Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
(Neuf heures quatre minutes)
Le Président (M. Audet): Je déclare la
séance de la commission de l'économie et du travail ouverte. Je
vous rappelle le mandat de la commission, qui est de procéder à
une consultation générale sur la proposition de plan de
développement 1993-1995 d'Hydro-Québec.
M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M.
Charbon-neau (Saint-Jean) est remplacé par M. Fradet (Vimont); Mme
Dupuis (Verchères) par Mme Marois (Taillon).
Le Président (M. Audet): Merci.
Est-ce que les membres de la commission ont pris connaissance de l'ordre
du jour? Est-ce que l'ordre du jour est adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Audet): Adopté.
Alors, nous recevons, cet avant-midi, l'Association des
économistes québécois; ensuite, suivront le Comité
consultatif pour l'environnement de la Baie James, l'Association des
biologistes du Québec. Nous terminerons avec M. Pierre Bergeron et Mme
Miriam Alonso.
Alors, je veux souhaiter, au nom des membres de la commission, la plus
cordiale bienvenue à l'Association des économistes
québécois. Messieurs, je vous rappelle brièvement nos
règles de procédure. Vous disposez d'une vingtaine de minutes
pour nous faire part de votre exposé. Avant de débuter votre
exposé, je vous inviterais à vous identifier, à vous
présenter aux fins de la transcription du Journal des débats.
Ensuite, suivra une période d'échanges d'une quarantaine de
minutes. Vous pouvez y aller, vous avez la parole.
Association des économistes
québécois (ASDEQ)
M. D'Amours (Alban): Merci, M. le Président.
On m'a demandé de présenter l'Association. Mon nom est
Alban D'Amours; je suis président sortant de l'Association des
économistes du Québec et membre du conseil d'administration. Je
vous présente, à ma droite, M. Charles-A. Carrier, qui est
vice-président de l'ASDEQ; à ma gauche, M. Michel H. Cao, qui est
secrétaire du conseil d'administration, et M. Gilles Beau-soleil, qui
est directeur exécutif de l'Association.
Nous sommes ici pour représenter l'Association des
économistes québécois. L'ASDEQ est le seul organisme
québécois non universitaire qui regroupe les économistes
francophones sous l'angle de leurs intérêts professionnels
communs. L'ASDEQ compte environ 500 membres, soit sensiblement moins que
l'ensemble des personnes qui occupent la fonction d'économiste
professionnel au sein des entreprises et organismes publics et parapublics.
Le mémoire déposé à la commission est le
fruit d'une démarche qui a débuté à l'automne 1991
avec le processus de consultation d'Hydro-Québec. Une fois
confirmée la participation de l'ASDEQ à la consultation,
l'Association a procédé à la formation d'un groupe de
travail composé de professionnels choisis parmi les membres qui, bien
qu'au fait des problèmes énergétiques au Québec, ne
sont pas impliqués directement dans la préparation du plan de
développement d'Hydro-Québec. Les membres du groupe de travail se
sont partagé la tâche de participer aux divers ateliers de
consultation qui se sont poursuivis au cours de 1991-1992. Au cours de ce
processus, le conseil d'administration de l'ASDEQ a été tenu au
courant des travaux réalisés à deux reprises. À la
fin de décembre 1992 et au début de janvier 1993, une
consultation fut menée auprès des membres des trois sections
régionales de l'Association soit Montréal, la vieille
capitale et l'Outaouais sur cette question. Finalement, une
équipe de rédaction a été chargée de
finaliser le mémoire à la commission.
Dans le cadre de notre mémoire, l'ASDEQ propose quatre principes
qui, nous le croyons, devraient guider les autorités dans leur analyse
de la proposition. Ces principes sont les suivants: que les choix soient
établis en soupesant correctement l'ensemble des coûts et
l'ensemble des bénéfices associés à chacune des
options disponibles; que ces choix s'inscrivent dans une politique
intégrée en matière d'énergie; qu'il est important
d'exploiter toutes les opportunités commerciales rentables,
économiquement et socialement; qu'il est important de transmettre un bon
signal de prix afin d'éviter une sur ou une sous-consommation
d'électricité.
La poursuite de l'objectif d'allocation optimale des ressources dans le
secteur de l'énergie doit respecter trois conditions. Elle doit d'abord
s'effectuer à l'intérieur d'une politique globale et
intégrée en matière d'énergie. En second lieu, elle
doit être fondée sur des prix qui reflètent les coûts
sociaux de long terme. L'analyse économique attache une grande
importance à la vérité des prix, qui soit le reflet des
coûts d'opportunité des ressources utilisées. Enfin, les
diverses «external ités» qui découlent du processus
de production et de consommation de l'énergie doivent être prises
en compte afin de mieux refléter l'impact réel des projets de
développement énergétique.
Ces conditions correspondent à des critères de choix
fondamentaux, soit celui du coût total des ressour-
ces, soit celui des coûts sociaux, dans la mesure où les
«external ités» sont potentiellement importantes. En termes
d'allocation optimale des ressources entre les moyens de production et les
options de gestion de la demande, ce critère alternatif présente
l'avantage d'être plus englobant et d'intégrer, sur une base
commune d'évaluation, les éléments intangibles.
L'intégration de l'ensemble des coûts sociaux dans le
processus de choix entre les options pour fournir les services
électriques soulève d'importantes questions de cohérence.
Si l'électricité est la seule source d'énergie ainsi
réglementée et que son prix est haussé en
conséquence, il est fort possible que la société augmente
sa consommation de combustibles fossiles en remplacement de
l'électricité. Il en résulterait ainsi une situation
où tout le monde paierait plus cher pour son approvisionnement
énergétique, sans qu'il n'y ait nécessairement d'avangages
sur le plan environnemental. Avant de s'engager sur la voie de
l'intégration des différentes formes
d'«externalités» dans le calcul du coût de
l'électricité, il est donc important de procéder à
une analyse globale de son impact sur l'ensemble des choix
énergétiques des consommateurs. Il importe également que
ses impacts tarifaires soient évalués avec une
préoccupation particulière vis-à-vis de la position
concurrentielle des industries québécoises.
L'économiste privilégie d'abord et avant tout le
rôle d'arbitrage que constitue un bon signal de prix comme un moyen
d'allocation optimale des ressources. Dans un marché en concurrence, le
prix du marché constitue le meilleur signal de prix en raison de
l'impossibilité pour un ou plusieurs joueurs d'influencer ces prix
à la hausse ou à la baisse de façon durable. Le
marché de l'énergie ne constitue pas un tel marché
concurrentiel, qui, plus est, se caractérise par de multiples
rigidités structurelles, institutionnelles et techniques. Le prix du
marché ne constitue donc pas l'étalon de choix pour une
allocation optimale des ressources. Dans une situation de monopole, il est
possible de réglementer ce dernier de façon à ce que son
prix soit égal à son coût marginal de production,
d'où l'importance qu'on accorde à la tarification au coût
marginal dans le but d'assurer une allocation optimale des ressources. Le
coût marginal, par définition, reflète les coûts
réels de production d'une unité additionnelle. Nous y reviendrons
tout à l'heure. (9 h 10)
L'analyse économique a depuis longtemps souligné
l'importance des «externalités» dans l'allocation optimale
des ressources. D'ailleurs, nous reconnaissons que, dans des secteurs
particuliers, en raison des «externalités», le gouvernement
puisse jouer un rôle fondamental dans l'offre de biens publics par
rapport aux biens privés, qui sont régis par les forces du
marché.
Le secteur de l'énergie, en général, et
l'électricité, en particulier, génèrent des
«externalités» importantes. Ces
«externalités» peuvent se regrouper sous diverses
catégories: environnementale, économique, sociale, politique et
technologique. La théorie économique nous enseigne que les
coûts, et, par conséquent, les prix, doi- vent englober les
«externalités» soit les coûts environnementaux,
le coût social de la main-d'oeuvre et du capital, etc. et cela,
dans un contexte de planification intégrée des ressources, afin
que celles-ci soient affectées d'une façon optimale entre les
ressources énergétiques et les moyens de production. En d'autres
termes, l'internaiisation des «externalités» serait une
façon d'atteindre l'optimum économique, ou si elles
n'étaient pas internaiisées, au moins de les mettre en
évidence afin de favoriser un comportement économique plus
rationnel.
Cependant, la présence d'«externalités»
soulève des problèmes fondamentaux auxquels les connaissances
actuelles sont insuffisantes pour donner une réponse complète.
Ces problèmes sont de deux natures: d'une part, l'identification des
«externalités», qu'elles soient positives ou
négatives, et, d'autre part, la quantification de ces
«externalités» en termes monétaires si l'on veut
définir un dénominateur commun pour les intégrer dans les
prix.
Dans un nouvel ordre social où les valeurs environnementales
s'opposent parfois aux objectifs de développement économique, il
devient urgent d'évaluer les «externalités»
liées aux projets d'investissement énergétique. Il est en
conséquence recommandé que la société
Hydro-Québec développe de nouveaux outils pour identifier et
quantifier les «externalités» et qu'elle intègre
dorénavant dans son calcul économique l'impact de ces
«externalités» sur le rendement social des projets à
l'aide des outils que fournit l'analyse avantages-coûts, par exemple.
Hydro-Québec détermine son choix des moyens de production
et des mesures d'efficacité énergétique en appliquant le
critère du coût total en ressources. Ce critère consiste
à classer les équipements par ordre croissant de leurs
coûts et à sélectionner ceux qui permettent de
répondre aux besoins des clients à un coût minimum. Ce
coût n'incorpore pas les coûts et les bénéfices des
«externalités». Comme nous venons de le mentionner,
l'incorporation des «externalités» dans les critères
de choix des moyens de production est un objectif souhaitable. À ce
titre, l'ASDEQ supporte entièrement le principe de la minimisation des
coûts sociaux à long terme comme critère de
développement des ressources énergétiques au
Québec. La compétitivité à long terme du
Québec est étroitement reliée à cette question.
Dans l'optique de maximisation du bien-être de la
collectivité, il est important d'envisager l'utilisation du concept de
coût ou bénéfice social comme critère de choix des
moyens de production ou d'efficacité énergétique. Ce
critère de choix présente le principal avantage d'être plus
englobant et permet d'intégrer, sur une base commune
d'évaluation, des éléments intangibles. Ce critère
peut être appliqué de façon générale à
tous les projets d'Hydro-Québec et, à titre d'exemple, aux
projets d'amélioration du réseau et d'économies
d'énergie.
Dans la proposition, Hydro-Québec privilégie des
économies d'énergie et l'amélioration du réseau
existant. Celle-ci constitue un aspect majeur, puisqu'il semble y avoir un
retard important à rattraper en matière d'application des normes
de surveillance et d'entretien des
barrages hydroélectriques. Comme dans le cas du réseau
routier, pour ne citer qu'un exemple, il y a des économies
substantielles à réaliser en termes de projets d'investissement
hydroélectrique qui pourront être retardés lorsqu'on veille
à l'entretien adéquat des installations existantes. En d'autres
termes, les coûts d'opportunité du capital doivent être
envisagés et analysés adéquatement afin d'obtenir la
meilleure allocation du capital entre les divers projets compétitifs,
tels que la réfection du réseau, les projets d'économies
d'énergie et les projets de construction de barrage.
L'objectif d'Hydro-Québec est d'encourager, de façon
prioritaire, toute mesure d'économies d'énergie dont le
coût est moindre que le coût évité de fourniture de
l'électricité. La notion même de coût
évité peut recouvrir diverses réalités, selon qu'on
prenne l'optique privée ou sociale. Il est nécessaire, à
ce sujet, que la société d'État effectue les analyses
avantages-coûts les plus complètes possibles, incluant les
coûts et avantages sociaux, afin d'effectuer les meilleurs choix à
long terme, fondés sur la rentabilité sociale des projets
d'économies d'énergie.
Par ailleurs, Hydro-Québec entend investir d'importants montants
d'argent dans un programme d'efficacité énergétique qui ne
permettra d'atteindre qu'une partie du potentiel technico-économique
identifié par l'entreprise. L'objectif d'Hydro-Québec est de 9,3
TWh par rapport à un potentiel de 27,6 TWh, à l'horizon 2000.
L'écart entre le potentiel technico-économique et le potentiel
commercial s'explique en partie par le fait que le calcul d'Hydro-Québec
n'intègre pas certains coûts importants, dont les coûts de
transaction et les coûts d'information reliés essentiellement
à la valeur du temps chez les consommateurs, ainsi que les coûts
associés aux risques que les consommateurs attribuent à chaque
source énergétique ou à chaque moyen de production.
Ces coûts sont intangibles mais réels, et il est important
de les reconnaître afin, soit de proposer des moyens de les diminuer pour
favoriser une pénétration accrue des mesures d'efficacité
énergétique, soit de les intégrer à
l'évolution du potentiel technico-économique afin d'en obtenir
une mesure plus juste.
Finalement, l'important projet d'efficacité
énergétique d'Hydro-Québec ouvre la voie à un
nouveau domaine d'expertise relié à la fourniture et à la
fabrication d'appareils et d'accessoires économiseurs. Il faut supporter
le développement de ce secteur destiné à connaître
une très forte croissance, intimement, il faudrait développer une
expertise qui soit exportable.
Selon les données publiées par Hydro-Québec, il
apparaît que le Québec ne trouve pas son compte lorsqu'il utilise
son électricité pour favoriser l'implantation d'industries
énergivores au Québec. Ainsi, pour 180 MW de nouvelles
industries, Hydro-Québec assumerait un manque à gagner de 145 000
000 $ actualisés, qui se matérialisera par une hausse annuelle de
30 000 000 $ des coûts de fourniture de l'électricité pour
l'ensemble des abonnés, pour une période minimale de 15 ans.
Le marché québécois n'est pas un marché qui
possède un grand potentiel de développement si l'on exclut les
industries à forte consommation d'électricité. Il est
nécessaire, si l'on veut tirer le meilleur profit de nos ressources, que
les industries fortes consommatrices d'électricité contribuent
davantage, dans l'avenir, au développement économique du
Québec, pour compenser l'avantage qu'elles tirent des tarifs
préférentiels dont elles profitent, par exemple en transformant
une part accrue des produits fabriqués au Québec ou en attirant
des industries à plus forte valeur ajoutée.
Sans l'assurance de cette plus-value, Hydro-Québec n'a aucun
intérêt à signer de nouveaux contrats et devrait même
considérer de racheter les options d'augmentation de capacité
déjà concédées dans les contrats en vigueur, afin
de minimiser ses pertes. Nous pourrions aussi aborder d'autres questions. Je
vois que le temps file.
Le marché d'exportation, à notre sens, doit être
considéré et exploité de façon à attirer les
plus grands avantages comparatifs que l'hydroélectricité
présente pour le Québec. Il comporte cependant des risques et
nous suggérons de bien les évaluer dans toutes leurs
dimensions.
Il serait aussi intéressant d'envisager d'autres formes de
transfert de la rente économique, autrement que par le mécanisme
des prix, afin de ne pas fausser ces derniers, et nuire ainsi à
l'allocation optimale des ressources. Il est évident que l'exportation
d'électricité, dans ce sens-là, génère des
revenus, et nous suggérons qu'une comptabilisation séparée
des contrats qui seraient signés serait souhaitable. (9 h 20)
La tarification, à notre sens, est un problème entier
qu'il faut traiter avec soin. L'utilisation de l'approche du coût
marginal, d'une façon intégrale, ne nous apparaît pas
souhaitable, alors qu'il faut, cependant, s'en inspirer pour assurer une
meilleure allocation des ressources. Hydro-Québec propose la
tarification horo-sai-sonnière. Il faudra le faire de façon
progressive, et il y a là une façon de tirer profit des messages,
des signaux que les prix donnent aux consommateurs, et permettre, finalement,
d'assurer une consommation optimale.
L'ASDEQ note également, dans la proposition, le manque de
fondement rationnel pour maintenir les hausses de tarif moyennes à
l'inflation. On tient à le souligner: un tel engagement aurait pour
conséquence de lier Hydro-Québec à un barème
implicite, qui n'est, en aucune façon, le reflet de sa performance et
qui pourrait, en certaines circonstances, nuire à sa stabilité
financière.
En ce qui a trait à l'interfinancement, HydroQuébec entend
le réduire de façon progressive entre les différentes
catégories de consommateurs. On ne peut que s'interroger sur
l'efficacité d'utiliser l'interfinancement comme moyen de redistribuer
la richesse et souscrire, par ailleurs, à cet objectif de
rationalisation tarifaire. Ce constat est d'autant plus vrai que ce sont les
tarifs G et M petite et moyenne puissance qui interfinancent les
autres. Or, l'on sait que les PME, principales génératrices
d'emploi au Québec, forment la principale clientèle des tarifs G
et M.
La proposition ne mentionne toutefois pas l'importance ou le
degré d'interfinancement actuel entre les divers segments du
marché, ni à quel rythme, sinon progressif, auquel
Hydro-Québec entend réduire cette pratique. À notre avis,
il faudrait établir le plus tôt possible un
échéancier précis des objectifs poursuivis dans ce
domaine, en prenant garde d'assurer une période de transition qui soit
réaliste.
M. le Président, vous comprendrez que notre mémoire
comporte beaucoup d'éléments théoriques, mais il nous
semble que ces éléments théoriques doivent trouver une
application dans la planification des travaux d'Hy-dro-Québec et dans
toutes les décisions qu'ils prennent. C'est la raison pour laquelle les
économistes attachent une importance considérable à la
vérité des prix comme condition à une allocation optimale
des ressources.
Nous aimerions terminer en vous rappelant que d'autres sujets d'ordre
professionnel peuvent faire l'objet de mentions. Cela, on veut insister sur le
fait que, dans les domaines scientifique et technologique, HydroQuébec a
une tradition de poursuite de travaux réalisés en collaboration
avec des centres ou des groupes de recherche privés ou universitaires.
Étant donné le caractère crucial des dimensions
économiques d'un secteur aussi important que celui de
l'électricité au Québec, on peut être porté
à penser que les travaux continus d'études économiques
pourraient, avec profit, être appuyés par Hydro-Québec. Les
champs privilégiés de recherche appliquée, nous croyons,
peuvent, sans vouloir être exhaustifs, se présenter comme suit:
l'analyse avantages-coûts, la planification intégrée des
ressources, la prise en compte des «externalités», la
tarification des ressources renouvelables, l'analyse décisionnelle en
situation d'incertitude, le développement industriel.
Voilà, M. le Président, l'essentiel de nos recommandations
et de notre analyse. Je vous remercie de votre attention.
Le Président (M. Audet): Merci beaucoup. Mme la ministre
de l'Énergie et des Ressources.
Mme Bacon: Alors, M. D'Amours, messieurs, je voudrais vous
remercier d'être avec nous ce matin. Votre contribution est fort
appréciée dans le cadre de cet exercice, qui est un exercice
d'analyse et d'étude de la proposition de plan de développement
d'Hydro-Québec. Vous nous avez quand même donné des grands
principes économiques qui doivent guider les choix
énergétiques en ce moment.
Vous nous exprimez, dans votre mémoire, et à la fin de
votre lecture du mémoire, votre désaccord face à
l'engagement d'Hydro-Québec de maintenir la croissance de ses tarifs en
moyenne à l'inflation. Quel engagement, à votre avis,
Hydro-Québec aurait dû prendre en regard de la tarification, si
vous n'êtes pas en accord avec celle qu'il prend en ce moment?
M. D'Amours: Évidemment, cette question, vous comprendrez
qu'il est difficile d'y répondre sur-le-champ, en termes techniques,
sauf que l'engagement d'Hydro-Québec, qui se traduit par celui que vous
venez de souligner, est un engagement qui a un sens commun acceptable. La
population, en général, va bien l'accueillir au sens où,
bon, bien, on sait tous que l'inflation, on doit la vivre, mais, au-delà
de ça, on estime qu'on devrait être épargné, et que
voilà une façon de faire profiter aux Québécois de
cet avantage comparatif que présente
l'hydroélectricité.
Mais, sur le plan financier, sur le plan économique, sur le plan
du développement de cette ressource énergétique, il n'est
pas sûr, a priori, que ce soit la bonne option. Il se pourrait qu'on ait
à vivre avec des tarifs qui soient supérieurs à
l'inflation, pour des motifs de développement économique; il se
pourrait aussi qu'on ait à vivre avec des tarifs qui soient
inférieurs si, finalement, la gestion de la demande et les
économies d'énergie nous amènent vers cette situation. Il
faut que la décision soit prise en fonction d'une vision ou d'un horizon
économique et financier.
Mme Bacon: Vous vous inscrivez en faveur du principe d'une
tarification au coût marginal et, dans le cadre de son annexe 7 sur les
orientations tarifaires à long terme, Hydro-Québec nous propose
des mesures qui visent, notamment, à adapter la structure actuelle des
tarifs aux structures des coûts marginaux de l'entreprise. Or, la
tarification au coût marginal aurait comme conséquence
immédiate une augmentation substantielle des tarifs.
Comment conciliez-vous votre appui à la tarification au
coût marginal, l'importance de l'électricité comme
instrument déclencheur du développement économique?
M. D'Amours: Nous avons souligné, dans notre
mémoire, que nous favorisions l'approche coût marginal, mais non
pas l'approche intégrale. Il est bien évident que, si nous
appliquions intégralement l'approche du coût marginal, nous
serions devant la situation où Hydro-Québec serait, dans
l'immédiat, devant une situation où elle ferait beaucoup de
profits. On augmenterait les tarifs considérablement au Québec.
Il n'est pas clair qu'à moyen terme ce serait salutaire non plus pour le
Québec, parce que les substitutions, au niveau de la consommation
énergétique, réagissant à un signal de prix de
cette nature, entraîneraient, finalement, probablement, une consommation
énergétique d'autres sources d'énergie plus fortes et,
ainsi, favoriseraient peut-être le pétrole, le gaz, au
détriment d'une saine allocation des ressources.
Donc, nous prenons cette approche du coût marginal, mais dans le
cadre d'une méthodologie qui doit être mise en relief avec une
vision globale d'une conception intégrée des consommations de
l'ensemble des sources énergétiques du Québec. Il ne faut
pas considérer l'hydroélectricité comme une seule
énergie au Québec. Hydro-Québec n'est pas un monopole
énergétique au Québec, il y a autre chose
d'énergétique. Si l'hydroélectricité était
la seule source d'énergie, bien là, nous opterions,
évidemment, pour cette tarification.
Deuxièmement, il faut aussi prendre en compte le problème
de l'interfinancement. On considère que le problème de
Finterfinancement, par rapport au développement économique... Et
l'avantage que pourrait apporter au développement économique du
Québec une réduction des tarifs G et M serait qu'elle serait
créatrice d'emplois au Québec et permettrait, finalement, de
générer, de faire participer les Québécois à
cette rente que représente l'hydroélectricité. Vous voyez,
il y a là un jugement à apporter.
Mme Bacon: Voulez-vous ajouter?
M. D'Amours: Si les collègues pouvaient...
Mme Bacon: Allez, je vous en prie.
M. Beausoleil (Gilles): Ce qui était mentionné
aussi, c'est qu'il y a des analyses à faire avant de passer à une
tarification qui peut avoir des conséquences négatives
sérieuses.
Mme Bacon: Hydro-Québec intègre déjà,
dans le coût de ses projets, diverses mesures d'atténuation au
regard de l'environnement, et vous citez le programme de mise en valeur de
l'environnement. Par contre, à la page 7 de votre mémoire, vous
indiquez: «On ne peut prétendre qu'Hydro-Québec
considère d'une façon satisfaisante les coûts
environnementaux et sociaux dans le coût de ses projets et dans ses
activités de planification.» Est-ce que vous pourriez expliciter
votre position là-dessus?
M. D'Amours: En fait, nous avons foi en ce qu'Hydro-Québec
elle-même nous dit, en ce sens que, dans le passé, elle n'a pas
tenu compte intégralement de tous ces éléments. Elle
affirme sa volonté, elle proclame sa volonté, dorénavant,
d'être plus attentive à cette question environnementale, et nous
sommes d'accord à ce qu'elle le fasse. Je crois qu'Hydro-Québec
serait d'accord avec ce que nous avançons. Dans la consultation que nous
avons menée aussi, ce fait est ressorti chez les économistes,
dans l'ensemble, qui s'intéressent à la question. Je ne pourrais
aujourd'hui... Peut-être que mes collègues, qui ont
rédigé et participé étroitement à la
rédaction, pourraient préciser davantage ces
éléments, s'il y a lieu.
Le Président (M. Audet): M. Cao.
(9 h 30)
M. Cao (Michel H.): J'aimerais juste ajouter, sur cet
élément, que les mesures d'atténuation ne
représentent qu'une partie des coûts externes. Donc, en fait, ils
ne représentent que la partie où Hydro-Québec fait
actuellement des études, où elle peut donner un chiffre ou une
évaluation monétaire là-dessus. Sauf que l'ampleur des
«externalités» dépasse les études qui sont
actuellement faites, et nous recommandons à HydroQuébec de faire
des études plus complètes sur l'impact de ces
«externalités»-là.
M. D'Amours: Nous sommes conscients, cependant, Mme la ministre,
qu'il y a là une difficulté assez importante, au sens où
le calcul des «externalités» peut donner prise à
toutes sortes d'arguments de groupes sociaux ou environnementaux, qui
dépassent, vont au-delà même de leur idéologie pour
mettre de l'avant des obstacles insurmontables. Il faudra baliser,
intégrer ça, ce calcul des «externalités»,
dans une vision globale de cet avantage comparatif que présente
l'hydroélectricité.
Mme Bacon: À la page 8 de votre mémoire, vous
indiquez «qu'il semble y avoir un retard important à rattraper en
matière d'application des normes de surveillance et d'entretien des
barrages hydroélectriques». Sur quels éléments
basez-vous une affirmation comme celle que vous faites dans votre
mémoire?
Le Président (M. Audet): M. Cao.
M. Cao: Ici, nous faisons référence surtout au
critère de l'entretien du réseau des barrages
hydroélectriques, qui semble avoir besoin de rattrapage lorsqu'on
considère les coupures de courant et comparativement à d'autres
utilités publiques canadiennes ou nord-américaines. Cela est
relevé dans le plan de développement, et nous croyons que les
investissements, durant les dernières années, dans l'entretien du
réseau, ont apporté des bénéfices importants et
qu'Hydro-Québec devrait continuer à investir dans
l'amélioration de ses réseaux.
Il y avait une période de temps où on produisait beaucoup,
mais le réseau de distribution et le réseau de transport n'ont
pas été entretenus de façon adéquate. C'est dans
cet esprit-là que nous pensons qu'il y a des économies
substantielles, qu'il faudrait peut-être accélérer la mise
en place des mesures d'entretien des réseaux et investir dans ces
économies-là, qui sont souvent sous-estimées.
M. D'Amours: Hydro-Québec, Mme la ministre,
elle-même, projette des dépenses assez considérables au
niveau de l'entretien de son réseau. Vous connaissez aussi la moyenne
des pannes, la durée des pannes au Québec. Lorsqu'on veut attirer
de l'industrie, je pense qu'il faut que la qualité du service soit
présente, parce que ça implique des coûts, ça,
à l'industrie. Alors, ces avantages comparatifs, s'ils veulent
être pleinement exploités et valorisés, je pense qu'il faut
que nos équipements soient en parfaite condition.
Mme Bacon: Merci.
Le Président (M. Audet): Merci. M. le député
de Joliette.
M. Chevrette: Oui, M. le Président.
Moi aussi, je veux remercier l'Association des économistes, et
leur dire qu'ils s'inscrivent, sur plusieurs points, dans le sens d'un
consensus québécois. Exemple, l'élaboration d'une
politique globale en matière énergétique. Je pense que
ça ressort très bien de
votre mémoire. L'importance de l'efficacité
énergétique, je pense que ça ressort d'à peu
près tous les mémoires, sauf qu'il y a un point de divergence,
que je veux questionner. Également, j'aurai des questions à vous
poser en ce qui regarde une commission de l'énergie indépendante.
À la fin, si vous avez à vous préparer... Je reconnais
votre... Celui de gauche, qui vous accompagne, a eu à répondre
à cette question avec un autre groupe, si ma mémoire est
fidèle.
Donc, tout d'abord, vous considérez que ce n'est pas assez, les
objectifs d'efficacité énergétique. En soi, je serais
peut-être d'accord avec vous si on était conscient des
possibilités d'économies d'énergie pour HydroQuébec
et des possibilités de contrôle, mais, quand je lis les plans de
développement des dernières cinq, six années, on se rend
compte qu'Hydro a modifié chaque année ses objectifs. Elle a
commencé par avoir des objectifs ronflants, pour nous dire, la
deuxième année, qu'elle n'avait pas atteint cet objectif; pour
nous dire, la troisième, qu'elle ne l'avait pas atteint; pour arriver,
entre 1990-1994, à dire qu'elle va atteindre 2,9 TWh, mais tout en
conservant 5,6 pour 1995. Si elle n'a pas été capable d'obtenir
2,9 TWh en quatre ans, comment va-t-elle obtenir son objectif de 5,6,
c'est-à-dire presque le double en un an? Elle garde toujours le cap des
9,3 pour les horizons 2000. Donc, quand vous formulez le voeu, dans votre
mémoire, d'augmenter ces objectifs-là, est-ce que vous ne croyez
pas ça utopique, compte tenu du passé, parce qu'on dit souvent
que le passé est garant de l'avenir?
M. D'Amours: Je dois vous dire que nous avons
hésité sur ce paragraphe-là. Notre esprit ou notre
caractère réaliste... Même si on dit que
l'économiste est souvent rêveur, je dois dire que
l'économiste, ici, a réécrit le texte à quelques
reprises. Il est clair que nous sommes devant un objet à la fois
théorique et très pratique. Au plan théorique, nous disons
que, cet objectif-là, il est sous-évalué, parce qu'on a
négligé d'intégrer dans nos mesures certains coûts,
de sorte que, si ces coûts étaient pris en compte par le
consommateur, nous pourrions aller augmenter cet objectif-là.
Par ailleurs, au plan réel, la façon dont ça se
passe sur le terrain des vaches, il est clair qu'Hydro-Québec a de la
difficulté, parce que les moyens qu'elle utilise ne sont probablement
pas assez efficaces. C'est une question très réaliste, là.
Tout individu à qui on offre les moyens d'économiser
l'énergie dans sa demeure, chez lui ou dans son usine va faire des
calculs économiques et financiers, va regarder ses flux financiers, son
cash-flow. Il peut se dire: Bon bien, est-ce que je vais
détériorer mon cash-flow, moi, pour faire des économies
d'énergie qui profiteront à la province? Somme toute, si je
conserve ma consommation énergétique, à tout le moins, je
contrôle mon cash-flow.
Probablement que, si on n'atteint pas, on ne dépasse pas les
objectifs, on a de la difficulté à atteindre nos objectifs, c'est
que les moyens proposés et mis de l'avant par Hydro-Québec ne
sont pas assez incitatifs. L'économie d'énergie, d'une certaine
façon, devient une sorte de bien public.
M. Chevrette: Mais vous parlez du prix ou du tarif signal, si ma
mémoire est fidèle. Est-ce que vous considérez que c'est
le meilleur instrument, ça, le fait de donner des prix un peu plus
élevés pour faire penser aux consommateurs que...
M. D'Amours: Les prix sont des...
M. Chevrette: ...l'efficacité... Oui, allez-y.
M. D'Amours: Le prix est, à notre sens, le meilleur
instrument. Il ne faut pas l'utiliser inconsidérément, mais le
prix est l'instrument le plus efficace. Il est clair que, si on avait des
tarifications selon les heures de la journée où on utilise le
plus d'énergie au Québec, bien, ça ferait songer le
consommateur. Il réfléchirait à sa propre consommation
parce que, là, il va payer pour. C'est comme amener le cheval à
la rivière; on peut amener un cheval à la rivière, mais,
de là à le faire boire, ce n'est pas sûr. C'est la
même chose dans le domaine des économies d'énergie. Si on
applique une tarification adéquate, il est clair qu'on va le faire
boire, le cheval. Mais, si on n'applique pas une tarification adéquate
ou qu'on n'a pas des incitatifs suffisamment forts, il est clair qu'on ne le
fera pas boire.
M. Chevrette: Mais prenons la tarification horaire, même
dans le jour. Vous savez qu'on pourrait ainsi pénaliser fortement
certaines personnes. Prenez le couple qui travaille et qui a des enfants
à la garderie. Ils vont les chercher à 17 heures, et il faut
procéder à toute vapeur, bien souvent, entre 17 h 30, 18 heures
et 20 heures. Ce jeune couple serait pénalisé, à supposer,
par exemple, qu'on l'incite à... De toute façon, il n'y a pas de
possibilité, c'est le moment où ils arrivent chez eux avec leurs
enfants; il faut qu'ils les fassent manger, et tout. Vous ne pensez pas que, si
on disait que la période de pointe la plus dispendieuse, c'est de 18
heures à 20 heures...
Ce n'est pas tous des Ciaccia qui peuvent faire leur lavage à 23
heures, le soir! Une mère de famille avec deux ou trois petits, vous
savez très bien qu'il faut qu'elle s'en occupe, quand elle arrive chez
elle. Vous ne pensez pas qu'il y a une dimension quand même sociale dans
cela, qu'une société d'État n'a pas le choix que d'en
tenir compte? (9 h 40)
M. D'Amours: Oui. La société d'État doit en
tenir compte. Évidemment, c'est un coût social qu'on imposerait.
Une tarification, à ce moment-là, trop élevée,
exagérée, entraînerait des coûts familiaux. Vous avez
raison de le souligner. C'est la raison pour laquelle nous croyons qu'il y a
une combinaison intelligente à utiliser entre la tarification selon les
heures d'usage et les mécanismes, les moyens d'économies
d'énergie.
Il est clair que des tarifs plus élevés vont rentabiliser,
aux yeux du consommateur, l'implantation et l'usage de techniques
d'économies d'énergie. Moi, si on me
chargeait plus cher mon électricité, mon calcul
économique serait peut-être plus éloquent, mon bas de ligne
m'amènerait peut-être à prendre une décision plus
rapidement quant aux économies d'énergie que je devrais faire
chez moi et quel instrument dont je devrais me doter pour le faire, parce que
je rentabiliserais mon geste.
Actuellement, si je le fais, c'est pour des raisons essentiellement
d'éthique ou des valeurs sociales, parce que je n'ai pas de raison,
autrement, de le faire.
M. Chevrette: En ce qui regarde... J'ai bien aimé le bout
sur les 180 MW pour les industries énergivo-res surtout quand
c'est additionné par des économistes qui se transforme en
un coût, exclusivement pour ces 180 MW, de 30 000 000 $ de tarif
additionnel par an. Je me suis dit que ce serait le «fun»
d'évaluer les 13 contrats dits secrets. Des économistes
pourraient sans doute me donner un aperçu de ça.
Si jamais vous les avez faits, j'aimerais ça que vous nous
donniez la réponse: Comment ça se transpose en tarif annuel, pour
ce qui est des 13? Si vous êtes capable d'évaluer 180 MW, vous
êtes capable d'évaluer, je suppose, assez facilement, vous autres,
comment ça représente en tarif annuel, parce que vous vous
êtes basés sur le prix de l'aluminium, sûrement, pour
établir vos coûts. Je regardais les projections jusqu'en 2010, et
je vous avoue que ça va être catastrophique, cette
affaire-là.
M. Cao: En fait, si on prend même des études faites
à Hydro-Québec, par les économistes d'Hydro-Québec,
on peut citer le chiffre d'environ 180 000 000 $ de manque à gagner,
pour les contrats existants.
M. Chevrette: Combien vous avez dit?
M. Cao: 180 000 000 $.
M. Chevrette: Annuellement?
M. Cao: Annuellement.
M. Chevrette: En tenant compte des courbes...
M. Cao: En tenant compte...
M. Chevrette: ...du prix de l'aluminium...
M. Cao: En tenant compte du prix actuel de l'aluminium...
M. Chevrette: ...actuel, 0,55 $, je crois.
M. Cao: Maintenant, les fluctuations des prix de l'aluminium, je
ne pense pas qu'on ait des méthodes assez fines pour pouvoir
prévoir, de façon fiable, le prix de l'aluminium comme tel. Donc,
en se fixant sur les prix actuels, c'est ça qu'Hydro-Québec a
évalué comme manque à gagner.
M. Chevrette: Maintenant, je vous ai dit que je vous poserais la
question. Seriez-vous favorable, compte tenu du fait qu'au Québec...
Vous l'avez bien dit, il n'y pas seulement de l'hydroélectricité;
il y a du mazout, il y a du pétrole, il y a du gaz et il y a
possiblement des éoliennes. La belle question, n'est-ce pas, Mme la
ministre? Vous allez être obligée de la faire si ça
continue, tout le monde est d'accord.
Mme Bacon: On va se reprendre, je la ferai, et vous ne pourrez
plus la poser.
M. Chevrette: Oui. Ça me fera plaisir d'y répondre.
Compte tenu de cet état de fait, de cette situation réelle,
seriez-vous en faveur de la création d'une commission de
l'énergie, complètement indépendante, qui aurait
précisément à élaborer une politique sur le plan de
l'énergie au Québec? J'ai fini juste à temps. Je suis
correct.
M. D'Amours: M. le Président, nous n'avons pas
réfléchi, en tant qu'association, sur cette question-là.
Mais une question semblable ne peut pas rester sans réponse, j'imagine.
Alors, la façon dont vous la posez et l'intérêt qu'elle
suscite des deux côtés de la table, je pense qu'il va falloir que
nous y apportions...
M. Chevrette: Je suis en train de l'amener lentement mais
sûrement vers ça, parce que tout le monde veut ça...
M. D'Amours: II est clair que...
Mme Bacon: Wo, wo, wo!
M. Chevrette: ...sauf le Parti libéral. Excusez.
M. D'Amours: Nous nous avancerons sur un principe. Je vais partir
d'une citation de notre mémoire. Partons du fait qu'au niveau des
exportations d'électricité nous avons dit que ces
contrats-là devraient être comptabilisés
indépendamment, de sorte que les fruits de ces exportations
d'électricité puissent être utilisés au
développement économique du Québec. Donc, nous voudrions
clairement séparer la comptabilité d'Hydro-Québec, en
termes de l'usage des recettes, de la comptabilité publique,
gouvernementale.
Dans ce sens-là, nous pourrions imaginer une façon
d'aborder les questions énergétiques à distance par
rapport au gouvernement et à sa gestion gouvernementale. Il y aurait
là un principe de saine gestion. Mais, de là à franchir
cette étape, il est clair que... je ne suis pas sûr qu'on va tous
être d'accord, au Québec, et que toutes les communautés et
tous les intérêts vont aller dans ce sens-là. Mais, sur les
plans financier et économique, cette distance entre la gestion
gouvernementale et la gestion des ressources, à mon sens, devrait
être
assumée, tout en conservant, au niveau gouvernemental, cette
autorité qu'il doit manifestement exercer en termes d'orientation sur
les grandes politiques du Québec, économiques et
énergétiques. Mais, une fois que ces grandes politiques ont
été énoncées, je pense que la plus grande
liberté possible doit être donnée aux gestionnaires pour
que l'on puisse permettre, finalement, aux forces du marché, dans ce
contexte-là, de jouer le plus possible, si on veut que l'allocation des
ressources soit optimale, si l'on veut. Alors, il y a des gestes à
poser. Jusqu'où le gouvernement doit-il aller? Là, je laisse les
penseurs... Peut-être avons-nous besoin d'un peu plus de recherche pour
répondre définitivement à cette question.
Le Président (M. Audet): Merci. M. le député
de Saint-Maurice.
M. Lemire: Merci, M. le Président.
Vous semblez favorable à l'utilisation de
l'électricité comme instrument de développement
régional. Certains groupes, qui sont passés ici, jugent que ces
actions ont un impact sur le niveau des tarifs à l'ensemble de la
clientèle et ainsi minent leur position concurrentielle. Ma question:
Dans votre esprit, peut-on viser le développement ciblé
d'industries sans affecter la position concurrentielle de
l'électricité sur les autres marchés?
M. Cao: Je ne saisis pas vraiment le sens de votre question.
Cependant, peut-être que...
M. Lemire: Au départ, ce que je veux vous demander... Je
veux parler de développement économique. Certains groupes jugent
que, parce qu'on continue à faire du développement, qui se veut
un développement économique, au niveau des tarifs, on a comme
l'impression que ça mine; il y en a qui nous disent que ça mine
leur position concurrentielle. Dans votre esprit, est-ce qu'on peut continuer
à viser le développement ciblé d'industries sans affecter
la position concurrentielle?
M. Cao: Je pense, premièrement... Un premier principe que
nous tenons à soutenir, c'est le fait qu'il ne faudrait pas avoir des
tarifs spéciaux pour différents types d'industries,
dépendamment de la position dans laquelle elles sont, principalement
pour une question d'équité pour l'ensemble des consommateurs. Si
on commençait à mettre des tarifs spéciaux pour une
compagnie et une autre compagnie, on en viendrait à avoir plein de
tarifs spéciaux.
Ceci étant dit, nous croyons que la position concurrentielle...
Dans certaines industries, l'énergie est surmentionnée, alors que
l'énergie, l'électricité ne représente qu'une
partie très faible de la consommation, très faible, je pense, par
rapport aux coûts d'opération des industries. Ça
représente, en moyenne, environ 4 % à 5 % de leurs coûts
d'opération. Donc, ce n'est pas la majeure partie qui rend la position
concurrentielle d'une entreprise, au Québec, en raison du coût de
l'électricité.
Il y a, par contre, aussi le fait qu'il y a des alter- natives de
sources d'énergie, comme le gaz naturel. Pour ces entreprises, il
faudrait voir si une utilisation rationnelle de l'énergie, en tant
qu'énergie, pourrait être, dans certains cas où le gaz est
disponible, plus favorable pour le gaz que pour
l'électricité.
Votre question, si je la comprends bien, c'est surtout de cibler
certaines industries auxquelles on fournirait des tarifs spécifiques. Je
pense que ce ciblage spécifique de certaines industries... je ne pense
pas que ce soit le chemin à suivre.
M. Lemire: Dans la même vision de développement
économique, à la page 9 de la proposition du plan de
développement d'Hydro-Québec, on propose d'élargir le
programme de mise en valeur de l'environnement afin de favoriser davantage le
développement économique régional. Êtes-vous
favorable à cette initiative d'Hydro-Québec?
M. D'Amours: À la page 9 du mémoire...
M. Lemire: À la page 9 du plan de développement
d'Hydro-Québec.
M. D'Amours: Oui. Vous allez nous resituer. Nous étions
dans notre mémoire.
M. Lemire: Au programme de mise en valeur de l'environnement, on
veut ajouter aussi: afin de favoriser le développement économique
régional. Êtes-vous favorable à cette nouvelle vision
d'Hydro-Québec? (9 h 50)
M. D'Amours: Je pense que, si favoriser le développement
régional passe par de la tarification particulière, nous ne
serions pas d'accord, comme M. Cao vient de l'exprimer, en termes de
tarification, sauf qu'en termes d'activité économique, qui
découle de la mise en oeuvre de barrages, de l'exploitation de nos
ressources, et tout, il faut évidemment que les régions profitent
pleinement des retombées de l'hydroélectricité à ce
niveau-là, parce que, sachez-le, sachons-le, c'est au niveau surtout de
l'implantation, construction de barrages, construction de lignes que l'impact,
dans un premier temps, économique, la création d'emplois se fait
sentir.
M. Lemire: je voudrais peut-être préciser davantage
ma question. c'est qu'il a existé, pendant plusieurs années, un
programme de mise en valeur principalement sur l'environnement, qui
était, dans certaines enveloppes, de 1 %, et ce 1 % devait servir
strictement à des programmes de mise en valeur de l'environnement. ce
qu'on veut, ma question, c'est savoir, dans le nouveau programme qui sera
probablement mis en force par hydro-québec, est-ce que vous êtes
favorable à ce que ça serve aussi pour le développement
économique régional?
M. D'Amours: Absolument. Au niveau de la dépense et de la
mise en valeur de l'environnement, oui, nous pouvons l'affirmer. Le tissu
économique du Que-
bec et une des forces de son développement économique, il
le tire de ses régions. Alors, il faut qu'Hydro-Québec, qui est
une force économique, y participe par cette voie-là aussi.
M. Lemire: Je voudrais revenir avec la question
d'économies d'énergie. À la page 13 de votre
mémoire, vous indiquez que la tarification horo-saisonnière
«serait certes plus certaine dans ses effets et moins coûteuse pour
Hydro-Québec que les mesures d'économies d'énergie».
Ma question: Votre position remet en cause la rentabilité du programme
d'économies d'énergie; est-ce que vous pourriez nous expliquer
votre point de vue?
M. D'Amours: II est clair qu'une tarification
horo-saisonnière stricte, qui s'inspire des principes du coût
marginal, serait plus efficace au sens où le consommateur,
l'électricité, si elle lui coûte plus cher en telle saison
ou à telle heure de la journée, forcément, il devrait
regarder à sa consommation. Mais, pour des raisons qu'on a
évoquées tout à l'heure, que ce soit les coûts
sociaux, les coûts familiaux, je pense qu'il doit y avoir des compromis
intelligents à faire entre cette tarification-là et les
économies d'énergie.
Les économies d'énergie, la façon dont elles... Les
programmes d'économies d'énergie, nous estimons qu'ils
contiennent actuellement des moyens qui sont insuffisants. L'efficacité
de ces programmes-là laisse à désirer, puisqu'on n'atteint
pas les objectifs fixés et qu'on est nettement loin de l'objectif de 9,2
TWh. Alors, il y a donc là une conclusion à tirer des faits
observés. Dans ce sens-là, si Hydro-Québec
développe des moyens plus efficaces par rapport aux économies
d'énergie, il y aura une pondération évidente à
faire.
Le Président (M. Audet): Merci. M. le député
de Joliette.
M. Chevrette: Étant donné que le président
me bâillonne, je devrai poser mes deux questions très rapidement,
M. le Président.
Le Président (M. Audet): Ah! M. le
député...
M. Chevrette: Tout d'abord, vous ne parlez pas de
cogénération, ou presque, en tout cas.
Une voix: Oui, à la fin.
M. Chevrette: J'aimerais vous entendre dire plus de mots que
ça sur la cogénération. Vous, les économistes,
comment vous voyez ça, sachant que, par exemple, Hydro s'engage à
acheter à 0,043 $ du kilowattheure? Est-ce que vous considérez
que c'est une bonne chose pour le développement du Québec,
etc.?
La deuxième, c'est sur l'interfinancement. Sur Pinterfinancement,
vous dites qu'on devrait abolir le plus possible les barrières en
tout cas, à moins que j'interprète mal votre mémoire, vous
me rectifierez. Vous ne croyez pas qu'avec, précisément, les
avantages consentis à des secteurs, par exemple, très
énergivores, comme l'industrie de l'aluminium, quand vous abolissez
l'interfinancement et qu'ils bénéficient déjà
d'avantages majeurs, que le citoyen québécois actionnaire,
à qui on a fait miroiter, en 1962, qu'il aurait
l'électricité au plus bas coût, risque d'en prendre pour
son rhume? Il en prend déjà pas mal.
M. D'Amours: Au plan de l'interfinancement, nous mettons l'accent
surtout sur les tarifs G et M. Il est clair que nous l'avons
souligné ces grands contrats de vente
d'électricité, aux prix qui ont été signés,
on a fait la démonstration que ça coûte plus cher,
ça manque de rentabilité. Mais, au niveau des tarifs G et M, il y
a là, je pense, un effort à faire, et je sais pertinemment que
cet effort, il est envisagé depuis plusieurs années, chaque
année, quand vient le temps pour le gouvernement d'adopter une
tarification. Je sais, par ailleurs, que c'est difficile, parce que cette
décision-là implique un transfert de coûts vers le
consommateur et vers la famille. Là, évidemment, il y a un
obstacle considérable à franchir, puisque
l'électricité, ici, au Québec,
l'hydroélectricité faisant partie de notre patrimoine, on
escompte, comme consommateurs, que ça aura des retombées
positives pour l'individu, sauf qu'il y a une démonstration à
faire, en termes de retombées. Si nous favorisons la création de
petites et moyennes entreprises, en utilisant cet avantage comparé que
nous avons, en élaborant une tarification favorable pour ces petites et
moyennes entreprises, je pense qu'il y a là une démonstration
possible à faire, en termes de retombées économiques et de
création d'emplois. Alors, voilà pour ce point de vue
là.
En ce qui a trait à la cogénération, bien, la
cogénération est plus chère, coûte plus
chère. En termes financiers, il ne faut pas l'écarter, cette
cogénération. Nous l'avons souligné. M. Cao pourrait
peut-être compléter cette réponse-là.
M. Cao: Je compléterais la réponse de M. D'Amours
en disant que, pour l'interfinancement, le premier principe économique
que nous soutenons est le principe que chaque classe de clientèle doit
supporter le coût que ça génère au niveau de la
distribution et pour l'atteinte de l'optimum économique. Ce principe
équivaut à dire, évidemment, de réduire
l'interfinancement.
Actuellement, l'interfinancement, au niveau d'Hy-dro-Québec, se
situe principalement dans le secteur résidentiel, et les secteurs des
moyennes et petites entreprises sont pénalisés. Pour le secteur
des grandes entreprises, je crois qu'avec les niveaux de tarifs actuels
Hydro-Québec démontre qu'actuellement le Québec
récupère, en fait, en termes de coûts, ce qu'il
dépense pour desservir cette clientèle-là. Donc, ça
se joue au niveau des petites et moyennes entreprises et au niveau du
résidentiel. Il faut donc rétablir cet équilibre-là
dans un délai que nous disons réaliste.
À savoir comment on va le faire, je pense à,
premièrement, une hausse, comme le présente HydroQuébec,
plus importante au niveau du résidentiel et à
une hausse relativement moins importante pour les secteurs des petites
et moyennes entreprises.
En ce qui concerne la cogénération, c'est une question de
rentabilité, et il y a un potentiel important de
cogénération qui est une forme de production
d'électricité qui est efficace. La rentabilité
d'Hydro-Québec se situe au niveau, premièrement, de la
flexibilité que ça représente, la
cogénération. Au niveau de l'impact, si elle est produite
à partir du gaz naturel, l'impact environnemental est beaucoup moins
élevé. La cogénération, également, pourrait
être comme une étape intermédiaire dans la production
d'électricité vers une production beaucoup plus axée sur
les grands barrages par la suite. C'est pour ça que, dans notre
mémoire, nous n'avons pas touché de façon explicite la
cogénération, parce que nous croyons qu'Hydro-Québec
devrait étudier ça de manière à intégrer
tous les aspects dans son analyse économique. Actuellement, je crois que
le plan d'Hydro-Québec intègre de façon assez timide la
production indépendante et la cogénération.
Le Président (M. Audet): Merci. M. Chevrette: Merci
beaucoup.
Le Président (M. Audet): M. le député de
Drummond. (10 heures)
M. St-Roch: Merci, M. le Président. j'aimerais revenir
avec une problématique qu'hy-dro nous a suggérée dans son
plan de développement, au niveau de la stabilité des prix.
lorsqu'on regarde d'une façon un peu plus globale, on s'aperçoit
qu'au courant des dernières années il y a eu une tarification qui
a largement dépassé les taux d'inflation. on nous a fait
référence que c'était dû à la faible
hydraulicité. alors, dans le but de compenser, hydro-québec, dans
son plan, nous propose un fonds de stabilisation. dans les années de
bonne hydraulicité, vendre à l'exportation. on prévoit, si
ma mémoire est fidèle, pour les trois prochaines années,
quelque chose comme 14 twh, qui seraient vendus à l'exportation. on
semble vouloir dégager, prendre ces profits-là et mettre
ça dans un fonds qui nous permettrait d'avoir une stabilité.
parce que, lorsqu'on regarde, moi, en tant que consommateur, j'essaie
d'économiser de l'énergie, puis, à tout bout de champ,
j'ai des hausses de 7,5 %, de 9 % ou de 3,5 %; ça met quelqu'un suspect
en vertu de dire: quel avantage j'aurai à aller chercher et à
aller économiser de l'énergie? de toute façon, je me fais
gruger quelque chose d'autre. alors, j'aimerais vous entendre sur cette
possibilité-là, cette offre d'hydro-québec de créer
ce fonds de stabilisation, en tant qu'économistes, les avantages et les
désavantages que vous verriez à moyen et long terme.
M. D'Amours: Je pense que l'idée est très bonne,
elle est excellente. Nous n'en avons pas traité dans notre
mémoire, sauf qu'un des exemples que nous avons donnés c'est
d'établir une comptabilisation distincte, par exemple, de ces contrats
d'exportation d'électricité et des résultats de ces
exportations. Ça rejoint cette idée. Il faut, je pense,
qu'Hydro-Québec puisse avoir des moyens de cette nature-là pour
gérer sa politique tarifaire et, dans ce sens-là, il nous
apparaissait un petit peu incongru, d'une part, de mettre de l'avant cette
idée de fonds de stabilisation et, d'autre part, de prendre un
engagement à moyen et à long terme sur le type de tarification
qu'ils vont utiliser.
Alors, si ce fonds de stabilisation à long terme peut être
utilisé pour les fins de la tarification, il faut, je pense, qu'il y ait
une intégration de ces deux concepts-là. Et c'est un des motifs
pour lesquels nous croyons que la tarification collée à
l'inflation, à notre sens, devrait être repensée.
Le Président (M. Audet): Brièvement.
M. St-Roch: oui, brièvement. dans cette même
idée de coller la tarification à l'inflation, il semble qu'on va
dégager un grand débat parce que hydro-québec a
prévu, dans son plan, une inflation de 3,5 % et, de plus en plus, les
économistes nous parlent de 2,5 %. or, ça peut faire toute une
différence au niveau des grandes comptabilités
d'hydro-québec au niveau de la tarification et aussi au niveau de ses
revenus, parce que 1 % sur une période de sept ans, c'est plusieurs
centaines de millions de dollars. alors, est-ce que vous croyez, vous, en tant
qu'économistes, vu qu'il fait soleil ce matin, dans votre boule de
cristal, que les 3,5 % choisis par hydro-québec sont
réalistes?
M. D'Amours: C'est une hypothèse que d'autres
économistes infirmeront ou confirmeront. Il est clair que vous avez
raison de rendre cette approche-là un peu fragile, au sens que, si on
s'appuie sur des prévisions semblables, je lis bien dans le plan de
développement qu'il est possible qu'Hydro-Québec, une
année, ait des tarifs supérieurs à l'inflation, mais en
invoquant le fait qu'en longue période elle va suivre l'inflation. Donc,
ça m'apparaît difficile à appliquer et à
défendre à un moment donné devant la population, et pour
un gouvernement en particulier, de dire: Cette année, on respecte la
politique, l'engagement qu'on a pris, sauf que, si on est plus
élevé que l'inflation, rappelez-vous qu'il y a deux ans ou trois
ans, l'inflation était supérieure, on va tarifer à un prix
inférieur, puis l'inflation qui s'en vient va être
différente, puis vous allez en profiter. Mais cette année, on
regrette, c'est comme ça. Donc, Hydro-Québec se retrouverait
toujours en porte-à-faux, à notre sens, avec cette
approche-là.
Le Président (M. Audet): Merci. Alors, messieurs, au nom
des membres de la commission de l'économie et du travail, je vous
remercie de votre présentation.
Nous allons suspendre deux minutes afin de permettre au Comité
consultatif pour l'environnement de la Baie James de prendre place.
(Suspension de la séance à 10 h 4)
(Reprise à 10 h 8)
Le Président (M. Fradet): Veuillez prendre vos places,
Mmes et MM. les députés. Nous allons accueillir, maintenant, le
Comité consultatif pour l'environnement de la Baie James. Je vous
rappelle, messieurs, que vous avez une période de 20 minutes pour
présenter votre mémoire et que, par la suite, le reste du temps
sera réparti entre les députés ministériels et ceux
de l'Opposition pour la période d'échanges et de questions.
Alors, si vous voulez vous présenter et présenter vos
collègues.
Comité consultatif pour l'environnement de la
Baie James (CCEBJ)
M. Soucy (Alain): Merci, M. le Président.
Mon nom est Alain Soucy, je suis membre du Comité consultatif
pour l'environnement de la Baie James et je remplace le président, M.
Robert Dai-gneault, qui n'a pu assister évidemment à cette
rencontre. Également, nous avions prévu à l'agenda la
présence de M. Alan Penn, qui est un des représentants de la
partie crie de notre comité, et il sera remplacé par M. Paul
Wilkinson, qui est ici à ma droite, puisqu'il a un léger
problème avec son dos. Également, à ma gauche, vous avez
M. René Boudreault, qui représente la partie
fédérale au sein de ce Comité.
