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(Neuf heures deux minutes)
Le Président (M. Camden): Je déclare la commission
de l'économie et du travail ouverte.
Je rappelle que le mandat de la commission est de procéder
à une consultation générale sur la proposition du plan de
développement 1993-1995 d'Hydro-Québec.
M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M.
Bélanger (Laval-des-Rapides) par M. Camden (Lotbinière); M.
Charbonneau (Saint-Jean) par M. Kehoe (Chapleau); M. Farrah
(Îles-de-la-Madeleine) par M. Philibert (Trois-Rivières); et M.
Parent (Sauvé) par M. Fradet (Vimont).
Le Président (M. Camden): Je vous remercie.
Alors, nous accueillons ce matin le Conseil québécois de
l'Association des manufacturiers d'équipement électrique et
électronique du Canada. Je pense que nous avons M. Bourque, M. Normand
Bourque, président.
M. Gauthier (Pierre): Non, M. Bourque étant absent, il est
remplacé par moi-même, M. Pierre Gauthier, membre du conseil
exécutif.
Le Président (M. Camden): M. Gauthier, vous êtes
accompagné de qui? Si vous voulez nous présenter la personne qui
vous accompagne.
M. Gauthier: M. Guy Beaulieu, aussi membre du conseil
exécutif.
Le Président (M. Camden): Très bien. Alors, MM.
Gauthier et Beaulieu, nous vous souhaitons la bienvenue ce matin. Il nous fait
plaisir de vous accueillir, et je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour
présenter l'exposé de votre mémoire, et suivra
également une période d'échanges de 40 minutes,
partagée équitablement entre les membres de l'aile
ministérielle et ceux de l'Opposition. Et également,
évidemment, nous saluons le dépujé indépendant de
Drummond. Nous nous en excusons. ,
Alors, MM. Gauthier et Beaulieu, vous pouvez débuter votre
présentation. S'il vous plaît, messieurs, nous sommes prêts
à commencer. Ça s'adresse à tout le monde. Alors, s'il
vous plaît!
Conseil québécois de l'Association des
manufacturiers d'équipement électrique et électronique du
Canada (AMEEEC)
M. Gauthier: Bonjour, Mme la ministre, MM. les
députés.
L'Association des manufacturiers d'équipement électrique
et électronique du Canada, que je vais nommer l'AMEEEC comme
étant un désignatif plus simple, est une importante association
industrielle regroupant plus de 220 grandes, moyennes et petites entreprises
canadiennes qui fabriquent de l'équipement, des pièces et des
systèmes électriques et électroniques. Elle est le
porte-parole pour ce secteur pour le Canada. Les membres de l'AMEEEC
approvisionnent un marché national dont la valeur dépasse 19 000
000 000 $. Nos exportations s'élèvent à à peu
près 5 000 000 000 $. Plus de 155 000 personnes travaillent directement
dans ce secteur au Canada, ce qui représente une masse salariale
d'environ 4 000 000 000 $ par année.
En tant que représentant des principaux manufacturiers
d'équipement électrique et électronique du Québec,
le Conseil tient à profiter de l'occasion qui lui est offerte dans le
cadre de la commission parlementaire de l'économie et du travail pour
présenter sa position face au plan de développement
d'Hydro-Québec. D'entrée en jeu, le Conseil
québécois de l'AMEEEC tient à souligner toute son
appréciation du processus suivi par Hydro-Québec pour la
préparation de son plan de développement. La consultation
lancée par l'entreprise l'an dernier, quoique perfectible à bien
des égards, a permis néanmoins la mise en commun d'informations
de grande qualité et des échanges constructifs sur les divers
aspects de l'activité d'Hydro-Québec.
Le plan qui nous est soumis contient 32 orientations qui n'ont
évidemment pas toutes la même valeur. Certaines sont sans
conséquence pour notre industrie, mais d'autres la menacent ou
compromettent notre développement. Le plus regrettable, à notre
avis, c'est que très peu de ces orientations trois ou quatre, en
fait, au maximum visent le développement industriel et
économique du Québec, comme si Hydro-Québec tentait
d'évacuer cet important aspect de sa raison d'être au profit des
considérations peut-être trop audibles de groupes environnementaux
ou de celles pourtant très nécessaires de l'amélioration
du service.
Quant à nous, nous avons fait porter notre analyse du plan de
développement d'Hydro-Québec sur cirfq grandes questions qui nous
apparaissent indissociables du double rôle d'Hydro-Québec comme
entreprise de service public et comme locomotive du développement
économique du Québec. Ces cinq grandes questions sont: Faut-il,
comme société, continuer à privilégier
l'hydroélectricité comme source d'approvisionnement
électrique? Il y aura bientôt 30 ans que le Québec a
nationalisé les entreprises hydroélectriques; la mission, les
objectifs, le mode de gestion et le financement d'Hydro-Québec sont-ils
toujours appropriés? Hydro-Québec
et l'industrie de l'électricité, est-ce que le mariage est
toujours heureux? La tarification d'Hydro-Québec, pourquoi n'est-elle
plus aussi avantageuse? Finalement, le plan de développement est-il
à la hauteur des défis que le Québec doit relever dans la
nouvelle architecture économique mondiale?
Pour adresser la première question, Hydro-Québec source
privilégiée d'approvisionnement énergétique... Il y
a maintenant 30 ans, le développement de
l'hydroélectricité comme source d'approvisionnement
énergétique a été un choix de
société, parce que le Québec dispose de vastes
étendues d'eau mais aussi parce qu'il s'agissait d'une ressource
primaire, bon marché, renouvelable, lui assurant une indépendance
indiscutable. Avec le temps et la prise de conscience face à la
préservation de l'environnement et aux conséquences des sources
alternatives d'énergie, l'hydroélectricité s'est
révélée la moins polluante et celle dont les effets sur la
santé publique sont les moins contraignants.
Au cours des années, l'exploitation de cette ressource a
assuré au Québec une sécurité d'approvisionnement
et une indépendance précieuse qui, encore aujourd'hui et pour
l'avenir prévisible, lui confèrent un avantage incontesté.
Elle a permis et permet toujours au Québec de développer un
savoir-faire unique et exportable, de s'approprier des technologies de pointe,
de soutenir le développement dans les secteurs industriels de grande
importance. À notre avis, il est non seulement dans
l'intérêt du Québec de confirmer le choix de
l'hydroélectricité comme source principale d'approvisionnement
énergétique mais il est du devoir du gouvernement de s'assurer
que ce choix s'exécute dans des conditions optimales qui
protègent l'avantage comparatif unique que confère cette
ressource à notre société.
Il est de l'avis du Conseil québécois que nous appuyons
sans équivoque le choix d'Hydro-Québec de privilégier la
filière hydroélectrique comme filière principale de
production, telle que désignée dans son orientation 19.
Pour ce qui est de la deuxième question, à savoir: La
mission d'Hydro-Québec est-elle toujours, dans le contexte
énergétique et économique actuel, valable? Depuis 1980,
les données du contexte énergétique mondial ont
radicalement changé. Le pétrole, le gaz imposent une nouvelle
concurrence basée en grande partie sur les forces du marché. Les
prix des énergies d'origine fossile ont diminué ou se sont
maintenus. On voit régulièrement apparaître maintenant des
projets privés d'alimentation ou d'usines de
cogénération.
De la même façon, l'évolution du contexte
économique mondial modifie en profondeur les règles du jeu, tant
pour les entreprises que pour les pays qui doivent rapidement et à grand
prix adapter leurs façons aux nouvelles exigences de la concurrence. Ce
sont de moins en moins les nécessités politiques locales qui
dictent les orientations des gouvernements, mais les impératifs de la
compétitivité qui impriment les choix et les directions.
La nouvelle mission que s'est donnée HydroQuébec en 1991,
et je la cite ici: «D'ici l'an 2000,
Hydro-Québec veut être reconnue par ses clients comme la
meilleure entreprise d'électricité au Canada pour la
qualité de ses services. Elle veut également que les
Québécois la reconnaissent comme un partenaire majeur dans le
développement durable du Québec. Pour atteindre ces objectifs,
elle mettra en valeur le savoir-faire de ses employés et la ressource
hydroélectrique.» (9 h 10)
Ceci répond partiellement à cette nouvelle organisation
mondiale. Elle ne fait cependant aucune référence au coût
des services donnés. Or, dans cette guerre économique mondiale,
chaque pays, chaque entreprise doit jouer ses atouts avec discernement,
assurance et vigueur. Notre atout à nous, c'est
l'hydroélectricité, et il ne faut pas sous-estimer son importance
dans la réussite du Québec. Avec Hydro-Québec, la
société peut compter sur un atout maître qu'il faut,
à notre avis, exploiter à l'avantage du Québec. Ce levier
de développement économique tout à fait unique doit
continuer de servir au premier chef la collectivité, parce que sa
matière première est partie constituante de l'héritage
collectif.
La privatisation partielle ou totale d'Hydro-Québec, qui suscite
depuis quelque temps des commentaires plutôt favorables dans divers
milieux, nous apparaît aussi offrir d'intéressantes
possibilités, notamment parce que cela mettrait un frein à
l'ingérence gouvernementale et favoriserait une gestion beaucoup plus
serrée. Par contre et il y a toujours des risques dans une
Hydro-Québec privatisée, même réglementée, la
tentation serait grande d'abandonner la mission de développement
économique du Québec pour centrer uniquement l'activité
sur la rentabilité à court terme de l'investissement. Donc, les
membres de l'AMEEEC, ici, sont partagés sur une privatisation partielle
ou totale, jugeant qu'il y a des avantages mais qu'il y a aussi des risques qui
s'associent avec un tel objectif.
Malgré les problèmes qu'elle connaît depuis quelques
années, Hydro-Québec porte, pour beaucoup, la réputation
du Québec à l'étranger. Sa valeur dépend non
seulement de son rendement mais aussi de sa qualité qui, bien que
difficile à définir, n'en demeure pas moins facile à
reconnaître. Toutes nos entreprises bénéficient des
avantages de cette appréciation, plus encore si elles sont fournisseurs
de la société d'État. À cet égard,
Hydro-Québec nous est apparue bien mal préparée au plan
des relations publiques pour contrer l'action vindicative des autochtones au
regard de ses projets de développement. Nous encourageons
Hydro-Québec à entreprendre un virage majeur pour tenter de
retrouver la même qualité de perception et d'acceptation positive
de ses différents publics, où qu'ils se trouvent.
Le plan de communication doit prévoir une planification plus
serrée des différentes interventions, de sorte que l'action
prendra de plus en plus la place de la réaction. On aimerait
qu'Hydro-Québec soit plus proactive à ce niveau-là afin de
défendre ses intérêts et aussi, évidemment, ceux
qu'elle supporte, ceux de ses fournisseurs.
En clair, notre attachement à Hydro-Québec repose sur les
convictions suivantes. La première: la
ressource hydraulique offre des avantages inégalés, tant
au plan de sa permanence et de son abondance qu'au plan de ses impacts
environnementaux, sociaux et économiques. La production
d'hydroélectricité et les activités qui s'y rattachent
permettent au Québec de maîtriser une technologie de pointe et de
soutenir une activité locale de fabrication et de services de grande
importance et d'augmenter, évidemment, la richesse collective.
Troisièmement, une entreprise, même encadrée par
l'État, si elle est responsable et soumise aux contraintes de la
concurrence, peut réussir, à certaines conditions, à
réconcilier les objectifs non pas divergents mais complémentaires
d'efficacité et de développement économique.
Il est de l'avis du Conseil québécois de l'AMEEEC de
confirmer son attachement à la mission originale d'Hydro-Québec,
tout en souhaitant que l'ingérence gouvernementale s'atténue
considérablement pour que l'entreprise s'inspire de principes directeurs
beaucoup plus en harmonie avec les exigences du nouveau contexte mondial.
En ce qui concerne la troisième question, HydroQuébec est
notre industrie, l'industrie de l'électricité.
Hydro-Québec a déployé des efforts considérables au
cours des dernières années pour se rapprocher de ses
fournisseurs. Elle a convenu avec nombre d'entre eux des ententes de
développement et des alliances de diverses natures. L'industrie que nous
représentons souhaite ardemment être au fait des exigences
d'Hydro-Québec afin de fournir des produits à coût
avantageux et d'une qualité constante. L'industrie souhaite un
véritable partenariat durable et englobant qui favorise, entre autres,
la standardisation des spécifications et la définition de
nouvelles normes en fonction de coûts de conception et de
réalisation réalistes.
Le document passe rapidement sur le rôle que doit jouer
Hydro-Québec en matière de développement industriel. Bien
sûr, le plan indique que l'entreprise continuera de soutenir ses
fournisseurs québécois, mais elle ne précise pas de quelle
façon elle exercera ce soutien. Depuis quelques années, le
Défi performance, par contre, d'Hydro-Québec, a
démontré un intérêt qui nous indique une bonne voie
à suivre, que toutes les industries utilisent actuellement. Nous
espérons que, par les restructurations actuelles, ces
activités-là ou les problèmes encourus pourront se
régler. Hydro-Québec est au centre d'une importante grappe
industrielle et elle doit s'engager sans équivoque à poursuivre
ses efforts pour simplifier ses pratiques commerciales afin de permettre aux
autres composantes, de la grappe de tirer profit de leurs relations avec leur
imposant partenaire.
Nous accueillons avec intérêt l'objectif
d'Hydro-Québec d'augmenter à l'horizon de l'an 2000 son
pourcentage de recherche et développement. Nous aimerions que cela se
fasse plus rapidement, pour stimuler l'économie et pour ne pas perdre
les acquis. Nous espérons qu'Hydro-Québec associera davantage
l'industrie à ses travaux, car c'est en encourageant et en appuyant
l'innovation dans toutes les activités que la société
contribuera à mieux faire connaître et à mettre en
application la technologie et le savoir-faire des entreprises locales.
Le plan identifie trois secteurs de développement pour
Hydro-Québec: les électrotechnologies, les industries à
forte consommation et les exportations. Le Conseil trouve timorée
l'approche retenue en ce qu'elle ne prévoit pas la recherche de nouveaux
marchés, surtout continentaux, mais se contente de marchés
existants et connus. Nous aurions aimé qu'elle déclare sans
ambages qu'elle base sa croissance sur l'imagination et l'innovation et sur
l'exploitation des incomparables propriétés de
l'hydroélectricité.
Le Conseil québécois de l'AMEEEC considère
important qu'Hydro-Québec intensifie le dialogue avec ses fournisseurs
pour augmenter l'efficacité et la rentabilité de leurs relations
d'affaires. Il aimerait qu'un plan d'action soit élaboré à
cet égard, et qu'Hydro-Québec s'engage dans un partenariat
beaucoup plus soutenu et englobant avec les entreprises du milieu.
La quatrième question, la tarification d'Hydro-Québec.
L'objectif fondamental d'Hydro-Québec consiste à fournir
l'électricité au moindre coût. Sans sous-estimer les
efforts déployés au cours de ces dernières années
pour contenir les coûts, il faut se rendre à l'évidence que
le produit n'est plus aussi bon marché et, malheureusement, nous ne
croyons pas que les propositions du plan seront suffisantes pour
rétablir l'avantage du Québec à cet égard. Les
modifications récentes du contexte énergétique ont
bouleversé les paramètres de sorte que, par exemple, la
cogénération apporte aux industries américaines l'avantage
comparatif dont elles avaient besoin en réduisant de manière
extrêmement importante leurs coûts d'exploitation. Les tarifs
d'électricité industriels ont augmenté
considérablement au cours des récentes années, avec la fin
du programme de rabais et les augmentations des tarifs réguliers, alors
que les tarifs ont diminué dans le sud des États-Unis et dans
d'autres régions, attirant des entreprises qui, autrement, auraient pu
choisir le Québec.
La meilleure façon de redonner à la ressource son avantage
comparatif d'antan, tant au regard des autres sources
énergétiques qu'au regard des entreprises
d'électricité, consiste à réduire le coût
unitaire du kilowatt, et cela ne peut se réussir qu'en diminuant les
coûts d'exploitation de façon drastique. Lorsqu'on
considère la croissance des coûts moyens de l'entreprise et qu'on
y associe les besoins financiers à venir, l'érosion est
évidente. Pour contrer ce glissement, surtout en période
d'absence de surplus d'énergie, Hydro-Québec doit absolument
revoir sa structure et ses modes de gestion, définir des objectifs de
rationalisation et de réduction des effectifs encore plus ambitieux que
ceux qui sont proposés dans le plan de développement et contenir,
sinon réduire, son endettement à long terme. (9 h 20)
L'industrie, actuellement, tente d'augmenter Sa productivité de 5
% par année, et Hydro-Québec recommande une augmentation de
productivité de 20 % d'ici l'an 2000. La tarification doit viser et
assurer un meilleur reflet des coûts de fourniture et donner un signal de
prix plus adéquat en faveur d'une diminution de l'inter-financement.
À l'heure actuelle, il nous semble que ce
sont les secteurs commerciaux et industriels qui font les frais du bas
coût du tarif résidentiel. Les économies d'énergie
seront plus facile à implanter, et le consommateur sera plus enclin
à modifier ses habitudes ou à recourir à des
méthodes favorables aux économies d'énergie s'il doit
payer le coût réel qu'il en coûte.
À l'instar d'autres groupes qui ont participé à la
consultation préparatoire à ce plan, le Conseil
québécois de l'AMEEEC incite Hydro-Québec à
entreprendre des études sur la question des «external
ités» et lui demande d'inclure aussi des maintenant dans le calcul
des «externalités» les impacts de ses décisions sur
le développement des entreprises du Québec, au même titre
qu'elle veut intégrer les impacts environnementaux et sociaux.
Toutes les composantes doivent faire partie de l'analyse de chacune des
options. Notre industrie a besoin d'un marché local important pour
soutenir son développement et aussi ses exportations, et cette
réalité doit porter autant de valeur que les coûts
évités par telle ou telle mesure. Le Conseil
québécois de l'AMEEEC soutient qu'il faut accélérer
la disparition de l'interfïnan-cement et encourager le
développement économique du Québec par une
réduction des coûts d'électricité. Pour atteindre
ces objectifs, le Conseil recommande de faire payer aux consommateurs ce qu'il
en coûte pour offrir le service, de mettre de l'avant des politiques
tarifaires comparables ou supérieures à ce qui existe ailleurs,
de n'accepter aucune hausse de coûts d'exploitation, de diminuer
l'endettement et de forcer une révision de la structure et des modes de
gestion.
En ce qui concerne la cinquième question, le plan de
développement et les enjeux de la mondialisation, notre industrie est
l'une des plus grandes bénéficiaires des retombées de la
filière hydroélectrique. Quand on sait que par million de dollars
d'investissement il se crée 11 emplois directs et indirects le
nombre le plus important de toutes les filières
énergétiques, principalement dans la fabrication des
équipements électriques on comprend facilement et
rapidement l'intérêt de notre regroupement pour le maintien et le
développement de cette filière.
Cela dit, parmi toutes les sources d'énergie connues,
technologiquement accessibles, économiquement utilisables et
créant le minimum d'impacts sur l'environnement,
l'hydroélectricité offre des avantages qu'aucune n'a
réussi à approcher, et ce constat ne devrait plus être
remis en question. Il faudrait être inconscient pour annuler l'avantage
comparatif que l'hydroélectricité procure à
l'économie du Québec. Nous croyons que l'option 1
réconcilie de manière optimale les objectifs et les obligations
de l'entreprise.
Cependant, seul un contrôle rigoureux des coûts maintiendra
l'avantage comparatif que détient le Québec grâce à
cette ressource. Les propositions du plan sont, à cet égard, trop
conservatrices et tout à fait insuffisantes pour préserver la
position concurrentielle des entreprises. Nous croyons qu'il faudra revoir
l'influence qu'exerce l'État dans la gestion d'Hydro-Québec.
Comme il s'agit d'un monopole, il faut certes soumettre la
société à un contrôle réglementaire. Mais il
est inconcevable, dans cette nouvelle donnée mondiale, que pour des
raisons politiques on restreigne l'autonomie des dirigeants, notamment par le
contrôle des approvisionnements en les centralisant à
Québec.
Il est difficile, comme groupe d'entreprises et comme citoyens, de
s'opposer à la promotion de l'efficacité
énergétique, d'autant plus qu'au plan des retombées
économiques elles se comparent à celles des projets
hydroélectriques, même si elles n'ont pas les mêmes effets
structurants.
Le Président (M. Camden): M. Gauthier, je vous invite
à conclure brièvement, s'il vous plaît.
M. Gauthier: Très bien. Pour le Conseil
québécois, le partenariat entre Hydro-Québec et
l'industrie de l'équipement électrique et électronique du
Québec est non seulement désirable mais essentiel si on veut que
les entreprises maintiennent et augmentent leur part du marché en
Amérique du Nord et dans le monde. Cette alliance stratégique
vise essentiellement l'optimisation des retombées économiques
engendrées par le développement énergétique du
Québec.
Au plan international, les contrats attribués par
Hydro-Québec ou ses maîtres d'oeuvre constituent des
véhicules de choix pour faire valoir la technologie
québécoise. Hydro-Québec est, à bien des
égards, l'un des principaux moteurs du développement
économique québécois. La recherche et
développement, l'ingénierie et le secteur manufacturier ont
bénéficié par le passé des activités et du
dynamisme d'Hydro-Québec. Le plan de développement
proposé, s'il est implanté avec vigueur et dans le parfait
respect du moindre coût, pourrait donner un nouveau souffle à ces
secteurs.
Merci.
Le Président (M. Camden): Je vous remercie, M.
Gauthier.
Alors, je cède maintenant la parole à Mme la ministre.
Mme Bacon: Merci, M. le Président.
M. Gauthier, M. Beaulieu, votre mémoire met en évidence
l'importance de l'hydroélectricité pour le développement
économique du Québec. Vous suggérez des ajouts, des
modifications aux orientations du plan de développement, et ça
sera pris certainement en considération; et nous vous remercions
d'être ici, avec nous, ce matin pour en discuter.
Vous soulignez dans votre mémoire l'appréciation du
processus suivi par Hydro-Québec lors de la préparation de son
plan de développement. Cependant, vous mentionnez que cette
démarche était perfectible à bien des égards.
Ceci étant dit, quelles sont les améliorations qui
pourraient être faites? Parce que c'est un nouveau processus, mais
qu'est-ce qu'on pourrait faire pour l'améliorer?
M. Gauthier: J'ai d'ailleurs participé moi-même
à beaucoup des consultations, et je peux vous dire que j'ai
été vraiment étonné de la position de plusieurs
groupes, dû au manque d'information et de connaissances. En fait, je me
suis retrouvé avec des groupes qui avaient des niveaux de connaissance
sur ce qu'était l'électricité et le domaine, qui variaient
de façon énorme.
Évidemment, étant la première approche, ces
groupes-là, au début, étaient très confus. Ce que
nous recommanderions, c'est qu'Hydro, dans ses futures consultations, soit un
peu plus directive sur les orientations et limite un peu la formation,
puisqu'on peut juger que, maintenant, cette formation-là serait acquise.
Je crois qu'elle était nécessaire, mais je crois que maintenant
on peut passer à un deuxième stade où il y aurait beaucoup
plus de place à discussion de la part de tous les intervenants que de
formation.
Le Président (M. Camden): Mme la ministre.
Mme Bacon: Vous soulignez que très peu d'orientations du
plan de développement visent le développement industriel et
économique du Québec. Selon vous, quelles autres orientations
auraient dû être définies afin de soutenir ce
développement?
Le Président (M. Camden): M. Gauthier.
M. Gauthier: En fait, le commentaire général que je
pourrais porter sur le plan, c'est qu'il nous semble être un excellent
plan d'opération. Nous avions de la difficulté à retrouver
là-dedans les orientations stratégiques que nous espérions
retrouver au niveau du développement. Ce plan semble se cantonner
à la situation courante ou actuelle et non seulement se limiter aux
marchés existants, mais ne regarde pas la possibilité de
marchés externes ou de marchés supérieurs comme d'autres
entreprises peuvent le faire, comme dans l'Ouest, comme Transalta le fait, ou
des entreprises américaines. En ce sens-là, nous aimerions
peut-être que le plan explore d'autres avenues, compte tenu de la
situation économique actuelle qui fait que la demande
d'électricité est stagnante.
Le Président (M. Camden): Mme la ministre.
Mme Bacon: Vous indiquez aussi que certaines orientations du plan
de développement peuvent menacer ou même compromettre le
développement de votre industrie en particulier. J'aimerais savoir
quelles sont ces orientations que vous avez remarquées, et dans quelle
mesure menacent-elles le développement de l'industrie
d'équipement électrique et électronique?
M. Gauthier: La première est celle où beaucoup des
orientations touchent notre industrie, en ce sens qu'elles reportent ou
retardent beaucoup de projets de développement. L'industrie peut
supporter certains de ces délais, mais il y a une limite à ce
support-là. Notre industrie doit évidemment rechercher des
débouchés à l'extérieur pour supporter la
main-d'oeuvre qu'elle emploie actuellement. Il y a peu de choses dans le plan
actuel qui peuvent nous permettre ça.
Mme Bacon: Vous...
M. Gauthier: Au niveau des «external ités», le
plan d'Hydro porte très attention à l'impact environnemental mais
semble peu reproduire l'impact économique que certaines de ces
orientations-là pourraient avoir, notamment sur notre industrie en
particulier.
Aux questions des coûts, le libre-échange bouscule
actuellement certaines des méthodes et des pratiques commerciales et va
certainement les bousculer encore plus dans le futur, dans certains cas nous
offrir des débouchés supplémentaires, dans d'autres cas
peut-être nous restreindre. Il faut être, à ce
moment-là, extrêmement prudent, particulièrement si
Hydro-Québec devient associée aux achats gouvernementaux qui font
partie aussi du libre-échange, à ce moment-là. Alors, ce
sont quelques-unes des considérations principales.
Mme Bacon: Vous mentionnez la recherche de nouveaux
marchés et vous indiquez que le plan d'Hy-dro-Québec ne
prévoit pas cette recherche de nouveaux marchés mais se contente
des marchés existants ou des marchés connus. Vous pourriez
peut-être nous mentionner ce matin des nouveaux marchés qui vous
sembleraient plus prometteurs pour votre industrie. (9 h 30)
M. Gauthier: On peut parler de choses, dans certains cas,
à plus long terme, comme d'une grille transnationale de transçort
d'électricité, ce qu'on voit se produire un peu aux
États-Unis et dans certains autres pays, ce qui est communément
appelé le «wheeling», où des producteurs peuvent
transporter à l'intérieur de lignes de transport des volumes
d'énergie. On le voit dans le gaz depuis la
déréglementation, ce qui se produit. On ne voit pas
l'impossibilité pour Hydro-Québec de construire ses propres
lignes pour transporter son énergie si celle-ci a un surplus, ou pour
favoriser des exportations. C'est le genre d'options que l'on croit, au point
de vue stratégique, qu'Hydro-Québec devrait regarder. Certaines
entreprises investissent massivement. Transalta, par exemple, ne se limite pas
à son secteur géographique. Oui, au niveau de la production et de
la distribution de l'électricité, mais non au niveau de ses
autres activités commerciales.
Mme Bacon: Vous insistez aussi dans votre mémoire sur le
fait que le gouvernement doit avoir le courage, pour le bien commun, de revoir
son rôle, de libérer Hydro-Québec du carcan politique.
Cependant, vous mentionnez qu'il est du devoir du gouvernement de s'assurer de
conserver l'avantage comparatif unique que confère cette ressource que
nous avons à toute la société québécoise.
Quel devrait être le nouveau rôle du gouvernement auprès
d'Hydro-Québec, selon vous?
M. Gauthier: Enfin, le rôle que le gouvernement
devrait apporter en est un qu'on pourrait plutôt associer au type
réglementaire ou régie, où l'ingérence n'est pas
dans les opérations mais plutôt de s'assurer que le monopole que
détient Hydro-Québec ne défavorise pas le consommateur. En
ce sens, les politiques internes à Hydro-Québec sont le reflet
des politiques mêmes des dirigeants, et celles-ci devraient être
jugées par son conseil d'administration, tel que dans n'importe quelle
autre entreprise.
Mme Bacon: Est-ce qu'un nouveau rôle pourrait s'exprimer
par des interventions du gouvernement auprès d'Hydro-Québec ou
seulement en termes de réglementation?
M. Gauthier: Je dirais, en fait: Éviter, justement,
l'intervention du gouvernement et plutôt y aller par des
réglementations.
Mme Bacon: Merci.
Le Président (M. Camden): Je vous remercie, Mme la
ministre. M. le député de Joliette.
M. Chevrette: Merci, M. le Président.
J'aurais quelques questions ou quelques observations. Tout d'abord, dans
le mémoire, c'est contradictoire, carrément, avec un groupe que
nous avons rencontré hier soir. Je ne me souviens pas si...
C'était le Mouvement pour l'instauration de la réglementation de
l'électricité au Québec. Eux trouvaient que la mission
d'Hydro-Québec, ce n'était pas de s'occuper de l'industriel, si
ma mémoire est fidèle, alors que, quand je lis votre
mémoire, c'est diamétralement opposé à ce
groupe-là.
Vous ne considérez pas que l'expérience... Je voudrais
savoir votre point de vue. Le Mouvement nous dit: L'expérience
vécue avec les alumineries, par exemple, est non concluante et
très coûteuse pour l'ensemble de la société
québécoise; et vous autres, vous dites: Mettez-en un peu plus.
Comment vous conciliez ça?
