Alors, M. le Président, aussi, j'ai signalé toute cette
problématique d'achat des grandes surfaces, avec leur politique de
centralisation aussi hors du Québec; dans la majorité des cas, on
voit que ces grandes surfaces sont centralisées vers Toronto et
Mississauga, ce qui fait, comme je l'ai donné, d'ailleurs, au niveau du
vêtement, au niveu de l'industrie du textile, qu'on a affaibli la
structure du textile ici au niveau primaire par cet exode des centres
d'achats.
Il y a aussi une autre déclaration que M. Sénéchal
avait faite, en nous disant que la perte d'un dimanche et le report de la loi
avaient créé une perte de 78 000 000 $ lors de cette fin de
semaine là. Alors, j'aimerais que M. Sénéchal vienne nous
rafraîchir la mémoire ici et nous présenter, à la
commission, ses états financiers, suite, maintenant, à trois
dimanches d'écoulés; et surtout, M. le Président, les
graphiques qu'il a donnés en conférence de presse. Moi, en tant
que député de Drummond et représentant des citoyens et
citoyennes, membre de cette commission, je n'en ai pas pris connaissance.
Alors, je pense que ça serait une bonne opportunité et une bonne
occasion de venir rencontrer les membres de la commission parlementaire ici,
afin qu'on puisse le questionner aussi.
J'aimerais le questionner sur une des 13 questions que j'ai offertes
à M. le ministre, qui était de faire un projet de loi qui
amenderait la loi 75 pour permettre un quatrième dimanche, qui
était celui du 27 décembre; alors, on pourrait donner à
nos commerçants un quatrième dimanche. Et j'allais aussi loin,
dans la foulée de mon collègue de Lévis, que de dire: On
pourrait peut-être donner les jours entre Noël et le Jour de l'an,
ce qui permettrait, finalement, aux détaillants, dans cette
période de commerce difficile, d'écouler leurs inventaires et de
faire profiter aussi les consommateurs et consommatrices des économies
d'échelle.
Alors, vous me faites signe que je n'ai pratiquement plus de temps, M.
le Président. À ce moment-ci, j'aurais une question de
règlement et de directive à vous demander.
qu'il serait possible, à ce moment-ci, qu'on demande au ministre
du Revenu de venir nous expliquer les impacts qu'ont les liquidations dans le
secteur du meuble? Parce qu'on entend des «figures» qui peuvent
aller jusqu'à 100 000 000 $, avec toutes sortes de commentaires et de
rumeurs. Est-ce qu'on peut entendre, en vertu de 164, le ministre du
Revenu?
Alors, M. le député de Drummond, sur les questions de
règlement que vous avez soulevées, l'article 244 de notre
règlement permet, dans son deuxième alinéa, ceci:
«avant d'entreprendre l'étude détaillée la
commission peut décider de tenir des consultations». Alors, si
vous souhaitez, par exemple, qu'un ministre soit entendu ici, c'est 244 qui
s'applique. Et, après, l'article 164 s'applique sur les
modalités. Alors, si vous voulez présenter une motion plus tard
pour convoquer un ministre, je vous avise qu'il faut, d'abord, disposer de la
motion que vous avez présentée la semaine dernière, qu'on
doit terminer ce matin, et, après, si vous le jugez à propos,
vous pourrez, en vertu de 244, souhaiter qu'un ministre se fasse entendre.
à ce moment-là, la commission, si la motion est adoptée,
pourra convoquer le ministre et nous attendrons la réponse du ministre
à cet effet.
que, «lorsqu'une commission désire entendre un ministre,
elle doit l'en aviser», et tout ça.
Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Il y a le député
de Masson qui avait souhaité prendre la parole. Vous avez 10 minutes, M.
le député.
Non. La vraie raison, c'est que, lorsque, il y a plus de deux ans, le
ministre a fait sa loi 75, il y a 94 groupes qui sont venus; on a parlé
pendant 220 heures. Le ministre n'a pas écouté ces 94
groupes-là. Il a fait une loi qui, il l'a dit, durerait longtemps et il
est arrivé avec une loi non gérable. La preuve, c'est qu'il la
reprend aujourd'hui. Il essaie de la faire gérable.
Pourquoi nous nous objectons? Je suis persuadé que le ministre
sait pourquoi nous nous objectons à cette loi-là. C'est à
cause de l'impact que cette loi a sur notre société. Ce n'est pas
mineur, comme impact. On avait une loi sur l'environnement où on
étudiait, durant la nuit de jeudi à vendredi, les impacts mineurs
et les impacts majeurs. Il y en a qui appelaient ça des
péchés mortels et des péchés véniels. Bien,
c'est une loi qui, pour certaines personnes, a priori, ou a fortiori, ou prima
facie, semble anodine. Elle n'est pas anodine du tout. Elle a un impact majeur
sur la vie, sur la vie commerciale des établissements du Québec.
Ça déstabilise le patrimoine commercial québécois
de façon totale et absolue. Au Québec, c'est une série de
commerces guidés par la famille, des commerces indépendants
à 72 %.
À cause du développement touristique, à cause des
nouvelles communications, des nouvel les façons de se transporter, de la
vitesse dans laquelle on vit, c'est sûr que, maintenant, les gens
voyagent beaucoup le dimanche et ont besoin de services. Ça, tout le
monde est d'accord là-dessus. C'est pour ça que, dans les
services primaires, qui sont les services obligatoires le septième jour,
il y a tout un réseau de dépanneurs qui se sont installés
à travers tout le Québec. Mais un dépanneur, c'est un
dépanneur. Ce n'est pas un marchand général normal. Ce
n'est pas la pharmacie Jean Coutu. La pharmacie Jean Coutu, c'est un magasin
général. Ils vont vendre des autos bientôt, des tracteurs,
des instruments aratoires, du blé, du foin en vrac. Ils sont sur le
point. C'est un magasin fourre-tout, partout, du premier coup. Alors, ça
déstabilise notre patrimoine commercial et ça a un impact direct.
On est après faire le contraire...
L'exemple que j'aime beaucoup prendre dans ce cas-là, c'est les
bars glaciers, les bars laitiers. Bon. On a obligé les gens qui ouvrent
quatre mois par année à avoir des installations, on appelle
ça de premier ordre. Partout à travers le Québec, c'est
comme ça et c'est parfait. Ça roule bien. Maintenant, si
quelqu'un se retournait de bord et disait: Nous allons permettre à des
marchands ambulants, des tricycles à travers toutes les villes du
Québec, de vendre de la crème glacée
l'été... Je n'ai rien contre ça, la liberté du
commerce, mais, quand on a posé le geste de faire installer des bars
permanents, des bars glaciers, bien, on ne revient pas avec une autre chose
détruire ce qu'on a fait. On brise le
rythme de l'installation commerciale, et c'est sérieux.
Là, on a tout un style, on a adopté des dépanneurs,
et là on vient, avec les magasins réguliers, ouvrir. Qu'est-ce
que les dépanneurs font là, à ce moment-là? On va
enlever le système qu'on avait, qui était un système qui
répondait à notre tissu social, notre tissu commercial qui est
là depuis le début. Et on s'affaisse devant... Pourquoi? Selon
les pressions des grandes surfaces, la vie sociale est chambardée de a
à z, autant du côté culturel... Puis, le côté
culturel, bien, voyons! Pourquoi ça changerait, ça? Dans les gros
centres d'achats qui vont être ouverts le dimanche, ils vont faire un
spectacle avec Mitsou. Donc, notre vie culturelle est sauvée. Ce n'est
pas comme ça que ça fonctionne. Ce n'est pas comme ça que
ça fonctionne.
Supposons qu'on ait le Salon des métiers d'art actuellement
à Montréal; bon. c'est la période des fêtes, c'est
spécial, c'est ouvert. Bien, en période spéciale, il faut
comprendre, il faut que ce soit exceptionnel. La période des
fêtes, fête de Noël, fête du Jour de l'an, c'est
exceptionnel. Là, on a permis une ouverture d'esprit qui vient, pendant
un certain laps de temps, changer le rythme de notre vie commerciale. On
comprend ça. Mais prendre une exception pour des occasions
privilégiées et en faire une règle générale,
c'est injustifiable. C'est injustifiable. Ça détruit notre rythme
culturel aussi. Ça brise la famille qui est assez brisée par
toutes sortes d'autres raisons, autant les raisons sociales pures que les
raisons économiques.
On parle beaucoup des pauvres orphelins, les enfants de Duplessis. Bien,
écoutez, là, les enfants de Duplessis, c'est sûr qu'il y en
a qui sont à plaindre là-dedans; ils ont été
molestés souvent physiquement. On en parle beaucoup. C'est bien possible
que ce soit vrai. Mais parlons des pauvres enfants de Mulroney et Bourassa, sur
l chômaqo, là, qui n'ont aucun avenir devant eux, qui ne
voient pas de possibilité d'avoir un emploi et de valoriser leur vie.
Bien, les pauvres enfants de Mulroney et Bourassa sont aussi à plaindre,
sinon plus, que les enfants de Duplessis. Et on est en plein XXe siècle.
On va me répondre: Si on ouvre le dimanche, on va faire plus d'emplois.
Foutaise!
Les loisirs. C'est quoi, les loisirs? Il y a certaines personnes qui se
doivent de travailler le dimanche. J'entendais le député
d'Orford. Il disait: Les cultivateurs ont toujours travaillé le
dimanche. Mais, bon Dieu! C'est quoi, ça? Le curé dit la messe le
dimanche aussi. On le sait, ça. Il y a des choses qui se font. On
n'empêche pas les carottes de pousser le dimanche. Il n'y a pas de
décret à faire là-dessus. On ne peut pas faire un
décret: Le dimanche, la carotte ne poussera pas. On ne peut pas faire
ça. Mais on peut avoir un décret qui dit qu'on ne les arrache pas
ou qu'on ne les vend pas, par exemple. Puis ce n'est pas brimer la
liberté des gens, ça. C'est respecter le tissu culturel et
commercial d'un peuple qui est censé être distinct.
Et ça brime aussi la vie municipale, ça brime les
obligations religieuses de beaucoup de monde, de la grande majorité
québécoise. Ça brise, enfin, ie tissu commercial, le tissu
social, le tissu culturel, le tissu familial, de loisirs, d'obligations
religieuses, de la vie municipale de l'ensemble de la population
québécoise. C'est pourquoi, sérieusement, nous faisons une
obstruction. Mais, si on voit que le ministre ne comprend pas, on a un
arrêt pour la loi: elle n'a pas été déposée
avant le 15. Peut-être qu'on comprendrait un peu mieux en la bloquant
directement en Chambre. Peut-être qu'ils comprendraient un peu mieux. On
aura manqué notre coup.
Je vous remercie beaucoup, M. le Président.
coux qui
poussent pour l'adoption de ce projet de loi, qui est que les ventes vont
augmenter Or, je pense que non. La preuve est loin d'être faite. Et, si
les ventes augmentaient, en réalité, les coûts pour assurer
ces ventes seraient plus que proportionnels. (11 h 50)M le Président, je dois rappeler, d'abord, une chose: Les
magasins sont ouverts le dimanche et les soirs durant le mois de
décembre. Alors, c'est déjà une période
substantielle au cours de laquelle les consommateurs ont accès au
magasinage toute la journée, le soir et les dimanches; donc, sept jours
par semaine durant le mois de décembre. Ça a été
une espèce de compromis qui avait été adopté
à l'époque, mais le législateur, à l'époque,
si je comprends, par rapport à sa position d'aujourd'hui, n'ayant pas
appliqué, à ce moment, son concept de qualité totale,
n'avait pas vu qu'il y avait certains mois
de décembre où il n'y avait que 3 dimanches avant le 25
décembre. Bon, alors, on repassera avec les discours de qualité
totale.
Mais je maintiens, cependant, que, si M. Sénéchal pouvait
prétendre que les ventes augmenteraient de 78 000 000 $, il faudrait
savoir par rapport à quel chiffre d'affaires ces ventes augmenteraient
de 78 000 000 $. Ce n'est pas impossible que ce ne soit que pour les
chaînes qui font partie du regroupement pour l'ouverture le dimanche, et
c'est là qu'il faut voir à partir de quelle base on fait la
comparaison. Effectivement, si vous ouvrez un dimanche, vous allez faire
quelques ventes de plus, mais c'est au détriment des autres ventes qui
sont faites durant la semaine. En d'autres termes, les ventes, au lieu
d'être faites sur sept jours, sont faites, à l'heure actuelle, sur
six jours en dehors de la période du mois de décembre puisque,
dans le mois de décembre, c'est sept jours.
Je voudrais porter à votre attention deux petits exemples
où des marchands se sont prévalus de la permission qu'ils ont,
d'après la loi actuelle, d'ouvrir le dimanche. Il y en a beaucoup qui
ouvrent le dimanche à l'heure actuelle, mais je voudrais donner deux
exemples. Il y a un magasin de sport, dans mon comté, qui a ouvert le
dimanche, et ce n'est pas le dernier venu des magasins de sport. Il a
demandé à ses employés de venir travailler le premier
dimanche de décembre - donc, en plein mois de décembre - en
disant: Bon, c'est le mois de décembre; on ouvre et puis la
clientèle va être au rendez-vous. Magasin de sport, je pense, le
plus important, d'une ville - on pourrait vérifier; je n'ai pas
vérifié au bilan - et il a vendu, dans toute sa journée,
avec tout son personnel, deux bâtons de hockey. C'est ça que
ça veut dire: deux bâtons de hockey!
Un autre, qui s'appelle d'un certain nom, d'une autre nature. Je ne
donnerai pas les noms parce que je ne veux pas en faire des cas particuliers,
mais juste à titre d'exemple: un magasin qui vend des accessoires de
toilette, etc., et qui a eu, durant toute sa journée, un client qui est
venu pour faire réparer un appareil. Point, à la ligne. C'est
tout ce qu'il y a eu durant toute la journée. Premier dimanche de
décembre, c'est ça qu'il y a eu.
Combien coûtent ces deux opérations commerciales: deux
hockeys, puis la réparation d'un rasoir - en particulier, pour les citer
- durant toute une journée? Combien ça a coûté: le
magasin ouvert, les employés à l'oeuvre? Je maintiens, M. le
Président, que c'est le cas de beaucoup de nos petits
commerçants, le cas de beaucoup de nos petits commerçants. La
clientèle n'est pas au rendez-vous. Et, même si elle
l'était, il ne s'agirait que de répartir sur sept jours des
ventes qui sont faites sur six jours.
Alors, quand M. Sénéchal dit que le chiffre d'affaires va
augmenter, possiblement qu'il va augmenter pour les grandes chaînes,
qu'il va augmenter, disons, pour Club Price - pour prendre l'exemple qu'on sait
depuis le début - mais, pour les autres, ça va diminuer. Je pense
que ça serait drôlement intéressant de discuter de ces
chiffres, parce que le ministre a pris ça pour acquis. Si eux augmentent
leurs ventes de 1 %, est-ce que l'ensemble du Québec va augmenter ses
ventes de 1 %? Je pense que non. C'est ça, le problème. La base
du raisonnement est fausse. Ce ne serait pas la première fois que le
ministre se tromperait parce que, même s'il est féru de
qualité totale, il n'a pas la vérité
révélée; peut-être qu'il pense qu'il l'a, mais il ne
l'a pas. Il ne l'a pas. On l'a vu dans bien des cas. On l'a vu encore ce matin,
à la période des questions. Alors, il faudrait, quand même,
faire attention. Il ne faut pas prendre pour acquis tout ce qu'il nous dit,
loin de là. Et le 1 % est loin d'être démontré.
Un autre élément qui est souvent cité à
l'appui de ce projet de loi et qui touche le regroupement pour les heures
d'affaires, un des arguments qu'ils nous servent, ces gens, c'est qu'il faut
que la loi soit équitable pour tous. Je suis d'accord. Mais qu'est-ce
à dire? En réalité, ils en ont, eux, contre les
marchés aux puces. Je le sais, ils me l'ont dit, ils m'ont fait un
exposé là-dessus. Ils disent: Les marchés aux puces ne
suivent pas la loi. Eux, ils ont une permission. La loi n'est pas pareille pour
tout le monde, n'est pas équitable. Si les marchés aux puces
ouvrent, nous aussi, on veut ouvrir. Le «moi itou»; eux autres le
font, «moi itou», je le fais. C'est ça, le syndrome du
«moi itou»!
Alors, le problème qui est posé n'amène pas
nécessairement la solution qui est proposée. En
réalité, c'est le contrôle des marchés aux puces qui
fait défaut. Le gouvernement, au lieu de demander un enregistrement en
bonne et due forme, de connivence avec le locateur des sites dans les endroits
où il y a des marchés aux puces, rejette cette solution et dit:
Bon, comme il y a les marchés aux puces, on impose la solution à
tous. Je dois dire que je trouve que, là, on vient de prendre un canon
pour tuer une mouche, en réalité. Au fond, que le gouvernement
prenne ses responsabilités, impose le respect de la loi aux
marchés aux puces et puis nous allons nous entendre là-dessus.
Nous allons voir.
Quand le député de Drummond demande à entendre le
ministre du Revenu, par rapport aux marchés aux puces, il y a des
problèmes; il y a des problèmes. Le ministre nous a
répondu, l'autre jour, que, dès que ses inspecteurs mettaient le
pied sur les terrains des marchés aux puces, les gens s'enfuyaient.
Bien, ils les voient, ceux qui ne respectent pas la loi. Je trouve que sa
réponse est aberrante. Pour quelqu'un, encore une fois, féru de
qualité totale, je pense que ça laisse à
désirer.
Je crois qu'il faut regarder la loi telle qu'elle est, en voir
l'application, proposer des
modifications pour que les modalités de son application soient
respectées, et là on va en parler correctement. Mais on vient
imposer un modèle d'application à l'ensemble de la population des
commerçants. Et je pense qu'en réalité il y a la question
de la volonté politique, d'une part, mais il y a aussi la volonté
de favoriser les grandes chaînes. Je pense qu'après tout ce que
nous avons dit en commission, le gouvernement doit admettre que, s'il ne se
rend pas aux arguments et à l'argumentation de l'Opposition
là-dedans, c'est qu'il a un parti pris en faveur d'un certain groupe qui
fait le commerce au Québec - les grandes chaînes, les grandes
surfaces - et il impose l'application d'une semaine de travail à tout le
monde.
Je reviendrai sur un autre sujet pour dire qu'au fond un des grands
acquis du XIXe siècle - c'est parti, en particulier, de la France -
ça a été, justement, de réduire le temps de travail
des employés, le temps de travail, par exemple, dans le monde syndical
où on négocie autour de 40 heures, tandis que, là, la
réalité va faire que ça va dépasser très
largement les 40 heures...
Le Président (M. Audet): Merci.
M. Léonard: ...pour beaucoup de commerçants. (12
heures)
Le Président (M. Audet): Merci, M. le député
de Labelle. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur la motion? Mme la
députée de Taillon.
Mme Pauline Marois
Mme Marois: Merci, M. le Président. J'aimerais
peut-être revenir sur les propos que tenait mon collègue, le
député de Masson, qui a bien explicité, je pense,
où on se trouve actuellement en termes de débat et
d'échéancier. Je crois que, si le ministre voulait être
ouvert et accueillant à nos propositions, nous pourrions gagner un temps
précieux en entendant des gens qui connaissent le dossier et, surtout,
qui vivent la situation. Parce que, de toute façon - et le ministre le
sait - il n'a pas respecté la règle prévue à nos
règlements, à l'Assemblée nationale, qui n'est pas une
règle farfelue, comme certains veulent le laisser entendre, une
espèce de petite règle secondaire, au contraire, c'est important;
il n'a pas respecté la règle qui prévoit le
dépôt du projet de loi pour le 15 novembre, au plus tard.
Des gens d'affaires sont venus nous voir la semaine dernière -
puis le ministre devrait m'écouter - le Conseil du patronat, et ils se
plaignent d'une année à l'autre; les gens des associations des
manufacturiers, la même chose. Toutes les associations de gens
d'affaires, en fait, souvent se plaignent parce qu'elles trouvent que le
gouvernement légifère trop et légifère trop vite et
adopte des règlements en nombre trop important. Pourquoi a-t-on
adopté la règle du 15 novembre? Pour, d'une part, faire en sorte
que les parlementaires n'adoptent pas des lois en catastrophe, aient le temps
de réfléchir aux lois qu'ils adoptent, aient le temps de
consulter et aient le temps d'entendre les gens qui sont concernés par
les lois.
Alors, les gens d'affaires nous disent: Nous ne voulons plus que vous
adoptiez des lois à la vapeur, ni que vous en adoptiez trop. Cette
règle du 15 novembre pour le dépôt des projets de loi, puis
à une autre date au printemps, permet aux parlementaires de prendre un
peu de distance par rapport aux lois qu'on a à adopter, de laisser la
poussière tomber un peu, puis de prendre des décisions plus
judicieuses. Et la meilleure preuve, c'est le ministre qui nous en a fait la
démonstration. Il nous a fait adopter une loi, il y a deux ans et demi,
contre laquelle nous étions, puis il nous dit: Elle n'était pas
bonne. Il pensait qu'elle était bonne à ce moment-là, mais
il dit: Elle n'était pas bonne. Ce n'est ça tout à fait ce
que je voulais; je reviens. Donc, maintenant, je ia change, la loi. Bon. Alors,
donc, il aurait peut-être été mieux d'attendre un peu, il y
a deux ans et demi, d'écouter les recommandations que lui faisait
l'Opposition et peut-être qu'à ce moment-ci il ne serait pas
obligé de revenir avec une modification.
Bon. Alors, dans ce sens-là, je pense qu'il faut que les membres
de la commission, et le ministre au premier chef, soient conscients du
cul-de-sac dans le fond duquel on s'en va actuellement, alors que non seulement
il ne reçoit pas nos propositions positivement, mais qu'il sait
très bien que la loi qui est devant nous, qui est devant
l'Assemblée nationale, ne peut pas être adoptée sans notre
consentement et sans le consentement des députés
indépendants Alors, il faut au moins qu'il sache que c'est lui le
maître du jeu actuellement et qu'il ne mette pas sur le dos de
l'Opposition la responsabilité de sa propre incapacité à
respecter les règles de l'Assemblée nationale. Alors, je pense
que c'est important qu'on se le dise à ce moment-ci et que le ministre
sache où il veut aller et où il nous amène.
Venons maintenant, M. le Président, sur la proposition
principale. Le député de Drummond recommande aux membres de la
commission que nous entendions le Regroupement québécois pour
l'ouverture le dimanche, représenté par M.
Sénéchal. C'est bien cela, on s'entend. Il me semble que le
ministre, s'appuyant sur les études qui ont été
commandées par ce Regroupement, ne devrait pas avoir d'objection
à ce qu'on reçoive les représentants de cette
organisation, qui pourront nous faire la démonstration du
bien-fondé de leurs projets, de leurs attentes.
Nous questionnons, nous, l'étude. Nous croyons qu'elle masque une
réalité, qu'elle ne
tient pas compte réellement de ce qui se passe dans le
marché. Et, moi, personnellement, je crois qu'on est essentiellement
devant une guerre de parts de marché. Évidemment, à ce
moment-là, on fait un certain nombre d'hypothèses, puis tout ce
qu'on cherche, ce sont des arguments pour venir appuyer cette
hypothèse-là Et c'est de bonne guerre; ça tait partie des
règles normales de l'organisation du marché libre dans lequel
nous sommes. Je comprends ça, puis je peux très bien, sinon
cautionner ça, accepter que ça se passe comme cela. Mais je ne
suis pas dupe, par exemple, et, à titre de parlementaire, je pense que
c'est même ma responsabilité de m'assurer des motivations qu'il y
a derrière les demandes qui sont faites par des organismes qui font des
pressions auprès du gouvernement et auprès du ministre en
particulier.
Alors, si le ministre, l'équipe ministérielle et les
collègues du gouvernement ne veulent pas recevoir les gens qui sont
contre leur projet de loi, il me semble que ça irait comme un peu de soi
qu'ils acceptent de recevoir les gens qui sont d'accord avec le projet, puis
qui pourraient venir leur donner, sans doute, des arguments pour être
encore plus à même de vendre le projet de loi, de mieux le
défendre, tant à notre endroit qu'à l'endroit de la
population et à l'endroit de leurs propres collègues. Parce que
je suis persuadée qu'il y a des gens comme nous, dans leur deputation,
qui sont en désaccord avec le projet de loi qui est devant nous. Alors,
dans ce sens-là, je trouve ça un petit peu étonnant que le
ministre ait une attitude de fermeture à l'endroit des groupes que l'on
souhaite recevoir devant la commission.
J'aimerais revenir sur un autre élément qui a
été soulevé ce matin, à la période de
questions, par ma collègue, la députée des
Chutes-de-la-Chaudière, qui demandait à la ministre de la
Condition féminine comment il se faisait que, malgré qu'il y ait
des avis du Conseil de la famille, elle ait pu être en accord avec le
projet de loi présenté par son collègue, le ministre de
l'Industrie, du Commerce et de la Technologie, sur la question d'ouverture des
magasins le dimanche. Et ma collègue citait le ministre en disant: Le
ministre admet lui-même, d'ailleurs, que ce seront des emplois à
temps partiel. Et, bon, la formule, évidemment, dans laquelle on se
trouve à l'Assemblée nationale au moment d'une question
complémentaire ne permet pas de faire toute la démonstration.
Mais elle aurait pu ajouter que ce temps partiel à bas revenu, ce sont
essentiellement - enfin, à 70 % - des postes occupés par les
femmes et ça les situe dans une situation de précarité. Ce
que le ministre avait, d'ailleurs, admis, la semaine dernière, devant la
commission, à savoir qu'il n'avait pas la prétention - puis, je
lui sais gré d'être honnête à l'égard de la
commission - de dire que les emplois qui allaient se créer allaient
être des emplois de haute technologie, bien sûr, et qu'il y avait
des revenus importants attachés à ces emplois-là, mais que
c'étaient, effectivement, des emplois à temps partiel, que
c'étaient davantage des emplois de type précaire
qu'autrement.
Alors, ce matin, quand la ministre de la Condition féminine
répondait à ma collègue qu'il fallait évoluer et
que ce n'était pas cola qui allait venir entacher les processus de
changement qu'on vit dans les familles et modifier profondément notre
mode de vie familiale au Québec, elle avait raison. Ce n'est pas cette
loi spécifiquement qui va avoir un effet dévastateur. Mais, vous
savez, souvent, quand une situation se modifie au plan culturel, au plan
social, c'est une sédimentation de décisions, un ensemble de
petites décisions qui, prises les unes après les autres, les unes
à la suite des autres, font en sorte qu'on a un effet sur la
déstructuration du tissu social d'une société. Et, comme
nous sommes dans une société de consommation dans laquelle nous
avons un peu de difficulté à nous retrouver en termes
d'échelle de valeurs, quand on ajoute en sus un certain nombre de
mesures, dont celle de rendre le commerce accessible sept jours-semaine, sans
prévoir...
Et je reviens, puis le ministre va dire que je me répète.
Je le sais, mais j'espère qu'il en retiendra quelque chose, de cette
répétition. Faire en sorte que, quelque part dans une semaine
régulière de travail - mon collègue parlait des acquis de
la révolution industrielle - une société se dise qu'il y a
un moment où la majorité d'entre nous va être
occupée à d'autres tâches que l'activité
économique ou le commerce, M. le Président, c'est juste ça
qui est demandé. On ne dit pas que, effectivement, si cette loi est
adoptée, c'est fini pour la vie de famille, non. On dit:
Pernicieusement, cela amplifie...
Le Président (M. Audet): Terminez.
Mme Marois: Oui, M. le Président, je termine. Cela
amplifie un phénomène qui est, malheureusement, destructeur de
notre tissu social, M. le Président, au Québec. Je vous remercie.
(12 h 10)
Le Président (M. Audet): Merci, Mme la
députée. Je vais maintenant reconnaître Mme la
députée de Chicoutimi. Vous avez 10 minutes.
Mme Jeanne L. Blackburn
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Nous avons
rappelé avec, je l'espère, une certaine efficacité que,
un, la loi, normalement, si on suit les règles, ne peut pas être
adoptée à cette session puisqu'elle a été
déposée après le 15 novembre, tel que le prévoient
nos règlements. Et, pour l'adopter, le gouvernement devra déposer
une loi pour permettre de déroger aux
règles de la Chambre, ce qui n'est pas l'exercice le plus
démocratique qu'on puisse souhaiter ou reconnaître, bien qu'on
sache que ce gouvernement ne se gêne pas pour le faire puisque, à
la dernière session, celle du printemps dernier, qui s'est
terminée juste avant la fête nationale, le 22 juin dernier, c'est
quelque 28 lois qui ont été adoptées sous la règle
de dérogation aux règles de l'Assemblée nationale, donc,
qui ont été adoptées sans un examen suffisant de la part
des personnes ou des organismes concernés et, évidemment, en
l'absence d'un examen sérieux et approfondi en commission parlementaire.
Il y a eu 24 lois, vraiment, qui ont été passées dans la
gorge de l'Opposition et de la population, plus 4 autres sur lesquelles il y
avait déjà eu dérogation aux règles, suspension des
règles, pour utiliser les termes couramment acceptés en cette
Chambre.
Alors, y a-t-il une urgence telle et le ministre s'apprête-t-il
à nous passer cette loi dans la gorge comme ils l'ont fait pour 28
à l'occasion de la dernière session? Est-ce que c'est ça,
la démocratie? Je pense que le ministre doit s'interroger de
façon sérieuse là-dessus. Je sais que c'est un homme
raisonnable qui nous a dit même que, lui, il n'était pas
intéressé à magasiner le dimanche, que ça ne
faisait pas partie de ses valeurs et qu'il voulait se consacrer à la
famille. Alors, je sais qu'il devrait comprendre que, chaque fois que par
intérêt pour un groupe - parce qu'il doit bien y avoir un groupe
qui est intéressé à l'ouverture des commerces le dimanche
- on est prêts à déroger aux règles de la
démocratie, on est en train de traiter la démocratie comme
étant quelque chose de très secondaire et les travaux en Chambre
comme étant un luxe qu'on se paie lorsque ça fait notre affaire,
sinon, on s'en passe. Parce que c'est un peu ça. L'Opposition est
devenue, avec ce gouvernement, l'équivalent d'un «rubber
stamp» - parce que je ne trouve pas l'équivalent en
français - je veux dire d'un tampon pour, tout simplement,
reconnaître la décision qui a été prise à un
autre niveau. Mais ça ne traduit pas bien, «tampon».
Une voix: Un sceau.
Mme Blackburn: Une caution. Parce que, lorsqu'on met un sceau,
c'est une caution. On vient cautionner le gouvernement parce qu'il donne
l'impression à la population qu'il y a une démarche
démocratique dans l'adoption et l'examen des projets de loi, alors que
ça n'est pas le cas.
Des voix: C'est le quorum.
Le Président (M. Audet): Allez-y, Mme la
députée.
Mme Blackburn: Alors, première remarque:
Le ministre ne peut pas faire adopter sa loi en respectant les
règles.
Deuxième - je l'ai rappelé et je vais me permettre de le
faire à nouveau: II n'y a pas d'urgence puisque les commerces pour
lesquels il y a avantage à ouvrir le dimanche le sont déjà
pour tout le mois de décembre. La partie importante du chiffre
d'affaires des commerçants, c'est connu, se fait à quelques
périodes et la période la plus importante, c'est celle des
fêtes. Parce que, à l'occasion des fêtes, les familles, les
individus, on a tous prévu des dépenses un peu plus
élevées. On fait des cadeaux, on reçoit davantage. On
s'offre un tas de belles choses. On s'offre des petites gâteries,
finalement, qu'on ne s'offre pas dans le courant de l'année. Et on a
prévu soit d'emprunter un peu sur la marge de crédit, la carte de
crédit, ou encore on a prévu un peu d'économies pour ce
faire. Mais ce n'est pas le cas pour tout le reste de l'année. Alors, il
n'y a pas d'urgence, parce que les mois de janvier, février et en partie
mars sont des mois extrêmement creux.
L'autre remarque que je voudrais faire: C'est fait sans qu'il ait de
débat, mais surtout sans qu'il ait d'études indépendantes,
sérieuses, fiables sur la structure des entreprises de services au
Québec, sur l'effet de l'ouverture des commorcos lu dimanche sur notro
structure d'entreprise. Il n'y a pas d'études fiables et
sérieuses là-dessus. Nous avions déjà
demandé au ministre de le faire au moment où on examinait le
projet de loi en 1990 et nous reconnaissions qu'effectivement nos grandes
institutions d'enseignement, y compris les HEC, s'étaient peu
penchées sur la structure des services. On a le primaire, le secondaire
et le tertiaire. Dans la structure primaire, on a des études assez
exhaustives qui nous définissent les impacts sur le développement
de l'économie. On en a également sur la transformation, et je
sais que c'est un domaine que le ministre connaît bien, ce qu'il appelle
la valeur ajoutée. On a de bonnes études là-dessus, sur
l'impact du développement de cette économie. Mais, sur le
tertiaire, on a peu ou rien. Et les grandes maisons d'enseignement, y compris
les HEC, ne se sont pas beaucoup penchées là-dessus.
On a des données brutes qui nous permettent de constater que, par
exemple, au Québec, les petites entreprises, les entrepreneurs, ce qu'on
appelle les propriétaires indépendants, détiennent environ
72 % du marché comparativement à 40 % aux États Unis. On
sait qu'ils sont très largement créateurs d'emplois. On sait que
le petit propriétaire, généralement - et il y a un ami qui
l'a fait - accepte d'ouvrir un dépanneur pour offrir des emplois
à son épouse et à ses enfants. On voit ça
régulièrement au Québec C'est une forme d'entreprise qu'on
voit moins aux États-Unis et moins dans les provinces canadiennes. C'est
un modèle qui nous appartient. On n'a aucune étude
sérieuse qui permettrait au
gouvernement et à la population de se faire une opinion sur la
modification de la structure des services - et particulièrement des
établissements commerciaux au Québec - que va entraîner
l'ouverture de commerces le dimanche.
Il est à parier que ça va avoir un effet à la
baisse sur la proportion qui est détenue actuellement par les
entrepreneurs indépendants, parce qu'un document que le ministre citait
et qui est l'étude réalisée pour le compte du regroupement
pour l'ouverture des commerces le dimanche par Price Waterhouse rappelle
qu'ouvrir les commerces le dimanche, c'est offrir cinq heures de plus, et je
les cite: «Ce tableau démontre l'importance des commerces autres
que l'alimentation et l'automobile au chapitre de l'emploi qui
représentent en effet plus de la moitié du total.