Je vous rappelle que le Comité consultatif pour l'environnement
de la Baie James est un comité tripartite qui comprend, donc, des
représentants des Cris, des représentants du gouvernement du
Québec et des représentants du fédéral. C'est
toujours, quand nous présentons un mémoire comme ceci, un effort
de consensus que nous essayons d'avoir pour vous présenter ce
mémoire.
Ce mémoire a fait l'objet d'un consensus. Ce n'est pas toujours
facile, quelques parties voudraient y mettre des nuances, d'autres voudraient
insister davantage. Enfin, on a essayé de vous présenter ici le
point de vue de l'ensemble du Comité. C'est pourquoi, pour éviter
que nous trahissions, si vous voulez, ce consensus, un de nous en fera la
lecture et, après, nous serons, évidemment, disponibles pour
répondre, tous les trois, à vos questions et peut-être
apporter justement les nuances dont je faisais état tout à
l'heure. (10 h 10)
La raison pour laquelle notre comité se prononce aujourd'hui
devant votre commission, c'est, bien sûr, parce que, dans tous les
scénarios invoqués par HydroQuébec dans son
développement, la part de l'hydroélectricité prend une
place prépondérante, d'autant plus que cette place se situe, en
grande partie, sur le territoire de la Baie James, territoire, donc, qui est
l'objet de notre mandat. C'est la raison pour laquelle nous avons pensé
venir ici vous faire part de certaines remarques en ce qui concerne ce plan de
développement, les incidences que cela peut avoir sur le territoire et
la population qui l'habite et, évidemment, des mesures que nous
recommanderions pour que, quel que soit le développement
préconisé, quelle que soit l'importance qu'on lui apporte, on
puisse optimiser chacune de ces solutions, chacun de ces projets pour le
bénéfice de tout le monde, y compris, bien sûr, ceux de la
population qui habite le territoire et, en grande partie, la population
autochtone.
Alors, sans plus tarder, M. le Président, je vais demander
à M. René Boudreault de vous faire la lecture de nos principales
recommandations.
Le Président (M. Fradet): Allez-y, M. Boudreault.
M. Boudreault (René): Alors, voilà un premier
commentaire du Comité concernant les objectifs de la planification
d'Hydro-Québec et le processus lui-même d'approbation par
l'Assemblée nationale. Le plan de développement 1993 propose 32
orientations et cerne les moyens, entre autres un certain nombre de projets
hydroélectriques, donc des moyens aptes à satisfaire aux
exigences et à la capacité prévues en termes
d'énergie, mais, comme les autres plans qui l'ont
précédé, il n'oblige pas vraiment Hydro-Québec
à suivre un plan d'action bien défini. Ces changements majeurs ne
sont habituellement pas sans effet sur l'environnement.
L'expérience nous enseigne que les actions prises par
Hydro-Québec dans le passé n'ont pas toujours correspondu aux
propositions énoncées dans ses plans de développement.
Ainsi, les moyennes prévues ont souvent été
excédées et les dates de mise en service des projets ont
été régulièrement et, à notre avis,
dramatiquement devancées dans certains cas. Nous vous avons produit un
tableau qui en fait l'illustration.
Puisque les plans de développement n'obligent pas
Hydro-Québec à s'engager dans un plan d'action bien
défini, leur approbation par l'Assemblée nationale risque de ne
pas le faire non plus. Nous reconnaissons que la prévision de la demande
est un art imprécis et, de toute évidence, Hydro-Québec ne
devrait pas être tenue d'adhérer à un plan quelconque
lorsque changent des facteurs externes indépendants de sa
volonté.
Toutefois, de nombreux éléments contenus dans les plans de
développement sont largement sinon entièrement dépendants
d'elle. Dans le cas du plan de développement 1993, ces facteurs incluent
l'épargne annuelle d'énergie visée, la promotion de
l'implantation d'industries à forte consommation
d'électricité, quoique dans une certaine limite, et le
développement des exportations.
Notre première recommandation est donc la suivante:
Qu'Hydro-Québec respecte son plan de développement 1993 quant aux
éléments qu'elle peut contrôler, c'est-à-dire
qu'Hydro-Québec ne pourrait les modifier sans une nouvelle consultation
publique et sans l'approbation des autorités concernées.
Un deuxième commentaire sur la clarté du plan de
développement. Nous avons retenu un exemple pour illustrer ce que nous
considérons comme un certain manque de clarté dans le plan de
développement 1993. La question des exportations, en particulier les
ventes d'énergie garanties, constituait une préoccupation ma-
jeure pour nombre de groupes ayant participé aux consultations
menées par Hydro-Québec sur son plan de développement.
L'objectif d'Hydro-Québec d'exporter 3500 MW d'ici le tournant du
siècle a soulevé une opposition considérable. en
réponse à ces préoccupations, hydro-québec semble
laisser entendre que sa cible de 3500 mw a été remplacée
par l'objectif plus modeste de 1500 mw. cet engagement apparent est toutefois
soigneusement nuancé. même l'orientation 28 note, et je cite:
«...il serait possible d'exporter des quantités plus importantes
au début du siècle prochain», tandis que l'annexe 5
précise qu'à long terme hydro-québec vise à combler
15 % à 20 % des nouveaux besoins des réseaux voisins
américains, pourvu que ces exportations n'excèdent pas 10 % des
ventes totales d'hydro-québec. il semble donc que, sans égard aux
résultats de la consultation publique, l'objectif à long terme
proposé à l'origine n'ait guère changé, si ce n'est
qu'il n'a été reporté d'à peine quelques
années.
Notre recommandation est donc à l'effet qu'Hy-dro-Québec
soit tenue de clarifier ses intentions dans le plan de développement
1993 à ce chapitre. En fait, la question de l'exportation est un exemple
particulièrement évident d'activités pour lesquelles une
décision liant Hydro-Québec pourrait être prise, comme nous
le suggérons dans notre première recommandation.
Sur la consultation publique maintenant. Le Comité est heureux de
constater qu'Hydro-Québec a décidé de consulter le public
sur son plan de développement et que les groupes autochtones, parmi
d'autres, dont les Cris, ont été invités à
participer à cette consultation. Toutefois, le plan de
développement, ainsi que le processus de consultation qui l'accompagne,
ne saura malheureusement pleinement satisfaire les personnes qui
s'intéressent aux politiques environnementales et sociales
inhérentes à la poursuite de la filière
hydroélectrique au Québec dans sa forme actuelle.
Le processus de consultation lancé par HydroQuébec a, en
grande partie, porté sur l'analyse de l'évolution de la demande
d'énergie électrique et sur la contribution de certaines
technologies, comme, par exemple, la cogénération, la
filière éolienne, etc., qui ne comblent, selon le plan de
développement, qu'une petite partie des nouveaux besoins
énergétiques. Le mode de consultation choisi par
Hydro-Québec n'a pas permis de couvrir suffisamment les enjeux
écologiques et sociaux reliés à l'utilisation de cette
filière hydroélectrique, compte tenu de l'importance qu'a pris
cette forme de production d'énergie dans le plan de
développement.
Par ailleurs, les principaux enjeux de la filière
hydroélectrique détournement de rivières, la
dimension et l'opération des réservoirs, le maintien de
débits réservés, le facteur d'utilisation des centrales,
par exemple sont en grande partie du ressort des instances
gouvernementales. Ces enjeux pourraient être balisés par des
politiques gouvernementales appropriées.
Notre recommandation est donc à l'effet qu'une deuxième
étape au processus de consultation ait lieu. Cette étape viserait
davantage l'évaluation des politiques et hypothèses
environnementales et socio-économiques inhérentes à la
réalisation des projets hydroélectriques tels qu'envisagés
dans le classement économique actuel d'Hydro-Québec.
Maintenant, sur le classement économique des projets
hydroélectriques. Le comité s'intéresse
particulièrement à la filière Hydro-Québec ainsi
qu'à l'analyse des politiques gouvernementales qui la soutiennent. Le
classement économique constitue probablement l'élément
clé d'une telle analyse. Le classement, selon les catégories
«en construction», «projeté» ou «en
réserve», présente chacun des projets ou des complexes
hydroélectriques «priorisés» selon son prix de
revient, c'est-à-dire en cents par kilowattheure.
Nous ne commenterons pas ici sur l'utilisation par Hydro-Québec
du concept de prix de revient plutôt que sur celui du coût marginal
de l'entreprise. Cependant, les tableaux 2 et 3 du même document
décrivent par la suite les principaux enjeux écologiques et
socio-économiques associés à chacun des projets. Ainsi,
chaque projet peut être comparé sur la base de critères
économiques constants. Ensemble, il s'agit de l'aménagement du
potentiel hydroélectrique de 11 des principaux bassins versants du
Québec. Un seul concept d'aménagement est présenté,
c'est-à-dire le résultat de l'optimisation
technico-économique.
Toutefois, notre expérience de l'aménagement
hydroélectrique du territoire de la Baie James démontre qu'il
existe, pour chaque projet, une gamme de variantes d'aménagements
possibles. Nous pouvons citer à titre d'exemple: la localisation des
centrales, l'optimisation des niveaux maximums des réservoirs et des
biefs d'amont et leur régime d'opération, le détournement
des rivières et le choix du facteur d'utilisation. Chaque variante
comporte évidemment des conséquences écologiques et
sociales importantes. Le prix de revient signifie le coût minimum de
réalisation, ce qui veut dire en pratique que l'importance des
superficies inondées, la nature elle-même des réservoirs et
des rivières à débit modifié ne sont pas de toute
évidence prises en considération.
Lorsqu'il s'agit de la conception même d'un projet, la dimension
environnementale n'a pas toujours eu l'importance qu'elle devrait avoir. Nous
croyons que cette dimension devrait être considérée comme
une étape fondamentale lors de l'étape de la conception
même du projet.
Nous recommandons donc que, dorénavant, le classement
économique des projets soit appuyé par un classement
économique des différentes variantes d'aménagement,
classement qui tiendrait compte des principes d'optimisation environnementale
et de développement durable.
Sur le choix des moyens de production, la préférence
qu'Hydro-Québec accorde à l'hydroélectricité comme
moyen de production d'énergie repose, dans une large mesure, sur sa
conviction que ce type d'énergie est moins coûteux que les moyens
concurrentiels.
Deux commentaires s'imposent à cet égard.
Premièrement, il n'est pas clairement établi que le
coût
d'exploitation des centrales à turbines à gaz sera aussi
élevé que le prétend hydro-québec. la comparaison
des prix de revient par kilowattheure, illustrée au tableau 7, n'est
peut-être pas aussi simple que le suggère hydroquébec.
cette dernière estime que, d'ici l'an 2010, le prix du gaz naturel
augmentera de 5 % au-dessus du taux de l'inflation. ainsi, hydro-québec
estime que le prix du gaz naturel à la frontière de 1'alberta
augmentera de plus de 400 % d'ici l'an 2010, alors que, pour la même
période, hydro ontario estime que ce prix ne fera qu'approximativement
doubler, n'augmentant qu'un peu plus rapidement que le taux d'inflation
prévu pour cette même période.
Mais, si la prévision d'Hydro Ontario se révèle
effectivement juste, les turbines à gaz, par rapport à la
production hydroélectrique, seraient beaucoup plus économiques
que ne le reconnaît Hydro-Québec, et celle-ci devrait alors
justifier plus rigoureusement sa préférence marquée pour
la production hydroélectrique. (10 h 20)
Un deuxième commentaire là-dessus. Les coûts
économiques des divers moyens de production ne sont pas aussi simples
à comparer que ne le laisse entendre Hydro-Québec. Certaines
formes de production, y compris les centrales nucléaires et les
centrales à gaz, sont assujetties à une réglementation,
notamment en ce qui concerne les émissions atmosphériques, ce qui
peut avoir un effet important sur leur coût en capital et d'exploitation.
Par ailleurs, la production hydroélectrique n'étant guère
assujettie à une réglementation comparable, la comparaison du
prix de revient ne reflète pas ces coûts environnementaux ou ne
les reflète que dans la mesure où le promoteur choisit de les y
intégrer. Il a déjà été mentionné que
les promoteurs de grands projets hydroélectriques avaient tendance
à sous-estimer, habituellement, les coûts externes associés
à leurs activités. Par ailleurs, il est vrai que plusieurs de ces
effets se prêtent mal à la quantification en valeur
monétaire.
Compte tenu de ces deux observations, il semble possible que le plan de
développement 1993 ait largement surestimé le coût de
production des centrales à turbines à gaz et sous-estimé
celui des centrales hydroélectriques. Nous recommandons donc que
l'évolution vraisemblable des prix de revient des centrales à
turbines à gaz, d'ici l'an 2010, soit réévaluée sur
des bases comparables avec celles des centrales hydroélectriques, et ce,
en incluant les principes d'optimisation environnementale et de
développement durable.
Hydro-Québec et l'évaluation environnementale, maintenant.
Les données essentiellement descriptives mises à la disposition
du ministère de l'Environnement dans le cadre des dépôts
d'études d'impact fournissent généralement peu de
renseignements sur l'évolution des écosystèmes
perturbés par l'aménagement hydroélectrique, malgré
l'importance géographique de cette filière de production au
Québec. Dans ce contexte, nous recommandons donc qu'Hydro-Québec
adopte une approche d'évaluation environnementale qui accorde plus
d'importance au fonctionnement des écosystèmes
créés ou modifiés lors de la formation des
réservoirs ou lors de détournement de rivières.
Le Comité souligne également l'importance de la position
d'Hydro-Québec dans son plan de développement par rapport
à l'uniformité du facteur d'utilisation qui est de l'ordre de
0,60. L'expérience acquise au complexe La Grande lors du
suréquipement de celui-ci illustre l'importance de bien comprendre les
conséquences écologiques et sociales de cet élément
de conception souvent négligé.
Notre recommandation: Nous recommandons donc que soit
réalisée une étude globale et systématique des
conséquences écologiques et sociales, à l'échelle
du Québec, du choix du facteur d'utilisation du parc d'équipement
d'Hydro-Québec et, notamment, des implications d'une politique
d'uniformisation de ce facteur qui est autour de 0,60.
L'absence, au Québec, de politiques explicites qui visent
l'utilisation polyvalente des réservoirs préoccupe aussi le
Comité. Il y a lieu de repenser les politiques de déboisement
minimales qui ont prévalu lors de la réalisation de la
première phase du complexe La Grande. Par exemple, si on se fie, en
grande partie, sur la glace comme agent de déboisement naturel, les
conséquences sont lourdes, à long terme, pour les utilisateurs
éventuels d'un réservoir.
Nous sommes donc d'avis qu'une étude approfondie des
différentes politiques de nettoyage, de préparation et de
déboisement des réservoirs actuels et projetés soit
effectuée dans l'objectif de promouvoir le principe de la polyvalence.
Parallèlement, le Comité est d'avis que le suivi
réalisé par Hydro-Québec de ses propres réservoirs
devrait porter davantage sur l'évolution de l'écosystème
que constitue un réservoir, y compris la communauté
ichtyologique.
Le Comité a également noté avec
intérêt l'importance accordée par Hydro-Québec
à l'émission de CO2 lors de la décomposition de
la végétation et des sols suite à l'inondation. Conscient
des difficultés et de l'évolution rapide des différentes
disciplines scientifiques, le Comité s'est demandé si
Hydro-Québec avait pris en considération la production de
CH4 et de N2O lors de cette décomposition dans son
évaluation de la contribution de la filière
hydroélectrique à la production des gaz à effet de serre
et, le cas échéant, comment le sujet avait été
abordé. Par la même occasion, il s'est demandé dans quelle
mesure Hydro-Québec avait pris en considération la perturbation
de cycles hydrologiques découlant de ses projets et l'évaluation
de l'influence de cette perturbation sur le rendement énergétique
de ses projets.
Nous recommandons donc d'évaluer l'importance de la
filière hydroélectrique comme producteur des gaz à effet
de serre, et ce, en tenant compte également des CH4 et des
N2O et de la modification du cycle hydrologique associée aux
grands aménagements hydroélectriques.
Sur le développement durable maintenant. HydroQuébec
décrit sommairement, dans son plan de développement, les grandes
lignes de plusieurs dossiers de l'entreprise qui ont trait,
généralement, à la gestion
environnementale. Malheureusement, le peu de documentation disponible et
l'absence d'illustrations rendent les propos d'Hydro-Québec difficiles
à comprendre. L'hydroélectricité est
présentée parfois comme modèle de développement
durable, une présentation qui repose, paraît-il sur l'exploitation
du cycle hydrologique renouvelable. Alors, cette affirmation nous pose
question. Peut-être qu'il s'agit également de l'argument à
l'effet que l'hydroélectricité peut être
considérée comme essentiellement neutre par rapport à la
chimie de l'atmosphère lorsque comparée avec d'autres sources
d'énergie thermique un constat dont la preuve reste à
être fournie. De toute façon, c'est une perspective du milieu
urbain, des grands centres de consommation de l'électricité
produite aux centrales hydroélectriques.
Toutefois, c'est la perspective nordique elle-même qui retient
plutôt notre intérêt. Prenons, à titre d'exemple,
l'expérience du résident de la communauté d'East-main,
située à l'estuaire de l'ancienne rivière Eastmain,
où le débit actuel n'est qu'une petite fraction environ 8
% de la grande et spectaculaire rivière avant son
détournement vers la rivière La Grande en 1980. Pour le
résident de cette communauté, il est évidemment
très difficile de concilier le principe de développement durable
avec la disparition de cet estuaire un endroit historique, d'ailleurs,
notons le bien, dans la colonisation européenne du Nord
québécois.
Prenons également le «Grand Détour» de cette
même rivière en amont du site de la centrale Eastmain I. Ce
paysage d'habitats riverains diversifiés se trouve malheureusement en
plein centre du réservoir et bief d'amont de la centrale d'Eastmain I.
Ce paysage, d'ici environ cinq ans, est destiné à
disparaître, donc à faire partie des quelque 14 000 km2
de paysages riverains et lacustres inondés par le complexe La Grande.
Jusqu'à maintenant, presque aucun effort n'a été
consacré au principe de l'utilisation polyvalente du territoire
concerné, principe qui, nous croyons, découle directement de
celui du développement durable si on prend en considération,
comme le voulait d'ailleurs la commission Brundtland, le sort des
communautés directement touchées par les grands projets de
développement. Les vastes réservoirs créés depuis
environ 14 ans demeurent tristement des zones inhospitalières et
largement inutilisables.
Nous recommandons qu'Hydro-Québec fasse la démonstration
claire et explicite de la conformité des aménagements
hydroélectriques au principe du développement durable, en tenant
compte des besoins actuels et futurs des collectivités touchées
par ces projets hydroélectriques d'envergure.
Le Président (M. Fradet): S'il vous plaît,
messieurs, il vous reste une minute à votre temps. Si vous pouvez
conclure pour poursuivre avec la période des questions.
M. Boudreault: Nous allons vous souligner uniquement les
recommandations en laissant tomber un peu la logique qui les soutient. Alors,
au niveau du mercure, nous recommandons la réévaluation de la
stratégie actuelle d'Hydro-Québec concernant le contrôle du
mercure, de façon à ce qu'elle ne soit pas limitée
à la modification du comportement des utilisateurs.
Une deuxième recommandation là-dessus: Considérant
l'absence de consensus dans la communauté scientifique sur la
contamination par le mercure, nous recommandons que soit entrepris un
réexamen en profondeur de la contamination mercurielle associée
à la mise en eau des réservoirs, en mettant l'accent sur
l'évaluation et l'expérimentation de différentes
stratégies de contrôle et de mitigation.
Nous avons voulu vous souligner aussi, dans le cadre d'une autre
approche, une expérience ou une politique particulière qui est
menée quant à la gestion du bassin versant de la rivière
Columbia. Je pense que c'est dans l'État de Washington, Paul. Alors,
nous laissons à votre lecture personnelle le soin de vérifier nos
allégations quant à cette question. Et nous recommandons,
cependant, en dernière analyse, qu'avant d'approuver tout autre plan de
développement, le gouvernement entreprenne un examen exhaustif des
méthodes de planification énergétique, dans l'intention de
suggérer une méthode nouvelle et adaptée aux
réalités sociales et environnementales du Québec.
Alors, je vous remercie de votre patience.
Le Président (M. Fradet): Merci beaucoup pour votre
présentation.
Maintenant, je vais reconnaître la ministre de l'Énergie et
des Ressources pour la période de questions.
Mme Bacon: Merci, M. le Président.
Messieurs, je voudrais d'abord vous remercier de votre contribution aux
travaux de cette commission parlementaire. Votre comité est, de par son
mandat, bien au courant, évidemment, des répercussions
qu'engendrent des aménagements hydroélectriques et, donc, des
implications qui découlent du plan de développement
qu'Hydro-Québec nous propose. Et votre mémoire, je dois dire, se
distingue des autres que nous avons entendus. Vous nous proposez des actions
précises à entreprendre pour atténuer les
répercussions négatives de l'hydroélectricité ou,
enfin, améliorer nos connaissances aussi et notamment sur la
problématique du mercure. Je pense que c'est des sujets qu'on n'a pas
entendus dans tous les mémoires.
Une de vos recommandations requiert qu'Hydro-Québec fasse la
démonstration claire, explicite de la conformité des
aménagements hydroélectriques au principe du développement
durable. Moi, j'aimerais savoir quel autre moyen de production se positionne
mieux que l'hydroélectricité en regard du principe du
développement durable, s'il y en a. (10 h 30)
M. Wilkinson (Paul): Une couple de commentaires.
Premièrement, il faut reconnaître que le principe du
développement durable, tel que formulé par la commission
Brundtland comporte des volets socioculturels. La
commission a accordé énormément d'importance
à réduire, à éliminer les iniquités entre
les pays du Nord, du Sud et à l'intérieur même de certains
pays. La commission n'a pas, toutefois, complètement réglé
le problème de comment définir, dans un cas particulier, ce que
c'est que le développement durable.
Comme M. Soucy l'a mentionné, notre mandat territorial est
très limité à ce que l'on peut appeler le territoire cri
en vertu de la Convention. Le point que nous avons essayé d'illustrer
dans notre mémoire, c'est que, du point de vue d'un Cri vivant sur le
territoire, les développements hydroélectriques existants ne
satisfont pas aux critères de développement durable. Par contre,
si on prend une perspective québécoise internationale, la
réponse à cette question pourrait être différente.
Donc, pour nous, le défi, ou la question qu'on se pose, c'est: Comment,
pour les personnes directement touchées par un projet de
développement quelconque, on peut respecter les exigences du principe de
développement durable? Malheureusement, je n'ai pas directement
répondu à votre question, c'est une question très,
très difficile.
Mme Bacon: C'est fort intéressant. C'est fort
intéressant.
M. Wilkinson: On effleure, malheureusement, la question de
«not in my backyard», pas dans ma génération. Mais je
pense que c'est une question de toute importance et je pense que c'est une
question qui se prête à des analyses rigoureuses. J'ai
été impliqué, avec un groupe de philosophes, sur l'analyse
de cette question et il nous semble qu'on peut poser la question en termes qui
se prêtent mieux à l'analyse en identifiant certains principes
moraux. Premièrement, le principe du bien-être,
c'est-à-dire que les effets des gestes que nous posons sur le
bien-être ou les intérêts de toutes les personnes
affectées sont significatifs sur le plan de la moralité;
deuxièmement, le principe de la considération égale;
troisièmement, le principe de la participation équitable;
quatrièmement, le principe de la justice distributive et,
cinquièmement, je ne connais pas le mot en français, mais ce
qu'on appelle en anglais «stewardship», gardiennage. Donc, je pense
que la question se prête à une analyse rigoureuse, mais,
jusqu'ici, l'analyse n'a pas été entreprise à ma meilleure
connaissance.
Mme Bacon: Compte tenu de votre statut d'organisme-conseil
indépendant, responsable de la protection de l'environnement et du
milieu social de la Baie James, avez-vous songé à entreprendre
des actions afin de corriger certaines des faussetés qui se
répandent au sujet de la phase I du complexe La Grande, de ses impacts?
Et, si vous avez entrepris de telles actions, est-ce que vous avez des
résultats?
M. Soucy: Le mandat de notre comité est, bien sûr,
de surveiller les politiques qui s'appliquent en matière
environnementale sur le territoire, de donner des avis sur ces politiques, de
surveiller également les différents régimes
d'évaluation qui sont mis en place, les différents
comités, qu'ils soient régimes sous la responsabilité du
Québec ou, dans certains cas, sous la responsabilité du
fédéral, et non pas de faire nous-mêmes, si vous voulez,
ces évaluations d'impact ou faire nous-mêmes ces études. Ce
n'était pas le but, si vous voulez, de notre mandat, de se substituer
à ces organismes qui sont mis en place par la loi et qui ont ce
rôle à jouer sur l'évaluation des projets qui leur sont
présentés sur la réalisation des études. Alors,
nous n'entrons pas, nous, dans le détail, si vous voulez, des assertions
dans le sens: C'est ça que ça va causer, c'est ça que
ça ne causera pas. On n'entre pas dans le débat des
problèmes. On regarde si les problèmes ont été
évalués correctement, si le processus a été suivi
exactement. C'est plus le rôle de notre comité.
Mme Bacon: Est-ce que les campagnes de désinformation, par
exemple, qui ont cours, ne compliquent pas votre tâche?
M. Soucy: Je veux bien dire qu'en grande partie on est souvent
tenté, évidemment, de dire: Bien, ça, on exagère
carrément; ce n'est pas comme ça que ça se passe.
Mme Bacon: Mais vous ne le dites pas publiquement.
M. Soucy: On n'a pas joué ce rôle à date. On
ne nous a pas demandé non plus de le jouer. Vous savez, on reçoit
nos mandats, nous, d'une des trois parties, que ce soit le
fédéral, le Québec ou les Cris. Alors, en dehors de ce que
je viens de dire, de ce qui est contenu dans la loi, si une des trois parties
nous demande une opinion sur quelque chose, là, on va répondre.
Mais, bien souvent, je dois vous dire que, dans le passé, on a
ignoré notre comité à bien des égards. Alors,
évidemment, on n'a pas outrepassé nos droits. Mais, si on nous
pose des questions comme celles que vous nous posez et qu'on a le mandat de le
faire, on le fera certainement.
Mme Bacon: D'accord. Vous mentionnez, à la page 6 de votre
mémoire, que les données contenues dans les études
d'impact des projets hydroélectriques sont essentiellement descriptives.
Alors, compte tenu de la vaste consultation qui a précédé
l'émission, en septembre dernier, de la directive déterminant la
portée de l'étude d'impact du projet Grande-Baleine, est-ce que
vous croyez que ça serait différent dans le cas de cette
évaluation environnementale?
M. Wilkinson: Je pense que, si Hydro-Québec se conforme
à la directive, il y a lieu d'être très optimiste à
cet égard parce que, franchement, je pense que les directives exigent
très clairement une approche écosysté-mique.
Mme Bacon: D'accord. Ça va.
Le Président (M. Fradet): Merci, Mme la ministre.
Maintenant, je vais reconnaître le député de
La-violette.
M. Jolivet: Merci, M. le Président.
Merci d'être devant nous aujourd'hui. Je dois vous dire qu'en
faisant quelques recoupages dans l'ensemble de votre mémoire je vais
essayer de vous poser ma première question, qui est en fait celle que la
ministre tout à l'heure, quand notre collègue l'a
demandée, le député de Joliette, a dit que c'était
déjà entendu qu'on la poserait. Je vais la poser aussi en
même temps, mais je vais tenir compte de la page 2 où vous parlez
que «l'expérience nous enseigne que les actions prises par
Hydro-Québec dans le passé ont rarement correspondu aux
propositions énoncées dans ces plans de
développement».
Vous ajoutez, en dessous du tableau, en donnant quelques exemples:
«Puisque les plans de développement n'obligent pas
Hydro-Québec à s'engager dans un plan d'action bien
défini, leur approbation par l'Assemblée nationale ne le fera pas
non plus.» Je vous dirai en même temps, comme commentaire, que la
commission parlementaire dans laquelle nous sommes a pour but d'entendre des
mémoires, de les questionner, de faire valoir de part et d'autre nos
positions et d'essayer d'influencer la décision qui, au bout de la
course, est toujours une décision de la ministre, avec le Conseil des
ministres qui est au pouvoir. alors, à partir de ça, on va
à la page 3 et vous parlez de la portée de la consultation
publique. et, quand je me rends à la page 4, vous parlez d'un processus
de consultation lancé par hydro-québec qui, en grande partie, a
porté sur l'analyse de l'évolution de la demande
énergétique électrique. on conçoit bien que nous
sommes actuellement dans le débat du plan de développement
d'hydro-québec, dans un plan de développement qui regarde une
filière qui représente environ 40 % de l'énergie au
québec, et, donc, qu'il faut penser à la partie planification
intégrée des ressources incluant ceux qui sont venus devant nous
jusqu'à maintenant: le gaz naturel, le pétrole, et autres.
Et je me rends à la page 10, pour finir avant ma question.
Là, vous dites, au deuxième paragraphe: «Nous ne noterons
ici que les caractéristiques principales: on a créé une
instance indépendante de planification en matière
d'énergie, dotée de pouvoirs décisionnels et
représentant les principales parties concernées, y compris les
groupes autochtones en parlant de vous; la loi a classé»,
etc.
Et, moi, je vous pose ma question. Dans le contexte, maintenant, de tout
ça vous parlez que vous n'êtes pas sûr
qu'Hydro-Québec va suivre son plan, deuxièmement que
l'Assemblée nationale n'a pas le pouvoir de le déterminer parce
que c'est le gouvernement qui le décide, d'autant plus que vous croyez
qu'il aurait dû y avoir une consultation publique à portée
peut-être plus intéressante est-ce que vous croyez,
à ce moment-là, qu'une commission indépendante, regar-
dant l'ensemble de toutes les données, de toutes les formes
d'énergie, pourrait être plus intéressante, avec des
pouvoirs de décision au bout de la course où le gouvernement
resterait quand même toujours en dernier lieu le responsable, mais
où Hydro-Québec, comme les gens qui prônent les
éoliennes, les autres énergies nucléaires, le
pétrole, le gaz naturel, etc., pourrait être avec tous les groupes
environnementaux, plus intéressante en termes de décision
à venir que celle que l'on vit actuellement?
Est-ce que vous croyez que cette commission indépendante pourrait
permettre à tous les Québécois et toutes les
Québécoises d'être mieux renseignés sur tout
l'ensemble des formes d'énergie, de leur utilité et de leur
possibilité? (10 h 40)
M. Wilkinson: C'est une grosse question. Je pense,
premièrement, que la consultation d'Hydro-Québec portait sur les
questions qui font partie de la juridiction du mandat d'Hydro-Québec. Je
pense que beaucoup des matières, des questions qui sont soulevées
dépassent la compétence d'Hydro-Québec et portent
peut-être indirectement sur les politiques gouvernementales.
Personnellement, je suis persuadé, je crois que
l'expérience, ailleurs, nous enseigne que les organismes
indépendants ont une grande contribution à faire, mais je crois
que la création d'un tel organisme devrait être associée
à d'autres mesures gouvernementales. Dans l'exemple que nous citons du
nord-ouest du Pacifique, il y a eu toute une série, toute une gamme de
mesures dans l'adoption d'une loi qui disait clairement que la protection des
poissons, etc., devrait recevoir une considération égale dans la
planification à la production d'énergie.
Un de nos problèmes, à mon avis, c'est que nous
fonctionnons dans un vide. Les règles de l'art qui devraient guider
Hydro-Québec ainsi que tous les autres intervenants jusqu'ici n'ont pas,
en grande partie, été définies. Donc, je pense que
ça prendrait deux choses: la création d'un organisme
indépendant regroupant tous les intérêts, mais,
également, la création de critères, et, moi, je parle ici
en termes de législation, pour exprimer nos priorités
québécoises quant à la protection de la nature, quant
à l'énergie, etc. Mais je pense qu'il faut avoir les deux.
M. Jolivet: Mais est-ce que vous croyez, à ce
moment-là, pour pouvoir mettre les idées des uns et des autres...
Parce que ce qu'on a entendu, quelqu'un vient vanter son système, lui,
il vend du gaz naturel, il va vanter ça en disant: Je suis meilleur que
l'autre, ou vice versa. Alors, on se retrouve avec une filiale qui est
actuellement hydroélectrique, mais peu de possibilités de
déborder ce cadre-là au niveau des autres énergies
disponibles, en termes d'efficacité énergétique, en termes
d'économies d'énergie, parce que, quand on parle du plan de
développement ici, on ne parle que d'Hydro-Québec vantant
l'économie de son énergie à elle sans vanter celle des
autres.
Alors, dans ce contexte-là, l'État a une responsa-
bilité, à mon avis, et c'est ce qu'on voulait savoir de
votre part, si vous êtes d'accord avec ça, à l'effet
qu'elle peut déterminer un cadre général dans lequel la
consultation pourrait se ternir avec un organisme indépendant et,
après ça, déterminer sa politique future. Est-ce que vous
voyez plutôt qu'elle détermine sa politique puis qu'elle la fait
consulter ou si elle doit faire une consultation avant de la finaliser, cette
politique?
M. Wilkinson: Pour moi, la première exigence, c'est que le
gouvernement établisse, par voie de lois et de règlements, les
règles du jeu. Dans ce cadre établi par le gouvernement, chacun
des intervenants, dont Hydro-Québec, devrait ensuite se situer. Mais je
crois également qu'il y a lieu de se pencher sur certaines grandes
questions, dont le rôle que pourrait jouer le gaz naturel. Moi, je ne
suis pas un vendeur de gaz naturel, mais je pense que, sur le plan
scientifique, il y a certaines questions qui méritent des
réponses ou des études. Jusqu'ici, je pense qu'au Québec,
pour des raisons qui se comprennent, qui se justifient, nous avons
été tellement préoccupés par nos ressources
hydrauliques que nous avons peut-être un peu négligé les
autres dimensions du problème énergétique.
Le Président (M. Fradet): Merci, M. le
député. M. Jolivet: Je reviendrai à la
prochaine...
Le Président (M. Fradet): Vous aurez l'occasion de
revenir.
M. Jolivet: C'est ça.
Le Président (M. Fradet): II vous reste du temps. Alors,
je reconnais maintenant...
M. Boudreault: M. le Président...
Le Président (M. Fradet): Pardon? Oui, O.K., allez-y.
M. Boudreault: Je voudrais uniquement rappeler à la
commission qu'en avril 1990 le Comité avait déposé
à cette même commission un mémoire et on avait fait
l'analyse, à ce moment-là, des conséquences, par exemple,
des devancements d'échéancier, et on avait rappelé
l'adhésion du Comité aux grands principes du débat public
tel quel portant sur l'implantation des grands complexes
hydroélectriques et sur les choix énergétiques pour
l'avenir du Québec.
Donc, nos analyses d'avril 1990 tiennent toujours, pour nous. Je l'ai
devant moi et je ne voudrais pas rappeler au complet nos recommandations, mais
ça allait non pas nécessairement dans le sens d'une
identification précise d'une formule miracle qui permettrait d'atteindre
les objectifs dont on parle, mais de différentes perspectives qui
peuvent permettre d'y parvenir, entre autres un débat beaucoup plus
large sur les choix fondamentaux qui sont derrière la planification
actuelle.
Le Président (M. Fradet): Merci beaucoup. Alors, je
cède la parole au député de l'Acadie.
M. Bordeleau: Merci, M. le Président.
Dans votre mémoire, à la page 6, vous mentionnez:
«II a déjà été mentionné que les
promoteurs de grands projets hydroélectriques avaient tendance à
sous-estimer habituellement les coûts externes associés à
leurs activités.» Vous avez mentionné aussi, dans ce
contexte-là, l'importance de comptabiliser l'ensemble des coûts
d'un projet en incluant les coûts environnementaux externes afin
d'établir le véritable prix de revient.
La question, c'est: Si on intégrait, effectivement, les
«externalités» dans les coûts des projets, pour
être conséquent, est-ce qu'on devrait, à ce
moment-là, charger ces coûts-là dans les tarifs
d'électricité? Si oui, quelles seraient les conséquences,
à ce moment-là, de cette approche-là, pour les autres
formes d'énergie, telles que les combustibles fossiles?
M. Wilkinson: Je ne sais pas si nous l'avons fait, mais nous
avions l'intention de vous expliquer qu'on ne peut pas répondre à
vos questions en tant que comité, parce que nous sommes 3 membres sur
les 12; donc, chacun s'efforce pour répondre et, dans la mesure du
possible, pour refléter les consensus qui existent au sein de notre
comité.
La réponse à votre question, à savoir si on devrait
transférer les coûts des «externalités», si on
devrait les refléter dans les tarifs, je pense que oui. Je ne vois
aucune raison de ne pas le faire parce que, si ce n'est pas notre
génération qui en assume les coûts, ce sera une
génération à venir. Je pense qu'Hydro-Québec, dans
son plan de développement, sous-estime ou surestime les
difficultés d'identifier et de calculer les
«externalités» associées au développement
hydroélectrique.
Il y a beaucoup d'expériences ailleurs en Amérique du
Nord. On peut, par exemple, regarder la Colombie-Britannique qui exige, par
rapport aux projets hydroélectriques, que les
«externalités» soient identifiées. On peut regarder
le nord-ouest du Pacifique, c'est la même chose, le coût des
«external ités» est ajouté aux tarifs. On peut
regarder même un cas extrême, dans l'État du Montana, ce
qu'on appelle la chute Kootenai, où un projet de 144 MW le
permis a été refusé parce que ce site aurait
détruit un site sacré utilisé par les Indiens de la
région.
On peut également regarder la Banque mondiale, ses nouvelles
politiques qui exigent que les «externalités»
associées aux projets qu'elle finance soient identifiées et
qu'elles soient assumées par quelqu'un.
M. Bordeleau: Oui. La question que je voudrais vous poser, c'est:
Vous êtes d'accord qu'on devrait inclure les coûts des
«externalités» dans les tarifs. Mais est-ce que vous voyez
des conséquences à cette approche-là au niveau des autres
formes d'énergie?
M. Wilkinson: Je pense que oui. Je pense que
l'hydroélectricité serait, sur le plan strictement
économi-
que, moins concurrentielle, mais jusqu'à quel point? Je ne le
sais pas. Dans les exemples que je vous ai cités, un exemple, Peace
River Site C, en Colombie-Britannique, une partie des
«externalités», celles associées aux activités
de pêche, étaient calculées comme étant
égales à 5 % du coût de capital du projet. Dans un des
exemples du nord-ouest du Pacifique, encore une fois, il s'agit
d'«externalités» associées aux pêches qui ont
été exprimées comme étant entre 4 % et 8 % des
coûts annuels d'exploitation d'un projet hydroélectrique. Donc,
l'électricité serait moins concurrentielle, mais on n'a pas fait
les études nécessaires pour savoir jusqu'à quel point.
M. Bordeleau: O.K. J'aurais une autre question que je voudrais
vous poser.
Le Président (M. Fradet): Une dernière question, M.
le député.
M. Bordeleau: Oui. Alors, vous soulignez la
nécessité, au fond... À la page 8 de votre rapport, dans
la section du développement durable, vous faites référence
à la question des changements importants sur les territoires. Vous
faites référence, à quelques reprises, à la
nécessité, pour le gouvernement, de se doter d'une politique au
niveau des détournements des rivières. J'aimerais que vous me
fassiez part plus en détail de ce que vous envisagez à ce
sujet-là, de façon plus précise. Et est-ce que vous
considérez que ça devrait être souhaitable qu'on inclue
cette dimension-là dans les politiques?
M. Soucy: Nous avions déjà, lors de notre dernier
passage, discuté de ce point dans notre ancien rapport. On retrouve
ça à la page 12, ici. Je dois dire que la pression sur
l'hydroélectricité au Québec est forte sur la production
et l'aménagement des territoires pour des fins hydroélectriques.
Elle est très forte et c'est très normal qu'elle soit forte
puisqu'il y a des ressources et, je dirais, qu'il y en a beaucoup. Elles sont
aménageables techniquement, et elles sont aménageables
économiquement, et elles sont aussi aménageables en tenant compte
des considérations environnementales. (10 h 50)
Donc, il n'y a pas de barrière absolue, si vous voulez, à
faire ces projets et il n'y a pas de contraintes non plus qu'on impose dans des
territoires immenses. Alors, la filière hydroélectrique, le
développement hydroélectrique devient donc le facteur premier de
développement d'un territoire vaste et considérable sans qu'il y
ait d'autres considérations autour, sans qu'on en mette, d'autres
considérations. Ça va un peu avec ce qu'on disait
précédemment sur les «externalités». Il
faudrait que le gouvernement fixe des balises dans ces territoires-là,
que le gouvernement dise: II y a des choses qu'on peut faire et il y a des
choses qu'on ne peut pas faire. Et, à ce moment-là,
Hydro-Québec saurait exactement dans quelles balises elle doit
développer ses projets.
Parmi les choses qu'on ne peut pas faire, il se pourrait que,
socialement, on décide que les détournements de rivières,
même si c'est économiquement intéressant, même si
ça représente des gains de productivité, etc., ça
ne se fait pas, pour toutes sortes de bonnes raisons. Socialement, on pourrait
dire qu'on ne fait pas ça au Québec, on ne veut pas faire des
détournements. On pourrait dire: Oui, on va en faire, mais à des
conditions qui seront les suivantes et que ce soit imposé. Alors
là, on parle de débit réservé. Il faudrait
évidemment, là-dessus, dans chaque cas, étudier ça
cas par cas, déterminer ce que ça veut dire, ce que ça
implique.
Je pense que c'est de cette politique-là qu'on parle, que le
gouvernement du Québec, par l'entremise, évidemment, de ses lois
et de ses règlements, puisse dire: Dans les territoires nordiques,
l'aménagement hydroélectrique se fait, mais on met des balises.
À défaut de balises, eh bien, évidemment, chaque fois il
faut faire la démonstration que, bon, ce n'est pas si pire, qu'on peut
faire des mesures de correction, etc., mais on arrive toujours à trouver
des solutions qui ne sont pas nécessairement toujours dans le sens de ce
qu'on appelait tantôt: le développement durable.
Et on a assisté comme ça, et on assistera encore, à
une série de développements qui se feront sans tenir compte des
autres possibilités d'utilisation du territoire, sans tenir compte de ce
qui peut se passer dans le futur, parce que la filière
hydroélectrique c'est ça qui est important pour le Québec;
tout le reste, c'est secondaire. Et c'est ça qu'on veut dire: II
faudrait que, dans les territoires nordiques, on mette d'autres
éléments que seulement les éléments de production
hydroélectrique.
Le Président (M. Fradet): Merci, M. le
député de l'Acadie.
Maintenant, je vais reconnaître M. le député de
Laviolette.
M. Jolivet: Merci, M. le Président.
Quand je regarde à la page 6, votre sixième recommandation
qui est la suite de la discussion que vous avez commencée, on dit:
«...nous recommandons qu'Hydro-Québec adopte une approche à
l'évaluation environnementale qui accorde plus d'importance au
fonctionnement des écosystèmes créés ou
modifiés lors de la formation de réservoirs ou lors des
détournements de rivières.» On est en accord avec
ça, d'autant plus que, même dans ma région, on a juste le
barrage Gouin qui a été fermé à la pêche
commerciale, alors qu'à l'époque on pouvait le faire, compte tenu
du mercure, mais j'essaie de voir s'il n'y a pas une contradiction entre ce que
vous dites à la page 5 et ce que vous avez un peu dit en cours de route
au niveau de la page 7.
Je reviens à la page 5 en disant: «Si la prévision
d'Hydro Ontario se révèle effectivement juste à la
fin du dernier paragraphe les turbines à gaz, par rapport
à la production hydroélectrique, seraient beaucoup plus
économiques que ne le reconnaît Hydro-Québec»,
d'autant plus qu'il faut se poser la question à savoir lequel des deux
est plus dommageable à l'environnement: turbines à gaz ou bien
hydroélectricité comme telle?
D'autant plus que j'ai cru comprendre, si je reviens à la
recommandation 9 à la page 7, que vous dites: «Nous recommandons
d'évaluer l'importance de la filière hydroélectrique comme
producteurs de gaz à effet de serre, et ce, en tenant compte
également de CH4 et de N2O.
Alors, j'aimerais entendre votre position. Est-ce qu'il y a une
contradiction entre l'un et l'autre, d'autant plus que vous sembliez dire tout
à l'heure qu'il n'est pas sûr que l'hydroélectricité
soit si propre, propre, propre. Alors, j'aimerais entendre votre position.
M. Boudreault : Je peux peut-être commenter de prime abord,
Paul, si tu permets.
M. Wilkinson: Oui, oui.
M. Boudreault: Ici, volontairement ou sciemment, le Comité
n'a pas voulu embarquer dans tout le débat entre le coût
environnemental ou entre l'importance des impacts environnementaux selon la
filière qui est choisie, que ce soit celle des combustibles ou celle de
l'hydroélectricité, mais simplement attirer l'attention de la
commission qu'au niveau des coûts, si, effectivement, les analyses qu'on
fait se révélaient correctes, Hydro-Québec pourrait avoir
des problèmes au niveau de la justification telle quelle de son choix ou
de sa «priorisation» de filière de développement.
M. Jolivet: Je vous arrête un petit instant.
M. Boudreault: Parce que, strictement au plan économique,
elle pourrait rencontrer des problèmes. C'est uniquement d'attirer
l'attention de la commission sur cet aspect-là et non pas sur tout le
débat d'ensemble de la question. Le Comité ne s'est pas
prononcé là-dessus.
M. Jolivet: Je veux juste vous demander... Vous êtes un
comité consultatif. Comme consultation, vous devriez normalement faire
des recommandations, à moins que, sur ce point-là, vous
n'étiez pas d'accord entre vous autres et que vous ayez
décidé de ne pas faire de proposition, ou bien si c'est
tactiquement que vous l'avez fait.
M. Boudreault: Je pense qu'on n'a pas abordé la question
tout simplement. On ne nous a pas demandé d'avis particulier au niveau
ministériel là-dessus. On a eu plutôt à se poser la
question sur un certain nombre de recommandations et de commentaires sur le
plan général de développement. On n'a pas eu le temps
d'aller de façon aussi pointue sur des questions aussi d'envergure que
la question que vous posez actuellement.
M. Soucy: M. Wilkinson va compléter la réponse.
Le Président (M. Fradet): En conclusion, s'il vous
plaît.
M. Jolivet: Bien, j'aurais une petite question, après.
Le Président (M. Fradet): Une petite question. Une
brève question, M. le député.
M. Wilkinson: Malheureusement, pour ce qui est des gaz à
effet de serre, etc., c'est M. Penn, qui est malade aujourd'hui, qui est notre
expert. Je lui ai parlé hier et il m'a expliqué que la question
scientifique de la contribution de la production de gaz à effet de serre
par les régions inondées suite à des développements
hydroélectriques, sur le plan scientifique, la question demeure ouverte.
Hydro-Québec se situe à un extrême en disant: Bon, le
problème est minime. Il y aurait d'autres scientifiques qui se situent
à l'autre extrême. Notre comité comme tel n'a pas de
position là-dessus, mais on souligne l'importance d'en arriver à
un consensus sur cette question.
M. Jolivet: Réponse rapide à question rapide. C'est
simplement ceci. Dans un contexte où il pourrait y avoir une
consultation qui soit préparée par un organisme neutre dont on
parlait tout à l'heure, est-ce que votre comité, de
lui-même, pourrait y participer ou s'il faut qu'il ait un mandat pour y
donner suite?
M. Soucy: Notre comité pourrait y participer si on
reçoit un mandat, bien sûr, bien sûr.
M. Jolivet: Mais, de vous-même, vous ne le ferez pas
nécessairement?
M. Soucy: On peut toujours s'intéresser à la
question, commenter l'affaire, mais, nous, on marche par mandat. Il faut avoir
un mandat précis pour...
M. Jolivet: Pour agir.
M. Soucy: ...qui nous vient d'une des trois parties. Alors,
ça peut être n'importe laquelle des trois parties qui nous demande
de participer à quelque chose et notre comité va
répondre.
M. Jolivet: Merci.
Le Président (M. Fradet): Merci, M. le
député de Laviolette.
Oui, M. le député de Drummond, pour une brève
question, s'il vous plaît. Oui, je sais que vous disposez de cinq minutes
et on peut prolonger le temps de la commission si l'ensemble des membres...
mais j'essaie de faire respecter, dans l'ensemble, le temps qui est
dévolu aux parlementaires.
M. Jolivet: C'est parce que, de l'autre côté, ils
ont pris pas mal de notre temps, là.
Le Président (M. Fradet): Je suis d'accord. Je
peux contrôler le temps des parlementaires, mais je laisse aussi
l'occasion à nos invités de répondre et, des fois, les
réponses sont plus longues que prévues par le
président.
Alors, M. le député de Drummond.
M. St-Roch: Merci, M. le Président.
J'espère que ces remarques ne sont pas sur mon temps; il m'en
reste tellement peu. Vous avez mentionné tout à l'heure, à
juste titre, M. Wilkinson qu'il y a deux entités à
réconcilier. Il y a la position traditionnelle des autochtones, avec
leur manière de voir les choses, et il y a aussi la nôtre. Dans
les questions et dans l'échange qu'il y a eu avec mes collègues
et avec Mme la ministre, vous avez mentionné que le gouvernement du
Québec devrait peut-être procéder par
procédés législatifs au niveau des détournements du
territoire et au niveau de l'aménagement.
Qu'est-ce que vous prévoyez, vu que vous êtes à
titre consultatif, qu'est-ce que vous suggéreriez à un
gouvernement avant d'établir une procédure de loi? Parce qu'on
peut regarder avec nos yeux de gens du Sud sans tenir compte, dans notre
législation, des intérêts des gens du Nord. Avant de faire
une législation, est-ce qu'il y aurait une consultation, ou un
échange, ou... Qu'est-ce qu'il y aurait à mettre en place afin
d'arriver avec une loi qui va coller à la réalité?
J'aurais une brève question après ça, M. le
Président.
Le Président (M. Fradet): II n'y a pas de problème,
M. le député.
M. Wilkinson: Je pense que ce qu'il s'agirait de faire par voie
législative serait d'établir des règles d'application
très générales. Par exemple, si on suit l'exemple du
nord-ouest du Pacifique, ils ont établi, par voie législative,
une priorité en termes de développement
énergétique. Il faut toujours favoriser l'efficacité
énergétique et, après ça, les ressources
renouvelables, etc. Nous avons parlé peut-être de la
possibilité de politique quant au détournement de
rivières, quant aux réservoirs. Il y a peut-être la
question d'inclure ou non les «externalités» dans le calcul
de la rentabilité des projets. Donc, on ne voulait pas proposer des lois
pour régler des problèmes régionaux, des cas
précis, mais des orientations gouvernementales qui s'appliqueraient
à toutes formes, qui constitueraient les règles de base pour
évaluer toutes formes de développement
énergétique.
M. St-Roch: J'aurais espéré que vous m'auriez
mentionné aussi: en gardant certaines rivières à
caractère patrimonial vierges, qu'on puisse en léguer aussi aux
générations futures pour leur montrer ce que ça a
été une grande rivière au Québec. (11 heures)
Mon autre question va être très brève. Dans d'autres
mémoires qui nous ont été déposés depuis le
début de notre commission, on parle de nouvelles sources
d'énergie. On parle d'énergie éolienne. Et on nous a
indiqué qu'il y avait les deux rives du Saint-Laurent, à partir
d'ici, de Québec, jusqu'à Gaspé, mais on nous a aussi
indiqué qu'il y aurait la baie James et la baie d'Hudson qui
recèleraient d'un fort potentiel de développement au niveau de
l'énergie éolienne. Si jamais Hydro-Québec y allait
parce que, là, on va essayer un peu de prévenir, on s'en va dans
quelque chose qui n'existe pas si Hydro-Québec prévoyait y
aller développer et y aller davantage, qu'est-ce que vous
recommanderiez?
Ça dépasse peut-être votre mandat, mais, dans le
même territoire, finalement, il va y avoir des inconvénients,
j'imagine, aussi, avec ces énergies-là. Quelle approche
suggéreriez-vous en connaissant et en prenant pour acquis ce qu'on a
connu dans le développement hydroélectrique?
M. Soucy: Bien, je dirais une réponse simple, que ces
nouvelles façons de faire de l'énergie soient soumises aux
mêmes critères d'évaluation que les autres filières
énergétiques. Il y a des avantages à faire ce genre
d'aménagement et il y a des inconvénients. Ça a des
impacts aussi sur l'environnement. Alors, moi, je dirais que ce genre de
développement est intéressant, ce qu'il apporte comme gains par
rapport aux valeurs économiques et ce qu'il apporte aussi comme
inconvénients, parce qu'il y a des inconvénients, là
aussi, à faire des éoliennes un peu partout sur l'ensemble du
territoire.
Le Président (M. Fradet): Merci.
M. Soucy: C'est à peu près la seule réponse
que je peux vous donner. Je ne peux pas vous dire que je privilégie
autant ça que d'autres. Il faut que l'étude soit faite.
Le Président (M. Fradet): Merci, M. le
député de Drummond.
Je remercie, au nom des membres de la commission, le Comité
consultatif pour l'environnement de la Baie James pour la présentation
de son mémoire. J'inviterais maintenant l'Association des biologistes du
Québec à prendre place.
(Suspension de la séance à 11 h 4)
(Reprise à 11 h 6)
Le Président (M. Audet): S'il vous plaît! Si vous
voulez prendre place, nous allons reprendre nos travaux.
Nous recevons maintenant l'Association des biologistes du Québec.
Messieurs, au nom des membres de la commission, je vous souhaite la plus
cordiale bienvenue. Je vous rappelle brièvement nos règles de
procédure. Vous disposez de 20 minutes pour nous présenter votre
exposé, et, avant de débuter votre exposé, je vous invite
à vous identifier, ensuite, suivra une période d'échanges
d'une quarantaine de minutes. Vous avez la parole. On vous écoute.
Association des biologistes du Québec
(ABQ)
M. Morin (Alain): Merci. Mon nom est Alain Morin, je suis
président de l'Association des biologistes du Québec. Je suis
accompagné de Serge Quenneville, membre de notre association et aussi
responsable du comité sur l'énergie de l'Association des
biologistes. On va vous présenter notre mémoire en alternant, en
présentant chacun une partie du contenu.
M. le Président, Mmes et MM. les députés. D'abord,
l'Association des biologistes est un organisme professionnel d'envergure
provinciale qui, depuis sa création en 1973, donc il y a 20 ans cette
année, poursuit des objectifs de regrouper les biologistes en
association, de leur permettre aussi, à ses membres, donc, de se
prononcer face aux questions sociales à caractère scientifique,
d'assurer la diffusion, auprès de la population et de ses membres, de
l'information et de favoriser, donc, la recherche et un enseignement
adéquat de la biologie.
La proposition de plan de développement d'Hy-dro-Québec
qui est devant nous nous interpelle à plus d'un titre: d'abord, par ses
répercussions sur la planification du développement durable, un
concept auquel souscrit le gouvernement du Québec, et sur la
démocratisation du processus décisionnel, donc l'implication du
public aussi au niveau de ce dossier.
Depuis plusieurs années, l'ABQ a fait de la question
énergétique une priorité. Le congrès annuel de 1990
a porté exactement sur ce sujet. D'ailleurs, la ministre de
l'Énergie, Mme Bacon, nous avait fait le plaisir et l'honneur, à
ce moment-là, d'inaugurer ce congrès. C'est à
l'assemblée générale tenue à la clôture de ce
congrès qu'un comité sur l'énergie de notre association a
été mis sur pied et qu'il est actif depuis lors.
Néanmoins, l'ABQ a longuement hésité avant de
présenter un mémoire devant cette commission. Les délais
trop courts, la complexité et l'ampleur des dossiers empêchent,
dans certains cas, une participation sérieuse et une contribution
positive aux travaux. Cependant, plusieurs facteurs ont fait que nous vous
présentons aujourd'hui des commentaires sur le document
d'Hydro-Québec.
D'abord et avant tout, l'ABQ a suivi depuis un an la consultation
d'Hydro-Québec en y mettant le temps et la disponibilité requis.
Nous voulons souligner les efforts pris par Hydro-Québec lors de cette
consultation. On nous a transmis une somme appréciable d'informations.
