses orphelin strictement sur les salaires, sans parler des autres, bien, éventuellement, si vous décidez du jour au lendemain de changer ça, ça va créer un chaos épouvantable. D'autre part, il faudrait d'abord savoir ça va être quoi, l'impact, aussi, d'introduire de telles clauses. Là, on parle du résultat sans avoir fait l'évaluation des impondérables.

M. Béchard: Mais ça, vous savez, il y a des groupes qui sont venus nous dire que, bon, les clauses orphelin, c'est un remède phénoménal à plusieurs maux, notamment au niveau de la compétitivité, de la productivité et tout ça, que le fait d'avoir des clauses orphelin les aidait beaucoup là-dedans, sauf qu'à partir du moment où tu as une mesure qui discrimine une certaine partie de la population – on a découvert dans les derniers jours que ce n'est même pas des jeunes, souvent c'est la population en général et de tout âge...

Est-ce que – comment je dirais ça – la mise en place de telles mesures ne vient pas enlever la nécessité d'innover? Moi, je suis certain – qu'on enlève les clauses orphelin et qu'on dise «c'est une discrimination, c'est fini» – que les gens vont trouver d'autres moyens. Est-ce que vous êtes du même avis que moi? Je suis d'accord avec vous: Si on arrive puis on dit, sans aucune mesure de transition, puis ci, puis ça, là, c'est certain que ça va brasser, mais, moi, je suis certain que les gens sont assez novateurs, sont capables de trouver d'autres mesures, d'autres moyens. Ce n'est pas le moyen universel, les clauses orphelin, pour diminuer les coûts de production puis augmenter la productivité d'une entreprise. Est-ce que vous êtes d'accord avec moi là-dessus, qu'il y a d'autres modèles, d'autres moyens à développer, puis quels sont ces outils qui manquent pour développer ces moyens-là?

M. Harguindeguy (Jean-Louis): Bien, ça dépend. Voici, en tout cas, ma position. Quand vous faites affaires actuellement avec les gens qui sont concernés par les clauses orphelin – généralement, je dirais, des jeunes – c'est évident qu'ils souhaitent avoir les mêmes conditions que ceux qui sont les mieux rémunérés ou qui ont des meilleures conditions générales de travail, sauf qu'à l'inverse, l'employeur quel qu'il soit, incluant le gouvernement, n'a pas cette tendance-là d'uniformiser vers le haut, on uniformise vers le bas.

Donc, c'est là que vous allez créer aussi une certaine insatisfaction – certaine, en tout cas – parmi les gens qui sont là, parce qu'ils sont déjà en place depuis un certain nombre d'années. Donc, c'est à eux que vous allez demander de se priver de droits qu'ils ont acquis de longue lutte et de dure lutte au cours des années antérieures, et dire: Bien, maintenant, ce n'est plus bon. Ce que tu as fait avant comme débat, ce que tu as fait comme sacrifices, peut-être des grèves ou n'importe, oublie ça, on revient puis on met tout le monde égal. On n'a pas encore cette mentalité-là, au Québec, d'être tous égaux. Il faut tenir compte quand même qu'il y a un certain apprentissage à faire dans certains cas aussi. Est-ce qu'on abolit l'apprentissage même dans les corps de métiers? Ça remet en question bien des aspects du monde du travail aussi.

Régler, ce n'est pas aussi simple que ça. Moi, je ne vois pas comment est-ce qu'on peut régler ça dans l'espace d'une session parlementaire, je dirais, à la rigueur. L'idéal... C'est beau de viser la perfection, mais, malheureusement, je n'ai pas tellement vécu ça dans mes 30 ans de syndicalisme, même au gouvernement du Québec.

M. Verreault (Gaston): Vous parlez d'innovation. C'est évident que si on revient dans le secteur municipal, qui est relativement récent, toutes les organisations syndicales... D'ailleurs, la coalition, dans laquelle nous étions membres, prônait la réorganisation du travail. Évidemment, souvent, chez les employeurs, il y a un refus de regarder cette hypothèse-là, ce volet-là, la réorganisation du travail. Peut-être que les économies auraient été là plutôt que de chercher à introduire des clauses orphelin, mais il y avait une fin de non-recevoir.

Je pense que le contexte a fait que le rapport de force est plus du côté de l'employeur ces années-ci qu'il ne l'a été dans le passé. Ça a peut-être été notre tour voilà quelques années, mais là le contexte favorise l'employeur et ça crée ce que je disais tantôt, une forme de crise de négociation. On cherche à donner en sous-traitance, mais allez voir les employés qui travaillent pour ces firmes-là.

Si on prend une municipalité, tantôt, il y a un député qui mentionnait que les municipalités gagnaient 27 %. Ça aussi, c'est des chiffres, mais si on faisait l'étude, c'est une moyenne et c'est surtout les grandes villes. Mais ça ne veut pas dire que la petite municipalité de 600 habitants qui a trois employés gagne 27 % de plus que le secteur public ou le secteur privé. On est capable de le démontrer.

Je pense – et je l'ai dit tantôt, je m'adressais à M. le ministre – qu'il faut s'adapter. Il va falloir s'adapter. Il y a une période d'adaptation mais dans la mesure où les parties vont accepter réellement de se parler. Dans le fond là, une relation patronale-syndicale, c'est comme une relation de couple. Il faut voir ça de cette façon. Si un couple, ça ne se parle pas dans la famille, il y a des grosses chances qu'on se ramasse devant M. le juge et qu'on soit obligé de partager. Là, il y a quelqu'un qui va être orphelin certain.

Alors, je pense que oui, il y a place à l'innovation dans la mesure où les parties acceptent d'apporter des changements. Il faut accepter aussi d'essayer, il faut essayer des nouvelles façons. Mais je pense que c'est le contexte et, je l'ai mentionné au début, l'interventionnisme de l'État qui, au cours des ans, a créé un peu cette situation, cette recrudescence de clauses orphelin.

M. Harguindeguy (Jean-Louis): Mais je ne crois pas que le monde syndical soit prêt à innover dans le sens où M. Morin a parlé ce matin, d'introduire des primes au rendement, enfin, selon la production ou la productivité des gens parce que là, le monde syndical s'est battu contre ça depuis de nombreuses années, d'être payé à la cadence et au nombre de pièces qu'on fournit. Ça, c'est revenir en arrière.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, ça termine les échanges avec les gens de l'opposition. Je laisse maintenant à M. le député de Rivière-du-Loup, en fait, qui doit poser ses questions.

M. Dumont: Merci, Mme la Présidente. Je vous souhaite la bienvenue aux travaux de notre commission. Quelques questions de fait. D'abord, on disait tout à l'heure que, dans le monde municipal, où vous êtes quand même très actifs, il y a eu des augmentations considérables du taux d'utilisation des clauses orphelin. Avez-vous fait l'inventaire, dans les municipalités où vous êtes présents, le pourcentage des conventions collectives que vous avez signées qui en contenaient? Est-ce que vous avez répertorié ça?

M. Verreault (Gaston): Je dirais que c'est la moyenne de toutes les autres analyses. On a à peu près la même chose, à 1 % près.

M. Dumont: O.K.

M. Harguindeguy (Jean-Louis): Mais un domaine également dans lequel de plus en plus on introduit des clauses orphelin, ou le syndicat introduit, c'est dans le monde du commerce. L'alimentation au détail, c'est, je dirais, presque à 90 %. La concurrence est tellement forte que les syndicats n'ont pas tellement le choix pour sauvegarder leurs emplois.

(15 h 50)

M. Dumont: Dans le cas de l'arbitrage, ce que je comprends, c'est qu'on se retrouve avec une absence d'entente intervenue. Les deux propositions sont soumises, et là, c'est l'arbitre qui a à choisir entre les deux. On a eu, à quelques occasions, l'opportunité de débattre du choix qu'aurait à faire l'arbitre ou du mandat qu'aurait l'arbitre de choisir ou de refuser les deux, si les deux contenaient une clause orphelin. Mais je dois comprendre que, dans la plupart des cas, la proposition syndicale qui est déposée devant l'arbitre contient une clause orphelin tout autant que la proposition patronale. Ou, dans la plupart des cas, c'est la proposition patronale qui contient une clause orphelin et la proposition syndicale qui n'en contient pas, dans lequel cas, à mon avis, si l'arbitre choisissait celle du patron, donc si l'arbitre choisissait la clause orphelin au détriment d'une convention qui soit plus équitable, ça me paraîtrait une décision de l'arbitre qui est drôlement questionnable.

M. Verreault (Gaston): Le cas que je connais, l'arbitre a dû prendre la meilleure offre qui se rapprochait de l'objectif du 6 %, et la meilleure offre selon l'arbitre, évidemment. C'est son jugement à lui, là, je ne le conteste pas. Il a pris la proposition patronale, laquelle contenait une clause dite ou s'apparentant à orphelin.

M. Dumont: Et dans le même cas, la proposition syndicale qui était soumise à l'arbitre n'en contenait pas?

M. Verreault (Gaston): Remarquez bien que ce n'est pas un dossier chez nous, c'est par la voie des médias que j'ai pu prendre connaissance de ça. À ce que je sache, je pense qu'il n'y avait pas de proposition de clause orphelin dans la proposition syndicale.

M. Dumont: O.K. Parce qu'à ce moment-là, c'est ni plus ni moins que le ministère du Travail, par une de ses tentacules, qui choisit la clause orphelin quand il ne serait pas forcé de le faire. C'est intéressant à voir aussi.

Ma dernière question. Je réfère à votre intervention de tout à l'heure, M. Verreault. Vous nous avez dit: Il faut penser, autant dans nos politiques que dans votre travail, aux êtres humains. C'est l'objet de ma réflexion par rapport à des êtres humains qui sont des jeunes à l'intérieur de différents corps d'emploi; qui sortent de la formation; qui, d'abord, se retrouvent dans des emplois de seconde classe, des classes qui ont été créées spécifiquement pour eux; qui se font dire évidemment qu'ils sont mieux de prendre ça parce que, de toute façon, de l'emploi, il n'y en a pas; qui sont payés de façon inférieure; qui font face aux besoins financiers dans bien des cas les plus grands – je pense à ceux qui sont les pères et les mères de familles d'aujourd'hui; on en a eu cette semaine avec les agents de la paix; qui ont zéro sécurité – je veux dire qu'à chaque matin ils ne savent pas s'ils vont être rappelés ou pas; dans le cas des enseignants, à chaque mois d'août, tu peux tourner la pièce de monnaie; tu attends un appel quelque part vers la mi-août, la fin d'août; qui se font dire, évidemment, parce que c'est le principe de l'ancienneté qui prévaut mur à mur, que la compétence qu'ils ont acquise ou les études, ça vaut plus ou moins quelque chose. Vous ne pensez pas que ça, ça devrait pousser notre commission à accélérer ses travaux puis à essayer de trouver des solutions au plus vite?

M. Verreault (Gaston): Bien, je vais vous répondre que je ne suis pas maître de la commission. C'est évident qu'on va vivre encore avec ce débat-là, on va augmenter le déchirement. Je les vis dans mon propre milieu, les déchirements, les discussions. Ce qu'on dit, c'est que, oui, c'est majeur, le débat qui est soulevé. Il faut le regarder parce que, dans l'hypothèse où il y aura une loi d'adoptée, il va falloir l'appliquer. Et c'est dans son application que là on rencontre les plus grandes difficultés. Et ça, ça doit être regardé. Je ne dis pas qu'on va réussir à trouver toutes les éventualités, mais, au moins, avec les gens d'expérience, regarder les conséquences de son application.

M. Harguindeguy (Jean-Louis): Mais un des éléments également, si vous le permettez, qui est peut-être, en tout cas, je dirais, aussi un élément de frustration pour les jeunes, c'est le fait que les gens, malheureusement, ne trouvent pas d'emploi à leur niveau de compétence. Moi, j'ai vécu dans la fonction publique assez longtemps puis ça n'a pas changé depuis ce temps-là; j'ai quand même encore des bons contacts. Les gens qui sont diplômés universitaires ne trouvant pas d'emploi à leur niveau se rabattent sur des emplois techniques, l'employeur les utilise pour faire des travaux professionnels également parce qu'ils ont les compétences – ce que les gens acceptent à un salaire moindre également par rapport à d'autres qui sont professionnels, payés, en place – et le technicien se rabat sur des emplois cléricaux ordinaires d'agent de bureau. Donc, ça aussi, c'est un gros élément de frustration, beaucoup plus grand que le fait d'avoir une échelle temporaire, à la rigueur, pour deux ou trois ans. Mais ça, c'est tout le niveau de l'emploi qu'on doit regarder, pas seulement...

Comme je disais tantôt, c'est la pointe de l'iceberg. C'est l'ensemble du contexte économique dans lequel on vit qui rend difficile actuellement l'occupation d'un emploi pour du monde qui est qualifié. C'est malheureux mais c'est comme ça.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, ceci met fin à nos échanges. Je vous remercie de votre présentation.

Je demanderais maintenant à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse de bien vouloir se présenter, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

La Présidente (Mme Vermette): Alors, je vous demanderais de bien vouloir vous présenter, s'il vous plaît. Oui, on est complet.


Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ)

M. Filion (Claude): Merci, Mme la Présidente de la commission. MM. les ministres, Mmes et MM. les députés, bonjour! À ma gauche, Me Michel Coutu, de la Direction de la recherche et de la planification.

D'abord, je voudrais vous rappeler qu'en vertu de l'article 57 de la Charte des droits et libertés de la personne, et conformément au mandat qui nous a été confié par l'Assemblée nationale, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a pour mission de veiller au respect des principes qui y sont énoncés, tels, par exemple, l'interdiction de la discrimination fondée sur l'âge, notamment dans l'embauche, dans les conditions de travail ainsi qu'au regard du droit à un traitement ou salaire égal pour un travail équivalent.

Comme vous le savez, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a déjà pris position, en novembre 1990 – on avait, en quelque sorte, attaché le grelot, si vous me permettez l'expression, à ce moment-là – sur la conformité à la Charte des droits et libertés de la personne de la rémunération à double palier, clause dite orphelin dans les conventions collectives.

La formulation de telle clause, remarquait alors la Commission, ne met pas directement en cause l'un ou l'autre des critères visés à l'article 10 de la Charte. Toutefois, la rémunération à double palier pourrait produire des effets indirectement discriminatoires, en particulier quant aux personnes qui intègrent le marché du travail, notamment les jeunes, les femmes, les immigrants. La Commission faisait, en outre, un certain nombre de distinctions au regard de l'exception prévue à l'article 19 de la Charte, deuxième alinéa, et recommandait que la Loi sur les normes du travail soit modifiée de manière à ce que les clauses dites orphelin soient réputées discriminatoires sous réserve de l'article 19 de la Charte. Cette recommandation de la Commission s'insérait dans le cadre d'une étude plus large portant sur un projet de loi modifiant alors la Loi sur les normes du travail.

Plus récemment encore, il nous est apparu nécessaire, tenant compte notamment du grand nombre de clauses à double palier qui auraient été insérées dans les conventions collectives suite aux récentes négociations dans le secteur municipal, de prendre position de manière spécifique par rapport à cette seule question.

En conséquence, la Commission adoptait, en avril dernier – le 18, je crois – un avis intitulé La rémunération à double palier et les autres clauses dites orphelin dans les conventions collectives: conformité au principe de non-discrimination . Notre mémoire, aujourd'hui, reprend les grandes lignes de la position déjà adoptée par la Commission tout en précisant certains aspects de cette position en regard du document du ministère du Travail, Vers une équité intergénérationnelle , rendu public le 11 juin dernier.

Avant de procéder à l'analyse proprement juridique de la question des clauses dites orphelin, le mémoire de la Commission en examine brièvement la dimension socioéconomique. La Commission prend appui ici sur les recherches conduites au Centre de recherche et de statistiques sur le marché du travail, dont les résultats ont été diffusés en 1988 et 1992.

Nous tenons également compte de l'étude sur la rémunération à double palier réalisée par la Direction de l'analyse des conditions de travail et de la rémunération du ministère du Travail, étude figurant en annexe du document que je citais tantôt, et nous nous référons également, en outre, à la récente analyse, Les clauses orphelin dans le secteur municipal , préparée par M. Rock Beaudet pour le compte du groupe Le Pont entre les générations.

