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(Neuf heures six minutes)
Le Président (M. Farrah): Alors, je déclare la
séance de la commission de l'économie et du travail ouverte et je
veux rappeler le mandat de la commission qui est de procéder à
une consultation générale sur la proposition de plan de
développement 1993-1995 d'Hydro-Québec. Alors, M. le
secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Charbonneau
(Saint-Jean) par M. Benoit (Orford), M. Lafrenière (Gatineau) par M.
Bergeron (Deux-Montagnes).
Le Président (M. Farrah): Alors, merci. J'aimerais aussi
donner l'ordre du jour pour ce matin. Alors, à 9 heures, nous recevons
le Mouvement contre la pollution électromagnétique, 10 heures,
l'Association des manufacturiers du Québec, 11 heures, la Chambre de
commerce du Québec et enfin, le dernier groupe à midi, Le
Comité de citoyens de Radis-son.
M. Chevrette: On a un changement, nous aussi.
Le Président (M. Farrah): Oui, M. le député
de Joliette.
M. Chevrette: Si ça ne vous dérange pas, on va
revenir en arrière.
Le Président (M. Farrah): Allez-y.
M. Chevrette: Vous allez changer M. Claveau (Ungava) par Mme
Marois (Taillon).
Le Secrétaire: Alors, il y aurait un remplacement
supplémentaire, M. Claveau (Ungava) par Mme Marois (Taillon).
Le Président (M. Farrah): Alors, ça va, il n'y a
pas de problème. Alors, maintenant, j'invite le premier groupe à
prendre place. C'est le Mouvement contre la pollution
électromagnétique. J'aimerais vous rappeler que vous avez 20
minutes pour votre exposé et il y aura 40 minutes qui seront
réparties de façon égale, à peu près, entre
l'Opposition et le parti gouvernemental pour les questions. Alors, dans un
premier temps, je vous demanderais de vous nommer pour les fins du Journal
des débats et vous pourrez procéder avec votre exposé.
Alors, bienvenue.
Mouvement contre la pollution
électromagnétique (MPE)
Mme Deslauriers (Monique): Oui, bonjour. Mon nom est Monique
Deslauriers, je suis présidente du Mouvement contre la pollution
électromagnétique. Je me présente aujourd'hui en
commission parlementaire parce que je désire attirer votre attention sur
le fait qu'Hydro-Québec...
Une voix: Est-ce que vous pouvez augmenter le volume, s'il vous
plaît? Peut-être, si vous pouviez placer le micro devant vous, s'il
vous plaît.
Mme Deslauriers: C'est que j'ai été malade toute la
semaine et, encore aujourd'hui, je fais un peu de fièvre, alors la voix
n'est pas très forte.
Une voix: Alors, on va faire un effort. Une voix:
Allez-y.
Mme Deslauriers: Comme ça, est-ce que ça va mieux,
est-ce qu'on m'entend maintenant?
Une voix: Parfait, madame, allez-y.
Mme Deslauriers: Alors, je désire attirer votre attention
sur le fait que le plan de développement d'Hy-dro-Québec ne
contient absolument rien sur l'impact sur la santé. Je vais vous donner
un exemple d'implantation de construction à Hydro-Québec, par
exemple à Mas-couche, je crois que c'est l'année dernière,
on a installé un poste de distribution à l'intérieur
même de la ville. Il y a eu beaucoup de contestation de la part des
citoyens, mais ce poste de distribution a été quand même
construit. A l'heure actuelle, il y a un promoteur qui est en train de
planifier une construction domiciliaire, résidentielle juste autour.
Pour enjoliver le site, on va mettre des arbres autour de ce poste de
distribution. Alors, on peut s'imaginer que l'endroit est très insalubre
pour la population qui va y résider. (9 h 10)
Cependant, pour Hydro-Québec, il n'existe aucun danger. Les
études existantes, à son dire, sont inconsistantes,
contradictoires et, à l'entendre parler, on dirait qu'il n'y a rien qui
se passe dans le monde au niveau scientifique, au niveau de la recherche sur
les impacts sur la santé. Je pense que c'est vraiment erroné et
la raison pour laquelle Hydro-Québec procède de cette
manière, c'est qu'au Canada il n'y a presque pas de recherche sur les
champs électromagnétiques. HydroQuébec finance toutes les
recherches existantes, mais
peu de recherches existantes... Ce qui fait qu'elle canalise aussi
l'essentiel de l'information qui arrive au public. Et le message qu'elle
transmet, c'est que, lorsqu'elle va publier le résultat de ses
recherches, nous serons probablement rassurés sur ce que
représentent les champs électromagnétiques sur la
santé. Et je pense que, ça, c'est vraiment jouer à
l'autruche.
Moi, ça me rappelle un peu le cas de l'amiante quand on a
été surpris qu'on nous annonce de partout que ça causait
le cancer. Les recherches sont venues d'ailleurs, elles ne sont pas venues du
Canada. Mais, pourquoi est-ce qu'on est en arrière comme ça?
Qu'est-ce qui se passe? Pourquoi est-ce qu'on réagit de cette
manière et qu'on évite de regarder les choses en face? On va
être surpris, je dirais, les culottes baissées à un moment
donné où les marchés intérieurs et les
marchés extérieurs vont réagir vivement et ceci, en plus
d'occasionner dans la population des dommages irréversibles à la
santé qui occasionnent des coûts qui sont astronomiques.
Donc, la raison pour laquelle je suis ici, c'est pour demander
qu'Hydro-Québec réduise ou élimine les champs
électromagnétiques qui sont accessoires à ces
installations et que le gouvernement du Québec se dote d'une expertise
indépendante à celle d'Hydro-Québec. On ne peut pas
être juge et partie d'une chose. Cette expertise devra la conseiller pour
une loi éventuelle sur les champs électromagnétiques,
parce qu'il n'y a absolument rien qui existe au Canada, contrairement à
d'autres pays à travers le monde.
Je voudrais faire le bilan, maintenant, des recherches scientifiques qui
existent à l'heure actuelle. Dernièrement, au mois d'octobre, il
y a eu une enquête épidé-miologique qui a été
publiée par l'Institut Karolinska. Cette enquête
épidémiologique a porté sur 500 000 personnes. Ça a
été la plus vaste qui a été exécutée
jusqu'à maintenant. Elle a été faite auprès d'une
population qui vivait, comme à Mascouche, par exemple, où il y a
cinq corridors de ligne qui rentrent dans la ville et trois qui restent dans la
ville. Ça a été fait le long de ces corridors à 300
mètres des lignes à haute tension. Cette recherche mérite
d'être soulignée. Elle l'a été par la plupart des
journaux internationaux parce que sa méthodologie était vraiment
exceptionnelle. Elle a aussi réussi à créer des liens
entre le voltage existant sur les lignes et la leucémie.
Les résultats de cette enquête
épidémiologique étaient qu'on a trouvé 39 cas de
leucémie et 33 tumeurs du cerveau. La relation causale, elle, ça
a été que le double d'enfants étaient atteints de
leucémie à deux mi-crotesla, c'est-à-dire qu'il y en avait
2,7 % de plus et il y en avait 3,8 % de plus à trois microtesla.
Alors, qu'est-ce qui est arrivé à ce moment-là?
C'est que l'association des industriels suédois a pris la parole en
public. Là, ce n'est plus les groupes environnementaux, ce n'est pas les
indiens avec les plumes, c'est une association d'industriels, comme si M. Le
Hir prenait la voix ici au Canada et disait: Écoutez, là,
ça suffit, on a 80 % de preuves, on n'attendra pas d'en avoir 100 %. On
passe à l'action. On protège la popula- tion. C'est ce qui est
arrivé en Suède, qui est un pays très progressiste
à l'effet de la santé. Je souhaiterais que notre pays ressemble
un petit peu à la Suède.
En même temps, il y une autre étude qui a été
publiée, qui, elle, provenait du milieu professionnel. Et là
aussi, chez les gens qui travaillent, on a trouvé leucémie et
tumeur du cerveau. Moi, je vous nomme ces deux enquêtes-là parce
que c'est la cerise sur le gâteau. En fait, ce n'est pas parce qu'il y a
eu seulement ces enquêtes-là. Il y en a eu une trentaine qui sont
arrivées aux mêmes résultats. C'est ça qu'il faut
dire. C'est ça que les médias ne disent pas non plus parce qu'ils
cèdent toujours la parole seulement à Hydro-Québec. Il y
en a eu une trentaine qui sont parvenues aux mêmes résultats de
tumeurs du cerveau, de leucémie, de méla-nomes.
Ce qui est important dans ces études
épidémiologi-ques, c'est leur concordance, c'est-à-dire
qu'elles parviennent toujours aux mêmes conclusions. Et c'est ce qui se
produit, c'est qu'elles arrivent toujours aux mêmes conclusions.
Alors, en 1990, il y a eu une revue de littérature à
l'Université Laval qui a été faite par le CHUL et qui a
été commissionnée justement par notre ministère de
la Santé et des Services sociaux. Le CHUL dénombrait quatre
études résidentielles soulignant les risques de cancer pour les
enfants. Ces études étaient concordantes et parvenaient aux
mêmes résultats, surtout en ce qui concerne les tumeurs du
système nerveux, la leucémie et la lymphome. Pauvres petits
enfants!
En milieu professionnel, le CHUL souligne la concordance existant entre
la leucémie, le cancer du cerveau et le mélanome. Vous savez, ces
maladies-là, même ceux qui n'écoutent pas, là, en ce
moment, affectent tout le monde, hein! Ce n'est pas juste les ouvriers en usine
que ça risque d'affecter. Ce n'est pas juste ceux qui vivent en dessous
d'un pylône, là. Moi, je ne vis pas en dessous d'un pylône,
je vis à la campagne, mais ça ne fait rien, je risque aussi
d'être affectée parce que les champs
électromagnétiques, ça voyage. Les antennes de
télécommunication, les champs électromagnétiques,
toute l'électricité, en fait. On est un sur quatre à
mourir de cancer. Monsieur, je ne sais pas si c'est vous, ou vous madame, qui
allez mourir de cancer ou si c'est moi, mais ça ne fait rien, ça
nous implique. Donc, c'est une question qui mérite vraiment beaucoup
d'attention.
La tendance globale, selon le CHUL, c'était: leucémie, six
sur sept. Mélanome, quatre sur six. Le mélanome, ça
affecte aussi les puissants, pas seulement les pauvres. Vous savez à qui
je fais référence en ce moment. Tumeurs du cerceau, moi j'ai
dénombré sept études, tumeurs du cerveau. Une autre
tendance, c'est cancer de l'intestin, estomac et larynx. Alors vraiment, les
champs électromagnétiques représentent une menace pour la
santé, mais où est-ce que ça se situe, ça, dans
l'échelle de risque? Alors il y a la Environmental Protection Agency
qui, en 1990, a publié un rapport. Il y a eu fuite interne comme quoi le
rapport était bien écrit et qu'il annonçait des choses
plutôt cuisantes sur le sujet. Il
n'a jamais vu le jour. On l'a retiré vite, vite, vite. Censure!
Mais j'ai eu copie de ce rapport et voici ce qu'il dit: Les champs
électromagnétiques sont le deuxième groupe à risque
parmi les produits chimiques existants dans notre société. Vous
comprendrez qu'il y a des gros intérêts à
l'intérieur des champs électromagnétiques, hein? Donc, on
n'ébruite pas ça facilement. Le premier groupe, c'était
l'amiante qu'on connaît bien, malheureusement, le benzène,
l'arsenic. Le deuxième groupe, nos champs
électromagnétiques, le formaldehyde, tristement
célèbre aussi, la créosote, le groupe B2, les dioxines, le
DDT, groupe C, trichloroéthane, etc. Alors, si vous voulez avoir la
liste exhaustive, je vous réfère au document.
Mais l'important, ce n'est pas de savoir si le risque est le même
que pour le tabac, par exemple, avec le cancer du poumon. C'est très
élevé. L'important, c'est de constater que les champs
électromagnétiques sont partout dans notre existence,
omniprésents. On les a dans notre cuisine. On les a dans notre salle de
bain. On les a partout. Ça veut dire que tout le monde est
exposé, finalement, aux champs électromagnétiques.
À cause de ça, il faut vraiment prendre des mesures. Ça
s'impose.
Maintenant, je vais vous expliquer un peu qu'est-ce que c'est, les
champs électromagnétiques, parce que peut-être que, la
plupart d'entre vous, vous dites: Qu'est-ce que c'est, cette affaire-là?
C'est invisible. Ah, les gens vont dire: «C'est-tu» de la
sorcellerie, du spiritisme? Ce n'est pas tout le monde qui a fait de la
physique au Québec, et j'espère que la réforme qui s'en
vient dans les cégeps va mettre un peu de physique au programme, parce
que, comme ça, les gens vont un peu mieux comprendre ce que c'est. Les
champs électromagnétiques, il y en a partout. Il y en a...C'est
plein de rayons dans l'univers, dans le ciel et c'est plein de... Il y a des
courants électromagnétiques dans la terre. Ces courants bougent.
On connaît les pôles magnétiques. On sait que ça
existe là-bas, la boussole nous l'indique. Mais ces champs
électromagnétiques, ce sont des particules qui contiennent de
l'énergie. Dans l'atome aussi, il y a des particules qui contiennent de
l'énergie. De l'étoile à l'atome, il n'y a qu'un pas. Ces
particules, qu'est-ce que c'est? Dans le noyau de l'atome, ce sont les
neutrons, les protons qui sont positifs et les électrons qui sont
négatifs. C'est la force électromagnétique qui fait
graviter l'électron autour du noyau. C'est elle qui cimente, qui tient.
(9 h 20)
Je ne sais pas si vous avez déjà pris un aimant entre vos
mains, deux aimants. Vous les tenez comme ça et, selon que d'un
côté vous avez un pôle positif et un pôle
négatif, leurs contraires vont s'attirer; ils vont s'assembler. À
l'inverse, si vous avez deux pôles identiques, vous allez vous repousser.
On dit que, chez les gens, c'est un peu la même chose; on a des
phénomènes d'attraction, des phénomènes de
répulsion. Ce sera le magnétisme et le diamagnétisme,
aussi. Et, dans les atomes, ce phénomène d'attraction et de
répulsion fait qu'on a une décomposition chimique. C'est
ça qui pro- cède à toute formation chimique et, de la
formation chimique, nous allons à la molécule, nous allons
à la formation des tissus, nous allons à la formation des
organes, nous allons à la formation de la matière. D'ailleurs,
à McGill, il y a un programme qui s'appelle «Ondes et
matière». Les forces armées internationales aussi ont des
programmes très avancés sur «Ondes et
matière». Je ne sais pas si vous pouvez envisager un petit peu ce
que ça veut dire. L'âme du futur, c'est ondes et matière.
C'est qu'on peut jouer sur la matière avec les ondes.
Maintenant, les grands changements qui s'opèrent maintenant, dans
la science, c'est qu'avant on pensait que pour agir sur la cellule, ou pour
déranger la mécanique de la cellule, il fallait des rayons gamma.
Souvent, on entend, par exemple, les gens de l'industrie dire: Aïe!
Minute, là. Ce ne sont pas des rayons gamma, ça. Non, ce ne sont
pas des rayons gamma, ça ne brise pas la structure moléculaire,
ça ne brise pas les liens chimiques. Ce ne sont pas des rayons gamma.
Mais... Parce que ça contient moins d'énergie, ça ne veut
pas dire, non plus, que ça agit sur le corps comme si c'était un
bol de Jell-O.
Ensuite, il y a les micro-ondes. Bien, les microondes, ça, on a
dit: Oui, ça, ça agit sur le corps parce que ça contient
beaucoup, beaucoup de chaleur. Alors, quand ça arrive près des
liquides, ça crée des échauffe-ments, puis ça
brûle les tissus. Ah! Les antennes de radiotéléphonie,
téléphones cellulaires, on dit: Ça, ça ne
dérange pas, parce que ce sont des petites micro-ondes, un peu comme les
champs électromagnétiques de l'électricité. Je vous
les cite, parce que les gens ne savent pas que c'est la même chose, puis
que c'est aussi dangereux, sinon plus. Eh bien, pourtant, l'un et l'autre
agissent sur la cellule, et c'est ça la grande découverte, et
puis là on est vraiment à un tournant de la médecine,
à un tournant aussi significatif que celui qui a fait les thèses
de Galilée ou qui a fait les thèses de Marie Curie. C'est un
tournant décisif dans la médecine. C'est qu'on découvre
que les champs électromagnétiques de très faible
intensité, plus faibles encore que le potentiel cellulaire normal,
peuvent agir sur la cellule. La preuve que vous avez des champs
électromagnétiques dans l'organisme, c'est que vous allez, par
exemple, faire un électrocardiogramme, puis on enregistre sur un
moniteur, sur un écran vidéo, on enregistre les variations
électriques du coeur. Même chose pour le cerveau, même chose
pour les muscles: électroencéphalogramme,
électromyogramme. Le courant, lui, où se situe-t-il dans la
cellule? Sur des electrolytes, c'est-à-dire des molécules qui
sont chargées. Ces molécules, c'est le chlore, le potassium, le
sodium, le bicarbonate et le calcium. Pour vous montrer à quel point
l'information ne circule pas, ici, dans le pays, je vais vous dire que, en
1979, Santé et bien-être social a écrit dans un guide qui
s'appelle «Le code 25», a clairement souligné que les effets
des champs électromagnétiques de basse fréquence et les
radiofréquences modulées à basse fréquence,
c'est-à-dire le téléphone cellulaire, agissent sur les
electrolytes de calcium. C'est grave, ça! C'est important. Demandez-
donc à un médecin, dans une université, s'il est au
courant de ça. Moi, je vous dis: Ah! Entre mille qu'il ne le sait pas,
parce que j'ai fait le test. Il n'y a personne qui est au courant de ça.
C'est quand même grave! Bien, comptez sur moi, par exemple. Ça va
changer. Je ne voudrais pas que vous vous assoyez sur vos lauriers en disant:
Bien, Mme Deslauriers, elle, elle nous dit ça, mais elle est
peut-être toute seule. Non, non, non. Ça va se savoir et j'oeuvre
depuis quatre ans, justement, afin de faire savoir ça.
À quoi ça sert, ce calcium? Bien, un engorgement
mécanocalcique, par exemple, ça crée des infarctus.
C'est... Le calcium transporte les éléments vitaux à la
cellule, c'est-à-dire que c'est un activateur d'hormones, une courroie
de transmission de neurotransmetteurs d'oxygène et d'enzymes.
«C'est-u» assez pour vous autres? Ça veut dire que quand...
Donc, c'est sur la membrane cellullaire qu'agissent les champs
électromagnétiques. C'est elle qui est particulièrement
vulnérable à ces ondes qui viennent de l'extérieur. Alors,
ça veut dire, ça, qu'il y a aussi des canaux et des sites
récepteurs qui envoient des signaux à l'intérieur des
cellules qui elles, sont dérangées par ces interférences
qui viennent de l'extérieur.
Le Président (M. Farrah): Votre temps est pratiquement
écoulé. Si vous pouviez conclure, s'il vous plaît.
Mme Deslauriers: Oui, très bien. Alors, il y a un autre
effet qui a été constaté sur les animaux, sur l'homme
aussi, c'est la mélatonine et il y a un risque direct entre le cancer...
Et ça appuie les enquêtes épidé-miologiques. Alors,
ce que je demande, c'est qu'Hydro-Québec cesse d'installer ses
pylônes et ses moyens de transport d'électricité
près de la population, que Québec développe une expertise
indépendante d'Hydro-Québec, qu'il augmente les fonds et qu'il
octroie du financement au Fonds de la recherche en santé du
Québec ou à des organismes parapublics et indépendants,
comme ça se fait d'habitude dans les milieux scientifiques et non pas
à travers Hydro-Québec. C'est incompréhensible. Par
exemple, à travers le FRSQ ou le FCAR. Et, ensuite, qu'il y ait un
comité indépendant de la politique qui puisse être
consulté et donner aussi le pouls de ce que la société
entend. Je m'imagine que les syndicats ont des fichus de problèmes, vous
savez, avec l'électricité, puis qu'ils aimeraient peut-être
participer à vos politiques. Et, enfin, qu'il y ait une surveillance des
champs électromagnétiques qui soit mise sur pied.
Voilà.
Le Président (M. Farrah): Merci de votre exposé. Et
je reconnais maintenant Mme la ministre de l'Énergie et des
Ressources.
Mme Bacon: Alors Mme Deslauriers, je voudrais vous remercier pour
votre participation à cette commission parlementaire. Je comprends votre
inquiétude concernant les effets des champs
électromagnétiques sur la santé un peu partout dans le
monde, ici et à l'étran- ger. C'est évident que les
chercheurs se penchent sur le sujet. Vous me permettrez juste une note
personnelle. Il ne faudrait quand même pas utiliser la maladie du premier
ministre pour faire avancer votre cause.
Mme Deslauriers: Moi, je ne l'ai pas nommé, madame. C'est
vous qui le nommez.
Mme Bacon: Non, mais on a compris. Mme Deslauriers: Vous
avez raison.
Mme Bacon: Nous avons tous compris. Je pense que, même si
on n'a pas toutes les connaissances sur les champs
électromagnétiques, on a compris ça. Il y a des organismes
internationaux comme l'Organisation mondiale de la santé qui
s'intéressent également, depuis plusieurs années
déjà... Et je peux vous assurer que je prends quand même
bonne note de vos préoccupations. Mais le gouvernement du Québec
s'est penché sur ce problème-là depuis déjà
plusieurs années, dans le cadre du projet de la ligne des
Cantons-Nouvelle-Angleterre. Une condition du décret de 1984 demandait
à HydroQuébec de réaliser des études sur les effets
de lignes à haute tension. Cette condition a été reprise
dans le cadre du projet de ligne Radisson-Nicolet-des Cantons en 1987, et elle
demandait la formation d'un comité de suivi de ces études dont la
coordination était assurée par le ministère de la
Santé et des Services sociaux. Il y a un comité
interministériel qui est formé de représentants du
ministère de l'Environnement, du ministère de l'Énergie et
des Ressources, du ministère de l'Agriculture, du ministère de la
Santé et des Services sociaux qui a travaillé sur le dossier pour
se doter d'une expertise indépendante. Le ministère de la
Santé et des Services sociaux s'est adjoint aussi les services de
l'équipe santé et environnement du Département de
santé communautaire du Centre hospitalier de l'Université Laval
et ça a pour mandat de faire un bilan de l'information disponible sur le
sujet, de faire des recommandations au ministère de la Santé et
des Services sociaux, et le rapport est sorti en janvier 1991. Et, par
l'intermédiaire du comité interministériel, le
gouvernement suit donc de très près ce dossier et sera à
même de prendre les décisions nécessaires, s'il y a
lieu.
Quand on sait qu'Hydro-Québec a consacré, jusqu'en 1992, 7
000 000 $ à son plan d'action sur les effets biologiques des champs
électromagnétiques comprenant 11 projets de recherche et de
communication dont une étude épidémiologique qui est
réalisée en collaboration avec Ontario Hydro et
Électricité de France. Comment pouvez-vous affirmer
qu'Hydro-Québec refuse de tenir compte des impacts des champs
électromagnétiques sur la santé? Vous mentionnez ça
à votre page 2, à votre page 3 et la page 16. Mais on sait
qu'Hydro-Qué-bec a quand même posé des gestes.
Mme Deslauriers: Madame, j'aimerais savoir... D'abord, j'aimerais
savoir quelles ont été les mesures que vous avez adoptées,
justement, suite aux conseils
qui vous ont été donnés par le CHUL.
Mme Bacon: Est-ce que vous parlez de celle d'Hydro-Québec?
(9 h 30)
Mme Deslauriers: Je reprends votre...
Mme Bacon: Oui.
Mme Deslauriers: Ce que vous venez de dire. C'est ça
l'étude dont vous parlez. Qu'est-ce que vous avez fait depuis, madame?
Parce que mon étude, moi, reflète ce qui est ici. Je ne fais que
répliquer, et je m'aperçois qu'il y a une inertie totale de votre
part suite à cette publication.
Mme Bacon: Mais le vice-recteur de l'Université de
Montréal nous disait, pas plus tard qu'hier ou avant-hier...
Une voix: Avant-hier.
Mme Bacon: ...avant-hier, que ça n'a jamais
été prouvé, les dangers, qu'il n'y a pas de preuve des
dangers.
Mme Deslauriers: Oui, parce qu'ils ne sont pas au courant. C'est
Hydro-Québec qui détient l'information et c'est elle qui laisse
entendre qu'il n'y a pas de preuve.
Mme Bacon: Mais il y a quand même des chercheurs
d'importance et de renommée mondiale à l'Université de
Montréal.
Mme Deslauriers: Madame, si vous m'aviez écoutée
peut-être que vous n'arriveriez pas avec cette proposition. Je viens de
vous parler pendant 20 minutes sur les effets biologiques qui ont
été rencontrés par la science, et il y en a tout plein, je
vous assure.
Mme Bacon: Est-ce que vous vous basez sur des scientifiques
canadiens, sur des scientifiques européens?
Mme Deslauriers: Les scientifiques canadiens sont à peu
près inexistants. À part Rosemonde Mande-ville et le Dr Gauthier,
il n'y en a pas beaucoup d'autres. Je me base sur la recherche mondiale.
Mme Bacon: Mais, c'est parce que vous affirmez
qu'Hydro-Québec refuse de tenir compte des impacts. Mais
Hydro-Québec a fait quand même des études importantes avec
Électricité de France, avec Hydro Ontario. Vous ne pouvez pas
affirmer qu'ils n'ont rien fait.
Mme Deslauriers: Oui, ils font des recherches qui servent
à diluer dans le temps une action pratique. Enfin, moi, je voudrais voir
dans leur planification, dans leur plan de développement
déjà des mesures de prévention qui visent à
protéger la population. Mais, ça, c'est inexistant. Ce ne sont
pas ces études qui protègent la population.
Mme Bacon: Mais il faut que ce soit prouvé, Mme
Deslauriers, avant de faire quelque chose.
Mme Deslauriers: Madame, regardez. Juste en 1989, ce sont les
études, voyez-vous... Ce sont les études de 1989 que les Forces
armées américaines ont recensées. Voilà! Juste en
une année. Que fait HydroQuébec comparé à
ça? C'est une goutte dans un océan. Si les cultivateurs de tabac
en feuilles faisaient une étude à l'effet qu'il n'y a pas d'effet
cancérigène pour les poumons, qu'est-ce que vous diriez? Bon,
c'est des bons chercheurs, bon protocole... Mais on irait voir ailleurs
qu'est-ce qui se fait. Il faut quand même être congruents.
Le Président (M. Farrah): Je vais reconnaître Mme la
députée de Taillon.
Mme Marois: Merci, M. le Président. Alors, ça me
fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue, à mon tour, à nos
travaux, ce matin. Je pense que votre mémoire soulève des
questions fort pertinentes. Moi aussi, j'ai un certain nombre de questions
à vous poser quant à la valeur et à la profondeur des
études qui ont été faites sur ces questions-là
parce que c'est vrai que c'est un champ nouveau...
Mme Deslauriers: Nouveau.
Mme Marois: ...d'études, si vous me permettez
l'expression, et il y a sûrement une sensibilisation à faire sur
ces questions-là, mais, en même temps, je pense qu'il y a une
certaine prudence à avoir dans le sens où on sait comment, je
dirais... Et moi, c'est ce qui m'inquiète un petit peu dans votre
présentation et j'aimerais vous entendre sur ça. Parce qu'on sait
que, parfois, il est nécessaire de dramatiser des situations pour
essayer de faire en sorte que les autorités et les décideurs
politiques prennent en cause ces situations-là et interviennent d'une
façon significative. Mais je pense que, pour le faire, il faut
évidemment pouvoir s'appuyer sur des études assez en profondeur
sur ces questions-là, sinon ça peut avoir un effet aussi dans le
sens de faire en sorte que la population craigne ces
phénomènes-là et les craigne à ce point que
ça crée une espèce de psychose, si on veut, qui n'est pas
souhaitable, je pense. Bon.