Notre association constate toutefois que le plan de développement ne
reflète pas les contenus et les commentaires évoqués par
plusieurs des organismes participant à cette consultation.
Des décisions se prennent et des changements importants
s'imposent dans la gestion de l'énergie en Amérique du Nord.
Hydro Ontario vient de changer en profondeur, suite à une vaste
consultation publique au coût de quelque 50 000 000 $, ses objectifs et
même son rôle dans la société ontarienne. Plusieurs
États américains se convertissent à la planification
intégrée des ressources en matière
énergétique et accentuent leurs interventions sur la gestion de
la demande et les économies d'énergie. La société
québécoise est, elle aussi, à un point tournant dans ses
choix énergétiques, et une transition s'impose, notamment dans la
façon de faire en matière de production et de décision
énergétique. Cette dernière constatation, nous la faisons
suite au développement des dossiers de Grande-Baleine et de
Sainte-Marguerite. (11 h 10)
En effet, l'ABQ participe activement aux discussions et au processus de
décision mis en place dans les dossiers de Grande-Baleine et de
Sainte-Marguerite. Nous croyons que le processus d'évaluation et
d'examen dans le cas du projet hydroélectrique de Grande-Baleine est
l'un des plus prometteurs sur le plan méthodologique et quant aux
exigences des directives. Ce n'est malheureusement pas le cas du processus en
cours pour le projet d'aménagement hydroélectrique de la
rivière Sainte-Marguerite. Nous reviendrons plus loin sur nos
interrogations quant au processus d'examen public actuellement en cours et aux
perspectives d'avenir de ce type de consultation.
Par ailleurs, l'ABQ participe à cette commission parce que nos
membres sont préoccupés par la conservation des
écosystèmes et des ressources québécoises. Or, le
plan de développement d'Hydro-Québec constitue à nos yeux
non seulement une stratégie québécoise de
développement hydroélectrique, et donc un volet important de la
politique énergétique, mais également, de manière
indirecte, une politique de gestion des ressources. Il existe des coûts
environnementaux, les «externalités», qui doivent être
intégrés aux critères technico-économiques
utilisés par Hydro-Québec pour élaborer son plan de
développement. C'est en abordant cet aspect du plan de
développement que nous considérons pouvoir contribuer à la
réflexion et aux décisions que devra prendre la commission sur le
plan de développement. Et nous voulons démontrer que l'actuel
plan de développement d'Hydro-Québec nous éloigne du
développement durable au Québec.
Bien que critiqué pour plusieurs raisons souvent fort valables,
le Sommet de la terre de Rio de Janeiro de 1992 a permis d'identifier des
enjeux majeurs auxquels nous et les générations futures aurons
à faire face. Pour les fins de cette commission, nous pouvons retenir
les suivantes parmi d'autres: la nécessité de réduire les
écarts entre le Nord et le Sud; la nécessité
d'éviter le recours à certaines productions
énergétiques telles que le nucléaire ou le thermique et
d'élaborer une stratégie énergétique globale
axée sur la diversité des moyens de production incluant les
énergies renouvelables et alternatives; l'interaction des
différents problèmes économiques et environnementaux, et
ce, au-delà des frontières entre les pays; la conservation, bien
sûr, de la biodiversité; la nécessité
d'établir des institutions nécessaires pour
accélérer la transition vers le développement durable des
pays développés; la réaffectation des ressources
financières à cette fin et l'intégration des dimensions
environnementales et de développement dans les processus de
décision.
M. Quenneville (Serge): Parmi les documents qui ont
été adoptés à Rio, il y a un document de base, qui
est l'Agenda 21, dans lequel document la Conférence des Nations unies...
Donc, on s'attend à ce que les organismes liés à l'ONU
adoptent la planification intégrée des ressources. Ça
semble être une planification maintenant qui, vous en avez entendu parler
beaucoup ces dernières semaines, je pense... on voit que plusieurs
États américains, dont des États limitrophes au
Québec, adoptent cette planification-là; on s'attend à ce
que plusieurs organismes de l'ONU le fassent aussi. La Banque mondiale, on l'a
dit tantôt, le fait. Et, suite à l'Agenda 21, à l'adoption
de l'Agenda 21, on risque de voir s'étendre la planification
intégrée des ressources.
Il faut dire que la planification intégrée des ressources
amène les dimensions environnementales, économiques et sociales
dans le processus de décision. Il faut dire que cet exercice-là
au Québec se fait depuis plusieurs années, notamment dans
différents dossiers comme l'adhésion du gouvernement
québécois à la Stratégie mondiale de la
conservation. On l'a vu aussi au niveau de la commission Brundtland, la
Commission mondiale sur l'environnement et le développement. On l'a vu
aussi, la planification intégrée, dans le travail que fait ou que
tente d'implanter le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, aussi la
création du Conseil de la conservation et de l'environnement qui,
actuellement, est sans présidence, mais qui, selon nous, amène
ces dimensions-là, d'intégrer des
«externalités» à la planification. Donc, on voit
qu'au Québec il y a déjà des infrastructures existantes
qui réfléchissent sur ces approches-là.
Pour l'Association des biologistes, il faut dire que la question de la
conservation des ressources, notamment de la ressource
énergétique, vise trois objectifs principaux.
C'est-à-dire, quand on tente de planifier une politique
énergétique, selon nous, on doit tenir compte de la
préservation de la diversité génétique dans
laquelle s'inscrivent notamment les projets de production d'énergie; il
faut voir à maintenir les processus écologiques essentiels et
aussi à veiller à l'utilisation durable des espèces et des
écosystèmes. L'ABQ est persuadée que ces objectifs peuvent
être inclus dans les scénarios du plan de développement
d'Hydro-Québec.
Évidemment, ça risque de modifier le visage que pourrait
prendre le plan de développement d'hydroélectricité au
Québec. Selon nous, le plan de développement
d'Hydro-Québec 1993-1995 ne reflète pas nécessairement
tous les efforts qui ont été engagés dans le sens de la
conservation des ressources. Et je passe rapidement là-dessus, parce
qu'on n'aura pas le temps de faire tout... on pourra revenir pour les
questions.
Simultanément aux efforts entrepris par divers ministères
pour la conservation, le gouvernement adoptait des mesures de promotion du
développement énergétique au Québec. On fait
référence ici à «L'énergie, force motrice du
développement économique», politique qui a
été proposée en 1988. Selon nous, le plan de
développement d'Hydro-Québec s'inscrit toujours dans ce
document-là, et il nous apparaît que le document aurait
peut-être besoin d'être mis à jour, un peu
aéré et un petit peu, peut-être,
dépoussiéré sur certains aspects. Le ministère de
l'Énergie et des Ressources, les autres ministères et
Hydro-Québec ont eu comme mandat d'utiliser l'énergie pour
stimuler le développement économique et appuyer le
développement régional, développer les marchés
d'exportation, devancer l'échéancier des mégaprojets et
pratiquer une tarification permettant de stimuler l'implantation de nouvelles
entreprises, particulièrement les grandes industries consommatrices
d'énergie, ce qui a notamment donné lieu à des politiques
tarifaires qui nous apparaissent fort discutables actuellement.
Dernièrement, Hydro-Québec annonçait donc sa ferme
intention d'aller de l'avant dans la réalisation de son plan de
développement qu'elle nous propose ici et prévoit emprunter plus
de 50 000 000 000 $, on parle de 60 000 000 000 $, pour les 10 prochaines
années pour assurer l'application de ce plan.
Il nous apparaît un petit peu ambigu, à se stade-ci, les
signaux qu'on reçoit, si je peux dire, du gouvernement. D'un
côté, on a des commissions qui se penchent sur la
nécessité de coupures internes, je fais référence
ici au document «Vivre selon nos moyens»; d'autre part, on se
trouve confrontés avec un programme majeur d'investissement. La
préoccupation qu'on a actuellement là-dessus, c'est: Au niveau de
l'environnement et au niveau des écosystèmes
québécois, dans quelle mesure le plan de développement
d'Hydro-Québec ne vient pas, si je peux dire, freiner notre
capacité d'intervenir dans d'autres secteurs de l'économie ou de
la vie sociale au Québec et de l'environnement? Et Dieu sait qu'on a des
enjeux énormes au niveau de l'environnement.
Je termine cette section-là en disant qu'on pense, au niveau de
l'ABQ, qu'il manque une structure institutionnelle au Québec; on parle
d'une régie, on parle d'un organisme qui pourrait avoir
différents mandats. Encore là, tout ça, je pense, c'est
à discuter et à développer. Nous, on pense aussi que cet
organisme pourrait éventuellement mener la prochaine consultation, le
prochain processus de consultation du prochain plan de développement
d'Hydro-Québec.
M. Morin (Alain): Notre association veut, par ailleurs, porter
à l'attention de la commission ses préoccupations quant à
la loi 61 adoptée en décembre dernier, la loi qui modifie la Loi
sur la qualité de l'environnement, et qui aura des répercussions
importantes sur l'évaluation environnementale des projets
énergétiques. Elle introduit notamment dans la section IV. 1, aux
articles 31.1 à 31.7, le devoir d'évaluer toute politique ou tout
programme du gouvernement ou de l'un de ses ministères ou organismes
comportant des aspects environnementaux. L'article 31.6 qui suit dit: «Le
gouvernement peut soustraire de l'application des dispositions des articles
31.8 à 31.9.12 qui lui seraient autrement applicables tout projet
découlant d'un programme du gouvernement ou de l'un de ses
ministères ou organismes qui a été assujetti à la
procédure d'évaluation environnementale.» Nous croyons que
ce type de dispositions législatives ouvre la voie à la
possibilité de débattre du plan de
développement dans son ensemble et de passer outre à
l'examen et l'évaluation des impacts projet par projet.
M. Quenneville: Ce qui nous amène à quelques
commentaires sur la situation qu'on vit actuellement au Québec avec le
projet Grande-Baleine et le projet Sainte-Marguerite, où on sent qu'il y
a comme deux poids, deux mesures dans le traitement des dossiers et, je dois
dire aussi, dans le traitement des populations qui sont concernées par
les projets directement. Je pense, par exemple, aux gens de la Côte-Nord,
actuellement, qui sont en audiences à Sept-îles, ou aux Cris sur
le territoire de Grande-Baleine. Ça nous apparaît un petit peu
ambigu, cette situation-là, parce que, là, on vit un contexte
où le fédéral intervient dans le cas de Grande-Baleine et
n'a pas vraiment osé intervenir dans le projet Sainte-Marguerite. Et,
quand on sait que les procédures fédérales au niveau des
évaluations environnementales et sociales des projets, c'est un
processus qui nous apparaît beaucoup plus complet, on pense que
Sainte-Marguerite pourrait, finalement, être une procédure un peu
bâclée, un peu rapidement, en termes d'évaluation
environnementale. (11 h 20)
Compte tenu de ces considérations, l'ABQ demande à la
commission de clarifier autant que possible, dans la mesure des informations
que vous avez, la participation du public et des organismes dans les processus
de planification, les lieux de consultation et les prises de décision en
matière énergétique et, éventuellement, aussi
d'assurer des examens équitables et complets, tant pour le plan de
développement que pour les différents programmes et projets
d'Hydro-Québec.
Ce qui nous amène à la question de la planification
intégrée des ressources. Vous en avez entendu parler beaucoup. Ce
qu'on retient, nous, là-dessus, c'est qu'en intégrant les
«externalités» à quelle que soit la forme
d'énergie, la forme de moyen de production, on pense que ces
«externalités»-là risquent d'augmenter les
coûts de revient de chacune des formes d'énergie et, donc, on
risque de voir poindre à l'horizon un peu plus de rentabilité au
niveau de la gestion de la demande énergétique. Et là
ça nous intéresse plus particulièrement parce que, quand
on parle de développement viable, il nous apparaît, à nous,
que la première étape à avoir, c'est une gestion
rationnelle de l'énergie qui passe d'abord et avant tout par les
programmes d'efficacité énergétique, l'économie
d'énergie, l'efficience énergétique et la conservation de
la ressource énergétique. On pense que là-dessus, au
Québec, il y a beaucoup de travail à faire. C'est dans ce
sens-là qu'on propose, que l'ABQ propose... on pense qu'il y a lieu de
faire un moratoire sur tous les gros projets de construction de barrages
actuellement et de voir à ce qu'on évalue ces projets-là
dans le cadre de la planification intégrée des ressources. Et
nous, on pense que cette planification-là pourrait nous
révéler des choses qui n'apparaissent pas actuellement dans le
plan de développement d'Hydro-Québec.
M. Morin (Alain): L'ABQ privilégie toujours la
filière hydroélectrique sur les autres moyens traditionnels de
production énergétique tels que le nucléaire et le
thermique. Mais je dis, du même souffle, que nous nous attendons toujours
qu'Hydro-Québec nous prouve que les besoins justifient la construction
de nouveaux équipements et surtout de mégaprojets qui ont des
impacts majeurs, notamment sur les écosystèmes.
Pendant plusieurs années, l'énergie d'origine hydraulique
a été vue comme étant sans impact sur l'environnement,
sauf en cas de rupture de barrages et, bien sûr, sur les endroits
inondés comme tels. Les réservoirs hydroélectriques et les
lignes de transmission à haute tension couvrent aujourd'hui une
très grande superficie du territoire québécois. La
création de réservoirs a augmenté de 12 % la superficie en
eau du territoire, sur lequel on compte actuellement plus d'une soixantaine de
réservoirs, soit près de 2 % de toute la superficie du
Québec. Les cinq réservoirs du complexe La Grande couvrent
à eux seuls près de 20 fois la superficie de l'île de
Montréal. En 1986, les lignes de transmission à haute tension
s'étendaient sur une distance de 28 000 km. Outre la création de
réservoirs, ce développement implique la perte définitive
de territoire de chasse et d'exploitation minière et forestière,
le détournement de rivières, le déboisement de bandes de
centaines de kilomètres, l'érection de pylônes dans des
zones cultivables, urbaines ou touristiques.
Les impacts négatifs sont majeurs sur les milieux aquatiques: les
inondations, la turbidité de l'eau, le déboisement de bordure des
réservoirs. Je n'en ferai pas la lecture exhaustive, ce serait
très lourd, mais je pense qu'il faut quand même les mentionner
rapidement. Il y a aussi, bien sûr, des effets sur le climat et
l'atmosphère, sur les écosystèmes terrestres, sur les
aspects visuels et sur la santé et la sécurité publique.
En effet, d'ici l'an 2000, des quelque 420 barrages que l'entreprise
possède, au moins une vingtaine auront dépassé 90 ans,
dont la durée moyenne de vie pourtant escomptée est de 40
à 50 ans. Les études sur les champs
électromagnétiques n'ont pas réussi, non plus, à
faire disparaître les soupçons voulant que les champs
électromagnétiques aient une incidence sur la santé.
Cette enumeration un peu lourde, mais non exhaustive parce que je
n'ai pas parlé, non plus, du méthyl mercure, par exemple
des impacts négatifs du développement hydroélectrique doit
être intégrée dans l'analyse comparative des options que
présente HydroQuébec dans son plan de développement. De
plus, nous espérons que la commission demandera à
Hydro-Québec de quantifier, dans la mesure du possible, ces impacts, les
«externalités». Ils constituent pour la plupart des
«externalités» qui seront assumées, sinon maintenant,
plus tard, en perte de qualité de vie et en coûts
économiques, par la société québécoise.
M. Quenneville: Le plan de développement s'appuie sur
trois notions fondamentales: l'optimisation économique des moyens, le
coût marginal et les «externalités». Pour une
entreprise publique de service
comme Hydro, les scénarios de développement
hydroélectrique doivent forcément tenir compte de l'optimisation
économique, mais nous croyons également que la mission d'Hydro
est aussi de voir à l'acceptabilité sociale des projets et aux
considérations environnementales des scénarios. La gestion
intégrée des ressources permet d'associer au coût marginal
des «external ités» sociales et environnementales. C'est ce
que doit refléter le coût global, selon cette approche, des moyens
de production et des choix à faire. Nous aimerions donc voir les
coûts associés à ces impacts dans le coût marginal
des différents programmes de gestion de l'offre et de la demande et des
moyens de production. Beaucoup parlent aussi d'intégrer ces coûts
marginaux à la tarification. On n'a pas avancé notre
réflexion jusque-là.
Nous estimons que la majoration du coût marginal, en y incluant
les coûts sociaux et environnementaux, démontrerait les avantages
de l'efficacité énergétique, comme on le disait
tantôt.
Le Président (M. Audet): En conclusion, s'il vous
plaît.
M. Morin (Alain): Oui. Alors, justement, il y a un point qui
n'est peut-être pas tellement développé à
l'intérieur de notre texte, ici. Le mandat d'Hydro-Qué-bec, c'est
de produire de l'électricité. Pour ce faire, elle a des
visées sur toutes les rivières présentant un potentiel
hydroélectrique. Pour notre part, nous nous posons la question, à
savoir si, comme société, nous ne devrions pas nous
réserver des rivières à l'état naturel sur
l'ensemble du territoire. Nous demandons donc la création d'un
comité interministériel impliquant les organismes de conservation
des ressources afin d'identifier les rivières à conserver sur
l'ensemble du territoire et d'examiner les types de projets de
développement qu'on pourrait y réaliser. Il s'agit pour le
Québec de se doter, donc, d'un plan global d'intervention sur le
réseau hydrographique.
Je saute peut-être les aspects économiques, on aura
l'occasion d'y répondre, pour aller directement à la conclusion.
L'Association des biologistes du Québec n'a pas de scénario
à formuler, au niveau des détails, en termes de choix
d'énergie, de production d'énergie et de moyens de production.
Nous sommes plutôt d'avis que le meilleur scénario doit contenir
des objectifs maximums en efficacité énergétique,
augmenter la recherche et le développement sur les filières de
production et l'efficacité énergétique, réduire des
objectifs d'exportation, réorienter l'approche industrielle vers les
entreprises de transformation dans un objectif de la recherche du plein
emploi.
Dans la mesure où les besoins le justifient, nous
privilégions la filière hydroélectrique, nous l'avons
déjà dit, mais on doit s'assurer de la conservation des
ressources et du patrimoine hydrographique québécois.
Hydro-Québec n'a pas fait la preuve que la croissance de la demande est
réelle, et le contexte nord-américain porte plus à croire
à une stagnation ou même à une réduction de la
consommation d'électricité.
Voyons plutôt l'aspect positif de cet état de fait, en
conclusion. Ça peut nous permettre d'intégrer la planification
intégrée des ressources au plan de développement et dans
tous les projets majeurs de la société d'État. Cela nous
fournit également l'occasion et le temps de tenir un débat global
sur l'ensemble de la politique énergétique
québécoise. Enfin, ça peut aussi être l'occasion de
déterminer, pour l'ensemble du territoire québécois,
quelles rivières on décide de préserver à
l'état naturel malgré leur potentiel hydroélectrique, pour
nous et pour les générations futures.
Merci beaucoup.
Le Président (M. Audet): Merci. Je vais maintenant
reconnaître Mme la ministre de l'Énergie et des Ressources.
Mme Bacon: Messieurs, je voudrais vous remercier de votre
contribution aux travaux de la commission. C'est, évidemment, une
consultation qui donne l'occasion à des associations comme la
vôtre de venir exprimer leurs idées. Je pense que vous manifestez
de l'intérêt dans les dossiers énergétiques, et
c'est important.
Vous mentionnez dans votre mémoire qu'Hydro-Québec refuse
d'utiliser la planification intégrée des ressources je
pense que c'est à la page 8 de votre mémoire et pourtant,
en examinant les principaux éléments qui doivent faire partie
d'une planification intégrée des ressources, Hydro-Québec
en a déjà intégré certains, comme, par exemple,
l'évaluation des programmes d'efficacité
énergétique comme solution de rechange à la construction
de nouveaux projets, l'intégration de consultations publiques au
processus décisionnel, ça concerne la prise en compte des
«externalités», qui est le dernier élément
d'une planification intégrée des ressources et il y a le
processus d'évaluation environnementale aussi qui permet d'atteindre
certains résultats on pense aux mesures d'atténuation, au
programme de mise en valeur, aux conventions, et HydroQuébec poursuit
des études dans ce domaine-là.
Est-ce que ces actions ne constituent pas un pas dans la bonne
direction, selon vous, ou si vous êtes encore très critiques par
rapport à ces actions qui sont posées par
Hydro-Québec?
M. Morin (Alain): Effectivement, Mme Bacon, à la page 36
de son mémoire, Hydro-Québec dit explicitement qu'elle
n'intègre pas immédiatement les processus de planification
intégrée des ressources. Effectivement, comme vous dites, il y a
déjà du travail de fait dans cette direction-là, mais on
se retrouve dans une situation où, pour certains aspects, on a des
quantifications numériques, chiffrables et, dans d'autres, on a des
opinions. Alors, quand vient le moment de prendre une décision, on ne le
fait pas sur une base égale. Dans un cas, on y va sur la base d'opinions
et, dans l'autre cas, on a des montants d'argent qui sont identifiés.
Alors, ça ne nous apparaît pas comme une approche qu'on doit
continuer longtemps d'employer. (11 h 30)
M. Quenneville: On le vit concrètement. Et je pense que
vous avez eu de la visite en fin de semaine, d'ailleurs, des gens qui
contestaient un peu le projet SM 3. On la vit un peu avec le projet SM 3, cette
approche-là. Ce n'est pas nous qui disons qu'Hydro-Qué-bec
n'intègre pas la planification intégrée. C'est
HydroQuébec qui l'avance dans son plan, comme Alain Morin le disait, et
qui reporte à plus tard l'intégration, si je puis dire, de cette
méthode-là dans son plan de développement, possiblement
dans le prochain plan de développement, je ne sais pas.
Pour revenir à la pratique très concrète, on le vit
avec Sainte-Marguerite. C'est-à-dire qu'effectivement
Hydro-Québec intègre certains coûts, mais on ne sait pas
sur quels critères vraiment, on ne sait pas pourquoi on n'intègre
pas d'autres coûts par rapport... Par exemple, on va intégrer,
dans le projet Sainte-Marguerite, toute la question de la gestion du saumon et
du débit réservé, mais on oublie complètement
toutes les «externalités» qui concernent, par exemple,
l'omble des fontaines, pour parler de la faune, qui concernent la faune de la
rivière Sainte-Marguerite, qui sont des coûts externes aussi au
projet qui ne sont pas intégrés. Donc, effectivement,
Hydro-Québec utilise la planification, mais l'utilise un peu à
partir de ses propres critères à elle sans qu'on sache vraiment
sur quelle méthode elle se base pour le faire.
Le propre de la planification intégrée, je pense, c'est
aussi la nécessité de concerter différents intervenants
pour définir, justement, des critères qui deviennent des
critères sociaux, dans le fond, ce qui fait que, socialement, on choisit
tel critère, on choisit de pondérer tel critère, et c'est
un peu ça qu'on amène quand on amène l'idée de la
planification intégrée des ressources, c'est-à-dire qu'on
amène l'idée d'un partenariat et d'une concertation sur cette
méthode-là, ce qui ne se fait pas actuellement.
Mme Bacon: Je ne vous donnerai pas mes commentaires sur
l'envahissement de la vie privée des gens, mais j'aimerais ça que
vous nous disiez... Par rapport aux autres sources d'énergie, est-ce que
vous pensez qu'on doit avoir les mêmes exigences ou si les exigences que
vous avez, vous ne les avez que pour l'hydroélectricité?
M. Morin (Alain): Moi, je pense, Mme Bacon, que ça montre
la nécessité de tenir ce débat tant réclamé
sur l'ensemble du dossier énergétique au Québec. Il faut
qu'on considère les «externalités» dans le cas de
l'hydroélectrique, mais aussi, bien sûr, dans le cas des
autres...
Mme Bacon: Le thermique, par exemple? M. Morin (Alain): Le
thermique, bien sûr. Mme Bacon: Vous auriez les mêmes
exigences? M. Morin (Alain): Absolument.
Mme Bacon: Le gaz aussi? M. Morin (Alain): Aussi.
M. Quenneville: Si je peux me permettre, Mme la ministre,
là-dessus. Je pense que c'est une question importante. Cet
après-midi, on a des compères qui vont venir vous
présenter probablement des mémoires qui font un peu l'apologie de
l'hydroélectricité. On n'est pas contre
l'hydroélectricité, mais on pense que... L'approche qu'on essaie
d'avoir dans ce dossier-là, fort complexe vous êtes dedans
depuis plusieurs années et vous le savez que c'est fort complexe
c'est une approche systémique au niveau de l'énergie. On ne pense
pas que de faire l'apologie d'un moyen de production plutôt que d'un
autre, ce soit l'approche à privilégier. Je pense qu'un
débat clair et sérieux sur la politique énergétique
nous amènerait à pondérer différents moyens de
production à partir de l'utilisation qu'on en fait, à comparer
ces moyens de production là avec d'autres gestions, la gestion de la
demande, entre autres, et à voir cet ensemble-là comme un
système et non pas essayer de compartimenter la politique
énergétique. C'est un peu l'approche qu'on essaie d'avoir, au
niveau de l'ABQ, là-dessus.
Mme Bacon: Vous indiquez dans votre mémoire
qu'Hydro-Québec n'a pas fait la preuve que la croissance de la demande
est réelle et que la tendance que vous observez vous porte à
croire à une stagnation ou même une réduction de la
consommation d'électricité. Comment pouvez-vous justifier cette
position que vous avez alors que les prévisions de plusieurs organismes,
on pense à TONE, à l'EMR et le ministère de
l'Énergie et des Ressources, ça concorde avec celles
d'Hydro-Québec? Mais vous n'avez pas les mêmes chiffres?
M. Morin (Alain): Sur la base des chiffres qu'on nous a
apportés, qui ont été révisés aussi au cours
des dernières années à la baisse, c'est quand même
un... Je pense que c'est une démonstration que les prévisions
sont dures à faire.
M. Quenneville: Juste là-dessus, Mme la ministre.
Mme Bacon: Oui.
M. Quenneville: C'est parce que c'est une question complexe, la
question de la demande d'énergie. D'une part, on peut se poser la
question: Est-ce qu'on ne crée pas la demande
d'hydroélectricité au Québec? Et là on pourrait
débattre longtemps de l'utilisation des différentes formes
d'énergie? D'autre part, on pense que les scénarios qui sont
très sérieux... Le document qui est annexé sur la demande
d'hydroélectricité au Québec, fait par
Hydro-Québec, nous est apparu très sérieux, mais il y a
certaines bases sur lesquelles s'appuie ce document-là, notamment les
prévisions économiques sur lesquelles il s'appuie, entre autres
la demande industriel-
le, qui est la principale demande, qui justifie la croissance de la
demande pour les prochaines années, plus que le
résidentiel...
Et, dans le secteur industriel, c'est un élément qu'on n'a
pas mis dans notre mémoire, mais ça nous inquiète aussi
parce qu'il y a trois secteurs prioritaires pour Hydro-Québec qui
risquent de faire augmenter la demande: les papetières; si je me
souviens, de mémoire, la sidérurgie, le secteur de la
sidérurgie, entre autres, et l'affinage des métaux. Ce sont des
secteurs qui nous apparaissent inquiétants un peu, parce que ce n'est
pas nécessairement des secteurs qui se conforment aux exigences
environnementales actuellement, et on a un petit peu de problèmes avec
des prévisions de la demande qui s'appuient, entre autres, sur ce
type...
Mme Bacon: ...s'ils ne se conforment pas. M. Quenneville:
Pardon?
Mme Bacon: Ils n'ont pas de permis de construire s'ils ne se
conforment pas.
M. Quenneville: Non, je parle des entreprises actuellement, les
papetières actuelles.
Mme Bacon: Oui, celles qui existent. M. Quenneville: Oui,
c'est ça.
Mme Bacon: Vous demandez au gouvernement de se doter d'un plan
global d'intervention sur les rivières pour identifier les
rivières qu'il faudrait conserver, celles qui pourraient être
vouées aussi à la production hydroélectrique. Seriez-vous
prêt à ce que le Québec ait recours au thermique ou au
nucléaire pour sauvegarder certaines rivières de l'exploitation
hydroélectrique?
M. Morin (Alain): Je pense qu'il y a d'autres options à
envisager dans un premier temps.
Mme Bacon: Lesquelles?
M. Morin (Alain): Comme la conservation de l'énergie, la
rationalisation de l'utilisation, l'efficacité
énergétique, toutes ces filières-là.
Mme Bacon: Mais vous ne trouvez pas qu'il y a une limite? Si, un
jour, ça prend plus que la conservation de l'énergie qu'on fait,
quelle serait votre solution?
M. Quenneville: Dans cette logique-là, c'est
évident qu'on pourrait harnacher toutes les rivières du
Québec et, si on s'appuie sur la logique de la croissance constante, on
risque aussi de se retrouver avec le même problème un coup qu'on
aura harnaché toutes les rivières du Québec. Je pense
qu'il faut envisager le problème différemment,
c'est-à-dire qu'on a un système énergétique qui
doit être en équilibre en termes d'offre et de demande. On a aussi
un potentiel de production, à partir des connaissances qu'on a
actuellement, qui est limité, qu'il soit hydroélectrique ou qu'il
soit thermique ou nucléaire. Nous, on pense qu'avant de regarder le
thermique et le nucléaire il y a les énergies alternatives qui
deviennent de plus en plus prometteuses. Ça fait 15 ans ou 20 ans qu'on
parle de l'éolienne ou du photovoltaï-que et on pense qu'au
Québec il y a un potentiel important à développer de ce
côté-là. Si on intègre les
«externalités», on pense que ces filières-là
pourraient se révéler un peu plus intéressantes qu'elles
ne le sont actuellement.
Le Président (M. Audet): Merci. M. le député
de Laviolette.
M. Jolivet: Merci d'être présents devant nous. Pour
continuer, mais dans la même veine qui est votre conclusion, vous dites:
On doit avoir un débat plus large mené autrement que celui qui a
été mené actuellement, et je vous réfère
à la page 2 de votre mémoire, au dernier paragraphe:
«Néanmoins, l'Association constate que le plan de
développement ne reflète pas les contenus et commentaires
évoqués par plusieurs organismes participant à cette
consultation.» Vous dites à la page 6 qu'à ce
moment-là il manque une structure institutionnelle au Québec qui
soit indépendante et qui permettrait, à ce moment-là, en
matière énergétique, d'intégrer
l'économique, le social, l'environnemental, etc. Vous avez conclu en
disant que ça prenait donc une autre formule que celle qu'on a
actuellement.
Alors, j'aimerais savoir pourquoi vous dites que, suite à la
consultation qui a été menée par Hydro-Québec, vous
ne retrouvez pas dans le plan de développement ce qui a
été dit en termes de contenus et commentaires et,
deuxièmement, pourquoi vous voyez à ce moment-là, comme
plusieurs groupes, d'ailleurs, nous le disent et comme, nous-mêmes, nous
le disons de ce côté-ci, qu'il faut aller à une
étude plus exhaustive et, à ce moment-là, qu'une
commission indépendante, un organisme indépendant pourrait mieux
mener la vérification auprès de toutes les possibilités
énergétiques. J'aimerais vous entendre davantage.
M. Morin (Alain): O.K. Il faut être honnête. M. le
député, on ne peut pas s'attendre à ce que tous les
intervenants qui sont intervenus lors de la consultation d'Hydro-Québec
retrouvent intégralement, bien sûr, leur prise de position
à l'intérieur du plan de développement
d'Hydro-Québec. Les positions étaient bien souvent
diamétralement opposées, et tout ça. C'est une tribune,
que cette consultation, mais il faut se rendre compte qu'elle avait aussi ses
limites. On était là pour discuter du plan de
développement. Le cadre était donc très bien
précisé. Ce n'était pas, par exemple, la tribune pour
parler de conservation, ce qui n'est pas du ressort d'Hydro-Québec, je
parle de réserver des rivières. Donc, ça prend aussi une
tribune comme maintenant, c'est-à-dire une commission parlementaire pour
faire valoir ces autres aspects là. (11 h 40)
La régie, à notre avis, si on peut l'appeler comme
ça, ou cette commission indépendante d'Hydro-Québec et du
gouvernement, serait pour nous une façon de pouvoir considérer ce
débat-là ou cette question-là dans sa globalité.
Alors, Hydro-Québec privilégie, bien sûr, dans le contexte
québécois, la filière hydroélectrique, mais il y a
toutes les autres filières, on en parlait tout à l'heure,
alternatives, où on devrait aussi mettre davantage d'emphase, davantage
d'énergie, si je puis dire. Le fait qu'un troisième organisme, un
organisme public aussi, soit chargé de l'ensemble de ce
dossier-là apporterait, à notre point de vue, une meilleure, une
très bonne contribution à ce dossier-là, au dossier de
l'énergie au Québec.
M. Jolivet: Et vous seriez prêts à y participer si
jamais elle existait.
M. Morin (Alain): Si on était invités ou
sollicités, on serait prêts à y participer, oui.
M. Jolivet: Oui.
M. Quenneville: Peut-être pour compléter
là-dessus. Quand on dit que le plan de développement ne
reflète pas nécessairement le processus de consultation, je pense
qu'il faut remettre dans sa perspective ce processus de consultation là,
qui nous apparaît un peu ambigu, parce que Hydro-Québec, compte
tenu que c'est une société d'État qui consulte la
population, nous, on l'a vu un peu quand même comme le travail d'une
entreprise qui veut essayer de planifier ses projets. Je vais juste vous donner
un exemple. Il y a un scénario qu'on a demandé qu'il soit
à l'intérieur je ne dis pas unanimement, tous les groupes,
mais plusieurs des 80 groupes l'ont demandé, ne serait-ce que pour voir
où on pourrait aller avec ça un scénario de
croissance zéro ou qui nous amènerait, pour les prochaines
années, à quelque chose qui nous rapproche de la croissance
zéro.
Sans vouloir l'adopter, au départ, il s'agit juste de regarder
les possibilités qu'on a et, éventuellement, de faire les choix
sociaux qui s'imposent devant les scénarios qu'on choisit d'appliquer.
On ne voit pas ce scénario-là dans le plan de
développement. C'est un exemple parmi d'autres. C'est évident
que, pour Hydro-Québec, le fait de consulter sur ses propres projets,
ça rend un peu de conflits d'intérêts là-dessus.
C'est pour ça qu'on suggère qu'il y ait un organisme
extérieur sur la question de l'hydroélectricité.
Mais ce qui nous intéresse aussi, ce n'est pas juste de discuter
de l'hydroélectricité. Je pense qu'on n'a pas de lieu,
actuellement, pour vraiment discuter du gaz naturel, du thermique ou de
Féolienne, et on lance des chiffres à gauche et à droite
qui sont repris par les journalistes dans les médias, et on essaie de
faire des débats à ce niveau-là. Ça ne nous
apparaît pas très sérieux compte tenu de l'importance du
plan de développement qu'on a devant nous.
M. Jolivet: À la page 8, vous parlez de la planifi- cation
intégrée des ressources. Alors, vous semblez avoir des craintes
quant à ce qu'Hydro-Québec puisse le faire. Alors, suite à
ce que vous avez dit dans votre exposé, aux questions qui ont
été posées tout à l'heure et aux réponses
que vous avez données, j'aimerais que vous nous indiquiez quelles sont
les raisons pour lesquelles vous percevez le fait qu'Hydro-Québec ne
veut pas l'intégrer dans son plan de développement. Est-ce que
vous pouvez en dire davantage?
M. Morin (Alain): En fait, si on se fie au texte qu'on a sur le
plan de développement, on parle de la difficulté de
l'intégrer rapidement, donc d'une question de temps. Je ne sais pas s'il
y a d'autres considérations qu'Hydro-Québec veut faire intervenir
ou a comme explications. Ça nous apparaît une réponse,
mais, à notre sens, il faut se demander si on a mis suffisamment
d'efforts, justement, pour l'intégrer déjà à ce
stade-ci.
M. Jolivet: Oui.
M. Quenneville: Pour en avoir discuté avec des gens
à Hydro, mais sans... Je ne veux pas répondre pour l'entreprise
là-dessus, mais ce que j'en comprends, c'est que, d'une part, la
méthodologie est à raffiner. Je regardais des chiffres qui sont
donnés par différents États américains sur les
«external ités» au niveau du thermique, et ça varie
beaucoup, dépendamment des choix qu'on fait, justement, sur les
critères et du processus de consultation qui fait qu'on choisit certains
critères plutôt que d'autres. Mais ça, c'est un
débat social, je pense, à faire, et on ne le fait pas
actuellement. Donc, il y a un problème méthodologique qu'il faut
régler, mais ça va se régler dans l'application. On pense
que ça peut se régler dans l'application. D'autre part, ça
risque de modifier le paysage énergétique au Québec si on
utilise cette planification-là, et on pense que ça pourrait le
modifier de façon majeure s'il y a un véritable processus de
concertation là-dessus.
M. Morin (Alain): Ici, je pourrais rajouter aussi,
monsieur...
M. Jolivet: Oui.
M. Morin (Alain): II faut aussi tenir compte du fait que tous les
États limitrophes américains du Québec se sont
engagés dans cette façon de faire et beaucoup plus que
nous-mêmes, jusqu'à présent.
M. Jolivet: Mais ma question était: Quelles sont les
raisons pour lesquelles vous avez perçu chez HydroQuébec la
difficulté d'intégrer le plan par rapport à d'autres qui
le font? Est-ce que vous avez...
M. Morin (Alain): On ne l'a pas perçu. C'est
eux-mêmes qui disent qu'ils ne l'intègrent pas ou qu'ils ont des
difficultés d'intégration.
M. Jolivet: Oui, je le sais. Mais ce que je veux
peut-être essayer de vous faire dire, c'est: Compte tenu qu'ils
l'ont dit, quelles sont les raisons qui pourraient permettre de dire à
Hydro-Québec: Désormais, tu vas en tenir compte davantage et plus
rapidement qu'au rythme où tu le voulais? Est-ce que c'est possible?
M. Morin (Alain): Moi, je pense que les raisons qu'il faut leur
fournir, c'est des raisons de cohérence, cohérence avec ce qui se
fait chez les voisins et cohérence dans la façon qu'on a de
choisir. Quand on nous offre des options à choisir, si on a à
comparer des pommes et des oranges, ça ne va pas bien. Si on compare les
mêmes fruits, alors, à ce moment-là, ça va
mieux.
M. Joli vet: À la page 12, vous parlez de
l'As-huapmushuan. Des gens sont venus ici, différents intervenants, et
il y a des gens qui commencent à dire de plus en plus à travers
le Québec qu'on devrait préserver, au niveau patrimonial, des
rivières. Est-ce que vous croyez que c'est des choses qui devraient
être regardées davantage par Hydro-Québec? Est-ce que votre
opinion, à vous autres, concorde avec celle des gens qui veulent
protéger l'Ashuapmushuan en disant: Bien, écoutez, vous avez,
à côté, la Péribonca; elle a déjà
été utilisée, elle est capable d'être
utilisée encore; allez plutôt là et préservez
l'autre? Est-ce que vous croyez que c'est possible?
M. Morin (Alain): C'est un très bel exemple que
l'Ashuapmushuan dans ce dossier de rivières à protéger.
Selon le plan de développement qui est déposé devant nous,
l'Ashuapmushuan apparaît très tard dans l'échéancier
d'Hydro-Québec. Je pense que c'est en l'an 2002, dans les
scénarios les plus optimistes, après plein, plein d'autres
projets. Par contre, d'ici là, tout autre projet de
développement, toute autre option d'aménagement ou d'utilisation
de ce bassin hydrographique là est comme suspendue. Le bel exemple,
c'est qu'il n'y a pas de reboisement sur le bassin hydrographique depuis au
moins une dizaine d'années, je pense. C'est une chose, d'ailleurs, qui
était dans le mémoire qu'a déposé le RPA.
On ne dit pas, et spécifiquement, que l'Ashuapmushuan doit
être une rivière à conserver, mais on dit, par contre, que,
comme société, on devrait s'en réserver, des
rivières à l'état naturel. Il faut être
conséquent, il faut être cohérent. On le fait pour des
territoires terrestres, on le fait pour des territoires marins, on a des parcs,
des réserves écologiques, alors il faut le faire aussi pour notre
réseau hydrographique.
Le Président (M. Audet): Merci.
Mme la députée de Kamouraska-Témiscouata.
Mme Dionne: Oui, M. le Président. Merci.
J'aurais une question par rapport à la page 6 de votre
mémoire, mais, avant, je vais juste compléter sur la question du
député de Laviolette quand vous parlez de l'Ashuapmushuan.
Effectivement, quand les gens du Lac-Saint-Jean sont venus, je pense que le
message qu'ils nous ont lancé, à tout le moins les gens qui
voulaient qu'il y ait le développement, c'est qu'ils ont, d'après
moi, dit une chose: Le développement hydroélectrique, oui, mais
dans le respect de l'environnement. Alors, ce qu'ils cherchent, eux, dans leur
région, c'est d'essayer de trouver l'équilibre. Et même les
édiles municipaux qui sont venus étaient très prudents
à respecter cet équilibre-là, parce qu'il y avait
certaines questions qui n'étaient pas répondues. Ils voulaient
attendre d'avoir les réponses avant de s'engager.
Ma question est la suivante sur ce point. Vous parlez, vous faites votre
commentaire sur l'Ashuapmushuan et sur toute autre rivière, mais est-ce
qu'on peut, disons, d'une autre région du Québec, dire à
des gens qui veulent être prudents, mais qui veulent aussi faire un
développement économique: Oui, bien, cette
rivière-là, on devrait la protéger plutôt que telle
autre, etc., etc.? Je viens d'une région et, quand j'entends ça,
je me dis, je pense que les gens dans les régions recherchent cet
équilibre-là, ils sont prudents dans le développement
hydroélectrique. Et comment peut-on, nous, en tant que gens venant
d'autres régions du Québec, venir, je ne sais pas, leur dire...
faire les choix à leur place?
M. Morin (Alain): Bien, justement, je ne pense pas qu'il faille
faire les choix à la place des gens dans les régions. Encore une
fois, l'Ashuapmushuan est un bel exemple. Cette réflexion-là se
fait maintenant; après coup, une fois qu'on a identifié un
potentiel hydroélectrique. ..
Mme Dionne: II se fait là-bas aussi.
M. Morin (Alain): II se fait maintenant, parce qu'on est devant
une situation de fait où il faut réagir, alors que, si on se
dotait d'un tel plan, en impliquant, bien sûr, les régions, on
faciliterait sûrement le processus. Dans tous les dossiers, vous le savez
maintenant, la population est beaucoup plus attentive et beaucoup plus
consciente des implications et veut être consultée. Alors, dans ce
dossier-là comme ailleurs, il faut impliquer les populations
régionales. (11 h 50)
Mme Dionne: O.K. Ma deuxième question suit la
première. Dans votre mémoire, vous parlez d'une régie qui
devrait être «une structure institutionnelle au Québec,
indépendante, plusieurs parlent d'une régie, qui puisse en
matière énergétique intégrer l'économique,
le social et l'environnement et développer un climat de concertation des
intervenants en énergie...» Bon, je m'arrête là.
Est-ce que vous ne pensez pas que, dans un processus de rationalisation comme
on fait au Québec dans le moment au niveau de l'appareil gouvernemental,
une régie, ce n'est pas un organisme de plus, et est-ce que ça va
vraiment aider? Si on met cet organisme-là en place, quel autre
devrait-on enlever? Parce que c'est un peu le choix qu'on a, là, en
1993. J'aimerais peut-être que vous m'expliquiez un peu comment vous
voyez ça, les règles qui pourraient régir cet
organisme-là, et ce qu'on pourrait enlever.
M. Morin (Alain): Bien, je ne pense pas qu'il faille remplacer ou
faire disparaître quelque chose pour la régie. C'est un organisme
de plus qu'il faut voir. Il ne faut pas, non plus, le voir comme une
réduction des pouvoirs des élus sur la politique
énergétique. Mais il faut le voir comme une entité dont
c'est le mandat premier que de travailler sur ce dossier-là.
M. Quenneville: On parle d'une régie. On pourrait parler
d'une commission ou d'un office. On n'a pas vraiment défini quel genre
de statut, selon nous, ça devrait avoir, mais l'idée
derrière ça... Vous avez soulevé beaucoup de choses dans
vos questions. Toute la question du développement régional dans
le plan de développement d'Hydro-Québec, c'est aussi une
proposition de développement régional pour le Québec. On
n'en discute pas ou on n'en débat pas à ce niveau-là, mais
il y a toute une réflexion là-dessus. Une régie ou un
organisme autonome, comme ça existe, par exemple, pour les
communications avec le CRTC ou dans d'autres secteurs, et qui peut servir
d'organisme d'enquête éventuellement, on pense que, d'une part,
ça ne doit pas remplacer un autre organisme public ça,
ça nous apparaît clair puis on pense que, dans le domaine
de l'énergie, il y a des enjeux financiers, socio-économiques
assez importants, peut-être plus importants que dans beaucoup d'autres
secteurs où on a mis beaucoup d'organismes de consultation, qui
existent.
Donc, on pense que, dans le secteur énergie, il manque une
institution, minimalement une institution qui fasse ce travail-là et qui
pourrait revenir, sans se substituer à la commission parlementaire, au
niveau de la commission parlementaire et, je pense, vous permettre de faire des
débats qui, nous, nous apparaîtraient plus éclairés
s'il y avait déjà un filtre au niveau d'une régie ou d'une
commission sur les scénarios énergétiques au
Québec. C'est un peu dans cet esprit-là qu'on proposait une
commission.
Le Président (M. Audet): Merci. C'est terminé,
madame, déjà.
Mme Dionne: Malheureusement.
Le Président (M. Audet): M. le député de
Lavio-lette, trois minutes.
M. Jolivet: Avec votre position à la page 7, on est
d'accord quand vous dites que vous avez des craintes concernant la loi 61.
Nous, on en avait tellement qu'on l'a combattue jusqu'à la
dernière minute. J'aimerais vous entendre dire quelles sont vos
craintes, en premier lieu.
En deuxième lieu, j'irai à la page 10 et je vais
vous permettre de répondre en même temps quand vous dites:
«Cette enumeration un peu lourde mais non exhaustive des impacts
négatifs du développement hydroélectrique du
Québec», etc. Mais, si on la compare, parce que, là, vous
la dites, elle-même, hydroélectrique, mais si on la compare
à d'autres formes d'utilisation énergétique au
Québec, il est évident qu'elle semble être d'abord
renouvelable, un peu moins polluante et qu'elle répond maintenant aux
voeux du rapport Brundtland. J'aimerais juste savoir le joint entre les
deux.
M. Morin (Alain): Dans le fond, vous me posez deux questions.
M. Jolivet: C'est ça.
M. Morin (Alain): D'abord, la loi 61 et, ensuite, les
filières énergétiques. Concernant la loi 61, je vous
rappelle que notre association est intervenue en décembre dans ce
dossier-là pour demander au ministre de surseoir à l'adoption
rapide pour, justement, qu'il y ait un débat sur cette question. On est
intervenus encore récemment aussi, sans se joindre à la
coalition, auprès du président de l'Assemblée nationale et
du gouvernement, donc pour voir des modalités, pour qu'elle soit
retirée ou sérieusement amendée, parce qu'on a toujours
des réserves. Il nous semble que l'analyse n'a pas été
faite et qu'il reste une analyse, un débat à faire sur son
applicabilité. On est convaincus de ça.
Concernant votre deuxième question sur les filières
énergétiques, ce qu'on peut reprocher à la
procédure ou à la structure actuelle, c'est
qu'Hydro-Québec étant maître d'oeuvre et
privilégiant, bien sûr, la filière hydroélectrique,
on ne mette pas suffisamment d'emphase sur la recherche de solutions
alternatives. On parlait de l'éolien, on parle, bien sûr, du
solaire, on parle de la combinaison de l'utilisation de ces différentes
options. Alors, justement, une régie, une commission, en fait, une
troisième structure nous apparaît comme une solution pour faire en
sorte que des fonds soient consacrés à la recherche davantage et
que des énergies soient consacrées, justement, à la
recherche de solutions alternatives. Je ne sais pas si tu veux
compléter.
M. Quenneville: Juste sur la question...
M. Jolivet: Juste avant que vous répondiez, pour me
permettre de vous poser une dernière question, parce que mon temps va
être écoulé.
M. Quenneville: Oui, oui.
M. Jolivet: À la page 13, vous dites: On n'a pas de
scénario à formuler en termes de choix
énergétiques. Donc, peut-être pour combiner à la
réponse que vous me donniez: Pourquoi vous n'en avez pas fait? Le temps?
C'est quoi?
M. Quenneville: La question est complexe, d'une part, mais on
pense que ça devrait se faire dans le cadre d'un débat public
beaucoup plus large que juste l'étude du plan de développement
d'Hydro-Québec qui est déjà un dossier complexe en soi,
juste cet aspect-là.
Je veux juste revenir sur votre question préalable, parce qu'il y
a des choses, entre autres, sur la ressource renouvelable qu'est
l'hydroélectricité, qui nous question-
nent beaucoup. On voit qu'il y a des listes d'impacts sur
l'environnement. On n'a pas mis de listes d'impacts sociaux. On ne parle pas
souvent des impacts sociaux liés... Ça devient difficile de
parler des impacts sociaux liés à
l'hydroélectricité ou à des projets
hydroélectriques. On a explicitement mis un tableau, aux pages 11 et 12,
qui nous apparaissait intéressant, mais c'est vraiment une
ébauche d'une étude qu'on veut continuer à faire.
Mais il y a une des choses qu'on questionne actuellement sur la question
renouvelable des ressources, c'est: Est-ce qu'une ressource est renouvelable
dans la mesure où elle crée des emplois très rapidement,
comme l'hydroélectricité, et, par la suite, n'en crée
plus? Donc, sur l'emploi, il y a une question de
«non-renouvelabi-lité», si je peux dire, au niveau de
l'hydroélectricité, et on pense que d'autres moyens, comme
l'efficacité énergétique, nous apparaissent beaucoup plus
renouvelables comme interventions énergétiques que la
construction de barrages. Dans le tableau de la page 11, on a mis quelques
éléments qui tentent d'élaborer des arguments autour de
ces questions-là et de la ressource renouvelable qu'est
supposément l'hydroélectricité.
Le Président (M. Audet): Merci. M. le député
de Drummond.
M. St-Roch: Merci, M. le Président.
J'aimerais revenir avec les échanges qui ont eu lieu au niveau de
la régie, et je vais réfléchir tout haut. Demain matin, on
a une régie en place. Est-ce que c'est la responsabilité de la
régie de déterminer s'il y aura des rivières patrimoniales
à être conservées au Québec? Est-ce que ce sera le
pouvoir de la régie de déterminer toute la politique dans le cas
où on dirait oui à des détournements de rivières?
Quels sont les critères qui seront là? Ne croyez-vous pas
et, moi, je réfléchis tout haut à ce moment-ci
qu'avant d'arriver à la création d'une régie on serait
capables, à l'aide de cette commission parlementaire, ici, de
déterminer quelles sont les responsabilités du ministère
de l'Énergie et des Ressources qui, lui, devrait promouvoir une
politique énergétique et devrait s'adresser à ces grandes
questions là suite à des audiences publiques, dans un premier
temps?
Dans un deuxième temps, lorsqu'on aura déterminé
ces grands paramètres, parce qu'il va falloir agir, dans bien des cas,
au niveau de la législation, là, on pourra penser passer à
la deuxième étape, soit de mettre en place cette régie,
cette commission ou cet office.
M. Morin (Alain): Moi, je dirais, monsieur, qu'en ce qui concerne
cette régie, cette commission, tout est à définir: Quels
seront ses mandats? Quelle sera sa composition? Quelles seront ses
responsabilités? Qui sera, en bout de ligne, celui qui décidera?
Je pense que ce premier débat est d'abord à faire.
M. St-Roch: Ma dernière question, M. le Président,
je sais que le temps nous presse. Si je vous faisais le postulat suivant, de
demander à Hydro-Québec de revoir son plan de
développement en donnant les priorités suivantes:
premièrement, le maximum d'efficacité énergétique
qui inclut la recherche et le développement; deuxièmement, un
moratoire sur le harnachement de toute rivière qui ne l'est pas
déjà et, troisièmement, donner priorité, à
la place, au développement de celles qui sont déjà
harnachées où on pourrait accroître la capacité
énergétique, dégager une marge de manoeuvre qui peut aller
jusqu'à 4000 MW à un moment donné, et on pourrait aussi
corriger des problèmes qui existent avec les technologies modernes
depuis qu'on a harnaché ces rivières-là... Quelle serait
votre réaction à une hypothèse de cette
nature-là?
M. Morin (Alain): Monsieur, ce faisant, vous reprendriez
plusieurs des recommandations qu'on retrouve déjà dans notre
mémoire. Il s'agirait d'ajouter et d'intégrer aussi la
planification intégrée des ressources au niveau du choix des
options possibles.
M. St-Roch: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Audet): Merci. Alors, messieurs, au nom
des membres de la commission, je vous remercie de votre
présentation.
Nous allons maintenant suspendre nos travaux deux minutes afin de
permettre à M. Pierre Bergeron et Mme Miriam Alonso de prendre
place.
(Suspension de la séance à 12 heures)
(Reprise à 12 h 1)
Le Président (M. Audet): S'il vous plaît, veuillez
prendre place. M. le député de l'Acadie. Nous recevons maintenant
M. Bergeron et Mme Alonso. Alors, au nom des membres de la commission, je vous
souhaite la plus cordiale bienvenue. Nous disposons d'une demi-heure. Alors,
vous avez 10 minutes pour nous faire part de votre présentation et vous
identifier. Ensuite, suivra une période d'échanges d'une
vingtaine de minutes. Vous pouvez y aller, vous avez la parole.
M. Pierre Bergeron et Mme Miriam Alonso
Mme Alonso (Miriam): Bonjour, mon nom, c'est Miriam Alonso, et je
suis intervenante communautaire. Actuellement, je réalise une
maîtrise en études régionales à l'Université
du Québec à Chicoutimi et je suis aussi consommatrice
d'Hydro-Québec, évidemment.
M. Bergeron (Pierre): Pierre Bergeron, travailleur social et
également étudiant à la maîtrise en études
régionales à l'UQAC et consommateur
d'hydroélectricité.
Bonjour, mesdames, bonjour messieurs, membres de la commission des
audiences publiques. C'est une partie importante pour nous autres de venir
faire une présentation, mais, comme le plan et les propositions
d'Hydro-Québec sont très vastes, nous allons nous en
tenir, comme le proposait notre mémoire, aux trois propositions
suivantes: les propositions 29, 30 et 32, qui parlent plus
spécifiquement de tarification.
La proposition 29 disait ceci: «Restructurer graduellement nos
tarifs pour favoriser une utilisation plus rationnelle de
l'électricité et permettre à la clientèle de
réduire sa facture»; la proposition 30: «Aligner nos hausses
tarifaires sur l'inflation pour la période 1993-2000»; et la
proposition 32: «Diminuer significativement l'interfinancement entre les
marchés».
J'aimerais vous rappeler, à la dernière page de notre
mémoire, que notre proposition se lisait comme suit: Diminuer la
consommation hydroélectrique en bonifiant les clients
économisateurs d'énergie par une remise monétaire
basée sur l'économie énergétique comparée
à l'ensemble des citoyens de leur catégorie. Les critères
tiendraient compte du nombre de personnes utilisatrices, du nombre de
pièces ou du genre d'habitation, ainsi que de l'énergie
consommée et surtout de celle économisée.
Pourquoi on fait une présentation aujourd'hui? C'est tout
simplement parce que, en tant que citoyens, je dirais, du bas de la
société, des gagne-petit ou des plus démunis, comme
étudiants avec des revenus qui se situent entre 8000 $ et 12 000 $, je
pense qu'on est un petit peu les porte-parole d'un ensemble de personnes qui
sont dans ce créneau de gagne-petit. On s'est posés la question,
en assistant à la présentation d'Hydro-Qué-bec: Est-ce que
les gens auront les moyens de suivre les augmentations demandées dans
les propositions d'Hydro-Québec? On s'est posés aussi la
question: Quels étaient les objectifs véritables
d'Hydro-Québec dans tout ce débat-là? on vous a remis, je
pense, ce matin, deux pages supplémentaires. j'aimerais attirer votre
attention sur les tableaux 1 et 2, qui représentent les augmentations de
tarification électrique pour la période de 1991-1992, où
on s'aperçoit que l'augmentation des tarifications électriques
sont de l'ordre de 77,7 % pour les 10 dernières années.
