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(Dix heures neuf minutes)
Le Président (M. Joly): Bonjour. Il me fait plaisir de
vous accueillir à cette commission. Je vous rappelle que le mandat de
cette commission est de procéder à des consultations
particulières dans le cadre de l'étude détaillée du
projet de loi 116, Loi modifiant le Code du travail. Mme la secrétaire,
avons-nous des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Hovington
(Matane) remplace M. Bordeleau (TAcadie); M. Benoit (Orford) remplace Mme
Dionne (Kamouraska-Témiscouata); M. Williams (Nelligan) remplace M.
Gobé (LaFontaine); M. Ménard (Laval-des-Rapides) remplace M.
Blais (Masson), et M. Dufour (Jonquière) remplace M. Claveau (Ungava).
(10 h 10)
Le Président (M. Joly): Je vous remercie beaucoup, Mme la
secrétaire. Pour le bénéfice de tous et de toutes, je vous
fais lecture de l'ordre du jour qui nous amènera, dans quelques minutes,
à recevoir les remarques préliminaires. Et, selon l'ordre de la
Chambre, chacun des porte-parole du dossier aura 20 minutes pour s'exprimer
dans le cadre de ces remarques préliminaires.
Nous entendrons l'Association des manufacturiers canadiens, division du
Québec, tel que dit dans l'ordre de la Chambre. Mais je crois comprendre
que c'est l'Association des manufacturiers du Québec, pour être
plus précis. Et, par après, nous entendrons la
Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec,
pour ensuite ajourner à 13 heures.
Alors, M. le ministre, je vous cède le droit de parole. Vous avez
jusqu'à 20 minutes pour nous livrer vos remarques préliminaires.
S'il vous plaît.
Remarques préliminaires M. Serge Marcil
M. Marcil: Merci beaucoup, M. le Président. D'abord, le 25
novembre dernier, l'Assemblée nationale adoptait le principe du projet
de loi 116, Loi modifiant le Code du travail. Le calendrier des travaux ne nous
a pas permis d'aller plus avant dans l'étude de ce projet, avant la
suspension de décembre. Le projet ayant suscité certaines
réactions, tant du côté patronal que du côté
syndical, il m'est apparu opportun que, notamment, des représentants de
ces deux groupes puissent être entendus par cette commission. Cela
devrait nous permettre de mieux juger de l'adéquation entre les
objectifs à la base du projet et les besoins des partenaires auxquels il
entend notamment répondre, et de l'opportunité d'y apporter des
ajustements.
Avant d'entendre nos invités, vous me permettrez toutefois, M. le
Président, de rappeler les objectifs et le contenu de ce projet de loi.
Le projet de loi intitulé Loi modifiant le Code du travail
présente diverses modifications à cette importante pièce
législative qu'est le Code du travail. Les objectifs du gouvernement
sont clairs: il s'agit d'apporter au Code les modifications pour tenir compte
notamment de l'évolution des rapports des partenaires patronaux et
syndicaux, de faire disparaître certaines dispositions qui sont source de
tracasseries et, finalement, d'apporter des correctifs pour tenu-compte de
difficultés rencontrées dans l'application de cette loi, en plus
de favoriser une plus grande efficacité de fonctionnement du Bureau du
commissaire général du travail et du Tribunal du travail.
Depuis son adoption en 1964, le Code du travail a toujours su s'adapter
à l'évolution des rapports entre les parties aux relations du
travail. En certains moments, il a même précédé
cette évolution, malgré toute la difficulté que pose un
tel exercice, lorsque l'on a affaire à une loi visant à
équilibrer le rapport de force de deux groupes aux intérêts
trop souvent perçus comme opposés.
Le besoin actuellement pressenti d'adapter cette importante pièce
législative pour mieux faire face au défi d'une économie
ouverte survient dans un contexte et dans un climat bien différents.
D'une part, les partenaires aux rapports de travail, de parties qu'ils
étaient, doivent disposer des outils nécessaires en termes
d'assouplissement de la législation pour leur permettre d'atteindre les
objectifs communs qu'ils se sont fixés. D'autre part, l'État tend
à diminuer le plus possible sa présence de même que les
contraintes de source législative ou réglementaire qui s'imposent
aux divers acteurs du monde du travail.
J'aborderai donc la présentation de ce projet de loi en trois
temps. Dans un premier temps, je m'attarderai aux mesures dites
d'assouplissement, puis j'aborderai les mesures qui visent à faire
disparaître des contraintes imposées aux partenaires du travail
et, enfin, les mesures purement correctives.
Lorsqu'on parle des mesures d'assouplissement, il s'agit ici de mesures
qui, sans faire table rase de la structure ou du cadre de fonctionnement que
nous nous sommes donné, il y a plusieurs décennies, s'inscrivent
dans une perspective d'amélioration continue du Code. La
première, et certainement la plus importante, concerne le
déplafonnement de la durée des conventions collectives. Il s'agit
ici d'adapter la loi à la nouvelle forme que prend la négociation
collective par la conclusion d'ententes de partenariat à plus long terme
que le maximum actuellement prévu de trois ans.
On nous dira que des ententes se concluent, actuellement, pour
des durées bien supérieures. Les parties
tentent, tant bien que mal, de contourner la prohibition
édictée par le Code. Si elles y parviennent, et c'est ce qui me
préoccupe le plus, de tels accords sont susceptibles de soulever des
interrogations sur leur valeur au-delà de la troisième
année d'application. Quand on sait ce que représentent, de part
et d'autre, les concessions nécessaires à la signature d'un tel
contrat, on saisit mieux l'importance de lui assurer une certaine forme de
protection, contre les tiers en particulier. Vis-à-vis de ces derniers,
en effet, le Code actuel fait en sorte qu'un contrat de plus de trois ans,
à tout le moins quant à cet excédent, est
présumé inexistant. Le remplacement de l'interlocuteur syndical
maraudage est dès lors possible, vers la fin de la
troisième année, et, si l'accréditation a
été accordée au syndicat maraudeur, celui-ci pourrait, en
droit, réclamer une nouvelle négociation. Il en va tout autant
s'il y a substitution d'employeur à la direction de l'entreprise.
En effet, les règles relatives à la transmission
d'entreprise prévues au Code ne sauraient avoir pour conséquence
de lier le nouveau propriétaire employeur aux termes d'un contrat vieux
de plus de trois ans. De tels flottements, générés par les
règles du Code du travail, suscitent la méfiance de partenaires
pourtant désireux de s'engager dans la négociation et la
conclusion d'une convention collective de plus longue durée. Il devient
donc impossible pour eux de répondre aux besoins de stabilité et
de modernité de leurs rapports que commande pourtant l'environnement
économique actuel. La modification proposée devra leur permettre
de franchir un pas de plus en ce sens.
D'autres mesures proposées gravitent en périphérie
de celles qui concernent la durée, en raison, principalement, de
l'importance qu'accorde le Code, à plusieurs fins, à la date
d'expiration de la convention collective, notamment en ce qui concerne le
changement d'interlocuteur syndical. De plus, à n'en pas douter, la
négociation de contrats à long terme nécessitera davantage
de temps et d'énergie. Certaines règles doivent donc être
aménagées en conséquence.
Ainsi, tout en conservant le statut quo pour les conventions de trois
ans et moins, un amendement à l'article 22, paragraphe d du Code,
l'article 2 du projet, propose de devancer la période de changement
d'allégeance syndicale prévue avant l'échéance de
la convention collective pour les conventions de plus de trois ans.
Il est proposé de fixer cette période du 180e jour au 150e
jour précédant l'expiration ou le renouvellement de ladite
convention. De la sorte, on désynchronise la période de maraudage
syndicale du processus de négociation en vue du renouvellement de
l'entente, processus qui peut s'amorcer, quant à lui, le 90e jour avant
son expiration.
De plus, afin d'assurer un juste équilibre entre la
stabilité des interlocuteurs et le droit des salariés de choisir
le représentant de leur choix, il est proposé d'ajouter, à
cette période de changement d'allégeance, la possibilité
de périodes intercalaires.
La première période intercalaire pourrait se situer du
180e jour au 150e jour précédant le sixième anniversaire
de la convention et précédant, par la suite, chaque
deuxième anniversaire. Cela signifie une garantie de stabilité de
l'interlocuteur syndical pour une période minimale de cinq ans et demi
et la possibilité, pour un groupe de salariés, de changer
d'allégeance syndicale à compter de ce moment, en assurant, par
ailleurs, qu'il ne pourra y avoir deux maraudages dans une période de 12
mois.
Il y a lieu, à ce moment-ci, M. le Président, de
préciser que la règle voulant qu'une association de
salariés qui en remplace une autre puisse dénoncer la convention
collective est maintenue, à l'article 61. C'est dire qu'un maraudeur
victorieux, peu importe la durée restante du contrat collectif, pourra
réclamer sa renégociation.
De plus, dans la perspective d'assurer un climat stable entre les
partenaires qui entreprennent une négociation forcément plus
longue, portant sur un contrat à long terme, le projet prévoit
allonger la période minimale de protection des conditions de travail
contenues à la convention collective expirée.
Actuellement, en vertu de l'article 59 du Code, cette protection ne vaut
que jusqu'à l'acquisition du droit au lock-out. L'amendement
prévu à l'article 12 du projet de loi suggère le maintient
obligatoire des conditions de travail négociées jusqu'à
l'exercice effectif de moyens de pression.
Finalement, sur ce premier volet de ma présentation, je souligne
qu'une disposition transitoire, à l'article 35 du projet, valide, quant
à leur durée, les quelques conventions collectives conclues pour
un terme supérieur à l'actuel plafond de trois ans. (10 h 20)
Mesures visant à faire disparaître les contraintes aux
partenaires ou les pratiques qui alourdissent inutilement le fonctionnement de
l'État. Sous prétexte d'assurer une certaine
sécurité juridique aux partenaires ou, parfois, en sa
qualité de gardien de saines relations de travail, l'État s'est
trop souvent transformé en récipiendaire d'avis ou de documents
de toutes sortes. Conscient qu'en certains cas le bénéfice
retiré n'est pas proportionnel aux obligations qu'impose le Code aux
partenaires, le projet suggère qu'on abolisse l'obligation, pour le
syndicat, d'aviser le ministre du Travail de l'obtention d'un mandat de
grève et celle, pour l'un ou l'autre des partenaires, de lui transmettre
une copie de l'avis de négociation. Dans ce dernier cas, des
modifications de concordance sont bien sûr apportées pour qu'on
continue de pouvoir déterminer le moment où débute
officiellement la phase de négociation et celui où l'on pourra
légalement exercer des moyens de pression.
De plus, la même philosophie préside à la
suggestion, à l'article 14 du projet, de réduire le nombre de
copies de conventions collectives à déposer au
ministère.
Par ailleurs, le ministère du Travail est, par sa mission, un
ministère d'intervention. Or, il est des circonstances où cette
intervention n'a plus sa raison d'être, soit parce qu'elle est de peu
d'utilité et engendre
des délais supplémentaires ou, encore, qu'elle en
augmente, sans grands bénéfices, les coûts de
fonctionnement de l'État. Le projet propose donc en conséquence
de ne plus rendre obligatoire l'enquête dans le cadre d'une plainte d'un
salarié alléguant que son syndicat l'a mal
représenté. Il propose également la suppression du pouvoir
du commissaire général du travail de requérir du Tribunal
du travail une ordonnance visant à forcer un arbitre de griefs à
rendre, déposer ou transmettre sa sentence aux parties, dont les parties
disposent déjà elles-mêmes.
La suppression de la fonction de greffier en arbitrage de
différends, assumée par le ministère, s'inscrit, quant
à elle, dans la foulée de sa disparition lors de l'arbitrage d'un
grief, là où les parties en assument les coûts.
Au niveau des mesures correctives, le projet de loi propose des
modifications correspondant à des besoins qui nous ont été
exprimés d'apporter un certain nombre de correctifs. Le projet
suggère l'abolition de l'étape pour permission d'appeler au
Tribunal. On procédera au fond de l'affaire dès la
première journée d'audition au lieu, comme maintenant, de
procéder en deux temps, ce qui, trop souvent, nécessiterait deux
audiences séparées de quelques semaines. Les délais
devraient donc être écourtés d'autant et le Tribunal pourra
toutefois, en vertu de l'article 30 du projet, rejeter un appel qu'il juge
abusif ou dilatoire.
Par ailleurs, il nous a été signalé des situations
où des droits étaient perdus faute d'avoir respecté les
délais prescrits pour se pourvoir en appel devant ce Tribunal. Or, peu
importe que le requérant ait des motifs valables pour justifier son
retard, la Cour d'appel a jugé que le Tribunal du travail n'avait pas
l'autorité de proroger le délai. Nous proposons donc de lui
conférer spécifiquement ce pouvoir.
Il est de plus proposé de fixer un délai maximum de 30
jours, de la date de la réception de la déclaration d'appel pour
la tenue de la première audition, et un autre de 90 jours pour le
délibéré.
En ce qui concerne le maintien des services essentiels, deux choses ont
retenu notre attention. D'abord, la définition d'un service public et
les conséquences de la décision syndicale de ne pas exercer ou
d'interrompre prématurément la grève.
Nous proposons une nouvelle définition qui permet, en
matière de dispositions des déchets, de reconnaître, en
qualité de service public pouvant donc être soumises à
l'obligation de maintien des services essentiels, des entreprises qui
mènent diverses opérations en regard des déchets qui sont
susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la
salubrité. De plus, pour contrer une certaine pratique, nous
suggérons d'introduire l'obligation, pour un syndicat, d'aviser de son
intention de ne pas recourir à la grève ou d'y mettre
prématurément fin. L'employeur du service public concerné
disposera alors d'un délai maximum de quatre heures pour permettre le
retour au travail. Pendant ce délai de quatre heures, il s'agit d'un
service public assujetti par décret au maintien des services essentiels.
Ceux-ci devront être maintenus.
Parlant maintenant des pouvoirs dont dispose un commissaire du travail,
il en est un qui, au moment, par exemple, où un syndicat tente
d'être accrédité à la place d'un autre, permet
d'éviter que ne se conclue une convention collective entre le syndicat
en place et l'employeur ou que ne s'écoulent les délais
préalables à l'exercice des droits de grève et de
lock-out. L'objectif visé est d'éviter que des énergies et
du temps soient investis dans une négociation en pure perte, où
le maraudeur serait accrédité, ou qu'un conflit de travail
n'éclate sur des enjeux qui ne soient pas partagés par le
syndicat en instance d'accréditation. Le commissaire du travail ne
dispose toutefois de ce pouvoir que lorsqu'il est saisi d'une requête en
accréditation, en révision ou en révocation de
l'accréditation. Il apparaît souhaitable que ce pouvoir puisse
aussi être exercé par un commissaire saisi d'une requête en
vertu de l'article 46 qui concerne la transmission d'entreprise.
Une autre modification est susceptible d'engendrer une diminution
significative des délais pour le justiciable et des coûts pour
l'ensemble des intéressés, y incluant l'État. Il s'agit de
permettre au commissaire général du travail de réunir
plusieurs affaires dans le cadre d'une audition commune. Ce pourrait être
le cas, par exemple, de plusieurs plaintes d'un même salarié qui
prétend que son employeur a contrevenu, en le congédiant,
à plus d'une loi. Bien que toutes adressées au bureau du
commissaire général du travail, ces plaintes doivent, dans
l'état actuel, être traitées séparément.
Finalement, à la fois dans un souci d'uniformité et
d'équité, je propose d'appliquer aux personnes appelées
comme témoins dans le cadre d'un dossier devant le BCGT, un arbitre de
différends ou le Tribunal du travail la même règle que
celle applicable en arbitrage de griefs, eu égard aux frais et
dépenses encourus.
Voilà, M. le Président, l'essentiel du projet de loi sur
lequel nous sollicitons les commentaires des groupes invités par cette
commission. J'espère que nos échanges seront l'occasion de
recueillir les suggestions des partenaires intéressés au premier
chef par cette réforme, afin de bonifier le projet dont nous ferons
ensuite l'étude article par article. Je veux réitérer
notre ouverture à apporter des ajustements au texte déposé
et, aussi, à considérer d'autres amendements au Code qui seraient
souhaités par les parties. Je vous remercie beaucoup.
Le Présidait (M. Joly): Merci, M. le ministre. Je vais
maintenant reconnaître M. le député de Jonquière,
l'actuel porte-parole en matière de travail.
M. Francis Dufour
M. Dufour: Oui, merci, M. le Président. C'est la
première occasion qu'on a, bien sûr, d'échanger avec le
nouveau ministre de l'Emploi et, d'entrée de jeu, je veux lui offrir mes
félicitations et lui souhaiter la meilleure des chances. Je veux aussi,
en même temps, le
mettre en garde vis-à-vis de la «pressitude» qu'il
pourrait être tenté d'avoir concernant la passation de lois qui
peuvent présenter certaines difficultés. Vous savez, des fois,
vouloir trop faire et trop rapidement peut présenter des
problèmes qui sont plus grands que les difficultés auxquelles on
a à faire face. (10 h 30)
On voit bien, aussi, que, dans les relations de travail dans l'industrie
de la construction, c'est plus complexe que l'idéologie libérale.
Je veux juste vous soumettre que le projet de loi 142, qui ne faisait pas
consensus, continue, sur le terrain, à faire problème et à
susciter des débats importants, des débats de
société. Et on n'a pas non plus, à partir de... C'est vrai
que la loi est jeune mais, à venir jusqu'à maintenant, je n'ai
pas vu d'effets bénéfiques, encore, sur le terrain. Ce qui veut
dire qu'une loi qui n'a pas de consensus et c'est une loi sociale,
ça important va représenter et continuera à faire
difficulté et à causer problème. Moi, je vous dis, il
s'agit de regarder qu'est-ce qui se passe sur le terrain pour s'en rendre
compte facilement. Et ce n'est pas sain pour la société. Sans
aller dans les détails, parce que je pense que, tous les détails
qui concernent le projet de loi, on est ici et on est bien ouverts à
écouter les intervenants qui pourront nous parler de ce qui pourrait
être changé, ou de ce qui est leur point de vue. Mais, quant
à ce qui concerne le cadre majeur ou le bloc majeur de ce projet, qui
est en fait d'allonger la période des conventions collectives,
là, il y a vraiment un problème majeur, à mon point de vue
et à la fin d'un mandat d'un gouvernement, ça me semble tard pour
vouloir changer tout ça rapidement. C'est vraiment un contexte qui est
difficile pour le faire et on part, pour moi, sur de mauvaises
prémisses, parce qu'il y a eu, dans les dernières années
ou dans les quelques dernières années, ce qu'on a appelé
un contrat social, contrat social qui a eu pour effet de changer les
règles du jeu et d'allonger les conventions collectives. Et, quand on
examine un peu plus en profondeur la façon dont ces conventions
collectives ont été allongées, ça a toujours
été en fonction de principes assez définis.
Contrat social, qu'on appelle de cette façon-là, mais,
moi, je pense que ce n'est pas un contrat social, c'est une question de survie
pour les entreprises. Et, si c'est social, ça va juste d'un
côté, pratiquement, puisque, à chaque place ou à
chaque endroit, les employés ont reculé, ont reculé pour
la peine. Vous allez me dire: Pour certaines raisons, oui, mais ce n'est pas
parce que ces reculs-là se font dans des circonstances très
particulières et très difficiles. Est-ce qu'on peut, à
partir d'une prémisse semblable, partir d'une loi particulière et
en faire des règles générales? Moi, j'ai des doutes un
peu.
Il y a certaines entreprises qui ont rencontré leurs
employés et qui ont demandé d'allonger la convention collective
en fonction de consolider les emplois et en fonction d'investissements majeurs.
Ça, on peut comprendre que ça peut se faire dans des
périodes difficiles. Mais, s'il n'y a pas de conditions
particulières, à quel titre, sur quel principe on peut allonger
des conventions collectives? Déjà, quand on regarde ce qui se
passe au point de vue du Tribunal du travail, quand on regarde au point de vue
des conventions internationales, on se rend facilement compte que les
conventions collectives, en principe, doivent avoir une durée d'un an.
Et, nous, on a accepté, par habitude et probablement pour un meilleur
fonctionnement, que les conventions collectives durent trois ans. Donc, par le
projet de loi qu'on a devant nous, on peut parler de cinq ans, sept ans, 10
ans, ce qui nous ramène, à mon point de vue, au temps des
seigneurs, où un contrat signé pouvait devenir un engagement
à vie. Moi, je ne pense pas que, actuellement, ça soit ça
qui soit recherché et qui devrait être recherché. Pour
celui et celle qui ont à vivre des conventions collectives, on se rend
compte facilement que la négociation collective d'une convention est le
lieu propice à apporter des améliorations tangibles et des
changements à leur convention et aussi à leur façon de
travailler, que ce soit pour améliorer la sécurité, pour
améliorer les conditions de travail. Et il n'y a pas seulement les
salaires qui sont en cause là-dedans. Il me semble que c'est le temps
propice pour le faire.
