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(Neuf heures six minutes)
Le Président (M. Bordeleau): À Tordre, s'il vous
plaît!
Je déclare la séance de la commission de l'économie
et du travail ouverte. Je vous rappelle le mandat de la commission qui est de
procéder à une consultation générale sur la
proposition de plan de développement 1993-1995
d'Hydro-Québec.
M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
Le Secrétaire: Oui. Dans un premier temps, il y a des
modifications à la composition de la commission. M. Christian Claveau,
député d'Ungava, remplace Mme Luce Dupuis, et Mme Louise Harel,
députée de Hoche-laga-Maisonneuve, remplace Mme Jeanne
Blackburn.
Maintenant, pour ce qui est des remplacements pour la journée, M.
Bélanger (Laval-des-Rapides) par M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M.
Charbonneau (Saint-Jean) par M. Fradet (Vimont) et M. Claveau (Ungava) par Mme
Marois (Taillon).
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le
secrétaire.
L'ordre du jour de cette journée: à 9 heures, nous allons
recevoir l'Association québécoise des consommateurs industriels
d'électricité; à 10 heures, l'Université de
Montréal; à 11 heures, Norton Céramiques avancées
du Canada inc. Cet après-midi, à 15 heures, nous recevrons
l'Association des consommateurs du Canada inc.; à 16 heures, TransCanada
Pipelines Ltd; à 17 heures, le Groupe de recherche en éthique
environnementale. À la séance de ce soir, le Syndicat des
producteurs de bois Outaouais-Laurentides, à 20 heures, et, à 21
heures, l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du
Québec.
Est-ce que l'ordre du jour est adopté?
M. St-Roch: Adopté. M. Jolivet: Adopté.
Le Président (M. Bordeleau): Parfait. Déjà,
les représentants de l'Association québécoise des
consommateurs industriels d'électricité ont pris place à
la table. J'aimerais tout simplement vous rappeler le temps qui est
alloué. Vous avez 20 minutes pour la présentation de votre
mémoire; ensuite, il y aura une période de questions 20
minutes, 20 minutes qui sera partagée entre le parti
ministériel et l'Opposition officielle. Je vous demanderais, M.
Mazzarello... C'est ça?
M. Mazzarello (Michael): Oui. C'est M. Boisvert qui va
commencer.
Le Président (M. Bordeleau): M. Boisvert. Alors, je vais
vous demander, avant de commencer votre présentation de 20 minutes, de
faire la présentation des personnes qui vous accompagnent. On demande
aussi, si les personnes interviennent, qu'elles se nomment avant d'intervenir,
de façon à faciliter la transcription des débats. M.
Boisvert.
Association québécoise des consommateurs
industriels d'électricité (AQCIE)
M. Boisvert (René): Bonjour. Mon nom est René
Boisvert, de la compagnie SKW Canada. Je suis un des directeurs de l'AQCIE,
l'Association québécoise des consommateurs industriels
d'électricité; à ma gauche, le président actuel de
l'Association, Mike Mazzarello, de la compagnie ICI, et, à ma droite, le
président sortant de l'Association, Jules Bouchard, de la compagnie Dow,
à Varennes.
M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les
députés, madame, et messieurs, bonjour. Je veux, tout d'abord,
vous remercier de cette opportunité d'exprimer nos commentaires sur le
plan de développement d'Hydro-Québec. Quelques graphiques et
tableaux vous ont été distribués avant la séance,
auxquels nous nous référerons pendant notre
présentation.
Tout d'abord, ce qu'est l'AQCIE. C'est une association fondée en
1981, qui comprend actuellement 30 membres qui sont tous de grands utilisateurs
d'électricité dans différents domaines au Québec.
Environ 16 % de l'énergie totale vendue par Hydro-Québec est
vendue à nos membres et la facture globale annuelle de ces 30 membres
est de 600 000 000 $. Le rôle de l'AQCIE est de favoriser
l'échange d'informations sur l'utilisation et la consommation
d'électricité, et d'assurer à ses membres
qu'Hydro-Québec offre des programmes industriels compatibles à
leurs besoins et des règlements tarifaires justes et
équitables.
L'Association est reconnue par Hydro-Québec comme un intervenant
majeur et une source d'information utile à ses prises de
décisions. (9 h 10)
Ce document, présenté à la commission de
l'économie et du travail, se veut un reflet des préoccupations
des utilisateurs industriels d'électricité face à la
proposition de plan de développement d'Hydro-Québec. Certains des
points soulevés vont toutefois au-delà des seuls
intérêts de l'industrie et concernent tous les consommateurs
québécois. Les orientations tarifaires à long terme,
décrites à l'annexe 7 de la proposition de plan de
déve-
loppement, ont soulevé la plupart des questions de la part des
industries et les points suivants ont été retenus pour
présentation. En premier lieu, nous parlerons du coût de
l'électricité, puis de la qualité du service et des
coûts de fourniture.
Les programmes d'efficacité énergétique et le
développement des marchés ont également retenu notre
attention, et notre position sur ces sujets rejoint celle
d'Hydro-Québec. Dans le cas de la cogénération, plus
d'emphase doit être mise sur ce programme afin de permettre à plus
d'industries d'en tirer profit et de se battre à armes égales
avec la compétition nord-américaine. l'objectif
d'hydro-québec est de maintenir les hausses de tarifs selon ses
prévisions de l'inflation pour les prochaines années: 2,3 % en
1993 et 2,7 % en 1994. pour la majorité des industriels
québécois, la position concurrentielle d'hydro-québec
continuera de se dégrader avec ces hausses, car la compétition
fait mieux actuellement. je vous inviterais, à ce sujet, à
prendre le document qu'on vous a distribué, à la page 2. c'est le
document qui est intitulé «coût de
l'électricité». on parle d'une industrie de 20 mw, 12 000
mwh par mois. ça représente une industrie de taille moyenne parmi
nos membres, parmi la grande industrie. c'est une usine qui utilise cette
demande de 20 mw à environ 82 % d'utilisation. sur le graphique,
à gauche, l'échelle est en cents par kilowattheure, et vous avez
les données depuis 1986 jusqu'à 1992. ces données ont
été compilées par l'équivalent de l'aqcie en
ontario, qui est l'association des manufacturiers en ontario. on peut voir sur
ce graphique qu'hydro-québec, qui est la ligne foncée, la ligne
plus large, occupait la troisième place parmi les producteurs
d'électricité canadiens en 1986. l'écart entre
hydro-québec et le manitoba, qui était à ce
moment-là le producteur avec les coûts les plus bas, était
d'environ 10 %. en 1992, hydro-québec est maintenant en quatrième
place et se rapproche dangereusement de la cinquième et de la
sixième position. on voit que la colombie-britannique, au cours de 1989,
en raison du contrôle des coûts, a réussi à maintenir
ses tarifs et est maintenant en troisième position. on peut
également ajouter qu'en plus de cette quatrième place, sur 9
producteurs canadiens, un de nos membres, qui exploite 23 usines à
travers l'amérique du nord, classe présentement
hydroquébec en quatorzième position pour ce qui est des tarifs
d'électricité.
À la page 3 du document, vous trouvez également un
graphique où on présente l'indice des prix de vente pour
l'électricité vendue au-dessus de 5000 kW, ce qui
représente le tarif L ou l'écart entre les grands utilisateurs
d'électricité et les autres. Sur ce graphique, l'année
1986 a été choisie comme base et est équivalente à
100 sur l'échelle. On peut voir que, depuis 1986, Hydro-Québec
est la deuxième pire compagnie au Canada pour ce qui est des hausses de
tarifs, après l'Ontario. Je ne crois pas avoir besoin de vous expliquer
la situation actuelle en Ontario. On a tous vu dans les journaux les
différentes mesures qui devront être prises en Ontario pour
rétablir la situation. Un gel des tarifs a déjà
été déclaré pour 1994, et il est évident que
les entreprises en Ontario ont pressé le bouton panique pour ce qui est
des hausses de tarifs.
La situation au Québec n'est pas aussi pire, n'est pas encore
à ce stade, mais on peut voir sur ce graphique dans quelle direction les
hausses actuelles nous conduisent. On peut voir également que la
Colombie-Britannique, qui est un autre réseau d'hydroélectrique
dont les caractéristiques se rapprochent le plus du réseau
d'Hydro-Québec, a réussi à maintenir ses hausses de tarifs
à moins de 5 % depuis 1986, alors que, dans le cas
d'Hydro-Québec, ces hausses ont été d'environ 37 %. Ces
données ont été recueillies dans un document de
Statistique Canada de 1992.
De plus, l'AQCIE est actuellement très sceptique quant à
la capacité d'Hydro-Québec de reprendre le contrôle de ses
coûts et d'appliquer les mesures drastiques qui s'imposent. De 1986
à 1992, les charges d'exploitation ont augmenté de plus de 70 %
alors que les ventes totales demeuraient au même niveau.
À cet effet, je vous inviterais à prendre la page 4 du
document, où on voit les charges d'exploitation et les ventes totales
d'Hydro-Québec à tous les marchés. Encore là,
l'année 1986 a été choisie comme base et est
équivalente à 100. On peut voir qu'après une
légère hausse en 1987 il y a eu des baisses dans les ventes en
volume en 1988, 1989 et 1990, une légère hausse en 1991 et en
1992, mais le niveau des ventes actuelles d'Hydro-Québec est au
même point qu'en 1986, alors que les charges d'exploitation ont
augmenté de plus de 700 000 000 $. La faible hydraulicité des
dernières années peut expliquer une partie des augmentations,
mais, étant donné le caractère temporaire et ponctuel des
dépenses occasionnées par cette situation, les charges devraient
maintenant diminuer avec le retour à la normale des niveaux de
réservoir. à la page 5 du document qu'on a distribué, on a
également des statistiques sur la productivité
d'hydro-québec pour la période 1986 à 1992. ces
données ont été compilées à partir des
rapports annuels d'hydro-québec. l'échelle est en millions de
kilowattheures vendus par employé permanent. on peut voir qu'un maximum
a été atteint en 1987 et que, depuis ce temps, la
productivité d'hydro-québec est à la baisse. nous
désirons également rappeler qu'hydro-québec a actuellement
plus de 21 000 employés permanents et que le nombre d'employés
temporaires n'a cessé d'augmenter depuis 1986 et atteint maintenant plus
de 6000 employés. avec plus de 27 000 employés, dont 22 %
temporaires, on est bien loin de l'époque des 12 012.
Hydro-Québec espère être perçue comme la
meilleure entreprise d'électricité au Canada d'ici l'an 2000,
mais, pour ce faire, des gestes très significatifs devront être
posés, et nous demandons un gel des tarifs pour les 5 prochaines
années, ce qui correspond au temps requis par Hydro-Québec pour
retourner à sa position de première compagnie au niveau des
tarifs au Canada.
Au sujet de la qualité du service, nous devons admettre que les
efforts déployés par Hydro-Québec afin
de régler les cas problèmes ont porté fruit et
qu'une nette diminution de la quantité et de la longueur des
interruptions a été enregistrée. Hydro-Québec part
cependant de très loin dans ce domaine car l'objectif de 4 heures
d'arrêt par an et client se compare difficilement aux résultats
actuels de 10 minutes par an et client de certains producteurs
américains. La formule de «rapport de
l'événement» par les industries touchées par une
panne est un bon outil, mais un communiqué régulier par
Hydro-Québec à ses quelque 200 clients industriels des
dernières statistiques disponibles sur les pannes, micro-coupures ou
autres nouvelles les concernant plus particulièrement serait très
apprécié.
Il ne faut pas oublier également que la qualité du service
est un concept beaucoup plus vaste que la qualité de l'onde
électrique seulement. Une grande part des critiques sur la
qualité du service porte sur des items tels le système
téléphonique, la facturation et la connaissance des programmes
offerts par Hydro-Québec à l'industrie. (9 h 20)
Nous avons fait également, dernièrement, un relevé
des 27 objectifs du Défi performance d'Hydro-Québec qui seront
étudiés plus tard, je crois, en commission parlementaire. Nous
voulons rappeler que, sur ces 27 objectifs, il n'y en a qu'un seul qui est
spécifique à l'industrie, l'objectif 14, et que, dans plusieurs
autres cas, les données des 200 clients du secteur industriel sont
noyées au travers des données de plus de 3 000 000 d'abonnements
domestiques. Nous aimerions qu'une compilation séparée de
certains de ces objectifs soit faite afin que les industries au Québec
puissent avoir les données les concernant.
À ce sujet, on pourrait également ajouter d'autres
objectifs qui nous tiennent à coeur, soit le nombre d'erreurs dans la
facturation et le délai avant de régler les erreurs de
facturation. Nous voulons également rappeler qu'une microcoupure pour le
domestique ne veut dire que remettre les pendules à l'heure, mais, pour
une industrie, dans plusieurs cas, afin d'avoir un arrêt et une mise en
marche sécuritaire, un arrêt de seulement une microseconde peut
représenter 24 heures d'arrêt.
Dans l'introduction à l'annexe 7 du projet de plan de
développement «Orientations tarifaires à long terme»,
on retrouve l'énoncé suivant: «Cette proposition
d'orientation vise à assurer un meilleur reflet des coûts de
fourniture et à donner un signal plus adéquat en faveur d'une
utilisation rationnelle de l'électricité, ce qui devrait
permettre à long terme de réduire la croissance des coûts
de fourniture et des tarifs d'électricité.»
On ne peut qu'être d'accord avec cet objectif, mais, selon
l'AQCIE, la méthode utilisée ne reflète pas
fidèlement les coûts de fourniture. À ce sujet, on peut
prendre le document à la page 6, qui est intitulé «Les
coûts moyens de fourniture de l'électricité». On peut
voir la portion du graphique qui est en noir, qui représente les
coûts de production et de transport. On peut voir qu'à ce
chapitre, selon les calculs actuels, la différence dans les coûts
de production entre la grande puissance haute tension et le tarif domestique
est de moins de 10 %. Selon nous, cet écart devrait être beaucoup
plus grand. on se réfère ensuite à la page 7 de notre
document où on a la courbe des puissances classées. en termes
clairs, cela signifie la quantité d'équipements requis pour
alimenter chacune des catégories de clients pendant les 8760 heures de
l'année. on peut voir que, pour le tarif d, le tarif domestique, la
charge pendant les heures creuses de l'été peut atteindre un
minimum d'environ 1000 mw et que cette charge, lors des heures de pointe de
l'hiver, est 11 fois plus élevée, à 11 000 mw, ce qui
amène l'utilisation, pendant moins de 1500 heures, d'équipements
intermédiaires, 2510 mw d'équipements dont le coût est
évalué à 0,065 $ du kilowattheure. on voit
également l'utilisation d'équipements de pointe pendant moins de
300 heures pour 1065 mw à 0,447 $ du kilowattheure. on peut voir que,
dans le cas du tarif industriel, le facteur d'utilisation des industries au
québec est d'environ 85 % et que la quantité d'équipements
requis pendant moins de 1500 heures pendant l'année est très
faible à 203 mw. c'est ce profil de charge qui nous amène
à croire que l'écart entre les coûts de production et
transport pour le domestique et la grande puissance devrait être de plus
de 50 %.
La pénétration de l'électricité pour le
chauffage des locaux au Québec n'a pas d'égal à travers le
monde et cette énergie est vendue à perte. La méthode
utilisée pour le calcul des coûts de production et transport doit
être changée afin de montrer les vrais coûts de fourniture
et permettre un réel débat sur l'interfinancement entre les
catégories de clients.
Le tarif saisonnier obligatoire pour la clientèle industrielle
est basé sur la méthode actuelle des coûts de fourniture et
est, selon nous, complètement illogique car la charge industrielle n'a
pas un comportement saisonnier. Un tel tarif ne peut entraîner que des
pertes d'emplois dans l'industrie et des pertes de revenus pour
Hydro-Québec. L'objectif très restreint d'un déplacement
de 50 MW de charge de l'hiver à l'été est un aveu
dès le départ d'Hydro-Québec que cette mesure n'aura
presque aucun effet bénéfique sur une baisse des coûts de
fourniture. En effet, 50 MW représentent moins de 1 % de la demande
d'Hydro-Québec pendant la période de pointe. Ce n'est pas un
déplacement de kilowattheures d'hiver en été auquel nous
assisterons dans le cas d'un tarif saisonnier obligatoire, mais à un
déplacement de ces kilowattheures sous des cieux plus cléments.
la très grande différence de consommation
d'électricité du québec entre l'hiver et
l'été a également un autre effet très important et
coûteux pour tous les clients. en effet, pour respecter ce profil de
charge, plusieurs centrales existantes ont été
suréquipées et les futures centrales de base, sur les planches
à dessin actuellement, auront un facteur d'utilisaton de 60 % contre 80
% pour la phase i de la baie james, avant suréquipement, et les projets
antérieurs. en termes clairs, cela veut dire un investissement en
équipement de 33 % supérieur, 4 turbines au lieu de 3 pour le
même barrage et l'accélération du programme de
construction
sans qu'un seul kilowattheure supplémentaire soit produit.
Le Président (M. Bordeleau): Si vous voulez conclure, M.
Boisvert, votre temps est...
M. Boisvert: C'est bien, j'en ai seulement pour 1 minute.
Le Président (M. Bordeleau): Parfait.
M. Boisvert: II faut absolument qu'une ou des alternatives
viables au chauffage électrique domestique soient offertes et que le
coût réel du chauffage à l'électricité se
reflète dans les tarifs au plus tôt. La mode du «tout
à l'électricité» fait en sorte que cette situation
se détériore constamment et que le prix élevé
à payer pour des équipements utilisés une faible partie du
temps deviendra très vite exorbitant pour tous les consommateurs.
La bonne santé financière d'Hydro-Québec, qui n'a
pas d'égal au Canada, ainsi qu'une reprise sous contrôle des
charges d'exploitation et de la croissance de la demande peuvent faire
d'Hydro-Québec le meilleur producteur d'électricité au
monde. Le premier geste significatif qui doit être posé est un gel
des tarifs pour les 5 prochaines années. Une revue en profondeur de la
méthode de calcul des coûts de fourniture doit également
être effectuée afin de clairement démontrer l'effet
néfaste du profil de charge actuel et l'ampleur de l'interfi-nancement
entre les catégories de clients. Merci.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. Boisvert. Je laisse
maintenant la parole à Mme la ministre de l'Énergie et des
Ressources pour la période de questions.
Mme Bacon: Messieurs, je voudrais vous remercier d'être
venus ici rencontrer les membres de la commission et d'avoir fait avec nous
cette période de réflexion, et je vous encourage à
continuer dans le même sens. Vous affirmez, dans votre mémoire, en
bas de la page 2, que le programme d'Hydro-Québec sur la
cogé-nération «doit être amélioré afin
de permettre à plus d'industries d'en tirer profit et de se battre
à armes égales avec la compétition
nord-américaine». Est-ce que vous pouvez nous indiquer comment ce
programme de cogénération pourrait être modifié pour
permettre d'en faire bénéficier plus d'industries?
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. Mazzarel-lo.
M. Mazzarello: Je pourrais répondre à ça,
oui. Actuellement, je pense qu'Hydro-Québec est en train de
négocier avec des compagnies un total de 1200 MW. Je pense que c'est
important que tous les...
Mme Bacon: On peut régler pour 760? Elles négocient
avec plus pour avoir 760, c'est ça?
M. Mazzarello: oui, c'est ça. et le point qu'on voudrait
faire, c'est que tous les 1200 qu'ils négocient, je pense que c'est des
industries pour qui la «cogen», c'est important. vous allez le voir
dans le dernier tableau, à la page 9. ça, c'est un exemple d'un
des projets qui est déjà en négociations, c'est le projet
de tran-salta à bécancour. un des bénéficiaires de
ce projet, c'est la compagnie, ici, dont je fais partie, qui est une compagnie
de chlore alcali. actuellement, nous compéti-tionnons avec toutes les
compagnies que vous voyez dans cette page. ces compagnies combinées ont
une capacité de 60 % de tout le chlore produit en amérique du
nord. alors, 60 % de notre compétition a déjà une
«cogen». et c'est important que, nous autres, notre projet soit
accepté aussi, on fait partie de ça. le point qu'on essaie de
faire, c'est qu'hydro-québec s'est déjà lancée dans
la «cogen», elle a bien fait, et c'est très important que
tous les projets possibles soient acceptés.
Mme Bacon: Mais allez-vous jusqu'à dire que tous les
projets qui ont été soumis devraient être acceptés?
Je pense qu'ils doivent être analysés au départ.
M. Mazzarello: Oui. Il y a déjà eu plusieurs
analyses depuis presque 1 an. On avait commencé avec 8000, on est
descendu de 8000 à 5000, de 5000 à 2750. Je pense que la plus
grande part des projets qui restent c'est à peu près 1200
ont tous une bonne base financière et économique.
J'encouragerais de plus en plus que, disons, des décisions soient prises
là-dessus et que le plus possible de ces projets puissent être
acceptés. (9 h 30)
Mme Bacon: Est-ce que la notion du coût évité
vous apparaît une bonne base?
M. Mazzarello: Oui.
Mme Bacon: Vous êtes d'accord avec ça?
M. Mazzarello: Oui, parce que je ne pense pas
qu'Hydro-Québec devrait payer, pour la «cogen», un prix plus
élevé. Alors, le prix évité, je pense que c'est une
bonne base là-dessus.
Mme Bacon: Ça limite quand même. M. Mazzarello:
Je suis d'accord. Mme Bacon: Ça amène une limite.
M. Mazzarello: Oui.
Mme Bacon: Je demandais tantôt quelle sorte de mesures...
Il n'y a pas d'autres mesures que vous proposeriez que d'accepter davantage de
mégawatts. C'est ça?
M. Mazzarello: C'est ça. Une des choses qui nous
embêtent peut-être un peu, c'est qu'on est en train
de négocier et la position d'Hydro-Québec, c'est qu'elle
voudrait signer un contrat, mais elle voudrait avoir une clause pour qu'elle
soit capable, plus tard, disons, de se retirer du contrat. Ce qu'on essaie de
proposer, c'est que, si elle décide d'embarquer là-dessus, il n'y
a pas besoin de cette clause.
Mme Bacon: Vous voulez un contrat fermé? M. Mazzarello:
Exact.
Mme Bacon: Vous ne négocierez pas avec nous ce matin,
votre message passe bien. Vous recommandez un gel tarifaire d'une durée
de 5 ans comme un geste significatif à être posé par
Hydro-Québec pour devenir non seulement la meilleure entreprise
d'électricité au Canada, mais la meilleure au monde. Et, selon
des évaluations préliminaires, un gel de 5 ans entraînerait
un manque à gagner de plus de 1 000 000 000 $, en 1997. Je pense que
c'est un manque à gagner qui devrait être compensé par une
réduction des charges d'exploitation, pour ne pas porter atteinte
à la santé financière d'Hydro-Québec. la
réduction requise pourrait être aussi de l'ordre de 900 000 000 $
en valeur d'aujourd'hui, en 1993; c'est une réduction de 45 % des frais
d'exploitation et d'entretien sur 5 ans. est-ce que votre association
considère possible de rationaliser les dépenses
d'hydro-québec au point de réduire de 45 % les frais
d'exploitation sur 5 ans pour hydro-québec sans mettre en danger son
fonctionnement normal? c'est beaucoup, ça, 45 %.
M. Boisvert: Je peux peut-être répondre à
cette question. René Boisvert. On ne croit pas que toute la
différence entre la situation actuelle et obtenir, justement, un gel des
tarifs pour 5 ans peut venir d'un contrôle des charges d'exploitation. On
a vu, cependant, que, depuis 1986, avec des ventes qui n'ont pas
augmenté, les charges d'exploitation ont augmenté de plus de 700
000 000 $. Donc, nous sommes convaincus qu'il y a en ce domaine une certaine
marge de manoeuvre. Nous croyons aussi qu'une partie de ce problème a
été créée par la faible hydraulicité, mais
nous pensons qu'avec un changement dans cette situation car il est fort
possible que cette situation change assez rapidement il est fort
possible qu'Hydro-Québec ait beaucoup plus d'électricité
à vendre et des revenus beaucoup plus importants sans qu'une hausse de
tarifs soit nécessaire.
Mme Bacon: Vous savez comme moi que, l'hydraulicité, on ne
contrôle pas ça.
M. Boisvert: Non, mais, sans s'engager immédiatement pour
5 ans, on peut en faire un objectif, contrairement à l'objectif
présent qui est d'avoir des hausses selon, je dis bien, la
prévision de l'inflation et non l'historique de l'inflation de
l'année précédente.
Mme Bacon: Mais, si on recommençait la période de
sécheresse qu'on a connue pendant 5 ans, 6 ans, 7 ans, on ferait quoi
avec ça?
M. Boisvert: Je pense qu'à ce moment-là c'est
évident qu'on a un problème, et on ne pourrait pas se permettre
une chose comme ça, parce qu'on est convaincus que toute la
réduction ne peut pas se faire dans les charges d'exploitation. On
croit, cependant, qu'il y a énormément d'argent qui peut
être récupéré de cette façon.
Mme Bacon: Vous mentionnez, en page 4 de votre mémoire,
que les efforts déployés par HydroQuébec pour
réduire les pannes «ont porté fruit et qu'une nette
diminution de la quantité et de la longueur des interruptions a
été enregistrée». Vous estimez
qu'Hydro-Québec part de très loin dans ce domaine de la
qualité du service, parce que vous dites que son objectif de 4 heures
par an et client «se compare difficilement au résultat actuel de
10 minutes par an et client de certains producteurs américains».
Est-ce que vous pouvez nous indiquer les utilités publiques qui auraient
réussi ce tour de force? Moi, je m'interroge beaucoup là-dessus.
Est-ce que vous croyez possible, pour HydroQuébec, d'offrir à un
prix acceptable cette même qualité de service, compte tenu de la
longueur de ses lignes de transport et des conditions climatiques qui sont
particulières au Québec, qu'on ne retrouve pas dans certains
États américains?
M. Boisvert: À cette question, je peux répondre
qu'il y a une compagnie, à l'heure actuelle, en Amérique du Nord,
qui est à peu près de taille comparable à
Hydro-Québec et qui est exploitée de façon un peu
comparable, qui est la Tennessee Valley Authority, qui est une agence
gouvernementale américaine; son résultat actuel est de 10 minutes
par an et client. On peut également dire: On ne se fait pas d'illusions.
La moyenne de 4 heures par an et client est supérieure à la
moyenne canadienne, et la plupart des autres industries canadiennes ont
également les même problèmes qu'Hydro-Québec. On
sait très bien qu'un objectif de 10 minutes est probablement
irréaliste, avec les conditions actuelles, sans des investissements
majeurs, étant donné que les centres de production sont
très éloignés. Cependant, dans Défi performance,
l'objectif 14 a trait aux pertes de production pour les différentes
usines du Québec. Ce chiffre était, en 1991, de plus de 500
pertes de production. Avec les efforts qui ont été faits pour les
industries où il y avait réellement de très graves
problèmes, où on avait 40 ou 50 arrêts par année, on
a réussi à ramener ce chiffre à 320 en 1992. Cependant,
l'objectif pour 1995 est de 270 pannes de production. Nous trouvons que cet
objectif est encore trop élevé.
Mme Bacon: C'est terminé?
Le Président (M. Bordeleau): Oui. Je laisse maintenant la
parole au député de Joliette.
Mme Bacon: Excusez-moi, je reviendrai.
M. Chevrette: Merci, M. le Président. Vous allez
m'expliquer où est-ce que vous avez pris vos renseignements pour
affirmer, dans votre texte, que le chauffage à
l'hydroélectricité constitue une perte pour
HydroQuébec.
M. Boisvert: Selon la méthode actuelle de calcul
d'Hydro-Québec, en général, pour le tarif domestique, les
revenus excèdent les coûts d'environ 7 % ou 8 %. Cependant, ce
chiffre, c'est, globalement, sur le tarif domestique. On sait très bien
qu'il y a une part, une très grande part de cette consommation qui est
pour le chauffage. On pense également que la méthode actuelle des
coûts de fourniture doit être changée. La méthode
actuelle des coûts de fourniture ne reflète pas cette
situation-là. Nous croyons que la méthode actuelle ne
reflète pas comme il faut le profil de charge qu'on a à la page 7
de notre document, qui vient directement des données
d'Hydro-Québec et qui représente la grande part de turbines et de
centrales qui doivent être utilisées pendant un nombre d'heures
très restreint pendant l'année.
M. Chevrette: Et, pour les coûts de fourniture, la
méthode de calcul des coûts de fourniture que vous contestez,
c'est quand même la même méthode, que ce soit pour le tarif
D, que ce soit pour le tarif de la moyenne et petite entreprise ou de la
grande, tarif L?
M. Boisvert: Oui, sauf que...
M. Chevrette: Bon. À supposer qu'ils se trompent dans leur
méthode de calcul des coûts de fourniture, ça se
reflète sur l'ensemble des tarifs. Et, à ce moment-là,
comment vous pouvez affirmer qu'elle produit à perte dans un secteur
seulement, alors qu'Hydro-Qué-bec, à mon point de vue...
J'espère qu'elle va en faire la démonstration, en tout cas, parce
que M. Couture a affirmé la même affaire que vous, le
vice-président, le nouveau président. Il a affirmé la
même affaire que vous. Puis, moi, je pense que vous êtes dans les
carottes tous les 2, parce que, quand on regarde les tableaux
d'Hydro-Québec, je ne saurais vous dire le chiffre précis, mais
c'est plus de 100 000 000 $ de bénéfices que le tarif D
occasionne. Moi, je veux bien qu'on charrie sur une chose en vue de
légitimer un changement, mais qu'on donne au moins les chiffres. Ce
n'est pas à perte. C'est peut-être à faible profit, mais ce
n'est pas à perte.
M. Boisvert: Je vous inviterais, à ce sujet-là,
à peut-être reprendre la page 6 du document qu'on a passé.
Si vous regardez les coûts de répartition et de distribution, la
méthode actuelle qui est utilisée pour calculer les coûts
de fourniture, vous voyez qu'au tarif domestique la répartition et la
distribution représentent 0,0116$ du kilowattheure, alors que, pour la
grande puissance haute tension, on parle de 0,19 $ par kilowatt- heure. La
méthode utilisée pour calculer les coûts de
répartition et de distribution utilise la charge maximale de cette
catégorie de clients pour évaluer leur contribution en
équipement, alors que la méthode qui est utilisée pour les
coûts de production et transport ne tient pas compte de la charge
maximale de ces clients.
L'écart, dans le cas de la production et transport, est beaucoup
moindre parce que, en plus de ce fait, l'industrie n'utilise pas une grande
partie des lignes qui sont utilisées pour le domestique, mais il y a
tout de même un écart plus important que ce qui est montré
ici.
(9 h 40)
M. Chevrette: Mais je souhaite qu'Hydro-Qué-bec, dans sa
réplique de 1 heure qu'elle aura mardi là-dessus, explique sa
méthode de calcul des coûts de fourniture, parce que c'est
contesté, ça. Et vous êtes les seuls à la contester
actuellement. Vous avez demandé une table spéciale et un
comité spécial. J'ai vu des échanges épistolaires.
Moi, je m'excuse, mais je voudrais tout de suite dire à la ministre que
j'aimerais, si on accorde un comité spécial pour la grande
entreprise, si on veut véritablement que ce soit bénéfique
pour l'ensemble des catégories, que tout le monde assiste à
ça. Ce n'est pas une seule catégorie qui va décider de
changer les coûts de fourniture, l'évaluation ou l'analyse des
coûts de fourniture. Il faut faire bénéficier tout le monde
de participer à un même comité et non pas seulement les
grandes entreprises. Parce que, automatiquement, si on vous donnait raison sur
un petit comité restreint à vous, qui paierait la facture? C'est
eux autres. Il faut au moins les faire cheminer sur un mode de calcul uniforme,
où chacun aura son mot à dire. Et ça, ça
m'inquiète un petit peu.
M. Boisvert: Pour répondre à ça, ce que je
peux dire, c'est que le comité actuel, qui désire être
formé par Hydro-Québec avec l'AQCIE...
M. Chevrette: À votre demande. J'ai lu votre courrier.
M. Boisvert: ...à notre demande, avec l'AMQ et avec
l'Association des industries forestières, ça répond
également à un besoin de relation fournisseur-client.
Hydro-Québec a présentement un problème et voudrait
le régler avec un tarif saisonnier obligatoire. On ne croit pas que ce
soit la solution au problème, mais on veut s'asseoir avec
Hydro-Québec pour voir s'il n'y a pas d'autres solutions possibles et
pour mieux comprendre sa façon de calculer les coûts de fourniture
afin d'en arriver à une meilleure formule.
M. Chevrette: Je comprends mais, pour la santé... Vous
comprenez ce que je veux dire, moi aussi.
M. Boisvert: Je ne peux vraiment pas répondre à
votre autre question.
M. Chevrette: Non, mais, si vous cheminez seulement avec un
groupe et que vous en arrivez... À
supposer qu'Hydro vous donne raison c'est possible, ça;
moi, je ne suis pas un expert, je ne suis pas un ingénieur, je ne suis
pas un économiste pour le calculer à partir de là,
si vous ne faites pas cheminer l'ensemble des catégories, qu'est-ce que
vous pensez qu'il va arriver?
M. Boisvert: Je peux vous dire que, dans le passé, il y a
déjà eu des comités de cet ordre-là qui ont
été formés, entre autres pour la puissance interruptible,
où il y a eu beaucoup de discussions entre Hydro-Québec et
l'industrie, et on en est arrivé à une formule qui est profitable
à l'ensemble des Québécois, parce qu'il y a plus de 1500
MW de puissance interruptible actuellement et ça profite à tout
le monde. C'est 1500 MW de construction nouvelle qui a été
évitée par ce moyen.
M. Chevrette: Je souhaite, en tout cas, qu'Hydro l'explique,
elle, sa perception, puis qu'on puisse parler de ce qui s'en vient, en tout
cas, parce qu'elle ne semble pas rejeter la création d'un comité.
Vous avez raison, je l'ai vu, mais j'aurai des suggestions à faire
là-dessus pour ne pas qu'il y ait nécessairement de
confrontation, mais de la concertation pour cheminer dans un même sens.
Tout le monde a le droit d'avoir la même informatipn de base, je pense,
et ça, vous acceptez ça.
M. Mazzarello: Je voudrais peut-être ajouter quelque chose
là-dessus.
Le Président (M. Bordeleau): M. Mazzarello?
M. Mazzarello: Oui, Mike Mazzarello. La raison pourquoi on avait
demandé un comité, c'est que, actuellement, Hydro-Québec a
un certain problème avec l'heure de pointe, et ils sont venus à
l'industrie pour essayer d'aider là-dessus avec les tarifs saisonniers.
Les tarifs saisonniers, c'est quelque chose où n'était pas
impliqué le domestique, mais l'industriel. Et ce qu'on voudrait faire,
c'est discuter avec eux autres. Ce n'est pas nous autres qui causons l'heure de
pointe, mais Hydro-Québec voudrait que ce soit nous autres qui trouvions
la solution. Et qu'est-ce qu'on voudrait faire? On voudrait essayer d'explorer
différentes autres avenues que le tarif saisonnier, surtout que ce n'est
pas nous autres qui avons causé le problème là-dessus.
M. Chevrette: Mais, entre vous et moi, est-ce que c'est vraiment
exclusivement le chauffage domestique?
M. Mazzarello: Je pense que oui.
M. Chevrette: Bon. Je ne suis pas sûr. Mais, en tout cas,
si vous dites que vous pensez que c'est ça, on va demander à
Hydro-Québec très clairement qu'est-ce qui crée le
problème de pointe. Ils vont nous le dire, si c'est seulement le
chauffage ou pas.
M. Mazzarello: Si vous permettez, je voudrais montrer une
acétate là-dessus.
M. Chevrette: Oui.
M. Mazzarello: La chose que je voudrais montrer, c'est la
répartition des logements, forme d'énergie et de chauffage.
Ça, c'est de 1971 jusqu'à 1990. La chose que je veux vous
indiquer, c'est le chauffage à l'électricité. Vous allez
noter que ça a commencé très bas et c'est en croissance;
tous les nouveaux logements qui commencent à être construits,
c'est tout à l'électricité. Quand on sait que, pour le
chauffage, c'est surtout à peu près 300 heures pendant l'hiver,
c'est un problème qui commence à être de plus en plus
grand. Ça, c'est les faits. On voit que les autres formes
d'énergie sont à la baisse, et c'est l'électricité
qui a pris la plus grande part du marché.
M. Chevrette: Ça, vous n'êtes pas les seuls à
le dire aussi, il y a eu beaucoup de comparaisons avec Gaz
Métropolitain, en particulier, les producteurs, les distributeurs de
mazout, d'huile à chauffage, etc.
Cinq ans sans augmentation de tarif. Je voudrais reprendre un peu ce que
la ministre vous demandait. Vous ne trouvez pas que vous créez une
pression épouvantable, à ce moment-là? À supposer
qu'il y ait une reprise économique, avec un 5 ans de gel, pour la
santé financière même d'Hydro-Québec, vous ne pensez
pas que ça n'a aucun sens?
M. Boisvert: Comme on a dit tantôt, c'est certain que ces 5
ans de gel, c'est conditionnel à ce qu'on ne revive pas les 5
dernières années qu'on a connues avec une faible
hydraulicité. Mais...
M. Chevrette: Mais pourquoi vous parlez de faible
hydraulicité, M. Boisvert, et que vous ne faites aucune allusion,
même pas l'ombre d'une allusion aux grands contrats des alumineries?
M. Boisvert: Ça peut être assez facile à
expliquer. Je peux vous dire que, sur les 30 membres de l'AQCIE, il y a 6
membres qui ont des contrats à partage de risques et
bénéfices. Il faut bien rajouter le mot
«bénéfices».
M. Chevrette: Avec la clause de confidentialité ou...
M. Boisvert: Si vous voulez me laisser continuer. M.
Chevrette: Je m'essaie. M. Boisvert: Ces contrats-là...
Le Président (M. Bordeleau): Rapidement, s'il vous
plaît, M. Boisvert.
M. Boisvert: Excusez?
Le Président (M. Bordeleau): Si vous pouvez conclure
rapidement, c'est parce que le temps de l'Opposition. ..
M. Boisvert: Oui. C'est des contrats d'une durée de 20
à 25 ans. Actuellement, le prix de l'aluminium, comme le prix d'à
peu près tous les métaux, est très bas. On sait
très bien que, dans les contrats actuellement, les risques, c'est
Hydro-Québec qui les prend, mais c'est des contrats à partage de
risques et de bénéfices. C'est des contrats qui font aussi partie
d'une relation fournisseur-client. C'est des choses qui se pratiquent ailleurs
dans le monde, dans toutes sortes de domaines. Et notre position face à
cela, c'est que c'est certain qu'à l'heure actuelle, avec la situation
des prix, Hydro-Québec ne peut en accepter d'autres, mais, à long
terme, ces contrats-là vont être profitables à tout le
monde. Il faut également se rappeler le contexte dans lequel ces
contrats-là ont débuté à être
négociés, un contexte où Hydro avait des surplus
d'énergie. Et, si ça n'avait été de la faible
hydraulicité des dernières années, Hydro-Québec
aurait eu des surplus.
M. Chevrette: Ce n'est pas vrai, ça.
Le Président (M. Bordeleau): Je laisse la parole
maintenant à Mme la ministre pour 5 minutes.
Mme Bacon: Je voudrais juste revenir sur la comparaison que vous
avez faite entre Tennessee Valley Authority et Hydro-Québec
ça me fatigue un peu, je voudrais revenir là-dessus par
rapport à la qualité de service. En fait, vous savez qu'à
la Tennessee Valley Authority il y a du thermique, il y a du nucléaire,
c'est plus près de la population, le climat n'est pas le même non
plus que le climat que nous avons chez nous, et ce n'est pas que de
l'hydroélectricité. Je pense que c'est difficile de comparer l'un
avec l'autre, là. Moi, il me semble que ça fait un petit peu
boiteux.
Il y a aussi Hydro-Québec qui nous dit dans ses dossiers, dans
son engagement de performance: Pour 1995, nous maintenons l'objectif
énoncé dans le plan de développement 1990-1992, soit 4
heures, à raison de 3,5 heures en distribution et 0,5 en transport et
répartition. C'est un objectif, nous dit Hydro-Québec, qui est
comparable à la moyenne de l'Association canadienne de
l'électricité et qui correspond à la durée
réelle d'arrêt de service pour les clients. Je pense que c'est un
objectif qui est à atteindre, là, et qui est quand même
valable pour le Canada, quand on compare avec ce qui est comparable. En tout
cas, il me semble que ça se compare mieux qu'avec Tennessee Valley
Authority.
Par contre, vous mentionniez tantôt, évidemment, que la
plupart des gens se chauffent à l'électricité. Si on
n'utilisait que le chauffage au gaz, est-ce que vous nous demanderiez encore
d'enlever l'interfinancement? Si, disons, tout le monde était
chauffé au gaz, est-ce que vous feriez les même demandes par
rapport à F interfinancement?
M. Boisvert: Je pense qu'il y a 2 façons, finalement, de
régler ce problème-là: diminuer la pointe et augmenter
l'utilisation pendant les heures creuses. À l'heure actuelle, les
mesures d'augmentation de l'utilisation pendant les heures creuses n'ont pas pu
être utilisées parce que Hydro-Québec avait des
problèmes au point de vue énergie, mais cette situation-là
ne devrait pas durer éternellement. L'autre point, c'est qu'on a un
programme actuellement au point de vue biénergie, mais la formulation ou
son utilisation pourrait être changée afin de permettre un
meilleur mélange des différentes formes d'énergie
disponibles pour fournir le chauffage électrique. On peut rappeler
à ce sujet-là que le Québec est peut-être le seul
endroit au monde où 40 % de toute l'énergie utilisée est
de l'énergie électrique, et la grosse différence: entre
autres au Canada, la moyenne, c'est d'environ 20 %. (9 h 50)
Mme Bacon: Oui, mais vous savez, M. Boisvert, qu'il y a quand
même un potentiel hydroélectrique au Québec...
M. Boisvert: Oui.
Mme Bacon: ...qu'on ne retrouve pas dans certains pays
européens ou ailleurs.
M. Boisvert: Sauf que ce qu'on veut dire, c'est que
l'installation de turbines qui vont fonctionner seulement moins de 1000 heures
par année n'est pas une solution viable à long terme, parce que
ce problème-là va aller constamment en augmentant. Si on regarde,
au cours des dernières années, les investissements majeurs qui
ont été faits, c'est environ 3000 MW de surcapacité dans
des barrages existants. Cette surcapacité-là ne produira pas un
seul kilowattheure supplémentaire parce qu'on a encore les mêmes
barrages et on a encore la même quantité d'eau en arrière
des barrages, mais on a ajouté des turbines à un coût
élevé pour rencontrer la demande de pointe.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le
député de Joliette.
M. Chevrette: À la question que je vous posais, vous avez
dit que les contrats à partage de risques avaient été
signés dans un contexte de surplus énergétique. Avec tout
le respect que je vous dois, c'est en 1982 qu'il y a eu un contrat de
signé avec Bécancour; à Bé-cancour, on a un
surplus, mais pas dans les derniers. Au contraire même. Si, aujourd'hui,
Hydro-Québec semble craintive pour ses réserves, c'est justement
à cause de cela. Et vous vous rappellerez qu'il n'y avait aucune limite,
il n'y avait pas de moratoire. Elle a été obligée de
décréter un moratoire immédiatement après avoir
signé un contrat, et elle se garde un 180 MW parce que c'était
prévu au moment de la signature des contrats qu'il y aurait expansion
à Alouette, sinon...
Vous le savez très, très bien. Non, mais c'est parce que
la vérité a ses droits, là. Je veux bien que
vous affirmiez des choses, mais, pour les contrats secrets, vous devriez
admettre... Moi, ce qui me fâche un petit peu, c'est que vous n'admettez
pas qu'il y a des consommateurs qui paient pour ça. Les consommateurs,
c'est les autres à qui vous demandez dans l'effacement de
l'interfinancement d'assumer une autre facture additionnelle pour tout le
monde. Franchement, la gourmandise...
M. Boisvert: Moi, ce que je peux rappeler, c'est que ces
contrats-là, c'est des contrats de 20 à 25 ans. Ce n'est pas des
contrats de 1 ou 2 ans; c'est des contrats à très long terme.
C'est des contrats qui sont basés sur le tarif L au moment où ils
ont été signés, donc, qui sont basés sur le
même tarif dont toutes les autres industries bénéficient,
et c'est des contrats qui, à long terme, vont être profitables
pour Hydro-Québec. On est d'accord que, présentement, il y a un
problème à cause du prix, mais ça va changer.
L'autre point que je veux faire, c'est qu'au cours des dernières
années la quantité d'énergie à l'exportation a
beaucoup diminué, et ce n'est pas seulement parce que
Hydro-Québec avait moins d'énergie disponible, c'est aussi parce
que le marché n'était plus là pour toute cette
énergie à l'exportation.
M. Chevrette: Est-ce que vous avez demandé à
Hydro-Québec de vous fournir ses propes courbes de projection dans le
domaine des alumineries? Est-ce qu'ils vous ont dit que, d'ici 2010, à
peu près à la fin du contrat, il n'y a aucune possibilité
d'atteindre même le tarif L et que la perte sera de plus de 4 000 000 000
$? Au net, avec les ventes, c'est 2 000 000 000 $. Ça va être une
perte nette de 2 000 000 000 $ et quelques. Est-ce que vous savez
ça?
M. Boisvert: Ça c'est une affirmation que vous faites. Je
n'ai jamais vu ces chiffres-là.
M. Chevrette: Je vous les montrerai, moi, personnellement.
M. Boisvert: Je ne peux pas, donc, les vérifier. M.
Chevrette: Je vous les montrerai.
M. Boisvert: Mais ce que je voulais ajouter, c'est que, quand ces
contrats-là ont été négociés, on ne parlait
pas encore de faible hydraulicité et le marché extérieur
au Québec n'était plus là d'une façon ou d'une
autre. Si on avait traversé des périodes d'hydraulicité
normale, ces industries-là auraient été requises pour
absorber l'énergie; sinon, il y aurait eu des déversements. C'est
assez facile à vérifier. Depuis 1987, il n'y a à peu
près plus de marché pour Hydro-Québec à
l'extérieur.
Cette énergie-là, il faut la vendre quelque part; sinon,
c'est une perte sèche. Il faut se rappeler que, quand ces
contrats-là ont été négociés, on ne parlait
pas de faible hydraulicité. Il n'y a personne qui pouvait le
prévoir.
Le Président (M. Audet): Merci. M. le député
de Drummond.
M. St-Roch: Merci, M. le Président. D'entrée de
jeu, je vous avouerai que, d'ici à demain 13 heures, personnellement, je
suis entré dans une zone de turbulence avancée devant les
mémoires que nous aurons à discuter. J'aimerais rappeler aux
porte-parole de l'industrie ou des associations qui viendront d'ici à
demain principalement que nous vivons, en 1993, dans un monde de
globalité. Moi, je veux bien qu'on fasse des grandes assertions, je veux
bien qu'on donne 5 ans sans augmentation de tarifs, mais il faut se rappeler
une chose: on ne peut pas demander de la main droite et de la main gauche.
À un moment donné, il va falloir qu'on arrive à une
solution, puis il va falloir équilibrer.
Lorsqu'on parle énormément de chauffe en utilisation de
l'électricité, il faut se rappeler aussi qu'ici, au
Québec... Là, je me remets toujours dans un système global
où le Canada a signé une entente aussi pour la diminution, au
niveau de 1990, de toutes les composantes qui ont un effet de serre. Si, demain
matin, on transfère trop au niveau des industries fossiles, on aura de
la difficulté. Et ça se tranférera nécessairement
sur l'industrie qui aura à voir à baisser aussi d'une
façon beaucoup plus significative chacune de ses composantes pour
être capable de rencontrer ces normes-là. Alors, au lieu d'avoir
des coûts en hydroélectricité, vous aurez peut-être
des coûts au niveau de la dépollution, au niveau des
équipements à assumer.
Aussi, il faut se rappeler que l'industrie et les associations dans leur
ensemble demandent au gouvernement du Québec présentement
d'assumer des responsabilités qu'elles ont abdiquées dans les
années passées, et j'en étais un qui était de
l'autre côté jusqu'en 1985. Or, au niveau de la formation
professionnelle, on nous demande maintenant d'investir massivement dans la
formation et le recyclage. On nous demande d'investir dans toutes sortes de
domaines au niveau de l'éducation; alors, il va falloir
équilibrer à quelque part et il va falloir, je pense, commencer
à regarder l'ensemble, dans les coûts globaux.
Lorsqu'on nous dit qu'il faut transférer aux consommateurs, j'ai
vu, moi, à une époque qui n'est pas très
éloignée, qu'on demandait aussi à l'État
québécois de diminuer la fiscalité pour être
concurrentiels parce que, à ce moment-là, ce n'étaient pas
les taux d'électricité qui nous empêchaient de
l'être; c'étaient nos taux de fiscalité qui nous en
empêchaient. Alors, on vit dans un monde qui est turbulent et il va
falloir apprendre, j'ai l'impression, moi, tous ensemble, à être
capables de dégager les manoeuvres pour qu'on puisse équilibrer
et être capables de garder notre prospérité
économique et notre climat social pour les jeunes qui s'en viennent.
Ceci étant dit, j'aurai juste une brève question, M. le
Président. Dans votre mémoire, vous avez parlé de faible
hydraulicité. Dans les documents d'Hydro-Qué-bec, on
prévoit, à partir de 1992, dans le plan qu'on
étudie présentement, une exportation de 2 TWh, de 5 TWh et
de 9 TWh, qui font 16 TWh d'ici les 3 prochaines années à cause
de ce regain d'hydraulicité. J'aurais espéré, moi,
retrouver dans votre mémoire que vous auriez supporté la
recommandation qu'Hydro-Québec nous fait, soit l'autorisation d'un fonds
de stabilisation qui nous permettrait de rencontrer un de vos grands objectifs
qui est d'essayer de maintenir le plus bas possible les prix et d'une
façon la plus uniforme ça, je peux le comprendre aussi, en
tant qu'ex-industriel pour être capables d'assurer des coûts
de production et surtout de prendre des engagements à long terme envers
ceux qui consomment nos produits.