également, ce qu'on peut remarquer sur le tableau du bas, c'est que, au
moment où on parle des deux crises économiques importantes des
dernières décennies, dans les années 1980-1981 et dans les
années quatre-vingt-dix, on remarque que les augmentations tarifaires
d'hydro-québec sont les plus importantes, je dirais même
majeures.
Par rapport à toute cette problématique-là, on
regarde le deuxième tableau qui vous a été passé ce
matin, l'indice du taux d'inflation, où on peut voir que, dans la
même période, de 1981 à 1992, il y a eu une augmentation de
45,4 points de l'indice à la consommation, ce qui représente une
augmentation de 54,5 %. Et, si on prenait l'année inférieure,
c'est-à-dire 1980, on tomberait avec une augmentation de 70 % de
l'augmentation du taux d'inflation.
Tout ceci pour vous dire que, dans le plan, dans les propositions
d'Hydro-Québec, quand le président d'Hydro-Québec, M.
Drouin, parlait, dans Le Journal de Québec, en page 14, en
décembre 1992, il parlait d'une augmentation moyenne de
l'électricité basée sur le taux d'inflation et il
proposait, à ce moment-là, un indice de 3,5 % jusqu'à l'an
2000. on remarque que, au niveau des audiences, on a ramené ces
pourcentages-là à 2,3 % pour 1993 et 2,7 % pour 1994. maintenant,
comme l'augmentation du coût de la vie ou de la capacité des
citoyens n'a pas suivi le taux d'inflation, par les diminutions de salaires que
vous pouvez voir au tableau 3, page 23, du mémoire, que beaucoup de
types de familles, d'unités familiales ont eu des baisses de revenu pour
les 10 dernières années, combinées à une hausse du
taux d'inflation, combinées à une hausse de tarification,
ça amène beaucoup de types d'unités familiales dans des
problèmes majeurs de possibilités de financement. la question
qu'on se pose: est-ce qu'on n'est pas en train de créer une
impossibilité pour les gens à faibles revenus d'utiliser
l'énergie hydroélectrique principalement pour le chauffage? et,
comme on connaît le climat de notre province, je pense que, à
certains égards, on se doit de permettre cette
utilisation-là.
Il y a des écarts, si vous regardez bien... Au niveau des
familles monoparentales, par exemple, il y a une baisse de 9,29 % du revenu
moyen, de 1981 à 1991. Pour les personnes seules autres que les
personnes âgées, il y a une baisse de 4,48 %. L'augmentation
majeure qu'on a pu retrouver, c'est les familles monoparentales sans revenus
qui ont passé d'un revenu de 10 636 $ à 13 470 $ pour les 10
dernières années, ce qui représente une augmentation de
26,65 %. Mais cette augmentation-là, il faut le dire, est rendue
nécessaire quand on regarde le revenu moyen des citoyens du
Québec qui est passé de 28 568 $ en 1981 à 48 634 $.
Alors, les gens qui ont augmenté de 10 000 $ à 13 000 $, ce n'est
vraiment pas suffisant pour pouvoir être des citoyens au-dessus de la
moyenne. C'est encore des gens qui vivent sous le seuil de pauvreté.
Le tableau 1 de notre mémoire présentait également
une comparaison entre les revenus moyens en dollars constants en 1991, les
augmentations de tarifs hydroélectriques et l'indice du taux d'inflation
comparé d'année en année. maintenant, passons à une
partie importante quand on parle d'augmentation tarifaire. l'augmentation
tarifaire se fait à plusieurs niveaux pour les propositions
d'hydro-québec. celle dont on entend parler le plus souvent est
l'augmentation par rapport au coût de la vie. si on fait une augmentation
moyenne de 3,5 % jusqu'à l'an 2000 et qu'on demande, pour 1993, une
augmentation de 2,3 % et pour 1994 de 2,7 %, est-ce qu'on n'est pas en droit de
supposer que certaines années auront des augmentations de l'ordre de 5
%, 6 % ou 7 % ou encore supérieures si on a plusieurs années
où le taux d'inflation est basé sur le 3,5 %? une autre question
qu'on se pose, c'est: pourquoi 3,5 % prévisibles jusqu'en l'an 2000,
alors que les 10 dernières années avaient une augmentation
annuelle de 5,45 %?
Maintenant, il y a des effets cumulatifs aussi, des effets cumulatifs,
par exemple, à l'interfinancement. On veut réduire de 20 %
à 25 % l'interfinancement des marchés en augmentant le tarif
résidentiel. Pour que ce soit plus acceptable, on parle d'une
augmentation de
12 % pour les trois prochaines années, ou répartie sur
trois ans, si vous voulez. alors, ça a un effet cumulatif en plus de
l'augmentation du coût de la vie. quand on regarde chacun des programmes
d'hydro-québec, par exemple, le tarif biénergie, on
prévoit, dans le plan, une augmentation de 6,6 % sur cinq ans. et,
déjà, on prévoit une augmentation de 2,6 % en 1993 et de 3
% en 1994, ce qui laisserait à peine 1 % pour les années
ultérieures à 1994. dans le plan, on parlait d'une
économie annuelle de 240 $ pour le citoyen...
Le Président (M. Audet): II vous reste une minute.
Allez-y.
(12 h 10)
M. Bergeron (Pierre): o.k. pour le citoyen, on parlait d'une
économie de 240 $. le 240 $, c'est assez simple, c'est qu'on ne
considère pas, à ce moment-là, les coûts
d'installation et les coûts d'utilisation du système. le mesurage
collectif représente également une hausse de 2,4 %, pour 1993, et
2,8 % prévue en 1994. la tarification différenciée dans le
temps, le tarif saisonnier, le tarif horo-hebdo-saisonnier obligatoire, on ne
met pas, dans les propositions, ce que ça peut coûter pour le
citoyen. au niveau de la proposition, ce qu'on demande, c'est qu'il y ait un
bonus, un changement de mentalité et de philosophie basé sur
l'économie d'énergie. hydroquébec demande aux
résidentiels une économie d'énergie de l'ordre de 46 %
pour jusqu'en l'an 2000. quand on sait que 39 % de l'énergie
utilisée était hydroélectrique en 1981 et que c'est
passé à 58 % actuellement, que cette proportion-là est
surtout basée sur le pétrole, qui avait 46 % par rapport à
20 %, eh bien, on s'aperçoit que beaucoup plus de gens utilisent
l'énergie hydroélectrique. alors, est-ce que, en augmentant les
tarifs, on peut obtenir 46 % de diminution de consommation
énergétique de la part du résidentiel? on se demande
beaucoup si c'est possible. ce qu'on préconise, par contre, c'est
d'essayer de changer la mentalité et de bonifier les bons utilisateurs
ou les économiseurs d'énergie en se basant sur le nombre de
personnes qui utilisent l'énergie hydroélectrique par compteur et
le genre d'habitation, c'est-à-dire le nombre de pièces
utilisées, ainsi que l'énergie économisée,
c'est-à-dire en se basant sur une consommation moyenne par groupe ou par
unité familiale.
Alors, c'est en gros notre exposé. On est disponibles pour
répondre aux questions.
Le Président (M. Audet): Merci.
Mme la ministre de l'Énergie et des Ressources.
Mme Bacon: Alors, j'aimerais vous remercier pour le
sérieux de votre mémoire et de la recherche qui sous-tend votre
mémoire et vous remercier aussi de votre intérêt à
cette commission parlementaire.
En pages 3 et 4 de votre mémoire, vous insistez sur le mandat
social d'Hydro-Québec et vous rappelez qu'Hydro-Québec souhaite
devenir un partenaire majeur des Québécois dans le
développement durable du Qué- bec. Vous mentionnez
qu'Hydro-Québec désire être connue par ses clients comme la
meilleure entreprise d'électricité au Canada pour la
qualité de ses services. Moi, j'aimerais que vous m'expliquiez ce que
vous entendez par le mandat social d'Hydro-Québec et ce que ça
implique, selon vous.
M. Bergeron (Pierre): Hydro-Québec étant une
entreprise, une société d'État, je pense qu'elle a aussi
le devoir de fournir des services à l'ensemble de la population et plus
spécifiquement aux gens qui en ont le plus besoin dans la
société. Évidemment, la réponse qu'on nous a dite
en présentation à Jonquière, c'était
qu'Hydro-Québec, ce n'était pas le bien-être social, qu'il
ne fallait pas confondre l'un et l'autre. Par contre, je pense très
sincèrement qu'Hydro-Québec a aussi un mandat, et à
plusieurs reprises, dans les propositions d'Hydro-Québec, on retrouve
des points importants où HydroQuébec, dans ses propositions,
mentionne son mandat social.
Par exemple, quand on mentionne que 1 % ou 2 % des projets
hydroélectriques, des montants, doivent revenir au niveau des
retombées régionales pour le développement
économique, je pense qu'Hydro-Québec, à ce
moment-là, dit: Oui, j'ai un mandat social, je dois aussi fournir des
choses à la population pour les services qu'elle nous donne ou pour les
territoires qu'on occupe. C'est important pour nous autres, parce que les
personnes qui paient de leur argent la redevance d'Hydro-Québec,
c'est-à-dire le service hydroélectrique, c'est aussi de leur
argent qui en est retiré pour construire les barrages
hydroélectriques. Alors, je pense que c'est important de prendre
ça en considération.
Mme Bacon: Hydro-Québec propose, sur une base
expérimentale, un tarif optionnel en vertu duquel le prix de
l'électricité est réduit en dehors des périodes de
pointe, en échange de quoi il est augmenté en période de
pointe. Un client qui ajuste sa consommation en fonction de ce tarif pourrait
donc réaliser des économies sur sa facture
d'électricité. Vous faites état, dans votre
mémoire, de certaines réserves face à ce genre de tarifs.
Est-ce que vous pourriez préciser la nature des réserves que vous
avez? Et est-ce que vous ne croyez pas que cette option tarifaire pourrait
être avantageuse pour une partie des clients qui sont les plus
démunis et dont vous parlez dans votre mémoire?
M. Bergeron (Pierre): Si on prend chacun des
éléments de possibilité de réduction de facture
pour le consommateur, par exemple, la différenciation dans le temps, la
période de pointe étant située entre 6 heures et 22
heures, il est évident que quelqu'un qui reste dans un bloc
d'appartements ne pourra pas commencer à faire son lavage à 22
heures sans déranger les voisins. Alors, à ce moment-là,
c'est une période de moins qui est beaucoup trop longue. Si on prend la
différenciation dans le temps, c'est-à-dire les fins de semaine,
encore là, il faut tenir compte des gens qui travaillent cinq jours par
semaine et qui ont des journées de congé qui
sont différentes de l'ensemble de la population.
Quand on regarde aussi le tarif horo-hebdo-saison-nier, les seules
personnes qui pourraient bénéficier avantageusement de ce
programme, c'est les personnes qui ont les moyens d'aller, par exemple, dans le
Sud l'hiver et y passer six mois. Pourquoi? Parce que la consommation
hivernale, qui est au maximum de nos besoins en tant que consommateurs, on ne
peut pas la différencier ou la reporter en été. Et, encore
là, dans les propositions d'Hydro-Québec, dans le livre des
propositions, on tient compte qu'il faudrait que 4 % de la population embarque,
de mémoire, dans ce système-là pour que ce soient de
vraies économies pour la société d'État et que la
consommation ne soit pas reportée ailleurs, qu'elle soit vraiment
économique. Alors, les gens les plus démunis ne peuvent pas se
prévaloir de ces programmes-là, qui sont très beaux, mais
qui ne sont peut-être pas accessibles.
Mme Bacon: Dans le système actuel, un client qui
réalise une économie d'énergie évidemment est
récompensé par la réduction de sa facture. Vous proposez
de récompenser ce client-là par une bonification qui est
basée sur son économie d'énergie. Est-ce que cette
bonification s'ajouterait à la réduction de la facture
déjà obtenue ou s'il y a une autre façon de faire?
M. Bergeron (Pierre): Dans notre cas, on pense que oui, pour
inciter les gens à diminuer la consommation énergétique,
il faut que ce soit un bonus. Le bonus, il peut prendre différentes
formes. Ça peut être une ristourne directement
d'Hydro-Québec à ses clients économisateurs
d'énergie. Ça peut aussi être une réduction fiscale,
qui, à ce moment-là, permet à chacun qui décide de
mettre la main à la roue d'avoir accès à ce
bonus-là. Si, moi, je décide que j'utilise mon énergie
à plein escient et que je n'en fais pas une consommation réduite,
eh bien, je paie ma facture. Je paie pour l'utilisation du service que
j'obtiens. Par contre, si je décide de faire attention, de mettre un
pommeau de douche, de fermer mes lumières quand je n'en ai pas besoin,
de réduire le chauffage, à ce moment-là, c'est un
incitatif, mais il faut être sensibilisé, en tant que citoyen,
pour faire un geste comme celui-là.
Et le programme ÉCOKILO est un incitatif, mais, pour qu'il soit
encore plus fort... Je prends l'exemple du permis de conduire.
Évidemment, les points de démérite, ça ne nous
dérange pas trop quand il n'y a pas de pénalité
monétaire de rattachée à ça. Par contre, s'il y a
un avantage monétaire à diminuer notre énergie, eh bien,
pour les gagne-petit, je pense que c'est un incitatif majeur.
Mme Bacon: En fait, vous proposez de récompenser les
clients qui consomment moins que la moyenne des autres clients qui
possèdent des caractéristiques semblables, si je comprends
bien.
M. Bergeron (Pierre): C'est ça. Dans le fond, on a eu un
exemple d'un bungalow 24 x 40 je le donne dans le mémoire comme
exemple deux adultes, deux enfants, où 40 % à 50 % de
l'énergie de la maison est du chauffage électrique, et on produit
normalement 26 000 kwh de consommation annuelle. dans la région chez
nous, c'est 30 000 kwh parce qu'on est un petit peu plus au nord. alors, si on
prenait ce 30 000 kwh et qu'on pouvait le répartir sur les
différents types de familles, à ce moment-là, on pourrait
en arriver à dire: bien, ceux qui consomment, je ne sais pas moi, 10 %
de moins que ce 30 000 kwh auraient un bonus. ceux qui consomment plus paient
l'électricité avec les deux tarifications qu'on connaît,
à quelque 4 % et à quelque 5 %. mais, à ce
moment-là, si je suis en bas de la moyenne des gens de mon groupe, bien,
j'aurais accès à un bonus.
Le Président (M. Audet): Merci. M. le député
de Laviolette.
M. Jolivet: Merci, M. le Président.
En lisant votre mémoire, je n'ai pas été surpris de
voir que, à la page 19, vous aviez inscrit: «II est possible que
certains individus nous considèrent un peu utopistes», mais,
d'après moi, vous n'avez pas à vous considérer utopistes,
compte tenu justement de votre mémoire, qui donne vraiment un point de
vue qui est intéressant à retenir, d'autant plus que, si je
reviens à la page 4, vous parlez que le gouvernement du Québec
est le principal actionnaire. Je voudrais dire avec vous qu'il est plutôt
le seul actionnaire, d'autant plus que vous êtes ceux qui, comme
citoyens, parlent des actionnaires. Alors, dans ce contexte-là, vous
n'avez pas à vous diminuer. En termes de travail que vous avez fait, je
pense que c'est extraordinaire de l'avoir fait et de venir le dire. justement,
on a fait mention, à la page 13, du fait qu'on ne commence pas à
faire sa lessive à 23 heures, et, dans ce contexte-là, j'aimerais
savoir... dans cette page-là, vous dites: «les impacts d'un tarif
horo-hebdo-saisonnier obligatoire pour l'ensemble de la population
établiraient des impacts à la baisse pour 14,9 % de la
clientèle, 0,4 % ne seraient pas touchés, tandis que 84,7 %
subiraient des hausses de factures.» j'aimerais savoir pourquoi, à
ce moment-là, hydro-québec propose de tels tarifs si ce n'est pas
si concluant que ça? quelles sont les raisons, d'après vous
autres? (12 h 20)
M. Bergeron (Pierre): Ce serait peut-être la question
à poser à Hydro-Québec. Je ne peux pas répondre
à leur place. Sauf que je pense qu'il y a une clientèle qui est
visée par ça, et cette clientèle-là,
évidemment, n'est pas les citoyens qui ont les moyens de
différencier leur tarification.
Il y a une responsabilité que j'ai, en tant que citoyen, si je
veux économiser, et elle a aussi une responsabilité, en tant que
société d'État, on le mentionnait un petit peu
tantôt. Ma responsabilité en tant que citoyen n'est pas seulement
d'économiser l'énergie, elle est aussi, quand on veut me donner
la responsabilité, de me faire entendre en commission parlementaire,
par
exemple, mais il faut que j'en aie les moyens. Actuellement, si on est
ici, c'est parce qu'on a réussi à quêter pour faire faire
les photocopies au département, qu'on a quêté pour payer
nos déplacements pour venir parce qu'on n'avait pas les moyens, en tant
qu'étudiants, étant donné que les prêts et bourses
viennent juste de rentrer, la dernière tranche, heureusement. On a
été obligés de quêter pour venir ici. Si
j'étais citoyen, je dirais, chez nous, sur l'aide sociale, sans voiture,
sans moyen de déplacement, je n'aurais pas pu présenter un
mémoire, même si c'est un exercice merveilleux, au niveau de la
démocratie.
M. Jolivet: Est-ce que vous avez participé, à ce
moment-là, aux consultations? Vous avez parlé de Jonquière
tout à l'heure, vous avez donc assisté à la séance
d'information qui a été donnée pour préparer votre
mémoire.
M. Bergeron (Pierre): À la présentation, oui, et on
a eu des questionnements. Par exemple, on parlait de la facturation, de la
baisse de facturation pour les clients, l'orientation qu'il pouvait se faire
par des calculs différents. Moi, je suis intervenu en disant ceci. C'est
que, même si on faisait 10 calculs pour en arriver à peu
près au même montant d'énergie, peu importe la façon
dont on procède, ce qui est important pour le client qui n'a pas de sous
dans ses poches, ce n'est pas la façon dont on va le calculer, c'est le
résultat à la fin de sa facture, le petit carreau en bas,
là. Les 12 calculs qu'on fait pour obtenir ce résultat-là,
le citoyen, ce n'est pas ça qu'il regarde, il regarde ce qui sort de sa
poche et ce qu'il doit payer.
M. Jolivet: Vous parlez, à la page 8, avant l'orientation
29: «En conséquence, diminuer l'interfinan-cement équivaut
à refiler de façon indirecte une hausse supplémentaire aux
personnes qui ont peu de revenus, peu de ressources et peu de moyens pour
gérer cette augmentation.» Donc, j'ai cru comprendre que vous
venez défendre ces gens-là. Mais je vous pose la question... Il
peut y avoir un argument inverse à celui-là, qui est aussi vrai,
à mon avis. C'est que le commerçant, puisque ça s'ajoute
aux petites et moyennes entreprises, en particulier aux commerçants,
dans ce contexte-là, lui, pour payer la facture, ne le refile pas,
à ce moment-là, dans ses prix, à l'individu? Donc, je le
paie d'une façon ou d'une autre. Soit que je le paie directement par ma
facturation ou je le paie par le prix de vente de l'objet. Alors, pouvez-vous
me donner votre opinion?
M. Bergeron (Pierre): C'est intéressant, ce que vous
proposez là, parce que c'est la réflexion qu'on s'est faite. Si
je vais me chercher une voiture au garage et que je paie une taxe
supplémentaire parce que je dois payer ce service-là, je fais un
choix. Tandis que, quand je reçois l'électricité, je n'ai
pas le choix, il faut que je me chauffe, à un moment donné. Et
Hydro-Québec a produit des aides techniques aux citoyens, dans les
années soixante-dix et quatre-vingt, pour changer leur système de
chauffage à l'huile en système électrique. Ça
revient à dire que quand j'ai le choix d'acheter, j'accepte de payer un
prix. Quand je n'ai pas le choix, que je dois me chauffer parce qu'il fait
-40°, je paie, c'est vrai, mais là je n'ai plus le choix de
décider d'acheter ou de ne pas acheter, il faut que je sois
consommateur. Dans la philosophie, l'électricité n'est pas un
bien de luxe dont je peux me passer actuellement.
M. Jolivet: Prenons un des exemples, juste pour montrer ce qui se
passe. À l'époque, chaque individu qui avait un commerce recevait
une facturation de la municipalité pour les taxes comme commerce, lieu
d'affaires. Aujourd'hui, c'est le propriétaire de la bâtisse qui
la reçoit. D'une façon ou d'une autre, il refile la facture
à l'individu pareil. C'est dans ce sens-là que vous le dites.
M. Bergeron (Pierre): Effectivement. On paie, mais on obtient un
service directement relié à ça et un service qu'on a le
choix de prendre ou de ne pas prendre. Si l'augmentation de mon loyer,
actuellement, par exemple un loyer commercial, est augmenté de 90 $
parce qu'il y a une taxe d'affaires qui s'applique dessus, bien, je peux faire
le choix de fermer le bureau, je peux faire le choix de déménager
dans une autre municipalité où la taxe est moins haute ou je peux
faire le choix de la payer. Alors, c'est dans ce sens-là qu'on dit que
l'hydroélectricité, on n'a comme pas le choix, actuellement, dans
le contexte nord-américain qu'on connaît.
M. Jolivet: avec ce que vous avez comme information, vous dites,
à la page 6, aux tableaux 1 et 2: «rien ne nous permet
quand on prend la dernière phrase du premier paragraphe de croire
que le taux ne sera pas égal ou supérieur à 4,54 % pour
les prochaines années.» ça laisse sous-entendre que vous
n'avez pas confiance aux pronostics d'hydro-québec. j'aimerais vous
entendre davantage.
M. Bergeron (Pierre): C'est tout simplement une projection. Une
projection, c'est toujours très indexé au moment où on en
parle. Nous autres, ce qu'on a fait, c'est qu'on a regardé les 10
dernières années et on a augmenté de 4,54 points il
y a une erreur sur le document, ce n'est pas un pourcentage, c'est un point.
Ça donne 5,45 %, je pense, ou 5,54 % d'augmentation. Alors, pourquoi les
10 prochaines années seraient inférieures, et de beaucoup? Parce
qu'on a connu les 10 dernières années. Si on fait une projection,
ça devient comme, bon... Notre argumentation est aussi valable, sinon
aussi désuète, aussi questionnable que celle
qu'Hydro-Québec emploie.
M. Jolivet: Je sais qu'il ne me reste plus de temps, mais je vous
la pose quand même. Est-ce que vous croyez qu'une commission
indépendante aurait plus d'effet sur la suite des
événements que la commission parlementaire actuelle?
M. Bergeron (Pierre): Moi, je pense que, rendus où on en
est rendus là, on n'avait comme pas le choix. Sauf qu'une commission
permanente qui siégerait continuellement permettrait d'éviter de
produire une grosse valise de bouquins comme j'ai, puis de remettre ça
sur la table trois mois après et de dire: On en discute maintenant.
C'est que, quand on arriverait à faire un dépôt de
propositions, il y aurait déjà eu de la consultation populaire,
et plus on va décentraliser cette consultation-là, plus ça
va être accessible au niveau démocratique à l'ensemble des
citoyens. Moi, je ferais le rôle inverse qu'on fait présentement,
non pas que je ne crois pas aux audiences publiques. Si je n'y croyais pas, je
ne serais pas ici. Mais ça serait fait avant de présenter le
document, en tout cas, qu'on jugerait plus final.
M. Joli vet: Merci.
Le Président (M. Audet): Merci. Est-ce qu'il y a d'autres
interventions? M. le député de Drummond.
M. St-Roch: Oui, M. le Président.
Merci de votre intervention. Et je souhaite qu'un jour, aussi, les
commissions parlementaires vont devenir un peu plus itinérantes, qu'on
pourra aller en région consulter des gens tels que vous. Je sais que le
temps avance. J'ai très peu de temps. Vous signalez, d'ailleurs avec
justesse, vos préoccupations sociales dans ce document-là. Vous
montrez une stagnation des revenus, si ce n'est pas, dans bien des cas, un
appauvrissement, sur 10 ans.
Ça m'amène à une autre question que vous posez.
À l'intérieur du plan d'Hydro-Québec, on effleure, on
mentionne aussi la problématique de recouvrement. En tout cas, lorsqu'on
regarde dans le passé, on parlait peut-être d'une vingtaine de
millions, 20 000 000 $ ou 25 000 000 $ à recouvrir pour mauvaises
créances et aujourd'hui on s'en va à 61 000 000 $. Ça,
c'est au moment du document. J'ai l'impression que c'est même un peu plus
élevé que ça. Ça sous-entend aussi, à la
lecture du document, toutes sortes de politiques de recouvrement de ces
créances-là. Est-ce que vous vous êtes penchés sur
cet aspect-là de la politique de développement?
M. Bergeron (Pierre): On ne s'est pas penchés
là-dessus par manque de temps et par manque de moyens. Par contre, bon,
évidemment, c'est comme n'importe quelle entreprise. Quand tu as un
manque de revenus à rentrer et que tu as eu une dépense pour le
faire, c'est un fait que la première chose que tu fais avant de
déclarer faillite, c'est d'essayer de recouvrer tes mauvaises
créances. Et, après ça, tu regardes pour développer
des nouveaux créneaux.
Alors, là, je pense qu'on est dans un tournant. On parle de
développer des politiques, on essaie de refaire l'image un petit peu
d'Hydro-Québec, soit par la publicité, par des documents, par la
consultation populaire, mais il y a ça qui tiraille aussi la population.
On aurait bien des questionnements, en tant qu'individus. Est-ce que, quand,
moi, je paie et que je n'ai pas de ristourne ou que je n'ai pas de boni par
rapport à un autre groupe de citoyens qui pourraient en avoir, est-ce
que je ne deviens pas comme lésé un petit peu? Est-ce que je ne
deviens pas avec un petit goût amer? Et, à ce moment-là,
quand on présente des choses plus positives, est-ce que ce petit
goût amer là ne refait pas surface? Alors, ce qu'on voudrait, nous
autres, c'est que chacun puisse avoir accès, en tant que citoyen,
à des primes ou des ristournes.
M. St-Roch: Parce que la lecture de votre mémoire
sous-entend aussi, et je vais conclure là-dessus, M. le
Président, avec cette préoccupation sociale, que soit
Hydro-Québec ou le gouvernement du Québec ait une politique
d'aide je vais l'appeler énergétique aux plus
démunis de notre société.
Je vous remercie, M. le Président.
M. Bergeron (Pierre): Merci beaucoup.
Le Président (M. Audet): Merci. Alors, madame et monsieur,
au nom des membres de la commission, je vous remercie de votre
présentation. Nous allons suspendre nos travaux jusqu'après les
affaires courantes.
(Suspension de la séance à 12 h 29)
(Reprise à 15 h 23)
Le Président (M. Audet): La commission de
l'économie et du travail reprend ses travaux. Je vous rappelle
brièvement notre horaire de cet après-midi: nous recevons le
Groupe de recherche appliquée en macro-écologie; ensuite, suivra
le groupe Greenpeace; et nous terminerons avec l'Union québécoise
pour la conservation de la nature. Alors, nous avons un léger retard. Je
veux souhaiter aux gens du Groupe de recherche appliquée en
macro-écologie la plus cordiale bienvenue, au nom des membres de la
commission. M. le député de Joliette se joindra à nous
dans quelques minutes.
Je vous rappelle brièvement nos règles de
procédure: vous disposez d'une vingtaine de minutes pour nous faire part
de votre exposé et vous vous identifiez avant votre exposé,
évidemment, aux fins de la transcription du Journal des
débats. Ensuite, suivra une période d'échanges d'une
quarantaine de minutes. Je vous demanderais, aussi, dans les échanges,
que ce soit au niveau des questions pour les ministériels, les
députés ou des réponses, d'être assez brefs et
concis. Alors, vous avez la parole, vous pouvez débuter votre
présentation.
Groupe de recherche appliquée en
macro-écologie (GRAME)
M. Drapeau (Jean-Pierre): Merci. Mon nom est Jean-Pierre Drapeau.
Je suis le directeur général du Groupe de recherche
appliquée en macro-écologie. Je
suis à l'origine de la formation du groupe de personnes, ici, qui
ont, ce matin, lancé l'Union pour le développement durable. Je
vais vous présenter les gens qui sont avec moi, dans l'ordre où
ils vont prendre la parole. À ma gauche, à votre droite, j'ai
Yves Guérard, qui est chargé de cours à l'UQAM et qui est
le président du Groupe de recherche. Yves va vous présenter
rapidement l'ensemble du mémoire, la partie scientifique, entre autres.
Je vais reprendre la parole un petit peu, pas trop longtemps, pour vous parler
des mensonges, la deuxième partie du mémoire. Mais plutôt
que moi vous en parler, on a avec nous M. Francis Cabot, qui est
vice-président du Centre écologique de Port-au-Saumon, qui est un
homme d'affaires américain, qui est ici, lui qui est des
États-Unis, qui est citoyen américain, qui va vous
témoigner de ce que lui, il entend là-bas.
Après M. Cabot, on entendra Pierre Bourque, qui est le directeur
du Jardin botanique de Montréal, le concepteur du Biodôme. M.
Bourque, lui, va faire une allocution sur ce qu'il a vécu là-bas,
un témoignage sur comment c'est rendu, à son avis, comment les
écosystèmes ont été rétablis. Ensuite, on a
Pierre Dansereau, qui est professeur émérite à l'UQAM,
que, nous, on appelle le père de l'écologie au Québec, qui
va vous parler de son projet de société, comment il entrevoit le
développement du Nord. Enfin, Jacques Prescott, qui est conservateur en
chef du Jardin zoologique du Québec et qui est le président du
comité canadien de l'Union internationale pour la conservation de la
nature, qui va vous reparler de l'Union qu'on a lancée ce matin, sa
mission, ses objectifs, son financement.
Sans tarder, je donne la parole à Yves Guérard.
M. Guérard (Yves): Bonjour. Le mémoire est assez
complet, assez autonome. Je pense que vous avez pu en prendre connaissance. Je
vais donc juste parcourir, là, ce qui nous semble les articulations les
plus importantes, et puis on pourra continuer, en période de questions,
si vous avez des interrogations.
Les Québécois sont des très gros consommateurs
d'énergie, c'est indéniable. Il va falloir faire des efforts
massifs de conservation d'énergie, et ça va devoir impliquer des
hausses de tarifs, notamment par des taxes de nuisance sur la consommation
d'énergie, particulièrement sur la consommation d'énergies
fossiles, notamment celles qui sont responsables de l'étalement urbain
ou qui permettent, qui attisent l'étalement urbain. Malgré le
fait qu'on soit des très gros consommateurs d'énergie, parmi les
plus gros au monde, et à peu près aussi gros consommateurs que
les Américains et les autres Canadiens, on a quand même comme
caractéristique de polluer l'air deux fois moins que nos voisins
canadiens et américains, en tout cas en ce qui concerne le gaz
carbonique, responsable de l'effet de serre, et les oxydes d'azote,
précurseurs des pluies acides et de l'ozone des villes, l'ozone
urbain.
Si, de notre bilan de pollution, qui est deux fois moins pire, disons,
que celui des Canadiens ou des Américains, si, de notre bilan, on
soustrait les émissions qu'on permet aux Américains et aux autres
Canadiens par nos exportations d'hydroélectricité, si on
soustrait de notre bilan ce qu'eux évitent d'émettre par la
substitution du charbon par de l'hydroélectricité, on arrive
à un bilan qui fait qu'on pollue trois fois moins, en termes de
CO2, de gaz carbonique, et d'oxyde d'azote, que les
Américains et les autres Canadiens. C'est massif comme avantage, c'est
très, très lourd, et je pense que c'est quand même quelque
chose qui fait de l'économie, de la société
québécoise une société peut-être un petit peu
plus soutenable que les autres, en tout cas en ce qui concerne les pollutions
globales de l'air.
Je tiens à souligner je ne veux pas m'étendre
là-dessus parce que je n'ai pas le temps, ça reviendra en
question peut-être que les émissions de méthane et
de gaz carbonique en provenance des réservoirs hydroélectriques,
ce sont des émissions qui sont réelles, mais qui sont quand
même beaucoup moindres, beaucoup, beaucoup moindres que celles de la
filière thermique, filière au gaz naturel, charbon ou
pétrole. Elles sont beaucoup moindres, à peu près dix fois
moins, dans le cas des études les plus pessimistes, c'est-à-dire
les plus défavorables à l'hydroélectricité. Donc,
ça reste un bilan nettement intéressant au point de vue des
pollutions globales, ce que l'hydroélectricité permet. Je pense
que, vu cet énorme avantage, on peut au moins envisager une
réhabilitation de l'hydroélectricité et peut-être
arrêter de charrier et de conter des menteries pour enlaidir le
portrait.
Plus techniquement, maintenant, je voudrais que vous vous reportiez au
concept A du mémoire, qui est un concept, je pense, assez bien
travaillé, là, qui est le fruit d'une longue réflexion,
qui permet de montrer des avantages qui sont passés un peu
inaperçu de la filière hydroélectrique, des avantages
très, très importants qui nous permettent de croire que c'est une
façon de fabriquer et de produire de l'énergie qui est
éminemment durable et soutenable.
Vous avez, en haut, une échelle de temps qui va de 0 à 200
ans, et vous avez la filière hydroélectrique au centre et les
filières thermiques ou nucléaires en bas. Ce que ça
démontre, ce schéma-là, c'est que, finalement,
l'hydroélectricité, c'est extrêmement durable. Un
aménagement hydroélectrique, c'est presque éternel. C'est
sûr qu'il va falloir rénover, faire des rénovations
majeures de temps en temps aux constructions, aux barrages, aux digues, mais il
reste que l'aménagement lui-même est à peu près
éternel, ce qui fait que la production d'hydroélectricité
va continuer indéfiniment malgré que les impacts, eux, les
impacts physiques, les impacts sociaux, se concentrent tous au début.
Les impacts comme l'ennoiement, la perte de caractère sacré, les
concentrations anormalement élevées de mercure dans la chair des
poissons, tous ces impacts-là se concentrent au début, dans les
quelques décennies suivant le début des travaux. C'est ce qui
rend l'hydroélectricité paradoxalement très impopulaire,
d'un point de vue écologique, mais, finalement,
l'hydroélectricité est victime de ses vertus, c'est-à-dire
qu'elle ne dilue pas ses impacts, elle ne les reporte pas sur le dos des
générations futures. Les impacts sont ici, maintenant. Et je
pense que c'est un avantage énorme. Pour les
générations futures, ce sera une source d'énergie
abondante et à peu près sans impact pour l'avenir. (15 h 30)
Au contraire, la filière thermique ou nucléaire, elle, a
des impacts actuels très, très peu visibles. Les pollutions de la
filière thermique sont diluées dans toute l'atmosphère.
L'impact, finalement, est reporté sur les générations
futures et est dilué dans l'atmosphère de toute la planète
ou du continent, ce qui la rend beaucoup moins, à première vue,
antipathique. Mais je pense qu'il était nécessaire d'avoir un
modèle qui permet de montrer que les désavantages apparents de
l'hydroélectricité sont, en fait, d'un point de vue
macro-écologique, des avantages très, très importants et,
du point de vue du développement soutenable, c'est fondamental.
Je voudrais juste, avant de finir, souligner qu'on a aussi remis en
question le dogme du «small is beautiful». Il ne s'agit pas de
condamner tous les projets de petits barrages il y en a sûrement,
du harnachement de petites rivières, de petits barrages sur des petites
rivières, de petites centrales mais il s'agit de voir que, s'il
s'agit de produire 10 000 MW ou 15 000 MW, ça va être beaucoup
plus désastreux si on le fait avec des minibarrages qu'avec des gros
barrages. Et c'est une simple relation géométrique. C'est que le
volume d'eau retenue croît au cube alors que les superficies
affectées ne croissent qu'au carré et les éléments
ponctuels, de façon linéaire, ce qui permet de démontrer,
je pense, d'une façon assez claire que, règle
générale, la filière des microbarrages va être moins
avantageuse que celle des mégabarrages. C'est contre-intuitif, mais je
pense que c'est important de voir ça pour ne pas tomber dans un
piège pire que ce qu'on pourrait... Je vais laisser ici les
autres...
M. Drapeau: On n'a pas le temps de vous résumer, en
quelques minutes, les 70 pages du mémoire, que vous avez probablement eu
l'occasion de lire. Yves répondra peut-être à des questions
plus techniques, si vous en avez, tout à l'heure. Lui, il a
abordé la question du mémoire, la partie plan de
développement, la partie plus scientifique. Dans le mémoire, il y
a également une partie qui porte sur les mensonges et les campagnes de
désinformation dont les Québécois et
l'hydroélectricité sont victimes aux États-Unis, au Canada
anglais et un peu aussi au Québec.
Alors, c'est un peu ce qui nous amène... Ce matin, on disait, en
conférence de presse, que les gens ont le droit d'être contre le
développement hydroélectrique. Les opposants ont le droit.
Ça les dérange, c'est leur territoire. Mais, une chose qu'ils
n'ont pas le droit de faire, c'est de fausser la réalité,
d'amener des données, de colporter de fausses données, de fausses
rumeurs. Le débat est assez compliqué, les enjeux sont
déjà assez complexes présentement sans que, en plus, on
complexifie le débat avec des données qui sont des mensonges. On
en a dénoncé une série provenant d'un organisme
américain. Je ne vous les rementionnerai pas. On a quelqu'un ici, lui,
qui les entend, aux États-Unis, à qui je vais laisser la parole.
M. Cabot.
M. Cabot (Francis H.): Je m'appelle Francis H. Cabot. Je suis
citoyen américain et j'habite à Cold Spring dans l'État de
New York. Je suis un descendant de loyalistes au gouvernement anglais qui sont
venus s'établir au Québec en 1780 et ont servi comme juges dans
le Bas-Canada. Depuis 1842, les membres de ma famille sont venus passer
l'été dans le comté de Charlevoix. Lorsque je reviens au
Québec, j'ai vraiment le sentiment de rentrer chez moi. Dans mon coeur,
je suis Québécois.
En octobre 1991, un ami et voisin de Charlevoix a eu l'amabilité
de m'amener avec ma femme et le père Louis Genest, fondateur du Centre
écologique de Port-au-Saumon, visiter les installations de La Grande
auxquelles sa firme avait travaillé. J'étais très curieux
d'aller voir sur place ces aménagements sur lesquels je me posais bien
des questions. J'avais des doutes. Or, nous sommes tous revenus de notre visite
convaincus que les aménagements de la Baie James avaient
été exécutés avec autant sinon plus d'attention aux
impacts environnementaux et sociologiques que n'importe quel aménagement
comparable existant à notre connaissance aux États-Unis ou
ailleurs.
Depuis ce temps, je me suis fait fort de discuter les
conséquences environnementales et sociologiques des projets de la Baie
James avec des scientifiques et des écologistes connaissant bien les
analyses de leurs incidences sur la flore, la faune et la vie aquatique de la
région. J'ai également parlé avec des spécialistes
médicaux canadiens de renom qui ont effectué des tests pour
connaître les conséquences de l'ingestion d'un niveau de mercure
supérieur au nombre provenant de la consommation de poissons
prédateurs. J'ai parlé avec des amis qui avaient participé
aux négociations avec les Cris et qui, dans certains cas, avaient
même représenté leurs intérêts pour pouvoir me
faire une opinion quant à savoir s'ils avaient été
traités équitablement ou non. Mon intérêt
était celui d'un simple citoyen. Je n'avais aucun rapport avec
Hydro-Québec, mais je dois admettre que j'ai été surpris
de sa lenteur à réagir. J'ai été encore plus
surpris quand j'ai vu ce qu'avait accompli Hydro-Québec. Mes
conclusions, considérant l'échelle du projet et la vaste
taïga vide qui l'entoure sur plusieurs centaines de milles vers le nord,
le sud et l'est, ont été les suivantes.
Premièrement, il n'y a eu aucun impact environnemental
néfaste significatif sur la géographie, la flore, la faune et la
vie aquatique des baies d'Hudson et James jusqu'ici. Le seul aspect
négatif créé est le niveau de mercure dans les poissons
prédateurs qui exige que l'ingestion en soit limitée à
court terme. Deuxièmement, les peuples autochtones dans la région
des aménagements s'en tirent probablement aussi bien ou mieux que
n'importe quelle nation autochtone d'Amérique du Nord, voire du monde
entier. Je ne peux pas concevoir qu'ils auraient pu être aussi bien
traités si le projet de la Baie James avait été
réalisé aux États-Unis.
Les comités d'évaluation environnementale vont
décider de ces questions. Je fais confiance au processus et je
respecterai les conclusions qui en émaneront. Il me semble important,
toutefois, que le débat soit alimenté avec un souci
d'équité, mais, comme Américain, comme ancien membre du
NRDC et comme ami de plusieurs membres de son conseil, je suis très
gêné en voyant les efforts que cet organisme déploie pour
déformer les faits et répandre des faussetés et des
exagérations dans le but ultime d'amasser des fonds pour couvrir ses
frais généraux.
Le NRDC a déclaré une guerre de relations publiques
à Hydro-Québec. Bien que le NRDC ait certainement le droit
d'exprimer son opinion sur ces questions et bien que ses positions et
exposés formels soient restés dans les limites du raisonnable et
du convenable, sa guerre de relations publiques a recouru de façon
soutenue à la calomnie et à la démagogie pour parvenir
à ses fins. Pour les activistes environnementaux, cette affaire de
Grande-Baleine était un coup de chance inouï, combinant l'image
machinée d'un groupe d'Amérindiens opprimés et
abusés, très habilement transmise par les moyens de relations
publiques de la firme Hill & Knowlton avec la ferveur du «Ban the
Dam» qui enflammait les étudiants et certains cercles de notre
société, ils ont formé la base de leur propagande, visant
à arrêter la disponibilité d'énergie
hydroélectrique supplémentaire pour que les consommateurs du
nord-est des États-Unis soient obligés d'économiser
l'énergie, qu'ils le veuillent ou non.
Bien que les torts faits à l'image du Québec soient
troublants et exigent un immense effort de la part du Québec pour
redresser les perceptions dans le nord-est des États-Unis et
éclairer les faits réels en contrant la désinformation du
NRDC, il est important de se rendre compte que le NRDC n'est qu'une des
nombreuses organisations environnementales des États-Unis. Il a ses
adeptes, certes, mais il n'a pas l'audience ni la réputation que
possèdent les organisations telles que le Environmental Defense Fund ou
le Wilderness Society, ni d'autres organisations responsables qui ne croient
pas que la fin justifie nécessairement les moyens.
En lisant une lettre de sollicitation de la contribution du NRDC, on
pourrait croire que ce ne sera que grâce au NRDC si les bonnes
décisions environnementales sont prises concernant Grande-Baleine et que
sa participation est vitale et critique pour empêcher le projet d'avoir
des conséquences globales catastrophiques. Bien sûr, la
réalité est que les prétentions du NRDC quant à
l'importance du rôle qu'il joue dans ce débat complexe ont autant
de valeur que les affirmations mensongères, les fausses
représentations et les exagérations qu'il répand dans le
public. En deux mots, de telles prétentions de sa part ne sont que
foutaise, et quiconque est familier avec les faits, l'histoire et le processus
d'évaluation environnementale proposé en est parfaitement
conscient. (15 h 40)
II viendra un temps où le NRDC aura épuisé ses
filons de collecte de fonds et adoptera un autre cheval de bataille, et
Hydro-Québec sera remplacée par d'au- tres sujets. L'image du
Québec dans le public restera détériorée pendant un
certain temps. Je suis assez à l'ancienne mode pour croire que, au bout
du compte, la vérité sera révélée au grand
jour. Le NRDC verra que les zélotes faisant partie de son personnel ont
souillé la réputation de l'organisme et lui ont fait perdre des
appuis.
Il reviendra aux Québécois, cependant, de faire face aux
dommages qui continueront d'entacher l'image du Québec après que
le NRDC sera passé à autre chose et les Québécois
devraient être prêts à consacrer du temps et des efforts
à bien rectifier la situation. Ils ne seront pas isolés dans
cette tentative puisque je ne suis pas le seul Américain tenant
à-éclairer la réalité et les faits qui sous-tendent
les facteurs de cette controverse. Au bout du compte, les comités
d'évaluation environnementale aboutiront à une conclusion
rationnelle et éclairée concernant les impacts environnementaux
du projet de Grande-Baleine sur la base des faits plutôt que de la
propagande issue d'une organisation centrée sur ses
intérêts, trompeuse, présomptueuse, arrogante et
dépourvue de sens civique. Merci.
M. Drapeau: Alors, on donne la parole à M. Bourque.
M. Bourque (Pierre): Merci, madame, messieurs.
Je voulais juste vous rappeler que le Jardin botanique est une
institution montréalaise, mais aussi une institution
québécoise. Je voudrais vous parler de la Baie James comme
région du Québec à connaître et à aimer. En
1974, je fus invité par la Société d'énergie de la
Baie James, à titre de consultant horticole, à participer aux
travaux de renaturalisation sur le territoire déjà passablement
perturbé de la Baie James. Ma première visite à LG 2 m'a
laissé une impression profonde de désolation. Que pouvions-nous
faire au milieu des centaines de camions de type Hercule, des bulldozers, des
pelles mécaniques qui charcutaient sans vergogne ce territoire
blessé, laissant derrière eux d'immenses cratères de sable
dénudé appelés bancs d'emprunt, des sols
décapés, des abords de route, d'infrastructure et de campement
dévastés et désertiques?
La tâche de renaturaliser ce territoire paraissait surhumaine et
sans issue, d'autant plus qu'il fallait tenir compte de la rigueur du climat et
de notre méconnaissance relative du milieu ambiant. En 1976, d'autres
spécialistes, dont le Dr André Fortin, biologiste, et
l'ingénieur forestier Jean-Guy Brouillette, vinrent s'ajouter à
l'équipe Environnement et de multiples parcelles expérimentales
firent graduellement leur apparition sur le territoire de la Baie James, avec
comme centre nerveux le campement du lac Hélène, près de
LG 2. Le territoire de la Baie James fait partie, faut-il le rappeler, du
climat subartique humide. Les températures varient de -20° en
janvier, en moyenne, à 15° en juillet, avec une saison estivale
oscillant entre 90 et 110 jours. En été, les pluies sont faibles
et le mois de juillet est réputé pour ses longues
sécheresses.
L'autre obstacle majeur est la pauvreté des sols, la nature
étant homogène à plusieurs endroits dû à la
présence de sable et à la quasi-absence de matière
organique. Notre mission consistait à mettre en place différents
programmes de plantation et d'ensemencement favorisant une
accélération du processus de renaturalisation des sites
perturbés. On ne pouvait laisser ce pays blessé à lui tout
seul. La réponse est venue à partir de 1978 par la culture et la
plantation massive d'espèces végétales indigènes,
comme l'aulne crispé, le pin gris, le saule, le peuplier baumier, le
bouleau glanduleux pour les sites dégradés, et l'utilisation des
techniques plus conventionnelles d'ensemencement hydraulique de graminés
et de légumineuses, la plantation d'arbres indigènes et
l'introduction d'espèces horticoles sur les abords des routes et les
aménagements paysagers des villages et des ouvrages. C'est ainsi
qu'entre 1978 et 1985 plus de 10 000 000 d'arbres ont été
plantés sur le territoire de la Baie James et que 90 % des surfaces
affectées ont été renaturalisées.
Une visite des sites en 1991 confirmait le succès remarquable des
travaux de renaturalisation et nous renvoyait l'image d'un territoire
cicatrisé retrouvant progressivement son harmonie. L'alliance, un peu
tardive, faut-il le rappeler, entre les ingénieurs-développeurs
de la première heure et les tenants d'une approche
intégrée et globale, avait réussi et une expertise
exceptionnelle s'était constituée au fil des années sur la
connaissance des lieux nordiques et sur les technologies propres à en
faciliter un développement durable. La frontière de nos
connaissances scientifiques, encore hier limitée à la Minganie en
Abitibi pour les travaux de Marie-Victorin, s'est élargie grâce
aux équipes scientifiques supportées par la SEBJ aux territoires
nordiques d'Eastmain, d'Opi-naca, de LG 2, de Caniapiscau et de
Poste-de-la-Balei-ne.
Malheureusement, cet effort d'appropriation et de développement
durable est passé inaperçu et une photo prise en 1986 montrant
une centaine de caribous morts sur les berges de la Caniapiscau aura eu plus
d'impact dans l'imaginaire de millions d'individus que le travail de centaines
de scientifiques et de techniciens et la plantation de 10 000 000 d'arbres.
Étrange paradoxe de la société de consommation et de
communication dans laquelle nous sommes, un simple fait divers, parce que
méconnu et mal interprété, prend soudainement la dimension
d'une calamité planétaire. À cette nouvelle à
caractère sensationna-liste s'est ajouté, par la suite, toute une
série de mensonges, et c'en était fait, pour certains, du
développement hydroélectrique dans le Nord
québécois.
Nous nous devons de regarder plus loin et de rechercher des solutions
à plus long terme. On aime et ne respecte, dit le proverbe, que ce que
l'on connaît. Si le Québec comprend, comme indique la carte
géographique, le Moyen-Nord et le Grand-Nord, alors nous nous devons de
connaître, d'aimer et de développer ces territoires.
L'hydroélectricité...
Le Président (M. Audet): Malheureusement, je pense que
vous allez être obligé de conclure, le temps étant
écoulé.
M. Bourque: Je souhaite vivement que le développement du
Moyen-Nord et du Nord se poursuive, que la jeunesse québécoise et
que la jeunesse inuit et crie soient intimement associées. C'est
sûrement un des défis les plus emballants qui se présentent
à la société québécoise d'aujourd'hui et de
demain.
M. Drapeau: II nous resterait deux personnes qui auraient des
interventions.
Le Président (M. Audet): Oui, allez-y. Je peux vous donner
cinq minutes, là.
Mme Bacon: Je pourrais peut-être donner cinq minutes de mon
temps, parce que vous êtes suffisamment nombreux, pour vous donner le
temps de vous exprimer, puis je l'enlèverai sur mon temps.
Le Président (M. Audet): Pas de problème. Ça
va.
Mme Bacon: Ça va, M. le député de
Joliette?
M. Drapeau: Merci, madame.
Le Président (M. Audet): Allez-y, cinq minutes.
M. Drapeau: Alors, M. Dansereau, si on a cinq minutes, vous
n'avez que deux minutes et demie, pour que M. Prescott prenne la parole. Je
vous présente Pierre Dansereau.
Mme Bacon: Vous êtes plus volubile que ça, M.
Dansereau, deux minutes et demie.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Dansereau (Pierre): Pour un vieux bavard, c'est bien peu. Je
voudrais vous convaincre, M. le Président, Mme la vice-première
ministre, messieurs, que les écologistes ne sont pas seulement des
chiens de garde, qu'ils sont encore moins des empêcheurs de
progrès, que, au contraire, notre avenir dépend de la
participation des écologistes à toute la planification de nos
sociétés de plus en plus interdépendantes. Les hommes
politiques aussi bien que les écologistes, les scientifiques et d'autres
sont d'accord que l'avenir de la planète est menacé, qu'il faut
trouver de nouveaux moyens de concilier l'interdépendance, témoin
des difficultés du marché commun entre différents pays de
l'Amérique du Nord et de l'Europe, qu'il faut concilier
l'interdépendance avec le besoin d'affirmation nationale, culturelle.
C'est une chose que nous comprenons très bien ici, dont nous
exagérons souvent l'importance, dont on voit les effets
extrêmement dramatiques en Europe de l'Ouest.
Ceci dit, mon attitude sur le mémoire que vous avez en main,
où il s'agit de réhabilitation de l'hydroé-
lectricité, j'espère que vous n'allez pas lire ce
mémoire en y voyant une défense d'Hydro-Québec. Nous ne
sommes pas à la remorque d'Hydro-Québec. Nous nous rendons
compte, cependant, qu'Hydro-Québec a des pouvoirs qui dépassent
de loin sa mission de simple producteur d'énergie. Hydro-Québec a
aménagé du territoire. Elle l'a aménagé d'une
façon très imparfaite. Maintenant que le gouvernement
fédéral a aboli le Conseil des sciences, a aboli le Conseil
économique, que le gouvernement provincial a enfin donné son
congé à l'OPDQ, qui ne faisait d'ailleurs pas grand-chose,
maintenant que cet esprit de planification est disparu, il faut remettre au
programme la polyvalence du pouvoir hydroélectrique comme moyen de faire
avancer, d'organiser notre société.
Nous sommes privilégiés en ce que nous avons une
technique, nous avons une ressource, dont on a vanté tout à
l'heure la propreté et les avantages, mais ça sert à quoi?
Ça a servi à quoi dans le Grand-Nord jusqu'ici? Ça n'a pas
servi à créer des établissements industriels dans la
région du Grand-Nord. Le centre de gravité du Canada se
déplace vers le Nord, il ne peut pas aller ailleurs. Qu'est-ce qu'on a
fait pour installer, dans le Grand-Nord, des industries? Pourquoi pas une
aluminerie à Radisson? On n'a pas fait ça. C'est une des
nombreuses choses qu'on n'a pas faites. Il y avait quelque chose à
Matagami, mais on l'a détruit. (15 h 50)
La chasse, la pêche et le tourisme, on ne voit plus ça
aujourd'hui comme on le voyait autrefois. J'ai assisté, avec mon
collègue Jacques Prescott, à un congrès international en
Argentine où on voit que les demandes de l'industrie touristique sont
beaucoup plus exigeantes, que le contenu information et éducation est
beaucoup plus fort. La Baie James et le Grand-Nord canadien sont des endroits
privilégiés pour servir cette clientèle qui a de plus en
plus les moyens de...
Les trois minutes sont écoulées. Je vais
énumérer rapidement ce qu'on n'a pas fait et ce qu'on devrait
faire grâce au harnachement hydroélectrique: le réseau
routier, qui ne sert que l'hydroélectricité et rien d'autre;
l'agriculture, si l'on voit ce qui se passe en Alaska et en Sibérie; la
recherche scientifique, et la recherche scientifique pas seulement sur la flore
et la faune, mais sur les relations humaines, sur la technologie, quand on voit
ce qui se fait à Cold Lake je donne Cold Lake comme un excellent
exemple d'une communauté structurée dans un milieu nordique.
Quant à l'association, je veux dire association et non pas compensation
des autochtones. Les autochtones d'aujourd'hui, bien, ils sont comme les gens
de ma génération étaient en 1920, 1930: condamnés
à la chasse et à la pêche, comme nous étions
condamnés à la prêtrise et au droit, exclus de toutes les
fonctions vraiment importantes de la société qui nous permettent
de prendre le contrôle de nos ressources naturelles.
Le Président (M. Audet): Si vous voulez...
M. Dansereau: Demandez à un jeune autochtone de 20 ans
s'il veut faire de la chasse et de la pêche. Alors, est-ce qu'il faut
organiser tout ce territoire avec une protection prioritaire...
Le Président (M. Audet): Si vous voulez terminer, M.
Dansereau.
M. Dansereau: ...absolue sur la nature...
Le Président (M. Audet): S'il vous plaît, vos deux
minutes et demie sont déjà écoulées depuis quelques
minutes.
M. Drapeau: II reste à M. Prescott de conclure un peu
notre intervention en vous parlant de l'Union qu'on a lancée ce
matin.
Le Président (M. Audet): Brièvement, s'il vous
plaît.
M. Prescott (Jacques): Brièvement, je vous lis quelques
lignes, M. le Président. Alors, ce matin, nous avons annoncé la
création de l'Union pour le développement durable, qui regroupe
des écologistes, des scientifiques, des universitaires et des citoyens
qui se donnent pour mission de favoriser un climat serein et empreint de
rigueur scientifique et intellectuelle dans les discussions reliées au
développement durable au Québec et dans le monde. Notre
organisation veut aussi rétablir les faits et la réputation du
Québec en tant que société responsable en matière
d'environnement et en tant que société démocratique
respectueuse des droits de la personne, en particulier en ce qui concerne les
autochtones. Notre organisation entend envisager lucidement les changements de
vie qu'exigera un développement plus durable et plus juste. Elle
désire, enfin, favoriser la motivation de ceux qui travaillent dans une
perspective de développement durable, et, bien sûr, nous voyons le
développement de l'énergie hydroélectrique comme un outil
de développement durable extrêmement prometteur.
Alors, j'invite les gens du gouvernement ainsi que tous mes
collègues et scientifiques et écologistes à nous appuyer
dans nos efforts, et je vous en remercie.
Le Président (M. Audet): Merci beaucoup. Malheureusement,
c'est tout.
Mme la ministre de l'Énergie et des Ressources.
