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(Dix heures dix minutes)
Le Président (M. Audet): À l'ordre, s'il vous
plaît. Je déclare la séance de la commission de
l'économie et du travail ouverte. Je vous rappelle le mandat de notre
commission, qui est de procéder à une consultation
générale sur la proposition de développement 1993 à
1995 d'Hydro-Québec. M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des
remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M.
Bélanger (Laval-des-Rapides) par M. Lafrance (Iberville); M. Charbonneau
(Saint-Jean) par M. Kehoe (Chapleau); M. Leclerc (Taschereau) par M. Gauvin
(Montmagny-L'Islet); M. Parent (Sauvé) par M. Fradet (Vimont).
Le Président (M. Audet): Merci. Alors, les membres de la
commission ont pris connaissance de l'ordre du jour. Est-ce que l'ordre du jour
est adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Audet): Adopté. Je vous rappelle
brièvement nos travaux pour ce matin. À 10 heures, nous recevons
l'Association québécoise pour la maîtrise de
l'énergie. Ensuite, suivra le Forum québécois pour
l'examen public du complexe Grande-Baleine, et nous terminerons à 12
heures avec l'Association des industries forestières du Québec.
J'invite immédiatement l'Association québécoise pour la
maîtrise de l'énergie à prendre place, s'il vous
plaît.
M. Chevrette: M. le Président, s'il n'y a pas de TV
aujourd'hui, est-ce qu'il y a moyen de baisser les fanaux un peu?
Le Président (M. Audet): Oui, on pourra vérifier
ça.
Je veux souhaiter la plus cordiale bienvenue à l'Association
québécoise pour la maîtrise de l'énergie. Je vous
rappelle brièvement la façon dont se dérouleront nos
travaux. Vous disposez d'une vingtaine de minutes pour nous faire
l'exposé de votre mémoire. Ensuite, suivra une période
d'échanges d'une quarantaine de minutes. Avant de procéder
à la présentation de votre mémoire, je vous invite
à vous présenter dans l'intérêt des membres de la
commission et pour la transcription du Journal des débats.
Association québécoise pour la
maîtrise de l'énergie (AQME)
M. Fournelle (Christian): J'aimerais commencer par remercier la
commission de nous avoir invités à présenter un
mémoire. J'ai à côté de moi Vincent Da- vid, qui est
membre du conseil d'administration de l'AQME et conseiller pour la firme
Primex, qui se spécialise en planification énergétique,
particulièrement dans le domaine de l'électricité, aux
niveaux national et international. Je suis Christian Fournelle, membre du
conseil d'administration et du comité exécutif de l'Association
et conseiller technico-commercial chez Asea Brown Boveri, ABB.
Le Président (M. Audet): D'accord, on vous
écoute.
M. Fournelle: Merci. J'aimerais excuser la présidente, qui
n'a pas pu se libérer aujourd'hui pour être présente, et je
vais vous faire la lecture du mémoire. Je vais commencer par une courte
présentation de l'AQME. L'Association québécoise pour la
maîtrise de l'énergie regroupe plus de 600 membres qui se
recrutent parmi les fournisseurs et les grands consommateurs d'énergie,
tant des secteurs privé que public et para-public, ainsi que les
fournisseurs de produits et services en efficacité
énergétique. Avant tout carrefour d'échanges, l'AQME s'est
donné une triple mission: favoriser les transferts technologiques,
diffuser toute l'information pertinente et promouvoir les intérêts
de ses membres.
Les membres de l'AQME partagent un intérêt commun pour la
maîtrise de l'énergie au Québec, c'est-à-dire la
gestion efficace et réfléchie du développement, de la
production, du transport, de la distribution, de l'utilisation et de la
récupération de l'énergie sous toutes ses formes,
classiques ou nouvelles^ et ce, dans le plus grand respect de l'environnement.
A ce titre, ils s'intéressent tout particulièrement à la
question de l'efficacité énergétique.
Participation de l'AQME au processus de consultation
d'Hydro-Québec. En novembre 1991, HydroQuébec a entrepris un
vaste processus de consultation en vue d'élaborer sa proposition de plan
de développement 1993-1995. Quatre thèmes de discussion ont alors
été soumis aux groupes intéressés: les exportations
d'électricité; l'efficacité énergétique; les
moyens de production; les industries à forte consommation
d'électricité. Compte tenu de son mandat, l'Association
québécoise pour la maîtrise de l'énergie a choisi
d'intervenir principalement sur la question de l'efficacité
énergétique. Cependant, étant donné la croissance
prévue de la demande, l'AQME s'est également
intéressée à la question des moyens de production. En mai
1992, au terme du processus de consultation, l'AQME a présenté
à HydroQuébec un mémoire faisant état de sa
position sur les deux volets ci-haut mentionnés. Le présent
mémoire reprend essentiellement les préoccupations
exprimées dans celui de mai 1992, reformulées à la
lumière de la proposition de plan de développement
déposée par Hydro-Québec le 2 novembre dernier.
Rôle et orientations d'Hydro-Québec. Avant d'examiner en
détail le volet efficacité énergétique de la
proposition de plan de développement d'Hydro-Québec,
l'Association québécoise pour la maîtrise de
l'énergie tient à exprimer son appui à l'orientation
générale de la société d'État à cet
égard. Cette orientation nous apparaît d'autant plus louable et
essentielle qu'Hydro-Québec, en raison, justement, de son statut de
société d'État, se doit d'assumer une
responsabilité beaucoup plus large que celle de simple fournisseur
d'électricité. Tout en visant une saine gestion
financière, Hydro-Québec doit en effet promouvoir les objectifs
nationaux, non seulement en matière énergétique, mais
également sur le plan du développement économique. C'est
dans cet esprit qu'ont été rédigés les commentaires
qui suivent. l'efficacité énergétique: orientation et
objectif. l'efficacité énergétique est un
élément essentiel d'une saine gestion de l'énergie au
québec et doit, à ce titre, être pleinement
intégrée aux plans et stratégies d'hydro-québec. la
proposition de plan de développement répond à cette
préoccupation. par ailleurs, l'efficacité
énergétique contribue à améliorer la
capacité concurrentielle de l'industrie québécoise,
participe à la rationalisation des dépenses des secteurs public
et parapublic et, enfin, est un élément clé de la
protection de l'environnement. pour apporter une contribution significative
à ces objectifs, on doit donc viser la plus grande économie
d'énergie réalisable. bien que notre choix demeure l'objectif le
plus élevé parmi ceux envisagés, soit celui de 10,2 twh,
l'objectif de 9,3 twh retenu par hydro-québec nous semble un pas dans la
bonne direction. par conséquent, l'aqme appuie l'orientation
générale d'hydro-québec en ce qui a trait à
l'efficacité énergétique et recommande
qu'hydro-québec vise des économies d'énergie de 10,2 twh,
conformément au scénario basé sur les coûts
d'équipement évités plus 30 %.
Stratégie et programmes. Hydro-Québec envisage cinq
stratégies pour atteindre ses objectifs d'efficacité
énergétique: la sensibilisation; le soutien commercial et le
développement technologique; les contributions financières
directes; la tarification; et la réglementation. Le choix de ces
stratégies nous semble adéquat en ce qu'il couvre virtuellement
tous les champs d'intervention possibles. En outre, leur combinaison judicieuse
est de nature à accroître le taux d'adoption des mesures
proposées.
Hydro-Québec a choisi d'investir dans des mesures
d'efficacité énergétique qui exigent, dans bien des cas,
des investissements majeurs pour la clientèle. Prenons, par exemple, les
moteurs à haut rendement. À notre avis, la société
devrait aussi considérer d'autres mesures exigeant moins
d'investissements et qui représentent pourtant un potentiel
d'économie d'énergie non négligeable. Cela suppose des
efforts accrus au chapitre de la sensibilisation afin de changer les habitudes
de consommation de la clientèle.
Enfin, tout en reconnaissant qu'un plan de développement n'est
pas un plan d'action, nous aurions souhaité voir dans le document
d'Hydro-Québec davantage de précisions quant aux mesures que la
société entend mettre de l'avant pour réaliser ses
objectifs. Hydro-Québec devrait notamment s'engager à mettre sur
pied un programme de communication visant à diffuser les
résultats obtenus ainsi que les données recueillies dans le cadre
du programme d'efficacité énergétique.
Par conséquent, l'AQME recommande qu'Hydro-Québec adopte
une approche client afin de mieux connaître les besoins de la
clientèle et de susciter sa participation, dans un esprit de
partenariat; multiplie ses efforts d'information et de promotion de
l'efficacité énergétique auprès de la
clientèle afin de tirer profit de tout le potentiel des mesures dites
douces; mesure régulièrement et rigoureusement l'impact de ses
activités en regard des objectifs poursuivis, afin de pousser au maximum
les programmes les plus efficaces et, le cas échéant, de
réévaluer la pertinence de ceux qui ne donnent pas les
résultats escomptés; et diffuse les résultats de ses
programmes auprès du public.
Engagement à long terme. Bien que le plan de développement
d'Hydro-Québec ne couvre qu'une période de trois ans, il nous
apparaît essentiel que toutes les actions posées en matière
d'efficacité énergétique le soient dans une optique de
développement à long terme. En d'autres mots, les sommes
consenties à ce chapitre représentent un investissement
considérable, puisé à même les deniers publics. Il
faut donc veiller à ce que l'investissement soit rentable, non seulement
en regard des objectifs envisagés, mais également sur le plan des
retombées à long terme pour l'ensemble de l'industrie
québécoise.
S'ils sont judicieusement planifiés et ciblés, les efforts
consentis par Hydro-Québec peuvent mener, à terme, à
l'éclosion d'une véritable industrie québécoise de
l'efficacité énergétique bien structurée et
disposant d'une expertise exportable. Cela suppose qu'Hydro-Québec
s'engage dans un véritable partenariat avec les ressources existantes et
qu'elle favorise la formation et l'innovation technologique. Nous aimerions
revenir, à la fin de la lecture du mémoire, pour élaborer
sur ce sujet.
Par conséquent, l'AQME recommande qu'Hydro-Québec
participe activement à l'organisation de l'industrie naissante de
l'efficacité énergétique, par le biais du partenariat, de
façon à tirer parti de l'expertise disponible et à
consolider la structure de l'industrie; poursuive ses investissements dans la
formation, tant dans le milieu de l'enseignement qu'en entreprise, afin de
développer une expertise québécoise de haut niveau et de
favoriser le maintien des acquis à long terme; et appuie les efforts de
recherche et d'innovation technologique afin de permettre à l'industrie
québécoise de se positionner favorablement sur le marché
international. (10 h 20)
Les moyens de production: diversification énergétique.
Malgré tous les efforts consentis au chapitre de l'efficacité
énergétique, efforts auxquels l'AQME souscrit pleinement, la
demande d'électricité devrait conti-
nuer d'augmenter dans l'avenir. Il est donc essentiel de planifier avec
rigueur l'accroissement des moyens de production nécessaires pour y
faire face. Aussi, nous apparaît-il important, dans le cadre d'une
planification intégrée des ressources énergétiques,
d'évaluer non seulement l'hydroélectricité, mais
également les autres sources possibles d'énergie. Il est clair
qu'Hydro-Qué-bec, dont la production est à plus de 95 % d'origine
hydroélectrique, privilégie nettement cette source
d'énergie. Nous souhaitons néanmoins qu'elle se livre à
une évaluation plus poussée des avantages et inconvénients
des autres sources d'énergie en leur appliquant les critères de
pondération appropriés quant aux risques environnementaux.
Par conséquent, l'AQME recommande qu'Hydro-Québec
poursuive et amplifie ses efforts de recherche-développement dans le
champ des énergies nouvelles, que ce soit éolienne, solaire,
biomasse, etc., afin de pouvoir en tirer parti dans tous les cas où ces
technologies sont applicables; et évalue systématiquement les
avantages et inconvénients des différentes combinaisons de
sources d'énergie susceptibles de répondre à la demande
énergétique du Québec, et ce, tant sur le plan
économique que technique et environnemental.
Développement technologique et économique. Avec la
réalisation de ses grands complexes hydroélectriques sur la
Côte-Nord et à la Baie James, HydroQuébec s'est acquis une
réputation mondiale d'excellence dans le domaine de
l'hydroélectricité. La société poursuit par
ailleurs d'importants travaux de recherche-développement touchant la
production, le transport, la distribution et l'utilisation de
l'électricité. Dans la planification de ses moyens de production,
Hydro-Québec doit chercher à maintenir cette avance technologique
et à en maximiser les retombées pour l'ensemble de
l'économie québécoise, que ce soit sous forme de
partenariats, de transferts technologiques ou autres.
D'autre part, la réalisation de nouvelles installations peut
avoir des retombées importantes dans les secteurs clés que sont
la conception, l'ingénierie, la construction et la gestion de grands
projets. Il est souhaitable qu'Hydro-Québec fasse tout en son pouvoir
pour favoriser de telles retombées au Québec, notamment à
l'échelle régionale.
Par conséquent, l'AQME recommande qu'Hydro-Québec
poursuive ses efforts de recherche-développement afin de maintenir la
position concurrentielle du Québec à l'échelle
internationale; et s'efforce de maximiser le contenu québécois et
les retombées régionales de ses projets de
développement.
Le Président (M. Audet): Merci. Je vais maintenant
reconnaître Mme la ministre de l'Énergie et des Ressources.
Mme Bacon: Alors, M. Fournelle et M. David, en vous souhaitant la
bienvenue je vous remercie de votre contribution à ce processus de la
planification et développement électrique et
énergétique du Québec. Je pense que vous savez que votre
apport et votre soutien au projet d'efficacité énergétique
d'Hydro-Québec sont évidemment appréciés et que
votre avis et vos bon conseils sont toujours pris en considération,
parce que vous avez une vision à long terme. Vous l'indiquez
vous-même, vous aimeriez qu'Hydro-Québec en ait davantage. Je
pense que c'est ensemble qu'on va trouver des moyens de production ou de
diversification énergétique et faire en sorte d'avoir davantage
de développement technologique.
Je remarque que vous avez assisté aux consultations publiques
d'Hydro-Québec et que vous avez participé à cette
consultation publique. Est-ce que vous croyez que c'est un exercice qui a
été utile? Et est-ce que ça a vraiment influencé le
plan d'action d'Hydro-Québec, son plan de développement?
M. Fournelle: On croit que oui. Je pense que le fait de faire une
consultation amène sur la table des idées qui ne peuvent pas
nécessairement toutes être couvertes lorsqu'on travaille, je ne
dirais pas à huis clos, mais lorsqu'on travaille à
l'intérieur d'une organisation. Ce qui m'amène, puis c'est ce que
j'ai souligné dans la lecture tantôt... C'est qu'on aimerait
qu'ils aillent un peu plus loin dans leur partenariat. L'AQME, qui regroupe
à peu près tous les intervenants au Québec et qui est
souvent citée en exemple comme étant un des leaders dans le
domaine de l'efficacité énergétique est peu
consultée par Hydro-Québec dans l'évolution de son
programme, dans la réalisation de son programme. Et on souhaiterait
avoir une position un peu plus privilégiée, disons, qu'on
reconnaisse le pouvoir, du moins la représentation de l'AQME à
l'intérieur des décisions des implantations. Et je pense que le
fait de bénéficier des relations que l'AQME s'est faites au fil
des années pourrait permettre à Hydro-Québec
d'élargir sa vision de ce que devrait être un bon programme
d'efficacité énergétique.
Mme Bacon: dans votre mémoire, vous recommandez
qu'hydro-québec vise des économies d'énergie de 10,2 twh,
conformément au scénario basé sur les coûts
d'équipement évités, plus de 30 %. il s'agit
évidemment de l'option c) qui a été rejetée par
hydroquébec pour plusieurs raisons. je pense qu'elle ne procurerait que
0,9 twh d'économie d'énergie supplémentaire à
l'horizon 2000. elle impliquerait aussi une hausse des coûts de
fourniture qui se traduirait par un niveau supérieur de tarifs de 1 % en
moyenne pour l'ensemble de la clientèle sur une période de 1996
à 2010. et hydro-québec croit qu'une telle action serait
prématurée, qu'il serait plus avantageux de concentrer ses
efforts sur l'important bassin de mesures dont la rentabilité est
assurée et que, à l'heure actuelle, rien ne nous permet de penser
que sa clientèle soit disposée à choisir cette voie. pour
quelle raison croyez-vous qu'hydro-québec devrait aller de l'avant avec
une telle
option, et ce, malgré, je pense, certains impacts négatifs
sur les tarifs qu'elle implique et aussi l'incertitude actuelle quant au taux
d'adhésion de la clientèle au programme? Parce que ça
existe, en ce moment, cette incertitude.
M. David (Vincent): Merci. Mme la ministre, nous avons, en
groupe, retenu cette hypothèse de 10,2 TWh moins pour ce qu'elle
représente comme ensemble de décisions et d'impacts sur la
consommation que comme visant un objectif supérieur à 9,6 TWh.
Nous aurions aimé avoir, comme outil de travail parce que nous ne
sommes pas équipés pour travailler et étudier
précisément chacune des hypothèses une courbe qui
nous indique, en fonction de l'implication d'Hydro-Québec, quels
étaient les potentiels et leur évolution. Ça nous aurait
permis peut-être de pouvoir apprécier comment évoluaient,
effectivement, les potentiels en fonction de l'implication
d'Hydro-Québec.
Je ne pense pas que nous avons adopté effectivement le 10,2 TWh
avec tous les problèmes qu'Hydro-Québec a identifiés. Nous
sommes convaincus qu'il y a un potentiel significatif encore d'économie
d'énergie à faire au Québec, malgré ce qui s'est
fait depuis quinze ans et qui apparaît dans les rapports aussi bien du
gouvernement que d'Hydro-Québec. C'est un peu dans ce sens que
l'Association a voulu faire un point, enfin, mettre l'emphase sur aller
chercher le potentiel, le maximum. Nous faisons tout à fait confiance,
bien sûr, aux études détaillées
qu'Hydro-Québec a pu faire, mais nous ne sommes pas tout à fait
équipés pour discuter les tenants et aboutissants de chacun des
éléments qu'elle a identifiés derrière les chiffres
qu'elle nous a remis.
Mme Bacon: Vous recommandez également
qu'Hydro-Québec mesure régulièrement et rigoureusement
l'impact de ses activités, en regard des objectifs poursuivis en
matière d'économie d'énergie, pour pousser au maximum les
programmes les plus efficaces, et, je pense, le cas échéant, de
réévaluer aussi, si j'ai bien compris, la pertinence de ceux qui
ne donnent pas les résultats escomptés. Et on a eu un
questionnement hier à ce sujet-là. Vous recommandez
également qu'Hydro-Québec diffuse les résultats de ses
programmes auprès du public. À ma connaissance,
Hydro-Québec s'est efforcée de mesurer les impacts de ses
programmes, s'est efforcée aussi de diffuser les résultats
auprès du public, notamment par l'entremise du magazine Hydro.
Mais, dans le cadre de la stratégie québécoise de
l'efficacité énergétique du gouvernement, un observatoire
de l'efficacité sera créé et aura notamment pour mandat
d'effectuer un suivi serré des efforts, des résultats, en
matière d'efficacité énergétique, incluant
évidemment les programmes d'Hydro-Québec. Cet observatoire va
avoir également comme mandat de diffuser les résultats
recueillis. La mesure des résultats faite par Hydro-Québec
à l'heure actuelle, est-ce qu'elle vous apparaît insuffisante? Et,
compte tenu du rôle de l'observatoire de l'efficacité
énergétique que nous mettrons en marche bientôt, quels sont
les autres moyens de diffusion de résultats auprès du public que
vous pourriez préconiser? (10 h 30)
M. David: Nous nous plaçons du point de vue de ce que nous
prétendons représenter, l'industrie des économies
d'énergie. Nous regroupons des gens qui, tant au niveau de la
consultation qu'au niveau de la fourniture d'équipement qu'au niveau
même de la consommation d'énergie, sont préoccupés
d'efficacité énergétique. Et c'est un sentiment
général qu'ont nos partenaires, nos membres, de ne pas disposer
d'une information qui leur est transmise de façon utilisable. Nous
connaissons les publications d'Hydro. Ce n'est pas toujours
présenté... Enfin, c'est une question probablement de
communication beaucoup plus qu'une question de politique interne à
Hydro. Parce que nous sommes fournisseurs du marché des économies
d'énergie, nous souhaiterions qu'il y ait peut-être un pas de plus
fait dans le sens d'une documentation de ce qu'est le marché des
économies d'énergie pour pouvoir répondre davantage et de
façon plus ciblée, plus efficace aux besoins du
marché.
Nous sommes extrêmement contents de voir que le gouvernement a
inscrit dans son programme l'idée de cet observatoire
d'efficacité énergétique. Nous espérons bien
pouvoir y participer, parce que nous croyons que c'est un outil qui ne sera
véritablement opérationnel que quand toute l'industrie que nous
représentons sera directement impliquée dans ce projet-là.
Nous pensons qu'il y a matière à amélioration dans ce
domaine-là pour pouvoir précisément définir les
objectifs, la structure du marché et nous aider peut-être aussi
à fournir à nos membres une information plus structurée
sur ce qu'ils ont à faire et comment ils pourraient le faire, et que
ça aille dans le sens des politiques à la fois
d'Hydro-Québec et du gouvernement.
Mme Bacon: On me rappelle que mon temps est presque
terminé. J'aimerais quand même vous demander: En tant qu'experts
en matière d'efficacité énergétique et de
maîtrise de l'énergie, compte tenu que votre Association regroupe
plus de 600 membres qui, vous le dites vous-mêmes, se recrutent parmi des
fournisseurs de produits et de services en efficacité
énergétique et parmi les grands consommateurs d'énergie,
vous connaissez bien le secteur de l'activité économique
québécoise. Est-ce que vous pourriez nous dresser un portrait
sommaire de l'industrie de l'efficacité énergétique au
Québec à l'heure actuelle et faire état de votre
prospective dans ce domaine-là? Il faudrait le faire rapidement, je
m'excuse, parce qu'on me dit qu'il ne me reste pas beaucoup de temps. M.
Chevrette est vraiment anxieux de vous demander des questions.
Le Président (M. Audet): Allez-y, brièvement, s'il
vous plaît.
M. Fournelle: Ce qu on peut vous dresser comme portrait, c'est le
suivant. C'est qu'il y a beaucoup d'attentes. Les craintes sont à
l'effet que... Les gens souhaiteraient voir s'établir une vraie
industrie. On est convaincu que tout ça doit passer par
l'éducation, par la formation des gens et on souhaiterait qu'il y ait un
genre de coordination à travers tous les intervenants, justement pour
que chacun puisse aller piger sa part d'information, de connaissances et
pouvoir générer ses propres commentaires à
l'intérieur de ce qui se réalise. C'est plutôt ça.
Les gens sont très motivés, sont très
intéressés, mais on voit Hydro-Québec un peu faire
cavalier seul et on aimerait pouvoir se rapprocher de leurs activités en
matière d'efficacité énergétique.
Mme Bacon: Merci.
Le Président (M. Audet): Merci. M. le député
de Joliette.
M. Chevrette: M. le Président, d'abord je partage beaucoup
de points de vue que vous avez. Sur la diffusion, moi, je considère
qu'il n'y a pas grand-chose. Sur l'évaluation, aux dires mêmes des
consultations qu'on fait à l'interne à Hydro-Québec, les
mesures sont rares puis les moyens de mesurer sont aussi rares. Donc, je
partage passablement vos points de vue. Vous dites cependant
qu'Hydro-Québec aurait pu miser sur des mesures d'efficacité
énergétique moins coûteuses et vous ne donnez aucun
exemple. J'apprécierais que vous m'en donniez.
M. Fournelle: Un des exemples qu'on donne... Pour expliquer
l'exemple qu'on amène lorsqu'on parle de moteurs à haut
rendement, on sait que ça demande des investissements un peu
supérieurs de la part des clients. On est convaincus que tout ça
doit s'établir sur une conscientisation en matière
d'efficacité énergétique. L'exemple que je peux vous
apporter, qui me vient à l'esprit, c'est celui où... Si je
plaçais le compteur que vous avez à la maison dans votre cuisine
et que l'hiver vous voyiez votre compteur tourner à la vitesse qu'il
tourne en réalité, ça vous amènerait
peut-être à penser ou à réfléchir sur ce que
vous consommez comme énergie. Ce qu'on perçoit comme
consommation, c'est toujours deux, trois mois plus tard lorsque la facture
arrive, puis là on se dit: Je pense que j'aurais pu faire mieux
ça. C'est là qu'il y a des gestes qui peuvent être
posés, et ça ne coûte pas nécessairement cher
d'avoir un indicateur dans la maison qui vous indique vraiment ce que vous
consommez. Ce sont de petits gestes et ce sont des mesures qu'on appelle douces
qui amènent les gens à une conscientisation. Par après,
les gens verront quelle méthode employer pour réduire leur
facture. Mais il faut commencer, je pense, par cette base-là.
M. Chevrette: Je voudrais revenir sur une question que Mme la
ministre vous posait. Quand vous dites préférer le
scénario d'économie d'énergie 10,2, alors
qu'Hydro-Québec, elle, prétend que ce scénario de 10,2
aurait un moins bon taux de pénétration, est-ce que ce vous
partagez ce point de vue d'Hydro?
M. Fournelle: II est très difficile de commenter sur cet
aspect-là. C'est une recommandation que l'on fait qui est plus
idéologique lorsqu'on dit qu'on vise 10,2 versus 9,3, tout simplement
parce qu'on encourage toutes les économies d'énergie possibles et
potentielles. Ça fait qu'il est tout à fait naturel chez nous de
pouvoir vous dire qu'on s'oriente vers un objectif un peu plus
élevé.
M. Chevrette: Là, je viens de comprendre. En fait, vous
dites, 9,3, ce n'est pas assez, comme objectif d'économie
d'énergie. Vous devriez aller plus haut que ça.
M. Fournelle: Ils ont été jusqu'à 27. Ils
identifient 27 TWh comme marché potentiel, puis on ne l'a pas choisi,
parce qu'on s'est dit: II ne faut tout de même pas aller se casser le
nez. Mais, dans la mesure où on identifie 9,3 et 10,2, on est
très, très proches. Puis, il est tout à fait naturel chez
nous de dire: Bien, écoutez, si c'est si proche que ça, pourquoi
ne pas avoir pris l'autre?
M. Chevrette: O.K. Mais vous n'étiez pas ici hier soir.
Vous n'avez pas entendu M. Bolduc, d'Hy-dro-Québec, nous dire que... Ces
programmes d'efficacité énergétique, je leur ai fait la
démonstration que, dans leur propre plan de développement, ils
étaient passés de 5 à 3,9 à 2,9, et ça
allait toujours en dégradant. Mais ils ont maintenu l'objectif de 5 TWh
d'économie d'énergie en 1996, ce qui les obligeraient, entre 1995
et 1996, d'aller chercher exactement le même montant qu'ils auraient
économisé entre 1991 et 1995. Je lui ai dit: II n'y a rien de
trop sûr dans votre affaire. Il m'a répondu que ça pouvait
changer aux deux mois. Est-ce qu'on vous a consultés sur ce genre de
programme là? Est-ce qu'on vous a dit, durant les consultations
auxquelles vous vous êtes prêtés, que, en termes de
programme d'économie d'énergie, on pouvait avoir n'importe quel
objectif mais qu'aux deux mois ça pouvait changer?
M. Fournelle: On a mentionné, à la lecture, qu'on
n'est pas consultés régulièrement sur les positions
qu'Hydro-Québec prend à ce chapitre et que nous ne sommes pas
équipés, non plus, pour évaluer toutes les justifications.
Ça fait que c'est très difficile pour nous de répondre
à une telle question.
M. Chevrette: Mais est-ce qu'ils ont justifié leur
objectif? Moi, à partir même des données
qu'Hydro-Québec présente dans les écrits, je suppose que
vous, étant donné que vous avez été
consultés plus longuement
et qu'on a sans doute pu vous expliquer... Est-ce qu'on vous a
expliqué, par exemple, les volte-faces dans les objectifs ou bien
comment ils entendaient atteindre les objectifs d'économie
d'énergie? Est-ce qu'on a pris la peine de vous les expliquer?
M. Fournelle: Pas de façon officielle. On prend
connaissance des études qu'ils font, des modèles qu'ils
utilisent, mais il est très difficile pour nous d'évaluer ce
processus-là. Tout ce qu'on est en mesure de pouvoir faire, c'est
recommander à Hydro-Québec une approche peut-être plus,
sans dire rigoureuse, mais... Lorsqu'on définit une approche client,
entre autres, c'est vraiment d'aller sonder les besoins des gens en
matière d'efficacité énergétique. C'est pour
ça qu'on donne les exemples et on dit: Bon, il y en a des mesures
douces. Il y a de l'éducation à faire qui va
générer ces choses-là. Tant qu'on n'aura pas fait cette
consultation-là, il va peut-être être difficile de
déterminer les impacts ou l'évolution en matière de
rendement d'efficacité énergétique.
M. Chevrette: Est-ce qu'on vous a parlé des outils de
contrôle qu'ils avaient pour mesurer l'efficacité de leurs
programmes ou les résultats de leurs programmes durant les
consultations? (10 h 40)
M. David: Honnêtement, je pourrais difficilement vous
répondre parce que je n'ai pas nécessairement participé
à toutes les séances de consultation comme telles. Il y a quand
même, il faut le reconnaître, derrière les chiffres
d'Hydro-Québec une force de l'analyse, une crédibilité de
la qualité des travaux que nous ne remettons pas en doute, c'est
évident. Par contre, ce à quoi nous aimerions participer, ce que
nous aimerions dire ici, puisque nous sommes invités à le faire,
c'est que partant d'un autre objectif, ou d'une autre problématique, ou
d'une autre approche, il est possible que toute la méthodologie ait
été un peu différente. Nous sommes fidèles, nous
sommes relativement fidèles à cette hypothèse de
coûts évités, enfin, cette base fondamentale du calcul
d'Hydro-Québec. De là découle essentiellement toute leur
stratégie. Est-ce qu'elle change tous les deux mois? Peut-être que
les coûts changent tous les deux mois. Je ne commenterai pas davantage
là-dessus, mais il y a quand même une certaine force dans
l'analyse.
Ce qui nous a un peu manqué, nous qui avions le sentiment
d'être un peu spectateurs dans l'opération, c'est justement la
quantité d'information qu'il y a derrière les chiffres et
à laquelle nous n'avions pas accès pour des questions de temps
disponible. Tout ce que nous faisons, au niveau de l'Association, nous le
faisons à titre de promoteurs d'une idée et à nos frais,
à toutes fins pratiques. Donc, ce sentiment de spectateur, quand on
s'intéresse un peu à l'analyse qu'il y a derrière, est un
peu frustrant. C'est un peu ce que je disais tout à l'heure quand je
disais qu'on aurait aimé avoir des courbes qui nous disent, selon
différentes hypothèses d'intervention d'Hydro-Québec, le
niveau d'interven- tion, quel est le potentiel d'économie. Là, on
aurait pu discuter de jusqu'où on peut aller. Par contre, là, on
a des scénarios. Us sont beaux, les scénarios, mais ils sont un
peu rigides. On est pris avec ça. On est déjà contents que
ça se fasse, on est très heureux d'être ici aujourd'hui
pour pouvoir en discuter et pouvoir participer, mais je pense que, là,
il y a peut-être un pas additionnel à faire.
M. Chevrette: un petit dernier point. vous soulignez
également qu'hydro-québec a restreint le débat à
l'électricité, en termes d'économie d'énergie, en
termes d'efficacité énergétique. vous lui reprochez de ne
pas avoir étudié les filières, et je pense que c'est tout
à fait juste. j'aurais préféré, moi aussi, un
débat sur tout le débat énergétique
québécois, parce qu'on est à 40 % au niveau de
l'électricité, 60 % au niveau du gaz et du pétrole, de
sorte qu'on aurait pu voir, si on voulait véritablement s'occuper
d'énergie globalement, à ne pas laisser porter exclusivement
l'odieux par les consommateurs d'électricité en termes
d'efficacité énergétique. on aurait pu penser au transport
en commun, l'étalement urbain, etc. ce sont tous des points qui
aideraient également à créer cette mentalité, cette
volonté, pour ne pas dire cette phobie d'économie
d'énergie à l'ensemble du secteur énergétique et
non pas seulement à l'électricité. je vous remercie de
votre apport.
M. David: Puis-je ajouter un bref commentaire, M. Chevrette?
Le Président (M. Audet): Allez-y, brièvement.
M. David: Très brièvement. Je pense que ce que l'on
voulait dire peut-être dans le texte, c'est qu'à
Hydro-Québec il y a peut-être des formes alternatives pour
produire de l'électricité. C'était plus dans ce
sens-là qu'était notre remarque. Deuxièmement, vous avez
tout à fait raison. Le problème de politique
énergétique est important. Nous avons eu l'occasion, à
l'invitation de Mme la ministre, de discuter de stratégies
d'efficacité énergétique. Nous avons donc eu l'occasion de
contribuer à ce niveau-là. Peut-être qu'il y a besoin
d'autres consultations, mais l'AQME comme telle a déjà eu
à participer à ces exercices-là.