Alors, j'aimerais vous entendre, moi, brièvement, parce qu'on a
très peu de temps. Est-ce que vous êtes d'accord avec ce fonds de
stabilisation pour essayer de maintenir une stabilité de prix?
M. Boîsvert: Je peux vous dire que le fonds de
stabilisation tarifaire, selon l'opinion qu'on a recueillie de nos membres,
c'est une très bonne initiative d'Hy-dro-Québec, et on l'appuie
à 100 %.
Je peux peut-être également revenir sur la première
partie de votre énoncé. C'est qu'on ne prône pas
nécessairement un retour au mazout ou un retour au gaz naturel. Ce qu'on
dit, c'est qu'on a besoin d'un débat sur les coûts de fourniture
afin de montrer le coût réel du chauffage électrique et le
coût réel d'installation des surcapacités qui ont
été faites au cours des dernières années. Si
l'ensemble du Québec décide qu'on doit continuer, que la PME et
la grande industrie doivent continuer de financer le chauffage
électrique, ce sera un débat de société à
faire, mais je ne crois pas qu'on ait présentement les chiffres
réels pour réellement faire un débat à ce
sujet-là. On pense que la situation, au niveau de l'interfinancement,
est bien pire que les chiffres qui sont montrés actuellement. On ne
prône pas nécessairement un retour au gaz naturel ou au mazout, on
veut qu'un débat se fasse et qu'une décision soit prise.
M. St-Roch: Merci.
Le Président (M. Audet): Merci. Je crois que c'est
terminé. Alors, messieurs, au nom des membres de la commission, je vous
remercie de votre présentation.
Nous allons suspendre deux minutes afin de permettre à
l'Université de Montréal de prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à 10 heures)
(Reprise à 10 h 3)
Le Président (M. Audet): Nous recevons maintenant
l'Université de Montréal. Alors, madame, messieurs, au nom des
membres de la commission, je vous souhaite la plus cordiale bienvenue. Je vous
rappelle brièvement nos règles de procédure. Vous disposez
d'une vingtaine de minutes pour nous faire part de votre exposé. Au
préalable, vous vous identifiez. C'est important pour le Journal des
débats. Ensuite, suivra une période d'échanges d'une
quarantaine de minutes. M. le député de Joliette, M. Chevrette,
devrait se joindre à nous dans les prochaines minutes. Alors, vous
pouvez débuter votre présentation. On vous écoute.
Université de Montréal (UDEM)
M. Simard (René): Merci, M. le Président. M. le
Président, Mme la ministre et MM. les membres de la commission, mon nom
est René Simard. Je suis vice-recteur à l'enseignement et
à la recherche à l'Université de Montréal. À
ma droite, je vous présente Mme Irène Cinq-Mars, qui est
vice-rectrice adjointe à l'enseignement, et, à ma gauche, M.
Jean-Claude Panisset, qui est directeur du Département d'hygiène
du milieu à l'Université de Montréal.
Je voudrais, d'abord, vous préciser le contexte de notre
présentation. Nous avons eu très peu de temps pour faire cette
présentation, étant donné que nous n'avons pris
connaissance du plan de développement d'Hydro-Québec que
très récemment. Nous ne sommes pas des experts en
ingénierie et, pour tout ce qui a trait à l'ingénierie,
nous endossons entièrement la présentation et le mémoire
qui vous ont été soumis par l'École polytechnique qui
avait formé un comité d'étude à cet effet. Nous
pensons que son mémoire est très bien fait et nous l'endossons
entièrement.
Cependant, comme on a tous pu le constater depuis un certain nombre
d'années, depuis 1 an ou 2, il existe des campagnes systématiques
de désinformation plus ou moins mensongères concernant la
performance d'Hydro-Québec dans le domaine de l'environnement. Nous
pensions qu'il était important de faire une étude beaucoup plus
approfondie sur la section environnement du plan de développement
d'Hydro-Québec, ne fût-ce que pour contrer cette campagne de
désinformation qui, parfois, outrepasse même les limites du gros
bon sens. Nous avons donc formé un groupe d'experts pour regarder sans
complaisance le plan de développement d'Hydro-Québec, surtout en
ce qui concerne l'environnement.
M. Jean-Claude Panisset, qui est ici à ma gauche, est un expert
en toxicologie écoindustrielle. C'est un expert en analyse du risque
environnemental, surtout en ce qui a trait à la santé, et il est
président du comité de coordination en enseignement et en
recherche pour tout ce qui a trait à l'environnement, à
l'Université de Montréal. Donc, ce comité de coordination
regroupe des experts de différentes disciplines. Un deuxième
membre de ce comité d'experts qui a examiné le volet
environnement du plan de développement d'Hydro-Québec est M.
Peter Foggin qui devait être avec nous aujourd'hui. Malheureusement, il a
eu un malaise cardiaque, hier, donc il n'a pas pu nous accompagner. Ce n'est
pas très grave. Il est directeur du Département de
géographie et il est responsable de tout le volet enseignement et
recherche dans le domaine des aspects environnementaux, de l'aménagement
urbain et des régions nordiques. À
ma droite, Mme Irène Cinq-Mars est professeure au
Département d'architecture du paysage. Elle a une expertise en
aménagement du territoire et du paysage et elle a coordonné les
travaux de ce groupe d'experts. C'est elle qui va vous faire la
présentation du mémoire de l'Université de
Montréal. Mme Cinq-Mars.
Mme Cinq-Mars (Irène): Merci. Comme vient de le dire M.
Simard, nous nous sommes attardés principalement à examiner les
principes qui sous-tendent le positionnement d'Hydro-Québec en ce qui a
trait à la prise en compte de l'environnement dans ses études
d'impact en particulier, et c'est beaucoup ça dont il est question dans
le rapport. Nous pensions qu'il était important de réagir pour 4
raisons principales, comme on le dit ici, à la première page.
D'abord, c'est une première proposition de développement
triennal et, à ce titre, il nous apparaissait important de manifester
notre intérêt et d'encourager l'entreprise d'État dans ce
sens-là parce que, étant de taille, ce projet engage aussi le
développement économique. Il y a plusieurs gens qui sont venus se
présenter devant vous et qui en ont longuement parlé,
discuté et ont argumenté. Par ailleurs, les impacts de ce plan de
développement sur les plans sociaux et environnementaux étant
donc d'une grande importance, ce que nous apprécions et c'est la
deuxième raison pour laquelle nous venons c'est que l'entreprise,
dans ses orientations, on sent qu'elle va au-delà du cercle de la
production-consommation. On sent que c'est une entreprise qui se voit aussi
comme un développeur, j'allais dire. On va parler un peu plus loin de
développement régional. Et elle le fait, à notre avis, de
façon responsable. Ses préoccupations en tout cas,
concernant la préservation, la conservation de l'environnement, les
impacts sociaux dans les milieux où elle s'implante, où elle
implante ses installations nous paraissent donc importantes. Et elle
adhère, justement pour répondre à ces
préoccupations-là, au principe du développement durable.
C'est un principe, comme on le dit un peu plus loin, que nous avons retenu
également à l'Université de Montréal, et nous
expliquerons tout à l'heure dans quel sens. Alors, on trouvait important
de souligner que la réflexion d'Hydro-Québec, à cette
étape-ci, en tout cas, de son implication dans le plan de
développement, était, à tout le moins, responsable et
démontrait qu'elle voulait se donner les outils pour bien
réaliser ses objectifs.
Donc, dans un premier temps, j'aimerais simplement rappeler pourquoi
l'Université de Montréal s'intéresse au
développement durable et, dans cette perspective-là, ensuite
commenter un peu plus en détail sur le petit rapport dont on parlait
tout à l'heure. En fait, ce n'est pas écrit ici, dans le texte,
mais, depuis 1972, l'Université de Montréal a créé
plusieurs comités pour regarder de quelle façon elle pourrait
mieux coordonner et mieux développer également des enseignements
en environnement, mais des enseignements qui ne se bornaient pas uniquement
à comprendre les milieux biophysiques, mais qui le faisaient aussi avec
le sens d'une responsabilité sociale, si je peux dire, qu'on essaie de
développer chez les étudiants, si on peut appeler ça une
conscience environnementale. Petit à petit, nous avons cheminé
depuis 20 ans, si bien que, l'année dernière, l'Assemblée
universitaire et le Conseil de l'université ont adopté un cadre
d'orientation et d'action en matière de formation et de recherche en
environnement. (10 h 10)
Suite à de nombreuses analyses et à des consultations
également du milieu, mais d'experts de l'extérieur nous
avons fait venir des gens de l'industrie, du secteur privé tout autant
que du secteur public nous avons établi un cadre qui
reflète la position institutionnelle. On trouve, dans ce
cadre-là, la définition suivante, enfin, la prise de position
suivante, plutôt: l'environnement, pour l'Université de
Montréal, constitue un enjeu majeur de la société et aussi
un champ d'études et d'intervention de toute première importance,
un axe majeur de recherche. Nous voulons nous préoccuper de cet
axe-là et du développement d'activités d'enseignement et
de recherche, mieux les coordonner, mieux les consolider. Ça se donnait
de façon parcellaire ou éparpillée. Maintenant, il s'agit
de les regrouper. M. Panis-set, d'ailleurs, est le président de ce
comité de coordination.
Alors, nous avons compris la nécessité de trouver des
solutions adéquates et concrètes pour gérer
l'environnement dans tout projet de développement, et ce, à
toutes les étapes de la conception, de l'implantation d'un projet,
quelles que soient la nature et l'envergure, ainsi que lors de l'exploitation
des installations de ces projets. Là, c'est une phase
générale, mais ça s'applique dans le cas
d'Hydro-Québec également.
Alors, dans ce contexte, un plan de développement tel que celui
présenté par l'entreprise de services publics du Québec
qu'est Hydro mérite que l'on s'attarde aux 4 orientations
proposées. Hydro-Québec propose d'intégrer au processus de
planification des préoccupations environnementales, et je pense qu'il
faut être aveugle pour ne pas le constater lorsqu'on regarde son
processus méthodologique. Au-delà même des documents, quand
on examine certains de ses rapports méthodologiques, je pense que c'est
assez évident. Une autre orientation, c'est la gestion des impacts
associés à l'implantation des équipements de production et
de transport; la gestion des impacts associés à la distribution,
cette fois, et à l'exploitation des équipements et, enfin,
l'évaluation de la performance environnementale.
Donc, il nous apparaît que ce plan de développement et les
aspects environnementaux tels que pris en considération constituent un
événement majeur pour les Québécois, dans ce sens
que, manifestement, en tout cas, il nous semblait vous avez
peut-être d'autres informations que c'est la première fois
qu'une grande entreprise de cette envergure-là se positionne de
façon si explicite par rapport au développement durable et
à la prise en compte de l'environnement. Il émet des options de
développement à long terme, donc qui s'inspirent d'une vision
à 2 volets.
Le premier volet, on s'y attend, place la qualité des services
auprès de la clientèle et la gestion optimale
des coûts à l'avant-plan de ses préoccupations.
C'est normal. Je pense qu'on s'attend à ça d'un service public.
Il démontre, dans son document, de quelle façon il veut aussi se
préoccuper de la santé, de la sécurité du public et
de la protection du cadre de vie. Mais ce qui nous intéresse plus
particulièrement, c'est, bien sûr, le deuxième volet,
c'est-à-dire son engagement et sa volonté d'intégrer les
enjeux sociaux et environnementaux à la planification stratégique
de l'entreprise. Il faut connaître un peu l'histoire interne
d'Hydro-Québec pour voir de quelle façon cela s'est graduellement
implanté au sein de l'entrepise, et ça fait maintenant partie de
la planification stratégique. Ce n'est pas, justement, seulement dans la
politique de l'environnement d'Hydro-Québec qu'il y a un principe qui en
parle et qu'on retrouve ça, mais également dans la planification
stratégique.
Alors, encore une fois, les orientations comme l'amélioration du
réseau existant, la promotion de l'économie d'énergie, le
choix de la filière hydroélectrique, le recours à la
cogénération et aux centrales moyennes comme filières
d'appoint, le développement de marchés, mais à la
condition que ce soit bien ciblé, la participation au
développement régional nous apparaissent intéressantes
à cet égard. Encore une fois, pourquoi ça nous
apparaît intéressant? Parce que ça s'inscrit de
façon non équivoque dans la perspective du développement
durable.
Nous pensons aussi et je résume la page 4 que le
plan de développement, surtout quand on regarde cet aspect
environnemental, s'appuie sur des acquis d'une expérience. Ce n'est pas
parce que c'est à la mode qu'Hydro-Québec parle de
développement durable ou se préoccupe d'environnement. Je pense
que c'est venu progressivement, mais c'est venu progressivement aussi par des
expériences d'essai-erreur sur le plan méthodologique. Encore une
fois, pour ses études d'impact, la méthode s'est raffinée.
Bien sûr, ils sont obligés de répondre à des
directives gouvernementales, mais ils le font avec sérieux, de
façon substantielle et ils font appel à des scientifiques et
à des professionnels de plusieurs, je dirais, horizons de
spécialisation. On en nomme certains ici: sciences de la terre,
santé, aménagement, etc., ce qui démontre qu'il y a une
ouverture aussi dans la façon de faire scientifique qui, justement, fait
appel à la concertation, à la collaboration du milieu
académique, mais aussi des milieux, je veux dire, de la
clientèle, des populations. C'est ce qu'on trouve au dernier paragraphe,
l'aspect consultation est intéressant. Malheureusement, on trouve que,
là, Hydro-Québec aurait avantage à le démontrer
mieux, à le faire valoir mieux, parce qu'elle est victime, comme le
disait M. Simard au départ, de campagnes qui, dans le fond,
détruisent la perception très positive qu'on pourrait avoir si on
était, si le public était mieux informé des façons
de faire d'Hydro-Québec.
Un autre aspect intéressant aussi dans l'annexe environnement,
c'est la prise en compte des aspects sociaux, des aspects humains, culturels
dans les évaluations environnementales. On trouve que ces
aspects-là mériteraient d'être développés
davantage, en ce sens qu'on a une bonne connaissance des méthodes,
théories, etc., pour caractériser les milieux biophysiques. On
commence à acquérir un savoir-faire aussi et un savoir sur les
dimensions humaines et culturelles, mais on souhaiterait qu'Hydro-Québec
le développe davantage. Ici, ils pourraient bénéficier
ils le font déjà, remarquez, et on leur demande de le
faire encore plus de l'expertise des universitaires dans le domaine. Je
pense que nous avons des ressources qui pourraient être mises à
contribution, là-dessus.
Donc, rapidement, pour conclure, nous trouvons que le plan de
développement témoigne d'une réflexion sérieuse sur
les enjeux environnementaux ils sont tous identifiés, à
tout le moins en plus d'être axé sur la qualité des
services, et ça, on s'y attend. On pense qu'à l'intérieur
du mandat qui lui est confié parce que, Hydro-Québec, ce
n'est quand même pas le gouvernement du Québec, ce n'est quand
même pas toute l'entreprise qui doit développer le territoire et
avoir cette responsabilité-là c'est un modèle qui
s'acquitte très bien de sa part de responsabilités dans le
développement et en voulant atteindre sa performance environnementale.
Conséquemment, comme elle n'est pas la seule à qui doit revenir
cette responsabilité-là, en troisième paragraphe, nous
pensons que le gouvernement pourrait examiner et peut-être cibler le
rôle d'Hydro-Québec comme agent de relance et de
développement économique, rôle qu'il doit partager avec
d'autres, et reconnaître de cette façon que la
société ne peut pas, à elle seule, prendre position sur
toutes les questions d'ordre stratégique et de développement
économique et régional. Alors, en gros, ce sont les idées
principales de notre mémoire.
Le Président (M. Audet): Merci. Mme la ministre de
l'Énergie et des Ressources.
Mme Bacon: J'aimerais d'abord vous remercier, madame, messieurs,
de votre participation à cette commission. Vous avez mentionné
que «la recherche-développement constitue un lieu de maillage
entre les universités et les entreprises». Je crois que de telles
relations de partenariat sont profitables autant pour les universités
que pour les entreprises.
Il y a un domaine particulier de la recherche environnementale dont on a
beaucoup entendu parler lors de nos travaux de la commission, c'est le domaine
de la gestion intégrée des ressources et la prise en compte des
«external ités». On mentionne souvent que plusieurs
États américains calculent déjà les
«externalités» dans le coût de leurs projets. Est-ce
que vous voulez nous donner votre opinion sur le degré d'avancement de
ces méthodologies et est-ce que vous jugez qu'elles sont prêtes
à être utilisées immédiatement dans le processus
réel d'évaluation des projets hydroélectriques? (10 h
20)
Mme Cinq-Mars: Je ne pourrais pas répondre de façon
précise à l'état d'avancement. Je ne suis pas une experte
en économie et je pense qu'il faut l'être pour
être en mesure d'évaluer sérieusement cette
approche-là. Par contre, pour avoir pris connaissance de l'état
de la situation à Hydro-Québec concernant la prise en compte des
«externalités», je peux dire qu'il y a un effort, une
préoccupation très sérieuse, un état d'avancement
moyen parce qu'on en est encore à se demander quelle est la meilleure
méthode. Il y a plusieurs méthodes pour tenir compte des
«externalités». Ce qui semble difficile, c'est de prendre en
compte les aspects qualitatifs parce que, veux veux pas, les impacts ne portent
pas seulement sur ce qui est quantifiable, ça peut porter aussi sur des
perceptions. M. Panisset peut nous parler de la perception que peuvent avoir
les gens du risque, mais il y a aussi des perceptions de ce qui peut être
non pas une disqualification, mais une qualité moindre suite à
l'implantation d'une installation. Et ça, ça peut, selon les cas,
représenter des coûts différents. Alors, je pense que, sur
l'aspect qualitatif, Hydro-Québec aurait intérêt à
poursuivre sa réflexion, mais je sais qu'ils en tiennent compte, que
c'est une préoccupation sérieuse et c'est à
encourager.
Je réponds partiellement à votre question, j'en suis
consciente, mais je ne suis pas économiste.
Mme Bacon: Non, non. Ça va. Je ne sais pas si M.
Panisset... Est-ce que vous voulez compléter, M. Panisset ou M.
Simard?
M. Panisset (Jean-Claude): Sur l'aspect perception du risque qui
a été mentionné par Mme Cinq-Mars, je pense que ce qu'on
peut regretter, c'est que, des fois, Hydro-Québec ne montre pas
suffisamment toutes les actions qu'elle a prises pour montrer la qualité
de ses travaux. Je pense que, dans les campagnes actuelles de
désinformation, ça nous a profondément desservis comme
Québécois et, personnellement, ça m'inquiète
beaucoup. Alors, je pense qu'il y a beaucoup d'efforts à mettre dans cet
aspect de perception du risque, d'analyse du risque, mais également dans
cette partie de l'analyse du risque qui est l'analyse de la perception.
Mme Bacon: D'accord. Vous demandez au gouvernement de
réexaminer le rôle d'Hydro-Québec comme agent de relance et
de développement économique. Évidemment, les actions
d'Hydro-Québec sont orientées de façon à maximiser
les retombées économiques qui en découlent. Est-ce que
vous pourriez nous faire part, peut-être plus précisément,
de ce que vous souhaiteriez à cet égard-là de la part du
gouvernement et aussi de la part d'Hydro-Québec?
Mme Cinq-Mars: Ce qu'on souhaite de la part du gouvernement... On
peut se placer à plusieurs points de vue. Si on se place, par exemple,
du point de vue du rôle que le gouvernement semble donner du
moins, la perception qu'on a à Hydro-Québec, compte tenu
que les installations d'Hydro-Québec ont, étant donné leur
envergure, un gros impact sur l'environnement dans les régions où
elle s'installe, Hydro-Québec elle-même a pris conscience qu'elle
était un développeur, un agent de développement
régional. Je pense que c'est une entreprise qui fait de son mieux pour
mettre en place des mécanismes de consultation, par sa politique de mise
en valeur et de redonner aux gens une compensation, si on peut dire, pour les
impacts qu'il a pu y avoir, etc. Elle fait déjà beaucoup.
Ce qu'on veut dire par là, c'est qu'il serait peut-être
important qu'en matière de développement, d'aménagement du
territoire, il y ait une planification ou, du moins, une orientation, une
stratégie plus explicite de la part du gouvernement, là-dessus.
Par exemple, HydroQuébec est en train de développer le Grand-Nord
québécois, à toutes fins pratiques. Est-ce qu'on sait
où on s'en va avec ça? Est-ce qu'on sait où on veut aller
avec ça, à part le fait qu'on met en valeur une ressource et
qu'on utilise cette ressource-là pour les autres régions du
Québec? Mais il y a une autre dimension beaucoup plus large et on n'est
pas sûrs qu'Hydro-Québec soit équipée pour faire
cette réflexion-là toute seule. C'est dans cette
perspective-là qu'on s'exprime. Donc, Hydro-Québec a un
rôle à jouer, le gouvernement peut continuer à la traiter
comme un agent de développement régional, mais ce n'est pas
Hydro-Québec qui doit être la seule à le faire.
Mme Bacon: Est-ce que...
Mme Cinq-Mars: Elle doit travailler peut-être à
l'intérieur de certaines orientations, c'est ça, elle a besoin
d'un cadre.
Mme Bacon: Et c'est le gouvernement qui doit le donner.
Mme Cinq-Mars: À mon avis, c'est le gouvernement.
Maintenant, comment le donner? Bien, là, il y a des processus, je veux
dire, il y a des consultations qui peuvent se faire...
Mme Bacon: II y a des communications qui se font.
Mme Cinq-Mars: ...un débat, etc.
Mme Bacon: Est-ce que vous auriez des suggestions
particulières qui seraient de nature à améliorer le
partenariat université-entreprise? Et est-ce que vous identifiez
malgré cela des embûches qui limitent un partenariat? Ou est-ce
qu'il y a des limites vraiment?
M. Simard: Je n'ai pas compris la dernière partie de la
question.
Mme Bacon: Est-ce qu'il y a des embûches qui pourraient
limiter le partenariat université-entreprise?
M. Simard: Oui, il y a des enjeux qui limitent
éventuellement... La mission des universités en matière de
recherche est quand même le développement général
des connaissances, et j'entends par là le développement
des connaissances fondamentales pour accumuler des banques de
connaissances ou des capitaux qui puissent être, éventuellement,
utilisés. enfin, ce sont des banques de connaissances qui vieillissent
vite et qui doivent être constamment renouvelées. par
conséquent, il y a quand même une limite dans les activités
de recherche appliquée qu'il est possible aux universités de
faire. je vous donne un exemple. par exemple, il y a 5 ans, à
l'université de montréal, 2 % des fonds de recherche provenaient
des entreprises à but lucratif, des industries, 2 % seulement. l'an
dernier, c'était 25 %. jusqu'où on va aller? il y a une balance
à tenir, là, il y a une balance d'expertise, bien sûr, dont
on doit encourager l'implication dans la recherche de type appliqué, de
type industriel. mais il y a une certaine limite qu'on ne doit pas
dépasser parce que je pense que ce serait dangereux de le faire. je
pense qu'à ce moment-là les universités ne garderaient
plus la distance qu'elles doivent garder vis-à-vis des entreprises.
mais, en fait, on a beaucoup encouragé ça, et je peux vous dire
que la moyenne canadienne est à peu près actuellement de 12 % des
fonds de recherche des universités canadiennes qui viennent de contrats
d'entreprises à but lucratif. ça m'inquiète un peu de voir
qu'à l'université de montréal on est rendus à 25 %.
il y a une limite. je ne sais pas quelle est la limite, il n'y a pas de chiffre
magique, là, mais il y a quand même une limite sur laquelle ont
doit réfléchir. je pense que c'est la disponibilité des
ressources et des expertises qui fait en sorte qu'à un moment
donné, on doit faire attention.
Mme Bacon: Merci.
Le Président (M. Audet): Merci. M. le député
de Labelle.
M. Léonard: Merci. Bonjour, M. Simard, Mme Cinq-Mars, M.
Panisset. J'ai lu votre mémoire, je le trouve, disons, très
positif, pour ne pas dire, à un certain point, peut-être
complaisant envers le projet d'Hy-dro-Québec. Ça m'amène
à vous poser une question, parce que vous prenez l'environnement, donc
la perspective à long terme, et je pense que c'est ça qu'on
relève avec un souci de définir un développement
intégré sous toutes ses facettes. Mais, dans le programme de
développement d'Hydro-Québec et les mémoires que nous
avons vus ici en commission, il y a aussi beaucoup de critiques qui ressortent,
et c'est un peu l'objet de nos travaux. Hydro-Québec nous
présente un projet, un plan de développement de 3 ans avec des
perspectives aussi à plus long terme ultérieurement. Moi, la
question que je me pose: De votre point de vue, quel est le principal
défaut de ce plan de développement? Lequel voyez-vous? Il n'y a
personne de parfait sur la terre; je comprends qu'Hydro-Québec, c'est
très bien, mais au-delà de ça?
M. Simard: Je pense que j'ai bien précisé le
contexte de notre intervention. Les campagnes de désinformation ont
dépassé les bornes.
M. Léonard: Oui.
M. Simard: Je vous signale 3 exemples. On a porté à
mon attention des articles apparaissant dans Asahi Shimbun, de Tokyo,
où on affirmait qu'Hydro-Québec utilisait des chars d'assaut pour
écraser la forêt et ceux qui vivent dedans. Je pense que c'est un
peu fort. C'est le genre de campagne... Mais n'oubliez pas que c'est quand
même des campagnes qui apparaissent dans le principal journal de Tokyo.
Il n'est pas tiré, comme La Presse, à 100 000 exemplaires,
il est tiré à 6 000 000 d'exemplaires; donc, ça peut faire
mal à l'image du Québec et du Canada. Premier exemple de
désinformation. (10 h 30)
Deuxième exemple de désinformation: l'été
dernier, vous avez tous lu ça, il y avait des moines bouddhistes qui
marchaient depuis New York, pieds nus et tout ça, et qui venaient
protester contre les politiques environnementales d'Hydro-Québec. Je me
demande ce qu'ils connaissent dans l'environnement de type nordique dans lequel
nous vivons. En tout cas, on peut remettre en question ce genre de campagne. On
peut se demander qui est derrière ça.
Troisième campagne de désinformation, et ça, c'est
un secteur que je connais bien, on dit que les lignes électriques,
à cause des forces électromagnétiques, causent toutes
sortes de maladies aux animaux, aux gens, l'hypertension, le cancer et tout
ça. Il existe de très bonnes études
épidémiologiques qui ont été faites dans les
années soixante-dix, auxquelles personnellement j'ai participé,
qui démontrent exactement le contraire. Ça fait qu'il n'y a pas
d'effet «documentable» valable. Je ne dis pas qu'il n'y en aura pas
éventuellement parce qu'il faudrait faire toutes les maladies. Il y a
toujours des choses que l'on ne connaît pas dans ces domaines-là.
Mais l'affirmer péremptoirement, je trouve ça un peu fort. C'est
le genre de campagne de désinformation qui, d'après moi, devait
être contrée par une institution qui a des préoccupations
en matière environnementale. Je n'ai pas répondu à votre
question. Peut-être que Mme Cinq-Mars...
Mme Cinq-Mars: Je vais enchaîner, mais je vais
répondre. Il y a une fragilité, je dirais, dans le plan de
développement. De là à dire que c'est une faiblesse, je le
laisse à votre jugement. Mais, avant de parler de ça, je voudrais
dire que ces campagnes-là nous discréditent tous,
discréditent les scientifiques qui ont travaillé avec
Hydro-Québec. Justement, s'il y a un point fort dans le plan de
développement, à notre avis, c'est la prise en compte de la
problématique environnementale, et ce n'est pas juste des mots.
Ça s'appuie sur des études, O.K.? Ça s'appuie sur la
contribution de scientifiques qui ont travaillé avec Hydro-Québec
à développer les dossiers d'inventaires, les dossiers d'analyse,
les dossiers de synthèse, les méthodologies de façon
très sérieuse. C'est tout ce monde-là, donc, qui est
incompétent, au Québec, si on croit ces campagnes-là.
Ceci étant dit, la fragilité, c'est peut-être le
fait
qu'Hydro-Québec mise surtout, pas seulement mais surtout, bien
sûr, sur l'hydroélectricité. Et là, le
mémoire de Polytechnique en a parlé; on a regardé son
document et nous trouvons que l'argumentaire a de l'allure. Il y a
peut-être là un élément de fragilité. De
là à endosser le nucléaire on pourrait embarquer
là-dessus comme le suggère le mémoire, on mettrait
des bémols là-dessus. Encore une fois, on n'est pas des experts
en engineering. Il y a des pour et des contre le nucléaire. Comme
citoyenne, mettons, je peux dire qu'il y a des inquiétudes parce que je
n'ai jamais vu des analyses de contre-expertise qui me confirment qu'il faut
abandonner ça. Mais je n'ai pas vu, non plus, le contraire. Alors,
personnellement, je ne me positionne pas là-dessus et je pense que le
comité qui a regardé le document, non plus. Mais, sur le fait
qu'il n'y a pas assez de diversité, ce n'est pas assez
développé, c'est peut-être l'élément fragile
du plan de développement.
M. Léonard: Oui, très bien. Mais, autre
élément, Hydro-Québec prévoit des économies
d'énergie, a tout un programme d'économies d'énergie.
Est-ce que vous trouvez qu'ils vont assez loin? Est-ce que vous trouvez que
c'est réaliste? Est-ce que vous trouvez qu'ils devraient aller plus
loin, quitte à mettre les bouchées doubles? Sur ce
plan-là, en termes environnementaux, je pense que ça a des
répercussions considérables...
Mme Cinq-Mars: Oui.
M. Léonard: ...étant donné que vous voulez
porter l'éclairage surtout là-dessus.
Mme Cinq-Mars: Vous parlez de l'efficacité
énergétique et de ces histoires-là?
M. Léonard: Oui.
Mme Cinq-Mars: Effectivement, il y a un programme. Il y a des
prévisions là-dedans, il y a des orientations, des objectifs
qu'on endosse. Est-ce qu'ils vont assez loin? Il y a un élément
sur lequel ils essaient d'agir, bien sûr, c'est le contrôle de la
demande, de la consommation; du point de vue de la demande, ils essaient d'agir
là-dessus et il y a différentes stratégies
proposées. C'est déjà beaucoup. Peut-être qu'on est
réaliste au lieu d'être idéaliste. C'est déjà
beaucoup. C'est difficile de contrôler la demande parce qu'il y a des
habitudes à changer. Ce qui est intéressant, c'est de voir
comment, à Hydro-Québec, ils se préoccupent de ce qu'ils
appellent l'éducation, la sensibilisation autant de leurs
employés que du consommateur. Ils vont même dans les
écoles. On sait qu'Hydro-Québec travaille dans les écoles
primaires à développer, j'ai vu, des outils didactiques. Aussi
dans les pas les foires expositions, les congrès, les
trucs, Hydro-Québec est présente pour essayer de sensibiliser les
gens à réduire leur consommation. Alors, je pense qu'il y a des
efforts méritoires.
M. Léonard: Si je reviens à... Mme Cinq-Mars:
Est-ce que... M. Léonard: Oui.
M. Panisset: J'aimerais ajouter quelque chose sur ce que vient de
dire Mme Cinq-Mars. Moi, je trouve qu'il y a des efforts intéressants,
louables sur les économies d'énergie, mais demander à une
entreprise de prêcher contre sa production, je pense que c'est un peu...
Il y a quelque chose qui est un peu... Vous savez, c'est comme la
contraception, ici.
M. Léonard: C'est masochiste.
M. Panisset: Bien, c'est se tirer dans le pied. Alors, je pense
qu'il y a peut-être d'autres instances qui doivent s'occuper de cet
aspect-là. Avant tout, si HydroQuébec est une entreprise, elle
est là pour produire au meilleur coût, etc. L'éducation de
la population, je pense que c'est très bien de prêcher
l'économie, mais je pense que c'est une mission qui est difficile.
M. Léonard: En termes environnementaux, est-ce que vous
partagez l'avis qui a été émis, à un moment
donné, ici qu'un grand barrage a moins d'effets négatifs que
plusieurs petits barrages, en tout cas, plusieurs barrages de taille
moyenne?
Mme Cinq-Mars: Je ne peux pas me prononcer là-dessus.
M. Léonard: Non?
Mme Cinq-Mars: Non. J'aime autant ne rien dire que de dire des
choses inexactes.
M. Léonard: C'est parce qu'il peut y avoir peut-être
une relation entre cela et le développement régional.
Mme Cinq-Mars: Ce n'est pas évident. Il faudrait nous
démontrer... D'abord, dépendant de la localisation de ces petits
barrages-là, de la population qui est affectée, il peut y avoir
un effet multiplicateur. Est-ce que les effets cumulatifs d'une multiplication
de petits barrages sont moindres que l'impact d'un gros barrage? Je veux dire,
il y a beaucoup de facteurs. On ne peut pas répondre. Moi, en tout cas,
aujourd'hui, je ne peux pas vous répondre oui ou non là-dessus.
C'est une question qui est très pertinente, par ailleurs. Mais je ne
peux pas vous répondre là-dessus.
M. Simard: Ce sont des études à faire.
Le Président (M. Audet): Je vous remercie. M. le
député des Îles-de-la-Madeleine.
M. Léonard: Merci beaucoup.
M. Farrah: Oui. Merci, M. le Président. Alors, madame et
messieurs, bonjour, à mon tour. Pour continuer dans la même veine
que mon collègue de Labelle, au niveau de l'efficacité
énergétique, vous avez dit que ce n'est peut-être pas
nécessairement le rôle d'Hydro ou, en tout cas, que c'est
paradoxal un peu comme situation. Est-ce qu'il se fait de la recherche
universitaire au niveau de l'efficacité énergétique? Ce
serait peut-être un peu le rôle aussi.
Mme Cinq-Mars: Oui. À ma connaissance
peut-être que M. Panisset pourra compléter ou M. Simard ce
n'est pas un thème de recherche comme tel, identifié comme tel.
Par contre, c'est sûr que, du côté, par exemple, des
ingénieurs, de l'École polytechnique, il y a certainement des
travaux qui se font quand on pense à la biénergie, comment
organiser les systèmes. Il y a des études techniques qui se font
sur les différentes formes d'énergie, les différentes
formes de combustible, comment on organise ça dans les systèmes,
les impacts que ça peut donner, etc. Donc, sur le point technique
je pense à l'École polytechnique je répondrais oui.
À l'Université de Montréal, je ne pense pas qu'il y ait
beaucoup de...
M. Simard: Non. Tout notre secteur de sciences appliquées
dépend vraiment de notre école affiliée qui est
l'École polytechnique, et ce sont eux qui pourraient vous
répondre à cette question-là.
Mme Cinq-Mars: Dans ce domaine-là. Par contre, un autre
domaine dont on parle peu, même dans vos questions, c'est tout l'aspect
perceptuel et de la qualité visuelle des paysages, par exemple.
Ça, c'est important et on en tient très peu compte. Pourtant,
c'est ce qui touche aussi les gens. Le sentiment de vivre dans un environnement
déplaisant, ça les touche beaucoup, maintenant. Et ça,
oui, il y a de plus en plus d'études qui se font là-dedans.
M. Farrah: O.K. Depuis le début des travaux de la
commission, certains intervenants ont mentionné qu'Hydro-Québec
accaparait la majorité des experts privés en environnement. Ces
intervenants soutenaient qu'il était impossible de contre-expertiser
Hydro-Québec. Alors, voulez-vous nous donner votre opinion à ce
sujet-là?
M. Simard: Écoutez, je pense qu'en toute bonne foi, quand
on a vu le plan de développement, on s'est adressés à un
groupe d'experts indépendants, absolument libres de toute attache, et on
leur a demandé d'examiner sans complaisance le plan de
développement d'Hydro-Québec. Je pense que nous avons
suffisamment de ressources indépendantes pour pouvoir donner une opinion
nuancée, mais objective, quant à nous. Enfin, c'est la meilleure
expertise possible. C'est sûr que les préoccupations
environnementales au Québec, dans les entreprises, c'est quelque chose
de très récent. C'est pour ça que le «rapport»
dit ici: On est très heureux qu'Hydro-Québec s'en
préoccupe et s'en préoccupe apparemment sérieusement quant
au principe. Quant à l'état d'avancement des travaux, quant
à la performance environnementale, c'est peut-être une autre chose
qu'il faudrait évaluer, mais, enfin, les préoccupations sont
là. Les problèmes sont, d'après nous, relativement bien
posés. (10 h 40)
M. Farrah: Vous mentionnez l'importance de la recherche
environnementale et sociale, notamment en ce qui a trait aux mesures
d'évaluation d'impact lors de la réalisation de projets, ainsi
que pendant leur exploitation. Selon vous, quels sont les aspects de la
recherche pure et appliquée dans les domaines environnemental et social
sur lesquels Hydro-Québec aurait le plus avantage à investir au
cours des prochaines années?
M. Panisset: Du côté de la
santé-environnement, il y a sûrement des études
fondamentales à approfondir dans le domaine de la toxicité
à long terme de faibles concentrations de mercure que l'on retrouve, par
exemple, dans certains poissons. Alors, il y a des études de ce
côté-là qui sont amorcées, mais dont les
résultats ne viendront pas avant 3 ou 4 ans. De ce
côté-là, il y a des études fondamentales qui doivent
être continuées. Du côté social, je dirais que
ça a vraiment trait à des questions, encore une fois, de
perception du risque. Il y a sûrement des travaux à faire en
psychologie. Maintenant, ce n'est pas mon domaine, mais c'est un champ de
l'analyse du risque qui est en train de se développer, toute la question
de la perception du risque. On le connaît un petit peu plus avec le
risque représenté, par exemple, par les médicaments. On
commence à l'évaluer pour ce qui est du risque environnemental.
Il y a beaucoup de travaux qui sont à faire de ce
côté-là. J'espère que ça répond
à votre question.
M. Farrah: Oui. Au niveau du développement
régional, vous en avez parlé un peu, Hydro-Québec est un
agent important. Vous dites que ça ne doit pas être le seul, non
plus. Paradoxalement à tout ça, c'est sûr
qu'Hydro-Québec a un rôle social à jouer aussi, qui peut
peut-être affecter un peu, je dirais, son fonctionnement normal, entre
guillemets, dans le sens que, dans une libre concurrence, on ferait
peut-être abstraction du rôle social d'Hydro-Québec. Par
exemple, on a vu les décisions d'Hydro au niveau des coupures dans les
bureaux régionaux et tout ça. Ça a fait un tollé de
protestation. Ce n'est pas nécessairement le rôle
d'Hydro-Québec de créer de l'emploi pour créer de
l'emploi. Son but premier, c'est de fournir de l'électricité
à tout le monde à un prix unitaire. Alors, quelle serait la
limite du rôle social d'Hydro-Québec? Je sais que c'est une
question qui n'est peut-être pas facile. Quelle serait la limite du
rôle social? Par ailleurs, on exige d'Hydro-Québec, au niveau
financier, de maintenir ses ratios, d'avoir une économie saine à
l'intérieur de son entreprise, etc. Alors, comment pallier les deux?
Mme Cinq-Mars: Par rôle social, vous voulez
dire comme agent de développement d'emplois? C'est ça, les
limites?
M. Farrah: Oui.
Mme Cinq-Mars: Je ne sais pas quoi vous répondre. Je
m'excuse, là. Il faudrait que j'y réfléchisse. Je ne sais
pas si mes collègues ont une réponse là-dessus, les
limites du rôle. Est-ce que vous en voyez, vous?
M. Farrah: Moi, je pense que oui, dans un certain sens, parce
que, par ailleurs, Hydro-Québec doit gérer de façon saine.
Par ailleurs, il y a une importance au niveau des régions. Moi, je viens
d'une région éloignée, les Îles-de-la-Madeleine.
Hydro-Québec est un employeur important chez nous.
Mme Cinq-Mars: Aux Îles-de-la-Madeleine? M. Farrah:
Oui, aux Îles-de-la-Madeleine.
Mme Cinq-Mars: Vous allez avoir des parcs d'éoliennes.
Une voix: II aime le bruit.
M. Farrah: Peut-être. En tout cas, il y aura l'impact
environnemental à regarder.
Mme Cinq-Mars: Oui, effectivement.
M. Farrah: Mais ce n'est pas seulement investir pour investir,
faire un développement régional; il faut qu'il y ait des
justifications à tout ça également. Ce n'est pas de
maintenir de l'emploi pour juste maintenir de l'emploi. Il doit y avoir des
justifications à tout ça. Par ailleurs, il y a des pressions
populaires ou publiques, compte tenu que c'est une organisation
gouvernementale.
Mme Cinq-Mars: Mais est-ce que votre question ne revient pas
à ce qu'on disait tout à l'heure sur le fait que le gouvernement,
entendons-nous quand on dit gouvernement... La responsabilité
première du développement régional, elle est là.
Est-ce que ça revient un peu à ça? Quand vous dites que le
rôle d'Hydro-Québec est limité, est-ce que c'est à
ça que vous faites référence, vous aussi?
M. Farrah: Moi, oui. Mme Cinq-Mars: O.K.
M. Farrah: Oui, comme agent de développement
régional.
Mme Cinq-Mars: C'est ça. Alors, la limite, elle est
là où commence la responsabilité du gouvernement,
c'est-à-dire que ce n'est pas Hydro-Québec... HydroQuébec
a besoin de se situer à l'intérieur de grandes orientations. Pour
le moment, il n'y en a pas et elle le fait là où elle s'installe,
dans le fond. Je ne sais pas si ça répond un peu à vos
préoccupations.
M. Farrah: Ça va.
Le Président (M. Audet): Merci, M. le
député. M. le député de Labelle.
M. Léonard: Oui, merci. Je voudrais revenir au rôle
de partenariat universitéHydro-Québec, et en fonction du
rôle d'Hydro-Québec en termes de développement
économique. Hydro-Québec produit de l'électricité.
Au début, il y a 25 ans, il y a 30 ans maintenant, lorsqu'on l'a
nationalisée, on lui a aussi assigné des fonctions de
développement économique au Québec, et on s'attendait
à ce qu'il y ait beaucoup de retombées en termes de
sous-traitance. Je dirais que la question se pose. Elle a été
soulevée à certaines occasions aussi ici. La question se pose
encore, de plus en plus, à mon sens, parce que, lorsqu'on parle de
recherche-développement et de concurrence internationale, je pense qu'on
doit s'interroger sur l'avance qu'on peut avoir ici ou qu'on a eue, mais qu'on
a encore, je pense, sous plusieurs aspects, en hydroélectricité,
mais aussi en développement de l'utilisation de
l'électricité.
Quel est le rôle que vous verriez ou qu'est-ce que vous
souhaiteriez qu'il y ait comme osmose entre Hydro-Québec et le monde
unversitaire pour, disons, avancer sur le plan économique?
M. Simard: C'est une question qui n'est pas simple, M.
Léonard.
M. Léonard: Non. Non, non. Je pense que non.
M. Simard: C'est une question qui n'est pas simple. Nous avons
terminé...
M. Léonard: Mais est-ce que vous trouvez, d'abord, que
c'est suffisant, à l'heure actuelle, ou si vous voudriez qu'il y en ait
plus?
M. Simard: Oui. Nous avons terminé notre mandat en
suggérant que le gouvernement examine encore, une nouvelle fois, le
rôle d'Hydro-Québec comme agent de relance et de
développement économique. On pense que le gouvernement a un
rôle à jouer là-dedans et qu'Hydro-Québec ne doit
pas être la seule à examiner ce...
M. Léonard: M. Simard, je trouve que, oui, le gouvernement
a un rôle à jouer, mais je dirais que l'université,
à mon sens, a un rôle à jouer. Les milieux de
recherche-développement ont un rôle à jouer, donc
l'université.
M. Simard: II y a quand même relativement beaucoup de
contacts entre Hydro-Québec et le monde universitaire. C'est
donné sous forme de contrats, c'est
lancé sous forme de chaires. On souhaiterait, bien sûr,
qu'il y en ait un peu plus. On leur a proposé, nous, un certain nombre
d'expertises, allant de l'écologie écoin-dustrielle dans les
secteurs santé jusqu'à l'astrophysique, des études sur les
taches solaires qui sont des causes de pannes, de pannes sérieuses.
À un moment donné, on a vécu ça au cours des
années. D'ailleurs, ils ont choisi, dans le cadre de ce qui les
intéressait, plutôt, avec nous des études de
toxicologie.
M. Léonard: Disons que...
M. Simard: Est-ce qu'il y en a assez? Est-ce qu'il y en a
trop?
M. Léonard: C'est ça. Hydro-Québec
prévoit 2 % de son volume d'affaires en recherche-développement.
la question qu'on se pose, c'est: est-ce que c'est suffisant? pourquoi
ça ne pourrait pas être, par exemple, 10 %? c'est un chiffre que
je lance comme ça.
Mme Cinq-Mars: Pourquoi pas 25 % ou 50 %? Je veux dire...
M. Léonard: 50 %, ça me paraît très
gros. Ce que je veux dire...
Mme Cinq-Mars: Non, mais, M. Léonard... M.
Léonard: Oui, je veux dire...
Mme Cinq-Mars: ...est-ce que qu'il ne faudrait pas d'abord
identifier sur quoi il faut faire de la recherche? Parce que lancer un chiffre
pour un chiffre, c'est un peu arbitraire. Je suis d'accord avec vous, 2 %, 3 %,
5 %, c'est vrai. alors, peut-être que... nous, on souhaiterait, les
universités souhaiteraient, bien sûr, qu'il y ait davantage de
relations en recherche-développement, davantage de projets. on ne peut
pas prendre une décision comme ça. je pense qu'il faudrait
regarder quels seraient les axes de développement, quels seraient les
axes de recherche. ça en vient à la question de monsieur des
îles-de-la-madeleine, tantôt.
M. Léonard: Je suis d'accord. Mais, si, comme
société, on vise 2 % du PIB en recherche-développement
alors qu'une des sociétés motrices, comme HydroQuébec, n'y
consacre que 2 %, où est-ce qu'on va? Moi, je trouvais que, sur ce
plan-là... Je comprends qu'on ne peut pas dire 10 %, 15 % c'est
un chiffre que je lance pour les fins de la discussion mais qu'il doit y
avoir un effort beaucoup plus grand qu'il n'y a dans le plan,
là-dessus.
Mme Cinq-Mars: Oui, vous avez raison. (10 h 50)
M. Panisset: Écoutez, d'abord, 2 %, pour moi, je ne me
représente pas, en termes de dollars, à quoi ça
correspond. Moi, ce qui m'importe, c'est de savoir, dans une industrie qui
fabrique de l'électricité, qu'est-ce que ce 2 % peut
représenter par rapport à une autre? ça, c'est la
première question que je me pose parce que 2 % pour
l'électricité... vous pouvez avoir 15 %, par exemple, dans
l'industrie pharmaceutique, parce que, dans toute l'industrie pharmaceutique,
il y a un chiffre qui est entre 15 % à 20 % qui est consacré
à la recherche.
Alors, je ne sais pas. Je ne peux vous répondre à quoi
ça correspond parce que je n'ai pas de base de comparaison.
M. Simard: Est-ce que le 2 %, M. Léonard, inclut les
activités de l'IREQ...
M. Léonard: Oui.
M. Simard: ...ou si c'est simplement la recherche
contractuelle?
M. Léonard: Non, non. Ça comprend l'IREQ. M.
Simard: Ça comprend? Ça ne comprend pas?
M. Léonard: II me semble que oui. Oui, c'est le même
budget.
M. Simard: C'est le même budget. M. Léonard:
Oui, oui.
Mme Cinq-Mars: Je ne penserais pas, moi. Mais il y a une chose
à Hydro-Québec qu'il faut constater: il y a là une banque
impressionnante de données colligées dans différents
domaines. On parlait tantôt des études qui se font sur le mercure,
tout ça. Il y a une technologie très avancée sur le plan
de l'informatique en matière de simulation visuelle, enfin, tout un tas
d'éléments comme ça, d'instruments intéressants
dont le milieu universitaire pourrait profiter si c'était davantage
accessible. Il y quelque chose là qu'on pourrait regarder pour le bien
de la société québécoise. Ça, c'est un
aspect dont on ne parle pas, mais il y a là vraiment une technologie et
de la connaissance, aussi, qu'il y aurait intérêt à
diffuser de façon beaucoup plus généreuse quand on n'est
pas pris par la question de la confidentialité. On peut comprendre qu'en
cours de projet, des fois, on ne peut pas toujours diffuser ce qu'on trouve,
mais il vient un moment où on peut le faire et, là, moi, je
souhaiterais qu'Hydro-Québec s'y mette.
M. Simard: J'ajouterais que, juste à côté de
l'IREQ existe l'INRS-Énergie qui est financé entièrement
par le gouvernement, où, là, il y a un projet qui porte sur
l'énergie, enfin, le projet Tokamak. Et là, il y a aussi des
investissements importants qui ne font peut-être pas partie
d'Hydro-Québec, mais je sais que les experts d'Hydro-Québec
travaillent en collaboration très, très étroite avec les
chercheurs de l'INRS-Énergie. En fait, c'est normal et ce sont les
objectifs de recherche de l'INRS-Énergie, ce sont des installations
assez impres-
sionnantes.
Le Président (M. Audet): Très brièvement, M.
le député, votre temps est presque écoulé.
M. Léonard: Très brièvement, M. le
Président, vous allez comprendre tout de suite. Je veux simplement
féliciter M. Simard qui sera le prochain recteur de l'Université
de Montréal à compter du 1er juin.
M. Simard: Merci.
M. Chevrette: Ça, ça ne coûte pas cher et
c'est bon. Ha, ha, ha!
Le Président (M. Audet): M. le député de
Drummond.
M. St-Roch: Merci, M. le Président. D'entrée de
jeu, M. Simard, je souscris entièrememt à une de vos
préoccupations du début, dans votre exposé, où vous
mentionnez qu'il faut qu'il y ait une accumulation de savoir au niveau de la
recherche pure. C'est peut-être une des manières dont
Hydro-Québec pourrait, en regard de ses grandes priorités et en
regardant le futur, peut-être parrainer davantage, quant à moi, de
la recherche, un peu pour accumuler cette banque de savoir.