Mme Bacon: Bien, en vous souhaitant la bienvenue, je vous
remercie de votre participation à ce processus de consultations
publiques. Évidemment, votre mémoire nous offre un
éclairage des plus intéressants qui est présenté
par des écologistes compétents et novateurs. Et, en soi, je pense
que le titre de votre mémoire, «Réhabiliter
l'hydroélectricité et refuser les mensonges», ça
reflète très bien vos préoccupations de même que les
nôtres.
Votre modèle d'optimisation écologique de la gestion des
ressources apparaît comme un outil intéres
sant de planification du développement hydroélectrique,
mais, comme tout modèle de ce genre, le choix, la pondération
dans l'importance des critères, évidemment, sont
déterminants dans le résultat. Avez-vous eu l'occasion de mettre
le modèle à l'essai auprès de différents
publics?
M. Drapeau: C'est M. Guérard qui va vous
répondre.
M. Guérard: Ce modèle-là est
éminemment évolutif. On le sort à ce moment-ci parce qu'on
a l'impression qu'il peut, justement, contribuer à donner
peut-être un cadre un peu plus rationnel au débat. C'est
évident que les évaluations d'importance, ça varie d'un
groupe social à l'autre, d'une personne à l'autre, mais ça
peut servir surtout dans l'état où il est actuellement, le
modèle, et on va essayer, avec le débat actuel, justement, de le
calibrer un peu mieux au moins à séparer les
différents enjeux.
C'est-à-dire que, si, pour nous, si, pour une personne, la seule
chose qui est importante, c'est la conservation absolue du territoire, de tous
les paysages et de ne pas toucher aux habitats, donc la figure 1, si c'est la
préoccupation qui occupe 100 points d'importance sur 100, bien, c'est
légitime, mais il ne faut plus prétendre être un partisan
du développement durable. On est un «conservationniste»
à tous crins. Si, pour une autre personne ou un autre groupe, la seule
chose qui est importante, c'est le caractère sacré du territoire,
bien, on est spiritualiste, et on n'est plus un gestionnaire du
développement soutenable. Si, par contre, on donne des points à
l'importance, relativement, d'équilibrer, bien, je pense qu'on essaie de
concilier des préoccupations qui entrent en contradiction. C'est
ça, un modèle d'optimisation. Mais il va falloir,
évidemment, le soumettre à la critique, bien sûr, et
à la discussion.
Mme Bacon: Vous comptez le faire bientôt? M.
Guérard: Bien, on a commencé... Mme Bacon: C'est
ça. M. Guérard: ...en ce moment, oui.
Mme Bacon: II y a quand même un bout de fait, là.
Tout au long de votre mémoire, vous prônez une substitution des
combustibles fossiles en faveur de l'hydroélectricité, une des
principales raisons étant, sur le plan environnemental, la diminution de
la production d'émission de gaz à effet de serre. Tenant compte
des incertitudes qui entourent encore l'ampleur du réchauffement
climatique appréhendé de même que la portée des
impacts qui pourront en découler, ne croyez-vous pas que la
société québécoise est prête à
accepter un remplacement massif des combustibles fossiles?
M. Guérard: Écoutez, il y a une certaine
incertitude sur l'effet de serre, mais il faut faire attention, là.
Il y a un large consensus, O.K.? On n'aura jamais unanimité. Il
n'y a pas unanimité, mais il y a un très large consensus.
À l'IPCC, 1'Intergovernmental Panel on Climate Change, qui regroupe les
200 spécialistes de ça dans le monde, il y a eu un consensus
à Rio, on a signé une convention, le Canada a signé une
convention, le Québec s'y est rallié, pour stabiliser les gaz
à effet de serre d'ici l'an 2000.
Je voudrais juste souligner que, stabiliser les gaz à effet de
serre d'ici l'an 2000, de la part des pays industrialisés, ça ne
veut pas dire régler le problème de l'effet de serre; ça
fait juste arrêter son accélération, parce que, même
si on ne pollue pas plus d'une année à l'autre, ça
s'accumule, ça, ce qui fait qu'il est évident, malgré les
incertitudes quant à la réalité, l'ampleur,
l'échéancier du réchauffement climatique, qu'il va falloir
aller vers des émissions moindres. Donc, la première
étape, c'est évidemment de stabiliser, ensuite de diminuer et, la
troisième étape, ça va être de diminuer
énormément. On est à côté d'un pays, les
États-Unis et l'Ontario qui consomme
énormément de charbon. Il est évident que
l'hydroélectricité est quelque chose qui doit au moins être
envisagé comme solution à ça, et une solution à
très long terme.
Il y a une chose que j'ai oublié, tout à l'heure, de
mentionner, dans le modèle, le premier modèle, le concept A,
c'est que l'hydroélectricité est beaucoup moins dangereuse
à gérer que d'autres formes d'énergie, parce que, comme
elle est à peu près éternelle... Quand on compare la
rentabilité financière ou sociale par des analyses
coûts-bénéfices ou des analyses coûts-avantages des
filières thermique, hydraulique, hydroélectrique,
nucléaire, on compare toujours sur un horizon de 30, 40 ou 50 ans, parce
que les centrales thermiques ou nucléaires vivent 30, 40 ou 50 ans, mais
une centrale hydroélectrique, c'est à peu près
éternel, si on la rénove et on l'entretient comme du monde.
Ce qui fait que, si on regarde sur 100 ans ou 200 ans,
l'hydroélectricité est de toute façon beaucoup plus
rentable que n'importe quelle filière, elle est éternelle. Ce
n'est que l'habitude d'actualiser les coûts parce que 100 000 000
$ de dollars qu'on va recevoir dans 50 ans, ça ne vaut presque rien
maintenant c'est juste cette habitude-là, qui nous fait
actualiser, qui nous fait mettre un horizon temporel, parce que, pour nous,
dans 50 ans, ce n'est pas important. Mais notre modèle va vraiment
chercher la préoccupation du rapport Brundt-land, qui visait à
satisfaire nos besoins sans hypothéquer ceux des
générations futures, et même, c'est nous qui faisons,
finalement, avec l'hydroélectricité, une sorte de cadeau aux
générations futures. Leur électricité, non
seulement elle va être sans impact, mais elle va être sans
coûts, presque; seulement des coûts de rénovation.
Mme Bacon: Votre recommandation 2 est de n'accepter que les
projets de cogénération qui n'augmentent pas les émissions
de polluants atmosphériques, incluant les gaz à effet de serre.
Quel serait le type de projet qui demeurerait acceptable, selon vous, et quel
est son potentiel de développement?
M. Guérard: C'est une très bonne question, et je
vais essayer de vous faire une bonne réponse. La
cogé-nération, le principe en est fondamentalement sain, bon, il
n'y a pas de problème avec ça, sauf que ce qu'on devrait faire,
peut-être, c'est essayer de remplacer tout ce qui est chaudières
aux combustibles fossiles par des chaudières électriques. Mais
ça, c'est un autre problème. Tant qu'à avoir des
chaudières aux combustibles fossiles, au pétrole ou au gaz, qui
vont faire de la vapeur, on est aussi bien d'utiliser la vapeur, en plus de ses
utilisations directes, pour faire de l'électricité. Il n'y a pas
de problème avec ça. (16 heures)
Le problème, c'est que le programme actuel de
cogénération qui est envisagé est beaucoup moindre que ce
que l'industrie voulait. Mais Hydro-Québec a quand même
cédé quelque chose qui nous paraît être un mauvais
compromis, finalement, moins pire que ce qu'on aurait pu craindre, mais encore
un très mauvais compromis parce que, ce qu'on fait, c'est qu'on va
prendre une chaudière d'une papetière, qui fait de la vapeur
admettons qu'elle a la capacité de produire 10 unités de
vapeur et, dans les programmes actuels, on va remplacer cette
chaudière-là qui produit 10 unités de vapeur par une
chaudière au gaz naturel de cogénération qui produit 30
unités de vapeur. Et, avec ces 30 unités de vapeur, on va faire
de l'électricité. Mais les 20 unités de vapeur, elles sont
inutiles pour l'industrie. Ça devient vraiment du thermique
déguisé.
Alors, ce qu'on dit, c'est: Ne scrapez pas le programme de
cogénération, mais ce qu'il faut faire, finalement, c'est que,
quand il y a une conversion de chaudière pour avoir une chaudière
de cogénération, il faut que ce ne soit pas une chaudière
plus grosse, de plus grosse capacité de vapeur. Finalement, ça
peut presque se résumer par un petit slogan: Ce qu'il faut, c'est trois
fois plus de projets de cogénération, mais qui soient trois fois
plus petits. Et on pense que ça peut rester rentable, parce qu'une
grosse chaudière ça coûte plus et, pour produire trois fois
plus de vapeur, ça prend trois fois plus de gaz naturel ou de
pétrole.
Le Président (M. Audet): Merci. M. le député
de Joliette.
M. Chevrette: Je vous remercie, M. le Président.
Tout d'abord, c'est un mémoire volumineux qui a demandé
sans doute beaucoup de recherches. Je suis même surpris
qu'Hydro-Québec n'ait pas fait les mêmes recherches plus vite pour
répondre de façon plus hâtive aux mensonges, parce que le
premier plan, les défenseurs d'Hydro-Québec, ça devrait
être eux autres mêmes, s'il y a des mensonges, et ne pas attendre
une commission parlementaire pour démystifier l'ensemble. Ça
aurait pu être également un contenu qui a été
véhiculé par la délégation du Québec
à New York et puis, potentiellement aussi, par l'ambassade canadienne,
tant et aussi longtemps qu'on sera dans le giron fédéraliste
actuel.
Mais, avant de vous poser une question, je lisais un commentaire de
quelqu'un, suite à votre conférence de presse: Les quelques
organismes qui défendaient l'hydroélectricité de
façon plus particulière, les gros barrages, ils ne mordront
certainement pas la main qui les nourrit. Vous avez lu ça? Dans le...
mardi, le 16 mars 1993, donc c'est aujourd'hui. Avez-vous été
subventionné pour faire ces recherches?
M. Guérard: Non. D'abord, il faut faire la
différence entre le GRAME, le Groupe de recherche appliquée en
macro-écologie, et l'union ou le groupe plus important qu'on est ici,
quoique, moi, je suis des deux, pour l'instant. Il faut que vous sachiez que ce
travail-là, ce mémoire-là est le résultat d'une
réflexion de plusieurs années, et il y a même des parties
de ça qui ont été publiées en pièces
détachées quand, moi, j'étais directeur du magazine
Franc-Vert. Les gens s'imaginent que, tout à coup, ça
vient de sortir. Ça, c'est l'aboutissement d'une réflexion qui
est entreprise depuis très longtemps. Et quand j'étais directeur
de Franc-Vert, et quand j'étais directeur du GRAME, je n'ai
jamais reçu aucun sou d'Hydro-Québec pour financer, pour produire
ce qui est là-dedans.
Le Groupe de recherche appliquée en macroécologie a
effectivement des contrats de recherche d'Hy-dro-Québec, des contrats de
recherche et non pas des subventions comme il est dit. Et puis, mordre la main
de ceux qui nous financeraient, à entendre parler, je pense que les gens
qui sont ici aujourd'hui, leur crédibilité, leur
intégrité n'a pas de prix. Personne ne serait capable d'acheter
des gens comme ceux qui sont ici.
M. Chevrette: Non, mais, si je vous pose la question, c'est loin
de vouloir insinuer...
M. Guérard: Je comprends bien, oui.
M. Chevrette: Parce que j'avais demandé à d'autres
aussi s'ils étaient financés par le lobby du charbon aux
États-Unis; je pourrais le demander à d'autres groupes. C'est
juste parce que j'avais vu la remarque. Je trouvais de bon aloi de vous poser
la question.
M. Guérard: On a vu la remarque. C'est de bonne guerre que
ces gens-là fassent cette remarque-là, mais, nous, on se sent
complètement libres d'esprit. Le groupe, ici, a des contrats de
recherche postérieurs à ça. L'Union n'a aucun contrat
d'Hydro-Québec. Ce qu'on espère, par contre, c'est avoir un
financement qui va être très large, un financement qui va provenir
des gouvernements provincial, fédéral, des entreprises, du
public. On veut avoir un financement large qui nous proviendrait de beaucoup de
gens parce que, la mission qu'on s'est donnée, c'est quelque chose.
M. Chevrette: Comment vous expliquez qu'autant de
faussetés peuvent être véhiculées, et avec quel type
d'intérêts? Parce que, si je vous pose cette question-là,
c'est que, moi, je suis en train de croire que c'est planifié,
ça, avec des objectifs bien précis. Et c'est planifié
entre des lobbies et des puissances d'autres ressources
énergétiques des États-Unis, et peut-être même
de certains autres types d'énergie, même, canadiens.
M. Drapeau: Ces faussetés-là, d'abord...
Premièrement, la question que vous posez, il faudrait la poser aux gens
du NRDC et d'autres groupes. Au début, ils devaient passer en
commission...
M. Chevrette: Ils devaient passer, mais imaginez vous bien qu'on
était bien préparés et qu'ils ne sont pas ici.
M. Drapeau: On ne peut pas tellement répondre pour eux sur
ce qui les motive. Mais, ce que je peux vous dire, c'est pourquoi, à un
moment donné, autant de faussetés sont dites. C'est que des
mensonges, souvent, à force d'être répétés et
à force que les gens ne les démentent pas, finissent par
apparaître comme des vérités. Et M. Cabot disait tout
à l'heure, lui, que ça fait cinq ans qu'il entend des choses
comme ça, et il se demandait pourquoi Hydro-Québec, pourquoi le
gouvernement du Québec, pourquoi le gouvernement du Canada intervenaient
peut-être, mais n'intervenaient peut-être pas assez.
On ne peut pas régler le problème d'une
société, on ne peut pas faire le travail à la place
d'Hydro-Qué-bec, à la place du gouvernement. Nous, ce qu'on veut,
c'est contribuer à rehausser le niveau de débat et à aller
leur dire; c'est déjà assez compliqué, au moins amener des
données, et on a des scientifiques qui sont prêts à servir,
à aller aux États-Unis, à aller combattre sur leur terrain
les faussetés que ces gens-là amènent. Pourquoi ils le
font? C'est difficile pour nous de répondre.
M. Chevrette: Bien, on a été à même
d'en voir. La plus récente, c'est la campagne de souscription, avec la
lettre de M. Matthew Coon Come, qui corroborait, qui endossait les propos du
Natural Resources Defence Council. Mais ce groupe-là devait, je pense
que c'est demain, se présenter, et il s'est décommandé. On
avait une série de questions, bien sûr, à leur poser. Je le
regrette, d'ailleurs, parce que je leur aurais parlé du ton beaucoup
plus mielleux de leur mémoire que celui des accusations qu'ils portent
à l'extérieur. C'est vraiment deux visages: un visage mielleux
ici et dégoûtant à l'extérieur, face au
Québec, chose que je n'accepterai pas, moi, comme
Québécois. Et que vous ayez le courage de relever ces
faussetés les unes après les autres, moi, vous me permettrez de
vous dire merci au nom des Québécois qui sont les
actionnaires.
Et il y a des faussetés qui, à leur face même,
auraient dû être relevées. Je prends, entre autres, la mort
des caribous; je prends, entre autres, le détournement d'une
rivière complète; je prends, entre autres, toute la question, par
exemple, des habitats naturels pour les phoques, etc. C'est à leur face
même, ça. On laisse charrier des faussetés, même sur
l'étendue du territoire inondé. Moi, je vous avoue que je suis
content qu'au moins il y ait un groupe dit écologique, soit dit
en passant qui fait place à la vérité parce que, la
vérité, ça a ses droits partout. Compte tenu du temps,
malheureusement j'aurais d'autres questions, mais je vais en risquer une, si le
président le permet, c'est: Est-ce qu'il y a une querelle dans le monde
scientifique en ce qui regarde les effets de serre, cependant? Parce qu'on ne
semble pas dire la même chose, dépendant des groupes
écologiques, et j'aimerais savoir ça.
M. Drapeau: Avant de répondre, avant de donner la parole
à Yves Guérard pour répondre à votre question sur
l'effet de serre, je voulais vous dire que le NRDC, si lui n'a pas eu le
courage de venir ici, nous, on va avoir le courage d'aller aux
États-Unis les rencontrer et d'aller aux États-Unis dans les
commissions sénatoriales où ils sont présentement
inscrits. Si on trouve le financement, ces gens-là vont nous trouver sur
leur chemin; si on trouve du financement assez rapidement, ils vont nous
trouver dès lundi prochain sur leur chemin. On a des scientifiques d'ici
qui auront le courage qu'eux n'ont pas eu.
Là, je donne la parole à M. Guérard.
M. Chevrette: Merci.
M. Guérard: Sur l'effet de serre, il y a un consensus qui
est très large. C'est sûr qu'il y a, en périphérie
du débat, des scientifiques tout à fait renommés,
là. Il ne faut pas dire que c'est des... Je pense que les gens qui les
financent ne déterminent pas le résultat de leurs recherches. Je
pense qu'en science on est capable de faire des bons rapports scientifiques qui
sont vérifiables. C'est une des chances qu'on a, que vous n'avez pas en
politique...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Guérard: ...même s'il y a de la politique en
science et que, des résultats, ça se tord.
M. Chevrette: Là, vous êtes le deuxième
à nous dire ça en un mois. (16 h 10)
M. Guérard: Mais il reste que, ça, c'est tout
à fait périphérique. Il y a un très large consensus
et, à l'intérieur du consensus, il y a des désaccords,
à savoir: Est-ce que ça va avoir monté de 2 degrés
en moyenne d'ici 50, 75, ou 20, ou 150 ans? Sur le rythme, ça, on
s'entend... Il y a beaucoup d'incertitude, c'est évident. Mais, ce qui
est évident aussi, c'est que ce n'est pas une question, actuellement, de
niveau auquel il faut descendre nos émissions pour stabiliser le climat.
Ce qu'il s'agit de faire, actuellement, c'est de stopper et de commencer
à être capable de descendre au moins un peu d'ici 10 ans. Ce qui
fait que, de toute façon, il va falloir envisager, soit par des
économies d'énergie massives, soit par les sources
d'énergie qui ne produisent pas de gaz à effet de serre, de
remplacer les combustibles fossiles; par économies d'énergie et
par sources d'énergie non fossiles.
Le Président (M. Audet): Merci. Malheureusement, c'est
déjà terminé.
M. le député de Drummond, vous auriez une brève
question?
M. St-Roch: Je vous remercie de la brève question, M. le
Président.
Alors, je vais essayer de condenser rapidement. Dans la foulée de
ce que le député de Joliette a dit, félicitations de votre
courage d'oser affirmer la vérité. Parce que, souvent, ce n'est
pas facile. Mais j'aurais deux brèves questions, moi. Je vais essayer de
les résumer.
En 1990, lorsqu'on a tenu la commission de l'énergie sur le plan
1990-1992, j'avais été un de ceux qui avaient souligné
à Hydro-Québec l'importance pour elle de diffuser la somme de
connaissances accumulées au niveau de la protection de l'environnement
et aussi au niveau de toute l'expertise que vous avez soumise à M.
Bourque. Alors, moi, il m'apparaît que, si on veut se défendre
avec sérieux, il va falloir commencer à regagner notre
fierté.
Alors, premièrement, ne croyez-vous pas qu'Hy-dro-Québec
devrait investir massivement pour vulgariser les connaissances acquises au
niveau des milieux nordiques, au niveau de la protection de l'environnement, au
niveau aussi de l'utilisation de la filière de
l'hydroélectricité? Et la deuxième question, pour faire
suite un peu à votre rapport... J'ai énormément
apprécié aussi... Lorsqu'on regarde les évaluations des
barrages sur 50 ans, j'admets qu'on devrait aller plus loin. Alors, n'est-ce
pas un inconvénient majeur, lorsqu'on parle des différentes
filières énergétiques, d'aller comparer sur 50 ans quelque
chose qui va être bon sur 200 ou 300 ans? N'est-ce pas un message
qu'Hydro-Québec devrait inclure aussi dans cette vulgarisation-là
et dans cette diffusion aussi, à l'extérieur du pays?
M. Drapeau: Sur la question concernant la diffusion des
connaissances ou de l'information, Jacques Prescott va vous répondre.
Puis, sur la deuxième question, sur l'horizon temporel des
évaluations économiques, ça va être Yves
Guérard.
M. Prescott: M. Dansereau a bien expliqué, tout à
l'heure, l'importance du développement hydroélectrique, non pas
dans une seule perspective de production hydroélectrique, mais aussi
dans une perspective de développement régional. Et on ne peut
faire de développement régional durable sans avoir une
éducation importante des populations locales, régionales, et
même à l'échelle de la province et à
l'étranger. Donc, ça fait partie essentiellement de la mission
d'Hydro-Québec d'éduquer la population, non pas seulement aux
économies d'énergie mais aussi au respect général
de l'environnement et à une meilleure compréhension des
écosystèmes que les projets hydroélectriques ont
modifiés. Donc, Hydro-Québec devra certainement inclure dans sa
mission ces dimensions socio-économiques qui ont été
délaissées jusqu'à maintenant.
M. Guérard: C'est évident, là, que, quand on
parle de développement durable depuis 5 ans, 10 ans le WorldWatch
Institute en parlait il y a dix ans il n'y a pas d'outils pour le
développement durable. C'est un peu pour ça
qu'Hydro-Québec n'est pas arrivée avec des solutions, avec nos
explications, depuis une couple d'années. Il n'y a pas d'outils pour
analyser et gérer le développement soutenable. On a
inventé le concept sans lui donner d'outils. Ce qu'on a essayé de
faire depuis des années, au GRAME, c'est de bâtir, justement, des
outils d'analyse et de gestion, puis je pense qu'il faut les regarder
sérieusement. Ils sont importants.
Évidemment, l'horizon temporel de 30 ans qu'on utilise pour
comparer les filières énergétiques, il est totalement
inadéquat au Québec où on a une filière qui est
à peu près éternelle. Ce qui est étrange, c'est
que, souvent... Puis, ce que je critique... Je suis un écologiste
sincère, puis j'en ai fait, du bénévolat, puis j'en ai
fait énormément pour le mouvement écologique, puis je
n'aime pas ça, quand je dénonce des mensonges, me faire
contre-attaquer en me demandant qui m'a payé. O.K.? Mais il reste
qu'Hydro-Québec utilise un horizon, elle, de 50 ans. Aux
États-Unis, on utilise 30 ans, parce que les centrales thermiques
nucléaires, tout ça, c'est à peu près 30 ans. Puis
les écologistes, souvent, qui sont adversaires de
l'hydroélectricité ils ont le droit il faut qu'ils
fassent attention, parce qu'ils tombent dans le piège d'utiliser des
outils d'analyse qui négligent l'intérêt des
générations futures. Et on démontre la
non-rentabilité de l'hydroélectricité en rapetissant
l'horizon temporel d'analyse, puis on tombe dans ce que les écologistes
dénoncent, avec raison, depuis longtemps: l'oubli des
générations futures puis du long terme. Puis c'est pour ça
que je pense qu'il faut regarder notre modèle avec beaucoup d'attention.
Il est très fort. On a travaillé très longtemps
dessus.
Le Président (M. Audet): Merci. Malheureusement, c'est
déjà tout. Alors, au nom des membres de la commission, messieurs,
il me reste à vous souhaiter bonne chance et à vous remercier de
votre présentation.
Afin de permettre au groupe Greenpeace de s'avancer, nous allons
suspendre quelques secondes.
(Suspension de la séance à 16 h 15)
(Reprise à 16 h 16)
Le Président (M. Audet): S'il vous plaît, nous
allons reprendre nos travaux. À l'ordre, s'il vous plaît!
Nous recevons maintenant le groupe Greenpeace. Alors, monsieur et
madame, je vous souhaite la plus cordiale bienvenue...
Mme de Guise (Anne): Bonjour.
Le Président (M. Audet): ...au nom des membres de la
commission de l'économie et du travail. Je
vous rappelle brièvement nos règles de procédure:
vous disposez d'une vingtaine de minutes pour nous faire part de votre
exposé et vous vous identifiez au préalable, ce qui est
très important; ensuite, suivra une période d'échanges
d'une quarantaine de minutes. Vous avez la parole. Vous pouvez y aller.
Greenpeace Québec
Mme de Guise: Alors, M. le Président et MM. et Mmes les
membres de la commission, je me présente: je suis Anne de Guise et je
suis la directrice de Greenpeace au Québec depuis un an. Avant de
céder la parole à François Tanguay, qui est le responsable
de la campagne énergie à Greenpeace, au Québec, j'aimerais
vous parler de Greenpeace, car si tous connaissent ce nom devenu
célèbre par des actions directes, non violentes, spectaculaires
et largement médiatisées, très peu connaissent ce que
l'organisation a accompli, la majeure partie du temps, en coulisses.
Greenpeace a été fondée en 1971, à
Vancouver, dans la foulée des mouvements antimilitaristes et des
premiers véritables mouvements pour la paix. Aujourd'hui, Greenpeace
compte 5 000 000 de membres à travers le monde et possède 38
bureaux établis dans 29 pays. L'organisation est présente dans la
plupart des pays de l'Europe, de l'Amérique du Nord, dans plusieurs pays
de l'Amérique centrale et de l'Amérique du Sud ainsi qu'en
Tunisie, en Tchécoslovaquie, en Ukraine, au Japon; et l'organisation
entrevoit la nécessité prochaine d'oeuvrer en Asie, la crise
environnementale, comme vous le savez tous, se jouant de plus en plus entre les
pays riches du Nord et les pays vulnérables, dévastés et
endettés du Sud.
Greenpeace se finance grâce, uniquement, à la contribution
volontaire de ses membres et n'accepte aucune subvention de l'État ou de
l'industrie. Ce choix politique nous permet de sauvegarder une liberté
totale d'action et d'intervenir, sans qu'il y ait conflit
d'intérêts, dans différents dossiers, afin de
répondre aux exigences que requiert l'établissement d'un
éco-développement authentique des ressources de la
planète.
Greenpeace possède plusieurs divisions s'il y en a qui ne
le savent pas. Nous avons une division marine, nous avons une division des
communications qui est responsable de la stratégie médiatique des
campagnes internationales, nous avons une division des sciences qui effectue
des études spécifiques pour le compte des différents
bureaux de Greenpeace à travers le monde et nous avons une division
politique responsable du développement de la stratégie politique
de l'organisation. Cette unité participe aux grandes conventions, dont
le Sommet de Rio, en juin dernier, dans la ville de Rio, et participe à
des conventions comme le Protocole de Montréal, qui oeuvre sur la
protection de la couche d'ozone, la Convention de Bâle, qui
légifère sur l'importation et l'exportation des déchets
toxiques, et la Commission internationale baleinière protégeant
les baleines. De plus, Greenpeace possède une base en
Antarctique et lutte pour qu'un sanctuaire y soit créé
afin d'assurer définitivement la sauvegarde des baleines. (16 h 20)
Si la philosophie de Greenpeace est axée sur l'action directe non
violente et j'insiste bien sur la dénonciation des grands
pollueurs de la planète, sa démarche spectaculaire ne
représente qu'une infime partie du travail et des stratégies
mises de l'avant dans les campagnes. Greenpeace travaille en concertation et en
coalition avec plusieurs groupes environnementaux et sociaux, exerce des
pressions auprès des gouvernements et des industries afin de leur faire
adopter des normes plus sévères et des pratiques plus
écologiques. Greenpeace informe ses membres et le public des
différentes problématiques environnementales ainsi que des
solutions les plus aptes à assurer un développement viable des
ressources de la planète et la régénération des
zones et des écosystèmes dégradés. Greenpeace
publie des revues, des magazines, et elle a édité maints ouvrages
complets sur l'industrie du nucléaire, le changement climatique, la
problématique mondiale des déchets et celle des forêts,
entre autres.
Si plusieurs combats restent à livrer pour contrer la pollution
atmosphérique, comme tout le monde le sait, la pollution de l'eau, la
deforestation, l'exportation et l'incinération des déchets
toxiques et les pratiques abusives et anti-écologiques de milliers
d'industries, d'importantes victoires ont été courageusement
remportées par le groupe et par les environnementalistes. Les baleines
sont protégées par un accord international. Les dauphins le sont
aussi grâce à l'arrêt de la pêche au filet
dérivant. Il n'y a plus d'incinération de produits toxiques en
haute mer, de tests nucléaires atmosphériques dans certaines
zones, d'exportation et d'importation de déchets toxiques en
Amérique centrale et un moratoire a été statué en
Antarctique, inderdisant toute exploitation minière pour les 50
prochaines années. La plus récente victoire de Greenpeace, et non
la moindre, est d'avoir convaincu la compagnie Dupont, après une
campagne très serrée, d'abandonner la production de
chlorofluoro-carbones, ces produits chimiques qui sont responsables de la
destruction de la couche d'ozone, et les HCFC en 2005, c'est-à-dire 15
ans avant la prescription finale du Protocole de Montréal.
Je terminerai en affirmant que la plus grande force de Greenpeace et
l'objet de son courage politique sans cesse renouvelé est de croire
à son pouvoir de liberté et d'indignation. Appuyée
massivement par des millions de voix, Greenpeace consacre le droit fondamental
des peuples à la démocratie et leur capacité de
gérer les ressources de leurs territoires. Greenpeace compte 300 000
membres au Canada, dont 40 000 membres au Québec. Dans la province,
l'organisation s'investit dans quatre campagnes: la protection des
forêts, de la couche d'ozone, l'exportation et l'importation des
déchets toxiques et l'énergie dont nous vous présentons le
mémoire à l'instant.
Je cède donc sans plus tarder la parole à François
Tanguay, qui est le responsable de la campagne énergie à
Greenpeace, au Québec.
M. Tanguay (François): Alors, bon après-midi
à tous. C'est un plaisir et un honneur d'être avec vous.
J'espère que l'approche que Greenpeace voudrait généreuse
saura vous rejoindre et qu'on saura vous convaincre des quelques arguments
qu'on avance et surtout des suggestions qu'on propose. Vous êtes
chanceux, parce que, aujourd'hui, vous êtes entourés de plein
d'écologistes qui sont raisonnables et rationnels. C'est une bonne
journée pour tout le monde.
En ce qui concerne Greenpeace, le rendez-vous auquel on est
conviés, c'est beaucoup plus qu'un rendez-vous pour discuter de l'avenir
d'Hydro-Québec; c'est autant pour se poser des questions
sérieuses sur l'avenir énergétique de la province et,
forcément, l'avenir économique. C'est sûr qu'on a un
potentiel hydroélectrique, au Québec, qui pourrait facilement
être doublé de façon rentable. La question qu'on se pose,
c'est: Est-ce qu'on devrait le faire? Est-ce qu'il est intéressant de
développer ce potentiel? Y a-t-il d'autres avenues qu'on pourrait
exploiter? Pour nous, le danger réside dans cette espèce de
course effrénée à la consommation, cette approche
«supply side», pour employer le terme américain, une
approche où on fournit de. l'énergie, on fournit de
l'énergie, et on verra bien ce qu'on fera avec. C'est une chose que
Greenpeace questionne.
Dans ce contexte d'ignorance... Parce que c'est ça, le
problème; beaucoup de gens, on l'a vu c'est un débat
extrêmement émotif sont loin des faits. Forcément,
il y a beaucoup de méfiance et beaucoup... L'ambiance est assez volatile
par les temps qui passent. Il devient difficile de bien servir les
intérêts du Québec d'aujourd'hui et ceux des
générations futures. Nous devons, par l'éducation et la
vulgarisation de l'information, amener l'ensemble des Québécoises
et des Québécois à réfléchir sur leur avenir
et sur leur avenir énergétique. avec la part croissante de
l'hydroélectricité dans notre bilan énergétique,
nous sommes rendus au point où l'électricité a rejoint le
pétrole dans ce bilan-là: grosso modo, c'est 40 %
électricité, 40 % pétrole et 15 % gaz. la population du
québec consomme, en moyenne, 4,76 tonnes équivalent
pétrole, ce qui en fait, depuis plusieurs années, un des grands
consommateurs d'énergie de la planète. il n'y a que les
américains qui en consomment plus que nous. malgré cela, le pib
du québec a progressé de 70 % en 20 ans, entre 1971 et 1991,
pendant que la consommation d'énergie n'augmentait que de 8 %, ce qui
tend à prouver qu'on est capables de faire plus d'économies avec
moins d'énergie. et on ne s'est pas beaucoup forcés pour
être plus efficaces pendant ces 20 années-là. dans la
proposition de développement déposée par
hydro-québec, on constate aussi la dette qu'hydro-québec
considère comme inquiétante; elle est très proche de la
dette d'hydro ontario, et on sait ce qui est arrivé à hydro
ontario depuis quelques semaines: un réajustement, un
réalignement important de sa structure; 20 % à 25 %,
dépendant comment ça va se dessiner, du personnel qui est mis
à la porte. et la raison pour laquelle ils ont mis les gens à la
porte, forcément, c'est parce qu'ils ne peuvent plus continuer
d'augmenter la tarification à coup de 10 % par année comme ils le
faisaient. Ils étaient en train de se sortir du marché, de la
compétition. cette dette-là nous coûte 3 000 000 000 $, 3
110 000 000 $ pour la dernière année, en intérêts,
sur une base annuelle. c'est beaucoup d'argent. quand on regarde de près
les chiffres, on constate aussi que la dette de l'entreprise a augmenté
de 35 % dans l'espace de 4 ans, entre 1987 et 1991, et que le taux
d'autofinancement d'hydro-québec est à la baisse. donc, ça
veut dire que, plus on avance, plus hydro-québec emprunte à
l'étranger. on est rendu à presque 80 % d'emprunts à
l'étranger.
Bon. Aujourd'hui, le Québec dispose d'un peu plus de 31 000, 32
000, 33 000 MW, dépendant où on est au moment où on se
parle, sachant aussi qu'il y en a 5000 qui viennent de Churchill Falls. Les
chiffres avancés par Hydro dans sa proposition permettent de constater
que la consommation d'énergie tend à plafonner,
c'est-à-dire qu'effectivement, depuis quelques années, la
croissance est très basse. Et, de fait, la seule croissance est due
à l'arrivée d'industries de haute demande sur le marché,
les alumineries en particulier. Si on exclut ça, il y a une baisse
réelle de demande énergétique au Québec depuis
plusieurs années, demande d'électricité. alors, la
croissance annuelle prévue par hydroquébec, de 1,8 % pour son
plan jusqu'en l'an 2000 ça, ça inclut leur programme
d'efficacité énergétique sur lequel on va revenir
cette croissance de 1,8 %, elle est déjà très
généreuse dans ce contexte-là. et on est très loin
des chiffres extravagants de robert boyd, ici, dans cette salle, en 1977, qui
parlait de 7 % par année, sans quoi c'était la misère; 7 %
par année... moi, j'ai fait des calculs. on partait du scénario
de l'époque et on arrivait à 62 000 mw en 1993 avec 5 %, et
à 89 000 mw avec 7 %; et, 8 %, je n'ai pas osé le calculer. et on
est à 31 000 ou 32 000 mw. donc, c'est-à-dire que ce
scénario-là, à l'époque, était un
scénario très loin de la réalité. et boyd affirmait
qu'il faudrait au moins 70 000 mw. on n'a pas de marge de manoeuvre, qu'il
disait.
Cependant, ces 31 000 MW en production nous permettent de savoir qu'on a
atteint une espèce de plancher, compte tenu que la demande plafonne.
C'est peut-être le moment de se demander qu'est-ce qu'on va faire avec
l'énergie qu'on a. Est-il absolument nécessaire d'en rajouter? Le
plan d'Hydro-Québec a un potentiel d'économies d'énergie
qu'on estime à 27,6 TWh sur la durée du plan, puis
Hydro-Québec estime qu'elle peut aller en chercher le tiers, grosso
modo, sur une base dite rentable et ça, on va venir sur la notion
de rentabilité de ce projet-là. Nous, on estime que c'est
conservateur mais, néanmoins, les 27,6 TWh du départ, ça
représente Grande-Baleine, Ashuapmushuan, Sainte-Marguerite et la
moitié de Haut-Saint-Maurice. Ce n'est quand même pas rien. Il
faut ajouter à ça les calculs du potentiel, évidemment,
des petites et moyennes centrales hydroélectriques, qui est à
peine entamé, qui est évalué à environ 15 000 MW,
dépendant des filières qu'on regarde.
Je vais me retrouver dans mes papiers. Nous, on estime que ce potentiel
à petite échelle pourrait être développé en
partie par l'entreprise privée qui crie à grandes interventions
le désir de s'investir dans le dossier énergétique au
Québec. Le problème, c'est que M. Le Hir, il aimerait beaucoup
que la privatisation lui permette de sortir les écologistes du
débat. Et, ça, c'est une fausse prémisse. Si seulement
cette privatisation-là pouvait nous permettre de voir plus clair et
d'optimiser notre input énergétique, bien, ce serait plus
intéressant. (16 h 30)
Le Québec, donc, au niveau de son bilan
énergétique, est à un point où il doit se poser des
questions très importantes. On traîne lamentablement de la patte,
par exemple, dans le domaine des énergies alternatives. Le secteur
éolien, moi, ça fait 25 ans que je suis ça, le secteur
éolien. Ça fait 25 ans qu'on dit qu'il n'a pas d'avenir au
Québec. Pourtant, les chiffres disent que 75 % du potentiel
éolien canadien est au Québec. Donc, il est là, ce
potentiel-là. La position de Greenpeace par rapport à ça
est très simple. Si le potentiel est là et si même le
coût gonflé d'Hydro à 0,075 $ du kilowattheure
éolien... Et, de fait, entendons-nous pour 0,07 $ à 0,08 $,
dépendant des sources. On sait maintenant que Grande-Baleine, les
chiffres de M. Dunn d'Hydro-Qué-bec nous disent: Grande-Baleine, entre
0,06 $ et 0,07 $ le kilowattheure. On était rendu à 16 000 000
000 $ pour 3000 MW, 0,06 $ à 0,07 $ le kilowattheure rendu à
Montréal. Et, ça, les travaux n'ont pas commencé. Alors,
ça va nous coûter combien, dans les faits, pour produire
l'électricité de Grande-Baleine? Ce qu'on dit, c'est que le
potentiel éolien, c'est un potentiel qu'il va falloir regarder,
l'intégrer, lui donner une part dans notre bilan et essayer de voir la
place qu'il pourrait avoir. Et, tout comme l'électricité, pour
paraphraser nos amis d'avant, c'est une source éternelle aussi, le
vent.
Je saute des passages, parce que je préférerais qu'on
s'arrête plus à la période des questions sur nos
commentaires. De toute façon, vous l'avez certainement lu, notre
mémoire.
Je voudrais, par contre, m'arrêter sur le fait de la tarification,
les 13 contrats secrets qui nous ont coûté, en 3 ans, 460 000 000
$, c'est-à-dire l'équivalent de 9 % d'augmentation des tarifs
domestiques, 50 000 000 $ par 1 %, en principe. Et ces contrats-là,
c'est 2000 MW, 2000 MW qu'on vend, donc, à des prix réduits.
Alors, encore une fois, était-il économique de le faire, sachant
que les jobs dans ces usines-là nous reviennent à quelque chose
comme 190 000 $, 200 000 $ chacune par année? Y a-t-il moyen de faire
mieux?
On constate aussi que l'efficacité énergétique,
comme tous les chiffres le démontrent, crée, par million de
dollars d'investissement, par exemple, plus d'emplois que la production sur
grande échelle d'électricité, quelle que soit la source.
Et c'est intéressant de noter, en passant, que l'énergie
éolienne est la seule dont le coût est en baisse
présentement si on la compare à l'hydroélectricité
ou aux autres; toutes les autres sont en hausse.
L'efficacité énergétique, ça veut dire quoi?
Ça veut dire la rénovation, l'isolation, tout un paquet de
domaines qui vont être affectés dans le quotidien. Ce n'est pas
ailleurs que ça va se passer, c'est partout dans les villages du
Québec. Il y a une place pour couper énormément dans notre
demande énergétique au Québec. Et, nous, on se dit: Si
l'argent est investi pour ne pas créer la demande partant du
principe que l'énergie dont on a le moins besoin, dont on ne crée
pas le besoin, c'est l'énergie la moins chère après
ça, les autres sources d'énergie pourraient entrer en ligne de
compte, et ça ne serait peut-être pas nécessaire d'aller
vers des scénarios de grande échelle.
Pour Greenpeace, c'est le coeur de ce qu'on défend:
l'efficacité énergétique et la diversification. Il faut
que ça soit très clair qu'on n'est pas anti HydroQuébec,
anti ceci et anti cela. On a aussi travaillé beaucoup nos chiffres,
notre recherche, et on arrive à la conclusion qu'il y a moyen de mieux
faire. Mais c'est peut-être aussi le temps de s'asseoir une fois pour
toutes et de faire un bilan sans émotion, un bilan froid de notre
dossier énergétique et de voir la part qu'on peut vraiment donner
à l'efficacité et à la diversification dans notre bilan
énergétique.
Je voudrais aller aux propositions. Alors, Greenpeace propose, entre
autres, l'installation de compteurs d'eau obligatoires partout où l'eau
est amenée par réseau. Et la raison est très simple, c'est
que, dans toutes les recettes énergétiques, on a, quelque part,
utilisé de l'eau ou ajouté de l'eau. Et on pense qu'une bonne
façon de sensibiliser les Québécois ça serait de
commencer à les sensibiliser à la notion que l'eau, elle est
là, elle n'est pas gratuite, elle court partout et il faut y faire
attention.
On pense que ça serait sage de donner une subvention de 500 $
pour l'achat de capteurs solaires pour chauffer l'eau. Après le
chauffage des locaux, l'eau chaude, c'est ce qui coûte le plus cher
à produire avec l'électricité. Moi, j'en ai un chez nous,
un chauffe-eau solaire, et ça produit au moins 50 %, 60 % de mon eau
chaque année. Alors, ce capteur solaire là, les constructeurs le
disent, on n'en vend pas parce qu'il n'y a pas de subventions. Du temps
où il y avait des subventions, on en vendait à la
pochetée. Ça, c'est une façon de réduire
directement la demande d'énergie pour chauffer l'eau, justement dans des
périodes où c'est important de le faire. Dans les demi-saisons,
printemps et automne, on peut arriver à des résultats
étonnants avec les capteurs. En passant, c'est intéressant de
noter que le seul fabricant au Québec exporte la majorité de sa
production en Floride.
On demande aussi l'engagement d'Hydro-Québec d'investir d'une
façon prioritaire dans la petite échelle, ne pas penser
uniquement aux grands barrages. On demande la tenue d'un débat public,
donc, comme nous l'avons dit tout à l'heure, sur l'ensemble des
politiques énergétiques du Québec et, avec ça, un
moratoire de deux ans. C'est-à-dire que, ce qui est en marche, on le
finit, et ce qui est sur la table à dessin, on attend encore une
année, le temps qu'on voie clair dans le dossier
énergétique.
On propose la mise en place et ça, pour nous,
c'est clé d'un nouveau système de normes
écologiques dans l'industrie du bâtiment. Je sais que votre
ministère, Mme Bacon, travaille avec le Bureau de l'efficacité
énergétique à établir ça. Ce que je trouve
regrettable, par contre, c'est que ces histoires-là, ça fait des
années que ça dure, puis la construction est très lente.
Je veux dire, dans le développement autour de Montréal, par
exemple, il n'y a rien, mais strictement rien qui rentre dans une maison,
aujourd'hui, qui s'appelle mesure d'efficacité
énergétique. Ça, c'est désarmant, et il serait plus
que temps qu'on s'asseoie et qu'on le fasse parce que, tout le temps qu'on perd
à le mesurer, on continue à faire des maisons inefficaces. Je
voudrais, par contre, qu'on revienne là-dessus un petit peu plus
tard.
Le Président (M. Audet): En conclusion, s'il vous
plaît.
M. Tanguay: En conclusion? O.K. Bon. De toute façon, vous
avez tous lu le mémoire. Il serait important pour nous, pour Greenpeace
Québec, que la commission se penche sérieusement sur un regard en
profondeur du dossier énergétique et que vous collaboriez
parce que, vous, vous avez le pouvoir de faire beaucoup plus que nous
à assainir ce débat-là, parce que ça commence
à tourner au vinaigre, à être désagréable et
à aller vers des polarisations de débat. Nous, on a fait le
travail qu'on a fait vraiment dans un esprit de
générosité, en ayant en tête de servir l'esprit de
la société québécoise. Et c'est assez
intéressant parce que, quand on l'a fait, on ne le savait pas
que M. Dansereau soit passé avant nous, parce que notre
conclusion de mémoire cite M. Dansereau, quand il dit que «toutes
nos faillites sont des faillites de l'intelligence». Et j'espère
que, collectivement, on aura l'intelligence, justement, de
réfléchir sur notre avenir énergétique. Merci
beaucoup.
Le Président (M. Audet): Merci.
Mme la ministre de l'Énergie et des Ressources.
Mme Bacon: Alors, Mme de Guise, M. Tanguay, je vous remercie de
votre participation à cette commission parlementaire et de faire avec
nous cet exercice de réflexion auquel nous nous livrons depuis
déjà quelques semaines.
C'est évident que, devant la complexité, là, du
dossier énergétique, nous avons tous avantage à tendre
vers la compétence et vers la rationalité. Il y a plusieurs
experts qui s'entendent pour affirmer que la Directive d'évaluation
environnementale de Grande-Baleine constitue un modèle en son genre en
raison de sa rigueur, et probablement, je pense, aussi au niveau mondial. Par
ailleurs, l'ensemble du processus d'évaluation environnementale
québécois est fort coûteux pour le promoteur et permet
aussi d'analyser en quasi-totalité les effets d'un projet
hydroélectrique.
Est-ce que vous pouvez nous indiquer s'il existe quelque part au monde
un endroit où les projets de développement, de production
d'électricité sont évalués avec autant de rigueur
qu'au Québec, et quelles sont les caractéristiques de ces
processus?
M. Tanguay: Ah! ça, il n'y a aucun doute: Le
Québec, au moment où on se parle et je suis d'accord avec
vous, la directive fédérale est probablement le modèle du
genre, certainement, même, le modèle du genre si on ne
croyait pas au processus qui est en cours et si on ne croyait pas qu'au
Québec le processus est valable, on ne serait pas ici en train d'en
parler aujourd'hui. On est absolument convaincus que, justement, le
débat au Québec a toutes les chances de mener à des
conclusions positives. On est aussi fatigués que nos amis du GRAME de la
présence des Américains dans cette histoire-là, et on
trouve que c'est regrettable qu'on mette autant de salive et autant de temps
à discuter des Américains dans ce dossier-là. Vous savez
très bien tout le monde le sait très bien que
Greenpeace USA a fait une annonce qui a eu des répercussions très
importantes au Québec il y a deux ans.
Cela dit, c'est sûr que l'enflure verbale des Américains
n'est pas la nôtre, et on a tendance à s'en démarquer par
rapport à la texture et par rapport à tout ce qui s'est dit
d'énorme. Mais, pour ce qui concerne Greenpeace Québec, c'est au
Québec que ça se passe et, nous, on croit que c'est important de
faire abstraction de tout le bruit, là, qui est autour, et que ça
soit ici que cette discussion-là se fasse. Et c'est justement à
cause de ce que vous dites qu'on pense qu'il faut que ça se fasse ici,
parce qu'on les a, les outils. Et d'aucune façon Greenpeace ne boycotte,
ni ne met des bâtons dans les roues, ni ne refuse de participer au
débat, loin de là. ce qu'on trouve regrettable, par contre, c'est
que plus on... ce document-là, moi, à force de le lire, je le
voyais dans mes toasts le matin. mais ce qui m'a un petit peu
dérangé dans les chiffres d'hydro-québec et ils ont
certainement travaillé très fort à les faire c'est
qu'il y a, des fois, compte tenu des capacités et des moyens dont elle
dispose, des trucs étonnants qui sortent comme la surévaluation
du vent, entre autres; nous, ça nous a beaucoup dérangés
dans la mesure où il s'agissait de presque 40 % de différence.
l'étude de l'association canadienne de l'énergie éolienne
sur le vent qui est faite par quelqu'un qui travaille à
hydro-québec, pourtant démontre clairement la
rentabilité du secteur éolien au québec. on les a, les
données; les rapports, on les a; le savoir, on l'a. alors, assoyons-nous
pour établir une politique. (16 h 40)
Notre vision par rapport à ça, c'est qu'on a le
ministère de l'Énergie d'un bord, Hydro-Québec de l'autre,
les écolos, et ça va dans toutes sortes de directions. Et, de
fait, ce n'est pas une politique énergétique qu'on a, c'est
quelque chose de trop confus, et il serait peut-être temps de vraiment
faire un bilan et, s'il vous plaît, d'ouvrir le débat à
d'autres choses que l'hydroélectricité. On n'est pas contre,
entendez-nous bien, mais, ce qu'on dit, c'est que c'est regrettable d'ignorer
les autres sources, et surtout d'ignorer l'efficacité
énergétique, parce que le bilan d'Hydro, leurs mesures
d'efficacité sont basées sur les coûts de
remplacement. Grande-Baleine, 0,046 $; bien, Grande-Baleine, il est rendu
à 0,07 $. Donc, est-ce qu'il ne faudrait pas revoir? M. Dunn...
Mme Bacon: Où vous prenez vos 0,07 $? Nous autres, on a
0,044 $.
M. Tanguay: Oui. M. Roger Dunn a donné une entrevue
à Habitabec, il n'y a pas longtemps, et il disait: Au moment où
on se parle, l'électricité de Grande-Baleine à
Montréal est entre 0,06 $ et 0,07 $. Ce n'est pas moi qui l'invente,
c'est Hydro-Québec.
Mme Bacon: C'est le seul que j'entends dire ça.
M. Tanguay: Bon, bien, je vous sortirai la coupure et je vous en
donnerai une photocopie.
Mme Bacon: D'accord.
M. Chevrette: II va revenir et on va lui reposer.
M. Tanguay: Posez la question, parce que...
Mme de Guise: Excusez-moi. Ce que François Tanguay veut
dire, c'est que l'hydroélectricité tend à augmenter
d'année en année, et ce n'est pas nécessairement le cas de
l'éolien, par exemple.
M. Tanguay: L'efficacité énergétique... On
sait que la plupart des mesures de remplacement comme les capteurs solaires
coûtent moins cher. Alors, ce qu'on dit, c'est: Regardons d'un petit peu
plus près parce que, si, effectivement, l'hydroélectricité
augmente à ce rythme-là et qu'on a ici la compétence, les
chômeurs, tout le monde qu'il faut pour faire mieux, bien,
faisons-le.
Mme Bacon: Vous proposez qu'Hydro-Québec s'engage de
façon ferme à investir de façon prioritaire dans le
développement des petites et moyennes centrales et vous évoquez
un potentiel aménageable de 15 000 MW. Compte tenu qu'il y a plusieurs
spécialistes qui prétendent que la somme des impacts
environnementaux des petites et moyennes centrales est supérieure aux
impacts d'un projet majeur d'égale puissance, moi, j'aimerais ça
que vous m'expliquiez comment le recours à des petites centrales
plutôt qu'à une grande centrale pour obtenir une puissance
équivalente peut s'avérer plus défendable sur le plan
environnemental.
M. Tanguay: Bon, on revient, encore une fois, à la notion
de débat. Je veux dire, à ce moment-là, ce qu'il faut,
c'est que ces gens-là déposent les documents qui prouvent ce
qu'ils avancent. Je veux dire, ce que, nous, on dit: II y a quelque chose.
C'est tellement important qu'Hydro-Québec s'est assise, a fait le calcul
et elle a dit: Mais il y a des milliers de mégawatts là-dedans.
Alors, si le potentiel est là, au lieu de tomber dans le panneau et de
dire: Ce n'est pas exploitable, ou bien, non: Ça va causer autant de
dommages, il faut vraiment s'asseoir et le regarder. Ça, ça n'a
pas été fait. Moi, je n'ai entendu personne dire qu'il avait des
preuves par écrit que l'impact était ci, était
ça.
Alors, nous, on dit, en plus: La petite entreprise ou l'entreprise
moyenne, ou même grosse, au Québec, a hâte de s'impliquer
dans le secteur énergétique. C'est un secteur parfait pour le
faire; c'est à leur échelle, c'est des investissements à
des échelles réduites, ainsi de suite. Ça leur
conviendrait. C'est régional. Ça créerait des emplois
là où ça se passerait, et ainsi de suite. Donc, avant de
condamner cette filière-là, un petit peu d'ouverture.
Mme de Guise: Je voudrais peut-être ajouter que nos
prédécesseurs parlaient d'un schéma mathématique,
mais il faut peut-être se poser la question aussi, à savoir si un
schéma mathématique peut être appliqué de
façon absolue dans la réalité. Alors, je corrobore un
petit peu ce que François Tanguay dit: il faut que des analyses soient
poussées et qu'on puisse avoir accès à cette
information-là.
Mme Bacon: Vous mentionnez à plusieurs reprises que
l'effort en efficacité énergétique qu'on vient de
mentionner tantôt, c'est insuffisant. Vous nous l'avez dit encore. Et
même, à la page 10 de votre mémoire, vous dites que les
politiques d'économies d'énergie sont quasi inexistantes. Moi,
j'aimerais ça que vous nous expliquiez en quoi le programme
d'efficacité énergétique proposé par
Hydro-Québec qui se compare, je pense bien, à ce qui se
fait dans les États américains voisins et la
stratégie d'efficacité énergétique du gouvernement
du Québec vous apparaissent inadéquats?
M. Tanguay: Avec plaisir. Une grande partie des mesures
qu'Hydro-Québec avance sont des mesures... au moins la moitié de
l'argent qu'ils mettent là-dedans, c'est de la sensibilisation. Ce n'est
pas qu'il ne faut pas en faire, mais on trouve que c'est beaucoup, dans un
premier temps. Dans un deuxième temps, beaucoup des mesures sont des
mesures dans lesquelles Hydro-Québec ne va pas s'impliquer
énormément financièrement. C'est la raison pour laquelle,
par exemple, on va, nous, du côté de la subvention directe pour
l'achat de capteurs solaires.
Un autre exemple, la solarisation des maisons. Moi, je passe par
Lavaltrie on est dans le même comté, M. Chevrette
pour entrer à Montréal et, quand je vois les horreurs qui se
font, c'est-à-dire des maisons alignées franc nord, avec une
petite fenêtre au sud... Alors, nous, ce qu'on dit, c'est que, s'il y
avait un minimum de planification urbaine et que, là, on disait aux
gens: La plus-value de la solarisation, la plus-value de l'efficacité
énergétique sur leur maison, on ne va pas la taxer, comme
ça se fait aux États-Unis, ça, ce serait une mesure
incitative directe qui impliquerait de l'argent.
Notre doute là-dessus, c'est qu'Hydro-Québec met beaucoup
de mesures en place qui ne lui coûteraient
rien. Et on pense que les consommateurs marchent plus quand il y a une
carotte, quand on leur donne des incitatifs monétaires. Et on pense
qu'ils ne sont pas tout à fait agressifs dans ce domaine-là.
Ça s'appelle la taxation, ça peut s'appeler des redevances
d'impôt, subventions directes à l'achat d'appareillage, ça
peut prendre toutes sortes de tournures, mais donner aux citoyens, aux gens qui
paient la facture, la notion que, en récompense de l'effort qu'ils font,
il y a un petit quelque chose qui revient. Parce qu'il y a une limite à
la sensibilisation sans qu'il y ait un retour d'argent. Et il y a beaucoup du
programme d'efficacité énergétique d'Hydro-Québec
qui tourne autour de cette chose-là.
Mme Bacon: En fait, le budget de 1 800 000 000 $, là... Et
on dit que les gens ont répondu beaucoup à ÉCOKILO,
là le questionnaire, et tout ça et qu'il y a une
très bonne réponse.
M. Tanguay: Oui.
Mme Bacon: Donc, la population fait quand même un
effort.
M. Tanguay: Et c'est très important de noter une chose,
Mme Bacon: Hydro-Québec a avoué qu'elle s'était
très mal préparée pour le programme d'efficacité
énergétique. Le même M. Dunn, dans la même entrevue,
disait: On a 15 ans de retard sur la Nouvelle-Angleterre dans les programmes
d'efficacité énergétique. Ce n'est pas moi qui le dis,
c'est Hydro-Québec. Quinze ans de retard! Et on a été
surpris par l'ampleur de la réponse: au-delà de 50 %. Ils avaient
prévu 25 % de réponse. Et ils étaient mal
organisés, la logistique était mal faite, puis ils
n'étaient pas prêts.
