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(Dix heures sept minutes)
Le Président (M. Messier): Je vais déclarer la
séance ouverte. Je vais rappeler le mandat de la commission
parlementaire qui est de procéder à des consultations
particulières dans le cadre de l'étude détaillée du
projet de loi 116, Loi modifiant le Code du travail.
Mme la secrétaire, est-ce que vous pouvez nous annoncer des
remplacements, s'il vous plaît?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Elkas
(Robert-Baldwin) remplace M. Audet (Beauce-Nord); Mme Hovington (Matane)
remplace M. Bordeleau (Acadie); M. Williams (Nelligan) remplace M. Gobé
(LaFontaine); M. Messier (Saint-Hyacinthe) remplace M. Joly (Fabre); M.
Ménard (Laval-des-Rapides) remplace M. Blais (Masson) et M. Dufour
(Jonquière) remplace M. Claveau (Ungava).
Le Président (M. Messier): Vous êtes fort gentille,
Mme la secrétaire. Je vais rappeler qu'aujourd'hui nous sommes le jeudi
10 mars. À 10 heures, nous avons le Conseil du patronat du
Québec; à 11 heures, la Confédération des syndicats
nationaux; à midi, suspension; à 15 heures, la centrale des
syndicats démocratiques; à 16heures, m. fernand morin, qui est
professeur au département des relations industrielles de
l'université laval; à 17 heures, suspension; à 19 heures,
la centrale de l'enseignement du québec; à 20 heures, les
remarques finales, c'est-à-dire le député de drummond pour
20 minutes, le porte-parole officiel de l'opposition, m. dufour, pour 20
minutes, et le ministre de l'emploi, pour 20 minutes.
Nous avons déjà les représentants du Conseil du
patronat du Québec, où on reconnaît M. Dufour. Si M. Dufour
veut présenter ses gens avec lui. Ils ont 20 minutes pour exposer et,
après ça, il va y avoir échanges de part et d'autre. M.
Dufour.
Auditions Conseil du patronat du Québec
(CPQ)
M. Dufour (Ghislain): Alors, merci, M. le Président. Oui,
je vous présente mes collègues. À mon extrême
droite, M. Jacques Larose, qui est directeur général aux
ressources humaines chez Daishowa et qui est également membre du conseil
d'administration de l'Association des industries forestières; Me Luc
Beaulieu, qui est associé du bureau de Ogilvy, Renault; à ma
toute gauche, Me Edmund Tobin, qui est du bureau de Leduc, LeBel, et membre du
Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, et, finalement,
Me Claude Le Corre, de Le Corre & Associés, qui
représente également avec nous l'Association des professionnels
en ressources humaines. Il y a 2000 membres qui supportent notre
mémoire. (10 h 10)
Je voudrais vous dire également, M. le Président, M. le
ministre, qu'il y a eu impossibilité, pour la Chambre de commerce, de
convenir d'une cédule avec vous. Alors, je vous informe que la Chambre
de commerce nous a demandé de vous dire qu'elle appuie pleinement le
mémoire qui est soumis par le CPQ ce matin. Je parle de la Chambre de
commerce de la province de Québec.
Alors, d'entrée de jeu, M. le Président, et sous
réserve de nos commentaires concernant les articles 8 et 12, nous
exprimons notre accord avec le contenu du projet de loi 116 qui vise plus
particulièrement à permettre la conclusion de conventions
collectives de plus de trois ans.
L'article 65 de l'actuel Code du travail limite la durée des
conventions collectives à trois ans. Il est, de ce fait, perçu
par les entreprises d'ici et par les investisseurs potentiels comme
étant un irritant majeur. Les employeurs doivent, en effet, pouvoir
profiter de la stabilité que leur procureraient des ententes de travail
conclues pour une plus longue durée, dans le contexte du ralentissement
économique actuel et surtout dans la perspective d'une éventuelle
reprise. C'est ce que fait l'article 13 du projet de loi 116 qui abolit la
limite de trois ans imposée à la durée d'une convention
collective.
Il s'agit là d'une orientation heureuse pour les investisseurs
potentiels, mais également pour les entreprises d'ici qui ont
déjà signé des conventions collectives de plus de trois
ans, lesquelles n'ont actuellement aucune assise juridique et contreviennent,
de fait, au Code du travail.
Rappelons, d'ailleurs, que le Québec est plus restrictif quant
à la durée des conventions collectives de travail que l'ensemble
des autres provinces canadiennes puisque ces dernières ne limitent pas
la durée maximale des conventions collectives. Le Québec gagnera
donc à harmoniser son Code du travail aux autres dispositions
législatives en vigueur au Canada. Notre province ne ferait ainsi que
s'aligner sur les autres provinces canadiennes.
Par surcroît, le fait de modifier l'article 65 du Code du travail
pour permettre la conclusion de conventions collectives de longue durée
n'empêchera et, ça, c'est un point important dans le
débat actuel aucunement la conclusion d'ententes d'une
durée de trois ans, de deux ans ou même d'un an, si tel est le
désir des parties. Ce qui importe, c'est que les parties puissent
s'engager dans des ententes d'une durée qui cadre avec leurs propres
besoins. On ne leur impose rien avec le
projet de loi 116. La stabilité que vise le projet de loi, et
plus spécifiquement l'article 13, reposera dorénavant sur le
libre arbitre des parties impliquées, ce qui est tout à fait
souhaitable.
En outre, le CPQ ne peut qu'être d'accord avec le fait que le
Québec tende vers une certaine libéralisation des lois du
travail, permettant ainsi aux entreprises de tenir compte de plus en plus de la
concurrence à laquelle elles sont exposées et de l'environnement
difficile dans lequel elles fonctionnent.
L'article important de ce projet de loi, bien sûr, c'est l'article
2. Dans notre mémoire, on le reprend in extenso. Je ne vous le lis pas.
Ça fait tellement de fois que vous en entendez parler. Alors, je veux
signifier, à ce moment-ci, que nous sommes d'accord avec cet article qui
se veut je le répète un outil de stabilité
et de paix industrielle pour l'entreprise.
Nous rejetons d'ailleurs la thèse de ceux qui affirment que cette
disposition brime des libertés ou, encore, comme l'écrivait le
président de la Commission des droits de la personne au ministre du
Travail de l'époque, M. Cherry et on veut bien noter ici qu'il
s'agissait d'un avis du président et qu'il n'a jamais été
ratifié par la Commission que cette disposition irait à
rencontre de la Charte des droits et libertés de la personne.
Pour le CPQ, la seule contrainte qu'implique cet article est de faire en
sorte que la convention collective soit stable, pour une période pouvant
aller jusqu'à six ans. Alors qu'il n'y a rien d'incorrect à
signer un contrat individuel de travail d'une durée de six ans ou plus,
pourquoi serait-ce différent lorsqu'il s'agit de signer une convention
collective pour une durée semblable?
La convention collective est, d'abord et avant tout, un contrat
collectif et non pas l'expression du droit individuel lié à la
liberté d'association. S'il est acceptable que, dans une
société libre et démocratique, les citoyens se prononcent,
à la limite, tous les cinq ans, pour élire un nouveau
gouvernement, qu'y a-t-il de choquant dans le fait que les travailleurs
puissent réviser leur allégeance syndicale, à la limite,
tous les six ans? D'ailleurs, le régime constitutionnel français
ne prévoit-il pas l'élection d'un président dont le mandat
est d'une durée de sept ans? Et Dieu sait si c'est pas mal plus
important qu'une convention collective! Nous n'aurions cependant et,
ça, c'est un autre point clé dans notre mémoire, M. le
Président aucune objection à ce que les travailleurs
changent d'allégeance syndicale en cours de validité d'une
convention collective, si les conditions de travail demeurent comme
étant convenues.
Il importe de différencier, au regard de cet article, le droit
à une convention collective et la liberté individuelle
d'association. Rien, dans l'actuel Code du travail ni dans les modifications
proposées par le projet de loi 116, n'empêche et n'empêchera
un salarié d'adhérer ou de ne pas adhérer à
l'association de salariés détentrice du certificat
d'accréditation. Rien non plus n'empêche ou n'empêchera un
salarié d'adhérer à une association autre que celle
détenant l'accréditation chez son employeur.
Nous sommes donc catégoriques, M. le Président: Si le
projet de loi 116 devait éventuellement être amendé pour
permettre le maraudage syndical, il devrait, parallèlement, assurer la
paix industrielle en liant le nouveau syndicat à la convention
collective au moins jusqu'au terme de la sixième année suivant
son entrée en vigueur. Le nouveau syndicat devrait être
légalement tenu de respecter et de faire respecter l'entente.
Quelques autres commentaires sur certains articles. Comme on l'a
indiqué au départ, l'article 8, c'est juste une
technicalité, M. le Président, mais qui est importante. On
prévoit un avis, dans cet article-là. L'avis doit être
signifié, quant à nous, par messagerie, par courrier
recommandé ou certifié ou par huissier, mais non pas par
télécopieur. Il est impossible on sait comment ça
se passe, les télécopieurs de confirmer la
réception d'un avis transmis par télécopieur lorsque,
juridiquement, on doit avoir une preuve. Alors, c'est un détail, si vous
voulez, mais qui peut être drôlement important pour les
parties.
L'article 12, le maintient des conditions de travail. Là, nous
avons une objection de principe à ce qui nous est suggéré
dans le projet de loi 116. Qu'est-ce que fait l'article 12 du projet de loi? Il
modifie l'article 59 actuel du Code de façon à ce que les
conditions de travail en vigueur soient maintenues, non plus jusqu'au moment de
l'acquisition du droit de grève, comme c'est le cas aujourd'hui
droit de grève ou de lockout mais jusqu'au moment de l'exercice
du droit de grève et de lock-out. C'est très différent,
dans son essence.
Nous vous soumettons, à l'égard de cette
orientation-là, quelques commentaires. Premièrement, le Code du
travail doit constituer un encadrement minimal et laisser aux parties le
maximum de latitude. L'actuel article 59, qui prévoit le maintient des
conditions de travail, de l'expiration d'une convention collective
jusqu'à l'acquisition du droit de grève, nous apparaît un
minimum suffisant. De plus en plus, en de fréquentes occasions on
parle de plus ou moins 50 % des conventions collectives les parties
conviennent, dans leur convention, de modalités différentes
pouvant prévoir le maintient des conditions de travail jusqu'à la
conclusion, justement, de la prochaine convention. Les modifications
proposées par le projet de loi 116 à cet égard sont donc
une entrave à la libre négociation des parties pour laquelle
aucun événement ou incident ne justifie, à nouveau,
l'intervention de l'État.
Deuxième commentaire. Les parties patronales qui se sont
entendues en fonction de l'actuel Code de travail, à savoir le maintient
des conditions de travail jusqu'à l'acquisition du droit de
grève, s'opposent à ce que cette garantie soit prolongée
jusqu'à l'exercice parce que le changement peut conduire à des
situations extrêmement difficiles et provoquer des arrêts de
travail.
Plus spécifiquement, dans le contexte actuel de la
récession, on le sait, les employeurs sont souvent en
demande, particulièrement en termes de flexibilité des
tâches, de flexibilité sur les horaires, flexibilité sur
les responsabilités. Il deviendrait très facile pour un syndicat
de résister aux changements qui s'imposent changements du genre
de ceux que j'ai identifiés en refusant tout simplement de
conclure une convention collective et en s'abstenant, également, de
recourir à la grève, donc ne ferait pas grève. Quel
serait, alors, le choix de l'employeur? Il serait obligé de choisir
entre renoncer aux modifications qu'il demande, tant que le syndicat ne veut
pas y consentir, ou procéder à un lock-out. Et le lockout
pourrait être juste d'une journée, mais ça lui donnerait la
latitude nécessaire pour apporter les changements dont il a besoin.
Évidemment, l'usage du lock-out comme outil de négociation aura
toujours plus d'effets négatifs que positifs et, dans la plupart des
cas, équivaudra à jeter de l'huile sur le feu plutôt que
d'engendrer un rapprochement des parties impliquées.
Donc, pour ces diverses raisons, nous sommes d'avis que la modification
prévue par l'article 12 non seulement n'améliora pas les
relations de travail au Québec, mais aura un effet carrément
pervers. Nous en proposons le retrait dans le but d'assurer un climat de
relations de travail sain et d'éviter des écueils inutiles. En
somme, de continuer le climat de relations de travail positif que nous
connaissons actuellement. (10 h 20)
Un commentaire, en page 7 de notre mémoire, sur l'article 101.5
du Code du travail, qui n'a rien à voir avec le projet de loi 116 mais,
comme on est là puis qu'on peut vous proposer un amendement, dont on
convient, d'ailleurs, tout le monde, CSN, FTQ, et qui est sur l'arbitrage des
griefs, c'est un amendement à l'article 101.5 du Code du travail qui se
lirait, dorénavant, comme ceci: «À défaut d'un
délai fixé à la convention collective, l'arbitre doit
rendre sa sentence dans les 90 jours de la fin de la dernière
séance d'arbitrage, à moins que les parties ne consentent par
écrit, avant l'expiration du délai, à accorder un
délai supplémentaire d'un nombre de jours précis.»
Bon, je pense qu'on s'entend tous, là... D'ailleurs, on s'entend, au
Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, mais le fait de vous le
mettre, ça permettra, dans la 116, de régler au moins quelque
chose sur lequel on est tous d'accord.
Alors, en conclusion. La possibilité pour les entreprises de
signer des conventions collectives de plus de trois ans, contrairement à
ce que permet actuellement le Code du travail, sera très bien
reçue par les investisseurs d'ici et d'ailleurs. Pour le Conseil du
patronat, ce projet de loi, promis à plusieurs occasions par l'actuel
gouvernement, est en effet essentiel, d'une part, pour donner des assises
juridiques aux conventions collectives de plus de trois ans signées au
cours des dernières années les contrats sociaux et, pour
nous, ça, c'est important. On a demandé, ce matin, par exemple,
à quelqu'un du secteur des pâtes et papiers d'être avec
nous; dans son seul secteur, il y a une trentaine de contrats sociaux, de
conventions collectives de plus de trois ans. Donc, c'est très
important. On vient de prendre connaissance de la décision du juge
Tessier dans le cas du Journal de Montréal, dont vous avez
débattu hier et que nous autres, on va débattre, là, si
vous voulez en redébattre, et on voit très bien que le juge de la
Cour supérieure dit que, justement, la convention collective est
illégale. Le plus que trois ans est illégal. Donc, pour
protéger le passé, on a besoin de cet amendement-là
et, d'autre part, pour permettre aux entreprises, notamment aux
sociétés étrangères intéressées
à investir au Québec, à mieux planifier leurs
investissements.
Les temps changent, M. le Président, et les entreprises ne
planifient plus leurs investissements dans une perspective aussi courte que
trois ans. Lorsqu'on parle de 100 000 000 $, maintenant, ce n'est plus vrai.
Les capitaux sont tellement mobiles; il n'y a tellement pas ce genre de
contraintes à l'extérieur que les investisseurs en tiennent
compte. Nous pouvons même affirmer affirmation lourde de
conséquences, mais on peut en débattre que nous perdons
des investissements à cause d'une disposition aussi limitative,
investissements en provenance de l'extérieur.
Nous ne partageons pas, je répète, l'avis du
président de la Commission des droits de la personne, qui a mis en
question le projet de loi 116 au regard des droits collectifs des
travailleurs.
Le CPQ tient finalement à rappeler que rien, dans l'actuel Code
du travail ni dans les modifications proposées par le projet de loi 116,
n'empêche et n'empêchera un salarié d'adhérer
à une association autre que celle détenant l'accréditation
chez son employeur. Rien n'obligera non plus et, ça, je pense que
c'est fondamental; il y a tellement de charriage sur la place publique
vis-à-vis de la loi 116 qu'il faut le répéter, et le
répéter fort un syndicat à signer des conventions
collectives de plus de trois ans, s'il n'est pas d'accord avec des conventions
collectives de longue durée. Ce sera un élément
négociable comme tous les autres éléments sont
négociables. Et, moi, je fais confiance aux syndicats pour
considérer que cet élément, cet article, est aussi
important que, disons, la clause de procédure de griefs.
Le CPQ encourage donc fortement le gouvernement du Québec
à aller de l'avant avec le projet de loi 116, et serait fort
déçu je répète la petite phrase
serait fort déçu s'il n'y donnait pas suite ou, encore, s'il le
modifiait substantiellement. Nous sommes à votre disposition, M. le
Président.
Le Président (M. Messier): Merci, M. le président.
Je vais laisser la place au ministre pour une vingtaine de minutes.
M. Marcil: Merci beaucoup, M. le Président. Merci, M.
Dufour, d'avoir voulu accepter cette invitation de participer à cette
consultation. Même si ça s'est fait dans un temps assez court,
comme vous avez l'expérience des commissions parlementaires, vous
avez
toujours su vous organiser pour nous apporter des éléments
nous permettant, justement, de nous éclairer davantage, du moins, plus
particulièrement sur ce projet de loi 116.
J'aurais quelques petites questions. C'est toujours le point, à
l'article 22 du Code actuel, le fameux maraudage, par rapport à ce qu'on
propose. Et, lorsqu'il y a maraudage, vous proposez, vous, que, même s'il
y avait un maraudage et surtout s'il y avait un changement
d'accréditation, les conditions de travail, le contrat de travail soit
maintenu. Vous ne trouvez pas que le fait qu'il y ait un maraudage
naturellement, si les gens sont satisfaits du contrat de travail, il est
évident, à mon sens, que les gens vont maintenir, probablement,
la même allégeance syndicale et, s'il y avait un changement
d'allégeance syndicale, ça veut quasiment dire que les gens ne
sont pas satisfaits du contrat de travail. C'est ça, explicitement, que
ça veut dire. Donc, si on appliquait votre recommandation, il y aurait
un changement d'allégeance syndicale. Vous ne trouvez pas que ça
pourrait perturber le climat de travail pour la balance du contrat?
M. Dufour (Ghislain): Bon. Certains de mes collègues
voudront probablement ajouter à ce que je vais dire, mais c'est une
solution de dernier ressort, hein? J'imagine que vous avez saisi ça dans
notre mémoire. C'est parce que, en réaction à l'avis du
président de la Commission des droits, bien, on dit: Si c'était
vrai, ton opinion, ce dont on doute, bien, à ce moment-là, la
raison de t'en sortir, c'est ça. Mais ce n'est pas une proposition qu'on
vous suggère plus qu'il faut.
Par ailleurs, si on devait permettre le maraudage, M. le
Président, nous, on n'est pas intéressés au projet de loi
116, s'il n'y a pas la garantie que la convention collective demeure, parce
qu'on est exactement comme dans le contexte d'aujourd'hui. Si le maraudage est
permis et que le maraudage permet de changer la convention collective, bien,
oubliez le projet de loi 116. On va juste vous dire qu'on n'est pas d'accord
avec vous, puis que vous auriez dû le... Mais qu'est-ce que vous voulez?
c'est ça, la garantie de stabilité dans l'entreprise, que le
non-maraudage et la confirmation que, si on a signé une convention
collective de cinq ans, bien, elle va être de cinq ans; quatre ans, elle
va être de quatre ans.
Je répète, M. le ministre, que c'est tout simplement pour
dire à nos collègues qui s'amèneront à 11 heures
puis à la Commission des droits de la personne que, s'ils tiennent
à mort au maraudage, bien, parfait, on leur offre. Oui, Luc.
M. Marcil: Si on leur offrait la condition que le changement
d'allégeance n'a pas pour effet de dénoncer la convention...
M. Beaulieu (R. Luc): Oui.
Le Président (M. Messier): Juste un petit instant. Vous
voulez prendre la parole? C'est Me Beau-lieu. C'est juste pour les fins du
Journal des débats.
M. Beaulieu (R. Luc): C'est ça, merci. M. le ministre,
moi, je ne veux pas m'étendre sur la question de savoir si ça
viole ou non la loi de l'association, mais quelqu'un qui lit attentivement la
lettre du président à la Commission des droits de la personne va
noter qu'il n'affirme nulle part que le projet de loi viole la loi de
l'association. Il conclut que ça serait mieux de ne pas le faire. Mais,
permettre la répudiation du contrat suite à un changement
d'allégeance syndicale, la première chose qu'il faut remarquer,
c'est que ça veut dire qu'on permettrait unilatéralement la
répudiation du contrat. Est-ce qu'on va accorder à l'employeur le
même droit si, lui, il s'aperçoit, au bout de trois ans ou quatre
ans, qu'il s'est trompé en signant un contrat de six ans? Ce n'est pas
«fair» de dire: Bien, tes salariés, s'ils sont insatisfaits,
ils vont changer de syndicat puis ils vont remettre en question le contrat. Je
pense que ça n'a pas été soumis, ici, mais c'est ça
que ça veut dire, en pratique, d'accorder seulement à une des
parties le pouvoir de répudier le contrat. Donc, moi, j'ai une objection
de principe. Au-delà du fait que, comme on vous l'a souligné,
ça rend totalement inutile votre projet de loi, d'autre part, ça
déstabilise de façon indue le rapport de force. On permet
à une des parties de se sortir d'un contrat qu'elle n'aime pas, mais pas
à l'employeur. Je serais curieux de savoir ce qu'ils
répondraient, ceux qui soutiennent cette thèse, si vous leur
demandiez: Êtes-vous prêts à accorder la même
possibilité à l'employeur qui, lui aussi, se déclare
insatisfait en cours de route? Je pense que poser la question, c'est y
répondre.
M. Marcil: Qu'est-ce que vous dites de la déclaration,
hier, de la FTQ, lorsqu'ils sont venus en commission parlementaire? Ils
disaient que, depuis la sentence arbitrale concernant Le Journal de
Montréal, en réalité, le gouvernement ne devrait pas
modifier le Code du travail. On ne devrait pas arriver avec le projet de loi
116, qu'on n'a tout simplement qu'à référer ça au
CCTM, puis on va trouver une façon de... " M. Dufour (Ghislain):
Bon là, il y a deux volets dans votre question, M. le ministre. Il y
a le volet de la FTQ versus Le Journal de Montréal. Je vous ai
dit tout à l'heure que, la décision de la Cour supérieure,
on pouvait en parler. Je vais demander à Me Beaulieu d'en parler.
Référer ça au CCTM, je veux dire, j'espère qu'on ne
s'amuse pas aux dépens des législateurs. Ça fait six mois
que c'est au CCTM, ce dossier-là. On a siégé le matin, le
midi, le soir. On a tout fait pour essayer de s'entendre, et on n'a pas
réussi, pour une raison très simple, c'est qu'une centrale
syndicale, notamment, exige le maraudage après trois ans. Alors, c'est
la confirmation du statu quo. Alors, on n'ira jamais nulle part. Ne retournez
pas ça au CCTM. Nous, on n'ira pas siéger là-dessus, je
vous le dis, puis je pourrais demander la même question à la
sous-ministre, si elle va y
aller. On a débattu ça sous toutes les coutures et,
à un moment donné, il faut que des gens décident. Alors,
ça, c'est clair pour notre part.
Sur la décision au Journal de Montréal, bien
là, c'est plus juridique. Je demande à Me Beaulieu. (10 h 30)
Le Président (M. Messier): Me Beaulieu.
M. Beaulieu (R. Luc): Oui. D'abord, comme c'est notre cabinet qui
représente Le Journal de Montréal, je ne voudrais pas que
vous pensiez que c'est un jugement partial que je vais rendre. La
première chose qu'il faut noter, c'est que la décision de Me
Hamelin est en évocation et le juge Reeves, qui a pris l'affaire en
délibéré, n'a pas encore rendu son jugement. Donc, c'est
un peu délicat de discuter du fond de la décision.
Je rappellerai simplement au gouvernement et à l'Opposition
officielle que la Cour supérieure, qui est quand même un tribunal
de juridiction supérieure à un arbitre, a déclaré
j'ai les jugements avec moi, autant la sentence arbitrale que le
jugement du juge Tessier; si ça vous intéresse, j'ai des copies
pour tout le monde de façon claire et nette que la convention
collective, depuis trois ans, est d'une nullité absolue. Ce
jugement-là est porté en appel, par ailleurs. Mais, le point
qu'il faut faire ici, ce n'est pas tellement ce que l'arbitre a
décidé ou la Cour supérieure, ça illustre
exactement ce qu'un investisseur ne veut pas voir dans une lettre d'opinion
d'avocat, c'est-à-dire: Voyez-vous, ici, au Québec, bien, toutes
ces questions-là sont débattues devant les tribunaux et on ne
connaît pas la réponse. Ça fait que la première
chose qu'il se dit: Bon, écoute, ce n'est pas clair, là. Il y a
l'incertitude. Je pense qu'on en entend parler souvent de ça,
l'incertitude à l'égard d'autres questions, ce qui fera que les
investisseurs ne viennent pas. Sans discuter du fond encore, qui a raison, qui
a tort? le simple fait que ces questions-là demeurent en litige,
qu'elles soient incertaines et ambiguës, ça fait qu'un investisseur
décide de regarder ailleurs, dans un autre pays ou dans une autre
province où c'est clair.
M. Marcil: Dans la loi 116, justement, nous, on permet de
maintenir les mêmes conditions de travail, le même contrat
jusqu'à l'expiration, dans le fond, de la négociation tandis que,
dans le Code actuel, c'est que, en tout temps, au moment où il y a
expiration de la convention, il peut y avoir un lock-out ou même une
grève. On peut changer des conditions de travail même si... On n'a
qu'à faire une journée de lock-out, même deux heures, une
demi-journée de lock-out, On peut changer les conditions et continuer de
négocier et, avec le nouveau contrat, on réapplique les nouvelles
conditions. Qu'est-ce qui vous embête? Qu'est-ce qu'il y a
d'embêtant pour les employeurs, dans l'article... du moins, le changement
que nous proposons? Le fait que, pendant la négociation, on puisse
maintenir les mêmes conditions de travail? Je comprends que, dans
beaucoup de conventions collectives, c'est inclus, ça, dans les clauses,
là. On introduit ça, dans une convention, de maintenir tout
ça. Je vais poser la question directement: Est-ce que c'est moins
pervers pour les employés de déclencher une grève que pour
les employeurs de décréter un lock-out?
M. Dufour (Ghislain): Bon. Je vais demander à Me Le Corre,
qui est un practicien, de répondre à ça, mais, moi, je
vais vous répondre sur le principe. Ce qu'on demande au gouvernement, ce
qu'on demande au législateur, quel qu'il soit, c'est de
déréglementer dans toute la mesure du possible. Vous le faites,
avec le projet de loi 116, en disant: On déréglemente la
durée. C'est-à-dire que vous déréglementez, sauf
que vous permettez le maraudage après six ans. Bon. Mais, ça, on
l'accepte. Donc, vous déréglementez et, à l'article
suivant, vous réglementez. Vous venez réglementer encore. Alors,
on vous dit: Laissez ça aux parties. Les parties, dans 50 % des cas, se
sont entendues. Alors, laissez ça à la libre négociation,
comme c'est le cas dans à peu près toutes les autres provinces.
C'est purement une question de principe. Si vous allez à la
réalité des relations de travail, là, on vous fait un
certain nombre d'exemples dans notre mémoire où on vous dit qu'on
va être obligés de déclarer les lock-out, des fois, pour
être certains qu'on va changer les choses qu'on voudrait changer. Un
lock-out, par définition, ça, ça pourrit le climat des
relations de travail. Me Le Corre.
Le Président (M. Messier): Me Le Corre, oui.
M. Le Corre (Claude): En fait, c'est ça, le principe. Si
vous regardez le statu quo actuel ou l'article 59, c'est une notion abstraite
qui amène le droit de changer les conditions de travail,
c'est-à-dire l'arrivée du droit de faire la grève sans
être obligé de l'exercer ni grève ni lock-out. Le
texte que vous proposez, vous faites en sorte qu'un employeur qui serait
coincé avec un changement nécessaire dans sa convention
collective serait obligé de faire une journée de lock-out pour
être maintenant, sous l'ancien article 59, avec les mêmes droits.
Vous obligez l'employeur à faire parfois des gestes de provocation qui
vont dégénérer en grève générale, et
ça jette de l'huile sur le feu pour rien, tandis qu'avant c'était
une notion abstraite. On n'était pas obligés d'exercer la
grève, on n'était pas obligés non plus de changer des
conditions de travail mais, s'il y avait un besoin... Par exemple, on le voit
souvent sur des horaires. J'ai connu une entreprise qui avait un horaire
écrit dans la convention collective, et elle avait besoin de trois
heures entre chaque quart pour faire un changement de machinerie, une
modernisation complète. Le syndicat utilisait ça comme outil de
négociation, de ne pas consentir au changement de l'horaire. Alors, avec
un texte comme ça, il aurait fallu faire une journée de
grève, rappeler les travailleurs pour modifier leur horaire d'une heure.
Je suis loin d'être certain qu'ils seraient revenus au travail puis qu'on
n'aurait pas un conflit qui n'aurait jamais fini.
Le Président (M. Messier): Merci beaucoup, Me Le
Corre.
M. Marcil: Je vais permettre à l'Opposition, et je
reviendrai après.
Le Président (M. Messier): Oui, ça va. M. le
député de Jonquière.
M. Dufour: Oui, merci, M. le Président. J'ai l'impression,
en écoutant votre mémoire, qu'on part de loin, les uns par
rapport aux autres, parce que, même si vous nous dites qu'il y a des
irritants, actuellement, dans la loi, je suis obligé de me
référer à certains écrits ou certains dires qui
considèrent que les relations de travail sont grandement
améliorées. Ça, c'est le CPQ qui dit ça, dans le
contexte actuel. Et vous nous parlez du contrat social, qui est très
cher au ministre de l'Industrie et du Commerce, mais il faut bien admettre que
ces contrats sociaux là il y en a une vingtaine de signés
actuellement au Québec c'a eu pour effet, à venir
jusqu'à maintenant, de faire reculer les syndiqués par rapport
à leurs conditions de travail. Et, ça, ça s'est fait
toujours sous la menace de... c'est du «crois ou meurs». Si vous
n'acceptez pas un contrat plus long, vous allez perdre vos jobs, ou, on n'est
pas capables de faire de l'investissement. C'est un discours nouveau,
ça, d'arriver puis dire: Bien, si on n'a pas des conditions de six ans,
on ne pourra pas emprunter. À ce moment-là, pourquoi pas 10 ans?
parce que, les emprunts, ça se fait sur 10 ans, normalement. Ça
peut se faire sur 15 ans, ça peut se faire sur 20 ans.
Je trouve qu'il y a quelque chose, là, qui permet aux patrons de
faire des pressions pour que les relations de travail viennent un petit peu
plus à leur goût. Et ça n'empêche pas, dans le
contexte actuel, des entreprises de fermer. Encore ce matin, j'avais un appel
d'un groupe, là, où ils vont fermer un département. Bon,
Spar Aérospatiale, ils veulent fermer un département; 35 emplois
qui sont chez le diable. Ils vont transférer ça à Ottawa.
Ce n'est pas à cause de la durée de contrat, là, c'est
pour d'autres raisons. Et on voit ça régulièrement. Chez
nous, on voit exactement la même affaire. Je ne sais pas si ça
changerait quelque chose, si on avait un contrat de six ans plutôt que de
trois ans.
Il y a contrat social entre Abitibi-Price puis leurs employés.
Ça ne les empêche pas de procéder à des mises
à pied régulièrement et tout le temps. Donc, j'ai de la
difficulté à accrocher. Et vous avez le droit aux lock-out. Ils
m'ont dit que, les lock-out, ça a augmenté, puis que le climat
social, au point de vue des grèves, a diminué. Ça a
diminué dans les dernières années, et, ça, personne
ne peut le nier.
Ça fait que les employés, actuellement, dans le contexte
actuel, acceptent de rallonger leurs conventions collectives. Ils disent: II
n'y a pas d'assises juridiques. Mais ça, hier, la FTQ a essayé de
démontrer que ce n'est pas complètement fermé. Ça
ne veut pas dire que les assises juridiques sur lesquelles on se fie sont
vraiment... C'est en appel, en tout cas. D'une façon ou de l'autre, il
pourrait y avoir des assises juridiques, il pourrait ne pas y en avoir.
Moi, je trouve que, par rapport à ça, actuellement, on
profite des circonstances pour mettre à la raison un groupe. Moi, je ne
sais pas si c'est sain pour la société, je ne sais pas si c'est
bien, et je ne sais pas non plus, même si vous affirmez dans votre
mémoire qu'on peut perdre des subventions ou des investissements... Moi,
j'aimerais avoir des exemples d'investissements qu'on perd parce que les
contrats de travail ne durent pas plus longtemps.
Un de ceux-là, c'a été Hyundai. Hyundai, on a
décidé que, oui, on pourrait le faire pour des raisons bien
précises. Mais est-ce que vous pouvez me donner des contrats ou des
industries qui ne veulent pas s'établir parce qu'elles n'ont pas
suffisamment de durée de conventions collectives? Moi, je mets ça
un peu en doute mais, si vous pouvez me convaincre, je ne demande pas
mieux.
Le Président (M. Messier): M. Dufour.
M. Dufour (Ghislain): Oui, bien là, ce n'est pas vrai que
vous allez m'accrocher juste avec votre petite question pointue, à la
fin, parce que vous avez affirmé beaucoup de choses.
M. Dufour: Oui.
M. Dufour (Ghislain): Je ne suis pas d'accord avec votre analyse,
puis d'aucune façon. C'est vrai que le climat des relations de travail
est bon, actuellement, en termes de jours-personnes perdus. Ça fait 10
ans que c'est bon. Et je le dis, puis je vais le répéter, puis je
l'écris constamment parce que c'est vrai, mais ça n'a rien
à voir avec certains irritants de nos lois du travail. On n'a pas
parlé de la CSST, là. Je veux dire... On ne pourra pas dire qu'en
disant ça je suis d'accord avec la Loi sur la santé et la
sécurité du travail puis tous ses irritants. Même chose
avec le Code. On est contre l'article 45 du Code puis la sous-traitance, puis
ça fait des années qu'on demande des amendements. Alors, c'est
là, ça, je veux dire, mais ça n'a rien à voir avec
nos relations patronales-syndicales dans le champ, la CSN et nous puis la FTQ
et nous. Je veux dire, on vit dans votre cadre législatif à vous,
puis on essaie de s'entendre à l'intérieur de ça. Tant
mieux, si ça va bien. (10 h 40)
Je trouve votre analyse très négative, d'abord, sur les
contrats sociaux. Puis ce n'est pas très positif, ce que vous dites,
finalement, pour les syndicats qui en signent, parce que vous dites: Ils se
font avoir, on profite d'eux autres, on les fait reculer. En tout cas, moi, je
les connais assez, dans le champ, pour savoir que ce n'est pas la façon
dont ils se conduisent.
D'ailleurs, ici, on en a un. Je les ai, il y en a une trentaine,
simplement dans les pâtes et papiers. Ce n'est pas vrai que ça a
fait reculer les syndicats. Ça a
peut-être sauvé des emplois, par exemple, parce que, sinon,
certaines entreprises auraient fermé. Puis les investissements d'Atlas
Steel ne seraient pas faits, si on n'avait pas consenti un certain nombre
d'aménagements.
Vous nous dites: Pourquoi pas 20 ans? M. le député de
Jonquière, c'est ça qu'on essaie de démolir sur la place
publique. Le maximum, pour le maraudage, ça va être six ans. Donc,
six ans... Ils pourront peut-être en signer une de 20 ans mais, s'ils ne
sont pas satisfaits, c'est le maximum, six ans, aux fins du maraudage. Alors,
ils vont pouvoir en resigner une autre, s'ils sont maraudes.
Vous dites qu'on fait ça, nous autres, ici, puis c'est pour
brimer nos pauvres travailleurs, bon, etc. Simplement vous dire, ici, qu'aux
États-Unis, dans le secteur des pâtes et papiers, qui est le
secteur avec lequel on concurrence, ils n'ont pas peur de ça, eux
autres, des conventions collectives de... Voyez-vous, ici, «number of
mills» nombre de moulins trois ans: 11; quatre ans: 11;
cinq ans: 13, six ans: neuf. Puis, c'est ça, nos concurrents. Veux-tu
ajouter? M. Larose.
Le Président (M. Messier): Allez-y, M. Larose.