M. Simard: Et regarder les problèmes de formation
d'expertise et d'investissement dans les jeunes pour développer des
expertises dont ils auront éventuellement besoin.
M. St-Roch: Un jour. Mme Cinq-Mars, vous avez raison, aussi, de
dire que... Je l'avais souligné, d'ailleurs, en 1990, lorsqu'on avait
regardé le plan de 1990-1992 d'Hydro-Québec. Ce qui m'avait
étonné et estomaqué, à ce moment-là,
c'était la somme de connaissances qui étaient accumulées
par Hydro-Québec au niveau environnemental, au niveau de la fabrication,
du transport, au niveau de la connaissance des milieux nordiques. On avait mis
en garde, à ce moment-là, Hydro-Québec de faire des
programmes pour diffuser le plus rapidement possible ces
connaissances-là. D'ailleurs, vous y touchez avec raison, à la
page 4. Ce qui m'inquiète, moi, personnellement, et vous y avez
touché aussi, c'est que, de plus en plus, certains milieux associent
qu'Hydro-Québec a la mainmise sur toutes les connaissances, ici, au
Québec et qu'il n'y a plus personne d'indépendant qui est capable
d'en faire la critique, ce qui est complètement faux.
Ceci étant dit, j'ai énormément
apprécié votre mémoire, mais il y a une chose que
j'aimerais vérifier avec vous dans cette grande perspective de
développement d'Hydro-Québec. Il reste, quand on regarde
plusieurs mémoires qui nous ont été
présentés ici, qu'on devrait harnacher à peu près
tout ce qui existe de rivières et ce qui est un potentiel au
Québec. Or, à ce moment-ci, moi, il m'apparaît qu'on
demande à HydroQuébec d'être un producteur
d'électricité à faible coût, mais ça
sous-entend aussi un peu ce que vous disiez tout à l'heure, se tirer
dans le pied, au niveau de l'efficacité énergétique de
dire: Je vais harnacher tout ce qui est possible. Ne croyez-vous pas que
quelqu'un... Est-ce que ça pourrait être un organisme
gouvernemental?
Je pense que, oui, on devrait commencer à identifier quelques
rivières qu'on conserverait dans le patrimoine québécois
non harnachées, et qu'une priorité devrait être mise sur
Hydro-Québec d'aller compléter le développement de ce qui
est déjà harnaché, comme la Saint-François, la
Saint-Maurice, la Péribonka, et, bien, là, de se servir de ces
nouveaux investissements pour corriger les problèmes qu'à cause
du manque de connaissances on a laissés s'accentuer dans le
passé. Ça, ce serait une des premières choses, là,
afin de revaloriser une crédibilité, une image
d'Hydro-Québec et du Québec sur une scène un peu
internationale, en disant: Bien, voici, maintenant, on a commencé
à mettre des balises, il y a des rivières qu'on va regarder.
Mme Cinq-Mars: Vous parlez de cibler, dans le fond, le
développement de l'hydroélectricité davantage. Je pense
que c'est plein de bon sens, mais ça doit s'inscrire peut-être
aussi dans un plan stratégique de développement où on
cherche à regarder aussi d'autres sources d'énergie probablement.
On parlait de diversité, tantôt. Solutionner le problème
d'Hydro-Québec, ça ne solutionnerait peut-être pas le
problème à très, très long terme de l'ensemble du
Québec. On a souvent évoqué la nécessité de
réfléchir sur le développement énergétique
du Québec. Ce serait peut-être le temps de le faire.
Mme Bacon: Vous allez faire plaisir à M. Chevrette.
Mme Cinq-Mars: Oui?
Le Président (M. Audet): Brièvement.
M. St-Roch: Oui. Vous y avez touché, Mme Cinq-Mars, tout
à l'heure; on a pris connaissance aussi du mémoire de
Polytechnique au niveau de l'énergie nucléaire, où est-ce
qu'on allait un peu alentour de 3200 MW, à ce moment-là, si ma
mémoire est fidèle. Mais ne croyez-vous pas que, dans le but de
garder nos acquis et de garder ce réservoir-là de
compétences qu'on a déjà accumulé ici au
Québec et au Canada, de donner la chance aussi à d'autres jeunes
de garder leurs connaissances, au milieu universitaire de continuer le
développement au niveau de la recherche pure, Hydro-Québec
devrait au moins inclure une unité là, on parle
aujourd'hui modérément d'à peu près 600 MW, pas
plus que ça pour être capable de garder ce
savoir-faire-là en prévision des années du XXIe
siècle, 2010, 2015, au cas où on en aurait besoin, dans un
premier temps? Dans un deuxième temps, aussi...
Mme Cinq-Mars: Vous parlez de celle qui existe actuellement
à Gentilly?
M. St-Roch: Non, de nouvelles... Mme Cinq-Mars: Une autre?
Ah, O.K.
M. St-Roch: ...une autre nouvelle, une neuve de 600 MW pour
garder ce réservoir-là. Parce qu'il y aurait un corollaire aussi,
moi, qui m'apparaît de plus en plus important avec certains pays
où ils n'ont pas d'autre choix que d'avoir le nucléaire. Moi,
j'aimerais ça qu'au Québec on ait une certaine expertise dans le
cas de difficultés dans d'autres pays, qu'on ait un savoir-faire ici,
qu'on soit capables d'aller les dépanner, parce que, tôt ou tard,
la pollution n'a pas de frontières, on aura des retombées. On
pourrait s'en servir à ce moment-là pour garder ce vaste
réservoir-là.
Mme Cinq-Mars: Comme on le disait, tout à l'heure,
l'École polytechnique, dans son mémoire, elle suggère, je
pense, d'ajouter une... Sauf que l'envergure est plus large que ce que vous
proposez, c'est ça. Alors, sur le nucléaire, encore une fois, je
pense qu'on n'a pas analysé cette question-là. Ce serait dommage
de donner une opinion basée simplement sur un avis de citoyen, j'allais
dire de simple citoyen, dans une commission comme ici. On a des craintes, comme
simples citoyens, concernant le nucléaire, mais, comme scientifiques, il
faudrait peut-être y réfléchir. Je préfère ne
pas dire oui ou non, donner une réponse affirmative ou négative
pour le moment.
Le Président (M. Audet): Brièvement, M.
Si-mard.
M. Simard: Oui. Je voudrais répondre un peu à cette
préoccupation. Moi, j'ai un peu peur du nucléaire. Je le
reconnais volontiers. Je fais partie d'un groupe des Nations unies, le Centre
international de recherche sur le cancer de Lyon, qui étudie les effets
de Tchernobyl, et je dois vous avouer que ça me fait peur un peu
à cause des nombreuses centrales qui existent dans le monde et qui ne
sont pas sécuritaires. Je vous jure que ce n'est pas drôle. Les
effets, on les connaît à court terme maintenant, parce que
ça ne fait pas longtemps. À long terme, on ne les connaît
pas. Ça a été une pollution massive dans un endroit fort
peuplé où il y a des naissances de monstres,
littéralement, qui suivent 3 ou 4 ans après. C'est une pollution
beaucoup plus grande encore que les bombes atomiques d'Hiroshima et de
Nagasaki. Les répercussions sur le plan santé, sur le plan de
l'environnement, sur le plan de la flore, sur le plan de la faune, on ne les
connaît pas. Moi, je veux bien le nucléaire, mais avant tout, pour
tout le monde, je voudrais que ce soit à 100 % sécuritaire. Et
ça m'inquiète un peu quand je vois ces études sur
Tchernobyl. Inquiétant.
Le Président (M. Audet): Merci. Alors, malheureusement,
c'est déjà tout. Au nom des membres de la commission, madame,
messieurs, je vous remercie de votre présentation. M. Simard, on vous
souhaite la meilleure des chances dans ces nouvelles fonctions qui vous
attendent.
Nous allons suspendre nos travaux 2 minutes afin de permettre à
Norton céramiques avancées du Canada de prendre place.
(Suspension de la séance à 11 heures)
(Reprise à 11 h 3)
Le Président (M. Audet): S'il vous plaît! Si vous
voulez prendre place, nous allons reprendre nos travaux. Nous recevons
maintenant Norton Céramiques avancées du Canada inc. Si vous
voulez prendre place, s'il vous plaît. Alors, madame, messieurs, je vous
souhaite, au nom des membres de la commission, la plus cordiale bienvenue. Je
vous rappelle brièvement nos règles de procédure. Vous
disposez d'une vingtaine de minutes pour nous faire part de votre
exposé. Au préalable, il faudra vous identifier, toutefois, et
vous présenter aux fins de la transcription du Journal des
débats. Ensuite, suivra une période d'échanges d'une
quarantaine de minutes. Vous pouvez débuter, vous avez la parole.
Norton Céramiques avancées du Canada
inc.
M. Courtemanche (Roland): C'est bien. Alors, dans un premier
temps, je vous remercie beaucoup de l'opportunité que vous nous offrez
de nous exprimer ici devant cette commission. Alors, M. le Président,
Mme la vice-première ministre, MM. les députés, je vous
présente, à ma droite, Mme Johanne-Louise Giroux, qui est
directrice des services administratifs chez Norton; à ma gauche, M.
René Béland, qui est président du syndicat des
employés de l'usine; M. Benoît Capistran, qui est un petit
correctif président de la Fédération de la
métallurgie à la CSN; et puis M. Philippe Tremblay, qui, lui, est
directeur des services, Fédération de la métallurgie
à la CSN. Alors, moi-même, Roland Courtemanche, je suis le
directeur de l'usine.
Je dois vous avouer que c'est la première fois que je me
présente à une commission parlementaire. Alors, si je fais des
choses qui ne sont pas conformes, je vous invite à passer
l'éponge, s'il vous plaît.
Le Président (M. Audet): Allez-y!
M. Courtemanche: Je vais le faire assez simplement, le plus
simplement que je peux le faire. Alors, dans un premier temps, je voudrais dire
que MM. Tremblay et Capistran sont ici pour nous épauler et nous appuyer
dans notre démarche, dans le sens qu'ils ont été un
élément déclencheur dans notre programme de qualité
totale qui est en vigueur depuis environ 1 an à l'usine de Shawinigan.
J'ignore si j'ai fait circuler un complément au mémoire, qui va
vous donner un petit peu plus d'explications. Oui, vous l'avez? Alors, cette
démarche, pour nous, c'est une démarche qui s'appelle une
démarche de survie de l'usine à Shawinigan. Nous sommes venus ici
devant cette commission vous exposer notre
problématique et sonder les intentions des pouvoirs publics.
Qui on est? Eh bien, c'est expliqué à travers le
mémoire. Finalement, on est une usine qui fabrique un produit qui,
à notre sens, rejoint tout ce qu'il y a d'élec-trochimique.
Alors, je représente les employés de Sha-winigan et à la
fois mon patron qui est la compagnie Saint-Gobain dont le siège social
est à Paris. Nous sommes de très gros consommateurs dans le
domaine de l'électrochimie. Au Québec, ici, on est sûrement
parmi les plus gros consommateurs en termes de kilowattheures par kilo de
produit. Vous allez retrouver ça sur la dernière page du dernier
document qui est le complément qui vient du ministère de
l'Industrie et du Commerce.
Ce qu'on veut tenter de vous démontrer, c'est que, depuis 1 an ou
2 ans même, on a fait, nous, du côté de Shawinigan, les
employés, beaucoup d'efforts pour contrer la compétition et les
baisses successives de nos prix de vente du produit fini. Alors, on a
adhéré à un programme de qualité totale qui est
actuellement toujours en vigueur; il y a beaucoup d'efforts qui sont mis
là-dedans. On a, dans le complément, spécifié
quelque chose; du côté de la progression des coûts par
tonne, on a identifié les matières premières où
est-ce qu'on a, par rapport à 1991, 14 $ la tonne en moins. Alors,
ça nous a coûté 14 $ par une meilleure gestion, et beaucoup
pour parler de nos fournisseurs de matières
premières qui sont essentiellement le sable de silice qui vient de
Saint-Donat, tout près de Montréal, et puis le coke de
pétrole, qui est un charbon qui vient des États-Unis.
Alors, du côté de la main-d'oeuvre, on a augmenté
notre efficacité considérablement. En coût par tonne, on a
eu une réduction de 24 $ la tonne, c'est substantiel pour nous. Du
côté des fournitures pour les opérations et l'entretien,
encore là par une gestion serrée de nos approvisionnements, on a
eu un bénéfice de 5 $ la tonne. Plus spécifiquement du
côté électricité, on a épongé un tant
soit peu les bénéfices qu'on a eus; la tarification étant
ce qu'elle est, on a eu une majoration de 20 $ la tonne. Alors, ça a
détruit l'impact de tous les efforts ou pratiquement tous les efforts
qu'on a mis à notre usine de façon à demeurer, à
devenir plutôt, je dirais, le plus compétitifs possible sur le
marché du produit qu'on fabrique.
La page suivante indique la productivité en termes de livres de
produits générées par heure-homme. On voit qu'entre 1991
et 1992 on a eu une augmentation d'efficacité de 36 %, ce qui est tout
à l'honneur des employés qui travaillent à cette usine.
Donc, il y a eu quand même un gros changement. La page suivante indique
l'efficacité de nos fours. Alors, en kilowattheure par livre de produit,
le SiC étant le carbure de silicium, on voit notamment qu'avec les
années on a augmenté l'efficacité de nos fours par de
légers ajustements. Malgré que, de 1991 à 1992, on note
une baisse de consommation par livre de produit, ça coûte plus
cher la tonne. Donc, on est ébranlé par cette tarification qui
nous détruit. (11 h 10) alors, plus loin, on démontre le
sérieux de notre travail du côté de la
sécurité. le taux de fréquence, chez nous, des accidents
en sécurité du travail, substantiellement, on s'est ajusté
à un niveau... vous pouvez voir en page... qu'on est passés d'un
taux de fréquence de 26,8 % à 13,1 % et, cette année, on
est à 5,1 %; donc, beaucoup d'efforts, beaucoup, beaucoup d'efforts.
Étant donné le milieu fort agressif de notre domaine
c'est une fonderie, ça ressemble à une fonderie, du moins
on a demandé à des gens qui viennent de
l'extérieur, le DSC... J'ai greffé à ça la lettre
qu'ils nous ont envoyée tout récemment, où ils notent
justement un effort soutenu de la part des employés et des dirigeants
concernant l'amélioration de l'hygiène en milieu de travail et
tout ce qui concerne le côté environnemental de notre produit.
Et puis, tout en dernier, quelque chose dont j'ai parlé
tantôt, on voit que, dans le domaine de l'électrochimie, pour ce
qui est d'une production québécoise, il y a quand même une
différence substantielle entre le carbure de silicium, qui est à
8,4 kWh par kilo de produit et on voit les autres fabricants dans d'autres
domaines qui sont légèrement, même beaucoup plus bas en
termes de consommation. Donc, on est une industrie énergivore.
Je note dans le mémoire, à certains endroits, qu'on
rappelle que la composante de l'électricité, chez nous, c'est 40
% de nos coûts variables. Je pense qu'il n'y a pas beaucoup d'industries
au Québec qui peuvent admettre cette chose-là. Quand on pense que
les papetiè-res sont de l'ordre de 10 % à 20 %, sans en nommer
d'autres, il y a les alumineries, je crois, qui ont une composante qui est
encore plus basse, compte tenu, disons, des taux quand même assez
favorables pour leur électricité.
Alors, ça, ce sont les efforts que, nous, les employés de
Shawinigan, on a mis, disons, à soutenir cette industrie-là dans
notre région. Maintenant, on a rencontré, depuis 1 an et demi, 2
ans même, plusieurs intervenants du milieu du côté
hydroélectricité. On a parlé à des gens du pouvoir
public. On nous a assurés d'une certaine compréhension. Par
contre, on voit, nous, un manque de clarté; on a vu que ça
traîne en longueur, un petit peu, notre dossier, il n'y a rien qui se
passe, finalement, sauf cette commission-ci qui, je pense, va être le
point tournant de nos décisions quant à l'avenir de l'usine
à Shawinigan, sans vouloir mettre toute la pression, tout simplement,
tout bonnement pour amener la chose telle qu'elle est.
Alors, nous, on se pose des questions, les employés; la direction
se pose des questions vis-à-vis de l'équité, de la
façon dont on est traités, nous, en tant qu'industriels à
Shawinigan. Sauf respect aux gens d'Hydro-Québec et aux pouvoirs
publics, on dit: On existe depuis 1916 à Shawinigan pour des raisons qui
sont évidentes. C'était un besoin, on était
installés dans ce qu'on appelle la ville lumière. Oui! On pense
qu'on a un traitement différent, nous, une vieille installation d'une
nouvelle installation. On ne voudrait pas ramener trop sur la table
l'idée qu'on a entendu dire qu'il y avait
des contrats particuliers qui étaient nettement avantageux.
On se questionne sur l'idée: Est-ce qu'une région comme
Bécancour n'a pas bénéficié, au cours des
années, de tarification beaucoup plus intéressante que notre
usine? Si on pense au ferrosilicium qui est installé à
Bécancour depuis un certain nombre d'années, on a vu dans La
Presse, et ça n'a pas été démenti, qu'ils
bénéficiaient d'un taux nettement avantageux du côté
de la tarification. Il faut comprendre que le ferrosilicium est un
compétiteur, nous, dans notre produit de bas de gamme. Alors, on n'a pas
crié fort, mais on est conscients, il faut prendre conscience de cette
chose-là.
Tout dernièrement, chose qui nous a chatouillés... J'en
profite pour en parler parce que je pense qu'il y a peut-être des
aménagements à l'intérieur des contrats
d'Hydro-Québec qui pourraient être faits. On sait qu'on n'est pas
les seuls probablement. C'est qu'on a été traités d'une
façon assez marginale l'an passé, vers la fin de l'année
passée. On paie 750 000 $ par mois. Nos facturations, on les respecte,
nos dates de facturation sont respectées et puis, bien souvent, on paie
avant terme. Alors, 1 fois en 16 ans, on s'est trompés de 1
journée. On a payé 1 journée en retard. On a eu la
désagréable nouvelle qu'on se devait de payer 8300 $ d'amende
pour cette journée. Alors, est-ce qu'il n'y a pas une politique pour les
bons payeurs à l'intérieur d'Hydro-Québec? Nous, en tant
qu'industriels, je pense que c'est très cavalier de nous... Si on
traitait nos clients de cette façon-là, on en perdrait plusieurs.
Je voulais juste souligner le fait. Ça m'a piqué.
Un autre exemple, et celui-là je pense que c'est une
réflexion. Je trouve que peut-être il y aurait moyen avec les gens
d'Hydro-Québec... C'est une chose que je n'ai pas discutée
à fond avec les représentants j'ai un rôle qui est
de diriger une usine et non pas de dire à Hydro-Québec quoi faire
du côté de la recherche et du développement. Alors,
l'an passé, avec le ministère de l'Industrie et du Commerce, on a
mené une étude pour produire du graphite synthétique
à Shawinigan. Vous savez, la tarification d'Hydro-Québec, il y a
une très grande inflexibilité du règlement. J'ai fait
venir les dirigeants, j'ai discuté avec les gens d'Hydro-Québec.
J'ai dit: Coudon, je me «trompe-tu»? Je regarde ça, puis je
ne suis pas capable de faire de la recherche et du développement, je ne
suis pas capable de produire avec un four. On sait que, pour la recherche et
développement, on ne peut pas produire égal pendant un mois de
temps. On fait un essai avec un four. On reproduit du graphite
synthétique. Bon, ça dure 48 heures et, après ça...
On crée un «peak», on crée une pointe qu'on paie pour
le mois. Inflexibles. Pas capables de dire: O.K., pour la recherche et
développement. Bien, on s'est en allés en Norvège. Le
marché est nord-américain pour cette chose-là, mais on
s'est en allés en Norvège, à notre usine de Norvège
où, eux, permettent cette chose-là. J'ai trouvé ça
aberrant. Aberrant parce que c'était au Québec que ça
appartenait, cette idée-là, et puis il n'y a pas eu moyen de
négocier quoi que ce soit de ce côté-là. Je pense
qu'il faudrait peut-être y repenser un peu dans ce sens-là si on
veut vraiment axer sur la recherche et développement ici au
Québec pour les usines qui sont consommatrices
d'électricité.
Un dernier point que je voulais souligner ici. C'est que, depuis 1990,
il y a un caractère dégressif au volume qui a été
éliminé dans la tarification d'Hydro-Québec. Il faut
prendre conscience qu'un client qui consomme 5 MW à 80 % de FU, de
facteur d'utilisation, c'est-à-dire 80 % du temps à 5 MW,
ça lui coûte à l'unité, au kilowattheure, la
même chose qu'un client qui consomme 100 MW. Alors, on se pose des
questions. Est-ce que, effectivement, les coûts d'alimentation pour 20
clients de 5 MW, c'est la même chose que les coûts d'alimentation
pour 1 client de 100 MW? De ce côté-là, on va dire, pour
faire une image, qu'on achète une boîte de céréales
ou qu'on en achète 1000 boîtes; je pense que 1000 boîtes
devraient coûter moins cher qu'une boîte. Mais, dans ce
cas-là, ça coûte la même chose. Je remets en question
cette chose-là dans la tarification. (11 h 20)
Finalement, je voudrais amener les gens ici à penser qu'il y a un
caractère d'urgence. Nous autres, l'industrie Saint-Gobain, notre
compagnie mère, est quand même une compagnie importante,
internationale, avec 100 000 employés; elle a beaucoup d'applications
différentes à travers le monde: dans les papetières, dans
le verre, etc. Si le milieu est favorable économiquement ici au
Québec et même plus précisément à Shawinigan,
nous, on dit qu'il ne fait pas de doute, à notre idée, que ces
gens-là s'axent beaucoup sur la valeur ajoutée. J'ai amené
des pamphlets avec moi qui sont peut-être disponibles pour consultation.
Ils construisent des usines, ils sont partout internationalement. C'est bien
connu, je pense, dans le milieu, dont le ministère de l'Industrie et du
Commerce, etc. Mais si on leur démontre... Ils sont déjà
ici, par le fait même, à Shawinigan depuis 2 ans, ils ont acquis
les installations de la compagnie Norton, qui appartenaient à
Carborundum. Je pense qu'on doit les encourager dans ce sens-là à
rester ici au Québec, puis, nous, ce qu'on vient chercher, c'est des
appuis politiques, puis des appuis de tous côtés. On cogne
à toutes les portes, puis ce qu'on veut, nous, c'est conserver nos
emplois au Québec et la façon d'en générer
davantage, je pense que c'est de prouver à ces gens-là qu'on est
compétitifs du côté de la tarification électrique,
parce qu'on est des gros consommateurs. C'est ce qui gouverne les
décisions actuellement dans le domaine où on est.
Il y a beaucoup de produits à valeur ajoutée qui se
greffent à notre produit. C'est un produit que même
Hydro-Québec pourrait employer dans ses échangeurs de chaleur.
C'est un produit qui est très performant du côté des hautes
températures. C'est pour ça qu'on l'appelle
«céramique avancée». Donc, on avance des
céramiques effectivement qui peuvent être employées dans...
Si on pense au bouclier du Challenger aux États-Unis, il a
été enduit du...
Le Président (M. Audet): Si vous voulez conclure, s'il
vous plaît!
M. Courtemanche: Pardon?
Le Président (M. Audet): Si vous voulez conclure, s'il
vous plaît!
M. Courtemanche: Je vais conclure. J'aimerais conclure en disant
que, nous, les employés à Shawini-gan, on a fait nos devoirs, on
va continuer dans le même sens. Maintenant, tout ce qui va être
décisionnel, va s'appuyer sur ce qu'est le milieu économique,
quelle est la tarification qu'on peut nous offrir au Québec pour devenir
et demeurer compétitifs dans ce marché-là. J'aimerais
peut-être passer la parole à M. Capistran, s'il m'est permis.
Le Président (M. Audet): Brièvement. Il resterait
peu de temps.
M. Courtemanche: Brièvement.
M. Capistran (Benoît): Je vous remercie de nous entendre.
C'est une première expérience pour nous, mais le bout sur lequel
je voulais quand même attirer votre attention m'apparaît
très important. On sait que, depuis quelques années, le
rôle des syndicats de s'impliquer dans le sauvetage d'entreprises est
devenu je ne dirais pas une pratique courante, mais une implication importante
pour tenter ces sauvetages-là. Or, nous avons ici, cet avant-midi, un
cas type en Norton qui a travaillé très fort au niveau des
programmes de qualité totale et on voit les résultats qui nous
ont été démontrés. Face à ça,
évidemment, si on veut être capables de sauver l'entreprise, il va
falloir avoir l'appui à la fois du gouvernement et
d'Hydro-Québec. Or, pour nous, c'est important. On a, d'ailleurs, fait
des débats où on a appuyé des programmes d'Hydro, surtout
si on parle au niveau du projet de Grande-Baleine. Ce qu'on souhaiterait voir
et qui nous apparaît très important, c'est qu'on puisse être
capables de continuer à développer des réseaux
énergétiques, mais que ça puisse aussi servir à la
création d'emplois.
Or, si les travailleurs et la direction de l'entreprise ont fait ces
efforts-là, il serait important que le gouvernement et
Hydro-Québec puissent comprendre la nécessité d'aider
l'entreprise à passer au travers. On est souvent comparés...
Surtout dans le milieu syndical, on dit: La main-d'oeuvre est très
élevée au Québec; les salaires sont très bons. On
nous compare des fois à des pays en voie de développement
où les salaires sont peut-être de l'ordre de 2 $ l'heure. Ici, on
pourrait avoir un levier économique important pour relancer l'industrie,
qui serait Hydro-Québec, qui pourrait justement, lorsqu'on a des
programmes de qualité mis de l'avant, être un levier
économique important pour aider l'industrie à être
compétitrice au niveau mondial.
Le Président (M. Audet): Merci. Je dois vous interrompre,
le temps est terminé. Mme la ministre de l'Énergie et des
Ressources.
Mme Bacon: Je vous remercie de votre intervention à cette
commission et je vous encourage à continuer cette réflexion. Si
on revenait à la proposition de plan de développement
d'Hydro-Québec que nous étudions à cette commission, cette
proposition-là nous propose un vaste programme d'efficacité
énergétique auquel, évidemment, sont conviées
toutes les clientèles d'Hydro-Québec, y compris le secteur
industriel. Et ce programme vise, entre autres choses, à utiliser
l'électricité de façon plus efficace.
Est-ce que vous souscrivez aux objectifs poursuivis par
Hydro-Québec et est-ce que vous en avez profité ou si vous avez
l'intention d'en profiter? Qu'est-ce que ça peut apporter à une
industrie comme la vôtre?
M. Courtemanche: O.K. Effectivement, depuis 1 an, on a
travaillé beaucoup avec les représentants d'Hydro-Québec.
On est allés visiter. On a souscrit au programme en tant que tel.
Même, on est sur le point de conclure une entente avec
Hydro-Québec. On peut réduire substantiellement, de l'ordre de 16
%, notre consommation par livre de produit, en termes de kilowattheures. C'est
substantiel. C'est un investissement qui est évalué aux alentours
de 5 500 000 $ où on a l'aide justement d'Hydro-Québec. On est
allés visiter des usines en Norvège, les 2 nôtres qui sont
actuellement là. On est allés en Allemagne. On est allés
voir des compétiteurs. On a identifié justement les points
à corriger chez nous pour ramener l'efficacité
énergétique au plus haut point dans notre usine.
Maintenant, ce qui arrive, c'est qu'après cette
identification-là on a dit: O.K., on va calculer pour voir qu'est-ce que
ça va nous sauver, ça, en termes de coût la tonne. Alors,
dans le mémoire, vous allez rencontrer, à un moment donné,
en bas d'un tableau, qu'on va chercher 30 $ la tonne. Vous savez, sur un
investissement de cet ordre-là, pour nous, c'est quand même
significatif; 30 $ la tonne, c'est intéressant, c'est plus
qu'intéressant. Mais il faut penser aussi qu'en 1 an, avec la
tarification qu'on a subie, on est venus nous chercher 20 $ la tonne, juste par
une augmentation tarifaire à Hydro-Québec. Écoutez, il
nous en reste 10 $. Alors, on se demande si ça vaut le coup. Si on n'est
pas capables de contrôler mieux que ça notre tarification, il n'y
a pas d'issue même si on investissait beaucoup. Avec cet
investissement-là, nous, on pourrait faire autre chose, et c'est ce que
la compagnie mère regarde, dans le sens qu'ils contrôlent
très bien leurs capitaux et ils veulent les dépenser
adéquatement. Mais on pense qu'on souscrit à cette
chose-là, avec des garanties de tarification à moyen et à
long terme. On ne s'en ira pas dans un investissement semblable, de cette
importance-là, si on vient nous chercher 20 $ la tonne qu'on prend et
qu'on peut avoir comme bénéfices.
Mme Bacon: Le coeur de votre mémoire, évidemment,
ça porte surtout, et vous venez d'en reparler,
sur la tarification. Au Québec, les tarifs
d'électricité réguliers sont quand même parmi les
moins chers au monde. Il est vrai, comme vous le mentionnez, que certains pays
accordent des tarifs plus bas qu'au Québec, en certaines occasions,
mais, à long terme, on doit constater que les tarifs pratiqués au
Québec depuis plusieurs décennies sont quand même
demeurés en dessous des niveaux observés dans l'ensemble des
autres pays. Et votre mémoire illustre aussi une comparaison entre les
prix pratiqués au Québec et dans certains pays comme les
États-Unis, par exemple, le Venezuela, vous parlez du Brésil, de
la Norvège.
Est-ce que vous croyez que le prix actuel de l'électricité
au Québec n'est plus compétitif du point de vue international?
Est-ce que c'est ça que vous voulez nous dire ce matin? Et quelles sont,
à votre avis, les conditions, si c'est ça, qu'il faudrait
rencontrer pour répondre aux besoins des industriels en cette
matière? (11 h 30)
M. Courtemanche: Je ne voudrais pas parler des industriels en
général. Je voudrais parler pour une usine énergivore
comme la nôtre. Il y a un caractère quand même particulier
que je voudrais souligner. En fait, je voudrais en faire un point... Des usines
comme la nôtre, il n'en existe pas beaucoup au monde, du moins dans les
pays industrialisés qu'on connaît. Il y en a en Norvège, il
y en a en Allemagne, il y en a en Hollande, il y en a aux États-Unis. Il
y en a une aux États-Unis. Nous, on compétitionne. Notre
marché est nettement autour des Grands Lacs, donc aux États-Unis;
98 % de notre produit va pour le marché automobile, les
réfractaires, va aux États-Unis réellement. On doit
compétitionner avec une compagnie qui est établie en Illinois. On
connaît très bien leurs taux. On a des entretiens avec eux,
même. Oui, les taux sont plus favorables pour ces industries-là.
Définitivement, on ne peut pas avoir une rentabilité comme ils
ont. La preuve étant que, eux, ils ont grossi depuis les 3
dernières années et, nous, on a nettement perdu du volume, compte
tenu, disons, de l'effondrement un tant soit peu du marché. Alors, comme
Saint-Gobain veut être le leader mondial, disons, dans ce
domaine-là, il ne fait pas de doute qu'ils sont à la recherche,
disons, de l'endroit, du pays qui va offrir les meilleures possibilités
au point de vue tarification, compte tenu que c'est la composante majeure de
notre produit.
Mme Bacon: Toujours en relation avec les tarifs, les clients
industriels de votre importance ont ou ont eu accès à un ensemble
de programmes qui vont du tarif de rodage à la stabilisation tarifaire,
en passant par la puissance interruptible. Ces programmes poursuivent des buts
qui sont différents, mais je pense qu'ils ont tous pour effet d'affecter
positivement la facture globale des clients industriels, moyennant, de la part
de ces clients-là, une contribution qui avantage Hydro-Québec en
contrepartie. Est-ce que vous avez des suggestions de programmes que vous
souhaiteriez qu'Hydro-Québec développe pour aider le secteur
industriel et quels seraient les grands paramètres de ces
programmes-là?
Parce que vous voulez qu'ils inventent d'autres programmes, si je vous
comprends bien.
M. Courtemanche: Moi, je considère HydroQuébec
comme un fournisseur. Alors, oui, on a des idées, c'est bien sûr.
On peut les partager avec HydroQuébec. On peut jouer ce
rôle-là. Comme ce serait malvenu d'aller dire à notre
fournisseur de sable comment fabriquer son sable et comment nous l'exporter au
meilleur prix, je pense que, nous, on serait malvenus de dire à
Hydro-Québec: Bien, écoutez, c'est comme ça que vous
devriez faire parce qu'on sauverait... On est un peu mal placés de ce
côté-là. On fait confiance à la
créativité d'Hydro-Québec. Alors, la
créativité vient, des fois, quand on a une...
Mme Bacon: Elle vient avec de l'aide aussi, M. Courtemanche.
M. Courtemanche: Oui. On est prêts... On a soumis des
choses. On a discuté avec les représentants
d'Hydro-Québec. On pense en termes, disons, de choses qui pourraient
être faites, en termes peut-être d'achat de blocs de kilowattheures
particuliers, une foule de choses qui pourraient nous aider, qu'on vit à
travers nos usines ailleurs, à travers les pays. Au point de vue
international, on en a au Brésil, on en a en Italie, en Espagne. On en a
un peu partout, des usines. Alors, on a justement rapatrié tous les
contrats existant internationalement dans nos usines et on en a fait une
étude l'an passé pour voir où, vraiment, on devrait
maintenir des opérations, où on devait travailler justement au
point de vue de la tarification. Et, oui, on est ouverts à toutes les
discussions possibles. Je ne sais pas si devant cette commission, ici, c'est
bon, disons, d'amener tous les éléments, mais j'aimerais plus, je
pense... Je fais confiance aux gens d'Hydro pour leur créativité.
Mais, actuellement, il semble qu'au niveau où je parle les gens veulent
bien nous aider. Ils sont très coopératifs. Je dois le
mentionner.
Mme Bacon: Au niveau régional, ça, M.
Courtemanche.
M. Courtemanche: Au niveau régional bien
particulièrement. Quand on arrive, disons, dans le bloc au centre-ville
de Montréal, ça devient un petit peu plus impersonnel. Je dois
l'avouer, les gens d'Hydro-Québec qui veulent nous aider sont comme dans
une petite boîte, bien fermée, et ils ont de la misère
à opérer. Ils ont de la misère vraiment et, juste
au-dessus de ça, je pense qu'il va falloir peut-être faire des
aménagements pour faciliter à ces gens-là de prendre des
décisions ou d'être créatifs. Je pense que leur
créativité est nettement tuée. Moi, je parle du point de
vue d'un directeur d'usine où on opère, une usine où on
fait preuve de créativité au maximum.
Mme Bacon: Vous voudriez qu'ils en fassent autant.
M. Courtemanche: Je respecte quand même... Je suis fier
d'Hydro-Québec, je dois le dire, en tant que citoyen. J'ai eu l'honneur
de visiter les installations de la Baie James. Ça m'a
épaté. C'est une fierté sans condition. Il n'en demeure
pas moins peut-être qu'au point de vue...
Mme Bacon: Vous voulez payer moins cher.
M. Courtemanche: On veut payer moins cher. Voilà!
Le Président (M. Audet): Merci. M. le député
de Laviolette.
M. Jolivet: Vous êtes fier d'Hydro-Québec, nous
autres aussi, et je pense que le monde peut être fier, mais, de là
à dire que vous avez un résultat concret dans votre secteur, il y
a un problème. Je dois faire remarquer à Mme la ministre et aux
gens d'Hydro-Québec qui sont ici que c'est la deuxième fois en 2
semaines qu'un groupe de notre région vient conjointement ensemble avec
des gens, employeurs et employés. Je pense que je vais vous
féliciter parce que ça démontre que les 2 groupes ont un
souci important de protéger l'emploi. Je pense que ce que vous venez de
faire, ce matin, c'est un cri du coeur en disant: Si vous ne nous aidez pas, on
crève. Je le prends aussi clair que ça. C'est ce que je
comprends.
M. Courtemanche: C'est absolument ça.
M. Jolivet: Quand je regarde votre mémoire, vous dites: On
a fait tous les efforts au niveau de notre matière première, on a
fait des efforts au niveau des employés, on a fait des efforts au niveau
d'un travail de qualité, etc., de telle sorte que tout cet
effort-là et vous n'êtes pas les seuls à le dire
comme tel est anéanti par l'augmentation des tarifs.
M. Courtemanche: Voilà!
M. Jolivet: Vous parliez de 24 par rapport à 20.
Là, on le voit, il n'y a plus rien. Vous parliez de 30 par rapport
à 20 tout à l'heure. On s'aperçoit qu'il y a un
problème là. Si on peut essayer de dire: C'est le plus bas taux
au monde, bien, moi, je peux vous dire que, juste à côté de
chez vous, Stone Consolidated, qui a une usine à Grand-Mère,
à Shawinigan et à Trois-Rivières, se retrouve avec une
usine aux États-Unis où l'électricité de la Baie
James va se rendre par l'intermédiaire des contrats américains,
et elle paie moins cher à l'usine des États-Unis qu'à
Grand-Mère et à Shawinigan. Il y a un problème là.
On a beau avoir le plus beau taux, le meilleur taux, c'est rendu là-bas
qu'on s'aperçoit que ce n'est pas vrai. Alors, c'est dans ce
sens-là, je pense, que vous avez fait des efforts.
Moi, je dis que vous avez regardé ça au niveau
régional avec les gens d'Hydro-Québec. Vous dites: Rendu à
la grosse bâtisse à Montréal, on a des difficul-
tés. Quelles sont toutes les démarches que vous avez faites?
Parce que vous n'avez pas parlé juste d'Hydro-Québec tout
à l'heure. Vous avez dit: On a rencontré les pouvoirs publics.
Qui avez-vous rencontré? Quelles sont les démarches que vous avez
faites et quelles sont les oreilles qui vous ont écoutés? Quels
sont les résultats que ça a donnés?
M. Courtemanche: Disons qu'on a fait des démarches, ne
sachant pas trop à quelle porte cogner. Effectivement, depuis 2 ans, je
dirais, on a cogné à plusieurs portes. Maladroitement ou
adroitement, j'ai voulu sensibiliser les gens je vais les nommer
tantôt à l'urgence et surtout démontrer que ce n'est
pas du bluff. Ce n'est pas...
M. Jolivet: Du chantage.
M. Courtemanche: ...du chantage. Alors, on a cogné
à la porte, dans un premier temps, de M. Gérald Tremblay, qui est
ministre de l'Industrie et du Commerce. Il a accueilli favorablement notre
demande avec des résultats qui sont toujours attendus. On a cogné
aussi à la porte du premier ministre Bourassa qui a bien daigné
nous recevoir en compagnie de M. Lemire qui a fait le lien. On nageait,
à ce moment-là, avec la crise d'une certaine compagnie de
magnésium de Bécancour. Donc, il y avait de l'incertitude dans le
langage qui était employé par MM. Bourassa et Tremblay. On ne
voudrait pas payer la note pour ça nécessairement, mais ils ont
accueilli encore favorablement notre démarche.
On a fait des démarches aussi au niveau de... On est
montés jusqu'au niveau de M. Bolduc à Hydro-Québec. Il
nous reste juste M. Drouin à rencontrer. On a rencontré Mme Bacon
aussi, dans un court laps de temps, juste avant le référendum.
Elle a bien voulu nous accorder... Je lui porte toute ma gratitude
là-dessus. J'ai fait venir des gens de Saint-Gobain, de la maison
mère, pour exprimer l'urgence, pour exprimer ce que ça
représentait, pour nous, la tarification d'Hydro-Québec. Il y a
beaucoup de phrases là-dedans que j'ai tout simplement copiées de
leur texte, c'est bien sûr. (11 h 40)
M. Jolivet: Mais, malgré toutes ces rencontres-là,
il n'y a pas de résultat encore, au moment où on se parle?
M. Courtemanche: Bien, c'est ça que je disais tantôt
dans mon document. Ça traîne un peu en longueur. Puis, moi, en
tant que directeur d'usine, avec les connaissances que j'ai et puis la vitesse
à laquelle Saint-Gobain, une compagnie internationale aussi grosse
évolue normalement, je dirais qu'on doit agir rapidement. Maintenant,
ça fait 2 ans que je les traîne. Je dois dire aussi que j'ai
amené des gens d'Hydro-Québec, qui se sont
déplacés, qui sont venus au siège social à Paris,
qui sont venus expliquer le programme énergétique. Les messieurs
de Saint-Gobain, ils étaient très, très
intéressés. Et même ces gens-là, qui tentent de nous
aider au maximum, font des appels réguliers à la maison
mère
pour les maintenir en vie dans le sens: Écoutez, soyez patients,
soyez patients! On va vous aider. Il faut que ça se
développe.
M. Jdlivet: L'élastique va casser!
M. Courtemanche: Mais il va venir un temps où la patience
va céder à d'autre chose.
M. Jolivet: Mais juste pour reprendre une des affirmations que
vous avez faites tout à l'heure, entretemps, quand vous êtes
montés au niveau de M. Bol-duc...
M. Courtemanche: Oui.
M. Jolivet: ...vous n'avez pas parlé des fameux 8000$
de...
M. Courtemanche: Non, non, c'est arrivé par la suite,
ça. C'est quelque chose qui...
M. Jolivet: Non? Non, mais ça n'a pas de bon sens.
M. Courtemanche: À mon sens, soit dit en passant, ils ont
tout tenté, eux autres. Ils ont dit: Les règles ont
été appliquées avec rigueur, puis, bon, O.K., il n'y avait
rien à faire. Finalement, je leur ai envoyé une lettre.
Actuellement, ils sont en train de penser là-dessus. En passant, il y a,
disons, 2 000 000 de personnes qui sont des bons payeurs peut-être au
Québec et elles n'ont pas de frais d'administration lorsqu'elles
dépassent de 1 mois ou à peu près.
M. Jolivet: Non mais ça n'aide pas...
M. Courtemanche: Je veux dire qu'on s'est sentis un petit peu
maltraités dans cette façon un petit peu cavalière.
M. Jolivet: Vous n'avez pas pensé, à un moment
donné... D'abord, là, vous faites ça quasiment
publiquement, votre négociation. Vous venez de dire: On a eu des
problèmes, on vient vous le dire, puis on espère que ça va
se régler. Hydro-Québec vous écoute. La ministre vous
écoute. On espère que oui. Mais vous n'avez pas pensé,
à un moment donné, d'aller négocier secrètement,
puis de n'en parler à personne, de faire un contrat secret?
M. Courtemanche: On essaie d'être aussi...
M. Jolivet: Non, non, je ne vous ai pas posé la question.
Je voulais juste vous...
M. Courtemanche: ...transparents que possible.
M. Jolivet: C'est parce que ce qui est important, c'est que vous
dites: On a fait tous les efforts.
M. Courtemanche: Oui.
M. Jolivet: On demande de la part d'Hydro-Québec un
effort. Maintenant, quelle forme d'effort peut être fait par
Hydro-Québec? Parce que, si Hydro-Québec, pour la même
puissance, a le même tarif, pourquoi, vous autres, vous auriez par
rapport à d'autres...
M. Courtemanche: O.K.
M. Jolivet: Quelles sont les raisons primordiales qui feraient
que vous auriez un traitement de faveur, si je peux prendre l'expression?
M. Courtemanche: O.K. Je pense que, disons, la réponse est
pratiquement dans la présentation d'hier à Shawinigan où
on a présenté au cégep une volonté de la part du
gouvernement, disons, d'axer sur les électrochi-mies... Nous, on est
à la tête des consommateurs dans les électrochimies. Et
puis je me dis: «C'est-u» en ligne avec ce qu'on pense, au
gouvernement, de favoriser ce secteur-là en particulier? C'est des
questions qu'on se pose pour lesquelles on n'a pas eu de réponses
encore, à savoir: Est-ce que vous allez favoriser à
l'avenir...
On m'a dit: Les alumineries, on en a assez, on n'en veut plus. On veut
avoir d'autres choses. C'est quoi que vous voudriez avoir au point de vue
gouvernement? Qu'est-ce qu'on veut avoir au point de vue population, je dirais?
Est-ce qu'on veut continuer à consommer de l'énergie, faire
fonctionner des usines au Québec qui vont être énergivores
ou est-ce qu'on n'en veut pas de celles-là? Ce n'est pas clair pour
nous. Le message n'est pas clair.
M. Jolivet: Ce que vous dites, d'une certaine façon: II
faut passer de la parole à l'acte. Mais, entretemps, vous autres,
combien de temps ça peut durer, ça, là?
M. Courtemanche: Moi, je leur ai promis qu'à la fin du
mois j'aurais une réponse. C'est clair comme ça!
M. Jolivet: Vous êtes là depuis 1916. Donc, vous
avez vécu 1'electrification de la région, Shawinigan étant
le berceau à ce niveau-là, dans la mesure où plus on
était proche du barrage, moins ça coûtait cher. Mais c'a
été changé par la nationalisation.
M. Courtemanche: Et voilà!
M. Jolivet: Est-ce que vous voulez demander quelque chose comme
ça, vous?
M. Courtemanche: Oui, peut-être bien. Pourquoi pas? Mais je
pense que c'était plus parce qu'il y avait des problèmes de
transport d'énergie sur de longues distances, si je ne me trompe pas,
qu'on voulait s'installer près des barrages, effectivement. Aussi
Shawinigan est excessivement bien desservie par le chemin de fer. Il y a quand
même beaucoup d'accès. C'est pour nous un
gros avantage. C'est sûr que notre compétiteur, en
Illinois, il est aussi bien situé par rapport au milieu
américain.
Actuellement, on dit que, oui, il est possible d'amener de nouveaux
investissements, même à Shawi-nigan, des usines à valeur
ajoutée qui vont se greffer à la nôtre. On peut même
travailler de concert avec les ferroalliages, actuellement, qui nous ont
approchés; notre produit serait incorporé dans leurs produits
pour fabriquer du silicium métal, un exemple, qui est une valeur
ajoutée.
Alors, on pense faire partie de ce que le ministre Tremblay appelle les
grappes industrielles et puis je pense qu'on a été assez bien
identifiés de ce côté-là; on pense qu'on peut
ajouter notre produit à l'aluminium qui est en grosse partie ici. Vous
savez, actuellement, ce qui est ajouté à Jonquière dans ce
qu'on appelle le Duralcan vient de Norvège. Il est produit en
Norvège. C'est le même produit qu'on produit, nous autres. Il est
produit là-bas pour de bonnes raisons, parce qu'on n'a pas les
installations pour le produire. Eventuellement, ce marché-là va
être développé. Bon Dieu! c'est le marché
nord-américain, ce n'est pas le marché européen. Et puis,
si, nous, on disparaît de la carte, c'est effectif, c'est très
vrai que ça va venir d'ailleurs, tout ça.
Le Président (M. Audet): Merci. M. le député
de Saint-Maurice.
M. Lemire: Merci, M. le Président. Je voudrais, tout
d'abord, M. Courtemanche, vous féliciter. J'ai toujours
été très sensibilisé à la démarche de
Norton. Votre prédécesseur m'avait déjà
confié un dossier. Je pense qu'avec la CSST on avait eu des
problèmes parce que vous aviez un tarif très élevé.
C'est certain que c'est un domaine qui est assez spécial. Je veux aussi
féliciter le président du syndicat, M. Béland, parce que,
comme le disait le député de Laviolette tantôt, il y a une
harmonisation qui se fait à Shawinigan et c'est vrai qu'il y a eu
beaucoup de changements, surtout dans les 5 dernières années.
Quand on voit la démarche que vous avez entreprise avec tout le
personnel, toute la main-d'oeuvre pour en arriver à appliquer une
qualité totale, il faut le faire.
Maintenant, moi, je suis très sensible à votre
démarche, surtout depuis quelques années, surtout avec les
problèmes de tarification que vous avez rencontrés. Moi, j'aurais
une question. C'est certain que, là, on regarde le plan de
développement d'Hydro-Québec, puis, en matière de
tarification, Hydro-Québec propose comme orientation à long terme
d'aligner la hausse tarifaire sur le taux d'inflation d'ici l'an 2000.
Pensez-vous qu'à long terme, si on parlait de taux d'inflation,
ça pourrait arranger quelque chose dans votre demande? Qu'est-ce que
vous pensez de ça?
M. Courtemanche: Ce que je pense de ça, c'est que c'est
tout à fait inacceptable, tout à fait inacceptable. Je pense que
la créativité peut être inventée dans le sens de
peut-être se donner des moyens. La créativité est
inventée à partir du fait où on se donne des buts, des
objectifs qui sont difficiles à réaliser.
Nous, si on visait l'inflation, je pense qu'il n'y a pas une industrie
au Québec, actuellement, qui vise à ne pas baisser ses
coûts de production bien en bas de l'inflation. J'avais des
confrères qui me disaient: La compagnie nous demande de baisser de 10 %
notre coût de production en dépit de l'inflation. Nous, on nous
demande de baisser de 15 %, 20 % en bas du coût de l'inflation. Bien, je
ne pense pas que la société d'État soit enlignée
trop, trop sur la philosophie qui prime actuellement dans les industries au
Québec. Ce qu'on recherche, c'est vraiment à baisser pour devenir
compétitifs sur le plan international et on n'a pas bien loin à
chercher. Aux États-Unis, nos produits, en 1984, se vendaient autour de
808 $ la tonne et l'échange monétaire était de l'ordre de
0,75 $ pour le dollar américain. On peut penser qu'aujourd'hui on vend,
livré à Niagara Falls, New York, un exemple, à 600 $ la
tonne. Bien, depuis 1984, il y a sûrement eu des efforts de faits pour
combler le déficit et, effectivement, pour nous, il faudrait qu'on parte
d'un petit peu plus bas pour accepter une augmentation tarifaire semblable qui
vise l'inflation. (11 h 50)
Le Président (M. Audet): Merci. M. le député
de Laviolette.
M. Jolivet: Je ne veux pas être désagréable
envers mon collègue de Saint-Maurice si je peux l'appeler encore
«collègue» mais je vous dis simplement une chose:
Ça n'a pas de bon sens de poser des questions comme celle-là.