Ça tend à démontrer ce qu'on disait tout à
l'heure: c'est que, si vraiment ils s'y prenaient d'une façon encore
plus agressive... Le potentiel à aller chercher là-dedans est
très important, puis c'est d'autant plus important que l'exemple de la
Nouvelle-Angleterre... C'est à eux autres qu'on essaie de vendre de
l'électricité. Puis le contrat de New York, que tout le monde
accuse les écologistes d'avoir annulé, d'avoir été
responsables de l'annulation, de fait, ce n'est pas ça qui s'est
passé. NEPOOL n'a pas acheté tout simplement parce que
c'était 30 % trop cher. Ils ont demandé à
Hydro-Québec de baisser les tarifs, puis Hydro a dit qu'elle
n'était pas capable d'aller plus bas. Et c'est sur une base... Ils se
sont assis, puis ils ont regardé. Le rapport Hoyt, ici, le dit en termes
clairs et nets. Ils ont fait des calculs, puis ils se sont dit: Ça nous
coûte moins cher d'aller vers l'efficacité
énergétique que d'acheter plus d'électricité au
prix où Hydro veut nous la vendre.
Mme Bacon: II y avait la récession, aussi.
M. Tanguay: Comme vous voulez, mais la récession,
ça marche dans tous les sens. C'est pour des raisons économiques
qu'ils n'ont pas acheté cette électricité-là.
Mme Bacon: Parce qu'ils n'avaient pas de besoins. Ils avaient
surévalué leurs besoins.
M. Tanguay: Bien, voilà! Peut-être...
Mme Bacon: Et ils n'avaient pas vu l'ampleur de la
récession. C'est d'autres raisons.
M. Tanguay: ...qu'on surévalue aussi l'ampleur de nos
besoins, au Québec.
Le Président (M. Audet): Merci. M. le député
de Joliette.
M. Chevrette: Je vous remercie pour le mémoire. Sur
plusieurs points de vue, ça rencontre les consensus qui se
dégagent. Je pense, par exemple, à l'établissement d'une
politique globale. Vous parlez des autres sources énergétiques,
d'un débat plus ouvert, plus global sur l'ensemble d'une politique
énergétique. Je pense qu'il y a un consensus qui se dégage
à cet effet-là.
Moi, cependant, je veux profiter de votre présence pour essayer
de comprendre des choses. Vous allez m'expliquer pourquoi des groupes qui ont
une même mission ont tendance à vouloir se grafigner publiquement.
De un. De deux, vous parliez des éoliennes, tantôt, du potentiel.
J'ai remarqué souvent, moi, que des groupes écologiques sont
d'accord avec tel type d'énergie puis, le jour où on veut
l'implanter et que les citoyens n'en veulent pas chez eux, les mêmes
groupes sont avec les citoyens pour ne pas l'avoir chez eux. J'aimerais
comprendre la cohérence, bien souvent. Parce que j'ai vécu
ça, dans certains cas.
Puis les mêmes groupes, là, qui disent... Par exemple, les
éoliennes. Il y a un groupe qui nous proposait de Rivière-du-Loup
à Gaspé. On sait bien que ça en fait, ça, des
machines à vent. Mais, quand tu leur dis: Oui, mais, écoutez,
là, le bruit, la pollution par le bruit, la pollution visuelle,
êtes-vous d'accord pour qu'on en mette seulement si les populations
veulent en avoir? bien, ça, c'est bien sûr! Ça fait qu'on
ne peut pas bâtir exclusivement sur la volonté des citoyens, sinon
le potentiel qui serait de 2000, 3000 MW je ne sais pas, moi de
Rivière-du-Loup à Gaspé, avec l'assentiment exprès
des populations, il peut tomber à 300 MW. On est loin du compte par
rapport à la possibilité, au potentiel
québécois.
Vous allez me dire, à ce moment-là: Qu'est-ce qu'on fait
en cas d'impasse du genre? Vous autres, les groupes écologiques, disiez
assez ouvertement: Oui, bien, là, la population ne veut pas. Mais, pour
bâtir une politique, si on a un potentiel de 1000 MW en éoliennes,
2000 dans le solaire... Je ne sais pas, moi. Il y en a qui ont
rêvé plus gros que ça en hydroélectricité.
Puis, en tout cas, on peut en mettre, là.
«Réalistement», comment voulez-vous bâtir une
politique si on n'est pas capable d'avoir un cheminement pour arriver à
des objectifs bien précis d'équilibre des sources
énergétiques? Expliquez-moi ça.
M. Tanguay: O.K. Oui? (16 h 50)
Mme de Guise: Concernant le placard et ce que vous entendez, M.
Chevrette, concernant effectivement les groupes qui s'égratignent
mutuellement ou... Bon, écoutez...
M. Chevrette: Oui. J'ai dit... Mme de Guise: Bon, en
fait...
M. Chevrette: J'ai été plus Québécois
que vous. J'ai dit «grafigné», moi.
Mme de Guise: Je veux juste rectifier, en fait, pouvoir avoir
l'occasion de rectifier, effectivement. 11 ne faut pas croire que et je
vais le dire aujourd'hui que Greenpeace USA n'a pas porté aussi
préjudice à Greenpeace au Québec. Bien sûr, vous
allez me dire: Mais, à ce moment-là, comment se fait-il que vous
travailliez sous la même bannière? Il faut bien dire que
Greenpeace est un groupe international. Toutes les cultures, et les
perspectives, et les démarches politiques se retrouvent dans un
mouvement comme celui-là. On peut faire des recommandations et leur
dire: Écoutez, nous, notre stratégie n'est pas celle-là,
et probablement que la vôtre va nous porter préjudice, mais nous
ne pouvons que le recommander. Et nous continuons, par ailleurs, à
travailler sous cette bannière, parce que nous sommes
complètement d'accord avec les objectifs globaux d'un mouvement comme
Greenpeace.
Alors, c'est juste pour vous dire que c'est évident que, pour
nous, ce placard a eu... Et nous n'étions pas au courant qu'ils allaient
le publier. Nous avons pris conscience des faits lorsque le placard a
été publié, comme l'ensemble de la population
québécoise. Mais c'est juste pour vous dire que c'est très
simple, et ça a été, d'ailleurs, très simple pour
les Québécois de nous renvoyer la balle, mais nous étions
pris entre deux feux. Et je pense que, finalement, nous avons été
pris dans ce qu'on appelle un mur, dans un gap et dans une différence
culturelle énorme à cause de l'internationalisme du mouvement. Et
ils ont damé le pion à notre propre vision, la propre vision
énergétique.
M. Chevrette: Mais ce n'est pas là-dessus, ma question. Je
m'excuse, madame.
Mme de Guise: Oui.
M. Chevrette: Ce n'est pas l'objet de ma question. Je savais que
vous vous étiez dissociés du Greenpeace américain.
Mme de Guise: O.K.
M. Chevrette: C'est parce que je me suis servi, avant... Vous le
savez, je fais appel au groupe québécois, moi, là.
Mme de Guise: D'accord.
M. Chevrette: Vous me répondez sur votre
différenciation que vous avez ou vos différences avec Greenpeace
sur l'ordre des moyens. Mais hier, là: Ils ne mordront certainement pas
la main de ceux qui les nourrit, ça, c'est un groupe
québécois que vous visez, là.
M. Tanguay: Oui, oui. Tout à fait. Et...
M. Chevrette: Vous visez le groupe qui vous a
précédé.
Mme de Guise: Oui. M. Tanguay: Bien, là...
M. Chevrette: Bon, bien, moi, je serais porté à
vous demander: Qui vous nourrit pour que le GRAME puisse dire que vous ne
mordrez pas la main de celui qui vous nourrit?
M. Tanguay: Nous autres, en tout cas, ce sont les citoyens du
Québec, et personne d'autre.
Mme de Guise: Les membres.
M. Tanguay: Les membres de Greenpeace, d'une part. Nous,
ça nous inquiète beaucoup, tout simplement, que ce groupe qui a
eu des sous d'Hydro-Québec... C'est leur affaire, tu sais. Ils prennent
leur financement où ils veulent. Ce qui nous agace dans la position
qu'ils ont prise, c'est tout simplement le fait qu'ils se sont voulus comme
étant le «middle road», ou la voie de la sagesse et de
l'intelligence dans leur proposition. Chacun a droit à son opinion. Ce
qui nous a agacés, comme je vous le dis, là-dedans, c'est le fait
qu'on s'est... C'est comme si on essayait de nous pousser de côté
comme étant un groupe extrémiste, non sérieux. Et
ça, pour nous, c'est regrettable, parce qu'il y a beaucoup de groupes
écologistes au Québec et, croyez-moi, ils se parlent puis
ils se parlent beaucoup puis c'est plutôt rare que vous les
verrez, sur la place publique, s'entre-déchirer. Or, il s'est
avéré que les propos, hier...
Et je peux vous assurer que Greenpeace est loin d'être le seul
groupe au Québec qui ne partage par l'opinion du GRAME. On est un joli
paquet à se demander où ils s'en vont, parce que c'est une
approche pro-ductiviste qui incite à augmenter presque sans limites la
production d'hydroélectricité au Québec, et c'est une
approche qui ne va pas dans le sens de la réduction. Faisons-en. Puis,
là, à la fin, bien, ils nous traitent pratiquement
d'anti-Québécois parce qu'on ne fait pas cette
apologie-là. Bien, là, ça commence à être
gros. Alors, là, celle-là, moi, je regrette, je ne pouvais pas la
laisser passer.
Pour répondre à votre question suivante, il y a quand
même 18 000 éoliennes installées en Californie,
puis il y en a 14 000 installées au Danemark ce n'est
pourtant pas un bien grand pays. Alors, je ne sais pas c'est quoi, le potentiel
d'éoliennes qu'il y aurait entre Cap-Chat puis je ne sais pas quoi. Je
sais qu'il y a un potentiel, puis je sais qu'on n'a jamais installé
bien, bien des éoliennes une par ci, une par là
puis qu'on n'a jamais pu mesurer de près, de facto, les impacts ni
tester les machines, alors que la technologie existe puis qu'elle est
maintenant connue, puis qu'elle est de pointe, puis qu'on sait qu'elle
marche.
Fait à noter intéressant c'est que ce n'est
pas une question de savoir si on est pour les éoliennes, contre
l'hydroélectricité, qu'on doit se garrocher dans les
éoliennes à fond la caisse. Ce qu'on dit, c'est qu'il y a
là un potentiel; on verra l'apport qu'il a, mais il faut s'asseoir puis
l'évaluer avec justesse. Puis, là, je partage votre point de vue.
Mais, si on ne commence pas, on ne le saura jamais. Puis il faut commencer
quelque part, et sérieusement. Et, pour le moment, Hydro-Québec
dit: Quelques éoliennes aux Iles-de-la-Madeleine. Mais, ça, ils
disaient ça il y a 15 ans, puis il y a 20 ans. Bon, bien, c'est
peut-être la place parfaite...
M. Chevrette: Sur ce point-là...
M. Tanguay: ...pour l'entreprise privée, finalement.
M. Chevrette: Bien, M. Tanguay, sur ce point-là, je pense
que je partage votre point de vue. Les 1000 MW lancés sans aucun
programme précis ou projet précis, à mon point de vue,
c'est faire injure à la ressource elle-même. Puis, ça, je
l'ai dit à l'ouverture de la commission.
Mais je voudrais revenir à votre idée de petits barrages
contre un grand barrage. Je suis surpris, et je vous le dis je suis
franc; vous me connaissez, je dis ce que je pense que vous ne soyez pas
pour conserver des rivières patrimoniales et que vous n'y alliez pas
à fond de train là-dessus. Si vous préconisez des petits
barrages, on va faire disparaître à peu près toutes les
petites rivières du Québec et on ne sera jamais capable d'en
conserver quelques-unes qui ont une valeur patrimoniale, soit à cause
des sites enchanteurs qu'elles représentent, ou de la ressource
aquatique qu'elles représentent, ou de l'attrait touristique qu'elles
représentent. Je suis surpris qu'un groupe comme le vôtre ne fasse
pas appel à cette dimension et qu'il préconise des petits
barrages. Là, Hydro va partir et va dire: Bon, bien, Greenpeace est
d'accord avec nous autres sur les petits barrages, donc on va harnacher
l'Ashuapmushuan, on va détourner la rivière aux Pécans et
la Carheil, sur la Moisie; et puis, ils sont contre les grands barrages, mais
ils ne s'objecteront pas trop aux petits.
Comment pouvez-vous concilier ça avec la volonté de garder
un patrimoine québécois aussi, dans certains milieux, assez
intact?
M. Tanguay: Dans la priorité, j'ai construit pendant un
certain nombre d'années des maisons solai- res; j'en ai fait une
trentaine. Et, quand on faisait le bilan énergétique de la
maison, qu'on planifiait la maison, je leur disais: La première chose
qu'il faut que tu fasses, c'est que tu ne sois pas dépendant d'une
source d'énergie. Et, deuxièmement, il faut que tu bâtisses
une maison qui ne créera pas des demandes d'énergie excessives.
Donc, ça, ça veut dire isolation de pointe, et ainsi de suite,
parce que, finalement, l'énergie la moins chère, c'est celle dont
on ne crée pas le besoin. C'est pour ça que le premier point de
notre mémoire, la chose la plus importante, ça s'appelle
efficacité énergétique, réduction de la demande. on
le sait, parce que, pendant 20 ans, la demande n'a presque pas monté, et
le pib a augmenté de 70 %. donc, on sait qu'on est parfaitement capable
d'aller encore... et là tous les documents, même, d'hydro le
démontrent, on peut augmenter notre performance
énergétique de façon importante. de fait, on arriverait
à arrêter la croissance de la demande et, à partir de
là, on n'aurait plus besoin de plonger dans les grands projets et on
pourrait recommencer à regarder les interventions mixtes. et il est
question de 2000 mw, 3000 mw, 4000 mw de plus sur quelques années, il
n'est pas questions de 5000 ou 10 000 mw.
Donc, s'il y a moyen de parvenir à mélanger les sources,
je ne pense pas que ça va être nécessaire de harnacher
toutes les petites et moyennes rivières au Québec. Ce n'est pas
ça qu'on est en train de dire. On parle de diversification: un petit peu
de ça, un petit peu d'éolien, beaucoup d'efficacité
énergétique. S'il le faut, si le peuple québécois
en arrive à la conclusion qu'il veut brûler de l'énergie,
et qu'il a besoin de Grande-Baleine, et que le débat se fait et que
c'est archidémo-cratique, bien, on le fera, Grande-Baleine.
Je ne suis pas inquiet, Mme Bacon. Je suis d'accord avec vous, on a un
processus environnemental impeccable. Mais, pour le moment, il faut
réfléchir à cette chose-là, et ça nous donne
l'impression qu'on ne réfléchit pas fort là-dessus. Et
c'est pour ça qu'on demande un moratoire. Et, nous, on pense
qu'«énergétiquement» on a les moyens de se payer ce
moratoire-là. Après ça, jamais Greenpeace ne va s'opposer
à Grande-Baleine si c'est un choix démocratique et
justifié. Mais, attention: justifié. Pas vendre à perte et
pas vendre sur des faux marchés et à des prix de rabais, etc.
Aucun problème. Si c'est préférable de faire ça aux
petites rivières, sans problème. Vous voyez, on n'est pas
extrémistes.
Le Président (M. Audet): M. le député de
Vimont.
M. Fradet: Merci, M. le Président.
Vous avez mentionné tout à l'heure, monsieur, que c'est un
honneur pour vous de participer à ce processus, et je pense que c'est un
honneur pour nous aussi de rencontrer différents groupes d'experts et de
discuter aves les gens pour avoir des opinions différentes sur la
politique énergétique. Et je pense que c'est important qu'on le
fasse. J'aurais, par contre, juste une petite
question à vous poser, là, plusieurs, mais, entre autres,
une qui concerne la citation dont vous nous avez fait part dès le
début de votre entrevue, concernant le manque ou l'analphabétisme
environnemental des décideurs aujourd'hui. Je me considère...
M. Tanguay: Oui.
M. Fradet: ...privilégié d'être un
décideur. Et vous dites que, dans ce contexte d'ignorance et,
consé-quemment, de méfiance, il devient difficile, pour bien
servir les intérêts du Québec et des
générations futures... Ce qui est, entre autres, une de mes
préoccupations en tant que jeune député... D'après
vous, là, qui serait habilité à prendre des
décisions objectives en matière d'énergie et
d'environnement au Québec si ce n'est pas les décideurs que vous
portez au pouvoir? Parce que, vous aussi, vous votez, et vous allez, aux
élections, décider qui veut bien vous représenter. Qui,
selon vous, pourrait être un expert pour décider de la politique
énergétique du Québec? (17 heures)
M. Tanguay: Je pense que le temps que j'ai passé en
environnement et les téléphones que je reçois à
tous les jours à Greenpeace, puis ce que je lis dans les journaux, puis
les déclarations que j'ai entendues ne peuvent pas mener à une
autre conclusion que celle à laquelle je suis arrivé par rapport
au fait qu'on ne baigne pas dans un savoir profond par rapport à notre
bilan énergétique au Québec. Il me semble que le
potentiel, le savoir, l'expertise... Moi, j'ai toujours dit: S'il fallait qu'on
enlève le monopole absolu à Hydro-Québec qu'elle a de
vendre l'électricité, puis qu'on ouvrait la
barrière...
M. Fradet: Mais, quand je parle de décideur, ce n'est pas
Hydro-Québec, là. Je vous parle de moi en tant que
député.
M. Tanguay: J'y arrive. J'y arrive. Je vais répondre
à votre question.
Quand on pense au potentiel qu'il y aurait... Parce que des
Québécois inventifs, il y en a à la pelletée, mais
les avenues sont pas mal bouchées par les temps qui passent. Le
débat qui tend même M. Dansereau le disait tout à
l'heure à être monopolisé par Hydro-Québec, a
fait en sorte que l'information ne peut pas mener à une vision
intelligente, élargie et complète. Moi, ça fait des
années que je suis là-dedans, puis j'en apprends encore des
masses à tous les jours, comprenez-vous?
Alors, ma contention, c'est que vous autres, vous avez le pouvoir de
décider, mais vous avez aussi d'autres chats à fouetter, vous
avez beaucoup d'ouvrage. C'est pour ça le moratoire et la discussion de
fond puis là je rejoins la position de M. Chevrette dans son
discours à l'Assemblée la nécessité de
vraiment s'asseoir et de les amener, ces gens-là, à
établir une politique globale énergétique ouverte qui a en
vue l'équilibre économique de l'avenir du Québec, sa
compétitivité. Je suis certain qu'on va être capables de
drainer tout le savoir, l'intelligence nécessaire, puis que ça va
nous permettre de prendre des décisions éclairées...
Ça va vous le permettre, parce que, vous, vous êtes des
élus, de prendre des décisions éclairées.
M. Fradet: Je suis d'accord avec vous que, en tant que
parlementaires, on ne peut pas être experts partout, comme vous ne pouvez
pas non plus être expert dans tous les domaines. Votre domaine est
l'environnement. C'est d'ailleurs pour ça, à mon avis, que je
participe à une commission parlementaire en écoutant des experts
comme vous pour m'aider à prendre une décision, à la fin
de la commission parlementaire. Mais ce n'est pas un gros reproche que je vous
fais, mais je voulais éclaircir...
Tout à l'heure, on a mentionné, on a comparé
l'énergie éolienne avec l'énergie hydroélectrique
en ce qui a trait aux tarifs. Vous avez mentionné les six ou sept sous
du kilowattheure. Je voudrais peut-être juste regarder avec vous, dans
les moyens de production, le tableau 1, à la page 19, qui mentionne
effectivement que, Grande-Baleine, les coûts sont de 0,04 $ par
kilowattheure; ça ne comprend pas, bien entendu, la distribution...
M. Tanguay: Ni les «external ités».
M. Fradet: ...ce qui la porterait à 0,06$ ou 0,07 $.
Dans le cas de l'énergie éolienne, votre coût, en
comprenant les mêmes choses, les «externalités»
environnementales et la distribution, tout dépendant où va
être la tour de Pise avec l'hélice, si c'est en Gaspésie ou
si c'est dans le Grand-Nord, est-ce que vous ne pensez pas
qu'éventuellement ça pourrait augmenter le coût de
l'énergie éolienne? Quand vous parlez de comparer les
coûts, est-ce que vous comparez des pommes avec des pommes?
M. Tanguay: Non, pas du tout. Je vous suggère, si vous ne
l'avez déjà pas vu, de mettre la main sur «Le potentiel
éolien au Québec» de M. Reid...
M. Fradet: Le groupe qu'on a rencontré.
M. Tanguay: ...qui est vraiment l'étude la plus
poussée qui s'est faite dans le domaine. Lui, c'est simple, il est
à quelque part entre 0,56 $ et 0,75 $. Ce qu'Hydro-Québec dit,
c'est que ça va coûter plus cher parce qu'ils vont accoupler
l'éolienne au diesel. Or, c'est une contention que ce rapport-là
n'appuie pas. Il dit, au contraire... C'est drôle parce que
Hydro-Québec dit: Les éoliennes ne sont pas fiables, et
l'Association canadienne de l'énergie éolienne dit: Justement,
les éoliennes sont très fiables, aussi fiables que les
précipitations, que les vents le sont, puis le potentiel éolien
est grand. Donc, les coûts, entre vous et moi, si ce n'est qu'une cenne
de plus ou une cenne de moins le kilowattheure, quelle que soit la source, on
est rendu à pas grande différence.
M. Fradet: Dernier petit commentaire, M. le Président.
Le Président (M. Audet): Formulez très
brièvement, M. le député. C'est terminé.
M. Fradet: Vous ne le mentionnez pas dans votre mémoire,
mais j'en ai parlé avec d'autres groupes qui sont venus nous rencontrer,
l'économie d'énergie, c'est très important pour nous aussi
en tant que décideurs. Je pense qu'il va falloir encore serrer la vis en
matière d'économies d'énergie. Pensez-vous que,
éventuellement, la maison intelligente pourrait être un
problème puis vous savez ce que je veux dire, la domotique;
c'est-à-dire qu'il pourrait y avoir une gestion de l'énergie
à l'intérieur de la maison pourrait être une avenue
intéressante?
Le Président (M. Audet): Terminé, M. le
député.
M. Tanguay: Est-ce que je peux répondre en 30
secondes?
Le Président (M. Audet): Oui, allez-y,
brièvement.
M. Tanguay: Très brièvement parce que c'est un
domaine que je connais par coeur pas mal.
La maison intelligente, c'est une maison énergivo-re. C'est une
maison qui est faite en plastique. C'est une maison qui est bourrée de
poumons artificiels pour régulariser la circulation d'air dans la
maison, qui est un véritable sac de plastique qui amène des
dépenses énergétiques. Ce qu'on appelle la maison
intelligente, c'est parce qu'elle a un ordinateur qui contrôle les
lumières et des choses pareilles. C'est un leurre.
M. Fradet: Ou le chauffage.
M. Tanguay: Ce n'est pas ça, la maison intelligente. La
maison intelligente, c'est une maison orientée au soleil, bien
isolée, qui respire et qui a été faite pour du monde, pas
pour un contracteur.
Le Président (M. Audet): Merci. M. le député
de Joliette.
M. Chevrette: Vous êtes au courant de tous les programmes
d'efficacité énergétique d'Hydro, sûrement,
qu'est-ce qu'ils font présentement. Est-ce que vous ne croyez pas que,
dans un coin de pays comme le nôtre, au lieu de se garrocher à
gauche et à droite toutes sortes de gadgets, on doit vraiment y aller
sur un plan d'isolation, mais bien pensé, scientifiquement correct,
pensé à la fois par des ingénieurs et des
spécialistes en la matière, et qui savent comment isoler une
maison comme vous dites, et que ça serait là, peut-être, le
plus grand pivot de l'économie d'énergie, au lieu d'aller, par
exemple, en hiver, sous des lampes opaques en même temps que ta plinthe
électrique chauffe plus, puis les effets croisés, puis essayer,
nous, les analphabètes, de comprendre?
Ça, je comprends assez ça pour vous dire qu'il me semble
que ça ne serait pas sorcier, ça, et que le monde, le gros bon
sens... Quand on parle avec les citoyens, là, ils n'en connaissent pas
plus que moi ou un peu plus que moi, moins que vous, là, ce qu'ils nous
disent: C'est épouvantable, l'énergie qui est
dépensée par le chauffage à cause du climat, puis on n'a
pas de programme d'isolation. Est-ce que vous vous êtes penché
là-dessus?
M. Tanguay: Ah, mon Dieu! Je n'ai fait que ça pendant 10
ans, M. Chevrette. Ce que je peux vous dire, c'est que le gouvernement
américain a fait une étude très, très importante
sur cet aspect-là, et ils sont arrivés à la conclusion que
le premier secteur c'est le rapport Geller qui a été fait
aux États-Unis, je pourrai vous donner la référence, si
vous voulez à bénéficier de l'efficacité
énergétique, c'est le secteur de la construction plus que
n'importe quel autre. Les maisons qu'on a au Québec sont des maisons qui
gagneraient beaucoup à être améliorées du point de
vue de l'efficacité énergétique, l'isolation...
On pourrait entrer dans les détails techniques. La notion de
coupe-vapeur... On isole les maisons avec du plastique, alors qu'on les
sursèche avec de l'électricité par en dedans. Il y a un
non-sens à quelque part là-dedans. Le fait que les maisons
soient, au départ, construites en dessous de normes environnementales
écologiques, avec des appareils qui gaspillent l'eau... Pourquoi on n'a
pas forcé la normalisation d'une toilette à trois gallons au lieu
de cinq? Pourquoi ce n'est pas standard d'avoir un économiseur d'eau,
etc., etc.?
Tout ça, tous ces secteurs, toutes ces petites
«gogosses»-là, comme vous dites, feraient travailler une
quantité affolante de monde partout en région.
L'efficacité énergétique, ce n'est pas une science; c'est
un ensemble de mesures, puis, dans certains cas, avec une carotte, avec de
l'argent, parce que, moi, je me dis, la quantité d'argent qu'on met dans
l'eau chaude chaque année, par exemple, s'il y avait un capteur solaire
sur chaque maison... Il y a des pays... C'est par centaines de mille que
ça se compte, puis ce n'est pas nécessairement des pays
tropicaux. Alors là, on pourrait entrer sérieusement dans la
réduction de la consommation d'énergie.
Dieu sait si le secteur de la construction a besoin de travail et a
besoin, surtout... Moi, quand j'entends les gens de la construction se plaindre
et dire: On n'a pas d'ouvrage... Faites des maisons qui ont de l'allure. Vous
allez en avoir de l'ouvrage. Les contracteurs qui font des maisons
intelligentes n'ont pas de problème à en vendre. Ceux qui font du
bungalow en série à 85 000 $ ont de la misère à le
vendre, parce que les gens en voient 500 pareils dans le même quartier,
puis ils disent: Pourquoi je mettrais les économies de ma vie
là-dedans?
Puis je l'ai dit à je ne sais pas combien de contracteurs: Mettez
un peu d'intelligence dans votre
maison, puis vous allez être surpris à quel point les gens
vont en vouloir. Et il y a plusieurs contracteurs qui m'ont dit: Les gens me
disent: C'est quoi qu'il y a d'écologique dans la maison? Ils ne savent
pas, et le travail du centre, le Bureau de l'efficacité
énergétique et Concordia, j'aimerais voir qu'est-ce qui se passe
dans ce travail-là, parce que, si ça ne mène pas à
ce genre d'intervention là, on va aller nulle part.
M. Chevrette: Est-ce qu'il me reste du temps?
Le Président (M. Audet): Une minute. Question,
réponse.
M. Chevrette: II me reste une minute? Est-ce que vous croyez
ça fait sourire Mme la ministre à chaque fois, mais je la
pose à tous ceux qui... quand j'ai le temps de le faire. Croyez-vous
à la création d'une commission indépendante
chargée, d'abord, peut-être de concevoir ou d'appliquer une
politique énergétique au Québec? Parce que, actuellement,
là, on parle d'hydroélectricité. C'est la vocation
à peu près première, pour ne pas dire quasi exclusive
d'Hydro, puis il y a d'autres sources d'énergie, comme vous l'avez dit.
Il y a, à court terme, qu'on le veuille ou pas, l'utilisation
d'énergie autre qu'on est obligé de réglementer, etc.
Est-ce que vous croyez qu'une commission neutre d'énergie aurait sa
place au Québec? (17 h 10)
M. Tanguay: Moi, ça me paraît fondamental et
ça rejoint les propos du député de Vimont, tout à
l'heure, dans la mesure où, effectivement, on aurait là la
place... Est-ce que j'ai le bon comté?
M. Fradet: Oui, oui, c'est ça. M. Chevrette: Oui,
oui, oui, oui. M. Tanguay: Ha, ha, ha!
M. Chevrette: C'est parce qu'il aime ça. Son nom sort. Ha,
ha, ha!
M. Fradet: Ha, ha, ha! M. Chevrette: Ha, ha, ha!
M. Tanguay: Ça fait partie de l'apprentissage. On aurait
de la place pour... Ha, ha, ha! On aurait de la place... Je vais finir par
perdre...
M. Chevrette: ...
M. Tanguay: Ha, ha, ha!
M. Chevrette: Non. Ha, ha, ha!
M. Tanguay: Bon, vous, je ne sais pas combien... Je sais qu'il y
a 88 mémoires qui ont été déposés. Donc,
vous arrivez vers la fin. Vous en avez vu pas mal de monde. Vous êtes
certainement arrivé à la conclusion qu'il y a beaucoup de
personnes disponibles, prêtes, avec plein de savoir, qui sont
prêtes à collaborer, à faire quelque chose. Alors, sans que
ça devienne une immense bureaucratie et un appareil qui va s'enliser, il
faudrait indéniablement mettre en place quelque chose d'autre, parce
que, là, on a le Bureau de l'efficacité énergétique
qui a un mandat et qui n'a pas, soyons honnêtes, des masses d'argent. Les
budgets sont quand même restreints. On a Hydro-Québec, qui est
à la fois mandaté pour nous vendre et mandaté pour nous
dire d'économiser; c'est le loup dans la bergerie.
C'est pour ça que, moi, la vocation d'Hydro-Québec,
là, par rapport à l'efficacité énergétique,
j'ai souvent eu des doutes dessus. Alors, peut-être qu'effectivement
ça ne serait pas une mauvaise chose de toute façon, nous,
on tend dans cette direction-là d'avoir un organisme qui serait,
j'aurais envie de dire pas consultatif, mais, littéralement, qui
apporterait des outils et qui dirait, soit à l'efficacité
énergétique, soit à la ministre ou au ministre de
l'Énergie: Ça, là, c'est prêt, ça doit
être fait maintenant, ça va coûter tant, allons-y,
fonçons. Parce que, là, on n'a plus les moyens d'attendre; il
faut passer aux actes.
Le Président (M. Audet): Merci. M. le député
de Drummond.
M. St-Roch: Merci, M. le Président.
Un peu dans la foulée de la discussion qui se poursuit depuis le
début, moi, ce qui m'inquiète, c'est lorsque je regarde le nombre
de maisons neuves qui s'ajoutent d'année en année. Là, on
parle d'à peu près alentour de 44 000 unités, là,
de logement qui vont s'ajouter. Vous y touchez dans votre mémoire au
niveau de la réglementation.
Alors, ne croyez-vous pas que la première chose, là, qu'on
pourrait faire aujourd'hui... Je regarde le solaire passif. C'est strictement
un plan d'aménagement d'urbanisme qu'on pourrait dire: Mais, à
partir d'aujourd'hui, voici la manière qu'on fait les nouveaux
développements, parce que la plupart des maisons neuves vont se
construire dans des terrains, souvent, qui sont vierges. Alors, une
orientation, et dessinée par un ingénieur et par des architectes,
il me semble que ça ne coûte pas beaucoup, ça.
M. Tanguay: Écoutez...
M. St-Roch: Alors, est-ce que ce n'est pas là que serait
la base, pour nous, là, dans le but de commencer à penser qu'on
va le réaliser, le 9,3 TWh, parce que ça semble être tout
un défi, ça, lorsque je regarde les problématiques.
M. Tanguay: Quand tu bâtis des maisons solaires, la
première chose que tu apprends: Le soleil se lève à l'est,
à midi, il est au sud, puis le soir, il est à l'ouest, tu sais.
Ça fait que c'est comme une évidence. Et c'est
toujours renversant de se promener dans les rues et de voir les maisons
orientées complètement à l'envers du bon sens, et c'est
même illégal de ne pas le faire. Tout le monde sait très
bien que les maisons doivent faire face à la rue, avec tant de pieds de
distance dans les développements, etc.
Alors, ça ne sera pas tellement dur... et c'est drôle,
parce que, demain, je m'en vais à un colloque solaire à
Montréal, dont le thème principal est justement l'urbanisation et
la solarisation. C'est bien évident qu'en partant, là, sans que
ça coûte une cent à qui que ce soit, bien, une incitation,
une réglementation qui dirait: Voilà, à partir de
maintenant, une maison doit être orientée au soleil, pas besoin de
savoir si c'est à 5 degrés à l'est du sud, tu sais, on
pourra s'entendre sur les détails plus tard, mais, en partant de
ça, ça devient facile de mettre un capteur solaire, tu sais. Tu
allumes tes lumières moins tard l'après-midi parce que le soleil
est dans la maison, ainsi de suite, parce que l'expérience que j'ai eue
dans le domaine de la construction écologique, bioclimatique tend
à me démontrer que, quand tu te branches sur les
éléments, quand tu t'ouvres aux éléments, ta
facture énergétique diminue et elle est diversifiée.
Moi, j'ai une serre, chez moi, un solarium: Bien, il a beau faire
20°, quand il fait soleil, il fait déjà 70° dans le
solarium, puis je ne le chauffe pas. Moi, l'hiver, il finit pas mal plus vite
que les autres, dans mon bout, chez nous, tu sais. Alors, c'est sûr que
des mesures de même, c'est tellement fondamental que ce n'est quasiment
pas croyable qu'on ne l'ait pas fait avant; puis ça, ce n'est pas la
peine de deviser pendant 10 ans à savoir si c'est rentable de le faire;
tout le monde le sait, c'est une évidence, faisons-le.
M. St-Roch: Merci.
Le Président (M. Audet): Très brièvement, il
reste quelques secondes. Alors, je pense qu'on va compléter
là-dessus, on va terminer là-dessus. Alors, madame, monsieur, au
nom des membres de la commission, je vous remercie sincèrement de...
Mme de Guise: Je voudrais...
Le Président (M. Audet): ...votre présentation.
Mme de Guise: ...
Le Président (M. Audet): Malheureusement, c'est
déjà tout.
M. Tanguay: Je vous en prie.
Le Président (M. Audet): Madame, brièvement.
Mme de Guise: Je voudrais juste ajouter que, pendant l'heure
qu'on s'est entretenus...
M. Tanguay: Ha, ha, ha!
Mme de Guise: ...les Québécois ont payé 36
250 $ en intérêts sur la dette d'Hydro-Québec et que,
peut-être...
Le Président (M. Audet): D'accord.
Mme de Guise: ...l'efficacité énergétique
nous ferait économiser cet argent.
Le Président (M. Audet): Merci. Nous allons suspendre nos
travaux deux minutes, afin de permettre à l'Union
québécoise pour la conservation de la nature de prendre
place.
(Suspension de la séance à 17 h 15)
(Reprise à 17 h 16)
Le Président (M. Audet): Nous recevons maintenant l'Union
québécoise pour la conservation de la nature. Alors, messieurs,
je vous souhaite la plus cordiale bienvenue. À l'ordre, s'il vous
plaît. Je vous rappelle brièvement le déroulement de nos
travaux. Vous disposez d'une vingtaine de minutes pour nous faire part de votre
exposé.
Au préalable, si vous voulez vous identifier, ce qui sera
très important pour le Journal des débats; ensuite suivra
une période d'échanges d'une... Malheureusement, on doit
écourter un petit peu parce qu'il y a une réunion à 18
heures pour la formation ministérielle, et Mme la vice-première
ministre doit y assister. Alors, je vous invite à faire part de votre
présentation.
Union québécoise pour la conservation de
la nature (UQCN)
M. Gosselin (Pierre): Merci beaucoup. Mon nom est Pierre
Gosselin. Je suis président de l'UQCN. À ma droite, Christian
Simard, directeur général de l'UQCN. Alors, nos remerciements
à M. le Président et aux membres de la commission.
Mesdames, messieurs, l'UQCN regroupe 12 groupes voués à la
protection de l'environnement partout, au Québec. Elle représente
un total d'environ 55 000 membres, publie le magazine Franc-Vert.
Il nous semble qu'Hydro-Québec devrait contribuer
davantage à la création d'emplois et au développement
durable de Montréal en accélérant son programme
d'efficacité énergétique par la rénovation et
l'isolation des logements détériorés du centre-ville de
Montréal. Il nous semble y avoir là un effort
supplémentaire, de la part d'Hydro-Québec, à faire qu'elle
puisse créer des emplois de façon importante et réduire la
demande d'électricité.
L'UQCN propose, en plus de cet effort supplémentaire en
efficacité énergétique, d'entreprendre un zonage des
rivières du Québec qui devrait être complété
avant de prendre des décisions de construire des dizaines de barrages un
peu partout. Le zonage en question, un
peu sur le mode du zonage agricole, permettrait simultanément de
déterminer quelle rivière on doit réserver pour les
générations futures, quels sont les sites les plus
précieux de notre patrimoine et, en même temps, déterminer
quelles rivières peuvent être harnachées, sur lesquelles on
peut construire des barrages.
Alors, ça nous semble les deux volets les plus importants
à proposer à cette commission comme orientation, coup de barre
à donner à Hydro-Québec d'agir davantage en termes
d'efficacité énergétique en concentrant dans les zones
où les logements sont détériorés et en faisant de
la rénovation et de l'isolation. Ça permettrait de sauver de
l'énergie tout en activant l'industrie de la construction. Et, pour
éviter les débats comme ceux qui se déroulent
présentement pour SM 3, la rivière Moisie, à partir du
moment où on a un zonage, où on reconnaît que certaines
rivières ne doivent pas être touchées, au Québec, il
nous semblerait plus facile, pour les débats futurs, pour les
études d'impact et les audiences publiques futures, d'avoir ce zonage
réalisé.
M. Simard (Christian): L'UQCN, l'Union québécoise
pour la conservation de la nature, réitère son appui à la
filière hydroélectrique comme filière
énergétique principale, au Québec, en autant qu'un effort
supplémentaire soit fourni en efficacité
énergétique et en gestion de la demande et que les zones les plus
sensibles et les plus significatives du territoire soient
préservées sous forme de parcs ou de réserves. (17 h
20)
L'efficacité énergétique présente, en effet,
plusieurs avantages, même par rapport à
l'hydroélectricité. Hydro-Québec soutient elle-même
que l'efficacité génère plus d'emplois que la construction
de barrages, page 38 du plan de développement. De plus, les emplois
créés par l'efficacité sont distribués partout au
Québec, sont renouvelables au bout de quelques années et
n'entraînent pas le déplacement de travailleurs ou de populations
autochtones.
La rénovation domiciliaire que l'UQCN propose de cibler dans les
zones les plus défavorisées du Québec contribuerait, en
plus de conserver l'énergie, à relancer l'industrie de la
construction, à améliorer les conditions de vie des populations
moins favorisées, à freiner l'exode des centres-villes, tout en
ayant peu d'impacts environnementaux significatifs.
M. Gosselin: Le zonage des rivières qu'on propose se
pratique déjà dans un pays comme la Norvège. C'est un
débat préalable qui se fait publiquement, qui tient en compte les
activités économiques et sociales qui se déroulent aux
alentours des rivières. Nous travaillons, à l'heure actuelle,
dans le cadre de l'examen de Grande-Baleine, à établir une
façon de procéder pour réaliser ce zonage-là. Il
nous semble important aussi pour l'avenir, pour que les débats soient un
peu plus posés en matière d'énergie et en matière
d'électricité, de souligner la nécessité d'une
régie indépendante qui pourrait évaluer, de façon
externe, avec ses experts, les prévisions de demande électrique
de la société d'État et l'ensemble des plans de
développement. On considère également que les propositions
de cogénération et de construction de petites centrales
hydroélectriques nouvelles devraient faire l'objet d'une
évaluation externe crédible avant d'être acceptées
par le gouvernement, étant donné que leurs impacts
environnementaux sont importants par rapport à la quantité
d'énergie obtenue.
Pour ce qui est de la cogénération, j'aimerais rappeler
aux membres de cette commission qu'Hydro-Québec prévoit
elle-même, dans son plan de développement, des pertes fiscales qui
varient de 100 000 000 $ à 605 000 000 $, selon l'option de
cogénération qui est retenue pour la période 1996 à
2005. On n'inclut pas, en plus de ces pertes fiscales, les coûts
reliés à la pollution atmosphérique. Il s'agit donc d'une
subvention directe, si on accepte ce programme ou ces programmes de
cogénération, à l'entreprise qui varie de 100 000 000 $
à 600 000 000 $. C'est quand même assez majeur. On se demande,
pour ce qui est des petites centrales hydroélectriques, les nouvelles...
Remettre en service les anciennes, où le dommage est fait, on n'y voit
pas de problème, mais les nouvelles, on se demande s'il faut sacrifier
les activités de pêche et de tourisme pour le
bénéfice de quelques promoteurs avec assez peu de production
électrique au bout. La preuve de cette nécessité-là
de la cogénération et des petites centrales ne nous semble
absolument pas faite, et il nous semble important qu'un examen externe
crédible soit entrepris avant qu'on ne commence.
M. Simard: Les propositions de réviser la structure
tarifaire en fonction de la consommation et de limiter la venue d'industries
énergivores au Québec nous semble sage et susceptible
d'améliorer la santé financière de l'entreprise et de
favoriser l'implantation d'industries à valeur ajoutée, donc des
industries moins énergivores qui apportent une valeur plus grande.
Toutefois, les tarifs d'Hydro-Québec devraient refléter de
façon plus juste les coûts réels de production
électrique en intégrant les coûts externes de ces projets,
donc qu'on tienne compte, dans la comptabilité de l'entreprise et des
projets, des fameuses «externalités», des coûts
d'opportunité, des coûts d'utilisation du territoire et des
non-options d'utilisation.
M. Gosselin: L'UQCN considère aussi que les exportations
outre-frontière d'énergie électrique peuvent
s'avérer acceptables en autant que quelques conditions de base soient
respectées, à savoir qu'il y ait un débat public sur la
question, à savoir que nous ayons l'assurance que cette énergie
contribue à la fermeture de certaines centrales thermiques polluantes,
ou, tout au moins, évite la construction de nouvelles centrales dans les
États américains ou dans les provinces canadiennes visées,
et que l'accélération des programmes d'économies
d'énergie soit entreprise, tout en respectant les populations
autochtones qui sont éventuellement touchées par ces projets
hydroélectriques.
Enfin, nous avons signalé à Hydro-Québec et
nous le répétons à cette commission qu'il nous
sem-
ble important qu'un effort de recherche et développement majeur
soit entrepris par Hydro-Québec et qu'Hydro-Québec enlève
ses oeillères, ce qui a fait que, jusqu'ici, la filière de fusion
thermonucléaire, par exemple, a reçu des dizaines de millions de
dollars, alors qu'on ne prévoit un premier réacteur commercial
que dans 40 à 50 ans, selon les évaluations les plus optimistes,
et qu'on n'a pas mis ou à peu près pas mis d'argent en solaire ou
en éolien. Il s'agit, je pense, d'une question importante
qu'Hydro-Québec s'ouvre à d'autres, s'ouvre à la critique
et, en termes de recherche et développement, fasse un effort qui soit en
dehors de barrages et de choses aussi ésotériques que la fusion
thermonucléaire.
Alors, il s'agit de l'essentiel de nos recommandations, et nous
terminons là-dessus. On est disponibles pour vos questions.
Le Président (M. Audet): Merci beaucoup. Mme la ministre
de l'Énergie et des Ressources.
Mme Bacon: Je voudrais vous remercier de votre contribution
à notre examen de la proposition du plan de développement
d'Hydro-Québec. Je pense que vous représentez bien les
intérêts de vos membres comme regroupement important d'organismes
environnementaux.
Vous mettez l'emphase sur la question des
«externalités». Votre mémoire fait valoir notamment
qu'Hydro-Québec a tout à gagner à utiliser au plus
tôt la méthode de gestion intégrée des ressources et
à y intégrer aussi les «externalités». Si l'on
devait tenir compte des «externalités» dans les tarifs de
l'électricité au Québec, de combien devrait-on les majorer
approximativement? Est-ce que vous vous êtes penchés
là-dessus?
M. Gosselin: Non. Je ne pense pas que c'est notre rôle non
plus de le faire. Comme groupe environnemental, on n'a pas les ressources pour
faire ça. Néanmoins, il y a certains principes clairs qui peuvent
être appliqués, comme la consommation en période de pointe
qui nécessite, par exemple, l'utilisation de centrales thermiques ou de
choses comme ça qui créent clairement de la pollution, des
dégâts environnementaux. Ça devrait donc se refléter
dans le tarif. D'exactement combien, je pense qu'Hydro-Québec emploie
déjà des universitaires renommés pour évaluer
ça, ici, à l'Université Laval à Québec, et
ailleurs à Montréal. C'est plutôt à eux de
déterminer le tarif juste et raisonnable.
M. Simard: II y a déjà, d'ailleurs, dans le
programme de biénergie cette double tarification là, vous savez,
quand il fait plus de moins 12°, si j'ose dire, quand il fait
«frette», et, donc, là on a, si on utilise le gaz, à
ce moment-là, des tarifs majorés pour le reste de la consommation
de la maison, et on demande aux gens de décaler l'utilisation du
lave-vaisselle ou d'autres choses et d'utiliser le moins possible. Ça
existe dans le programme de biénergie. Donc, on pourrait s'en
inspirer.
Nous, ce qu'on pense, c'est qu'il y a moyen, couplé à des
programmes d'efficacité énergétique importants, de battre
la facture, c'est-à-dire que, même s'il y a augmentation
réellement de tarif, si, couplé à ça, il y a des
programmes d'aide à la rénovation et à l'isolation des
maisons, à ce moment-là, c'est la facture totale qui compte pour
le consommateur, c'est-à-dire qu'on doit donc avoir un tarif qui
reflète les prix, donc qui peut être plus élevé que
ce qu'on connaît présentement, qui n'est peut-être pas
limité selon les trois éléments de la politique au niveau
de la clientèle d'Hydro-Québec, c'est-à-dire la limite au
taux de l'inflation qui devrait être modulée, peut-être pour
les familles défavorisées, par des crédits d'impôt.
Je pense qu'il faut aussi tenir compte de ça, et on en tient compte dans
notre mémoire.
Maintenant, on peut battre la facture si, à ce moment-là,
on investit, idéalement peut-être avec l'aide du programme
d'efficacité énergétique d'Hydro-Québec, dans la
rénovation et l'isolation des maisons. Moi, mon cas personnel, j'ai une
maison de 40, 50 ans, avec des fenêtres d'aluminium, et j'aimerais
prêcher par l'exemple, être plus efficace au niveau
énergétique et, à ce moment-là, peut-être
être aidé sous forme de prêt sans intérêt que
je puisse remettre à même ce que je sauve sur ma facture
d'électricité, donc, à Hydro-Québec, tout en
m'engageant, ce qui ne me dérange pas du tout, à être un
client d'Hydro-Québec pour les années conclues, sinon je dois
rembourser le prêt si je vais vers une autre source d'énergie. Je
pense que ce sont des aspects novateurs intéressants, et Hydro pourrait
servir, à ce moment-là, de créateur d'emplois, même
si ce n'est pas son but premier, tout en économisant
l'énergie.
Mme Bacon: Parmi les différents moyens pour
répondre à la demande électrique, vous vous opposez au
remplacement de l'électricité par des combustibles fossiles.
Est-ce à dire que vous jugez l'hydroélectricité comme
étant la source d'énergie la plus souhaitable pour le chauffage
des locaux ou si vous avez des alternatives ou d'autres scénarios?
M. Gosselin: Non. Je pense qu'on reconnaît que,
étant donné la situation du Québec, ses ressources
disponibles et ce qui est en place, à l'heure actuelle,
l'efficacité très grande de l'électricité pour le
chauffage des locaux, nous ne voyons pas de problème à utiliser
l'électricité pour le chauffage des locaux. Alors, ce n'est pas
une question... On n'est pas dans la situation américaine, il faut le
constater, où l'électricité provient de source thermique
et, donc, beaucoup moins efficace. (17 h 30)
Alors, on le réaffirme que l'hydroélectricité, pour
nous, reste le premier choix en autant que nous fassions un effort accru
d'efficacité énergétique et que nous gardions certaines
zones au Québec qui soient disponibles pour autre chose que faire des
barrages. Ça nous semble extrêmement important. M. le
député Chevrette le signalait, tout à l'heure,
l'économie reliée à une rivière à saumon,
les revenus reliés à une rivière à
saumon on l'a vu pour la rivière Etchemin,
dernièrement c'est de l'ordre de 3 000 000 $ à 4 000 000 $
par année, avec des emplois, à l'avenant, à tous les ans,
tout le temps.
Un barrage qui va détruire cette possibilité-là va
donner 100 emplois pendant 18 mois, avec des profits, pour le promoteur, tout
le temps. Une personne profite, quelques-uns profitent un peu, pendant quelques
mois, et c'est fini pour le reste de la société. Alors qu'un
développement de rivière axé davantage sur le rôle
d'une rivière, c'est des emplois et de l'activité
économique à long terme.
Mme Bacon: Vous demandez qu'il y ait une évaluation
externe crédible des projets de cogénération. Est-ce que
vous pouvez préciser ce que vous entendez par une évaluation
externe? Et est-ce que ce serait des évaluations environnementales comme
celle que l'on constate, que Ton a en cours ou d'autres sortes
d'évaluation?
M. Gosselin: II y a d'autres sortes... En fait, c'est l'ensemble
du plan de développement et les hypothèses sur lesquelles sont
basées les prévisions de la demande qui nous semblent importantes
à être contre-expertisées, ce qui n'est pas fait dans une
audience publique. On le fait indirectement pour Grande-Baleine, mais, quand on
arrive à chacun des projets, il n'est pas question de... On le fait.
Parce que ce n'est pas fait au niveau central, on le fait projet par projet.
Est-ce que c'est vraiment justifié?
Mais, à partir du moment où on a, pour la demande de toute
la province, une contre-expertise externe crédible qui nous dit: Les
chiffres d'Hydro-Québec sont justes ou sont exagérés, les
taux d'actualisation, les hypothèses d'inflation sont raisonnables...
À partir du moment où les gens voient que ce n'est pas
HydroQuébec toute seule qui s'est trompée, comme toutes les
compagnies d'électricité dans le monde, maintes et maintes fois
dans les 30 dernières années, dans sa prévision de la
demande, c'est une caractéristique de ces prévisions-là
que d'être généralement erronées, comme le sont les
prévisions des économistes...
Alors, il est bon d'avoir une contre-expertise. Alors, c'est pour
ça qu'on propose une régie, plutôt, qui ferait ça de
façon permanente. Il faut une expertise importante, et je ne pense pas
qu'Hydro soit opposée à ça, et je ne pense pas non plus,
de votre part, en tant que ministre de l'Énergie et des Ressources,
qu'il y ait un problème à voir que ces données-là
d'Hydro-Québec soient contre-vérifiées. Ça me
semblerait le minimum. On parle d'investissement de milliards à tous les
ans.
Mme Bacon: Est-ce que ce serait une régie qui
ressemblerait au BAPE ou autre sorte de...
M. Gosselin: Non, ce serait plutôt une régie...
Mme Bacon: ...d'autre chose?
M. Gosselin: ...de services publics, comme en voit, que ce soit
pour la téléphonie...
Mme Bacon: Oui.
M. Gosselin: ...ou pour des choses comme ça, où les
gens peuvent aller présenter, comme partie intéressée,
mais où la régie a un personnel permanent expert et engage en
plus, de façon régulière, des experts. Alors, c'est plus
ça. On parle de quelque chose d'extrêmement complexe et technique,
là, sous plusieurs aspects. Alors, je pense...
M. Simard: C'est parce qu'il ne s'agit pas uniquement, je crois,
de la cogénération, dans le cas, naturellement, bien...
Mme Bacon: Non, mais c'est pour ça que je voulais vous le
faire expliquer.
M. Simard: Au niveau même de la cogénération,
je pense que les bureaux d'audiences publiques ont leur rôle, au niveau
de la situation projet par projet, et je pense qu'il devrait y avoir aussi des
audiences générées, c'est-à-dire que... Et,
là-dessus, on est assez d'accord avec la position du GRAME, qu'au niveau
de la cogénération, s'il n'y a pas, par exemple, pour une
entreprise donnée, production supplémentaire que ce qu'elle
produit déjà, pour utiliser sa vapeur, ne pas la perdre et
l'utiliser pour produire de l'électricité, on pense que c'est un
gain social.
Malheureusement, si l'on s'en sert pour financer un canard boiteux, une
industrie qui bat de l'aile, et qu'on produit, à ce moment-là,
beaucoup plus d'électricité que pour sa propre demande, pour sa
production directe de biens et de services, eh bien, là, on a un
problème en termes environnementaux, on a un problème en termes
économiques parce que cette électricité-là
coûte cher, elle génère peu d'emplois et développe
peu d'expertise, au dire même d'Hydro-Québec, en termes
d'expertise québécoise.
Donc, ça, ça demeure nécessaire. Mais, quand on
parle d'une régie, on parle de l'ensemble du plan de
développement, on parle de gestion de demande, de prévision de
demande et, à ce moment-là, c'est plus large comme rôle
d'une régie. Cette gestion de la demande, c'est une chose qui est assez
importante comme expertise externe. Je pense que, demain, vous allez recevoir
le syndicat des ingénieurs du gouvernement du Québec qui a,
d'ailleurs, des propositions très pointues, comme tous les
ingénieurs aiment en faire, sur l'efficacité du réseau
même d'Hydro-Québec, où on peut, maintenant, par des
logiciels spécialisés, sauver énormément dans la
gestion même du réseau. Et, donc, en termes de gestion du
réseau, de gestion de demande, je pense qu'il y a des
éléments qu'on peut gagner si on a un organisme qui n'est pas
pris avec ses démons internes, si j'ose dire.
Le Président (M. Audet): Merci.
M. le député de Joliette.
M. Chevrette: Merci, M. le Président.
Tout d'abord, j'ai peu de questions parce que je m'aperçois qu'on
partage pas mal les mêmes points de vue sur plusieurs choses, entre
autres sur un débat élargi, entre autres sur le harnachement,
mais mollo avec les conséquences et, surtout, de protéger
certaines rivières patrimoniales. On est d'accord également sur
le fait qu'il faut une régie indépendante. Ça va assez
bien. On est passablement d'accord avec vous sur le plan intégré
des ressources.
Il y a un jugement sévère que vous portez: c'est contre la
stratégie d'efficacité énergétique du gouvernement.
J'aimerais que vous soyez un peu plus loquace. Vous dites que c'est des voeux
pieux. Qu'est-ce que vous auriez vu, vous, dans une stratégie qui a de
l'allure? Parce que, quand je lis ça, la conclusion, c'est: Ça ne
vaut pas cher.
M. Simard: Disons que c'est un sujet sur lequel on s'est
penchés beaucoup, notamment dans notre magazine Franc-Vert, au
niveau de 1'editorial de l'été et à travers
différents autres documents. Mais disons que ce que je pourrais vous
dire là-dessus, c'est qu'on trouve que les voeux sont
intéressants, les énoncés de politique sont
intéressants dans la politique d'efficacité
énergétique. Par contre, il n'y a pas un financement majeur de la
politique d'efficacité énergétique du Québec. Des
fois, il y a des incohérences entre l'encouragement du transport en
commun, dans un sens, et, dans un autre sens aussi, l'encouragement à la
construction de nouvelles autoroutes, l'autoroute 25, le déplacement de
l'Hô-tel-Dieu, qu'on juge négatif au niveau de la conservation
énergétique.
Et, à ce moment-là, on trouve que la politique qui n'a pas
les moyens de ses prétentions devient beaucoup moins efficace
elle-même comme politique d'efficacité. Donc, c'est pour ça
qu'on pose ce jugement assez sévère, non pas sur les objectifs
poursuivis, qui sont intéressants, mais sur les moyens et sur la
cohérence de l'ensemble des politiques du gouvernement en fonction
d'aller dans le but de livrer les objectifs de cette politi-que-là.