Vous avez parlé d'étalement urbain. Nous tentons, à
l'AQME, d'être actifs dans ce domaine-là, et nous organisons, au
mois de juin prochain, une réunion, justement, sur l'aménagement
urbain, les villes d'économie d'énergie. Nous essayons
d'être des promoteurs, des partenaires actifs dans ce domaine-là.
Alors, je crois que c'est important de le mentionner ici.
Le Président (M. Audet): Merci. Je vais maintenant
reconnaître M. le député de Drummond.
M. St-Roch: Merci, M. le Président. À la page 10 de
votre mémoire, à votre deuxième recommanda-
tion, vous marquez: «poursuive ses investissements dans la
formation, tant dans le milieu de l'enseignement qu'en entreprise».
Est-ce que vous pourriez élaborer un peu plus sur ce que vous entendez
par cette recommandation-là? Parce qu'Hydro-Québec nous a dit,
hier, au niveau de la recherche, au niveau du développement, au niveau
de la formation, on nous a surtout parlé, au niveau de la formation de
la main-d'oeuvre, qu'il y avait 4 % de la masse salariale qui était
dépensé à l'intérieur de l'entreprise. Est-ce que
c'est ça que vous voulez couvrir ou si c'est beaucoup plus large que
ça?
M. David: Notre hypothèse fondamentale, à l'AQME,
est double. À terme, nous sommes convaincus de la
nécessité qu'il y ait, dans toutes les entreprises, qu'elles
soient administrateurs d'immeubles, productions industrielles ou autres, des
gens spécialisés dans la gestion de l'énergie, ce qui
n'existe pas encore aujourd'hui. C'est un premier point. Ces gens-là, il
faut les former, et les former au niveau académique. Avant que les
programmes de formation au niveau académique ne soient
opérationnels, ce qui n'est peut-être pas encore tout à
fait le cas il y a des efforts dans ce sens-là, je tiens à
le préciser entre-temps, il y a des mesures intérimaires.
Il faut perfectionner ceux qui interviennent déjà dans le milieu,
et ce sont, en particulier, ceux qui sont très importants dans le
mécanisme de la politique d'économie d'énergie, les
ingénieurs-conseils. HydroQuébec travaille actuellement à
définir des cours de perfectionnement dans ce domaine-là. Mais ce
sont aussi tous les ingénieurs. Hydro-Québec et le gouvernement,
en association avec l'Ordre des ingénieurs du Québec, sont en
train de mettre sur pied des programmes de formation de perfectionnement. Tout
ça, pour nous, c'est fondamental. On espère que, dans 10 ans au
plus tard, il y aura partout des gens qui seront en mesure de payer leur
salaire deux, trois, quatre fois sur les économies d'énergie.
Transformer des gaspillages énergétiques en salaires, ça
nous apparaît tout à fait valable comme hypothèse de
travail. Mais il faut aller dans ce sens-là. C'est enclenché.
Nous appuyons très fortement cette méthode de faire.
M. St-Roch: Dans un autre ordre d'idées, nous entendrons
bientôt un autre organisme qui va nous faire une recommandation de
créer une commission de l'énergie qui serait complètement
indépendante, qui déterminerait, un peu dans la foulée de
ce que M. le député de Joliette a mentionné, les besoins
énergétiques, mais, dans l'ensemble, en utilisant toutes les
problématiques. Est-ce que votre organisme s'est déjà
penché sur la nécessité au Québec d'avoir cette
commission de l'énergie?
M. Fournelle: Non, on n'a pas eu, je pense, à
évaluer l'impact pour ces choses-là. Par contre, ce qu'on
recommandait à l'intérieur, c'est justement de centraliser
l'information, de permettre une meilleure diffusion de l'information, d'essayer
de construire quelque chose de permanent avec les actions qui sont
posées en matière d'efficacité énergétique
pour que ça dure, que ce soit durable. Ça fait que, dans la
mesure où il y a une concertation beaucoup plus générale
des intervenants dans le secteur, on ne peut pas être contre cette
vision-là.
M. St-Roch: Une autre question. À la page 11 de votre
mémoirej'y souscris pleinement qu'Hydro-Québec
devrait accentuer, poursuivre et amplifier ses efforts de recherche et de
développement. Vous mentionnez l'éolienne, le soleil et la
biomasse, et vous ne parlez pas de l'hydrogène. Est-ce que c'est parce
que c'est plus à long terme ou plus général?
M. Fournelle: Non, on a tout simplement donné quelques
exemples. Ça inclut aussi bien le gaz naturel, le nucléaire. On
encourage à avoir une vision globale des différentes sources et
non pas d'être plus discriminatoire. C'est de donner une chance un peu
à toutes les sources d'énergie. C'est beaucoup plus dans cette
optique-là.
M. St-Roch: Est-ce qu'il me reste encore un peu de temps, M. le
Président?
Le Président (M. Audet): Une minute, environ.
M. St-Roch: La dernière question. Je vais revenir à
la question des mesures d'économie d'énergie douces. Vous en avez
probablement pris connaissance, à la page 33 des présentations
d'Hydro-Québec, dans leur document sur l'efficacité
énergétique. Dans les économies qu'on peut faire, il y a
38,6 % qui viennent du résidentiel, 32,3 % du commercial et 29,1 % qui
viennent de l'industriel. Puis on dit, pour souscrire à ça, on va
mettre 2 000 000 000 $ d'investissements sur cet horizon-là. Est-ce que
cette répartition-là vous apparaît logique ainsi que les
composantes? Parce que, après ça, on dit que, du
côté résidentiel, ce sera des économies surtout au
niveau du chauffage et de l'eau qui représentent la grande proportion.
Est-ce que vous avez eu la chance de regarder ces répartitions-là
et est-ce qu'elles vous apparaissent comme réalisables?
M. Fournelle: On les a regardées. On a mentionné
qu'on n'avait pas toutes les données pour pouvoir évaluer ou
être en mesure de porter un jugement sur la valeur des figures qui sont
présentées, mais, à prime abord, je pense que cette
information-là nous apparaît réaliste.
M. David: Peut-être qu'Hydro-Québec vous a dit la
quantité d'études qu'elle faisait faire. Nous participons
personnellement. Je participe actuellement à des travaux
d'Hydro-Québec, des études dans certains domaines où j'ai
déjà participé. Il y a donc une montagne
phénoménale d'information sur la consommation
d'énergie au Québec aujourd'hui. C'est un peu ce qu'on disait
quand on espérait qu'elle publierait, mais de façon un peu
articulée, cette information, parce que les études de
marché sont faites puis dans les plus petits détails.
Il nous est bien difficile, à nous qui travaillons, non pas tant
comme fournisseurs d'Hydro-Québec, ce n'est pas le problème, mais
qui avons des métiers, des activités professionnelles à
exercer... Nous n'avons pas le temps de nous pencher sur le détail de
l'analyse qui a été faite. Nous faisons l'hypothèse que
l'étude de marché qui a été faite et dont les
résultats auxquels vous faites allusion sont issus... Nous pouvons
difficilement les contester. C'est un peu, encore là, ce qu'on disait
tout à l'heure. Nous sommes un peu devant le fait accompli. C'est une
chose naturelle dans la mesure où ces données sont le
résultat de travaux considérables. Je ne sais pas si on peut en
faire davantage.
M. St-Roch: D'où la nécessité de mesurer.
(10 h 50)
Le Président (M. Audet): Je vais maintenant
reconnaître M. le député des Îles-de-la-Madeleine. M.
le député.
M. Farrah: Merci, M. le Président. Alors, à mon
tour de vous souhaiter la bienvenue. Vous affirmez qu'Hydro-Québec a
choisi d'investir dans des mesures d'efficacité
énergétique qui exigent, dans bien des cas, des investissements
majeurs pour la clientèle, par exemple, les moteurs à haut
rendement. À votre avis, la société devrait aussi
considérer d'autres mesures exigeant moins d'investissements et qui
représentent un potentiel d'économie d'énergie non
négligeable et qui supposent des efforts accrus au chapitre de la
sensibilisation afin de changer les habitudes de consommation de la
clientèle. Or, dans le cadre de la consultation publique, on peut
constater qu'Hydro-Québec prévoit essentiellement trois phases
pour son projet d'efficacité énergétique. La
première phase consiste, justement, tout d'abord à sensibiliser
et informer sa clientèle afin d'exploiter les mesures moins
coûteuses et plus facilement réalisables, telles que la
modification des habitudes de consommation, et à soutenir la
deuxième phase, constituée d'interventions plus lourdes. La
troisième phase en est une de consolidation et de réajustement
par rapport aux deux premières.
Alors, ma question, c'est la suivante: Est-ce à dire, si je
comprends bien votre recommandation, que vous pensez qu'Hydro-Québec n'a
pas assez appuyé ses efforts durant la première phase
d'intervention? Et, si oui, que préconisez-vous de plus pour cet aspect
du projet d'Hydro-Québec?
M. Fournelle: O.K. On a connu des campagnes de publicité
à la télévision, il y a une conscientisation qui s'est
faite, mais on est persuadé que ça doit se faire d'une
façon beaucoup plus longue, pour amener les gens à changer de
mentalité, à avoir une vision peut-être plus
orientée sur l'aspect efficacité énergétique. Et
tout ça, bien... On se répète peut-être un peu
lorsqu'on dit qu'il doit y avoir de la formation chez les gens. Lorsque arrive
le temps d'acheter un moteur, une entreprise va magasiner le moteur le moins
dispendieux, et probablement celui qu'elle va avoir, c'est peut-être
celui qui est le moins performant. C'est encore présent aujourd'hui et
ça risque de l'être jusqu'à temps qu'il y ait un changement
de compétence chez les décideurs, où, lorsqu'ils vont
faire le choix d'acheter un moteur, ils vont regarder pas juste le coût
de l'acquisition, mais le coût de l'opération de ce
moteur-là. Et ça passe, veut, veut pas, par la formation. Il faut
que ces gens-là soient formés à le faire pour les amener
à avoir une approche plus soutenue. Indirectement, oui, ils ont fait une
sensibilisation, mais il ne faut pas le voir comme étant une phase,
c'est terminé et on passe à autre chose. Il faut que ça
continue, ces choses-là.
M. Farrah: Alors, la mentalité, il faut qu'elle change
à l'interne, au niveau d'Hydro-Québec, parce que souvent ce sont
les soumissions les plus basses qui sont acceptées au détriment,
peut-être, de l'opération, comme vous dites. Ce n'est pas encore
cultivé, cette mentalité-là, à l'intérieur
de l'entreprise, vous dites.
M. Fournelle: C'est en plein ça. Le seul outil que l'on
voit pour corriger ce phénomène-là, c'est par la formation
des gens. Il y a deux volets: II y a une formation à long terme qui doit
se faire au niveau de l'enseignement et une formation au niveau des artisans,
des intervenants. Et je pense que, là-dessus, on devrait avoir une
concertation peut-être plus soutenue, une coordination à travers
les intervenants de façon beaucoup plus soutenue.
M. Farrah: Merci. Une autre question, M. le Président. En
tant qu'expert en matière d'efficacité énergétique
et de maîtrise de l'énergie et compte tenu que votre association
regroupe plus de 600 membres c'est quand même important un
peu, dans la même foulée que le député de Joliette,
tantôt, pourriez-vous, pour le bénéfice des membres de la
commission, nous dresser un bilan sommaire de l'industrie de
l'efficacité énergétique en général au
Québec?
M. David: Très brièvement, je dirais que
l'industrie est un peu à la remorque elle l'est depuis 15 ans
de ce qui s'est d'abord fait au ministère de l'Énergie
avec la création du BEE et depuis trois ans maintenant avec
Hydro-Québec, qui dispose, bien sûr, des financements maximums.
L'industrie est composée de bureaux d'ingénieurs qui sont
très spécialisés, qui ont développé des
produits de gestion de l'énergie, des compétences dans ce
domaine-là. Elle est composée d'une industrie
manufacturière qui a des produits à l'intérieur de sa
production standard qui sont plus per-
formants qu'ils ne l'étaient.
Est-ce qu'il existe une industrie des économies d'énergie?
Il existe des compétences particulières au niveau de l'analyse,
de la planification, de la gestion de l'énergie. Mais les produits,
finalement, font partie je pense que mon collègue ici avec ABB
vous le précisera davantage de la stratégie industrielle
de chacun des fournisseurs d'équipement. Donc, nous sommes une
espèce de groupe qui est assez convaincu qu'il y a de quoi occuper, de
faire pas mal d'emploi dans ce domaine-là: entrepreneurs, conseillers,
consultants, ingénieurs. Nous essayons de regrouper des architectes
également qui sont avec nous, des partenaires importants. Nous avons
bien sûr la contribution, la participation d'organismes publics, en
particulier le ministère de l'Énergie, c'est évident, et
Hydro-Québec. Mais le coeur de l'industrie, c'est, pour l'instant, une
espèce de groupe d'ingénieurs et de planificateurs qui
s'intéressent à la maîtrise de l'énergie et autour
desquels gravitent des consommateurs.
L'Association, je dirais, est véritablement une association. Nous
avons des consommateurs, nous avons Hydro-Québec, nous avons des
ingénieurs-conseils, nous avons des planificateurs. C'est un groupe qui
peut paraître hétérogène, hétéroclite,
même, à la limite, mais qui convient qu'il y a lieu de travailler
dans ce domaine-là, parce que l'environnement en dépend en grande
partie. On sait que l'énergie est importante dans ce domaine. Il y a des
emplois dans ce domaine-là. Transformer certaines consommations
d'énergie en emploi, ça nous apparaît un excellent objectif
économique pour le Québec.
Donc, on en est là, et ce qu'on disait, c'est qu'il y a lieu, par
une concertation, un mariage plus serré avec les partenaires importants,
le ministère de l'Énergie et Hydro-Québec, de créer
une industrie, de la structurer. Il y a eu des tentatives, mais je pense qu'il
y a encore du travail à faire dans ce domaine-là. Nous sommes
vulnérables, nous dépendons du prix de l'énergie, nous
dépendons de ce qui s'est dit à Rio. Tout d'un coup on se rend
compte que l'énergie et l'environnement, ça ne fait pratiquement
qu'un, mais tout ça, c'est peut-être un peu conjoncturel. Il y a
lieu de structurer ça davantage. Nous y travaillons et nous
espérons avoir la contribution de nos partenaires qui ont les moyens de
nous aider.
Le Président (M. Audet): Merci. Je vais maintenant
reconnaître M. le député de Labelle.
M. Léonard: Merci, M. le Président. Je voudrais
simplement vous poser une question sur les moyens de production. Il y a une
section complète, dans le plan de développement
d'Hydro-Québec, qui porte sur les moyens de production. Vous dites,
quelque part dans votre mémoire, qu'Hydro-Québec n'est pas
allée assez loin dans des filières. Elle élabore
évidemment très à fond l'hydroélectricité,
mais il y a d'autres filières de production d'énergie. Est-ce que
vous pourriez élaborer davantage là-dessus?
M. Fournelle: c'est qu'on encourage hydroquébec à
vraiment toutes les regarder. la tentation peut être forte, étant
donné que 95 % de sa production est hydroélectrique et qu'elle
maîtrise très bien cette filière-là, de couper
court. et on se dit: bien, donnez une chance à toutes les sources
d'énergie d'être évaluées à chaque fois que
c'est possible. et on ne peut pas être plus vertueux, je pense, en disant
ça.
M. Léonard: Mais, vous, vous avez des idées sur
d'autres filières. Vous en avez?
M. Fournelle: C'est que l'Association fait la promotion de toutes
les sources d'énergie, en reconnaissant que chacune d'entre elles a sa
place dans des endroits bien spécifiques. Et on encourage
Hydro-Québec à avoir cette approche-là.
M. David: Je vais prendre la parole. Écoutez... M.
Léonard: Allez-y, je n'ai pas d'objection. M. David: Vous
n'avez pas d'objection, merci. M. Léonard: Ha, ha, ha!
M. David: Je voudrais lui rendre la parole parce que lui vient
d'une entreprise qui fabriquait un système solaire
particulièrement performant. Et, pour des raisons malheureuses de
stratégies industrielles probablement erronées, ce système
a disparu. Il a été récupéré, non pas par
des amateurs, mais par Elf Aquitaine en France. Il y avait de la place pour
faire le développement du chauffage solaire, le préchauffage de
l'eau domestique, des choses comme ça.
M. Léonard: Ça, c'est... (11 heures)
M. David: Ça paraît élémentaire. C'est
toujours le problème que nous avons, c'est qu'on est trivial dans nos
histoires. On parle de chauffage de l'eau domestique, ça manque un peu
de «glamour», excusez-moi le mot. Mais ça marchait, ce
truc-là, ça marchait de façon fantastique et si on s'y
était attaché, à cette technologie-là, on avait
quelque chose... Et, moi, j'étais prêt à l'exporter au
Mexique, au Pérou, au Gabon et ailleurs, mais ça a disparu, c'est
reparti. Il faut remettre la main dessus. Il faut aller la rechercher. Mais on
a perdu ça. Il ne faut pas que ça arrive encore, ça. Je ne
dis pas que c'est un drame, mais, enfin, c'est dommage.
M. Léonard: Bien. Moi, je posais aussi la question en
relation avec nos habitudes incontrôlables, je dirais, d'étalement
urbain qui coûtent sûrement très cher à
Hydro-Québec. Est-ce que vous avez fait des relations quelconques
entre...
M. David: Nous sommes en train d'organiser...
M. Léonard: ...les coûts, disons, l'économie
d'énergie puis de nouvelles filières? Moi, je pense...
M. David: Nous parlons là d'un sujet qui est en voie de
développement, à toutes fins pratiques, au Québec. C'est
un sujet que nous allons aborder en juin avec la réunion que nous
organisons sur les villes et l'efficacité énergétique, en
association, avec la collaboration de France-Québec, dans le cadre de
l'Association France-Québec. Il y aura une réunion le 17 mars du
Québec-Solaire qui organise la question sur le même thème.
Ce que j'ai constaté en essayant de mobiliser des chercheurs, des gens
intéressés au domaine, c'est qu'on n'a pas d'outils de calcul. Ce
à quoi vous faites allusion, il n'y en a pas encore, mais tout le monde
s'entend pour dire qu'il est grand temps de le faire. On va s'organiser pour le
faire. Non, je ne peux pas vous dire que ça existe aujourd'hui, mais je
peux vous dire une chose, c'est qu'on est intéressés à ce
que ça existe vite, parce que les municipalités sont, pour nous,
des partenaires très importants. Elles sont proches de leur public.
Elles sont proches de leur clientèle. Elles n'ont aucun outil.
La seule étude que je connaisse actuellement je ne sais
pas, il y en a probablement d'autres c'est ici, à
Montréal, dans le cadre du projet Faubourg Québec.
L'équipe de Faubourg Québec a procédé à
l'étude à ma connaissance, c'est peut-être la
première, une des premières, en tout cas de ce que
pourrait être l'approvisionnement énergétique d'une
communauté de 3000 logements à peu près, 2000 logements,
qui va être construite ici pas loin, derrière la brasserie Molson.
C'est la première fois qu'on fait ça au Québec. On a
regardé le choix entre l'électricité, tout
électrique, donc on bloque le système pendant les 30 prochaines
années, pas de système alternatif possible; la deuxième
option, le gaz, donc un système central; la troisième option,
vapeur, avec un réseau urbain, peut-être à partir de
Windsor. Je ne sais pas le détail de l'analyse. On se rend compte d'une
chose, c'est qu'à terme le gaz, enfin, le système central
coûte moins cher peut-être que le système tout
électrique. Ça coûte un peu plus cher quand on fait du
mesurage individuel des logements.
Tout ça pour vous dire qu'on commence à explorer le
terrain. Les gens sont prêts à en parler maintenant. Mais si vous
êtes prêt, vous, à en faire un cheval de bataille, nous, on
est disponibles, parce qu'on sait qu'il y a du travail à faire
là-dedans, mais je vous dis qu'on démarre.
Le Président (M. Audet): Merci. Alors, M. Fournelle, M.
David, on vous remercie sincèrement de votre présentation, au nom
des membres de la commission. Ça termine cet entretien.
J'invite maintenant le Forum québécois pour l'examen
public du complexe Grande-Baleine à s'avancer et à prendre place.
Nous allons suspendre quelques instants pour permettre à nos
invités de s'avancer. Merci.
(Suspension de la séance à 11 h 3)
(Reprise à 11 h 7)
Le Président (M. Audet): Je souhaite la bienvenue au Forum
québécois pour l'examen public du complexe Grande-Baleine.
Messieurs, bonjour.
Des voix: Bonjour.
Le Président (M. Audet): Je vous rappelle
brièvement le déroulement de nos travaux. Vous avez une vingtaine
de minutes pour présenter votre mémoire. Je vous demanderais
aussi de vous identifier, de présenter les gens qui sont ici, et,
ensuite, suivra une période d'échanges d'environ une quarantaine
de minutes. Messieurs, vous avez la parole.
Forum québécois pour l'examen public du
complexe Grande-Baleine
M. Cliche (David): M. le président de la commission, cher
Beauceron, Mme la vice-première ministre et première ministre par
intérim et M. le critique officiel de l'Opposition en matière
d'énergie, MM. les députés. Mon nom est David Cliche. Je
suis président du Forum Grande-Baleine. Je suis accompagné
aujourd'hui de M. Serge Quenneville, qui représente la CSN, la
Confédération des syndicats nationaux, et de M. Paul F. Cha-rest,
qui représente le groupe d'études inuit et circumpolaire de
l'Université Laval.
Vous le savez peut-être, je vous le rappelle, le Forum
Grande-Baleine est une association d'organismes et de groupes qui s'est
formée il y a deux ans et qui vise essentiellement un examen public et
crédible du complexe Grande-Baleine et qui veut s'assurer que l'ensemble
des questions relatives au complexe Grande-Baleine soit évalué
correctement. Sont membres du Forum Grande-Baleine les organismes suivants: le
groupe d'études inuit et circumpolaire de l'Université Laval, la
Fédération québécoise de la faune, l'Union
québécoise pour la conservation de la nature, le MIREQ, le
Mouvement pour l'instauration de la réglementation de
l'électricité au Québec, l'Association des biologistes du
Québec, l'Union des producteurs agricoles, la
Confédération des syndicats nationaux, la
Fédération des ACEF, les associations coopératives
d'économie familiale, et le dernier et non le moindre,
l'Assemblée des évêques du Québec.
Nous sommes présentement absorbés par des études
qui devraient nous permettre de participer pleinement à l'examen public
du complexe Grande-Baleine qui devrait avoir lieu dans les prochains mois. Nos
études portent en ce moment sur le concept, la méthodologie
de
planification, la planification intégrée des ressources
«Integrated Resources Planning» pour les Américains
de même que les concepts d'externalité qui doivent
être internalises dans le coût et les avantages, dans les analyses
comparatives des projets. Et comme le projet d'Hydro-Québec, le plan de
développement d'Hy-dro-Québec fait état de ces concepts,
nous avons jugé important de venir vous entretenir aujourd'hui des
conclusions préliminaires de nos recherches.
J'ai amené avec moi ici, pour ceux que ça
intéresserait, le document qui est le résultat de la recherche
préliminaire de la planification intégrée des ressources,
c'est-à-dire ce qui se fait aux États-Unis, et je vous signale
que j'aurai le plaisir, à partir de dimanche, de continuer et de
terminer cette recherche dans les États américains des
États-Unis d'Amérique qui sont les plus avancés en
planification intégrée des ressources, et c'est à
l'invitation du gouvernement américain que je m'y rendrai pour
rencontrer les experts en cette matière. (11 h 10)
La planification intégrée des ressources, rapidement, est
la méthodologie qui permet d'identifier, de qualifier, de quantifier et
d'intégrer éventuellement les différents critères
techniques, économiques, sociaux et environnementaux dans le processus
de justification d'un projet de développement et de comparer ce projet
de développement à ses alternatives. Nous sommes en accord avec
plusieurs déclarations qui nous apparaissent très importantes
dans le plan de développement d'Hydro-Québec, et je vais en citer
quelques-unes avec lesquelles nous sommes pleinement d'accord. Nous croyons,
comme Hydro-Québec, et je cite, que «les grandes décisions
sur l'avenir de l'électricité au Québec sont d'une
importance fondamentale pour l'ensemble de la société», et,
comme Hydro-Québec, nous croyons, et je cite, qu'«il importe
qu'elles soient prises en pleine connaissance de cause à partir de
l'information la plus pertinente». De même, comme
Hydro-Québec, nous croyons que nous devrions, et je cite, «passer
en revue chacun des moyens mis à notre disposition en utilisant trois
notions fondamentales, l'optimisation économique des moyens, le
coût marginal et les externalités».
Là où nous divergeons avec Hydro-Québec, c'est
lorsqu'ils affirment dans leur document qu'il faut remettre à plus tard
l'utilisation de ces concepts qui nous apparaissent fondamentaux et qui
limitent en ce moment l'analyse qu'on retrouve dans ce document aux
critères uniquement technico-économiques.
Nous pensons qu'Hydro-Québec, et nous avons beaucoup de respect
pour Hydro-Québec avec qui nous avons pleinement participé au
plan de consultation d'Hy-dro-Québec, qui a été
très profitable, très enrichissant pour tout le monde, nous avons
confiance qu'Hydro-Québec a les moyens et les compétences de
s'attaquer immédiatement à ce besoin d'intégrer les
questions sociales et environnementales, les impacts sociaux et
environnementaux dans l'analyse comparative des options, de leurs options. De
toute façon, ils ont à le faire.
Je vous rappelle que les directives de Grande-Baleine qui ont
été émises en septembre de l'an dernier
spécifiquement demandent au promoteur de, et je cite, début de la
citation: «Le promoteur devra présenter un ensemble de tableaux
comparant les incidences de chacune des sources visées aux paragraphes
223 à 251 ceci, ce sont les alternatives au complexe
Grande-Baleine; comparer les incidences de chacune des sources sur
chaque external ité favorable et défavorable. Dans toute la
mesure du possible je continue la citation le promoteur
présentera ces comparaisons sous une forme monétaire ou
quantitative; dans le cas des incidences difficiles à quantifier, les
comparaisons pourront être qualitatives.»
Or, malheureusement, lorsqu'on regarde le plan de développement
d'Hydro-Québec, on doit constater que les tableaux 3 et 4, qui sont
l'essentiel, à notre point de vue, des présentations de ce
document, les pages 50 et 51... alors que le tableau 3, à notre point de
vue, présente une belle comparaison des critères
technico-économiques, le tableau 4 en page 51 nous semble insuffisant
dans la mesure où c'est tout simplement une description des enjeux sans
aucune forme de qualification, quantification et classement qui nous
permettraient de juger des options. De sorte que quelqu'un de rationnel, comme
vous êtes tous, qui veut prendre les meilleures décisions pour
l'ensemble de la société, vous êtes laissés
essentiellement à vos propres choix, à vos propres analyses, et
ça donne, à ce moment-là, à ceux, par exemple, dont
la phobie, c'est l'effet de serre et qui ont peur de mourir grillés le
prochain été... ils vont «focusser» sur l'effet de
serre, alors que les autochtones qui sont contre le développement des
rivières du Nord vont «focusser» sur les rivières du
Nord.
Voici une liste exhaustive à laquelle nous sommes arrivés
en consultation, en concertation naturellement avec les membres du Forum
Grande-Baleine, sur les externalités sociales et environnementales qui
devraient être qualifiées et quantifiées pour amener une
classification des différentes options. Je vais passer rapidement pour
pouvoir répondre aux questions.
D'abord, la disparition des habitats terrestres et des rivières.
On peut quantifier ces objets.
La modification de l'utilisation du territoire. Tous les coûts et
les avantages que la modification, l'ouverture du territoire amène.
La question de la qualification et possiblement la quantification des
impacts sociaux reliés aux options des plans de développement
d'Hydro-Québec, et mon collègue Paul Charest pourra
répondre à des questions à cet effet.
Les coûts liés à la pollution. Ceci est amplement
étudié et ceci est amplement documenté, les
externalités reliées à la pollution.
Et les impacts économiques des choix technologiques. J'entendais
le groupe qui nous précédait signaler le retard important que le
Québec avait pris dans certains domaines technologiques dans la
conservation de
l'énergie, et ceci est un aspect très important que nous
devrions évaluer: Quel est l'impact du non-investissement, ou du
sous-investissement, ou du pauvre investissement d'Hydro-Québec dans des
filières comme l'éo-lienne, la cogénération et
d'autres filières de développement qui sont, de l'avis de tous,
des projets exportateurs en potentiel important?
De même, la cogénération devrait être
évaluée dans une perspective, disons-le carrément, d'aide
à l'entreprise qui, quelquefois, est en difficulté. Il y a des
secteurs importants, les papetières et les scieries, qui sont en
difficulté.
De même, la chauffe au gaz. On sait très bien que,
contrairement à l'électricité, le coût marginal de
la chauffe au gaz est inférieur au coût de production, alors que
le coût marginal de la chauffe à l'électricité est
de loin supérieur au coût moyen de production, et je vous cite les
travaux du professeur Yves Rabeau qui arrive à des conclusions
similaires.
En ce qui concerne nos recommandations à Hydro-Québec,
nous aimerions qu'Hydro-Québec approfondisse le tableau 4 et fasse un
effort de qualifier et de classer les options qu'ils nous soumettent par
rapport aux impacts sociaux, environnementaux et technologiques. Nous convenons
qu'il est difficile de qualifier et de quantifier ces externalités, et
nous l'avons vécu dans la consultation avec Hydro-Québec,
où nous arrivons constamment à des conclusions à l'effet
que l'importance à donner aux impacts... Par exemple, quelle est la
valeur d'une rivière dans le Nord du Québec pour les
Québécois? Est-ce qu'on accorde une valeur à ça?
Et, si oui, quel est le coût, quelle est la valeur, même,
monétaire d'une rivière sauvage dans le Nord du Québec? On
arrive constamment à des conclusions que ceci, ce sont des choix de
société.
Nous convenons avec Hydro-Québec qu'il est difficile de
quantifier, d'identifier les externalités, mais c'est un débat
que nous devons avoir, et, tant et aussi longtemps qu'on piétinera et
que le gouvernement, pour des raisons que j'ignore, évitera d'avoir ce
débat sur l'énergie, d'autres le tiendront à notre place.
Parce que le contexte international qui nous entoure a énormément
modifié. Je vous rappelle que les États qui nous avoisi-nent, et
possiblement les États qui seraient intéressés à
éventuellement importer d'autre électricité en provenance
de nos centrales de production, sont des États qui ont tous
utilisé, qui utilisent maintenant la planification
intégrée des ressources, et je parle du Mass., du New Hampshire,
du Vermont, du Maine, New York State, Rhode Island et compagnie.
Dans le marché économique nord-américain, dans une
perspective d'accord de libre-échange nord-américain, nous devons
réaliser que les questions environnementales, que la façon dont
les États planifient leurs projets de développement... seront
scrutées à la loupe et seront un élément important
dans nos relations avec nos voisins du Sud. Il appert que les questions
environnementales et la façon dont les questions environnementa- les et
sociales sont considérées par des promoteurs et par des
organismes de planification pourraient être des mesures ultimement
invoquées comme des barrières de protection. Je vous rappelle,
à titre d'exemple, quoique ce n'est pas une décision
gouvernementale, la malheureuse décision du Dartmouth College, de
Hanover, New Hampshire, qui a décidé de désinvestir les
sommes d'argent qu'ils avaient investies dans les obligations
d'Hydro-Québec.
Nous croyons que l'avenir énergétique du Québec
passe par la mise en place d'une commission indépendante de
l'énergie qui analyse l'ensemble des propositions, incluant celles
d'Hydro-Québec, mais qui ferait d'Hydro-Québec un producteur
d'énergie au même titre que Gaz Métro est un producteur
d'énergie et au même titre, à ce moment-là, que les
autres organismes qui ont aussi un impact très important dans la
planification de l'énergie, comme les schémas
d'aménagement et les villes. Tant que nous nous obstinerons, à
titre de société, à refuser ce débat public et
structuré qui pourrait nous permettre excusez-moi l'expression
de «québéquiser» la planification
intégrée des ressources, qui est maintenant la
méthodologie moderne utilisée dans les États modernes,
tant qu'on fera ça, d'autres feront le débat, et nous serons
inévitablement face à des problèmes où... à
Sainte-Marguerite, on a un débat sur la justification des projets
hydroélectriques; à Grande-Baleine, ça va être le
même débat à venir sur la justification des projets
hydroélectriques par rapport à d'autres formes d'énergie.
Et ce débat-là devrait se tenir, de sorte que les études
environnementales à chacun des projets seraient ce qu'on appelle du
«siting».