M. Larose (Jacques): Oui, ce que je voudrais dire
là-dessus, c'est que j'ai participé directement aux
négociations des pâtes et papiers avec, entre autres, quatre
compagnies à la même table: Domtar, Produits forestiers Maclaren,
Daishowa, bien sûr, Quno aussi. La compagnie Quno représenterait
à peu près 3000 à 4000 travailleurs. on a signé des
ententes de cinq ans. non pas sous la menace, non pas sous la pression. les
pâtes et papiers, au québec, c'est très important; c'est 15
% des exportations totales. pour l'industrie elle-même, probablement 75 %
de nos produits s'en vont à l'extérieur. notre compétition
est du côté du sud des états-unis. il se bâtit
continuellement de nouvelles usines. c'est avec ces gens-là qu'on fait
concurrence. et on a les mêmes clients. ça, il faut comprendre
ça; on a les mêmes clients.
Alors, les avantages, pour la compétition américaine
sans parler de l'énergie, de la main-d'oeuvre, etc. un des
avantages qu'ils ont, c'est qu'ils ont des conventions de longue durée.
Alors, quand ces gens-là, quand ces représentants-là vont
rencontrer nos clients, leurs clients, un des avantages marqués qu'ils
avaient jusqu'à maintenant, c'était de dire: Achetez le papier
journal de nous autres parce que, nous autres, on peut vous garantir la
sécurité d'approvisionnement alors qu'au Canada ou au
Québec, à tous les deux ans, à tous les trois ans, ils
sont en négociation collective, avec des menaces de grève, des
menaces de lock-out.
Ça, ce sont des choses sur lesquelles on a communiqué avec
nos employés, dans les trois ou quatre dernières années.
On a expliqué cette situation-là. On sait que l'industrie des
pâtes et papiers traverse une période très difficile. Puis
je pense, moi, qu'on a convaincu nos employés, non pas sous la menace,
mais on les a convaincus par des faits assez précis. On a convaincu,
aussi, les exécutifs syndicaux d'accepter cet
élément-là, et ça s'est fait sans pression,
ça s'est fait sans grève, ça s'est fait sans lock-out.
L'autre chose que je voudrais mentionner, c'est que ces
ententes-là se sont faites de gré a gré. On s'est entendu
là-dessus. Pardon?
M. Dufour: II n'y avait pas de loi 116. La loi 116 n'est pas
là. Là, vous dites qu'ils s'entendaient; ils se sont entendus.
Moi, je suis d'accord avec vous, quand vous me dites ça. Us se sont
entendus sans loi 116.
M. Larose (Jacques): Non, c'est-à-dire que, ce qu'il faut
comprendre, c'est qu'on a un problème avec ça parce qu'il faut
faire des entourloupettes pour faire ça. Moi, je peux vous dire que,
juste le fait, en tout cas pour les pâtes et papiers, d'avoir obtenu ce
genre d'entente là, ça nous donne un avantage sur les
Américains; ça nous place sur le même pied qu'eux autres;
ça permet à nos vendeurs de s'en aller là-bas, d'attaquer
le marché; ça permet à nos gestionnaires de s'attaquer aux
réels problèmes qu'on a. Non pas nécessairement des
problèmes de relations de travail, mais des problèmes de
marché, des problèmes de compétitivité. Les
compagnies qui doivent, à tous les deux ans, monopoliser leurs
gestionnaires pour renouveler un contrat de travail, ça demande de trois
à six mois de travail puis, durant ce temps-là, on ne peut pas se
concentrer sur les autres éléments. Alors, c'est dans ce
sens-là... En tout cas, pour nous autres, pour l'industrie des
pâtes et papiers, nos marchés sont du côté
américain; on compétitionne avec ces gens-là.
Alors, le document que M. Dufour vous montrait tantôt... Si, moi,
j'ai des conventions de deux ans et que, à tous les deux ans, il faut
que j'aille m'asseoir avec mes gens, avec des possibilités de
grève ou de lock-out, pendant que, ma compétition, ils sont assis
sur des contrats de cinq ans, six ans, j'ai un gros désavantage. J'ai un
très gros désavantage. Puis ce qu'on dit, nous autres, ce n'est
pas d'imposer des conventions de cinq ans, de six ans. Si on ne peut pas
convaincre les syndicats et les employés de signer ces
conventions-là, je veux dire, on jouera la partie de la
négociation mais, si les parties sont d'accord, pourquoi
l'interdire?
Deuxièmement, si les parties sont d'accord, pourquoi se cacher
puis faire des entourloupettes? Prenons au moins le crédit d'une paix
industrielle qu'on développe, au moins qu'on puisse dire à nos
gens... Daishowa, en autant qu'elle est concernée, avec les Japonais...
Je veux dire, les Japonais ne comprennent pas nécessairement le
mécanisme des relations de travail. Ce qu'ils comprennent, par exemple,
c'est qu'à tous les trois ans, je veux dire, ou à tous les deux
ans il y a une menace. Juste le fait, nous autres, d'avoir signé cette
convention-là, même s'il faut revenir dans trois ans pour regarder
l'élément salaire uniquement, juste le fait de leur dire: On a
une paix ou on a une convention collective avec
nos gens pour cinq ans, c'est vu de façon extrêmement
positive.
Le Président (M. Messier): Merci, M. Larose. Je pense
qu'il y a Me Tobin qui voudrait intervenir sur la même question.
M. Tobin (Edmund E.): Merci, M. le Président. J'abonde
définitivement dans le sens exprimé par Jacques Larose. Le
secteur des pâtes et papiers, que je connais pour en avoir fait partie
pendant un certain nombre d'années, je suis, moi aussi, très
conscient de la réalité à laquelle faisait allusion
Jacques. Je pourrais peut-être ajouter qu'à la lumière de
l'expérience que nous vivons, tous les jours, en relations de travail,
non seulement en tant que praticiens des relations de travail mais aussi en
tant qu'avocats que nous sommes tous ici à la table, Me Le Corre, Me
Beaulieu et moi-même, ce ne sont pas seulement les gens dans le domaine
des pâtes et papiers, dont vient de parler Jacques, qui vivent ces
mêmes problèmes. Nous avons, à preuve, dans d'autres
domaines aussi importants pour l'économie du Québec, les
mêmes expériences qui sont tentées mais toujours, comme on
le sait, en parallèle à ce que permet actuellement la loi,
c'est-à-dire dans le domaine sidérurgique, dans le domaine
métallurgique, dans le domaine pétrochimique, entre autres. Nous
avons là aussi les mêmes jalons qui sont posés que ceux
auxquels vient de faire allusion Jacques, dans le domaine des pâtes et
papiers. Donc, nous voyons que ce n'est pas seulement dans un domaine où
on est confrontés à cette réalité juridique dont
faisait part tantôt Me Le Corre, mais on voit que, partout, on cherche
une solution, mais on sait que cette solution-là n'est pas, si on veut,
actuellement reconnue juridiquement. Mais sachant que nous avons, de part et
d'autre, l'appui des deux parties, c'est ça qui fait vivre ces contrats
sociaux là. Et ce qu'on demande, c'est que la loi aussi le permette,
quand les parties l'ont voulu. Merci.
Le Président (M. Messier): Merci beaucoup, Me Tobin. M. Le
Corre, M. Dufour.
M. Dufour: Je vais continuer un peu parce que...
Le Président (M. Messier): II vous reste...
M. Dufour: Vous dites que vos concurrents sont aux
États-Unis, mais je sais que, pour le papier, la Finlande est dans le
portrait aussi. Les pays nordiques sont dans le portrait, au point de vue
concurrence. Je sais aussi qu'aux États-Unis les machines sont beaucoup
plus modernes, la machinerie est plus moderne et, quand vous me donnez vos
industries à vous, elles sont plus modernes que d'autres que je connais.
Nous autres aussi on en a des compagnies de papiers chez nous. On connaît
la Stone et Abitibi-Price, et on sait comment elles fonctionnent; Donohue... On
les a toutes dans le visage. On a le portrait comme il faut de ça, des
pâtes et papiers. Et on sait que les syndicats ont ouvert le jeu. Vous
n'y étiez pas hier mais je vais le répéter. Hier, j'ai dit
à des intervenants que, lorsqu'on rencontre des employés puis des
employeurs, si on ne savait pas qui est qui, on ne saurait pas qui l'est, parce
que le langage est le même. On parle de rationalité, on parle de
rationalisation, on parle d'investissements. On parle exactement le même
langage. Donc, il y a eu un cheminement très fort de fait de ce
côté-là. Moi, je ne suis pas prêt à mettre
ça de côté et jeter par-dessus bord. Je dis, par rapport
à ça, oui. (10 h 50)
Quand vous parlez de stabilité, c'est évident que
l'entrepreneur ou l'investisseur, lui, il veut avoir de la
sécurité mais, quand je regarde dans le domaine boursier, il n'y
a pas beaucoup de sécurité. Les gens investissent dans les
Bourses. Ils prennent des chances puis, moi, je dis que quelqu'un qui s'en va
dans l'industrie, il prend des chances. Ce n'est pas stable, l'industrie. Quand
même vous me diriez ça, ce n'est pas vrai. Je vais juste vous
donner comme exemple qu'Atlas avait signé un contrat et, au bout d'un
an, ils ne voulaient plus respecter ce qu'ils avaient signé.
C'était un contrat social, ça; ils ne voulaient pas le respecter.
Ils ont été forcés, jusqu'à un certain point, et
ils ont fini par respecter leur parole. Puis vous nous dites: Bien oui,
ça, on peut permettre le maraudage. Au bout de six ans, on peut
permettre le maraudage, même en milieu de contrat. Dans le fond, c'est
pour rire, ce que vous nous dites...
Une voix: Non.
M. Dufour: ...parce que, changer de syndicat ou
d'allégeance syndicale et garder le même contrat, ça donne
quoi? Dans le fond, moi, je trouve que... Vous dites: On veut leur donner parce
qu'on sait bien que ça ne changera pas grand-chose. Mais est-ce que vous
croyez sincèrement, connaissant le milieu syndical je ne veux pas
vous faire injure comme vous le connaissez et comme je le connais, que
quelqu'un pourrait changer d'allégeance syndicale en période de
contrat, au bout de trois ans, et la convention collective finirait dans six
ans? Est-ce que vous croyez sincèrement que quelqu'un changerait de
chapeau juste pour le plaisir de le faire? Quand on change de syndicat, c'est
parce qu'on n'est pas satisfait de notre syndicat et on veut changer les choses
et, ça, ça se fait à l'intérieur de la convention
collective. Quand vous nous dites ça, dans votre mémoire,
ça me laisse sceptique un peu.
M. Dufour (Ghislain): Bon. Moi, je vous connais assez bien.
Le Président (M. Messier): Peut-être pour deux
minutes. Après ça, on va intervenir avec le député
de...
M. Dufour (Ghislain): Je sais que vous avez fait
de la négociation, vous aussi, à une époque, et que
vous êtes très réaliste face à ça. Nous
aussi, on l'est. J'ai bien dit au ministre, tout à l'heure: Ce n'est pas
une proposition qu'on fait, sauf que, si le président de la Commission
des droits de la personne continue à maintenir cette position-là,
on lui dit: Bien, voilà! la solution est là. Mais, autrement, si
tu le permets, enlève la loi 116, on n'en parle plus. C'est
évident que ça ne se passera pas à tous les matins, si les
conditions de travail sont maintenues, je concède ça, mais c'est
une réponse qu'on donne, dans le fond, à une objection
alléguée de principe qui nous est donnée.
Juste une intervention additionnelle. Au plan économique, M. le
député de Jonquière, il ne faut pas imaginer que les
entreprises négocient facilement les contrats de cinq ans, six ans,
là, 10 ans chez Goodyear, si je me rappelle bien. Dans certains cas,
elles en paient le prix, ces entreprises-là. Les vis-à-vis
syndicaux, en face, ne sont pas fous non plus. Si vous regardez encore le
contrat chez Atlas à Sorel, Sammi-Atlas, vous allez voir que
l'entreprise en question a consenti, au plan économique, des choses
qu'on voit rarement. Plancher d'emploi, par exemple, si les investissements
étaient faits. Donc, il y a des achats, il y a des prix à payer
pour le contrat à long terme et, ça, ça m'apparaît
important de le mettre aussi dans le débat économique. Mais je ne
veux pas prendre le temps de Me Ménard.
Le Président (M. Messier): Merci, M. Dufour. Je vais
laisser le temps de parole au député de Drummond.
M. St-Roch: oui. merci, m. le président. m. le
président dufour, vous n'étiez pas ici, hier. j'ai dit que
j'abordais le projet de loi 116 avec extrêmement de réserve. et
j'aimerais rappeler que la période de 1974, entre autres, 1973, 7,8 %
d'inflation, 1973-1974, on jouait dans les 10,8 %. il y a eu beaucoup de
conventions collectives, à ce moment-là, qui ont
été signées de bonne foi pour des deux, trois ans. et,
à cause de cette conjoncture qui était au-delà des parties
en cause, on a vu aussi énormément de débrayages et de
grèves illégales où on a été obligés
de s'asseoir et de régler beaucoup de conventions collectives. s'il y a
quelque chose qui a détruit l'image et la perception du climat du
québec, c'était de dire: ii y a des conventions collectives, et
il y a eu des débrayages et il y a eu des grèves.
Moi, je pense, lorsque je regarde ces contrats-là à longue
échéance, oui, dans des cas d'exception, de parties de contrat
pour favoriser des investissements, mais d'ouvrir «at large»
vous allez me passer l'expression anglaise j'ai de fortes
réserves parce que je pense que ce qui a fait la valeur des relations et
de la paix syndicale qu'on voit depuis les 10 dernières années,
c'est qu'on a été forcés, des deux côtés de
la table, de s'asseoir et d'aborder les conventions collectives avec
intégrité, avec transparence, avec sincérité, avec
un esprit de partenariat. Et, à un moment donné, on s'est
aperçu que, si on misait sur les changements technologiques, si on
faisait, dans les industries, de la maintenance préventive, il y avait
notre plus grand bien qui était les ressources humaines. cette
évolution de pensée là a amené le climat qu'on
connaît. et je pense, moi, quand je regarde, à moins que le milieu
du travail ait énormément changé depuis des années,
à un moment donné, il y a eu une étude de l'ocde qui a dit
que 67 % des gens, avant de s'établir quelque part, regardaient
plutôt la proximité des marchés et la diffusion. l'autre
chose qu'on regardait, c'était le climat social dans son ensemble.
Moi, j'ai peur, et je vais vous dire pourquoi j'ai peur, parce que j'ai
été et j'ai toujours eu un chapeau d'industriel, mais on m'a
considéré avant-gardiste continuellement. Les modes qu'on a dans
l'industrie... Et vous savez bien, M. le président, que si, demain
matin, on va «at large», moi, je verrais mal un président de
compagnie arriver devant ses actionnaires et de dire: Je n'ai pas de contrat
social. Et je vous rappellerai la dernière mode qu'on a vécue,
vers la mi-1985, toute la fameuse question des acquisitions de compagnies et
les diversifications. J'aimerais qu'on fasse le bilan et voir le nombre de jobs
que ça a coûté au Québec, ces fameuses modes
là. Et la plupart des compagnies qui sont allées tous azimuts,
pour satisfaire un courant, une mode, pour faire face à leur conseil
d'administration puis à leurs investisseurs, bien, si on faisait la
comptabilité des jobs et des milliards de dollars perdus, on verrait une
différence.
Alors, je continue à avoir des réserves sur le contrat
social «at large». Qu'on puisse avoir une modification et des
amendements à la loi 116 pour tenir compte des circonstances
particulières au niveau de certaines parties, moi, j'irais. Mais, vu que
j'ai très peu de temps...
Vous restez étrangement silencieux à l'article 26 du
projet de loi 116. J'ai entendu souvent, aussi, côté patronal,
qu'on accusait le gouvernement, par le côté de tout le secteur
public, de donner beaucoup d'acquis puis de dire: Bien, ça, ça
fait un effet de dominos, et, tout à l'heure, on était
obligés de le donner côté privé. Pourtant, si c'est
bon pour le milieu privé, pourquoi le gouvernement se soustrait-il avec
l'article 26? Puis je n'ai pas eu d'affirmation contraire qu'on soustrait tous
les employés.
Le Président (M. Messier): C'était la question. M.
Dufour.
M. Dufour (Ghislain): Bon. Très, très rapidement.
Qu'est-ce que vous voulez, moi, je reconnais le droit au député
de Drummond d'avoir des réticences vis-à-vis du projet de loi
116, mais j'apprécie le fait qu'il ne le rejette pas. Il dit, par
ailleurs, qu'il est d'accord avec des assises juridiques à certains
contrats sociaux, à certains volets de contrats sociaux. Bien, quand il
va commencer à définir ça, il ne pourra pas y
échapper. Il va toujours être obligé de les mettre dans le
même paquet, parce que tu ne peux pas avoir de distinction facile dans ce
domaine.
Je voudrais répéter, à son attention, que le droit
d'association n'est pas violé par le projet de loi 116. Je voudrais
rappeler que rien ne va obliger les syndicats et les employeurs à signer
des conventions collectives de plus de trois ans. Ce n'est pas un projet de loi
coercitif, ça. Et, moi, je fais confiance aux patrons du comté de
Drummond pour ne pas en signer, des contrats de cinq ans, s'ils ne sont pas
capables, puis les syndicats non plus. Je veux dire, c'est ça, les
relations de travail et, moi, je fais confiance aux parties.
Sur la dernière intervention, sur l'article 26, bien, là,
je pense que la question s'adresse au gouvernement, ne s'adresse pas à
nous. Pourquoi on exclut le gouvernement? Ce n'est pas ce qui nous retient le
plus dans ce projet de loi là.
Le Président (M. Messier): Merci beaucoup, M. Dufour. Il
nous reste à peu près sept minutes pour le ministre. Une
dernière question et les remerciements d'usage.
M. Marcil: Bien, je ne prendrai pas sept minutes pour faire les
remerciements d'usage, M. le Président.
Le Président (M. Messier): Vous pourriez toujours.
M. Marcil: Je voulais tout simplement dire que notre proposition
avec la loi 116 est bien plus à l'effet de remplacer une règle
générale prohibitive par une règle générale
permissive. C'est dans ce sens-là qu'on a abordé le dossier du
Code du travail, en ce qui concerne le plafonnement ou le
déplafonnement.
M. Dufour, vous avez pris part, au cours de l'automne, à des
travaux concernant la rémunération des arbitres. Il semble que,
lorsque les parties assument les paiements des arbitres, comme c'est le cas en
matière de griefs, elles souhaitent pouvoir convenir d'une
rémunération différente de celle prévue au
règlement édicté en vertu de l'article 103 du Code du
travail. J'aimerais connaître vos commentaires sur ça.
M. Dufour (Ghislain): C'est sur le déplafonnement, dans le
fond, des taux horaires. Nous, notre position, au CCTM, est très claire.
On considère que, actuellement, le 80 $ gouvernemental n'est pas assez
élevé, mais, ça, c'est une décision
gouvernementale. La fixation de la rémunération d'un arbitre,
c'est une décision réglementaire qui appartient au gouvernement.
Parce que vous êtes impliqué aussi, en plus, comme étant
employeur, etc., vous la déterminez; 80 $, pour nous, ce n'est pas
assez. Il y a des gens qui nous rappellent constamment que ça n'a pas
été indexé depuis quatre ou cinq ans. Ce n'est pas assez
pour tenir compte de la réalité du marché, actuellement.
Ce sont des gens qui, en plus, ont des dépenses, etc.
Alors, notre position est de dire: Vous devriez regarder le 80 $, vous
devez permettre le libre marché dans ce domaine. Si les gens s'entendent
pour payer 125 $ par entente, à condition que ce soit fait avant, pas au
moment de la facture, s'ils s'entendent, bien oui, «let's go». Il y
en a qui sont meilleurs que d'autres, soit dit en passant, comme dans toutes
les disciplines, alors, ils ont raison de demander plus.
Maintenant, je vous signale simplement que, actuellement, une centrale
syndicale a une politique de rémunération qui, de toute
façon, est supérieure aux 80 $ et, nous, on est totalement
d'accord avec ça parce qu'on considère que, 80 $, c'est trop
bas.
M. Marcil: Donc, vous supportez une modification
éventuelle à l'article 103 pour permettre de telles ententes.
M. Dufour: Tout à fait. Ça ne serait absolument pas
correct qu'il n'y ait pas de possibilité d'ententes entre les parties.
(11 heures)
M. Marcil: Une dernière question avant de terminer ce
débat. Hier, on a eu un groupe qui est venu en commission, ne
s'objectant pas au déplafonnement de la durée des conventions
collectives. Cependant, il proposait de soustraire une première
convention collective de la règle du plafonnement, là.
Une voix: ...du déplafonnement.
M. Marcil: Donc, on suggérait que la première
convention collective, pour n'importe quelle nouvelle entreprise ou pour une
entreprise qui décidait, demain matin, de s'accréditer et de
négocier une première convention collective, serait de trois ans
et, à partir de la deuxième, à ce moment-là,
pourrait être déplafonnée.
M. Dufour (Ghislain): Évidemment, cette
proposition-là de la FTQ n'est pas nouvelle pour nous. On a eu
l'occasion d'en discuter à je ne sais combien d'occasions, justement, au
CCTM, auquel on voulait... Le même groupe voulait référer
encore le dossier. On a dit à la FTQ, à ce moment-là, ce
qu'on pensait de cette proposition-là. C'est discriminatoire, quant
à nous, d'abord. Pourquoi y aurait-il des conventions collectives pour
lesquelles c'est permissible, d'autres pas? Une proposition comme
celle-là et on l'a fait savoir à la présidence de
la FTQ ça ne règle pas deux problèmes. D'abord, la
comparaison des législations; l'irritant demeure chez nous alors qu'il
ne serait pas ailleurs. C'est important. Et, deuxièmement,
l'investisseur de l'extérieur, ce sera toujours un premier contrat.
Alors, cet investisseur-là, ce n'est plus 20 000 $, là, c'est 25
000 000 $, 50 000 000 $, 100 000 000 $. Donc, on retombe dans le même
problème. Il ne viendra pas, sachant pertinemment que, dans deux ans,
son plan d'investissement peut être complètement remis en cause.
Alors, non, on n'est pas d'accord, et je vous le dis, M. le ministre. C'est
pour ça que je dis: Ça ne donne rien de retourner au CCTM avec
ça, parce qu'on va le redire à la FTQ, qu'on est en
désaccord avec ça.
M. Marcil: Eh bien, je vous...
M. Ménard: Une question.
M. Marcil: Oui, allez-y donc, monsieur...
M. Ménard: Est-ce que vous êtes d'accord?
M. Marcil: Oui, aucun problème.
Le Président (M. Messier): Habituellement, on demande
à la présidence.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Ménard: Ah, je m'excuse.
Le Président (M. Messier): Ça va.
M. Ménard: Oui, oui. Alors, je suis...
Le Président (M. Messier): Mais je lui cède... Il y
a consentement.
M. Ménard: On a une petite minute. Le Président
(M. Messier): Allez-y. M. Ménard: Ce ne sera pas long. Une
voix: On peut la prendre, là.
M. Ménard: On nous a dit, hier, qu'aux États-Unis,
chez vos concurrrents, on peut faire la grève pendant la durée de
la convention collective. Est-ce que ça n'affecte pas la
sécurité des livraisons, ça?
M. Dufour (Ghislain): Je ne pratique pas encore aux
États-Unis. Je vis avec les lois d'ici, les lois canadiennes. Alors,
Luc...
M. Beaulieu (R. Luc): Est-ce qu'ils vous ont dit, par exemple...
À ma connaissance, il n'y a pas beaucoup de conventions collectives qui
l'autorisent. Si la convention collective... Et c'est ça, à ma
connaissance. C'est bien beau de dire: La loi le permet, mais... Ou encore: II
n'y a pas de problème avec ça. Mais, dans les conventions
collectives, ils s'interdisent mutuellement de le faire pendant leur
durée. Alors, franchement, je ne comprends pas cet
argument-là.
M. Ménard: Ce n'est pas un argument. Je faisais juste...
Je cherchais à...
M. Tobin (Edmund E.): -la question. Le Président (M.
Messier): M. Tobin.
M. Tobin (Edmund E.): Oui. Peut-être un commentaire qui
peut, justement, clarifier aussi la situation. C'est que, comme on se souvient,
plusieurs, il y a quelques années, demandaient le droit de faire la
grève au cours d'une convention collective, dans un cas de
mésentente de grief. C'est la raison pour laquelle, effectivement, la
Législature a décidé, généralement, que le
grief et la procédure de grief, justement, permettaient d'éviter
des affrontements chaque fois qu'il y avait un problème en cours de
convention collective. Donc, la procédure de grief, effectivement, vient
remplacer la nécessité pour des travailleurs de faire la
grève chaque fois qu'ils ne sont pas d'accord avec l'employeur,
c'est-à-dire que la décision de l'arbitre sur ce
problème-là, ce grief-là, est finale et obligatoire. Que
l'employeur l'aime ou pas, il est obligé de l'appliquer. Donc, ça
élimine la nécessité d'avoir recours à la
grève pendant la convention collective.
Le Président (M. Messier): Je vous remercie beaucoup, Me
Tobin. M. le ministre, juste 10 secondes.
M. Marcil: Oui. Bien, pour vous remercier, au nom de la
deputation, les membres de cette commission, de vous être
prêtés à cet exercice. On vous souhaite un bon voyage de
retour. Merci.
Le Président (M. Messier): Merci beaucoup. M. Dufour
(Ghislain): Je vous souhaite... Le Président (M. Messier): Je
vais... M. Dufour (Ghislain): ...le projet de loi 116.
Le Président (M. Messier): Merci beaucoup, M. Dufour. Je
vais suspendre une minute, question de laisser aux autres intervenants le temps
de prendre place.
(Suspension de la séance à 11 h 5)
(Reprise à 11 h 7)
Le Président (M. Messier): À l'ordre! Nous sommes
dans le désordre. M. le député de Drummond, s'il vous
plaît! M. le député de Jonquière.
M. Dufour: ...à l'ordre et...
Le Président (M. Messier): C'est déjà fait,
monsieur. Je vous rappelle à l'ordre, M. le député de
Jonquière.
M. Dufour: On est prêts.
Le Président (M. Messier): Ah, les gens du Saguenay!
Nous avons devant nous la Confédération des syndicats
nationaux. On reconnaît d'emblée son
président. Je demande au président de présenter les
gens qui l'accompagnent, en lui mentionnant qu'il a 20 minutes pour exposer son
mémoire.
Confédération des syndicats nationaux
(CSN)
M. Larose (Gérald): Merci. M. le Président, M. le
ministre, Mmes et MM. les députés, je vous présente,
à ma droite, Mme Claudette Carbonneau, première
vice-présidente à l'exécutif de la CSN et responsable de
la coordination des négociations dans le secteur privé et dans le
secteur public; à sa droite, Claude Plamondon, président de la
Fédération des travailleurs du papier et de la forêt;
à ma gauche, Normand Brouillet, adjoint à l'exécutif de la
CSN; et, à sa gauche, Pierre Gauthier, du contentieux de la CSN.
On vous remercie de nous avoir invités à venir
débattre avec vous de la loi 116. Les conditions dans lesquelles
l'invitation a été faite nous empêchent de déposer
un document, mais je pense qu'on peut peut-être s'en passer pour les fins
de l'exercice d'aujourd'hui. J'essaierai d'être le plus bref et le plus
clair possible pour qu'on puisse débattre sur les essentiels de ce
projet de loi. (11 h 10)
Mon premier point touche à la précipitation avec laquelle
se fait ce débat. Lorsqu'on a eu des difficultés avec l'article
45, suite à une décision de la Cour suprême qui a mis en
péril le droit d'association et de négociation de dizaines de
milliers de salariés, il ne s'est trouvé personne autour de la
table pour réunir une commission ou pour procéder rapidement
à une législation.
Quand vous avez adopté la loi 150 qui réforme
l'exploitation des forêts, dont l'article 252 met en péril les
accréditations syndicales pour les travailleurs forestiers, on a fait
beaucoup de démarches, il y a eu des comités; rien de cela n'a
abouti. C'est des droits qui ont été mis en péril, mais
toujours rien pour protéger les droits de ces
salariés-là.
Quand on se plaint de la multiplication des congédiements pour
activités syndicales c'est 2000 personnes qui sont
affectées par année il n'y a pas beaucoup de
précipitation pour s'inquiéter des droits des salariés.
Quand on s'inquiète du développement du marché du travail
et de l'impossibilité objective de réunir les masses critiques,
précisément pour pouvoir négocier dans des secteurs
particuliers parce que composés essentiellement de petites
unités, et qu'on propose l'accréditation multipatronale, il n'y a
pas grand monde qui s'inquiète de l'impossibilité d'appliquer un
droit fondamental qui est celui d'association. Pourtant, en ces
matières, on parle de droits fondamentaux. Quand on nous dit que la loi
116 veut venir légiférer sur des expériences qui se font
au Québec de conventions de longue durée, on veut vous rappeler
que ces expériences sont très courtes. La CSN a été
parmi les premières organisations syndicales à signer ce genre de
convention. Les expériences sont non seulement courtes, mais
fractionnelles. C'est de l'ordre de 0,005 % des syndicats. Ce n'est que
quelques conventions collectives. Pourquoi tant de précipitation pour
courir à la sauvegarde des droits des salariés, quand ces
expériences, aussi courtes soient-elles, couvrent si peu de
salariés, alors que, dans d'autres situations, c'est des dizaines de
milliers de salariés qui sont impliqués?
Plus soupçonnable encore, c'est qui est en demande,
là-dessus? Avant la loi 116, jamais nous n'avons entendu ceux qui nous
ont précédés à cette table réclamer le
déplafonnement des conventions collectives. Le CPQ, ça ne faisait
pas partie de son catalogue. L'Association des manufacturiers n'avait pas
ça dans ses cahiers non plus. Avez-vous entendu la Domtar, qui a
signé ce genre de convention là, demander le
déplafonnement? Expro, dans votre comté, M. le ministre, est-ce
qu'il a demandé le déplafonnement? Abitibi-Price? Cascades?
Partout où nous avons vécu ce genre d'expérience, est-ce
qu'ils sont en demande pour déplafonner les conventions? Qui demande?
Qui est en demande pour la loi 116?
Au moins, si on était dans la période que le
député de Drummond rappelait tantôt, de profonde
turbulence, de délinquance généralisée, bref,
«d'inappro-priation» des règles par rapport à la
réalité et que le législateur, bon, voulant ramener la
paix et l'ordre, voulait modifier les règles... On n'a jamais
été dans un contexte aussi calme. Nous battons tous les records,
au plan des non-jours de grève. Où est le problème?
Avons-nous un problème de relations de travail? Pourquoi la loi 116,
à ce moment-ci? Nous estimons que la loi 116 est inopportune,
inappropriée, impertinente pour trois raisons: d'abord, parce qu'elle
vient rompre le fragile équilibre des parties, premier point;
deuxième point, parce que son application va avoir des effets concrets
et pervers dans les lieux de travail; troisième point, il y a un grave
problème de droits fondamentaux.
Premier point, la loi 116 vient rompre un fragile équilibre. Ce
projet de loi n'est pas innocent, n'est pas neutre. Ce projet de loi est
carrément biaisé et patronal. Pour des gens qui n'étaient
pas en demande, se faire offrir le gros lot sans avoir pris de billet, on ne
connaît personne qui va refuser ça, parce que, depuis, ils se sont
développé tout un discours, je viens de le réentendre,
parce que ce projet de loi est patronal. Pourquoi? Quand on regarde la vraie
vie de la négociation, la durée est un objet de
négociation, c'est un objet d'échanges. Quant on est en
période d'inflation accélérée, la durée est
archi-importante. Il faut que ce soit le plus court possible pour qu'on soit en
position de se restabiliser. Il n'y a pas d'innocence au déplafonnement
des conventions collectives parce que, très concrètement, pour
l'expérience accumulée, nous avons pu échanger, si on veut
parler vrai, la durée pour une implication plus grande du syndicat sur
un certain nombre d'aspects, pour obtenir des investissements de l'employeur,
pour pouvoir procéder à une réorganisation en profondeur
de l'organisation du travail. Oui, nous avons échangé la
durée de la convention collective pour obtenir des choses.
Régulièrement, nous l'avons fait sur des bases solides et
écrites,
c'est-à-dire dans des conventions collectives. Il est clair que,
s'il n'y a plus de durée, il n'y a plus d'échange. (11 h 20)
Vouloir transformer ce qui est exceptionnel, fractionnel, en
règle générale, il y a là des risques que le
législateur prend et qui, à notre avis, peuvent entraîner
des coûts importants au niveau des établissements et des
entreprises. C'est mon deuxième point. La loi 116 risque de créer
une profonde illusion. L'image qu'on a, c'est que c'est un hochet que des
pedleurs voudraient avoir dans les mains pour attirer l'attention. Ici, au
Québec, on peut conscrire la main-d'oeuvre longtemps. On peut la
domestiquer, la rendre docile et, vraisemblablement, derrière la
tête, c'est bon marché. Créer l'illusion que, par le
déplafonnement des conventions collectives, c'est une paix industrielle
assurée? Il y a des lendemains qui vont déchanter parce que ce
n'est pas vrai. En début d'une convention qui risque, à la
limite, de durer sept ans, une sentence arbitrale capotée, les gens vont
l'endurer sept ans? Le déplafonnement des conventions collectives risque
de dégrader les climats, contrairement à l'objectif
déclaré pour adopter ce projet de loi. En fait, la loi 116 va
réintroduire un objet de litige qui, pourtant, ne figure plus sur le
tableau des relations de travail depuis plusieurs années, un nouveau
contentieux, qui est précisément celui de se battre contre la
longue durée. Alors qu'à l'heure actuelle l'obtention de la
longue durée signifie un saut qualitatif au niveau des relations de
travail, légiférer par la 116, ça va devenir un objet
à contester. Ce faisant, on met en péril les expériences,
nous mettons en péril la capacité innovatrice que les parties ont
eue jusqu'à maintenant. On met en péril le renouvellement des
pratiques en matière de relations de travail que nous avons
initiées, bon, depuis quelques années maintenant.
Et nous savons de quoi nous parlons: Aciers Atlas, c'est la CSN; Expro,
c'est la CSN; Pâtes et papiers dont un autre M. Larose parlait, c'est la
CSN. Nous savons de quoi nous parlons. Et nous avons reparlé à
ces employeurs qui ne sont pas plus en demande aujourd'hui pour la longue
durée qu'ils ne l'étaient à l'époque, dans un cadre
autre que celui de la négociation collective.
Troisième point, la loi 116 pose un grave problème de
droit. D'abord, en regard du droit canadien, rappelons que nulle part ailleurs
il n'existe un tel déplafonnement qui prive les salariés de
réviser pour maintenir ou renoncer leur adhésion
syndicale. Ça n'existe nulle part. Au minimum aux trois ans «coast
to coast» et «on the federal level» itou, aux trois ans, on
peut changer son adhésion syndicale. En regard de la Charte canadienne,
on pense qu'on peut crever la loi 116.
Deuxièmement et, ça, c'est plus grave nous
avons, le 6 décembre dernier, déposé devant le service de
la liberté syndicale au Bureau international du travail une plainte
formelle à rencontre de la loi 116 parce qu'elle contrevient à la
convention internationale de l'organisation du travail à trois
chapitres: d'abord, à la liberté d'adhésion;
deuxièmement, à la liberté de révision de son
adhésion périodique; troisièmement, à la
liberté de négociation. Pour votre bon office, je pourrai
déposer le texte à la fin de la séance. L'OIT accepte des
systèmes d'accréditation pourvu qu'il y ait possibilité de
réviser périodiquement son adhésion .pour maintenir ou
pour renoncer à son adhésion. Même l'OIT propose que la
révision soit périodique, annuellement. Mais, dans la
jurisprudence, elle tolère trois ans. Ce qui dépasse trois ans
est condamné. C'est le cas à Trinidad et Tobago, qui proposait
plus de trois ans. Dans le cas de l'Inde, qui proposait plus de cinq ans,
ça a été condamné également. Et, dans la
jurisprudence, concernant un cas en Nouvelle-Zélande, ça a
été réaffirmé que ce qui est raisonnable, au
maximum, c'est trois ans.