M. Gauthier: Je dirais, premièrement, qu'on ne demande pas
à Hydro-Québec de s'occuper de nous autres. Je pense que,
là-dessus, on est capables de s'occuper. Mais, évidemment,
Hydro-Québec est un client extrêmement important, et tellement
important qu'il peut favoriser l'implantation de certaines de nos industries,
comme les faire disparaître aussi, selon les mouvements de cette
entreprise-là, qui est d'envergure énorme non seulement à
l'échelle canadienne mais à l'échelle mondiale.
Évidemment, notre industrie doit être très proche de
ça.
En ce qui concerne les contrats à partage de risques,
évidemment, il y a risque et, dans l'industrie, ces risques-là
sont assumés. Évidemment, c'est l'actionnaire qui en assume les
frais si ça va bien; si ça va mal, c'est l'actionnaire qui en
assume aussi les pertes. Le cas des alumineries, il reste quand même que
ça a bâti une certaine infrastructure. Les résultats ne
sont peut-être pas probants actuellement, mais c'est encore une
période de temps très courte, en ce qui nous concerne, pour
vraiment faire un bilan de cette activité. (9 h 40)
M. Chevrette: Vous êtes assez franc, à la page 6.
Bien des groupes le sont moins que vous; même s'ils sont
déchirés, ils n'osent pas étaler les deux positions dans
un texte, dont je tiens à vous féliciter. C'est normal, je pense,
qu'à l'intérieur de certains groupes, surtout dans un
débat aussi controversé que la privatisation, ou bien d'une
partie du réseau ou bien de certains pans de murs comme la distribution,
par exemple, ou autre chose, ça semble extrêmement divisé,
même à l'échelon du Québec, et c'est plutôt
une remarque ici qu'une question. Je trouve ça intéressant que
vous ayez le courage de dire que, chez vous, c'est controversé dans vos
rangs.
Je suis heureux également... En haut de la page 7, vous dites
qu'Hydro est apparue fort mal préparée dans sa défense
contre les revendications des autochtones. Moi, je ne dis pas qu'ils
étaient mal préparés, je dis qu'ils ne l'étaient
pas du tout parce que, de toute évidence, ça faisait
quétaine, entre vous et moi, qu'on puisse être aussi descendus.
À un moment donné, on était quasiment des
«scalpers» à New York, puis des gens qui n'ont absolument
rien fait, qui bafouent tous les droits ancestraux. On est responsables de la
mort des caribous, à peu près de tout. Alouette! Quand on sait,
par exemple, que c'est probablement le gouvernement, dans toute
l'Amérique du Nord, qui a été le plus sensible aux
revendications autochtones depuis des années: qui a bâti leurs
écoles, qui a bâti des dispensaires, qui a fait des routes, qui
paie des royautés pour la Baie James, qui a une Convention de la Baie
James qui n'existe nulle part ailleurs, qui négocie, Dieu merci! avec
beaucoup de patience, aux heures choisies par les autochtones, merci, signe des
traités dans des écoles pour la pêche au saumon;
arrivé là, tout le monde dort, attendre trois heures après
le chef puis signer pareil. Puis je pourrais donner mille et un exemples de la
réceptivité du Québec vis-à-vis de ses
autochtones.
Et je digère très mal, moi, personnellement, qu'on puisse
faire de la publicité aussi mensongère, en particulier dans des
pays étrangers qui nous rabaissent au rang de ceux, souvent, qui nous
blâment, soit dit en passant, qui ne feraient pas le tiers de ce qu'on a
fait. Je regrette, d'ailleurs, qu'un certain groupe ne soit pas venu ici. J'en
reparlerai, mais j'aurais aimé ça leur payer une traite à
la québécoise. Ça leur serait passé de chaque bord
des oreilles, soyez assurés de ça.
Donc, je suis content que d'autres groupes commencent à le dire,
commencent à l'observer. Et si ça avait pour effet, entre vous et
moi, de réveiller également Hydro-Québec parce
qu'on a un rôle à jouer de réveiller nos
délégations du Québec aussi, dans certains de ces
États américains en particulier, de leur démontrer qu'on a
un rôle à jouer pour rectifier au moins les tirs. Ça, je
voulais vous dire ça, et vous m'avez fourni une occasion merveilleuse.
Je vous en remercie.
Maintenant, à la page 8, là, c'est une question.
Vous dites: «À cet égard, le gouvernement doit avoir
le courage, pour le bien commun, de revoir son rôle et de libérer
Hydro-Québec du carcan politique.» C'est une belle phrase,
ça. Je trouve ça intéressant comme affirmation, et c'est
de plus en plus courant, en particulier de la part du monde patronal ou du
monde industriel qui dit qu'on devrait enlever le carcan politique. Est-ce
à dire que vous aimeriez qu'Hydro-Québec relève d'une
commission de l'énergie neutre, quoi?
M. Gauthier: On n'apporte pas, comme vous avez pu le remarquer,
de solution, parce que les solutions à ça méritent un peu
plus de profondeur dans la réflexion que ce qu'on a pu avoir de temps
à apporter là-dedans. Ce qu'on apporte, par contre, c'est que le
gouvernement ne devrait pas s'ingérer dans les décisions mais
plutôt gérer le cadre réglementaire dans lequel doit
opérer Hydro-Québec. Et le mécanisme ou le véhicule
à prendre, celui-là en est un, et probablement que vous
êtes beaucoup plus familiers que les industriels pour en sortir un.
M. Chevrette: C'est drôle en tout cas, je vais le
dire il y en a qui pensent qu'Hydro-Québec est un outil politique
pour un gouvernement. Il y en a d'autres qui pensent qu'Hydro-Québec
devrait demeurer un outil politique du gouvernement parce que le
développement économique, les orientations de base et tout
doivent être pris par... Une politique en énergie, c'est le
gouvernement qui adopte ça, et Hydro-Québec ne peut pas y
échapper comme structure d'État, puisqu'on est des actionnaires.
D'autre part, il y en a d'autres qui disent: Oui, mais ôtez le
gouvernement de là. Même si vous dites qu'il n'y a pas de
mécanisme, ou il ne vous vient pas d'idée, si on enlève le
gouvernement, il faut que ça relève de quelque chose.
M. Gauthier: Je suis tout à fait d'accord avec vous, il
faut que ça relève de quelque chose. Ce que je dis, ce que notre
Association dit, c'est qu'on n'est pas en mesure de dire quel est le
véhicule qui serait mieux que le véhicule actuel. Par contre, le
gouvernement, même si Hydro relève du gouvernement, celui-ci doit
résister à la tentation de s'ingérer dans le processus
décisionnel mais plutôt gérer uniquement le cadre
réglementaire dans lequel doit opérer cette entreprise-là
et, après ça, la laisser faire.
Le Président (M% Camden): Deux minutes.
M. Chevrette: Vous dites...
M. Gauthier: Excusez-moi, M. Chevrette.
M. Chevrette: Allez-y, M. Beaulieu.
Le Président (M. Camden): M. Beaulieu.
M. Beaulieu (Guy): Disons que, comme entreprise privée, on
trouve difficile à... Simplement un exemple que je voudrais donner. On
trouve ça difficile à réconcilier, des objectifs de
rentabilité, parce qu'on demande à Hydro-Québec de
maintenir certains ratios dans son endettement, ainsi de suite, et de donner
une certaine quantité de dividendes. On trouve ça difficile
à réconcilier, le fait que, d'une part, on a ces
exigences-là vis-à-vis d'Hydro-Québec et que, d'autre
part, on semble intervenir dans la façon dont elle collecte ses comptes,
dans la façon dont elle s'organise pour protéger ses actifs,
etc.
C'est dans ce sens-là que, nous, on croit que, comme citoyen
corporatif, Hydro-Québec doit respecter les règles normales d'un
bon citoyen corporatif, mais ça ne devrait pas excéder ce niveau
d'éthique, si on peut dire. Et le gouvernement ne peut pas, en
même temps, demander à Hydro d'être rentable puis, ensuite,
lui demander de gérer son entreprise d'une façon qui est en
opposition avec ça.
M. Chevrette: À la page 9 je trouve ça
important vous affirmez qu'on connaît, par exemple,
qu'Hydro-Québec a des difficultés de développement. On
connaît les embûches de la politique de l'achat. Le document est
muet sur toutes ces questions, et vous autres aussi. J'aimerais vous entendre,
moi.
C'est quoi, les grandes difficultés de développement
d'Hydro? Est-ce que c'est ce qu'on lit dans les journaux par rapport aux
autochtones, par rapport aux populations qui se soulèvent, etc.? Est-ce
que c'est ça que vous voulez dire? Puis, en politique d'achats,
j'aimerais ça que vous m'appreniez quelque chose. Ne me dites pas qu'il
y a un autre secteur qui ne va pas à Hydro?
M. Gauthier: Au niveau du développement, ça
concerne particulièrement la planification. Evidemment, c'est
très difficile pour Hydro de planifier actuellement, avec les reports et
ne sachant pas quand ses projets vont être acceptés et
entérinés par tout le cheminement d'approbation qui doit se
faire. Évidemment, ça, ça a un impact sur nous autres,
parce que tous ces projets-là vont avoir un besoin d'équipements.
Et là les délais qui nous sont donnés une fois que
l'approbation des projets est faite sont relativement très courts, et
c'est ce qui augmente, évidemment, les coûts. En ce sens, c'est
ça qu'on veut dire au niveau du développement.
En ce qui concerne la politique d'achats, disons que je ne veux pas
m'engager dans une liste exhaustive de problèmes. Il y en a comme dans
toute organisation, toute grosse organisation où celui qui
achète, des foie, n'est pas tout à fait en relation avec
l'utilisateur. Ce sont, par contre, des problèmes, je crois, qu'Hydro a
maintenant reconnu avec sa restructuration qu'elle a faite dernièrement
au niveau de ses achats.
M. Chevrette: Ce n'est pas corrigé encore?
M. Gauthier: Non, ce n'est pas fait. Par contre, on croit qu'elle
est dans la bonne voie. On espère, du moins, que le cheminement...
À date, on le voit d'un
très bon oeil, et on espère que les résultats
seront probants.
Le Président (M. Camden): M. le député de
Trois-Rivières.
M. Philibert: Merci, M. le Président.
Au niveau de la recherche et du développement,
Hydro-Québec a comme objectif d'imputer 2 % de son chiffre d'affaires
à ce secteur-là. Et vous demandez de le devancer. Est-ce que vous
avez ciblé des interventions ou des orientations? Ou, enfin, dans quel
secteur Hydro devrait-elle intervenir de façon plus pressante? Qu'est-ce
qui est le plus urgent?
M. Beaulieu: Disons qu'il ne faudrait pas se méprendre sur
notre recommandation. On ne recommande pas qu'Hydro-Québec fasse de la
recherche et développement dans des secteurs qui sont propres aux
manufacturiers mais qu'elle continue à garder son avance technologique
en ce qui a trait à l'exploitation des réseaux. Je pense qu'on a
bénéficié grandement au Québec des positions, des
recherches et des choix avant-gardistes qu'a faits Hydro, tant au niveau des
transmissions de courant continu multipôles que dans les transmissions
à très haute tension. Et ça a généré
au Québec une expertise qui nous sert aujourd'hui d'avantage
stratégique dans nos ventes à l'exportation.
Et ce qu'on dit, c'est qu'il ne faut pas qu'Hydro-Québec
ralentisse ses efforts dans ce domaine-là, mais on ne veut surtout pas
qu'elle se lance dans des développements d'équipements ou de
systèmes pour lesquels on est beaucoup mieux préparés
qu'eux. Mais on veut travailler avec Hydro pour que, dans les solutions
techniques qu'elle va développer pour l'exploitation de ses
réseaux, on puisse aussi développer des équipements qui
correspondent aux besoins de ces nouvelles techniques.
M. Philibert: Dans un autre... Oui, vous voulez continuer?
M. Gauthier: J'aimerais juste rajouter qu'au niveau des
équipements il y a de gros avantages à travailler avec un client
au niveau de la recherche et développement, mais celle-ci doit se faire
en collaboration et non pas en compétition, comme l'indique M.
Beaulieu.
M. Philibert: Dans un autre ordre d'idées, vous affirmez
que ce sont les secteurs industriels et commerciaux qui font les frais du
coût des bas tarifs résidentiels et vous souhaitez que
l'interfinancement, ça cesse. Alors, quel serait l'impact sur votre
industrie de l'arrêt de l'interfinancement?
M. Beaulieu: D'abord, disons qu'on préconise, comme
entreprise manufacturière, que les stratégies de tarifs soient
basées plus sur l'aspect compétitif que sur l'aspect coût
uniquement, ce que ne fait pas ressortir le mémoire, peut-être, de
façon très claire. Ce qu'on veut dire par ça, c'est que
c'est évident qu'on ne préconise pas que les tarifs
d'électricité au résidentiel soient augmentés de
façon à déplacer tout le chauffage électrique, mais
on croit que dans le résidentiel, par des tarifs incitatifs, on pourrait
arriver à déplacer l'utilisation d'énergie de pointe, qui
coûte très cher. Les moyens techniques existent pour faire la
mesure de la consommation au temps d'utilisation, ce qui permettrait d'inciter
les consommateurs à utiliser l'énergie à des
périodes où le coût est moins élevé. Et, de
cette façon-là, on pourrait mettre à la disposition de
l'industrie et du commercial de l'électricité qui coûterait
moins cher, donc qui les rendrait plus concurrentiels.
M. Gauthier: Je peux peut-être rajouter qu'au niveau de
l'interfinancement, actuellement, il est clair qu'Hydro-Québec,
où elle a le plus de misère à compéti-tionner,
c'est au niveau de la grande industrie et du commercial. L'impact que ça
a ici, et que ça a chez nous, c'est que l'impact chez le consommateur
d'un coût plus élevé s'arrête là c'est
sûr que ce n'est pas plaisant, c'est un coût additionnel
mais il n'est pas incorporé dans un produit qui va avoir une valeur
ajoutée et sera revendu par la suite. Alors, cet impact-là se
fait non seulement à ce moment-là, sur le coût comme tel,
mais aussi sur l'effet structurant de l'industrie au niveau de ses
marchés.
M. Philibert: Mais en 1990, en commission, ici, lors d'une
consultation sur les tarifs d'Hydro-Québec, si ma mémoire est
bonne, vous disiez qu'une augmentation des tarifs résidentiels risquait
de porter préjudice à vos membres, et probablement de favoriser
la pénétration d'autres énergies pour le chauffage. Alors,
qu'est-ce qu'il y a de changé depuis 1990? Je voudrais comprendre.
M. Beaulieu: Disons que c'est évident qu'on est conscient
qu'une augmentation trop rapide des tarifs d'électricité sans une
espèce de modulation des tarifs ou de.... Je cherche le mot,
là...
Ce qu'on voit, nous, c'est que les tarifs d'électricité
pour le chauffage ne peuvent pas continuer à être des tarifs
seulement aussi grossiers qu'en bas de 15° et, en haut de 15 e
Celsius, c'est un autre tarif comme le tarif d'été. Ça
doit être beaucoup plus raffiné que ça. Maintenant,
l'impact qui nous concerne plus qu'il y a cinq ans ou trois ans, c'est que les
choix alternatifs pour l'industrie grande consommatrice
d'électricité, comme les pâtes et papiers... La situation
concurrentielle a changé beaucoup depuis ce temps-là et, ce qu'on
voit, c'est que nos pâtes et papiers, maintenant, souffrent d'un
désavantage stratégique important par le fait que leurs
coûts d'énergie ont augmenté considérablement par
rapport à leurs concurrents américains qui s'alimentent au gaz ou
à d'autres sources d'énergie avec la cogénéra-tion.
Alors, nous, on dit qu'il faudrait regarder ça de près et
s'assurer qu'on se colle au marché pour conserver les marchés
qu'on a, tout en essayant de mieux utiliser l'électricité. (9 h
50)
Le President (M. Camden): Je vous remercie, M. le
député de Trois-Rivières. M. le député de
Joliette.
M. Chevrette: Oui, à la page 11, en haut, vous faites une
grande affirmation, une grosse même: «...il faut se rendre à
l'évidence que le produit n'est plus aussi bon marché et,
malheureusement, nous ne croyons pas que les propositions du plan seront
suffisantes pour rétablir l'avantage du Québec à cet
égard.» J'avoue que c'est la première fois que je
l'entends, là, où que je le lis dans un mémoire.
J'aimerais que vous étayiez votre pensée, parce que c'est
plutôt le contraire qu'on entend. C'est: Malgré tout, on est
encore dans les meilleur marché, etc. Et là vous arrivez puis
vous punchez bien comme il faut. Remarquez bien que j'aime la méthode,
mais j'aimerais savoir s'il y a un fondement.
M. Gauthier: bien, disons que je devrais spécifier que
c'est vis-à-vis d'autres sources d'énergie, évidemment.
mais, définitivement, on trouve que le plan n'est pas suffisamment
agressif en ce qui concerne la productivité; 20 % d'ici l'an 2000, on ne
croit pas qu'on va rétablir ici l'avantage qu'on a eu historiquement
avec les autres sources d'énergie.
M. Chevrette: O.K. C'est en comparaison, par exemple, avec le gaz
naturel, je suppose.
M. Gauthier: Exactement.
M. Chevrette: O.K. Et c'est par rapport à la tarification,
alors que le gaz n'a pas augmenté depuis quatre ou cinq ans, par
exemple. Il y a quelqu'un qui me disait hier qu'il se chauffait au gaz naturel
et, depuis cinq ans, sa facture globale annuelle n'a pas changé, alors
que dans le domaine de...
C'est correct. Là, je comprends plus la comparaison. Je vous
remercie, messieurs.
Le Président (M. Camden): Alors, M. le
député de Drummond.
M. St-Roch: Merci, M. le Président.
Moi, j'aimerais revenir avec la politique d'achat. À l'heure
actuelle, c'est vrai pour Hydro, c'est vrai pour les municipalités,
c'est vrai pour le gouvernement, on s'en va avec une politique de plus bas
soumissionnaire. De plus en plus, il m'apparaît que c'est une politique
de nivelage par le bas, parce qu'on établit des normes et des
spécifications et, le plus bas conforme, c'est lui qui l'a. On favorise
très peu le contenu, la recherche et le développement,
l'innovation.
Alors, est-ce que vous seriez favorable de dire, à un moment
donné, dans un contexte pour favoriser le développement, pour
favoriser aussi l'acquisition et être innovateur ça
servirait aussi à développer, et un peu dans le reflet de ce que
vous avez mentionné aussi, avec tous les traités qui vont nous
limiter qu'il y ait une modification de politique de sorte qu'avec une
bonne grille d'évaluation... parce qu'il y a une autre
problématique que ça sous-entend aussi: si on ne prend pas le
plus bas conforme, on peut arriver dans d'autres excès qu'on a connus
dans le passé. Alors, est-ce que vous seriez favorable à dire que
cette politique-là soit modifiée pour reconnaître, on peut
dire, la valeur ajoutée qui pourrait comprendre la recherche et le
développement et qui inciterait, finalement, votre industrie à
dépasser l'excellence?
Le Président (M. Camden): M. Beaulieu.
M. Beaulieu: Disons que le cadre réglementaire ou les
politiques actuelles d'Hydro permettent, à mon avis, jusqu'à un
certain point, de choisir ses fournisseurs et ses fournitures en fonction non
seulement du coût mais d'autres facteurs. Et je pense que c'est
primordial, dans un contexte de qualité totale, de Défi
performance, qu'Hydro-Québec puisse continuer à faire ça,
avec toutes, disons, les précautions qu'on doit prendre pour ne pas
qu'il y ait de... Mais il reste que, dans l'industrie qu'on connaît, dans
laquelle nous sommes aujourd'hui, nous réduisons le nombre de nos
fournisseurs de façon considérable, par deux puis par trois,
parce qu'on s'est rendu compte que la politique du plus bas soumissionnaire
était très coûteuse au niveau des risques de
problèmes, au niveau de l'adaptation de leurs produits à nos
besoins, et ainsi de suite.
Une autre chose qui nous fatigue beaucoup, c'est que, si
Hydro-Québec était soumise à la réglementation
gouvernementale du Conseil du trésor, elle serait facilement attaquable
à travers le traité de libre-échange. Alors, on n'a pas de
problème avec ça, en autant que les utilités
américaines soient soumises à la même
réglementation. Mais ce n'est pas le cas. Aux États-Unis, le
«Buy American Act» est encore là, et les compagnies
américaines d'électricité achètent de qui elles
veulent, et elles n'ont pas besoin de justifier leur choix; alors que, nous, on
se donnerait un carcan, on n'aurait pas le choix de prendre en
considération autre chose que le prix. c'est ça qui nous
inquiète, et je ne crois pas qu'on veuille avoir des avantages, disons,
politiques ou quoi que ce soit, mais on croit que dans la philosophie de
gestion moderne qu'on voit à travers le monde, de plus en plus on voit
des partenariats qui sont des partenariats où les deux parties en
bénéficient. ce n'est pas des liaisons incestueuses; c'est
vraiment des choses où on travaille ensemble pour être meilleurs,
pour développer nos produits, pour être plus efficaces. et,
ça, pour le faire, il faut une certaine souplesse. et je ne pense pas
qu'en mettant hydro-québec sous le joug des règles du conseil du
trésor, comme le propose la loi 180 ou 181, ça va permettre
ça, absolument pas. \
M. St-Roch: Une dernière question. Mon temps est
limité.
Vous avez fait, dans votre mémoire... C'est le deuxième,
à ma connaissance, jusqu'ici, où on parle d'exportation des
technologies. Je remets ça, moi, dans
le contexte de cette grande machine qu'est Hydro-Québec. Vous
avez touché aussi la privatisation. Peut-être ne pensez-vous pas
que... Peut-être que le premier moyen par lequel on pourrait aller en
partenariat avec Hydro-Québec, qui pourrait être un actionnaire
majoritaire, ce serait de former une compagnie qui serait cpmplètement
à l'extérieur, avec accessibilité du public, avec des gens
de votre milieu pour commercialiser sur la scène de diffusion mondiale
des technologies, et développer ce genre d'entreprise-là avec une
direction qui serait préparée, tout en étant un conseil
qui donnerait à la direction de cette nouvelle entité-là
toute l'énergie nécessaire de «focusser» sur la
diffusion des...
M. Gauthier: C'est un exemple des nouveaux marchés
qu'Hydro-Québec pourrait rechercher, compte tenu de la situation
économique stagnante actuelle et du délai des projets. C'est
certainement le genre d'activité où notre industrie serait
extrêmement intéressée à participer.
M. St-Roch: Je vous remercie. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Camden): Je vous remercie, M. le
député de Drummond.
Nous remercions les membres du Conseil québécois de
l'Association des manufacturiers d'équipement électrique et
électronique du Canada de leur présentation. Nous vous souhaitons
une bonne fin de journée.
Sur ce, nous allons suspendre quelques instants pour permettre aux
membres du Conseil du patronat de prendre place à la table.
(Suspension de la séance à 9 h 58)
(Reprise à 10 h 1)
Le Président (M. Camden): La commission reprend ses
travaux. Il me fait plaisir d'accueillir les membres du Conseil du patronat du
Québec.
M. Dufour, si vous voulez bien nous présenter les membres du
Conseil qui vous accompagnent ce matin.
M. Dufour (Ghislain): Merci, M. le Président.
Mes collègues: à mon extrême gauche, M. Guy
Fournier, qui est président de Tecsult, experts-conseils; M. Guy
Laflamme, industriel, gros consommateur d'électricité,
président de Les Industries de la rive sud; et à ma droite, M.
Jacques Garon, qui est directeur de la recherche au Conseil du patronat.
Le Président (M. Camden): Je vous remercie de votre
présentation. Je vous rappelle, vous qui êtes un habitué,
M. Dufour, des commissions parlementaires, qu'une période de 20 minutes
vous est dévolue pour la présentation de votre mémoire et
les explications, et ça sera suivi, évidemment, d'une
période de 40 minutes de questions en provenance des deux
côtés de la table.
Conseil du patronat du Québec (CPQ)
M. Dufour (Ghislain): Merci, M. le Président.
Nous avons fait circuler auprès des membres de cette commission,
il y a trois minutes, un résumé de notre mémoire. Notre
mémoire est quand même assez technique. Nous le résumons de
la façon suivante.
Alors, le Conseil du patronat remercie, au départ, la commission
parlementaire chargée d'étudier le plan de développement
1993 d'Hydro-Québec de lui donner l'occasion d'exprimer son avis sur cet
important sujet. En effet, les grandes orientations du plan de
développement d'Hydro-Québec, tant par l'ampleur des
investissements requis que par les retombées économiques
prévues, font de ce plan un élément moteur du
développement économique du Québec pour les années
1990 et suivantes.
Qu'il s'agisse, en effet, de l'offre et de la demande prévisibles
d'électricité à l'horizon 2000, des retombées
économiques en termes d'emplois directs et indirects, des moyens de
production, de l'utilisation de sources d'énergie
complémentaires, de recherche et développement, de moyens de
conservation de l'énergie, d'études environnementales et de
tarification concurrentielle, voilà autant de questions clés et
de défis dont traite le plan de développement 1993
d'Hydro-Québec et que nous examinons successivement dans notre
mémoire.
D'entrée de jeu, M. le Président, soulignons que les
projections du plan de développement des ressources
hydroélectriques du Québec soumises par Hydro-Québec
apparaissent, à première vue, réalistes au regard de la
demande prévisible d'électricité des consommateurs
québécois et des marchés limitrophes au cours des
prochaines années. suivant le scénario de croissance
démographique proposée par hydro, on prévoit une
augmentation de la population de 6,5 % de 1991 à 2001 et, ensuite, de
2,6 % de 2001 à 2010, ce qui, compte tenu des naissances et de la
mortalité, nous apparaît tout à fait raisonnable, en tenant
compte, évidemment, aussi de l'émigration et de l'immigration.
quant aux prévisions économiques à long terme,
évidemment, c'est toujours très aléatoire, on le sait
tous, mais on considère que la croissance annuelle moyenne
suggérée par hydro de 1991 à 2010, qui est de 2,6 %, se
compare très bien avec ce qu'on a vécu au cours de la
dernière décennie qui a tourné autour de 2,4 %. donc,
encore là, dans l'ensemble, le scénario économique
paraît raisonnable puisqu'on prévoit une croissance moyenne,
également, de l'emploi de 1,2 %, ce qui veut dire que le taux de
chômage, au québec, ne descendrait pas sous la barre de 10 %, et,
nonobstant nos espoirs, il n'y a pas grand monde qui pense que ça ira
sous la barre de 10 %.
Les prévisions économiques d'Hydro tiennent
également compte de la capacité de production des principales
industries qui consomment beaucoup d'électricité, comme les
pâtes et papiers, la fonte et l'affinage des métaux non ferreux,
la sidérurgie, la chimie qui
représentaient 70 % des ventes industrielles
d'électricité en 1991. à cela s'ajoutent aussi des
prévisions détaillées pour les secteurs des aliments et
boissons, des textiles et des minéraux non métalliques. donc,
dans l'ensemble, la croissance prévue de la population, je le
répète, soit de 6,5 % de 1991 à 2001 et de 2,6 % de 2001
à 2010, et la croissance annuelle de 2,6 % de l'économie pour la
période-de 20 ans à venir nous semblent des hypothèses
réalistes compte tenu de la situation actuelle des principaux secteurs
industriels du québec. quant aux ventes d'électricité
régulières d'hydro-québec, elles devraient atteindre 133
twh en 1992 et augmenter annuellement en moyenne de 1,8 % jusqu'en 2010 compte
tenu de l'impact des programmes d'économie d'énergie. cette
croissance est nettement moins prononcée que celle observée
durant les dix dernières années elle était de 4,1 %
et reflète en partie les hypothèses démographiques.
les programmes d'économie d'énergie feront en sorte que la
consommation d'électricité sera inférieure de 27 %
à ce quelle serait sans ces programmes, durant la période de 1992
à l'an 2001.
Quant à la demande d'électricité prévue, il
faut tenir compte d'une réévaluation des marchés externes,
notamment aux États-Unis. Ainsi, entre les prévisions de 1989 que
nous avait faites Hydro et celles de 1992, le taux de croissance de la demande
dans l'État de New York, compte tenu des économies
d'énergie, est passé de 1,2 % à 0,7 % par an pour la
période de 1992-2000 et de 1,2 % à 0,5 % pour les années
au-delà de l'an 2000.
Dans l'ensemble, la demande prévisible
d'électricité nous semble donc reposer sur une croissance
réaliste de la consommation domestique de même que sur une
stratégie de conservation d'énergie et de développement
d'industries utilisant de plus en plus les électrotechnologies, tout en
tenant compte des industries à forte consommation
d'électricité de même que d'une demande
révisée à la baisse pour les exportations
d'électricité, particulièrement en ce qui a trait aux
États de la Nouvelle-Angleterre et de New York.
Si nous avons voulu, M. le Président, remettre en perspective ces
éléments du plan de développement, c'est qu'il faut
absolument s'assurer qu'on est, pour l'essentiel, d'accord avec ces
prévisions d'Hydro, sinon ça ne veut rien dire, ce qu'on va
appuyer ensuite. Alors, compte tenu de ces prévisions, satisfaits de ces
prévisions, ces prévisions concordant pour l'essentiel avec les
nôtres, à ce qu'on peut voir dans l'ensemble des indicateurs
économiques, nous appuyons donc Hydro dans ses projets d'investir 52 600
000 000 $ entre 1993 et 2002 pour réaliser ses objectifs.