Si le projet de loi a pour effet d'allonger ces conventions, à ce
moment-là, de quelle façon les gens pourront améliorer
leurs conditions de travail? Moi, je vous dis qu'à partir de ce moment
il y a un danger. Il y a un danger important, et ça va amener certains
problèmes. On voit bien que l'employeur a toutes les cartes de son
côté pour allonger les conventions collectives. Les gens,
actuellement, dans un temps difficile, n'ont qu'une préoccupation, c'est
de conserver leur emploi. Et, pour conserver leur emploi, ils sont prêts
à faire de grandes concessions, dont celle d'allonger les conventions
collectives. Je comprends que l'intérêt du patron,
là-dedans... c'est sûr que, s'il a juste à négocier
des salaires à tous les cinq ans, sept ans, dix ans, ce n'est pas trop,
trop de problèmes et la paix sociale peut sembler être
gagnée. Mais, ça, c'est le miroir aux alouettes. Ça peut
nous faire accroire que la paix sociale est gagnée, mais elle ne le sera
jamais de cette façon-là. Si ce projet de loi est adopté,
c'est annonciateur de problèmes sociaux qui vont se soulever. Parce que,
au moment où l'économie va s'améliorer, vous allez voir
que les contrats sociaux vont prendre la débarque.
Je veux juste prendre pour acquis ce qui s'est fait... Il y en a eu, des
contrats sociaux de signés. Le Journal de Montréal est un
exemple, et le contrat social n'a pas duré. Saint-Augustin, ici, Alcan,
il y a eu un contrat social. Saint-Augustin n'existe plus, il est rendu dans la
région de Shawinigan. Donc, contrat social, est-ce qu'on peut laisser
les parties arriver à une situation telle où le
législateur permet qu'il y ait des changements majeurs qui se fassent
sans qu'on s'assure qu'il y ait une contrepartie? Moi, je crois à un
contrat social lorsqu'il est négocié de bonne foi entre les
parties, lorsqu'elles sont vigoureuses. Pas des parties qui une est à la
recherche du profit, puis l'autre, elle est à la recherche de sauver son
emploi. Ce qu'on nous propose, à mon point de vue, par ce projet de loi,
dans la partie où
on veut rallonger la convention collective, ça ressemble,
à mon point de vue, à une vente de feu. Il y a une partie qui,
effectivement, est en déroute. Au point de vue syndical, actuellement,
les syndiqués, si vous avez parlé avec eux, il n'y a pas beaucoup
de force des syndicats. Si on regarde, l'autre est à la recherche d'un
profit. Et celles qui le font actuellement, c'est un profit, mais il y en a qui
sont en bonne santé et qui veulent continuer à profiter des
circonstances pour encore améliorer plus sur le principe de
l'efficacité.
Je veux juste vous dire que, actuellement, si on regarde ce qui se passe
sur le terrain, il y a une flambée des conflits de travail qui sont
déclenchés par les employeurs. On n'invente pas ça,
là. Actuellement, l'employeur profite des circonstances et
décrète des lock-out, qui, normalement, sont un instrument pour
aller contre la grève, et, là, ce n'est plus de cette
façon-là qu'on le fait. Donc, les employeurs profitent de ce
temps-ci pour décréter des lock-out contre les syndiqués,
qui sont terrorisés devant l'idée de perdre leur emploi. Et
ça, c'est François Berger de La Presse. Je tire ça de La
Presse du 2 mars 1994. Et, de plus en plus, on est rendu à faire ces
lock-out-là. Puis ce n'est pas toujours, bien sûr, des entreprises
qui sont à moitié mortes. Je veux juste vous donner qu'il y a des
entreprises là-dedans qui ont même des bilans remarquables au
point de vue financier. Vous avez regardé ce qui se fait à la
compagnie Labatt. À ce que je sache, ce n'était pas une
entreprise en faillite. Bon. Donc, ce n'est pas la même chose. Il faut
qu'on soit, au moins... qu'on puisse regarder pourquoi on le fait. Il y a
d'autres éléments dans les conventions collectives qu'on devrait
être tenté d'améliorer qui sont autres que
ceux-là.
Il y a des questions, bien sûr, de liberté syndicale. Le
ministre y a fait allusion tout à l'heure. Les libertés
syndicales font que les gens ont le droit de choisir leur syndicat. Et on peut
admettre que, pour certaines circonstances, les syndicats pourraient être
tentés de vouloir avoir des conventions collectives plus grandes pour
qu'il n'y ait pas de maraudage qui se fasse. Mais, encore là, qu'est-ce
qu'on fait de l'employé comme tel? Il n'y a pas juste le syndicat puis
l'employeur qui sont en cause actuellement. Moi, je dis: II y a les
syndiqués qui sont en cause. Il ne faut pas faire le travail des
corporations. On ne peut pas tomber dans le corporatisme pur et dur.
Actuellement, le législateur a un rôle de responsabilité
assez grand, puisqu'il doit s'occuper de ce que l'employé, lui, va
ressentir à travers tout ça. Je ne suis pas prêt à
accepter, demain matin, que, par une loi, on asservisse l'employé, par
une convention collective, à un employeur pour le restant de ses jours.
Je pense qu'il y a des façons de contrer les problèmes qui nous
confrontent. J'accepte et j'admets, d'entrée de jeu, qu'il y a des
conventions collectives qui ont été signées, actuellement,
qui n'ont pas d'assise juridique. Il est possible de leur en donner une, ces
conventions collectives là. (10 h 40)
Quant à ce qui concerne les conventions collectives qui
pourraient avoir des durées de vie plus longues, on devrait
réexaminer, de façon sérieuse, la possibilité de
permettre, justement, l'allongement de conventions collectives, mais dans des
conditions très particulières, avec des balises très
pointues, qui puissent, en fait, permettre d'allonger une convention collective
dans des conditions très particulières. Et ça, ça
me semble le rôle du législateur. Si on prend des cas particuliers
et on en fait une loi générale, moi, je ne peux pas entrer
là-dedans. Si on regarde sur le terrain pour des conditions
particulières et on peut en nommer c'est évident
que, si une entreprise, dans un cas donné, veut faire des
investissements importants, il est possible, à ce moment-là,
d'allonger la convention collective. Parce que, si on veut s'assurer que les
investisseurs puissent avoir un retour sur l'investissement correct et si on
veut s'assurer d'une paix relative pendant un nombre d'années
données, ça, ça me semble d'une importance correcte, mais
à la condition que ce soit du cas par cas.
Il faut le faire au cas par cas. Il n'est pas question de donner
ça à tout le monde. Ce n'est pas vrai. Ce n'est pas dans une
condition où le patron est en état de force et le
syndiqué, lui, il est presque écrasé qu'on va permettre de
dire: Bien, on va rallonger toutes les conventions collectives. C'est trop
facile de jeter ça pardessus bord et de dire: II n'y a plus rien
à faire. Je dis que, de ce côté-là, il y a
peut-être des façons de faire. C'est pour consolider les emplois.
Malgré que, ne nous faisons pas d'illusions, là, même si on
signait les plus beaux contrats possible, il faut que la compagnie soit en vie
pour pouvoir faire ça. Même si vous avez signé le meilleur
contrat... Hyundai a signé des contrats, puis il y a des changements qui
se produisent. Même si on s'assure, autrement dit, que, toujours et
à jamais, ça va se passer comme ça, ce n'est pas ce qui
arrive dans la réalité. Donc, s'il y a des changements qui
peuvent se faire, on pourrait, dans des cas particuliers... Et ça me
semble que le ministre pourrait, à ce moment-ci, accepter qu'on puisse
examiner non seulement le projet de loi et qu'on fasse juste écouter les
gens qui vont venir nous donner leur point de vue, mais il faut que ces points
de vue là soient écoutés. Moi, j'ai vu beaucoup de
commissions parlementaires, à venir jusqu'à maintenant, où
il y a des intervenants qui viennent nous dire des choses, mais, quand on
regarde la réalité, on ne s'en est pas occupés, pas
préoccupés.
Je vais plus loin que ça. Dans la loi 142, on a même fait
un sommet: on n'en a pas tenu compte. Moi, je ne voudrais pas que, cette
commission parlementaire qui vient de s'entreprendre, on vienne écouter
les gens et qu'il n'y ait rien à changer. Moi, je vous dis: On veut
garder la paix sociale. On est en fin de mandat d'un gouvernement. On dit: On
est prêt à collaborer à ce que la loi soit faite correcte
pour tout le monde, qu'elle puisse s'adopter. On dit: II y a une question de
fond qui nous préoccupe, et c'est celle-ci: c'est vraiment l'allongement
des conventions collectives.
On n'est pas les seuls à tenir ce discours-là. Il y a des
professeurs, il y a des gens, des spécialistes en relations de travail
qui disent que ça ne devrait pas se
faire. Et pourquoi on ne doit pas le faire? Pour des raisons... autant
pour des conventions qu'on a signées internationalement... Québec
est partie prenante de ces conventions-là où on dit: On ne veut
pas les rallonger. Nous, on dit: Dans certaines circonstances, oui, on pourrait
le faire. Ça, c'est au ministre à regarder de quelle façon
il pourrait accepter que ce soit allongé. Nous, on n'est pas allergiques
à 100 %, là. On n'est pas déconnectés de la
réalité. On sait qu'il se produit des problèmes, mais on
sait que ce n'est pas éternel, les difficultés. Il y a
déjà eu des crises avant aujourd'hui et il y en aura probablement
d'autres après aujourd'hui, mais, moi, j'aime mieux qu'on soit dans une
période où on peut avoir un peu d'espoir que de dire: On a
jeté la garde et il n'y a plus rien à faire. Ce sera toujours
comme ça à l'avenir. Donc, ça, moi, je ne pense pas
qu'on... Puis, là, on sera obligé de rebâtir un climat
social et on pourra rebâtir un vrai contrat social, parce que, comme je
l'ai dit, ce n'est pas un contrat social qu'on s'apprête à faire.
Ce n'est pas un contrat social qu'on est en train de faire, parce qu'il y a...
En fait, c'est vraiment ça et tout le monde corrobore ce que je
dis là c'est qu'il y a des difficultés qu'on va
rencontrer.
Donc, pour la suite des choses, bien sûr, et pour conclure, je
voudrais rappeler que, des fois, on est mieux d'avancer à petits pas que
de vouloir aller trop vite, parce qu'il y a des changements profonds, surtout
en convention de travail. Je n'ai pas une expérience très grande.
Je peux vous dire, par exemple, que j'ai été syndiqué,
j'ai été représentant syndical pendant de nombreuses
années, et même avec des compagnies importantes, où les
temps étaient propices à des investissements; s'il n'y avait pas
eu des syndicats de temps en temps pour rappeler à l'employeur qu'il y
avait des améliorations à apporter dans les conditions de
travail, dans la santé et la sécurité, pas parce que les
patrons n'étaient pas conscients des problèmes qui existaient,
mais, s'il n'y avait pas eu de syndicats pour être plus revendicateurs et
exiger, bien, je vous dis que les conditions et la santé et la
sécurité ne seraient pas rendues où c'est là. Donc,
on ne devrait pas permettre... Parce qu'il y a un temps difficile, on devrait
peut-être permettre qu'il y ait des accommodements, des changements, mais
ne pas en faire une règle, ne pas profiter d'un temps où
ça va mal pour qu'une partie devienne plus forte que l'autre.
Notre rôle, c'est de garder un équilibre qui
était si cher au premier ministre qui vient de céder son poste,
il a toujours parlé d'équilibre. Bien, moi, je vous dis qu'en
relations sociales, en relations de travail l'équilibre, c'est
drôlement important. C'est plus important que l'économique, parce
que, là, on parle d'humains, on parle d'individus, on parle de rapports
de force. Et, à mes yeux, ce projet de loi, qui apporte certaines
bonifications dans certains domaines, on n'a pas d'objections majeures, si ce
n'est qu'on est prêts à écouter les intervenants et ce
qu'ils auront à nous dire, mais, dans un endroit précis où
on parle d'allonger les conventions collectives d'une façon très
grande et trop rapide, et sans aucune balise, à ce moment-ci, je
dis:
Notre position, ce sera de combattre le projet de loi, surtout dans
cette partie. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Joly): Merci beaucoup, M. le
député de Jonquière. M. le député de
Drummond, s'il vous plaît.
M. Jean-Guy St-Roch
M. St-Roch: Oui, merci, M. le Président. M. le
Président, d'entrée de jeu, j'aimerais souhaiter la bienvenue
à notre collègue, le ministre responsable de l'Emploi, qui
siège à cette commission, et j'espère qu'on pourra, dans
les mois qui restent, aborder cette grande problématique de l'emploi et,
surtout, du monde du travail avec la plus grande ouverture d'esprit.
M. le Président, d'entrée de jeu, je vous dirai que
j'aborde ce projet de loi là avec d'extrêmes réserves.
Lorsque je regarde le but d'un projet de loi, un législateur ne devrait
pas parler pour rien. Un législateur est là pour faire des lois
qui vont établir une crédibilité, et qui vont
dégager une perspective d'avenir, et, surtout, qui vont protéger
les plus faibles maillons de sa société et non défendre le
corporatisme.
M. le Président, lorsque je regarde ce projet de loi, moi,
qu'est-ce qui est la pièce maîtresse? C'est le
déplafonnement de la durée des conventions collectives. Quel but
recherche-t-on? Je me suis amusé, M. le Président, à
regarder les statistiques. Est-ce qu'il y a une paix sociale menacée au
niveau des relations de travail ici, au Québec? Quand on regarde la
période de 1989 à 1993, on est obligé de conclure qu'on a
une des périodes où la paix ouvrière a été
des plus longues et des plus fructueuses, M. le Président, parce que, en
1992, à 158 arrêts de conflits majeurs soit par grève ou
lock-out, ou, en 1989, 244, qui était la plus élevée, on
voit que le nombre de grèves, le nombre de jours et le nombre de
conflits sérieux sont en décroissance remarquable.
On nous vend, M. le Président, un projet de loi en disant: Bien,
c'est pour assurer la stabilité de l'emploi et attirer de
l'investissement. Un rapport de l'OCDE nous apprend que, lorsqu'un investisseur
majeur veut investir dans un pays, bien, les conventions collectives, dans 67 %
des cas, ne sont pas la raison d'être. Ce qu'un investisseur recherche,
c'est la disponibilité des marchés, dans 67 % des cas, et les
conventions collectives reviennent simplement dans le dernier attrait, et on va
regarder, à ce moment-là, M. le Président, en tant
qu'investisseur, le nombre de conflits majeurs et le climat ouvrier.
M. le Président, lorsque je regarde et pour avoir fait un
peu, en tant que dirigeant, des relations de travail un contrat de
travail et le Code du travail devraient être basés pour faciliter
et accroître l'intégrité, la transparence, la
sincérité et le partenariat. C'est ça qui va faire qu'on
va avoir une paix industrielle. C'est ça qui va faire qu'on va avoir des
conventions collectives qui, d'année en année, vont se
renouveler. Ce n'est pas en allongeant la durée des conventions de
travail.
Et j'aimerais rappeler, M. le Président, à mes
collègues que j'ai, côté patronal, vécu la
période du milieu des années soixante-dix. J'ai
négocié de bonne foi avec la partie syndicale, en 1973, une
convention de travail, M. le Président, d'une durée de trois ans,
qui était le maximum, comme l'ensemble de mes collègues
côté patronal et côté, aussi, syndical, de cette
période. Mais, lorsqu'on regarde cette période, à partir
de 1973, où on a eu des inflations de 7,8 %, 10,8 % en 1974, et 1975 la
même chose, M. le Président, c'est arrivé, des deux
côtés, avoir manqué, à cause des conditions
économiques complètement hors de contrôle des travailleurs
et des patrons, avec des grèves illégales pour être capable
de revendiquer des ajouts de travail... Ça, M. le Président,
ça a fait un climat ouvrier ici, au Québec. Et étant,
à ce moment-là, le porte-parole d'une multinationale, j'ai
été obligé d'aller défendre que la
sécurité d'emploi, que le contrat social, au Québec, ce
n'étaient pas les travailleurs qui étaient en cause. Ça,
ça va perturber.
Alors, lorsque je vois un projet de loi qui nous amène comme seul
fondement le déplafonnement tous azimuts des conventions collectives,
mon collègue de Jonquière l'a souligné tout à
l'heure, on n'est pas à la merci, M. le Président, de voir dans
le futur les mêmes conditions qui sont hors de contrôle des
législateurs. Mais un législateur ne doit pas parler pour rien,
il doit prévenir ces cas-là. (10 h 50)
Mais ce qui m'intrigue encore davantage lorsque je vois un projet de loi
comme la loi 116, c'est de dire: Quelle est la logique, à ce moment-ci
où on est à l'orée d'une nouvelle consultation populaire,
qui force un gouvernement à aller ouvrir, sans qu'il y ait de demande
majeure de qui que ce soit? On verra les intervenants, tout à l'heure,
qui viendront assister ici. Quelle est la logique qui est poursuivie? Bien, M.
le Président, j'aurais espéré, moi, que le nouveau
ministre de l'Emploi nous annonce aujourd'hui qu'il suspendait le projet de loi
116 et qu'on commence une commission parlementaire avec les mêmes
intervenants, et élargie, pour regarder pour bâtir un vrai contrat
social au niveau des négociations. Parce qu'un bref rappel nous apprend,
M. le Président, que c'a peut-être commencé en
décembre 1992, lorsqu'on a forcé, contre toute attente, sous un
contexte de relance économique, par la Loi sur les heures d'affaires,
à ouvrir tous azimuts, à mettre en danger le droit d'association
et à précariser les emplois.
Non content de cette loi de 1992, on a récidivé en 1993
avec la loi 142. J'ai eu l'occasion, à maintes reprises, durant
l'étude de ce projet de loi, de dénoncer la loi 142 en disant que
cette loi-là n'était pas porteuse d'avenir, M. le
Président. Et je pense que les circonstances nous l'ont
prouvé.
On doit se méfier, M. le Président, en tant que
législateur, des gens qui vont nous faire accroire que ça, en
déplafonnant la durée des conventions collectives tous azimuts,
on va créer de l'emploi.
Décembre 1992, c'était hier. On est venu nous dire, ici,
qu'avec la loi 142 et le décloisonnement du secteur résidentiel,
on aurait une baisse sur le coût des maisons qui jouerait alentour de
3000 $. Regardez maintenant, M. le Président, on nous dit: Non, il n'y
aura pas de baisse des maisons. Pourtant, ça a été un des
arguments massue qui ont été utilisés par ceux qui sont
venus défendre la loi 142 du décloisonnement du côté
résidentiel. Alors, je vois la foulée, M. le Président, de
la loi 116 exactement dans cette même optique de décloisonner les
relations de travail, d'affaiblir des parties au profit du libéralisme,
mais à tout prix.
J'ajouterai, M. le Président, les questions dont je serai
à la recherche dans l'audition des témoins qui viendront ici
devant nous, et aussi dans la réplique de M. le ministre, parce qu'il
n'a pas de réplique lors des remarques préliminaires, mais il
aura le temps, au courant de la journée et demie qu'on aura
passée ensemble, de nous répondre. M. le Président,
lorsque je regarde ce projet de loi, à l'article 26, si c'est une loi
qui est tellement valable pour le secteur privé, qui est tellement
porteuse d'avenir, pourquoi il soustrait son gouvernement et la fonction
publique, par l'article 26, de l'application des conventions collectives
allongées?
Un autre danger de cette loi-là, M. le Président, et Dieu
sait qu'il faut connaître un peu le milieu du travail au Québec
pour s'apercevoir qu'un des grands dangers à ouvrir et à
déplafonner tous azimuts, c'est dans le cas des premières
conventions collectives. Moi, ça ne m'inquiète pas lorsque je
vois des travailleurs représentés par des grandes centrales
syndicales. Elles ont les moyens, elles ont les recours, elles ont l'expertise,
elles ont le professionnalisme pour défendre leurs membres. Mais il faut
se rappeler, aussi, qu'il y a ce qu'on appelle les fameux syndicats
indépendants ou les syndicats de boutique, M. le Président. On
sait, lorsqu'on regarde dans le passé, qu'il y a eu beaucoup d'abus,
pour ne pas dire le moindre, dans ces champs d'activité. Alors, il est
possible d'imaginer une convention collective, une première convention
collective signée, où on dépasserait les trois ans et qui
ne serait pas au profit des travailleurs et des travailleuses. Alors, M. le
Président, ce projet de loi protège peut-être, à
certains égards, le corporatisme, mais ce n'est pas le rôle du
législateur de le faire.
Ceci étant dit, M. le Président, je serai à
l'écoute de ceux et celles qui viendront présenter leur
mémoire. Je serai à la recherche d'un vrai contrat social et
j'ose espérer que, quelque part, M. le ministre nous annoncera que, dans
un vrai partenariat, dans un vrai développement d'un nouveau Code du
travail... Et vous aviez raison, M. le ministre, de souligner que, dans le
passé, le Code du travail a été, à bien des
égards, avant son temps, qu'il a été un chef de file,
qu'il a été quelque chose qui a amélioré les
conventions collectives et qui a amélioré aussi la paix sociale
dans le milieu industriel.
