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(Neuf heures treize minutes)
Le Président (M. Audet): Si vous voulez prendre
Çlace, s'il vous plaît. Nous allons débuter nos travaux. A
l'ordre, s'il vous plaît!
Je déclare la séance de la commission de l'économie
et du travail ouverte. Je vous rappelle le mandat de la commission: Que,
conformément à l'article 51 de la Loi sur les relations du
travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans
l'industrie de la construction, la commission de l'économie et du
travail entende la FTQ-construction, le Conseil provincial du Québec des
métiers de la construction, la CSN-construction, la Centrale des
syndicats démocratiques^ le Syndicat de la construction de la
Côte-Nord de Sept-îles inc. et l'Association des entrepreneurs en
construction du Québec quant aux raisons motivant l'impossibilité
de parvenir à une entente relativement aux modifications à
apporter au décret de la construction.
Je vais aussi vous faire part de la motion qui a été
présentée hier à l'Assemblée nationale: Que la
commission de l'économie et du travail siège le vendredi 30 avril
1993, de 9 heures à 13 h 15 et de 14 heures à 16 heures, à
la salle du Conseil législatif, afin de procéder à
l'audition des organismes suivants, et ce, dans l'ordre ci-après
indiqué: la Fédération des travailleurs et travailleuses
du Québec (FTQ-construction), le Conseil provincial du Québec des
métiers de la construction (international), la
Confédération des syndicats nationaux (CSN-construction), la
Centrale des syndicats démocratiques (CSD), le Syndicat de la
construction de la Côte-Nord de Sept-îles inc. et l'Association des
entrepreneurs en construction du Québec.
Alors, au début de la séance, à 9 heures, le
ministre du Travail, le représentant de l'Opposition officielle et le
député indépendant de Drummond procèdent à
des remarques préliminaires respectives de 5 minutes. L'exposé de
chaque organisme précédemment énuméré sera
d'une durée maximale de 20 minutes, l'échange avec les membres de
la commission pour chaque audition sera d'une durée maximale de 40
minutes partagées également entre les membres du groupe
parlementaire ministériel et ceux de l'Opposition, en respectant le
principe de l'alternance.
Il y a eu des changements ce matin, avant que nous ne débutions
nos travaux, de sorte que ce matin nous débuterons avec la Centrale des
syndicats démocratiques et non pas avec la Fédération des
travailleurs du Québec; et ensuite suivra la Confédération
des syndicats nationaux, et ensuite la Fédération des
travailleurs et travailleuses du Québec et le Conseil provincial du
Québec des métiers de la construction. Et on m'a in- formé
aussi que, suite à une note qui a été transmise ce matin,
le Syndicat de la construction de la Côte-Nord de Sept-îles a
décliné l'invitation à se présenter devant la
commission de l'économie et du travail.
Alors, M. le secrétaire, est-ce que vous avez des
remplacements?
Le Secrétaire: Oui. M. MacMillan (Papineau) remplace M.
Bordeleau (Acadie); M. Fradet (Vimont) remplace M. Charbonneau (Saint-Jean); M.
Marcil (Salaberry-Soulanges) remplace M. Gobé (LaFontaine).
Le Président (M. Audet): Merci. Alors, avant de
débuter, je veux souhaiter la plus cordiale bienvenue aux gens de la
construction. Nous sommes réunis ici ce matin pour discuter ensemble de
ce qui nous préoccupe, de ce qui vous préoccupe. Et nous allons
immédiatement procéder avec les remarques préliminaires du
ministre du Travail.
M. le ministre du Travail, vous avez 5 minutes.
Remarques préliminaires M. Normand
Cherry
M. Cherry: Merci, M. le Président.
Les habitués de ces commissions auront noté que, quand les
parties ne se réservent que 5 minutes, c'est qu'on a l'intention
d'utiliser au maximum la période qui nous est consacrée pour
entendre les parties.
Les remarques que j'ai à faire, bien sûr, elles seront
brèves. J'occupe la responsabilité de ministre du Travail depuis
octobre 1990. Donc, c'est la première fois, dans les
responsabilités qui sont maintenant les miennes, qu'arrive à
échéance un décret concernant l'industrie de la
construction. Le but de la commission parlementaire, c'est pour entendre les
parties sur leur impossibilité d'en arriver à une entente quant
aux modifications au décret. Le but de l'exercice d'aujourd'hui, c'est
qu'on veut savoir pourquoi, à date, la négociation de 1993 n'a
pas fonctionné. Quelles sont les causes qui ont fait que la
négociation n'a pas donné les résultats escomptés?
On pourrait invoquer plusieurs raisons. Est-ce une? L'ensemble? Est-ce que
ça dépend du contexte économique? Est-ce que c'est le
régime de négociation lui-même? Est-ce que ça
découle de la volonté des parties? Est-ce que ça
dépend des demandes et des offres qui ont été
déposées? Donc, M. le Président, moi, comme ministre du
Travail, j'ai la responsabilité de savoir pourquoi, à date, la
négociation n'a pas fonctionné.
À ce moment-ci, j'ai la conviction que tous les
efforts nécessaires n'ont pas été faits. C'est pour
ça que, même si la négociation a débuté en
janvier, dès le 30 mars j'ai nommé au dossier un conciliateur
dans le but de tenter de rapprocher les parties et d'en arriver à une
entente. Donc, le 30 mars, j'ai appointé M. Pierre-M. Dufresne. Je
rappelle, M. le Président, que, comme gouvernement, on favorise toujours
une entente négociée. Les orientations du ministère, c'est
de privilégier la responsabilisation des parties. Donc, et ce, bien
brièvement, le but de cette commission convoquée, c'est de
permettre d'entendre les parties qui sont, elles, les mieux placées pour
faire une entente d'industrie dans un secteur d'activité
économique si important pour l'économie
québécoise.
Alors, sans d'autres remarques, M. le Président, ça
conclut les remarques préliminaires que j'avais à faire ce
matin.
Le Président (M. Audet): Merci.
Avant de procéder et d'aller plus loin, j'ai besoin du
consentement des membres. Il y a eu un petit oubli qui s'est fait dans les
remplacements. Alors, M. Dufour (Jonquière) remplace M. Léonard
(Labelle). Il y a consentement?
M. St-Roch: Consentement.
Le Président (M. Audet): C'est tout simplement un oubli
qu'on a fait.
Je vais maintenant reconnaître M. le député de
Jonquière. Dans vos remarques préliminaires, vous avez cinq
minutes.
M. Francis Dufour
M. Dufour: Oui, M. le Président. J'écoutais
attentivement les paroles du ministre du Travail qui, comme à son
habitude, ne parle pas longtemps. Ça ne veut pas dire qu'il est
nécessairement plus directif puis plus efficace, mais il ne parle pas
longtemps. Donc, il faut essayer de deviner dans ses pensées qu'est-ce
qu'il va faire. Ce qu'il faut se rappeler, c'est que voilà trois ans
c'était le même phénomène. Pas le même
ministre, mais le même gouvernement, et c'était le même
phénomène qui s'est produit, c'est-à-dire qu'on a
été obligé de faire une commission parlementaire en
catastrophe pour essayer de rapprocher les parties.
Il faut comprendre que l'Opposition a accepté de participer
à cette commission parce que, d'abord, un, on ne peut pas laisser les
choses comme elles sont. Ça, c'est impensable. Deuxièmement, ce
n'est pas la commission réelle. On sait que, dans trois mois, d'ici
à trois mois, il y aura sûrement, possiblement une autre
commission parlementaire qui, elle, s'attaquera au coeur du problème. (9
h 20)
Ce qu'on sait, et ce qu'on doit appuyer, ce qu'on doit dire, c'est
qu'actuellement on a l'impression que le gouvernement n'a pas fait son travail.
Ce n'est pas vrai qu'on doit accepter de vivre ces situations de tension depuis
aussi longtemps sans que jamais on n'en vienne à des ententes. Donc, il
y a quelque chose qui est faussé à la base. Les règles ne
sont pas là, et les conséquences qu'on vit avec ça, c'est
de se ramasser ici le vendredi, à la dernière minute, parce qu'il
n'y a pas de volonté politique. Il n'y a pas non plus, en période
de récession, de rapport de force. Donc, il y a un
phénomène et il y a un problème qu'on constate, qui est
pratiquement insoluble, et, en même temps, le consommateur puis les
travailleurs de la construction sont absents de ce débat. Ça se
fait à l'extérieur de toutes les règles qu'on
connaît dans une société normale.
Le problème majeur qui semble découler de cette
négociation et ce qu'on en sent, c'est le travail au noir. On ne pourra
jamais aller passer un décret sans qu'on s'attaque au travail au noir.
Mais ça ne donne pas plus de travail. Demain matin, même si toutes
les règles sont rétablies, ça ne réglera pas le
problème des travailleurs de la construction parce qu'on a actuellement
deux fois, deux fois plus de travailleurs qu'on n'a de travail à leur
donner. Donc, la relance économique se fera de quelle façon?
Bien, il faudra bien qu'on s'attaque au coeur du problème. Le travail au
noir, c'est une conséquence, actuellement, qui nous semble la
panacée ou le problème majeur, le cancer qui ronge à peu
près toute la société, pas seulement le travailleur mais
aussi ailleurs.
Et, malheureusement, on dit souvent, et tout le monde est sous
l'impression que le travail au noir est toujours à cause des
travailleurs. Vous savez, le travail au noir, c'est le fait de plusieurs
parties. La société est devenue au noir, dans son ensemble. Parce
que, lorsque les taxes sont trop élevées, puis quand les
problèmes sont trop gros, les gens ont tous tendance... Il n'y a pas
juste... Il y a définitivement des gens qui sont complices du travail au
noir. Et même le gouvernement, dans ses propres contrats, dans ses
organismes paragouvernemen-taux, que ce soient les hôpitaux ou autres,
participe à la mise en place du travail au noir parce que eux aussi ne
respectent pas le décret. C'est un défaut, c'est un
problème de société. Quand on dit que le gouvernement ou
ses sociétés, pour essayer d'avoir leurs contrats, sont
obligés de passer en dehors du décret, bien, je me dis, bonne
chance! Je pense que, là, on devient tous des irresponsables. Et,
à ce moment-là, il faudra bien qu'on fasse la part des
choses.
Quand on regarde la contrebande, qu'est-ce qui se passe? Encore le
même phénomène. Ça fait que ça ne peut plus
durer. Comment on pourrait régler une partie du problème? C'est
avec une relance. Mais ce n'est certainement pas avec ce que le gouvernement
nous propose depuis quelques années qu'on va vivre cette
situation-là.
Donc, actuellement, il n'y a pas de force de négociation. Les
parties sont devant il y a un manque de volonté politique
un ministre qui, bien sûr, est de bonne humeur, puis ça a l'air de
bien aller, mais ça ne marche pas. Ça, il faut le constater
aussi. Il va falloir qu'il y ait des coups de barre qui soient donnés.
Et, malheureusement, les parties prenantes à des contrats ou dans la
construction doivent s'en remettre pratiquement
toujours au gouvernement.
Donc, qu'est-ce qu'on fera? Qu'est-ce qu'on devra faire? Peut-être
qu'aujourd'hui c'est de régler un problème ponctuel qui est
mineur, mais ça ne peut pas durer. Il faudra bien que le gouvernement,
un jour, mette ses culottes. Mais il faudra aussi qu'on ait l'aide des parties.
Il faudra qu'autant les propriétaires d'entreprises que les travailleurs
fassent leur part si on veut rétablir une situation normale qui
s'appelle de la négociation et qui s'appelle aussi des règles du
jeu mieux établies dans le respect des parties. Et, moi, j'ai
l'impression, puis j'ai la certitude qu'on n'est jamais arrivés à
ce positionnement-là et, pour moi, c'est majeur, cette commission qu'on
va vivre ce matin...
Le Président (M. Audet): En conclusion.
M. Dufour: ...aujourd'hui. Elle est pour un problème
mineur, mais, d'ici trois mois, il faudra bien que le ministre nous trouve des
solutions. Si ce n'est pas le ministre, il y aura autre chose, et on verra
qu'est-ce qu'on pourra faire.
Le Président (M. Audet): Merci, M. le député
de Jonquière.
M. le député de Drummond, vous avez cinq minutes.
M. Jean-Guy St-Roch
M. St-Roch: Merci, M. le Président.
M. le Président, il y a trois ans, à peu près
à la même époque, j'étais l'adjoint parlementaire du
ministre du Travail du temps. On avait dit, à ce moment-là, et on
avait tous émis le voeu, je pense, de quelque parti ou de quelque
côté de la table que nous étions, que c'était la
dernière fois qu'on aurait à faire un décret, et
qu'à l'aide d'une commission parlementaire qui se serait voulue
itinérante on serait capables d'identifier les vrais
problèmes.
M. le Président, j'ai acquis la certitude ce matin, et avec
l'évolution de ces trois dernières années, contrairement
au passé où on avait des situations de récession que je
qualifierais de conjoncturelles, que, maintenant, dans le domaine de la
construction, nous faisons place à une conjoncture qui se veut
maintenant structurelle.
Et je citerai seulement les études de David Foot, qui est
peut-être celui qui a le plus fait d'études pour montrer l'effet
du vieillissement de la population et des baby-boomers. Et, lorsqu'il regarde
d'ici l'an 2000, il déclare: Dans le bâtiment, rien ne va plus.
Peu d'acheteurs, peu de locataires. David Foot prédit que le taux
d'inoccupation des logements se maintiendra à un niveau
élevé jusqu'aux environs de l'an 2000, lorsque les enfants des
baby-boomers l'écho du baby-boom auront atteint la
vingtaine. Et il prévoit la même chose dans le secteur
unifamilial.
Alors, M. le Président, dans le peu de temps qui m'est imparti,
je pense qu'on est arrivé à une conjoncture où il va
falloir regarder le grand domaine de la construction, qui est si vital pour les
développements économique, culturel et social du Québec,
avec des yeux nouveaux, en mettant de côté les acquis et tous nos
préjugés du passé pour être capable d'avoir une
ouverture d'esprit et de réaliser et je vais
énumérer six points, M. le Président, auxquels je pense
qu'il faudrait qu'on s'adresse qu'il y a un secteur de la construction
qui est résidentiel au Québec et un secteur qui est celui de la
grande construction. Qu'elle soit institutionnelle, qu'elle soit au niveau du
génie civil, qu'elle soit gouvernementale ou paragouvernementale, il va
falloir s'y adresser avec ouverture d'esprit.
Il y a aussi un autre domaine auquel il va falloir, en tant que
gouvernement, s'adresser, M. le Président, et c'est la planification des
grands travaux pour être capable d'utiliser les grands programmes
d'investissements du gouvernement, que ce soit au niveau scolaire, que ce soit
au niveau hospitalier ou que ce soit au niveau municipal ou au niveau
provincial, être capable de planifier ces travaux-là pour
être capable d'uniformiser le plein emploi.
Il va falloir être imaginatif, M. le Président, et regarder
la manière dont fonctionne l'État québécois au
niveau de sa comptabilité et au niveau de ses finances publiques parce
que, malheureusement, si on essaie, dans des conditions difficiles,
d'accroître les déficits, on a toujours la crainte que les
institutions financières ne décotent la cote de crédit, ce
qui fera, à ce moment-là, un accroissement au niveau des
intérêts. Il faut être capable de regarder et de
considérer une fois pour toutes que, lorsqu'on regarde ces grands
travaux là, ce n'est pas de l'endettement, M. le Président, mais
ce sont des immobilisations qui vont servir à plus qu'une
génération, et qu'il est normal, en temps de difficultés,
qu'on utilise ce levier-là de l'État.
Et, quatrièmement, il va falloir regarder aussi un autre secteur,
parce que c'est quelque chose qui est latent aussi, qui est toute la
problématique de la Commission de la santé et de la
sécurité du travail, avec les déficits qui s'accumulent,
qui ont aussi un impact majeur au niveau de coûts de la construction et
qui se répercutent, finalement, sur la capacité d'achat de nos
citoyens et de nos citoyennes.
Il va falloir regarder aussi, M. le Président, nos politiques
fiscales. Est-ce qu'on devrait y aller avec des crédits d'impôt au
niveau du secteur résidentiel? Mon collègue de Jonquière a
touché la problématique du travail au noir. Est-ce qu'il y a
moyen, au niveau de la législation, par des mesures un peu plus
coercitives, d'être capable de régler?
Et, finalement, M. le Président, il va falloir regarder tout le
grand secteur de la bureaucratie, qui fait en sorte, finalement, que ce qui est
en train de bouffer l'esprit d'initiative et de créativité des
Québécois et des Québécoises, c'est cette montagne
de bureaucratie qui fait en sorte, aujourd'hui, qu'il est peut-être
beaucoup plus facile d'aller travailler au noir au lieu d'être un
entrepreneur qui va engager nos jeunes Québécois et
Québécoises, et surtout les moins vieux.
Alors, comme vous pouvez le voir, M. le Prési-
dent, j'ai fait un tour de piste qui est rapide. On remarque que les
responsabilités sont partagées. Oui, il y aura du partage.
Côté travailleurs, il va falloir rapprocher, regarder les
problèmes nouveaux dans cette conjoncture de vieillissement de la
population. Il y a une responsabilité aussi auprès de nos
employeurs afin d'être capable de dire qu'on va regarder le
problème dans un contexte d'équité, dans un contexte de
bâtisseurs de l'économie québécoise.
Il y a un problème aussi au niveau législateur. Je ne
blâmerai pas l'Opposition gouvernementale parce que, dans mon esprit, M.
le Président, lorsqu'on a reçu un mandat de la part de nos
citoyens et de nos citoyennes, c'est pour les représenter ainsi à
l'Assemblée nationale et, au-delà des lignes partisanes,
d'être capable, lorsque les conjonctures du Québec sont critiques
et peuvent être déterminantes, de jouer au-delà des lignes
de partisanerie pour être capable de bâtir un climat social,
être capable de bâtir un contexte où on mettra les
fondations d'assise pour être capable de développer cette
collectivité.
Le Président (M. Audet): En conclusion.
M. St-Roch: J'aborderai, comme je l'ai toujours fait, en
conclusion, M. le Président, cette commission avec ouverture d'esprit,
en demandant aux parties qui viendront témoigner de faire preuve de
cette même ouverture d'esprit et de souhaiter, M. le ministre, qu'on
pourra mettre sur pied une commission parlementaire élargie qui
comprendra des travailleurs, qui comprendra des gens du patronat, où on
serait capable de faire le tour du Québec, de dégager, à
l'intérieur de cette grande consultation, un consensus qui nous
permettrait d'établir les assises nouvelles du milieu de la
construction.
Et je vous remercie, M. le Président. (9 h 30)
Le Président (M. Audet): Merci, M. le député
de Drummond.
Alors, ça termine nos remarques préliminaires, à
moins qu'il n'y ait d'autres interventions. Ça va.
Auditions
Je vais maintenant inviter la Centrale des syndicats
démocratiques à s'avancer et à prendre place. Alors,
messieurs, au nom des membres de la commission, je vous souhaite la plus
cordiale bienvenue. Je vous rappelle brièvement nos règles de
procédure. Vous disposez d'une vingtaine de minutes pour nous faire part
de votre exposé. Ensuite suivra une période d'échanges qui
durera une quarantaine de minutes, dont 20 minutes pour la formation
ministérielle et 20 minutes pour la formation formant l'Opposition.
Avant de débuter votre présentation, je vous inviterai
à vous identifier. Et, lorsque vous procéderez à votre
présentation, je vous invite aussi à vous adresser au
président. Alors, vous avez la parole, et je vous invite à vous
identifier avant de débuter. Merci.
Centrale des syndicats démocratiques
(CSD)
M. Gingras (Claude): Alors, merci, M. le Président.
M'accompagnent pour la présentation du mémoire, M. Michel
Fournier, qui est président du Syndicat des travailleurs de la
construction du Québec (CSD), ainsi que M. Jean-Guy Lévesque,
représentant du Syndicat des travailleurs de la construction du
Québec (CSD). Alors, mon nom, Claude Gingras, bien sûr,
président de la Centrale des syndicats démocratiques.
Alors, M. le Président, membres de la commission parlementaire de
l'économie et du travail, c'est avec tristesse aujourd'hui qu'on est
présents devant vous. On a un petit grief à faire en partant,
c'est que se faire convoquer subito presto, avec un avis de quelques heures,
à une commission parlementaire pour venir témoigner d'une
situation aussi lourde de conséquences pour l'économie du
Québec, ce n'est quand même pas valorisant pour des parties qui
sont dans cette industrie depuis plusieurs années et qui vivent avec
beaucoup d'émotion et de tristesse, justement, toute cette
situation.
Nous n'avons pas l'intention, ce matin, comme partie
représentante des travailleurs, de prendre beaucoup de temps de la
commission de l'économie et du travail. Je vais vous expliquer pourquoi.
Depuis plusieurs années, et certains l'ont rappelé, on est
toujours devant une commission parlementaire ou devant des comités
consultatifs et, depuis plusieurs années, on est à la recherche
de solutions pour les problèmes de négociation dans l'industrie
de la construction. On n'a qu'à citer quelques-uns des exercices majeurs
qui se sont traduits par des recommandations formelles pour changer l'ordre des
choses dans cette industrie: le rapport de la commission Cliche, le rapport
Hébert, le rapport Sexton-Picard, pour n'en citer que quelques-uns, mais
il y en a d'autres.
Beaucoup de solutions ont été proposées pour
changer, justement, cette réalité qu'on connaît dans
l'industrie de la construction. Beaucoup de solutions ont été
proposées pour démocratiser cette industrie. Il semble que
très peu ont retenu l'attention des politiciens et des décideurs
politiques. Et on se retrouve encore aujourd'hui à venir passer le
même message. Ce qu'on est obligé de vous dire aujourd'hui, c'est
que, dans l'industrie de la construction, le processus de négociation
n'a aucune transparence. On impose à une majorité de travailleurs
des moyens de pression dans une stratégie qu'ils n'ont jamais
décidée, et on les poursuit en justice pour débrayage
illégal. C'est un peu la réalité qu'on vit. Le
ministère du Travail doit intervenir continuellement dans la
négociation, et tous savent que celle-ci se termine toujours par un
sprint de dernière minute dans le bureau du ministre. C'est une
tradition. La très grande majorité des travailleurs sont
complètement écartés du processus malgré la
consultation prévue à l'article 96 de la loi. La
conséquence de cette dynamique trafiquée, c'est un décret
bourré de clauses discriminatoires pour certains groupes, dans lequel
l'uniformité minimale des conditions de travail n'est pas
assurée.
De façon générale, nous n'avons pas l'intention,
devant la commission, d'aborder encore une fois les multiples propositions pour
changer cette situation-là, qu'on a formulées à maintes
reprises devant les décideurs politiques. On n'a pas l'intention de le
faire aujourd'hui. Ce qu'on vous dit, membres de la commission parlementaire,
avec beaucoup de respect, c'est que vous avez tout en main, en termes de
propositions, pour modifier l'ordre des choses dans cette industrie-là.
Il s'agit tout simplement de choisir et de décider. Ça n'a pas
été fait, malheureusement. On se retrouve cette année avec
la même situation. Mais est-ce qu'on a vraiment la volonté
politique de changer les choses? Ça, c'est à vous autres d'y
répondre, à cette question-là, ce n'est pas à nous
autres; on vous en a suggéré, des moyens.
Alors, voilà le message qu'on avait à vous transmettre
aujourd'hui. On est déçus de la situation pour les travailleurs
de la construction concernés. Ce qu'on peut vous dire actuellement: le
sentiment qui prévaut dans cette industrie-là, c'est un sentiment
de frustration. Les travailleurs sont confrontés constamment avec le
travail au noir, sont confrontés quotidiennement avec
l'insécurité et, en plus, ils sont confrontés aujourd'hui
avec l'arrogance des employeurs qui leur proposent, pas de régler ces
problèmes fondamentaux de l'industrie mais de sabrer dans leurs
conditions de travail et de devenir un peu les boucs émissaires de ce
qu'ils ont bâti comme système anarchique et inacceptable dans
l'industrie de la construction.
Alors, le message qu'on a à vous transmettre comme
décideurs politiques, c'est qu'il est temps de passer à l'action
pour changer ce qui se passe dans l'industrie de la construction et faire en
sorte qu'on ne soit pas constamment dans un pèlerinage devant vous
autres pour venir vous dire ce que vous devriez faire. Mais, pour une fois, je
pense qu'il vous appartient de prendre des décisions.
Alors, voilà. On n'a pas l'intention d'échanger plus
longuement sur cette question-là, mais voilà le témoignage
qu'on voulait formuler devant la commission aujourd'hui. C'est à vous
autres de prendre vos décisions et de prendre les bonnes
décisions pour changer ces choses-là. On n'a pas l'intention de
reformuler nos propositions; elles sont sur la table, et il s'agit d'en
décider. Je vous remercie...