Évidemment, il s'agit d'investissements majeurs puisque la part
d'Hydro dans l'ensemble des investissements non résidentiels passera
ainsi de 16,8 % à 20,7 %, ce qui constituera plus du cinquième de
tous les investissements privés et publics au Québec en l'an
2002. Ces investissements auront des retombées économiques
importantes en termes d'emplois directs et indirects, d'utilisation de sources
d'énergie complémentaires comme la cogénération et
les électrotechnologies et de recherche et développement. Ils
représentent, pour nous, une occasion exceptionnelle pour le
Québec de promouvoir la croissance économique.
Par ailleurs, les emplois soutenus par ces investissements sont
considérables. On parle de 378 000 pour la période de 1993-2002
même si, il faut le dire, une bonne partie de ces emplois ne seront que
temporaires et à condition, bien sûr, que la tarification
proposée aux principaux utilisateurs ne fasse pas perdre d'emplois. Il
est clair que l'effet multiplicateur dans l'économie est très
important puisque l'on prévoit qu'environ 81 % de tous les nouveaux
emplois créés, 306 500, le seront non pas chez Hydro, mais chez
les entrepreneurs, chez les fournisseurs, notamment dans les secteurs du
génie civil, de la construction, des sociétés
d'ingénierie et de l'industrie du matériel électrique. (10
h 10)
Au-delà, cependant, de ces accords généraux, quatre
considérations majeures amènent encore le CPQ à souscrire
au plan de développement 1993 d'Hydro-Qué-bec.
Premièrement, et c'est très important, l'environnement.
Générateur d'investissements majeurs, créateur de milliers
d'emplois, le plan de développement d'Hydro-Québec n'ignore pas
pour autant l'importance que l'on doit accorder aux impacts environnementaux.
HydroQuébec joue un rôle exemplaire depuis de nombreuses
années en ce qui a trait à ses responsabilités
environnementales, que ce soit au titre de l'élimination des BPC, du
combustible irradié, comme exemple, de la centrale nucléaire de
Gentilly-2, de l'exposition aux champs électriques et magnétiques
ou bien encore de l'accumulation du mercure dans le cas des poissons
péchés dans les réservoirs. Mais c'est avec le projet
Grande-Baleine que le dossier environnemental a pris un tournant majeur.
Par exemple, la directive relative à l'étude des impacts
sur l'environnement du projet hydroélectrique Grande-Baleine,
proposée par le ministre de l'Environnement, est très complexe et
d'une ampleur sans précédent au chapitre de la justification du
projet. Elle fait également appel à un très grand nombre
de domaines d'expertise. En fait, cette directive fera d'Hydro-Québec
l'entreprise la plus étudiée sur le plan environnemental au
Canada, sinon au monde. Pour le CPQ, il ne fait aucun doute
qu'Hydro-Québec non seulement assume pleinement ses
responsabilités quant aux impacts environnementaux de ses projets, mais
aussi qu'elle se situe parmi les entreprises nord-américaines qui
mettent le plus d'efforts à répondre adéquatement aux
préoccupations environnementales légitimes des citoyens.
Je voudrais simplement, ici, vous citer un commentaire du fameux
biologiste américain Norman Ben-son, qui, durant toute sa
carrière, a conseillé le gouvernement américain dans les
questions environnementales-, et je vous cite juste deux paragraphes. Il a
été appelé au tout début, dans le premier projet,
celui de LG 1, comme expert-conseil et voici ce qu'il disait: «Je n'avais
jamais vu un programme d'analyse environnementale aussi complet que celui que
la SEBJ s'apprêtait à réali-
ser, pourtant j'avais étudié les réservoirs du
Missouri, etc. On nous offrait un laboratoire scientifique unique au
monde.» Maintenant, on lui demande de se prononcer sur tout ce qui a
été fait et sur ce qui est susceptible de se faire et il dit:
«Je crois que, en ce qui concerne les projets environnementaux d'Hydro,
nous sommes sur un terrain très solide. Je ne crois pas que les
espèces vont être éliminées du secteur de la Baie
James à cause des travaux réalisés. Il n'y a aucune
espèce menacée.» Et il conclut en disant que
«lorsqu'on parle de problèmes environnementaux, ces
problèmes-là ne s'appliquent pas à Grande-Baleine.»
C'est le plus grand spécialiste biologiste américain.
deuxièmement, la situation financière. le plan ne semble pas
mettre en péril la situation financière d'hy-dro-québec.
les paramètres financiers que doit respecter l'entreprise afin de mener
à bien son plan de développement correspondent à une
couverture d'intérêt supérieure à 1 %, un taux de
capitalisation d'au moins 25 %, un taux d'autofinancement d'au moins 30 % et un
rendement sur l'avoir propre supérieur au coût moyen de la dette.
l'alignement des hausses tarifaires sur l'inflation et les gains de
productivité envisagés devraient permettre de respecter les
critères d'une bonne gestion financière.
Comme on critique souvent la santé financière d'Hydro, on
voudrait noter ce que dit Moody's Investors Service de New York, qui lui
donnait la cote AA3, récemment, de même que la U.S. Securities and
Exchange Commission. Et, ça, c'est tout récent, c'est le 17
décembre 1992. C'est la même cote qu'Hydro a depuis 1986, date
à laquelle, d'ailleurs, elle avait été relevée. Cet
enregistrement a trait aux obligations totales qu'Hydro a l'intention
d'émettre aux États-Unis de même qu'à d'autres
emprunts en dollars U.S. Donc, on peut affirmer qu'à ce jour, à
tout le moins, la cote de crédit d'Hydro est non seulement stable, mais
également relativement élevée du point de vue des
Américains.
Troisièmement, le contrôle des dépenses. Le plan
propose un contrôle serré des dépenses d'exploitation et
une augmentation importante de la productivité de la
société. Inutile de dire, M. le Président, que ce sont
là deux objectifs majeurs d'Hydro-Québec auxquels nous
adhérons pleinement.
Quatrièmement, la tarification. Pour l'essentiel, Hydro propose
que, pour la période 1993-2000, la croissance moyenne des tarifs ne soit
pas supérieure à l'inflation. Là, je cite Hydro:
«Cela n'exclut pas des dépassements occasionnels [...] les
années où des équipements de production seraient mis en
service [...] cette situation serait toutefois compensée par des hausses
inférieures à l'inflation durant les périodes plus
favorables.»
Selon les données d'Hydro, l'amortissement des immobilisations,
le service de la dette et les taxes sur le capital, regroupés sous ce
qu'ils appellent, eux, «Autres charges et intérêts» et
que l'on considère comme des dépenses relativement
incontrôlables, représentaient 74 % des coûts en 1992, donc
74 % sur lesquels Hydro peut difficilement agir. Mais il reste quand même
26 % des dépenses qui sont effectivement sous son contrôle, ce
qui, face à l'inflation, lui donne une marge de manoeuvre importante. En
conséquence, M. le Président, la question que l'on pose est la
suivante: Le plafond que se fixe Hydro-Québec au chapitre de la
tarification, à savoir le taux d'inflation, n'est-il pas trop
élevé, compte tenu de la situation économique difficile
que traverse actuellement le Québec, notamment les grands utilisateurs
d'électricité?
Le plan de tarification proposé par Hydro implique par ailleurs
un système tarifaire saisonnier qui amènerait de plus en plus les
clients à choisir l'option qui correspond à leurs comportements
tout en ayant des prix plus flexibles. À cet égard, Hydro explore
actuellement, avec des entreprises de différents secteurs, de nouvelles
possibilités de tarification qui permettraient aux clients industriels
de grande puissance d'améliorer leur position concurrentielle et
à Hydro-Québec de faire ses frais. Je dois dire qu'à ce
jour, selon nos consultations, il semble bien que les entreprises
consultées verraient très peu d'avantages au système
tarifaire saisonnier proposé, les transferts de production d'une saison
à l'autre étant rarement possibles dans la majorité des
secteurs. Des discussions doivent cependant se poursuivre dans ce
dossier-là.
Nous avons deux réserves importantes, M. le Président. La
première concerne la politique de tarification de
l'électricité exportée par Hydro-Québec, qui, quant
à nous, doit être une politique très prudente. Il importe
en effet de ne pas nous imposer nous-mêmes une concurrence indue en
permettant que des biens puissent être produits à
l'extérieur à meilleur coût, concurrençant ainsi
directement notre propre production; mais c'est surtout évidemment le
problème de l'équité de l'interfinancement qui nous
préoccupe.
Comme vous pouvez le voir dans notre mémoire, à la page
16, on dit que les entreprises contribuent trop aux bénéfices
d'Hydro-Québec par rapport à la contribution relative du secteur
domestique et agricole. Et on prend, par exemple, le secteur domestique et
agricole, qui ne contribue que pour 17 % aux bénéfices d'Hydro
alors qu'il représente des ventes de 44 TWh. Or, pour des ventes de
seulement 18,9 TWh, les entreprises de moyenne puissance pas les
petites, pas les grandes, les moyennes contribuent pour 38,1 % aux
bénéfices d'Hydro-Québec. Cette situation, pour nous, est
tout à fait inéquitable.
Et même si Hydro a proposé des hausses
différenciées selon les catégories tarifaires afin de
corriger progressivement cette situation, nous devons, en l'absence de
propositions précises, nous interroger sur deux choses: Quelle sera
l'importance de ces hausses différenciées sur l'interfinancement?
Et, deuxièmement, est-ce qu'elles seront suffisantes pour corriger les
inéquités actuelles? Il faut absolument qu'Hydro-Québec se
donne une politique de tarification équitable et qui fera en sorte que
les principaux utilisateurs québécois d'électricité
demeureront concurrentiels sur le plan de leurs coûts de production.
En synthèse et conclusion, M. le Président, pour
le CPQ, les orientations du plan de développement des ressources
hydroélectriques du Québec soumis par Hydro-Québec: 1.
semblent répondre à la fois à la demande prévisible
d'électricité des consommateurs québécois et des
marchés limitrophes; 2. impliquent des investissements majeurs et des
retombées économiques importantes en terme d'emploi direct et
indirect, d'utilisation de sources d'énergie complémentaires
comme la cogénération et les électrotechnologies et de
recherche et développement; 3. prennent en considération les
enjeux environnementaux importants dans ce dossier-là, en accordant une
très grande importance aux problèmes écologiques et aux
moyens les plus efficaces de conservation d'énergie; 4. ne compromettent
pas la santé financière de l'entreprise; 5. s'appuient sur
l'augmentation essentielle de la productivité; et 6. posent, à
juste titre, le problème de l'équité de l'interfinancement
et suggèrent d'examiner très attentivement cette question.
Il s'agit là, pour nous, d'une question fondamentale
d'équité, et il faut bien s'assurer que les principaux
utilisateurs québécois d'électricité demeurent
concurrentiels sur le plan de leurs coûts de production.
Je vous remercie.
Le Président (M. Camden): Je vous remercie, M. Dufour, de
votre présentation.
Je cède la parole à Mme la ministre.
Mme Bacon: M. Dufour, messieurs, j'aimerais vous remercier, ce
matin, de vous être déplacés pour venir nous exposer vos
préoccupations face au plan de développement
d'Hydro-Québec et souligner, en même temps, la qualité de
votre mémoire et de l'intervention que vous nous faites ce matin. (10 h
20)
II y a une question qui a été abordée à
plusieurs reprises et qui n'apparaît pas dans le plan de
développement, mais qui nous semble, en tout cas, aux membres de la
commission, suffisamment importante pour que je vous la pose d'entrée de
jeu. On a parlé souvent, ces derniers temps, de la privatisation
d'Hydro-Québec, et, moi, j'aimerais ça avoir votre point de vue
ce matin à ce sujet-là.
Le Président (M. Camden): M. Dufour.
M. Dufour (Ghislain): M. le Président, je remercie Mme la
ministre de sa question, parce que c'est vrai que c'est un débat qui se
fait, pas purement autour de cette table, mais qui se fait...
M. Chevrette: C'est une question plantée.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chevrette: C'est une question plantée, oui.
M. Dufour (Ghislain): Je l'avais suggérée à
M. Chevrette, il ne l'a pas prise.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chevrette: Ça me surprendrait, M. Dufour, parce qu'on
n'est pas nécessairement en contact très régulier. Je vais
vous en parler tout à l'heure, d'ailleurs. Ne me provoquez pas
avant.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Camden): S'il vous plaît. C'est
l'effet boomerang, comme on dit.
M. Dufour (Ghislain): Ma réponse s'adresse
également à M. Chevrette. C'est évident que, quand on
parle de privatisation dans un milieu comme le nôtre, on a une ouverture
d'esprit immédiate, et c'est évident que c'est un dossier dont on
a beaucoup parlé il y a 30 ans. Il y avait, à ce
moment-là, des conditions qui prévalaient, et on en est
arrivés à ce que l'on connaît maintenant. Les conditions ne
sont peut-être plus les mêmes aujourd'hui.
Nous, nous sommes intéressés à ce que le
débat se fasse, mais nous n'avons pas de position. Et je vais vous
donner certains éléments de ce dossier-là qui font que
c'est excessivement difficile aujourd'hui d'avoir une position
là-dessus.
On peut parler de 5 % de privatisation, mais on peut parler de 49 %
aussi comme d'autres en parlent. Quand on parle de 49 %, ça veut dire
une évaluation automatique des actifs d'Hydro. On ne s'entendra
peut-être pas pour les établir, mais c'est autour de 10 000 000
000 $ paraît-il. Donc, on parle de 5 000 000 000 $. 5 000 000 000 $
d'argent, la société québécoise ne peut pas
investir ça actuellement. On le voit avec Culinar, on le voit avec
Univa, on le voit, et il n'y a pas ces sommes d'argent là. Donc, il
faudrait aller du côté des Américains. Est-ce que c'est ce
que l'on veut? Deuxièmement, on sait que vous allez chercher à
tous les ans plus ou moins 600 000 000 $ de dividendes à Hydro. Donc, on
en enverrait 300 000 000 $ aux États-Unis, ce qui puisse vouloir dire
que vous nous taxeriez 300 000 000 $ d'autres sources. Il y a aussi cette
demande qui a été faite par les municipalités c'est
cette semaine, je pense de la municipali-sation de la distribution, sans
entrer d'aucune façon dans la production. C'est une demande qui est tout
à fait nouvelle.
Donc, il y a énormément d'éléments dans ce
dossier-là, M. le Président, pour qu'on en fasse un objet de
discussion. Mais, nous, nous sommes tout à fait d'accord pour qu'on
fasse ce débat-là. Donc, entre la position exprimée,
à un moment donné, par M. Chevrette le
député de Joliette plutôt et la ministre, il y a
cette position du secteur privé qui s'affirme très clairement. On
se situe entre les deux. On ne pense pas que, pour l'instant, le débat a
été fait, mais on pense que c'est un bon débat à
faire.
Mme Bacon: Vous ne le trouvez pas prématuré, M.
Dufour?
M. Dufour (Ghislain): Dans quel sens?
Mme Bacon: Est-ce que c'est vraiment le temps? Est-ce qu'on a les
moyens d'avoir un tel débat en ce moment? Est-ce qu'on peut penser en
termes de restructuration au lieu d'en termes de privatisation?
M. Dufour (Ghislain): On peut parler en termes... Je ne sais pas
ce que vous entendez par restructuration. On peut parler régie.
Mme Bacon: En termes d'entité?
M. Dufour (Ghislain): On peut parler structures, bien sûr.
Mais c'est des conditions qui prévalaient il y a 30 ans, lorsqu'on a
privatisé Hydro. Ne serait-ce que pour que le débat soit fait
dans la population... Vous regardez les éditorialistes actuellement. Il
y en a deux qui sont pour et deux qui sont contre. Alors, le débat n'a
pas été fait. Et les 5 000 000 000 $, on fait quoi avec comme
argent? On met des infrastructures? On paie la dette? C'est un débat qui
n'a vraiment pas été fait. Et quant à faire 5 % de
privatisation, nous, ça ne nous intéresse pas.
Mme Bacon: Je vais revenir à votre mémoire, M.
Dufour. En page 8 de votre mémoire, vous soulignez l'importance
considérable des 378 000 emplois qui sont soutenus par les
investissements pour la période 1993-2002. Vous précisez que
l'effet multiplicateur sera très important, compte tenu des 81 % de tous
les nouveaux emplois créés le seront chez les entrepreneurs, les
fournisseurs, notamment dans le secteur du génie civil, en construction,
les sociétés d'ingénierie et l'industrie de
matériel électrique. Étant donné l'importance,
comme vous le dites, de ces 378 000 emplois créés d'ici l'an
2002, croyez-vous que le Québec dispose de toutes les expertises
requises en termes de main-d'oeuvre? Sinon, quels sont les secteurs dont vous
considérez qu'il faudra développer davantage les
compétences appropriées?
M. Dufour (Ghislain): En fait, c'est une excellente question
qu'on n'aborde pas dans notre mémoire, toute la formation
professionnelle de ces travailleurs. Je pense que, lorsqu'il s'agit de firmes
de génie civil, les firmes d'ingénierie, c'est là, c'est
en place, les infrastructures sont là. Il y a eu des mises à pied
même dans ces boîtes-là depuis un certain nombre
d'années parce qu'il n'y a pas eu de grand projet. Donc, les
infrastructures sont là. Là où il peut y avoir
nécessité de meilleure formation professionnelle, c'est dans les
métiers plus traditionnels, pas nécessairement de construction,
mais d'outilleurs, de mécanique, etc. C'est évident que les gens
d'affaires vont demander que la nouvelle Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre produise
des résultats. Ça vient d'être mis sur pied, ça a
maintenant des volets très régionaux. Alors, ce serait le mandat
de ces sociétés régionales, maintenant, de s'assurer que
le personnel est disponible.
Avec le taux de chômage qu'on a actuellement au
Québec, M. le Président, sachant pertinemment qu'un projet
de grande envergure comme ça ne démarre pas demain matin,
même après les auditions qui auront lieu sur la qualité de
l'environnement il y aura un délai important, quel que soit le
chantier il y a amplement d'espace de temps pour former la
main-d'oeuvre. D'ailleurs, dans le secteur de la construction, avec ce qui se
passe maintenant, avec la nouvelle loi où les entrepreneurs sont
obligés de consacrer un montant d'argent fixe à la formation
professionnelle, quant à moi, ce n'est pas un problème insoluble,
loin de là.
Mme Bacon: Concernant les électrotechnologies, toujours en
page 8, le Conseil fait remarquer et à juste titre les
réalisations passées d'Hydro-Québec dans ce
domaine-là, et il souligne aussi que les efforts à venir pour
ajouter 220 MW à cette option représenteront 275 000 000 $ et
soutiendront 2600 emplois directs et indirects. Selon sa connaissance du
secteur industriel, est-ce que le Conseil considère cet objectif de 220
MW comme suffisant, comme réaliste? Est-ce qu'il aurait
été possible de faire plus dans le domaine, selon vous?
M. Dufour (Ghislain): Je vais demander à M. Fournier de
répondre à ça.
Le Président (M. Camden): M. Fournier.
M. Fournier (Guy): Votre question est assez compliquée
dans le sens que je n'ai pas les données pour ça. Je ne suis pas
familier trop, trop avec les industries, mais je pense qu'il y a moyen,
peut-être, d'augmenter un peu. Hydro-Québec, dans le moment,
travaille très fort dans ce sens-là. Il y a les économies
d'énergie qui touchent un peu à ça aussi. Alors, on parle
du programme d'économie d'énergie d'environ 2000 MW dans les 10
prochaines années. Il va falloir aller les chercher à quelque
part. Alors, il y a de la marge.
M. Dufour (Ghislain): Est-ce que je pourrais demander à M.
Garon d'ajouter?
Mme Bacon: Oui. Oui, allez.
M. Garon (Jacques): Oui, M. le Président, comme
réponse à la question de Mme la ministre, essentiellement, quand
on parle de l'implantation des électrotechnologies, ça touche
quand même un bassin assez restreint d'industries particulières,
comme par exemple les pâtes et papiers, la chimie, le chauffage, dans
certains cas, de certaines petites entreprises de moyenne importance, et la
transformation des métaux. Les derniers chiffres publiés par
Hydro mentionnaient des dépenses d'environ 60 000 000 $ pour 1991 ou
1992. Je pense qu'on peut augmenter la capacité de développement
de l'utilisation des nouvelles technologies concernant ces industries, mais il
faut que ça vienne aussi en complémentarité avec
l'innovation que la recherche-développement du côté
d'Hydro-Québec va pouvoir mettre en oeuvre. Ici, je pense que, dans le
plan d'Hy-
dro-Québec, c'est assez bien campé, et on ne peut pas
s'attendre à un développement fulgurant de ce marché,
mais, par contre, ça va être un apport tout de même
justifié.
Le Président (M. Camden): M. le député de
Joliette. (10 h 30)
M. Chevrette: Merci, M. le Président.
Tout d'abord une mise au point pour qu'il n'y ait pas
d'interprétation possible quant à ma position sur la
privatisation. Je ne me suis jamais prononcé ni pour ni contre, j'allais
dire: bien au contraire! C'est que, à l'ouverture des audiences sur le
plan de développement, j'ai dit que je craignais personnellement qu'on
soit à privatiser à la pièce au lieu de faire un
débat très ouvert là-dessus et public. C'est la seule
position que j'ai prise au tout début de la présente commission
parlementaire. À mon point de vue, ce ne serait pas correct d'y aller
même de privatisation de la distribution sans qu'on puisse faire un
débat, parce que ça pourrait être un palliatif purement et
simplement en réaction à une politique, par exemple, de
décentralisation ou encore de pelletage de factures, si vous voulez me
permettre l'expression, recherche des moyens de financement, sans savoir
jusqu'à quel degré ça pourrait affecter la
viabilité d'Hydro-Québec dans toutes ses dimensions.
Ceci dit, j'ai lu votre mémoire avec beaucoup d'attention, et je
suis surpris que le Conseil du patronat n'exige pas de débat sur
l'ensemble de l'énergie au Québec. Vous avez une allusion, tout
au plus, à la position ou aux avantages comparatifs des tarifications
d'Hydro-Québec par rapport aux autres formes d'énergie. C'est la
seule allusion que je retrouve dans l'ensemble de votre mémoire, alors
qu'on a eu des compagnies comme Gaz Métropolitain... On a eu
l'Association québécoise du gaz naturel, hier, qui est venue
parler, qui a présenté des chiffres... Remarquez bien qu'on n'a
pas de contre-expertise ici, mais il reste qu'elle avance des chiffres
jusqu'à 60 % d'avantage par rapport à
l'hydroélectricité dans le domaine industriel et commercial, en
particulier, de l'utilisation du gaz naturel. Donc, on n'a pas eu de
contre-expertise qui nous a été présentée. Est-ce
que ces chiffres ont un fondement? J'aurais souhaité que le Conseil du
patronat pousse plus de l'avant ce genre de réflexion là et
peut-être embarque dans le train de ceux qui demandent un débat
plus large sur le plan des énergies plutôt que de se limiter au
simple volet hydroélectricité. Qu'on le veuille ou pas, il va
falloir un jour ou l'autre qu'on s'y interroge, puisqu'il y a 60 % des autres
énergies qui ne sont pas de l'électricité au
Québec. Et malheureusement... Vous avez sans doute les moyens, vous,
plus que d'autres, d'y aller au niveau d'une analyse plus poussée que
certains groupes même peuvent le faire.
Un autre commentaire et, après ça, je vous poserai une
seule question. Mon autre commentaire, c'est que je n'aime pas
particulièrement l'allusion que vous faites en ce qui regarde, par
exemple, la tarification du domestique agricole versus l'industriel. Je vous
avoue très honnêtement que, avec les bénéfices
consentis par Hydro-Québec en particulier à l'industrie la plus
énergi-vore qu'il n'y a pas que sont les alumineries, je vous trouve
osé d'aller en réclamer davantage, alors que le domaine agricole,
qui avait un petit programme de serres, l'a perdu au cours des ans. Je vous
trouve osé. Vous gobez 200 000 000 $ par année. Vous aurez
probablement gobé quelque chose comme 1 500 000 000 $ d'ici la fin des
contrats secrets, et vous osez vous plaindre encore. Je trouve ça un
petit peu grave. Vous pourriez peut-être demander une rectification, une
meilleure répartition de cet argent-là sur l'ensemble de
l'industriel, mais pas en demander plus pour le secteur industriel. Il me
semble que c'est osé un petit peu dans les circonstances. Et ma question
fort simple, la seule que j'ai à vous poser mon collègue
suivra c'est: Se-riez-vous favorable à un débat plus large
sur l'énergie?
Le Président (M. Camden): M. Dufour.
M. Dufour (Ghislain): Vous avez converti le premier commentaire
en une question, parce que ce que vous dites, c'est que, dans notre
mémoire, on ne regarde, finalement, que
l'hydroélectricité, ce qui est vrai, et on en est très
conscient. Et quand on écoutait M. Caillé, hier, le
président de Gaz Métropolitain, on était d'accord avec
certaines de ses orientations, c'est vrai. Mais c'est un document qui s'appelle
plan d'Hydro-Québec de développement des 10 prochaines
années, proposition. Alors, on est resté dans ce cadre-là
et, même en restant dans ce cadre-là, on arrive avec un
mémoire d'une vingtaine de pages, étoffé. Il y a beaucoup
de données statistiques, etc.
Alors, on est carrément resté là-dessus. On n'a pas
parlé de privatisation, contrairement à d'autres. On n'a pas
parlé d'une régie ou d'une commission possible, contrairement
à d'autres. On n'a pas parlé du gaz et on est ouvert à en
parler. On en a déjà débattu de cette question-là,
vous et nous, M. Chevrette, lorsqu'on a rencontré le caucus des
députés du Parti québécois au mois de
décembre, d'un débat plus large sur toute la politique
énergétique québécoise. Nous, on n'a pas
d'objection. C'est une décision, dans le fond, politique, une
décision gouvernementale. On n'aura pas d'objection de principe. La
seule chose qu'on pense, par ailleurs, c'est que, dans la société
québécoise, à un moment donné de l'histoire, il ne
faut pas toujours avoir trop, trop de grands débats publics parce que
ça nous mène nulle part. On en a eu un sur la santé qui a
duré deux, trois ans. Je ne dis pas qu'il a conduit nulle part
là, mais on en a un, actuellement, qui est sur les finances publiques,
l'administration publique. Il y a une capacité des groupes
organisés comme nous de répondre et nous, on est bien
structurés, on est bien organisés, on a les finances pour le
faire de répondre à ces consultations gouvernementales.
Mais, sur le plan du principe, on ne s'est jamais refusé, vous le savez
très bien, à des grands débats de société,
tel celui-là.
Je trouve très pointue votre intervention concernant la
tarification. Je voudrais d'abord simplement vous
rappeler que les avantages consentis à certains grands
utilisateurs d'électricité au Québec l'ont d'abord
été par le Parti québécois, et nous...
M. Chevrette: Je m'excuse...
M. Dufour (Ghislain): Oui. Pechiney.
M. Chevrette: ...M. Dufour, vous aurez l'honnêteté
intellectuelle, je l'espère, de situer le contrat de Pechiney en
position de surplus énergétique par rapport à un manque.
J'espère que vous aurez l'honnêteté intellectuelle de le
dire.
M. Dufour (Ghislain): Bon. Ce n'est pas des questions
d'honnêteté, c'est des questions de savoir, à un moment
donné, quand un débat sur un dossier démarre, et on ne
vous reproche pas, au contraire, de l'avoir fait là. Je veux dire, c'a
été correct à une période de l'histoire que de le
faire. Ces négociations-là ne prennent pas six mois, on s'entend
là-dessus. Donc, il y a eu... et des démarrages de discussion.
C'est disparu dans le plan, dans le projet d'Hydro, mais il reste, quand vous
regardez carrément la page 16, ses interfinancements. On peut prendre
les petites PME.
Les petites PME, j'espère que vous allez les comparer aux petites
PME du secteur agricole. Alors, ces petites PME, il y a des ventes de 12 %,
puis elles représentent 33 % des marges bénéficiaires
d'Hydro. Là je ne parle pas des grandes boîtes, je ne parle pas de
ceux qui ont été l'objet de ces ententes-là. Les petites
puissances, c'est un peu le secteur agricole. Alors, on ne demande pas qu'il y
ait parité, je dirais, qu'on assume les coûts chacun dans son
secteur demain, mais Hydro propose, d'ailleurs, de regarder ça de
façon importante. Nous, on dit: II faut que tu fasses quelque chose
parce que, là, pour l'instant, c'est carrément
inéquitable.
M. Chevrette: M. le Président...
Le Président (M. Camden): M. le député de
Joliette.
M. Chevrette: ...je voudrais rectifier une chose. Tout d'abord,
Pechiney, c'a été fait dans un contexte de surplus
d'énergie, premièrement. Deuxièmement, lors de la
réouverture des contrats secrets, même ces contrats-là ont
été réouverts. Il faut le dire sur toute la ligne. Et si
je suis très pointu, M. Dufour, c'est que je vous ai déjà
entendu à plusieurs reprises, justement lors de nos rencontres de caucus
sur des points très précis, demander, revendiquer, comme c'est le
droit de le faire de toute association, qu'elle soit patronale ou syndicale, je
vous ai vu applaudir des décisions contraires. C'est pour ça que
j'ai pris l'habitude d'être assez pointu et carré avec vous.
M. Dufour (Ghislain): Ce n'est pas un grief que je vous fais, au
contraire, j'aime ça, les questions précises, au lieu de nager.
Vous me donnez l'explication que
Pechiney, c'est une situation où on était en surplus
d'énergie. Bien oui, je ne conteste pas ça, sauf que l'entente
sur les coûts, cette réalité-là a donné
naissance à d'autres réalités, et c'a été
initié sous votre gouvernement.
Le Président (M. Camden): M. Fournier.