Considérons maintenant la croissance potentielle des heures
travaillées dans le commerce de détail. Une semaine "normale"
dans le commerce de détail est de 55 heures actuellement. Ajoutons une
journée de 6 heures les dimanches. Cela rajoute 11 % d'heures
supplémentaires.» Ça veut dire, ça, 61 heures. C'est
très bien, 61 heures, mais ça veut dire exactement ce que cela
dit. Ça veut dire que le petit propriétaire devra travailler six
heures de plus. Celui qui se tape toutes ces heures de commerce, celui qui n'a
pas les moyens d'avoir à son service des employés en qui il a
parfaitement confiance, celui qui n'a pas les moyens de se payer
carrément des employés devra ajouter six heures à sa
semaine Est-ce qu'on pense que c'est faisable? Ça va entraîner une
série de faillites.
Il me semble qu'une donnée qu'on aurait intérêt
à avoir ici et qu'on ne connaît pas - le ministre l'a
peut-être mais, nous, nous ne l'avons pas - c'est l'effet de l'ouverture
des marchés d'alimentation le dimanche sur les commerçants
indépendants. Les marchés d'alimentation sont ouverts le dimanche
depuis déjà deux ans. Est-ce que ça a eu un effet sur les
commerçants indépendants? Combien y a-t-il eu de faillites?
Est-ce qu'il y en a eu? Elles ont touché quelles régions en
particulier? C'est toutes des questions qu'il aurait été utile de
connaître avant, comme ça, aveuglément, à la faveur
d'études réalisées par les tenants de l'ouverture des
commerces le dimanche, de s'en aller dans cette voie. Il aurait
été...
Le Président (M. Audet): En conclusion.
Mme Blackburn: ...responsable, je pense, de la part du ministre,
de produire des études indépendantes et un peu plus
fouillées sur l'état de la situation actuelle, l'effet de
l'ouverture des marchés d'alimentation sur les entreprises, les
marchands indépendants et également les effets de l'ouverture des
commerces le dimanche sur la structure des services et particulièrement
des commerces au Québec.
Le Président (M. Audet): Merci, Mme la
députée.
Mme Blackburn: Alors, c'est ce qu'on peut déplorer, en
rappelant que, s'il acceptait de reporter l'examen de ce projet de loi, il
aurait le temps de mettre en chantier ces études et de nous offrir,
peut-être, en même temps, s'il était en mesure de le faire,
des études qui démontrent...
Le Président (M. Audet): Merci.
Mme Blackburn: ...que ça n'a pas les effets
négatifs qu'on appréhende. Et, à ce moment-là, on
pourrait peut-être revoir notre position.
Le Président (M. Audet): Merci, Mme la
députée.
Mme Blackburn: Je vous remercie.
Le Président (M. Audet): Est-ce qu'il y a d'autres
interventions sur la motion? Mme la députée de
Marie-Victorin.
Mme Cécile Vermette
Mme Vermette: Oui, merci, M. le Président. Alors,
effectivement, je pense que nous avons passé une fin de semaine et que
ça nous a permis de retourner chacun dans nos milieux respectifs et de
prendre vraiment en considération le pouls de notre population. À
mon avis, c'est tout à fait instructif de voir à quel point,
actuellement, la population et surtout les propriétaires de petits
commerces ne sont pas si entichés de voir des changements se produire
dans les mois qui s'en viennent au niveau de l'ouverture des heures d'affaires
le dimanche. (12 h 20)
Effectivement, on s'aperçoit que la plupart des gens, en tout
cas, semblent ne pas avoir été consultés ou que la
consultation a été faite d'une façon assez
aléatoire. On est allé chercher seulement ceux qui se
considéraient davantage pour au niveau des grandes corporations ou des
grandes associations et on a mis de côté, dans le fond, la
majorité des membres qui semblaient être plus ou moins d'accord
avec l'ouverture des heures d'affaires le dimanche. C'est ce qui ressortait,
d'ailleurs, aux bulletins de nouvelles ou à des postes de radio
dimanche. Donc, ce n'est pas tellement loin dans le temps. Je ne fais
référence qu'à la journée d'hier. Beaucoup de
personnes qui appartenaient, justement, à des corporations disaient:
Nous, nous n'avons pas été consultés. Nous, les gens de la
base, nous n'avons pas été consultés.
Et je regardais, effectivement, au niveau des pourcentages, les gens qui
ont été atteints pour les sondages; ça représente
à peine 10 % des gens, dans certains cas, qui ont été
saisis,
en fait, qui ont pu se prévaloir d'exprimer feur opinion. C'est
très peu. Et, dans ces 10 %, bien sûr, on fait différents
secteurs. Il y a six secteurs, et on voit que ça prend des proportions
différentes selon qu'on est commerçant de détail ou qu'on
est propriétaire de commerce où, en fait, on offre
différents autres services. Je pense qu'il faut retenir vraiment ces
affirmations des gens qui, de plus en plus, ne se sentent pas pris en compte,
concernés par les changements que veulent apporter les gouvernements, ce
qui apporte encore un écart considérable entre la population et,
finalement, nos gouvernements, et, dans ce cas-ci, le gouvernement du
Québec.
On se demandera maintenant pourquoi, de plus en plus, la population se
désintéresse, n'a plus confiance en ses hommes et ses femmes
politiques. Je pense que c'est un des aspects fondamentaux, à l'heure
actuelle, puisque les gens ne se retrouvent pas dans les décisions du
gouvernement. On ne prend pas assez en considération l'opinion des gens
de la base, pas seulement des plus gros, des plus forts, mais des gens qui,
effectivement, forment le peuple. Ceux-là, on les met de
côté. On les nie. On fait un genre de déni social à
leur endroit et on a l'impression, en fait, qu'ils vont suivre, qu'ils n'ont
qu'à suivre la vague et à se conformer à la loi du plus
fort.
D'ailleurs, on a vu certains éditoriaux qui relevaient qu'on
appliquait pas mal la loi de Darwin au niveau du commerce à l'heure
actuelle et qu'on essayait, finalement, de dire que seuls les plus forts
pourront résister et pourront passer, alors que, les autres, c'est
malheureux, mais ils n'auront qu'à disparaître. Je ne sais pas si,
en fait, ça fait partie aussi des normes de qualité du ministre,
quand il parle de qualité totale, de faire disparaître un grand
nombre de commerces qui sembleraient peu propices à cette concurrence
qui semble déloyale, à l'heure actuelle, puisqu'ils n'ont pas
nécessairement le même pouvoir d'achat. Il ne sont pas mis dans
les mêmes règles d'application, si vous voulez, pour permettre
d'avoir de meilleurs prix à meilleur coût, bien sûr,
à tout coup, du premier coup, parce qu'ils n'ont pas le pouvoir d'achat,
ils n'ont pas, non plus, le volume. Et ça, à mon avis, c'est
excessivement malheureux.
Vous savez, il y a des limites à la qualité totale, parce
que, effectivement, avec un tel raisonnement, on pourrait même mettre
certains pays complètement en dehors de la «map» et
ça ne causerait pas de problèmes du tout au niveau
économique, parce qu'ils sont peu rentables, apportent très peu
de contribution au niveau de l'économie et, plus qu'autrement, ils
coûtent beaucoup plus cher qu'ils ne rapportent. On pourrait, à la
rigueur, dire: Bien, écoutez, débarrassons-nous de tous ces gens,
parce qu'ils sont plus ou moins rentables. Ils n'apportent pas, finalement,
leur dû, puis ils sont une source de problèmes pour notre
société. Au nom d'une qualité totale, on pourrait laisser
tomber tous ces gens.
Je pense qu'il faut faire attention avec ces principes. C'est bien beau
au niveau d'un discours. C'est bien beau, effectivement, quand on veut apporter
de nouveaux concepts et qu'on veut se faire valoir, en fait, au niveau des
changements, mais il faut aller beaucoup plus loin que les concepts. À
mon avis, il y a des incidences dramatiques sur des êtres humains et sur
des secteurs d'une population très importants, ce qui peut faire du
clivage social. Et ça, c'est excessivement dangereux, le clivage social,
parce qu'on élimine des gens qui pourraient être une contribution
pour leur société mais qui, malheureusement, ne pourront pas
avoir la chance d'apporter cette contribution parce que, au nom des principes
économiques, au nom d'une qualité totale, justement, il n'y a que
les performants qui peuvent avoir une place et, les autres, on les laisse
tomber. Il y a un prix social à payer pour ça et c'est un prix
social qui risque d'être dramatique, à mon avis. On maintient cet
écart entre pauvres et riches de plus en plus; aussi, à tous les
niveaux sociaux, le tissu social se désagrège, et ça peut
apporter des fléaux qu'on ne voudrait pas subir, en tout cas, ou qu'on
ne voudrait pas vivre.
On n'a qu'à regarder, à l'heure actuelle, ce qui se passe
pour notre jeunesse. C'est loin d'être des plus prometteurs à
l'heure actuelle, la situation sociale, pour nos jeunes. Ils ont de la
difficulté à se trouver des emplois permanents. On leur en offre
beaucoup, des emplois, mais des emplois précaires, à salaire
minimum. Et je ne pense pas qu'on puisse penser former une
société intéressante à ce niveau-là.
Pourquoi nos jeunes ont-ils de la difficulté et ne veulent plus se
marier? Bien, quand on est obligé de faire face à des
responsabilités économiques considérables et d'être
endetté, c'est bien sûr que ce n'est pas intéressant de
vouloir se mettre en ménage, d'autant plus qu'on sait très bien
qu'aujourd'hui il n'y a aucune sécurité d'emploi, nulle part.
Aujourd'hui, vous pouvez avoir un emploi et demain vous pouvez le perdre. Et
c'est ce qui est actuellement la préoccupation de notre
société et, plus particulièrement, de la jeunesse. Ils
n'en ont rien à faire de ces emplois qu'on est en train de leur
créer, en fait, au niveau des heures d'ouverture le dimanche, parce que
ce ne sont que des emplois précaires qui ne règlent en rien, en
fait, leurs conditions d'avenir et qui ne favoriseront pas, non plus, leur
idéal, et ne leur permettront pas d'envisager de créer une
famille et de fonder une famille. Je ne pense pas que ce soit sur la
précarité qu'on puisse vraiment avoir des bases et des assises
assez solides pour envisager l'avenir à long terme.
Effectivement, malgré que la natalité ait augmenté
un peu plus au Québec, on se plaint beaucoup de notre problème de
dénatalité. Mais je pense que, si on veut vraiment encourager,
ce
n'est pas juste par des politiques natalistes. Il faut aussi avoir
à l'oeil, il faut aussi envisager des possibilités de
créer et d'harmoniser des liens familiaux. Et, pour cela, il ne faut
pas, justement, permettre que le dimanche devienne une journée
consacrée, tout simplement, au magasinage ou à faire les courses
ou, en tout cas, à permettre, justement, que, de plus en plus, le loisir
familial devienne, en fait, le magasinage. Je ne pense pas que notre
société puisse se permettre d'envisager un niveau culturel de cet
ordre.
Il y a d'autres dimensions qu'il faut regarder et qui pourraient
être aussi un apport important pour l'économie du Québec -
mais ce serait d'un autre ordre de grandeur - et qui valoriseraient davantage
des valeurs plus fondamentales, notamment, les valeurs de la famille qui
demeure encore la base même d'une société.
Le Président (M. Audet): En conclusion.
Mme Vermette: M. le Président, dans notre
société où tout semble aller de plus en plus mal et vers
la dégradation sociale aussi, il faut faire attention à ce
moment-ci et je ne pense pas que nous soyons dans la bonne direction. Et nous
devons nous permettre d'entendre, en fait, ces gens pour qu'ils viennent nous
donner leur point de vue. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Audet): merci, mme la
députée. je vais maintenant reconnaître m. le
député d'orford. m. le député, vous avez 10
minutes.
M. Robert Benoit
M. Benoit: Merci, M. le Président. Je voudrais, pendant
ces 10 minutes, peut-être expliquer à nos gens comment,
finalement, la vente au détail évolue et elle a toujours
évolué, ce n'est pas nouveau. Si je me souviens, quand
j'étais petit gars, ma mère faisait l'épicerie le
vendredi, elle faisait le lavage le lundi, et c'était tout
organisé. Ma mère est toujours vivante et elle ne fait plus
l'épicerie le vendredi. À tous les jours, elle part avec mon
père et ils vont à l'épicerie acheter un bout de pain, un
bout de fromage, un morceau de légume. Enfin, à tous les jours,
mes parents font un peu les emplettes. Et ça a évolué. Je
me souviens, dans le temps, c'étaient les grosses boîtes
d'épicerie qui rentraient le vendredi, vers 15 heures, puis la
mère avait fait l'épicerie pour la semaine. Ça a
changé. Ça a changé. D'abord, les résidences se
sont rapetissées, les espaces de rangement se sont rapetissés et
les gens... (12 h 30)
Et les gens de l'Opposition aiment bien nous citer ce mémoire,
cette étude. Mais, à la page 72, on est bien clair. Il y a une
évolution. Votre propre ministre, quand il a passé la loi, avait
dit: C'est une loi qui est évolutive. Avec notre ministre,
effectivement, cette loi, elle évolue et elle évolue d'une
façon tout à fait intelligente et normale. Je vous donne des
exemples comment, historiquement, les gens au détail ont suivi leur
clientèle et se sont ajustés à leur clientèle. Cet
été, je n'avais pas le temps de faire réparer les bicycles
des enfants. Alors, M. le Président, j'ai été tout
à fait... Depuis 11 heures que je suis ici, je les ai
écoutés silencieusement, respectueusement; j'apprécierais
qu'ils fassent la même chose, M. le Président.
Le Président (M. Audet): Vous avez raison, M. le
député. Je demanderais un peu d'ordre, s'il vous plaît, aux
membres de la commission. M. le député d'Orford, poursuivez.
M. Benoit: Cet été, les bicycles de mes enfants
étant brisés, je n'avais pas vraiment le temps de m'occuper de
ça. Ma plus vieille me dit: Pas de problème, il y a un gars
à Sherbrooke, tu appelles, il arrive en bicycle et il répare le
bicycle chez vous. J'ai dit: Mon Dieu, ça ne se peut pas! Ça ne
se peut pas. Il ne doit pas faire d'argent, ce gars-là. Je ne comprenais
pas ça. Alors, je l'ai appelé. Il a dit: Oui, monsieur. À
quelle heure voulez-vous que je sois là? Il est arrivé avec son
petit bicycle à pédales, le «trailer» en
arrière, il avait son petit établi. Il s'est installé dans
le garage. Il a réparé les deux bicycles. J'ai dit: Vous
laisserez la facture, je vais mettre un chèque dans la malle, monsieur.
J'ai trouvé ça absolument extraordinaire. J'ai dit: Lui, il a
compris et il s'est rapproché de sa clientèle. Lui, il avait
compris ça.
Je vais vous parler d'autres. Les caisses populaires; il y a quelques
années, c'était impossible d'aller dans une caisse populaire le
soir, c'était impossible d'aller à la caisse populaire le samedi.
C'était impossible, finalement, et ils avaient, eux,
décidé. Ils ont vite réalisé que le client, lui,
était plus fort que tous leurs règlements et que le client
voulait aller à la caisse populaire le vendredi soir, voulait aller
à la caisse populaire le samedi et ça n'a pas été
long qu'ils ont ouvert ça.
Je regarde les courtiers en valeurs mobilières, en ce moment, qui
annoncent leur Green Line. La Banque Toronto-Dominion, elle, ce n'est pas
compliqué, a dit: Nous avons des gens 24 heures par jour, au bout de la
ligne, qui peuvent répondre à vos questions. C'était un
courtier à «discount» qui, lui, a réalisé
qu'il y avait une clientèle pour ça. Je lisais récemment
sur le vieillissement de la population comment les industries se rapprochent
toujours de leurs clients. Les banques, en ce moment, sont après amener
les guichets automatiques chez les clients. Alors, depuis toujours - et c'est
tout un concept qu'on est après changer - on avait amené le
client vers le guichet automatique. On a rapproché le guichet
automatique du client.
Maintenant, on les trouve dans les magasins de cassettes, on les
retrouve dans les centres d'achats, on les retrouve un peu partout. Mais
là, la prochaine étape, c'est qu'on va amener la machine à
argent, finalement, près du client, chez les gens âgés.
Alors, déjà, on me dit que, dans des résidences de
personnes âgées, importantes, on passe avec le guichet automatique
dans les corridors et les gens ramassent ou font leur dépôt. C'est
une évolution où on a réalisé, M. le
Président, qu'on doit se rapprocher de cette clientèle.
Quand j'étais en affaires, je me souviens, au début, les
gens allaient chercher leur petite collation du midi ou du matin en bas;
ça n'a pas été long, par la suite, qu'on a eu des chariots
qui passaient sur les étages. C'était au 1155 de la rue
Dorchester. Vers 10 heures, 10 h 30, il y avait un chariot qui arrivait sur les
étages. On s'était rapprochés du client. On montait le
café sur les étages avec les biscuits et les sandwiches. Ensuite,
on l'a fait pour l'heure du dîner et le client, à chaque fois, a
été gagnant là-dedans.
À la page 72, ce qu'on nous explique, c'est qu'il y a une
évolution des choses. Le client a évolué et la
société doit le suivre, le commerçant doit le suivre
aussi. Les restaurants, c'est le plus bel exemple. Chez nous, dans notre
région, il y a quatre immenses buffets, de 500 à 600 chaises, qui
sont ouverts, dans les derniers mois, cela. Je n'ai pas à poser
d'opinion: est-ce que c'est bon ou si ce n'est pas bon? Mais c'est
évident que, à l'intérieur de quelques mois, tous ces gens
ont réalisé que les clients voulaient éventuellement ce
genre de service et ils s'en sont rapprochés.
Alors, je pense que cette loi, ce qu'elle essaie de faire... Et je
regardais ici, dans cette étude, l'étude des HEC qui dit que 80 %
des gens feraient leur épicerie, 56 % iraient à la pharmacie le
dimanche. Bon, c'est les HEC qui avaient fait cette étude-là.
Même si on ne croyait rien de tout ce que je viens de dire, il y a une
réalité concrète. Dimanche de cette semaine, je ne sais
pas si certains d'entre vous sont passés dans leur comté
vis-à-vis les centres d'achats. Moi, j'ai vu deux centres d'achats dans
ma circonscription qui étaient ouverts. C'était l'euphorie. Les
gens ne pouvaient plus stationner dans le centre d'achats. Ils devaient
stationner dans les rues en périphérie. Il y a quelque chose
là. Les gens certainement ne sont pas justes allés au centre
d'achats pour stationner leur auto et dire aux libéraux: Vous avez
raison de passer cette loi-là. Moi, je pense que c'est parce qu'il y
avait quelqu'un dans les magasins. Je vous ai parlé aussi vendredi, mais
il en manquait un bon nombre, de l'achat par correspondance. En pleine nuit,
j'ai été capable d'acheter un fax. En pleine nuit. Encore
là, qu'est-ce qu'on réalise, messieurs dames de l'Opposition?
C'est que les commerçants se sont rapprochés de leurs clients par
toutes sortes de façons intelligentes et dynamiques.
M. le Président, je finis en invitant ces gens-là à
réaliser que les choses évoluent dans la société.
Quand la députée me dit: Oui, mais il faut écouter tout ce
beau monde-là, je vous rappellerai qu'on en a écouté
pendant 220 heures et qu'avant que le débat commence la
députée qui était responsable a dit clairement, comme
à Bélanger-Campeau d'ailleurs, où ils ont dit: On peut
écouter tout ce beau monde-là, nous autres, c'est la
souveraineté; c'était décidé avant de commencer
Bélanger-Campeau... Mais, dans le cas du débat sur les heures
d'ouverture, ils ont dit à peu près la même chose: Peu
importent tous les mémoires qu'on va écouter, nous autres, on est
contre l'ouverture le dimanche. Là, on nous dit: On devrait en
réécouter quelque 200 heures, 96 mémoires! Bien, voyons
donc! On les a déjà entendus et ils les ont entendus, mais, avant
de les entendre, comme pour Bélanger-Campeau, ils nous disaient... Je
pense qu'il y a des confrères à moi qui ont été sur
Bélanger-Campeau, ici. Moi, j'ai trouvé ça
épouvantable, c'était rire de la démocratie de dire
à des gens: Venez nous dire ce que vous pensez, mais, nous autres, c'est
tout réglé dans notre tête, ce qu'on pense, et on ne
changera pas d'un iota.
Depuis le dernier débat sur les heures d'ouverture, nous, on a
évolué. Entre le premier projet de loi et le dernier projet de
loi, il y a eu une nette amélioration de la part du ministre ou une
nette...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Benoit: Pas une amélioration, il y a eu une nette
évolution. Au moment où on a écouté les gens, on
s'est ajustés. Mais, dans le cas de l'Opposition, ils ont dit: On est
contre et on va être contre. À Bélanger-Campeau, ils ont
dit: On est pour la souveraineté; même si on fait le tour du
Québec et qu'on écoute tout le monde, on est pour la
souveraineté et on ne changera rien. On ne changera rien.
M. le Président, ce que j'essaie de dire, c'est qu'il y a des
gens qui ne veulent pas changer, mais les coutumes, les habitudes du
consommateur ont évolué. Entre ma mère qui faisait
l'épicerie une fois par semaine quand j'étais petit gars et le
gars qui est venu réparer le bicycle à ma résidence avec
son bicycle, et les caisses populaires, il y a une évolution des choses,
il faut le réaliser. Moi, j'invite ces gens-là à essayer
d'évoluer dans le temps. Je pense que c'est là le succès
pour nos gens d'affaires, nos entreprises qui veulent ça en grande
partie, les consommateurs à 80 %, les chambres de commerce presque
à l'unanimité, on l'a démontré la semaine
dernière. Alors, j'invite ces gens-là à essayer
d'évoluer un petit peu avec nous. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Audet): Merci, M. le
député.
M. Léonard: M. le Président, sur une question
de...
Le Président (M. Audet): De règlement?
M. Léonard: ...règlement, tout simplement pour
rectifier parce que je suis convaincu que le député n'a pas fait
exprès, ce n'est pas intentionnel, mais, vendredi, le gouvernement n'a
pas convoqué la commission parlementaire, alors il a perdu une
journée.
Le Président (M. Audet): C'est noté, M. le
député de Labelle.
M. Léonard: J'aurais pu lui poser une question.
Le Président (M. Audet): C'est noté.
M. Léonard: J'aimerais savoir aussi s'il a eu à
payer la TPS et la TVQ sur sa facture de réparation de bicyclettes.
Le Président (M. Audet): Avant que vous décidiez de
poser une question, M. le député, il faut que le
député accepte d'y répondre, en vertu du règlement.
Alors, vous oubliez ça?
M. Benoit: Je vais y répondre et je vais aller plus loin
que ça, M. le Président.
Le Président (M. Audet): Très
brièvement.
M. Benoit: Je n'ai jamais dans ma vie payé quoi que ce
soit en cash. J'exige à chaque fois d'avoir une facture...
M. Léonard: Très bien.
M. Benoit: ...et je paie par chèque, de façon
à ce que, à la fin de l'année, je puisse avoir un bilan
exact où est allé l'argent de ma famille. Alors, tout est
payé par chèque à chaque dépense qui m'est
présentée.
M. Léonard: Y compris les pourboires.
Le Président (M. Audet): Merci, M. le
député.
M. Benoit: Est-ce que vous avez une deuxième question?
Le Président (M. Audet): Merci.
Une voix: Ça doit être malcommode dans une
boîte téléphonique.
Le Président (M. Audet): Alors, je vais maintenant
reconnaître M. le député de Lavio-lette. M. le
député de Laviolette, vous avez 10 minutes.
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: Bon, c'est justement une façon
détournée de ne pas répondre à la question
posée, à savoir s'il avait payé la TPS et la TVQ, parce
que je n'ai pas eu de réponse à ça. Mais, peu importe,
c'est aussi la façon détournée de nous dire que c'est
encore de notre faute. Le député, en terminant, vient de nous
dire: Vous n'avez pas changé d'idée. Je lui repose la question:
Eux non plus! Dans un contexte...
Une voix: C'est ça.
M. Blais: Bélanger-Campeau, non plus.
M. Jolivet: Bélanger-Campeau, non plus. D'ailleurs, vous
voyez le résultat. Vous voyez le résultat?
Le Président (M. Audet): S'il vous plaît, messieurs!
Messieurs! Je reconnais le député de Laviolette.
M. Jolivet: Vouloir accuser les autres... Une voix: Un
à la fois.
Le Président (M. Audet): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Jolivet: Vouloir donc accuser les autres de ne pas changer
d'idée et faire de même, ça implique nécessairement
que la démocratie doit permettre aux gens de pouvoir s'exprimer. Nous
avons une opinion, vous avez la vôtre; nous croyons que la vôtre
n'est pas bonne et vous croyez que la nôtre n'est pas bonne. Il y a
quelqu'un qui va trancher. Vous avez le pouvoir de décider. Comme vous
avez le pouvoir de décider, à ce niveau-là, M. le
Président, les gens doivent bien comprendre que nous sommes dans un
processus qui est prévu par le règlement. La proposition qui est
faite par le député de Drummond à l'effet d'entendre une
personne qui est pour le Regroupement québécois pour l'ouverture
le dimanche, c'était, à mon avis, une réponse rapide qu'on
aurait pu avoir du côté ministériel. Le ministre aurait
dû dire: Nous ne voulons plus faire aucun débat; nous allons
accepter. Nous allons de nous-mêmes ajourner le débat
jusqu'à ce qu'on les ait convoqués. À ce moment-ci, on
aurait la chance de prendre le temps voulu pour adopter ce projet de loi
là. (12 h 40)
M. le Président, jeudi qui vient, à l'heure du lunch du
midi, nous aurons l'occasion, à l'Assemblée nationale, puisque
nous avons été invités par le président, de
fêter la première rencontre de l'Assemblée nationale il y a
200 ans. Dans ce qu'on a appelé l'ère de la démocratie
moderne, ce que nous proposons au côté ministériel, c'est
justement d'agir avec démocra-
tie. Il y a des règles qui sont prévues par notre
règlement, nous permettant de déposer des projets de loi pour
être adoptés dans la même session. Je l'ai dit et je l'ai
répété, M. le Président, on devrait, à mon
avis, changer ça. On devrait étudier les projets de loi de
façon plus normale, plus correcte, en les déposant à une
session pour être adoptés seulement à la session suivante,
c'est-à-dire avoir le temps, justement, de répondre à la
demande du député de Drummond de convoquer des gens et
d'étudier le projet de loi. Si, au lieu d'être sur la formule
bipartite, on était vraiment dans la recherche d'une décision qui
convient à l'ensemble de la population, le ministre ne serait même
pas là; les gens de la commission étudieraient le projet de loi
déposé par le ministre en son absence, avec des gens venant d'un
peu partout, pour se faire une idée en commission et forcer le ministre
à accepter la position que même des députés
libéraux acceptent, M. le Président, c'est-à-dire de ne
pas ouvrir les commerces le dimanche.
Vous ne me ferez pas accroire qu'il y a chez les libéraux
actuellement pleine unanimité. Nous l'avons vu lorsqu'il a
été question du vote en adoption du principe, il y a des gens qui
ne se sont pas présentés à l'Assemblée nationale.
Des ministres comme des députés. Ils nous ont dit en dehors de la
Chambre qu'ils étaient contre et qu'ils trouveraient le moyen de ne pas
être présents lors du vote. Il y a chez les libéraux des
gens qui le voient comme nous, mais, parce qu'ils sont obligés de suivre
la décision de leur ministre, ils vont voter pour. Moi, je n'ai pas
d'objection à ce qu'il y ait un vote où les gens votent selon ce
que pense la population et ce qu'ils pensent eux-mêmes. Je n'ai aucune
objection. À ce moment-là, peut-être que le ministre serait
surpris de voir combien de personnes de son bord pensent contrairement à
lui.
Je peux vous dire qu'il y avait des gens qui, au départ,
même dans notre formation politique, étaient en désaccord
avec nous. On leur a donné la chance de le faire valoir.
Deuxièmement, ils ont eu le droit de voter comme ils voulaient.
Troisièmement, à ce moment-ci où on se parle, il y a des
gens qui croyaient qu'il fallait ouvrir les commerces le dimanche et qui
aujourd'hui, avec toute l'argumentation qui est apportée, ont
changé d'idée. C'est pour ça que la proposition du
député de Drummond est intéressante.
Nous avons, par l'intermédiaire de sa proposition, appuyé
le député de Drummond pour faire entendre quelqu'un qui est
contre notre idée, mais on veut bien l'entendre. On veut bien savoir ce
qu'il pense, on veut bien qu'il nous dise les raisons pour lesquelles il milite
en faveur du regroupement des gens qui veulent l'ouverture des commerces le
dimanche. Et le gouvernement refuse même ça, M. le
Président. Le gouvernement se refuse à entendre toute personne.
Pourquoi? Parce que, en entrant, à l'ouverture de la session, le 24
novembre dernier, déjà son lit était fait, sa
décision était prise, coûte que coûte, quoi qu'il se
passe, même si le député de Laviolette et ses
collègues reçoivent de la part des gens dans leur milieu, que ce
soit des gens de Grand-Mère ou de La Tuque... Je pourrais vous nommer
des gens qui m'ont appelé ou qui m'ont envoyé des lettres,
m'indiquant qu'ils ne voulaient pas l'ouverture des commerces le dimanche. Je
ne pourrai faire autre chose que leur dire: Messieurs, j'ai défendu
votre position; cependant, le gouvernement étant majoritaire, il a
décidé non seulement de passer son projet de loi à cette
session, mais d'aller à rencontre de ce qui est démocratiquement
reconnu dans nos règles de procédure, c'est-à-dire de
vouloir passer une loi spéciale pour enlever la date du 15 novembre.
C'est la faute de qui, M. le Président, si nous sommes dans ce
délai-là? C'est la faute du gouvernement qui avait le pouvoir de
nous convoquer à la date normale de l'ouverture des sessions
après le référendum, avant le 15 novembre. Il n'y a
personne qui aurait empêché le gouvernement de le faire le
lendemain du référendum, le mardi qui suivait la date du
référendum. Personne. Le gouvernement a décidé de
faire autre chose, c'est son choix. Il a décidé de le faire
au-delà du 15 novembre, c'est son choix, mais qu'il ne vienne pas faire
porter l'odieux de cette décision-là à l'Opposition. Qu'il
prenne ses responsabilités, qu'il mette ses culottes, mais qu'il sache
que la population va savoir qu'il a pris tous les moyens
antidémocratiques, forçant la main de l'Opposition pour signer,
parce que de ses députés qui sont contre ne seront même pas
en Chambre, pourvu qu'ils aient la majorité sur nous.
Alors, M. le Président, jusqu'à la fin, le ministre saura
que je serai un de ceux, avec mes collègues, qui diront non à
l'adoption en troisième lecture, ce qu'on appelle l'adoption du projet
de loi lui-même. C'est-à-dire que, s'ils veulent le faire, ce sera
en nous passant sur le corps. Mais ils le feront dans un moment où on
parle du 200e anniversaire de l'arrivée de la démocratie moderne
au Québec, dans le Nord-Amérique. Je ne parlerai pas de la
démocratie mondiale, parce qu'il y a eu des démocraties, en
Grèce. Mais la démocratie moderne, c'est après... Puis, en
sachant bien que le Québec, à travers le monde, est un des
premiers par rapport à ce qui existait en France, à
l'époque, ou ailleurs où il y avait de la monarchie.
Je pense qu'il faut être clair: la décision du ministre est
une décision qu'il a prise dès le départ, qui n'a pas
changé malgré nos objections, malgré tout le travail que
nous avons pu faire et que nous allons encore faire. Je vous dirai que des gens
de mon coin m'ont demandé de me battre jusqu'au bout, et c'est ce que je
fais en leur nom. Je pourrais vous déposer les lettres ici, en
commission parlementaire. Je pourrais vous
dire les gens que j'ai rencontrés dans les centres d'achats
où je suis allé, en dehors du dimanche - parce que je n'y suis
pas allé le dimanche par principe - m'ont dit: Tenez bon. J'ai
été obligé de leur dire que j'aurais beau tenir bon
jusqu'au bout, si le gouvernement veut utiliser les moyens d'une loi
spéciale pour m'obliger à fermer ma boîte et à voter
la loi qu'il veut bien, il en portera l'odieux, de cette
décision-là. Mais il ne me fera pas porter, à moi,
l'odieux d'avoir fait ça à cette date-là.
Le ministre - j'aurai l'occasion d'y revenir - nous indique qu'en
ouvrant les magasin il y aurait, comme en Ontario ou ailleurs, des effets
bénéfiques. Je pourrais lui donner des articles qui indiquent
l'inverse, M. le Président. Je lui dirai que la même tarte est
là pour tout le monde. Plus de monde se la partageant, il y en aura donc
peu pour chacun. Il y a une chose qui est certaine: ça ne fera que
déplacer les gens au travail, ça empêchera des gens... Je
donnais comme exemple, en Chambre - c'est des choses qui peuvent se produire -
mon enfant qui travaille dans un magasin et son amie qui travaille dans un
autre magasin. Actuellement, ils peuvent venir - parce qu'ils peuvent
coordonner leurs dimanches où, au moins, ils sont libres tous les deux -
à la maison, à Grand-Mère, puisqu'ils sont ici, à
Québec. Ils ne pourront peut-être plus le faire dans le futur
parce qu'il y a un dimanche où son amie travaillera alors que, lui, il
ne travaillera pas et, la semaine suivante, ce sera lui par rapport à
elle. Finalement, les rencontres qu'on a eues, comme hier, en famille pour la
fête de mon épouse, vont être plus difficilement
organisâmes, M. le Président. La vie familiale, on en a fait
mention aujourd'hui, c'est des réalités, ce n'est pas des
mensonges.
Le Président (M. Audet): En conclusion.
M. Jolivet: Et ça, M. le Président, nous allons
nous battre jusqu'au bout, c'est non. Mais je ne comprendrai jamais pourquoi le
ministre refusera d'entendre des gens qui sont d'accord avec lui.