Votre message, ce que vous venez de nous dire, c'est: On est au
désespoir, on est à la veille de fermer si on n'a pas une aide.
Ce n'est certainement pas de demander l'inflation. Ça n'a pas de maudit
bon sens. C'est ce que je comprends de votre message.
Une voix: Vous en avez fermé cinq, vous autres.
M. Jolivet: À partir de ça, j'aimerais savoir, de
votre part à vous autres, comment vous voyez l'avenir. Si, après
la rencontre de ce matin, il n'y a rien qui débouche, qu'est-ce qui va
arriver?
M. Courtemanche: Je serais très mal placé pour le
dire actuellement parce que les décisions se font bien au-dessus de moi,
mais, si on lit bien le mémoire vers les dernières pages, on
mentionne très bien que ça peut être difficile de maintenir
nos opérations au Québec. C'est assez clair comme message.
M. Jolivet: Donc, le cri au secours que vous faites ce matin,
moi, tout ce que je peux dire et je n'ajouterai pas davantage, c'est qu'on vous
écoute, non seulement qu'on vous écoute, mais qu'on vous
comprenne et qu'on trouve une solution. Et vous êtes prêts, avec ce
que j'ai vu dans le mémoire, à faire l'effort nécessaire
puisque vous l'avez fait dans d'autres. Autrement dit, si le passé peut
exprimer le futur, c'est que vous l'avez fait et vous dites: On est prêts
encore à le
faire, mais à condition qu'il y ait quelqu'un quelque part qui
ait la responsabilité de venir trouver une solution avec nous autres.
C'est ce que je comprends dans votre mémoire.
M. Courtemanche: Absolument. M. Jolivet: Merci.
Le Président (M. Audet): Merci. M. le député
de Drummond.
M. St-Roch: Merci, M. le Président. J'aurais le goût
de vous dire au départ que vous faites peut-être partie des
grappes, mais j'ai l'impression que, dans votre cas, le raisin est
drôlement vert.
M. Courtemanche: Je disais sec, moi, mais...
M. St-Roch: Je vais vous poser une première question,
parce que, moi, ça me chicote, celle-là, parce que ce qui est le
fondement même des industries de demain, c'est la recherche et le
développement. J'ai été drôlement surpris de vous
entendre, M. Courtemanche, mentionner que, lorsque vous voulez faire un essai
pour développer un nouveau produit qui pourrait accentuer vos chances de
survie, Hydro-Québec vous dit: Non, tu paies au tarif de pointe et que
vous êtes obligés de transférer ça. Est-ce que
ça s'est passé durant les 2 dernières années
pendant que vous êtes en négociations avec toutes les rencontres
que vous avez mentionnées, ça?
M. Courtemanche: Oui, à travers ça,
définitivement. Ça s'est passé plus
précisément l'an passé.
M. St-Roch: Parce que, si c'est le cas, là, dans mon livre
à moi, c'est inadmissible, parce que ça fait partie du
partenariat qu'Hydro-Québec devrait avoir avec les industries, qui
devrait permettre cette recherche-développement-là, parce que
ça fait partie de la mission, ça fait partie aussi des
électrotechnologies qu'on veut développer. On aura la chance de
revenir à partir de mardi prochain avec Hydro sur cet aspect-là.
Mais, d'une façon encore un petit peu plus globale et je
sympathise avec vous parce que, lorsqu'on est assis sur un siège au
niveau d'un complexe et que la direction est à l'extérieur,
ça demande des bonnes télécommandes de votre
perception des choses, s'il y avait une bonne compréhension, une bonne
discussion et une bonne orientation, est-ce qu'il serait possible, dans une
philosophie des grappes, là, en y mettant un petit peu plus de soleil
pour les faire mûrir un petit peu plus, les faire rougir plus rapidement,
d'être capable d'arriver avec votre organisation mère et de dire:
Voici, dans un contexte d'un contrat j'imagine que vous regardez au moins
10 ans où on pourrait déterminer les prix, il serait
possible d'arriver avec votre direction mère à un programme de
valeur ajoutée et de dire: On prend l'usine qui est là, on s'en
va là-dedans et, pour un pro- gramme de x années, on fait de la
recherche c'est ce que vous avez mentionné, d'ailleurs
avec Alcan sur ces genres de produits là pour en arriver avec une valeur
ajoutée et un accroissement des effectifs? Est-ce que, dans votre
perception des choses, c'est possible de faire, ça, s'il y avait une
concertation, et de dire: Oui, on maintient cette usine-là pour
employer votre terme qui est énergivore? C'est la direction
où on s'en va et on est prêts, de notre part, moyennant ces
concessions-là, à vous livrer ça, vous, les
Québécois et les Québécoises?
M. Courtemanche: La réponse, c'est oui. La réponse
est oui.
M. St-Roch: Qu'est-ce que ça prend pour faire rougir
ça, cette grappe-là?
M. Courtemanche: Je pense que ça prend quand même...
C'est ça, quand même...
M. St-Roch: On va demander à mon collègue de
Saint-Maurice d'écouter la réponse.
M. Courtemanche: Oui, effectivement, il y a moyen, disons, si on
regarde... J'ai amené des pamphlets avec moi, comme je le mentionnais
tantôt, que j'ai montrés, d'ailleurs, ce matin. C'est tout
nouveau, là. Ça fait qu'il est au courant. Il est très au
courant. Oui, définitivement. Saint-Gobain, c'est un développeur,
disons, une science actuellement, en recherche et développement que nul
autre n'a dans ce domaine-là. Ils sont en train de construire aux
États-Unis actuellement une usine justement axée sur la valeur
ajoutée. Ils n'ont que ça, la valeur ajoutée, dans la
bouche. Alors, actuellement, on me presse, mon patron m'appelle souvent
d'Europe encore au début de la semaine pour me dire: On a
tenté de produire un produit de plus haute teneur dans nos fours. On
appelle ça le grade; au lieu d'être noir, notre produit, il
devient vert, une plus belle couleur.
M. St-Roch: II va avec les grappes.
M. Courtemanche: Oui, peut-être. Mais il n'en demeure pas
moins que, oui, on tente... C'est un produit qui existe actuellement sur le
marché nord-américain. Croyez-le ou non, il est fabriqué
en Norvège, il est expédié par bateau de ce bord-ci et on
dessert le marché nord-américain avec ça. Et puis, nous,
on leur a prouvé qu'en le produisant ici on sauvait des coûts de
transport énormes. Ils sont à notre écoute et ils ont dit:
Écoutez, prouvez-nous que vous êtes capables de le faire. C'est ce
qu'on est en train de démontrer avec l'aide de nos employés,
actuellement, dans notre usine. Alors, ça répond... Oui, la
valeur ajoutée, les produits, tout est là. Toujours est-il que,
si le milieu économique, si l'environnement économique le
permettent, je crois que c'est peut-être plus facile d'attirer une
industrie comme ça qu'une industrie de textile qui vient de Chine,
je suppose.
Le Président (M. Audet): Merci. Alors, c'est...
M. St-Roch: Brièvement, M. le Président. Je peux
vous promettre que, lorsqu'on va faire les crédits, bientôt, on va
s'occuper d'interroger le ministre de l'Industrie et du Commerce sur cette
philosophie de développement.
Le Président (M. Audet): C'est terminé. Alors,
messieurs, madame, au nom des membres de la commission, je vous remercie de
votre présentation. Nous allons suspendre nos travaux jusqu'après
les affaires courantes.
(Suspension de la séance à 11 h 57)
(Reprise à 15 h 35)
Le Président (M. Audet): S'il vous plaît! Alors,
j'ai besoin du consentement des membres de la commission pour que nous
puissions continuer nos consultations étant donné que l'ordre de
la Chambre n'a pas été donné encore.
M. St-Roch: M. le Président, c'est avec plaisir que nous
allons vous donner notre consentement.
Le Président (M. Audet): Alors, merci, messieurs. Nous
allons commencer. Je déclare la séance de la commission de
l'économie et du travail ouverte. Je vous rappelle brièvement le
mandat de la commission, qui est de procéder à une consultation
générale sur la proposition de plan de développement
1993-1995 d'Hy-dro-Québec.
Alors, cet après-midi, nous recevons, en commençant,
l'Association des consommateurs du Canada; suivront ensuite TransCanada
Pipelines Ltd et le Groupe de recherche en éthique environnementale.
Alors, les gens de l'Association des consommateurs du Canada inc. ont
déjà pris place. Messieurs, au nom des membres de la commission,
je vous souhaite la plus cordiale bienvenue. Je vous rappelle brièvement
nos règles de procédure. Vous disposez d'une vingtaine de minutes
pour nous faire part de votre exposé. Préalablement, je vous
inviterais à vous identifier aux fins de transcription du Journal des
débats. Ensuite, suivra une période d'échanges d'une
quarantaine de minutes. Vous pouvez y aller, vous avez la parole.
Association des consommateurs du Canada
(Québec) inc. (ACC)
M. Desjardins (Roma): Je me présente, je suis Roma
Desjardins, le vice-président de l'Association des consommateurs et,
à ma gauche, Me Jean Carouzet, notre président. M. Léo
Lacombe, notre directeur, était supposé être
présent, mais il a été dans l'impossibilité de se
rendre ici.
Nous représentons l'Association des consommateurs du Canada inc.,
section du Québec, et nous comptons tout près de 10 000 membres.
Les membres du conseil d'administration, un fait à noter, sont tous des
bénévoles et ne reçoivent aucun salaire. Nous sommes aussi
affiliés à l'Association des consommateurs du Canada, les
sections de toutes les provinces, qui regroupent entre 125 000 et 150 000
membres. Nos membres cotisants s'identifient comme consommateurs avertis
puisqu'ils sont tous des lecteurs et lectrices de la revue Le consommateur
canadien et plusieurs sont aussi des lecteurs de Protégez-vous,
la revue publiée par l'Office de la protection du consommateur.
Nous avons participé avec grand intérêt à la
consultation sur le plan de développement d'Hydro-Québec depuis
le début, soit depuis novembre 1991. Puis, dans le cadre de cette
consultation, nous avons procédé à un grand sondage
auprès de nos membres, consommateurs et consommatrices. Les
réponses ont été reçues par courrier de la part de
plus de 1200 membres répartis aux 4 coins de la province. Nous avons
reçu des réponses incomplètes à nos questionnaires;
on les a laissées de côté. Nous avions envoyé 3500
envois sélectionnés pour représenter le mieux possible
l'opinion des membres consommateurs répartis dans la province. Notre
président vous fera part, tout à l'heure, des résultats de
ce sondage. Contrairement à plusieurs autres groupes, nous nous faisons
les porte-parole d'un grand nombre de consommatrices et de consommateurs
québécois que nous avons réellement consultés.
Les consommateurs du Québec furent très offusqués
de la campagne insidieuse contre Hydro-Québec, menée
particulièrement par la multinationale Greenpeace et d'autres groupes
d'environnementalistes virulents, allant jusqu'à publier une page
entière dans le New York Times, au nom de tout un monde qu'ils
n'ont même pas consulté. Même la succursale
québécoise de Greenpeace s'en est révoltée
publiquement, en dénonçant les nombreuses inexactitudes et les
demi-vérités. Les producteurs d'électricité de la
Nouvelle-Angleterre, selon notre avis, mériteraient bien plus de
reproches qu'Hydro-Québec dans le domaine écologique. Ils
crachent, en effet, une immense quantité de pluies acides dans le ciel
nord-américain, qui retombent jusqu'au Québec et qui semblent
bien plus dommageables que les inconvénients découlant du
harnachement de grandes rivières.
En conclusion, on peut affirmer que les consommateurs et consommatrices
du Québec sont très satisfaits et fiers de leur
Hydro-Québec. Il est faux de prétendre qu'ils souhaitent que le
gouvernement leur impose un changement d'attitude.
Je laisse la parole à notre président, Me Jean Carouzet,
et, ensuite, on aura quelques suggestions à apporter dans
l'élaboration du plan de développement et surtout un peu sur le
côté de la politique tarifaire. Donc, M. Carouzet.
Le Président (M. Audet): Allez-y, monsieur.
M. Carouzet (Jean): Merci. C'est avec un grand
intérêt que nous présentons ici un bref mémoire qui
illustre les principales préoccupations et les commentaires des
consommateurs et consommatrices du Québec concernant la
présentation du plan de développement d'Hydro-Québec. Nous
avons bien apprécié d'être consultés lors de la
préparation de cet important plan de développement. Nous ne nous
sommes pas sentis mis devant un fait accompli, mais on a vraiment la sensation
d'être consultés avant le fait, de pouvoir exprimer ainsi nos
opinions et nos suggestions. (15 h 40)
Alors, sondage auprès des consommateurs. C'est dans le cadre de
la consultation sur le plan de développement d'Hydro-Québec que
l'Association des consommateurs du Canada, section Québec, a convenu de
consulter par sondage un échantillon représentatif de ses quelque
10 000 membres répartis dans tout le Québec, de la
Gaspésie jusqu'en Abitibi.
Les nombreux répondants, tous clients d'Hydro-Québec, ont
signalé leurs opinions selon leur propre degré de connaissance
des faits, y compris les influences qu'ils ont pu recevoir par la campagne
insidieuse de dénigrement des Cris contre Hydro-Québec
menée à grands frais par la multinationale Greenpeace et
largement supportée par les environnemental istes, écolos de tout
acabit, de même que par certains journalistes à sensation.
Alors, ici, je voudrais donc énoncer les 5 grands principes qui
découlent des sondages que nous avons effectués. Je voudrais
insister sur le fait que nous avons quand même pris soin d'essayer de
consulter un échantillon représentatif de nos membres et, donc,
les principes que nous allons dégager, nous ne les tirons pas de notre
chapeau, mais nous les tirons de l'opinion de nos membres, donc de l'opinion de
consommateurs, de gens qui sont des vrais consommateurs d'Hydro-Québec
et, donc, un échantillon de la population elle-même.
Alors, le premier principe qui se dégage de ce sondage, c'est que
l'électricité est un besoin essentiel dont on ne peut pas se
passer. C'est une forme d'énergie pratique, propre et qui satisfait
l'environnement, et les Québécois ne sont pas prêts
à s'en passer. Le deuxième principe, c'est
qu'Hydro-Québec...
Le Président (M. Audet): Excusez-moi, monsieur. Nous
devons suspendre nos travaux. Nous sommes appelés pour un vote à
l'Assemblée. Alors, nous allons suspendre nos travaux le temps du vote
et on vous revient dans quelques minutes.
M. Carouzet: On va vous attendre. Merci. (Suspension de la
séance à 15 h 42)
(Reprise à 16 h 2)
Le Président (M. Audet): La commission reprend ses
travaux. Monsieur, je vous redonne la parole, parce qu'il vous reste encore du
temps pour votre présentation. Allez-y.
M. Carouzet: Merci. Alors, on était rendus à la
page 3 de notre mémoire concernant les 5 grands principes que nous avons
tirés du sondage que nous avons effectué. Le deuxième
grand principe, c'est qu'Hydro-Québec doit faire l'impossible pour
continuer à bien nous alimenter et à rentabiliser l'entreprise au
profit de tous les Québécois. Je vous soumets que l'une des
préoccupations principales des consommateurs, c'est d'obtenir
l'électricité à un prix acceptable et à un prix qui
ne soit pas trop élevé, parce que l'électricité est
un bien de consommation nécessaire pour tous les
Québécois, plus particulièrement pour ceux qui sont
démunis, qui, actuellement, sont des fois en chômage et sont
même, des fois sur le bien-être social. Donc,
l'électricité doit rester une denrée bon marché
pour tout le monde, pour tous les Québécois. Ça, c'est une
préoccupation essentielle des consommateurs.
Le troisième principe, c'est qu'Hydro-Québec doit toujours
protéger notre environnement. Ici, l'Association des consommateurs
endosse complètement les rapports du groupe GRAME, de Pierre Dansereau
et Pierre Bourque qui, à notre avis, sont des écologistes
éminents et à qui on peut faire confiance.
Le quatrième point, c'est qu'Hydro-Québec doit nous
protéger contre les méfaits des pluies acides (usines thermiques)
et de l'énergie nucléaire. À tort ou à raison, les
consommateurs ont toujours plus ou moins un préjugé contre
l'énergie nucléaire à cause des retombées, à
cause des résidus qui peuvent rester. Peut-être qu'ils ont tort
sur ce point-là, mais, enfin, les sondages ont
révélé qu'il y a une certaine méfiance qui s'exerce
à ce point de vue là.
Enfin, le cinquième principe, c'est qu'Hydro-Québec doit
préserver les territoires de chasse et de pêche des
communautés amérindiennes. Hydro-Québec doit donc
respecter tous les individus, tous les Québécois, y compris les
autochtones qui vivent sur notre territoire. Donc, les barrages et les autres
constructions ne doivent pas s'ériger au détriment du mode de vie
de certains habitants de notre province.
Alors, les faits saillants. Il est évident que les consommateurs
font confiance à Hydro-Québec et s'attendent que celle-ci
continue à bien les alimenter, tout en protégeant l'environnement
et en s'en souciant. En autant que possible, les droits de tous les
Québécois, y compris les Amérindiens, doivent être
respectés.
Les tarifs d'électricité. Ici, c'est très important
pour les consommateurs. Les consommateurs se sont fortement prononcés
pour limiter les augmentations de tarifs à la croissance naturelle du
taux d'inflation et pas plus. Les consommateurs, en particulier, ne pensent pas
pouvoir supporter seuls les coûts d'investissement pour les barrages qui
doivent être construits par Hydro-Québec. Ça devrait
plutôt être rentabilisé par des emprunts qui devraient se
payer par la plus-value qui est apportée par les barrages. Les
consommateurs tiennent à conserver les tarifs avantageux de
biénergie, mais s'opposent à
l'implantation de tarifs supplémentaires pour les plus gros
consommateurs résidentiels. Des mesures incitatives devraient
plutôt amener ceux-ci à réduire leur consommation
d'énergie.
Le chauffage à l'électricité. Les sondages montrent
que les consommateurs québécois tiennent fortement à
continuer de bénéficier de tous les avantages du chauffage
à l'électricité. À ce point de vue là, ils
révèlent notamment qu'il y a très peu de
Québécois qui envisagent de retourner à des modes de
chauffage autres que l'électricité, notamment le mazout, le gaz
naturel, le propane, le bois ou le charbon. Il y a certains modes
d'énergie qui, comme le gaz naturel, par exemple, ont une certaine
défaveur parce qu'ils évoquent certains dangers comme les
explosions de gaz naturel, à tort ou à raison, parce qu'il y
aurait peut-être moyen d'améliorer cette image auprès du
public. Mais c'est un fait que tant le nucléaire que le gaz naturel ont
une certaine défaveur vis-à-vis du public. Les consommateurs ont
déjà abandonné ces sources d'énergie. Très
peu de consommateurs qui ont adopté l'électricité pensent
à retourner à un autre mode de chauffage. Il y en a très
peu qui se chauffent à l'électricité et qui pensent
à retourner au bois, au mazout, au propane ou à un autre mode de
chauffage.
Il y a une seule exception à ce principe, c'est le chauffage
biénergie qui retrouverait des adhérents dans la mesure où
cette solution s'avérerait indispensable au confinement des
coûteuses pointes de réseau d'hiver. Alors, on sait,
évidemment, qu'Hydro-Québec, quand il fait très froid, est
soumise à une forte demande et qu'elle doit se procurer de
l'énergie et de l'électricité à un fort coût
de revient. À ce moment-là, le mode biénergie devient
très populaire, surtout compte tenu des économies qu'il peut
rapporter au consommateur.
L'efficacité énergétique. Considérant les
résultats positifs obtenus par les divers programmes d'efficacité
énergétique, les consommateurs souhaitent le maintien et surtout
le développement accéléré de toutes les initiatives
de ce genre. Les consommateurs désirent qu'Hydro-Québec
s'implique davantage dans les programmes de certification des appareils et
habitations efficaces afin de fournir une fiabilité rassurante.
La génération d'électricité. Les
consommateurs se sont fortement prononcés en faveur de la construction
de nouvelles centales hydroélectriques, y compris le projet de
Grande-Baleine. La construction de nouvelles centrales thermiques ou
nucléaires est contestée. Tout ça, ça
résulte des sondages qu'on a effectués. L'association
d'Hydro-Québec avec des producteurs privés est souhaitable pour
l'implantation de programmes de cogénéra-tion afin de suffire
à la croissance des besoins énergétiques du Québec.
Alors, ici, la construction de nouvelles centrales peut se heurter à des
groupes écologiques évidemment, les Cris, etc. mais
on pense que toutes ces critiques sont fortement exagérées. Je
pense que le respect de l'environnement doit faire l'objet, pour chaque
ouvrage, d'une étude spéciale, pour chaque barrage. Il y a des
barrages même qui peuvent améliorer l'environnement au lieu de le
diminuer, dans certains cas. Alors, tout ça, c'est des cas
d'espèce. (16 h 10)
On ne peut pas faire, comme le font les Cris ou d'autres
écologistes, une critique générale des projets
d'implantation d'Hydro-Québec. Il faut vérifier dans chaque cas,
faire une étude dans chaque cas et là ça devient
sérieux. Autrement, notre association pense que ces critiques ne sont
pas sérieuses et ne sont même pas logiques.
Les exportations d'électricité. Les consommateurs se sont
massivement prononcés en faveur de la poursuite de la politique de
ventes à l'exportation d'Hydro-Québec et aux échanges
imports-exports d'électricité. Ils croient aux
bénéfices de telles entreprises pour tout le Québec.
Les grandes entreprises. Les consommateurs croient que l'économie
du Québec est grandement favorisée par l'implantation
d'industries à forte consommation d'électricité. Ils
souhaitent, d'ailleurs, que ce mouvement soit soutenu, surtout si elles sont
à la fois créatrices d'emplois et propres pour l'environnement.
Par contre, les consommateurs ne trouvent pas équitable la politique de
tarifs préférentiels pour les plus gros clients industriels. Les
consommateurs, surtout les clients résidentiels, trouvent
exagérée la politique d'Hydro-Québec de donner
l'électricité à taux très faible aux alumineries ou
aux grosses industries, alors qu'eux paient plus cher pour
l'électricité. Ils pensent qu'ils devraient obtenir le même
tarif que les autres clients et non pas des tarifs plus
élevés.
En conclusion, les consommateurs tiennent à ne pas devenir,
conjointement avec Hydro-Québec, les victimes des rivalités de
monopoles politico-énergétiques de l'Amérique du Nord. Les
consommateurs souhaitent qu'Hydro-Québec, appuyée par les
gouvernements concernés, parvienne, conjointement avec les autres grands
producteurs, fournisseurs et distributeurs d'énergie, à
solutionner les problèmes d'alimentation d'énergie
nécessaire au développement du Québec. Ils désirent
également qu'Hydro-Québec demeure ferme dans ses positions de
négociation.
L'Association des consommateurs du Canada tient pour acquis
qu'Hydro-Québec intègre la dimension environnementale aux
considérations économiques et techniques par la voie
d'études d'impact sur chaque projet. C'est ce que nous disions plus
haut. Cette approche devra aussi servir à déterminer les mesures
d'atténuation appropriées à son plan de
développement.
Alors, ici, je voudrais donc faire un résumé de ce que
j'ai dit. Je pense que je n'ai pas été trop long, mais enfin, ha,
ha, ha! ça sera assez court. Alors, donc, je voudrais faire le
résumé suivant de la position de notre association. L'Association
des consommateurs du Canada (Québec) inc. fut heureuse de participer
à la consultation sur le plan de développement
d'Hydro-Québec et veut que ce processus de consultation soit maintenu
dans l'avenir. L'Association a réalisé un sondage auprès
de ses 10 000 membres avant de présenter les propositions et
commentaires suivants: 1° Les consommateurs souhaitent
qu'Hydro-Québec continue à bien les alimenter, tout en
protégeant
l'environnement et les droits de tous les Québécois, y
compris les Amérindiens. 2° Les tarifs résidentiels ne
devraient pas dépasser les taux d'inflation. Alors, ça, c'est
très important. C'est une des préoccupations principales de notre
Association, que les taux de l'électricité devraient rester
raisonnables, vu qu'il y a beaucoup de gens qui ont de faibles revenus, au
Québec, actuellement, à cause de la récession. 3° Le
chauffage à l'électricité devrait conserver la
préférence sur les autres sources. 4° L'efficacité
énergétique et l'économie de l'énergie doivent
être supportées par des programmes incitatifs et contributifs.
5° La génération d'électricité doit continuer
à être planifiée selon les règles de
rentabilité et d'appui au développement économique du
Québec. 6° Les exportations d'électricité doivent
être maintenues et développées en poursuivant la politique
de vente d'Hydro-Québec. 7° Les grandes entreprises à forte
consommation d'électricité doivent continuer à être
supportées et développées afin de valoriser
l'économie, et favoriser la création d'emplois et de PME.
Nous remercions la commission de nous fournir l'occasion d'exprimer
l'opinion des consommateurs et consommatrices du Québec. Merci.
Le Président (M. Audet): Merci beaucoup. Je vais
maintenant reconnaître Mme la ministre de l'Énergie et des
Ressources.
Mme Bacon: Alors, M. Carouzet et M. Desjardins, je vous remercie
d'être venus ici au nom de l'Association des consommateurs du Canada
(Québec) et de participer à ce processus de consultation, qui est
fort important dans notre système parlementaire.
Pour revenir à votre mémoire, vous affirmez, en page 5 du
mémoire, que les consommateurs québécois tiennent
fortement au chauffage électrique. Est-ce que, selon vous, il y a des
raisons spéciales pour que le chauffage au gaz s'avère si peu
populaire auprès des consommateurs? Est-ce qu'il y a des raisons
spéciales pour que les gens choisissent encore
l'électricité pour le chauffage?
M. Carouzet: Bien, il y a une raison spéciale. En ce qui
concerne le gaz, c'est que, quand il y a des accidents avec le gaz,
évidemment, les médias font une grosse propagande pour ces
choses-là, même si, finalement, le nombre de victimes n'est pas
plus élevé qu'avec les accidents électriques. Bien, c'est
beaucoup plus spectaculaire et, à tort ou à raison, les gens ont
des préjugés contre le gaz. Moi, je sais que, personnellement,
mon épouse, je ne peux pas lui parler du gaz, ce n'est pas la peine. Les
gens ont des préjugés contre le gaz.
Mme Bacon: C'est la peur de ce combustible...
M. Carouzet: La peur du danger, oui.
Mme Bacon: ...qui ferait en sorte qu'ils choisiraient
l'électricité.
M. Carouzet: Oui. Il y a la peur du gaz qui joue beaucoup
là-dedans et, peut-être, d'autres raisons. Peut-être parce
que, aussi, c'est un peu plus cher que l'électricité, si on
applique la biénergie, notamment. La bié-nergie, je pense,
revient un peu moins cher que le gaz.
Mme Bacon: Est-ce qu'il n'y a pas aussi tout l'appareillage?
Est-ce que les gens vous mentionnent ça?
M. Carouzet: Pas tellement.
Mme Bacon: Par rapport aux appareils?
M. Carouzet: Quoique c'est vrai que l'appareillage est plus cher
que pour l'électricité, mais non.
Mme Bacon: Mais ce n'est pas des raisons majeures. C'est
ça.
M. Carouzet: Bien, ce n'est pas les raisons que les gens
invoquent beaucoup.
Mme Bacon: Pour différentes raisons
résistance au changement, des coûts évidemment, il
n'est pas possible de traduire la totalité du potentiel théorique
d'économies d'énergie en économies véritables.
Votre implication dans le domaine de la consommation vous a sans doute
amenés à bien connaître les consommateurs et ce à
quoi ils sont le plus réceptifs. Dans ces circonstances, est-ce que vous
avez des idées ou des suggestions sur ce qu'on pourrait faire pour
amener les consommateurs à participer en grand nombre aux
différents programmes d'économie d'énergie, à
participer davantage?
M. Carouzet: Bien, oui. Il faudrait les informer beaucoup plus,
notamment, des économies qu'ils pourraient faire. Il y a
déjà un programme à Hydro-Québec.
Évidemment, avec le programme de biénergie, elle a
déjà fait un gros effort, mais cette nouvelle forme de chauffage,
qui est très intéressante, n'a peut-être pas comment
je vais dire? fait l'objet d'assez de publicité auprès du
public.
Mme Bacon: Au niveau des économies d'énergie,
est-ce qu'ÉCOKILO, par exemple, vous en avez entendu parler chez vos
membres?
M. Carouzet: Oui, certainement, oui. Ça, c'est une bonne
chose aussi. C'est une très bonne chose. Il y a aussi le point de vue
efficacité énergétique; c'est très bon,
également.
Mme Bacon: M. Desjardins, vous vouliez ajouter
là-dessus?
M. Desjardins; Oui. Disons que la biénergie se manifeste
très efficace. Actuellement, Hydro-Québec compte environ 90 000
clients qui bénéficient du tarif d'été qui favorise
la biénergie. C'est incitatif, surtout lorsqu'on se souvient que, dans
la première phase, il y avait à peu près 140 000 clients
qui avaient obtenu une subvention et, lorsqu'on a offert le tarif
d'été, qui est plus favorable, on a découvert qu'il y
avait à peu près 40 000 à 50 000 clients qui avaient
abandonné la biénergie parce qu'ils ne voyaient pas de mouvement
incitatif, puis d'économie substantielle à en soutirer. En plus,
la façon dont ça avait été amené, disons, on
ajoutait un chauffe-air dans la canalisation d'air qui créait des
inconvénients parce que les canalisations n'étaient pas
nécessairement tout à fait sécuritaires. Ça
surchauffait les solives de plancher, et on ajoutait ça à une
fournaise au mazout qui était vieillotte. Puis, quand arrivait le temps
de changer, bien, là, les consommateurs étaient orientés
vers la transformation, évidemment, à
l'électricité, qui contient toutes les vertus souhaitables. (16 h
20)
Nous croyons que l'objectif principal de la biénergie, dans le
résidentiel comme dans l'industriel, c'est de minimiser l'appel de
puissance en période de pointe, dans les périodes de grands
froids. Nous déplorons peut-être, de ce
côté-là, qu'on permette d'installer, dans la
biénergie, une puissance totale qui peut subsister, fournir toute
l'énergie, le chauffage électrique, même s'il fait bien
froid. En somme, si la température de permutation, qui est actuellement
-12° C ou -15° C, qui est à peu près 10° F, où
le transfert se fait, si la puissance du chauffage électrique
installé dans la biénergie se limitait au besoin de chauffage
à ces températures-là, ça forcerait,
forcément, si la température baisse davantage, le client à
avoir recours à un combustible d'appoint, qui est le mazout ou le gaz ou
le propane.
Nous croyons aussi que, pour avantager davantage le programme de
biénergie, comme, je crois, M. Martel, des pétrolières, le
demandait, il faudrait hausser la température de transfert. Nous autres,
à l'Association, on a analysé les coûts de chauffage et on
croit que monter la température de transfert de -12° C à
entre -9° C et -6° C... S'il y avait une pompe à chaleur, de
toute façon, il faut transférer à -6°, parce qu'une
pompe à chaleur ne peut pas fournir assez d'énergie quand il fait
-12° C; c'est trop froid pour le calibre bien spécifié d'une
pompe à chaleur. Donc, en montant la température à -9°
ou à -6°, ça soulagerait davantage la pointe d'appel de
puissance du réseau en période bien froide.
En même temps, en limitant la puissance à ces
besoins-là, ça favoriserait la coopération et
l'intérêt des pétrolières à se lier avec
Hydro-Québec pour partager le programme de biénergie. Dans le
moment, on le coupe tellement que ça ne devient plus intéressant
pour les pétrolières de fournir 150 $ d'huile à chauffage,
quand ils en vendaient pour 700 $. Donc, ils deviendraient plus
coopératifs, plus intéressés. Le fait, surtout, de limiter
la puissance forcerait, forcément, les consommateurs à avoir
recours à l'appoint qui est une autre source d'énergie. Ils ne
seraient pas portés à abandonner la biénergie, comme dans
les premières phases où ça a été quasiment
une subvention déguisée pour se transformer à tout
électrique.
Mme Bacon: Au niveau du quotidien, quand on veut faire des
économies d'énergie, vous en entendez parler par vos membres. Que
ce soit à l'heure du lavage...
M. Desjardins: C'est ça.
Mme Bacon: ...que ce soit le lave-vaisselle, que ce soit le
grille-pain, c'est des gestes quotidiens qui sont posés, et ce n'est pas
toujours une préoccupation constante des gens de dire: Je vais les
utiliser à telle heure; je vais manger des petits-fours ou je vais
manger des muffins, le matin, au lieu de me faire une rôtie dans le
grille-pain, parce que ça fait une pointe, à un moment
donné, quand tout le monde...
M. Desjardins: C'est ça.
Mme Bacon: ...dans la même heure, veut le petit
déjeuner. Mais est-ce que vos gens vous en parlent de ça...
M. Desjardins: Oui.
Mme Bacon: ...vos membres?
M. Desjardins: Ils en ont parlé, puis surtout...
Mme Bacon: Est-ce qu'ils font des efforts au niveau de
l'économie d'énergie, dans ce sens-là?
M. Desjardins: Plusieurs ont manifesté le désir, le
souhait d'avoir, eux aussi, le bénéfice d'un tarif
d'été, même s'ils ne chauffent pas à
l'électricité. Ils seraient prêts à accepter le
délestage, à la même température, disons
-6e F ou -9° F, quand il fait bien froid. Le chauffe-eau, le
chauffage d'appoint électrique et la sécheuse, automatiquement,
seraient délestés dans les périodes de grands
froids...
M. Gautrin: Une combinaison de...
M. Desjardins: ...quitte à avoir un interrupteur manuel;
si le froid persiste trop longtemps, puis qu'on a besoin de prendre une douche,
on pourrait, avec un interrupteur...
Mme Bacon: Augmenter...
M. Desjardins: ...temporiser pour une demi-heure, faire chauffer
de l'eau pour prendre un bain. Puis, on pense, dans notre analyse, qu'il y
aurait de 400 000 à 500 000 consommateurs qui seraient prêts
à adhérer à ça. L'incitatif, ça serait un
tarif semblable à celui d'été. Ça veut dire qu'en
période de grands froids on paierait le même tarif que les
New-Yorkais. Ils ont
ça de nous autres, ils paient 3 fois plus cher que nous autres.
Ça fait que ça ferait penser et, avec la petite lumière
rouge qui annonce, les gens deviennent assujettis à ça et ils
sont bien intéressés à faire leur part.
Mme Bacon: Êtes-vous d'accord avec des tarifs
élevés comme moyen incitatif...
M. Desjardins: D'économiser l'énergie? Mme
Bacon: ...d'économiser l'énergie? M. Desjardins: Non.
On ne pense pas. Mme Bacon: Ça ne semble pas ça?
M. Desjardins: Du tout. Mais on accepterait que le tarif
élevé incite les gens à modérer leur consommation
dans les périodes de pointe, quitte à bénéficier
d'un tarif plus bas dans les périodes où...
Mme Bacon: Ça serait un tarif modulé,
là?
M. Desjardins: C'est ça. Ça fait qu'ils seraient
grandement intéressés à ça et ils auraient
l'impression qu'il n'y a pas seulement ceux qui chauffent avec la
biénergie qui seraient privilégiés vis-à-vis
Hydro-Québec, parce qu'ils sont capables de faire les sacrifices qui...
Le chauffe-eau, la sécheuse et le chauffage d'appoint, des fois, tirent
autant de puissance que le chauffage-
Le Président {M. Audet): Merci. Mme Bacon:
Merci.
Le Président (M. Audet): Merci. M. le député
de Laviolette.
M. Jolivet: Oui. Merci d'être venus nous parler des
préoccupations de vos membres. J'essaie de voir, dans votre demande...
Vous dites de conserver, pour Funifamilial, le résidentiel, un taux
égal à l'inflation et, quand je regarde à la page 6, vous
parlez des grandes entreprises: «Les consommateurs croient que
l'économie du Québec est grandement favorisée par
l'implantation d'industries à forte consommation
d'électricité. Ils souhaitent d'ailleurs que ce mouvement soit
soutenu surtout si elles sont à la fois créatrices d'emplois et
propres pour l'environnement.» Puis, il y en a plusieurs qui sont venus
ici, devant la commission, et qui nous ont dit tellement l'inverse, d'autant
plus que, là, je fais mention des contrats secrets. Il va falloir qu'on
paie quelque part. Il y a quelqu'un qui paie ça, là. Mais, quand
on va parler des contrats secrets de 1 500 000 000 $, c'est le consommateur qui
le paie, ça.
M. Desjardins: Oui, mais ils sont conscients de la chose.
Justement, nous autres, qu'est-ce qu'on rapporte? On a consulté nos
membres. On a un échantillonnage de membres. On n'a pas pris pour acquis
de parler en leur nom selon nos tendances personnelles. Par exemple, ils
s'opposent... Une des dernières choses qu'on dit, à la page
7...
M. Jolivet: Oui.
M. Desjardins: ...on dit: «Par contre, les consommateurs ne
trouvent pas équitable la politique de tarifs
préférentiels pour les plus gros clients industriels.» On
ajoute: «La complexité de ces dossiers compromet la
compréhension souhaitable des faits par les consommateurs.» Les
consommateurs sont incités à penser qu'Hy-dro-Québec fait
cadeau d'électricité à bon marché et tout
ça, mais ils ne réalisent pas la complexité. Si vous
achetez de l'électricité à 300 000 V ou à 750 000
V, et que vous l'achetez à 120 V, il y a un coût de transformation
et de distribution que les gens ne peuvent pas imaginer. Alors, quand on dit
que le kilowattheure est bon marché, si vous l'achetez à
très haute tension, c'est un service pas mal différent. Si vous
êtes obligés de vous équiper de transformateurs, vous allez
vous apercevoir que ça vaut la peine de l'avoir à...
M. Jolivet: Oui, mais les grandes entreprises, puis
l'exportation... Je donne un exemple: chez moi...
M. Desjardins: Oui.
M. Jolivet: ...il y a une entreprise, qui s'appelle Stone Consol,
à Grand-Mère...
M. Desjardins: Oui.
M. Jolivet: ...qui a une usine aux États-Unis et qui
reçoit aux États-Unis, par l'intermédiaire de
l'exportation, la même électricité que moi, à
Grand-Mère. Puis, à Grand-Mère, je paie plus cher
qu'à l'usine américaine. Il y a un problème quelque part.
Ça veut dire que, moi, je paie, comme citoyen, pour l'exportation,
quoi?
M. Desjardins: Je ne pense pas que c'est tout à fait
exact, parce que l'usine américaine va recevoir du courant qui, pour la
majorité, est au moins de 160 000 V. À la maison, vous recevez du
courant tout frais, prêt à servir, à 120 V; il est
distribué diminué, etc.
M. Jolivet: Oui, mais à Grand-Mère, l'usine de
Grand-Mère, Stone Consol reçoit la même forme
d'électricité qu'aux États-Unis, non?
M. Desjardins: Euh! Pas tout à fait. Il y en a qui sont
des anciennes usines, alimentées à 25 000 V. Ça demande de
la transformation. Ça dépend de leur contrat, puis de leur
disponibilité.
M. Jolivet: En tout cas, je ne vous poserai pas la question
à vous. Mais ce que je vous dis, c'est les gens de Consol qui sont venus
nous dire ça par l'intermé-
diaire de l'Association des industries forestières du
Québec.
M. Desjardins: Oui, oui.
M. Jolivet: Ils disent que, pour la même comparaison qu'ils
ont faite... On va leur demander les chiffres, d'une façon ou d'une
autre, mais ils nous ont expliqué que, pour l'électricité,
à Grand-Mère, ça leur coûte plus cher que
l'électricité payée aux États-Unis pour la
même sorte de voltage.
M. Desjardins: Bon, bien, sur ce point-là, moi-même,
je suis consultant en efficacité énergétique et je crois
que le dossier devrait être analysé de plus près, parce
qu'il y a des instances qui ne concordent pas avec ce qu'on croit être la
réalité.
M. Jolivet: Quand vous parlez justement de cette
partie-là, de l'efficacité énergétique et de la
biénergie, si on parle des 2 à la fois, vous dites, à la
page 5, qu'«une seule exception subsiste: le chauffage biénergie
retrouverait des adhérents dans la mesure où cette solution
s'avérerait indispensable au confinement des coûteuses pointes de
réseau d'hiver.» Est-ce que c'est seulement dans ce cas-là
ou s'il y aurait d'autres cas où la biénergie serait utile?
M. Desjardins: Disons qu'il y en a qui adhéreraient parce
que ça leur donnerait une chance d'économiser dans les
coûts de chauffage et d'énergie, parce que ça se combine
à tous les besoins de chauffage. Mais ils sont disposés,
d'après les réponses, à faire confiance et à faire
leur effort pour ménager les besoins de construire des centrales juste
pour suffire à des pointes. Mais, dans l'ensemble, ils aiment bien
ça. Ils ont été élevés avec les avantages du
chauffage électrique qui est propre, sécuritaire, flexible, etc.
Ils sont vendus à ça. (16 h 30)
En Ontario, les régions qui ont le gaz naturel n'ont pas le droit
de participer au programme de chauffage électrique, parce que, en
Ontario, leur électricité est trop dispendieuse et ils veulent
forcer les gens à se tourner vers le gaz naturel.
M. Jolivet: Mais quels sont les moyens donc, au Québec,
justement, pour arriver à ça, à l'efficacité
d'utilisation et tout? Quels sont les moyens que l'on a pour inviter les gens
à aller vers une biénergie pétrole, mélangée
un peu?
M. Desjardins: Ou autre forme d'énergie. M. Jolivet:
Oui.
M. Desjardins: Bon, là, dans le moment, ce sont les
coûts de l'énergie. Le gaz naturel pourrait, en somme, se vendre
meilleur marché qu'il ne l'est, mais ils ajustent leurs coûts.
C'est du marketing. Ils ne sont pas pour donner... Us mettent leurs coûts
en proportion de la compétition. Aussi, c'est que, comme Mme Bacon le
disak tout à l'heure c'est un argument qui viendrait en second
lieu, qui ne nous a pas été mentionné trop sachant
fort bien qu'un générateur de chauffage, une fournaise à
gaz domestique va coûter 3000 $, tandis qu'une fournaise
électrique va coûter 1200 $ et qu'une fournaise à l'huile
va coûter 1800 $, donc, ça aide un peu à l'investissement.
Même si ça devenait réellement meilleur marché avec
une fournaise à gaz à 3000 $, les clients n'ont pas la
capitalisation. Quand on a un retour d'investissement trop long, ils ne sont
pas intéressés. D'ailleurs, dans le commerce, quand il y a un
retour d'investissement, il faut que ça soit en 2 ou 3 ans; sans
ça, ils n'embarquent pas.
M. Jolivet: Là, on parle de l'énergie
électrique, l'électricité.
M. Desjardins: C'est ça.
M. Jolivet: Mais, dans un contexte où des gens sont venus
ici pour le gaz naturel, d'autres pour le mazout, il y en a, sur le gaz
naturel, qui parlaient justement de formules d'aide pour l'achat de ces
équipements plus dispendieux, permettant à l'individu de ne pas
avoir à payer trop longtemps le coût de l'investissement. Dans ce
contexte-là, est-ce qu'Hydro-Québec devrait y participer ou si
ça serait le vendeur de gaz naturel qui devrait participer?
M. Desjardins: Je crois que ça deviendrait un
problème à régler avec le ministère de
l'Énergie qui transige avec les pétrolières, les
fabricants de gaz propane, tout comme avec l'électricité. Le
gouvernement encourage Hydro-Québec à subventionner les
systèmes qui peuvent avantager le réseau, la consommation,
l'efficacité énergétique. La même chose, il y a des
groupes, ici, qui veulent qu'Hydro-Québec fasse appel, s'appuie sur
l'efficacité énergétique pour baisser les demandes et les
besoins d'augmentation, en se basant sur les résultats supposés
être obtenus aux États-Unis. Mais j'ai déjà
parlé avec des gens du marketing aux États-Unis, dans la
région de Washington et tout ça, mais en réalité la
baisse de consommation en Nouvelle-Angleterre est bien plus imputable à
la récession qu'au programme d'efficacité
énergétique qu'ils ont mis de l'avant.
M. Jolivet: Ça serait la même chose au niveau du
Québec?
M. Desjardins: Mais ils aiment ça, pour faire plaisir aux
politiciens, leur dire que c'est l'efficacité énergétique
qui a réduit la consommation, parce qu'ils n'aiment pas leur dire qu'on
est en récession.
M. Jolivet: Mais est-ce qu'on pourrait dire que c'est la
même chose, parce qu'il y a une récession au Québec aussi?
Ça peut être la même chose, en termes d'argumentation, si je
transpose.
M. Desjardins: D'ailleurs, Hydro-Québec, dans son plan de
développement, prévoit diminuer de 9,3 TWh la consommation, ce
qui est un chiffre assez raisonnable. Les adeptes de la vertu voudraient
qu'Hy-dro-Québec se tourne vers 15 et 20 TWh. Ce n'est pas
réaliste, parce que les économies d'énergie et
l'efficacité énergétique sont sûrement un bon
apport, mais on ne peut pas se baser juste là-dessus pour compenser les
besoins.
M. Jolivet: D'ailleurs, elle ne les a jamais atteints, ses
objectifs, ça fait que, à ce niveau-là...
M. Carouzet: Mais je pense que, quand même, vu que le
Québec produit beaucoup d'électricité et ne produit pas de
gaz naturel, il est plus logique que les Québécois se tournent
vers l'électricité qui est une ressource locale, plutôt que
vers le gaz naturel qui n'est pas produit au Québec.
M. Jolivet: Mais l'électricité, dans ce
contexte-là, si on part du principe... Parce qu'on a eu, à
l'époque: «On est 12 012» et «C'est propre, propre,
propre», et allez-y. Ça a fait qu'aujourd'hui il y a des gens qui
ont enlevé tout le système de ventilation de la fournaise
à l'huile. On est revenu avec des gens qui ont des systèmes juste
électriques. Ce n'est plus «revenable» en arrière
bien, bien, ça. D'autant plus qu'en même temps ça
occasionne une demande d'équipement, juste pour les pointes, très
dispendieux. Alors, on aurait tendance plutôt à faire diminuer la
consommation électrique par d'autres moyens.
M. Desjardins: II y a le système biénergie.
M. Carouzet: C'est ça. Biénergie, c'est la
réponse exacte à ça.
M. Desjardins: La biénergie va atténuer les
demandes excessives dans les pointes de grandes périodes de froid. C'est
là qu'arrive l'équilibre.
M. Carouzet: Oui.
M. Desjardins: D'ailleurs, si on se tourne et qu'on analyse la
mise en marché d'Hydro-Québec, ils ont suscité, ils ont
toujours vanté l'efficacité énergétique, même
avec les maisons Novelec, qui étaient les maisons
«Medallion» en Ontario ou autre. Ils n'ont jamais dit: Gaspillez
l'électricité. Ils disaient que l'électricité
était valable, tellement que la Société canadienne
d'hypothèques et de logement, dans les normes de construction, les
normes résidentielles, établissait que, si vous chauffiez
à l'électricité, vous deviez isoler votre maison
l'enveloppe thermique mieux. Avec une meilleure isolation, en chauffant
à l'électricité, ça ne vous coûtait pas plus
cher que si vous chauffiez à l'huile. Mais, dans ce temps-là,
l'huile se vendait 0,19 $ le gallon. Aujourd'hui, bien, elle est à 0,29
$ le litre.
M. Carouzet: Oui, mais il faut aussi mentionner que les
brûleurs à l'huile ont maintenant une meilleure efficacité
que dans le temps. C'est comme pour les automobiles, ça. Avec le
même gallon d'huile, on va beaucoup plus loin. Ha, ha, ha!
Le Président (M. Audet): Merci. M. le député
de...
M. Gobé: Est-ce que quelqu'un veut... Est-ce que j'ai le
temps, sur le temps de la ministre?
Le Président (M. Audet): Brève, brève
question.
M. Gobé: Oui, M. le Président. Merci. Excusez-moi,
M. Desjardins, M. Carouzet, c'est avec un grand plaisir que j'ai
écouté votre présentation, mais j'ai plutôt une
interrogation pour mon collègue, le député en face. Vous
avez mentionné, M. le député, qu'il était possible
ou que c'était une réalité que l'usine Stone Consol de
Grand-Mère paie à Hydro-Québec l'électricité
plus cher qu'Hydro la vendrait à une usine semblable aux
États-Unis. Est-ce que c'est bien ça?
M. Jolivet: Ce n'est pas Hydro. Hydro vend
l'électricité à une compagnie américaine qui, elle,
la revend à l'usine. C'est ça qu'ils ont dit. Ils l'ont dit ici.
Vous n'étiez pas présent, vous.
M. Gobé: Non, d'habitude... Est-ce que vous voulez dire
par là qu'Hydro, donc, vendrait d'une manière
détournée, moins cher l'électricité aux...? Est-ce
que c'est ça que vous dites, là?
M. Jolivet: Pourquoi est-ce qu'il me pose une question à
moi, là?
M. Gobé: Parce que ça m'intéresse beaucoup.
Des voix: Ha, ha, ha! Une voix: C'est bon.
Le Président (M. Audet): M. le député de
Drummond.
M. Gobé: Excusez-moi, M. le Président. J'aimerais
que si c'est...
M. Jolivet: Ah! C'est à eux autres que tu poses les
questions. Tu poseras les questions ailleurs.
Le Président (M. Audet): Non. En vertu du
règlement, M. le député, vous pouvez poser une question
à un député, mais il faut que le député
accepte d'y répondre.
M. Gobé: Non, bien, en terminant, je vais vous dire que je
ne lui poserai pas de question, mais j'aurais aimé qu'il dépose
les papiers et des chiffres à cet effet-
là, parce que c'est important pour l'économie
québécoise et la crédibilité...
Le Président (M. Audet): D'accord.
M. Gobé: ...d'Hydro qu'on puisse vérifier ses
allégations.
Le Président (M. Audet): D'accord. Merci.
M. Jolivet: Bien, s'ils écoutent, c'est l'Association des
industries forestières qui l'a dit.