M. Fournier: M. le Président, est-ce que vous permettez
que j'apporte un commentaire à ce point-ci?
Le Président (M. Camden): Allez-y, M. Fournier. (10 h
40)
M. Fournier: Moi, on m'a demandé d'assister M. Dufour
à cette séance-ci, de ce matin, principalement pour discuter du
programme d'équipement d'Hydro-Québec. Alors, je l'ai
regardé, le programme d'équipement d'Hydro-Québec, depuis
un certain temps, et je me considère privilégié
aujourd'hui, à titre de président de Tecsult, d'avoir
été associé à Hydro-Québec depuis nombre
d'années.
Ce que je veux dire par là, ça fait 35 ans que je suis
associé à Hydro-Québec à titre d'étudiant en
1957, et depuis 1961, à réaliser, je ne dis pas pour
HydroQuébec, parce qu'on est une société privée...
J'appelle nos services une extension des services d'Hydro-Qué-bec. On a
mis sur pied, au cours des 30 dernières années, au-delà de
6000 MW. Alors, je me pose la question: Qui sommes-nous ici pour discuter
vraiment ou contester le programme d'Hydro-Québec? Ils ont les meilleurs
ingénieurs, les meilleurs administrateurs, et ils nous proposent quelque
chose. Tout ce que je peux dire, c'est que j'endosse le programme
d'Hydro-Québec sans réserve, et je crois que, en endossant le
programme d'Hydro-Québec, c'est un bien pour la société
québécoise et c'est aussi un bien pour notre
société qui emploie au-delà de 1000 personnes.
M. Chevrette: Sans vous arrêter, M. le président, je
m'excuse, mais c'est sur mon temps et je ne sais pas à quoi ça
répond. Je n'ai pas posé de question.
M. Fournier: Moi, j'ai demandé à faire un
commentaire, M. le Président.
M. Chevrette: Je comprends, mais je veux juste vous faire
remarquer que c'est parce qu'on est limité à à peu
près 10 minutes chacun. Je ne veux pas vous arrêter. Vous avez
droit à tous les commentaires que vous voulez, mais il faudrait au moins
que je vous pose une question pour que vous en preniez sur mon temps. Je n'en
ai pas posé.
Le Président (M. Camden): Je vous rappellerai, M. le
député, que, évidemment, les gens sont venus ici nous
faire des représentations et formuler des commentaires.
M. Chevrette: Je veux bien, M. le Président,
mais, je m'excuse, les parlementaires sont là pour questionner
sur des points bien précis, vous le savez très bien. Moi, s'il y
en a un qui veut se faire le porte-parole et donner le crachoir à
monsieur tout l'avant-midi, c'est son affaire, mais pas sur mon temps.
Le Président (M. Camden): Alors, si on est ici,
finalement, pour formuler des questions, le député de Vimont va
formuler des questions. Nous aurons l'occasion de revenir, ce qui vous
permettra de formuler à nouveau des questions, à moins que vos
collègues souhaitent en formuler.
M. Fradet: Parce que là, M. le Président, c'est sur
mon temps que le député de Joliette... Ha, ha, ha!
Le Président (M. Camden): M. le député de
Vimont, débutez, s'il vous plaît.
M. Fradet: Alors, ça me fait plaisir de vous entendre ce
matin, messieurs du Conseil du patronat du Québec. Je considère
que vous avez fait une très bonne analyse du plan de
développement d'Hydro-Québec. Vous avez fait beaucoup de travail
et de recherche. J'aurais quelques questions à vous poser. Dans votre
document, aux pages 8 et 9, vous parlez des choix stratégiques
d'Hydro-Québec, entre autres, la cogénéra-tion et autres.
En ce qui concerne la cogénération, à la page 8, vous
faites mention de la cogénération avec le bois, la biomasse
forestière, et, dans le cas d'Hydro-Québec, dans leur plan de
développement, ils prévoient aller chercher près de 700 MW
en cogénération dans les prochaines années et la biomasse
forestière ne représente que 160 MW. Alors, je ne sais pas si,
dans votre document, vous avez fait allusion à la biomasse
forestière comme exemple et vous avez oublié totalement le gaz
naturel, qui est quand même un enjeu important dans la
cogénération au Québec.
Alors, ce sera ma première question, et je reviendrai pour les
autres.
M. Dufour (Ghislain): M. le député de Vimont, je
vais demander à Jacques Garon de répondre à votre
question.
M. Garon (Jacques): Oui, M. le Président, M. le
député, on n'a pas voulu rentrer trop dans la technique,
évidemment, de ce développement de la cogénération,
mais il y a un point, tout de même, qui est mentionné par
Hydro-Québec et qui interpelle le secteur privé, pour
l'essentiel, à développer la cogénération. Alors,
ce qu'Hydro-Québec dit, au fond, ça, c'est l'affaire du secteur
privé. Mais il faut faire bien attention avec la
cogénération. D'abord, il n'y a pas, au Québec, une
implantation manufacturière susceptible de fabriquer les
équipements de cogénération. Alors, là, les
Américains ont 25 ou 30 ans d'avance sur nous. Ça, c'est une
chose.
Deuxièmement...
M. Fradet: Qu'est-ce que vous attendez pour partir une business
d'équipement, si on ne l'a pas au Québec? On pourrait
développer cette...
M. Garon (Jacques): Parce que ce n'est pas rentable et que
ça coûte moins cher de l'acheter aux États-Unis, et
ça, les très grands utilisateurs d'énergie dans le domaine
de la cogénération nous l'ont confirmé. Alors, ça,
c'est une question de rentabilité. Deuxièmement, c'est vrai que
c'est plus rentable, avec les prix actuels du gaz naturel, de développer
les turbines de cogénération qui marchent essentiellement au gaz
naturel.
Ceci dit, on a une très grande industrie de base au
Québec, qui est l'industrie forestière, qui peut utiliser la
biomasse et les déchets de bois pour, aussi, faire fonctionner, sauf
qu'il y a un certain nombre de facteurs qui déterminent les
possibilités. D'abord, ce n'est pas toutes les industries
implantées en région qui ont la possibilité d'enmener le
gaz naturel chez elles quand ça n'existe pas. Alors, dans ce sens, il y
a tout de même des possibilités limitées, disons, dans le
temps, pour développer tout le secteur, dont on semble faire grand cas,
de la cogénération. Par ailleurs, c'est tout de même, si on
importe cette technologie, moins générateur d'emplois que,
effectivement, des petites centrales hydroélectriques, qui, elles, sont
fabriquées chez nous.
M. Fradet: Deuxième question, M. Dufour ou les gens qui
voudront bien y répondre. Vous parlez, dans votre mémoire, bien
entendu, de tarification. À la page 14, vous avez une phrase... Et on
sait que, dans le contexte de rationalisation des dépenses dans
l'ensemble de l'entreprise privée ou de l'appareil gouvernemental, on
est à travailler là-dessus présentement.
Hydro-Québec aussi a cet objectif-là, cet objectif de faire
prendre conscience aux citoyens des coûts réels de
l'énergie, donc éventuellement une politique qu'elle appelle le
tarif DH, horo-hebdo, saisonnier, de séparer les tarifs. Et vous dites
en bas, à la page 14: «En conséquence, le plafond que se
fixe Hydro-Québec au chapitre de la tarification». Donc,
l'augmentation à l'inflation, pour vous, peut paraître même
trop élevée, parce que vous dites qu'Hydro-Québec pourrait
se développer une marge de manoeuvre supplémentaire.
Ma question, c'est que, hier, on a rencontré ici un de vos
membres, probablement, qui est M. Brunet de Lévesque Beaubien Geoffrion,
qui, lui, disait que ce n'était pas nécessairement bon pour la
santé financière d'Hydro-Québec, ou, en tout cas, en
prévision de prendre des engagements sur la tarification à long
terme au cas où Hydro-Québec n'aurait pas les moyens. Et vous,
vous arrivez aujourd'hui en disant que, au contraire, elle a même les
moyens d'aller en deçà du taux d'inflation. Je voudrais
peut-être que vous clarifiiez, là...
M. Dufour (Ghislain): J'ai bien dit au départ qu'on avait
pris beaucoup de temps pour examiner les hypothèses d'Hydro, et on aura
pris la démarche en termes démographiques, en termes de
croissance écono-
mique, en termes de marchés limitrophes, etc. C'est à
partir de toutes ces données-là qu'Hydro fait son plan. Nous, on
est généralement d'accord avec ça, mais d'accord comme
quand on regarde toute prévision économique. Tous les ministres
des Finances en font tous les ans quand ils lancent leur budget. On sait ce que
ça donne souvent, et à Ottawa et à Québec. Le
Conference Board est très optimiste. D'autres sont très
pessimistes. C'est un contexte, et on le dit, qui est très fluctuant.
mais en partant de ça, on dit: les assises sont bonnes pour nous
proposer des investissements de 52 000 000 000 $ et la création de 378
000 emplois. c'est gros, là. ce n'est pas pointu comme avec le
député de joliette, mais c'est des questions qui sont là
et que nous, on apprécie. dans tout ce débat-là, on dit
qu'il y a une marge de 25 %, qu'il y a des dépenses qui sont
compressibles. il y a d'autres secteurs. vous vous rappelez l'aifq. elle est
venue vous demander -1 % durant 5 ans. alors, il y a des positions, des
analyses qui sont différentes. on pense que la nôtre est
correcte.
M. Fradet: Donc, vous considérez, effectivement, que la
marge de manoeuvre d'Hydro-Québec est suffisante pour garantir une
augmentation des tarifs au maximum du taux de l'inflation sur une longue
échéance.
M. Dufour (Ghislain): Bien, ce n'est pas ce qu'elle fait
actuellement parce qu'elle demande, Hydro, un peu plus que l'inflation.
Qu'est-ce que le gouvernement décidera?
M. Fradet: Bien, là...
M. Dufour (Ghislain): Qu'est-ce que le gouvernement
décidera? Il pourra dire: Tu nous as demandé un tarif sur
le...
M. Fradet: Hydro fait souvent une position de négociateur
aussi avec l'Assemblée nationale.
M. Dufour (Ghislain): Voilà. C'est bon, ça, la
Caisse de dépôt aussi, dans le cas actuel. C'est des positions qui
sont, compte tenu des conjonctures économiques, susceptibles
d'être changées.
Le Président (M. Camden): O.K.
M. Fradet: Une dernière petite question.
Le Président (M. Camden): M. le député de
Vimont, la période qui vous était dévolue est
terminée.
M. Fradet: Je m'excuse. J'ai commencé à 10 h 41,
donc il me reste au moins une minute ou deux.
Le Président (M. Camden): II ne vous reste pas deux
minutes. Il peut vous rester tout au plus 30 secondes.
M. Fradet: Alors, 30 secondes pour poser ma question, et vous y
répondrez par écrit, j'imagine. Ha, ha, ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Fradet: Vous avez parlé de politique tarifaire
d'Hydro-Québec pour l'électricité exportée. Il
faudrait faire très attention. Est-ce que c'est parce que la marge
bénéficiaire ou le coût marginal des entreprises
américaines est moindre et que vous avez peur qu'elles fassent un genre
de compétition, je ne dirais pas déloyale, mais... Si nous, au
Québec, on vend de l'électricité dans les entreprises,
éventuellement, dans les États américains, il faut aussi
que le tarif soit plus alléchant pour eux d'acheter
l'électricité que du charbon ou autres dans leurs propres
États.
Alors, qu'est-ce que vous voyez comme étant un danger de la
tarification à l'exportation et quels critères prendriez-vous en
considération lorsque Hydro-Québec établira ses
tarifs?
Le Président (M. Camden): Rapidement, M. Dufour.
M. Dufour (Ghislain): Sur la dernière partie de votre
question, je ne veux pas me substituer à Hydro pour savoir quels
seraient les paramètres de sa politique. On lui dit: Prudence. Je vais
prendre un exemple très concret. Mon collègue, ici, est un
fabricant de meubles qui exporte beaucoup aux États-Unis. Le jour
où, ici, il paie l'électricité plus chère que son
concurrent paie l'électricité aux États-Unis, il est
désavantagé. On se nuit nous-mêmes en exportant une
richesse naturelle qui fait que le produit américain va devenir moins
coûteux que le nôtre. Alors, je pense que, là, c'est un
exemple très concret.
Le Président (M. Camden): M. le député de
Labelle. (10 h 50)
M. Léonard: Merci, M. le Président.
Tout d'abord, bienvenue et merci de votre mémoire. Je voudrais
quand même faire un commentaire général et vous me
répondrez. En termes d'orientation, je comprends bien que vous appuyez
le plan de développement d'Hydro-Québec. Je dois dire que je n'y
trouve pas beaucoup d'esprit critique quant à certaines de ses
articulations. Je pense que si on est ici, c'est justement pour en
discuter.
Nous sommes en chômage, nous avons des problèmes non
seulement conjoncturels, mais structurels au Québec, et
Hydro-Québec est une des grandes entreprises québécoises.
L'un des éléments pour nous en sortir, c'est la
recherche-développement. C'est admis, connu, dit sur toutes les
tribunes. Or, l'une des grandes entreprises à la pointe de l'industrie
québécoise, c'est HydroQuébec, et son taux de
recherche-développement sur son chiffre d'affaires proposé dans
le plan, c'est 2 %. C'est l'objectif que l'on fixe au Québec comme
société. Ce que je veux simplement souligner, c'est que si
Hydro-
Québec, qui est une des entreprises de pointe, ne dépense
que 2 %, le reste de la société québécoise, qui n'a
pas les instruments d'Hydro-Québec, qui n'a pas la capacité
d'Hydro-Québec, ne peut pas faire de recherche-développement.
Vous ne pouvez pas demander ça à un restaurant, de faire de la
recherche-développement. Donc, il aurait fallu s'attendre à ce
qu'Hydro-Québec fasse une proposition de recherche-développement
de l'ordre peut-être de 5 %, de 10 %, parce que, à mon sens, si on
veut vraiment développer la société
québécoise, il faut que certaines entreprises dépassent
les 2 % et dépassent les 3 % qu'on voudrait viser comme les Japonais ou
les Allemands ou les Français ou les Américains.
Je trouve que, là-dessus, cela signifie qu'Hydro-Québec
n'entend pas exploiter, en termes de recherche-développement, l'avantage
concurrentiel que nous avons ici, au Québec, en particulier sur
l'hydroélectricité. Je pense qu'on est ici pour en
débattre. Je ne veux pas pendre Hydro-Québec sur la place
publique parce que je discute de cet élément, mais, quant
à moi, ça recèle une attitude plutôt passive, par
rapport au développement, qu'on ne devrait pas voir dans les
orientations d'Hydro-Québec. J'y reviendrai. J'aimerais ça
entendre vos commentaires là-dessus. Je trouve que ça manque
d'imagination, et ça manque d'initiative et d'audace.
Le Président (M. Camden): M. Dufour.
M. Dufour (Ghislain): Je voudrais d'abord dire au
député de Labelle que c'est vrai qu'on a un appui qui est
général au plan de développement. On fait partie de la
coalition pro Grande-Baleine. Il n'y a pas de projets de développement
économique. En voici un, mais il n'y en a pas beaucoup. Alors,
celui-là est intéressant, et 378 000 emplois, en tout cas nous
autres, ça nous intéresse, surtout en région. on a quand
même deux réserves importantes, je les rappelle: la tarification
et l'exportation dont parlait le député de vimont tout à
l'heure. c'est important pour nous. c'est peut-être vrai que 2 %, c'est
insuffisant pour une grosse boîte comme hydro, mais là, je
voudrais rejoindre l'intervention que faisait m. fournier, tout à
l'heure. dans le fond, qui sommes-nous pour être capables, sur une
période de 10 ans, de dire qu'hydro ne met pas assez d'argent dans la
recherche-développement? quand on regarde le tableau de la page 10, que
nous, on a reproduit, en termes de propositions toujours, c'est vrai. je ne
peux pas vous concéder que... 2 % dans l'ensemble de la
société québécoise, c'est l'objectif
recherché, que les grandes compagnies n'en fassent que 2 %. ce sera
compensé par l'alcan, qui va en faire 5 % ou 6 %. mais si eux estiment
que c'est suffisant, bien, moi, comme payeur au niveau du tarif, je ne tiens
pas non plus à ce qu'ils fassent ce qui n'est pas nécessaire.
M. Léonard: Je veux bien, mais Hydro-Québec accorde
des tarifs intéressants pour la grande entreprise. Et vous avez
mentionné Alcan, alors parlons des alumi- neries.
L'une des raisons pour lesquelles on a accordé des tarifs
préférentiels, le taux L, le tarif L, aux alumine-ries, c'est
justement parce qu'on espérait qu'il se crée des emplois et qu'il
se fasse du développement en aval. Or, c'est là où le
bât blesse, il ne s'en fait pas. Les compagnies font des lingots
d'aluminium et les exportent, point à la ligne. Je pense que, justement
dans ce secteur, il devrait y avoir beaucoup de recherche-développement,
en termes de sous-traitance, avec les grandes entreprises, Hydro-Québec,
avec les alumineries. Je mets ça comme hypothèse. Je ne suis pas
un expert de la chose, mais, à mon sens, on devrait pouvoir trouver des
fonds importants de recherche-développement dans ce secteur avec
Hydro-Québec. et, pour moi, quand vous dites que c'est alcan qui va en
faire pour 5 %, bien, il me semble qu'hydro-québec devrait être
drôlement intéressée, elle aussi, à en mettre
beaucoup. c'est vrai dans toutes sortes de domaines, mais, si on prend le cas
des alumineries, c'en est un, à mon sens, très patent. je
comprends qu'on n'a pas tous les instruments pour en discuter, mais il faut
quand même avoir des balises, des objectifs comme société.
on sait que 2 %, même en recherche-développement, c'est
très faible. donc, dans un secteur où nous avons vraiment des
ressources particulières, on devrait vraiment y aller à 10 % ou
quelque chose... mais le 10 %, je ne le connais pas plus que vous là. je
dis simplement ça en termes d'orientation.
M. Dufour (Ghislain): Mais moi, je suis réceptif à
votre argumentation. On peut s'interroger: Pourquoi 2 %? Pourquoi? Je n'ai pas
de réponse à ça, sauf que je répète ce que
j'ai dit tout à l'heure, en admettant la qualité de votre
argumentation: Est-ce que, à ce moment-là, ça
n'augmenterait pas indûment ou de façon non justifiée la
tarification parce qu'on ferait la recherche-développement qui n'est pas
nécessaire? On en a tellement fait avec Hydro, les firmes
d'ingénierie ont été tellement mises à
contribution, et ça, je peux peut-être demander à M.
fournier de dire un mot là-dessus...
M. Léonard: Si...
Le Président (M. Camden): M. le député de
Labelle, je dois vous indiquer que déjà nous avons
dépassé le temps qui vous était dévolu.
Alors, M. le député de Drummond.
M. St-Roch: Merci, M. le Président.
Dans votre mémoire et dans votre présentation, au niveau
de l'environnement, vous avez glissé ce que j'appellerai bien
subtilement un reproche élégant à Hydro-Québec
concernant tout le travail qu'Hydro a fait en environnement. En 1990, lorsqu'on
était assis à discuter le plan quinquennal 1990, 1991 et 1992,
j'avais soulevé d'ailleurs toute cette masse d'informations,
d'expertises qui étaient accumulées chez Hydro-Québec,
mais qui n'étaient pas diffusées. On avait identifié,
à ce moment-là, comme étant un des outils
privilégiés dans
ce inonde qu'on commençait à évoluer, au niveau de
l'importance que prendrait l'environnement, de diffuser. À la lecture de
votre mémoire et aux commentaires aussi que vous avez rajoutés,
ne croyez-vous pas qu'Hydro-Québec devrait passer une politique
agressive de diffusion des connaissances qu'elle a accumulées? Parce
qu'il n'y a pas une organisation au monde qui a autant d'expertise, au niveau
de connaissances accumulées, au niveau des milieux nordiques
surtout.
M. Dufour (Ghislain): Vous avez parfaitement raison quand vous
dites qu'Hydro a beaucoup fait dans le domaine de l'environnement, et le
témoignage que j'ai cité tout à l'heure le confirme au
plan international. Quand on en parle entre nous aussi, on dit qu'Hydro, qui a
fait beaucoup de choses, ne l'a pas assez communiqué, ne l'a pas assez
dit, notamment les problèmes avec les autochtones, le mercure, etc., au
cours des années. Je dois dire que, depuis deux ou trois ans, ça
a beaucoup changé. Maintenant, les affaires publiques d'Hydro, en tout
cas vues par nous, sont beaucoup plus présentes, livrent le message,
vont aux États-Unis, vont en Europe, ont maintenant une mission
itinérante de promotion de la qualité de l'environnement dans
l'entreprise. C'est tant mieux et ça doit être
développé davantage quant à nous.
Le Président (M. Camden): M. le député de
Drummond.
M. St-Roch: Mon autre commentaire sera, d'une façon
beaucoup plus globale, au niveau politique. Je pense que je ne questionnerai
pas l'avenir des grandes alumineries. On verra dans 10 ans si ça a
été une bonne décision ou non. Il reste que, quand
même, au niveau du développement économique, il faut,
à un moment donné, créer des grandes masses. Autant du
côté du gouvernement que d'Hydro, on a privilégié
l'investissement massif de capitaux au Québec.
Devant la mondialisation, devant tout ce qu'il y aura à
rebâtir un peu partout, puis dans la foulée aussi de ce que mon
collègue disait tantôt au niveau de la
recherche-développement, ne croyez-vous pas qu'on devrait donner un coup
de barre, de dire: Bon, bien, pour les prochaines années, sans minimiser
l'investissement étranger, on les accueillera lorsqu'ils voudront venir
chez nous, mais donner un coup de barre significatif pour utiliser les
mêmes sommes, accroître notre budget de recherche et
développement avec HydroQuébec et donner le coup de barre et
aller miser sur l'entrepreneurship québécois et sur la petite et
moyenne entreprise ici, comme création maximum d'emplois, en faire une
politique, là, autant qu'on a fait miser sur les grands investissements
étrangers?
M. Dufour (Ghislain): On est d'accord. Juste deux choses que
j'ajoute à ce que vous dites. Je pense que le gouvernement, avec M.
Tremblay, tente de nous impliquer dans une culture de la valeur ajoutée
au lieu de livrer purement les lingots, comme on disait tout à l'heure.
Là-dessus, on marche. C'est évident que les grandes entreprises
ne sont plus les entreprises créatrices d'emplois. Donc, il faut aller
chez les PME, faire la recherche et développement en collaboration avec
elles. D'ailleurs, Hydro en propose, certains volets de recherche et
développement avec les PME là-dedans, et c'est des orientations
qui, quant à nous, sont très valables. M. Fournier, vous en
faites.
Le Président (M. Camden): Oui, M. Fournier. (11
heures)
M. Fournier: J'aimerais juste ajouter que, dans le domaine du
génie-conseil, si on a pu exporter notre génie-conseil au cours
des dernières années, c'est grâce à
Hydro-Québec, qui a su donner des contrats à l'entreprise
privée pour réaliser l'ingénierie détaillée,
ce qui est contraire à Hydro Ontario. Mais si les projets de
développement sont bloqués pour toutes sortes de raisons, on ne
pourra pas faire d'exportation, parce que les gens... Où on
développe, soit en Afrique ou un peu partout à travers le monde,
il faut apporter des réalisations qu'on a faites, et si on est 10 ans
sans faire des travaux qu'on a faits récemment, on va perdre ce qu'on a
gagné. Alors, c'est sûr qu'on ne peut pas être contre le
développement, loin de là. Mais ça, c'est
HydroQuébec qui a les sommes d'argent et qui décide si elle doit
augmenter de ce côté-là. Ce n'est pas à nous de le
dire, mais on est pour.
Le Président (M. Camden): Ça va? C'est
terminé?
Alors, évidemment, nous remercions les membres du Conseil du
patronat du Québec de leur présentation, et nous vous souhaitons
un bon retour.
Nous allons suspendre quelques instants, pour permettre aux membres de
l'Association des ingénieurs-conseils du Québec de prendre
place.
(Suspension de la séance à 11 h 2)
(Reprise à 11 h 4)
Le Président (M. Camden): J'invite les membres de la
commission, s'il vous plaît, à reprendre place.
Nous allons reprendre nos travaux, et avant que nous ne
procédions à la présentation, Mme la ministre m'indique
qu'elle a un document à déposer, suite à une demande
d'information qui avait été formulée par le
député de Laviolette. Y a-t-il consentement au dépôt
du document?
Des voix: Oui, consentement. Document
déposé
Mme Bacon: Oui, en fait, l'objet était la vente
d'électricité par une corporation municipale à
HydroQuébec, et le ministère a préparé une
réponse, que je dépose aujourd'hui.
M. Jolivet: Est-ce que c'est l'opinion juridique? Mme Bacon:
Oui.
Le Président (M. Camden): Alors, le document est
déposé.
Sur ce, évidemment, il nous fait plaisir d'accueillir
l'Association des ingénieurs-conseils du Québec. J'inviterais
d'abord M. Claude Liboiron, président, à présenter les
membres qui l'accompagnent.
M. Liboiron (Claude): Alors, M. le Président, je voudrais
vous présenter mes partenaires: Mme Johanne Desrochers, qui est
directrice générale de l'Association; à ma droite, M.
Kazimir Olechnowicz, qui est secrétaire-trésorier de
l'Association des ingénieurs-conseils du Québec; M. Jean-Pierre
Sauriol, qui est l'ancien président de l'Association et le futur
président de l'Association des ingénieurs-conseils du
Québec. Également, M. Sauriol était président du
comité sur le plan de développement d'Hydro-Québec.
Le Président (M. Camden): Alors, je vous rappelle
brièvement qu'une période de 20 minutes vous est dévolue
pour présenter votre mémoire. Elle sera suivie,
évidemment, d'une période de questions de 40 minutes.
Alors, M. Liboiron, nous sommes disposés à vous
écouter.
Association des ingénieurs-conseils du
Québec (AICQ)
M. Liboiron: M. le Président, Mme la ministre de
l'Énergie et des Ressources, Mmes et MM. les députés du
gouvernement et de l'Opposition, les membres de la commission parlementaire de
l'économie et du travail, il me fait plaisir de vous présenter,
au nom des membres de l'Association, la position de notre association
concernant le plan de développement d'Hydro-Québec 1993-1995.
Notre association regroupe la très grande majorité des
ingénieurs-conseils du Québec; cela signifie plus de 175 firmes,
tant au Québec qu'à l'étranger, et quelque 10 000 emplois
hautement spécialisés.
En se regroupant, l'Association des ingénieurs-conseils du
Québec a voulu contribuer au développement de l'ingénierie
québécoise, tout en marquant leur présence dans la
société, et en assurant à la population les services
professionnels de la plus haute qualité. C'est donc à titre
d'experts dans les technologies de l'énergie que nous nous adressons
à votre commission, mais également à titre de partenaires
socio-économiques très importants.
Même si nos services professionnels d'ingénierie
s'adressent à tous les secteurs de la société, une bonne
partie de nos activités consistent à répondre aux besoins
d'Hydro-Québec en expertise externe. C'est donc aussi à titre de
partenaires d'Hydro-Québec que nous nous prononçons aujourd'hui
sur la proposition de plan de développement d'Hydro-Québec.
Je soulignerai au cours de cette présentation les
éléments du mémoire que nous avons remis. Je pense, entre
autres, au programme d'efficacité énergétique, à la
tarification, aux filières thermiques et à la
cogénération, aux enjeux environnementaux, à la question
des nations autochtones, et à celles de l'utilisation de
l'électricité et de son exportation. Je me permettrai d'expliquer
aussi plus en détail un certain nombre de préoccupations de fond
qui, nous le croyons, méritent votre attention. En particulier, celle du
moteur de développement économique qu'est Hydro-Québec, et
de l'expertise de l'ingénierie québécoise en
matière d'énergie.
Il est certainement utile de rappeler qu'Hydro-Québec constitue
sans doute le moteur de développement économique le plus
important dont la société québécoise dispose. Que
ce soit par la création d'emplois directs ou indirects, par l'achat de
biens et services, par l'investissement massif de capitaux dans la mise en
place de ses équipements, Hydro-Québec a été depuis
plus de 30 ans, et reste encore aujourd'hui, l'une des principales pierres
d'assise de l'économie du Québec.
Cette commission parlementaire revêt donc une très grande
importance en nous amenant à réfléchir sur les grandes
orientations que suivra Hydro-Québec au cours de la prochaine
décennie. Nous devons d'abord dire, à cet égard, que nous
voyons comme une nette amélioration le nouveau processus de ratification
du plan de développement d'Hydro, que le gouvernement a mis de l'avant
en 1991. Alors qu'il devait auparavant être discuté chaque
année de façon relativement précipitée, le plan de
développement d'Hydro sera dorénavant formulé tous les
trois ans. Une telle formule laisse suffisamment de temps pour l'étudier
de façon plus approfondie, et pour procéder à une large
consultation auprès de tous les groupes intéressés de la
société. Une réévaluation triennale plutôt
qu'annuelle des grands objectifs d'Hydro correspond d'ailleurs mieux au
calendrier de réalisation des grands aménagements
énergétiques, dont le temps de mise en place est toujours
relativement très long. Il est nécessaire de se donner des grands
objectifs à long terme, et de progresser avec stabilité vers la
réalisation de ces objectifs. Le fait de passer d'une évaluation
annuelle à une évaluation triennale du plan de
développement nous semble donc un pas dans la bonne direction.