Alors, pour nous, il y a un grave problème en matière de
droit, que de légiférer de telle sorte que les salariés
pourraient être emprisonnés, au plan de leur adhésion, pour
une période aussi longue que six ans et pourraient être
gelés quant à leurs conditions de travail et de salaire pour la
même période. On peut comprendre que l'État invoque son
mandat d'ordre public. Il l'a fait très régulièrement dans
le passé. Chaque fois, nous avons dénoncé son
intervention. Force nous est de reconnaître maintenant que le
législateur, de plus en plus, sans crier gare, sans qu'il y ait de
turbulence, traficote les droits fondamentaux des salariés. Après
avoir passé à la moulinette les droits syndicaux de 30 000
salariés dans le secteur de la construction, la loi 116 veut passer
à la moulinette les droits fondamentaux des autres travailleurs et des
autres travailleuses. Et, ça, jamais on ne va l'accepter.
Le président du Conseil du patronat laissait entendre
tantôt que le CCTM avait été immensément
mobilisé par la loi 116. Il en avait discuté le matin, le midi et
le soir, disait-il. Je ne suis pas en mesure de vérifier si,
effectivement, tel a été son cas. Quant à nous, on a
participé, au maximum, à cinq heures de débat, en trois
séances, qui été un débat «phoney», au
point de départ, à partir du moment où le gouvernement a
fait son lit. On avait devant nous des partenaires qui, sans rien avoir
demandé, se faisaient offrir un immense cadeau. Ce débat a
été faussé au point de départ. La seule
façon de restaurer un débat sain entre les parties sur cette
question, c'est que le législateur abandonne la loi 116, dise
carrément aux parties que, quant à lui, il n'entend pas
intervenir tant et aussi longtemps que les parties n'auront pas formulé
une demande et ne se seront pas entendues. Là, il pourrait
peut-être y avoir un débat, collé aux
réalités, sans panique, sans faux problèmes et
précisément moderniser peut-être des aspects du Code du
travail, mais le faire pour répondre à des objectifs mutuellement
partagés et non pas pour répondre à d'autres
objectifs.
Le Président (M. Messier): M. Larose...
M. Larose (Géraid): J'allais conclure, M. le
Président, en disant que, quant à nous, il n'y a pas de
problème, il n'y a pas de panique. On est dans un période record
de calme. Il ne faudrait pas qu'on s'amuse à mettre le feu dans la
cabane.
Le Président (M. Messier): Merci, M. Larose. M. le
ministre.
M. Marcil: Merci beaucoup, M. le Président. M. Larose, on
vous souhaite la bienvenue à cette commission parlementaire. On
s'aperçoit que vous maintenez... vous avez un discours toujours aussi
coloré. J'aimerais probablement peut-être vous rappeler que la loi
116, d'abord, découle du discours du budget de 1993. Donc, ce n'est pas
apparu dernièrement, la semaine dernière. Le projet de loi a
été déposé l'automne dernier, et nous
procédons présentement à une consultation publique, du
moins, des parties intéressées et touchées par ce projet
de loi. On vous écoute. S'il y a des choses, j'aimerais, au lieu de...
Si, pour vous, votre intention, c'est de ne pas discuter du projet de loi 116,
je respecte votre position à ce niveau-là, sauf que ce n'est
parce que ça va bien dans le domaine du travail présentement,
qu'il y a une paix syndicale et qu'en date du 10 mars il y a seulement 853
travailleurs soit en grève ou en lock-out, qu'un gouvernement ne peut
pas intervenir pour essayer de moderniser une loi qui date, quand même,
depuis assez longtemps. Deuxièmement, le marché a changé.
En 1970, on n'abordait pas les relations de travail comme on les aborde en
1994. L'économie s'est mondialisée. Maintenant, notre
compétition n'est plus nécessairement entre
Québécois et Québécoises, mais elle est devenue
internationale. Donc, il faut absolument... Nous pensons, nous, comme
gouvernement, qu'on a le droit et le pouvoir d'intervenir pour modifier
certaines règles du jeu, non pas à rencontre des travailleurs et
non pas à rencontre des employeurs non plus. (11 h 30)
En ce qui me concerne, il n'y a personne, ici, dans cette salle qui est
capable de me démontrer, jusqu'à maintenant, que les droits des
travailleurs, les droits à la syndicalisation sont touchés par la
loi 116. Le droit de négocier une durée de convention collective,
est-ce que ça a été touché par la loi 116? Moi, je
ne le vois pas, en ce qui me concerne. Au contraire. Au contraire. On permet
une négociation, par la loi 116, d'une durée de convention
collective, ce qui n'est pas le cas présentement. Présentement,
on la plafonne à trois ans, tandis que, là, on permet aux gens de
négocier une durée d'une année, de deux ans, de trois ans,
de cinq ans, de six ans. C'est ça que la loi 116 permet,
présentement. Donc, je sais que la CSN a fait des représentations
à ce niveau-là. Nous allons faire les nôtres
également, au niveau de l'Organisation internationale du travail.
Donc, moi, j'aimerais qu'on revienne... Je peux comprendre qu'il y a
peut-être un élément du projet de loi 116 qui pose
problème pour la CSN, qui est le déplafonnement, mais il y a
d'autres parties de la loi 116... Est-ce que les autres articles qui sont
touchés par la loi 116 posent également problème à
la CSN ou bien c'est la totalité du projet de loi comme tel qui pose un
problème fondamental? Est-ce qu'il y a seulement l'élément
déplafonnement? Ça, on peut toujours en discuter, mais, moi, je
voudrais qu'on me démontre, là, aujourd'hui, que le fait de
déplafonner, de permettre une négociation tout en concevant que,
comme ministre de l'Emploi, mais aussi comme citoyen et comme travailleur,
parce que j'ai déjà été travailleur et j'ai
déjà été également dirigeant de... J'ai
toujours maintenu une confiance au niveau des parties. Je considère que
tous ceux et celles que je connais dans le domaine syndical présentement
sont capables, ont fait leurs preuves au niveau des négociations. Je ne
vois pas pourquoi on serait obligé d'encadrer une durée de
convention collective. Pour protéger qui? Protéger les
travailleurs ou protéger les employeurs? Moi, je pense qu'on ne fait pas
ça dans le but de protéger qui que ce soit. On fait ça
dans le but d'assouplir davantage les négociations, de
déréglementer davantage pour permettre à l'ensemble des
organismes québécois, qu'ils soient employeurs ou syndicaux,
d'être capables de faire face à cette nouvelle règle du jeu
qui existe présentement à l'échelle mondiale. Ça
n'existe pas uniquement au niveau du Canada et du Québec, là. On
doit essayer de s'adapter.
On négocie, présentement. Vous avez négocié
pour Expro, à Valleyfield, un contrat social. Ça s'est fait
à Sorel également. Ça se fait un peu partout, maintenant.
C'est devenu, je ne dirais pas une mode, mais les gens se sont aperçus
qu'on devait être capable de négocier autre chose que ce qui est
prévu présentement au niveau du Code du travail. Donc, est-ce
qu'on peut lui donner une assise juridique pour faire en sorte que ça ne
soit pas toujours remis en question? C'est un petit peu ça qu'on essaie
de créer ou de régler avec la loi 116, mais, si vous me
démontrez que c'est absolument inutile de faire ça et qu'on ne
réglera pas le problème, donnez-moi des arguments. Moi, je suis
prêt à vous écouter, il n'y a pas de problème. Donc,
le déplafonnement et les autres sujets aussi de la loi 116.
Le Président (M. Messier): M. Larose.
M. Larose (Gerald): Vous aurez compris, M. le Président,
que je ne conteste pas du tout au ministre le droit de vouloir
légiférer. Je conteste, par ailleurs, la proposition qu'il nous
fait en regard des objectifs qu'il dit vouloir poursuivre. Quand il
déclare qu'effectivement le marché a changé, que la
compétition n'est plus ce qu'elle était en termes de territoire,
son objectif est clair: il veut avoir des outils supplémentaires pour
com-pétitionner. Ce que j'ai essayé de dire dans ma
présentation, c'est que, oui, pour cet objectif précis à
rencontrer, la loi 116 fait payer aux travailleurs cet objectif-là. Oui,
les employeurs vont pouvoir se promener, pas les employeurs, mais les pedleurs,
pour dire qu'au Québec les employeurs peuvent emprisonner leur
main-d'oeuvre pendant six ans, pendant sept ans et, ce faisant, c'est un
avantage concurrentiel. Mais est-ce qu'on peut être très clair
pour dire que jamais on ne va partager cet objectif parce que cet objectif ne
sera pas rencontré dans les faits? Quand, dans les
établissements, les gens vont s'être fait enfoncer dans la gorge
des conventions de
longue durée, à rabais, ça va exploser et ça
va contribuer à donner une mauvaise image. C'est dans ce sens-là
que, nous, on dit: Vous feriez bien mieux de faire confiance à la vie
concrète qui se développe à l'heure actuelle, depuis bon
nombre d'années, où on est en train de nouer, de façon
solide, le partenariat sur le terrain. Personne n'enfonce dans la gorge de qui
que ce soit des conditions minables de longue durée. C'est le
résultat d'une négociation. Alors, pour l'objectif poursuivi, on
vous dit, M. le ministre: Vous êtes à côté de la
plaque. Vous allez perturber plutôt que de pacifier.
Deuxièmement, moi, je suis allé faire un débat,
comme d'autres, aux conférences de la revue The Economist. Il y
avait là le fin gratin des investisseurs et il n'y a personne qui m'a
posé de question sur la durée de conventions collectives. Il n'y
avait pas là spontanément de problème. Ils trouvaient
plutôt qu'au Québec les organisations syndicales étaient
particulièrement matures, qu'on vivait ici des expériences
exceptionnelles, et ça leur donnait confiance. C'est ça, la vraie
vie. Alors, les investisseurs, quand ils regardent le terrain, ils
s'aperçoivent bien c'est quoi, les conditions qu'on a à mettre en
place pour atteindre les objectifs qu'on voulait atteindre. Là-dessus,
on estime qu'on veut nous faire une job de bras, au nom de la
compétitivité, comme on veut faire d'autres jobs de bras au nom
de la dette et au nom de n'importe quoi. Regardons la vraie vie, on vous dit,
M. le ministre, que le partenariat se développe en dehors de la loi 116
et que la loi 116 va être un frein pour qu'il se développe.
M. Marcil: M. Larose, c'est vrai que le partenariat se
développe présentement, c'est absolument vrai, je le constate
tous les jours. J'ai la chance de vivre dans une région et je pense que
je suis assez près de la population, peut-être beaucoup plus
près que bien de ces représentants d'organismes qui viennent et
qui se prononcent publiquement sur des dossiers. Ça, ce n'est pas une
remarque que je vous fais à vous, je veux dire dans l'ensemble. On a la
chance de vivre pas mal tous les jours avec du monde et des travailleurs qui
viennent nous voir et des employeurs qui viennent nous rencontrer et du monde
ordinaire également. On voit ce qui se passe. S'il y a un milieu
syndicalisé au Québec, c'est bien le milieu de Valleyfield. Il y
le milieu de Sorel, mais, mon milieu à moi, c'est un endroit où
les travailleurs ont une importance, ont un droit et ont également un
pouvoir. Il s'est développé un esprit de partenariat entre les
travailleurs et les employeurs, je trouve ça tout à fait sain,
tout à fait positif.
La différence, vous dites qu'on vit des cas, que c'est
très fractionnaire, les ententes qui peuvent se signer
présentement. Il y a plusieurs employeurs et plusieurs travailleurs qui
seraient peut-être amenés à en signer, mais il y a toujours
le problème de la légalité, de l'assise juridique qui
n'existe nulle part, qui pourrait toujours être contestée. Ce
qu'on essaie de faire avec le projet de loi 116, à moins qu'on me
démontre le contraire, c'est qu'on essaie de donner un cadre plus large
aux parties de négocier. On ne négocie pas, dans une convention
collective, que la durée. Il y a beaucoup d'autres objets qu'on
négocie que la durée, sauf qu'on permet aux gens de
l'étaler comme ils veulent. S'il veulent négocier un an...
Est-ce que la loi 116, présentement c'est ça que
j'essaie de comprendre... J'essaie de comprendre. Est-ce que la loi 116,
présentement, empêche deux parties de négocier un contrat
de deux ans, ou de trois ans, ou de quatre ans? Est-ce qu'elle empêche de
le faire? Vous, votre argumentation, c'est de dire: II va y avoir un pouvoir
patronal qui va écraser les travailleurs et qui va les obliger à
signer des ententes à rabais de six, sept, huit ans. Disons, sur une
vision objective, que le poids est égal de part et d'autre; est-ce que
la loi 116, présentement, empêche les gens de négocier des
conventions collectives de courte, de moyenne ou de longue durée? (11 h
40)
M. Larose (Gérald): Je vais demander à Claude
Plamondon parce que, dans sa Fédération, ils connaissent cette
expérience-là au quotidien. Je vous fais remarquer que, quand
vous dites qu'il y a des remises en question des contrats de longue
durée, il n'y a pas panique dans la cabane. Est-ce que c'est
généralement remis en question? On a eu deux réponses
très circonscrites dans le même type d'entreprises, avec les
mêmes avocats. Si vous voulez vous réunir chaque fois qu'on a une
difficulté d'application du Code du travail, moi, je suis prêt
à acheter ça. Je vais venir camper ici, par exemple!
Me faire passer la loi 116 parce que, supposé-ment, on a un
problème... À The Gazette et au Journal de
Montréal, je trouve qu'on exagère un peu. Il n'y a pas de
panique, il n'y a pas de problème avec les contrats de longue
durée, à venir jusqu'à maintenant. Là-dessus, c'est
un faux argument. Mais je vais demander au camarade Plamondon de vous dire en
quoi la loi 116 va empêcher la négociation à partir du
moment où la durée n'est plus un objet d'échange. Allez-y,
camarade.
M. Plamondon (Claude): ha, ha, ha! camarade. je vais expliquer
ça assez rapidement. nous autres, on pense... en tout cas, les
conventions qu'on a signées de longue durée ont caractère
assez exceptionnel. disons que la situation économique, les
compagnies... il y avait certaines compagnies que je pourrais nommer. domtar ou
abitibi nous avaient parlé, compte tenu de la situation, que, dans
certaines usines, ils voulaient avoir des conventions collectives à long
terme. je parle surtout comme de l'usine de windsor qui a un caractère
à niveau mondial et qui expédie aux états-unis à
peu près 85 % de sa production. alors, ils nous ont demandé si
c'était possible qu'on regarde ensemble les mécanismes pour
négocier des conventions de longue durée. alors, caractère
exceptionnel. on n'a pas eu de problème avec ça. on s'est
assis... les syndicats se sont assis avec les compagnies. même dans la
région de beauharnois, l'usine de domtar à beauharnois a
signé une convention
à long terme. Alors, compte tenu de la situation
économique, compte tenu de différents facteurs, on a
accepté de négocier des contrats à long terme. Mais il y a
eu le rapport de force entre eux autres. Bien sûr qu'il y a eu un... Mais
on n'est pas allé chercher des augmentations à tout casser. On
sait qu'au niveau de l'industrie des pâtes et papiers, dans les
dernières années, il y a eu des pertes importantes, 2 000 000 000
$ à peu près. Là, c'est moindre. Disons qu'il y a eu une
restructuration assez importante. Ceux qui viennent des régions de
l'industrie des pâtes et papiers savent dans quelle situation on vit.
Alors, on a... Des fois, on pense que le milieu syndical, on vient d'une
autre planète. Mais, tu sais, on est capable de comprendre des
problèmes. On s'est assis puis on a regardé toutes les
restructurations qui ont été faites en période de
négociation. Je pourrais nommer Aima, Kénogami. Dans l'ensemble
des endroits, on a été capable de s'asseoir puis de regarder
ensemble les négociations. Mais c'était de caractère
exceptionnel. Dans le cas des scieries où ça va bien, où
ça fonctionne, le prix a triplé, depuis 1989. Aucune compagnie ne
nous a demandé des négociations à long terme, parce qu'ils
ont peur de ça, eux autres aussi. Il y en a qui ont peur de ça,
le contrat à long terme, une convention à long terme, parce
qu'ils se disent: Oui, six ans, c'est long. Pour ceux qui ont un peu plus
d'expérience puis qui sont un peu plus vieux, peut-être à
l'entour de la table, il faut se rappeler que, dans les années
soixante-dix, les conventions de plus d'un an étaient assez rares.
Alors, dans le temps, c'est arrivé qu'il y avait des
périodes un peu plus... On a dit: On va négocier trois ans, mais,
après trois ans, on regardera ce qu'on peut faire et où on
s'enligne. Alors, nous autres, au niveau de la Fédération des
travailleurs du papier il en reste, ce n'est pas tout fini, les
négociations on a à peu près 3500 ou 4000 personnes
qui ont négocié des conventions à long terme,
c'est-à-dire trois ans, renouvelable. Je ne sais pas si vous connaissez
le mécanisme, avec une formule d'arbitrage au bout de trois ans. Alors,
on a embarqué là-dedans, puis on n'a pas peur de ça. Je
siège sur un comité consultatif des ressources humaines dans
l'industrie des pâtes et papiers. Je rencontre toute sorte de monde des
compagnies de l'Ouest, MacMillan Bloedel. Ils sont enchantés de voir le
type de relations de travail qu'on a ici, le type de partenariat qu'on a, dans
toutes les rencontres qu'on a, et on amène des gens d'Alma, des gens de
Windsor. Ils vont exposer les ententes qu'ils ont faites puis de quelle
façon les relations de travail se font.
Alors, on a été surpris, nous autres, d'entendre... Puis
j'ai rencontré, pas plus tard qu'il y a deux semaines, encore des
dirigeants de Domtar pour voir si ça leur causait des problèmes,
ce qu'on avait signé. Ils n'ont pas de problème avec ça.
On a signé parce que... Puis on a négocié ensemble. Bien
sûr, ça a été assez, mais on n'est pas allé
chercher mer et monde, là-dedans. Alors, on était tout à
fait surpris que le gouvernement arrive avec des conventions pour
déplafonner. Je ne vois pas... parce qu'il y a eu... dans les prochaines
négociations dans six ans, peut-être que des compagnies arriveront
et diront: nous autres, ça va bien, et tout ça; on ne veut pas
avoir un contrat, on veut avoir une convention de deux ans. on regardera avec
eux autres. des fois, ça a été nous autres qui avons
demandé d'avoir une convention plus longue, pour une certaine
sécurité. on trouve qu'à long terme... ce n'est pas
nécessaire que tout le monde ait ça. à la compagnie
cascades, dans la région là-bas, ils ne l'ont pas demandé,
sauf que, chez cascades east angus, ils l'ont demandé. mais ça
fait le jeu de la négociation. on parle ensemble et on négocie
ensemble. alors, je ne vois pas pourquoi on déplafonnerait quand on peut
faire ce qu'on a fait dans le moment. mais, je le répète,
ça a un caractère exceptionnel. on l'a fait parce que, dans la
situation qu'on avait dans l'industrie des pâtes et papiers, bien
sûr qu'on est allé chercher certaines affaires. dans certains cas,
il y a eu des planchers d'emploi, mais ça a été
négocié bien comme il faut avec les compagnies là-dedans.
il y a eu certainement, à certains endroits, des planchers d'emploi,
mais regardez les augmentations de salaire qu'on est allé chercher dans
l'industrie: 0 % la première, 1 %, 1,5 %. on a amélioré,
bien sûr, les fonds de pension, les fonds de retraite. tout ça,
c'est clair, mais dans le reste, nous autres, en tout cas, on ne voit pas le
problème majeur. on entend ça, c'est comme s'il y avait des
problèmes à tout casser, là-dedans.
Gardons donc ça à trois ans. S'ils veulent avoir... De
temps en temps, s'il y a des problèmes, ça peut venir dans le
bois de sciage dans deux ans ou dans trois ans ou dans six ans, dans quatre
ans, on ne le sait pas, on regardera ça avec eux autres et on
négociera avec eux autres. Les relations n'ont jamais été
aussi bonnes. Et je parle au niveau du Québec parce que...
Le Président (M. Messier): M. Plamondon, dans cinq
secondes, s'il vous plaît.
M. Plamondon (Claude): O.K. J'ai fini. Le Président (M.
Messier): Merci.
M. Plamondon (Claude): Les relations n'ont jamais
été aussi bonnes au niveau des relations de travail avec les
employeurs.
Le Président (M. Messier): M. le député de
Jonquière, s'il vous plaît.
M. Dufour: Merci, M. le Président. Je vous remercie. Bien
sûr que, nous autres aussi, on connaît ça un peu, le milieu
industriel. On avait 10 000 emplois industriels. Aujourd'hui, il en demeure
à peu près 6000 dans le même comté. Je ne pense pas
que la loi 116 améliore ma situation. Il y a des contrats sociaux qui
ont été signés, à supposer que... Et on vit avec
ça, c'est évident.
Moi aussi, je trouve qu'on se presse beaucoup à
vouloir passer cette loi-là. Ça marche, sur le terrain. La
preuve, c'est qu'il n'y a personne, à ce que je sache, pour des raisons
de réorganisation, d'investissement, qui a empêché... qui
n'a pas signé des contrats plus longs si c'était
nécessaire. Ça permet une chose, le fait qu'on ne l'écrive
pas dans la loi. Ça oblige des compagnies à dire ce qu'elles
veulent faire. Ça les force à s'engager pour les prochaines
années et à démontrer à leurs travailleurs qu'ils
sont partenaires dans l'entreprise. Si on légifère, il n'y a plus
besoin de le faire. Ça deviendra du cas par cas. Ils vont signer la
convention, et bonjour la visite! Actuellement, s'ils veulent avoir un contrat
plus long, ils sont obligés de dire pourquoi ils le veulent plus long,
mais, si c'est dans la loi, ils ne seront plus obligés de le dire.
Mais, moi, ça m'inquiète parce que le gouvernement qu'on a
en face de nous a toujours dit: On va légiférer mieux et moins.
C'est drôle que ça marche, cette question-là, et on veut
l'encadrer dans la loi. Mais, moi, je vous dis, je m'interroge
sérieusement, à savoir pourquoi on veut avoir une loi et
l'encadrer. C'est ça. Il n'y a pas beaucoup de monde qui l'a
contestée parce que les travailleurs, aujourd'hui, ne sont pas en
position de force. Quand ils vont négocier, c'est du «crois ou
meurs»: Si tu ne prends pas ça, on va fermer l'usine. Les gens,
ils ne sont pas fous. On les a vus tout à l'heure je l'ai dit, au
départ de la commission les travailleurs, quand on les regarde
parler avec l'industriel, moi, je vous le dis, je ne sais pas lequel qui a le
langage de l'industriel par rapport à l'autre. Ils parlent le même
langage. Ça veut dire qu'ils ont des intérêts communs.
Ça me dérange quand aujourd'hui on dit... Et ça a
été dans les premiers arguments. Ce n'est pas d'aujourd'hui que
je les donne, ces arguments-là. Même au dépôt de la
loi, je n'avais consulté aucun syndicat, à ce moment-là;
je n'avais pas consulté les industriels non plus. Je vous dis que,
fondamentalement, comme question de principe, immédiatement
j'étais contre le projet de loi. Et, ça, je l'ai fait
spontanément parce qu'il y a un danger. Si vous attachez quelqu'un
pendant six ans, au bout de six ans, il va être tellement
étouffé qu'il va être prêt à signer pour un
autre six ans. On ne donne pas de chance. Ou on va faire ce que M. Larose nous
a dit tout à l'heure: II va y avoir des grincements de dents et
ça va se battre sur le terrain. Ils vont les rouvrir, les conventions,
parce que les gens ne le feront pas. (11 h 50)
C'est quoi, cette presse de vouloir légiférer
immédiatement et dire: On va donner des conventions? Il y a du
vécu sur le terrain, et ce terrain, actuellement, il est propice et
ça fonctionne. Pourquoi on ne le laisse pas aller? Pourquoi on est
obligé d'encadrer ça? C'est vrai qu'on pourrait soulever d'autres
sortes de problèmes et, pourtant, on ne pense pas
légiférer. Et, là, on a un danger. On a le danger,
justement, de changer les règles du jeu. Ce qui était une
exception, on généralise puis on fait une loi
générale.
Donc, moi, je vous dis, qu'est-ce qui empêcherait, par rapport
à une négociation où on va s'encadrer pour six ans...
Comment on pourrait obliger l'employeur à dire à ses
employés: Pourquoi avoir une négociation de six ans, si c'est
dans la loi? Est-ce que c'est de nature, ça, à perturber pour la
peine?
Le Président (M. Messier): Merci. On va suspendre 15
secondes, s'il vous plaît.
(Suspension de la séance à 11 h 51)
(Reprise à 11 h 52)
Le Président (M. Messier): À l'ordre, s'il vous
plaît! M. le président, M. Larose.
M. Larose (Gérald): Qu'est-ce qu'on veut? Est-ce qu'on
veut que les conventions qui, actuellement, durent trois ans, que ce même
type de convention là dure plutôt six ans? Est-ce ça,
l'objectif recherché, ou bien si l'objectif recherché, c'est de
favoriser un renouvellement des pratiques de relations de travail
qu'effectivement on a atteint dans le cadre des conventions de longue
durée?
Nous, on est d'accord pour que les parties conviennent d'un
renouvellement de leurs pratiques en termes de relations de travail, et que ce
soit fait à l'occasion d'une convention de longue durée. Nous, on
a été les pionniers, là-dedans. Jamais on ne va être
d'accord pour que ce qui existe à l'heure actuelle pour trois ans soit
tout simplement permis pendant six ans. On n'a rien gagné, ni les
employeurs ni les travailleurs, à ce niveau-là. En fait, on n'a
fait que prolonger le vieux modèle. Alors, il faut qu'on garde cette
poignée qu'on a, de la question de la durée, pour,
précisément, renouveler les pratiques en relations de travail,
dans les milieux de travail.
M. Dufour: Est-ce que vous croyez qu'on a pu perdre des
investissements à cause, justement, des durées des conventions?
Moi, tout à l'heure je vais être bien franc avec vous
j'ai posé la question au Conseil du patronat, au
président. On n'a pas eu la réponse; peut-être qu'il
pouvait me la donner, là, je ne le sais pas. On pourra peut-être
continuer plus tard. Maintenant, je vous pose la question à vous: Est-ce
que vous croyez sincèrement que, dans le contexte actuel, un syndicat
pourrait... on pourrait perdre des investissements à cause, justement,
des durées de conventions?
M. Larose (Gérald): Je vais vous dire, moi, je n'en ai
pas. Je n'en connais pas. De toute façon, au plan international, la
durée maximale, c'est trois ans. Alors, là-dessus, ça me
surprendrait qu'on ait perdu quoi que ce soit. Tout le monde qui a signé
la convention internationale est sur trois ans. Alors, il ne doit pas y
avoir... On n'est pas... On ne s'est pas pénalisés,
collectivement, dans le passé, par rapport à ça. On est
sur la norme internationale. Si on dépasse trois ans, bien là, on
dépasse la norme internationale.
Le Président (M. Messier): II y a M. le
député de Laval-des-Rapides qui voudrait intervenir.
M. Ménard: M. Larose, ou quel que soit l'autre, il ne
faudrait pas prendre, dans mes remarques, des critiques; je comprends
parfaitement votre point de vue. J'aurais peut-être dû dire
ça, tout à l'heure, quand j'ai posé ma question. C'est
que, si je vous pose la question, c'est parce que je veux vraiment
connaître, avoir des éclaircissements sur votre position.
Ce qui se passe au Journal de Montréal, je comprends que
ça doit être exceptionnel. L'argument que vous donnez, que
ça va devenir un élément de négociation dans
beaucoup de conventions collectives... et je comprends, dans des syndicats qui
sont plus faibles. J'y avais déjà songé auparavant.
Ça nous donnait l'idée, ici, que ça ne devrait être
gardé, justement, que dans des cas tout à fait exceptionnels.
Comment les baliser? C'est le problème qu'on se pose. Mais, ce qui se
passe au Journal de Montréal, est-ce que ça ne vous
illustre pas qu'il y a quand même un certain danger, quand vous avez
négocié une convention à long terme, que vous avez
peut-être fait des sacrifices dans la négociation pour obtenir
certains avantages à long terme pour les ouvriers pour lesquels vous les
avez négociés, qu'au bout du terme de trois ans ces avantages
n'ont plus de protection légale? Et comment la leur donner, cette
protection légale?
M. Larose (Gerald): Nous, on est prêts à
étudier des mécaniques pour pouvoir sécuriser
juridiquement ces expériences-là. La loi 116, elle, elle
extension-ne. Donc, nous, on est prêts à... Même, on a des
hypothèses de travail pour sécuriser les expériences. Mais
je voudrais rappeler que les contrats à long terme reposent sur des
bases différentes que les contrats ordinaires. En fait, c'est des
occasions de nouer un véritable partenariat, et c'est ça qui est
la garantie, je dirais, du long terme. Pourquoi n'y a-t-il pas de chicane,
à l'heure actuelle, sauf pour The Gazette et Le Journal de
Montréal? Je pourrais donner mon opinion personnelle
là-dessus. Partout ailleurs, c'est parce que les gens tablent sur un
partenariat qui a été circonscrit dans une convention collective.
Ils ne s'amusent pas à réviser leurs engagements au mois ou bien
aux trois ans. Alors, si l'objectif, c'est de sécuriser les
expériences, oublions la loi 116 parce que ce n'est pas ça que
ça vise; travaillons sur le fait de vouloir sécuriser ça.
On n'a pas de problème avec ça, et on pense qu'on a du temps
devant nous autres, parce qu'il n'y a pas de panique. Personne ne s'amuse
à réviser les ententes actuelles, sauf Le Journal de
Montréal et The Gazette. Je vous dirai que, même dans les
décisions rendues dans ces cas-là, on trouve qu'on est
plutôt bien assis. Il n'y a pas de problème là. Et, si
c'était le seul problème qu'on avait dans le Code du travail, je
peux vous dire qu'on serait bien.
Le Président (M- Messier): Merci, M. Larose. M. le
député de Laval-des-Rapides.
M. Ménard: Je comprends aussi que votre lecture du projet
de loi 116, c'est aussi... À supposer, d'ailleurs, que la règle
de six ans soit une bonne règle ce n'est pas votre opinion, ce
n'est pas la mienne non plus mais que ce que prévoit le projet de
loi 116, c'est que la seule façon de s'assurer six ans, c'est le
maraudage... Autrement dit, une convention collective pourrait être
signée pour un délai supérieur à six ans si on dit
que la limite de six ans, c'est parce que c'est un peu avant cette limite de
six ans que la période de maraudage est ouverte. Et ça, si on
devait s'entendre que la limite de six ans, c'est la limite maximum, ce n'est
pas par le maraudage qu'on devrait le dire, que la limite de six ans est la
limite maximum, n'est-ce pas? Ce serait en disant: Le nouveau plafond est de
six ans.
M. Larose (Gérald): Je veux rien que rappeler que la
question du maraudage ou du changement d'allégeance syndicale, ça
pose une question de droit là, on pense en regard du droit
canadien, mais aussi du droit international mais je vous soumets que
c'est un élément positif pour consolider le partenariat qui se
développe dans l'entreprise quand on signe une convention longue
durée. À ce moment-là, c'est un engagement que les parties
prennent de respecter d'abord leurs engagements et, aussi, de travailler avec
le monde, avec tout le monde dans l'établissement. Tandis que si tu as
six ans devant toi, tu sais, tu peux faire n'importe quoi, tu verras dans six
ans. Tandis que, s'il y a une révision, une possibilité de
révision après trois ans, je peux vous dire que le syndicat va
bien faire sa job et que l'employeur va bien faire sa job, en regard du contrat
qu'il a signé. Alors, dans ce sens-là, il y en a qui voient
beaucoup de perversité dans le maraudage, mais je peux vous dire que
ça consolide sérieusement les engagements que les parties
prennent dans les établissements.
M. Ménard: C'est comme la possibilité de changer
d'avocat... Ha, ha, ha! ...chez nous.
M. Larose (Gérald): Exact.
M. Ménard: Ha, ha, ha! Ça motive les avocats.
Le Président (M. Messier): Merci, monsieur le...
M. Larose (Gérald): Non, non. Je ne veux pas me mettre la
confrérie à dos, là.
M. Ménard: Merci.
Le Président (M. Messier): Ça va? O.K. M. le
député de Drummond, s'il vous plaît. (12 heures)
M. St-Roch: Oui. Merci, M. le Président. M. le ministre,
vous référiez à votre expertise du milieu industriel. Je
suis le représentant, aussi, d'un milieu industriel, parce que mes
assises, c'est notre milieu. J'ai eu la chance aussi, au milieu des
années soixante-dix, avec les
travailleurs j'étais patron, à ce moment-là
de mettre en place un comité qu'on a appelé
«comité ouvrier-patronal», basé sur des principes
simples: intégrité et je vais le répéter,
quitte à passer pour quelqu'un qui est une vieille disquette usée
transparence, sincérité et partenariat. il y a une
région, aujourd'hui, qui fait l'envie de la plupart des endroits au
québec. moi, j'ai des réserves, et j'ai
référé à la période de 1974, m. larose,
parce que ces contrats avaient été négociés de
bonne foi, puis ces inflations de 10,8 % qu'on a eues sur deux années
consécutives étaient hors de contrôle de toutes les parties
puis, avant qu'on se réveille, bien, on sait que ça a
créé, puis ça a perturbé le climat. la question que
j'ai posée, puis vous n'étiez pas ici, malheureusement, à
l'ouverture, lorsque je regarde, moi, depuis 1992, avec la loi 59 sur les
heures d'affaires, c'est venu de nulle part, aussi, sans que personne n'ait
demandé, à notre connaissance. on a enchaîné avec le
142; aujourd'hui, on a le 116. ça fait peut-être partie d'une
certaine philosophie de grappes qu'on veut consolider, puis essayer
d'établir un certain modèle.
Ma question est celle-ci, moi. Quand je regarde le projet de loi 116
et vous avez référé, dans vos remarques, tout
à l'heure, que vous avez soumis au tribunal international une demande
d'avis. Puis moi, c'est ce qui est ma crainte, M. le Président, parce
que si le tribunal international vous donnait raison, puis que la loi 116
était appliquée, est-ce que vous ne croyez pas, à ce
moment-là, qu'au niveau de l'image qu'on pourrait projeter, au niveau de
l'investisseur, le gouvernement ou l'Assemblée nationale passe des lois
sans tenir compte des principes? À ce moment-là, lorsqu'on parle,
les investisseurs, de venir s'asseoir, puis de venir discuter avec le
gouvernement des projets d'investissement, là, on mettrait en danger
cette facilité, parce qu'on n'aurait pas respecté ces lois
internationales. Puis ma sous-question va être: Quel est le délai
que vous pensez, M. Larose, avec votre expertise... Je dois admettre que je
n'ai aucune expertise, M. le Président, avec le tribunal international,
dans le délai. Dans quel délai pensez-vous avoir une
réponse de ce bureau international?
Le Président (M. Messier): Juste avant votre
réponse, je vais demander le consentement de cette commission pour
prolonger. On avait un ordre de l'Assemblée de finir à midi.
Avant de se faire arrêter par qui que ce soit... O.K. Pas plus que
ça. Allez-y, M. Larose.
M. Larose (Gérald): Notre expérience, c'est au plus
tôt un an, au plus tard deux ans.
Le Président (M. Messier): Merci, M. Larose. M. Larose
(Gérald): Si les délais sont respectés.
Lé Président (M. Messier): M. le
député de Drummond. Vous vouKez déposer un document?
M. Larose (Gérald): C'est précisément la
plainte formelle avec l'argumentation qu'on avait soumise...
Document déposé
Le Président (M. Messier): Je vais autoriser, selon
l'article 260 et quelques, le dépôt du document. 262, je
crois.
M. St-Roch: Oui. L'autre question va être brève. M.
Larose, dans l'éventualité... Parce qu'on ne sait pas. On est
à l'audition, présentement. On ne sait pas s'il y aura des
amendements qui seront apportés, si jamais on passait article par
article le projet de loi 116. Mais dans l'éventualité où,
par le poids du nombre, le gouvernement décidait d'aller à la loi
116, dans le cas d'une première convention collective, est-ce que vous
seriez d'accord pour limiter pour trois ans?
M. Larose (Gérald): Bien, limiter pour trois ans, c'est
reconnaître, dans les faits, que l'effet potentiel de la loi 116, ce
serait la domestication des syndicats. Alors, si on limite pour trois ans,
pourquoi on ne limiterait pas pour... Nous, ce qu'on dit, c'est que,
effectivement, la loi 116, c'est une arme de domestication. Alors, on n'en veut
ni pour les premières conventions ni pour les autres conventions.