J'aurais espéré, moi, qu'au lieu d'avoir une commission
parlementaire sur le projet de loi 116 on puisse
s'asseoir ici, en tant que parlementaires, et dire: Est-ce qu'il ne
serait pas possible, maintenant, de s'asseoir le gouvernement, partie
syndicale et partie patronale autour d'une table, une table de
consultation, une table qui serait capable de donner les grandes orientations
au niveau des conditions de travail, au niveau des conditions
économiques, être capable de développer cette
table-là avec des modèles qui existent, M. le Président?
On n'est pas obligé de réinventer les boutons à quatre
trous, on a juste à regarder le modèle qui se suit
présentement en Autriche ou en Allemagne, où les trois parties,
avec une présidence qui est alternative à toutes les
années, établissent les grands modèles de la
collectivité au niveau des contrats sociaux qui devraient se
dégager, au niveau des pourcentages d'augmentation de salaire qu'on
devrait avoir. Ça, ça aurait été de bâtir un
vrai contrat social. Parce qu'à l'heure actuelle, M. le
Président, si on applique, en tant que législateur, le projet de
loi 116 et en soustrayant de ce projet de loi là tout ce qui est
fonction publique, on aura, dans le temps, un dépha-sement entre le
secteur privé et le secteur public et on le voit
déjà poindre à l'horizon où, au lieu de
créer un harmonie toute à l'heure, on aura un
débalancement au niveau du climat de travail. Et ce n'est pas une loi,
M. le Président, lorsqu'elle n'est pas porteuse d'avenir, qui va faire
que les citoyens et les citoyennes vont la respecter. Et je vous ai
donné comme exemple la période du milieu des années
soixante-dix. On avait des conventions collectives qui étaient des
contrats qui avaient été signés de bonne foi, et les
circonstances ont fait en sorte qu'on a été obligé de les
briser pour être capable d'établir une certaine
équité.
Alors, à l'heure actuelle, M. le Président, je me dois de
vous indiquer que, cette partie-là du déplafonnement, je l'aborde
avec d'extrêmes réserves. Les paroles en présentation du
projet de loi par l'ex-ministre du Travail, M. le député de
Sainte-Anne, M. Cherry, et du ministre actuel ne m'ont pas convaincu que ce
projet de loi là, dans son déplafonnement, est une mesure
d'avenir, et j'espère qu'à l'audition de ceux et celles qui
viendront témoigner, et dans le questionnement que nous pourrons
échanger avec eux, qu'on pourra me convaincre, mais j'ai des doutes
sérieux, M. le Président. Je vous remercie.
Le Président (M. Joly): Je vous remercie beaucoup, M. le
député de Drummond. Compte tenu que nous sommes un petit peu en
avance sur notre horaire, je sais qu'il n'est pas de pratique courante, dans le
cadre des remarques préliminaires, de redonner la parole à M. le
ministre, mais vous avez soulevé des appréhensions, alors
j'imagine que, pour le bénéfice de tout le monde, si j'ai
l'accord des parlementaires, je suis prêt à permettre à M.
le ministre, en quelques minutes, de répondre à quelques-unes des
appréhensions, tant celles de M. le député de
Jonquière que de M. le député de Drummond. M. le ministre,
s'il vous plaît.
M. Serge Marcil
M. Marcil: Je ne veux pas revenir sur toutes les remarques que
mes collègues ont faites. C'est tout simplement pour demander aux
parlementaires qui participent à cette commission d'aborder, justement,
ces audiences dans un esprit ouvert, dans le sens que notre objectif, par le
projet de loi 116, c'est d'abord de responsabiliser les parties. C'est
ça, l'objectif premier. Ce n'est pas dans le but de signer des contrats
sociaux. Ce n'est pas l'objectif du tout de la loi 116.
Ensuite, ça s'appuie, justement, sur la maturité qu'on
retrouve présentement sur le marché du travail, qu'on retrouve au
niveau des parties. Autant au niveau des parties qui représentent les
employeurs que les parties qui représentent les travailleurs, il y a une
évolution qui s'est faite au niveau des mentalités, et on la sent
beaucoup.
Et ce qu'on fait, dans le fond, avec le projet de loi 116, on
déplafonne, on déplafonne. On ne déplafonne pas pour
obliger les gens à négocier des conventions collectives de six
ans, sept ans, huit ans, neuf ans. On permet à ceux et celles, aux
parties qui veulent négocier des conventions collectives d'une
année de le faire, de deux ans de le faire, de trois ans de le faire.
Mais sauf que ça ne se limite plus seulement à trois ans. S'ils
veulent en signer une de quatre ans, ils pourront le faire. S'ils veulent en
signer une de cinq ans, on leur permet de le faire, ce que le Code ne permet
pas présentement. C'est tout simplement ça.
C'est qu'on dévie, on déjoue le Code du travail par nos
contrats sociaux. Les entreprises ou les gens qui ont signé un contrat
social de six ans n'ont pas signé un contrat social de six ans: ils
signent deux conventions collectives de trois ans. C'est un petit peu ça
qui se fait. Même au bout de trois ans, on peut même la
dénoncer, présentement.
Donc, ce qu'on essaie de faire, c'est d'adapter le Code du travail
à l'évolution du marché du travail, aux relations de
travail qui sont plus modernes aujourd'hui que celles qu'on a connues,
peut-être, dans les années soixante-dix. Donc, on permet aux
parties de négocier leur convention de travail et d'inclure dans leur
contrat de travail des clauses de renégociation, ainsi de suite. C'est
ça, un contrat. Lorsque vous décidez d'acheter une maison, si on
disait: Aujourd'hui, les prêts hypothécaires sont limités
à un an seulement, on serait un petit peu emmerdé avec le
marché. On nous permet d'aller jusqu'à cinq ans et, au niveau des
prêts aux entreprises, on peut faire des prêts de 10 ans, de 15
ans. Si on les limitait uniquement à une année, il n'y a personne
qui pourrait faire des affaires chez nous. C'est un petit peu ça qu'on
essaie de faire avec le Code du travail. (11 heures)
Et dire, également que, de retarder l'étude du projet de
loi 116... J'aimerais tout simplement faire remarquer que le gouvernement est
en place encore. Je pense qu'un gouvernement est en place; c'est la population
qui va décider de le changer si elle a l'intention de
le faire. Mais, tant et aussi longtemps que nous sommes élus par
la population, j'espère qu'on n'arrêtera pas de travailler. Parce
que vous dites qu'on est à six mois, sept mois des élections, il
faudrait cesser d'administrer l'Etat ou de moderniser l'État.
J'espère que ce n'est pas ça. Ce projet de loi là a
été déposé à l'automne 1993; il n'a pas
été déposé aujourd'hui. Donc, on poursuit
l'étude du projet de loi, sauf qu'on est ouverts à écouter
les gens. Lorsqu'on l'a déposé, il y a des parties qui nous ont
fait déjà des représentations; on s'est dit: On va faire
des consultations officielles, on va écouter les parties. Je peux vous
dire une chose, c'est qu'on va être très à l'écoute
des remarques, autant des groupes qui représenteront la partie des
employeurs que de ceux qui représenteront la partie des
travailleurs.
Donc, c'est dans cette foulée que nous entreprenons ces travaux.
Je demande seulement aux parlementaires d'être très ouverts,
d'être très à l'écoute, d'écouter les gens,
et on verra par la suite s'il y à des amendements majeurs ou mineurs
à apporter, dépendamment de ce que les parties nous proposeront.
Merci, M. le Président.
Auditions
Le Président (M. Joly): Merci beaucoup, M. le ministre.
Alors, je vais maintenant demander aux gens qui représentent
l'Association des manufacturiers du Québec de bien vouloir s'avancer et
de prendre place, s'il vous plaît.
Il me fait plaisir de vous accueillir. Je vous souhaite la bienvenue.
J'imagine qu'un de vous deux devient le porte-parole officiel de l'Association.
Alors, je vous demanderais de vous identifier et aussi de nous introduire la
personne qui vous accompagne, s'il vous plaît.
Association des manufacturiers du Québec
(AMQ)
M. Charland (Gaston): M. le Président, mon nom est Gaston
Charland, vice-président des ressources humaines et qualité de
l'Association des manufacturiers du Québec. Je suis accompagné de
Me Louis Leclerc, notre conseiller juridique, du bureau d'avocats Heenan
Blaikie.
Le Président (M. Joly): Merci beaucoup. Je vous rappelle
un peu la façon dont nous fonctionnons. Alors, je vous accorde une
vingtaine de minutes pour nous livrer le fruit de votre mémoire; par
après, la balance du temps nous est consentie afin de pouvoir
échanger avec les parlementaires des formations présentes. Alors,
je vous reconnais, M. Charland. S'il vous plaît.
M. Charland (Gaston): M. le Président, je voudrais, en
premier, remercier les membres de la commission parlementaire de
l'économie et du travail pour l'opportunité qui nous est offerte
d'apporter notre point de vue sur les dispositions prévues au projet de
loi 116.
Notre association encourage les membres de la commission à doter
l'industrie québécoise de conditions favorables au
développement économique dans les circonstances actuelles du
marché du travail.
En effet, le nouveau contexte économique repose sur une
capacité d'être compétitif au niveau des marchés
internationaux et d'avoir en notre possession tous les outils pour devancer nos
concurrents. La globalisation des marchés n'est pas une panacée
qui permet aux employeurs québécois d'exiger certains amendements
importants au Code du travail. Au contraire, elle constitue la base de
discussions à partir de laquelle les investisseurs prennent leurs
décisions. Les entreprises, et plus particulièrement les
multinationales, ont le choix de maintenir leurs facilités de production
aux endroits où les conditions sont les plus favorables.
Dans ce sens, le Code du travail doit s'adapter à cette nouvelle
réalité. Des changements sont requis pour nous doter d'avantages
stratégiques pour la production manufacturière. À cet
égard, les ressources humaines connaissent depuis quelques années
une revalorisation, autant en termes de qualité de la main-d'oeuvre que
de stabilité ou de paix industrielle. Les investisseurs
démontrent une préoccupation plus vive sur ce dernier aspect,
compte tenu de la nécessité d'être en mesure de
compéti-tionner au niveau mondial. La stabilité des relations de
travail représente un atout majeur dans le choix de décisions
dont le résultat se traduit par le maintien ou l'augmentation du nombre
d'emplois. Celle-ci permet également à l'employeur de concentrer
ses efforts vers une augmentation de la valeur ajoutée qui origine
souvent d'une main-d'oeuvre compétente. Les employeurs
n'hésiteront pas à développer le potentiel humain de leur
organisation, en autant qu'ils demeurent convaincus que leurs investissements
en temps et en argent à cet effet ne risquent pas d'être remis en
question par des conflits de travail dans des délais de temps
relativement courts. Nous pourrions probablement appliquer les mêmes
hypothèses en ce qui concerne les investissements financiers.
Notre exposé se divise en trois parties distinctes: la
durée de la convention collective, le respect de la volonté des
parties quant aux dispositions relatives à l'acquisition du droit du
lock-out ou de grève, ainsi que certaines modifications de la loi. Il
nous apparaît évident que les autres dispositions du projet de loi
116 visent à améliorer ou à rendre conformes à la
réalité les articles existants, et nous ne croyons pas
approprié d'y apporter des commentaires précis.
La durée de la convention collective. La durée de la
convention collective doit essentiellement reposer sur une comparaison avec les
formules existantes au niveau de nos partenaires économiques et sur les
modèles qui ont pris naissance à travers le Québec au
cours des dernières années. Les États-Unis
représentent, a priori, notre principal partenaire économique. En
effet, plus de
60 % de nos exportations sont destinées au marché
américain. des vérifications de l'expérience des
entreprises américaines ont été faites auprès de
multinationales pour tenter d'identifier la durée type des conventions
collectives américaines. par exemple, nous avons considéré
une entreprise dans le domaine de la production de biens alimentaires qui
détient plus de 100 conventions collectives signées aux
états-unis. plus de 70 % de ces conventions ont une durée de
quatre années ou plus. ce même phénomène a
été observé dans le secteur des pâtes et papiers
avec un pourcentage identique selon les données de 1993 de f american
forest and paper association. nous pouvons constater une tendance forte
à ce que nos concurrents obtiennent des contrats de longue durée.
le service de recherche du ministère de l'emploi devrait être en
mesure de confirmer cette réalité américaine.
D'autres points méritent d'être soulignés, tel le
fait que la durée des conventions collectives n'est pas limitée
par une durée maximum et que la période de maraudage est
prévue strictement à la fin du contrat. L'expérience
canadienne confirme également le fait qu'il n'y a pas de durée
limite aux conventions collectives. Cependant, divers mécanismes
prévoient, après une certaine durée, la possibilité
de dénoncer la convention collective à une période
donnée. Un examen rapide de ces types de comportement nous permet de
croire que le Québec a raison de remettre en question la durée
limite des conventions collectives de trois ans. Dans un contexte de
compétitivité internationale, le Québec doit opter pour
une formule qui lui permettra de se positionner d'une façon avantageuse
vis-à-vis de ses compétiteurs. Au Québec, des
expériences récentes s'orientent vers la signature de conventions
collectives de plus longue portée. À notre connaissance des
faits, il y a au moins, présentement, une trentaine de conventions
collectives qui débordent le délai limite de trois années.
Les négociateurs des deux parties impliquées ont rapidement
compris qu'ils devaient s'ajuster à la nouvelle réalité
économique pour sauver des emplois et, possiblement, les augmenter.
Il faut également mentionner que le contexte nouveau d'une
gestion basée sur la qualité a modifié le comportement des
individus à l'intérieur des organisations. Les nouveaux modes
d'organisation du travail ne peuvent autrement qu'influencer les gestionnaires
dans leur approche des relations avec les employés. De type conflictuel,
les rapports s'orientent vers une nécessaire identification d'objectifs
communs en vue de satisfaire les clients. Les compétiteurs comprennent
que le défi consiste maintenant à rencontrer les exigences du
client plutôt qu'à orienter ses efforts sur des
négociations de conventions collectives. Le marché a un effet
direct sur l'organisation interne des ressources humaines dans les entreprises.
(11 h 10)
Toutes ces observations nous conduisent à approuver les
modifications du projet de loi 116 sur la durée des conventions
collectives. Les manufacturiers auraient été favorables à
ce qu'il n'y ait aucune limite quant à la durée de celles-ci. Par
contre, il faut reconnaître l'effort du législateur pour assouplir
le régime existant en le conditionnant à des règles de
révision périodique après la sixième année.
Cette orientation constitue un premier pas dans la bonne direction et
l'expérience future nous démontrera qu'il n'est pas
nécessaire de recourir à l'existence de telles règles.
Cette révision périodique ne peut que causer un climat
d'insécurité dans les entreprises et risque, en certains cas, de
ralentir le processus d'investissement. La mondialisation des marchés
requiert une capacité d'offrir les plus grandes garanties possible
à l'investisseur. Qui pourrait nier une telle affirmation?
L'acquisition du droit de lock-out ou de grève. Les dispositions
prévues dans le Code du travail, à l'article 59, constituent un
élément déterminant du processus des relations de travail
quant aux conditions de travail. Elles s'inspirent d'une réalité
de l'expérience vécue dans les entreprises
manufacturières, entre autres, à savoir la
nécessité de maintenir des relations de travail stables.
L'industrie manufacturière vit une période de
restructuration industrielle importante. En janvier 1990, 598 000 emplois
étaient accessibles à des travailleurs, comparativement à
493 000 emplois pour janvier 1994. Il faut réorganiser le travail pour
accroître l'efficacité en vue de maintenir les emplois actuels ou,
si possible, les augmenter. Les notions de polyvalence des métiers, de
flexibilité de la main-d'oeuvre, de réduction de paliers
hiérarchiques s'appliquent quotidiennement à l'intérieur
des usines. L'application de ces notions se traduit par des gestes concrets qui
ont un effet direct sur les dispositions des conventions collectives
existantes.
Le processus de discussion pour établir de tels changements
s'effectue dans le cadre normal des relations de travail où il y a
l'existence d'une convention collective. Des ajustements sporadiques peuvent
s'exécuter dans les faits sans que les parties jugent nécessaire
de modifier le contenu des conventions collectives ou par des lettres d'entente
établies à la satisfaction des parties. Ces changements
résultent en des augmentations de la productivité
nécessaires à une saine compétition.
En temps de négociation, une telle approche peut difficilement
s'appliquer car les parties doivent agir à travers les mandats de
négociation de leurs commettants. Cette période
d'insécurité ne peut être favorable à
l'exécution de tels réaménagements. L'expérience de
la négociation d'une convention collective n'est pas requise pour bien
saisir qu'une telle démarche de réaménagement n'a que peu
de chances de résultats dans un tel contexte. L'existence de
l'acquisition d'un droit de lockout ou de grève élimine cette
contrainte: des améliorations utiles et nécessaires à la
rentabilité de l'entreprise peuvent être
exécutées.
Dans ce sens, nous ne pouvons pas nous déclarer favorables
à une intervention gouvernementale pour modifier le processus des
relations de travail. En plus des scénarios précédemment
identifiés, il demeure un point fondamental: le respect du libre choix
des parties.
En effet, l'employeur et le syndicat peuvent convenir de dispositions
permettant le maintien de conditions de travail jusqu'à l'exercice du
droit de lock-out ou de grève. A notre connaissance des faits, une
grande majorité des négociateurs privés n'ont pas
jugé essentielle l'inclusion d'un tel article dans leurs conventions
collectives. Le législateur n'a donc pas à intervenir pour
assumer les responsabilités des intervenants, d'autant plus que les
conséquences peuvent s'avérer beaucoup plus néfastes que
le remède proposé. Quelles sont les garanties que des gestes de
grève ou de lock-out ne seront pas favorisés par un tel
régime modifié?
Les autres modifications à la loi. Le délai prévu
à l'article 28 modifiant l'article 124 du Code stipule: «II peut
aussi, sur requête, permettre à une partie d'agir après
l'expiration du délai fixé pour lui soumettre une requête
ou un appel, si cette partie démontre qu'elle a été, en
fait, dans l'impossibilité d'agir plus tôt et s'il ne s'est pas
écoulé plus de trois mois depuis l'expiration de ce
délai.»
Ce délai additionnel risque d'engendrer des problèmes
d'application sérieux. Quels sont les critères à partir
desquels la partie impliquée pourra se référer pour
soumettre son cas? Il est étonnant qu'une telle disposition puisse
régler des problèmes plutôt qu'en susciter. L'ajout par
l'article 33 de l'article 135 mérite qu'on y porte attention. Les
délais précisés et le rôle du juge en chef nous
paraissent des modifications susceptibles d'améliorer le traitement des
dossiers. L'article 35 reconnaît l'importance du phénomène
de changement sur la durée des convention collectives. Cet article
permettra d'éviter de nombreuses difficultés sur
l'interprétation des ententes actuelles qui concernent des conventions
collectives de longue durée.
En conclusion, les circonstances économiques actuelles obligent
les intervenants à endosser la plupart des modifications
suggérées par le projet de loi 116. Elles constituent un
ajustement législatif à une réalité de plus en plus
présente, en ce qui concerne particulièrement la durée des
conventions collectives. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Joly): Je vous remercie, M. Charland. M.
le ministre, la parole est à vous, s'il vous plaît.
M. Marcil: Oui. Merci beaucoup, M. Charland. À la page 6
de votre mémoire, au dernier paragraphe, vous dites, à la
troisième ligne: «Les manufacturiers auraient été
favorables à ce qu'il n'y ait aucune limite quant à la
durée de celles-ci.» Pourriez-vous l'expliquer? Parce que, dans le
projet de loi 116, le fait d'éliminer les plafonds, ça ne
répond pas à cette inquiétude-là que vous
aviez?
M. Charland (Gaston): Bon. Il faut comprendre notre intervention
dans le sens suivant. C'est qu'il y a une révision qui se fait
après six ans, un délai où une partie peut dénoncer
la convention collective. Si on se base sur l'expérience
américaine, on s'aperçoit qu'il n'y a pas de durée limite
établie comme telle. c'est dans ce sens-là que nous intervenons.
d'ailleurs, m. le président, si je peux ajouter, j'ai parlé,
tantôt, de l'expérience de l'american forest and paper
association. il est intéressant de constater qu'il n'y a aucune limite
de temps prévue dans la législation américaine, qu'en 1992
les contrats de quatre ans et plus étaient environ de 60 %, ceux
signés en 1993, c'est rendu maintenant 70 % des conventions
collectives.
Maintenant, il y a toujours une inquiétude qui a
été manifestée, si j'ai bien compris, à l'effet
qu'on va, les employeurs, profiter de situations pour signer des contrats
quasiment à vie. Bien, dans ce contexte-là, je peux vous dire que
je vous parle de contrats qui ont une durée variant de quatre, cinq, six
ans, et il y en a peut-être un cas ou deux, qui nous échappent,
qui ont une durée un petit peu plus longue.