Le Président (M. Audet): Merci, M. Gingras.
M. Gingras: ...et ça complétera notre
témoignage-
Le Président (M. Audet): Merci. M. le ministre du
Travail.
M. Cherry: M. le Président, l'exercice de ce matin, c'est
pour demander aux parties pourquoi, à date, la négociation n'a
pas fonctionné dans le renouvellement du décret. Je comprends que
la partie qui est devant nous, à cause de sa
représentativité et de la loi telle qu'elle est faite, ne faisait
pas partie de la table comme telle. Donc, il est difficile pour moi de lui
adresser des questions par rapport à ce qui s'est passé à
la table. Ce serait peut-être intéressant de vous demander, vous
autres de l'extérieur, mais quand même impliqués à
cause des gens que vous représentez, pourquoi vous pensez que ça
n'a pas marché cette année.
M. Gingras: Je vous ai dit, M. le ministre, on vous a
répondu à cette question-là; on a répondu au
ministère du Travail à plusieurs reprises à la question
que vous posez. Pourquoi ça n'a pas marché? Vous le savez fort
bien. Le système est piégé au départ. Alors, les
réponses à ces questions-là, vous les avez. On n'a pas
l'intention de les répéter. C'est le seul message qu'on a
à vous transmettre. Je comprends qu'il n'est pas agréable, mais
on a déjà été très spécifique par
rapport à ces motifs-là et on ne pourrait que
répéter des choses qu'on vous a déjà dites et que
vous avez en archives, au ministère du Travail.
M. Cherry: Le seul commentaire que je peux faire à
ça, c'est que la responsabilité qui est la vôtre, je l'ai
déjà occupée dans des fonctions précédentes.
Il me semble que, quand on accepte de représenter des gens, on a la
responsabilité de le faire à chaque fois, aussi souvent que c'est
nécessaire pour faire avancer les causes dans lesquelles on croit. Vous
souhaitez, ce matin, ne pas le faire. Vous prétendez l'avoir fait
plusieurs fois.
En ce qui me concerne, c'est la première fois que j'occupe cette
responsabilité-là concernant le dossier de la construction. Il me
semblait important d'entendre les parties. Vous choisissez de le faire de la
façon dont vous le faites ce matin. Je vous remercie d'avoir
été présent.
M. Gingras: Ça a été un plaisir, M. Cherry,
et soyez assuré qu'on sera présent dans toute discussion qui vise
à modifier le régime législatif dans l'industrie de la
construction qui fait qu'on se retrouve toujours dans une situation comme celle
d'aujourd'hui.
Cependant, je pense que l'objet de votre consultation aujourd'hui ne
vise pas, justement, à changer cet ordre des choses mais vise tout
simplement à essayer de connaître les raisons. Alors, sur ce, on
vous a dit à plusieurs reprises qu'on les a formulées, les
raisons, et on vous les a données, les raisons, aux décideurs
politiques, qui font que, à un moment donné, on se retrouve
toujours dans cette situation piégée. Merci.
Le Président (M. Audet): Merci. M. le député
de Jonquière.
M. Dufour: M. Gingras, vous avez dit dans votre exposé que
les solutions étaient toutes connues, ou à peu près, par
rapport aux problèmes qu'on a à vivre, en considérant
toutes les commissions qui ont déjà siégé ou tous
les rapports qui ont été mis sur la table, que ce soit la
commission Cliche, Hébert ou Sexton-Picard.
Je trouve que vous faites confiance beaucoup, beaucoup au gouvernement
en disant: Les solutions sont là; vous avez juste à vous servir,
et donnez-nous les réponses. Est-ce que vous pensez qu'il y a des
problèmes plus cruciaux auxquels vous êtes confrontés
actuellement que ceux qui ont été mis sur la table? Si je prends
tous les rapports qui ont été exposés à venir
jusqu'à ce jour, ils ne sont pas nécessairement
complémentaires l'un de l'autre. Ça me fait penser à des
livres de recettes. Vous pouvez avoir trois sortes de recettes
différentes, et vous dites: Choisissez les ingrédients, vous avez
la réponse. Moi, je suis sûr qu'on n'a pas la réponse comme
ça. (9 h 40)
Vous avez parlé de l'arrogance de l'AECQ ou des entrepreneurs.
Moi, il me semble que vous pourriez peut-être essayer, en tout cas, selon
votre bonne volonté... Est-ce que vous pouvez nous indiquer quelques
pistes, par exemple, de solution par rapport au travail au noir? Moi, je pense
que, ça, c'est... Tout le monde a ça dans l'esprit. Le travail au
noir, ça veut dire quoi? Vous savez, il y a le travailleur
là-dedans, il y a les entrepreneurs, il y a le gouvernement qui est
là-dedans. Il y a à peu près toute la
société qu'on connaît. Les professionnels font du noir.
Vous savez ça? On a tendance, des fois, à porter ça, en
général: C'est le travailleur qui travaille au noir, c'est lui le
coupable. Ce n'est pas vrai. C'est la société qui est coupable.
Et un des premiers qui a mis ça sur pied, ce système-là,
savez-vous qui c'est? C'est les gens qui sont ici. C'est la faute un peu de la
hausse de la taxation qui est intenable pour les gens. C'est aussi les
systèmes qu'on n'a pas voulu épurer et nettoyer. Et les gens, ils
ont besoin de gagner. Mais, moi, je vais vous dire bien honnêtement,
même si je voyais quelqu'un qui travaille au noir, qui a le goût de
travailler et de manger, je ne suis pas sûr que j'irais le
déclarer. Savez-vous que j'ai un problème de conscience? Comment
on fait pour régler ça?
M. Gingras: M. le député, on a
témoigné récemment, dans le cadre de l'étude du
projet de loi 185. Vous êtes probablement au courant? Ça ne fait
pas tellement plusieurs mois qu'on a travaillé sur cette
question-là qui visait justement à essayer de trouver une
solution au travail au noir. On avait élargi la discussion. Dans notre
présentation, on vous avait suggéré une série de
moyens pour faire en sorte que, justement, on trouve des solutions au travail
au noir: qu'on diminue le sentiment d'insécurité des travailleurs
dans cette industrie-là, qu'on essaie de redonner un nouveau cadre de
fonctionnement à l'industrie, qui soit quand même plus acceptable.
Mais c'est resté lettre morte. On l'a fait dans le cadre de
l'étude du projet de loi 185, qui visait essentiellement à
régler cette problématique-là.
Or, vous nous demandez aujourd'hui de vous redonner les moyens qu'on
vous a suggérés à l'époque. Je comprends qu'on peut
les répéter, on peut vous les redire. Écoutez, si vous
avez perdu ces positions qu'on vous a transmises à l'époque, on
va vous les réacheminer. On va vous dire ce qu'on vous avait
proposé à l'époque comme étant des moyens pour
essayer de trouver une solution à ces problèmes-là.
Ce n'est pas qu'on ne veut pas aujourd'hui, MM. les membres de la
commission de l'économie et du travail, travailler avec vous autres
à la recherche de solutions, mais on a l'impression, depuis plusieurs
années, de le faire et de le faire souvent sans que ça change
rien et sans que les décideurs prennent les véritables
décisions qu'on doit prendre pour changer l'ordre des choses. Tant qu'on
ne changera pas le cadre de fonctionnement de cette industrie-là, on
n'aura rien changé et on se retrouvera constamment à discuter
pourquoi on en est dans ces situations-là.
Je vous le dis, ce n'est pas nécessairement avec arrogance qu'on
vous transmet ce message-là aujourd'hui, mais c'est avec frustration, et
on vous le fait sentir. On vous dit: On est frustrés parce qu'on a
l'impression de parler dans le désert.
M. Dufour: Je voudrais juste rétablir peut-être, par
exemple... C'est vrai qu'on est le gouvernement. On fait partie du
gouvernement, mais on n'est peut-être pas placés aux mêmes
sièges. Pour nous, même si on retenait vos suggestions et
même si on trouve qu'elles ont de l'allure, ce n'est pas nous autres qui
avons le pouvoir de changer quoi que ce soit. J'ai dit tout à l'heure
que, définitivement, il y avait un manque de volonté politique.
Les gens qui peuvent exercer les contrôles les plus sévères
ou les plus adéquats, ce n'est pas dans l'Opposition. Je pense que, nous
autres, on vit et on constate que des gens qui avaient des solutions à
tous les problèmes en 1985, actuellement, ils font partie du
problème.
M. Gingras: Bien, écoutez, vous connaissez très
bien comment fonctionne la politique, on n'a pas à vous l'expliquer.
Vous le savez fort bien, et nous aussi. Je pense qu'à certains moments
on a eu à discuter avec le parti au pouvoir qui était le parti
que vous représentez; on a eu aussi à discuter avec le parti au
pouvoir qui est celui qui est actuellement là, mais on n'a pas toujours
trouvé les solutions acceptables.
M. Dufour: Je n'étais pas là.
M. Gingras: Alors, je connais votre rôle actuellement. Vous
avez à jouer un rôle d'essayer d'influencer le parti au pouvoir
pour en arriver à des solutions ça, c'est votre rôle
et le parti au pouvoir a à décider. Ça aussi, on
connaît cet ordre de choses là. Alors, c'est pour ça qu'on
dit: Je pense qu'il est temps, il est temps qu'on fasse un exercice
sérieux, en profondeur et qu'on modifie l'ordre des choses. Parce que,
tant qu'on ne le modifiera pas, on se retrouvera ici, à se poser la
question: Pourquoi? Alors, c'est le message qu'on voulait vous transmettre.
M. Dufour: Je vous remercie.
Le Président (M. Audet): Merci. Un instant! Est-ce qu'il y
a d'autres interventions?
M. St-Roch: Oui.
Le Président (M. Audet): M. le député de
Drummond.
M. St-Roch: Merci, M. le Président.
Ça va être très bref. Je peux comprendre vos
frustrations, M. le président. Ma question va être brève.
Dans le but d'en arriver une fois pour toutes à aller au coeur du
problème et à être capable de proposer des solutions
correctives à tout cet ensemble de la problématique parce
qu'il y a plus qu'une facette à ce problème-là, et je
pense qu'on le reconnaît est-ce que votre organisation accepterait
de participer à une commission parlementaire qui serait peut-être
un peu différente de celle qu'on a ce matin, où on aurait des
représentants des élus, où on aurait des
représentants des travailleurs et où on aurait des
représentants du patronat? Genre Bélanger-Campeau, mais en
espérant un meilleur résultat. Le mandat de cette
commission-là serait de déposer un consensus et un rapport final
qui regarde toute la problématique, qui s'est adressé au
problème, qui s'est donné les outils voulus et qui dit: Voici le
portrait, et voici les recommandations. Est-ce que votre centrale serait
prête à participer à un tel processus, avec un mandat bien
précis dans le temps, pas une affaire échelonnée sur des
années?
M. Gingras: Soyez assurés que, si une proposition comme
ça était formulée et accompagnée d'une
volonté politique, quand même, de donner suite aux
résultats des travaux de cette commission... La commission
Bélanger-Campeau, vous me servez ça comme exemple, mais je n'ai
pas l'impression que ça a fait beaucoup de chemin.
M. St-Roch: J'avais fait la nuance.
M. Gingras: Oui, bien, c'est ça. Alors, il ne faudrait pas
qu'on se retrouve avec un exercice stérile, mais un exercice qui
amène des solutions à un moment donné. Alors,
écoutez, dans le cadre d'une consultation élargie, soyez
assuré que vous auriez sûrement la collaboration de la Centrale
des syndicats démocratiques.
M. St-Roch: Merci, M. le président.
Le Président (M. Audet): Merci. Est-ce qu'il y a d'autres
questions pour nos invités? Ça va.
Alors, M. Lévesque, M. Gingras, M. Fournier, au nom des membres
de la commission, je vous remercie de votre présentation, même si,
comme vous l'avez mentionné, l'avis a peut-être été
relativement court entre les deux. Je vous remercie de votre
présentation.
Alors, nous allons suspendre deux minutes afin de permettre à la
Confédération des syndicats nationaux de s'avancer et de prendre
place. Merci.
(Suspension de la séance à 9 h 47)
(Reprise à 9 h 51)
Le Président (M. Audet): S'il vous plaît! À
l'ordre, s'il vous plaît! Si vous voulez prendre place, nous allons
reprendre nos travaux. Si vous voulez prendre place, s'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît!
Alors, nous recevons maintenant les gens de la
Confédération des syndicats nationaux. Messieurs, au nom des
membres de la commission, je vous souhaite la plus cordiale des bienvenues. Je
vous rappelle brièvement nos règles de procédure. Vous
disposez d'une vingtaine de minutes pour nous faire part de votre
exposé. Ensuite suivra une période d'échanges d'une
quarantaine de minutes, qui est répartie entre les deux formations,
ici.
Avant de débuter votre présentation, je vous inviterais
à vous identifier aussi et à tous vous identifier, inviter les
gens qui accompagnent le porte-parole et aussi vous inviter à vous
adresser au président dans le cadre de nos échanges. Vous avez la
parole. Merci.
Confédération des syndicats nationaux
(CSN-construction)
M. Lemieux (Olivier): Merci, M. le Président.
À ma gauche, M. Gilles Tardif, vice-président de la
fédération; M. André Paquin, trésorier de la
fédération; M. Marcel Langlois, secrétaire de la
fédération; M. Jacques Huot, coordonnateur de la
fédération; M. Jean-Luc Cloutier, vice-président de la
fédération, et M. Edouard Duchesne, vice-président de la
fédération; Olivier Lemieux, président de la
CSN-construction.
M. le Président, membres de la commission, la CSN-construction se
présente devant cette commission pour y exprimer le point de vue de ses
membres sur la question soulevée par l'échéance imminente
du décret, alors qu'il y a une impasse dans les négociations et
que plusieurs hypothèses ont été soulevées depuis
quelques semaines sur le sort de l'industrie de la construction, notamment
celle de la prolongation du décret sur une période de 45
jours.
Comme elle l'a répété à maintes reprises
dans cette enceinte par la voix de ses porte-parole, depuis sa fondation, la
CSN-construction a toujours défendu le droit de ses membres de
négocier leurs conditions de travail. Cette année, la
CSN-construction n'est pas à la table de négociation, mais elle
entend faire valoir son point de vue sur la situation et les enjeux auxquels
sont confrontés l'industrie et ses membres, en espérant que cette
commission y prêtera oreille et que le gouvernement en tiendra compte
dans les décisions qu'il prendra.
Nous rappelons ce que nous disions devant cette même commission en
mai 1990: dans l'industrie de la construction, la convention collective n'a pas
été négociée une seule fois dans son ensemble
depuis 1980. Jamais, au cours de cette période, les travailleuses et les
travailleurs de ce secteur n'ont réussi à améliorer autre
chose que quelques articles, dont les clauses salariales, dans leurs
conventions collectives. Les articles relevant du normatif, qui n'ont pourtant
aucune incidence monétaire, sont, à toutes fins pratiques, les
mêmes qu'il y a
10 ans. Depuis 1980, toutes les négociations se sont
déroulées avec la menace d'une intervention gouvernementale. Le
décret qui tient lieu de convention collective a été
prolongé ou imposé en 1982, 1984, 1986, 1987. En 1989, où
les parties ont signé une entente, la négociation n'a
donné lieu qu'à quelques changements de la convention collective
parce que, encore une fois, le gouvernement menaçait d'intervenir.
La CSN-construction considère l'ingérence du gouvernement
du Québec dans la négociation de la convention collective de
l'industrie de la construction comme étant totalement inacceptable. La
CSN-construction a également toujours préconisé le
maintien du pluralisme syndical dans l'industrie de la construction. C'est la
forme la plus élémentaire de la reconnaissance du libre droit
d'association. La possibilité pour les travailleurs de pouvoir choisir
leur organisation syndicale évite les dangers qu'une seule et unique
organisation pourrait générer sur les chantiers et dans
l'industrie.
À la suite de nos rencontres avec les députés, et
par les échos que nous entendons en provenance de certains groupes de
pression et des porte-parole patronaux, nous savons que certains sont
tentés par l'imposition d'une nouvelle déréglementation
dans l'industrie de la construction. Nous réaffirmons, de notre part,
que nous sommes opposés à une autre
déréglementation. Déjà, par la loi 31, le
gouvernement libéral a soustrait le secteur rénovation dans la
construction résidentielle aux règles qui régissent
l'industrie et les conditions de travail, octroyant aux petits entrepreneurs,
aux artisans et à tous les «jobineux» une part du
marché évaluée à 2 300 000 000 $ en 1990. Et
pourtant, les problèmes résultant de la progression du travail au
noir demeurent entiers, ce qui prive souvent le consommateur de l'assurance
d'obtenir des travaux de qualité, garantis par des travailleurs
compétents.
D'autres provinces, comme la Colombie-Britannique, ont
procédé à une déréglementation
complète de l'industrie de la construction sans que cela ne se traduise
par des gains significatifs pour les consommateurs. L'introduction de deux
échelles de salaires n'a pas eu d'impact véritable sur le prix
des maisons.
De même, au Québec, la déréglementation de la
rénovation pour les propriétaires occupants ne s'est pas traduite
par des économies substantielles pour les consommateurs, sinon que cela
a encouragé le travail au noir qui prive les travailleurs de conditions
décentes de travail, de rémunération et le gouvernement
d'une somme importante de revenus fiscaux.
Nous tenons donc à mettre le gouvernement en garde contre toute
tentative de procéder à une nouvelle
déréglementation. Les travailleurs de la construction membres de
la CSN nous ont fait savoir, au cours de la tournée que nous venons
d'effectuer dans toutes les régions de la province, qu'ils en avaient
assez de voir le travail au noir prendre de l'ampleur sur les chantiers,
même gouvernementaux, dans certains cas, comme au centre Asticou de Hull.
Les institutions mises en place pour faire respecter l'application de la loi
avouent leur impuissance à s'acquitter de leurs responsabilités.
Des menaces ont même été proférées à
leur endroit par des illégaux qui poussent l'outrance jusqu'à se
constituer en association et à mener une campagne ouverte pour s'emparer
des emplois des vrais travailleurs de la construction. Ce mépris ouvert
et flagrant des lois et règlements adoptés par l'Assemblée
nationale et par le gouvernement, au lieu de susciter l'indignation de ses
représentants, en reçoit au contraire l'appui tacite.
C'est dans ce contexte que la partie patronale demande carrément
et sans vergogne au gouvernement de légaliser ces comportements
illégaux, comme elle l'a fait dans les reculs qu'elle a proposés
à la table de négociation. Nous avions pourtant cru que le
gouvernement avait bel et bien fait son nid en réservant la construction
neuve aux vrais employeurs et aux vrais travailleurs de la construction.
Voilà qu'il s'avoue presque incapable de protéger le maintien de
la paix sociale, et que certains députés font leur, devant cet
échec, l'idée d'en faire payer le prix aux chômeurs de la
construction en proposant, eux aussi, de légaliser
l'illégalité.
Au nom de tous les membres de la CSN-construction, je tiens à
transmettre leur message à cette commission: ils ont atteint et
dépassé leur niveau de tolérance face aux attaques dont
ils sont la cible. L'appauvrissement des travailleurs de la construction a
atteint des sommets sans précédent. Le chômage est devenu
le lot d'une majorité de travailleurs et, fait nouveau et accablant,
c'est l'aide sociale qui guette plusieurs familles, ce qui ne s'était
que très rarement vu dans notre industrie.
En plus, les chômeurs de la construction n'ont pas l'espoir de
voir leur sort s'améliorer à court terme, car les
prévisions de la Commission de la construction du Québec pour
1993 traduisent une nouvelle baisse du nombre d'heures travaillées, ce
qui, encore une fois, abaissera la moyenne d'heures au niveau de 14 semaines de
travail au cours de l'année, ce qui signifie que bon nombre des
personnes qui travailleront ne seront même pas éligibles aux
prestations d'assurance-chômage. Il y a 2 ans, la moyenne de durée
de travail était de 6 mois par année. On se retrouve maintenant
avec une moyenne de 560 heures pour les 121 000 détenteurs de carte de
compétence.
Il faut ajouter que notre industrie est la seule à devoir
accueillir des jeunes apprentis à chaque année, quelle que soit
la conjoncture économique. On prévoit que les effectifs
augmenteront de 2984 nouveaux en 1993. Il y en a eu 2672 en 1988, 3135 en 1989,
3959 en 1990, 2563 l'année suivante et 1314 en 1992. À cela, il
faut ajouter plus de 24 000 autres entrées générées
par l'ouverture des bassins. Cela fait un total de 38 000 nouveaux venus en un
peu plus de 5 ans.
En contrepartie, si les travailleurs de la construction qui, eux, n'ont
pratiquement pas de sécurité d'emploi, désirent se faire
embaucher dans d'autres industries, ils se heurtent à la
sécurité d'emploi et aux règles qui donnent la
préférence selon l'ancienneté, ce avec quoi nous sommes
évidemment pleinement d'accord. La seule forme de sécurité
d'emploi fut introduite par l'en-
tree en vigueur du règlement de placement à la fin des
années soixante-dix, ce qui a eu pour effet de stabiliser la
main-d'oeuvre grâce à une priorité d'embauché
régionale, d'assainir les relations de travail et d'augmenter la
compétence de l'industrie par suite du doublement du nombre d'heures
travaillées en moyenne. (10 heures)
Les travailleurs de la construction, contrairement à ce
qu'insinuent ceux qui voudraient que tout le monde puisse le devenir en
«cliquant» des doigts, doivent investir argent et temps pour faire
reconnaître leur compétence. Dans certains cas, les apprentissages
peuvent s'échelonner sur une dizaine d'années, d'autant plus que
le nombre d'heures travaillées ne cesse de décroître.
D'ailleurs, compte tenu de l'augmentation du bassin de main-d'oeuvre,
combinée au temps requis pour gagner le salaire d'un compagnon, il faut
être très prudent quand on dit que le taux moyen d'un travailleur
de la construction frise les 22 $ l'heure. Dans la réalité, la
situation est tout autre.
Quelles solutions envisageons-nous en brandissant l'illusion de vouloir
créer de l'emploi? On réclame que la construction neuve soit
ouverte à n'importe qui, que les salaires soient abaissés de 20 %
dans le secteur résidentiel, de 5 % dans les autres secteurs. Comme si
les employeurs n'avaient pas le choix de la main-d'oeuvre dans un bassin aussi
vaste que 121 000 travailleurs pour les 60 000 emplois qui s'annoncent dans la
conjoncture actuelle.
Augmenter ce bassin de main-d'oeuvre ne procurera de l'emploi à
personne, et c'est aberrant d'insinuer, d'autre part, que la rationalisation
des coûts de main-d'oeuvre que revendique la partie patronale produirait
l'effet miracle de multiplier sensiblement les mises en chantier. C'est de
projets plutôt qu'a besoin l'industrie de la construction, car, selon une
étude que nous avons faite des relevés de Statistique Canada sur
le coût détaillé de tous les intrants d'une maison neuve au
Canada, terrain exclu, la part de la main-d'oeuvre constitue un maximum de 22
%, au total. Nous estimons donc que les mesures que réclame la partie
patronale équivaudraient à une économie d'environ 4500 $
sur une valeur de 115 000 $ pour les consommateurs. C'est carrément
demander aux travailleurs de la construction de financer une industrie qui ne
parvient plus actuellement à les faire vivre.
La CSN-construction ne croit pas, d'ailleurs, qu'une prolongation du
décret constitue une véritable solution au problème auquel
nous sommes confrontés. Le gouvernement devrait plutôt donner de
véritables suites aux recommandations du rapport Sexton-Picard qui,
à notre avis, comme nous l'avons maintes fois souligné, constitue
une des voies pour sortir l'industrie de la situation désastreuse dans
laquelle elle se trouve. À cet égard, nous déplorons que
le gouvernement n'ait appliqué à la pièce que quelques
recommandations que les deux commissaires avaient soumises comme faisant partie
d'un tout.
L'autre élément essentiel à une relance de l'emploi
et de l'industrie, c'est la mise de l'avant de projets et de politiques
économiques qui favorisent un véritable développement,
tant au niveau national et régional que local. À cet
égard, nous rappelons que la CSN-construction a soumis aux
représentants du gouvernement des suggestions pour un plan de relance en
décembre 1992.
La CSN-construction préconise aussi l'élargissement du
champ d'application de la loi pour que soient assujettis les secteurs qui y
sont soustraits, notamment dans l'industriel et l'institutionnel. Qu'est-il
advenu des travaux du comité Lavallée-Laberge sur cette question,
qui devaient aboutir en février 1993?
En terminant, nous espérons que la commission tiendra compte des
positions et des avis des membres que nous représentons, que ces travaux
déboucheront sur un débat constructif au lieu de nous engouffrer
dans de faux débats que plusieurs ont soulevés. Nous osons croire
et espérer que l'exercice auquel nous nous prêtons aujourd'hui ne
sera pas vain et permettra d'enclencher un processus de solution des
problèmes de l'industrie qui respectera aussi les besoins et les
intérêts des travailleuses et des travailleurs de la
construction.