Le Président (M. Messier): Merci, M. le
député de Drummond. M. le ministre, pour quelques mots.
Mme Hovington: Est-ce que j'ai le temps?
Le Président (M. Messier): Malheureusement, Mme la
députée de Matane. Ça me ferait énormément
plaisir, mais on déborde, là.
M. Dufour: ...du Saguenay.
M. Marcil: Non. C'est parce que qu'il faut que je quitte.
Le Président (M. Messier): Ah, O.K. Parfait. Donc,
vous reviendrez cet après-midi, madame.
M. Marcil: M. Larose et vos invités, au nom des
parlementaires à cette commission, on vous remercie beaucoup de votre
présentation, mais j'aimerais ça que, si vous aviez la chance
de... Quand vous dites que vous aviez peut-être des hypothèses,
j'aurais aimé que vous nous les présentiez aujourd'hui. Si vous
avez une chance de nous les écrire le plus rapidement possible,
j'aimerais bien en prendre connaissance. Merci beaucoup.
Le Président (M. Messier): Merci beaucoup, M. le ministre.
Les gens de la Confédération des syndicats nationaux, on vous
remercie beaucoup. Nous allons suspendre et être de retour
à...
Une voix: 15 heures. Le Président (M. Messier):
...15 heures. (Suspension de la séance à 12 h 4)
(Reprise à 15 h 42)
Le Président (M. Messier): Nous allons débuter nos
travaux avec 45 minutes de retard. M. le ministre, à l'ordre, s'il vous
plaît! Mme la sous-ministre, s'il vous plaît, on commence nos
travaux.
Nous sommes en présence de la Centrale des syndicats
démocratiques et de M. Gingras, qui est son président. Je
demanderais à M. Gingras de présenter les gens qui sont avec lui;
après ça, vous aurez 20 minutes pour l'exposé et,
après ça, il va y avoir échange de part et d'autre.
Allez-y, M. Gingras.
Centrale des syndicats démocratiques
(CSD)
M. Gingras (Claude): Merci, M. le Président. Je voudrais
vous présenter, à ma droite immédiate, M. Louis Tremblay,
qui est responsable de la recherche à la CSD; immédiatement
à ma gauche, le vice-président de la Centrale, M. François
Vaudreuil; à sa gauche, M. Michel Fournier, président du Syndicat
des travailleurs de la construction du Québec-CSD; à sa gauche
également, M. René Poiré, qui est membre du personnel de
la CSD et spécialiste de l'organisation et, bien sûr, des
relations de travail dans la région de Québec.
Le Président (M. Messier): Vous avez 20 minutes pour
présenter votre mémoire, «Une mesure à
contre-courant».
M. Gingras (Claude): Merci, M. le Président. Alors, M. le
Président, M. le ministre, M. le leader... c'est-à-dire le
critique de l'Opposition, membres de la commission parlementaire de
l'économie et du travail. Le projet de loi 116, tout comme le projet de
loi 142 touchant l'industrie de la construction, dénote pour nous, la
CSD, une absence de vision du gouvernement du Québec et illustre bien le
manque d'idées, vraiment, à mettre de l'avant pour établir
un environnement propice à la relance économique.
Sur la base de quelques expériences incomplètes à
ce jour dont le résultat et les résultats de façon
générale seront à évaluer beaucoup plus tard, le
gouvernement du Québec propose aux travailleuses et aux travailleurs le
déplafonnement de la durée des conventions collectives avec ses
conséquences, en tentant de faire croire que cette mesure leur sera
bénéfique. Une nouvelle fois, on propose des solutions, sans
analyse sérieuse des véritables problèmes des entreprises
québécoises. Alors, la CSD est en total désaccord avec le
déplafonnement de la durée des conventions collectives de
travail. Certains autres articles du projet de loi 116 doivent également
être considérés afin d'éviter un accroissement de la
judiciarisation des relations de travail.
Enfin, bien sûr, le gouvernement doit ajouter au Code du travail
en considérant les propositions qu'on a à formuler pour
améliorer, entre autres, l'accès à la syndi-calisation et
pour régler certaines difficultés engendrées par les
dispositions actuelles qui vont à rencontre des intentions
exprimées par le législateur lorsqu'elles furent
adoptées.
Dans le projet de loi 116, le gouvernement du Québec
élimine le plafond de trois ans prévu pour la durée des
conventions collectives, ce qui semble le prolongement de quelques
expériences récentes, sous le prétexte de créer un
environnement favorable. Depuis le précédent créé
et largement publicise du contrat social intervenu en 1991 entre les Aciers
Atlas et le syndicat affilié à la CSN, plusieurs contrats de
travail ont été convenus pour des périodes excédant
le maximum de trois ans permis par le Code du travail. On dit, bien sûr,
que c'est autour de 40 de ces ententes qui ont été conclues, mais
il ne faut pas penser que c'est tous des contrats sociaux, des ententes
à caractère contrat social, mais, plusieurs, c'est plus des
ententes de longue durée.
Ces ententes et ces contrats sociaux dont fait la promotion le ministre
Tremblay visent deux objectifs dans l'entreprise qui désire
bénéficier d'une aide financière: premièrement,
s'assurer que l'engagement des parties patronale et syndicale est ferme et
qu'il constitue une garantie sérieuse de viabilité et,
deuxièmement, s'assurer que les fonds publics confiés à
l'entreprise seront gérés et utilisés pour les fins
auxquelles ils se destinent.
Pour atteindre ces objectifs, le contrat prévoit sept
composantes: la transparence économique et de gestion, la qualité
totale, l'élaboration et l'application d'un plan de développement
des ressources humaines, la stabilité de l'emploi, la capacité
d'adaptation par la flexibilité et la mobilité dans
l'organisation du travail, la mise en place et le fonctionnement d'un
mécanisme de gestion de l'entente et, finalement, des dispositions
garantissant la poursuite des opérations de l'entreprise au-delà
de la durée convenue dans la convention collective. Nous partageons les
préoccupations ministérielles quant aux six premières
composantes, mais, pour la septième, nous sommes en total
désaccord.
Les objectifs et les composantes des contrats sociaux concernent des
aspects qui ne se limitent pas à la seule durée des conventions
collectives de travail. L'expérience qu'on a quand même des
milieux de travail nous permet de croire que ceux qui se limitent à
cette vision des contrats sociaux ou à ce qu'on prétend
être les conditions idéales pour l'entreprise de demain, c'est des
gens qui se trompent lourdement. C'est précisément le seul aspect
que touche le projet de loi 116, malheureusement. Par sa portée
limitée, le projet de loi vide donc de son essence l'initiative du
ministre Tremblay qui veut provoquer avant toute chose des changements de
mentalité. Dans la période de restructuration économique
et industrielle que nous connaissons, le déplafonnement de
la durée des conventions collectives proposé dans le
projet de loi 116 aura pour conséquence d'édulcorer les objectifs
recherchés dans les quelques expériences de contrats sociaux
connues actuellement.
La mondialisation des marchés constitue sans contredit un enjeu
majeur qui est lourd de conséquences pour l'emploi, et ce, nous en
convenons. Pour les relations de travail, la mondialisation doit nous amener
à réviser le pattern traditionnel des relations
patronales-syndicales axé sur la confrontation. D'ailleurs, la CSD est
impliquée largement dans ce changement depuis plusieurs années
déjà et possède des expériences à son
palmarès. Le management autocratique doit laisser la place à un
management participatif. Certaines clauses des contrats sociaux peuvent
favoriser ce changement, mais il ne faut pas perdre de vue que des
modifications aux dispositions des conventions collectives influencent rarement
les changements de mentalité, et ça, on insiste là-dessus.
Ce n'est pas par le biais de dispositions ou le biais de conventions
collectives qu'on va changer des mentalités, loin de là, et ceux
qui pensent comme ça font fausse route.
Comme il ressort de l'analyse de Michel Lefebvre, un fossé
énorme existe actuellement entre le discours et la réalité
dans les entreprises québécoises. Les faits saillants parlent
d'eux-mêmes: les organisations québécoises en sont au stade
initial de performance; les principes de management sont
généralement acquis sans être appliqués; les
ressources humaines occupent le dernier rang des priorités; la
planification et l'évaluation sont encore trop souvent ignorées;
le concept de la production à valeur ajoutée demeure
théorique; les outils de mesure de la performance font cruellement
défaut; le grand virage de la qualité totale reste à
prendre; la formation et la participation suscitent peu d'efforts; la
mentalité réseau et l'innovation technologique tardent à
s'imposer; la volonté de satisfaire la clientèle ne se traduit
pas nécessairement dans la réalité; l'orientation
stratégique est obstruée par une vision à courte vue; et
la rentabilité immédiate l'emporte sur les moyens d'action. (15 h
50)
Ces faits et ces constats démontrent avec éloquence quels
sont les véritables problèmes des entreprises
québécoises. Surtout, ils nous indiquent clairement que ce n'est
pas par le déplafonnement de la durée des conventions collectives
que le gouvernement du Québec agira comme facilitateur pour corriger
cette situation qu'on constate.
Or, nous croyons, à la CSD, que la concertation est l'outil par
excellence capable d'assurer la transition des entreprises vers un stade
compétitif de performance. Il ne faut surtout pas confondre la
concertation et la négociation d'une convention collective. Cette
dernière a comme rôle de partager la richesse en s'appuyant sur un
cadre juridique, tandis que la concertation est un instrument pour agir
ensemble afin d'assurer la réussite de l'entreprise, le maintien et la
création d'emplois. Elle n'a vraiment rien de justiciable.
Les contrats sociaux et les contrats de longue durée ne font que
générer de la confusion. Certains croient que, parce qu'il n'y a
pas de droit de grève ou de lock-out pour plusieurs années, cela
assure la paix industrielle. C'est très mal connaître la vie en
entreprise: combien vivent la guerre froide sans pour autant être en
grève?
La concession du droit de grève sécurise
prétendument les investisseurs et, en échange de ce sacrifice,
les travailleuses et les travailleurs obtiennent de la formation, des
investissements et des emplois. Depuis quand faut-il sacrifier les droits des
travailleuses et des travailleurs pour en arriver à ce résultat?
Pire encore, à coups de précédents, comme dans le cas des
Aciers Atlas, les investisseurs étrangers voulant réaliser un
investissement au Québec voudront systématiquement obtenir la
signature d'une convention collective de plusieurs années et, ainsi,
l'exception deviendra la règle aux dépens des droits fondamentaux
des travailleuses et des travailleurs de négocier périodiquement
leurs conditions de travail ou d'exercer le choix de leur allégeance
syndicale. A-t-on également pensé à la possibilité
de stratégie de certains employeurs qui pourraient à la rigueur,
par le biais d'encouragement à la formation d'un syndicat de boutique,
en arriver à la conclusion d'une convention de longue durée pour
attacher leurs travailleurs pendant une période très longue et
pendant laquelle ils ne pourraient s'en sortir?
Dans le contexte actuel, de nombreux employeurs ont invoqué les
difficultés financières pour demander et obtenir une
réouverture de convention collective. Curieusement, la CSD
s'étonne qu'à l'inverse, dans un contexte économique
favorable, les employeurs n'offrent pas aux travailleuses et aux travailleurs
d'ouvrir la convention collective pour en bonifier certains aspects.
Actuellement, au plus tard à tous les trois ans, les travailleuses et
les travailleurs ont la possibilité de négocier leurs conditions
de travail. Avec la modification proposée au Code du travail, les
travailleurs devront attendre cinq, sept, 10 ans et même plus pour
pouvoir négocier leurs conditions de travail. Leur seule
possibilité d'obtenir que l'employeur revoie les dispositions de la
convention sera par des moyens qui remettront en cause la paix industrielle.
Citons, entre autres, qu'ils devront probablement se lancer dans une campagne
de maraudage pour changer d'allégeance syndicale et, ainsi, essayer de
mettre fin à l'entente ou tout simplement exercer des moyens de pression
illégaux à l'endroit de leur employeur pour obtenir une
réouverture.
Dans le contexte hautement inflationniste qu'on a connu au début
des années soixante-dix tout le monde est capable de refaire
l'histoire de nombreux syndicats ont débrayé
illégalement, il faut s'en souvenir, pour obliger les employeurs
à ajuster leur salaire selon l'évolution de l'inflation. Or, sans
ces débrayages illégaux, ces travailleuses et travailleurs
auraient perdu dans une courte période une grande partie de leur pouvoir
d'achat. Il faut se souvenir également que ce n'est pas uniquement par
des débrayages illégaux. Plusieurs employeurs, à ce
moment-là, quand ils ont vu l'état de la
situation, ont accepté de bonne foi d'ouvrir les conventions
collectives pour ajuster la situation. Qu'arrivera-t-il aux travailleuses et
aux travailleurs qui seront aux prises avec une convention collective de longue
durée? Ils n'auront d'autre alternative que de passer aux moyens de
pression qui risquent de tout remettre en cause.
Dans un univers où les entreprises recherchent la plus grande
flexibilité, est-ce conséquent que de geler les conditions de
travail des travailleuses et des travailleurs pour une durée
supérieure à trois ans? De plus, le gouvernement agit de
façon discriminatoire envers les travailleuses et les travailleurs du
secteur privé en soustrayant les secteurs public et parapublic de
l'application de ces mesures et établissant ainsi deux classes de
travailleuses et de travailleurs. Comme employeur, ne croirait-il donc pas au
bien-fondé du déplafonnement de la durée des conventions
collectives? C'est une question qu'on peut se poser.
Les relations doivent évoluer au Québec, et nous en
convenons, pas par des changements accessoires au Code du travail, mais
plutôt par une nouvelle façon de vivre basée sur
l'intégrité, la transparence et la sincérité des
partenaires en entreprise.
Quant aux contrats sociaux et aux contrats de longue durée
actuellement en vigueur, le gouvernement n'a pas à chercher par tous les
moyens à les légaliser. Les parties doivent se conformer au Code
du travail et renouveler leurs ententes par la négociation à
l'intérieur de périodes d'une durée maximale de trois ans.
Ça, c'est notre conviction la plus totale.
Cependant, bien sûr, nous voudrions profiter de notre passage
à cette commission parlementaire pour vous dire qu'il y a des
commentaires à formuler par rapport à la rédaction
même de ce projet de loi. Nous les avons énoncés aux pages
8, 9 et 10 de notre mémoire. Cependant, nous voulons également
vous dire qu'il n'y a pas urgence d'agir en ce qui concerne la loi 116. Il y
aurait urgence d'agir par rapport à plusieurs autres situations qui sont
problématiques actuellement dans le domaine des relations de travail au
Québec.
Parmi celles-ci, entre autres, je voudrais citer l'accès à
la syndicalisation. L'affaiblissement des effectifs syndicaux est un
phénomène connu. Plusieurs causes en sont responsables, bien
sûr. Parmi les facteurs économiques, citons la division
internationale du travail, le changement technologique, les nouvelles formes
d'organisation du travail. Il y a également des facteurs sociaux:
l'antisyndicalisme, la précarisation des emplois dans le secteur des
services, à titre d'exemples, mais ça se généralise
et ça a tendance à se généraliser à d'autres
secteurs.
Avec l'adoption du projet de loi 142, le gouvernement sabre dans les
conditions de travail, également, de 30 000 travailleurs oeuvrant dans
le secteur résidentiel déréglementé et
procède unilatéralement à leur désyndical isation
par rapport aux modalités prévues pour ce secteur.
Or, bien sûr, le gouvernement doit modifier le Code du travail
pour améliorer l'accès à la syndicalisation. D'ailleurs,
à deux occasions, des membres du gouvernement ont fait de pareilles
recommandations pour favoriser la syndicalisation des travailleurs de la
construction victimes du projet de déréglementation qui est
maintenant devenu réalité. Entre autres, citons le rapport
Scowen, qui en faisait état, et le rapport du Groupe de travail sur
l'industrie de la construction de juin 1993, qui reprenait les recommandations
de ce rapport.
Nous voulons également vous déposer une analyse
substantielle sur la situation des travailleurs de la construction dans le
cadre de la loi actuelle qui illustre très bien l'impossibilité
dans laquelle ils se retrouvent de pouvoir se donner un syndicat pour
négocier leurs conditions de travail. Vous savez fort bien que,
déjà, une quarantaine de demandes d'accréditation ont
été déposées, pour ne pas dire plus, et que, sur
les 40 déposées, 37 sont déjà contestées. On
sait également que ceux qui les ont déposées se demandent
encore comment ils vont faire pour réaliser les négociations. Or,
il y a urgence d'agir pour redonner à ces travailleurs l'accès
à la syndicalisation et l'accès à la négociation au
sens du Code du travail.
Également, nous voulons demander la reconnaissance d'une nouvelle
catégorie de négociation collective. On devrait introduire, au
chapitre III du Code du travail, de nouvelles dispositions visant à
régir ce qu'on appelle les conventions collectives
d'accréditations multiples. Vous savez fort bien que, si on veut
permettre la syndicalisation de plusieurs groupes, on doit permettre le
regroupement des négociations pour de petites entreprises. Il y aurait
moyen de prévoir des possibilités pour y arriver. Nous citons la
problématique dans notre mémoire, d'une façon exhaustive.
(16 heures)
Mais, pour combler le vide juridique, nous proposons qu'une ou plusieurs
associations accréditées puissent décider de
négocier et conclure une convention s'appliquant à plusieurs
unités de travailleuses et de travailleurs accrédités. Or,
ce droit devrait être reconnu à une ou plusieurs associations
accréditées qui représentent les salariés de
plusieurs unités de négociation à l'emploi d'un employeur;
à une ou plusieurs associations accréditées
représentant les salariés de plusieurs unités de
négociation à l'emploi de plusieurs employeurs. Nous proposons
également que la ou les associations accréditées qui
désirent se prévaloir de ce droit le fassent au moyen d'une
requête à cette fin adressée au Commissaire au moins 120
jours avant d'entreprendre la négociation; que le Commissaire
général du travail délivre une attestation reconnaissant
à une ou plusieurs associations accréditées le droit de
négocier et conclure une convention collective s'appliquant aux
travailleuses et aux travailleurs compris dans plusieurs unités de
négociation et à un ou aux employeurs visés dans les 60
jours de la requête, qu'il en avise l'employeur ou les employeurs
concernés en énumérant les unités de
négociation et les employeurs visés; que l'attestation
émise par le Commissaire général du travail s'applique
tant qu'une nouvelle requête visant à modifier les unités
de négociation concernées n'est pas déposée dans
les mêmes délais
que ceux prévus pour le dépôt de la première
requête et qu'une nouvelle attestation ne vienne la modifier. Cependant,
si le Commissaire général du travail rend une décision de
suspendre les négociations pour une ou plusieurs unités de
négociation concernées par le dépôt d'une telle
requête, cette décision ne s'applique que pour la ou les
unités visées.
Alors, c'est un nouveau régime qui vise à permettre le
regroupement des accréditations pour permettre une négociation
regroupée, mais sur la base du désir volontaire de chacun des
groupes concernés, et le retrait de ce regroupement-là se ferait
d'une façon aussi démocratique.
Nous avons également à souligner le problème que
vivent les syndicats à sections lors de l'acceptation de la convention
collective. Il y a des dispositions, entre autres, qui prévalent
l'article 68 du Code du travail quant à la négociation
d'une convention collective avec une association d'employeurs. Or, nous avons
eu des problèmes quant à l'application de cet article, qui font
que des travailleurs, actuellement, se font imposer un dépôt de
convention collective d'une façon unilatérale par un employeur
sous le prétexte qu'il y a eu négociation avec l'association qui
représente cet employeur, sans qu'il n'y ait de véritables
négociations en fonction de l'unité accréditée. Or,
c'est un problème majeur qui crée des débats juridiques
devant les instances et qui empêche actuellement beaucoup de travailleurs
d'avoir accès à la libre négociation, parce que des
employeurs utilisent toutes sortes de procédures comme celle-là
pour tenter d'imposer la convention qu'ils désirent et sans
nécessairement ajuster ces modalités à la
réalité que les travailleurs vivent chez cet employeur-là.
Il y a urgence d'agir dans de tels dossiers et nous ne comprenons pas que
l'attention du gouvernement ne se pose pas sur ces problèmes-là
avant de quand même tenter de régler une question comme celle du
déplafonnement des conventions collectives.
En conclusion, la réforme proposée par le ministre du
Travail ne comporte que des modifications peu significatives qui
négligent les véritables enjeux pour les milieux de travail, soit
des conditions pour assurer le développement du partenariat, des
conditions de flexibilité, un environnement propice pour
améliorer la compétitivité de l'entreprise, le maintien et
le développement des emplois. Et, à ce titre, le ministre aurait
dû s'inspirer des propositions de la commission Beaudry et donner un
nouvel élan aux relations de travail par une réelle modernisation
du Code du travail. Je comprends que le nouveau ministre du Travail n'est
peut-être pas le premier responsable du projet de loi 116, sauf que nous
devons dire au cours de la présente consultation que nous voulons lui
demander de retirer le projet de loi 116 qui n'apporte pas de réponses
vraiment adéquates aux enjeux des relations de travail modernes et de
plutôt poursuivre la réflexion pour une réforme importante
du Code en fonction des véritables besoins qui s'expriment actuellement
dans les milieux de travail. Alors, je vous remercie.
Le Président (M. Messier): Merci, M. Gingras. Je vais
laisser au ministre le soin d'intervenir pour une vingtaine de minutes et de
répondre à votre questionnement, à savoir s'il va, oui ou
non, retirer ce projet de loi.
M. Marcil: Merci beaucoup, M. le Président. On vous
souhaite la bienvenue, M. Gingras et les membres de la Centrale, à cette
consultation. J'essaie de voir dans vos propos, dans l'argumentation que vous
apportez, le fait de... quand on sait que partout en Amérique du Nord,
incluant les provinces canadiennes, il n'existe pas, à ma connaissance,
une loi qui indique un maximum, une durée maximum aux conventions
collectives, et qui n'empêche pas, dans la majorité des cas
je pense aux États-Unis, la plupart des conventions collectives
négociées ont une durée en moyenne de trois à
quatre ans; elles sont rares, les conventions collectives qui dépassent
quatre ans; je parle de la moyenne générale... J'essaie de voir
dans vos propos comment, en quoi le fait, comment je pourrais dire, de ne pas
limiter obligatoirement une convention collective à trois ans, parce que
le fait de déplafonner ne fixe pas une durée dans le temps d'une
convention collective, en prenant, comme principe de base, qu'une convention
collective, ça se négocie entre deux parties, la partie des
travailleurs et la partie des employeurs, et qu'à l'intérieur
d'une convention collective on peut négocier une multitude de clauses
autres que le normatif, que les salaires, et on peut indiquer la durée
à l'intérieur de cette convention collective, on peut indiquer
une façon de régler les griefs, on peut indiquer une foule de
choses, on pourrait négocier une réouverture de l'entente
advenant certaines conditions... C'est ça que j'essaie de voir, en quoi
le fait de libéraliser, si on peut, la négociation en tenant
compte de la maturité qu'on sent aujourd'hui dans le domaine du travail,
autant chez les employés que chez les employeurs, en quoi ça
vient brimer le droit à la syndicalisation, le droit des travailleurs.
C'est une question qui est longue, là. Qu'est-ce qui empêche,
qu'est-ce qui empêcherait, par le fait de déplafonner, aux
travailleurs d'une entreprise de négocier une convention de deux ans ou
de trois ans?
Le Président (M. Messier): M. Gingras.
M. Gingras (Claude): Pour tenter d'apporter une réponse
à votre question, je veux vous dire, d'entrée de jeu, qu'on a
déjà des expériences quant à la négociation
d'une première convention collective. Souvent, on organise un syndicat.
Un syndicat s'organise parce que, justement, il y a des problèmes de
relations de travail avec un employeur. Et au départ, souvent, on est
obligés de se résoudre à faire arbitrer cette
première convention collective pour obtenir, si vous voulez, un
règlement initialement.
Comment, premièrement, dans un contexte comme ça, un
arbitre pourrait-il arriver à décréter une convention qui
lierait, sur la demande que l'employeur peut avoir dans le cours d'une
convention collective,
alors qu'on établit les premiers rapports entre les employeurs et
les employés d'une unité... comment pourrait-il décider,
parce que ce serait maintenant permis, là, que la durée des
conventions collectives soit très longue... comment pourrait-il,
d'entrée de jeu, avec une première convention collective, dire:
Bon, bien, parce que j'ai arbitré cette convention, je vais
établir une convention collective, sur la base d'aucune
expérience de relations de travail, qui peut avoir une durée de
sept ans, huit ans, neuf ans, avec les conséquences que ça peut
comporter, l'absence de flexibilité que ça peut avoir pour faire
les ajustements utiles, si vous voulez, à un démarrage de
relations de travail? Ça, ça nous questionne
énormément.
Deuxièmement, vous savez que le Code du travail ne permet pas la
syndicalisation uniquement à l'intérieur d'une centrale syndicale
qui essaie d'assurer l'intégrité, si vous voulez, de toute la
démarche de syndicalisation et de fonctionnement démocratique des
syndicats. Si un employeur, par stratégie, qui veut se défiler de
l'accréditation qui est susceptible, à un moment donné,
d'arriver dans son entreprise décide, demain matin, de fomenter de
toutes pièces la mise sur pied d'un syndicat de boutique, qu'on appelle
traditionnellement dans le milieu, pour éviter la syndicalisation de ses
employés dans une organisation syndicale, et qu'il amène ce
même syndicat de boutique à signer une entente de longue
durée, avec le syndicat en question, pour, justement, attacher ses
travailleurs et, en même temps, éviter la syndicalisation
véritable de ses travailleurs, bien, on vient de poser, je pense, un
geste qui va, demain matin, éclater en quelque part, parce que ça
ne pourrait pas nécessairement durer éternellement. Je pense que
ce qu'on essaie de faire, c'est de créer des conditions qui vont
être invivables. (16 h 10)
Si on prend même une unité où, nous autres, on
représente des travailleurs, dans un contexte économique
difficile, où l'entreprise vit des difficultés momentanées
et temporaires quant à son fonctionnement et à son avenir, et
qu'ensemble on accepte, bon, de convenir de certaines ententes pour lui
permettre de passer cette période difficile, on se concerte pour essayer
de lui redonner un élan, comment, dans de telles situations, une
entreprise ne pourrait pas aller jusqu'à exiger qu'on le fasse pour une
période très longue O.K.? très, très longue
profitant de la situation problématique où la survie et
l'emploi, c'est la priorité des travailleurs? Ça, on en convient,
et, actuellement, on fait face à des problèmes comme
ceux-là, puis c'est régulier, et les travailleurs acceptent de
s'asseoir, de regarder la situation de leur entreprise et de mettre de l'avant
des mesures de correction visant à assurer son avenir. Il n'y a pas de
travailleurs, à ma connaissance, qui sont intéressés de
prendre la décision unilatéralement, à moins qu'on leur
fasse une situation tout à fait impossible, de faire disparaître
leur emploi. Ils acceptent de s'asseoir. Ils acceptent, à un moment
donné, de regarder la situation et de prendre les moyens pour essayer de
relancer leur entreprise. Et, ça, ils le font au prix de sacrifices
importants, mais ces sacrifices-là ne doivent pas durer pour des
périodes qui sont inacceptables.
Je pense que, si l'entreprise atteint de nouveau la rentabilité,
c'est qu'elle a une obligation de répartir la richesse qui est
créée par, justement, la concertation. Et, ça, un contrat
de longue durée, ou une entreprise qui profiterait d'une telle situation
pour conclure une entente de longue durée en l'imposant
littéralement à cause de sa position, à ce
moment-là, ce ne serait pas sain parce que, éventuellement, quand
la richesse sera recréée, il faut se dire que les travailleurs
exigeraient, comme ils exigent dans les périodes de forte inflation,
même de façon illégale, de faire réajuster leur
traitement. Et, ça, si on veut développer des relations de
travail saines dans les entreprises, on ne voit pas comment, en attachant pour
des périodes très longues des conditions de travail, on
crée la confiance et des conditions nécessaires pour favoriser un
véritable partenariat.
Pour nous, si des ententes successives, sur la base d'une
évaluation aux trois ans, deviennent nécessaires pour assurer la
survie d'une entreprise, les travailleurs ont l'intelligence nécessaire
pour faire les ajustements appropriés. Ce n'est pas en essayant de les
encarcaner par des ententes de longue durée qu'on va atteindre ou qu'on
va créer les conditions de confiance qui vont faire en sorte que, demain
matin, on va avoir un climat qui va relancer l'entreprise et le climat sain de
relations de travail qu'on veut créer. Alors, nous autres, on pense, au
contraire, que c'est en gardant des conditions flexibles et en gardant la
possibilité que des contrats de travail, au plus tard aux trois ans,
puissent être réévalués, et, s'il y a lieu de
poursuivre, à un moment donné, un effort, on le fera.
Quant à votre question, à savoir comment des contrats de
travail de trois ans peuvent empêcher l'établissement de bonnes
relations de travail, bien, je pense vous en avoir dressé un tableau
assez exhaustif.
M. Marcil: Bon. Dans ce cas, on sait que, tantôt, vous
parliez de... Lorsqu'une sentence d'arbitre, d'abord, dans le cas d'une
première négociation... je veux dire, quand il n'y a pas
d'entente, on peut demander de soumettre le différend à un
arbitre. On sait bien que la sentence de l'arbitre lie les parties pour un
minimum d'une année et un maximum de trois ans...
Une voix: De deux ans.
M. Marcil: ...d'au plus deux ans, c'est-à-dire.
M. Gingras (Claude): Mais, là, ça pourrait devenir
différent avec le déplafonnement.
M. Marcil: Non, pas plus. Ça, ce n'est pas modifié
par la loi 116, n'oubliez pas ça. Moi, il y a une chose... Vous disiez
tantôt que les travailleurs sont assez intelligents pour comprendre et
être capables de renégocier ou de s'ouvrir. Pourquoi, à ce
moment-là, si les
travailleurs sont assez intelligents pour le comprendre, faut-il quand
même l'imposer par une loi, un plafond de trois ans? Pourquoi nos
travailleurs ne seraient-ils pas assez intelligents pour être capables de
négocier une entente?
On a toujours l'impression que le fait de déplafonner, de ne pas
mettre de limite obligatoire c'est toujours une limite obligatoire parce
qu'on peut négocier deux ans, trois ans, quatre ans on a toujours
l'impression que le patron, le fait qu'il n'y ait pas de limite, va abuser du
travailleur par le biais d'une négociation. On a toujours ça
comme impression. Automatiquement, s'il n'y a pas une obligation d'une
durée, le patron va en profiter, puis il va abuser des travailleurs,
puis il va imposer ses conditions de travail. Mais les travailleurs ne seront
jamais assez forts pour imposer, comme dans... où on exigeait un
plancher d'emploi s'il y avait une diminution de l'activité
économique. C'est pas mal assez exceptionnel, remarquez bien. Donc, il y
a une force de négociation quand même qui s'est faite. Donc, il y
a une mécanique de négociation et il y a deux parties en cause.
C'est vrai qu'il y a des situations, dans une période de l'année
ou dans une période d'une décennie, où l'activité
économique peut être très faible, qui fait en sorte que
l'employeur pourrait demander aux employés de rouvrir une convention
collective, comme il pourrait y avoir une activité économique
assez extraordinaire où les employés pourraient demander à
l'employeur: Écoute, nous, on veut participer également aux
profits. Donc, on pourrait exiger, on pourrait négocier aussi, à
cause de l'évolution économique, d'une bonne activité
économique, des conditions meilleures. Il y a ça.
C'est pour ça que je me demande en quoi ça pourrait
empêcher de faire ça. Si on voyait la situation de façon
objective, là... Moi, je pars du fait qu'on permet aux parties de
négocier: Négociez l'entente que vous pouvez, que vous voulez,
à la durée que vous voulez, mettez les clauses dedans. C'est du
«give and take», ça. Je veux dire, tu as le patron,
l'employeur qui est là; ce n'est pas toutes des multinationales, il y a
beaucoup de petites entreprises; donc, souvent, c'est des gens de
régions, c'est des gens de localités, puis les travailleurs qui
sont dans la «shop», c'est des travailleurs de la même
région que lui, c'est souvent son voisin. C'est ça que j'essaie
de voir. Est-ce que ça peut réellement créer de l'abus de
la part des employeurs, le fait qu'on ne limite pas dans le temps une
convention collective?
M. Gingras (Claude): Oui...
M. Marcil: Puis ma deuxième question, à ce
moment-là, M. Gingras: Est-ce qu'il serait souhaitable à ce
moment-là, ou bien ce serait... comment vous réagissez à
l'effet que la première convention soit soustraite... ou du moins soit
soustraite au déplafonnement, qu'elle soit à un maximum de trois
ans, comme il est prévu présentement par le Code? Donc, il y a
deux questions.
M. Gingras (Claude): Je vais commencer par répondre
à la deuxième. Si vous me dites que le projet de loi n'inclut pas
la première convention, à plus forte raison si on s'objecte
à déplafonner les conventions pour les autres
négociations, bien, je pense qu'on ne souhaite pas que les conventions,
pour une première convention collective, dépassent trois ans.
Ça, c'est clair. Je pense qu'au départ il y a des ajustements,
quand on établit les relations de travail dans une entreprise, qui sont
nécessaires, puis je pense qu'il faut avoir la souplesse et la
flexibilité pour pouvoir le faire, et ce n'est pas dans des conventions
à long terme qu'on réussit à faire ça.
Quant à l'autre partie, pourquoi on n'a pas d'obligation
d'accepter? bien sûr, on n'a jamais l'obligation d'accepter rien quand on
négocie une convention collective. Cependant, il faut ignorer ce qui se
passe dans les relations de travail, il faut ignorer la réalité
des situations qui peuvent se développer dans certaines entreprises,
pour penser qu'on n'a pas, à un moment donné, malgré nous,
à accepter des choses. Et on pense que ce ne serait pas correct de
profiter de la situation où on crée une obligation comme
celle-là pour imposer des conventions de longue durée. Ce ne
serait pas sain de faire en sorte de profiter de cette situation-là pour
imposer une convention de longue durée avec les conséquences
qu'au bout de trois ans, si la situation s'est améliorée dans
l'entreprise et que la partie patronale, parce qu'elle a profité des
circonstances pour le faire, refuse d'ouvrir les négociations pour
s'ajuster... ce serait, à mon avis, un geste inconscient de créer
un système qui fait en sorte que les parties peuvent justement s'asseoir
sur des conventions négociées comme celles-là sans
procéder aux ajustements nécessaires à des périodes
plus courtes que celles qu'on pourrait avoir à ce moment-là, et
créer, et détériorer littéralement des conditions
de travail parce que les parties s'assoient, s'assoient littéralement
sur des ententes convenues plutôt que de régler les
problèmes.
Alors, ce que je veux vous dire, c'est que partout où on a
à régler des problèmes de relations de travail, si les
parties s'assoient sur les conditions convenues quand il y a des
problèmes fondamentaux à régler, c'est qu'on arrive au
résultat inverse de celui qui est recherché, celui de
créer un meilleur climat. O.K.? Alors, c'est pour ça que je vous
dis qu'en faisant ça on crée ou on incite un peu les parties
à dire: Bon, vous avez convenu de ce contrat-là, mais on ignore
que ce contrat-là peut avoir été convenu dans des
conditions aussi qui n'étaient pas nécessairement les meilleures.
Alors, je pense qu'il ne faut pas ignorer ça.
Le Président (M. Messier): Merci, M. Gingras. Le
porte-parole en matière de... Bien, il ne l'est plus, peut-être,
on ne le sait plus. On verra. M. le député de Jonquière,
à tout le moins.
M. Dufour: Ça va. Merci, M. le Président. D'abord,
mes premiers mots, c'est pour vous remercier d'avoir accepté de venir
vous présenter à la commission
parlementaire. J'espère que ce n'est pas juste une
formalité. En tout cas, pour nous, on ne le considère pas comme
une formalité. Je veux vous féliciter pour la tenue ou la teneur
de votre mémoire. Je pense qu'il dit des choses intéressantes. Il
n'y a pas de passion, mais je pense qu'il faut le regarder dans son essence
même.