M. Chevrette: Bien d'autant plus que la réforme Ryan coupe
également dans le transport en commun. Vous auriez pu ajouter ça
comme argument.
M. Simard: On savait que vous alliez le faire.
M. Chevrette: Deuxième question, c'est: Êtes-vous en
mesure de porter un jugement, vous autres, sur les objectifs
d'efficacité énergétique d'Hydro? Vous avez lu les
différents plans, vous avez vu l'objectif d'ici à 1994, vous avez
vu l'objectif 1994-1995 et 1995-2000. Et puis est-ce que ça vous
apparaît réaliste ou bien... Quelle impression ça vous
donne quand vous lisez ça?
M. Gosselin: Ça nous apparaît non seulement
réaliste, mais ça nous apparaît assez peu ambitieux comme
objectif. Il y a plusieurs plans qui existent à Hydro-Québec, de
travailler sur la rénovation domiciliaire, sur l'enveloppe thermique,
comme on dit, et aucun de ces plans-là n'est sorti publiquement. On a
peur de se lancer dans les subventions à la rénovation
domiciliaire parce que c'est nouveau, parce que ce n'est pas encore
accepté dans les méthodes comptables.
Nous, on ne voit aucun problème, pour une entreprise comme
Hydro-Québec, à emprunter pour financer de la rénovation
domiciliaire, de la même façon qu'on emprunte pour construire des
barrages. La différence, c'est qu'il n'y a pas
d'électricité produite. Il y a de l'électricité
sauvée, ce qui permet... C'est une garantie de remboursement du
prêt de la même façon qu'une électricité
produite. Alors, dans ce sens-là, ça nous semble
extrêmement peu ambitieux.
De la même manière que beaucoup de planificateurs
gouvernementaux disaient: La collecte sélective que les groupes
environnementaux proposent depuis 15 ans, ça ne marchera jamais. Mais,
à partir du moment où les gens ont accès à des
boîtes bleues, à la cueillette sélective, ça marche
plus. Tout le monde est surpris comment les gens participent. C'est la
même chose pour l'efficacité énergétique. À
partir du moment où tu donnes aux gens les moyens de faire le travail,
les moyens d'économiser de l'énergie, ils s'y mettent. Et je
pense que l'avantage de ça, c'est qu'on utilise toutes les
infrastructures existantes. En rénovant des logements, on participe au
maintien des centres-villes. On n'a pas besoin de faire un programme de
subventions urbi et orbi à toute la province, mais on cible les
régions défavorisées où il y en a besoin. Et, donc,
on crée des emplois dans ces régions-là, en plus. Il y
a... (17 h 40)
M. Simard: Si tu me permets, il y a peut-être un
élément. Parfois, le plus gros blocage... Et je pense qu'il y a
une volonté réelle. Et, d'ailleurs, de livrer les 9,3 TWh qui
sont prévus dans le plan, c'est déjà... même si on
pense qu'il y a un potentiel plus élevé l'Hydro admet
qu'il y a un potentiel plus élevé on hésite
à se fixer des objectifs plus grands que celui des 9,3 TWh, mais il y a
vraiment une culture d'entreprise.
On a déjà parlé du syndrome du castor. Mais c'est
difficile de changer une culture d'entreprise pour aller vers la conservation,
c'est très, très difficile. Il y a des cheminements. Je pense
qu'Hydro a besoin de l'aide extérieure. On a d'ailleurs parlé
à M. Drouin, de dire: II faudrait une expertise externe à votre
plan d'efficacité énergétique, un suivi externe,
crédible à votre plan d'efficacité
énergétique pour vous aider au moins à atteindre vos
objectifs, parce que, si on n'atteint pas l'objectif prévu dans le plan,
ça veut dire plus de générations thermiques ou plus de
barrages. Il n'y a pas de solution magique là-dessus.
M. Chevrette: Mais c'est justement là-dessus que je vous
pose la question. C'est parce que, quand je regarde les objectifs
antérieurs, il y en avait des objec-
tifs bien précis. Puis on se rend compte qu'en 1994 ils arrivent
à 2,9 TWh. Puis ils s'imaginent qu'entre 1994 et 1995 ils vont atteindre
5,6 TWh.
M. Simard: Oui, ils nous expliquent qu'il y a une courbe
là-dedans. Les premières années, c'est plus difficile
d'implanter le système. Il y a comme une courbe qui fait que c'est plus
productif dans les dernières années de la courbe. Mais ça
ne laisse pas beaucoup de marge de manoeuvre, j'en conviens avec vous, pour les
dernières années du plan, de les réaliser, les 9,3 TWh. Je
pense que c'est un projet de société, je pense effectivement, et
nous pensons, à l'UQCN, que c'est important de tout mettre les
possibilités, d'arriver là et de mettre les
Québécois à contribution.
Et, pour ça, bien sûr, quand on dit, d'une part, qu'on
doit, par exemple, à la limite, pénaliser les grands
consommateurs, qu'ils soient résidentiels ou autres, en augmentant les
tarifs selon la consommation, je pense que, ça, c'est peut-être le
bâton. Maintenant, au niveau de la carotte, je pense que, pour permettre
ça, il faut ouvrir le financement potentiel de la rénovation et
de l'isolation des maisons pour les vieux parcs. Je pense que ce n'est pas...
On le fait. C'est l'allocation de ressources, et ce n'est pas avantager
indûment des propriétaires de vieux bâtiments que de
permettre ça. C'est simplement de choisir de les aider pour que leurs
bâtiments soient plus respectueux de l'environnement à tout point
de vue et plus efficaces énergétiquement, et, à ce
moment-là, donc, de leur offrir un financement possible pour
réaliser ça. Et ça permet à Hydro d'atteindre et
même de dépasser, et d'être un peu moins frileux sur ses
objectifs d'efficacité énergétique.
Nous, on pense que l'hydroélectricité, c'est une chose qui
est valable, et, là-dessus, on a été les premiers, je
pense, à corriger les énormités qui se sont dites à
ce sujet-là par des groupes comme le NRDC ou des choses comme ça.
On était tout à fait... On est d'ailleurs, là-dessus... On
avait fait un appel au calme et au débat posé dans les questions
qui deviennent extrêmement, comme vous savez, «hot» au niveau
des débats énergétiques.
Maintenant, on ne peut pas dire: Bien, c'est conforter
Hydro-Québec complètement dans ses objectifs ou conforter
totalement les Américains, des fois, ou certains groupes dans leur
vision apocalyptique qui ne repose souvent sur aucun fait. Maintenant, il faut
être responsable et aller au maximum de ce qu'on peut dans
l'efficacité énergétique, et ça, c'est une vitrine
au monde. On fait de l'évaluation environnementale au Québec, on
fait de l'efficacité énergétique convenablement. Et, quand
on choisit de harnacher une rivière, c'est parce qu'on ne peut pas faire
autrement et c'est parce que c'est un choix qui est logique.
Les États-Unis ont compris ça beaucoup dans les... parce
qu'ils ont souvent beaucoup moins de choix que nous. Ils ont été
d'avance sur des commissions, des «hearings» qui devaient choisir
entre la génération thermique, harnacher une rivière ou
l'efficacité énergétique. Ils choisissaient dans ces
«hearings», dans ces commis- sions, ces audiences, le moins mauvais
des choix.
Je pense que c'est ce genre de réflexion qu'on doit faire. On
n'en est plus à l'optique de ressources inépuisables ou de
ressources naturelles sur lesquelles on peut puiser éternellement. Donc,
on a à faire ces choix-là. On a à remplir ces défis
de société là. Et ça, ce serait tout à
l'honneur du Québec tout entier de relever le défi de
l'efficacité énergétique.
M. Chevrette: Je reviendrai. Je passe cinq minutes.
Le Président (M. Audet): Merci.
Mme la députée de Kamouraska-Témiscouata.
Mme Dionne: Merci, M. le Président.
J'aurais une question pour nos invités. Vous parlez de
cogénération, mais je voyais, à la page 13 de votre
mémoire, lorsque vous parlez de l'option 4, que le paragraphe est
très court. Vous dites: «En ce qui concerne l'ajout de moyens de
production, cette option ne devrait être retenue qu'une fois que toutes
les économies d'énergie possibles auront été
réalisées et que tous les moyens de gestion de la demande auront
été épuisés. La performance du réseau devra
aussi être à son maximum. La demande prévue devrait aussi
faire l'objet d'une contre-expertise indépendante.»
Vous prenez toutes les garanties. Quand je regarde dans mon
comté, il y a des entreprises qui travaillent sur des projets de
cogénération. Vous, d'une part, vous vous inquiétez, en
tout cas, que le prix payé par HydroQuébec n'entraîne de
nombreux cas d'inefficacité énergétique. Pourriez-vous
élaborer un peu là-dessus, parce que c'est court dans
votre...
M. Simard: Ce qu'on dit tout simplement, c'est les choix de
cogénération ça a été dit un peu plus
tôt cet après-midi ça consiste beaucoup à
augmenter la capacité des chaudières à brûler du
pétrole, du gaz ou de la biomasse à la limite pour produire de la
vapeur qui produit de l'électricité. Ce qu'on voit aussi dans le
plan de développement d'Hydro-Québec, c'est qu'il y a une
subvention directe du gouvernement à l'établissement de ces
chaudières-là par les pertes fiscales que la
cogénération produit. Alors, on permet aux entreprises de faire
du profit, mais on diminue, ce faisant, les rentrées fiscales du
gouvernement de 100 000 000 $ sur une période d'une dizaine
d'années, dans le scénario retenu par Hydro-Québec, et de
605 000 000 $ si on prenait un scénario un peu plus grand.
Alors, c'est quoi? C'est du bien-être social d'entreprise
déguisé, ça. C'est ça que c'est, tout simplement,
la cogénération, et on n'inclut même pas, dans ce
bien-être social là, les coûts qui sont reliés
à la pollution atmosphérique. En même temps, si on demande
aux entreprises de mettre des dépollueurs sur leurs cheminées
supplémentaires, elles ont le droit de les amortir de façon
accélérée en dedans de deux ans. Ça va être
payé par qui? Par l'ensemble des consommateurs du Québec, par des
pertes fiscales supplémentaires, et on sort avec
un air que les gens doivent respirer qui leur cause, même aux
doses qui sont réglementaires, qui respectent les normes en vigueur, des
problèmes de santé que nous payons, par ailleurs, par nos
hôpitaux, encore par nos impôts.
Alors, qu'est-ce que la cogénération telle qu'on nous la
présente à l'heure actuelle, sinon des subventions aux
entreprises, reporter le problème pour la dépollution encore sur
les épaules des contribuables par l'amortissement
accéléré et, ensuite, encore les contribuables qui payent
pour les problèmes de santé qui y sont reliés? C'est
ça la cogénération, et on n'inclut pas, si on consomme
plus de pétrole ou de gaz pour faire ça, la dépendance
énergétique qui y est reliée, l'importation au
Québec. Et on paie pour ça, et ça débalance,
ça modifie la balance commerciale; on importe du pétrole ou du
gaz.
Alors, il nous semble y avoir tellement d'inconvénients que
ça demande, avant de se lancer là-dedans... Ce n'est pas parce
que ça se fait aux États-Unis que c'est bon de le faire au
Québec. C'est ça, on demande d'y penser de façon
très sérieuse et d'évaluer l'ensemble du programme avant
d'autoriser ces projets-là qui nous semblent, finalement, céder
à une mode, tout simplement. Les 17 projets qui sont sur la table,
à l'heure actuelle, là, c'est vraiment... et Hydro-Québec
elle-même réalise qu'il y a un problème majeur avec
l'option de cogénération.
Mme Dionne: O.K.
M. Simard: II y a peut-être un...
Le Président (M. Audet): Merci. Oui.
M. Simard: ...petit élément d'information, s'il
vous plaît, supplémentaire là-dessus. Le gouvernement
canadien a signé la convention de Rio sur le changement climatique, qui
voulait limiter dans les émissions de 90, donc stabiliser aux
émissions de 90. On sait que le Québec est plus performant, au
niveau des émissions atmosphériques, au niveau des gaz à
effet de serre, que le reste des provinces canadiennes. C'est dû au choix
de l'hydroélectricité, il faut le dire, c'est dû à
un choix agressif vers l'hydroélectricité et vers la
non-production par charbon ou autre d'électricité, comme
ça se fait beaucoup dans l'Ouest, notamment, au niveau du charbon.
Maintenant, on a un devoir, comme société, de ne pas se
cacher sous le parapluie de la moyenne canadienne pour dire: De toute
façon, on a pris de l'avance, on peut jouer sur notre marge. Je pense
qu'il y a une responsabilité planétaire à ce
niveau-là, où, si on est excellents à ce niveau-là,
il faut le demeurer. Parce que, comme l'expliquait M. Guérard un petit
peu plus tôt, même si tous les pays respectaient la convention de
Rio, ce qui n'est malheureusement pas le cas, on aurait encore des
problèmes de changement climatique potentiel. On a un sérieux
problème.
Vous savez, j'ai participé récemment, au cours des deux
dernières années, à un comité d'étude sur
les niveaux d'eau des Grands Lacs; c'est un comité d'étude par la
commission mixte internationale, c'est avec beaucoup d'argent et beaucoup de
scientifiques, et de très, très longues études, concluent
comme très possible que les changements climatiques, par exemple, autour
des Grands Lacs, diminuent jusqu'à 40 % le débit d'eau qui va
sortir des Grands Lacs et qui va rentrer dans le Saint-Laurent. Donc, le
changement climatique, ce n'est pas seulement une vue de l'esprit et ce n'est
pas uniquement comment je dirais ça? un épouvantail
pour écologistes. C'est une chose qui est une réalité et
sur laquelle le Québec a quand même fait, peut-être pas de
façon, là, décidée, au départ, mais ses
politiques ont eu pour conséquence d'être assez
intéressantes de ce point de vue là. Donc, il ne faut pas
rétrograder sous le parapluie canadien. Je pense qu'on doit se
distinguer, là aussi, par l'excellence.
Une voix: Merci.
Le Président (M. Audet): M. le député de
Lavio-lette.
M. Chevrette: Non, c'est moi, là. Je veux en poser
une.
Le Président (M. Audet): Excusez-moi. M. le
député de Joliette.
M. Chevrette: Seriez-vous d'accord avec des audiences
génériques sur la cogénération?
M. Simard: Oui. On a d'ailleurs proposé... D'ailleurs,
dans le cas Kruger, je me souviens du groupe, des correspondances entre le
Mouvement Au Courant et le ministre de l'Environnement, M. Paradis, disant que,
pour le cas de Kruger, il ne pourrait pas y avoir d'examen direct de ce
cas-là, mais qu'il promettait par ailleurs qu'il y aurait des audiences
génériques sur la cogénération, promesse
malheureusement non tenue. (17 h 50)
Effectivement, je pense que, sur la cogénération, qu'on
fasse le point sur qu'est-ce qui est de la vraie cogénération ou
pas et qu'on ne déguise pas sous le vocable, maintenant, qu'on appelle
la «cogén», dans tous les corridors
hydro-québécois, de la génération thermique pure en
«cogén», qui semble acceptable à bien des points de
vue. Donc, je pense que, pour qu'on voit clair là-dessus et qu'on ne
prenne pas des choix de société de quitter
l'hydroélectricité vers, éventuellement, la
génération thermique ou vers le nucléaire,
éventuellement, que, nous, on rejette, pour des questions de principe
reliées à la gestion des déchets radioactifs, bien, qu'on
ne s'aligne pas, qu'on ne fasse pas de choix énergétique
déguisé, comme c'est le cas. Et, si on doit soutenir ou non
l'industrie des pâtes et papiers, qu'on le fasse directement et pas
à travers cogénération ou génération
déguisée.
Le Président (M. Audet): M. le député.
M. Chevrette: On a posé des questions... De toute
façon, juste un commentaire, M. le Président. On a posé
des questions précises à Hydro-Québec là-dessus.
J'espère qu'on aura des réponses, de toute façon,
puisqu'il y aura quatre ou cinq heures, je pense, de débats. On revient
sur le plan de développement et, en particulier, on a demandé le
type d'expertise qui s'exerce par Hydro-Québec avant d'accéder
à une demande de cogé-nération. Est-ce que, par exemple,
quand vous parliez de canard boiteux, la compagnie est fiable
financièrement, monétairement, ou bien si c'est une compagnie qui
se lance dans la production de vapeur pour se sauver à court terme?
Qu'arrive-t-il, dans le cas... Est-ce que les chances de faillite sont
évaluées, etc.? Il y a une série de questions qu'on a
posées. Je suis certain qu'Hy-dro-Québec a logé des
commandes pour avoir des réponses. Donc, la semaine prochaine, vous
devriez avoir une série d'éléments de réponse
là-dessus.
M. Simard: On va être intéressés à les
entendre. Le Président (M. Audet): Merci.
M. Chevrette: Je vous remercie de votre mémoire.
Le Président (M. Audet): M. le député de
Drummond.
M. St-Roch: Merci, M. le Président.
Alors, dans la recommandation, au chapitre 4, sur le zonage des
rivières au Québec, moi, j'y souscris, puis on devrait laisser
les petits-fils et les petites-filles se casser la tête, à un
moment donné, avec des rivières, s'ils devraient les harnacher,
oui ou non. Mais ma question est dans ce sens-ci. Assumons qu'on fasse ce
débat-là, parce que ça va être un débat de
société qui devrait être à l'extérieur
d'Hydro-Québec, qu'on décide de garder des rivières
patrimoniales, on va en déterminer, par le fait même, d'autres que
de dire: Voici notre potentiel qui est faisable pour harnacher, puis on
verra.
À partir de ce moment-là, est-ce que vous seriez d'accord
avec la demande? Parce que Hydro-Québec a une demande de faire beaucoup
d'études, puis d'accumuler une banque de projets qu'on pourrait
réaliser au besoin. Alors, dans l'éventualité qu'on irait
dans cette politique-là, qu'on fasse le débat, qu'on
décide ce qui va être harnaché, à ce
moment-là, est-ce que vous seriez d'accord avec la demande
d'Hydro-Québec de dire: Bon, ce potentiel-là qui a
été déterminé, on va préparer, on va aller
avec les avant-projets, quitte à avoir un mécanisme de
dernière approbation, mais pour être capable de répondre
à nos besoins, puis couper un peu les délais?
M. Gosselin: On n'est pas opposés, en principe, à
constituer une banque. C'est une question de temps. Si la banque est pour durer
5 ou 10 ans, il peut y avoir un problème majeur parce que les
données d'il y a 5 ou 10 ans, qui ont servi à constituer la
banque, peuvent s'avérer fausses. Alors, il nous semble qu'il doive y
avoir un dernier exercice de vérification des études d'impact
avant le début du projet.
Mais, sur le principe même de constituer des banques, non, je n'ai
pas de problème. De toute façon, il en existe informellement
déjà, par les différents plans qu'Hydro-Québec
prépare. Les plans pour la Baie James sont prêts depuis 30 ans,
maintenant. Les endroits où on veut bâtir sont déjà
ciblés. Alors, pas de problème, en autant que c'est
réactualisé lors de l'étape de la réalisation
finale.
M. St-Roch: J'aurais une dernière question, et elle va
être brève. Est-ce que vous ne croyez pas, pour se donner un peu
le temps de respirer, là, puis de rétablir toute cette grande
problématique de nos choix énergétiques, qu'on devrait
accélérer les projets qui sont clairement identifiés sur
les rivières qui sont déjà harnachées, qu'on
pourrait compléter ces rivières-là avant d'aller dans des
développements sur des rivières neuves? Exemple, on a le haut
Saint-Maurice, on a la Péribonka, dont on est venu nous parler, de dire:
Bien, ces rivières-là sont déjà harnachées,
on peut encore exploiter un certain potentiel. Le milieu vient nous dire: Bien,
on pourrait régler des problèmes aussi d'environnement, au niveau
écologique, au niveau d'utilisation. Puis ce serait du
développement régional aussi, ça ne serait pas une
filière à laquelle il faudrait donner priorité.
M. Simard: Oui. En fait, si vous me permettez, ça,
ça va avec tout le débat aussi de la régie
indépendante et de la prévision de la demande. Parce que, dans le
plan de développement d'Hydro-Québec, avec les prévisions
de demandes qui sont indiquées, on surharnache et on prévoit les
rivières comme... Mais, en plus de ça, on a besoin d'à peu
près tout. Et, parce qu'on gère, on a identifié une
augmentation de la demande quand même assez forte parce qu'on a
dû... Par exemple, les options déjà signées sur les
agrandissements d'alumine-ries. Même si elles ne se réalisent pas,
comme l'option est déjà signée, on doit la mettre dans le
plan et, donc, on est pris avec.
Oui, effectivement, actuellement, ce qui est proposé, c'est de
faire ça, mais beaucoup plus que ça. Et, donc, c'est là
où peut-être toute la question du zonage des rivières...
mais bien mettre un certain encadrement à ce
développement-là. Il se fait un peu sur la place publique,
où les gens de FAshuapmushuan disent: Allez vers Péribonka, mais,
si on le faisait de façon claire, on évaluait et on connaissait
nos rivières, à ce moment-là, on pourrait choisir
collectivement les rivières sur lesquelles on décide d'aller
harnacher.
Ce n'est pas un débat facile, mais c'est un débat
nécessaire, et c'est celui qu'on propose. On aimerait avoir les moyens
de faire cette évaluation-là qui n'est pas facile à faire
non plus, hein, et il n'y a pas de «quick fix» là-dedans.
Donc, ce que vous dites est peut-être plein de bon sens, mais ça
demeure toujours repo-
sant sur la valeur de la prévision de la demande et de la
capacité de la gérer, cette demande-là, de la moduler et
de pouvoir avoir une emprise sur cette demande-là par des choix de
société vers, par exemple, des politiques industrielles allant
vers des industries moins énergivores et sur un ensemble d'instruments
qui permettraient de moduler ou de restreindre cette demande-là, qui
permettraient, à ce moment-là, de dégager le temps
nécessaire et l'espace nécessaire pour harnacher une
rivière et pas l'autre.
M. St-Roch: Merci.
Le Président (M. Audet): Merci. Alors, c'est
déjà tout. Alors, je remercie sincèrement l'Union
québécoise pour la conservation de la nature pour sa
présentation.
Nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 17 h 56)
(Reprise à 20 h 8)
Le Président (M. Audet): S'il vous plaît, nous
allons reprendre nos travaux. Alors, la commission de l'économie et du
travail reprend ses travaux. Je vous rappelle brièvement le mandat de la
commission, qui est de procéder à une consultation
générale sur la proposition de plan de développement
1993-1995 d'Hydro-Québec. Nous recevons ce soir ISEC stratégie
économique; ensuite, suivra le Groupe Noranda. Est-ce que les gens
d'ISEC stratégie économique sont ici? Alors, si vous voulez vous
avancer pour prendre place, s'il vous plaît.
Alors, c'est M. Pratte qui est avec nous ce soir. Bonsoir, monsieur. Au
nom des membres de la commission, je vous souhaite la plus cordiale bienvenue.
Je vous rappelle brièvement nos règles de procédure: vous
disposez d'une vingtaine de minutes pour nous faire part de votre
exposé; avant de débuter, si vous voulez vous identifier, ce qui
est important pour le Journal des débats; ensuite, suivra une
période d'échanges d'une quarantaine de minutes. Vous avez la
parole, on vous écoute.
ISEC stratégie économique
M. Pratte (Benoît G.): Est-ce qu'on entend dans le micro,
là?
Le Président (M. Audet): Allez-y, oui. M. Pratte:
O.K.
Le Président (M. Audet): Ça fonctionne, avec la
collaboration de ce monsieur qui est assis là, là.
M. Pratte: Mon nom, c'est Benoît Georges Prat- te. Je suis
associé principal à ISEC stratégie économique. Je
commence?
Le Président (M. Audet): Oui.
M. Pratte: Mon document s'intitule: «Hydro-Québec,
société multimissionnaire à vendre». Mais je viens
ici aussi pour expliquer combien Hydro-Québec est une merveilleuse
créature économique. Le mémoire est en termes
généraux, et il est très technique. Si vous voulez, je
vais faire une introduction qui nous situera à la fois pour le
mémoire et les détails qui suivront après. (20 h 10)
Avant les années quatre-vingt, Hydro-Québec suivait une
stratégie de développement similaire à celle de ses
voisins de l'est et de l'ouest et à celle de l'industrie en
général. Pour le développement, elles investissent en
suivant les prévisions à long terme des demandes et des prix;
elles ajustent leurs investissements, quand elles le peuvent, au fur et
à mesure des ajustements des prévisions.
Depuis les années quatre-vingt, Hydro-Québec a
changé ses stratégies de développement. Elle fait encore
des prévisions, mais elle a adopté des stratégies qui
annihilent les risques financiers et lui assurent une solide constitution
financière, même lors d'un bas de cycle économique. Toutes
les stratégies économiques se complètent en un tout
cohérent et respectent les contraintes et les objectifs macro et
micro-économiques. HydroQuébec a beaucoup plus de valeur pour le
gouvernement que ce qu'il peut en obtenir.
Maintenant, je tombe dans le document général.
Dans la conjoncture actuelle, le gouvernement pourrait-il vendre
Hydro-Québec pour financer ses politiques? De quelle vente
d'Hydro-Québec s'agirait-il? Une vente sur le marché primaire est
peu probable. Une telle vente graduelle n'apporterait aucuns fonds au
gouvernement du Québec et en diluerait inutilement la
propriété dans le public. La stratégie de
développement par ventes à l'exportation, qu'on peut voir plus
loin plus en détail, et la stratégie des sources de revenu et de
politique des coûts, que se donne la société privée
Hydro-Québec, lui assurent déjà de maintenir le plus
possible son taux de capitalisation au-dessus des 25 % de l'actif. Pour son
développement, la société n'a pas besoin d'autres sources
de capital. Une vente sur le marché secondaire, c'est la plus
probable.
La lecture, ces derniers temps, de propos sur les utilisations possibles
de l'argent qui proviendrait de la vente d'une partie d'Hydro-Québec par
le gouvernement m'a poussé à profiter de cette consultation
générale pour vous faire part de ce qui suit. Quelles
utilisations faire de l'argent provenant de la vente d'une partie
d'Hydro-Québec? Le gouvernement a le choix. J'ai séparé
ça en deux grandes catégories de choix. Le premier: vendre des
actions d'Hydro-Québec pour acquérir des actifs qui offrent une
meilleure remontée des rendements et qui évitent autant de
coûts de développement économique que la
société d'État évite au gouvernement.
HydroQuébec poursuit, en parallèle à son propre
développe-
ment, une politique de développement de l'économie
québécoise qui est de ses compétences. De plus, la
stratégie de développement par ventes à l'exportation aide
l'économie québécoise. Ça prendrait des actifs
très rentables pour dépasser ça.
L'autre choix: diminuer ses titres d'endettement les plus coûteux.
Si l'actif du gouvernement diminue, le passif doit diminuer d'autant. Pour
répondre aux propos que j'ai lus récemment dans les journaux,
voici quelques faits. Les stratégies financières
d'Hydro-Québec assurent sa bonne santé. Ici, j'aimerais qu'on en
discute tantôt, des stratégies d'Hydro-Québec, qui sont
très particulières. Elles maintiennent sa solidité
financière avec les stratégies d'affaires qui passent
inaperçues. On peut comparer aujourd'hui Hydro Ontario avec
Hydro-Québec. Avant 1980, Hydro-Québec suivait à peu
près la même stratégie de développement qu'Hydro
Ontario, avec d'autres équipements, bien sûr.
L'absurde serait que le gouvernement, qui présente, année
après année, un déficit d'opération, décide
de subventionner Hydro-Québec avec l'argent provenant de la vente d'une
partie des actions d'Hydro-Québec. Le gouvernement ne peut financer
n'importe quel projet économique à même les fonds qu'il
retirerait de la vente d'une partie d'Hydro-Québec, sous peine de voir
sa crédibilité sérieusement atteinte dans les
marchés financiers. Si le gouvernement vend une partie
d'Hydro-Québec, pourrait-il aussi maintenir toutes les missions dont il
charge Hydro-Québec? Pour maximiser le prix de vente de la
société et minimiser les coûts de la perte de l'instrument
économique, le gouvernement devra préalablement changer les
stratégies en vigueur à HydroQuébec, qui ne correspondront
plus aux missions de cette société par actions devenue
publique.
Voici les quelques missions et stratégies qui seraient mises
à l'épreuve. Les mêmes prix partout au Québec et la
notion de monopole naturel. Le gouvernement décrète, au
début des années soixante, que la tarification de
l'électricité sera la même partout au Québec. Pour
réaliser cette mission, la société HydroQuébec se
voit confirmée comme monopole pour la vente des produits de
l'électricité.
Peu de temps après qu'Hydro-Québec sera devenue une
société publique, son statut de monopole sera attaqué par
les producteurs indépendants, les distributeurs indépendants et
les consommateurs qui veulent bénéficier des produits qu'ils leur
offrent. L'uniformité des tarifications de l'électricité
partout au Québec sera aussi durement attaquée.
Objectif de développement micro-économique. La
société Hydro-Québec ajuste actuellement ses ventes
à l'exportation, dont elle obtient de plus hauts prix que ceux en
vigueur au Québec et de façon telle qu'elle défraie ainsi
son développement. Si le gouvernement vend une partie
d'Hydro-Québec, la société n'ajustera plus ses ventes
à l'exportation au rythme de son besoin de développement qui,
lui, répondait jusqu'ici aux besoins des Québécois.
Objectif de développement macro-économique.
Hydro-Québec renforce cet avantage comparatif de
l'hydroélectricité, par exemple avec la formule des partages de
risques et des bénéfices. Cette formule ou ce produit
d'électricité offert est le produit dont l'espérance de
gain ou de rentabilité est la plus faible parmi ses produits.
Il y a fort à parier qu'une fois devenue une
société publique le gouvernement ne pourra plus compter sur
Hydro-Québec pour contribuer au développement économique,
comme ça se fait actuellement.
Ici, je réponds au mémoire, présenté
à la commission en mai 1990, des professeurs Gérard
Bélanger, Jean-Thomas Bernard, du groupe Green, de l'Université
Laval, qui mettaient en concurrence les alumineries et les ventes à
l'exportation. Attirer les compagnies au Québec n'est pas sans
intérêt pour les Québécois. Ces ventes
n'empêchent pas de vendre toute l'électricité
désirée au Québec ou à l'exportation. J'aimerais
qu'on en discute de ce fait que ça n'empêche pas de vendre toute
l'électricité désirée. MM. Bélanger et
Jean-Thomas Bernard mettent ça en concurrence; ils ont mentionné
que ça coûtait 300 000 000 $ en coûts d'opportunités
de vendre aux alumineries plutôt qu'à l'exportation, ce qui est
faux.
Je crois qu'il est prématuré de penser vendre
Hydro-Québec, à ce moment-ci. Les stratégies de
développement viennent à peine de commencer. Le nouveau statut
que la société obtiendrait, en la vendant, nécessite en
effet la reformulation de plusieurs de ses stratégies
économiques.
Là, je vous ai lu quelques lignes représentatives du
texte. C'est ce qu'on m'avait conseillé de faire, et ça a bien
été.
Le Président (M. Audet): Vous avez terminé? M.
Pratte: Oui.
Le Président (M. Audet): Merci beaucoup. Mme la ministre
de l'Énergie et des Ressources.
Mme Bacon: M. Pratte, je voudrais vous remercier de votre
intérêt à venir nous exposer l'objet de votre
mémoire, mais je voudrais vous dire aussi que le gouvernement trouve,
comme vous, prématuré de penser vendre la société
d'État, à ce moment-ci.
Je vais quand même vous poser des questions parce que, même
si ça touche beaucoup la privatisation, ça soulève quand
même des questions, et j'aimerais avoir les réponses.
La privatisation d'un organisme d'État, de quelque nature qu'il
soit, je pense que ça va au-delà de la question purement
financière ou budgétaire. C'est une question qui englobe le
rôle que l'État souhaite jouer dans l'économie pour assurer
la fourniture de services aux citoyens. Comme chercheur, vous avez quand
même une position privilégiée pour examiner les impacts
éventuels de décisions qui pourraient avoir lieu sur le milieu
social, sur le milieu économique d'une collectivité. À
votre avis, quels sont les avantages et les inconvénients
que vous percevez actuellement en relation avec la question de la
privatisation à Hydro-Québec?
M. Pratte: Les avantages et les inconvénients?
Mme Bacon: Oui, en termes d'avantages et
d'inconvénients.
M. Pratte: Je peux regarder les inconvénients en premier,
parce que c'est surtout là-dessus que j'ai travaillé. (20 h
20)
Première chose, c'est qu'Hydro-Québec excusez-moi,
j'ai classé ça en plusieurs choses sera attaquée
comme monopole. En d'autres mots dans le texte, je l'ai mentionné
étant attaquée comme monopole dans tout le Québec,
les prix seraient aussi attaqués. Il pourrait y avoir dans
différentes régions des prix différents. De
l'intérieur, les nouveaux actionnaires attaqueront le gouvernement
contre les politiques macroéconomiques de la compagnie,
c'est-à-dire qu'en privatisant, d'après moi, la première
attaque contre le monopole qui aura lieu, ce sera au niveau des ventes à
l'exportation. Tout le secteur des ventes à l'exportation, là
où Hydro-Québec est concurrencée, elle n'a pas le
monopole. Donc, la première chose, c'est que les gens ne voudront pas
une réglementation de monopole, là où Hydro-Québec
n'a pas le monopole les actionnaires, je parle. Même si le
gouvernement est majoritaire, actuellement, le gouvernement a 100 % des
actions, et il ne fait donc pas ce qu'il veut avec Hydro-Québec. Les
citoyens parlent, et là ce seraient d'autres... d'autres personnes,
d'autres personnes influentes, des actionnaires, qui entreraient en jeu. En
plus, c'est qu'il y a des règlements, du fait que même un
actionnaire majoritaire ne peut pas faire fonctionner une compagnie aux
dépens des autres actionnaires minoritaires pour les mêmes... les
actions ordinaires. Vous comprenez? Bon.
Donc, les désavantages seraient... Premièrement, elle
serait accusée de faire de l'interfinancement avec les exportations vers
l'intérieur. Hydro-Québec, en étant attaquée sur
les quantités d'électricité qu'elle vend à
l'extérieur et sur l'utilisation des revenus qu'elle pourrait en faire,
des ventes à l'extérieur... Si les actionnaires gagnent, disons,
ça va faire... Comment je peux dire, donc? Hydro-Québec ne pourra
plus ajuster ses ventes à l'exportation avec le développement de
l'économie québécoise. Elle pourra facilement avoir
d'autres objectifs, comme maximiser les revenus des ventes à
l'exportation ça, c'est une des choses plutôt
que...
Là où Hydro-Québec est en situation où il
est possible d'être concurrencé, alors il est tout aussi possible
qu'elle ne vende plus d'électricité comme monopole. Ici, je pense
aux municipalités et aux autres agglomérations qui sont
propriétaires des réseaux de distribution. Ces
agglomérations peuvent éventuellement produire de
l'électricité, qui comblera une partie de leurs besoins, ou
s'approvisionner chez un producteur concurrent d'Hydro-Québec. En
vendant, Hydro-Québec risque de perdre son monopole, là où
elle est concurrencée. Là où elle perd son monopole, elle
perd aussi l'égalité des prix par tout le Québec.
Là où elle va le perdre en premier, c'est là où il
peut y avoir une production d'électricité à meilleur
marché que ce qu'Hydro-Québec peut fournir. Étant
donné qu'Hydro-Québec, là où elle fait le plus
d'argent, c'est là où elle a une fourniture au meilleur
marché, Hydro-Québec, dans la majorité des cas, au
Québec, dans la majorité des endroits, on verra les prix
augmenter, à cause de la perte de marché, là où
elle a perdu son monopole. Ça, c'est les inconvénients.
La privatisation, comme on dit, je n'y ai pas pensé. Quand j'ai
fait le travail, c'était contre la privatisation. Je n'ai pas
travaillé sur les avantages de privatiser, mais j'ai travaillé
sur les inconvénients de privatiser, le début des...
Mme Bacon: ...
M. Pratte: Elle sera attaquée de toutes parts, de
l'intérieur comme de l'extérieur, comme monopole.
Mme Bacon: Ça va? M. Pratte: Oui.
Mme Bacon: Le Québec, grâce, essentiellement, aux
choix des années passées en matière de
développement de l'électricité, a maintenu des tarifs
réguliers d'électricité parmi les plus bas en
Amérique du Nord...
M. Pratte: Oui.
Mme Bacon: ...voire même les plus bas au monde, là,
je pense qu'on peut le dire aussi. Cette situation-là fait du
Québec une province qui est enviée par ceux qui ne
possèdent pas les mêmes capacités de développer de
l'énergie abordable et de l'énergie renouvelable. Est-ce que
votre organisme s'est penché sur les effets d'une éventuelle
privatisation sur les tarifs généraux
d'électricité, au Québec? Si oui, quelles sont les
conclusions de vos recherches?
M. Pratte: J'ai essayé de mentionner ça un petit
peu tantôt. C'est qu'actuellement, mes conclusions des recherches, c'est
que les prix ne seraient pas égaux par tout le Québec, c'est
ça. Même si, par règlement, le gouvernement veut des prix
égaux par tout le Québec, lorsqu'il sera actionnaire, même
majoritaire, il ne pourra pas imposer aux autres actionnaires que l'on finance
des alumineries avec des tarifs à partage de risques et de
bénéfices, qui sont les plus risqués. Ça, ça
veut dire, on appelle ça un coût d'agence, si vous voulez. Le
gouvernement perdrait cet avantage-là, parce que, lui, comme
propriétaire unique, utilisait Hydro-Québec comme ça, mais
avec plusieurs propriétaires, le majoritaire ne peut pas imposer
à Hydro-Québec de tarifer là où ça lui
confère des avantages et ça désavantage les autres
actionnaires. Vous comprenez, c'est une question de...
Les tarifs ne seraient pas égaux dans tout le Québec. Il y
aurait différenciation de tarif.
Mme Bacon: Selon les régions, M. Pratte?
M. Pratte: Selon les régions, selon les endroits
où... Hydro-Québec tout de suite s'étend, mais elle est
déjà concurrencée. Là où les compagnies
privées produisent de l'électricité, lors du
renouvellement du contrat, elles se demanderaient comment une
société publique comme la leur peut les dominer. Actuellement, si
on regarde Bell Canada, Bell Canada se voit de plus en plus concurrencée
dans son réseau. Là où il y avait un territoire, Bell
Canada, maintenant, ne vend plus ses téléphones. Les lignes sont
vendues plutôt que... et un autre peut poser les lignes dans les maisons,
des choses comme ça sur plusieurs de ses produits.
Donc, la notion de territoire, la notion de monopole naturel
disparaît et les prix avec ça. La concurrence des prix... On ne
verra plus un prix danstout le Québec. Là où on ne peut
pas produire, aux Îles-de-la-Madeleine, par exemple, à prix plus
bas, bien on verrait remonter le prix. Il y a plusieurs régions comme
ça, même dans le nord, où on verrait monter les prix. Les
endroits où on peut produire, où il y a une production facile
à cause de la biomasse, du gaz naturel, parce que c'est une je ne
sais pas, moi compagnie de papiers qui génère de
l'électricité pour elle et la fournirait aussi à ses
voisins... Alcan l'a déjà fait. Donc, les prix ne seraient plus
imposés.
Mme Bacon: Dans la proposition de plan de développement
d'Hydro-Québec, l'efficacité joue un rôle essentiel dans le
contrôle de la croissance de la demande d'électricité au
Québec. Pensez-vous que la privatisation d'Hydro-Québec risque de
remettre en cause les orientations d'Hydro-Québec en matière
d'efficacité énergétique?
M. Pratte: D'efficacité énergétique?
Mme Bacon: Oui, si Hydro-Québec était
privatisée.
M. Pratte: Je n'ai pas étudié cet aspect. Mme
Bacon: Vous êtes-vous penché là-dessus? M. Pratte:
Pardon?
Mme Bacon: Est-ce que vous vous êtes penché sur cet
élément-là?
M. Pratte: Non, je n'ai pas étudié au niveau de
l'efficacité énergétique, non.
Mme Bacon: Merci.
Le Président (M. Audet): Merci. M. le député
de Laviolette.
M. Jolivet: Merci, M. le Président.
Merci, M. Pratte. Par la façon dont vous abordez l'ensemble de
vos pages, avec des points d'interrogation, et en disant: Dans la conjoncture
actuelle, le gouvernement pourrait-il vendre Hydro-Québec pour financer
ses politiques? ou, à la page 5, vous indiquez, et dans les suivantes:
Hydro-Québec, société multimission-naire à vendre?
avec la conclusion... N'eût été des points d'interrogation,
on se serait posé la question inverse. On aurait cru penser que vous
étiez pour la privatisation. Mais, avec la conclusion, je crois que vous
n'êtes pas pour la privatisation.
M. Pratte: Je ne suis pas pour la privatisation.
M. Jolivet: Si vous n'êtes pas pour la privatisation, quels
sont, actuellement, les changements qui devraient être apportés
à Hydro-Québec pour éviter que cette idée, qui
circule actuellement chez certaines personnes, soit par des gens qui disent: Au
niveau des barrages, plus haut que 25 MW, on pourrait les faire et vendre de
l'électricité à Hydro-Québec, ou encore, par le
fait que les gens indiquent qu'Hydro-Québec, par son interfinancement,
vient en contrebalance au niveau des gens qui devraient payer plus par rapport
à d'autres qui devraient payer moins... Quels sont les moyens que vous
verriez pour éviter, finalement, qu'on arrive à cette solution de
retour en arrière? Parce que c'est bien de ça qu'il est
question?
M. Pratte: c'est bien de cela qu'il est question. moi, mon
opinion, c'est qu'on ne changera rien. actuellement, hydro-québec a sa
mission et appartient au gouvernement. le gouvernement continue de garder ses
100 % d'actions. ce n'est pas une tendance vers la privatisation.
hydro-québec est tellement efficace actuellement qu'il n'est pas
question de privatiser. il suffit de regarder la comparaison entre hydro
ontario et hydro-québec. je peux en parler ici, de sa stratégie
financière, si vous voulez. c'est beaucoup mieux de parler de ce
genre-là... une stratégie financière qui, si
hydro-québec avait été privée, je ne crois pas que
ça aurait pu se faire. o.k.? (20 h 30)
Excusez-moi, je regarde mes papiers. Solidité financière.
O.K. Hydro-Québec est solide. Elle maintient sa solidité
financière, une stratégie financière anti-bas de cycle,
c'est-à-dire que, dans les bas de cycle, même si la demande ou
l'activité économique au Québec baisse,
Hydro-Québec ne se voit pas menacée financièrement. Voici
pourquoi. Comme je l'ai dit, avant les années quatre-vingt, on avait une
stratégie générale chez les producteurs
d'électricité. La faiblesse de cette industrie, c'est qu'elle
investissait des sommes considérables en se basant sur les
prévisions à long terme des demandes et des prix et elle ajustait
ses prévisions et ses investissements tant qu'elle le pouvait. Sur ses
prévisions, elle empruntait des sommes considérables et elle
accumulait des intérêts dans sa dette. Ça, c'est avant
1980.
Lors des grosses baisses d'activité économique,
comme on voit actuellement et on peut observer Hydro Ontario
la demande n'est plus au rendez-vous. Donc, les derniers investissements
sont devenus inutiles. La compagnie doit quand même payer sa dette, et
elle n'a pas les revenus additionnels on est en crise économique
pour la payer. De là les difficultés
financières.
Mais Hydro-Québec, en bon stratège, a combattu ce genre de
choses là. Voici comment: elle a développé une
stratégie anti-bas de cycle contre les dangers des difficultés
financières. Hydro-Québec vend des livraisons fermes,
c'est-à-dire qu'on prend le carnet de commandes, à prix ferme,
des quantités fermes, et on construit les équipements
appropriés. On prend la demande avant de construire. Avant, on faisait
des prévisions, on construisait, on ajustait. C'est
général dans l'ensemble de l'industrie de
l'électricité. On vend ça à l'extérieur. On
vend cette électricité-là à l'extérieur.
C'est de l'hydroélectricité et elle comporte une
caractéristique qui est différente des autres sortes de
production. L'hydroélectricité a la caractéristique que
son coût fixe est très élevé et son coût
variable bas. L'eau qui coule ne coûte pas cher elle coulait avant
qu'on fasse le barrage mais le coût fixe est très
élevé. Donc, à chaque fois que les États-Unis nous
paient 1 $ d'électricité, ils nous font le paiement sur le
barrage. Si on réussit à vendre une quantité suffisante
d'électricité, suffisamment longtemps, on se fait payer une
Grande-Baleine. Vous comprenez? Ça, c'était la stratégie
d'Hy-dro-Québec. Donc, on a une vente ferme, à prix ferme, parce
que les coûts sont fixes. Nous, on n'encourt pas le risque, parce que
c'est vendu à des compagnies d'électricité, des
conglomérats, des trusts ou des ensembles de compagnies
d'électricité qui annihilent le risque financier que toutes les
autres compagnies ont, celui d'Hydro Ontario, par exemple. Eux vendent leurs
surplus. Avant 1980, Hydro-Québec vendait les surplus
d'électricité, on était dans la même situation.
Puis, aujourd'hui, d'après moi, on souffrirait autant qu'eux, à
Hydro-Québec.
Mais, depuis 1980, on a changé. Les prix à l'exportation,
ce sont des prix fermes, qui ont beaucoup crû, et les surplus
d'électricité vendus à prix d'électricité
interruptible... Bien, pas à prix d'électricité
inter-ruptible, la stratégie est différente, mais on peut aller
jusqu'au prix de l'électricité interruptible sans nuire au
financement d'Hydro-Québec. C'est une équation dans le temps.
C'est pour ça aussi qu'on a pu se permettre d'amener les alumineries
ici, parce qu'elles on leur a demandé de manger
l'électricité en surplus pour qu'on puisse vendre de
l'électricité ferme aux États-Unis et se construire des
barrages.
M. Jolivet: Comme vous avez regardé toute la question de
la privatisation tout votre document parle de ça
alors...
M. Pratte: Oui.
M. Jolivet: ...je vais vous poser la question à l'inverse,
puisque vous dites: Si jamais on doit privati- ser et rendre une
société publique par actions, ça aurait pour effet de
changer la mission qui avait été prévue dans les
années soixante, au moment de la nationalisation est-ce que j'ai
bien compris votre position quels seraient les enjeux?
M. Pratte: Les missions, les stratégies. Par exemple, les
missions macro-économiques. Ce que j'ai dit, c'est que ça
changerait les ventes aux alumineries. Les nouveaux actionnaires se
plaindraient de droit à la Commission des valeurs mobilières et
tout le tralala pour dire que le gouvernement, en tant qu'actionnaire,
même majoritaire, n'a pas le droit de faire fonctionner
HydroQuébec à son profit à lui et au détriment des
autres, parce que c'est un produit qui est risqué. C'est le plus
risqué des produits, surtout qu'eux trouveraient facilement d'autres
acheteurs pour ce même produit-là.
M. Jolivet: Mais êtes-vous contre, à ce
moment-là, les contrats pour les alumineries?
M. Pratte: Dans mon document, quand on le lit bien, on voit que
je suis pour les contrats des alumineries.
M. Jolivet: C'est ça.
M. Pratte: Parce que, dans le document de Jean-Thomas Bernard et
de Gérard Bélanger, ils mentionnent qu'on vendait soit aux
alumineries ou à l'exportation, en disant: Les alumineries ont un prix
deux fois moins élevé que ceux des exportations. Donc, il y a un
manque à gagner. Voilà! La stratégie
d'Hydro-Québec, avant 1980, réfléchissait comme ça:
On vend à un «ou» à l'autre. Maintenant, on dit: On
vend à l'un «et» à l'autre, comme une compagnie de
chaussures. Une compagnie de chaussures a des chaussures haut de gamme et des
bas de gamme. Le haut de gamme lui rapporte plus, mais elle fait du bas de
gamme pour rentabiliser ses équipements.
M. Jolivet: Mais la majorité des gens parlent du
coût de l'emploi créé en aluminerie, qui est de 200 000 $
par année par emploi.
M. Pratte: C'est là qu'est l'erreur. On appelle ça
un coût d'opportunité ou un manque à gagner si, en vendant
aux alumineries, on s'empêche de vendre aux États-Unis; mais ce
n'est pas le cas.
M. Jolivet: Mais êtes-vous contre le fait qu'à ce
moment-là on pourrait utiliser l'énergie disponible pour, aussi,
en plus, non seulement tirer une industrie primaire mais une industrie de
transformation? Est-ce que vous êtes dans le sens de dire qu'à ce
moment-là on pourrait vendre aux États-Unis pour qu'ils
transforment l'aluminium qu'on fait chez nous à partir de...
M. Pratte: C'est là que je suis contre.
M. Jolivet: Qu'est-ce que vous proposez?
M. Pratte: Moi, je suis pour que les alumineries restent ici, et
qu'on fasse des grappes industrielles alentour des alumineries, d'autant plus
que les ventes à l'exportation nous ont permis d'attirer des compagnies
avec de l'électricité bon marché.
M. Jolivet: Donc, vous mettriez dans les contrats l'obligation
d'amener des usines de transformation ou d'en créer eux-mêmes, en
deuxième ou troisième transformation, quoi? Comment vous feriez
ça?
M. Pratte: Pour les alumineries... Là, je n'ai pas
étudié toute la stratégie pour amener les alumineries. Par
contre, moi, je dis qu'en coopération on peut créer autant des
concours pour les étudiants en engineering et en génie chimique,
pour dire je ne sais pas, on appellerait ça le concours
«Aluminium 2000» que ça va être utilisé
partout, on va se brosser les dents avec, tout, tu sais, on va trouver des
choses qui deviendront utiles et nécessaires, en aluminium, pour
rentabiliser. Je ne sais pas, là, mais ce n'est pas ça
l'idée. C'est que, pour moi, les alumineries, c'était très
bien de les attirer ici, d'autant plus que ça ne nous empêche pas
de vendre tout ce qu'on veut, aux États-Unis, comme
électricité.
Le revenu des États-Unis, on l'a pour construire notre
développement, incluant le développement qu'on vend aux
alumineries. Vous comprenez? Une alumine-rie, on peut l'amener chez nous, parce
qu'aux États-Unis, quitte à leur vendre le double de ce qu'on a
besoin, le double d'électricité de ce qu'on avait prévu,
sans les alumineries, on leur vend l'électricité.
M. Jolivet: Juste une dernière question, qui est la
suivante...
M. Pratte: L'un n'empêche pas l'autre, c'est ça
qu'il y a.
M. Jolivet: Dans le passé, quand on avait, disons...
Prenons, chez-nous, la Shawinigan Water & Power. Vous aviez le barrage.
Donc, l'électricité coûtait moins cher près du
barrage qu'ailleurs. Vous dites que, si on revenait à une privatisation,
ça aurait cet effet-là, si j'ai bien compris.
M. Pratte: Oui, l'effet inverse, c'est...
M. Jolivet: Est-ce que c'est possible, même si
Hydro-Québec n'était pas privatisée, de regarder cette
hypothèse, en disant que les industries devraient être plus
près des barrages, là où c'est possible, et qu'en
conséquence il y aurait une diminution quant au prix? Est-ce que ce
serait possible de penser ça?
M. Pratte: Oui, en diminuant les coûts, ça peut
être comme ça, mais je dis que le Québec est
intéressant pour les compagnies et pour les régions parce qu'on a
dit: Panquébécois, on a un bas prix d'électricité.
Il est déjà bas le prix de l'électricité. Pourquoi
ne pas le laisser bas et panquébécois?
Maintenant, pour les industries, comme vous dites, on attirait une
industrie chez nous, en disant: Tu vas l'avoir moins chère près
du barrage que plus éloigné. C'est une stratégie. Mais, si
on se rappelle toutes les levées de boucliers qui sont arrivées
lorsque les autres alumineries se sont aperçues qu'on faisait des prix
réduits aux nouveaux qui arrivaient chez nous les compagnies
papetières la même chose tout le monde s'est
élevé, en disant: Nous autres aussi. Ça pourrait
créer aussi des bouleversements dans ce sens-là.
M. Jolivet: Merci.
Le Président (M. Audet): Merci. M. le député
de Drummond.
M. St-Roch: Merci, M. le Président.
D'entrée de jeu, je vais vous dire que je suis d'accord avec
votre mémoire. Mais, au-delà de ça, il y a l'Union des
municipalités qui est venue nous voir et qui va faire la promotion,
parce qu'elles voient... les municipalités voient probablement un
certain gain en voyant certaines de leurs consoeurs opérer leurs propres
réseaux de distribution... Quelques-unes vont probablement vouloir avoir
des projets-pilotes pour distribuer elles-mêmes
l'électricité. Est-ce que vous associez ça à une
privatisation? À ce moment-là, ce serait le monde municipal.
Est-ce que vous avez regardé ça dans votre étude?
M. Pratte: J'ai regardé ça en
général. Comme de fait, j'associe ça à une
privatisation, le début de la privatisation dans des régions et
le début de la différence des prix. Je vais vous faire une autre
remarque. Il n'y a pas si longtemps, les municipalités se sont mises
à se concurrencer, au niveau des terrains à vendre. Là, on
va se retrouver avec de l'électricité pour attirer les
compagnies. C'est vers ça qu'on... Est-ce que vous vous souvenez que
toutes les municipalités ont acheté des terrains de leur
municipalité et qu'elles les vendent aux industries en leur donnant
quasiment. Tout le monde, toutes les industries se sont vu offrir ces
terrains-là, et l'électricité, ce serait quand même
la même chose, d'après moi. Mais la privatisation
entraînerait ce genre de choses là.
M. St-Roch: Dans un autre domaine, lorsqu'on regarde l'ensemble
des activités d'Hydro-Québec, lorsqu'on regarde l'ensemble
des...
M. Pratte: Est-ce que je peux continuer ma réponse?
M. St-Roch: Oui.
M. Pratte: Je viens de penser à quelque chose, là.
(20 h 40)
M. St-Roch: Oui, allez-y.
M. Pratte: Actuellement, comme à Outremont,
Hydro-Québec fournit l'électricité à Outremont,
dans le gros. Mais ce prix fixé, à Outremont, c'est un prix qui
s'assure, même s'il est bas, qu'il n'y a pas d'iniquité entre les
Québécois. On dit: On fournit l'électricité, tu as
ton réseau de distribution. C'est que le coût de
l'électricité, pour ces gens-là, est le coût de
l'électricité que tous les Québécois paient moins
le coût de distribution. Est-ce que vous comprenez?
M. St-Roch: Oui.
M. Pratte: Donc, on leur a réduit, dans ce sens-là.
Mais, si on privatise, si on vend Hydro-Québec, ces mêmes
municipalités là seront des gens potentiels qui voudront fournir
eux-mêmes leur électricité. S'ils arrivent avec un
concurrent qui a une biomasse, avec du gaz naturel, pour fournir de
l'électricité moins chère, ils prendront le concurrent.
C'est une grande ouverture; privatiser, c'est une grande ouverture pour enlever
le monopote de la vente d'électricité.
M. St-Roch: Je suis enclin à vous donner raison. Mais,
dans un autre ordre d'idées, lorsqu'on regarde la grande famille des
activités d'Hydro-Québec, il y a tout un volet, là,
qu'Hydro commercialise certains de ses brevets.
M. Pratte: Oui.
M. St-Roch: Elle est impliquée dans certaines
activités qui sont connexes, qui sont les résultats de la
recherche et du développement. Elle prévoit quelque chose comme
14 000 000 $ de revenus. Est-ce que, lorsqu'on regarde ce secteur
d'activité, qui est la commercialisation des technologies, des logiciels
ou...
M. Pratte: Oui.
M. St-Roch: ...toutes des choses qu'Hydro va développer,
ne croyez-vous pas qu'à ce moment-là ça, ce petit secteur
là, pourrait être privatisé, pour essayer d'en faire,
toujours sous contrôle majoritaire d'Hydro, là...
M. Pratte: Oui.
M. St-Roch: ...une association avec le public, pour être
capable de développer davantage et d'accroître cette
masse-là, parce qu'il pourrait y avoir...
M. Pratte: Mais je...
M. St-Roch: ...un effet d'entraînement, si c'était
public, pour aller chercher plus d'argent au niveau de la recherche, du
développement, de la commercialisation et de l'exportation?