Merci.
Le Président (M. Audet): Merci. M. le ministre du
Travail.
M. Cherry: Merci, M. le Président.
D'abord, merci d'être présents et de, je pense, remplir la
responsabilité, qui est celle que vous avez acceptée, de faire
valoir les points de vue des travailleurs et des travailleuses que vous
représentez dans ce secteur-là. Votre mémoire le souligne.
Comme, cette année, vous n'êtes pas partie à la table, vous
venez quand même commenter les raisons. Vous dites, bon, que ce n'est pas
la première fois. Parmi les questions que je posais au tout début
de mes remarques préliminaires, je disais: Est-ce que c'est le contexte
économique? Est-ce que c'est le régime de négociation
lui-même? Est-ce que c'est la volonté des parties? Est-ce que
c'est les demandes qui ont été déposées et
proposées? Donc, dans ce sens-là, vous vous y adressez et, si
vous souhaitez le faire davantage, j'aimerais ça vous entendre.
Est-ce que c'est le régime comme tel, tel qu'il est, ou est-ce
que, cette année, c'est et le régime et la conjoncture? Ou est-ce
qu'il y a d'autres éléments et vous souhaiteriez profiter de la
période pour nous expliciter, ce matin?
M. Lemieux (Olivier): Ce que nous croyons, à la
CSN-construction, c'est que, tant et aussi longtemps que le rapport de force ne
peut pas s'exercer, tant et aussi longtemps que l'une des parties,
dépendamment de la conjoncture, que ce soit patronale ou syndicale...
Mais, au niveau de la partie syndicale, on espère toujours que ce soit
le rapport de force qui s'exerce. Mais, là, s'il y a une prolongation du
décret de 45 jours, à l'heure actuelle, cette année, je
vois plutôt la partie patronale, à mon avis, qui va s'asseoir et
qui va attendre. Moi, je pense que, tant qu'il y a une épée de
Damoclès sur la
tête des parties à négocier, il ne peut pas y avoir
véritablement de négociation et de règlement.
Parce qu'on le sait, depuis à peu près 20 ans, il n'y en a
pas eu, de négociation. Le gouvernement, pour toutes sortes de raisons,
est intervenu. Moi, je pense que, si les règles étaient
claires... Et je vais dire, par hypothèse, au 15 juin, s'il n'y a pas
d'entente... Disons que vous décidiez de prolonger de 45 jours; il n'y a
pas d'entente au bout de 45 jours, et vous dites: O.K., c'est le «free
for all», à cette heure, la «game» se joue. Moi, j'ai
l'impression que peut-être les parties pourraient arriver à un
règlement.
Mais, tant qu'il y a un espoir, d'un côté comme de l'autre,
dépendamment de la conjoncture, ou des demandes, ou... Moi, je pense
que, tant qu'il va y avoir cette menace-là qui va peser sur l'industrie
de la construction, il ne pourra pas y avoir véritablement de la
négociation. Parce que peu importe, comme je le répète, la
conjoncture, une ou l'autre des parties s'assied sur son steak
permettez-moi l'expression et attend la sanction du ministre et le
décret imposé. Je pense que cette épée de
Damoclès enlevée, réellement, patrons et syndicats, on
pourrait s'entendre et négocier une véritable convention
collective.
M. Cherry: Donc, pour être bien certain que je vous ai bien
saisi, vous dites: La façon dont ça fonctionne et vous y
référez dans votre mémoire ça n'a jamais
été possible d'exercer notre rapport de forcej'utilise les
mots que vous utilisez et là vous citez des dates: 1982, 1984,
1986, 1987. Bon, vous les nommez toutes. Et là vous dites: Ça
dépend des périodes. Quand le contexte économique est de
telle façon, c'est telle partie je reprends vos mots qui
s'assied sur son steak; quand c'est l'autre, elle le fait. Donc, dans le
contexte de 1993, ça s'exercerait comment, le rapport de force?
M. Lemieux (Olivier): C'est dur de présager comment
ça se passerait en 1993, mais, moi, j'ai l'impression que, même en
1993, si le rapport de force s'exerçait, je pense que, pour une fois, on
pourrait peut-être arriver à de vraies solutions pour
régler les problèmes de l'industrie. Parce que, dans l'histoire,
c'est toujours en période de crise économique que les plus
grandes réformes se sont passées, et j'ai l'impression que, si le
rapport de force s'exerçait, même en 1993, où ça va
être après la pire année dans l'industrie depuis les 25
dernières années, on pourrait peut-être arriver à
des solutions.
M. Cherry: O.K. Je vais tenter de vous permettre de
préciser votre... L'exercice du rapport de force, là, vous
l'exerceriez comment, si vous l'aviez? J'ai entendu des déclarations
à la radio, j'ai lu dans les journaux que... Est-ce que ça
consisterait à faire des visites de chantiers? Comment, là, en
1993, dans le contexte économique, avec le peu d'ouvrage qu'on a, le
taux de chômage que vous avez, comment l'exerceriez-vous, le rapport de
force auquel vous référez dans votre mémoire?
M. Lemieux (Olivier): À l'heure actuelle, dans certaines
régions du Québec, même si on dit, des fois, que c'est
piloté par la tête, certains mouvements des travailleurs, on n'a
même pas besoin, comme on dit dans notre langage de la construction, de
«caller les shots». Les travailleurs sont en train de s'organiser
et, comme je l'ai mentionné à certains journaux, la marmite est
sur le bord de sauter à des places. C'est les travailleurs
eux-mêmes qui se prennent en main quand ils voient que, dans la rue, dans
la ville à côté, il y a du travail et, eux, ils ont des
cartes, ils savent... Tout le monde se connaît, en région,
là. À Montréal, Québec et les grands centres, ils
se connaissent un peu moins. Mais la construction, c'est à la grandeur
du Québec, et les gens se connaissent. Et, quand ils
s'aperçoivent que quelqu'un, dont ils savent que ce n'est pas un vrai de
l'industrie, que c'est comme un fraudeur de l'industrie, les
téléphones se font, et les gens commencent à en avoir leur
«truck».
Aussi, il y a beaucoup de confusion à l'heure actuelle. On sait
que la loi dit que c'est les patrons et les syndicats qui négocient,
mais il y a toutes sortes d'ingérences. C'est rendu que les interdits
font des conférences de presse, les illégaux sur un bord,
dépendamment des régions et des regroupements... À l'heure
actuelle, c'est la confusion totale. Et, moi, je pense que c'est le devoir du
gouvernement de ramener de l'ordre dans la cabane, si je peux m'exprimer ainsi,
dans la construction, et de clarifier des choses. Il y a la partie syndicale,
la partie patronale, et, si ces gens-là s'entendent, moi, je pense que
le ministre et le gouvernement en place devraient se faire un devoir de
légiférer dans ce sens-là, si les parties s'entendent. En
tout cas, je fais référence à la loi 185, où les
parties syndicale et patronale étaient d'accord, et il a fallu reporter
parce que le gouvernement en place a eu peur, je ne sais pas trop de quoi.
Mais, à l'heure actuelle, on a une entente signée, les
principales organisations syndicales et l'AECQ, concernant le travail au noir,
entre autres, et il y a eu une loi, mais j'ai l'impression qu'il y a des
recommandations qui sont restées sur la tablette.
M. Cherry: Vous venez de faire référence à
185. Il serait intéressant que ceux qui, comme vous, ont la
responsabilité, voient ça, l'ensemble des mesures dans les lois
185 et 186, qui sont maintenant de la législation pour contrer le
travail au noir. Il y en a 18 ou 19. Il serait peut-être
intéressant que vous regardiez, et les comités sur lesquels vous
pouvez siéger, que ce soit à l'AECQ ou à la Régie
du bâtiment, parce que c'est quasiment toujours les mêmes
intervenants, les outils que le législateur a mis à votre
disposition. (10 h 10)
Dans un deuxième temps, dans la page 4 de votre mémoire,
et vous le répétez à d'autres endroits... Comme vous
êtes le premier qui le soulève, je pense que c'est fait souvent.
Le paragraphe du centre: «On se retrouve maintenant à une moyenne
annuelle de 560 heures pour les 121 000 détenteurs de carte de
compétence.» Pouvez-vous me décortiquer ces 121 000
déten-
teurs de cartes de compétence? Parce que, dans le dernier vote
d'allégeance syndicale, c'était à peu près 85 000.
On me dit qu'il y en a une trentaine de mille... Je vous demande de me
clarifier ça pour voir si c'est les bonnes informations. Il y en a qui
n'ont pas renouvelé leur carte, mais, comme ils l'ont déjà
obtenue une fois, ils n'ont qu'à la redemander et, automatiquement, elle
leur est réémise. C'est parce que c'est des gens qui
n'enregistrent pas une seule heure dans l'industrie de la construction. Est-ce
qu'il est possible qu'il y ait des gens qui détiennent plus qu'une carte
de compétence? Est-ce que tout ça ensemble totalise 121 000
cartes? Est-ce que c'est 121 000 travailleurs?
M. Lemieux (Olivier): À l'heure actuelle, l'exercice
auquel on s'est prêté: on s'est servi des données de la
CCQ, les votants et les adhérents, et vous avez vos 121 000 cartes dans
la construction. Pour arriver au total de 560 heures, on s'est servi de la
projection de la CCQ pour l'année 1993: 67 000 000 d'heures
travaillées divisées par 121 000 détenteurs, ça
vous donne 560 heures pour la moyenne travaillée, une projection pour
1993.
Si je ne sais pas, moi le gouvernement a des projets dans
ses poches et si jamais on fait 80 000 000 d'heures, bien, la moyenne va
augmenter. Mais, à l'heure actuelle, on conviendra ensemble que,
ça, c'est une moyenne. C'est certain qu'il y en a qui vont travailler
peut-être 10 mois, d'autres, peut-être, qui vont travailler 1
semaine ou qui ne travailleront pas. Parce que, à l'heure actuelle, ce
qu'on retrouve, les gens dans nos bureaux... On n'a jamais vu autant de
personnes obligées de recourir à l'aide sociale dans notre
industrie. Et les gens de la construction, malgré tout ce qu'on entend,
ce sont des gens très fiers. Quand on se ramasse avec des gens qui sont
sur l'aide sociale... Et ils nous l'avouent carrément, entre l'aide
sociale et le travail au noir, laissez-moi vous dire qu'ils se pilent sur le
coeur. Et c'est le contexte dans lequel on est obligé de travailler en
1993.
M. Cherry: Donc, je pense qu'on avait facilement saisi que le
nombre d'heures, divisé par le nombre de personnes qui détiennent
des cartes... Ma question était plus précise. Vous dites qu'il y
a 121 000 personnes qui détiennent des cartes. Est-ce que c'est 121 000
personnes qui oeuvrent quotidiennement dans l'industrie de la construction,
s'il y a de l'ouvrage, ou est-ce qu'il y en a qui détiennent des cartes,
qui n'enregistrent jamais d'heures? Si c'est oui, il y en a combien sur ce
total de 121 000? Et, à votre connaissance, est-ce qu'il y a des gens
qui détiennent plus qu'une carte? Et, quand on totalise le nombre de
cartes, est-ce qu'on peut créer la perception qu'il y a 121 000
travailleurs? Mais, ce à quoi vous vous référez, c'est 121
000 cartes. Est-ce qu'il y a moins de travailleurs que ça, dans un
premier temps, parce qu'ils en détiennent plus qu'une? Et, dans un
deuxième temps, il y en a combien qui détiennent une carte mais
qui n'exercent jamais leur activité dans ce champ de la
construction?
M. Lemieux (Olivier): Oui. Pour votre question... Tu peux avoir
plusieurs qualifications, mais tu détiens une carte, là. Disons
que vous, M. le ministre, vous pourriez être opérateur, menuisier
on a vu un cas dans les journaux dernièrement et vous
pourriez détenir plusieurs compétences, mais vous auriez une
carte. Et, dépendamment des heures travaillées dans
l'année précédant le renouvellement, si vous avez fait
plus d'heures, exemple, comme opérateur, bien, ça va être
une carte d'opérateur, mais vous allez avoir des qualifications de
menuisier ou autres métiers. Mais, ça, c'est l'infime
minorité dans l'industrie de la construction.
Les 121 000 détenteurs de cartes, c'est les votants et les
adhérents, c'est-à-dire ceux qui ont fait plus de 300 heures et
ceux qui ont fait moins de 300 heures qui donnent 121 000 détenteurs de
carte, au moment où on se parle, au renouvellement du 1er mars 1993.
C'est des gens... Si, demain matin, il y avait le plein emploi LG 2, SM
3 et d'autres projets, Soligaz, le Forum, les nouvelles lignes de métro,
on ne sait jamais; à Québec, il y en a beaucoup, le
Colisée de Québec, peut-être là, ces 121 000
pourraient travailler demain matin, si c'est votre question!
M. Cherry: L'Hôtel-Dieu! O.K. Ça termine mes
questions, M. le Président.
Le Président (M. Audet): Merci. M. le député
de Jonquière.
M. Dufour: Oui. Vous dites non à une nouvelle
réglementation. Dans l'état actuel des choses, on est conscient
que le gouvernement a son mot à dire, puisque les négociations se
complètent toujours ou finissent toujours par un décret. Donc, si
le gouvernement est partie prenante, c'est que les règles du jeu... Le
fait qu'il puisse imposer un décret, on fausse les règles du jeu.
C'est qu'il ne peut pas y avoir une négociation libre, normale, si les
parties savent qu'à la dernière instance le gouvernement peut
s'introduire dans le processus et il le fait allègrement
pour imposer les règles. Donc, comment vous pouvez nous dire qu'il ne
doit pas y avoir de déréglementation quand le gouvernement est
partie prenante? Et les gens savent, eux autres. Moi, j'essaie de rapprocher
ça, là, pour savoir si vous voulez absolument que le gouvernement
débarque de là-dedans, ou s'il est dedans, puis vous dites: Pas
de déréglementation, puis on veut imposer des règles. Moi,
j'aimerais trouver, quelque part, comment on pourrait passer dans ce chemin
étroit là.
M. Lemieux (Olivier): Bien, un exemple. C'est mentionné
dans le mémoire qu'on a présenté ce matin: le
règlement de placement. Nous croyons, la CSN-construction, depuis qu'il
a été instauré dans la fin des années soixante-dix,
que ça a créé une espèce d'équilibre dans
l'industrie. À l'heure actuelle, il y a trois provinces canadiennes qui
pèsent sur la bedaine du gouvernement excusez l'expression
pour abolir le règlement de placement. Je le sais, j'ai eu des appels de
certains
journalistes de radio-canada, et ils voulaient avoir mon point de vue.
moi, je pense que c'est un faux débat, parce que, dans l'industrie,
selon les données de la ccq, il n'y a même pas 1 % des
travailleurs qui vont travailler à l'extérieur du québec.
moi, je pense que c'est un faux débat et que le gouvernement du
nouveau-brunswick visait autre chose que le règlement des travailleurs
de la construction. donc, ça, c'est un exemple.
Le règlement de placement, moi, je pense que c'est un minimum.
Ça a assuré aussi une paix dans l'industrie de la construction.
Si on recule dans les années antérieures, s'il y avait une job
dans ta cour et que tu ne pouvais pas travailler, bien, c'est là
qu'arrivaient les problèmes sociaux et une certaine violence. Disons,
les gens... La job est dans ta cour, et tu ne peux pas y aller; bien, il y a un
problème. Moi, je pense que le règlement de placement a
créé aussi une certaine ancienneté régionale
où les gens pouvaient travailler dans leur région et gagner leur
vie avec leur famille. Et ça, je pense, c'est un des plus gros dangers
qu'on vivrait présentement dans l'industrie de la construction si jamais
le règlement de placement venait à sauter. Parce que c'est
ça qui a fait qu'il y a une stabilité. Les gens, maintenant,
peuvent espérer vivre de l'industrie. Rappelez-vous les heures
rapportées avant. Ça virait autour de 500 heures, et des fois
moins. Donc, quand il y a eu le règlement de placement, le niveau des
heures travaillées dans l'industrie a atteint 1100 heures et, avec un
peu d'assurance-chômage, les gens de l'industrie, la moyenne, c'est
autour de 25 000 $, 26 000 $ par année. Donc, c'est vivable au
Québec avec un salaire de cet ordre-là.
Mais, si jamais le règlement venait à être
modifié ou enlevé, on retomberait avec des belles listes de
membres à nos bureaux, comme on a connu dans ces
années-là, mais la moyenne: 200 heures, 300 heures, 400 heures.
C'est beau, on aurait beaucoup de membres, mais on aurait des membres BS ou
aide sociale, et frustrés, des gens qui espèrent gagner leur vie
dans une industrie. Et il n'y aurait plus d'avenir. Si vous prenez les
données de la CCQ, il n'y a jamais eu autant de «turnover»
dans l'industrie. Les jeunes, ils viennent se tremper le nez dans l'industrie
et ils s'aperçoivent qu'il n'y a pas d'avenir. Pas d'avenir, parce qu'il
n'y a pas d'heures travaillées. Les règles sont comme
faussées. Il n'y a pas d'ancienneté, et les jeunes, ils viennent
faire 6 mois, 1 an. Certains parents sont contents, ils retournent à
l'école après. Mais la relève est où? La moyenne
d'âge augmente, malgré qu'on en fait entrer beaucoup. J'ai
cité des chiffres. Et ça, c'est des données de la CCQ,
très récentes.
On n'est pas une industrie qui soigne bien, bien nos travailleurs,
surtout dans les années qui s'écoulent. Parce que les travaux
sont faits de façon, souvent, illégale. Puis je comprends le
contexte, là. Quand, dans ta région, il n'y a aucun projet, on
est rendu le 30 avril, et tu dis: II me reste 1 mois de chômage et, au
1er juillet, je n'ai plus rien à faire, je comprends que les gens
peuvent être inquiets quand ils ont une maison, qu'ils ont une vie. S'ils
sont obligés de s'expatrier, ils vont aller où? Il y a un peu de
travail dans la région de l'Outaouais, là? Il va peut-être
y en avoir dans la région de Trois-Rivières. Mais c'est quoi, le
climat familial? C'est quoi, les problèmes sociaux qui sont
engendrés par cette situation-là, de chômage et de
pauvreté?
En tout cas, chez nous, ce qu'on pense à la CSN-construction: le
règlement de placement, c'est un must. Puis, en tout cas,
j'espère que le gouvernement ne sera pas tenté, malgré la
pression de trois provinces, Ontario, Nouveau-Brunswick et Terre-Neuve, je
pense, de mémoire... Je pense qu'on pourrait partir une campagne et
boycotter Irving. C'est lui qui contrôle la province. Je donne l'exemple,
je ne sais pas, peut-être que le ministre pourrait dire: On ne
«gaze» plus chez Irving, pour maintenir le règlement de
placement dans l'industrie de la construction. (10 h 20)
M. Dufour: Quand vous dites j'essaie de vous
interpréter, là que vous ne voulez pas
l'ingérence... Parce que vous parlez d'ingérence. Donc,
l'ingérence, c'est quelqu'un qui se fourre le nez dans vos affaires.
C'est un peu ça. Donc, vous dites: La CSN-construction considère
l'ingérence du gouvernement dans la négociation de la convention
collective de l'industrie de la construction comme étant totalement
inacceptable. Donc, si je comprends bien le sens de vos propos, c'est que vous
nous dites: Vous acceptez que le gouvernement trace un certain nombre de
balises ou de règles dans le milieu, mais la négociation comme
telle, les conditions de travail directement, les salaires, etc., ça,
vous ne voulez rien savoir du gouvernement. Est-ce que c'est ça que j'ai
compris ou... J'interprète trop large, là, ou si...
M. Lemieux (Olivier): Non. Ce qu'on a voulu dire, c'est
qu'à l'heure actuelle on a un beau décret, on a un beau code de
sécurité, on a des lois qui régissent l'industrie et que,
minimalement, le gouvernement s'organise pour appliquer les lois qui sont
votées à l'Assemblée nationale. Tout le monde le dit,
autant patrons que syndicats: le décret, une partie est
appliquée, une partie ne l'est pas; le code de sécurité,
les gros, les petits, les représentants à la prévention,
ça fait 15 ans que ça traîne; il y a plein de choses qui
traînent; les lois sont votées, il n'y a pas d'application, il y a
un certain laxisme. Et c'est pour ça, moi, je pense, qu'on est rendu au
climat qu'on vit présentement. Si le décret était
appliqué couvert à couvert, le code de sécurité
couvert à couvert, je suis sûr qu'on ne serait pas assis ici
aujourd'hui, moi, et qu'il n'y aurait pas de problème dans l'industrie
parce qu'on serait, entre guillemets, toutes les composantes de l'industrie,
habituées à travailler selon les règles.
Ce qui a fait, maintenant, qu'il y en a qui sont au noir, qu'il y en a
qui sont au gris et qu'il y en a qui sont complètement illégaux
et travaillent de nuit, c'est qu'à un moment donné
l'élastique s'étire, s'étire, s'étire, et c'est
rendu que le code de sécurité, le décret de la
construction, ça ne veut plus rien dire. Et c'est pour ça qu'on
entend la clameur des gens de l'industrie présentement. Où
vont-ils se référer? «C'est-u» le décret?
On
s'en «va-tu» dans le déréglementé, dans
l'assujetti? On ne le sait plus. Moi, je pense que c'est le temps qu'il se
passe des choses, que les lois votées soient appliquées et qu'on
fonctionne comme ça.
À l'heure actuelle, faites le tour et demandez aux gens: Ah! bien
ça, «c'est-u» assujetti? Je ne le sais pas. Ça,
«c'est-u» assujetti? Je ne le sais pas. Je vous parle des gens
normaux, dans la population, là. Mais c'est certain que les gens de
l'industrie comme telle, les dirigeants, ils savent ce que c'est. Mais, dans la
pratique de tous les jours, dans toutes les régions du Québec,
dans les grands centres, Montréal, Québec, à l'heure
actuelle, il y en a qui pensent qu'une carte de sécurité,
ça te fait travailler dans l'industrie. Il y en a qui pensent que tu vas
suivre un petit cours d'une commission scolaire, ça te donne le droit
d'entrer dans l'industrie. Puis, comme je l'ai mentionné, on se
penserait dans une tour de Babel actuellement dans l'industrie de la
construction. Et les vrais regardent ça aller et ils commencent à
paniquer. Où on va aller, nous autres, avec notre carte? Ça fait
10 ans que j'investis dans la construction, moi. Je vais aller où,
après? C'est ça, le drame qu'on vit à l'heure
actuelle.
M. Dufour: Est-ce que vous croyez que ce
désordre-là, que vous identifiez tellement bien, ça fait
l'affaire de quelqu'un?
M. Lemieux (Olivier): Pardon?
M. Dufour: Est-ce que vous croyez que le désordre que vous
nous démontrez ou dont vous faites la démonstration, ça
fait l'affaire de quelqu'un ou de quelques-uns?
M. Lemieux (Olivier): Bien, moi, j'ai l'impression, à
l'heure actuelle, que ça ne doit faire l'affaire de personne parce que,
quand la construction va, tout va, hein! À l'heure actuelle, il n'y a
rien qui fonctionne, et je pense que la reprise va commencer, moi, par la
construction. Si on met un peu d'ordre, entre guillemets l'ordre,
ça veut dire large; c'est à peu près tous les
problèmes que j'ai soulevés dans le mémoire je
pense que ça prend une volonté pour régler des affaires.
Même, on voit des gens qui font de l'inspection sur les chantiers, des
gens de la CCQ, et, pour toutes sortes de raisons, il y a des rapports qui
traînent.
Et, en même temps, je suis très fier que la Commission de
la construction existe, mais il y a un certain laxisme; tout le monde se fie
que ça va se ramasser devant le juge et que le juge va absoudre. Et je
pense qu'il y a beaucoup de choses. Il y a un tribunal du travail dans la
construction. Là, on est rendu avec un sous-ministre à la
construction. J'espère que ça va aller plus loin, mais
j'espère que ça va aller assez vite pour ne pas qu'on soit
dépassé par les événements et que, la construction,
ça ne veuille plus rien dire au Québec. Et c'est pour ça
que les gens de l'industrie, les vrais, autant patrons que syndicats, ont peur
à l'industrie de la construction. Parce que peut-être que, dans
quelques années, ça ne voudra plus rien dire, l'industrie de la
construction.
M. Dufour: Vous avez parlé du travail au noir, et le
ministre vous a renvoyé un peu à votre devoir, en disant: Dans la
loi 185, vous avez au moins une réponse très large; il y a 16
endroits où on touche le travail au noir, et vous devriez profiter de
ces articles-là pour le régler, le travail au noir. Est-ce que
vous avez à dire quelque chose là-dessus? Est-ce que c'est la
responsabilité du travailleur seulement, ou s'il y a d'autres
responsabilités que vous décelez? Comment on peut arranger
ça? Est-ce qu'il y a d'autres solutions?