Le Président (M. Audet): Merci.
M. Gobé: Pourriez-vous leur demander qu'ils
envoient...
M. Jolivet: Bien, c'est ça, il n'était pas
présent. Ils étaient là, ils l'ont dit. Il doit avoir le
mémoire.
Le Président (M. Audet): M. le député de
Drummond, vous avez la parole.
Une voix: Je ne l'ai pas entendu, moi, ça. M. St-Roch:
Merci. Merci, M. le Président. Une voix: Je ne l'ai pas
entendu.
M. St-Roch: J'aurais 2 questions, une au niveau d'essayer
d'éliminer ces fameuses pointes qui demandent énormément
d'investissements à Hydro-Québec. Vous mentionniez, à
juste titre, la biénergie qui pourrait être une solution.
Lorsqu'on regarde le plan de développement d'Hydro, on prévoit un
accroissement des logements chauffés à
l'électricité jusqu'à la hauteur de 82 %, 83 %, vers
horizon 2002. Or, dans le but de faciliter cette biénergie, est-ce que
vous croyez que, dans les logements nouveaux on dit qu'il s'en ajoute
à peu près 40 000 par année, puis qu'on va avoir une perte
et dans ceux qui subiront une rénovation intense, on pourrait y
aller avec 2 compteurs? S'ils utilisent strictement des plinthes, on aurait un
compteur pour le chauffage; on pourrait peut-être mettre le chauffe-eau
et la sécheuse sur ce système. Puis, on dirait: Bien, à
partir d'aujourd'hui, pour les maisons neuves, celles qui seront strictement
avec des plinthes, il y aura un taux de chauffage qui représentera les
coûts réels d'Hydro-Qué-bec. Est-ce que ce serait
envisageable de penser à une alternative comme celle-là pour
inciter les gens à utiliser la biénergie?
M. Desjardins: Ça revient à une question qu'on a
posée: Est-ce que vous seriez d'accord qu'on ait des tarifs
pénalisants pour quelqu'un qui consomme beaucoup
d'électricité? Par exemple, si vous chauffez tout à
l'électricité, bien, là, vous tirez beaucoup de courant,
donc, on va vous taxer plus fort. Bon, bien, à 97 %, les consommateurs
ont dit non. Ils ont dit: Qu'on incite les consommateurs à utiliser plus
efficacement, puis à économiser l'énergie, plutôt
que d'aller policer. Vous avez la solution. les cigarettes se vendent
quand vous les achetez légalement, là 6 $ le paquet. les
fumeurs, ils n'ont pas cessé de fumer; ils paient leurs 6 $. ils
rouspètent, puis ils paient. ce n'est pas l'augmentation du coût
des cigarettes qui fait arrêter de fumer. bon, bien... c'est que les gens
s'habituent aux coûts, comme, la même chose, les programmes
d'efficacité énergétique, dont la biénergie
première phase, ont prouvé qu'un bon pourcentage au-dessus
de 30 % ont abandonné le système parce qu'il n'y avait pas
un tarif incitatif pour les encourager à le maintenir. ils ne voyaient
pas d'économie là-dessus, ça fait qu'ils ont laissé
aller ça. mais, si vous avez un tarif incitatif, avec la petite
lumière rouge, comme ça ici, qui s'allume, puis qui vous signale
que vous payez plus cher, bien, vous devenez conscient et vous participez.
puis, vous êtes prêt à souffrir des inconvénients.
(16 h 40)
À Hydro-Québec, on avait déjà fait des
représentations à propos de la puissance à installer. On
croit que les spécialistes qui s'occupent de faire les installations ne
sont pas tout à fait bien entraînés. On leur donne une
journée d'entraînement pour leur expliquer l'aspect commercial de
toute l'affaire et, au point de vue technique et efficacité, on s'en
remet à leur compétence. On dit: On ne veut pas interférer
chez les maîtres électriciens et les maîtres en chauffage,
et tout ça. Mais ces gens-là n'ont pas été
éduqués dans ce sens-là; eux autres, ils marchent pour la
piastre. Ils n'en donnent pas plus que le client en demande.
C'est là que les consommateurs se sont manifestés avec
assez d'importance, demandant qu'Hydro-Québec ou le Bureau des
économies d'énergie certifie les systèmes, qu'il dise
quels systèmes sont bons ou moins bons, pas comme l'étiquette
ÉnerGuide, que vous trouvez sur les appareils
électroménagers. Les gens prennent pour acquis que,
l'étiquette ÉnerGuide, ça veut dire que c'est efficace et
que c'est économique. Ce n'est pas vrai pantoute; ça dit, cette
étiquette-là, combien de kilowattheures par mois ça prend,
pour que vous puissiez choisir l'appareil qui est le plus efficace. Mais la
consommation d'énergie d'un appareil électroménager arrive
en quatrième lieu. Le premier choix qui guide l'achat d'un
électroménager, c'est la couleur. Si vous avez une
cuisinière blanche, vous n'achèterez pas un
réfrigérateur vert et ainsi de suite. Ensuite, c'est la
commodité, etc. Puis, la consommation, bien, ils disent: Ça
consomme... puis ils voient ÉnerGuide, alors c'est bon.
M. Carouzet: Mais je pense que...
M. St-Roch: Je m'excuse, c'est parce qu'on me fait signe que mon
temps est terminé, et j'ai une brève question. À la
lecture de votre mémoire, ça m'a étonné, dans un
premier temps, parce que, dans le plan de développement
d'Hydro-Québec, il est question aussi des mauvaises créances et
des recouvrements. Vous
n'avez aucune mention dans votre mémoire sur les politiques ou
les méthodes de recouvrement d'Hydro-Québec.
M. Desjardins: Bien...
M. St-Roch: Est-ce que c'est parce que vous êtes satisfaits
et qu'il n'y a rien à rajouter?
M. Desjardins: Non, non, on a 2 points là-dessus, dans les
points d'argumentation qu'on a conclus. Entre autres, par exemple, on a eu
plusieurs appels de gens qui demandaient si on les appuyait dans la
revendication d'un boni de 300 $ pour bon payeur, comme les...
Une voix: Les Mohawks.
M. Desjardins: ...Amérindiens avaient obtenu. On ne les a
tout simplement pas approuvés, mais encouragés à oublier
ça. On croit que la prime de 300 $ qui a été
octroyée aux bons payeurs amérindiens, c'était une erreur
de politique commerciale. On croit plutôt que, probablement,
Hydro-Québec, peut-être sous l'influence du gouvernement, a
acheté la paix. Ceux qui insistaient, on leur suggérait
même de se porter volontaires pour aller les collecter, les
Amérindiens, s'ils pensent qu'on devrait leur forcer la main.
M. St-Roch: Ce n'était pas vraiment ça, ma
question...
Le Président (M. Audet): Merci, merci.
M. St-Roch: ...c'était plutôt dans les 61 000
000$...
Le Président (M. Audet): Terminé, M. le
député.
M. St-Roch: ...à recouvrer, là, des mauvaises
créances.
Une voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Audet): Alors, messieurs, au nom des
membres de la commission, je vous remercie de votre participation. Nous allons
suspendre nos travaux 2 minutes afin de permettre à TransCanada
Pipelines Ltd de prendre place.
(Suspension de la séance à 16 h 43)
(Reprise à 16 h 45)
Le Président (M. Audet): Nous reprenons nos travaux. Nous
recevons maintenant TransCanada Pipelines Ltd.
M. Archambault, au nom des membres de la commission, je vous souhaite la
bienvenue. Je vous rappelle brièvement nos règles de
procédure. Vous disposez d'une vingtaine de minutes pour nous faire part
de votre exposé. Au préalable, vous vous identifiez. Ensuite,
suivra une période d'échanges de pas tout à fait 40
minutes, parce qu'on est en retard, et, à 18 heures, certains ont des
rendez-vous à l'extérieur.
Alors, je vous invite à nous faire part de votre
présentation.
TransCanada Pipelines Ltd (TCPL)
M. Archambault (John): Merci. Mon nom est John Archambault. Je
suis un des vice-présidents de TransCanada Pipelines.
Mme la ministre de l'Énergie et des Ressources, M. le
Président de la commission, membres de la commission, mesdames et
messieurs, je veux, tout d'abord, vous remercier de cette occasion qui nous est
offerte de faire valoir notre point de vue et nos commentaires sur le plan de
développement 1993 d'Hydro-Québec. En donnant ouverture à
certaines considérations sur le gaz naturel, la proposition
d'Hydro-Québec nous permet d'informer les décideurs que vous
êtes du rôle important que cette forme d'énergie pourrait
jouer dans l'économie québécoise. La société
québécoise a choisi de privilégier le développement
hydroélectrique. Elle est aussi engagée dans la poursuite de
l'efficacité énergétique et doit, pour ce faire, tenir
compte du contexte global dans lequel évoluent les demandes pour les
différentes sortes d'énergie.
L'orientation d'efficacité énergétique
d'Hydro-Québec l'amène à considérer diverses
options disponibles, dont certaines sont en pleine expansion en Amérique
du Nord. Il s'agit de la production d'électricité par voie de
cogénération ou par cycle combiné. TransCanada Pipelines
désire, par son intervention, faire savoir son vif intérêt
pour ces nouvelles filières. Nous estimons être
particulièrement en mesure de participer au développement de ces
nouvelles avenues par notre expertise comme principal transporteur et
fournisseur de gaz au Québec, et comme gestionnaire de centrales de
production d'électricité à cycle combiné.
L'implication de TransCanada au Québec est toujours allée
en s'accroissant. TransCanada a conçu un gazoduc reliant 1'Alberta et le
Québec, dans les années cinquante, et a continué de
développer son réseau en Ontario et au Québec, dans les
années soixante-dix. Au début des années quatre-vingt,
TransCanada a poursuivi l'extension de son réseau gazier au
Québec par l'intermédiaire de son affiliée, Gazoduc Trans
Québec & Maritimes. À partir de 1989, la compagnie a
développé le secteur de la mise en marché et du transport
du gaz avec le plus vaste programme d'extension de capacité de son
histoire. Ainsi peut-elle dorénavant répondre adéquatement
aux besoins des marchés qu'elle dessert au Canada, et principalement au
Québec, avec un réseau de pipelines de 12 000 km.
Pour ce qui est de la génération de vapeur et
d'électricité, TransCanada Pipelines fait appel aux
meilleures technologies disponibles, qu'il s'agisse de projets de
cogénération ou de cycle combiné. Sur le plan
environnemental, notre souci de protéger notre écosystème
s'est toujours manifesté par l'utilisation du combustible fossile le
plus sûr, le gaz naturel. Parmi nos réalisations, pour n'en citer
que quelques-unes, d'ailleurs bien connues d'Hydro-Québec, mentionnons
la centrale électrique à cycle combiné d'Océan
State Power au Rhode Island et, plus près de nous, la centrale
électrique à cycle combiné de Nipigon Power en Ontario.
(16 h 50)
La centrale électrique d'Océan State est
régulièrement citée en exemple comme concept de centrale
thermique à haute technologie; il s'agit d'une centrale
électrique de 500 MW. Pour les fins de production d'énergie, le
procédé employé par TransCanada Pipelines fait appel
à des turbines alimentées au gaz naturel en provenance de
l'Alberta. Des systèmes de récupération de vapeur
permettent de réintroduire cette vapeur dans le même cycle,
toujours à des fins de production électrique exclusivement,
d'où l'appellation cycle combiné. Cette centrale a
justifié un investissement de 500 000 000 $ et procure depuis 1991 de
nombreux emplois directs et indirects.
La centrale électrique de Nipigon, en Ontario, est une centrale
électrique de 40 MW, fonctionnant également à cycle
combiné, selon le même procédé que celui
d'Océan State. La production d'énergie est entièrement
vendue à Hydro Ontario, et ce, pour une période de 20 ans
à compter de mars 1992. Le programme de développement de
TransCanada Pipelines comprend actuellement, en plus des 2 déjà
mentionnés, les projets suivants: une centrale électrique de 160
MW près de North Bay, Ontario, et une centrale électrique de 160
MW près de Kapuskasing, également en Ontario.
Nous reconnaissons que le réseau hydroélectrique
d'Hydro-Québec jouit d'une réputation enviable mondialement. En
faisant l'apport de sa compétence dans le domaine de la production
d'électricité, TransCanada n'a aucune intention de concurrencer
la société d'État sur ce plan énergétique,
mais cherche plutôt à contribuer à ses avantages, en lui
offrant une source d'énergie et une technologie complémentaires
aux filières qu'elle utilise actuellement. C'est donc un partenariat que
nous envisageons où, par une mise en commun des forces de chacun, nous
serons amenés chacun à optimiser notre contribution respective
à la société québécoise.
L'élément clé de l'apport de TransCanada Pipelines
tient à sa flexibilité dans l'alimentation d'une centrale de
production d'électricité, quel qu'en soit le cycle. Les surplus
de gaz présentement disponibles au Canada et les ramifications de son
réseau existant permettant de conclure des ententes à long terme,
rapides et fructueuses, ainsi Hydro-Québec serait en tout temps en
mesure de choisir à quelle source d'énergie elle entend
s'approvisionner pour maximiser sa flexibilité et son
efficacité.
Les centrales au gaz naturel peuvent être programmables au besoin.
Elles permettraient à Hydro-Québec de préférer,
selon les circonstances, la meilleure solu- tion pour la production
d'électricité du point de vue du coût global. Qu'il
s'agisse d'une pénurie d'hydraulicité ou de puissance
supplémentaire à fournir en période de pointe, la centrale
électrique à cycle combiné se présente comme une
police d'assurance, une deuxième source fiable, quoi.
Si le développement hydroélectrique au Québec est
un choix de société qui, depuis plus de 20 ans, lui permet de se
positionner à Favant-garde des autres sociétés en
matière environnementale, on convient de plus en plus aujourd'hui que
même des ressources renouvelables méritent d'être
comptabilisées. Il y a toujours un coût économique et
environnemental à l'utilisation de ces ressources. Un manque de
planification équivaut à du gaspillage susceptible de
coûter très cher. Face au phénomène grandissant de
la globalisation des marchés, il nous faut pouvoir répondre
à la demande énergétique à des prix
compétitifs. La combinaison de plusieurs options
énergétiques s'inscrit dans ce nouvel horizon, faisant de
l'efficacité accrue un moteur de développement économique
plus avantageux.
L'expertise accrue qui en découle met en perspective d'autres
avantages. Les retombées économiques associées directement
à ces projets, ainsi que le développement d'une main-d'oeuvre
hautement spécialisée garantiront le maintien ici d'emplois
à long terme et même l'exportation d'un savoir-faire.
Si nous savons profiter de l'expérience d'autres
sociétés aux prises avec des choix énergétiques
plus complexes et, forcément, beaucoup plus coûteux, parce qu'ils
sont souvent captifs des exigences du marché, nous saurons maximiser
notre potentiel énergétique en le rendant plus complet, plus
flexible et, dès lors, plus performant.
TransCanada Pipelines est, en 1993, une compagnie clairement
engagée envers une croissance profitable en offrant à ses clients
les nombreux avantages du gaz naturel. Il faut noter que près de 20 % de
ses livraisons canadiennes de gaz vont au marché québécois
par le truchement des deux distributeurs québécois:
Gazifère et Gaz Métropolitain. Nous avons, d'ailleurs, suivi avec
grand intérêt la présentation devant cette même
commission du mémoire de Gaz Métropolitain.
Nous nous permettons aujourd'hui de renchérir sur certains points
qui font l'objet de questionnements répétés quant aux
qualités réelles du gaz naturel. TransCanada effectue
régulièrement des études sur cette question. Le gaz
naturel au Canada et au Québec est, sans aucun doute, une forme
d'énergie abondante, fiable, économique, concurrentielle et
avantageuse au plan environnemental. Les approvisionnements disponibles
permettront de satisfaire à la demande canadienne bien au-delà de
20 ans. D'ailleurs, avec les nouvelles techniques d'exploration, de forage et
de production, ces estimations sont constamment révisées à
la hausse depuis plus d'une vingtaine d'années. À titre
d'indication, on note que la production actuelle canadienne est de l'ordre de 3
Tcf et que la plus récente étude porte à plus de 300 Tcf
les réserves ultimes provenant du bassin sédi-mentaire de l'Ouest
canadien.
La grande fiabilité du réseau gazier est bien connue. Les
approvisionnements gaziers peuvent être contractés, actuellement,
sur une base ferme, à long terme. Le réseau est en mesure de
répondre plus rapidement à des demandes de capacité
supplémentaire. Quant aux prix du gaz naturel, nous sommes d'avis qu'ils
demeureront stables et hautement compétitifs. L'état actuel des
réserves, les connaissances acquises pour mieux les mesurer,
l'efficacité des nouvelles technologies d'exploitation et d'exploration
nous permettent d'avancer qu'on devrait s'attendre, pour la prochaine
décennie, à une stabilité relative du prix du gaz
naturel.
Enfin, la propreté du gaz naturel fait de cette forme
d'énergie celle qui est la plus performante au plan environnemental
parmi les combustibles fossiles. Il s'agit, entre autres, de la source qui
contribue le moins à l'effet de serre. Sur le plan de la
génération d'électricité, les turbines à
gaz, comme celles d'Océan State ou de Nipigon, actuellement
installées dans les nouvelles usines à cycle combiné,
ramènent les émissions d'oxyde d'azote et de dioxyde de carbone
bien en deçà des normes prescrites par toutes les
autorités compétentes aux États-Unis, y compris celles de
la Californie qui applique actuellement les normes les plus
sévères en Amérique du Nord.
En tenant compte des avantages indéniables que procure le gaz
naturel, nous croyons qu'il serait socialement avantageux de lui faire une part
plus large et une plus large place dans le bilan énergétique du
Québec. Dans certains marchés, comme ceux de la chauffe, aux
secteurs commercial et institutionnel, une part accrue du gaz naturel
permettrait de réaliser des économies appréciables, des
économies qui se refléteraient positivement sur le pouvoir
d'achat des Québécois, sur le coût de service dans les
organisations des secteurs commercial et institutionnel, ainsi que sur la
compétitivité des entreprises québécoises. (17
heures) à notre avis, la seule façon d'être
compétitif et concurrentiel sur le plan international, c'est de
bénéficier des avantages que procurent la production
privée, les énergies nouvelles ou la combinaison de plusieurs
options. dans un tel scénario, la cogénération et le cycle
combiné du gaz naturel se présentent comme des sources
complémentaires de production d'électricité qui
méritent d'être examinées sérieusement. ces deux
filières sont appelées à jouer un rôle accru dans le
développement et la compétitivité des entreprises
canadiennes et québécoises. le marché américain y a
recours depuis quelques années et le nombre d'entreprises qui s'y
abonnent augmente régulièrement. la compétitivité
recherchée est étroitement liée à l'atteinte d'une
consommation énergétique plus efficace et moins coûteuse,
notamment dans les secteurs institutionnel et commercial. l'efficacité
thermique des nouvelles technologies à cycle combiné se situe
entre 46 % et 55 %, ce qui en fait dorénavant des alternatives de choix
pour la production thermique d'électricité.
TransCanada Pipelines est davantage spécialisée dans des
installations de ce type. Celles-ci peuvent être utilisées comme
centrales de base pour desservir les usages courants, telle l'usine
d'Océan State Power, ou comme unités d'appoint pour
répondre aux besoins de pointe ou aux insuffisances ponctuelles de la
production hydraulique. La combinaison de 2 options,
l'hydroélectricité et le cycle combiné ou la
cogénération, correspond entièrement aux critères
d'optimisation du bilan énergétique que la société
québécoise devrait rechercher.
Pour TransCanada et nous désirons insister sur ce point
cette solution ne devrait être envisagée que si elle
s'appuie sur un partenariat avec Hydro-Québec et/ou avec d'autres
investisseurs privés. C'est ainsi que nous avons procédé
dans tous les projets que nous avons initiés jusqu'à
présent. TransCanada est persuadée qu'en acceptant de s'engager
dans des partenariats pour la réalisation de centrales à cycle
combiné Hydro-Québec pourra mieux optimiser la gestion de son
réseau. Elle améliorera, par le fait même, la
qualité et la continuité de son service à la
clientèle.
En aménageant au Québec, tout comme ailleurs au Canada,
des centrales à cycle combiné, on sera en mesure de
réaliser ici des projets qui consommeront le gaz naturel produit au
Canada. Les emplois, le savoir-faire et les retombées fiscales
liés à la conception, au montage financier, à la
construction et à l'exploitation de ces centrales demeureront au
Québec et au Canada. En diversifiant les sources de production
d'électricité, cela permettrait éventuellement d'envisager
des exportations d'électricité de base à long terme dans
des conditions qui ne seront pas restreintes par des variations
saisonnières ou ponctuelles des niveaux d'hydraulicité. Le
gouvernement du Québec verra, pour sa part, la sécurité de
ses approvisionnements gaziers augmenter du même volume que celui
contracté à long terme exclusivement pour le Québec et
pour la centrale à cycle combiné. Il s'agit d'un atout non
négligeable sur le plan de la sécurité et de la
diversité des sources d'approvisionnement
énergétiques.
TransCanada estime que ces nouvelles avenues devraient recevoir une
attention toute particulière de la part du gouvernement du
Québec. Ceci s'avère particulièrement important au moment
où l'optimisation des coûts énergétiques des
sociétés et le resserrement des rapports concurrentiels entre les
économies nationales vont devenir de plus en plus incontournables.
Ceci termine mon allocution de présentation, M. le
Président. Merci.
Le Président (M. Audet): Merci, monsieur. Mme la ministre
de l'Énergie et des Ressources.
Mme Bacon: M. Archambault, je voudrais vous remercier de votre
participation aux travaux de notre commission et particulièrement du
traitement que vous faites du sujet relatif au transport et à
l'utilisation du gaz naturel.
Justement, à la page 3 de votre mémoire, vous rappelez le
rôle prépondérant joué par TCPL «dans la
promotion et la réalisation du projet Iroquois Gas Transmission System
qui dessert aujourd'hui en gaz naturel
les marchés du Nord-Est américain». Et, comme on le
sait, le pipeline Iroquois n'est pas le seul gazoduc qui alimente les
marchés du Nord-Est américain en gaz naturel. Afin de permettre
peut-être à la commission de bien comprendre l'impact de la
réalisation du projet Iroquois sur nos exportations
d'électricité dans le Nord-Est américain, auriez-vous
l'obligeance de nous dire quelle est l'importance relative de ce projet par
rapport à l'ensemble du marché du gaz naturel du Nord-Est
américain et de nous expliquer comment cette région, aurait pu
s'approvisionner en gaz naturel si le projet Iroquois n'avait pas vu le
jour?
M. Archambault: Je vais commencer par vous parler, au lieu de
l'électricité, du gaz parce que TransCanada Pipelines, c'est le
gaz et non l'électricité, en premier lieu. Le gaz naturel, comme
j'ai dit, est abondant dans le bassin de 1'Alberta, et les
sociétés américaines veulent contracter des
réserves à long terme pour des projets, telles les centrales que
j'ai mentionnées. Il n'y a aucun problème. Nous, notre
marchandise, c'est la marchandise du gaz. Je reconnais que le gaz naturel de F
Alberta se trouve à passer par nos tuyaux et, ensuite, avec le projet
Iroquois, et ça alimente des usines et ça fait de
l'électricité.
Il y a une autre façon de le faire aussi, c'est d'augmenter la
quantité de gaz naturel ici, au Québec; la transformation se
ferait au Québec, puis il y aurait une exportation aux
États-Unis. Mais le gaz va toujours trouver son chemin. On ne peut pas
concevoir des réserves, des réserves que j'appellerais libres,
pour très longtemps, parce que, finalement, on est un continent
intégré au point de vue énergétique.
Mme Bacon: Je pense que vous n'avez pas tout à fait
répondu à ma question. J'aimerais savoir comment la région
du Nord-Est américain aurait pu s'approvisionner en gaz naturel si le
projet Iroquois n'avait pas vu le jour.
M. Archambault: S'il n'y avait pas eu le projet Iroquois, il y
aurait eu un autre projet, parce qu'il y avait des attentes de gaz dans cette
région-là, puis ça n'aurait peut-être pas
été nous qui l'aurions fait, mais...
Mme Bacon: II y en aurait eu d'autres? M. Archambault:
Oui, bien sûr.
Mme Bacon: Dans votre mémoire, vous proposez à
Hydro-Québec d'être partenaire pour développer des projets
d'envergure dans la filière des centrales à turbines à gaz
à cycle combiné pour apporter une réponse
intéressante aux variations de Fhydraulicité et diversifier aussi
les sources d'approvisionnement énergétiques. Quelle structure de
partenariat, par exemple, entre TCPL et Hydro-QuébeC serait
idéale pour mener à terme les projets que vous proposez?
M. Archambault: Dans notre mémoire, on indi- que ce que
vous avez dit. Notre mémoire est au niveau des principes. On n'a pas
parlé à Hydro-Québec d'une façon précise ou
d'une façon formelle. Ce qu'on veut faire, c'est qu'on aimerait faire
ces turbines-là, et c'est dans une étape prochaine,
peut-être, qu'on pourra le faire. Mais, pour le faire, on aimerait avoir
l'appui d'investisseurs québécois et on voudrait avoir, je
dirais, peut-être plus l'appui d'Hydro-Québec, parce que
Hydro-Québec englobe facilement TransCanada Pipelines avec une seule
usine au Québec.
Mme Bacon: C'est une offre de service, M. Archambault, que vous
faites à Hydro-Québec?
M. Archambault: Ha, ha, ha!
M. Jolivet: En partenariat. (17 h 10)
M. Archambault: C'est ça.
Mme Bacon: Oui, oui, c'est ça, en partenaire. À la
page 13 de votre mémoire, vous avancez que, «dans le seul secteur
des activités d'exploration et de cueillette de gaz dans l'Ouest
canadien, chaque dollar investi procure 0,13 $ aux entreprises
québécoises». Est-ce que vous pouvez nous expliquer comment
vous êtes arrivés à un tel résultat? Comment sont
générées ces retombées économiques et quel
genre d'entreprise québécoise peut bénéficier de
ces retombées-là?
M. Archambault: Je ne pourrai pas vous dire tout aujourd'hui,
mais...
Mme Bacon: Ce que vous pouvez me dire, M. Archambault.
M. Archambault: La source est Petroleum Resources Communications
Foundation. Ça me ferait plaisir de vous en faire parvenir quelques
exemplaires.
Mme Bacon: S'il vous plaît.
M. Archambault: Et ce n'était pas seulement, enfin, les
0,13 $ du Québec. Il y a 0,29 $ en Alberta, il y a 0,42 $ en Ontario. Je
m'engage à vous fournir ça.
Mme Bacon: Merci. Au niveau du transport du gaz naturel au
Québec, votre mémoire indique aussi que TCPL dispose de
capacité de transport du gaz naturel pour couvrir tant les besoins des
projets de cogénération que les besoins de chauffage des
bâtiments, des procédés industriels, que pour alimenter les
centrales à turbines à gaz à cycle combiné. Moi, je
suis certaine que les membres de la commission sont curieux de connaître
les possibilités de TCPL à s'adapter à des situations les
plus mouvantes possible. Quel est l'impact de l'abandon par Hydro Ontario de
son programme de cogénération de 3000 MW sur les projets
d'expansion du réseau TCPL?
M. Archambault: Pouvez-vous... J'ai mal...
Mme Bacon: II y a un impact certainement sur TCPL de l'abandon
par Hydro Ontario de 3000 MW sur le programme de cogénération.
Ça a un impact sur TCPL, certainement.
M. Arehambault: Bien, c'est-à-dire que le programme de
cogénération en Ontario a été plus ou moins
arrêté, vu la situation d'Hydro Ontario. Nous espérons
avoir des nouvelles en mai pour savoir si les échéanciers vont
être retardés. Mais l'histoire d'Hydro Ontario, c'est grave.
Mme Bacon: Oui, oui.
M. Arehambault: C'est très grave. Alors, moi, je n'ai pas
les solutions...
Mme Bacon: Mais ça a un impact sur TCPL?
M. Arehambault: Ce n'est pas sur TCPL. Mais, par contre, on veut
construire deux génératrices à 160 MW, alors on a un
intérêt. Mais il faut attendre au mois de mai...
Mme Bacon: Des décisions.
M. Arehambault: ...pour la décision, oui.
Mme Bacon: Dans le chapitre 3 de votre mémoire, vous
avancez que «le gaz naturel est aussi la forme d'énergie la plus
propre de tous les combustibles fossiles» et, à la page 11 de
votre mémoire, vous présentez les performances environnementales
du gaz naturel en termes d'émission de dioxyde de soufre, le
SO2, de CO2 et aussi d'oxyde d'azote.
M. Arehambault: Oui.
Mme Bacon: Par contre, nulle part ailleurs dans votre
mémoire vous ne mentionnez les émissions de méthane qui
sont issues de la production, du transport et de la consommation du gaz
naturel. Est-ce que vous pouvez nous en dire davantage à ce
sujet-là?
M. Arehambault: Oui. Je sais qu'on a un pourcentage, c'est
très infime, c'est-à-dire que c'est du méthane qui
s'échappe dans l'air. Mais je pourrai vous donner ça aussi. Je ne
l'ai pas devant moi.
Mme Bacon: D'accord. Merci.
Le Président (M. Audet): Merci. M. le député
de Laviolette.
M. Joli vet: Merci. Je vais continuer dans la même veine
que Mme la ministre. Au plan environnemental, justement, à la page 13,
vous dites, et je pense que c'est à juste titre, que le gaz naturel
constitue une source d'énergie moins polluante que le pétrole et
le mazout. Je pense bien qu'on ne va avoir aucune diffi- culté à
le prouver. Vous dites aussi qu'en encourageant le recours au gaz naturel on
diminue, à ce moment-là, l'utilisation du pétrole et du
mazout puis d'autres viennent dire d'autre chose, chacun vante ses
produits qui causent davantage du tort à l'environnement.
Ça, on ne peut pas nier ça, comme je le disais.
Cependant, quand on regarde Hydro-Québec, parce que vous voulez
agir en partenaire avec HydroQuébec, Hydro-Québec utilise aussi
une argumentation pour mousser sa filière hydroélectrique; elle
dit qu'elle est moins dommageable pour l'environnement que le gaz naturel.
Qu'est-ce que vous avez à dire de ça? En fait, si vous avez
à vendre votre produit, eux autres, ils veulent vendre le leur, et vous
voulez agir en partenariat. Vous dites: Le gaz naturel est moins polluant
oui, ça, je pense que c'est exact que le mazout et le
pétrole. Mais, d'un autre côté, Hydro-Québec dit
qu'elle est encore moins polluante que vous autres.
M. Arehambault: Bien, ça, c'est certain. Il n'y a pas
d'émanations de gaz dans un barrage. Enfin, j'espère que non.
M. Jolivet: Oui, je sais, je comprends ce que vous me dites, mais
il y a des gens qui prétendent qu'on n'a pas tout vu encore sur les
effets de l'hydroélectricité, les lignes de transmission, les
dangers pour ceux qui vivent autour, les animaux qui sont là.
M. Arehambault: Notre société n'a pas fait
d'études sur ce genre d'environnement.
M. Jolivet: O.K. Vous estimez que le gaz naturel, en dollars
constants de 1991, sera de 2,50 $ le gigajoule en 2010 et vous dites, aux pages
9 et 10: De plus, rien ne peut laisser entrevoir une augmentation importante
des prix du gaz naturel à long terme. Sur quoi vous vous basez pour
affirmer ça, à ce moment-ci? Parce qu'on voit des fluctuations
qui existent un peu partout.
M. Arehambault: Bien, évidemment, il y a toujours des
fluctuations, mais laissez-moi vous dire... Le pétrole est roi; le gaz
naturel passe après. En Amérique du Nord parlons des
États-Unis, d'abord il n'y a pas eu une seule période,
sauf pendant la guerre, où il y a eu des restrictions sur le coût
ou la part du pétrole. Les pétrolières pouvaient vendre
leur pétrole au coût ou avec un profit, c'était libre.
Ça a été totalement libre. Au Canada, c'était la
même chose, sauf pour la période de 1985 à 19... Pour le
pétrole, je ne me souviens pas. Vous vous rappelez, il y avait un
gel...
M. Jolivet: Un gel, oui.
M. Arehambault: ...en 1985.
M. Jolivet:. Au Canada.
M. Arehambault: C'était la loi sur l'administration du
pétrole.
M. Jolivet: Au Canada.
M. Archambault: Ça, c'était au Canada. Maintenant,
aux États-Unis, le gaz naturel n'était pas
réglementé. Je parle de la production.
M. Jolivet: C'est ça.
M. Archambault: Je ne parle pas du transport. Alors, il n'a pas
été réglementé jusqu'à la fin des
années quarante ou au début des années cinquante, alors
que la Cour suprême des États-Unis a décidé que le
coût du méthane s'intégrait au coût de transport.
Alors, ça s'est passé, comme je l'ai dit, à la fin des
années cinquante ou en 1961. Il y avait une réglementation. Donc,
il y avait une réglementation jusqu'à ce que M. Carter arrive, et
il a levé le bouclier, puis ça a pris 10 ans pour être
totalement déréglementé. Alors, aujourd'hui, aux
États-Unis, le gaz naturel se transige. On peut l'acheter à bon
prix si on en trouve; on peut le vendre très cher si on trouve un
acheteur. Pour le Canada, c'est la même chose à partir de
1985.
M. Jolivet: Vous parliez, tout à l'heure, qu'il y avait
des stocks en Alberta. Est-ce que vous êtes capable de me dire à
ce moment-ci, dans vos prévisions, jusqu'en quelle année on peut
avoir de ça? Est-ce que c'est des centaines d'années? C'est quoi?
(17 h 20)
M. Archambault: Des centaines d'années... Je ne ferais
jamais une prédiction de 100 ans, c'est certain, mais dans un horizon de
l'ordre de 10 ans et pourvu que les sociétés respectent les
échanges libres.
M. Jolivet: C'est parce que moi, j'ai cru entendre, de Gaz
Métro, qu'on parlait d'une possibilité de 115 ans sur ce qui est
déjà trouvé et du potentiel à venir en termes de
possibilités. C'est parce que, les gens, il y en a qui prétendent
que c'est moins que ça. Alors, à partir de ça, vous savez
très bien que, moins il va y en avoir, plus les prix vont augmenter.
Alors, c'est pour ça que j'essaie de savoir. Je suis un citoyen, on me
parle de biénergie et on me dit: Va-t'en au gaz naturel. Je sais bien
que, moi, je serais intéressé s'il se rendait jusque chez moi,
mais il ne vient pas là. Et, dans ce contexte-là, je me dis:
Est-ce que j'en ai pour de nombreuses années? Est-ce que mon
investissement que je vais mettre ma fournaise coûte plus cher
va me profiter? Est-ce que, dans ce contexte-là, je peux dire que
le prix pourrait être assez stable pour un laps de temps
prévisible? Vous parlez de 10 ans. C'est ça?
M. Archambault: Pour 10 ans?
M. Jolivet: Non, mais c'est ce que vous dites?
M. Archambault: Bien, moi, j'ai dit pour 10 ans parce que c'est
plus facile à calculer, 10 ans, que 99 années; à la fin,
ça n'a presque plus d'allure. Mais certainement sur une période
10 ans et plus parce qu'on a la certitude qu'on a du gaz qui est prêt
à sortir de la terre pour 20 ans.
M. Jolivet: Pour 20 ans, O.K. C'est ça.
M. Archambault: Et on a 300 Tcf, mais il faut faire de la
recherche et tout ça.
M. Jolivet: O.K. Donc, ça veut dire...
M. Archambault: Alors, pour vous répondre, si
j'étais un assureur, je donnerais une assurance de 20 ans.
M. Jolivet: 20 ans. Ça veut dire que, si quelqu'un a un
investissement à faire et que c'est intéressant dans le contexte
de la biénergie, si on veut utiliser d'autres ressources que seulement
l'hydroélectricité, en partenariat avec vous autres, ce serait
intéressant de s'installer au gaz naturel.
M. Archambault: Oui.
M. Jolivet: Est-ce qu'il y a des programmes que vous avez par vos
vendeurs ou par d'autres formules, je ne sais pas comment, pour aider des gens
à acheter les appareils nécessaires ou si, en partenariat avec
HydroQuébec, ça pourrait être possible?
M. Archambault: Bien, on n'est pas dans la distribution.
M. Jolivet: Oui, je sais bien.
M. Archambault: Alors, c'est...
M. Jolivet: Je sais que vous n'êtes pas dans la...
M. Archambault: Je ne peux pas vous répondre à
ça.
M. Jolivet: O.K. Mis à part le marché de la
chauffe, du chauffage, quels sont les autres marchés qui, selon vous,
auraient avantage à se tourner vers le gaz naturel? Est-ce qu'il y a
d'autres secteurs qui pourraient être intéressés?
M. Archambault: Bien, il y a ce secteur névralgique
où, comme disait M. Caillé, tout le monde perd de l'argent.
J'entendais les 2 personnes ici, et ça me paraît que le marketing
est plus fort que la logique.
M. Jolivet: Ça veut dire que plus je vais être
capable de mettre auprès des gens quelque chose qui les
intéresse...
M. Archambault: Bien, c'est-à-dire que, dans certains
créneaux, c'est sûr que la consommation de gaz naturel serait
moins chère, mais le consommateur, lui, préfère
l'électricité.
M. Jolivet: II y a ça et il y a aussi le fait que les gens
ont une mauvaise connaissance du gaz naturel.
M. Archambault: Oui.
M. Jolivet: J'en ai fait mention à un moment donné:
ma grand-mère, à Montréal, a vécu toute sa vie au
gaz naturel, il n'y a pas de problème.
M. Archambault: Oui.
M. Jolivet: Mais il y a des gens qui ont peur de ça parce
que, si ce n'est pas du marketing, c'est de la sensation: une explosion est
plus forte qu'un feu causé par l'électricité. Je vous
remercie.
M. Archambault: Merci.
Le Président (M. Audet): Merci. M. le député
de Drummond.
M. St-Roch: Merci, M. le Président. M. Archambault,
plusieurs personnes sont venues témoigner ici en nous disant qu'il y a
toujours la création d'emplois, aussi, associée à
l'hydroélectricité, puis qu'il y avait aussi des retombées
technologiques importantes pour le Québec, que ce soit au niveau de
l'industrie ou au niveau universitaire, au niveau de nos chercheurs, ces
gens-là. Lorsqu'on nous parle de gaz et lorsqu'on nous parle de
cogénération, on nous dit toujours: Attention! une mise en garde,
parce que c'est tout de l'équipement qui est importé ici au
Québec, alors il y a très peu d'impacts, de retombées
technologiques et, par conséquent, très peu de création
d'emplois. Qu'est-ce que vous avez à répondre à ces
assertions-là qu'elles sont venues nous faire ici?
M. Archambault: Je n'ai, malheureusement, pas lu leur
mémoire. Encore une fois, je vais devoir vous fournir un précis
là-dessus parce que je n'ai pas ça en main.
M. St-Roch: Ma dernière question, M. le Président.
Je suis un de ceux qui pensent encore qu'il y a énormément de
réserves de gaz au Québec.
M. Archambault: Ah!
M. St-Roch: On sait qu'il se fait encore de l'exploration d'une
façon poussée au moment où on se parle, à l'heure
actuelle, avec toutes sortes de technologies qui ont été
importées ici, au Québec. Quel serait l'impact? Est-ce que vous
ne pensez pas que, s'il y avait une découverte importante de gaz au
Québec, ça pourrait relancer toute cette dynamique-là et
remettre le gaz naturel en place et dans une bonne position concurrentielle
surtout au niveau de l'industrie, de l'institutionnel et du commercial? Est-ce
que ça affecterait une organisation comme la vôtre au niveau du
transport, à ce moment-là?
M. Archambault: Bien, c'est-à-dire qu'à ce
moment-là il y aurait le bassin de 1'Alberta et il y aurait un bassin
plus ou moins grand au Québec. Certainement, il y aurait des
changements. Vous auriez probablement à faire un pipeline vers le sud,
vous-mêmes, à ce moment-là.
M. St-Roch: Ça coûterait meilleur marché
aussi au niveau des approvisionnements. Dernière question puis je
m'excuse de mon ignorance; j'ai déjà dit, de toute façon,
au début de nos travaux, dans les remarques préliminaires, que
j'étais un grand livre avec des pages vierges, que j'étais ici
aussi pour m'instruire: À votre connaissance, est-ce qu'il y a
déjà eu des subventions dans votre projet Iroquois, des
subventions gouvernementales?
M. Archambault: Non.
M. St-Roch: Aucune subvention de quelque nature que ce soit.
M. Archambault: Non. M. St-Roch: Merci.
Le Président (M. Audet): Merci. M. Archambault, au nom des
membres de la commission, je vous remercie de votre présentation. Nous
allons maintenant suspendre 2 minutes afin de permettre au Groupe de recherche
en éthique environnementale de prendre place.
(Suspension de la séance à 17 h 27)
(Reprise à 17 h 30)
Le Président (M. Bordeleau): Nous avons
présentement le Groupe de recherche en éthique environnementale.
Vous avez 20 minutes pour faire votre présentation et, ensuite, on
divisera le temps entre l'Opposition et le parti ministériel pour
essayer de terminer vers 18 heures.
Alors, si vous voulez vous présenter et présenter la
personne qui vous accompagne, on vous laisse la parole.
Groupe de recherche en éthique environnementale
(GREE)
M. Prades (José A.): Il s'agit du docteur Robert Tessier,
de notre groupe. Mon nom est José Prades. Mesdames, messieurs, je vous
prie, d'abord, d'excuser l'absence de 2 de nos collègues, le professeur
Jean-Guy Vaillancourt, de l'Université de Montréal, et le
professeur Alejendro Rada-Donath, de l'Université du Québec
à Chicoutimi, qui n'ont pas pu se libérer pour participer
à cet échange comme ils l'auraient souhaité.
Le GREE est une équipe universitaire de chercheurs,
subventionné par le FCAR de Québec et l'Insti-
tut de recherche d'Ottawa. Ses membres ont publié de nombreux
articles scientifiques et 3 ouvrages collectifs, le dernier est en
préparation. Il a participé régulièrement à
la consultation sur le plan de développement d'Hydro-Québec. Nous
avons soumis à l'entreprise un bref argumentaire, lors des
journées des 28 et 29 mai 1992. C'est, pour l'essentiel, cet
argumentaire que nous comptons résumer ici. Il comprend 4 parties: des
considérations préliminaires, une brève analyse empirique
des faits, des éléments d'évaluation et de jugement et une
suggestion pratique.
Considérations préliminaires. Un examen attentif de
l'ensemble des documents qui ont été fournis et discutés
tout au long du processus de consultation démontre la pertinence de
cette démarche de consultation, une opération excellente,
exemplaire et particulièrement juste sur le plan éthique, dans la
mesure où elle permet à la société de participer de
façon responsable à modeler son avenir sur une question aussi
cruciale que le développement énergétique.
Il est clair, en effet, que, dans les sociétés
démocratiques modernes, l'hypercomplexité et la
multidimen-sionnalité des enjeux en ce qui concerne, notamment,
l'interface économie, énergie et environnement posent aux
décideurs une exigence toute nouvelle: se doter des moyens
nécessaires pour rompre l'isolationnisme et pour accroître les
forces de concertation et de synergie afin de pouvoir être socialement
efficaces à moyen et à long terme. L'évolution des outils
et de la méthodologie de planification et de gestion ne cesse donc ainsi
de s'accroître et de se diversifier.
C'est dans ce contexte et à partir de notre expertise en
matière d'éthique de société que nous proposons
ci-dessous notre propre point de vue. Ce point de vue se veut fondamental et
spécialisé. Il s'en tient à l'examen des valeurs morales
et sociales qui sous-tendent la méthodologie de la planification du
développement énergétique que pratique la
société d'État. Il s'agit, dans cette brève
présentation, de proposer un ensemble de propositions qui devraient
être précisées et développées,
évidemment, en détail. Mais, maintenant, ici, nous nous en tenons
à une sorte de schéma pour montrer l'ensemble de notre
argumentation.
Brève analyse empirique des faits. Selon nous, et ce serait, en
fait, notre hypothèse principale, la méthodologie que pratique la
société d'Etat comprend 3 éléments essentiels: un
système de valeurs ou une philosophie de base qui est cohérente,
un ensemble de techniques de planification et un système d'intervenants
aux plans cognitif et décisionnel. Nous nous concentrons ici sur la
philosophie de base qui fonde la méthodologie et les grands choix de
planification de la société d'État. Selon nous, cette
philosophie de base se fonde sur 2 ensembles de valeurs, morales et sociales,
des valeurs que nous appelons des valeurs prioritaires et des valeurs que l'on
pourrait considérer comme des valeurs secondaires.
Les valeurs prioritaires que nous avons décelées dans tout
le processus et la méthodologie de planification d'Hydro-Québec
sont donc: d'abord, la croissance et la rentabilité économiques
selon les critères théoriques définis par la science
économique dite néo-classique; deuxièmement, la
rationalité propre à l'expertise technoscientifique;
troisièmement, le caractère intra-organi-sationnel du processus
entièrement contrôlé par l'organisation responsable
elle-même. Voilà les valeurs que nous avons décelées
comme étant des valeurs prioritaires.
Ensuite, les valeurs secondaires. Il s'agit aussi de tenir compte,
autant que nécessaire et autant que possible, de certains ajustements
conjoncturels de caractère économique, financier, fiscal et
tarifaire, du progrès des règles juridiques concernant,
notamment, la protection de l'environnement dans une perspective de
développement durable, de l'octroi de compensations à ceux qui se
considèrent lésés aux plans environnemental,
économique ou social, et de l'intérêt des échanges
ou des consultations auprès d'autres organisations possédant
d'autres expertises, d'autres hypothèses, d'autres philosophies de base.
Ceci est dans le cadre de l'analyse des faits.
Maintenant, nous apportons les éléments
d'évaluation et de jugement que voici. Je répète qu'il
s'agit de propositions à préciser, à développer.
Les points forts de la méthodologie de la planification utilisée
par la société d'État sont nombreux et importants. Nous
vous entretiendrons surtout de 2: d'un côté, la cohérence
interne du système et, d'un autre côté, sa capacité
de conférer à l'organisation qu'elle anime un grand degré
de responsabilité et d'efficacité dans la conception et la
réalisation de ses objectifs matériels concrets, en
correspondance avec le mandat reçu, ainsi qu'une réelle ouverture
d'esprit lui permettant des échanges fructueux avec d'autres
organisations qui partagent ou qui ne partagent pas la même philosophie
de base.
Mais, à côté de ces points forts qui sont nombreux
et importants, nous avons aussi relevé des points faibles qui se
trouvent surtout dans la très grande difficulté qu'éprouve
l'entreprise à dépasser et à enrichir 2 de ces 3 valeurs
prioritaires qu'on a mentionnées à la page
précédente. En particulier, sur le plan de l'éthique
économique, la position généralement défendue par
l'entreprise nous semble trop exclusivement néo-classique, et il y a
l'absence de confrontation avec les positions de type postclassique. Ça,
il faudra peut-être, à un moment donné, expliquer
ça. C'est sur le plan de l'éthique économique. Sur le plan
de l'éthique sociale, une position trop exclusivement
intra-organisationnelle, c'est-à-dire une absence de collaboration que
nous appelons transorganisationnelle. Dans cette terminologie, nous appelons
collaboration transorganisationnelle la collaboration avec d'autres
organisations qui ont d'autres philosophies de base, et la collaboration
intra-organisationnelle, c'est la collaboration avec des organisations qui ont
la même philosophie de base, et sur le plan de l'éthique
économique et sur le plan de l'éthique sociale.
Cette difficulté et ces points faibles doivent être bien
compris, parce que, d'abord, cette difficulté et ces points faibles sont
tout naturels. Il est évident que toute
organisation, pour être efficace, doit compter sur une ligne de
conduite cohérente. Il n'est pas, non plus, possible de paralyser
l'action pour entrer dans des discussions philosophiques interminables. C'est
tout naturel. Deuxièmement, cette difficulté et ces faiblesses
sont générales. Ce n'est pas une difficulté propre
à HydroQuébec. L'économisme et l'individualisme, pour
faire bref, sont 2 traits majeurs qui caractérisent l'ensemble des
structures dominantes de la civilisation industrielle moderne.
Troisièmement évidemment, il y a une gradation
cette difficulté et ces faiblesses ont cependant des conséquences
très graves. Le fait de ne pas investir les sommes nécessaires
pour vérifier d'importantes hypothèses de travail
considérées décisives par d'autres philosophies de base
permet d'accentuer le déséquilibre structurel dont souffre
énormément notre société.
Quatrièmement, cette difficulté et ces faiblesses sont
aussi, dans un sens, stimulantes. L'évolution du monde moderne et la
gravité de ses problèmes devenus planétaires soumettent
les planificateurs et les décideurs au besoin de gérer
l'hypercomplexité. Ce type de gestion doit se fonder sur une axiomatique
extrêmement ouverte, capable d'intégrer, raisonnablement, la
multiplicité des ressources et des intérêts en cause, pour
ne pas aller ni dans la maximisation du déséquilibre ni, disons,
dans la maximisation de la crise.