Le Président (M. Audet): Merci, M. le député
de Laviolette. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur la motion? Alors,
puisqu'il n'y a pas d'autres interventions, je vais mettre la motion aux voix.
Est-ce que la motion... Oui, l'ensemble de la formation de l'Opposition
officielle est intervenu. Alors, étant donné qu'il n'y a plus
d'autres interventions, je vais mettre la motion aux voix. Alors, monsieur
le...
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Audet): Alors, est-ce que la motion est
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Audet): On demande le vote? Alors, M. le
secrétaire.
Mise aux voix
Le Secrétaire: M. St-Roch (Drummond)? M. St-Roch:
Pour, monsieur. Le Secrétaire: M. Blais (Masson)? M.
Blais: Pour.
Le Secrétaire: M. Léonard (Labelle)? M.
Léonard: Pour.
Le Secrétaire: Mme Vermette (Marie-Vic-torin)?
Mme Vermette: Pour.
Le Secrétaire: Mme Blackburn (Chicouti-mi)?
Mme Blackburn: Pour.
Le Secrétaire: Mme Marois (Taillon)?
Mme Marois: Pour.
Le Secrétaire: M. Jolivet (Laviolette)?
M. Jolivet: Pour.
Le Secrétaire: M. Tremblay (Outremont)?
M. Tremblay (Outremont): Contre, M. le Président.
Le Secrétaire: M. Benoit (Orford)? M. Benoit:
Contre, M. le Président.
Le Secrétaire: Mme Dionne
(Kamouraska-Témiscouata)?
Mme Dionne: Contre.
Le Secrétaire: M. Bordeleau (Acadie)?
M. Bordeleau: Contre.
Le Secrétaire: M. Lemire (Saint-Maurice)?
M. Lemire: Contre.
Le Secrétaire: M. Lafrenière (Gatineau)?
M. Lafrenière: Contre.
Le Secrétaire: M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine)?
M. Farrah: Contre.
Le Secrétaire: M. Audet (Beauce-Nord)?
Le Président (M. Audet): Contre. Alors, la motion est
rejetée à huit contre cinq. M. le député de
Drummond.
M. St-Roch: Oui, M. le Président. Comme vous me l'aviez
signalé tout à l'heure au début de nos travaux, je devais,
si je voulais entendre le ministre du Revenu, procéder par l'article
244. Alors, je suis vos recommandations, M. le Président, et...
Le Président (M. Audet): Est-ce qu'on peut en avoir une
copie?
Motion proposant d'entendre le ministre du
Revenu
M. St-Roch: Oui, j'ai le plaisir de déposer la motion
suivante: «Que la commission de l'économie et du travail, en
conformité avec l'article 244, entende M. Raymond Savoie, ministre du
Revenu». (12 h 50)
Le Président (M. Audet): Merci.
(Consultation)
Le Président (M. Audet): Je tiens à vous aviser, M.
le député, toutefois, que l'article 164 prévoit les
modalités au niveau de l'invitation du ministre. Parce que vous savez
que, lorsqu'une commission désire l'entendre, le ministre doit
être avisé 15 jours à l'avance. Alors, ça va.
M. St-Roch: On ne peut pas présumer de la décision
des membres de cette commission. J'espère, lorsque j'aurai la chance
d'invoquer les motifs qui feront qu'on appellera M. le ministre, qu'on pourra
s'entendre. Parce qu'il est dit que le ministre peut déroger aux 15
jours aussi.
Le Président (M. Audet): Alors, allez-y, M. le
député. Je vous entends.
M. St-Roch: Merci, M. le Président.
M. Léonard: M. le Président...
Le Président (M. Audet): M. le député.
M. Léonard: ...juste une information. Cette motion,
évidemment, est débattable. Est-ce qu'il y a des temps
d'impartis?
Le Président (M. Audet): C'est la même chose. C'est
en vertu de l'article 244. Celui qui présente la motion a 30 minutes et
les membres de la commission ont 10 minutes chacun. M. le député,
allez-y. Vous avez 30 minutes.
M. Jean-Guy St-Roch
M. St-Roch: Merci, M. le Président. Je dois vous dire que
je suis resté estomaqué suite au résultat du vote, parce
qu'on voulait entendre quelqu'un qui était favorable. Alors,
d'entrée de jeu, je souscris à ce que mon collègue de
Laviolette a fait dans son exposé de 10 minutes, parce qu'à
différentes occasions j'avais eu la chance d'indiquer à cette
commission pourquoi, lors de l'étude d'un projet de loi qui souvent se
veut anodin, mais qui a des implications profondes dans le changement de notre
société et surtout en ce 200e anniversaire de nos institutions
démocratiques, on devait faire un minimum. J'ai toujours maintenu depuis
le début que je ne veux pas faire une obstruction systématique,
M. le Président, parce que j'aurais pu dès l'entrée de
jeu, suite à la motion de report à l'Assemblée nationale
et suite aux 20 minutes que j'ai faites, dire: M. le Président, jamais
je ne donnerai mon consentement. Je vous attendrai en troisième
lecture.
Alors, si j'ai pris la peine de passer ces nombreuses heures à
écouter les différents intervenants de cette commission, je
pense, moi, qu'il y a un problème de société de fond,
à quoi on doit «s'adresser». Et, si je veux faire venir le
ministre du Revenu... Mais mon bon ami, le député d'Orford,
mentionnait que, lorsqu'on a fait, voilà deux ans passés, la loi
75, on avait passé 220 heures à entendre différents
intervenants ici. Mais jamais on n'a eu la chance d'avoir les impressions du
ministre du Revenu. M. le ministre, dans une de ses répliques, M. le
Président, vers 22 h 10, à un moment donné, m'a dit: Le
député de Drummond a probablement pris les 13 questions que j'ai
déposées à l'intérieur du document. Mais, lorsque
je suis allé à l'Assemblée nationale, la vraie question
que j'ai demandée, j'ai dit: Depuis qu'on a passé la loi 75 -
alors, on a eu ces rapports en 1989 - depuis qu'on a mis la loi 75 en
application, depuis deux ans, quels étaient les changements qui
étaient survenus au niveau de l'emploi ou ces choses-là?
Alors, M. le Président, on est ici et je pense que c'est
important, si on est réellement sérieux, si on veut faire un
boulot ici de parlementaires, avant de prendre une décision et de passer
cette loi-là, qu'on regarde toutes les implications. Parce que je me
fais dire ici... J'ai participé aussi, je le rappelle, aux auditions
publiques sur la loi 75, mais j'avais quitté les travaux de la
commission et je m'étais abstenu de voter. Mais, on nous a dit qu'avec
la loi 75, après 220 heures, on avait fait une loi qui était
durable, on avait la pérennité dans le temps. Quand on revient,
deux ans après, et qu'on nous dit: Cette loi n'est plus applicable, je
veux savoir pourquoi elle n'est pas applicable. C'est à nous, les
parlementaires, à nous assurer que les lois que nous faisons,
imaginez-vous, soient corn-
préhensibles pour nos citoyens et nos citoyennes. Si on n'est pas
capables de les comprendre nous-mêmes, qu'est-ce qui va arriver chez
nous, chez nos citoyens?
Alors, M. le Président, quand je regarde en recul, j'ai voulu
entendre M. Bouchard, parce que M. Bouchard a prétendu qu'on avait perdu
3500 emplois dans le secteur alimentaire. On nous prédit, dans les
années à venir, d'ici 2 à 5 ans, encore 2000 fermetures.
Quand je regarde Statistique Canada - je l'ai posée, la question aussi,
j'ai demandé si c'était vrai, si on pouvait se fier à ces
questions-là - c'est 30 000 emplois qui étaient disparus, depuis
2 ans, dans le commerce de détail. Quand je regarde, à l'heure
actuelle, les gens qui sont contre, on me dit que ça représente
75 % des 50 000 commerces qui regroupent 400 000 personnes. Je veux bien savoir
qui est pour. J'ai demandé à voir M. Sénéchal.
Parce que, lorsque je regarde le Regroupement, je vois le Club Price, je vois
des industries. Je pourrais vous faire la liste, je l'ai obtenue ici.
Alors, je pense que ce n'est pas de l'obstruction qu'on veut faire. Moi,
je veux bien comprendre la loi que je vais faire, quels vont être les
changements autant économiquement, autant culturellement, autant
socialement. Alors, M. le Président, depuis qu'on fait cette commission
ici, je commence à entendre toutes sortes de rumeurs. On me dit que,
pour tout ce qui regarde les liquidations au niveau des ventes de faillites, au
niveau des encans, à l'heure actuelle, il y a un chiffre d'affaires de
100 000 000 $ qui est en train de se produire, qui est au détriment des
commerçants qui ont pignon sur rue, qui paient au niveau de la
fiscalité municipale, qui paient leur TPS, leur TVQ, leur taxe de
corporation, s'ils sont des compagnies. On me dit, à l'heure actuelle,
qu'il y a un commerce de 100 000 000 $ qui est là, où on n'a
aucun contrôle. Alors, c'est la raison pourquoi je veux avoir M. le
ministre du Revenu ici, moi, avec ses fonctionnaires, s'il le désire,
pour être capable de nous expliquer si c'est vrai qu'il y a un chiffre
d'affaires de 100 000 000 $. Quels sont les revenus qui ont été
perçus de la TPS, de la TVQ, parce qu'on est gestionnaires autant de la
TPS que de la TVQ? Pourquoi on veut avoir ces gens-là? Parce que,
ça, ça va avoir des implications tout à l'heure, si on
ouvre les commerces le dimanche.
Lorsque je regarde au niveau de la fiscalité, M. le
Président, je vois des articles, moi: Les PME québécoises
sont saignées à blanc. Ça, ce n'est pas moi qui
l'écris; c'est un ou une de mes collègues qui a demandé
à entendre M. Décary, qui est le président de cette
fédération. Je veux bien comprendre quand on nous dit qu'au
niveau de la fiscalité il y a beaucoup de choses qui se passent à
l'heure actuelle, qui font que nos entreprises ne sont plus concurrentielles.
Lorsque j'ai demandé une question, moi, concernant le commerce
transfrontalier - j'ai eu l'occasion d'y revenir et je vais y revenir - M. le
ministre m'a donné 15 raisons pourquoi. Mais, moi, quand je regarde les
raisons, M. le Président, il y en a une, quand on dit: Avoir plus de
plages horaires, ça, je peux dire: Oui, ça aurait un effet si on
ouvrait le dimanche. Mais les 14 autres raisons n'ont rien à faire avec
l'ouverture le dimanche.
Quand je regarde en région, on parle des gens de la
région. Je vais prendre une région dont le député
d'Orford, mon bon ami, est très au courant. Il a mentionné
à plusieurs reprises que, dans la région de Granby, ils ont fait
l'expérience d'ouvrir le dimanche. Mais, quand je regarde les
réactions de ces commerçants qui nous ont dit... Puis, j'ai
maintenu ici et j'entends tous mes collègues de l'Opposition maintenir
que la seule raison pourquoi les grandes surfaces et les compagnies et les gros
veulent ouvrir le dimanche, c'est strictement les parts de marché. Ici,
vous avez une déclaration de M. Pierre Bolduc, l'un des proprios de
Factory Outlet, qui a le droit d'ouvrir le dimanche, qui est là. Il dit:
Nous autres, ça ne nous fait pas peur parce qu'il y a une chose qui
prime, il dit que c'est les prix. On va être capables. Les gens viennent
ici pour les prix, on n'a pas peur de la compétition.
Qu'est-ce qu'on veut faire avec nos grandes chaînes? On veut
ouvrir, justement, et aller s'accaparer des parts de marché des petits
propriétaires. Ce n'est pas un miracle, ça, lorsqu'on regarde les
lois du commerce. Et, quand je regarde, M. le Président, ici, les
déclarations - et je pourrais vous les lire - de Mme Monique Baker, de
l'Association des marchands de Bedford, quand je regarde, ici, Mme Jocelyne
Casavant, présidente de la Chambre de commerce de Farnham - je parle des
petites municipalités de chez nous, les petites municipalités
dans nos régions, pas des grands centres - quand je regarde ces
gens-là qui nous disent qu'après avoir travaillé... Il y a
une autre commerçante, qui a fait l'expérience, qui dit: Moi,
j'ai eu finalement trois dimanches de congé parce que je ne peux pas me
permettre d'engager plus de gens. Alors, si mes collègues du
côté ministériel veulent avoir une copie de cet article
«Les petits commerces ouvriront le dimanche durant le temps des
fêtes, mais après...», dans La Voix de l'Est,
ça me fera plaisir de vous en donner des copies.
Alors, comme je l'ai signalé à maintes reprises au cours
de différentes interventions, M. le Président, il y a beaucoup de
facettes lorsqu'on regarde l'ouverture le dimanche. Mon collègue de
Masson avait signalé toute la problématique de la théorie
du petit versus le gros. J'avais ajouté trois autres facettes à
ce moment-là, je n'y reviendrai pas. Je suis convaincu qu'on sera
capable de regarder un jour les galées et de voir réellement
l'impact.
Mais, lorsque je regarde au niveau du
Revenu, moi, je vais vous dire les questions que je demanderais à
M. le ministre du Revenu. On a dit qu'on est bien équipé
aujourd'hui, au Revenu. On a informatisé, on est capables de faire
toutes sortes de statistiques. Là, on serait capable d'interroger M.
Savoie, le ministre du Revenu, et ses collaborateurs au niveau du
ministère. Quels ont été les impacts au niveau de la TPS
sur les lois qu'on a passées, voilà deux ans passés? Quels
ont été les impacts sur les faillites? Combien on a perdu
d'argent sur les faillites? Parce qu'on sait, lors des faillites, même si
le ministère du Revenu est un des créanciers
privilégiés, M. le Président, qu'on perd de l'argent.
Vous me faites signe qu'on est, malheureusement, à 13 heures, M.
le Président; alors, je donne mon consentement pour qu'on ajourne
jusqu'à 15 heures.
Le Président (M. Audet): Alors, la commission de
l'économie et du travail suspend ses travaux jusqu'à 15
heures.
(Suspension de la séance à 13 heures)
(Reprise à 15 h 8)
Le Président (M. Audet): Si vous voulez prendre place, la
commission de l'économie et du travail va reprendre ses travaux. Je vous
rappelle le mandat de la commission qui est de procéder à
l'étude détaillée du projet de loi 59, Loi modifiant la
Loi sur les heures et les jours d'admission dans les établissements
commerciaux.
Lorsque nous avons terminé nos travaux ce midi, nous en
étions à une motion présentée par le
député de Drummond qui se lisait comme suit: «Que la
commission de l'économie et du travail, en conformité avec
l'article 244, entende M. Raymond Savoie, ministre du Revenu». M. le
député de Drummond, je vous rappelle qu'il vous restait 22
minutes sur votre intervention.
M. St-Roch: Je vous remercie, M. le Président. Vous allez
comprendre qu'il est toujours difficile, lorsqu'on a à interrompre une
intervention à cause de notre règlement, de revenir dans le fil
exact de nos idées. Mais, d'entrée de jeu, M. le
Président, à titre de brève récapitulation, je veux
qu'on entende, nous, les membres de la commission, le ministre du Revenu, parce
qu'à la lecture des exposés qui ont été faits
autant par M. le ministre que par quelques-uns de ses collègues lors
d'interventions précédentes, on sait que la problématique
se situe aussi fortement au niveau d'achats, qu'on nous a dit, et au niveau des
marchés aux puces. Ça fait que c'est difficile d'avoir un
contrôle et c'est une des raisons pourquoi il faut rouvrir la loi. C'est
pour ça que je voudrais avoir le ministre du Revenu, pour qu'il soit
capable de nous dire quels sont les impacts de la loi 75 après qu'on eut
fait la loi 75, quels ont été ses impacts sur la Loi sur les
impôts, sur la TPS et la TVQ, parce qu'on administre les deux lois ici,
au Québec, sur la taxe d'affaires et sur le capital.
Je vais vous dire pourquoi, M. le Président, c'est important
d'avoir le ministre du Revenu. Lorsque je regarde, moi, la déclaration
en Chambre et le discours de M. le ministre lors de la présentation du
projet de loi à l'Assemblée, il nous mentionnait qu'il y avait eu
une baisse de 2 400 000 000 $ des ventes au détail, qu'elles
étaient passées de 47 200 000 000 $ à 44 800 000 000 $. Je
m'attends, moi, lorsqu'il y a une baisse, lorsque je regarde les grands
équilibres et la synthèse des opérations
financières, à être capable de retrouver des baisses de
revenus. Mais, lorsque je regarde ce que le ministre des Finances nous dit dans
sa synthèse, c'est que, oui, en fait, il y a un manque à gagner
de 20 000 000 $ sur la taxe sur les carburants et un manque à gagner de
75 000 000 $ sur la taxe sur les tabacs. Par contre, au niveau de la taxe de
vente, il nous dit ceci: «II faut par ailleurs noter que la
prévision des revenus provenant de la taxe sur les ventes au
détail est inchangée par rapport au Discours sur le
budget». (15 h 10)
Alors, si on a une taxe qui est inchangée au niveau des revenus,
mais, par contre, qu'on a une baisse de 2 400 000 000 $ au niveau du chiffre
d'affaires global, est-ce que cette baisse du chiffre d'affaires est
compensée par les marchés aux puces? Ce serait la seule
explication que j'aurais à première vue. Comme je l'ai
signalé à quelques reprises à cette commission, avec les
nombreux personnels de recherche qu'un dèputo u, <_3b_27_ost grands="" tous="" le="" ce="" _c3a0_="" soulo="" expliquer="" _chosec2bb_="" _d27_oc3b9_="" voir="" pour="" nous="" qui="" quo="" changements="" les="" je="" _l27_importance="" pourrais="" lu="" _d27_avoir="" _moment-ci3b_="" du="" comme="" ministre="" _hypothc3a8_se="" venir="" sont="" revenu="">
J'avais signalé aussi brièvement ce matin, M. le
Président, que, lorsqu'on regarde la problématique d'un des
prochains grands secteurs du commerce au détail qui peut être
affecté, c'est toute la commercialisation et la fabrication du secteur
du meuble. Ce qu'on entend de plus en plus, c'est que, au niveau de la vente
par liquidation, au niveau des encans, il y a toutes sortes de
problématiques qui font en sorte qu'on nous dit que le chiffre
d'affaires pourrait virer aux alentours de 100 000 000 $. Pour en nommer une
que M. le ministre a nommée, Pascal, par exemple, a fermé. Pascal
est encore en liquidation. Alors, on nous dit, lorsqu'on regarde les faillites
déclarées et lorsqu'on regarde la durée du temps où
ces commerces en liquidation sont en affaires, bien, c'est une fois, deux fois
et trois fois les inventaires théoriques qu'il y avait au niveau de la
Loi sur la faillite. J'entends qu'il y a beaucoup de meubles qui sont vendus
ici par des faillites qui seraient survenues en
Ontario ou aux États-Unis avec tout un amalgame qui est
important.
Il y a aussi, en relation avec ça, avec le ministre du Revenu,
une des raisons que j'avais demandées dans les 13 questions que j'avais
déposées avant qu'on étudie, dans un but de clarifier et
d'accélérer nos travaux... J'avais parlé de la question
sur le commerce transfrontalier et j'avais demandé: Qu'est-ce qui
incitait les Québécois et les Québécoises à
aller faire leur magasinage outre-frontières? Sur les 15 explications
que M. le ministre m'a données, et je n'y reviendrai pas, il n'y en a
aucune, à ce moment-là, qui a affaire, quant à moi, avec
l'ouverture le dimanche, sauf la première qui était
l'élargissement de la plage horaire des commerces, ici, au
Québec.
Mais il y a toute cette problématique-là aussi que le
ministre du Revenu pourrait nous dire. J'entends aussi qu'il y aurait des
causes maintenant, qui seraient au niveau de Corporations et Consommation
Canada, qui sont pendantes là parce qu'on annonce des faillites qui
seraient beaucoup plus substantielles, en fait, que ce qui arrive, qui
contreviendraient à certaines lois fédérales. J'entends
aussi que certaines enquêtes ont été faites au niveau du
commerce transfrontalier au niveau du meuble. Alors, ce serait des revenus de
moins qu'on aurait. J'ai ouï dire encore qu'il y aurait des enquêtes
au niveau du ministère de la Justice, au fédéral, pour
être capables de récupérer cet argent-là. Si on le
récupère, j'imagine, moi, au niveau de tout ce commerce-là
au niveau du fédéral, on le fera au niveau du provincial.
Alors, voilà l'importance, M. le Président, d'entendre le
ministre du Revenu. Mon collègue d'Orford mentionnait avec raison qu'on
avait écouté beaucoup d'intervenants, mais je pense qu'on fait
face, depuis la loi 75, à une nouvelle problématique. On n'a
jamais entendu un collègue ici responsable, finalement, de collecter les
fonds de la gestion et d'aller faire en sorte qu'on aurait les revenus pour
garantir l'équilibre de nos budgets.
Mon collègue de Laviolette a fait une brève
synthèse, cet avant-midi aussi, sur le rôle de l'Assemblée
nationale. Moi, j'ai toujours dit et voulu, depuis sept ans en politique,
revaloriser le rôle du député et dire qu'on est plus ici
que celui qui fait le nombre pour voter pour et contre. J'inviterais mes
collègues à relire le rapport du Vérificateur
général; à la page 16, dans son rapport de 1990-1991, il
disait: «L'Assemblée nationale, regroupant tous les élus -
tous les élus - vote des lois dans l'intérêt
général des citoyens et en confie l'exécution, de
même que les moyens pour ce faire, au gouvernement qui, à son
tour, délègue les responsabilités de gestion pertinentes
à ses ministres et à certains hauts fonctionnaires. Voilà,
décrite en des termes succincts, la chaîne de
l'imputabilrté.» Et Dieu sait qu'on va reconnaître que le
député de Drummond fait une bataille de tous les instants pour
qu'on ait l'imputabilité. Mais il est dit aussi un peu plus bas, dans le
même rapport 1990-1991: «Les parlementaires ne pourraient-ils pas,
eux aussi, consentir, ne fût-ce qu'à titre expérimental
dans un premier temps, à une conception différente de la
responsabilité ministérielle, en vue d'une reddition de comptes
plus complète de l'administration?»
Quand je regarde le rapport de 1991-1992, on a changé de
vérificateur, on en a un nouveau qui reprend à peu près
les mêmes termes et qui dit que, tant et aussi longtemps qu'on
n'utilisera pas le député comme étant un de ceux qui vont
contrôler cet appareil administratif là, tant au niveau de la
législation qu'au niveau des budgets, bien, ce sera difficile d'avoir ce
grand équilibre. C'est pour ça, M. le Président, qu'une,
entre autres, des 13 questions était d'avoir le vote libre au niveau de
ce projet de loi parce que, moi aussi, j'entends... Il y en a qui sont pour, il
y en a qui sont contre. J'ai signalé à quelques reprises dans mes
interventions que nous faisons face Ici à un projet de loi qui semble
anodin, mais qui aura des effets sérieux au niveau du commerce,
strictement au niveau économique, mais aussi aux niveaux culturel et
social lorsqu'on modifie ces lois-là.
J'ai voulu l'entendre car j'aimerais vérifier aussi ces
hypothèses-là avec le ministre du Revenu. J'ai dit à M. le
ministre: Moi, une des raisons pourquoi j'avais parrainé la venue de la
corporation des détaillants de meubles, et ça sous-entend aussi
les fabricants, c'est parce qu'on mettait en danger, à ce moment-ci, un
secteur qui m'apparaissait comme mou. Et, si on voulait changer les heures
d'affaires, il y a une chose à quoi on aurait pu penser, et j'avais
tendu la main autant à l'Assemblée nationale et, ici, à la
commission, en demandant à M. le ministre de dire: Bon, bien, ce qui est
important, à ce moment-ci, dans la conjoncture de
l'échéancier, c'est le 27 novembre, pour être capables de
donner quatre dimanches consécutifs à nos commerçants et
commerçantes.
On pouvait même aller... Mon collègue de Lévis et
mes collègues, ici, à la commission, ont dit: Bien, oui, mais
pourquoi ne pas mettre les 28, 29 et 30 aussi, ce qui nous permettrait,
à ce moment-là, d'écouler les inventaires accumulés
autant chez les fabricants que chez les détaillants, ce qui permettrait
aussi aux consommateurs et consommatrices de prendre avantage des soldes de fin
d'année? Lorsqu'on regarde, finalement, les ventes de janvier et
février, ceux qui ont le moindrement une notion du commerce vont dire:
Bien, c'est des mois creux où, peut-être dans ces grands secteurs
de commerce au détail, on fait le moins de chiffre d'affaires. J'avais
tendu la main, aussi, à mon collègue, le ministre, pour dire:
Bien, ça nous permettrait, à nous, de regarder la loi en tant que
législateurs, de légiférer moins et mieux. C'est ça
qu'on était
censés faire pour maîtriser l'avenir.
On dit de peut-être diviser la loi et d'en faire deux lois: une
loi qui regarderait strictement le côté alimentaire et une loi qui
serait pour le non-alimentaire. Vous savez, il n'y a rien de mal à avoir
ici, au Québec, un projet de loi qui regarde deux secteurs
d'activité. Avoir une loi qui est unique, mur à mur, pour couvrir
toutes les situations, c'était peut-être vrai lorsque les
situations étaient peu changeantes, lorsque la vie faisait en sorte
qu'une loi était bonne pour 10, 15 ans, mais, à la vitesse
à laquelle tous les changements arrivent aujourd'hui avec la
mondialisation, bien, il est peut-être temps, aussi, de diviser et de
regarder deux systèmes. Je regarde, moi, le secteur alimentaire et le
dommage est fait, quant à moi. On a 3500 emplois de perdus,
déjà, dans l'alimentation. Il y a eu la rationalisation et une
grande chaîne est faite.
Ce que j'aurais aimé, moi, si on divise le projet de loi, bien,
c'est être capable de regarder, de dire: Bien, qu'est-ce qu'il faut
faire, maintenant, au niveau de l'alimentation, au niveau du dépannage?
C'est une industrie où ce sont de petits commerçants, où
ce sont des familles qui ont investi leurs deniers pour être capables de
s'assurer un emploi pour eux et pour leur famille. Alors, il serait
peut-être temps de regarder ça avec nos détaillants en
alimentation et de dire: Oui, si on veut ouvrir l'alimentation tous azimuts,
maintenant que les dommages sont faits, regardons cette loi-là
complètement par rapport à ça, mais dégageons, par
exemple, les outils qui vont faire en sorte qu'en particulier nos
dépanneurs et nos moyennes surfaces puissent avoir les moyens d'assurer
leur pérennité dans le temps. On les connaît, parce qu'ils
nous ont été dits. J'aurais aimé ça, moi, avoir M.
Bouchard ici parce que, lui, il nous a dit: Écoutez, il faudrait
peut-être regarder aussi les fameuses taxes qu'on a mises, 215 $. Il
faudrait peut-être regarder, aussi, au niveau de la distribution,
là, des alcools. Il y a peut-être un moyen là pour nous
aider à garantir nos investissements. Il nous a dit aussi: Bien, au
niveau du tabac...
Alors, ça, c'est une loi qu'on aurait pu faire, qu'il est encore
temps qu'on fasse. Je tends encore la main à M. le ministre, qu'on
divise et qu'on dise: Bien, c'est un projet de loi. D'un autre
côté, on pourrait faire une loi qui regarderait le non-alimentaire
et, lorsque je regarde le non-alimentaire, encore là, s'asseoir avec les
détaillants, s'asseoir avec les gens responsables. Lorsqu'on a
discuté de la motion afin d'entendre la Corporation des marchands de
meubles du Québec, j'avais tendu la main en disant: Bon, bien, oui, s'il
faut libéraliser, pourquoi on n'oserait pas innover une fois? Quand on
considère que la plupart de nos emplois vont être
créés dans le secteur des services, dans le secteur tertiaire,
pourquoi on n'innoverait pas pour être capables de créer des
emplois qui ne seraient pas des emplois précaires, mais des emplois
permanents? J'avais suggéré à M. le ministre, avec la
corporation des détaillants, de mettre en place une politique, au
même titre que ce qu'on a fait aujourd'hui avec la SDI, pour aider la
petite entreprise, où on dégage des sommes pour aider ces
gens-là à se regrouper, à rationaliser, à faire des
entités qui sont plus fortes, qui sont mieux en mesure de faire face
à la compétition. Alors, j'avais demandé, bien, moi, qu'on
s'assoie et qu'on regarde les mêmes systèmes. lorsque je vais
explorer, moi, m. le président, sur le terrain et lorsqun je demande
à nos détaillants de dire: si cette politique là
était disponible, qu'est-ce qui arriverait? on dit: oui, ça
m'intéresserait, parce que je connais un détaillant à
plessisville, j'en connais un autre à saint-hyacinthe; ils sont
vieillissants, ils voudraient vendre leur entreprise. oui, avec un projet de
cette nature-là, ça me permettrait de grossir mon commerce de
détail, d'avoir un plus gros volume et d'être capable, à ce
moment-là, de mieux faire face à la concurrence. (15 h 20)
J'avais dit la même chose au niveau des fabricants. Lorsqu'on
regarde ce secteur d'activité, bien, c'est un secteur qui, à
l'heure actuelle, regroupe 700 entreprises. Lorsqu'on regarde les composantes
et qu'on trouve que les deux plus grands détaillants de ce
secteur-là, qui ont dos chiffres d'affaires entre 30 000 000 $ et 40 000
000 $, lorsqu'on parle de mondialisation, lorsqu'on parle de
libre-échange avec les États-Unis, lorsqu'on parle de
libre-échange est-ouest ici, au Canada, bien, c'est sûr et certain
qu'il va falloir donner à ces gens-là un coup de pouce, pour
être capables d'arriver à faire en sorte qu'on ait des
entités qui vont être capables de faire face à la
compétition et à ce qui en découle, bien, la
création d'emplois.
Alors, c'est toutes ces questions-là, aussi, M. le
Président, qu'il serait facile, avec le ministre du Revenu... Parce que
le ministre du Revenu a beaucoup d'informations accumulées dans ses
banques de données; il est capable de nous dire, même avec les
années: Oui, voici combien les faillites nous ont fait perdre d'argent;
voici les principaux secteurs d'activité. On serait capables d'arriver,
finalement, avec une loi qui, à mon humble considération, aura
à passer par deux lois: une qui regarde le secteur alimentaire et une
autre, le non-alimentaire. C'est pour ça qu'on a voulu offrir à
M. le ministre: Bon, bien, faisons cette loi-là - elle peut se faire en
20 minutes - pour aller les 27, 28, 29 et 30 et on pourrait revenir à
l'intersession, mais regarder la loi, finalement, avec tous les moyens
voulus.
Alors, on a perdu, à ma connaissance, M. le Président, une
belle occasion d'innover. Nous en sommes maintenant à près de 20
heures, un peu
plus, de travaux en commission parlementaire. À ma connaissance,
on aurait pu facilement entendre les organismes qu'on a là, qui
représentent à peu près 10 personnes, 10 groupes. On
serait déjà passablement avancés dans nos travaux si on
avait osé innover et dire, dès le départ, d'entrée
de jeu: Oui, on va faire une consultation particulière restreinte pour
vérifier, après deux ans, maintenant, d'une loi, quels ont
été les effets de la loi 75. Ça, c'est ce que je
déplore et que je trouve regrettable, M. le Président, parce que,
très rarement, nous avons la chance, nous, les parlementaires, d'aller
investiguer et de revoir les décisions qu'on a prises. Alors, on avait
une loi qui datait de 1990, avec les mêmes collègues, avec les
mêmes argumentations qu'on avait développées. On a perdu
l'occasion d'aller voir deux ans après et de dire: Bon, bien, quelles
ont été nos décisions et nos lois sur la vie de tout le
monde, sur la vie de monsieur et madame, sur la vie de nos petites entreprises?
Alors, ce n'est pas en essayant de dire: Bien, on va changer, ça s'en va
par là et tout le monde y est passé qu'on pourra corriger et
faire en sorte qu'on ait de meilleurs législateurs.
C'est dans ce sens-là, M. le Président, que j'ai
abordé, moi, personnellement, les travaux de ce projet de loi 59.
Ça aurait été facile pour le député de
Drummond, s'il avait voulu le bloquer, de ne pas venir passer les heures qu'il
a passées ici, à la commission, à chacune des fois
où elle a siégé jusqu'à minuit. J'aurais pu
attendre, faire mon intervention comme j'ai fait, le premier 10 minutes sur la
motion de report, 20 minutes sur l'adoption du principe, revenir en
troisième lecture et dire: M. le Président, je ne suis pas
convaincu, je ne vous donne pas mon consentement. Mon collègue de
Laviolette y a touché: à ce monent-là, on sait que la loi
a été déposée en retard et que toute loi
déposée après le 15 novembre requiert le consentement
unanime pour être adoptée dans la même session, à
moins qu'on fasse une suspension des règles.
Alors, si j'ai pris la peine de venir ici défendre chacune des
trois motions que j'ai présentées, qui étaient celle des
corporations, celle de M. Sénéchal, qui est en faveur de
l'ouverture, et celle du ministre du Revenu, c'est pour être capable
d'avoir une compréhension complète du dossier, être capable
d'évaluer les mesures qu'on a prises depuis 1990 avec cette
loi-là et être capable de bâtir une loi qui va faire en
sorte, aussi, qu'on va prendre en considération, réellement, les
besoins de nos gens, mais aussi dans un contexte de développement
économique durable. Le développement économique durable,
dans mon idée, M. le Président, inclut aussi le contexte social
et le contexte culturel. Alors, c'est ce qu'on perd en prenant l'attitude qu'on
a aujourd'hui, de parler et de poser des questions.