M. Marcil: Oui. Mais quand vous parlez... Vous parlez du droit de
maraudage, dans le fond, après cinq ans et demi, là. Si le
maraudage est victorieux, si une autre partie, par le biais du maraudage, ou si
un autre syndicat entre dans la shop après le maraudage, à ce
moment-là, il peut y avoir une dénonciation de la convention
collective. Vous supposez qu'à chaque fois qu'il va y avoir un maraudage
c'est un nouveau syndicat qui va entrer.
M. Charland (Gaston): Bien, écoutez, notre
raisonnement...
M. Marcil: Là, on parle dans cinq ans et demi. On ne parle
pas... (11 h 20)
M. Charland (Gaston): M. le Président, notre raisonnement
est à l'effet qu'on se compare avec l'expérience
américaine. Notre témoignage est à l'effet d'apporter le
commentaire suivant. C'est qu'il est évident que nous aurions
préféré qu'il n'y ait même pas de clause de ce
type-là, mais on comprend, dans le contexte québécois,
qu'il est raisonnable de mettre une clause à l'effet qu'après une
période de cinq ans et demi il peut y avoir une clause de maraudage
comme telle qui puisse être exécutée et qu'on puisse
dénoncer la convention collective. Mais notre témoignage est
à l'effet de vous dire: Basé sur l'expérience
américaine, il aurait été préférable que
ça n'existe pas.
Maintenant, nous sommes conscients qu'il ne faut pas demander à
l'ensemble du monde du travail québécois de, peut-être,
accepter quelque chose qui suscite certaines inquiétudes. Nous sommes
d'ailleurs convaincus, si vous lisez en page 7, que l'expérience
prouvera le bien-fondé de notre approche à l'effet que, en
réalité, c'est une préoccupation que nous avons
présentement, que nous constatons présentement, et que cette
préoccupation-là n'a peut-être pas sa raison d'être.
Mais nous l'acceptons et nous sommes prêts à vivre avec les
stipulations des articles de la loi, du projet de loi.
M. Marcil: O.K. À la page 7, concernant l'article 59,
l'acquisition du droit de lock-out ou de grève, j'aimerais que vous
m'expliquiez ça un petit peu plus, là. Vous me donnez
l'impression que, le fait que le processus est un petit peu modifié,
ça va bouleverser l'entreprise. Vous ne trouvez pas qu'au contraire
ça pourrait maintenir une certaine stabilité au niveau des
relations de travail?
M. Charland (Gaston): M. le Président, la question qui
m'est adressée par M. le ministre est à l'effet, si je comprends
bien, de savoir pourquoi notre position est à l'effet de maintenir les
dispositions du Code du travail, tel qu'il existe présentement,
concernant l'acquisition du droit de lock-out ou de grève.
Nous avons consulté nos membres et nous leur avons posé la
question, à savoir: Bien, écoutez, est-ce qu'il est possible de
penser à ce que les conditions de travail soient maintenues
jusqu'à l'exercice du droit de grève ou de lock-out? Le
comportement de l'ensemble des entreprises, le comportement majoritaire, est
à l'effet qu'on ne voit pas la nécessité de modifier
l'approche actuelle. Notre argument de base est à l'effet que, si les
parties... Et vous avez parlé, dans votre discours, de
responsabilisation des parties. Nous autres, ce qu'on vous témoigne,
c'est que, si les parties veulent le faire, elles peuvent toujours le faire,
dans le Code du travail actuel. Alors, pourquoi imposer des conditions
externes?
Maintenant, si je reviens plus précisément à votre
question «Quelles sont les conséquences de changer les
dispositions de l'article et que les conditions de travail soient maintenues
jusqu'à l'exercice du droit de grève ou de lock-out?»,
c'est qu'il y a des situations où les entreprises sont dans des phases
de réorganisation et, souvent, vous savez comme moi qu'un climat de
relations de travail est un peu plus difficile en période de
négociation. Il y a certains changements qui sont nécessaires. Si
l'employeur n'a pas l'autorité pour être capable d'appliquer ce
réaménagement-là, que va-t-il se passer? Va-t-il
être obligé de décréter un lock-out pour être
en mesure de modifier des conditions de travail, plutôt qu'une
procédure qui est beaucoup plus souple, permettant à celui-ci
d'adapter sa convention collective aux exigences qui sont souvent des exigences
des clients?
M. Marcil: Comme dernière question, au sujet de la
durée des conventions collectives, on a eu certaines inquiétudes
qui nous ont été formulées par différents groupes,
quant au risque de voir s'établir des syndicats, entre guillemets,
jaunes dans des entreprises, en collusion avec l'employeur, là, à
la première... Souvent, la définition d'un syndicat jaune, pour
les centrales syndicales, c'est des syndicats qui ne sont pas
nécessairement affiliés aux centrales syndicales existantes. Il
faut dire que, chez Alcan, c'est un gros syndicat et ils ne sont pas
affiliés aux centrales syndicales existantes; c'est un gros syndicat de
boutique. Ce que je veux dire c'est, que penseriez-vous de l'idée, du
moins pour une première convention collective, de se soustraire
à... c'est-à-dire d'appliquer, si vous voulez, le plafond de
trois ans pour la première convention collective et, à la
deuxième, à ce moment-là, d'y aller selon les besoins du
milieu?
M. Charland (Gaston): M. le Président, la question qui
m'est...
M. Marcil: Seriez-vous réfractaire à ça?
M. Charland (Gaston): La question qui m'est adressée
soulève l'idée de traiter d'une façon différente la
première convention à l'intérieur d'une entreprise. Notre
position est à l'effet qu'on ne voit pas de différence entre la
nécessité de traiter d'une façon différente une
première convention des autres conventions existantes. Par contre, il
est, je pense, de l'autorité du législateur, s'il le juge
approprié, d'apporter des modifications et de permettre d'appliquer ce
régime-là pour une première convention collective. Mais il
faut raisonner dans l'aspect qu'on essaie de changer les règles d'un
système.
Est-ce qu'il est possible de maintenir un système particulier
pour les premières conventions? Compte tenu que nous savons qu'un
arbitrage se fait toujours en fonction des règles du marché,
est-ce qu'il y a un risque qui est vraiment important? Je dois, pour
répondre concrètement à votre question, vous dire que ce
sera, à ce moment-là, le choix du législateur. Mais, en
tant que manufacturier, si vous me posez la question à savoir si nous
sommes en mesure d'assumer cette façon de procéder là, ma
réponse doit être oui.
M. Marcil: Merci.
Le Présidait (M. Joly): M. le député de
Jonquière, s'il vous plaît, je vous cède la parole.
M. Dufour: Oui. Je vous remercie pour la qualité de votre
mémoire, et surtout vous l'avez présenté de façon
très succincte. Je voudrais revenir, justement, à votre
introduction où vous dites que les conditions sont favorables au
développement économique dans les circonstances actuelles du
marché du travail. Et vous en profitez pour essayer d'argumenter
à l'effet que, oui, on doit prolonger la durée des conventions
collectives. Vous le dites deux fois. Mais le changement que vous proposez
et que le gouvernement propose concernant la durée des
conventions collectives, c'est un changement majeur. Est-ce que ça veut
dire que si, dans les circonstances actuelles, on peut se permettre d'allonger
les conventions collectives, quand les circonstances vont être meilleures
ou différentes, vous allez proposer qu'on revienne à l'actuelle,
ou si vous profitez des circonstances toujours pour que ça fasse votre
affaire?
Moi, j'aimerais ça, savoir ça. C'est quoi, que vous
cherchez? Si on essaie de faire avancer notre cause dans les temps favorables
et que, dans les temps défavorables, on reste assis, on reste exactement
pareils, et là
vous dites... Puis on va revenir, on va échanger de nouveau
là-dessus. Je veux savoir un peu votre opinion par rapport à
ça.
M. Charland (Gaston): M. le Président, on me pose la
question, à savoir: Pourquoi on a invoqué le rôle des
investisseurs dans notre point de vue? Après ça, je vais faire
une remarque plus particulière.
Évidemment, les investisseurs ont le choix de produire à
différents endroits: au Québec, aux États-Unis, partout
à travers le monde. Lorsqu'ils font un plan d'investissement, Us le font
sur un certain nombre d'années. Si on est en mesure de leur assurer une
paix industrielle, nous croyons que c'est à l'avantage des travailleurs
et des travailleuses du Québec parce qu'on va réussir à
attirer des capitaux, à construire des usines et à fournir de
l'emploi comme tel. Je pense que c'est la partie importante.
Maintenant, la remarque que je veux ajouter, c'est que vous avez sans
doute raison de dire: Est-ce que l'employeur pourrait profiter des
circonstances économiques pour imposer aux travailleurs des conditions
de travail auxquelles ils devraient se soumettre, compte tenu de la
difficulté économique? Mais je dois vous dire que, si on
raisonnait de cette façon-là, on serait fort malhabile, parce
que, advenant l'hypothèse que l'économie soit en excellente forme
dans quelques années et que le syndicat nous demande de signer un
contrat de longue durée, on devrait se dire, à ce
moment-là: Bien, l'employeur n'y aura pas un intérêt comme
tel. C'est-à-dire que le syndicat sera en position de force si
l'économie est rétablie et qu'à ce moment-là il
peut imposer des conditions de travail sur une plus longue période de
temps. (11 h 30)
C'est pour ça que nous n'abordons pas la question de ce point de
vue là. Nous ne croyons pas, nous ne souscrivons pas aux commentaires
à l'effet que l'employeur peut profiter d'une situation
économique pour imposer des conditions de travail. En prenant pour
acquis que... Si on résonnait comme ça, l'inverse pourrait
être vrai dans quelques années. Ce n'est pas ça, la
question. La question, c'est la capacité de favoriser les
investissements au Québec, de créer des emplois. Comme je vous
l'ai indiqué, il y a une baisse appréciable du nombre d'emplois
que j'ai vérifiée pour janvier 1990 à janvier 1994. Au
niveau des manufacturiers, c'est ça, notre préoccupation, et
c'est là qu'il faut donner des conditions nous permettant d'attirer les
investisseurs étrangers et, même, d'encourager les investisseurs
locaux à profiter de l'occasion pour lancer des projets, pour avoir une
action dynamique.
M. Dufour: M. le Président, je veux bien suivre M.
Charland dans son exposé, mais, entre la parole puis ce qui se passe sur
le terrain, ce n'est pas tout à fait pareil. Quand vous affirmez: Jamais
l'employeur ne va profiter des circonstances pour améliorer ou faire
reculer le travailleur, moi, je suis obligé de vous dire que, si on
regarde dans les faits, au début de l'année, en 1993, il y a eu
115 grèves, il y a eu 38 lock-out dans les entreprises sous juridiction
provinciale. Donc, il y a toujours bien quelqu'un, là... Il s'en est
déjà fait, des investissements, puis il n'y avait pas de contrat
social de cinq ans puis de 10 ans.
Il y a des circonstances particulières, je l'admets avec vous.
Mais ces circonstances particulières là ne dureront pas tout le
temps. Et, à partir de ça, si le ministre en profite pour changer
les règles complètes du jeu ou si, vous autres, vous faites des
pressions pour que les règles du jeu soient changées, ce n'est
certainement pas pour faire avancer les travailleurs. Ce n'est pas les
travailleurs qui demandent des conventions collectives de cinq ans puis de sept
ans, c'est l'employeur qui le demande.
Donc, moi, je vous dis: II faut le regarder avec parcimonie, regarder
ça d'une façon très pointue, à savoir
peut-être qu'on pourrait rallonger des conventions collectives dans des
circonstances particulières, lesquelles sont balisées, pas pour
le caprice de la reine, puis de la majesté, pour des fins très
précises. Et le ministre a moyen de trouver, à travers la loi,
des façons de le faire, comment ça pourrait se faire. Mais pas
comme ça, là, à laisser aller sur toute la ligne, parce
que, là, vous allez prendre ce qui fait votre affaire, et je vous
promets une chose, c'est que la paix sociale, vous ne l'aurez jamais dans ces
conditions-là, puis vous allez vous faire frapper dessus, puis ce sera
inacceptable. Puis le modèle américain, ce n'est pas un
modèle parfait, à ce que je sache. Puis on n'est pas des
Américains, on est des Québécois.
Puis nos relations de travail, règle générale,
cette année, le Conseil du patronat l'a dit, ça va bien dans le
travail. Je comprends, les travailleurs, ils ont peur de perdre leur job. Us
veulent travailler, puis il n'y en a pas, d'emplois. Puis le patron, même
si ça va bien, il leur fait peur, il dit: Si vous ne marchez pas...
Hein, la flexibilité! Écoutez un peu, vous parlez avez quelqu'un
qui a été un travailleur. Moi, je n'ai jamais oublié mes
origines dans la vie. Mais ces gens-là, ils ont besoin, en dehors des
syndicats, le syndiqué comme tel..: Parce que, moi, ce ne serait pas le
syndicat que je défends. Le syndicat est assez grand pour se
défendre, même s'il y a des syndicats de boutique. Moi, j'ai
travaillé dans le syndicat de l'Alcan où c'était le
syndicat qui faisait partie de la CSN, j'ai travaillé avec la CSN, et,
à ce moment-là, on défendait notre point de vue. Puis je
trouve que des gros syndicats de boutique de même, ça se
défend pas si pire encore. Ce n'est peut-être pas parfait, mais
ça finit par faire des choses.
Je vous le dis, moi, j'aimerais que vous me convainquiez, parce que vous
soulevez dans votre mémoire qu'il y a des conflits de travail. Il n'y en
a jamais eu moins que cette année, et vous en parlez, ça. Puis
vous dites: Dans les circonstances actuelles... Ça me prendrait une
démonstration plus forte pour me démontrer hors de tout doute que
vous avez besoin de ça pour fonctionner.
M. Charland (Gaston): M. le Président, on intervient sur
beaucoup d'éléments. Il y a peut-être un aspect sur lequel
je voudrais insister, c'est lorsque je parle de l'approche conflictuelle. Au
niveau de l'Association des manufacturiers du Québec, la tendance que
nous voyons venir présentement est d'aller vers une approche client.
L'approche client est basée sur tout le système des normes de
qualité, de la qualité à l'intérieur des
entreprises. La qualité implique des formules de gestion
différentes et implique aussi, avec les formules de gestion
différentes, une formation appropriée des travailleurs. Et c'est
pour ça qu'on vous dit que ce changement-là nécessite des
garanties pour l'employeur que les investissements qui vont être faits,
entre autres en termes de ressources humaines, soient faits pour un nombre
d'années donné. Je ne peux pas souscrire au fait que les
travailleurs vont être perdants par cette situation-là. Au
contraire, la tendance actuelle de l'approche qualité favorise la
responsabilisation des travailleurs à l'intérieur de
l'entreprise.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Charland. M. le
député de Jonquière...
M. Dufour: Bon. Là, je n'ai pas...
Le Président (M. Joly): ...est-ce que vous aimeriez que
votre collègue intervienne?
M. Dufour: C'est ça.
Le Président (M. Joly): M. le député de
Laval-des-Rapides, je vous reconnais.
M. Ménard: Merci. Je voudrais revenir à ce que vous
dites à la page 7 de votre rapport. Je ne crois pas que vous rendiez
responsables la durée des conventions collectives au Québec de la
diminution des emplois dans le secteur manufacturier. Mais je comprends qu'en
fait, ce que vous voulez dire, c'est que ça a pu jouer un certain
rôle ou, en tout cas, que, si la durée était
différente, ça pourrait aider à relancer les emplois qui
seraient perdus autrement.
Est-ce que vous pourriez nous donner des exemples de situations
passées qui ont fait perdre des emplois et que l'augmentation de la
durée des conventions collectives pourrait améliorer?
Le Président (M. Joly): M. Charland, s'il vous
plaît.
M. Charland (Gaston): M. le Président, on me demande...
Premièrement, je dois faire le commentaire suivant. Évidemment,
je pense que M. le député a bien compris qu'on n'attribue pas la
diminution d'emplois au phénomène existant actuellement. Ce qu'on
dit plutôt, c'est qu'on est dans une circonstance économique
où on doit être capable de favoriser au maximum le fait qu'il va y
avoir des investissements.
Sur la deuxième partie de la question, on me demande de donner
des exemples d'entreprises qui n'ont pas investi au Québec parce qu'il
n'y avait pas une durée suffisante au niveau des conventions
collectives. Ce que vous me demandez de faire, c'est de dire: Bien,
écoutez, êtes-vous capables d'identifier que, dans le domaine des
pâtes et papiers, pour fins d'exemple, les gens qui ont fait des choix
stratégiques n'ont pas décidé d'investir au Québec
parce qu'ils se sont comparés avec l'expérience
américaine, ils ont dit: Voici, aux États-Unis, on est convaincus
de pouvoir avoir une convention collective d'une certaine durée versus
le Québec? Vous me demandez d'être à la place de
l'investisseur et vous allez facilement comprendre que ce sont des choses qu'on
est en mesure de constater par les investissements qui se font.
Maintenant, si je vous retourne la question et si je vous demande si,
présentement, il y a beaucoup de création d'emplois
manufacturiers au Québec, vous allez être obligé de
constater qu'il y a présentement, d'après les chiffres que j'ai,
une diminution, et c'est pour ça qu'on est obligés de mettre des
programmes pour être en mesure de favoriser ça. Dans le cadre de
ces programmes-là, une des mesures importantes que nous percevons, c'est
justement d'avoir les conditions que nous avons précisées dans
notre mémoire.
M. Ménard: Est-ce que je peux vous demander une
précision là-dessus, à la suite...
Le Président (M. Joly): Allez, monsieur.
M. Ménard: Si je suis bien votre raisonnement, il me
semble que votre raisonnement s'appliquerait aux premières conventions
collectives, à la première qui est signée, pour amener un
investisseur ici. Je rejoins là la préoccupation du ministre tout
à l'heure. Est-ce que vous pouvez...
M. Charland (Gaston): Monsieur...
M. Ménard: Est-ce qu'à ce moment-là c'est
plus important pour la première convention collective, quitte à
revenir au régime habituel une fois que l'entreprise est bien
établie ici?
M. Charland (Gaston): M. le Président, j'ai
mentionné tantôt que nous ne faisions pas de différence
entre la première et la deuxième convention collective. La
réalité est la même pour l'entreprise qui existe au niveau
du Québec depuis des années et qui a un syndicat. Ce que j'ai
communiqué tantôt, c'est que, si le législateur jugeait
approprié d'avoir des stipulations différentes pour la
première convention collective, ce serait le choix du législateur
et que, comme l'Association des manufacturiers du Québec a comme
objectif de favoriser les entreprises manufacturières et la
création d'emplois, et si le législateur croit que c'est une
mesure qui est absolument utile, nous allons devoir être capables
d'assumer cette décision-là. C'est dans ce sens-là
que j'ai parlé.
Le Président (M. Joly): Est-ce que ça répond
à votre question, M. le député de Laval-des-Rapides?
M. Ménard: Pas tellement...
Le Président (M. Joly): Pas encore.
M. Ménard: ...mais c'est peut-être parce que je ne
connais pas assez bien le domaine.
Le Président (M. Joly): Vous avez le droit de reposer la
même question et d'aller, même, en profondeur. Alors...
M. Ménard: Non. Je vais passer juste à un autre
sujet sur lequel j'aimerais que vous preniez peut-être l'éclairage
de votre conseiller juridique. Je reconnais que, là-dessus, je serai
peut-être un trouble-fête de tous les partis. Mais qu'est-ce que
vous pensez de...
Le Président (M. Joly): Pour faire avancer la cause, on
est là pour ça comme parlementaires.
M. Ménard: Oui, c'est ça. Qu'est-ce que vous pensez
de l'article 35 qui a une portée rétroactive? Est-ce que vous ne
pensez pas que c'est encourager, à l'avenir, les gens à
présumer que la loi va être changée que de
légiférer pour légaliser ce qui a été fait
en contravention à la loi?
M. Charland (Gaston): M. le Président, je vais demander
à notre conseiller juridique d'adresser cette question-là...
M. Ménard: Oui, c'est ça.
M. Charland (Gaston): ...et peut-être, par la même
opportunité, de nous parler de l'extension des conventions collectives:
Est-ce qu'il y a des limites juridiques? parce que c'est un point qui a
été soulevé lors de débats à
l'extérieur de cette commission, et de préciser le point de vue
de l'Association des manufacturiers du Québec.
Le Président (M. Joly): Me Leclerc, s'il vous plaît.
(11 h 40)
M. Leclerc (Louis): M. le Président, la question, comme je
la comprends présentement, sur cette notion de portée
rétroactive qui, fondamentalement, répugne toujours à des
juristes, il faut l'évaluer de la façon suivante. C'est que je ne
pense pas qu'on est présentement devant une disposition qui donne
spécifiquement une rétroactivité à la loi. On
essaie tout simplement de donner une mesure transitoire, si je comprends bien
la disposition, pour solutionner le problème suivant.