Le traitement de cette difficulté aussi, c'est une chose qui est
en chantier à l'échelle mondiale. C'est aussi très
réjouissant ou très stimulant de savoir que les initiatives se
multiplient un peu partout on pourrait donner beaucoup d'exemples, ou
quelques exemples en tout cas au niveau des organisations politiques,
comme à celui des organisations économiques et sociales, en vue
de mettre sur pied de nouvelles méthodes de planification fondées
sur la gestion intégrée des ressources et sur la collaboration,
la concertation des différentes philosophies de base au niveau
transorganisationnel. (17 h 40)
À partir de ces considérations de type, si vous voulez,
empirique et de type évaluatif, nous arrivons à une sorte de
suggestion pratique. À la suite des éléments
d'évaluation qui précèdent, nous suggérons donc aux
intances responsables de la planification de la société
d'État, en collaboration avec d'autres instances sociéta-les,
d'ouvrir un temps de réflexion fondamentale sur les besoins au
Québec d'institutions durables chargées d'étudier en
laboratoire 2 éléments qui nous font énormément
défaut. Premièrement, l'évolution des valeurs
sociétales qui sont à la base des méthodologies de
planification à grande échelle. Nous n'avons pas au Québec
les mécanismes pour pouvoir étudier cet
élément-là. Deuxième élément
fondamental à étudier, ne fût-ce qu'en laboratoire ou
d'abord en laboratoire: la validité pratique des méthodologies de
planification fondées sur le principe de la planification de la gestion
intégrée des ressources dans une perspective de collaboration
transor-ganisationnelle et de développement durable. Par exemple, on
pourrait citer les programmes tout récents de l'UNESCO, le programme
MOST, Management of social transformation. Ça, c'est vraiment à
l'ordre du jour dans la communauté mondiale de trouver des nouvelles
formes pour pouvoir affronter les crises qui sont croissantes dans notre
société, et nous ne pouvons pas affronter ces crises, disons,
sans étude qui porte directement à cet effet-là. C'est un
peu le type d'approche que nous présentons, c'est la suggestion pratique
que nous faisons. ce type d'étude apporterait des informations et des
analyses essentielles pour le planificateur, un inventaire permanent de
l'évolution des valeurs de base. par exemple, on vient d'apprendre, et
c'est une chose peut-être très étonnante dans
l'évolution des valeurs de base... en europe, on a fait des
enquêtes très récentes dans la communauté
européenne pour voir, sur la question environnementale, quelles sont les
parties de la population qui sont les plus fiables pour l'ensemble de la
population. résultat étonnant: l'emportent de loin les groupes
environnementalistes, 36 %. c'est assez extraordinaire. mais, ça, c'est
l'évolution des valeurs sociales de notre société. nous
pensons qu'il faut absolument connaître ces données-là et
les analyser pour le québec, et d'une manière durable. 36 % de la
population croient que les gens les plus fiables sont les écologistes.
maintenant, si on demande quel est le pourcentage de gens qui pensent que les
gens les plus fiables sont les politiciens, 1 %. alors, là,
évidemment, il y a...
Mme Bacon: Ça, il y a longtemps que nous ie savons, M.
Prades.
M. Prades: Mais, ça, nous n'y pouvons rien, c'est la
population qui pense ça. Alors, pour nous autres, ça veut dire
que c'est un élément essentiel qui doit être connu par un
planificateur.
Alors, inventaire permanent de l'évolution des valeurs de base
sur les plans économique, environnemental et social des forces vives de
notre société québécoise, tout en comprenant les
influences les plus marquantes venues de l'extérieur de nos
frontières; deuxièmement, interprétation approfondie des
capacités de concertation entre les principales philosophies de base qui
comptent aujourd'hui et de la cohérence interne de chacune d'entre
elles; troisièmement, un examen critique des conditions de
viabilité des grandes hypothèses contradictoires
véhiculées par ces philosophies en vue de déterminer cette
viabilité de façon informée et objective.
La maîtrise de cet ensemble de données qu'il faut cibler
régulièrement offre l'occasion au planificateur de faire le point
sur l'évolution des grandes controverses du jour, grandes controverses
dont nous savons tous comment elles sont présentes dans notre
société et comment elles sont souvent paralysantes; de pouvoir
ajuster régulièrement ses vues selon ses besoins et selon ses
priorités; de se tenir au courant en profondeur des grandes tendances de
la demande sociale; de préserver et, au besoin, d'améliorer son
image, en quelque sorte, en temps réel, auprès des
différents publics, tant au plan national qu'au plan international.
Voilà. Dans le domaine de la planification à grande
échelle qui est ici en question, l'avantage de l'étude en
laboratoire est indubitable. Elle permet de distinguer entièrement 2
fonctions en soi tout à fait séparables: la fonction cognitive
(que se passe-t-il si?) et la fonction décisionnelle (que faut-il faire
ici et maintenant?). Cette étude en laboratoire permet aux instances
décisionnelles de prendre le temps nécessaire pour tester et pour
préparer leurs choix.
Une proposition qui a été faite souvent dans les journaux.
Hier, dans l'éditorial, par exemple, du Devoir, il y avait la
suggestion: II faut un mécanisme d'étude public,
indépendant du gouvernement et indépendant d'Hydro-Québec.
Ça, c'est au niveau que j'appelle politique. Maintenant, nous ce
serait peut-être une bonne idée à discuter ce que
nous proposons surtout, c'est le besoin de faire ces analyses en laboratoire.
En laboratoire, ça veut dire que c'est sans engagement. C'est juste pour
savoir: Qu'est-ce qui se passe? Quelle est l'évolution des valeurs?
Qu'est-ce que c'est, l'information, les choix des uns et des autres quand il y
a des philosophies de base qui sont contradictoires? Et quelles sont, par la
communication interactive, les possibilités de concertation et de
consensus pour pouvoir faire des progrès? Alors, nous, notre suggestion,
c'est de commencer, au Québec, pour prendre au sérieux ce
problème éthique, en laboratoire. Un ou plusieurs laboratoires
même, dans lesquels on pourrait donc travailler ça, disons,
tranquillement.
Là, j'ai une formule qu'on a discutée chez nous souvent,
une formule que nous aimons beaucoup. Notre formule, c'est: 10 personnes, 10
ans, 1 problème. Ça, c'est, disons, la méthodologie,
à mon avis, de l'avenir: 10 personnes vont étudier à fond,
pendant 10 ans, 1 question. Étudier en profondeur, ça veut dire
en étudiant toutes les réactions du public à cette
question-là et les différentes philosophies de base, en voyant
quels sont les éléments de consensus et quels sont les
éléments de discussion et en essayant de rationaliser par une
méthode qui existe actuellement, en cherchant toujours le viable, le
durable, le raisonnable, et, alors, à favoriser de cette
façon-là la compréhension des choses pour que les
décideurs puissent savoir.
Évidemment, c'est une utopie dans un certain sens. C'est une
utopie. Mais ce n'est pas une utopie parce que c'est comme ça que tout
le monde travaille. Tout le monde travaille comme ça. On ne fait pas des
moteurs d'avion autrement que de cette façon-là. On met 10
personnes pendant 10 ans pour étudier, par exemple, la pile
électrique, pour savoir si on va mettre... Il n'y a pas moyen de faire
autrement. Pour trouver des piles électriques efficaces, il faut cela:
10 personnes, 10 ans, 1 question. Et, pour autre chose, pour la
médecine, pour le sida, pour tous les grands problèmes de notre
monde. Dans ce laboratoire, 10 personnes, 10 ans, 1 question.
Nous, on travaille souvent d'une manière totalement
différente. On travaille en disant: Bon, mettons, 10 personnes, 2
heures, 30 questions. Comme ça, on ne fait pas des moteurs. Comme
ça, on ne fait pas des technologies. Il n'y a rien qui se fait dans ce
système-là. Alors, nous, quand il s'agit de problèmes
d'éthique des sociétés, souvent, notre technologie de
travail, c'est dans ce schéma-là: 30 personnes, 1 heure, 40
questions. Alors, là, évidemment, bon... Et, alors, les journaux,
tout le monde va jouer, et là c'est la crise permanente dans laquelle
nous vivons, qui est une crise éthique permanente dans les questions
économiques et dans les questions politiques.
Alors, c'est pour ça que nous pensons que l'étude en
laboratoire dans le cas...
Le Président (M. Bordeleau): Le temps alloué
étant terminé, je vous demanderais, maintenant, de conclure.
M. Prades: Oui, je termine. Il va de soi que cette suggestion que
nous faisons ici ne se veut pas exclusive, elle est complémentaire
même des autres systèmes, et que le développement des
connaissances ne peut qu'accroître les synergies et les
complémentarités collaboratives avec tous les autres niveaux
d'analyse et d'exécution. Nous invitons ainsi la société
Hydro-Québec, les groupes consultés et les autorités
gouvernementales compétentes à réagir critiquement
à ce bref argumentaire, et nous les en remercions d'avance.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. Prades.
Étant donné qu'il nous reste 10 minutes, je vais demander le
consentement, peut-être, des membres de la commission pour poursuivre.
Alors, je suggère qu'on donne 10 minutes de chaque côté et
5 minutes au député de Drummond.
Mme Bacon: Ça va. Oui.
Le Président (M. Bordeleau): Alors, ça va?
M. Jolivet: Ça va.
Le Président (M. Bordeleau): Alors, avec le consentement,
on procède maintenant à la période des questions. Je vais
laisser la ministre de l'Énergie et des Ressources vous interroger. (17
h 50)
Mme Bacon: M. Prades, M. Tessier, je vous remercie d'être
venus nous rencontrer et nous donner le témoignage, fort
intéressant d'ailleurs, que nous venons d'entendre. Je note aussi
l'intérêt que porte votre groupe de recherche à la
planification intégrée des ressources. Évidemment, comme
ministre de l'Énergie et des Ressources, je partage cet
intérêt et j'ai même demandé à un
groupe-conseil que j'ai formé, un groupe-conseil en énergie, de
me faire rapport sur cette question-là. Ce groupe-conseil poursuit sa
réflexion sur le concept de la planification intégrée des
ressources et sur l'expérience d'application de cet outil-là. Par
ailleurs, le gouvernement a publié récemment «La
stratégie québécoise d'efficacité
énergétique» pour essayer d'améliorer l'utilisation
de l'ensemble des formes d'énergie. Je pense que
c'est un des éléments d'application de cette
philosophie.
Est-ce que vous croyez que la planification intégrée des
ressources devrait être appliquée, dans un premier temps, au sein
des entreprises réglementées seulement?
M. Prades: Là, madame, je vais vous répondre,
évidemment, à partir de notre vision des choses. Ce que nous
pensons, c'est que la question de la planification intégrée des
ressources est une question extrêmement complexe dans laquelle
interviennent 4 ou 5 grands facteurs. Je vais m'en tenir à un des
facteurs. Un des facteurs, c'est ce que les Américains, qui sont les
inventeurs de ce système-là, appellent la «public
consultation». Alors, la «public consultation», c'est un
thème majeur de la planification intégrée des ressources,
parce qu'il s'agit d'intégrer les ressources matérielles et les
ressources sociales, c'est-à-dire l'ensemble des forces vives de la
société qui doivent être intégrées pour
résoudre les problèmes et pour planifier.
Pour planifier selon l'esprit de la PIR, de la planification
intégrée des ressources, et en vertu de la consultation du
public, il y a 2 grandes techniques: il y a la technique de la consultation et
il y a la technique de la concertation. Alors, que ce soit l'une ou que ce soit
l'autre, nous sommes dans 2 mondes assez différents. La technique de la
consultation est une technique dans laquelle les intervenants participent
quelques heures par année pour donner leur avis, et ça, c'est une
technique qui, si on la mettait dans la construction de barrages, serait un
désastre; les barrages couleraient. On ne fait pas un barrage en
demandant aux gens pendant 3 heures et en se préparant pendant 10 heures
s'ils feraient le barrage de cette façon ou d'une autre.
Alors, la consultation évidemment, il y a toute une
littérature, enfin c'est beaucoup mieux que rien, mais ce n'est
qu'un début. On constate tout de suite qu'on ne prend pas les
décisions et qu'on n'éclaire pas les décideurs,
voilà l'idée, avec des miettes de... Il y a 40 personnes qui vont
répondre à la consultation, et on ne sait pas très bien
comment ça peut se marier ensemble, etc. Ce
procédé-là, Mme la ministre, est un procédé
que j'appellerais minimaliste.
Si on veut procéder avec un procédé
d'échanges, il faut s'en aller dans la véritable technique. J'ai
ici un exemple à vous donner de planification intégrée des
ressources, un exemple qui m'apparaît très intéressant et
qui est, d'ailleurs, un exemple canadien, qui n'est pas un exemple
nord-américain ou étatsunien, c'est le «collaborative
process» de la British Columbia Hydro. Là, je vais vous citer un
témoignage. Là, c'est un système de planification
intégrée des ressources qui ne se base pas sur l'idée de
la consultation, mais sur l'idée de la concertation. Et la concertation
suppose et ça, ça va paraître une espèce
d'hérésie, d'utopie, de chose impossible, mais c'est une chose
qui se fait que différentes philosophies de base se sont mises
autour d'une table pendant 1 an ou 2 ans pour discuter, pour donner, chacune,
ses informations et pour avoir, ensemble, un consensus. Autrement dit, c'est
une méthodolo- gie, si vous permettez le mot, pour le dire en un mot,
sérieuse, une méthodologie que j'appellerais presque
scientifique.
Du point de vue éthique, c'est évident que la
complexité de la planification exige que les différentes
philosophies de base... Parlons, par exemple, pour ne pas citer des
problèmes actuels, de la philosophie autochtone et de la philosophie,
disons, autre. Bon. Comment ces philosophies-là sont différentes?
Ces philoso-phies-là se basent sur quels présupposés?
Quelle est la valeur des arguments des uns et des autres? On comprend
très facilement que, autour d'une table et avec sérieux,
l'analyse de ces informations, l'analyse de l'interactivité de ces
informations, de la «raisonnabilité» et du poids de chacun
des arguments, ça peut prendre facilement 1 an. Et ça, ça
risque de mettre notre société... Regardez comment, sur le plan
éthique, c'est important; voilà les mots qui, je crois, sont les
mots clés: on crée une nouvelle manière de faire de notre
société. C'est une manière de faire qui dépasse le
système, disons, un peu brutal de rapport de force pour entrer dans un
système, si vous voulez, plus démocratique, plus civilisé,
à partir de l'échange et de l'analyse critique des informations
qu'apportent les uns et les autres.
Alors, dans le «collaborative process» qu'ont
créé les «British» Colombiens, j'ai ici la liste, ils
ont réuni une cinquantaine d'organisations avec des philosophies de base
différentes. Les organisations ont choisi, par champ, un certain nombre
de représentants. Alors, il y a des représentants de
«commercial and business interests», des représentants de
«environmental interests», «industrial interests»,
«local governments», «Native peoples»,
«residential», etc. Alors, il y a une dizaine de
représentants de ces intérêts-là.
Là, je vous cite, pour terminer, le témoignage de celui
qui était le «environmental advocate». Ce qu'il a dit, c'est
assez amusant et c'est formidable excusez mon anglais, j'espère
que vous allez le comprendre, mais c'est un anglais très, très
approximatif: «The fact that this pursuit is being led by a shared
decision-making process holds promise for the future of society.»
Voilà quelque chose qui est une réalité, qui est en train
de se faire.
Alors, pour terminer, nous autres, au Québec et
voilà une idée qui me semble très importante pour nous
dans tout le débat actuel nous sommes assez grands pour pouvoir
prendre un leadership dans notre planification des ressources et pour donner un
bon exemple. S'il y a des gens qui le font, nous pouvons le faire aussi bien
qu'eux. Alors, cessons de nous limiter à une tactique défensive.
On nous attaque de l'extérieur, on ne nous aime pas, alors il faut se
défendre. Ce n'est pas une question de se défendre, c'est une
question de prendre les devants. Et, alors, prenons les devants
carrément, faisons les choses comme... Introduisons institutionnellement
la problématique éthique dans notre façon de planifier les
choses et le monde entier va nous applaudir.
Mme Bacon: Où se situerait le niveau de
décision
de tous ces éléments?
M. Prades: Oui. Dans notre idée, la décision...
Le Président (M. Bordeleau): Une brève
réponse, M. Prades.
M. Prades: Oui, une brève réponse. Dans notre
idée, il y a la décision et l'aspect cognitif.
Mme Bacon: C'est ça.
M. Prades: Nous, ce que nous voudrions faire, c'est des
laboratoires cognitifs dans lesquels on étudie les affaires. Mais c'est
les «decision-makers» qui vont prendre les décisions. Donc,
les politiciens, les industriels, les syndicalistes, les environnementalistes,
chacun va prendre sa décision. Nous, ce que nous proposons, c'est des
organismes cognitifs.
Mme Bacon: Merci. M. Prades: Merci.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Laviolette.
M. Joli vet: Merci. C'est parce que je suis en train de dire
à la ministre: Ça peut être la même personne qui
connaît et qui a de la difficulté à décider aussi,
ou l'inverse. J'essaie de voir ça aussi en termes de propositions que
vous faites, parce que vous dites: Espérons que les gens pourront
regarder le travail que nous avons fait et dans quelle direction on va pouvoir
s'installer. D'autant plus que ce qu'on propose, dans le fond... Prenons
Hydro-Québec, c'est le sujet de notre discussion, qui a une nouvelle
culture à connaître. Parce que, en termes d'organisation, on a eu,
la semaine passée, des gens de ma région il y en a eu
d'autres aussi du SaguenayLac-Saint-Jean qui sont venus nous dire
que, dans certains cas, ils perçoivent Hydro-Québec comme
quelqu'un qui vient les diviser plutôt que les unir. Vous parlez de
concertation, vous parlez de connaître le problème, puis, une fois
qu'on l'a connu, de décider pour arriver à une solution qui soit
convenable à tout le monde et, pour ça, il faut, à ce
moment-là, avoir de la concertation. Alors, ce que vous voulez proposer,
dans le fond, c'est une partie de la réponse à la question.
M. Prades: C'est ça. Commencer par le commencement; alors,
étudier sérieusement quels sont les arguments de chacun et quelle
est la valeur des arguments. Disons, devant un forum multiple, qu'on puisse,
par analyse et par communication interactive, parvenir à voir quelles
sont les propositions qui seraient consensuelles. Ces propositions
consensuelles, bien analysées, seraient transmises aux décideurs
pour qu'ils connaissent mieux le problème. Ça prendra 3 ans, 4
ans pour commencer à avoir des outils pour ce qu'on appelait dans le
temps l'aide à la décision, mais ce sont des outils que le
Québec ne peut plus ignorer. Évidemment, nous sommes dans le
bain. Qui, au Québec, s'occupe d'éthique de
société? Quels sont les groupes? Bien, on est là, on est
dans un début. Mais il fallait absolument que les autorités et
que les différentes forces vives de notre société
considèrent c'est ça, notre objectif, notre argumentaire
l'intérêt de parvenir à créer des
institutions durables. (18 heures)
Une autre chose, par exemple, la consultation qu'on fait à
Hydro-Québec pour la planification intégrée des
ressources, c'est une consultation qui va durer quelques mois et, après,
c'est fini, etc. Nous, on prône des...
Ah, peut-être, si vous le permettez, je vais vous dire quelque
chose qui me paraissait complémentaire et intéressant. Cette
idée-là de 10 personnes, évidemment, je vois que, pour les
planificateurs, il y a tellement de choses à planifier que ce serait
impossible, mais je parle maintenant de la planification
énergétique au Québec. Je parle de ça. Alors, je
parle encore de l'éthique. Pour l'éthique de la planification
énergétique au Québec, 10 personnes, 10 ans, pour cette
question-là, qu'est-ce que ça coûte? Alors, là, je
fais le calcul tout de suite et je dis: 10 personnes, d'après mes
barèmes et, évidemment, en comptant qu'il y a beaucoup de
professeurs d'université là-dedans qui sont déjà
payés, ça coûte 500 000 $. Alors, ça coûte,
c'est-à-dire, 500 000 $ pendant 10 ans, donc 5 000 000 $. Alors,
ça coûterait 5 000 000 $ pendant 10 ans, je m'excuse. Pendant 10
ans, ça coûterait 5 000 000 $. On devrait voter ça. Il
faudrait, évidemment, faire des appels d'offres, voir qui sont les gens
qui pourraient faire des choses intéressantes, prendre du temps, etc.,
mais ça coûte 5 000 000$, pour 10 ans. Bon.
Un chiffre à côté, vous savez tous combien
coûte annuellement la planification d'Hydro-Québec; c'est de
l'ordre de 15 000 000 $ annuels. Évidemment, ça a l'air
démagogique, je m'en excuse, mais c'est juste pour donner des chiffres,
pour avoir un ordre de grandeur. Alors, la planification d'Hydro-Québec
coûte aux Québécois 15 000 000 $ par an, selon les chiffres
donnés par Hydro-Québec elle-même. Là, ce que nous
proposons, ça coûterait infiniment moins cher, mais, à
notre humble avis, il s'agirait de tester la capacité qu'ont les
spécialistes québécois de pouvoir travailler
sérieusement la question de l'éthique économique et de
l'éthique sociétale.
Encore une parenthèse, le fondateur des études
d'éthique économique ou peut-être le plus grand auteur qui
a travaillé ça, c'est, comme vous le savez tous, Max Weber. Max
Weber a commencé les études d'éthique économique en
1904; donc, déjà, on a une certaine tradition. Alors, c'est lui
qui a étudié, comme vous le savez, les grandes études de
l'éthique protestante et l'esprit du capitalisme. Voilà.
M. Jolivet: Vous avez probablement participé à la
consultation d'Hydro-Québec.
M. Prades: Oui, oui, oui.
M. Jolivet: Quelle a été, dans vos discussions que
vous avez eues avec les groupes et avec Hydro-Québec elle-même, la
rétention de votre idée? Et comment vous pouvez nous dire s'ils
ont retenu votre idée? Avez-vous eu des contacts...
M. Prades: Est-ce que je peux dire que je n'ai pas envie de
répondre à cette question-là? Ha, ha, ha!
M. Jolivet: Vous avez le droit. Non, c'est parce que, moi,
j'essaie...
M. Prades: Si je vous répondais à cette question,
c'est vraiment...
M. Jolivet: C'est politique? M. Prades: C'est
spécial, oui. Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Bacon: II ne faut pas qualifier, M. le Président.
M. Prades: C'est très spécial, oui.
M. Jolivet: En fait, ce que je veux dire, c'est qu'il y a eu des
consultations, si je comprends bien.
M. Prades: Oui.
M. Jolivet: Vous nous dites: On peut en avoir amplement, des
consultations comme celle-là, sur bien des sujets, mais ça ne
rapporte pas grand-chose. Vous parliez de 40 sujets.
M. Prades: C'est ça. C'est un premier pas. Je veux dire,
c'est infiniment plus que rien. C'est un premier pas. Nous nous sommes
rencontrés. Us nous ont vus. Nous avons parlé. C'est
énorme dans ce sens-là, parce que, moi, je vois ça avec le
temps. C'est un très grand événement. La consultation
d'Hydro-Québec, c'est un très grand événement que
nous, les éthiciens, apprécions beaucoup, et c'est le
début. Nous l'apprécions énormément et nous pensons
qu'Hydro-Québec est capable d'aller beaucoup plus loin.
M. Jolivet: O.K. Comme je vous dis, je vous donne des exemples
qu'on a chez nous, le long de la rivière Saint-Maurice, et on peut en
avoir dans le bout de l'Ashuapmushuan; on voit des fois des gens arriver et
mettre un peu de piquant en mettant les gens les uns contre les autres
plutôt que de faire une concertation. Ce que vous proposez, dans le fond,
c'est une nouvelle culture de concertation pour Hydro-Québec avec la
population.
M. Prades: Si vous le voulez, en un mot, c'est de mettre ensemble
science, technique et éthique.
M. Tessier (Robert): Avant la concertation, il y a des analyses
à faire pour savoir à quoi les gens sont sensibles, quelles
valeurs ils ont, pourquoi ils accrochent à ces discours-là qui
sont plus ou moins fondés et qui les crinquent les uns contre les
autres. Il y a des analyses sociologiques à faire avant. Ensuite, on se
concerte parce qu'on connaît le paysage. Je veux dire, c'est de la
technologie humaine.
M. Jolivet: Oui, je le sais. Regardez, je vais vous donner un
exemple, et, encore une fois, je vais le prendre chez moi, d'une concertation
qui n'a jamais existé chez nous. Les autochtones qui sont les Attikameks
chez nous, les gens de la Haute-Mauricie, les gens du centre, les gens du bas,
l'ensemble de la région de la Mauricie se sont unis pour défendre
un projet devant HydroQuébec. Ce qu'on a vu, à un moment
donné, en cours de route, c'est qu'on disait des choses à des
gens en haut; à ceux d'en bas, on disait d'autres choses. Finalement,
tout le monde se chicanait au lieu de se concerter. Mais les gens ont tenu bon
et, aujourd'hui, on est rendus à un contexte où il me semble que
la nouvelle culture d'Hydro-Québec devrait comprendre ça.
Une voix: Surtout quand c'est dit par l'université. Mme
Bacon: J'ai besoin de l'aide de l'UQAM. Des voix: Ha, ha, ha! M.
Jolivet: O.K. Merci.
Le Président (M. Bordeieau): M. le député de
Drummond.
M. St-Roch: Oui. Merci, M. le Président. J'aurais le
goût de dire à mon collègue: Oui, il y a un grand
résultat, parce que, on l'a vu ici, ils sont tous en diable après
Hydro.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. St-Roch: Mais j'aurais le goût de vous dire, en boutade
aussi, lorsque vous mentionnez de mettre 30 personnes ensemble pour 1 heure
avec 40 questions et que vous mettez ça en doute: Ça, c'est
exactement un caucus politique et on en sort un politicien au bout de
ça.
M. Jolivet:. Mais, toi, tu es chanceux, tu es tout seul avec ton
caucus.
M. St-Roch: Oui, on a l'harmonie. Des voix: Ha, ha,
ha!
M. St-Roch: Ceci étant dit, si je regarde, moi, depuis que
je suis associé avec la commission de l'éco-
nomie et du travail, et on y a touché un peu ce matin avec de vos
collègues de l'université de montréal, hydro-québec
est strictement passée d'un processus d'information à une
consultation qu'on a là, mais il va falloir arriver à la vraie
concertation. moi, je souscris aux principes que vous avez donnés, parce
qu'il m'appa-raît de plus en plus qu'on est en train de fragmenter le
consensus. puis, lorsqu'on arrive, vous savez, avec 20 %, 25 % d'un groupe qui
est majoritaire, je me dis toujours: bien, il y en a 75 % d'autres, il va
falloir les rallier, parce que, avec cette fragilité-là, il va
devenir de plus en plus difficile d'avoir des grands acquis ou d'avoir une
vision globale de la société qu'on veut bâtir. ceci
étant dit, à votre avis, vous mentionnez 500 000 $. j'ai
même dit ce matin qu'on devrait mettre davantage à
hydro-québec au niveau de la recherche et développement. vous
avez vu le plan de développement. j'ai même dit qu'il y en a une
grande partie qui devrait être dans la recherche pure et aller au niveau
sociologique, ce dont on parle aujourd'hui. mais, si on était capables,
nous, ici, en tant qu'hommes politiques, d'influencer hydro-québec
à aller dans cette direction-là, qui devrait être le
maître d'oeuvre? est-ce que c'est hydro qui décide de mettre ces
10 penseurs-là pendant les 10 ans ou si ça devrait être de
dire: non, on va le mettre complètement à part au niveau d'une
université ou d'un consortium d'universités? comment est-ce que
vous voyez ça?
M. Prades: Non, non, non. La formule, c'est la formule classique.
On travaille par appels d'offres. C'est-à-dire que, nous, on ne verrait
pas que ce soit, non plus, Hydro. On verrait Hydro et peut-être le
gouvernement et peut-être d'autres. La vision est une vision
sociétale. C'est la vision de l'énergie au Québec. Dans un
sens, c'est plus qu'Hydro. Mais on procède par appels d'offres,
c'est-à-dire que, disons, la ministre de l'Energie et des Ressources,
elle, mettrait autour de la table la personne qu'elle concevrait comme
importante, avec ses consultants, et alors on prépare un appel d'offres.
Cet appel d'offres peut durer 1 an, et alors on dit: Voilà les besoins
a, b, c, d, universitaires nord-américains, voici notre appel d'offres.
Et là, il y aurait le groupe ou le spécialiste qui formulerait,
disons, des plans de travail, etc., et alors il y aurait toujours une
première concertation entre les décideurs et, disons, la fonction
décisionnelle et la fonction cognitive. Alors, les décideurs
donnent les règles du jeu, vont en appel d'offres; les
spécialistes du cognitif répondent à cet appel d'offres,
et c'est toujours les décideurs qui décident qui engager, dans
quelles conditions, 1 groupe, 2 groupes, etc. (18 h 10)
M. St-Roch: C'est parce que j'ai une allergie profonde, qui se
développe d'année en année, avec les appels d'offres.
C'est parce qu'il m'apparaît de plus en plus, surtout au niveau que je
n'ai pas connu, du côté privé, lorsqu'on voit les appels
d'offres, que c'est un nivelage par le bas, à mon humble avis, parce
qu'on prend toujours la plus basse soumission conforme. Et, souvent, pour
quelques sous, on aurait avantage à...
M. Prades: Oui et non. À mon avis, il faut faire confiance
aux décideurs. Les décideurs savent bien qu'on est dans une
grosse crise, savent bien que les problèmes, en réalité,
sont en augmentation constante. Si vous avez les chiffres de l'évolution
dans notre monde, par exemple, en «R and D», recherche et
développement, vous savez combien on fait de recherche et
développement dans les pays pauvres et dans les pays riches. Et, tous
les 10 ans, le décalage entre les pays, ça double. Le
décalage double. Actuellement, c'est de l'ordre de 400 000 000 000 $, la
différence qu'il y a entre la recherche et développement des pays
riches et la recherche et développement des pays pauvres. Alors, on est
dans un monde, globalement, avec de graves crises et c'est évident que,
nous, on a besoin de créer des institutions nouvelles, comme nos
ancêtres ont fait des institutions nouvelles.
Regardez cette maison. Cette maison, c'est une merveille. C'est
marqué ici 1289, «The House of Commons». Voilà une
réussite institutionnelle extraordinaire. On invente une institution
pour mettre ensemble les gens du commun et, avec la Chambre «of
Lords», pour qu'on puisse négocier ensemble et d'une
manière consensuelle l'organisation de la politique. Nos ancêtres,
de très loin, ont inventé des institutions formidables. C'est
à nous autres, à la fin de ce XXe siècle, d'innover, de
créer des institutions durables de concertation politiciens,
gouvernements, États, entreprises, scientifiques, universitaires,
groupes, représentants de la population; créons des institutions
de haute technologie éthique. Et ça, c'est une affaire possible
et qui est peut-être porteuse d'avenir.
M. St-Roch: Je suis d'accord avec vous...
Le Président (M. Bordeleau): Monsieur, je m'excuse...
M. St-Roch: ...en évitant le soumissionnaire le plus bas
conforme.
M. Prades: D'accord, d'accord.
Le Président (M. Bordeleau): M. Prades, M. Tessier, nous
vous remercions de votre présentation...
M. Prades: Merci beaucoup.
Le Président (M. Bordeleau): ...qui était fort
intéressante. La commission de l'économie et du travail suspend
ses travaux jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 13)
(Reprise à 20 h 2)
Le Président (M. Audet): Je déclare la
séance de
la commission de l'économie et du travail ouverte. Je vous
rappelle le mandat de la commission, qui est de procéder à une
consultation générale sur la proposition de plan de
développement 1993-1995 d'Hydro-Québec.
Ce soir, nous recevons le Syndicat des producteurs de bois
Outaouais-Laurentides. Suivra ensuite l'Association des constructeurs de routes
et grands travaux du Québec.
Alors, messieurs, je vous souhaite, au nom des membres de la commission,
une cordiale bienvenue. Les autres membres se joindront à nous
possiblement dans les quelques minutes qui vont suivre. Je vous rappelle
brièvement nos règles de procédure. Vous disposez d'une
vingtaine de minutes pour nous faire part de votre exposé. Au
préalable, ce qui est important, c'est de vous identifier, de vous
présenter. Ensuite, suivra un échange avec les membres, d'une
quarantaine de minutes. Vous avez la parole pour une vingtaine de minutes.
Syndicat des producteurs de bois
Outaouais-Laurentides
M. Séguin (Pierre): Bonsoir. Je vais vous
présenter, à ma droite, Daniel Leblanc, Alain Brazeau. Nous
sommes membres du Syndicat des producteurs de bois Outaouais-Laurentides et
nous voulons vous faire part du mémoire que nous vous avons
présenté. Je vais débuter la lecture et Daniel va
poursuivre. Je vais commencer à F avant-propos. Je ne sais pas si on
vous en a remis une copie.
Le Président (M. Audet): Vous, c'est M. Séguin ou
M. Vallières?
M. Séguin: Moi, c'est Pierre Séguin.
Le Président (M. Audet): M. Séguin, ça
va.
M. Séguin: Je m'excuse.
Le Président (M. Audet): Ça va.
M. Séguin: Est-ce que vous en avez eu une copie?
Le Président (M. Audet): Oui.
M. Séguin: Oui, vous avez une copie. O.K. Ce document
pourrait être interprété comme un plaidoyer à la
diversification de notre production d'énergie et à l'utilisation
de nos forces vives nationales. Si l'hydroélectricité reste notre
plus importante source d'énergie, la forêt, dans sa mesure, offre
un potentiel important dans le bilan énergétique global de la
province et une possibilité supplémentaire à l'essor
économique régional. Cette ressource renouvelable, malgré
qu'elle soit cantonnée depuis longtemps dans des secteurs très
conservateurs (bois de sciage, bois de pâtes et de chauffage) pourrait
jouir d'autres avenues qui ne feraient qu'absorber son réel potentiel de
production.
L'Outaouais-Laurentides jouit d'un environnement forestier plus que
favorable à une utilisation non conventionnelle de sa biomasse
forestière: la possibilité forestière adéquate, une
main-d'oeuvre disponible et la dynamique nécessaire.
La forêt: une source d'énergie renouvelable à
redécouvrir. Au Québec, nous avons pratiquement tous les outils
pour nous arroger une place de choix dans la mondialisation des marchés.
Au niveau énergétique, nous pouvons compter sur un parc de
production déjà important et qui pourrait être soutenu par
d'autres types de productions tout aussi soucieux de l'environnement.
Il faut néanmoins considérer que le développement
durable milite pour une utilisation rationnelle de ce bilan
énergétique. C'est, d'ailleurs, ce qui alimente le discours de
l'efficacité énergétique. Il est légitime, en tant
que population, d'être sensible à une hypothèque de
l'environnement issue d'un développement mal planifié. Par
conséquent, tous les secteurs de l'économie devraient s'impliquer
dans une rationalisation de leur consommation.
D'une autre manière, il faudrait penser à réduire
notre dépendance face à l'utilisation de centrales polluantes du
type alimenté par des carburants fossiles et trouver des alternatives
satisfaisantes sur les plans économique et social.
Hydro-Québec, par son plan de développement, semble avoir
pris les orientations adéquates. Il ne faudrait maintenant qu'y
intégrer plus vivement la contribution de la biomasse forestière
à la production d'électricité. Quoi qu'on en dise, les
«externalités» avantageuses de cette vision méritent
d'être abordées sérieusement, au même titre qu'une
utilisation de ces résidus dans la production d'alcool substituant aux
carburants fossiles. Quoi qu'en pense Hydro-Québec, elle a l'obligation
morale de refléter les intérêts de la population
québécoise. Par conséquent, elle doit considérer,
tout comme nos gouvernements, les retombées de chaque orientation
qu'elle prendra et aussi s'assurer d'un bilan positif à la fin du
processus.
M. Leblanc (Daniel): La forêt québécoise:
vision nouvelle. À maints égards, la forêt
québécoise offre d'énormes potentiels comme source
d'énergie. Que l'on ne traite que de sa forme de combustible, elle vient
au troisième rang dans le bilan énergétique du secteur
résidentiel et gagne un rang dans le cadre d'une politique
d'efficacité énergétique. Dans les autres secteurs, cette
statistique est plus difficilement identifiable. Par contre, avec
l'avènement d'une nouvelle industrie de transformation, le bois pourrait
tout aussi bien remplacer une partie des combustibles fossiles, mazout ou gaz
naturel, et accroître substantiellement son importance au niveau du bilan
énergétique global.
La cogénération à partir de la biomasse
forestière ou l'ajout d'éthanol ou de méthanol aux
carburants existants pourrait s'avérer un tournant majeur quant à
son importance à tous les niveaux: économique, environnemental,
social, etc.
Il est bien évident que notre discours peut paraître
partisan; nous ne pouvons pas nous détacher des problèmes
vécus dans l'industrie du bois en général et des
difficultés qui nous touchent plus directement. Nous possédons
une forêt qui nécessite un aménagement intense, qui subit
les affres d'une taxation et d'une réglementation
éhontées, et qui, de surcroît, doit subir les aléas
du peu de diversification des produits issus de ses usages. Par
conséquent, dans ces conditions, il est difficile d'envisager un
aménagement soutenu de cette forme de matière
première.
Étant donné qu'environ le tiers de notre
possibilité forestière, soit près de 350 000
m3, ne trouve pas preneur sur nos marchés traditionnels, il
nous faut envisager d'autres débouchés. Un de ceux que nous
prônons avec acharnement est celui de la cogénération
à partir de la biomasse forestière. Nous croyons qu'il s'agit
là d'une forme de production qui, en plus de diversifier nos
marchés, pourrait diminuer la pression actuelle qui leur est
imposée. En résultante, il y aurait moins de frictions entre les
différentes sources d'approvisionnement chez les mêmes
utilisateurs.
Au Québec, considérant le prix très bas de
l'électricité, nous convenons qu'à l'instar des
États-Unis nous ne pouvons voir la cogénération comme un
simple investissement financier profitable. Il nous faut y déceler les
avantages qui en découlent, tels que l'utilisation optimale de notre
forêt et la promotion de son aménagement. Bien entendu, cette
forme d'utilisation permet aussi de favoriser une énergie renouvelable,
de créer des emplois, de réduire l'accumulation des
déchets industriels, de réaffirmer notre indépendance
énergétique et, enfin, de diminuer ou de retarder
l'hypothèque du Nord québécois.
Comparativement à d'autres moyens de production, un complexe de
cogénération peut, dans un délai de moins de 2 ans (sans
compter les délais liés aux différentes permissions)
être fonctionnel. La proximité possible de telles usines des
réels consommateurs (industries et/ou résidences) permet de
limiter l'érection de lignes de transport. On ne peut en dire autant
pour d'autres projets d'envergure similaires ou plus imposants, soit à
cause des réels délais de construction ou par l'émoi
qu'ils provoquent chez les communautés affectées ou
impliquées. (20 h 10)
II est particulièrement abrutissant de toujours faire
référence aux États-Unis pour se convaincre du
bien-fondé de la cogénération. Il faut comprendre que les
impératifs liés à l'environnement y sont sujets à
des critiques beaucoup plus sévères qu'au Québec
exemple, la Californie et que, tout compte fait, les avantages priment
sur les inconvénients. Par ailleurs, il ne faut pas sous-estimer cette
vague environ-nementaliste. On ne perçoit, actuellement, qu'une pointe
de l'iceberg, au Québec.
En Outaouais, les tenants du discours environnemental se sont
prononcés favorables à l'idée de la
cogénération à partir de la biomasse forestière
lors d'un forum environnemental tenu en 1991. Cette position était
conditionnelle à ce qu'une politique de gestion des terres
boisées soit appliquée. Actuellement, une consultation est en
cours au sujet d'un guide de modalités d'intervention en forêt
privée, qui devrait prendre plutôt la forme d'un guide de saines
pratiques forestières, une forme de code d'éthique du producteur
forestier. En fait, tous les intervenants du milieu (socio-économiques
et politiques) auront à se prononcer sur la politique à
adopter.
Toujours sur le plan environnemental, il faut ajouter que nos voisins du
Sud sont particulièrement pointilleux. Il n'est donc pas surprenant d'y
voir des normes sur les rejets atmosphériques beaucoup plus
sévères que chez nous. Il semble bien que la
cogénération à base de biomasse forestière
bénéficie d'un statut de choix comme procédé de
production, car certaines lois obligent même les réseaux à
acheter l'électricité ainsi produite et, dans plusieurs
États, cette forme de cogénération joue un rôle
prépondérant dans le bilan énergétique global.
Nous avons déjà présenté, en commission
parlementaire, un mémoire traitant des potentiels de notre région
en matière de production de bioélectricité. Ce document,
issu d'une étude préliminaire de faisabilité, quoique
incomplet, «suscitait» l'importance des
«externalités» d'un tel projet. Aussi, on y précisait
que le seul véritable obstacle à ce procédé de
production était le prix actuel de l'électricité. Sans
avoir examiné totalement la filière du domaine de la
cogénération à partir de biomasse, il n'en demeure pas
moins qu'on peut affirmer que la cogénération procure plus
d'avantages que la simple production d'électricité et de vapeur.
Par conséquent, il ne peut s'agir que de la meilleure option sur le plan
socio-économique.
Dans notre région, l'industrie des pâtes et papiers et du
sciage joue un rôle de premier plan dans l'économie. Étant
une industrie énergivore et productrice de déchets, ces
consommateurs verraient certainement d'un bon oeil le couplage de leur
industrie avec le procédé de cogénération. Ainsi
donc, le maillage de l'industrie et d'Hydro-Québec serait
particulièrement intéressant.
À Gatineau, l'usine de Produits forestiers Canadien Pacifique
ltée a déposé un projet de cogénération il y
a un peu plus de 1 an et il semble bien que le projet aura l'aval des
décideurs. Les travaux, dans une certaine mesure, sont
déjà avancés. Le projet offre certainement plusieurs
avantages aux niveaux financier et environnemental; par contre, la production
d'électricité sera grandement issue de gaz naturel et/ou de
mazout, complé-mentée par la vapeur produite par les rejets de la
nouvelle usine de désencrage, et possiblement d'écorces et de
résidus du même acabit. Dans ce cas, les possibilités pour
la biomasse forestière restent très partielles et pratiquement
monopolisées par un seul fournisseur. Considérant le coût
du projet (environ 120 000 000 $), la production anticipée (180 MW) et
le nombre d'emplois permanents créés, soit 20 emplois directs, ce
type de complexe n'offre pas autant d'avantages sur le plan social que
l'utilisation de la biomasse de façon plus importante. Par contre, on se
doute bien que le résultat financier est intéressant.
II est important de faire une distinction entre les différents
types de cogénération en fonction du combustible utilisé.
Si le gaz naturel offre certains avantages au niveau de sa manutention, il faut
considérer qu'il s'agit, encore là, d'un combustible
d'importation qui ne favorise en rien notre prise en charge sociale. Avec la
biomasse forestière, il est intéressant de constater que, pour
chaque mégawatt produit, 3 Québécois auront
participé directement au fonctionnement de l'usine, sans compter les
emplois qui seront générés par effet indirect et ceux
nécessaires à la construction des installations.
Tout comme l'indique le document d'Hydro-Qué-bec, la
cogénération mériterait le statut de filière
d'appoint idéale. Malgré que, sur le plan financier, ses
retombées soient inférieures à un projet
hydroélectrique, il n'en demeure pas moins que son impact sur le
développement des principaux secteurs industriels provinciaux est
positif. Cette voie devrait être privilégiée contre toute
autre et servir de palliatif aux usines consommatrices de mazout. Il faudrait
néanmoins présenter la biomasse comme le carburant ultime
à la cogénération et reporter le gaz naturel à un
rang plus secondaire. Il s'agit, bien entendu, d'une politique qui ne peut
qu'être moussée par les gouvernements et, dans une certaine
mesure, par la population. Étant donné notre effectif de
producteurs, nous pouvons déjà répondre de l'avis d'une
partie de la population, soit plus de 13 000 producteurs de bois. Cette
politique énergétique pourrait prendre des formes diverses et
même s'affirmer dans une politique forestière et
environnementale.
Conclusion et discussion. On peut affirmer sans hésitation que
l'hydroélectricité est un bien collectif auquel il faut appliquer
les rigueurs du développement durable. Par conséquent,
l'efficacité énergétique doit jouer un rôle
primordial dans la réduction de la croissance des besoins
énergétiques. Il semble néanmoins que cette simple mesure
soit insuffisante pour combler les futurs besoins de notre développement
collectif. Ainsi, il faut établir les futures bases de ce plan de
développement. Hydro-Québec, dans son dessein, montre des signes
de mûrissement. En ouvrant les yeux sur d'autres formes de production
d'électricité, elle adopte un vocabulaire et des positions qui
tentent de privilégier la cogénération et l'abandon de
centrales au mazout. Une notion, par contre, manque à ce vocabulaire
nouveau. En effet, chaque région, dorénavant, devrait participer
à l'autosuffisance énergétique régionale pour
combler l'accroissement de la demande à venir. Il est essentiel qu'une
telle philosophie s'applique en fonction des ressources régionales, que
ce soit la matière ligneuse, les rivières, le vent, etc., afin
que la région profite des retombées économiques de chaque
projet.
La région de l'Outaouais-Laurentides, à l'instar d'autres,
offre d'énormes potentiels de production en matière ligneuse. La
possibilité forestière est sous-utili-sée et de beaucoup.
La forêt publique et la forêt privée se battent sur des
marchés rapidement saturés, ce qui limite l'essor de
l'aménagement forestier. Les marchés traditionnels sont
insuffisants, à un point tel que nous devons exporter nos bois ronds
vers l'Ontario et les
États-Unis.
Nous verrions d'un bon oeil l'essor de la cogénération
à partir de la biomasse forestière. En plus d'être un outil
fort valable à l'aménagement forestier et à une
récupération des bois non commerciaux (diamètre et/ou
essence) issus des coupes, un complexe à base de biomasse
forestière permettrait à la région d'être
impliquée dans son développement économique et d'offrir
une autre raison au maintien des ruralités.
Quoi qu'on en dise, un tel complexe de production, par million de
dollars investis, produirait plus de 10 emplois, directs et indirects, de
façon permanente, sans compter la période de construction. De
plus, en comptant sur un combustible local plutôt qu'importé, nous
favoriserions la prise de conscience de nos actions sur l'environnement. Par
ailleurs, les rejets atmosphériques de tels complexes sont bien en
deçà des normes provinciales et nationales établies. Les
cendres produites peuvent servir dans les composés d'engrais et, de
plus, la biomasse (écorces et déchets de scieries et
papetiè-res), qui est actuellement source de menace environnementale,
pourrait s'attribuer une vocation beaucoup plus constructive.
Recommandation. Nous estimons qu'il est nécessaire que le
gouvernement décrypte dans les technologies existantes une politique
énergétique qui mobiliserait les potentiels régionaux et
que, par conséquent, l'utilisation de la biomasse forestière
tienne une place de choix dans cette stratégie pour répondre aux
futurs besoins provinciaux.
Le Président (M. Audet): Ça va? C'est
terminé? M. Leblanc: Oui.
Le Président (M. Audet): Merci beaucoup. Mme la ministre
de l'Énergie et des Ressources.
Mme Bacon: Bonjour, messieurs. Je voudrais vous remercier
d'être venus nous exposer votre appréciation du plan de
développement proposé par HydroQuébec et nous faire
profiter, en même temps, de votre expérience, spécialement
en matière de biomasse. Vous semblez suggérer
qu'Hydro-Québec aille au-delà de ses coûts
évités pour encourager le recours à la
cogénération à partir de la biomasse forestière, de
telle sorte qu'Hydro-Québec puisse constituer un outil
d'aménagement forestier, si je vous ai bien compris. Comment pouvez-vous
justifier une implication d'Hydro-Québec dans un domaine qui peut
paraître aussi éloigné de sa mission première? Parce
qu'on a parlé beaucoup de la mission d'Hydro-Québec au cours de
cette commission parlementaire. Et ça me semble loin du domaine
forestier.
M. Séguin: Oui, mais c'est Hydro-Québec qui est
responsable des tarifs, disons, qui sont approuvés par le gouvernement.
Puis, pour être compétitive, il faudrait qu'Hydro-Québec se
compare avec d'autres utilités qui sont nos voisins dans le Sud, puis
qu'on regarde ce qui
se fait dans ces coins-là. La production
d'électricité est encouragée et supportée par les
utilités aux États-Unis. On se pose la question: Pourquoi
Hydro-Québec et notre gouvernement ne prendraient pas les mesures
nécessaires pour encourager ce développement-là? Ça
n'aidera pas seulement les producteurs dans les boisés privés et
en forêt; ça pourrait aider aussi nos industries papetières
au niveau énergétique, parce qu'on croit qu'elles aussi ont des
problèmes énergétiques. Hydro-Québec a un
rôle à jouer, je pense, qui est un peu plus grand que seulement
produire de l'électricité. (20 h 20)
Mme Bacon; En fait, les papetières, leur problème
énergétique, c'est 20 % de tous leurs problèmes, ce n'est
pas l'ensemble du problème.
M. Séguin: Non, mais c'est un gros morceau.
Mme Bacon: Ça dépend où on le prend. Le
ministère de l'Énergie et des Ressources participe, depuis
plusieurs années maintenant, au financement des travaux qui sont
menés par le Centre de recherche en sylvichi-mie de l'Outaouais sur
d'autres usages potentiels de la biomasse forestière, dont la production
d'alcool carburant. Croyez-vous que ces travaux sont susceptibles de constituer
prochainement des voies de solution intéressantes et quels seraient les
obstacles à surmonter?
M. Séguin: le premier obstacle qui existe
présentement, c'est une question de réglementation. est-ce que
les compagnies pétrolières vont accepter que l'alcool soit
utilisé en remplacement de l'essence? parce qu'on sait qu'au niveau
technique on peut mélanger 10 % ou 15 % d'alcool pur avec l'essence et
on n'a besoin de faire aucune modification à la question
mécanique. ça prendrait un support ou une réglementation
pour favoriser l'utilisation de l'alcool. nous, on pense que c'est une
alternative qui est vraiment très intéressante que de regarder le
potentiel alcool, mais ça va prendre des efforts. ce n'est pas des
organismes comme nous... je crois que le gouvernement ou les organismes vont
être obligés de s'impliquer à ce niveau-là pour
favoriser l'utilisation ou... je ne sais pas si on peut l'imposer, je crois que
ce ne serait pas la bonne façon de faire...
Mme Bacon: On est en démocratie.
M. Séguin: ...mais je pense qu'il faudrait avoir un
programme pour l'encourager. Là, c'est phénoménal, les
volumes de biomasse qui existent, et je crois que tout le monde est sensible au
niveau de l'emploi et de l'impact que ça aurait dans
l'aménagement forestier. On a des surplus phénoménaux de
matière ligneuse. Même en allant seulement en
cogénération, on aurait encore des surplus qui dépassent
l'imagination. L'alcool, vraiment, serait une solution qui serait probablement
une des meilleures, mais il y a beaucoup...