Mais, cela étant dit, j'ai beaucoup aimé votre
mémoire et j'aimerais ça que vous me parliez un petit peu des
études qui se sont faites à l'étranger sur ces
questions-là. On reviendra ensuite sur les études à
Hydro-Québec parce que je partage aussi vos craintes quant au fait que
ça peut être difficile pour Hydro-Québec de faire des
études sur ces questions alors qu'elle est, évidemment, juge et
partie. Alors, on peut très bien comprendre ça.
J'aimerais que vous me parliez un petit peu des études
suédoises. Est-ce qu'elles ont respecté les critères que
l'on utilise habituellement ou que l'on applique habituellement en ce qui a
trait aux questions épidémio-logiques, entre autres? Et je pense
que vous y faites référence, mais j'aimerais vous entendre sur
ça. On parle d'études qui doivent se dérouler
habituellement sur 20 ou 25 ans, je crois, pour qu'il y ait une preuve
scientifique réelle qui puisse se faire. Est-ce que ces
études-là sont, quant à leurs critères... ont
utilisé effectivement des règles comme celles-là? Est-ce
vous en savez suffisamment sur ces études-là pour pouvoir nous en
parler à cet égard?
Mme Deslauriers: C'est une des plus sérieuses qui ont
été effectuées à date, l'étude de l'Institut
Karo-linska du Dr Ahlbom, justement parce qu'elle s'est
échelonnée sur 25 ans et surtout parce que son
échantillonnage était extrêmement vaste. Il n'y a jamais eu
une étude qui a été effectuée auprès d'une
population aussi vaste: Un demi-million de personnes c'est beaucoup. Pour vous
aider à comprendre, d'habitude, il y a 5000 personnes qui composent
l'échantillonnage. Aussi, au point de vue de leur méthodologie,
souvent on a fait ce genre d'enquête auprès de la population en
général. Là, ça a été fait
auprès de la population vivant dans ce corridor. Ensuite, une autre
chose, c'est que, souvent, il y a des biais environnementaux qui se glissent le
long du cheminement de l'enquête épidémiologique. Par
exemple, l'amiante. Souffre-t-il d'amiantose parce qu'il fume la cigarette ou
parce qu'il travaille dans le milieu de l'amiante? Alors, on a
éliminé la plupart de ces biais-là, ce qui fait que c'est
une des études les plus sérieuses qui ont été... et
la littérature est d'accord sur ce point-là, sur le
sérieux de cette étude-là.
Mme Marois: D'accord. Je vais pousser un petit peu plus loin.
Est-ce que les conditions d'installation ou de transport électriques en
Suède sont comparables à des transports de
l'électricité avec l'installation de pylônes et tout le
reste... Est-ce que c'est comparable aux technologies qui sont utilisées
par Hydro-Québec pour le transport de l'électricité? Parce
que j'imagine que, ça aussi, ça a sûrement un impact.
Mme Deslauriers: Deux microtesla, c'est deux microtesla, qu'on
soit en Suède ou...
Mme Marois: Je m'excuse, je n'ai pas compris le début de
votre intervention.
Mme Deslauriers: Deux microtesla, 60 hertz, c'est la même
chose qu'on soit en Suède ou qu'on soit au Canada.
Mme Marois: Oui, je suis d'accord. C'est ça que je voulais
vous entendre...
Mme Deslauriers: Ce sont des champs
électromagnétiques.
Mme Marois: D'accord.
Mme Deslauriers: C'est ça. Alors, ils ont le même
effet. Ce n'est pas une question de...
Mme Marois: Donc, c'est vraiment le même... Il y a aussi le
fait que la question de proximité, par exemple, peut jouer. Vous en
parliez tout à l'heure là, bon.
Mme Deslauriers: Oui, ça a été fait à
300 mètres.
Mme Marois: Bon, d'accord. Je vais revenir sur une autre
étude à laquelle vous faites référence. Vous
parlez, entre autres, du CRIQ. J'essaie de retrouver exactement dans votre
document, je vais y venir. Pas le CRIQ, pardon, l'IREQ. Vous parlez de l'IREQ
qui a évalué un certain nombre de moyens techniques pour diminuer
l'exposition de la population aux champs électriques et
magnétiques. Et ça on retrouve ça à la page 14 de
votre mémoire.
Mme Deslauriers: Oui.
Mme Marois: Ce qui veut dire que, dans les faits, il y a non
seulement une connaissance accumulée dans une institution comme l'IREQ,
donc à HydroQuébec aussi, mais qu'il y a, en plus de ça,
des connaissances techniques pour faire en sorte que l'on contrôle les
risques dus aux champs électromagnétiques, parce que c'est un peu
ce que l'IREQ dit quand il dit.. Enfin, c'est ce que vous citez au
mémoire. Ce que vous dites au mémoire, et je le cite: changer les
hauteurs des conducteurs de lignes aériennes, changer la configuration
des conducteurs, construire des emprises plus larges, bon, etc. Donc, eux
proposent des mesures précises pour réduire les champs
électromagnétiques. Si ça c'est aussi clair, pourquoi
avez-vous l'impression qu'Hydro-Québec n'est pas prête à
appliquer de telles mesures?
Mme Deslauriers: Parce qu'Hydro-Québec attend la
volonté politique qui lui dise de mettre en acte ces moyens qu'elle
possède déjà. Elle les a tous.
Mme Marois: Hum, hum.
Mme Deslauriers: C'est ce qu'on m'a laissé entendre.
Mme Marois: Donc, vous avez vraiment l'impression qu'il y aurait
de la part d'Hydro-Québec une volonté à cet
égard-là, mais que le signal politique, si on veut, de la part du
gouvernement n'est pas envoyé suffisamment clairement sur cette
question-là. La ministre pourtant tout à l'heure avait l'air de
dire que dans les études d'impact que l'on fait sur certaines lignes
dans les corridors... le corridor Radisson, je pense, il y avait eu une demande
faite à Hydro de regarder ces questions-là. Vous, vous ne croyez
pas que ça a été une demande suffisamment claire ou
suffisamment formelle ou qu'elle ait eu des résultats réels?
Mme Deslauriers: Suite aux pressions du public, il y a eu
effectivement une action, un geste qui a été posé de la
part du gouvernement et on a demandé au Centre hospitalier de
l'Université Laval de faire une revue de littérature pour qu'on
sache à quoi s'en tenir. Alors, l'Université Laval a
effectivement fait cette revue de littérature et elle a
recommandé au gouvernement de se donner des expertises, parce que, dans
le milieu de la santé, c'est inexistant, et de mettre sur pied des
mesures de prévention, de protéger la population. Ça a
été clairement dit et rien n'a été fait. Alors, on
consulte, on consulte.
Mme Marois: On consulte, on étudie... Mme Deslauriers:
On consulte. Mme Marois: ...mais on agit peu.
Mme Deslauriers: Oui. Alors, vous me permettrez d'ajouter...
Mme Marois: Oui.
Mme Deslauriers: ...vous voyez, parmi les moyens que
préconise Hydro-Québec, ici, il y en a un: Pour les
éléments chauffants, il est possible de réduire presque
complètement les champs électromagnétiques en passant deux
fois les fils dans des directions opposées. Cette méthode
s'adapte au 110 ou au 220 volts. Bon! Bien, savez-vous ce que ça veut
dire, ça? Chez moi, je n'ai presque pas de champs
électromagnétiques, j'habite à la campagne, mais, ma
cuisinière, elle, elle en a. Il faudrait que je me tienne, finalement,
à un mètre pour ne pas en avoir. Bien, c'est un
élément chauffant et ce serait possible de les faire
disparaître presque entièrement! Vous vous rendez compte qu'il y a
des gens qui sont malades parce qu'on ne fait rien alors que c'est si simple
d'avoir une solution? C'est la même chose pour les plinthes
chauffantes.
Mme Marois: Merci, mon temps est écoulé...
Le Président (M. Farrah): Alors, merci, Mme la
députée de Taillon.
Mme Marois: ...je reviendrai.
Le Président (M. Farrah): Vous pourrez revenir, c'est
ça. Alors, je reconnais, maintenant, M. le député de
Saint-Maurice.
M. Lemire: Mme Deslauriers, Mme la présidente, j'aimerais
savoir, avant de partir, avant de vous poser ma première question, de
quelle façon on va distribuer l'électricité au
Québec si on s'arrête à vos remarques sur les champs
magnétiques? À un moment donné, on ne pourra distribuer
l'électricité à aucun endroit au Québec. (9 h
40)
Mme Deslauriers: La première chose, c'est d'éviter
les endroits densément peuplés. Vous savez, un pylône, ce
n'est pas une chandelle qu'on déplace, hein! Si on mettait un
pylône, par exemple, comme à Bros-sard, à cheval sur une
école, vous ne pouvez pas l'enlever le soir ou le jour quand les enfants
sont assis à l'école...
M. Lemire: II faudrait peut-être que vous...
Mme Deslauriers: ...tandis que, quand vous êtes à la
maison, vous pouvez bien décider, M. le député de
Saint-Maurice, de ne pas vous raser avec un rasoir électrique et
d'employer le bon rasoir à la main.
M. Lemire: Vous pourriez peut-être... Mme Deslauriers:
N'est-ce pas?
M. Lemire: .. .venir faire un petit tour à Shawini-gan,
vous verriez qu'on a beaucoup de pylônes.
Mme Deslauriers: Oui. Je ne voudrais pas habiter là.
M. Lemire: Moi, tout d'abord...
Mme Deslauriers: Je ne voudrais pas habiter là,
j'espère que vous êtes assez loin.
M. Lemire: ...ce que je voudrais savoir, pour mieux comprendre
les renseignements... Je voudrais avoir des renseignements sur votre
Mouvement.
Mme Deslauriers: Oui.
M. Lemire: Parce que, comme tout citoyen du Québec, vous
avez une couverture qui est exceptionnelle vis-à-vis la presse, la
télévision. J'écoute et je regarde la
télévision; j'ai vu, depuis quelques mois, même dans la
dernière année, que vous avez fait beaucoup d'interventions.
Moi, tout d'abord, ce que j'aimerais savoir, ce matin: Combien avez-vous
de membres dans votre Mouvement?
Mme Deslauriers: Bien, j'en ai recruté, au début,
presque 400 et ça n'a pas été, par contre, la
priorité de mon Mouvement, parce que j'ai été une
pionnière. Vous savez, j'ai été la première au
Canada à lancer le mot «pollution
électromagnétique», comme journaliste.
M. Lemire: Est-ce qu'ils proviennent d'une région
précise ou bien... Dans votre Mouvement, est-ce que vous avez des gens
qui ont de la formation particulièrement dans le domaine de la
santé?
Mme Deslauriers: Oui. J'ai un comité scientifique;
d'ailleurs, j'ai la liste, ici, des membres de ce comité scientifique
qui participent tous de milieux de
recherche universitaire, l'Université McGill, l'Université
de Montréal et l'UQAM.
M. Lemire: Parce que, comme...
Mme Deslauriers: Donc, j'ai des physiciens, j'ai des
médecins et j'ai des spécialistes en
électricité.
M. Lemire: ...parlementaire, ce matin, je suis un peu surpris de
voir que vous êtes seule à cette table. Vous n'avez pas le support
de votre grande équipe et de vos 400 membres. C'est l'impression que
vous me donnez ce matin.
Mme Deslauriers: Vous savez, de Gaulle était seul à
Londres et, pourtant, c'est lui qui a fait la France libre.
M. Lemire: Maintenant, j'aurais une question sur l'expertise
indépendante.
Mme Deslauriers: Oui.
M. Lemire: Compte tenu des ressources humaines et
financières dont dispose Hydro-Québec et des relations
privilégiées qu'elle entretient avec la communauté
scientifique internationale, ne pensez-vous pas qu'Hy-dro-Québec, dans
le moment, est la mieux placée pour faire avancer ce dossier?
Mme Deslauriers: Bien, c'est comme si les cultivateurs de tabac
en feuilles disaient que si on leur confiait la santé des poumons, par
exemple... c'est absolument la même chose.
M. Lemire: Vous reprochez, vous, à HydroQuébec, de
canaliser l'information vers le public, à la page 2: Quiconque peut
avoir accès aux études et obtenir toutes les informations
disponibles... Vous-même, vous semblez être bien au courant du
dossier, d'ailleurs vous nous avez montré des documents et des
études tantôt. De plus, si une étude avait
été acceptée pour publication scientifique, donc, on l'a
vu, elle a été soumise à un processus d'examen par ses
pairs. La crédibilité de l'étude peut être
difficilement mise en cause, d'après moi. Malgré cela, vous
remettez en cause l'objectivité des informations transmises par
HydroQuébec. Ma question...
Mme Deslauriers: Je ne comprends pas.
M. Lemire: Bien, c'est justement. C'est que quelles structures,
vous, vous voudriez qu'on mette en place pour diffuser
régulièrement les informations sur le sujet qui seraient,
à vos yeux, plus crédibles? Quelle sorte de structures vous
voudriez avoir, vous?
Mme Deslauriers: Bien, bravo! Ça, c'est une bonne
suggestion. Ça, c'est une suggestion qui est positive.
M. Lemire: Mais j'aimerais que, vous, vous me la fassiez la
suggestion...
Mme Deslauriers: Alors, la structure...
M. Lemire: Précisez davantage ce que vous voulez.
Mme Deslauriers: La structure pourrait être composée
de scientifiques ou de gens de différents milieux, mais il faudrait que
ce soit politique et que ce ne soit pas mêlé de près
à Hydro-Québec, ou même au gouvernement, pour que ce soit
toujours impartial, que la qualité de vie et la santé soient une
valeur au-dessus de toutes les autres valeurs, parce que c'est la vie qui est
en cause ici. Ce n'est pas le court terme de la politique, des élections
ou bien des fonds de subventions électorales par les grosses compagnies
là. Ce n'est pas ça.
M. Lemire: Je trouve ça un peu difficile à
comprendre parce que tantôt vous avez dit qu'Hydro-Qué-bec,
certaines personnes d'Hydro-Québec vous ont dit: Ça devient
politique et la décision, si le politique pouvait intervenir, on
pourrait faire des choses. Puis, là, vous venez nous dire: II ne faut
pas que ce soit politique.
Mme Deslauriers: Non. Le comité doit être impartial,
mais il faut une volonté politique pour qu'Hy-dro-Québec mette en
action des moyens de protection du public, c'est-à-dire qu'il cesse
d'installer ses lignes de transport au milieu des villes, dans les endroits
densé-ment peuplés et puis qu'il résolve certains
problèmes, comme, par exemple, le problème de Mascouche, c'en est
un, ça. Mascouche, Terrebonne, Lachenaie et il y en a d'autres. Je suis
sûre qu'ici, à Québec, il y en a autant.
Le Président (M. Farrah): Mme la ministre.
Mme Bacon: Mme Deslauriers, vous avez mentionné des
études suédoises. Est-ce qu'elles sont vraiment concluantes, les
études suédoises? Est-ce qu'on a établi qu'il y a un lien
de cause à effet entre les champs électromagnétiques et le
cancer? Est-ce que ça c'est vraiment démontré par les
études suédoises que vous mentionnez? Est-ce que les
résultats ont été validés? Est-ce qu'ils sont
entérinés par la communauté scientifique
internationale?
Mme Deslauriers: Comme je vous ai dit, madame, il y a le double
d'enfants qui sont atteints de leucémie s'ils vivent à
proximité des lignes à haute tension. C'est ça, le
résultat de cette analyse, de cette étude scientifique. Est-ce
que c'est ça votre question?
Mme Bacon: Mais est-ce que les facteurs ont été
isolés?
Mme Deslauriers: Oui, en plus. Alors, non seulement on a
trouvé le double, mais, non seulement ça, pour la première
fois, on a individualisé qu'à un certain niveau
d'électricité il y avait une relation causale,
c'est-à-dire qu'il y avait deux fois, et même trois fois plus de
maladies chez les enfants.
Mme Bacon: C'est parce que la lecture que nous avons, nous, c'est
que les facteurs n'ont pas été isolés et c'est pour
ça que je demande: Est-ce que les résultats sont validés
ou entérinés par la communauté scientifique
internationale? On...
Mme Deslauriers: Qui vous fournit vos informations?
Mme Bacon: C'est l'étude elle-même. Nous avons
aussi...
Mme Deslauriers: Non. C'est Hydro-Québec...
Mme Bacon: Nous avons aussi notre lecture des études.
Mme Deslauriers: C'est Hydro-Québec qui vous
interprète ces faits-là. Vous avez...
Mme Bacon: Non, non. On n'interprète pas. Nous avons
l'étude et nous le voyons par l'étude.
Mme Deslauriers: Bien, vous ne pourriez pas me poser cette
question si vous aviez vu l'étude.
Mme Bacon: Bien écoutez, c'est une question d'opinion
là. Je pense que ce n'est pas facile à discuter avec vous
là. C'est une question d'opinion.
Mme Deslauriers: Bien, on peut tourner longtemps autour du pot.
Ça, ça devient...
Mme Bacon: Non. Tout ce que dit le gouvernement, ce n'est pas
bon, tout ce que vous dites on devrait le croire. Écoutez, moi je vous
demande... Vous citez des études suédoises.
Mme Deslauriers: Oui.
Mme Bacon: Est-ce qu'elles ont été
entérinées, est-ce qu'elles ont été validées
par la communauté scientifique internationale?
Mme Deslauriers: Absolument. Et d'ailleurs, moi, ce que je vous
conseille, c'est d'avoir un comité d'expertise qui puisse vous guider de
manière impartiale. Je suis certaine que c'est la
nécessité que vous avez le plus à l'heure actuelle. C'est
d'avoir des conseillers objectifs. Vous allez me dire: Moi, je prêche
pour ma paroisse.
Mme Bacon: Mais, vous, vous êtes objective,
Mme Deslauriers?
Mme Deslauriers: Vous avez raison, je prêche pour ma
paroisse.
Mme Bacon: Vous êtes objective, Mme Deslauriers?
Mme Deslauriers: C'est ce que je vous dis. Dans la
société, il y a un input et un output. Heureusement que je suis
là pour assurer la démocratie, parce que laissez-moi vous dire
que les intérêts penchent drôlement de l'autre
côté et pas de mon côté. Heureusement!
Mme Bacon: Mais le seul fait d'avoir une commission
parlementaire, Mme Deslauriers, c'est ça l'exercice
démocratique.
Mme Deslauriers: Mais j'espère qu'il va y avoir des
mesures qui vont suivre cette commission parlementaire et que ce ne sera pas
seulement un exercice oratoire.
Le Président (M. Farrah): Je reconnais maintenant Mme la
députée de Taillon pour une période de cinq minutes.
Mme Marois: Ce n'est pas très long, cinq minutes. Merci,
M. le Président. Ça ne m'inquiète pas, comme le
député de Saint-Maurice. Votre capacité de
présenter le mémoire, c'était très clair. Le
député de Saint-Maurice avait l'air de s'inquiéter sur le
fait que vous soyez seule. Je pense que vous êtes tout à fait
capable de défendre le point de vue que vous avancez. (9 h 50)
À la page 7 de votre document, vous notez qu'un rapport,
publié par FEnvironmental Protection Agency a été
retiré de la circulation alors qu'on disait, que l'on classait les
champs électromagnétiques en deuxième place dans la
hiérarchie des produits nocifs. À quoi vous faites
référence exactement comme étude? Quand ça s'est
fait et quand ce retrait a-t-il eu lieu?
Mme Deslauriers: C'est en 1990 que ça a été
retiré. D'ailleurs, les médias en ont parlé ici.
Mme Marois: C'est ça. Je n'ai pas mémoire de cet
événement. Je vois que c'est en 1990.
Mme Deslauriers: Ça a fait du bruit. Ça a fait du
bruit ça. Ça a suscité un remous, une vague de rumeurs,
mais on n'avait pas le document en main. Moi, je l'ai obtenu à travers
une filière européenne.
Mme Marois: Ah bon! Donc, vous avez effectivement ce rapport en
main, bien sûr?
Mme Deslauriers: Oui, je l'ai même avec moi, ici à
Québec.
Mme Marois: Maintenant, comme j'ai peu de temps, je vais revenir
sur les solutions qui pourraient être préconisées. Beaucoup
de groupes qui sont venus ici pour des raisons semblables aux vôtres, sur
d'autres thèmes et sur d'autres sujets, ont souhaité que l'on
mette en place une commission sur l'énergie qui serait
indépendante d'Hydro-Québec, entre autres, qui pourrait
être même indépendante du gouvernement dans le sens
où elle en recevrait des mandats, bien sûr, mais elle aurait une
certaine latitude quant à sa possibilité d'agir. Est-ce que
ça vous apparaîtrait une avenue intéressante pour prendre
en compte le problème que vous nous soulevez ce matin et que l'on puisse
éventuellement agir sur ce problème d'une façon
significative?
Mme Deslauriers: Certainement, madame.
Mme Marois: Donc, vous appuieriez la mise en place d'une telle
commission à qui on pourrait confier justement des mandats de recherche,
des mandats d'analyse et des mandats de consultation?
Mme Deslauriers: À la condition justement que cette
commission ne s'occupe pas seulement de tarification ou de problèmes de
cette sorte.
Mme Marois: Non, je pense qu'elle aurait une perspective beaucoup
plus large, si l'on veut.
Mme Deslauriers: II faut que son mandat aussi ce soit la
santé publique. Il y a aussi le problème de la recherche, les
fonds de recherche. Ça, c'est un autre organisme parapublic qui devrait
l'avoir.
Mme Marois: Qui devrait avoir ça comme
responsabilité.
Mme Deslauriers: Mais vous avez raison pour cette commission, je
le souhaite. Ce serait une bonne idée.
Mme Marois: D'accord. En termes d'autres avenues de solution,
quelles sont celles que vous privilégieriez quant aux corrections
à apporter au problème que vous soulevez ce matin?
Mme Deslauriers: J'en ai nommé tout à l'heure
quelques-uns. Enfin, je me répète un petit peu.
Mme Marois: Oui, je sais, d'accord, mais j'aimerais ça
si...Dans le fond le sens de ma question c'est: Si vous aviez un ordre de
priorités à établir, qu'est-ce qui vous apparaît le
plus urgent à faire à l'égard de ce que vous soulevez
comme problématique aujourd'hui devant nous ou comme
problème?
Mme Deslauriers: Bien, il faut avoir une politique
vis-à-vis des champs électromagnétiques.
Mme Marois: D'accord.
Mme Deslauriers: Alors, étudions la question pour se
donner une politique et éventuellement déboucher aussi sur une
législation comme en ont d'autres pays, par exemple, en Europe.
Maintenant, la plupart des pays ont une législation, nous, nous n'en
avons pas.
Mme Marois: D'accord. Vous pensez à quels pays en
particulier en Europe?
Mme Deslauriers: Je sais que l'Italie, récemment, le Japon
en a une. De mémoire, je ne l'ai pas. Je peux ajouter une annexe
à mon mémoire; si vous le désirez, je le ferai.
Mme Marois: D'accord, mais ce serait intéressant parce que
ça pourrait être éventuellement utile.
Mme Deslauriers: Certainement. Mme Marois: Je vous
remercie. Mme Deslauriers: Je vous en prie.
Le Président (M. Farrah): C'est tout, Mme la
députée. Merci beaucoup. Je reconnais maintenant, M. le
député de Drummond.
M. St-Roch: Merci, M. le Président. Mme Deslauriers,
à la lecture de votre mémoire, au début, je dois vous
avouer, j'ai eu l'impression que vous faisiez référence seulement
à l'hydroélectricité, mais, à le parcourir, je
crois que vous vous adressez à toutes les formes
d'électricité, qu'elles soient produites par l'hydraulique, par
le nucléaire ou par le thermique. Je suis correct jusqu'ici? Vous
adressez aussi un mémoire qui sort des champs battus. Je peux vous
comprendre de vous sentir seule, ce matin, j'en partage des ressentiments moi
aussi du côté politique.
Ceci étant dit, je pense, moi, que vous touchez un point qui est
peut-être un peu plus global que celui des champs
électromagnétiques. On y a touché hier un peu dans les
mémoires produits par les scientifiques. Le problème qu'on a avec
Hydro-Québec, à cause de cette magnitude et à cause de son
ampleur, elle monopolise au Québec la plupart des chercheurs, la plupart
de la science. Il nous est apparu clairement hier, à discuter avec les
scientifiques de l'université, que, oui, qu'il y a du savoir qui est
là. Moi, j'ai la conviction que nos scientifiques qui travaillent
à Hydro-Québec ce sont des gens qui sont impeccables, qui ont une
intégrité et une honnêteté professionnelles, mais le
problème qui nous arrive, je pense, à ce moment-ci, c'est de
transférer et de mettre ces connaissances accumulées dans les
banques d'information, que ce soit au niveau de la santé, que ce soit au
niveau de l'environnement, que ce soit au niveau de la restauration ou au
niveau des connaissances des milieux nordiques ou au niveau ethnographique.
Nommez-les! Je pense qu'il n'y a pas un endroit ici, au Québec,
où on a ça. Alors, il va s'agir de transférer ces
technologies au niveau de nos universitaires qui sont
capables de faire la part des choses.
Ceci étant dit, j'aurai seulement une question pour vous ce
matin. À questionner Hydro-Québec, on nous a dit que, d'ici
quelque temps, on prétend qu'avant la fin de l'été
Hydro-Québec pourra mettre en disponibilité une étude qui
a été engagée, comme Mme la ministre y a
référé, au niveau de tout l'ensemble des travailleurs
d'Hydro-Québec, avec Hydro Ontario, avec Électricité de
France. Ne croyez-vous pas que cette masse d'informations, cette étude
qui va être réalisée, sur les gens qui sont exposés
à des fréquences beaucoup plus élevées, j'imagine
et je sais que ce n'est pas une question de concentration ici
pensez-vous qu'il va y avoir une crédibilité et, à ce
moment-là, ça devrait être la première étude,
et qu'à partir de ce moment-là, nous, ici, les parlementaires,
nous pourrons débloquer et exiger que des suivis soient apportés,
que cette étude-là sera scientifique et qu'on pourra avoir une
crédibilité?
Mme Deslauriers: Cette étude va sûrement s'ajouter
aux études sérieuses, je suppose, qui existent à travers
le monde. Hydro effectue un effort louable du point de vue des recherches, mais
ce n'est pas elle qui va régler le sort du monde des champs
électromagnétiques. Je regrette, on n'est pas le nombril du
monde. Il faut s'ouvrir sur l'international, sur ce qui se fait ailleurs et
voir les résultats d'enquêtes épidémiologiques ou de
recherches qui sont aussi solides ou sinon plus sérieuses et, là,
faire un bilan et prendre une décision.
M. St-Roch: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Farrah): Alors, merci beaucoup. C'est
tout le temps dont on disposait. Alors, Mme Deslauriers, au nom des membres de
la commission, je vous remercie infiniment pour votre contribution.
Mme Deslauriers: Merci.
Le Président (Farrah): Au revoir. Alors, on va suspendre
quelques minutes pour permettre à l'autre groupe de venir à
l'avant.
(Suspension de la séance à 9 h 58)
(Reprise à 10 heures)
Le Président (M. Farrah): La commission reprend ses
travaux. Nous recevons maintenant l'Association des manufacturiers du
Québec. Alors, au nom des membres de la commission, nous vous souhaitons
la plus cordiale des bienvenues. Alors, je vous rappelle que vous avez 20
minutes pour la présentation de votre mémoire, et le reste du
temps sera réparti entre l'Opposition et la partie gouvernementale pour
les questions. Dans un premier temps, même si on vous connaît, ou
vous inviterait à vous présenter pour les fins du Journal des
débats ainsi que la personne qui vous accompagne. Alors, la parole
est à vous pour une période de 20 minutes.