M. Lemieux (Olivier): En tout, on l'avait soulevé lors de
l'adoption du projet de loi 185, et je pense que les meilleures mesures pour
régler le problème du travail au noir, on les retrouvait dans le
rapport Sexton-Picard.
À l'heure actuelle, un des principaux problèmes de travail
au noir, c'est la partie assujettie, non assujettie: la rénovation,
propriétaire occupant; là, la rénovation dans le
commercial, bien peut-être, je ne suis pas sûr; les blocs
d'appartements, «c'est-u» assujetti ou ça ne l'est pas? Moi,
je pense qu'à l'heure actuelle, et si jamais il y a d'autres travaux qui
se font après cette commission, c'est de clarifier ce qu'est la
construction et ce qui est non assujetti. À partir de là,
déjà, je pense qu'on va avoir réglé... Les
habitués le savent, mais je te parle du public. Puis une campagne...
Moi, je pense je réfère encore à Sexton-Picard
qu'on informe le public sur ce qui est légal et illégal,
parce que, si on ne fait pas attention, là, au Québec, toutes nos
institutions, on va les perdre, puis personne ne va payer de l'impôt.
C'est rendu que les gens se vantent quand ils réussissent à
frauder l'impôt, frauder les lois, que ce soit le tabac, dans la
construction ou ailleurs. Là, acheter aux États, c'est un peu
moins pire, parce que le «Québec inc.» commence à
faire ses petits. Mais c'est rendu que tout le monde se vante: Aïe! j'en
ai passé une bonne; je viens de faire un mille, là.
Je pense que l'illégalité est rendue que c'est ça
qui devient la monnaie courante de tous les jours. Il faut absolument que les
mentalités changent, puis je pense, moi, que la campagne qui
était proposée dans Sexton-Picard, dans une des recommandations,
de valoriser le travail légal... Puis les conséquences, aussi:
s'il ne rentre plus d'argent dans les coffres de l'État, bien, on se
ramasse dans des situations comme on en vit présentement. Il n'y a plus
rien qui marche, ça piétine, il n'y a pas de projets
annoncés, c'est coupures partout. Et je pense que, pour repartir
l'industrie de la construction, ça prend la confiance des consommateurs.
À l'heure actuelle, écoute, tu t'assieds dans un restaurant et tu
écoutes les gens parler. Bien, tout ce qu'ils disent tout haut
c'est un chauffeur de taxi: Où est-ce qu'on s'en va? Il n'y a pas
d'espoir, ça va mal. Ah! ça va donc mal! Mais, tu sais, on dirait
qu'il n'y a pas de projets pour donner confiance aux travailleurs et aux gens
du Québec en général.
Ça prendrait, je pense, quelques grands projets pour dire: O.K.
c'est reparti, et les gens continuent à consommer. À l'heure
actuelle, tout le monde se vante de la façon qu'il a réussi
à frauder les lois et les règlements qui sont en place. Ah! bien
aïe! fais une demi-heure de plus ou prends une petite entente en dessous
de la table, ou des banques d'heures, ou... Puis, là, bien, ça va
à la taverne sur le coin, puis, là, ça s'en vante, puis
l'autre embarque, l'autre embarque, l'autre embarque. Et ça devient
que... À l'heure actuelle, je pense qu'on est rendu à un point,
presque, de non-retour. Il faut absolument que l'industrie, à l'heure
actuelle, mette ses culottes pour clarifier ce qui est construction, ce qui ne
l'est pas, qu'on se donne des règles, qu'on applique celles qu'on a,
mais rigoureusement, pour minimalement régler les problèmes
majeurs de l'industrie. À l'heure actuelle, je le répète,
c'est la tour de Babel, et les 4000 ou 5000 qu'on dit illégaux, les
cow-boys de l'industrie, qui changent de nom régulièrement,
profitent de ce système-là. Parce que les vrais entrepreneurs,
ceux qui respectent le décret et le code de sécurité,
à l'heure actuelle, sont étouffés. Et on le sait. On n'est
pas des caves, là, comme dirigeants syndicaux. Ils ont de la
misère avec la concurrence mais, à l'heure actuelle, les autres,
les petits règlements en dessous de la table, les ententes, tout le
monde joue avec le système parce qu'il y a eu du lousse de laissé
un peu partout, puis on en vit les conséquences à l'heure
actuelle.
M. Dufour: Mais, vous, M. le ministre, considérant le
travail au noir et les problèmes soulevés, vous dites aux
travailleurs: II y a la loi 185. Mais vous avez une responsabilité,
comme membre d'un gouvernement, concernant l'institutionnel. On a
soulevé des cas dans l'institutionnel. Et, d'ailleurs, Asticou, dans la
région de Hull, passe à côté du décret.
Comment vous réagissez par rapport à ça? Je veux bien
croire que les travailleurs ont une responsabilité, mais je ne suis pas
prêt à tout leur donner. Comme gouvernement, est-ce que vous avez
une position concernant l'institutionnel? Parce qu'on a eu des mémoires,
et j'ai eu l'occasion de lire des textes où il y a des gens qui nous
disent carrément que les contrats se donnent. C'est en dehors du
décret, mais on les donne pareil parce que c'est la seule façon
de pouvoir faire nos travaux. Et ça, moi, je trouve que... C'est dans la
rénovation, vous allez me dire, mais il demeure que c'est inacceptable,
et il y a une responsabilité gouvernementale aussi.
Donc, le travail au noir, c'est aussi le fait du gouvernement. Qu'est-ce
que vous faites par rapport à ça?
Le Président (M. Audet): II faudrait, je pense, M. le
député de Jonquière, étant donné qu'on est
ici surtout pour interroger les gens qui sont venus se faire entendre ce matin,
que vous posiez vos questions au ministre peut-être lors d'une
prochaine...
M. Dufour: Bien, le ministre, il a le droit de répondre ou
de ne pas répondre, mais j'aimerais qu'il le dise.
Le Président (M. Audet): ...rencontre.
M. Dufour: Bien, si le ministre ne veut pas répondre.
..
Le Président (M. Audet): Si le ministre veut
répondre...
M. Dufour: C'est pire pour lui s'il ne répond pas que s'il
répond, quant à moi.
Le Président (M. Audet): Si le ministre veut
répondre, moi, je n'ai pas d'objection, mais je vous dis qu'on est en
consultation, ici, pour entendre les groupes. C'est pour ça. (10 h
30)
Ça ne vous empêche pas de lui parler, mais il n'est pas
obligé de répondre. C'est ça que je veux vous dire.
M. Dufour: Non, non. Il ne répondra pas s'il ne veut pas.
Le monde, il est capable de se faire un jugement. Écoute donc! Moi, je
pose la question.
Le Président (M. Audet): M. le ministre...
M. Dufour: Bien, je l'ai déjà posée, la
même question, à l'Assemblée nationale, puis je n'ai pas eu
de réponse. Bien, je veux savoir s'il en a une.
Des voix: Ha, ha, ha! Bravo!
Le Président (M. Audet): M. le ministre du Travail.
M. Cherry: Le seul commentaire, M. le Président, que je
voudrais faire d'abord à un collègue qui dit qu'il a posé
cette même question à l'Assemblée nationale... En tout cas,
c'est moi qui suis responsable du dossier, puis je ne me souviens pas que, lui,
me l'ait posée. En tout cas, on pourra le vérifier. Je ne mets
pas sa parole en doute, là. Il est quand même responsable de ce
dossier-là depuis récemment. C'était sa collègue de
Chicoutimi qui le faisait avant. Et, pour sa gouverne, lors des auditions, dans
186, un des mémoires qui nous était présenté...
Celle qui avait votre responsabilité, à la présentation
des mémoires, a dit aux intervenants et c'étaient des gens
de groupes patronaux: À prendre connaissance de votre mémoire, on
a l'impression que, dans l'industrie de la construction je tente de la
citer du mieux que je peux la tricherie est érigée en
système. Et la réponse était venue: Comme on dit, nous,
madame, dans la construction, on ne triche pas, on s'adapte. Donc, en code,
passez les législations que vous voudrez, on s'organisera, nous autres,
pour passer à côté. Si c'est ça la mentalité
puis c'est ça qui est décrit ce matin, c'est pour ça que
c'est important de les écouter, eux.
M. Dufour: Je veux vous rappeler, M. le minis-
tre, que la question que je vous avais posée à l'Assem
blée nationale... On parlait de Saint-Jean-de-la-Lande, à
Montréal, où les gens et on a des lettres
là-dessus, et je peux relever le dossier disent
carrément... Et ça, c'est le directeur du coin, c'est un
responsable qui dit: On a été obligé de donner le contrat
parce que, si on ne le donnait pas à ce prix-là, si on voulait
respecter les coûts, les décrets, on ne serait pas capable de le
faire. Puis on trouve que c'est nécessaire pour notre clientèle.
Voilà.
J'en ai parlé avec le ministre de la Santé. J'ai eu une
réponse. Je suis peut-être un peu méchant en disant que je
n'ai pas eu de réponse. J'ai eu une réponse, en disant:
J'aurai...
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Dufour: Oui, oui! Mais, un instant, là! M. le
député de Papineau, là! Je ne voudrais pas que ça
passe en foire d'empoigne. Je sais que c'est votre fort, mais ça ne
marchera pas comme ça. Je veux juste vous dire une chose...
Le Président (M. Audet): À l'ordre, s'il vous
plaît! Est-ce que vous avez d'autres questions pour nos invités,
ici?
M. Dufour: Oui, mais je pense que j'ai le droit d'expliquer au
moins le point de vue, parce que j'ai la parole.
Le Président (M. Audet): M. le député! M. le
député de Jonquière, je veux juste vous rappeler qu'on est
en consultation, ici. Le mandat est bien clair. On est ici pour procéder
à l'audition des organismes. Alors, je pense que c'est contre notre
mandat. Ça relève de la loi des relations de travail, de la
formation professionnelle et de la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie
de la construction. En plus, c'est une motion qui a été
débattue en Chambre hier, puis c'est le mandat de la commission ce
matin. Alors, je vous invite à adresser vos questions au
président et aux gens qui sont ici, en avant. Et, si vous avez des
questions un peu plus tard pour le ministre, à ce moment-là, on
verra à faire autre chose.
M. Dufour: On pourrait... Je vais prendre votre directive. Je
pense que les gens qui sont ici sont capables de faire la part des choses. Mais
seulement, je voudrais avoir une chose, par exemple, M. le Président. Il
faudrait que vous respectiez mon droit de parole. Puis le député
de Papineau, s'il veut parler, il parlera, mais quand vous lui donnerez la
parole. Les grognages, moi, je m'en passerais facilement.
Le Président (M. Audet): Vous avez raison, M. le
député.
M. Dufour: Parce que, moi, j'ai l'habitude de me faire
respecter.
Le Président (M. Audet): Alors, messieurs... Non, non,
non! J'invite les membres de la commission à l'ordre, s'il vous
plaît, et à respecter le temps de parole de chacun.
M. Dufour: Le travail au noir, là, vous êtes
à peu près tout seul dans le dossier, puis c'est un peu ça
que je viens d'avoir comme constatation. Donc, on verra bien ce que le ministre
entend faire ou le gouvernement de quelle façon il pourra
s'en sortir.
Le deuxième point dont je voulais parler avec vous, c'est le
bassin de main-d'oeuvre. Vous êtes favorables à ce que ce soit
conservé au point de vue d'appel au travail. Donc, vous conservez ce
bassin-là. Mais, actuellement, est-ce que vous croyez que ce
bassin-là fonctionne correctement? Par exemple, vous nous dites: II y a
des gens qui, à chaque année, entrent dans le bassin, puis on n'a
pas plus d'emplois. Est-ce que vous trouvez que c'est correct ou pas? Est-ce
qu'il doit fonctionner de la même façon? Est-ce qu'on doit
continuer à l'alimenter, ce bassin-là, ou si on doit le laisser
un peu plus stable pendant un certain nombre d'années? Puis est-ce que
la déréglementation partielle qu'on a mise quelque part, vous
êtes d'accord avec ça?
M. Lemieux (Olivier): À l'heure actuelle, le
système est d'entrer de nouveau par la formation. On siège
à ces tables-là; il n'y a aucun problème, parce qu'on
contrôle un peu notre industrie d'une certaine façon, via la CCQ
et via la formation professionnelle.
À l'heure actuelle, moi, je pense qu'il n'y a pas de
problème avec ça. Le danger qui nous guette, c'est les demandes
qu'on a entendues sur certaines pressions qu'avaient les députés
pour enlever les contrôles quantitatifs, nous enlever le pouvoir de
gérer l'entrée dans l'industrie. Et c'est ça qui est
dangereux, parce qu'il traîne bien, il traîne, façon
de parler au Québec des cartes de compétence hors
construction. Et, si on inclut tous les gens qui ont de la compétence au
Québec, qui pourraient venir dans l'industrie, c'est autour du
demi-million, autour de 500 000 demain matin. Donc, tu nous vois, toi, diviser
67 000 000 par 500 000? Combien on va travailler d'heures dans l'industrie?
Je pense qu'à l'heure actuelle, ce bout-là, l'industrie
est capable de s'arranger avec, mais en autant que ça reste comme
ça. Le problème qu'on a, c'est qu'on a peur que ça ne
reste pas comme ça. C'est pour ça qu'on l'a souligné dans
le mémoire.
Le Président (M. Audet): Je vous remercie. Alors, c'est
terminé, terminé pour votre enveloppe. M. le député
de Salaberry-Soulanges.
M. Marcil: Merci, M. le Président. Lorsqu'on parle... Je
ne pense pas que... Je sais que la plupart des travailleurs de la construction
ont fait le tour des comtés, et ils ont posé la question
concernant la déréglementation, la mise à mort, si vous
voulez, des bassins. Je ne pense pas que ce soit une inquiétude qui
devrait vous
trotter dans la tête présentement, parce que je ne crois
pas qu'avec 100 000 travailleurs, 100 000 cartes d'émises, avec 60 000
qui travaillent, on va probablement se permettre d'ouvrir les bassins.
Nous autres, on vise deux choses, je pense, au niveau de la
construction: c'est que, d'abord, il faut avoir une main-d'oeuvre
qualifiée ça, je pense que c'est la première des
choses et il faut qu'on reconnaisse les travailleurs de la construction
par quoi? Par, justement, cette main-d'oeuvre, par leur formation, et ainsi de
suite. Ça fait qu'à ce niveau-là il ne faut pas non plus
essayer de propager des choses qui n'existent pas ou qui n'ont jamais
été mentionnées non plus publiquement par le gouvernement
du Québec. Peut-être Pierre, Jean, Jacques, à droite puis
à gauche, peuvent émettre certains commentaires, mais, entre
prendre des commentaires et les rattacher à des déclarations, des
fois, ce n'est pas tout à fait la même affaire.
Ce que je vais vous demander, monsieur: Vous parliez tantôt de 560
heures déclarées... Parce que, dans le fond, c'est 560 heures
déclarées, ça, lorsque vous prenez l'ensemble des heures,
vous le divisez par 121 000 personnes et...
M. Lemieux (Olivier): Oui, c'est ça, les détenteurs
de cartes, oui.
M. Marcil: Déclarées. Bon. C'est vrai que, dans le
domaine de la construction, il y a un phénomène majeur
aujourd'hui, qui est de plus en plus sensible, dont on parle toujours: le
travail au noir. On sait que ça peut peut-être faire en sorte que
ça puisse être un manque à gagner d'au-delà de tout
près de 2 000 000 000 $, autant au niveau de la CSST que de
l'impôt sur le revenu, la Régie des rentes du Québec,
l'assurance-maladie du Québec, ainsi de suite.
Ce qui est malheureux aussi dans ça... Puis je ne blâme pas
nécessairement le travailleur parce que, lui aussi, quand il n'a pas
d'ouvrage, il veut se trouver une job. J'en ai eu à mon bureau, puis je
connais un petit peu le dossier de la construction. Quand le gars est
obligé d'aller travailler à 12 $ l'heure, puis à 10 $ sur
le résidentiel ou sur des petits contrats, puis qu'il a aussi ses
cartes, lui, là... Il y en a bien qui travaillent à des tarifs
moindres que ceux prescrits au décret de la construction en ayant leur
carte de travailleur de la construction, là.
Puis on sait aussi que l'entrepreneur qui l'engage, c'est un peu une
forme de chantage. Il va l'engager à 10 $ l'heure. S'il ne veut pas
embarquer, il va en prendre un autre. Mais l'entrepreneur, lui, il va charger
ses 42 $ l'heure quand même au consommateur, ainsi de suite. Ça ne
fait pas baisser les prix, ça.
Donc, il y a un problème à ce niveau-là, vous
savez. C'est de trouver les moyens, les vrais moyens, parce qu'on peut bien
sortir 1001 mesures pour essayer de contrer le travail au noir, mais, si on
n'est pas capable de les appliquer, ça ne donne rien de les faire. Il
faut trouver des moyens plus facilement applicables. Je sais que, dans
Sexton-Picard, il y en a de reconnus. Et je ne pense pas que le rapport
Sexton-Picard soit terminé. Je veux dire qu'on a fait une
première étape par le biais de la loi 185, et je reste convaincu
qu'il va y avoir d'autres étapes à suivre.
Pour revenir à la première question, M. Lemieux, le cadre
de négociation présentement, vous avez dit, au début de
votre intervention, un peu comme le président de la CSD tantôt l'a
dit aussi, que c'est un cadre qui est faux. Je veux dire, on n'attaque pas les
vrais problèmes; c'est un cadre qui est piégé au
départ. Il n'y a pas de rapport de force comme tel. Mais si, demain
matin, le gouvernement n'intervenait plus dans ces dossiers-là... Parce
que, moi, là, je ne suis pas membre du gouvernement, je suis membre de
l'Assemblée nationale, comme tous les députés, ici; donc,
nous autres, on essaie de trouver des moyens à notre façon. Parce
que j'aimerais bien ça, moi aussi, être député, ne
plus me mêler de ce maudit dossier là, comme dans d'autres...
Parce qu'on a toujours l'impression, nous autres, qu'en dernier lieu c'est nous
autres qui devons trancher la poire en deux ou essayer de régler le
problème pour la paix sociale au Québec. Donc, on nous dit
et je suis d'accord avec vous, et c'est la même chose avec
HydroQuébec et ses employés au bout de la ligne, on ne
bougera plus, et il y a quelqu'un qui va être obligé d'intervenir
pour éviter la chicane. (10 h 40)
Si, demain matin, on n'intervenait plus dans ce dossier-là, le 31
mai, aujourd'hui, à minuit ce soir, si on n'intervient plus, là,
on laisse aller les choses, qu'est-ce qui arrive demain matin? Qu'est-ce qui
arrive, là, pratiquement, dans le dossier de la construction, demain
matin?
M. Lemieux (Olivier): Moi, j'ai le pressentiment que les gens qui
sont habilités à négocier la convention collective au
moment où on se parle, ils vont faire leur devoir, ils vont faire ce
qu'ils ont à faire, parce que tu n'as pas le choix, là. Tu veux
te fier au grand frère gouvernemental qui va, à un moment
donné, dans 45 jours probablement, t'imposer un décret. Moi, j'ai
l'impression que, si jamais le ministre n'intervient pas aujourd'hui, les
téléphones vont commencer dès 0 h 1 ce soir, pour
commencer à regarder les vrais problèmes de l'industrie. Et j'en
suis profondément convaincu.
Par ailleurs, je suis très content que vous me rassuriez sur les
lois et les règlements dans la construction, que vous soyez d'accord
avec ça, parce que ça a fait boule de neige. Il y a eu des
assemblées dans certaines régions du Québec, faites par
des interdits, pour souligner ce que je vous ai mentionné au
début. Sheraton, Laval, a été loué; rive sud de
Montréal, dans la région de Saint-Jérôme et dans
l'Outaouais, il y a même eu des panneaux-réclame
d'installés. Ça fait que, moi, je pense que ce n'était pas
un «fly-by-night», comme on dit. Ça commençait
à faire boule de neige; c'est pour ça qu'on est intervenu. Et
c'est pour ça qu'on est ici aujourd'hui, et qu'on l'a mentionné
dans notre rapport, parce qu'il n'y a pas de fumée sans feu, hein. Et
c'est pour ça qu'on l'a mentionné ce matin. Mais, en
même
temps, je suis rassuré si le gouvernement ne touche pas à
cette partie-là.
M. Marcil: Je ne parle pas du gouvernement, je parle de nous
autres, comme députés. C'est différent, et j'ai
l'impression que le gouvernement, on en fait partie indirectement parce qu'on
les influence.
M. Lemieux (Olivier): Non, mais vous avez à voter et
à influencer, j'imagine, le caucus.
M. Marcil: II y a une différence entre parler des bassins
et parler d'une réflexion sur tout le dossier de la construction. Parce
qu'il faut savoir aussi qu'on est en 1993. C'est bien différent, les
années de 1993 et celles qui viennent, par rapport aux années
soixante-dix où on était en pleine explosion économique au
Québec, et, donc, là, il y avait de la place pour tout le monde,
et tout le monde a pris sa place. On sait bien que ces années-là
ne reviendront plus. Donc, il y a une réflexion à faire sur
ça, et, si on peut trouver des moyens pour essayer de satisfaire tout le
monde, du moins le plus de monde possible... moi, ce qui m'intéresse,
c'est que tout le monde travaille, parce que c'est inacceptable qu'on ait
autant de chômage au québec. c'est inacceptable aussi que, sur 120
000 porteurs de cartes, il y en ait la moitié qui travaillent. mais si
la moitié seulement travaillent, c'est parce qu'il n'y en a pas, de
chantiers de construction. il n'y en a pas, de projets présentement.
c'est de trouver les moyens, peut-être, pour redémarrer ça,
mais ce n'est pas juste la responsabilité d'un gouvernement de le faire,
aussi. ;
Et, dans le domaine de la construction, j'espère qu'on va
s'entendre sur ça. Ce n'est pas uniquement la responsabilité du
gouvernement de régler tous les maux de la construction. Vous avez vos
responsabilités, autant que les représentants des employeurs
également. Je veux dire, c'est une association qu'il faut absolument
former quelque part, là.
M. Lemieux (Olivier): Moi, je pense qu'à l'heure actuelle
l'industrie est mûre, entre guillemets, ou assez mature pour
régler ses problèmes. Et c'est ce qu'on répète ici
ce matin. À l'heure actuelle, on a assisté... Moi, je pense que
c'est ma quatrième ou cinquième commission parlementaire. On a
soumis des résolutions, et les autres parties aussi, autant patronale
que syndicale, ont soumis des façons de régler le
problème. Mais, quand arrive le temps, on dirait qu'on poigne
l'entonnoir, il y a de quoi qui «jamme», et là on se ramasse
avec des demi-mesures. Et c'est pour ça qu'on est rendu encore ici
aujourd'hui. Moi, je pense qu'à l'heure actuelle c'est le temps qu'il se
prenne de vraies décisions dans l'industrie de la construction, et que
les parties ne soient pas écartées. Parce que, l'industrie de la
construction, ça ne voudra plus rien dire dans quelques
années.
On comprend aussi qu'il y a un problème économique en
1993, qu'il n'y aura aucune vraie reprise avant quelques années, et je
pense que les composantes de l'industrie sont assez matures pour comprendre le
phénomène, la mondialisation des services, ALENA, tous les
problèmes. On est dedans à tous les jours, on est
confronté à tous les jours aux problèmes majeurs de la
construction et d'ailleurs, parce qu'on le dit, et je le répète:
Quand la construction va, tout va au Québec.
Donc, si la construction ne marche pas, bien, on voit ce que ça
fait. Dans mon coin, à Candiac, il y a 3 usines qui ont fermé la
semaine passée, et qui ont été annoncées. C'est
à l'heure actuelle, dans le comté de M. Lazure. Tu sais, il y a
700 à 800 personnes qui, d'ici 1 mois, vont être dans la rue. Mais
ces 700 à 800 personnes là, avec les rumeurs qui circulaient, si
quelques-unes ont des cartes de compétence et qu'elles viennent gonfler
les autres qui se tiennent à la brasserie du coin parce qu'elles n'ont
pas de job et que c'est des vrais de la construction, je pense qu'on n'a pas
avancé. et c'est le message, surtout, que je voulais passer à
matin, moi: on n'a pas avancé. quand bien même tu grossirais le
bassin de main-d'oeuvre dans l'industrie, si tu n'as pas de job... le
problème fondamental, c'est la reprise économique. et, bon an,
mal an, c'est les gouvernements qui contrôlent un peu l'industrie. quand
on regarde l'histoire depuis une quinzaine d'années, soit les contrats
provinciaux, fédéraux, municipaux, ça compose 50 %
à 55 % de toute l'industrie de la construction au québec,
déjà. c'est pour ça que je dis, moi, que le gouvernement a
un gros mot à dire dans l'industrie et qu'il devrait laisser, à
un moment donné, pour une fois, les composantes jouer leur
véritable rôle de négociation.