Enfin, la Commission a elle-même procédé, de manière sommaire, à un repérage des clauses orphelin contenues dans les conventions collectives au Québec pour la période allant de janvier 1996 à avril 1998. Mettant en cohérence les résultats de ces diverses études, la Commission en vient à la conclusion que la rémunération à double palier et ses dérivés constituent un phénomène suffisamment persistant au Québec, soulevant, par ailleurs, de nombreux doutes quant à sa légalité et justifiant, par conséquent, un examen des plus attentifs de la portée éventuellement discriminatoire de ce type de clause au regard de l'article 10 de notre charte.

(16 heures)

Pour qu'il y ait discrimination au sens de la Charte, il faut trois éléments. D'abord, une distinction, exclusion ou préférence basée sur l'un ou l'autre des critères énoncés à l'article 10 et ayant pour effet de détruire ou de compromettre le droit à l'égalité. Lorsque l'on considère les clauses de rémunération à double palier et autres dispositions des conventions collectives opérant une distinction entre les nouveaux salariés et les salariés déjà en place, il est manifeste qu'une telle distinction ne peut se rattacher directement à l'un des critères énoncés à l'article 10. Cependant, le concept de discrimination indirecte entre ici en ligne de compte. Cette forme de discrimination, comme l'écrit la Cour suprême, peut survenir tout à fait involontairement dans le cas où un employeur adopte une règle, une norme ou une procédure qui est neutre à première vue et qui s'applique également à tous les employés, mais qui a néanmoins un effet discriminatoire sur un employé en raison d'une caractéristique quelconque de cet employé ou de ce groupe d'employés comme, par exemple, leur religion.

En l'occurrence, le fait pour l'employeur et pour le syndicat d'introduire dans la convention collective une norme établissant un double palier de rémunération ou toute autre mesure comportant un désavantage pour les nouveaux salariés peut entraîner, de l'avis de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, des situations discriminatoires, au premier chef sur la base de l'âge. Dans de tels cas, des preuves statistiques, bien sûr, seront indispensables. Une telle preuve, qui peut se révéler dans certains cas assez exigeante et onéreuse sur le plan technique, visera à comparer la situation du groupe désavantagé, c'est-à-dire les nouveaux salariés, à celle du groupe témoin, c'est-à-dire les salariés plus anciens, du point de vue de l'âge. S'il s'agit de normes récemment introduites, la comparaison pourra s'effectuer entre les salariés déjà à l'emploi de l'entreprise et la main-d'oeuvre disponible pour le type d'emploi concerné. Dans la plupart des cas, un écart significatif devrait être relevé du point de vue de l'âge. Cela paraît évident quant aux secteurs d'activité qui prévoient pour certaines fonctions un âge maximum d'accès à l'emploi, et c'est notamment fréquemment le cas pour les policiers, pompiers, chauffeurs d'autobus, par exemple. Dans les autres cas, il faut tenir compte, comme facteur de complexité additionnel, du haut taux de chômage chez les jeunes ainsi que de la précarité et du caractère intermittent des emplois détenus par ce segment de la population; ces éléments suggèrent que l'offre d'emploi, en règle générale, sera le fait de candidats nettement plus jeunes que les salariés déjà en fonction. À cet égard, l'on relèvera que le Centre de recherche, dans son étude de 1988, signalait déjà que le résultat de telles clauses est effectivement de pénaliser surtout des jeunes.

Par ailleurs, dans les secteurs d'activité où se produit une recomposition de la main-d'oeuvre avec présence accrue des femmes et des minorités ethniques ou nationales, il est possible que l'introduction de la rémunération à double palier – et autres mesures similaires – ait un effet négatif disproportionné sur les femmes et les minorités dans la mesure où ces catégories de salariés sont davantage présentes parmi les candidats aux postes visés par les clauses dites orphelin. Preuve statistique à l'appui, et gardant à l'esprit les remarques formulées précédemment, il serait possible de démontrer en ce dernier cas que la clause orphelin entraîne de la discrimination indirecte à l'endroit de ces catégories de la population.

Cela dit, tel que déjà mentionné, trois éléments doivent être pris en considération pour qu'une situation discriminatoire existe au sens de l'article 10 de la Charte québécoise. Il ne suffit pas, par conséquent, d'établir un lien, d'une nature indirecte, entre un critère de discrimination, l'âge par exemple, et une distinction, exclusion ou préférence; encore faut-il démontrer que la présence d'un tel lien a pour effet de compromettre ou de détruire le droit à la reconnaissance et à l'exercice, en toute égalité, des droits et libertés de la personne. C'est là le sens de l'article 10. En l'occurrence, la rémunération à double palier – de même que les autres mesures similaires visant à désavantager les nouveaux salariés – est susceptible, dans la mesure où elle se rattache indirectement au critère de l'âge, du sexe ou de l'origine ethnique ou nationale, de mettre en cause, en particulier, le droit garanti par l'article 19 de la Charte des droits et libertés de la personne. Nous répondons donc oui aux trois éléments qui font qu'il existe discrimination.

Et, en ce qui concerne les exceptions au principe de non-discrimination, je demanderais à Me Coutu de vous faire part de la position de la Commission à ce sujet.

M. Coutu (Michel): Je pense qu'il est important de rappeler le texte de l'article 19. Alors, suivant l'article 19:

«Tout employeur doit, sans discrimination, accorder un traitement ou un salaire égal aux membres de son personnel qui accomplissent un travail équivalent au même endroit.

«Il n'y a pas de discrimination si une différence de traitement ou de salaire est fondée sur l'expérience, l'ancienneté, la durée du service, l'évaluation au mérite, la quantité de production ou le temps supplémentaire, si ces critères sont communs à tous les membres du personnel.»

Pour mesurer l'impact de l'article 19 sur le problème soulevé, il importe d'opérer un certain nombre de distinctions entre les clauses établissant un double palier de rémunération. Suivant la classification proposée par le CRSMT, les clauses permanentes établissent deux échelles de rémunération complètement étanches, alors que les clauses temporaires retardent la progression des nouveaux salariés dans l'échelle salariale, par exemple en introduisant des échelons supplémentaires aux niveaux inférieurs. L'intérêt de la distinction réside dans la difficulté d'interprétation que pose le second alinéa de l'article 19, qui prévoit un certain nombre de moyens de défense pour l'employeur et, le cas échéant, pour le syndicat, moyens fondés sur l'ancienneté, la durée du service, etc.

L'article 19 exige toutefois, et ça, c'est très important, que ces critères soient communs à tous les membres du personnel. Il est clair, à cet égard, que les clauses permanentes ne répondent pas à cette norme, puisqu'elles impliquent l'établissement d'échelles salariales totalement distinctes suivant les catégories de personnels concernées. Qu'en est-il toutefois des clauses temporaires, qui visent à retarder par diverses techniques la progression dans l'échelle salariale? Formellement, on pourrait dire, une fois intégrées à la convention collective, ces clauses à effet temporaire revêtent un aspect davantage neutre. Par exemple, une échelle salariale comportant dorénavant deux ou trois échelons supplémentaires aux niveaux inférieurs paraît a priori, puisqu'elle s'applique théoriquement à tous, reposer sur un critère commun à l'ensemble du personnel, soit l'ancienneté ou la durée du service.

Il importe cependant de tenir compte ici de ce que le second alinéa de l'article 19, représentant une exception au principe de non-discrimination, doit faire l'objet d'une interprétation restrictive. Tel que l'a souligné la Cour suprême du Canada dans l'arrêt ville de Brossard, et je cite, «les exceptions relatives aux exigences professionnelles réelles, que l'on trouve dans les lois en matière de droits de la personne, doivent, en principe, s'interpréter restrictivement puisqu'elles suppriment des droits qui autrement recevraient une interprétation libérale». Par ailleurs, la jurisprudence insiste généralement, en matière d'exceptions au principe de non-discrimination, sur l'importance d'une appréciation de la portée de telles exceptions qui soit fonction d'un critère objectif.

Par conséquent, nous sommes d'avis qu'en ce qui concerne l'article 19 de la Charte un lien rationnel et objectif doit exister entre une différence de traitement ou de salaire et les critères de l'expérience, de l'ancienneté, de la durée du service, pour nommer ces critères. En outre, l'expression «critères communs à l'ensemble du personnel» ne peut faire l'objet d'une interprétation purement formelle, mais plutôt doit faire l'objet d'une interprétation liée au contexte, au contexte des négociations, interprétation tenant compte de la finalité poursuivie au moment de l'introduction de la norme créant une différence de traitement ou de salaire. Ainsi, il sera fort difficile à l'employeur ou au syndicat de prétendre qu'une clause temporaire établissant un double palier de rémunération représente néanmoins une disposition de portée générale, alors que le contexte démontre à l'évidence la volonté des parties de ne plus fonder la politique salariale sur des critères communs à l'ensemble du personnel, même si ces critères sont liés par ailleurs à l'ancienneté ou à la durée du service.

Et je remets la parole au président de la Commission.

M. Filion (Claude): Dans son avis du 24 avril 1998, la Commission, sur la base des éléments qui précèdent, concluait en demandant, vous vous en rappellerez, une modification à la législation du travail, tenant compte du droit à l'égalité garanti par la Charte des droits et libertés de la personne, et qui aurait pour effet d'établir un cadre normatif visant les clauses relatives au double palier de rémunération et autres clauses dites orphelin, de manière à en éliminer les aspects discriminatoires.

(16 h 10)

Or, le ministère du Travail, dans son document de réflexion du 11 juin 1998, en vient à des conclusions nettement divergentes et s'oppose en particulier à toute intervention législative en ce domaine. La Commission ne peut qu'exprimer son désaccord à ce sujet, puisqu'elle estime au contraire qu'une modification de la législation du travail est nécessaire à l'atteinte de l'objectif d'une équité intergénérationnelle, auquel le ministère du Travail adhère par ailleurs. Au soutien de sa recommandation à l'effet de ne pas intervenir par voie législative, le document avance plusieurs arguments qui portent notamment sur les aspects suivants: le caractère bénéfique, pour certains représentants patronaux et syndicaux, des clauses orphelin, la légitimité de la protection des droits acquis des salariés et, enfin, l'absence de vide juridique du fait de la portée de la Charte des droits et libertés de la personne. Avant d'examiner la recommandation qu'énonce le ministère du Travail en fonction de ces arguments, soit la conclusion d'un pacte social, nous allons reprendre ces divers éléments pour en apprécier le bien-fondé.

D'abord, le caractère bénéfique des clauses orphelin. Tout en soulignant au point de départ que les clauses orphelin peuvent être source de frustration et de tension au sein de l'entreprise en minant notamment la solidarité syndicale – j'ajouterais même au sein de la société, dans la mesure où il s'agit là d'un phénomène persistant et répandu – le document s'attarde beaucoup plus longuement sur les effets bénéfiques de ces dispositions tels que perçus par certains représentants patronaux et syndicaux. Cette position paraît cohérente avec la recommandation – sur laquelle nous reviendrons – du document du ministère de rechercher un pacte social plutôt que de procéder par intervention législative, ce choix s'appuyant sur le respect du principe de la liberté contractuelle en matière de relations de travail. Il n'en reste pas moins que le document tend à minimiser les effets négatifs des clauses de rémunération à double palier, effets mis en lumière par un certain nombre d'études américaines en particulier et soulignés également dans l'analyse de 1992 du Centre de recherche. Ces études insistent fréquemment sur les répercussions négatives à moyen terme sur le moral et la productivité des salariés et sur les divisions créées au sein des unités syndicales à mesure, notamment, que croît la présence des nouveaux salariés. Ceci serait particulièrement le cas lorsqu'il y a mise en place de clauses à effets permanents. Rien ne permet de croire, à notre avis, que la situation pourrait être différente au Québec.

Deuxième argument avancé par le document de réflexion, la légitimité d'une protection des droits acquis des salariés. À cet égard, le ministère observe que, s'il paraît normal de la part des nouveaux salariés de réclamer un même traitement pour un travail semblable, il peut paraître aussi légitime de la part des syndicats de vouloir sauvegarder les droits acquis par les salariés qui sont déjà à l'emploi d'une entreprise. Cette préoccupation pour le respect des droits acquis des salariés est assurément tout à fait fondée, mais elle ne doit pas mener à des ententes qui méconnaîtraient le caractère d'ordre public de la Charte. Si une clause orphelin entraîne des effets indirectement discriminatoires, la Charte, vu sa nature quasi constitutionnelle, doit recevoir préséance sur toute disposition contraire d'une convention collective. Il ne faut pas, d'ailleurs, établir d'automatisme entre la mise à l'écart des clauses orphelin dans une entreprise donnée et le retrait des droits acquis par les salariés lors de négociations antérieures. Compte tenu du contexte des négociations, il est possible pour les organisations de travailleurs et les organisations patronales de rechercher toute solution de compromis avec l'employeur sans que celle-ci doive par nécessité se réaliser au détriment des futurs employés de l'entreprise.

Troisième argument du document, l'absence de vide juridique du fait de la portée de la Charte des droits et libertés de la personne. Le document du ministère invoque également, ce qui paraît sous-tendre sa volonté de ne pas intervenir par voie législative, le fait que la situation des clauses orphelin n'est pas entièrement dépourvue d'un cadre normatif, en ce sens qu'il faut tenir compte des dispositions de la Charte des droits et libertés de la personne. Remarquons au passage que le document ne présente pas de manière adéquate la position de notre Commission sur le sujet des clauses orphelin. Suivant le ministère, certains, dont la Commission, sont d'avis que les clauses orphelin constituent une forme de discrimination indirecte fondée sur l'âge. Toutefois, on ne peut conclure d'emblée que toute clause orphelin constitue réellement une forme de discrimination indirecte. Tel qu'il ressort à l'évidence, telle n'est pas la position de la Commission, puisque dans tous les cas la discrimination doit être prouvée, sur la base d'éléments statistiques concluants, le cas échéant. Et ce, évidemment, sans intervention législative.

Par ailleurs, l'étude du ministère du Travail doute que les tribunaux québécois soient enclins à reconnaître la discrimination indirecte au regard du critère de l'âge. Sur ce point, il convient de faire remarquer toutefois que nos tribunaux étendent graduellement l'application de cette notion à d'autres critères que ceux auxquels elle s'est d'abord historiquement rattachée. En regard du critère de l'âge proprement dit, l'application de la notion de discrimination indirecte, comme nous l'avons signalé plus haut, a été évoquée par le Tribunal des droits de la personne et explicitement reconnue par la Cour d'appel du Québec. La Commission est donc loin de partager les doutes du ministère sur ce point.

L'étude Vers une équité intergénérationnelle procède ensuite à l'examen des diverses solutions possibles pour atteindre une équité entre les nouveaux et anciens salariés. Trois avenues sont prises en considération: la conclusion d'un pacte social, une interdiction globale des clauses orphelin, une interdiction partielle. Le pacte social apparaît dans le document comme la solution, selon le ministère, la plus avantageuse. Ce pacte aurait pour finalité d'engager, et je cite, «tous les représentants syndicaux et patronaux concernés, y compris le gouvernement, à prendre les mesures nécessaires pour atteindre une équité entre les nouveaux et les anciens salariés». Pour le ministère, cette solution présente l'avantage de respecter le principe de libre négociation et de laisser aux parties, et je cite encore, «toute la marge de manoeuvre nécessaire pour procéder aux changements structurels». Il n'en reste pas moins que, dans le contexte des clauses orphelin, où le patronat et certains représentants syndicaux expriment de fortes réticences à une modification législative des pratiques actuelles, l'élaboration d'un pacte social risque d'être un exercice particulièrement laborieux, avec possiblement des résultats purement symboliques en bout de ligne. Fondamentalement, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse ne peut donner sa caution à une approche qui risquerait de perpétuer l'exclusion des catégories de travailleurs visés par les clauses orphelin – les jeunes en particulier – sans même d'ailleurs les considérer comme des parties intéressées au processus. C'est pourquoi la Commission ne favorise pas cette approche et s'en tient à la recommandation d'une modification législative.

En conclusion. Pour les raisons énoncées dans notre mémoire et dans les prises de position qui l'ont précédé, depuis 1990, la Commission des droits de la personne est d'avis que le recours aux clauses de rémunération à double palier et aux autres clauses orphelin dans les conventions collectives soulève de très sérieuses questions eu égard à sa conformité avec les principes de la Charte des droits et libertés de la personne. La Commission entend continuer à exercer sa vigilance et faire usage des pouvoirs d'enquête qui lui ont été conférés par le législateur. Elle attire cependant l'attention du législateur sur le fait que le recours à de telles clauses est un phénomène répandu, est un phénomène persistant, au surplus apparemment en croissance dans certains secteurs. Elle rappelle également que la mise en preuve des données pertinentes à l'évaluation cas par cas du caractère discriminatoire de ces clauses, dans tel ou tel cas, est susceptible de taxer sérieusement non seulement ses propres ressources, mais aussi celles des autres intervenants impliqués dans une enquête. Dans ce contexte, la Commission recommande au législateur d'éviter d'aborder la problématique des clauses orphelin au cas par cas.

