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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le jeudi 26 mars 1998 - Vol. 35 N° 95

Consultations particulières sur le document intitulé Document de réflexion sur le travail des enfants au Québec


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Table des matières

Auditions


Intervenants
M. François Beaulne, président
M. Matthias Rioux
M. Claude Béchard
Mme Monique Simard
M. Robert Benoit
M. Michel Côté
M. Geoffrey Kelley
*M. Michel Philibert jr, CPJ
*Mme Louise Bisson, idem
*M. Thierry Bériault, Section droit du travail de la division Québec
de l'Association du Barreau canadien
*Mme Céline Dauphinais, idem
*M. Camil Picard, DPJ
*M. Jean Lortie, idem
*M. Hugues Létourneau, idem
*M. Claude Filion, CDPDJ
*M. Michel Coutu, idem
*M. Jean-Marc Boily, CNT
*M. Guy Poirier, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Dix heures trente-trois minutes)

Le Président (M. Beaulne): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission de l'économie et du travail va poursuivre ses consultations particulières et les auditions publiques sur le Document de réflexion sur le travail des enfants au Québec .

Avant de débuter, je demanderais à notre secrétaire s'il y a des remplacements.

La Secrétaire: M. le Président, M. Kelley (Jacques-Cartier) remplace M. Sirros (Laurier-Dorion).


Auditions

Le Président (M. Beaulne): Merci. J'inviterais le premier groupe de ce matin, les représentants du Conseil permanent de la jeunesse, à s'approcher. Je vois qu'ils sont déjà installés. Alors, la commission vous souhaite la bienvenue. Nous avons une heure pour échanger avec vous. Je vous demanderais d'être assez succincts, un maximum de 20 minutes pour présenter votre mémoire, de façon à permettre un échange de part et d'autre. Alors, allez-y, puis je vous inviterais également à vous identifier pour les fins de la transcription.


Conseil permanent de la jeunesse (CPJ)

M. Philibert (Michel jr): Bonjour. Je suis accompagné de Mme Louise Bisson, qui est agente de recherche au Conseil permanent de la jeunesse. Moi, je suis Michel Philibert, je suis toujours le président du Conseil permanent de la jeunesse. C'est une situation qui est assez, je dirais... Finalement, je ne devrais pas être ici à vous parler aujourd'hui parce que, au mois de décembre dernier, les 15 nouveaux membres du Conseil ont été élus. Je vais vous en faire juste une... pour vous tenir au courant un peu de ce qui se passe au Conseil. M. Marc Alain, M. Philippe Bouzaglou, Mme Claire-Andrée Cauchy, Mme Marie-Chantal Gagné, M. Sylvain Gendron, M. Stéphane Gosselin, Mme Élise Labrecque, Mme Marie-Claude Ménard, M. Nicolas Poirier-Quesnel, Mme Hélène Rhéaume, M. Michel Rouleau, Mme Emma Savard, M. Patrice Savignac-Dufour, Mme Annie Simard, ainsi que Mme Geneviève Taillon ont été élus membres du Conseil permanent de la jeunesse.

Le Président (M. Beaulne): M. Philibert, peut-être que vous pourriez nous déposer la feuille et on va faire circuler ça. Ça serait plus simple pour tous les députés. Comme ça, on a la liste.

M. Philibert (Michel jr): Vous allez avoir une liste cochée, un document de travail. Je n'ai pas d'objection.

Alors donc, je suis encore président. On est en plein dans une transition entre les deux conseils. Une nomination à la présidence du Conseil devrait suivre dans les prochaines semaines. Donc, c'est la quatrième fois que je vais faire mes adieux à une commission parlementaire. J'espère que cette fois-ci ce sera vraiment la dernière. Donc, je vous remercie aussi de vouloir bien nous entendre sur ce sujet-là. C'est un sujet qui est d'actualité et qui, je pense, suscite un débat social assez exceptionnel.

Quelques mots aussi sur le Conseil. Le Conseil a maintenant 10 ans. Ça fait 10 ans que le Conseil traverse vents et marées pour sensibiliser la population et sensibiliser les élus sur la question des jeunes. Le Conseil s'est déjà penché sur ce dossier-là et, en 1992, nous présentions au gouvernement un avis portant spécifiquement sur cette question, Élèves au travail. Le travail des jeunes du secondaire en cours d'année scolaire , que nous vous invitons fortement à consulter; d'ailleurs, vous l'avez reçu. On y retrouve une vingtaine de recommandations toujours pertinentes et qui mériteraient encore d'être mises de l'avant. À cette époque, le Conseil avait conclu que la législation québécoise était généralement adéquate pour encadrer le travail des jeunes de moins de 16 ans, sauf pour le travail de nuit. Nous recommandions alors au gouvernement de modifier la Loi sur les normes du travail à l'effet d'interdire le travail de nuit, ce que le gouvernement a fait en décembre dernier.

Depuis la publication de notre avis, seule une enquête menée par le ministère de l'Éducation auprès de 5 000 jeunes du secondaire est venue préciser, en 1993, le portrait de la situation du travail chez les jeunes. Les résultats de cette enquête confirment à plusieurs égards les tendances observées dans les enquêtes et les études déjà consultées par le Conseil. Nous n'avons donc pas changé d'avis sur cette question. Nous ne croyons toujours pas qu'il soit nécessaire d'imposer un âge minimum pour travailler ni de limiter le nombre d'heures de travail par semaine, comme le propose le document du ministère du Travail.

À notre avis, les données actuelles ne démontrent pas de façon concluante les liens entre le nombre d'heures de travail et la réussite scolaire. En effet, le document du ministère conclut à une diminution de la moyenne des résultats scolaires chez les jeunes qui travaillent plus de 16 heures en s'appuyant sur la seule étude de Mme Nicole Champagne, chercheure à la maîtrise, qui a mené, en 1991, une enquête à la commission scolaire de Chambly, alors que les résultats de l'enquête du ministère de l'Éducation, publiés en 1993, ne permettaient pas de conclure à une corrélation aussi significative. Ces derniers indiquent, à propos du rendement et de l'échec scolaire, que les élèves qui travaillent 16 heures et plus par semaine sont certes parmi les plus nombreux à avoir des notes entre 60 % et 69 %, mais que ceux et celles qui travaillent de 11 à 15 heures sont presque aussi nombreux. Les résultats démontrent que, chez les élèves qui travaillent 21 heures et plus, il y a une plus forte propension à l'échec. On parle de 3,6 %. Mais les auteurs eux-mêmes concluent que ce chiffre est quand même trop faible pour qu'on puisse parler de différence significative.

De plus, la réussite scolaire dépend aussi, quant à nous, du temps consacré à l'étude et aux travaux à la maison. Or, le document du ministère du Travail ne fait pas mention des données démontrant que le travail rémunéré influence peu cette variable. Toujours dans l'enquête du ministère de l'Éducation, on constate que la répartition des élèves selon le nombre d'heures consacrées aux travaux scolaires est à peu près la même chez les élèves qui ne travaillent pas que chez ceux et celles qui travaillent, quel que soit le nombre d'heures travaillées. En clair, le fait de travailler ou non n'a pas d'effet sur le nombre d'heures consacrées aux études. Par contre, les recherches démontrent un lien entre le fait de travailler et le nombre d'heures d'écoute de la télévision, celles-ci étant passablement réduites chez les élèves qui travaillent.

(10 h 40)

Le seuil proposé de 15 heures par semaine nous apparaît aussi établi de façon arbitraire. D'ailleurs, la littérature américaine que le Conseil a consultée au moment de la rédaction de son avis tendait à situer davantage le seuil critique au-delà de 20 heures. À notre avis, on ne peut pas vraiment s'appuyer que sur les seules enquêtes disponibles pour fixer un seuil, car celles-ci ne tiennent vraiment pas compte d'autres facteurs tout aussi importants comme le type d'emploi occupé, les capacités individuelles de chacun, la situation financière du jeune, celle de sa famille, etc. Tous les intervenants proches des jeunes, les parents, les jeunes eux-mêmes vous diront que les difficultés à concilier les études et le travail varient d'un élève à l'autre et ne dépendent pas nécessairement du nombre d'heures travaillées. Un jeune qui ne travaille que 10 heures peut avoir beaucoup de problèmes à concilier ces deux activités, à cause justement de ses difficultés scolaires. Un autre qui travaille 20 heures peut très bien y arriver. Le Conseil ne nie pas que la conciliation des études et du travail peut causer des difficultés à un certain nombre d'élèves. Ce que nous soutenons, c'est qu'une disposition sur la durée hebdomadaire du travail ne réglera pas les difficultés scolaires de ces derniers. C'est un leurre de soutenir une telle affirmation.

Si l'objectif de cette commission est de promouvoir la réussite scolaire d'un plus grand nombre possible de jeunes au Québec, le Conseil a de nombreuses suggestions à faire. Nous avons à maintes reprises suggéré au gouvernement plusieurs mesures visant à améliorer la réussite scolaire de l'ensemble des jeunes aux études. La commission pourrait d'abord faire une première recommandation au gouvernement à l'effet de mettre fin aux compressions dans le secteur de l'éducation, compressions qui contribuent directement à l'érosion des services aux élèves, des services dont les jeunes d'aujourd'hui ont particulièrement besoin; on parle ici de services en orientation, en psychologie, en encadrement, en aide aux devoirs, en santé, en loisir, en toxicomanie, etc. Nous sommes d'avis que l'école doit mieux soutenir ses jeunes si elle veut qu'ils réussissent davantage, et ce n'est pas en effectuant des coupures dans les services aux élèves, comme cela se fait actuellement, ni en brandissant un texte de loi qu'elle parviendra à soutenir les jeunes en difficulté.

À notre avis, si la commission veut vraiment s'attaquer aux problèmes des jeunes de moins de 16 ans qui travaillent, ses recommandations devraient porter non pas sur la durée du travail, mais sur les conditions de travail des jeunes. Plutôt que de limiter le travail à 15 heures par semaine, ce que la majorité des jeunes font d'eux-mêmes de toute façon, nous pensons que le gouvernement doit orienter ses actions de manière à protéger davantage les jeunes qui travaillent pour des employeurs peu scrupuleux, dans des conditions de travail abusives, voire illégales, mettant parfois en péril leur sécurité et leur santé physique. On parle, entre autres, de travail disproportionné par rapport à l'âge, de charges trop lourdes, d'absence de formation pour faire fonctionner des appareils qui comportent des risques, de manque d'encadrement, de travail non déclaré. Dans ces situations d'abus, ce n'est pas nécessairement la durée du travail qui est en cause.

Nous ne croyons pas qu'une disposition limitant les heures de travail va atteindre ces jeunes. Au mieux, cette mesure permettra de limiter les abus à 15 heures. Par contre, nous estimons que tous les efforts ne sont pas déployés pour assurer une application rigoureuse des lois et règlements existants. À titre d'exemple, dans l'enquête du ministère de l'Éducation, on apprend que 8,6 % des jeunes affirment travailler pendant les heures de classe, alors qu'il est interdit, selon la Loi sur l'instruction publique, d'embaucher un jeune tenu à la fréquentation scolaire. On y apprend aussi que plus de 50 % des jeunes ne reçoivent pas le salaire minimum. Ce ne sont certainement pas tous des camelots ou des gardiennes d'enfants.

Si le ministre veut encadrer davantage le travail des moins de 16 ans, il a le devoir et le pouvoir de mettre des ressources supplémentaires pour inspecter les milieux de travail où sont les jeunes. Il doit se donner comme priorité de cibler les employeurs qui embauchent des jeunes et de multiplier les mesures de contrôle des lois existantes auprès de ces employeurs. D'ailleurs, il y a fort à parier que les employeurs peu soucieux du bien-être des jeunes et contournant plus souvent qu'autrement les lois et les règlements seraient tout aussi habiles à déjouer la limite des 15 heures par semaine.

De plus, comme en 1992, le Conseil demande à la Commission de la santé et de la sécurité du travail de procéder à une évaluation des risques associés à certains emplois souvent occupés par des jeunes de manière à déterminer si de nouvelles restrictions sur l'âge d'admission ne pourraient pas s'appliquer dans certains cas.

Le gouvernement doit aussi intensifier ses efforts de sensibilisation auprès des employeurs quant à l'importance de procurer aux jeunes des conditions de travail qui ne nuisent pas à leurs études ni à leur santé. Il doit aussi poursuivre ses activités d'information qui s'adressent aux jeunes.

Le Conseil émet, par ailleurs, de sérieux doutes quant à l'application d'une disposition limitant la durée du travail hebdomadaire chez les jeunes. En plus de ne pas viser nécessairement en priorité les jeunes qui travaillent dans des conditions de travail abusives, cette disposition risque d'être difficile d'application. Elle comportera certainement beaucoup d'exceptions, vu la difficulté d'effectuer des contrôles dans certains milieux. On peut penser que le travail dans l'entreprise familiale, le travail à forfait, le travail à domicile, par exemple, seront éventuellement exclus. De plus, les jeunes pourront vraisemblablement contourner la disposition en cumulant plusieurs emplois. On peut aussi s'interroger sur d'autres effets pervers d'une telle mesure. Les jeunes se verront-ils forcés d'accepter des heures supplémentaires non déclarées, ou pire, non payées, quand l'employeur l'exigera, lorsqu'un employé sera malade? Les jeunes seront-ils congédiés s'ils n'acceptent pas?

De plus, cette mesure risque d'encourager le travail au noir ou tout simplement de décourager certains employeurs d'embaucher des jeunes. Est-ce que c'est l'objectif caché du gouvernement? Pourtant, les jeunes retirent beaucoup de l'expérience acquise en milieu de travail. Ils y retrouvent autonomie, valorisation, intégration sociale, voire même, dans certains cas, la motivation nécessaire à continuer leurs études.

Intervenir sur le travail des jeunes en limitant le nombre d'heures par semaine, voilà une mesure facile, qui paraît bien, qui laisse sous-entendre: On agit pour les jeunes, on se préoccupe d'eux. Mais est-ce là le rôle de l'État d'agir à la place des jeunes et de leurs parents, de laisser entendre partout que les jeunes sont des irresponsables face au travail et face à leurs études? Pourtant, la majorité des jeunes qui travaillent le font de façon responsable et réussissent à concilier très bien études et travail.

En outre, les jeunes ne travaillent pas tous. Selon les données de l'enquête du ministère de l'Éducation, ils étaient 40 % à le faire en 1991. Aujourd'hui, les indicateurs de Statistique Canada sur le taux d'activité et le taux d'emploi chez les étudiants à temps plein âgés de 15 à 19 ans indiquent une diminution marquée du travail rémunéré pendant les études, depuis le début des années quatre-vingt-dix. En effet, si on compare les données actuelles avec celles publiées dans notre avis de 1992, on constate que le taux d'activité est passé de 35,2 %, en 1991, à 26,6 %, en 1997, et le taux d'emploi, de 30,4 % à 20,7 % en 1997.

En légiférant sur la durée hebdomadaire du travail des jeunes, le Conseil ne croit pas que le gouvernement vise juste. C'est une mesure trop large, trop générale. De ce fait, elle ne s'attaque pas aux situations les plus problématiques auxquelles les jeunes sont confrontés dans l'exercice d'un travail. Le Conseil est plutôt d'avis qu'il faut d'abord s'assurer que les lois actuelles soient appliquées avec vigueur pour éviter que les jeunes soient victimes de conditions de travail abusives, voire illégales, avant même de penser à ajouter une autre disposition à la Loi sur les normes du travail dont on pourra de toute façon difficilement contrôler l'application.

Quant aux jeunes qui éprouvent des difficultés scolaires, le Conseil estime que le gouvernement a le devoir de s'assurer que l'école a les moyens de mettre en place les mesures de soutien nécessaires pour favoriser la réussite d'un plus grand nombre de jeunes, et ce, dès les premières années du primaire.

Le Conseil ne croit pas qu'une mesure limitant le nombre d'heures de travail va vraiment être comprise par les jeunes comme un signal les invitant à se consacrer davantage à leurs études. Par contre, elle va sans doute apparaître comme un frein, une autre barrière que la société met à leur intégration sociale.

Dans le courant du mouvement de tolérance zéro que l'on observe à l'égard des jeunes, nous nous demandons jusqu'où ira l'État. Sachant que plusieurs adolescentes et adolescents passent de nombreuses heures à programmer leur ordinateur, à naviguer sur Internet ou à pratiquer un sport, le gouvernement va-t-il en venir à légiférer pour interdire toute activité qui pourrait prendre la place des études? Sur cette question, je vous remercie et je suis prêt à répondre aux questions de la commission.

(10 h 50)

Le Président (M. Beaulne): Ça va. Alors, M. le ministre, vous avez la parole.

M. Rioux: M. Philibert et Mme Bisson, je vous souhaite la bienvenue. On est contents d'avoir le son de cloche du Conseil permanent de la jeunesse. Il y a des bouts, M. Philibert, j'interprétais que vous faisiez de l'humour un peu, mais, cependant, il y a une trame de fond dans votre document qui mérite qu'on s'y attarde et beaucoup.

Vous prétendez qu'il n'y a peut-être pas de lien direct entre réussite scolaire et durée du travail. C'est peut-être vrai dans certains cas. Moi, je pense qu'il y a des gens talentueux qui peuvent assez aisément concilier travail et études. J'ai fait de l'enseignement. Il y en a ici, autour de cette table, qui ont travaillé pas mal avec les jeunes dans leur vie et qui le savent très bien. Mais j'expliquais à Mme Pagé, hier, que, lorsqu'on se situe dans la courbe normale de probabilités, 70 % des jeunes se retrouvent dans la bracket entre 50 % et 70 % quant à la réussite. Et quand le gouvernement veut agir ou le législateur veut agir, il essaie de focusser sur des moyennes beaucoup plus que sur des cas spéciaux, vous le savez fort bien.

Ça m'amène à vous demander: Quand un jeune fait 25 heures à l'école, qu'on additionne 10 heures de travaux, soit de recherche, des devoirs, des leçons, enfin, tout ce qui est consécutif aux heures d'enseignement, et qu'en plus on y ajoute 20 heures de travail – on en a parlé hier, le député de l'opposition également le soulignait avec beaucoup d'à-propos – ça fait 55 heures dans une semaine pour un jeune qui a parfois un secondaire III, secondaire IV, secondaire V, c'est des jeunes de 14-15 ans. Nous, on a une préoccupation importante comme parents, comme État, comme législateur, c'est la réussite scolaire. On dit: Un jeune qui ne réussit pas, il est en panne. Un jeune qui ne réussit pas, souvent, tout peut arriver, le décrochage et tout ce qui s'ensuit. Avez-vous évalué ça au Conseil?

Je sais que vous avez déjà signalé au gouvernement un certain nombre d'éléments de réflexion fort importants, mais, moi, j'aimerais... Vous fréquentez les jeunes, vous avez une chance que bien du monde n'a pas, vous êtes en relation avec eux, vous avez l'occasion de leur parler, d'analyser des choses qui les concernent très directement. Mais, quand on est devant un jeune, si talentueux soit-il, et qu'il a 55 heures d'ouvrage dans une semaine, est-ce qu'on peut penser que plus le travail des jeunes tend à se développer – c'est ce qu'on a démontré hier, la CEQ nous l'a démontré chiffres à l'appui – est-ce qu'on n'est pas là en train de compromettre l'avenir de bien du monde, finalement?

M. Philibert (Michel jr): Si, M. le ministre, la situation dont vous me parlez, elle était généralisée et si vous me disiez que tous les jeunes du Québec travaillent plus de 20 heures par semaine, moi, je vous dirais: Peut-être, là, qu'il y a lieu de s'alarmer. Mais de qui parle-t-on? On ne parle pas de l'immense majorité des jeunes, on parle d'une infime minorité des jeunes qui travaillent plus de 20 heures. C'est pour ça que le Conseil ne souhaite pas de législation, et cette législation, de toute façon, ne viendrait pas régler ces problèmes-là. Mais on parle de, quoi – j'ai des chiffres ici – de 4,9 % des jeunes de 14 ans, de 5,2 % des jeunes de 15 ans, de 6,3 % des jeunes de 16 ans. Est-ce qu'on légifère pour ça? Et puis, dans votre document, il y a une... Quand on travaille 10 heures et moins, notre moyenne est de 73 %. Quand on ne travaille pas du tout, de 71,9 %. Entre 11 et 15 heures, la moyenne générale, c'est 71,7 %. Entre 16 et 20 heures, de 70,1 %. Et plus de 21 heures, 68,4 %. Est-ce que c'est si alarmant que ça? Moi, je me pose sérieusement la question.

M. Rioux: Mais, vous, est-ce que ça vous alarme lorsqu'on dit qu'environ 40 % des jeunes de l'ensemble du Québec travaillent? À Montréal, c'est 50 % et, dans certaines écoles du Québec, particulièrement dans la région de Montréal, on est rendu à 60 %. Ce n'est pas un phénomène non négligeable, ça, M. Philibert. Il faut quand même prendre ça au sérieux, regarder la situation bien en face et essayer de voir ce que le travail a comme impact sur la réussite.

M. Philibert (Michel jr): Moi, M. le ministre, ce qui me touche beaucoup, ce qui, moi, me fait venir ici peut-être avec des propos durs que j'ai tenus, peut-être avec un peu d'humour aussi, c'est de voir ce que j'ai vu dans la journal aujourd'hui, c'est de voir ce que j'ai vu en première page de La Presse , jeudi, de voir des jeunes, victimes souvent d'entrepreneurs peu scrupuleux, d'employeurs peu scrupuleux – ils ne sont pas tous comme ça. Mais d'offrir à des jeunes des conditions de travail déplorables, des conditions de travail même illégales, de voir des jeunes qui ont des conditions de travail qui peuvent porter atteinte à leur intégrité physique, ça, c'est le plus grand... je vous dirais, la chose la plus importante dans le travail des jeunes. C'est ces jeunes-là qu'il faut protéger, s'assurer qu'ils ont des conditions de travail décentes, s'assurer que les lois qu'on a, dont vous êtes celui qui doit voir à l'application... vous devez voir que ces lois-là ne sont pas appliquées de façon suffisamment sévères. C'est ça, moi, qui m'alerte. C'est ça, moi, qui me préoccupe beaucoup. Les jeunes, moi, j'ai un préjugé favorable pour eux. Les jeunes ont la capacité. La grande majorité des étudiants ne travaillent pas justement 21 heures. La majorité des étudiants sont capables de très bien faire les deux, de concilier le travail et les études, d'autres concilient très bien le sport et les études, les arts et les études. Ils sont capables de le faire. Mais ce qui, moi, m'inquiète le plus chez ces jeunes-là, c'est qu'on n'est pas encore capable de mettre au pas les employeurs qui sont peu scrupuleux.

M. Rioux: Mais cette préoccupation-là, M. Philibert, a été bien notée puis, de toute façon, on s'en occupe depuis un bon moment. C'est vrai, lorsqu'on constate que des jeunes risquent gros sur le marché du travail et qu'il y a des employeurs qui se préoccupent assez peu de la santé et sécurité de ces personnes-là, je pense qu'il y a nécessité d'agir, et puis on va le faire. On va le faire, n'ayez crainte. On a pris acte de tout ça et puis on va le faire.

Vous êtes sévère pour le Québec, vous êtes sévère pour le gouvernement. C'est votre droit le plus strict. Mais, dans d'autres provinces canadiennes, il y a des législations, il y a des balises pour le travail des jeunes. Évidemment, vous ne pouvez pas adresser vos reproches aux autres provinces canadiennes, c'est ici que vous vivez. Mais vous ne me ferez pas accroire que tout le monde déverse les milliards en éducation avec abondance; en Ontario, ou en Colombie-Britannique, ou dans n'importe quelle province canadienne, les budgets sont serrés comme partout ailleurs. O.K.? Vous dites: Mettez donc de l'argent dans l'éducation, puis on va régler pas mal de problèmes. Peut-être avez-vous raison. Mais ils ont jugé bon, eux autres – on dit que le législateur ne parle jamais pour ne rien dire – ils ont jugé bon de le faire. Comment il se fait que, nous, on n'a pas jugé bon de le faire jusqu'à maintenant? Est-ce qu'on avait des bonnes raisons, croyez-vous?

(11 heures)

M. Philibert (Michel jr): Bien, moi, je trouve que vous en avez de très bonnes raisons. Il y a une multitude de lois qui encadrent déjà le travail chez les jeunes. Une autre loi, je trouve que ça vient confirmer une attitude un peu paternaliste qu'a le gouvernement envers les jeunes. Écoutez, moi, je suis là depuis quatre ans, M. Rioux. Je suis là depuis quatre ans au Conseil permanent de la jeunesse et puis je suis venu en commission parlementaire souvent, souvent, pour tenter de sensibiliser les députés, ceux qui gouvernent notre société, à comment vivaient les jeunes, les sensibiliser à leur réalité. Et souvent je me suis heurté, moi, à des réflexes un peu paternalistes où on traitait un peu les jeunes avec un petit peu de condescendance. Même, j'ai suivi les débats. On est à l'ère de l'informatique ici, j'ai suivi les débats sur Internet, et j'ai vu aussi, parmi les acteurs sociaux, beaucoup de personnes qui traitaient les jeunes: Ah! on discute des jeunes, ça va être bien pour eux, on va leur faire une petite loi, ils ne pourront pas travailler un peu plus d'heures que ça. Mais vous savez très bien que, dans la réalité de tous les jours... Le jeune, durant le temps de Noël, il va se faire dire par son boss: Demain, tu rentres. Mais, monsieur, j'ai fait 15 heures. Ce n'est pas grave, je vais te payer ça en dessous de la table, les deux heures que tu vas venir. Ou bien pire encore: Si tu ne viens pas, tu resteras chez vous la semaine prochaine. Ça va être comme ça que ça va se passer, M. Rioux, sur le plancher des vaches. Puis ce n'est pas en faisant les paternels, en essayant de dire ce qui va être bon pour les jeunes sans même les écouter. Puis je sais que c'est des remarques qui ont été faites ici, parce qu'il n'y a pas de jeunes, de vrais ados qui sont venus vous parler. Mais, moi, je vous dis qu'une loi comme celle-là ne réglera pas le problème.

M. Rioux: Mais, M. Philibert, ce que pensent, par exemple, les parents, les éducateurs, les patrons, les syndicats, il y a un consensus qui semble se dégager à l'effet qu'il faudrait, si on veut favoriser la réussite scolaire, limiter le nombre d'heures de travail d'un jeune par semaine et légiférer de ce côté-là. Alors, vous balayez du revers de la main l'opinion de tout ce monde-là. Tout le monde se trompe, sauf vous.

M. Philibert (Michel jr): Ce n'est pas ça que je vous dis. Moi, je vous dis que je ne souhaite pas de législation parce qu'elle ne réglera rien. Pensez-vous vraiment, M. Rioux, M. le ministre, que votre législation va améliorer sensiblement les résultats scolaires des étudiants? Pensez-vous vraiment que ça va avoir une aussi forte incidence que ça par rapport à l'injection de 500 000 000 $ en éducation, par exemple?

M. Rioux: Les pédagogues sont venus nous dire, hier: On est convaincus, compte tenu de notre expérience et de notre formation professionnelle, que, lorsqu'un jeune excède 15 heures de travail par semaine, sa réussite est compromise, ça nuit singulièrement, ça l'amène à dévier de son objectif principal. Le travail principal d'un jeune, c'est l'école. Alors, moi, je ne peux pas ne pas tenir compte de ce que ces gens-là disent. J'écoute ça avec beaucoup de respect, je vous l'avoue.

M. Philibert (Michel jr): À ce moment-là, est-ce que le rôle, justement, de ces éducateurs-là, de ces gens-là qui sont actifs dans les écoles, ne serait pas plutôt d'encadrer ces jeunes-là qui travaillent, de leur donner une bonne sensibilisation sur ce qu'est le marché du travail, sur les lois et les normes qui vont les toucher? Est-ce que ce ne serait pas plutôt ça, la responsabilité de l'école, plutôt que de dire au gouvernement: Faites donc une loi et puis, ensuite, tout va aller bien à l'école? Avant d'avoir une loi, que le gouvernement prenne la place des parents, il me semble que l'école devrait faire un effort supplémentaire là-dessus. Puis je vous ferais remarquer que, qu'on travaille ou qu'on ne travaille pas, quand on est des jeunes, on consacre le même nombre de temps aux travaux à la maison, aux études. Ça, c'est significatif en maudit: que les jeunes travaillent ou qu'ils ne travaillent pas, ils vont consacrer le même nombre d'heures à leurs travaux scolaires.

M. Rioux: Ce n'est pas le nombre d'heures qui m'importe, c'est la réussite. Et on m'a expliqué noir sur blanc que, lorsqu'on dépasse 15 heures, on compromet la réussite. Moi, je ne sais pas, un jeune qui travaille peut peut-être étudier davantage qu'un jeune qui ne travaille pas. C'est vrai que ce n'est pas toujours facile d'établir une relation directe. Mais je dois prendre ça en compte dans mon analyse. Parce que j'ai connu ce que c'était l'enseignement et travailler auprès des jeunes, ce n'est pas simple. Moi, ça termine, M. le Président, mes remarques.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le ministre. M. le porte-parole de l'opposition, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci, M. le Président. Je tiens d'abord à saluer M. Philibert et Mme Bisson et à souligner qu'un mandat de quatre ans qui se termine... Au cours de ces quatre années-là, je pense qu'on n'a pas toujours été d'accord, on n'a pas toujours été un contre l'autre non plus dans les différents dossiers qu'on a eu à traiter, mais je pense qu'une chose est certaine et sur laquelle on doit vous rendre hommage ce matin, et puis votre mémoire en témoigne, c'est que vous avez toujours fait passer les intérêts des jeunes avant quelque intérêt que ce soit, et ça, je pense que c'est tout à votre honneur ainsi qu'à l'honneur du Conseil permanent de la jeunesse. Et si j'ai un souhait à formuler pour l'avenir, c'est que la personne qui vous remplacera ait la même force et la même détermination dans la défense des intérêts des jeunes. Je pense que c'est ça qui est le plus important de tout, au-delà de ce qu'on peut en dire.