M. Marcil: Merci, M. le président.
Le Président (M. Audet): Merci.
M. le député de Drummond, vous avez 5 minutes.
M. St-Roch: Oui, très brièvement. Je pense que vous
étiez présent tout à l'heure lorsque j'ai posé ma
question au président de la CSD. Alors, la question va être
identique parce que, en 5 minutes, on a très peu de temps pour couvrir
beaucoup de choses, comme vous le savez. Et je vais le répéter:
oui, c'est vrai qu'il y a eu plusieurs rapports. C'est vrai que la
législation, bien, un des problèmes... Je suis un de ceux qui
disent, ici: ici, on est correct, on est des parlementaires, ce qui fait qu'on
peut se parler tous les deux, mais, quand on sort sur la rue, avec 700 pages de
texte de lois qu'on vote à toutes les années, avec 4504
formulaires, là, qui régissent le ministère du Revenu
et je vais arrêter là je suis sûr et certain
qu'on est illégaux quand on se rencontre et qu'on se dit juste bonjour.
C'est ce que je voulais dire, dans mes remarques préliminaires, lorsque
je parlais de bureaucratie.
Alors, cette bureaucratie-là, elle a un effet aussi sur toute la
problématique que vous avez adressée dans votre mémoire,
et avec raison. Alors, si on veut dégager et être capable de
bâtir ce consensus-là pour bâtir la construction de demain,
avec les vrais de la construction, alors ma question est la même: Est-ce
que vous
accepteriez de participer à une commission parlementaire qui ne
serait pas comme on fait aujourd'hui: les parlementaires d'un bord, la partie
syndicale qui vient... Tout à l'heure, à la fin, on
clôturera avec la partie patronale, et, bonjour, on se reverra
peut-être à un décret, peut-être à une
commission parlementaire s'il y a un autre trouble quelque part, pour toutes
sortes de raisons. Premièrement et ça a été
souligné par le groupe avant vous, vous l'avez souligné
tantôt c'est une partie, l'autre tantôt c'est l'autre, l'autre
tantôt c'est le gouvernement qui a avantage à imposer un
décret.
Alors, la manière que je vois pour arriver à une solution,
vous allez dire, on va s'asseoir à l'intérieur d'une commission,
tous ensemble. Alors, il y aura des représentants des élus, du
monde ouvrier et du monde patronal. Là, à ce moment-là, on
va essayer ensemble de dire qu'on va arriver à la fin pas avec
trois rapports, pas avec trois mémoires, avec un rapport qui sera le
consensus. Et là, à ce moment-là, en tant que
législateurs, on aura, nous, à mettre nos culottes et à
dire qu'on va épurer un peu la législation et la bureaucratie
pour être capable d'avoir ce nouveau contrat social là dans
l'industrie de la construction. Est-ce que vous accepteriez d'y participer?
M. Lemieux (Olivier): Si j'avais l'assurance qu'une commission
parlementaire dans le genre que vous mentionnez là se tienne, et que
l'objectif de cette commission parlementaire soit de clarifier pour maintenir
les vrais de l'industrie, autant patrons que syndicats, et que le
résultat de cette commission-là fasse force de loi, et que ce
soit une vraie, là, tu sais... C'est vrai qu'il y a toujours des
«games» politiques qui se jouent, mais qu'il y ait un espoir pour
l'industrie, la CSN-construction serait fîère d'y participer.
Mais, en autant qu'on sait qu'on arrive à des résultats... Si
ça fait comme la multitude de rapports Lavallée-Laberge,
mets-en les rapports qui attendent, qui attendent et qui attendent...
Mais, si jamais il y avait une volonté politique d'y arriver, on serait
très fiers d'y participer, parce que je pense que ça va
être la seule façon de sauver l'industrie, là, d'une
façon ou d'une autre.
M. St-Roch: je suis d'accord avec vous, puis la volonté
que... je suis d'accord, et je souscris à 100 %. il va falloir arriver
avec un consensus, et ce rapport-là va régler les
problèmes; pas pour pelleter en avant pour que, de trois ans en trois
ans, on soit assis, un vendredi après-midi, à dire: on
«fait-u» un décret ou on ne le fait pas? alors, le but,
c'est réellement d'arriver avec un nouveau... et je parle d'un contrat
social, parce que je pense que vous l'avez mentionné, et avec
justesse quand la construction va, tout va au québec, et il va
falloir trouver le moyen de la relancer. d'autant plus que je crains, moi,
qu'on n'arrive avec des problèmes qui sont structurels; il va falloir
s'y adresser.
Si j'ai le temps pour une autre brève question...
Le Président (M. Audet): Deux minutes.
M. St-Roch: ...il y a une chose qui m'a intrigué. Vous
mentionnez 121 000 travailleurs. Est-ce que ces 121 000 ont travaillé
des heures dans la construction, d'après vous?
M. Lemieux (Olivier): Les heures qui sont
référées, c'est les heures lors de la dernière
période d'adhésion syndicale: les votants et les adhérents
et les cartes qui ont été renouvelées au 1er mars 1993.
C'est, mini-malement, ceux qui ont fait une heure dans l'industrie.
M. St-Roch: Alors, donc, je devrais trouver dans les rapports de
la CSST 121 000 travailleurs couverts?
M. Lemieux (Olivier): En principe.
M. St-Roch: J'en retrouve 78 146. Alors, M. le Président,
c'est ce que je disais tantôt aussi: quand je regardais la grande
problématique, elle touche le secteur de la construction, mais elle
touche aussi la CSST.
Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Audet): Je vous remercie, M. le
député de Drummond.
M. le député de Papineau, vous souhaitez intervenir?
M. MacMillan: Juste ajouter...
Le Président (M. Audet): II vous reste environ trois
minutes.
M. MacMillan: Parfait, merci.
Messieurs de la CSN, j'aimerais vous rassurer autant que M. Marcil l'a
fait tantôt. Nous, les députés du côté du
gouvernement, avons décidé de former un comité de travail
qui va être annoncé lundi, avec sept membres, pour pouvoir aider
pas seulement le côté syndical, les trois parties qui sont ici ce
matin, le patronat, mais pour pouvoir vous rencontrer et, dans les prochains 45
jours, pouvoir peut-être aider à trouver une solution à
tout ce travail-là, avant, peut-être, d'aller en commission
parlementaire. Alors, je voulais juste signaler ça. Et peut-être
qu'on aura la chance de se rencontrer avec ce comité de travail
là.
Et j'inviterais M. le député de Jonquière à
lire le discours du vrai critique de l'Opposition, qui dit M. Chevrette,
hier qu'on a vraiment un problème, qu'il faut s'attaquer de
façon vigoureuse au problème. Et c'est ça qu'on veut
faire, les députés, sans mettre personne de côté;
c'est de travailler ensemble pour trouver une solution, avec vous autres. (10 h
50)
Le Président (M. Audet): Merci.
Alors, est-ce qu'il y a d'autres interventions? Mme la
députée de Kamouraska-Témiscouata, il reste à peu
près une minute et demie.
MmeDionne: Oui, bon. Merci, M. le Président. Je vais
être très rapide. La première chose que je
voulais dire: j'ai rencontré des gens de la CSN-construc-tion
dans mon comté lundi. Et, d'ailleurs, c'est votre syndicat qui est le
plus représenté dans la région du Bas-Saint-Laurent. Tout
à l'heure, vous parliez... Je vous ai lu dans Le Soleil, sur une
déclaration des gens du Nou-veau-Brunswick sur la construction, les
décrets, et tout ça. Je voulais juste vous sensibiliser au fait
que les gens de la construction, chez nous, travaillent aussi avec les
travailleurs forestiers et que, dans le moment, il y a quand même tout un
litige. Je vous demanderais peut-être d'être prudents, parce que la
construction touche aussi la foresterie. Tout le monde a le droit de
travailler. Et, si les relations peuvent être les meilleures possible, ce
serait apprécié à ce moment-ci, pour le printemps.
Ma question, M. le Président, est très rapide, c'est:
À la CCQ ou à l'OCQ, dans le passé, le conseil
d'administration est paritaire, a toujours été paritaire.
Pourquoi, s'il est paritaire toutes les parties, les mêmes
personnes se rencontrent presque à tous les jours ou à toutes les
semaines arrive-t-on, à tous les trois ans à un mur, comme
on fait maintenant, et le gouvernement a à intervenir? Vous êtes
partie prenante de ça.
M. Lemieux (Olivier): Bien, j'ai l'honneur de représenter
le ministre. Je suis le représentant du ministre au conseil
d'administration de la Commission de la construction!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Cherry: Pour lui permettre d'être là.
M. Lemieux (Olivier): Ce n'est pas l'endroit...
Mme Dionne: C'est ça. Si vous...
M. Lemieux (Olivier): ...pour négocier, là, c'est
l'endroit pour gérer le décret entre les périodes...
Mme Dionne: O.K.
M. Lemieux (Olivier): ...de négociation.
Mme Dionne: Et les lois et les règlements du domaine de la
construction?
M. Lemieux (Olivier): Qui en découlent. Mais on
règle ce qui a été négocié, ou
conventionné, ou décrété.
Mme Dionne: Oui.
M. Lemieux (Olivier): Mais, à l'heure actuelle, comme je
l'ai mentionné au début de mon intervention à la question
du ministre, c'est que, tant et aussi longtemps... Peu importe la conjoncture,
une partie ou l'autre joue son rapport de force, et tu sais qu'en bout de ligne
il y a quelque chose qui va se passer. Bien, là, à un moment
donné, tu es assis et tu attends que ça se passe. Puis, je le
répète, tant qu'il va y avoir une épée de
Damoclès sur la tête des participants, bien, c'est «just too
bad», à un moment donné, tu sais qu'il va y avoir
l'absolution quelque part, et le législateur va trancher.
Mme Dionne: Est-ce que vous avez des...
Le Président (M. Audet): Merci. C'est terminé, Mme
la députée.
Mme Dionne: Oui, merci.
Le Président (M. Audet): Je dois, par respect pour les
autres invités... Alors, messieurs, au nom des membres de la commission
de l'économie et du travail, je vous remercie de votre
présentation, et surtout de votre mémoire, en si peu de temps.
Alors, merci beaucoup.
Nous allons suspendre pour quelques minutes.
(Suspension de la séance à 10 h 53)
(Reprise à 11 h 1)
Le Président (M. Audet): Si vous voulez prendre place,
s'il vous plaît, nous allons reprendre nos travaux. Mesdames, messieurs,
s'il vous plaît! MM. les députés, si vous voulez prendre
place.
Une voix: M. le Président...
Le Président (M. Audet): Un instant, monsieur. MM. les
députés, s'il vous plaît. Si vous voulez prendre place,
nous allons reprendre nos travaux. Nous recevons maintenant la
Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec
ainsi que le Conseil provincial du Québec des métiers de la
construction. Je dois vous rappeler brièvement, tout en vous souhaitant
la plus cordiale bienvenue, nos règles de procédure. Vous
disposez d'une vingtaine de minutes pour nous faire part de votre
présentation. Ensuite suivra un échange d'une quarantaine de
minutes. Je vous invite à vous identifier avant de nous faire part de
votre présentation, tout en vous adressant au président. Vous
avez la parole.
Fédération des travailleurs et
travailleuses du Québec (FTQ-construction) et
Conseil provincial du Québec des métiers
de la construction (international)
M. Lavallée (Jean): M. le Président. Jean
Laval-lée, président de la FTQ-construction. Au nom de la
coalition, je suis accompagné de M. Jules Gagné, du Conseil
provincial des métiers de la construction, M. Maurice Pouliot, P.-D.G.
du Conseil provincial, ainsi que M. Yves Paré, directeur
général de la FTQ-construction.
La présentation ne sera pas longue. Comme nous contestons cette
commission parlementaire de l'économie et du travail, la seule chose que
nous allons faire ici, c'est de déposer le document que nous avons
signé, la coalition, et vous le remettre.
Le President (M. Audet): Alors, si je comprends bien, vous ne
voulez pas vous faire entendre davantage?
M. La vallée: Absolument pas.
Le Président (M. Audet): D'accord. Alors, je vais accepter
votre document.
M. Pouliot (Maurice): M. le Président... Le
Président (M. Audet): M. Pouliot.
M. Pouliot: ...on n'a pas l'intention de cautionner la commission
parlementaire et on va quitter la commission parlementaire et inviter les
médias d'information pour leur expliquer la raison exactement. Donc, on
a un communiqué de presse, et je pense que c'est le droit des parties.
Là-dessus, on vous remercie.
Le Président (M. Audet): C'est votre droit. Merci,
messieurs. Alors, votre document va être distribué. À
l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons faire distribuer
votre document aux membres de la commission parlementaire.
Nous allons suspendre encore quelques minutes afin de permettre à
un autre groupe de s'avancer. Nous allons suspendre quelques minutes.
(Suspension de la séance à 11 h 3)
(Reprise à 11 h 8)
Le Président (M. Audet): Si vous voulez prendre place,
s'il vous plaît, nous allons reprendre nos travaux. À l'ordre!
Étant donné que le groupe qui suit n'est pas encore
arrivé, soit l'Association des entrepreneurs en construction du
Québec, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 13 h 30 afin de
leur permettre de s'en venir, d'arriver à l'Assemblée nationale
et de se préparer pour leur présentation.
Alors, je suspends les travaux jusqu'à 13 h 30.
M. Dufour: Avant de suspendre les travaux, M. le
Président...
Le Président (M. Audet): Oui.
M. Dufour: ...faut-il comprendre qu'il nous reste seulement un
groupe à entendre?
Le Président (M. Audet): C'est ça.
M. Dufour: Donc, en principe...
Le Président (M. Audet): C'est le dernier groupe. Alors,
la commission a convenu que nous suspendions jusqu'à 13 h 30 afin de
permettre à l'AECQ de retrouver tout son monde et de venir faire sa
présentation.
Suspendu jusqu'à 13 h 30. (Suspension de la séance
à 11 h 9)
(Reprise à 13 h 33)
Le Président (M. Audet): À l'ordre, s'il vous
plaît! Si vous voulez prendre place, la commission de l'économie
et du travail va reprendre ses travaux.
Je rappelle le mandat de la commission: Que, conformément
à l'article 51 de la Loi sur les relations du travail, la formation
professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la
construction, la commission de l'économie et du travail entende la
FTQ-construction, le Conseil provincial du Québec des métiers de
la construction, la CSN-construction, la Centrale des syndicats
démocratiques, le Syndicat de la construction de la Côte-Nord de
Sept-îles inc. et l'Association des entrepreneurs en construction du
Québec quant aux raisons motivant l'impossibilité de parvenir
à une entente relativement aux modifications apportées au
décret de la construction.
Alors, nous en sommes rendus à recevoir l'Association des
entrepreneurs en construction du Québec. Messieurs, je vous invite
à prendre place, s'il vous plaît, tout en vous souhaitant la plus
cordiale bienvenue à nos travaux. Je vous rappelle brièvement nos
règles de procédure. Vous disposez d'une vingtaine de minutes
pour nous faire part de votre exposé. Ensuite suivra une période
d'échanges d'une quarantaine de minutes entre les deux formations, soit
l'Opposition et la formation ministérielle. Avant de débuter
votre présentation, je vous invite à vous identifier. Et, pendant
votre présentation, évidemment, vous vous adressez au
président.
Vous avez la parole. Allez-y.
Association des entrepreneurs en construction du
Québec (AECQ)
M. Couillard (Reynald): Bonjour, M. le Président. Je vous
présente les gens de la table: M. Réjean Cloutier, premier
vice-président de l'AECQ; à mon extrême gauche, M. Michel
Dion, directeur général adjoint; M. Robert Brown, directeur
général, et Reynald Couillard, président.
Ça me fait plaisir de passer un peu plus de bonne heure;
ça nous paraît un peu plus intime que ce matin.
M. le Président, M. le ministre du Travail, Mmes, MM. les membres
de la commission, ce n'est pas avec enthousiasme que nous nous
présentons devant vous aujourd'hui puisque la tenue de cette commission
parlementaire signifie qu'il y a un échec des négociations de la
convention collective de l'industrie de la construction. Nous nous retrouvons
dans un cul-de-sac, situation qui est inacceptable pour les employeurs qui, au
cours d'une récente tournée effectuée en région,
nous ont clairement indiqué leur insatisfaction à l'égard
du déroulement de la négociation et des conditions
générales de l'industrie.
Alors qu'à cette minute même nous discutons, plusieurs
chantiers de construction s'exécutent au noir, des entreprises ferment
leurs portes, plusieurs travailleurs deviennent bénéficiaires
d'assurance-chômage et de bien-être social. Il est minuit moins
cinq dans l'industrie de la construction, et sa survie est en péril.
Pour cette raison, les attentes des employeurs à l'égard de la
négociation étaient très élevées, car une
des solutions pour permettre son redressement résidait dans la
rationalisation des coûts de main-d'oeuvre. Nous disons que les attentes
étaient élevées, car au cours des dernières
semaines nos espoirs de régler nous-mêmes les problèmes de
l'industrie avec nos vis-à-vis syndicaux se sont grandement
estompés, sinon anéantis.
L'industrie de la construction est un moteur important de
l'économie québécoise, qui est animé par
près de 18 000 employeurs, 100 000 travailleurs, et qui
génère près de 18 000 000 000 $ en immobilisations.
À l'heure de la globalisation des marchés, de la qualité
totale, du partenariat renouvelé entre le syndicat et les employeurs,
nos entreprises sont en mutation. Pour répondre aux nouvelles exigences
des consommateurs de nos produits, à la compétitivité
internationale et pour étendre nos marchés, nous devons innover,
innover dans la souplesse et la flexibilité. Prise dans un carcan
réglementaire, social et économique, qui est le vestige des modes
des années passées, des années soixante-dix, l'industrie
est étouffée. Il faut faire place au professionnalisme et au
dynamisme des entrepreneurs. Employeurs et travailleurs doivent demeurer fiers
des édifices, des usines, des barrages qu'ils bâtissent,
fierté qui a été entachée, au fil des ans, en
raison de la piètre réputation de ce milieu auprès des
donneurs d'ouvrage, des corps politiques et de la population en
général. On en a une belle image aujourd'hui.
Il y a quelques jours, nous lisions, en troisième page du
Devoir: Une explosion de violence est à craindre sur les
chantiers de construction. Le ménage est déjà
commencé, et les patrouilles de nuit sont à l'oeuvre. Nous avions
l'impression de nous retrouver dans les années soixante-dix,
l'époque du saccage de la Baie James, qui a donné naissance
à la commission Cliche. Certaines centrales syndicales semblent
nostalgiques du bon vieux temps où syndicats et travailleurs faisaient
la loi sur les chantiers.
Pour nous, ce mode traditionnel de rapports de force n'a plus sa place
et n'aura comme conséquence que de cristalliser encore plus chacune des
parties dans ses positions. Nous recherchons la concertation et la valorisation
de notre industrie. Nous aurions évidemment préféré
lire dans les journaux: Syndicats et employeurs ont conclu un nouveau contrat
social. Malheureusement, nous sommes aux antipodes. Alors que nous parlons de
rationalisation, la coalition syndicale revendique des augmentations et
même du rattrapage salarial. Alors que nous proposons d'assouplir le
décret, elle propose de l'alourdir. Nous ne prétendons pas avoir
trouvé toutes les solutions aux problèmes qui affligent notre
industrie, mais nous aurions souhaité un dialogue constructif avec nos
vis-à-vis syndicaux. Ces derniers préfèrent fermer les
quelques chantiers qui sont en marche et nous démontrer qu'ils sont
solidaires de leurs positions. (13 h 40)
À quelques heures de l'expiration du décret de la
construction, le ministre du Travail a annoncé son intention de
recommander au gouvernement de le prolonger pour une période de 45
jours. L'Association des entrepreneurs en construction du Québec, au nom
des employeurs qu'elle représente, affirme son opposition à cette
recommandation. Pour nous, en agissant ainsi, le gouvernement fait fi des 4
derniers mois au cours desquels la coalition syndicale a clairement
indiqué qu'elle refusait toute modification aux gains cumulés au
fil des années et du temps, donc de négocier une convention
collective. Le gouvernement fera fi de l'urgence d'agir. C'est un délai
de 45 jours qui ne fera que reporter le cul-de-sac au 15 juin.
Nous ne sommes plus à l'ère des solutions superficielles
ou des rapiéçages qui ne permettent pas de corriger les
problèmes majeurs auxquels est confrontée la construction,
problèmes majeurs que la coalition syndicale refuse de voir et de
régler. L'AECQ est donc contrainte de demander au ministre du Travail de
décréter des conditions de travail devant s'appliquer au 1er mai
prochain, et ce, en tenant compte de nos demandes de rationalisation et des
coûts de main-d'oeuvre. Le statu quo est l'adversaire du changement qui,
malgré le statisme de nos réglementations, s'implante
graduellement dans nos entreprises. Un de ces changements qui s'installent dans
l'industrie est le travail au noir et le travail illégal.
Le régime social et économique de la construction doit
être ajusté à la mondialisation des marchés,
à la compétitivité nouvelle qui en découle. Si un
forum est nécessaire pour éveiller les intervenants de
l'industrie à de nouvelles idées, nous en sommes partisans et
nous serons présents. Tout changement engendre de la résistance,
mais nous sommes prêts à relever le défi, et nous avons
espoir qu'avec les outils appropriés nous y arriverons.
M. Brown va compléter la présentation.
M. Brown (Robert): M. le Président, au-delà de
répondre à la question, à savoir pourquoi les parties
n'ont pas été capables de s'entendre, nous pensons, à
l'AECQ, qu'il est important que vous ayez un portrait très, très
fidèle de la situation dans laquelle nous nous retrouvons aujourd'hui.
Je pense qu'il ne faut pas être de cette planète pour ne pas
savoir que nous passons probablement à travers la pire période
que l'industrie aura connue au cours des 30 dernières années.
Si on compare l'industrie de la construction aux autres secteurs
économiques, on constate que, depuis 1990, s'il y a eu perte de 4 % des
emplois dans l'ensemble des secteurs économiques au Québec,
l'industrie de la construction a perdu près de 13 % de ses emplois. Les
représentants syndicaux, s'ils s'étaient donné la peine de
s'adresser à la commission ce matin, auraient probablement
indiqué que, selon les métiers, on re-
trouve entre 40 % et 60 % de chômage. C'est un taux qu'on n'a pas
connu depuis de nombreuses années.
Baisse d'activité. On n'exprime jamais, dans la construction,
l'activité en termes de dollars; ça ne veut carrément rien
dire. On l'exprime en termes d'heures-personnes. Et, si on fait la comparaison
des heures, strictement au cours des trois dernières années, on
s'aperçoit qu'il y a une baisse, entre 1990 et 1992, de près de
35 %, ce qui est énorme. Pire encore, on ne voit même pas la
lumière au bout du tunnel. Les heures qui, présumément,
seraient travaillées en 1993, sont même moins importantes que
celles qui auront été travaillées en 1992, alors que les
économistes nous disent tous, depuis plusieurs années, qu'il y a
reprise économique. S'il y a une reprise économique, ce n'est pas
dans notre industrie.
Je vous mentionnais que, ce qui était désastreux,
c'était le fait qu'il n'y avait pas de lumière au bout du tunnel.
La Commission de la construction du Québec a fait une évaluation,
récemment, de l'estimation des heures et, même s'il y a quand
même une certaine marge d'erreur, ce qu'il faut constater, c'est que
l'estimation prévoit 71 000 000 d'heures l'an prochain et 77 000 000 en
1995. Je vous rappelle qu'en 1990 il s'est enregistré à la
Commission près de 111 000 000 d'heures-personnes. Alors, si vous parlez
de reprise économique, ce n'est pas dans notre industrie.
Pendant ce temps-là, évidemment, tous les acteurs, que ce
soient des travailleurs ou des employeurs, tentent de survivre puis,
finalement, ils trouvent ça quand même assez difficile, dans le
sens suivant: c'est que, pour les entreprises, on a connu, au cours des 2
dernières années, près de 1200 faillites. Mais, ça,
ça n'exprime pas le portrait réel de notre industrie. La
majorité des employeurs ont de la difficulté à rencontrer
leurs obligations. La majorité des employeurs, ceux qui sont chanceux
pour avoir des contrats, sont obligés de prendre des contrats, bien
souvent et permettez-moi l'anglicisme au «cost» pour
être capables d'avoir des revenus à démontrer au
gérant de banque pour être capables de rencontrer leurs
responsabilités à l'égard de leur marge de crédit.
Il y a des employeurs qui sont obligés de mettre à pied des
salariés qui étaient à leur emploi, sans interruption,
depuis plusieurs années.