La commission de l'énergie serait une commission permanente,
indépendante, qui donnerait sans doute, qui serait en mesure de donner
des avis aux députés et au gouvernement qui sont les
décideurs. Vous êtes tous des personnes compétentes dans
votre domaine. Cependant, le domaine de l'énergie et de l'analyse, de la
planification intégrée des ressources, croyez-moi, est un domaine
très complexe. Ça fait 15 ans que j'oeuvre dans le domaine de
l'énergie, de l'environnement et des questions autochtones, et j'en
apprends encore à tous les jours. Une telle commission vous permettrait,
je pense, de vous donner le portrait d'ensemble et de vous aider à
prendre les meilleures décisions pour l'ensemble de la
société.
Une commission indépendante de l'énergie serait, selon
nous, un meilleur outil permanent d'évaluation. Elle permettrait une
meilleure évaluation de l'utilisation des autres formes
d'énergie: le gaz naturel, la biomasse, l'éolien, le solaire
passif, la «cogen», la cogénération... l'utilisation
du gaz naturel, l'importance qu'on devrait donner aux efficacités
d'énergie. Elle permettrait aussi une plus grande transparence, et ceci
est un caractère fondamental des commissions de l'énergie: elles
permettent une plus grande transparence. (11 h 20)
Celle-ci permettrait également l'application de la
politique d'énergie aux autres organismes qui ont des impacts
majeurs sur l'utilisation de l'énergie dans notre société.
Par exemple, on pense aux urbanistes, aux MRC. De même, nous pensons
qu'une commission de l'énergie vous permettrait de prendre ultimement
des meilleures décisions pour l'ensemble de la
société.
C'est essentiellement le fond des propos que j'aimais apporter à
votre attention. J'espère, cher Beauceron, que je n'ai pas
dépassé les 20 minutes.
Le Président (M. Audet): Pas du tout, je crois même
qu'il vous reste du temps.
M. Cliche: Alors, ça me fera plaisir de répondre
à vos questions, et mes collègues, et échanger avec vous
sur cette perspective purement professionnelle très technique. Je
rappelle que j'ai trois copies pour ceux qui veulent savoir où on en est
dans les Etats américains. La planification intégrée des
ressources, l'expérience américaine, ce n'est pas complet. Je
répète, je compléterai cette recherche dans les deux mois
à venir, et elle sera aussi disponible aux membres de l'Assemblée
nationale.
Le Président (M. Audet): Merci beaucoup. Alors, je vais
maintenant reconnaître Mme la ministre de l'Énergie et des
Ressources.
Mme Bacon: Oui. M. Cliche, M. Quenneville et M. Charest, je
voudrais vous remercier de l'intervention que vous faites ce matin et du
document que vous nous avez fait parvenir je pense que ça
démontre aussi votre participation importante à la commission
parlementaire et vos commentaires intéressants sur la
planification intégrée, surtout, des ressources. Dans votre
document, vous dites que le plan de développement d'Hydro-Québec
donne seulement une description des principaux impacts et enjeux
environnementaux sans aucune forme d'analyse, si j'ai bien compris votre
document. Et vous dites, par ailleurs, qu'il est possible de quantifier les
différents types d'external ités. Peut-on dire que l'usage est
relativement variable selon les juridictions qui emploient cette
méthodologie?
M. Cliche: Oui, il y a un usage extrêmement variable. Pour
vous donner une idée, Mme la ministre, par exemple, les États qui
ont évalué les impacts environnementaux de la production
d'électricité à partir des centrales au charbon, les
coûts reliés à la pollution, que l'on ajoute aux
coûts directs de production de kilowatts, si ma mémoire est bonne,
selon ma recherche, varient entre 0,05 $ le kilowattheure et 0,04 $ le
kilowattheure. Dans les 25 États américains qui ont fait
l'exercice de définir quelles étaient les externalités
sociales et environnementales qu'on devait intégrer dans les analyses
coûts-avantages et les analyses comparatives entre les filières de
production, ça varie énormément. Et ceci m'amène,
nous amène à dire que les externalités sociales et
environnementales, et l'importance, et la quantification qu'on leur donne
dépendent énormément de choix de société et
de l'importance donnée à la population pour ces facteurs.
Inévitablement, je vous le dis, la planification
intégrée des ressources fait en sorte qu'on ajoute
habituellement... ça a fait en sorte, en pratique, qu'on ajoute, qu'on
augmente le coût de la filière de production de nouveaux
kilowatts. On se trouve ipso facto à favoriser l'économie
d'énergie, parce qu'à ce moment-là, si on ajoute...
Prenons un chiffre purement théorique: si, à Grande-Baleine, en
intégrant l'ensemble des externalités sociales et
environnementales, des coûts environnementaux et sociaux, on ajoutait
0,02 $ le kilowattheure, ce sont des chiffres, des images que j'utilise parce
qu'on n'a pas encore complété nos études,
inévitablement, on se trouve ipso facto à favoriser des
économies d'énergie.
Mais vous avez raison, Mme la ministre, ça varie
énormément d'un État à l'autre, et les États
ne se le cachent pas. Ça amène même des distorsions dans
les États, un par rapport à l'autre, et la nouvelle
administration a essentiellement sonné la fin de la
récréation. Il y a eu récemment une lettre du
ministère de l'Énergie, «Department of Energy», de
Washington, qui visait à ce qu'il y ait une harmonisation de
l'utilisation des externalités à l'ensemble des États
américains pour éviter qu'il y ait des distorsions majeures entre
les États qui s'avoi-sinent. Et souvent des producteurs privés
vendent de l'électricité dans plusieurs États et ça
amène des difficultés de planification.
Mme Bacon: Vous parlez du choix de société, M.
Cliche. Mais vous ne pensez pas qu'il revient au gouvernement ou à
l'ensemble des élus de la population de faire des arbitrages que
supposent nécessairement la planification intégrée des
ressources?
M. Cliche: Oui...
Mme Bacon: Parce qu'ils ont des comptes à rendre.
M. Cliche: Mme la ministre, vous avez raison. Ce sont les
politiciens, le gouvernement qui, ultimement, doit décider. Et je suis
très mal à l'aise... j'ai eu l'occasion de rencontrer des
présidents de PUCs, de Public Utility Commissions américaines,
qui ont tous les pouvoirs en ce qui concerne l'électricité,
l'eau, le transport et d'autres services publics et dont les décisions
peuvent uniquement être renversées par les tribunaux en autant que
quelqu'un qui conteste la décision puisse faire la preuve que la
planification intégrée des ressources a été mal
appliquée.
Ceci étant dit, on doit avoir le débat public, et vous
conviendrez avec moi, Mme la ministre, qu'un débat public encadré
et bien structuré est la meilleure façon de s'assurer une
transparence quant aux décisions, quant aux choix de
société et certainement quant à générer un
consensus autour des choix de société. Il est sans
doute terminé, le temps où un ministre pouvait partir avec
sa valise et aller vendre des alumineries dans des pays du monde et revenir en
criant: Hourra! Hourra! je vais créer des emplois et implanter des
alumineries dans la vallée du Saint-Laurent. Il est sans doute
terminé, ce temps-là, et les gens veulent participer au
débat et les gens exigent une transparence quant aux choix importants
pour la société en matière d'énergie. Mais,
ultime-ment, Mme la ministre, je suis d'accord avec vous, ça revient au
gouvernement de prendre les décisions ultimes, parce que, avec un
gouvernement et les politiciens, le plaisir qu'on a, c'est de les
défaire ou de les élire à tous les quatre ans.
Mme Bacon: Et il y en a qui y aspirent. Alors, même
si...
M. Cliche: Est-ce qu'il y a quelqu'un dans la salle?
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Bacon: Ne cherchez pas, M. Cliche! Ne cherchez pas! Toujours
dans le cadre d'un choix de société, vous qui voyagez beaucoup,
il me semble, quels sont d'après vous, et ça ne regarde pas tout
à fait le plan de développement, les sentiments ou les motifs
profonds qui animent les groupes de pression américains comme
Greenpeace, comme Natural Resources Defense Council, dans leur lutte contre
l'hydroélectricité québécoise? Qu'est-ce que c'est,
le motif profond?
M. Cliche: M. le Président de la commission, est-ce que
vous acceptez que je sorte du propos de ma présentation ce matin? Quelle
est la pratique en commission parlementaire?
Le Président (M. Audet): Non, il n'y a pas de
problème.
Mme Bacon: C'est assez vaste, parce que le député
de Joliette, hier, est sorti même du cadre. Alors...
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Bacon: II va me permettre cette petite
question-là.
M. Chevrette: On dirait que ça dépend bien plus du
toupet que peut avoir une personne.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Cliche: Comme mon toupet tombe, je prendrai le toupet
de...
Des voix: Ha, ha, ha!
Une voix: II ne t'en reste pas bien, bien.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Audet): Allez-y.
M. Cliche: Comme mon toupet tombe, je prendrai le toupet de
répondre à la question. Il y a deux éléments
à ma réponse. Effectivement, j'ai été en mesure de
constater et je suis en contact de plus en plus fréquent avec les
Américains sur ces questions, il y a deux éléments
à ma réponse. Je pense que, fondamentalement, il y a des groupes
environnementaux qui sont convaincus qu'ils doivent sauver le Nord et sauver
les autochtones, et ça, je pense qu'ils en sont fondamentalement
convaincus et ils le croient, qu'ils ont une mission de sauver le Nord et les
autochtones, et ils doutent fortement que nous ayons le pouvoir
décisionnel ou la capacité de prendre les décisions qui
permettent la protection et la pérennité des systèmes
environnementaux, d'une part.
D'autre part, il est évident que cette campagne contre la Baie
James excusez-moi, parce que, là, j'ai des bouts en anglais dans
ma tête contre la phase II de la Baie James fait en sorte que
ça favorise les producteurs d'électricité domestique
américains qui ont maintenant des surplus de gaz importants, les
producteurs d'électricité, donc à partir de turbines
à cycle combiné, de producteurs d'électricité de
cogénération et, effectivement aussi, ça favorise l'autre
marché de l'électricité qui est l'efficacité de
l'énergie, le «demandside-management», qui est rendu une
énorme entreprise aux États-Unis et qui permet aux entrepreneurs
en électricité et aux entrepreneurs en construction de faire de
bonnes affaires en ces années difficiles. Il y a donc un mouvement de
fond qui est vraiment vécu par les gens que je rencontre et ils viennent
vraiment émus, les larmes aux yeux, lorsqu'ils me parlent de leur
volonté de sauver la Baie James et les autochtones du Nord.
Ceci étant dit, en commission devant le Sénat, il y a
aussi des gens des syndicats qui viennent rappeler que la non-importation
d'électricité en provenance du Nord permet de créer plus
de jobs aux États-Unis et permet de trouver un débouché
aux ressources ou aux capacités importantes de gaz naturel. Donc, c'est
la réponse que j'avais à vous donner.
Mme Bacon: Merci. Ça va.
Le Président (M. Audet): II vous reste encore un peu de
temps, mais vous pourrez y revenir tantôt. M. le député de
Joliette.
M. Chevrette: Merci, M. le Président. Tout d'abord, ayant
lu Le Devoir de ce matin, je voudrais vous souhaiter la bienvenue dans
le salon de l'incompétence.
Des voix: Ha, ha, ha!
(11 h 30)
M. Chevrette: Blague à part, je voudrais aborder deux
points. Tout d'abord, la commission de l'énergie dont vous parlez. Ne
croyez-vous pas que ce que vous suggérez dans la conjoncture, dans le
système actuel où on a un office national, on vit dans un
régime fédéral, puis ici, au Québec, on a le BAPE
qui a une mission bien spécifique sur la dimension environnementale,
etc., est-ce que vous ne croyez pas que ça vient empiéter sur des
structures, pour ne pas dire dédoubler certaines structures? Comment
vous voyez ça de façon cohérente à ce
moment-là, sans faire disparaître des structures existantes?
M. Cliche: M. le critique officiel de l'Opposition en
matière d'énergie, vous avez oublié la Régie du gaz
aussi...
M. Chevrette: En plus, oui.
M. Cliche: ...qui est un autre organisme très
important.
M. Chevrette: Exact.
M. Cliche: L'ONE a uniquement juridiction sur les exportations
d'électricité; il n'a pas de juridiction sur les moyens
domestiques utilisés pour générer de l'énergie que
nous exporterions, d'une part. Donc, une commission québécoise de
l'énergie n'empiéterait pas sur l'ONE jusqu'à nouvel
ordre, c'est-à-dire jusqu'à ce qu'il y ait des changements au
statut politique du Québec, ce que certains d'entre nous
espérons.
Au niveau domestique, il faut comprendre que le problème en ce
moment, c'est que, lorsque le promoteur Hydro-Québec, et ce n'est pas
facile pour Hydro-Québec, à chaque fois qu'Hydro-Québec se
présente devant le BAPE pour un projet spécifique,
inévitablement, ça dégénère, entre
guillemets, en audience générique sur la justification du projet,
sur la place de l'hydroélectricité par rapport aux autres
filières, sur la place de l'hydroélectricité par rapport
à l'économie d'énergie. Si nous avions une commission de
l'énergie qui règle ces questions-là, de la politique
énergétique au Québec, qui permet de situer
l'hydroélectricité par rapport aux autres filières, par
rapport aux «demands-side-managements», par rapport à
l'économie d'énergie et c'est cette filière que les
gens veulent tous promouvoir une fois qu'on aurait ça, le BAPE,
à ce moment-là, entendrait Hydro-Québec sur des projets
spécifiques, mais qui seraient encadrés par une politique
générale qui aurait généré un consensus, de
sorte que les travaux du BAPE seraient beaucoup plus des travaux visant
l'insertion de projets dans leur milieu et visant à déterminer
des mesures d'atténuation propres à l'insertion de projets dans
le milieu.
Les États américains se sont donné des commis-
sions d'énergie qui fonctionnent de la façon suivante. Il y a la
commission de l'énergie qui détermine la politique
énergie, il y a ensuite des commissions environnementales qui font ce
qu'eux appellent du «siting», qui, essentiellement, visent à
déterminer les mesures d'insertion et les mesures d'atténuation
propres à chacun des projets. Mais la justification de ce projet par
rapport à l'ensemble de la politique énergétique est,
à ce moment-là, déterminée par la commission de
l'énergie.
M. Chevrette: Mais quel serait le rôle... Ce qui
m'embête dans tout ça, c'est quel serait le rôle du
politique, avec un grand P, au moment où tu as une commission qui, elle,
définit les grandes lignes stratégiques du développement
énergétique?
M. Cliche: Ça varie, ça varie. Je peux vous
référer d'expérience. Il y a des commissions, comme je
vous dis, et je pense à la Commission du Wisconsin qui, je pense, est
celle qui a le plus de pouvoirs; le président ou la présidente
est nommé pour huit ans, et ils ont plein pouvoir décisionnel sur
les aspects de l'électricité, de l'eau, du gaz, etc. Donc, le
politique, essentiellement, n'a pas de pouvoirs.
Je pense que la société québécoise tient
et, là-dessus, je suis d'accord avec Mme la vice-première
ministre et première ministre par intérim nous tenons
à ce que les politiciens, ultimement, aient le pouvoir
décisionnel. Donc, je pense qu'une commission de l'énergie qui
serait crédible, qui serait indépendante et là je
m'avance un peu parce qu'on n'est pas allés dans le détail de
ça, mais j'essaie de refléter un peu les discussions que j'ai
eues avec les membres de mon Forum pourrait faire des recommandations au
gouvernement ou à cette commission qui, elle, déciderait.
Le point que je veux faire, et je veux revenir sur ma citation dans
Le Devoir ce matin, et j'ai été cité correctement,
je ne fais pas encore partie du club des mal cités, pas encore... Les
questions d'énergie sont rendues très complexes. Vous êtes
toutes des personnes compétentes dans votre domaine, mais je pense que
vous auriez énormément d'avantages et vous apprécieriez
énormément pouvoir compter sur l'appui d'une commission technique
qui pourrait vous faire la part des choses. C'est quoi, l'éolien, en ce
moment? Tout le monde a peur de discuter de l'éolien. Je suis celui qui
a lancé le débat; je me suis fait traiter de
«pelleteux» de nuages, de M. Plein-de-Vent, etc. C'est ce genre de
choses techniques qu'il faut discuter et qu'une commission de l'énergie
permettrait de discuter dans un vaste débat public encadré. La
crédibilité de cette commission ferait en sorte qu'il serait
possiblement très difficile pour des politiciens et ultimes
décideurs d'aller à rencontre de recommandations d'une commission
de l'énergie, mais ça permettrait aux politiciens de
réaliser, de prendre les meilleures décisions pour l'ensemble de
la société. Hydro-Québec, à ce moment-là,
serait traitée comme un
producteur d'énergie au même titre que Gaz Métro, au
même titre que les producteurs indépendants
d'hydroélectricité, au même titre maintenant que les
producteurs d'électricité en «cogen», en
cogénération, et ça permettrait d'avoir une bien meilleure
perspective et de briser... Et, pour Hydro-Québec, ce n'est pas facile,
en ce moment. Hydro-Québec...
M. Chevrette: Je reconnais, moi, qu'on a un problème.
C'est qu'Hydro-Québec se présente ici, et ils sont les seuls
à avoir l'expertise globale totale en matière
énergétique, effectivement. Au Québec, contester
Hydro-Québec, ça devient difficile pour n'importe quel groupe, y
compris pour les politiciens en général, parce que même le
ministère n'a pas les ressources financières, les ressources
humaines et techniques pour aller aussi loin, avec des budgets quasi
illimités, au niveau de l'expertise. Donc, c'est difficile de contester
et, effectivement, moi, je reconnais qu'on a un malaise là. Ceci dit, je
ne voudrais pas, non plus, qu'on crée des structures pour le plaisir de
créer des structures. Il faudrait regarder ça, parce que,
même dans le Grand-Nord, ce n'est même pas le BAPE qui s'en occupe.
C'est la Convention de la Baie James qui régit tout le processus
d'analyse. Mais j'en arrive à deux autres points. Il faut que je fasse
vite parce qu'il me reste trois, quatre minutes.
Vous n'avez aucune limite dans la cogénération, aucune
crainte, si j'interprète bien votre mémoire. Ça a l'air
beau, bon, on n'a pas de problème, et également face au gaz
naturel; vous ne parlez même pas de pollution plus forte, par exemple, du
gaz naturel par rapport à l'hydroélectricité. Ça me
surprend, d'un forum comme le vôtre, que vous n'ayez pas des
interrogations face à l'énergie, par exemple, que
représente le gaz naturel et à l'aspect pollution par rapport
à l'hydroélectricité. Ça me surprend
également que vous n'ayez pas des interrogations minimales
vis-à-vis de la cogénération, parce qu'on sait qu'il peut
arriver toutes sortes de choses par la suite. Par exemple, un employeur
pourrait aussi bien décider que c'est plus payant de vendre de
l'électricité que de continuer au niveau industriel dans tel ou
tel secteur. J'aimerais vous entendre sur ces deux points-là, parce
qu'il ne me reste plus de temps.
M. Cliche: Oui, on a des questions. On a essayé de camper
la façon dont on devrait répondre aux questions, et les pistes
des réponses aux questions sont les suivantes. On se retrouve dans une
situation où HydroQuébec est allée en appel d'offres, et
ils ont reçu, si ma mémoire est bonne, 8000 MW sur la table. Ils
en ont retenu 714, je pense.
M. Chevrette: 760.
M. Cliche: 760. M. le critique officiel de l'Opposition
connaît bien ses dossiers.
M. Chevrette: Voyez-vous comme je suis compétent ce
matin?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Cliche: Ce sont des chiffres que Mme la ministre, aussi, sait,
j'en suis sûr. On se retrouve dans une situation où on entend
juste: Ce n'est pas de la vraie cogénération; d'un
côté de la «shop», ils vont acheter de
l'électricité au tarif industriel et, de l'autre
côté, ils vont la vendre au tarif Grande-Baleine. Ils vont
l'acheter à 0,029 $ et ils vont la revendre à 0,046 $.
M. Chevrette: 0,043 $.
M. Cliche: Donc, ce que je vous dis, c'est que, oui, il y a lieu
de se poser des questions, il y a des limites à la
cogénération. Mais ce que je vous dis, c'est qu'on ne peut plus
laisser Hydro-Québec dans une situation où Hydro-Québec
soit à la fois juge et partie. C'est Hydro-Québec qui
décide de la place de ses concurrents dans le marché de
l'électricité, d'une part.
D'autre part, le CO2. C'est vrai que toute combustion
libère du CO2, mais, dans une perspective globale
d'économie d'énergie et de politique énergétique,
je vous rappellerai que la majorité du CO2, du SO2
et des NOx sont libérés par le voiturage, le matin, entre la
banlieue et le centre-ville, de sorte qu'une politique globale de
l'énergie pourrait favoriser les transports en commun mus à
l'électricité en réduisant énormément les
émissions de CO2 et SO2 du parc automobile, quitte
à ce qu'on augmente un peu l'émission de CO2 à
partir du gaz naturel et de la cogénération. On pourrait viser,
néanmoins, à baisser le bilan total de production de CO2
au Québec, tout en favorisant le gaz naturel, et la chauffe
devient de plus en plus préoccupante pour Hydro-Québec. Dans leur
plan de développement, ils font état d'un coût marginal de
0,092 $ le kilowattheure. Chaque fois qu'Hydro-Québec branche une maison
au chauffage électrique à 0,092 $ le kilowattheure, ipso facto,
ils sont un peu dans un cul-de-sac parce que ce coût-là, le
coût marginal dépasse énormément le prix de vente,
alors que le coût marginal du gaz, si je me fie aux données de Gaz
Métro encore là, une commission permettrait de le voir
le coût marginal de la chauffe au gaz est inférieur au
coût de production.
Oui, nous sommes conscients de ces choses-là. Ce qu'on voulait
venir vous dire, on voulait vous camper la façon dont on pense qu'on
devrait répondre à ces questions de fond, ces questions
très, très, très fondamentales, et, malheureusement, je
pense qu'au bout de ces jours il va y avoir beaucoup de questions auxquelles on
n'aura pas eu de réponse, ces jours de votre commission parlementaire,
et une commission spécialisée vous serait certainement un outil
pour vous alimenter dans votre décision souveraine.
Le Président (M. Audet): Merci. Je vais maintenant
reconnaître M. le député de Drummond. (11 h 40)
M. St-Roch: Merci, M. le Président. D'entrée de
jeu, je vous dirai qu'hier, dans mes remarques préliminaires, j'avais
mentionné que j'abordais cette commission avec beaucoup
d'humilité, ne pensant pas tout savoir et tout connaître parce que
je suis un élu. Je vais vous dire que j'aime le ton de votre
mémoire et que cette recommandation d'une commission de l'énergie
m'apparaît quelque chose de valable comme outil décisionnel.
Est-ce qu'elle devrait avoir un pouvoir décisionnel ou est-ce qu'elle
devrait être strictement au niveau consultatif? Moi, je pense que, dans
un premier temps, avec nos mentalités aussi, et nos moyens de vie au
Québec, et nos habitudes de parlementaires, peut-être que
commencer, dans un premier temps, comme étant une bonne commission
d'information, de recommandation au niveau d'une commission de
l'économie ou du gouvernement, je vous dirais, au Québec, ce
serait valable. Je ne veux pas rentrer trop, trop dans les détails, mais
juste au niveau de la nomination de ces membres-là, est-ce que ce serait
une commission qui serait permanente? Est-ce que ce seraient des nominations
gouvernementales, ou à partir du milieu universitaire, ou à
partir du milieu énergétique?
M. Cliche: Écoutez, je pense qu'on est trop loin dans le
détail. Je peux juste vous signaler que ça varie d'un État
à l'autre. Ça va de la nomination politique à
l'élection ou à la nomination par soit le Sénat ou le
Congrès. Ça varie.
M. St-Roch: O.K.
M. Cliche: Je pense qu'aujourd'hui je ne suis certainement pas en
mesure de m'avancer sur ce terrain des nominations...
M. St-Roch: Ça me va.
M. Cliche: ...ou de créer, de suggérer une nouvelle
commission Cliche de l'énergie.
M. St-Roch: À la page 4 de votre mémoire... Des
voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Audet): Allez-y, M. le
député de Drummond.
M. St-Roch: À la page 4 de votre mémoire, vous
mentionnez que «Hydro-Québec reporte à plus tard
l'utilisation de la PIR tout en reconnaissant que son utilisation est courante
dans le monde...» Quels sont les motifs, d'après vous, qui
pourraient retarder... Est-ce que, en utilisation de la planification
intégrée, on retarde les projets, on accroît les
délais, ou...
M. Cliche: On n'accroît pas les délais, on ne
retarde pas les projets, sauf qu'il y a un temps minimum de quelques mois. Si
nous amorcions demain matin et si Mme la ministre de l'Énergie, demain
matin, enclenchait le débat sur l'énergie avec une commission ad
hoc qui pourrait éventuellement se métamorphoser en commission
permanente, il faut prévoir un délai de 18 mois. Mais, au bout de
ces 18 mois, nous aurions déterminé certainement le cadre
général de la politique énergétique du
Québec et les enjeux environnementaux et sociaux que l'on doit
intégrer, et comment classifier les options.
Pourquoi Hydro-Québec refuse-t-elle? Je l'ignore. Il faudrait lui
demander. Je l'ignore. Il y a peut-être un changement de planification;
peut-être que ça modifie énormément la place des
vice-présidences, la situation des vice-présidences.
Peut-être que Mme la ministre de l'Énergie est plus en mesure de
répondre à cette question. Mais je l'ignore.
Le Président (M. Audet): Ça va, M. le
député? Je vais maintenant reconnaître M. le
député de Vimont.
M. Fradet: Merci, M. le Président. M. Quenne-ville, M.
Charest, M. Cliche, bonjour. Il me fait plaisir de vous revoir aujourd'hui, M.
Cliche, entre autres. Juste un petit aparté. Vous avez parlé de
commission Cliche de l'énergie. Je vous dirais que, depuis ce matin,
vous pouvez avoir un partenaire, encore une fois, qui est Brian Mulroney, il
est maintenant rendu disponible.
M. Cliche: Ah oui! Il vient de démissionner?
M. Fradet: II vient de démissionner. Alors, je sais qu'il
a déjà siégé sur une commission Cliche. Alors, si
vous avez besoin de ses services... Pardon?
M. Cliche: Bien, on pourrait refaire une commission de
l'énergie ensemble.
M. Fradet: Une commission Cliche avec Brian Mulroney.
M. Cliche: Ça me ferait plaisir, je suis toujours en
excellente relation avec M. Mulroney.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Fradet: Je vous dirais, M. Cliche, que ça me fait
plaisir qu'on se voie...
M. Cliche: Puis Chevrette aussi. On pourrait inviter Guy. Ha, ha,
ha!
M. Fradet: Peut-être que Lucien Bouchard serait
intéressé aussi.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Cliche: Oui, il pourrait être le procureur. Bien oui, ce
serait une bonne équipe. Ha, ha, ha!
Une voix: Excusez-nous si on vous dérange.
Le Président (M. Audet): Je vous ramène à
l'ordre.
M. Cliche: Oui, oui, excusez-nous.
Le Président (M. Audet): M. le député de
Vimont, allez-y avec vos questions.
M. Fradet: Ça me fait plaisir de se revoir aujourd'hui en
tant que collaborateurs dans ce débat public, parce que je crois
effectivement que c'est un débat public qu'on entame aujourd'hui
jusqu'à la fin de mars. J'ai lu avec un petit peu de stupéfaction
l'article auquel vous faisiez allusion tout à l'heure, où vous
disiez que vous réclamez depuis belle lurette la tenue d'un
véritable débat public sur les politiques
énergétiques du Québec et que vous doutiez que vos amis
parlementaires aient le temps, et dans certains cas les compétences,
pour mener ce débat. Dans ma tête à moi, on entame
déjà un débat public. Je sais que vous réclamez,
comme vous le dites, depuis belle lurette, un débat public sur
l'énergie, que vous avez aussi l'habitude, dans d'autres
activités, de réclamer des débats depuis longtemps. Mais
je crois aujourd'hui qu'on entame un débat, comme on l'a fait à
d'autres moments, sur l'énergie au Québec, sur
Hydro-Québec aussi. Nous ne sommes peut-être pas des experts en
tant que parlementaires, mais nous sommes les élus du peuple, choisis
pour administrer le gouvernement, la société
québécoise. Je crois que, dans un débat comme celui qu'on
entame aujourd'hui, on est à même, en tant que décideurs,
de rencontrer des experts comme vous et comme d'autres qui viendront
jusqu'à la fin du mois de mars pour ainsi influencer les politiques
énergétiques.
Vous disiez tout à l'heure qu'à votre commission
parce que, moi aussi, j'ai peut-être quelques petites questions face
à ça il pourrait y avoir un président nommé
ou élu pour huit ans de mandat. Je vous rappellerais que nous sommes
imputables à la population à tous les quatre ans. Et vous savez
pertinemment, étant impliqué depuis longtemps dans le domaine
environnemental et aussi avec les Cris de la Baie James, que des groupes de
pression font effectivement beaucoup de démarches auprès des
gouvernements, qui portent fruit de plus en plus. En tout cas, c'est ce que je
constate depuis que je suis député. Alors, je me pose de
sérieuses questions. Est-ce qu'on doit, surtout dans un contexte de
rationalisation des dépenses, aujourd'hui, de fiscalité
provinciale, créer une nouvelle structure, une nouvelle
société? À mon avis, ça pourrait aller à
rencontre de notre vision, puisque je considère que les commissions
parlementaires rendent un très bon service. Et je vous dirais
peut-être juste une petite farce,
M. Cliche: Lorsque vous mentionnez dans votre article que les
parlementaires n'ont pas le temps de participer à un débat comme
celui-là, est-ce à dire que ceux et celles qui participent
à un débat n'ont pas le temps d'être parlementaires?
M. Cliche: Je laisserai M. Quenneville, qui représente la
CSN et qui, naturellement... Le texte que vous avez devant vous, du Forum
Grande-Baleine, naturellement, est partagé par les membres du Forum, et
je laisserai M. Quenneville, de la CSN parce que je sais que la CSN a
pris position déjà amplement dans ce dossier-là
peut-être revenir sur le rôle de la commission, sa perspective
là-dessus.
Le Président (M. Audet): M. Quenneville.
M. Quenneville (Serge): Bonjour. Bien, je pense qu'on ne peut pas
être en désaccord avec ce que vous venez de dire, mais je pense
qu'il y a certains bémols à mettre là-dessus. Ça
fait plusieurs années que la CSN a participé, et je pense qu'on
va venir la semaine prochaine présenter aussi à proprement parler
notre mémoire sur la question, mais il y a une chose dans ce que vous
dites... il y a plusieurs choses, en fait. Je pense qu'une commission de
l'énergie, ça ne vient pas se substituer à une commission
parlementaire. La forme de la commission de l'énergie... On a des
pratiques dans la plupart des ministères québécois de
créer des commissions, que ce soit la CSST ou d'autres types de
commissions. Je pense qu'il y a lieu d'approfondir cette question-là et
de voir quel type de relation il pourrait y avoir entre une commission de
l'énergie et une commission parlementaire où siègent des
députés responsables de la question
énergétique.
L'autre élément que je voulais soulever dans votre
intervention, c'est quand vous dites qu'on n'a pas les moyens de créer
une nouvelle structure au Québec. Je doute de cet argument-là,
parce que, actuellement, aujourd'hui, on parle d'un plan de
développement de quelque 50 000 000 000 $. Si on se pose beaucoup de
questions, d'une part, sur la disponibilité de ce montant, actuellement,
et, d'autre part, sur notre capacité comme société de
supporter un tel endettement, donc si on est prêt à mettre 50 000
000 000 $, ce n'est pas quelques millions... qui permettraient à une
commission de travailler et l'empêcheraient de prendre des
décisions qui nous apparaîtraient peut-être un peu plus
éclairées plutôt que de discuter du plan de
développement d'Hydro-Québec.
Ce qu'il faut dire aussi, c'est que les groupes du Forum ont
participé à la consultation d'Hydro-Québec, qui a
duré un an et demi. Le plan de développement, pour plusieurs
groupes, ne reflète pas le contenu de la consultation et du travail qui
ont été faits. Entre autres, sur la question des
prévisions de la demande et des scénarios qui sont
présentés, vous discutez de trois types de scénarios qui
sont proposés par Hydro-Québec. Celui
qui est retenu, c'est le scénario moyen de prévisions de
la demande, mais on parle de deux autres scénarios fort et faible
qui nous amèneraient en 2010 avec une gestion de l'incertitude
je pense que c'est important de le souligner. On parle de 50 TWh de
différence entre le scénario fort et le scénario faible.
Mais ce qu'il faut dire aussi dans ce document-là, c'est qu'il y a des
scénarios qui n'ont pas été intégrés, je
pense, là-dedans, qui étaient discutés lors de la
consultation. On ne dit pas que, par exemple, le scénario de croissance
zéro au niveau de la demande d'électricité au
Québec, c'est le scénario à implanter au Québec,
mais on dit qu'on peut en discuter, par exemple, en commission parlementaire.
Et peut-être qu'une commission de l'énergie pourrait permettre de
faire cette espèce de filtre entre la commission parlementaire et
Hydro-Québec comme promoteur d'un plan de développement au
Québec. C'est un peu dans cet esprit-là qu'on l'a
suggérée, la commission.