C'est que, les contrats sociaux, entre guillemets, qui ont
été négociés ici et là depuis quelques
années, on fait face à cette problématique du trois ans
et, lorsqu'on les dépose au bureau du commissaire général
du travail, ça peut poser des problèmes. Et, tel qu'il a
été mentionné par M. le ministre tout à l'heure, la
question de la légalité de cette deuxième entente...
Alors, la manière, c'était de négocier une convention
collective, de la déposer avec une durée de trois ans, de
négocier une entente quelconque, et je ne peux qualifier la nature
juridique de cette entente-là, mais, à tout
événement, c'est un contrat, c'est une entente entre
l'association accréditée et l'employeur, à l'effet qu'il
va y avoir une reconduction automatique pour une autre période de trois
ans. Des fois, les deux étaient déposées en même
temps. Dans d'autres circonstances, on attendait l'expiration de la
première convention collective pour redéposer automatiquement le
même document.
Alors, dans ce sens-là, je ne partage pas la crainte que vous
pouvez avoir de donner le feu vert à des gens qui feraient certaines
illégalités et qui seraient couvertes par la suite par des
dispositions de cet ordre-là. Alors, dans ce sens-là, je
perçois ça plutôt comme un aménagement transitoire
pour donner la validité à la deuxième entente qui serait
ou a été déposée, tout simplement.
Quant à la question... si je comprends bien la question de M.
Charland, c'est à l'effet des conventions internationales. Ça a
été mentionné, M. le Président, à quelques
reprises tout à l'heure dans les propos du député.
Évidemment, il y a une présomption de validité des lois
avec les traités internationaux qui ont été
ratifiés par le Canada. C'est une question fort complexe, je dois vous
l'admettre. J'ai regardé cette question-là; je dois vous admettre
que je n'ai pas fait une étude en profondeur. La position de
l'Association est à l'effet qu'il n'y a pas de contradiction entre les
dispositions de déplafonnement de la durée de la convention
collective et les dispositions de protection spécifiques à la
liberté d'association protégée plus
particulièrement par la convention no 87 concernant la liberté
syndicale et la protection du droit syndical.
Alors, dans ce sens-là, on sait que certains organismes ont pu
donner une appréciation, et les tribunaux, comme vous le savez, la Cour
suprême du Canada s'est prononcée dans cette trilogie de trois
décisions à l'effet de savoir si la liberté d'association
comprenait le droit de grève, par exemple. Et on est arrivés
à discuter de l'impact des traités internationaux sur cette
question-là, et on est arrivés à dire: Écoutez, on
est évidemment liés, mais c'est à titre
d'interprétation de notre disposition de la liberté
d'association. Et, comme vous le savez, on a conclu dans cette trilogie, en
1987, à la Cour suprême, que la liberté d'association,
c'était justement la liberté de s'associer, mais ne comprenait
pas des accessoires, si importants soient-ils, comme le droit de
négocier ou même le droit de faire la grève.
Alors, de ce constat-là, vous allez peut-être entendre des
représentations de groupes qui vont vous mentionner que, les
dispositions de déplafonnement avec
uniquement une possibilité après six ans ou, du moins,
quelques mois avant six ans d'une période de maraudage, ça
pourrait contrevenir aux dispositions des traités internationaux. La
position de l'Association, c'est que tel n'est pas le cas, selon l'analyse
qu'on en fait. Et, si on se fonde sur des comités de liberté
syndicale qui ont possiblement émis certaines réserves quant
à ça, la doctrine, les auteurs au Québec disent que
ça n'a pas de portée obligatoire sur le législateur, tant
fédéral que québécois. Alors, dans ce
sens-là, il faut quand même reconnaître quelque chose, c'est
que la liberté d'association est très bien sauvegardée au
Québec et au Canada par moult dispositions du Code. On craint, par
exemple, les syndicats jaunes, on entend ce mot-là, les syndicats
indépendants. Il faut savoir qu'il y en a, mais il n'y en a pas
énormément. Il y a des dispositions qui protègent les gens
qui veulent combattre ça.
Alors, dans ce sens-là, pour être bref, c'est que, selon
nous, les dispositions du projet de loi tel que rédigé ne
contreviendraient pas aux organismes internationaux voulant protéger la
liberté syndicale.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Leclerc. Je vais
maintenant reconnaître M. le député de Saint-Maurice pour,
après, reconnaître M. le député de
Jonquière.
M. Lemire: M. le Président, au début, on a
parlé, on a fait des comparaisons avec le côté
américain. M. le vice-président, comme vous êtes la
division du Québec d'une association qui se veut canadienne, moi,
j'aimerais savoir, si on amène ces assouplissements-là et des
changements avec la loi qui va modifier le Code du travail au Québec,
qu'est-ce qui se fait présentement dans les autres provinces?
M. Charland (Gaston): M. le Président, nous avons
procédé à une analyse rapide de la situation des autres
provinces. Il y a le même phénomène, pas de durée
comme telle, et, comme je l'ai mentionné dans le mémoire, il y a
une possibilité de dénonciation après une certaine
période de temps.
Maintenant, j'aimerais attirer votre attention sur le fait que nous
croyons que nous devons peut-être considérer notre marché:
à quel endroit on exporte en réalité, quels sont nos
compétiteurs réels. Notre exportation est à 60 % vers les
États-Unis. C'est pour ça que j'ai plus tendance à aller
vers le bas qu'à aller vers l'Ouest, si vous permettez l'expression.
C'est pour ça que je dis qu'il faut prendre le modèle
américain comme base de comparaison. Et, si on réussissait
à se donner un avantage sur ce qui existe je n'ai pas le
détail complet mais est-ce qu'on va se reprocher de donner un
avantage aux industries et aux travailleurs du Québec par rapport
à l'ensemble du marché canadien?
M. Lemire: Je vous posais cette question-là,
principalement dans ma vision d'un député de région, au
point de vue compétition vis-à-vis des autres provinces.
Tantôt, on disait: II n'y a pas d'emplois. C'est certain, il n'y
en a pas peut-être beaucoup d'emplois dans le moment, mais il ne faut pas
attendre qu'il y en ait beaucoup. Mais il ne faut pas attendre non plus que les
gens aillent s'établir ailleurs. Est-ce que ça va être un
avantage majeur?
Ça fait longtemps qu'il y a des irritants dans le Code du travail
au Québec, je pense. Mais, pour nous, les Québécois, par
rapport aux autres provinces, cela va-t-il être un avantage pour les PME
de venir s'établir au Québec?
M. Charland (Gaston): M. le Président, toute notre
argumentation est basée sur le raisonnement de l'investissement et notre
témoignage est à l'effet de dire que ça va être un
avantage fort important pour les manufacturiers québécois.
Le Présidait (M. Joly): Merci, M. le député
de Saint-Maurice. M. le député de Jonquière, vous avez un
petit deux minutes.
M. Dufour: Je voudrais avoir une précision. À
défaut que la loi... en supposant qu'il pourrait y avoir des
changements, est-ce que vous croyez qu'on pourrait permettre seulement dans
certaines circonstances que les conventions collectives soient allongées
plutôt que d'en faire une règle générale, comme la
loi le propose actuellement?
M. Charland (Gaston): M. le Président, la question qui
m'est posée est à savoir: Est-ce qu'on peut tenter de
particulariser l'action au niveau des intervenants? La position que l'on
défend, au niveau de l'Association des manufacturiers du Québec,
est toujours la même. Dans n'importe quel secteur, on parle de
responsabilisation du travailleur, on parle de responsabilisation des parties.
Mon inquiétude, c'est qu'on suscite beaucoup plus de problèmes
que d'en régler si on commence à essayer de particulariser.
Est-ce qu'on va accepter dans telle circonstance à cause des
représentations de telle personne? Est-ce qu'on va accepter à
cause des représentations de telle unité syndicale? N'oubliez pas
qu'il y a des syndicats qui, présentement, sont très près
des activités économiques par leur investissement dans divers
fonds et que ceux-ci peuvent y voir également un avantage. Est-ce que
vous êtes sûr que le raisonnement que vous m'apportez va être
un raisonnement qui va être unanime de la part de tous les syndicats
disant: On veut que ce soit fait de cette façon-là et on veut
qu'il y ait des conditions particulières?
Le dernier point que je vous ajouterais là-dessus, c'est que, si
on met des conditions particulières, il y a aussi des problèmes,
souvent, d'interprétation. Et, quand il y a des problèmes
d'interprétation et mon confrère va peut-être m'en
vouloir à ce moment-là, on est obligés de recourir
à l'expertise de services professionnels. Puis, dans le fond, qu'est-ce
que ça apporte à la création d'emplois?
M. Dufour: Autrement dit, on est en train d'essayer de me
convaincre que les lois, quand on dit qu'il ne faut pas faire ça mur
à mur, c'est la seule façon de s'en sortir. Tout le monde dit: II
ne faudrait pas faire des corsets pour personne. Le discours du gouvernement
est là, le discours de l'Opposition est le même, on ne doit pas
faire des corsets mur à mur. Mais vous nous dites: Si on ne fait pas
ça mur à mur, il n'y a pas moyen de s'en sortir. J'en prends
note. Je vous remercie. (11 h 50)
Le Président (M. Joly): Merci beaucoup, M. le
député. M. le député de Drummond, s'il vous
plaît.
M. St-Roch: Oui, merci, M. le Président. Vous ne m'avez
pas encore convaincu dans mes fortes réserves, parce que mon
expérience de l'autre côté de la clôture m'a appris
qu'on avait des conventions collectives maximum de trois ans, puis la
journée que les employeurs ont dit: On va jouer les règles de la
convention collective avec transparence, puis dans un contexte aussi de
qualité totale, puis d'implication des travailleurs et des
travailleuses... Lorsqu'un patron met les livres sur la table, même
lorsque ça va bien, qu'on donne la situation financière, qu'on
donne la philosophie de l'organisation puis des moyens d'exploitation, bien,
moi, je peux vous donner moult exemples que les compagnies, même
multinationales, qui ont fait ça, avec des conventions de trois ans, ont
assuré une paix sociale parce qu'elles ont mis les travailleurs et les
travailleuses dans le coup.
Moi, je ne crois pas, vous ne m'avez pas convaincu que c'est un contrat
de plus de trois ans qui va satisfaire à cette règle du jeu.
D'entrée de jeu, je vais vous dire pourquoi. Parce que, lorsque
j'étais du côté patronal, on accusait tout le temps le
gouvernement, à l'intérieur de ces conventions collectives,
d'établir le pattern, puis, finalement, il y avait un effet
décroissant sur le milieu industriel, parce qu'on concédait
beaucoup d'avantages, surtout au niveau des bénéfices marginaux
et aussi au niveau des salaires, puis ça avait un effet de dominos.
j'aimerais vous entendre à ce moment-ci sur quelque chose sur lequel
vous êtes silencieux dans votre mémoire. à l'article 26
m. le ministre ne m'a pas corrigé, donc je dois assumer que mon
interprétation est correcte on soustrait tout ce qui est
personnel gouvernemental de l'application de ces conventions de longue
durée. alors, ne croyez-vous pas que, dans un contexte où...
lorsque je regarde les conventions collectives à l'heure actuelle avec
des augmentations de salaire en moyenne de 0,6 % et si, dans trois ans d'ici,
on concède des augmentations de salaire de 4%, 5%, 6%, 7%, puis vous
avez signé des conventions qui n'auraient pas l'effet de dominos, puis,
à ce moment-là, c'est l'effet pervers que je vois des contrats de
longue durée... en n'associant pas ça, c'est la
première lacune, aussi, si on voulait être constants, puis
être mur à mur, puis faire un corset moyen, un habit moyen pour le
québécois et la québécoise moyenne¦ le
secteur public, si on concède au niveau gouvernemental
énormément d'avantages, qu'est-ce que vous allez faire avec vos
conventions de longue durée côté privé lorsqu'on
aura un débalancement encore qui se rapprochera?
Et j'ai entendu, moi, le milieu patronal, pendant longtemps, demander un
«raplombement», un équilibre entre le secteur public et le
secteur privé, pour ne pas créer de précédent. Puis
j'ai entendu aussi, moi, que ça prévenait
énormément de créations d'emplois puis d'investissements
à cause de ces effets de dominos sur le secteur privé.
M. Charland (Gaston): M. le Président, on me demande de me
prononcer sur la situation du secteur public, et le commentaire que je vais
faire est le suivant. Est-ce que vous croyez que le présent
régime, actuel, tel que défini, avec des conventions d'une
durée de trois ans, a éliminé les problèmes que
vous avez mentionnés? Est-ce qu'il y a une différence ou non
entre le secteur public et le secteur privé? Notre compréhension
des faits présentement, c'est qu'il y a, évidemment, des
circonstances qui font que le secteur privé a peut-être
été touché plus rapidement par les effets de la
récession que le secteur public.
Maintenant, ça ne répondra peut-être pas directement
à votre question, mais je vous invite à réfléchir
sur le témoignage que je viens de vous dire, sur les propos à
l'effet que: Est-ce que c'est ça qui va faire une différence
réelle, la durée?
M. St-Roch: Oui, la prochaine question va probablement s'adresser
à votre procureur, parce que vous avez élaboré au niveau
du droit international, que le projet de loi 116 pourrait nous placer dans un
contexte de chartes et de droit mondial. J'aimerais entendre votre opinion,
parce qu'il y a eu d'autres experts aussi au niveau juridique qui se sont
prononcés en vertu des chartes des droits de la personne
québécoise et canadienne, et en particulier à 87, disant
que les dispositions de la loi 116 pourraient mettre en danger le droit
d'association, pas en vertu des chartes internationales, mais en vertu de nos
chartes ici. Est-ce que vous vous êtes penché sur ce
sujet-là?
M. Charland (Gaston): M. le Président, je vais demander
à notre procureur d'ajouter des commentaires. Il est évident
qu'on est au courant des représentations qui ont été
faites, et c'est en fonction de ces représentations-là que nous
avons demandé à des experts... Nous avons vérifié
avec l'Organisation internationale du travail quelle était
l'expérience de l'ensemble des pays. Nous avons considéré
les remarques qui ont été faites et nous avons aussi puis,
là, notre expert pourra
répondrevérifié...
Le Président (M. Joly): Brièvement, s'il vous
plaît, M. Charland.
M. Charland (Gaston): ...l'aspect légal avec tout le
détail. Je vais laisser la parole à Me Leclerc.
M. Leclerc (Louis): Très sommairement, M. le
Président. On est au courant, effectivement, qu'il y a des opinions
différentes. Il faut cependant savoir que notre position est à
l'effet que la convention 87 a été interprétée par
ce qu'on appelle des comités sur la liberté syndicale, et ces
comités-là font des recommandations, en fait des genres de
mesures de pression morales, mais qui, comme telles, sur un plan strictement
juridique, n'ont pas un effet obligatoire sur la Législature. Et, quand
on regarde la convention 87, on ne voit rien comme tel qui prohibe l'extension
de certaines conventions collectives ou même le déplafonnement
comme tel. On donne des dispositions à l'effet que la liberté
syndicale doit être reconnue dans les États signataires de la
convention et que l'exercice syndical peut s'exercer correctement, sans
contrainte, sous réserve, évidemment, de certaines dispositions
de la convention. À cet égard-là, à la lecture
même du texte, on ne voit pas d'empêchement.
Quant à ce qui se passe au Canada, effectivement, vous avez eu
des décisions fort importantes, entre autres la décision Public
Service Employee Relations Act, en 1987, de la Cour suprême du Canada,
cette trilogie, où on a fait une analyse exhaustive des traités
internationaux, du droit américain, du droit européen, pour
conclure que la liberté d'association se définissait comme
uniquement le principal et non pas nécessairement l'accessoire, le
principal étant le droit de s'associer dans quelque situation que ce
soit, et que ça ne comprenait pas, le cas échéant, dans la
définition qui a été apportée par la Cour
suprême, effectivement, une protection du droit de grève ou du
droit de négociation, qui peuvent être limités à ce
moment-là par les Législatures, ou même par le gouvernement
fédéral, sans qu'à ce moment-là on attaque la
liberté d'association. Alors, en termes de charte, les dispositions
qu'on a présentement, selon nous, ne violeraient pas cette disposition
de liberté d'association, M. le Président.
Le Président (M. Joly): Merci beaucoup, Me Leclerc. Merci,
M. le député de Drummond. M. le ministre, vous aviez, je
pense...
M. Marcil: Oui, en conclusion...
Le Président (M. Joly): ...un petit deux minutes. Il vous
reste du temps, d'ailleurs.
M. Marcil: Oui, en conclusion, M. le Président. Si ma
mémoire est bonne, il n'existe aucune loi en relations de travail, tant
aux États-Unis qu'au Canada, si ma mémoire est bonne, sauf au
Québec, qui plafonne, qui fixe des plafonds à des conventions
collectives. Et, par la modification qu'on apporte au Code du travail, on fixe
quand même indirectement un plafond s'il y avait maraudage et qu'il y
avait un maraudage victorieux d'une autre partie. Donc, on le fixerait à
cinq ans et demi, six ans.
Je tiens à vous remercier pour vos commentaires, votre
exposé. Ça va nous servir énormément au niveau de
notre réflexion. On va prendre, comment je pourrais dire, le temps
d'analyser votre mémoire plus en profondeur, tout en écoutant les
autres représentants qui vont vous suivre à cette tribune. Merci
beaucoup.
M. Charland (Gaston): M. le Président, nous remercions les
membres de la commission de nous avoir reçus.
Le Président (M. Joly): Alors, au nom des membres de cette
commission, moi-même, je vous remercie d'avoir été
présents. Je vais maintenant demander aux gens qui représentent
la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec
de bien vouloir s'avancer. Compte tenu aussi du peu de temps que nous vous
avons consenti afin de vous préparer et de préparer votre
mémoire, je sais que nous n'avons pas votre mémoire actuellement
et que vous profiterez des quelques minutes pendant lesquelles je vais
suspendre pour permettre de distribuer le mémoire, et ce, pour le profit
et le bénéfice des parlementaires.
Alors, je suspends les travaux pour deux minutes.
(Suspension de la séance à 11 h 59)
(Reprise à 12 h 4)
La Présidente (Mme Hovington): La commission va reprendre
ses travaux et nous avons le plaisir de recevoir la Fédération
des travailleurs et travailleuses du Québec, représentée
par M. Henri Massé, secrétaire général. M. Henri
Massé, voulez-vous vous identifier?
Fédération des travailleurs et
travailleuses du Québec (FTQ)
M. Massé (Henri): Oui. Bonjour.
La Présidente (Mme Hovington): Vous allez être le
porte-parole?
M. Massé (Henri): Oui.
La Présidente (Mme Hovington): Alors, voulez-vous nous
présenter, pour les fins de la transcription des débats, les
personnes qui vous accompagnent?
M. Massé (Henri): Oui. Il y a Claude Ducharme, qui est le
directeur québécois des travailleurs unis de l'automobile, et
Yvon Bellemare, qui est le directeur québécois du syndicat de
l'alimentation et commerce au Québec, TU AC.
La Présidente (Mme Hovington): Bonjour et bienvenue
à la commission. Alors, si vous voulez bien nous présenter votre
mémoire, nous vous écoutons.
M. Massé (Henri): Oui. Mme la Présidente,
MM. les membres et Mmes les membres de la commission parlementaire, vous
comprendrez, d'abord, qu'on n'a pas de mémoire. On a reçu la
convocation lundi, sur la fin de la journée, et, je voudrais le
souligner, on a même eu de la misère à se faire entendre ce
midi parce qu'on était censés passer, je pense, à dix
heures, et on a été obligés de dire qu'on ne pourrait pas
être là. Finalement, bon, on nous a accordé ce midi. Mais
on trouve que c'est un petit peu précipité.
D'ailleurs, on voudrait souligner aussi qu'au Conseil consultatif les
parties syndicales ont soulevé ça aussi, de temps à autre,
que le débat est venu tard à l'automne, et on a manqué un
peu de temps pour discuter à fond de cette question-là.
Il faut convenir, je pense, que c'est un sujet complexe, un sujet
d'envergure, c'est toute la question... L'objectif principal, c'est la
prolongation des conventions collectives. Il y a toute la question des
libertés syndicales, de droit de changement d'allégeance
syndicale et toute la question, aussi, de la possibilité ou non de
dénoncer la convention collective à intervalles,
là-dedans.
Et, nous, ce qu'on pense, c'est que, question importante, on n'est pas
objectés en principe, la Fédération des travailleurs du
Québec, à donner une assise juridique à des conventions
collectives de plus longue portée. C'est une question de fait.
D'ailleurs, vous remarquerez qu'à la FTQ on n'a jamais encouragé
les conventions collectives de longue durée. Il y en a qui ont
parlé de contrat social et toutes sortes de termes ont été
utilisés autour de ça. Nous, on n'a jamais encouragé
ça.