Alors, d'entrée de jeu, je n'avais pas voulu, personnellement,
retarder les travaux. Dans les 13 questions qui étaient là, j'ai
eu des réponses à 2 présentement. Ce que M. le ministre
m'a répondu, entre autres, a été de dire: Oui, il y a
d'autres variables qui influencent que le vieillissement de la population. Mais
j'avais bien pris soin de dire: M. le ministre, la raison pourquoi je
m'interrogeais sur le vieillissement de la population, ce n'était pas ce
qui avait été révélé dans l'étude de
1989, c'était les nouvelles données qui nous disaient que de plus
en plus les gens s'en vont d'une épargne négative jusqu'à
l'âge de 45 ans. Ça veut dire qu'on consomme la majorité de
nos deniers et que, de 45 ans en montant, on s'en va dans une épargne
positive où on investit davantage dans nos plans de pension, davantage
dans les mesures de protection à long terme. J'avais cité aussi
à M. le ministre que, présentement, 30 % de la population a 45
ans et plus. On remarque, depuis un an, un phénomène où
l'épargne de ces gens-là s'est accrue dans l'épargne
durable de fonds de placement, en préparation de la retraite, à
65 000 000 000 $. Les mêmes chiffres nous disaient que, d'ici l'an 2000,
qui est dans 7 ans d'ici, on aurait 37 % de la population qui seraient
âgés de plus de 45 ans et que ces gens consacraient 250 000 000
000 $ au niveau du placement à long terme pour préparer leur
retraite. Ça va avoir certainement un effet. C'est une donnée
qu'on ne connaissait pas, à ma connaissance, moi, lorsqu'on a fait le
rapport en 1989.
D'autant plus, depuis ce temps-là, M. le Président, qu'on
poursuit nos travaux ici, on a d'autres données. On a dit: Oui, mais
l'immigration peut venir compléter ça. Lorsque je regarde
l'immigration à l'heure actuelle, les dernières statistiques nous
montrent, M. le Président, qu'on attire seulement 16,3 % de
l'immigration ici, au Québec, ce qui n'est même pas notre poids
démographique à l'intérieur de la
Confédération. Ça aussi, ça va avoir un impact.
C'est pour ça qu'on a voulu avoir M. Sénéchal pour nous
dire aussi: Avec ces chiffres, il y a une manière, dans le commerce,
où on peut accroître nos parts de marché, ce serait d'aller
chercher des parts de marché de quelqu'un d'autre. Et ce quelqu'un
d'autre va être qui? Ça va être des petits
détaillants.
Je vous ai mentionné, ce matin, une enquête qui a
été faite par le journal La Voix de l'Est. Suite à
la foulée de l'ouverture à Granby, on a interrogé les
commerçants dans les centres d'achats, sur la rue principale. À
Bromont aussi, avec le complexe, ils ont utilisé le terme anglais, qui
est courant maintenant, «Factory Outlet». Bien, qu'est-ce que nous
ont dit les petits commerçants? Une, entre autres, nous a dit: J'ai
été chanceuse, j'ai eu trois dimanches de congé depuis
qu'on a fait cette expérience. Lorsqu'on écoute ces
gens-là, ils nous disent: Non, mon chiffre d'affaires ne s'est pas
amélioré d'une
façon substantielle.
Une autre chose, aussi, M. le Président, sur laquelle je trouve
qu'on a glissé, pour dire le moins, c'est que, ça, ça
devrait faire partie d'un vaste programme de relance. De plus en plus, depuis
le début de nos travaux, lorsqu'on regarde l'effet, l'impact sur la
relance au niveau de l'économie, on s'aperçoit, avec les
informations qu'on nous a données, avec les réponses très
diluées que M. le ministre nous donne, que ça n'aura pas trop un
effet sur le développement économique.
Il y aura à se pencher aussi, M. le Président, sur la
manière dont on fait les choses. Moi, j'espère que mes
collègues exigeront un vote libre sur ce projet de loi parce que - mon
collègue l'a mentionné et je l'avais mentionné aussi, la
semaine dernière - jeudi prochain, on fêtera 200 ans de
parlementarisme. Il y a une chose, moi, qui m'emballe et qui m'étonne en
même temps: au courant de ces 200 ans, on s'apercevra, si on regarde en
1792, le premier Parlement, qu'il y avait des votes libres, on s'apercevra que
les députés votaient réellement pour représenter
leurs citoyens. Il faut remonter à 1848, aux réformateurs de
1848, où ils ont voulu avoir un contrôle sur les dépenses
publiques. Avec le temps, on a pensé, nous, les députés,
qu'on avait un contrôle sur les dépenses publiques, mais, comme je
l'ai signalé dans une autre intervention, on s'est aperçu que le
bipartisme, la fameuse ligne de parti, le renforcement de l'exécutif ont
fait en sorte, finalement, qu'on a perdu cette liberté d'être
capable de s'exprimer librement au nom de nos citoyens.
Vous allez me dire, M. le Président, qu'on est loin du ministre
du Revenu que le député de Drummond veut entendre à cette
commission. Non, parce que je pense que le tout s'imbrique dans une philosophie
nouvelle, qu'on se doit d'avoir en 1992, c'est celle de donner aux élus
le contrôle des finances publiques. Ce qui est plaisant et
rafraîchissant, et je tiens à le souligner - j'ai eu l'occasion de
le faire vendredi, dans une autre commission parlementaire - c'est que le
Protecteur du citoyen nous avait mis en garde contre une loi sur le transfert
de la voirie et des ponceaux aux municipalités et, surtout, le volet du
transfert des responsabilités civiles. Lorsque j'ai le
Vérificateur général, mais voilà deux
entités, créations de l'Assemblée nationale, qui sont
réellement des outils au service de nos citoyens et de nos citoyennes.
Lorsque je regarde, moi, ces deux vérificateurs, en 1990-1991 et en
1991-1992, dire: L'assainissement des finances publiques va passer
réellement par un contrôle des députés, lorsqu'on
leur aura donné les moyens nécessaires, avec la loi 198, on est
en train de préparer un coffre d'outils. J'aimerais bien, moi, qu'on
mette les outils dans le coffre Mais le Vérificateur nous dit que,
lorsqu'on fait un projet de loi, au même titre que j'ai mis des questions
Ici, qu'on nous donne les implications économiques, qu'on nous donne les
objectifs recherchés et qu'on nous donne aussi les moyens de
contrôler, dans le temps, si on a rencontré ces objectifs.
M. le Président, mon temps est écoulé. Alors, c'est
pour cette raison que je pense qu'il serait valable de rencontrer un de nos
collègues, le ministre du Revenu, pour qu'on puisse échanger avec
lui sur tous ces impacts sur la situation financière de notre
gouvernement. Je vous remercie, M. le Président. (15 h 30)
Le Président (M. Audet): Merci, M. le
député. Je vais maintenant reconnaître M. le ministre. Vous
avez 30 minutes, M. le ministre.
M. Gérald Tremblay
M. Tremblay (Outremont): Je vous remercie beaucoup, M. le
Président. On peut écouter pendant de nombreuses heures
sensiblement les mêmes représentations qui nous sont faites par
les députés de l'Opposition, ainsi que le député de
Drummond. Alors, je sens le besoin, encore une fois, M. le Président, de
répéter les arguments qui militent en faveur d'une
libéralisation accrue des heures et des jours d'admission dans les
établissements commerciaux.
J'entends souvent les députés de l'Opposition se servir de
l'Association des détaillants en alimentation comme argument et dire que
la loi n'est pas gérable, que c'est une mauvaise loi, que c'est de la
faute du ministre. Mais ce même président-directeur
général de l'Association des détaillants en alimentation,
le 2 novembre 1992, disait de façon très claire, dans sa lettre
adressée au ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie.
«En ce qui concerne l'Association des détaillants en alimentation,
elle maintient que la loi sur les heures d'ouverture des établissements
commerciaux demeure équitable, gérable, durable, et répond
aux besoins de dépannage, comme l'exprimait le ministre lors de
l'adoption de la loi en juin 1990».
Cette lettre du 2 novembre 1992 vient contredire toutes les
représentations qui ont été faites au ministre en 1991
à l'effet que la loi n'était pas gérable et que la loi
causait certains préjudices à de nombreux commerçants.
Alors, aujourd'hui, on réalise que les membres de l'Association des
détaillants en alimentation, les grandes surfaces, ont maintenant une
exception, une exception qu'ils n'avaient pas. Si on se rappelle, en 1990,
Provigo et Métro-Richelieu sont venus nous dire clairement en commission
parlementaire qu'ils étaient favorables à l'ouverture des
commerces le dimanche. Aujourd'hui, parce que ces mêmes surfaces peuvent
opérer avec quatre personnes, plus le propriétaire ou son
mandataire, plus les personnes préposées à la fabrication
de produits de boulangerie ou de pâtisserie, plus les personnes
préposées exclusivement à la sécurité, donc,
étant donné qu'ils
ont leur exception, ils seraient intéressés à la
garder. Dans ce sens-là, M. le Président, il y a une
contradiction entre les propos de l'Opposition et les propos de l'Association
des détaillants en alimentation, dépendamment de quel point de
vue on veut défendre.
Dans ce sens-là, ce qui a guidé le ministère de
l'Industrie, du Commerce et de la Technologie, ainsi que le gouvernement, c'a
toujours été la même chose. On s'est basé sur trois
principes, les trois mêmes principes: l'égalité des
commerçants et des commerçantes devant la loi, les besoins
réels des consommateurs et des consommatrices, la protection de la
qualité de vie des travailleurs et de la population en
général. Depuis 1990, depuis le 22 juin 1990, l'Opposition va
convenir qu'il y a eu une certaine évolution au niveau du dossier. La
situation, en 1990, n'était pas la même que celle en 1992. Il y a
cette évolution, entre autres, au niveau des abus de la loi. Depuis
1990, c'est-à-dire du mois de juillet 1990 au 30 novembre 1992, les
visites ou inspections par les inspecteurs du ministère de l'Industrie,
du Commerce et de la Technologie sont au nombre de 6871; le nombre de
poursuites initiées, 792; le nombre de condamnations, 213; la valeur des
amendes, 348 500 $. Donc, il y a sûrement un malaise au niveau de la loi,
principalement au niveau des marchés aux puces, ainsi qu'au niveau des
grands de l'alimentation qui se servent de la loi telle qu'elle existe pour
ouvrir le dimanche alors que le concept, c'était réellement
d'ouvrir, oui, mais dans un concept de dépannage.
Donc, à la suite de ces abus, à la suite,
également, de nouveaux intervenants qui s'étaient objectés
de façon très claire au projet de loi en 1990, nous avons
rencontré ces intervenants. Des grandes surfaces, oui, il est vrai,
entre autres, Sears, s'étaient objectées, La Baie s'était
objectée, mais ces intervenants, aujourd'hui, disent oui. Club Price a
toujours été en faveur de l'ouverture. On reçoit, au
moment où on vous parle, une lettre de Club Price qui dit sensiblement
ceci, parce que Club Price n'accepte pas qu'on s'attaque à sa
crédibilité comme institution de détail au Québec.
Alors, je cite la lettre du président de Club Price, M. Pierre Mignault,
adressée au ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie:
«II convient de rappeler ici que Club Price est d'abord un club
entrepôt au service de la PME. Si nous vendons aux PME, nous achetons
aussi d'elles. Nous encourageons des centaines de PME de chez nous et nous
contribuons à créer des centaines d'emplois au Québec. Au
cours de l'année écoulée, Club Price a acheté pour
890 000 000 $ d'entreprises québécoises. Qui peut en dire autant
dans l'alimentation comme dans d'autres secteurs du commerce? C'est au
Québec que notre entreprise achète l'essentiel de sa marchandise
et, dans l'alimentaire, Club Price achète 90 % de ses denrées
ici. Qui peut en dire autant? Et que dire de l'encouragement des nôtres
à l'exportation grâce au fait que Club Price a son siège
social canadien au Québec, le plus important siège social de
ville de Laval avec 350 employés, et qu'il exporte des magasins en
dehors du Québec. Il a permis à des entreprises de chez nous
d'exporter leurs produits ailleurs au Canada et aux États-Unis,
créant ainsi une importante valeur ajoutée au Québec dont
peu d'entreprises peuvent s'enorgueillir. «Club Price Canada a investi
près de 100 000 000 $ au Québec au cours des dernières
années et tous ses profits sont systématiquement
réinvestis au pays. Club Price crée aujourd'hui plus de 3500
emplois directs au Québec, sans compter tous les emplois indirects qu'il
génère dans les PME québécoises. On comprendra que
nous ne puissions en aucune façon accepter des critiques qui cherchent
faussement a nous identifier comme des étrangers.» Fin de la
citation, M. le Président.
Alors, on peut me dire, comme l'Opposition nous dit: Ça, c'est un
gros, il faut protéger les petits. Très bien, je l'accepte. La
ville de Montréal, qui s'était de façon
systématique opposée au projet de loi en 1990, est maintenant
pour. Pourtant, quand on veut nous faire entendre les SIDAC, quand on veut nous
faire entendre les petits commerçants, je pense que la ville de
Montréal, lorsqu'elle a pris sa décision au niveau de
l'exécutif de la ville de Montréal et des conseillers, c'est
sûrement les conseillers qui ont fait valoir le point de vue des SIDAC,
des petites rues également, avec des petits commerçants. Et la
ville de Montréal a décidé, dans le meilleur
intérêt du développement économique de
Montréal, de recommander au gouvernement d'ouvrir les commerces le
dimanche.
Là, on a parlé beaucoup des chambres de commerce du
Québec. Alors, dans ce sens-là, j'en conviens, il y a certaines
chambres de commerce qui s'objectent à l'ouverture des commerces le
dimanche, mais la majorité est en faveur. On pourrait dire «les
petits», mais on parle également des Travailleurs unis de
l'alimentation et du commerce et, dans ce sens-là, je peux vous dire
qu'ils sont favorables. On va nous dire: Oui, mais les petits
commerçants, les petits commerçants! Alors, il y a une
étude qui a été préparée par le Regroupement
québécois pour l'ouverture des commerces le dimanche. Ce
Regroupement a également comme membre le Conseil québécois
du commerce de détail. Alors, ce n'est pas juste des grandes surfaces,
c'est également et surtout des petites surfaces.
Je vais juste, M. le Président, me référer à
la conclusion de l'étude comparative de l'évolution des ventes au
détail du Québec, de l'Alberta et de la Colombie-Britannique
préparée par la firme Price Waterhouse, Management Horizons, leur
division. Alors, la conclusion: «Suite à cette analyse, nous
pouvons émettre l'opinion suivante sur l'impact de la
libéralisation des heures
d'ouverture, dans les catégories de ventes au détail
analysées: la libéralisation des heures d'ouverture n'aura pas
d'impact négatif sur la part de marché des détaillants
indépendants».
Je référerais les membres de l'Opposition aux tableaux,
dans le rapport, qui démontrent clairement qu'il y a eu une croissance
des indépendants de 1985 à 1989 dans toutes les grandes villes
qui sont référées au document. «De plus - et je cite
toujours la conclusion du document, M. le Président - les
détaillants québécois se doivent de faire des efforts
additionnels pour mieux répondre aux exigences des consommateurs et
reprendre la part des revenus disponibles qu'ils ont perdue au cours des
dernières années. Elle permettra également de renforcer le
produit touristique québécois et de mieux capitaliser sur le
potentiel de vente que représente la clientèle touristique.
L'augmentation du nombre d'heures d'ouverture contribuera à une
augmentation des heures travaillées dans cette industrie. Puisqu'elle
répond aux attentes des consommateurs et que, de l'aveu des
consommateurs, elle favorisera une réduction du magasinage
outre-frontières, l'ouverture des commerces de détail le dimanche
aura un impact positif sur les ventes au détail.» Enfin,
«elle permettra d'éliminer les iniquités entre les
différents types de commerce au niveau des heures d'ouverture».
Fin de la citation.
Dans ce sens-là, les arguments de l'Opposition à l'effet
que ça va avoir un impact très négatif sur les petits
commerçants, c'est faux. D'ailleurs, on se sert d'un rapport du
ministère de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie,
préparé en 1987, qui disait qu'il y aurait peut-être 30 %
des petits commerçants dans le secteur de l'alimentaire qui
disparaîtraient, et on disait que c'était un minimum, que
ça pourrait même être 40 %, 50 %, parce que la structure
industrielle et commerciale, au Québec, est différente de celle
des autres provinces canadiennes. Alors, je dois dire aujourd'hui
qu'après cinq ans cette prédiction est loin de s'être
réalisée, au contraire. C'est vrai que certains petits
dépanneurs ont des problèmes et/ou ont fermé leurs portes,
mais il faut dire également qu'il s'ouvre encore des petits
dépanneurs au Québec et les grandes surfaces qui
représentent les dépanneurs, qui veulent protéger les
dépanneurs, continuent d'acheter des réseaux de dépanneurs
dans toutes les régions du Québec. (15 h 40)
Les sondages. Parce que, en fait, il faut regarder également la
position des consommateurs et des consommatrices. Dans ce sens-là,
lorsqu'on regarde les sondages qui ont été préparés
par des firmes indépendantes - on peut parler de Créatec Plus ou
encore de SOM-Les Affaires - ces sondages sont très clairs, M. le
Président. Ils démontrent que 67 % des répondants ont dit
avoir magasiné le dimanche et 37 % des répondants affirment que
les heures d'ou- verture actuelles des magasins, soit du lundi au samedi, ne
leur conviennent pas et qu'ils manquent de temps durant la semaine pour
magasiner. il est intéressant de noter que 23 % des répondants
disent qu'il leur arrive de travailler le dimanche, dans le cadre de leur
semaine régulière. par ailleurs, 66 % des répondants
voient d'un oeil favorable qu'eux-mêmes ou un de leurs proches aient
l'occasion de travailler le dimanche, et 36 % se sont même dits
intéressés à le faire, m. le président.
Dans ce sens-là, les résultats des sondages
révèlent que les consommateurs veulent des changements à
la loi parce que leurs conditions de vie ont évolué rapidement,
particulièrement au cours des dernières années. En
conséquence, les Québécois et les
Québécoises souhaitent, dans une proportion importante, que le
gouvernement actualise les règles du jeu dans ce domaine, et plus de 72
% disent appuyer l'idée de modifier la loi actuelle afin qu'elle
prévoie davantage d'exceptions le dimanche. La plupart des
répondants se disent même totalement favorables à cette
éventualité, alors que seulement 16 % se disent totalement
opposés à cette idée. Plus encore, si on fait intervenir
la notion du droit des employés à ne pas travailler le dimanche
s'ils le désirent, le taux d'appui à des modifications à
la loi en ce sens passe de 72 % à 80 %, M. le Président. Alors,
dans ce sens-là, les sondages viennent démontrer de façon
très claire la volonté des Québécois et des
Québécoises, et cette volonté est sûrement
influencée, M. le Président, par des décisions importantes
qui ont été prises en Ontario, au Manitoba, au
Nouveau-Brunswick.
L'Opposition voudrait que le Québec s'isole, que le Québec
soit réellement distinct. Alors, dans ce sens-là, le
Québec, M. le Président, ne peut pas s'isoler de ses principaux
concurrents, qu'ils soient en Ontario, au Manitoba, au Nou-veau-Brunswick. Si
certaines provinces, avec la complicité, dans bien des cas, de
l'Opposition, ont pu donner suite aux attentes légitimes des
commerçants, des commerçantes, des consommateurs, des
consommatrices, des travailleurs et des travailleuses, il me semble qu'au
Québec on peut évoluer dans le sens des besoins réels de
la société québécoise.
En ce qui concerne les retombées économiques, on en a
parlé beaucoup, des retombées économiques. On a remis
à l'Opposition des documents qui viennent démontrer de
façon très claire que, selon certaines hypothèses de
travail, il est raisonnable de prétendre que les ventes au détail
au Québec pourraient augmenter de 1 %, 448 000 000 $, M. le
Président, alors que les ventes totales, au Québec, sont de 44
800 000 000 $. Il me semble que c'est une hypothèse excessivement
conservatrice, considérant que l'ouverture des commerces le dimanche
pourra permettre des ventes additionnelles. Dans ce sens-là, on a
examiné égale-
ment les achats outre-frontières, qui totalisent 2 100 000 000 $;
encore une fois, de façon très conservatrice, on est
arrivés à la conclusion que, sur ces 2 100 000 000 $, le
pourcentage qui pourrait augmenter au Québec serait uniquement de 150
000 000 $. Alors, il me semble que, dans un contexte économique un peu
plus difficile, des ventes additionnelles de 600 000 000 $ pourraient permettre
à nos commerçants de passer à travers une conjoncture
économique moins favorable, ainsi que de créer des emplois.
On parle de créer possiblement plus de 8000 emplois. J'ai de la
misère à comprendre que l'Opposition s'objecte à la
création d'emplois uniquement parce qu'à court terme on parle
d'emplois - peut-être - qui pourraient être particulièrement
des emplois précaires. On n'a jamais dit que ce seraient tous des
emplois permanents de qualité à temps plein; on a dit qu'il y
aurait une création d'emplois. Il pourrait y avoir des emplois
précaires et l'Opposition fait un drame pour dire que j'ai pensé
que des mères de famille pourraient avoir le goût de travailler.
Je ne l'ai pas inventé, tout le monde en parle ouvertement. Mais je n'ai
pas uniquement dit des mères de famille; j'ai dit des mères de
famille, des étudiants et des étudiantes, et également
tous ceux et celles qui veulent travailler le dimanche.
Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? Si l'Opposition se
promène, c'est certain que quelqu'un n'ira pas voir l'Opposition pour
lui dire: Écoutez, on est intéressés à ouvrir. La
députée de Taillon peut se promener, si elle veut, partout, ce
soir et demain, et les personnes qui vont l'approcher vont lui dire:
Écoutez, nous, on ne veut pas ouvrir; c'est difficile, le commerce. On
va avoir de la misère et tout ça. Je comprends et je ne dis pas
que ça va être facile, mais il y en a d'autres qui viennent nous
voir et ils disent: Oui, M. le ministre, merci. On va être obligés
de se retrousser les manches. On va être obligés de
répondre aux besoins réels de la clientèle et on est
prêts.
Dans ce sens-là, on avait un choix à faire, M. le
Président, et une décision importante à prendre, et elle
n'était pas facile. On avait le choix de la libéralisation
totale. Oui, il y en a qui nous l'ont demandée, la libéralisation
totale. On ne l'a pas choisie à cause, entre autres, de l'impact que
ça pouvait avoir à court terme sur des commerces qui ont encore
besoin de s'ajuster à un nouvel environnement commercial. D'autres nous
ont dit, entre autres, comme l'Association des détaillants en
alimentation: Nous autres, on aime mieux le statu quo. Je comprends qu'ils
aiment mieux le statu quo, leurs plus grandes surfaces maintenant peuvent
ouvrir le dimanche. C'est là qu'ils vont chercher, entre autres, leurs
cotisations. Donc, il paraît qu'on défend l'intérêt
de leurs membres. C'est parfait, j'ai compris. Je comprends très bien le
message de l'Association des détaillants en alimentation du
Québec. J'es- père qu'on ne reviendra pas me revoir, comme on est
venu me voir à de nombreuses reprises pendant un an, pour me dire que la
loi n'était pas gérable et qu'elle n'était pas applicable.
Aujourd'hui, parce que ça fait leur affaire, ils disent que la loi est
gérable, que la loi est applicable. Alors, ça, je pense que c'est
un double discours qu'on n'a pas à tenir.
Et, quand on parle de façon très claire qu'il faudrait
venir en commission parlementaire et entendre encore des intervenants, quand
j'ai fait une commission parlementaire, M. le Président, en 1990, la
première à s'objecter, c'était la députée de
Taillon. Le temps était de décider. Gouverner, c'est
décider. Nous avons entendu, par contre, 94 différents
représentants d'associations de commerçants qui sont venus nous
dire de façon très claire ce qu'ils pensaient des heures
d'ouverture. Et, par la suite, après cette période-là, on
a déposé un projet de loi et, quand on est arrivé à
la possibilité, en commission parlementaire, d'analyser article par
article le projet de loi, encore comme en 1992, M. le Président, on ne
s'est pas rendu à l'article 1. Pourquoi? Le député de
Drummond le sait, c'est pour ça que ça me surprend aujourd'hui
qu'il veuille entendre encore des personnes. Des motions pour entendre des
SIDAC, des chambres de commerce, des associations, l'Association des
détaillants en alimentation, le ministère du Revenu, toutes des
choses qu'on a entendues en 1992. J'aimerais mieux que l'Opposition me dise de
façon très claire ce qu'on nous dit de façon
contournée: D'une façon ou d'une autre, M. le ministre, votre
projet de loi, au point de vue idéologique, ça ne convient pas
à l'idéologie de notre parti. Réglé! Mais qu'on ne
perde pas notre temps à faire des motions dilatoires, de l'obstruction
systématique pour retarder des échéances.
Dans ce sens-là, on a fait un choix entre la
libéralisation totale et le statu quo. On a dit non. En vertu de
l'évolution de la société québécoise, en
fonction des principes qu'on avait mis de l'avant, en fonction des nouveaux
intervenants qui sont favorables - pourtant, ils étaient contre en 1990
- de l'évolution au niveau de la population des autres provinces
canadiennes, ainsi que dans le meilleur intérêt du
développement économique du Québec, nous avons dit: On va
actualiser la loi.
Qu'est-ce qu'on fait, M. le Président? Première chose, on
fait une planche uniforme sur semaine. On ajoute deux heures le lundi, deux
heures le mardi. On ne me crie pas après pour me dire: On devrait
ouvrir... Pourquoi 8 heures? Pourquoi avez-vous mis 8 heures, M. le ministre?
Mais il y en a certains commerçants qui ouvrent à 8 heures, il y
en a d'autres qui ouvrent à 10 heures et il y en a d'autres qui ouvrent
à 11 heures. Il me semble qu'il y a eu une évolution, M. le
Président, dans la société québécoise et que
la société québécoise est rendue plus mature.
Dans l'Opposition, plus ça va aller mal, plus ils vont être
contents. Quant à la main tendue du député de Drummond, la
main tendue...
Le Président (M. Audet): Alors, un instant. M.
Léonard: Question de règlement.
Le Président (M. Audet): Question de règlement.
M. Léonard: Le ministre ne peut pas prêter
d'intentions comme il vient de le faire à l'Opposition en disant: Plus
ça va aller mal, plus on va être contents. Je regrette, je pense
qu'il doit retirer ses paroles, parce qu'il nous prête des intentions
méchantes...
Une voix: Mensongères. M. Léonard:
...mensongères.
Le Président (M. Audet): Un instant, un instant. Je sais
qu'en vertu du règlement on ne peut pas imputer des motifs à un
député, mais à l'Opposition ou au gouvernement...
M. Léonard: Oui, mais c'est un ensemble de
députés, ça aussi. Le journaliste est parti là, il
pourrait se calmer un peu. (15 h 50)
Le Président (M. Audet): Évidemment, j'invite les
députés à être prudents dans leurs interventions. Il
ne peut pas retirer ce que vous avez soulevé, M. le
député. L'article 35 du règlement, ce qu'il dit, c'est
qu'on ne peut pas imputer des motifs indignes à un député.
Quand on s'adresse à un groupe, on ne vise pas un député.
S'il avait dit...
M. Léonard: On peut le faire? On peut dire n'importe
quoi!
Une voix: On peut dire n'importe quoi. Une voix: Bien, on
va y aller. Une voix: Eh bien!
Le Président (M. Audet): Un instant, là! S'il vous
plaît! Il y a eu une question de posée, je vais essayer d'y
répondre. Si vous ne me laissez pas parler, je ne pourrai pas y
répondre.
M. Jolivet: S'il veut bien faire du premier coup, il serait mieux
d'arrêter.
Le Président (M. Audet): M. le député de
Laviolette, s'il vous plaît! Si le ministre, par exemple, s'était
adressé directement à vous, M. le député de
Labelle, en disant que vous souhaitiez certaines choses qui auraient
été contraires... à ce moment-là, le
règlement l'empêche.
Mais, dans un groupe comme dans un autre, le règlement est assez
large là-dessus.
M. Jolivet: M. le Président...
Le Président (M. Audet): À ma connaissance,
à moins que je ne me trompe.
M. Jolivet: ...ça veut dire que, si je ne peux pas
l'imputer à quelqu'un, je peux l'imputer au groupement qu'il
représente. C'est ça que je comprends. Vous voulez dire que je ne
peux pas l'imputer à 1, mais je peux l'imputer à 10.
Une voix: Oui.
M. Jolivet: II nous a dit qu'on était des gens qui avaient
de mauvaises intentions, je pense que c'est clair, là. Je me sens
insulté, moi.
Le Président (M. Audet): je vous dis, m le
député de laviolette, que le règlement, ce qu'il dit,
c'est qu'on ne peut pas imputer des motifs indignes à un
député.
M. Jolivet: Bien oui!
Le Président (M. Audet): C'est ça que j'ai dit.
M. Jolivet: C'est ce qu'il a fait!
Le Président (M. Audet): Mais il reste qu'il y a un
certain protocole dans les échanges et qu'il faut respecter un certain
décorum.
M. St-Roch: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Audet): M. le député de
Drummond.
M. St-Roch: Quand vous dites à plusieurs. je vous ferai
remarquer, moi, que je suis le seul indépendant ici. Alors, lorsqu'on
prête des propos comme ça, ça s'adresse automatiquement
à moi. Là, je suis seul.
Le Président (M. Audet): C'est parce que...
M. Tremblay (Outremont): À moins que vous fassiez partie
du Parti québécois, vous n'êtes pas un député
de l'Opposition.
Le Président (M. Audet): Non, non, non! M. le
député de Labelle, excusez là. Ce que je disais,
j'invitais...
M. Tremblay (Outremont): À moins que ce soit ça que
vous vouliez.
Le Président (M. Audet): Un instant, là!
J'invitais les parlementaires à faire preuve de rigueur et
à être prudents.
M. Léonard: À avoir plus de circonspection dans
leurs propos.
Le Président (M. Audet): C'est le terme juste: de
circonspection dans leurs propos. Pour répondre à la question de
règlement du député de Drummond, M. le ministre ne
s'adressait pas à vous en particulier, M. le député de
Drummond, il s'adressait à l'Opposition. Il a dit: Les gens de
l'Opposition. Il a bien dit: Les gens de l'Opposition. Alors, vous ne pouvez
pas supposer qu'il vous a imputé des motifs indignes.
M. St-Roch: Est-ce que je dois conclure... Le Président
(M. Audet): D'accord. M. Blais: Question de règlement.
Le Président (M. Audet): Oui, M. le député
de Masson.
M. Blais: Oui, une question de règlement. M. le
Président, ça fait 12 ans que je suis en Chambre...
Le Président (M. Audet): Félicitations!
M. Blais: Ce n'est pas pour ça que je vous dis ça.
c'est que c'est la première fois que j'entends une interprétation
comme celle-là. supposons, m. le président, que je dise: de
l'autre côté de la table, tous les libéraux sont des
menteurs, me feriez-vous retirer mes paroles?
Une voix: Oui.
M. Blais: Mais je m'adresse à un groupe. Je m'adresse
à un groupe: Les libéraux sont des menteurs. Me feriez-vous
retirer mes paroles?
Le Président (M. Audet): Bon! Ce que j'ai dit...
M. Blais: Non, non, mais c'est ça. Je ne dis pas que le
ministre est menteur - c'est un exemple que je vous donne - mais que tous les
libéraux sont des menteurs. Vous me feriez retirer mes paroles. Alors,
si je dis: Les libéraux ont de mauvaises intentions, on n'a pas le droit
de prêter des intentions à des députés. Vous me
dites qu'il faut qu'on le fasse individuellement? Alors, si je le fais
individuellement, je n'ai pas le droit, mais, collectivement, d'après ce
que vous me dites, j'aurais le droit. Donc, les libéraux sont des
menteurs, et je vous remercie!
Le Président (M. Audet): Non! Ce n'est pas...
M. Blais: Bien, c'est ça que je veux vous dire.
Le Président (M. Audet): ...ce que j'ai dit.
M. Blais: Je ne le dis pas, c'est un exemple que je prends. Je ne
dirais jamais ça. C'est un exemple que je prends pour faire comprendre
que ça ne peut pas s'interpréter...
Le Président (M. Audet): Oui, je comprends, je comprends,
je comprends. Je comprends!
M. Blais: ...de façon aussi «lax» que
ça. C'est tout. Et je viens à la défense du ministre pour
qu'on ne dise pas des choses pas convenables.
Le Président (M. Audet): M. le député... M.
Blais: Je ne voudrais pas lui en dire.
Le Président (M. Audet): ...ce que j'ai dit, c'est que
l'article 35, ce qu'il dit, c'est directement «imputer des motifs
indignes à un député». C'est ce que l'article dit.
Mais j'ai invité les députés, comme l'a souligné le
député de Labelle, à faire preuve de circonspection dans
leurs propos, à être prudents, à faire attention, à
ne pas dire n'importe quoi, à respecter les autres. C'est ça que
le règlement dit.
Alors, ceci étant dit, M. le ministre, vous avez la parole.
M. Blais: II faudrait qu'il retire ses paroles; sinon, je vais
dire tout ce que je veux dire. M. le Président, je veux absolument faire
un correctif ici. Je vais accepter votre décision parce que vous
êtes le président de cette commission. Ma longévité
parlementaire va m'obliger à le faire; je le fais avec décence et
avec une certaine réticence, mais je ne m'y opposerai pas.
Si je peux dire à la collectivité qui est de l'autre
côté qu'ils sont n'importe quoi, leur prêter toutes les
intentions que je veux sans que vous me fassiez retirer mes paroles, eh bien,
on tombe dans un laxisme incontrôlable dans le système
parlementaire dans lequel on vit. Je vais vous donner l'exemple le plus
percutant. Si vous me dites que, quand ça s'adresse à un
député, on n'a pas le droit et que, quand on s'adresse à
une collectivité, il faut surveiller ses paroles, je vais dire n'importe
quoi en m'adressant à la collectivité. C'est inacceptable pour la
bonne marche de notre système parlementaire. C'est ce que je veux dire,
M. le Président.
Le Président (M. Audet): L'article 35 dit aussi qu'on ne
doit pas «se servir d'un langage violent, injurieux ou blessant à
l'adresse de qui que ce soit; employer un langage grossier ou irrespectueux
envers l'Assemblée; adresser des menaces...» Je peux tous vous les
nommer si vous
voulez. De toute façon, vous avez compris ce que je voulais dire
tantôt. M. le ministre, poursuivez.
M. Tremblay (Outremont): Merci beaucoup, M. le
Président.
M. Blais: Tantôt, ça va être grave.
M. Tremblay (Outremont): Je ne pensais pas...
Le Président (M. Audet): M. le député de
Labelle m'a demandé de rappeler le règlement; je l'ai
rappelé, l'article 35. J'ai invité les parlementaires à
être prudents dans leurs propos, à faire attention, en vertu de
l'article. Je viens de le lire. Mais je ne peux pas demander au ministre de
retirer des paroles, d'avoir dit que l'Opposition souhaite qu'il y ait du
malheur qui arrive. Voyons donc, ce ne sont pas des propos antiparlementaires!