Moi, je vous dirais que je trouve ça rafraîchissant d'entendre des jeunes venir nous parler ce matin d'une problématique qui les concerne. Hier après-midi, j'étais un de ceux qui disaient justement que... Moi, quand j'entends parler la CSN qui dit que ses gens ne sont pas d'accord, mais que ce n'est pas grave, ils viennent présenter quand même un mémoire qui va complètement à l'encontre de ça, et que... Juste pour faire le point sur le consensus, moi, hier... En tout cas, je suis là depuis le début, puis le seul consensus que je vois, c'est le consensus entre la FTQ, la CSN et la CEQ sur le rapport du CCTM. Et même la CEQ disait qu'elle était plus ou moins d'accord à la fin. Ça fait que je pense que, quand on parle de consensus, il faut faire attention là-dessus. Et je dirais que, quand on parle de consensus, s'il y en a un que, moi, je dénote partout, c'est que, peu importe la législation qu'on va mettre en place, peu importe qu'on en mette ou qu'on n'en mette pas, de législation, il y a une chose qui compte: ça va marcher si tout le monde embarque. On a beau mettre n'importe quelle législation en place, puis je suis d'accord sur le point qu'on a déjà une trentaine de lois qui touchent de près ou de loin... Puis je regardais ce matin, moi aussi, les articles dans les journaux, on se rend compte qu'il y a des petits écarts quelque part. Et je reviens sur la Loi sur les normes du travail; ça marche sur dénonciation, comme on le dit, sur plainte, et ce n'est pas un jeune qui va s'identifier puis qui va porter plainte, au risque de perdre sa job. Je pense qu'il faut mettre un peu les pendules à l'heure là-dessus. Et quand, M. le ministre, vous parliez qu'on a entendu des pédagogues hier, et tout ça, moi, ça me fait toujours frissonner un peu quand j'entends des pédagogues venir nous dire qu'on peut permettre à des jeunes de travailler 20 heures par semaine puis, par dérogation, peut-être un peu plus. Je me dis que c'est rendu que l'école va être un «sideline» pour ces pédagogues-là.

Donc, moi, je voulais revenir sur un problème, le premier problème. À la page 4, vous parlez de la CSST. Vous avez demandé à la CSST d'évaluer les risques. La CSST est venue nous voir mardi matin, elle a déposé des chiffres; entre autres, si on regarde chez les 15 ans et moins, on parle de seulement 700 accidents de travail. Ce matin, on apprend dans La Presse qu'il y a, de 1991 à 1996, pas moins de 41 000 accidents impliquant des jeunes de 19 ans ou moins. Moi, ce que je trouve dommage là-dedans, c'est qu'ils ont interrogé un jeune, ils ont interrogé une personne, et ce jeune-là n'a même pas voulu donner son nom, il veut garder l'anonymat. Ça démontre bien, je pense, la crainte que peuvent avoir les jeunes. Et ça doit nous amener à réfléchir sur la capacité de faire appliquer une législation si tout le monde la craint. Je pense que, là-dessus, il va falloir faire extrêmement attention. Sur ce problème-là, les accidents, et tout ça, quelle serait votre solution pour que ces situations-là n'arrivent plus? Est-ce que – je ne sais pas – c'est la surveillance qui n'est pas assez serrée? Est-ce qu'on n'est pas assez... Parce que je pense qu'on a les outils législatifs. Est-ce qu'on manque d'outils législatifs à ce niveau-là, au niveau de la santé et sécurité, ou si c'est parce qu'on ne les fait pas appliquer?

M. Philibert (Michel jr): Ce n'est pas les outils législatifs – je pense que je l'ai dit tout à l'heure. Le travail, en tout cas pour les jeunes, est quand même assez bien encadré. Je pense que des inspections plus nombreuses, des inspections plus ciblées dans les milieux de travail qui embauchent les jeunes, ça pourrait régler en partie ce problème-là. Parce que le gouvernement dispose de toutes les études pour savoir dans quel genre d'établissement travaillent les jeunes, et ça, c'est connu. Donc, c'est de vraiment bien cibler les inspections et puis d'agir en conséquence.

Mme Bisson (Louise): Aussi, le Conseil était d'accord en 1992, puis encore aujourd'hui, pour demander à la CSST d'évaluer des métiers ou des emplois où on sait qu'on retrouve beaucoup de jeunes, de manière à voir s'il n'y aurait pas nécessité de mettre un âge minimum plus élevé, comme c'est le cas dans certains métiers. Étant donné qu'on sait maintenant que certains jeunes ont investi dans certains emplois, alors, c'est peut-être important de voir si, justement, ces emplois-là ne sont pas disproportionnés à leur âge. Alors, on est d'accord pour des mesures ou des restrictions à certaines réglementations de la CSST qui monteraient l'âge minimum requis dans certains emplois qui sont jugés dangereux à cause des risques.

(11 h 10)

M. Béchard: Qui aurait le plus à perdre d'une limitation des heures de travail, si on limite à 15 heures, ou à 20 heures, ou à 10 heures? Selon vous, est-ce que ça donne quelque chose de faire ça? Est-ce que ça va avoir un impact? Et qui a le plus à perdre?

M. Philibert (Michel jr): C'est assez dur de juger qui va perdre, parce que, d'après nous, il n'y a pas grand monde qui va gagner. Donc, ce n'est pas vraiment personne qui va gagner. Il n'y a pas des gens qui vont perdre. Il y a quelques jeunes qui vont perdre un peu d'argent. Peut-être quelques jeunes qui viennent des milieux défavorisés qui travaillent peut-être plus de 15 heures pour essayer de se payer leurs cours au cégep, eux pourraient être les perdants. Peut-être même les employeurs, je vous dirais, dans une certaine mesure. Ça ne fera probablement pas leur affaire d'être obligés de dire: Après 15 heures, bien là, toi, tu ne peux plus travailler. Puis j'ai vu aussi les consensus sur le CCTM avec une dérogation, pour une heure supplémentaire, avec une dérogation à la Commission des normes, avec les parents, avec tout le monde. On vient drôlement enlever de la souplesse au marché du travail à cet égard-là, en tout cas pour les employeurs.

M. Béchard: Selon vous, cette limitation d'heures là n'a pas vraiment d'impact direct ou on ne peut pas tirer une grande règle générale d'impact sur la réussite scolaire.

M. Philibert (Michel jr): Non, et on n'est pas les seuls à le dire, hein. Le Conseil supérieur de l'éducation, qui a la réputation de faire des études assez crédibles puis assez fouillées, est tout à fait d'accord avec ça aussi dans une de ses études qu'il a faites. Encore là, on ne touche, par cette législation-là, qu'une infime minorité de jeunes. Et comme on l'a dit, puis on l'a soutenu, et puis comme c'est écrit dans le document du ministre, on ne voit pas vraiment une baisse d'une manière dramatique des résultats.

M. Béchard: Puis, de toute façon, pas assez pour qu'il y ait un besoin de tirer une grande règle générale, et tout ça. Moi, il y a une question que je me pose depuis le début puis je reviens là-dessus. Je vous ai entendu un petit peu là-dessus, j'aimerais ça que vous alliez un peu plus loin. C'est sur la capacité d'appliquer une telle norme. Vous avez parlé tantôt du jeune, dans le temps des Fêtes, à qui son patron va dire: Tu rentres demain ou tu perds ta job, ou: Je vais te payer en dessous de la couverte puis tu ne parles pas, puis tout ça. Est-ce que c'est applicable, une législation, là-dedans?

M. Philibert (Michel jr): Bien, c'est difficilement applicable. Comme les autres lois, s'il n'y a pas d'inspection, s'il n'y a pas plus d'inspection, s'il n'y a pas une volonté ferme de vérifier tous les milieux de travail dans lesquels les jeunes évoluent, ça va être difficilement applicable. Et comme il y a déjà des employeurs qui sont peu scrupuleux, qui contournent déjà des lois du travail, on peut quasiment dire que ce n'est pas cette nouvelle réglementation là qui va faire en sorte que les employeurs peu scrupuleux vont respecter les lois.

M. Béchard: Hier, la Fédération des commissions scolaires est venue nous dire que, finalement, eux aussi ne croient pas nécessairement qu'une législation soit la meilleure des solutions et ils ont amené l'idée... La première idée, c'était, premièrement, de consulter les jeunes, consulter les jeunes et les patrons, ceux qui sont carrément touchés par ça, de les faire asseoir ensemble et de voir s'il n'y a pas d'abord et avant tout une solution là. La deuxième chose, après cette consultation-là, eux, ce qu'ils ont amené, c'est la nécessité d'un contrat ou d'un pacte social au-delà d'une loi. Loi ou pas, là, ils en viennent à peu près à la conclusion, comme on disait tantôt: qu'on ait n'importe quelle loi, comme vous le dites, n'importe quel règlement, si les jeunes et si les patrons n'embarquent pas, ça ne donne rien. Vous, est-ce que vous pensez que présentement... Vous fréquentez les jeunes, vous êtes dans toutes les régions du Québec, vous voyez les jeunes, autant du côté syndical que de n'importe où, toutes les associations. Les jeunes, face à une nouvelle législation, comment ils réagissent à ça?

M. Philibert (Michel jr): Bien, ils vont réagir comme je l'ai dit tout à l'heure. Ça va être une autre barrière que le gouvernement leur met pour leur insertion sociale. Ça va être une autre mesure qui va les traiter comme des enfants. Parce qu'on parle du travail des enfants ici. Mon agente de communication, elle a un enfant de 6 pi 4 po, 185 lb, qui a 15 ans. Allez donc le traiter d'enfant, lui, pour le fun!

M. Béchard: Ou allez l'arrêter de travailler.

M. Philibert (Michel jr): C'est des ados, là, c'est des ados. Mais ce que la Fédération des commissions scolaires disait, ce n'est pas fou, parce que c'est une responsabilité multiple en tant que société, et tout ça. Il y a une partie de responsabilité de l'État pour s'assurer que les conditions de travail dans lesquelles évoluent les jeunes sont correctes, une responsabilité parentale puis une responsabilité de l'école aussi pour encadrer ces personnes-là. Il y a une responsabilité aussi de la part du jeune, parce qu'il est responsable – et ça, je suis d'accord avec tout le monde ici que la première job d'un jeune, c'est d'aller à l'école pendant qu'il est soumis à la loi et de réussir ses cours. C'est une responsabilité qui est globale. Donc, je ne pense pas que la Fédération des commissions scolaires fasse fausse route.

M. Béchard: Si vous pouvez, vous reviendrez sur la consultation et sur le contrat social. Mais juste avant, sur ce point-là, qu'est-ce que ça vous fait, vous, d'entendre la CEQ venir nous dire qu'on peut presque permettre à un jeune de travailler plus de temps que ce qu'on peut lui demander de temps pour aller à l'école?

M. Philibert (Michel jr): Quoi?

M. Béchard: Comment vous réagissez au fait que, hier, par exemple, la CEQ – et ce qui se dégage du CCTM... mais, entre autres, la position de la CEQ qui vient nous dire qu'un jeune de 15, 16 ans pourrait travailler 20 heures et, par dérogation, plus, ce qui fait qu'il travaillerait presque plus d'heures que ce qu'il peut mettre d'heures à aller à l'école?

M. Philibert (Michel jr): Mais, encore là, ces situations-là, c'est des cas particuliers, ce n'est pas généralisé au Québec. Si c'était les trois quarts, les cinq sixièmes des jeunes qui étaient aux études qui travaillaient 20 heures/semaine, je serais probablement de votre côté et je dirais: Oui, ça n'a peut-être pas de bon sens. Mais on parle d'une infime minorité de jeunes. C'est ça. Et on ne légifère pas pour une minorité de jeunes, pour 8 %, pour 3 %, 4 %. C'est encore un réflexe qui est paternaliste, puis, moi, je m'oppose à ça. Les jeunes du Québec sont responsables. Juste pour faire un genre de saut, pour vous montrer un peu comment le gouvernement peut avoir un double discours pour les jeunes. Ici, on dit: Les jeunes ne sont pas assez responsables pour travailler plus de 15 heures. J'ai été invité dans une autre commission parlementaire qui étudie des réformes pour la Loi électorale, et là on veut nous demander si les gens sont assez responsables pour voter à 16 ans. Donc, ça fait un double discours, ça. Et puis, moi, je m'insurge contre ça. Je sais que c'est un peu hors sujet, mais c'est pour vous montrer que le discours général, il tend de plus en plus vers la tolérance zéro.

M. Béchard: Merci. Moi, ça va, M. le Président.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le député. Mme la députée de La Prairie, en vous rappelant que, malheureusement, il ne reste que cinq minutes.

Mme Simard: O.K. Très rapidement. Bonjour, Mme Bisson, M. Philibert. Je pense qu'il faut un petit peu resituer. L'objet de la discussion, ce ne sont pas tous les jeunes. On parle bien d'enfants; ce sont des mineurs, des adolescents de 16 ans et moins, et on parle évidemment d'enfants, de jeunes qui ont l'obligation de la fréquentation scolaire. Parce que le terme «jeunes» est beaucoup plus large que ça: tous ceux qui fréquentent le cégep, l'université. Là, on parle d'enfants qui sont au primaire et au secondaire. C'est ça, l'objet de la discussion. Je pense que c'est important.

Il y a, oui, des dispositions qui disent qu'à partir de 14 ans, il y a un certain nombre de droits. Il reste qu'il y a un certain nombre de choses dans la société qui font l'objet de consensus et qui font l'objet soit de lois ou de règlements disant que, avant tel âge, il y a un certain nombre de choses qui ne sont pas permises ou qui sont permises dans un autre cadre. On prend quelque chose d'aussi simple que le permis de conduire. Même si, à 14 ans, on peut mesurer 6 pi 2 po, ce n'est pas parce que tu mesures 6 pi 2 po que tu as le droit de conduire une voiture. La société a dit: C'est seulement à partir de tel âge et dans telles conditions qu'on peut avoir le droit de conduire une voiture. Je prends cet exemple-là, qui n'a rien à voir avec sa taille ou sa musculature. O.K.

(11 h 20)

On a aussi fait un choix de société qui dit: Les enfants doivent aller à l'école jusqu'à l'âge de 16 ans. C'est évident que, pour la majorité d'entre eux, ça ne pose pas de problème, mais, comme pour tout groupe dans la société, il y a des gens qui excellent et qui performent – une minorité – mieux que d'autres et qui sont capables d'en faire plus, et il y a toujours un autre groupe qui, lui, a plus de difficultés. Alors, ce qu'on essaie de trouver ici, c'est: Qu'est-ce qui va rencontrer les besoins d'une majorité et qu'est-ce qui va éviter qu'une majorité ait des problèmes?

Moi, je suis très sensible à toute votre préoccupation en ce qui concerne l'application générale des lois du travail et en particulier en ce qui concerne le travail des jeunes, parce que, on le sait, les jeunes, en général, c'est le «cheap labor», c'est l'expression consacrée quand on parle des jeunes et c'est vrai qu'il y a de l'exploitation. Et je suis d'accord avec vous qu'il faut peut-être mettre davantage d'attention sur ces questions-là, comme il faut peut-être aussi porter davantage attention sur les conditions et la réussite scolaire et que le travail... Il n'y a personne qui est venu dire ici que c'est à cause et seulement et exclusivement à cause du travail qu'il y a des problèmes de réussite scolaire. Personne n'a dit ça. Mais il y a un questionnement et, pour certains, peut-être, une certitude un petit peu plus grande que travailler trop d'heures par semaine, quand on dépasse une certaine limite, pour la majorité des étudiants... Je ne vous parle pas des petits bolés qui sont capables de tout faire en même temps. Je vous parle de la majorité pour qui, passé 20 heures ou passé 15 heures, c'est un peu trop, parce qu'on n'a pas assez de temps à consacrer à ses études.

Alors, moi, je me questionne sur le fait que vous dites: C'est paternaliste. Il y a un tas de lois – vous l'avez dit – qui viennent encadrer le travail des jeunes: on n'a pas le droit de travailler sous terre, on n'a pas le droit de faire telle chose, on n'a pas... Parce qu'il y a un vide législatif en ce qui concerne le nombre d'heures du travail. On a des lois, des normes qui disent que la semaine normale est de 43 heures maintenant, qu'il y a tant de jours de congé par année, etc. Ce n'est pas toujours pour les adultes, ça. Pour la main-d'oeuvre en général, on dit: Il y a tant de journées de congé, tant de journées de vacances, tant d'heures, etc. En quoi avoir une législation qui traite de la question des heures de travail, ça vient défaire ou contredire les droits des jeunes, puisqu'on est dans un régime qui dit que, oui, on doit réglementer les conditions de travail pour s'assurer que le bien de la majorité soit assuré? Et vous n'avez pas parlé des enfants du primaire, jusqu'à 12 ans, 13 ans, parce que certains disent qu'en bas de 13 ans on ne devrait pas avoir le droit de travailler dans les établissements commerciaux et industriels.

M. Philibert (Michel jr): Je vais faire ça vite, M. le Président. Il ne doit pas rester grand temps, mais je vais faire ça vite. Premièrement, je serais bien curieux de voir combien de jeunes de 12, 13 ans travaillent dans des bâtiments industriels. Je pense que c'est...

Mme Simard: Ou commerciaux.

M. Philibert (Michel jr): Ou commerciaux. Il ne doit pas y en avoir beaucoup. Moi, pour être un peu proche des milieux patronaux, je sais que les patrons n'embauchent pas beaucoup de personnes en bas de 13 ans. Mais il y a une différence entre avoir une loi qui va protéger les jeunes sur leur santé, sur leur intégrité physique et une loi qui va supposément agir au niveau de leur réussite scolaire. Moi, je fais une grosse différence entre les deux. Puis c'est pour ça que, moi, je vous dis que le problème du travail chez les jeunes, ce n'est pas leur réussite scolaire, c'est leur santé puis leur sécurité au travail. C'est ça que, moi, je viens vous dire aujourd'hui.

Moi, je prêche pour une école qui est plus ouverte, une école qui est plus intéressante, avec des professeurs plus disponibles, une école qui prend ses responsabilités, qui va encadrer ces jeunes-là, qui va leur donner les outils pour évoluer dans une société. C'est ça. C'est comme ça qu'on va améliorer leur rendement scolaire. Ce n'est pas en leur interdisant... Tu vas te coucher à 19 heures, puis, «by the way», lave-toi les oreilles en sortant de ton bain. C'est un peu comme ça, moi, que je reçois la demande de consultation.

Moi, je ne suis pas convaincu qu'un jeune, le même jeune, demain matin, avec la loi, qui travaillait 17 heures et qui, maintenant, va être obligé de travailler 15 heures, ses résultats scolaires vont augmenter d'une façon mirobolante. Je ne peux pas, moi, faire ce raisonnement-là, faire un raisonnement comme ça, l'Université du Québec à Montréal ne m'aurait jamais donné de diplôme, parce que c'est un peu simpliste.

Le Président (M. Beaulne): Je vous remercie, M. Philibert. Maintenant, M. le député d'Orford, vous aussi, il vous reste cinq minutes.

M. Benoit: Bon, très bien. M. Philibert, moi aussi, je veux me joindre au ministre et à notre porte-parole. On vous a vu ici en commission parlementaire depuis bon nombre d'années, et j'ai toujours été fort impressionné par la qualité de vos propos, d'abord, de vous comme président, mais aussi de votre organisme, et du sérieux et de l'indépendance d'esprit que vous aviez à l'égard des différentes formations politiques. Vous n'avez pas hésité, plus souvent qu'à votre tour, à prendre position contre ce que tout le monde disait. Et, moi, j'aime ça, dans une société, quand des gens n'ont pas peur de leurs convictions, même si le courant va dans une direction, de dire qu'eux ils ne vont pas dans cette direction-là. C'est de là que souvent la vérité sort, en bout de ligne.

Ceci dit, vous aviez, en 1991, fait un mémoire, Élèves au travail , qui était pour les ados en montant, si j'ai bien compris. Il y a des choses intéressantes, quand on regroupe ce que vous dites maintenant et ce mémoire de 1992. Et j'aimerais vous entendre. Dans ce mémoire sur les ados, on disait, entre autres: La raison de détenir un emploi chez les élèves de deuxième cycle... Vous avez fait un sondage, dans votre mémoire, et 85 %, c'était pour développer leur sens des responsabilités et 84 % pour pouvoir développer une plus grande autonomie. Bon, il y avait le syndrome du bazou, un peu plus bas, 47 %, mais on ne se rendra pas là.

Prenons les deux premiers: pouvoir développer son sens des responsabilités et de la grande autonomie. Est-ce que, chez les plus jeunes à qui on permet effectivement de travailler, si on avait des sondages chez ces gens-là – peut-être que vous en avez, finalement – on arriverait à peu près à quelque chose de semblable?

M. Philibert (Michel jr): Les élèves du primaire et du premier cycle?

M. Benoit: Oui.

Mme Bisson (Louise): Ça, c'était une étude qui était sur les élèves du deuxième cycle du secondaire.

M. Benoit: Exactement. La question que je vous pose: Si vous aviez des informations qui seraient chez les plus jeunes, est-ce qu'on arriverait à des résultats semblables?

Mme Bisson (Louise): On n'a pas les informations ni les données. J'imagine qu'un peu plus jeunes ils iraient peut-être plus vers des choses concrètes.

M. Benoit: La consommation.

Mme Bisson (Louise): Oui. Mais, par contre, il y a peut-être d'autres facteurs qui rentreraient en ligne de compte, c'est certain. C'est seulement des impressions, là. Mais il reste que la question de l'autonomie et de la responsabilité, c'est une valeur qui est très valorisée dans notre société, probablement par leurs propres parents. Donc, on pourrait peut-être... quelques pourcentages... Peut-être un peu moins, parce que peut-être qu'ils pensent qu'ils peuvent s'acheter plus de disques laser, de CD en ayant un petit peu plus d'argent, parce que peut-être qu'au premier cycle ils ne sont pas rendus à entrevoir un peu leur avenir, vers quoi ils s'en vont, et tout ça. Mais on peut penser qu'avec les valeurs de la société, d'autonomie et de sens des responsabilités qui sont véhiculées, ça serait probablement assez semblable. Mais, là-dessus, ce n'est vraiment que des impressions que les jeunes nous laissent, ce n'est pas un constat scientifique.

M. Benoit: Parfait. M. le Président, je veux juste finir en racontant un petit incident qui s'est passé à mon bureau lundi, où un M. Roy, un jeune étudiant en sciences policières qui avait des problèmes est entré à mon bureau, comme on en reçoit tous. Il est venu me saluer. Je lui dis: Bien, justement, on travaille pour vous autres, les jeunes, on est après régler ça – c'est un peu ce que M. Philibert disait – pour ne pas que les jeunes travaillent trop pendant leurs études. Et il s'est assis dans mon bureau, puis sa première réaction, ça a été: Aïe! J'espère que vous n'allez pas toucher à ça. Moi, j'ai gagné mes études, je travaillais dans une fonderie, à Magog, 32 heures les fins de semaine et puis, si j'ai réussi, c'est parce que j'ai travaillé les fins de semaine.

Et, moi aussi, je m'en venais dire aux législateurs, ici, et au ministre: Vous avez raison de légiférer là-dessus, puis allez-y allègrement, puis faites-en, des lois. Je vous avoue que, quand je suis sorti de mon bureau, lundi après-midi, je me suis posé de sérieuses questions, suite à l'intervention de ce jeune-là. Et c'est un peu ce que Philibert nous dit ici aujourd'hui: Il faudrait peut-être écouter les jeunes un peu, dans ce débat-là. Et, moi, je le reçois avec beaucoup de sympathie, ce message-là... pas de sympathie, je pense qu'on doit l'écouter, le message des jeunes, de façon particulière. En tout cas, chez moi, ça m'a brassé, lundi, dans mon bureau, quand ce jeune-là m'a dit ça.

Mme Bisson (Louise): J'aimerais peut-être ajouter qu'en 1993 suite à la production de notre avis, on avait tenu au Musée de la civilisation – Michel n'était pas président, à cette époque-là, c'était M. Alain Perreault – un colloque sur la question du travail pendant les études, justement, où de nombreux jeunes des écoles... Il y avait même des jeunes qui avaient été libérés par leurs professeurs puis qui étaient accompagnés d'un animateur de la vie étudiante, qui se sont présentés à notre colloque. Et on a eu des témoignages dans ce sens-là justement. Je me souviens, entre autres, d'un jeune qui travaillait de nuit – alors que nous-mêmes, on avait dit qu'il ne fallait pas qu'ils travaillent de nuit – qui nous a brassé, comme vous dites, en disant que, lui, sa seule motivation, sa seule façon de finir ses études, c'était de travailler la nuit. Ses parents l'avaient mis dehors à 16 ans, et puis c'était sa seule façon de s'en sortir, et il voulait réussir, il voulait aller au cégep. Alors, c'est des choses auxquelles il faut penser dans les débats.

(11 h 30)

Le Président (M. Beaulne): Alors, M. Philibert, Mme Bisson, la commission vous remercie de votre participation à nos réflexions.

On demanderait maintenant au second groupe, la section Droit du travail de la division Québec de l'Association du Barreau canadien de s'approcher de la table.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Beaulne): Monsieur, madame, la commission vous souhaite la bienvenue. Je vous demanderais, avant de débuter votre présentation, de vous présenter, pour les fins de la transcription, en vous demandant d'essayer de résumer ça à 20 minutes maximum, pour permettre les échanges. Alors, vous avez la parole.


Section droit du travail de la division Québec de l'Association du Barreau canadien

M. Bériault (Thierry): D'accord. Bonjour, M. le ministre, bonjour, M. le Président, mesdames et messieurs membres de la commission. Mon nom est Me Thierry Bériault, je suis le président de la section Droit du travail de la division Québec de l'Association du Barreau canadien et je suis accompagné de Me Céline Dauphinais, qui est membre du Comité sur le travail des enfants que nous avons formé suite à une conférence donnée par le ministre du Travail, en septembre dernier, sous les auspices de notre Association.

La section Droit du travail de l'Association du Barreau canadien compte 438 membres, soit le plus important regroupement de juristes spécialisés en droit du travail au Québec et au Canada. Suite à l'invitation lancée par l'honorable Matthias Rioux lors d'une allocution prononcée devant les membres de notre section, nous avons mis sur pied le Comité sur le travail des enfants. Ce Comité est composé de Me Thierry Bériault, de Me Céline Dauphinais, de Me Marie Pépin, de Me Jacques Archambault ainsi que de Me Anne-Marie Lavoie.

Le présent mémoire a été approuvé par l'exécutif de la section Droit du travail le 19 mars 1998 et constitue donc sa position officielle. Je dois ajouter qu'hier l'exécutif de la division Québec a également approuvé le contenu de notre mémoire, et ce mémoire constitue maintenant la position officielle de l'Association du Barreau canadien, qui compte plus de 15 000 membres au Canada.

D'entrée de jeu, nous tenons à féliciter le ministère du Travail ainsi que le gouvernement du Québec pour leur initiative visant à protéger le développement et le bien-être des enfants relativement à la problématique de leur admission au marché du travail. Je dois également souligner tout de suite, d'entrée de jeu – et Me Dauphinais était ici pour assister à la plupart des débats qui ont eu lieu cette semaine devant la commission – que notre analyse évidemment est une analyse juridique. Nous sommes une association de juristes, donc toutes les considérations sociologiques, nous en avons traité selon les études que nous avions à notre disposition. Mais ça ne constitue pas une analyse sociologique, à savoir: Est-ce qu'il y a une opportunité, au niveau social ou économique, d'adopter une législation? Nous nous sommes vraiment concentrés à savoir s'il y a une opportunité juridique et si on a une obligation juridique d'avoir une telle législation en droit québécois.

Alors, la réflexion du ministre comportait véritablement trois sections. La première section recommandait qu'il n'y ait aucun âge minimum d'accès à l'emploi. La deuxième section nous indiquait que le ministère souhaitait limiter à 15 heures par semaine le travail des enfants. Finalement, on désirait modifier le projet de loi n° 172 de manière à ce que les dispositions sur le travail des enfants s'appliquent à tout enfant, jusqu'à la fin de la période où il est tenu à la fréquentation scolaire. Maintenant, j'ai l'intention de peut-être passer sur ces trois recommandations-là et de vous faire part de nos commentaires, suite à la lecture et à l'étude de ces documents-là ainsi que de toutes les lois pertinentes au Canada.

Quant à l'âge minimum d'admission à l'emploi, je pense qu'il n'est pas du tout contesté qu'il n'existe aucune loi qui prescrit, au Québec, un âge minimum d'accessibilité à l'emploi. On a plusieurs lois, comme la Loi sur la santé et la sécurité du travail, où, pour certains métiers ou certaines fonctions qui sont considérées comme plus dangereuses, on veut limiter soit à 18 ans, à 17 ans ou à 16 ans, l'accessibilité à l'emploi. Mais on n'a pas d'âge minimal d'accessibilité à l'emploi d'une manière universelle.

D'ailleurs, le document de réflexion du ministre fait mention de deux approches différentes, du point de vue législatif, soit l'approche universelle, qui fixe la barre, disons, à 16 ans, et tout enfant en bas de 16 ans ne peut pas travailler. Or, la plupart des pays européens membres de la Communauté européenne ont adopté une telle législation. Il y a également une deuxième facette, ce qu'on appelle l'approche restrictive, et c'est l'approche qui semble être en vigueur maintenant au Québec, qui constitue une approche quant à différents métiers, comme dans la Loi sur la santé et la sécurité, comme dans certaines lois qu'on a vues dans le document de réflexion. Sur les sauveteurs, il doit y avoir un âge minimal pour les enfants qui veulent travailler comme sauveteurs dans les piscines municipales. Donc, ça, c'est l'approche restrictive.

Ce qui semble ressortir du document du ministre et ce qui est sous-entendu, c'est que la législation, au Québec, de la façon dont le Code civil est monté, ça ne serait pas propice d'adopter un âge minimal d'accessibilité à l'emploi d'une façon stricte, comme l'entendent les documents internationaux. Or, on verra plus loin que nous, nous n'en sommes pas venus à cette conclusion-là du tout, et on ne croit pas que l'état de la législation au Québec est à cet effet.