Consciente, par ailleurs, des limites inhérentes à la recherche d'un contrat social dont la réalisation risquerait d'être lente et aléatoire en raison de la dynamique des rapports collectifs du travail, la Commission est fermement convaincue qu'une intervention du législateur est indispensable. Réitérant ses positions antérieures, elle réaffirme donc sa conviction à l'effet que le législateur doit, de toute nécessité, modifier la législation du travail afin d'éliminer tout élément discriminatoire rattaché aux clauses de rémunération à double palier et autres clauses dites orphelin. Merci de votre attention.

La Présidente (Mme Vermette): Nous allons essayer de procéder un petit peu... On a perdu quelques minutes sur notre temps, mais ce n'est pas grave. Je suis convaincue qu'on va les rattraper en cours de route. Alors, M. le ministre, je vous laisse la parole.

M. Rioux: Mme la Présidente, j'espère qu'on ne sera pas pénalisé parce que la Commission des droits et libertés a outrepassé son temps.

La Présidente (Mme Vermette): Non, pas du tout. Pas du tout.

M. Rioux: Alors, MM. Filion et Coutu, on avait quand même bien hâte que la Commission se pointe ici pour nous donner son avis. C'est toujours très attendu, les avis de la Commission. C'est généralement judicieux.

Et le professeur Morin, justement, ce matin, un éminent juriste et professeur à l'Université Laval, qui a l'admiration d'à peu près tout le monde – je ne sais pas s'il a l'admiration de la Commission des droits, mais il devrait – il a dit: «Le principe d'égalité sous-jacent à la Charte et auquel sont subordonnées les libertés qui y sont aussi affirmées est étayé, précisé ou aménagé à l'aide de six dispositions spécifiques qui visent la relation de travail: articles 10, 16, 17, 19, 20 et 46. Nous retenons ces règles à titre de première grille d'analyse relative à la légalité de ces clauses de type orphelin. Pour éviter les pièges de la casuistique et du juridisme outrancier», nous nous limiterons à ces quelques questions et observations en marge de toute la réflexion qu'il a faite devant nous ce matin.

(16 h 20)

Donc, le professeur retient l'avis que donne la Commission. D'ailleurs, il faisait une distinction entre la Charte et l'avis que pouvait donner la Commission. Pour lui, c'était deux choses un peu différentes, une intervention étant plus ponctuelle, sans doute, compte tenu du contexte dans lequel vous intervenez. Mais vous faites la critique également du document du ministère. Vous aurez sans doute remarqué que ce n'était pas nécessairement la position du ministre. La position du ministre a été exprimée par une déclaration ministérielle à l'Assemblée nationale. Alors, c'est pour ça que les critiques que vous pouvez faire sur notre document du ministère sont reçues avec beaucoup d'ouverture.

Le principe édicté à l'article 19 qui prévoit qu'à un travail égal une personne a droit à un salaire égal, ça, c'est le principe. Mais, au deuxième alinéa de l'article 19, on permet que le salaire ne soit pas égal si cela est fondé sur des critères comme l'expérience, l'ancienneté, la durée de service, et des notions aussi importantes que celles-là, qu'on reconnaît et qu'on connaît très bien en relations de travail. Mais il faut que ces critères-là soient communs à tous les membres du personnel. Mais l'ancienneté ou la durée de service, ça se cumule, ça, et ça se cumule certainement à partir de la date d'embauche, si je ne m'abuse. Alors, comment se fait-il qu'un salaire ou un traitement différent ne serait pas discriminatoire en fonction de l'ancienneté ou de la durée de service, mais qu'il serait discriminatoire en fonction de la date d'embauche? J'aimerais, étant donné que vous êtes des experts, vous autres... Nous autres, on est plutôt des gens très attentifs à ce qui se dit, vous comprendrez bien, et les témoignages d'experts, nous les recevons et nous analysons ça avec beaucoup de respect. Alors, expliquez-nous donc ça un peu en langage simple, parce qu'il y a des gens qui regardent ça, cette commission, qui écoutent aussi, et qui voudraient bien comprendre ce que ça veut dire...

M. Filion (Claude): D'accord.

M. Rioux: ...le phénomène des clauses orphelin, dans notre société.

M. Filion (Claude): D'abord, la Charte québécoise des droits et libertés appartient à tout le monde: aux législateurs, et vous êtes très attentifs; elle appartient au gouvernement, aux groupes, aux intéressés, aux personnes. Heureusement que la Commission n'est pas la seule à promouvoir les principes qui sont contenus dans la Charte des droits et libertés de la personne. Nous tentons, évidemment, d'exécuter le mandat que vous nous avez confié du mieux possible.

Ceci étant dit, je pense que c'est simple. L'ancienneté, c'est l'ancienneté; la date d'embauche, c'est la date d'embauche. Que, dans une convention collective, on paie des employés de façon différente selon l'ancienneté qu'ils ont, c'est tout à fait légitime. Mais la date d'embauche, c'est autre chose: ils n'ont pas d'ancienneté, ils sont tous les deux sur le même pied, c'est strictement la date qui change. Si vous avez été engagé par votre employeur à partir du 1er janvier 1999, vous avez droit à tel salaire, alors que, si vous avez été embauché le 1er janvier 1998, c'est un autre salaire.

Alors donc, ce qu'on dit, c'est que ça, c'est un critère qui rejoint indirectement l'âge, parce que, en général – mais encore faut-il, dans le cas par cas... et c'est ce qui rend le dossier du cas par cas difficile – la main-d'oeuvre nouvelle d'une entreprise est constituée de jeunes, comme le ministère, d'ailleurs, le reconnaît. Alors, en ce sens-là, pour nous, M. le ministre, il n'y a pas de confusion possible entre le deuxième alinéa de l'article 19, dont vous a fait part, d'ailleurs, tantôt Me Coutu, à qui je vais demander, d'ailleurs, avec votre permission, de compléter ma réponse... Mais l'ancienneté, c'est l'ancienneté; la date d'embauche, c'est autre chose. Comme la date d'embauche, indirectement, ça tombe, si vous retenez ce critère-là, si les conventions collectives retiennent ce critère-là... comme par hasard, ça vient tomber, en général, sur les jeunes. Ça peut aussi, comme notre mémoire le révèle, affecter les femmes et les minorités, parce que, à cause de la recomposition et de la redéfinition de la main-d'oeuvre québécoise, il se peut que ça soit une de ces deux catégories-là qui soit affectée.

Alors donc, c'est à partir de cette distinction-là qui nous apparaît – je ne sais pas si ça répond bien à votre préoccupation – mais tout à fait différente des critères prévus au deuxième alinéa de l'article 19 que sont, comme vous l'avez bien mentionné, «l'expérience – je ne sais pas s'il y a des gens ici, et je n'ai pas suivi le mot à mot de tous vos travaux, qui prétendent que l'expérience ne doit pas être reconnue. L'expérience doit être reconnue. En tout cas, c'est intéressant à reconnaître dans une convention collective – l'ancienneté, la durée du service, l'évaluation au mérite, la quantité de production ou le temps supplémentaire, si ces critères sont communs à tous les membres du personnel», nous dit le législateur dans sa grande sagesse. Il faut que ces critères-là s'appliquent à tout le monde. Si vous les faites s'appliquer uniquement à une certaine catégorie, à un sous-groupe à l'intérieur d'un groupe contenu dans une convention collective, là, vous êtes susceptibles d'opérer encore un geste discriminatoire. Je ne sais pas si vous voulez compléter?

M. Coutu (Michel): Oui, bien, j'irais dans le même sens, en disant que l'article 19, alinéa 2, qui, on peut se l'admettre, n'est pas une interprétation facile, il n'y a pas de jurisprudence à date très claire dans ce domaine-là, mais on peut se baser, avec passablement d'assurance, sur la jurisprudence des tribunaux en matière d'interprétation des lois et chartes relatives aux droits de la personne. Alors, 19, alinéa 2, c'est clairement une disposition d'exception.

Ce que nous disent les tribunaux, à ce moment-là, puisque ça crée un certain nombre d'exceptions à la discrimination, en matière d'expérience, d'ancienneté, durée du service, etc., il faut, d'une part, une interprétation restrictive et il faut, d'autre part, qu'il y ait un critère objectif qui entre en jeu. C'est donc dire qu'on ne peut pas interpréter 19, alinéa 2 en se limitant strictement à regarder ancienneté et durée du service: Bon, la question des clauses orphelin met en cause l'ancienneté et la durée du service; on arrête là l'analyse juridique. Non. Il faut regarder ça globalement, tenir compte de cet élément qui, pour nous, est fondamental, «des critères qui sont communs à tous les membres du personnel» – ce n'est, évidemment, pas sans raison que ça a été placé dans la disposition – et tenir compte également de la dynamique générale, de l'orientation générale de la Charte des droits et libertés de la personne en matière de discrimination.

Alors, pour revenir à ce que je mentionnais tout à l'heure en lisant nos notes de présentation, moi, j'ai extrêmement de difficulté à concevoir qu'une entreprise qui établit vraiment deux catégories étanches de progression dans des échelles salariales est en train de mettre sur pied des critères qui sont communs à l'ensemble des membres du personnel. Je pense que, au contraire, c'est clair qu'on vient de créer deux catégories totalement distinctes de salariés qui font, cependant, un travail qui est le même, qui est équivalent, à l'intérieur de l'entreprise... pour dire que c'est des critères qui sont communs à tous les membres du personnel.

Comme je disais, on pourrait argumenter beaucoup plus longtemps sur la question des clauses temporaires ou peut-être d'autres formes de clauses orphelin. Cependant, à mon avis, il ne faut pas, compte tenu des critères de restrictivité et d'objectivité que je mentionnais, y aller d'une interprétation formelle, il faut se baser sur l'interprétation contextuelle qui va tenir compte... notamment, un des éléments fondamental, un élément fondamental, c'est de tenir compte du contexte des négociations.

Prenons un exemple un peu simple – puis je termine là-dessus parce que je ne veux pas accaparer votre temps plus qu'il ne faut – la question de l'expérience. Il se peut qu'une entreprise fasse une étude très rigoureuse de la façon dont l'expérience est rémunérée et reconnue pour les nouveaux arrivants. Ils disent: Notre système n'est pas suffisamment sophistiqué et on va allonger un peu, etc., pour différentes raisons. Si ça se base sur des études qui sont rigoureuses, à notre avis, à ce moment-là, 19, alinéa 2 validerait totalement une défense à l'encontre d'une plainte de discrimination. Mais, si l'expérience est purement une argumentation qui vient après coup, ce n'est pas le cas, à notre avis.

La Présidente (Mme Vermette): Si les réponses pouvaient être un petit peu plus courtes. Je sais que, des fois, ça demande de grandes... Mais, non, parce que c'est le temps qui passe et je pense que le ministre avait plusieurs questions à vous poser. Alors, M. le ministre.

M. Rioux: On va essayer de faire en sorte que les questions soient courtes, Mme la Présidente.

Donc, pour la Commission, que la clause orphelin soit permanente ou temporaire, c'est discriminatoire et c'est non recevable. C'est clair?

M. Filion (Claude): Nous, on demande une législation qui va comprendre les deux.

M. Rioux: Très bien. Très bien.

M. Filion (Claude): Encore une fois, la discrimination doit être prouvée, dans le cas par cas. Quand vous dites «les», il faut regarder le cas par cas quand on arrive devant le tribunal. Si on prend le cas par cas, c'est ça qui est lourd, onéreux, complexe et qui est un tunnel sans fin.

M. Rioux: C'est dur de faire la preuve aussi à partir des critères objectifs.

M. Filion (Claude): Si vous y allez cas par cas. Si vous y allez cas par cas, c'est une preuve statistique.

M. Rioux: O.K.

M. Filion (Claude): Il faut regarder les analyses de disponibilité de main-d'oeuvre, la main-d'oeuvre en place. Il commence à y avoir passablement d'avocats autour de ça, juste à l'imaginer, là.

(16 h 30)

M. Rioux: Mais, M. le président, j'aimerais savoir: Étant donné que la Commission, compte tenu du caractère d'ordre public de la Charte et de sa valeur quasi constitutionnelle, c'est ce qu'on retrouve dans votre texte, comme vous l'affirmez d'ailleurs – pourquoi ce n'est pas dans le cadre de la Charte que la légalité des clauses orphelin devrait être contestée? Vous vous référez plutôt aux lois du travail.

M. Filion (Claude): D'accord.

M. Rioux: Encore là, j'aimerais des clarifications là-dessus.

M. Filion (Claude): D'abord, on a déjà reçu, depuis... Entre 1990 et 1998, la Commission n'a pas reçu de plaintes. Depuis quelques mois, on en a reçu deux. Pourquoi, seulement deux? C'est parce qu'il n'y a pas de plaignants, M. le ministre, une des raisons, et il y en a plusieurs, premièrement, il n'y a pas de plaignants.

Il y a peu de plaignants parce que les jeunes travailleurs, dans les entreprises, ils n'ont pas le goût, eux autres, nécessairement, d'affronter à la fois leur association de salariés et leur employeur sur une clause de la convention collective qui les affecte. Donc, curieusement, malgré le fait que les clauses orphelin sont dans le décor depuis déjà plusieurs mois, on a reçu deux plaintes seulement.

Deuxièmement, cas par cas, comme j'ai tenté de l'expliquer, c'est un processus extrêmement lourd, onéreux et complexe pour le plaignant et pour la Commission parce que ça demande des analyses de disponibilité – c'est ce que j'appelle les preuves statistiques – et ça prend la collaboration des deux parties. Les plaignants, souvent, n'ont peut-être pas les moyens de nous emmener les statistiques, etc., relativement à tel ou tel groupe de futurs employés. Donc, c'est un phénomène extrêmement lourd, complexe et qui demande des ressources énormes.

Troisièmement, les clauses orphelin constituent un phénomène répandu, un phénomène persistant qui crée une injustice pour un groupe particulièrement défavorisé dans d'autres secteurs pour les jeunes. Nous croyons qu'une intervention législative qui a un effet immédiat, qui n'est pas un tunnel judiciaire plus ou moins long mais qui a un effet immédiat – bon, relativement immédiat, je suis prêt à le concéder – permet d'affronter ce phénomène-là, qui est un phénomène qui est ancré dans le secteur privé, dans le secteur public, dans le secteur syndiqué, dans le secteur non syndiqué, parce que ce n'est pas uniquement un phénomène qu'on retrouve dans le secteur syndiqué, bref, un phénomène qui est relativement généralisé. Seule une intervention législative peut arriver à contrer ces effets-là.

Je vais donner un exemple. la Loi de l'équité salariale, que cette Assemblée nationale a adopté l'an dernier, je crois, ou il y a 18 mois, peut-être, c'est un peu le même phénomène. L'équité salariale, vous savez, c'est un principe de la Charte aussi. Il y a bien des choses qui sont dans la Charte. Mais l'application concrète de ça était rendue extrêmement longue, ça avait pris plusieurs années. Et la Loi de l'équité salariale est venue mettre en branle un processus, même s'il est étalé dans le temps, un processus visant quand même à rectifier la situation. Alors, c'est pour ça qu'on invite le législateur, devant ce phénomène grandissant, persistant d'injustice et de discrimination à l'endroit d'un groupe, je le répète, qui est particulièrement peut-être vulnérable, actuellement, dans la société pour d'autres raisons, à intervenir. Voilà.

M. Rioux: Alors, M. Filion, je voudrais donner la chance...

M. Filion (Claude): Certainement.

M. Rioux: ...à mon collègue de Groulx de poser une question avant de passer aux questions de nos collègues de l'opposition.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, il reste deux minutes.

M. Kieffer: Je vais essayer de faire très vite, Mme la Présidente. De toute façon, vous avez déjà abordé la question. Le projet de loi du député de Rivière-du-Loup touche le travail organisé. Il vise à modifier le Code du travail pour cerner cette question-là. Ça représente entre 35 % et 40 % des travailleurs et travailleuses, au Québec, de la main-d'oeuvre active. Il reste le 60 % et quelques de la main-d'oeuvre active qui n'est pas syndiqué.