Selon moi, à moins que je ne me trompe, pour demander à un
parlementaire de retirer des propos, il faut que les propos qu'il ait dit, M.
le député, soient des propos antiparlementaires qui rejoignent
directement l'article 35 du règlement. Mais un mot, une chose comme
ça... En tout cas, peut-être que je m'explique mal, mais...
Une voix: Parce que ça ouvre...
Le Président (M. Audet): J'ai rappelé l'article 35
du règlement. C'est ça.
M. Léonard: Je pense que le ministre, pour clore le
débat, devrait simplement dire que ça a dépassé sa
pensée, que ce qu'il a dit a dépassé sa pensée.
Parce que, autrement, ça ouvre une porte à bien des choses. Je
pourrais aussi dire, par exemple, moi, qu'ils ont adopté cette loi en
1990, sachant très bien qu'il y aurait des difficultés
importantes à l'appliquer et qu'ils devraient venir plus tard avec une
loi beaucoup plus serrée, n'ayant pas le courage au début de
poser le geste qu'il fallait qu'ils fassent. Et ça, c'est en toute
déférence. Mais je n'ai pas dit qu'ils avaient de mauvaises
intentions et qu'ils étaient contents que ça irait mal. Mais,
lui, il a dit que l'Opposition était contente que ça aille mal.
Alors, moi, je pourrais lui dire, à l'heure actuelle, qu'il est
très content que ça aille mal, parce que ça lui permet
d'avancer la loi qu'il nous propose. Oui, c'est ça. Il est allé
jusque-là.
M. Tremblay (Outremont): M. le Président, juste pour
informer le député de Labelle, s'il écoute bien:
L'Opposition a mentionné à plusieurs reprises que ça avait
été planifié de la part du ministre.
M. Blais: Quoi?
M. Tremblay (Outremont): Que la rédaction de la loi avait
été planifiée pour éventuellement aller vers une
libéralisation totale. Alors, ce que le député de Labelle
dit...
Mme Marois: Donc, il admet que c'est une libéralisation
totale?
M. Léonard: Donc, vous admettez. O.K. Comme vous ne l'avez
pas relevé, vous l'admettez, ça va.
M. Tremblay (Outremont): Est-ce qu'on a le droit de dire la
vérité à une commission parlementaire, M. le
Président?
Le Président (M. Audet): Oui, mais dans le respect de
l'article 35, comme je viens de le dire.
M. Tremblay (Outremont): Très bien. Je n'ai aucun
problème. C'est parce que la vérité, ça choque.
Le Président (M. Audet): Un instant! Je veux juste ajouter
un élément là-dessus. Il arrive des échanges.
J'écoute la commission depuis le début. S'il faut que je
surveille le règlement à toutes les fois... Des fois, il s'est
dit des choses qui étaient sur le bord, à peu près comme
le ministre vient de le dire. S'il faut que je demande de retirer des propos,
des propos et des propos, tantôt on n'aura plus grand-chose à dire
personne.
M. Jolivet: M. le Président, je vais juste dire une
chose.
Le Président (M. Audet): M. le député de
Laviolette.
M. Jolivet: En vertu du règlement, vous avez le droit
d'intervenir, mais c'est possible aussi qu'à la demande d'un
député vous deviez intervenir.
Le Président (M. Audet): Oui.
M. Jolivet: C'est dans ce sens. Donc, pour vous enlever ce
déplaisir...
Le Président (M. Audet): Cette culpabilité.
M. Jolivet: ...d'empêcher quelqu'un de dire quelque chose,
attendez que quelqu'un vous dise qu'il est insulté et ça vous
aidera. Mais vous n'êtes pas obligé de le faire de votre chef. Si
vous voulez le faire de votre chef, vous avez le droit.
Le Président (M. Audet): Non, non.
M. Jolivet: Mais, si un député se sent
lésé comme on l'a été, on a le droit
d'intervenir
C'est pour ça qu'on l'a fait. C'est pour ça que ça
ne se fait pas à toutes les fois.
Le Président (M. Audet): L'application du règlement
de l'Assemblée nationale, si on appliquait le règlement à
la lettre partout...
M. Blais: On aurait de la misère.
Le Président (M. Audet): ...on aurait beaucoup de
misère, comme vient de le dire le député de Masson.
Ça prend une certaine largesse, tout ça. Dans ce que le
député de Labelle m'a demandé en soulignant l'article du
règlement, il avait raison en vertu de l'article 35. Mais, si je vais
plus loin que ça, demander au ministre de retirer ses propos, c'est
assez difficile à...
M. Jolivet: Si M. le ministre veut bien faire du premier coup,
à tout coup et partout...
Le Président (M. Audet): Ce que je vous dis, c'est que
j'ai appelé...
M. Jolivet: ...il a juste à nous dire qu'il s'est
trompé et on va être d'accord.
Le Président (M. Audet): ...l'article 35. j'ai
invité le ministre à faire attention et les parlementaires aussi.
ceci étant dit, m. le ministre, vous continuez.
M. Tremblay (Outremont): Je vous remercie beaucoup, M. le
Président. D'ailleurs, j'avais appris quelque chose de la
députée de Taillon, c'est que la pédagogie, c'est l'art de
répéter. Alors, depuis qu'on répète que la
qualité totale, c'est bien faire du premier coup, partout, à tout
coup, je pense que l'Opposition commence à réellement comprendre
ce que c'est, la qualité totale.
Alors, dans ce sens-là, M. le Président, les motions de
l'Opposition pour faire entendre des intervenants, la deputation
ministérielle va toujours voter contre. Alors, si vous voulez continuer
à faire des motions pour entendre des nouvelles personnes... Je pense
que ça a été fait à de nombreuses reprises et, dans
ce sens-là, vous avez très bien fait valoir le point de vue des
personnes que vous représentez. Et, pour vous aider - parce que, en
fait, ce qu'on veut, nous, au niveau de la deputation ministérielle,
c'est de la critique constructive au niveau de l'étude du projet de loi
article par article - juste pour peut-être vous donner certaines
idées et peut-être que vous allez en parler tout à l'heure
dans vos interventions, dans le projet de loi qui est déposé
à l'Assemblée nationale, le projet de loi 59, la première
modification importante, c'est que, le lundi et le mardi, les commerces vont
pouvoir ouvrir maintenant jusqu'à 21 heures et, le dimanche, les
commerces vont pouvoir ouvrir de 8 heures à 17 heures. Au niveau des
jours fériés, il n'y a pas de change- ment au projet de loi, sauf
qu'étant donné que les commerces peuvent ouvrir le dimanche
maintenant, c'est le dimanche de Pâques qui va être la
journée où les commerces doivent fermer en fonction du jour
férié. (16 heures)
On a maintenu, M. le Président, une exception au niveau du
secteur alimentaire. Pourquoi nous l'avons maintenue? Pour régulariser
la situation. Maintenant, c'est au plus quatre personnes qui assurent le
fonctionnement de rétablissement commercial en dehors des heures
prévues au projet de loi et des jours visés également au
projet de loi. Le plafond qui avait été fixé de 50 $ est
maintenant éliminé.
Dans le secteur des produits pharmaceutiques, c'est la même
application, sauf qu'étant donné que les professionnels de la
santé peuvent opérer 24 heures par jour, 7 jours par semaine et
qu'ils ne sont pas régis par la loi sur les heures d'ouverture, nous
avons cru bon d'exclure les professionnels de la santé, donc, le
pharmacien et les personnes préposées exclusivement à la
préparation de médicaments.
Au niveau des exceptions, en permettant l'ouverture des commerces le
lundi et le mardi jusqu'à 21 heures, un nombre important d'exceptions
tombent et, dans ce sens-là, nous avons également
éliminé une autre exception qui concerne les marchés aux
puces. Alors, les vendeurs de marchandises usagées, les marchés
aux puces, devront dorénavant se conformer au régime
général d'ouverture des commerces; donc, les marchés aux
puces vont pouvoir ouvrir uniquement aux mêmes heures que d'autres
commerces de détail, tel que prévu par la loi, et, dans ce
sens-là, l'obligation de limiter la vente de produits accessoires
à 50 $ est éliminée.
Nous avons maintenu les mêmes exceptions au niveau des
activités sportives et la possibilité pour le ministre de
permettre, pour des questions de développement touristique, des zones
touristiques et également des zones limitrophes éventuellement,
si jamais il y avait des changements dans d'autres provinces et que ça
causait des préjudices aux entreprises.
Dans ce sens-là, on a éliminé également la
possibilité pour le ministre de permettre à des entreprises
d'ouvrir le dimanche en raison de leurs croyances religieuses. Ces commerces
devaient fermer un autre jour que le dimanche. Alors, le projet de loi nous
permet maintenant d'éliminer cette exception.
À la demande des représentants des travailleurs et des
travailleuses, nous avons cru bon d'inclure dans le projet de loi une
disposition qui permet maintenant aux travailleurs de refuser de travailler le
dimanche. Je pense que c'était excessivement important et cet article se
lit comme suit: «II est interdit à l'exploitant d'un
établissement commercial de congédier, de suspendre ou de
déplacer une personne à son emploi [...], d'exercer à son
endroit des mesures
discriminatoires ou des représailles, ou de lui imposer toute
autre sanction pour le motif que cette personne a refusé de
travailler... «La personne qui croit avoir été victime
d'une pratique ainsi interdite peut faire valoir ses droits auprès d'un
commissaire du travail nommé en vertu du Code du travail (chapitre
C-27), au même titre que s'il s'agissait d'une sanction prise à
l'endroit d'un salarié à cause de l'exercice par celui-ci d'un
droit lui résultant de ce Code. Les articles 15 à 20, 118
à 137, 139, 139.1, 140, 146.1 ainsi que les articles 150 à 152 du
Code du travail s'appliquent alors, compte tenu des adaptations
nécessaires.»
Donc, M. le Président, oui, protection des travailleurs. Si
jamais l'Opposition avait des suggestions concrètes afin
d'améliorer cet article, on est prêts, au niveau de la deputation
ministérielle, à écouter attentivement ses
suggestions.
Également, nous avons cru bon de maintenir dans la loi la
protection pour les petits commerçants. On en parle beaucoup, des petits
commerçants. Alors, le projet de loi maintient que l'alinéa de
l'article 28 cesse de s'appliquer dans le cas où à un
commerçant il serait demandé d'ouvrir autrement qu'aux heures
prévues à cet article. Pourquoi? Nous avons pris en
considération qu'un petit commerçant pourrait, par exemple, dans
un centre commercial, ne pas vouloir ouvrir son commerce le dimanche et/ou
après 19 heures le lundi et le mardi. Ce commerçant, maintenant,
pourra refuser, pendant une période de...
M. Jolivet: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Audet): M. le député de
Laviolette.
M. Jolivet: M. le Président, le ministre est en train de
faire son topo pour nous amener à la clôture. Est-ce qu'on
pourrait regarder si sa demi-heure est dépassée?
Le Président (M. Audet): Non, non, non, un instant. Un
instant.
M. Jolivet: Non, mais sur une question de règlement, je
peux, madame...
Le Président (M. Audet): Une question de règlement
sur quoi, M. le député?
M. Jolivet: Bien, je vous demande: Est-ce que le temps du
ministre est dépassé? Ses trente minutes.
Le Président (M. Audet): Non, je surveille le temps.
M. Jolivet: Qu'est-ce que vous surveillez? Il a commencé
à 15 h 30.
Le Président (M. Audet): Bien, quand il y a des questions
de règlement, M. le député, le temps est coupé.
M. Jolivet: C'est ce que je veux savoir.
Le Président (M. Audet): II lui reste cinq minutes.
M. Jolivet: Ah, merci. Merci, non. c'était juste pour
savoir.
Le Président (M. Audet): Allez-y, M. le ministre.
M. Léonard: dans les dernières cinq minutes,
disons, juste pour donner une idée au ministre, la motion qui est sur la
table, c'est à l'effet d'entendre son collègue, le ministre du
revenu.
Une voix: Oui, mais ils prendront leur temps tantôt. M. le
Président, question de règlement.
M. Léonard: Et on aimerait l'entendre là-dessus
dans les cinq dernières minutes. Jusqu'ici, il n'en a pas parlé
là. Est-ce qu'il pourrait nous en parler un peu dans les cinq
dernières minutes?
Le Président (M. Audet): Écoutez, M. le
député, sur les motions, on a été assez
tolérant, je pense.
M. Léonard: Oui, oui, je sais. C'est une suggestion que je
fais...
Le Président (M. Audet): Oui.
M. Léonard: ...parce qu'il a l'air bien parti pour
l'oublier.
Le Président (M. Audet): O.K. M. le ministre l'a
noté, je suppose bien. Mais je ne peux pas... Si j'ai à rappeler
le ministre à la pertinence, en vertu du règlement
là-dessus, je devrai le faire à chaque intervention, parce que -
M. le député, s'il vous plaît! - j'aurais dû le faire
à presque toutes les interventions, là. M. le ministre, terminez,
il vous reste cinq minutes.
M. Tremblay (Outremont): Alors, je vous remercie...
M. Jolivet: M. le Président, je m'excuse...
Le Président (M. Audet): C'est une question de
règlement, M. le député de Laviolette?
M. Jolivet: Oui, M. le Président. Le Président
(M. Audet): Sur quoi?
M. Jolivet: Autour de la table, normalement, il y a le
président, le secrétaire et les membres de la commission, dont le
vice-président. Il y a quelqu'un qui est assis à votre droite,
là, qui n'a pas d'affaire là.
Une voix: Oui, mais elle est très jolie!
M. Jolivet: Non. Ça n'a pas d'importance, quant à
moi; ce qui est important, c'est qu'elle n'a pas d'affaire là. Depuis
tout à l'heure qu'elle vous donne des conseils en vous tapant sur la
main, ça n'a pas de bon sens.
Le Président (M. Audet): Non, non, pas du tout. Non,
non.
M. Jolivet: Non, mais c'est ce que j'ai vu faire. Non, mais je
vous le dis entre vous, puis moi, là: Elle représente le Parti
libéral, qu'elle s'en aille du côté... Mais elle n'a pas
d'affaire à votre droite, vous êtes neutre comme président.
Je vous le dis bien honnêtement.
Le Président (M. Audet): Oui, oui. M. Jolivet:
Alors, merci beaucoup.
Le Président (M. Audet): Mais je vous invite à la
prudence là-dessus, parce que, si vous soulevez...
M. Jolivet: Vous m'invitez à la prudence, M. le
Président. Vous avez accepté qu'elle soit assise à vos
côtés.
Le Président (M. Audet): M. le député, je
vous ai laissé parler. S'il vous plaît, vous allez me laisser
parler. Ça fait plusieurs fois que vous faites ça: les gens ont
la parole et puis vous parlez. S'il vous plaît!
M. Jolivet: Hein?
Le Président (M. Audet): J'ai dit: Ça fait
plusieurs fois que vous faites ça. Vos collègues, que ce soit
d'un côté ou de l'autre, ont la parole, puis vous parlez, vous les
coupez, vous n'arrêtez pas. Là, c'est le président, vous
allez me laisser parler.
Ce que je vous dis, je vous rappelle à la prudence
là-dessus, parce que j'ai remarqué et j'ai toléré,
de part et d'autre, qu'il y ait des gens qui ne sont pas membres de la
commission qui sont venus s'asseoir à la table. C'est juste ça
que je veux dire, parce que vous soulevez mon objectivité
là-dessus là; je vous invite à la prudence. C'est juste
ça que je fais.
M. Jolivet: Non, j'ai juste demandé de faire respecter le
règlement. J'ai le droit de demander ça.
Le Président (M. Audet): Oui.
M. Jolivet: J'ai le droit en vertu du règlement?
Le Président (M. Audet): Oui. Vous avez le droit.
M. Jolivet: Deuxièmement, quant à ma conduite, ici,
M. le Président, est-ce que vous avez des choses à dire contre
moi? Si vous avez des choses à dire, dites-les. Mais, moi, je vous dirai
que j'ai fait mon travail comme tout le monde autour de la table. Ça
peut arriver que j'aie, comme tous les autres, de temps en temps, dit quelque
chose de bord en bord, mais vous avez de vos collègues qui ont fait la
même affaire, là. Entre vous puis moi, vous n'auriez pas dû
soulever ça, non plus. Attention, vous aussi.
Le Président (M. Audet): Ce que je vous ai dit...
M. Jolivet: Parce que vous êtes neutre, hein?
Le Président (M. Audet): Oui. Puis, j'essaie de
l'être.
M. Jolivet: Bon.
Le Président (M. Audet): Je pense qu'à date, depuis
que je préside des commissions, il n'y a personne... Vous êtes le
premier qui m'avisez là-dessus.
M. Jolivet: Non, non, mais c'est parce que j'ai demandé un
rappel au règlement et vous m'avez accusé.
Le Président (M. Audet): Ce que je veux vous dire et que
j'essaie de vous dire encore, c'est que j'essaie de parler, puis vous me coupez
la parole. C'est ça que j'ai dit tantôt. Oui, oui, oui, c'est
ça que je vous ai dit.
Ceci étant dit, M. le ministre, il vous reste cinq minutes.
M. Tremblay (Outremont): Merci beaucoup, M. le Président.
Je pense qu'on a le plus bel exemple que c'est très difficile pour la
deputation ministérielle de parler de fond à cette commission.
À toutes les fois qu'on essaie de parler de fond, on nous accuse, et
encore le député de Laviolette vient de me prêter des
intentions en disant que je prépare la motion de clôture. Alors,
je dois vous dire, M. le Président, que c'est absolument faux. C'est
absolument faux. J'ai consulté pendant six mois, on est arrivé
avec un projet de loi qui reflète une évolution au niveau de la
société québécoise et, dans ce sens-là,
ça répond aux trois principes qu'on a mis de
l'avant. Alors, je ne prépare pas de motion de clôture, je
n'ai pas été informé... Peut-être que le
député de Laviolette est informé qu'il va y avoir une
motion de clôture. Moi, je ne suis pas informé de ça. Je
continue à faire mon travail et, comme ministre responsable de ce projet
de loi, j'ai l'obligation de faire part à l'Opposition du contenu du
projet de loi au cas où l'Opposition aurait des recommandations
constructh/es à faire pour éviter, possiblement, ce qui est
arrivé en 1990, où nous ne nous sommes même pas rendus
à l'article 1.
M. Jolivet: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Audet): M. le député de
Laviolette.
M. Jolivet: Est-ce que vous pourriez relire la motion qui est en
discussion, justement, pour le bien-être du ministre? Lisez donc la
motion pour voir s'il en a parlé depuis le début, parce que c'est
la pertinence que je...
Le Président (M. Audet): Non, M. le
député.
M. Jolivet: Mais, est-ce que je peux demander la pertinence,
à ce moment-ci? J'ai le droit? (16 h 10)
Le Président (M. Audet): Oui. Vous pouvez demander la
pertinence, monsieur.
M. Jolivet: Je parle. J'ai le droit?
Le Président (M. Audet): À l'ordre, s'il vous
plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Mais, M. le
député de Laviolette, le règlement prévoit, je ne
sais pas trop à quel article, que le président doit signaler - un
député peut le faire aussi...
M. Jolivet: Bien, j'espère!
Le Président (M. Audet): Si vous soulevez la question de
la pertinence, à ce moment-là, on va trouver ça long si on
a d'autres motions qui s'en viennent.
M. Jolivet: Non, mais...
Le Président (M. Audet): Ce que je disais tantôt,
c'est que, si on avait eu à appliquer la règle de la pertinence
à chaque intervention, j'aurais dû intervenir, M. le
député, à plusieurs reprises sur chaque intervention d'un
côté ou de l'autre de la table. Bon! C'est ça que je veux
dire.
M. Jolivet: Je comprends tout ce que vous me dites, M. le
Président. Est-ce que je peux vous poser la question: Êtes-vous
capable de me lire quelle est la motion qui est en discussion actuellement?
Parce que le ministre vient de nous dire qu'il veut nous rappeler chacun des
articles. Je ne suis pas sûr que ce soit ça, la motion en
discussion.
Le Président (M. Audet): Je l'ai relue au début des
travaux...
M. Jolivet: Bon!
Le Président (M. Audet): ...et c'est à l'effet
d'entendre le ministre du Revenu, M. Savoie. Je vous rappelle, quand on a des
motions préliminaires comme celle-là, que le discours est
toujours très large et j'ai toujours toléré beaucoup de
largesse. Si on relevait les galées, on pourrait voir qu'on a
parlé de bien, bien des choses des fois, sauf de ce qui nous
préoccupait et de la motion sur laquelle on discutait.
M. Jolivet: M. le Président, je n'ai pas mis ça en
doute, c'est parce que le ministre a dit dans son intervention...
Le Président (M. Audet): Ça va.
M. Jolivet: À ce que j'avais demandé comme
question, le ministre a dit qu'il avait le droit d'expliquer chacun des
articles, parce qu'il disait que je l'accusais de préparer la motion de
clôture. Alors, je vous dis: Dans ce cas-là, rappelez-lui donc -
parce que c'est lui qui l'a dit - quelle est la motion en discussion.
Peut-être que ça clarifiera la situation.
Le Président (M. Audet): M. le ministre, il vous reste
trois minutes et demie.
M. Tremblay (Outremont): merci beaucoup, m. le président.
j'aurais pensé que l'opposition comprendrait que le projet de loi
pourrait avoir un certain impact sur les revenus.
M. Jolivet: Ah bon!
M. Tremblay (Outremont): Pourtant, on en a parié: des
ventes additionnelles de 600 000 000 $, contrer les achats
outre-frontières. Alors, pour être plus précis, M. le
Président, «l'impact économique d'une injection
additionnelle de 600 000 000 $ dans le secteur du commerce de détail se
traduirait par la création de 8816 emplois (personnes-année),
pour une masse salariale de 204 000 000 $» et une valeur ajoutée
de 339 700 000 $. «Les revenus pour le gouvernement du Québec -
donc, pour le ministère du Revenu qui est responsable de ces revenus -
en impôts sur les salaires et gages atteindraient 18 000 000 $. La
parafiscalité québécoise incluant les cotisations des
employeurs et des employés au Régime des rentes du Québec,
au financement des programmes de santé et à la Commission de
santé et de sécurité au travail du Québec
totaliserait 20 000 000 $ tandis que les taxes de
vente et spécifiques atteindraient 43 200 000 $.»
M. le Président, on peut discuter du degré des revenus du
gouvernement, on peut mettre en question par des tests de sensibilité
certaines hypothèses de travail, j'en conviens, mais jusqu'à date
les données financières - parce qu'il faut peut-être en
parler un peu; moi, je suis entièrement d'accord avec ça - qui
nous ont été soumises par l'Opposition viennent démontrer
que le tableau qui a été soumis concernant la variation annuelle
des ventes par trimestre Canada, Ontario, Québec est amplement
justifié et ce n'est pas parce que l'Opposition nous a donné un
tableau «Vente au détail, variation annuelle par trimestre,
Québec moins Ontario»... On est d'accord que la variation a
toujours été la même au cours des 10 dernières
années, sauf que, par un heureux concours de circonstances, depuis
l'ouverture des commerces en Ontario le dimanche, au Québec les ventes
stagnent et, en Ontario, par les mêmes consommateurs, les ventes ont
augmenté de 2,6 %.
Ça, c'est des choses qui intéressent sûrement le
ministre du Revenu. Alors, dans le meilleur intérêt du
développement économique du Québec, dans le meilleur
intérêt d'aider nos commerçants et nos commerçantes,
dans le meilleur intérêt d'aider le ministère du Revenu
à avoir une source de revenus additionnelle, nous allons, M. le
Président, voter contre la motion de l'Opposition à l'effet
d'entendre le ministre du Revenu.
Le Président (M. Audet): merci, m. le ministre. est-ce
qu'il y a des interventions sur la... sur une question de règlement, m.
le député, ou quoi?
M. St-Roch: Oui, en vertu de 213, est-ce que M. le ministre me
permettrait une brève question?
Le Président (M. Audet): M. le ministre, permettez-vous
une question? Vous pouvez dire non.
M. Tremblay (Outremont): Non.
Le Président (M. Audet): Alors est-ce qu'il y a d'autres
interventions sur la motion?
M. le député de Labelle, vous avez 10 minutes.
M. Léonard: M. le Président, je vois que l'humeur
du ministre a l'air de tomber.
M. Tremblay (Outremont): Je suis très serein.
M. Jacques Léonard
M. Léonard: M. le Président, je voudrais revenir au
ministre du Revenu, parce que c'est cette motion qui est sur la table, à
l'effet d'entendre le ministre du Revenu. Le ministre de l'Industrie et du
Commerce vient de refaire son discours de deuxième lecture et puis
d'essayer, à partir d'hypothèses, de dire que le ministre du
Revenu va aller chercher des revenus additionnels. Parce que c'est vraiment
cela. Et son 1 %, il n'a jamais été appuyé,
étayé de façon sérieuse.
M. le Président, il faut entendre le ministre du Revenu pour
différentes raisons. Une des questions que nous devons lui poser et que
nous aurions à lui poser, c'est: Quel a été l'impact de la
fiscalité, de l'augmentation de la taxation sur les ventes au
Québec, en particulier sur les ventes au détail? On a
évité la taxe de vente du Québec et la TPS sur
l'alimentation, les produits alimentaires, mais tout le reste, c'est
resté. Et le gouvernement, dans tout cela, a procédé par
à-coups, de façon absolument improvisée, et on est
aujourd'hui à un taux de taxes de vente du Québec de 8 % avec des
modalités très différentes qui s'appliquent à
différentes marchandises. Ça a eu un impact catastrophique sur la
consommation au Québec. Cela avait été dit par le Conseil
économique du Canada et ça a été
répété par la suite. Aujourd'hui, deux ans et demi, trois
ans après, nous en voyons les conséquences.
Ça, c'est une question de fond, parce que nous pensons que le
gouvernement canadien, et le gouvernement du Québec, qui s'est
harmonisé, qui s'est écrasé, en fait, devant le
gouvernement canadien, ont introduit cette réforme majeure de la
fiscalité dans un mauvais moment. Non seulement dans un mauvais moment,
compte tenu de la récession, mais plus que ça. En même
temps qu'on s'alignait, qu'on signait l'Accord de libre-échange, on a
introduit une réforme de la taxe de vente, une réforme de la TPS
qui a consisté, dans certains cas, à augmenter les taux, dans
d'autres à les diminuer, dans certains cas, en particulier sur les
secteurs mous qu'on appelait, à porter la taxe de 0 % à 15,5 %.
Réforme introduite à contretemps. Erreur de stratégie
majeure de la part du gouvernement en ce qui concerne la perception de ses
revenus.
En Europe, l'expérience qu'on a vécue avec la constitution
du Marché commun, c'a été que la taxation, la tarification
s'est uniformisée entre les pays membres du Marché commun alors
que l'impôt sur le revenu a connu des taux différenciés
selon les politiques internes au gouvernement. Nous avons fait exactement
l'inverse. On signe l'Accord de libre-échange et la logique aurait voulu
qu'on aligne notre taxation, nos taux de taxes, notre tarification sur ce qui
se fait aux États-Unis et qu'on garde notre liberté en ce qui
concerne l'impôt sur le revenu. C'est le contraire qui a
été fait et nous en voyons les conséquences.
Les conséquences, M. le Président, c'est que,
actuellement, il y a de plus en plus de contrebande, particulièrement
dans des secteurs où nous taxons davantage comme les cigarettes,
le tabac, l'alcool et puis les carburants.
Le Président (M. Audet): M. le député, je
m'excuse de vous couper la parole. C'est qu'on vient de m'informer qu'on a fait
une petite erreur, que j'ai fait une petite erreur. Je viens juste d'en
être informé et c'est vrai. En vertu du règlement, vous
aviez droit... Lorsque le député de Drummond a fait des motions,
l'article 209 dit bien que l'auteur de la motion, le premier ministre ou les
chefs de groupes parlementaires ou leurs représentants ont droit
à 30 minutes. Alors, dans les 2 autres motions que le
député de Drummond a présentées, vous auriez eu
droit à 30 minutes. Je viens d'en être avisé, là, on
vient de penser à ça.
M. Léonard: Alors, j'ai droit à 30 minutes. Le
Président (M. Audet): Oui. M. Léonard: Ah! Merci.
M. St-Roch: Question de règlement, M. le Président.
Est-ce qu'il faut revenir sur l'autre motion pour donner le...
Le Président (M. Audet): Non, non, non. On a
disposé de l'autre motion, là, on ne peut pas revenir.
M. St-Roch: Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Audet): Alors, vous aurez 30 minutes, M.
le député de Labelle. Je m'en excuse. On est habitué
toujours à un, un, un.
M. Léonard: O.K. Eh bien, alors...
Le Président (M. Audet): Parce que je voyais que vous me
regardiez pour le temps.
M. Léonard: Cela va me donner l'occasion d'expliciter
davantage ce point.
Le Président (M. Audet): On vient de m'en informer. Alors,
allez-y! Vous avez droit à 30 minutes.
M. Léonard: Oui. Alors, il me reste combien de minutes, M.
le Président?
Le Président (M. Audet): II vous reste un bon 26
minutes.
M. Tremblay (Outremont): Consentement.
Le Président (M. Audet): Je pourrais vous en donner un bon
30 pour...
M. Tremblay (Outremont): Consentement. Vu l'erreur, je suis
d'accord que ce soit 30 minutes pleines. On recommence.
Le Président (M. Audet): D'accord, vous avez 30 minutes.
Continuez! (16 h 20)
M. Léonard: Alors, M. le Président, revenons
à cette question de l'introduction d'une réforme de la
fiscalité, faite en cachette d'ailleurs, un alignement par le ministre
des Finances sur la TPS fédérale. Qu'on se rappelle que tout
avait été introduit dans le discours sur le budget au mois
d'avril, le 29 avril 1990. Même le ministre du Revenu n'a absolument rien
dit et toutes les tractations avec le gouvernement fédéral se
sont faites en cachette, à toutes fins pratiques. Oui, M. le
Président, le débat sur l'harmonisation a été un
débat escamoté ici, au Québec, parce que le gouvernement
ne voulait pas entrer dans un débat public sur cette question. Il l'a
laissé faire par le fédéral, puis, lui, en plein
été, à la faveur d'une crise majeure que nous avons connue
en ce qui concerne les autochtones, il a introduit cette réforme majeure
de fa fiscalité.
Cette réforme a été faite à contretemps.
C'est une erreur stratégique majeure du gouvernement. Oui, M. le
Président, stratégique majeure. On signe le libre-échange
et, normalement, cela aurait dû nous amener à aligner nos taux de
taxes, notre tarification sur ce qui se fait aux États-Unis. Et on va
être obligés de le faire dans le temps; donc, on va être
obligés de revenir sur ce qu'on a fait.
M. le Président, c'est important parce que ça remet en
cause tout ce qui a été fait parce que, justement, il n'y a pas
eu de débat public. Ce point-là n'a jamais été
soulevé pratiquement. Il l'est maintenant. Au contraire, on a pris les
thèses de Maurice Allais et on les a appliquées bêtement.
Parce qu'il avait eu un prix Nobel, on a dit: Ah! il a un prix Nobel, c'est
ça qui doit se faire, on s'aligne là-dessus. Conséquence:
c'est ça qui nous arrive présentement.
Alors, qu'est-ce qui arrive? Si nous ne nous alignons pas sur le
modèle américain et si la différence est trop grande entre
les taux de taxes aux États-Unis et ici, on va assister encore une fois
à une flambée de contrebande. Le gouvernement est allé
là-dedans les yeux fermés, tête baissée, en pensant
que la contrebande, c'est un phénomène qui n'existerait plus
à l'avenir. C'est un phénomène qui a existé de tout
temps, dès que les différences de taux de taxe, de tarification
étaient trop grandes d'un pays à l'autre.
M. Benoit: La motion, c'est...
M. Léonard: D'entendre le ministre du Revenu et nous
parlons des taxes, M. le députe d'Orford. C'est un peu plus près
du sujet que ce qu'a dit le ministre tout à l'heure. Je sais que c'est
un dossier qui leur fait mal. Ils essaient
d'éviter qu'on en traite, mais la contrebande a été
vraiment surchauffée parce que le gouvernement, en particulier, y est
allé fort sur trois taxes: la taxe sur les carburants, la taxe sur les
alcools et la taxe sur les tabacs. Il y est allé tellement fort
qu'aujourd'hui vous payez un carton de cigarettes aux États-Unis 10 $ et
vous le payez ici 45 $. C'est ça, la différence. Alors, vous vous
imaginez qu'il y a des gens qui ont l'imagination de passer à
côté et qui prennent toutes sortes de moyens pour se faire, comme
on dit, une piastre vite. C'est ça qui se passe et, ce faisant, il a
habitué les Québécois à aller aux États-Unis
faire des achats, à découvrir les produits sur lesquels ils
gagnaient davantage. M. le Président, c'est une responsabilité
que ce gouvernement a, puis qui va l'amener dans le temps à revenir en
arrière sur sa réforme de la fiscalité. Il n'aura pas le
choix. Il n'aura pas le choix, à moins d'imposer des contrôles
majeurs.
Moi, je trouve que d'entendre le ministre du Revenu là-dessus,
c'est majeur. C'est une position importante qu'on doit entendre ici. M. le
Président, le ministre du Revenu doit nous dire ce qu'il entend faire
à l'avenir, parce que c'est une question de fond. Il est un des
responsables de l'augmentation des achats des Québécois aux
États-Unis. Il faut le dire comme cela. Le ministre des Finances ou le
ministre du Revenu. Possiblement qu'il faudra entendre les deux, à mon
sens, parce qu'il y en a un qui prend les décisions, l'autre en est
informé et les applique. Mais les deux ont partie liée
là-dedans, puis le ministre de l'Industrie et du Commerce aussi a partie
liée là-dedans. Et je pense que c'est important.
Quand il vient nous faire miroiter que, s'il ouvrait le dimanche, les
achats aux États-Unis des Québécois baisseraient, je pense
qu'il pose mal la question. Ils baisseraient si on alignait la taxation sur ce
qui se fait aux États-Unis. Et, si par la taxation on s'en est
démarqués tellement aujourd'hui, c'est justement à cause
des décisions qu'il a prises, lui, conjointement avec ses
collègues en Conseil des ministres en ce qui concerne la taxation. C'est
lui qui en est responsable. Alors, qu'il ne vienne pas nous dire maintenant
qu'il va aller en récupérer 20 % en forçant des centaines
de milliers de personnes à travailler le dimanche. C'est ça qu'il
fait. C'est aussi simple que ça.