Maintenant, ce qu'il est important de comprendre, c'est que le Québec s'est déclaré lié par différents pactes internationaux. Et le fait de se déclarer lié à des pactes internationaux fait en sorte que nous avons des obligations au niveau de notre droit interne d'adopter des législations qui seront conformes à ces pactes internationaux là. On sait que le Québec est un État souverain. Donc, en principe, même s'il s'est déclaré lié à un de ces pactes internationaux là – peut-être que ça plaira aux membres du gouvernement, peut-être moins à d'autres personnes – tout de même, au niveau de l'application de nos lois, nous sommes souverains et nous pourrions décider de ne plus être liés par ces pactes internationaux là. Mais, du moment où nous avons décidé d'être liés par ces pactes internationaux là, nous devons respecter les normes qui s'y trouvent.

(11 h 40)

Or – je n'ai pas la date exacte, oui – en 1976, le gouvernement du Québec s'est déclaré lié par le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Or, ce Pacte prévoyait que nous devions établir des limites d'âge au-dessous desquelles l'emploi salarié de la main-d'oeuvre enfantine sera interdit et sanctionné par la loi. Ce principe-là n'a pas été respecté jusqu'à maintenant dans les lois du Québec.

Nous nous sommes également déclarés liés par la Convention relative aux droits de l'enfant, et cette Convention internationale édicte, à son article 32, que nous devons fixer un âge minimum ou des âges minimums d'admission à l'emploi. Ce qu'il faut comprendre, c'est que, lorsque, dans le Pacte international, on parle des âges minimums à l'emploi, on ne parle pas d'âge spécifique comme dans la Loi sur la santé et la sécurité au travail, on parle peut-être d'établir, pour certains métiers, 12 ans comme âge minimum, certains autres, 13 ans, 14 ans, 15 ans, donc une progression. Sauf que, nous, ce qu'on n'a pas ici au Québec, c'est... On a des trous dans la législation, c'est-à-dire qu'il y a certains métiers qui sont vraiment visés, mais on n'a pas une norme d'application générale, comme ce qui est entendu à l'article 32, quand on parle de plusieurs âges minimums d'admission à l'emploi.

Également, il faut souligner que la Cour suprême s'est déjà prononcée d'une façon incidente sur les questions dans Slaight Communications, un arrêt de la Cour suprême qui fait en sorte et, d'après l'interprétation que nous en avons faite, que, lorsqu'un gouvernement, que ce soit la province ou le fédéral, décide de légiférer, il doit faire en sorte que sa législation soit au moins équivalente aux obligations qu'il a prises dans les pactes internationaux.

Or, le problème qui pourrait se poser pour le gouvernement, s'il adoptait une législation qui est inférieure aux obligations qui sont faites dans les deux pactes que je viens de citer: il se pourrait très bien qu'un tribunal décide soit de déclarer la loi invalide ou, du moins, de l'interpréter d'une certaine façon qui ferait en sorte qu'on devra, même si le texte de la loi n'est pas exactement dans ce sens-là, hausser la barre aux obligations qui sont contractées dans les pactes internationaux. Et, dans ce sens-là, nous, nous croyons que le gouvernement du Québec, s'il décidait de légiférer en la matière, devrait adopter les normes minimales des deux pactes dont je viens de faire la nomenclature.

Maintenant, comme je vous disais, dans le document de réflexion, on a vu qu'on semblait dire que le Code civil du Québec a permis le travail des enfants en disant que les mineurs pouvaient travailler, avaient tous les droits, etc. Et, même si ce n'est pas textuel, on voit que, dans l'ordre logique de la présentation de la réflexion, on en arrive à la conclusion qu'il serait mieux, compte tenu du Code civil du Québec, de ne pas fixer d'âge minimum d'accessibilité à l'emploi.

Or, je pense que cette analyse-là ne résiste pas nécessairement aux arguments juridiques dont je vais vous faire part maintenant, puisque, de toute façon, au fédéral – et j'y reviendrai tout à l'heure – il y a déjà une loi qui prévoit que les enfants de moins de 17 ans qui sont tenus à la fréquentation scolaire par des lois provinciales ne peuvent pas travailler pendant les journées ou les semaines d'école. Et cette loi-là a obtenu le test de la Charte canadienne des droits et libertés. Donc, l'argument qui pourrait être fait à savoir qu'il y aurait peut-être un problème au niveau des chartes de restreindre à certaines catégories de personnes l'accessibilité à l'emploi, donc de faire une discrimination selon l'âge, parce que les enfants sont moins âgés qu'une personne de 18 ans, à mon avis, ne tiendrait pas à l'analyse. Donc, on n'aurait pas à se soucier ni de la Charte québécoise ni de la Charte canadienne des droits et libertés pour l'application d'un texte législatif dans ce domaine-là.

Maintenant, il y a aussi le Code civil du Québec, à son article 155, qui nous dit que le mineur exerce ses droits civils dans la seule mesure prévue à la loi. Or, le seul fait pour le législateur d'indiquer que les droits sont exercés dans la seule mesure prévue à la loi indique que le législateur aurait plein pouvoir ou ne contredirait pas le Code civil du Québec en édictant une loi spéciale ou certaines dispositions spéciales pour restreindre certains droits qui pourraient être donnés aux enfants.

Et je peux vous dire qu'on a regardé très, très attentivement les commentaires du ministre, lorsqu'il y a eu l'adoption du Code civil du Québec, parce que le document de réflexion faisait un petit peu mention du fait qu'on a pris soin, dans les modifications législatives au Code civil du Québec, en 1994, d'étudier la question ou la problématique. Moi, je n'ai retrouvé dans les commentaires du ministre aucune référence à la question du travail des enfants, véritablement. La seule chose qu'on a faite, on a reformulé les dispositions législatives du Code civil du Québec pour les rendre plus modernes. Mais je ne pense pas qu'on ait discuté ou qu'on ait fait un débat de fond à savoir: Est-ce qu'on devrait permettre à un enfant ou pas de travailler, et à partir de quel âge? Ce n'est pas sous cet angle-là que ça a été amorcé, que ça a été étudié, ni au Barreau du Québec ni dans les commentaires du ministre. Ce n'est pas des choses qui ont été discutées. Donc, le débat est encore à faire. Et je pense que c'est ce qui se passe aujourd'hui et cette semaine, on fait le débat à savoir: Est-ce que le législateur devrait intervenir?

Maintenant, ce qu'il est important de savoir aussi... Je vous ai parlé tout à l'heure de la législation au niveau fédéral, il est important de savoir qu'au niveau de toutes les provinces canadiennes, on n'a, en tant que tel, aucune législation d'âge minimum d'accessibilité à l'emploi. Donc, on ne fait pas bande à part là-dessus. On a d'autres dispositions qui sont, je pense, dans une certaine mesure, supérieures aux nôtres, mais pas sur l'âge minimum d'admission à l'emploi.

Par contre, je vous disais, l'article 279 du Code canadien du travail est assez explicite à l'effet que toute personne de moins de 17 ans qui est tenue de fréquenter l'école, en vertu de la loi de la province dans laquelle elle habite, ne peut pas travailler. Donc, par les différents documents qui sont cités dans la réflexion et dont nous, nous avons obtenu copie et dont nous avons pris connaissance en longueur, nous avons vu qu'il y a à peu près 10 % de la main-d'oeuvre au Canada qui est employée dans des secteurs fédéraux. Or, l'impact au niveau des chiffres n'est pas très important, mais l'impact au niveau du principe législatif, à notre avis, est très important, et on devrait en tenir compte compte tenu que le fédéral est l'organisme législatif qui se rapproche le plus de nos obligations internationales. Parce que nous, nous nous sommes déclarés liés par différents pactes internationaux, mais le Canada a ratifié également ces pactes-là et, donc, est lié par ces normes internationales.

Ce qu'il faut savoir aussi, c'est que nos principaux partenaires commerciaux ont également adopté des âges minimums d'admissibilité à l'emploi. Et, lorsqu'on m'a fait part un petit peu des commentaires qui ont été faits par le Conseil du patronat, il faut comprendre, les États-Unis, qui ne sont pas considérés nécessairement comme les plus avant-gardistes en matière de droits des travailleurs et de syndicalisme, ont adopté une loi, le fédéral a adopté une loi également qui interdit à tout enfant de moins de 14 ans de travailler dans des secteurs non agricoles. Or, on a une norme, au niveau de États-Unis, qui est notre partenaire commercial. Et je pense que toute personne qui tenterait d'essayer de s'attaquer à une loi en matière de législation sur la protection des droits de l'enfant en matière de travail et qui essaierait de prétendre qu'on pourrait perdre une compétitivité quelconque dans ce domaine-là, ça ne résisterait pas à l'analyse puisque, aux États-Unis, on couvre déjà la question du travail des mineurs de moins de 14 ans.

Il est également important de comprendre que la Constitution du Mexique prévoit également que tout enfant ne peut pas travailler à moins de 14 ans. Évidemment – je n'ai pas le temps nécessaire et peut-être qu'on y reviendra plus tard – il y a des exceptions, aussi, dans ces législations-là, mais ce ne sont pas des exceptions qui sont importantes. Et, comme je vous disais tout à l'heure, plusieurs pays européens dont la France interdisent le travail des enfants en bas d'un certain âge.

Donc, la recommandation qu'on ferait, sous ce chapitre-là, c'est qu'il y ait un âge minimum de fixé pour l'admissibilité à l'emploi et que cet âge minimum soit modulé avec l'âge qui est indiqué dans la Loi sur l'instruction publique pour la fréquentation obligatoire de l'école. Et la raison en est simple – Mme Dauphinais en traitera un petit peu plus tard – c'est que tous les documents internationaux et les études qui ont été faites au niveau international nous disent qu'il faut qu'il y ait une corrélation entre la législation sur l'éducation et la législation sur le travail. Pourquoi? Parce que, justement, la législation sur le travail des enfants vise à protéger le développement de l'enfant, et un des points majeurs du développement de l'enfant, c'est l'éducation et la formation. Et c'est pour ça que, nous, on croit qu'on ne devrait pas mettre un âge comme 16 ans, 15 ans ou 17 ans, mais plutôt mettre un âge selon la fréquentation scolaire parce qu'un jeune peut terminer l'école à 15 ans et continuer plus tard au cégep ou à l'université et, rendu au cégep puis à l'université, je pense que l'enfant est rendu à un stade de développement assez important pour pouvoir travailler rendu à 17 ans, 18 ans, et savoir les choix qu'il a à faire dans ce domaine-là. Alors, c'est notre première recommandation.

(11 h 50)

Maintenant, sur la question des restrictions sur les heures travaillées, alors, si vous décidiez de ne pas retenir un âge minimum d'admission à l'emploi ou même si vous décidiez de le maintenir, je pense qu'il serait important qu'on ait quand même une modulation. Et votre deuxième recommandation, M. le ministre, c'était à l'effet qu'il y ait un maximum de 15 heures travaillées par semaine. Or, brièvement, là-dessus, nous n'avons pas été capables, en analysant le document que vous avez présenté, de vraiment saisir pourquoi on a fixé à 15 heures les heures maximales d'employabilité parce que, tout au long de la réflexion, dans les pages, je pense que c'est 20 à 21, on parle que, dès qu'on dépasse 10 heures, il y a un impact sur le rendement scolaire de l'étudiant, il y a des effets nuisibles aux études, des comportements nuisibles aux études qui augmentent. Or, tout au long de l'analyse, on semble tendre vers le 10 heures et, à la fin, on arrive à 15 heures.

Nous, nous avons pris connaissance du document. Comme je vous dis, on n'a pas fait d'étude sociologique, ni économique. On s'est fié sur les documents qui ont été cités dans le document de réflexion et nous avons pris connaissance du document Étudier ou travailler? Enquête auprès des élèves du secondaire sur le travail . Et en analysant différents tableaux qui étaient là, on a ressorti d'autres chiffres qui n'apparaissaient pas nécessairement clairement, mais qui, à notre avis, sont significatifs. Et ça, c'est à la page 11 de notre mémoire.

Nous avons découvert qu'il apparaissait que seulement 40 % des enfants entre 12 ans et 17 ans travaillaient, et ce, même si la loi leur permet une totale liberté quant à l'admission à l'emploi. Donc, je pense que, ça aussi, ça ne transparaissait pas beaucoup du document de réflexion. Mais il faut comprendre que la majorité des étudiants ne travaillent pas. Donc, quand vous avez à vous questionner sur l'opportunité juridique de prendre une mesure législative, il faut comprendre aussi que... On parlait tout à l'heure qu'il ne faut pas prendre juste les cas d'exception – je pense que c'est M. le ministre qui faisait ce commentaire-là – mais il faut prendre un ensemble, la généralité de la population québécoise. Donc, la généralité de la population enfantine au Québec ne travaille pas.

Vous trouverez – je m'aperçois que je dépasse peut-être un peu mon temps – certains chiffres, mais le chiffre le plus significatif, c'est que, lorsqu'on étudie les tableaux du fameux rapport, on s'aperçoit que, lorsque les étudiants du secondaire dépassent 10 heures de travail par semaine, les comportements nuisibles aux études augmentent en moyenne de 40 %. Et ça, vous trouverez ça dans le document, j'ai les références. Si vous prenez la colonne de travail de six heures à 10 heures et la colonne de travail de 11 heures à 15 heures et que vous faites l'écart entre les deux, vous prenez l'écart et la moyenne, vous faites l'addition de ça et vous refaites une moyenne générale, nous, on arrive au chiffre de 40 %. Les comportements nuisibles augmentent de 40 % chez les étudiants qui travaillent plus que 10 heures par semaine. On voit que, entre une heure et cinq heures et cinq heures à 10 heures, il n'y a pas une gros écart, mais, quand on passe de 10 heures à 15 heures, c'est là que le bât blesse, à notre avis. Et c'est pour ça que nous, sans vouloir entrer dans les questions d'opportunité sociale ou autrement, on croit qu'on devrait véritablement s'en tenir à 10 heures de travail et que ce n'est pas quelque chose qui est susceptible de nuire aux enfants, compte tenu que la grande majorité de ceux-ci ne travaillent, de toute façon, que 10 heures et moins par semaine.

Maintenant, je voulais juste vous souligner qu'également sur ce 10 heures là, il y aurait opportunité – et ça, on n'en parle pas dans le document de réflexion – de moduler les heures de travail. Il ne suffit pas de dire qu'un enfant peut travailler 10 heures par semaine, maximum, mais il faudrait savoir comment moduler ce 10 heures là pendant la semaine. Et la législation de Terre-Neuve, je pense, est très, très bien montée dans cette matière parce que, eux, ils donnent un nombre d'heures maximales travaillées par jour et ils prennent aussi en considération les nombres d'heures aux études pendant cette journée-là, ce qui fait en sorte que vous avez une modulation même à travers les journées. Et on exige également qu'il y ait un minimum de 12 heures consécutives de repos quotidien pour chaque enfant, ce qu'on n'a pas présentement dans notre législation.

L'autre chose que je voulais souligner, c'est que, si on décidait d'avoir une norme juridique pour le nombre d'heures maximum, il faudrait faire en sorte que le libellé change peut-être un peu pour s'assurer qu'un enfant ne travaille pas 15 heures chez plusieurs employeurs. De la façon dont la recommandation est formulée, on semble y lire que chez un employeur... alors qu'il faudrait plutôt parler de l'ensemble des employeurs et trouver un système et des mécanismes qui m'apparaissent assez simples et qui existent en France et dans d'autres pays européens pour s'assurer qu'il y a un contrôle au niveau gouvernemental sur le nombre d'heures maximal.

Alors, je vais céder la parole à Me Dauphinais, qui va peut-être toucher au point de vue du rayonnement international du Québec parce que je pense que c'est une donnée qui est importante aussi, le rayonnement international du Québec et les normes internationales.

Mme Dauphinais (Céline): Alors, merci. Bonjour. Ces dernières années, par un concours de circonstances et peut-être aussi par intérêt, j'ai été un petit peu plus amenée à agir au niveau international en matière de travail des enfants. Alors, j'aimerais peut-être apporter un point de vue un petit peu différent pour se situer par rapport au niveau international. Alors, ce que je constate, et probablement que vous le constatez tous...

Le Président (M. Beaulne): Mme Dauphinais, je m'excuse de vous interrompre, si vous pouviez résumer, il nous reste à peine une minute pour votre présentation. C'est bien intéressant, sauf qu'il faut ouvrir également la discussion. Alors, je vous demanderais de résumer le plus densément possible.

Mme Dauphinais (Céline): D'accord. Alors, écoutez, ce que je constate, finalement, c'est qu'il y a un consensus au niveau international et au niveau du BIT, de l'UNICEF, au niveau du programme d'abolition du travail des enfants, du Bangladesh, où il y a eu des accords qui ont été faits. Bref, ce qu'on voit, c'est qu'au niveau international il y a un consensus qui est en train de se dégager concernant la problématique du travail des enfants, concernant l'exploitation du travail des enfants. Et ce qu'il faudrait voir là-dedans, c'est: Le Québec se situe comment là-dedans? Je pense que je fais référence un petit peu à ce que Mme Pagé disait lors de son intervention, c'est-à-dire qu'il y a un enjeu social, au niveau de la mondialisation, qui est important. Et si, nous, on veut participer, le Québec au sein du Canada, à cet enjeu-là, il faudrait peut-être légiférer justement sur la question du travail des enfants.

Depuis 1976, on a ratifié, le Québec et le Canada, le pacte, en fait, concernant l'admission, concernant le fait d'adopter un âge d'admission à l'emploi. On n'a toujours pas légiféré, depuis 1976. Je pense que tous s'accordent ici pour dire – j'étais ici les derniers jours – que le travail des enfants augmente ici et dans le monde. C'est une réalité. Donc, je pense qu'on est même en retard sur ce qu'on aurait dû faire, à mon sens. Donc, ce que je me disais et ce que l'Association se disait aussi, c'est qu'il faudrait lancer, en légiférant, un message clair qui soit donné à tous les résidents du Québec. Et ça viendrait renforcer la loi sur la fréquentation scolaire obligatoire, le fait qu'il y ait une loi sur l'admission d'un âge à l'emploi.

Et une dernière chose, peut-être – je résume très, très rapidement – c'est qu'au niveau du plan international on participerait, en ayant dans notre droit interne une législation, à développer une coutume, ce qui fait en sorte qu'éventuellement on pourrait apporter une contribution un petit peu plus cohérente concernant l'exploitation du travail des enfants. Et ça, c'est dans la foulée de la Convention qui va être adoptée sur les formes intolérables de travail des enfants en juin 1998. Alors, c'est ce que je voulais vous mentionner.

Le Président (M. Beaulne): Merci. M. le ministre.

M. Rioux: Mme Dauphinais, les bonnes choses sont courtes.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Dauphinais (Céline): Je suis d'accord avec vous.

M. Rioux: M. Bériault et Mme Dauphinais, d'abord je vous remercie beaucoup. Lorsque je suis allé vous rencontrer, j'avais demandé qu'on fasse un peu l'état du droit là-dessus et qu'on brosse un tableau le plus large possible pour la compréhension de tout le monde. Je trouve que c'est un exercice – vous vous êtes livrés à ça – je sais que c'est un travail qui n'est pas simple, mais difficile, je le sais, et je voudrais vous en remercier au nom de tout le monde, de tous les parlementaires.

D'ailleurs, lorsque je vous ai rencontrés, j'ai bien senti qu'il y avait là un intérêt, chez vous, manifeste, et ça m'a encouragé, je vous le dis bien honnêtement. Quand je suis allé vous rencontrer, on était certainement embarqué dans une démarche, mais ça m'a réconforté quand j'ai vu qu'il y avait des oreilles attentives du côté du Barreau canadien et ça m'a beaucoup plu.

Vous allez me dire si je comprends bien votre mémoire. Vous aimeriez voir le Québec éliminer, en fait, toute forme de travail des enfants tenus par la fréquentation scolaire obligatoire. Ça, c'est 16 ans et moins. Cette norme serait celle qui transparaît des instruments internationaux, instruments auxquels on souscrit comme pays, et le Québec également.

(12 heures)

Toutefois, quand je regarde ça, à la page 9 de votre mémoire, la garde des enfants, la livraison de journaux, le travail en entreprise familiale, les entreprises agricoles seraient exclus de la norme. Moi, ce que je voudrais que vous m'expliquiez et que vous développiez ça un peu: C'est quoi, les motifs qui justifient ces exclusions puis pas d'autres?

M. Bériault (Thierry): En fait, M. le ministre, c'est un petit peu une question, je pense, d'analyse aussi des chiffres qui nous ont été fournis sur le travail au Québec. On sait très bien, au niveau de l'opportunisme législatif et juridique, que le législateur ne peut pas adopter des normes autoritaires qui feraient en sorte de ne pas être connectées avec la réalité, la collectivité. Or, quand on regarde les chiffres qui ont été fournis par l'étude qui a été faite par le ministère de l'Éducation, on constate que – je vais vous donner le chiffre, attendez-moi un instant – près de 50 % des enfants qui travaillent présentement travaillent dans les domaines de livraison de journaux, de garde d'enfant et dans des entreprises agricoles. Or, on considère que, tout de même, ce ne sont pas des emplois, en tout cas, de ce qu'on a vu des études. Aussi, ce qu'il faut comprendre, c'est que les gens qui travaillent pour la livraison de journaux et la garde d'enfant, 80 % d'entre eux, d'après les chiffres qu'on a vus, travaillent moins de 10 heures par semaine. Donc, pour nous, ça colle un petit peu aux objectifs qu'on vous a dits sur le deuxième point qu'on a un petit peu élaboré. On croit qu'il devrait y avoir des exclusions.

Si vous regardez, dans toutes les lois qui existent à travers le monde, il y a des exclusions, y compris en France, sur les travaux légers. C'est extrêmement limité. C'est pour permettre de s'adapter aux coutumes de chacun des pays. On sait qu'ici la livraison de journaux, ça semble tenir à coeur à beaucoup de gens. Il y a beaucoup de mes petits neveux ou petites nièces qui font ça aussi. Alors, quand on a analysé la situation, nous, on s'est dit qu'on pouvait se permettre d'avoir une certaine exclusion qui serait conforme avec les positions qui ont été prises au niveau international, et ça nous semblait correspondre un petit peu à ce que la société québécoise vivait.

Ce qu'il faut comprendre, c'est que les jeunes ont toujours travaillé en entreprise familiale, et je verrais mal un parent ne pas faire participer son enfant à l'entreprise familiale non plus. Or, on n'a pas voulu être trop restrictif et être autoritaire en la matière et on a jugé bon d'avoir certaines exclusions que les traités internationaux nous permettaient de toute façon.

Mme Dauphinais (Céline): Je voudrais juste dire que c'est sûr qu'on n'a ratifié ni la Convention n° 138 ni la recommandation 146, mais c'est peut-être conforme quand même à l'esprit dans la Convention et dans la recommandation, à l'effet qu'il peut y avoir certains travaux légers. Enfin, ce qui est visé, ce n'est pas de totalement interdire le travail, ça peut même être bénéfique, ça, je pense qu'on n'a aucun problème avec ça, c'est...

M. Rioux: Mme Dauphinais, vous savez que c'est ça qui nous a empêchés, au fond, de ratifier l'accord, c'est la définition de travaux légers.

Mme Dauphinais (Céline): Oui. C'est l'une des raisons qui a motivé bon nombre de pays à ne pas ratifier la Convention n° 138. Parce que, qu'est-ce que c'est qu'un travail léger? Je pense même que ça a fait l'objet de divergences au CCTM.

M. Rioux: Comment il se fait qu'on ne peut pas en arriver à définir travaux légers et travaux qui ne le sont pas? Je comprends que ça n'est pas simple, mais il me semble que plusieurs pays ensemble qui réunissent pas mal de matière grise... On n'aurait pas pu en arriver à circonscrire ça?

Mme Dauphinais (Céline): Où se définit l'exploitation? C'est ça, l'idée, je pense. Où se définit l'exploitation du travail des enfants? Et puis qu'est-ce qui est nuisible au développement, aussi? Parce que nous, ici, au Canada, c'est plus la question de ce qui est nuisible au développement qui est en jeu, quand on parle de la fréquentation scolaire obligatoire.

M. Rioux: Vous mentionnez que le Mexique et les États-Unis ont fixé – eux autres, ils ont réglé ça – à 14 ans, l'âge général d'admission au marché du travail.

M. Bériault (Thierry): Je vais vous dire, M. le ministre...

M. Rioux: Vous avez dit également: Étant donné que c'est des partenaires commerciaux avec lesquels on travaille dans le cadre de l'ALENA, il y a comme une tendance, là, une tendance lourde, je dirais.

M. Bériault (Thierry): Ce que je vais vous dire, je savais que la question me serait posée, parce que, sur les termes juridiques effectivement, on ne peut pas passer à côté du fait qu'ils ont adopté une norme juridique. Qu'est-ce qui se passe, par contre, dans la réalité? Est-ce que la norme qui est dans la Constitution mexicaine s'applique? Je vais peut-être laisser Me Dauphinais, qui n'a pas eu le temps de finir son exposé... Mais, justement, le fait pour nous d'adopter une telle norme nous permettrait certaines actions au niveau international. Et Me Dauphinais pourrait peut-être élaborer là-dessus.

Mme Dauphinais (Céline): Oui. En fait, moi, je voulais simplement parler tantôt de l'ANACT, qui est un accord parallèle de l'ALENA. On sait que les trois pays signataires de cet Accord-là sont le Mexique, les États-Unis et le Canada. Le travail des enfants fait l'objet d'une procédure officielle de règlements de différends; ça, c'est important de le comprendre. Et, dans la mesure finalement où le Canada et le Québec, qui y participent activement, n'ont pas adopté de législation, je dirais, à tout le moins semblable à celle qu'ont ses partenaires commerciaux et qui sont partie de l'ANACT, ça devient difficile pour le Canada ainsi que pour le Québec de venir dire, par exemple, au Mexique: Bien, voici, vous avez, au niveau du travail des enfants, un gros problème, quand eux, peuvent nous répondre: Bien, voici, nous, dans notre Constitution, on a l'interdiction du travail des enfants pour les enfants en bas de 14 ans. Alors, l'absence de législation est assez flagrante, ici.

M. Rioux: Remarquez que je me suis fait dire la même chose en santé et sécurité, lorsque j'ai rencontré le Mexique et la secrétaire au Travail des États-Unis. Nous autres, on est en avant d'eux autres. On a dit: Vous autres, le Québec, vous avez fait un progrès considérable, mais, du côté du travail des enfants, vous êtes encore loin. Parce que nous autres, si on adopte 14 ans, c'est pour se conformer justement à la Convention n° 138 de l'Organisation internationale du travail. Alors, c'est un message qu'ils nous envoient, il faut l'accueillir, il faut le recevoir. C'est nos partenaires commerciaux, il faut jouer avec eux autres.

M. Bériault (Thierry): C'est dans ce sens-là, M. le ministre, que nous faisions la recommandation.

M. Rioux: Écoutez, ils n'ont pas mis 15 et 16 ans, ils ont mis 14. Je vous écoute.

M. Bériault (Thierry): Bien, écoutez, je pense que Me Dauphinais a quand même répondu. Je ne sais pas exactement... Est-ce que vous voulez qu'on aille plus loin? Mais la question est que, compte tenu qu'on participe aussi, exemple, à l'ANACT ou à d'autres organismes internationaux qui font en sorte qu'on peut faire des plaintes, ce n'est pas parce que ces pays-là... L'argument de dire que ces pays-là, oui, ils ont une norme, mais, de toute façon, ils ne l'appliquent pas, je ne pense pas que c'est une justification au niveau de notre droit interne québécois pour ne pas l'adopter. Non seulement ça, mais je pense que Me Dauphinais a fait le point à l'effet que ça nous permettrait, nous – et c'est pour ça qu'on parlait de rayonnement international tout à l'heure – d'être plus proactifs au niveau international pour intervenir. Et je pense que le gouvernement du Québec aurait peut-être intérêt aussi, dans le cadre de sa politique internationale, à adopter des législations comme ça.

M. Rioux: Écoutez, je ne veux pas dire que nos lois transgressent les ententes qu'on a signées; je pense qu'on les respecte, en gros. J'aimerais, en terminant... Vous n'avez pas abordé évidemment beaucoup l'aspect pédagogique, parce que vous aviez bien pris soin de nous dire que ce n'était pas beaucoup votre champ de préoccupation, puis je le comprends. Mais le gros bon sens, quand on regarde le travail des jeunes, le gros bon sens, vous l'avez évoqué: 10 heures, 15 heures. Il y a des gens qui sont venus nous dire que ce serait même tolérable qu'un jeune puisse travailler 20 heures puis aller à l'école, et tout ça.

Vous fréquentez du monde, dans la vie, vous autres, vous le savez, vous avez des nièces, vous l'avez dit tout à l'heure. Mme Dauphinais a certainement aussi des parents. On hésite beaucoup à savoir si on pourrait mettre, établir que 15 heures, c'est le maximum, ou 10 heures. Mais vous, en dehors du champ juridique, le gros bon sens, ce serait quoi, si vous avez des enfants ou si vous prétendez en avoir un jour? Je ne le sais pas.

M. Bériault (Thierry): Moi, M. le ministre, je ne peux pas m'exprimer au nom de l'Association du Barreau canadien sur cette question-là. Mais, si vous touchez une corde plus personnelle, je pense qu'on a des grosses questions à se poser sur toutes ces questions-là du travail des enfants, ce qu'on va faire avec nos enfants. Moi, personnellement, je n'ai pas encore d'enfant, donc c'est un peu difficile de parler par expérience, mais je peux parler du point de vue familial. Je pense qu'il y a peut-être certains enfants, effectivement, pour qui ça peut être bénéfique.