Ma courte expérience et ma courte connaissance des entreprises, et je parle surtout du privé parce que, de toute façon, le public est encadré soit par les syndicats, ou autre, mais ma courte expérience avec les entreprises non syndiquées, généralement de 100 travailleurs et moins – hein, c'est surtout là qu'on les retrouve – les pratiques discriminatoires sont courantes. Elles sont courantes parce que, plus souvent qu'autrement, c'est un individu qui négocie un contrat de travail avec un autre individu qui se trouve être le patron et qui, selon ses critères à lui, sa vision à lui, son option quant à la productivité, etc., va signer un contrat avec lui.

Il existe la Loi sur les normes minimales de travail, qui dit: Tu n'as pas le droit de le payer en bas de tel salaire. Mais elle ne dit pas beaucoup plus. Quel est le véhicule – et là, je veux vous amener sur la Loi sur les normes du travail – approprié pour interdire les clauses orphelin individuelles, là aussi – il y en a une multitude – mais aussi les moyens de l'appliquer? C'est bien beau, un principe inscrit dans une loi, mais comment nous allons nous assurer que le 60 % et quelques des travailleurs non syndiqués va pouvoir avoir les mêmes protections que le monde syndiqué?

La Présidente (Mme Vermette): Brièvement, parce que... À moins que vous répondiez pour l'autre côté, mais, en fait...

M. Kieffer: J'ai pris mon deux minutes, Mme la Présidente. Ha, ha, ha!

M. Filion (Claude): Brièvement, pour les raisons que vous avez bien expliquées, parce que les clauses orphelin, ce n'est pas juste un problème dans telle entreprise syndiquée ou... c'est devenu un problème de société autant dans le secteur syndiqué que dans le secteur non syndiqué. Puis, dans le secteur non syndiqué, Dieu sait si... Bon.

La Loi sur les normes du travail, qu'on a appelée la convention collective des non-syndiqués, constitue, à notre sens – mais, encore une fois, le législateur, dans sa sagesse, peut peut-être différer – le véhicule par excellence pour inclure une clause visant à prohiber ces dispositions de type orphelin. Donc, notre préférence, mais... va nettement du côté de la Loi sur les normes du travail.

Par rapport au Code du travail. Bon, il y a toutes sortes de choses intéressantes dans le Code du travail, mais, quand même, je pense bien qu'essentiellement la Loi sur les normes du travail, ce pourrait être le bon véhicule avec...

Mais là, encore une fois, M. le ministre, on va vous laisser étudier les aspects mécaniques beaucoup plus à fond que nous pouvons le faire. Mais, bon, il y a toute une logistique à l'intérieur de la Loi sur les normes du travail qui passe possiblement – c'est des choix de législation, du législateur – par 124, par les commissaires du travail. Il y a une voie là, en tout cas, qui nous apparaît peut-être un moyen propice, mais il peut y en avoir d'autres. Et évidemment nous nous ferons un plaisir, lorsque la législation aura pris forme, si telle est votre volonté, de venir enrichir vos débats.

La Présidente (Mme Vermette): Je vous remercie. Alors...

M. Filion (Claude): Par rapport à la Charte. Chose certaine, sûrement pas la Charte à amender, ça, c'est évident, parce que la Charte est comme...

La Présidente (Mme Vermette): Ha, ha, ha! Vous pourriez peut-être rajouter tantôt parce que j'aimerais bien passer le temps de parole pour que tout le monde puisse avoir son droit de parole. Alors, vous pourriez commenter avec les sujets que vont vous poser les autres membres de la commission. Alors, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci beaucoup. Merci, M. Filion et M. Coutu. C'est pour une autre fois que je vous entend, et j'aime beaucoup vous entendre et regarder l'aspect éclairant et clair de ce que vous amenez. Et je vous dirais que deux choses me surprennent, à date. La première, j'espère que les collaborateurs du ministre ne seront pas trop déçus de voir qu'il se distancie à ce point de leur document et développe sa propre position, ça doit être ce qu'on doit appeler l'évolution. Et la deuxième, c'est de...

Une voix: Mutation.

M. Béchard: Oui. La mutation, comme le dit ma collègue. C'est un mutant. La deuxième, c'est de dire à quel point... Vous savez, à un moment donné, je pense que c'était à l'étude des crédits avec le ministre responsable des Relations avec les citoyens, M. Boisclair, on parlait des clauses orphelin. Lui, sa solution était très simple, il me disait: Les gens n'ont qu'à faire appel devant la Commission des droits de la personne. J'avais beau lui dire à peu près ce que vous nous dites là, lui, c'était sa ligne, puis il allait là-dessus, puis il continuait, puis c'était sa façon de régler le problème des clauses orphelin. Il disait: Les gens ont juste à utiliser ce recours. Donc, je suis heureux de voir que ce recours-là, qui était préconisé par le ministre responsable des Relations avec les citoyens et, entre autres, de la jeunesse, n'est à l'évidence pas si simple et pas si facile. Et le nombre de plaintes que vous disiez que vous aviez eues entre 1990 et 1998 et dans les derniers mois le démontre clairement, puis la situation est parfaitement plausible.

La Charte a préséance sur le contenu des conventions collectives. Et le droit à l'équité dans les conditions de travail, au Québec, par l'apparition du phénomène des clauses orphelin, semble galvaudé. On a amené ce nouveau modèle là autant dans le secteur public et dans le secteur syndiqué que dans le secteur privé et dans le secteur non syndiqué. Vous parlez d'une législation qui pourrait être sur les normes comme telles, la Loi sur les normes du travail.

(16 h 40)

Moi, depuis le début de la commission que je pense et que je teste l'idée qu'une législation sur les clauses orphelin devrait peut-être être plus englobante. C'est-à-dire qu'au lieu de chercher à quelle loi on doit la rattacher, pourquoi ne mettrait-on pas en place une pièce législative distincte sur les clauses orphelin: qui pourrait s'appliquer autant sur les normes, c'est-à-dire les gens qui n'ont pas de convention collective et, comme mon éminent collègue de Groulx l'a mentionné, souvent ont des conditions salariales très différentes et sont dans des situations de précarité qui ne leur permettent pas beaucoup de marge de manoeuvre; qui s'étendrait au niveau des conventions collectives, c'est-à-dire du Code du travail; qui s'étendrait aussi dans le secteur public, parce qu'à l'évidence depuis les derniers mois et les deux dernières années, entre autres, c'est là qu'il semble y avoir le plus de prolifération et d'encouragement pour les clauses orphelin de la part du gouvernement; qui inclurait aussi les cadres, qu'on a entendus, donc tout le phénomène, peu importe où on le retrouve; qui définirait c'est quoi, quels sont les recours, comment les gens peuvent se servir de ces recours-là et aussi surtout la période de transition ou, je dirais...

Parce qu'on ne peut pas déclarer demain matin: Finies les clauses orphelin, puis on revoit tout l'ensemble des conventions collectives au Québec, puis on tombe dans un chaos assez phénoménal où on crée peut-être plus de problèmes qu'on en règle. Qu'est-ce que vous pensez d'une pièce comme ça, distincte, puis qu'au lieu d'essayer de la rattacher quelque part puis, à un moment donné, on va se rendre compte qu'on a oublié des gens, d'essayer d'y aller de façon plus globale?

M. Filion (Claude): Si une stipulation visant les clauses orphelin était incluse dans la Loi sur les normes du travail, sauf erreur – on me corrigera – elle s'appliquerait à la fois aux non-syndiqués et aux syndiqués. Donc, on aurait l'effet recherché. Je saisis votre point de vue. Et un des aspects que vous soulevez dans votre question, c'est le fait que, peut-être, ce n'est pas juste un problème d'entreprise, c'est devenu, d'une certaine façon, un problème peut-être de société, et que vous voulez envoyer un message.

Je pense que, si le législateur intervient de la façon appropriée, il envoie son message. Il envoie son message conformément à l'esprit de la Charte. Aussi, il croit, si l'évolution d'un peuple, c'est de passer un relais entre les générations, que le relais, que le témoin, si on veut, il va vraiment valoir quelque chose. En deux mots, le message qui peut être envoyé, à mon sens, est aussi bon dans la Loi sur les normes du travail que dans une autre. Il s'agit de trouver le meilleur véhicule pour telle stipulation.

Encore une fois, ce que nous croyons, à la Commission, c'est que ce qui est important, c'est que le législateur intervienne pour envoyer le signal clair que, évidemment, il faut mettre fin à cette discrimination-là et envoie le message clair aussi qu'il croit que tous les citoyens et les citoyennes du Québec sont égaux, peu importe leur âge, et que le relais, si on veut, entre les générations va s'effectuer d'une façon équitable, sans préjudicier à une classe de citoyens. Mais ce message-là, à mon avis, est compris dans l'effort que le législateur pourrait faire et, en soi, ça a suffisamment d'impact. Alors, dans ce sens-là, je ne sais pas si Me Coutu voulait ajouter quelque chose, mais, pour moi, le véhicule législatif choisi vous appartient. La Loi sur les normes du travail nous apparaît le meilleur véhicule, à ce stade-ci, mais ce n'est pas nécessaire d'en faire une...

M. Béchard: Seulement sur les normes, on oublie, au niveau de la santé, qu'ils ne sont pas intégrés là-dedans, qu'ils peuvent se distancer. On oublie des pans, là.

M. Filion (Claude): Ah bon!

M. Béchard: C'est ça.

M. Filion (Claude): Bon. Alors, vous m'éclairez. Il faudrait être sûr évidemment...

M. Béchard: C'est pour ça que, quand je vous dis qu'on va oublier des choses, c'est ça...

M. Filion (Claude): D'accord. Alors, il faudrait être sûr évidemment d'attacher les fils...

M. Béchard: C'est ça.

M. Filion (Claude): ...et de faire en sorte que, si c'est bon dans le secteur privé, c'est bon dans le secteur public et que le message est envoyé à tous les niveaux, bien sûr, pour qu'il soit efficace. Je suis tout à fait d'accord avec vous. Il ne devrait pas y avoir évidemment de distinction selon qu'on est, encore une fois, syndiqués, pas syndiqués, secteur public, secteur privé, petite entreprise, moyenne entreprise. Non. C'est de la discrimination. C'est un principe fondamental contenu dans votre loi quasi constitutionnelle, dans notre loi à tous quasi constitutionnelle, et la législation viendrait contrer cette discrimination-là et envoyer un message, à mon avis, important à l'égard de ce que j'appelais le relais intergénérationnel.

La Présidente (Mme Vermette): Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, Mme la Présidente. Alors, M. Filion, M. Coutu, merci pour l'éclairage. La Commission des droits de la personne est toujours une institution qui nous apporte des éléments d'information extrêmement pertinents. Cependant, il subsiste une ambiguïté. Ce matin, on a entendu le président de l'Association des manufacturiers et des exportateurs du Québec, qui disait que la Commission des droits de la personne ne considère pas que les clauses orphelin constituent une discrimination au sens de l'article 10 de la Charte.

Tantôt, je vous ai écouté et vous avez donné votre point de vue. Le ministre a compris autre chose. Pourriez-vous, pour le bénéfice de tous, nous dire le plus clairement possible si les clauses orphelin constituent une discrimination, au-delà de toute interprétation qui pourrait peut-être être erronée?

M. Filion (Claude): Devant les tribunaux, dans le cas par cas, il faut faire des preuves. Dossier par dossier, il faut faire des preuves à l'effet que, effectivement, telle clause orphelin a préjudicié à des jeunes, par exemple, ou peut-être même à des femmes ou à certains membres des communautés culturelles. Une preuve à faire. Ce n'est pas nous, à la Commission, qui concluons: Il y a, dans telle convention collective, discrimination. Nous donnons notre avis. Nous portons la cause, le cas échéant, devant le tribunal.

Ce que nous disons, à la lueur de... Et c'est notre mémoire, je pense que c'est clairement écrit dans le mémoire. Il y a un consensus qui existe à l'effet que les clauses orphelin préjudicient à des jeunes surtout – je pense que c'est dans le document du ministère. C'est difficile de... Le bon sens nous amène à dire que la nouvelle main-d'oeuvre est généralement, mais pas toujours, constituée de jeunes. C'est pour ça que je ne peux pas généraliser, comme vous m'invitez à le faire, puis dire: Toutes les clauses orphelin, partout, sont toutes discriminatoires. Non. Dans l'état actuel du droit, il faut les prendre une par une et puis les examiner véritablement. Dans l'état actuel du droit.

Avec une nouvelle législation, cette nouvelle législation peut être d'ailleurs rédigée de toutes les sortes de façons, aussi, c'est différent. Me Coutu, est-ce que c'est suffisamment clair? Je pense que je ne peux pas l'être plus que ça.

M. Coutu (Michel): Je pense que l'avis de la Commission d'avril 1998, que le mémoire qui a été présenté, ils me semblent sans ambiguïté sur cette question-là. La Commission n'affirme pas que, dans tous les cas, les clauses orphelin de double paliers de rémunération, par exemple permanents ou temporaires, sont, par le fait même, discriminatoires. Mais elle dit cependant que, dans un très grand nombre de cas, nous pouvons prévoir que ces clauses orphelin ont un effet indirectement discriminatoire sur la base de l'âge, pour les raisons que le président de la Commission vient d'énoncer. Et nous disons aussi que, dans certains cas – parce que, ça, on a tendance à l'oublier aussi – il y a un effet indirectement discriminatoire qui peut s'exercer sur les nouveaux arrivants et arrivantes sur le marché du travail, les personnes qui ont intégré l'emploi depuis quelques années seulement, donc les femmes et les minorités ethniques, en particulier.

M. Filion (Claude): Oui. Puis, pour terminer, je pense que la difficulté vient du fait de la discrimination indirecte. Quand c'est une discrimination directe... Si les clauses orphelin disaient: Nous autres, si on engage des jeunes, on va les payer moins, bien, là, ça serait clair, la loi est là. C'est parce que ce n'est pas ça que ça dit. Le mode de rémunération est différent selon la date d'embauche. Comme c'est surtout des jeunes qui sont nouvellement embauchés, ça devient une discrimination indirecte.

C'est pour ça que, dans notre mémoire, on explique une définition que les cours nous ont donnée de la discrimination indirecte d'apparence neutre. Une clause orphelin, c'est d'apparence neutre à l'égard des jeunes. Mais, quand on l'examine comme il faut, on s'aperçoit que ça préjudicie aux jeunes.

(16 h 50)

Et l'exemple de ça, si vous me permettez, peut-être pour rendre la matière encore plus palpable pour vous: vous vous souvenez, à l'époque, dans les corps de police, il y avait des clauses qui disaient qu'il fallait avoir telle taille. Il fallait mesurer, je ne sais pas – à l'époque, c'était en pieds puis en pouces – 5 pi 10 po. C'est neutre, ça. On ne fait pas de discrimination à l'égard des femmes, nous autres. C'est neutre, c'est 5 pi 10 po pour tout le monde. Bien, oui, mais, comme par hasard, ça s'adonne, bagage génétique nous aidant, que les femmes, en général, ont une taille – malgré que ça a tendance à changer, si on regarde nos enfants mais, en tout cas – généralement plus courte que celle des hommes d'une part. Puis deuxièmement, il y a certains groupes de communautés culturelles aussi qu'on retrouve en bas. Alors, ça, c'est une règle qui avait l'air neutre, mais qui évidemment ne résiste pas à l'analyse. Alors, donc, c'est un peu ça qui rend la difficulté... Peut-être que c'est de la discrimination indirecte. Je ne sais pas si je la fais bien comprendre.

Mme Houda-Pepin: Je pense que oui et je pense que ça va être compris mieux de tous, parce que les interprétations n'étaient pas aussi claires pour ceux qui ont lu votre mémoire mais qui ne vous ont pas entendu. À la page 11, vous faites référence à l'arrêt de la Cour suprême du Canada dans le cas de la Commission des droits de la personne versus la ville de Brossard. Pourriez-vous nous expliquer la teneur de cet arrêt-là? Peut-être que ça pourrait éclairer la référence que vous faites à l'article 19 de la Charte.

M. Coutu (Michel): Oui. Si je me rappelle bien, à la ville de Brossard, je pense que c'était un cas d'embauche discriminatoire fondée sur l'état civil et où la ville invoquait le second alinéa de l'article 20 de la Charte – je ne veux pas m'embarquer dans de trop longues explications – qui vise notamment... Je m'excuse, ça me revient, en vous parlant. Elle invoquait le premier alinéa de l'article 20 et aussi le second.