La marge de profit, et je ne pense pas que ce soit un terme qu'on doit
exprimer en termes de gêne, n'a cessé de diminuer.
Évidemment, c'est assez difficile, dans notre industrie, de le calibrer
d'une façon très, très précise, sauf que, si on se
fie aux statistiques pour l'ensemble du Canada... Je vais vous donner deux
périodes de référence, 1990 et 1991, et je vous rappelle
que 1992 était substantiellement moins bonne que 1991, et c'est encore
pire en 1993. L'ensemble des industries, des entreprises de construction et de
matériaux de construction ont déclaré, en 1990, à
travers le Canada, 2 540 000 000$ de profits. En 1991, c'était
baissé à 270 000 000 $. Les chiffres ne sont pas encore publics
pour ce qui est de 1992, mais on peut, je pense, gager sans avoir trop de
craintes de perdre que les profits, s'il y en a, sont beaucoup moins
importants. D'ailleurs, les gens du gouvernement sont certainement en mesure de
confirmer que le manque à gagner le plus important pour le gouvernement
provient du fait qu'il n'y a pas d'impôt à payer sur des profits,
non seulement dans les entreprises de construction mais également pour
l'ensemble des entreprises du Québec.
Pour les salariés, ce n'est pas plus drôle. Je vous le
mentionnais tantôt, le chômage n'a jamais été aussi
élevé. Et, si on s'entend, dans la construction, à cause
du caractère cyclique, qu'il y a également du chômage
cyclique, jamais les périodes de chômage n'ont été
aussi longues, jamais les travailleurs n'ont autant épuisé leur
période de chômage; et ce qu'on trouve malheureusement, ce sont
des travailleurs qui se retrouvent sur le bien-être social. Et,
évidemment, les travailleurs de la construction sont des gens fiers. Je
ne pense pas que c'est la raison pour laquelle ils ont décidé
d'oeuvrer dans la construction. Ils veulent oeuvrer dans la construction pour
travailler. Preuve à l'appui, il y a 40 000 travailleurs et
ça va intéresser certains députés autour de la
table qui ont vu leur certificat de compétence non
renouvelé en 1993. La raison est bien simple: il y a une baisse
d'activité, il y a un travail au noir qui prend des proportions
alarmantes, et de plus en plus de travaux sont exécutés
légalement à l'extérieur du champ d'application de notre
loi. en 1989, les travailleurs ont effectué en moyenne, dans la
construction, 1016 heures. je vous rappelle que c'est une moyenne
arithmétique, ce n'est pas une moyenne pondérée. en 1992,
c'est baissé à 734, soit une baisse de 28 %. on considère
que c'est une baisse qui est dramatique. si on peut se permettre d'utiliser
l'expression de travailleurs à temps partiel dans la construction, on va
le qualifier de la façon suivante: c'est un travailleur qui a
travaillé moins de 500 heures pendant la période de
référence. l'expression est la nôtre, évidemment. en
1989, il y avait 75 % des travailleurs qui avaient effectué 500 heures
et plus. évidemment, quand on parle d'heures effectuées, on parle
d'heures enregistrées à la commission de la construction du
québec. en 1992, on ne parle que de 60 %. ce sont des chiffres qui
correspondent à la réalité économique avec laquelle
il faut composer.
Évidemment, tout le monde parle également du travail au
noir. C'est une préoccupation de député, c'est une
préoccupation de travailleur et c'est également une
préoccupation des employeurs. Les dernières simulations, les
dernières statistiques que nous avons compilées sont quand
même assez particulières. Ce qu'on a noté, c'est qu'au
cours des 5 ou 6 dernières années, on s'est toujours
retrouvé avec à peu près le même nombre d'heures
effectuées au noir, à peu près 25 000 000, sauf que le
phénomène nouveau est le suivant: c'est que, d'abord, on parle de
25 000 000 sur une tarte globale de travaux de construction qui est beaucoup
moins importante, si bien que la proportion du travail au noir croît par
rapport à l'ensemble des travaux.
Un deuxième phénomène, c'est qu'on parle main-
tenant d'un nouveau type de travail au noir. Traditionnellement, je vous
dirais avant 1987 ou 1988, quand on parlait de travail au noir, on faisait
référence à des travaux qui étaient totalement
effectués à l'extérieur du cadre réglementaire.
C'étaient des travaux qui étaient payés en cash. Il n'y
avait pas de taxes, pas d'impôt qui étaient payés. On
retrouve encore, dans une certaine mesure, ce type de travail au noir, mais il
y a une différence importante aujourd'hui, qui inquiète autant
les syndicats que les associations d'employeurs, c'est le fait que nos
employeurs, de connivence avec nos salariés, compétitionnent
maintenant avec le travail au noir. Ils sont obligés de
compétitionner avec le travail au noir. Et ça, ça veut
dire que le décret de la construction est contourné, dans une
certaine mesure, et il est devenu, selon certains chapitres, selon certaines
dispositions, une fiction de la réalité.
Le phénomène, c'est que les vrais employeurs si
vous me permettez l'expression et les vrais travailleurs sont
obligés de compétitionner avec le travail au noir. Pourquoi?
Parce qu'il y a des gens qui ont constaté qu'ils pouvaient gagner
probablement décemment leur vie dans le noir. Donc, si on trouvait,
à l'époque, tout le travail illégal effectué
à l'extérieur de ce que j'appellerais la construction neuve,
maintenant c'est différent. On va retrouver du noir qui se fait d'une
façon importante dans la construction neuve, dans le résidentiel
et également dans le commercial et, dans une mesure quand même
moindre, dans les travaux de génie civil et dans les travaux
industriels. (13 h 50)
Si je vous donne l'exemple de la construction d'une unité de
logement, selon les estimations généralement retenues, en 1991,
il y avait 803 heures, normalement, de travail légalement
qui devaient être effectuées pour la construction d'un logement.
En 1988, c'était 772. Je vais vous dire que les heures
déclarées en 1988 étaient de 460, des heures
déclarées à la Commission de la construction du
Québec pour la construction d'unités de logement, alors que les
heures qui auraient dû l'être étaient de 772.
En 1991, ce nombre-là est baissé à 325. Donc, vous
avez moins de la moitié des heures effectivement travaillées dans
la construction d'une unité de logement qui sont déclarées
à la Commission de la construction du Québec. Ce que ça
démontre, au-delà du fait qu'il y a du noir, c'est que le noir
est en croissance.
Est-ce que le noir est surtout tributaire de notre récession ou
de notre activité économique? Évidemment, à
brûle-pourpoint, là, on pourrait avoir tendance à le
prétendre, sauf que la réalité est totalement
différente. Je vous ai dit tantôt que le nombre d'heures
déclarées au noir était maintenu entre 25 000 000 et 30
000 000 d'heures-personnes au cours des dernières années. Si, en
1990, on a connu une année quand même intéressante
en 1989 davantage on se retrouvait également, à ce
moment-là, avec le même nombre d'heures effectuées au noir.
Donc, prétendre que le seul problème qui explique pourquoi on a
autant de noir, c'est strictement une question économique et que, quand
l'économie va re- prendre, le temps va régler les choses, je
m'excuse, mais ce n'est pas une théorie que nous partageons, d'aucune
espèce de façon.
On a fait faire un sondage par une firme indépendante, un premier
auprès d'employeurs qui étaient actifs dans le secteur
résidentiel et un deuxième sondage effectué auprès
de travailleurs. Et je dois vous dire que les sondages rencontraient toutes les
règles de l'art. Et une des questions qui étaient posées
était la suivante ça a été posé aux
deux groupes: Selon vous, c'est quoi, le phénomène qui
crée davantage ou qui provoque davantage le travail au noir? La
première question est posée aux travailleurs. On leur demande
à brûle-pourpoint: C'est quoi, selon vous, le
phénomène ou l'élément catalyseur? sans qu'on
suggère une forme ou une autre. Ce qui est arrivé en tête
de liste, c'étaient les coûts de main-d'oeuvre. Et, lorsque nous
avons listé un certain nombre d'éléments, à ce
moment-là, le premier élément provocateur, selon les
employeurs, c'étaient les coûts de main-d'oeuvre et le coût
des taxes et des impôts. Et, dans le cas des travailleurs, exactement la
même réponse: ils situaient à peu près au même
rang, au premier rang, comme facteur du travail au noir, le coût des
taxes et des impôts et les coûts de main-d'oeuvre. Et je tiens
à vous rappeler que ce sondage-là a également
été effectué auprès de travailleurs.
Le message est, selon nous, très, très clair. Le
décret de la construction ne colle plus à la
réalité de nos marchés, et on ne parle pas seulement du
marché résidentiel où la capacité de payer du
consommateur est évidemment beaucoup moins importante que celle du
donneur d'ouvrage institutionnel, génies civil et industriel.
Même, le travail au noir commence à prendre une forme un
petit peu plus sophistiquée dans les autres secteurs, et même dans
le secteur traditionnel où les chefs syndicaux étaient toujours
d'opinion que: Ce n'est pas grave si vous nous donnez des augmentations, vous
n'avez qu'à passer la facture. Je vous parle du secteur industriel
où, de plus en plus, les donneurs d'ouvrage vont recourir à la
prévision qui est prévue à la loi des relations de
travail, où ils peuvent, dans certains cas, faire effectuer des travaux
légalement en dehors de notre champ d'application. La raison est simple,
et les donneurs d'ouvrage sont allés l'indiquer au comité
Lavallée-Laberge sur notre champ d'application, ça coûte
trop cher.
Nous avons déposé auprès de la partie syndicale
et ça a été largement publicise des demandes
de rationalisation de coûts de main-d'oeuvre. La réaction
immédiate, et elle était prévisible, de la part des chefs
syndicaux: II n'en est pas question. La réaction prévisible de
certains travailleurs: Ça ne se fera pas sur notre dos. C'était
également prévisible.
Sauf que ce qu'il est important que les gens comprennent,
premièrement, ce n'est pas une économie que l'employeur peut
mettre dans sa poche, à cause du phénomène de la
compétition. Si vous voulez avoir des contrats, vous êtes mieux
d'être compétitif. Et, deuxièmement, il y a un
échange que nos propositions permet-
traient de faire, parce qu'il y a 25 000 000 d'heures qui se font au
noir, ce qui représenterait, si on répartissait l'ensemble de ces
heures-là à tous les travailleurs qui, en 1992, ont
enregistré une seule heure ou plus, une augmentation de la
rémunération de 6400 $.
Donc, il y a possibilité d'aller récupérer ces
sommes au noir. Pourquoi? Parce qu'on réduirait l'écart qui
existe entre le taux au noir et le taux officiel. Et tous les
économistes s'entendent pour dire que l'importance du noir est
directement proportionnelle à cet écart-là.
Le Président (M. Audet): En conclusion, s'il vous
plaît, il vous reste très peu de temps.
M. Brown: La conclusion, c'est que nous sommes d'opinion qu'il y
a impossibilité pour la coalition syndicale et l'AECQ d'arriver à
une entente dans le délai de 45 jours que le ministre a indiqué
qu'il pourrait nous imposer. Les quatre premiers mois de négociations
ont clairement démontré aucune espèce de volonté de
la partie syndicale je ne vous parle même pas de négocier
de discuter de propositions que nous avons mises sur la table pour
régler le problème de notre industrie. Parce que nous
prétendons que nous ne négocions pas pour le
bénéfice des employeurs, ni pour le bénéfice des
travailleurs; on va négocier pour le bénéfice de la survie
de notre industrie. Et le fait de reconduire dans 45 jours l'inévitable,
à savoir le fait qu'on se retrouve dans un cul-de-sac... On n'a pas le
goût de revivre sur nos chantiers les événements qu'on a
connus ou que le ministère a connus dans ses bureaux ce matin. C'est une
hypothèse que nous avons soulevée cette semaine, et nous croyons
que tout ce que ça va faire, c'est obliger les gens à aller
perdre leur temps à une table de négociation. On va se retrouver
en commission parlementaire les 14, 15 ou 16 juin prochains, parce que c'est
inévitable. Il n'y a pas moyen de s'entendre, il n'y a pas de
volonté de la part, je dis des chefs syndicaux, de rationaliser la
situation.
Je vous remercie.
Le Président (M. Audet): Merci. M. le ministre du
Travail.
M. Cherry: Merci, M. le Président.
Dans un premier temps, je remercie l'Association des entrepreneurs en
construction d'être venue, de nous avoir préparé un
mémoire selon l'horaire qui avait été tacitement convenu.
Même si tout le monde était convoqué pour 9 heures ce
matin, vous aviez prévu être ici à 15 heures cet
après-midi. À cause des raisons que vous connaissez, du
comportement des gens qui vous ont précédé, c'est ce qui a
fait qu'on vous a demandé de procéder devant la commission un peu
plus rapidement.
Dans un premier temps, j'aurais souhaité poser la même
question à ceux qui vous ont précédé ce matin, mais
comme ils ont décidé de ne pas témoigner... Dans les
quatre mois, de janvier à maintenant, avant la présence du
conciliateur, et même depuis la présence du conciliateur, vous
venez de le déclarer, il n'y a pas eu moyen de s'entendre, il n'y a pas
eu moyen d'avoir de discussions. C'est ce que vous venez de dire. Mais il s'est
passé quoi, dans ces réunions-là? Vous en avez eu combien?
C'était quoi, l'objet de vos rencontres? Il me semble qu'une industrie
comme la vôtre, avec l'importance qu'elle a, là... Vous
êtes, des deux côtés, des gens responsables; comment se
fait-il qu'on arrive quatre mois plus tard et qu'une des parties vient nous
dire: II ne s'est rien passé, il n'y a rien eu de fait? Qu'est-ce qui
s'est passé? Il n'y a qu'à vous qu'on peut poser cette
question-là, les autres se sont dérobés à leur
responsabilité ce matin.
M. Brown: Avant d'exprimer ce qui s'est passé depuis, je
vous dirais, la nomination du conciliateur, il faudrait peut-être
retourner en arrière et vous indiquer que c'est l'Association, c'est
l'AECQ qui a transmis l'avis de début des négociations. Je n'ai
pas les dates en tête, M. le ministre; vous les avez dans votre
mémoire, là, vous pouvez facilement y faire
référence. Nous avons envoyé un avis de convocation, et la
partie syndicale nous a répondu qu'elle ne pouvait pas se
présenter à une première rencontre puisqu'elle
n'était pas arrivée à une coalition ou un mariage de
raison avec... il n'y avait pas eu de mariage de raison entre centrales
syndicales parce qu'il n'y avait personne qui bien, vous savez
avait la majorité pour négocier seul à la table de
négociation.
Alors, au moment où les gens devaient se présenter
à la table parce que vous savez que le 185, qui a introduit un
maraudage, a amputé d'une façon importante la période des
négociations la partie syndicale n'avait que quatre mois à
perdre à la table de négociation, ce qu'ils ont fait d'abord en
disant: On ne se présente pas à table parce qu'on n'a pas
d'entente entre nous, et on ne savait pas qui ça pouvait être. Au
moment où ils se sont présentés, on a demandé le
dépôt des demandes syndicales, parce que, si vous voulez
négocier il faut avoir, au minimum, les demandes. Et, parce qu'il y a un
minimum de démocratie chez nous, quand on a les demandes, on va
consulter les employeurs, et ça exige... il y a une certaine
mécanique qui exige un certain temps. Et ça, la partie syndicale
le sait.
C'est tellement peu important, des demandes syndicales, M. le ministre,
qu'ils nous les ont déposées le 10 mars, et vous savez tous que
le décret expire le 30 avril. C'est tellement peu important, des
demandes pour fins de négociations, que, dans certains cas parce
qu'on parle d'une coalition de deux centrales syndicales ils n'ont
même pas été capables, pour des métiers, de
déposer des demandes communes. Nous avions, pour certains
métiers, des demandes contradictoires. (14 heures)
Pour vous donner une illustration strictement graphique et je ne
la qualifie pas autrement ce que j'appellerais les clauses
générales, elles nous ont été
déposées dans un cahier, dans une forme manuscrite. Alors,
ça vous donne une petite idée du sérieux avec lequel
l'exercice s'est fait.
Lorsqu'il y a eu rencontre, on s'est obstiné,
comme vous le savez, sur la forme de la table, parce que, si vous ne
voulez pas négocier, tout ce que vous avez à faire, c'est de
proposer une formule de table de négociation qui ne répond
absolument pas aux besoins de l'industrie. Parce que, compte tenu du peu
d'information que j'ai eu l'opportunité ou le temps de vous donner
tantôt, je pense que vous constatez assez facilement qu'il n'est pas
question pour l'industrie de régler des problèmes de points et de
virgules. C'est un problème de concept de décret. C'est un
problème de coût très, très important. Nous
étions d'opinion, et nous sommes encore d'opinion qu'il ne faut pas
chercher des solutions à la pièce mais des solutions globales. Et
la seule façon de le faire, c'est de faire un débat de fond, un
débat qui est possible strictement à une table centrale. Alors,
il y a eu, entre l'AECQ et les associations syndicales, une longue discussion,
M. le ministre, sur la forme de la table, qui a retardé indûment
le processus.
D'ailleurs, je dois vous dire qu'au moment où vous avez
décidé de nommer le conciliateur pour tenter de rapprocher les
parties, en fait, vous nous avez devancé de quelques minutes, parce que
nous voulions, nous aussi, débuter des négociations
sérieuses. Lorsque le conciliateur a été nommé,
à la première rencontre un représentant, un chef
syndical le porte-parole de la FTQ nous a indiqué très
clairement, en présence du conciliateur: II n'est pas question pour nous
d'entreprendre quelque négociation que ce soit si vous voulez, l'AECQ,
si vous osez, l'AECQ, demander une rationalisation des coûts de
main-d'oeuvre.
Il y a eu par la suite une rencontre privée avec le conciliateur
qui a amené les parties à la table, et il y a eu, de
mémoire, trois ou quatre journées d'échanges où,
finalement, il y a eu discussion sur le contenu des demandes syndicales. Alors,
c'est à peu près le scénario, M. le ministre, que nous
avons connu à la table de négociation.
M. Cherry: O.K. Dans les chiffres que vous utilisez, vous partez
de 1989 en venant jusqu'à maintenant, je serais curieux que vous nous
indiquiez, dans les chiffres précédents, 1988 et les autres
années, incluant la rénovation, à l'époque
parce que, de mémoire, on se souvient que c'est depuis 1988 que la
rénovation est déréglementée, selon le langage
quelle est la proportion des chiffres qu'on pourrait attribuer,
maintenant qu'ils n'apparaissent plus comme des heures reportées et
qu'ils auraient pu l'être autrefois, dans la période où on
rapportait les heures de rénovation également?
M. Brown: Là, vous parlez du volume de travail,
exprimé en termes d'heures, pour la partie des travaux qui a
été désassujettie? On n'a pas le chiffre à la main
et, de mémoire, M. le ministre, je n'oserais pas vous citer un chiffre.
D'ailleurs, on l'exprimait beaucoup plus en termes d'immobilisations, parce
qu'il n'y a pas de rapport qui permette ou qui permettait de
différencier les heures effectuées dans le résidentiel
neuf et les travaux de réparation, entretien. Alors, je n'oserais pas,
de mémoire, vous citer un chiffre, parce que ma marge d'erreur serait
trop grande.
M. Cherry: Donc, vous ne pouvez pas, là, nous indiquer,
là... Parce qu'à l'époque on disait qu'en
déréglementant la rénovation ça mettrait fin au
travail au noir. Là, il semble que, après que ça ait
été fait, on ne connaissait pas les chiffres qu'on peut
comptabiliser là-dessus. Et le résultat, c'est que, maintenant,
on dit que la partie du travail au noir est encore plus importante.
Évidemment, vous avez bien indiqué qu'en maintenant la même
partie de travail au noir qu'avant par rapport à une diminution de
l'activité générale c'a comme résultat d'augmenter
la proportion du noir. C'est ça...
M. Brown: On pourrait prétendre, M. le ministre, que, si
la partie désassujettie était encore sous l'empire de notre loi,
les 25 000 000 d'heures-hommes, nécessairement, seraient
augmentées. Dans quelle proportion parce que c'est le sens de
votre question je ne suis pas en mesure de vous donner de chiffre.
M. Cherry: O.K. Vous invoquez le montant de 25 000 000 d'heures.
Les chiffres qui ont circulé disaient entre 25 000 000 et 35 000 000
d'heures. Je réalise que vous prenez le chiffre moindre.
M. Brown: Nous voulons être conservateurs pour garder,
quand même, le débat le plus rationnel possible, M. le ministre.
Mais, effectivement, ça peut jouer entre 25 000 000 et 30 000 000.
M. Cherry: O.K. Maintenant, concernant le résidentiel
vous y avez touché rapidement tantôt concernant les
coûts de la main-d'oeuvre, c'est quoi, le pourcentage que vous estimez
qui constitue le coût de la main-d'oeuvre par rapport à l'ensemble
des coûts d'une résidence, là?
M. Brown: ça se chiffre entre 25 % et 30 %.
M. Cherry: 25 %, 30 %...
M. Brown: Effectivement.
M. Cherry: ...qui constituent...
M. Brown: La part de la main-d'oeuvre...
M. Cherry: ...la main-d'oeuvre.
M. Brown: ...dans le coût global d'une maison.
M. Cherry: Donc, les autres parties, c'est, évidemment,
les matériaux...
M. Brown: Et le coût du terrain.
M. Cherry: ...et le reste, c'est le terrain. C'est ça?
M. Brown: Effectivement, oui.
M. Cherry: Et les profits des entreprises.
M. Brown: Oui. Donc, ce que la négociation peut faire,
c'est tenter de rationaliser les coûts d'une maison, mais qui ont
égard à la main-d'oeuvre. Nous n'avons aucune espèce de
possibilité d'exercer des contrôles au niveau du coût des
terrains, où il peut y avoir de la spéculation, ou au niveau des
matériaux qui peuvent monter d'une façon vertigineuse. C'est une
question d'offre et de demande, c'est une question de marché. Et,
malheureusement, ce n'est pas un élément qu'on peut régler
en négociations. Je dis «malheureusement», parce que c'est
carrément hors de contrôle des parties.
M. Cherry: O.K. M. le Président, pour revenir au travail
au noir, la perception que j'en avais, comme ministre, et ce qui pouvait se
dégager en général, s'il y avait une chose qui faisait
l'unanimité de tous les partenaires dans le secteur de la construction,
c'est le problème du travail au noir, son empire à cause de la
situation qu'on vient de décrire. Comment se fait-il que, ne serait-ce
que sur ce sujet-là qui vous menace collectivement, selon vos propres
propos, vous n'avez même pas réussi à avoir des
conversations sérieuses, là, sur ce sujet-là?
«C'est-u» parce que vous avez, là, des visées
à ce point différentes que vous ne pouvez même pas vous
parler de ce qui, collectivement, vous menace?
M. Couillard: M. le ministre, comme vous dites, c'est un sujet
qui nous est commun et qui nous fait mal, possiblement, les deux parties,
syndicale et patronale. Les solutions nous apparaissent un peu
différentes de l'une à l'autre. Disons que la solution
«bras» qu'on a pu voir ce matin semble être la solution
retenue par le syndicat, et on a lutté contre cette solution-là,
la considérant excessivement dommageable pour notre industrie et
excessivement dommageable pour toutes les entreprises de construction du
Québec. On a plutôt tenté, comme employeurs, de trouver des
solutions plus rationnelles, plus terre à terre, plus humaines,
nonobstant la difficulté qu'elles peuvent représenter, en parlant
de baisser les salaires, de réduire les salaires. On considère
que c'est une façon beaucoup plus humaine de solutionner un
problème, considérant qu'on a un système et qu'il faut
quand même tenter de l'améliorer, que de vivre une certaine forme
de violence sur des chantiers dans l'espoir de régler des
problèmes.
Je pense qu'un être humain qui veut travailler, s'il lutte
à coups de poing sur la gueule, si vous me prêtez l'expression, il
va se soigner et il va recommencer. Mais je pense que, si le système lui
permet de travailler et d'embarquer dans le système de construction
comme il existe présentement, chacun va y trouver son compte. C'est pour
cette raison-là qu'on ne s'est pas entendus. C'est parce que,
initialement, on voulait, et on croit toujours qu'on doit rationaliser
l'industrie, c'est-à-dire la rendre compétitive avec ce
système-là.
M. Brown: Si vous permettez que je complète, M. le
ministre, on est beaucoup plus près, j'allais dire, d'une entente dans
le contexte de partager des solutions je parle de la partie syndicale et
de nous-mêmes que ça peut peut-être le sembler. Vous
n'êtes pas sans savoir que l'AECQ a provoqué la création
d'un comité qu'on a appelé la Table de concertation sur le
travail au noir, où nous siégeons avec la CSN, la
FTQ-construction et l'union internationale. Nous avons eu quatre ou cinq
rencontres, et il y a quand même beaucoup de travail qui a
été fait. Je vous dirais qu'il y a deux différences
fondamentales, la première au niveau de la source du travail au noir et
la deuxième au niveau de la solution.