Les discussions en atelier ont cependant démontré la
nécessité que la société québécoise,
dans son ensemble, affirme une volonté ferme d'aménager
progressivement l'essentiel des ressources hydroélectriques sur son
territoire, celles qui sont considérées comme aménageables
en fonction de critères techniques, économiques ;èt
environnementaux. Il faut enfin reconnaître de façon explicite que
l'hydroélectricité constitue la meilleure option
énergétique renouvelable, et ayant, au niveau environnemental,
les retombées les moins dommageables. (11 h 10)
À l'inverse, même si l'objectif d'aligner
l'évolution à long terme des tarifs d'Hydro-Québec sur
l'inflation semble souhaitable, l'AICQ croit fermement qu'il faut éviter
de transformer cet objectif en dogme formel.
L'évolution des tarifs constitue en effet un instrument
très puissant de gestion dont il serait dommage de se passer. Des tarifs
plus élevés permettent, par exemple, de rentabiliser plus
facilement des programmes d'efficacité énergétique, qui
évitent le gaspillage de cette matière très
précieuse qu'est l'énergie. De la même façon,
certains investissements dans des sources d'énergie renouvelables comme,
évidemment, l'hydroélectricité, même s'ils
impliquent des coûts légèrement plus élevés
à court terme, s'avéreront, à moyen et à long
terme, très rentables pour la société
québécoise. Nous croyons donc qu'il faut éviter de fixer
arbitrairement à l'avance un taux de croissance des tarifs
d'électricité. Nous devons, en effet, conserver la
possibilité de prendre la décision qui s'avérera la
meilleure, en fonction du contexte et des conditions économiques du
moment.
Pour ce qui est du contenu plus spécifique de la présente
proposition, nous pouvons dire, évidemment, qu'il ne nous prend
certainement pas par surprise. Le document qui nous est actuellement
proposé constitue une émanation du programme de consultation
lancé par Hydro il y a environ un an, consultation à laquelle
l'AICQ a participé avec un très grand intérêt. Nous
croyons d'ailleurs que la présente proposition reflète
fidèlement les opinions qui ont été alors
formulées, aussi bien par notre association que par d'autres
intervenants qui ont participé à ces échanges. Nous
approuvons le choix qu'a effectué Hydro-Québec de placer la
qualité du service au coeur de son plan de développement. La
priorité à l'amélioration du service répond, nous
le croyons, aux préoccupations des Québécois comme clients
d'Hydro-Québec, que ce soit en termes de continuité du service,
de qualité de l'onde électrique et de rapidité du service,
au meilleur coût. Hydro-Québec effectue ici un virage
clientèle fondamental pour son avenir.
L'efficacité énergétique constitue un autre
élément prédominant de la proposition du plan de
développement d'Hydro-Québec. Parmi les trois options
analysées dans ce plan, Hydro retient celle qui comporte un objectif
d'économie d'énergie de 9,3 TWh par année en l'an 2000.
L'AICQ considère que l'objectif d'efficacité
énergétique que s'est donné Hydro-Québec,
même s'il est relativement ambitieux, est tout de même
réaliste, et elle appuie donc ce choix d'Hydro-Québec.
L'efficacité énergétique n'est d'ailleurs pas un nouveau
champ d'activité pour les ingénieurs-conseils du Québec.
Depuis plusieurs années déjà, nos ingénieurs
travaillent en étroite collaboration avec leurs clients commerciaux,
institutionnels et industriels afin d'améliorer l'efficacité de
leurs équipements énergétiques. L'efficacité
énergétique est devenue une condition première de
succès et même de survie dans un marché de plus en plus
concurrentiel et dans le contexte économique difficile que nous
connaissons. Une meilleure efficacité énergétique repose
d'ailleurs très souvent sur la mise en place de procédés
ou d'équipements plus performants ou sur une utilisation plus judicieuse
de ces équipements. C'est en mettant à la disposition des
consommateurs d'énergie la base technologique et l'expertise
nécessaires à une meilleure utilisa- tion de l'énergie que
les ingénieurs-conseils deviennent des partenaires essentiels de tout
programme d'efficacité énergétique. Ils veulent
définir et mettre en place des équipements et technologies plus
efficaces.
Le programme d'efficacité proposé dans le plan de
développement d'Hydro-Québec nécessitera, d'ici l'an 2000,
des déboursés d'environ 3 000 000 000 $, en argent de 1992.
Près des deux tiers proviendront directement des budgets
d'Hydro-Québec. Il s'agit donc d'un programme d'investissement majeur,
qui devrait créer au moins autant d'emplois et de retombées
économiques qu'un investissement équivalent dans des moyens et
des infrastructures de production d'énergie. Pour les membres de notre
association, ce programme devient l'occasion de développer encore
davantage une expertise en efficacité énergétique. Notre
industrie a déjà commencé à exporter son expertise
ailleurs dans le monde dans le domaine de l'hydroélectricité, et
nous pourrions connaître le même succès que nous avons
remporté dans d'autres domaines d'ingénierie. Cette
retombée économique indirecte de l'efficacité
énergétique s'ajoute à ses autres avantages.
Il faut cependant se rappeler que les objectifs d'efficacité
énergétique proposés par Hydro devront bien
progressivement se transformer en réalités bien concrètes.
En effet, si l'efficacité énergétique ne réussit
pas à compenser une partie de la croissance et la demande
escomptée pour les prochaines années, il en résultera un
déséquilibre entre l'offre et la demande d'énergie, et ce
déséquilibre devra être comblé à grands frais
par la mise en place précipitée d'autres moyens de production. Il
importe donc de procéder à un suivi rigoureux des
résultats du programme, et de réévaluer
périodiquement, et de façon réaliste, sa contribution
concrète. S'il s'avérait que les économies
escomptées tardent à se réaliser, nous croyons qu'il
faudrait alors mettre à contribution de nouvelles sources
hydroélectriques, plutôt que de se tourner vers des installations
thermiques d'appoint.
Même en remportant le succès escompté, le programme
d'efficacité d'Hydro ne peut évidemment réduire à
zéro la croissance de la demande en électricité du
Québec. Pour ce qui est des moyens de production envisagés, pour
répondre aux besoins futurs en énergie, l'AICQ endosse la
position d'Hydro-Québec consistant à favoriser la filière
hydroélectricité. Il s'agit, en fait, de poursuivre sur une voie
que nous connaissons bien, puisque l'essentiel de l'électricité
produite au Québec provient de sources hydrauliques.
Avec un potentiel encore économiquement aménageable d'au
moins 18 600 MW, l'hydroélectricité constitue en fait la seule
source d'énergie électrique de grande puissance à
être disponible sur le territoire même du Québec. Le
territoire québécois ne recèle en effet aucune
quantité appréciable de combustibles fossiles, comme le
pétrole, le gaz naturel et le charbon, qui constituent la base de
l'approvisionnement électrique de la plupart des pays du monde. La
filière hydroélectrique constitue également une option
très avantageuse sur le plan économique.
L'hydroélectricité est effectivement
moins coûteuse que l'électricité d'origine thermique
ou nucléaire, et son prix échappe aux fluctuations qui sont
typiques de ces autres sources d'énergie.
L'hydroélectricité a de plus l'énorme avantage
d'être renouvelable. Elle constitue donc de ce fait une option dont la
valeur ne peut que s'accroître avec les années. En plus
d'être renouvelable, l'hydroélectricité ne contribue pas
aux problèmes environnementaux globaux, comme le réchauffement
planétaire, les pluies acides et l'amincissement de la couche d'ozone.
Donc, l'hydroélectricité s'inscrit très bien dans un
objectif global de développement durable. Il s'agit évidemment de
l'option qui entraîne le plus de retombées économiques pour
l'ensemble de la société québécoise. C'est ainsi
que les grands projets hydroélectriques soutiennent près de 11
emplois directs ou indirects pour chaque million de dollars investi, contre
seulement 4 pour la filière thermique.
L'hydroélectricité constitue également l'option
pour laquelle les ingénieurs-conseils du Québec et l'entreprise
québécoise possèdent la meilleure expertise. Il s'agit
d'une option qui produit des retombées économiques
considérables, ici même au Québec, et qui permet à
l'ingénierie et à l'industrie québécoise d'exporter
son savoir-faire ailleurs dans le monde, et de maintenir ainsi de nombreux
emplois chez nous. On peut penser également aux industries comme GEC
Alsthom, ABB et autres industries, qui exportent des produits
manufacturés, et qui s'infiltrent très bien dans la grappe
industrielle de l'énergie.
Depuis 30 ans, les grands projets d'Hydro-Québec ont
ponctué de façon marquante le développement de
l'ingénierie québécoise. Celle-ci, en même temps,
augmentait d'autant l'exportation à l'étranger de ce
savoir-faire. C'est une donnée non négligeable pour l'ensemble de
l'économie québécoise. Il est donc capital de continuer
à cultiver cette spécialisation technologique et de se maintenir
à la fine pointe de la technologie dans ce domaine. Il nous semble
surtout vital de conserver vivante et active une expertise technologique et
humaine sans laquelle nous ne pourrons continuer longtemps à maintenir
de façon compétitive nos activités de génie-conseil
sur la scène mondiale. Or, pour conserver chez nous cette expertise de
pointe en hydroélectricité et l'industrie qui y travaille, il est
surtout indispensable de continuer à réaliser des projets comme
ceux qui sont proposés dans le plan de développement
d'Hydro-Québec.
Il nous semble donc évident, pour toutes ces raisons, que la
société québécoise doit compléter la mise en
service de son potentiel hydroélectrique, qui est encore
aménageable, avant de se tourner vers toute autre source de production.
Cela inclut également le potentiel hydroélectrique offert par
l'installation de petites centrales sur des cours d'eau de moindre importance,
et qu'on commence déjà à mettre à profit.
Même si la filiale hydroélectrique doit être
privilégiée parmi toutes les options qui s'offrent à nous,
les sites qui peuvent être aménagés en tenant compte des
critères économiques, technologiques et environnemen- taux sont
évidemment limités. Il est donc primordial de penser
également à plus long terme, et de conserver une expertise
minimale dans d'autres technologies énergétiques qui pourraient
devenir nécessaires dans le futur. C'est aussi le cas de la
filière nucléaire. Les filières énergétiques
dites nouvelles comme l'énergie éolienne, l'énergie
solaire ou l'utilisation de la biomasse à des fins
énergétiques.
À l'heure actuelle, la filière thermique à base de
carburants fossiles à savoir gaz, pétrole, charbon
n'est pas utilisée comme moyen de production de base
d'électricité au Québec. L'AICQ croit qu'il en est bien
ainsi, et que l'on devrait continuer de limiter ces filières au seul
rôle d'équipements de pointe et d'appoint, ce qu'elles jouent
actuellement. Les filières thermiques classiques présentent de
nombreux désavantages et ne sont généralement
utilisées que par des pays ou des régions qui ne disposent
d'aucun autre moyen de production d'électricité, comme
l'énergie hydraulique. Il s'agit tout d'abord de centrales très
peu efficaces, qui ne réussissent généralement à
transformer en électricité que de 35 % à 50 % de
l'énergie contenue dans le combustible brûlé. Même si
elles sont relativement moins coûteuses en termes de capitalisation
initiale, les centrales thermiques fossiles produisent également de
l'électricité, dont le coût à long terme est plus
élevé à cause du prix du carburant. Les prix des
combustibles fossiles peuvent être aussi très volatiles, comme l'a
montré la crise pétrolière des années soixante-dix.
Même si le prix actuel des hydrocarbures est relativement stable, rien ne
nous garantit qu'il en sera toujours ainsi au cours des prochaines
décennies. (11 h 20) en plus de consommer de façon peu efficace
des ressources non renouvelables, l'utilisation massive de combustibles
fossiles constitue également la source de pollution la plus grande
à l'échelle planétaire. l'addition de systèmes de
cogénération aux centrales thermiques classiques permet de
récupérer sous forme de chaleur une partie de l'énergie
perdue au cours du processus de transformation de la chaleur en
électricité. alors qu'elle se situe généralement
entre 35 % et 50 %, l'efficacité des équipements thermiques peut
alors atteindre près de 80 %.
Tout comme les autres filières thermiques classiques, la
cogénération produit peu de retombées économiques.
En effet, la principale partie de ces investissements porte sur l'achat
d'équipements de production qui sont achetés selon la formule
«clé en main» sur le marché international. Il s'agit
d'un marché où les fournisseurs du Québec sont peu ou
à peu près pas présents. Il en est de même sur le
plan de l'expertise où on fait davantage appel à des
sociétés étrangères qu'aux firmes
québécoises. Donc, par sa structure financière et son mode
de réalisation, la maîtrise du dossier de la
cogénération échappe aux Québécois.
L'AICQ croit qu'Hydro-Québec ne devrait encourager la
cogénération qu'avec beaucoup de réserve. Il faut en effet
éviter que généraliser la cogénération ne
devienne un moyen détourné de recourir de plus en plus
à des installations thermiques comme source de production
d'électricité au Québec.
L'AICQ croit aussi qu'il faut résister à la tentation de
se retourner vers la cogénération pour trouver une nouvelle
source d'appoint qui pourrait être rapidement mise en place afin de
compenser le retard actuel dans la mise en production de nouveaux sites
hydroélectriques. If ne s'agit pas ici de rejeter la
cogénération du revers de la main, mais plutôt de s'assurer
que cette option ne sera utilisée que dans les seuls contextes où
elle est nettement efficace et avantageuse. C'est le cas notamment de certaines
industries, comme les pâtes et papiers, qui consomment à la fois
de grandes quantités de chaleur et d'électricité, et qui
pourraient tirer avantage d'une filière énergétique
intégrée comme la cogénération.
La cogénération constitue également une
filière intéressante lorsqu'il s'agit de valoriser les
déchets forestiers, agricoles ou domestiques, dont l'élimination
constitue toujours un problème, aussi bien économique
qu'environnemental.
La question environnementale est également une composante
incontournable de toute planification d'infrastructure
énergétique. L'AICQ est évidemment consciente de
l'importance qu'il faut aujourd'hui donner à cette question. Pour les
ingénieurs-conseils du Québec, les préoccupations
environnementales constituent un des paramètres fondamentaux qui sont
pris en considération lors de l'évaluation de tout projet
énergétique.
Il est donc indispensable de mettre d'abord à contribution des
sources d'énergie qui occasionnent le moins d'impact sur
l'environnement. Même s'il est toujours difficile de comparer des impacts
environnementaux dont la nature est très souvent différente,
l'AICQ considère que l'option hydroélectrique est celle qui,
parmi les grandes filières actuellement disponibles, occasionne les
impacts qui sont les moins dommageables sur l'environnement. Le fait que
l'énergie hydraulique soit renouvelable constitue également un
avantage environnemental dont les bénéfices apparaîtront
encore plus nettement aux générations futures. Nous devons
à leur égard être conscients de nos
responsabilités.
En ce qui concerne les revendications autochtones, pour l'Association,
elles constituent, quant à nous, des revendications qui sont d'abord et
avant tout politiques, et qui doivent être traitées comme telles.
La signature de la Convention de la Baie James et du Nord
québécois, en novembre 1975, a permis de franchir un très
grand pas dans le redéfinition des rapports avec certaines
communautés autochtones. Il semble bien que le temps soit venu d'en
arriver à une nouvelle entente globale et définitive avec toutes
les communautés autochtones du Québec.
Le Président (M. Camden): M. Liboiron, je vous invite
à conclure brièvement, s'il vous plaît.
M. Liboiron: Oui. En principe, donc, l'Association accueille
favorablement l'implantation au Québec d'industries à forte
consommation d'électricité. Nous considérons cependant
qu'il faut être très prudent dans les négociations des
tarifs d'électricité consentis à ces entreprises.
On parle également un peu du devancement de projets
hydroélectriques qui constituent, d'autre part, une source
d'activité économique dont bénéficierait l'ensemble
de la société québécoise, sous forme de
création d'emplois, d'achat d'équipements et de
prélèvement de taxes.
M. le Président, je vais conclure. En conclusion, l'AICQ
accueille de façon très positive la proposition de plan de
développement d'Hydro-Québec. Les ingénieurs-conseils du
Québec endossent les grandes lignes de cette proposition, et veulent
être des partenaires actifs de sa réalisation. Nous croyons
surtout que les choix proposés par Hydro-Québec, notamment en ce
qui a trait aux priorités qui doivent être accordées
premièrement, à la filière hydroélectrique; et,
deuxièmement, à l'efficacité énergétique
sont les meilleurs pour la société
québécoise et les futures générations, et doivent
être mis en place immédiatement.
Nous croyons finalement qu'il faudrait profiter de la consultation
actuelle pour bâtir un consensus social relativement à
l'aménagement de nos ressources hydroélectriques, et amorcer
ainsi le processus de qualification d'un certain nombre de sites, qui
pourraient être rapidement mis en chantier aussitôt qu'ils
deviendront nécessaires.
En conclusion, M. le Président, l'Association appuie positivement
le plan de développement d'Hydro-Québec. Merci beaucoup.
Le Président (M. Camden): Je vous remercie de votre
présentation, M. Liboiron. Mme la ministre.
Mme Bacon: M. le Président, j'aimerais exprimer à
l'Association des ingénieurs-conseils du Québec des remerciements
pour votre contribution aux travaux de cette commission parlementaire, et vous
dire que je pense qu'il faut s'encourager à poursuivre la
réflexion. C'est quand même une contribution importante à
la discussion, et on vous en remercie.
Votre mémoire soulève, évidemment avec pertinence,
la question de l'efficacité énergétique. Vous indiquez
à la page 4, et je vais vous citer: «II s'agit donc d'un programme
d'investissement très important qui devrait créer au moins autant
d'emplois et de retombées économiques qu'un investissement
équivalent dans des moyens et des infrastructures de production
d'énergie.» A la lumière de ces données, qu'est-ce
que vous pensez des propositions de certains intervenants qui
préconisent une augmentation significative de l'objectif
d'efficacité énergétique qui a été retenu
par HydroQuébec?
M. Liboiron: Mme la ministre, comme on le mentionne dans notre
mémoire, on dit que c'est un projet très ambitieux,
réaliste par contre, et je pense qu'aller au-delà de ces
objectifs-là, ce serait un très
grand défi. alors, nous croyons que l'objectif de 9,3 %, avec les
connaissances techniques que les membres de notre association ont actuellement,
ça demeure un objectif valable, ambitieux, qui va mériter
beaucoup de suivi.
Mme Bacon: À votre avis, est-ce que l'industrie
québécoise est capable de fournir, à des prix
compétitifs et avec fiabilité d'équipement, les
technologies les plus efficaces sur le plan énergétique?
M. Liboiron: Actuellement, si on parle d'efficacité
énergétique, ça fait peut-être depuis 20 ans que les
ingénieurs-conseils font, pas nécessairement de
l'efficacité énergétique, mais font des projets
d'économie d'énergie. Alors, naturellement, les projets
d'économie d'énergie n'amenaient pas nécessairement des
retombées au niveau des électrotechnologies, mais depuis 2 ou 3
ans, avec le plan d'efficacité d'électricité
d'Hydro-Qué-bec, les ingénieurs-conseils sont partie
présente de ces projets-là. Il y a des dossiers, actuellement,
comme les moteurs efficaces, les projets des... les projets commerciaux,
personnels et industriels, et il va se développer autour de ça
des électrotechnologies qui vont créer au Québec beaucoup
d'emplois. Alors, lorsqu'on dit que les programmes d'efficacité
énergétique créent beaucoup d'emplois, effectivement,
ça crée un peu plus d'emplois, même, que les projets
à caractère... de construction de centrales.
Mme Bacon: Oui. Vous indiquez à la page 8 de votre
mémoire, et je vous cite à nouveau, qu'il est important de
conserver une expertise minimale dans d'autres technologies qui pourraient
devenir nécessaires dans le futur. Quel rôle accordez-vous, comme
Association, à l'énergie éolienne, par exemple, ou
à l'énergie solaire au Québec?
M. Liboiron: Je vais demander à M. Jean-Pierre Sauriol,
qui est président de notre comité.
M. Sauriol (Jean-Pierre): Je pense que la position de
l'Association là-dessus, c'est que l'avenir... on ne peut pas
prévoir aujourd'hui tout ce qui va se passer; donc, si on veut demeurer
compétitif dans plusieurs secteurs, que ce soit le nucléaire, les
éoliennes, ces choses-là, et il y a des nouvelles
découvertes aussi, des nouvelles choses qui vont être
amenées dans ces secteurs-là, je pense que les ingénieurs
du Québec doivent rester près de ces choses-là, au moins
être conscients de ce qui se passe, le développement de ces
choses-là. À un moment donné, si, effectivement,
Féolienne devenait, par un pur hasard, de l'énergie, au moins on
serait prêt à y faire face. C'est l'objectif, notre position, de
maintenir l'expertise dans ces différents secteurs.
Mme Bacon: Lequel? Est-ce qu'il y en a un que vous priorisez par
rapport à d'autres, ou qu'il serait plus facile d'instaurer ici au
Québec, advenant les besoins?
M. Sauriol: Pas vraiment. On favorise nettement le secteur
hydroélectrique. Certains de nos ingénieurs travaillent dans le
secteur éolien, d'autres dans le secteur nucléaire, le secteur de
la biomasse, donc une expertise minimale, mais on favorise nettement le secteur
hydroélectrique.
Mme Bacon: À votre avis, les mesures environnementales qui
ont été mises de l'avant par Hydro-Québec pour la
réalisation de ses centrales hydroélectriques, et la
procédure des autorisations gouvernementales qui sont exigées
pour approuver les projets d'Hydro-Qué-bec, est-ce que tout ça
vous semble approprié ou nettement trop exigeant? Ou pas assez
exigeant?
M. Sauriol: Ha, ha, ha! Question mauvaise. Mme Bacon:
Ça me surprendrait.
M. Sauriol: Non, je pense qu'au Québec les exigences sont
très grandes si on compare ça à d'autres pays. Je pense
qu'on n'a pas à avoir honte, je dirais, mais je pense qu'on est
très à l'avant-garde, et tous les experts mondiaux le
démontrent, qu'on fait beaucoup dans ce sens-là. Nous autres, des
fois, on peut avoir tendance à dire que c'est lourd, mais je pense qu'on
commence à réaliser de plus en plus qu'il faut passer par
certaines étapes, mais il ne faudrait pas, non plus, exagérer. Je
pense qu'il y a des demandes dans certains cas, si on pense à
Grande-Baleine, qui nous paraissent exagérées. C'est des choses
qui ne se font nulle part dans le monde; par contre, au Québec, on nous
demande de faire certaines choses. Je pense qu'il faut avoir une mesure dans
tout ça. Il n'y a pas que l'environnement, il y a l'économie, il
y a tout ça dont il faut tenir en compte. À ce moment-là,
je pense que, des fois, on va trop loin au Québec là-dessus.
M. Liboiron: Également, lorsque les gens de pays
extérieurs au Québec viennent visiter nos installations, soit
à la baie James ou ailleurs, ils en ressortent toujours ébahis de
voir comment on a réussi à garder le côté de
l'environnement intéressant. Alors, je pense qu'à date on n'a pas
eu de critiques au niveau des gens qui vont réellement regarder
ça d'une façon positive et qui sont venus visiter nos
installations.
Mme Bacon: Vous indiquez à la page 12 qu'en principe votre
Association accueille favorablement l'implantation au Québec
d'industries à forte consommation d'électricité.
Évidemment, il y a de nombreuses voix qui s'élèvent contre
la présence de ces industries au Québec.
Est-ce que vous pouvez indiquer à notre commission votre position
sur la politique d'implantation de ces industries-là au Québec?
(11 h 30)
M. Liboiron: En fait, Mme la ministre, c'est qu'on ne peut pas
empêcher, disons... Si on veut se développer, le Québec
le Québec s'est développé beau-
coup dans les dernières années, et le meilleur est
à venir c'est qu'on ne peut pas empêcher les grandes
industries de venir au Québec. On a le meilleur produit, qui est
l'hydroélectricité, et on demeure très économique,
très compétitif sur le marché international, pour
certaines industries.
Les réserves que l'Association a, dans notre mémoire,
c'est qu'on se dit: S'il vient éventuellement des industries, qu'on
appelle des industries énergivores, il faudrait qu'il se greffe à
ça des PME pour qu'il y ait de la valeur ajoutée, puis qu'il y
ait de l'industrie secondaire. Ça va un peu dans le plan aussi des
grappes industrielles. Alors, ces réserves qu'on a, et dans un contexte
de libre-échange aussi, il faut être prudent lorsqu'on donne des
tarifs, je ne dirais pas préférentiels, mais qu'on négocie
des tarifs avec ces industries-là, que ça ne joue pas contre nous
autres. Entre autres, je pense peut-être au projet de Norsk Hydro
où on a eu certaines critiques. Ça se passe.
Alors, il faut être prudent sur les négociations de tarifs.
Il faut définitivement qu'il y ait de la PME québécoise
qui se greffe à ça et qu'il y ait une valeur ajoutée.
Mme Bacon: Hydro-Québec a indiqué, dans sa
proposition du plan de développement 1993, son intention
d'étudier les «external ités» qui sont reliées
aux moyens de production. Est-ce que vous pouvez nous indiquer votre position
sur cette nouvelle approche qui intègre quand même les
répercussions environnementales, sociales et des aménagements
hydroélectriques?
M. Sauriol: Sur la question des
«externalités», je pense qu'Hydro-Québec, dans son
processus de planification, doit tenir compte de toutes les
«externalités», qu'elles soient sociales, environnementales
ou autres. Je pense que c'est un processus qui est normal, parce que la
société évolue aussi. Il y a d'autres
éléments qui s'ajoutent, normalement, à la planification,
ce qu'on ne faisait pas dans le passé. Donc, il nous apparaît tout
à fait normal qu'on endosse ces positions-là, de tenir compte des
externalités qui s'ajoutent au fil des temps.
Mme Bacon: Merci.
Le Président (M. Camden): Ça va. Je vous remercie,
Mme la ministre. M. le député de Joliette.
M. Chevrette: Merci.
Moi aussi, je vous remercie de votre mémoire. J'aurais une couple
de commentaires, une couple de questions. Tout d'abord, je vais partir de la
question que vous posez à la ministre, parce qu'elle n'a cité
qu'un bout de votre mémoire. Vous avez dit, sur les contrats pour les
compagnies énergivores, qu'il fallait faire attention aux coûts.
Donc, votre position... Sans être contre, vous avez des réserves,
si j'ai bien compris, quant au type de tarification qu'on doit leur donner,
quand même...
M. Liboiron: Des réserves, M. Chevrette... Les
réserves que notre Association a, c'est relié strictement au fait
qu'il doit y avoir une valeur ajoutée à ça. Il doit y
avoir des industries secondaires, des PME québécoises qui
viennent se greffer. En ce qui concerne les tarifs, il ne faudrait pas que
l'histoire se répète, ce qu'on a vécu avec Norsk Hydro
on a eu une mauvaise réputation que ça revienne.
Alors, c'est un peu notre position, mais c'est surtout la valeur ajoutée
et puis la création d'emploi au niveau des PME qui est importante.
M. Chevrette: En d'autres mots, vous êtes un peu dans le
courant des Québécois qui disent: Si on leur consent des
avantages tarifaires, il faudrait au moins qu'on en ait des retombées,
en termes de transformation, ici au Québec, par la suite. Si nos lingots
partent tous en pipes de 12 pieds ou de 16 pieds ou en blocs de tant de tonnes,
ça va se faire transformer ailleurs. En d'autres mots, on a consenti de
gros avantages qui ne nous permettent pas de goûter aux retombées,
par exemple, d'une tarification très réduite.
C'est un peu le sens que je prenais de votre mémoire, est-ce que
je me trompe?
M. Liboiron: Par contre, ce qu'il ne faut pas oublier non plus,
c'est qu'il y a eu un partenariat qui s'est fait avec ces industries-là.
Tout le monde vit une situation économique qui est très
difficile, c'est au travers de la planète. Éventuellement, ces
compagnies-là vont définitivement régénérer
des très grands profits; c'est du long terme. À ce
moment-là, ce qui peut être perdu à court terme va
être regagné, éventuellement, à moyen terme. Alors,
il faut le voir dans un objectif, je pense, global de moyen et long terme, mais
pas à court terme.
M. Chevrette: Mais pour le voir, il faudrait que ce soit
transparent.
M. Liboiron: Pardon?
M. Chevrette: Pour le voir, il faudrait d'abord que ce soit
transparent et non secret, premièrement. Deuxièmement, vous ne
croyez pas, mon cher monsieur c'est parce qu'elle était facile...
Deuxièmement, avec le dumping russe, sur le marché des
alumineries, présentement... Je pense que c'est ce matin que je lisais
que c'est à 0,55 $ seulement, et on prévoyait, pour même
pas une rentabilité, là, que le seuil minimum pour ne pas perdre,
c'était 0,76 $ ou quelque chose du genre, selon les dires
d'Hydro-Québec. Je ne sais pas où vous entrevoyez les profits,
mais moi, je ne les entrevois pas. On prétend même, aux dires
d'Hydro-Québec, à l'interne, que ça pourrait être 1
500 000 000 $, qui serait le coût à Hydro-Québec, sans
aucune retombée. Vous n'êtes pas inquiet là-dessus?
M. Liboiron: Je ne connais pas vos chiffres. Nous autres, nous
sommes ici à titre d'experts dans le domaine technique de
l'énergie. Alors, au niveau des
contrats qui ont été négociés, ça, je
pense que je suis mal placé pour en parler. Peut-être que M.
Olechnowicz pourrait ajouter quelque chose.
M. Chevrette: Auriez-vous tendance à dire que ça
devrait être ouvert au public, qu'on est des actionnaires?