Pourriez-vous me dire pourquoi les syndicats insistent tellement pour
que les conventions collectives aient une durée limitée dans le
temps? C'est un caprice syndical ou... Pourquoi les syndicats insistent
beaucoup, à venir jusqu'à maintenant, pour qu'une convention
collective ait une durée limitée de trois ans, maximum? Pourquoi
les syndicats font ça? Ça a peut-être l'air naïf, ma
question, mais je pense que je vais continuer sur ce sujet, puis je pense qu'on
ne l'a pas développé, puis il faudrait peut-être essayer de
le...
M. Gingras (Claude): Alors, la principale raison, c'est que, de
plus en plus, la situation des entreprises évolue très
rapidement, O.K.? Le nouveau contexte qui est créé,
l'environnement nouveau des entreprises fait en sorte que,
régulièrement, on est appelés à faire des
ajustements dans l'entreprise, justement parce qu'il arrive de la nouvelle
technologie, il arrive de la réorganisation du travail, il arrive un
nouvel environnement compétitif auquel on doit faire face, il arrive des
changements fondamentaux à un moment donné, des restructurations.
(16 h 20)
Quand on est lié par des ententes de longue durée, c'est
que ça vient un peu perturber la flexibilité qu'on devrait avoir
de pouvoir s'ajuster au fur et à mesure du besoin. Actuellement, la
preuve est faite que, de plus en plus, les conventions sont rouvertes et
ajustées, soit par le biais de lettres d'entente, soit par le biais
d'ententes particulières, et tout ça, pendant, même, le
cours des conventions collectives. Donc, les ententes de longue durée,
c'est des ententes qui établissent peut-être un ensemble de
conditions de travail, mais au fur et à mesure, si les parties veulent
les modifier, elles sont capables de le faire, mais d'un commun accord. Mais,
si une ou l'autre des parties décide de ne pas modifier cet accord
convenu, bien, on ne peut pas le faire.
Mais le nouvel environnement qui se fait... On a juste à regarder
au niveau des classifications de l'emploi, au niveau des différentes
conditions de travail qui peuvent exister à cause, justement, de tout le
nouveau phénomène et la restructuration des entreprises, nouveau
phénomène qui se vit dans le nouvel environnement des
entreprises, c'est qu'on s'aperçoit de plus en plus qu'on a besoin de la
flexibilité. Alors, le fait de s'encadrer dans des ententes à
long terme, ça ne répond pas à ce besoin-là,
à mon avis, et ça fait en sorte de créer une situation
malsaine qui risque de complexifier les rapports entre les parties, parce que,
justement, on va tenter, dans des périodes de faiblesse des travailleurs
ou des périodes de difficultés économiques, de leur
imposer des ententes qu'on va vouloir de longue durée. Sur la
possibilité aussi pour certaines entreprises de venir s'établir
ici, on va exiger d'avance que ce soit la condition de l'investissement. Et,
ça, je pense que c'est grave comme situation. On transmet un message qui
n'est pas tout à fait correct parce que, dès le départ, on
sait fort bien que, même si on établit un contrat de longue
durée, on va devoir s'asseoir ensemble s'il arrive une situation
imprévue puis qu'on va devoir corriger des situations.
M. Dufour: Ce matin, le Conseil du patronat a affirmé dans
son mémoire que le fait que les conventions collectives ne
dépassent pas trois ans, ça pourrait... c'est de nature à
nous faire perdre des industries ou des investissements. Je n'ai pas
été capable de savoir quels sont les investissements qu'on a
perdus, mais ça a été affirmé. C'est dans le
mémoire du Conseil du patronat. Est-ce que vous, vous croyez
honnêtement je ne doute pas de votre honnêteté
est-ce que vous croyez que, dans le contexte actuel, un syndicat, quel qu'il
soit, même un syndicat de boutique, serait en mesure de refuser une
réouverture des contrats de travail, quels qu'ils soient, pour de
nouveaux investissements, pour une augmentation des emplois ou pour la
consolidation de l'emploi? Est-ce que vous croyez qu'actuellement, ce qui
existe, ça ne vous permet pas de faire ces tractations, puis ces
négociations?
M. Gingras (Claude): À votre question, c'est oui.
Écoutez, je pense qu'il n'y a rien qui empêche actuellement des
syndicats de faire l'ouverture nécessaire, s'il y a lieu de la faire, en
fonction de certaines réalités de l'entreprise. Et, d'ailleurs,
ça se pratique actuellement. Quand il y a des situations à
régler, écoutez, les parties s'entendent, s'assoient ensemble et
elles le font, l'exercice. Mais, quand ce n'est pas nécessairement le
cas et que c'est unilatéralement qu'on veut décréter
certaines situations, bien, c'est qu'à ce moment-là on peut
profiter de certaines situations de faiblesse de l'une ou l'autre des parties
pour tenter d'imposer des choses. Et, ça, c'est différent.
Ça, c'est différent.
Je veux vous dire, en complément à la question que vous
posez... bien, écoutez, c'est arrivé quand même qu'il y en
a eu des investissements majeurs. D'ailleurs, on a deux exemples assez
récents. Weston, il y a eu une transformation fondamentale de cette
entreprise-là vers, si vous voulez, une technologie nouvelle.
C'était quand même une entreprise américaine. Citons
l'exemple également de Whirlpool avec son usine dans la région de
Montmagny, qui ont fait un investissement majeur dernièrement. Est-ce
qu'ils ont exigé des contrats de longue durée pour faire ces
investissements-là ici? Non. Je pense que l'expérience qu'on a
développée dans le cadre de ces deux entreprises-là, des
expériences de concertation pour s'adresser aux défis de l'avenir
ont été déterminantes dans le fait que ces
entreprises-là ont décidé d'investir ici et, demain matin,
s'attaquer à l'avenir, justement, de ces marchés-là, entre
autres, à Montmagny, dans les appareils électriques,
électroménagers, et dans la région de Montréal avec
Weston dans le pain. Et on pourrait ajouter d'autres exemples comme
celui de Domtex, dernièrement, qui a pris la décision
d'investir à Sherbrooke dans une entreprise dans laquelle on a
développé un partenariat qui repose sur la notion de confiance
qu'on peut établir ensemble pour essayer de s'adresser aux défis
de l'avenir. C'est ça, établir un partenariat. Ce n'est pas
d'essayer de geler les employés dans des conditions de travail
déjà déterminées 10 ans d'avance. Je ne pense pas
que c'est comme ça qu'on y arrive. C'est plus par la flexibilité
qui est nécessaire et par la confiance qu'on peut développer
ensemble en s'adressant aux défis de l'avenir en concertation.
M. Dufour: Vous parlez beaucoup de concertation, de
confrontation, de négociation dans votre mémoire, et, à
mes yeux, avec raison, et je pense que le climat, et ça, j'ai eu
l'occasion de le dire et je vais le répéter, je m'inspire du
Conseil du patronat qui dit que les relations de travail se sont beaucoup
améliorées au Québec... Il y a de moins en moins de
conflits; les conflits qu'on vit actuellement sont plutôt des conflits
causés par les patrons que par les employés; il y a plus de
lock-out qu'il n'y en a jamais eu.
Comment pourriez-vous m'expliquer que le gouvernement veut, persiste, en
tout cas jusqu'à maintenant, à vouloir répondre à
cette ouverture de négociation de six ans? C'est qui qui force
ça? Qu'est-ce que vous pensez qui inspire le gouvernement à aller
dans ce sens avec ce projet de loi là, à aller dans ce
sens-là?
M. Gingras (Claude): Si vous nous soupçonnez, je veux que
vous perdiez vos illusions, hein. Ce n'est sûrement pas nous. Je
présume qu'il y a probablement certains employeurs qui
désireraient peut-être obtenir cet avantage-là dans les
relations de travail, mais c'est sûr que ce doit être d'une
façon intéressée. Mais ce n'est sûrement pas la
partie syndicale.
M. Dufour: Mais est-ce que dans vos négociations
vous en menez beaucoup, vous avez beaucoup de spécialistes à
côté de vous, des négociateurs est-ce que vous avez
des demandes si nombreuses qui fassent qu'on soit obligés de
légiférer pour allonger les périodes de
négociation?
M. Gingras (Claude): Non, nous autres, à ma connaissance,
écoutez, jamais... C'est déjà arrivé qu'on nous a
demandé de conclure des ententes ou des accords qui pourraient porter
sur des périodes plus longues que celle prévue de trois ans.
Cependant, jamais on en a fait une exigence fondamentale, à notre avis,
qui a été déterminante pour l'investissement, parce qu'on
a toujours réussi à s'entendre avec l'employeur pour convenir
quand même du développement de l'entreprise dans le cadre de la
législation actuelle, avec ce que comporte, nous donne comme
possibilité la législation actuelle.
Là-dessus, un de mes collègues, le confrère
Tremblay, veut ajouter peut-être quelques commentaires.
Le Président (M. Messier): Pour les fins du débat,
c'est M. Louis Tremblay, parce que vos paroles vont être
immortalisées dans un journal qui s'appelle le Journal des
débats. Allez-y, M. Tremblay.
M. Tremblay (Louis): M. Dufour, dans le cas d'Inglis à
Montmagny, Whirlpool a pris la décision de fermer à Toronto
là où il y avait la possibilité de signer des contrats de
plus de trois ans. Mais elle a décidé d'investir plutôt
à Montmagny. Au Québec, il n'y a pas de possibilité,
à date en tout cas, de contrat de plus de trois ans. Mais le contexte de
la concertation, la qualité de la main-d'oeuvre, les relations de
travail, ça a été beaucoup plus important et
déterminant dans la décision de Whirlpool que le fait de pouvoir
avoir des conventions de plus de trois ans.
Pour répondre aussi à votre question
précédente, une des raisons pourquoi ce n'est pas plus de trois
ans, c'est l'incertitude. Pour les parties, autant la partie syndicale que
patronale, c'est difficile de prévoir l'avenir. Un horizon de trois ans,
c'est un horizon suffisamment long pour s'entendre sur des conditions de
travail. Vous savez, le gouvernement a de la misère avec ses
prévisions économiques sur plus d'un an ou de deux ans; c'est la
même chose pour les entreprises, puis les entreprises n'ont pas les
ressources du gouvernement pour faire des prévisions économiques
ou financières. (16 h 30)
M. Dufour: Je voudrais juste citer un passage du rapport Beaudry,
en 1984. Et je comprends aussi pourquoi la Commission consultative sur le
travail ne donne pas beaucoup d'avis s'ils ne sont pas suivis. Hier, on a
posé la question. Le Conseil consultatif du travail... il y a un
syndicat, je pense que c'est la FTQ, il se référait en disant:
Contrairement à ce qu'on pensait qui était pour l'allongement ou
retirement des conventions à tout crin, ce n'est pas tout à fait
le cas. Moi, je n'ai pas compris ça tout à fait. Donc, il disait:
Bien, on pourrait remettre ça au Conseil consultatif du travail, mais il
n'a pas encore travaillé sur le dossier. Il est sur le Conseil. Il n'a
pas eu le temps de travailler. Je doute actuellement, quand je vois un rapport
aussi volumineux qui n'a pas eu de suite, pourquoi le ministre hésite un
peu à confier des mandats. Et il dit: II importe aussi de noter à
l'acquis du régime de négociation applicable au secteur
privé sa souplesse. Il a survécu à la crise inflationniste
de la décennie précédente. Il fonctionne autrement, mais
toujours de manière satisfaisante dans la situation de chômage de
la décennie actuelle. Ce constat devrait inciter à la
réserve dans les changements que l'on peut envisager. Que l'on peut
envisager, ça, c'est la durée des conventions, parce qu'on en
parle aussi dans un autre paragraphe précédent où on dit
exactement que... On dit: Le second accroc dont on demande la suppression... la
limite de trois ans que la loi fixe à la durée d'une convention
collective. La pratique habituelle quant à la durée de la
convention collective en Amérique du Nord est certainement de ne pas
dépasser trois ans. Il semble que, pour l'une et l'autre partie, la
ligne d'horizon se situe environ à cette limite. On peut voir dans
cette disposition une balise à l'appui de la négociation
collective qui devrait permettre un ajustement périodique à la
conjoncture.
Moi, je persiste à dire, avec vous, avec vous autres et certains
intervenants, que, si on veut allonger les conventions collectives, moi, je
dis: On va faire une erreur. Une erreur monumentale, parce que quelqu'un qui a
déjà vécu à l'intérieur d'une convention
collective, après trois ans, comment on peut faire changer les
conditions de travail? C'est lorsqu'on négocie la convention collective,
à mon point de vue, et c'est pour ça que je crois et
j'espère que tous les arguments qui ont été
apportés vont convaincre le ministre de surseoir à son projet de
loi, puis laisser les règles du jeu et respecter ce que son gouvernement
dit: Moins légiférer, mieux légiférer. Dans ce
cas-ci, c'est de ne pas légiférer, c'est encore le mieux. Le bien
est mieux que le mal.
M. Marcil: M. le Président, juste une question
d'information.
Le Président (M. Messier): M. le ministre, s'il vous
plaît.
M. Marcil: Vous semblez vouer... M. Dufour: Le rapport
Beaudry.
M. Marcil: ...mais vous semblez dire que c'est un rapport soumis
par la Commission consultative...
M. Dufour: Oui.
M. Marcil: Non, ça, c'est le rapport Beaudry,
ça.
M. Dufour: Oui, mais il est soumis à la Commission
consultative.
M. Marcil: Oui, oui, je comprends, mais c'est différent,
là.
M. Dufour: J'imagine que le rapport Beaudry, il part de
quelqu'un.
M. Marcil: Ce n'est pas le rapport de la Commission consultative
de la main-d'oeuvre, c'est une commission ad hoc, c'est le rapport Beaudry.
Bon.
Le Président (M. Messier): C'est le rapport Beaudry.
M. Dufour: Je suis obligé, pour...
M. Marcil: C'est seulement pour informer les gens.
M. Dufour: Non, mais on va s'entendre, M. le ministre. C'est bien
intitulé «Le travail, une responsabilité
collective».
M. Marcil: C'est ça. Ça a été fait
par...
M. Dufour: «Rapport final de la Commission consultative sur
le travail et la révision du Code du travail». À mon point
de vue...
M. Marcil: C'est le rapport Beaudry, ça, qui a
été déposé.
M. Dufour: Oui, mais il devient le rapport de la Commission
consultative.
M. Marcil: Que vous aviez mis sur pied en 1984, je pense.
M. Dufour: Voilà!
Le Président (M. Messier): C'est ça. C'est le
rapport de 1984. Est-ce que M. Gingras avait une intervention à faire
sur les propos du député de Jonquière?
M. Gingras (Claude): Je veux juste souligner... Écoutez,
il y a, bien sûr, nécessité d'une réforme majeure du
Code du travail. Je pense qu'on l'a souligné dans notre mémoire.
Le déplafonnement des conventions collectives, à mon avis, c'est
un aspect qui ne revêt aucune urgence d'agir puis qui ne créera
pas les conditions nécessaires pour avoir des relations de travail
adaptées aux défis d'aujourd'hui. Or, en ce qui nous concerne,
c'est un faux problème, à mon avis, puis on essaie de
créer une illusion, une illusion qui risque d'avoir de graves
conséquences.
Puis ça, je pense qu'il faut se le dire, parce que, si on met des
conditions en place qui vont faire en sorte que ça va résulter en
une détérioration des relations de travail, parce que, justement,
des gens vont se sentir encadrés dans des conventions de longue
durée, qu'ils vont vouloir défaire de toute façon, puis
que ça, ça crée un climat malsain à
l'intérieur de l'entreprise, parce que, de part et d'autre, on ne
s'entend pas sur la nécessité de le faire, puis qu'on est
lié avec, vous savez ce qui va arriver. La première
possibilité, ça va être des agissements illégaux
à l'intérieur de l'entreprise pour exercer des pressions pour le
faire. La deuxième possibilité, ça va être,
après six ans, de changer d'allégeance syndicale pour
révoquer l'entente. Donc, ça va être le maraudage
systématique qui va s'installer pour pouvoir remettre en cause
l'entente, parce que l'association en place ne pourra pas le faire parce que
l'employeur refuse.
Donc, vous voyez un petit peu la dynamique dans laquelle ça va
placer les relations de travail au Québec. Je pense que si on fait
ça délibérément, à mon avis, on se lance
vers des problèmes sérieux qui ne concourront sûrement pas
à créer les conditions qu'on recherche pour développer un
véritable partenariat au Québec. Alors, ça, je vous le
dis, c'est un souci qu'on a, et je pense qu'il faut que les relations de
travail et il faut que les conditions qui assurent des relations de travail
saines
soient suffisamment crédibles pour, justement, contribuer
à établir ce climat de confiance là.
Et, comme vous le dites, révision au plus tard aux trois ans des
conditions de travail, ce n'est pas une période trop longue, au
contraire. Actuellement, on est obligés de le faire beaucoup plus
rapidement que ça, puis, comme je vous le disais tout à l'heure,
on est obligés de conclure des ententes des fois, des lettres d'entente
en cours de convention collective pour s'ajuster à certaines situations.
On est obligés de rouvrir des conventions collectives pour s'adresser au
problème de la survie des entreprises. Ça, ça ne veut pas
dire que, si on avait une convention de 10 ans, on n'aurait pas à le
faire pareil, mais ce ne serait pas correct, parce qu'on pourrait se faire
encarcaner dans des conditions qui risquent... Parce que, si la partie
syndicale, demain matin, dit: Je m'assois sur mon contrat parce que j'ai un
contrat à long terme, puis l'entreprise est en difficulté, vous
savez ce qui va arriver. Pourtant, légalement, on va être
corrects. Mais ce n'est pas ça, la réalité à
laquelle on va avoir à se confronter.
Le Président (M. Messier): Merci, M. Gingras. Il y a le
député de Drummond qui voudrait intervenir pour une couple de
minutes.
M. St-Roch: Pour combien de temps?
Le Président (M. Messier): Pour quelques minutes.
M. St-Roch: Merci, M. le Président. Ce ne sera pas
nécessairement une question, M. Gingras, mais probablement une
réflexion pour quelqu'un qui a été du côté
patronal aussi. Moi, lorsque je regarde les 20 dernières années
du milieu patronal-syndical, on est passé, vers le milieu des
années soixante-dix, de cette décennie-là, dans une
situation conflictuelle. Puis, moi, il m'apparaît principalement, depuis
le début de la décennie quatre-vingt, qu'on a appris des deux
côtés à mettre ensemble, puis à ouvrir, puis
à se diriger graduellement vers une négociation qui est beaucoup
plus constante qu'à l'intérieur d'une vie d'une convention
collective, et vous l'avez souligné d'ailleurs, qu'il y a des
circonstances, avec les changements technologiques, avec la mondialisation,
avec toutes les formes d'alliances, de partenariats et d'acquisitions qui
arrivent, qu'on est obligés d'ouvrir puis de faire des ententes
particulières. Moi, il m'apparaît à ce moment-ci que le
milieu est en évolution où on est en train d'apprendre aussi,
d'une façon libre, sans contraintes, à regarder plus que trois
ans. Alors, moi, je pense, et c'est mon commentaire, qu'on est à la
pointe de: Laissons aller les partenaires pour bâtir cette
crédibilité-là. Parce qu'il y a une période qui
n'est pas si lointaine que ça où j'ai vécu, moi, jeune, en
dénonçant ça, où, des deux côtés, on
signait une convention collective et ça devenait une bible, puis
c'était défendu d'y toucher. Puis on sait, M. le
Président...
J'ai vécu, moi, la vente d'une industrie pour sauver le principe,
parce qu'on avait pris une décision qui était erronée, et
personne ne voulait revenir en arrière pour ne pas perdre la face. Et on
a fait perdre beaucoup d'argent à des actionnaires et aussi,
aujourd'hui, à des travailleurs, parce que la décision, dans le
temps, s'est annoncée catastrophique.
Alors, moi, je partage l'ensemble de votre mémoire, sa grande
logique et sa grande rationalité. Je pense, moi, M. le ministre, avec
une autre centrale syndicale qui a déposé et qui a demandé
un avis au niveau du Bureau international du travail, que, dans les
intérêts supérieurs de la collectivité
québécoise, on serait très malvenus de faire une
législation, puis faire un peu ce qu'on a vécu avec un autre
projet de loi, pour la langue, avoir un organisme international qui
dénonce un projet de loi que l'Assemblée nationale a fait et
qu'on soit obligés de revenir en arrière.
Alors, on a appris ce matin que ça prend peut-être un an ou
deux ans. J'espère, moi, dans la foulée de ce que mon
collègue de Mille-Îles a dit, probablement, peut-être, on ne
sait jamais, que personne de nous autres serait ici, suite à un scrutin
électoral.
M. Marcil: ...est autonome, c'est souverain.
M. St-Roch: Mais, seulement, je pense qu'on n'a pas le droit
d'engager l'avenir et surtout de mettre en danger le momentum qu'on est en
train de créer, M. le Président, pour bâtir des relations
ouvrières-patronales basées sur l'intégrité et le
vrai partnership qu'on est en train de développer à l'heure
actuelle au Québec.
D'ailleurs, lorsque je contacte mes amis, moi, à travers le
Canada, puis même s'ils n'ont pas de limite de contrat, on nous envie
aujourd'hui le modèle qu'on a réussi, de partenaires qu'on est en
train de développer. Puis tout le monde me demande: Qu'est-ce que vous
faites pour arriver avec cette élévation-là qui permet
aujourd'hui, à bien des égards, d'avoir des régions... Et
je suis le représentant d'une région où on a mis en
pratique ce partenariat-là, puis, aujourd'hui, on nous donne comme
modèle de développement économique.
Le Président (M. Messier): Merci, M. le
député de Drummond. Peut-être le mot de la fin avec le
ministre.
M. Marcil: Oui, tout simplement pour dire, M. le
Président, que le contexte du syndicalisme au Québec est
réellement bien différent de ce qui se passe ailleurs. S'il y a
un endroit où il y a eu une évolution au niveau des relations de
travail, c'est bien au Québec. Donc, moi, je respecte beaucoup les
organismes internationaux, sauf qu'il y a une différence entre comparer
les relations de travail du Québec à celles de Trinidad and
Tobago, puis des Indes, où, à un moment donné, quand... On
ne règle pas ça souvent uniquement par des négociations
assis autour d'une table, on règle ça autrement. (16 h 40)
Je voudrais vous poser une dernière question.
Tantôt, en vous écoutant, là, parce qu'il y a
beaucoup d'arguments, dans le fond, que vous apportez qui sont logiques puis
qui s'appliquent très bien, dans le fond, à la réforme qui
est proposée ici... D'après vous, n'y aurait-il pas
possibilité qu'une révision périodique de trois ans,
à tous les trois ans, dans le cadre d'un contrat successif de trois ans,
puisse apparaître au niveau d'une convention collective à plus ou
moins long terme? Parce que le projet de loi ne fait pas en sorte qu'on
permette de signer des conventions collectives illimitées. Ce n'est pas
ça que ça veut dire, là. Ça veut dire qu'il faut
qu'il y ait une durée de la convention collective, puis la durée
va être fixée par les parties qui vont négocier. Mais, dans
un contrat de travail, est-ce qu'on peut s'imaginer d'intégrer dans le
contrat à long terme, qui peut être de quatre ans, cinq ans, six
ans, une révision périodique, une réouverture de la
convention collective à tous les trois ans? Est-ce que c'est possible?
On le fait présentement. On le fait sans assise juridique. Mais est-ce
que ce serait possible, d'après vous, de reprendre ce que vous venez de
dire, ce que vous avancez comme argument? Puis, vous dites, là: C'est
important dans certains secteurs, dans certains endroits qu'il y ait une
révision du contrat de travail à tous les trois ans. Est-ce qu'on
ne peut pas les intégrer dans un contrat de travail, ces
clauses-là?
M. Gingras (Claude): Bien sûr qu'on peut les
intégrer dans un contrat de travail. Vous me posez la question: Est-ce
qu'on peut intégrer ça dans un contrat de travail? Admettons
qu'on signe un contrat de travail de trois ans ou de neuf ans et qu'on dit: On
va s'asseoir aux trois ans pour le revoir. Mais, si on a supprimé le
droit de grève puis qu'on le relie à la durée de la
convention, ça devient un droit illusoire parce qu'une des parties peut
s'asseoir sur ses lauriers en disant: Je profite de la situation, et continuer
d'en profiter en refusant de changer la situation. Je pense que c'est ça
qui est actuellement malsain dans tout le projet de convention de longue
durée. Je pense que la révision périodique avec un maximum
de trois ans ouvre un droit général de revoir la situation et, si
les parties se rendent compte qu'elles doivent prolonger des conditions de
travail pour une période plus longue, elles ont la liberté de le
faire actuellement. Je pense que, si on veut fixer des conditions qui vont
obligatoirement régir les parties en dehors de ce qu'on appelle la
confiance et l'équité, c'est qu'à ce moment-là on
va tout simplement créer des conditions malsaines qui vont brimer le
sentiment de confiance qui est nécessaire. Si on fait ça,
à mon avis, on n'atteint pas l'objectif qu'on recherche par les
conventions de longue durée.
M. Marcil: Je vous remercie beaucoup, M. Gingras. Je remercie
également les gens qui vous ont accompagné.
M. Gingras (Claude): Je pourrais vous faire juste une petite
remarque avant de terminer?
M. Marcil: Oui.
M. Gingras (Claude): J'ai appris que certains recommandaient que
ça retourne devant le Conseil consultatif du travail, ce projet de loi,
pour être bonifié, regardé, qu'on continue la
réflexion...
M. Marcil: Vous ne faites pas partie, je pense...
M. Gingras (Claude): Oui. Je veux vous souligner que je ne pense
pas que ce serait un forum approprié.
M. Marcil: Merci. Ha, ha, ha! Merci beaucoup. Des voix:
Ha, ha, ha!
Le Président (M. Messier): Merci, M. Gingras. Nous allons
suspendre une minute, le temps que M. Morin vienne prendre place.
(Suspension de la séance à 16 h 43)
(Reprise à 16 h 45)
M. Fernand Morin
Le Président (M. Messier): Nous avons la présence
de M. Fernand Morin, professeur au Département des relations
industrielles de l'Université Laval. Bonjour, M. Morin.
M. Morin (Fernand): Bonjour.
Le Président (M. Messier): Vous avez une vingtaine de
minutes pour faire une présentation succincte de votre mémoire.
Après ça, il va y avoir un échange avec la partie
ministérielle, l'Opposition et un député
indépendant. M. Morin, on vous écoute.
M. Morin (Fernand): Merci. M. le Président, merci de me
recevoir pour m'entendre, ou faire quelques réflexions ou variations
libres sur le thème du projet de loi 116. Vous savez qu'à mon
avis, et c'est l'histoire qui est derrière nous qui l'exprime bien,
toucher au Code du travail, c'est toujours une opération
périlleuse, difficile, délicate, pour les uns ou pour d'autres.
Je n'aurais qu'à rappeler, par exemple, que ce n'est pas une histoire
impossible; ce n'est pas une aventure impossible. En 1964, on l'a
réussi. En 1969, lorsqu'il s'est agi de liquider la CRT du temps pour
mettre le système actuel, ce fut un succès; en 1977
également, par tous les amendements apportés au Code du travail,
il y en avait plus de 100. Par ailleurs, sur l'autre versant, si on regarde le
projet de loi 130 de 1987, à mon avis, pour des raisons qu'il serait
facile d'exprimer, il est dans un mouroir et non pas dans un incubateur. Donc,
c'est une opération difficile et c'est toujours délicat d'y
toucher.
D'ailleurs, quand on intervient, comme dans mon cas, on essaie toujours
et ça me paraît tout à fait normal, j'ai assez
d'expérience dans le domaine pour le savoir vous allez essayer,
l'un ou l'autre, de me mettre une étiquette sur le dos, soit du
côté syndical, du côté patronal, du Parti
québécois ou du Parti libéral, ou d'un parti à
venir, ou dépassé. Mais, peu importe, c'est le risque de
l'aventure et, personnellement, j'avoue qu'il m'aurait été
pénible sur le plan personnel de rester coi, de rester à la
maison ou à l'université, de faire des variations dans d'autres
enceintes, mais de ne pas m'ex-primer ici. C'est pour ça que je suis
assez heureux d'être devant vous.
Quand on regarde le projet de loi, et c'est aussi un
élément important du législateur, il y a toute une
quantité, un grand nombre d'articles qui sont, je dirais, d'ordre
technique et qui sont, pour moi, tout aussi importants à l'égard
de certains individus ou de certains groupes, qui règlent les
problèmes. Et, ça, je pense que c'est normal, c'est essentiel que
la loi soit ajustée au fur et à mesure des expériences,
heureuses ou pas heureuses, de l'évolution du droit, par les tribunaux
ou autrement. Et on en retrouve en grande quantité dans le projet de
loi, et c'est tant mieux. J'en cite, par exemple, des cas où on a
essayé, ou on voudrait, et je le souhaite, simplifier le système.
Par exemple, limiter... pas parce que le ministre n'a pas le moyen d'avoir
d'autres informations, mais empêcher ou priver... ne pas obliger
maintenant les parties de donner des avis qui sont... l'autorisation de faire
grève et, après, un autre avis pour dire qu'ils la font, etc.,
etc., comme si c'étaient des enfants qui doivent être suivis dans
la cour.
Egalement, on prévoit faciliter le système des
interventions du Tribunal du travail dans le cas où un salarié
croit qu'il a été mal représenté. Bon. C'est tant
mieux. Ce qui est fait là, je pense, simplifie les choses. Cependant, je
pose la question et je me demande toujours pourquoi ça n'a pas
été fait dès la première fois pourquoi ce
n'est pas le Tribunal qui tranche la question de fond également? On
l'informe de tout le fond, l'employeur est là pour voir au grain, et on
passe en deux temps, après ça, devant un arbitre. C'est des
coûts et un temps énormes. Et, au bout du compte, c'est même
les employeurs qui paient toute la note, si jamais il y a eu abus au
départ. Et ça me paraît là une occasion
manquée de ne pas avoir conféré au Tribunal du travail la
décision, s'il croit qu'effectivement le salarié a eu raison de
porter plainte. On devrait lui permettre de trancher la question de fond tout
de suite et non pas d'attendre six mois puis un an après, et que ce soit
fait par un arbitre, et on recommence. En fait, a-t-on le moyen, en ces cas,
d'avoir deux procès?
Le projet de loi également comprend des dispositions qui tiennent
compte de la jurisprudence et qui vont permettre l'accélération,
ou qui devraient permettre l'accélération des procès. Je
voudrais souligner un article qui ne semble pas faire l'affaire de certains,
c'est le petit mot changé à l'article 59, à savoir: le
maintien des conditions de travail jusqu'au fait de la grève et non pas
au moment de l'acquisition du droit. Il y a un monde entre acquérir un
droit et l'exercer. Et je pense que ça, pour moi, c'est un bon mot
envoyé à la Cour suprême qui a reconnu dans l'affaire
Paccar, il y a quelques années, que les employeurs pouvaient, dès
que l'autre avait le droit de grève, de foncer et d'imposer les
conditions que lui voulait... Peu importe, on recommençait à la
phase tribale. (16 h 50)
L'autre question, et aussi dans les mesures de procédure, c'est
d'éviter la procédure d'appel, tout en laissant au juge le droit
d'écarter du revers de la main les appels abusifs ou dilatoires. Faut-il
encore avoir des juges qui se tiennent debout. Ça, c'est une question
à laquelle je ne répondrai pas.
Également, au sujet de la faiblesse du Tribunal, si vous regardez
l'article 124 que vous voulez modifier, toute personne qui n'est pas au courant
de la situation, mais qui aurait simplement une bonne logique une chose
qu'on pense tous partager, comme disait Descartes c'est qu'on ne regarde
pas les mêmes questions, c'est tout simplement la différence...
Or, vous avez ajouté un pouvoir à l'article 124 pour le Tribunal
du travail. Je pense que c'est nécessaire, parce que le texte qui est
là fournit le pouvoir que vous lui donnez. C'est une
répétition. On réitère, on précise, on
articule, on exprime davantage ce pouvoir, mais ils l'ont déjà.
La Cour d'appel, dans l'affaire Kruger, leur avait dit qu'ils ne pouvaient pas
assouplir un peu les délais face à une situation impossible, les
parties étant dans une situation impossible de respecter les
délais. L'article 124 dit: Le juge a tous les pouvoirs pour sauvegarder
les droits des parties. Le Tribunal du travail a refusé de l'exercer de
cette façon. Maintenant, ils ne pourront pas ne pas l'exercer si vous
leur donnez ce qui est prévu sous l'article 124.
En même temps, de dessaisir, de permettre au juge en chef de
dessaisir les affaires qui traînent sous la poussière d'un bureau
de juge, ça aussi, ça me paraît encore... C'est
l'expérience. On a simplement à regarder les délais. On a
seulement à regarder les faits depuis 10 ans. L'expérience nous
le montre que... C'est, je dirais, très sage d'y avoir pensé,
encore faut-il avoir un juge en chef qui a un certain poignet, qui est un vrai
préfet de discipline, puisque c'est un peu la fonction que vous allez
lui attribuer avec ces délais. Ce qui me fait peut-être un peu
sourire... mais c'est la conviction que vous avez, à l'Assemblée
nationale, de croire en la force du mot en disant: 30 jours, on doit entendre
l'appel; 90 jours, le jugement doit sortir. Ça fait depuis 1970 que le
Tribunal du travail a des délais. Ça fait depuis 1970 qu'ils nous
disent, qu'ils disent aux gens, aux justiciables: Vous devez respecter, sous
peine de forclusion, les délais, mais, nous, ce n'est pas pareil. Je
crois qu'ici c'est un peu un abus de verbe. On pourra voir peut-être dans
deux, trois ans comment ce rappel de la diligence, de la
célérité a été entendu à l'autre
pouvoir.
Maintenant, je voudrais prendre le temps qu'il me reste pour parler du
point principal, c'est-à-dire l'extension de la durée des
conventions collectives par les
modifications de trois articles, 22, 41 et 65. Je dirais, au niveau du
principe, qu'il y a effectivement une certaine tendance résultant d'un
besoin dans certains milieux d'avoir des conventions de longue durée.
Par conséquent, si on reste dans le cadre actuel, il est évident
que ces conventions de longue durée sont illégales, qu'elles sont
hors du cadre juridique, avec tous les dangers que ça peut
comporter.
Par ailleurs, il faut aussi constater que la situation de fait... il n'y
a pas une généralisation, hein, il ne faut pas s'emporter
là, que tout le monde maintenant veut des conventions collectives de
sept, huit, 10, 12 ans. Non, ce n'est pas vrai. C'est l'exception. Et on a beau
en chercher, on en a répertorié, on en a étudié.
Mes collègues et moi, on a fait des études. Récemment, on
vient d'en publier une; Claude Rondeau vient d'en publier une sur le contenu de
ces accords collectifs. On a fait certaines études, certaines analyses.
Mais c'est l'exception. Et je pense que c'est là mon point, c'est
d'ouvrir les vannes trop rapidement, élargir trop, d'une façon
globale, le système. C'est là, je pense, que la question est
importante et sur laquelle je voudrais m'étendre quelque peu. Il faut
dire que, dès qu'on élargit la durée, dès qu'on
l'étend à un temps, sept, huit ou 12 ans, les salariés et
les syndicats perdent pour autant le droit de grève. M. le
Président, perdre le droit de grève, ça veut dire... Ce
n'est pas nécessaire de la faire, la grève, mais c'est important
de l'avoir, comme toute liberté. On n'exerce pas toutes nos
libertés, mais c'est important qu'on ne nous en enlève aucune. Et
c'est la même chose. C'est un prix que paient les salariés et les
syndicats quand ils signent une convention collective de cette nature.
De longues conventions collectives, ça veut dire également
que les conditions de travail sont gelées, sont maintenues, à
moins qu'il y ait des soupapes à l'intérieur, et, s'il y a des
soupapes, il faut trouver, comme toute loi, des sanctions, des mesures de
contrôle pour trancher s'il y a imbroglio. Il ne faut pas oublier ce
point-là.
Mais le troisième effet, également, c'est qu'on retarde
d'autant la venue possible encore une fois, c'est comme les
libertés la venue possible, éventuelle, mais qui
crée ce risque de la venue d'être remplacé, qui crée
aussi ou qui impose la sagesse. Tout comme un parti au pouvoir, sachant qu'un
autre peut le déplacer, ça donne un certain poids, une certaine
sagesse, on est plus prudent. C'est la même chose pour un syndicat.