Maintenant, il y a un fait qui demeure, c'est qu'il y a effectivement eu
des conventions collectives de longue durée de signées au
Québec. Il y en a eu au-delà d'une dizaine dans nos syndicats
affiliés à la FTQ. Et ce qu'on pense, nous autres, notre objectif
principal, ça a toujours été de dire qu'il faut
aménager la loi pour donner une portée juridique, protéger
ces conventions collectives de longue durée qui avaient
été signées. On ne veut pas nécessairement
chambouler l'ensemble du Code du travail pour dire que, dorénavant, il y
aura des conventions collectives de longue durée, en
général, qui pourront se signer, mais on voulait donner une
assise juridique à ces conventions-là qui avaient
été signées.
Maintenant, il y a un fait nouveau, je pense, qui est intervenu depuis
quelques semaines. Vous êtes au courant du conflit à The
Gazette, du conflit au Journal de Montréal, qui tournaient
autour de ça, en fait, des conventions de six ans qui avaient
été signées, avec un mécanisme de reconduction de
la convention collective entre les parties, et ce mécanisme de
reconduction là était contesté par l'employeur qui a dit:
Une convention collective ne peut pas avoir une durée de plus de trois
ans, c'est d'ordre public, donc tous les mécanismes qu'on a mis
là-dedans sont illégaux, puis on passe pardessus, on ne s'en
occupe pas. Et, dans ce sens-là, au niveau de la FTQ, on a
travaillé ardemment à essayer de trouver une portée
juridique à nos conventions collectives de longue durée.
Maintenant, je pense que c'est pour ça qu'on va demander à
la commission parlementaire, au gouvernement, de retourner ça au Conseil
consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. Je pense qu'il y a un
élément nouveau, c'est la sentence qui a été rendue
et quelques jugements, mais, entre autres, la sentence de M. Hame-lin. On pense
que c'est une sentence arbitrale très bien étoffée,
très bien rédigée, qui fait passablement le tour de la
question. Cette sentence arbitrale dit, en fait, deux choses: c'est qu'il faut
faire une distinction entre la durée des conditions de travail
particulières dans une convention collective et la durée de la
convention collective en soi. Et cette sentence arbitrale là conclut
qu'on peut signer, dans une convention collective, des conditions de travail
qui vont engager les parties pour plusieurs années.
On se rappellera, par exemple, que, dans ces cas-là, c'est des
changements technologiques importants qui sont arrivés dans l'industrie
des journaux, et on était obligés de signer des clauses qui
permettaient l'introduction de changements technologiques, mais qui
garantissaient une sécurité d'emploi, puis avec certains
mécanismes. Mais il est évident que, si on n'avait pas une
convention collective de longue portée, à ce moment-là, on
n'aurait pas pu signer ces ententes-là parce que l'employeur aurait pu
arriver au bout de trois ans et dire: À cette heure que mes changements
technologiques sont intégrés dans la convention collective, nous
autres, on se fait justice dès la convention collective actuelle et on
va chercher l'autre bout. Donc, il fallait avoir une protection à long
terme.
On voit la même chose aussi au niveau des entreprises. On a des
entreprises, des fois, dans un secteur, qui sont en difficulté, qui ont
besoin... J'entendais parler tantôt de compétition, de
concurrence, puis tout ça. On admet que, dans certains cas, il y a des
entreprises qui sont dans une certaine difficulté par rapport à
la concurrence internationale ou autre, et que ça prend, à ce
moment-là, des conventions collectives de plus longue portée. (12
h 10)
Maintenant, cette sentence-là prévoit qu'effectivement il
peut y avoir des conditions de travail de longue durée de signées
dans une convention collective et la sentence arbitrale prévoit aussi
que les parties peuvent prévoir un mécanisme de renouvellement de
la convention collective. Dans le cas du Journal de Montréal,
c'est une espèce de médiation, d'arbitrage, et là, si
ça ne fonctionnait pas, il y avait une période où le
syndicat pouvait exercer la grève, ou l'employeur le lock-out, mais
limitée dans le temps. Et, après ça, si, après le
lock-out ou la grève, ce n'était pas encore réglé,
un arbitre peut venir trancher le litige. L'arbitre, encore une fois, dit que
ces dispositions-là ne vont pas à rencontre du Code du travail.
Le Code du travail dit qu'on doit avoir un droit de grève ou de lock-out
aux trois ans, mais l'arbitre en conclut que ce droit de grève ou de
lock-out peut être encadré.
Nous, on pense que ça règle une bonne partie du
problème une bonne partie du problème. Peut-être pas
complètement, il y a peut-être encore quelques zones grises. Si
les parties convenaient, par exemple, dans une convention de six ans ou de neuf
ans, de dire: II y aura des renouvellements aux trois ans, et on renonce
totalement au droit de grève ou au droit de lock-out, et on le remplace
par un système d'arbitrage, il y a une zone grise à ce
niveau-là. Bon. On sait que c'est une sentence aussi qui est en appel,
à l'heure actuelle. Elle n'a pas subi tous les aléas juridiques,
mais, de la façon qu'on l'analyse, et on a travaillé avec nos
conseillers juridiques, on pense qu'il y a une bonne piste de solution à
ce niveau-là.
Pourquoi on voudrait que ça retourne au Conseil consultatif? Et,
encore une fois, on ne s'oppose pas à trouver des moyens de donner une
portée juridique à des conventions collectives de longue
durée qui seraient signées dans des conditions
particulières, comme on l'a connu, nous autres, au niveau de
l'impression des journaux, comme on l'a connu au niveau de certaines
entreprises, dans l'acier, par exemple, où les conditions étaient
un petit peu difficiles. On ne s'oppose pas à trouver ces
mécanismes-là et on pense qu'on devrait les trouver, mais, en
même temps, il y a des questions qui demeurent entières et qui
n'ont pas été résolues. Il y a toute la question, entre
autres, de la liberté syndicale. Il est évident qu'il y avait eu,
entre autres au niveau du conseil consultatif de la main-d'oeuvre,
l'idée du code fédéral qui était avancée.
Ça, c'est une idée qui ne nous sourit pas du tout, parce que, au
bout de trois ans, il y a maraudage et, ensuite, à toutes les
années. Bon. Il faut se rappeler que, quand on signe des conventions
collectives de plus de trois ans, ce n'est pas toujours parce que ça va
bien; ce n'est pas toujours parce que c'est facile. On reconnaît que, des
fois, on est obligés de le faire. Et il ne faudrait pas se mettre dans
des situations, non plus, où les syndicats, au bout de trois ans, quatre
ans, cinq ans, six ans, à chaque année, soient dans une position
de maraudage perpétuel. Je pense que ça pourrait entraîner
des problèmes probablement plus graves que ceux qu'on veut
régler.
La même chose au niveau des employeurs. Les employeurs, en tout
cas à venir jusqu'à date, se sont opposés
systématiquement à la dénonciation. Ils sont d'accord avec
des projets de conventions collectives de longue durée mais se sont
opposés systématiquement à dire: On peut dénoncer
cette convention collective là, par exemple, après trois ans. Si
on signe une convention de sept ou huit ans, on devrait être pris avec
pendant sept ou huit ans.
Donc, d'un côté, il y a la liberté syndicale; de
l'autre côté, si on accepte que ces conventions-là ne
peuvent être dénoncées pour aucune considération,
vous admettrez qu'on défait un peu l'équilibre fragile qu'il y a
entre les parties, et surtout dans le contexte dans lequel on signe ces
conventions-là. Nous, on pense qu'on devrait remettre ça sur la
table à dessin, à travers le CCTM. Moi, je pense qu'il y a moyen
de dégager un consensus à ce niveau-là, et il y a moyen,
sans dire que, dorénavant, on ouvre la porte grande ouverte à des
contrats absolument de longue durée, de trouver des mécanismes
pour faire en sorte que, lorsqu'on sera obligés d'en signer ou qu'on
devra en signer, on soit capables d'avoir des assises juridiques; comme je vous
parlais tantôt, la possibilité d'arbitrage, par exemple, entre
deux contrats, deux conventions de trois qui en feraient une de six ans, des
mécanismes qui pourraient être regardés. Donc, on admet
qu'à partir du jugement de l'arbitre Hamelin, il reste encore quelques
failles, mais je pense qu'on a une bonne pierre d'assise pour être
capables de régler une bonne partie du problème.
On a quelques autres observations, aussi, d'ordre un peu plus
général, à faire sur la loi. Il y a l'article 47.3,
là, où, lorsqu'il y a une plainte envers un syndicat, on parle
qu'il n'y aurait plus d'enquêteur; on passerait directement au niveau du
Tribunal du travail. On pense que ça ne devrait pas se faire. Notre
analyse sur le terrain nous démontre qu'une très grande partie
des plaintes sont réglées à ce niveau-là. On
dénonce aussi, au niveau de la FTQ, depuis quelques années, et
j'entendais tantôt les intervenants avant nous sur la question de la
judiciarisation des relations de travail... Nous autres, on parle de plus en
plus de déjudiciarisation des relations de travail. On dépense
des sommes d'argent considérables, un temps considérable, c'est
contre-productif. Donc, on verrait bien plus donner un petit peu plus de
pouvoirs, probablement, à l'enquêteur que de dire: On fait sauter
l'enquêteur, et qu'il soit capable de régler ces
problèmes-là.
Il y a l'Ontario, entre autres, qui a des mécanismes à ce
niveau-là qui sont un peu plus définis que les nôtres,
où les enquêteurs ont un peu plus de pouvoirs, et beaucoup plus de
cas se règlent au niveau de l'enquêteur, en Ontario, qu'il peut
s'en régler au Québec. On sait que notre Tribunal du travail, que
nos commissaires enquêteurs sont déjà surchargés.
Donc, on pense qu'on devrait faire attention à cet
élément-là.
Un autre élément, c'est l'article 25 du projet de loi
où, dans les services publics, on a un avis de grève qui est
envoyé par les syndicats. Là, on dit: Lorsque le syndicat envoie
son avis de grève, s'ils veulent rentrer au travail, l'employeur pourra
prendre au moins quatre heures avant d'exercer le retour au travail. On
voudrait vous rappeler bien gentiment et bien simplement que, dans les services
publics, le droit de grève a été érodé
passablement depuis les dernières années. Et je ne veux pas faire
l'étude de tous les dossiers détail par détail, mais, dans
certains cas, on prétend que le droit de grève, à toutes
fins utiles, n'existe pratiquement plus dans le secteur public. Du moins, nos
membres le ressentent comme ça. Ça donne quoi de faire une
grève quand on est obligés de donner une série de services
essentiels? Et puis, là, je ne parle pas des services essentiels qui
sont pour la santé et pour la sécurité de la population.
Ça, je pense qu'on n'a pas joué là-dessus et on est
d'accord avec ça, sauf que, quand on regarde l'application qu'a faite le
Conseil des services essentiels, on a débordé passablement la
notion de santé et sécurité à la population pour
aller vers les inconvénients à la population.
Je vais vous donner un exemple rapide de ça. Quand, dans le
transport à Montréal, il y a une grève, par exemple, on
est obligés de donner le service de transport aux heures de pointe,
quatre heures par jour, trois périodes. Bon, là, on nous dit:
Peut-être que les ambulances ne pourront plus passer, les ponts vont
être «jammés». Disons qu'il y a peut-être une
partie de ça, mais pas à toutes les heures du jour. Mais, quand
on applique le même raisonnement sur la Rive-Sud, ou dans la ville de
Chicou-timi, ou un peu partout où le transport en commun serait
arrêté, je veux dire, il n'y a personne qui va en mourir, les
routes ne seront pas bloquées et puis, bon... C'est pour vous donner un
peu l'interprétation qu'en a faite le Conseil des services essentiels.
Et c'est évident que, dans les syndicats, il s'est
développé des stratégies un peu plus. Vous avez beaucoup
moins de grèves générales dans les services publics. Bien,
bravo! mais les syndicats ont développé d'autres
stratégies, un petit peu de harcèlement des employeurs,
d'«embarrassement» des employeurs, mais qui ne nuisent pas à
la population. Et là, en nous mettant des délais comme ça
de quatre heures, et tout ça, bien, je veux dire, si vous nous poignez
par les deux bouts, moi, je pense qu'un jour on va revenir à des
stratégies que ni le mouvement syndical, ni le gouvernement, ni la
population en général ne souhaitent, et on devrait faire
attention à ces questions-là.
Il y a toute la question, aussi, de l'acquisition du droit de
grève à l'article 59. On est d'accord avec ça en disant:
À partir du moment où le droit au lock-out ou à la
grève s'exerce effectivement. Mais je voudrais vous rappeler aussi que,
dans les services publics où il y a des services essentiels, où
il y a des nonnes qui sont plus serrées, le droit au lock-out n'existe
pas. Donc, la convention collective continue de s'appliquer, même s'il y
a une couple d'arrêts de travail de quelques heures ou une grève
rotative de quelques journées. De la façon dont l'article est
rédigé, on se trouverait à avoir un recul à ce
niveau-là.
Il y a aussi la question des services essentiels qu'on étend dans
le secteur privé au niveau de la disposition de l'équarrissage,
et je demanderais à Yvon Belle-mare de vous en parler une minute ou
deux. Ça aussi, ça nous crée des problèmes.
Le Président (M. Joly): M. Bellemare.
M. Bellemare (Yvon): Ce qui arrive, c'est qu'actuellement, au
niveau du projet de loi, on exten-sionne la notion de services essentiels des
gens, des travailleurs, des travailleuses qui vont être touchés
par la loi sur les services essentiels. Déjà, les gens des
secteurs public, parapublic, péripublic sont effectivement astreints
à la loi sur les services essentiels. Il y a une partie sur
l'équarrissage des viandes, c'est-à-dire la
récupération des animaux morts et de tous les résidus qui
existent. Ce qu'on essaie, à l'intérieur du projet de loi, c'est
de faire en sorte que cette industrie soit astreinte à la loi sur les
services essentiels. (12 h 20)
Déjà, à l'intérieur du mouvement syndical,
il y a des discussions, depuis des années, sur toute la notion des
services essentiels, et les industries ou les commerces qui devraient
être touchés. Ce qui arrive actuellement, c'est qu'on
élargit la notion à une industrie qui, effectivement, n'est pas
une industrie de monopole. Ça veut dire qu'il y a déjà eu
des grèves dans l'industrie de l'équarrissage et, effectivement,
la récupération s'est faite par d'autres entreprises qui ont
obtenu de nouveaux contrats ou des entreprises qui se sont formées pour
récupérer des viandes. Le problème qui va survenir, c'est
qu'effectivement, au niveau de ce sujet spécifique, toute la notion de
la loi sur les services essentiels, si on commence à l'étendre au
secteur privé, les gens, effectivement, à un moment donné,
vont carrément aller à rencontre de ces lois-là pour une
raison. Moi, je travaille dans le secteur de l'alimentation. Demain matin, on
pourrait aussi voter une loi pour faire en sorte que le secteur de
l'alimentation soit considéré comme un service essentiel à
la population. Et, à ce moment-là, on n'en finit plus. Toutes les
industries... Et, ensuite, c'est la notion économique qui peut rentrer
en ligne de compte. Donc, les industries, économiquement, ça peut
faire des torts à un gouvernement, à un pays, à une
province, et, à ce moment-là, bien, on est tous astreints
à une loi qui est comme celle-là.
Je pense que le mouvement syndical a accepté d'emblée la
notion de toute la loi sur les services essentiels, sauf qu'on considère
qu'il y a des industries qui ne devraient jamais être touchées par
cette loi-là, surtout des industries qui ne sont pas des industries de
monopole dans leur secteur.
M. Massé (Henri): Le dernier point qu'on voulait
souligner, c'était... Bon, on vous demande de retourner ça au
Conseil consultatif. Ça pourrait être discuté là.
Mais, au cas où vous ne nous écouteriez pas, il y a toute la
question de la première convention collective. On en a parlé
longuement, on l'a redit, sur les syndicats jaunes. Je ne parle pas de
syndicats indépendants, je pense qu'il faut faire la différence.
Il y a des syndicats indépendants, au Québec, et on peut
regretter, de notre part, qu'ils ne soient pas des centrales syndicales, mais
qui font un bon travail, qui font leur job, mais il y a quand même aussi
des syndicats dominés et, si on leur permettait de signer des
conventions de cinq, sept ou 10 ans, il est clair qu'il y aurait un danger
important de ce côté-là. C'est les interventions qu'on
voulait faire devant vous.
Le Président (M. Joly): Alors, merci beaucoup, M.
Massé et les gens qui vous accompagnent. M. le ministre, s'il vous
plaît!
M. Marcil: Merci beaucoup. D'abord, on vous a souhaité la
bienvenue tantôt, mais, moi, j'en profite également, comme
ministre de l'Emploi, pour vous souhaiter la bienvenue à cette
commission parlementaire. C'est vrai que vous n'avez peut-être pas eu
beaucoup de
temps, depuis votre invitation officielle, pour vous préparer,
sauf qu'il y a déjà eu beaucoup d'échanges avec M.
Godbout, de la FTQ, concernant le projet de loi 116. Tout simplement pour vous
dire également qu'on avait même eu un texte qui nous avait
été envoyé par la FTQ, justement, sur ce projet de loi,
qui disait, dans le fond, que le projet de loi 116 n'entraînera pas la
fin du syndicalisme au Québec. «Si je me fie à ce qui se
passe ailleurs au Canada, aux États-Unis et en Europe, le fait d'enlever
la limite maximum de trois ans aux conventions collectives ne devrait pas
être une catastrophe pour les syndicats québécois»
affirme le secrétaire général, M. Godbout. Et,
naturellement, il indique également qu'il serait bien important, pour la
première convention collective, par exemple, qu'il y ait peut-être
un plafonnement de trois ans.
Donc, ceci dit, je voudrais aussi revenir au CCTM pour vous informer
également que, avant que le projet de loi 116 soit déposé,
il y a eu discussions, à ce comité, de septembre 1993 jusqu'en
janvier 1994 et, disons, après le dépôt du projet de loi
également. Il y a eu même des sessions spéciales qui ont
été organisées par le CCTM, la commission consultative du
travail et de la main-d'oeuvre, et même provoquées, souvent, par
la CSN ou d'autres parties, spécifiquement sur la loi 116. Donc, il y a
eu beaucoup de discussions, sauf qu'il ne s'est jamais dégagé un
consensus. Donc, les parties sont campées sur une position, et c'est
assez difficile de dégager un consensus.
Donc, ce que j'ai compris tantôt, dans votre exposé, c'est
que vous ne vous objectez pas au déplafonnement, sauf que vous voulez
absolument, par exemple, que la... Vous proposez que, à la
première convention, il y ait un délai, un plafonnement, du moins
pour la première convention. C'est ça?
M. Massé (Henri): C'est ça, mais il faut nuancer,
dans le sens qu'on a toujours proposé, à la FTQ, de trouver un
moyen de donner des assises, une portée juridique à nos
conventions qui sont plus longues, mais on ne voudrait pas
nécessairement en faire une règle générale. Bon, je
peux vous dire qu'il y a eu de longues discussions au niveau du bureau de la
FTQ. Le monde souhaite, en général, qu'on signe des conventions
collectives de trois ans, trois ans et moins. Mais ils disent, par contre: Dans
certaines situations, on est obligés d'en signer. On voudrait continuer
à être capables de le faire, autant pour se protéger nous,
des fois, au niveau d'une entreprise qui est en difficulté, mais comment
on trouve la mécanique pour le faire?
Et c'est pour ça qu'on dit, après la sentence arbitrale
qui vient d'être rendue, qu'il semble y avoir des pistes, là. Il y
a des choses, au départ, qu'on prétendait peut-être
carrément illégales, puis ça n'avait peut-être pas
de portée juridique. Mais, là, il y a des jugements qui
commencent à nous dire: attention, il y a une certaine portée
juridique. C'est vrai que ça ne couvre pas toute la
problématique, mais on pense qu'il y a une bonne piste de solution, puis
on devrait s'orienter un peu à partir de cette
décision-là. Il est bien évident qu'on ne veut pas en
faire une religion, nous autres, et dire qu'une convention ne peut pas avoir
plus de trois ans, nécessairement, puis jamais.
Mais il faut faire attention. Il y a toute la question de la
liberté syndicale. Vous avez vu que ça a fait tout un
débat sur la place publique. Il y a toute la question, aussi, de la
dénonciation de la convention collective. Si on regarde du
côté de la liberté syndicale puis qu'on en vient à
la conclusion qu'il va falloir que, de temps en temps, les travailleurs ou les
travailleuses puissent pouvoir changer d'allégeance syndicale, qu'est-ce
qu'on fait avec toute la question de la convention qui, elle, ne pourrait pas
être dénoncée?
C'est vrai que, dans le reste du pays, au niveau du code
fédéral, puis tout ça, il n'y a pas de limite aux
conventions. Par contre, aux trois ans au niveau du
fédéral, en tout cas puis, après ça,
à chaque année, il y a une possibilité d'allégeance
syndicale, il y a une possibilité de dénoncer la convention. On
ne veut pas, non plus, se retrouver dans cette situation-là, parce que
je pense que ce n'est pas plus... Parce que le problème qu'on essaie de
régler, puis de se donner un peu de stabilité à la source,
si on tombe dans les dispositions du code fédéral, ça ne
veut pas dire qu'on va se donner cette stabilité-là qu'on voulait
se donner.