Association des manufacturiers du Québec
(AMQ)
M. Le Hir (Richard): Merci, M. le Président, Richard Le
Hir, de l'Association des manufacturiers du Québec,
vice-président et directeur général. En ma compagnie, M.
Éric Meunier qui est directeur des analyses et des recherches à
l'Association. Merci, M. le Président. Nous avons préparé
un résumé de notre mémoire tenant compte du fait que le
mémoire lui-même était passablement long et je n'aurais pas
voulu vous ennuyer avec une lecture trop rapide, trop longue, et plutôt
que de procéder de cette façon-là, on a
préparé un résumé, ce qui nous permettra
peut-être de passer plus rapidement à la période de
questions.
Le Président (M. Farrah): Pas de problème, comme
vous voulez.
M. Le Hir: Merci, M. le Président. Dans son
mémoire, l'AMQ rappelle l'importance de créer de la richesse
à un rythme qui permettra au Québec de corriger les
problèmes conjoncturels et structurels auxquels il fait face et qui
permettra d'assurer aux générations futures une
prospérité équivalente, sinon supérieure, à
celle que nous avons connue. Pour créer cette richesse, il faut
dès maintenant tout mettre en oeuvre pour créer des emplois,
maintenir et renforcer notre base industrielle, stimuler la croissance
régionale et préserver et développer notre expertise
technologique. Dans les circonstances, il nous apparaît évident
que le Québec doit se servir de tous les leviers de développement
économique qu'il a à sa disposition. Or, les ressouces
hydroélectriques du Québec constituent un avantage
stratégique de premier plan, certainement l'un des seuls sur lesquels
nous puissions compter présentement. Devant cette réalité,
l'AMQ espère que les travaux de la commission de l'économie et du
travail promettront, une fois pour toutes, de confirmer que le
développement de ces ressources est dans l'intérêt
supérieur du Québec.
Si la question du développement du potentiel
hydroélectrique du Québec est importante, ce n'est certainement
pas la seule. Le plan de développement d'Hydro-Québec identifie
plusieurs orientations importantes qui sont susceptibles d'avoir des impacts
sur les manufacturiers. Pour l'AMQ, les orientations qui doivent être
privilégiées sont celles qui les aideront, les manufacturiers,
à maintenir et à améliorer leur position
concurrentielle.
Tout d'abord, on va s'arrêter à la question des objectifs
de performance et de prix d'Hydro-Québec. L'AMQ se réjouit du
fait qu'Hydro-Québec veuille devenir la meilleure entreprise
d'électricité au Canada. Nous croyons toutefois que dans un
contexte de libre-échange, Hydro-Québec aurait avantage à
se comparer non seulement à des entreprises canadiennes, mais
également aux meilleures entreprises américaines, notamment en ce
qui concerne ses coûts d'exploitation. L'AMQ est également d'avis
que les tarifs qui augmen-
tent à l'inflation ne sont pas acceptables si de tels tarifs
diminuent l'avantage concurrentiel des manufacturiers. L'AMQ appuie la
suggestion de créer un fonds de stabilisation à partir des
revenus découlant des ventes d'énergie excédentaire pour
pallier les fluctuations de l'hy-draulicité.
Si on regarde maintenant la question de la technologie, de la recherche
et du développement, l'AMQ appuie l'objectif d'Hydro-Québec
d'augmenter ses efforts de recherche et de développement et l'attention
particulière qui sera mise sur la continuité du service et la
qualité de l'onde. L'AMQ offre également son entière
collaboration pour faciliter le mail 1 age avec l'industrie, les
universités et les centres de recherche, notamment dans une perspective
de mise en marché.
En ce qui concerne maintenant les moyens pour satisfaire les besoins
à long terme, d'abord l'efficacité énergétique.
L'AMQ retient l'objectif de 9,3 TWh en l'an 2000 qu'Hydro-Québec s'est
fixé et encourage fortement les mesures d'économie
d'énergie qui auront des effets structurants au Québec, notamment
au chapitre de la fabrication d'équipements et de matériaux plus
performants sur le plan énergétique. L'AMQ insiste sur
l'établissement de mécanismes d'évaluation rigoureux qui
permettront de mesurer de façon précise, dans les faits ou sur
une base ponctuelle, les économies d'énergie réelles
associées à chaque programme d'efficacité
énergétique. L'AMQ insiste pour que les pertes de revenus qui
pourraient résulter des mesures d'économies d'énergie
soient entièrement récupérées à
l'intérieur des classes tarifaires qui bénéficient
directement de ces économies. Considérant l'impact de la chauffe
sur les coûts de fourniture d'Hydro-Québec et donc sur les tarifs,
et comme il n'est pas certain que les programmes d'efficacité
énergétique permettront d'atteindre les objectifs
qu'Hydro-Québec s'est fixés, l'AMQ croit que la substitution vers
les combustibles devait être encouragée davantage.
En ce qui concerne maintenant les équipements de production.
À l'examen du plan de développement d'Hydro-Québec et des
annexes qui l'accompagnent, il apparaît clairement que l'ajout de
nouveaux équipements de production est inévitable. La question
n'est donc pas de savoir si on doit ou non ajouter des équipements, mais
bien de savoir lesquels.
À cet effet, l'AMQ croit que la filière
hydroélectrique est la plus intéressante sur les plans
environnemental et économique et appuie entièrement le choix
d'Hydro-Québec de la privilégier comme filière principale
de production.
L'AMQ est, par contre, obligée de constater que les processus
d'étude d'impact et d'approbation des centrales hydroélectriques
sont très longs et que, même si au terme de ces processus les
projets sont approuvés, il est fort probable que certains groupes
prendront tous les moyens, légaux ou autres, pour empêcher leur
construction.
Dans les circonstances, et pour éviter de se retrouver dans une
situation délicate sur les plans stratégique et
opérationnel, nous sommes d'avis que le Québec doit se
préparer dès maintenant à avoir davantage recours aux
équipements thermiques utilisant le gaz naturel comme filière de
base. À ce chapitre, l'AMQ favorise la cogénération. Elle
est également d'avis qu'il faut, dans les meilleurs délais,
développer et mettre en place des politiques visant à maximiser
les retombées économiques de la cogénération au
Québec .
Pour ce qui est des filières d'appoint, l'AMQ appuie
l'orientation d'Hydro-Québec de favoriser d'abord les centrales de
moyenne envergure, puis la production thermique à partir de
déchets et de biomasse, et ensuite, la cogénération
à partir du gaz naturel.
En résumé, dans un contexte normal, l'AMQ aurait
privilégié la combinaison 1 identifiée dans la proposition
d'Hydro-Québec. Cependant, dans les circonstances, nous croyons qu'il
serait plus prudent de viser une combinaison d'options en matière
d'offre qui se situerait entre la combinaison 1 et la combinaison 2, telles que
mentionnées dans le plan d'Hydro-Québec.
En ce qui concerne maintenant le développement des
marchés. Pour l'Association des manufacturiers du Québec, le
développement du potentiel hydroélectrique du Québec doit
servir de levier pour stimuler la croissance économique du
Québec. De toutes les options de développement envisagées
par Hydro-Québec, nous privilégions de loin celles qui favorisent
l'implantation des électrotechnologies, l'implantation ciblée
d'industries à forte consommation d'électricité et le
développement des exportations, soit la combinaison ld identifiée
dans la proposition du plan de développement.
Sur les points précis des industries à forte consommation
et des exportations, l'AMQ fait siennes les conditions identifiées par
Hydro-Québec dans son plan de développement à la section
4.2. De plus, l'AMQ juge qu'en ce qui concerne les industries à forte
consommation, l'objectif pourrait même être revu à la hausse
si le marché des exportations se développait plus rapidement que
prévu.
En ce qui concerne maintenant le choix des centrales
hydroélectriques. Pour des raisons économiques et
environnementales, l'AMQ privilégie les centrales de grande envergure.
Nous tenons toutefois à souligner que cette préférence ne
veut pas dire que l'AMQ endosse automatiquement tous les projets de centrales
supérieures à 100 MW. Ces projets ont tous des impacts
économiques et environnementaux qui doivent être
évalués avec soin, et dans le cas des impacts environnementaux,
des mesures d'atténuation raisonnables doivent être
identifiées avec les populations touchées. L'AMQ appuiera ou non
chacun des projets au mérite.
En ce qui concerne le tarif saisonnier et les orientations tarifaires
à long terme. Pour ce qui est d'abord du tarif saisonnier, après
analyse et consultation avec ses membres, d'autres associations et
Hydro-Québec, l'AMQ s'objecte fermement à l'implantation d'un
tarif saisonnier obligatoire pour la grande industrie. Nous poursuivrons
cependant les discussions déjà entamées avec
Hydro-Québec pour identifier les avenues que nous pourrions emprunter
pour éliminer les problèmes reliés
au tarif saisonnier tel que proposé.
Pour ce qui est des orientations tarifaires à long terme, l'AMQ a
des préoccupations majeures vis-à-vis certaines options
privilégiées par Hydro-Québec dans le cadre du tarif L.
Hydro-Québec est d'ailleurs déjà familière avec ces
préoccupations. Nous sommes toutefois confiants que nous pourrons
trouver des solutions dans le cadre de nos prochaines discussions avec
HydroQuébec. Nous tenons, par contre, à féliciter
HydroQuébec pour l'approche client qu'elle entend poursuivre pour la
tarification de la petite et la moyenne puissances.
Pour ce qui est maintenant de la question de l'interfinancement, nous
réitérons, encore une fois, l'absolue nécessité
d'éliminer l'interfinancement à la faveur des tarifs
domestiques.
En conclusion, l'AMQ proposait récemment que l'on envisage la
privatisation partielle du capital d'Hy-dro-Québec jusqu'à une
hauteur possible de 49 %. Cette proposition permettrait au gouvernement du
Québec d'atteindre plusieurs objectifs: Premièrement,
dégagement d'une marge de manoeuvre substantielle dans un contexte
où il ne lui en reste aucune pour favoriser la relance de
l'économie du Québec en recyclant l'épargne que les
Québécois ont accumulée dans Hydro-Québec depuis 30
ans; deuxièmement, affectation d'un tiers du produit de cette
privatisation au remboursement partiel de la dette à long terme
d'Hydro-Québec de façon à minimiser les chocs tarifaires
sur la clientèle au cours des prochaines années;
troisièmement, réduction du coût de financement
d'Hydro-Québec dans la mesure où le capital propre d'une
entreprise se voit rémunéré à des conditions
différentes de celles qui prévalent pour les emprunts
obligataires; quatrièmement, réduction de la dette à long
terme du gouvernement du Québec en affectant un tiers du produit de la
vente d'actions au remboursement de ladite dette; cinquièmement,
diminution du fardeau fiscal des contribuables en utilisant l'espace
budgétaire libéré par la diminution des
intérêts sur la dette consécutivement au remboursement
partiel de celle-ci; sixièmement, affectation du dernier tiers du
produit de la vente des actions à des projets de relance en favorisant
la formation de la main-d'oeuvre, les transferts de technologies, la recherche
et le développement et la remise en état et le
développement des infrastructures; (10 h 10)
Septièmement, accélération du mouvement devant
permettre à Hydro-Québec d'atteindre des niveaux de
productivité comparables à ceux des entreprises engagées
dans le même secteur, les plus performantes en Amérique du
Nord.
Cette proposition peut, nous en sommes très conscients, donner
lieu à de longues querelles d'experts sur la valeur des actifs
d'Hydro-Québec. Comme association, nous ne disposons pas des ressources
pour nous engager dans une telle querelle et ce n'est pas non plus notre
propos. Nous sommes également conscients que la privatisation de plus de
10 % du capital d'Hydro-Québec pourrait lui faire perdre son statut de
société de la couronne, ce qui, sur le plan fiscal, l'exposerait
à payer des impôts au fédéral alors que ce n'est pas
le cas à l'heure actuelle. Même en admettant que ce soit le cas,
l'impact de cette fiscalité peut être planifié et
géré pour en minimiser l'incidence. De plus, nous estimons que
tous les avantages que le Québec pourrait retirer d'une telle
privatisation partielle, sans pour autant renoncer à sa position
d'actionnaire majoritaire et au contrôle dont cette position l'assure,
compensent très avantageusement l'inconvénient de payer des
impôts au fédéral. Si Henri IV a pu se convertir au
catholicisme en se disant que «Paris valait bien une messe», un
avenir plus prometteur pour tous les Québécois vaut bien qu'on
accepte de payer un peu plus d'impôts à Ottawa.
Le Président (M. Farrah): Alors, merci beaucoup, M. Le
Hir. Alors, je cède maintenant la parole à Mme la ministre de
l'Énergie et des Ressources.
Mme Bacon: Alors, M. Le Hir, M. Meunier, je voudrais vous
remercier de votre présence aujourd'hui à notre commission
parlementaire et votre contribution, en ce qui concerne les moyens pour
satisfaire les besoins à long terme, de même qu'au niveau du
développement des marchés, s'avère particulièrement
enrichissante. Vos préoccupations concernant l'interfinancement, la
tarification saisonnière vont contribuer certainement à faire
progresser le débat.
Quant à vos propositions de privatisation, j'ai
déjà dit à cette commission parlementaire qu'on ne
privatise pas pour régler un problème budgétaire ou de
financement. Je vais, d'entrée de jeu, je pense, vous poser tout de
suite la question là-dessus parce qu'il n'est pas de notre intention, en
ce moment, de privatiser, mais je voudrais vous entendre davantage. Vous
proposez qu'on examine la privatisation partielle d'Hydro-Québec,
jusqu'à un maximum de 49 %. En 1992, le rendement sur l'avoir propre de
l'actionnaire d'Hydro-Québec s'est élevé à 7,4 %
et, vous le savez sans doute, le rendement moyen sur l'avoir propre
exigé dans le secteur privé est de beaucoup supérieur
à 7,4 %. Vous le dites bien aussi dans votre mémoire, la lecture
que vous venez d'en faire, la privatisation l'exposerait à payer des
impôts au fédéral.
Seriez-vous toujours en faveur d'une forme de privatisation partielle
d'Hydro-Québec si les effets de cette privatisation-là
s'avéraient négatifs pour le Québec et, notamment, en
termes de tarifs plus élevés? On parle jusqu'à 10 % de
tarifs plus élevés.
M. Le Hir: Là-dessus, Mme la ministre, je laisserai aussi
mon collègue rajouter quelques éléments, mais nous pensons
que le scénario que vous décrivez est certainement le pire et
qu'il y a d'autres scénarios à regarder aussi qui pourraient
être plus avantageux.
Vous soulignez que le rendement sur l'avoir des actionnaires, à
l'heure actuelle, dans les conditions d'exploitation actuelles
d'Hydro-Québec n'est pas particulièrement attrayant et,
là-dessus, nous vous suivons parfaitement. Nous sommes cependant
conscients, et
Hydro-Québec aussi est consciente, qu'elle a un sérieux
problème de productivité et que ce problème-là de
productivité, même s'il s'est amélioré au cours des
trois dernières années, demeure encore un très important
problème. La performance que serait en mesure d'obtenir l'entreprise
pourrait être bien meilleure si ses problèmes de
productivité étaient réglés.
Alors, dans ce sens-là, je ne suis pas convaincu qu'on regarde
nécessairement une situation qui est si mauvaise que ça. Quand on
compare la situation d'Hy-dro-Québec à une situation d'Hydro
Ontario, dont on parle aussi de la privatisation, bien, il n'y a aucun doute
dans notre esprit qu'Hydro-Québec constitue une entreprise en bien
meilleure posture pour envisager la privatisation que ça n'est le cas
pour Hydro Ontario, parce qu'il est bien connu qu'on ne privatise pas
nécessairement pour corriger une situation financière
délinquante ou mauvaise, pardon, mais bien plutôt pour trouver
d'autres façons de faire fonctionner l'entreprise, pour la financer
autrement en ayant recours moins à des emprunts obligataires, plus
à des capitaux propres. Dans ce sens-là, ça réduit
les coûts de financement de l'entreprise.
M. Hubar Meunier (Éric): tout ce que je peux ajouter,
c'est que dans le cadre de plusieurs privatisations de plusieurs entreprises
ailleurs, juste par la restructuration du capital, il y a moyen d'augmenter la
rentabilité de l'entreprise. evidemment, il ne faut pas surestimer, je
dirais, les effets bénéfiques d'une restructuration de capital,
mais il est clair qu'il peut y avoir des effets positifs.
Deuxième point. Quand on est confrontés possiblement
à une décote je parle, évidemment, au niveau de la
cote de crédit de la province il est évident que le
coût du capital d'Hydro-Québec, à ce moment-là, va
augmenter substantiellement. Dans ce sens-là, par stratégie
défensive, il n'est pas déraisonnable de penser que ce serait
intéressant de changer l'effet de levier et de restructurer le capital
de façon encore plus conservatrice.
Mme Bacon: Pour revenir à la recherche et
développement, vous appuyez l'objectif d'Hydro-Québec qui vise
à augmenter ses efforts de même aussi que sa volonté de
favoriser le mail 1 age avec les industries, les universités, les
centres de recherche, et nous avons rencontré des gens qui seraient
intéressés à faire ce maillage avec Hydro-Québec
pour développer et implanter aussi des nouvelles technologies. Vous leur
offrez votre collaboration pour faciliter ce maillage. Comment voyez-vous et
comment concevez-vous cette collaboration avec Hydro-Québec dans ce
domaine-là?
M. Hubar Meunier: Écoutez, très rapidement, comme
vous le savez, de par les membres qu'on représente, on est directement
en contact avec des manufacturiers en croissance, des manufacturiers qui
diversifient aussi leurs opérations, qui cherchent de nouvelles
opportunités. Aussi, comme vous le savez, nous avons des relations
étroites avec Hydro-Québec. On se trouve donc à être
un pont privilégié pour faire l'arrimage des besoins et
peut-être même aussi des projets. Alors, dans ce sens-là, on
pense qu'il serait nécessaire, pour nous et pour Hydro-Québec, de
se servir pleinement de l'opportunité qu'offre l'Association dans ce
sens-là.
Mme Bacon: D'accord. L'efficacité
énergétique, évidemment, c'est un excellent moyen
d'accroître la compétitivité de l'industrie
manufacturière, c'est évident. Votre Association fait
certainement des efforts pour appuyer Hydro-Québec et pour sensibiliser
les entreprises à s'impliquer, à investir dans une meilleure
utilisation de l'électricité. Quels sont ces efforts que vous
faites? Dans quel sens vous dirigez ces efforts?
M. Le Hir: Écoutez, c'est un sens de promotion
auprès de nos membres. Simplement les discussions qu'on a, par exemple,
dans nos comités autour des enjeux que nous soumet Hydro-Québec
dans le cadre du plan de développement permettent d'élargir la
sensibilisation à tous les membres.
Mme Bacon: Quels sont, à votre avis, les créneaux
de fabrication d'équipements ou de matériaux qui sont performants
sur le plan énergétique, qui sont les plus susceptibles
d'être développés au Québec en ce moment?
M. Hubar Meunier: Très, très brièvement, en
tout cas, certainement en ce qui concerne les procédés
d'échange de chaleur, notamment à base de céramique. On
sait que la fabrication de céramique nécessite une composante
importante d'électricité. Évidemment, si on était
en mesure d'améliorer l'efficacité de ces procédés
tout en se servant de l'avantage concurrentiel qu'on a au niveau des prix de
l'électricité, ce serait certainement un excellent moyen de
s'assurer d'une plus grande efficacité énergétique et des
retombées directes au Québec.
Mme Bacon: Dans votre mémoire, vous vous opposez assez
catégoriquement à une tarification saisonnière
obligatoire. Est-ce que, selon vous, certaines entreprises auraient plus de
difficultés que d'autres à s'ajuster? Quels sont les principaux
inconvénients d'une tarification saisonnière?
M. Le Hir: Écoutez, d'abord, il faut réaliser une
chose. C'est que lorsqu'on regarde la consommation industrielle
d'électricité, on réalise qu'elle est absolument
«flat» vous me permettrez l'anglicisme, là sur
l'ensemble de l'année. Autrement dit, les besoins en
électricité des manufacturiers sont exactement les mêmes au
coeur de l'été qu'en plein hiver. Dans ce sens-là,
même s'ils sont présents dans la consommation de pointe, ils ne
contribuent pas à la pointe. Les manufacturiers, évidemment, se
préoccupent de devoir réorganiser leur production pour satisfaire
des considérations pour lesquelles ils s'estiment totalement non
responsables. En particulier, ça pose des problèmes
d'organisa-
tion lorsque vous avez à ajuster votre consommation selon, par
exemple, en plein mois de février, des températures de -14C°
et que, d'un seul coup, vous devez cesser votre production, même si on
sait que dans le contexte d'aujourd'hui, avec les livraisons juste à
temps, les nouvelles exigences des clients, il faut être en mesure de
respecter des contraintes extrêmes au niveau de la livraison. Alors, ce
n'est tout simplement pas pratique. D'autre part aussi, il faut réaliser
que la demande existe quand elle existe, et pas nécessairement en plein
été quand ça ferait l'affaire d'Hydro-Québec. (10 h
20)
Mme Bacon: Merci.
Le Président (M. Farrah): Je reconnais maintenant M. le
député de Joliette.
M. Chevrette: Merci, M. le Président. Merci, messieurs. Je
voudrais aborder de front la privatisation. Vous êtes le premier, je
crois, au Québec, M. Le Hir, à avoir abordé ce
problème de la... Pas ce problème, ce projet ou cette question de
privatisation. Vous êtes très peu d'ailleurs à en avoir
parlé ici, à la table. Quelques-uns parlent de changer la norme
de 25 MW accordés, les monter à 100, mais avec plus ou moins de
conviction, alors que vous avez semblé peut-être la personne...
Vous avez sans doute été celle qui a affiché le plus de
conviction en ce qui regarde la question de la privatisation. Je dois vous
avouer qu'actuellement ça ne reçoit pas un écho
très, très favorable chez les groupes qui ont
déambulé devant nous.
Quand vous prêchez ou prônez cet objectif à court et
à moyen terme, ne croyez-vous pas d'abord que ça doit faire
l'objet, éventuellement, d'un large débat public pour qu'on
puisse véritablement voir les tenants et aboutissants avant de
procéder à une vente de feu court terme plus ou moins
réfléchie?
M. Le Hir: Écoutez, je pense qu'il n'a jamais
été dans notre esprit de procéder à une vente de
feu. Jamais. On a un actif extraordinaire. On est chanceux de l'avoir. Quand on
regarde les autres provinces, comme Hydro Ontario, il faut bien comprendre
qu'on a un levier de développement assez unique avec
Hydro-Québec. L'idée, ce n'est pas du tout de faire une vente de
feu. C'est tout simplement d'y intéresser d'autres capitaux pour faire
en sorte qu'on puisse, d'une part, réduire le coût du capital pour
l'entreprise et, d'autre part, bénéficier d'un apport de fonds
qui, à l'heure actuelle, dans une conjoncture qu'on connaît,
serait particulièrement bon à avoir et enfin, ça
permettrait aussi de réorganiser le fonctionnement de l'entreprise avec
des critères qui ressembleraient peut-être un peu plus à
ceux de l'entreprise privée. Ça permettrait de corriger les
problèmes de productivité dont on a parlé tantôt.
Ça permettrait également d'introduire un peu de distance, une
chose qui nous semble, à nous en tout cas, extrêmement souhaitable
entre le gouvernement et Hydro-Québec. Ça permettrait
également de libérer Hydro-Québec de l'emprise de certains
groupes revendicateurs qui, voyant le lien qui existe entre Hydro-Québec
et le gouvernement, s'acharnent à saborder les efforts
d'Hydro-Québec dans le développement du potentiel
hydroélectrique du Québec. Puis, c'est l'esprit dans lequel on
l'a fait et on n'a jamais eu à l'idée de donner ou de brader quoi
que ce soit.
M. Chevrette: Mais, en quoi ça aiderait, à part la
question de productivité dont vous venez de parler où
l'entreprise privée, effectivement, pourrait peut-être sabrer plus
rapidement, plus allègrement? Est-ce que, fondamentalement, par rapport
à la demande, ça pourrait modifier, parce que le capital
privé, ou l'intérêt pour le capital privé, c'est
dans des projets de développement... Compte tenu des projections, par
exemple, d'ici l'an 2004, si ma mémoire est fidèle, dans le plan
de développement, il y a peu ou pas de programmes ou de
développements d'envergure. Je ne sais pas si vous avez remarqué,
c'est nul à l'exportation d'ici l'an 2000. Vous souhaitez, vous, en
avoir, mais de prêts, dans votre mémoire, j'ai bien compris cette
partie-là. Les projections, d'ici l'an 2004, pour combler la demande,
sont beaucoup plus axées sur des objectifs d'efficacité
énergétique et sur de petits ouvrages ici et là
parsemés. Est-ce que vous croyez que c'est le temps, à ce
moment-là, de procéder, par exemple, à une privatisation
quand l'intérêt pour l'investissement du capital n'est pas
là?
M. Le Hir: Je ne partage pas votre point de vue sur cette
question-là. D'abord, vous mentionnez l'impact des économies
d'énergie comme moyen de réduire la demande. Je vous dirai, et on
saura le dire en temps et lieu, que nous, en ce qui nous concerne en tout cas,
on entretient tout un scepticisme quant au potentiel des économies
d'énergie.
M. Chevrette: Mais si c'est là-dessus, M. Le Hir. J'ai
fait exprès pour le dire parce que je partage votre point de vue
à 200 milles à l'heure, à partir des statistiques
d'Hydro-Québec même.
M. Le Hir: Écoutez, on n'est pas du tout convaincus que,
du point de vue des économies d'énergie, on va obtenir les
résultats qu'on souhaite. On va se rendre compte, comme d'ailleurs l'ont
fait d'autres avant nous, que c'est beaucoup plus facile à dire,
à parler d'économies d'énergie qu'à faire. Il faut
aussi que les gens y trouvent leur compte dans les économies
d'énergie. C'est sûr que si vous les subventionnez comme on l'a
fait en Ontario, il y a deux, trois ans, que vous allez obtenir des
résultats, mais ce sont des résultats qui vont appauvrir
l'entreprise, puis qui, sur le plan même des économies
d'énergie, ne donnent strictement rien. Alors, de ce point de vue
là, il n'y a pas d'espoir miraculeux à entretenir au sujet du
potentiel des économies d'énergie.
La deuxième chose qui est importante à souligner, pour
revenir à ce que vous avez dit, c'est que, même dans une
conjoncture comme celle que nous traversons, il y a un intérêt
pour un investisseur de trouver un
endroit où il peut placer du capital et être assuré
d'un rendement intéressant pour son capital. Quand on regarde, à
l'heure actuelle, quels sont les véhicules de placements qui existent
sur le marché, on se rend compte, par exemple, que des titres qu'on
appelait des «blue chips» comme Bell, font face aujourd'hui
à une concurrence sur leur propre marché, que ça va
être des titres qui vont être soumis à un certain
degré de ballottage que, certainement, on n'a pas connu dans le
passé. S'il y a un autre véhicule qui était prêt et
qui offrait ce genre de rendement, ce serait très, très attrayant
aussi.
M. Chevrette: Sur l'économie d'énergie,
après la réponse de M. Bolduc d'Hydro-Québec, ici
même, la première journée des audiences, je vous avoue que
les sceptiques ont été vraiment confondus, parce que,
effectivement, lui-même disait que dans deux mois ça pourrait
changer. Et c'est ce qui est inquiétant quand on base tout notre plan de
développement à partir d'un facteur extrêmement important
qui est l'économie d'énergie et qu'il dit qu'il peut changer dans
deux mois. Ça manque de rigueur au niveau de l'analyse tout au moins,
parce que... Moi, ça m'a frappé énormément ces
réponses-là de M. Bolduc. Le soir, vers 21 h 30, il n'y avait
plus de presse; donc on n'a pas pu voir sortir le manque de rigueur qui,
à mon point de vue, a été étalé au grand
jour.