La partie syndicale ne partage pas notre point de vue à l'effet
que les coûts de main-d'oeuvre ont un effet sur le noir. Ils
prétendent exactement et totalement le contraire. Mais on peut
comprendre, et, ce qu'on se dit, c'est: Quand le décret va être en
dehors du portrait, probablement qu'ils vont pouvoir, à ce
moment-là, reconnaître que ça a, j'espère, un
minimum d'effets. Donc, en termes de source, c'est la grande
différence.
En termes de solutions, évidemment, nous ne cherchons pas des
solutions purement coercitives. On ne cherche pas des solutions qui
consisteraient à policer les chantiers. Ce n'est pas la façon
d'agir. Il faut trouver des mesures qui sont davantage incitatives. Et,
à cet égard, je vous dirais, M. le ministre, qu'on a confiance,
chez nous, que, lorsque la question du décret sera réglée,
on va faire des pas de l'avant et, je vous dirais, probablement assez
rapidement, parce que nous partageons tous le point de vue à l'effet
qu'il faut s'attaquer au noir immédiatement, sinon c'est hors
contrôle et ça va dépasser le point de non-retour.
M. Cherry: Une dernière question. Vous venez de dire que
vous avez eu des rencontres, trois ou quatre, à une table de
concertation. Vous me l'aviez dit lors de rencontres ex parte que vous aviez
eues avec les parties. Vous m'aviez dit: Sur le travail au noir, M. le
ministre, on est beaucoup plus près que ça peut sembler.
Pouvez-vous, pour le bénéfice de cette commission-là, nous
dire les pistes sur lesquelles il semble que, ensemble, vous pourriez faire
quelque chose une fois que le décret sera réglé?
M. Brown: Si on parle... et ce n'est pas en ordre d'importance,
là; je vous le dis dans l'ordre que ma mémoire le voudra bien. Il
y a, évidemment, des mesures administratives. On peut parler d'une plus
grande efficacité de la Commission de la construction du Québec;
en d'autres mots, qu'elle ait suffisamment d'outils pour être capable de
fonctionner. Vous avez prévu, dans le plan gouvernemental qui a fait
suite à la commission Sexton-Picard, une contribution des
municipalités au moment de l'émission des permis de construction,
où il pourrait y avoir un contrôle, à savoir sur la
qualité des demandeurs et également des sous-traitants ou des
entrepreneurs qui seraient utilisés pour exécuter les travaux.
(14 h 10)
II y a également possibilité au niveau d'un meilleur
contrôle qualitatif des entreprises de construction. Vous avez
déjà prévu aussi quelque chose dans 186; il faudrait juste
que les gens se mettent à l'oeuvre.
On pense également qu'il devrait y avoir des mesures incitatives,
et ça, c'est un classique qu'on répète. Moi, je pense
qu'à l'AECQ on l'a mentionné la première fois en 1984, en
commission parlementaire. C'est également une proposition qui est
relevée par plusieurs groupements patronaux et syndicaux. Et, quand on
parle de mesures incitatives, c'est, entre autres, la possibilité de
crédits d'impôt pour les consommateurs, les clients de nos
employeurs et de nos travailleurs, dans le cas où les travaux sont
exécutés conformément aux règles de l'art et quand
les travaux sont exécutés par des professionnels de la
construction.
Je pourrais vous énumérer toute une liste, M. le ministre:
la mise en place d'un tribunal de la construction; je pourrais vous parler de
la promotion, et je pense que c'est une responsabilité conjointe,
patron-syndicat, et peut-être même également le
gouvernement; faire la promotion du travail, des avantages de faire appel
à du travail au blanc, si vous me permettez l'expression, par rapport au
travail au noir. Il y a une foule de moyens. Certains sont purement
administratifs, d'autres sont coercitifs et d'autres sont incitatifs. C'est un
ensemble de moyens sur lesquels il serait facile de s'entendre et, pris
isolément, ce n'est pas suffisant, évidemment, pour régler
les problème. De la même façon qu'on dit à la partie
syndicale que notre proposition de rationalisation des coûts de
main-d'oeuvre n'est pas la solution pour enrayer le travail au noir, c'est une
des solutions, mais une solution permanente; rajoutez cette
proposition-là à l'ensemble des propositions que nous avons mises
sur la table, que la partie syndicale a mises sur la table, à notre
table de concertation, et d'autres solutions que nous sommes disposés
également à présenter, et il n'y a aucun doute qu'on va
être capables de récupérer une partie très,
très substantielle des 25 000 000 d'heures-personnes qui
s'exécutent au noir.
Le Président (M. Audet): Merci.
M. Cherry: Juste un seul commentaire. C'est que, parmi les choses
auxquelles vous référez, il semble que vous et la partie
syndicale soyez sur le point de vous entendre. Et j'ai bien retenu,
après que le décret sera réglé... Je retrouve des
choses... Vous énumérez les municipalités; ça fait
partie des 19 outils qui découlent de 185 et 186, qui sont des lois mais
qui doivent être appliquées ou par la Régie du
bâtiment ou par la Commission de la construction du Québec,
où, les deux parties, vous siégez également, là,
entreprises et associations syndicales.
Mais, si vous me dites que, tant que le décret ne sera pas
réglé, il n'y a pas possibilité de mise en place et de
collaboration pour le fonctionnement de ça, si c'est ça que j'ai
entendu, là, des conversations de votre Table de concertation, c'est ce
que je voudrais... Je ne veux pas vous mettre des paroles dans la bouche, que
vous ne dites pas, là; si je vous comprends bien, je voudrais simplement
que vous confirmiez. Et, moi, j'ai terminé mon intervention dans ce
dossier-là.
Le Président (M. Audet): Merci. M. le député
de Jonquière.
M. Dufour: Oui, merci, M. le Président.
Vous nous dites, au début de votre intervention, qu'il a
été impossible de s'asseoir à la même table et de
commencer ou de débuter les négociations. Ce faisant pour
quelques-uns d'entre vous, en tout cas; je ne sais pas si c'est l'ensemble
vous avez déjà participé à des tables de
négociation avec les syndicats. Et qu'est-ce qui explique la
différence entre cette négociation-ci par rapport aux autres
négociations antérieures? Est-ce que, antérieurement, les
syndicats avaient plus de propension à s'asseoir avec vous autres
qu'à la dernière négociation?
M. Brown: C'est très, très, très simple, M.
le député. C'est que, dans ce cas-ci, c'est l'AECQ qui est en
demande. Il semblerait, selon le pattern très classique de
négociation, pour employer l'expression qu'un ancien représentant
de la CSN nous avait lancée à une table, que le principe de la
négociation, c'est: «We ask and you give». C'est une
pensée que je considère un peu archaïque dans la situation
dans laquelle nous vivons. Et pourquoi la partie syndicale ne pense pas... Je
vais lui mettre les mots dans la bouche, mais je pense, de toute façon,
que je cite presque une parole d'Yves Paré, qui a été
relevée dans un article assez récent dans Le Soleil: Pour
eux autres, il n'est pas question de venir négocier avec nous, parce que
nous osons demander une rationalisation des coûts de main-d'oeuvre. On
n'a pas le droit de chercher des solutions et de trouver des solutions
originales et, dans certains cas, des solutions qui s'imposent, tout simplement
parce que ça affecte le concept consacré des droits acquis. Je
suppose.
Pourquoi la partie syndicale ne vient pas à la table de
négociation? C'est qu'elle n'est pas capable de supporter ses demandes.
Toutes les clauses à incidence monétaire qu'on retrouve dans
notre décret font l'objet de demandes d'augmentation et, dans certains
cas, des augmentations très substantielles. Est-ce que l'industrie de la
construction, est-ce que les consommateurs et les donneurs d'ouvrage ont la
capacité d'assumer de nouveaux coûts? On ne le croit pas parce
que, au moment où on se parle, notre décret est trop
dispendieux.
Alors, la partie syndicale sait qu'elle n'est pas capable de vendre aux
employeurs le concept d'une augmentation des coûts. La partie syndicale
sait très bien qu'elle n'est pas capable de vendre aux donneurs
d'ouvrage et aux consommateurs le concept d'augmentation de coûts. Alors,
à ce moment-là, qu'est-ce que vous faites? Vous perdez le temps
jusqu'à une intervention du ministre, et vous dites à vos
membres: Finalement, c'est le maudit gouvernement, encore une fois, qui a
imposé le décret. Nous autres, on a voulu rationaliser. C'est les
maudits patrons qui ont osé demander des concessions.
Alors, le climat je vous donne un peu une caricature, M. le
député c'est carrément celui-là. Et,
malheureusement, et malgré la présence du conciliateur, il n'y a
pas eu de changement d'attitude du côté des chefs syndicaux. Et,
je me répète, dans quelques déclarations publiques qui ont
été faites par des représentants à la table de
négociation, il semblerait qu'ils ne sont pas du tout disposés
à entreprendre une discussion de fond sur quoi que ce soit.
M. Dufour: En suivant le raisonnement que vous nous avez
apporté, le coût du travail, des heures travaillées par
rapport au coût de la construction résidentielle, c'est environ 30
%, entre 22 % et 30 %, 25 % et 30 %. On s'entend?
M. Brown: bien, on a arrondi le chiffre entre 25 % et 30 %.
M. Dufour: Entre 25 % et 30 %. Est-ce qu'on prend les 25 %, puis
on s'entend là-dessus? Parce que, ce matin, on entendait dire 22 %.
M. Brown: Bien, il y a...
M. Dufour: 22 %, 30 %, 25 %. En tout cas, on s'entend pour 25
%?
M. Brown: Oui.
M. Dufour: Vous demandez sensiblement une diminution des salaires
d'environ 20 %.
M. Brown: dans le cas du résidentiel, évidemment,
puis, pour les autres secteurs d'activité, ce n'est pas strictement une
demande de baisse du taux de salaires. évidemment, c'est l'aspect le
plus spectaculaire et c'est l'aspect qui est davantage relevé. dans le
cas du secteur résidentiel, nous demandons une réduction de 20 %
qui ramènerait, dans une certaine mesure je vais le dire
autrement qui réduirait l'écart qui existe entre le taux
officiel, le taux du décret et le taux qui est chargé au noir. si
vous voulez être compétitif, si vous voulez que les travaux
s'exécutent selon les règles de l'art et conformément
à la réglementation, vous devez faire en sorte que le
consommateur soit en mesure de se payer vos services. alors, pour le
résidentiel, nous demandons effectivement une baisse de salaire de
l'ordre de 20 %. nous demandons également une rationalisation au niveau
d'autres clauses à incidence monétaire, à savoir les
indemnités, les primes je parle toujours du résidentiel
les frais de déplacement et les horaires de travail. alors,
essentiellement, ce sont les dispositions que nous voulons modifier et qui
auraient pour effet, selon une simulation que nous avons effectuée,
basée sur une maison d'une valeur de 115 000 $ donc, je vous
rappelle qu'on parle toujours de 25 % à 30 % de coûts de
main-d'oeuvre ça la réduirait, la maison
évaluée à 115 000 $, de 7044 $, si ma mémoire ne me
fait pas défaut. Donc, ça représente à peu
près une réduction de 24 % pour le secteur
résidentiel.
M. Dufour: Pour l'employeur, c'est quoi, sa base de profit sur
une maison de 115 000 $?
M. Brown: J'ai posé la question encore récemment,
parce que c'est un argument que les représentants syndicaux
soulèvent à la table. Et les employeurs nous indiquent que
et je vais être le plus conservateur possible au minimum, au cours
des deux dernières années, s'il y a marge de manoeuvre, s'il y a
marge de profit, on peut parler, pour ceux qui en font, au maximum de 2 %
à 2,5 %. Et dans bien des cas les gens sont obligés de vendre
leurs maisons à perte, surtout les employeurs qui ont déjà
construit pour vendre et non pas construit sur demande. Alors, je l'ai
mentionné tantôt et je le répète encore: dans les
deux ou trois dernières années, des profits dans l'industrie de
la construction, c'est une chose en voie de disparition.
M. Dufour: Moi, bien sûr que la question que je posais...
Je voulais poursuivre un peu le raisonnement à l'effet que la
difficulté que vous aviez à négocier, c'est
évident, puis ça me semble très clair: vis-à-vis
des employés, c'est qu'il semble qu'ils feraient les frais d'une reprise
économique, point à la ligne, parce que les coûts des
terrains, on n'a pas beaucoup de contrôle là-dessus, les
coûts des matériaux non plus. Donc, il reste quoi? Sur quelle
marge on peut jouer? Si on prend les heures, vous parlez de 5 %, à peu
près, grosso modo. C'est la valeur de la maison. Puis il y a à
peu près 2 % de marge de profit pour l'employeur. Donc, il a 7 %. Est-ce
que c'est suffisant pour donner une relance? On peut s'interroger
là-dessus.
Moi, je voulais juste le soulever pour montrer une des
difficultés que vous avez rencontrées sûrement au
début de la négociation. Ça n'empêche pas que, dans
une négociation, l'employeur peut avoir des demandes puis
l'employé aussi. Ça, je pense que c'est dans les règles
qu'on comprend puis que je connais. Ça, je pense que ça explique
un peu...
M. Brown: Oui, je ferai peut-être deux... (14 h 20)
M. Dufour: Là vous pourrez répondre de la
façon que vous voudrez, bien sûr, mais comment vous pouvez
expliquer, puis comment vous pouvez ne pas comprendre la difficulté de
négocier vis-à-vis de vos demandes?
M. Brown: Je vous dirais, M. le député, que, si on
parle d'une maison puis je vais alourdir les chiffres pour fins de
compréhension ou d'explication si, effectivement, on parle d'une
maison d'une valeur de 300 000 $, la réduction que nous demandons ne va
pas faire en sorte que le consommateur va décider de faire construire
après la rationalisation plutôt qu'avant la rationalisation.
Ça, c'est évident, parce que vous parlez d'une capacité de
payer qui est quand même importante. Sauf que la valeur des maisons dans
l'industrie de la
construction, la valeur des maisons neuves au Québec, c'est quand
même une valeur des maisons qui est basse. On ne parle pas d'une moyenne
de 150 000 $.
D'ailleurs, dans la tournée régionale qu'on a faite, il y
a même plusieurs employeurs qui nous ont reproché d'avoir fait
notre simulation sur une maison d'une valeur de 115 000$. Ceci dit, sur une
maison de 115 000$, qui n'est quand même pas une maison de grande
envergure, si vous êtes capable de sauver 7445 $, c'est évident
que le consommateur qui a une capacité de payer limitée à
une maison de 115 000 $ va considérer que c'est une économie
probablement très, très substantielle.
Et vous avez fait le commentaire j'espère que je ne vous
mets pas des mots dans la bouche: Peut-être que les travailleurs vont
avoir l'impression que la relance économique, entre guillemets, va se
faire sur leur dos, je dois vous dire vous ne l'avez pas
suggéré, mais pour fins de compréhension que
l'économie qui serait faite, ce n'est pas une économie qui irait
dans la poche des employeurs. C'est une économie qui serait
passée aux consommateurs. Et c'est assez facile de le prétendre
et de l'affirmer parce que, si l'employeur veut être compétitif et
être capable de vendre ses maisons, il va falloir qu'il les vende
à bon coût. Donc, s'il voulait charger les taux qui sont en
vigueur aujourd'hui et empocher la différence, je dois vous dire qu'il
ne vendrait pas beaucoup de maisons. Il n'en construirait pas, puis celles
qu'il construit, il ne les vendrait absolument pas.
Maintenant, par rapport à la réduction, il y a une chose
qu'il est important de comprendre, c'est qu'il y a un pari que la partie
syndicale doit faire, et on l'invite à prendre ce pari-là. Il y a
25 000 000 d'heures-personnes qui échappent à la construction. Il
y a une partie de ces heures-là qui sont effectuées par des vrais
travailleurs, mais il y a une partie importante également qui est
effectuée par des gens qui ne sont pas des professionnels de la
construction. Si on est capable de réduire l'écart de nos
coûts de main-d'oeuvre et de faire en sorte que le consommateur va dire
et c'est des chiffres pour fins de discussion: Plutôt que de payer
15 $ l'heure à un gars au noir, ça me coûte 2 $ ou 3 $ de
plus, sauf que j'ai une qualité et j'ai une garantie des travaux qui
vont être exécutés, quand l'écart n'est pas
tellement important, ça vaut peut-être la peine de payer pour une
qualité, alors que, quand l'écart est trop important, oubliez
ça. Le consommateur n'est pas plus fou que d'autres. Il va dire: Moi, je
vais y aller pour le meilleur prix.
Donc, il va certainement y avoir récupération des heures
effectuées au noir, des heures qui seraient effectuées par les
vrais travailleurs. Et le même concept, M. le député,
s'applique pour le problème des désassujettis-sements que nous
connaissons dans les secteurs commercial, institutionnel et industriel.
M. Dufour: Vous parlez beaucoup de travail au noir et vous nous
dites, dans le même souffle, si j'ai bien compris ce que vous nous avez
dit, que, pour le travail au noir, vous n'avez pas le contrôle sur vos
membres; on ne parlera pas du travailleur, mais vous n'avez pas le
contrôle sur vos membres. Et vous dites ce que j'ai cru comprendre
que même les entrepreneurs recourent à cette méthode
pour compéti-tionner, ou autrement. Bon! C'est évident que le
donneur de travail, il a beaucoup plus de pouvoir que celui qui est en demande.
Et vous n'avez pas ce contrôle-là.
Le ministre nous parle de ses lois 185 et 186 qui étaient de
nature à contrôler. Je sais qu'à la CCQ on est
supposé faire respecter un certain nombre de règles au travail,
mais, quand on n'a pas les moyens de payer ses employés, je me demande
comment on peut faire du travail ou de la surveillance quelque part. Tu sais,
il me semble que ce n'est pas sain pour un organisme qui a un travail à
faire s'il n'est même pas capable de payer ses employés à
temps. Et ça, on la appris dernièrement.
Donc, il y a un problème de fond, là. Le travail au noir,
de quelle façon on peut le contrer? Tout le monde le déplore,
mais, ça, ce n'est pas une invention de l'esprit. Ça existe.
C'est sur le terrain. Puis vous n'êtes pas capable de le contrôler,
puis le syndicat non plus. Qui c'est qui va contrôler ça, vous
pensez?
M. Brown: Je ne veux pas répéter ce que j'ai
mentionné tantôt. Il existe déjà des dispositions
dans la loi. Il existe déjà des mécaniques qui ont
été mises en place et qui ne sont pas en marche. Ça,
là, chacun, on va faire notre mea culpa, là, mais il y a des
choses qui doivent se faire.
Je vais vous donner un exemple bien simple. Juste le j'allais
dire «raccordement»; il y a un terme un peu plus technique, mais
qui ne me vient pas à l'esprit lien électronique entre la
Régie du bâtiment et la Commission de la construction du
Québec, ce n'est pas fait. Est-ce que le contrôle ne serait pas
plus facile?
Je vais vous en donner un autre, exemple, et ça, ça me
dépasse, parce que ça fait au moins cinq ans que nous demandons
que ça se fasse: il n'y a pas de lien électronique entre la CSST
et la Commission de la construction du Québec. «Y a-tu» un
moyen facile pour vérifier ou contre-vérifier s'il y a des
écarts injustifiés entre les déclarations d'heures
à la Commission de la construction et à la CSST? ça me
permet de faire le commentaire suivant: à cause du travail au noir dans
la construction, le taux de cotisation dans notre industrie, qui est
présentement à 9,98 $ et qui va augmenter d'une façon
substantielle compte tenu du déficit de 1992, qui a été
annoncé il y a quelques semaines, les vrais employeurs qui paient leurs
cotisations, qui paient leur part à eux et qui paient la quote-part de
ceux qui travaillent au noir représentent 22 %. en d'autres mots, si le
noir était déclaré, la cotisation à la csst dans
l'industrie de la construction baisserait de 22 %. alors, tu sais, quand on
parle de mesures, c'est des mesures faciles. comment se fait-il que la ccq
n'est pas branchée à la csst? comment se fait-il que la ccq n'est
pas branchée à la régie du bâtiment? ce n'est pas
sorcier, ça, m. le député. je peux comprendre qu'il y a
des problèmes de logistique, il y a des problèmes d'accès
à l'information, etc. mais,
écoutez, on a des organismes en place. Aidons-les à faire
la job ou donnons-leur le mandat ou la capacité de faire la job. Ce
n'est pas facile, j'en conviens, mais, nous autres, on ne lance pas la
serviette. Il y a beaucoup de moyens qu'on peut utiliser pour enrayer le
noir.
M. Dufour: Je vous remercie. Je vais laisser la place à
d'autres pour questionner.
Le Président (M. Audet): Merci. M. le député
de Salaberry-Soulanges.
M. Marcil: Merci beaucoup.
C'est intéressant, ce que vous venez de dire, parce que, dans le
domaine industriel, on essaie, à un moment donné, d'intervenir au
niveau du coût de production, de la qualité de production pour
essayer de baisser les coûts. On ne touche pas nécessairement
à des diminutions des salaires. Je vous donne un exemple: chez Goodyear,
à Valleyfield, on produisait à peu près 21 000 pneus par
jour et on en rejetait tout près de 20 %. pourtant, les employés
étaient payés 19 $, 20 $, 22$ l'heure. et, à ce
moment-là, ça a eu un effet tellement négatif sur le
rendement de l'entreprise qu'ils ont été obligés de
remercier au-delà de quelque 900 employés. les gens les
travailleurs et l'entreprise se sont mis ensemble, puis ils ont
rebâti quelque chose. aujourd'hui, on n'a pas baissé le tarif
horaire, on a changé la façon de faire. au lieu de payer les
employés sur la production d'un nombre de pneus où on ne tenait
pas compte de la qualité plus tu en produis, plus tu es
payé aujourd'hui, on a décidé d'aller davantage
vers la qualité de travail, ce qui fait qu'aujourd'hui je crois que le
taux de rejet, si ma mémoire est bonne, est aux alentours de 3 % au lieu
d'être de 20 %. donc, le profit de l'entreprise, ils sont allés le
chercher là. je trouve ça tout à fait fantastique.
Et là ce que vous dites... C'est sûr que, si vous dites
à des gens, dans le domaine de l'entreprise: On te paie 20 $ l'heure et
on va te baisser de 20 %... Vous demandez ça, comme employeur; c'est
légitime. Je veux dire, je ne juge pas ça, là. Par contre,
si on proposait autre chose que de baisser le salaire? Vous avez soulevé
un point, la CSST. Vous dites que ça vous coûte 9,70$...
Pardon?
M. Brown: C'est 9,98 $.
M. Marcil: c'est 9,98 $. et, si on trouvait moyen d'enrayer le
travail au noir, on la baisserait de 22 %, votre cotisation. pensez-vous que,
comme solution au travail au noir je ne sais pas si les gens que vous
représentez pourraient l'accepter si on pouvait, par les affaires
municipales, demander à chacune des municipalités, d'abord pour
des travaux je donne ça comme exemple de 10 000 $ et plus,
d'émettre des permis uniquement à des personnes qui vont engager
un entrepreneur avec un numéro de licence, et que ce permis-là,
il y en ait une copie qui soit envoyée à la csst, à la
ccq, à partir, même... on a évalué que, construire
une unité, c'est à peu près 700 heures de travail. On est
capable, par la suite, de déterminer combien de permis ont
été émis à travers le Québec, et la CSST
pourrait faire un travail un peu plus, pas nécessairement sous pression,
mais un peu plus relaxe. On ne serait pas obligé de courir et d'aller
à la chasse aux sorcières. Est-ce que vos membres accepteraient
une formule comme celle-là?
M. Brown: Je dois d'abord vous dire, M. le député,
que nous avons déjà déposé cette
proposition-là presque le mot à mot à la
partie syndicale, à la table de concertation sur le travail au noir.
Une chose que la récente tournée provinciale nous a permis
de constater, c'est que les employeurs, même ceux qui sont obligés
de travailler au noir et, nous, contrairement aux chefs syndicaux, on le
reconnaît que certains de nos membres sont obligés de faire appel
au noir les employeurs nous disent: Ce n'est pas la façon de
travailler. On n'est pas des professionnels de la construction, on ne s'est pas
donné des lois, on ne s'est pas donné des obligations pour vivre
littéralement à côté du système pas
d'une façon ponctuelle mais d'une façon peut-être un peu
trop importante. Et le message des employeurs, sans qu'on sollicite leur
contribution ou leur participation, ce n'est pas dans ces mots-là, mais
ça veut à peu près dire: II va falloir s'autodiscipliner,
avec tout ce que ça peut engendrer. Parce que n'oubliez pas qu'entre
employeurs ce n'est pas facile non plus, là, quand vous avez des
écarts dans des coûts de soumissions qui dépassent, je vous
dirais, le raisonnable, l'écart se justifie comment? Ça ne peut
pas se justifier strictement sur la productivité. C'est
inévitable. C'est une question de coûts, et c'est dans ce
sens-là que les employeurs se disent: Si on veut survivre comme
industrie. .. Et il y a des employeurs qui sont à cette table-ci, M. le
député. Ce qu'ils veulent, c'est pouvoir oeuvrer d'une
façon normale, en travaillant avec des lois avec lesquelles ils vont
être capables de vivre.