Savoir qu'un autre syndicat peut le déloger dans un certain temps et
à un rythme accéléré, ça permet de voir au
grain. C'est normal, c'est humain. Il n'y a rien de mauvais dans ça. Au
contraire, je dirais que c'est une nécessité et une des bases de
notre système démocratique.
C'est pourquoi, en lisant la première fois le projet de loi en
novembre, je n'ai pu faire autrement qu'écrire. C'est une des fonctions
de notre métier, comme professeur, d'écrire. Alors, on
écrit. D'ailleurs, comme disait Simone Weil, souvent, la plume en sait
plus que nous, parce que la plume nous force à penser, à
réfléchir, à articuler davantage, et on dégage des
idées. Et, en écrivant, bien sûr, j'ai compris davantage le
danger de la généralisation du système et j'ai voulu
écrire à votre prédécesseur, M. le ministre, mes
appréhensions. Cette lettre a circulé, et 18 autres professeurs
qui enseignent le droit du travail, qui enseignent les rapports collectifs, ont
aussi contresigné cette lettre. Par conséquent, je voudrais vous
dire que, si je suis seul ici, je ne représente pas les autres, mais je
suis sûr qu'ils pensent la même chose que moi, pour avoir
discuté avec chacun d'eux.
Or, notre système, on ne peut pas l'oublier, notre système
des rapports collectifs, il est construit, il est simple. On a cherché
la simplicité en 1935, aux États-Unis, lorsqu'on l'a mis en
place, et en 1944 lorsqu'on a fait la traduction canadienne ou
québécoise. C'est trois unités, un seul syndicat à
la fois avec monopole, une seule convention collective pour toute la
durée... pour un temps limité, et un seul employeur. Les trois
unités, comme au théâtre. Mais, dès que vous changez
un peu le système, dès que vous dérangez un peu ça,
c'est tout le système qui est remis en cause et c'est ça qui est
ma peur, mon appréhension. En permettant à un syndicat en
pantoufles ou qui veut du bon temps ou surtout en gagner, il peut très
bien concéder une convention collective de longue durée et ainsi
percevoir, pendant ces 10 ans, 12 ans, les cotisations syndicales sans trop,
trop, trop se fatiguer. Un employeur aussi peut obtenir la paix. Compte tenu de
la situation actuelle, c'est facile de faire peur aux gens qui ont un emploi,
de leur faire peur: On part, on s'en va, on n'investira pas, etc., etc. C'est
un moment critique aussi où les parties sont en situation, je dirais,
délicate, où l'équilibre entre les parties est aussi
difficile. Il n'y a pas un syndicat qui va l'admettre... Pardon?
Le Président (M. Messier): M. Morin, pour poursuivre ce
cours magistral en relations de travail, on va juste demander le consentement
des membres de cette Assemblée pour prolonger.
M. St-Roch: Consentement.
Le Président (M. Messier): Allez-y, professeur. (17
heures)
M. Morin (Fernand): Je m'excuse, je m'emporte, alors je
vais...
Le Président (M. Messier): Non, non, non, c'est un
excellent cours.
M. Morin (Fernand): C'est parce que je suis parti pour trois
heures. Vous savez, nous autres...
Le Président (M. Messier): Je suis un éternel
étudiant et je...
M. Morin (Fernand): ...on fait des prestations de trois heures.
Ha, ha, ha!
Le Président (M. Messier): J'étudie encore, puis je
vous admire. Allez-y, professeur.
M. Morin (Fernand): Alors, c'est dans ce sens-là que ce
sont les effets pervers du système et c'est pour cette raison que je
crois qu'il faudrait éviter que ce système le permette à
des gens qui en abusent. Vous me direz: Ah non! la situation est
changée, ce n'est pas vrai. Je vous raconterai... On pourrait simplement
se rappeler l'histoire au moment où le Code du travail a
été mis en place en 1964. On avait deux systèmes
d'accréditation, à peu près, ou l'équivalent: le
système officiel qu'on connaît actuellement encore et le
système de la reconnaissance volontaire. Comme par hasard, il y a des
gens qui ont compris vite, qui comprennent vite et beaucoup plus vite qu'on ne
le pense et beaucoup plus vite que des juristes et des conseillers juridiques
dans le domaine. Qu'est-ce qu'on a fait? Immédiatement, on a
constitué des associations. Il y avait des maisons qui se
spécialisaient dans la création d'associations qui, 48 heures
après, signaient une convention collective et qui, de ce fait,
bloquaient la venue d'un syndicat accrédité.
Ça, ce n'est pas tout à fait pareil, ce n'est pas aussi
grossier, mais il y a de pareils dangers, par exemple, au plan
démocratique. Or, le système des rapports collectifs, c'est
l'idéal démocratique qu'on doit sauver. Parce que c'est
ça, les rapports collectifs, c'est de permettre de faire, par la voie
collective, ce qui est impossible de faire sur une base individuelle, la
négociation de ses conditions de travail, de son régime de
travail. Et, à ce moment-là, l'idéal démocratique
veut non seulement que le syndicat soit représentatif à un
moment, mais qu'on puisse mettre en cause sa représentativité
à périodes fixes, et rapidement. Et c'est dans ce sens-là
que tout se tient dans le système, que vous pourriez peut-être
déséquilibrer avec des effets, bien sûr, difficiles
à prévoir.
C'est pour cette raison que je... Excusez-moi, je vais me retrouver. Je
pense que cette mesure devrait être certainement permise au Code du
travail, c'est-à-dire l'extension de plus de trois ans, mais à
deux conditions: premièrement, que ce soit pour des raisons valables,
donc, par exemple, un investissement à plus long terme impliquant la
formation professionnelle à très long terme, la
réorganisation de l'entreprise, donc que ce soit pour des conditions
particulières, avec un contrôle a priori; deuxièmement, un
contrôle a posteriori, c'est-à-dire, si ces conditions ne sont pas
respectées, qu'on pourrait réduire alors la convention collective
d'autant.
C'est à ces conditions-là que, de part et d'autre, on va
jouer franc, parce que si on s'en tient simplement au carcan d'une convention
collective tel que le projet le prévoit pour l'instant, il y aura des
salariés qui en auront assez à un moment donné, qui seront
frustrés de voir que les uns ne paient pas la note ou qui ont
été pris dans un système qui est non voulu, et là
ils décolleront, et là tout le monde prendra le Code du travail,
prendra la convention collective et on criera: Vous faites une grève
illégale. Mais on les aura provoqués, tout simplement. C'est
ça qui est le danger.
Je pense qu'on est, et vous avez raison, on est dans une situation
où on a évolué grandement dans les relations de travail.
Les gens se parlent davantage. Les gens connaissent davantage les relations de
travail, connaissent davantage la question d'investissements, en discutent
beaucoup plus et, en fait, ce n'est plus une honte comme il y a 20 ans d'avoir
un portefeuille. J'aurais demandé au président ici, je suis
certain qu'il a des actions, etc. Et c'est normal, ça fait même
sage maintenant. On est capables de parler de bien d'autres choses à ce
niveau-là. Mais il ne faudrait pas gâter la sauce. Et c'est
ça qui est le danger. Merci.
Le Président (M. Messier): Professeur Morin, les 20
minutes... Je n'ai pas réussi à vous étiqueter encore, ni
péquiste, ni allairiste, ni libéral, ni syndicaliste, ni...
M. Morin (Fernand): C'est le meilleur compliment que je peux
avoir, monsieur.
Le Président (M. Messier): M. le ministre, pour une
vingtaine de minutes.
Une voix: ...
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Messier): Ah! Il peut être contre,
il doit avoir des bonnes raisons, et on va intervenir. M. le ministre.
M. Marcil: Merci beaucoup, M. le professeur Morin. Parmi tous
ceux, tous les groupes qui sont venus hier et aujourd'hui, vous êtes la
personne qui a touché le projet de loi dans son entier, du premier
article au dernier article. Je pense que c'est souvent le problème que
l'on vit lorsque nous allons en consultation: on vient, on bâtit un
mémoire toujours en fonction du point faible de la loi et, souvent, en
fonction du point qu'on aime moins. Donc, on bâtit notre argumentation en
fonction de ça et on oublie l'essentiel, souvent, parce qu'un projet de
loi ou une loi, c'est toujours, c'est un ensemble d'articles qui touchent une
situation ou un état, un état de fait ou un état de
choses.
Vous avez dit tantôt que, dans tous les articles
précédant les articles majeurs, vous parliez des articles 22, 41
et 42... Pour les autres, vous dites qu'il faut cesser de considérer les
partenaires comme des enfants suivis dans leur cour. Pourquoi vous ne le dites
pas non plus pour la durée?
M. Morin (Fernand): Parce que c'est une pierre fondamentale, M.
le ministre, du système. C'est une pierre fondamentale. Quand j'ai
parlé de l'image de ne pas mettre en tutelle les salariés ni les
employeurs, c'est simplement sur la question de la procédure comme
telle, du déroulement, ils en savent plus que nous tous sur comment
faire, et pour la sauvegarde de leurs propres
intérêts. Mais, là, on touche, par la durée,
une pierre fondamentale du système. C'est pour ça que je pense
que... Je le répète peut-être, mais, si on élargit
trop grande la durée de la convention collective, on suspend d'autant
l'arrivée possible d'un autre syndicat. Et, je le répète,
ce n'est pas souhaitable qu'un autre syndicat vienne, comme tel, qu'il y ait un
roulement constant. Ce n'est pas ça, mais, la seule possibilité
qu'il y en ait un, c'est ça qui est sain.
M. Marcil: Vous avez une connaissance dans le droit du travail.
Je pense qu'on peut faire la somme de nos connaissances; ici, il y a des
juristes, autour de la table, en droit du travail. Je pense qu'on n'arriverait
pas, disons, à vous...
M. Morin (Fernand): C'est mon âge qui fait ça.
M. Marcil: Oui, probablement. Et nous sommes en
perpétuelle... nous sommes toujours de perpétuels
étudiants. Donc, à chaque fois qu'on a la chance d'inviter un
professeur dans une commission parlementaire, un spécialiste, on en
apprend beaucoup.
Dans votre expérience en relations de travail, vous avez
sûrement fait l'analyse d'autres types de relations de travail qui
existent dans d'autres pays. Je voudrais seulement qu'on se situe en
Amérique du Nord. Le fait qu'il n'existe pas, à ma connaissance
je ne suis pas un spécialiste dans d'autres provinces ou
aux États-Unis, une loi qui identifie une durée maximum d'une
convention de travail, pourquoi, chez nous, au Québec, on se doit de
fixer une durée? Puis vous avez dit tantôt qu'il y avait eu une
évolution extraordinaire au niveau des relations de travail, au niveau
de la maturité même des parties en relations de travail. Mais
pourquoi, chez nous, on ne serait pas mûrs... Je comprends qu'il y a
toujours la possibilité, parce que, dans votre exposé, je n'ai
pas senti que vous étiez contre le fait d'enlever l'obligatoire
durée maximale de trois ans. Vous nous avez informés de vos
craintes. Bon. Moi également, comme ministre de l'Emploi, même
comme citoyen, je ne voudrais pas non plus que des gens ou des parties abusent
d'une autre partie à cause de leur situation de force. C'est sûr.
Ce n'est pas le but, ça, lorsqu'on modifie le Code du travail. Ce n'est
pas dans le but de donner plus de pouvoirs à une partie par rapport
à une autre. Mais comment vous voyez ça, vous, là, dans
les autres provinces ou aux États-Unis, par rapport à notre
situation à nous, au niveau de l'obligation d'une durée de trois
ans? (17 h 10)
M. Morin (Fernand): Je voudrais vous dire d'abord que toute
comparaison est difficile à faire, d'une façon... C'est difficile
à faire parce qu'il y a des éléments importants, et le
droit, la législation, la pratique des relations de travail font partie
également d'une culture, et on a la nôtre, et espérons-le,
qu'on va la garder aussi.
Or, au Québec, on a des centrales syndicales différentes
qui sont en concurrence d'une façon assez articulée, bien plus
que dans d'autres provinces, d'une part. En plus, ça fait 50 ans qu'on a
des conventions collectives à durée limitée. Et tout le
système, toute la pensée, la pratique est sur cette base. Quand
vous changez cette base, ça m'inquiète. Ça
m'inquiète, je vous l'ai dit. C'est pour ça, M. le ministre, vous
avez raison, je ne suis pas contre l'idée. Au contraire, je pense que,
dans certains cas, c'était essentiel pour qu'on puisse planifier, de
part et d'autre, une organisation. Quand les salariés, par exemple
la CSD parlait tout à l'heure de Weston, le pain quand ils
ont investi, les salariés ont investi des années à
l'école, pour compléter leur primaire, leur secondaire, et tout,
ils ont investi à long terme dans un projet. L'entreprise
également a financièrement investi. Donc, c'était
important d'avoir un certain cadre, une certaine vue générale et
peut-être à plus long terme pour ça. Je comprends
très bien. Mais, dans d'autres cas, je soupçonne que des
employeurs pourraient dire ou des investisseurs pourraient dire: On veut la
paix, on achète la paix, on va investir, à condition que vous...
dans le fond, la seule chose qu'on demande, c'est que vous renonciez à
votre droit fondamental de faire la grève, pour 12 ans, pour huit ans,
pour 10 ans. C'est ça. Je pense que c'est un peu beaucoup, comme
système, de permettre ça. C'est pourquoi je préconisais
qu'on ait un contrôle préalable et un contrôle possible a
posteriori.
M. Marcil: Je leur laisse...
Le Président (M. Messier): Oui, parfait. M. le
député de Jonquière.
M. Dufour: M. le Président, je voudrais d'abord remercier
très sincèrement M. Morin qui a pris de son temps, qui vient nous
rencontrer. Il le fait avec beaucoup de plaisir, mais ça nous
démontre tout de même que la fonction publique ou des gens qui
sont engagés socialement, ils ne sont pas tous des gens qui sont
engagés à moitié. Je pense que votre exposé
démontre que vous prenez à coeur les causes qui vous semblent
justes et raisonnables. Et, ça, j'espère que ça va
être de nature à concilier le politique et aussi les gens qui sont
engagés dans le milieu. Je trouve que votre contribution est importante.
Je pense que ça donne un éclairage dans le débat, qu'on
sent, qu'on pressent, mais qu'on a de la difficulté, des fois, à
exprimer. Vous dites: La plume est plus connaissante, des fois, que celui qui
la tient. Je pense que la plume, si elle n'est pas bien guidée aussi,
elle pourrait déraper facilement.
Moi, je voudrais que vous élaboriez quelque peu concernant les
abus qui pourraient être faits, de part et d'autre. Je pense que ce
point-là, il est important. Le droit de grève, c'est un droit,
à mon point de vue, fondamental. Il y a des gens qui se sont fait tuer
pour avoir le droit de grève. Et, ça, je n'exagère pas.
Les gens qui, au début, ont implanté les syndicats, c'est parce
que c'était le seul moyen qu'ils avaient de faire comprendre
à l'employeur qu'ils pouvaient le mettre à la raison.
C'était le droit de grève. Ça s'est fait en Angleterre,
ça s'est fait ici, ça s'est fait ailleurs. Donc, c'est un droit
fondamental. Il me semble, c'est ça que je pressens un peu. On devrait
le conserver. Et, si on l'extensionne trop dans le temps, c'est que tout va se
casser et on ne pourra jamais l'exercer. C'est facile, la crainte, puis
ça engourdit vite. Un syndicat, quand il n'est pas
réveillé, il engourdit vite. Est-ce que vous pourriez nous
expliquer quels seraient les abus potentiels qui pourraient être faits de
part et d'autre?
M. Morin (Fernand): Je pensais l'avoir fait un peu tout à
l'heure, mais je voudrais vous souligner un point. Quand vous parlez, monsieur,
du droit de grève, je voudrais souligner un point. Mon point de vue, ce
n'est pas pour s'assurer qu'on va faire la grève. C'est une question du
droit comme tel. Parce que 95 %, si ce n'est pas plus, des négociations
collectives actuelles sont faites sans exercice du droit de grève et,
pourtant, la totalité de ces personnes ont eu le droit de grève,
mais elles ne l'ont pas exercé. C'est tout à fait normal. C'est
l'inverse qui serait la folie. Mais, quand on négocie, avec cette
possibilité, dès le départ... Il n'y a pas un
négociateur sérieux, du côté syndical ou patronal,
qui n'y pense pas: Vont-ils la faire? Peuvent-ils la faire? Serai-je
obligé de faire un lock-out ou menacer de le faire? On vit dans cette
crainte, dans cette dynamique. Bien, on ne la fait pas! Et je ne le souhaite
absolument pas, et je serais désolé si mes propos étaient
un discours en faveur de la grève comme telle, n'est-ce pas? Ce n'est
pas ça du tout. Mais je pense, d'autre part, que c'est une
liberté fondamentale. Et d'avoir un système, créer presque
une mode, que, maintenant, un bon négociateur patronal, il faut qu'il
ait une convention collective de cinq ans, de huit ans, et ça va venir
comme ça, je pense qu'à ce moment-là c'est ça qui
est dangereux, et ce sont les effets pervers et les coûts sociaux qui y
sont rattachés qui m'inquiètent.
M. Dufour: M. Morin, vous avez dit que le droit d'extensionner
des conventions collectives pourrait être permis dans certains cas, avec
des contrôles a posteriori... avant ou après. Donc, pour moi,
cette question-là me semble très importante. On l'a
soulevée, cette hypothèse-là, déjà dans le
passé. Parce que j'imagine que vous en avez vu quelques-unes, des
conventions collectives, et vous êtes familier avec ces choses-là.
Est-ce que vous croyez qu'on peut déterminer dans la loi à
quelles conditions, pour les raisons valables dont vous avez parlé...
est-ce que vous pensez qu'on peut les circonscrire suffisamment à
l'intérieur d'une loi qu'elles puissent être applicables?
M. Morin (Fernand): Ça ne me paraît pas une
opération impossible, monsieur. Ça ne me paraît pas une
opération impossible, d'autant plus qu'il est possible de montrer que la
convention collective peut être de plus de trois ans si besoin est, et de
donner, par exemple, des indications à titre... juste pour montrer quel
genre de besoin, quel genre de situation où on aurait ce besoin et,
à ce moment-là, laisser au Commissaire du travail le soin
d'avaliser, de le permettre.
M. Dufour: Vous avez parlé tout à l'heure...
M. Morin (Fernand): En d'autres termes, monsieur...
M. Dufour: Oui.
M. Morin (Fernand): Je m'excuse, M. le député. Il
faut que la convention collective de longue durée, ce ne soit pas
simplement pour mettre un bâillon sur le syndicat, pas simplement pour
obtenir, entre guillemets, une paix sociale factice, c'est ça, donc
qu'il y ait un besoin nécessaire, de part et d'autre, de travailler
à plus long terme. Je pense qu'il est possible de le rédiger
à ce niveau-là. Avec de bons légistes, comme vous avez, je
suis convaincu que c'est une opération faisable. Et, évidemment,
il faut laisser un organisme compétent pour aviser, pour
apprécier, et ça peut être facilement soit un commissaire
du travail ou le Tribunal du travail, selon...
M. Dufour: En supposant que ces conditions soient bien inscrites
dans la loi, est-ce que vous croyez qu'avant que la convention collective soit
signée... est-ce qu'on ne devrait pas avoir des mécanismes pour
qu'elles soient soumises avant, pour s'assurer que les raisons valables sont
bien observées?
M. Morin (Fernand): Sont bien observées...
M. Dufour: Voyez-vous? Je vais essayer de m'exprimer un
peu...
M. Morin (Fernand): Oui, je vous suis très bien.
M. Dufour: Oui? Correct. (17 h 20)
M. Morin (Fernand): Oui, oui. Je pense que ce contrôle a
priori, c'est là qu'on doit le faire. En d'autres termes, on devrait,
par exemple, dans un scénario, négocier une convention collective
susceptible d'être de six ans, sujet à l'approbation du
Commissaire, qui peut être demandée en tout temps, en tout temps
pour valoir, avant la négociation, pendant la négociation ou au
terme de la négociation. Ça ne me paraît pas... Mais je
signalerais, par exemple, que, face à l'insécurité
juridique actuelle, beaucoup de juristes et d'avocats ont tenté de
trouver la solution: Comment faire pour avoir une convention collective
maintenant de plus de trois ans? Qu'est-ce qu'ils font? Ils ont pris la formule
3-2. C'est deux conventions collectives qu'ils signent en même temps,
mais pour 1994 à 1997, 1997 à l'an 2000. Puis, l'autre, on la met
au coffre-fort et on va la sortir en 1997. C'est complètement
illégal. Ça n'a aucune valeur juridique. Le syndicat qui
l'a signée pourrait très bien se raviser. Un autre
syndicat pourrait très bien demander d'intervenir à sa place,
selon l'article 22, paragraphe d. C'est évident. C'est pour ça
qu'actuellement, dans ces situations-là, on est excusez-moi
l'expression mais un peu sur la corde à linge. Et c'est contraire
au droit, l'insécurité institutionnalisée. C'est pour
ça que je ne peux pas être contre un système qui
avaliserait ces conventions collectives pour répondre à des
besoins particuliers, encore faut-il qu'il y ait des besoins. Et c'est
ça. Je dis: Oui, s'il y a des besoins. Mais ce besoin doit être
sous contrôle, et non pas à la fantaisie ou au caprice de
certains.
M. Dufour: Je vous remercie. Je vais laisser de l'espace pour mes
collègues.
Le Président (M. Messier): Oui. M. Ménard,
député de Laval-des-Rapides.
M. Ménard: En fait, en lisant votre lettre, même
rapidement, parce que j'ai réussi à la retracer pendant que vous
répondiez à mon collègue, je vois que j'ai des
réponses à certaines des questions que je voulais vous poser. Moi
qui suis un peu neuf là-dedans... Ha, ha, ha! Je comprends
qu'essentiellement il y a trois types de raisons pour lesquelles nous avons des
durées limitées: le fait que les conditions peuvent changer et
qu'il n'est pas sage d'avoir une période trop longue, le fait qu'une
partie qui aurait un avantage très grand, à un moment
donné, n'en abuse pas pour une période très longue, et le
troisième qui est revenu souvent, dans ceux présentés,
s'assurer de la qualité démocratique des syndicats qui
représentent. Je pense que j'ai donc...
M. Morin (Fernand): Tout à fait.
M. Ménard: ...j'ai assez bien compris.
Dans les mesures exceptionnelles... Alors, votre solution,
essentiellement, c'est que, oui, l'évolution de la technologie, de
l'entreprise, de la compétition comme des relations de travail,
ça amène que ça devrait être justifié dans
des circonstances exceptionnelles seulement. Et vous en donnez, encore
là, trois cas, bien identifiés dans votre lettre. Ça peut
prendre un certain temps l'appréciation que la convention collective
rencontre un de ces trois cas-là. Non? Est-ce que ça peut prendre
un certain temps?
M. Morin (Fernand): Oui, c'est possible, mais... Vous voulez dire
un certain temps pour que ce soit entériné, pour que ce soit
accepté?
M. Ménard: Pour avoir l'accord, oui, de l'autorité
qui devrait constater que c'est un des trois cas exceptionnels.
M. Morin (Fernand): C'est possible, mais c'est une question du
contrôle simplement, hein. Ce n'est pas une question de...
M. Ménard: O.K.
M. Morin (Fernand): Le Commissaire n'aurait pas à
apprécier, n'aurait pas à discuter de l'opportunité du
choix, par exemple, mais simplement à constater. Alors, c'est un constat
et non pas une adjudication, si je peux me permettre le terme.
M. Ménard: O.K. En tout cas, c'est raisonnable de penser
que ça peut se faire dans un temps raisonnablement court.
M. Morin (Fernand): Oui, parce que c'est un constat.
M. Ménard: O.K. Maintenant. Le contrôle a
posteriori, lui, pour la réouverture de la convention, constatant qu'on
n'a pas respecté les conditions qui nous plaçaient dans la
situation d'exception, ça, ça risque d'être plus long,
cependant?
M. Morin: On en a eu déjà, hein.
M. Ménard: O.K. Maintenant, l'autre chose qui, moi, me
frappe puis, encore là, c'est peut-être parce que je suis
vraiment neuf là-dedans c'est la solution proposée par le
ministère pour atténuer l'effet d'une trop longue durée,
qui est, au fond, le maraudage, donc le changement radical par les ouvriers de
l'organisation syndicale qui les représente, alors que je n'ai jamais,
enfin, imaginé... je n'ai jamais cru qu'un syndicat est toujours
dirigé par les mêmes dirigeants, et qu'au fond il y a
généralement une vie démocratique à
l'intérieur d'un syndicat, quelle que soit la centrale dans
l'unité, et il peut y avoir des élections, puis les
présidents sont changés, puis les secrétaires sont
changés, et le nouveau président ne pas être parfaitement
d'accord avec ce qu'a négocié le... Bon. Sans vouloir prendre une
position aussi radicale que de changer complètement de syndicat, la
relève, si la relève n'est plus d'accord...
M. Morin (Fernand): À l'intérieur.
M. Ménard: C'est ça. Et je trouve... Enfin, je ne
sais pas si vous partagez mon opinion, que la solution proposée pour
atténuer le déplafonnement est une solution trop radicale et
qu'au fond il devrait y avoir une possibilité de la dénoncer
après un certain temps, si on déplafonne.
M. Morin (Fernand): C'est faire et défaire... M.
Ménard: Je m'exprime peut-être un peu mal.
M. Morin (Fernand): M. le député, c'est faire et
défaire à la fois, chose qu'il est difficile d'accepter. En
d'autres termes, c'est dans ce sens-là.
M. Ménard: Ça va. Le dernier article qui me
préoccupe, et, là-dessus, je voudrais avoir votre opinion,
parce que je l'ai à la fois comme juriste et comme juriste
particulièrement spécialisé en matière de relations
de travail, c'est l'avant-dernier article qui donne un caractère
rétroactif. Évidemment, j'imagine que vous partagez mes
inquiétudes sur toutes dispositions rétroactives a priori, et ne
croyez-vous pas qu'on encourage, au fond, dans le domaine du travail, à
tester des méthodes illégales, en espérant qu'elles seront
un jour légalisées, en avalisant, justement, par des dispositions
rétroactives, ce qui a été fait... je ne dirai pas ici que
ça a été en fraude de la loi, mais disons que ça a
été fait sans s'assurer qu'on avait la protection de la loi pour
cette convention, parce que je reconnais ici que ce n'était pas en
fraude de la loi, mais c'était plutôt dans cet esprit-là.
Si c'est illégal, c'est qu'on n'a pas... la convention n'a pas la force
qu'on voulait lui donner.
M. Morin (Fernand): Vous savez, je pense que sur la... Si vous me
permettez, M. le Président. Je pense que l'article 35 sur l'effet
rétroactif, pour ma part, c'est un pis aller, c'est-à-dire qu'il
y a la situation actuelle, les gens étaient pris au piège, ils ne
pouvaient pas s'en sortir autrement, et on fait des pirouettes et tout. Donc,
par conséquent, qu'on légalise le passé, ça me
paraît même, ici, nécessaire. C'est pour ça que j'ai
souligné tantôt que certaines formules, notamment par la CSN, la
formule 3-2, deux conventions collectives de trois ans, elle, elle n'est pas
prévue dans l'article 35. Toutes ces conventions collectives qui ont
pris la formule 3-2 ne seront pas ainsi corrigées, parce qu'on dit bien
que c'est simplement pour les conventions collectives de plus de trois ans.
M. Ménard: Mais oui.
M. Morin (Fernand): Alors, il y a un grand nombre de ces
conventions collectives actuelles qui sont mises de côté de toute
façon, qui ne sont pas visées par l'article 35. C'est
sûr.
Le Président (M. Messier): Merci, M. Morin. Ça
termine peut-être... M. le député de Drummond.
M. St-Roch: Merci, M. le Président. M. Morin, j'ai
énormément apprécié votre présentation et
surtout de nous avoir rappelé la trilogie sur laquelle sont
basées nos relations patronales-ouvrières. Aussi, vous avez
touché l'effet de mode, parce que c'est une des craintes que j'ai
exprimées durant mes remarques préliminaires et tout au long des
auditions que nous avons tenues, que, souvent... Puis avec le
phénomène aussi de l'investissement institutionnel où on
s'attend à des retours d'investissements assez faramineux, puis on sait
que, de plus en plus, ce sont les grandes institutions, particulièrement
les fonds de pension, qui gèrent. Bien, moi, pour avoir vécu
aussi des petites expériences où un président d'une
compagnie pourrait pratiquement être forcé d'avoir une entente
à long terme, juste parce que ça fait mode, puis ça fait
bonne figure, et au même titre que ceux qui seront chargés des
relations ouvrières-patronales à l'intérieur de
l'entreprise...
Mais il y a un autre domaine. J'y ai touché brièvement
avec d'autres intervenants, j'aimerais revenir en deuxième question si
j'ai le temps, c'est l'article 26. Avec les années, on a eu une
harmonisation au niveau du Code du travail, puis au niveau des
procédures de négociation, puis d'ententes entre le secteur
public et le secteur privé. Par l'article 26, on soustrait le secteur
public des négociations et du déplafonnement à long terme.
Or, vous qui avez suivi tous ces mécanismes, autant côté
public et privé, si on y allait avec l'article 26, ne
prévoyez-vous pas que, dans le temps, ça pourrait créer
aussi un débalancement dans tout ce vaste secteur d'harmonisation,
à bien des égards, avec le secteur privé et le secteur
public? (17 h 30)
M. Morin (Fernand): Je pense que, l'article 26, c'est que le
gouvernement se met en retrait de ce régime, hein, par prudence.
Lui-même est prudent. Pourquoi ne le serait-il pas pour les autres? C'est
la première question qu'on pourrait se poser. Lui-même est
prudent; il ne veut pas rentrer dans un système de longues conventions
collectives et, pourtant, il y rentre d'une autre façon, par voie de
décret. Mais il ne veut pas rentrer dans ce régime.
D'autre part, la question peut... Pour ce qui est du gouvernement, je ne
sais pas au juste quelle est la raison profonde de cet article 26, mais ce
n'est pas tellement dangereux. Parce que, pour signer une convention collective
de longue durée... et la majorité des gens qui veulent une
convention de longue durée, c'est les employeurs. S'il n'y a pas un
accord sur la longue durée, il n'y en aura jamais de convention
collective. Or, les demandeurs, c'est les employeurs. Dans le cas du secteur
public, c'est le gouvernement. Il a seulement à ne pas le demander, puis
il a seulement à ne pas... puis il ne l'aura jamais. En d'autres termes,
ce n'est pas tellement dangereux pour lui d'être pris dans ce
régime de convention collective de longue durée. Mais c'est quand
même exclu du système.
Le cas où il peut y avoir un petit problème, c'est le cas
du maintien des services essentiels dans le cas du secteur public... dans le
cas du maintien des services essentiels dans les services publics, excusez-moi,
pas le secteur public, mais les services publics. On ne dit pas que, eux, on
doit maintenir les conditions de travail pour le temps où ils doivent
maintenir les services essentiels. Il y a un manque, notamment dans l'article
59. L'article 59 dit: Dès et aussi longtemps qu'on n'a pas fait la
grève, l'article 59 maintient les conditions de travail. Mais dans le
secteur public... excusez-moi, dans les services publics, il y a un groupe de
salariés qui doivent maintenir les services essentiels. Quelles seront
leurs conditions de travail? Ce n'est pas garanti, ça.
Le Président (M. Messier): Merci. M. le
député de Drummond.
M. Dufour: Une petite question, pointue.
Le Président (M. Messier): Une petite minute.
M. Dufour: Pour la FTQ, est-ce que vous êtes au courant
comment ils négocient, eux autres? Parce qu'ils en ont des conventions
de six ans. Est-ce que c'est 3-2, la même chose?
M. Morin (Fernand): Non, ils ont pris plutôt la formule
directe de six ans ou de sept ans. C'est plus...
M. Dufour: II n'y a pas de...
M. Morin (Fernand): Je ne dirais pas qu'il n'y en a pas, mais
c'est plus la CSN qui a pris la formule 3-2.
M. Dufour: O.K. Merci.
Le Président (M. Messier): Merci, M. Morin. M. le
ministre.
M. Marcil: M. le Président, je voudrais juste souligner
qu'à l'article 111.0.23 on dit que, «à moins d'entente
entre les parties, l'employeur ne doit pas modifier les conditions de travail
des salariés qui rendent les services essentiels». Je veux
simplement apporter une information à ce niveau-là.
Excusez-moi, j'avais écrit un paquet de petites notes
tantôt, puis je les ai un petit peu mêlées. J'ai fait comme
vous. C'est toujours important d'avoir nos notes. Il y a une partie qui s'est
présentée en commission parlementaire, qui a proposé que
la première convention soit exclue du déplafonnement, la
première convention dans une entreprise, qu'elle soit d'une durée
maximale de trois ans. Comment vous réagissez face à
ça?
M. Morin (Fernand): Ça va dans la proposition que je fais,
de prudence et de sauvegarde. C'est évident qu'avec ça on corrige
une partie du danger. On réduit le danger, c'est sûr. Parce que je
pense que l'esprit même de tout le système d'une première
négociation collective, c'est justement parce que les gens sont dans une
situation précaire. Les uns veulent beaucoup parce que ça fait
longtemps qu'ils attendent; les autres ont tellement peur qu'ils mettent les
freins. Donc, il y a un choc qui se produit et, par conséquent, je pense
que ce serait certainement un ajout qui améliorerait le
régime.
M. Marcil: Qui améliorerait...
M. Morin (Fernand): Ah! c'est sûr.
M. Marcil: Lorsque vous parlez de cas d'exception, de maintenir
un plafond de trois ans sauf pour des cas d'exception, vous ne trouvez pas que
ce serait, comment je pourrais dire, d'établir des balises? Vous ne
trouvez pas que ce serait arbitraire, puis même, dans le fond, pour le
ministre de l'Emploi, ou le Commissaire du travail, ou le Tribunal du travail,
peu importe l'organisme ou l'individu qu'on déterminerait, qu'on
fixerait pour intervenir dans le dossier... vous ne trouvez pas que ce
serait... Qui déciderait, à un moment donné, de dire: Oui,
ça, c'est un cas d'exception; non, celui-là, ce n'est pas un cas
d'exception? Vous ne trouvez pas que ce serait compliqué, que ce serait
de donner beaucoup de travail encore aux avocats, puis des causes et des causes
qui feraient en sorte qu'on n'aurait jamais de réponses? Les
réponses seraient aussi longues à venir que la durée de la
convention collective.
M. Morin (Fernand): Vous savez, M. le ministre, que le
système avec la proposition actuelle, c'est de demander aux
salariés collectivement et aux syndicats de renoncer à un droit
fondamental de contrôle. Je pense que, cette renonciation, il y a un prix
à payer, et pour éviter des abus... C'est sûr que c'est un
ajout, c'est sûr que c'est une intervention d'un tiers de plus. C'est
sûr. Mais je pense que, dans notre système, puisque c'est
l'exception, le besoin exceptionnel doit être démontré.
M. Marcil: Moi, M. le Président...
Le Président (M. Messier): Oui, M. le ministre.
M. Marcil: .. je tiens à remercier de façon
particulière pour sa présence le professeur Morin. Soyez certain
que nous allons relire votre exposé par le biais des
procès-verbaux de cette commission et nous allons le lire avec
attention. Au nom de mes collègues, on vous remercie beaucoup de votre
présence.
M. Morin (Fernand): Merci.
Le Président (M. Messier): Merci, M. Morin. Nous allons
suspendre les travaux. Nous allons reprendre ceux-ci à 19 heures, avec
la Centrale de l'enseignement du Québec.
(Suspension de la séance à 17 h 36)
(Reprise à 19 h 6)
Le Président (M. Messier): À l'ordre, s'il vous
plaît! M. le député de Drummond, à l'ordre, s'il
vous plaît! Je demanderais à la Centrale de l'enseignement du
Québec de se présenter à l'avant. Je vais demander
à Mme Monique Richard, première vice-présidente, de
présenter les gens qui sont avec elle. Vous avez une vingtaine de
minutes pour la présentation de votre mémoire et, après
ça, les gens vont se faire un plaisir d'intervenir.
Centrale de l'enseignement du Québec
(CEQ)
Mme Richard (Monique): Merci. Alors, les gens qui m'accompagnent:
Jean-Marcel Lapierre et Jacques Daigle, conseillers juridiques à la
CEQ.
Le Président (M. Messier): À votre gauche,
hein.