Deuxième chose, le rendement sur le capital. Je ne sais pas
quelle est votre perception, mais HydroQuébec, présentement, dit
que si le gouvernement avait été moins vorace sur le pourcentage
exigé sur les frais de garantie, s'il n'y avait pas eu augmentation de
la taxe sur le capital, c'est 700 000 000 $ qu'on vient chercher
présentement et c'est un milliard et quelques centaines de millions en
1995. Ça correspondrait, à ce moment-là, si on n'avait pas
touché à ça, à peu près à ce que le
privé va chercher devant les régies, à savoir 12,5 % plus
et si c'est en bas présentement, c'est parce qu'il y a eu des
appétits un peu gargantuesques. Est-ce que vous partagez ce point de vue
là?
M. Le Hir: Tout à fait. On a eu l'occasion de le souligner
à quelques reprises qu'on trouvait absolument démesurés
les appétits du gouvernement à l'endroit d'Hydro-Québec.
On a dit qu'il y a quelques années, au moment où il en
était question, il est devenu apparent qu'il faudrait suspendre le
dividende parce qu'on n'atteignait plus les ratios financiers. Qu'est-ce qu'on
a fait? On a trouvé le moyen de faire autrement pour aller chercher le
même argent, sauf que ça ne s'appelle plus un dividende.
M. Chevrette: C'est ce qui m'inquiétait, moi, M. Le Hir.
Quand une société d'État, en ses livres, arrive à
des conclusions que c'est plus ou moins rentable, on se retourne de bord puis
on dit: On va le privatiser. C'est un peu ce qui est arrivé à
Pétro Canada, un peu ce qui est arrivé à d'autres, mais
vous ne pensez pas qu'on doit y aller par la porte d'en avant au lieu de la
porte d'en arrière et qu'on ne doit pas démesurément
provoquer ou ternir l'image d'une société qui avait une
rentabilité certaine?
M. Le Hir: Et qui continue d'en avoir une.
M. Chevrette: Et qui continue. Même, au moment où on
se parle, c'est encore 756 000 000 $ de bénéfices nets par
année, qui seraient au-delà du milliard et qui respecteraient
probablement ses ratios à très court terme, à part
ça. Mais là on est rendus à s'interroger pour dire:
Ça fonctionne plus ou moins. On parle de plan de redressement, ce avec
quoi je peux être d'accord, mais il faut regarder plus loin que la simple
question des ressources humaines, par exemple, dans une gestion
d'Hydro-Québec. À mon point de vue, il a beau y avoir quelques
salariés en trop, il y a un mode de gestion aussi. Quand on regarde la
gestion globale, par exemple, sur le nombre de contrats à l'externe,
alors qu'il y en a qui dorment sur les tablettes à l'interne, puis, on
pourrait analyser ça d'une façon très serrée...
Est-ce que vous avez eu la chance, comme groupe, de pouvoir analyser en quoi
consisterait un véritable plan de redressement d'Hydro-Québec?
(10 h 30)
M. Le Hir: Pour être bien honnête avec vous, on n'est
pas rentrés dans ce détail-là. À la dernière
commission parlementaire, on avait tout de même émis de
sérieuses critiques, des mises en garde et exprimé des
inquiétudes relativement au fonctionnement d'Hydro-Québec. Depuis
lors, il y a eu des améliorations, c'est incontestable. Les
améliorations, on les voit; ne serait-ce que dans le fait que le service
est assuré de meilleure façon, il y a moins d'interruptions, la
qualité de l'onde ne pose plus le même genre de problème
que c'était il y a quelques années, la continuité du
service, etc.
Bref, il y a des améliorations. Bon! Le fait qu'il y ait des
améliorations, ça ne veut pas nécessairement dire, par
exemple, qu'on a tout épuisé le champ possible des
améliorations, loin de là, et les choses auxquelles vous faites
allusion sont de cet ordre-là.
M. Chevrette: M. Le Hir...
Le Président (M. Farrah): En conclusion, M. le
député de Joliette. On va revenir aussi.
M. Chevrette: Je vais arrêter. Je recommencerai sur un
autre bloc.
Le Président (M. Farrah): II reste passablement de temps,
pas de problème. Alors, je reconnais M. le député de
l'Acadie.
M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Dans la section de
votre mémoire où vous traitez du développement des
marchés, vous êtes d'avis qu'il est crucial qu'Hydro-Québec
poursuive agressivement un plan de développement des marchés. De
plus, vous jugez qu'il serait déplorable que le Québec soit
privé des retombées économiques importantes
qu'engendrerait une hausse de
la demande américaine en électricité. Est-ce que
vous êtes d'accord avec les objectifs maximaux qu'Hydro-Québec
propose concernant le marché des industries à forte consommation
et aussi les exportations?
M. Le Hir: Tout dépend évidemment du niveau des
exportations, mais écoutez, on l'a souligné à de
nombreuses reprises. On a au Québec un avantage stratégique qui
est incontestable, un seul, et c'est l'hydroélectricité. Et,
à l'heure actuelle, de toutes parts, on entend des propositions de gens
qui voudraient qu'ayant cet avantage on s'attache une main derrière le
dos et qu'on continue à faire la lutte sur les marchés mondiaux.
Ça échappe à notre raisonnement. Dans l'entreprise, il y a
un principe qui est fondamental, c'est qu'on travaille dans sa force. La force
du Québec, c'est l'hydroélectricité et c'est une force
à exploiter. Quand on utilise d'autres formes d'énergie, il faut
tout de même être conscients et réaliser qu'on les importe.
Quand on les importe, ce sont des biens qu'il faut qu'on ait
créés, manufacturés pour pouvoir les acheter. Ce qu'on
n'importe pas, c'est ça de plus pour nous, c'est de la richesse qu'on
crée ici. Alors, on est toujours perplexes, nous, devant les suggestions
qu'on devrait ne pas se servir de l'avantage stratégique qu'on a.
M. Bordeleau: C'est la même réponse que vous donnez
concernant les entreprises à forte consommation?
M. Le Hir: Même dans le cas des entreprises à forte
consommation d'électricité, c'est clair qu'il y a une question
d'équilibre à respecter pour ne pas se placer dans une position
de vulnérabilité stratégique. Mais toujours au nom du
principe de l'utlisation des avantages stratégiques qu'on a, on doit,
tant qu'on peut, si c'est avec ça qu'on est capables d'attirer des
entreprises pour opérer chez nous, pour l'instant, c'est le seul
avantage stratégique qu'on a, bien, utilisons-le!
M. Bordeleau: Ma deuxième question, dans le document de
présentation de ce matin, au point 6 où on traite des tarifs
saisonniers, vous dites: Après analyse et consultations avec ses
membres, d'autres associations et d'Hydro-Québec, l'AMQ s'objecte
fermement à l'implantation d'un tarif saisonnier obligatoire pour la
grande industrie. Vous poursuivez en disant: Nous poursuivrons cependant les
discussions déjà entamées avec Hydro-Québec pour
identifier les avenues que nous pourrions emprunter pour éliminer les
problèmes reliés au tarif saisonnier tel que proposé.
À quoi vous faites référence exactement quand vous
faites référence à ces discussions-là et des
avenues qui pourraient vous sembler acceptables?
M. Le Hir: Je vais laisser M. Meunier répondre à
cette question-là. C'est lui qui suit ce dossier de près.
M. Hubar Meunier: Très succintement, il y a un
comité qui a été créé à la demande
d'Hydro-Québec, c'est-à-dire à la suggestion
d'Hydro-Québec et des groupes qui avaient déjà
entamé des discussions sur la question du tarif saisonnier, pour
examiner de quelle façon on pourrait peut-être lever les obstacles
qui se présentent présentement. Très rapidement,
l'obstacle majeur, c'est la notion d'obligatoire. S'il s'agit d'un programme
optionnel, je suis certain que les industriels vont regarder très
sérieusement la possibilité d'endosser et de supporter ce
tarif-là. Alors, en ce qui concerne les démarches à venir,
on a des réunions qui sont prévues dans un avenir proche pour
voir si, effectivement, il n'y aurait pas lieu de modifier un petit peu le
tarif tel que proposé.
M. Bordeleau: Alors, essentiellement, c'est une question
d'être optionnel plutôt qu'obligatoire.
M. Le Hir: Oui, absolument, en grande partie.
M. Bordeleau: O.K. D'après votre mémoire, vous
êtes d'avis que la substitution vers les combustibles devrait être
encouragée davantage. Afin d'évaluer la rentabilité pour
le Québec de la substitution vers les combustibles, de nombreux facteurs
sont évidemment à prendre en considération. Parmi ceux-ci,
on retrouve toute la question des émissions polluantes, de même
que les coûts des équipements. Est-ce que vous seriez en faveur de
poursuivre l'orientation qui est proposée par Hydro-Québec,
à savoir, de ne pas encourager davantage la substitution en attendant de
mieux connaître les impacts pour le Québec?
M. Le Hir: Oui. Il est sûr qu'on a une forme
d'énergie qui n'est absolument pas polluante en termes
d'émissions quelconques avec l'hydroélectricité. Et
ça, c'est un avantage non négligeable. Cependant, il faut quand
même regarder le territoire que nous occupons, l'espace, et regarder
aussi les autres formes d'énergie, et les conséquences qu'on
ferait porter à l'environnement en utilisant ces autres formes
d'énergie. Avec la densité de population qu'on a au Québec
et l'importance qu'occupe déjà l'électricité dans
le bilan énergétique total, je vous avoue franchement ne pas
entretenir de grandes, grandes inquiétudes sur le plan environnemental
quant à l'augmentation possible à la marge des autres formes de
carburant fossile.
M. Bordeleau: D'accord. Ça va, merci.
Le Président (M. Farrah): Alors, il reste encore du temps,
Mme la ministre est-ce que vous avez des questions?
Mme Bacon: Oui, peut-être M. Le Hir ou M. Meunier, vous
avez vu tout le processus de consultation d'Hydro-Québec qui a
été mis en place et il y a des gens qui nous disent en
fait on entend un peu de tout, là mais il y a des gens qui nous
disent que ça ne reflète pas ce processus de consultation quand
on lit le plan de développement, la programmation. D'autres nous disent,
au contraire, on retrouve dans le plan de
développement des idées, des choses qui ont
été mises de l'avant par des groupes lors de la consultation.
Moi, j'aimerais ça avoir votre opinion sur tout ce nouveau, ce
changement au fond, ce nouveau processus de consultation d'Hydro-Québec,
et par la suite, là, avec le plan de développement qu'on a devant
nous.
M. Le Hir: Bien nous y sommes, pour notre part, extrêmement
favorables. On a trouvé, quant à nous, que, bien sûr, on
n'a pas retrouvé dans le plan de développement tout ce qu'on y
aurait mis si on l'avait écrit, mais ça c'est l'ordre des choses.
Et je pense que l'équilibre qui a été manifesté par
Hydro-Québec dans la confection de ce plan de développement
là est particulièrement à son honneur, compte tenu du fait
qu'il s'agissait d'une première expérience. Il y a place à
l'amélioration, et il n'y a pas de raison de penser non plus qu'une
deuxième expérience, lorsque les gens sont déjà
plus aguerris, entreprennent les choses avec une perspective un petit peu
réaliste, ne donnera pas nécessairement des meilleurs
résultats encore.
Mme Bacon: Est-ce que le fait qu'Hydro-Québec
possède le savoir, au fond, davantage par rapport à des groupes
qui se présentent devant elle, est-ce que ça peut amener à
avoir une information inadéquate pour les groupes, ou
incomplète?
M. Le Hir: Écoutez, je pense qu'il faut distinguer entre
le savoir et l'information. Pour ce qui est du savoir, dans notre Association,
compte tenu de l'expérience qu'ont nos membres et on a des membres tout
de même pour qui les factures d'énergie sont des gros morceaux,
ces gens-là ont un savoir-faire, une compréhension
exceptionnelle. Et dans ce sens-là, il n'y a pas de doute qu'on est
avantagés. Mais il faut distinguer la question du savoir de
l'information. Par exemple, lorsqu'on examine la question de
l'opportunité d'avoir un tarif saisonnier, on est surpris de se rendre
compte qu'il y a de l'information qu'il serait utile d'avoir et qu'on n'a pas.
Et même, dans certains cas, de découvrir qu'Hydro-Québec
n'a jamais même développé l'information selon certains
modèles, tout simplement parce qu'elle en utilisait d'autres. Dans ce
sens là, effectivement, il peut y avoir un déséquilibre
entre les participants à la consultation. (10 h 40)
Mme Bacon: Ça va.
Le Président (M. Farrah): Merci. Maintenant, M. le
député de Joliette.
M. Chevrette: Oui, merci. Je voudrais parler de
cogénération. Au niveau de la cogénération, vous
sem-blez la favoriser, mais il y a quand même un bémol que
j'observe en haut de la page 14, si ma mémoire est fidèle, dans
votre mémoire. Vous êtes en faveur de la
cogénération, disant que ça va rendre plus
compétitives les industries québécoises, mais en mettant
une priorité, cependant, à l'hydroélectricité
d'abord, en prétextant, à juste titre, je pense, qu'on aura des
problèmes environnementaux, potentiels en tout cas. Mais est-ce que pour
vous ce n'est pas un palliatif court terme, ça? Je veux dire, on se
lance dans la cogénération avec peut-être certains canards
boiteux à part ça, comme industries, qui vont traîner la
patte pareil et qui obligent HydroQuébec à acheter de
l'énergie à 0,044 $, c'est-à-dire le coût marginal
de Grande-Baleine rendu à Montréal.
M. Le Hir: Bien, écoutez, je ne pense pas que qui que ce
soit oblige Hydro-Québec à faire quoi que ce soit. Si
Hydro-Québec fait de la cogénération, c'est parce que...
Accepter de faire de la cogénération, c'est que dans le cadre de
son plan de développement, elle voyait qu'elle pourrait avoir besoin de
cette énergie-là, puis il ne s'agirait pas non plus de...
Personne ne demande non plus qu'on leur fasse de cadeau, à notre
connaissance. Il y a des propositions d'affaires sur la table et ça doit
être des bonnes propositions d'affaires pour tout le monde. Si on n'est
pas capables de démontrer que ce sont de bonnes propositions d'affaires,
on ne doit pas procéder.
Le point que vous soulevez, par ailleurs, est celui de
l'opportunité stratégique de s'engager dans une autre voie que
dans celle de l'hydroélectricité, et là-dessus, on
entretient les mêmes réserves que vous semblez exprimer là.
Il y a un principe fondamental dans une saine gestion, c'est qu'on travaille
dans sa force. Nous, notre force, c'est l'hydroélectricité et
avant de s'engager dans une autre voie, surtout une voie dans laquelle on n'est
pas nécessairement... on ne possède pas la technologie. On va
être obligés de l'importer cette technologie-là et quand on
importe de la technologie, bien, on importe également des choses qui
sont fabriquées ailleurs. Et fabriquées ailleurs, ça veut
dire pas fabriquées ici, et pas fabriquées ici, c'est ça
de perdu pour le développement économique du Québec.
M. Chevrette: Mais, M. Le Hir, si je vous pose la question c'est
parce qu'on entend les deux versions. Il y en a, là, la
«cogène». Vous savez là, c'est parti. C'est une mode.
Vous savez ce que je veux dire. Ça, ça traîne les rues et
tout le monde est parti là-dessus et ça prend ça. Mais
ça origine, à mon point de vue, d'une difficulté dans
certaines industries, exemple, les pâtes et papiers. Quand ça a
commencé à aller mal, ils ont dit... Ils se sont tournés
vers le gouvernement d'abord, pas nécessairement vers Hydro, en plus.
Correct? On s'entend là-dessus. Et là, ils ont dit: Bon, comment
s'en sortir? Les alumineries s'en sont sorties avec des contrats secrets,
pourquoi pas nous autres avoir quelque chose? Et là, ils ont dit: Bon,
il y aurait peut-être un moyen, c'est de leur donner l'opportunité
de faire de la cogénération et peut-être qu'en leur
garantissant un prix de base qui a de l'allure ils vont pouvoir s'en sortir et
être plus compétitifs.
M. Le Hir: Je n'accepte pas votre scénario. Il suppose que
les gens font des affaires qui sont mauvaises en partant. Les gens ne sont pas
fous, ils font des
bonnes affaires, quand ils peuvent, et ils essaient, à l'heure
actuelle, de trouver une formule qui va à la fois convenir à
leurs intérêts et correspondre aux intérêts
d'Hydro-Québec. Hydro-Québec a annoncé qu'elle avait un
besoin pour de l'électricité produite par d'autres moyens que les
siens et elle a ouvert la porte. Bien, les gens se sont engouffrés dans
la porte et il s'agit maintenant de savoir ce qui est une bonne affaire et ce
qui ne l'est pas.
M. Chevrette: Mais quand vous dites: On n'accepte pas le
scénario, même ceux qui négocient de la
cogénération avec Hydro disent: C'est parce qu'Hydro a
été forcée, M. Chevrette, parce que vous viendrez voir
dans les négociations de quoi ça a l'air. Dans le fond, Hydro
n'en veulent pas. C'est parce qu'ils sont inscrits dans le mode actuel et ils
ont été forcés un peu, probablement par l'État,
mais vous viendrez voir dans les négos, ils bloquent tout ou à
peu près et ça ne marchera pas. Vous n'avez pas ces
réactions-là?
M. Le Hir: Écoutez, j'ai vu dans les journaux, hier, qu'on
annonçait la conclusion d'une entente de cogénération...
Je ne sais plus...
Une voix: Tembec. M. Le Hir: Tembec. M. Chevrette:
Gatineau.
M. Le Hir: Bon. En voilà une. Et j'aime autant vous dire
que, et pour Tembec et pour Hydro-Québec, c'est une bonne affaire, parce
que je ne pense pas qu'Hydro-Québec aurait signé un contrat si
ça avait été un mauvais contrat.
M. Chevrette: Et Kruger?
M. Le Hir: Et Kruger, est-ce qu'il y a une proposition sur la
table?
M. Joli vet: Ça ne marche pas.
M. Le Hir: Ça ne marche pas parce que ce n'est pas une
bonne affaire.
M. Jolivet: Ce n'est pas ça; l'environnement.
M. Le Hir: Ah! L'environnement, ça, c'est un autre
problème.
M. Chevrette: Non, c'est parce qu'on ne voit pas... À mon
point de vue, ce qui manque et je vous demande si vous partagez ce point
de vue là on ne voit pas véritablement une volonté
affichée. Moi, le plan de développement, quand je regarde les
1000 MW d'éolienne, ça paraît bien, ça fait plaisir
aux écolos. On regarde la cogénération, 760 MW, ça
paraît bien. On regarde les négos, ça ne marche pas. On
regarde l'éco- nomie d'énergie, changé en 1990,
changé en 1991, changé en 1993, ça va changer en 1995 et
il m'a même dit que, dans deux mois d'ici, ça changerait
peut-être, donc, ça fait un plan de développement qui est
plus ou moins crédible.
M. Le Hir: Bien, alors là...
M. Chevrette: Là, on a du monde devant nous autres,
à la tonne, qui viennent nous dire...
M. Le Hir: Non.
M. Chevrette: ...le chauffage, vous autres mêmes, vous en
parlez...
M. Le Hir: Oui.
M. Chevrette: ...ça n'a pas d'allure.
M. Le Hir: Non, écoutez, je ne peux pas vous suivre du
tout sur ce terrain-là, de dire que le plan n'a pas d'allure. De toute
façon, des plans de cinq ans, figés dans le béton comme on
pouvait en faire il y a 25 ans, on a bien vu quels résultats ça
donnait; on ne peut pas dire que les résultats soient
particulièrement éloquents. C'est la réalité
d'aujourd'hui qui est très changeante et avec laquelle il faut composer.
Au contraire, il faut faire preuve de la plus grande flexibilité, de la
plus grande capacité d'adaptation possible. Dans ce sens-là, le
plan, le fait qu'il y ait des incertitudes reliées au plan ne
m'apparaît pas du tout un signe de faiblesse; au contraire, c'est
peut-être plutôt un signe de maturité.
M. Chevrette: Est-ce qu'un ensemble de voeux pieux constitue une
grande rigueur?
M. Le Hir: Écoutez, je n'ai pas le sentiment qu'il y a des
voeux pieux là-dedans.
M. Chevrette: Non? Bien, je vous en sortirai une bonne
dizaine.
Le Président (M. Farrah): M. le député de
Laviolette, vous aviez une question aussi.
M. Jolivet: Oui, oui. À la page 18 de votre rapport, vous
dites qu'en ce qui concerne les industries à forte consommation,
l'objectif pourrait même être revu. Je pourrais dire même si,
dans certains cas, avec les contrats secrets à partage de risques, on a
beaucoup de pertes qui sont encourues à long terme, si le marché
de l'exportation se développait plus rapidement que prévu en
raison d'une reprise robuste de l'économie américaine. Je vais
aller sur la question de l'exportation parce que... Lorsque, la semaine
dernière, la Corporation de gestion du bassin de la rivière
Saint-Maurice est venue ici, le maire de Trois-Rivières, qui est le
président, a indiqué qu'il avait eu des contacts avec des
représentants de la compagnie Stone Consol, et qui leur avaient dit:
II
y a quelque chose qui ne va pas. Nous, on a une usine à
Grand-Mère, à Shawinigan et à Trois-Rivières, au
Cap-de-la-Madeleine et dans ce coin-là; nous autres, à ce
moment-ci, j'ai une usine aussi comme compagnie dans les États
limitrophes américains, en Nouvelle-Angleterre, qui reçoit
l'électricité par les contrats d'exportation avec
Hydro-Québec ; elle paie moins cher l'électricité en
Nouvelle-Angleterre, dans mon usine en Nouvelle-Angleterre que j'en paie ici,
au Québec. Donc, il y a quelque chose qui ne va pas.
Alors, nous, on a vérifié auprès de l'Association
des industries forestières du Québec et qui nous a indiqué
qu'elle nous amènerait des exemples de ce genre-là. Alors,
j'aimerais savoir de votre part si l'exportation, c'est une si bonne chose, si,
au bout de la course, par les entreprises énergivores ici, on fabrique
de l'aluminium et qu'on laisse la transformation ailleurs, finalement, c'est
qu'on exporte nos emplois, par l'intermédiaire de notre
électricité. Est-ce qu'au niveau des États-Unis, par
rapport à Consol et des exemples comme ceux-là, vous en
connaissez est-ce que c'est un argument que les gens utilisent qui est
bon?
M. Le Hir: Écoutez, il y a beaucoup de choses dans ce que
vous venez de dire, là. Je ne peux pas me sentir à l'aise avec ce
que vous avez dit parce qu'on parle de choses qui sont différentes. Les
tarifs qui sont pratiqués au Québec, on peut difficilement les
comparer aux tarifs pratiqués aux États-Unis,
indépendamment du fait que l'électricité puisse être
fournie par Hydro-Québec parce que ça correspond à une
structure tarifaire complètement différente de la nôtre. On
compare des pommes et des oranges.
Alors, c'est vrai qu'on va pouvoir relever, à l'occasion, des
aberrations. On passe notre temps à en relever et à les signaler
à Hydro-Québec. Il y en a tout plein, des aberrations. Mais
ça n'enlève d'aucune façon l'intérêt que peut
représenter pour le Québec la possibilité de vendre son
électricité. Il faut savoir aussi que le marché de
l'énergie aux États-Unis est structuré de façon
bien différente du nôtre. Us sont beaucoup plus dépendants
de d'autres formes d'énergie et de formes d'énergie dont la
valeur est sujette à des hauts et des bas. Ça s'adonne que, pour
l'instant, on est dans un creux parce qu'il y a une récession
économique et que tous les prix sont bas. Mais attendez que les prix
remontent, parce que la demande va être là, et on sent que, aux
États-Unis, il commence à y avoir une demande assez robuste,
bien, il est clair que ça va avoir des conséquences; ça va
avoir des conséquences non seulement sur les prix, mais sur
l'environnement. (10 h 50)
M. Jolivet: Si je pose la question, c'est parce que, compte tenu
qu'on a eu ces affirmations-là, j'aimerais avoir votre opinion, d'autant
plus que j'ai posé la même question à d'autres organismes
qui m'ont répondu à peu près la même chose que vous.
C'est important de l'avoir et que les gens puissent, après ça,
confronter. Ça veut dire que dans le contexte je prends l'exemple
de Stone Consolidated il faudrait regarder ce qui s'est passé
pendant x années, ce qui va prévisiblement se passer dans le
futur et voir les tendances qui font que, peut-être, vous avez raison,
à un moment donné, c'est plus dispendieux aux États-Unis
que ça ne l'est au Canada, au Québec et vice versa.
Le Président (M. Farrah): Merci, M. le
député de Laviolette. Mme la ministre.
Mme Bacon: J'aimerais ça, M. le Président, que le
député de Laviolette dépose les documents qu'on lui a
demandés hier...
M. Jolivet: Vous allez les avoir en temps et lieu parce qu'on les
attend.
Mme Bacon: ...d'ici à la fin de la commission
parlementaire.
M. Jolivet: La semaine prochaine. Oui, vous allez les avoir.
Mme Bacon: Pour revenir à M. Le Hir et M.
Meunier, l'Association appuie le maintien d'un fonds de stabilisation.
J'aimerais ça que vous puissiez élaborer peut-être les
avantages de ce fonds-là pour les consommateurs, par exemple.
M. Hubar Meunier: De toute évidence, dans la mesure
où Hydro-Québec est en mesure d'accumuler des surplus, parce
qu'évidemment on sait qu'avec la fluctuation de l'hydraulicité
elle peut se ramasser avec des réservoirs qui sont plus pleins, disons
supérieurs à ce qui serait requis pour répondre à
la demande. Alors, il peut y avoir une série de programmes, disons, pour
s'assurer que les niveaux des réservoirs sont régularisés,
c'est-à-dire des ventes d'excédentaire, etc.
Évidemment, dans ce cadre-là, il y a deux
bénéfices. Évidemment, les consommateurs qui
reçoivent ou qui peuvent avoir droit à ces rabais tarifaires en
bénéficient directement. D'un autre côté, si on est
en mesure de créer un fonds qui permettrait, en situation de faible
hydraulicité, de compenser, par exemple, pour tout l'achat de mazout, le
fonctionnement de centrales thermiques coûteuses à temps plein,
etc., à ce moment-là, on peut s'imaginer, encore une fois, qu'il
y a deux conséquences: la rentabilité d'Hydro-Québec
augmenterait parce qu'elle n'aurait pas besoin d'encourir ces
coûts-là et, deuxièmement, par le fait même, par
extension, bien, les tarifs vont augmenter moins rapidement.
Mme Bacon: Qu'est-ce qui vous permet de croire que l'objectif
d'Hydro-Québec de maintenir la hausse des tarifs à l'inflation
risquerait d'affecter la capacité concurrentielle des entreprises
manufacturières? Vous l'indiquez dans votre mémoire.
M. Le Hir: Oui, c'est très simple. C'est qu'à
l'heure actuelle, dans le secteur manufacturier, on est en période de
déflation. On a beau dire et se faire dire que
les propositions tarifaires d'hydro-québec sont conformes
à l'inflation, c'est vrai si on parle de la progression de l'index des
prix à la consommation, mais il faut réaliser ce qu'il y a dans
ces index-là. en particulier, il y a des prix réglementés
qui jouent, qui ont un impact de plus en plus grand dans notre économie
alors que la réalité dans le secteur privé est toute
autre. la réalité, dans le secteur privé, c'est que, dans
certains secteurs, vous pouvez avoir, depuis trois ans, des diminutions de prix
de vente pour des manufacturiers qui peuvent atteindre jusqu'à 40 %, et
je ne vous parle pas de petits secteurs ou de petites affaires, ce sont des
gros morceaux. quand vous vous retrouvez d'un seul coup à faire face
à un marché dans lequel vous n'arrivez à
récupérer que 60 % du prix que vous aviez il y a trois ans, d'un
seul coup, ça vous pose de sérieux problèmes. en
même temps, de l'autre côté on vous dit: bien, on va
augmenter vos tarifs d'électricité de 2,5 %. a priori, ça
a l'air généreux, mais 2,5 %, quand vous avez les 40 % à
combler, ça fait 42,5 % à combler. ça fait beaucoup. et
pour les entreprises, à l'heure actuelle, dans le secteur manufacturier,
cette réalité-là, c'est devenu le quotidien. je vous ai
donné un exemple à 40 %. c'est sûr que la moyenne ne se
trouve pas à 40 %. la moyenne est plutôt de l'ordre, à
l'heure actuelle, de 5 % à 10 % en bas de ce que les prix pouvaient
être il y a deux, trois ans. mais c'est une réalité qui
fait mal, même à 10 % de différence parce qu'à ce
moment-là l'écart que vous ayez à combler est de 12,5
%.