Sur le premier alinéa, qui concerne les qualités ou aptitudes requises par un emploi, la ville de Brossard défendait une interprétation très large de l'application de cette notion de qualités ou d'attitudes requises par l'emploi. Et c'est là que le juge Beetz, au nom de la Cour suprême, a dit que ce genre de disposition qu'on retrouve dans l'ensemble des lois antidiscriminatoires au Canada, puisque c'est une disposition qui est privative de droit, le droit à la non-discrimination, alors ce genre de disposition doit absolument être interprété de manière restrictive.

Mme Houda-Pepin: Ça n'a pas de rapport direct avec les clauses orphelin, comme on dit?

M. Coutu (Michel): Ça n'a pas de rapport avec les clauses orphelin, mais ça établit le principe qui a été repris dans bien d'autres décisions, par la suite, que, lorsqu'on se trouve en présence d'une disposition d'exception ou d'un moyen de défense face à la discrimination, ces dispositions d'exception sont l'interprétation restrictive.

Mme Houda-Pepin: O.K. C'est beau.

La Présidente (Mme Vermette): Oui, c'est terminé? Alors, M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Merci, Mme la Présidente. D'abord, bienvenue aux gens de la Commission des droits de la personne. Votre mémoire, en tout cas, à mon avis, est assez clair et va assez droit au but sur la question des clauses orphelin. Je vais avoir deux questions bien précises.

La première, c'est sur le choix que vous faites de la Loi sur les normes du travail. Vous n'êtes pas sans savoir qu'on a eu l'occasion de présenter un projet de loi sur le même sujet. Donc, j'ai eu à passer à travers les mêmes réflexions sur la Loi sur les normes ou le Code du travail, puis on les poursuit avec les gens qui viennent devant nous. Et une des inquiétudes, avec la Loi sur les normes, c'est que c'est une loi qui procède par plainte. Donc, une personne est victime d'une situation, elle procède par plainte. Alors que, le Code du travail, on parle de convention collective, et les clauses orphelin, au sens strict de clauses, sont des clauses essentiellement, initialement en tout cas, dans les conventions collectives. L'observation qui a été faite par le ministère du Travail porte sur les conventions collectives. Puis on disait: Une fois qu'elles sont déposées devant le ministre du Travail, il n'y a même pas besoin de plainte, là, automatiquement, si est incluse une clause orphelin... En fait, plus personne ne va en inclure en sachant qu'on doit les déposer devant le ministre du Travail, et ça, c'était un avantage.

Ma question se rapporte à ce que M. Filion a dit tantôt, en disant: Notre problème, c'est qu'il n'y a pas de plaignants. Puis c'est toujours le problème de la Loi sur les normes du travail, puis probablement encore plus... En tout cas, il faudrait vraiment avoir un excellent mécanisme, parce qu'il y a toujours la crainte de dire: Bon, tu sais que tu serais normalement dans ton droit, tu sais que la loi serait théoriquement de ton bord, mais, en pratique, compte tenu que les gens qui sont victimes des clauses orphelin – puis on les voit défiler ici – sont ceux qui sont les plus précaires, sont ceux que souvent on peut choisir de rappeler ou de ne pas rappeler pour les rentrer à la job sans vraiment de préavis ou de décisions trop, trop dures à démontrer... Je veux dire, on prend le téléphone, on les appelle, ou on ne les appelle pas puis ils ne rentrent pas. Il n'y a pas un risque là, en tout cas dans le cas de la Loi des normes, que, si on n'a pas des mécanismes vraiment exemplaires, on n'ait justement pas de plaignants. Il y a un droit théorique mais pas de...

M. Filion (Claude): Je vais donner la parole à Me Coutu. D'abord, c'est évident que la loi devrait le stipuler, devrait contenir une disposition qui prohiberait les clauses orphelin en les définissant, bien sûr, de la façon la plus précise possible. Donc, avec une disposition claire, au moins, il y a l'avenir qu'il faudrait protéger, l'avenir de ces jeunes-là et des futurs jeunes, j'allais dire, qui pourraient être employés.

Deuxièmement, il y a le passé. Pour le passé, en ce qui concerne les clauses qui existent déjà dans les conventions collectives, je ne sais pas quels choix pourrait faire le législateur. Il y a différentes hypothèses, à mon avis – et je pense tout haut, là – qui existent. On pourrait prévoir une période pour faire le ménage. Mais il ne faut pas qu'elle soit trop longue parce qu'une discrimination, vous savez, qu'elle dure un an, deux ans ou 10 ans, pour nous, c'est de la discrimination, puis il faut la combattre. Parce qu'il faut quand même laisser une chance de refaire – passez-moi l'expression – entre guillemets, le ménage.

Donc, avec une clause où on énoncerait que les clauses orphelin définies juridiquement sont illégales et sont prohibées, à partir de ce moment-là, vous envoyez plus qu'un message clair. Il resterait un mécanisme à définir pour se pourvoir. Mais, écoutez, à partir du moment où le législateur donne le chemin, moi, je prends pour acquis que les corrections vont se faire. Puis je n'ai pas de raison de croire que ça ne se ferait pas, non plus, parce qu'il n'y a pas, à mon avis, d'intention. Ça, c'est l'autre bout. Tu sais, il n'y a pas d'intention discriminatoire, dans bien des cas. Dans la plupart des cas, il n'y a pas d'intention discriminatoire. C'est fait involontairement, sans intention, mais le résultat discriminatoire est quand même là. Donc, sur un message reçu par les parties et envoyé par le législateur et contenu dans une loi, à mon avis, vous atteindriez l'objectif requis.

M. Coutu (Michel): Si je peux ajouter très, très brièvement. Évidemment, notre souci d'aller plus du côté de la Loi sur les normes du travail plutôt que le Code du travail a été bien expliqué par le président, c'est d'aller chercher à toucher les gens qui sont victimes de ces pratiques de la façon la plus large possible.

Je remarque que, dans la Loi sur les normes du travail, je ne suis pas un expert en la matière, mais on me dit que les normes du travail contenues dans la présente loi et les règlements sont d'ordre public. C'est l'article 93: «Une disposition d'une convention ou d'un décret qui déroge à une norme du travail est nulle de plein droit.» Alors, je pense que ça, ça serait assez clair, à partir du moment où le législateur aurait interdit les clauses de type orphelin. C'est nul de plein droit.

Il y a différents recours, à ce moment-là, qui sont possibles. Et moi, je pense qu'il ne faut pas négliger, aussi, l'effet. Par exemple, vous avez dû entendre de la part de certains représentants syndicaux dire: Oui, mais, nous, on est contre, mais on fait face à notre assemblée générale, puis, bon, ça ne passe pas. Puis là on est pris. Mais, si l'exécutif arrive avec: Mais, écoutez, c'est illégal, on ne peut pas faire ça, à ce moment-là, ils ont un argument qui est vraiment très fort pour dire: Ça, oubliez ça et cherchons d'autres solutions au problème. Donc, je pense que c'est quand même une mesure... ne serait-ce que l'interdiction comme telle, ça a un impact certain.

M. Dumont: Une dernière question. Avec le mémoire que vous nous présentez, la définition des clauses orphelin que vous faites puis la fermeté que vous avez, en tout cas, dans la défense de ces discriminations-là, je comprends que le cas qui vous est soumis, les jeunes enseignants de la CEQ, le jugement qui aura à sortir va être intéressant. En tout cas, l'opinion, l'avis que vous allez avoir à émettre va être intéressant, parce qu'on peut difficilement voir ce cas-là en dehors de ce qu'est votre définition des clauses orphelin puis de ce qu'est votre interprétation d'une discrimination.

M. Filion (Claude): On va travailler sur chaque plainte à son mérite complet, de A à Z. Je ne suis vraiment pas en mesure d'endosser vos propos. On prend la plainte objectivement puis on va la regarder de A à Z, sur toutes ses coutures, avec toutes les précautions que ça demande, à partir du moment où il faut aller, nous, constater la discrimination indirecte qui pourrait exister là-dedans. Alors, donc, franchement, je me dissocie, M. le député, de vos propos. La plainte est là, il y a des parties, et on va écouter, entendre toutes les parties avant de se faire une idée sur le dossier.

M. Dumont: C'est beaucoup de travail pour la partie requérante de faire sa démonstration, hein?

La Présidente (Mme Vermette): Je regrette, on est...

M. Filion (Claude): Comme j'ai dit tantôt, c'est une procédure lourde, onéreuse, complexe autant pour les plaignants que les mis en cause, que la Commission, pour tout le monde.

(17 heures)

La Présidente (Mme Vermette): Alors, sur ces propos, nous allons mettre un terme à nos échanges. Je vous remercie, M. Filion, ainsi que M. Coutu.

(Changement d'organisme)

Je demanderais au prochain groupe, s'il vous plaît, de bien s'approcher. Il s'agit de l'Association de défense des jeunes enseignants du Québec. Si vous voulez bien prendre place, s'il vous plaît. Alors, je demanderais à l'Association de défense des jeunes enseignants du Québec de bien vouloir s'asseoir et de commencer les présentations, s'il vous plaît, à M. Jean-François Roberge, président, s'il veut bien nous présenter les gens qui sont avec lui, qui l'accompagnent.


Association de défense des jeunes enseignants du Québec (ADJEQ)

M. Roberge (Jean-François): Oui, bonjour, Mme la Présidente. Jean-François Roberge, président de l'Association de défense des jeunes enseignants du Québec; M. Normand Morin, qui est responsable des plaintes, sur notre exécutif; Fréderic Lapointe, qui est secrétaire; et Annie Poirier, qui est vice-présidente.

La Présidente (Mme Vermette): Ça nous fait plaisir. Alors, vous avez 20 minutes.

M. Roberge (Jean-François): D'accord. Dans le dossier des clauses orphelin, qui nous concerne tous, beaucoup, beaucoup de personnes, surtout ceux qui en ont voté ou qui en ont imposé, font référence au fameux contexte économique. On nous parle de la valeur du dollar qui est très basse, on nous parle du taux de chômage qui est très élevé, on nous parle des entreprises qui déménagent, tout ce qu'on peut faire pour faire peur aux gens, pour essayer de justifier les clauses orphelin en faisant référence au contexte économique.

Sauf que, le contexte économique, en le prenant en général, on oublie les particuliers, on oublie que les jeunes ne vivent pas le même contexte économique que les plus aînés, les plus vieux. Il faut penser qu'en ce moment au Québec, un chômeur sur trois a moins de 29 ans. Et il faut surtout penser, une étude... Si on veut voir quelle est la condition économique des jeunes, il faut voir qu'entre 1981 et 1993 selon une étude de M. Morissette, de Statistique Canada, les gens qui étaient âgés entre 45 et 54 ans ont vu leurs revenus augmenter de 20 %. Alors, dans cette période de crise terrible où les entreprises s'enfuient, il y a quand même les gens de 45 à 54 ans qui augmentent leurs revenus de 20 %. Il faut voir aussi qu'entre 1981 et 1993 les 18-24 ans subissent une perte de revenus de 20 %. Alors, pendant que des gens s'enrichissent, d'autres s'appauvrissent toujours. Alors, ça, ça rejette complètement l'argument du fait que ça prend des clauses orphelin parce que le contexte économique nous l'impose. Le contexte économique n'impose pas les clauses orphelin.

Je vais vous parler un petit peu plus longuement de la clause orphelin qu'on a subie, les jeunes enseignants: le gel d'avancement d'échelon. Il faut voir que ça s'est passé, ça aussi, dans un contexte, le contexte d'une récupération de 6 % du salaire. Cette récupération-là du salaire ne s'est pas produite également pour tout le monde. Je vous dis tout de suite qu'au bout du compte les jeunes enseignants ont une réduction de salaire de 7 % après les négociations et après que le syndicat est intervenu. Le gel d'échelon, c'est une mesure qui touche 30 % des enseignants, 30 %, les plus jeunes. 70 % des enseignants, au Québec, n'ont pas été touchés par le gel d'échelon, ils n'ont pas payé un seul sou du 22 000 000 $ économisé par le gel d'échelon. Et il s'avère que ce sont, bien sûr, les 30 %, les membres les plus jeunes. Il faut voir que 99 % des enseignants âgés entre 20 et 40 ans ont été touchés par le gel d'échelon, contre seulement 15 % des gens qui ont 40 ans et plus. Donc, a + b = c. C'est assez clair de voir que c'est une mesure qui est discriminatoire envers les jeunes.

Et là ça pose une autre question: Oui, mais est-ce que le gel d'échelon est une clause orphelin ou est-ce que c'est seulement une clause discriminatoire? Et, à ce moment-là, ce serait beaucoup moins grave. Ça, c'est ce qu'on entend. Nous, on se réfère à la définition et à l'entente qu'on a d'une clause orphelin; c'est beaucoup fondé sur celle de la Commission des droits de la personne dans ce qu'elle a rendu public en avril de cette année. Une clause orphelin, notre définition, et la définition qui devrait sans doute être la meilleure, puisque la plus juste, c'est que c'est une clause ou une mesure qui a pour effet de ne plus appliquer la politique salariale sur des critères qui sont communs à tous les employés. Ne plus appliquer la politique salariale sur des critères qui sont communs à tous les employés.

Dans le cas du gel d'échelon, la coupure touche les plus jeunes. Pourquoi? Parce qu'ils ont été embauchés après les autres, même s'ils sont déjà en emploi, et, donc, on les pénalise, parce qu'ils ont été embauchés après. Donc, est-ce que la date d'embauche est un critère commun à tous les employés? Est-ce que tous les enseignants du Québec ont été embauchés le même jour? Non. Donc, on voit, en adoptant cette mesure-là, que le gel d'avancement d'échelon, signé en 1997 par le gouvernement du Québec et la Centrale des enseignants du Québec, est une clause orphelin.

Des gens nous disent: Oui, peut-être que c'est une clause orphelin, mais, dans le fond, ce n'est peut-être pas si grave que ça. On pourrait peut-être se contenter d'un pacte social, c'est-à-dire: ceux qui l'ont signée vont signer un document pour dire qu'ils n'enseigneront plus. On n'est pas vraiment convaincu de la portée d'un pacte social où des gens qui ont coupé s'engageraient à ne plus couper. Puis, M. Rioux, on se rappelle que le gouvernement au pouvoir, avec M. Bouchard en tête, nous a dit, lors d'un sommet socioéconomique, que les coupures de 6 % seraient portées également par l'ensemble des travailleurs. Et on a vu, ensuite, que les jeunes ont payé plus cher les 6 %, dans les municipalités et dans le cas des enseignants. Là, on ne parle pas d'une entente sur laquelle le gouvernement n'avait aucune prise dans le public. On parle des enseignants qui sont à l'emploi du gouvernement du Québec.

Donc, je ne pense pas que les enseignants seraient vraiment rassurés d'avoir une signature du gouvernement pour dire: Nous ne signerons plus de clause orphelin. Il y a eu une signature en bas d'un document, qui disait: Les jeunes ne paieront pas plus que les autres, puis, pourtant, il y a eu des clauses orphelin.

On demande une modification aux normes du travail et au Code du travail. Nous ne sommes pas des juristes, mais on veut que ce soit bien clair que plus personne ne subira les effets d'une clause orphelin, que ce soit un gel d'échelon, que ce soit un ajout d'un autre échelon ou que ce soit la constitution d'une échelle salariale parallèle. Les jeunes qui sont, en ce moment, plus pauvres que les gens qui sont aînés, les jeunes qui sortent de l'université, maintenant, avec une dette moyenne, après un bac, de 12 000 $ – ce n'était pas comme ça, autrefois – ces jeunes-là n'ont pas à vivre dans des conditions salariales inférieures aux conditions salariales des gens qui sont plus vieux. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Vermette): C'est terminé?

M. Roberge (Jean-François): Oui.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, nous allons passer tout de suite à l'échange. M. le ministre, s'il vous plaît?

M. Rioux: M. François Roberge?

M. Roberge (Jean-François): Oui.

M. Rioux: Je ne sais pas... Avez-vous présenté vos autres collègues?

M. Roberge (Jean-François): Oui.

M. Rioux: Oui? Pourriez-vous les renommer, que je les note?

M. Roberge (Jean-François): Oui. M. Normand Morin, qui est responsable des plaintes, M. Fréderic Lapointe, qui est secrétaire, Mme Annie Poirier, qui est vice-présidente de l'Association de défense des jeunes enseignants du Québec.