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Olechnowicz (Kazimir): Moi, je pense que, peut-être, le
plus important pour l'instant, maintenant, on fabrique l'aluminium ici, c'est
justement de le transformer sur place. Là, on est en train de faire la
recherche et le développement, et il faut absolument trouver des
mécanismes. Je pense qu'on peut être les leaders là-dedans,
car on a toutes les capacités pour instrumenter des usines, les
robotiser. Je pense que si on arrive à les robotiser, avec le
marché nord-américain qu'on a, on pourrait au moins
générer des emplois et des profits dans l'industrie de la
transformation de l'aluminium. Je suis d'accord qu'au niveau de l'industrie
primaire on n'a peut-être pas grand contrôle sur le dumping, mais
au moins sur les retombées, au lieu d'avoir des industries qui
s'implantent aux États-Unis ou dans le nord-est américain, pour
la transformation, il faut trouver la façon de le faire ici. Je pense
qu'on a les mécanismes pour le faire maintenant.
M. Chevrette: Je suis entièrement d'accord avec vous
là-dessus. L'autre point, c'est l'efficacité
énergétique. Vous dites que c'est ambitieux mais réaliste.
Moi, je vous avoue que... Je ne sais pas si vous prenez les mêmes
chiffres que nous autres, mais je me suis permis une lecture des plans de
développement d'Hydro, parce qu'Hydro avait tendance à faire des
plans tous les trois ans, selon son...
La première année, elle disait: Voici ce que je propose.
La deuxième, elle révisait à la baisse ce qu'elle
proposait à la première et, à la troisième, elle
préparait son plan pour son autre trois ans. J'ai regardé tous
ses objectifs d'efficacité énergétique. Ils commencent par
dire: En 1991, on a un objectif de tant de térawattheures d'ici 1995. En
1992, ils changent d'objectif, parce qu'ils disent qu'ils n'ont pas atteint ce
qu'ils voulaient. En 1993, ils font de même, et là, ils disent:
Bon, entre 1991 et 1994, nous allons atteindre 2,9 TWh et, de 1994 à
1995, nous allons atteindre quand même l'objectif de 5,6, ce qui les
oblige à faire en un an ce qu'ils auront essayé de
récupérer pendant quatre ans.
Moi, j'appelle ça présomptueux et non pas réaliste.
Je diverge d'opinion là-dessus. Est-ce que vous avez vu ces mêmes
chiffres-là? Comment concevez-vous que ça peut être
réaliste d'atteindre 9,3 TWh quand on n'a aucun outil de contrôle,
qu'on n'a aucun outil d'évaluation des rendements d'efficacité
énergétique à HydroQuébec? Ça, on le tient
de l'intérieur même d'Hydro-Québec, même pas du
ministère de l'Énergie. On retient ça des
spécialistes d'Hydo-Québec, qui nous disent qu'ils n'ont aucun
contrôle, qu'ils n'ont pas d'outil de contrôle, qu'ils n'ont pas
d'outil d'évaluation. Ils lan- cent des choses de même, puis ils
corrigent. M. Couture est venu nous dire la même chose, au bout de la
table, assis à votre droite. À force de le questionner, il a
admis que, dans deux mois, ça pouvait changer. Vous ne pensez pas que
c'est présomptueux et non pas irréaliste?
Mme Bacon: Bolduc.
M. Chevrette: M. Leduc... Bolduc, excusez! Bon, peu importe, il
l'a dit pareil. Bon, correct? C'est vrai, c'est Bolduc qui l'a dit.
M. Liboiron: Quand on dit que ce programme est ambitieux, c'est
un fait, mais on croit qu'il est réellement réaliste aussi.
Excepté que ça va se faire sur sept ans. On parle de 1993
à l'an 2000. Il y a un gros problème au départ, c'est
qu'il faut sensibiliser les gens à l'efficacité
énergétique. C'est un peu nouveau, ça, au Québec,
parce que l'énergie... Les prix étaient tellement bas, on faisait
un peu de gaspillage. Alors, là, actuellement, il faut sensibiliser les
gens.
Également, il faut former les gens. Je regarde, depuis deux ans,
il y des projets qui ont été donnés, dans le domaine du
génie-conseil, dans le domaine manufacturier aussi. On a de jeunes
ingénieurs qui sont sur la route, qui vont voir des gens des domaines
commercial et institutionnel. Ces gens-là sensibilisent ces
propriétaires-là, finalement, à l'économie
d'énergie, à l'efficacité énergétique. Ils
reviennent au bureau, parlent avec d'autres ingénieurs.
Également, l'Association a signé un protocole d'entente avec
Hydro-Québec pour la formation en efficacité
énergétique. C'est un projet sur sept ans. Le démarrage
peut être un petit peu lent, mais éventuellement, on va prendre
une vitesse de croisière, et on va le frapper, cet objectif-là.
Mais, au départ, au niveau de la formation, au niveau, également,
de la sensibilisation des gens, c'est un travail qui se fait. Ça, je
pense qu'à date les résultats sont très bons à
HydroQuébec. Les objectifs, par après, vont être atteints
sûrement au cours des prochaines années.
M. Chevrette: J'ai encore du temps? Merci.
Encore faudrait-il qu'il y ait des outils pour contrôler les
programmes d'efficacité énergétique. (11 h 40)
M. Sauriol: Mais, là-dessus, Hydro-Québec est en
train de se les créer, les outils. D'ailleurs, il y a des propositions
qui sont en cours, à la demande d'Hydro-Québec, pour
évaluer, justement, ce qui s'est fait à date. Donc, c'est la
première fois, comme vous le disiez tantôt.
Hydro, ça fait longtemps qu'on parle d'efficacité
énergétique on l'a fait, en partie mais là,
je pense qu'Hydro est vraiment sérieuse dans l'implantation de son
programme d'efficacité énergétique. Elle veut se donner
des outils de contrôle, elle veut se donner un suivi important. On le
sent beaucoup, les ingénieurs-conseils, parce qu'on- est relié de
très près à ce développement-là. C'est pour
tout ça que je pense qu'on est en
mesure de se dire: Compte tenu des efforts qu'on doit faire
actuellement, on pense que ça peut être atteint. Mais il y a un
lot d'éléments autour de ça, ce n'est pas juste
Hydro-Québec.
M. Chevrette: C'est-à-dire qu'on ressentait, au
départ... C'est beaucoup d'argent quand même qu'il y a dans
ça. C'était même inquiétant de voir qu'on se
lançait un peu tous azimuts sur des expériences... Même, il
y en a qui appelaient ça des «gadgets floridiens». Vous vous
rappellerez, au début, ce qu'on entendait dire, même à
l'intérieur d'Hydro, c'est qu'on essayait de calquer plutôt des
programmes utilisés dans des pays non comparables, par exemple au point
de vue climat. Qu'on pense à la lampe opaque, l'hiver, qui retient la
chaleur, c'est ta plinthe électrique qui chauffe davantage. Je veux
dire, il y avait des effets croisés. Vous avez, sans doute, même
sur le plan technique, beaucoup... Vous êtes mieux préparé
que moi pour dire que ça n'avait peut-être pas d'allure.
Il y en a qui disent qu'il faudrait faire appel au génie
québécois précisément, et penser à des
programmes d'isolation dans le contexte ou dans le climat dans lequel on est,
mais cependant, des programmes où on ne se contente pas d'isoler pour
isoler, mais qu'on isole en fonction d'une efficacité réelle sur
le plan énergétique. De l'intérieur, on nous dit qu'il y a
beaucoup de travail à faire de ce côté-là, et qu'on
ne fait pas appel au génie québécois
précisément pour préparer ce type de programmes.
M. Liboiron: C'est exact. Il y a beaucoup de travail à
faire. Aujourd'hui, on parle d'efficacité énergétique.
Pour vous donner un exemple, lorsqu'on faisait de l'économie
d'énergie, il y a 10 ou 15 ans, on coupait les volets d'air frais des
systèmes de ventilation. Je ne veux pas faire de grand cours technique,
c'est de vulgariser. Effectivement, c'est vrai que ça coupait
l'énergie, mais ça ne donnait pas d'air aux gens à ce
moment-là, et les gens avaient d'autres problèmes. Aujourd'hui,
ce qu'on fait, c'est qu'on laisse les volets ouverts. On a de l'air frais qui
entre, excepté que, lorsqu'il y a des pièces où il n'y a
personne, on n'alimente pas en air ces pièces-là. Alors,
ça s'est fait comment, ça? Par des électrotechnologies, et
ça, c'est un plus. Ça a permis également le
développement de la PME québécoise.
Quand on pense aussi aux électrotechnologies et à
l'efficacité énergétique, nos entreprises et la PME
québécoise... Moi, je crois beaucoup à la PME
québécoise. Elle existe depuis plusieurs années, et elle
va prendre beaucoup d'essor. Il faut lui donner des outils pour avoir les
électrotechnologies qui vont lui permettre d'être
compétitive, et de pouvoir aussi compétitionner sur les
marchés étrangers. Et ça, j'ai beaucoup d'espoir sur
ça.
Le Président (M. Camden): M. le député de
Vimont.
M. Fradet: Merci, M. le Président.
Ça me fait plaisir de recevoir votre présentation ce
matin, messieurs et madame, surtout que Laval se trouve à être
très bien représenté, des deux côtés de la
table d'ailleurs.
J'ai le résumé, ici, de votre mémoire, et vous
dites que vous faites une profession de foi, finalement, envers
l'hydroélectricité. Vous dites que c'est la meilleure
énergie, la plus propre^ et renouvelable. Vous arrivez aussi, et vous
dites... Vous demandez une consultation... C'est-à-dire que,
contrairement à d'autres groupes, vous ne demandez pas de consultation
publique, de commission d'enquête ou de commission de l'énergie,
mais vous demandez que la consultation actuelle puisse déterminer aussi
une profession de foi envers l'hydroélectricité.
Comment pensez-vous ou comment percevez-vous cette commission
parlementaire aujourd'hui face à ça? Parce que c'est ce que vous
demandez, à la page 2.
M. Liboiron: Avant d'arriver à la commission
parlementaire, il y a eu toutes les étapes de travail, naturellement,
avec Hydro-Québec, et où les membres de l'Association ont
participé. À ces tables de travail, les
ingénieurs-conseils étaient représentés. Il y avait
des gens, des manufacturiers, mais il y avait également des groupes
écologistes environnementaux. La discussion était très
animée, c'était très positif, très sain, et de
là est sorti notre mémoire. En choisissant les commissions
parlementaires, aujourd'hui, moi, je trouve que c'est un exercice qui est
très sain. Ça nous fait plaisir de venir vous rencontrer. Quant
à la filière hydroélectricité, ça fait plus
de 30 ans que le génie-conseil québécois est
encouragé par le faire-faire d'Hydro-Québec. Ce faire-faire, je
pense, a créé des économies à Hydro-Québec,
et ça a permis aussi au génie-conseil québécois
d'exporter sur le marché extérieur. Je ne veux pas revenir sur
l'efficacité énergétique, mais éventuellement,
aussi, ça va être un plus pour l'exportation de services à
l'extérieur.
M. Fradet: Pour continuer...
Le Président (M. Camden): M. Sauriol.
M. Sauriol: On peut peut-être...
M. Fradet: Oui, M. Sauriol, allez-y.
M. Sauriol: ...juste rajouter... Effectivement, c'est une
profession de foi, parce que, comme me disait mon collègue, M. Liboiron,
les consultations préliminaires, on a eu l'occasion de discuter avec
tous les écologistes et les «éoliens», et les ci et
les ça, et tout se remettait en question. Donc, à un moment
donné, le débat énergétique dont on parlait
tantôt a commencé à se faire à ces tables-là,
à toutes fins pratiques. Je pense qu'on en parle depuis suffisamment
d'années, qu'on a fait suffisamment de débats. Il faut
arrêter de se poser des questions, à un moment donné, et
agir. Comme on dit, nous
autres, chez nous: On a un puits de pétrole, je veux dire, ici,
au Québec, qui est sans fin. C'est un avantage important. Il faudrait au
moins statuer une fois pour toutes, parce que le plan de développement
d'Hydro-Québec, si on l'endosse, c'est pour 10 ans, je veux dire, et on
va vivre avec pour 10 ans. On ne se reposera pas la question dans deux ans,
dans trois ans: Bien, là, on arrête et on fait d'autre chose?
C'est...
M. Fradet: Je vais en venir à ma deuxième question
suite à ça. Je suis d'accord qu'on doit, entre autres,
privilégier l'hydroélectricité, mais est-ce que vous
êtes vraiment convaincu que l'hydroélectricité, c'est une
richesse renouvelable constamment, surtout lorsqu'on a vu, il n'y a pas
tellement longtemps, être obligé d'importer de
l'électricité parce qu'on avait une baisse d'hy-draulicité
dans nos barrages? Alors, à cet égard, je vous amènerais
sur la cogénération à laquelle vous ne sem-blez pas croire
tellement ou, en tout cas, je vois ici: «l'Association croit donc
qu'Hydro-Québec devra s'assurer que cette option ne sera utilisée
que dans les seuls contextes où elle est nettement efficace et
avantageuse». Vous déplorez le fait que le gaz naturel, s'il est
utilisé, produit effectivement beaucoup de pollution, de CO2
dans l'air. Vous mentionnez qu'Hydro-Québec doit être
très prudente à l'égard de la cogénération,
mais on sait qu'il faut se préparer aussi à un palliatif
éventuel à l'hydroélectricité.
M. Sauriol: Non, on n'est pas après dire que toute
l'énergie doit être hydroélectrique. On est bien conscient
que les coûts de la pointe sont énormes. À ce
moment-là, on devrait se servir d'autres formes d'énergie, que ce
soit le gaz naturel, que ce soit la cogénération. Dans le cas de
la cogénération, là où on fait attention, c'est
qu'on dit qu'il n'y a pas beaucoup de retombées pour ça, pour le
Québec, et en plus de ça, c'est de l'énergie fossile; tu
as des problèmes de pollution reliés à ça. On ne
dit pas de ne pas en faire, on dit d'en faire, mais d'être bien
circonspect dans ce qu'on fait. Il ne faudrait pas non plus que la
cogénération serve à financer autre chose,
c'est-à-dire qu'Hydro-Québec paie de la
cogénération pour permettre de ramasser plus de revenus pour la
production, je ne sais pas, moi, des pâtes et papiers, par exemple.
M. Fradet: ...je suis d'accord.
M. Sauriol: Ce n'est pas une profession de foi entièrement
envers l'hydroélectricité, parce que, comme je vous le disais
tantôt, la pointe coûte excessivement cher, et il faudrait avoir
tendance à la baisser par des programmes d'efficacité
énergétique, par l'utilisation d'autres filières
énergétiques.
M. Fradet: Oui, oui. M. le Président, il me reste encore
du temps?
Le Président (M. Camden): Toujours. M. Liboi-ron, vous
aviez un commentaire à ajouter?
M. Liboiron: Oui, pour ajouter peut-être au premier
point.
M. Fradet: Pas trop longtemps, parce qu'il faut que je pose des
questions aussi.
M. Liboiron: Oui! C'est parce qu'on n'est pas habitués, on
n'est pas à l'Assemblée nationale...
M. Fradet: Allez-y, M. Liboiron.
M. Liboiron: En fait, au niveau de la faible hydraulicité,
il ne faut pas être inquiet avec ça, ce sont des cycles. Ce sont
des cycles de sept ans et, là, ça a changé depuis un an ou
deux et, même, cette année, les gens d'Hydro-Québec me
disaient que c'est possible qu'ils doivent déverser de l'eau. Alors
ça, ce n'est pas trop, à ce moment-là, rassurant. Mais on
fait toujours, à travers le Québec, depuis plusieurs
années, la promotion de produits québécois. Actuellement,
il y a M. Béland qui fait la promotion de produits de qualité,
mais avec l'hydroélectricité, vous avez les deux.
M. Fradet: II ne faut pas être trop inquiet. Ce que vous me
dites... C'est la première fois que j'entends qu'il y a un cycle,
là, mais il faut à tout le moins... Je ne critique pas,
là, ceci, mais je suis fier d'avoir appris qu'il y avait un cycle de
sept ans en matière d'hydrauli-cité, mais il faut quand
même avoir à l'esprit que ça peut arriver encore une fois
dans l'histoire. C'est ce que je voulais mentionner.
M. Olechnowicz, vous avez parlé, tout à l'heure, entre
autres, des contrats privilégiés qu'on donnerait à des
entreprises énergivores, mais vous avez mentionné qu'il
était important qu'on s'assure que ces entreprises-là
transforment les produits sur le territoire québécois. Je suis
d'accord avec vous sur ce point de vue là. Mais, dans le cas de
l'aluminium, les coûts de transport... parce que c'est ce que l'industrie
nous mentionne. C'est d'ailleurs pour ça qu'elles envoient leurs lingots
d'aluminium dans le nord-est américain, pour le faire transformer, parce
qu'on impute des coûts de transport énormes si jamais on le fait
ici et que c'est distribué aux États-Unis. Est-ce que vous avez
regardé, je ne le sais pas, une solution ou quelques avenues de solution
qui pourraient nous permettre de proposer à des entreprises de venir
transformer des produits ici? On sait que, dans le cadre du
libre-échange, ça devient de plus en plus difficile pour nos
entreprises québécoises d'être compétitives. Alors,
il faudra innover, que ce soit au niveau de la masse salariale ou de la
technologie ou de la productivité. Est-ce que vous avez commencé
à analyser dès avenues de solution?
M. Olechnowicz: Je pense qu'il faut choisir les industries qu'on
veut transformer. Si on regarde, par exemple, la canette d'aluminium, ce n'est
pas rentable, effectivement, de la transformer près de l'endroit
où on fabrique l'aluminium, parce que les coûts de transport sont
trop élevés. Mais si on regarde les pièces d'auto
mobiles, par exemple, les moteurs, là, c'est intéressant,
parce que le coût de transport devient minime par rapport au fait qu'on
n'a pas besoin d'un volume aussi grand à transporter. Alors,
effectivement, il y a un choix à faire dans les industries de
transformation.
L'autre chose, je pense, qui est importante, c'est qu'il ne faut pas
nécessairement compter sur les grandes industries pour faire de la
transformation. Je pense que c'est à nous autres, les
Québécois, à choisir les industries qu'on pourrait
transformer, puis à aller de l'avant dans ces dossiers-là. Je
pense qu'il y a de bons programmes, présentement. Je suis allé,
dernièrement, à une rencontre où il y avait M. Bernard
Coupai, de Innovatech, et je trouve que c'est des bons programmes,
c'est-à-dire que si on a des outils, maintenant, pour investir un peu
dans la recherche-développement, et nous aider dans le financement, je
pense que les Québécois, on peut, nous autres, décider de
faire la transformation nous autres mêmes, et ne pas attendre
nécessairement sur...
M. Fradet: Faire une fiscalité compétitive pour
ces...
M. Olechnowicz: Oui, oui.
M. Fradet: ...entreprises-là, d'ailleurs. (11 h 50)
M. Olechnowicz: Je pense qu'il y a une évolution qui se
fait et, en tout cas, nous autres, le génie-conseil
québécois, on a l'intention de prendre même le leadership
à ce niveau-là pour être des intégrateurs. Je pense
que, ayant la technique, nous autres, connaissant ce qui s'en vient au niveau
technique, connaissant les universitaires, je pense qu'on peut rassembler tout
ça et aider à implanter des usines et, après ça,
bien, peut-être trouver des gens qui seraient prêts à
investir là-dedans, des gens locaux.
M. Fradet: M. le Président, est-ce qu'il me reste une
petite question? Non?
Le Président (M. Camden): C'est terminé, M. le
député de Vimont.
M. Fradet: Alors, je vous remercie, messieurs et madame.
Le Président (M. Camden): M. le député de
Labelle.
M. Léonard: oui. je sais que, tout à l'heure, vous
avez assisté à l'échange que j'ai eu avec les
représentants du conseil du patronat sur la recherche et
développement. je pense que... j'exprime devant vous la même
réserve par rapport au plan de développement à
hydro-québec, à l'effet que les fonds en recherche et
développement 2 % pour moi, ça m'apparaît
insuffisant. je comprends qu'on peut avoir des problèmes d'organisation
quand on veut aller trop vite, effecti- vement, mais, pour vous, qu'est-ce que
ça pose?
Une question que je voudrais vous poser: S'il y avait plus de fonds
dédiés à la recherche et développement, est-ce que
ça pose des problèmes d'organisation? Est-ce que ça pose
aussi des problèmes de standards? Je pense, quant à moi, que si
on doit aller plus loin dans cette avenue, on doit respecter les standards et
normes internationaux tout de suite lorsqu'on imagine des produits et
même, idéalement, imposer nos propres standards sur le plan
international. Pour les imposer, il faut déjà être en avant
des autres. Est-ce qu'il y a des possibilités dans ce sens-là?
Est-ce que ça vous apparaît réaliste comme avenue?
M. Liboiron: M. le député de Labelle, on a eu la
chance d'assister à votre question, alors que le CPQ était
là. Ça a donné une chance de se préparer à
la réponse. Ha, ha, ha! On n'a pas assisté à toutes les
interventions, mais ça, ça nous a aidés. effectivement, la
position de l'association... je pense qu'on parle de 2 % en recherche et
développement à hydro-québec. nous autres, on croit que
c'est un minimum. maintenant, de là à mettre un chiffre, à
le chiffrer, ce n'est pas facile. il faut tenir compte aussi des coûts
que ça représente. je pense qu'actuellement à
hydro-québec vous me corrigerez on doit être
compétitif avec les industries de plusieurs pays, peut-être
à l'exception du japon, dont je ne connais pas les chiffres. ils ont
sûrement un montant en recherche et développement supérieur
aux 2 %.
Ce qu'il ne faut pas oublier... Excusez.
M. Léonard: 3,5 % au Japon.
M. Liboiron: 3,5 %. Bon. Alors, le Japon, définitivement,
a un avantage sur ça.
Maintenant, ce qu'il ne faut pas oublier, c'est qu'au niveau de la
recherche et développement, en ce qui concerne la technique, la
construction des centrales, les lignes, Hydro-Québec a une avance sur
tous les pays. On a ici des réseaux...
M. Léonard: C'est en aval qu'il faudrait aller maintenant,
parce que, dans la construction et la production d'électricité,
je pense que ça va bien.
M. Liboiron: Alors, où on peut inverser, je pense, et je
reviens encore sur ça, c'est surtout sur les électrotechnologies,
et c'est surtout ça qui va être créateur d'emplois. Ce qui
va être créateur d'emplois, pour le Québec, dans les
prochaines années ça en prend, des grandes industries
mais ce qui va être excessivement créateur d'emplois,
ça va être les PME, ça va être les
électrotechnologies. C'est là qu'Hydro-Québec peut jouer
un très grand rôle. donc, les 2 %, je crois que c'est un minimum.
c'est difficile pour nous de le chiffrer. peut-être que m.
olechnowicz...
M. Léonard: C'est-à-dire que vous souhaiteriez
qu'il y en ait beaucoup plus, mais vous ne le chiffrez pas. O.K.
M. Liboiron: Pas beaucoup plus, mais un peu plus.
M. Olechnowicz: Juste, peut-être, pour
compléter.
Effectivement, dans le domaine hydroélectrique, on est à
l'avant-garde. On a été les premiers à avoir les lignes
735 volts. On vient d'instaurer la compensation statique, qui fait en sorte
qu'on peut réduire le nombre de lignes. Alors, je pense qu'au niveau
hydroélectrique on est à l'avant-garde. Là où on
doit investir, et on est d'accord, dans la recherche et développement,
c'est dans l'industrie secondaire de transformation. Là, si on
était capable d'avoir de l'aide... C'est de cette façon-là
qu'on va être en mesure de créer de l'industrie...
M. Léonard: ceci m'amène, parce qu'il me reste deux
minutes ou une minute, je ne sais pas... ceci m'amène à la grille
tarifaire. en réalité, lorsqu'on voit qui consomme
l'électricité par la suite, la pme est clenchée, parce
qu'elle... les ventes représentent 12 %... 11,3 % pardon, mais elles
contribuent à 30,4 % de la marge de profit. en tout cas, c'est un indice
pour voir que c'est la pme qui paie beaucoup, parce que la moyenne puissance,
c'est la même chose aussi. c'est elle qui subventionne la grande
entreprise qui, elle, est moins créatrice d'emplois. est-ce que, en
termes de création d'emplois, il y a un virage à faire, de faire
rattraper je suppose que ce ne sera pas possible, compte tenu des
contrats qui ont été signés pour des entreprises
énergivores mais il y a un virage à faire en termes de
tarification sur la pme, qui déborde évidemment sur la recherche
et développement, à l'heure actuelle, mais...
M. Liboiron: Je vais demander à M. Sauriol de
répondre, s'il vous plaît.
M. Sauriol: II y un virage à faire? C'est évident,
comme vous le disiez vous-même, que la création d'emplois,
ça passe beaucoup plus par les PME que par les grandes entreprises. On
parlait tantôt du programme d'efficacité énergétique
qui génère autant d'emplois et des pouvoirs, peut-être plus
que les projets peuvent en générer à toutes fins
pratiques. Parce que si on investit, dans le cadre de la recherche et
développement, dans l'efficacité énergétique, par
exemple, on peut faire, au Québec parce que c'est les PME qui
font les produits reliés à ça une industrie de
classe mondiale. Au niveau de la production et du transport
hydroélectriques, le Québec, on compétitionne
allègrement, je veux dire, avec tous les pays du monde.
D'ailleurs, je pense que, dans les grappes industrielles du ministre
Tremblay, c'est probablement celle qui est la plus compétitive et la
plus forte. Il faudrait faire la même chose avec l'efficacité
énergétique qui, dans le fond, va dans le sens de l'environnement
aussi.
Donc, quand vous parlez de recherche et développement, je pense
qu'il y aurait lieu, probablement, d'en faire là-dedans, d'investir
davantage dans ça, parce qu'on en fait maintenant des programmes
d'efficacité énergétique. Ça va permettre à
des PME d'arriver avec des nouveaux produits. Comme on parlait tantôt,
pas avoir des produits de la Floride, mais avoir des produits vraiment
développés au Québec, pour les conditions
québécoises. Et, à ce moment-là, on va aussi
créer pour le Québec une classe mondiale d'entreprises pour
l'efficacité énergétique. C'est dans ce sens-là
qu'on va pour le mémoire.
M. Léonard: O.K.
Le Président (M. Camden): Je vous remercie, M. le
député de Labelle.
Je reconnais maintenant le député de Drummond.
M. St-Roch: Merci, M. le Président.
Je souscris entièrement à cet effort, parce que vous avez
entendu les interrogations avec le Conseil du patronat un peu plus tôt.
Mais dans la même foulée, au niveau des efficacités
énergétiques, il y a un autre paramètre. Puis là,
je me réfère à un des premiers mémoires qu'on a
entendus au début de cette commission. Si on accroît davantage au
niveau efficacité énergétique, au niveau des ressources
humaines... J'ai lu votre mémoire. Aucun problème au niveau de
l'ingénierie-conseil, mais lorsqu'on descend un peu dans cette
pyramide-là, lorsqu'on arrive au niveau de formation professionnelle,
que ce soit au niveau des commissions scolaires ou au niveau collégial,
est-ce que vous croyez qu'on a les ressources nécessaires, à ce
moment-ci, pour accélérer ce processus-là ou s'il ne
faudrait pas accélérer davantage des acquis de connaissances,
pour être capable de bâtir cette industrie au niveau mondial, de
compétition mondiale, au niveau de l'efficacité
énergétique?
M. Liboiron: Ça, on parle actuellement... Actuellement, il
y a des discussions entre Ottawa et Québec. Je ne veux pas faire de
politique sur les programmes de formation. Mais, entre-temps, si on pense
à l'université à Montréal, qui est l'ETS,
l'École de technologie supérieure, ces gens-là, avant les
lancements de programmes d'efficacité énergétique, toute
la direction était «mindée», comme on dit, à
des projets d'efficacité énergétique.
Lorsqu'ils ont fait des transformations et des modifications dans leur
bâtiment, ils ont tenu compte de l'efficacité
énergétique. Ils ont gagné des prix de l'AQME, l'an
passé. Ce vers quoi j'arrive, c'est que lès élèves,
qui sont actuellement à cet endroit-là, ils voient ce que les
professeurs voient, ce que la direction faty. Alors, ça, c'est un
début. Moi, comme suggestion, peut-être ce que l'ETS a fait,
ça devrait être exporté dans d'autres universités.
Je pense à la Polytechnique, l'Université Laval,
l'Université de Sherbrooke. C'est l'endroit où on doit commencer,
je pense, à le faire. Après ça, ça va faire boule
de neige, ça va devenir contagieux,
l'efficacité énergétique.
M. St-Roch: Est-ce qu'on ne devrait pas descendre un peu plus
bas? Parce que, tout à l'heure... Vous êtes les grands
concepteurs. Ça va nous prendre des techniciens pour passer plus au
niveau de la mise en application. Il faudrait... Comme ça, je pense que
je peux lire correctement qu'il faut accélérer ce
processus-là...
M. Liboiron: II faut définitivement
accélérer ce processus-là. Disons, peut-être, que le
démarrage peut sembler lent. Mais une fois que c'est comme un
train l'accélération va être prise, les
résultats vont être là... Oh! excusez!
Mme Desrochers (Johanne): Excusez! Si on pense au programme, au
protocole d'entente qu'on a signé avec Hydro-Québec sur la
formation, on ne va pas s'arrêter aux ingénieurs grand concepteurs
ou patrons de l'entreprise de génie-conseil. On va donner de la
formation à tous les techniciens dans les entreprises. On va aller
beaucoup plus bas. Alors, évidemment, comme M. Liboiron a dit, ça
prend le temps. Il faut y mettre le temps et l'énergie, puis je pense
que le choix a été fait, de consacrer des énergies
à ça.