M. Fradet: Je conviens avec vous que quelques millions de dollars
par rapport à 50 000 000 000 $, ce n'est pas grand-chose. Par contre,
quelques millions de dollars par rapport au processus de débat public
que nous entamons aujourd'hui en commission parlementaire, ça, c'est un
surplus. (11 h 50)
Je vous poserais une autre question. M. Cliche, tout à l'heure,
vous avez fait allusion au débat sur le gaz naturel. Hier, à
Hydro-Québec, on a posé effectivement cette question, et il est
évident que nous devons en tant que parlementaires être le lien
entre Gaz Métro, comme vous l'appelez, et Hydro-Québec. Et ils
nous disaient qu'ils n'interviennent pas positivement ni négativement,
mais ils présentent habituellement aux entreprises, entre autres, les
deux scénarios, gaz naturel et hydroélectricité. Est-ce
que, lorsque vous parlez de gaz naturel, vous incluez dans votre coût les
fluctuations éventuelles du prix et la disponibilité,
peut-être, du gaz naturel? Est-ce que, dans vos études ou dans les
études qui seront à faire, parce que vous mentionnez dans votre
mémoire que vous suggérez une étude, en tout cas, entre
autres sur... Est-ce que vous prendrez en considération, effectivement,
les problèmes environnementaux, mais aussi les fluctuations sur le
marché du gaz naturel ainsi qu'éventuellement sa
disponibilité?
M. Cliche: Bon, en ce moment il y a un débat entre
Hydro-Québec et Gaz Métro sur cette dite fluctuation des prix du
gaz dans un avenir. On se retrouve dans une situation où deux promoteurs
directement intéressés s'envoient des chiffres et on n'a pas
d'outils, on n'a pas de commission, on n'a pas d'experts indépendants
qui soient en mesure de nous donner l'heure la plus juste possible, de
là le besoin d'une commission. Également, je pense
même si les gens de Gaz Métro sont assis derrière moi et
qu'ils n'apprécieront pas qu'une faiblesse du gaz naturel, c'est
les coûts environnementaux reliés aux émissions de
CO2. Comme j'ai dit, si on permettait la chauffe au gaz, mais que,
dans une politique d'énergie, on favorisait...
L'électricité qui est libérée, on l'utiliserait
pour des transports en commun dans la grande région
métropolitaine et, par le fait même, on réduirait le parc
automobile, on pourrait réduire encore de beaucoup plus les
émissions de CO2 et de SO2, et on pourrait
réduire plus le SO2 de l'automobile, quitte à laisser
monter un peu le CO2 de la chauffe, et on aura un bilan encore plus
propre, si je peux m'ex-primer ainsi. C'est justement le genre de chose qu'une
commission de l'énergie devrait et devra regarder.
On voulait tout simplement, M. le député de Vimont, dont
les propos sont très pertinents, le comté de Vimont ayant cette
faculté de générer des politiciens avec des propos
pertinents, c'est justement ce qu'on voulait vous camper ce matin, c'est la
façon de regarder les grandes questions auxquelles on doit
répondre, vous suggérer un outil corporatif et la
méthodologie que l'outil corporatif devrait utiliser. Ça existe
ailleurs. Et, tout simplement, on devrait
«québéquiser» cette méthodologie qui,
malgré les avantages et les désavantages, et mon étude
fait état amplement des avantages et des désavantages... Tous
ceux qui participent à la planification intégrée des
ressources, qui ont des commissions dites indépendantes, ils sont
unanimes à dire que ceci fait de meilleures décisions pour
l'ensemble de la société, et ça enlève
énormément de poids du dos des pauvres promoteurs, au lieu de se
retrouver inévitablement projet par projet avec des discussions d'ordre
générique sur l'ensemble de la politique
énergétique et pour Hydro-Québec, ce n'est pas
facile en ce moment ça permet de meilleures décisions. Et
la prochaine question, s'il y en a une...
M. Fradet: Malheureusement, mon temps est déjà
écoulé, M. Cliche. Je vous remercie, ainsi que vos
collaborateurs. Et je suis convaincu que durant la prochaine année,
d'ici la prochaine campagne électorale, nous aurons sûrement
à répondre à quelques questions entre nous deux, et ce
sera l'occasion de continuer ce débat. Merci.
Le Président (M. Audet): Merci. Je vais maintenant
reconnaître M. le député de Joliette.
M. Chevrette: Oui. Merci, M. le Président. Je reviens
à la commission parce que je m'aperçois qu'il y a là
quelque chose d'intéressant, en particulier pour cette vision globale
qu'on doit avoir au niveau de l'utilisation des sources
énergétiques, ou de la complémentarité entre
diverses sources énergétiques. Et ça me frappe toujours,
on fait toujours le choix entre deux choses, et, bien souvent, c'est le facteur
économique qui décide au détriment de certaines
combinaisons qui pourraient être fort utiles dans certains cas.
Vous demandez un débat énergétique au
Québec.
moi, je suis d'accord avec vous. ça fait longtemps qu'on le
demande également, nous. mais pourriez-vous nous dire comment vous
percevriez ça, compte tenu qu'il n'y a pas de structure, là,
qui... ça devrait être le ministère comme tel, à mon
point de vue, qui est le seul habilité dans les circonstances pour faire
un débat plus global sur le plan énergétique, parce
qu'hydro... hydroélectrique, c'est clair que c'est
l'électricité, et on se rend compte que, même si sa mission
à l'article 22 de la loi sur hydro-québec lui commande de voir
ça d'une façon plus globale, c'est particulièrement ou
presque exclusivement axé sur l'hydroélectricité, alors
qu'on se doit comme société d'avoir une vision beaucoup plus
globale, parce qu'on est à 60 %... on est seulement à 40 % en
hydroélectricité au québec, et 60 %, c'est d'autres
sources énergétiques. comment vous verriez ce
débat-là s'enclencher?
M. Cliche: Alors, je vois, en premier lieu, une conférence
de presse de Mme la ministre de l'Énergie qui annonce la création
d'une commission ad hoc de l'énergie qui devrait faire rapport au plus
tard dans les 18 mois qui suivent sa mise en place. Cette commission pourrait
être formée certainement de personnes qui ont de
l'expérience dans la planification énergétique;
possiblement, il pourrait y avoir des élus aussi qui puissent se
joindre. Une commission mixte, ad hoc, qui aurait pour objet de faire rapport
au gouvernement sur la politique énergétique du Québec,
les grandes filières énergétiques que nous devrions
privilégier, les raisons pour lesquelles on devrait le faire, et qui
devrait entendre les producteurs, qui devrait entendre aussi les utilisateurs
et ceux dont les décisions... je pense aux aména-gistes, aux
urbanistes, aux MRC, les transports en commun, le ministère des
Transports, et tous les gens dont les décisions ont des implications
majeures sur l'énergie.
Et cette commission-là pourrait faire rapport au gouvernement
dans X mois j'ai dit 18 mois, au pif, parce que je ne pensais pas aller
si loin, ce matin, dans le détail de ça, d'une commission
permanente de l'énergie sur le pouvoir décisionnel de
cette commission permanente de l'énergie, sur la politique
d'énergie que le Québec devrait adopter et, suite à
ça, cette commission permanente de l'énergie devrait faire le
suivi de la politique et devrait s'assurer que tous les promoteurs reviennent
pour faire accepter le cadre dans lequel leurs projets spécifiques...
comment ils s'encadrent dans la politique énergétique du
Québec. Une fois que ceci est approuvé c'est comme
ça que ça se passe dans les États américains
les promoteurs s'en vont, à ce moment-là, devant le BAPE pour
faire du «siting», pour faire de l'insertion environnementale et
sociale de leurs projets, mais qui s'insèrent dans une politique
globale. Mais c'est matière aussi à votre réflexion et, ce
matin, je ne voulais pas aller trop loin.
Et ce serait peut-être intéressant d'entendre la ministre
de l'Énergie sur la façon dont elle voit...
J'ignore vraiment les raisons et, plus j'approfondis cette question,
plus je suis convaincu des avantages pour le gouvernement d'avoir un tel
débat et de régler ces questions de fond là, des
filières énergétiques, avec la participation du public
pour générer un consensus. Je dois vous faire part de mon profond
désarroi face à la volonté actuelle du gouvernement de
refuser un tel débat, Mme la ministre, et je pense que vous auriez
sincèrement avantage, au nom des intérêts supérieurs
du Québec et au nom de la comparaison qu'un tel débat nous
permettrait d'avoir avec nos voisins du Sud qui nous regardent et qui,
malheureusement, quelquefois et vous savez les positions quelquefois
fermes que j'ai envers des groupes américains mais qui,
néanmoins, ont le droit de dire que notre processus de planification de
notre politique énergétique tarde un peu, si je peux m'exprimer
ainsi.
M. Chevrette: Vous avez à côtoyer plusieurs groupes
environnementaux et autres. Est-ce que ce désir d'un débat plus
global est partagé par bon nombre ou si c'est l'apanage dit des
écolos?
M. Cliche: Paul, veux-tu répondre à ça?
M. Charest (Paul F.): Je pourrais peut-être faire un
commentaire sur cette question-là puisque, pendant de nombreuses
années, j'ai travaillé avec un groupe autochtone, l'association
autochtone qui s'appelle le Conseil des Atikamekw et des Montagnais, et avec
d'autres éléments, d'autres organismes. Le CAM avait
appuyé pendant longtemps... on a participé à des colloques
parallèles ou des conférences parallèles pour discuter de
cette question-là parce que, justement, comme vous le mentionniez,
Hydro-Québec n'a pratiquement qu'un seul choix à nous offrir et
ce choix-là, de plus en plus, est en territoire autochtone. Si on
regarde tous les futurs projets de développement hydroélectrique,
ils sont tous en territoire autochtone, et là je pense que c'est
beaucoup mettre ses oeufs dans le même panier face, disons, à de
plus en plus d'opposition, de résistance de la part des autochtones.
Est-ce que leur territoire, progressivement, et bientôt au total, va
disparaître, en partie en tout cas, sous les eaux, donc, soit
affecté globalement? Il y a toute une série d'impacts cumulatifs
dont il faut tenir compte si on construit encore 10 000, 15 000, 20 000 MW sur
les territoires autochtones, et non pas seulement au Québec, il y a le
Labrador aussi qui est une option possible.
Donc, les autochtones aimeraient aussi avoir un débat où
on considérerait l'ensemble des sources de production, y compris aussi
les politiques d'économie d'énergie qui auraient comme
conséquence de ménager leur territoire, de leur permettre de
conserver des parties importantes de territoire, des bassins de rivière,
de façon non touchée, pour non seulement la pratique et la
récolte, mais aussi comme rapport social et rapport, disons, spirituel
au territoire.
II y a toute la question des impacts sociaux dont on n'a pas
parlé et qui est une préoccupation fondamentale des autochtones
dans ces questions-là, l'intégration ou la
«malintégration» des impacts sociaux actuellement dans le
processus d'analyse et de la décision en ce qui concerne les
développements énergétiques. Je pense qu'on s'entend tous
au Québec, ceux qui travaillent sur la question, pour dire que cette
question-là, disons, a très peu avancé. Elle a
avancé, récemment, mais elle a peu avancé et il y a
beaucoup de chemin à faire pour intégrer ces aspects qualitatifs
dans la décision énergétique. C'est sûr qu'il n'y a
pas de méthode très sûre, il n'y a pas de méthode
sur laquelle des gens vont tomber d'accord, mais l'aspect qualitatif doit
être pris en compte autant que l'aspect quantitatif, de mesurer les
coûts de production en termes de sous du kilowattheure sans
intégrer, disons, toutes sortes d'impacts qui concernent la
santé, qui concernent les utilisateurs du territoire. (12 heures)
Récemment je vais vous mentionner un impact
indésiré, mais qui est très important j'ai
participé aux audiences sur la Sainte-Marguerite, et on sait que la
bande de Uashat est séparée, disons, presque en deux sur cette
question-là. Même avant que le projet soit réalisé,
s'il se réalise, la bande de Uashat a des affrontements majeurs à
l'intérieur d'elle-même en ce qui concerne, disons, les choix
à faire vis-à-vis ce projet-là. Donc, ça, c'en est
de façon très concrète des impacts sociaux et culturels
majeurs dont on ne tient jamais suffisamment compte. Est-ce qu'un projet doit
se réaliser même si on prévoit que des communautés
vont éclater ou qu'il va y avoir des impacts sociaux, pathologiques, de
différentes natures: violence, etc., éclatement des familles,
migration? Est-ce que ce secteur-là peut entrer finalement dans la prise
en compte, dans la prise de décision? Nous croyons que oui s'il y a des
impacts vraiment majeurs prévus face à
l'accélération, par exemple, du changement social. C'est un
thème sur lequel je consacre des recherches actuellement dans le cadre
du financement pour le projet Grande-Baleine. Et il y a une thèse, et
les Cris souscrivent à cette thèse-là, qui dit qu'à
un moment donné il y a une rupture dans le rythme de changement qui
amène, disons, une destruction du tissu social. Alors, jusqu'à
quel point on doit poursuivre des développements? Est-ce qu'on doit
aller jusqu'à la rupture de ce tissu social là? C'est des
questions fondamentales qu'il faut intégrer dans la prise de
décision.
M. Cliche: Mais... Une voix: Merci.
M. Cliche: ...je ne suis pas un écolo; les groupes, les
membres de mon Forum ne sont pas des écolos. Je vous rappellerai la
coalition qui avait vécu il y a deux ans... Si ma mémoire est
bonne, il y avait 70 organismes qui avaient exigé le débat public
sur l'énergie et qui avaient, à ce moment-là,
expliqué les besoins de ce débat public sur l'énergie. Et
cette coalition de l'époque représentait l'ensemble des
différents intervenants dans la société, de sorte que je
pense que c'est largement appuyé dans la population.
Le Président (M. Audet): Alors... Oui, M. Quenneville,
brièvement.
M. Quenneville: Oui, très rapidement. C'est juste pour
compléter. C'est que, de mémoire, je pense que l'idée du
débat public est survenue lors de la phase 1 de la Baie James, en 1980,
à l'époque même... À la fin des années
soixante-dix, quand Guy Joron était ministre de l'Énergie, quand
M. Bérubé a été ministre de l'Énergie lors
du gouvernement péquiste, il y avait eu beaucoup de demandes et
actuellement, à ma connaissance, les contacts que j'ai eus avec les
groupes lors de la consultation d'Hydro-Québec, que ce soient les
syndicats, que ce soient des associations de consommateurs ou les groupes
écologiques, la plupart de ces groupes-là étaient en
faveur de l'idée d'un débat public. Je me demande même si
l'association manufacturière ne l'est pas.
Le Président (M. Audet): D'accord. Alors, M. Cliche, M.
Charest, M. Quenneville, merci de votre présentation. Bonne fin de
journée. Alors, nous allons suspendre quelques minutes pour permettre
à l'Association des industries forestières du Québec
ltée de prendre place.
(Suspension de la séance à 12 h 4)
(Reprise à 12 h 7)
Le Président (M. Audet): La commission reprend ses
travaux. Je vais d'abord souhaiter la bienvenue à l'Association des
industries forestières du Québec ltée. Je vous rappelle
brièvement nos règles de procédure. Alors, vous avez 20
minutes pour faire l'exposé de votre mémoire; ensuite, suivra une
période de questions d'environ une quarantaine de minutes. Alors, M.
Du-chesne, je vous cède la parole et je vous inviterais, avant de
procéder à votre présentation, à présenter
les gens qui vous accompagnent.
Association des industries forestières du
Québec ltée (AIFQ)
M. Duchesne (André): Merci, M. le Président. Mon
nom est André Duchesne; je suis le président et directeur
général de l'Association des industries forestières du
Québec. J'ai à ma droite M. Louison Olivier, qui est
vice-président du conseil d'administration de l'Association et, dans ses
moments libres, président et chef d'exploitation de Stone Consolidated
à Montréal; à ma gauche, M. Laurent Cusson, qui est le
président du
comité de l'énergie de l'Association et qui est directeur
général des achats pour Produits forestiers Canadien
Pacifique.
M. le Président, Mme la ministre, puisque je suppose que c'est le
chapeau que vous portez ce matin, mesdames et messieurs de la commission, c'est
avec un très grand intérêt que les membres de l'Association
des industries forestières du Québec ont pris connaissance des
documents très volumineux qui ont été
déposés par Hydro-Québec concernant son plan de
développement. Vous savez que la fabrication des pâtes et papiers,
c'est un procédé qui est énergivore. Les quelque 60 usines
papetières environ du Québec consomment 10 % de l'énergie
vendue par Hydro-Québec et fournissent environ 400 000 000 $ en revenus
à la société, soit à peu près 40 % des
revenus qui sont associés au tarif L, tarif grande puissance. Vous le
savez aussi, notre industrie vit une période très difficile. En
1992, les pertes financières accumulées consolidées sont
de l'ordre de 600 000 000 $. C'est mieux qu'en 1991 où c'était
plus de 800 000 000 $, mais ce n'est pas encore la situation qu'on voudrait
voir. Vous avez eu connaissance certainement de plusieurs rapports au cours de
la dernière année qui indiquent clairement que ces
pertes-là sont en grande partie attribuables au fait que les coûts
de production des fabriques québécoises des pâtes et
papiers sont supérieurs à ceux de leurs compétiteurs.
Parmi ces coûts-là, évidemment, celui de l'énergie
est un des plus importants. (12 h 10)
Le principal point donc qu'on veut transmettre aux membres de la
commission aujourd'hui, M. le Président, c'est que, pour
Hydro-Québec, la préoccupation tarifaire doit être
prioritaire. C'est sûr qu'Hydro-Québec, comme moteur de
développement économique, c'est très important. Les
interventions dans le domaine sont caractérisées par des
investissements d'une dizaine de milliards pour les grands projets
hydroélectriques puis le transport d'énergie, mais cette
conception du développement économique, qu'on justifie en termes
d'investissements, d'emplois qui sont malheureusement souvent temporaires, puis
d'impôts qui sont reliés à ça, est incomplète
et dangereuse, à notre avis, parce qu'elle passe sous silence l'effet de
ces ajouts massifs d'immobilisation sur la hausse des tarifs, et, par
conséquent, sur la rentabilité de la clientèle
industrielle et commerciale.
La construction de la phase I de la Baie James a entraîné,
entre 1976 et 1982, des hausses de tarifs qui ont varié de 10 % à
18 % par année. Elle a donc plus que doublé en sept ans. La
direction d'Hydro-Québec reconnaît que les projets de
Grande-Baleine et NBR vont encore coûter plus cher, soit 0,044 $ et 0,046
$ du kWh respectivement en dollars de 1991. Ça, c'est un tiers de plus
que le coût moyen actuel du parc d'équipement. À long
terme, les hausses cumulatives de tarifs ont des effets catastrophiques.
Dans un document publié il y a quelques mois sur l'industrie
québécoise des pâtes et papiers, le ministère des
Forêts a écrit: Même l'abondance de nos ressources
hydroélectriques n'est plus considérée comme un avantage
comparatif pour le Québec, car les hausses répétées
de tarifs ont fait pratiquement disparaître l'écart qui nous
favorisait à ce chapitre.
Depuis une dizaine d'années, Hydro-Québec a ajouté,
à l'instigation de son actionnaire, évidemment, un
deuxième volet à sa mission de développement
économique, celui du développement industriel. Pour attirer des
investissements, la société d'État a utilisé le
levier de la tarification. On parle évidemment des contrats à
partage de risques et bénéfices. Ces contrats stipulent des
formules tarifaires qui ont résulté jusqu'à présent
en des rabais importants. On a estimé que les contrats en question ont
constitué un manque à gagner pour HydroQuébec de quelque
240 000 000 $ en 1991 et 300 000 000 $ en 1992.
Si le gouvernement avait assumé le risque que ces contrats ont
imposé à la société d'État, celle-ci aurait
sans doute pu geler ses tarifs en 1991 et 1992. Malheureusement, l'approche
tarifaire pratiquée par HydroQuébec, c'est celle d'augmentations
continues et ça, ça affaiblit la structure industrielle du
Québec, puis ça dissimule, en fait, les coûts réels
de la politique gouvernementale.
On en vient donc à la conclusion qu'au long des ans la
société d'État a négligé sa mission
première qui est de fournir à l'ensemble de ses clients
québécois de l'électricité fiable et propre au plus
bas coût possible. Le développement économique durable du
Québec passe par des tarifs d'électricité bas qui aident
à maintenir compétitives les entreprises existantes et à
en attirer des nouvelles, évidemment, et ça, avant la
construction ponctuelle de grands projets ou même l'implantation
d'industries qu'on attire artificiellement. Le rôle fondamental
d'Hydro-Québec doit absolument être confirmé dans ce
sens-là. D'ailleurs, le gouvernement l'a reconnu implicitement en
utilisant l'outil de tarification dans les contrats à partage de
risques.
M. le Président, les membres de l'AIFQ ne contestent pas le droit
et la responsabilité du gouvernement du Québec de pratiquer des
interventions économiques qu'il juge appropriées. Tout ce qu'on
dit, c'est que, si le gouvernement décide d'intervenir par le biais
d'Hydro-Québec, tant pour favoriser le développement que pour
financer des projets qui n'ont vraiment aucun lien direct avec la
société d'État, le consommateur, le client ne doit pas
s'en trouver pénalisé. C'est à l'ensemble des
contribuables de supporter le poids des interventions et,
éventuellement, de juger de leur bien-fondé.
Dans ces conditions-là, l'industrie forestière estime
qu'il devient essentiel de développer un mécanisme qui va
permettre de rendre la conduite des affaires d'Hydro-Québec plus
transparente. Hydro-Québec, c'est un monopole
d'électricité au Québec et c'est une situation que l'on ne
peut tolérer que dans la mesure où la société
d'État poursuit une orientation qui va dans le même sens que les
meilleurs intérêts de l'ensemble de
ses clients.
Actuellement, Hydro-Québec est en mesure de moduler ses tarifs de
façon à assurer sa rentabilité, voire à assurer des
surplus. Les clients sont essentiellement impuissants face à ce pouvoir
de tarification. On est d'avis, nous, que l'intérêt du
consommateur est loin d'être servi comme il devrait l'être
puisqu'il n'est que par défaut confié au jugement
d'Hydro-Québec et de la commission parlementaire.
On en est donc venu à la conclusion qu'un mécanisme
d'intervention indépendant réellement et du pouvoir politique et
d'Hydro-Québec devait être mis sur pied. Il est nécessaire
parce que les commissions parlementaires successives n'ont pas permis de
distinguer clairement les objectifs de la société d'État
de ceux de l'actionnaire, de dégager la situation financière
réelle de l'entreprise ni de vérifier l'équité de
la tarification. On n'en fait pas une panacée, mais on pense que c'est
une mesure qui, à ce moment-ci, est essentielle pour remettre
l'économie sur la voie de la prospérité.
En ce qui concerne la demande d'électricité, c'est clair
que l'importante différence entre la charge de base et les demandes
intermédiaires et de pointe, c'est l'un des problèmes majeurs
d'Hydro-Québec dans sa gestion de réseau. On a mis en place, au
cours des années, des nouveaux équipements, mais, en même
temps, le taux d'utilisation de ces équipements-là a eu une
tendance à la baisse.
L'AIFQ estime qu'il faut absolument qu'Hydro-Québec vise une
réduction de la demande de pointe et de la demande intermédiaire
et que, dans cette voie-là, se trouve un potentiel très important
d'économie en dollars, le coût marginal de fourniture,
évidemment, étant beaucoup plus élevé que le
coût de base. Ça ne veut pas dire que l'efficacité
énergétique, nous n'y croyons pas, au contraire. L'industrie
papetière québécoise fait preuve de leadership dans ce
dossier-là. On est en train de compléter une campagne de
vérification énergétique de 43 des usines qui est
réalisée avec la collaboration du Bureau de l'efficacité
énergétique du ministère de l'Énergie et des
Ressources. C'est une campagne qui permet d'établir un bilan complet de
la consommation et de la distribution de l'énergie dans chaque usine et
qui permet d'identifier des projets qui permettront de réduire la
facture énergétique globale. On n'a pas tous les
résultats, à ce moment-ci, mais la campagne semble
démontrer que les économies potentielles qui sont reliées
à ces projets-là sont importantes, mais qu'elles ne sont pas
comparables. Elles ne permettent pas de compenser pour les augmentations de
tarif. Pour regagner l'avantage du coût traditionnel qu'on a eu, on ne
peut pas se fier simplement sur l'efficacité
énergétique.
L'AIFQ approuve l'option qu'Hydro-Québec retient dans son plan de
développement en matière d'efficacité
énergétique concernant le pourcentage des coûts qui vont
être assumés pour les mesures qui sont inscrites au programme.
Ça va avoir un impact impor- tant et ça va permettre aux
entreprises d'accélérer la mise en place des mesures et de
réduire leur consommation d'électricité. On tient,
cependant, Mme la ministre, à s'assurer que, dans le cas où
l'option retenue comme critère serait le retour à
l'investissement de deux ans, bien, il va falloir que les sommes tiennent
compte de la partie fixe de la facture, du tarif de grande puissance.
Dans un autre dossier, les membres de l'AIFQ contestent la
méthode d'attribution des coûts de fourniture
d'Hydro-Québec. La société d'État calcule son
coût moyen au prorata de l'énergie consommée dans chaque
tranche de production. Pourtant, chaque catégorie de clients contribue
de façon fort différente à la demande de pointe qui est la
plus coûteuse à satisfaire. Or, les membres de l'AIFQ souhaitent
qu'Hydro-Québec fasse une étude approfondie de l'impact d'une
méthode d'allocation des coûts qui tiendrait compte de la
puissance appelée et de la variation de la puissance appelée dans
l'année. Hydro-Québec, tout récemment, avant-hier, M. le
Président, vient d'ailleurs de nous offrir, à nous et à
d'autres organismes, de mettre sur pied un comité pour examiner cette
question-là. Elle semble donc reconnaître la pertinence de
réévaluer le système actuel.
En ce qui a trait à la production d'énergie, les membres
de l'AIFQ sont d'avis qu'Hydro-Québec doit privilégier le moyen
de production le plus économique disponible plutôt que de recourir
prioritairement, systématiquement à
l'hydroélectricité. Le gouvernement doit donc permettre aux
producteurs privés de compétition-ner la société
d'État pour combler les besoins énergétiques du
Québec plutôt que de leur confier un rôle d'appoint mineur.
(12 h 20) là, évidemment, je vous amène, m. le
président, à la cogénération. l'exemple
américain est tellement révélateur que vous me permettrez
d'en parler deux minutes. il y a un bon nombre d'études qui
témoignent de l'effet de la cogénération et du rôle
que l'industrie papetière américaine a eu à cet
effet-là dans la production autonome d'électricité. c'est
relié à une législation, la public utility regulatory
policies act, qu'on appelle généralement purpa, qui vise à
encourager la conservation et l'utilisation efficace des ressources
énergétiques. les dispositions de purpa ont fortement
incité les papetières américaines à revoir leur
procédé de cogénération de façon à
disposer de surplus d'électricité que les services publics sont
tenus d'acheter à un prix équivalent à leur coût
évité. et les résultats sont probants. j'ai des chiffres
encore plus récents que ceux du mémoire, m. le président.
de 1982 à 1990, l'industrie papetière américaine a
augmenté sa production en usine de 53 %, dans la même
période, 64 % plus d'électricité
cogénérée, puis les ventes aux services publics, c'a
grimpé de 892 %.
Avec la cogénération, l'industrie papetière des
États-Unis satisfait, en moyenne, 60 % de ses besoins, ce qui la met en
tête de file. Au Québec, le portrait est pas mal différent.
D'une part, Hydro-Québec contrôle la
presque totalité du marché et aucune législation
n'oblige à acheter l'électricité qui serait disponible
d'un producteur. Hydro-Québec, dans ses récents appels d'offres
pour acheter de l'électricité issue de producteurs privés,
a imposé un critère de performance énergétique
très élevé. Ce critère-là fait en sorte
qu'une usine de cogéné-ration au Québec doit, d'abord et
avant tout, être conçue pour satisfaire des besoins de vapeur
reliée à la production. On ne peut pas, à ce
moment-là, reléguer au second plan un objectif de faire des
économies au niveau de la production d'énergie. Et c'est pourquoi
les centrales de cogénération qui sont proposées au
Québec sont beaucoup plus petites et plus coûteuses que celles qui
sont monnaie courante aux États-Unis. Ça affecte
évidemment directement la rentabilité des projets.
En plus de ça, Hydro-Québec a calculé son
coût évité sur la base de Grande-Baleine et de la livraison
à Montréal. Alors, ça donne un résultat de 0,044 $
le kilowatt. Et ça, ça ne comprend pas les taxes
évidemment versées au gouvernement.
Industrie, Sciences et Technologie Canada vient de faire une
étude dans laquelle il souligne que le coût marginal des services
publics canadiens devrait inclure ce coût marginal de taxation au Canada
par rapport aux États-Unis. Et ça permettrait, à ce
moment-là, de com-pétitionner pour les producteurs
privés qui en paient, des taxes sur une base égale, tant
à la société d'État qu'aux producteurs
américains.
C'est évident que les baisses de tarifs, parce qu'il y en a eu de
documentées, chez les services publics américains, plus la
poussée de la cogénération là-bas, ça a fait
perdre à l'industrie papetière québécoise son
avantage coût historique en termes d'énergie. C'est essentiel, M.
le Président, que le Québec développe une approche
équivalente à celle adoptée aux États-Unis en
termes de bénéfices concurrentiels. C'est essentiel que le
gouvernement et Hydro-Québec donnent un appui sérieux à la
cogénération. sur le point majeur des tarifs, m. le
président, évidemment, c'est notre principale
préoccupation. entre 1982 et 1992, au québec, le tarif l, c'est
passé d'à peu près 0,02 $ à environ 0,035 $ le
kilowatt. aux états-unis, pour la même période, c'a
baissé de 0,05 $ à 0,048 $. hydro-québec nous propose,
dans son plan de développement, que la moyenne de ses tarifs, pour les
sept prochaines années, n'excède pas l'inflation. elle nous dit
qu'elle va limiter ses frais d'exploitation à un rythme annuel de 0,8 %
et que ça va lui permettre de contenir l'ensemble de ses coûts,
à ce moment-là, à ce qu'elle prévoit comme
inflation, 3,5 %. on vient tout juste, la semaine dernière, d'entendre
parler des hausses de tarifs pour 1993 et 1994: 2,3 % et 2,7 % pour le tarif
industriel. pendant la même période, la banque du canada nous dit
que son objectif, c'est moins de 1 %.
Hydro-Québec se dit incapable de comprimer ses autres
coûts, ses charges et intérêts essentiellement, et elle nous
dit donc, automatiquement, que son programme d'immobilisation de 53 000 000 000
$, c'est soit tellement engagé qu'on ne peut plus le changer, soit qu'on
ne veut pas le changer. Ces charges-là vont continuer d'augmenter et
elles vont annuler complètement tous les gains de productivité
qu'on peut faire sur les charges d'exploitation. Puisque ses frais
d'investissement vont augmenter de 4,3 % selon Hydro-Québec,
l'augmentation des charges, une simple règle de trois nous amène
à 0,054 $ en l'an 2000. C'est une hausse qui est nettement
supérieure au taux d'inflation. C'est 10 % de plus que le niveau actuel.
C'est, sur les 127 TWh consommés en 1991, 400 000 000 $. Et les membres
de l'AIFQ, M. le Président, sont d'avis que c'est une perspective
intolérable qui doit faire l'objet d'une révision
sérieuse.
Le Président (M. Audet): En conclusion, M. Duchesne, s'il
vous plaît.
M. Duchesne: Ce que nous demandons, M. le Président,
à cet effet-là, c'est une baisse des tarifs, à partir des
tarifs actuels, de 1 % par année pour les cinq prochaines années.
On a aussi déjà signifié à HydroQuébec, M.
le Président, que le tarif saisonnier n'aurait pas d'effet et que, par
conséquent, on y était opposé. Et je veux vous
réitérer, en terminant, que pour plusieurs clients industriels,
dont le secteur papetier, le coût de l'électricité, c'est
un élément critique de la capacité concurrentielle. Notre
industrie tente de survivre présentement dans un marché mondial
qui est extrêmement compétitif. Elle doit composer avec des prix
qui sont plus faibles que jamais, plus de concurrents et des investissements
massifs qu'il faut réaliser. La plupart de nos fournisseurs ont
accepté de baisser leurs coûts pour permettre le maintien d'une
activité économique essentielle. Ils comptent y gagner à
long terme, évidemment. Et l'industrie a la même attente envers
Hydro-Québec, M. le Président. Repenser la place
d'Hydro-Québec dans le développement économique nous
apparaît essentiel. Il faut faire fonctionner la machine et, si on ne le
fait pas, on va directement vers l'exploitation de richesses naturelles non
transformées et on considère, M. le Président, que ce
serait un cul-de-sac.
Le Président (M. Audet): Merci, M. Duchesne. Je vais
maintenant reconnaître Mme la ministre de l'Énergie et des
Ressources.