M. Pratte: Oui.
M. St-Roch: Est-ce que vous avez regardé cet
aspect-là seulement de la privatisation?
M. Pratte: De la privatisation?
M. St-Roch: De la mise en marché de ce petit secteur
là?
M. Pratte: Oui, je sais. Mais, actuellement, ça existe
déjà; Hydro-Québec a des actions, 50 % d'actions dans une
compagnie ou dans une autre. Actuellement, ça existe déjà.
Pour le développement de produits, elle s'est associée avec une
compagnie japonaise pour sa batterie; puis, ensuite, elle s'est associée
à 3M, je crois, pour sa pile d'énergie ou quelque chose comme
ça. Est-ce que c'est de ça que vous voulez parler?
M. St-Roch: Oui. Mais on irait dans un vrai consortium, à
ce moment-là, où est-ce que, au lieu d'aller en pièces
détachées...
M. Pratte: Oui.
M. St-Roch: ...il y aurait une compagnie. Je vais prendre
Nouveler, un exemple, là...
M. Pratte: Oui.
M. St-Roch: ...qui appartient, à ce moment-là,
à hydro, à 100 %, qu'à partir de nouveler on fasse une
entité qui va servir à commercialiser tous ces produits-là
et que cette compagnie-là, dont hydro-québec aurait la
majorité du capital-actions, détiendrait la majorité
mettez 55 % qui émettrait 45 %...
M. Pratte: Le premier effet que je vois, tout de suite,
là, c'est qu'il y aurait une baisse des tarifs d'Hydro-Québec;
ça, c'est le premier effet. Actuellement, dans ses tarifs,
Hydro-Québec, la différence entre le coût marginal
parce qu'elle fixe au maximum le prix au coût marginal et le
coût moyen, dans cette partie-là, Hydro-Québec accumule des
dépenses pour sa recherche. O.K.? Ce que vous dites, c'est
qu'Hydro-Qué-bec n'aurait plus ses dépenses pour sa
recherche.
M. St-Roch: Bien, une partie, elle en garderait une partie.
M. Pratte: Chaque fois qu'on irait chercher une subvention...
C'est ça, chaque fois qu'on irait chercher une subvention pour cette
nouvelle compagnie, ce serait de l'argent en moins qu'Hydro-Québec
aurait à mettre dans la compagnie, pour la recherche. C'est ce que vous
me dites?
M. St-Roch: Non. Cette compagnie-là, elle, pourrait aller
émettre du capital-actions...
M. Pratte: Oui.
M. St-Roch: ...dans le public, oui. Alors...
M. Pratte: Oui, ça, très bien.
M. St-Roch: ...il y a une partie de commercialisation, oui. Vous
avez raison qu'il y aurait une partie, là, qui diminuerait.
M. Pratte: C'est ça. On enlèverait le cordon
ombilical...
M. St-Roch: Dans cette partie-là.
M. Pratte: ...à Hydro-Québec, puis là
ça ferait... Hydro-Québec sera...
M. St-Roch: Mais est-ce que vous verriez ça comme un
avantage, à ce moment-là, pour Hydro-Québec, pour
accroître encore davantage sa marge bénéficiaire?
M. Pratte: Oui. C'est une carte de plus, un
élément... Mais Hydro-Québec, actuellement... Vous savez
qu'une compagnie privée regarde des projets... Ils
préfèrent les projets à court terme. O.K.? Les projets,
à très long terme, de recherche, surtout dans des choses qui sont
peu payantes, comme la recherche sur l'influence de l'électricité
sur les gens, ça prend énormément de fonds. Une grosse
recherche, ça prend des connections partout dans le monde, et je crois
que c'est ce genre de recherches là qui pourraient être
abandonnées, ou même la pile, quoique la pile, c'est plus...
Même si c'était à long terme avant, maintenant, c'est plus
près. La pile d'énergie... On a vu des compagnies, des grosses
compagnies japonaises refuser de faire cette recherche-là pour les
automobiles, les piles, tandis qu'Hydro-Québec s'est lancée
dedans. Elle est assez grosse, elle a des fonds disponibles et elle a
distribué ses recherches selon les résultats attendus, que les
résultats soient attendus à court, à moyen ou à
long terme. Je l'ai bien lu dedans, mais j'ai aussi vu un documentaire sur Los
Angeles et les sortes de compagnies qui ont répondu à l'appel
pour faire une pile électrique pour les automobiles. La plupart des
grosses compagnies ont refusé, et c'est une petite compagnie de
Suède, je crois, qui avait répondu pour eux autres, et
Hydro-Québec s'est lancée aussi sur ce genre de recherches
là. C'est le genre de recherches qui rebutent les compagnies, je
crois.
M. St-Roch: Merci.
Le Président (M. Audet): Merci.
Alors, M. Pratte, au nom des membres de la commission de
l'économie et du travail, je vous remercie sincèrement de votre
présentation.
M. Pratte: Ça m'a fait plaisir.
Le Président (M. Audet): Nous allons suspendre quelques
minutes afin de permettre au Groupe Noranda de prendre place.
(Suspension de la séance à 20 h 46)
(Reprise à 20 h 49)
Le Président (M. Audet): À l'ordre, s'il vous
plaît! Si vous voulez prendre place, MM. les députés, s'il
vous plaît. Merci.
Alors, je veux souhaiter, au nom des membres de la commission de
l'économie et du travail, la plus cordiale bienvenue aux gens du Groupe
Noranda. Messieurs, bienvenue. Je vous rappelle rapidement nos règles de
procédure. Vous disposez d'une vingtaine de minutes pour nous faire part
de votre exposé. Avant de débuter votre exposé, toutefois,
il serait important de vous identifier, pour les fins de transcription du
Journal des débats. Ensuite, suivra une période
d'échanges d'une quarantaine de minutes. Sur ce, je vous laisse la
parole, on vous écoute.
Groupe Noranda
M. Lefebvre (Michel): M. le Président, Mme la
vice-première ministre et ministre de l'Énergie et des
Ressources, messieurs, bonsoir et merci de nous accueillir ici, ce soir,
à cette heure tardive. Je suis Michel Lefebvre, vice-président de
Noranda inc. Je suis accompagné par deux de nos spécialistes en
énergie, MM. Jacques Rouleau et Michel Gariépy, ainsi que par M.
Denis Leclerc, coordonnateur des Affaires publiques chez Noranda. (20 h 50)
Même si nous nous sommes penchés sur l'ensemble des
documents relatifs au plan de développement d'Hydro-Québec, notre
mémoire à cette commission ne porte que sur certains aspects
précis de cette importante documentation, soit: la tarification
proposée; le rôle d'Hydro-Québec comme agent
économique; la qualité du service offert et la notion
d'efficacité énergétique. J'imagine que vous nous saurez
gré, ce soir, de ne pas lire in extenso notre mémoire mais d'en
commenter simplement les grandes lignes.
Tout d'abord, quelques mots pour situer Noranda au Québec.
Noranda a pris naissance en Abitibi, il y a maintenant 70 ans. À
présent, nos activités au Québec se divisent en deux
principaux secteurs: le secteur des mines et des métaux et le secteur
des produits forestiers. Nous comptons, au Québec, 6000 personnes
à notre emploi, réparties dans plusieurs exploitations, de la
Gaspésie à l'Abitibi, en passant par l'Outaouais, le
Témiscamingue et par la grande région de Montréal. Noranda
joue ainsi un rôle primordial dans ces régions, où le
nombre d'emplois directs et indirects qu'elle procure constitue un
élément moteur de l'activité économique
régionale.
Dans l'opinion publique, Noranda n'est certaine-
ment pas aussi étroitement liée au Québec que ne
l'est Hydro-Québec. Néanmoins, nous sommes natifs d'ici et,
à titre de citoyens corporatifs responsables, nous croyons qu'il est de
notre devoir de participer à ce débat, qui touche à
l'avenir économique du Québec.
La facture totale des coûts d'électricité de nos
exploitations au Québec s'est chiffrée, en 1992, à plus de
55 000 000 $. Du côté de nos activités commerciales, nos
exploitations vendent leurs produits sur les marchés mondiaux. Ces
transactions subissent les cycles économiques qui affectent les
marchés mondiaux et elles sont exposées aux risques liés
à la fluctuation des devises sur la scène internationale. Nous ne
pouvons malheureusement pas fixer le prix de la plupart de nos produits,
puisque ces prix sont établis à l'échelle mondiale, selon
la fluctuation de l'offre et de la demande. La concurrence au sein de
l'industrie des ressources naturelles comprend non seulement les producteurs
des pays membres de l'OCDE, mais aussi les industries des pays de l'Est et
celles des pays en voie de développement, où les standards
économiques, politiques et sociaux sont bien différents des
nôtres. Jusqu'ici, les coûts relativement bas de
l'électricité et la compétence technique de notre
main-d'oeuvre nous ont permis, jusqu'à un certain point, de
contrebalancer les handicaps que constituent nos échelles salariales
élevées, nos programmes sociaux élaborés et notre
souci de l'environnement. Cependant, la hausse constante des coûts de
l'énergie électrique risque de briser ce fragile
équilibre. C'est pour cette raison que l'évolution des prix de
l'énergie constitue une préoccupation constante chez Noranda.
Ceci m'amène à aborder le premier point traité dans
notre mémoire à cette commission, soit la tarification de
l'électricité. Chez Noranda, nous sommes d'accord avec
Hydro-Québec sur le principe de relier la tarification de
l'électricité au coût moyen de fourniture. Nous avons
toutefois des interrogations quant aux méthodes de calcul du coût
moyen, tout particulièrement pour la portion production et transport.
Nous notons que, dans sa structure de prix, Hydro-Québec reflète
relativement bien, à la section «Répartition et
distribution» ainsi qu'à la section «Abonnements et
spécifiques», le fait que ses clients de grande puissance lui
occasionnent proportionnellement moins de frais que ses clients de la
catégorie domestique. par ailleurs, alors que la clientèle
domestique est, de loin, la principale responsable des excédents de
frais de production et de transport, occasionnés par la pointe de
consommation, la contribution de cette clientèle au paiement de ces
coûts, telle qu'elle apparaît au tableau de la page 7 de notre
mémoire, n'est que 9,6 % supérieure à celle de la
clientèle de grande puissance. à notre point de vue, ce faible
écart ne reflète définitivement pas la
réalité. c'est là une anomalie que nous souhaitons voir
corriger.
Toujours au chapitre de la tarification, HydroQuébec
préconise l'établissement d'un tarif saisonnier pour sa
clientèle industrielle dans l'espoir de déplacer une partie de la
demande hivernale vers d'autres périodes de l'année, afin de
réduire les coûts élevés occasion- nés par
cette pointe hivernale extrême et pour retarder ainsi l'éventuelle
mise en chantier de futures centrales électriques. Nous sommes surpris
d'une telle mesure, puisqu'il est notoire que la clientèle industrielle
n'est pas responsable de ce problème de pointe hivernale. A priori, il
apparaît très logique de vouloir refléter, dans la
tarification, les coûts réels encourus par Hydro-Québec en
raison de cette pointe hivernale. En toute équité, il faudrait
toutefois imputer de tels coûts à ceux qui en sont responsables et
qui ont la possibilité de réagir pour corriger la situation.
Il faut réaliser que les grandes entreprises, comme Noranda, ont
conçu et construit leurs usines en fonction d'une pleine utilisation, 52
semaines par année. La rentabilité de ces investissements
était et demeure basée sur ce rythme soutenu de production. En
nous incitant à sous-utiliser notre capacité de production durant
l'hiver ou en nous pénalisant si nous maintenons notre rythme de
production, l'implantation de la tarification saisonnière exigerait,
pour nos exportations, d'importantes modifications à la planification de
la production. Il va sans dire que cela compromettrait notre efficacité,
notre rentabilité et notre compétitivité sur les
marchés internationaux. À moins de rogner dans leur propre
efficacité, il est donc peu probable que nos exploitations puissent
contribuer de façon significative à l'objectif
d'efficacité que poursuit Hydro-Québec en instituant une
tarification saisonnière.
Si l'on poursuit réellement un objectif d'efficacité
totale, on utilise donc le mauvais levier en imposant la tarification
saisonnière à l'industrie primaire. Toutefois, nous sommes
conscients que certains secteurs de l'industrie manufacturière,
où la production est de nature cyclique, pourraient probablement
s'accommoder ou même tirer profit de la tarification saisonnière
tout en allégeant la demande de pointe hivernale. Par conséquent,
nous souhaitons que l'implantation de la tarification saisonnière dans
le milieu industriel se fasse seulement chez les entreprises où cela
serait compatible avec la nature de l'industrie et où cela
s'avérerait rentable tout autant pour Hydro-Québec que pour les
entreprises.
En ce qui concerne la tarification basée sur le rapport
coût puissance-coût total, nous sommes fort surpris de constater
qu'Hydro-Québec désire adopter une orientation contraire à
celle préconisée au cours des dernières années.
Pourtant, Hydro-Québec a toujours affirmé qu'une entreprise
affichant un haut facteur d'utilisation constituait un client idéal en
raison de son bloc de puissance et en raison de la charge stable sur le
réseau.
Malheureusement, la nouvelle orientation tarifaire
présentée dans le plan de développement réduit
l'écart des tarifs entre les entreprises ayant un haut facteur
d'utilisation et celles ayant un facteur d'utilisation modéré.
Cette orientation nous semble aller en contradiction avec un autre objectif
d'Hydro-Québec, soit celui de l'efficacité
énergétique. Nous sommes d'opinion que, d'une part, cette
nouvelle tarification incitera beaucoup moins les entreprises
québécoises à trouver des moyens d'améliorer leur
facteur d'utilisation et, d'autre part,
qu'elle intensifiera le phénomène d'interfinancement et
pénalisera les entreprises qui ont fait des efforts, lors des
dernières années, pour améliorer leur facteur
d'utilisation. à titre d'exemple, cette nouvelle tarification
engendrerait, pour notre usine d'affinage de zinc à valley-field, des
coûts supplémentaires que nous estimons à plus de 1 000 000
$ par année à partir de 1995. c'est là une hausse de 3,5 %
qui s'ajoutera aux hausses annuelles prévues. ainsi, pour cette usine,
la hausse des tarifs d'électricité ne sera pas égale au
taux d'inflation, mais elle sera plutôt du double du taux d'inflation
annuel. nous demandons donc qu'hydro-québec maintienne son orientation
des dernières années et continue d'encourager et de supporter, de
la même façon qu'elle le faisait antérieurement, les
industries ayant un facteur d'utilisation élevé. (21 heures)
Tel que nous l'avons mentionné précédemment, les
coûts relativement peu élevés de
l'électricité constituent l'un des rares atouts que
possède encore l'industrie québécoise pour
compétitionner sur les marchés mondiaux. La stabilité de
ces coûts présente donc un élément important pour
l'industrie. Pour Hydro-Québec, le fait de ne pas augmenter la moyenne
de ses tarifs au-delà de l'inflation constitue déjà une
nette amélioration. Toutefois, il faut bien réaliser que, si
chacun des secteurs industriels ajustait ses prix sur le taux d'inflation,
notre société tout entière ferait face à une
inflation exponentielle. L'objectif de contenir les tarifs de
l'électricité d'Hydro-Québec se doit donc d'être
plus ambitieux et viser un pourcentage moindre que celui de l'inflation.
Hydro-Québec répartit ses frais en deux grands chapitres,
soit, d'une part, les charges d'exploitation et, d'autre part, les autres
charges et intérêts. Au chapitre des charges d'exploitation,
Hydro-Québec vise à limiter les hausses à 0,8 % par
année, donc bien en deçà du taux d'inflation prévu
de 3,5 %. Cet objectif exigera de la part de la société des
changements majeurs au niveau de ses structures et de sa main-d'oeuvre.
L'expérience nous révèle que, très souvent, de tels
changements organisationnels prennent beaucoup de temps à se
concrétiser et qu'ils n'ont pas toujours, à court terme, un
impact positif sur la productivité. Par conséquent, il est
à craindre que l'objectif d'Hydro-Québec ne soit pas atteint
à court terme, ce qui risque d'entraîner une hausse additionnelle
des tarifs en sus de l'augmentation visée qui est elle-même
axée sur le taux d'inflation. ceci nous amène à nous
interroger sur l'incompressibilité réelle de ce
qu'hydro-québec regroupe sous le chapitre de ses autres charges et
intérêts qui comptent pour 74 % de ses coûts totaux.
hydro-québec évalue que ses coûts croîtront au rythme
de 4,3 % par année, soit un pourcentage nettement supérieur au
taux d'inflation.
Dans ce dossier de la stabilité des prix de
l'électricité, où les réformes organisationnelles,
le degré d'endettement et le rendement sur l'investissement sont des
éléments clés, nous insistons pour qu'Hydro-Québec
et son actionnaire, le gouvernement du Québec, adhèrent aux
strictes règles administratives auxquelles ils devraient adhérer
si la société d'État évoluait dans un contexte de
libre concurrence. Le maintien d'un bon retour sur l'investissement des
actionnaires est un objectif louable que poursuit toute société.
Dans le secteur privé, toutefois, il y a des circonstances où
l'on doit surseoir au maintien de cet objectif en raison de priorités
plus urgentes.
Maintenant, pour ce qui est du rôle d'Hydro-Québec comme
ferment de développement économique, nous sommes d'opinion que
c'est en offrant des tarifs d'électricité avantageux
qu'Hydro-Québec pourra le mieux aider à l'amélioration de
la compétitivité des entreprises de chacun des secteurs
industriels et non en agissant uniquement sur la compétitivité
des entreprises où l'électricité est un facteur de
localisation. À notre opinion, ce n'est pas le rôle
d'Hydro-Québec d'assumer la fonction de gestionnaire du
développement industriel, soit en utilisant son levier de tarification,
soit en ciblant ou en limitant l'implantation de certains types d'entreprises
au Québec. La société d'État n'a pas à
prendre sur elle le choix des stratégies de développement
industriel au Québec. Elle devrait plutôt être mise à
profit par le gouvernement en agissant comme un outil pour créer un
climat favorable au développement économique du
Québec.
Hydro-Québec devrait, à notre point de vue, s'en tenir
à sa mission qui est, et je cite, «de fournir
l'électricité au Québec aux meilleures conditions».
Elle devrait ainsi laisser la responsabilité du choix des politiques de
développement économique et industriel du Québec entre les
mains du gouvernement du Québec.
Par ailleurs, au chapitre de la qualité du service à la
clientèle, nous sommes heureux de constater de façon
générale, depuis les deux ou trois dernières
années, une baisse du nombre de pannes occasionnant des pertes de
production. De plus, nous notons avec satisfaction que la plupart des
interruptions planifiées sont maintenant souvent coordonnées aux
arrêts de production que nos usines doivent faire pour des raisons
d'entretien. Nous encourageons fortement Hydro à
persévérer dans ses efforts d'amélioration du service et
de collaboration avec sa clientèle.
D'autre part, dans ses efforts d'améliorer sa propre performance,
on s'attend à ce qu'Hydro-Québec ne change pas du jour au
lendemain les règles du jeu et agisse de façon à
contraindre son client à financer l'acquisition d'équipements
supplémentaires pour se conformer aux nouvelles exigences techniques du
fournisseur. Ainsi, lorsque Hydro-Québec engendrera des coûts
supplémentaires à un client dans le cadre de son propre programme
d'amélioration de son produit, nous demandons qu'elle contribue
équitablement aux dépenses suscitées chez le client afin
que le retour sur l'investissement soit tout autant acceptable pour le client
qu'il l'est pour la société d'État.
Dans un autre ordre d'idées, Hydro-Québec prévoit,
dans les années à venir, consacrer beaucoup de ressources
à la promotion de l'efficacité énergétique.
Les programmes envisagés ont pour objectif d'entraîner chez
les entreprises clientes des réductions permanentes des coûts de
production et contribuer ainsi à l'amélioration de la
compétitivité tout en réduisant la croissance de la
demande énergétique. Toutefois, ces efforts se doivent
d'être entrepris en étroite collaboration avec les clients pour
que les programmes puissent répondre adéquatement aux besoins et
aux capacité d'implantation des entreprises.
Nous désirons ici mettre Hydro-Québec en garde contre la
tentation de lancer toute une panoplie de programmes qui, quoique bien
intentionnés, pourraient s'avérer inutiles en bout de ligne parce
que les clients n'auraient ni les ressources financières ou techniques,
ni la volonté de les appliquer. Nous sommes particulièrement
inquiets de l'engouement que la société d'État manifeste
à l'égard de ce volet de la problématique et de
l'insistance qu'elle met à souligner que de tels programmes
d'efficacité énergétique sont générateurs
d'emplois. Au moment où Hydro-Québec est confrontée
à la décroissance de ses effectifs, la tentation sera sans doute
grande d'utiliser les programmes d'efficacité énergétique
comme palliatif à ses programmes de réduction de personnel.
L'objectif d'avoir une industrie québécoise
compétitive, spécialisée en efficacité
énergétique, est certes bon en soi. Il ne faut toutefois pas
perdre de vue que la première responsabilité
d'Hydro-Québec est de fournir l'électricité au plus bas
coût possible. L'objectif d'économies d'énergie ou de
créer des emplois par des programmes d'efficacité
énergétique doit demeurer un objectif subalterne. Il nous
apparaît donc essentiel qu'Hydro-Québec s'assure de la
rentabilité de ses programmes d'économies d'énergie pour
éviter que ses dépenses de recherche ne provoquent
éventuellement une hausse supplémentaire des tarifs.
Pour conclure, nous, du Groupe Noranda, sommes d'accord avec la plupart
des grandes orientations que poursuit Hydro-Québec. Toutefois, nous
insistons pour que la société d'État porte une attention
spéciale aux sept points suivants, à savoir:
Premièrement, revoir la méthode de calcul du coût
moyen de fourniture d'électricité de façon à
prendre en considération tous les coûts réels, incluant
ceux de la production, du transport et de l'entretien;
Deuxièmement, n'implanter la tarification saisonnière dans
le milieu industriel que chez les entreprises où cela serait
économiquement rentable, autant pour Hydro-Québec que pour
l'entreprise;
Troisièmement, maintenir l'orientation des dernières
années et continuer d'encourager et de supporter les industries ayant un
facteur d'utilisation élevé;
Quatrièmement, revoir l'ensemble des coûts directs et
indirects afin de diminuer au maximum les possibilités de hausses
tarifaires, de façon à accroître la capacité
concurrentielle de tous les clients;
Cinquièmement, laisser la responsabilité du choix des
politiques de développement économique et industriel du
Québec entre les mains du gouvernement du Québec;
Sixièmement, contribuer équitablement aux coûts
supplémentaires occasionnés chez les clients par les programmes
visant les améliorations techniques chez Hydro, et ce, afin que le
retour sur l'investissement soit tout autant acceptable pour les clients qu'il
ne l'est pour la société d'État et, enfin,
septièmement, s'assurer de la rentabilité des programmes
d'économies d'énergie pour éviter que les dépenses
de recherche ne provoquent éventuellement une hausse
supplémentaire des tarifs.
Mesdames, messieurs, je vous remercie de votre attention.
Le Président (M. Audet): Merci, M. Lefebvre.
Je vais maintenant reconnaître Mme la ministre de l'Énergie
et des Ressources. (21 h 10)
Mme Bacon: Merci, M. le Président.
M. Lefebvre, messieurs, je voudrais vous remercier pour la
qualité de la contribution à l'exercice de consultation que nous
poursuivons. Et vous me permettrez d'ajouter que, comme ministre responsable du
secteur minier, je voudrais aussi souligner l'importante contribution de votre
société au développement économique des
régions-ressources du Québec de même qu'au chapitre de la
recherche et du développement de l'industrie minière.
Le Groupe Noranda semble préoccupé des
déboursés supplémentaires que pourrait lui occasionner
HydroQuébec dans ses efforts pour améliorer la qualité de
son produit. Vous semblez aussi appréhender qu'Hydro-Québec ne
change du jour au lendemain les règles du jeu et contraigne son client
à financer des équipements supplémentaires. Vous
recommandez qu'Hydro-Québec participe équitablement à ces
coûts. Est-ce que vous pourriez nous expliquer si vos
appréhensions se basent sur des faits vécus antérieurs ou
sur des informations préliminaires quant à des lignes d'action
qu'Hydro-Québec entend prendre pour l'avenir?
M. Lefebvre (Michel): Non. En fait, nos appréhensions ne
sont pas basées sur des faits précis. Nos appréhensions
sont basées simplement sur le fait que nous savons très bien que
plusieurs de nos usines datent déjà de plusieurs années et
que les systèmes d'alimentation électrique, et ainsi de suite, ne
sont peut-être pas conformes aux normes qui existent ou qui vont exister
dans le futur. Alors, c'est dans ce sens-là. Notre intervention vise
principalement ça. On sait qu'il y a des changements qui devront
éventuellement être faits. On ne veut pas que ces
changements-là nous soient imposés à des moments
où, économiquement, ça ne nous serait pas favorable.
Mme Bacon: En page 18 de votre mémoire, vous mettez
Hydro-Québec en garde contre la tentation de lancer toute une panoplie
de programmes d'efficacité énergétique qui, quoique bien
intentionnés, pourraient s'avérer inutiles en bout de ligne,
parce que les clients n'auraient ni les ressources financières ou
techniques ni la volonté de les appliquer. Vous soulignez aussi
l'im-
portance que ces efforts soient entrepris en étroite association
avec les clients et vous recommandez de s'assurer de la rentabilité des
programmes pour que ces dépenses de recherche ne provoquent pas
éventuellement une hausse supplémentaire de tarifs.
Est-ce que vous pourriez indiquer les raisons qui poussent Noranda
à formuler cette recommandation, sachant qu'Hydro-Québec a quand
même déjà délimité ses interventions à
9,3 TWh en économies d'énergie et que ces dernières
devraient être neutres sur l'évolution des tarifs?
M. Lefebvre (Michel): En fait, cette remarque-là
découle de notre expérience personnelle. À
l'intérieur même de notre entreprise, nous avons, à maintes
reprises, fait différentes études de rentabilité et
différentes études de projets et force est d'admettre, à
notre courte honte, si vous voulez, que plusieurs de ces
études-là sont restées lettre morte parce que, dans les
circonstances, il y avait d'autres projets plus prioritaires, les techniques ou
le personnel n'étaient pas disponibles. Alors, dans les projets... Et ce
qui nous a frappés dans les documents fournis par Hydro-Québec,
c'est qu'on met beaucoup d'emphase sur ces programmes de conservation de
l'énergie ou d'économies d'énergie. Et je sais
personnellement fort bien que, lorsque des programmes nous sont offerts
à des coûts relativement peu élevés ou même
sans coûts, c'est très tentant pour une industrie de dire: Oui,
correct, venez faire une étude chez nous, ainsi de suite, mais le risque
existe que l'étude se fasse, que ça prenne du temps, que
ça coûte de l'argent, mais, après ça, faute de
volonté, ou faute de capitaux, ou de personnel qualifié, que ces
études-là ramassent la poussière sur les tablettes.
Mme Bacon: En page 10 de votre mémoire vous affirmez que
la clientèle industrielle n'est pas responsable du problème de la
pointe et que, par conséquent, il n'est pas souhaitable d'imposer la
tarification saisonnière à la grande entreprise parce qu'elle
constitue une mesure d'interfinancement. Est-ce que vous pourriez
développer votre pensée sur ce point-là et nous expliquer
peut-être en quoi le tarif saisonnier peut devenir une mesure
d'interfinancement?
M. Lefebvre (Michel): Bien, en fait, comme les tableaux qu'on a
présentés l'indiquent très bien, l'industrie ou les
consommateurs de grande puissance ont une consommation qui est horizontale
pendant toute l'année. Dans la période de pointe hivernale comme
dans la période creuse en été, ces usines-là
consomment proportionnellement la même quantité d'énergie.
Ça découle de la nature même de nos installations. Comme on
l'a dit, ces installations-là ont été pensées et
construites de façon à fonctionner 52 semaines par année.
Alors, la pointe qui survient en hiver n'est pas le fait de ces
usines-là. La pointe qui survient en hiver est le fait de quelqu'un
d'autre. Maintenant, si on applique une tarification saisonnière et que,
pendant les périodes de pointe, on nous impose des frais
supplémentaires, bien, ça va avoir deux conséquences: soit
que ça va nous forcer à réduire notre production, donc
à sous-util iser nos installations, donc à rogner sur notre
propre rentabilité ou efficacité, ou, simplement, ça va
nous forcer à contribuer à défrayer des coûts qui
appartiennent à d'autres.
Mme Bacon: Vous affirmez, en page 12 de votre mémoire, que
la restructuration du tarif L qui vise à réduire la composante
puissance dans la facture inciterait beaucoup moins les entreprises
québécoises à trouver des moyens d'améliorer leur
facteur d'utilisation et vous dites aussi qu'elle va pénaliser les
entreprises qui ont déjà fait des efforts pour améliorer
ce facteur. Est-ce que vous pourriez aller plus loin dans votre pensée
là-dessus, M. Lefebvre?
M. Lefebvre (Michel): Si vous me permettez, Mme la
vice-première ministre, je vais demander à M. Rouleau ici,
à ma droite, de répondre à cette question-là.
M. Rouleau (Jacques): O.K. Concernant le facteur d'utilisation
élevé, ce qu'on peut dire là-dedans, c'est qu'une
industrie comme nous avons, Zinc électro-lytique du Canada, à
Valleyfield, la réforme tarifaire qu'Hydro-Québec nous propose
augmente les tarifs, pour le facteur d'utilisation, d'un ordre de grandeur d'au
plus 90 %, augmente nos tarifs d'environ 1 000 000 $ à partir de 1995.
Une autre industrie qui aurait un facteur d'utilisation d'un ordre de grandeur
de 70 % ou 72 % aurait moins d'augmentation de tarifs. Donc la
«dépressivité» dans le mode de tarifs qu'on avait
avant est disparue complètement. Donc, qu'est-ce qui incite les
entreprises à réellement économiser de l'énergie?
C'est le facteur d'utilisation, d'avoir un très bon facteur
d'utilisation, de diminuer le facteur de puissance pour augmenter la
consommation énergétique réellement en kilowattheure. Mais
ce facteur-là diminue avec la réforme tarifaire. C'est ça
qu'on veut dire par le point.
Mme Bacon: En page 14 de votre mémoire, le Groupe Noranda
exprime des craintes au sujet de la capacité réelle
d'Hydro-Québec à opérer le changement majeur qui est
requis au niveau de ses structures et de sa main-d'oeuvre pour compresser ses
charges, contenir les hausses tarifaires en deçà de l'inflation,
et vous attribuez à l'actionnaire aussi la responsabilité de
s'assurer que la société d'État adhère à des
règles administratives aussi strictes que celles auxquelles doivent
obéir les entreprises qui sont soumises aux lois de la libre
concurrence. Est-ce que Noranda pourrait expliciter davantage en quoi consiste
l'établissement de règles administratives aussi strictes que
celles imposées par le libre marché? (21 h 20)
M. Lefebvre (Michel): Bien, les règles aussi strictes que
celles imposées par le libre marché c'est que, quand une
industrie comme la nôtre accumule des pertes année après
année ou on doit fermer nos portes
ou on doit changer d'approche, de politique. Maintenant, parce que, chez
Noranda, on a fait et on continue à faire cet exercice-là de
réduction de personnel, on sait pertinemment que ça se fait
douloureusement, que ce n'est pas facile à appliquer, puis que, dans le
court terme, plus souvent qu'autrement, ça implique des pertes de
productivité. Ça implique un climat d'instabilité dans
l'usine, ça implique des inquiétudes parmi le personnel et tout
ça suscite une perte de productivité temporaire. a plus long
terme, ça amène un gain de productivité, mais, à
court terme... et, quand on parle des trois prochaines années, pour moi,
c'est à court terme. alors, ce qu'on veut dire par là, c'est
qu'on trouve que le plan de développement d'hydro-québec, qui
prévoit que ses coûts d'exploitation ne seront que de 0,8 % par
année au cours des trois prochaines années et qu'on va obtenir
ça en raison, entre autres, de réduction de personnel
d'ailleurs, hydro-québec a déjà annoncé des
réductions de personnel on trouve que c'est osé, c'est
espérer probablement plus que la réalité va nous
donner.
Le Président (M. Audet): Merci. M. le député
de Joliette.
M. Chevrette: Je vous remercie.
Tout d'abord, je voudrais revenir sur une réponse que vous avez
donnée à Mme la ministre: 90 % d'augmentation des tarifs, dans
votre cas, la modification tarifaire. Est-ce que j'ai bien compris?
M. Rouleau: non, ce n'est pas 90 % d'augmentation. la
réforme tarifaire va nous augmenter de 1 000 000 $ par année,
donc quelque 3 %. juste la réforme tarifaire, sans augmentation de
tarifs.
M. Chevrette: O.K.
M. Gariépy (Michel): pour un facteur d'utilisation de 90
%.
M. Chevrette: Le 1 000 000 $ est dû au changement de
modalités de tarification...
M. Rouleau: Exactement.
M. Chevrette: ...mais sans augmentation de tarifs.
M. Lefebvre (Michel): Sans augmentation de tarifs.
M. Chevrette: Ça veut dire que vos quelque 2 %
d'augmentation de tarifs vous donnent une augmentation de quoi? De 2 000 000$,
2 200 000$, 2 300 000$, chez vous?
M. Rouleau: Ordre de grandeur.
M. Chevrette: O.K. C'est parce que j'avais mal saisi la
réponse. Vous ne parlez pas de cogénération, dans votre
texte. C'est délibéré?
M. Lefebvre (Michel): Ce n'est pas délibéré.
En fait, on est fondamentalement d'accord avec le principe de
cogénération. D'ailleurs, dans l'une de nos usines, on a
présentement un projet de cogénération en marche. À
notre point de vue, là où les conditions économiques le
permettent, on est en faveur de la cogénération parce que c'est
efficace, c'est économiquement rentable. Puis, jusqu'à un certain
point, on s'interroge sur la réticence et les hésitations
qu'Hydro-Québec peut avoir à permettre un plus grand nombre
d'usines de cogénération là où les circonstances le
permettent.
M. Chevrette: Parlant de réticences d'Hydro, il y a des
gens qui font circuler qu'Hydro-Québec est la principale cause du
non-aboutissement d'entente dans les projets de cogénération.
Vous en faites vous-même une allusion. Qu'est-ce qui se passe pour que
ça ne marche pas? C'est délibéré
qu'Hydro-Québec ou si c'est... Parce que Hydro-Québec ne veut pas
aller vers ce type d'énergie complémentaire additionnelle? C'est
quoi?
M. Lefebvre (Michel): Non, sur ce, je ne saurais pas commenter.
Ce n'est pas notre opinion présentement. En fait, ce que je dis, c'est
notoire, c'a été publié qu'Hydro-Québec avait
alloué tant de kilowatts ou de mégawatts pour les projets de
cogénération. Quand je dis qu'Hydro-Québec a de
l'hésitation, c'est que, candidement, je me demande: Si c'est bon,
pourquoi en prendre seulement tant de mégawatts? Si c'est bon pour plus
de mégawatts, aussi bien y aller. Mais je sais qu'il y a
différents autres facteurs à considérer également,
et, ce qui peut, dans les circonstances immédiates, paraître un
projet viable, fort possiblement ne sera peut-être pas viable dans
quelques années au moment où les taux de l'énergie ou les
taux du gaz ou ainsi de suite pourront avoir changé.
M. Chevrette: Mais vous dites, vous affirmez dans votre
mémoire je ne me souviens pas à quelle page
qu'Hydro-Québec augmente ses tarifs à un rythme effarant, ou, en
tout cas, ce n'est peut-être pas le mot «effarant» que vous
utilisez, mais à un rythme très accéléré, en
tout cas. Comment pouvez-vous affirmer une telle chose, quand on se compare
à d'autres pays producteurs ou provinces productrices?
M. Lefebvre (Michel): Bien, d'abord, je n'ai pas
réminiscence que, dans notre texte, on se soit plaint...
M. Chevrette: Ah! je vais vous le trouver.
M. Lefebvre (Michel): ...qu'Hydro-Québec augmente ses
tarifs à des taux effarants.
M. Chevrette: Non, c'est «constante». «La
hausse constante page 5 des coûts de l'énergie
électrique...
M. Lefebvre (Michel): Oui.
M. Chevrette: ...risque de briser ce fragile
équilibre.» Bien, constant, vous trouvez ça constant, vous?
Je ne sais pas, moi, il y en a qui disent que c'est le contraire, on devrait
l'augmenter à 6 % ou à 7 % pour freiner vos appétits, et
là ils annoncent l'inflation plus quelques poussières. Je vous
dis ça parce que c'est tellement contradictoire, les positions dans
ça. Vous autres, vous parlez de hausses constantes, soutenues, qui nous
mènent à des situations aberrantes, non concurrentielles, etc. Il
y en a d'autres qui disent: Si vous voulez économiser l'énergie,
arrangez-vous donc pour mettre un tarif dissuasif. Je vous demande votre
opinion. Quand vous dites: Hausse constante, considérez-vous
qu'Hydro-Québec, au cours des quatre ou cinq dernières
années, a eu un appétit gargantuesque?
M. Lefebvre (Michel): On ne dit pas, dans notre mémoire,
qu'Hydro-Québec a eu un appétit gargantuesque. On fait simplement
citer les faits que la hausse a été constante. Puis ça,
c'est important par rapport au secteur dans lequel on opère.
Si je prends, par exemple, le prix de l'or, c'est le contraire. Depuis
quelques années, le prix de l'or a eu une baisse constante. Le prix du
zinc...
M. Chevrette: Importante?
M. Lefebvre (Michel): Oui. Le prix du zinc a connu une hausse au
cours de la dernière année et demie, mais, depuis ce
temps-là, il est revenu à des taux qui existaient il y a trois ou
quatre ans. Même chose pour le cuivre. Et ça, c'est notre domaine
à nous autres, dans les métaux. Pour les matériaux de
construction et le bois, je pense que je ne suis pas qualifié pour faire
des commentaires là-dessus, mais je pense que c'est de
notoriété publique que l'industrie du bois n'est pas en bonne
santé économique. Par contre, les coûts de l'énergie
électrique ont augmenté régulièrement à
chaque année depuis de nombreuses années.
M. Chevrette: Maintenant, au niveau de l'économie
d'énergie, est-ce que vous considérez qu'Hydro-Québec a
pris les bons moyens pour atteindre ses objectifs?
M. Lefebvre (Michel): Oui. Hydro-Québec prend des bons
moyens...
M. Chevrette: Après ça, on ira chez vous, dans
votre propre secteur. (21 h 30)
M. Lefebvre (Michel): Dans notre propre secteur, oui,
Hydro-Québec prend des bons moyens. Tout ce que l'on dit dans notre
mémoire, comme j'ai répondu à Mme la ministre, tout
à l'heure, ce qui nous inquiète jusqu'à un certain point
c'est l'engouement qu'on met sur les programmes de conservation ou
d'économies d'énergie, puis spécialement le lien que l'on
fait entre le fait que ces programmes-là sont créateurs
d'emplois. Quand on lit les documents d'Hydro-Québec, on se demande:
Est-ce que c'est le facteur création d'emplois qui est le facteur
prépondérant ou si c'est le facteur conservation d'énergie
qui est le facteur prépondérant? Puis, ayant eu à
effectuer dans nos usines des coupures de personnel et connaissant les
problèmes que cela comporte, on souligne la tentation qui va être
forte d'utiliser ces programmes d'économies d'énergie, qui sont,
en passant, supposément créateurs d'emplois, comme palliatif
pour... À ce moment-là, c'est qu'on fait simplement tourner en
rond, on désengage à un endroit, mais on engage à l'autre.
C'est tout le phénomène qu'on mentionne là-dedans.
M. Chevrette: Mais vous voulez qu'Hydro-Québec devienne,
à toutes fins pratiques, si j'ai bien compris votre mémoire,
à quelques nuances de synonymes près, un simple producteur
d'électricité, que toutes les orientations de la politique
énergétique relèvent du gouvernement directement. Je ne me
trompe pas en interprétant ça?
M. Lefebvre (Michel): Non. Ce qu'on dit, ce n'est pas la
politique énergétique, c'est la politique de développement
industriel, de développement régional. C'est peut-être
simplement l'interprétation qu'on en fait, mais, quand on lit les
documents d'Hydro-Québec, on a l'impression qu'Hydro-Québec prend
sur elle la responsabilité de faire le développement
économique et industriel du Québec. À notre point de vue,
cette mission-là, c'est la mission du gouvernement du Québec.
M. Chevrette: M. Lefebvre, êtes-vous bien sérieux
quand vous me dites ça?
M. Lefebvre (Michel): Hydro-Québec peut être
l'outil, mais pas le décideur.
Le Président (M. Audet): Vous aurez l'occasion de...
M. Chevrette: Une dernière question: Est-ce que vous
êtes bien sérieux quand vous dites ça?
M. Lefebvre (Michel): Oui, très sérieux. Le
Président (M. Audet): Merci.
M. Chevrette: Je reviendrai dans mes cinq minutes pour vous
démontrer que ce n'est pas Hydro-Québec.
Le Président (M. Audet): Je vais maintenant
reconnaître M. le député de l'Acadie.
M. Bordeleau: Merci, M. le Président.
Au niveau des coûts de fourniture, la formule
d'Hydro-Québec ne tient pas compte actuellement des causes
d'augmentation comme telle de la consommation.
Alors, au cours des prochaines décennies ce seront probablement,
au fond, les clients industriels et commerciaux qui seront les premiers
responsables de la croissance, alors qu'au niveau de la catégorie
résidentielle la progression serait relativement beaucoup plus lente.
Aussi, comme l'addition prévue des équipements, pour satisfaire
les nouveaux besoins, se fera probablement à des coûts de plus en
plus élevés avec le temps, ces coûts-là devront
être supportés par l'ensemble des consommateurs.
Alors, la question que je veux vous poser, c'est: Est-ce que le Groupe
Noranda considère qu'afin d'imputer équitablement les
différents types de coûts à chacune des catégories
tarifaires, on devrait idéalement tenir compte du client qui est
responsable de l'ajout de la capacité?
M. Lefebvre (Michel): Oui, en fait, ce qu'on dit, dans notre
mémoire, c'est qu'on doit essayer de répartir les coûts
aussi équitablement que possible entre les divers clients. Maintenant,
le problème en tout cas la perception que j'en ai auquel
Hydro-Québec fait face, c'est que, de façon à pouvoir
répondre à une pointe qui dure quelques heures ou quelques
semaines par année, Hydro-Québec doit avoir sur place un parc
d'équipement pour répondre à cette charge-là qui,
pendant le reste de l'année, demeure inactif ou n'est pas utile. Si la
demande croît constamment pendant l'année, je pense que c'est une
charge normale, puis ça exige ou ça peut exiger l'addition
d'équipements additionnels, mais ce coût-là est
réparti sur toute l'année, pas seulement sur une période
de quelques semaines ou de quelques mois.
M. Bordeleau: La question que je vous posais est à savoir
si ces coûts additionnels devraient être orientés surtout
vers les clients qui sont à la cause de cette augmentation de demande
et, dans ce sens-là, le secteur industriel et commercial.
M. Lefebvre (Michel): Oui, mais ce que je vous dis, c'est qu'il y
a une répartition. Actuellement, HydroQuébec a des
équipements pour répondre à une charge x, je ne pourrais
pas vous dire en chiffres, mais une charge x. Le problème, c'est que
cette charge-là est ponctuelle simplement à une période de
l'année. Si on réussissait à équilibrer cette
charge-là sur toute l'année, on pourrait permettre de
l'utilisation commerciale sans avoir à ajouter des équipements de
production.
M. Bordeleau: À la page 5 de votre mémoire, au bas
de la page, vous vous dites d'accord avec l'orientation du plan
d'Hydro-Québec de diminuer significative-ment Pinterfinancement entre
les marchés et d'imputer aussi de façon équitable les
différents types de coûts, comme on a mentionné tout
à l'heure, aux différentes catégories tarifaires.
Toutefois, vous considérez que les méthodes de calcul du
coût moyen des fournitures soulèvent des controverses,
particulièrement au niveau de la production et du transport. Vous
recommandez même qu'on revoie complètement cette méthode de
calcul. Est-ce qu'on doit comprendre que vous avez déjà
discuté de la méthode de calcul avec Hydro-Québec et que
le Groupe Noranda est en désaccord, au fond, avec la
société d'État à ce sujet-là? Si oui, est-ce
que vous pourriez expliquer quelle est exactement la nature du
différend?
M. Lefebvre (Michel): Non. En fait, comme société,
on n'a pas discuté à fond et officiellement, si vous voulez, de
ces problèmes-là avec Hydro-Québec. Mais, dans le cadre
des différentes associations, il existe une divergence de points de vue
sur quoi appartient à qui dans la distribution des coûts.
Maintenant, il faut bien comprendre que, dans une organisation et dans un
réseau aussi compliqués que celui d'Hydro-Québec, vous
pouvez discuter longtemps entre personnes qualifiées pour savoir quoi
appartient à qui.
Mais, quand on regarde les tableaux, spécialement le tableau
qu'on a produit à la page 7, je pense, de notre mémoire, on voit
très bien, par exemple, qu'au niveau de la répartition et de la
distribution et au niveau des coûts d'abonnement et spécifiques
Hydro-Québec tient compte très clairement que ses clients de
grande puissance lui occasionnent moins de dépenses que ses clients
domestiques. Là où on suppose des problèmes, c'est au
niveau de la production et de la transmission. On trouve que l'écart
entre les clients domestiques et les clients de grande puissance est
relativement faible, compte tenu de ce facteur de pointe.
Le Président (M. Audet): Merci. Je vais maintenant
reconnaître M. le député de Joliette.
M. Chevrette: Sur les coûts de fourniture, je vais sans
doute avoir l'occasion de demander à Hydro-Québec d'expliquer sa
méthode, parce qu'elle est contestée, surtout par les grandes
compagnies. Vous n'avez pas obtenu la création d'un comité pour
étudier ça, quelque chose du genre, dernièrement?
M. Leclerc (Denis): Création de quoi?
Une voix: D'un comité.
M. Chevrette: Des coûts de fourniture.
M. Gariépy: En fonction de...
M. Chevrette: Pardon?
M. Gariépy: II y a juste un comité qui a
été formé récemment sur la tarification
saisonnière avec Hydro-Québec.
M. Chevrette: Mais, sur les coûts de fourniture, votre
contestation n'a pas abouti avec la création d'un comité?
Non?
M. Gariépy: Sûrement que ça va se discuter
aussi
avec la tarification saisonnière, mais pas spécifiquement
sur les coûts de fourniture.
M. Chevrette: En tout cas, on profitera sans doute de la semaine
prochaine pour leur faire expliquer leur méthodologie parce que... Ce
qui me frappe, cependant, c'est que c'est contesté exclusivement par les
compagnies d'envergure.
L'autre question que j'ai à poser... Vous avez affirmé,
avant que je ne sois arrêté par mon cher président,
qu'Hydro-Québec était en train de se rendre responsable du
développement industriel et du développement régional. Je
ne pense pas que ce soit Hydro-Québec qui décide tellement cela.
Les orientations sont quand même prises par le gouvernement. Prenez la
tarification dans les alumineries. Allez-vous me faire accroire que ça
n'a pas été imposé par le gouvernement à
Hydro-Québec? Allez-vous me faire accroire que le gouvernement
n'influence pas les fonds de développement de valorisation
environnementale et le fonds de développement régional quand
Hydro-Québec a un projet dans une région? Dans les faits, est-ce
que vous ne croyez pas que c'est plutôt le paravent gouvernemental? (21 h
40)
M. Lefebvre (Michel): Non. Simplement, ce que je vous dis, M.
Chevrette, c'est qu'en lisant les documents d'Hydro-Québec on a
nettement l'impression qu'Hydro-Québec prend sur elle la mission de
développer et dit qu'elle a bloqué telle quantité
d'énergie pour tel type d'industries qui ont ci et ça, et ainsi
de suite. À la lecture de ce texte-là, en tout cas,
personnellement, moi, j'ai compris qu'Hydro-Québec se donne la mission
de gérer le développement économique du Québec.
M. Chevrette: Sans vouloir défendre HydroQuébec, M.
Lefebvre, moi, je vous dirai qu'au contraire c'est Hydro... Rappelez-vous les
grands appétits, par exemple, de développement de 13 500 MW qui
ont été réduits par Hydro-Québec à 3500 MW
et, après ça, les 13 contrats secrets signés par le
gouvernement, HydroQuébec et les alumineries. Hydro-Québec a
décrété un moratoire à la suite de ça. Et
Hydro-Québec dit: Bien oui, il y a des phases II de signées. Il y
a une phase II à Lauralco, il y a une phase II à Alouette, mais
on ne doit plus s'aventurer sur ce genre de contrats là. Moi, je suis
convaincu qu'Hydro-Québec a beaucoup de force, mais je suis
persuadé que tout cela est l'influence gouvernementale, je suis
convaincu de ça. Puis, on essaiera de me prouver le contraire et je ne
les croirai jamais. Vous avez le droit de les croire. Mais, dans la
façon dont c'est écrit, vous avez raison peut-être de
penser que c'est eux autres.
Mme Bacon: ... M. le Président, le moratoire...
M. Chevrette: Ah! on entreprend un débat pour la
première fois, M. le Président. Parfait, je suis prêt.
Mme Bacon: ...n'a pas été
décrété ce ne sera pas long par
Hydro-Québec. Il a été décrété par le
gouvernement.
M. Chevrette: Mais je pourrai répliquer, par exemple, si
vous lui permettez, je vous le dis tout de suite.
Le Président (M. Audet): Allez-y brièvement.
M. Chevrette: Pardon?
Le Président (M. Audet): Allez-y brièvement.
M. Chevrette: II faudrait que je la réentende calmement.
Il ne faudrait pas qu'elle se fâche et qu'elle me dise ça
enragée. Il faudrait qu'elle me dise ça calmement et je vais y
répondre.
Mme Bacon: C'était calmement.
Le Président (M. Audet): Bon. O.K. Je vais
reconnaître M. le député de Labelle. Vous avez la parole.
Il vous reste à peu près deux minutes.
M. Léonard: Merci, M. le Président.
M. Lefebvre, vous dites, à la page 16, qu'Hydro-Québec
devrait s'en tenir à sa mission première ou sa mission qui est de
fournir de l'électricité au Québec, aux meilleures
conditions, etc. J'apprends, par ailleurs, que la James McClaren veut se
lancer, elle, dans la production de l'électricité. Alors,
pourquoi elle ne reste pas dans la production de papier, de papier journal et
qu'elle veut faire de la production de l'électricité? Quels sont
ses avantages et quel est son intérêt de faire de la production
électrique?
M. Lefebvre (Michel): En fait, je ne pourrais pas répondre
au nom de McClaren.
M. Léonard: C'est une compagnie de votre groupe, quand
même.
M. Lefebvre (Michel): Oui, mais je n'ai pas toute la
documentation pertinente à McClaren. La seule chose que je peux vous
dire, c'est que McClaren ne veut pas se lancer dans la production de
l'électricité. McClaren est déjà dans la production
de l'électricité pour ses usines. Elle veut simplement
accroître sa production de façon à fournir à sa
demande.
M. Léonard: Oui, je sais ça, je sais ça.
Mais, au fond, elle est en train d'harnacher à peu près les
dernières rivières qui ne l'étaient pas pour
elle-même s'approprier la production électrique. Effectivement, je
savais très bien qu'elle en avait déjà une. Mais,
maintenant, on fait des barrages partout. On veut finir de harnacher toutes les
rivières du coin. Je me demande ce que fait la McClaren
là-dedans. Elle améliore sensiblement sa position de productrice
d'électricité, mais, au fond, c'est une fonction qui
relève normalement d'Hydro-Québec.
M. Lefebvre (Michel): Je ne saurais pas commenter sur ça,
non.
Le Président (M. Audet): Merci. M. le député
de Drummond.
M. St-Roch: Merci, M. le Président.
M. Lefebvre, si vous aviez à décrire ce soir... Vous avez
regardé le plan de développement d'Hydro-Québec. Vous avez
un aperçu au niveau de la tarification. Vous nous avez lancé un
signal d'alarme dû à un million potentiel, Horizon 1995. En
connaissance de tout ça, où est-ce que vous placez votre
organisation mais je vais peut-être déborder un peu plus
l'industrie minière québécoise avec cette nouvelle
orientation sur un horizon de globalisation des marchés et de
concurrence mondiale? Est-ce qu'on s'en vient près de la limite
où est-ce qu'on sera plus concurrentiel, ou est-ce qu'il reste une marge
de manoeuvre? Comment est-ce que vous interprétez ça dans un
contexte global de mondialisation des marchés?
M. Lefebvre (Michel): Dans un contexte de mondialisation des
marchés, comme on le dit dans notre mémoire, le Québec a
certains avantages, entre autres la modicité relative des coûts de
l'électricité et les qualifications techniques de son personnel.
Par contre, par rapport aux autres sociétés, évidemment,
nos hautes échelles salariales, entre autres, nos programmes sociaux
élaborés, etc., ce sont tous des facteurs qui, comparés
aux autres compétiteurs mondiaux, nous placent en arrière, nous
placent en recul. Quant à nos réserves de minerai comme telles,
c'est sûr que des régions comme l'Abitibi ont encore un potentiel,
mais, encore là, de toute évidence, le potentiel qui demeure est
un potentiel qui est en profondeur, donc qui va exiger des dépenses
importantes pour aller le cueillir.
Alors, tout le signal d'alarme qu'on donne dans ça, c'est qu'au
Québec on a un avantage sur plusieurs autres, c'est le fait d'avoir de
l'énergie hydroélectrique à des coûts modiques.
Bien, on dit: II ne faudrait pas perdre cet avantage-là parce qu'il ne
nous reste plus beaucoup d'atouts dans notre main.
M. St-Roch: À une question de Mme la ministre, j'ai cru
dénoter une forte préoccupation en vertu de l'efficacité
énergétique, à savoir que vous aviez une crainte
qu'Hydro-Québec voulait faire de la rationalisation, voulait
améliorer son efficacité, mais en vous imposant à vous,
les consommateurs de haute énergie, à vos usines en particulier,
certains changements que vous n'êtes pas prêts à effectuer
parce que les équipements datent de quelques années. Alors, si
Hydro va trop de l'avant, vous ne serez pas capables de vous adjoindre, de
maintenir probablement votre efficacité. Vous avez semblé avoir
des craintes.
Ma question est celle-ci: Est-ce qu'il y a des discussions ou des plans
d'action qui se font avec Hydro, lorsqu'elle veut faire des changements
majeurs, qui vous permettent de planifier dans le temps et d'avoir de meilleurs
horizons pour rentabiliser vos changements? Est-ce que ça se fait en
collaboration avec Hydro, ça, ou si vous recevez une modification de
changement et que vous êtes obligés de vous rendre conformes
à partir d'un échéancier qui est précis?
M. Lefebvre (Michel): Non. Généralement, ça
se fait à la suite de discussions et à la suite d'échanges
de part et d'autre.
M. St-Roch: Alors, vous n'avez pas de crainte de vous faire
imposer des nouvelles modifications dans le futur, rapidement?
M. Lefebvre (Michel): On n'a pas de crainte, seulement que c'est
fort possible, en fait. Définitivement, tout le message qui est dans le
plan d'HydroQuébec, c'est de l'amélioration technique, de
l'économie d'énergie, et ainsi de suite. C'est le point
fondamental. Alors, on imagine que c'est possible qu'à un certain moment
donné on veuille prendre les bouchées doubles dans certains
domaines. On fait simplement soulever l'appréhension que c'est
raisonnable de vouloir, pour Hydro, améliorer sa propre
efficacité, mais il faut aussi penser aux clients qui devront s'adapter
à ça et eux aussi ont peut-être d'autres priorités
qu'ils doivent rencontrer en même temps.
M. St-Roch: Alors, vous seriez d'accord avec la même
politique dans d'autres secteurs, demander que les économies qui peuvent
être réalisées par Hydro, il faudrait qu'il y ait, autant
chez Hydro que chez vous, un retour sur deux ans.
M. Lefebvre (Michel): C'est ce qu'on dit, oui. M. St-Roch:
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Audet): Merci.
Alors, messieurs de Noranda, au nom des membres de la commission, je
vous remercie de votre présentation.
Ça met fin à nos travaux pour cette journée. Alors,
j'ajourne nos travaux jusqu'à demain matin, 10 heures.
(Fin de la séance à 21 h 49)