Mais, moi, personnellement, je ne vois pas l'avantage, moi-même ayant travaillé à partir de l'âge de quasiment 16 ans... J'ai travaillé, comme beaucoup de jeunes, dans une épicerie, on appelait ça – excusez l'anglicisme – «wrapper», j'emballais au bout des caisses. Oui, je l'ai fait, ce métier-là, mais je ne trouve pas que ça m'a apporté quelque chose d'extraordinaire ou que ça m'a permis de me développer plus que d'autre chose. Ça me permettait d'avoir des sous, comme la dame parlait ici tout à l'heure, s'acheter plus de CD ou s'acheter une petite gâterie, ou des choses du genre. Mais je ne pense pas que ça m'a permis ou je ne pense que c'est quelque chose qui a fait en sorte que je m'implique plus dans la société ou que je m'adapte plus à la société ou au marché du travail. Ce sont des emplois qui sont tout de même quand même assez primaires, il n'y a pas de tâches complexes qui sont faites par les jeunes. En tout cas, moi, je n'ai jamais connu de jeunes qui faisaient des tâches complexes.

Alors, qu'est-ce que je vais faire, lorsque je vais avoir des enfants? Est-ce que je vais leur demander de travailler? Est-ce que je vais leur permettre de travailler avant 16 ans? Je ne le sais pas. Je serais porté à dire qu'avec les carrières que... On est juristes, on est avocats, avec la carrière que j'ai, mon épouse aussi, je serais porté à dire qu'on va profiter des soirées et des fins de semaine pour faire des activités familiales plutôt que de travailler.

(12 h 10)

Je comprends les préoccupations du monsieur du Conseil permanent de la jeunesse, mais je ne pense pas que ça brime un enfant, moi, d'interdire le travail avant 16 ans. Il suffira de trouver des activités pour ces gens-là. Et je pense, moi, que c'est plus au gouvernement – on parlait d'investir plus dans l'éducation – et que le gouvernement a une obligation de faire en sorte d'avoir une politique claire envers les enfants puis d'essayer de favoriser leur développement et peut-être, avec plus d'argent et plus de moyens – pas nécessairement toujours plus d'argent – avec peut-être plus de gens qui ont des idées, de faire participer les enfants à des travaux comme les travaux dans les organismes à but non lucratif.

Il y a un livre qui a été écrit, qui m'a beaucoup marqué, de M. Rifkin, La fin du travail . Je pense que c'est un livre qui est quand même... Même si on n'est pas d'accord avec tous les points de vue qui sont expliqués par M. Rifkin, je pense qu'il y a un mouvement dans la société présentement. Le travail ne constitue pas en lui-même une fin. Et, dans notre société et surtout dans notre profession, on est orienté vers les gains lucratifs qui démontrent votre succès, alors que je pense qu'on commence à atteindre une limite dans la société, à ce niveau-là, et qu'on devrait peut-être passer à d'autres valeurs. Alors, c'est une réponse longue, mais c'est la réponse que j'aurais à donner sur cette question-là. Je ne suis pas sûr, moi, que c'est bénéfique à des enfants, et je n'ai pas vu d'études qui disaient que c'était bénéfique, malgré les chiffres qu'on a dans l'étude du gouvernement du Québec.

Le Président (M. Beaulne): Merci. M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci, M. le Président. M. Bériault, Mme Dauphinais, merci de votre présence, merci de votre mémoire. Je vous dirais qu'en partant votre premier commentaire m'a un petit peu surpris, mais ça nous permet de comprendre l'esprit dans lequel vous avez élaboré ce mémoire, quand vous avez mentionné que, vous, vous l'avez regardé du point de vue d'une analyse juridique et que cette vision-là ne tient pas compte de l'ensemble de la problématique. Oui?

M. Bériault (Thierry): Je peux peut-être vous corriger tout de suite. Je ne sais pas si j'ai prononcé ces paroles-là exactement, mais ce que je voulais dire – le ministre aussi a passé un commentaire comme ça – ce n'est pas qu'on ne tient pas compte de la question sociologique, c'est qu'on n'est pas spécialisé là-dedans et on n'a pas fait de nouvelles études comme, exemple, la CEQ ou le Conseil permanent de la jeunesse auraient pu faire. Donc, oui, on a tenu compte des éléments sociologiques, mais en se basant sur les documents qui avaient été publiés jusqu'à maintenant au Québec. Et, donc, on n'a pas poussé plus loin cette analyse-là, en prenant pour acquis que les documents qu'on avait entre les mains constituaient l'état actuel au niveau sociologique.

M. Béchard: O.K. Mais, de toute façon, je pense que le mémoire est orienté au niveau juridique.

M. Bériault (Thierry): Effectivement.

M. Béchard: Je pense qu'on s'entend là-dessus?

M. Bériault (Thierry): Oui.

M. Béchard: D'ailleurs, le ministre a mentionné que c'est un peu ce qu'il vous avait demandé aussi de faire. Moi, je vous dirais que c'est certain qu'on doit tenir compte de ce qui se fait au niveau international, c'est certain qu'il faut tenter d'entrer dans ces accords-là. Mais je vous dirais que, chez les jeunes qu'on a entendus ce matin, il semble se dégager deux courants de pensée. Le premier est de dire: Oui, on va légiférer puis on va s'adapter, un peu comme vous le faites et vous le mentionnez. Et l'autre dit: Bien, peut-être, la législation, c'est bien beau, mais, si on fait une législation qui n'est pas applicable, ça donne quoi? C'est ça qui est la question. Et moi, je voulais vous demander, premièrement, d'éclaircir au niveau juridique. C'est parce que vous mentionnez dans votre mémoire qu'il n'y a aucune autre province qui a adopté d'âge minimal d'accès à l'emploi.

M. Bériault (Thierry): Effectivement.

M. Béchard: Effectivement. Et, d'un autre côté, la FTQ nous a dit dans son mémoire qu'il y a deux provinces, le Nouveau-Brunswick et la Colombie-Britannique, qui auraient adopté quelque chose qui va dans ce sens-là. J'aimerais juste, si vous êtes capable de me faire la différence entre les deux... Parce que la FTQ dit qu'il y a deux provinces et, vous, vous dites qu'il n'y en a pas. Je ne sais pas qui a tort, qui a raison, mais je voulais justement profiter de votre présence pour peut-être tenter d'éclaircir ça.

M. Bériault (Thierry): C'est-à-dire que je ne rentrerai pas dans les détails, vous pourrez voir dans les annexes qui sont produites à la réflexion. On peut vous dire que, nous, on a fait sortir les textes législatifs, on a fait la vérification à savoir si les tableaux qui apparaissaient au document de réflexion étaient exacts. Et ce que je peux vous dire, sans entrer dans le détail de chacune des deux législations, c'est que, dans les deux cas ou, au moins, dans le cas du Nouveau-Brunswick, ils ont adopté la même position qui était adoptée au Québec avant 1980, c'est-à-dire que les enfants peuvent travailler avant 16 ans, mais il faut qu'ils demandent l'autorisation du ministre. Ce pouvoir est délégué aux commissions scolaires. Et ça fait en sorte que, dans la pratique, un enfant qui veut travailler peut travailler.

Il y a aussi des exclusions. Vous savez que, pas au Nouveau-Brunswick mais dans d'autres provinces, il y a beaucoup de travaux agricoles, et ça également c'est permis. Donc, je peux vous dire que mon analyse est à l'effet, pas qu'il n'y a pas d'âge minimal qui est fixé, parce que, même au Québec, on a des âges minimaux fixés, mais l'analyse que, nous, on a faite, on peut vous dire qu'il n'y a pas d'âge minimal au sens qui est entendu par les documents internationaux auxquels nous nous sommes déclarés liés. Et cette analyse-là que, nous, on a faite... Mais je ne suis pas d'accord avec la position de la FTQ, qui dit qu'il y a des âges minimaux dans ces deux provinces-là. Et, si c'est votre désir, je pourrai vous faire parvenir des explications écrites plus détaillées, vous pourrez comparer. Je n'aurais pas de problème à faire ça.

M. Béchard: O.K. S'il vous plaît. Dans le Code canadien du travail, il est mentionné qu'un employeur ne peut employer une personne de moins de 17 ans qui est tenue de fréquenter l'école en vertu de la loi de la province. Est-ce que ça répond aux ententes et à la nécessité ou à la législation au niveau international, cette disposition-là qui est dans le Code canadien du travail? Comment elle s'applique par rapport à tout ça, selon vous?

M. Bériault (Thierry): Je pense qu'elle s'harmonise. Ce que j'ai mis dans mon document, c'est qu'elle s'harmonise. C'est la législation qui se rapproche le plus.

M. Béchard: O.K.

M. Bériault (Thierry): Si on avait à se justifier au niveau international, si on adoptait une législation semblable à ça, dans le même texte, le même «wording», je pense que, oui, on se rapprocherait d'une façon très proche des textes internationaux. Ce n'est pas exactement ça, mais le gouvernement fédéral effectivement, à mon avis, a adopté une loi... – moi et Me Dauphinais, on en parlait, je disais «avant-gardiste», Me Dauphinais n'était pas d'accord avec le terme «avant-gardiste», et je suis peut-être un peu d'accord avec elle – plutôt une loi qui, comme on l'a indiqué dans le mémoire, s'harmonise avec le droit international. Mais, effectivement, oui, c'est celle qui se rapproche le plus. Il y a un âge minimal. Et, même si ça touche juste 10 % du marché du travail au Canada et, donc, en proportion, à peu près 10 % au Québec, effectivement, ça constitue quelque chose qui se rapproche.

M. Béchard: Donc, si on y allait, dans le Code québécois du travail, d'une mesure comme ça, ça se rapprocherait de ce qui se fait au niveau international.

M. Bériault (Thierry): Oui, sauf que ce que j'aurais à ajouter là-dessus, et on n'est pas rentré dans ce détail-là parce qu'on est au stade de la réflexion et non d'un projet de loi ou de mesures législatives, mais, les discussions qu'on a eues jusqu'à maintenant, si on avait eu à pousser plus loin notre mémoire et peut-être que si on avait eu aussi plus le temps de le rédiger, on aurait poussé la logique plus loin en disant que... Je ne suis pas d'accord avec certains passages et la réflexion qui dit, quand elle fait le débat entre la norme universelle et la norme restrictive, qu'il vaudrait mieux, compte tenu d'avoir une législation qui est uniforme, rester avec la norme restrictive. À mon avis, ce serait peut-être une erreur.

Moi, à mon avis, on devrait avoir une loi distincte pour le travail des enfants. Ça aurait comme avantage d'éclaircir la situation. Le texte de loi serait beaucoup plus accessible pour chacun des employeurs, et, dans ce sens-là, je pense que le justiciable se retrouverait plus. Moi, je serais beaucoup plus favorable à avoir une loi unique sur le travail des enfants qui légifère tout. Et je ne pense pas que ça constituerait un accroc aux législations qu'on a présentement ni un problème supplémentaire. Au contraire, à mon avis, ça éclaircirait le droit sur cette question-là.

M. Béchard: Sur votre recommandation, en termes d'heures, je pense qu'à partir du moment où on mettrait dans une législation un nombre d'heures, que ce soit 5, 10, 15, 20, automatiquement ça attire la critique, quelque part. Il y en qui vont vouloir... ce n'est pas assez ou c'est trop, et tout ça. La démonstration que vous faites pour en arriver à votre 10 heures, je pense qu'elle supporte très bien le nombre d'heures que vous proposez. Mais, 10 heures par semaine, ce qui m'a le plus surpris, c'est que vous êtes plus restrictifs que les pédagogues et que tous les autres. Est-ce que, selon vous, c'est vraiment un maximum à ne pas dépasser? Est-ce que ce 10 heures, pour vous, est assez solidement démontré, assez solidement justifié pour dire: En haut de 10 heures, on ne serait pas d'accord avec ça, il y aurait des conséquences extrêmement négatives?

M. Bériault (Thierry): Sur cette question-là, je pense que je vais laisser Me Dauphinais, qui a assisté aux auditions... parce que je n'ai pas eu la chance d'avoir tout le verbatim.

M. Béchard: O.K.

Mme Dauphinais (Céline): Oui, en fait, le 10 heures... C'est sûr que, nous, on a une indépendance quand même, je dirais, dans nos positions. Alors, on n'est pas liés par un consensus ou pas, ou si peu. Ha, ha, ha!

M. Béchard: Un consensus, c'est de plus en plus fragile.

Mme Dauphinais (Céline): Alors, à ce moment-là, ce qu'on a constaté, nous, à la lumière des études, c'est que, après le 10 heures d'heures de travail, il y avait des comportements nuisibles qui se manifestaient chez les enfants. Alors, c'est tout simplement ça. Ça se résume à ça.

C'est sûr que la question n'est pas simple; on peut en parler pendant longtemps. Mais, nous, ce qu'on constatait, c'est: Pourquoi, quand on regarde les études, aller jusqu'à 10 heures de travail – et c'est pour ça qu'on dit aussi que le travail, ça peut être quand même bénéfique – le rendement scolaire était même très bon, presque supérieur – c'est ce qui se dégageait – mais, après 10 heures, ça chutait? Alors, c'est pour ça qu'on en est arrivé à 10 heures.

(12 h 20)

Et puis, en même temps, je pense qu'on peut aussi, toujours dans un cadre un petit peu plus international, s'inspirer de ce qui est prévu à la recommandation 146, où on parle de garantir pour les enfants un repos nocturne d'au moins 12 heures consécutives. Or, c'est dans cet esprit-là qu'on a pensé que 10 heures, c'était quand même le maximum.

M. Béchard: Vous nous parlez, dans votre mémoire, de la législation de Terre-Neuve. Ça amène sur un point qui me tient à coeur depuis le début de cette commission-là, c'est-à-dire qu'on a beau, en théorie, mettre en place la meilleure législation possible – si vous avez assisté aux travaux depuis le début, madame, vous en avez entendu parler aussi – puis, en théorie, on couvre tout et il n'y a de zone grise nulle part, autant au niveau international, du droit international, au niveau de la réalité, et tout ça, mais la vraie question, c'est: Est-ce que, dans la pratique, ça va s'appliquer?

Moi, j'aimerais savoir, la politique de Terre-Neuve, est-ce qu'elle s'applique? Est-ce qu'il y a des plaintes? Est-ce que ça marche? Est-ce que la réalité s'accorde à cette loi-là ou si c'est un principe théorique, finalement tout le monde passe à côté, que tout le monde contourne? Est-ce que vous avez une expertise là-dessus? Est-ce que vous avez fouillé un peu sur cette législation-là?

M. Bériault (Thierry): Les vérifications qui ont été faites à ce niveau-là, effectivement, je peux vous dire que chacune des provinces, chacune des législations, on n'a pas pris... On n'avait pas le temps, non plus, et je pense que, pour un organisme comme nous, ce serait quasi impossible, compte tenu qu'on a tous nos emplois. On n'a pas communiqué avec toutes les commissions des normes du travail de chacune des provinces.

Par contre, en tant que président de la section Québec, je suis membre aussi de la Section nationale du droit du travail de l'Association du Barreau canadien et j'ai communiqué avec chacun de mes confrères, soit par E-Mail ou par téléphone, pour savoir un petit peu quelle était l'application de leur loi dans leur province. Ce qui m'a été dit à propos de Terre-Neuve, c'est que la loi fonctionnait bien là-bas, qu'il y a eu des difficultés d'application, bien évidemment, parce que, appliquer une loi comme ça, ça peut amener certaines difficultés, mais que, maintenant, le système est bien rodé, les gens, les employeurs sont au courant de leurs obligations et de leurs droits et que les choses se passent rondement là-bas.

Maintenant – ça, c'est une autre chose – si vous aviez à avoir des travaux supplémentaires à la commission, c'est une chose qui me ferait plaisir, même de consulter mon confrère de Terre-Neuve. Et peut-être que, même lui, pourrait nous rendre une opinion écrite là-dessus. Sauf que je peux vous dire que les informations que j'ai, c'est que la loi est bien appliquée là-bas. Vous me demandez s'il y a des accrocs ou pas. Je peux imaginer, comme pour toute législation, qu'il y a des accrocs, mais je ne peux pas vous parler avec certitude là-dessus.

M. Béchard: Merci. Moi, ça va.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de La Peltrie, je vous demanderais d'être assez succinct. Il vous reste trois minutes.

M. Côté: Merci, M. le Président. Alors, bonjour, Me Dauphinais et Me Bériault. Moi, j'entends depuis hier – il y a différents groupes qui sont venus exposer leur mémoire – l'utilisation de deux termes et, au fond, je pense que ça fait deux messages différents.

J'entends le mot «enfant» et j'entends le mot «jeune». Alors, je pense que, dans votre mémoire, vous avez été très clairs, vous avez toujours utilisé le terme «travail relatif aux enfants», comme tel. Mais j'entendais le Conseil permanent de la jeunesse, qui parlait de jeunes. Jamais il n'est mentionné, dans son mémoire, que c'est relativement au travail des enfants. J'avais aussi la CEQ, qui est venue hier, puis on parlait également du travail des jeunes.

Vous qui êtes dans le droit, comme tel, qu'est-ce que vous faites comme différence entre un enfant et un jeune? Parce que, souvent, dans les statistiques relatives au marché du travail, on dit: De 17 à 35 ans, c'est considéré comme des jeunes sur le marché du travail. Moi, j'aimerais qu'on m'explique un petit peu plus, davantage entre ce que vous considérez comme un enfant et ce que vous considérez comme un jeune, relativement au travail.

M. Bériault (Thierry): C'est-à-dire que la norme juridique est à l'effet qu'un enfant est toute personne âgée de moins de 18 ans, c'est un mineur au sens du Code civil du Québec. Et, lorsqu'on emploie le terme et dans notre mémoire et en général, au niveau juridique, un enfant, c'est une personne de moins de 18 ans. Maintenant, au niveau sociologique ou je sais qu'au niveau politique on emploie souvent d'autres termes comme «jeune enfant», «enfant» «adolescent». Nous, on ne fait pas ces disparités-là. Un enfant, c'est une personne de moins de 18 ans. C'est pour ça que, lorsque vous regardez nos recommandations, vous allez constater qu'on module les âges parce qu'un enfant pourrait être une personne de 17 ou 18 ans. Et on n'a pas la prétention de vouloir légiférer pour des jeunes de 17 ou 18 ans, sauf – et vous le verrez, je n'en ai pas parlé – dans une des recommandations, évidemment pour tout travail qui est un danger pour la santé ou la sécurité d'un enfant, on maintient l'âge de 18 ans. Nous, ça nous semble très important que, tout travail qui pourrait être dangereux pour son développement ou sa santé ou sa sécurité, tous les enfants soient exclus de ce travail là, donc toutes les personnes en bas de 18 ans.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le député. C'était une question pertinente pour la compréhension des différents mémoires. M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Beaulne): Il vous reste cinq minutes, M. le député.

M. Kelley: Oui. Juste rapidement. Je vois dans la législation de Terre-Neuve... Est-ce qu'il y a une norme maximale d'heures par semaine ou juste par jour?

M. Bériault (Thierry): Je vais juste vous... Juste un instant.

M. Kelley: Parce que vous indiquez ici trois heures par jour d'école, mais je ne vois pas un seuil maximal pour une semaine.

M. Bériault (Thierry): Je vais vous le retrouver. Je crois que le maximum d'heures est soit 15 ou 20 heures, à Terre-Neuve. Je n'ai pas le texte de la législation, M. le député, je suis désolé. Je sais que c'est supérieur à 10 heures, effectivement. Mais, si mon souvenir est bon, c'est 20 heures.

M. Kelley: Deuxièmement – parce qu'on voit 10 heures – est-ce que vous ferez une distinction entre les mois de septembre et juin et les mois d'août et juillet? Moi, je pense entre autres à ma fille, qui avait 15 ans l'année passée, et son rêve était, dès qu'elle aurait 16 ans, de prendre les cours de l'école de conduite. Alors, elle a travaillé pendant l'été pour sauver l'argent parce que, pour elle, c'était prioritaire qu'elle puisse prendre l'école de conduite à partir de son seizième anniversaire. Dans la formulation, ici, elle n'avait pas le droit, selon vous, ce que je trouve curieux parce que c'est quelque chose... Elle a bien fait de faire ça. C'est une responsabilité qu'elle a prise. Le Conseil permanent de la jeunesse a soulevé le cas tout avant Noël, où peut-être les jeunes veulent travailler davantage pour gagner un petit peu d'argent.

Alors, je me demande: Est-ce qu'il y a des moyens, dans la formulation d'une provision législative, d'avoir assez de souplesse et de flexibilité pour ce genre de situation? Parce que 10 heures par semaine, sans exception, rien, je trouve ça peu réaliste. Et je peux dire, comme père d'enfants, que les adolescents ont du temps libre. Et, s'ils décident, par leur choix, de travailler un petit peu, je trouve que 10 heures, c'est trop limitatif.

Mme Dauphinais (Céline): Juste une chose, là-dessus, c'est qu'il ne faut jamais oublier que l'idée sous-jacente à tout ça, c'est le fait que ça puisse être nuisible à la fréquentation scolaire. Alors, si on parle de l'été, il y a peut-être...

M. Bériault (Thierry): C'est-à-dire qu'en termes de moyen législatif si vous en arriviez à la conclusion que la restriction devrait juste s'appliquer aux journées ou aux semaines ou aux mois de fréquentation scolaire... On en a discuté également dans le cadre de nous travaux et, nous, ce qu'on suggérait: on irait plus en modulant, en disant que, compte tenu que l'enfant doit jouir de périodes de repos, de périodes d'activité, et tout ça, au moins, de faire en sorte que, si vous décidiez que les enfants pourraient travailler plus longtemps pendant l'été, le nombre d'heures travaillées à chaque semaine ne soit jamais supérieur au nombre d'heures qu'il aurait à fréquenter l'école, et jamais en temps supplémentaire, pour lui permettre de faire d'autres activités, pour ne pas finalement que l'enfant travaille 43 heures plus le temps supplémentaire, par semaine, ce qui serait autant qu'un adulte, sinon plus. Parce que ça a été soulevé ici, il peut y avoir une question d'exploitation, l'enfant étant plus faible sur la négociation de ses conditions de travail, on pourrait faire en sorte que certains employeurs puissent en profiter. Mais, si vous aviez une mesure à employer, nous, on serait prêts à vous suggérer qu'il y ait un maximum qui ne dépasse pas le nombre d'heures pendant lesquelles il aurait dû être à l'école à ce moment-là. Compte tenu qu'il est en vacances, il pourrait substituer ces heures-là au travail.

M. Kelley: Mais, en tout cas, je trouve ça inutilement compliqué, parce que le travail d'été, c'est quelque chose de complètement différent, et de prévoir... Parce que, moi, je regarde les enfants à l'école, et c'est toujours des semaines de quatre jours. C'est très rare qu'on va avoir une semaine au complet, parce qu'il y a une journée pédagogique, ou ci, ou ça. Alors, ça devient très compliqué, votre affaire. Et je veux en tout temps respecter aussi que nos adolescents sont capables de prendre les choix, ont une certaine responsabilité. Et, s'ils veulent entre autres économiser de l'argent pour prendre des cours de conduite, c'est leur propre choix, et je ne sais pas à quel point l'État doit prévenir ça.

(12 h 30)

M. Bériault (Thierry): Mais, écoutez, je ne peux pas nier que les enfants ont des responsabilités puis veulent avoir des responsabilités, puis je suis très d'accord avec ça. Mais ce qui est en jeu ici, en tout cas, nous, à notre avis, ce n'est pas à savoir si l'enfant a des responsabilités ou pas, c'est à savoir: Est-ce qu'on doit protéger les enfants contre certaines formes de travail? Et, dans ce sens-là, nous, on croit que oui. La législation est appliquée en France, où il faut même une exception pour les travaux légers, l'été, pour le travail, et ça fait de nombreuses années qu'elle est en application. Mais ce n'est pas très compliqué à gérer, surtout avec les moyens informatiques qu'on a aujourd'hui. Constituer des fichiers et s'assurer que les lois sont respectées, à mon avis, ça ne serait pas très difficile. Mais ça, c'est un autre débat à savoir quels mécanismes on pourrait employer à ce moment-là pour contrôler les mesures législatives. Mais je pense que ça serait quelque chose qui est possible.

Le Président (M. Beaulne): Alors, M. Bériault, Mme Dauphinais, la commission vous remercie et suspend ses travaux jusqu'après la période des affaires courantes, dans cette même salle.

(Suspension de la séance à 12 h 31)

(Reprise à 15 h 5)

Le Président (M. Beaulne): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission de l'économie et du travail va poursuivre ses consultations particulières sur le travail des enfants au Québec, et j'inviterais maintenant les représentants de la Direction de la protection de la jeunesse à bien vouloir prendre place à la table de la commission.


Direction de la protection de la jeunesse (DPJ)

M. Picard (Camil): La dernière fois, je suis venu seul. Maintenant, je suis venu avec du renfort.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Vous avez eu du temps.

M. Picard (Camil): Pas nécessairement, mais disons qu'on a eu un peu plus de temps pour se préparer, ce coup-là.

Le Président (M. Beaulne): Alors, messieurs, la commission vous souhaite la bienvenue. Avant d'amorcer votre présentation, que je vous demanderais de faire assez succincte pour permettre les échanges de part et d'autre, je vous demanderais de vous identifier ainsi que les personnes qui vous accompagnent, pour les fins de la transcription.

M. Picard (Camil): Alors, avec plaisir. Mon nom est Camil Picard, je suis le directeur de la protection de la jeunesse de la région de Québec. M'accompagnent aujourd'hui Me Hugues Létourneau, du contentieux du centre jeunesse de Montréal, et M. Jean Lortie, responsable des services de communications du centre jeunesse de Québec.

Effectivement, nous nous sommes rencontrés le 27 novembre dernier, assez rapidement, avec un délai assez court. Cependant, je dois vous avouer que je suis réjoui de revenir aujourd'hui auprès de vous dans le contexte actuel. Souvenez-vous que, lorsque nous nous étions rencontrés, j'avais abordé rapidement trois points avec vous. D'une part, l'importance de la responsabilisation des parents en la matière du travail des jeunes, d'autre part les liens avec la Loi de l'instruction publique et la Loi de la protection de la jeunesse et, troisièmement, les responsabilités générales que le Québec s'est données en fonction des objectifs envers les enfants.

Quand je dis que je me réjouis, c'est que je peux constater, à la lecture du document de travail que vous nous avez transmis, que, de façon générale, ces opinions-là ont été tenues en compte et vous allez reconnaître dans notre mémoire aujourd'hui, grosso modo, les alignements qui vont dans ce sens-là.

Le document que vous avez entre les mains fait suite à une consultation rapide auprès de tous mes collègues directeurs de la protection de la jeunesse du Québec. Donc, les 16 collègues directeurs de la protection de la jeunesse ont collaboré d'une façon ou d'une autre à la préparation de ce mémoire. Alors, je vais laisser mon collègue, M. Lortie, présenter globalement l'introduction.

M. Lortie (Jean): Alors, pour peu qu'ils soient portés par les voix du plus grand nombre dans notre société, les adages qui fleurissent dans nos conversations quotidiennes relèvent de la simplicité avec laquelle ils traduisent le credo des valeurs qui nous sont les plus chères. En fait, l'utilisation d'un adage quelconque nous semble parfois tellement familière et son sens nous apparaît relever d'une telle évidence qu'on en oublie sa nature profondément consensuelle en tant qu'expression issue de la sagesse populaire.

Dans la société québécoise, certains adages relatifs aux enfants expriment parfaitement quelques-uns de nos consensus les plus incontournables. Par exemple, qui d'entre nous contesterait celui qui dit que les enfants sont notre plus grande richesse ou encore que les enfants sont l'avenir de notre société ? Personne, bien sûr. C'est dire à quel point nous considérons tous avec excessivement de sérieux ce qui concerne les conditions de droit et de fait entourant nos enfants. C'est ainsi que, en tant qu'adultes, nous savons à quel point est grande notre responsabilité d'agir pour le mieux-être actuel des enfants, car ce faisant nous travaillons également à garantir la qualité de leur devenir.

Entre autres choses, nous reconnaissons et exerçons notre devoir de mettre en place et de développer sans cesse pour eux des lieux et des moyens d'apprentissage pertinents. Nous savons devoir faire le maximum pour rendre nos écoles accessibles et en faciliter une longue fréquentation, et ce, afin de pouvoir permettre à notre jeunesse de concrétiser une rencontre tant espérée, celle qui mettra en présence, d'une part, leurs aspirations légitimes et, d'autre part, la certitude qu'il n'en tient qu'à eux de les réaliser, leur confirmant ainsi qu'ils ont une place dans notre société.

Un autre adage populaire, plus impératif, celui-là, traduit très bien cette volonté de créer pour les enfants un espace d'apprentissage protégé de l'empiétement de contingences aux intérêts par trop immédiats: Les études, c'est important.

Les adages, bien sûr, mais également le bon sens, les réactions dans la population lorsqu'il est question de l'abus d'un enfant ainsi que le cumul de tous nos efforts en matière de législation, dont la Loi sur la protection de la jeunesse en est probablement le meilleur exemple, traduisent très bien l'importance que nous attachons tous au sort réservé à nos enfants. Cette volonté du législateur de permettre à nos enfants de se développer en toute sécurité traduit donc parfaitement des valeurs reconnues comme primordiales dans une société à l'intérieur de laquelle les employeurs sont évidemment des acteurs de premier plan pour ce qui concerne le travail des enfants.

(15 h 10)

À notre avis, le chemin qui mène à la protection, au développement et au bien-être des enfants qui travaillent passe par une approche systémique encouragée par l'État et qui met en cause les acteurs suivants: les parents, les employeurs, les enfants et l'État lui-même.

Dans les lignes qui suivent, nous vous proposerons d'aborder le travail des enfants en deux temps. Dans la première partie de ce court exposé, nous vous ferons part de quelques constats qui ont alimenté notre réflexion et, dans la seconde, nous proposerons deux recommandations qui, nous l'espérons, pourront contribuer à concrétiser un peu plus les valeurs dont sont porteurs les adages que nous destinons à nos enfants.