Mme Bacon: Alors, M. Duchesne, M. Cusson et M. Olivier, je tiens
à vous remercier d'être venus énoncer les
préoccupations de vos membres. Et vous nous dites que ces membres vivent
présentement un cycle économique difficile. Je pense qu'on a
démontré que nous étions aussi préoccupés
par cette situation et il y a des gestes qui ont déjà
été posés.
Mais, avant d'aborder votre mémoire, j'aimerais quand même
apporter certaines précisions, du moins deux précisions sur le
communiqué de presse que l'Association a publié hier. Tout
d'abord vous indiquez
qu'Hydro-Québec calcule son coût moyen sur la base de
l'énergie consommée. Moi, je tiens à préciser que
la méthode d'allocation des coûts tient également compte de
la puissance consommée par les clients durant l'année. Vous
indiquez ensuite qu'Hydro-Québec reconnaît la pertinence de
réévaluer le système actuel d'allocation des coûts
qui, selon vous, est inéquitable. Mais, après vérification
auprès de la société d'État, il s'avère
qu'elle est prête à vous expliquer la méthode d'allocation
des coûts et non à réévaluer ladite
méthode.
J'ai pensé qu'il fallait peut-être faire le point sur ces
deux sujets. Et, quant à la méthode d'évaluation et de
fourniture, l'Electric Power Research Institute a recensé 29
méthodes d'allocation de coûts de fourniture en application en
Amérique du Nord. Ces méthodes ne sont pas à l'abri de la
critique et, d'ailleurs, certains jugent que beaucoup trop de coûts sont
imputés en puissance, pénalisant ainsi injustement les
clientèles plus présentes à la pointe. Mais, dans une
démarche de remise en question de la méthode d'allocation, on ne
peut présumer à l'avance des résultats finaux. Cependant,
si l'exercice proposé devait se traduire par une hausse des coûts
de fourniture au secteur industriel, l'Association est-elle prête
à faire face à un ajustement tarifaire? (12 h 30)
M. Duchesne: M. le Président, le principe d'allocation des
coûts à l'heure actuelle, à laquelle réfère
Mme la ministre, tient compte de la présence des différentes
classes tarifaires dans les différents secteurs de distribution de
l'année en termes de pointe, puissance intermédiaire et puissance
de base. Et l'argument que l'on développe et que l'on va discuter, Mme
la ministre, avec Hydro-Québec comme je vous mentionnais
tantôt, elle vient de nous confirmer par écrit qu'elle est
prête à en discuter est à l'effet que, quand on
regarde la distribution de la consommation dans l'année des tarifs
industriels et commerciaux, la puissance appelée est à peu
près constante. Donc, les tarifs industriels et commerciaux ont un
impact nul sur la demande de pointe d'Hydro-Québec. Pourtant, on leur
demande de payer la puissance de pointe à des tarifs qui sont les tarifs
marginaux d'Hydro-Québec et ça, ça se reflète dans
le tarif moyen payé. Et le résultat, Mme la ministre, d'une revue
qui tiendrait compte de ce facteur-là ne peut pas, à notre avis,
faire monter le coût des clients qui sont là
régulièrement, qui sont les clients de base
d'Hydro-Québec. Il y a peut-être une confusion dans la
phraséologie du communiqué, je ne le sais pas, je croyais que
c'était clair.
Mme Bacon: II faudrait peut-être la revoir, M.
Duchesne.
M. Duchesne: Mais la façon dont je vous l'explique,
là, c'est, je crois, la façon dont on le comprend.
Mme Bacon: Je serais tentée de dire: Joignez le club des
mal cités, là, mais disons que je vais continuer. Le
gouvernement, en acceptant un rendement global inférieur sur l'avoir
d'un actionnaire, considère qu'il ne refile pas aux autres consommateurs
les manques à gagner qui sont associés aux contrats à
partage de risques et bénéfices. Sur quoi vous basez-vous pour
prétendre le contraire?
M. Duchesne: M. le Président, les résultats
financiers, tels qu'on les voit chez Hydro-Québec, démontrent
encore que les transferts de différentes natures de frais entre
Hydro-Québec et le gouvernement persistent. Ça varie en fonction
des circonstances économiques, mais les chiffres existent toujours. Et,
si je prends les chiffres cités par Hydro-Québec, on parle de 594
000 000 $ en 1992. C'est sûr que ça a une influence directe sur la
tarification et, nous, on croit qu'il serait préférable pour
l'économie du Québec d'avoir des tarifs qui soient plus bas et
qui permettent le développement et le maintien d'industries qui vont
générer de l'emploi que de faire une ponction à la source
et de se retrouver, justement, avec une difficulté de
compéti-tionner. Alors, c'est toute une philosophie qui est en cause et
qui s'applique au cas particulier, Mme la ministre, des contrats que vous
mentionnez, mais qui est juste un cas particulier. On a repris là-dessus
les chiffres d'Hydro-Québec et les revenus supplémentaires
générés par les augmentations de tarifs, et on dit
clairement dans le mémoire qu'on ne veut pas commencer à faire
une polémique interminable sur ce point-là en particulier, c'est
la philosophie qui nous préoccupe.
Mme Bacon: Mais est-ce que je comprends, M. Duchesne, que vous
voudriez qu'Hydro-Québec ne paie plus de taxes foncières ou de
taxe sur le capital?
M. Duchesne: M. le Président, les taxes municipales,
d'après les chiffres d'Hydro-Québec, c'est une partie infime du
montant total. Il y a beaucoup d'autres choses là-dedans.
Mme Bacon: Mais c'est pas mal plus qu'infime, là, M.
Duchesne, vous parlez de 594 000 000 $.
M. Duchesne: M. le Président, les chiffres
d'Hydro-Québec d'hier, si je ne m'abuse, sont de l'ordre de 36 000 000 $
en taxes municipales sur les 594 000 000 $. Alors, Mme la ministre, ce n'est
pas la partie principale.
Mme Bacon: Non mais la taxe sur le capital?
M. Duchesne: II y a la taxe sur le capital, il y a les frais de
garantie, il y a les taxes sur le revenu et il y a, évidemment, la
partie qui est le risque assumé par Hydro-Québec en notre nom
à tous, j'en conviens, pour faire le développement par le biais
des contrats à partage de risques.
Mme Bacon: Mais en 1992...
M. Duchesne: Mais c'est un point...
Mme Bacon: ...on parle de 176 000 000 $, là, en taxes
foncières, «en lieu» de taxes, c'est ça, 176 000 000
$, un impôt de 3 % sur le revenu brut. C'est plus de 36 000 000 $;
ça fait partie de votre 594 000 000 $, ça ne fait pas 36 000 000
$, ça.
M. Duchesne: M. le Président, je pense qu'on est
exactement dans le genre de discussion technique...
Mme Bacon: Non. Mais non!
M. Duchesne: ...qu'il nous apparaît nécessaire de
faire, à un moment donné.
Mme Bacon: II faut donner les bons chiffres, M. Duchesne. Ce
n'est pas technique, là, mais il faut donner les bons chiffres. Je vais
revenir. Ce n'est pas le lieu, je pense, on pourrait parler des chiffres
ensemble une autre fois. Le rapport du groupe d'action sur l'avenir de
l'industrie des produits forestiers indiquait un avantage au plan de
l'énergie de 2 $ la tonne métrique pour les papetières de
l'Est du Canada comparativement à celles du Sud des États-Unis.
Cette comparaison découlait d'un taux de change du dollar canadien
à 0,88 $ US. Dans le contexte actuel où la devise canadienne se
transige, encore une fois, sous la barre de 0,80 $ US, à combien
estimiez-vous l'écart?
M. Duchesne: S'il n'y avait pas de changement dans le taux de
change, M. le Président, l'écart serait à notre
désavantage à ce moment-ci, parce que les tarifs, au
Québec, ont continué d'augmenter. Mme la ministre, vous citez des
chiffres de 1991 dans le rapport. Alors, les tarifs ont continué
d'augmenter au Québec et ont continué de diminuer aux
États-Unis. Donc, sur la base des tarifs et d'un taux de change fixe,
l'avantage n'est certainement plus de 2 $ la tonne. On est
désavantagé probablement de quelque chose qui est de l'ordre de 5
$. Et là, après ça, vous pouvez apporter votre correction,
Mme la ministre, du taux de change, mais je vous répète
là-dessus ce qu'on a dit à plusieurs reprises: Si on doit se fier
sur le taux de change pour être concurrentiel, le danger est fort grand
qu'on ne le soit pas.
Mme Bacon: Mais ça fait partie d'un tout, ça, M.
Duchesne.
M. Duchesne: Ça fait partie d'un tout.
Mme Bacon: II n'y a pas juste le taux de l'énergie.
Ça aussi...
M. Duchesne: Ça fait partie d'un tout...
Mme Bacon: Ce n'est pas dans l'ordre de 6 $ et 7 $, en ce
moment?
M. Duchesne: À peu près.
Le Président (M. Audet): D'accord. Je vais maintenant
reconnaître M. le député de Laviolette.
M. Jolivet: Merci, M. le Président. Merci, M. Duchesne, M.
Oliver et M. Cusson d'être présents ici ce matin. vous connaissez
ma façon habituelle de poser des questions en tenant compte souvent de
la façon dont les gens vous voient comme industrie et, à partir
de ça, essayer de teinter vos réponses et les questions à
ça. on dit des industries forestières, et là je parle en
particulier des papetières, mais on oublie souvent l'autre partie qui
est en partie de votre ressort, les industries de sciage: ils ont pillé
les forêts. à côté de ça, on dit: ils
s'ajustent difficilement, au niveau des papetières, avec les nouvelles
normes environnementales. ils demandent des délais et tout ça, et
là on dit maintenant: voilà-t-il pas qu'ils s'en viennent nous
demander de baisser en raison de 1 % par année les tarifs
hydroélectriques. alors, là, les gens disent: voilà les
quêteux qui sont devant nous autres, là. alors, je vous pose la
question bien directement: vous demandez une diminution des tarifs de 1 %
à chaque année pour les cinq prochaines années. vous
l'avez dit tout à l'heure: hydro-québec, au niveau industriel, a
déterminé pour les deux prochaines années les pourcentages
d'augmentation, 2,3 %, 2,7 %, et ça va avoir, bien entendu, des
répercussions sur l'ensemble justement de votre
compétitivité, comme vous le disiez si bien, avec les autres au
niveau international et les états-unis, en particulier. alors, je vous
pose la question: comment jugez-vous les hausses actuelles, et,
deuxièmement, quelles seraient, si elles sont adoptées, parce
qu'il semblerait que là, entre le gouvernement et hydro-québec,
ce serait quasiment accepté... on va avoir à discuter de
ça à la fin de notre commission parlementaire à la fin du
mois qui vient, là, les dernières séances seront sur les
tarifs... alors, je vous pose la question: vous autres, là, comme
industrie papetière, les impacts sur la vente de votre marchandise. (12
h 40)
M. Duchesne: M. le Président, je pense que M. le
député connaît les réponses aux questions sur la
forêt. Si lui ne les connaît pas, on a des problèmes. Je
vais donc sauter celle-là. au niveau de l'environnement, l'industrie,
depuis les 10 dernières années, s'est mise en branle très
sérieusement et, avec la nouvelle réglementation, on investit
présentement à peu près 20 % du total des investissements
pour rencontrer les nouvelles normes. donc, là encore le travail est en
train de se faire parce que les investissements, m. le député,
demeurent massifs, vous le savez, malgré la récession.
M. Jolivet: Mais vous savez, M. Duchesne, que vous ne me parlez
pas à moi, vous parlez à ceux qui vont vous lire, et c'est pour
ça que j'ai posé la question.
M. Duchesne: II reste que, si on demande une réduction des
tarifs, c'est parce qu'on pense que c'est possible et c'est nécessaire,
et pas seulement pour l'industrie forestière du Québec. C'est
nécessaire pour l'ensemble du développement économique du
Québec. A priori, ça a peut-être l'air impossible à
faire, mais peut-être... Si vous me permettez, M. le Président, je
demanderais à M. Olivier de vous dire s'il croyait possible de
réduire ses coûts d'exploitation il y a trois ans et de combien il
a pu les réduire depuis ce temps-là pour faire face à la
crise économique.
Le Président (M. Audet): Allez-y, monsieur.
M. Olivier (Louison): Je pense que, quand on regarde ou on parle
du coût de l'énergie au Québec, il faut regarder quand
même le contexte. Ce qui a amené l'industrie papetière au
Québec, c'est le coût de la fibre et le coût de
l'énergie. C'était la base qui a amené l'industrie au
Québec. Depuis quelques années, on a perdu ces
avantages-là, et je pense que le coût de l'énergie est
fondamentalement un des seuls, sinon le seul avantage majeur qu'on peut avoir
dans l'industrie forestière du Québec actuellement. Bien
sûr, on a une qualité de fibre qui est à développer
aussi et on a une qualité de main-d'oeuvre qui est en place sur
lesquelles il faut bâtir, mais il faut développer ces trois
avantages-là. Et, actuellement, on a perdu complètement
l'avantage énergétique qu'on avait voilà... Et on peut
reculer 20 ans ou 30 ans, ça dépend du moment, mais on peut
reculer à des avantages de 50 $ la tonne à un moment
donné. ce qui est désolant actuellement, c'est que, depuis
quelques années on regarde l'industrie des pâtes et papiers
qui a des problèmes on a réduit quand même nos
coûts. je comparais des chiffres, moi, entre 1991, nos coûts de
production 1990-1991, et nos coûts de 1993, nos budgets 1993, et on a
globalement, en dollars constants, baissé nos coûts de production.
on a baissé, par exemple, nos coûts de main-d'oeuvre...
c'est-à-dire, notre main-d'oeuvre a baissé de 24 % entre
décembre 1990 et décembre 1992.
M. Jolivet: On a vu ça.
M. Olivier: Et, malgré tout, on continue à
être capable d'opérer nos usines. Donc, la question qu'on se pose:
Le seul élément qui n'a pas baissé pendant cette
période-là, c'est le coût de l'énergie. En fait, le
coût de l'énergie a continué à monter. Et quand M.
Duchesne parlait de politique énergétique, c'est là qu'on
revient en disant qu'il faut regarder l'ensemble des coûts pour les
papetières et la possibilité des coûts de l'énergie
dans une politique globale. C'est un des éléments, un des
avantages du Québec d'avoir la chance d'avoir beaucoup d'énergie
et d'avoir de l'énergie qui devrait normalement être
concurrentielle avec les États-Unis en particulier.
M. Jolivet:mais vous proposez la diminution de 1 % par
année pour les cinq prochaines années et on vous offre une
augmentation. ça va avoir quoi comme effet?
M. Olivier: Je pense que l'effet pour les papetières...
C'est bien sûr que si le contexte québécois dans les
différents coûts qui entrent dans la fabrication d'une tonne de
papier ne change pas, et ça inclut l'énergie qui est quand
même 20 % au moins de nos coûts de production, si c'est vraiment la
direction qu'on veut prendre de continuer à augmenter les coûts et
qu'on ne peut pas entrevoir la possibilité, à travers une
politique énergétique certainement modifiée, de revenir
à avoir un avantage sérieux au niveau de l'énergie, moi,
je pense que l'industrie des pâtes et papiers au Québec, ça
va être quelque chose du passé, pas demain matin c'est bien
sûr, mais c'est quelque chose... Qu'est-ce qui va nous encourager
à investir au Québec si on n'a plus les avantages
québécois? Chaque contrée ou chaque pays a des avantages
lorsque c'est le temps de produire. Maintenant, nos avantages, on sait qu'on
est plus loin des marchés, on sait que notre fibre, l'hiver, pousse
moins vite, etc. On avait et on a encore un avantage au moins potentiel dans
l'énergie électrique et si cet avantage-là
disparaît, à long terme, on va certainement se poser, comme
papetières, beaucoup de questions avant de réinvestir. Ça
c'est clair.
M. Jolivet: Vous faites mention, donc, d'une diminution de 1 %
que vous demandez pour les cinq prochaines années, puis, en
contrepartie, vous parlez d'un programme de cogénération. Il est
évident que vous ne demandez pas une usine de cogénération
pour chaque usine de pâtes et papiers au Québec parce qu'il y a
des places, si je prends Grand-Mère en particulier, où ce n'est
pas possible, à ma connaissance, de mettre une usine de
cogénération à côté par rapport à
d'autres. Donc, ce n'est pas à chaque usine de pâtes et papiers
que vous demandez ça. Mais Hydro-Québec nous indique, dans les
discussions qu'on a avec elle et dans les documents qu'elle nous donne, que la
cogénération, dans le contexte québécois, en termes
de coûts, d'abord, d'achat du gaz, deuxièmement, du coût de
la vapeur fabriquée, parce que, dans bien des cas, ce n'est pas l'usine
qui est là qui a l'usine de cogénération, c'est une
autre... Alors, ça se vend l'un à l'autre. À ce
moment-là, les difficultés à venir seraient que la
cogénération coûterait plus cher à long terme et ne
serait pas avantageuse. Est-ce que vous êtes de cet avis-là?
M. Olivier: Pour la question de cogénération, on
est bien conscient que l'avantage de la cogénération peut
être différent au Québec comparativement, par exemple,
à nos compétiteurs aux États-Unis. Mais il y a
encore actuellement un avantage et cet avantage-là pourrait
s'améliorer. Quand M. Duchesne parlait, une fois, d'être capable
d'analyser les coûts évités à Hydro-Québec ou
de comprendre un peu mieux ces coûts évités là,
dépendant du coût évité d'Hydro-Québec, c'est
bien sûr que l'avantage pour la cogénération peut
augmenter. Mais, même avec les coûts dont on parle actuellement, il
y a un avantage. D'ailleurs, on a des papetières au Québec qui
vont de l'avant avec des programmes de cogénération et j'assume
que c'est parce que c'est rentable, mais on prétend que cette
rentabilité-là pourrait, à moyen terme et assez
rapidement, être améliorée, justement parce que les
coûts évités... Du moins, on se pose des questions. Je ne
doute pas des coûts évités, des coûts qui nous ont
été donnés par Hydro-Québec, mais on aimerait bien
avoir de l'explication sur ces coûts-là, parce qu'on
prétend et d'autres personnes aussi compétentes prétendent
que ça pourrait être un petit peu plus élevé que
ça. Si ces coûts-là augmentent, ça devient
très rentable, la cogénération dans une industrie de
pâtes et papiers.
M. Joli vet: Je posais la question hier par rapport à ce
qu'on avait dans l'esprit depuis longtemps que l'hydroélectricité
devrait se tenir entre le gaz naturel, qui était plus bas, et le mazout,
qui était plus élevé. Il ne semble pas que ce soit
ça qui serait dans l'esprit de bien des gens actuellement, dans la
mesure où l'augmentation du gaz naturel pourrait avoir un effet sur le
coût de la fabrication de la vapeur, laquelle vapeur après
ça vous coûterait plus cher. À ce moment-là, ce que
l'on dit et ce qu'on prétend dans certains milieux, c'est que la
cogénération au Québec, et d'ailleurs vous le dites
à un moment donné dans votre mémoire concernant la
cogénération que... J'essaie de voir: Le programme
québécois impose des critères élevés de
performance énergétique, ce qui le rend moins attrayant, car plus
coûteux. Alors, je veux savoir. Vous dites: La
cogénération, c'est un des moyens, d'abord, de ne pas avoir de
problème quant à la vente de notre marchandise au coûtant
en disant qu'on a des bénéfices comme les contrats secrets dont
on a parlé et que, d'autre part, ça pourrait vous rendre plus
compétitive comme industrie. Est-ce que j'ai raison?
M. Duchesne: M. Cusson, M. le Président.
M. Cusson (Laurent): Oui, si je peux vous répondre.
À cet effet-là, l'avantage concurrentiel qu'on pourrait en
retirer avec les coûts évités actuels à
HydroQuébec de 0,043 $, on regarde l'ordre de 20 $ à 30 $ la
tonne de produits fabriqués. Au niveau des contrats d'approvisionnement
de gaz, au niveau des prix, les contrats de gaz sont entrés pour une
période de 15 ans et les prix sont indexés. Donc, le risque de
perdre ces avantages-là au cours des années n'est pas là
en réalité. Ce qu'on dit, essentiellement, c'est qu'à
cause des programmes de cogénération on utilise l'énergie
d'une façon plus efficace. Donc, ça nous permet de rentabiliser
les projets. Si les coûts évités étaient plus
élevés, donc, les projets seraient plus rentables, mais, selon
les coûts actuels, c'est de l'ordre de 20 $ à 30 $ la tonne.
M. Jolivet: Parce que, dans des rencontres qu'on a eues avec
Hydro-Québec, on nous a parlé de cette partie-là, du fait
que pour eux autres, dans leur esprit, la cogénération n'est pas
si intéressante qu'elle en a l'air. Et, dans les négociations
qu'ils ont actuellement avec des entreprises, parce qu'on parlait d'un maximum
de mégawatts au Québec, dans cette braquette-là il y en a
plus déjà d'octroyés en termes d'études et de
contrats à négocier que ce qu'ils veulent réellement
atteindre. Dans ce sens-là, je voudrais savoir si ça a des effets
sur les gens qui vont lâcher en cours de route. Est-ce que c'est votre
cas, à vous autres? Est-ce que, d'après les renseignements que
vous avez de vos industries qui vont l'utiliser ou qui négocient
actuellement avec HydroQuébec, ça donne cette
impression-là? (12 h 50)
M. Cusson: C'est un phénomène
général, je crois, même aux États-Unis. Les gens
choisissent, les utilités publiques ont choisi un certain pourcentage ou
le double de projets plus élevés pour rencontrer leur objectif
parce qu'il y en a en cours de route qui vont tomber pour des raisons
financières ou d'autres raisons. Au Québec, les marges ne sont
pas les marges qu'on a aux États-Unis, par exemple. Donc, les projets
sont attrayants, mais c'est plus délicat financièrement de les
rentabiliser. Ça dépend des situations aux usines mêmes. On
ne peut pas généraliser que tous les projets de
cogénération au Québec pourraient être rentables.
Ça dépend des particularités à l'usine.
Le Président (M. Audet): Brièvement, en conclusion,
M. le député.
M. Jolivet: Oui, je vais terminer par celle-là. Vous dites
qu'Hydro-Québec doit privilégier le moyen de production le plus
économique possible plutôt que de recourir prioritairement
à l'hydroélectricité. Vous savez les autres
possibilités laissons tomber la cogénération qui
est un exemple il y a tout l'exemple du thermique ou du
nucléaire. Qu'est-ce que vous donnez comme réponse à
ça? Est-ce que vous croyez que ces énergies nouvelles, pas
nouvelles mais utilisées différemment que celles de
l'hydroélectricité, ce n'est pas quelque chose de plus polluant,
de plus dispendieux?
M. Duchesne: Mais, M. le Président, ce n'est pas
nécessairement la plus économique. On n'a pas
décidé a priori de ce qui constituait la source la plus
économique. On a tout simplement demandé que ce soit la
règle utilisée, puis là il faut examiner en fonction de
l'évolution de la demande, en fonction de la façon dont il est
possible de satisfaire cette demande-là, de choisir la
solution la plus économique. Alors, votre question est
excellente, mais on n'a pas répondu.
M. Jolivet: O.K.
Le Président (M. Audet): Merci. Je vais maintenant
reconnaître M. le député de Drummond.
M. St-Roch: Merci, M. le Président. M. Duches-ne,
bienvenue à cette commission. Vous avez mentionné que vous aviez
reçu une invitation de participer est-ce que j'ai bien entendu
à un comité de tarification?
M. Duchesne: M. le Président, c'est que dans les travaux
du comité qui existe depuis au-dessus d'un an maintenant, à la
demande de Mme la ministre, on a eu l'occasion de discuter tarification et de
discuter le genre d'arguments que je développais tantôt en
réponse à Mme la ministre. Le résultat de ça, je
pense, c'est qu'Hydro-Québec, après y avoir pensé et
après avoir vraisemblablement lu notre mémoire a dit: Ça
vaut la peine d'en discuter, et on nous propose effectivement une extension des
discussions qu'on a déjà eues sur l'ensemble du dossier
tarification pour examiner spécifiquement l'allocation des coûts
de fourniture en fonction des différents tarifs. Donc, je pense que
c'est positif comme annonce.
M. St-Roch: La raison de mon interrogation, c'est parce
qu'à la page 28 du mémoire il avait été
mentionné qu'un groupe de travail avait été
également formé avec les grandes entreprises pour regarder tout
le processus de tarification. Alors, ce sera un sous-groupe de ce
groupe-là?
M. Duchesne: Ça ressemble à ça, oui.
M. St-Roch: Ma deuxième question, au niveau des programmes
d'efficacité énergétique, dans la proposition
d'Hydro-Québec, on mentionne la possibilité, d'ici l'horizon
2000, d'épargner 1,1 TWh. Est-ce que d'après vous, ça,
c'est en marche, les négociations ont eu lieu avec l'industrie des
pâtes et papiers et c'est un objectif qui est réalisable? On
retrouve ça à la page 33 du... Hydro-Québec nous a
présenté, dans ses économies d'énergie, que
l'ensemble du marché industriel était de 2,7 TWh, mais, dans la
section pâtes et papiers, on prévoyait des économies de
1,1.
M. Cusson: M. le Président, je n'ai pas les chiffres au
niveau térawattheure, sauf qu'on les a quantifiés au niveau de la
réduction des coûts à la tonne de produits. Pour l'ensemble
de l'industrie forestière au Québec, c'est de l'ordre de 7 $ la
tonne de réduction de coût avec des programmes d'efficacité
énergétique.
M. St-Roch: J'ai bien saisi la remarque de M. Duchesne que,
ça, ça ne serait pas suffisant pour com- penser l'accroissement
des coûts. Mais, d'une façon un peu plus globale, je regarde les
propositions qu'Hydro nous fait. On nous dit que, dans le secteur des
pâtes et papiers, l'horizon 92, l'an 2010, il y aura un accroissement de
la demande de 7,1 TWh. d'un autre côté, avec justesse, vous
montrez, dans votre mémoire, en utilisant les graphiques
d'hydro-québec, qu'une des raisons de l'accroissement de la tarification
d'hydro-québec n'est pas nécessairement les coûts
d'exploitation, parce que, si hydro maintient le 0,8 qu'elle nous a dit,
ça devrait être légèrement en bas de l'inflation de
1 % que vous prévoyez, mais que cet accroissement des coûts est au
niveau de toute cette méthode de financement. c'était une de mes
inquiétudes, hier, que j'avais soulignées avec
hydro-québec, soit ce financement-là. on prévoit
l'accroissement de 1 000 000 000 $. là, je vais remettre ça avec
votre demande de réduire les coûts de tarification de 1 % sur 5
ans, et si j'ai bien lu votre mémoire corrigez-moi si je ne suis
pas correct vous avez dit: toutes les clientèles. il y a une
chose qui va arriver avec ces accroissements de coût, c'est les
bénéfices d'hydro-québec à la fin la ligne
du bas, profits ou pertes qui vont baisser si on s'en va avec votre
recommandation, avec tout l'impact que ça peut avoir sur les ratios.
alors, ne croyez-vous pas que, si on s'en va avec une proposition de cette
nature-là, on se court un peu après la queue et que les
investisseurs, lorsqu'ils regarderont les grands équilibres,
accroîtront davantage le taux d'intérêt demandé
à hydro-québec pour financer ces projets-là et pour
financer aussi la demande de l'industrie qui aurait besoin de 7,1?
M. Duchesne: M. le président, nous ne croyons pas que ce
soit la seule avenue qu'on vient de nous décrire. si vous regardez dans
notre mémoire, à la page 11, on s'aperçoit que
l'utilisation de la capacité installée d'hydro-québec est
très faible et a tendance même à baisser. on parle
d'utilisation de la capacité qui est à peine supérieure
à 50 %. ça veut dire que pour les 76 % qui sont la base
d'investissement et, justement, des taux d'intérêt à payer
pour les emprunts et ainsi de suite, donc, c'est la grosse partie des
dépenses d'hydro-québec... on investit cet argent-là et on
se sert de la production la moitié du temps. on se trouve, à
toutes fins pratiques, à doubler le coût fixe, le coût
relié à l'immobilisation. nous, on est convaincus que, si on
parvenait à améliorer le facteur d'utilisation des
investissements d'hydro-québec, on aurait une voie énorme pour
réduire les tarifs tout en maintenant la rentabilité. on ne pense
pas que ça puisse se faire du jour au lendemain, mais, quand on parle de
revoir la politique en ce sens-là, c'est exactement ce chemin que l'on
recommande de prendre plutôt que de tomber dans les difficultés
que vous venez de nous décrire.
Le Président (M. Audet): Merci. Je vais maintenant
reconnaître M. le député de Saint-Maurice.
M. Lemire: M. le Président, j'aurais plusieurs questions,
mais, comme le temps file assez rapidement, j'en ai une qui me préoccupe
le plus. Lors de votre dernier congrès de l'Association des industries
forestières, l'industrie a annoncé qu'elle prévoyait faire
des profits en 1993. Est-ce véridique?
M. Duchesne: M. le Président, comme j'ai été
celui qui l'a annoncé, je ne veux pas dire que j'ai été
mal cité, mais j'ai dit précisément qu'on prévoyait
arriver à la fin de l'année dans une situation où on ne
ferait plus de déficit, donc retrouver un équilibre financier
d'ici à la fin de l'année, ce qui veut dire, comme on continue
à en perdre présentement, qu'on devrait en faire vers la fin de
l'année, mais le bilan annuel à peu près
équilibré. C'était ça.
M. Lemire: Ça va me sécuriser un peu parce que,
chez nous, on a des investissements importants de Stone Consolidated.
Maintenant, j'aurais une autre petite question avant de terminer
peut-être. Je me souviens, lors de la commission parlementaire de 1990,
que votre Association avait exprimé ses préoccupations. Vous vous
souvenez de la fiabilité du réseau, c'est-à-dire la
fiabilité de l'énergie électrique. On a connu des
problèmes de fiabilité du réseau. Pourriez-vous me dire
maintenant, après ces quelques années de préoccupations,
si vous êtes encore préoccupés par la fiabilité du
réseau? (13 heures)
M. Duchesne: M. le Président, des fois, il y a des bonnes
nouvelles aussi. On vient ici demander des choses, mais je peux aussi vous
annoncer des bonnes nouvelles. Hydro, effectivement, a collaboré avec
l'ensemble du secteur industriel pour améliorer la fiabilité. Et
je pense qu'on a fait d'importants progrès pour trouver le point
d'équilibre entre des coûts supplémentaires à Hydro
pour améliorer sa fiabilité et puis la qualité du service
dont on a besoin. Je ne sais pas si... Ça va? Je pense que ce
problème, M. le Président, on peut dire qu'il est essentiellement
sous contrôle et grâce à la collaboration
d'Hydro-Québec, je le dis très ouvertement.
M. Lemire: Comme milieu, je reconnais les efforts que vous avez
faits de rationalisation depuis quelques années. Mais il faut
reconnaître aussi qu'Hy-dro-Québec a commencé une certaine
rationalisation, et je voudrais aussi mentionner que, depuis trois ans, il y a
eu des sondages qui ont été faits par des maisons privées,
puis des firmes privées. Et c'est important de le dire.
Hydro-Québec a augmenté son taux de satisfaction de près
du double. Le taux de satisfaction d'Hydro-Québec, lors du dernier
sondage, était de 88 %. C'est ce que je voulais vous mentionner.
Maintenant, c'est sûr qu'il y a encore énormément d'ouvrage
et de travail à faire, et j'espère que vos rencontres que vous
avez avec les représentants d'Hydro-Québec vous donnent certains
avantages, parce qu'Hydro-Québec met à votre disposi- tion des
représentants pour essayer d'améliorer autant la fiabilité
que la qualité et le prix. C'est ce que j'avais, en finale, à
vous dire.
Le Président (M. Audet): Merci, M. le
député. Vous avez des commentaires à ajouter, M. Duchesne,
brièvement?
M. Duchesne: On n'a pas contesté ça, M. le
Président. Je pense qu'Hydro-Québec fait preuve d'ouverture
à cet effet-là. Le seul problème, c'est qu'on a
discuté, à la demande de Mme la ministre, de tarification. Et la
prémisse, c'était que ça ne devait pas avoir d'effets sur
les entrées de fonds d'Hydro-Québec. Alors, c'est évident
que ça n'a pas donné des taux améliorés pour
l'industrie.
Le Président (M. Audet): D'accord. Alors, messieurs de
l'Association des industries forestières du Québec, merci de
votre présentation. Bonne fin d'après-midi. Alors, nous allons
suspendre nos travaux jusqu'à 20 heures ce soir.
(Suspension de la séance à 13 h 3)
(Reprise à 20 h 6)
Le Président (M. Audet): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission de l'économie et du travail reprend ses
travaux. Je vous rappelle le mandat de la commission qui est de procéder
à une consultation générale sur la proposition de plan de
développement 1993 à 1995 d'Hydro-Québec. Ce soir, nous
recevons en premier lieu le Club d'électricité du Québec,
et suivra ensuite l'Association de la recherche industrielle du
Québec.