Mais, encore une fois, on pense qu'on devrait, au lieu de partir d'une
règle générale, regarder, à partir des jugements
qui viennent d'être rendus, comment on peut donner une assise juridique
à une convention qui pourrait être plus longue.
M. Marcil: Tantôt, vous avez parlé, justement, du
dossier du Journal de Montréal. On sait, selon les groupes qui
sont intervenus, qu'il y a un conflit apparent de décision. D'abord, en
Cour supérieure, on donnait raison au journal, puis, au niveau de
l'arbitrage, ça a été une décision
différente. Vous ne trouvez pas qu'une intervention législative
soit souhaitable, dans ce cas-là, justement, pour bien camper le
problème?
M. Massé (Henri): On ne dit pas qu'elle ne sera pas
souhaitable, M. le ministre. Ce qu'on pense, c'est qu'on devrait prendre le
temps de regarder ça comme il le faut, puis de voir comment la rendre,
la disposition législative.
Peut-être une disposition législative qui dirait, par
exemple, qu'il peut y avoir deux conventions collectives successives, puis
comment faire, entre deux conventions de trois ans, par exemple, pour rendre
légaux les mécanismes que les parties se donneraient. Je pense
à l'arbitrage, par exemple. Si les parties conviennent que ça
pourrait être prolongé par arbitrage et que ces
mécanismes-là pourraient être légaux dans une
convention collective, c'est une voie, ça. C'est une voie, parce que je
dirais que, dans la plupart des conventions collectives de longue portée
qu'on a signées à la FTQ puis on n'en a pas signé
beaucoup; c'est habituellement deux conventions collectives de trois ans, bout
à bout, avec un
mécanisme entre les deux qui dit comment ça va se
renouveler, qui encadre le renouvellement c'est là qu'il reste
une petite zone grise, au niveau de l'arbitrage, s'il n'y a pas de droit de
lock-out ou de droit de grève comme tel, du tout, et il me semble qu'on
devrait regarder ces pistes-là.
M. Marcil: Vous avez signé quelques conventions
collectives de longue durée. Vous en avez déjà
signé quelques-unes. Je donne un exemple: Good Year, à
Valleyfleld, c'est un exemple, je ne dirais pas modèle, mais c'est un
bon exemple. C'est quoi, l'expérience, jusqu'à maintenant, des
conventions de longue durée que la FTQ a signées avec ses
partenaires? Dans quel genre d'entreprises ça s'est fait? Et puis, pour
vous autres, comme première évaluation, c'est quoi, comme
résultats? Est-ce qu'il y a des résultats positifs, ou si
ça a complètement dégénéré en
conflits, ou si c'est des expériences qu'il ne faut pas revivre, ou, au
contraire, c'est des expériences qu'on devrait mettre de l'avant? (12 h
30)
M. Massé (Henri): Je vais demander à mes deux
confrères de compléter. C'est des conventions collectives qu'on
n'a pas signées depuis bien, bien des années. Il est
peut-être un peu tôt pour tirer toutes les conclusions qui
s'imposent, mais ce qu'on peut vous dire, au moment où on se parle,
c'est qu'on n'a pas eu de regret de les avoir signées, non plus. On les
a signées parce qu'il y avait des situations très
particulières. On pense qu'on se devait de les signer. Maintenant, on va
le voir un peu avec le temps. Je peux vous souligner, entre autres, qu'aux
États-Unis il y a eu beaucoup de conventions collectives de longue
durée de signées, entre autres dans l'acier, à cause de la
situation très particulière. Et c'est les employeurs,
aujourd'hui, aux États-Unis qui disent: Des conventions collectives de
longue portée, on ne veut plus en signer. Ils essaient de rouvrir des
conventions collectives de longue portée qui ont été
signées.
Donc, nous autres, on est au début. On ne peut pas vous dire que
ça a été dramatique. Je pense que... en tout cas, dans
Le Journal de Montréal, à The Gazette, c'est nous
autres qui se bat pour que l'assise juridique de ces conventions-là soit
respectée, parce qu'on a négocié des clauses, encore une
fois, sur des changements technologiques, etc., etc., puis des questions qui ne
peuvent pas se régler, malheureusement, sur une période de trois
ans. Mais pour vous dire de tendance générale... Mais ce que je
peux vous dire, c'est qu'à la FTQ il est clair qu'on ne proposera pas,
en général, des conventions collectives de longue durée.
Mais, encore une fois, celles qui sont là, au moment où on se
parle, je ne pense pas qu'il y ait de drame. Yvon, vous avez
signé...
Le Président (M. Joly): M. Bellemare, s'il vous
plaît, oui.
M. Bellemare (Yvon): Moi, dans le secteur où on est comme
syndicat, c'est l'alimentation et le commerce. C'est tant les magasins
d'alimentation que les industries qui sont dans le secteur de la fabrication,
de la transformation et de l'abattage. Nous, on a des conventions collectives
qu'on a signées de longue durée avec, entre autres,
Métro-Richelieu. Vous vous souviendrez de la vente de Steinberg, il y
avait un achat conditionnel de Métro au niveau de Steinberg,
c'était d'avoir une convention collective conclue avec le syndicat;
à ce moment-là, il y avait transaction au niveau des deux
entreprises et la convention devait être de longue durée. On a
négocié une convention de longue durée avec un
mécanisme qui enlève le droit de grève aux deux parties,
le droit de grève et de lock-out aux deux parties, sauf qu'il y a
l'arbitre de différends qui est nommé après une
négociation traditionnelle et, s'il n'y a pas d'entente, effectivement,
l'arbitre tranche.
On a renégocié par après d'autres conventions
collectives de long terme, une autre avec Métro dans Boeuf
mérite. Celle-là est à peu près la même
chose, sauf qu'on avait une garantie, au niveau de la convention collective,
dans des textes, d'un investissement de 8 000 000 $, sinon il y avait
possibilité de fermeture du secteur qui est le secteur où on fait
la charcuterie, les jambons. À ce moment-là, les gens ont
accepté une convention collective de longue durée, sauf
qu'à l'intérieur de la convention le processus d'arbitrage est un
peu différent. Le processus d'arbitrage prévoit qu'effectivement
l'arbitre a juridiction pour déterminer le contenu de la convention
collective, mais il ne peut effectivement baisser les conditions, tant les
bénéfices marginaux que les salaires des gens.
On a signé une autre entente à long terme avec la
compagnie Olymel. Olymel, c'était pour consolider des emplois parce que,
effectivement... L'usine où on est, c'est une usine qui travaille les
fesses de porc, donc c'est un commerce où 90 %, 95 % de la production
est vendue aux États-Unis, pour permettre, effectivement, que
l'entreprise puisse être capable de vendre sur le marché
américain et, à ce moment-là, les gens ont effectivement
accepté des conventions à long terme.
Le problème qu'on a, c'est peut-être un peu plus
spécifique pour nous parce qu'à partir de la décision du
Journal de Montréal, c'est peut-être le point qui est
nébuleux actuellement, c'est les conventions où les gens ont
renoncé volontairement à leur droit de grève ou à
leur droit de lock-out. Actuellement, il n'y a rien. C'est pour ça qu'on
dit que le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre doit se
prononcer rapidement et on pense que les gens devraient facilement faire un
consensus sur ce genre de convention collective là.
Le Président (M. Joly): Merci, monsieur... M. Marcil:
Vous aviez soulevé tantôt...
Le Président (M. Joly): Excusez, M. le ministre, je pense
que M. Ducharme avait quelque chose à ajouter.
M. Ducharme (Claude): Oui, merci, M. le Président. M. le
ministre, tout à l'heure, vous avez dit quelque chose d'une
extrême importance, quand vous avez mentionné qu'au CCTM il n'y a
pas consensus. Puis, pour qu'on change un consensus qui existe à l'heure
actuelle, autant au Québec, autant au niveau canadien, autant au niveau
américain, autant au niveau international... Le grand consensus dans le
domaine de la négociation collective, c'est trois ans. On a
dépassé trois ans pour des exceptions, et ces
exceptions-là sont temporaires.
Prenez toute la grande industrie, prenez la métallurgie au niveau
mondial, les seuls groupes qui sont allés sur des conventions de cinq
ans, c'est l'acier. Pourquoi? Il est arrivé une exception dans le monde
où on a dit, aux États-Unis, pour se racheter, pour trouver les
moyens de compétitionner: On va se donner des mécanismes bien
précis. Puis on est allés vers cinq ans. En cours de route
maintenant, on remet en question toute cette entente de cinq ans.
Prenez l'automobile, il n'y a pas de convention collective plus longue
que trois ans. Les grands de l'automobile, y a-t-il une compagnie plus
puissante que GM?
M. Marcil: Je vous arrête tout de suite. M. Ducharme
(Claude): Oui.
M. Marcil: Je vous arrête tout de suite. Je ne mets pas
ça en doute. Je ne mets pas ça en doute que le consensus,
peut-être aux États-Unis ou partout en Amérique du Nord, en
général, est de trois ans. Ça, je comprends ça,
sauf qu'il n'y a pas de loi qui plafonne à trois ans des
conventions.
M. Ducharme (Claude): Non, mais ce n'est pas une question...
M. Marcil: Ce que je veux dire, c'est que les gens, de bonne foi,
négocient des conventions de trois ans.
M. Ducharme (Claude): Oui, oui, justement. M. Marcil:
C'est dans ce sens-là.
M. Ducharme (Claude): Mais c'est ça qui est important.
Parce que, là, remarquez bien que les partenaires sociaux qui sont
là vont se retrouver aux tables de négociation et, à
l'heure actuelle, il y a eu des tentatives d'entreprises qui voulaient des
conventions de cinq ans puis qui n'en avaient pas besoin. Puis je peux vous en
nommer une, elle est tout près d'ici; elle avait même une vente
dans sa poche de plusieurs centaines de millions. Puis il a fallu aller
à la table les convaincre que leur avenir était au Québec,
que leur avenir n'était pas à l'extérieur du
Québec, puis on le leur a démontré et, finalement, on
s'est entendus, il y a eu un consensus, on a une convention de trois ans.
Il ne faut pas rejeter non plus du revers de la main tous les
mécanismes de négociation, à ce moment-là, qui se
font en cours de convention collective. On a commencé dans des modes
nouveaux pour adapter des programmes de qualité, des programmes de
productivité, des programmes, à ce moment-là,
d'équipes de travail, et les parties se sont dit: On va se donner des
conventions collectives dynamiques, on va se donner des conventions collectives
où il va y avoir une amélioration continue en cours de
convention. Et, si on arrive avec des mécanismes maintenant, où
les employeurs vont changer de cap, ce n'est pas toujours les bons employeurs
qui vont s'amener avec des mécanismes nouveaux. Alors, si on
dépense de l'énergie maintenant sur la durée de nos
conventions alors qu'on a établi des traditions dans un mode de
stabilité, dans un mode de paix industrielle, il va arriver quoi? C'est
à ça que vous devez penser.
Une autre chose aussi sur laquelle je veux attirer votre attention.
N'allez pas croire et ne prenez pas pour acquis que, tout ce qui s'implante
avec la nouvelle technologie, c'est facile de syndiquer ces
entreprises-là. Vous allez les compter sur le bout de vos doigts; vous
allez arrêter sur le premier doigt. Tout ce qui s'est implanté
depuis cinq ans avec la nouvelle technologie, malgré les efforts que les
syndicats ont faits, malgré leur présence dans ces
secteurs-là, on n'arrive pas à les syndiquer. Alors, ça,
c'est important aussi ce qui va arriver de ces nouvelles entreprises qui
s'implantent: Hyundai, Bell Helicopter, Norsk Hydro, tout ce qu'on a
amené ici chez nous. Et, si, ces secteurs-là, il n'y a pas de
syndicats à l'intérieur, ça devient très grave.
Parce que, dans les autres pays, que ce soit l'Allemagne, que ce soit la
Suède, que ce soit, à ce moment-là, la Communauté
européenne, que ce soit les États-Unis, le mouvement syndical,
les syndicats sont omniprésents, participent aux grandes lignes de
décisions. Pensez-vous pour deux minutes, M. le ministre, que l'usine de
GM, à Boisbriand, serait là s'il n'y avait pas eu un syndicat,
qu'on aurait les méthodes de travail là-dedans parmi les plus
modernes au monde, où il y a eu plus de 1 000 000 000 $
d'investissements, 3400 travailleurs à l'heure actuelle à plein
temps, plus d'autres qui vont probablement s'ajouter?
Alors, tout ça, M. le ministre, il faut y penser parce que, si on
ouvre, à un moment donné, puis si on
«débalise» alors qu'il n'y a pas un consensus parmi les
partenaires sociaux, il va y avoir des problèmes dans le champ. Alors,
nous, on n'est pas fermés. Quand les partenaires sont à la table
de négociation et que les partenaires disent, parce qu'on a un cas bien
particulier: Allons sur cinq ans, allons sur six ans c'est arrivé
dans des conventions collectives en cours de route... Les régimes de
retraite, c'est des exemples; ils font partie de nos conventions, puis on signe
des ententes de six ans. D'autres sur le temps supplémentaire; c'est
arrivé dernièrement à Air Canada, on est allés sur
une période de cinq ans sur le temps supplémentaire, sur des
mécanismes à l'intérieur parce qu'il y avait des
problèmes particuliers à régler. Mais on ne peut pas faire
d'une règle
d'exception, M. le ministre, de dire: On fait sauter le trois ans, on
arrive à un an...
M. Marcil: Je voudrais continuer à vous poser des
questions, là.
M. Ducharme (Claude): Oui.
Le Président (M. Joly): Oui. Moi, je vais...
M. Marcil: C'est que, si vous parlez pendant une heure, je
n'aurai pas la chance de saisir, parce que vous parlez du mouvement
syndical...
Le Président (M. Joly): M. le ministre, je vais vous
reconnaître une brève question et une brève
réponse.
M. Marcil: ...je ne suis pas antisyndical, mais comment
expliquez-vous que, dans certaines entreprises, vous ne pouvez pas
syndicaliser? Puis pourquoi il faut que ce soit absolument d'importance
capitale que chaque entreprise au Québec soit syndicalisme? C'est quoi,
ce discours-là? Vous me dites ça, là, vous me dites que
c'est très important que tout le monde soit syndicalisé, puis
vous dites que, dans toutes les entreprises où on amène une
modernisation, de nouvelles technologies, vous avez de la difficulté
à syndicaliser les gens à l'intérieur. Pourquoi vous avez
de la difficulté à les syndicaliser?
M. Ducharme (Claude): M. le ministre, je vais m'asseoir avec
vous...
Le Président (M. Joly): Brièvement, s'il vous
plaît, M. Ducharme.
M. Ducharme (Claude): ...puis je vais vous passer le dossier de
Hyundai, et vous allez voir que c'est bien simple à l'intérieur
de ça. C'est que...
M. Marcil: Mais vous avez IBM aussi, là; vous en avez
d'autres dans la région de Bromont.
M. Ducharme (Claude): Bien oui! Alors, je vais m'asseoir avec
vous, je vais tout vous expliquer ça. Vous allez comprendre
rapidement...
M. Marcil: Ah! bien, ça vaudrait la peine parce que
j'aimerais ça comprendre.
M. Ducharme (Claude): ...et voir pourquoi le Code va être
obligé, un jour, d'être amendé dans ce sens-là.
Le Président (M. Joly): Parfait. Je vous remercie.
Malheureusement, M. le ministre, c'est tout le temps qui vous est consenti. M.
le député de Jonquière, s'il vous plaît. (12 h
40)
M. Dufour: Oui, je vous remercie. Bien sûr que, lorsqu'on
voit, au début, la position de la FTQ puis qu'on échange, on se
rend bien compte qu'il y avait de la place pour de la nuance. Mais, moi,
ça me plaît beaucoup plus qu'on puisse regarder, il ne faut pas
avoir peur, pour moi, de faire des cas par cas, parce que c'est la seule
façon qu'on a trouvée, en tout cas, de pouvoir se prouver la
nécessité de faire avancer les causes puis de faire avancer les
conditions de travail.
En fait, vous nous parlez que, oui, il est possible d'avoir des
conventions collectives plus longues, dans certaines conditions
précises, et vous parlez à ce moment-ci du Conseil consultatif du
travail et de la main-d'oeuvre qui pourrait être l'intervenant. Qu'est-ce
que vous attendez du Conseil consultatif? Si c'est consultatif, il n'a pas
force de loi, à ce que je sache. Comment il opérerait, là,
pour nous donner cet éclairage qui nous manque?
M. Massé (Henri): Je pense qu'à partir de la
sentence arbitrale qui vient d'être rendue, encore une fois, nous, ce
qu'on dit, c'est très clair... Si, à partir de cette sentence
arbitrale là, puis on l'épluche chacun de notre bord et ensemble,
on pense que ça fait le tour complet de la situation, bien, je pense
qu'on peut dire: On va continuer à vivre comme ça. Si, à
partir des conventions de longue durée qu'on a signées et de la
réalité qu'on vit je ne veux pas faire de la philosophie
autour de ça; de la réalité qu'on vit, pourquoi on a
signé ces conventions-là, comment elles s'appliquent, les
mécanismes de renouvellement il y a quelque chose dans cette
sentence-là qui est nébuleux, on en vient à la conclusion
que, non, ça va prendre un aménagement du Code pour y donner des
suites, nous autres, on est prêts à continuer la discussion et
à regarder ça. Mais ce qu'on pense, c'est qu'on n'est pas
obligés de s'enligner dans une règle générale, tel
qu'il est proposé dans le projet de loi. Puis, encore une fois, on ne
veut pas faire de religion, de sémantique avec ça et dire: Des
contrats de longue durée, on ne veut rien savoir de ça, et
là liberté syndicale... Mais je pense qu'on est capables de bien
encadrer ça, puis il me semble qu'il ne manque pas grand-chose. Il me
semble qu'il ne manque pas grand-chose.
On disait ce matin: Quand il y a des mécanismes d'arbitrage puis
on renonce complètement à notre droit de grève et au
lock-out, peut-être qu'à partir de la sentence ce n'est pas clair.
Ça peut l'être aussi. C'est ça qu'on voudrait examiner
comme il faut ensemble. Si on les a, ces mécanismes-là, bien,
chicanons-nous pas pour rien, parce que, là, tantôt... On sait
qu'il y a des divergences, même dans le mouvement syndical. Nous, on n'y
tient pas au code fédéral, soit dit en passant: trois ans un
maraudage, puis un maraudage chaque année après. Parce que, quand
on signe un contrat de six ans ou de 10 ans, comme je le disais au
début, ce n'est pas nécessairement parce que ça va bien.
Ça fait qu'il ne faut pas mettre plus de difficultés dans la
machine qu'on n'en a au départ.
Je voudrais revenir un petit peu aussi, parce que le ministre n'a plus
le temps de poser des questions, mais, suite à la question qu'il a
posée, les Etats-Unis puis tout ça, il faut se rappeler aussi
qu'aux États-Unis ils ont un code qui est un peu moins rigide que le
nôtre. Le droit de grève en tout temps existe aux
États-Unis. Les parties y renoncent souvent par convention collective,
mais, bien souvent, elles n'y renoncent pas totalement. Elles vont dire: Bon,
sur telle, telle clause, il n'y aura plus le droit de grève. Mais, sur
les questions de santé et sécurité ou d'autres questions,
elles gardent le droit de grève.
Nous autres, ici, au Québec, quand on signe une convention, il
faut dire qu'elle est fermée, hein, puis il n'y a pas de droit de
grève, et, quand on en fait une, on en mange des maudites à
chaque fois. Ça fait qu'il y a tout ça qu'il faut regarder. Il y
a tout ça qu'il faut regarder. Il faut garder un petit peu de souplesse
dans la machine tout en étant capable de régler ces
problèmes-là, parce que, encore une fois, nous autres, on est
convaincus qu'on va être obligés d'en signer, des conventions de
cinq ou six ans ou peut-être plus, pour se protéger dans le cas de
certains changements technologiques ou parce que l'entreprise va être
dans une situation qui est assez difficile, puis on est obligés de
comprendre tout ça. Mais il me semble qu'il y a une route à
trouver, puis, moi, je dis: Servons-nous du jugement qui vient d'être
rendu. Même s'il n'est pas rendu en Cour suprême, il n'est pas
obligé de se rendre là; je pense qu'on a des bons juristes de
part et d'autre, puis on est capables de trouver une porte à travers
ça.
M. Dufour: Donc, vous nous dites que les conventions collectives
sont peut-être plus longues dans l'état actuel des choses, mais il
ne faut pas oublier que l'assise juridique... Est-ce que vous croyez que le
Conseil consultatif pourrait donner des assises juridiques sans qu'il y ait un
projet de loi?
M. Massé (Henri): Je ne le sais pas au moment où on
se parle. Il y a des bonnes chances qu'il n'y ait pas besoin d'un projet de
loi. Mais ce qu'on dit, c'est: Si ça en prend un, on regardera ça
à ce moment-là. Mais on n'a pas besoin d'un projet de loi aussi
large qu'on a à l'heure actuelle qui va nous entraîner, selon nous
autres, des difficultés.