Mme Bacon: Comment se compare le coût de la biomasse chez
vous par rapport à la biomasse forestière qu'on retrouve dans
d'autres régions? Comment peut-on comparer? Est-ce que ce sont des prix
qui sont similaires ou s'ils sont différents les uns des autres, suivant
les régions?
M. Séguin: Est-ce qu'on parle seulement du Québec
ou si on parle de nos voisins proches?
Mme Bacon: Bien, les régions du Québec, on va
commencer par les régions du Québec.
M. Séguin: C'est un marché global et,
présentement, la demande pour la biomasse est très faible; il n'y
a pas vraiment de marché. Il y a un utilisateur dans la région de
l'Outaouais, qui est PFCP, qui utilise des quantités très
appréciables.
Mme Bacon: La biomasse forestière régionale. M.
Séguin: Oui.
Mme Bacon: II ne prend pas ça dans d'autres
régions.
M. Séguin: Non, non. On croit, pour ces
utilisateurs-là, que présentement ils ont une marge de manoeuvre
qui est très intéressante pour eux et on ne pense pas que... Le
gaz naturel, on sait qu'il est disponible en grande quantité,
mais...
Mme Bacon: Mais vous savez que préférence a
été donnée en cogénération aux projets qui
sont faits avec de la biomasse par rapport au gaz.
M. Séguin: Oui, mais, dans la région de
l'Outaouais, on sait que les projets qui sont favorisés
présentement... Un des plus gros projets qui vont être construits
à Hull va opérer presque exclusivement au gaz naturel.
Mme Bacon: Ce n'est pas à la biomasse?
M. Séguin: Ce n'est pas à la biomasse. Celui de
PFCP va opérer en grande partie à la biomasse.
Mme Bacon: Ça dépend peut-être du nombre de
mégawatts. Est-ce que c'est suivant le nombre de mégawatts?
M. Séguin: Ah! Celui de Hull, si je me souviens bien,
c'est un des gros, presque 200 MW, 180 ou 200.
Mme Bacon: Les autres projets que vous avez sont plus petits.
M. Séguin: Celui de PFCP, je crois qu'il est dans les 100,
120 MW.
Mme Bacon: Oui, mais vous en avez 2 autres, je pense, qui sont de
beaucoup moindre importance.
M. Séguin: Oui, mais, nous, on pense qu'il y a un
potentiel.
Mme Bacon: Oui, oui.
M. Séguin: On pense peut-être à Masson; on a
une papetière à Masson, on en a une autre à Thurso.
Mme Bacon: Est-ce qu'ils ont présenté des projets
à Hydro-Québec, ces gens-là?
M. Séguin: Ils ont des difficultés, ces gens; tout
le monde a des problèmes ces temps-ci et, nous, on essaie de...
Mme Bacon: Vous suggérez fortement.
M. Séguin: On essaie de suggérer. Je crois que
votre question concernant l'alcool mériterait que ce soit exploré
d'une façon très approfondie, et on apprécie grandement
que vous ayez donné un support au centre de sylvichimie. Ils font un bon
travail et je crois qu'il y a beaucoup de choses à faire...
Mme Bacon: Ça vous aide.
M. Séguin: ...dans ce domaine-là.
Mme Bacon: Vous mentionnez, à la page 3 de votre
mémoire, que le tiers de votre possibilité forestière, et
vous mentionnez 350 000 m3, ne trouve pas preneur actuellement.
Quelles sont les possibilités de développer des usages non
énergétiques pour cette biomasse-là? Est-ce qu'il y en a
des usages qui ne sont pas des usages nécessairement
énergétiques? Est-ce qu'il est concevable d'envisager la
construction d'un moulin qui utiliserait la biomasse excédentaire et
celle qui pourrait peut-être provenir de la reconversion des forêts
dégradées?
M. Séguin: Présentement, nos papetières ont
des difficultés à écouler leurs produits parce qu'elles
sont non compétitives. Ce n'est pas en leur fournissant encore plus de
matière première qu'on va les aider; le marché mondial ne
prend pas... Il y a une surproduction de papier kraft et de papier journal. Je
crois qu'il faut trouver un autre débouché pour cette
matière première.
Mme Bacon: De quelle façon votre syndicat s'est-il
impliqué par rapport à la cogénération? Est-ce que
vous pouvez élaborer davantage?
M. Séguin: Oui. On a eu des rencontres avec les
différentes papetières, on les a rencontrées, on a
discuté; au niveau politique régional, on a discuté, on a
participé à différentes rencontres.
Mme Bacon: Pour soulever l'intérêt des
papetières.
M. Séguin: Nous, c'est à peu près le
rôle qu'on peut jouer, d'essayer de mousser l'idée, de vendre
l'idée ou de trouver des promoteurs. On croit que c'est un projet ou des
concepts qui devraient être développés un peu plus.
Mme Bacon: La rentabilité des projets de
cogénération repose évidemment dans une grande mesure sur
la possibilité d'écouler à bon prix la vapeur qui est
produite par l'usine thermique. Moi, j'aimerais savoir si vous êtes en
mesure de préciser quel pourrait être le potentiel de votre
région. Avez-vous fait une révision de ça, par raport au
potentiel?
M. Séguin: Je vais laisser Daniel répondre à
ça.
M. Leblanc: Dans notre première étude qu'on avait
faite, ça tournait autour d'une vingtaine de mégawatts, en fait,
ce n'est pas de la production à 180 MW.
Mme Bacon: Mais il y a quand même une révision de
tout ça qui a été faite.
M. Leblanc: Oui, oui, mais c'est parce qu'il y a aussi les autres
territoires de syndicats qui sont au pourtour du nôtre. Ça,
à la première étude, on les considérait aussi, mais
dans une mesure moindre.
Mme Bacon: Vous avez des échanges d'information entre
syndicats?
M. Leblanc: Ah oui, il y avait des échanges d'information,
oui.
Le Président (M, Audet): Merci. M. le député
de Laviolette.
M. Joli vet: Merci. Premièrement, avant de commencer, je
voudrais avoir une information. Vous dites, à la page 2 de votre
mémoire: «Nous possédons une forêt qui
nécessite un aménagement intense, qui subit les affres d'une
taxation et d'une réglementation éhontées», etc.
Expliquez donc un petit peu davantage, parce que ça, ça va avoir
un effet sur le reste.
M. Leblanc: Peux-tu me rappeler la page?
M. Jolivet: Oui, la page 2, dernier paragraphe: «Nous
possédons une forêt qui nécessite un aménagement
intense donc, ça veut dire qu'elle ne l'est pas
aménagée qui subit les affres d'une taxation donc,
plus tu l'aménages plus tu paies cher et d'une
réglementation éhontées.» Je veux savoir c'est quoi
que vous voulez dire dans tout ça. Est-ce que j'ai bien
interprété vos affaires?
M. Leblanc: Simplement, au niveau de la taxation municipale, ce
n'est pas bien, bien difficile à deviner. Depuis la démarche Ryan
et le transfert du fardeau aux municipalités, les comptes de taxes ont
augmenté drama-
tiquement, je pourrais dire; en partant, c'est une des affirmations qui
est là. Ce qu'on peut dire, c'est qu'au niveau provincial, si on compte
la superficie forestière qu'on a régionalement, on
mériterait certainement plus en fait de budget gouvernemental au niveau
de l'aménagement forestier; on a à peu près la
moitié de ce à quoi on pourrait s'attendre au niveau même
de la mise en marché qu'on a. Donc, à ce niveau-là, si tu
produis beaucoup, tu ne fais pas beaucoup d'aménagement, tu
dégrades ta forêt lentement. Si, en plus, tu as une taxation
éhontée ou en croissance... (20 h 30)
M. Jolivet: Disons que je vais reprendre ma question en
l'expliquant davantage, connaissant le dossier. C'est que ça
nécessite un aménagement intense. J'ai cru comprendre que, par la
biomasse que vous proposez, ça va vous permettre de faire une
intervention davantage dans la forêt. Si je comprends la façon
dont ça fonctionne, plus tu aménages ta forêt, plus tu es
taxé. La forêt privée, ce que je veux dire, c'est que, si
tu la coupes à blanc, admettons, tu as moins de taxes à payer,
j'ai l'impression, hein?
M. Leblanc: C'est ça.
M. Brazeau (Alain): C'est ça. Actuellement, la forêt
est taxée non pas sur la capacité de production, mais sur le
volume sur pied. Si tu as une belle forêt, tu es taxé; si tu la
coupes à blanc, tu ne l'es plus.
M. Jolivet: Et, après ça, tu demandes de l'aide
pour la rebâtir.
M. Brazeau: Hum! C'est des possibilités. Mais, au niveau
de la taxation, si on regarde en agriculture pour comparer, tu as une
superficie agricole qui n'est plus capable de produire tant de tonnes à
l'acre, elle est taxée sur sa capacité de production, tandis que
la forêt n'est pas taxée sur la capacité de production,
elle est taxée sur la valeur sur pied du bois. Si la forêt est une
belle forêt aménagée, tu vas être taxé plus
cher. Ça t'oblige à la liquider pour diminuer ton taux de
taxes.
M. Jolivet: C'est pour ça que je te posais la question
maintenant à l'inverse. C'est parce que je me dis: Si vous faites un
aménagement intense, c'est que vous avez coupé du bois, soit le
bois qui est pour la biomasse, du bois à palettes ou du bois à
pâte; et là, tu nettoies ta forêt, tu l'aménages
davantage. Comme tu l'aménages, tes arbres grossissent plus, bon, ceux
qui restent, de telle sorte qu'au bout de la course tu vas être plus
taxé. Il n'y a pas un danger à proposer l'utilisation de la
biomasse, justement? C'est pour ça que je veux arriver à cette
question-là.
M. Brazeau: Non. La solution est de taxer la forêt non pas
sur sa valeur sur pied, mais sur sa capacité de production.
M. Jolivet: Donc, il faudrait changer la formule de
taxation...
M. Brazeau: La formule de taxation.
M. Jolivet: ...qui vous permettrait de mieux aménager
votre forêt et d'utiliser les résidus.
M. Brazeau: Oui, sans être pénalisés,
d'aménager notre forêt.
M. Jolivet: O.K. À partir de ce moment-là,
maintenant, vous avez assisté aux rencontres avec HydroQuébec
lors des consultations qu'ils ont eues? Est-ce qu'ils vous ont dit que, dans
leur esprit, pour la cogéné-ration dans le Québec
c'est ce qu'ils nous ont dit à nous; alors, je veux savoir s'ils vous
ont dit la même chose il y avait une tendance, parce que vous
mettez ça en parallèle avec celle aux États-Unis, à
y avoir un coût qui serait moins rentable à long terme, de telle
sorte qu'ils la favorisent, mais ils ne la favorisent pas beaucoup? Est-ce que
je peux comprendre que c'est une inquiétude que vous avez?
M. Séguin: Lors des rencontres auxquelles on a
assisté, nous, il y avait un débat qui était assez
sensible dans notre coin; c'était sur la question de l'usine qui est
projetée pour être construite à Hull. Il y avait un
débat assez mouvementé à ce sujet-là. Tout est
centré pas mal sur le gaz naturel et les gens d'Hydro ne semblaient pas
trop sensibles à l'idée de la biomasse comme telle. Et
même, lorsqu'ils font leurs comparaisons, ils sont plutôt
portés à comparer avec l'hydroélectricité. Quand
ils font une comparaison, ils vont relier les coûts de production avec
l'hydroélectricité. On ne peut pas se comparer avec
l'hydroélectricité, c'est sûr, mais, si on se compare au
nucléaire ou avec le mazout, je crois que la biomasse peut être
très compétitive.
M. Jolivet: Parce que de la façon dont HydroQuébec
a parlé, dans le fond, elle disait: J'ai accepté plus de projets
pour à peu près une hypothèse de x kilowatts dans la
mesure où je sais qu'ils ne marcheront pas. Comme ils ne marcheront pas,
ça veut donc dire... On a posé la question: Quelles sont les
raisons pour lesquelles... Il y a des compagnies de papier, chez nous, qui ont
essayé de partir ça. Si elles y vont avec le gaz naturel, elles
ne contrôlent pas le prix du gaz naturel. Comme la compagnie qui est
formée pour faire la vapeur qui va suivre pour l'usine, ce n'est pas
l'usine de pâte qui l'a, c'est une autre compagnie, elle ne
contrôle pas encore la sortie et, en plus, elle vend à
Hydro-Québec l'électricité. Alors, ils disent: Pour la
compagnie de pâte et papier, ce n'est pas sûr qu'à long
terme ça soit si rentable. Dans ce contexte-là, ils ne se sentent
pas poussés davantage sur la biénergie. Est-ce que vous avez
saisi ça, ce message-là? Est-ce qu'ils vous ont dit ça de
même ou bien si c'est juste la question de la biomasse versus le gaz
naturel?
M. Séguin: Je ne peux pas dire que j'ai saisi le
message de cette façon-là.
M. Jolivet: O.K. Toujours à la page 2, vous dites:
«La forêt québécoise: vision nouvelle.» Est-ce
que je dois comprendre que votre intervention au niveau de la biomasse ne
s'intégrerait pas et là, je pose la question comme on la
pose de temps en temps, et souvent même dans une politique qui
aurait comme but de regarder non pas seulement l'énergie
hydroélectrique produite, mais toutes les formes d'énergie dont
celle dont vous parlez?
Est-ce que vous croyez qu'une commission indépendante qui aurait
à étudier ça serait mieux placée
qu'Hydro-Québec qui, elle, a à vendre son
électricité, que les gens du gaz naturel qui vendent leur gaz
naturel et que les gars du mazout qui vendent leur mazout? Est-ce que vous
croyez qu'une commission indépendante, que le gouvernement
décréterait et à qui il demanderait d'aller voir à
travers le Québec les bons et les mauvais côtés de chacune
des énergies qui sont là, nouvelles... Moi, j'ai toujours
tendance à dire: Pas nouvelles, mais réutilisées, parce
qu'on vous a laissé tomber dans le temps. Est-ce que vous croyez qu'une
commission d'enquête indépendante serait mieux?
M. Séguin: Disons, en étant de l'entreprise
privée, que je me poserais la question pour voir si une nouvelle
commission va être utile. Je ne sais pas s'il n'y en a pas assez qui
peuvent répondre à cette question-là ou qui pourraient
résoudre le problème. Votre idée est bonne, c'est certain
qu'il ne faut pas laisser un organisme tout diriger. Est-ce que
présentement, en place... Moi, je ne connais pas assez tout votre
système de procédure pour vous le dire, mais je vous lance la
balle. Il n'y a pas un organisme, il n'y a pas quelqu'un qui existe, en place,
qui peut faire ce rôle-là?
M. Jolivet: La commission parlementaire qui est ici actuellement
n'étudie qu'une chose, elle étudie le plan qu'Hydro-Québec
nous propose, et c'est un seul item: hydroélectrique. À
côté de ça, il y a d'autres choses que
l'hydroélectricité.
M. Séguin: Parce que j'ai une crainte bleue, moi, des
comités, puis des organismes. Présentement, on en a par-dessus la
tête, de toutes ces affaires-là. Je suis bien d'accord qu'on
trouve une solution, mais il faudrait que ce soit simple, puis que ce soit
rentable, puis que ce soit productif. Parce que, comme c'est là, on se
fait manger la laine sur le dos par tout le monde. Il faut trouver un moyen,
puis, nous, on pense que, ce moyen-là, il faut qu'il soit
développé. C'est pour ça qu'on essaie de le mousser.
M. Jolivet: Bon. Vous autres, vous proposez, comme gens qui vivez
de la forêt, qu'on utilise vos résidus pour en faire de
l'électricité. Je comprends là?
M. Séguin: Oui.
M. Jolivet: À partir de ça, vous êtes une des
possibilités. Si Hydro-Québec, qui achète votre
électricité, dans le plan d'aménagement qu'elle vous
propose actuellement, ne vous donne pas toutes les chances, où est-ce
que vous allez avoir le droit de le dire, à part ici, mais dans un
contexte de l'ensemble de l'énergie au Québec?
M. Séguin: Nous, on croyait que ça relevait du
ministère de l'Énergie et des Ressources, puis que c'était
le ministère de l'Énergie et des Ressources qui avait la haute
main sur cette question-là.
M. Jolivet: Est-ce que, au niveau de la
cogénéra-tion, comme vous la présentez là, vous
croyez que votre présentation aujourd'hui aurait des effets sur
HydroQuébec qui, à ce moment-ci, sur la
cogénération, propose davantage la partie gaz naturel que
biomasse?
M. Séguin: Moi, je crois qu'ils ne l'ont pas
étudiée de façon sérieuse. Ils ne comprennent pas
et je crois qu'ils auraient avantage à aller visiter pour voir ce qui se
passe aux États-Unis, à aller voir tous les petits
«plants» qui ont été construits, de 5, 10, 20, puis
30 MW, au Maine ou dans différents États, il y en a une peste. Si
c'est bon pour les Américains, je ne sais pas là, peut-être
que quelqu'un pourrait regarder ça. S'ils peuvent le rentabiliser,
ça devrait être bon pour nous autres aussi. Moi, je dis qu'il n'y
a peut-être pas eu un effort assez sérieux de certaines gens pour
voir si ça peut être vraiment utilisable, puis d'une façon
qui est rentable. Nous, on le pense, que c'est rentable, mais c'est certain
qu'on n'a pas les moyens, on ne dispose pas des moyens pour pouvoir
l'implanter.
Le Président (M. Audet): Merci, c'est déjà
terminé.
M. le député de Taschereau.
M. Leclerc: Oui. M. le Président, je vous remercie.
J'aurais une couple de questions. Mais, avant ma première question, vous
me permettrez 2 ou 3 commentaires, d'abord, pour dire que, contrairement au
député de Laviolette, je crois que beaucoup d'organismes sont
venus ici, devant nous, depuis les débuts de la commission, et il y en
aura d'autres jusqu'à la fin, pour nous parler du nucléaire, pour
nous parler du mazout, pour nous parler de toutes sortes d'énergies
alternatives ou moins alternatives, connues ou moins connues, et que, donc,
c'est un forum qui est offert à tout le monde.
Avant de passer à mes 2 questions, vous avez, en réponse
au député de Laviolette, dit que vous croyiez
qu'Hydro-Québec n'avait pas étudié de façon
sérieuse la cogénération que vous proposez. Est-ce que
c'est une impression que vous avez? Est-ce que c'est une certitude? Qu'est-ce
qui vous fait dire ça?
M. Séguin: On regarde les faits, on regarde les projets
qui vont être mis en place. La majorité des projets
présentement en cogénération sont tous reliés
au
gaz naturel. Est-ce que le lobbying du gaz naturel est plus puissant que
le lobbying de la forêt? Est-ce qu'il y a quelqu'un qui a fait mieux sa
job qu'un autre? Moi, je ne fais que regarder les résultats. C'est la
seule façon, avec les moyens qu'on a. Puis, si je me trompe,
éclairez-moi.
(20 h 40)
M. Leclerc: Non, non. Écoutez, je veux savoir le fond de
votre pensée. Est-ce que le gaz naturel, puisque vous dites que c'est
lui qui a remporté la palme à date, n'a pas des avantages
comparatifs actuellement sur ce que vous proposez? Je ne veux pas les
défendre là et même, vous êtes davantage
expert que moi là-dedans mais est-ce qu'Hydro-Québec
n'aurait pas pu l'étudier sérieusement et arriver à des
conclusions qui puissent être un peu différentes des
vôtres?
M. Séguin: mais, moi, je me pose des questions au point de
vue emplois pour la province de québec. on sait que toute
l'instrumentation, toute la technologie, la majorité de
l'équipement provient de l'extérieur du québec, n'est pas
manufacturé ici, au québec. on sait que, si on va en
cogénération, pour ce qui est la matière ligneuse, il y a
beaucoup de techniques, puis de manufacturiers qui sont au québec. nous,
la question emplois, on y attache beaucoup d'importance, puis je ne vois pas
où, avec la filière du gaz naturel, on va être
avantagés. à ce que je sache, on n'a pas trouvé de grands
dépôts dans la province de québec. des forêts, on en
a à perte de vue. elles ne sont pas productives, nos forêts, puis
elles ne sont pas aménagées. il y a eu beaucoup
d'amélioration, il y a beaucoup de choses qui se sont faites, on en a
encore beaucoup à faire, mais ce serait un outil supplémentaire
qu'on aurait si on avait un marché, que ça soit en
cogénération, que ça soit en production d'alcool.
ça serait un outil supplémentaire qu'on aurait. *
M. Leclerc: Oui?
M. Leblanc: Je peux peut-être rajouter 1 ou 2 mots. Dans le
fond, ce qu'on dit, là, c'est au niveau des objectifs
d'Hydro-Québec. C'est ça, le point tournant, là. C'est
qu'avec la cogénération l'aspect financier ne primerait pas
nécessairement sur d'autres aspects. C'est le poids qu'on va donner un
peu à chacun de ces niveaux-là qui va déterminer, dans le
fond, c'est quoi la meilleure chose. Nous, on prétend qu'au niveau
social, dans le fond, c'est là qu'il faut mettre le poids. C'est
ça. C'est tout simplement ça.
M. Leclerc: O.K. Donc, vous admettez avec moi que, sur le plan
financier, Hydro-Québec aurait possiblement fait ses devoirs comme il
faut, mais vous considérez qu'elle devrait analyser le problème
avec d'autres éléments qui feraient en sorte que, là,
votre position...
M. Séguin: On aimerait bien s'asseoir avec eux et regarder
le dossier de proche, mais, à date, dans les rencontres qu'on a eues,
quand on en a discuté, on n'a pas pu être sensibles à voir
si, vraiment, sur ces aspects-là, toutes les questions du niveau ont
été soulevées.
M. Leclerc: Mme la ministre me souffle justement qu'il y a un
projet de 25 MW à Chapais.
Une voix: En discussion pour la biomasse. Mme Bacon:
Signé avec la biomasse. Une voix: Signé?
Mme Bacon: Oui, il y a des commencements partout.
M. Séguin: Oui, oui. On ne prétend pas que
ça va se faire demain, mais, si on s'en va dans la bonne direction, je
crois qu'on va tous en bénéficier.
M. Leclerc: Donc, j'imagine que vous allez suivre attentivement
ce qui se passe à Chapais dans les prochaines semaines.
M. Séguin: Ah oui, oui. On est très
intéressés à ce sujet-là.
M. Leclerc: Très bien. Je vous remercie.
Le Président (M. Audet): Merci, M. le
député. M. le député de Laviolette.
M. Jolivet: Oui. Je reviens en me permettant aussi quelques
commentaires sur les propos du député de Taschereau, en disant,
M. le Président, qu'il m'a mal interprété. Je n'ai jamais
dit que les gens du mazout n'étaient pas venus ici, je n'ai jamais dit
que les gens du gaz naturel ne sont pas venus ici. J'ai dit: Ce n'est
peut-être pas le meilleur forum. C'est évident, nous sommes en
train de discuter le plan de développement d'Hydro-Québec. Il y a
d'autres possibilités quant à d'autres formes d'énergie.
Ils sont venus nous dire puis cet après-midi, on en parle avec
d'autres le gaz naturel: On est moins polluants que le mazout, puis le
pétrole. Puis Hydro-Québec dit: On est encore moins polluants
qu'eux autres. Ils prennent l'argumentation inverse. Finalement, qui est mieux
placé pour dire à chacun ce que, comme État, on veut avoir
comme bilan énergétique au Québec, comme politique
énergétique au Québec? Et c'est dans ce sens-là que
je suis intervenu tout à l'heure et que je posais la question.
Je comprends vos réticences, puis je n'ai pas de crainte avec
ça. La seule chose que je dis, c'est qu'à ce moment-ci, si vos
négociations sont avec Hydro-Québec, qu'on ait une étude
plus approfondie par une commission indépendante qui étudierait
l'ensemble de l'énergie au Québec, peut-être que vous
auriez moins de difficultés à faire comprendre votre point de vue
à Hydro-Québec. Parce que Hydro-Québec, c'est un monopole,
ils vont acheter votre électricité s'ils le veulent
bien. Mais, s'il n'y a personne qui les y oblige, ils ne
l'achèteront pas. Ça prend donc une direction pour savoir ce
qu'on veut faire avec l'énergie au Québec. C'est dans ce
sens-là que je suis intervenu tout à l'heure. Je pense que vous
m'avez compris, d'ailleurs, dans ce sens-là.
Je prends une page de votre mémoire, je vais aller à la
page 7. Vous dites: «En effet, chaque région dorénavant
devrait participer à l'autosuffisance énergétique
régionale pour combler l'accroissement de la demande à
venir.» J'aimerais vous entendre davantage parler, là, sur comment
ça peut être possible, parce que toutes les régions au
Québec n'ont pas le même potentiel au niveau des ressources.
Comment chacune devrait devenir autosuffisante au niveau énergique, au
niveau régional? Comment devrait-elle le faire? C'est ça.
M. Séguin: Moi, je ne connais pas toutes les
régions du Québec, mais j'en connais plusieurs, puis ça
s'est adonné hier, par affaires, que j'étais en Gaspésie.
Je parlais avec d'autres industriels, puis ils me faisaient part de leurs
problèmes de non-utilisation de volumes de biomasse
phénoménaux. Je ne parle pas de 1000 ou 2000 tonnes; je parle de
50 000, 100 000 tonnes de pâte qui ne trouvent pas preneur, qu'ils sont
obligés de laisser sur les parterres de coupe. Je ne prétends pas
que c'est pareil partout, dans toutes les régions, mais disons que j'en
connais plusieurs régions. L'Outaouais, c'est une des grandes
régions. Si on monte dans les Laurentides, si on monte à
Mont-Laurier, tout ce grand secteur-là, ça commence à en
faire un grand bout. Puis, dans la région de Trois-Rivières, eux
autres aussi, ils ont ces problèmes-là. Ça fait que
peut-être qu'une politique à ce niveau-là, nous on
pense...
Puis on en a discuté avec d'autres syndicats. On est une
quinzaine de syndicats de bois à travers la province; c'est un sujet
qu'on a discuté, puis ils semblent avoir à peu près les
mêmes ennuis qu'on peut avoir. Ça fait que c'est pour ça
qu'on se dit que toutes les régions pourraient en
bénéficier. Je ne dis pas que toutes les régions en
bénéficieraient sur un même pied d'égalité,
mais je crois que tout le monde aurait une certaine...
M. Jolivet: Ce que vous dites, dans le fond, c'est qu'on devrait
viser au maximum de l'autosuffisance, mais en ne disant pas qu'ils vont
être nécessairement autosuffisants. C'est ça que je
comprends.
M. Séguin: Ah non!
M. Jolivet: Pour revenir au sujet qui nous concerne, la biomasse,
je vais juste vous conter c'est pourquoi je vous dis que, des fois, il
faut avoir des moyens pour forcer Hydro-Québec à faire des choses
ce que j'ai vécu moi-même dans le réseau non
relié que vous connaissez très bien, le secteur de Parent, dans
le nord de chez vous. On avait demandé, à ce moment-là,
à Hydro-Québec de relier tout le village, qui était au
gros mazout avec le groupe électrogène, par le réseau de
la Baie James qui arrivait au parc de La Vérendrye, au poste de La
Vérendrye. La réponse a été un non
catégorique: II n'en est pas question, c'est trop cher, c'est trop
dispendieux. Quand on a commencé à étudier, justement, une
usine thermique avec tous les résidus du parterre de coupe de Parent,
les feuilles des arbres, les racines, puis tout, puis qu'on avait
déjà mis en place, avec Nouveler, toute la possibilité
d'une usine thermique, la réponse n'a pas été longue
d'Hydro-Québec; ils nous ont reliés directement au réseau
auquel ils ne voulaient pas nous relier 2 ans avant. Pourquoi? Parce qu'on
avait une possibilité de monopole.
Dans ce sens-là, je dis: Justement, vous avez un dossier qui est
intéressant dans la mesure où il y a des gens qui vont prendre la
responsabilité de le décider: est-ce que c'est
Hydro-Québec ou autre chose? C'est là que je vous laisse
simplement réfléchir. Mais, moi, je dis que ce n'est
peut-être pas juste là que ça doit être pris comme
décision. Même si on nous dit qu'on favorise dans certains cas des
choses, l'impression qui nous est restée d'une rencontre qu'on a eue
avec HydroQuébec, comme membres d'un caucus, c'est qu'ils nous ont dit
que l'énergie produite par cogénération, dans un laps de
temps de peu, va être tellement dispendieuse comparativement à
celle qu'il y a aux États-Unis qu'elle ne sera pas nécessaire au
Québec. Et, moi, ça m'inquiète quand on me dit ça
comme ça. Alors, moi, je vous fais simplement une réflexion, et
je termine mon intervention par ça. Si vous avez des commentaires, vous
avez le droit de le dire.
M. Séguin: Je ne ferais que me répéter,
ça fait que...
M. Jolivet: Parfait.
Le Président (M. Audet): Merci. M. le député
de Drummond.
M. St-Roch: Oui. Merci, M. le Président. Je regardais
votre mémoire. Lorsque vous parlez de métha-nol, pour être
un secteur que je connais un peu, à moins que les prix aient
drôlement changé, pour avoir été partie d'un
processus qui a mené à la construction d'une usine à
l'échelle mondiale de capacité... Puis l'Arabie Saoudite avait
fait la même chose, parce qu'on part du méthane pour faire le
méthanol. Les prix ont besoin d'avoir drôlement changé.
Là, je vous donne des «figures» de 1985. On parlait de 0,82
$ à peu près le litre; le prix du litre était de 0,82 $
avant d'être capable de rejoindre 10 % à 15 % de méthanol,
puis d'être capable d'être compétitif.
Ceci étant dit, moi, il y a 2 aspects quand je regarde ce
phénomène de biomasse là qui est disponible, qui est
là, un paquet de résidus. On a eu quelqu'un qui est venu nous
présenter un mémoire, ici, où on utilise des granules de
bois. On en fait la «compaction», puis on les utilise pour le
chauffage. Ça m'apparaît une avenue qui est drôlement
intéressante; on nous a même dit qu'il y avait des manques de
capacité. Mais je vais déborder pour aller un peu plus large,
parce qu'on vit à
l'heure de la globalisation. Lorsque je saute, moi, puis que je regarde
certains pays et certains continents, à l'heure actuelle, qui ont un
problème majeur de combustible, dont le bois, la matière ligneuse
a toujours été une source d'approvisionnement, puis ils n'ont pas
de pétrole, ils n'ont pas de gaz, comment ça se fait qu'on n'est
pas capables de développer un marché, pas en bois debout ou en
bois rond, mais au moins avec cette technologie-là, de granules,
d'utiliser ça, puis de transporter, de développer ce
marché-là à l'étranger? (20 h 50)
M. Séguin: Savez-vous ce qui est notre plus grand
problème pour venir à bout de vendre ce produit-là?
Présentez-vous avec 500 000 tonnes de bois dans un port dans la province
de Québec, puis vérifiez seulement les taux de transbordage, puis
vous allez voir que vous allez avoir votre réponse. C'est 3 fois plus
cher, le coût de manipulation dans les ports du Québec, que dans
n'importe quel port au monde. C'est une des raisons pour lesquelles on ne peut
pas vendre notre produit sur le marché international. Écoutez, il
y a beaucoup de gens qui l'ont regardé et vous parlez à des gens
qui l'ont étudié de très près. On ne peut pas le
manipuler, c'est nos ports qui nous coûtent trop cher. Ce n'est pas le
transport par bateau, parce qu'on vient à bout de sortir des prix qui
sont très compétitifs à ce niveau-là; c'est le
transbordage qui nous tue. Je crois qu'il va y avoir une solution à
ça, mais c'est un des grands problèmes.
M. St-Roch: J'imagine, oui, parce que, dans un cadre de politique
globale de développement régional, je pense, moi, qu'il y aurait
quelque chose à regarder là.
Une deuxième chose. Mon collègue de Laviolette y a
touché, à la page 7 de votre mémoire, concernant cette
problématique d'autosuffisance au niveau régional. Encore
là, lorsque je regarde des régions, lorsque je regarde le
phénomène de pointe qu'Hydro-Québec nous a
expliqué, qui est drôlement important, parce que c'est ça
qui, durant 300 heures par année, coûte énormément
cher, que je regarde des régions comme les vôtres, que je regarde
des villes aussi à proximité, moi, je me pose la question:
Pourquoi on ne pense pas aujourd'hui à développer un
système où on pourrait faire de la cogé-nération
avec l'aide de la biomasse pour produire de l'électricité? S'il y
a une ville alentour, on pourrait l'utiliser.
Et la vapeur, même s'il n'y a pas d'industrie... Je regarde, vous
mentionnez Hull; à chaque fois que je vais là, avec les
bâtisses qui sont là, au lieu d'installer une fournaise sur
chacune de ces bâtisses-là pour chauffer, pourquoi on ne serait
pas capable de faire de l'approvisionnement de vapeur urbaine? Est-ce que c'est
quelque chose qui serait utopique ou si c'est pensable qu'un jour on pourrait
approcher cette problématique-là de cette façon-là
qui vous permettrait aussi d'aller vers une suffisance et une
matière...
M. Séguin: Ça pourrait être une
possibilité, mais, au point de vue financier et rendement, c'est
toujours préférable d'avoir un gros utilisateur qui peut utiliser
un gros potentiel de vapeur près, lorsqu'on parle de
cogé-nération. Les chauffages urbains sont en opération,
normalement, de 3 à 4 mois par année, et vous allez avoir une
période où vous allez avoir des gros problèmes.
J'aimerais revenir sur un sujet. Vous avez soulevé la question du
coût de la production de l'alcool. Je ne suis pas un spécialiste
dans ça, mais je sais qu'il y a des centres de recherche à Ottawa
qui travaillent sur le projet et qu'il se fait des choses sur les nouvelles
technologies de production d'alcool. Je ne vais pas soulever des coûts,
mais je crois que la technologie est rendue en bas de 0,80 $ le litre.
M. St-Roch: Qui serait avantageuse comparée au
méthane parce que votre compétiteur pour la matière
première est le gaz naturel.
M. Séguin: Oui, oui, je suis d'accord. Je sais qu'au
centre de sylvichimie ils ont un projet présentement à ce
niveau-là et Forintek aussi, ils sont en train de faire des
développements avec NRC sur ce sujet-là. Moi, je crois qu'il faut
continuer à fournir les efforts nécessaires et on ose
espérer qu'on approche de la solution.
M. St-Roch: Je suis d'accord avec vous, parce que la recherche et
le développement, c'est le futur.
Le Président (M. Audet): Merci, c'est terminé,
malheureusement. C'est déjà tout, M. le député.
M. St-Roch: J'avais...
Le Président (M. Audet): Non, non, ça fait
plusieurs fois. C'est déjà tout, M. le député.
M. St-Roch: ...juste une petite question.
Le Président (M. Audet): Alors, messieurs, au nom des
membres de la commission, je vous remercie de votre présentation.
Nous allons suspendre 2 minutes...
M. Séguin: C'est nous qui vous remercions.
Le Président (M. Audet): ...afin de permettre à
l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec de
prendre place.
(Suspension de la séance à 20 h 54)
(Reprise à 20 h 56)
Le Président (M. Bordeleau): Nous avons
présentement l'Association des constructeurs de routes et grands travaux
du Québec. Alors, je vous rappelle les règles: vous avez 20
minutes pour faire votre présentation et ensuite il y aura une
période de questions parta-
gée également entre l'Opposition et le parti
ministériel, et le député de Drummond, s'il veut exercer
son droit. Je vous demanderais de faire la présentation des personnes
qui vous accompagnent et de procéder à la présentation de
votre mémoire.
Association des constructeurs de routes et grands
travaux du Québec (ACRGTQ)
M. Richard (Gabriel): Alors, merci, M. le Président. Mme
la ministre, MM. les députés, il me fait plaisir de vous
présenter, à ma droite, M. Bernard Brassard, qui est le
président du conseil d'administration de l'Association des constructeurs
de routes et grands travaux du Québec et directeur général
de la Compagnie asphalte Itée. À ma gauche, M. Richard
Gagné, qui est vice-président du conseil d'administration de
notre association et vice-président d'Entreprises Bon Conseil
Itée. Et je suis Gabriel Richard, le directeur général de
l'Association.
Notre Association, que vous connaissez probablement, existe depuis
près de 50 ans. En fait, nous fêterons notre 50e anniversaire l'an
prochain. Nous regroupons sur une base volontaire quelque 600 entrepreneurs du
domaine de la construction et des fournisseurs de biens et services qui
oeuvrent dans le domaine des travaux de génie civil, de voirie et de
transport de l'énergie, dont ils exécutent environ 90 % du volume
total octroyé à l'entreprise privée.
Les membres de l'ACRGTQ exécutent la plupart des travaux du plan
de développement d'Hydro-Québec et oeuvrent pour le compte de la
Société d'énergie de la Baie James. Ils ont acquis une
solide expérience relative aux travaux d'aménagement
hydroélectrique lors de la réalisation de la phase I de la Baie
James et participent à l'exécution des projets actuels de la
phase II. Ces mêmes entrepreneurs seront appelés à mettre
en oeuvre les moyens de production d'électricité qui seront
choisis par Hydro-Québec dans le cadre de son prochain plan de
développement, que ces moyens comportent des centrales
hydroélectriques, nucléaires ou thermiques. Les activités
et les orientations d'Hydro-Québec concernent donc directement les
entreprises de construction que notre association regroupe, et nous vous
remercions pour nous avoir accordé le privilège de vous
présenter notre point de vue.
La proposition de plan de développement 1993-1995
d'Hydro-Québec comprend une multitude d'études, de
considérations et de propositions visant à fournir aux
Québécois l'énergie électrique qui leur sera
nécessaire, dans l'intérêt public. Nous nous limiterons
à traiter des sujets qui nous semblent essentiels pour l'acceptation de
ce plan. Nos premiers commentaires porteront sur les besoins
d'électricité du Québec. Nous poursuivrons en exprimant
notre point de vue sur les moyens les mieux appropriés pour satisfaire
ces besoins. Nous ferons valoir les retombées économiques de nos
choix, dans l'intérêt supérieur des
Québécois, et nous aborderons brièvement l'environnement
et les études d'impact.
Le chapitre 6 du plan de développement 1993 d'Hydro-Québec
porte sur la prévision de la demande d'électricité, qui
est basée sur les perspectives démographiques, économiques
et énergétiques. Les perspectives sont abondamment
exposées et motivées. Elles constituent des
éléments déterminants de l'évolution
prévisible de la demande d'électricité au Québec.
Dans son évaluation Hydro-Québec a considéré
particulièrement 3 facteurs qui nous semblent fort
appropriés.
Premièrement, les perspectives sont souvent des hypothèses
et Hydro-Québec en avait fait dans son plan de développement
1990. L'expérience des 3 dernières années lui a permis de
les améliorer et de leur conférer beaucoup plus de
crédibilité.
Deuxièmement, Hydro-Québec propose de reconduire son
objectif de 9,3 TWh d'économie d'énergie à l'horizon 2000,
selon le tableau 6.18.
Troisièmement, les besoins prioritaires sont modifiés
à peu près selon la même tendance que les ventes
d'électricité régulière. Le tableau 4.12
présente la comparaison avec le plan 1990-1992. (21 heures)
Même si ces facteurs confèrent énormément
plus de crédibilité aux prévisions, il subsiste des
incertitudes et c'est pourquoi Hydro-Québec a élaboré 3
scénarios: le scénario moyen et ceux d'encadrement, le fort et le
faible, rapportés aux tableaux 6.15 à 6.25.
Nous soumettons respectueusement qu'il faut tenir compte des
incertitudes pour adopter le scénario qui permettra à
Hydro-Québec de répondre aux besoins d'électricité
des Québécois. Les principales incertitudes sont les suivantes:
premièrement, l'évolution des taux d'intérêt;
deuxièmement, le taux de croissance annuelle du produit intérieur
brut québécois; troisièmement, l'efficacité du
programme d'économie d'énergie; les prix du gaz et du
pétrole; la rigueur de nos prochains hivers; les catastrophes ou les
avaries aux équipements actuels de production dont plusieurs sont
âgés et d'autres douteux. si la prudence devenait
l'élément prédominant du choix, il faudrait opter pour le
scénario fort. cependant, le scénario moyen nous apparaît
suffisamment fondé, au moins durant les 3 prochaines années, pour
en suggérer l'adoption. et, en conséquence, selon les
données du tableau 6.19, nous recommandons que les besoins prioritaires,
après interventions, soient prévus à 32 480 mw en 1995, 35
760 mw en l'an 2000 et 38 190 en l'an 2005. ces prévisions signifient
une croissance annuelle moyenne de 2,08 % entre 1992 et 2005. selon les
prévisions du ministère de l'énergie et des ressources, la
croissance annuelle moyenne devrait être de 2,3 % entre 1991 et 2001 ou
encore de 1,6 % entre 1991 et 2011, tel qu'annexé en 2 de notre
mémoire. alors, vous voyez que les prévisions du ministère
de l'énergie sont, en moyenne, près du 2,08 % du scénario
moyen d'hydro-québec.
Quels sont les moyens de production? En 1992, la puissance nominale du
parc d'équipement hydraulique d'Hydro-Québec s'élevait
à 26 080 MW. S'ajoutent l'achat de la majeure partie de la production de
la centrale de Churchill Falls, soit 4300 MW, la part de la
centrale nucléaire de Gentilly pour 685 MW et de centrales de
turbines à gaz produisant 1071 MW. En 1992, Hydro-Québec pouvait
donc répondre à des besoins totaux de quelque 32 136 MW. Au cours
des prochaines années, Hydro-Québec ajoutera à son parc
d'équipements les centrales de LG 1, LA 1, LA 2, Brisay et EM 1, pour
une puissance additionnelle de 3265 MW. Il devient donc évident, selon
le scénario moyen, qu'Hy-dro-Québec sera en mesure, avec l'ajout
d'environ 300 MW en moyens divers additionnels, de répondre aux besoins
électriques des Québécois jusqu'à l'an 2000 qui,
comme on le disait tout à l'heure, sont de l'ordre de 35 760 MW.
L'objet actuel de nos préoccupations dans le cadre du plan de
développement 1993 devient donc la satisfaction de la demande
prévue au cours des 5 années suivantes à l'an 2000 qui
augmentera successivement pour atteindre 38 190 MW en 2005. Compte tenu des
délais de 8 à 10 ans pour la mise en oeuvre des
équipements de production, il est donc nécessaire de
prévoir prochainement le démarrage de nouveaux moyens et quels
sont les ajouts de moyens de production que nous pouvons préconiser.
Dans son plan de développement 1993, HydroQuébec rapporte
ses nombreuses consultations auprès de 75 groupes et de 5
communautés autochtones. Une dizaine de scénarios ont alors
été élaborés par HydroQuébec en vue de
planifier l'orientation stratégique de l'entreprise de l'an 2000. Compte
tenu des réactions suscitées lors des consultations,
Hydro-Québec a retenu 5 options et en commente 5 combinaisons, tel
qu'annexé en 3 de notre mémoire. Nous croyons que la combinaison
optimale d'options est la suivante: économies d'énergie, 9,3 TWh
en l'an 2000; ajout de cogénération, 440 MW; filière
hydroélectrique, ajout à partir de l'an 2000, et filière
éolienne, 500 MW en l'an 2000.
L'option de la cogénération est réalisable compte
tenu des nombreux projets déjà identifiés par
HydroQuébec pour répondre à des besoins à moyen
terme et dont le prix de revient est inférieur à 0,052 $ du
kilowattheure, en dollars de 1992. Il faudra cependant construire des centrales
qui éviteront de polluer l'air, selon différents articles dans
les journaux et annexés en 4 de notre mémoire.
La filière éolienne doit être
développée puisqu'elle n'entraîne aucune pollution qui
puisse diminuer la qualité de l'air, de l'eau ou du sol. Les
éoliennes ont cependant des limitations quant à leur utilisation
et à la constance de leur production d'énergie électrique,
dépendant, bien sûr, de la force du vent. Il est nécessaire
de leur ajouter une source d'appoint pour garantir l'approvisionnement. Un
tandem éolien-hydraulique est alors envisageable pour un prix de revient
de l'ordre de 0,057 $ du kilowattheure.
Quant aux centrales nucléaires et thermiques, nous partageons
l'avis de la plupart des groupes consultés. Nous croyons, dans le cadre
du présent plan de développement 1993, qu'il n'est pas opportun
de privilégier ces filières. Les centrales nucléaires ont
été choisies par Hydro Ontario qui se retrouve aujourd'hui dans
une situation déplorable, selon de nombreux reportages dans les journaux
annexés en 5 de notre mémoire.
Les motifs invoqués par Hydro-Québec au chapitre 3 sont
abondants et suffisants, de sorte que la filière hydraulique est
nettement plus avantageuse tant du point de vue environnemental
qu'économique. Étant donné la grande intégration de
l'hydroélectricité dans la structure économique du
Québec et ses avantages marqués sur les autres filières,
nous sommes persuadés que cette option doit être retenue.
Les centrales hydroélectriques sont réparties en fonction
de leur taille en 3 catégories: de grande envergure lorsque la puissance
excède 100 MW, de moyenne envergure lorsque de 25 MW à 100 MW et
de petite envergure lorsque de moins de 25 MW. Selon HydroQuébec, il
apparaît qu'une faible proportion du potentiel techniquement
réalisable des centrales de petite envergure, qui est
évalué au total à 1500 MW, pourra être
aménagée de façon économique. Les centrales
hydroélectriques de moyenne envergure pourraient constituer un
complément à celles de grande envergure, en raison, entre autres,
des courts délais de construction, environ 4 ans. Toutefois,
Hydro-Québec n'envisage pas de mettre en service la plupart de ces
centrales avant l'an 2 000, étant donné l'état
d'avancement des études et le temps requis pour la consultation des
populations touchées et l'obtention des autorisations
gouvernementales.
Il ne reste donc que les centrales de grande envergure pour
répondre à l'augmentation de quelque 2000 MW des besoins des
Québécois des années 2001 à 2005, en tenant compte
de l'apport des éoliennes, comme nous en discutions
précédemment. Et il faudra, très rapidement,
démarrer le projet de Grande-Baleine ou ceux du Haut-Saint-Maurice, de
Sainte-Marguerite et d'Ashuapmushuan, selon le tableau 10, à l'annexe 6
de notre mémoire.
Les conclusions de notre étude sur les moyens de production nous
portent donc à partager essentiellement celles d'Hydro-Québec que
l'on retrouve aux pages 82, 83 et 84 de sa proposition de plan de
développement, jointes à l'annexe 7 de notre mémoire.
Enfin, pour compléter ce chapitre, soulignons que nous n'avons pas tenu
compte du potentiel d'exportation qui, pourtant, servirait
l'intérêt supérieur des Québécois. Nous
traiterons de ce sujet dans la prochaine partie.
Le chapitre 4 du plan de développement porte sur la contribution
au développement économique du Québec. D'autres
données sur les retombées économiques sont
rapportées au chapitre 3 sur les moyens de production. En annexe 8 de
notre mémoire, nous incluons les tableaux les plus pertinents pour
prévoir les conséquences du plan de développement
d'Hydro-Québec dans l'économie québécoise. Il est
bien évident que la production hydroélectrique est une
activité bien intégrée à la structure
économique québécoise, requérant d'importantes
ressources humaines et matérielles. Il est bien évident que
l'option de l'hydroélectricité est celle qui offre le plus
d'avantages économiques aux Québécois.
Nous avons particulièrement étudié le projet de
Grande-Baleine dont le coût de revient, incluant le
réseau de lignes de transport d'énergie, est estimé
à 13 100 000 000 $, en dollars de 1992. Les emplois directs totaliseront
26 000 personnes-année, dont 14 600 sur les chantiers. À ceux-ci
s'ajouteront plus de 22 000 personnes-année en emplois indirects.
À la pointe des travaux, près de 5000 hommes et femmes seront
à l'oeuvre sur les sites des travaux, soit 5 % de l'ensemble des
travailleurs de l'industrie de la construction, en nous basant sur les 100 000
enregistrés à la Commission de la construction. C'est beaucoup
plus en pourcentage si on tient compte des 70 000 qui sont actuellement en
activité. (21 h 10)
La masse salariale des ouvriers, pour Grande-Baleine toujours, sera de
l'ordre de 4 000 000 000 $. Les achats au Québec de matériel, de
matériaux et d'équipements totaliseront probablement le
même montant. Encore plus, tout dollar investi dans la construction
entraîne 0,85 $ dans l'industrie connexe: transport, hôtellerie,
restauration, vêtements, meubles, habitation, etc. Enfin, les salaires
versés et les taxes de vente perçues sur les biens et services
procurent à nos instances gouvernementales des recettes fiscales
essentielles pour répondre aux besoins des Québécois et
des autochtones. Nous estimons que ces recettes correspondent au moins à
33 % des investissements. Pour Grande-Baleine seulement, le tiers de 8 000 000
000 $, c'est 2 700 000 000 $. Pouvons-nous nous en passer quand nous avons tant
de déficit? Pouvons-nous nous priver de ce que nous avons les moyens de
payer avec nos factures d'électricité, les moins chères en
Amérique du Nord?
Nous vous soumettons respectueusement que le projet de Grande-Baleine
doit être lancé de toute urgence. D'abord, nous en avons besoin
pour répondre aux besoins d'électricité des
Québécois de l'an 2000. Nous en avons besoin pour permettre
à nos entrepreneurs et à nos firmes d'ingénieurs-conseils
de maintenir leurs activités à un niveau convenable tout en
procurant de l'emploi aux Québécois. Ces entreprises pourront
alors poursuivre le développement de leur expertise et de leur
savoir-faire dans le domaine hydroélectrique. Nous en avons besoin pour
le développement économique du Québec et du Canada. Nous
en avons besoin pour avoir les moyens de satisfaire les autochtones et pour
avoir les moyens de protéger notre environnement.