Puisque les gens du Club d'électricité du Québec
sont arrivés, on leur souhaite la bienvenue. Je vous rappelle
brièvement le déroulement de nos travaux. Vous disposez de 20
minutes pour exposer votre mémoire; ensuite suivra une période de
questions d'environ 40 minutes. D'abord, avant de nous faire votre
présentation, j'inviterais le ou la responsable à
présenter les gens qui l'accompagnent. Alors, vous avez la parole.
Club d'électricité du Québec
inc.
M. Beaulieu (Bertrand R.): Bonsoir, mesdames et messieurs. Mon
nom est Bertrand Beaulieu. Je suis président du Club
d'électricité du Québec. À mon extrême
gauche, vous avez M. Guy Beaulieu aucune parenté membre
délégué, et Mme Sylvie Archam-bault,
vice-présidente du Club d'électricité du Québec;
à mon extrême droite, au bout, Mme Denyse D'Amours,
secrétaire générale du Club d'électricité;
et, à ma droite, M. Gilles Girard, président ex officio.
Sans plus tarder, j'aimerais tout d'abord vous remercier de nous
permettre de pouvoir exprimer notre
point de vue sur la proposition de plan de développement
d'Hydro-Québec 1993-1995. Avant de commencer, laissez-moi vous
présenter les... Je recommençais. Excusez-moi. C'est donc avec
grand plaisir que je vais vous présenter, au cours des prochaines
minutes, les points saillants du mémoire que le Club
d'électricité du Québec a déposé devant la
commission de l'économie et du travail, le 27 janvier dernier.
Tout d'abord, qui est le Club d'électricité du
Québec et quelle est sa mission? Depuis sa fondation en 1916, le Club
d'électricité du Québec, organisme à but non
lucratif, a toujours été le carrefour de l'industrie
électrique au Québec, donc, le porte-parole de celle-ci. Au Club
d'électricité, on retrouve les grands fabricants, les
fournisseurs de gros équipements électriques, les fournisseurs
d'équipements connexes à l'industrie électrique, des
firmes d'ingénieurs-conseils, des entrepreneurs en construction, des
producteurs d'énergie, des universités, des firmes de droit, des
banques ainsi que divers manufacturiers associés au transport, à
la distribution et aux économies d'énergie. Tous nos membres
possèdent une expertise, une expérience reconnue, non seulement
au Québec, mais également au niveau national et
international.
Au Québec, l'industrie de l'électricité,
représentée par les membres du Club d'électricité
du Québec, crée directement et indirectement plus de 500 000
emplois, sans compter les emplois qui sont associés à la
construction de barrages. L'activité économique qui en
découle dépasse les 20 000 000 000 $ annuellement. C'est pourquoi
le Club d'électricité du Québec tient à faire
connaître son opinion sur la proposition du plan de développement
d'Hydro-Québec 1993-1995.
Dans un premier temps, voici l'approche globale du Club
d'électricité du Québec en regard du développement
des ressources électriques du Québec. Le Club
d'électricité du Québec tient à orienter la
réflexion de décideurs sur la vie du développement
économique comme étant une orientation progressiste pour le
mieux-être du Québec en général. Il est certain que
le Club d'électricité du Québec est un promoteur de
l'énergie électrique de par sa mission et du fait qu'il regroupe
des entreprises dont la vocation première est liée au
développement d'énergie. (20 h 10)
Dans cette perspective, nous tenons à ce que les changements qui
nous conduisent vers un mieux-être collectif se fassent dans la
continuité du développement de l'électricité tout
en intégrant des solutions réalistes aux problèmes
environnementaux soulevés. Pour nous, il est primordial de planifier
avec soin l'avenir de la société québécoise face
à la demande d'énergie électrique et ainsi nous assurer
que nos moyens de production soient disponibles en quantité suffisante
et au moment opportun pour contribuer adéquatement à notre
développement économique et social. Il est donc de notre devoir
de faire valoir les retombées extrêmement positives que
représente pour le Québec le développement de l'hy-
droélectricité, soit au niveau de l'emploi, au niveau de la
recherche et du développement, au niveau de l'exportation du
savoir-faire québécois, au niveau de la qualité de vie des
Québécois et Québécoises.
Quelle est maintenant la position du Club d'électricité du
Québec face à la proposition de plan de développement
1993-1995 d'Hydro-Québec en ce qui a trait aux quatre volets suivants,
soit l'industrie à forte consommation, les exportations
d'électricité, l'efficacité énergétique et
les moyens de production?
Tout d'abord, les industries à forte consommation. C'est en
cherchant à optimiser l'avantage comparatif que constitue
l'hydroélectricité pour le Québec qu'Hydro-Québec
doit continuer à favoriser l'implantation au Québec d'industries
à forte consommation d'électricité. Grâce à
cet avantage économique, de telles industries ont
généralement accès à des marchés mondiaux.
Cet avantage économique possède également un
caractère de pérennité, car le coût de
l'hydroélectricité est en général à l'abri
des fluctuations de prix, offrant ainsi de meilleures garanties
d'approvisionnement à long terme.
Au cours des trois dernières décennies, toutes les
administrations politiques du Québec ont reconnu l'avantage de favoriser
l'utilisation de l'hydroélectricité pour renforcer et
développer la position industrielle du Québec. Les entreprises
à forte consommation d'électricité s'avèrent
fortement rentables dans des contextes favorables, offrant de ce fait de
meilleures garanties d'emploi à nos travailleurs et des revenus plus
stables à nos administrations publiques. De plus, elle
s'intègrent généralement dans une trame de
développement régional tant désirée par
l'État. Favoriser l'implantation de telles industries est une
valorisation de nos richesses naturelles au profit du mieux-être
collectif.
La fourniture d'électricité à ces industries
constitue pour le Québec un engagement moral à long terme qui
doit comporter un certain nombre de conditions visant à garantir les
emplois, les revenus de l'État et la protection de notre environnement.
C'est ainsi que le Club d'électricité soutient les
critères suivants: un potentiel de croissance à long terme, un
rapport à notre diversification économique et industrielle, une
bonne efficacité énergétique, un apport possible à
l'industrie de transformation et, finalement, le respect de
l'environnement.
Les scénarios développés par Hydro-Québec
sont éloquents. Option 1: 180 MW, 20 000 emplois soutenus par les
investissements, recettes fiscales additionnelles de 200 000 000 $. Option 2:
540 MW, 38 000 emplois de nature semblable, recettes fiscales additionnelles de
465 000 000 $. Bien que l'option 2, 540 MW, présente un potentiel
d'emploi nettement plus favorable, nous ne pouvons endosser une telle option
non rentable sans trahir un principe fondamental qui régit la saine
gestion de toutes nos entreprises.
Nous recommandons donc de trouver le moyen d'atteindre les objectifs de
l'option 2 ou d'en approcher au moins jusqu'à la rentabilité
zéro. C'est là, croyons-
nous, le cheminement le plus progressif que peut entreprendre notre
société d'État pour contribuer à l'essor
économique du Québec par la valorisation de notre patrimoine
national.
Les exportations d'électricité. Le ralentissement
économique et le succès des programmes d'efficacité
énergétique américains ont facilité le
succès de la propagande, souvent mensongère, auprès des
acheteurs d'énergie hors Québec. Ainsi donc, nous croyons
important de rétablir les faits auprès de nos acheteurs
potentiels en prévision d'une conjoncture économique meilleure.
Nous devons mettre nos efforts à convaincre tous nos partenaires des
avantages que de telles ventes pourraient apporter à tous les
Québécois.
Pour cette raison, dans un contexte plus favorable, l'objectif de 1500
MW aux environs de l'année 2004 nous paraît peu ambitieux. 2500
MW, ça nous semble plus réaliste. Les effets
bénéfiques des exportations d'électricité nous
paraissent toujours aussi souhaitables pour le Québec pour les raisons
suivantes: obtention de revenus importants et rentables; incitatifs à la
recherche et au développement pour toute l'industrie électrique
québécoise; devancement de deux à sept ans des grands
projets, ce qui a pour effet de réduire le coût initial du projet
et génère plus rapidement des emplois
rémunérateurs; diminution de la pollution atmosphérique
occasionnée par les centrales thermiques américaines;
accroissement de la fiabilité de notre propre réseau par des
interconnections hors Québec.
Le potentiel d'exportation d'électricité au Canada et aux
États-Unis est très élevé. Et ce potentiel
évoluera en fonction de la situation économique et des
résultats des programmes d'efficacité énergétique.
Considérant que le prix de l'hydroélectricité des
nouvelles centrales demeure concurrentiel, nous pouvons entrevoir des
bénéfices importants pour le Québec découlant de
ces ventes d'électricité.
Efficacité énergétique. L'objectif de 9,3 TWh
d'économie d'énergie en l'an 2000 nous paraît
réalisable selon les critères soumis et compte tenu des
programmes incitatifs proposés. Nous partageons l'avis que les
programmes d'efficacité énergétique ont pour effet de
limiter l'augmentation des prix de l'énergie et de rendre nos
entreprises plus efficaces et concurrentielles.
Les investissements annuels doivent prioritairement demeurer rentables,
autant pour Hydro-Québec que pour le client. Nous favorisons une
accélération des programmes si les résultats
d'évaluation s'avèrent positifs à la fois pour les
entreprises, pour Hydro-Québec et pour l'économie
québécoise. Hydro-Québec doit progressivement introduire
dans ses programmes des moyens qui visent spécifiquement à
assurer la pérennité des mesures, tant sur le plan des habitudes
de consommateurs qu'au niveau de la rentabilité de la reconduction des
mesures. Si l'on considère qu'en milieu industriel l'exemple de la
réussite constitue le meilleur moyen de diffuser rapidement et largement
des concepts nouveaux, Hydro-Québec doit favoriser la
démonstration de projets jugés valables pour de larges segments
de l'industrie et investir dans des moyens de communication efficaces pour
atteindre tous les décideurs concernés.
Enfin, on doit éviter de favoriser le remplacement de
l'électricité par d'autres sources d'énergie et, avant
d'inciter les Québécois à remplacer
l'électricité par d'autres sources d'énergie, mazout ou
gaz naturel, Hydro-Québec a le devoir d'établir un bilan d'une
telle action, en prenant en considération tous les facteurs
économiques et environnementaux.
Finalement, les moyens de production. Souplesse et prévoyance.
Une reprise des activités économiques en Amérique du nord
implique nécessairement une demande d'énergie accrue de
même que la croissance des industries à forte consommation
d'énergie, et ces deux secteurs d'activité représentent
des perspectives d'affaires pour lesquelles une entreprise comme
Hydro-Québec doit se préparer. Nous favorisons donc la
préqualifica-tîon des sites pour réduire les délais
de réalisation et la multiplicité des études qui
résultent de l'abandon et de la reprise ultérieure de certains
projets. (20 h 20)
Le scénario que nous préconisons est prioritairement
axé sur l'hydroélectricité. Par ailleurs, la
cogéné-ration présente un certain intérêt,
à la condition d'en limiter la portée en termes de puissance et
d'orienter le concept vers des secteurs industriels privilégiés
tels que les pâtes et papiers. Dans les deux cas précités,
nous n'excluons pas le recours à la production privée
d'électricité. Cependant, la prudence est de mise devant le
risque du défaut de produire qui, en période de pointe surtout,
pourrait s'avérer préjudiciable pour la clientèle
d'Hydro-Québec. Les producteurs privés
d'électricité doivent être soumis, également,
à certaines politiques d'Hydro-Québec en termes de contenu
québécois et de retombées sur l'ensemble de l'industrie
électrique du Québec.
Modifier la procédure de planification. Nous favorisons la
création d'un permis de droit. C'est un nouveau terme. Ce permis de
droit, je le répète, signifierait l'accord des autorités
à réaliser certains projets stratégiques sur
différents sites donnés, d'une puissance établie et qui
soit préalable à l'émission d'un permis de construction.
Ces permis de droit resteraient valides jusqu'à leur révocation
par l'autorité compétente. Le permis de construction serait
accordé à son tour suite à la démonstration du
besoin d'accroissement des moyens de production. Compte tenu des délais
nécessaires à la réalisation des projets, ceci assurerait
une marge de manoeuvre stratégique dans le contexte d'une reprise
accélérée de l'économie.
Promouvoir davantage les intérêts économiques
environnementaux et sociaux des projets hydroélectriques. La baisse de
popularité qu'ont connue au cours des dernières années les
projets hydroélectriques est largement attribuable à un
déséquilibre argumentaire entre les factions adverses du
débat de l'hydroélectricité. Le débat de
l'énergie est devenu hautement politique et
rattaché à d'autres impératifs économiques
et sociaux. Nous incitons donc Hydro-Québec à renforcer son
dossier argumentaire sur les avantages de ses projets pour tous les groupes
concernés et de tenter d'isoler les discussions concernant
l'énergie de celles qui leur sont étrangères.
Conserver l'option nucléaire. Nous désirons souligner que
l'industrie nucléaire canadienne a atteint un niveau d'excellence
inégalé qui fait de cette industrie un fleuron du génie et
du savoir-faire canadien. L'expertise acquise par Hydro-Québec dans ce
domaine, la crédibilité qu'elle a obtenue auprès d'une
majorité de la population et de notre industrie justifient cette
position. À cet égard, elle doit maintenir son savoir-faire.
Conserver la rigueur économique et environnementale. D'une
manière générale, nous nous déclarons satisfaits de
la rigueur économique et environnementale avec laquelle
Hydro-Québec conduit les évaluations de projets. Nous souhaitons
néanmoins que soient intégrés aux évaluations
certains coûts indirects, quantifiables et raisonnables afin que la
comparaison des options ou des scénarios se fasse sur leurs aspects les
plus globaux.
Finalement, assurer la fiabilité de l'approvisionnement en
électricité. L'autonomie énergétique doit demeurer
une préoccupation constante pour garantir un approvisionnement en
électricité suffisant et fiable à long terme. Dans cette
perspective, Hydro-Québec doit gérer avec le plus grand soin le
vieillissement de ses installations de production.
En conclusion, essentiellement, le Club d'électricité
prend position en faveur du développement de nos richesses naturelles,
car le bilan des retombées économiques et sociales d'un tel
développement est extrêmement positif pour l'ensemble des
Québécois et Québécoises. Les 500 000 emplois de
qualité et les quelque 20 000 000 000 $ d'activité
économique qu'à eux seuls les membres du Club
d'électricité génèrent en témoignent avec
éloquence. Ces emplois se retrouvent non seulement sur les
marchés québécois et canadien, mais aussi sur la
majorité des marchés internationaux. Les mises en garde que font
certains groupes de pression sur les conséquences négatives du
développement de cette richesse nationale ne renversent pas le bilan. Au
contraire, ces mises en garde rapprochent davantage l'option que nous endossons
d'un véritable projet de développement durable auquel nous
souscrivons, finalement.
C'est ainsi que nous en arrivons à encourager l'implantation
d'industries à forte consommation quand elles répondent à
des critères économiques et environnementaux favorables et
rigoureux. Quant aux exportations d'électricité, nous jugeons
illusoire de promouvoir dans l'immédiat la vente hors Québec de
notre électricité dans le contexte actuel, car nous devrions la
vendre à rabais et encourir des risques inutiles. Ceci ne doit pas nous
paralyser et nous faire abandonner les objectifs à long terme de ventes
rentables.
Le projet d'efficacité énergétique proposé
est ambitieux mais nécessaire. Nous endossons le scénario fort de
9,3 TWh en insistant pour assortir toutes les activités
d'efficacité énergétique d'un critère de
rentabilité indiscutable et d'un sens de pérennité.
La recherche et le développement devraient être
orientés vers des technologies répondant aux besoins du milieu et
offrant de bonnes perspectives à l'exportation. Enfin, souplesse et
prévoyance sont les mots clés que le Club
d'électricité préconise en matière de
développement des moyens de production. L'hydroélectricité
demeure en tête de liste des moyens de production
privilégiés. Nous recommandons de développer le concept
d'un permis de droit qui constituerait une préqualification de certains
sites stratégiques afin d'éviter, d'une part, les
évaluations hâtives en période de croissance de la demande
et, d'autre part, les mises de côté improductives en
période de récession.
Parallèlement, nous assumons qu'il faut désormais mettre
l'accent sur la promotion des avantages économiques environnementaux et
sociaux du développement de notre hydroélectricité comme
étant la clé de voûte de tout développement
réel dans un avenir prévisible. À cet égard, le
Club d'électricité du Québec se veut le partenaire d'une
telle option, conscient qu'au-delà des intérêts propres que
cette option dessert on y retrouve, pour l'ensemble des citoyens du
Québec, les éléments d'un enrichissement et d'un
mieux-être collectif.
Merci.
Le Président (M. Audet): Merci, M. Beaulieu. Je vais
maintenant reconnaître Mme la ministre de l'Énergie et des
Ressources.
Mme Bacon: Alors, M. Beaulieu, mesdames et messieurs, c'est
évidemment avec intérêt que je constate que le Club
d'électricité du Québec représente principalement
une diversité de corporations publiques et privées
impliquées dans le domaine de l'électricité. Je vous
remercie d'avoir pris le temps de préparer votre mémoire et
d'être venus rencontrer la commission parlementaire.
Évidemment, c'est varié comme mémoire. Je vais
essayer de prendre certains éléments qui me semblent, en tout
cas, importants, disons, en relation avec les implantations d'industries, des
industries à forte consommation d'électricité. Il y a
plusieurs intervenants qui argumentent que ces projets génèrent
une activité conjoncturelle, une activité économique, mais
que leurs effets ne durent pas et, évidemment, s'estompent après
la construction de ces industries. Dans votre cas, vous avez mentionné
tantôt les industries à forte consommation
d'électricité. Quelle importance vous attachez à la
présence de grandes industries comme ça au Québec?
M. Beaulieu (Bertrand R.): Vous me permettez, madame. Nous
accordons beaucoup d'importance à ces grandes industries parce que nous
considérons que toutes les industries secondaires qui s'y rattachent
font en sorte qu'on a un développement permanent au Québec
de sous-traitance qui est voulu depuis longue date. Nous assumons que,
avec ce développement conditionnel à ce que le tout soit
calculé de façon à ce que ça soit également
rentable ou à rentabilité zéro pour le gouvernement et
pour Hydro-Québec, on en retire un bienfait au point de vue emplois, de
bons emplois, des emplois qui, en termes de récession, demeurent et,
surtout, en sous-traitance, où le Québec devient un grand
spécialiste. (20 h 30)
Mme Bacon: Vous avez aussi mentionné, dans votre
mémoire, les exportations. Vous qualifiez l'objectif de 1500 MW en l'an
2004 de peu ambitieux, mais vous favorisez plutôt un objectif de 2500 MW.
Évidemment, comme vous le savez, les exportations
d'électricité sont conditionnelles à l'existence d'une
demande extérieure qui est elle-même, cette demande,
influencée par le prix des énergies concurrentes. Quels sont les
éléments qui vous permettent de croire que
l'électricité québécoise peut devenir attrayante
d'ici l'an 2000 pour nos voisins tant au Canada que nos voisins du Sud?
M. Beaulieu (Bertrand R.): Étant mêlé de
près à toute l'industrie de l'électricité,
étant des manufacturiers, des ingénieurs-conseils et des
fournisseurs de toutes sortes, nous savons que, présentement,
l'énergie que les États-Unis préconisent, c'est la gaz,
pour se défaire du nucléaire, se défaire du thermique
surtout. Puis, nous savons qu'éventuellement, après cette source
d'énergie, il faut avoir une autre source d'énergie pour combler
les besoins qui, lorsque l'économie va reprendre aux États-Unis,
on le sait, vont nécessiter des sources propres d'énergie. Alors,
cette source propre d'énergie, il n'y en a, d'après nous, que
deux: il y a le gaz, qui part de 1'Alberta et s'en va jusqu'à Boston; il
y a également nous qui, du côté de New York, Boston et
toutes ces villes importantes, fournissons de l'énergie
électrique. Mais, pour mieux vous expliquer, je pense que je demanderais
à M. Beaulieu, ici, de répondre adéquatement à
cette question.
Le Président (M. Audet): M. Beaulieu.
M. Beaulieu (Guy): Oui, disons que c'est évident que le
potentiel de vente d'électricité aux États-Unis
dépend beaucoup de la conjoncture. La conjoncture actuelle, le
ralentissement économique et ainsi de suite font que les besoins en
énergie électrique nouvelle, de production nouvelle sont
considérablement réduits, mais on croit qu'avec une reprise
économique le potentiel de vente aux États-Unis, malgré la
présence d'énergie concurrente, demeure.
Il ne faut pas oublier que le prix du gaz a fluctué beaucoup dans
les huit dernières années, puis il peut encore fluctuer beaucoup,
alors que l'électricité a une inertie dans les coûts
d'énergie qui, à mon avis promet, en tout cas, certaines
percées à des moments plus propices. Il ne faut pas oublier que
l'aspect politique, la résistance politique qui s'est
développée aux États-Unis a été
favorisée par la conjoncture économique et qu'à notre
avis, on aurait intérêt à neutraliser certaines propagandes
qui ont été faites, qui étaient souvent assez inexactes et
qui ont nui beaucoup à Hydro-Québec. Je pense qu'il y a
déjà des efforts qui sont faits dans ce sens-là et je
pense que, d'ici quelques années, on aura facilement neutralisé
ça.
C'est facile de dire: On n'a pas besoin de votre énergie quand on
n'en a pas besoin ou qu'on ne peut pas l'acheter quand on n'en a pas besoin,
mais, au moment où on en aura besoin et qu'on aura comme alternative le
nucléaire, de réactiver Shoreham ou d'autres centrales
nucléaires, je pense qu'à ce moment-là ça sera
facile. Ce qu'on dit, c'est que ça nous paraît dangereux de
conclure hâtivement qu'il n'y a pas de potentiel. Je pense qu'on est
habitués, comme industriels, de souvent faire face à des
marchés qui, tout à coup, deviennent moins faciles à
pénétrer, mais il ne faut pas retirer nos vendeurs. Il faut
continuer à défendre nos positions pour le moment où la
situation sera meilleure.
On n'encourage pas Hydro à vendre à rabais aux
États-Unis, absolument pas, mais on sait que les marges de profit qu'ils
avaient sur les contrats aux États-Unis étaient très
élevées et, donc, il y a beaucoup de marge de manoeuvre. C'est
pour ça qu'on pense que, par rapport aux objectifs de 3500 MW qui ont
été donnés, la coupure est un peu raide.
Mme Bacon: Les 1500 ne vous semblent pas suffisants.
M. Beaulieu (Guy): Non.
Mme Bacon: Comme troisième thème, vous avez
abordé l'efficacité énergétique. Vous endossez
l'option du 9,3 TWh d'économie d'énergie en l'an 2000, toujours.
Évidemment, ce programme-là est ambitieux. Le gouvernement est
conscient de l'enjeu stratégique qu'il représente dans la
planification des moyens de production. Est-ce que vous pouvez nous expliquer
les raisons qui supportent votre option?
M. Beaulieu (Bertrand R.): Madame, étant dans l'industrie
de l'électricité et du génie-conseil en
général et de la production, nous savons que le seul moyen de
nous pousser à découvrir des nouvelles sources, c'est en
prévoyant des programmes aussi audacieux que celui-là. La preuve
est là, c'est que vous avez des petites choses qui ont été
promues par Hydro-Québec, qui ont été ridiculisées
dans les journaux, à un moment donné. Mais, si on pense à
la pérennité des choses qui ont été mises
là, c'est que c'a été le meilleur équipement
à long terme pour éliminer tous les autres équipements de
moindre valeur.
Nous croyons à cette chose-là. Nous croyons à des
moteurs à haut rendement qui vont faire en sorte que notre industrie
locale va devenir un spécialiste de ces moteurs et même du nouvel
enroulement de ces
moteurs... Nous croyons également aux programmes de
système de PVC, qu'ils appellent, de pression, compression et de
ventilation, qui viennent de sortir, parce que nous savons que, dans
l'industrie du papier, il y a énormément de perte
d'énergie. Alors, il faudrait peut-être commencer à sauver
l'énergie au lieu de la leur vendre au rabais.
Nous pensons également que, dans l'industrie
pétrochimique, nous pouvons faire un grand bout dans ce
domaine-là et nous savons, étant des gens qui fournissons de
l'équipement, étant des gens qui «désignons»,
nous avons également des idées que l'électrotechnologie
promue par FHydro-Québec, ça va faire un grand bout et on va y
retrouver notre profit. Nous avons plein d'idées là-dessus, et
puis le génie en général, au Québec, au point de
vue manufacturier, au point de vue génie-conseil et autre, croit
être capable de s'en sortir de ce côté-là. Nous
endossons parce que nous croyons que l'exportation de ces méthodes va
être très rentable pour le Québec.
Le Président (M. Audet): Merci.
M. Beaulieu (Bertrand R.): Un instant.
Une voix : Je voulais ajouter, brièvement...
M. Girard (Gilles): Si vous permettez... Ceci pourrait être
réalisé seulement en partenariat, O.K.? Donc, Hydro-Québec
doit trouver une façon de travailler en étroit partenariat avec
tout le monde: avec ses fabricants, ses ingénieurs-conseils et ses
consommateurs. C'est la seule et unique façon, comme programme
d'efficacité énergétique, qui va réellement devenir
efficace. Or, Hydro-Québec a quand même débuté ce
processus-là. On l'encourage fortement à le continuer.
Le Président (M. Audet): Merci. M. le député
de Labelle.
M. Léonard: Merci, M. le Président. M. Beau-lieu,
mesdames et messieurs, je vous remercie de votre mémoire. Il prête
à discussion et apporte des idées qui me surprennent un peu parce
que, moi, je n'étais pas habitué d'entendre dire qu'il fallait
favoriser des entreprises grandes consommatrices d'énergie. C'est un peu
surprenant parce que je pensais que jusqu'à un certain point on avait
fait le plein au Québec de ces grandes entreprises, notamment les
alumineries, puis, bon, les papetières aussi. Mais les alumineries, dans
les dernières années surtout, qui se sont installées au
Québec, il y en a un bon nombre.
Vous dites qu'il y a des retombées majeures des grandes
entreprises. Alors, la première question qui me vient: Est-ce qu'il y en
a beaucoup qui sont susceptibles de venir ici? Et, lorsqu'on compare les
retombées des PME utilisatrices d'énergie et les grandes
entreprises, quand on fait la comparaison pour un même volume
d'électricité, lesquelles apportent le plus de
retombées?
M. Beaulieu (Bertrand R.): Si vous me permettez. Dès le
départ, les grandes entreprises qui utilisent beaucoup d'énergie
électrique, on comprend que c'est un sacrifice qui est fait de
façon à promouvoir les petites entreprises autour qui ne vont
probablement pas consommer beaucoup d'énergie, mais, par contre, qui
vont nous donner un champ d'activité sur l'Amérique du Nord qui
est très intéressant. Si vous parlez des alumineries de
Bécancour, de Norsk Hydro ou quoi que ce soit, de prime abord, c'est
très difficile à établir, la rentabilité de ces
gens-là.
Mais, d'un autre côté, vous avez une classe de
sous-traitants qui se fait autour, et de Québécois. Ce n'est pas
des multinationales. C'est des gens débrouillards qui vont trouver un
produit, qui vont faire le produit et qui vont l'exporter. Puis, de plus en
plus, nous avons le marché international qui s'ouvre. Ce marché
international, c'est toute l'Amérique, c'est le Mexique et ainsi de
suite. Alors, nous trouvons que c'est important de développer cette
sous-traitance et c'est pour ça que nous recommandons ce
point-là. Je demanderais à mon confrère, M. Beaulieu, de
compléter.
Le Président (M. Farrah): Allez-y. (20 h 40)
M. Beaulieu (Guy): Je vais juste ajouter un exemple un peu
personnel au niveau de Norsk Hydro. Nous avons eu l'occasion de fournir des
équipements pour Norsk Hydro, de développer des
équipements pour Norsk Hydro, et je peux vous dire qu'à la suite
des succès qu'on a eus avec les fournitures qu'on a faites on a
été placés sur la liste de fournitures de Norsk Hydro
à travers le monde, et tous les projets, y compris ceux en Malaisie, au
Honduras, en Amérique du Sud nous sont maintenant ouverts comme un
nouveau marché.
Mais un autre aspect que je voudrais souligner, je suis bien conscient
qu'il y a une limite au nombre d'industries à grande consommation
d'énergie qu'on peut attirer, mais je veux dire qu'ils ont eu quand
même un apport positif à la stabilisation de l'économie du
Québec. Parce que c'est le genre d'industries qui, une fois
installées, étant donné l'importance des investissements
qu'elles font, ne peuvent pas partir facilement. Alors, ils ont, même
dans des périodes de conjoncture économique négative, un
effet stabilisateur. Je veux dire Alcan, ils ont passé, comme toutes les
alumineries, des périodes difficiles depuis deux ou trois ans, mais il
n'y en a aucune qui a fermé ses portes, qui a réduit ses
effectifs de façon importante.
Donc, on croit que c'est un facteur de stabilisation dans
l'économie. Je ne dirais pas qu'on devrait baser tout notre
développement là-dessus, mais c'est un facteur de stabilisation
important.
M. Léonard: Oui, mais disons que je ne nierais
pas qu'elles ont, par exemple, les alumineries, pour prendre ce
cas-là... Je n'en vise aucune, là. On en discute en principe. Je
ne nierais pas l'effet stabilisateur, mais c'est mince par rapport à ce
qui avait été prévu à l'origine parce que ce qui
avait été prévu, c'est qu'il y ait beaucoup de
retombées en aval de l'installation d'alu-mineries. Or, la
transformation ne se fait pas ici. Ce qu'on dit, finalement, c'est que ces
grandes entreprises-là, grosses consommatrices d'énergie,
exportent de l'électricité en lingots, point à la
ligne.
Puis, quand vous achetez de l'aluminium, à l'heure actuelle, il
vient très souvent même des États-Unis ou de
l'extérieur parce qu'il n'y en a pas de transformation ici. Moi, je
pense que c'est là qu'il y a des retombées significatives et
c'est là que la PME, en particulier, serait beaucoup plus active, mais
ça ne se fait pas. Quelles sont les garanties qu'à l'avenir elles
vont en avoir?
Une voix: Vas-y.
M. Beaulieu (Guy): Bien, moi, je pense à ceux qui ont
négocié ou qui négocieront les ententes avec ces
alumineries, de mettre les conditions pour s'assurer qu'il y a une partie
importante de la transformation qui puisse se faire ici, malgré qu'il y
ait certainement des limites économiques à ça,
étant donné que la transformation se fait normalement près
des marchés et que les marchés ne sont pas toujours ici. Mais je
pense qu'on doit essayer autant que possible d'obtenir des garanties dans ce
sens-là.
M. Léonard: Mais il y a encore beaucoup de place pour de
grandes entreprises grosses consommatrices comme ça au Québec?
Ça veut dire qu'on ferait des barrages partout.
M. Girard: Oui, on est réellement convaincus qu'il y a de
la place sans nécessairement avoir à faire des barrages un peu
partout. Vous avez touché un point qui est quand même très
important. Vous avez parlé, tout à l'heure, de transformation.
O.K.? Dans notre mémoire, on touche quelques points. Aujourd'hui, on est
dans un marché où la globalisation est extrêmement
importante. O.K.? Donc, on se doit, dans la recherche de ces
industries-là, de trouver des industries qui ont un potentiel de
croissance. Je pense que ça devrait être un critère
primordial.
Le deuxième critère, c'est réellement que ces
industries-là doivent apporter pour nous autres une diversification
économique et industrielle. C'est bien beau de dire qu'on fait du
raffinement ou du raffinage de l'aluminium; il faut aller beaucoup plus loin
que ça. Il faut s'assurer qu'à travers ce raffinement-là
ou ce raffinage-là on y rattache justement les fameuses grappes
industrielles dont on parle beaucoup de ce temps-ci. Il faut s'assurer que ces
industries-là, même si c'est des industries à forte
consommation, qui ont quand même un programme d'efficacité
énergétique, l'énergie, quand même, il faut qu'elle
soit utilisée, mais utilisée sciemment et efficacement.
Et puis, encore une fois, en terminant, le point important que vous avez
soulevé vous-même, c'est le fait qu'on doit trouver une
façon de rattacher à cette industrie-là une industrie de
transformation. Je vous avouerai quand même que c'est assez difficile de
rattacher peut-être à l'aluminium certaines parties de l'industrie
de transformation comme, par exemple, des cannet-tes de liqueur. Pour les
transporter à Vancouver, ça coûte méchamment plus
cher de les transporter en can-nettes que de les transporter en lingots. Donc,
il faut avoir une certaine rationalisation, un peu quand même, à
travers cette industrie de transformation qu'on veut y rattacher.
Mais le point important, c'est qu'on est dans un marché mondial,
dans un marché de globalisation, et on doit retrouver ces industries qui
n'y prêtent et qui ont réellement les caractéristiques d'un
marché global.