M. Rioux: Merci.

M. Roberge (Jean-François): Ça me fait plaisir.

M. Rioux: Donc, M. Roberge, vous reprenez à votre compte, au fond, ce que la Commission des droits et libertés de la personne et de la jeunesse soutient, qu'une clause orphelin, c'est une clause qui a pour effet de discréditer les nouveaux arrivés dans l'entreprise en établissant deux types de rémunération et qu'une politique salariale, si ce n'est pas fondé sur l'ensemble du personnel, c'est une politique qui risque d'être discriminatoire.

(17 h 10)

Moi, ce que j'aimerais que vous nous disiez: Compte tenu que vous privilégiez la Loi des normes, trouvez-vous que cette loi-là, de par sa nature, qui a pour mission, comme objectif essentiel de procurer des conditions minimales à tout le monde, c'est une voie qui est suffisante? Et, si oui, comment on devrait la réaménager? En tout cas, en termes de définition, c'est clair, vous adoptez celle de la Commission des droits et libertés. C'est parfait. C'est vrai que c'est clair. Mais, sur les moyens, maintenant. Parce que je pense que c'est là qu'il faut en arriver. Il faut en arriver à légiférer et que ce soit efficace, que ce soit correct et que les recours puissent avoir lieu dans des délais raisonnables. Vous avez dit que vous n'étiez pas des juristes. C'est correct, c'est très bien. Mais, pour que ce soit opérationnel, en gros, pourriez-vous nous dire dans quelle direction on devrait aller, si on décide de procéder avec la Loi des normes?

M. Roberge (Jean-François): Je pense que, pour être sûr qu'aucun syndicaliste ou qu'aucun patron n'arrivera à faire le tour de cette loi-là, comme ils arrivent souvent à le faire quand il y a des échappatoires pour l'impôt, il faudra peut-être faire une loi exclusivement sur les clauses orphelin, qui s'assurera qu'on ne puisse pas faire le tour de ça. Il y a une loi, en ce moment, sur l'équité salariale. On voit des dossiers qui se règlent et on voit qu'à l'avenir il n'y aura sûrement plus la même discrimination de faite. S'il y avait une loi strictement sur les clauses orphelin, peut-être qu'on reviendrait en arrière pour réparer les iniquités qui ont eu lieu au cours des dernières années, et je pense que, certainement, ce serait garant de l'avenir.

M. Rioux: Mais vous classeriez cette loi-là, quand même, dans les lois du travail?

M. Roberge (Jean-François): Je ne peux pas être plus précis, monsieur.

M. Rioux: O.K. Le Code, l'avez-vous examiné un peu, le Code du travail, qui, lui, régit les rapports collectifs, c'est-à-dire les travailleurs syndiqués et les entreprises? Le député de Rivière-du-Loup a déposé un projet, en fin de session, qui, lui, visait à corriger la situation par le biais du Code, puis il l'a clairement exprimé.

M. Lapointe (Fréderic): Si je peux me permettre, notre compréhension de la situation, en ce moment, c'est qu'il existe effectivement un certain recours via la Commission des droits de la personne. Nous avons porté plainte à la Commission des droits de la personne. C'est M. Morin, d'ailleurs, qui a lancé le bal. Donc, il existe un recours. Mais vous comprenez, ce n'est pas un hasard si c'est M. Morin qui a déposé la plainte. M. Morin est maintenant un permanent, et ça n'aurait pas été un enseignant précaire qui aurait déposé la plainte parce que c'est un parcours du combattant et c'est beaucoup trop dangereux de se mettre à dos à la fois le syndicat et aussi – parce que, quand on a le syndicat à dos, ça cause des problèmes – parfois, son employeur. Donc, dans l'enseignement, n'utilisez pas notre cas pour dire: Ce n'est pas utile de légiférer. On démontre qu'il faut légiférer puisqu'il n'y a que des permanents bien assis et avec certaines valeurs, je dois le dire, pour porter plainte.

Donc, nous, effectivement, dans notre mémoire, on suggère d'amender les normes du travail pour ne pas oublier certains jeunes. On suggère aussi une législation très large, comme la Commission des droits. On suggère aussi, parce qu'on sait très bien que les précaires, ça ne porte pas plainte, de tarir la source des clauses orphelin. Puis ça, ça s'appelle une modification au Code du travail.

Maintenant, si vous me demandez sous quelle formulation on doit le faire, nous-mêmes, on va parler à des avocats, mais je crois qu'il y a suffisamment de gens payés dans le gouvernement du Québec pour régler un problème de cette nature. Mais il est évident que, si la modification législative fait en sorte que les gens doivent se plaindre pour avoir gain de cause, il va y avoir encore des clauses orphelin, ça va perdurer. Il y a des gens qui vont s'essayer, puis il y a toujours des patrons puis des syndicats qui vont trouver des raisons de pelleter le déficit ou les compressions ou la conjoncture économique dans la cour des jeunes. Ça, c'est évident. Donc, ça prend, oui, une modification aux normes du travail, un peu dans le sens où vous le disiez. Ça prend aussi une modification au Code du travail.

M. Rioux: Donc, les deux...

M. Lapointe (Fréderic): Donc, les deux.

M. Rioux: ...s'il le faut.

M. Lapointe (Fréderic): Ah! Écoutez, je pense qu'il faut vraiment bien mesurer. Ce n'est pas nécessairement évident de la part des députés, ce n'est pas nécessairement évident de la part des patrons ou des syndiqués non plus. On sait très bien qu'en ce moment au Québec, la classe politique est d'un certain âge. Il y a des exceptions, ici, mais vous remarquerez que les exceptions n'ont pas entre 30 et 40 ans. Il existe, au Québec, une génération sacrifiée puis qui n'est pas présente en politique, ce n'est pas pour rien. Il faut vraiment que vous mesuriez l'importance du problème.

Le gel d'échelon, c'est peut-être 1 000 $ pour une année, mais, sur 10 ans, pour tous les enseignants qui sont concernés, c'est au-delà de 100 000 000 $ d'impact. Donc, lorsque le syndicat fait le choix, sur 10 ans, de soutirer 100 000 000 $ dans la poche des jeunes et que, après ça, le syndicat réclame des augmentations salariales pour tout le monde, j'espère que vous comprenez que le transfert de richesse ne se fait pas dans la bonne direction.

Il est évident que, pour ces personnes-là, qui ont l'âge qu'elles ont, qui sont nées l'année qu'elles sont nées, qui ont vécu une certaine période historique, on peut comprendre que c'est difficile de faire face à une nouvelle réalité puis de voir qu'il y a des acquis qui tombent. C'est sûr que la Charte, elle va heurter le marché du travail. C'est sûr que la Charte, elle va heurter les droits acquis. Mais la Charte aussi, elle est jeune. C'est peut-être normal que ce soit aujourd'hui qu'on en parle. C'est peut-être normal qu'on cesse d'invoquer ce qui s'est passé il y a 50 ans. La Charte n'était pas là, il y a 50 ans. Puis c'est justement parce qu'il se passait ces choses-là il y a 50 ans qu'on a introduit la Charte.

Posez-vous pas de questions sur le marché immobilier, puis sur la natalité. Ça fait longtemps que vous avez eu vos enfants puis que vous avez acheté vos maisons. S'il ne se fait plus d'enfants puis qu'il ne s'achète plus de maisons, c'est peut-être parce que les gens qui sont en âge de procéder à ces étapes-là de leur vie ne sont pas en mesure de le faire. Et ça comprend, oui, des enseignants.

Donc, ce n'est pas pour rien que, nous, on est ici devant vous puis qu'on réclame une modification de la loi pour tout le monde. Nous, on est capables de le faire parce qu'on a des salaires, parce qu'on est formés, parce que certains d'entre nous sont permanents. Mais j'espère qu'au moment où vous allez décider de faire une loi vous allez aussi penser à ceux qui n'ont pas eu les moyens de se rendre jusqu'à ce pupitre. Puis c'est ceux-là les plus mal pris.

M. Rioux: Il y a, dans le domaine de l'enseignement, des professeurs, des enseignants qui ont un statut temporaire, à temps partiel, ou encore des professeurs qui, à chaque année, sont licenciés, mais ils sont rappelés au début de l'année scolaire. Au collégial, il y a des chargés de cours. Dans les universités, il y a des chargés de cours également. Étant donné qu'on débat de toute cette problématique, est-ce que, à votre avis, ce genre d'embauche-là, ça peut constituer une pratique discriminatoire de la part des universités, des commissions scolaires ou des collèges?

M. Roberge (Jean-François): Bien, il faudrait voir si ces chargés de cours, au cégep, par exemple, existaient il y a 20 ans. Est-ce qu'il y avait des chargés de cours, il y a 20 ans, au cégep? Non. Il y a 20 ans, quand les gens qui ont aujourd'hui 45 ans, 50 ans ont été embauchés, on leur offrait un poste, puis c'était tout. Ils avaient un poste. Ils n'avaient pas à recommencer et à recommencer. Aujourd'hui, ça s'adonne que ce sont les jeunes qui sont les chargés de cours au cégep, que ce sont les jeunes qui sont les chargés de cours à l'université. Donc, est-ce que c'est discriminatoire? À première vue, je vous dirais que oui, parce que la politique salariale qui s'applique à ces gens-là n'est plus la même parce qu'elle a évolué dans le temps. Bien, elle a évolué dans le temps, et ça, ça a un impact directement sur les conditions d'embauche.

Quand il y a eu des embauches massives en enseignement, bien, il n'y avait pas nécessairement des gens qui restaient pendant six, sept ou huit ans en attente d'un coup de téléphone à la fin du mois d'août, comme j'en connais, des gens, en ce moment, qui sont à côté de leur téléphone en se demandant s'ils vont avoir un poste ou un peu de suppléance. Ça, ce sont des conditions qui sont venues avec le fameux contexte qui est donc terrible, dont je vous ai parlé tantôt, depuis 15 ans, puis qu'on a justifié par le contexte des espèces de conditions de précarité pour les plus jeunes. Pendant ce temps-là, par exemple, d'autres personnes s'enrichissaient. Donc, oui, certainement, il y a une discrimination là-dedans.

M. Lapointe (Fréderic): Surtout s'ils font le même travail.

M. Roberge (Jean-François): C'est sûr qu'ils font le même travail.

M. Rioux: Merci. Je vais laisser mon collègue de La Peltrie... Est-ce qu'il nous reste du temps?

La Présidente (Mme Vermette): Oui. Ce que j'avais, c'était le député de Roberval, mais, en fait, vous vous entendez entre vous deux. Alors, c'est le député de La Peltrie?

(17 h 20)

M. Côté: Merci, Mme la Présidente. Merci à mon collègue. Je vais essayer de lui laisser l'opportunité de questionner également. Alors, moi, mon interrogation, c'est que lorsque vous parlez dans votre mémoire que, s'il y a des clauses orphelin, c'est parce qu'il y a une génération qui refuse de faire des sacrifices puis de partager sa richesse avec l'autre génération de travailleurs, qui est la génération qui arrive sur le marché du travail, moi, ça, j'ai de la misère à partager cette opinion-là. Puis j'aimerais que vous élaboriez davantage, peut-être, sur cet aspect. Je trouve que ça, c'est une position qui se rapproche un peu du Groupe anti-permanence, qui est venu hier devant nous ici, devant la commission. Sa position était à l'effet que la génération qui vous précède, ils ont tout eu facilement puis ils se sont enrichis, puis ils ne veulent pas partager nécessairement. Mais ce qu'ils ont acquis, quand même, à date...

Je suis bien d'accord que peut-être le contexte était différent. Mais, par contre, ils se sont battus aussi sur certains points pour aller chercher des nouveaux avantages et d'autres avantages, comme vous le faites présentement, ça, j'en conviens. Mais, de là à trouver que cette génération-là ne veut pas faire de sacrifices puis qu'elle ne veut pas partager sa richesse, moi, j'ai un peu de difficulté avec ça.

M. Roberge (Jean-François): Vous dites que ce n'est peut-être pas vrai que tout était facile autrefois et que tout est difficile maintenant. Vous avez parlé des luttes qui ont eu lieu. Il y a eu des luttes, il y a eu des grèves. Puis on n'est quand même pas ingrats, on sait qu'il y a des conditions de travail des enseignants d'aujourd'hui qui ont été gagnées par des enseignants qui sont beaucoup plus âgés que nous. D'accord? Et laissez-moi vous dire que c'est normal. D'accord? Parce qu'on a bien l'intention de se battre nous aussi plus tard pour laisser, par exemple, à ceux qui nous suivent des bonnes conditions.

Et là où il y a un virement et là où ça dérape, bien, c'est parce que je pense que, à un moment donné, les gens ont changé de mentalité. Et au lieu de dire: On se bat pour améliorer nos conditions et pour améliorer les conditions de ceux qui suivent, bien, là, il y a comme eu trop de compressions. Quand ça a coûté trop cher, on a dit: Là, par exemple, on va commencer à se battre, mais juste pour nous autres, cette fois-ci. Hein? On a été fins pendant 20 ans. Là, cette fois-ci, par exemple, il y a 6 % puis, celui-là, il est de trop, alors, on n'est quand même pas pour l'accepter.

Et là il y a des gens comme moi qui se présentent en assemblée pour défendre leur point de vue et qui se font huer, parce qu'on dit: Bien, là, je suis désolé, moi, je me suis battu, j'ai fait ma part. Très bien. Est-ce que ça veut dire que, moi, dans cinq ans, s'il y a une hausse de salaire, je vais devoir me battre pour qu'il y ait seulement que les gens qui sont peut-être deux ans plus jeunes, deux ans plus vieux que moi qui vont l'avoir, puis, s'il y a une coupure, par exemple, je veux m'assurer que ce soit: Ah! tiens, je vais faire payer la coupure par ceux qui sont un peu plus âgés que moi?

Oui, monsieur, il y a eu des belles luttes, puis, oui, on en profite. Mais, oui, aussi, c'est vrai, les acquis ne veulent plus être partagés. C'est comme si on disait: Là, on a assez partagé. On refuse maintenant de partager les acquis, de dire: Bien, là, il y a 22 000 000 $ à aller chercher... On n'en donnera pas. Par contre, on ne refuse pas de partager le déficit. Il y a comme des choix qui se font.

M. Côté: Oui, je comprends. Mais, par contre, c'est cette génération-là qui est encore au travail aujourd'hui, qui a, je ne sais pas, 45, 50 ans d'âge peut-être, depuis nombre d'années quand même qu'ils contribuent à la société avec leurs impôts, leurs taxes, ainsi de suite, pour justement maintenir les programmes sociaux qui existent, au niveau aussi de la scolarité, de la gratuité scolaire, et ainsi de suite, c'est une contribution indirecte quand même que tous ces gens-là ont apportée.

Il y a un autre facteur aussi que j'entends très peu souvent dans les interventions, et vous ne l'amenez pas non plus, vous, dans votre mémoire, puis je trouve qu'il est très important et qu'il faudrait le considérer, c'est l'aspect de la compétence. On parle souvent d'expérience, on parle d'ancienneté, de durée de service, mais on ne parle pas de compétence. La compétence, pour moi, en tout cas... Et je pense que les jeunes, aujourd'hui, ou les nouveaux qui arrivent sur le marché du travail sont peut-être, avec toute la nouvelle technologie qui existe aujourd'hui dans le milieu de l'enseignement, et ainsi de suite, probablement mieux préparés, en termes de compétence. Ils n'ont pas l'expérience, mais la compétence.

Donc, pourquoi que ça ne revient jamais puis ça ne devrait pas être un des facteurs qui permettraient de faire une certaine évaluation du personnel ou des emplois qui s'ouvrent pour les nouveaux employés et les jeunes? Alors, je ne sais pas si vous avez réfléchi sur cet aspect-là, mais j'aimerais qu'on l'aborde aussi, cet aspect-là, parce que je trouve qu'on laisse là un élément important dans toute notre réflexion.

M. Roberge (Jean-François): Je trouve que certainement que la compétence, dans le cadre de la rémunération qu'on devrait affecter aux employés, est quelque chose d'important, sauf que, en ce moment, je ne vois pas de discrimination sur la base de la compétence. Enfin, je pense qu'on devrait en revenir un peu sur le fait qu'il y ait discrimination ou non à l'égard des jeunes, en ce moment. C'est sans doute un débat très intéressant qui pourra peut-être avoir lieu autour d'un ordre professionnel, peut-être, je ne sais pas, mais il me semble qu'on s'éloigne des clauses orphelin, du Code du travail, etc.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, s'il y a un ajout... Je regrette, vous ne pourrez pas poser d'autres questions, votre temps est terminé. Mais j'accepte le complément de réponse.