Les premières réflexions qui nous viennent lorsqu'on aborde le sujet du travail des enfants prennent la forme de prémisses qui, dans l'ensemble de ce qui concerne les enfants, qu'il s'agisse de leur accessibilité au monde du travail ou à toute autre chose, devraient toujours être prises en compte implicitement. Par exemple, nous devons tous être conscients que l'enfant est un être en développement, qu'il est plus ou moins vulnérable selon son âge, par exemple, et qu'il a besoin de l'encadrement bienveillant des adultes qui ont autorité sur lui. En fait, comme c'est le cas pour chaque être humain, peu importe son âge, chaque enfant est unique et le contour de ses besoins spécifiques lui est absolument propre.

Cela implique, entre autres choses, que d'intervenir en vue de favoriser le développement d'un enfant impose que l'on tienne compte de ses caractéristiques personnelles et, par voie de conséquence, qu'on fasse ce qu'il faut pour les connaître au mieux. Dans la très grande majorité des cas, les parents, dont c'est la responsabilité première, sont évidemment les personnes les plus compétentes à cet égard.

Nous sommes donc tout à fait d'accord avec le principe directeur qui, sous les paragraphes du Document de réflexion sur le travail des enfants traitant de l'autorité parentale, propose qu'une législation sur le travail des enfants devrait respecter le rôle primordial des parents dans le développement de leurs enfants et les supporter dans l'exercice de cette responsabilité.

À notre tour, nous voulons appuyer fermement cette vision en énonçant la prémisse suivante: Chaque enfant est unique et ses parents sont les premiers responsables en même temps que les personnes présumées les plus compétentes pour s'assurer des conditions nécessaires à son plein développement. À partir de cette dernière constatation, il reste à s'assurer que les parents disposent des outils nécessaires à l'exercice de leurs responsabilités.

Dans un autre ordre d'idées, il faut réaliser que le travail pour un enfant n'est qu'un champ d'activité parmi bien d'autres et que, compte tenu de son âge et malgré les expériences qu'il permet et le statut qu'il confère, il ne se révèle certes pas comme l'activité la plus importante sur le plan développemental. Il vient après la vie familiale, la fréquentation scolaire et même les loisirs et la détente.

Une deuxième prémisse pourrait donc s'énoncer comme suit: En regard du développement de l'enfant, le travail doit être considéré d'un point de vue systémique. Il ne constitue qu'un champ d'activité parmi d'autres et ne doit pas empêcher, par exemple, l'actualisation d'une vie familiale saine, une fréquentation scolaire stable et la réalisation de loisirs.

Enfin, nous devons toujours éviter de placer les enfants dans un contexte d'équité avec les adultes lorsqu'il est question de leur accès au marché du travail. Les enfants n'ont ni l'expérience en termes de connaissance ni l'indépendance en termes de moyen pour éviter d'être vulnérables face à l'adulte qui les engage ou à celui qui leur impose de travailler. Lorsqu'un employeur engage un enfant, il doit en même temps s'engager à ne pas nuire à l'enfant sur le plan développemental.

Cette réalité pourrait se traduire ainsi: Un employeur a une responsabilité différente lorsqu'il engage un enfant que lorsqu'il engage un adulte. Il s'engage lui-même à l'intérieur d'un processus qui lui confère des obligations à tout le moins éthiques et sociales en regard de la protection, du développement et du bien-être de cet enfant.

À notre avis, ces trois mises en garde sont fondamentales et doivent constituer la toile de fond de toutes nos réflexions en regard du travail des enfants. C'est également sur cette base que s'appuieront nos recommandations.

M. Picard (Camil): C'est donc en ayant en tête ces guides fondamentaux que nous avons pu apprécier la lecture de l'ouvrage rédigé par votre groupe de travail mis en place par le ministère du Travail. Le Document de réflexion sur le travail des enfants se révèle particulièrement utile à la bonne compréhension du sens, des efforts déployés et de ceux qu'il reste à mettre en oeuvre pour aider les enfants et se donner, par la fréquentation scolaire, un avenir le plus prometteur possible, et ce, tout en respectant leur droit d'expérimenter certaines avenues du monde du travail.

D'entrée de jeu, nous voulons mentionner immédiatement que globalement nous adhérons aux différentes conclusions formulées dans le Document de réflexion sur le travail des enfants . Tant en ce qui concerne les principes directeurs que les pistes de solution avancées, nous considérons que ces recommandations sont essentiellement de nature à mieux garantir le développement des enfants. L'importance de ces propositions nous incite à les reprendre une à une afin de préciser notre idée à leur égard.

Donc, en regard du principe directeur en relation avec l'autorité parentale, nous avons eu l'occasion plus tôt de commenter le principe directeur qui émerge du thème de l'autorité parentale. Nous n'insisterons pas davantage, si ce n'est que pour réitérer notre conviction profonde à l'effet que les parents sont les premiers responsables de la sécurité et du développement de leur enfant et qu'un des rôles du législateur peut consister à s'assurer qu'ils disposent de tous les outils nécessaires pour assumer au mieux cette responsabilité.

En regard du principe directeur en relation avec la conciliation des intérêts de l'enfant, nous croyons que la conciliation des intérêts de l'enfant, lorsqu'il est question de son accès et de sa présence dans le monde du travail, passe par une législation qui cherche à donner aux parents les moyens d'exercer leur autorité. La question de la réglementation du travail des enfants oblige à considérer une problématique comportant deux facettes: celle qui met en cause la sécurité physique des enfants et celle qui implique leur droit à un environnement apte à assurer leur plein développement.

Si la matérialité d'une situation problématique mettant en cause la sécurité d'un enfant est nettement plus aisée à cerner et beaucoup plus propre à permettre une intervention rapide et précise, c'est beaucoup moins vrai lorsqu'il est question de l'aspect développemental. Cette responsabilité qui vise à assurer le développement des enfants est, croyons-nous, l'aspect le plus difficile à traduire dans quelque loi que ce soit. La raison en est bien simple, l'objet du développement nous oblige à référer à la complexité de l'être en tant qu'individu unique et qui ne peut être comparé qu'à lui-même, tandis que l'objet de la sécurité nous permet de décoder les situations à partir des normes sociales visibles et habituellement reconnues.

Ces précisions nous permettent de comprendre la difficulté qu'il y aurait à tenter d'établir ce qui, raisonnablement, concilie le mieux les besoins, les intérêts et les droits à la protection et à l'autonomie des enfants, si la législation cherchait à se substituer à l'autorité parentale plutôt que de chercher à lui donner les moyens de s'exercer au nom de l'intérêt supérieur de l'enfant. Il est certain qu'il y a une perspective d'intervention législative qui permet de respecter à la fois les droits des enfants et la complexité de leur besoins en tant que personne humaine.

En regard du principe directeur en relation avec la réussite scolaire, nous sommes tout à fait d'accord avec le principe directeur qui veut qu'une législation sur le travail des enfants devrait appuyer la réforme de l'éducation en vue de favoriser la réussite scolaire. Cette volonté, de tout mettre en oeuvre pour favoriser non seulement la plus grande fréquentation scolaire possible mais également la plus productive, rejoint tout à fait notre constat de base à l'effet que, du point de vue développemental, le travail ne devrait pas être considéré comme le champs d'activité le plus important pour un enfant. Les apprentissages scolaires devraient être nettement priorisés jusqu'à l'âge de 16 ans, au moins. Rappelons-nous seulement que le but premier d'un enfant est d'apprendre et non de produire.

En regard du principe directeur en relation avec les conditions de travail, nous sommes tout à fait d'accord avec la teneur de ce principe directeur. Encore une fois, ce principe rejoint le constat de base dont nous faisions mention plus haut et qui avançait qu'un employeur a une responsabilité différente lorsqu'il engage un enfant que lorsqu'il engage un adulte. Il s'engage lui-même à l'intérieur d'un processus qui lui confère des obligations, à tout le moins éthiques et sociales, en regard de la protection du développement et du bien-être de cet enfant.

On peut penser que la législation pourrait encadrer cette relation employeur-enfant et venir équilibrer le rapport de l'un à l'autre en imposant l'implication des parents, par exemple, lorsqu'il s'agit d'un jeune de 14 ans et moins et en émettant des règles d'embauche qui tiennent compte des réalités développementales d'un enfant, et ce, pour tout jeune de 16 ans et moins. Il ne s'agirait pas ici de contraindre les employeurs et leur donner matière à augmenter les coûts relatifs à l'embauche de jeunes travailleurs, l'intention est plutôt de créer les conditions pour faciliter le rappel aux employeurs, aux parents et aux enfants eux-mêmes des règles de base à respecter lorsqu'il est question de permettre à ces derniers d'accéder au marché du travail.

(15 h 20)

En regard du principe directeur en relation avec l'intervention du législateur, nous croyons que l'intervention de l'État peut s'avérer nécessaire pour encadrer davantage le travail des enfants. Toutefois, nous souhaitons que cette intervention soit de nature incitative et non coercitive. L'État doit fournir les moyens aux parents et aux employeurs pour qu'ils puissent rendre compte dans l'action de cette volonté bien affirmée de mieux encadrer le travail des enfants. Il n'est donc pas question ici de légiférer de manière à rendre plus ardu l'accès au marché du travail pour les enfants, mais plutôt de se donner l'assurance que cette expérience de travail participe au développement personnel complet et harmonieux plutôt que du contraire.

Notre position concernant la recommandation du comité de travail en regard de l'âge. En regard avec la pertinence de fixer un âge d'admission à l'emploi pour les enfants, même s'il pourrait être tentant d'établir un âge minimal, nous nous déclarons d'accord avec la recommandation du comité de travail à l'effet de ne pas en établir. Nous croyons qu'il n'est pas nécessaire d'instaurer une norme générale concernant l'âge d'admission en emploi, car l'important nous apparaît être de se donner l'assurance que soient présentes les conditions nécessaires au respect des besoins de l'enfant dans un contexte de travail, et ce, peu importe l'âge d'un enfant. Le plus important est que, dans la rencontre de l'employeur avec l'enfant et ses parents, l'expérience soit bénéfique à l'enfant et qu'elle se déroule dans un climat et propose des conditions respectant ses caractéristiques et ses besoins particuliers.

Notre position concernant la recommandation du comité de travail en regard de la durée du travail et de la fréquentation scolaire obligatoire. Les résultats des études qui établissent un lien entre l'ampleur d'une semaine de travail d'un enfant et ses résultats académiques suffisent à eux seuls à nous convaincre du bien-fondé de la recommandation du comité de travail.

Nous avons déjà établi plus tôt dans cet exposé la place relative que nous attribuons au travail pour un enfant par rapport à l'importance que nous attachons à sa fréquentation scolaire. Dès qu'une corrélation est établie entre une durée de travail qui dépasserait un certain seuil et le développement de difficultés sur le plan scolaire, nous devons être congruents dans notre volonté d'appuyer la réforme de l'éducation en vue de favoriser la réussite scolaire et fixer cette durée de travail à un niveau qui rencontre des limites acceptables.

Il faut toutefois noter que, quel que soit le nombre d'heures par semaine considéré comme un maximum pour le travail des enfants, il est clair que, pour certains d'entre eux, ce sera déjà trop. Seuls les parents en lien avec l'enfant lui-même sont en mesure d'apprécier les capacités de celui-ci à cet égard.

Le Président (M. Beaulne): M. Picard, est-ce que je pourrais vous demander d'abréger un peu, s'il vous plaît?

M. Picard (Camil): Oui.

Le Président (M. Beaulne): Parce que le temps de 20 minutes normalement alloué aux présentations est bientôt terminé.

M. Picard (Camil): Oui. On arrive aux recommandations.

Le Président (M. Beaulne): D'accord, allez-y.

M. Picard (Camil): Alors, pour le dernier, concernant la recommandation sur l'harmonisation des législations, évidemment, on ne peut qu'être d'accord avec le fait qu'il y ait une cohérence entre les diverses lois concernant les enfants au Québec.

Au niveau des recommandations, grosso modo, on pense que l'enfant, dans sa recherche d'autonomie et de subsistance, doit transiger avec un éventuel employeur. Il nous apparaîtrait normal qu'avant de l'embaucher celui-ci communique avec ses parents afin de convenir de plusieurs aspects. Et là on met, par exemple: s'assurer de sa santé, la disponibilité au travail, s'assurer que l'enfant sollicite l'emploi librement et obtenir le consentement des parents.

En conséquence, nous proposons deux recommandations: nous recommandons que la législation impose à tout éventuel employeur d'un enfant de 14 ans et moins l'obligation de contacter les parents de l'enfant afin de convenir avec eux des conditions entourant son embauche.

M. Létourneau (Hugues): Face à cette perspective pour l'enfant qui désire travailler, nous vous suggérons d'adopter un contrat type de travail pour l'enfant. Alors, au lieu d'avoir des règles spécifiques où il serait nécessaire que les gens consultent leur Code civil, peut-être que nous pourrions aller vers cette idée d'un contrat type de travail dans lequel l'employeur, les parents et l'enfant seraient nommés et auquel ils devraient aussi participer.

Ce contrat, quant à nous, serait le gage du respect de l'intérêt supérieur de l'enfant en tant que considération donc importante dans les liens juridiques qu'il entretient avec son employeur. Il faut reconnaître que l'enfant sera sous la responsabilité de son employeur lorsqu'il travaillera; il reste donc un mineur. Ce contrat illustrerait concrètement la préoccupation – pour dire aussi un aide-mémoire – que porte l'employeur au devenir de l'enfant et un engagement visible à ne rien faire qui puisse nuire à son développement.

Le développement d'un enfant s'inscrit, bien sûr, dans l'économie générale du droit, mais s'y ajoute un guide, dans l'application de ces droits, qui permet en quelque sorte d'enrichir l'application de ces règles normales régissant les rapports de l'enfant avec son environnement. Ce guide, nous le retrouvons dans le Code civil du Québec. Vous le retrouvez aux articles 32, 33 et 34 du Code civil; ils sont cités dans notre document. Vous le retrouvez aussi à l'article 39 de la Charte québécoise. Et nous retrouvons aussi ce sens de l'exercice de l'autorité des parents aux articles 598, 599 du Code civil; c'est donc très important que les parents aient leur place dans cette perspective pour l'enfant de travailler.

Et rappelons que la Cour suprême a reconnu la nécessité pour le législateur d'intervenir lorsque l'enfant risque d'être au centre de conflits d'intérêts. Alors, je cite l'arrêt Racine contre Wood, rendu en 1983: «Le législateur a reconnu un aspect de la condition humaine, savoir que notre propre intérêt obscurcit notre perception de ce qui convient le mieux aux personnes dont nous sommes responsables.»

Dans ce contrat type, qui pourrait donc être introduit dans notre société par l'ajout de nouvelles règles dans le Code civil, nous pourrions retrouver certaines clauses concernant l'employabilité et les conditions de travail de base de l'enfant, telles que: l'âge minimal lorsque requis; période de congé pour les examens scolaires; période de congé pour les travaux scolaires; période de congé afin d'accompagner ses parents durant leurs vacances; un encadrement spécifique lorsque l'enfant est en présence de produits pouvant nuire à sa santé; et un engagement de tous par la signature des parents de l'enfant et de l'employeur.

M. Picard (Camil): Alors, en conséquence...

Le Président (M. Beaulne): M. Picard, en avez-vous pour longtemps? Parce que vous avez dépassé le temps.

M. Picard (Camil): Il reste une page, monsieur.

Le Président (M. Beaulne): Bon, alors, on va y aller, parce que, sinon, on n'aura pas assez de temps pour les échanges.

M. Picard (Camil): Est-ce que je peux quand même dire la dernière recommandation?

Le Président (M. Beaulne): Oui, allez-y.

M. Picard (Camil): Alors, dans ce sens, nous vous recommandons l'utilisation d'un contrat type de travail devant requérir la signature des parents lors de l'embauche par un éventuel employeur d'un enfant soumis à l'obligation de fréquentation scolaire. Alors, on parle d'un enfant de moins de 16 ans.

Alors, voilà les quelques réflexions que nous vous livrons, de façon générale très positives face aux recommandations que vous avez dans le document que vous nous avez transmis, mais avec deux propositions que nous vous faisons pour bonifier le débat que vous faites actuellement auprès du travail des jeunes au Québec. Voilà.

Le Président (M. Beaulne): Merci. Alors, M. le ministre, allez-y.

M. Rioux: M. Picard, on est heureux de vous revoir. Évidemment, le contexte est un peu différent, mais il reste quand même que vous souhaitiez un peu qu'on prolonge cette discussion. D'ailleurs, vous nous aviez mis un peu sur la piste, lorsque vous êtes venu. Le temps est toujours trop court, mais je suis heureux de vous revoir aujourd'hui et de souhaiter la bienvenue également à vos deux collègues.

Vous êtes durs à suivre. Vous parlez de 14 ans, 15 ans, 16 ans. Il y a une chose, moi, j'ai toujours perçu votre loi comme un peu – comment je pourrais bien appeler ça? – notre filet de sécurité. Mais comment peut-on, par rapport à la réussite scolaire, par exemple, et à l'intégrité du jeune... Je vous écoutais puis je me disais: Ils sont à la veille de nous proposer de renforcer la loi, la leur, afin de mieux protéger les jeunes. À ce moment-là, vous auriez la responsabilité totale de les suivre partout: quand on les exploite ou lorsqu'on abuse d'eux, ou lorsqu'on les fait travailler trop longtemps, ou encore que leur réussite scolaire ou leur intégrité est menacée. Parce que vous pouvez intervenir là-dedans? Lorsque leur intégrité est menacée, vous intervenez directement puis vous avez un pouvoir réel que vous exercez, d'ailleurs. Dans certains coins, c'est contesté, mais, généralement, ça marche assez bien.

(15 h 30)

Moi, j'aime beaucoup aussi votre idée de privilégier les parents; c'est important, c'est très important. Les parents, c'est vrai qu'ils sont les grands responsables de leurs jeunes à tous égards.

Ça, c'est ma deuxième question: Quand ça ne suffit plus, les parents, qu'est-ce qu'on fait? Et ma troisième question. Vous nous proposez un contrat type. C'est intéressant. C'est un peu une piste neuve, je dirais. Plutôt que de vous prononcer sur l'âge d'entrée sur le marché du travail, vous proposez une intervention où les parents sont partie prenante du contrat avec l'employeur et le jeune. Ça, c'est une façon de voir les choses. Remarquez qu'il y a des gens qui pourraient vous accuser de ne pas avoir eu le courage d'aller jusqu'au bout et de recommander clairement la législation à cet égard. L'autre chose, c'est que vous avez l'air de ne pas vous préoccuper clairement des heures travaillées par le jeune et jusqu'où les heures travaillées peuvent compromettre leur réussite scolaire. En gros, c'est vrai que vous suivez notre cahier qu'on a distribué, mais j'aimerais vous entendre épiloguer, en tout cas, sur ces trois aspects-là.

M. Picard (Camil): O.K.

M. Rioux: De toute façon, vous êtes trois pour travailler aujourd'hui, ça va être plus confortable pour vous, M. Picard.

M. Picard (Camil): D'abord, quand vous dites qu'on est durs à suivre, je vous avoue que certains jeunes au Québec sont aussi durs à suivre. Je suis un peu surpris de votre réflexion parce qu'on a suivi votre modèle. Donc, à quelque part, on a suivi votre texte.

Deuxième réflexion, M. le ministre. Quand vous dites que c'est notre Loi sur la protection de la jeunesse, je voudrais juste vous rappeler que c'est la Loi sur la protection de la jeunesse de toute la société québécoise. Ça fait 26 mois que je suis DPJ et qu'à tous les jours je le redis parce que, à Québec, assumer la protection de la jeunesse, de 135 000 enfants, c'est impossible, je n'ai pas de clone.

M. Rioux: Ça, on le savait, que vous en meniez large. C'est sûr. Ce qui est bien.

M. Picard (Camil): En tout cas. Sur les âges, on vous reflète, monsieur, ce qu'on vit dans notre société avec les lois qu'on a, les contraintes qu'on a avec les 14, 15 ou 16 ans, le Code civil, les chartes, la Loi sur la protection de la jeunesse, la Loi sur les jeunes contrevenants. Mon collègue, M. Létourneau, peut en dire un petit peu plus là-dessus. Mais effectivement, pour nous, pour des parents, pour des intervenants, peu importe qu'ils soient du domaine social, de la santé, de l'éducation ou autres, c'est dur à suivre, ça aussi.

Alors, la fréquentation scolaire, vous savez que c'est jusqu'à 16 ans. Sauf que, dans le Code civil et dans la Loi sur la protection de la jeunesse, il y a d'autres obligations qui commencent à 14 ans. Là, je vais laisser aller M. Létourneau vous expliquer un petit peu comment, quand on vous parle de différents âges, on vous reflète ce que, sur le terrain, on vit avec l'ensemble des intervenants.

M. Létourneau (Hugues): Alors, vous avez dans la Loi sur la protection de la jeunesse l'enfant qui, à 14 ans et plus, va contresigner l'entente sur mesures volontaires. Il aura le droit aussi, si la cause est portée devant la Cour du Québec, de se constituer les services d'un procureur. Il va devenir donc une partie à part entière devant la cause qui va être devant la Cour du Québec.

Dans la Loi sur les jeunes contrevenants, par exemple, il y a une période qui est ambiguë, entre 12 et 14 ans, sur la responsabilité pénale du jeune. Mais, à partir de 14 ans, nous retrouvons sa responsabilité clairement. Dans le Code civil, pour le jeune qui veut avoir des soins médicaux, à partir de l'âge de 14 ans, il peut faire cette demande; et l'obligation, ce sera d'informer ses parents, si sa période, par exemple, d'hospitalisation dure plus de 12 heures. C'est un vestige de l'ancienne Loi sur la protection de la santé publique.

Vous avez aussi dans notre Code civil – et vous le citez dans votre document – l'article 156, qui est quand même un article qui est particulier mais qui n'est pas nouveau en soi. Le mineur de 14 ans est réputé majeur pour tous les actes relatifs à son emploi ou à l'exercice de son art. Alors, le 14 ans, nous le retrouvons dans plusieurs lois et dans plusieurs textes. Maintenant, vous avez aussi l'obligation de la fréquentation scolaire qui est 16 ans. Il faut bien s'entendre qu'on protège la fréquentation scolaire. Est-ce qu'on interdit l'emploi durant cette période-là? Est-ce que ça fixe vraiment donc un âge d'admission ou d'employabilité? Il faudrait voir comment on interprète cet article dans la Loi sur l'instruction publique. Alors, il y a une cohérence au niveau du 14 ans puis il y a des exceptions qui nous mènent vers 16 ans.

M. Rioux: M. Létourneau, la Loi de la protection de la jeunesse prévoit l'intervention du directeur ou de la directrice de la protection de la jeunesse lorsque le jeune effectue un travail disproportionné à ses capacités. Mais l'employeur qui contrevient aux dispositions de la loi, il n'y a pas de sanction. C'est insignifiant, hein, ce qu'on... Est-ce qu'on devrait, dans votre loi, mettre plus de dents pour faire respecter le jeune sur le marché du travail?

M. Picard (Camil): À ce moment-là, il faudrait changer la loi au complet, M. Rioux, parce que toute la loi est... c'est la loi de la protection de l'enfant. Alors, qu'on soit en abus physique, en abus sexuel, on intervient pour protéger l'enfant. Alors, la remarque que vous venez de faire s'adresse aussi, face à des abuseurs... ou les critiques qu'on fait à la Loi de la protection de la jeunesse sur ce qu'on fait avec l'abuseur, ce qu'on fait avec l'employeur... Mais c'est le cadre général de la loi. Le titre le dit, c'est la protection de l'enfant, les moyens que l'État prend pour protéger l'enfant.

M. Rioux: Est-ce que vous seriez d'accord pour mettre ça dans une loi du travail comme la Loi des normes, ce que je viens de dire là en termes de sanction?

M. Létourneau (Hugues): Il faudrait faire attention, je pense, entre l'idée de la sanction et c'est la sanction de quoi que vous voulez sanctionner. C'est évident que si vous partez à partir de cette idée d'un contrat type qui s'applique à tous les mineurs qui travaillent et qu'à ce moment-là on recherche la sanction du non-respect de ces obligations qui font partie du contrat signé, on pourrait à ce moment-là s'interroger: Est-ce qu'on va vers la Commission des normes du travail et on demande à cette Commission de surveiller l'application de ces contrats?

Maintenant, lorsqu'on se réfère à la Loi sur la protection de la jeunesse, il faut aussi se rappeler que c'est la sécurité et le développement des enfants qui doivent être considérés comme étant compromis. Et pour qu'il y ait l'intervention du directeur de la protection de la jeunesse, il y a la nécessité qu'il y ait signalement de faits. Alors, à quel moment nous appliquons l'article 38f où il est question de travail qui est disproportionné à l'âge de l'enfant? Ce n'est pas défini. Il y a très peu de décisions de la Cour du Québec, chambre de la jeunesse, sur cette interprétation.

M. Rioux: Vous n'auriez pas d'objection à ce que la Loi des normes gère le contrat type?

M. Létourneau (Hugues): Pardon?

M. Rioux: Vous n'auriez pas d'objection à ce que la Commission des normes et la Loi sur les normes du travail gèrent le contrat type qui fait partie de votre mémoire?

M. Létourneau (Hugues): Ça, je pense qu'il faudrait réfléchir à quel endroit ce contrat type devrait se retrouver. Mais je vous rappelle que c'est l'article 156 du Code civil qui fixe qu'un enfant de 14 ans et plus est réputé majeur. Est-ce que le législateur, dans le cadre de cette reconnaissance de cette majorité à 14 ans pour le travail, est-ce qu'il pourrait se permettre d'introduire dans le Code civil les règles gérant ce contrat?

La comparaison que je fais donc, elle est boiteuse, mais, au niveau du logement, nous retrouvons les règles qui nous mènent vers la rédaction du bail. Alors, si on se l'est permis dans d'autres occasions qui sont moins sérieuses, il me semble que celle-ci, le Code civil pourrait être donc un outil de travail fort intéressant. Et il s'agit d'une loi générale.

M. Rioux: Bien.

M. Picard (Camil): Je peux peut-être répondre à vos deux autres questions, rapidement. Oui, par rapport à la place des parents, c'est très clair pour nous, et on part de la prémisse à l'effet que la très grande majorité des parents au Québec sont responsables, donc désireux du bien-être de leur enfant et soucieux de voir au bon développement et au bien-être de l'enfant, que ce soit au niveau de leurs valeurs, de la famille, de l'école et du travail, oui. Et toutes les études au niveau social démontrent que l'intervention en protection de la jeunesse, c'est sur 1 % à 3 % des situations des enfants au Québec. Donc, on ne part pas de la prémisse contraire, que les parents sont irresponsables.

(15 h 40)

Ce qu'on vous propose dans le fond, c'est le gros bon sens. Même si ça peut être difficile à suivre, c'est le gros bon sens. Si, moi, mon fils est à l'école et que demain ou la semaine prochaine on propose une activité parascolaire en ski ou autrement, on va m'envoyer une feuille, comme parent, pour m'informer et me demander l'autorisation qu'il aille. Et c'est pour une journée de ski ou pour une activité parascolaire. Et c'est une pratique habituelle au Québec, dans les moeurs, dans les coutumes, et c'est rare qu'on entend des holà là-dessus de la part du milieu scolaire ou autre.

Ce qu'on souligne tout simplement: Pourquoi ça ne deviendrait pas normal que le parent soit tout simplement sollicité lorsque son enfant fait une demande d'emploi? Quand un enfant va... Je ne nommerai aucun employeur mais, quand il va chez un employeur et revient avec sa fiche de demande d'emploi qu'il remplit, quel serait le mal de rajouter une feuille avec l'autorisation du parent disant que le jeune est en santé, qu'il peut fréquenter... puis que le parent est au moins au courant de ça?

Je ne pense pas qu'au niveau d'un employeur ce serait très embêtant de faire ça. Je pense qu'au niveau des parents, ça pourrait démontrer qu'ils sont informés puis qu'ils sont engagés là-dessus. Et, à quelque part, ça démontrerait la cohérence entre l'éducation qu'on veut pour nos enfants, la protection de nos enfants et le travail. Donc, peut-être que c'est trop compliqué, mais, nous, on pense que c'est du gros bon sens.

Pour ce qui est des heures du travail, effectivement, on n'a pas élaboré longtemps parce qu'on est d'accord avec ce qui est écrit dans votre document. Mais, si vous avez quelques heures, je n'ai aucun problème, on peut en parler longtemps. Mais votre document est assez clair là-dessus. Les études démontrant que dépassé 15 heures, ça peut créer des torts au travail, je pense que c'est assez clair là-dessus et ça fait consensus au niveau de l'ensemble des intervenants consultés.

Le Président (M. Beaulne): M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Premièrement, merci de votre présence, ça fait plaisir. Juste pour continuer sur les heures comme telles, ce matin, il y a eu le Barreau qui nous a parlé de 10 heures. Vous nous parlez de 15 heures. Le document parle de 15 heures aussi. Le consensus entre les trois syndicats, de CCTM, parle de 15 heures aussi, mais une possibilité de 20 heures et plus, et tout ça. Vous n'avez pas peur qu'en plaçant comme tel un nombre d'heures, en le délimitant de façon stricte, que finalement ça devienne juste un seuil à partir duquel, pour ceux qui veulent travailler plus, on passe à côté puis on le fait sans le déclarer et que... Moi, c'est un peu la question que je me pose depuis le début. Est-ce qu'une législation dans ce domaine-là est applicable et serait respectée?

M. Picard (Camil): Vous venez de me donner une argumentation supplémentaire pour montrer l'importance du rôle des parents. À partir du moment où, comme société, on se dit: Une balise généralement acceptée est à l'effet que 15 heures de travail par semaine, évidemment, pendant la durée de l'année scolaire, est pour vous, parents, une balise – il y a eu des recherches là-dessus puis ça démontre qu'il n'y a pas d'effet. Comme parent responsable, vous ne pensez pas qu'il peut, à ce moment-là, échanger avec son enfant, faire en sorte que justement son enfant qui voudrait probablement en faire plus ou autre, on vient redonner du pouvoir au parent d'intervenir à ce moment-là?