M. Léonard: mais hydro-québec nous disait, hier,
que la marge sur les tarifs, elle, donc, qui va à la grande entreprise,
est très mince, entre 4 % et 10 %. disons en bas de 10 %, alors que,
dès qu'on tombe dans le commerce, qu'on tombe dans la pme, la marge est
de 30 %, 35 %; 31 %, 34 %, qu'on a mentionné hier. alors, vous voyez
tout de suite que... finalement, quel est l'intérêt
d'hydro-québec d'aller vers la grande entreprise, à laquelle elle
est obligée de donner le tarif l plutôt que le tarif commercial ou
pme?
M. Beaulieu (Bertrand R.): Moi, je vous réponds encore
comme je suis parti. J'ai l'impression que, pour les PME d'aujourd'hui, il va
falloir se rattacher à des grandes entreprises comme ça afin de
découvrir tout le potentiel qu'il y a autour d'une grande entreprise. Je
suis d'accord avec vous qu'il ne faut pas prendre n'importe laquelle. Il faut,
par contre, établir dès le départ ce dont a besoin et quel
effort on va faire pour la sous-traitance autour de cette entreprise-là.
Les cannettes, c'est un bon exemple. Ce n'est pas offert, et il y d'autres
sous-traitances qu'on peut faire. Alors, c'est une question de jugement, c'est
une question de jugement, et puis on dit, bon, souvent, le jugement, on ne doit
pas perdre d'argent, mais, par contre, on ne doit pas perdre ces
chances-là qu'on a, avec l'électricité qu'on a, au prix
qu'on l'a, de façon à promouvoir la PME au Québec et de
multiplier les jobs qu'on a, et on pense que c'est une bonne solution.
M. Léonard: J'avais une autre...
Le Président (M. Audet): Brièvement, si vous
voulez, là...
M. Léonard: Brièvement, j'aurais une autre
question. Un des points que vous soulignez, un concept
un peu neuf, à mon sens, le permis de droit sur les sites: Je me
demande comment on peut réaliser une telle conception parce que,
finalement, vous nous accorderiez des droits avant même que le projet ne
soit autorisé, pour le devancer, mais ça me paraît
difficilement conci-liable même avec les dispositions du Code civil. Je
ne vois pas.
M. Beaulieu (Bertrand R.): Alors, ce qu'on dit, tout simplement,
c'est que, lorsqu'il y a des études à faire sur des sites,
lorsqu'il y a une rentabilité à produire sur un site, lorsqu'il y
a une étude environnementale à produire sur un site, il faut
retrouver, parmi toutes les études, toutes ces choses-là qu'on a
à faire, des potentiels qui vont faire en sorte que le plus rentable va
être choisi d'avance, les permis vont être quasi acceptés
d'avance de façon à ce que, s'il y a une demande
économique d'électricité, on soit prêt. La
journée qu'il y a la demande ou presque, il faut qu'on soit prêt.
On appelle ça un permis de droit.
M. Léonard: Si vous avez un empêchement majeur en
termes d'environnement, qu'est-ce que vous faites?
M. Beaulieu (Bertrand R.): On va à l'autre projet parce
que, là, on a le temps d'aller à l'autre projet, parce que,
l'empêchement majeur, on y a vu avant le temps.
M. Léonard: Alors, c'est d'une banque de projets dont vous
parlez?
Le Président (M. Audet): Merci. M. Beaulieu (Bertrand
R.): Oui.
Le Président (M. Audet): Alors, M. le député
de Drummond.
M. St-Roch: Oui, merci, M. le Président. Sur le même
sujet, M. Beaulieu, mesdames et messieurs, après avoir lu votre
mémoire et avoir passé 1200 heures-personnes à vous
préparer pour cette commission-là, je tiendrais à vous
remercier de votre rapport. Et, dans la foulée de mon collègue,
avec ce nouveau concept de permis de droit, si je mets ça en
perspective, HydroQuébec, à l'heure actuelle, va faire des
projets jusqu'à 25 MW qu'elle va confier à l'entreprise
privée. Elle va se garder une banque entre 25... ce qu'elle appelle des
moyennes puissances, là, 25 MW, aller aux alentours de 100, 140 MW,
quelque chose comme ça. Après ça, bien, on tombe dans les
mégaprojets.
Dans le nouveau principe que vous élaborez, ici, de permis de
droit, est-ce que ça s'adresse aux moyennes installations, aux
mégaprojets, à l'ensemble ou à une mixture de toutes ces
catégories-là? (20 h 50)
M. Beaulieu (Bertrand R.): Nous, nous croyons que ça...
surtout les moyens et grands projets. Les petits projets peuvent certainement
être faits par des entreprises privées, si elles veulent, et je
pense qu'Hydro-Qué-bec est déjà ouverte à
ça. D'un autre côté, l'Hydro fait déjà
l'évaluation des petits projets, des minicentrales, qu'on appelle
aujourd'hui, de 0 à 25; ils ont entrepris depuis quelques années
ce dossier-là. Les remettre à l'industrie privée
lorsqu'elles sont non rentables pour eux, c'est une chose de prise. Mais nous,
pour les permis de droit, nous pensons à de nouveaux sites, nous pensons
à des réhabilitations de sites, si vous voulez. Nous pensons
aussi à des grands projets également, de façon à ce
que ces grands projets là soient étudiés d'avance pour
leur rentabilité, et de voir à ce que cette
rentabilité-là soit positive pour le Québec au point de
vue environnement et développement durable. Et puis, pour ce faire, on
parle de tous les sites, là, excepté peut-être de 0
à 25 MW.
M. St-Roch: L'autre question. À la page 13 de votre
mémoire, vous avez un exposé sur assurer la fiabilité de
l'approvisionnement en électricité. Je pense que vous exprimez
une préoccupation qui est réelle, qu'il ne faut pas pelleter sur
les générations à venir l'entretien qu'on fait. Dans les
documents qu'Hydro-Québec nous a donnés, à la page 55 de
l'engagement de performance, on nous dit faire... J'imagine que vous faites
référence à la réfection des centrales existantes;
alors, Hydro-Québec prévoit dépenser les 950 000 000 $
d'ici l'an 2003. Est-ce que je dois interpréter votre recommandation
comme en étant une qui voudrait qu'Hydro-Québec redevance ces
investissements-là qui s'étendent sur 10 ans?
M. Beaulieu (Bertrand R.): Nous croyons que, oui, c'est à
peu près exact. On aimerait qu'Hydro-Qué-bec redevance aussi
parce qu'il y a moins d'effets environnementaux, mais, d'un autre
côté, nous pensons qu'il devrait y avoir une présence
accrue sur les barrages existants, c'est-à-dire une vérification
de tout ce qui existe de façon à se protéger,
éventuellement, et de voir à ce que la production ne cesse en
aucun temps.
M. St-Roch: Une autre question. Dans votre mémoire,
à la page 12... puis je partage vos préoccupations lorsque vous
dites que les grands débats alentour des constructions ou des
réfections majeures sont souvent influencés par d'autres
considérations. Alors, ce que je voudrais vérifier avec vous, ne
croyez-vous pas, si on avait en place au Québec une commission de
l'énergie indépendante qui pourrait faire l'analyse de ces grands
projets là, avec tout l'appareillage scientifique et technique qu'on
nous connaît, avec toutes les manières de planification et
d'évaluer les impacts, que ce soit au niveau économique, au
niveau social ou au niveau environnemental, que cette commission permanente
pourrait éviter ces prises de position, lorsqu'on voit arriver le
grand promoteur très équipé, avec des
collectivités locales? Alors, la création, en d'autres mots,
d'une commission indépendante concernant l'énergie, est-ce que
c'est souhaitable, oui ou non?
M. Girard: Avant de répondre à cette
question-là, j'aimerais peut-être revenir une petite affaire en
arrière sur la première question que vous avez posée ou
l'avant-dernière question que vous avez posée concercant
justement le programme de modernisation des centrales. Il y aurait
peut-être une parenthèse que j'aimerais ouvrir ici qui est une
parenthèse de mise en garde un petit peu justement. Oui, on favorise
quand même une certaine accélération de ce
programme-là, mais il faut quand même faire attention quant
à la disponibilité des manufacturiers.
Donc, encore une fois, je parlais de partenariat, un petit peu plus
tôt, ce soir. Ce genre de réfection de centrales doit être
fait en partenariat, en partenariat avec l'ingénierie-conseil, en
partenariat avec les manufacturiers de telle façon qu'on puisse
réellement s'assurer les moyens de fabrication et s'assurer qu'on puisse
livrer les équipements à temps.
En ce qui a trait à la création d'une entité
séparée, peut-être le commentaire que je voudrais faire,
avant de repasser la parole à M. Beaulieu, ici, c'est que je crois
qu'Hydro-Québec a réellement les expertises qu'il lui faut pour
être capable d'analyser sciemment, justement, ce genre de choses
là. Ce à quoi il faut faire attention, dans les débats
qu'on a eus à venir jusqu'à date, ou les prises de position dont
on parlait dans notre mémoire, quelquefois mensongères, c'est
qu'Hydro-Québec est dans une position un petit peu difficile. C'est
David et Goliath. David, il peut se permettre de lancer des cailloux à
Goliath. S'il manque Goliath, ce n'est pas grave. David, il peut toujours tirer
un deuxième caillou. Lorsque Goliath descend son épée, il
est mieux de ne pas manquer David.
Donc, Hydro-Québec est dans une position où elle doit
réétablir sa crédibilité. Je pense qu'il y a des
bons programmes qui sont en marche présentement pour
qu'Hydro-Québec puisse le faire, mais elle doit définitivement
mettre beaucoup plus d'emphase au rétablissement de cette
crédibilité-là de telle façon qu'elle puisse passer
les bons messages à tout le monde, à tous ses partenaires. Tous
ses partenaires, ce n'est pas juste les partenaires au Québec, c'est les
partenaires à l'étranger, également, pour lui dire que
l'hydroélectricité ou l'électricité qui vient du
Québec, c'est une énergie propre, une énergie durable, une
énergie qui a des retombées pour tout le monde.
Le Président (M. Audet): Merci. Vous voulez ajouter
quelque chose, M. Beaulieu? Rapidement. On a des contraintes de temps. C'est un
peu déplaisant, là.
M. Beaulieu (Bertrand R.): Oui, rapidement.
Le Président (M. Audet): Très rapidement, s'il vous
plaît.
M. Beaulieu (Bertrand R.): Oui, ça va être rapide.
Le Club d'électricité se veut la voix de
l'électricité au Québec. M. le député, si le
gouvernement veut former une commission comme celle-là, le Club
d'électricité s'offre pour analyser avec tous ses experts les
retombées possibles et, de façon bénévole, parce
que nous sommes là avec tous nos techniciens et nous l'offrons au
gouvernement de façon à ce que vous trouviez d'une façon
transparente tous les experts que vous pourrez trouver dans la province de
Québec.
Le Président (M. Audet): Merci. M. Beaulieu. On prend
bonne note. Je vais maintenant reconnaître M. le député de
l'Acadie. Vous avez environ quatre minutes, M. le député.
Questions et réponses.
M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Alors, je veux
d'abord vous remercier, M. Beaulieu, et les personnes qui vous accompagnent
pour votre présentation. Comme le temps passe rapidement, il y a
quelques questions que j'aimerais vous poser.
Tout d'abord, à la page 9 de votre mémoire, qui touche
l'efficacité énergétique, on fait référence
au programme d'efficacité énergétique et on vise, à
ce moment-là, l'amélioration du rendement
énergétique des différents appareils qui sont
utilisés par les consommateurs de façon quotidienne. On fait
aussi référence au besoin d'accroître l'efficience
énergétique pour les producteurs de biens et de services. Dans ce
sens-là, Hydro-Québec est disposée à offrir de
l'aide à travers son plan d'économie d'énergie. Mais il
est sous-entendu aussi que ce plan-là, éventuellement, va avoir
une fin. Et ici, ce que vous suggérez, au fond, c'est qu'il y ait une
certaine pérennité des mesures.
La question que je voudrais vous poser, c'est comment on peut
réconcilier, au fond, cette suggestion-là, avec le fait qu'il est
plus facile et plus rentable probablement d'économiser de
l'énergie au début que d'arriver à la fin, en termes de
coûts, d'aller économiser, à ce moment-là, de
l'énergie dans quelques années où, là, ça va
devenir beaucoup plus difficile et ça va peut-être coûter
plus cher pour économiser... les économies qu'on peut faire
à ce niveau-là, dans quelques années, avec votre
suggestion d'avoir une pérennité des mesures?
M. Beaulieu (Bertrand R.): Bien, nous, ce qu'on pense, c'est une
question de marché. Alors, si vous prenez le programme de moteurs
à haut rendement, à l'heure actuelle, Hydro-Québec a fait
en sorte qu'elle a mis un programme de moteurs à haut rendement avec
subvention. Regardez le marché, actuellement. Le marché,
qu'est-ce qui arrive, c'est que, sur les tablettes, il n'y a plus d'autres
sortes de moteurs que des moteurs à haut rendement. Le rebobinage se
fait pour des moteurs à haut rendement. Alors, vous éliminez une
partie du
marché qui existait, ce qu'on peut appeler, dans les termes
très techniques, «cheap»; ces moteurs-là ne sont plus
là.
Pourquoi? C'est que le consommateur, il vient de voir que le moteur
qu'il avait dans le moulin à papier ou ailleurs était tellement
énergivore qu'il a tout intérêt, lui, à avoir le
même moteur, la même cage, la même chose pour une
réduction de 24 % à 25 % d'énergie. Ce moteur-là,
d'une façon ou d'une autre, une fois installé, il est là
pour dix ans et, lorsque ça va être le temps de le refaire, de le
rebobiner ou de le reprendre, le marché de l'autre moteur, si Hydro peut
garder son programme pour cinq ans et plus, va être
éliminé. Puis ça, je crois que c'est une belle tactique
d'Hydro-Québec de faire dans les moteurs. Ils l'ont fait dans d'autres
choses, et je crois que c'est le seul moyen d'assurer une
pérennité du projet.
M. Bordeleau: O.K. L'autre question que je voulais vous poser
aussi, au niveau des exportations d'énergie, bien, on connaît les
problèmes et la conjoncture économique actuelle. Comme vous le
mentionnez, disons qu'il ne serait pas opportun, actuellement, de mettre des
efforts sur l'exportation, mais plutôt, étant donné le
contexte économique, de mettre des efforts à convaincre les
partenaires des avantages. Ça implique aussi toute la démarche au
niveau, par exemple, du marché américain.
Est-ce qu'il y a des mesures que vous voyez que le gouvernement pourrait
mettre en place, au fond, pour essayer de convaincre le marché
américain? Je pense surtout en collaboration avec les partenaires que
vous représentez et qui auraient un rôle important à jouer,
à ce moment-là aussi, de préparer le terrain au moment
où la situation économique va s'améliorer, que le message
soit déjà passé du côté américain.
Est-ce qu'il y a des mesures que vous voyez que le gouvernement peut mettre en
place en collaboration avec les partenaires directement impliqués, comme
vous l'êtes, votre organisme?
M. Beaulieu (Bertrand R.): Certainement. Je peux vous donner un
exemple. Hydro-Québec a placé un vice-président... je
crois que c'est... pas à Genève, mais à Bruxelles. Et puis
le vice-président me disait qu'il a étalé devant
l'industrie électrique de ce coin-là tout ce que le Québec
faisait au point de vue études environnementales et tout ce que le
Québec voulait pour ne pas handicaper les générations
à venir. Et puis, le monsieur me disait dernièrement que ces
gens-là lui disent: Ne viens pas étaler tous les efforts que vous
faites ici parce que, nous, on n'est pas rendus là. (21 heures)
Alors, si eux, en Europe, ne sont pas rendus au point où le
Québec est rendu, je crois qu'on devrait faire la même chose au
point de vue gouvernemental et aller à New York, à Boston et
à tous ces endroits-là, près de nous, et étaler ce
qu'on fait, l'étaler d'une façon très objective et dire
exactement ce qui est fait au Québec au point de vue environnement, au
point de vue autochtone, au point de vue de toutes les dépenses qu'on
l'on produit et ce qu'on veut faire au point de vue environnement et
développement durable. Peut-être que c'est une question de
relation, mais nous sommes prêts en tant que manufacturiers,
ingénieurs-conseils et Club d'électricité à aider
dans cette démarche. Nous allons sûrement vous appuyer à
travers un comité du Club pour le faire avec toutes les connaissances
que nous avons.
Le Président (M. Audet): Merci. Alors, je veux remercier
le Club d'électricité du Québec inc. Malheureusement,
c'est déjà tout. Alors, mesdames et messieurs, merci
beaucoup.
Afin de permettre à l'Association de la recherche industrielle du
Québec de prendre place, nous allons suspendre nos travaux pour deux
minutes.
(Suspension de la séance à 21 h 1)
(Reprise à 21 h 5)
Le Président (M. Audet): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission de l'économie et du travail reprend ses
travaux. Nous recevons maintenant l'Association de la recherche industrielle du
Québec. Alors, messieurs, au nom de la commission, je vous souhaite la
plus cordiale bienvenue.
Je vous rappelle brièvement nos règles de
procédure. Vous avez environ 20 minutes pour faire la
présentation de votre mémoire; ensuite suivra une période
de questions d'une quarantaine de minutes. Avant de nous présenter votre
exposé, je vous invite à vous présenter afin de permettre
la transcription du Journal des débats. Alors, allez-y, vous avez
la parole.
Association de la recherche industrielle du
Québec (ADRIQ)
M. Rousseau (Jean-Marc): Bonsoir. Mon nom est Jean-Marc Rousseau,
je suis le président de l'Association de la recherche industrielle du
Québec. Je vous présente, à ma gauche, Jean-Marc Proulx,
qui en est le vice-président. Jean-Marc Proulx est également le
vice-président en recherche et développement chez DMR. À
ma droite, Claude Demers, qui est le directeur général de notre
association. Moi-même, j'occupe le poste de vice-président en
recherche et développement d'une firme qui s'appelle Les entreprises
GRO, qui est une société en informatique.
Le Président (M. Audet): D'accord.
M. Rousseau: Je voudrais vous présenter rapidement aussi
l'ADRIQ. L'ADRIQ est une association qui
a été créée en 1978. Elle a pour mission
essentiellement de susciter la croissance, l'efficacité et l'excellence
des activités de recherche-développement industrielle au
Québec en vue d'augmenter la capacité des entreprises en
innovation technologique afin qu'elles assurent mieux leur
compétitivité au niveau international.
L'ADRIQ regroupe aujourd'hui plus de 180 directeurs et directrices des
principaux centres, instituts, laboratoires, divisions, départements ou
services de recherche-développement représentant les principales
entreprises, industries et organisations du secteur privé et parapublic
du Québec engagées en recherche-développement
industrielle. L'ADRIQ est aujourd'hui le principal organisme à
représenter et à faire la promotion de la RDI au
Québec.
J'ai, en introduction à nos recommandations, à vous donner
un certain nombre de remarques. D'abord, nous avons participé, en 1992,
au vaste processus de consultation publique entrepris par Hydro-Québec
auprès de plus d'une centaine de groupes. L'ADRIQ a également
reçu et considéré l'ensemble de la documentation produite
par Hydro-Québec relative à son plan 1993-1995. Ainsi l'ADRIQ a
pu mesurer l'ampleur du travail et de l'effort de planification accomplis par
Hydro-Québec pour en arriver à la proposition de plan soumise. De
plus, les membres et invités de l'ADRIQ ont reçu, le 12 janvier
dernier, le vice-président technologie de IREQ, M. Alain Brosseau, qui
leur a exposé le plan stratégique de la R-D technologique et le
plan de valorisation de la technologie développé par son groupe
pour mettre en oeuvre certaines des propositions contenues dans le plan
général 1993-1995.
Vous comprendrez que nos commentaires se concentreront ici à
notre champ d'intérêt particulier, c'est-à-dire celui de
promouvoir l'innovation technologique dans les entreprises
québécoises, y compris une entreprise telle Hydro-Québec.
Dans ce contexte où la santé de l'industrie
québécoise est étroitement liée bien davantage
à l'innovation technologique qu'à l'exploitation traditionnelle
de nos ressources naturelles, c'est dans ce contexte-là que l'ADRIQ a
considéré la proposition du plan de développement soumise
par HydroQuébec.
L'ADRIQ a aussi pris en compte le caractère public
d'Hydro-Québec, une entreprise créée et mandatée
par le gouvernement québécois pour assurer l'approvisionnement en
électricité et, par là, contribuer au développement
économique de toute la société québécoise.
Hydro-Québec fait beaucoup pour bien s'acquitter de sa mission
première, la fourniture d'électricité. Loin de l'en
détourner, l'ADRIQ veut, dans les propos qui suivent, inviter
Hydro-Québec à voir plus large et plus loin, au-delà d'une
conception trop étroite de sa mission première, et surtout
à faire autrement, en particulier pour profiter de l'expertise externe
existante ou en émergence au Québec, notamment dans de nouvelles
technologies ou créneaux industriels.
L'ADRIQ veut enfin insister sur l'effet structurant de l'action
d'Hydro-Québec et sur son rôle de levier dans l'émergence
de nouvelles industries et technologies québécoises au diapason
des standards internationaux et éminemment exportables. Là aussi,
les industriels sont d'avis qu'il faut voir plus loin et faire autrement.
Vous connaissez tous le contexte international qui confronte l'industrie
québécoise. Pour assurer leur survie et leur croissance, les
entreprises industrielles doivent axer leur effort sur deux plans: les normes
internationales de qualité et l'innovation technologique. Les
entreprises doivent augmenter la qualité intrinsèque de leurs
produits et services au niveau des normes internationales. Les standards
internationaux deviennent de plus en plus incontournables pour les entreprises
d'ici, même simplement pour satisfaire le marché
québécois.
D'autre part, au niveau de l'innovation technologique, les entreprises
doivent développer dans leur marché respectif des avantages
concurrentiels ou des niches technologiques qui leur assureront un accès
et une participation aux marchés nationaux et internationaux. Tous
reconnaissent le rôle essentiel de l'innovation technologique, de la
créativité, de la recherche-développement et des
transferts de technologie que prône l'ADRIQ déjà depuis de
nombreuses années pour appuyer la stratégie industrielle du
Québec.
Dans cette optique, l'ADRIQ veut inviter HydroQuébec à
accentuer sa contribution à la réalisation de cette
stratégie industrielle du Québec et à jouer pleinement son
rôle de levier dans la consolidation d'une industrie
québécoise de calibre international, d'abord dans son domaine
propre, mais aussi, par effet d'entraînement, dans plusieurs autres
domaines de la haute technologie. C'est en fait cette recommandation que nous
voulons expliciter dans la suite de notre présentation.
L'ADRIQ tient d'abord à féliciter Hydro-Québec pour
la qualité, la rigueur, l'ampleur et la cohérence de son plan
1993-1995. Ce plan témoigne, chez HydroQuébec, d'une
compréhension approfondie des multiples facettes de sa mission
première. Le plan proposé témoigne d'un souci d'excellence
et d'efficacité dans la réalisation de sa mission première
et d'une excellente saisie des enjeux à venir au tournant du
siècle.
Les industriels de l'ADRIQ notent cependant un écart important
entre le discours véhiculé par le plan et par la haute direction
d'Hydro-Québec et la pratique courante observée au niveau des
opérations de cette entreprise colossale à l'échelle du
Québec. La mise en oeuvre de ce discours requerra une transformation
vigoureuse et en profondeur des modes de pensée et de fonctionnement de
la culture d'entreprise d'Hydro-Québec. (21 h 10)
Selon la perception générale des industriels,
Hydro-Québec demeure aujourd'hui une entreprise encore trop
centrée sur elle-même et plutôt fermée par rapport
aux contributions venant de l'externe. Sa taille et son domaine exclusif
d'activités en ont fait une entreprise
affligée de pratiques et de modes de fonctionnement
bureaucratiques avec laquelle il est difficile de traiter. Dans ses rapports
avec l'externe, Hydro-Québec se montre plutôt largement satisfaite
de ses propres ressources et réalisations et beaucoup moins convaincue
de l'opportunité stratégique des suggestions, apports,
innovations et expertises externes.
Dans ses contrats de collaboration avec l'externe, Hydro-Québec
se réserve tous les droits de gérance et confine souvent ses
collaborateurs à des rôles d'exécution sans
responsabilités véritables sur les orientations, les moyens
à prendre, les innovations potentielles. En s'ouvrant à ce que
l'externe peut lui apporter, HydroQuébec pourrait bien davantage
profiter du potentiel d'initiative et d'innovation existante dans les
entreprises professionnelles et de haute technologie au Québec.
Pour faire un pas significatif dans ce sens et envoyer un clair message
d'ouverture au milieu industriel québécois, l'ADRIQ invite
Hydro-Québec à énoncer une politique et des règles
de fonctionnement d'un bureau chargé d'accueillir, de considérer
et, si opportun, d'assurer la mise en oeuvre des propositions
«spontanées» venant de l'externe, de nature technologique ou
administrative.
On va plutôt élaborer sur le rôle de levier qu'on
veut voir jouer à Hydro-Québec pour le contexte de l'industrie
québécoise. En raison de sa mission, de sa taille et de son
impact sur l'économie québécoise, Hydro-Québec
occupe une place stratégique pratiquement unique dans le
développement de notre richesse collective.
Dans son domaine propre, la fourniture d'électricité, elle
vise à satisfaire aux standards internationaux de qualité dans
ses produits et services électriques. À cet égard, on ne
peut que féliciter Hydro-Québec sur l'ampleur de ses efforts.
Les industriels de l'ADRIQ sont d'avis qu'Hydro-Québec, trop
concentrée sur ses missions premières, oublie de
considérer à leur juste valeur des technologies nouvelles et
porteuses d'avenir situées en périphérie de sa mission
première, la traditionnelle fourniture d'électricité.
Associées à la fourniture d'électricité mais
à un autre niveau de considération, ces technologies nouvelles ou
en émergence sont en voie de devenir stratégiques dans plusieurs
secteurs industriels en forte croissance, sans compter leur utilité
immédiate comme moyen d'optimiser la fourniture
d'électricité. Nous voulons en particulier attirer l'attention
d'Hydro-Québec sur des domaines que sa programmation actuelle ne met pas
suffisamment en évidence, comme le génie logiciel, la
géo-matique, le génie environnemental, l'échange
électronique de données, la formation technologique.
Pour assurer une plus juste considération de ses nouveaux
domaines, l'ADRIQ invite Hydro-Québec à inclure plus
explicitement, dans sa programmation de recherche-développement et dans
sa valorisation de la technologie, des programmes et projets davantage
axés sur le développement de ces nouvelles technologies et sur
l'émergence de nouvelles entreprises pour en assurer la
commercialisation et l'exportation éventuelle.
Dans chacun de ces domaines en émergence et non exclusivement
associés à la fourniture d'électricité, l'ADRIQ est
d'avis qu'Hydro-Québec a tout intérêt à faire appel
et à développer l'expertise externe plutôt que de chercher
à bâtir ses propres compétences et expertises à
l'interne. Au-delà des pratiques usuelles de contrats de services et de
sous-traitance, c'est à des pratiques d'impartition ou
d'«out-sourcing» que l'ADRIQ convie Hydro-Québec. Ces
nouvelles pratiques de recours et d'ouverture à l'expertise externe
s'appuient sur une véritable délégation de
responsabilités et de moyens à l'endroit des fournisseurs en se
basant sur des objectifs de performance convenus au départ et qui
débordent la seule conformité aux technologies courantes.
Dans son secteur industriel propre, Hydro-Québec développe
de nouvelles technologies surtout par ses propres efforts de
recherche-développement. HydroQuébec a déjà compris
le rôle qu'elle peut jouer et l'impact qu'elle peut avoir sur
l'émergence d'une industrie québécoise greffée sur
l'hydroélectricité. Certaines initiatives d'Hydro-Québec
en ce sens ont déjà porté des fruits et nous comptons
déjà des réalisations éloquentes et des
réussites commerciales intéressantes, ce qui nous incite à
inviter Hydro-Québec à faire davantage dans cette direction.
L'émergence de nouvelles entreprises pour réussir doit
pouvoir compter sur des conditions favorables. Dans cette optique,
Hydro-Québec peut y contribuer de plusieurs façons. On en
mentionne trois: l'octroi d'un premier contrat structurant qui sert de premier
marché local pour l'entreprise, qui assure sa rentabilité et qui
sert de point de référence essentiel pour percer les
marchés d'exportation; fournir un appui technique de banc d'essai, de
bonification des caractéristiques techniques, de mise à
échelle, d'ajustements, etc.; et, enfin, offrir une vitrine
technologique pour assurer leur visibilité et leur
crédibilité.
L'ADRIQ invite Hydro-Québec à mettre en oeuvre les
conditions favorables énumérées ci-haut en vue de
favoriser davantage l'émergence de nouvelles entreprises de haute
technologie par des collaborations et des partenariats avec des entreprises
privées susceptibles de commercialiser et d'exporter
éventuellement les produits innovateurs qui découlent des travaux
de R-D qu'elle entreprend et pilote.
Nous avons également une remarque à faire au niveau de la
propriété intellectuelle. Les industriels qui font affaire avec
Hydro-Québec estiment que celle-ci devrait adopter la politique qui
prévaut, entre autres, auprès du gouvernement
fédéral américain à l'effet de laisser aux
fournisseurs la propriété intellectuelle de tout ce qu'ils
développent dans le cadre de leurs contrats, et de pouvoir ainsi en
assurer la commercialisation partout dans le monde.
En général, dans les autres secteurs industriels, le
rôle de levier, l'effet d'entraînement d'une entreprise à
caractère public aussi importante qu'Hydro-Québec ne se limite
pas à son seul champ d'activité, loin de là.
Hydro-Québec, à l'instar des autres grandes entreprises et
institutions publiques, constitue un marché public local
considérable à l'égard des fournisseurs
québécois de biens et de services qui ne sont pas reliés
nécessairement directement à la fourniture
d'électricité.
À l'égard de ces fournisseurs, Hydro-Québec peut
servir de fer de lance à l'innovation technologique en multipliant
à bon droit ses exigences de qualité et de performance en les
ajustant aux standards internationaux. Nous aimerions, enfin aussi, qu'une
telle politique soit adoptée par l'ensemble du secteur public
québécois. En effet, l'ADRIQ est depuis longtemps convaincue que
la survie et la croissance de nos entreprises industrielles passent par une
quête incessante de performance en regard de standards de qualité
les plus élevés possible.
Au niveau des appels d'offres, sans remettre en cause le principe de
l'achat au meilleur coût, c'est dans une perspective de rapport
prix-performance technique, qui englobe tout le cycle de vie d'un produit, que
l'ADRIQ invite tous les acheteurs québécois à hausser
progressivement leurs exigences et spécifications techniques au niveau
des standards internationaux. C'est là, assurément, le meilleur
service à rendre aux entreprises d'ici dans le contexte de la
mondialisation des marchés.
En ce domaine, Hydro-Québec peut certes prendre des initiatives
qui serviront de ferment pour le développement d'une industrie
québécoise viable et performante. À cet égard,
l'ADRIQ invite Hydro-Québec à modifier en profondeur sa pratique
usuelle d'appel d'offres basée sur le principe du plus bas
soumissionnaire conforme pour y introduire les deux concepts essentiels de la
performance technique et du cycle de vie des produits et services.
De plus, l'ADRIQ invite Hydro-Québec à abandonner
progressivement sa politique d'achat préférentielle de 10 % en
fonction du contenu québécois pour la remplacer par une politique
préférentielle axée sur l'innovation technologique et la
performance technique des produits et services. De l'avis de l'ADRIQ, il faut,
au Québec, cesser de payer une prime de 10 % pour une même
qualité et commencer plutôt à payer une prime pour une
performance technique nettement supérieure.
En conclusion, au moment où les entreprises
québécoises sont plus que jamais confrontées à des
exigences d'innovation technologique d'excellence et de qualité totale,
de nombreux incitatifs peuvent être mis en oeuvre pour aider le
développement et l'intégration des nouvelles technologies dans
les entreprises industrielles et favoriser leur excellence technologique.
Les membres de l'ADRIQ sont unanimes à se réjouir de la
contribution importante d'Hydro-Québec, de ses infrastructures, de ses
expertises et des réseaux d'entreprises et de spécialistes qui y
sont associés dans un secteur industriel reconnu comme
stratégique pour le développement du Québec et de ses
régions. Les recommandations contenues dans le présent
mémoire se veulent un encouragement pour Hydro-Québec et une
invitation à faire davantage, et parfois autrement. Nous sommes
convaincus que l'intérêt du Québec en sera davantage
assuré à long terme. Merci.
Le Président (M. Audet): Merci, M. Rousseau. Je vais
maintenant reconnaître Mme la ministre de l'Énergie et des
Ressources.
Mme Bacon: Merci. Je voudrais d'abord, M. le président,
vous remercier, l'association que vous représentez, pour l'apport que
vous avez aux travaux de la présente commission parlementaire. Je pense
que je pourrais vous dire, au nom de mes collègues: Vous pouvez
être assuré que nous partageons vos préoccupations
relativement à l'importance de la recherche et du développement
pour l'avenir économique du Québec; je pense que tous, autour de
cette table, sont bien préoccupés par cette donnée que
vous nous apportez de nouveau aujourd'hui. (21 h 20)
Un des aspects les plus délicats de la problématique du
financement de la recherche et développement au Canada, c'est la
participation relativement faible du secteur privé. Votre association
compte plusieurs représentants de la recherche industrielle
privée. Quelles sont les perspectives que le monde industriel, comme
vous demandez à Hydro-Québec de le faire, accentue ses propres
efforts de recherche et développement pour prendre le tournant
technologique qui est vraiment indispensable dans un contexte de mondialisation
des marchés? Est-ce qu'on peut compter que le secteur privé peut
faire davantage?