Que se passe-t-il dans l'environnement social et territorial de la
Bosnie et de nombreux pays d'Afrique? Le Québécois doivent
exploiter leurs richesses naturelles comme le font les citoyens des autres
provinces et des autres pays. Ils ne peuvent, cependant, agir à
l'encontre de l'intérêt ou au détriment d'une partie de la
population qui pourrait en subir les inconvénients. Grâce à
l'expérience acquise depuis le début de la phase I de la Baie
James, nous sommes persuadés qu'Hydro-Québec et les entrepreneurs
possèdent les connaissances et les solutions pour minimiser les impacts
sur l'environnement des aménagements hydroélectriques, de
même que pour minimiser les impacts sociaux, culturels et
économiques chez les autochtones qui résident sur le territoire
immédiat et voisin des aménagements. Dans bien des cas, des
améliorations en ont résulté et peuvent en
résulter.
Enfin et à titre de conclusion à ce chapitre, il y a lieu
de considérer la prospérité technologique et
économique du Québec qui, via l'exploitation de notre ressource
naturelle, l'hydroélectricité, nécessite l'exportation.
Dans l'intérêt supérieur des Québécois, nous
vous recommandons d'ajouter au plan de développement
d'Hydro-Québec un objectif ou une sous-option d'exportation de 1500 MW
qui représentent environ 4 % de la production de notre
société d'État.
L'aménagement hydroélectrique du Nord du Québec a
débuté il y a près de 20 ans avec la phase I de la Baie
James. La plupart des impacts environnementaux et sociaux sont donc connus, de
même que des moyens éprouvés pour en atténuer les
conséquences nuisibles sur les populations autochtones, la faune et la
flore. 11 est bien évident que de solides études d'impact devront
être effectuées afin que les conséquences néfastes
soient réduites au plus strict minimum et que les conséquences
heureuses soient améliorées. Pour cela, nous recommandons que les
prochaines études d'impact reposent sur celles qui ont été
faites depuis la phase I de la Baie James et sur l'observation des
réalités environnementales des aménagements actuellement
en voie de construction. Elles devront, de plus, être
libérées des considérations hypothétiques et des
«externalités» lointaines; autrement, leur pertinence sera
ultérieurement contestée en période de crise
économique et des décisions seront prises sans que ces
études d'impact soient requises. Ainsi, ies décisions sur
l'avenir du Québec s'appuieront sur des faits et des expériences
vécues au lieu de considérations hypothétiques.
En conclusion, nous avons d'abord établi que les besoins
prioritaires des Québécois, après les interventions,
doivent être prévus à 32 480 MW en 1995, 35 760 MW en l'an
2000 et 38 190 en l'an 2005. Pour répondre à ces besoins, nous
proposons une combinaison optimale d'options comportant des économies
d'énergie de 9,3 TWh en l'an 2000, l'ajout de
cogénéra-tion pour 440 MW, la filière éolienne pour
500 MW, la filière hydroélectrique via l'ajout, à partir
de l'an 2000. du projet de Grande-Baleine ou encore de ceux du
Haut-Saint-Maurice, de Sainte-Marguerite et d'Ashuapmus-huan ensemble.
Au chapitre III, nous nous sommes appliqués à justifier
économiquement notre choix d'options en nous inspirant de
Grande-Baleine. Et, en proposant un volet d'exportations de 1500 MW, nous nous
croyons bien fondés de proposer la mise en oeuvre de ce projet dans les
plus brefs délais.
Enfin, touchant l'environnement, nous recommandons que les prochaines
études d'impact reposent sur des faits et des expériences
vécues au lieu de considérations hypothétiques et
d'«externalités» lointaines. Nous vous remercions.
Le Président (M. Audet): Merci beaucoup. Mme la ministre
de l'Énergie et des Ressources.
Mme Bacon: Je voudrais vous souhaiter la bienvenue à notre
commission parlementaire et vous remercier de vous être
présentés devant nous, de nous présenter votre
mémoire et d'accepter de répondre à toutes les
questions.
Votre association a participé à toutes les consultations
organisées par Hydro-Québec et on a eu certains commentaires,
ici, au niveau de cette commission. Moi, j'aimerais savoir si vous avez
trouvé satisfaisant ce genre de consultation qui a été
faite par Hydro-Québec. Est-ce que c'est concluant, d'après
vous?
M. Richard (Gabriel): Oui, Mme la ministre. Premièrement,
nous avons trouvé qu'Hydro-Québec s'était vraiment
comportée comme une entreprise à l'écoute de toutes les
opinions des Québécois. Il y avait quelque 75 organismes qui ont
participé à ces consultations-là. Chacun des
représentants avait l'opportunité de présenter son point
de vue, d'expliquer tout ce qui l'inquiétait ou tout ce qu'il voulait.
Et Hydro-Québec a fait tout son possible, je pense, pour tenir compte de
tous ces points de vue là. C'est comme ça qu'elle est
arrivée à proposer divers scénarios, 5, et d'autres
options, en tenant compte des opinions de tous les intervenants.
Mme Bacon: Vous les retrouvez dans le plan de
développement.
M. Richard (Gabriel): On en retrouve dans le plan de
développement. Quand on pense à la filière
éolienne, à la cogénération, aux observations des
gens sur le nucléaire ou les turbines à gaz, on s'aperçoit
qu'Hydro-Québec en a tenu compte.
Mme Bacon: La plupart des travaux de construction prévus
au plan de développement d'Hydro-Québec seront
exécutés, évidemment, par des membres de votre
association, et votre mémoire mentionne aussi que ce serait
également le cas pour des centrales nucléaires ou thermiques.
L'éloignement des centrales hydroélectriques nécessite,
évidemment, des lignes de transport qui ne sont pas requises pour des
équipements thermiques de puissance comparable. Cette
différence-là mise à part, les retombées
économiques des équipements hydroélectriques, est-ce
qu'elles sont plus importantes que celles des autres filières de
production pour les membres de votre association?
M. Richard (Gabriel): Pas uniquement pour les membres de notre
association, mais pour tous les Québécois. La filière
hydroélectrique occasionne des achats au Québec de l'ordre de 85
% de tous les investissements, tandis que la filière nucléaire
occasionne des achats à l'extérieur du Québec. Il faut
aussi penser que, si on allait du côté du nucléaire, durant
l'exploitation, après ça, il faut acheter de l'eau lourde qu'on
n'a pas au Québec. Il faut acheter l'uranium qui ne provient pas du
Québec, non plus. Alors, ça voudrait dire qu'avec nos factures
d'électricité nous aiderions les autres provinces à
prospérer économiquement, un peu comme c'est le cas du gaz.
Maintenant, je voulais vous souligner aussi que nous avons, bien
intentionnellement, indiqué que les membres de l'Association les
construiraient, les centrales, qu'elles soient nucléaires, thermiques ou
hydroélectriques, pour vous indiquer que nous n'avons pas de parti pris
là-dedans. Ce que nous vous indiquons, c'est ce que nous croyons
être l'intérêt supérieur des Québécois.
Si nous avions un parti pris, nous vous suggérerions de construire des
centrales thermiques ou nucléaires, entre Montréal et
Québec, le long du Saint-Laurent. Ce serait beaucoup plus
agréable que d'aller travailler à Grande-Baleine.
Mme Bacon: C'est moins froid que le Grand-Nord. À votre
connaissance, est-ce que les exigences imposées par Hydro-Québec
aux entrepreneurs en matière de protection de l'environnement, c'est une
pratique courante de la part de vos autres clients et est-ce que ça
s'applique aussi dans d'autres provinces canadiennes? Par l'association des
contracteurs, est-ce que vous pouvez le savoir? (21 h 20)
M. Gagné (Richard): Je pourrais peut-être
répondre. Ma compagnie est personnellement impliquée beaucoup
dans les travaux de développement hydroélectrique sur le
territoire de la Baie James. Moi, je peux dire qu'autant Hydro-Québec
que la Société d'énergie de la Baie James sont, à
mon esprit, très à Pavant-garde au niveau des exigences
environnementales. Probablement que les expériences passées,
l'implication de beaucoup de groupes autochtones forcent des études
d'impact plus poussées. On travaille dans plusieurs domaines. Notre
compagnie fait à peu près tous les genres de travaux et à
peu près n'importe où au Québec, puis je peux
témoigner qu'effectivement il y a une différence marquée.
Je pense que, sur le territoire de la Baie James, on exige des entrepreneurs...
On met des critères très importants au niveau du respect de
l'environnement au niveau des développements. Je donne juste un exemple
au niveau des bancs d'emprunt. La société d'énergie fixe
des paramètres pour qu'un entrepreneur aille à des endroits
très précis pour les bancs d'emprunt et n'en développe pas
n'importe où. On ne peut pas se servir de sites d'enfouissement
n'importe où. Les métaux, les huiles usées, etc., doivent
être sortis du territoire. Autant de mesures qui font qu'on pense que
l'environnement est extrêmement bien respecté de ce
côté-là.
À l'extérieur du Québec, bien, je ne suis pas en
mesure de répondre puisque je n'y vais pas. Je ne sais pas si...
M. Richard (Gabriel): Moi, je peux... Mme Bacon: Oui,
allez.
M. Richard (Gabriel): ...vous répondre parce que nous
avions participé au projet de Revelstoke, en Colombie-Britannique, qui
était un projet de
400 000 000 $, et il n'y a pas de différence en ce qui concerne
les exigences sur l'environnement.
Mme Bacon: C'est la même chose, c'est les mêmes
exigences.
L'Association est tout à fait en faveur, évidemment, de la
filière hydroélectrique en raison de ses retombées
économiques et particulièrement à cause de son
intégration à toute notre structure industrielle. Vous proposez
aussi, toutefois, de recourir à la filière éolien-ne
jusqu'à concurrence de 500 MW en l'an 2000, suivant votre
mémoire. Est-ce que vous considérez cette proposition-là
comme une expérience à réaliser ou plutôt s'il
s'agit là d'une filière qui doit vraiment être
développée au Québec? La voyez-vous sous forme
d'expérience, quand vous parlez de vos 500 MW, ou s'il faut vraiment y
aller, à l'éolienne?
M. Richard (Gabriel): Nous pensons qu'il faut vraiment y aller
parce que des expériences ont été faites. Il y a eu des
expériences faites en Californie où il y a beaucoup
d'éoliennes qui sont en opération. Il y a d'autres
expériences qui ont été faites sur l'île d'Anticosti
et, comme nous vous le disons dans notre mémoire, les éoliennes
n'affectent pas la qualité de l'air, de l'eau ou du sol. Alors,
où il y a des régions...
Mme Bacon: Elles polluent la vue. M. Richard (Gabriel):
Pardon? Mme Bacon: Elles polluent la vue.
M. Richard (Gabriel): Elles polluent la vue. Justement ce que
j'allais vous dire.
Mme Bacon: II y a des gens qui nous ont fait faire une
sous-fluviale, si vous vous rappelez...
Des voix: Ha, ha. ha!
Mme Bacon: ...parce qu'ils ne veulent pas avoir une vision
polluée par des tours.
M. Richard (Gabriel): II y a des régions où
ça ne fait rien parce qu'il n'y a pas de personnes dans le voisinage.
Alors, dans ces régions-là qui n'ont pas de personnes...
Mme Bacon: Vous verriez ça dans les régions
spéciales, pas partout, vous ne voyez pas ça sur tout le
territoire.
M. Richard (Gabriel): Non, non, pas partout. Ça prend des
régions où il n'y a pas de riverains et ça prend des
régions où le vent est fort et constant le plus possible.
Mme Bacon: Vous pouvez en nommer, monsieur?
M. Richard (Gabriel): Près de l'île d'Anticosti, sur
la Côte-Nord ou près des Îles-de-la-Madeleine.
Mme Bacon: II y en a déjà une aux
Îles-de-la-Madeleine.
M. Richard (Gabriel): Oui.
Mme Bacon: Votre mémoire souligne qu'il faut tenir compte
des incertitudes pour retenir un scénario qui pourrait permettre
à Hydro-Québec de répondre aux futurs besoins en
électricité. Est-ce que vous pourriez élaborer davantage
sur ce terme d'incertitude, vous en parlez dans votre mémoire, ou
peut-être préciser votre vision sur l'évolution de certains
facteurs qui aura un impact sur la demande d'électricité? Parce
que vous parlez d'incertitudes dans votre mémoire.
M. Richard (Gabriel): D'accord, Mme la ministre. Ce que nous
voyons et nous en avons déjà parlé à la
commission parlementaire précédente, en 1990 quand on
parle de l'évolution des taux d'intérêt, c'est une
incertitude importante. Bien, imaginez pour l'instant que les taux
d'intérêt demeurent bas, baissent à 5 % et que ça y
demeure encore pendant 5 ans. Alors, qu'est-ce que ça va faire si les
taux d'intérêt deviennent si bas? Ça va
éventuellement encourager les gens à acheter de nouvelles maisons
et plus il y aura de nouvelles maisons de construites, plus il y aura de
demande d'électricité à Hydro-Québec. De la
même façon, si les taux d'intérêt augmentaient, bien,
ce serait l'effet contraire et ça pourrait diminuer la force de...
Mme Bacon: De la demande.
M. Richard (Gabriel): ...de la demande. Le taux de croissance du
PIB, c'est la même chose. Si, pour une raison et on espère
que ça va arriver rapidement parce que ça fait trop longtemps que
la récession dure la récession arrête et qu'il y a
une reprise économique, comme on pense que ça va arriver au
Québec et au Canada d'ici l'an 2000, c'est possible que le
PIB...
Mme Bacon: J'espère avant, M. Richard.
M. Richard (Gabriel): D'ici l'an 2000, Mme la ministre.
Mme Bacon: La récession, j'espère que ça va
finir avant.
Le Président (M. Audet): Merci...
M. Richard (Gabriel): Si le PIB augmente, bien sûr,
ça va occasionner, encore là, différentes dépenses
de maisons, de commerces, d'industries, etc.
Mme Bacon: Et avec l'immigration aussi. L'immigration
amène la construction de nouvelles maisons. On prévoit 350 000
nouvelles maisons à cause de l'im-
migration, dans les années qui viennent.
M. Richard (Gabriel): Bien oui. Alors, c'est une autre
incertitude. L'efficacité du programme d'économie
d'énergie... Il est fort, le programme d'économie
d'énergie d'Hydro-Québec, à 9,3 TWh. C'est vrai qu'on
bénéficie...
Mme Bacon: Vous le trouvez ambitieux, M. Richard?
M. Richard (Gabriel): Je le trouve ambitieux. C'est vrai qu'on
bénéficie d'un peu d'expérience au cours des 3
dernières années, mais il faut vraiment avoir beaucoup confiance
pour croire qu'il y aura 9,3 TWh d'économie d'énergie. Je pense
que ça se peut que les gens deviennent fatigués des petits
pommeaux de douche et d'utiliser des petites lampes et qu'ils décident
de revenir ou de se dire: Pourquoi travaillons-nous, ne serait-ce que pour
avoir un peu de confort et d'agrément chez soi?
Le Président (M. Audet): Merci. M. le député
de Laviolette.
M. Jolivet: Merci d'être présents à cette
commission. Vous avez dit que vous n'aviez pas de parti pris quant à la
sorte d'énergie à utiliser, nucléaire ou autre, mais il y
en a au moins un parti pris que vous avez, c'est sur le fait que vous voulez
avoir des travaux. Je peux vous dire ça.
M. Richard (Gabriel): Absolument, monsieur, mais...
M. Jolivet: Non, je ne veux pas vous en blâmer. Je voulais
juste faire une petite farce en passant. Mais il y a une chose qui m'a fait
sursauter, tout à l'heure. Vous me permettrez de le noter dès le
départ. C'est à la page 19. Vous dites: Nous en avons besoin pour
permettre à nos entrepreneurs, etc., de travailler. «Nous en avons
besoin pour avoir les moyens de satisfaire les autochtones et protéger
notre environnement. Que se passe-t-il dans l'environnement social et
territorial de la Bosnie et de nombreux pays d'Afrique?» Je n'ai pas
compris votre allusion. Je peux l'imaginer, mais je ne la comprends pas, dans
le texte. J'aime autant vous le dire comme je le pense.
M. Richard (Gabriel): Bien, j'aime ça avoir des questions
claires. Je vais essayer de vous l'expliquer dans d'autres mots. Ce que nous
croyons, parce que nous sommes, je crois, de bons Québécois...
Nous aimons notre province de Québec et nous aimons notre environnement.
Nous voulons protéger notre environnement et l'améliorer, mais
nous sommes réalistes. Nous savons que, pour protéger notre
environnement et l'améliorer, il faut en avoir les moyens. Si on
continue, année après année, à accumuler les
déficits comme nous le faisons, nous n'aurons plus les moyens de penser
à notre environnement. Nous allons être préoccupés
par les demandes des gens en éducation, en santé, en
bien-être social, etc., et nous allons négliger notre
environnement. Si nous continuons à accumuler déficit par-dessus
déficit, on va arrêter de prospérer et nous allons devenir
aigris, nous allons devenir malheureux. La moindre petite chose pourra
provoquer des chicanes, même allant plus loin que ça. Alors, quand
on sera rendus là, l'environnement, ce sera comme celui-là de la
Bosnie. Quand on sera rendus pauvres, l'environnement, ce sera comme
celui-là des pays d'Afrique. Ici, au Québec, rappelez-vous qu'on
s'est déjà fait dire, il y a quelques années, qu'on
était une république de bananes parce que notre réseau
routier était en piteux état. Si...
M. Jolivet: II n'est pas mieux, non plus, encore.
M. Richard (Gabriel): II s'améliore, mais ajoutez à
cela qu'on manque d'électricité et qu'il y a toutes sortes
d'autres problèmes, on va en être vraiment une république
de bananes, si on continue à accumuler des déficits. C'est
à ça qu'on veut vous faire penser, qu'il faut prospérer
économiquement pour sortir de ces grands déficits-là.
M. Jolivet: Et vous croyez qu'à ce moment-là un des
moyens, c'est de construire... Je prends, à la page 24, votre
conclusion, mais c'est un peu partout, disant et vous avez
terminé par ça que vous ne vous fiez pas sur les
économies d'énergie à cause de la fatigue que pourraient
avoir les Québécois, etc. Mais il y a beaucoup de gens qui sont
venus nous dire que l'objectif, justement, qu'Hydro-Québec s'est mis,
elle l'a réduit, l'a réduit, l'a réduit, là, mais
qu'il y aurait certainement moyen... Et il y a des groupes qui sont venus du
SaguenayLac-Saint-Jean, la région qu'ils disent pilote au niveau
de l'économie d'énergie, nous dire qu'il y a beaucoup de choses
qui pourraient être faites qu'on ne fait pas parce que, dans le fond, on
ne regarde qu'une source d'énergie qui représente 40 % des
sources d'énergie qui est l'hydroélectricité. Dans ce
contexte-là, si on avait à regarder l'ensemble de toutes les
autres sources d'énergie et les économies d'énergie qu'on
pourrait faire, fort probablement qu'on utiliserait moins de kilowatts au
Québec et, dans ce contexte-là, on n'aurait peut-être pas
besoin d'en construire, comme vous le dites, en termes de mégawatts en
l'an 1995 ou en l'an 2000 ou en l'an 2005. Est-ce que vous croyez que c'est
peine perdue que de se fier sur l'économie d'énergie pour
diminuer nos besoins, parce que les gens disent que même
Hydro-Québec souffle les besoins hydroélectriques à venir?
(21 h 30)
M. Richard (Gabriel): Nous sommes loin de croire que c'est une
cause perdue. Nous vous disons, dans notre mémoire, que nous acceptons
9,3 TWh d'économie d'énergie.
M. Jolivet: Mais vous savez qu'Hydro-Québec ne l'atteint
jamais, puis elle le recule d'année en année.
M. Richard (Gabriel): Nous disons simplement qu'il y a une
incertitude quant à cet objectif-là de 9,3 TWh. C'est ambitieux.
Il faut faire attention quand on fait des prévisions parce que la
décision qu'on n'aura pas prise il y a 10 ans, il va être trop
tard, après, pour la prendre, puis ce qui va se produire, c'est qu'on va
en manquer, d'électricité, au Québec.
Maintenant, pour votre question quant aux formes d'énergie,
ça n'a pas rapport aux kilowattheures ou aux térawattheures.
M. Jolivet: Non, mais, si j'utilise d'autres formes
d'énergie, je n'utiliserai pas, à ce moment-là, de
l'électricité, si je transforme ma maison avec du gaz naturel, du
mazout ou des choses semblables. Vous savez, quand on a fait le programme
d'électrifier sa maison, ça a fait en sorte qu'il y a des gens
qui ont tout enlevé leur système de «ducts», comme on
dit, de transmission de la chaleur par ces couloirs-là qui venaient de
la fournaise, puis il n'y a plus rien, aujourd'hui. Alors, beaucoup de gens
sont venus nous dire qu'il va falloir qu'on pense davantage à la
nouvelle maison. Vous parlez de nouvelles gens qui vont pouvoir acheter parce
qu'ils vont travailler davantage si la récession se termine. Les
immigrants qui arrivent, ils vont devoir acheter une maison et la tendance
serait à le faire à une énergie double, triple même,
dans certains cas, plutôt que d'avoir juste l'électricité.
Alors, est-ce que, à ce moment-là, ces utilisations de ces autres
énergies empêcheraient l'augmentation que vous prévoyez
comme étant de 38 190 MW en l'an 2005?
M. Richard (Gabriel): Non. Ça n'a aucune...
M. Jolivet: Vous croyez que, malgré tout ça, ils
vont en avoir besoin.
M. Richard (Gabriel): Ah! Ils vont en avoir besoin. On a dit
qu'il manquerait 2000 MW à partir de l'an 2000. Que l'énergie
provienne du nucléaire, du gaz ou de l'hydroélectricité,
il va toujours en manquer 2000 MW. Il va en manquer 1500 de plus si on veut
faire de l'exportation, puis il va en manquer plus si on s'est trompé
dans nos prévisions. Mais ce que nous vous disons, c'est que, dans
l'intérêt supérieur des Québécois, il ne faut
pas préconiser des formes d'énergie qui font en sorte qu'avec nos
factures d'électricité on envoie notre argent en Alberta ou en
Arabie Saoudite. On va aider les autres provinces, les autres pays à se
sortir de la récession économique, puis, nous, on va rester
Gros-Jean comme devant. On vous dit: Si on veut que l'argent reste au
Québec, bien, préconisons l'énergie
hydroélectrique.
M. Jolivet: Fermons le pipeline de gaz naturel.
M. Richard (Gabriel): Ah! J'irais jusqu'à dire ça,
mais on n'a pas besoin de dire ça parce que, actuellement,
l'équilibre est bon. Alors, quand l'équilibre est bon, gardons-le
comme ça. Mais, dorénavant, conti- nuons à
préconiser l'énergie hydroélectrique dans
l'intérêt des Québécois.
M. Jolivet: Vous parlez, à la page 15 et à la page
20, de l'exportation en disant, à la page 15: «Enfin, pour
compléter ce chapitre, soulignons que nous n'avons pas tenu compte du
potentiel d'exportation qui, pourtant, servirait l'intérêt
supérieur des Québécois.» Et, si vous allez à
la page 20: «Enfin, et à titre de conclusion à ce chapitre,
il y a lieu de considérer la prospérité technologique et
économique du Québec qui, via l'exploitation de notre ressource
naturelle l'hydroélectricité, nécessite
l'exportation.»
Là, je vais répondre en même temps à une
question qui a été posée cet après-midi parce que,
la semaine passée, il y a un groupe qui est venu, avec le maire LeBlanc
qui représente tout le bassin de la rivière Saint-Maurice et
disait ceci: Je vous donnerai juste un exemple. Le président de Stone
Consol nous disait dernièrement: On a une usine, entre autres, dans un
des États limitrophes du Canada, aux États-Unis, et on paie
l'électricité moins cher là, alors qu'Hydro-Québec
vend de l'électricité à cet État de la
Nouvelle-Angleterre, que l'on paie au Québec. Donc, il dit: Faites-vous
une idée. Nous, on veut continuer à travailler ici, mais il
faudrait se faire une idée, au Québec. Est-ce qu'on va continuer
à investir ici alors que, nous, on produit de
l'électricité et que nos compagnies multinationales la paient
moins cher dans le pays voisin, à partir de notre propre
hydroélectricité?
Donc, est-ce que vous êtes sûrs... Parce que, là,
moi, j'ai posé la question et j'attends les réponses avec des
exemples bien typiques, justement pour répondre au député
de LaFontaine, cet après-midi, de l'Association des industries
forestières du Québec qui va nous donner des exemples
d'industries au Québec, puis d'industries dans les États
limitrophes américains, qui reçoivent notre
électricité venant de la Baie James et qui paient moins cher leur
électricité aux États-Unis que notre propre
électricité vendue à Grand-Mère ou à
Shawini-gan. Est-ce que vous avez été mis au courant de
ça? Est-ce que vous pensez que c'est réel de dire que
l'exportation, c'est notre panacée?
M. Richard (Gabriel): M. le député, j'ai
participé à toutes les tables de consultation
d'Hydro-Québec, comme Mme la ministre vous l'a dit tout à
l'heure. Alors, on en a entendu de toutes sortes. Hydro-Québec a dit et
redit à maintes reprises qu'elle ne vendait pas
l'électricité moins cher aux États-Unis qu'au
Québec. Il y a des cas particuliers. Je ne pourrais pas vous
répondre d'un cas particulier. Le prix peut vouloir dire quelque chose
dans ce cas-là parce qu'il est assorti à d'autres conditions.
Alors, quand les gens, ça fait leur affaire de dire quelque chose, ils
le disent à leur manière. Mais, en général,
Hydro-Québec exporte l'électricité et la vend à un
prix meilleur que celui-là au Québec.
Quand nous disons que c'est dans l'intérêt supérieur
des Québécois d'exporter notre richesse naturelle, nous parlons
comme les gens de toutes les autres pro-
vinces et de tous les autres pays. Je n'en connais pas qui n'exploitent
pas leurs richesses naturelles. J'arrive de San Francisco ou de la
région. Je suis allé dans Napa Valley, puis je vous jure que le
vin qui est produit là, il n'est pas tout consommé en Californie,
il est exporté. On prend du café... Vous le savez mieux que moi,
tous les pays essaient de profiter de leurs richesses naturelles pour
prospérer économiquement. Alors, pourquoi, au Québec, on
ne le ferait pas? Il faudrait que quelqu'un m'explique ça.
M. Jolivet: Prenons l'exemple, d'abord... Parce que, là,
vous parlez de choses qu'on consomme en les buvant, le vin. Prenez l'exemple de
l'aluminium, avec les contrats secrets qu'on a faits, ici, au Québec,
avec les 1 500 000 000 $ dont on parle, qui seront la perte dans les contrats
qui ont été signés. Dans ce contexte-là, on n'a
demandé à aucune compagnie de faire de la deuxième
transformation, de la troisième transformation au Québec.
À quelle place pensez-vous qu'on envoie notre énergie? On
fabrique ça avec notre électricité, on envoie ça
aux États-Unis, ils nous retournent le chaudron. Êtes-vous
capables d'expliquer ça, vous?
M. Richard (Gabriel): Encore une fois, c'est un cas particulier.
Je ne les connais pas, les cas particuliers. Si vous les connaissez, bien, il
faudrait le dire à Hydro-Québec, puis l'empêcher de faire
des choses comme ça.
M. Jolivet: Mais je vous pose la question.
M. Richard (Gabriel): Je vous dis qu'en principe... Est-ce que
j'ai tort, en principe, de dire que c'est à notre avantage d'exploiter
notre richesse naturelle?
M. Jolivet: Ce n'est pas ça que vous dites. Vous dites:
exporter.
Le Président (M. Audet): C'est terminé.
M. Richard (Gabriel): Exporter. Exploiter pour exporter.
M. Jolivet: Ah bien, c'est une autre question. On y
reviendra.
M. Richard (Gabriel): O.K.? C'est ça que je dis, que c'est
dans notre intérêt de faire ça.
Le Président (M. Audet): Merci. M. le député
de l'Acadie.
M. Bordeleau: Merci, M. le Président. J'aurais quelques
questions qui concernent le chapitre IV sur l'environnement et les
études d'impact. Alors, l'Association est d'avis que l'expérience
qui a été acquise avec l'aménagement de la phase I de la
Baie James permet maintenant de minimiser les impacts environnementaux, ainsi
que les impacts sociaux chez les autochtones. Vous dites, par ailleurs,
à la page 23, à la fin du chapitre, dans votre mémoire,
que les études d'impact à venir devraient «être
libérées des considérations hypothétiques et des
«externalités» lointaines, autrement leur pertinence sera
ultérieurement contestée en période de crise
économique». La question que j'aimerais vous poser, c'est: Est-ce
que l'Association pourrait préciser ce qu'elle entend par des
considérations hypothétiques ou des
«externalités» lointaines?
M. Richard (Gabriel): Oui, je peux vous en donner quelques
exemples. Quand je parle d'«externalités» lointaines, c'est
que, dans le projet de directives d'études d'impact sur Grande-Baleine,
on demande à Hydro-Québec de produire toutes sortes de
comparaisons avec ce qui se passe jusqu'en Colombie-Britannique. On demande,
dans un autre cas, d'établir les impacts de la réalisation du
projet de Grande-Baleine sur les familles des travailleurs
québécois qui résident à Montréal, à
Québec, à Chicoutimi, etc., sur les travailleurs mêmes. On
parle de vérifier la migration des oiseaux aux États-Unis. On le
sait bien que la migration des oiseaux aux États-Unis... Depuis que la
phase I de la Baie James est faite qu'on les voit se promener, les oiseaux. On
n'a pas besoin de refaire une nouvelle étude pour savoir ça. On
parle d'étudier le réchauffement de la planète. Tout le
monde sait que les centrales hydroélectriques ne réchauffent pas
la planète.
Alors, c'est ces choses exagérées là qu'on vous dit
dont les études d'impact devraient être débarrassées
pour qu'elles deviennent sérieuses et crédibles. Autrement, les
gens vont en avoir assez, puis ils n'en feront plus, d'études d'impact.
Ce ne sera pas moi qui vais prendre cette décision-là, ce sera
ceux qui vont nous suivre. Mais il faut que les études d'impact soient
réalistes. Puis on vous dit: II y en a des projets qui ont
été construits lors de la phase I de la Baie James, il y en
d'autres qui sont en construction maintenant. Bien, regardons ce qu'il y a
là.
C'est rare qu'on a un projet à faire, puis qu'on
bénéficie d'un autre projet à côté.
D'habitude, c'est toujours des projets nouveaux, puis on ne sait pas s'il va se
produire une certaine sorte de pollution, etc. Nous sommes obligés
d'analyser des hypothèses. Là, il n'y en a plus,
d'hypothèses; les projets sont là, ils sont visibles. On peut
même vérifier le comportement ou les conséquences de ces
projets-là sur la vie humaine, la faune, la flore. On sait qu'il y a des
cours d'eau qui sont inondés, qu'il y a une pollution au mercure. On
sait comment faire pour contrôler cette pollution-là et faire en
sorte que, dans 20 ans, les effets néfastes n'existent plus. (21 h
40)
Alors, c'est ça qu'on vous dit: Profitons de l'expérience
que nous avons, profitons du savoir-faire qu'on a amélioré au
cours de ces années. N'oubliez pas qu'à la Baie James il y en a
eu, des visiteurs des autres pays, des visiteurs de marque qui ont rendu
hommage au génie créatif des Québécois et au
savoir-faire des Québécois. Alors, si on sait tout ça et
qu'on mérite tant de
reconnaissance de gens des autres pays, servons-nous-en et
inspirons-nous de ça pour préparer et planifier les prochains
contrats.
M. Bordeleau: Mais, dans votre mémoire, toujours à
la page 23, vous faites un lien avec les périodes de crise
économique. Est-ce que l'Association veut dire, au fond, à ce
niveau-là, qu'il est moins approprié ou qu'il n'est pas
approprié de faire des études d'impact trop
détaillées en période de crise économique? Si ce
n'était pas une période de crise économique, ce serait
différent?
M. Richard (Gabriel): Ce que je veux vous dire, c'est que
là nous avons le temps. On vous a dit dans notre mémoire
qu'Hydro-Québec est en train de réaliser ce qu'il faut pour
répondre aux besoins des Québécois jusqu'à l'an
2000. Ce qui nous préoccupe, c'est de 2000 à 2005. Alors, nous
avons le temps de faire de bonnes études d'impact
dépouillées d'«externalités» ou
d'hypothèses farfelues, etc., comme la migration des petits oiseaux aux
États-Unis. Mais, si on n'en profite pas pour faire des études
d'impact qui ont de l'allure, eh bien, ça va faire en sorte que les
projets ne se feront pas et tout à l'heure ce tout à
l'heure là, ça va être en l'an 2000 on va manquer
d'électricité, au Québec. Quand on manquera
d'électricité au Québec, moi, ma crainte, c'est qu'on se
dise: On est pressés et on n'en fait plus, d'études d'impact. Ou
encore, si ces études d'impact là sont trop exigeantes, trop
exorbitantes, on ne s'en servira plus et on ne sera pas plus
avancés.
M. Bordeleau: Ce n'est pas le sens de ma question. Je reviens
à la fin du paragraphe où vous dites: «Autrement, leur
pertinence sera ultérieurement contestée en période de
crise économique». En quoi c'est relié, le problème
des études d'impact et les périodes de crise économique?
Ce que vous me dites là, c'est votre point de vue et, à mon avis,
vous pourriez le dire dans une période de prospérité de la
même façon. Pourquoi vous reliez ça à des
périodes de crise économique où on mettrait la pertinence
des études d'impact en cause surtout dans des périodes de crise
économique?
C'est comme si, en période de crise économique, je ne sais
pas, c'était différent et là il faudrait voir les
études d'impact d'une autre façon.
M. Richard (Gabriel): Je vais me reprendre. C'est parce qu'en
période de crise économique nous sommes pressés de trouver
des solutions pour contrer la crise économique, pour relancer
l'économie. Quand on est pressés, on ne prend plus le temps de
faire de longues études d'impact. C'est ça. Actuellement, on ne
peut pas dire que ça va très bien, au Québec. Dans les
journaux, encore aujourd'hui, on parle que c'est douteux, les besoins de
main-d'oeuvre au Québec, etc. Alors, on est encore en difficulté.
Nous disons: Pour relancer l'économie, profitons de la
réalisation de projets dont on a besoin, comme Grande-Baleine, et on
pourrait dire aussi comme le train rapide Québec-Wind- sor, qui serait
un merveilleux projet pour relancer l'économie. Mais, si on ne les fait
pas, notre situation va s'empirer et, quand notre situation économique
sera pire, je pense que les gens qui auront à décider vont se
ficher pas mal des études d'impact.
Le Président (M. Audet): Merci. Une voix:
Terminé.
Le Président (M. Audet): M. le député de
Lavio-lette.
M. Jolivet: Vous savez, quand on parle de protéger
l'environnement et de se donner des bases de référence, on parle
d'un parc faunique, on parle, au niveau environnemental, de réserves
écologiques. Est-ce que vous croyez que, dans l'ensemble du
Québec, toutes les rivières harnachables doivent l'être
dans un avenir prévisible? Autrement dit, est-ce qu'on doit, au
Québec, considérer que toutes les possibilités devront
être utilisées un jour ou l'autre ou si on ne devrait pas
ce qu'on a dit conserver des rivières patrimoniales ou, au moins,
savoir ce que c'était, une rivière avec des chutes, des rapides
et des choses semblables, la beauté? Est-ce que vous pensez qu'on doit
harnacher tout ce qui est harnachable au Québec?
M. Richard (Gabriel): Absolument pas. Ce que nous avons dit dans
le mémoire, c'est que, comme nous allons actuellement, nous savons
qu'Hydro-Québec pourra répondre aux besoins des
Québécois de l'an 2000. Nous avons dit dans notre mémoire
que nous sommes préoccupés par les besoins des
Québécois des 5 années suivant l'an 2000. Pour 1996, nous
n'en avons pas parlé. Nous avons le temps. Alors, si on veut
réellement faire une bonne étude du réseau des
rivières au Québec pour déterminer lesquelles ont devra
harnacher ou qu'on ne devrait pas harnacher dans le souci du respect de notre
environnement, nous avons le temps de faire ça. Commençons par le
plus pressant, faisons Grande-Baleine; de même, on s'assure que nous
serons capables de répondre aux besoins des Québécois et,
pendant ce temps-là, bien, créons un comité d'experts, si
vous voulez. Je pense, Mme la ministre, qu'on avait déjà
écrit à ce sujet, pour suggérer une sorte de comité
d'experts qui pourraient conseiller le gouvernement sur une éventuelle
stratégie de développement hydroélectrique du
Québec.
M. Jolivet: O.K. Ce pour quoi je vous ai posé la question,
c'est parce que... Si on prend la rivière Saint-Maurice, je pense qu'il
n'y a pas un chat, dans le coin, qui ne semble pas dire qu'elle devrait,
maintenant qu'elle a été harnachée, être
réharnachée s'il y a des places où des barrages devront
être refaits ou des choses semblables. Je vous pose la question parce
qu'on a reçu ici des gens du SaguenayLac-Saint-Jean. Il y a une
discussion chez eux sur l'Ashuapmushuan; des gens disent: Elle devrait
être considérée comme rivière patri-
moniale. On n'en a pas beaucoup. Est-ce que, au lieu de l'Ashuapmushuan,
dans la proposition qu'Hydro-Québec fait et que vous semblez appuyer, il
ne serait pas possible d'imaginer qu'une rivière à
côté, la Péribonka, qui a déjà
été harnachée, qui pourrait l'être encore, à
un certain niveau, devrait être plutôt faite en priorité par
rapport à l'Ashuapmushuan qui, elle, même dans son cas à
elle, d'après ce qu'on a entendu des gens qui sont venus, n'est qu'en
réserve de possibilité? Dans le sens suivant, c'est qu'à
ce moment-ci c'est ce que j'ai compris, en tout cas, dans les
discussions qu'il y a eu on ferait actuellement l'analyse
environnementale de cette rivière-là, advenant le jour où
on en aura peut-être besoin dans 20 ans. Ils disent: Dans 20 ans, ce sera
peut-être différent. Alors, pourquoi ne gardons-nous pas une des
rivières, qui est dans le coin, l'Ashuapmushuan, qu'il pourrait
être possible de considérer comme patrimoniale, pour,
plutôt, aller vers Péribonka? Est-ce que vous avez une objection
à regarder plutôt Péribonka qu ' Ashuapmushuan?
M. Richard (Gabriel): Je vais le demander à M. Brassard,
qui est justement de la région. Peut-être, Bernard, que
vous...
M. Brassard (Bernard): Quand on parle de l'Ashuapmushuan,
d'abord, je pense qu'il y a... Le contexte régional, c'est que,
justement, il y a la Péribonka et il y a 2 gangs qui tirent.
Probablement qu'on pourrait dire qu'il y a peut-être un petit peu de
politique dans ça, quoique je ne sois pas tellement au courant du
dossier. Maintenant, moi, quand je regarde l'Ashuapmushuan, on en parle depuis
à peu près 1 an. Tu entends les écologistes et il n'y aura
plus rien, tout va disparaître et ça va être la catastrophe
totale. Quand des gens sérieux et même le président et le
fondateur du Zoo de Saint-Félicien, M. Gagnon, qui est quand même
un type, je pense, responsable et qui a, j'imagine, regardé le dossier,
se prononcent en faveur d'un tel projet, c'est bien dur, pour moi, de dire:
L'Ashuapmushuan, est-ce qu'elle va être patrimoniale encore et qu'elle va
être belle, etc.? Mais j'imagine qu'avec les pressions qui se font
Hydro-Québec ne pourra pas faire ce qu'elle veut, qu'elle va être
obligée de le faire d'une façon, comment je dirais,
éduquée. C'est mon point de vue.
Alors, est-ce qu'il y a une possibilité sur cette
rivière-là? Moi, personnellement, je préconiserais
l'Ashuapmushuan avant Grande-Baleine parce que je dis qu'à
Grande-Baleine on est bloqués. Partons 4 ou 5 gros projets de 1 000 000
000 $ parce que je pense que c'est 1 000 000 000 $, l'Ashuapmushuan, si
je ne me trompe pas partons-en 4 ou 5 gros comme ça,
comprends-tu, au moins pour faire marcher l'économie du Québec,
en attendant de régler l'autre problème, là. Maintenant,
le dossier, comment je dirais bien, il est plus que de l'environnement,
à mon point de vue. Je pense que, vous autres, les politiciens, vous
êtes bien plus au courant que nous autres de ce qui se passe.
Mme Bacon: On en a entendu parler.
M. Jolivet: On en entend de toutes les sortes. Aussi bien les
gens qui sont d'accord ou encore d'autres qui, sans se prononcer
nécessairement, disent: Si jamais vous le faites, vous allez le faire en
tenant compte de notre région et on veut que les emplois soient chez
nous, puis on veut ci, on veut ça, les municipalités en
particulier.
M. Brassard (Bernard): Ce qu'on dit: Vous allez laisser quelque
chose chez nous en passant. Ça, je suis d'accord.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Bacon: Ils sont du même point de vue.
M. Jolivet: Dernière question, M. le Président.
M. Brassard (Bernard): Ou bien on va mettre des compteurs et on
va vous charger une taxe.
M. Jolivet: Oui, merci.
M. Brassard (Bernard): Vous savez qu'on a une région qui
est fermée et on a nos petites idées.
M. Jolivet: À la page 18, comme dernière question
on me dit que c'est ma dernière question, je vais la prendre
comme telle vous dites: «D'abord, nous en avons besoin pour
répondre aux besoins d'électricité des
Québécois de l'an 2000.» Il y a des gens qui ne disent pas
ça du tout. Et je reviens à ça. Il y a des gens qui sont
venus ici et qui ont dit: Hydro-Québec nous avait dit: Ça prend
absolument Grande-Baleine à telle date; sinon, ça ne marchera
pas. Puis, là, peut-être que c'est la récession qui fait
que les contrats n'ont pas marché, ils en ont moins besoin qu'avant. Il
y a une chose qui est certaine, c'est qu'on n'en a pas besoin. Là, les
gens disent: Quelle est la certitude des besoins, à HydroQuébec?
C'est pour ça que je reviens à une des premières questions
sur la certitude des besoins à venir dans le futur. Vous, vous dites: On
en a absolument besoin, de Grande-Baleine, il faut que ce soit lancé de
toute urgence parce qu'il faut que ça réponde aux besoins de l'an
2000. Puis, là, vous dites: Si jamais ça ne marche pas, au moins
on a des possibilités de réserves. Je vous pose la question:
Est-ce qu'on en a vraiment besoin? (21 h 50)
M. Richard (Gabriel): Je pensais que, dans notre mémoire,
nous avions démontré que nous avons besoin de 2000 MW, à
partir de l'an 2000. Alors, on a dit, dans le mémoire: II faudra faire
ou Grande-Baleine ou les 3 rivières: Haut-Saint-Maurice,
Sainte-Marguerite, Ashuapmushuan. Alors, pour nous, c'est clair, on va en avoir
besoin de 2000 MW. On a dit: Si le gouvernement du Québec
décidait, dans l'intérêt supérieur des
Québécois, de favoriser l'exportation pour 1500 MW, ça
fait 3500 MW. Et ça, c'est Grande-Baleine, et faisons-les au
plus sacrant. Ça presse.
Maintenant, on vous a dit qu'il y avait des incertitudes dans les
prévisions d'économie d'Hydro-Québec et dans les
prévisions de consommation aussi. Et on vous a donné des
paramètres pour montrer ces incertitudes. Mais, si jamais il arrivait
qu'en l'an 2000 on ait 2000 MW de trop parce qu'on s'est tous trompés,
tout le monde, de bonne foi, bon Dieu, on les vendra ailleurs, ces 2000 MW. Ce
sera le pire dommage qu'on aura eu. Mais ça va être bien mieux que
de manquer de 2000 MW d'électricité. Ça, pour vous donner
une idée, c'est l'électricité dont on a besoin pour la
ville de Québec. Et imaginez-vous, vous privez la ville de Québec
d'électricité pendant 2 jours, dans le mois de février. Je
n'aimerais probablement pas être un de ces
Québécois-là et, deuxièmement, je n'aimerais pas
être sur les ondes pour expliquer comment on n'a pas été
assez bon père de famille pour prévoir les besoins des
Québécois de l'an 2000.
Le Président (M. Audet): Merci. M. le député
de Drummond.
M. St-Roch: Merci, M. le Président. À la lecture de
tous les documents d'Hydro-Québec et de tous les mémoires
jusqu'ici, moi, il y a une chose qui m'apparaît pour la première
fois. C'est à la page 6 de votre mémoire, lorsque vous marquez:
«Les catastrophes ou les avaries aux équipements actuels de
production dont plusieurs sont âgés et d'autres douteux». Je
n'ai pas vu ça, moi... J'ai vu qu'on était pour investir quelque
chose comme 4 000 000 000 $ pour la réfection de ces ouvrages-là.
Mais vous semblez être plus alarmistes dans votre mémoire que ce
que j'ai vu dans tous les documents d'Hydro-Québec.
M. Richard (Gabriel): D'abord, je pense que c'est connu de tous
que la centrale de Gentilly est une centrale nucléaire. On vous dit
qu'il y a une partie... C'est 700 MW ou de l'ordre de 700 MW que cette centrale
produit actuellement. Puis, vous savez très bien qu'avec les centrales
nucléaires tout peut arriver. Et demain matin on peut être
obligés d'arrêter sa production. Et 700 MW, c'est beaucoup de
mégawatts. Il y a d'autres barrages que, je pense, on connaît,
comme Beauharnois, Outardes, etc., qui sont de vieux barrages et de vieilles
centrales hydroélectriques. Les turbines peuvent bien subir des avaries
qu'on n'a pas prévues. Dans ce temps-là, il faut couper le
courant. Alors, vous savez très bien qu'à Manicouagan il y a eu
certains problèmes. On pense qu'on les a réglés. Mais
peut-être qu'il peut y avoir d'autre chose qui survient plus tard. On
vous dit simplement: C'est une incertitude. Mais il faut en tenir compte, de
cette incertitude-là, quand on a la tâche et le désir de
protéger l'intérêt des Québécois. Il ne faut
pas gérer Hydro-Québec sur la corde raide de façon que
tout soit bien serré et, s'il arrive quelque chose, c'est le drame. Je
pense qu'il faut avoir une marge de manoeuvre.
M. St-Roch: On va vérifier ça avec
Hydro-Québec parce que, à ma connaissance, il y avait un
comité d'experts qui avait tout évalué et on avait tout
sondé et on avait des marges de manoeuvre.
Il y a autre chose. Vous avez mentionné aussi, dans des
réponses à mes collègues, toute cette philosophie qui vous
imprégnait de favoriser l'hydroélectricité avant d'aller
dans le gaz, l'énergie nucléaire, parce que, ça, ça
sortait des revenus du Québec. Moi, à vous écouter, je
fais un corollaire avec I'interfinancement. Je n'ai pas vu ça dans votre
mémoire. Hydro-Québec veut se rapprocher et veut charger, au
niveau du résidentiel, les vrais coûts de production. Si on s'en
va avec I'interfinancement pour rapprocher et faire payer directement les
maisons résidentielles pour le coût, en tant que consommateurs
ça va peut-être être plus avantageux d'acheter du gaz,
à ce moment-là, ou du bois ou du pétrole, nommez-le, du
blé d'Inde. Est-ce que ça ne sous-entendrait pas, votre concept,
qu'à ce moment-là, il faudrait maintenir I'interfinancement au
niveau où il est à l'heure actuelle et non charger davantage au
niveau du résidentiel?
M. Richard (Gabriel): Je pense qu'il y a 2 ou 3 réponses
qu'on peut donner. Votre question demande 2 ou 3 réponses.
M. St-Roch: J'ai juste 5 minutes, ça fait que j'en
profite.
M. Richard (Gabriel): Ce que nous disons, dans un premier temps,
c'est que nous préconisons, dans l'intérêt du
Québec, que l'argent de nos factures d'électricité demeure
au Québec. Nous disons que le meilleur moyen pour ça, c'est de
préconiser l'énergie hydroélectrique. Autrement, le
paiement de nos factures d'électricité va aller en Alberta ou en
Arabie.
M. St-Roch: J'achète ça. Je n'ai pas de
problème avec ça.
M. Richard (Gabriel): Ça, ça regarde le
Québec même. Maintenant, l'autre, ce que vous appelez
I'interfinancement, Hydro-Québec facture selon son coût moyen ou
à peu près, ce que, je pense, on appelle le taux marginal. Alors,
ça veut dire que, si on construisait une nouvelle centrale
hydroélectrique qui coûte 0,05 $ le kilowattheure que le
coût moyen d'Hydro-Québec est de 0,03 $, bien, on facture le
résidentiel 0,03 $ du kilowattheure, le coût moyen.
M. St-Roch: ce n'est plus ça qu'ils veulent faire. ils
disent: ii y a 12 % de différentiel, là; on va augmenter la
facture du résidentiel de 12 %.
M. Richard (Gabriel): II va falloir bien réfléchir
avant de faire ça.
M. St-Roch: Mais c'est ça qu'ils nous disent.
M. Richard (Gabriel): Je pense que le taux moyen, c'est ça
qui est dans l'intérêt des Québécois, le taux
marginal. Si Hydro-Québec a pris une bonne décision, en 1971, en
lançant la phase I de la Baie James, bien, cette bonne
décision-là a fait en sorte qu'aujourd'hui on peut payer
l'électricité moins cher. Alors, c'est une autre bonne
décision comme ça qu'on veut qui soit prise maintenant pour
lancer Grande-Baleine, pour faire en sorte qu'en l'an 2000 notre coût
moyen d'électricité soit moins cher, que notre coût demeure
le coût le plus bas en Amérique du Nord. C'est ça qu'on
veut.
Le Président (M. Audet): Merci.
M. Richard (Gabriel): Alors, si on fait payer aux nouvelles
maisons le nouveau coût, bien, là, on va décourager
l'hydroélectricité.
M. St-Roch: C'est ce qu'ils nous disent.
Le Président (M. Audet): Alors, messieurs, au nom des
membres de la commission, je vous remercie de votre présentation. Sur
ce, nous allons ajourner nos travaux à demain, 9 heures, où nous
reprendrons à la salle du Conseil législatif.
(Fin de la séance à 21 h 57)