Donner une balise, évidemment, c'est quoi, là? C'est 10 heures, 12 heures, 13,5 heures, tout ça. On n'a pas voulu aller faire une recherche exhaustive sur le 12,5 ou le 15 heures. On a regardé ce qui était au niveau de l'étude qui a été présentée ici et ça nous apparaissait assez intéressant. Donc, là-dessus, on donne notre accord à cette recommandation.

M. Béchard: Donc, une législation, vous, vous seriez d'accord avec ça, une législation pour encadrer le travail des enfants. Le principe de la législation comme tel, vous êtes d'accord avec ça. Vous mentionnez tantôt, et le document de travail le mentionne aussi: Il y a déjà énormément de lois, de règlements qui peuvent s'appliquer ou qui s'appliquent en partie et qui peuvent avoir un impact. Je lisais dernièrement, en tout cas, je pense, en ce qui a trait à votre rôle comme tel, à votre Loi sur la protection de la jeunesse. Veux veux pas, je pense que les ressources manquent un peu pour faire appliquer au complet, comme il faut.

Moi, je vous dirais: Ma peur, c'est que je me demande toujours comment vous pourrez appliquer la législation sur le travail des enfants, comment on pourrait appliquer ça, comment on pourrait mettre ça en place si on ne met pas les ressources nécessaires. Moi, j'ai peur qu'on s'en lave les mains en disant: On va adopter une législation, on va l'ajouter aux 25, 30 qui s'appliquent déjà. Mais, si on n'y met pas de ressources, si on ne fait pas de suivi, ça ne donnera pas grand-chose en bout de ligne. Et vous le disiez vous-même, vous ne pouvez pas suivre tous les cas qui concernent... parce que vous n'avez pas de clone puis vous n'êtes pas partout. Et ça, ça me ramène au point que je mentionnais: Est-ce qu'une législation comme telle serait applicable, premièrement?

Et, deuxièmement, je vous dirais qu'en ce qui a trait à votre contrat type, ça rejoint une idée qui se dégage, moi, je trouve, depuis le début de cette consultation-là, c'est-à-dire qu'on aura beau mettre en place n'importe quelle législation, si les parents, les enfants et les employeurs n'embarquent pas, ça ne fonctionnera pas, ça ne marchera pas, et il n'y aura pas de résultat au bout de la ligne. On va avoir mis en place une belle loi, on va avoir mis en place un beau document, mais qui ne donnera rien.

Moi, votre notion de contrat type, est-ce que ça ne serait pas – on disait qu'un n'exclut pas l'autre – davantage la voie de la souplesse, la voie qu'il faudrait suivre, d'y aller avec des contrats types comme ça, ou avec des pactes sociaux comme ça, ou des projets comme on en a déjà vu? Est-ce qu'il ne faudrait pas mettre plus l'accent là-dessus et s'assurer de faire respecter les lois qui sont déjà en place, puis de leur donner les ressources pour respecter ça, que d'arriver avec une autre législation encore?

M. Picard (Camil): O.K. D'abord, il faut se rappeler pourquoi on est ici aujourd'hui, pourquoi j'étais avec vous le 27 novembre. C'est que, l'été passé, on s'est aperçu, suite à des événements qui sont arrivés, qu'il y avait des trous entre nos législations, et c'est à partir de là que la population, certains médias vous ont interpellés en disant: Écoutez, le législateur a la responsabilité de faire quelque chose, de faire en sorte que ces trous-là, on en vienne à les colmater et à mieux protéger nos enfants. Donc, il faut se rappeler de ça, c'est pour ça qu'on est d'accord avec une législation.

Et, si vous reprenez notre texte, notre texte souligne que c'est une législation qui inciterait un contrat social, un pacte social, plutôt qu'elle soit coercitive. Donc, si vous vous souvenez, le contrat social que vous avez en annexe, qui a été fait dans la région des Laurentides, nous convient très bien, mais on pense que juste la volonté de mettre un contrat social sans avoir certaines balises dans les normes du travail, c'est insuffisant.

M. Béchard: O.K. J'aimerais juste savoir, une petite question rapide: Qu'est-ce que les jeunes vous ont dit? Est-ce que vous avez consulté des jeunes là-dessus, sur cette problématique-là? Qu'est-ce qu'ils vous ont dit, si vous en avez consulté?

M. Picard (Camil): Bien, le délai que vous nous avez donné ne nous a pas permis de faire de grandes recherches.

M. Béchard: O.K.

Le Président (M. Beaulne): Ça va, M. le député?

M. Béchard: Oui.

(15 h 50)

Le Président (M. Beaulne): Je vous remercie. Alors, messieurs, la commission vous remercie de votre présence, et j'inviterais le prochain groupe, c'est-à-dire les représentants de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, à s'avancer.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Beaulne): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission poursuit ses travaux. Alors, messieurs, la commission vous souhaite la bienvenue. Je vous demanderais de résumer vos propos dans un maximum de 20 minutes, de façon à faciliter les échanges de part et d'autre. Et avant d'amorcer votre présentation, M. Filion, vous connaissez ça, je vous demanderais de vous identifier et d'identifier la personne qui vous accompagne pour les fins de la transcription.


Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ)

M. Filion (Claude): Bonjour, M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, peut-être. Sûrement MM. les députés, mais mesdames... Alors, je voudrais vous présenter, à ma gauche, de la direction de la recherche de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, Me Michel Coutu, qui a travaillé dans ce dossier.

Alors, comme vous m'invitez à le faire, M. le Président, je voudrais vous présenter rapidement – je pense qu'on vous l'a distribué – quelques notes pour notre présentation de notre mémoire de cet après-midi. Comme vous le savez, en vertu de l'article 57 de la Charte des droits et libertés de la personne et conformément au mandat qui nous a été donné par l'Assemblée nationale, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a pour mission de veiller au respect des principes qui sont énoncés dans la Charte ainsi qu'à la protection de l'intérêt de l'enfant et au respect des droits qui lui sont reconnus en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse. De même l'article 71 de la Charte nous confère la responsabilité d'analyser les lois du Québec pour nous assurer de leur conformité aux principes inscrits dans cette même Charte.

D'abord, il est bon de rappeler que nous nous sommes prononcés antérieurement, notamment dans une étude du 25 septembre 1995 qui portait sur l'interdiction du travail de nuit chez les jeunes de 14 ans et moins. Donc, c'est un sujet que l'on connaît bien. Dans cette étude, la Commission insistait en particulier sur l'importance pour les législateurs que vous êtes d'établir une étroite correspondance entre l'âge obligatoire de la fréquentation scolaire et les limites d'âge relatives au travail des enfants, en l'occurrence, quant au travail de nuit.

La Commission, à cette époque, attirait également l'attention du gouvernement sur l'importance de rendre la législation québécoise pleinement conforme aux normes internationales pertinentes contenues dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ainsi que dans la Convention relative aux droits de l'enfant. Ces positions furent réitérées par la Commission à l'occasion du projet de loi n° 172 modifiant la Loi sur les normes du travail.

En conformité avec ces orientations, la Commission, ayant procédé à l'examen du Document de réflexion sur le travail des enfants au Québec , document du ministère du Travail de janvier 1998, entend émettre les commentaires suivants.

D'abord, en premier lieu, la Commission souligne la très grande qualité du document de réflexion sur le travail des enfants. Ce document, reposant sur une recherche approfondie, trace de manière claire et détaillée un bilan de la question, lequel, d'une part, tient compte du cadre normatif international, nord-américain, canadien et québécois et, d'autre part, prend en considération les principes, valeurs et intérêts en cause. À l'évidence, il s'agit là d'une étude fondamentale à laquelle devra obligatoirement se référer à l'avenir toute prise de position sur le travail des enfants en contexte québécois. La diffusion de ce document représente une étape cruciale du point de vue de l'élargissement de la réflexion relative à cette question, ne se limitant plus, en particulier, au seul aspect du travail de nuit.

Parlant de l'interdiction du travail de nuit pendant les semaines de fréquentation scolaire, donc en ce qui concerne les recommandations que met de l'avant le document, la Commission relève avec grande satisfaction qu'au regard du travail de nuit des enfants, le ministère du Travail propose une mise en concordance de la Loi sur les normes du travail telle que modifiée par le projet de loi n° 172 avec la Loi sur l'instruction publique. Il en résulterait que l'interdiction du travail de nuit entre 23 heures et 6 heures viserait non seulement les enfants de moins de 16 ans, mais tout enfant tenu à la fréquentation scolaire, de manière à ce que tous les élèves concernés sans exception soient visés par cette interdiction.

La Commission appuie donc pleinement cette recommandation, laquelle rejoint nos prises de position antérieures. La Commission cependant s'interroge sur l'opportunité de retenir une heure trop tardive, à savoir 23 heures, en ce qui a trait à certains types d'emplois. Ainsi, quant aux établissements industriels et commerciaux, le gouvernement devrait, quant à nous, s'inspirer de la politique concernant le travail des jeunes, telle qu'élaborée conjointement par la CEQ et le Conseil du patronat du Québec. Et cette politique, je vous le rappelle, engage l'employeur à ne pas faire travailler des jeunes entre 21 h 30 et 6 heures, changement qui a l'air banal en apparence – on pourra en discuter tantôt, simplement 1 h 30 de différence – mais, pour la Commission, quand même, notre suggestion mérite d'alimenter votre réflexion.

Deuxième item. En ce qui concerne la limitation de la durée hebdomadaire du travail des enfants, encore là, nous nous réjouissons de ce que le ministère du Travail recommande l'adoption d'une limite hebdomadaire relative à la durée du travail pendant les semaines de fréquentation scolaire obligatoire. Cette limite est fixée à 15 heures par semaine.

Maintenant, suivant l'étude de Mme Nicole Champagne sur les incidences du travail à temps partiel sur le rendement scolaire, les résultats scolaires des élèves travaillant plus de 10 heures par semaine ne sont que très légèrement inférieurs à ceux des élèves qui ne travaillent pas ou qui s'adonnent à une activité hebdomadaire rémunérée de 10 heures ou moins.

D'après une autre étude réalisée par le ministère de l'Éducation, plus de 52 % des élèves travaillant de 11 à 15 heures par semaine sont toutefois susceptibles de manquer de concentration durant les cours et de ne pas faire leurs travaux scolaires. De tels comportements nuisibles aux études s'observent moins fréquemment chez les catégories d'élèves qui travaillent 10 heures par semaine au maximum.

Sans émettre d'opinion précise à cet égard, la Commission observe toutefois qu'un travail d'une durée de 15 heures pendant les semaines de fréquentation scolaire peut entraîner des effets négatifs du point de vue de l'apprentissage et du rendement et qu'en conséquence, si une telle limite de la durée du travail devait être introduite par voie législative ou réglementaire, elle devrait faire l'objet d'études approfondies de manière à être, au besoin, révisée et abaissée.

Également, en ce qui concerne l'âge minimum d'accès à l'emploi, nous exprimons notre désaccord, cette fois-ci, quant à la recommandation du ministère du Travail visant à ne pas établir d'âge général d'admission à l'emploi. La Commission rappelle que le droit international des droits de la personne représente l'une des sources majeures de ce document fondamental pour la société québécoise qu'est la Charte québécoise des droits et libertés de la personne.

En outre, tel que l'ont souligné à de très nombreuses reprises le Tribunal des droits de la personne et les cours du Québec, les normes du droit international constituent une source interprétative importante en matière de droits et libertés de la personne. La Commission estime, en conséquence, que le législateur doit faire un effort constant d'harmonisation du droit québécois avec les conventions et pactes internationaux, à plus forte raison lorsqu'il s'agit de textes internationaux auxquels le Canada est partie et auxquels le Québec a, de manière explicite, donné son accord.

Tel est le cas, comme le souligne, au demeurant, le Document de réflexion sur le travail des enfants , document du ministère du Travail, du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et également de la Convention relative aux droits de l'enfant.

Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels énonce, à son article 10, troisième alinéa, que les États doivent aussi fixer des limites d'âge au-dessous desquelles l'emploi salarié de la main-d'oeuvre enfantine sera interdit et sanctionné par la loi. Pour sa part, la Convention relative aux droits de l'enfant, article 32, paragraphe 2a, mentionne que les États parties fixent un âge minimum ou des âges minimums d'admission à l'emploi.

(16 heures)

En se référant en outre aux dispositions pertinentes des autres instruments internationaux, la Convention relative aux droits de l'enfant autorise une interprétation de cette disposition en concordance avec la Convention no 138 sur l'âge minimum de l'Organisation internationale du travail, celle-ci, bien sûr, non ratifiée par le Canada, mais qui oblige les États parties à spécifier un âge minimum d'admission à l'emploi ou au travail. Et, encore une fois, la Convention no 138, même si elle n'est pas ratifiée par le Canada, reste quand même un guide d'interprétation très utile pour vous, quand on considère les obligations qui découlent de la Convention relative aux droits de l'enfant ainsi que du pacte international relativement aux droits socioéconomiques et culturels.

Donc, en se refusant à établir un ou des âges minimums d'accès à l'emploi, le droit québécois ne respecte pas les engagements qui ont été pris en vertu de la Convention relative aux droits de l'enfant et, en 1976, au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Maintenant, au soutien de sa recommandation à l'effet de ne pas modifier sur ce point le droit québécois, le document de réflexion du ministère du Travail avance plusieurs arguments qui portent notamment sur les aspects suivants, nous allons les étudier tour à tour: l'affirmation de l'autonomie des enfants, le respect de l'autorité parentale, l'ineffectivité des normes protectrices, donc ces trois arguments-là.

De l'avis de la Commission, même si ces diverses questions demeurent fonction de préoccupations importantes et soulèvent des problèmes assurément complexes, elles ne devraient pas, en définitive, amener le législateur ou le gouvernement à conclure qu'une harmonisation de la législation québécoise avec les normes du droit international se révèle inopportune.

D'abord, en ce qui concerne l'affirmation de l'autonomie des enfants, le document de réflexion s'appuie à juste titre sur le principe qu'une conception contemporaine des droits fondamentaux des enfants ne peut se fonder sur la seule notion de protection, qu'au contraire une approche adéquate doit concilier le droit des enfants à des mesures de protection et d'assistance avec leur droit fondamental à l'autonomie.

Partant de ce principe, le ministère du Travail souligne que l'intérêt que pourraient avoir certains enfants à une meilleure protection dans certaines circonstances exceptionnelles ne devrait pas porter atteinte à la liberté du plus grand nombre dans la vie de tous les jours. Sur cette base, le document croit nécessaire de ne pas favoriser l'adoption d'une norme universelle concernant l'âge minimum d'admission à l'emploi, estimant qu'une approche sélective est davantage compatible avec les valeurs de la société québécoise.

Dans le cadre de la société contemporaine caractérisée par le pluralisme des valeurs, il apparaît vain de vouloir donner un sens univoque à l'expression «valeurs de la société québécoise», d'autant que, jusqu'à récemment, le droit québécois autorisait sans restriction aucune le travail de nuit des enfants, une situation tout à fait inacceptable, de l'avis de la Commission. À tout événement, il importe de ne pas opposer les valeurs de la société québécoise aux normes du droit international des droits de la personne. Celles-ci, cela est manifeste en regard en particulier de la Convention relative aux droits de l'enfant, reposent sur la reconnaissance simultanée du droit de l'enfant au respect de son autonomie et de la nécessité du maintien de certaines mesures de protection.

En ce qui concerne spécifiquement le travail des enfants, l'article 32 de la Convention, tel que mentionné, doit donc s'interpréter en concordance avec la Convention no 138 sur l'âge minimum de l'OIT. Or, suivant la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations de l'OIT, «il y a lieu de bien préciser que la législation nationale ne devrait pas interdire aux enfants toute espèce d'activité...» Ce que les instruments de l'OIT interdisent, c'est d'imposer aux enfants un travail exigeant des ressources physiques et intellectuelles supérieures à celles qu'ils possèdent normalement.

La Convention no 138 sur l'âge minimum doit être envisagée, dans cette perspective, comme se fondant sur une étroite imbrication des droits protection avec les droits autonomie. L'articulation entre les deux types de droits se reflète dans la distinction que trace la Convention no 138 entre les travaux légers et le travail visé par l'âge minimum d'accès à l'emploi. En autorisant les travaux légers effectués par les enfants n'ayant pas encore atteint l'âge minimum d'accès à l'emploi, la Convention no 138 reconnaît un espace d'autonomie à l'enfant dans le choix d'une activité adaptée au niveau du développement de ses capacités.

Au sujet de cette notion de travaux légers, le document de réflexion du ministère remarque avec beaucoup de pertinence que la notion de travaux légers ne fait pas l'objet d'une définition précise dans la Convention no 138. Cette absence de définition a été voulue par la Conférence internationale du travail. Tel que le souligne la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, la Convention ne donne pas de définition explicite de «travaux légers», à l'exception du paragraphe 1 de l'article 7, qui dispose que ces travaux ne doivent pas être susceptibles de porter préjudice à la santé ou au développement des adolescents ni à leur assiduité scolaire, une définition par la négative, si l'on veut. Il en résulte qu'il revient aux État parties de déterminer, s'il y a lieu, quels types d'activité, en accord avec la Convention no 138, peuvent être considérés comme étant des travaux légers.

Le Président (M. Beaulne): Est-ce que je pourrais vous demander si vous voulez abréger et, peut-être, de passer à la conclusion? Parce que les députés ont eu votre mémoire et ont pu en prendre connaissance.

M. Filion (Claude): D'accord, je termine rapidement, M. le Président. En ce qui concerne le respect de l'autorité parentale, rapidement, qui est un autre argument, ce qu'il faut dire, essentiellement: ce n'est pas un absolu. Le respect de l'autorité parentale ne doit pas être vu comme un absolu. C'est un facteur mais sûrement pas un absolu.

Il en va de même pour l'ineffectivité des normes protectrices, qui est l'autre argument invoqué, qui est extrêmement important, celui-là, dont on pourra discuter tantôt. C'est évident qu'une loi doit être effective, si on doit l'adopter. Mais on pourra échanger là-dessus.

Alors, en définitive, ce que la Commission fait, en terminant, et, à l'invitation du président, on appuie pleinement la recommandation qui vise à interdire le travail de nuit pour tous les enfants qui sont tenus à la fréquentation scolaire. À l'intérieur de cette recommandation, on suggère de passer de 23 heures à 21 heures 30.

En ce qui concerne la limite hebdomadaire, relative à la durée de travail, qui est fixée à 15 heures dans le document de travail, encore une fois, entre 10 et 15, il pourrait y avoir une zone problématique. On suggère que, si le législateur décide d'adopter 15, au moins, le législateur fasse des études approfondies pour réviser à la baisse, le cas échéant, de 15 à 10, parce que les études déjà en place démontrent qu'en bas de 10 ça ne pose pas de problème; entre 10 et 15, c'est moins sûr. En haut de 15, je pense bien que les études sont passablement claires.

Et puis, troisièmement, le ministère du Travail, le gouvernement du Québec et le législateur doivent prendre leurs responsabilités en ce qui concerne les obligations qui découlent des pactes internationaux et de la Convention relative aux droits de l'enfant et ils doivent fixer dans la loi un plancher minimal d'admission à l'emploi. Est-ce que la notion de travaux légers peut faire en sorte de créer une deuxième sorte de plancher ou pas? C'est là une variante possible, une faculté qui est laissée au soin du législateur. Alors, voilà, M. le Président, en raccourci, la fin du mémoire de la Commission.

Le Président (M. Beaulne): Je vous remercie, M. Filion. Je demanderai au ministre d'amorcer les échanges.

M. Rioux: Alors, bienvenue à la commission. On est content de vous accueillir. M. Filion, vous vous éloignez du document du ministère en ce qui a trait à l'âge d'entrée sur le marché du travail. En tout cas, vous estimez que la fixation d'un âge pour l'entrée sur le marché du travail a des effets salutaires, j'imagine, étant donné que vous le recommandez. Mais j'aimerais que vous m'expliquiez en quoi ça peut être salutaire. Puis surtout que les travaux légers, ça serait exclu. Les travaux légers, le gardiennage, la distribution de journaux, etc., ça serait exclu, dans votre esprit. O.K.? En quoi la fixation d'un âge d'entrée vient protéger davantage les gens?

M. Filion (Claude): D'abord, en ce qui concerne les travaux légers, on ne dit pas que ça doit être exclu, non. On dit que ça doit probablement faire l'objet d'une considération particulière. Peut-être, il faut le définir, aussi. On inclut des tentatives de définition. On regarde également ce qui se passe en matière de droit international. Donc, la notion de travaux légers doit être considérée. Est-ce qu'elle doit ou pas donner lieu à la fixation d'un âge minimum qui lui est particulier? Ce n'est pas impossible. Je ne l'exclus pas, a priori.

(16 h 10)

Mais l'âge minimum, je vais vous dire, notre réflexion, M. le ministre, part de plusieurs sources. D'abord, il faut, de façon générale, concevoir que l'adolescence et l'enfance sont des périodes, évidemment, qui sont propices à l'épanouissement de la personne et au développement de la personne. Cet épanouissement, ce développement de la personne doit se faire, quant à nous, dans une relative sérénité. Il ne faut pas sous-estimer les pressions qui découlent du fait de travailler. Vous le savez, je veux dire, on travaille tous autant que nous sommes actuellement, alors il y a un certain nombre de pressions qui découlent du fait de travailler; comme il y a un certain nombre aussi d'effets bénéfiques à travailler, une éthique du travail, les valeurs du travail, etc. Le travail anoblit l'homme, c'est manifeste. Mais, en même temps, je crois que la période de l'enfance et de l'adolescence – en bas de 16 ans, on parle ici – est propice à la formation, d'abord et avant tout, primo.

Secundo, il ne faut pas faire abstraction du contexte économique québécois, en particulier, où on a un taux de chômage qui est inacceptable, avec des conséquences au niveau de la pauvreté de notre société qui sont tout à fait énormes. Or, ce chômage, cette pauvreté à l'intérieur des familles, à l'intérieur des milieux de vie constituent une forme de pression. On ne peut pas l'écarter, on ne peut pas se dire que ce n'est pas vrai qu'il n'y a pas de pression économique au Québec, alors que les poches de pauvreté grandissent, alors que le chômage est de plus en plus énorme.

Alors, comment se traduit cette pression économique dans les milieux de vie où l'on trouve des enfants en bas de 16 ans? Ça pourrait – ça pourrait, je dis bien – être une pression additionnelle, évidemment, sur les enfants. Encore une fois, vous me demandez un contexte, je vous explique le contexte de façon générale et le contexte aussi qui a présidé à l'élaboration des normes internationales. Les enfants sont vulnérables, hein. Un enfant de 12, 13, 14, 15 ans, on a eu le même âge, quand on nous demandait de faire quelque chose, on ne rechignait pas, on le faisait, puis si on avait de l'argent... On est content d'avoir une première paie, aussi, à cet âge-là. Mais est-ce que, véritablement, dans le contexte où ces jeunes-là devraient être à l'école, en train de se former, on doit ouvrir une porte, comme législateurs, à ce travail-là contre rémunération? Je pense, poser la question, c'est peut-être y répondre en partie.

Alors, grosso modo, vous me demandez les fondements, un petit peu, des normes internationales. Je vous les expose de façon très brève. Mais, à mon point de vue, ce sont des fondements. Mais il ne faut pas voir le travail comme un ennemi, c'est évident. Je l'ai dit et je le répète, le travail ennoblit l'homme. Mais est-ce que, à 13, 14, 15 ans, on ne doit pas plutôt chercher à se former?

M. Rioux: M. Filion, il y a l'autorité parentale aussi qu'on doit certainement analyser comme un facteur important. Quand on évalue le bien d'un jeune, souvent les parents sont les mieux placés, mieux placés que n'importe qui d'autres, quels que soient les administrateurs de lois ou les gestionnaires de règlements. Vous insistez beaucoup pour qu'on établisse par législation l'âge d'entrée. Donc, vous êtes influencés non seulement par les conventions internationales, mais aussi par le Code civil, qui établit qu'un jeune de 14 ans, au fond, c'est un adulte, en regard de la loi.

M. Filion (Claude): On ne peut pas faire abstraction du fait qu'on a une législation importante, au Québec, qui fixe un âge de fréquentation scolaire obligatoire. Ça aussi, c'est une pièce de législation fondamentale. Et est-ce qu'il ne découle pas de ce choix de société qui a été fait à l'époque – je ne sais pas à quel moment exactement – un besoin de cohérence en matière de travail? Parce qu'on ne peut pas tout faire, quand même, là. Même si on est énergique, puis on a 14 ans, on ne peut pas tout faire. D'abord, il faut se déplacer pour aller à notre endroit d'études, il faut revenir faire nos travaux scolaires. Et, si, à ce moment-là, on ouvre la porte au marché du travail avec un nombre d'heures qui dépasserait ce qui est envisagé, il me semble que, à ce moment-là, il va commencer à manquer d'heures, peut-être, dans la semaine du jeune.

Parce qu'il a aussi droit, à mon point de vue bien personnel, à un peu de sérénité, ce que j'appelais la sérénité, tantôt. C'est-à-dire que les philosophes et les poètes l'ont peut-être dit mieux que moi, mais être jeune... Mon Dieu! la vie ne donne pas beaucoup de chance d'être insouciant. Et puis, est-ce qu'il n'y a pas lieu, parfois, justement, d'encourager les jeunes à développer des goûts, à développer des intérêts, à développer des penchants, à développer des sources de formation qui ne sont pas nécessairement parties ni de son cadre scolaire ni également de son travail? Alors, l'ensemble de tout ça... Je saisis fort bien le document, et, encore une fois, ce qui est exposé dans le document constitue une pièce importante, cependant, à la Commission, nous différons d'opinions là-dessus.

M. Rioux: Quand vous voulez fixer un âge d'entrée sur le marché du travail...

M. Filion (Claude): Oui.

M. Rioux: Ça, vous ne l'avez pas dit fort, mais j'aimerais vous entendre. Je ne veux pas le discours d'un père de famille, je veux le discours de celui qui représente la Commission.

M. Filion (Claude): Oui.

M. Rioux: C'est la réussite scolaire qui vous préoccupe, quand vous voulez mettre un âge?

M. Filion (Claude): Je l'ai dit tantôt, la formation. C'est la formation. Et la formation scolaire en fait partie et beaucoup d'autres facteurs également.

M. Rioux: Mais est-ce que c'est le facteur déterminant, pour vous?

M. Filion (Claude): Écoutez, il y en a plusieurs, je les ai mentionnés.

M. Rioux: Il doit bien en avoir un plus fort que les autres?

M. Filion (Claude): Vous voudrez en avoir un plus fort que les autres, nécessairement? Je ne sais pas si...

Une voix: Il y a l'aspect...

M. Filion (Claude): Je vais demander à Me Coutu, qui a travaillé à fond dans ces dossiers-là, autant sur le plan international que sur le plan national, peut-être de tenter de mettre l'accent sur un plutôt qu'un autre.

M. Coutu (Michel): Je serais tenté de donner une réponse qui est juridique, finalement à cette question-là. Je pense que vous avez bien développé les aspects plus au niveau des valeurs qui sous-tendent la position de la Commission. Mais, pour la Commission, l'aspect droit international des droits de la personne, ça a toujours été un aspect extrêmement important. Dans toutes les interventions que fait la Commission, elle affirme constamment et invite constamment, le cas échéant, l'État à se conformer autant que faire se peut aux obligations qui découlent des conventions, des pactes internationaux.

Dans l'ensemble, vous me direz que le Québec a une très, très bonne feuille de route, à ce niveau-là, et personne n'en doute et la Commission n'en doute pas non plus. Mais il reste quand même qu'il y a des domaines où, à notre avis, il n'y a pas une pleine concordance avec ce qui existe dans la législation, dans la réglementation québécoise et les normes du droit international.

M. Rioux: Alors, c'est se mettre à la hauteur de la législation, tant au plan canadien qu'international? Donc, ça serait ça le facteur dominant?

M. Coutu (Michel): Non, ce n'est pas ce que nous disons. Mais c'est certainement un facteur concordant qui nous pousse à mettre de l'avant cette position. Pour nous, il apparaît assez difficile de dire, surtout comme c'est mentionné dans le cadre du document du ministère du Travail, dont nous avons souligné par ailleurs la très grande qualité, et, pour nous, vraiment, ce document-là, c'est un pas en avant considérable au niveau de cette réflexion-là... Mais, rien n'empêche, peut-on mettre de l'avant ou invoquer les valeurs de la société québécoise pour dire finalement que le droit international des droits de la personne ne devrait pas s'appliquer le plus intégralement possible au Québec? Nous, sur le plan des principes, on l'a dit, on est d'accord avec ce qui se trouve dans le droit international. Alors, ce n'est pas juste un point de vue juridique formel, dire: Il y a des normes, il faudrait les appliquer, non, ça va plus loin que ça. On est convaincu que ces normes-là, leur adoption, au Québec, constituerait un pas en avant.

M. Rioux: Alors, moi, je voudrais juste vous rappeler qu'il y a 49 États, à peu près, sur quelque 200 États-membres qui ont signé. Donc, c'est valable, c'est important, c'est sûr. Mais, moi, je voudrais revenir au discours que le président faisait tout à l'heure, hors texte, quand il disait: Dans la société québécoise il y a des poches de pauvreté incroyables et il faut venir à la rescousse des jeunes, quand on est face à une situation de chômage et de détérioration du climat socioéconomique. Est-ce que c'est ça, au fond, le vrai motif qui vous amène à dire: On va mettre un âge d'entrée sur le marché du travail, on va essayer de protéger les jeunes contre les exploiteurs?

M. Filion (Claude): Non. Écoutez, je pense que d'abord notre mémoire est explicite là-dessus, on établit à la base la position de la Commission. Le Québec a signé le Pacte international, a consenti au Pacte international et à la Convention relative aux droits de l'enfant; c'est un fait. Alors, donc, à partir de ce moment-là, on a examiné les arguments qui sont contenus dans le document du ministère du Travail, lequel par ailleurs, sur plusieurs points, on considère, constitue des pas en avant. Et ces arguments-là, les examinant un par un, un de ces arguments-là, d'ailleurs, où on a mentionné la question de la pauvreté, nous amène à suggérer au législateur de prendre ses responsabilités et de fixer un âge minimal.