Mme Bacon: Merci.
Le Président (M. Farrah): Alors, merci. Je reconnais
maintenant M. le député de Drummond.
M. St-Roch: Merci, M. le Président. Si mes questions vous
paraissent un peu redondantes, M. Le Hir, vous allez comprendre que je suis le
dernier. On me donne les cinq dernières minutes. J'aimerais revenir sur
la privatisation, parce que je dois vous avouer que j'ai l'impression
d'être ici, moi, dans une fable célèbre où, à
un moment donné, quelqu'un a vendu un plat de lentilles pour ses droits
d'aînesse. Au moment où la transaction s'est faite, tout le monde
était heureux, mais un jour, dans le temps, lorsque quelqu'un a
revendiqué son droit d'aînesse, celui qui avait accepté le
plat de lentilles a vu qu'il avait fait une mauvaise transaction. Je pense,
moi, qu'on s'inscrit dans cette même foulée avec
Hydro-Québec. Vous avez mentionné que, peut-être, on
s'attache une main dans le dos. Je n'aimerais pas attacher la main dans le dos
de mes petits-fils et de mes petites-filles pour le futur.
Ceci étant dit, ayant eu la chance de participer, autant du
côté privé, à des niveaux aussi importants dans
l'industrie privée, et maintenant que public, je pense qu'il y a des
mythes au Québec qu'il va falloir mettre de côté. Puis, un
des mythes est qu'une administration publique est moins efficace qu'une
administration privée.
Ma conclusion c'est on était rendus au-delà de 75
mémoires que lorsque je regarde à taille égale, les
deux, autant privé que public, souffrent du même cancer
d'embonpoint, surtout lorsqu'on est dans l'abondance. Et lorsqu'arrivent des
temps plus difficiles, c'est là qu'il faut se désengraisser puis
se donner une nouvelle gymnastique.
Moi, j'arrive à la conclusion que c'est l'actionnaire principal
qui se doit de donner les coudées franches et d'enlever les menottes
à son organisation pour qu'elle soit efficace. Je crois, moi, que si on
donne les mêmes leviers à Hydro-Québec qu'une entreprise
donnerait, les rendements vont être là et on n'aurait pas à
privatiser Hydro-Québec dans son grand ensemble.
Vous avez mentionné, dans le mémoire, un fonds de
stabilisation. J'y souscris. Mais, à l'heure actuelle, lorsque j'ai
interrogé des dirigeants d'Hydro-Québec sur le fonds de
stabilisation, on prévoit 14 TWh pour 1993 à 1995. Alors, lorsque
je demande: Avez-vous commencé à consolider votre fonds? On dit
non, on le met dans les choses courantes.
Moi, je pense que la première chose qu'un actionnaire pourrait
commencer à dégager, c'est de dire, si on prévoit sept ans
de forte hydraulicité, ce fonds-là, avec les montants dont on
parle, ce sont des montants qui sont astronomiques. C'est peut-être
là qu'on pourrait demander à Hydro-Québec un certain
plafonnement puis, le résiduel, de le transférer sur
l'abaissement de la dette. Or, la recherche du capital privé, on
pourrait peut-être situer à ce moment-là, la même
chose et arriver à un meilleur équilibre.
Ceci étant dit, il y a un autre grand volet que vous avez
touché dans votre mémoire, c'est au niveau de tout le
développement hydroélectrique d'Hydro-Québec avec toute la
complexité au niveau environnemental. Ma question va être
celle-ci: Ne croyez-vous pas qu'un jour, il va falloir avoir des grandes
politiques, comme je dis, donner des coudées franches au
Québec... On demande peut-être à Hydro-Québec
d'assumer un paquet de missions. On lui laisse payer la facture puis
après ça, bien, on est tous surpris de voir qu'on a des
difficultés et on va la privatiser. La première chose au niveau
environnemental, ici, il est temps qu'au Québec on fasse un large
débat, qu'on dise: On va regarder parce qu'on a le symbole qu'on
est des castors; à chaque fois qu'on voit un petit rapide, il faut le
harnacher. Alors, ça veut dire qu'on va déterminer les
rivières qui vont être patrimoniales au Québec. Ça,
on va les garder à l'état vierge, un certain nombre pour 40, 50
ans, on le déterminera. Puis, on va déterminer ce qui peut
être harnaché puis dire: À partir de ce moment-là,
Hydro-Québec, on pourrait lui donner un mandat qui va être clair,
qui va être précis; on pourrait lui donner, à ce
moment-là le mandat de faire des études de protection de
l'environnement, de toutes les évaluations, quitte, au moment de
l'harnachement, à réviser les études parce que le gros
serait fait. Ce n'est pas là qu'est la première solution et les
premières coudées franches qu'il faut donner à
Hydro-Québec?
M. Le Hir: Écoutez, vous me posez une question à
plusieurs volets. Permettez-moi tout d'abord...
M. St-Roch: Parce que j'ai juste cinq minutes, M. Le Hir. Alors,
j'en profite. Vous pouvez prendre plus de temps pour répondre.
M. Le Hir: Oui. O.K. Merci. Sur la question de la privatisation,
j'aimerais tout simplement vous dire que vous parlez de vendre notre droit
d'aînesse pour un plat de lentilles. Il ne s'agit pas de ça du
tout. La proposition qu'on fait, c'est une privatisation partielle du capital
à une hauteur maximum de 49 %, ce qui, d'aucune façon, ne nous
prive du contrôle d'Hydro-Québec et de la possibilité
d'utiliser Hydro-Québec comme levier de développement. C'est un
moyen aussi de rassurer vos petits-enfants.
Cependant, vos petits-enfants dont vous parliez tantôt, ils
seraient peut-être heureux aussi qu'on soit en mesure d'avoir
prévu pour eux des moyens de faire certaines choses. Parce qu'il y a des
problèmes de transfert de générations qui se posent de
plus en plus et puis il y a des petits-enfants qui, à l'heure actuelle,
vont se ramasser avec une grosse, grosse dette. Alors, peut-être qu'on
peut faire quelque chose pour alléger leur fardeau aussi. Et, dans ce
sens-là, la proposition qu'on a soumise serait de nature à
atteindre un objectif comme celui-là.
Vous avez parlé de stabilisation. Je vais laisser mon
collègue, Éric, vous répondre. Je vais peut-être
vous répondre tout de suite sur la question du développement.
Vous proposez une avenue qui ne m'apparaît pas dépourvue de bon
sens, a priori. C'est une question qui pourrait certainement être
examinée. Ce n'est peut-être pas une mauvaise voie.
Le Président (M. Far ran): Je vous inviterais à
conclure rapidement, s'il vous plaît, l'enveloppe de temps est
écoulée. Allez-y quand même.
M. Hubar Meunier: Oui. Très rapidement sur la
stabilisation. Écoutez, je n'ai pas examiné la question du
plafonnement du fonds en question. Ça semble être une avenue qui
peut être intéressante à examiner. Je peux vous assurer
qu'on va y jeter un coup d'oeil avec beaucoup d'attention.
M. St-Roch: Vous allez me permettre un bref commentaire.
Le Président (M. Farrah): Très bref, M. le
député de Drummond. (11 heures)
M. St-Roch: On va en débattre longtemps de la
privatisation, mais une avenue peut-être qu'il faudrait aussi explorer,
que la journée où on privatise 49 %, à mon humble avis, on
met Hydro-Québec vulnérable à l'établissement
d'usines de cogénération, à des demandes, devant une
énergie qui existera à ce moment-là, de transporter cette
énergie au-delà des frontières du Qué- bec comme on
a vu avec Bell, comme on a vu aussi avec les États-Unis. Alors, c'est un
vaste débat. Je pense qu'on aura l'occasion de le poursuivre. Je vous
remercie, M. le Président.
Le Président (M. Farrah): Alors, MM. Le Hir et Hubar
Meunier, au nom des membres de la commission, je vous remercie infiniment pour
votre contribution à cette commission. Merci beaucoup. Je suspends les
travaux pour quelques minutes. Le temps que la Chambre de commerce du
Québec puisse prendre place à la table.
(Suspension de la séance à 11 h 1)
(Reprise à 11 h 6)
Le Président (M. Farrah): Si vous voulez prendre place.
Alors, bonjour, messieurs. Au nom des membres de la commission, nous vous
souhaitons la plus cordiale des bienvenues. Nous recevons la Chambre de
commerce du Québec. Je veux vous aviser que vous avez 20 minutes pour
votre exposé et le reste du temps sera réparti
équitablement entre la formation ministérielle et
l'Opposition.
Dans un premier temps, si vous pouvez vous nommer, M. le
président, pour les fins du Journal des débats, ainsi que
les gens qui vous accompagnent. Par la suite, vous pourrez procéder
à l'élaboration de votre mémoire. Alors, je vous
cède la parole.
Chambre de commerce du Québec (CCQ)
M. Marcoux (Yvon): M. le Président, Mme la ministre,
distingués membres de la commission, mon nom est Yvon Marcoux, je suis
le premier vice-président à l'administration d'Univa et
président de la Chambre de commerce du Québec. Je suis
accompagné aujourd'hui, à ma droite, de M. Claude
Descôteaux, qui est vice-président exécutif de la Chambre
de commerce du Québec et, à ma gauche, de M. Richard Pouliot, qui
est président de Enerco Gestion et qui a travaillé avec le
comité de la Chambre sur la préparation du mémoire.
Nous voudrions d'abord vous remercier, enfin la commission
parlementaire, de donner l'occasion à la Chambre de commerce du
Québec de formuler ses commentaires sur cet important sujet qui est le
plan de développement d'Hydro-Québec. Également, nous
voulons féliciter les dirigeants d'Hydro pour la consultation
très large et très extensive qu'ils ont menée dans le
cadre du processus de préparation du plan.
Peut-être rappeler le point d'entrée ou au point de
départ, qu'il faut bien être conscients qu'Hydro-Québec
c'est une grande entreprise chez nous et qu'on peut qualifier par certains
éléments: 44 000 000 00 $ d'actifs. D'abord, la revue Fortune
de 1991 classait Hydro au 10e rang mondial des entreprises de services
publics d'électricité, gaz et téléphone quant
à l'importance de ses actifs. Des revenus de près de 7 000 000
000$,
27 000 employés, présence dans tout le territoire du
Québec et c'est également un citoyen corporatif fort
impliqué dans la communauté.
Donc, Hydro c'est une grande entreprise et je pense qu'il faut toujours
garder ça en tête. Par ailleurs, comme toute entreprise, et
ça, même si elle est en situation de monopole et de monopole
public, Hydro doit évoluer avec les contextes externes qui changent et
elle doit tenir compte des impératifs de la concurrence
nord-américaine et mondiale dans l'orientation de ses plans, de ses
projets de développement pour les prochaines années.
Deux commentaires. Un sur le plan du contexte économique. On sait
que les impératifs de la concurrence internationale imposent de mettre
en oeuvre les mesures nécessaires pour réduire les coûts de
production de notre économie et également pour promouvoir les
centres d'excellence fondés sur le développement
d'activités industrielles à valeur ajoutée. Et le fait que
nous puissions compter sur une ressource énergétique renouvelable
constitue certainement un atout important. le contexte
énergétique. ce dernier a été complètement
transformé depuis le milieu de la dernière décennie. deux
éléments: les tentatives d'encadrement des prix internationaux du
pétrole par les pays producteurs ont échoué, on le sait
tous, et, deuxièmement, au canada, nous avons connu la
déréglementation des prix du pétrole et du gaz naturel.
par exemple, le prix à la frontière de 1'alberta du gaz naturel
qui était de 3 $ le 1000 pieds cubes en 1985 est aujourd'hui de 1,55 $.
au québec, l'électricité est devenue, à la fin de
1992, d'après les documents du ministère de l'énergie, la
forme d'énergie la plus utilisée au québec. dans le cadre
de notre bilan énergétique: 41,9 % pour
l'électricité, 41,3 % pour le pétrole et 15,8 % pour le
gaz.
Il est vrai que les prix de l'électricité restent parmi
les plus avantageux chez nous en Amérique du Nord. Toutefois, tout en
reconnaissant l'avantage concurrentiel que devrait normalement procurer
à l'économie du Québec le recours à la ressource
hydraulique, il faut constater la diminution, depuis 10 ans, des écarts
observés dans le secteur industriel, pour le tarif L, entre les tarifs
qui sont offerts au Québec et les tarifs offerts aux mêmes
entreprises dans le sud des États-Unis. Et vous avez l'écart qui
se rapproche et qui diminue considérablement. Donc, je pense que cette
tendance, quant à nous, nous inquiète. (11 h 10)
Sur le plan du développement économique, nous
reconnaissons la contribution importante d'Hydro-Qué-bec,
résultant, entre autres, de l'impact des investissements majeurs
effectués pour développer la ressource hydraulique. De plus,
Hydro-Québec, on le sait, a contribué à la croissance
d'une industrie de l'électricité, et sa politique de faire faire
a permis le développement de nos grandes firmes d'ingénierie, qui
maintenant peuvent exporter leur expertise à travers le monde.
Toutefois, si la mise en valeur de la ressource contribue à
l'économie, il ne faut pas compromettre à terme l'avantage
comparatif de l'hydroélectricité ainsi que la santé
financière de l'entreprise. Selon nous, pour l'avenir, la meilleur
façon pour Hydro d'être un outil de développement
économique, c'est de créer des conditions pour que la
tarification de l'électricité soit maintenue au plus bas niveau
parmi le groupe des utilités performantes, et que soit également
maintenu l'avantage comparatif par rapport aux autres formes d'énergie
disponibles, d'autant plus que si la proximité de la ressource
hydroélectrique a longtemps été un facteur de localisation
qu'on se rappelle l'établissement, par exemple, des entreprises
au Saguenay et en Mauricie la proximité est moins aujourd'hui un
facteur de localisation en raison des modes efficaces de transport de
l'énergie électrique. Ce qui est le facteur de localisation
prépondérant, c'est le prix de l'électricité. Et
cette électricité elle est devenue une commodité qui est
soumise aux données de la concurrence des diverses autres formes
d'énergie.
Dans ce contexte, pour maintenir la capacité concurrentielle de
nos entreprises et de notre économie, nous croyons essentiel qu'Hydro ne
perde pas de vue l'objectif de sa mission première, soit de fournir de
l'électricité au moindre coût. Il est intéressant de
se rappeler, par exemple, que dans la loi qui a créé Hydro en
1944, à l'article 22, on disait: La commission a pour objet de fournir
l'énergie aux municipalités, aux entreprises industrielles et
commerciales et aux citoyens de cette province, aux taux les plus bas
compatibles avec une saine administration financiers. Cette notion de taux le
plus bas est disparue au début des années quatre-vingt lors des
modifications à la Loi sur Hydro-Québec.
Pour fournir l'électricité au moindre coût, Hydro
doit contenir ses coûts de fourniture unitaires. Or, si on fait une
brève rétrospective, le coût unitaire a augmenté
substantiellement au cours des 10 dernières années. En fait, il
est passé de 0.02,43 $ le kilowattheure en 1982 à 0.04,03 $ le
kilowatt en 1991, et à 0.04,21 $ en 1992. Ce qui veut donc dire une
augmentation substantielle et une croissance annuelle moyenne excédant
la croissance annuelle moyenne de l'indice des prix à la consommation
pour la même période. Depuis 1987, les revenus globaux de
l'entreprise sont passés de 5 000 000 000 $ à un peu plus de 6
000 000 000 $, soit une augmentation d'environ 25 %. Pendant cette
période, les coûts d'exploitation de l'entreprise accusaient une
hausse d'environ 60 %. Donc, les coûts d'exploitation
d'Hydro-Qué-bec, de 1987 à 1991, se sont accrus à un
rythme 2 fois plus rapide que les revenus.
Si on parle maintenant des effectifs d'Hydro-Qué-bec. En 1987,
les effectifs permanents et temporaires au total étaient de 21 922
employés plein temps et temporaires. En 1991, nous étions rendus
à 26700, et en 1992, il y a également eu une autre augmentation.
Les employés permanents, si on regarde seulement les employés
permanents, en 1985 il y en avait 18 300, en 1991 20 755. Durant cette
période, l'emploi total au Québec a augmenté de 1 %, donc
ce qui veut dire qu'au cours des 5 ou 6 dernières années il y a
quand même eu une augmentation fort substantielle des effectifs
d'Hy-dro-Québec, et ce, même au cours des deux
dernières
années alors que nous étions en période de
récession.
Hydro-Québec a annoncé dans son plan qu'elle va
évidemment tendre à réduire l'augmentation de ses frais
d'exploitation à moins de 1 % par année et, évidemment,
nous devons concourir à cet objectif. Toutefois, il faut bien constater
qu'Hydro-Québec n'a un contrôle que sur à peu près
le tiers, maximum, de ses coûts d'exploitation, parce que les deux tiers
sont des charges qui sont incompressibles, que ce soit l'intérêt,
l'amortissement, etc. Donc, c'est certainement un défi fort ambitieux
que de réduire l'ensemble des coûts de moins de 1 %, alors que
vraiment, il y a un contrôle qui porte sur à peu près 24 %
et 30 %. Hydro a annoncé des changements majeurs à son
organisation récemment, une rationalisation à laquelle nous
concourons, mais il faut dire que des modifications de cette envergure ont
souvent des effets concrets dans le temps qui prennent un peu plus de temps que
prévu à se matérialiser et, dans ce cadre-là, nous
croyons que d'augmenter de 20 % la productivité, l'objectif
d'Hydro-Québec est extrêmement ambitieux. Vous vous rappelez, en
1982, Hydro-Québec avait annoncé une réorganisation. Il y
avait eu des abolitions de postes en nombre considérable, mais tous ces
postes, les années subséquentes, ont commencé,
comprenez-vous, à réaugmenter. d'autres aspects de la gestion
qu'il faudra resserrer et, un exemple, c'est celui de la délinquance, ce
qu'on appelle les mauvaises créances. en 1991, il y en avait pour 70 000
000 $, c'est-à-dire 10 % du bénéfice
d'hydro-québec. en 1992, il semble que ce sera le même montant
à peu près et ça, c'est une moyenne qui est nettement
supérieure, d'après les statistiques que nous avons, aux autres
entreprises d'utilité publique en amérique du nord dans le
domaine de l'énergie. donc, il y a des actions à prendre de ce
côté-là et des actions, non pas seulement du
côté des entreprises, mais également du côté
des particuliers, parce que le montant de mauvaises créances est encore
plus élevé en proportion du côté des particuliers
que du côté des commerces et des industries.
En ce qui a trait aux frais d'exploitation, une suggestion que nous
pourrions faire pour mieux comprendre les différents
éléments qui composent les coûts d'exploitation, c'est la
suivante: On sait qu'Hydro-Québec exerce des fonctions de production, de
transport et de distribution d'électricité. Or, dans les
documents que nous avons, les coûts qui sont reliés à
chacune de ces fonctions sont difficilement identifiables. Nous croyons qu'il y
aurait avantage à faire ressortir, non seulement les frais, mais
également la rentabilité de ces différentes fonctions et
selon des critères définis à l'avance.
En plus de réduire la croissance de ses frais d'exploitation et
d'augmenter sa productivité, il est important, selon nous,
qu'Hydro-Québec contienne la croissance de ses besoins financiers et
contienne également le rythme d'endettement à long terme. Il faut
se rappeler qu'Hydro-Québec a une dette, en 1992, qui est de 31 000 000
000 $ comparée à la dette du gouvernement qui va être aux
alentours de 55 000 000 000 $. HydroQuébec consacre également une
portion importante de ses revenus au paiement d'intérêts.
Donc, pour nous, Hydro-Québec doit, dans ses choix
d'investissement, fonder ses préoccupations sur des critères de
rentabilité économique et sur des besoins réels. Il doit y
avoir une grande rigueur dans les investissements, d'autant plus que l'on sait
que les grands barrages qui sont de plus en plus éloignés des
grands centres deviennent de plus en plus coûteux à construire et,
également, il y a toutes sortes d'externalités avec lesquelles on
doit composer et notamment, par exemple, les coûts reliés à
l'environnement. D'ailleurs, HydroQuébec elle-même énonce
que l'entrée en service d'ici 1995 des équipements de la phase II
de La Grande, soit Laforge 1, La Grande 1 et Brisay exercera des pressions
importantes sur les coûts auxquels doit faire face l'entreprise.
Donc, les mégaprojets de barrages, s'ils sont nécessaires,
doivent être mûrement réfléchis et peut-être y
a-t-il intérêt, croyons-nous, à examiner aussi les barrages
et mettre l'accent sur des barrages plus petits où il y a plus de
flexibilité à la fois en termes de prévision de la demande
ou encore en termes de ralentissement de la demande. Rappelons-nous, par
exemple, qu'Hydro-Québec, dans son dernier plan, prévoyait des
ventes d'électricité d'une prévision
considérablement supérieure à ce qu'elle prévoit
actuellement dans son plan pour les prochaines années.
Pour aider Hydro-Québec à contenir son capital
utilisé, nous croyons qu'elle doit rechercher une implication accrue du
secteur privé. Par exemple, l'élaboration des programmes et des
conclusions d'ententes pour favoriser la cogénération.
Déjà, c'est proposé dans le plan de développement
d'Hydro-Québec. Nous estimons cependant que la conclusion de telles
ententes sur une base d'affaires devrait être recherchée plus
activement, évidemment, en fondant celles-ci sur les coûts
réels évités de fourniture et non pas uniquement sur le
coût de génération à la centrale. Il y a toujours
une question de perspective là-dedans aussi. Ce qu'Hydro-Québec
prévoit actuellement, c'est 750 MW, de mémoire, et, vous savez,
sur une puissance totale actuellement dans le parc d'Hydro-Québec qui
est à peu près de 29 000 MW. Donc, ce n'est quand même pas
une proportion extrêmement importante et ça ne met pas en
péril la filière de l'hydroélectricité.
De plus, l'association plus étroite du secteur privé dans
la production de l'électricité pourrait se faire, par exemple,
dans le cas d'aménagement de petites rivières par l'entreprise
privée, si cette dernière est disposée à le faire
à des conditions qui conviennent à Hydro-Québec. Je pense
que c'est plus difficile pour Hydro-Québec, pour une grande organisation
c'est vrai pour toute grande organisation de faire des petits
projets que ça peut l'être pour une entreprise qui est plus petite
et qui a plus de facilité à réaliser de tels projets qui
sont plus petits.
Autre moyen de contenir le capital utilisé, c'est
évidemment de promouvoir, comme Hydro-Québec d'ailleurs le
propose, une utilisation optimale des équipements existants. En 1992, le
facteur d'utilisation moyen je pense qu'au cours des dernières
années,
c'est à peu près la même chose des
équipements d'Hydro-Québec est de 65 %. Donc, on a un tiers des
équipements non utilisés pour prévenir la pointe en hiver,
pointe qui, notamment, est occasionnée par le chauffage. Hydro propose
des tarifs saisonniers pour l'industrie. C'est une voie à explorer, avec
laquelle nous sommes d'accord, mais, évidemment, elle doit se faire de
concert avec l'industrie parce que les méthodes de fabrication et les
processus de fabrication ne doivent pas être tout bouleversés par
l'imposition de tarifs saisonniers. Je pense que ça serait un mauvais
service à rendre à toute l'industrie et à
l'économie, de façon générale. (11 h 20)
Deuxièmement, les sources alternatives d'énergie. Par
exemple, le gaz pour la chauffe, notamment du côté commercial et,
du côté résidentiel, la promotion peut-être plus
intense des équipements biénergie qui permettent de pouvoir mieux
gérer la pointe en hiver. deux commentaires sur la tarification. premier
commentaire, sur l'interfinancement. on sait que les clients de petite et
moyenne puissances qui représentent une part substantielle de la
structure industrielle du québec et qui génèrent la
majorité des emplois qui sont créés annuellement... on
sait que les petites et moyennes entreprises, c'est 80 %, 85 % des nouveaux
emplois. eh bien, ces petite et moyenne puissances contribuent une part qui
nous apparaît disproportionnée aux bénéfices globaux
de l'entreprise hydro. hydro elle-même dit, lorsqu'elle a rendu publiques
ses propositions tarifaires: le niveau des prix pour les clients de petite et
moyenne puissances est trop élevé en regard des coûts
assumés pour alimenter cette clientèle. cet écart
contribue à financer le service à la clientèle
résidentielle. bien qu'hydro propose de commencer à modifier un
peu cette proportion, nous croyons qu'elle devrait le faire plus rapidement.
deuxièmement, l'augmentation moyenne des tarifs qu'elle situe au niveau
de l'inflation pour les prochaines années, c'est certainement un
objectif qui est louable. pour les deux prochaines années, je pense
qu'on doit être tout à fait d'accord, d'autant plus que, l'an
dernier, l'augmentation moyenne a été de 3,5 % alors que
l'inflation a été de beaucoup inférieure à 2 %.
donc, c'est déjà un changement qui est important. mais pour les
années subséquentes, lorsqu'on parle d'inflation dans beaucoup de
secteurs, eh bien, je pense que l'inflation, même au taux de l'inflation,
c'est un maximum et on ne peut vraiment aller au-delà de ça.
Quelques commentaires maintenant sur le statut de société
publique ou privée d'Hydro. S'il est nécessaire que l'État
contrôle la gestion de la ressource hydraulique, est-il tout autant
requis qu'il contrôle également l'exploitation de la ressource?
À notre avis, les deux fonctions peuvent très bien être
séparées. D'ailleurs, c'est l'exemple que l'on retrouve dans bon
nombre d'autres pays. Et le statut corporatif d'Hydro-Québec, donc,
mérite-t-il d'être revu?
Les bouleversements de l'économie mondiale nous dictent des
impératifs qui sont particulièrement exigeants si l'on veut
préserver nos avantages comparatifs et notre
compétitivité. Hydro a fait des progrès. Elle vient tout
juste d'annoncer, comme on le mentionnait, des mesures de rationalisation de
son embauche qui vont dans le sens d'une plus grande efficacité. Mais il
y a souvent des obstacles qui se dressent sur cette voie et déjà,
par exemple, plusieurs milieux en appellent au gouvernement.
Or, pour permettre à Hydro de remplir à long terme sa
mission première qui est de fournir de l'électricité au
meilleur coût possible, d'accroître sa productivité de
façon substantielle et de favoriser l'atteinte des objectifs de
performance, il est nécessaire, d'une part, qu'elle jouisse d'une grande
autonomie de gestion par rapport au gouvernement. Je pense que c'est essentiel.
Hydro, c'est une grande entreprise et ses dirigeants sont
compétents.