Le problème que vous soulevez, c'est une mécanique, c'est
administratif. Si c'est purement administratif, c'est une chose, mais il va
falloir faire attention à ne pas légiférer davantage parce
qu'on n'est pas capable de contrôler notre industrie. Ce dont il faut
parler... Nous autres, on parle de rationalisation c'est notre
expression des coûts de main-d'oeuvre. La rationalisation des
coûts de main-d'oeuvre, ce n'est pas strictement à
l'intérieur du décret mais c'est également à
l'intérieur de nos lois et règlements, qui, dans certains cas,
pris individuellement, rencontrent les objectifs pour lesquels ça a
été mis en place. Si vous les prenez globalement, là, vous
voyez, des fois, qu'il y a certaines incongruités; il y a des lois qui
travaillent les unes contre les autres. Et, de toute façon, il faut,
comme dans n'importe quoi d'autre, périodiquement ajuster notre tir. En
d'autres mots, on va revoir si la loi répond encore aux besoins et, si
ce n'est pas le cas, bien, là, il faudra faire les ajustements. Et il va
falloir également que ça se fasse au niveau de la
réglementation. (14 h 30)
M. Marcil: Une dernière question...
Le Président (M. Audet): Merci. C'est terminé; on
manque de temps. À moins qu'il n'y ait consentement.
M. Marcil: Juste une dernière question, M. le
Président.
Le Président (M. Audet): Est-ce qu'il y a consentement
pour... C'est parce qu'il y a le député de Vimont aussi qui
veut...
M. Marcil: Oui, la dernière question.
Le Président (M. Audet): ...poser quelques questions.
M. Marcil: Ce soir, on décide de ne pas prolonger le
décret, on vous laisse aller avec ça, les deux parties, syndicale
et patronale, on ne s'en occupe plus. Aussi, bien, on dit qu'on ne peut pas
contrôler les coûts du marché en termes de bois, de
matériaux de construction. Et pourquoi est-ce que ce serait le
rôle du gouvernement d'aller contrôler les prix de la main-d'oeuvre
dans la construction? Qu'est-ce qui arrive demain matin?
M. Brown: D'abord, je dois vous dire que nous avons,
jusqu'à très, très récemment, je vous dirais
peut-être jusqu'à cette semaine, exprimé le désir
qu'on puisse, syndicat et AECQ, arriver à une entente. Et la raison est
bien simple: les problèmes sont trop importants, sont trop profonds pour
s'imaginer qu'une intervention unilatérale du ministre du Travail
pourrait tout régler. Et ça, on le comprend. Ce n'est pas votre
job à vous, comme gouvernement; c'est notre job à nous et les
syndicats d'arriver à une entente.
Et, quand on disait: II faut avoir le vide juridique, c'était
dans le contexte où on avait peut-être d'une façon
naïve, on va le dire aujourd'hui espoir qu'au-delà de faire
les exercices habituels de négociations où tu dis non à
tout, à un bon moment, les gens s'assiéraient et diraient: Bon,
O.K., maintenant qu'on a fait nos spectacles respectifs, là, devant nos
gens, on «peut-u» s'asseoir et se retrousser les manches? Nous
pensions qu'on en arriverait à cette étape-là.
Malheureusement, même l'intervention du conciliateur nous a ramené
les deux pieds sur terre.
Et c'est dans ce sens-là que nous avons, cette semaine, rendu
publique notre position, laquelle a été reprise tantôt par
le président dans son introduction. Compte tenu qu'on pense qu'il n'y a
pas possibilité de s'entendre, nous demandons au ministre du Travail
d'intervenir à cause de l'urgence de la situation, de l'état de
notre industrie, parce que, inévitablement, que ce soit à
l'intérieur d'un vide ou d'une prolongation pour une courte
période de temps, c'est carrément impossible d'arriver à
une entente, à moins qu'un éclair ne frappe les porte-parole
syndicaux. Et le vide juridique que nous avions souhaité, on ne le
souhaite pas. La plus belle réponse que je peux vous donner, c'est:
Faites le constat de ce qui est survenu ce matin dans les bureaux du
ministère du Travail à Montréal.
Ce que les chefs syndicaux sont capables de faire, c'est négocier
quand ils ont le levier économique en leur faveur. C'est que vous tordez
des bras, vous faites des pressions auprès des donneurs d'ouvrage pour
qu'eux fassent des pressions auprès du gouvernement pour s'assurer qu'il
va y avoir la paix sur les chantiers. C'est ça que l'article 51 de la
loi prévoit. Mais, à partir du moment où la partie
syndicale n'a pas ce levier économique, ce qu'elle n'a pas au moment
où on se parle, elle n'a pas l'habitude de réfléchir sur
des solutions à l'intérieur d'un processus de négociation.
Je vais vous le dire un peu bêtement, mais je le dis avec conviction:
Quand tu n'as pas l'habitude de réfléchir pour t'entendre sur ce
que devrait être un nouveau décret et que tu as toujours
procédé un peu par les bras, comme ils l'ont fait ce matin, c'est
un changement trop radical, probablement, à demander. Ce n'est pas un
réflexe, chez eux, que de réfléchir.
Le Président (M. Audet): Merci. M. le député
de Vimont.
M. Fradet: Oui, merci, M. le Président.
Ce ne sera pas tellement long. Je sais que le député de
Drummond a une intervention à faire, mais c'est parce qu'on a
parlé de chiffres qui m'intéressaient, là, ce qui a
suscité une question en moi. Malheureusement, vous ne vous entendez
même pas sur les conditions de travail avec les syndicats. Et ce que je
constate ce matin, c'est qu'on ne s'entend pas non plus sur la majorité
des chiffres et des statistiques qui sortent dans le domaine de la
construction. Alors, déjà là, ça fausse le
débat.
Vous avez parlé de la CSST. Ça vous coûte 9,98 $ des
100 $ c'est ça qu'on comprend et vous dites que,
présentement, vous payez pour le travail au noir, pour les autres
travailleurs. Moi, ce que je ne comprends pas dans cette affirmation-là,
c'est que les travailleurs au noir et ceux qui travaillent légalement,
s'ils se blessent, ne sont pas sur la CSST.
M. Brown: À moins qu'il y ait fraude. M. Fradet:
À moins qu'il y ait fraude. M. Brown: Oui.
M. Fradet: Mais ils ne sont pas assujettis à la CSST, que
ce soient des travailleurs au noir ou des travailleurs illégaux, donc
ils ne devraient pas augmenter les primes. Et, si vous dites: Le seul moyen de
dire que ça va diminuer vos primes, c'est en acceptant plusieurs
travailleurs, en pensant qu'ils ne se blesseront pas, alors, s'il y a deux fois
plus de travailleurs, à mon avis, il va y avoir deux fois plus de
blessures; donc, les cotisations devraient être deux fois plus grandes.
Alors, je ne comprends pas le fait de dire... Et le travail au
noir, il faut le régler, là, mais, en ce qui a trait
à la CSST, je ne sais pas... En tout cas, peut-être que vous
pouvez m'éclairer là-dessus, mais je pense qu'il y aurait
peut-être une affirmation qui serait à réviser. Merci, M.
le Président.
M. Couillard: Juste une chose pour compléter votre
pensée, votre façon de regarder le problème: quand on fait
les calculs, c'est l'ensemble des accidents qu'il y a eu dans la construction.
Les calculs sont basés sur l'ensemble des accidents dans l'industrie de
la construction déclarés, évidemment. À ce
moment-là, c'est ceux qui sont là. Le chiffre va changer de 20 %
sur l'ensemble des accidents qu'il y a eu dans l'industrie de la
construction.
M. Fradet: Est-ce que vous pensez que l'ensemble des accidents
qui sont déclarés sont assujettis à des prestations de la
CSST?
M. Couillard: Je peux juste vous répondre par une
question: Pensez-vous qu'ils sont tous là aussi? Pensez-vous qu'ils ont
tous été déclarés ou ils n'ont pas tous
été déclarés? On peut penser qu'il y a eu des
collusions, ou pas; ils l'ont été ou ils ne l'ont pas
été.
M. Fradet: C'est-à-dire que, si je travaille au noir et
que j'ai un accident, je serais bien mal placé d'aller déclarer
ça à la CSST; je ne cotise pas, et mon employeur non plus. Et je
ne cotise même pas au revenu. Alors, on va avoir l'occasion de s'en
reparler, j'imagine, d'ici la fin des 45 jours.
M. Brown: D'accord.
Le Président (M. Audet): Merci, M. le
député.
M. Brown: J'aimerais compléter, M. le
Président.
Le Président (M. Audet): Brièvement. Votre
enveloppe de temps est...
M. Brown: Le calcul est très, très simple. La CSST
va déterminer le taux de cotisation en fonction de son engagement. En
d'autres mots, elle prévoit qu'elle va dépenser tant d'argent. Et
la facture est divisée, selon le secteur et selon la pondération,
par le nombre de cotisants. C'est basé aussi sur une évaluation
des salaires. Ce qui arrive, c'est que le noir fait en sorte que la masse
salariale déclarée est moins importante. Mais vous avez toujours
la même maudite facture. Donc, ceux qui déclarent la masse
salariale sont ceux qui vont assumer non seulement leur quote-part à eux
mais le manque à gagner. Parce que le manque à gagner, la CSST va
toujours aller le chercher. Elle a des engagements à dépenser des
montants d'argent en indemnités, etc. Donc, c'est une plus petite
population d'employeurs qui va assumer l'ensemble de la facture.
Le Président (M. Audet): Merci.
M. le député de Drummond.
M. St-Roch: Merci, M. le Président.
Ce matin, je ne sais pas s'il y en a parmi vous qui étaient
présents... Je n'ai pas l'intention de revenir sur mes remarques
préliminaires, mais j'avais identifié six paramètres qu'il
faudrait regarder avant qu'on n'arrive avec un nouveau consensus dans
l'industrie de la construction. Un de ceux-là, M. Brown, vous l'avez
pratiquement confirmé en disant que les chiffres de 1994-1995 montrent
encore un ralentissement. J'ai soutenu ce matin qu'à cause de l'effet
des baby-boomers, qu'on est sorti de l'effet locatif avant qu'il n'y ait une
reprise dans le milieu résidentiel, on ne peut pas parler d'un renouveau
locatif avant l'an 2000. Et, à partir de 1995, on peut d'ores et
déjà prévoir une récession qui va être encore
plus accentuée dans le niveau résidentiel type unifamilial.
Ceci étant dit, j'ai dit aussi dans le premier paramètre
et c'est ça que je voudrais vérifier avec vous à ce
moment-ci qu'il faudrait peut-être regarder qu'il est temps de
reconnaître au Québec qu'il y a deux grands secteurs
d'activité. Je regarde vos remarques préliminaires et, dans vos
remarques M. le président, l'a fait aussi il y a le
secteur dit résidentiel et il y a le secteur qu'on l'appelle
institutionnel, qu'on l'appelle de grands travaux de génie civil; vous
avez ces secteurs-là. Quand on regarde cette gigantesque industrie, vous
ne croyez pas qu'il est temps maintenant et là je vais être
clair, net et précis que la carte d'entrée, pour moi, dans
mon livre de la construction, sera toujours la carte de compétence?
Ça, c'est la première clé qu'il faut posséder si on
veut aller dans la construction, c'est une carte de compétence
dûment reconnue.
Ceci étant dit, il est temps de le reconnaître, avec tous
les moyens de négociation, en adoptant la législation, de dire:
On va créer au Québec deux secteurs: un secteur qui est le
résidentiel et un secteur qui est les grands travaux. Et on bâtira
ensemble des paramètres de jonction d'un travailleur, avec une porte
d'entrée qui pourrait être le résidentiel et, après
un certain temps, soit par heures travaillées, soit par années de
service, on pourra aller dans la grande construction, avec un passage de 40
heures où on se familiarisera avec les techniques des grands travaux
parce que c'est différent du résidentiel avec des
classifications aussi, des cours de recyclage au niveau de la
sécurité sur les sites et chantiers.
Cette formule-là, ce serait une des premières choses
à regarder si on veut bâtir un grand contrat social pour faire
face au défi de l'an 2000. Parce qu'il ne faut pas se leurrer, ici, on
est ici pour se dire des choses. Je ne pense pas, moi, personnellement, qu'il y
aura une reprise comme on a vu dans les années passées.
Autrefois, il y avait une récession; on brassait, on brassait la cabane
pour prendre une expression qu'on a dite ce matin
l'économie rebondissait, tout, tout devenait rose, on continuait. Mais,
ce coup-ci, on est dans le fond du baril, on est dans le creux de la vague, et
on est dans le creux de la vague pour plusieurs années.
M. Brown: Évidemment, je ne répéterai pas
les chiffres qu'on a mentionnés ce matin. Par rapport aux besoins
spécifiques du secteur résidentiel, une expression que j'ai
utilisée souvent dans les dernières semaines, c'est que, pour
danser, il faut être deux; et pour négocier, il faut
également être deux. L'AECQ négocie le décret, la
convention collective de l'industrie de la construction, depuis 1976. Et,
à une seule occasion, à moins que ma mémoire ne flanche
mais ça serait sur un détail, donc ce n'est pas grave
à une seule occasion la partie syndicale a accepté de
reconnaître le caractère particulier du secteur
résidentiel. Et ils avaient accepté l'introduction de deux
clauses: la clause qu'on appelle «le huit logements», qui
détermine les heures, l'horaire de travail particulier pour ce
secteur-là. (14 h 40)
Au cours des trois dernières négociations, plus
spécifiquement, nous avons fait des demandes particulières, et le
discours syndical était toujours le même: Un charpentier-menuisier
qui travaille dans le commercial n'est pas un menuisier différent quand
il va travailler dans le résidentiel. En d'autres mots, ils ne tenaient
absolument pas compte de la capacité de payer du consommateur; ils ne
tenaient pas compte de la force du marché, si vous voulez, et ils nous
disaient toujours: Nous autres, on est prêts à uniformiser les
taux et les coûts, mais ça va être une uniformisation
à la hausse. On a toujours essuyé, de la part de la partie
syndicale, à la table de négociation, un refus catégorique
de considérer un statut particulier pour le secteur résidentiel.
Je vous répète: Nous avons, à chaque négociation,
tenté de convaincre la partie syndicale; nous n'avons pas réussi,
et nous souhaitons que l'exception soit vécue cette année, parce
que, si on n'est pas en mesure de le faire, M. le député, il n'en
restera plus, d'industrie résidentielle, parce que c'est dans ce
secteur-là qu'on retrouve le plus de travail au noir, et c'est normal:
c'est une question de marché, une question de capacité du
consommateur. C'est indéniable.
M. St-Roch: Si vous maintenez que, pour danser, il faut
être deux, j'ai soutenu ce matin que, pour régler les
problèmes de la construction, il faudrait être trois: la partie
syndicale, la partie patronale et le législateur. Alors, j'ai
demandé la question ce matin je vous la repose, à vous:
Dans le but d'arriver à un consensus, un nouveau contrat social, de
rétablir des paramètres pour faire face aux difficultés et
aux temps changeants, devant la mondialisation, la globalisation, le
vieillissement de notre population, est-ce que votre association accepterait de
participer à une commission tripartite où la commission
parlementaire ne serait pas comme aujourd'hui, où on aurait des
représentants des élus, du monde syndical et du monde patronal
et, à ce moment-là, qu'ensemble on s'adresse aux vrais
problèmes de la construction pour être capables d'arriver,
à la fin, avec des temps bien précis je ne parle pas des
années, là, parce qu'on me reconnaît pour être assez
efficace dans le temps des balises bien précises, avec un
document de travail qui dirait: Voici la base d'un nouveau consen- sus;
maintenant, asseyons-nous, négocions entre les parties patronale,
syndicale, et, vous, les législateurs, adoptez ce sur quoi on s'est
entendus, les trois parties? Est-ce que vous seriez intéressé
à participer à une table de cette nature-là?
M. Couillard: II est évident, là, dans mon
introduction, que j'ai tenu compte de ces paramètres-là, de la
rationalisation, de la globalisation des marchés et de la
compétitivité, aussi, à l'intérieur de chacune des
entreprises, pour éviter la guerre et la pagaille. J'ai aussi dit,
à l'intérieur de notre introduction, que nous serions
intéressés à assister à quelque comité
je ne pourrais pas le définir, je ne pourrais pas lui donner un
nom, parce que je ne connais pas les formalités qui
régirait tous nos problèmes de l'industrie; qu'on le fasse
à 2, à 3, à 10, l'essentiel pour nous, c'est d'arriver
à une industrie immédiatement, et qu'on fasse des choses qui ne
soient pas tablettées par la suite mais des choses qui puissent nous
servir, qui puissent nous aider à relancer notre industrie.
L'ensemble des entrepreneurs que je représente et je les
représente tous ont besoin de ça. Il y a un cri d'alarme.
Lorsque j'ai fait la tournée de la province avec les membres de mon
exécutif, c'était le cri de tous les entrepreneurs. Après
avoir vécu des années de pertes et de déficits
consécutives, lorsqu'ils nous disent: J'ai emprunté sur ma
maison, ou sur mon auto, sur mon chien et sur ma femme, je n'ai plus rien
d'autre sur quoi je peux emprunter; j'ai besoin, j'ai besoin d'aide, j'ai
besoin qu'il se passe quelque chose, on a besoin de leur bâtir un
système, et je me sens responsable de leur bâtir un
système.
Le Président (M. Audet): Merci. Un bref mot de la fin,
peut-être, M. le député de Drummond? Brièvement.
Remarques finales M. Jean-Guy St-Roch
M. St-Roch: Oui, M. le Président. En conclusion, il y a
une chose que je retiens de notre commission parlementaire. Si je regarde les
événements qu'on a vécus depuis ce matin, même avec
les difficultés qu'il y a au niveau du décret, à partir de
mon consentement, je pense qu'on peut dégager un premier consensus, le
seul consensus que je vois ici, c'est que toutes les parties sont venues nous
dire: Oui, on est prêtes à s'asseoir à une table, à
une commission parlementaire tripartite, pour regarder ensemble et bâtir
un nouveau climat social. Alors, c'est la première remarque de
conclusion que je ferai, M. le Président.
La deuxième, c'est quelque chose que je dis depuis quelques mois:
à circuler à travers le Québec en regardant
différents secteurs d'activité, j'ai maintenu que ce que je
craignais en tant que législateur, c'est une perte de confiance envers
nos institutions. Quand je regarde, aujourd'hui, les événements
qu'on vit dans ce
secteur d'activité là, je pense que je sors encore
beaucoup plus préoccupé, qu'on a une baisse devant les
événements qu'on a vécus ici, en commission, devant les
institutions.
Or, je vais conclure en vous demandant, M. le premier ministre, si on a
réussi à dégager ce consentement-là, que toutes les
parties s'entendent pour venir participer à une commission tripartite,
pendant la décision que vous aurez à prendre de reconduire un
décret, vous pouvez être assuré que vous aurez le
consentement du député de Drummond et vous aurez son support pour
qu'on puisse mettre en place, dans les plus brefs délais possible, cette
commission qui nous permettra, finalement, les trois parties concernées
parce que je l'ai mentionné ce matin, qu'il y avait sept
paramètres, trois parties concernées de dégager ce
consensus social là pour le développement économique,
culturel et social du Québec.
Le Président (M. Audet): Merci.
M. St-Roch: Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Audet): M. le député de
Jonquière.
M. Francis Dufour
M. Dufour: Je pense, M. le Président... Bon, moi, je
retiens une chose, c'est que, s'il y a un consensus, à mon point de vue,
vis-à-vis des intervenants qui sont passés ici... c'est qu'il n'y
en a pas. Effectivement, je ne crois pas qu'il y ait eu une entente quelque
part à travers les intervenants qui sont venus nous dire, chacun
à sa manière, que tout était à l'envers et que
ça ne fonctionnait pas. On comprend une chose, c'est qu'il n'y a pas de
volonté politique. Les règles de force qui doivent
présumer ou qui doivent exister lors de négociations ne sont pas
là, d'un bord comme de l'autre. Il n'y a pas suffisamment... D'abord, il
n'y a pas de reprise des constructions. Les employeurs semblent
fatigués, les employés aussi. Donc, il n'y a pas d'épreuve
de force à faire en quelque part; donc, ce n'est pas d'une
négociation, c'est plutôt d'une discussion, peut-être, qu'on
a besoin par rapport à ça.
Ça prend, un, pour régler les problèmes, une
volonté gouvernementale. Je retiens des derniers intervenants et
ça, ça me semble assez fort que, s'il y a du travail au
noir, ça ne dépend ni de l'employeur ni des employés. S'il
n'est pas réglé, c'est que ça prend une volonté
plus forte et, pour moi, la volonté politique doit être là
pour régler les problèmes auxquels nous sommes
confrontés.
Quant à ce qui concerne la future commission parlementaire,
j'émets des doutes à l'effet que 45 jours soient suffisants pour
trouver des solutions à un problème de fond qui dure depuis trop
longtemps et sur lequel on peut avoir fait les tables qu'on voudra, on pourra
rencontrer qui on voudra, mais, si on ne donne pas la couleur du temps quelque
part, il y a de grosses chances qu'on reste avec des parties qui seront dos
à dos et que le problème restera entier et
«inréglable».
Le Président (M. Audet): Merci, M. le député
de Jonquière.
M. le ministre du Travail, en conclusion.
M. Normand Cherry
M. Cherry: Dans un premier temps, M. le Président, vous me
permettrez de remercier l'Association des entrepreneurs en construction du
Québec d'avoir rempli ses obligations, d'être présente, de
nous avoir présenté un mémoire intéressant. Je
pense qu'on peut facilement conclure qu'il n'y a pas eu de véritables
négociations dans l'industrie de la construction; ceux qui sont encore
ici peuvent en témoigner.
Suite aux commentaires que vient de faire notre collègue de
Jonquière, et même si des parties ne se sont pas
prononcées, on est à même de constater une chose et
je pense que c'est une façon de s'exprimer c'est que, s'il y a
des travailleurs qui acceptent de travailler au noir, c'est parce qu'il y a des
employeurs qui acceptent de les payer au noir. Donc, finalement, le message des
membres envers leurs dirigeants syndicaux et des entrepreneurs envers leurs
représentants: Dans le fond, négociez donc ce que vous voudrez;
nous autres, dans le champ, on s'organisera comme on voudra. Donc, je pense
qu'il y va vous me permettrez cette expression-là; c'est la
perception que j'en ai à ce moment-ci même de la
crédibilité des organismes qui sont en cause, qui sont face
à face autour de la table. Parce que tu ne peux pas avoir une vie
associative si tes membres t'envoient les représenter mais qu'ils
disent: Une fois que vous aurez convenu, on décidera que ça
s'applique comme on voudra et quand on voudra.
Alors, devant ces faits-là, je vous assure que je vais, dans les
heures qui viennent, réfléchir à ce qu'on a
constaté ensemble aujourd'hui, en tentant, bien sûr, de mettre de
côté les événements malheureux qui se sont produits
à mes bureaux de Montréal ce matin. C'est le plus mauvais service
qu'on peut rendre, que les travailleurs syndiqués peuvent rendre
à leurs revendications en agissant de cette façon-là.
Donc, après quelques heures de réflexion, j'informerai mon
gouvernement des décisions qui, je considère, seront les mieux
dans le secteur de l'industrie. Ce ne sera pas facile parce que, finalement,
l'expérience que j'ai en relations du travail, c'est qu'on peut
difficilement se substituer à la bonne volonté des parties pour
en arriver à une entente.
Merci, M. le Président. (14 h 50)
Le Président (M. Audet): Merci.
Alors, je remercie les membres de la commission et ceux qui sont venus
nous rencontrer.
M. Couillard: Pourrais-je ajouter quelque chose? Le
Président (M. Audet): Très brièvement.
M. Couillard: M. le Président, le statu quo nous
apparaît quelque chose d'inacceptable à ce moment-ci. Et,
considérant l'apparence inhabituelle et peu orthodoxe de la part
d'entreprises de manifester leur intention et leur désarroi dans la
situation économique présente, j'ai 400 de mes amis qui sont
à l'extérieur, qui aimeraient vous rencontrer et vous exprimer
leur mécontentement de votre décision.
Le Président (M. Audet): D'accord. Merci.
Alors, à mon tour, je remercie les membres de la commission et
ceux qui sont venus nous rencontrer.
La commission a accompli son mandat. J'ajourne les travaux sine die.
(Fin de la séance à 14 h 51)