M. St-Roch: Puis, il va falloir le faire aussi, si on veut avoir
de la relève pour l'opération au niveau de nos petites et
moyennes entreprises.
Changement de sujet. Vous mentionnez, d'ailleurs à juste titre,
qu'il nous reste 18 600 MW à développer
d'hydroélectricité au Québec. Par contre, il y a certaines
rivières, puis surtout les grandes rivières, celles qui sont plus
près de la civilisation, qui sont accessibles à l'ensemble des
Québécois et des Québécoises.
Ne croyez-vous pas qu'on devrait au moins laisser une chance aussi
à ceux qui vont nous suivre, de garder leurs acquis, de mettre... puis
d'être un peu plus sélectif, de dire qu'il y a des
rivières, de grands projets qu'on ne devrait pas toucher? On laissera
ça, puis on harnachera ça en dernier complètement. Puis,
pour faire la contrepartie, accélérer davantage le
développement vous avez mentionné les petits barrages,
mais aussi ceux de moyenne et grande puissance, ceux à compléter
les réseaux sur des rivières qui sont déjà, de
toute façon, partiellement harnachées et laisser au moins
quelques grandes rivières qu'on ne toucherait pas, qu'on garderait. On
prendra le temps. On pourrait avoir une vingtaine d'années pour y
penser, développer et essayer de voir s'il n'y a pas d'autre chose
à faire pour les conserver au niveau de notre patrimoine collectif.
M. Liboiron: M. le député de Drummond, c'est comme
si vous aviez déjà assisté à une de nos rencontres,
à l'Association, parce que c'est un point qui a été
proposé déjà par M. Olechnowicz. Alors, on va le laisser
répondre à cette question. (12 heures)
M. Olechnowicz: C'est ça. En réalité, on
parle de 18 000 MW économiquement aménageables. Mais, en
réalité, il y a 50 000 MW aménageables d'une façon
hydroélectrique au Québec, et on est d'accord avec vous qu'on
devrait regarder dans l'ensemble. C'est pour ça qu'à la fin on
conclut en disant: Ça serait peut-être bon de regarder l'ensemble
hydraulique québécois et de peut-être faire des choix, s'il
y a certaines rigueurs qu'on veut conserver, les conserver, mais faire en sorte
qu'on puisse, pour les générations futures, peut-être
garder certains endroits. Mais on a de la place, parce que, comme je vous
disais tantôt, il reste 50 000 MW. Si on voulait tout aménager, il
en reste 50 000; donc, on peut faire des choix encore. Vous avez raison, je
pense que c'est...
M. St-Roch: Alors, l'Ashuapmushuan, on la laisse de
côté et on s'en va sur la Péribonka.
M. Liboiron: II ne faudrait pas s'avancer sur ce
dossier-là.
M. St-Roch: Mais ça s'en va dans la philosophie que vous
venez de décrire.
M. Olechnowicz: C'est un choix de société qu'il va
falloir faire.
M. St-Roch: C'est la réflexion qu'il va falloir faire et
la faire rapidement.
M. Olechnowicz: Parce que, dépendant où les gens
habitent, peut-être que les choix vont être différents, je
ne sais pas.
Le Président (M. Camden): Alors, je vous remercie, M. le
député de Drummond.
Nous remercions l'Association des ingénieurs-conseils du
Québec pour leur contribution aux travaux de la commission.
Sur ce, nous allons suspendre quelques instants pour qu'on puisse
accueillir le groupe de l'Énergie atomique du Canada ltée qui,
nous dit-on, sera peut-être un petit peu en retard.
(Suspension de la séance à 12 h 2)
(Reprise à 12 h 26)
Le Président (M. Camden): La commission va reprendre ses
travaux. J'indique aux membres de la commission que le groupe de Énergie
atomique du Canada - Canatom, est actuellement en route mais éprouve des
difficultés considérant les conditions atmosphériques, ce
qui fait en sorte que M. Charbonneau a accepté de débuter la
présentation. Par la suite, nous procéderons, évidemment,
aux...
Est-ce que ce sont vos collègues, M. Charbonneau, qui font leur
entrée?
Une voix: Les voilà! Sauvé!
Le Président (M. Camden): Alors, on va vous inviter, s'il
vous plaît, à prendre place à la table, on va suspendre un
instant.
(Suspension de la séance à 12 h 27)
(Reprise à 12 h 28)
Le Président (M. Camden): II me fait plaisir de vous
accueillir sachant que vous avez connu des difficultés, des contraintes
liées aux conditions atmosphériques qu'on vit actuellement.
Alors, nous nous apprêtions à débuter avec M. Charbonneau,
qui acceptait de se prêter, évidemment, à l'exercice et de
faire la présentation en votre nom. Est-ce qu'on pourrait
procéder, peut-être, préalablement, à la
présentation? Je pense que le porte-parole est excusez
peut-être la prononciation M. Paskievici.
M. Paskievici (Wladimir): C'est bien cela, monsieur.
Le Président (M. Camden): C'est bien cela? Alors, est-ce
que je pourrais vous inviter à présenter les gens qui vous
accompagnent?
M. Paskievici: Certainement, M. le Président. M. le
Président, Mme la vice-première ministre, MM. membres de la
commission, je suis le porte-parole du groupe composé des personnes
suivantes: M. Paré, directeur général d'Énergie
atomique du Canada ltée; M. Jean-Pierre Leblanc, vice-président
et directeur général de Dominion Bridge, à ma gauche; M.
Charbonneau, que vous avez déjà rencontré,
vice-président affaires commerciales, GEC-Alsthom,
Électromécanique; M. Jean Matuszewski, premier directeur de Price
Waterhouse, à mon extrême gauche; et Me Pierre Dési-lets,
secrétaire et conseil juridique de Canatom, à mon
extrémité droite.
Si vous me permettez, je vais me présenter moi-même.
Wladimir Paskievici. J'ai été, pendant 30 années, dans le
domaine nucléaire, entre autres professeur et directeur de l'Institut de
génie nucléaire de l'École Polytechnique et consultant
auprès des différents organismes fédéraux et
provinciaux dans le domaine. Actuellement, je suis à la retraite et
c'est avec plaisir qu'on m'a demandé, et j'ai accepté
d'être, aujourd'hui, le porte-parole du groupe qui est devant vous.
Le Président (M. Camden): II me fait plaisir de vous
accueillir. Je vous indique que vous avez 20 minutes pour présenter
votre mémoire, et ce sera suivi, évidemment, d'une période
de questions de 40 minutes de la part des parlementaires.
M. Paskievici: Très bien, M. le Président. Je vais
essayer de faire cela en 13 minutes, étant donné qu'on est
déjà un peu en retard, pour gagner un peu sur notre temps.
Le Président (M. Camden): On apprécie votre
collaboration.
Énergie atomique du Canada ltée -
Canatom
M. Paskievici: Directement d'enjeu, qu'est-ce que désirent
les entreprises québécoises du secteur nucléaire? Elles
désirent convaincre la commission que l'option nucléaire est une
option valable pour le Québec, même à partir de 1993, et
souhaite vivement qu'Hydro-Québec procède à une
étude comparative détaillée et complète entre un
projet Gentilly-3 et les autres projets hydroélectriques
envisagés pour Hydro-Québec de puissance semblable.
Alors, quels sont nos arguments? Le premier, c'est que les centrales
nucléaires de la génération des CANDU 6, celle qui est du
type Gentilly-2, ont fait leurs preuves autant au Canada que dans d'autres
pays. En effet, au Canada, les centrales Gentilly-2 au Québec, Pointe
Lepreau au Nouveau-Brunswick sont fiables, économiques et très
douces sur le plan de l'environnement. Actuellement, la centrale de Pointe
Lepreau est la plus performante au monde parmi les centrales qui datent de plus
de 10 ans.
À l'étranger, les centrales d'Atucha en Argentine et
Wolsong en Corée du Sud fonctionnent comme des horloges. Comme preuve,
la Corée du Sud a commandé trois nouvelles centrales du type
CANDU 6 à un moment donné où la compétition
internationale est féroce. (12 h 30)
Deuxième argument: Les entreprises québécoises du
secteur nucléaire occupent une place très importante dans la
commercialisation des centrales nucléaires du type CANDU 6. Il s'agit de
firmes d'ingénieurs-conseils et d'entreprises manufacturières et
de très haute technologie qui possèdent des ressources humaines
et un «know-how» considérable de valeur internationale.
Selon une étude de Price Waterhouse disponible pour la
commission, les retombées économiques de leurs activités
produisent une valeur ajoutée de 216 000 000 $ à l'occasion d'une
vente de centrale nucléaire hors Québec, mais pourraient
atteindre une valeur ajoutée de près de 1 949 000 000 $ pour
l'investissement seulement si la centrale nucléaire a été
construite au Québec.
Troisième point: Le coût de l'électricité
nucléaire n'est peut-être pas aussi élevé que
l'affirme HydroQuébec. Un différentiel de 30 % à 40 % en
défaveur du nucléaire surprend les membres de la
communauté nucléaire qui sont habitués aux méthodes
de calcul différentes comme, par exemple, Hydro Ontario. En effet, la
plupart des compagnies d'électricité utilisent le concept du
coût direct de production tandis qu'Hydro-Québec affecte à
ce coût un facteur de correction pour tenir compte que le facteur
d'utilisation de centrales nucléaires est différent de celui du
réseau.
Ce procédé, qui joue en défaveur du
nucléaire, est discutable. Si, en plus, on retient une durée de
vie plus
courte, par exemple de 30 ans au lieu de 40 ans, et si on fait des
hypothèses comme, par exemple, un investissement complet identique
à la fin de la vie utile de la centrale, ce qui est une hypothèse
extrême, car on peut difficilement prévoir l'état de la
technologie à ce moment-là, on voit bien que le coût du
kilowattheure nucléaire peut varier d'une estimation à l'autre.
Pour nous, il se situe autour du kilowattheure
hydroélectrique. c'est pour cette raison que les entreprises
québécoises du secteur nucléaire auraient souhaité
qu'hydro-québec eût effectué des calculs
technico-économiques détaillés à partir d'un projet
précis tel que la construction d'un candu 6 sur le site même de
gentilly et avec des hypothèses de calcul mieux justifiées.
Troisième argument. Même si le différentiel de prix
désavantageait l'énergie nucléaire, celle-ci
présente d'autres avantages qui, à nos yeux, la rendent
concurrentielle. Il convient de noter, en effet, d'abord, que les coefficients
d'emplois directs reliés aux dépenses d'investissement, en
personnes-année par million de dollars investis, sont plus
élevés pour une centrale nucléaire du type CANDU 6 que
pour tout autre type de centrale hydroélectrique: 6,4 versus 4,2. Ce
résultat obtenu par Price Waterhouse, dans l'étude
mentionnée, diffère du chiffre avancé par
Hydro-Québec qui était 3,5, qui a utilisé cependant, il
faut le dire, un autre modèle de centrale.
De plus, le coefficient d'emplois totaux pour une centrale
nucléaire CANDU 6 se rapproche beaucoup du chiffre avancé par
Hydro-Québec. Ensuite, le coefficient d'emplois directs et indirects
reliés aux dépenses d'exploitation, cette fois-ci, est plus
élevé dans le cas d'une centrale nucléaire que dans celui
d'une centrale hydroélectrique, et la qualification du personnel est
nettement plus élevée. Ces deux affirmations sont
confirmées par Hydro-Québec.
La stabilité du réseau électrique est mieux
assurée lorsque les unités de production sont proches des centres
de consommation, ce qui entraîne des économies non
négligeables.
L'impact sur l'environnement est le moins sévère de toutes
les sources traditionnelles d'énergie. La surface du site occupée
par la centrale est plus faible. Et, dans le cas de Gentilly, le site est
déjà disponible. Des lignes de transport nouvelles ne sont pas
nécessaires. Il n'y a pas de produits chimiques nocifs produits ou
répandus dans la nature, et les rejets de substances radioactives se
situent à un centième des normes admises.
Finalement, il est prudent, nous pensons, pour une compagnie productrice
d'électricité, de diversifier ses moyens de production autant
pour être en mesure de négocier les meilleures ententes que pour
posséder l'expertise nécessaire pouvant lui permettre de passer,
au besoin, d'une forme de production à une autre ou bien encore pour
augmenter la sécurité des approvisionnements en
électricité.
Cinquième argument. Il convient de tenir compte de la nature
structurante de l'énergie nucléaire. L'argu- ment est de taille,
car la société québécoise dispose de peu de grappes
industrielles de haute technicité à forte plus-value ayant fait
ses preuves sur le marché international. Un soutien local à
l'industrie nucléaire au Québec renforcerait la position
concurrentielle de celle-ci. Un tel soutien est jugé hautement
souhaitable pour augmenter les chances de vente sur le marché
international.
Par ailleurs, si l'on ajoute l'effet d'entraînement du
nucléaire sur d'autres secteurs technologiques comme
l'aérospatial, la robotique, les simulateurs, les systèmes de
commande numérique ou encore les applications médicales,
irradiateurs industriels ou même fusion thermonucléaire, on est
porté à considérer que le développement progressif
du nucléaire s'insère bien dans la nouvelle stratégie de
développement économique du Québec.
Pour ce qui est du deuxième sujet, c'est-à-dire la
nécessité, d'après nous, d'une étude comparative
détaillée entre un projet Gentilly-3 et les autres projets
hydroélectriques, nous voudrions ajouter les commentaires suivants:
L'analyse d'Hydro-Québec est basée sur plusieurs configurations
de projets hydroélectriques alors qu'un seul complexe nucléaire a
été utilisé. En effet, Hydro-Québec a
considéré dans ses options un programme nucléaire de 3200
MW avec 4 réacteurs. Une hypothèse plus réaliste aurait
été d'ajouter une centrale de type CANDU 6 sur le site même
de Gentilly. Comme je l'ai déjà dit, ce Gentilly-3
n'entraînerait aucune occupation nouvelle de territoire et ne
nécessiterait aucune construction nouvelle de lignes de transmission. De
plus, un Gentilly-3 minimiserait le temps d'obtention du permis d'exploitation
et pourrait profiter des installations déjà existantes.
Hydro-Québec reconnaît, par ailleurs, les avantages d'une centrale
CANDU 6 lorsqu'elle dit: Flexibilité accrue en matière de
planification, risque financier moindre, fiabilité
éprouvée et expertise québécoise importante.
Deuxième considération. Après la ronde de
consultations effectuées, Hydro-Québec a retiré son option
nucléaire de façon prématurée, d'après nous.
Les arguments invoqués pour expliquer ce retrait sont de deux ordres. On
y affirme que les coûts des centrales nucléaires sont en
général considérablement plus élevés que
ceux des centrales hydroélectriques envisageables et le fait que la
filière nucléaire n'a reçu qu'un appui modeste de la part
des groupes consultés. Nous avons déjà abordé le
premier sujet en soulignant que, sur la base de projets équivalents, le
coût de l'électricité nucléaire s'approche de celui
de l'hydroélectricité et que, pour cette raison, des
études technico-économiques plus détaillées
auraient été justifiées. Malheureusement, cette analyse ne
se fera pas en 1993 à moins qu'il y ait une intervention de la part de
votre commission.
Pour ce qui est du deuxième argument, nous reconnaissons
l'existence de groupes antinucléaires bien organisés et le fait
que la population est, en général, méfiante
vis-à-vis de l'option nucléaire. Nous partageons cependant l'avis
d'Hydro-Québec à savoir que les études probabilistes et
statistiques montrent que l'énergie nu-
cléaire, lorsque les normes sont respectées, est une des
filières énergétiques qui, en situation normale et en cas
d'accident, présentent le moins de risques tant pour les travailleurs
que pour le grand public. Et nous regrettons d'autant plus cette attitude
d'Hydro-Québec qui semble présumer de son incapacité
à sensibiliser la population du Québec quant aux avantages et
à la réalité de l'option nucléaire parce que
l'expérience de l'exploitation de toutes les centrales nucléaires
canadiennes démontre que l'information juste et adéquate est la
meilleure façon de rallier la population et les sources de production
d'électricité d'origine nucléaire.
Finalement, Hydro-Québec n'a pas tenu compte, d'après
nous, de la capacité structurante de l'industrie nucléaire et des
impacts économiques de cette capacité. Ceci constitue la partie
oubliée de la méthodologie d'analyse d'Hydro-Québec avec
la non-inclusion des externalités, c'est-à-dire des coûts
environnementaux et sociaux. Nous estimons que les facteurs de croissance
économique, tels que la croissance de la compétitivité
internationale, la création d'emplois de haut niveau de
technicité et les effets d'entraînement sous d'autres secteurs
technologiques ont été laissés dans l'ombre.
En conclusion, les entreprises québécoises du secteur
nucléaire souhaitent participer au développement
économique du Québec en assurant une transition efficace vers une
économie à haute valeur rajoutée dans le domaine de la
production d'énergie électrique et recommandent que votre
commission demande à Hydro-Québec de vous soumettre de
façon plus précise une évaluation détaillée
de la construction et de l'exploitation d'un deuxième réacteur
nucléaire de la génération des CANDU 6 à Gentilly.
Nous sommes convaincus qu'une telle analyse conduira Hydro-Québec
à inclure un tel projet dans sa planification d'équipements
1993-1995.
Je vous remercie de votre attention.
Le Président (M. Camden): Nous vous remercions de votre
présentation, et je cède maintenant la parole à Mme la
ministre.
Mme Bacon: Alors, M. Paskievici, messieurs, je voudrais vous
remercier tout d'abord de vous présenter devant cette commission, de
nous avoir fait parvenir votre mémoire et vous dire que nous l'analysons
avec beaucoup d'attention.
Dans votre mémoire, vous insistez sur l'importance,
évidemment, de l'industrie nucléaire québécoise et,
peut-être pour mieux préparer notre échange, il y a
quelques questions que j?aurais à vous poser pour mieux
saisir toute cette réalité-là. Est-ce que vous voudriez
tout d'abord préciser, en termes d'emplois et de chiffres d'affaires, ce
que votre industrie représente pour le Québec? (12 h 40)
M. Paskievici: Je voudrais, tout d'abord, vous donner la liste
des entreprises que je représente et, ensuite, je laisserai à mes
collègues le soin de vous répondre de façon plus
particulière parce que ce sont eux qui peuvent vous répondre de
façon plus exacte.
Mme Bacon: D'accord.
M. Paskievici: Les entreprises sont CAE électronique
ltée, Canatom, Corporation outils Québec, Dominion Bridge,
Énergie atomique du Canada ltée, le bureau de Montréal,
GEC Alsthom de Tracy, l'Association des industries CANDU qui participent
à cette présentation, Lefebvre et frères,
Pointe-aux-Trembles, Ralfor Plus, ville Saint-Laurent, Robert Mitchell, ville
Saint-Laurent et Velan, ville Saint-Laurent.
Maintenant, un de mes collègues pourra peut-être commencer
à répondre avec Canatom ou avec Énergie atomique du
Canada, je vous laisse, messieurs.
M. Désilets (Pierre): D'accord. Pour ce qui est de
Canatom, Canatom est une firme strictement d'engineering nucléaire.
Notre chiffre d'affaires se situe, actuellement, alentour de 40 000 000 $ par
année pour une période prévisible de cinq à six ans
à ce niveau-là. Nous avons, actuellement, engagé dans nos
projets, principalement à l'extérieur du Canada, principalement
en Corée et, également, en Roumanie, un effectif d'environ 150
personnes, qui devrait augmenter jusqu'à 200 personnes. Je dirais
qu'actuellement et pour la période dont je parle à peu
près 85 % de nos revenus sont tirés de l'exportation.
Le Président (M. Camden): Oui.
M. Paré (F.E.): En ce qui concerne Énergie atomique
du Canada, le bureau de Montréal qui existe depuis 1975, depuis la
construction de Gentilly-2, on emploie entre 120 et 150 personnes depuis cette
date. Notre chiffre d'affaires est de 20 000 000 $ à 30 000 000 $ par
année. On donne des services à la centrale nucléaire de
Gentilly-2, à Pointe Lepreau et on est aussi impliqué
considérablement dans les centrales récemment vendues en
Corée du Sud, Wolsong 2, 3 et 4.
Une voix: M. Leblanc.
M. Leblanc (Jean-Pierre): Jean-Pierre Leblanc, Dominion Bridge.
Dominion Bridge, dans ses 110 ans d'histoire, a 30 ans d'histoire dans le
domaine du nucléaire. J'ai la liste, ici, des projets qui ont
été réalisés. La participation de Dominion Bridge
sur les projets nucléaires, j'en ai 18, ici, dont le...
Mme Bacon: Vous allez prendre tout mon temps de questionnement.
Vous n'avez pas de chiffres...
M. Leblanc: oui.
Mme Bacon: ...globaux, de chiffre d'affaires, sur un plan global,
et du nombre d'emplois au Québec, sur un plan global?
M. Leblanc: O.K.
Mme Bacon: C'est sectionné par l'employeur?
M. Leblanc: 500 000 000 $ depuis le début des
années soixante...
Mme Bacon: Oui.
M. Leblanc: ...ça représente... Actuellement, on a
un contrat, sur Wolsong 2, de 10 000 000 $ pour la fabrication de composantes
nucléaires. À l'usine de Lachine, on a 400 emplois permanents
dans notre groupe. Maintenant, on est en négociations avec des
Coréens pour Wolsong 3 et 4, pour la fabrication des mêmes
composantes, ce qui va représenter environ 10 000 000 $ de chiffre
d'affaires, strictement dans le nucléaire.
Le Président (M. Camden): Vous voulez ajouter, M.
Charbonneau?
M. Charbonneau (J.P.): Pierre Charbonneau, GEC-Alsthom,
Électromécanique.
Juste une petite remarque. Nous sommes définitivement d'accord
chez GEC-Alsthom avec Hydro-Québec pour privilégier
l'hydroélectrique au Québec, parce que c'est économique,
mais on est entièrement d'accord aussi avec nos collègues ici: le
nucléaire est une solution alternative qu'il faut absolument
préserver et encourager. Disons que, du point de vue création
d'emplois, chez nous, ça représente environ 45 000 000 $
d'activités sur une période de quatre ans. Ça
représente une création d'emplois d'environ 40 personnes par
calandre sur laquelle nous recevons une commande, et je dis 40 personnes
pendant deux ans, environ. Alors, c'est créateur d'emplois,
définitivement; c'est des emplois de haute technologie. Nous avons
environ 1000 personnes chez GEC-Alsthom, Électromécanique.
Mme Bacon: Est-ce que l'arrêt du programme nucléaire
ontarien pourrait affecter particulièrement l'industrie nucléaire
au Québec?
M. Paskievici: Madame, je voudrais juste vous mentionner...
Mme Bacon: Oui.
M. Paskievici: ...avant d'essayer de répondre à
votre question...
Mme Bacon: Allez, je vous en prie.
M. Paskievici: ...qu'un autre collègue, M. Matus-zewski,
de Price Waterhouse, a fait une étude assez détaillée sur
l'importance économique de l'industrie nucléaire au
Québec. Il pourra, soit tout de suite, soit quand vous le
désirerez, compléter la réponse.
Mme Bacon: II pourrait le faire tout de suite.
M. Matuszewski (Jean): D'accord. On n'a pas de données
exactes sur la taille comme telle en termes d'emplois et de chiffre d'affaires.
La quantification est difficile, parce qu'il y a beaucoup d'entreprises,
plusieurs entreprises du secteur qui ne réalisent pas tout leur chiffre
d'affaires dans le domaine nucléaire, d'une part.
Mme Bacon: Ça vous expliquait ma question de tout à
l'heure, parce que nous non plus, on ne l'a pas.
M. Matuszewski: oui. et ce qui varie en plus beaucoup d'une
année à l'autre. je pense, cependant, que les points qui valent
la peine d'être mentionnés et qui ne sont pas
nécessairement connus, c'est qu'au moment où, au québec,
on cherche à développer des grappes qui sont concurrentielles
à l'échelle internationale, eh bien, en voilà une ici, au
québec, soit l'industrie qui regroupe les entreprises du secteur
nucléaire. qu'est-ce qui nous permet d'affirmer ça? eh bien, les
entreprises, dans ce secteur, exportent l'essentiel de leur production.
l'essentiel, ça varie entre 60 % et jusqu'à 90 % de leur
production, production dans un sens large, qu'il s'agisse de biens, qu'il
s'agisse de services. donc, s'il s'agit d'exportations, évidemment que
ces entreprises ont une technologie et une productivité qui les avantage
par rapport à leurs concurrents mondiaux. c'est le meilleur test
véritablement de la compétitivité, et cette
compétitivité qui est basée aussi en grande partie sur des
activités de recherche, recherche et développement. donc, c'est
une industrie au québec, une des rares industries, peut-on dire, qui a
véritablement une supériorité technologique au niveau
mondial et ce n'est pas dans l'avenir, c'est maintenant où ça se
passe et c'est un fait qui est relativement peu connu et qui mérite
d'être souligné. donc, 60 % à 90 % d'exportations, c'est
autant d'avantages également, autant d'impacts positifs sur la balance
commerciale du québec.
En plus, à cette expertise correspondent également des
emplois de très haut niveau qui sont très bien
rémunérés tant évidemment pour les activités
de recherche on le conçoit facilement mais
également pour les activités de production qui correspondent
à des emplois bien rémunérés.
Finalement, l'industrie a également une importance
particulière au Québec à cause de ses effets
d'entraînement, effets d'entraînement sur plusieurs autres secteurs
d'activité tels que le matériel médical, le domaine de la
robotique, l'environnement, l'agro-alimen-taire et même le domaine de
l'aérospatial. Le bras canadien dont on a tellement parlé avec
Spar en fin de compte n'a pu réussir que parce que Spar avait acquis une
certaine expertise dans le domaine du nucléaire et de fabrication de
précision au préalable. Alors, ces effets d'entraînement
sont relativement peu connus, mais, je pense, méritent d'être
soulignés.
Le Président (M. Camden): Mme la ministre.
Mme Bacon: Je reviens juste, je sais qu'il ne me reste pas
beaucoup de temps, mais est-ce que l'arrêt du programme nucléaire
ontarien pourrait affecter particulièrement toute l'industrie
nucléaire québécoise?
M. Paskievici: Je vais essayer de vous répondre, sans
avoir eu l'occasion d'aller aux sources, mais de sentiment
général. L'Ontario, comme vous le savez, a 60 %
d'électricité d'origine nucléaire. Elle sera probablement
à 70 % au moment où toute la centrale Darlington sera mise en
marche. Le programme actuel est arrêté, en effet, mais cela peut
s'interpréter de deux façons. De toute façon, il n'y a pas
besoin... Actuellement, en Ontario, à cause des surplus
d'électricité et d'une consommation moindre que prévu, la
récession aidant, il n'est pas prévu que l'on aille construire de
nouvelles centrales avant un certain temps. Donc, les carnets de commandes sont
assez remplis encore. Je ne dis pas pour des nouvelles, mais pour celles qui
sont en cours. Il n'y aura pas de pénurie immédiate en Ontario
et, d'ici deux, trois ans, lorsque les choses vont s'éclair-cir
concernant le développement industriel de l'Ontario et les besoins
d'électricité, à ce moment-là, on verra si Hydro
Ontario va continuer son programme nucléaire ou si elle changera
d'orientation. Ne prenez pas, donc, l'arrêt du nucléaire comme
moratoire mais comme un moment d'arrêt, parce qu'il ne fallait pas aller
plus loin. Comme la France, d'ailleurs, a une surcapacité
nucléaire, c'est arrêté, elle n'en construit plus.
De quelle façon cela va affecter la décision en Ontario
vis-à-vis ce qui se fait au Québec? Il est évident que
s'il y a moins de centrales nucléaires qui se construisent, comme les
compagnies, les enteprises québécoises participent aux projets
à la fois canadiens et mondiaux, elles vont souffrir s'il y a
démission générale.
Mme Bacon: Merci.
Le Président (M. Camden): Je vous remercie.
M. le député de Labelle. (12 h 50)
M. Léonard: Oui. Merci, M. le Président.
Je vous souhaite la bienvenue au nom de l'Opposition officielle. Je
voudrais revenir sur cette question de retombées en termes d'emplois.
Vous dites que le nucléaire a un indice de 6,4 alors que
l'hydroélectrique donnerait 4,2 et puis Hydro-Québec a dit, dans
ses documents, 3,5.
M. Paskievici: Exact.
M. Léonard: Comment vous expliquez la différence?
Parce qu'à mon sens, c'est important.
M. Paskievici: Effectivement, je vais vous donner deux
réponses rapides et je laisserai mon collègue de Price Waterhouse
vous donner les détails.
Cela peut s'expliquer de deux façons, et nous en avons
discuté un peu. Cela peut s'expliquer de deux façons: la
première, c'est que les données que Price
Waterhouse a utilisées sont peut-être plus actuelles, plus
spécifiques aux centrales de type Gentil ly-3, parce que les
données qu'ils avaient à leur disposition étaient celles
de l'énergie atomique, de Canatom, et ils ont utilisé un
modèle ou des données d'entrée beaucoup plus exactes, plus
pointues, avant de les mettre dans un programme économique
général qui vous donne d'après les intrants et les
extrants en question. Donc, la qualité des données plus
pertinentes à une formule de Gentilly-3.