(16 h 20)

Maintenant, dans tout ça, M. le ministre, honnêtement, il faut voir le mémoire de la Commission comme un tout. Et un argument peut, dans un certain angle, un certain éclairage, avoir plus d'importance, un autre plus. Mais il faut voir ça dans un tout, pour être honnête vis-à-vis l'opinion des commissaires qui est exprimée là-dedans.

M. Rioux: Alors, la Commission est très à l'aise de recommander au gouvernement du Québec de légiférer, de demander au législateur de passer une loi pour établir l'âge d'entrée sur le marché du travail? Et ça ne vous préoccupe pas d'être accusés de vous substituer à l'autorité parentale?

M. Filion (Claude): Non. Écoutez, c'est bien évident que, quand le Québec a signé le Pacte international, quand le Québec a signé la Convention relative aux droits de l'enfant, le Québec assumait, comme gouvernement, à l'époque, une responsabilité qui incluait celle de mettre en oeuvre ce consentement international. Alors, l'autorité parentale, vous savez, encore une fois, ce n'est pas un absolu. Puis il y a des suggestions que j'ai entendues tantôt, puis on ouvre une porte dans notre mémoire en ce qui concerne certains types de travaux. Et vous pouvez considérer également que, pour certains types de travaux, certaines considérations peuvent être données. Puis, à ce moment-là, j'ai même entendu mes prédécesseurs mentionner que, dans certains cas, il pourrait y avoir un contrat type. Ça ne m'apparaît pas être de mauvaises suggestions, non plus, je trouve ça intéressant. Alors, il faut voir encore une fois de façon globale. Mais, en quelques mots, prenons nos responsabilités aussi.

Il est vrai, M. le ministre, personnellement – je vais vous dire une chose, puisque vous m'invitez à le faire – que je suis très préoccupé par la situation économique et la pression exercée par cette situation-là dans les milieux familiaux. Ce que l'on vit, nous, à la Commission, nous invite à être hautement préoccupés par cet aspect-là, qui est peut-être conjoncturel. En deux mots, peut-être que dans 10 ans on sera assis ensemble ici puis ont verra cette réalité autrement. Maintenant, il demeure que je pense qu'on ne peut pas non plus écarter un contexte qui crée des contraintes qui n'existaient peut-être pas il y a 10 ans ou qui n'existeront pas dans 10 ans. C'est pour ça que les législations, c'est quand même relativement formidable comme outil parce que ça peut peut-être être révisé aussi pour tenir compte des circonstances, mais... Voilà.

M. Rioux: Merci.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le ministre. M. le porte-parole de l'opposition et député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci, M. le Président. M. Filion, M. Coutu, bonjour. J'ai suivi avec intérêt votre débat sur l'âge. Est-ce que cet âge-là est le même que celui du consensus du CCTM, c'est-à-dire 13 ans? Pour la limite de l'âge d'entrée, est-ce que c'est le même que le CCTM ou...

M. Filion (Claude): Nous, ces questions-là, on n'a pas, M. le député, l'expertise, les études, tout ce qu'on doit avoir derrière la cravate pour répondre de façon précise à cette question-là: Ça devrait être 12,5, ou 13, ou 13,5, ou 14. Je pense que le législateur est bien placé, avec le soutien et les études qu'il reçoit, pour fixer de façon mais absolument déterminée... Nous, ce qu'on fait, on invite maintenant... Ceci étant dit, j'inviterais quand même Me Coutu à préciser la position de la Commission là-dessus, avec votre permission, M. le député.

M. Coutu (Michel): Oui, si je peux intervenir, je dirais qu'on n'a pas... Je pense que c'est probablement important d'expliquer non pas la position, puisque, comme vient de le dire le président, on n'a pas de position très ferme sur cette question et, comme d'autres groupes l'ont souligné, on a eu peu de jours pour se faire une tête sur cette question, mais, quand même, de regarder les instruments internationaux et d'aller quand même au-delà des instruments internationaux, en allant voir par exemple, par rapport à la Convention no 138 de l'OIT...

Parce qu'il ne suffit pas, en droit international, bien sûr, vous le savez, de s'en tenir à la simple lecture des dispositions, il faut aller plus loin que ça. Souvent, c'est des concepts ou des notions floues. Et «travaux légers», c'est certainement une notion très floue qui est utilisée. Donc, on est allé voir l'étude d'ensemble de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, qui est un organe qui, au niveau de l'OIT, a compétence juridictionnelle pour interpréter les conventions et recommandations.

Alors, il y a divers scénarios qui seraient possibles. J'en mentionnerai un qui va tout à fait dans la ligne de s'inspirer. Le Québec, le Canada ne sont pas liés par la Convention no 138, bien sûr, mais notre recommandation ou suggestion – appelons-la comme ça – va dans le sens de s'inspirer de la Convention no 138.

Il y aurait fixation – c'est une possibilité – d'un âge maximum d'accès à l'emploi. Mais il faut voir de quel type d'emploi on parle. Là, on parle d'emplois qui sont normalement des emplois adultes, où il n'y a pas de distinction qui est faite par rapport au traitement que reçoit un enfant dans ce genre d'emploi. Par contre, il pourrait y avoir un âge fixé beaucoup plus bas, et cet âge maximum devrait être normalement l'âge de la fréquentation scolaire obligatoire. L'âge plus bas d'admission à l'emploi concernerait les travaux légers.

«Travaux légers», ce n'est pas défini dans la Convention no 138. J'ai regardé dans l'étude d'experts, on nous explique que ce n'est pas défini parce que la Conférence internationale du travail ne voulait pas une définition précise. Et cette notion-là est beaucoup plus large, est quand même suffisamment large, plus qu'on pourrait le penser à première vue, puisque les exemples que donne la Commission d'experts, c'est horticulture, viticulture, commis de bureau, commis de magasin, etc.

Moi, je pense que, si on tient compte du Pacte international et de la Convention relative aux droits de l'enfant, il existe une large marge d'appréciation au législateur pour moduler les types de travaux qui sont accessibles aux enfants. Je dirais que la philosophie de base – pour ne pas m'étendre plus trop longuement là-dessus – de la façon dont je la comprends, c'est que, si on prend les âges entre 13 ans, qui est l'âge minimum suggéré par la Convention no 138, pour les travaux légers et la fin de l'âge obligatoire de la fréquentation scolaire pour l'âge maximum, il y a tout à fait possibilité d'introduire, tenant compte de la définition négative, finalement, qu'on donnait tout à l'heure – c'est-à-dire: genre de travaux qui ne portent pas atteinte au développement de l'enfant, à son épanouissement, qui correspondent, qui sont adaptés à ses possibilités et à ses conditions – que ce soit l'âge de 13 ans ou un autre, peu importe, et de moduler, suivant l'appréciation du législateur, de façon à permettre quand même un grand nombre de travaux, mais, je dirais, qui ne sont pas exactement le type de travail qu'on demanderait à un adulte. Et je ferais appel à la notion qui est bien connue en matière de droits et libertés de la personne, celle d'accommodement raisonnable ou d'adaptation, c'est-à-dire que l'employeur tienne compte finalement du fait qu'il s'agit de travaux réalisés par les enfants. Et, pour terminer là-dessus, ça rejoint, je dirais, la définition ou les balises que donne l'article 7 a de la politique convenue entre la CEQ et le Conseil du patronat, quant au type de travail qui doit être confié à des enfants.

M. Béchard: Vous parlez beaucoup des conventions, et tout ça, au niveau international. Quand on voyait, ce matin, dans les journaux, qu'il n'y a pas moins de 41 000 accidents impliquant des jeunes de 19 ans et moins qui sont arrivés... Et il y a quand même des dispositions, des articles, dans le droit actuel, le droit québécois, qui visent à protéger les enfants. À votre connaissance, le droit à la protection, à la sécurité des enfants, dont les enfants jouissent en vertu du Code civil et de la Charte des droits, l'article 39, qui dit que «tout enfant a droit à la protection, à la sécurité et à l'attention que ses parents ou les personnes qui en tiennent lieu peuvent lui donner», est-ce que cet article-là a déjà été la source de recours devant les tribunaux? À votre connaissance, est-ce qu'on l'a déjà utilisé?

M. Coutu (Michel): À ma connaissance, certainement pas dans ce contexte-là.

M. Béchard: Non?

M. Coutu (Michel): Ça a pu être utilisé, mais certainement pas dans un contexte tel que celui que vous décrivez.

M. Béchard: Donc, il y a un... Oui?

M. Filion (Claude): Je voudrais juste ajouter qu'il y a également, comme disposition législative – probablement qu'on vous a rafraîchi la mémoire, peut-être mes prédécesseurs ou d'autres – la Loi sur la protection de la jeunesse, qui contient une disposition que vous connaissez, alors, je n'insisterai pas là-dessus. Alors, l'article 38, ça parle, bien sûr, d'inciter à un travail disproportionné. Alors, ça va un peu loin, ça parle de «disproportionné». Je veux juste le rappeler à votre mémoire.

(16 h 30)

M. Béchard: Ça ne vous inquiète pas de voir qu'on pourrait mettre en place une législation qui, finalement, ne servirait pas ou ne serait pas utilisée?

M. Filion (Claude): Je pense que ça rejoint un peu la question de l'effectivité de la législation, dont vous parliez d'ailleurs vous-même, quand on est entré dans la salle, et dont nous-mêmes on traite dans les notes qu'on vous a remises. Encore une fois, j'ai eu l'occasion à plusieurs reprises de le mentionner dans différents mémoires à l'Assemblée nationale sur différents sujets, les lois doivent être effectives pour avoir, bien sûr, un sens.

Mais, quant à nous, et c'est ce qui m'a amené tantôt à parler... pour qu'une loi soit effective, il faut quand même dire qu'il faut qu'il existe, dans ce cas-ci, un lien très étroit entre ce qu'on appelait les déficits d'effectivité des normes en matière de travail des enfants et la pauvreté des familles. C'est le lien qu'on faisait, tantôt. Et, à cet égard, on rappelait que, dans le Pacte international, on incitait les autorités compétentes à poursuivre une politique nationale de plein emploi et également à adopter d'autres mesures économiques et sociales pour réduire la pauvreté.

En deux mots, il faut que la loi marche. Mais c'est le contexte, là. Ça va se vivre dans des milieux de vie, la loi. Et c'est dans ce sens-là que je suis également préoccupé par ce que j'appelais tantôt le contexte économique québécois. La loi va être effective dans la mesure où, dans chacun des milieux de vie, elle est acceptée et acceptable. Et il y a l'employeur également qui joue un rôle important là-dedans, et je sais que le ministère est hautement conscient de ça, le document le révèle bien.

Maintenant, il y a quand même, dans la législation, en adoptant un plancher minimal, un message important, et à ce moment-là le contrôle de l'effectivité pourrait, à mon sens – je ne sais pas ce qui a été dit autrement – être fait, par exemple, par la Commission des normes du travail, dans certains cas. Je ne sais pas s'il y a d'autres alternatives, mais, moi, en tout cas, ça m'apparaît être peut-être une solution. Mais il ne faut pas imaginer qu'il va y avoir une armée nouvelle d'inspecteurs. Mais, avec une bonne politique d'éducation et d'information, avec une sensibilisation d'une institution établie comme la Commission des normes, moi, j'aurais tendance à croire que cette nouvelle disposition législative là pourrait effectivement avoir le degré d'efficacité réclamé par toute législation.

M. Béchard: Mais donc, si je vous comprends bien, la clé de l'applicabilité d'une loi, c'est que tout le monde y participe, les employeurs, les jeunes – c'est d'abord ça la clé – et les parents, quelque part. Il faut que tout le monde participe parce que, s'il y a un de ces intervenants-là qui n'embarque pas, même si on met ça sous la responsabilité d'une commission, ou quoi que ce soit, il y aura des passe-droits. Et on pourra toujours se dire qu'on a mis en place un bel outil, un bel instrument, mais que, dans les faits, si ces intervenants-là qui sont concernés ne veulent pas embarquer dedans, il y aura toujours des passe-droits, et on passera toujours à côté.

M. Coutu (Michel): Si vous voulez dire qu'il doit y avoir un consensus préalable de toutes les parties et les secteurs concernés avant qu'une loi puisse être modifiée, bien, je pense qu'il y a bien des lois qui n'auraient jamais été...

M. Béchard: Pas modifiée, mise en place.

M. Coutu (Michel): Mise en place, si vous voulez. Je pense qu'il y a bien des lois qui n'auraient jamais été modifiées. Mais, à partir du moment où une norme est posée, il y a quand même un effet d'entraînement qui est... En général, les gens, au Québec, sont respectueux des normes législatives et réglementaires. C'est vrai qu'il y a toujours des gens qui ne s'y conforment pas, et plus ou moins suivant le type de loi ou de règlement en cause; ça, c'est pratiquement inévitable, c'est un problème très classique, en sociologie du droit. Mais je dirais, néanmoins, que l'efficacité ne doit pas être, à notre avis, un argument pour tout simplement écarter sommairement la proposition, d'autant que, dans le document du ministère du Travail, lorsque est proposée la limite de 15 heures par semaine, on dit: Bien sûr, on est conscient qu'il peut y avoir bien du contournement de cette disposition-là, que des jeunes pourraient cumuler deux emplois, et on n'a pas de moyen de contrôle là-dessus. Ce qui n'empêche pas, semble-t-il, le ministère du Travail, et avec raison, à notre avis, de mettre de l'avant cette norme-là. Parce qu'il est clair qu'on ne peut pas parler d'effet symbolique, ça pourrait porter à confusion, mais il y a quand même un effet important dans la population, à partir du moment où une norme est posée et, je dirais, même si elle ne va pas chercher initialement un consensus complet. Mais il y a quand même des éléments de consensus qui apparaissent ici et là, si on s'en remet, par exemple, à la politique CEQ, CPQ. Il y a de la progression qui se fait, qui n'est pas toujours unidirectionnelle, univoque, mais ça ne devrait pas empêcher, à notre avis... en tout cas, ça ne devrait pas être l'argument déterminant pour dire: Ce ne serait pas une bonne chose.

M. Béchard: Moi, ça va. Je pense que mon collègue a une question.

Le Président (M. Beaulne): M. le député, il reste deux minutes. Question très brève et réponse très brève aussi, s'il vous plaît. Allez-y.

M. Kelley: Juste très rapidement. Vous avez mentionné la notion de l'autonomie des enfants. Qu'est-ce qu'on fait avec un enfant de 15 ans qui veut travailler 20 heures par semaine, qui s'engage à faire la réussite scolaire, quelqu'un qui, pour une raison fixe, pour un montant, peut-être pour une durée limitée, veut gagner assez d'argent pour payer des cours de conduite? Qu'est-ce qu'on dit, à ce moment, à un adolescent qui s'engage à avoir des bonnes notes à l'école, et tout ça, mais qui veut travailler 20 heures par semaine?

M. Filion (Claude): Écoutez, vous posez une bonne question, M. le député. C'est une bonne question. Ce cas-là peut survenir, c'est évident. Mais, en même temps, c'est ce que je disais, un peu, tantôt, à ce moment-là, il faudrait peut-être commencer à additionner le nombre d'heures qu'il y a dans une semaine. C'est un choix, vous savez. En deux mots, on ne pourrait pas proscrire comme étant complètement absurde ce que vous venez de dire, c'est évident. Mais, en même temps, c'est un choix de société. Puis, moi, je serais porté à dire à ce jeune-là: Écoute, tu vas travailler assez dans ta vie, profites-en donc un peu peut-être pour lire ou pour... Je ne le sais pas. Écoutez, vous me demandez...

Moi, je pense bien qu'à ce moment-là ce jeune-là, à 15 heures-semaine – ça représente, mettons, si on prend trois heures le samedi, trois heures le dimanche, ce que j'ai figuré... Mettons qu'il travaille trois heures le samedi, ça fait six jours-semaine, ça. Il travaille six jours-semaine, ça veut dire que – 15 heures – il reste 12 heures, divisées par cinq, ça fait deux heures et quelques. Deux heures et quelques plus sa fréquentation scolaire, plus ses travaux scolaires, plus, j'espère, quelques périodes de détente, alors il ne reste pas énormément de temps, en le faisant travailler six jours-semaine. Si vous le faites travailler seulement cinq jours-semaine, à ce moment-là – c'est 15 divisé par cinq, ça fait trois heures par jour – vous conviendrez avec moi que c'est déjà lourd. Mais là il y a l'autre variante où on le fait travailler un peu plus la fin de semaine puis un peu moins la semaine. Mettons qu'il travaillerait cinq heures, puis il est vendeur dans un magasin, ou vendeuse, peu importe. Il travaille un bon samedi. Il fait six heures, ou sept heures, ou huit, je ne le sais pas. Là, il reste huit heures pour la semaine, à raison d'une heure...

Il y a toutes sortes de variantes possibles. Mais, dans tous les cas, il demeure que, à mon sens, à 15 heures, ça représente, ma foi, un fardeau assez sérieux au niveau du temps, d'autant plus qu'un an plus tard, il aurait accès à un nouveau régime législatif, il ne faut pas l'oublier. Ce n'est pas un carcan qu'on lui impose, vous le mentionnez, pour le permis de conduire, indéfiniment. C'est un carcan qui est partiel et limité dans le temps. Mais je ne disconviendrai pas avec vous qu'il pourrait y avoir des cas de jeunes qui ont atteint la maturité, qui ont le contexte, etc., et qui pourraient peut-être le faire. Dans ce cas-là, bon, ça implique peut-être de ralentir un peu ce jeune dans son ardeur puis de l'inviter à autre chose. Je ne sais pas si Michel...

Le Président (M. Beaulne): M. Filion, M. Coutu, la commission vous remercie. C'est effectivement un débat de société sur lequel on pourrait épiloguer pendant longtemps. On vous remercie de votre collaboration et de votre contribution à nos réflexions.

(16 h 40)

J'inviterais le prochain groupe à s'approcher, les représentants de la Commission des normes du travail.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Beaulne): Alors, messieurs, la commission vous souhaite la bienvenue. Vous êtes les derniers à passer. Vous connaissez les règles de fonctionnement, vous avez entendu à peu près tous les autres groupes.

Alors, M. Boily, je vous demanderais de présenter les personnes qui vous accompagnent et de nous présenter vos commentaires de façon assez succincte.


Commission des normes du travail (CNT)

M. Boily (Jean-Marc): Merci, M. le Président. Je suis accompagné de M. Pierre Boileau, qui est vice-président de la Commission; de M. Guy Poirier, qui est secrétaire et directeur des services juridiques à la Commission; et de Mme Armstrong, qui est un agent de recherche chez nous et qui a travaillé particulièrement sur l'avis que nous avons soumis. Et j'ai aussi avec moi Mme Rosanne Dufour, qui a été la collaboratrice du ministère en regard du document que vous avez devant vous.

Je pense qu'il faut que vous sachiez dès le départ que nous avons été mis à contribution dans la réalisation du document qui est sur la table, de sorte que vous comprendrez que notre avis se situe dans ce décor qui était le nôtre, c'est-à-dire le document de travail et un document auquel la Commission a contribué, de sorte que ça contexte tous les commentaires que nous devons faire ici, sauf évidemment sur les aspects de l'applicabilité dont nous aurons probablement à parler peut-être plus longuement. Donc, je vous remercie de votre invitation, M. le Président, et de nous associer à ces discussions.

D'entrée de jeu, la Commission des normes se dit prête à prendre tous les moyens appropriés pour voir à l'application de la loi et des règlements sur les normes – c'est réitérer notre engagement, à toutes fins pratiques – et de toutes les modifications que le législateur voudra leur apporter pour différentes catégories de travailleurs et de travailleuses, que ce soit les enfants, que ce soit les employés à pourboire, que ce soit les aides familiales, que ce soit les employés licenciés ou que ce soit des employés en congé de maternité ou en congé parental. Et nous sommes prêts à rendre compte de ces moyens que nous prenons pour voir à l'application des lois, des lois qui nous concernent.

J'aimerais situer d'abord un peu la Commission très brièvement. La Commission a essentiellement pour mandat, comme vous le savez, de renseigner la population sur les normes du travail, de surveiller l'application des normes, de recevoir les plaintes des salariés et de les indemniser dans la mesure prévue par la loi et de tenter d'amener les salariés et les employeurs, en cas de différends relatifs à l'application de la loi et des règlements... et de transmettre, s'il y a lieu, ses recommandations au ministre. C'est dans ce cadre-là que nous avons voulu soumettre un avis au ministre.

La Commission évaluait, dans son dernier rapport annuel, à 2 400 000 le nombre de salariés assujettis à la loi des normes, dont plus de 50 %, 1 300 000 salariés, n'ont que cette loi pour encadrer leurs conditions de travail. Pour la même période, le Québec comptait 181 000 employeurs assujettis à la loi, dont 141 000 de ces employeurs n'avaient que cette loi pour encadrer leurs conditions de travail. Dans ce contexte, la mission d'information et d'application de la loi requiert en très grande partie toutes nos ressources. C'est d'abord et avant tout au chapitre de l'application que nous mettons nos énergies.

Par ailleurs, tout en faisant cette mission, la Commission ne peut s'empêcher de recevoir et d'analyser les propositions de ses partenaires, qui visent à faire évoluer le régime de conditions de travail. C'est pourquoi, dans un premier temps, la Commission a trouvé tout à fait pertinent de participer au groupe de travail mis sur pied sur la problématique du travail des enfants au Québec, et sa représentante a participé à la rédaction du document de réflexion sur lequel votre commission parlementaire se penche. Soit dit en passant, ce document constitue un des premiers condensés où retrouver l'état actuel des études, de la législation et des conventions internationales sur le travail des enfants. Nous suggérons, M. le ministre, que cet outil soit mis à jour régulièrement. Et, si la commission, avec les données que nous possédons, peut enrichir le document et le mettre à jour, nous sommes d'accord, c'est bien évident.

Les membres du conseil d'administration de la Commission ont eu l'occasion d'examiner ce document de réflexion sur le travail des enfants. Nous avons cru pertinent, M. le ministre, de le leur transmettre. Comme vous le savez, les membres du conseil d'administration de la Commission proviennent de divers milieux d'employeurs, de salariés, de jeunes, et nous voulions voir quelle serait leur réaction à ce document. Et, comme c'est le cas pour plusieurs intervenants, peut-être, en cette matière, il n'est pas évident d'en arriver à un consensus. Alors, voici, en résumé, ce que les membres du conseil de la Commission pensent.

Certains membres estiment qu'il n'existe pas suffisamment d'études récentes et rigoureuses sur le travail des enfants pour envisager une nouvelle législation, commentaire que j'ai entendu moi-même d'ailleurs d'un certain nombre de groupes.

D'autres membres du conseil souhaiteraient que le législateur impose un âge général d'admission à l'emploi, notamment le représentant des manufacturiers, qui nous soumettait, dans la réunion que nous avons tenue à cet effet, que l'âge pouvait être envisagé à quelque part comme 12 ans et non pas 13. Mais, comme il est membre du conseil consultatif, il a dû participer probablement à un certain consensus qu'on dit ne pas avoir eu lieu complètement. Peu importe, le représentant patronal principal arrivait à une idée qu'il faudrait un âge minimal, un âge général d'admission à l'emploi. Mais, encore là, il n'y pas d'unanimité quant à cet âge, qui pourrait, selon eux, se situer à 12, 13 ou 14 ans.

(16 h 50)

Plusieurs membres du conseil s'inscrivent en appui aux moyens envisagés par le gouvernement pour favoriser la réussite scolaire, comme limiter la durée hebdomadaire de travail lorsque l'enfant est tenu à la fréquentation scolaire.

Finalement, les membres du conseil croient que l'encadrement au travail des enfants doit obéir à des préoccupations liées à l'éducation et prendre en compte les situations où le développement, le besoin et les intérêts de l'enfant peuvent être compromis.

Comme les solutions dépassent pour eux le seul champ des lois du travail, le ministère de la Famille et de l'Enfance et le ministère du Travail devraient faciliter la concertation entre les différents ministères touchés par le travail et assurer une vision élargie et plus globale de ce qu'est la réalité du travail des enfants. En ce sens, ces membres appuient le gouvernement dans sa volonté d'harmoniser la législation, notamment en regard du travail des enfants en lien avec l'obligation de fréquentation scolaire.

C'est dans ce contexte des avis non pas divergents, mais des avis multiples des membres du conseil d'administration que nous étions sollicités par la commission de soumettre un mémoire. Devant cette situation, nous avons préféré nous commettre, M. le ministre, sur un avis que nous vous avons fait parvenir. Cet avis manifeste un appui au gouvernement dans sa volonté de respecter le plus possible les conventions internationales auxquelles il s'est déclaré lié, tout en tenant compte du contexte culturel et législatif du Québec.

Notre avis affirme que le gouvernement doit respecter le rôle primordial reconnu aux parents à l'égard du développement et du bien-être de leurs enfants et leur devoir d'accompagnement de ces derniers dans le choix et l'exercice du travail rémunéré. Cet avis considère qu'une législation qui fixerait un âge d'admission à l'emploi devrait tenir compte notamment du Code civil en regard des dispositions qu'il contient sur le travail des enfants mineurs. Cela n'exclut pas que l'État soutienne les parents dans cette responsabilité. Je pense que c'était sur mon commentaire précédent, que le devoir d'accompagnement des parents peut être soutenu par l'État.

Par ailleurs, nous considérerions pertinent, si le législateur décidait de ne pas fixer un âge général d'admission à l'emploi, d'obliger l'employeur qui veut embaucher un jeune de moins de 14 ans à obtenir l'autorisation écrite du parent ou du tuteur. De même, nous trouvons approprié qu'un enfant mineur accompagné de son parent ou de son tuteur ou autorisé par ces derniers puisse signer une plainte à la Commission des normes du travail afin de faire valoir ses droits.

Nous avons déjà appuyé la limite proposée de la durée hebdomadaire du travail lorsque l'enfant est tenu à la fréquentation scolaire, comme il a été indiqué dans le document de réflexion. Cependant, l'étude du ministère de l'Éducation sur le travail rémunéré des jeunes du secondaire, notre propre étude qualitative auprès des jeunes de 14 à 24 ans, en février 1997, ainsi que l'examen de la politique proposée par la CEQ et le CPQ à cet égard nous ont invités à suggérer ou, enfin, à discuter, du moins, d'une limite maximale quotidienne pour les enfants âgés de moins de 16 ans.

Dans le texte de l'avis que nous vous avons remis, M. le ministre, nous avons suggéré une limite de sept heures quotidienne, mais je dois vous indiquer que, si cette limite-là n'était pas, comme on dit, à considérer, il y avait aussi dans la politique de la CEQ une limite quotidienne lors des jours de classe, c'était de deux heures ou de trois heures. Autrement dit, on s'est inspiré un peu, pour mettre sur la table cette question-là d'une limite quotidienne, de ce que le Conseil du patronat et la CEQ eux-mêmes ont proposé, et ça nous est apparu quelque chose qui méritait d'être regardé.

Il est sûr et certain que, dès qu'on s'en va dans ces voies-là, ça ajoute à la question de l'applicabilité. Plus on aura, disons, de critères et de normes différenciés selon les âges autrement, selon les jours, selon les semaines, plus on aura des questions d'applicabilité. Néanmoins, nous avons voulu, dans notre avis, M. le ministre, poser la question un peu parce que, dans notre étude sur la qualité, l'étude qualitative auprès des jeunes de 15 à 24 ans, un des éléments qu'on a recueillis, dans les premiers éléments, disons, des problèmes vécus par les jeunes, c'était la longueur des horaires de travail. C'est un peu pour ça qu'on s'est permis de le mettre sur la table. Il ne faut pas voir dans le sept heures ou dans le trois heures une commande forte. Ce qu'on veut dire, c'est: N'est-il pas pensable, comme le faisait la CEQ et le Conseil du patronat, de l'examiner?

Finalement, M. le ministre, j'ai entendu beaucoup de préoccupations de la part des parlementaires sur l'applicabilité, sur l'application, sur la sensibilisation qu'on doit faire auprès des jeunes et je voudrais soumettre à la commission un document qui est un travail que nous avons préparé avec le ministère de l'Éducation, qui s'adresse aux enseignants et aux enseignantes. Ça présente toute la Loi sur les normes. Ça porte à la connaissance des gens la suggestion faite par la CEQ et le Conseil du patronat. Et, comme on s'inquiète – puis j'ai vu que la FTQ, notamment, dans son document disait: Les jeunes ne sont pas assez sensibilisés – il y a là-dedans, M. le ministre, un effort, qui peut être sans doute amélioré, de sensibilisation des jeunes, avec le ministère de l'Éducation, sur leurs droits.

On a des agents multiplicateurs, on a des réunions dans les écoles. Comme vous le savez, nous avons 14 bureaux régionaux et, donc, nous avons, dans chacune des régions, des contacts avec les écoles secondaires, les cégeps pour mettre de l'avant une information complète – enfin, la plus complète possible – sur les normes du travail. Et c'est une question qui semblait préoccuper sûrement... Vous d'abord, M. le ministre, vous le savez – on s'en est déjà parlé – combien il faut informer. Il me semble qu'il faut informer encore plus, si jamais vous voulez aller dans une législation nouvelle, comme on vient de le faire dans les pourboires, d'ailleurs. Il faudra aller vraiment auprès des employeurs et des salariés pour leur donner leurs droits, ce qui nous apparaîtrait comme, un peu, la meilleure garantie d'applicabilité et de mise en application de la loi. On ne peut pas appliquer quelque chose qu'on ne connaît pas beaucoup. Alors, plus on va informer les gens, plus on va les sensibiliser au contenu, plus il y a des chances qu'on convainque les gens de respecter la loi.