Mme Richard (Monique): Jean-Marcel Lapierre et Jacques
Daigle.
Une voix: ...
Mme Richard (Monique): Alors, on va vous le laisser. Ha, ha, ha!
Il l'a perdu. Je ne suis pas sûre que vous allez être chanceux, par
exemple. Ha, ha, ha!
On vous remercie de nous donner l'opportunité de faire valoir
notre point de vue sur le dossier qui nous intéresse, mais vous
comprendrez, en même temps, qu'on n'a pas eu la possibilité de
préparer un mémoire, compte tenu qu'on a été
informés dans des délais assez courts de cette convocation.
Cependant, on a jugé important de vous livrer notre point de vue sur un
certain nombre de questions. Même si tout n'est pas aussi fouillé
qu'on l'aurait voulu je pense que le temps nous a manqué
on va essayer le plus possible de vous donner des indications claires quant
à nos positions sur un certain nombre de questions.
Dans un premier temps, vous savez que la plupart de nos membres,
à la CEQ, se trouvent dans le secteur public de l'éducation
où nous regroupons toutes les catégories de personnels
salariés des commissions scolaires et des cégeps. Nous regroupons
du personnel des universités, du personnel des établissements
privés d'enseignement. On regroupe aussi, en beaucoup moindre
quantité, du personnel salarié de toutes les catégories
dans le secteur de la santé et des services sociaux. Enfin, nous
comptons parmi nos affiliés des syndicats de personnel de garderies, des
organismes de loisirs et des télécommunications.
La presque totalité des dispositions de ce projet s'applique aux
relations du travail de la totalité de nos membres. Nous sommes
conscients cependant que ce projet de loi éclaté, qui touche
beaucoup de questions, comprend fort peu de mesures importantes, mais qu'il
comprend par ailleurs une mesure d'une importance majeure relative à la
durée des conventions collectives et au changement d'allégeance
du personnel syndiqué.
Cette mesure controversée touche directement nos membres dans les
établissements privés, dans les universités, dans les
garderies et dans le secteur des loisirs. De toute façon, il est
évident qu'une telle mesure a un impact important sur l'ensemble de la
situation du mouvement syndical et qu'elle intéresse en ce sens
l'ensemble de nos membres.
Nous croyons que ce projet de loi ne doit pas être adopté
et qu'il doit faire l'objet d'une étude et d'un débat plus
approfondi. Quand on parle de Code du travail, on parle d'une partie du contrat
social. Le Code, c'est ce qui vient régir les rapports entre les parties
patronales et les parties syndicales, et notre évaluation, c'est qu'on
ne peut changer les règles du jeu sans que les principaux
concernés soient d'accord, si on veut que de telles modifications aient
des chances de succès.
On vous demande donc de ne pas procéder maintenant à
l'adoption de ce projet et de retourner la question au CCTM, le Conseil
consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, qui est un lieu où les
parties patronales et syndicales sont en présence, où elles
peuvent discuter, s'entendre sur un certain nombre de modifications qui
pourront, à ce moment-là, avoir des garanties de succès
dans leur application. (19 h 10)
Nous ne voyons pas en quoi il y a urgence de procéder. On
assiste, depuis quelques années, à des expériences de
conventions collectives plus longues qui se situent dans une nouvelle approche
des rapports collectifs de travail. Cette approche est en train de faire son
chemin. L'adoption prématurée d'une loi aussi importante que
celle-ci imposerait à toute une partie du mouvement syndical un
régime pour lequel il y a un profond rejet, et ce serait, à notre
avis, une erreur importante. Le ministre du Travail, en voulant aller trop
vite, risque d'atteindre exactement l'opposé des fins qu'il cherche
à atteindre, c'est-à-dire un contexte social favorable au
développement économique.
On va aborder maintenant, de façon plus spécifique, des
dispositions du projet relatives à la durée de la convention
collective et au changement d'allégeance syndicale, et c'est Jean-Marcel
qui va intervenir sur cette question.
Le Président (M. Messier): C'est Me Lapierre? Mme
Richard (Monique): Oui.
Le Président (M. Messier): O.K. C'était juste pour
les fins de l'enregistrement. Allez-y, Me Lapierre.
M. Lapierre (Jean-Marcel): Nous aborderons d'abord les
dispositions au sujet de la durée des conventions collectives et du
changement d'allégeance. Ensuite, on va examiner quelques autres
dispositions du projet de loi et mentionner quelques absences,
également.
Alors, au sujet, d'abord, de la mesure relative à la durée
des conventions collectives, et au changement d'allégeance, on va
aborder séparément les deux questions. Au sujet de la
durée, nous ne sommes pas favorables, pour le moment, à la
suppression de la durée maximale de trois ans. Dans le contexte
économique actuel où le pouvoir économique de
négociation des syndicats est diminué, la mesure ne peut avoir
l'effet que de rendre les syndicats, en particulier les plus faibles,
vulnérables aux manoeuvres patronales, d'autant plus que certains
syndicats, et particulièrement les syndicats de boutique, pourront
être tentés de se mettre à l'abri de toute campagne de
maraudage pendant six ans. On comprend que le patronat soit favorable à
ce projet de loi. De plus, notre expérience, dans nos relations avec le
gouvernement, est qu'il prétend ne pas être en mesure de
prévoir les salaires qu'il acceptera de verser plus d'un an à
l'avance. Sur quelle base pourrait-on prétendre qu'un employeur du
secteur privé pourra
prévoir quatre, cinq, six ans et plus à l'avance les
salaires qu'il pourra verser et sa situation économique? Il nous semble
que, dans un contexte de longue convention collective, dans la plupart des cas,
il y a des circonstances particulières. C'est certain, il y a des cas
particuliers, mais il nous semble que, dans la plupart des cas, la
négociation va se faire à la baisse.
Au sujet du changement d'allégeance, maintenant, nous sommes
étonnés de trouver dans le projet de loi une mesure qui
permettrait à un syndicat de signer une convention collective de six,
huit ou 10 ans en étant à l'abri de tout changement
d'allégeance pendant près de six ans. À notre avis, une
mesure comme celle-là n'aurait même pas dû se trouver dans
le projet. Le ministre a reçu une lettre de la Commission des droits de
la personne qui lui indiquait que cette mesure ne peut pas se concilier avec la
liberté d'association qui est protégée par la Charte
québécoise des droits et libertés. Nous sommes de cet
avis-là mais, quoi qu'il en soit au sujet de cette question-là,
la mesure ne peut se concilier avec les principes de la liberté
syndicale qui sont énoncés dans la convention no 87 concernant la
liberté syndicale et la protection du droit syndical, qui a
été ratifiée par le Canada avec l'accord du Québec.
C'est donc des engagements internationaux du gouvernement, de l'État du
Québec, de toute la société québécoise.
Une période de plus de trois ans pour permettre un changement
d'allégeance est contraire, selon nous, à l'interprétation
qu'il faut faire de cette convention et à celle qui a été
faite par le comité de la liberté syndicale de l'OIT.
Maintenant, nous pouvons vous dire que, lorsque la CEQ parle de
liberté syndicale, il ne s'agit pas simplement de discours.
Permettez-nous de vous rappeler que notre organisation a, de sa propre
initiative, demandé au gouvernement, en 1974, de déposer une loi
en vue d'abroger la loi constituant la CIC qui la régissait. Et le motif
principal de cette demande-là, que le gouvernement a acceptée,
était que cette loi-là allait contre le plein exercice de la
liberté syndicale. Les membres des syndicats affiliés
étaient alors membres individuels de la corporation de la CIC, de telle
sorte qu'un groupe ne pouvait pas quitter les rangs de la CIC en se
désaffiliant. Ça favorisait la sécurité pour notre
organisation, les membres ne pouvaient pas se désaffîlier, sauf
que ça ne favorisait pas l'exercice de la liberté syndicale pour
nos membres.
Alors, malgré la sécurité que ce
régime-là nous accordait, nous avons abandonné cette loi
spéciale pour passer à un statut de centrale syndicale soumise au
seul régime du Code du travail en ce qui a trait aux affiliations.
Maintenant, les autres dispositions du projet de loi. Il y a d'autres
dispositions du projet de loi qui nous posent des problèmes, et je vous
en mentionne deux.
C'est le cas de l'article 7 qui ajoute un nouvel article qui permet au
Commissaire du travail de joindre des affaires «dans lesquelles
dit l'article en question les questions en litige sont essentiellement
les mêmes ou dont les matières pourraient être
convenablement réunies [...] qu'elles soient ou non mues entre les
mêmes parties». Nous ne voyons pas, pour le moment, comment cette
formule-là, qui semble poser des problèmes pratiques
considérables, permettrait d'améliorer le fonctionnement des
affaires qui sont soumises au Commissaire du travail.
On a également des problèmes avec l'article 30 qui ajoute
un nouvel article permettant le rejet sommaire d'un appel au Tribunal du
travail lorsqu'un juge du Tribunal du travail juge l'appel abusif ou dilatoire.
Il nous semble que cette disposition-là n'offre pas les garanties de
respect de la règle audi alteram partem et on pense qu'elle risque de
produire de nombreuses évocations.
Maintenant, il y a certaines dispositions qui ne se retrouvent pas dans
le projet et qui, à notre avis, auraient probablement dû y
être. Je vous donne un exemple, la modification du délai
octroyé à l'arbitre pour rendre sa sentence arbitrale, en vertu
de l'article 101.5. À notre connaissance, il y avait eu accord au sein
du CCTM à l'effet que le 90 jours compte à partir de la
dernière journée d'audition. Mais, de toute façon, on
n'entre pas dans les détails au sujet de cette mesure, ni d'autres,
puisque nous vous demandons, comme la vice-présidente Monique Richard
vous le mentionnait au début, nous demandons au ministre de renvoyer le
projet de loi pour étude plus approfondie au CCTM.
Le Président (M. Messier): Merci, M. Lapierre. Est-ce
qu'il y a d'autres interventions?
Mme Richard (Monique): Non, ça va.
Le Président (M. Messier): Merci beaucoup de votre
intervention. Je vais demander au ministre, M. Marcil, député de
Salaberry-Soulanges, et ministre de l'Emploi...
M. Marcil: Merci beaucoup, M. le Président. D'abord, on
tient à vous remercier de vous être déplacés pour
participer à cette commission parlementaire, à cette
consultation. Je sais que l'invitation a été un peu tardive,
disons, pour toutes les parties qui ont été invitées parce
que, au départ, c'est un projet de loi qui avait déjà
été connu depuis l'automne 1993 et qui a déjà
été aussi abordé au CCTM, dont la CEQ fait partie
également. (19 h 20)
Au sujet de la durée, dans le fond, du déplafonnement que
nous proposons par le biais de la loi 116, j'essaie de voir... C'est sûr
qu'au niveau de la fonction publique on n'a pas tout à fait le
même processus qu'on applique dans le secteur privé. Je sais
également qu'il y a un comité qui existe présentement pour
revoir en profondeur tout le régime de négociation dans le
secteur public.
Pour ce qui est du secteur privé comme tel, pensez-vous que le
fait, non pas d'abolir l'obligation d'avoir une durée de convention de
trois ans, mais plutôt
de donner une liberté aux parties de négocier une
convention collective, en incluant la durée qu'ils veulent, à
l'intérieur de leur convention collective, peut porter préjudice
aux travailleurs?
Le Président (M. Messier): Me Lapierre.
M. Lapierre (Jean-Marcel): Oui. Effectivement, on pense que,
d'abord, c'est une voie inconnue qui est amenée dans un contexte
économique qui est, comme vous le savez, défavorable aux
syndicats dans leurs négociations. C'est une voie inconnue dont on peut
prévoir, par exemple, les conséquences. Il nous semble que,
effectivement, ça pourrait être un élément de
pression. Ça pourrait être un élément auquel seront
particulièrement vulnérables des syndicats plus faibles. Et,
particulièrement avec la formule actuelle, il nous semble que des
syndicats qui sont nettement des syndicats de boutique ou qui ont une tendance
à la collaboration il y a une collaboration saine avec
l'employeur, mais il y a également des éléments de
domination qui peuvent exister un certain moment vont avoir tendance
à signer des longues conventions collectives, et leurs membres, à
partir de ce moment-là, ne seront pas bien protégés parce
qu'ils vont être soumis à des conditions de travail qui ne
pourront pas être changées pendant une période de six, sept
ou huit ans, et il n'y aura pas de changement d'allégeance possible
avant une période de près de six ans, avec la formule qui est
proposée. Alors, il nous semble, effectivement, que les
intérêts des travailleuses et travailleurs dans beaucoup de
syndicats risquent d'être mis en péril par cette
formule-là.
Maintenant, comme on le disait, on sait qu'il y a des expériences
de conventions de plus de trois ans qui se font. On est prêts à
examiner, à étudier ces expériences-là. Le
débat n'a pas été très loin au CCTM, à ma
connaissance, et on est prêts à étudier des formules qui
permettraient de sécuriser légalement les expériences
actuelles, et même possiblement d'examiner les voies qui pourraient
permettre, dans un contexte correct pour les travailleurs et les travailleuses,
de signer des conventions de plus de trois ans.
Le Président (M. Messier): M. le ministre.
M. Marcil: Au sujet de la durée des conventions
collectives, on a eu quelques représentations des groupes qui nous
faisaient part de leurs inquiétudes, justement, comme vous l'avez dit
tantôt, qu'il y ait des négociations avec des syndicats de
boutique, que vous appelez, vous autres, les syndicats jaunes. Moi, je pensais
que la définition d'un syndicat, c'était un petit peu
différent de ça. Le fait qu'on pourrait, comme il a
été proposé justement par une centrale syndicale, exclure
la première convention collective du déplafonnement, est-ce que
ça pourrait être une proposition qui serait recevable de la part
de la CEQ? En d'autres mots, la première convention serait exactement
d'un plafond maximum de trois ans pour permettre justement aux gens de
développer une activité syndicale à l'intérieur de
la boîte et, par la suite, renégocier au bout de trois ans une
autre convention collective d'une durée dépendant de la
conclusion de la convention.
Le Président (M. Messier): Me Lapierre.
M. Lapierre (Jean-Marcel): Oui, je pense qu'on pourrait dire que
c'est une des pistes intéressantes qu'on aimerait pouvoir discuter plus
à fond dans une reprise du débat au CCTM.
M. Marcil: Au niveau du CCTM, vous dites qu'on aurait pu avoir
une discussion un peu plus approfondie, un peu plus élargie. Mais vous
savez qu'au départ il y avait un blocage, de part et d'autre, sur le
projet de loi 116. Donc, c'est ça qui a fait que la discussion n'est pas
allée plus loin qu'elle a été, malgré qu'il y a
plusieurs rencontres où, à l'ordre jour même des
rencontres spéciales on avait le projet de loi 116 et, à
chacune des rencontres, chacune des parties demeurait sur sa position.
Ça n'a pas changé grand-chose. Puis il y a même des parties
qui sont venues nous dire... Il y a des parties qui nous demandent de le
retourner au CCTM, puis d'autres parties syndicales et patronales demandent de
ne plus le faire parce qu'on n'aura pas de résultat meilleur que celui
que nous avons présentement.
Je vais laisser la chance à l'Opposition de poser des questions,
et je vais revenir à la fin, M. le Président, pour quelques
autres questions.
Le Président (M. Messier): Avec plaisir, M. le ministre.
Nous avons le porte-parole officiel de l'Opposition, le député de
Jonquière.
M. Dufour: Oui. D'abord, permettez-moi de vous remercier
d'être venus nous présenter votre point de vue. C'est
évident que, lorsque la loi a été présentée,
il n'était pas question trop, trop d'écouter des groupes pour
venir nous exprimer leurs points de vue. J'admets que le temps était
court pour venir présenter vos idées. Par contre, avec
l'expérience que vous avez, on n'a aucun doute que, déjà,
vous aviez cheminé.
Quand vous parlez d'aller à votre table CCTM...
M. Marcil: Le Conseil consultatif du travail et de la
main-d'oeuvre.
M. Dufour: C'est ça, voilà! Je ne sais pas si on va
changer le nom, avec le nouveau ministre, mais, en tout cas! Ha, ha, ha!
M. Marcil: Pardon?
Le Président (M. Messier): Avec le ministre de l'Emploi,
il va falloir changer ça, la...
M. Dufour: Mettons que cette table-là... Bon, on s'est
dit, on a pensé, il y a quelqu'un qui nous a dit:
Bien, on pourrait retourner à notre table de travail, mais le
ministre a un petit peu mis la pédale douce en disant: Vous savez, des
fois, ça prend bien du temps avant qu'ils nous donnent un avis. Puis des
fois, aussi, les avis sont neutres. Ils ne sont ni d'un bord ni de l'autre, il
n'y a pas de consensus. Puis, d'autre part, on se rend compte... Ce midi ou cet
après-midi, je faisais allusion au rapport Beaudry qui disait que les
conventions collectives de trois ans, c'est à peu près le maximum
qu'on pouvait vivre c'était un avis du Conseil consultatif; on
était en 1984, ça ne fait pas si longtemps. Puis là,
aujourd'hui, on dit: On va aller dans des conventions plus longues.
Donc, vous autres, je ne sais pas si votre expérience au CCTM est
suffisante pour dire que l'avis que vous pourriez donner pourrait prendre un
temps x déterminé, puis vous pourriez revenir nous
présenter votre point de vue.
Le Président (M. Messier): Pour les fins du débat,
c'est Jacques Daigle. Allez-y, Me Daigle.
M. Daigle (Jacques): C'est un peu difficile de se hasarder
à donner une idée du temps que ça peut prendre. Je pense
que la meilleure comparaison qu'on peut peut-être prendre, c'est la
question d'un médicament qu'on tente d'éprouver en laboratoire.
Je pense que cette question-là est actuellement en laboratoire. Si, au
CCTM, les gens n'ont pas parlé, c'est peut-être parce que le
dossier n'est pas assez mûr et qu'ils ne savent pas encore quoi se
dire.
Sur le terrain, il y a eu des expériences qui ont
été tentées, probablement dues à des
impératifs du terrain. Les parties tentent de regarder. Il y a deux,
trois, quatre ou cinq expériences qui ont été
tentées, et les gens sont en train de regarder ça. Et c'est
peut-être parce que, justement, ils ne savent pas exactement quoi se dire
encore. Avant d'établir un consensus, encore faut-il que ces parties se
parlent et sachent quoi se dire. Et les parties regardent actuellement
l'expérience, autant chez les patrons que chez les centrales syndicales,
et tout ça, confronté avec beaucoup d'inconnues.
Tantôt, le ministre parlait de la nouvelle convention, de la
première convention collective. Mais l'expérience démontre
que, quand il y a des problèmes de domination, ils ne viennent pas
toujours et même rarement de la première démarche, parce
qu'au début tout va bien, les gens veulent se syndiquer. C'est parfois
plus tard que des conflits d'intérêts naissent et que la
domination s'installe. C'est peut-être justement dans les autres que
c'est plus grave. (19 h 30)
Justement, actuellement, ce qu'on vous soumet, c'est qu'il y a lieu de
laisser l'expérience en laboratoire. Et, de mettre sur les tablettes
d'épicerie un produit dont on n'est pas certains, c'est peut-être
très dangereux, actuellement. Il y a peut-être lieu de le laisser
encore un certain temps en laboratoire. Combien de temps? Le temps que
ça prend pour que les parties, au Comité consultatif, soient
assez sûres des positions pour qu'elles fassent les
représentations adéquates. Et, si elles n'en ont pas fait
actuellement, c'est probablement parce qu'elles ne sont pas prêtes.
M. Dufour: Vous parlez de mettre des temps
déterminés pour que le Commissaire du travail ou les juges
finissent, donnent leur sentence. Cet après-midi, un professeur, M.
Morin, est venu nous dire que c'était faire preuve d'une grande
naïveté, pratiquement, comme législateur, de marquer ou de
déterminer le nombre de jours parce que, dans les faits, ça ne se
concrétise nulle part. Est-ce que vous maintenez pareil qu'on devrait
avoir des dates déterminées obligatoires?
M. Lapierre (Jean-Marcel): Comme vous le savez, Me Morin est un
arbitre lui-même et peut-être que les arbitres n'aiment pas avoir
un délai à l'intérieur duquel ils doivent rendre leur
sentence. Le 90 jours est tout de même une limite qui permet aux parties
d'intervenir pour faire en sorte que la sentence se rende rapidement.
Même si, parfois, il y a des sentences qui dépassent ce
délai-là, il reste que ça donne une prise aux parties pour
exiger une sentence plus rapide. Ça exerce une pression. Simplement du
fait que c'est là, ça exerce une pression sur... Vous savez que
la procédure d'arbitrage doit être une procédure
expéditive de règlement des conflits en matière de
relations de travail. Alors, des délais comme ça offrent
certaines garanties que la procédure va rester expéditive.
Le Président (M. Messier): M. Daigle.
M. Daigle (Jacques): Remarquez que dans la pratique,
actuellement, la norme actuelle est tellement inappropriée que, quand on
commence une audition dans les secteurs où on oeuvre, on commence
toujours par le délai. On commence toujours par s'entendre sur le
délai supplémentaire qu'on va reconnaître à
l'arbitre parce que, quand on commence l'audition, son délai est
généralement expiré le délai actuellement
prévu par la loi. Mais, cependant, le 90 jours est
généralement reconnu; une fois que la cause est finie, l'arbitre
ne prend généralement pas plus de 90 jours. Alors, actuellement,
ce qu'on fait dans la plupart des cas, c'est que, quand l'audition commence, on
s'entend que l'arbitre va avoir 90 jours de la date de la fin du
délibéré ou de la date de la fin de l'audition. Donc, les
parties le font concrètement, actuellement, et la norme qui est dans le
Code n'est pas appliquée.
Le Président (M. Messier): Merci, M. Daigle.
M. Dufour: J'aurais peut-être une autre question à
vous poser avant de passer la parole à mes collègues de ce
bord-ci. Vous autres, vous faites partie de la fonction publique. En quoi la
durée des conventions peut vous toucher? Parce que, à ce que je
sache, dans les dernières années, on vous a imposé pas mal
de règles
par la loi et, là, dans le Code du travail, cette
ouverture-là, comment ça pourrait jouer dans vos affaires?
M. Lapierre (Jean-Marcel): Comme on le disait, au début,
on n'a pas des membres seulement dans les secteurs public et parapublic. Enfin,
on n'a pas du tout de membres dans les services publics tels que définis
par le Code du travail. On a la grande partie de nos membres dans les secteurs
public et parapublic, mais on a un nombre relativement substantiel de membres
qui sont dans le secteur privé, c'est-à-dire qui sont couverts
par le régime général du Code du travail. On a des membres
dans les établissements privés d'enseignement; on a des membres
dans les universités; on a des membres dans les garderies; on a des
membres également dans les organismes de loisirs. Alors, ces
membres-là sont directement touchés par la mesure relative
à la durée de la convention collective, qui est dans le projet de
loi 116. Mais on dit également que c'est une mesure qui touche
l'ensemble du mouvement syndical parce que, à notre avis, elle modifie
les rapports entre le patronat et les syndicats.
Le Président (M. Messier): M. le député de
Laval-des-Rapides.
M. Dufour: II est rapide.
M. Ménard: Ha, ha, ha! Sur les arbitres, je sais qu'il
existe un petit livre dans lequel, sans être cotés selon leur
rapidité, leur rapidité moyenne est indiquée, n'est-ce
pas? Ça existe encore, ça.
J'en viens à la question principale. D'abord, je suis très
heureux d'avoir écouté vos représentations. Bien que
courtes, elles ont la clarté qu'on attend des enseignants, puis la
cohérence, parce que beaucoup nous ont exprimé essentiellement
les mêmes inquiétudes que vous, mais vous les exprimez avec
beaucoup plus de clarté.
Cependant, quand vous dites de laisser les expériences sur les
tablettes actuellement avant d'en juger, l'inquiétude, c'est que ces
gens-là ont négocié des conditions, ont
concédé probablement des choses, pour obtenir une
sécurité à long terme. Et le meilleur exemple, c'est les
pressiers du Journal de Montréal. Or, d'après tout ce
qu'on nous dit, ils perdent la sécurité légale que devrait
accorder une convention collective.
D'un autre côté, je pense qu'il faut reconnaître
aussi que c'est injuste pour un employeur éventuel, s'il y a des
investissements importants qui ont été faits, garantissant qu'il
aura la paix, de lui enlever cette protection. Et, du côté des
représentants des employeurs, on nous dit que des investisseurs vont
demander des opinions légales, et que, évidemment, les opinions
légales qui leur sont données, c'est qu'au mieux c'est incertain.
Alors, vous ne trouvez pas, à ce moment-là, qu'il est important
que le gouvernement agisse avec une certaine rapidité et ne laisse pas
cette situation de semi-légalité perdurer?
M. Lapierre (Jean-Marcel): En fait, il y a peut-être deux
questions à distinguer. Il y a la généralisation de la
formule et il y a la sécurisation des expériences actuelles. Au
sujet de la sécurisation des expériences actuelles, nous pensons
que ce serait important de trouver des formules assez rapidement. Mais, pour ce
qui est de la généralisation du régime...
M. Ménard: Vous êtes contre.
M. Lapierre (Jean-Marcel): ...on est contre. On est prêts
à examiner des pistes et des formules qui permettraient des conventions
de plus de trois ans dans des conditions correctes pour les travailleurs et les
travailleuses. Mais, ça, ça demande plus de mûrissement
probablement et ça demande d'examiner attentivement les
expériences actuelles. Il faudrait peut-être se donner plus de
temps pour le faire.
M. Ménard: O.K.
M. Daigle (Jacques): Vous voyez, par exemple, vous parlez de
l'expérience du Journal de Montréal. Voilà une
expérience sur le terrain qu'on regarde attentivement. Qu'est-ce qui va
en résulter? À l'heure actuelle, on ne le sait pas, mais ce n'est
pas le régime qui est proposé par la loi. Au Journal de
Montréal, on a prévu, à ce qu'on en sait, dans la
convention collective de trois ans, des dispositions sur l'exercice des moyens
de pression à l'expiration de la convention collective.
Or, les parties étaient donc sensibilisées au
problème de la durée de la convention, et ils ont empiriquement
tenté une expérience. Voilà une expérience, mais
les autres expériences qui ont lieu ailleurs sont tout à fait
différentes, de telle sorte qu'avant d'imposer un régime qui
choisirait une expérience plutôt que l'autre, ou aucune, un
régime tout à fait nouveau, ça me semble être
ça d'ailleurs qui est sur la table, c'est ce qu'on dit: Laissez le
laboratoire se terminer, l'épreuve de laboratoire se terminer.
M. Ménard: Bon, mais il faudrait quand même qu'un
gouvernement agisse avec une certaine rapidité, qu'il ne laisse pas
traîner ça pendant des années. Mais ce projet-là est
un peu vite. Remarquez qu'on est de cet avis-là.
Donc, vous seriez essentiellement d'accord pour que la loi,
éventuellement, soit amendée pour permettre des exceptions au
plafonnement, mais à la condition que ces exceptions-là soient
bien balisées. Et on nous donnait, comme suggestion, qu'il faudrait
d'abord établir qu'on cherche à répondre à des
besoins précis, comme l'apport d'une nouvelle technologie, la
réorganisation du processus de production, qui exige des investissements
à long terme en capital et en formation professionnelle, ou d'autres
conditions de ce genre-là; que ces conditions-là devraient
être soumises au Commissaire du travail c'est ça
comme suggestions, et qu'elles ne seraient accordées qu'à la
condition que les conditions soient
respectées et qu'il y ait un contrôle, a posteriori, que
les conditions, effectivement, pour lesquelles le dépassement du
plafonnement a été fait soient...
C'est ce genre de situation que vous seriez prêts au moins
à considérer, et peut-être même à accepter
si...
M. Lapierre (Jean-Marcel): Effectivement, je pense que c'est
notre position, oui. (19 h 40)
M. Ménard: Oui, c'est la nécessité qui est
révélée par le terrain, tant du côté des
syndiqués, d'ailleurs, face à des changements technologiques qui
peuvent éliminer des catégories complètes d'emplois, et
face aussi à des investisseurs qui ont des investissements
extrêmement importants à faire, et créateurs d'emplois.
Maintenant, dans cette optique-là, pourquoi acceptez-vous si rapidement
la suggestion que la première convention collective devrait avoir un
plafonnement de trois ans? Parce que, si c'est justement pour faire venir des
investisseurs qui créeraient des emplois et leur donner cette
sécurité d'un investissement important, il me semble que c'est
à ce moment-là que ce serait peut-être important d'avoir un
dépassement du plafonnement.
M. Lapierre (Jean-Marcel): Oui. Ce qu'on disait, c'est que
c'était une piste qui nous apparaissait intéressante, qu'on
était prêts à examiner dans le cadre d'un débat au
CCTM. On ne se prononce pas en faveur de cette mesure-là, ici,
présentement.
M. Ménard: J'ai encore du temps?
Le Président (M. Messier): Oui. Vous pouvez l'utiliser ou
vous pouvez le passer à d'autres.
M. Ménard: Ce ne sera pas long.
Le Président (M. Messier): Trois minutes, M. le
député de Laval-des-Rapides.
M. Ménard: L'article 30. Vous avez dit que vous
étiez contre l'article 30, parce qu'il viole la règle audi
alteram partem... Je l'avais tout à l'heure et je ne sais pas ce que
j'en ai fait. Bon, voilà!
Une voix: ...l'article 132 du Code.
Le Président (M. Messier): Entre avocats, vous allez vous
comprendre, là.
M. Ménard: Oui, justement. Le fait que l'on signifie et
produise une requête dans les 10 jours, pour moi, bien que ce ne soit pas
dit clairement, il me semble que, si on doit la signifier, c'est pour avertir
l'autre partie qu'on va la présenter à quelqu'un et que, par
conséquent, il doit se présenter pour exposer son point de vue.
Cette disposition-là ressemble à ce qu'il y a en Cour d'appel
déjà, dans toutes les causes.
M. Daigle (Jacques): Mais, actuellement, il n'y a aucune
indication de quelque nature que ce soit, dans la loi, qu'il va y avoir une
audition. Il semble même qu'on dispose de cette demande-là
sommairement. Il n'y a aucune indication qu'il va y avoir une audition. S'il y
a une audition sommaire...
M. Ménard: Sinon qu'elle doit être signifiée
et produite.
M. Daigle (Jacques): C'est ça. Ça, ça va.
M. Ménard: Oui, mais...
M. Daigle (Jacques): Mais, si le juge en dispose sur
réception à la simple lecture de l'inscription d'appel sans
entendre l'appelant, on a un problème.
M. Ménard: Mais il n'aura pas respecté la
Charte.
M. Daigle (Jacques): D'où, donc, la kyrielle
d'évocations.
M. Ménard: Ce serait peut-être mieux que ce soit
plus clair.
M. Daigle (Jacques): Et c'est pour ça qu'on
suggérait qu'il y ait une audition.
M. Marcil: L'article 132 le prévoit.
M. Ménard: C'est ça. C'est parce qu'il y a un
article qui le prévoit.
M. Marcil: On ne modifie pas tous les articles du Code.
M. Ménard: Bien oui.
M. Lapierre (Jean-Marcel): La disposition prévoit
également que le juge du Tribunal du travail peut agir de sa propre
initiative. Il n'y a pas nécessairement une requête.
M. Ménard: Ah! Oui, je reconnais que...
M. Daigle (Jacques): C'est là qu'on voyait l'esprit.
M. Ménard: Ça, vous pourriez
l'améliorer.
Le Président (M. Messier): M. le député de
Drummond.
M. St-Roch: Oui, merci, M. le Président. Je tiens à
vous remercier d'être venus, un jeudi, apporter votre éclairage
sur cette problématique. Je sais que vous représentez une partie
du secteur privé, surtout au
niveau de l'éducation. À votre connaissance on sait
que c'est problématique aussi, la survie de beaucoup de collèges
privés est-ce qu'il y a déjà eu des demandes de la
part de la partie patronale pour avoir une extension et des contrats de longue
durée?
M. Lapierre (Jean-Marcel): Nous, on n'a pas eu à vivre
d'expériences de conventions ou de demandes de conventions
prolongées et, pour ce qui est des établissements privés,
ça peut peut-être s'expliquer par le fait que les
établissements privés, depuis plusieurs années, sont
assujettis à des prolongations de conventions. Vous allez prendre une
loi comme la loi 102, elle vise les établissements privés.
Même si ces établissements-là sont soumis au régime
général du Code du travail et non pas aux dispositions des
secteurs public et parapublic, il reste qu'ils ont été assujettis
aux trois lois de prolongation qui ont été adoptées dans
les dernières années, ce qui veut dire un premier six mois de
prolongation, ensuite une année et ensuite deux ans.
M. St-Roch: L'article 26 soustrait de l'application de la loi 116
tout le côté public. Est-ce que je suis correct en pensant et en
affirmant que, lorsque vous négociez... Je regarde au niveau de
l'enseignement, l'exemple du secteur public versus le secteur privé,
finalement, en bout de piste, avec les années, les conventions ont
tendance à s'uniformiser, et on a à peu près les
mêmes avantages, au niveau des bénéfices marginaux,
salaires, etc., qu'une convention du secteur privé et du secteur public
et, si on adoptait la loi telle qu'elle est à l'heure actuelle, il y
aurait danger qu'à un moment donné vous ayez à faire face,
du côté privé, à un débalancement. À
la longue il y a toujours eu cet éternel équilibre, depuis
les années soixante, qu'on a uniformisé davantage les
négociations entre le public et le privé ça, c'est
un des dangers qu'on pourrait avoir, à long terme, recréer un
débalancement, secteur privésecteur public, avec la loi
116, telle que libellée?
M. Lapierre (Jean-Marcel): C'est sûr que le projet de loi
116 accentue la différence qui est déjà assez
prononcée entre le régime de rapports collectifs du travail dans
le secteur public et le régime de rapports collectifs du travail dans le
secteur privé. Et, en ce sens-là, est-ce que ça peut
créer des dysfonctions dans la durée des conventions entre le
secteur privé d'enseignement et le secteur public? C'est possible, mais
le secteur privé est, actuellement, un secteur qui est passablement, sur
le plan des conditions salariales, par exemple, à la remorque du secteur
public. Alors, je ne suis pas certain que c'est un danger qui est vraiment
présent. Ça mériterait qu'on y réfléchisse,
mais je ne suis pas certain que c'est le cas.
M. St-Roch: Juste une brève remarque, M. le
Président.
Le Président (M. Messier): Allez-y, M. le
député de Drummond.
M. St-Roch: S'il y a une chose qui fait consensus depuis notre
début, c'est la modification à l'article 101.5 du Code du
travail. Alors, j'espère que M. le ministre en a pris bonne note parce
que c'est quelque chose qui devrait servir comme amendement.
Le Président (M. Messier): C'est déjà
noté.
M. St-Roch: Parce que toutes les parties, patronales ou
syndicales, nous ont fait rapport qu'il y avait consensus, à quelque
table que ce soit, pour qu'on fasse cette modification-là. Je vous
remercie.
Le Président (M. Messier): Ça nous fait plaisir, M.
le député de Drummond. Le ministre de l'Emploi a encore
peut-être...
M. Marcil: M. le Président, je vais profiter de l'occasion
pour remercier les membres de la CEQ, qui ont bien voulu se prêter
à cette consultation, malgré les courts délais. Comme je
le disais tantôt, c'est une discussion qui était
déjà commencée depuis l'automne 1993. Je ne juge pas de la
position des parties, ce n'est pas à moi à le faire. Ça
s'est discuté dans d'autres lieux, au CCTM, et on n'arrive pas à
des consensus. Avant de procéder article par article, au niveau de la
loi 116, je tenais absolument à vérifier auprès des
différentes parties particulièrement concernées par le
projet de loi, connaître davantage leur opinion.
Suite à ce que nous avons entendu depuis hier, soyez
assurés que nous allons tenir compte des remarques qui ont
été faites. Nous allons les analyser c'est tout
enregistré au Journal des débats, pour ceux qui n'auraient
pas de mémoire. Soyez assurés que nous allons y porter une
attention particulière. Donc, je vous remercie beaucoup de vous
être présentés ce soir.