Il y a différentes façons d'atteindre ces objectifs. Une
avenue qui a été évoquée et qui l'a
été quand même pas mal à plusieurs reprises
récemment est celle d'une privatisation graduelle d'Hydro. La
présence d'actionnaires externes modifierait certainement la dynamique
des relations avec l'État et les gestes d'Hydro seraient moins
perçus comme étant ceux du gouvernement. En vue de mieux mesurer
l'évolution de la performance, des actionnaires privés se
feraient peut-être plus insistants sur la connaissance des coûts
réels et la rentabilité des différentes fonctions que
remplit Hydro. par ailleurs, il faut être bien conscients qu'une telle
orientation impliquerait des transformations importantes et nous ne
recommandons pas de s'y aventurer tête première. nous pensons
qu'il serait une erreur, par exemple, qu'un ministre des finances, un matin, en
mal d'aller chercher des fonds, dise: on va privatiser 10 % ou 15 % d'hydro
comme ça. je pense qu'il faut examiner la question. nous croyons que le
gouvernement doit l'examiner, et une façon de le faire serait de
créer un groupe de travail on ne parle pas d'une commission
d'enquête qui comprendrait majoritairement, pensons-nous, des
membres de l'extérieur, qui pourrait examiner l'ensemble de la question
et faire des recommandations sur les avantages et les désavantages de
cette solution, totale ou partielle, à long terme, en examinant les
implications sur le plan financier, sur le plan fiscal, sur le plan des tarifs,
sur le plan du financement, etc.
Donc, en conclusion, ce que nous disons, c'est que globalement, nous
sommes d'accord avec les orientations proposées par Hydro dans son plan,
des orientations d'ailleurs qui contiennent beaucoup de flexibilité, ce
qui est important dans les plans à long terme. On ne peut pas agir avec
déterminisme là-dedans; les conditions changent trop rapidement.
Nous reconnaissons également les efforts réels faits par la
direction d'Hydro pour assurer une saine gestion de l'entreprise.
Par ailleurs, il y a cinq recommandations que nous voulons
résumer en conclusion. D'abord, qu'Hydro revienne d'abord et avant tout
à son mandat essentiel qui est de fournir de l'énergie
électrique fiable et au moindre coût comme condition essentielle
au maintien de la compétitivité de l'économie du
Québec; qu'elle exerce,
ce qu'elle a déjà commencé à faire, ce qui
est difficile et le défi est ambitieux, un contrôle encore plus
serré sur les coûts, notamment quant à l'évolution
de ses coûts d'exploitation; qu'elle réduise l'interfinancement
actuel qui est supporté par sa clientèle commerciale et
industrielle, petite et moyenne puissances; qu'elle contienne davantage la
croissance de ses besoins financiers et le rythme d'endettement à long
terme; qu'elle associe davantage le secteur privé dans la production
d'électricité, soit par la voie de la cogénération
ou de la mise en valeur de potentiels hydrauliques restants, notamment, on
parlait de petites centrales; enfin, que le gouvernement, afin de ne pas
arriver à une solution qui soit dictée par toutes sortes
d'urgences, examine dès maintenant l'opportunité, le cas
échéant, donc les conditions de réalisation d'une
privatisation partielle ou totale d'Hy-dro-Québec. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Farrah): Merci, M. Marcoux. Je
cède la parole à Mme la ministre de l'Énergie et des
Ressources.
Mme Bacon: Merci, M. le Président. M. Marcoux, M. Pouliot,
M. Descôteaux, je voudrais vous remercier de la qualité de votre
contribution à cette commission parlementaire et vous remercier de vous
être présentés ici devant nous.
En page 1 de votre mémoire, vous mentionnez que la
nationalisation de l'électricité a 30 ans et que l'environnement
économique a changé et malgré le rôle majeur qu'elle
a joué dans le développement économique du Québec,
le moment est venu de faire le point, de s'interroger sur la mission de
l'entreprise, ses objectifs, ses modes de gestion, de financement, de
même que sur le rôle de l'État dans l'élaboration de
la politique énergétique et sa mise en oeuvre. Cette
formulation-là peut laisser penser que des événements ou
des circonstances majeurs motivent une remise en question aussi importante. Moi
j'aimerais connaître peut-être d'une façon plus explicite
quelles sont les raisons qui amènent la Chambre à poser un tel
jugement.
M. Marcoux: Ce que nous disons, c'est qu'Hydro a joué un
rôle majeur dans l'économie du Québec et il faut dire aussi
que d'autres entreprises ont joué un rôle majeur. Je pense que si
on prend les grandes entreprises et aussi les plus petites à une
échelle moindre... Mais, vous savez, je pense que la ressource
hydraulique, nous l'avions. Hydro a joué un rôle important, mais
il y a aussi que... je pense, toute grande entreprise devrait le faire.
Deuxièmement, quand nous parlions de la mission fondamentale
d'Hydro et que je citais la loi de 1944 où on mentionnait comme mission
de fournir de l'électricité au moindre coût possible et
compatible avec une saine gestion financière, je pense qu'au cours des
années et notamment avec la modification de la loi, ce qui indiquait une
préoccupation du gouvernement et on ne dit pas que ce
n'était pas justifié à ce moment-là d'y
insérer également des préoccupations peut-être de
déve- loppement économique, sans nécessairement maintenir
cet objectif de fournir de l'électricité nécessairement au
moindre coût. Nous croyons qu'on doit revenir, si on regarde
l'évolution de l'économie, la concurrence internationale et
l'importance de nos coûts de production pour être
compétitifs de façon générale, à cette
mission première d'Hydro où on dit: Écoutez, je pense que
c'est important que l'électricité, un des objectifs soit de
maintenir un coût qui soit relativement bas, premièrement; et
deuxièmement, lorsqu'on regarde également les autres formes
d'énergie concurrentes, le choix c'est de maintenir
l'hydroélectricité et si nous devions avoir un coût
comparatif qui devient désavantageux, je pense que la pression serait
peut-être sans doute assez grande pour dire: Écoutez, c'est bien
beau l'hydroélectricité, mais si nous pouvons nous approvisionner
avec des sources d'énergie comparativement moins coûteuses, je
pense qu'il y aurait une pression très importante pour l'utiliser
davantage cette dernière source d'énergie.
Lorsque nous parlons de nous interroger sur la privatisation, nous ne
remettons pas en cause ce qui a été fait en 1963, au contraire.
Je pense que ça a été une excellente décision.
D'ailleurs, la population du Québec l'a entérinée à
ce moment-là. (11 h 30)
Par ailleurs, je pense que ça vaut la peine, maintenant, de
revoir, après 30 ans, ce statut et dire: Est-ce que c'est toujours
justifié? Est-ce qu'il y aurait des avantages sur le plan financier, sur
le plan de la gestion, à avoir une privatisation qui soit partielle,
peut-être dans un premier temps, d'Hydro-Québec? Donc, ce n'est
pas une question de doctrine, c'est une évaluation qui est tout à
fait, je pense, pragmatique et qui se veut basée sur des fondements qui
sont d'ordre économique.
Mme Bacon: En page 12 de votre mémoire, vous soulignez que
le coût unitaire de fourniture a augmenté plus rapidement que
l'inflation depuis 1982, soit de 6,6 % par an, alors que l'inflation a
progressé au rythme de 5,5 % l'an. Hydro-Québec propose, à
partir de 1993, de maintenir l'évolution de ce coût unitaire au
rythme de l'inflation, jusqu'en l'an 2000. La Chambre conclut que c'est un
défi de taille.
Est-ce que vous pourriez nous indiquer en quoi l'effort de
rationalisation de la société d'État constitue un
défi de taille?
M. Marcoux: Écoutez, lorsque vous regardez... D'ailleurs,
en 1992, je pense que, dans le rapport annuel qui a été rendu
public la semaine dernière, c'était de 0,421 $ le kilowattheure,
donc ça veut dire que ça a continué d'augmenter.
Très brièvement, c'est que les coûts unitaires, la
structure des coûts unitaires, comme on le mentionne d'ailleurs dans la
proposition du plan de développement, il y a à peu près 24
% ou 25 %, au maximum 30 % qui sont vraiment des coûts d'exploitation sur
lesquels Hydro dit: J'ai un contrôle. Le reste, ce sont les charges et
autres éléments où, évidemment, Hydro n'a pas de
contrôle, les charges d'intérêts, les amortissements qui
vont avec, évidemment, le montant
des investissements. Alors, si vous voulez... Hydro dit: Je dois
augmenter ma productivité de 20 %; pour maintenir mes dépenses,
mon coût total, ramener l'évolution à moins de 1 % au cours
des prochaines années, je dis que c'est un grand défi. Je pense
que n'importe qui qui vit dans une organisation sait que c'est un grand
défi, surtout quand vous regardez, justement, l'évolution des
dernières années. Je parlais, tantôt, des effectifs; vous
savez qu'ils ont augmenté, et ils continuent d'augmenter
considérablement au cours des dernières années. De faire
un virage important là-dedans, ce n'est pas facile et avec des
contraintes qu'il faut bien reconnaître qu'Hydro a, comme toute autre
entreprise également, peut-être encore davantage, par exemple,
lorsqu'on parle des conventions collectives, etc.
Ce que nous disons, nous, je pense que c'est un très grand
défi. Tant mieux si Hydro peut le réaliser, parce que... Chapeau!
Mais je veux dire que c'est un défi qu'on trouve extrêmement
ambitieux et on a même des inquiétudes, pas en raison de la
compétence des dirigeants d'Hydro qui sont très
compétents, mais en raison des difficultés, vous savez, à
faire une opération comme celle-là et aussi, c'est rare qu'on a
les bénéfices concrets d'une opération comme
celle-là le lendemain matin; ça prend toujours un peu de temps
à se matérialiser, à se concrétiser. Donc, tant
mieux! D'accord avec l'objectif, mais nous avons des inquiétudes. C'est
pour ça qu'on se dit: Écoutez, ça se refléterait,
à ce moment-là, si ça ne se réalisait pas,
inévitablement, sur les tarifs.
Mme Bacon: En page 16 de votre mémoire, vous exprimez
aussi votre inquiétude quant à la persistance de
l'interfinancement entre les différentes catégories des clients
d'Hydro. Vous proposez aussi qu'on corrige rapidement le
déséquilibre tarifaire qui défavorise les usagers de
petite et moyenne puissances et vous mentionnez que la situation
d'interfinancement, et, là, je vous cite: est de nature à
compromettre sérieusement l'ajustement nécessaire que l'industrie
doit effectuer face à à la concurrence internationale. Pour nous
permettre d'apprécier cette situation-là, est-ce que vous pouvez,
peut-être dans un premier temps, nous indiquer quelle est, en moyenne, la
part de l'électricité dans les coûts de production de vos
membres qui sont assujettis aux tarifs petite et moyenne puissance? Et,
peut-être dans un deuxième temps, quel serait l'impact de
l'élimination de l'interfinancement sur leurs coûts de
production?
M. Marcoux: Sur la première partie, Mme la ministre, je
n'ai pas de statistiques moyennes là-dessus, parce que ça varie,
évidemment, selon le type d'activités, soit commerciales, et,
notamment dans l'industriel, ça peut varier beaucoup selon le type
d'industries.
Mme Bacon: Est-ce que vous savez si c'est énorme ou
moyen?
M. Marcoux: Pour certains types d'industries, de petites
industries, c'est important; pour d'autres, évi- demment, c'est beaucoup
moins important. Je n'ai pas de statistiques générales
moyennes...
Mme Bacon: D'accord.
M. Marcoux: ...je ne peux pas vous répondre
là-dessus. mais il reste que c'est quand même un intrant qui a une
importance pour les petites et moyennes entreprises. lorsqu'on parle de petite
et moyenne puissances, évidemment, on n'est pas dans la grande
entreprise. d'ailleurs, ce qu'on se dit, c'est que pour tous les
éléments, et on se fend en quatre pour trouver toutes
sortes de programmes pour aider le développement des petites et moyennes
entreprises on dit que c'est important et c'est vrai, parce que la
création de nouveaux emplois, c'est 80 % à 85 %. bien, on dit: ii
nous semble que ce ne soit pas équitable, d'ailleurs, en partant
même sur le principe de l'équité, de faire supporter
à ces petites et moyennes entreprises une proportion beaucoup plus
considérable que le coût à hydro d'amener
l'électricité pour les fins de production de ces petites
entreprises. ça, ça dure quand même... je comprends que
l'inverse est de dire: on va augmenter le résidentiel, et ça, ce
n'est pas très populaire, mais je pense qu'il faut... d'ailleurs, hydro,
dans son dernier plan de 1990 en parlait, disait: ii faut corriger ça.
il n'y a à peu près rien eu de fait. là, on revient en
disant: bien, oui, là, on va commencer à faire quelque chose
nous, nous croyons qu'il est important que cette correction, sans que ça
disparaisse demain matin, c'est bien clair, mais qu'il y ait une importance
plus grande donnée, en termes de corrections, à moyen terme, dans
ce sens-là. je pense que ça va favoriser les petites et moyennes
entreprises et je pense que c'est aussi une question d'équité
vis-à-vis de ces gens-là en termes de support de coûts
relatifs dans l'ensemble. je pense qu'il faut qu'il y ait un peu plus de
déplacement vers le résidentiel, parce que, là, la
contribution des petites et moyennes est encore à 68 %, en 1992. donc,
ça n'a pas varié beaucoup dans l'ensemble
Le Président (M. Farrah): Merci, M. Marcoux. M. le
député de Joliette.
M. Chevrette: Sous la plume de Catherine Lecon-te, ce matin, il y
a un petit carreau blanc avec quelques lignes noires qui dit ceci: II est
impensable de considérer Hydro-Québec comme un outil pour la
réalisation des politiques du gouvernement. C'est extrait, nous dit-on,
soit d'une entrevue ou de votre texte lui-même. Qu'est-ce qui est
impensable qu'Hydro-Québec soit un complément ou un outil de
développement à partir d'une politique gouvernementale?
M. Marcoux: En fait, l'objectif, ce que nous formulons comme
principe dans notre mémoire, c'est le suivant. C'est qu'Hydro, comme
toute autre entreprise lorsqu'elle fait des investissements, du
développement, contribue au développement économique. Je
pense que l'ampleur des investissements faits par Hydro, de par la
nature de ses activités, le démontre. Par ailleurs, je
pense qu'il ne serait pas souhaitable pour Hydro comme entreprise et pour
l'économie du Québec, qu'Hydro, par exemple, fasse des
investissements s'ils ne sont pas selon les prévisions de besoins et,
sur le plan de la rentabilité, s'ils ne correspondent pas à des
prévisions de besoins réels ou encore si vraiment ce sont des
investissements qui ne sont pas rentables. Un exemple, c'est de dire: Si on va
devancer de deux ou trois ans un investissement, parce qu'on se dit qu'on va
créer à court terme de l'emploi sans être sûr,
raisonnablement sûr pas de prévisions mathématiques,
on le sait, là-dedans, je veux dire, il faut que ce soit flexible
mais que ça correspond vraiment à un besoin réel, que
c'est un investissement qui est rentable, je pense qu'à moyen terme ou
à long terme, ce ne serait pas favorable, d'abord pour Hydro, parce
qu'elle va être obligée d'augmenter ses tarifs. On sait que les
coûts d'investissements majeurs font que ça a un impact sur les
tarifs. C'est Hydro elle-même qui le dit, et c'est normal.
Deuxièmement, à ce moment-là, je pense que c'est
l'ensemble de la compétitivité, notre compétitivité
à laquelle on ne rend pas service.
M. Chevrette: Juste 30 secondes... M. Marcoux: Oui.
M. Chevrette: ...pour vous permettre de peut-être cerner
mieux ma question. C'est que si vous vous permettez d'affirmer une telle chose,
c'est parce que vous avez des exemples du contraire. Est-ce que vous pourriez
m'en donner?
M. Marcoux: On ne cite pas d'exemples précis
là-dessus dans le contexte.
M. Chevrette: Non, mais en avez-vous? (11 h 40)
M. Marcoux: Ce que nous disons, c'est que, pour l'avenir, je
pense qu'il est important que cette orientation, cette préoccupation
gouverne le comportement et les investissements d'Hydro. Je pense que c'est
important. Si, par exemple, le gouvernement dit: Pour des fins de
développement économique je veux réaliser tel projet et
que, peut-être, que pour des fins de développement
économique, le gouvernement dit moi, je suis prêt à assumer
un coût, bien qu'il l'assume directement, mais je me dis: Je pense qu'il
ne doit pas le faire assumer par Hydro en disant, bien, Hydro, c'est un bras du
gouvernement et puis Hydro va le faire. Je pense qu'Hydro doit le faire, Hydro
doit être considérée comme une entreprise, une entreprise
publique c'est financé publiquement mais si on veut
maintenir notre compétitivité à long terme, maintenir
également la comparaison de l'hydroélectricité versus les
autres formes d'énergie, je pense qu'Hydro, il faut que ses projets
soient analysés, c'est-à-dire oui, on en a besoin et c'est
rentable. Je pense que, à court terme, peut-être que ça
peut être intéressant. Je ne nie pas ça. Mais, je pense que
là, on ne se rendrait pas service collectivement à moyen et
à long terme.
M. Chevrette: Mais, M. Marcoux, vous dites que la privatisation,
vous êtes favorable au moins à l'étude. Vous semblez
favoriser cela en plus. En quoi la privatisation d'Hydro-Québec va
améliorer ses chances de respecter la mission première de la
fourniture d'électricité au moindre coût, quand on sait
que, lorsqu'on privatise, vous vous présentez devant des régies
et vous exigez des taux de rendement minimum de 12 % et plus alors qu'une
société d'État peut, elle, dans des conjonctures x, se
contenter de 7 % ou 8 %, précisément parce qu'elle a un statut
d'État? Vous allez m'expliquer en quoi la privatisation peut garantir
que les Québécois vont avoir de l'électricité
à meilleur coût par une privatisation.
M. Marcoux: II y a certains éléments qu'on indique
dans notre mémoire qui ne sont pas... Pour dire, c'est
déterminant, pris un à un. Il ne faut pas charrier non plus de
l'autre bord. Mais je pense qu'il y a un certain nombre
d'éléments. Lorsqu'on parle, par exemple, de l'importance
et c'est relié à notre premier principe qu'Hydro
maintienne une grande autonomie de gestion par rapport au gouvernement. Et
ça, je pense que c'est important. Je ne parle pas des grands
paramètres. Tout actionnaire a le droit de donner des grands
paramètres de développement à une entreprise. Mais dans sa
gestion, je pense que c'est essentiel.
Deuxièmement, vous savez comme moi que dans un contexte
gouvernemental, ce n'est pas facile de faire des mouvements parfois qui sont
peut-être difficiles et puis, les gens sont portés à dire:
Bien écoutez, Hydro c'est le gouvernement et donc on fait appel au
gouvernement. C'est plus compliqué. Je veux dire ce n'est pas... et
l'autre volet, vous savez, vous parlez de rendement. mais hydro paie 150 000
000 $ au gouvernement aussi actuellement pour des frais de garantie d'emprunt.
ce qu'on dit là-dedans... nous avons tous les éléments
pour dire que c'est dans cette direction-là que nous devons aller. par
ailleurs, il semble y avoir suffisamment de questions, et il en a
été question, vous savez, de la question de la privatisation
d'hydro au cours des cinq ou six dernières années. vous
êtes au courant. pour l'examiner. il ne faudrait pas que ce soit une
décision, je pense, même partielle qui se prenne sur le coup du
moment et, comme je vous le mentionnais tantôt, peut-être que
ça n'arriverait pas parce que... mais peut-être que pour les
besoins financiers, dire: bien, on va en privatiser 10 % puis ça va nous
permettre, le gouvernement, d'aller chercher de l'argent. je pense que ce n'est
pas comme ça que ça devrait se faire. donc, question importante.
nous croyons qu'il serait opportun cependant de l'examiner, et sous ses
diverses facettes. et quand vous mentionnez les questions du rendement, oui.
d'un autre côté, sur 150 000 000 $ dont je parlais tantôt
qui ne seraient pas là donc, c'est quoi? quels seraient, dans le fond,
les avantages ou les inconvénients? et peut-être que, comme vous
dites, la
conclusion serait de dire: Bien finalement, c'est mieux que ça
reste comme ça. Mais je pense que ce serait à faire
sérieusement, de bien l'examiner. On parlait de l'impact fiscal. Il y a
une loi fédérale qui existe et qui... Bon, Hydro ne paie pas de
taxes au fédéral. Est-ce qu'elle en paierait si c'était
privatisé partiellement? Parce que c'en est une question.
Donc, tous ces éléments-là, je ne peux pas vous
répondre aujourd'hui et vous dire: Oui, on devrait le faire. Ce que nous
disons, par exemple: On devrait l'examiner, je pense que c'est important.
M. Chevrette: Merci. Je remarque que tous ceux qui passent devant
nous disent qu'il faut revenir à la mission première, il faut
s'organiser pour qu'on ait l'électricité au moindre coût.
Ça, c'est affirmé. C'est très
généralisé. Mais c'est toujours trop cher dans leur propre
secteur. Ça aussi, ça me frappe.
Moi, je voudrais bien comprendre. Prenez, par exemple, l'entreprise, qui
partage passablement le point de vue de votre mémoire, en
général. Elle est très d'accord avec la
cogénération, même à 0,044 $ du kilowattheure,
qu'Hydro-Québec achète à 0,044 $. Mais quand on
étudie un projet, par exemple, à Sept-îles, SM-3, produire
l'électricité là-bas à 0,044 $, ça, c'est un
scandale; il faut que ça baisse à 0,038 $. Pourquoi que c'est bon
quand c'est pour l'entreprise et que ce n'est pas bon quand c'est une
collectivité locale, par exemple, qui voudrait conserver une
rivière patrimoniale dans un milieu? Moi, j'adore la cohérence
des groupes quand le groupe est cohérent. Vous ne pensez pas, vous
autres, comme Chambre de commerce, qui avez à peu près toute
cette sorte de monde là dans vos rangs, je suppose, est-ce que vous
n'avez pas un rôle à jouer sur, par exemple, dégager des
valeurs patrimoniales dans certains cas, faire des choix de
société, dire: Écoutez, on va harnacher ce qui est
déjà harnaché, fixer des priorités d'harnachement,
par exemple, même si on considère que
l'hydroélectricité, c'est l'énergie la moins polluante,
etc.? Mais on doit d'abord harnacher ce qui est déjà
commencé au lieu de commencer à se garrocher dans le décor
et faire des projets ici et là, tous azimuts, créer de la
contestation dans le milieu et... Vous ne trouvez pas que vous auriez un
rôle important à jouer, sur l'ordonnancement de tout ça,
une vision globale à moyen et long termes, parce qu'il faut changer des
mentalités? Vous ne pensez pas que vous avez un rôle à
jouer là-dedans, plutôt que de vous prononcer de façon
ponctuelle sur un thème ou un autre?
M. Marcoux: En fait, écoutez, je ne pense pas qu'on se
prononce de façon ponctuelle; d'ailleurs, on ne se prononce pas sur un
projet ou l'autre. Je pense que ce que nous mentionnons est dans la
perspective... Il est sûr qu'il y a des choix de société
à faire. Si les gens disent: Écoutez, on veut continuer, nous, de
se chauffer à l'électricité et on veut avoir juste
l'électricité parce qu'il n'y a pas de CO2 et il n'y a
pas d'effet de serre on n'avait pas, ce matin non plus, d'effet de
serre, en tout cas à Québec je veux dire... Mais on est
prêts à payer un gros prix. Vous savez, à un moment
donné, les gens... Il y a des choix de société qui vont
devoir se faire, c'est bien clair. Je pense qu'il appartient, dans le fond,
finalement, aux gens... Moi, je pense qu'il est important d'assurer, sur le
plan du développement économique, pas à tout crin, ce
n'est pas ça qu'on dit, mais notre compétitivité...
Sur le plan des barrages ou des mégaprojets, ce qu'on dit, avant
de les faire, pour toutes sortes de raisons, les coûts, les
considérations environnementales, bien, c'est peut-être mieux de
commencer à regarder et voir les petites, les moyennes qui ont
peut-être un impact, qui sont plus flexibles également, qui
permettent peut-être de répondre aux besoins de façon plus
rapide, des besoins en plus ou en moins, que de bâtir
nécessairement de grands barrages. Si c'est nécessaire, oui, mais
je ne suis pas sûr, moi, que... Ce que nous disons, c'est que des
barrages de moyenne puissance ou du suréquipement de barrages
déjà existants, je ne suis pas sûr que c'est
nécessairement plus coûteux, à moyen terme, que de nouveaux
grands barrages. Je ne peux pas vous répondre, je n'ai pas l'expertise,
mais, en tout cas, je pense que la question doit être posée et
c'est dans ce sens-là qu'on pose la question.
Le Président (M. Farrah): Alors, merci, M. Marcoux. M. le
député de l'Acadie.
M. Bordeleau: Merci, M. le Président. M. Marcoux, à
la page 8 de votre mémoire, la Chambre de commerce du Québec
précise que le prix de l'électricité constitue un des
facteurs prépondérants, au fond, ou le plus
prépondérant, de localisation. Elle exprime aussi la crainte que
l'intervention d'Hydro-Québec, à tous les niveaux et dans tous
les domaines du développement, comporte un coût qui risque de
compromettre à terme l'avantage comparatif de
l'hydroélectricité. Est-ce que vous pourriez nous indiquer quels
sont ces niveaux et ces domaines de développement dont
Hydro-Québec devrait se retirer et pourquoi?
M. Marcoux: Enfin, il y a deux choses. Je pense que lorsqu'on
parle du facteur de localisation, le prix de l'électricité comme
facteur de localisation, aujourd'hui, on donne des exemples, parce que, vous
savez, si les papetières, par exemple, et l'aluminium sont allées
s'établir au Saguenay ou dans la Mauricie, c'est parce que la ressource
était tout proche. Aujourd'hui, avec les moyens de transport, vous
savez, on peut... On s'en va n'importe où avec
l'électricité, donc ce n'est plus un facteur de localisation.
Lorsqu'on parlait de l'intervention d'Hydro, c'est qu'au cours des
années, je pense qu'il y a eu des préoccupations un peu
différentes qui se sont intégrées dans le
développement d'Hydro, que ce soit, par exemple, des
préoccupations de répartition des revenus, charger moins cher au
secteur résidentiel. (11 h 50)
II y avait aussi la question de sécurité des
approvisionnements qui a été importante et je me rappelle, au
début des années soixante-dix, lorsqu'est arrivé le
choc pétrolier, évidemment, on a dit: Oups! je pense que c'est
important, il faut vraiment sécuriser nos approvisionnements. Nous
croyons que le contexte a changé et qu'à ce moment-là,
Hydro doit moins tenir compte de ces différents éléments
et être préoccupée davantage par cet objectif de dire que
ce qui est important, c'est de fournir, évidemment,
l'hydroélectricité, qu'on continue de privilégier cette
filière-là, mais pas uniquement... à un coût qui
peut être le moindre possible. Donc, ça peut être Hydro qui
dit: Moi, je veux développer tous mes investissements, tous les projets,
ou encore, si je considère qu'à moyen terme je peux
peut-être en laisser d'autres en faire un peu et on me dit: En associant,
par exemple, le secteur privé.
Ce que nous croyons, c'est que l'aspect externe ou d'autres
préoccupations de développement économique ne doivent pas
être des considérations primordiales, disons, à court
terme, dans la mise en marche de projets d'Hydro.
Le Président (M. Farrah): Merci. C'est tout le temps dont
vous disposiez. M. le député de Joliette.
M. Chevrette: Sur la cogénération. Vous semblez
d'accord avec la cogénération. Je voudrais savoir de votre part
si on vous a mis au courant ou si vous êtes au courant de l'état
actuel des projets. Est-ce que vous avez pu avoir un portrait assez
précis d'où on en était rendus dans les
négociations des projets de cogénération? On nous a
annoncé hier qu'il y en avait une de conclue, mais étant
donné que ces gens-là font sans doute partie de votre mouvement,
parce qu'il y a seulement un groupe, ce qui m'a frappé, j'en parlais
tantôt, il y a seulement un groupe qui négocie un projet de
cogénération qui viendra sur les 86 ou 87 mémoires que
nous entendrons et c'est Cascades, mardi prochain. C'est le dernier
mémoire que nous entendrons d'ailleurs.
C'est assez surprenant que la majorité des groupes parlent de
cogénération et que les gens impliqués ne viennent pas.
Est-ce que vous êtes un peu au courant de l'état actuel du
dossier, vous autres?