Alors, pour ce qui est de cette question de l'applicabilité, M. le ministre, j'aimerais, avant que les questions nous soient posées, rappeler que, depuis deux ou trois ans, nous fonctionnons non seulement sur les plaintes que nous recevons, mais, de notre propre initiative, nous allons inspecter et vérifier l'application de la loi chez des employeurs que l'on cible comme ça à travers le réseau. L'an passé, le dernier rapport que nous aurons pour 1997-1998, nous devrions avoir réalisé 1 200 à 1 300 inspections dans le territoire. Et la cible pour cette année, compte tenu des ressources actuelles de la Commission, est de l'ordre de 3 000 inspections.

(17 heures)

Vous savez qu'un des domaines où nous avons l'intention, évidemment, et l'obligation même d'intervenir, c'est celui des employés à pourboire. Et, si nous sommes capables d'informer comme il faut et de vérifier comme il faut ce qui se passe en matière de pourboire, il est sûr et certain que nous pouvons vérifier une semaine maximale de 15 heures. Je veux dire que c'est beaucoup plus compliqué, autrement dit, tout le domaine de la déclaration des pourboires que d'appliquer 15 heures de travail. Même s'il s'est soulevé des questions de plus d'un employeur, des choses comme ça, il reste que, à sa face même, tout le problème de la gestion des pourboires, M. le ministre, comme vous le savez, on s'est engagés, nous, à voir à l'application de ça. Et, si on est capable de s'engager et de réaliser des inspections et des applications de façon correcte de cette loi-là, il est sûr qu'on peut aussi vous assurer qu'on peut appliquer... Puis j'ai avec moi Me Poirier, que vous connaissez; son rôle consiste à appliquer, à prendre les plaintes, etc. Donc, on a des moyens peut-être pas, disons, infaillibles de voir à l'application de la loi, mais on a les moyens. Et, le premier moyen, comme vous l'avez vous-même suggéré, quand on s'en est parlé, c'est un moyen d'information et de formation des gens au contenu des normes. Alors, c'est l'engagement que nous prenons, M. le ministre. Nous vous remercions de votre attention.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. Boily. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Rioux: D'abord, je suis très heureux que les gens de la Commission soient là, parce que vous en avez beaucoup à dire, compte tenu de la vaste expérience et de l'expertise que vous avez développée au cours des années. Mais je constate dans vos remarques que la Commission ressemble un peu à la société: il y a des gens qui sont pour une intervention législative fixant un âge minimum pour l'entrée sur le marché du travail; il y en a d'autres qui n'en veulent pas du tout – on peut se douter où ils logent – il y en a d'autres qui disent: La question du 15 heures, du 10 heures ou du 20 heures, on pense, nous, selon notre observation de la réalité, qu'il devrait...

Mais vous dites en même temps aussi que ça serait peut-être une bonne chose de légiférer, même si vous n'avez pas réussi à faire l'unanimité entre vous. En cela, vous ressemblez au CCTM. Non, je m'excuse. Vous autres, vous n'avez pas fait de consensus. Le CCTM en a fait un qu'il s'est chargé de détruire par après.

M. Boily (Jean-Marc): Ha, ha, ha! M. le ministre, tant qu'à en faire un comme ça, on aimait bien mieux ne pas en faire, nous, vous savez. Ha, ha, ha!

M. Rioux: Alors, j'aimerais maintenant y aller sur des choses très précises. On sait que la Commission des normes du travail, c'est le syndicat des non-syndiqués. Tout le monde y passe, vous l'avez dit tout à l'heure, un nombre considérable d'employeurs. C'est des normes minimales, etc. Il y a des gens qui sont venus nous dire ici, forts de l'expertise que vous avez développée – et vous étiez là, d'ailleurs, présents, lors des témoignages des personnes – c'est: S'il y a des conditions minimales pour l'ensemble des travailleurs adultes, est-ce qu'il est pensable d'avoir des conditions minimales pour les jeunes, les ados, les gens qu'on appelle les jeunes de 14, 15, 16, 17 et 18 ans?

Et ma question pratique: Si on devait appliquer un âge général d'entrée, un âge minimal d'entrée... Vous avez dit, tout à l'heure, que vous disposiez de moyens, peut-être pas invraisemblables, mais de bons moyens de contrôle. Ce que vous avez fait jusqu'à maintenant le démontre. Si on décidait d'y aller avec une législation qui établit un âge minimal, êtes-vous capable de gérer ça? Avez-vous ce qu'il faut? C'est une responsabilité énorme évidemment qui s'ajoute. Est-ce que les employeurs qui paient la facture chez vous accepteraient ça? J'aimerais ça qu'on en débatte un peu. C'est des choses pratiques, ça, là.

M. Boily (Jean-Marc): Bien, les employeurs, est-ce qu'ils accepteraient ça? Je pense que vous avez entendu l'ensemble des représentants des employeurs; enfin, certains groupes. Quant à savoir si, nous, comme Commission, on vivrait avec un âge minimal en bas duquel tu ne peux pas travailler, si c'était la volonté du gouvernement, nous pensons que nous pourrions voir à l'application de ça.

Maintenant, c'est sûr et certain qu'un âge minimal, une semaine maximale, un âge variable, un autre âge, parce qu'il y en a qui vous ont suggéré un autre âge pour déterminer une quantité plus grande d'heures, tous ces éléments-là font en sorte que, quand on les prend dans l'ensemble, ça pourrait, disons, entraîner les employeurs à ne pas vouloir s'y contraindre. Autrement dit, plus on va faire une loi compliquée et contraignante avec divers éléments, plus c'est compliqué d'application. Probablement que les choix qui ont été faits dans le document de réflexion, ça a été de dire: Tenons-nous en à ce qui est le plus correct et le plus simple possible.

Nous, on s'est permis d'ajouter: Ce qui pourrait aider l'application de la loi notamment, c'est une autorisation écrite des parents. Autrement dit, en l'absence... Par exemple, quand on regarde si le jeune pourrait travailler chez plus d'un employeur, si on mettait une autorisation écrite des parents avant d'aller travailler, on vient d'en régler une partie de ça. Donc, dans ce sens-là, M. le ministre, nous...

C'est sûr que si vous prenez l'ensemble de ce que vous avez entendu, ma réflexion, c'est de dire qu'il y a l'air d'avoir plus de gens qui sont pour un âge minimal, c'est vrai, ça, mais il est sûr et certain que vous allez avoir le même problème que nous avions avant les Fêtes sur la question du travail de nuit, il va falloir penser à des exclusions. Et plus vous allez mettre d'exclusions, bien, plus vous allez rattraper les petits jeunes, comme je dirais, qui sont ceux qui font des travaux qu'on veut exclure. Alors, à la limite, vous allez peut-être légiférer pour une quantité relativement minime de personnes. Alors, comme légiférer c'est toujours un acte, je dirais, très significatif, très important, avant de le faire, il faut voir l'impact que ça a vraiment et est-ce que ça corrige vraiment ce qu'on veut.

Et nous, nous avons préféré nous aligner sur ne pas mettre d'âge minimal, nous aligner sur la fréquentation scolaire, mais de nous aligner aussi sur l'idée que 15 heures là, ça commence à avoir du bon sens, ça. Ce n'est pas abusif. Vous savez, 20, 25, c'est compliqué. En plus, si vous devez obtenir une autorisation de la Commission et du parent pour aller à 20, 25 là, ça, c'est trop compliqué. Je pense que le bon sens a l'air d'avoir régné au sens des conclusions de votre document de réflexion.

M. Rioux: Juste le fait de faire affaire avec la Commission, ça aurait un effet dissuasif, vous croyez?

M. Boily (Jean-Marc): Je ne comprends pas là.

M. Rioux: C'était une blague.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rioux: J'aimerais que vous me disiez... Parce que, quand vous avez préparé votre document pour venir ici, vous vous attendiez bien à ce qu'on vous demande: Est-ce que vous avez pu réfléchir sur les problèmes d'application qu'on aurait si on avait les deux volets à gérer, si la Commission des normes avait les deux volets à gérer, c'est-à-dire le 15 heures maximum de travail qu'un jeune doit faire pendant sa semaine et aussi l'âge minimum d'admission sur le marché du travail? Il y aurait des problèmes d'application, j'imagine, qui se poseraient à la Commission. Est-ce que ça vous est apparu insurmontable ou si ça vous est apparu possible à gérer, faisable?

M. Boily (Jean-Marc): Là-dessus, je dois vous dire que, si jamais le gouvernement prenait un certain nombre de décisions puis que nous avions à inventer, inventorier, mettre en place tous les moyens qu'il faut pour l'appliquer, on les trouverait. Mais, vous savez, M. le ministre, si vous me dites que c'est applicable, un âge, là on commence à avoir plus de difficultés un peu parce qu'il y a des possibilités que les jeunes, disons... On connaît même quelqu'un à la Commission qui, un jour, semble-t-il, aurait falsifié son baptistère pour obtenir une job. Alors, probablement que c'est encore vrai aujourd'hui, il y a des gens qui peuvent faire ça et il y a des gens qui pourraient, disons, facilement déterminer qu'ils ne sont pas visés en faisant ça.

Mais on a parlé de ça assez longuement et Me Poirier, qui a une longue et vaste expérience en matière d'application, pourrait peut-être donner un éclairage additionnel sur les difficultés d'ajouter des éléments.

M. Rioux: M. Poirier.

M. Poirier (Guy): Comme disait M. Boily, dans l'application de lois, lorsque vous rentrez le plus de distinctions, c'est évident que vous avez un nombre de critères qui deviennent assez importants et dont la vérification ou la surveillance devient de plus en plus compliquée. C'est sûr que dans la Loi sur les normes du travail vous avez des mécanismes, vous avez également, actuellement, des programmes de vérification qui se font auprès des employeurs. On pourrait imaginer qu'effectivement le gouvernement pourrait décider que c'est la responsabilité de l'employeur d'avoir à vérifier ou à s'assurer de façon certaine que l'âge de l'enfant soit un âge admissible. Par contre, lorsqu'on impose cette obligation-là, il faut permettre à l'employeur de pouvoir faire une vérification efficace aussi, si on veut pouvoir par la suite apporter un remède ou un correctif.

Alors, c'est dans ce sens-là où on dit: Lorsque le gouvernement envisage de pouvoir mettre des balises, il faut également pouvoir donner la possibilité de les appliquer de façon efficace par la suite.

M. Rioux: Moi, j'aimerais vérifier avec vous ce que vous pensez de l'idée qui nous a été émise aujourd'hui d'un contrat type où on retrouverait trois parties dedans: le jeune, le parent et l'employeur. D'abord, j'aimerais savoir ce que vous pensez de cette idée-là, ça regroupe des partenaires drôlement importants, et, deuxièmement, s'il était demandé à la Commission de gérer ce contrat-là, est-ce que vous seriez capables de le faire?

M. Boily (Jean-Marc): Moi, je pense qu'on n'a gagné aucune médaille nulle part dans les organismes du gouvernement, mais, si on en avait une à gagner, ça serait la bureaucratie qu'on est capables de mettre en place. Il est certain que ça se vend, ça, sauf une chose, c'est qu'on vient de compliquer pas mal la vie d'un certain nombre d'employeurs qui embauchent ces gens-là. Et déjà, nous, on ne l'avait même pas imaginé au moment où on a travaillé avec le ministère, sur la question de l'autorisation écrite des parents.

(17 h 10)

Alors, probablement qu'on s'était dit en travaillant qu'il faut éviter de tellement rendre ça complexe que tout le monde va vouloir passer à côté; autrement dit, on cherchait le bon sens dans une optique gouvernementale où, aussi, on se disait: Essayons de moins entrer dans la vie de tous et chacun puis de gérer à leur place, puis allégeons la réglementation et la législation.

On s'est commis quand même sur une autorisation écrite, parce que, là, on s'est dit: Une autorisation écrite, ce n'est pas très compliqué pour le jeune qui veut aller travailler, même chez McDo; s'il veut être employé à tel âge, par exemple, c'est une autorisation écrite. C'est déjà quand même un élément additionnel pour celui qui cherche l'emploi et celui qui l'embauche.

Deuxièmement, c'est que, dans l'approche, on donne à l'employeur des obligations dans ça, là, on lui donne l'obligation d'avoir vérifié l'âge, on lui demande de ne pas faire plus que 15 heures, même si le jeune pourrait, des fois, lui, en vouloir plus. Autrement dit, on met un certain fardeau sur l'employeur, parce que c'est la loi, c'est à lui qu'on demande de réaliser des obligations. Et, vous savez, les employeurs, plus on va leur en demander... Vous avez vécu ça comme moi, M. le ministre, dans différents secteurs, où on a de la misère à contraindre. Vous connaissez le fameux secteur dans lequel nous étions souvent pris, tout le monde essayait de passer à côté de l'ensemble de nos contraintes, hein, dans la construction.

Alors, autrement dit, il faut que le gouvernement, probablement, choisisse s'il doit légiférer, ce avec quoi, nous, on a été d'accord, parce qu'on a participé à vos travaux. Si le gouvernement doit légiférer, qu'il fasse ce que le bon sens nous guiderait de faire. Puis, pour réussir, un jeune qui travaille plus que 15 heures va probablement avoir de la difficulté s'il doit étudier, s'il doit travailler, s'il doit fréquenter l'école à 25 heures; donc, on trouvait que 15 heures, ça avait de l'allure.

Quant à l'âge, vous savez, les parents, avec une autorisation... Là, on vient peut-être de... Contrat de travail? On en a vu beaucoup, hein, des contrats, dans le domaine des loyers, par exemple, des baux types, etc., c'est de la bureaucratie et, si elle est nécessaire, il faut la faire, mais, en l'occurrence, ici, je ne suis pas certain.

M. Rioux: Évidemment – mon temps est écoulé – j'aurais aimé beaucoup vous parler d'information, de campagnes de sensibilisation auprès des professeurs, des étudiants et des parents, mais l'opposition va certainement s'en charger.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le ministre. M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Les questions plantées, ce n'est pas ici! Je tiens d'abord à saluer le nouveau président et le nouveau vice-président de la Commission, je pense que c'est la première fois qu'on vous rencontre à la commission de l'économie et du travail. Félicitations pour votre nomination.

Messieurs, madame, il y a une petite chose qui me chatouille, c'est que vous dites, d'un côté, qu'un contrat type, c'est de la bureaucratie puis ça augmente... et, de l'autre côté, vous dites: J'ai une nouvelle réglementation, ça n'en est pas. J'ai de la misère avec ces deux notions-là. Pour moi, un ou l'autre, c'est deux éléments qui viennent alourdir le fardeau réglementaire, j'essaie juste de voir lequel est le plus applicable.

M. Boily (Jean-Marc): Dans la nouvelle législation qui limite les heures de travail, c'est certainement un encadrement additionnel et une réglementation qui va suivre des obligations, nous, qu'on va avoir, des vérifications additionnelles. On a déjà à peu près ce qu'il faut pour faire ça.

Vous savez qu'on a une semaine normale de travail de 43 heures qui s'en va à 42, à 41, 40 et on est habitués à gérer des heures de travail avec l'ensemble des règles qu'on impose aux employeurs quant à leur registre de paie, quant à leur façon de rémunérer les employés. Donc, c'est vrai que ça ajoute. C'est vrai. Si vous ajoutez des normes additionnelles, ça ajoute. Mais, si vous mettez un contrat type par-dessus tout ça, là, ça ajoute vraiment d'autres choses, parce que, là, il faut bâtir les contrats, il faut que les... Il n'y a pas un employeur qui pourra rapidement régler son problème d'un manque d'employés le vendredi soir sans que ce soit réglé avant par contrat.

Donc, je me mets à la place, disons, de ceux qui emploient nos jeunes et j'essaie de voir... Ils vont nous trouver pas mal tannants, comme je dirais dans le Saguenay–Lac-Saint-Jean. Ha, ha, ha! Ils vont nous trouver pas mal tannants si on fait ça. L'idée n'est pas bête, si on veut absolument, là, vraiment faire tout pour encercler les enfants et les employeurs. Mais nous, notre position, on l'a avancée: on se contenterait d'une autorisation écrite. Et, en plus, on suggère: Si jamais l'employeur a convaincu le jeune de passer un peu à côté, bien, le jeune, avec son parent, pourrait déposer une plainte à la Commission. Donc, ça peut calmer un peu certaines ardeurs, ça. En tout cas.

M. Béchard: Tantôt, vous avez parlé de 181 000 employeurs. Vous, vous avez un registre de ça, vous avez les 181 000 employeurs-là.

M. Boily (Jean-Marc): On l'a nécessairement puisqu'on doit prélever le prélèvement qui est la cotisation des employeurs à la Commission des normes pour faire fonctionner la Commission. Et donc, on a l'ensemble de ces employeurs-là. Et, comme vous le savez sans doute, c'est le ministère du Revenu qui, à l'occasion des rapports annuels des entreprises, prélève la cotisation qui est de 0,80 $ par 100 $ de salaire.

M. Béchard: Vous avez dit que vous avez fait cette année ou que vous prévoyez faire 1 200 vérifications sur... Parce que vous dites que vous ne semblez avoir aucun problème à pouvoir prendre la responsabilité d'appliquer une législation qui irait dans ce sens-là. Moi, je vous dirais qu'il y a quand même certains secteurs d'activité dans lesquels vous n'êtes pas présents, même si vous l'êtes beaucoup. Et il y a, entre autres, tout le phénomène des travailleurs autonomes qui est comme à côté aussi.

De 181 000 employeurs, vous prévoyez en vérifier 1 200. Moi, je veux bien croire les bonnes intentions mais c'est du stock à vérifier, 181 000, faire le suivi d'une législation chez 181 000 employeurs. Est-ce que vous avez fait des études à savoir combien il y en a là-dedans qui peuvent embaucher des jeunes, comment ils sont potentiels et tout ça, pour venir dire que vous n'avez pas de problème à prendre en charge cette loi-là et à l'appliquer, si jamais il y a une législation?

M. Boily (Jean-Marc): Je ne voulais pas, disons, M. le député, me présenter ici, devant les parlementaires, en disant: Ne réfléchissez pas à l'évolution des lois des normes du travail, ça va compliquer les inspections qu'on aura à faire et la vérification qu'on va avoir à faire. On ne peut pas se présenter comme ça. Je pense que, si le gouvernement décide dans sa responsabilité de faire des choses, nous, on doit s'engager à prendre les moyens pour faire respecter la loi. Et il est sûr et certain qu'on ne peut pas.

Mais là, vous savez que je viens de vous dire que l'argent qui nous fait vivre, c'est l'argent des employeurs. Je ne peux pas dire: Donnez-nous 30 000 000 $ qu'on aille de façon encore plus péremptoire, tous les jours, dans vos business pour vous prendre en défaut. Donc, je pense qu'il faut se contenter des moyens que nous avons et de plus en plus aller inspecter et vérifier les employeurs par échantillon et essayer de voir... Parce que on a des plaintes et on connaît un peu les réseaux. On sait qu'il y a certains secteurs qui sont plus portés que d'autres à passer à côté des lois. Il y a des normes du travail qui sont très bien appliquées par certaines catégories de manufacturiers ou d'entrepreneurs, etc., mais il y a des domaines où c'est plus compliqué un peu. Et donc, si on doit vraiment faire une l'intervention, c'est là qu'on doit se diriger pour rentabiliser un peu les ressources limitées que nous avons, c'est bien évident.

(17 h 20)

Donc 3 000, par rapport à ce qui se faisait il y a trois, quatre ans, c'est quasiment, comme on dit, surmultiplié. Si on n'en faisait pas... On procédait sur plaintes et on s'est fait dire très souvent – même comme sous-ministre, j'entendais des choses; les sous-ministres, ça n'entend pas tout, mais ça entend des choses – que la Commission, son grand défaut, c'est qu'elle ne fonctionne que sur plaintes. Alors là, on s'est dit: On va commencer tranquillement à rentrer dans le champ de l'inspection. D'ailleurs, on a pris des engagements devant le ministre du Travail et le ministre des Finances de surveiller la nouvelle loi des pourboires. Pas pour écoeurer les employeurs, mais pour s'assurer que les employés y trouvent leur compte. C'est ça, là.

M. Béchard: O.K. Je me demande comment, avec les mêmes ressources, vous pouvez arriver à absorber ce surplus-là. Mais de toute façon, si vous dites que vous seriez capable, on verra à l'usage, s'il y a lieu. Vous savez, tantôt vous parliez que nécessiter l'autorisation des parents, ça peut être une voie de solution. Vous savez qu'il y a des groupes qui ont suggéré que ce soit vous qui donniez cette autorisation-là et les parents. Comment vous percevez ça, vous? Comment vous percevez votre rôle là-dedans, si jamais le législateur suivait l'idée de certains groupes qui sont venus ici pour dire: On va avoir besoin... ce serait bon que ce soit la Commission qui donne l'autorisation pour les jeunes?

M. Boily (Jean-Marc): En tout cas, si j'ai bien compris la proposition, c'était que si des jeunes d'un certain âge, je pense que c'étaient les 15-16 ans...

M. Béchard: Les 15-16 ans pour le 20 heures et plus.

M. Boily (Jean-Marc): ...voulaient et que l'employeur voulait faire, disons, jusqu'à 25-30 heures...

M. Béchard: Plus que 20 heures.

M. Boily (Jean-Marc): ...il y aurait là une situation exceptionnelle qui, elle, mériterait à la fois l'autorisation du parent et de la Commission. Alors, comme il s'agissait d'une situation exceptionnelle et qu'on pense que la Commission aurait pu elle-même établir avec les parents les modalités de l'acceptation de l'exception, on avait comme une main un peu pour limiter vraiment les cas, comme on le fait dans l'étalement des heures.

Dans l'étalement des heures, les gens qui viennent nous voir pour se soustraire à la semaine normale de travail, ils viennent nous voir pour être autorisés, mais ça n'autorise pas très aveuglément, je dirais, on a un ensemble de critères et c'est nous qui les avons établis par décision du conseil de la Commission. Et, si jamais les gens nous disent: Oui, mais ce n'est pas suffisant. Bien, ça pourrait devenir un règlement, de toute façon, parce que le pouvoir du ministre et de la Commission, c'est de présenter des règlements au gouvernement et de les faire approuver. Donc, dans ce sens-là...

M. Béchard: Vous avez une proposition sur la limite maximale quotidienne qui pourrait être fixée à sept heures. C'est la page 3 de votre avis. Ça, si j'ai bien compris, ce sont sept heures de travail par jour, c'est un maximum de sept heures de travail par jour.

M. Boily (Jean-Marc): Oui, oui. C'est dans le cadre du 15 heures et dans le cadre aussi des propositions qui avaient amené le Conseil du patronat et la CEQ à s'entendre sur un maximum d'heures. On s'est posé la question. Je dois nuancer un peu notre avis parce que hier on s'est reparlé un peu tout le monde pour dire: En écoutant les gens, il n'y a pas beaucoup de monde qui se préoccupe d'un maximum quotidien. On a parlé ce matin de Terre-Neuve et on savait qu'ils faisaient varier ça selon, je ne sais pas si ce sont les jours, mais, si tu es en classe, ça peut être deux heures, comme la CEQ et le patronat; si tu es en dehors, c'est rendu le samedi, tu es en congé, tu fais sept heures. Nous autres, on dit: Un max de 15, ça a de l'allure. Il y a des chances que ça ne dépasse pas souvent trois, quatre, cinq heures.

C'est pour ça qu'on nuance un peu l'avis qu'on a donné là-dessus, M. le ministre, parce qu'on s'était laissé emporter par une volonté de vouloir faire attention que quelqu'un ne fasse pas travailler les jeunes, disons, 10 heures, 12 heures d'affilée. Parce qu'on avait eu des remarques, ceux qu'on avait rencontrés, des jeunes de 15 ans à 24 ans, dans notre étude, qui nous disaient que les employeurs, il y en a beaucoup qui leur font faire des heures beaucoup trop longues. Mais vous savez, on a mis par ailleurs, à 23 heures, une interdiction jusqu'à 6 heures de sorte que, quand tu fais le bilan de tout ça, ça serait difficile de faire beaucoup d'heures dans la journée de classe. Mais dans la fin de semaine, par contre, ça pourrait arriver. Or, la fin de semaine, ce n'est pas nécessairement charger les jeunes de travail, comme on dit, par-dessus la tête, on peut leur demander d'être raisonnables. C'est pour ça qu'on s'était permis cette suggestion-là. Mais, à la réflexion, quand on rentre par ailleurs dans le champ de l'applicabilité, on se dit: Il y en aurait peut-être assez de 15 heures par semaine.

M. Béchard: Pas besoin de le détailler autant. La notion de l'âge général d'admission à l'emploi, chez vous, ça ne dégage pas de consensus, vous l'avez mentionné. Vous ne vous êtes pas reparlé non plus là-dessus, il n'y a pas de consensus depuis l'avis là. Mais vous avez été là depuis le début, vous avez entendu... Moi, je vous dirais bien franchement que j'hésite d'un côté comme de l'autre, je n'ai pas de tête de faite encore là-dessus, à savoir est-ce qu'on doit mettre un âge comme tel ou est-ce qu'on ne doit pas en mettre. Est-ce que vous pourriez nous dire quels sont les arguments, à votre conseil d'administration, d'un côté et de l'autre, les arguments en faveur et les arguments contre cette mise en place d'un âge général d'admission à l'emploi?

M. Boily (Jean-Marc): Dans la réunion que nous avons eue après avoir soumis... Depuis un mois que les membres du conseil avaient le document de réflexion, nous avons tenu une séance de travail et on a vite compris que les gens n'avaient pas établi de position quant à savoir si c'était mieux d'avoir un âge ou non. À toutes fins pratiques là, seul le groupe que vous connaissez, des manufacturiers, s'était commis à ce moment-là. Et l'ensemble du conseil n'a pas établi un argumentaire complet.

Je pense que les gens nous ont fait confiance, j'imagine, et ils n'ont pas développé d'arguments. Nous autres, on a conclu de ça que les principaux intéressés, par exemple, du côté du commerce au détail, trouvaient prématuré, un peu comme le Conseil du patronat que vous avez entendu, de légiférer, et de mettre un âge, et de mettre des limites d'heures, etc. Les manufactures, elles, c'était ça, et les autres personnes étaient plus enclines à dire qu'il faudrait de la coordination puisque le Conseil du statut de la femme, le Conseil de la jeunesse, etc., tous ces gens-là se parlent.

Vous savez qu'on a des gens qui viennent, représentant des jeunes, des femmes, tout ça. Eux autres, ce qu'ils demandaient, c'était que le gouvernement, en réalité, se coordonne avec tout ce monde-là avant d'établir vraiment... Donc, on n'a pas développé l'argument.

Et nous, dans l'ensemble, ce qu'on fait lorsqu'on regarde notre avis, c'est qu'on associe avec les arguments développés par le document de réflexion sur l'idée de l'âge. Et la conclusion qu'on tirait, c'était qu'il ne devait pas y avoir de... Autrement dit, avec les différentes études et arguments qui ont été développés, on adhérait à ça comme Commission, mais pas comme conseil d'administration. Donc, il y a une nuance là à faire.

L'adhésion qu'on a faite à ça ne nous a pas empêchés par ailleurs – et c'est peut-être une surprise pour les gens du ministère – de parler d'une autorisation écrite. Parce qu'on s'est dit: L'autorisation écrite, comme on est convaincus que les parents ont un rôle primordial à jouer dans la question, disons, du travail rémunéré des jeunes, comme on est convaincus que les parents en général, d'ailleurs, essaient de le jouer, ce ne serait pas plus difficile beaucoup, en tout cas, très compliqué d'avoir une autorisation écrite. Donc, dans ce sens-là, ça nous aiderait aussi à l'application, en même temps.

M. Béchard: Est-ce que ça vous surprend – puis, vous me disiez que vous aviez consulté des jeunes aussi – d'entendre les jeunes dire qu'ils ne veulent pas de législation? Vous savez, on a entendu le Conseil permanent de la jeunesse ce matin, qui ne veut pas de nouvelle législation. Est-ce que ça vous surprend d'entendre ça?

M. Boily (Jean-Marc): Non, pas trop, je pense. Il y a une couple d'années, quand on avait commencé à regarder ce que les gens en avaient pensé, de l'idée de légiférer dans le travail des enfants, notamment le Conseil permanent de la jeunesse, eux autres, ils n'étaient pas d'accord avec ça. Et le Conseil du statut de la femme, si je me rappelle bien, aussi, n'était pas certain qu'il fallait, comme on dit, aller dans un encadrement. Beaucoup de gens pensent que, quand ils sont jeunes, à 14, 15, 16 ans, ils commencent déjà à savoir ce qu'ils veulent dans la vie. Puis beaucoup de parents pensent aussi que leurs jeunes peuvent prendre leurs responsabilités, surtout les parents qui suivent de très près leurs jeunes.

(17 h 30)

J'entendais M. Kelley, avec ses filles. M. Kelley semble être un père qui a décidé, un peu comme nos parents autrefois de s'occuper de nous autres... Donc, nous autres, nos parents se sont occupés de nous et vous seriez surpris du nombre d'heures qu'on réussissait à faire.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boily (Jean-Marc): Parce que nos parents n'étaient – c'est reconnu d'ailleurs – pas très à l'aise financièrement. En tout cas, là d'où je viens. Vous seriez surpris, disons, de la quantité d'heures qu'on parvenait à faire en étudiant, et il fallait réussir. Nous autres, quand on ne réussissait pas, c'était clair, il y avait des bulletins pour le dire. Puis il fallait que tu les montres à tes parents. Vous seriez surpris aussi de l'intérêt que nos parents portaient au fait d'aller se gagner de l'argent pour payer nos affaires. Et on a tout fait ça. On pourrait tirer de cela, de notre propre expérience, qu'on n'a pas besoin de législation, mais ce n'est pas de même que ça marche dans la vie.

M. Béchard: Merci. Merci beaucoup.

Le Président (M. Beaulne): Merci, M. le député. Messieurs, madame, la commission vous remercie et ajourne ses travaux au mardi 31 mars, 9 h 30, dans cette même salle.

(Fin de la séance à 17 h 31)


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