M. Morin (Normand): J'aimerais juste compléter en ce qui concerne la compétence. Regardez qu'est-ce qui est exigé aux étudiants en science de l'éducation, aujourd'hui. D'abord, on a modifié le programme. Ça prend quatre ans d'université. Regardez toutes les exigences pour entrer dans une commission scolaire. Il y a des tests de français qui sont imposés aux nouveaux enseignants. Je pense que les conditions d'embauche sont encore plus difficiles pour les nouveaux enseignants, ceux qui veulent entrer sur le marché du travail, qu'elles ne l'étaient il y a quelques années. Je pense qu'il faut le souligner. On parle de compétence, puis regardez les exigences qu'on a. Je pense qu'on demande encore plus aux jeunes aujourd'hui que ce qu'on pouvait demander il y a quelques années.

M. Lapointe (Fréderic): Votre question... Je ne me souviens plus de votre nom.

M. Côté: Député de La Peltrie.

M. Lapointe (Fréderic): M. le député de La Peltrie, votre question renvoie un peu à l'intervention de l'Alliance des manufacturiers, ce matin, à l'effet que, dans le fond, il faudrait peut-être regarder la productivité puis les flexibilités du marché du travail et que ce serait la meilleure façon d'aider les jeunes. Je vous dirais que, nous, on n'entre pas tellement dans ce débat-là, c'est moins notre rôle, comme association de défense.

Ceci dit, on vit en 1998, et il y a au Québec un marché du travail qui n'est pas... Ce n'est pas la loi pure du marché qui est en cours. Donc, il y a des lois, il y a des rigidités, il y a des mécanismes. Et ce qu'on constate, statistiques à l'appui, entre 1981 et 1993, c'est que toutes les rigidités du marché du travail jouent contre les jeunes. Donc, est-ce que, aujourd'hui, on peut avoir une nouvelle rigidité du travail qui va faire en sorte que désormais, non, ce ne sera pas toujours aux jeunes de payer la facture?

L'AMEQ, en plus, parlait de l'emploi. Juste pour dire deux mots sur l'emploi, puis peut-être que le député de Kamouraska-Témiscouata reviendra là-dessus, sur la question de l'emploi, vous parliez de partage, tout à l'heure, entre les générations. Mais force est de constater que, lorsqu'on demande – et ça a été fait au sommet socioéconomique – aux syndiqués qui ont une moyenne d'âge d'environ 48 ans, d'abandonner le temps de travail supplémentaire – on ne parle pas du salaire minimum, on parle de ceux qui sont bien payés – lorsqu'on leur demande de partager les heures supplémentaires pour embaucher des jeunes, la réponse, c'est systématiquement non. Et, sauf une ou deux exceptions, je ne connais pas d'entreprise ou d'initiative où des gens ont accepté de perdre, pas leur salaire, leurs heures supplémentaires pour faire de la place aux jeunes.

Donc, lorsque la CEQ vient nous dire: Ah! c'est pour sauver les emplois que vous mangez la facture, les jeunes, bien, moi, je réponds: Bien, l'emploi, ce n'est pas juste entre les jeunes qu'on va le partager, puis les heures de travail, ce n'est pas juste entre les jeunes qu'on va les partager, ce n'est pas vrai. Donc, s'il y a une facture à avaler ou s'il y a du travail à partager, on va le partager ensemble, d'autant que les gens qui nous ont précédés ont vécu dans une situation effectivement de permanence, qu'ils ont conquise, d'accord, mais il y a des gens, et vous les avez vus, qui vivent la précarité depuis 20 ans. Vous ne pouvez pas demander à ces gens-là de se partager entre eux le travail, ce n'est pas vrai. Donc, oui, il y a un déficit de partage entre les générations.

Une voix: J'aurais un exemple.

La Présidente (Mme Vermette): Oui, mais est-ce qu'on pourrait, par contre... Vous savez, le débat n'arrête pas avec nos questions. Il y a encore les questions de l'opposition et aussi les questions du député de Rivière-du-Loup. Alors, vous pourriez peut-être étayer davantage vos affirmations au moment où on posera d'autres questions, si vous en convenez.

Je voudrais juste, entre parenthèses, avant de commencer, vous dire, en fait: on est probablement l'exception, les députés. On a fait du temps supplémentaire pour baisser de 6 % notre salaire. On n'est pas discriminatoires parce que les jeunes ont les mêmes conditions de travail et les mêmes salaires que nous. Ha, ha, ha! Alors, je vous passe la parole.

(17 h 30)

M. Béchard: Oui, puis la deuxième partie des questions est souvent la partie la plus intéressante aussi, ce que vous avez oublié de souligner tantôt.

M. Roberge, M. Morin, M. Lapointe, qui avez assisté au débat presque depuis le début de la journée, Mme Poirier, je tiens à vous remercier de votre présentation pour deux choses. La première, c'est que vous avez été probablement l'un des premiers groupes directement touchés à vous élever aussi directement contre les responsables, c'est-à-dire les gens de votre syndicat, et à dénoncer cette inégalité-là, dans un contexte où parfois on peut se dire, et on l'a entendu depuis le début de la commission, où les gens disent: Bien, les jeunes devraient se considérer chanceux d'avoir un emploi, point final. Tu sais. Pourquoi vous vous lamentez? Vous avez quand même des bons emplois. C'est du courage et de la détermination de sortir dans ce contexte-là, et c'est une belle preuve de solidarité pour tous ceux qui hésitent encore à le faire, puis c'est un beau signal à envoyer.

Il y a une deuxième partie sur laquelle je suis particulièrement heureux de vous avoir entendus, c'est que vous avez ouvert la porte sur un élément que je propose depuis mardi après-midi, c'est-à-dire d'avoir une législation globale et d'avoir une loi-cadre spécifique sur les clauses orphelin. Parce que ce dont on se rend compte, depuis le début de la commission, c'est que tout le monde arrive toujours avec une exception quelque part. Si on joue dans les normes, on oublie les gens dans les conventions collectives, qui, parfois...

Puis là, on va dire: Bien oui, mais il y a les normes minimales. Normalement, les conventions collectives, ils faut qu'elles réfèrent à ça. On l'a vu avec les agents de la paix, les gardiens, ce n'est pas toujours évident que c'est respecté. Et même, dans ces cas-là, c'est tout le processus de recours. Tu joues au ping-pong longtemps entre la Commission des normes puis au niveau de ton syndicat qui demande l'appel, et tout ça. C'est plus ou moins adéquat. Et l'autre élément, là-dedans, c'est le fait que tout le secteur public, parapublic, entre autres, les jeunes médecins qui ne sont pas régis par... Donc, il y a toujours beaucoup de risques d'oublier des gens un peu partout sur le chemin.

Mais je veux revenir, avant d'aller plus loin, sur la loi-cadre que je propose, sur les clauses orphelin, sur la façon dont ça vous a été imposé, je dirais, cette clause orphelin là. Vous n'étiez pas à la table des négociations. Je veux dire, comment ça vous est arrivé, ça? Qu'est-ce que vous avez eu à dire là-dedans? Est-ce que vous avez eu quelque chose à dire, à un moment donné? Parce que tout le monde parle des clauses orphelin puis, par définition, «orphelin», les gens ne sont pas à la table pour négocier. Mais comment? C'est au moment où on vous a rendu ça public, on vous a dit: Tiens, c'est vous autres qui assumez la facture? Parce qu'il ne faut pas oublier non plus, tantôt, vous parliez des coupures de 6 %, mais c'est qu'un an avant, avant le référendum, vos collègues avaient eu 1 % d'augmentation. Et ça, là, dans la récupération, après, il faut en tenir compte aussi.

M. Morin (Normand): En ce qui concerne la mesure, le gel d'avancement d'échelon, c'est une mesure qui a été proposée à la fin des négociations. Donc, ça ne faisait même pas partie des premières hypothèses, lorsque ça a été proposé aux membres dans les assemblées syndicales. Donc, c'est une mesure qui est arrivée à la fin. À la dernière minute, on nous propose ça en catastrophe, et là il faut voter là-dessus parce que, sans ça, c'est la coupure de 6 % qui s'applique pour tout le monde. C'était presque... Les dirigeants syndicaux, dans le fond, on avait comme un petit peu une panique qui s'était emparée: Il faut voter là-dessus, il faut accepter cette hypothèse-là.

Donc, c'est une mesure qui a été proposée dans les assemblées syndicales. Ça a été voté, ça a été débattu, ça a été dénoncé par plusieurs enseignants. Sauf que les jeunes, ceux qui sont touchés directement par cette mesure-là, se retrouvent en minorité. Les enseignants qui ont moins de 15 ans d'expérience, ça représente à peu près le tiers du nombre total des enseignants.

M. Béchard: Ça fait que, sur le vote...

M. Morin (Normand): Ça fait qu'on s'est retrouvé en minorité. Puis, quand on a voté, on n'a pas voté spécifiquement sur cette mesure-là. C'était une entente globale à prendre ou à laisser. Tu sais, dans le fond, je ne dirais pas que les enseignants plus âgés ont dit: Bon, là, on va voter une mesure pour désavantager les jeunes. Mais, dans l'ensemble, il y avait cette mesure-là. Puis l'argument des dirigeants syndicaux, ils ont dit: Ça va permettre de créer de l'emploi pour les jeunes, alors qu'il n'y a absolument aucun lien entre le gel d'avancement d'échelon puis la création d'emplois. Il ne faut pas se le cacher, ce qui a permis de créer de l'emploi, c'est le Programme de départs volontaires. Il ne faut pas l'oublier, ça.

M. Béchard: Donc, le fait que vous ayez des clauses orphelin, ça n'a pas fait en sorte qu'il y ait plus de jeunes qui entrent.

M. Morin (Normand): Absolument pas.

M. Béchard: Ça a juste fait en sorte que les gens en place ont gardé leurs acquis, une plus grande marge d'acquis et que vous autres... Et puis, ayant plus... Si je me rappelle bien, ça s'est produit avant la fameuse grande vague d'embauches, supposée, je dis toujours, du premier ministre. La mise en place de la clause orphelin a précédé les quelques embauches qu'il y a eu.

M. Roberge (Jean-François): Les embauches ont été là, comme ce que M. Morin a dit, à cause des départs à la retraite. Puis vous avez parlé de: Comment ça s'est passé? Bon. Ça a été négocié entre le gouvernement et la centrale. La centrale l'a ensuite proposé devant ses membres comme étant quelque chose à adopter en catastrophe et comme étant la proposition à adopter. Bien sûr, dans l'entente, il y avait une pléiade de clauses, dont la clause orphelin, et, bien sûr, on n'a pas insisté là-dessus, et c'est passé comme dans du beurre. Et là il y a des intervenants qui sont passés ici avant nous, qui ont dit que, dans le fond, le syndicat et le patronat, c'était un peu comme un couple. Laissez-moi vous dire que, quand un couple néglige ou bat ses enfants, on appelle la DPJ. D'accord? Et, quand le patronat et les syndicats négligent sa jeunesse, bien, on fait une loi.

M. Béchard: Et vous disiez que la clause orphelin était un des éléments de l'ensemble de l'entente. Donc, on vous a demandé de voter sur l'ensemble de l'entente. Et, de toute façon, les jeunes étant minoritaires dans la représentation syndicale et sur la proposition, et, si l'entente était rendue là – on se souvient des moments critiques qu'il y a eus – c'est parce que c'était un peu attaché quelque part d'avance, vous n'aviez pas de chance de renverser quoi que ce soit là-dedans, c'était point final.

M. Roberge (Jean-François): C'est bien beau, la démocratie syndicale, c'est vrai que ça permet de faire avancer des choses. Sauf qu'à un moment donné les jeunes, quand ils sont minoritaires dans les assemblées syndicales ou quand ils ne sont pas encore embauchés – on vote une clause orphelin sur ceux qui vont être embauchés – ou quand ils sont comme nous, minoritaires, on est 30 % qui ont été touchés, ça en fait 70 % qui votent pour, on a beau se rendre là toute la gang puis crier bien fort, ça ne changera rien. D'accord?

Ce que ça prend, c'est une mesure législative qui va interdire que ça devienne une proposition. Il ne faut pas que ça se rende au syndicat, il ne faut pas que ça se rende jusqu'aux membres, il faut qu'on dise: Ah! bien, non, on ne peut pas proposer ça, c'est illégal. Il n'y a personne qui propose, en ce moment, de donner $2 de l'heure à quelqu'un. Pourquoi? Parce qu'il y a le salaire minimum. On ne se pose même pas la question. Ça devrait être la même chose pour les clauses orphelin, on ne devrait pas hésiter à le proposer ou non, ça ne devrait pas être une opportunité.

M. Béchard: Est-ce que vous êtes d'accord avec moi que la meilleure façon d'envoyer ce signal-là, pour revenir sur la proposition de loi-cadre, serait une loi qui couvrirait l'ensemble du phénomène et non pas, de façon distinctive, les secteurs dans lesquels on peut retrouver ce phénomène-là? Parce que, si on touche aux normes, on touche à un secteur, si on touche au Code, on touche à un autre secteur. Premièrement, il y a un gros ménage à faire dans la fonction publique, comme on l'a vu. Est-ce que la meilleure façon, au lieu de vouloir s'y attaquer de façon un peu sectorielle puis voir dans quel contexte on y touche, serait de dire: Voici le phénomène, le définir, voici les gens qui sont touchés par ça...

Premièrement, dire: C'est illégal, une inéquité semblable envers les jeunes est inacceptable. Ça, c'est le premier principe. Deuxièmement, y aller sur le fait que la définition est claire: Voici, c'est quoi et voici – on parlait de processus de recours, de dénonciation – les mesures qu'on va prendre quand on va se rendre compte qu'il y en a une. Vous avez juste à nous appeler et à dire qu'il y en a une clause orphelin quelque part, puis la loi va faire en sorte que soit le gouvernement ou les fonctionnaires ou n'importe qui va dire: Non, c'est fini, on va trouver d'autres moyens.

M. Roberge (Jean-François): Il ne peut pas y avoir une mesure trop efficace. D'accord? Il ne faut pas avoir peur: Ah! mon Dieu! on ne va pas faire une mesure trop efficace! Si on fait une loi puis que c'est la façon de régler le problème, bien – mon Dieu! – qu'est-ce qu'on fait ici? Rédigeons-la et adoptons-la. D'accord? La meilleure façon, c'est de n'oublier personne, de ne pas dire: Ah! bien, toi, tu n'es pas couvert parce que tu es syndiqué ou, toi, tu n'es pas couvert parce que tu es précaire ou, toi, tu es couvert parce que tu n'es pas syndiqué. D'accord?

M. Morin (Normand): Je pense aussi qu'une loi contre les clauses orphelin, ça nous permettrait de nous prémunir contre ces injustices-là. Là, c'est bien beau, je fais une démarche auprès de la Commission des droits de la personne, mais imaginez tous les délais. Puis est-ce que le gouvernement va respecter le verdict de la Commission des droits de la personne? Regardez, dans le dossier des fonctionnaires fédéraux sur l'équité salariale, ça a pris 14 ans avant que le Tribunal des droits de la personne rende son verdict ou sa décision, puis, en plus, le gouvernement décide d'aller en appel. Alors, regardez, si on avait une loi, ça nous permettrait de nous prémunir contre ces injustices-là.

(17 h 40)

Donc, maintenant, quelle forme la loi va prendre? Ça, moi, je ne suis pas un spécialiste dans ce domaine-là. Mais je pense que ça serait une mesure qui est absolument essentielle pour éviter que ça ne se reproduise dans l'avenir. Parce que, regardez, on l'a vécu. En ce qui concerne les enseignants, le gel de l'avancement d'échelon, on l'a vécu en 1982, ça a été imposé par le gouvernement et, 15 ans plus tard, ça revient. Ça n'arrive pas souvent, mais ça dure longtemps, ça s'étale sur 15 ans, les effets de cette mesure-là.

M. Béchard: Sur la mise en place d'une telle loi, quand vous dites: Il faut que ça s'applique et il faut que le gouvernement la respecte... Puis, quand on regarde les engagements du sommet socioéconomique puis le sort qui a été réservé à plusieurs groupes de jeunes qui sont sortis du sommet socioéconomique parce qu'ils ne trouvaient pas leur place là, il faut vraiment, je crois, que les gens qui sont victimes de ça de façon individuelle... Parce que vous, vous êtes quand même un groupe. Ce n'est pas tout le monde qui, individuellement, comme on l'a vu précédemment, va s'autodénoncer là où il n'y a pas d'autre représentation que lui-même, quand il n'y a pas de convention collective, quand il n'est pas syndiqué.