M. Marcoux: Je demanderai peut-être à M. Pou-liot
d'ajouter là-dessus. Nous n'avons pas été impliqués
directement avec plusieurs entreprises qui ont présenté des
projets ou qui ont négocié avec Hydro. Évidemment, il y a
l'Association des industries forestières qui l'a été et
nous les avons rencontrés. Donc, je ne peux pas répondre. Je
connais la liste des projets, ou l'ensemble, il y en a beaucoup qui ont
été soumis, avec le nombre de mégawatts que ça
donnerait.
M. Chevrette: II y en a pour 7000, 8000 MW qui ont
été soumis.
M. Marcoux: C'est ça. Mais on n'a pas analysé de
façon approfondie l'ensemble de ces projets-là. Je ne sais pas si
Richard, tu as des...
M. Pouliot (Richard): Malheureusement, M. le Président, je
ne peux pas ajouter grand-chose. En dehors de ce qu'on peut lire, les uns et
les autres, dans les journaux, je n'ai pas de données
particulières. Je sais par ailleurs qu'il y a énormément
de projets qui sont à l'étude, notamment dans l'industrie des
pâtes et papiers, mais entre ça et la réalisation, il y a
tout un monde.
M. Chevrette: C'est parce que ça a semblé
être la solution magique au problème, par exemple, des pâtes
et papiers. C'est pour ça que je me demandais si vous aviez au moins...
Est-ce que, pour vous, c'est une piste pour pallier aux difficultés d'un
secteur industriel ou si ça correspond à un besoin dans le cadre
d'une politique globale de développement énergétique?
M. Marcoux: Ce n'est pas une solution pour pallier à un
problème. Je ne pense pas que ce soit comme ça qu'on doit
l'envisager. Je pense que pour les industries de pâtes et papiers qui,
dans le fond, ont les projets les plus importants, qui produisent à la
fois de la vapeur et de l'électricité, donc qui utilisent
également la vapeur, pour elles, c'est un élément qui est
important. Je pense que, sur le plan des coûts de production de leurs
usines, c'est important. D'un autre côté, si elles peuvent le
faire à un coût d'affaires sur le plan de
l'électricité, je pense que c'est aussi une source qui permet
d'avoir un peu plus de flexibilité en termes d'offre et de demande sur
le plan de l'électricité pour Hydro-Québec. Je pense que
ça sert les deux fins.
Mais c'est certainement... Compte tenu surtout de notre climat, la
vapeur, c'est important. Pour plusieurs ils considèrent que, dans le
cadre de l'opération de leurs usines, c'est un élément qui
contribue à améliorer leur rentabilité totale. Je ne dis
pas que c'est la solution à tout, ça. Ce n'est pas ça qui
va empêcher certaines usines de fermer. Là-dessus, je pense qu'on
peut voir également ce qui se passe, ce qui se fait aux
États-Unis. Ce n'est pas parce que ça se fait là-bas qu'il
faut l'importer nécessairement ici, mais là-bas, pour elles, les
entreprises, c'est un élément qui contribue à aider leur
rentabilité sur le plan des opérations de leurs usines.
Le Président (M. Farrah): Merci, monsieur. M. le
député de Drummond.
M. St-Roch: Merci, M. le Président. Vous n'étiez
pas présent hier matin, mais j'avais déclaré, M. le
Président, si vous vous souvenez, que, personnellement, j'entrais dans
une zone de turbulence devant les mémoires et de la façon dont
nos travaux ont été organisés et les mémoires qui
nous étaient présentés. Vous avez entendu mes remarques
je crois que vous étiez présent concernant la
privatisation. Moi, je dois vous avouer que, dans un monde où on parle
de plus en plus de planification intégrée, d'externalités
à considérer lorsqu'on prend des décisions, j'ai de plus
en plus de difficultés à réconcilier, d'une façon
globale, le citoyen, le consommateur d'électricité, l'actionnaire
d'Hydro-Québec et aussi le payeur de taxes. Je vais vous dire ce
que j'ai dit à un autre groupe d'associations, hier, et,
après ça, je vous poserai une question. On s'en vient dans une
zone de turbulence qui va impliquer que le milieu des affaires, le milieu
industriel et le milieu de la finance aussi commencent à penser
planification et langage intégrés. lorsque je regarde vos
mémoires et que vous me parlez d'interfînancement, de
réduire la petite et la moyenne entreprise, ça veut dire,
lorsqu'on regarde les chiffres d'hydro-québec, que c'est un
accroissement de 12 %, grosso modo, de la facture du citoyen. dans un
même temps, vous allez nous dire dans les autres conditions et je
ne veux pas rentrer dans le fond, il y aura d'autres tribunes pour le faire
vous demandez, par contre, à l'état
québécois: bien, assumez davantage la responsabilité au
niveau de l'éducation, au niveau de la formation professionnelle. je
regarde hydro-québec. vous nous dites: bien, il faut qu'elle revienne
à sa mission et vous n'êtes pas les seuls d'ailleurs
au plus bas coût possible. par contre, lorsque je regarde du
côté privé au niveau de la recherche et du
développement, je crois qu'on a beaucoup de choses à faire ici,
au québec. par contre, hydro-québec est le seul organisme que
nous avons où on consacre, et qui veut consacrer 2 % jusqu'à
l'horizon 2000 au niveau de la recherche et du développement, ce que je
ne retrouve pas dans l'entreprise privée. alors, je pense qu'on a un
défi de société ensemble à réconcilier
ça. ce qu'on demande à hydro-québec, d'un
côté, bien on le demande aussi aux citoyens; la seule partie
d'action qu'il a, c'est un peu au niveau de son chauffage, d'avoir un retour
sur son investissement en tant qu'actionnaire. on se dépêche, d'un
autre côté, d'aller le chercher au niveau des taxes aussi. ma
question est celle-ci. ça va toucher un peu la recherche et le
développement, les 2 % qui s'en vont. c'est quelque chose qui commence
à me fatiguer aussi et je vais en profiter avec vous autres, vous
êtes des gens d'affaires. à l'heure actuelle, il y a une politique
qu'on demande à hydro-québec, comme à toute la machine
gouvernementale, soit de prendre le plus bas soumissionnaire conforme. moi, il
m'apparaît de plus en plus, dans un monde de mondialisation et de
compétition, c'est de niveler par la base; on peut avoir quelque chose
qui est bien conforme, mais lorsque je regarde, que je projette dans le temps,
je pourrais peut-être payer 2 %, 3 % plus cher et avoir quelque chose qui
s'adapterait mieux au monde moderne, qui aurait une meilleure performance, une
meilleure qualité. on n'est pas capables de s'en sortir parce que c'est
le plus bas conforme. alors, ne croyez-vous pas, et en réalisant
pleinement qu'il y a eu des problèmes dans le passé aussi...
lorsque j'étais dans le privé, moi, je demandais des cotations
à tout le monde, mais je n'acceptais pas nécessairement le plus
bas conforme. je m'établissais des critères de performance,
d'adaptabilité aussi aux nouvelles technologies, la durée, la
performance et tous ces critères-là. ce que je veux dire pour
hydro-québec s'applique aussi du côté gouvernemental, parce
que c'est la même problématique, qu'on reconnaisse à
l'intérieur des soumissions qu'on va demander, non pas simplement la
plus basse conforme, mais tout inclure ces critères-là, incluant
le montant de recherche et de développement que le partenaire qui fait
une soumission va avoir intégré, parce que c'est là qu'est
l'autre problématique. Être le plus bas conforme, souvent,
ça veut dire que je ne peux pas consacrer x pourcentage de mes budgets
parce que je ne suis pas capable d'aller le recouvrer au niveau de mes
cotations si je fais affaire avec le gouvernement et les grandes
sociétés d'État. Alors, est-ce que vous seriez favorable
à une nouvelle politique qui serait claire, nette, précise,
établie avec une grille d'évaluation pour tenir compte de ces
barèmes qui feraient en sorte qu'on pourrait encourager davantage la
recherche et le développement qui, quant à moi, va avec la
création d'emplois dans l'avenir?
Le Président (M. Farrah): Brièvement, s'il vous
plaît, en sachant que la question était très longue. (12
heures)
M. Marcoux: Écoutez, ce serait peut-être
souhaitable. .. Je pense cependant que dans le secteur public, il y a un
principe fondamental qui est celui d'accorder l'égalité des
chances à ceux qui veulent faire affaire avec l'État. Je pense
que, lorsqu'on parle du plus bas soumissionnaire, on dit: On veut
éliminer l'arbitraire, on veut éliminer la discrimination et on
veut donner des chances égales à tous les soumissionnaires et
à tous ceux qui veulent faire affaire avec l'État. Donc, je me
dis, il faut quand même avoir certains critères qui sont
facilement identifiables. Plus notre grille est large et plus il y a des
facteurs qui sont peut-être un peu mouvants, plus c'est difficile aussi
de pouvoir juger sur ce plan-là et d'assurer dans le fond que, vraiment,
l'analyse est faite en toute impartialité et le plus objectivement
possible, et je pense que dans le cas du secteur public, c'est un principe
fondamental. Il y a peut-être des moyens. Écoutez, là, mais
moi, en tout cas, je serais très prudent là-dessus. Je pense
qu'il faut respecter ce principe de base qui existe actuellement. Je comprends
que ça a peut-être des effets disfonctionnels des fois, mais je
pense que, quand même, sur le plan de la politique publique, c'est
majeur.
Le Président (M. Farrah): Merci beaucoup. Notre enveloppe
de temps est terminée. Alors, MM. Marcoux et Descôteaux et
Pouliot, au nom des membres de la commission, je vous remercie infiniment pour
votre contribution à nos travaux. Merci. Je suspends les travaux pour
quelques minutes.
(Suspension de la séance à 12 h 1)
(Reprise à 12 h 6)
Le Président (M. Farrah): À l'ordre, s'il vous
plaît! Votre attention, s'il vous plaît.
Nous en sommes au dernier représentant pour ce matin, qui est Le
Comité de citoyens de Radisson,
représenté par M. Victo Murray. C'est ça?
M. Murray (Victo): C'est ça, monsieur.
Le Président (M. Farrah): Alors, on vous souhaite la plus
cordiale des bienvenues, en vous indiquant que vous avez 20 minutes pour votre
présentation et, par la suite, une période d'échanges, de
façon égale, équitable avec les membres de la commission
vous sera possible par après. Alors, dans un premier temps, je vous
demande de commencer votre mémoire pour une période de 20 minutes
et les discussions pourront s'ensuivre par après. Merci.
Le Comité de citoyens de Radisson
M. Murray: D'accord. Merci. Donc, je me présente: Victo
Murray. Je représente Le Comité de citoyens de Radisson. Comme
vous le savez, Radisson est une petite municipalité qui est née
avec le développement hydroélectrique de la Baie James.
Donc, le titre de mon projet: «Le développement
hydroélectrique: un projet collectif». Depuis le
référendum, relancer l'économie fait l'objet d'un large
consensus, mais ce qui l'est moins c'est la façon d'y parvenir. Et
pourtant, comme affirmait récemment Jacques Du-fresne, notre
économie étant à la merci de notre économie...
c'est-à-dire notre démocratie, excusez-moi, étant à
la merci de... cette relance devrait devenir une extrême urgence. Ce
n'est pas l'ouverture des commerces le dimanche ni les nouveaux casinos qui
vont assurer cette relance. Il y a toujours les grands travaux de
dépollution des cours d'eau québécois, mais à quel
coût? Avec un État surendetté, une telle stratégie
de développement ne pourrait que nous précipiter vers une
faillite collective.
Qu'est-ce qui permettrait, dans un vaste projet démocratique, de
relancer notre économie tout en brisant, comme Charles Taylor l'a
écrit dans «Grandeur et misère de la
modernité», la fragmentation des communautés, cette
inaptitude de plus en plus grande des gens à former un projet commun et
à le mettre à exécution?
Un problème aussi complexe exclut toute solution simpliste, mais
nous croyons, pour notre part, que toute solution viable doit s'orienter vers
une politique de développement durable, elle-même axée sur
les richesses renouvelables.
Presque toute l'énergie disponible a pour origine soit le soleil,
non renouvelable pour les combustibles fossiles, mais renouvelable pour la
biomasse et l'éolien-ne, l'hydraulique et la géothermie et le
solaire, soit les processus d'évolution cosmique qui ont donné
des éléments radioactifs, énergie nucléaire, soit
enfin, mais en faible partie, de l'influence lunaire, l'énergie des
marées. de ce rayonnement solaire, environ 200 000 000 000 de mw, et le
problème rencontré est de soutirer le maximum d'énergie
utilisable. l'énergie hydraulique et la biomasse fournissent environ 18
% des besoins énergétiques primaires mondiaux et l'énergie
nucléaire, environ 2 %. et le reste de l'approvisionnement
énergétique vient des combustibles fossiles, charbon,
pétrole, gaz, provoquant le rejet dans l'atmosphère d'une grande
quantité de gaz, essentiellement du gaz carbonique, co2, du
méthane et de l'oxyde nitreux. ce sont ces rejets qui, en faussant la
régulation thermique de notre planète, constituent la plus grande
menace de notre temps.
Or, pour contrer cette menace, le développement
énergétique futur ne doit plus être uniquement
déterminé par des facteurs purement techniques ou essentiellement
économiques, en termes de rentabilité à court terme, mais
par un changement radical des mentalités.
À mesure que nous approfondissons nos connaissances des relations
entre l'homme et sa planète, nous comprenons que, plutôt que de
considérer l'énergie comme un produit extrait de la terre, il
nous faut de plus en plus penser et agir en termes d'énergie pour notre
terre. Ainsi, l'homme doit réaffirmer son rôle d'intendant,
gérer avec parcimonie au lieu, comme il le fait trop souvent, de se
livrer à l'exploitation de sa planète. Et l'instauration de
règles de concurrence équitables entre énergies par une
politique de développement soutenable comme, par exemple, taxer les
énergies non renouvelables afin de dédommager les
générations futures devient ainsi une nécessité
planétaire. (12 h 10)
Au Québec, une politique énergétique qui respecte
les grands principes écologiques doit nécessairement passer par
la relance des grands projets hydroélectriques. Ceux-ci furent, dans les
années soixante, le fer de lance de l'économie
québécoise. Le Québec est alors devenu un État
industrialisé pouvant compter sur une nouvelle génération
d'entrepreneurs bien formés, conscients des défis nouveaux de la
mondialisation des marchés. Or, malgré toute la
désinformation qui circule, les grands projets hydroélectriques
sont toujours rentables pour notre société. Une étude
récente, faite par un groupe de professeurs du département
d'économie de l'Université Laval le démontre fort bien.
D'après ces experts, le coût d'abandon du projet Grande-Baleine
fera perdre à notre société plus de 500 000 000 $.
L'hydroélectricité est la plus grande richesse naturelle
que nous possédons et notre seul grand avantage concurrentiel. C'est
l'équivalent du pétrole au Texas et dans l'Ouest canadien, mais
avec une différence essentielle: cette richesse est renouvelable et ses
impacts sur l'environnement sont minimes et contrôlables. De plus, notre
filière énergétique utilise des conducteurs
électriques à haute tension simples et sécuritaires comme
transport d'énergie, ce qui n'est pas le cas des hydrocarbures.
Souvenons-nous de la récente catastrophe écologique survenue au
début de l'année, le naufrage du pétrolier géant
aux îles Shetland, en Ecosse. L'hydroélectricité est notre
poule aux oeufs d'or, dira René Lévesque dans «Attendez que
je me rappelle».
Les Québécois sont moins énergivores que les grands
consommateurs d'énergie dans le monde, écrit Louis-Gilles
Francoeur. En 1991, nous avons consommé 4,53 tonnes, équivalent
de pétrole, la même consomma-
tion que celle des années 1972 et 1973. c'est ainsi que nous
avons fait chuter la consommation des hydrocarbures de 74 % qu'elle
était en 1972 à 43 % en 1991, baisse énorme attribuable
à la substitution de l'hydroélectricité aux combustibles
fossiles.
Le Québec est la province canadienne qui émet le moins de
CO2. 9,8 tonnes par habitant par rapport à 50 tonnes pour
chaque Albertain et 14,5 tonnes pour chaque Ontarien. Mais c'est encore
grâce à l'hydroélectricité que nous battons les
records en termes de rendement énergétique. 91 % de l'utilisation
de l'énergie produite, comparativement à moins de 50 % ailleurs
dans le monde occidental. Ceci s'explique, ajoute Louis-Gilles Francoeur, du
fait que nous recourons principalement à
l'hydroélectricité alors que les autres pays produisent une forte
proportion de leur électricité avec du pétrole. Il se perd
ainsi une quantité phénoménale d'énergie aux
différentes étapes de la transformation et de la
distribution.
Les grands projets hydroélectriques québécois. On
produit en énergie jusqu'à ce jour l'équivalent de 3 000
000 000 de tonnes, équivalent de pétrole. Cette énergie a
un avantage. Elle n'a consommé aucun combustible fossile, aucune
pénurie ne la guette. Les grandes villes canadiennes et
américaines devront, dans la prochaine décennie, modifier
complètement leur parc automobile afin d'enrayer la pollution
atmosphérique, celle-ci venant en grande partie de la combustion du
pétrole. La propulsion par moteur électrique deviendra donc une
nécessité. En se tournant vers les véhicules
électriques, le Québec économiserait
énormément en matière d'énergie, écrit un
ingénieur permanent à la CSN. Plus de 95 % de la consommation
énergétique des secteurs de transport provient du pétrole.
Au Québec, 100 % de ce pétrole est importé. Notre richesse
hydroélectrique nous donne la possibilité de développer
une industrie propre dans le secteur du transport autant public que personnel,
contribuant du même coup à la création d'emplois.
De plus, avec l'arrivée d'un nouveau carburant,
l'hydrogène, non polluant et renouvelable, les hydrocarbures peuvent
être remplacés dans le domaine du transport aérien et
terrestre et la production d'hydrogène exigera beaucoup
d'électricité. L'énergie électrique, cette
énergie de qualité tant recherchée, sera en très
forte demande. Mais comment expliquer, devant un bilan environnemental aussi
positif, l'opposition de certains milieux dits écologistes aux grands
projets hydroélectriques? Examinons brièvement leurs
arguments.
L'opposition aux divers projets hydroélectriques s'appuie sur les
impacts sur la culture autochtone d'une part, et les impacts écologiques
d'autre part. Voyons les faits. La culture autochtone, proclame-t-on de toutes
parts, sera bouleversée par la réalisation des projets
situés à proximité. Non seulement les activités
traditionnelles dont le trappage, la chasse et la pêche, seront-elles
fortement réduites, mais la proximité des travailleurs venus du
Sud contribuera fortement à briser les vieilles traditions assurant la
cohésion des communautés autochtones. Ces arguments sont
irrecevables. La transformation rapide des sociétés autochtones
n'est aucunement reliée à la réalisation des grands
projets situés à proximité. Elle dépend de la
sédentarisation des familles, consécutive à la
scolarisation généralisée des enfants et de la mise en
place de services hospitaliers et municipaux modernes ainsi que de
l'implantation des télécommunications, dont l'omniprésente
télévision, et des liaisons aériennes
régulières. C'est par ces dernières que l'alcool et les
drogues, par exemple, parviennent dans les communautés avec les effets
dévastateurs que l'on connaît. Ce que nous avançons ici
peut être vérifié par quiconque a la moindre
expérience des régions nordiques et veut bien ouvrir les yeux.
Permettez que je cite un seul exemple, facile à vérifier. Les
communautés non touchées par le projet La Grande, comme
Waskaganish, Poste-de-la-Baleine ou Kuujjuaq, ont subi les mêmes
transformations culturelles que Chisasibi, municipalité reliée au
réseau routier et située près de la future centrale de La
Grande 1.
Sur notre planète, aucune communauté, si
éloignée soit-elle, n'est à l'abri du rouleau compresseur
de la société industrielle et de l'économie du
marché. Les communautés autochtones non touchées par les
grands projets se sont déjà transformées et se
transformeront encore, qu'il y ait projet ou pas. Ajoutons que si
l'activité traditionnelle par excellence des autochtones, le trappage,
est aujourd'hui en difficulté, cela n'a rien à voir avec la
construction de barrages hydroélectriques. Au contraire, la mise en
place de réseaux routiers a permis aux trappeurs d'exploiter de vastes
régions autrefois difficilement accessibles et peu utilisées.
L'impact sur cette activité provient de la baisse drastique du prix des
fourrures au plan international, consécutive aux campagnes de groupes
écolos, dont Greenpeace, devenus les amis des autochtones, contre
l'industrie de la fourrure.
Voyons maintenant les impacts écologiques des projets
hydroélectriques. Au début des années 1970, une
série de rapports d'experts évaluaient la situation
écologique de notre planète. Le rapport du Club de Rome et celui
à la première conférence mondiale de l'environnement, les
publications de différents écologistes de réputation
internationale comme René Dubos de l'Université Rockfeller de New
York, les conférences de l'agronome René Dumont, des commentaires
d'intellectuels comme Ivan Illich etc., ils étaient tous unanimes pour
affirmer que nous devions immédiatement arrêter toute croissance
basée sur l'utilisation des énergies non renouvelables au profit
des sources renouvelables. Malheureusement, les pays furent sourds à ce
message et développèrent abondamment le thermique et se
lancèrent dans une course folle vers le nucléaire. On note
cependant quelques rares exceptions, comme le Québec qui, au
début des années soixante, suite à une élection
reliée à l'électricité, s'était doté
d'une politique avant-gardiste en mettant sur pied une institution capable de
développer son potentiel hydroélectrique. De nombreux auteurs ont
écrit sur le sujet, et je cite René Dumont: «Toutes les
formes d'énergies renouvelables, qui ne polluent pas, seraient
plus faciles à rentabiliser si le prix du pétrole
était évalué à un taux qui tienne compte des
dégâts de l'environnement. La plus importante des énergies
renouvelables reste, au Québec, l'énergie hydraulique. Les
ressources sont énormes et la partie non exploitée reste plus
importante que celle déjà utilisée. On évoque les
dangers pour les Indiens et la faune, sinon pour les forêts, de vastes
surfaces qui seraient noyées par les futurs barrages, mais si je les
compare aux multiples dégâts de l'effet de serre, pour l'ensemble
de la planète au moins un million de morts de plus par ans dans
le Tiers mondej'ai l'impression que cela vaut la peine de
privilégier encore l'hydroélectricité.»
La pertinence des propos de René Dumont peut être
appréciée par une comparaison simple et objective entre une
centrale hydroélectrique au fil de l'eau comme celle de La Grande 1 et
une mine de charbon dévastatrice et funeste comme celle de Westray en
Nouvelle-Ecosse. Ceci nous permet de situer facilement les priorités
environnementales en production d'énergie. On se souviendra de la
tragédie dans cette mine qui aura fait 26 victimes en mai 1992. Une
argumentation simpliste venant des groupes d'opposants est que nous pouvons
nous passer de l'électricité produite par les mégaprojets
hydroélectriques. Soyons au contraire assurés que si nous
renonçons à l'hydroélectricité, nous devrons nous
tourner de toute nécessité vers le nucléaire, le gaz ou le
charbon, avec des conséquences environnementales et écologiques
extrêmement déplorables. Et la croissance zéro
préconisée par certains groupes activistes que s'imposerait
unilatéralement le Québec n'est qu'une utopie. Une telle
politique dans un contexte de concurrence internationale féroce serait
tout simplement suicidaire et conduirait à des troubles sociaux sans
prédécent. La récession actuelle nous apparaîtrait
alors comme une période de grande prospérité. (12 h
20)
Les opposants à l'hydroélectricité exigent des
preuves indubitables sur les conséquences environnementales de ces
projets. Or, ces mêmes personnes adoptent par contre un étonnant
laxisme pour les projets alternatifs. Il suffit de penser au silence
gênant entourant le projet Hibernia et certaines mines de charbon dans
les milieux écolos opposés à
l'hydroélectricité. Cette attitude de double standard suffirait
à elle seule à démasquer leur véritable
intention.
L'intention des grands écologistes n'est pas de s'opposer aux
investissements énergétiques, mais de nous faire prendre
conscience des ressources limitées de la planète Terre.
Désormais, tel est l'essentiel de leur message: aucune
société ne peut progresser, ni même durer, sans le
développement axé sur ses ressources renouvelables. «Le
pétrole sera épuisé d'ici quelques
décennies», écrivait, ces jours-ci, un auteur se
préoccupant des questions d'environnement. La fission nucléaire
est rejetée par les opinions publiques des pays de l'OCDE et le
rendez-vous avec la fusion nucléaire n'est pas pour après-demain.
L'hydroélectricité demeurera, pour l'avenir scientifique
prévisible, la ressource énergétique propre et
inépuisable par excellence.
En dépit de tous les sophismes disant le contraire, chaque
kilowatt produit par l'hydroélectricité, qu'il soit
consommé chez nous ou chez nos voisins, contribue à diminuer la
consommation globale d'énergies fossiles, réduisant ainsi
l'impact global de la consommation d'énergie sur l'environnement.
Un plan d'action, dans un grand consensus, visant à remplacer au
maximum les ressources non renouvelables par des ressources renouvelables et
dont le fer de lance serait, au Québec,
l'hydroélectricité, peut-il tenir lieu de projet collectif? La
réponse ne peut être que positive.
Les écologistes conséquents ce qui exclut les
contestataires professionnels qui ont falsifié, détourné
et récupéré cette cause, donc les écologistes
conséquents nous avertissent depuis fort longtemps que la plus
grande menace qui pèse sur notre planète provient de la
dilapidation irresponsable des ressources. «Ces richesses
naturelles», écrit René Dumont, en 1972, dans
«L'Utopie ou la mort», «devraient être désormais
considérées comme le patrimoine commun de l'humanité,
dignes d'être épargnées, préservées comme la
prunelle de nos yeux.»
Le développement optimum de l'hydroélectricité est
la réponse québécoise à ce cri d'alarme des
écologistes et ne peut qu'être appuyé par une forte
majorité des Québécois.
Les retombées économiques d'un tel développement
renforceront encore ce consensus. C'est un remède valable, bien que
partiel, à cette récession qui ne finit plus, qui contamine tout
sur son passage, comme écrivait Lise Bissonnette dans son dernier
editorial de l'année 1992.
Un remède à court terme durant la construction, mais aussi
un remède à long terme, surtout si l'on considère le
développement durable, par les faibles coûts
d'électricité et les avantages qui en découlent sur le
plan de la compétition internationale.
Serait-ce un de ces remèdes souhaités par Charles Taylor
pour ressouder nos sociétés fragmentées afin de former un
projet commun et à le mettre à exécution?
Tous les sondages nous montrent déjà que la grande
majorité des Québécois appuieraient un plan de relance
centré sur le développement hydroélectrique. Suivant cet
exemple, la classe politique devrait s'unir, gouvernement et Opposition, pour
la réussite de ce projet commun. Merci.
Le Président (M. Farrah): Alors, terminé, M.
Murray?
M. Murray: Oui.
Le Président (M. Farrah): Merci beaucoup.
M. Murray: Et vous aviez une série de notes...
Le Président (M. Farrah): Oui.
M. Murray: ...qui avaient été placées
comme...
Le Président (M. Farrah): Avec le mémoire. Alors,
merci beaucoup pour votre intervention. Sur ce, je cède la parole
à Mme la ministre de l'Énergie et des Ressources.
Mme Bacon: Merci, M. Murray. Nous vous remercions de vous
être présenté devant la commission pour nous faire part de
votre mémoire qui s'ajoute, évidemment, à toute cette
réflexion que nous avons entreprise depuis quelque temps. Il y a
certains intervenants en cette commission, tout en étant
évidemment favorables au développement hydroélectrique,
qui proposaient que certaines limites soient imposées à ce
développement-là dans le but, entre autres, de préserver
certaines portions du patrimoine naturel. Quelle serait votre position à
cet effet-là?