M. le Président, le ministre susurre que le volontariat va
exister. Il ira voir ce que c'est: trois ans, une garantie valable pratiquement
seulement pour les syndiqués, pour ceux qui vont avoir une force de
négociation sur les lieux. On sait très bien que ça,
ça ne touche absolument pas les petits commerçants.
M. le Président, la taxation, telle qu'elle est vécue
actuellement, entraîne la contrebande, l'entraînera tant que le
correctif de base ne sera pas rétabli. Et ce n'est pas en ouvrant le
dimanche que ça va changer les choses. D'ail- leurs, déjà
dans la loi actuelle, il y a des possibilités d'adaptation des zones
frontalières au commerce le dimanche. C'est reconnu, ça a
été dit, et puis je pense que ce n'est pas par des mesures comme
celle-là, en obligeant des commerçants à ouvrir à
Chicoutimi, qu'il va contrer les achats le dimanche aux États-Unis.
Voyons donc!
Autre sujet, M. le Président, sur lequel il serait important
d'interroger le ministre du Revenu. Il y a cette question de contrebande, bien
sûr, et de groupes particuliers qui en profitent, qui touche aussi au
statut des autochtones actuellement. Je pense que le gouvernement,
là-dessus, doit prendre ses responsabilités. Il y a une loi pour
tous et elle doit être respectée par tous. Je pense que le
gouvernement n'en a pas du tout parlé durant les débats,
pratiquement pas. On est pratiquement muets sur cette question. Or, si vous
circulez, en particulier chez les dépanneurs, ils vont vous dire
à l'heure actuelle que leur chiffre d'affaires, en ce qui concerne le
tabac et les cigarettes, a diminué de façon catastrophique
à cause de ça. Il y a des réseaux organisés au
Québec là-dessus, et pas loin d'ici il y en a
d'organisés.
Je pense que le gouvernement devrait régler cette question avant
d'imposer à tout le monde de travailler le dimanche, en se lavant les
mains. D'ouvrir le dimanche, est-ce que ça va diminuer cette contrebande
de produits de tabac et de cigarettes? Alors, qu'on ne vienne pas nous dire que
ça va faire baisser les achats outre-frontières parce que tout
ça, ce sont des vases communicants actuellement. Le gouvernement ne
prend pas ses responsabilités là-dessus. Il ne les prend pas. Le
ministre qui est devant nous et ses collègues ne les prennent pas, leurs
responsabilités, et ce n'est pas en ouvrant le dimanche que ça va
contrer ce phénomène. Tout le monde sait que, chez les
dépanneurs, un des gros vendeurs, c'est justement tabac et cigarettes.
Alors, 30 % de diminution dans un an du chiffre d'affaires, je pense que c'est
très, très, très gros; c'est ça qui mine le volume
des ventes présentement. C'est ça qui le mine, et ce n'est pas la
loi qu'il met sur la table qui va changer quelque chose là-dedans. Loin
de là, au contraire. m. le président, le gouvernement doit
prendre ses responsabilités dans cette question. et déjà,
en faisant respecter les lois actuelles, il interviendrait et augmenterait le
chiffre de ventes. 30 % des ventes de cigarettes là, c'est combien?
c'est des centaines de millions qui viennent de disparaître. je trouve
qu'il serait mieux d'aller récupérer des ventes au détail
dans ce secteur où la loi n'est pas respectée que dans d'autres.
il faut quand même admettre ça, m. le président.
Autre élément, les marchés aux puces. Certains
magasins ont le droit d'ouvrir, pas tous, mais les marchés aux puces
fonctionnent. Le ministre a admis l'autre jour, dans une interven-
tion, parce que j'ai déjà abordé le sujet
rapidement, qu'il n'était pas capable de faire appliquer la loi, que
quand ses inspecteurs arrivaient, ça se sauvait de partout. Ça se
sauvait. Ceux qui ne respectaient pas la loi, en fait, se sauvaient. Les rats
fuyaient le bateau. C'est ça qui se passait. (16 h 30)
M. Tremblay (Outremont): Les commerçants, c'est des rats,
d'après vous?
M. Léonard: Non. M. le ministre m'interrompt. Ce n'est pas
du tout ce que j'ai dit. Ceux qui ne respectaient pas la loi - et, sous cet
aspect-là, je pense qu'ils sont coupables - se sauvaient lorsque les
inspecteurs arrivaient sur les lieux. Donc, ils ne pouvaient pas
contrôler. Je pense que c'est un argument faible que la réponse
qu'il nous a faite, parce que, au fond, il y a des marchés aux puces, il
y a des propriétaires de terrains qui louent des emplacements pour faire
le commerce et il y a moyen d'exercer un contrôle. Il y a moyen de le
faire. Il y a des millions qui passent par là. Le ministre dit qu'il
n'est pas possible de faire respecter la loi. C'est un aveu d'impuissance
terrible, parce que, à toutes fins pratiques, les marchés aux
puces pourraient prendre une expansion considérable. Et je comprends que
les Club Price se plaignent de cela, que les marchés aux puces peuvent
ouvrir le dimanche, mais pas eux. C'est vrai qu'à ce moment-là il
y a deux statuts.
Je crois que le ministre devrait s'attaquer à régler cette
question qui a un impact aussi sur la rentrée des fonds au gouvernement.
Quand ses inspecteurs vont sur les lieux et qu'ils s'aperçoivent qu'il y
a des gens qui ne font pas les rapports, cela veut dire que c'est autant de
revenus qui sont distraits de la perception du ministère du Revenu. Je
pense que le ministre du Revenu devrait venir ici et nous dire quelles sont les
modalités de contrôle qu'il doit faire. Ce n'est pas en passant
cette loi-ci qu'il va améliorer le système de contrôle,
non, pas du tout, et le problème va rester entier. Le ministère
du Revenu ne percevra pas plus de revenus, parce que, au fond, ce
problème-là, cette question-là entraîne que des
millions ne sont pas perçus par le gouvernement.
Autre élément. Le ministre dit - ça s'applique,
évidemment, surtout aux marchés aux puces, mais à d'autres
marchands - qu'il n'arrive pas à faire la différence et à
contrôler la distinction entre 50 $ et plus ou moins, telle que cette
distinction avait été mise dans la loi. M. le Président,
c'est là où il y a des gens qui ont dit à la
dernière commission parlementaire, en 1990, qu'il y aurait des
difficultés d'application à la loi. On les voit à l'heure
actuelle. Dans l'ensemble, il y a peut-être des accommodements qui ont
été apportés. Je voudrais simplement rappeler au ministre
que ce qui a été dit en 1990, c'est que le projet de loi
n'était pas applicable, pour employer le mot qu'il a employé,
«gérable», mais qu'il a été bonifié
quelque peu au cours de l'étude, si je comprends bien, suite aux
représentations de beaucoup de gens.
Au fond, aujourd'hui, il y a des aspects qui demeurent non
administrables dans cette loi. Cette distinction du 50 $, elle nous mène
où? Une distinction seulement sur le montant. Il aurait fallu, au
contraire, qu'il statue sur le produit et non pas sur le montant, parce que le
montant est très, très difficile, effectivement, à
contrôler. On sait qu'on peut diviser des produits en plusieurs parties,
puis, effectivement, on peut être amenés à ne plus
être capables de faire les distinctions de montant. Je pense que c'est
une difficulté, mais c'est une difficulté qui peut être
résorbée. Que le ministre apporte des éléments
concrets à sa loi, qu'il améliore, en d'autres termes, la loi
actuelle, mais qu'il n'oblige pas tout le monde à travailler le dimanche
parce que, lui, il n'a pas le courage de prendre ses respon sabilités
quant à la contrebande, quant à l'application des limites, quant
à la taxation, qui est la question fondamentale dans tout cela,
finalement. Parce que, si son raisonnement est exact et qu'au fond ce n'est pas
du tout les différences de taxation qui amènent les
Québécois à aller aux États-Unis, on se demande
pourquoi ils y vont, en réalité, parce que, s'ils avaient les
mêmes produits chez eux, ils les prendraient chez eux. Le dimanche, ils
se reposeraient, même s'ils ont le goût de magasiner.
M. le Président, autre élément qui devrait amener
son collègue à venir exposer son point de vue. Je reviens
à la taxe de vente et à la TPS. Le gouvernement a
harmonisé les deux systèmes, supposément. Mais, ce faisant
ou en ne le faisant pas, il a imposé aux commerçants une
tâche considérable. Je vois des commerçants qui me disent
que les rapports à produire sont devenus tellement compliqués
qu'ils ne peuvent plus les faire eux-mêmes. Effectivement,
l'harmonisation - puis mettons ça entre guillemets, M. le
Président - de la TPS et de la TVQ a été un pactole pour
les comptables, parce que les commerçants n'arrivent plus à faire
eux-mêmes leurs rapports. Ils sont obligés de faire appel aux
services de professionnels en la matière. Si le ministre ne sait pas
ça, s'il n'est pas d'accord avec moi, je lui dirai qu'il se
promène, qu'il interroge les consommateurs. Le ministre ne sait pas ce
que veut dire le mot «pactole». C'est vraiment une mine d'or; le
pactole, c'est la supermine d'or. C'est exactement ça. Le mot
«pactole» signifie une mine d'or, une supermine d'or où on a
juste à prendre puis à retirer.
M. Tremblay (Outremont): Comme les routes dans le comté de
Labelle.
M. Léonard: M. le Président, il y en a beaucoup
à faire. Le ministre essaie de me distraire de mon intervention. Depuis
que les
libéraux sont au pouvoir, ils n'ont rien fait sur la 117. Tout le
monde le sait dans le comté. Il serait mieux de se mettre à
l'oeuvre plutôt que d'essayer de faire ouvrir les commerces le dimanche
en disant que ça va amener plus d'argent. Il devrait faire des travaux
pendant les périodes de récession.
Ceci étant dit, M. le Président, je reviens aux propos que
je tenais sur le fardeau additionnel imposé aux commerçants pour
faire leurs rapports. Les rapports sont tellement compliqués qu'ils
n'arrivent pas à les faire eux-mêmes. Alors, ils perdent de
l'argent. S'ils prennent le temps de faire les rapports, effectivement, ils
vont économiser des sous, mais ils n'auront plus le temps de vendre. Ils
ne sont plus sur le plancher des ventes, ils perdent leur temps à faire
des rapports. S'ils font des ventes, puis qu'ils s'occupent de faire leur
métier, qui est de vendre, ils n'ont plus le temps de faire les
rapports, puis ils perdent de l'argent, parce que ces rapports-là, c'est
extrêmement complexe. Ils ont droit, dans certains cas, d'aller chercher
2 %, dans d'autres cas, 3 %, et puis il y a des taux de taxe de 7 % pour le
fédéral. Ça, c'est clair, c'est net, c'est 7 %. Mais, au
Québec, vous avez 9 % sur certaines polices d'assurance, 5 % sur
certaines autres, 8 % sur toutes sortes de produits, 0 % pour d'autres, 4 % sur
les services professionnels. Et, lorsque vous mettez tout ça dans le
même rapport qui peut toucher les mêmes ventes, vous avez quelque
chose d'absolument compliqué à faire, un rapport intenable.
M. le Président, ça, c'est un point qui affecte les
commerçants, à l'heure actuelle. Les rapports sont
extrêmement compliqués et l'harmonisation dont on a parlé
ne s'est absolument pas produite. Le ministre du Revenu vient d'imposer un
fardeau de travail considérable à tout le commerce de
détail, considérable. Et, si les libéraux qui sont ici se
sont promenés dans leurs comtés comme les députés
du Parti québécois se promènent dans leurs comtés,
ils en ont entendu parler. Ils ne peuvent pas dire qu'ils n'en ont pas entendu
parler. Si le ministre lui-même avait consulté - je ne suis pas
sûr qu'il l'a fait autant qu'il l'a dit - il serait d'accord avec mon
point. Donc, source de travail majeure, majeure.
Je crois que le ministre du Revenu devrait venir ici, en commission
parlementaire. Je comprends que peut-être il est très
occupé à l'heure actuelle. S'il n'a pas le temps maintenant, il
viendra au mois de janvier, au mois de février. Les motions que nous
déposons, c'est à l'effet d'entendre des groupes, d'entendre des
gens et de leur poser des questions face à une volte-face majeure du
gouvernement. (16 h 40)
Quand le ministre dit qu'il a entendu tous ces groupes-là en
1990, au début de l'année 1990, il les a entendus avec un projet
de loi en tête, avec des orientations qu'il pressentait, qu'il voulait
appliquer, et les personnes, les groupes qui sont venus ici sont venus
s'exprimer dans cette optique. Aujourd'hui, volte-face, c'est le contraire.
Raison de plus pour entendre les groupes. C'est là qu'on devrait les
entendre pour expliquer la position du gouvernement, poser des questions sur le
bien-fondé de sa réorientation, parce que c'est lui qui change
d'idée, et puis ajuster. Le gouvernement change d'idée. Qu'il
entende les groupes pour voir ce qu'ils ont à dire. Il y en a un
très grand nombre qui ne sont pas d'accord.
Quand le ministre dit que les ventes augmentent parce qu'on est ouvert
le dimanche, je reviens à l'exemple que je lui donnais ce matin. J'ai
entendu ça en fin de semaine, entendu de bonne source, à part
ça. Le premier dimanche de décembre, un commerce - vous
n'étiez pas là, M. le ministre - de sport, un commerce important
dans une ville, pas dans un petit village, a décidé, avec ses
employés: On ouvre au mois de décembre, saison de pointe des
ventes. Alors, un commerce de sport qui vend deux hockeys, avec tous ses
employés sur le plancher, un dimanche, c'est bien?
M. Tremblay (Outremont): J'étais là.
M. Léonard: Deux hockeys, c'est payant, ça, pour un
commerçant? Et on va venir nous dire que ça n'augmentera pas les
coûts des commerces, d'ouvrir le dimanche. Quand même! Quand
même!
Le modèle que le ministre a en tête, il veut l'appliquer
à l'ensemble. Et l'on sait qu'il va se produire ce qui se produit
à l'heure actuelle. Les autres magasins sont ouverts le dimanche. Il va
falloir qu'un commerce qui n'ouvre pas ouvre, lui aussi, pour suivre la
concurrence. Ça, c'est une loi de la concurrence qu'il ne doit pas
ignorer. Il ne doit absolument pas l'ignorer. Et c'est ce qui fait que toutes
les garanties qu'il pourrait avoir ou qu'il pourrait vouloir donner, à
partir du moment où il a pris la décision d'ouvrir le dimanche,
ce sont des garanties de papier, ce n'est pas autre chose. Le volontariat,
ça peut durer quelque temps, à condition que les travailleurs
aient une force de négociation. La liberté d'ouvrir le dimanche,
ça peut durer quelque temps, mais les commerçants ne dureront pas
longtemps face à un concurrent qui va ouvrir. Les commerçants
n'auront pas d'autre choix que d'ouvrir. Quand, dans leur région, la
clientèle va se déplacer pour aller ailleurs, le dimanche,
ça va forcer tout le monde à ouvrir. Il n'y a pas de
liberté sur ce plan-là. Les règles doivent être les
mêmes pour tous. C'est ce qu'il réclame, mais, ce faisant, il
prend parti pour les grandes chaînes plutôt que pour les
commerçants ordinaires, ceux qui fondent 72 % de notre commerce,
à l'heure actuelle.
Je l'entendais, tout à l'heure, lire la lettre de Club Price. On
ne dit pas que Club Price ne
doit pas exister, ce n'est pas ce qu'on dit. On dit qu'on ne doit pas
modifier les règles de façon à le favoriser au
détriment des autres commerçants. C'est ce qu'on dit depuis le
début. Et je ne vois pas pourquoi Club Price, par les pressions qu'il
fait, et les grandes chaînes, par les pressions qu'elles font, vont
imposer aux Québécois, à toutes fins pratiques, de
travailler le dimanche. Quand le ministre se comporte comme cela, il se
comporte, comme je l'ai dit au début, en agent d'affaires. Nous serions,
finalement, dans une république de bananes où, par le diktat de
quelques grandes chaînes, le gouvernement aligne sa réglementation
sur ce qui se fait ailleurs. Mais qu'il l'aligne sur ce qu'il fait ailleurs,
c'est pratiquement un prétexte, parce que, en réalité,
tout ce qu'il y a derrière cela, c'est une bataille pour la part de
marché dans le commerce de détail. Et, ce faisant, il se trouve
à favoriser une partie plutôt que l'autre.
M. le Président, je pense que le ministre du Revenu, pour ce qui
concerne la perception des taxes, doit venir à cette commission et je
suis d'accord pour l'inviter en toute déférence. Parce
qu'à partir de l'hypothèse que le ministre a faite, que les
ventes augmenteraient de 1 %, qu'il y aurait des rentrées de fonds
beaucoup plus substantielles au gouvernement du Québec, j'aimerais
savoir si le ministre du Revenu va ajuster, lui. ses prévisions par
rapport au dossier. Parce que le ministre, ici, fait l'hypothèse que les
ventes vont augmenter de 1 %. Est-ce que les économistes du
ministère des Finances, les économistes du ministère du
Revenu sont d'accord avec cette hypothèse? Je crois que, ça,
c'est majeur.
Quand le ministre fait ses hypothèses, j'ai l'impression qu'il se
comporte un peu comme Perrette et le pot au lait. Elle s'en allait avec son
pot, elle faisait des rêves et puis, tout à coup, le pot tombait,
finis les rêves. «Adieu, veau, vache, cochon.» Le ministre
nous fait miroiter des hypothèses avec des gains faramineux: 600 000 000
$ de ventes par-ci, 157 000 000 $ de ventes par-là, 448 000 000 $... On
a l'impression qu'il jongle avec les chiffres. Et là, il dit à
son collègue, le ministre du Revenu: Vous allez percevoir 17 957 000 $
en impôts sur les salaires et gages; 19 972 000 $ sur la
parafiscalité; la taxe de vente va augmenter de 40 321 000 $; les taxes
spécifiques, de 2 877 000 $, juste au Québec. On a l'impression
de voir Perrette avec son pot au lait. Vraiment, les rêves, les
rêves.
Moi, j'aurais aimé ça lui demander: Étant
donné que Club Price ou les grandes chaînes auraient des prix
inférieurs aux petits commerçants, puisqu'on dit que, pour le
détail, il va y avoir un problème, est-ce que c'est si sûr
que ça que les ventes vont augmenter de 1 %? Si le prix de vente dans
toutes ces ventes-là baissait, disons, de 5 %, par hypothèse,
puisqu'on est dans le domaine des hypothèses, est-ce que le chiffre de
ventes total au Québec baisserait si l'apport des grandes chaînes
était plus important dans le gâteau des ventes? S'il baissait de 1
%, ça pourrait annuler l'effet de son augmentation de 1 %. Dans le
domaine des rêves, on peut en faire un paquet. Encore faut-il qu'ils
soient étayés, et c'est ça qu'on lui demande depuis le
début. Or, depuis le début, on n'a rien vu pour étayer le
1 %. Alors, les rêves qu'il fait, là, sur l'impôt sur
salaires, la parafiscalité, la taxe de vente, quand je regarde
ça, ça monte à 80 000 000 $ de plus, pratiquement 80 000
000 $, à quelques virgules près. Alors, où sont ses
rêves, où sont ses réalités? Vraiment!
Il en a fait d'autres rêves, le ministre, qui ne se sont pas
réalisés. On a vu ce matin, en Chambre, qu'il avait perdu pour
348 000 000 S dans des mauvaises créances, l'an dernier, à la
SDI. Ça aussi, ce sont des rêves qui ne se sont pas
matérialisés. Alors, ici, est-ce qu'on peut simplement poser des
questions pour lui donner la chance d'étayer son hypothèse que
les ventes vont augmenter de 1 %? Parce que, là, on pourrait ajouter
quelque crédibilité, mais, depuis le début, il n'y a rien
de concret qui est arrivé là-dessus, rien, absolument rien.
Et que dire maintenant du rêve qu'il fait miroiter aux yeux du
gouvernement fédéral. Je le comprends, il vient à la
rescousse du fédéral, parce que c'est, en fait, le gouvernement
le plus mal administré qu'on puisse trouver depuis longtemps, depuis
très longtemps, tellement que sa mauvaise administration a des
conséquences épouvantables sur l'économie à l'heure
actuelle, qu'il n'a plus aucune marge de manoeuvre, qu'il vient gruger celle du
Québec, d'ailleurs. Alors, là aussi il fait miroiter des gains de
70 000 000 $ environ. 70 000 000 $ de plus. Imaginez-vous si le rêve est
beau, mais la réalité, mais l'hypothe-se, où est-ce
qu'elle est?
M. le Président, nous devons entendre le ministre du Revenu. Nous
espérons qu'il viendra ici et nous espérons que, finalement, il
vienne nous expliquer pourquoi il est incapable de percevoir toutes les taxes
qu'il y a à l'heure actuelle, pourquoi il y a tant de marché
noir, pourquoi il y a autant d'achats transfrontaliers. Je pense qu'il y aurait
quelques solutions à apporter. Et, s'il diminuait la taxe sur ces
produits: tabac, essence, alcool, est-ce que ça ne serait pas de nature,
autant et plus qu'une ouverture de commerces le dimanche, à garder les
Québécois ici, au Québec, et à faire leurs achats
ici? Parce que, quand on voit le panier des achats aux États-Unis, il y
a peu de produits qu'il soit si avantageux d'acheter aux États-Unis,
sauf quelques-uns protégés par le système d'offre ici au
Québec. Ce sont les seuls, parce que le reste est aussi coûteux et
même plus coûteux aux États-Unis. Il n'y a aucun
intérêt, surtout avec la baisse du dollar canadien. Au moment
où nous nous parlons, le dollar varie entre 0,78 $ et 0,79 $ du dollar
américain. C'est très différent
de ce qu'il y avait il y a un an, alors que le dollar canadien
était à 0,88 $, 0,89 $ du dollar américain. (16 h 50)
M. le Président, le ministre du Revenu, à mon sens,
devrait se faire un devoir de venir discuter avec nous, lui et ses
fonctionnaires, mais lui surtout, parce que c'est lui qui est responsable de
son administration, et nous expliquer les mesures qu'il entend prendre pour
contrer la contrebande, pour contrer ce qui se faisait aussi dans les ventes de
liquidation - mon collègue de Drummond l'a exposé ce matin, je ne
suis pas revenu sur cette question-là, mais je pourrai revenir
là-dessus - et nous dire s'il va alléger le poids des rapports
sur la fiscalité, la parafiscalité. Puis, là-dessus, nous
aurions bien des suggestions à lui faire, de sorte que les marchands
auraient plus de temps pour faire leurs ventes et qu'ils auraient moins de
temps à consacrer à rédiger des rapports pour le
gouvernement et à remettre des fonds. M. le Président, pour
toutes ces raisons, je pense qu'il est important, urgent, que nous
transmettions nos voeux au ministre du Revenu à l'effet qu'il vienne ici
devant cette commission se faire entendre.
Le Président (M. Audet): Merci, M. le député
de Labelle. Je vais maintenant reconnaître M. le député de
Masson. Vous avez 10 minutes, M. le député.
M. Yves Blais
M. Blais: Merci beaucoup, M. le Président. Je tiens
à dire au député d'Orford qu'il surveille la pertinence.
Je n'ai jamais peur de ça. Je suis toujours pertinent. Je trouve des
exemples peut-être un peu étoffés, un peu en dehors de la
ligne normale, mais toujours pertinents.
M. le Président, j'aimerais beaucoup que le ministre du Revenu du
Québec vienne s'asseoir devant nous et que le ministère de
l'Industrie et du Commerce et le ministère du Revenu comparent les
chiffres qu'ils pourraient, les deux, chacun de leur côté, nous
apporter. Nous n'avons ici, pour fins de discussion, que les
probabilités non scientifiques, boule de cristal, du ministère de
l'Industrie et du Commerce sur d'éventuelles possibilités de
revenus. Le ministre du Revenu lui-même est obligé, avec le
ministre des Finances, de faire des revenus plus que probables.
Pour baser cette petite discussion-là, je prends l'argumentaire,
source du ministère du Revenu du Québec, qui a été
déposé en Chambre par le ministre de l'Industrie et du Commerce.
Il y a une hypothèse qu'il dit très, très faible et une,
un petit peu plus optimiste. Et, dans les deux cas, il faudrait comparer
ça avec les études que le ministre du Revenu pourrait faire.
Parce que, si cette loi étant passée s'avère vraie dans
son fond, le ministre du Revenu et le ministre des Finances se devront
absolument de faire un correctif sur les revenus de l'année qui vient,
absolument. Le ministre des Finances a prévu un déficit, au
Québec, de 4 000 000 000 $, un record de tous les temps. Je comprends
que le ministre de l'Industrie et du Commerce vienne essayer d'aider le
ministre du Revenu pour qu'il ait un peu plus de revenus que prévu, et
là ça prendrait un correctif. Alors, il faudrait les avoir tous
les deux devant nous pour voir si ses nouveaux calculs à lui, dès
que sa loi serait passée, correspondent à un calcul que, nous,
nous traitons de non scientifique, ici.
J'ai pris les deux hypothèses du ministre de l'Industrie et du
Commerce - le document s'appelle «Impact économique de la
libéralisation des heures d'ouverture des commerces de détail au
Québec» - et j'ai calculé ça, c'est très
facile à compter. D'abord, il y a l'hypothèse 1,
l'hypothèse timide. Dans l'hypothèse timide, le ministre du
Revenu recevrait 18 000 000 $, à cause des nouveaux salaires des
nouveaux employés, qui sont 8816. Ces 8816 là rapporteraient,
dans l'hypothèse la plus faiblarde, 18 000 000 $ au ministre du Revenu.
Il doit être heureux. Ensuite, le système de
sécurité et de santé du Québec recevrait 20 000 000
$. M. Côté va être très heureux, ça va lui
faire 320 000 000 $ au lieu de 300 000 000 $ qu'il ne sait pas où
mettre. Troisièmement, les taxes de vente rapporteraient 43 200 000 $.
Donc, les trois effets cumulés produits par l'ouverture les dimanches,
selon cette étude la plus basse, la plus faiblarde: 8816 emplois, pour
un total de salaires de 200 000 000 $. Donc, le ministère du Revenu
recevrait, si j'additionne les trois chiffres, 81 000 000 $ de plus. Ça,
c'est l'hypothèse la plus basse.
Un autre scénario un peu plus optimiste serait de 1,5 % des
ventes de plus, ce qui représenterait - ils disent 1 000 000 000 $ ici,
mais je l'ai compté comme il faut - 907 000 000 $ de ventes, selon cette
hypothèse de 1,5 %. Ça, ça veut dire - là, on
arrive dans des chiffres un peu plus phénoménaux - qu'au lieu de
créer 8816 emplois, là, on créerait 14 693 emplois. Mais
tout ça sur une base d'une boule de cristal industria-lotechnique. Et,
si le ministre du Revenu venait, on lui demanderait: Selon l'impact de cette
nouvelle loi sur votre revenu, combien de plus de revenu allez-vous calculer
dans l'année qui vient? Et là, le ministre du Revenu, avec le
ministre des Finances, serait obligé de calculer le revenu pour voir
quel serait le déficit du Québec dans l'année qui vient.
Et, de cette façon-là, c'est très joli. «Un
scénario légèrement plus optimiste d'une injection
additionnelle de 1 000 000 000 $ (augmentation d'environ 1,5 % du niveau
général des ventes de détail et récupération
d'environ 35 % des achats outre-frontières [...] se traduirait par [...]
14 693 emplois, pour une masse salariale de 334 000 000 $.» Et là,
par déduction,
au paragraphe suivant, ils disent: «Les revenus pour le
gouvernement du Québec en impôts sur les salaires et gages
atteindrait 29 900 000 $. La parafiscalité québécoise
incluant la cotisation des employeurs et des employés au Régime
des rentes du Québec, au financement des programmes de santé et
à la Commission de santé et de sécurité au travail
du Québec totaliserait 33 300 000 $ tandis que les taxes de vente et
spécifiques atteindraient 72 000 000 $.» Là, on arrive avec
des chiffres... Ça serait peut-être là-dessus qu'on se
baserait pour avoir un petit peu de fonds pour une relance économique,
avec des chiffres comme ça. Et là, on dit que c'est conservateur,
parce qu'il m'est souvenance qu'en Chambre on parlait de 2 %, à un
moment donné. Là, on a vu 1 % et 1,5 %. Et le ministre de
l'Industrie et du Commerce parlait de 2 %. Quand il a fait cet
impact-là, c'est tombé à 1 % et 1,5 %. Mais vous parliez
de 2 % et, à 2 %, ça monte encore plus.
Alors, au ministère, si on prenait la zone intermédiaire
entre la faiblarde et l'exultante, entre les deux, qui serait le 1,5 %, on
aurait un correctif au budget à apporter de 135 000 000 $. Bien,
j'aimerais ça que M. le ministre du Revenu vienne nous dire qu'il
pourrait dire à son ministre des Finances: À cause de cette loi
59, de l'ouverture des magasins, eh bien, il faudrait que vous soustrayiez de
vos 4 260 000 000 $, 135 000 000 $ dans une position faiblarde. Et, si jamais
le 2 % dont on parlait en Chambre venait à s'établir, il faudrait
qu'il soustraie et son déficit, plutôt que d'être de 4 260
000 000 $, ne serait plus que de 4 098 000 000 $. Alors, personnellement, je
souhaiterais qu'à toutes les deux semaines on ouvre une loi comme
celle-là, si c'est vrai, les impacts réels, parce qu'à
toutes les lois on gagne 200 000 000 $ de revenus au gouvernement.
Alors, que le ministre du Revenu vienne ici et, lui, il est
obligé de mettre des chiffres. Mais, d'un autre côté, les
prévisions budgétaires depuis trois ans ont été
pleines d'erreurs catastrophiques. En plus, on sait pertinemment, par exemple,
que... On n'entend plus parler du tout du transport illégal de
l'essence. On n'en entend plus parler. Il y a eu un boom, il y a deux ans, deux
ans et demi, ils ont arrêté beaucoup... Est-ce que ce serait
réglé ou bien s'il y a une entente pour que les contrebandiers
mènent un parfait bonheur? Je ne le sais pas. Ça serait une autre
source. Ça n'a rien à voir avec les magasins ouverts le dimanche,
je le sais. Mais, le ministre du Revenu étant là, rapportant
ça pardessus les marchés aux puces, le trafic de l'alcool et des
cigarettes, eh bien, juste faire les correctifs, peut-être... (17
heures)
On sait que les cigarettes, c'est 100 000 000 $. L'alcool, c'est
certainement 75 000 000 $. Il y a une contrebande d'alcool
éhontée qui se fait. Et les marchés aux puces qui ne
paient pas leurs impôts, ça doit être un autre 50 000 000 $.
Juste appliquer les lois normales déjà en place, ça
rapporterait plus que si jamais les bienfaits bénéfiques... Puis
je le souhaiterais - si nous y sommes opposés, c'est par principe social
et humain - que ça rapporte plus; tant mieux si c'est vrai, mais c'est
très difficile à croire. C'est très, très difficile
à croire.
En conclusion, M. le ministre, je tiens à vous dire que les
évêques du Québec viennent de se prononcer contre et sachez
qu'on essayera - au moins eux - de les faire venir pour qu'ils vous montrent le
côté social et humain qui nous préoccupe beaucoup. Je vous
remercie, M. le Président.
Le Président (M. Audet): merci, m le député
de masson. est-ce qu'il y a d'autres interventions sur la motion? mme la
députée de chicoutimi, vous avez 10 minutes.
Mme Jeanne L. Blackburn
Mme Blackburn: Sur la motion qui a été
présentée par le député de Drummond, à
savoir d'entendre le ministre du Revenu, le ministre responsable de cette loi
nous dit constamment, régulièrement et à
satiété: J'ai consulté, j'ai entendu 90 groupes - c'est
bien ça? - ...
Une voix: 94.
Mme Blackburn: ...94, en 1990, sur la loi 75. Je les ai tous
entendus à satiété. Ce qu'il oublie de dire, c'est qu'il
les a entendus, mais il ne les a pas écoutés. J'y étais.
Tous les arguments qui ont été utilisés contre le projet
de loi 75 étaient non avenus, étaient refusés d'avance,
étaient rejetés d'avance, parce qu'il était
complètement sourd à tous ces arguments-là. Alors, son
argument de vouloir dire: J'ai consulté... Évidemment, il a
écouté, mais il n'a rien entendu. Et, qui plus est, la loi que
nous avons actuellement sur la table, elle ouvre beaucoup plus largement que
celle sur laquelle il y a eu consultation en 1990. Elle va beaucoup plus loin.
Elle va beaucoup plus loin, parce que c'est une loi qui, dans sa forme
même, vient modifier la culture québécoise, ce à
quoi, finalement, on est tous attachés. En ce sens, la consultation de
1990 a peu à voir avec ce qui se passe aujourd'hui et le ministre aurait
intérêt à entendre à nouveau les organismes.
Je dis donc qu'il n'a rien entendu, mais encore aujourd'hui, encore une
fois, il ne veut rien entendre. 75 % des propriétaires
d'établissements commerciaux - il y en a 50 000 - lui disent: Non, on ne
veut pas d'ouverture des commerces le dimanche. On ne pense pas que vous
trouverez là la solution aux problèmes économiques du
Québec. On ne trouve pas que c'est souhaitable pour la
société québécoise. On ne trouve pas que ça
va donner, tel que vous le pensez, plus d'emplois. 75 %, qu'est-ce à
dire?
Une seule réponse, une seule réponse. Ça veut dire
que ceux qui influencent ce gouvernement, c'est 25 % des commerçants. Il
faut savoir où ils se retrouvent. Comme par accident, c'est dans les
grandes sociétés, ce qu'on appelle les grandes surfaces: Sears,
le Club Price, Brico. Alors, le pouvoir, chez les commerçants, ne nous
trompons pas et ne nous abusons pas, c'est exclusivement les grandes surfaces.
C'est la conclusion à laquelle on est obligés d'arriver. Ce n'est
pas faute d'avoir fait des interventions à la quasi-unanimité.