Le Président (M. Messier): Je vous remercie beaucoup. Nous
allons passer aux remarques finales. Si ça vous intéresse de
rester, il va y avoir des représentations de faites. Nous allons
suspendre pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 19 h 48)
(Reprise à 19 h 50)
Remarques finales
Le Président (M. Messier): À l'ordre, s'il vous
plaît! Nous allons passer aux remarques finales, et le tirage au sort
favorise le député de Drummond pour 20 minutes, le porte-parole
officiel de l'Opposition pour 20 minutes et le ministre de l'Emploi pour 20
minutes. M. le député de Drummond, vous avez un maximum de 20
minutes et il n'y a pas de minimum. Allez-y.
M. Jean-Guy St-Roch
M. St-Roch: Je vous remercie, M. le Président.
D'entrée de jeu, lorsque nous avons débuté nos travaux
hier, et en écoutant le ministre, M. le ministre responsable de
l'Emploi, il nous avait demandé d'aborder ces travaux avec ouverture
d'esprit et d'être à l'écoute des différents
intervenants qui viendraient témoigner devant cette commission.
J'avais exprimé énormément de réserves avec
le projet de loi 116 et j'en ferai une synthèse très
brève. Oui, il y a peut-être, dans certaines circonstances, la
nécessité d'avoir une ouverture pour des conventions à
long terme, de plus de trois ans, mais le danger que je voyais, lorsqu'on
ouvrait, d'une façon générale, c'est l'effet mode qu'on a
remarqué dans l'industrie, autant côté patronal que
côté syndical. J'ai mentionné, en boutade, que, si on
essayait de faire la synthèse de toutes les modes qu'il y a eu au niveau
de style de gérance, on aurait besoin de plus d'une heure, M. le
Président, pour faire la synthèse des choses nouvelles qu'on
s'est cru obligés d'appliquer, même si c'était
complètement inadéquat dans notre industrie, parce que ça
faisait bonne figure, puis on était obligés de le faire pour
rendre compte à nos actionnaires qui pensaient que c'était
nécessaire pour certains types d'opérations.
Dans mes remarques préliminaires, j'avais soulevé aussi
les grandes craintes que j'avais en vertu de tous les traités
internationaux, et particulièrement l'article 87, et des chartes des
droits de la personne. Un législateur ne doit pas parler pour ne rien
dire et se doit de s'assurer des plus faibles maillons de sa
collectivité.
Après avoir écouté les intervenants qui sont venus
déposer, M. le Président, je garde les mêmes
réserves. Et, à la clôture de cette commission,
j'espère qu'on sera capables d'aborder l'étude article par
article avec énormément d'amendements qui feront en sorte de
respecter les 10 dernières années, principalement, du monde du
travail. Je suis issu de ce milieu-là, M. le Président. Dans les
années soixante-dix, la décennie des années soixante-dix,
nous avons vécu une période qui était conflictuelle,
où c'était normal de s'affronter puis, après avoir
signé une convention collective de haute lutte, de s'asseoir puis de
dire: C'est le texte qui va nous régir pendant un an, deux ans ou trois
ans, quelle que soit la durée qu'on avait négociée
à ce moment-là.
Les circonstances, l'évolution, les changements technologiques,
la mondialisation nous ont amenés à s'asseoir en tant que
partenaires puis à apprendre à se respecter. Pendant des
années, M. le Président, on a considéré,
côté patronal, le personnel comme étant nécessaire
à faire fonctionner une industrie. Par contre, on attachait
énormément d'importance, énormément d'attention, de
recherche et développement à maintenir l'équipement et les
bâtisses. La dernière décennie nous a amenés par
contre, heureusement, à s'asseoir et à traiter en partenaires
égaux et à établir ce bouillon de culture qui nous permet
aujourd'hui, M. le Président, si on demeure à l'échelle
canadienne, de faire l'envie de bien des industriels et de bien des provinces,
avec ce climat qu'on a réussi à développer j'admets
que, dans certains endroits, il reste encore énormément de
travail mais, d'une façon générale ce climat de
compréhension où on est capables de s'asseoir et de travailler
maintenant en tant que partenaires d'égal à égal.
À regarder ce projet de loi là, M. le Président, si
nous l'adoptons tel quel, j'ai la conviction qu'à très
brève échéance, oui, ça deviendra une mode pour
rendre compte aux actionnaires, rendre compte avec la nouvelle forme aussi de
partenaires et de détenteurs de capital-actions dans l'entreprise,
ça deviendra une mode de signer des conventions collectives, même
si on n'en a pas besoin.
Et j'ai rappelé aussi la période des années
soixante-dix où des contrats de bonne foi, à cause des inflations
mondiales, nous ont amenés à avoir toutes sortes de
problèmes illégaux et à briser et à rouvrir des
conventions collectives.
Moi, j'espère que M. le ministre va être capable de
regarder et de maintenir ce bouillon de culture là et, avec toute
l'expertise que je reconnais à ses sous-ministres, être capable
d'arriver avec une balise et une modification qui pourraient faire en sorte
qu'on pourrait donner une assise pour prendre le jargon
légale aux cas particuliers qu'on aurait besoin de
développer.
J'ai mis en garde aussi, puis je me suis questionné, M. le
Président, dans mes remarques préliminaires, sur le but de ce
projet de loi 116, sur l'anxiété qu'on avait à le
développer. J'avais référé à la loi 59 sur
l'ouverture des heures d'affaires. J'ai référé à la
loi 142 et à la loi 116. M. le Président, on se doit de se
garder, dans la foulée d'une mode, pour utiliser un terme qu'on a
galvaudé, des contrats sociaux. Ça fait bien; ça fait
peut-être bien pour vendre des grappes industrielles; ça fait bien
pour montrer qu'on a quelque chose de nouveau, mais je pense que le
législateur se doit de prendre garde de ne pas aller détruire ce
bouillon de culture qui est en train de germer au Québec où on
est en train d'innover, où on est en train de bâtir ce
partenariat-là. Alors, oui, M. le ministre, à des amendements
à la loi 116 qui feraient en sorte qu'on pourrait baliser d'une
façon les exceptions qu'on pourrait avoir.
Une autre chose aussi, M. le Président. J'ai écouté
attentivement et j'ai suivi les conseils de M. le ministre d'aborder ça
avec une grande ouverture d'esprit. J'ai compris que l'article 35, tel que
libellé à l'heure actuelle, rencontrait les besoins,
probablement, d'une centrale syndicale, parce qu'elle a des contrats qui sont
signés à long terme, mais j'ai aussi compris, à
l'interrogation que nous avons eue ici et à l'écoute de nos
intervenants, qu'on resterait en plan ce qu'on a dit dans le jargon qui
semble maintenant établi: le 3, le 3x2 ou le 3-2. Deux conventions
collectives de trois ans, signées, on en met une dans le coffre-fort et
on remet l'autre. Alors, l'article 35 ne réglera pas cette
problématique-là de tous les contrats qui ont été
signés sous cette formule-là, à l'heure actuelle.
Alors, j'espère, M. le Président, qu'on arrivera
aussi, en commission parlementaire, à avoir un amendement. Parce
que je l'ai souligné tout à l'heure avec les derniers
intervenants qui se sont assis ici devant nous s'il y a une chose qui a
fait consensus dans toute cette commission, c'était la modification
apportée à l'article 101.5. Et le Conseil du patronat nous a
d'ailleurs soumis un texte qui semble faire l'unanimité, le consensus.
Alors, ça, c'est une modification qu'on devrait apporter. Mais,
au-delà de tout ça, M. le Président, j'espère
qu'avec tout ce qu'on a entendu, cet après-midi, aussi, et on a eu des
choses qui ont été nuancées, il est peut-être temps
d'engager un nouveau vaste chantier au Québec, où on serait
capables de regarder des relations de travail, autant côté secteur
public que côté secteur privé, où on serait capables
d'aborder les nouvelles relations de travail, avec un esprit nouveau, et dans
le but de se doter d'un nouveau Code du travail, au lieu de
légiférer pièce à pièce, et qu'on soit
capables de regarder cette problématique-là. Et j'espère
qu'on sera capables de déboucher, M. le Président, avec ce qu'on
voit émerger du milieu du travail, à une nouvelle table de
concertation où on pourrait asseoir le côté syndical, le
côté patronal et le côté gouvernemental, un type de
certaines formules qu'on voit poindre, à l'heure actuelle, dans certains
pays européens qui ont permis de pratiquement sortir de la faillite
certains pays, et qui ont permis à d'autres, aujourd'hui, d'être
des leaders mondiaux, au niveau des relations de travail. Parce que, avec ce
climat qu'on a réussi à développer, on a été
capables de développer une industrie qui était saine.
Alors, j'espère, moi, qu'on pourra prendre profit, avec la
nouveauté qui est arrivée à la commission de
l'économie et du travail, depuis le début de 1994, où on
est capables de s'asseoir et d'avoir des mandats d'initiative ou des mandats de
surveillance des organismes, qu'on sera capables de dégager un mandat
d'initiative. Ce serait quelque chose aussi qui pourrait peut-être servir
à revaloriser les rôles du parlementaire aussi, d'être
capables d'ouvrir et d'aller, d'une façon non engagée et non
partisane, chercher ces consensus-là, de chercher à bâtir
ces nouveaux mécanismes dont nous aurons besoin pour faire face à
la mondialisation et faire face au monde moderne.
Alors, il n'est pas de mon intention, M. le Président, de prendre
plus de temps qu'il faut de la commission. En conclusion, j'espère que,
les jours qui viendront où nous ne siégerons pas... M. le
ministre de l'Emploi l'a dit à plusieurs occasions: Heureusement, les
paroles ici, à la commission parlementaire, ne s'envolent pas, mais
elles seront transcrites, elles seront écrites, il pourra les consulter.
À moins qu'il décide de remettre sur les tablettes le projet de
loi 116; je n'aurai aucune objection et je peux vous assurer, M. le ministre,
que je ne me lèverai pas, aux questions concernant les travaux de cette
Assemblée, pour demander à votre leader s'il pourrait rappeler le
projet de loi 116. (20 heures)
Alors, si vous voulez le mettre sur les tablettes pour laisser
poursuivre l'expérience qu'on est en train de vivre dans certains
domaines, je ne vous en tiendrai point rigueur. Mais, si jamais vous osez aller
à l'étude article par article, j'émets, à ce
moment-ci un souhait, qu'on pourra avoir, dès l'étude du projet
de loi, à l'article 1, les amendements que vous voulez apporter, suite
à l'oreille attentive que vous avez manifestée à
l'écoute de tous les intervenants, la même chose qu'ont faite, je
pense, tous les parlementaires ici. Lorsqu'on est en commission parlementaire
et qu'on a des projets de loi qui peuvent porter à discussion
pour ne pas dire à affrontement il est bon, je crois, dans un
sain climat de travail, d'avoir ces amendements-là à la porte. Et
j'ose espérer que les brèves remarques préliminaires et
que les remarques de conclusion que j'ai faites auront touché une corde
sensible du ministre de l'Emploi. Lorsqu'il réfléchira, à
la lecture de tous les textes...
S'il y a une chose que mon expérience privée, que mes
nombreuses années du monde de travail m'ont apprise M. le
sous-ministre va sourire; on a déjà eu la chance de travailler
ensemble, du côté privé c'est qu'il faut toujours se
mettre en garde je vais utiliser un terme anglais; vous me le
pardonnerez, M. le Président les relations de travail ne sont pas
un domaine où on peut jouer en cow-boy. Ce n'est pas une place de
cow-boy. C'est une place où on va, avec des pas feutrés et
je vais conclure en se rappelant toujours que les amendements qu'on
apportera, que la loi qui devrait en résulter devrait être une loi
qui va faciliter l'intégrité, la transparence, la
sincérité et, surtout surtout bâtir un
partenariat qui permettra finalement de créer de l'emploi, pas pour des
vieux comme le député de Drummond, mais pour cette jeunesse qui
en a drôlement besoin. Et, surtout, ce dont elle a encore plus besoin
qu'un emploi, une sécurité d'emploi dans les années
à venir. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Williams): Merci, M. le
député de Drummond. Maintenant, je passe la parole au
député de Jonquière, le porte-parole de l'Opposition
officielle. Vous avez droit à 20 minutes.
M. Francis Dufour
M. Dufour: Oui, M. le Président. C'est possiblement une de
mes dernières interventions comme porte-parole parce que,
déjà, c'est reconnu et il vient d'être connu que le
député de Laval-des-Rapides prendra la relève; je n'ai
fait que l'assister pour le temps de ces auditions. Je voudrais tout de
même rappeler que, lors du dépôt du projet de loi, lors de
l'étude en deuxième lecture, nous nous étions
prononcés contre le projet de loi, justement par rapport à la
durée des conventions collectives. C'était une de nos
premières remarques, et je pense que le temps confirme que... Et,
ça, c'a été fait sans consultation avec les intervenants.
Autrement dit, c'est la conviction profonde de celui qui vous parle que, si les
conventions sont allongées, dans le contexte actuel surtout, dans un
contexte où les syndicats n'ont pas la
force et où les règles du jeu sont complètement
déplacées, moi, je suis convaincu qu'on va
«bordéliser» les relations de travail et que ça va
jouer contre les plus démunis, c'est-à-dire les syndiqués.
Parce que, en dehors des syndicats, puis en dehors de l'employeur, il y a aussi
le syndiqué ou l'employé qui, lui, a besoin d'être
protégé parce qu'il n'a pas de voix, assez souvent. Il ne faut
pas que le corporatisme finisse par tuer le bébé qu'il
représente. Je pense que ça, c'était un début assez
important.
On a fait ces remarques-là, et il n'était pas
prévu, au départ, qu'on pourrait avoir des auditions
particulières. Donc, au mois de janvier, on a été
appelés pour étudier le projet de loi, article par article puis,
pour certaines raisons, on ne pouvait pas se présenter. Le ministre a
compris, puis on l'a mis de côté. Mais c'a permis, ce petit temps
de réflexion, d'amener des intervenants pour qu'on puisse les
écouter.
C'est la quatrième fois, depuis que je suis porte-parole du
dossier, qu'on a des auditions particulières. Malheureusement, je suis
obligé de dire que l'expérience que j'ai eue jusqu'à
maintenant, c'a été des auditions qui n'ont pas apporté
grand-chose, si ce n'est que ressembler un peu à une démocratie
déguisée, une espèce de parade on écoute des
gens. Mais ça n'a pas influencé tellement. Quand c'a
été pour la prolongation des décrets, on l'a fait à
deux reprises. Ce n'est pas le fait des intervenants qui sont venus nous parler
qui a changé quoi que ce soit. C'était décidé qu'on
passait le rouleau, puis on l'a passé.
Pour la loi 142, c'a été la même chose. On est
allés encore plus loin, parce que, même l'Opposition qui a
continué à se battre jusqu'au bout, on l'a mise de
côté, et on a adopté la loi. Est-ce que ce sera la
même chose avec un nouveau ministre? J'espère, effectivement, si
c'est pour écouter, lorsqu'on est en présence et lorsqu'on
écoute des intervenants...
Ce que je retiens des auditions, c'est qu'il y a deux intervenants qui
sont venus nous dire qu'ils étaient favorables, mais tous les autres
et, moi, je n'exclus pas la FTQ... La FTQ, ce qu'elle a bien dit, je
pense qu'il faut essayer de le comprendre, c'est qu'elle n'est pas favorable
tellement à ce que ça allonge. Quand on écoutait les
différents intervenants, on se rendait compte qu'il y avait des
réticences assez importantes aux prolongations des délais pour la
durée des conventions collectives.
Il y a une question fondamentale. Le professeur Morin est venu nous
expliquer, ce midi, il l'a dit dans des mots que, moi, je ne
répéterai pas parce que ça sonnerait probablement faux
dans ma bouche, mais il y a une chose qui est certaine, c'est que
l'expérience qu'on a vaut, des fois, peut-être pas des cours
universitaires dans le domaine, mais ça nous apprend tout de même
que des conventions collectives, c'est le résultat, normalement, de
négociations de parties d'égales forces. Et, pour qu'elles soient
d'égales forces, il faut qu'il y ait... Et comment on peut le faire? Ce
n'est pas les syndicats qui sont les maîtres d'oeuvre dans une
entreprise, normalement; l'employeur est là et le syndicat vient
à la suite de l'employeur. Il n'y a pas de syndicat qui tient s'il n'y a
pas d'intervenant vis-à-vis lui.
Qu'est-ce qui permet au syndicat d'avoir une certaine force pour
négocier? C'est d'avoir le droit de grève, non pas de l'employer;
ça, je pense qu'on l'a dit et qu'on l'a répété,
tant et mieux. Mais, le fait qu'il y ait une possibilité de
grève, ça civilise un peu plus les tractations et les relations
entre les parties. Je pense que, de ce côté-là, c'est
très sain. Là, ce qu'on propose de faire, c'est d'oublier, en
grande partie, que les conventions collectives... Depuis trois ans, moi, je
n'en connais pas qui auraient pu améliorer leurs conditions de travail,
si on avait fait des conventions collectives de six ans, huit ans ou 10 ans. Il
faut connaître un peu le milieu pour se rendre compte que les grosses
améliorations qui ont été apportées les
patrons pourront venir nous le dire ici, mais, moi, je les mets au défi
que les grands pas qu'on a faits en avant au point de vue de la
santé et de la sécurité, malheureusement, ce n'est pas
nécessairement l'employeur qui les a imposés. Je pense que les
syndicats ont commencé, ont été ceux qui ont crié
le plus fort pour qu'on améliore les conditions de travail. Ça,
c'est venu de la part des syndicats.
En tout cas, chez nous, on l'a vécu, j'ai vécu cette
expérience-là, comme la diminution des heures de travail. Et la
plupart des grands pas qu'on a faits, au point de vue amélioration des
conditions de travail, ce sont les syndicats qui ont été à
l'origine de ça. Il ne faut pas se le cacher, s'il n'y avait pas eu de
syndicat, il n'y aurait pas eu ces améliorations de conditions de
travail.
Là, ce qu'on leur propose, c'est parce qu'il y a des exceptions,
parce qu'il y a des temps qui sont durs à vivre, actuellement. Chez
nous, on avait 10 000 emplois industriels et on est rendus à environ
6000 emplois industriels. Des jobs de 50 000 $ par année, ce n'est pas
la loi 116 qui va remettre le monde au travail; ce n'est pas ça du tout.
La loi 116, ça, c'est complètement différent et ça
ne changera pas les règles qu'on a parce que, des contrats sociaux, on
en a. Des contrats sociaux, à mon point de vue, chaque fois qu'on en a
signé un, c'est un peu le recul des employés vis-à-vis du
patron. Et avec des raisons! Je ne dis pas que ce n'est pas correct parce que,
quand l'entreprise dit: On va mourir, on a besoin d'investir, c'est normal
qu'il y ait des ouvertures qui soient faites et qu'il soit demandé aux
employés de faire un effort. Soit qu'ils reculent Cascades l'a
fait chez nous aussi les gens diminuent leurs salaires, diminuent leurs
conditions de travail pour garder leurs jobs.
Mais, dans un temps aussi perturbé ou aussi troublé,
est-ce qu'on peut permettre d'établir des règles du jeu? Moi,
j'ai mes restrictions là-dedans, et je vais vous dire, M. le ministre,
dans des conditions normales où il y aurait du travail en
quantité normale, vers 8 % de chômage, je vous mets un
défi. Vous la mettrez votre loi de six ans, les conventions pour avoir
six ans. Vous allez voir qu'il n'y a pas beaucoup de syndicats qui vont signer
ça et avec raison, et ni l'employeur parce que, là,
il va être obligé de mettre les cartes sur table et il va
être obligé de mettre de l'argent au bout; il ne voudra pas le
faire. Mais, dans des conditions difficiles, ah, bien oui, là, il a le
gros bout du manche. Ce n'est pas pour rien qu'on voit, dans les journaux et un
peu partout, que les plus grands conflits qu'on a actuellement, c'est dû
à des lock-out. C'est les employeurs qui font les lock-out. Est-ce que
vous pensez que le contrat social va empêcher d'envoyer du monde de
côté et une industrie de faire faillite ou de fermer ses portes?
Moi, j'ai des doutes, parce que, au moment où il y a des
problèmes, ils sont obligés... Et c'est la loi, ça, c'est
la loi qui est immuable, qui est irréversible; quand il n'y a plus
d'argent qui rentre, on aura beau avoir le contrat qu'on voudra... Vous avez
beau avoir le plus beau contrat de mariage, quand il n'y a plus de femme, le
contrat n'existe plus! C'est pareil au point de vue travail. Le jour où
l'entreprise est obligée de partir ou de fermer ses portes, contrat
social ou pas, elle sera fermée. (20 h 10)
Je me demande qui a inventé le contrat social. Je ne sais pas qui
a inventé le contrat social. C'est un beau mot, mais c'est un mot qui,
dans le fond, cache la vérité, puis ne donne pas exactement de
quoi ça a l'air parce que c'est un contrat social d'un
côté. Seulement, acceptons.
On a toujours dit, depuis le début, que le gouvernement voulait
légiférer moins et mieux. Il a une occasion en or de le faire, de
reculer, parce qu'il n'y a pas péril en la demeure. À l'article
35, on a parlé, bien sûr, de couvrir ceux qui ont plus de trois
ans mais, il ne faut pas se le cacher, on ne fera pas de cachette ici, plus de
trois ans, ça veut dire que ça couvre les conventions de la FTQ,
mais les autres conventions ne sont pas couvertes. Donc, il faudra bien trouver
comment on fait pour couvrir l'ensemble du dossier. On ne peut pas laisser
ça juste à un, sans ça, on va dire qu'il y a de la
mauvaise foi quelque part. Et on peut faire cette affaire-là, c'est
évident. Est-ce qu'on peut trouver des accommodements, tel que ça
a été proposé, pour permettre, dans certains cas
très particuliers, qu'on fasse des conventions un peu plus longues? Moi,
je pense que, oui, on peut le faire. On peut le faire avec visières
levées, pour voir sur quoi on s'engage. Pourquoi légiférer
quand ce n'est pas nécessaire? C'est de nature justement, dans des cas
où ça va mal, parce que c'est ça qu'on s'apprête
à faire, à donner aux patrons une arme supplémentaire
mais, quand ça va bien, est-ce qu'on va permettre aux employés,
dans certaines conditions, de rouvrir les conventions collectives pour qu'eux
aussi reçoivent une part du gâteau? Il faut que ça aille
des deux côtés. Si c'est juste pour favoriser un par rapport aux
autres, je trouve, à ce moment-là, qu'on n'est pas correct parce
que les relations de travail, autant que possible, pas juste dans ce
domaine-là mais, autant que possible, lorsqu'on peut faire consensus, on
fait des consensus et, quand on peut les suivre, c'est de nature à
améliorer les relations de travail. On dit toujours: On a trop de lois,
mais ce n'est pas en faisant ce qu'on fait qu'on va les diminuer.
Donc, je veux conclure pour permettre à mon collègue de
dire quelques mots, bien sûr. Moi, je pense que le ministre ferait oeuvre
utile en nous démontrant que les auditions ou les ententes qu'on a eues
vis-à-vis de ces groupes-là n'ont pas été faites en
vain et que ça permet de faire une réflexion. Puis, des fois,
reculer, c'est aussi avancer, et faire preuve d'écoute aussi. Et je
pense que le monde syndical, dans les dernières années, ce serait
peut-être le temps qu'on lui dise qu'il a encore sa place et qu'on veut
l'écouter. Je pense qu'on ne l'a pas fait dans la loi 142, et il y a
d'autres lois aussi où on a oublié qu'on avait des partenaires.
Ce serait peut-être le temps, dans ces conditions-là, qu'on
retourne vers ces gens-là pour leur dire qu'eux aussi ont part au
débat, qu'eux aussi ont le droit d'être des partenaires à
part entière avec l'employeur, et que les deux ont intérêt
à travailler ensemble.
M. Ménard: Je peux terminer le temps...
Le Président (M. Williams): Vous avez, comme les
porte-parole, un autre huit minutes de votre côté. Je pense
qu'avec le consentement on peut...
M. Marcil: Allez-y.
Le Président (M. Williams): Vous avez, M. le
député de Laval-des-Rapides, les huit minutes qui restent.
M. Serge Ménard
M. Ménard: Merci. M. le Président, je voudrais
signaler au ministre, dont ce n'est pas le projet, qu'il a l'occasion de
régler un problème qui est apparu urgent, qu'il a l'occasion de
le régler dans le consensus des parties, à condition de le
modifier. S'il regarde ce qui a amené la nécessité de ce
projet de loi, dans sa disposition la plus controversée, ce sont d'abord
des parties syndicales et patronales qui ont décidé de passer
ensemble des contrats pour lesquels je suis certain qu'ils avaient, de chaque
côté, des conseillers juridiques pour leur expliquer que son
application légale était à tout le moins douteuse. Et ils
ont quand même passé ces contrats qui sont en fait des lettres
d'entente pour lesquelles ils auront peut-être une protection
légale douteuse. C'est donc qu'il y a un problème urgent pour
adapter le monde du travail aux conditions modernes de l'économie, tant
pour les employés qui se sont donné une formation et qui ont peur
de perdre l'emploi qu'ils ont, que pour les investisseurs qui sont
obligés de faire des investissements de plus en plus importants. Ils
l'ont fait en connaissance, donc, que les dispositions qu'ils allaient passer
seraient exceptionnelles. Et il semble, dans les deux cas, que ça ait
fait leur affaire, que ce soit exceptionnel.
Quand vous voulez généraliser la solution qu'ils ont
apportée, il y en a une qui est supercontente, et l'autre qui a ses
hésitations. Je ne connais pas, autant
que certains des gens qui sont venus ici, l'expérience du monde
du travail, mais il me semble que c'est répété souvent, et
on constate ça que le monde du travail, c'est un monde d'équipe.
Mais c'est aussi un monde où alternent la méfiance et la
confiance. Et, actuellement, il semble qu'au Québec on a un climat de
confiance. Un climat de confiance tel qu'il a amené des parties à
signer des ententes sans avoir l'assurance d'avoir les garanties
légales.
Et, correctement, comme gouvernement, vous trouvez que cette situation
d'illégalité n'est pas bonne et que, par conséquent, il
faudrait peut-être lui donner une structure légale. Moi, j'ai
tendance à dire que oui. Mais vous brisez l'équilibre à
partir du moment où vous faites paniquer une des parties dont la
condition, elle, en passant ces ententes qui ne lui donnaient peut-être
pas la sécurité légale, c'était qu'elles
resteraient exceptionnelles.
Or, je ne crois pas que, du côté des investisseurs, l'on
vous demande un régime général. Comme on l'a dit, on est
heureux de vous le donner parce qu'au fond ils savent qu'ils pourraient
l'utiliser à un moment ou à un autre, mais ils n'y tiennent pas.
Tandis que, de l'autre côté, c'est clair qu'ils tiennent à
ce que ce ne soit pas généralisé et que, par
conséquent, ce soit balisé dans des circonstances
exceptionnelles.
Si vous faites ça, je crois que c'est clair que les parties
syndicales sont prêtes à se mettre à table et à
essayer de baliser. Et je trouve que M. Morin qui, lui aussi, semble j'ai
eu de la difficulté à lui mettre une étiquette, syndicale
ou patronale; je ne sais pas si vous avez la même difficulté
plus structuré, nous a donné... Peut-être que les
textes qu'il nous a donnés ne pourraient pas être mis tels quels
dans une loi, mais je pense qu'ils sont quand même assez clairs pour
inspirer les rédacteurs des lois à modifier votre projet de loi
pour qu'il emporte l'accord des syndicats.
Et, si vous avez l'accord des syndicats et qu'au fond les grands
investisseurs, sachant qu'ils peuvent obtenir, dans notre climat actuel, de
pareilles conventions, au-delà du maximum permis, vous allez avoir
beaucoup plus de facilité à imposer les nouvelles dispositions,
pas de les imposer, mais elles vont être accueillies et vous aurez fait
oeuvre utile en recevant un projet de loi qui répondait à un
problème urgent, d'une façon peut-être au-delà, trop
forte, pour ce qu'on avait pensé au moment où on l'a
rédigé mais, après l'audition, vous l'ajustez, vous y
apportez votre touche personnelle, après ce que vous avez entendu et,
là, vous avez les chances d'apporter une modification significative au
Code du travail, de l'améliorer et d'aller dans le sens de vos
collègues qui le voient comme un progrès significatif du climat
favorable à l'investissement qu'il veut créer au
Québec.
Parce que c'est un petit peu comme ça que votre collègue
de l'Industrie et du Commerce a présenté ses projets de loi, je
veux dire, ses nouvelles conventions, lorsqu'elles ont été
présentées, comme un signe. Je trouve que, si vous voulez le
faire amender, vous avez vraiment l'occasion de faire oeuvre utile et de faire
oeuvre utile avec l'accord des parties comme, apparemment, ça doit
toujours se faire dans le domaine du travail. Et c'est ce que je vous invite
à faire. Je suis bien jeune, je fais juste arriver, peut-être
qu'à un moment donné je vais m'apercevoir que je ne peux pas
être aussi naïf pour dire le fond de ma pensée, mais j'ai
l'impression que je vous suivrais facilement sur ce terrain-là si vous
décidiez d'y aller.
Donc, je trouve que ce que nous a suggéré M. Fernand Morin
rejoint finalement les dernières questions que j'ai posées
à la FTQ, à la CSN, à la CEQ, également. Ils sont
tous essentiellement prêts à accepter des circonstances
exceptionnelles dans lesquelles on pourrait dépasser le plafond. (20 h
20)
Finalement, si vous le faites, l'article 35 m'appa-raît quand
même important. L'article 35, il ne faudrait pas que cet article soit
rédigé pour ne favoriser que les contrats d'une centrale
syndicale. Il faudrait le rédiger de telle façon que, si on doit
donner la sécurité à des choses qui ont été
faites... Remarquez, vous avez senti mes hésitations sur les
dispositions rétroactives dans les projets de loi, mais disons que je
prends leur interprétation, du côté patronal, que c'est une
disposition transitoire et qu'après tout, s'il n'y a pas eu infraction
à la loi, il y a eu des parties qui ont passé entre elles des
lettres d'entente, si vous voulez, sans avoir l'assurance qu'elles auraient la
protection légale pour ces lettres d'entente.
Alors, si vous voulez donner la protection, je pense qu'il faut donner
la protection à toutes les parties qui ont fait ça, pas juste
à une seule centrale. Et il faudrait modifier l'article 35 en
conséquence pour couvrir autant les formules 3-2 de la CSN que les
formules qu'a adoptées la FTQ. Puis, encore là, c'est aussi pour
garder le consensus entre les centrales syndicales.
Le Président (M. Williams): Merci, M. le
député de Laval-des-Rapides. Maintenant, M. le ministre de
l'Emploi, vous avez 20 minutes.
M. Serge Marcil
M. Marcil: Merci beaucoup, M. le Président. D'abord, c'est
avec plaisir que l'occasion m'a été donnée, au cours des
deux derniers jours, d'échanger en cette commission avec les principaux
partenaires du monde du travail intéressés par la réforme
que nous proposons au Code du travail.
Je rappelle brièvement que le projet de loi 116, Loi modifiant le
Code du travail, propose des modifications de trois ordres à cette
importante pièce législative. En premier lieu, il s'agit
d'adapter la loi à l'évolution des rapports des partenaires aux
relations du travail. En second lieu, faire disparaître certaines
dispositions, sources de tracasseries inutiles pour les parties. Et,
finalement, apporter des correctifs qui s'imposent pour apporter une solution
aux difficultés rencontrées dans
l'application du Code du travail ou, encore, améliorer le
fonctionnement des organismes du travail. Là, je parle du Bureau du
commissaire général du travail et du Tribunal du travail.
Je me réjouis de constater que deux des trois groupes de mesures
proposées reçoivent l'assentiment quasi unanime des intervenants.
Je retiens donc que, pour l'essentiel, les divergences ne portent que sur la
question du déplafonnement de la durée des conventions
collectives, de même que, dans une moindre mesure, toutefois, sur la
durée de la protection minimale des conditions de travail d'une
convention expirée.
En ce qui concerne le déplafonnement de la durée des
conventions collectives, on nous a dit, et je résume, M. le
Président, qu'on ne devait pas faire une règle
générale pour couvrir une situation particulière. Les
opposants à la mesure proposée soutiennent en effet que les
actuelles expériences de négociations à long terme
s'inscrivent dans un contexte très particulier et qu'on devrait
absolument tenir compte de cette variable, quitte à en faire un
préalable obligatoire à l'acceptation de telles ententes de
longue durée.
Je me contenterai, à ce moment-ci, et sous réserve d'une
analyse plus approfondie des commentaires reçus, d'insister pour dire,
d'une part, que la mesure que nous proposons remplace une disposition de
portée générale, mais prohibitive, par une disposition
générale, mais permissive. De toute part, je ne puis que
constater que les tenants de l'une ou de l'autre position, lorsqu'ils se
prononcent sur l'intérêt à légiférer sur
cette question, invoquent les décisions rendues à ce jour sur la
validité d'ententes de longue durée.
Sans présumer de la réflexion que j'ai à mener avec
mes collaborateurs, je dirais que, pour le moins, on devrait trouver dans ce
dernier argument un élément favorisant l'intervention
législative. Somme toute, il semble que tous les intervenants
s'entendent au moins pour dire, ce qui, d'ailleurs, constitue un objectif du
projet de loi, qu'il faut donner une assise juridique aux conventions
collectives de longue durée. La solution aux différends passe
donc bien davantage par les modalités que par le principe même du
déplafonnement. Je m'engage, à cet égard, à tenir
compte des remarques formulées par les divers groupes ou personnes
rencontrés, en ayant toutefois à l'esprit que le Québec
constitue le seul lieu en Amérique du Nord où le
législateur prescrit une durée maximale aux contrats collectifs
de travail. Je peux croire qu'on doit préserver notre culture, mais
ça ne doit pas nous empêcher d'évoluer.
L'autre question ayant donné lieu à des prises de position
contradictoires concerne la proposition à l'effet d'allonger la
période de protection minimale des conditions de travail contenues
à la convention collective expirée. Là aussi, notre
objectif est tout à fois clair et simple: assurer un climat de travail
sans heurts tant que dure la négociation en face en face, sans moyens de
pression. Il nous apparaît que le meilleur moyen d'y arriver est de
forcer tant la partie patronale que la partie syndicale à appliquer les
dispositions de la convention collective en renégociant, tant que le
lock-out ou la grève ne sont pas déclarés. on nous objecte
qu'il faudra, à l'avenir, utiliser l'artillerie lourde pour
procéder aux aménagements urgents nécessités, par
exemple, par les difficultés d'ordre économique, au risque ainsi
de dégrader le climat à la table des négociations. qu'il
nous soit permis, à ce moment-ci, de nous demander si une modification
unilatérale des conditions de travail pourrait avoir un impact moins
sérieux sur le déroulement des négociations. si l'on doit
en croire le modèle retenu dans plusieurs provinces canadiennes et par
près de 50 % des signataires de conventions collectives au
québec, la réponse à la question serait
négative.
Voilà donc, en grands traits, ce que je retire de la consultation
que nous venons de mener. J'assure nos invités et j'en profite
pour les remercier à nouveau de leur collaboration, de même que
les membres de cette commission que je saurai tenir compte de leurs
commentaires dans l'élaboration du projet qui servira à
l'étude article par article, lors de la reprise des travaux. Et je
profite également de l'occasion pour remercier nos collègues,
notre personnel du ministère qui a bien voulu participer: M.
Archambault, qui est l'attaché politique, de même que M. Vachon,
M. Latour, M. Des Trois Maisons, Mme Malo, qui est sous-ministre en titre.
J'aimerais aussi dire, pour répondre à mon collègue
de Drummondville, que ce qui est bien important, c'est qu'un gouvernement doit,
quand il est élu moi, je fais partie d'un gouvernement du premier
ministre Daniel Johnson agir. Lorsqu'on est élus, lorsqu'on a des
décisions à prendre, il faut les prendre, dans
l'intérêt de la population. On n'est pas là pour favoriser
une partie syndicale ou une partie patronale. On légifère pour le
bien collectif, le bien communautaire, et non pas pour des parties. Donc, en ce
qui me concerne, il n'est pas question de mettre ça sur la tablette.
Nous allons agir; on va analyser tout ça, on va revenir, et on va faire
en sorte de collaborer et de travailler ensemble. Merci beaucoup, M. le
Président.
Le Président (M. Williams): Merci, M. le ministre de
l'Emploi pour vos remarques finales. La commission, ayant terminé ses
consultations, j'ajourne la commission sine die. Merci beaucoup.
(Fin de la séance à 20 h 28)