M. Rousseau: Je pense que les entreprises qui sont membres de
notre association sont des converties de la recherche-développement et
elles font des efforts importants et, je pense, de plus en plus
considérables dans ce domaine-là. Ce qu'il faut étendre
aussi ou prêcher, c'est à celles qui ne sont pas encore converties
au fait que la recherche-développement et innovation technologique est
à peu près la seule voie de survie dans le monde futur, qui nous
attend, ou présent. Vous pouvez compter certainement sur la
collaboration des entreprises qui sont membres chez nous pour investir en
recherche-développement de plus en plus. Elles le font de façon
assez importante à ce niveau-là, mais les autres ont besoin
peut-être... II y a les encouragements fiscaux, mais il y a une mise
à niveau, jusqu'à un certain point, sur certaines petites et
moyennes entreprises. Quand ces entreprises n'ont même pas un
scientifique ou un ingénieur à leur service, elles ne peuvent pas
envisager, elles ne peuvent pas parler ou communiquer avec le réseau
spécialiste du Québec. Et il y a un gros retard à
rattraper de ce côté-là.
Mme Bacon: La firme Marcon, qui est membre du groupe-conseil
Miratech, a réalisé une étude comparative sur les
stratégies et politiques de R & D des principales entreprises
d'électricité au Canada, en Europe et au Japon. L'étude
Marcon souligne, entre autres, que les intervenants industriels nationaux ne
sont généralement pas aptes à collaborer ou même
à bénéficier des retombées de la R & D des
entreprises canadiennes d'électricité, que lorsque celles-ci
débouchent sur une innovation technologique, comme pour les piles ACEP,
par exemple, il faut alors recourir à des entreprises
étrangères pour trouver des partenaires industriels
adéquats.
Est-ce que vous partagez cette opinion de l'étude qui a
été faite par la firme Marcon et est-ce qu'on pourrait faire
quelque chose ou davantage pour remédier à une telle situation?
Est-ce qu'il y a quand même des solutions?
M. Rousseau: Bon, je vous donne une opinion personnelle.
Mme Bacon: Bien, c'est ce que je vous demande.
M. Rousseau: C'est tout ce que je peux vous dire. Je pense qu'il
faut reconnaître, au Québec, qu'on est une relative petite
société et un petit joueur dans le monde, dans la
compétitivité internationale. Les entreprises qui ont souvent le
plus de succès, ou les PME québécoises qui ont le plus de
succès se sont concentrées dans des niches technologiques
relativement étroites et elles peuvent, à ce moment-là,
percer au niveau international. D'aller sur le marché des piles,
ça prend des capitaux considérables pour pouvoir percer, et les
joueurs, les compétiteurs potentiels sont souvent trop gros. Je ne pense
pas qu'au Québec on doive se lancer dans des domaines qui attirent les
géants; on n'a aucune chance. Il faut se concentrer dans des domaines
spécifiques, dans des niches technologiques pointues et
développer dans ces domaines-là une expertise telle que personne
n'ait envie de nous compétitionner, parce que ce qu'on va chercher,
c'est des miettes au niveau international, mais, ça nous fait bien
vivre. Peut-être que Jean-Marc Proulx a autre chose à ajouter.
M. Proulx (Jean-Marc): Je crois que cette question est
primordiale. Si on n'est pas capable de commercialiser la recherche qu'on fait
ici ou qu'on trouve ici, on a des problèmes importants. Mais, à
cet égard-là, je crois que notre mémoire vous donne
quelques recommandations à cet effet. La recherche et
développement, ce n'est pas une course de vitesse, c'est une course de
fond. Il y a souvent beaucoup trop de pionniers essoufflés dans
l'industrie. Et il y a plusieurs études. Je vous réfère,
par exemple, aux études du professeur Miller, qui est le titulaire de la
chaire Hydro-Québec à l'Université du Québec
à Montréal. Et ce sont les conclusions de son étude sur la
recherche et développement. Il peut donner des exemples où de
très grandes entreprises ont investi, ont manqué de fonds et
n'ont pas pu continuer sur une filière technologique.
Alors, qu'est-ce qu'on fait pour les petites entreprises à cet
égard-là? Qu'est-ce que l'ADRIQ recommande? L'ADRIQ recommande
qu'Hydro-Québec puisse aider ces coureurs de fond par des contrats
structurants. Un seul contrat ne procurera pas à cette
entreprise-là l'accélération nécessaire
ça va lui donner de la vitesse mais pas d'accélération
pour se mettre sur une trajectoire. Alors, de là notre
recommandation à l'«out-sourcing», à l'impartition.
Si Hydro-Québec peut donner un contrat qui, non seulement demande des
moyens, un produit, mais demande à la firme de développer un
processus, alors elle peut avoir le temps d'engager une course de fond et de
découvrir une filière technologique.
Je crois que c'est difficile, à cet égard, de demander
à une entreprise québécoise de commercialiser, par
exemple, une recherche qui aurait été faite, elle n'est pas
déjà sur la trajectoire. Vous vous adressez surtout alors
à ses moyens financiers.
Nous, nos recommandations sont plutôt par rapport à la
possibilité d'augmenter la recherche industrielle dans le secteur
privé en faisant en sorte qu'Hydro-Québec puisse
considérer aussi de la recherche sur ses moyens de production et des
moyens différents de production, comme on a mentionné. On
mentionnait le génie logiciel, la géomatique, l'échange
électronique de données. Ce ne sont pas des technologies qu'on
voit dans le plan de développement d'Hydro-Québec et ce sont des
technologies très importantes maintenant, et qui vont le devenir de plus
en plus. Dans la facture d'électricité, il y a de plus en plus
d'informations, comme dans toutes les factures de toutes les industries
aujourd'hui.
Mme Bacon: Le plan de la technologie d'Hydro-Québec
anticipe une progression très importante des revenus provenant de la
commercialisation de sa technologie et de son savoir-faire. Au moment
même où on peut espérer un retour sur les énormes
investissements qui sont consentis en recherche et développement, vous
proposez qu'Hydro-Québec abandonne la propriété
intellectuelle des innovations technologiques aux firmes qui l'ont
développée pour elle et qui peuvent en assurer la
commercialisation. Quels profits Hydro-Québec et l'économie
québécoise pourraient retirer de votre proposition et en sortir
gagnantes?
M. Rousseau: Je voudrais peut-être la qualifier un petit
peu, la proposition, dans le sens où on pourrait certainement mettre une
clause conditionnelle à ce que l'exploitation de ces droits de
propriété intellectuelle se fasse au Québec, comme il y a,
par exemple, je sais, dans les contrats de recherche-développement que
donne le ministère des Transports, une clause où elle laisse la
propriété intellectuelle aux entreprises à condition
que
les résultats soient exploités au Québec; on
pourrait mettre une clause de cette nature-là. C'est clair que, ici, je
m'adresse à l'habitude qu'a Hydro-Québec dans tous ses contrats
avec ses fournisseurs de dire que, quand il y a un produit
développé, la propriété reste à
HydroQuébec. Ça complique énormément la
commercialisation des produits par l'entreprise qui doit négocier des
contrats qui peuvent être relativement complexes avec
Hydro-Québec, à ce moment-là. Et c'est dans ce sens, dans
un sens de simplification et de dire: Si c'est l'entreprise qui
développe un produit, qui l'applique à Hydro-Québec,
l'entreprise québécoise qui a développé ce
produit-là est certainement souvent la mieux placée pour
l'exploiter. Bien, qu'Hydro-Québec ne cherche pas à
récupérer quelques centaines de milliers de dollars au bout de la
ligne, qu'elle se contente de dire: On a fait un bon coup, puis l'entreprise
est profitable pour le Québec, et c'est comme ça! Étant
moi-même à la tête d'une petite entreprise, la
négociation de ce genre de contrat avec les grandes entreprises est
très pénible, je vous assure.
Le Président (M. Audet): Merci. Je vais maintenant
reconnaître M. le député de Labelle. (21 h 30)
M. Léonard: Merci. M. le président et ceux qui
l'accompagnez, je voudrais vous féliciter pour votre mémoire,
parce que c'en est un qui, en quelques pages, résume beaucoup de choses
et va au fond d'une question qui est primordiale pour le Québec.
Je vois que vous avez une préoccupation d'abord d'élever
la production québécoise aux standards internationaux; ça
me paraît majeur. Je crois que c'est la première chose à
faire si on veut être compétitifs sur le plan international. Ce
que vous semblez déplorer, c'est que, finalement, Hydro-Québec ne
se soit pas montrée sensible à cet aspect de la question. En tout
cas, ça n'est pas très explicite dans ses documents. Je comprends
que vous vouliez le faire. À mon sens, tout votre mémoire va dans
ce sens-là en termes de recherche-développement, notamment.
Je voudrais d'abord revenir sur cette question de la
propriété intellectuelle. Si on parle de standards
internationaux, il y a une relation entre les brevets, les innovations. Vous
avez répondu à une question de Mme la ministre, mais est-ce
qu'actuellement c'est vraiment si contraignant que cela? Si l'on cède la
propriété intellectuelle aux fournisseurs de façon
définitive, est-ce qu'on n'est pas amené parce que vous
avez d'autres éléments dans votre mémoire qui font que
vous ouvrez «at large» toutes les soumissions à tout le
monde à subventionner ou, en tout cas, à favoriser de la
recherche-développement ailleurs qu'ici au Québec? Remarquez que
ça peut être une bonne chose, mais, il n'y a pas un effet de
glissement important qui peut se produire?
M. Rousseau: Bon. Toute cette suggestion-là, au niveau de
la propriété intellectuelle, peut se faire éven-
tuellement de différentes façons.
M. Léonard: Oui, en partnership.
M. Rousseau: C'est la négociation des redevances qui
devient toujours extrêmement complexe dans ces produits-là. Si
Hydro-Québec veut, par souci légal, éventuellement en
garder la propriété mais en donner l'accès librement aux
fournisseurs dans le contexte d'une exploitation au Québec, ça
peut être quelque chose d'aussi acceptable pour nous. Plusieurs de mes
collègues aussi négocient, pas juste avec Hydro-Québec,
mais avec de grandes entreprises qui ont de plus en plus cette
tendance-là. Je vous assure que ça devient pénible et
compliqué, surtout quand on fait appel... Bon, quand on fait appel
à une patente, à un brevet, c'est peut-être plus simple,
mais, quand on fait appel à des produits qui évoluent comme des
logiciels, je vous jure que ce n'est pas facile et que ça met des
contraintes importantes.
M. Léonard: Ce que vous proposez, est-ce que vous avez un
modèle en tête? Par exemple, le modèle japonais ou bien un
autre?
M. Rousseau: En général, le gouvernement
américain laisse les brevets aux gens qui développent les
produits, tout simplement. Ils sont gros et, normalement, ça reste chez
eux.
M. Léonard: Mais c'est comme ça que les transistors
se sont retrouvés au Japon!
M. Rousseau: Ouais! mais... Une voix: Les Japonais...
M. Rousseau: Ils se seraient retrouvés au Japon de toute
façon! Ha, ha, ha!
M. Léonard: Ha, ha, ha!
M. Proulx: Je crois que votre question est importante. Je ne
crois pas que c'est en baissant le niveau de qualité...
M. Léonard: Non, je suis d'accord.
M. Proulx: ...qu'on va faire que la recherche va se faire au
Québec et que ce sont les entreprises du Québec qui vont profiter
des contrats. Je crois que c'est en montant le niveau de qualité que les
entrepreneurs locaux, qui sont plus près d'Hydro-Québec, qui la
comprennent mieux que les entrepreneurs d'ailleurs... À ce
moment-là, ça les favorise c'est paradoxal, mais ça
les favorise à développer une expertise qui à ce
moment-là sera exportable.
En ce qui concerne la propriété intellectuelle, on a
parlé beaucoup de libre-échange dans les dernières
années et des barrières tarifaires. C'est une
barrière tarifaire subtile des Américains que d'accorder une
telle propriété intellectuelle à leurs contracteurs. On
peut vous donner des exemples de logiciels qui sont maintenant
commercialisés à travers le monde par des entreprises
américaines et qui ont été développés
à l'occasion d'un contrat avec le «Department of Defense»
des États-Unis.
M. Léonard: Bon. Sur les soumissions, je trouvais la
suggestion des recommandations 7 et 8... Alors, je pense que c'est assez clair,
ce n'est plus le plus bas soumissionnaire conforme, mais les soumissions
doivent être évaluées selon l'innovation technologique et
la performance technique. Je comprends que le montant au bas d'une soumission,
c'est un montant absolument objectif compte tenu des conditions, etc. Comment
ferez-vous pour évaluer l'innovation technologique et la performance
technique? Comment vous allez évaluer ça? Parce que là on
s'écarte d'un chiffre qui est un critère qui peut être
bête et méchant, mais qui en est un, et très objectif.
M. Rousseau: Le critère, effectivement, je pense qu'on n'a
pas le choix. On ne peut plus se permettre au Québec de toujours
acheter, comme je l'ai souvent dit, la plus vieille technologie au plus bas
prix possible; il faut trouver des moyens dans les soumissions, au niveau de
l'évaluation de la qualité... C'est sûr que ça peut
être subjectif. Peut être qu'il faut donner cette marge de 10 % ou
de 15 % en faveur d'un produit qui est plus innovateur ou plus performant, mais
il faut arrêter, il y a trop de... il y a un découragement, une
absence d'encouragement à l'innovation ou à fournir des produits
d'innovation. quand on demande, on achète au plus bas soumissionnaire,
c'est certain que le produit qui est innovatif n'est pas le plus bas, peut ne
pas être le plus... 11 peut être le plus performant et avoir le
meilleur ratio qualité-prix sur une longue période, mais le
critère qu'on a souvent dans les ministères, de mettre une note
à 70 %... donc, pour gagner, il faut viser juste 70 %, de telle sorte
que ça coûte le moins cher possible. c'est un mauvais calcul. il
faut, au contraire, qu'on relève c'est la bataille qu'on veut
faire sur les marchés publics en général et pas seulement
pour hydro-québec la barre technologique des produits qu'on
consomme au québec pour que nos entreprises locales, parce. qu'elles
vont avoir un accès privilégié à cette
information-là, développent des produits technologiques de
meilleure qualité qui sont les seuls qui vont pouvoir être
exportés par la suite.
M. Léonard: C'est ça qui servirait de
critère pour des contrats structurants, comme vous les appelez?
M. Rousseau: Oui, des produits plus performants, qui peuvent
être exportés par la suite, mais qui sont en haut de la barre, en
haut des normes internationales, s'il le faut. C'est la seule façon que
notre marché... On n'a pas de grand marché au Québec.
Notre grand marché, c'est le marché public. C'est la seule
façon qu'on se développe ou qu'on fasse développer
l'entrepreneurship pour des produits innovateurs au Québec par ce
biais-là; dans le contexte de libre-échange, c'est parfaitement
légal de mettre la barre plus élevée, et ça donne
effectivement un avantage à nos entreprises locales parce qu'elles sont
mieux informées de cette barre.
M. Léonard: O.K. Je reviendrai.
Le Président (M. Audet): D'accord? Je vais maintenant
reconnaître M. le député de Drummond.
M. St-Roch: Oui. Moi, je souscris, et c'est une douce musique,
à vos recommandations 7 et 8, parce que je pense que la théorie
du plus bas soumissionnaire conforme, ses origines, voilà quelques
décennies passées, on sait pourquoi elle a été
instituée. Vous avez doublement raison de dire que si on veut s'ouvrir,
et j'ajouterais peut-être, moi, s'ouvrir et accroître notre
qualité, ce n'est pas en nivelant par le bas, c'est en élevant
les standards. Je mettrais peut-être aussi au numéro 8, comme un
autre critère, le contenu en recherche et développement aussi qui
est parallèle un peu avec l'innovation.
J'ai très peu de temps. J'aimerais revenir à la page 6 de
votre mémoire. Vous avez énuméré une série
de catégories où vous n'aviez rien trouvé d'inclus au
niveau du plan de développement. Il y a le dernier critère,
lorsque vous parlez de la formation technologique et du ressourcement du
personnel. Il y a deux problématiques. Il y a celle qu'on a vue au
niveau, par exemple, du développement des technologies et de l'expertise
québécoise, au niveau de l'efficacité
énergétique à partir de nos maisons anciennement... on
semble avoir un vacuum. Alors, est-ce que c'est à ça que vous
vous adressez ou si vous vous adressez plutôt au personnel
d'Hydro-Québec, lorsqu'on parle de formation technologique et de
ressourcement? (21 h 40)
M. Rousseau: On s'adresse au personnel d'Hydro-Québec.
Veux-tu ajouter quelque chose?
M. Proulx: Oui. Cette recommandation-là est à
l'effet qu'il y a plusieurs de nos membres qui sont dans le transfert
technologique et qui ont une capacité de formation technologique et de
prendre du personnel et de le ressourcer. Ils aimeraient obtenir des contrats
structurants pour pouvoir faire ce genre d'affaires avec Hydro-Québec.
Si Hydro-Québec a une transformation des capacités de son
personnel à faire, elle peut recourir à une formation interne, se
doter elle-même de moyens. Nous, nous recommandons qu'Hydro regarde
plutôt à l'extérieur pour pouvoir se procurer ces moyens de
formation.
M. St-Roch: autre question. au niveau de l'efficacité
énergétique, est-ce que vous avez eu une chance de regarder le
travail de recommandations d'hydroquébec? parce qu'il y a deux avenues,
là. lorsque je regarde, moi, au niveau de l'efficience, il y en a
beaucoup qui vont faire appel à m. et mme tout-le-monde, surtout dans le
secteur domestique. il y a deux catégories, là-dedans, qui sont
la domotique et l'immotique. est-ce que vous pensez que c'est une avenue
où on devrait accélérer davantage pour s'assurer qu'on a
cette garantie-là qu'on va rencontrer nos objectifs au niveau des
économies d'énergie dans ces deux secteurs-là, qui sont
commercial et résidentiel, et qui représentent quand même
60 % des économies globales prévues par hydroquébec?
est-ce qu'on a l'expertise, puis est-ce que c'est un champ, d'après
vous, avec votre expertise de recherche, qu'on devrait
accélérer?
M. Rousseau: Je pense que c'est un champ qui est très
intéressant à développer ou à faire
développer au Québec. Le problème, certainement, au
Québec, c'est que l'énergie est très bon marché
comparé au niveau international. Et c'est clair que, les Japonais, ils
ont développé des climatiseurs très petits et très
efficaces énergétiquement parce que ça coûtait
énormément cher chez eux; donc, le marché était
là naturellement. Le marché, chez nous, n'est pas là
naturellement pour les économies d'énergie parce que
l'énergie ne coûte pas cher. Je pense que, oui, il faut faire des
efforts pour économiser l'énergie et tout ça, mais le
marché ne se développera pas tout seul, tant qu'on
n'élèvera pas le coût de l'énergie à un
niveau beaucoup plus élevé, ce qui, politiquement, bon, est
probablement difficile à faire. Mais les autres, ceux qui paient
l'énergie cher, sont psychologiquement ou matériellement mieux
placés pour développer ces technologies-là. Donc, on va
avoir de la concurrence sur le plan international.
M. St-Roch: Oui, au niveau de l'équipement, mais, par
contre, en regardant... Parce que, avec cette commission, on peut regarder
différents ministères aussi. Mais au niveau des
contrôles... Puis, là, je fais appel à la maison dite
intelligente, avec toute l'informatique qu'on prévoit; il me semble
qu'à l'heure actuelle on n'a rien à envier, au Québec, au
niveau de cette recherche-là. Il y aurait peut-être une
opportunité en or, combinée avec les sommes... Parce
qu'Hydro-Québec aura quand même 2 000 000 000 $ à investir.
Il y aurait peut-être un créneau, là. Puis je souscris
à votre thèse de dire: Bien, allons nous trouver une petite niche
quelque part puis devenons le grand poisson mondial dans cette petite
niche-là. Dans ce sens, est-ce que vous ne croyez pas qu'on devrait
profiter de ce qui m'apparaît, à l'heure actuelle, un avantage
pour pousser puis accélérer dans un contexte, aussi, de
développement durable?
M. Proulx: Bien moi, je pense que, voilà, ce serait
peut-être un bon exemple qu'un entrepreneur puisse faire une proposition
à Hydro-Québec pour développer ce genre d'expertise de
technologie.
Le Président (M. Audet): Ça va? M. le
député d'Iberville.
M. Lafrance: Oui. Merci, M. le Président. J'aimerais
joindre ma voix à celle de mes collègues pour remercier
l'Association de la recherche industrielle du Québec pour la
qualité du mémoire que vous nous avez présenté. Je
vous remercie aussi, MM. Rousseau, Proulx et Demers, de votre présence
ici ce soir. Nul doute que votre présence ainsi que votre mémoire
vont nous aider dans l'accomplissement de nos travaux. Soyez assurés,
aussi, que je partage entièrement l'importance que vous donnez à
la recherche et au développement pour le Québec.
J'aimerais, si vous me le permettez, peut-être m'arrêter sur
deux points. Tout d'abord, en page 5 de votre mémoire, vous dites, et
c'est des propos qui m'ont frappé, ça, que, «selon la
perception générale des industriels, Hydro-Québec demeure
aujourd'hui une entreprise encore trop centrée sur elle-même, et
plutôt fermée par rapport aux contributions venant de l'externe.
Sa taille et son domaine exclusif d'activité en font une entreprise
affligée de pratiques et de modes de fonctionnement bureaucratiques,
avec laquelle il est difficile de traiter». Et vous continuez en disant:
«Dans ses rapports avec l'externe, Hydro-Québec se montre
plutôt largement satisfaite de ses propres ressources et
réalisations, et beaucoup moins convaincue de l'opportunité
stratégique des suggestions, apports, innovations et expertises
externes.»
Or, depuis 1989, comme on le sait, Hydro-Québec a
réorganisé en profondeur, justement, ses activités de
recherche et de développement. Et ma question est la suivante: Est-ce
que votre association, précisément, a été
consultée et mise à contribution lors de l'élaboration des
deux plans de la technologie produits par HydroQuébec depuis 1989?
M. Rousseau: Nous avons participé, comme je vous l'ai
mentionné, aux consultations du plan de développement pour le
dernier plan; pour celui d'avant, nous sommes intervenus en commission
parlementaire, mais nous n'avions pas participé aux activités.
Notre intervention, à ce niveau-là, ne touche pas du tout, comme
on dit, le discours, la haute direction et la planification, elle touche
beaucoup plus le vécu quotidien dans une grande entreprise qui est fait
d'une multitude de comportements individuels. Et ça, on réalise
aussi bien que n'importe qui qu'il est long de changer une culture
d'entreprise.
Et ce qu'on mentionne aujourd'hui, c'est que ce n'est pas encore fait.
Quand on a fait une table ronde de discussions d'industriels sur la
préparation de ce mémoire-là, il est sorti un tas
d'exemples que je ne veux pas mentionner, mais qui révélaient
tous le même fonde-
ment de difficultés d'autosuffisance d'Hydro-Québec, et ce
n'était pas des contacts avec la haute direction, c'étaient des
contacts dans une division, dans une autre division, etc. Dans ce sens, il y a
peut-être des messages clairs, il y a un changement de culture à
effectuer, qui, je pense, est en train de s'effectuer, mais qui prend
énormément de temps, et on voulait insister là-dessus. La
perception était tellement uniforme au niveau des personnes qui ont
participé à la discussion qu'on s'est dit qu'il fallait quand
même transporter ce message-là, cette perception qu'ont les
industriels quand ils traitent avec Hydro-Québec. Je ne sais pas si
Jean-Marc a quelque chose à ajouter.
M. Proulx: Je voudrais simplement ajouter que nos membres
constatent une certaine résistance au niveau des structures
intermédiaires au discours, à l'implantation du discours
officiel, du discours de la haute direction, pour répondre
précisément à votre question.
M. Rousseau: Et ce n'est pas au niveau uniquement de la R &
D, c'est un peu à tous les niveaux. Nos entreprises ne traitent pas avec
Hydro-Québec uniquement au niveau de la R & D, elles traitent en
termes de fournisseurs dans des domaines particuliers.
M. Lafrance: Vous avez remarqué quand même que dans
l'élaboration du deuxième plan il y a eu une amélioration,
si j'ai bien compris.
M. Rousseau: Oui, dans les plans, le processus de consultation a
été extrêmement intéressant. Nous maintenons
d'excellentes relations avec les directions technologiques
d'Hydro-Québec. Nous avons des membres de cette direction-là qui
siègent sur notre conseil d'administration et tout. Je veux dire, la
volonté y est, mais il y a une implantation ou un changement de
mentalité à effectuer un peu à tous les niveaux. Je pense
que la direction actuelle va dans cette direction-là, mais on pense
qu'il y a des changements à effectuer dans ce sens-là pour qu'il
y ait moins d'autosuffisance et beaucoup plus d'ouverture vers
l'extérieur.
M. Lafrance: Merci. Maintenant, en page 7, vous mentionnez... En
fait, vous louangez énormément l'activité de la R & D
d'Hydro-Québec puisque vous dites qu'elle «constitue un
élément clé du développement de la capacité
technologique future des entreprises québécoises du même
secteur et vous continuez en disant principalement de leur
capacité à exploiter, à développer, à
intégrer les technologies actuelles et nouvelles dans de nouveaux
produits et services de grande qualité, hautement compétitifs et
exportables».
Or, dans son plan de développement, HydroQuébec propose de
consacrer, je pense, 2 % de son chiffre d'affaires à la recherche et au
développement à l'horizon des années 2000. Quelle est
votre perception de l'importance, justement, attribuée par
Hydro-Québec à la recherche et au développement? Est-ce
que vous pensez que c'est suffisant, selon vous? (21 h 50)
M. Rousseau: on aimerait toujours un peu plus, mais je pense que
l'effort qu'hydro-québec va consacrer à la
recherche-développement est important. est-ce qu'elle pourrait faire
plus? je ne le sais pas. mais on n'a pas voulu se prononcer sur cet
aspect-là ou dire: bon. il faut 2,5 % ou il faut 3 %. je pense que, si
hydro-québec consacre 2 %, elle sera un des leaders industriels,
dépendamment des secteurs, surtout avec l'ampleur de ses revenus.
j'aimerais bien que tous les ministères du gouvernement dépensent
2 % en recherche-développement; on serait très, très,
très contents. donc, de ce niveau-là, on est satisfaits. je pense
qu'il faut se consacrer sur l'aspect de bien dépenser ces
sous-là. je veux dire que, à partir d'un certain niveau, bien
dépenser vaut aussi bien que dépenser plus. je pense que le
niveau est correct, et on en est satisfaits.
Le Président (M. Audet): Merci. M. le député
de Labelle.
M. Léonard: Merci. Je voudrais revenir à des
remarques que vous avez faites à l'effet qu'Hydro-Québec s'est
bureaucratisée avec le temps, qu'il y a une routine qui s'est
instaurée, plus ou moins. À la page 7, vous parlez des politiques
de faire-faire et des pratiques d'impartition, de ce que vous traduisez par
«outsourcing». J'imagine que cela signifie qu'on ferait beaucoup
plus appel à de la sous-traitance. Tout à l'heure, on parlait de
la question de la propriété intellectuelle, qui est centrale
là-dedans. Vous pensez que ça devrait être fait sur une
très grande échelle à Hydro-Québec actuellement.
Est-ce que vous pourriez nous donner des exemples et expliciter davantage?
M. Rousseau: Oui, je vais demander à mon
collègue...
M. Léonard: Parce que ça me paraît quand
même un peu la tendance générale de votre mémoire de
dire: Secouez-vous, sortez de vos bureaux, soyez réceptifs à ce
qui se dit à l'extérieur.
M. Rousseau: Avant de passer la parole à mon
collègue, il y a différentes façons de faire un projet
avec du personnel à l'externe. On peut aller chercher la personne
à l'externe pour faire une partie très technique, pour laquelle
on n'a pas l'expertise interne, et se garder à l'interne un peu la
poutine, le travail qu'on est capable de faire à l'interne. Au bout de
la ligne, on a un produit qui est probablement bon pour Hydro-Québec,
sauf que ce produit-là, comme il est fait de deux morceaux
séparés, ni Hydro-Québec, ni l'entreprise n'ont la
connaissance complète du produit pour l'exporter, pour le faire
évoluer. Alors que, même si ça avait coûté
peut-être à Hydro-Québec un petit peu plus cher de tout
confier à
l'entreprise, elle aurait développé l'expertise totale de
ce produit-là, la maîtrise totale, et elle aurait pu envisager de
l'exporter ailleurs.
Aux États-Unis, il y a 200 compagnies d'électricité
sérieuses et plus; c'est un marché important. Ces
entreprises-là ne sont pas toutes plus petites qu'Hydro-Québec;
il y en a plusieurs qui sont plus grandes qu'Hy-dro-Québec, mais elles
ont souvent besoin de technologies qui peuvent avoir été
développées ici. Mais si on ne les développe pas de
façon concertée, avec un produit, un «package» sous
la maîtrise d'un contracteur qui peut l'exporter, on manque notre but. On
en a fait un petit peu à sous-contrat et on en a fait un peu à
l'interne pour satisfaire tout le monde, mais le produit n'est pas complet,
n'est pas viable à l'exportation. C'est des exemples que je connais qui
se sont passés comme ça. Jean-Marc en a peut-être
d'autres.
M. Proulx: Oui. Notre recommandation, dans le fond, dit à
Hydro-Québec qu'il y a possibilité de créer plus de valeur
à l'intérieur du Québec en créant la même
production, en faisant autrement sur les moyens de production. C'est ça
qui est important. C'est cette valeur-là que des entreprises pourront
aller chercher et exporter, en créant la même production au
même coût, en faisant autrement.
Par exemple, il est maintenant reconnu dans plusieurs autres industries
qu'il est très profitable pour une grande entreprise de se concentrer
sur sa mission et que toutes ces missions périphériques, tous ces
moyens périphériques puissent être donnés à
l'extérieur; ce qui empêche la bureaucratie de s'installer, ce qui
empêche comme on dit chez nous un peu l'entropie de se
propager à l'intérieur de l'entreprise. C'est ça qu'on dit
à Hydro-Québec: En faisant autrement sur ses moyens, en confiant
à une firme, par exemple, quelque chose qui est mesurable, une partie
des moyens qui est mesurable, et en exigeant des critères de
qualité, il y a moyen de créer plus de valeur.
Je peux revenir sur le 2 % que vous mentionniez tout à l'heure.
Je ne sais pas si... Vous savez, 2 %, c'est plus haut que la moyenne
canadienne...
M. Léonard: Oui, mais c'est pas mal plus bas que...
M. Proulx: ...mais c'est moins élevé que la moyenne
européenne.
M. Léonard: Oui.
M. Proulx: C'est moins élevé qu'en France,
où c'est 3 %; c'est moins élevé qu'en Allemagne, où
c'est 5 % ; et là on parle de toutes les entreprises, pas uniquement des
entreprises... de toute l'industrie. Et nous, à l'ADRIQ, on serait
très contents aussi si les entreprises québécoises
consacraient 2 % de leur chiffre d'affaires. C'est un de nos objectifs, nous,
à l'ADRIQ, de favori- ser, de faire en sorte que les entreprises
puissent consacrer plus à la recherche et développement.
M. Léonard: ii y a un chercheur de l'université
laval qui avait démontré que les coûts d'administration de
la recherche étaient de 0,7 %, à peu près; sur le 2 %, il
y en a 0,7 % qui va à l'administration. c'est sûr que lorsque vous
dépassez, lorsque vous atteignez 3 %, la part résiduelle, c'est
2,3 %, et non pas 1,8 %, si vous êtes à 2,5 %. alors, ça,
qu'hydro-québec dise qu'en l'an 2000 ils vont atteindre 2 %, ce n'est
pas encore les gros chars. c'est, je pense, un minimum. je le dis comme je le
pense.
Je voudrais encore une fois, moi, en terminant, vous féliciter
pour votre mémoire parce que, moi, ça me renseigne; ça
m'instruit beaucoup, d'abord, ça me renseigne, et je pense aussi que la
ministre peut en faire non seulement son profit, mais ses délices.
Mme Bacon: Ha, ha, ha! C'était tout aussi délicieux
de les entendre.
Le Président (M. Audet): Messieurs, au nom des membres de
la commission de l'économie et du travail, je vous remercie de votre
présentation. Nous avons pris bonne note de vos recommandations.
Ça met fin à nos travaux pour cette journée et
cette semaine. Alors, je vais suspendre nos travaux jusqu'au mardi 2 mars,
à 10 heures. Merci, bonsoir.
(Fin de la séance à 21 h 58)