D'abord, commençons par les SIDAC, c'est 5000 commerçants. Ils
disent: Non, on n'en veut pas. Et ça, c'est sur tout le territoire du
Québec. La très grande majorité des chambres de commerce
dans les régions n'en veulent pas davantage. Mais le ministre dit: Ah!
J'ai consulté, je me suis écouté, j'ai
écouté 25 % des commerçants et c'est suffisant.
Je vais me permettre de le lire parce que je pense qu'on a là un
avis qui est extrêmement intéressant. c'est celui de
l'Assemblée des évêques du Québec. Vous savez que,
dans une autre commission, celle sur l'enseignement privé, on a dit: II
faut que le Québec soit distinct, qu'on conserve les écoles
privées. C'est vraiment la tradition plus catholique qui a donné
naissance aux écoles privées au Québec, nous le savons,
bien que ça ait dépassé largement les écoles
catholiques; on les trouve à présent dans toutes les confessions,
les écoles privées. C'est en invoquant la nécessité
de conserver le caractère distinct du Québec qu'on dit qu'il faut
protéger, développer et à nouveau financer de façon
plus généreuse les écoles privées, qu'on dit qu'il
faut les maintenir. Mais, ici, tout à coup, c'est curieux, mais c'est
pour ressembler aux États-Unis. Là, on ne l'invoque plus, le
caractère distinct.
Alors, je me permets de le lire, parce que je souhaite que ça
reste au Journal des débats, le message qui nous est
envoyé par l'Assemblée des évêques du Québec
et qui est intitulé «Le dimanche, jour de gratuité et de
ressourcement.» «Déclaration des évêques du
Québec sur l'ouverture des commerces le dimanche. Le gouvernement du
Québec semble résolu à adopter un projet de loi qui
autorisera l'ouverture des commerces le dimanche. L'idée n'est pas
nouvelle. Elle fait lentement son chemin depuis plusieurs années
déjà. Elle est soutenue, comme on le sait, par de puissants
intérêts financiers. L'opinion publique, quant à elle, est
partagée. À chacune de ses percées, ce projet
soulève inévitablement un débat. Comme
évêques, tant sur la base de nos responsabilités pastorales
que sur celles de nos préoccupations sociales, nous avons pris part
à ce débat à plusieurs reprises. Encore tout
récemment, le comité des affaires sociales de notre
Assemblée signifiait son désaccord auprès du ministre
responsable du dossier.» Ça veut dire qu'eux, non plus, n'ont pas
plus de poids, d'ailleurs, que les petits commerçants, à ce que
je constate. «L'élargissement des heures d'ouverture des commerces
affecterait sérieusement les conditions de vie d'un grand nombre de
travailleuses et de travailleurs et contribuerait à développer
une société de surconsommation, sans répondre à de
véritables besoins. Nous savons que cette position est partagée
par des associations de consommateurs et de nombreux commerçants
directement touchés par le projet de loi. «Un héritage
à préserver. Devant le projet de loi actuel, nous croyons
nécessaire de réaffirmer notre conviction à ce sujet. Il
est important, pour le bien-être de la société, de
préserver le caractère unique et irremplaçable de ce jour
de congé hebdomadaire, étant, bien sûr, acquis le maintien
des services essentiels à la collectivité. Le dimanche n'est pas
un jour comme les autres. Ce temps de repos hebdomadaire, nous le recevons en
héritage de la tradition judéo-chrétienne. À
l'origine, le sabbat s'impose comme un gain de civilisation majeur. Il institue
une rupture bénéfique dans les relations souvent très
dures qui prévalent dans la vie économique de l'époque.
Les premiers chrétiens, en instituant le jour du Seigneur pour faire
mémoire de la mort et de la résurrection de Jésus,
conservent l'exigence du repos hebdomadaire en le transposant au premier jour
de la semaine. Toutes les églises chrétiennes ont observé
cette tradition et les sociétés occidentales, même les plus
sécularisées, ont, en général, adopté ce
temps consacré à une certaine gratuité dans les relations
humaines. En effet, les implications du jour particulier qu'est le dimanche ont
une profonde signification humaine. Ce jour permet de prendre des distances
avec l'emprise des rapports purement économiques ou utilitaires. Il
libère le temps pour des activités autres qu'économiques
et pour des relations humaines plus gratuites dans la famille, le réseau
des amis, la société. «Le choix de société.
D'un strict point de vue social, il serait dommageable que ce précieux
acquis culturel et spirituel soit fragilisé aux seules fins d'avantages
financiers. Ceux-ci, d'ailleurs, sont jugés aléatoires par des
multiples intervenants au dossier. Parmi les arguments à l'appui de ce
projet de loi, on invoque notamment le fait que d'autres provinces canadiennes,
ainsi que les États-Unis ont déjà
légiféré en ce sens. Cela exerce, bien sûr, une
forte pression. On fait aussi miroiter la possibilité qu'un
élargissement des heures d'affaires le dimanche contribuerait
sérieusement à une relance économique que tous souhaitent
ardemment. Il ne nous appartient pas de juger de la valeur de ces arguments.
«Par ailleurs, force nous est de reconnaître et de constater que
divers groupes dont c'est la compétence ont effectué des
études prospectives sur l'impact économique du projet
d'élargissement des heures d'affaires. Leur conclusion est que,
même - et que le ministre écoute bien - du
point de vue économique, la mise en oeuvre du projet ne
contribuerait pas de façon significative à une solution
véritable de nos problèmes. Et surtout, croyons-nous, l'un des
problèmes fondamentaux réside précisément dans
cette primauté croissante des intérêts financiers sur les
valeurs humaines et spirituelles lorsque vient le temps d'effectuer nos choix
de société. (17 h 10) «Les bases de la vie
économique, nous disent les évêques, ne sont pas simplement
financières; elles sont aussi et avant tout humaines. Serions-nous en
voie, même sans nous en rendre compte, de laisser les lois du
marché régir nos personnes, nos familles et notre
société? En compromettant la qualité de vie personnelle et
familiale, nous portons atteinte au développement social, y compris, par
voie de conséquence, au développement économique à
plus long terme. La dignité humaine, en effet, commande que le commerce
des biens ne soit pas une fin en lui-même, mais serve
l'épanouissement des personnes. «Le sens du dimanche.» Les
évêques nous disent: «Plusieurs raisons justifient le
maintien d'un jour de répit hebdomadaire dans les activités
professionnelles et commerciales de notre collectivité. Il correspond au
désir de tous les membres de la société d'organiser...
La Présidente (Mme Dionne): Mme la députée
de Chicoutimi, malheureusement, votre temps est écoulé.
Mme Blackburn: ...et d'adapter...» Vous permettez, au nom
des évêques, que je termine. J'ai certainement le
consentement.
La Présidente (Mme Dionne): Si on a le consentement.
Une voix: Consentement.
La Présidente (Mme Dionne): Allez-y, Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: «II correspond au désir de tous les
membres de la société d'organiser et d'adapter tout le processus
du travail de manière à respecter les exigences de la personne et
ses formes de vie. La nécessité d'un jour commun de repos fait
partie de ces exigences. Au premier abord, dans une société
axée sur le cycle production-consommation, l'abandon de cette tradition
pourrait sembler anodin, mais, pourtant, la banalisation du dimanche est
effectivement lourde de conséquences, elle est dommageable à
l'équilibre humain. Toute personne a besoin de journées
périodiques d'intériorité et de
régénération. Elle a aussi le droit et la
responsabilité de partager avec ses proches, dans toute la mesure du
possible, ces jours de ressourcement. «Le dimanche est culturellement et
sociale- ment reconnu comme l'occasion privilégiée de rencontrer
et de bâtir des liens interpersonnels essentiels à
l'équilibre affectif des personnes et des familles. Il est jour de
rencontre et jour de fête. Dans la perspective chrétienne, nous
associons d'une manière particulière au congé dominical la
célébration de l'amour de Dieu pour l'humanité. De fait,
la foi chrétienne n'invente rien, elle révèle la dimension
spirituelle de Dieu, de Jésus-Christ et de l'oeuvre de
l'humanité.»
Alors, c'est signé par l'Assemblée des
évêques du Québec: Mgr Bernard Hubert; Bertrand Blanchet,
de Rimouski; Laurent Noël, de Trois-Rivières, Jean-Claude Turcotte,
de Montréal; Maurice Couture, archevêque de Québec; Jean
Gratton, évêque de Mont-Laurier; et Mgr Raymond Saint-Gelais,
évêque de Nicolet.
La Présidente (Mme Dionne): Alors, merci, Mme la
députée de Chicoutimi. Mme la députée de
Taillon.
Mme Pauline Marois
Mme Marois: Merci, Mme la Présidente. Alors, nous avons
devant nous une motion qui inviterait le ministre du Revenu à venir
faire valoir son point de vue. Le ministre nous dit depuis...
La Présidente (Mme Dionne): Alors, si vous voulez, on va
laisser Mme la députée de Taillon parler. Merci.
Mme Marois: Merci, Mme la Présidente. Alors, le ministre
nous dit depuis le début: Ah, j'ai écouté, j'ai entendu,
on ne va pas recommencer tout ça, etc. Bon. D'abord, n'oublions pas que
c'est deux ans et demi après que sa loi eut été
adoptée, eut été appliquée et se fut
avérée, semble-t-il, dans les faits, inapplicable. C'est
lui-même qui le dit. Remarquez qu'on l'avait un peu prévenu, hein,
sur l'ouverture dans les marchés d'alimentation avec des
éléments pas suffisamment précis au niveau du nombre
d'employés sur le plancher de vente, etc. Ce que l'on avait prévu
s'est avéré une réalité, malheureusement.
Bon. Aujourd'hui, comme le dit, d'ailleurs, la Fédération
canadienne de l'entreprise indépendante, comme le disent un certain
nombre d'autres analystes financiers, et je vais m'y référer, Mme
la Présidente, on lui dit: Vos prévisions quant aux hausses des
ventes sont irréalistes. On lui dit, d'autre part: Vos prévisions
quant aux rentrées de revenus supplémentaires pour le
gouvernement ne correspondent pas, non plus. Cela va de soi, si l'emploi
n'augmente pas. La hausse des rentrées prévues pour le
gouvernement en termes d'impôts est irréaliste. M. le ministre a
un point de vue. On vous dit, Mme la Présidente: Confrontons le point de
vue qu'il a, les études qu'il n'a pas faites, puisque ce sont des
hypothèses, confrontons ces
hypothèses avec les données qu'a le ministre du Revenu et
qui sont disponibles dans des documents, bien sûr, officiels. Confrontons
ces données que lui prétend être les bonnes versus celles
de son collègue.
Ça serait intéressant d'analyser, dans ce sens-là,
le mémoire de la Fédération de l'entreprise
indépendante. Le ministre a refusé de recevoir la
Fédération? Parfait! Faisons le débat avec le ministre du
Revenu. La Fédération de l'entreprise indépendante faisait
la preuve, elle, noir sur blanc, de ce que défendaient mes
collègues dans leurs interventions précédentes, à
savoir que ce n'est pas l'ouverture des commerces le dimanche qui va augmenter
la vente de certains produits et qui va empêcher surtout que l'on cesse
d'aller acheter des produits aux États-Unis, mais c'est essentiellement
le fait que le taux de taxation est trop élevé sur un certain
nombre de produits, dont l'essence, l'alcool et les cigarettes, qui fait en
sorte que les consommateurs vont à l'extérieur le dimanche et se
procurent ces produits-là, et qu'ils achètent en même temps
d'autres biens de consommation. Ça a un effet d'entraînement, j'en
conviens, mais, comme ils n'y vont pas pour ces autres produits, mais qu'ils y
vont pour cette base, selon ce que prétend la Fédération
de l'entreprise indépendante, eh bien, ça va de soi que, si on
ouvre davantage les commerces le dimanche, ça ne va pas empêcher
ces gens-là de continuer à y aller si on n'intervient pas
à un autre niveau. Et c'est ça, la discussion qu'on voudrait
avoir avec le ministre du Revenu, et c'est ça la motion que notre
collègue de Drummond vous a présentée, M. le
Président.
J'écoutais le ministre, tout à l'heure, sur cette
même motion, d'ailleurs, qui reprenait un certain nombre
d'éléments de son projet de loi et ii insistait toujours sur
cette question de l'emploi. Tout en l'écoutant, je jetais un oeil au
dernier journal, à la dernière revue Les Affaires, du samedi 12
décembre. C'est donc récent. Nous sommes, à ce que je
sache, le 14 décembre. Et on disait: «Emplois en 1993:
perspectives peu réjouissantes». C'est triste et c'est dommage. On
ne le souhaite pas, contrairement à ce qu'ont prétendu certaines
personnes tantôt. On ne souhaite pas que ça aille mal au
Québec, parce que je pense qu'on est tous perdants quand ça va
mal au Québec.
Je vous lis le petit encart qui concerne l'emploi et je vais venir
à l'emploi dans le commerce au détail. «Peu d'entreprises
créeront de nouveaux emplois au cours du premier trimestre de 1993.
C'est ce qu'indique l'enquête trimestrielle sur les perspectives d'emploi
qu'effectuent les services de personnel Manpower auprès de 1500
employeurs canadiens. Selon cette étude, seulement 8 % des participants
augmenteront leur niveau d'emploi, 20 % anticipent une réduction, alors
que 67 % projettent de demeurer au niveau actuel. Quant au marché
montréalais, les données de Manpower sont encore moins
encourageantes. Pour les trois premiers mois de 1993, seulement 5 % des
employeurs espèrent hausser le nombre de leurs employés. On en
compte 41 % qui prévoient des réductions de personnel; 52 % des
participants montréalais ne feront aucun changement dans leur
effectif.»
Et là apparaît, évidemment, chacun des secteurs
industriels pour le premier trimestre de 1993. Je pourrais parler de
l'industrie minière, de la construction. Oublions ça. Allons
directement au commerce de gros et de détail. «Augmentation des
emplois: 10 % des entreprises prévoient des augmentations d'emplois; 63
%, sans changement; diminution, 25 %.» Donc, la variation, moins 15 %. Le
ministre pourrait bien me répondre, évidemment, que ça va
être dans le commerce de gros, mais là, je veux dire, ça va
être la quadrature du cercle, parce que le commerce de gros fournit le
commerce de détail, dans un certain cas, ou fournit les entreprises
manufacturières. Or, ce n'est pas tout à fait jojo de ce
côté-là, non plus, malheureusement, M. le
Président.
Donc, il serait intéressant de confronter des données
comme celles-là et celles de la Fédération de l'entreprise
indépendante à celles que le ministre nous a
présentées dans les trois feuilles, qu'il prétend
être d'analyse, mais qui n'en sont pas, prévoyant des hausses de
revenus pour le gouvernement du Québec. Alors, je suis persuadée
qu'on en a au moins pour une demi-heure, une heure à débattre de
ces questions-là et que ça nous permettra peut-être
d'éclaircir un petit peu, au moins, le fond de scène sur lequel
on est amenés à prendre une décision. (17 h 20)
Et, si le ministre a besoin d'être davantage convaincu à
cet égard-là, je le réfère toujours au journal Les
Affaires, cette fois-là du 3 au 9 octobre 1992. Les titres sont les
suivants: «La TPS et la TVQ ont fait exploser le marché
noir». Ça vient confirmer ce que dit la Fédération
de l'entreprise indépendante qui dit: Parce qu'on a haussé d'une
façon trop brutale sur certains produits les taxes, on a introduit un
effet pervers dans le système qui amène les consommateurs
à passer à côté du système, parce qu'ils ont
l'impression qu'actuellement ils ne contribuent plus à
l'amélioration ou véritablement d'une façon positive
à leur société, mais ils ont l'impression de se faire
exploiter littéralement par le système. Je ne l'approuve pas,
mais je dis: Ils passent à côté de ce dernier.
Dans ce sens-là, c'est évident que le ministre du Revenu
pourrait nous être d'une très grande utilité pour la suite
de nos débats, M. le Président. J'entendais le ministre, tout
à l'heure - je vais terminer avec ça; vous m'avez dit qu'il ne me
restait pas de temps, je le sais - dire que l'ADA serait en contradiction avec
les positions qu'elle avait défendues et que, nous qui appuyons l'ADA,
on pourrait être en contradiction aussi avec ses positions. Moi, si le
ministre
venait ici avec une loi qui resserre les critères pour faire en
sorte que les abus auxquels il a fait référence n'existent plus,
que l'on contre les iniquités, je peux vous dire qu'il trouvera chez
l'Opposition non seulement une oreille attentive, mais un appui sérieux,
s'il va dans le sens d'un resserrement des règles qui fait qu'on
élimine les problèmes d'iniquité et qu'on rend la loi
applicable, M. le Président. Je vous remercie.
Le Président (M. Audet): Merci, Mme la
députée. Est-ce qu'il y a d'autres... Oui, Mme la
députée de Marie-Victorin.
Mme Cécile Vermette
Mme Vermette: M. le Président, je trouve tout à
fait appropriée la motion qui a été déposée
par le député de Drummond, à l'effet d'entendre le
ministre du Revenu. Effectivement, le ministre responsable du dossier sur les
heures d'ouverture nous explique qu'il y aurait une amélioration au
niveau des revenus, au niveau du ministère du Revenu, par des
rentrées de taxes supplémentaires. Ça aurait
été assez intéressant d'entendre le ministre du Revenu
là-dessus, puisqu'il semblerait que le principal obstacle actuellement,
dans les milieux commerciaux, c'est justement la TPS et la TVQ.
Moi, pour ma part, j'ai souvent parié avec des gens qui
opèrent des commerces, et, en fait, ils se plaignaient
énormément actuellement qu'ils devaient faire la tâche que
devait faire le ministère du Revenu habituellement. Ils passent des
heures et des heures maintenant à faire la comptabilité pour le
gouvernement. C'est incroyable, en fait, ce qu'on leur demande, et, en plus, M.
le Président, on leur demande maintenant de maintenir les heures
d'ouverture. Donc, double tâche. On continue continuellement à
augmenter le fardeau de ces pauvres petits commerçants. Vous savez
à quel point ces gens-là n'ont pas nécessairement toutes
les facilités des grandes entreprises, des grandes surfaces, pour qui le
système de comptabilité n'est pas un problème parce
qu'elles peuvent se payer facilement une personne extérieure ou une
firme comptable de l'extérieur, alors qu'on sait fort bien que nos
petits commerçants n'ont pas cette possibilité-là.
Très souvent, une partie du dimanche, justement, était
consacrée pour faire ce bilan et ces états financiers au niveau
de la taxe, de la TPS, de la TVQ, des relevés de taxes qu'ils devaient
envoyer au gouvernement.
Alors, je peux concevoir mal, en fait, les propos du ministre lorsqu'il
nous disait que ça pouvait favoriser davantage les rentrées de
fonds. D'autant plus qu'on a vu le nombre de faillites, à quel point
maintenant les faillites ont augmenté terriblement chez nous, ici au
Québec. Et, de plus en plus, dans les municipalités, parce qu'il
y a beaucoup de surfaces qui ne sont pas louées, qui sont vacantes, je
suis convaincue que les rentrées de taxes, même au niveau
municipal, actuellement, sont déficitaires. Ça occasionne des
problèmes considérables pour certaines municipalités qui
étaient habituées à recevoir certaines rentrées de
taxes qui, à ce moment-ci, n'entrent pas parce qu'elles ont de la
difficulté et ne peuvent pas louer leurs surfaces à des
commerçants parce que, actuellement, ce n'est pas possible, le pouvoir
d'achat n'y étant pas.
Ça, c'est très important. Il faut apporter. en fin de
compte, cette évidence au ministre. De plus en plus, les salaires et les
autres formes de rémunération, en fait, ont baissé
énormément actuellement. On s'aperçoit que le taux de
chômage augmente considérablement. Et je ne sais pas moi, M. le
Président, si le fait qu'il y a des gens qui travaillent au salaire
minimum, c'est un plus pour les rentrées de fonds au niveau de la
taxation, au niveau du ministère du Revenu. J'aimerais voir, en tout
cas, toutes proportions faites, quel montant de plus, en fait, ça
représente, ces proportions de gens qui seront au salaire minimum et qui
sont souvent pères de famille, qui ont charge de famille ou qui sont des
femmes chefs de famille monoparentale ou qui sont des étudiants.
Ça représente quoi, en fin de compte, ces rentrées de
taxes pour les coffres de l'État? Là, non plus, il n'y a pas
d'évidence que c'est vrai que c'est de cette façon-là
qu'on peut relancer notre économie.
Il y a aussi tout le problème du marché noir. On sait
très bien que, au cours des dernières années, en tout cas,
plus particulièrement depuis ces taxes qui sont prélevées
à même la consommation et sur les services, le marché noir
a considérablement augmenté. Il a augmenté, en fait,
d'à peu près 22 % depuis 1990-1991. Quatre personnes sur dix, au
Québec, accusent quelles consomment au noir et qu'elles achètent
des produits au noir parce que, justement, elles n'ont plus cette
possibilité-là de payer les taxes.
Je ne crois pas que ce sera, en fait, les heures d'ouverture qui feront
une différence là-dessus, bien au contraire. Tant et aussi
longtemps que les taxes sur les cigarettes, l'essence et l'alcool seront aussi
exorbitantes qu'elles le sont à l'heure actuelle, je ne crois pas
qu'effectivement les gens ne seront pas portés à passer aux
États-Unis pour faire ces achats. C'est bien sûr, parce que,
écoutez, c'est tout à fait normal que des gens essaient d'avoir,
en tout cas, un produit de même qualité au prix le plus bas,
d'autant plus que les taxes sont beaucoup plus basses aussi là-bas.
Alors, je crois qu'il aurait été important qu'on revoie,
en fait, avec le ministre du Revenu tout le système de la
fiscalité. D'ailleurs, ça fait excessivement longtemps qu'on en
parle, qu'il faudrait apporter des modifications au système de la
fiscalité pour favoriser aussi les familles. Il faut favoriser,
justement, une meilleure répartition de tout ce régime fiscal
pour permettre que nos familles ne soient pas noyées
sous le poids des taxes, à l'heure actuelle.
Je ne comprends pas l'entêtement du ministre à ne pas
vouloir entendre ces gens. Ce n'est pas parce que le débat a
été fait en 1990 qu'il ne faut plus en parler. Je pense que,
quand on arrive à des changements profonds dans notre
société, qui risquent d'avoir un effet pernicieux, en fait, sur
les comportements des individus et surtout dans les relations entre les
individus, bien, écoutez, il faut réellement prendre le temps
qu'il faut Je trouve que la vision, le style de gestion qu'on nous apporte
actuellement, est un petit peu archaïque. Ça me fait penser un
petit peu au taylorisme où, en fin de compte, le seul objectif, c'est le
rendement et c'est le profit. On ne prend plus en considération tous les
aspects humains, les aspects sociologiques, en fait, du monde du travail.
Pourtant, on sait fort bien à quel point on s'est débattu depuis
le début du XVIIIe siècle pour faire une qualité de vie
dans le monde de travail, pour qu'on prenne en cause, si vous voulez, tous ces
aspects sociologiques. Il nous semble qu'en cette fin de siècle que nous
sommes en train de vivre on retourne beaucoup plus vers l'arrière que
l'on essaie d'imaginer de nouvelles façons de faire pour permettre aux
individus d'avoir une meilleure qualité de vie aussi à
l'intérieur même de leur travail.
Ça, moi, ça me cause réellement un problème.
Dans ce sens-là, je souscris à ce que les évêques
ont apporté comme réflexion, en disant qu'on est en train
d'apporter des changements majeurs dans notre société et que
c'est malheureux qu'on glisse sur ce terrain, parce que c'est tout le tissu
social qui risque d'être désagrégé et remis en
cause. On sait à quel point, à l'heure actuelle, les gens sont
égoïstes, dans notre société, et individualistes.
D'ailleurs, on l'a vu dernièrement, il y a eu des statistiques qui
montraient que c'est ici, au Québec, qu'il y a le plus de femmes
monoparentales chefs de famille comparativement à toutes les autres
provinces du Canada. Et on montrait aussi que les gens se marient de moins en
moins ici par rapport à toutes les autres provinces du Canada. (17 h
30)
Donc, on voit qu'actuellement, déjà là, dans notre
organisation même de la cellule familiale, nous sommes en pleine remise
en question. Les comportements sont différents. Je ne crois pas qu'il
faudrait qu'on aille en aggravant cette façon de vivre et de faire,
parce qu'on aura un gros problème, à un moment donné, sur
les bras, comme gouvernement et comme société, à savoir de
quelle façon nous allons organiser cette société, qui aura
la responsabilité de l'éducation, de la prise en charge au niveau
de l'éducation de nos enfants, quelle forme d'éducation nous
voulons donner, et qu'est-ce que nous voulons, en fait, comme milieu de vie
pour ces enfants qui auront aussi à grandir dans cette
société? Ce sont autant de questions qui restent sans
réponse.
Je pense qu'effectivement, à ce stade-ci, M. le Président,
tout changement dans une organisation, et plus particulièrement dans
l'organisation du travail, doit réellement passer par une analyse de la
globalité, si vous voulez, sociologique. Le ministre a passé tout
à fait à côté de cette analyse globale des aspects
sociologiques que vont entraîner, en fin de compte, ces changements
majeurs. Parce que ça va être là pour durer. Même si
on dit que c'est sur une base volontaire, vous savez, en fait, ça
commence d'une façon assez lente et pernicieuse et, à un moment
donné, on se réveille et tout le monde est atteint du même
mal. C'est vers ça que nous allons nous en aller prochainement.
Indépendamment, les gens ne pourront pas dire: Moi, non, je vais
rester fermé et je resterai fermé. Au contraire, il y aura un
effet d'entraînement et les gens, pour survivre, en tout cas pour
maintenir leur clientèle, devront, eux aussi, maintenir des heures
d'ouverture indues et qui ne leur rapporteront pas nécessairement des
profits additionnels, M. le Président.
Le Président (M. Audet): Merci, Mme la
députée. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur la motion?
M. le député de Laviolette, vous avez 10 minutes.
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: Merci, M. le Président. On veut inviter le
ministre responsable du Revenu à venir nous expliquer des choses, et une
question que je trouve importante: cette motion nous indique qu'il pourrait
nous répondre à ce que dit le Regroupement
québécois pour l'ouverture le dimanche. On dit: «En une
seule journée, l'Ontario a créé des milliers d'emplois de
plus que le Québec. En modifiant un seul mot de la loi actuelle, notre
gouvernement créerait, du jour au lendemain, des milliers d'emplois
à long terme qui injecteraient des millions de nouveaux dollars dans
notre économie, sans subventions.» Et il dit: «Pour
créer des milliers d'emplois chez nous et relancer notre
économie, le gouvernement du Québec doit amender la loi au plus
tôt et, dans l'intervalle, tolérer, comme en Ontario, l'ouverture
de tous les commerces le dimanche.» On invite le gouvernement à
passer outre même, dans ce texte, à la loi actuelle en disant
«tolérer». Parce que, quand on parle de tolérer,
c'est que ça va à rencontre même de la loi.
Dans des textes qu'on a lus, on disait: En Ontario, le miracle ne s'est
pas produit. J'aimerais que le ministre du Revenu, qui a pris cette
décision au Conseil des ministres, vienne nous indiquer pourquoi, dans
un cas, on dit: Ça créerait des milliers d'emplois, donc des
revenus additionnels par l'impôt que les gens paieraient, alors
qu'ailleurs on dit: L'ouverture des commerces le dimanche: en Ontario, le
miracle ne s'est
pas produit. Donc, il s'est basé sur quelque chose qui a fait que
des gens sont venus l'inciter à voter pour ces amendements à la
loi.
On parle même des achats transfrontaliers. J'aimerais que le
ministre du Revenu m'explique en quoi, dans mon propre comté, en
Haute-Mauricie, à La Tuque, la question des achats transfrontaliers,
ça marche. Il serait peut-être mieux de dire que, dans certaines
circonstances, ce sont peut-être les taxes qu'on a installées.
Est-ce que les taxes appelées TPS et TVQ, qui s'additionnent l'une
par-dessus l'autre, n'ont pas eu l'effet, justement, d'amener les gens à
aller magasiner à l'extérieur?
Dans mon comté à moi, l'ouverture des commerces le
dimanche, à La Tuque, à 85 milles de Dolbeau et à 85
milles de Trois-Rivières, je ne pense pas que ça change
grand-chose, sauf de forcer du monde à travailler alors qu'il ne
voudrait pas travailler, même si le ministre nous dit que c'est
volontaire. Bien, je m'excuse, mais le volontaire, dans ce contexte-là,
devient bien plus de l'obligatoire parce que, dans un milieu qui est aussi
fermé que La Tuque, je ne pense pas que ce soient les raisons pour
lesquelles le ministre fait sa loi. Mais, comme il l'applique à tout le
monde, il va l'appliquer aussi à ce niveau-là.
Le député de Saint-Maurice me disait: Qu'il en donne donc
des exemples de lettres qu'il a reçues. Je vais vous en donner. Parce
qu'il n'a jamais craint de le montrer, Jean-Paul Boisvert, de Jean-Paul
Boisvert Meubles, à La Tuque, indique correctement les raisons pour
lesquelles il est contre. L'ensemble des gens dans le secteur de la
Haute-Mauricie... La SIDAC de La Tuque indique, par l'intermédiaire de
son regroupement des SIDAC, pourquoi elle est contre.
Est-ce que ça va créer plus d'emplois qui permettraient
d'aller chercher pour le gouvernement plus de taxes ou si ça n'aura pas
des effets, plutôt, d'inviter le monde de façon, comme on dit,
impulsive à aller magasiner alors qu'il n'a pas besoin d'aller magasiner
et, en même temps, à faire en sorte, finalement, que les gens
s'endettent plutôt que le gouvernement s'endette? Je pense que c'est
ça qu'il faut regarder. Et le ministre du Revenu, qui est supposé
prendre pour acquis qu'il y a des taxes nouvelles qui vont rentrer, des revenus
nouveaux qui vont rentrer, doit s'être certainement posé la
question, à savoir les raisons profondes de cette décision qu'il
a lui-même appuyée au Conseil des ministres. On veut la lui poser
directement ici, à cette commission, comme nous avons le droit et le
pouvoir de le faire, dans la mesure où nous présentons un souhait
à cette Assemblée pour qu'il vienne. Il me semble que le ministre
devrait accepter cette invitation et venir nous expliquer les raisons majeures
de cette décision.
Je recevais ceci, comme vous tous aussi, en date du 14 décembre;
ce n'est pas tellement loin, ça semble être aujourd'hui.
«Les évêques du
Québec réitèrent leur opposition à
l'ouverture des commerces le dimanche.» Et on parlait dans ce texte:
«D'un strict point de vue social, il serait dommageable que ce
précieux acquis culturel et spirituel soit fragilisé aux seules
fins d'avantages financiers». Quelle est la personne, à part le
ministre des Finances, qui aime recevoir de l'argent ou en demander par
l'intermédiaire de l'augmentation des taxes ou par l'augmentation du
commerce, d'une certaine façon? C'est le ministre du Revenu. Est-ce que,
par rapport à cette position des évêques du Québec,
il pourrait nous répondre, à savoir si ce n'est pas seulement aux
seules fins financières que lui, comme ministre, il a pris cette
décision? Et cette déclaration des évêques du
Québec sur l'ouverture des commerces le dimanche n'est pas nouvelle;
elle ne fait, comme ils le disaient très bien, que
réitérer la position qu'ils avaient lors du débat de 1990.
À ce moment-là, peut-être qu'on s'apercevrait que le but
visé par le gouvernement et par le ministre du Revenu, c'est d'amener,
finalement, le monde à s'endetter pour que le gouvernement
lui-même s'endette moins. Est-ce que, si on a une tarte à
partager, puis qu'on est plusieurs à partager cette tarte, on va avoir
le même morceau qu'on avait avant? Non. Cette tarte-là va
être encore plus petite pour chacun.
Donc, emplois fragilisés, emplois qui vont porter le monde, dans
certains cas, à travailler même au noir. Il n'y a personne qui
peut nier qu'il connaît autour de lui des gens qui sont sur le
bien-être social et qui travaillent, des fois, sous la couverte pour
arrondir un peu leurs fins de mois. Ça existe, ça? Ça
existe, ça, hein? Le ministre n'en connaît pas; il faudrait
peut-être le faire sortir un peu. Peut-être que, s'il allait
magasiner le dimanche, il s'apercevrait de ça. Mais, lui, il dit que,
par principe, il n'y va pas le dimanche, il s'occupe de sa famille. Mais je
dois vous dire qu'il y a dans le contexte d'aujourd'hui des gens qui doivent
être... Pardon?
Le Président (M. Audet): Je parlais à madame.
M. Jolivet: Oui, je sais.
Une voix:...
M. Jolivet: Pardon?
Le Président (M. Audet): À Tordre, s'il vous
plaît! Je ne voulais pas vous déranger.
M. Jolivet: Ah bon! Je m'excuse.
Le Président (M. Audet): Je parlais à madame.
M. Jolivet: Mais elle ne vous parlait p;is, elle. Non?
Le Président (M. Audet): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Jolivet: M. le Président, simplement pour vous dire que
la personne qui a 100 $ à dépenser, croyez-vous qu'elle va en
dépenser 120 $, à moins qu'elle utilise une carte de
crédit, puis qu'elle s'endette, parce que le gouvernement ne veut pas le
faire à sa place? Est-ce que c'est ce que le gouvernement veut? Est-ce
qu'il veut que les gens dépensent plus d'argent, s'endettent pour que le
gouvernement s'endette moins? Puisque, par le fait même, plus les gens
vont dépenser, plus ils vont s'endetter, plus il va y avoir des taxes.