La deuxième explication possible, c'est que c'est associé
à l'estimation du coût. Si, pour un même projet, vous
arrivez à deux coûts différents, mais avec la même
main-d'oeuvre, celui qui coûtera le moins cher, automatiquement, on
obtient plus de main-d'oeuvre par million investi. Or, je vous ai dit que le
coût du nucléaire, à moins de faire une étude
approfondie, dépend fortement des hypothèses de base qu'on a
utilisées.
Cher collègue.
M. Matuszewski: Oui, merci. on ne peut pas répondre de
façon complète à votre question. on a fait l'analyse d'un
scénario d'investissement au québec de façon
détaillée. nous n'avons pas regardé la façon dont
l'analyse a été faite pour le modèle ontarien, si l'on
veut, ce qui fait que je ne suis pas en mesure de commenter sur les
hypothèses qui ont été utilisées par
hydro-québec. notre approche a été la suivante: nous avons
voulu utiliser non pas un cas extérieur au québec, mais bel et
bien un cas avec lequel on a de l'expérience, c'est-à-dire
gentilly-2, pour lequel il y a des données québécoises,
une expérience québécoise tant pour l'investissement que
pour l'opération. donc, nous sommes véritablement allés
chercher des données réelles et données que nous avons pu
mettre à jour auprès des différents fournisseurs
québécois de l'industrie pour leur demander d'estimer quel
pourrait être effectivement leur devis, devis des coûts pour un
nouveau projet, quelles seraient les différentes indexations auxquelles
ils auraient à faire face, et, également, quel est effectivement
le contenu québécois actuel dans leur capacité de
production pour répondre à une demande pour un nouveau
réacteur nucléaire. alors, nous sommes allés chercher des
données très concrètes de producteurs locaux, des
données à jour, dans un contexte québécois, et,
pour être plus exact, dans un site déjà connu, soit celui
de gentilly, dans un site approuvé. autrement dit, pour réaliser
la mesure dans un environnement aussi réaliste, aussi connu que
possible. alors, c'a été notre approche et c'est pour ça
que nous sommes, je pense, très confiants des chiffres que nous
avançons. '
Le résultat est qu'en termes d'emplois directs.'.. On constate
effectivement que nos retombées en termes d'emplois directs seraient
supérieures, ou en termes de coefficient d'emplois pour être
exact, et qu'en termes de coefficient d'emplois totaux on se rapproche beaucoup
du coefficient d'emplois totaux correspondant aux centrales
hydroélectriques. Alors, par exemple, avec notre hypothèse d'un
Gentilly-3, avec un réacteur de type CANDU 6, on aurait un coefficient
total de 9,7 alors
que les coefficients d'emplois totaux pour l'hydroélectrique vont
de 10,5 à 10,7 emplois par million de dollars investi.
Alors, on se trouve à véritablement coller de très
près aux centrales hydroélectriques et à être
également le mieux placé parmi les alternatives à
l'hydroélectrique.
Le Président (M. Camden): M. le député de
Labelle.
M. Léonard: Oui, je pense que je vais prendre connaissance
de votre étude, c'est très intéressant.
Je voudrais aborder une question qu'on vous pose sûrement de bien
des façons: l'environnement, les retombées environnementales.
J'entendais M. le Président dire qu'il y a peu de danger. Il reste que,
dans la perception populaire, ce n'est pas ça. Et l'une des questions
qui se posent toujours c'est: Qu'est-ce qu'on va faire des déchets et
quels sont les risques d'accidents? Je pense que c'est la peur, mais,
jusqu'à un certain point, c'est nourri aussi par certains incidents.
Three Mile Island, ça c'est produit, ce n'est pas... Tchernobyl, bien
là, il y a peut-être un contexte différent sur le plan du
personnel qui était affecté à la base, mais Three Mile
Island, j'aurais plus tendance à m'y référer.
Alors, est-ce que vous pourriez aller un peu plus loin, là,
dans...
M. Paskievici: Je vais essayer, monsieur.
M. Léonard: ...cette argumentation que vous
développez que c'est mieux même que l'hydroélectrique,
finalement.
M. Paskievici: Je dirais que toute source d'énergie, comme
toute source d'activités humaines, a un certain coefficient de risque
qui lui est associé. Dans le cas du nucléaire, le risque est plus
spectaculaire.
M. Léonard: II est un peu irrémédiable. On
le perçoit comme irrémédiable.
M. Paskievici: II a une puissance, et le risque est plus
impressionnant, cela est vrai. Si on calcule le risque, si on examine les
victimes, si on examine les accidents mortels, si on examine les effets des
radiations chez les personnes, si on examine ce qui est la
réalité, à ce moment-là, sur la base de ce qui
existe, on peut affirmer sans l'ombre d'aucun doute que le risque est vraiment
inférieur à toutes les autres sources d'énergie, parce
qu'il n'y a pas eu de morts ou de blessés mortels dans la population
dans les centrales nucléaires. Le cas de Tchernobyl, si vous voulez, on
pourra en discuter tout à l'heure, parce que là encore ce n'est
pas sûr que c'est la population, que ce n'est pas plutôt les
pompiers, bon, qui travaillent dans la centrale, les ouvriers.
Mais pour revenir à Three Mile Island, Three Mile Island est un
accident important aux États-Unis avec perte pratiquement totale de
l'investissement. Mais, du point de vue effets sur la population, effets
réels, c'est zéro, ce n'est pas un epsilon, un petit, c'est
zéro. C'est-à-dire que pour des spécialistes de
sécurité nucléaire, et j'ai essayé dans ma vie de
faire partie de cette catégorie de gens, c'est la preuve par excellence
que les mesures de sécurité ont fonctionné pour
protéger la population, pour protéger les ouvriers. Malgré
des incidents, malgré l'incompétence de certaines personnes,
malgré les erreurs de jugement qui ont été faites, le
système a tenu bon, et malgré ce qui s'est passé à
l'intérieur du coeur, personne de la population n'a eu à
souffrir. L'impact psychologique a été déplorable, j'en
conviens; ça a créé une peur parce que c'était
l'inconnu et que ça pouvait mal tourner, mais, dans la
réalité, cela ne s'est pas produit. Ça, c'est une partie
de réponse.
La deuxième partie de la réponse, qui est peut-être
à mes yeux la plus importante: on apprend des accidents. On apprend des
accidents de chemin de fer, on apprend des accidents de voiture, on apprend des
accidents d'aviation. On a appris pas mal de choses de Three Mile Island. Et
dans le monde entier on a amélioré, là où il
fallait faire quelque chose, à la fois les systèmes de
sécurité et on a perdu, si vous voulez, la suffisance qu'on avait
que des accidents ne peuvent pas avoir lieu. Les gens qui manoeuvrent
aujourd'hui dans les centrales nucléaires sont beaucoup plus prudents et
savent mieux comment faire, sont mieux préparés pour faire face
à des situations normales ou anormales qui peuvent avoir lieu. Je pense
que ma réponse tient pour ce qui concerne les accidents à ce
niveau-là.
Alors, si on s'entend qu'en mode de fonctionnement normal les rejets
nucléaires sont négligeables, si on fait confiance à
l'expérience occidentale de sûreté des centrales
nucléaires et cette expérience s'accumule, s'accumule, et
les techniques s'améliorent les experts peuvent prétendre
dire que les probabilités apocalyptiques du type de Tchernobyl sont
à rejeter dans un avenir plus qu'hypothétique. (13 heures)
Pour ce qui est des déchets, votre autre question, les
déchets nucléaires, je pense qu'il faut tenir compte, disons, de
trois aspects importants. Premièrement, ils occupent une place
extrêmement faible, elle est localisée, on sait où ils
sont, ça occupe peu de place, ça ne demande pas beaucoup de soins
pour aller les chercher, ils sont toujours confinés... On a des
appareils de mesure pour savoir exactement où ils sont et ne pas les
perdre.
La deuxième chose, nous disposons aujourd'hui de techniques
absolument sûres de garder ces déchets nucléaires pendant
un siècle ou deux, des techniques qui sont parfaitement mises au point
et qui sont répétitives, c'est-à-dire que si besoin
était et si on n'avait rien d'autre à faire, on pourrait
réutiliser un autre caisson de béton, si vous voulez, à
partir d'un siècle, à partir du moment où le premier
commencerait à fissurer.
La troisième question, le troisième point important, c'est
que, dans le domaine nucléaire, et c'est le seul domaine à ma
connaissance, la société veut plus ou les responsables de la
sécurité nucléaire veulent plus qu'une solution qui soit
existante pour aujourd'hui, et
répétitive pour les générations futures. Ils
cherchent une solution qui ne demande rien aux civilisations futures,
c'est-à-dire qu'ils veulent avoir la preuve que, si on les met quelque
part, ces déchets, ils pourraient rester là indéfiniment,
sans qu'on ait besoin de s'en soucier.
Ce souci majeur, qui est une caractéristique de l'énergie
nucléaire, n'est pas facile à démontrer. Ça prend
du temps et c'est pour cette raison qu'on n'a pas encore des
réalisations dans ce domaine, même si des techniques ont
été développées par les Suédois, par
exemple. Et, au Canada, on fait déjà des progrès
énormes pour trouver de meilleurs sites où cette exigence
suprême de ne pas avoir à laisser quelques obligations aux
générations futures, jusqu'à ce qu'elles puissent
être prouvées de façon satisfaisante devant tous les
experts, aussi incrédules qu'ils soient.
Le Président (M. Camden): M. le député de
l'Acadie.
M. Bordeleau: Oui, merci, M. le Président.
J'aurais un point sur lequel je voudrais revenir, dans votre
mémoire, à la page 3. Le dernier paragraphe. Vous nous dites:
Nous ne croyons pas que le développement de l'industrie nucléaire
au Québec déplace les emplois du secteur hydroélectrique.
Nous croyons plutôt que ces emplois s'ajouteront aux emplois de tout le
secteur de l'énergie. De plus, comme ces emplois sont de haute
technicité, ils contribueront davantage à la transition de
l'économie québécoise en faveur d'une économie
à plus haute valeur ajoutée.
Ce que j'aimerais que vous nous expliquiez, c'est comment vous en
arrivez à cette conclusion que le développement de l'industrie
nucléaire au Québec pourrait se faire sans déplacement des
emplois du secteur hydroélectrique?
M. Paskievici: Je pense que la réponse à votre
question... encore une fois je vous donne une réponse rapide et le
spécialiste pourra répondre davantage.
Vous avez, à la page 11 du mémoire, une citation
d'Hydro-Québec: «La production d'électricité par une
centrale nucléaire nécessite un investissement largement
supérieur à celui d'une centrale hydroélectrique de grande
envergure et soutient, à puissance équivalente, 33 000 emplois de
plus que cette dernière.» Alors, si on part de l'idée qu'un
type de centrale demande plus d'emplois, on peut dire,^ dans une perspective
historique, qu'il y aura des emplois pendant qu'on continue à construire
des centrales hydroélectriques, bien sûr, mais, si on passe aux
centrales nucléaires, le surplus d'emplois, les 33 000 emplois pour un
projet de cette envergure-là, ces personnes supplémentaires
viendraient d'un secteur qui est, disons-le, nucléaire ou de haute
technicité, de sorte que ce n'est pas du travail qu'on enlève
à quelqu'un, mais c'est du travail qu'on apporte en plus pour d'autres.
C'est à peu près comme ça, je pense, qu'il faut
l'interpréter.
M. Matuszewski.
M. Matuszewski: Je pense que le point, également, qu'on
peut faire, est le suivant. Actuellement, la part de la production
d'électricité d'origine nucléaire au Québec, est de
l'ordre de 3 %. Avec un projet Gentil-ly-3, comme nous le proposons, cette part
passerait peut-être de3%à5%,6%, maximum. Alors, on juge vraiment
qu'on est loin de concurrencer l'hydroélectrique, et ce n'est
certainement pas notre prétention, tout au plus d'ajouter une marge de
manoeuvre, peut-être, à Hydro-Québec dans la planification
de son réseau, dans la planification de ses investissements. Donc, on
croit que la part qu'on ajoute est tellement faible qu'elle ne remet en rien en
cause les autres développements de nature hydroélectrique.
M. Paskievici: M. Leblanc voudrait ajouter un mot.
Le Président (M. Camden): M. Leblanc.
M. Leblanc: Comme je l'ai mentionné tout à l'heure,
Dominion Bridge, ça fait 30 ans qu'ils font du nucléaire. Au
cours de ces 30 ans, surtout au cours des 20 dernières années, il
y a un noyau d'expertise qui a été développé. Des
ingénieurs ont un contrôle de qualité très,
très élevé. On est qualifié nucléaire
Z299.1. L'effet d'entraînement que ça a, c'est qu'on peut
soumissionner et fabriquer des équipements pour l'exportation
grâce à notre expertise qu'on a acquise dans le nucléaire.
D'ailleurs, on est une des seules qualifiées au Québec qui
soumissionne sur Hibernia, sur les modules. On soumissionne sur des vaisseaux
sous pression à l'étranger, mais le pourquoi, c'est l'expertise
et le savoir-faire que Dominion Bridge a acquis au cours des 20 ou 30
dernières années dans le domaine nucléaire. C'est ce qui
reflète notre savoir-faire, notre expertise.
Donc, en dehors du nucléaire, grâce à ce qu'on a
appris dans le domaine, on peut faire de l'exportation, de la fabrication de
produits de haute technologie. C'est une richesse qu'on a.
Le Président (M. Camden): M. le député de
l'Acadie.
M. Bordeleau: Si je comprends bien votre intervention, vous dites
que le projet nucléaire ne remplace pas les projets
qu'Hydro-Québec a actuellement. Au fond, c'est un système
d'appoint pour éviter d'avoir des problèmes au niveau des pointes
ou des choses comme ça. C'est un surplus à ce niveau-là,
mais ça ne remplace pas le plan de développement de
l'hydroélectricité.
M. Matuszewski: c'est simplement une marge de manoeuvre, une
assurance que vous vous donnez. \
M. Bordeleau: O.K. Une autre question. On a parlé, tout
à l'heure, des conséquences environnementales et, aux pages 19 et
20, vous faites référence, disons, à des sondages qui ont
été faits par l'Association nucléaire canadienne. On a
fait aussi référence à certaines
expériences un peu malheureuses, Three Mile Island et puis...
Comment vous expliquez que l'attitude de la population soit différente
d'une province à l'autre alors qu'on vit quand même dans un
contexte socio-économique relativement semblable? Et qu'est-ce qui fait
qu'au Québec la population agit ou perçoit différemment
cette réalité-là, comparativement aux autres provinces
canadiennes?
M. Paskievici: Je crois pouvoir vous répondre en deux
étapes, s'il vous plaît. Je pense que c'est une question vraiment
de familiarité et de connaissances sur le sujet. Je voyage beaucoup, je
vais souvent en France. Les gens voient des centrales nucléaires
partout. Ça fait partie du décor comme le TGV, comme les avions
supersoniques. On vit avec, on n'en parle plus. Ça fonctionne bien. Il
n'y a pas de problème. On a confiance.
En Ontario, vous allez à Toronto, vous allez dans la
région de Pickering, vous allez dans les autres régions, les gens
connaissent, ils ont vécu, ils sont nés presque avec les
centrales nucléaires, il y a 30 ans. Il n'y en a pas, de
problème.
Où se pose le problème? C'est quand il s'agit d'un nouveau
projet qui doit s'installer quelque part. Les gens sur place se posent des
questions: Est-ce que ça ne va pas nous déranger? C'est propre au
nucléaire, mais c'est propre à toute autre activité
humaine d'importance. Et, à ce moment-là, selon les groupes
d'intérêt, dans un sens ou dans un autre, on apporte des arguments
pro ou contre qu'on «passionnaiise», à mon avis, de
trop.
Or, les groupes antinucléaires ou anti-autre chose sont
très puissamment organisés et font un excellent travail de
transmission d'information qui leur est propre. Il n'existe pas
d'équivalent qui fasse la propagande, si vous voulez, pour telle
activité nucléaire.
L'Association canadienne nucléaire le fait un peu, mais elle n'a
pas la même psychologie, si vous voulez, des groupes de pression et des
groupes d'animation locaux. Alors, la peur, la crainte, ce sont des sentiments
humains puissants qui se propagent très vite. Il est beaucoup plus
facile d'effrayer quelqu'un que de le rassurer.
Je peux vous dire, monsieur, que chaque fois que j'ai eu l'occasion de
discuter, de parler, de commenter le nucléaire avec des personnes qui ne
s'y connaissaient pas, après une heure ou deux heures de discussion,
elles ont commencé à avoir des points différents de ce
qu'elles avaient. C'est un manque, je pense, de connaissances d'une technique
nouvelle, difficile, inquiétante. Ça s'est passé
là-bas, ça pourrait se passer ici, comme disait M. Chevrette.
C'est normal qu'on ait une certaine crainte. C'est un obstacle, à mon
avis, qui peut être vaincu si on s'y prend bien, si on prend du temps et
si on informe les gens que chaque source d'énergie possède son
propre risque. (13 h 10)
Personnellement, j'ai travaillé... Enfin, je ne suis pas venu
pour dire cela, mais j'ai travaillé pendant cinq ans sur les
études comparées des différentes sources d'énergie
à partir de la filière entière, c'est-à-dire des
mines jusqu'aux dispositions des déchets. Les statistiques, partout dans
le monde, montrent que l'énergie nucléaire, tout compte fait,
avec le gaz naturel, ce sont les sources d'énergie les moins
inquiétantes pour la sécurité des gens parce que, dans le
cas de l'hydroélectricité, dans le monde, il y a eu des barrages
qui se sont cassés, avec des grandes pertes de vie.
M. Bordeleau: Merci beaucoup.
Le Président (M. Camden): M. le député de
Labelle.
M. Léonard: Oui. Vous avez examiné le plan
d'Hydro-Québec et, évidemment, vous souhaiteriez avoir une place
dans la production d'énergie au Québec. Actuellement, nous avons
Gentilly-2, vous souhaiteriez Gentilly-3, mais quelles sont les perspectives,
selon vous? J'imagine que si c'était ouvert vous prendriez toute la
place qu'on vous offre. Mais actuellement, par rapport au plan qu'il y a de
déposé, ce que vous souhaiteriez, c'est qu'il y ait un
Gentilly-3, un réacteur de plus.
M. Paskievici: Ce que nous souhaitons très fortement,
c'est qu'Hydro-Québec fasse une étude détaillée sur
les coûts et les impacts économiques et autres d'une centrale de
type Gentilly-3 située sur le site même parce que nous pensons
qu'une telle étude, une fois qu'elle sera complétée, va
entraîner un oeil plus favorable à l'hypothèse que nous
souhaitons, bien sûr, c'est-à-dire la construction d'une autre
centrale sur cette place. Et nous la souhaitons pourquoi? Il ne s'agit pas de
simples intérêts économiques. Il s'agit d'assurer la survie
d'une industrie nucléaire qui a fait ses preuves au Québec,
même dans des moments difficiles, et qui pense qu'elle peut, dans le
temps, participer au passage graduel d'une source d'énergie
traditionnelle comme Hydro-Québec, riche encore ici, vers une source
nouvelle qui est le nucléaire.
M. Léonard: Bon, Hydro-Québec en a fait une,
étude, et vous n'en acceptez pas les conclusions, en quelque sorte.
Est-ce que le mandat devrait être donné à
Hydro-Québec ou donné au ministère ou autrement? Parce que
vous risqueriez, s'il y a une autre étude de faite, dont les
données ne vous satisferaient pas, de la remettre aussi en question en
disant: Hydro-Québec est orientée trop strictement vers
l'hydroélectricité et donc, les conclusions risquent aussi
d'être les mêmes si c'est la même institution qui fait une
telle étude.
M. Paskievici: Je ne pense pas parce qu'Hydro-Québec a
fait, dans son plan, un excellent travail. Je pense que tous les observateurs
ont constaté que ce plan de développement d'Hydro-Québec
est d'une qualité nettement supérieure à ce qui avait
été fait dans le passé. Ceci étant dit, nous
pensons que le côté nucléaire a été un peu
négligé, c'est-à-dire qu'on a considéré
une
centrale de type Darlington au Québec. Ce n'est pas ça
qu'ils auraient dû, à notre avis, considérer. Ils auraient
dû considérer plutôt une centrale de type Gentilly à
Gentilly même. Or, le document n'est pas, à notre avis, ou les
études au Québec ne sont pas, à notre avis, suffisamment
complètes sur cette question-là pour que la commission, la
population, enfin les gens, les décideurs puissent dire: Effectivement,
on ne veut pas le nucléaire parce que c'est comme ceci ou c'est comme
cela. Donc, une étude plus approfondie, plus détaillée,
plus réaliste et plus, en même temps, associée à
l'emplacement, à Gentilly.
M. Léonard: Mais ça veut dire qu'il faudrait que
vous planteriez votre drapeau dans l'équipe, qu'il y ait quelqu'un de
chez vous qui soit à l'intérieur et qui les renseigne davantage
parce que... C'est ce qui s'est produit, si je comprends bien. Ils ont pris des
données, soit celles qui ne convenaient pas, qui venaient de l'Ontario,
qui ne convenaient pas à ce qui se fait ici au Québec. Enfin,
j'imagine que c'est un peu ce qui se passe parce qu'on entend un peu aussi la
même réaction de la part de la filière gaz naturel. Ils
s'estiment mal traités dans l'étude d'Hydro-Québec. Est-ce
que ça ne nous amène pas à avoir vraiment une commission
élargie sur les différentes sources d'énergie? Finalement,
on conteste un peu l'orientation presque exclusive d'Hydro-Québec vers
l'hydroélectricité. Je vous sens très poli envers
Hydro-Québec, mais quand même, quand vous dites cela, ça
conteste finalement les bases de l'étude.
M. Paskievici: Bien sûr, ça conteste et bien
sûr on est poli parce que Hydro-Québec, que ce soit
l'hydroélectricité ou le nucléaire, c'est important au
Québec. Nous essayons de la convaincre de diriger un peu sa
réflexion dans un sens ou dans un autre, et ça ne m'étonne
pas du tout de l'attitude de Gaz Métropolitain.
M. Léonard: Juste une courte question. Est-ce que vous
trouvez qu'Hydro-Québec met assez de fonds, prévoit assez de
fonds en recherche et développement ou si vous pensez qu'elle devrait
aller passablement plus loin?
M. Paskievici: Opinion personnelle, parce que...
M. Léonard: Oui, si vous voulez, elles sont toutes
bonnes.
M. Paskievici: ...j'ai oeuvré en recherche et
développement, elle fait un grand effort. Elle fait un grand effort, et
puis je pense que les universités reconnaissent cet effort. Et, dans les
conditions...
M. Léonard: Avec 5 %, vous ne direz pas non, plutôt
que 2 %.
M. Paskievici: S'il s'agit de faire de la recherche dans de
nouvelles formes d'énergie ou des recherches en matière de...
M. Léonard: Recherche-développement en
général.
M. Paskievici: ...recherche et développement,
certainement, parce que cette recherche doit être faite de toute
façon. La question qui se pose, c'est: Est-ce que c'est
Hydro-Québec qui doit le faire ou un autre organisme
subventionné? Ça, c'est la question, je pense, fondamentale du
point de vue...
M. Léonard: Oui.
M. Paskievici: ...politique. Or, un organisme tel
qu'Hydro-Québec, je pense, se doit de faire de la recherche. Ils ont
commencé avec l'IREQ, ils ont fait la recherche pour le transport
d'énergie en grande tension, en grande capacité. Eh bien, il y a
d'autres domaines; dans la fusion thermonucléaire, ils font des
recherches. Ils font des recherches dans les piles photovoltaïques, etc.
Ils contribuent en électrochimie. Ils font des activités. Non, je
pense qu'Hydro-Québec remplit sa mission sociale et je le dis convaincu,
et non pas poli.
M. Léonard: Mais je pense que la
recherche-développement, ce n'est pas juste une mission sociale, c'est
une mission économique.
Le Président (M. Camden): Je vous remercie, M. le
député de Labelle.
Je reconnais maintenant le député de Drummond.
M. St-Roch: Merci, M. le Président.
D'entrée de jeu, j'ai dit, dans mes remarques
préliminaires, que s'il y en avait, de ne pas être surpris si le
député de Drummond posait des questions de néophyte.
Alors, je vais m'adresser, en tant que néophyte, à vous,
messieurs.
Si j'étais Hydro-Québec, je peux comprendre votre position
de vouloir faire la promotion de l'utilisation du nucléaire, mais si je
suis l'actionnaire d'Hydro-Québec, qu'est-ce qui va faire que, par
l'ajout d'un CANDU 6 ou un Gentilly-3, les connaissances d'Hydro-Québec
vont être supérieures après avoir passé cette
étape-là, qu'elle va avoir davantage maintenu ses acquis de
connaissance? Lorsque je regarde et en écoutant les explications qui ont
été données au niveau de l'industrie connexe, au niveau de
l'industrie nucléaire, qu'il y avait déjà des acquis,
qu'il y avait eu des certifications, que ça nous permettait d'oeuvrer
dans d'autres domaines, qu'est-ce qui ferait, si Hydro-Québec ne retient
pas votre position, comme vous, monsieur, qui mentionnez un exemple, tous les
acquis que vous avez, que ça pourrait s'éroder dans le temps?
Votre certification, votre expertise est là. J'imagine qu'elle pourra
être contribuée et accrue par vos propres moyens de recherche et
développement.
Alors, pourquoi il est si important au niveau de la connaissance des
acquis, et je vais mettre de côté toutes les créations
d'emplois ou ces choses-là, mais strictement au niveau des acquis et la
somme de ces acquis-là
pour le futur?
M. Paskievici: Je vais vous donner une réponse simple.
C'est le professeur de Polytechnique qui vous parle. Un étudiant vient
me demander: Est-ce qu'il y a de l'avenir pour moi, comme travail, dans le
nucléaire au Québec? S'il n'y a rien en vue avant l'an 2000, je
dis: Non, mon ami, va ailleurs. Aujourd'hui, la relève, dans le domaine
nucléaire, est remise sérieusement en question par l'absence
d'activités nucléaires importantes au Québec. Et si
ça diminue, il y aura moins d'avenir possible, donc pas de
relève, donc perte des capacités actuelles, donc une
difficulté extrême de revenir si un jour on en a besoin.
M. St-Roch: Ça, c'est au niveau de la filière
électrique, mais aussi il y a énormément de contribution
au niveau nucléaire, que ce soit au niveau médecine ou d'autres
avenues. Est-ce que ça mettrait aussi ces avenues-là en
danger?
M. Paskievici: Médecine, peut-être pas,
médecine dans le sens strict de isotopes qu'on achète quelque
part, qu'on introduit dans l'organisme pour faire des diagnostics ou de la
thérapie. Mais pour ce qui est des irradiateurs commerciaux,
possiblement. Il y a tout cet aspect de radioprotection, il y a tous ces
équipements ou telle connaissance technologique avancée qui
risque de se diffuser. Alors, à ce moment-là, on achètera
des équipements tout faits ailleurs.
M. St-Roch: J'ai encore un peu de temps, M. le
Président?
Le Président (M. Camden): Une minute.
M. St-Roch: Ah, Seigneur! Ce n'est pas beaucoup, une minute.
Alors, on devrait, en tant que législateurs, recommander à
Hydro-Québec d'aller de l'avant, d'après vous, de refaire les
études, du moins, dans un premier temps, et d'aller de l'avant avec un
CANDU 6 ou un Gentilly-3. (13 h 20)
Au niveau de la flexibilité, parce que j'ai parcouru votre
mémoire aussi, qu'est-ce qu'Hydro-Québec gagnerait davantage, au
niveau de la flexibilité et de la sécurité dans son
réseau, comme intégration, à part des connaissances qu'on
vient de discuter?
M. Paskievici: Si je devais faire une recommandation à
Hydro-Québec ou à qui que ce soit qui s'intéresse à
ce sujet et, encore une fois, je le prends sur moi, je n'ai pas
consulté mes collègues je leur dirais la chose suivante:
La mise en service d'une centrale nucléaire prend du temps, c'est
écrit dans le mémoire, Hydro-Québec l'a dit, ça
prend des années, la construction, entre cinq ou six ans, et le temps
d'obtenir des permissions, plusieurs années. Personnellement, je pense
qu'il serait fortement souhaitable que cette première opération
d'obtention de permis, d'obtention d'autorisa- tion de construire devrait
être faite, de toute façon, le plus rapidement possible pour avoir
la possibilité d'utiliser un tel type de centrale si on veut la
construire, si les conditions socio-économiques ou politiques du moment
sont favorables. Aujourd'hui, les projets de cette envergure doivent tous
passer par l'étape d'étude d'impact environnemental. Il est
préférable et je pense prudent qu'on ait plusieurs projets
présentés en espérant qu'il y aurait acceptation pour au
moins l'un ou deux d'entre eux. Donc, une certaine diversification, une
certaine flexibilité, un certain choix possible au moment où on
doit vraiment prendre des décisions.
M. St-Roch: Merci.
Le Président (M. Camden): Je vous remercie, M. le
député de Drummond.
Ceci, évidemment, met fin à notre échange, et je
tiens à vous remercier, M. Paskievici, ainsi que vos collaborateurs,
pour votre contribution aux travaux de la commission. Je dois vous dire,
évidemment, que vos propos seront pris en considération.
J'aimerais vous féliciter pour ce que nous vous reconnaissons, votre
grande rigueur intellectuelle, et la façon dont vous vous exprimez.
Là-dessus, nous mettons fin à nos travaux. Alors, les
travaux de la commission de l'économie et du travail sont
ajournés jusqu'au mardi, 9 mars, à 9 heures à la salle
Louis-Hippolyte-LaFontaine. Je vous remercie.
(Fin de la séance à 13 h 22)