Donc, il faut que le processus soit relativement simple. Et, avant même qu'il se dénonce, il faut que ce soit un signal – je n'aime pas le mot – ce n'est pas nécessairement un pacte social, mais c'est un choix de société. Et il faut que les gens qui vont à l'encontre de ce choix de société là se rendent compte qu'on ne peut pas indéfiniment taper sur le dos des jeunes et leur faire payer le prix et le coût de coupures que d'autres n'ont pas le courage d'assumer.

Mais, dans cette défense-là, tantôt, on a parlé un petit peu du climat de travail qui pouvait régner dans les endroits où il y avait des clauses orphelin, comment, je dirais, vos aînés ou vos collègues de travail voient votre démarche? Quelle est leur réception face à votre démarche?

M. Morin (Normand): Moi, je peux répondre. Personnellement, dans mon milieu de travail, j'ai beaucoup d'appui de la part de la majorité des enseignants, sinon de la totalité des enseignants puis peu importe leur âge. J'ai beaucoup de collègues qui ont plus de 50 ans qui m'appuient à fond de train dans cette démarche-là.

M. Roberge (Jean-François): Sauf que ce n'est pas le cas partout. Ça dépend, d'un individu à l'autre. Le problème, c'est qu'on laisse le choix... Le problème, c'est que ça a été appliqué, puis là, bon bien, on est obligé de convaincre les gens que la discrimination, ce n'est pas beau. C'est ça qu'on est obligé de faire, en ce moment. Oui, c'est vrai, dans le milieu de travail de M. Morin, les gens l'appuient. Dans mon milieu, bien, je n'ai peut-être pas cette chance-là d'avoir l'appui des enseignants les plus âgés. Là, on est pris pour aller dire que la discrimination, il faut arrêter ça. C'est une aberration.

M. Béchard: Est-ce qu'ils comprennent le phénomène? Le phénomène des clauses orphelin, est-ce qu'il est assez compris par ces gens-là, et sa nature? Parce que, il faut faire attention, tantôt, on parlait de compétence, ce n'est pas une question de compétence, une clause orphelin, vous avez bien mis le doigt dessus. C'est juste que vous n'êtes pas moins compétent parce que vous êtes engagé le 1er mars plutôt que le 1er avril, ou plus compétent. Est-ce que les gens saisissent bien le fond comme tel de la nature de cette discrimination-là? Parce que tu en parles avec des jeunes, des clauses orphelin, puis, à moins d'être directement touchés, ils ne sont pas trop, trop au courant de ça.

M. Roberge (Jean-François): Bien, il y a des gens qui ont voté qui étaient pas mal au courant, ils le savaient. Sauf que, bon, à un moment donné, c'est le portefeuille qui vote, on dirait. Ce n'est pas le coeur, ce n'est pas la tête, c'est le portefeuille ou la carte de crédit qui vote. Ça fait que, au bout du compte, il y a des gens qui étaient très conscients du tort qu'ils faisaient aux jeunes qui ont adopté des mesures comme ça.

Il ne faut pas croire que les syndicats ont innocemment proposé ça. C'est qu'ils avaient des membres à satisfaire puis ils voulaient proposer quelque chose qui allait se faire adopter. Puis ils savaient qu'en proposant quelque chose qui pénalise les jeunes quand les jeunes sont minoritaires, bien, ça allait passer. Il ne faut pas mettre ça sur le compte de l'inconscience, de gens qui ne savent pas ce qu'ils font.

M. Morin (Normand): C'était aussi plus facile à vendre au monde. Dans le fond, on en pénalise une partie puis on vous dit... Souvent, les plus jeunes, ceux qui sont touchés par cette mesure-là, sont en situation, comme on le disait tout à l'heure, de précarité, donc ils n'oseront pas trop contester. Ils vont être tellement contents contents d'avoir un emploi. Donc, c'est difficile pour les jeunes qui commencent, qui sont en situation de précarité, d'aller contester cette mesure-là. C'est certain que moi, si j'étais à ma première année d'enseignement, si j'étais un précaire, j'oserais peut-être moins contester cette mesure-là.

M. Béchard: C'est pour ça qu'il n'y a presque pas de plaintes, d'ailleurs.

M. Morin (Normand): C'est pour ça qu'il n'y en a pas beaucoup.

M. Lapointe (Fréderic): Par ailleurs, il est évident que, pour les enseignants, imposer un gel d'échelons aux plus jeunes, ça a été plus facile, moralement, ils l'ont avalé plus facilement du fait qu'en 1982, ils avaient été sous le coup non pas d'une négociation d'une convention collective, mais sous le coup d'un décret qui leur a fait très mal. Nous, on dénonce ce parallèle. Ce n'est pas parce qu'on a été victime qu'il faut devenir bourreau.

Cependant, on ne peut que constater que c'est le même gouvernement qui a voté le décret en 1982 pour la récupération salariale des enseignants et c'est le même gouvernement qui acquiesce, en 1997, à la signature d'une clause orphelin dans l'enseignement. Je suis forcé de dire que l'histoire se répète.

Comme je le disais tout à l'heure, la Charte des droits est jeune. Les droits, c'est quelque chose qui s'implante lentement dans une société, avec l'évolution des mentalités. Aujourd'hui, ça prend une loi. On ne peut pas faire porter le chapeau au ministre du Travail; ce n'est pas lui qui a négocié ça, ce n'est pas lui qui avait voté la loi Trudel nécessairement, c'est d'autres responsables de dossiers. Mais aujourd'hui le ministre est responsable d'une loi qui peut faire évoluer la société. Donc, c'est aujourd'hui qu'il faut faire en sorte qu'il n'y en ait plus, de ce genre de clauses-là.

Mais c'est évident que les enseignants ont dit: Oui, mais moi, je l'ai subi en 1982, ça fait que c'est à votre tour. Mais il faut cesser, à un moment donné, de revenir dans le passé et de justifier les injustices présentes par les injustices passées. C'est pour ça qu'une loi, il me semble, pourrait repartir les compteurs à zéro.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, je passe la parole maintenant au député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Oui. Merci, Mme la Présidente. D'abord, je vous souhaite la bienvenue. On a suivi vos activités et vos démarches depuis plusieurs mois, et je suis heureux de vous voir devant cette commission-là.

Ma première question va être sur la notion d'une loi. Et je suis conscient que vous n'êtes pas légistes, donc je n'irai pas sur le comment technique, mais juste sur un principe de base. D'ailleurs, le député de Kamouraska-Témiscouata voulait vous amener profondément là-dedans, mais lui-même, lundi, il n'y avait pas de loi; mardi matin, il y avait une loi; mardi après-midi, il y avait peut-être une loi-cadre; peut-être que demain, ça va être un amendement constitutionnel.

La Présidente (Mme Vermette): M. le député, question de règlement. Sur quel règlement?

M. Béchard: Juste une petite question de règlement en vertu... Je pense que c'est 35 ou 36 de notre règlement. Les faits ne sont pas tout à fait ça. Je n'ai pas dit qu'il n'y aurait pas de loi, mais qu'elle ne serait pas applicable. Un instant!

M. Dumont: Lundi, il a été mal compris par les...

M. Béchard: Bon!

La Présidente (Mme Vermette): Alors, ce n'est pas tout à fait une question de règlement. Mais allez-y, M. le député de...

M. Dumont: Lundi, il a été mal compris par les journalistes.

M. Béchard: Franchement! Aïe! Aïe!

M. Dumont: Cela étant dit, ma question sur le fond, c'est: Pensez-vous que quelle que soit la loi et quelles que soient les autres lois qu'elle vient modifier, il doit y avoir le principe de rétroactivité? En d'autres termes, est-ce qu'on doit seulement dire: À partir d'aujourd'hui, pour les cas qui viennent, on n'a plus le droit d'en faire? Ou est-ce que – ce qui est ma proposition, entre autres – ça devrait être rétroactif, pas demain matin, laisser un certain délai de transition ou organiser ça pour que ça soit faisable, mais de dire: Ce qui est signé et qui est une clause orphelin, on renégocie ça et on repartage le sacrifice entre tout le monde?

M. Roberge (Jean-François): Ça doit être rétroactif. D'accord? On ne peut pas dire: Vous avez été sacrifiés. On s'est fait dire qu'on est la génération sacrifiée assez de fois, O.K.? Juste une fois, on ne sera pas la génération sacrifiée. Juste une fois, on va revenir en arrière et puis on va changer le mal qui a été fait. Je viens de dire que ce qui a été fait, ce qui a été voté, adopté, ce n'était pas innocent. D'accord? On le savait et on se fiait sur le fait que les jeunes n'avaient pas les moyens de se défendre. Puisque ce n'était pas innocent, puisqu'on a déjà payé et qu'on va encore payer pendant je ne sais pas combien d'années, je pense que ça serait juste normal que ce soit rétroactif, tout à fait.

M. Dumont: Ça répond à ma question. L'autre question. Et je vais y aller, peut-être d'un préambule, qui est une réaction à votre mémoire. Parce qu'on a entendu beaucoup l'argument économique comme étant un argument de dire, donc c'est l'argument des miettes: Ah! bien, le marché de l'emploi est tellement dur, vous devriez prendre les miettes, les jeunes, puis c'est déjà beau qu'il y en ait qui réussissent. Donc, dans le fond: Vous êtes des privilégiés, puis ceux qui réussissent à trouver un emploi, ne serait-ce qu'une tâche à 80 %, ils devraient déjà se taire parce qu'ils sont déjà des choyés.

Dans le fond, dans votre mémoire, vous faites une démonstration très éloquente sur la réalité économique des jeunes versus l'autre génération. Puis je vais la compléter en disant: on est la génération qui a une dette étudiante incomparable, puis, bon, on vit avec ça, puis on ferme notre gueule; puis qui n'a pas le même accès à la propriété, puis on vit avec ça, puis on se la ferme; qui, quand on arrive pour avoir des enfants, les allocations familiales – pouf! – ça n'existe plus. Les rentes sont pas mal plus incertaines qu'avant. Les emplois atypiques, c'est la réalité d'une grande partie de notre génération. Puis il n'y a rien dans le monde du travail qui a été organisé pour les emplois atypiques. Les femmes qui ont des grossesses puis qui sont travailleuses autonomes, elles s'arrangent avec leurs problèmes puis elles se mettent sur l'aide sociale. On vit avec le déficit, puis on nous dit: C'est vous autres qui allez faire les sacrifices pour pallier le déficit, alors qu'on avait la couche aux fesses pendant que le déficit s'accumulait.

Puis le dossier des clauses orphelin, au fond, c'est de dire: Tout ça, là, on avale le motton – parce que, on en est bien conscient, on ne peut pas récrire l'histoire qui vient de se passer – mais, au moins, aujourd'hui puis demain, quand on fait la même job, on va être sur la même échelle, au moins ça. Pour payer tout le reste, puis vivre avec tout le reste, minimum, quand on fait la même job, quand deux employés municipaux partent dans le même pick-up pour aller réparer un trou dans l'asphalte, ils font exactement la même job, ils vont être sur le même genre de conditions de salaire puis d'avantages sociaux, ils vont être sur la même échelle de travail.

(17 h 50)

Et ça, vous en faites une démonstration, au niveau économique, qui répond à un paquet d'arguments, puis c'est vraiment la plus éloquente qu'on a vue, jusqu'à maintenant. C'est d'autant plus insultant – parce que vous êtes des employés du secteur public – quand c'est votre gouvernement, que vous ayez voté pour ou contre eux, «votre gouvernement» au sens général, parce que le gouvernement, une fois élu, est élu pour et par l'ensemble de la population, et c'est votre gouvernement qui, en tant qu'employeur, déroge à tous les beaux principes énoncés dans un sommet puis dit: On va vous passer ça dans la gorge, avec votre syndicat qui serait supposé, aussi, être votre représentant et qui s'allie pour vous planter ça dans la gorge.

Mais ma question... Parce que, là, à travers la commission, on fait aussi un débat un peu plus large que les clauses orphelin, sur la façon dont le gouvernement embauche. Et, moi, je me fais dire des affaires – parce que plus je gueule là-dessus, plus je reçois des appels, des «E-mail» – que, dans certaines commissions scolaires, on est rendu que, pour les jeunes, de l'emploi régulier, 100 % d'une tâche, on ne donne plus ça, dans le sens que, étant donné qu'après deux ans tu obtiens ta permanence, tu as deux ans à 100 % de ta tâche, il y a des commissions scolaires, entre autres dans la grande région de Montréal, où le mandat est clairement donné: Plus de 100 % de tâche. On donne du 80 %, on donne du 75 %, on donne des portions de tâche, de telle sorte qu'on est pas poigné – je parle cru – avec ce monde-là après. Est-ce que, vous autres, vous avez des indications – parce que, je suppose, vous brassez des affaires, vous entendez des choses, vous autres aussi – à savoir que c'est comme ça qu'on agit à certains endroits?

M. Roberge (Jean-François): Là, on tombe dans l'anecdotique, par exemple, c'est une anecdote. Mais, oui, effectivement, j'ai entendu parler de gens qui... Rapidement, la politique pour terminer le stage probatoire a été changée. Autrefois, il fallait faire 21 jours consécutifs, et, après, le stage probatoire commençait. Mais, c'était drôle, on pouvait faire de la suppléance pendant 20 jours, très souvent, mais le 21e jour, c'était bien de valeur, on changeait de suppléant, ce qui voulait dire que le stage probatoire ne commençait jamais. Donc, on ne finissait jamais la probation. Donc, on ne faisait jamais les étapes pour obtenir la permanence. Ça, j'en ai entendu une pléiade. On faisait 20 jours, on faisait 19 jours, mais on ne se rendait jamais à 21 parce que 21 c'était la clé pour ensuite finir la probation, avoir la permanence. Les conditions de probation ont changé, mais je ne suis pas certain que les intentions de garder les gens dans la précarité ont changé. Ça, j'ai entendu parler de choses comme ça, effectivement.

M. Morin (Normand): Et on fait attention aussi pour ne pas donner des contrats...

La Présidente (Mme Vermette): Très, très brièvement, parce que nous sommes presque arrivés à la fin de nos débats.

M. Morin (Normand): ...avec des pourcentages de tâche trop élevés parce que, à un moment donné, on a été obligé de les inscrire sur des listes de rappel, en vue d'une permanence. Donc, pour éviter de donner des permanences, on resserre les conditions, dans le sens qu'on donne des contrats avec des pourcentages moins élevés. Je ne sais pas si ça répond à votre question.

M. Lapointe (Fréderic): L'emploi, ce n'est pas le vrai enjeu de cette commission parlementaire. Il y a toutes sortes de mesures pour promouvoir l'emploi. On peut en discuter au CCTMO, si c'est utile, ou dans tout autre forum. Mais il n'y a pas de raisons pour lesquelles on offrirait aux jeunes des conditions différentes. Et je vous ramène sur notre critère: il faut interdire toute clause ou toute mesure qui a pour effet de ne plus fonder la politique salariale sur des critères communs à l'ensemble du personnel. Ce n'est pas évident de traverser et les syndicats et le patron. J'espère qu'on peut compter sur l'émanation de la population que sont le gouvernement du Québec et l'Assemblée nationale.

Nous, de notre côté, pour faire face à la musique, on s'est constitués en coalition, en fait, en lobby, en groupe de défense, si on peut dire, pour les enseignants, mais on l'a fait aussi pas juste par générosité mais pour être plus solides, on l'a fait aussi avec d'autres travailleurs. Vous l'avez vu, dimanche, c'était la création de Force Jeunesse, qui représente aussi les agents correctionnels. Et il est évident que vous entendrez parler de la question de l'emploi des jeunes, puisque nous aussi, à notre tour, évidemment, face à la situation, on doit se serrer les coudes.

Et, oui, on va les faire, les études économiques. Oui, on les a, les avocats aussi pour avoir des avis. Oui, on va prendre soin des plus mal pris parmi les jeunes travailleurs. Mais c'est une loi qu'il faut. Puis c'est entre vos mains.

La Présidente (Mme Vermette): Alors, sur ces propos, nous allons mettre un terme à nos échanges. On vous remercie beaucoup de votre présentation. Ça a été intéressant.

Alors, j'ajourne les travaux à mardi, 9 h 30.

(Fin de la séance à 17 h 54)


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