M. Dufour: Puis le Conseil consultatif, normalement, comment il
prend de temps pour... Vous excuserez mon ignorance, mais comment ça
prend de temps normalement pour donner un avis? Parce que c'est complexe,
ça.
M. Massé (Henri): Je vais excuser votre ignorance puis je
suis obligé d'admettre la mienne, parce que j'arrive au Conseil
consultatif.
M. Dufour: Ha, ha, ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Dufour: On est sur la même longueur d'onde, donc.
M. Massé (Henri): Donc, je devrai m'informer.
M. Marcil: J'ai déjà vu 30 mois, puis 22 mois,
même, pour avoir des opinions, quand il en donne...
M. Dufour: Quand il en donne.
M. Marcil: ...parce que c'est paritaire.
M. Dufour: Mais s'ils avaient la certitude que leur avis est
attendu avec impatience de la part du gouvernement, j'ai l'impression, à
ce moment-là, que le Conseil consultatif irait un petit peu plus
vite.
M. Massé (Henri): Ça devrait aider.
M. Dufour: Parce qu'on a tellement tendance à demander des
avis pour des avis, puis à ne pas s'en occuper. Mais, moi, je comprends
tous ces groupes-là qui sont sur pied actuellement, qui font des efforts
pour donner des avis très éclairés, puis ça reste
dans les tiroirs, puis ça reste entre deux couverts de cahier, puis on
ne s'en sert pas. Moi, je trouve que l'approche que vous avez ce matin
moi, en tout cas, je vous le dis, par expérience c'est
celle-là qu'on devrait avoir, et c'est ça que le gouvernement
devrait avoir, une approche: oui, dans des circonstances particulières.
Des syndicats actuellement, je les écoute parler, puis on a des
problèmes chez nous, et, quand on discute avec eux autres, je ne sais
plus lequel est employeur ou pas. S'il ne le disait pas, si je ne le
connaissais pas, puis que je ne savais pas que c'était un
syndiqué puis que, l'autre, c'était l'employeur, savez-vous que
je les confondrais, à toutes choses confondues. C'est exactement le
même langage. Ils parlent de rationalité, ils parlent d'ISO 9000,
puis 0, puis 01, puis 02. Ils sont beaucoup plus perfectionnés que moi
pour en parler de ces choses-là. Et je les entends parler.
M. Massé (Henri): Mais ne le dites pas trop, vous ne nous
aiderez pas.
M. Dufour: Donc, il y a eu une évolution extraordinaire.
On le disait, voilà 30 ans, que le syndicat, il devrait parler avec
l'employeur. C'est rendu là. Et ce n'est pas les mécanismes qu'on
va mettre en place par des lois qui va améliorer cet
état-là. Ce cheminement-là, vous l'avez fait pourquoi? Par
nécessité, par obligation et aussi, en même temps, parce
qu'il y a une situation qui demande des réponses. Je pense qu'un
syndicat, comme un employeur, qui ne répond pas à ça, il
mérite de disparaître. Il faut s'adapter; vous l'avez fait. Donc,
on ne doit pas, parce qu'on fait des lois... Si ça ne fait pas un
consensus, moi, je pense qu'on va sur une mauvaise piste. Puis, actuellement,
la piste que vous avez,
moi, je trouve que c'est celle-là qu'on doit faire.
J'espère que la ministre va la retenir.
Quand vous demandez, pour les services publics, vous dites: On a... bon,
parce qu'il y a les services essentiels à travers tout ça,
là... Dans les services essentiels, vous dites: On ne devrait pas
légiférer ou les augmenter, la capacité. Moi, j'aimerais
que vous m'en parliez un petit peu plus, parce qu'on sait que les services
essentiels ça existe pour les services publics. Quand on parle de
vidanges, d'enfouissement sanitaire, etc., c'est un service public, mais il y a
des municipalités qui confient ça à l'entreprise
privée. Je comprends que, pour certaines personnes, elles favorisent
l'entreprise privée à tout prix. Moi, je dis, je fais attention,
parce que l'entreprise publique, dans les mêmes conditions, fait aussi
bien que l'entreprise privée. Ce n'est pas juste une question
d'économie, à mon point de vue. Comment, vous autres... Est-ce
que vous pourriez élaborer quelque peu par rapport à
ça?
M. Massé (Henri): C'est parce que, au niveau des services
publics, il faut reconnaître que c'est une situation de monopole. Il est
évident qu'on a toujours accepté qu'au niveau de la santé
puis de la sécurité de la population il devait y avoir des
dispositions. On aurait souhaité que ce ne soit pas aussi
encadré, parce que je pense qu'on a quand même
démontré certaines responsabilités. Par contre, des fois,
il s'agit d'un ou deux cas qui accrochent pour les porter sur la place
publique, puis les monter en épingle, puis nuire à l'ensemble des
actions qu'on a posées là-dedans.
Mais, quand on s'en va vers le secteur privé, ce qu'on
prétend, c'est que, là, il n'y a pas de situation de monopole.
Et, souvent, dans les entreprises qui disposent soit des ordures
ménagères ou d'équarrissage, il y a des clauses où
l'employeur peut mettre fin à son contrat s'il y a un conflit et,
à ce moment-là, une autre entreprise peut rentrer. Donc, on n'a
pas le problème du monopole qu'on retrouve dans les services
publics.
M. Dufour: Ça va.
Le Président (M. Joly): Oui? Parfait. M. le
député de Drummond, s'il vous plaît.
M. St-Roch: Oui, merci, M. le Président. Vous
n'étiez pas ici ce matin, malheureusement, lorsqu'on a fait les
remarques préliminaires, mais vous avez rejoint les
préoccupations au niveau des premières conventions collectives.
Je partage l'avis qu'on ne doit pas faire une règle
générale et étendre ces conventions-là de longue
durée.
Ici, M. le Président, j'aimerais vous faire part de mon
expérience personnelle, puis étant venu du côté
patronal. Souvent, le patron veut avoir des choses qui vont être
réalistes et plausibles. Dans le contexte économique dans lequel
nous vivons, moi, je pourrais prendre une heure pour vous décrire toutes
les modes qu'il y a eu du côté patronal, mais je ne le ferai
pas.
Le Président (M. Joly): Je vais vous reconnaître
quelques minutes, M. le député.
M. Marcil: Quelques minutes. Ha, ha, ha! Des voix: Ha, ha,
ha!
M. St-Roch: Mais ce que je veux dire par là, M. le
Président, c'est que souvent, à cause, aujourd'hui, des
mécanismes d'investissements, des caisses de retraite et des rendements
attendus, un président de compagnie va être évalué
sur les modes qu'il va suivre. Or, vous pourriez avoir, aujourd'hui, une
industrie où le contrat à long terme ne serait pas une
nécessité, mais ça va devenir une mode, puis le
président d'une compagnie qui oserait ne pas suivre cette mode-là
serait dénoncé comme étant un mauvais gérant
lorsque arrivera l'assemblée de ses actionnaires. Ça, c'est une
préoccupation de tous les instants. (12 h 50)
L'autre question s'adresserait beaucoup plus à M. le ministre. Je
sais qu'il en prendra note. Dans la foulée du jugement Hamelin, M. le
ministre, avec toute l'expertise qu'il possède et avec tous ses
légistes, peut-être que, d'ici avant la fin de demain, il pourrait
regarder la possibilité, si on veut couper des délais, de
retourner au niveau des légistes voir quelles modifications pourraient
être apportées au niveau du projet de loi pour qu'on puisse
harmoniser ça.
Mais, dans l'éventualité, M. le Président,
où on ne serait pas capables de convaincre M. le ministre de votre
approche, qui m'apparaît réaliste et pragmatique, qu'on soustrait
de ce projet de loi là, par l'article 26, tout ce qui est de la fonction
publique, ne croyez-vous pas qu'à ce moment-là on va créer
dès le départ un débalancement entre le secteur
privé et le secteur public? Parce qu'il y en a qui sont quand même
régis à trois ans maximum côté public, on aura le
côté privé, puis il n'y a aucun doute dans mon esprit que,
si on approuve le projet de loi tel qu'il est là, par l'effet de mode,
par l'effet du domino, d'ici trois ans, trois à quatre ans, toutes les
conventions collectives seront de longue durée parce que ça
deviendra une mode puis que les dirigeants seront forcés d'embarquer
puis de suivre la parade. Alors, est-ce que cet effet-là n'est pas un
danger, puis, à la longue, va débalancer, finalement, la
parité, si vous voulez, au niveau des conventions collectives, au niveau
des bénéfices marginaux, entre le secteur privé et le
secteur public, qui est si cher à une certaine école de
pensée présentement?
M. Massé (Henri): II peut y avoir des tensions. Il peut y
avoir des tensions. Maintenant, je vous dirais qu'au niveau de la FTQ on ne
veut pas dramatiser là-dessus non plus parce qu'on pense que,
effectivement, il y a des secteurs où il y aura des pressions assez
fortes puis qu'il y aura peut-être des conventions collectives de longue
durée, si on le rouvre trop large, qu'il n'y aurait pas normalement.
Mais, encore une fois, puis on l'a déjà
dit, puis on ne reviendra pas sur cette position-là, ce n'est pas
ça qui nous défrise au maximum, parce qu'on pense que les
syndicats sont capables aussi de signer des conventions collectives d'une
durée plus courte. Mais il pourrait y avoir un petit
déséquilibre. Mais on vous rappelle, dans le secteur public, en
passant, qu'on a déjà signé des conventions de quatre ans
et demi et de cinq ans avec le gouvernement du Québec.
Maintenant, on n'était pas obligés d'amender le Code du
travail pour ça, là. Il y a toute une série de
mécanismes qui se sont faits et c'est là qu'on vous demande
d'être prudents. On dit: Sans modifier l'économie
générale du Code du travail au niveau de la durée, s'il y
a des situations particulières qui se posent, qui s'imposent, trouvons
exactement ce qu'il faut changer s'il y a lieu de changer quelque chose suite
à la décision Hame-lin, puis regardons ça de façon
très pragmatique, très pragmatique, puis ne soulevons pas des
débats pour rien. On a vu tous les débats que ça a
soulevés, sur la liberté syndicale, par exemple. Nous autres, on
ne veut pas être pris dans les débats de liberté syndicale.
Puis, en même temps, on ne pourra pas... Des conventions de 10 ans ne
pourront pas être dénoncées, puis tout ça. Ça
fait qu'il y a tout cet aspect-là. C'est pour ça qu'on dit, si on
le regarde d'une façon pragmatique, qu'on pense qu'on a les
éléments en main pour être capables de continuer quand la
situation l'impose, autant pour les syndicats, autant pour les entreprises. On
pense qu'on aurait les mécanismes en main pour le faire.
M. St-Roch: Oui. Puis la dernière va être une
question, profitant de la présence de M. Bellemare, parce que je me
méfie, moi, des mur à mur, parce que, en décembre 1992, on
a fait un mur à mur avec les heures d'affaires, puis on était
censé créer beaucoup d'emplois. Est-ce que ça a
créé tous les emplois qu'on était censé
créer, M. Bellemare?
M. Bellemare (Yvon): Bien, moi, je ne veux pas vous
décevoir, mais il y a une chose que, nous, on sait, dans notre secteur.
C'est qu'actuellement il y a des emplois, qui auraient été
perdus, qui ont été créés parce que, effectivement,
le magasinage aux États-Unis, peut-être à cause de la
décision, peut-être aussi à cause du fait que le dollar
canadien a baissé encore, en tout cas il y a eu une diminution
importante. Les autres provinces canadiennes, à l'époque,
ouvraient leurs frontières, et, nous, on croyait, comme syndicat, qu'on
n'avait pas le choix, et on voulait faire en sorte que les emplois qui
étaient perdus à cause des ventes importantes qui se faisaient
à l'extérieur, puis, également, le fait que, les
pharmacies, il y avait des heures d'ouverture différentes, etc. Nous,
actuellement, on considère, comme syndicat, qu'effectivement on n'est
sûrement pas pires qu'on était auparavant et on est à peu
près persuadés qu'on a eu des emplois qu'on n'a pas perdus
à cause de la décision qui avait été prise.
M. St-Roch: Merci, M. le Président.
M. Massé (Henri): Ce qu'on souhaiterait, c'est qu'on ne
touche plus à ça pour le moment.
M. BeUemare (Yvon): Oui, même... Des voix: Ha, ha,
ha!
Le Président (M. Joly): M. le député de
Drummond, ça vous donne satisfaction? Oui. M. le ministre, s'il vous
plaît.
M. Marcil: Je vais donner peut-être un petit peu de temps
à mon...
Le Président (M. Joly): M. le député de
Laval-des-Rapides, oui.
M. Marcil: Je reviendrai.
M. Ménard: Je veux juste m'assurer que je comprends bien
votre position. Si je comprends bien, vous êtes contre le fait que
rallongement des conventions collectives deviennent la règle
générale, mais vous êtes ouverts à ce qu'il y ait
des cas particuliers, bien balisés, dans lesquels ce soit permis. Et ce
que vous voudriez, c'est que le Conseil consultatif du travail et de la
main-d'oeuvre donne son opinion sur ces balises-là. Moi, au
début, j'avais cru comprendre qu'il y avait vraiment très peu de
cas puis qu'ils étaient reliés à l'introduction de
nouveaux procédés technologiques dans l'entreprise, mais je
m'aperçois que M. Ducharme donne des exemples, comme le travail
supplémentaire à Air Canada, qui déborde l'introduction de
la technologie. Mais je pense que je comprends à peu près que
votre position, c'est ça. Pour le moment, on voudrait que la
règle générale demeure les trois ans, quitte à ce
qu'il y ait quelques exceptions qui soient bien balisées, et on
suggère que le CCTM étudie les balises qu'on devrait
accepter.
Mais, si le gouvernement n'acceptait pas cette solution-là,
trouvez-vous que l'établissement de la règle
générale est si dangereuse qu'entre deux maux il faut
peut-être garder la règle de trois ans plutôt que d'avoir le
principe général de la liberté totale de la durée
des conventions collectives?
M. Massé (Henri): On a bien de la misère avec les
questions hypothétiques. Ce qu'on souhaite, c'est que le gouvernement
nous entende comme il faut, qu'il nous entende comme il faut. Il me semble
qu'il y a des pistes, là, qu'on ne devrait pas éviter.
M. Ménard: Mais j'ai bien compris votre position?
M. Massé (Henri): O.K. M. Ménard: Oui? O.K.
M. Massé (Henri): Oui, oui.
Le Président (M. Joly): M. le ministre, s'il vous
plaît.
M. Ménard: Merci.
M. Marcil: C'est parce que je sais que M. Massé va
participer bientôt... est devenu membre du CCTM, du Conseil consultatif
du travail et de la main-d'oeuvre. C'est quasiment un comité paritaire,
si on peut dire, où les parties patronales et les parties syndicales
sont représentées, et le ministre les consulte sur des dossiers
importants. Ça existe quand même depuis assez longtemps, ce
comité-là. On arrive, à l'occasion, à avoir des
avis clairs, nets et précis, parce que c'est difficile et il faut
comprendre la mécanique, hein? Prenez juste les forêts; à
un moment donné, lorsqu'on avait demandé au comité
consultatif son avis parce qu'il y avait eu une modification au niveau du
processus... dans le fond, ce qu'on a eu comme avis, c'est: Bien, M. le
ministre, on vous avise qu'il n'y a pas de consensus. Bon. C'est des choses
comme ça.
Sur la loi 116, depuis septembre 1993, il y a eu beaucoup de rencontres,
beaucoup d'études, et je pense qu'il y en a eu une dernièrement,
je pense au début de février, entre autres, qui avait
été appelée par M. Larose, le président de la CSN.
On connaît les positions des parties, on les connaît, et c'est
difficile de les amener à changer. Puis je ne juge pas, là. Je ne
juge pas les raisons pour lesquelles la partie patronale veut prendre telle
position par rapport au représentant des travailleurs. Je ne veux pas
porter de jugement sur ça. Sauf que c'est un comité consultatif
qui est là, justement, pour donner des avis, et, à l'occasion, on
a des avis et, à l'occasion, on n'en a pas d'avis, c'est-à-dire
l'avis qu'on a, c'est qu'il n'y a pas d'avis: On n'a pas d'avis à vous
transmettre.
Tout simplement, d'abord peut-être pour conclure pendant les deux
minutes qu'il me reste, ce qu'il faut bien comprendre, c'est que la
liberté syndicale est protégée mur à mur, d'abord,
par le Code du travail, puis la loi 116 ne vient pas remettre en question.
Ça, je pense que vous en êtes convaincus. La seule chose, dans le
fond, en plus de certains mécanismes que nous proposons de modifier...
J'aurais une question peut-être à vous poser, que vous avez
soulevée, parce qu'on a souvent... C'est un petit peu comme la loi 142,
on a mis tellement l'emphase sur la déréglementation du huit
logements et moins, on a oublié aussi une grande partie de la loi 142
qui répondait aussi à des besoins, de diviser le secteur de la
construction en quatre secteurs, de changer tout le processus de
négociation. On a mis beaucoup d'emphase sur la
déréglementation et on verra dans les semaines et les mois qui
viennent... on pourra revenir sur ça et donner peut-être des
résultats.
Quant à l'enquête, à l'article 47, le projet de loi
116 ne l'enlève pas, on n'enlève pas l'étape de
l'enquête.
La seule différence qu'on fait, c'est qu'on ne l'oblige plus, ce
n'est plus une obligation de le faire. Je voudrais savoir, pour vous, ce que
ça vient changer. Pourquoi le fait d'enlever l'obligation à
l'enquête peut modifier en profondeur, peut remettre en cause, je ne sais
pas...
M. Massé (Henri): On n'en fait pas une question de vie ou
de mort, M. le ministre.
M. Marcil: Ah bon! Ça, j'aime ça quand... Moi,
j'aime ça quand je vous entends dire des choses comme ça.
M. Massé (Henri): Ça dépend des fois. Des
voix: Ha, ha, ha!
M. Massé (Henri): Notre pratique, le discours de la FTQ,
puis il est très clair, et, depuis deux, trois ans, on l'a fait autant
au niveau de la CSST, on sait que ça devrait être
déjudiciarisé, puis passablement, il y a des millions qui vont
là-dedans.
M. Marcil: On va y arriver. (13 heures)
M. Massé (Henri): II y a toute la question des arbitrages,
aujourd'hui, de griefs qui sont rendus de plus en plus longs: sept, puis huit,
puis neuf jours, ce qu'on ne voyait pas il y a 20 ans. Il y a 20 ans, on avait
une sentence qui était sur une page, une page et demie, et on
réglait les problèmes beaucoup plus vite et peut-être d'une
façon aussi compétente. On regarde ça aujourd'hui,
ça n'a plus aucun sens, ce qui se passe à ce niveau-là. Et
là c'est un élément dans le Code du travail où on
dit: Nous autres, on aurait préféré qu'au niveau de
l'enquêteur, plutôt que de dire: Bon, ce n'est pas possible ou
c'est possible, ça devrait être une étape qui est
obligatoire, puis même l'enquêteur devrait... Parce que, souvent,
les enquêteurs vont dire: Ça a bien du bon sens, mais il faut
pareil que ça aille plus haut, parce qu'ils n'ont pas tout à fait
assez les moyens de conviction.
Et ça, ça existe dans d'autres codes du travail, en
Ontario entre autres, dans les cas de congédiement, je ne parle pas par
rapport aux syndicats, mais dans le cas de congédiement pour
activités syndicales et autres, où les enquêteurs ont quand
même un rôle beaucoup plus encadré, puis on se rend compte
qu'on règle beaucoup plus de problèmes, on évite des
auditions, et ce qu'on pense, avec ce que vous faites là, c'est que
ça diminue un peu l'importance de l'enquêteur, et on va se
ramasser probablement avec plus de causes devant le Tribunal du travail. Quand
on regarde ça dans la pratique, il n'y a pas beaucoup de ces
causes-là qui ont été retenues. Je pense qu'on va
encombrer encore davantage, puis judiciariser. C'est juste dans ce
sens-là qu'on vous dit ça. On est capables de vivre avec
ça, mais on pense qu'on s'en va à l'envers de ce qu'on devrait
aller.
M. Marcil: Je vous remercie beaucoup de votre présence. Je
sais qu'on a déjà eu beaucoup de représentations de faites
par la FTQ en ce qui concerne la loi 116, et les éléments
nouveaux que vous nous avez apportés aujourd'hui, on va prendre
ça en considération. Vous verrez, suite aux travaux de
consultation, comment on pourrait peut-être modifier notre approche.
Merci beaucoup.
M. Massé (Henri): Je vous remercie.
Le Président (M. Joly): Merci, au nom des membres de cette
commission. M. Massé, M. Bellemare et M. Ducharme, merci d'avoir
apporté votre contribution. Alors, nous ajournons nos travaux à
demain matin, 10 heures, dans ce même salon.
(Fin de la séance à 13 h 1)