M. Murray: Bien, voyez-vous, madame, je pense qu'il faut... Pour
moi, il faut voir ça comme étant des priorités. Si, par
exemple, on fait un choix entre produire ou avoir de l'énergie à
partir des énergies fossiles, possiblement que les impacts vont
être à plus long terme, c'est-à-dire qu'on va,
premièrement, dépenser des énergies qui ne sont pas
renouvelables. Donc, on tenterait d'hypothéquer des énergies pour
les générations futures. Donc, pour moi, tout
développement hydroélectrique et, naturellement, dans la mesure
du possible... Et c'est ça qui s'est fait actuellement au Québec,
on n'a pas fait un développement hydroélectrique sauvage. Tout ce
qui s'est fait actuellement à la Baie James et qui va se faire plus
tard, j'espère, va être fait d'une façon tout à fait
intelligente, comme René Dubois précisait. Il précisait
que l'homme doit intervenir dans la nature, mais ça ne veut pas dire
qu'à toutes les fois qu'il intervient, il brise tout. Et, moi, c'est un
peu dans ce sens-là que je le précise, qu'il y a peut-être
des impacts, c'est vrai qu'il y a des impacts au niveau, par exemple, du
mercure, ça, tout le monde en est conscient. Par contre, comparez
ça aux impacts négatifs ou les graves impacts que les
combustibles fossiles donnent ou bien l'énergie nucléaire qui,
là, justement, on ne peut presque plus en parler, c'est énorme,
les impacts négatifs qu'il peut y avoir.
Donc, l'hydroélectricité devrait être
privilégiée partout, naturellement, aux endroits où on
peut le faire. Comme le Québec possède, naturellement, des
dénivellations et des rivières qui peuvent permettre ça,
je pense qu'on doit le faire.
Mme Bacon: II y a des groupes qui sont venus devant nous, M.
Murray, qui nous ont demandé presque de considérer
privilégier certaines rivières qu'on pourrait appeler des
rivières patrimoniales, les réserver, soit pour le tourisme ou
loisir, sports, et d'utiliser d'autres rivières pour harnacher. Est-ce
que vous pensez qu'on devrait faire une sélection de rivières, ni
plus ni moins, et que les autres puissent servir au développement, mais
qu'il y en ait une partie que nous gardions comme des rivières
patrimoniales?
M. Murray: Oui, possiblement qu'il doit y avoir peut-être
des rivières qu'on devrait préserver, peut-être
l'Ashuapmushuan, je pense, peut-être la Jacques-Cartier, dont on parlait
à Québec, c'est dans la région justement, qui avait
été préservée. Cependant, moi, en étant sur
le territoire de la Baie James depuis 1990, j'ai pu constater que les grands
réservoirs hydroélectriques ou les grandes masses d'eau qu'on a
produites à partir de barrages, ça va avoir un avantage
sûrement à long terme, dans le sens que ça va être
des bassins d'eau douce, qui sont propres, également, qu'on va pouvoir
utiliser plus tard. C'est un peu là-dessus, je pense, qu'il y a des
choix à faire, comme vous dites, effectivement.
Mme Bacon: À la page 9 de votre mémoire, vous
mentionnez qu'aucun projet social n'est désormais concevable, ni
réalisable sans l'utilisation massive de sources d'énergie
renouvelable disponibles et sans l'insertion d'une rente
énergétique sur toutes les richesses non renouvelables. Est-ce
que vous pouvez nous expliquer davantage ce que vous entendez par cette rente
énergétique?
M. Murray: C'est que, de plus en plus, étant donné
qu'à toutes les fois que, moi, j'utilise un litre d'essence, et bien,
c'est un litre d'essence que j'enlève aux générations
futures, elles ne l'auront plus. Voyez-vous, la nature a mis environ 500 000
000 d'années à faire les réserves d'hydrocarbures. Donc,
toutes les fois que j'utilise ça, moi, je ne peux plus le fournir aux
générations futures. Donc, on devrait avoir un genre de taxe,
à mon idée, et ça, c'est Dumont qui est le premier
à avoir demandé ça, que les pays industrialisés
fassent un genre de rente pour les générations futures parce
qu'il va y en avoir moins d'énergie.
Si on prend, par exemple, je sais qu'ici, il y a des individus qui
prônaient le gaz naturel. C'est vrai qu'actuellement le gaz naturel est
une source d'énergie presque, énormément concurrente par
rapport à l'hydroélectricité. Mais, par contre, les
réserves de gaz naturel sont pour... quoi? Elles sont 20 ans ou 30 ans.
Est-ce qu'on doit penser pour 30 ans? Je ne pense pas. Il faut penser pour les
générations futures, au moins pour un siècle. Et, c'est
ça l'avantage d'un développement hydroélectrique. C'est
que, si, par exemple, dans 50 ans, on constate que des grands réservoirs
comme Manie 5 ne sont plus tellement intéressants, et bien, c'est
facile, c'est réversible, on ouvre les évacuateurs, on laisse
s'écouler l'eau et on revient au stade initial et il n'y a aucun impact
et c'est ce sens-là.
Mme Bacon: Vous jugez que les arguments des opposants de certains
groupes aux projets hydroélectriques, en ce qui a trait aux impacts sur
les communautés autochtones sont irrecevables. Comment expliquez-vous
l'opposition persistante de certaines personnes ou certains groupes, là,
à des projets qui sont en cours, et de la part, souvent, des
communautés elles-mêmes?
M. Murray: J'ai, là-dessus c'est une opinion qui,
peut-être, est contestable à la consultation publique de
Grande-Baleine, au printemps passé, j'avais fait mention que les
autochtones utilisaient, si vous voulez, la protection de l'environnement et la
protection de leurs traditions, mais qu'ils cachaient réellement, en
arrière de ça, de véritables intentions, et c'était
beaucoup plus que, je pense... je pense encore actuellement, encore plus, c'est
encore plus ça, le cas, c'est le contrôle des... c'est le
contrôle du territoire, en d'autres mots, qu'ils veulent avoir... (12 h
30)
Mme Bacon: Comment...
M. Murray: ...et, tout simplement, ce contrôle de
territoires, là, qui leur permettrait possiblement d'exploiter de vastes
régions et de faire de grands barrages hydroélectriques.
Mme Bacon: Comment expliquez-vous les attaques
répétées de la part de certains groupes écologistes
américains contre les projets hydroélectriques du nord
québécois, alors qu'on s'entend généralement pour
affirmer que l'hydroélectricité est préférable
à la production, là, d'origine thermique, sur le plan de
l'environnement global?
M. Murray: C'est que, voyez-vous, depuis les années 1960,
au moment où les premiers écologistes sont apparus, surtout en
Europe et aux États-Unis je prends, aux États-Unis,
René Dubos, qui était un Français, mais qui demeurait en
permanence aux États-Unis; en France, c'a été René
Dumont, il y a le contestataire Ivan Illich eux, ils ont fait un lien
entre énergie et pollution, parce que, naturellement, l'énergie
venait, aux États-Unis comme en Europe, elle venait de centrales
thermiques ou de centrales nucléaires, et je pense, moi, les
écolos et là, c'est là qu'il faut faire la
distinction entre les écologistes conséquents, ceux qui ont
été en mesure de faire la démarcation avec
l'hydroélectricité et ceux, eux, qui ont toujours associé
énergie et pollution. Donc, on parle d'hydroélectricité,
pour eux, c'est énergie, donc c'est pollution, et c'est devenu presqu'un
automatisme. Naturellement, et c'est facile pour eux de vérifier, avec
le nombre de documents ou de livres qui traitent de ce sujet, mais je pense
qu'ils ne veulent pas en prendre peine, ils veulent...
Mme Bacon: Vous prônez le recours massif à
l'hydroélectricité en raison, entre autres, de son
caractère renouvelable, et il y a plusieurs intervenants à cette
commission qui ont critiqué le plan de développement, parce que,
justement, il n'accorde pas assez de place, par exemple, à
l'énergie éolienne. Est-ce que vous pouvez développer
votre point de vue sur la place que pourrait ou devrait occuper la
filière éolienne, là, dans tout le parc de production
d'Hydro-Québec?
M. Murray: Je connais assez bien Péolienne, dans ce sens
que j'étais professeur au Collège de Mata- ne, et à
Cap-Chat, à 80 km, il y a la plus grosse éolienne du monde. J'ai
été en mesure de pouvoir l'étudier, parce que ça
m'intéressait énormément, l'énergie; et on sait
actuellement que l'éolienne, c'est assez difficile de pouvoir fournir de
l'énergie aussi en abondance que l'hydroélectricité, et le
fait est simple: C'est qu'on ne possède pas de réservoir
d'énergie. En d'autres mots, on est soumis encore à un facteur
d'insécurité. Il suffit, par exemple, qu'il ne vente pas,
premièrement: II n'y a pas de vent, donc, on n'a pas d'énergie.
Et ce n'est pas si simple qu'on pense, également. C'est vrai que, avec
une polémique avec M. Cliche, au Devoir on s'est
parlé quelquefoisj'ai précisé que, dans certaines
revues scientifiques, surtout la revue américaine Scientific
American, a fait certains articles extrêmement intéressants
sur les éoliennes. Mais elle précise bien que ça se fait
dans les déserts, les endroits où c'est sec, les endroits
où il y a un vent constant. Donc, ça prend une géographie
presque spéciale. Est-ce qu'on peut extrapoler ça au
Québec?
Mme Bacon: Ça se fait en Norvège aussi, M.
Murray.
M. Murray: Oui, ça se fait, mais en Norvège, on
parle environ de 250 MW, maximum. Donc, ce n'est pas beaucoup, 250 MW.
Mme Bacon: Non.
M. Murray: Si on prend celle de Cap-Chat, elle était
seulement de 3,5 MW; et 3,5 MW, par rapport à un développement
comme Grande-Baleine, de 3000 MW et plus, là, on en est loin.
Mme Bacon: Merci.
Le Président (M. Farrah): Merci beaucoup. C'est tout pour
l'instant. Je reconnais maintenant Mme la députée de Taillon.
Mme Marois: Merci, M. le Président. Alors, ça me
fait plaisir de vous saluer à mon tour et de vous féliciter pour
votre mémoire. Évidemment, je vous dirais que, dans le fond, dans
tout le débat qu'on a, il faut toujours éviter, à mon
point de vue, et même si je suis une femme engagée, très
engagée politiquement, je veux dire: II faut toujours éviter les
querelles d'écoles, à mon point de vue. Et évidemment,
vous nous présentez une école. Vous essayez de la nuancer, et je
pense que vous le faites bien, je vous le dis. Mais, cela étant dit, la
vérité, elle se trouve quelque part souvent entre,
évidemment, ces extrêmes, tendant vers l'un ou l'autre, selon les
situations. Par exemple, M. Dumont a aussi un peu nuancé, parce qu'on a
voulu lui faire dire, parce qu'il est au Québec aussi, on a voulu lui
faire dire que Grande-Baleine était le projet le plus extraordinaire en
termes d'éléments d'investissement, bien sûr, mais de
protection de l'environnement aussi. Et bon, il a été un petit
peu prudent dans ses commentaires. Mais, cela
étant dit, plusieurs groupes qui sont venus ici, certains
effectivement défendant évidemment une vision écologique
qui fait en sorte qu'on devrait à peu près arrêter le
développement. D'autres disent: Non, il y a un progrès dans
lequel on est engagés et qui va se continuer. Et nous, on doit
être présents. C'est un petit peu votre point de vue. Mais
plusieurs ont demandé que justement on ait un débat quant
à nos choix énergétiques de court, moyen et long termes.
Parce qu'il ne faut non plus oublier le fait que la présence chez nous
de cette ressource qui nous permet d'harnacher nos rivières peut aussi
nous amener une certaine paresse quant à l'efficacité
énergétique et quant à la nécessité de
réduire notre niveau de consommation et de ne pas gaspiller, donc, notre
énergie. Alors moi, je voudrais vous entendre sur cette
nécessité qu'il y ait un débat au Québec qui soit
un petit peu plus large quant au choix des filières
énergétiques.
M. Murray: Oui, je comprends très bien votre point de vue.
Un débat, je pense que déjà, ce qu'on fait
présentement c'est un débat. Moi, ce dont j'ai peur, je vais vous
dire, là-dedans, c'est que ce soit des fonctionnaires qui viennent
à faire un débat...
Mme Marois: Ce soit des fonctionnaires... Excusez-moi, je n'ai
pas compris.
M. Murray: que ça devienne des bureaucrates, que je
devrais dire, qui fassent ce débat, et qui n'ont des comptes à
rendre à personne. je pense que la classe politique est toujours la
meilleure à faire un débat. parce que, démocratiquement
elle a des comptes à rendre à des gens. et c'est assez difficile
à expliquer, mais la classe politique a toujours une plus grande vision.
et je vous donne un exemple. ça pourrait être contestable. en
1970, si par exemple, la classe n'avait pas décidé de faire le
développement de la baie james et je dis ça, je pense,
avec une certitude si on n'avait pas fait la baie james, on serait pris
aujourd'hui, madame, avec des centrales nucléaires, comme hydro ontario
est pogné pardonnez-moi l'expression avec ça. ils
sont pris, en d'autres mots, avec des centrales nucléaires. donc, je
pense que la classe politique est plus visionnaire là-dessus. et sur des
grands projets comme ça, je pense que c'est toujours
démocratiquement des gens comme vous qui doivent faire le débat.
pour revenir à l'efficacité énergétique, parce que,
dans le domaine électrique, c'est ma spécialité donc j'en
parle avec facilité. c'est que l'électricité, c'est
l'énergie la plus ordonnée. donc, elle est déjà
à son efficacité maximum, en d'autres mots. il y a des appareils
qu'on peut rendre plus efficaces. exemple: la lampe incandescente, pour
l'éclairage, est moins efficace que d'autres types de lampes. mais de
plus en plus, on est en train de changer ça. il demeure que pour
l'électricité, on est déjà à une
efficacité peut-être de 90 % et plus. ce qui n'est pas le cas dans
le domaine du pétrole ou du thermique, où là, on pourrait
augmenter l'efficacité du système. donc, voyez-vous on pourrait
peut-être augmenter l'efficacité à 100 %. Mais il faudrait
mettre des énergies et des sommes énormes. Est-ce que ça
vaut la peine? (12 h 40)
Mme Marois: Mais ma question allait aussi dans le sens de dire:
Peut-être qu'on est un petit peu paresseux parce que cette ressource est
tellement disponible chez nous qu'on ne fait pas d'efforts pour imaginer des
avenues qui nous permettraient d'économiser l'utilisation à
outrance que l'on fait parfois en consommant une électricité qui
pourrait servir à autre chose. C'est dans ce sens-là
qu'était aussi ma question. Il y a les appareillages. D'ailleurs, sur
les appareillages, je veux venir à une question précise que vous
soulevez dans votre document sur le fait qu'on devrait mettre des efforts en
termes de recherche. Vous parlez des voitures électriques. Vous faites
référence un petit peu à une proposition qu'a faite la CSN
à cet égard-là. Est-ce que vous avez une recommandation
précise à faire à l'égard de la recherche et du
développement dans ce secteur-là ou si c'est plus une affirmation
qui vous apparaissait intéressante?
M. Murray: Je pourrais dire que c'est une constatation. C'est
que, de plus en plus, on n'aura pas le choix que l'automobile se dirige soit
d'un côté entièrement électrique ou, tout
simplement, entièrement hydrogène. Les deux ont besoin
d'énergie électrique. On n'a pas le choix. Et l'énergie
électrique qui va venir, qui va servir, dans différents types
d'accumulateurs, il faut qu'elle vienne d'une part, cette
énergie-là.
Et voyez-vous, l'énergie, elle est soumise à des principes
des lois de thermodynamique extrêmement sévères, on peut
dire. Tu ne peux pas faire n'importe quoi avec l'énergie. Donc, et
même si la science mettait, et c'est ça qu'on essaie de faire,
également, les scientifiques essaient de faire ça, de mettre
énormément d'argent et de comprendre le mieux possible ces
phénomènes-là, il demeure pareil qu'il y a toujours une
limite à atteindre. Et c'est pour ça que l'énergie,
exemple, on ne peux pas récupérer d'un système 100 %
d'énergie, on a toujours des pertes.
Donc, pour moi, l'important, si vous voulez un peu ma pensée,
c'est que, pour les 20 prochaines années, peut-être, lentement,
les grandes villes comme New York, peu importe, même Montréal vont
se tourner lentement vers le véhicule électrique. Il va falloir,
qu'on ait de l'énergie électrique pour alimenter ça.
À quel endroit on va le prendre? Si on utilise le thermique, ça
ne vaut pas la peine pour en faire.
Mme Marois: Je vous remercie, soit dit en passant, pour les
propos que vous avez sur la classe politique, c'est intéressant
d'entendre ça, mais vous savez, on peut être
éclairés aussi par les débats que l'on peut provoquer.
M. Murray: C'est justement ça.
Mme Marois: Cette commission, évidemment, en est une
forme, mais il y a d'autres formes qui peuvent
être utilisées, d'autres forums et d'autres façons
de faire qui n'enlèvent pas la responsabilité et la
capacité de décider des acteurs politiques. On s'entend bien sur
cela.
Je veux revenir pour une dernière question parce que je pense que
mon temps s'en va, une seule question sur ce qui concerne les autochtones.
Vous avez émis un point de vue. Vous avez bien pris la peine de
nous dire: bon, c'est le mien. Il peut être erroné, bon, etc.,
mais c'est celui que j'ai. Sauf que la projection que cela fait, tout ce
débat qu'on a autour de la protection des territoires autochtones et la
protection de l'environnement et tout le reste a un effet, quand même,
important sur l'opinion publique et l'opinion publique internationale. Alors,
donc, dans ce sens-là, je ne pense pas qu'on puisse en faire fi.
Qu'est-ce que vous suggéreriez justement pour qu'on
ramène, je dirais, qu'on fasse en sorte que la question de la protection
de l'environnement revienne à sa véritable dimension, pas
nécessairement celle que vous présentez, mais de
différents ordres pour qu'on cesse, un petit peu, ce type de pression
qu'on a au plan international? Qu'est-ce que vous suggéreriez comme
action de la part du gouvernement ou des élus politiques pour contrer un
petit peu cet effet très négatif que ça a en termes
d'image, entre autres, sur le Québec et sur son approche à
l'égard du développement hydroélectrique?
M. Murray: Effectivement, vous avez raison. Je pense que j'irais
dans le même sens que M. Dansereau a parlé ici au début de
la semaine, je pense qu'il faut, à toutes les fois qu'il va dire quelque
chose d'erroné, il faut qu'il y ait des gens crédibles,
naturellement, exemple, M. Dansereau qui est une personne crédible qui,
automatiquement, va face à ça, il répond
immédiatement pour faire en sorte, justement, que les fameux caribous ou
les centaines de mille de caribous qui se sont fait noyer, semblerait-il, pour
qu'on puisse lentement démontrer que ce n'est pas le cas.
Mme Marois: D'accord, merci.
Le Président (M. Farrah): Alors, merci. Je reconnais
maintenant M. le député de Saint-Maurice.
M. Lemire: Merci, M. le Président, je dois, avant de poser
ma question, souligner que j'ai eu le privilège d'aller visiter Radisson
et LG 2 pour représenter, à quelques reprises, Mme la ministre de
l'Énergie. Je souligne, je dois vous dire que je trouve ça
merveilleux de voir que vous vous êtes déplacés pour venir
à l'Assemblée nationale pour nous parler de la façon dont
vous voyez les choses, les gens de Radisson. Ma question, elle va être
générale, plutôt d'ordre général, c'est
ça. Pourquoi les mégaprojets seraient-ils
préférables, selon vous, à des projets de nature, disons,
plus modestes?
M. Murray: Je n'ai pas précisé comme tel dans mon
texte qu'ils étaient préférables, mais effectivement, les
impacts écologiques des grands projets sont peut-être plus
minimes, en réalité, que les petits projets, Ça, il y a
différentes raisons pour ça, tout simplement, et surtout, il faut
penser que les mégaprojets qui se sont faits, sur le territoire de la
Baie James sur des terres qui sont déjà presque
entièrement noyées, d'où il n'y a presque pas de richesse
et de forêts ou de richesse forestière à en tirer, donc,
ça a beaucoup moins d'impact que, par exemple, faire celle de... Bien,
la rivière au Saguenay, en particulier, qu'on parle, qu'on parlait
tantôt... As-huapmushuan, c'est ça.
M. Lemire: Merci.
Le Président (M. Farrah): Ça va M. le
député? Mme la députée de Taillon, vous avez
d'autres questions?
Mme Marois: Peut-être une question un petit peu plus
pointue. Dans votre document, je pense que c'est à la page 6, c'est
ça, vous faites référence à l'effet de serre et
à ses dégâts sur l'ensemble de la planète et vous...
Ça m'a un peu étonnée de lire ce chiffre-là, vous
dites au moins 1 000 000 de plus par an dans le Tiers-Monde.
M. Murray: C'est une citation de M. Dumont dans le livre
«La contrainte ou la mort», je pense. C'est une citation.
Mme Marois: D'accord. Ah oui, je vois que la petite
référence était au haut. Ça va.
M. Murray: Comme vous le précisiez tantôt, M. Dumont
a peut-être à certaines reprises, lancé des chiffres, mais
je pense qu'à l'époque où il a écrit ça, il
avait fait le lien entre la grande famine qu'il y avait, par exemple, en
Ethiopie et qui était due, justement, à un manque de pluie et
possiblement, de plus en plus, tous les experts...
Mme Marois: Qu'il pouvait y avoir des liens avec l'effet de
serre. Donc, c'est à ça que...
M. Murray: C'est ça. Tous les experts sont unanimes pour
dire que l'effet de serre, ça change complètement, si vous
voulez, l'atmosphère, pas l'atmosphère, mais le comportement.
Mme Marois: Hum, hum...
M. Murray: C'est un peu ça qu'il voulait...
Mme Marois: L'ensemble des écosystèmes, finalement,
qui sont attaqués par cette réalité-là.
M. Murray: C'est ça, effectivement.
Mme Marois: Parce qu'il faut aussi être prudent. Il y a
tout les phénomènes de désertification, évidemment,
qui sont dus à la main humaine, si on veut...
M. Murray: Oui, mais il y a également l'effet de serre qui
a augmenté beaucoup.
Mme Marois: Oui, qui... Oui, mais là, ici, donc, vous
parlez d'une citation de M. Dumont.
M. Murray: C'est ça. C'est une citation de M. Dumont.
Mme Marois: M. Dumont. Ça va. Je vous remercie.
Le Président (M. Farrah): Ça va? Merci. Je
reconnais maintenant M. le député de Drummond.
M. St-Roch: Merci, M. le Président. M. Murray, merci
d'être venu et d'avoir pris le temps de nous présenter ce
mémoire-là de votre collectivité, parce que c'est un
mémoire qui vient des gens impliqués dans le milieu. Je vous
remercie aussi de revaloriser les travaux de cette commission. Je suis un de
ceux qui prônent la revalorisation des députés. Alors, on
nous a dit qu'on était analphabète, qu'on était
incompétent, au début de la commission, qu'on n'était pas
capable de saisir ces affaires-là, mais je pense que votre
témoignage ce matin prouve une chose: que si, à la fin de cette
commission, il se doit d'y avoir un organisme, il faudrait peut-être
mettre en évidence le ministère de l'Énergie et des
Ressources et aussi des parlementaires qui sont capables, à consulter,
je pense, d'avoir cette vision-là.
Dans votre mémoire, vous mentionnez aussi l'utilisation des piles
électriques. Ça, vous touchez, je pense qu'il y a un débat
aussi où est-ce que la commission d'économie et du travail devra
s'adresser un jour, parce que au moment où on se parle, on est en train
de donner et d'essayer de mettre sur pied une compagnie qui va construire 300
véhicules utilisant encore le pétrole. Durant le même
temps, on a des entrepreneurs québécois ici qui essaient de
développer un véhicule de transport électrique qu'on est
au point de réaliser et qu'on est en, qu'on ira sacrifier, à un
moment donné une utilisation où est-ce qu'on pourrait marquer des
points majeurs au Québec au niveau d'accroissement de nos connaissances.
C'est des choses qu'on aura l'occasion de discuter un peu plus tard aussi
à cette commission, mais je pense que vous soulignez un point qui est
très adéquat.
Vous nous apportez aussi l'éclairage de quelqu'un qui vit dans le
milieu. Il n'y a rien de mieux que quelqu'un qui voit le pratico-pratique pour
être capable de le transférer. Ma question va être celle-ci:
En 1990, j'ai eu l'occasion de le signaler aussi à la commission, moi,
ce qui m'avait estomaqué, c'était de savoir, de constater et de
réaliser les vastes connaissances accumulées par
Hydro-Québec au niveau de la connaissance du milieu, au niveau de la
protection de l'environnement, au niveau de toutes ces grandes, au niveau de
nos greffiers aussi et ça semble, on semble garder ça comme un
soin jaloux.
Ne croyez-vous pas, avec l'expérience que vous avez maintenant de
Radisson, d'homme du Nord qui nous regarde nous, dans le sud et quand je
dis dans le sud, je traverse les frontières vers le côté
américain qu'Hydro-Québec aurait avantage à
divulguer, à vulgariser tout ce qui a été accumulé
au niveau des connaissances? Est-ce que ça ne serait pas un moyen,
ça, d'atténuer, là, tous ceux qui auront toutes sortes
d'intérêts à essayer de dénigrer les
développements hydroélectriques du Québec. (12 h 50)
M. Murray: Sur ce point, je pense que HydroQuébec a
déjà fait paraître beaucoup de choses, même, je
trouve qu'elle est très transparente là-dessus. Il suffit de
demander à FHydro-Québec. Ils peuvent nous fournir des rapports,
des documents énormes. Ce que je pense qu'il s'est produit beaucoup
plus, des fois, c'est que les gens ne font par la demande, peut-être,
premièrement, puis deuxièmement, aussi, il y a peut-être
tout simplement que les gens qui devraient en faire la demande ou qui devraient
prendre la peine d'en faire lecture de ces grands rapports n'en font pas la
lecture, quoi. Parce que je trouve, là-dessus, moi, que
l'Hydro-Québec est très ouverte. On prend, par exemple, comme la
visite des centrales. Ils organisent des choses splendides. Les gens peuvent
visiter...
M. St-Roch: Mais je voyais plutôt qu'une grande compagnie
d'assurances américaine, un exemple, fait énormément de
missions de vulgarisation au niveau de la faune. Utiliser ce volet, parce que
si on demandait, ici, au Québec, à nos citoyens et nos
citoyennes, combien de millions d'arbres a plantés pour restaurer, tous
les impacts de «perturbance» qu'on avait créés, tout
ce qui a été développé au niveau de technologie du
milieu nordique, au niveau de l'horticulture, on l'a vu, à un moment
donné, au niveau des Floralies mais la mé-moi re
étant une faculté qui oublie, c'était plutôt dans ce
sens-là que je vais adresser ma question de vulgarisation auprès
du public. Alors, si on est capable de bâtir une fierté, ici,
parmi nous autres, les Québécois, ces buts-là ont moins
d'emprise ici sur nos citoyens et nos citoyennes. Ça serait
peut-être plus facile de dégager quelque chose avec ces grands
reportages-là, je ne le sais pas, moi, sur TV5 ou quelque chose comme
ça.
M. Murray: Oui. Effectivement, avec toutes les informations de la
grande expertise que l'Hydro-Québec possède pourrait faire,
sûrement, des bons documentaires. Ça...
M. St-Roch: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Farrah): Ça va. Alors, merci
beaucoup. Alors, sur ce et au nom des membres de la commission, on vous
remercie infiniment pour votre contribution à nos travaux et surtout,
d'être venus aussi loin. C'est rafraîchissant de voir des gens qui
sont sur le terrain d'une façon concrète. Alors, merci
infiniment. Alors, sur ce, j'ajourne les travaux de la commission jusqu'au
mardi, 23 mars, à 9 heures. Merci.
(Fin de la séance à 12 h 53)