Parce que, s'ils achètent avec ça, il va y avoir des taxes qui
vont rentrer et, à ce moment-là, le gouvernement va avoir plus de
rentrées de fonds. S'il a plus de rentrées de fonds, il aura donc
moins à s'endetter, laissant plutôt les gens, chacun
individuellement, s'endetter à sa place. C'est les questions que
j'aimerais bien poser au ministre des Finances - enfin, je dis au ministre des
Finances parce que c'est celui qui commande les taxes - au ministre du Revenu
qui les récolte. (17 h 40)
Ce matin, quelqu'un me faisait parvenir par fax une demande
d'intervention auprès du ministre du Revenu et disait: Écoutez,
ils m'ont dit que je devais tant d'argent parce que je n'avais pas payé
à temps tel et tel retour de taxes que je devais envoyer; je suis
sûre de l'avoir envoyé. Mais là, elle dit, c'est rendu
qu'ils me disent: C'est bien de valeur, l'informatique m'indique que ce n'est
pas ça. Elle dit: Moi, je ne suis plus capable de me battre contre
l'informatique; j'ai essayé autant comme autant de prouver qu'ils
avaient tort. Bien, là, moi, il faut que je fasse une intervention
auprès du ministre du Revenu pour lui dire: Bien, cette
personne-là, malheureusement, croit qu'elle se bat contre l'informatique
et elle a désespéré: elle a remboursé, elle a
payé, et elle dit l'avoir payé deux fois. Je pense que, sur des
questions comme celle-là, dans un contexte où on demande de plus
en plus à des individus d'avoir quasiment des firmes de comptables pour
les aider à remplir leurs formules, on pourrait poser au ministre du
Revenu des questions importantes concernant l'ouverture des magasins le
dimanche.
M. le Président, dans ce sens-là, c'est avec grand plaisir
que j'appuierai la proposition qui est devant nous à l'effet de
suggérer que la commission, prudemment puisqu'il faut le
suggérer, invite le ministre du Revenu à venir s'expliquer devant
nous sur la question de l'ouverture des commerces le dimanche.
Le Président (M. Audet): Merci, M. le député
de Laviolette. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur la motion?
M. Blais: Avant de passer au vote, une question de
règlement, M. le Président.
Le Président (M. Audet): Question de règlement, M.
le député de Masson.
M. Blais: M. le Président, je vais demander à notre
président, justement vous-même... Ce que nous étudions, la
motion en cours, c'est selon l'article 244, mais, pour ce faire, le
député de Drummond s'est prévalu de l'article 164:
«Lorsqu'une commission désire entendre un ministre, elle doit l'en
aviser par écrit au moins 15 jours à l'avance sauf renonciation
de l'intéressé à ce délai». Je suis à
peu près assuré, sans présumer du vote de la commission,
qu'on ne voudra pas attendre 15 jours pour le recevoir. Est-ce que le
président s'est enquis auprès du ministre du Revenu pour voir
s'il serait prêt à venir immédiatement si la commission
votait en faveur de le recevoir?
Le Président (M. Audet): Non, M. le député
de Masson.
M. Blais: Alors, je ne peux pas voter. Il faudrait que notre
président aille voir et s'informe pour voir s'il est prêt à
venir; sinon, on présume du vote de la commission et je pense que
ça outrepasse les droits de la présidence.
Le Président (M. Audet): Non. M. St-Roch: M. le
Président...
Le Président (M. Audet): M. le député de
Drummond.
M. St-Roch: ...sur la même question de règlement et
dans le but de faciliter votre tâche, j'aimerais faire appel à
l'article 165 de notre règlement et faire une motion d'ajournement pour
que vous puissiez, ainsi que les membres ministériels, consulter le
ministre du Revenu avant de prendre la décision sur le vote. Je pense
que c'est fondamental, si on veut avoir un vote éclairé, qu'on
puisse ajourner.
Le Président (M. Audet): Bon! Écoutez...
M. Blais: M. le Président, avant de régler la
motion d'ajournement d'un député qui a le droit de faire une
motion d'ajournement, cependant, ma question de règlement doit
être réglée.
Le Président (M. Audet): Oui, exactement, mais je pensais
que M. le député de Drummond voulait intervenir sur les
mêmes propos que vous. Alors, c'est pour ça que je l'ai
reconnu.
M. Blais: J'espère que vous allez intervenir,
monsieur.
Le Président (M. Audet): M. le député de
Masson, ce matin, lorsque j'ai reçu la motion de M. le
député de Drummond, j'ai dit qu'avant que la commission fasse des
démarches parce qu'elle désire entendre un ministre,
c'était l'article...
M. Blais: 244.
Le Président (M. Audet): ...244 qui s'appliquait. La
motion du député de Drummond était recevable en vertu de
l'article 244.
M. Blais: Oui.
Le Président (M. Audet): Bon. Lorsque la motion du
député de Drummond aura été adoptée, nous
ferons part au ministre par écrit que nous voulons le recevoir dans
les... «Au moins 15 jours d'avance.» C'est ce que l'article 164 dit
ici. Alors, quand bien même, M. le député, j'aurais pris
des contacts avec - laissez-moi finir - le ministre pour voir s'il était
disposé à venir nous rencontrer, sans présumer que la
commission aurait décidé ou pas de l'inviter, les
démarches auraient été, à toutes fins, inutiles.
Alors, si vous voulez, on va passer au vote sur cette motion.
M. Blais: Un instant. M. le Président, s'il vous
plaît, question de règlement.
Le Président (M. Audet): Oui.
M. Blais: Sur cette question de règlement, M. le
Président, on ne peut pas présumer, premièrement, du vote
de cette motion par la commission. On ne peut pas le présumer. On sait
à quoi s'attendre un peu, mais on n'a pas le droit de présumer.
Deuxièmement, on n'a pas le droit, non plus, de présumer si le
ministre va prendre ou non ses 15 jours avant d'y venir. On n'a pas le droit.
Supposons qu'il viendrait immédiatement, nous, ça nous
satisferait. Je suis persuadé que l'Opposition, pardon, que le parti au
pouvoir - je présume dans six mois - ne voudrait pas attendre 15 jours.
Dans les deux cas, pour voter en toute connaissance de cause, il faudrait
absolument que nous sachions si le ministre renonce ou pas à ses 15
jours.
Le Président (M. Audet): D'accord, M. le
député de Masson. Bon, j'entends un dernier intervenant
là-dessus.
M. Benoit: M. le Président, je demanderais le vote sur la
motion qui a été déposée par le
député de Drummond.
Le Président (M. Audet): Non. Je vais répondre au
député de Masson là-dessus; après ça, on va
discuter de la motion. Il y a une jurisprudence qui a été rendue
là-dessus.
M. Blais: Ah bon! Bien, nommez-la-moi!
Le Président (M. Audet): Oui, je vais vous la nommer, sur
l'article 244: «Consultation particulière; convocation d'un
ministre». Ça a été rendu le 11 février 1986.
C'est un peu dans le même esprit que le député de Drummond
a présenté sa motion, ce matin, en vertu de l'article 164.
«Lors de l'étude d'un projet de loi, un député de
l'Opposition propose d'entendre le ministre des Finances et le premier
ministre, conformément à l'article 244. La commission a
déjà rejeté une motion similaire qui proposait d'entendre
le ministre et le premier ministre, conformément à l'article
164.» C'est ce qu'on a fait ce matin. J'ai dit au député de
Drummond: Votre motion, en vertu de l'article 164, n'est pas recevable, mais
elle doit l'être en vertu de l'article 244.
La décision qu'on a rendue: «La motion du
député de l'Opposition est irrecevable - en vertu de l'article
164 - car elle est identique, quant au fond, à une motion
déjà étudiée par la commission. Lors de
l'étude détaillée d'un projet de loi, une motion proposant
que la commission entende un ministre doit être présentée
conformément à l'article 244 - c'est ce que je viens de dire -
l'article 164 n'étant qu'une modalité d'application.»
Alors, il faut disposer de la motion en vertu de l'article 244 et,
après, l'article 164 s'appliquera, M. le député, d'autant
plus que la question de règlement que vous avez soulevée
était hypothétique: Si le ministre accepte ou s'il peut venir
tout de suite. Alors, je ne peux pas aller plus loin que ça.
M. Blais: Alors, M. le Président, je...
Le Président (M. Audet): Moi, j'applique l'article 244 et
j'appelle le vote.
M. Blais: Un instant! Un instant! Je considère que vous
avez répondu à ma question de règlement, mais il y a
quelqu'un là-bas qui veut parler.
Le Président (M. Audet): M. le député de
Drummond, oui, sur une question de règlement. C'est la dernière
que je vais entendre.
Motion proposant l'ajournement des travaux
M. St-Roch: M. le Président, étant donné mes
droits de parlementaire à cette commission, je fais appel à
l'article 165 et je propose que la commission ajourne maintenant ses
travaux.
Le Président (M. Audet): Non, je refuse. Non, non, je
n'ajourne pas.
Une voix: Vous n'avez pas le droit.
M. St-Roch: M. le Président, question de
règlement.
M. Blais: Vous n'avez pas le droit de refuser.
M. St-Roch: L'article 165 dit ceci: «Un membre peut
proposer que la commission ajourne ses travaux. Cette motion est mise aux voix
sans amendement et elle ne peut être faite qu'une fois au cours d'une
séance, sauf par le président ou un ministre membre de la
commission. Elle ne peut être débattue, sauf qu'un
représentant de chaque groupe parlementaire peut prononcer un discours
de 10 minutes chacun.»
Le Président (M. Audet): On va disposer de...
Une voix: De la recevabilité. Une voix: De la
motion.
Le Président (M. Audet): ...l'article 244. Là, vous
proposez qu'on ajourne nos travaux pour que je puisse disposer de la question
de règlement?
M. St-Roch: Non, non.
Une voix: Non, il veut parler 10 minutes, 10 minutes, 10 minutes
sur une autre affaire.
M. Jolivet: M. le Président...
Le Président (M. Audet): D'accord. On va disposer de
l'article 244. Alors, j'appelle...
M. Jolivet: M. le Président...
Le Président (M. Audet): M. le député de
Laviolette.
M. Jolivet: M. le Président, est-ce qu'en vertu de
notre...
Des voix:...
Le Président (M. Audet): MM. les députés,
s'il vous plaît!
M. Jolivet: Est-ce qu'en vertu de notre règlement toute
personne en tout temps - parce que c'est sans préavis, là - peut
présenter une motion d'ajournement? Si c'est ça, il peut le faire
à ce moment-ci, avant que vous appeliez le vote. Il n'y a rien qui l'en
empêche.
Une voix: On peut voter.
M. Jolivet: Non, non, mais il faut...
Une voix: Le vote est avant.
M. Jolivet: Non, non, non, non. On a demandé une question
de règlement, je m'excuse.
Une voix:...
M. Jolivet: Non, non, il y a eu des questions de
règlement, ça empêche le vote.
Le Président (M. Audet): D'accord. On va disposer de
l'article 165, si c'est ce que vous souhaitez. Alors, il y a un membre qui
propose que la commission ajourne ses travaux. Alors, on va appeler le
vote.
M. Jolivet: Je m'excuse.
Une voix: Un instant! Elle est débattable, M. le
Président.
Des voix: Elle est débattable.
M. Jolivet: Elle est débattable. 10, 10, 10, 5, ça
fait 35 minutes.
Une voix: Oui, oui, oui. Elle est débattable.
M. Jolivet: 10 minutes pour le présentateur, 10 minutes de
chaque bord et 5 minutes de réplique.
Une voix: Ce n'est pas recevable. Une voix: Ah oui!
Ça, c'est recevable.
M. Jolivet: C'est pour ça que tu n'as jamais
été nommé ministre.
Le Président (M. Audet): Bon. Bien, je suspends deux
minutes.
M. Jolivet: O.K. (Suspension de la séance à 17 h
49)
(Reprisée 17 h 52)
Le Président (M. Audet): À l'ordre! MM. les
députés! En vertu de l'article 165, «un membre peut
proposer que la commission ajourne ses travaux. Cette motion est mise aux voix
sans amendement et elle ne peut être faite qu'une fois au cours d'une
séance, sauf par le président ou un ministre membre de la
commission. Elle ne peut être débattue, sauf qu'un
représentant de chaque groupe parlementaire peut prononcer un discours
de 10 minutes chacun.» Alors, je suis prêt à en entendre un
de chaque côté.
Une voix: Le proposeur a 10 minutes?
Le Président (M. Audet): Non, le proposeur n'a pas 10
minutes, puisqu'il n'est pas membre d'un groupe parlementaire.
Une voix: Ça va mal.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Audet): Est-ce qu'il y a des intervenants
ou si on passe...
Des voix:...
Le Président (M. Audet): M. le député de
Masson, vous avez 10 minutes sur la motion d'ajournement.
M. Yves Blais
M. Blais: M. le Président, je vous remercie beaucoup
d'avoir accordé cette motion d'ajournement.
Des voix:...
Le Président (M. Audet): À l'ordre, s'il vous
plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Blais: Je n'ai pas étudié les tréfonds de
la demande du député indépendant de Drummond, mais je
présume que c'est pour ces raisons-ci qu'il a demandé
l'ajournement. Premièrement, M. le Président...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Blais: Pour plusieurs raisons et des raisons autant techniques
que sociales. La raison la plus valable pour moi - c'est pour ça que
j'épouse sa motion - c'est que ça fait plusieurs heures que nous
débattons ensemble, ici. Et c'est le cas de dire
«débattre», parce que les deux idéologies s'opposent.
Nous avons, nous, une philosophie isochrone d'ouverture des commerces, tandis
que, vous, vous avez une philosophie tautochrone d'ouvrir les commerces. C'est
toute la différence du monde. «Isochrone», ça veut
dire qu'on ouvre de façon égale dans le temps, tandis que
«tautochrone», c'est plaqué dans le temps en périodes
cycliques, et je ne suis pas d'accord avec cette philosophie-là. C'est
ça qui s'affronte. Je suis persuadé que, demain, en faisant venir
les évêques, ça nous éclairera sur ces deux
philosophies, parce que, Aristote les ayant aidés durant leur prime
enfance, la philosophie d'Aristote et surtout de saint Thomas d'Aquin... Saint
Thomas d'Aquin est un philosophe qui, à l'Église, fait foi de
tout. Et je ne lui reproche qu'une chose, à saint Thomas. Je suis
d'accord avec sa philosophie, sauf quand il a hésité pendant des
siècles à dire que la femme avait une âme. Ça, je
trouve ça d'une ingratitude et je trouve ça abject, rejetable,
exécrable, zoile même! C'est zoile! Ça, c'est la
première raison, une question de philosophie.
La deuxième raison, c'est que nous croyons qu'après tant
d'heures de discussions, si le ministre n'est pas éclairé sur
notre position, il ne le sera jamais II ne le sera jamais. Donc, nous
présumons que d'adulte à adulte, la répétition
aidant, nos idées sont connues et notre objection majeure à ce
que les commerces, de façon générale, ouvrent le dimanche,
elle est connue. Elle est connue. C'est pour des raisons de tissu commercial du
Québec. Le tissu commercial du Québec, c'est un tissu fait de 72
% d'indépendants. Et je suis persuadé, M. le député
de Drummond, que vous avez pensé à ça quand vous avez
demandé la motion d'ajournement; c'était pour qu'un ministre ait
pensé à cette simple chose-là: les indépendants
forment 72 % de notre tissu commercial, et c'est traditionnel, c'est
entré dans nos moeurs, c'est viscéralement notre
société distincte qui marche comme ça.
Deuxièmement... Qu'est-ce que je dirais bien là?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Blais: Deuxièmement, l'habitude et la tradition autant
religieuse, sociale, culturelle qu'humaine qui habite le peuple du
Québec; cette deuxième raison, elle est inhérente aux
objections qu'on apporte à cette ouverture. Et c'est rare que le PQ, le
Parti québécois et ses membres les plus vigoureux s'objectent
à une ouverture. Nous sommes un parti ouvert, comme on en rencontre peu
souvent. On ne fait pas de purge. On n'a jamais expulsé personne.
Jamais. On ouvre les portes, nous autres, pour que les gens entrent et non pas
pour qu'ils sortent.
Une voix: Le «renérendum».
Une voix: II y en a plusieurs qui sont sortis.
M. Blais: Jamais on n'a expulsé qui que ce soit. Notre
force, c'est une force caractérielle.
Des voix:...
M. Blais: C'est une force caractérielle.
Le Président (M. Audet): À l'ordre, s'il vous
plaît! À l'ordre!
M. Blais: Nous ouvrons les portes, nous. pour que les gens
viennent. Ça prouve, cette largesse d'esprit... D'ailleurs, cette
largesse d'esprit - parce que j'ai entendu le mot
«référendum» - au dernier référendum a
fait que beaucoup de gens qui ne sont pas des militants connus et reconnus de
notre formation ont épousé notre cause. C'est pour ça,
d'ailleurs, que le résultat a été de 57 %.
Une voix:
M. Blais: Ah! M. le Président, il y a des gens qui me
soufflent des mots. Ils ont parlé de
M. Trudeau. Ce n'est pas très pertinent. Je tiens toujours
à être pertinent.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Blais: Et je n'aime pas ça quand on me souffle des mots
de même, parce que ça peut nous amener à un discours qui ne
serait pas pertinent, et je suis persuadé que le député
d'Orford me le rappellerait. Bon. Ça, c'est la deuxième
raison.
La troisième raison, qui est une raison excessivement
importante... C'est quoi, déjà?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Blais: Cette troisième raison-là, c'est qu'il
faut que le corps exulte, il faut que nous nous reposions. Il faut que nous
nous reposions. Même le Créateur s'est reposé la
septième journée. Même le Créateur! Il est
infiniment fort, infiniment puissant...
Une voix: Infiniment aimable.
M. Blais: Mais, pour travailler longtemps, c'est plutôt
fort et puissant. Même lui s'est reposé. Je regarde ici, il y a un
député indépendant très attentif, qui est là
depuis le début. Il y a l'ancien vice-président de la Chambre. Il
y a la superbe députée de Chicoutimi. Il y a la magnifique et
télégénique députée de Marie-Victorin. Et il
y a monsieur le représentant de notre dossier, qui est, du
côté comptabilité, un des phares éclairant cette
Assemblée. Tout ça mis ensemble, verbalisé par le
député de Masson qui est connu comme un type qui a un verbe assez
connu, hein? Eh bien, j'ai été chargé par mes
confrères de vous dire, M. le ministre: Si, après tant d'heures,
vous ne vous êtes pas encore fait une idée sur ce que nous
demandons, qui est, un, notre propre idéologie, et fort aussi de nos
demandes de recevoir des gens pour y venir, pour que nous vous
éclairassions davantage... Eh bien, vous semblez vouloir refuser. Dans
un tel cas, nous disons: C'est absolument impossible de vous convaincre;
suspendons un peu. La nuit portera peut-être conseil; on rappellera la
commission demain et là peut-être que vous ouvrirez la porte pour
que les gens entrent et non pas sortent, comme ça arrive de temps
à autre.
Le Président (M. Audet): Merci, M. le député
de Masson.
M. Blais: II me restera...
Le Président (M. Audet): Lorsque nous reprendrons nos
travaux à 20 heures, il vous restera près de quatre minutes.
M. Blais: Merci beaucoup.
Le Président (M. Audet): Alors, la commission suspend ses
travaux jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 heures)
(Reprise à 20 h 4)
Le Président (M. Audet): La commission de
l'économie et du travail reprend ses travaux. Je vous rappelle le mandat
de la commission qui est de procéder à l'étude
détaillée du projet de loi 59, Loi modifiant la Loi sur les
heures et les jours d'admission dans les établissements commerciaux.
Nous en étions à une motion présentée par le
député de Drummond en vertu de l'article 165, à l'effet
que la commission ajourne ses travaux. C'est le député de Masson
qui avait la parole. M. le député de Masson, il vous reste trois
minutes et demie pour votre intervention.
M. Blais: C'était sur quelle motion déjà, M.
le Président?
Le Président (M. Audet): Sur une motion d'ajournement de
nos travaux en vertu de l'article 165. Vous étiez rendu à
quatrièmement, sur les saintes espèces.
M. Blais: O.K. Disons que je vais vous résumer
très, très, très brièvement parce que je sais que
tout le monde a retenu les raisons valables. Premièrement, j'avais dit
que, cette loi-là, il faudrait absolument qu'on ajourne les
débats pour regarder quel impact ça a sur notre tissu social,
économique. Aussi, je disais qu'il fallait que le corps exulte par les
repos qu'on se doit de nous accorder; on a droit à un repos dans la
semaine, un jour par semaine.
Quatrièmement, ce serait le temps de dire qu'il se ferait une
étude d'impact économique de façon directe. Le
déplacement des achats pourrait nuire à certains petits marchands
indépendants au profit des grandes surfaces. Je ne pense pas que
ça fasse de doute du tout et d'aucune façon là-dessus,
mais on n'a pas d'étude exhaustive à ce sujet. Je sais que le
ministre, si on ajournait les travaux jusqu'au 15 mars, disons, ou quelque
chose du genre, selon son désir - la longueur lui appartient; on
pourrait aussi revenir en janvier, vers la fin de janvier, début de
février, comme bon lui semble - aurait eu le temps de demander à
des firmes de spécialistes, autant comptables que fiscalistes, de
regarder les impacts, d'abord, pour ceux qui subiront cette loi et, ensuite,
les impacts réels gouvernementaux sur les rentrées fiscales
réelles, à court et à long terme. Parce qu'à bout
de nez il est possible que ça donne des résultats
immédiats, pour quelques mois, d'un surplus de rentrées, mais
très, très tôt nous croyons, nous, que les redevances qui
seront payées au gouvernement vont s'estomper et que les gens vont
s'habituer à répartir sur sept jours
plutôt que sur six leurs achats.
C'est des raisons, comme vous voyez, M. le Président. Je sais que
M. le ministre a bu mes paroles et a écouté les raisons valables
de cet ajournement. Et je suis persuadé que, ce breuvage verbal, il va
essayer de le digérer de façon honnête, c'est son habitude.
Et, après une grande digestion de quelques mois, autant que possible,
j'aimerais qu'il nous apporte un rapport vraiment facile à comprendre.
Parce que ce n'est pas tous les députés, vous savez, qui sont
capables de saisir les impacts économico-sociaux d'un projet de loi. On
ne tient pas ça de façon innée ou de façon
viscérale. Il y en a parmi nous qui ne voient pas immédiatement
quels sont les impacts directs.
Alors, une courte pause, M. le Président, ne fût-ce que de
deux ou trois mois. Mais on laisse ça libre. On demande simplement
d'ajourner et on est persuadés qu'avec sa clairvoyance
ministérielle le ministre des affaires technologiques,
récréativo-économico-sociales, certainement, sera capable
de prendre une décision qui saura plaire à l'ensemble de la
population et pour le plus grand bien, comme il aime beaucoup le dire, de
l'avenir du Québec, des Québécoises et des
Québécois, pour lui, dans un Canada uni et fort et, pour moi,
dans un Québec éventuellement souverain. Sur ce, M. le
Président, de m'avoir écouté, ce fut pour moi un
honneur.
Le Président (M. Audet): merci, m. le député
de masson. est-ce qu'il y a des intervenants de la formation
ministérielle? m. le député de l'acadie, vous avez 10
minutes.
M. Y van Bordeleau
M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Ça fait 26
heures maintenant que la commission parlementaire a commencé ses travaux
sur le projet de loi concernant les heures d'ouverture des commerces. Je pense
que ça vaut peut-être la peine, M. le Président, de prendre
quelques minutes pour faire un peu un historique du dossier et aussi,
peut-être en faisant un historique du dossier, pour faire peut-être
un historique plus marqué, au fond, des positions que l'Opposition a
prises depuis maintenant deux ans.
En 1990, il y a eu un projet de loi qui a été
présenté concernant les heures d'ouverture des commerces. En
1990, il faut se rappeler que le ministre a fait une commission parlementaire
ouverte où on a entendu le public. En tout cas, mon expérience
est courte ici, à l'Assemblée nationale, ça fait trois ans
maintenant, mais, depuis trois ans, ça a été
sûrement une des commissions parlementaires les plus importantes qui ont
eu lieu, et les plus ouvertes. Il faut dire ici à la population, M. le
Président, qu'en 1990 il y a eu 220 heures d'audition de
différents groupes qui sont venus présenter leur point de vue
concernant la question des heures d'ouverture. Tout a été dit:
les avantages et les inconvénients. Tout a été mis sur la
table: les positions des groupes. Et il faut se souvenir, M. le
Président, qu'à ce moment-là la commission était
très suivie. À chaque jour qu'on s'est réunis - je ne me
souviens pas durant combien de journées; 220 heures, ça fait,
quand même, plusieurs journées - la salle au fond était
pleine, les gens étaient là continuellement, tous les groupes qui
voulaient faire pression d'un côté ou de l'autre étaient
présents. Ce travail-là s'est fait ouvertement, dans la
transparence. On a entendu tout le monde, tout le monde a pu s'exprimer, tous
les points de vue ont été donnés à ce
moment-là. (20 h 10)
Après avoir fait ce tour d'horizon là, il y a eu un projet
de loi qui a été déposé. Et quelle a
été la position de l'Opposition? Ça a été
d'être contre, d'être contre à partir d'une position qui est
plus idéologique, je pense, que pragmatique ou qui reflète plus
sa position idéologique que l'opinion de la population. Il faut se
souvenir qu'à ce moment-là, en 1990, on a observé
exactement la même chose qu'on observe aujourd'hui. Il y a eu 30 heures
de débats, 30 heures de mesures pour faire durer le temps, où on
a, exactement comme on le fait aujourd'hui, fait des motions
répétitives pour faire venir tel groupe. À ce
moment-là, ça a duré, encore là, plusieurs
journées, tout ça pour aboutir, au bout de la ligne, à ce
que le gouvernement, qui a l'obligation et la responsabilité de
décider, a dû clore le débat, prendre ses
responsabilités et prendre une décision dans le dossier des
heures d'ouverture, parce qu'on n'a pas eu la collaboration de l'Opposition
pour discuter du fond du projet de loi et on n'a pas eu, non plus, les
lumières de l'Opposition pour améliorer le projet de loi.
Ça a été un boycott systématique et on n'a jamais
pu aborder le projet de loi en 1990.
Deux ans après, on revient avec la loi sur les heures d'ouverture
qui est devant nous aujourd'hui et on observe quoi? Exactement la même
stratégie. Ça, M. le Président, c'est important que la
population le sache. Il y a combien de personnes qui sont assises autour de la
table, ici, des députés de l'Opposition et du gouvernement, des
gens de l'Assemblée nationale, qui mettent des heures ici pour
exécuter le travail qu'on a à faire, c'est-à-dire
évaluer le projet de loi et l'améliorer si c'est possible? Mais
on ne peut pas aborder le projet de loi. Ce qu'on a en face de nous, c'est une
Opposition qui fait encore une obstruction systématique, depuis
maintenant 26 heures. On n'a même pas commencé, après 26
heures de débats, à discuter de l'article 1. Ça, vous
dites ça aux gens à l'extérieur et les gens ont de la
misère à vous croire. On n'a même pas discuté de
l'article 1 après 26 heures de débats.
Qu'est-ce qui se passe. M. le Président?
Même stratégie. Il y a eu des remarques
préliminaires, tout le monde a parlé 20 minutes de l'autre
côté. Ça, c'est leur droit, ça fait partie de nos
règlements. Ensuite, on a commencé les mesures dilatoires; on
demande de faire venir un groupe qui a été entendu il y a deux
ans et qui n'apporterait probablement rien de plus que ce qui a
été discuté il y a deux ans. Tout a été dit
il y a deux ans, et ça ne date pas de la préhistoire, c'est il y
a deux ans seulement.
Alors, on a fait une motion, et je vais expliquer, encore là,
comment ça se passe pour que les gens soient bien conscients de
ça. On a fait une motion pour faire venir la Chambre de commerce de
Sherbrooke. Qu'est-ce que ça veut dire? Celui qui la propose, de
l'Opposition, parle 30 minutes, essaie d'expliquer pourquoi on devrait faire
venir la Chambre de commerce de Sherbrooke. Après ça, tous les
députés de l'Opposition ont le droit de parler 10 minutes pour
expliquer pourquoi on devrait faire venir la Chambre de commerce de Sherbrooke.
Ça a été rejeté par la commission
parlementaire.
Deuxième motion: faire venir la Chambre de commerce de
Rouyn-Noranda; même scénario, tour de table. Troisième
motion, la Fédération canadienne de l'entreprise
indépendante; même scénario, tour de table, tout le monde
parle, excepté qu'on n'aborde pas le projet de loi. Faire venir les
SIDAC; même scénario, M. le Président. Faire venir M.
Bouchard, d'Alimentation Couche-Tard; encore là, une heure et demie
environ qui a passé, une heure et demie, deux heures minimum, qu'on
passe à discuter du bien-fondé de la proposition. Après M.
Bouchard, ça a été M. Sénéchal, de Sears.
Après M. Sénéchal, ça a été la
corporation reliée aux meubles; même scénario. Le ministre
du Revenu. Avec tout ça, M. le Président, ça fait 26
heures qu'on discute et on n'a même pas commencé l'étude du
projet de loi.
Une voix: On n'est pas prêts, nous. Une voix:
Ça n'a pas d'allure.
M. Bordeleau: alors, s'il n'y a pas là de l'abus, m. le
président... en tout cas, la population sera à même de
juger. mais ça, après avoir fait la même chose en 1990, il
faut bien s'en souvenir. on a parlé de la qualité de vie et du
respect des citoyens.
Une voix: C'est dans la même logique.
M. Bordeleau: Oh oui! Vous avez toujours la même logique,
mais toujours sur la même «track». Vous ne pouvez pas changer
tellement d'idée là-dessus, vous n'êtes ouverts à
aucune discussion sur le projet de loi comme tel.
M. le Président, on a parlé beaucoup de la qualité
de vie. Mais est-ce qu'on a parlé de la qualité de vie des
consommateurs? Ils en font partie, eux autres aussi. On a parlé des
petits commerçants; encore là, je reviendrai tout à
l'heure là-dessus si le temps me le permet. La qualité de vie des
consommateurs aujourd'hui, que ça concorde avec l'idéologie du
Parti québécois ou non, dans la réalité, c'est que,
pour toutes sortes de raisons: travail des deux conjoints, difficulté
d'aller magasiner durant les heures où c'est permis, 66 % de la
population demandent que les commerces soient ouverts. À un sondage qui
a eu lieu où on leur demandait: Êtes-vous en faveur ou
opposés à ce que la loi actuelle soit modifiée de
façon à ce que tous les commerces de détail qui le
désirent puissent être ouverts le dimanche, comme c'est le cas
présentement pour certains commerces, notamment les pharmacies et les
magasins d'alimentation? 70 % se déclarent favorables, totalement ou
modérément. Quand on leur dit: Maintenir la loi actuelle telle
quelle? 15 % seulement sont d'accord. Quand on leur dit - c'est un peu la
position, le sens où va l'Opposition: Éliminer les exceptions
actuelles afin qu'aucun commerce ne puisse ouvrir le dimanche? 10 % de la
population. Et on veut me dire, M. le Président, qu'on respecte
l'opinion des consommateurs, de la population? S'il y a 70 % de la population
qui veulent aller magasiner le dimanche, c'est quand même du monde,
ça. À un moment donné, peut-être qu'il faudrait
qu'on s'arrête et qu'on se demande, comme gouvernement: Est-ce qu'on
essaie de répondre aux besoins de la population ou si on essaie de
répondre à nos visions idéologiques personnelles, comme le
fait le Parti québécois ou l'Opposition depuis maintenant 26
heures et comme ils l'ont fait en 1990?
Une voix: Ça, c'est la bonne question.
M. Bordeleau: Alors, M. le Président, au niveau du
gouvernement on est prêts depuis 26 heures à commencer
l'étude du projet de loi. Je pense que l'Opposition serait beaucoup plus
constructive si elle voulait aborder le projet de loi et chercher à
discuter des articles, un par un. Et, au besoin, le gouvernement est prêt
à certaines améliorations, selon les discussions qu'on pourra
avoir. Mais, actuellement, ce n'est pas ce qu'on fait. On est rendus,
après 26 heures... Et là, la motion que fait le
député de Drummond, c'est un ajournement. Ajourner, encore pour
gagner du temps, pour perdre du temps, pour repousser plus loin
l'échéance. Tout ce cheminement-là que j'ai décrit,
qu'on a vécu en 1990 et qu'on vit aujourd'hui, je ne pense pas que ce
soit de nature, M. le Président...
Le Président (M. Audet): Merci.
M. Bordeleau: ...à améliorer l'image du
parlementarisme, comme le souhaite tellement le député
indépendant de Drummond.
Le Président (M. Audet): Merci, M. le député
de l'Acadie. Alors, je vais maintenant...
Une voix: Le vote.
Le Président (M. Audet): On demande le vote sur la motion
d'ajournement?
Des voix: Oui.
Une voix: Oui, M. le Président.
M. Blais: II y a cinq minutes de réplique.
Le Président (M. Audet): Alors, M. le
secrétaire...
M. Blais: II n'y a pas cinq minutes de réplique?
Le Président (M. Audet): Non, en vertu du
règlement, le député de Drummond n'a pas de droit de
parole sur cette motion.
M. Jolivet: M. le Président, question de règlement.
Nous appliquons ce que vous nous avez lu tout à l'heure, mais, comme
nous sommes le prolongement de l'Assemblée nationale et qu'en commission
il y a un droit de réplique quelque part un jour, il faut avoir au moins
un droit de réplique.
Une voix: Quel article?
Le Président (M. Audet): L'article 165 est très
clair à cet égard-là. On dit...
M. Jolivet: Oui, mais l'article 106 dit...
Le Président (M. Audet): Un instant. Si vous
référez à votre livre des règlements, à la
section 6, c'est les dispositions particulières qui s'appliquent aux
séances des commissions parlementaires. Alors, à ce
moment-là, l'article 165 s'applique tel quel où il est dit:
«Elle ne peut être débattue, sauf qu'un représentant
de chaque groupe parlementaire peut prononcer un discours de 10 minutes
chacun». Alors, c'est très clair à cet
égard-là. On l'a vérifié pendant le souper.
Alors, le vote...
M. Farrah: M. le Président, question de...
Le Président (M. Audet): M. le député des
îles.
M. Farrah: Oui, question de vérifier. On fait souvent
allusion à l'article 106. Est-ce que vous pourriez nous éclairer
là-dessus?
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Audet): L'article 106 fait partie des
règles de procédure concernant l'ajournement à
l'Assemblée nationale. L'article 106 dit: «L'auteur de la motion a
un temps de parole de 10 minutes.» Parce qu'on parle d'une motion
d'ajournement de l'Assemblée et non pas de la commission.
Une voix: Donc, ce n'est pas en commission.
Le Président (M. Audet): Je vais vous lire l'article 105
qui est très clair, dont l'article 106 découle. «Une motion
d'ajournement de l'Assemblée ne peut être présentée
qu'au cours de la période des affaires du jour - suivant la
période des affaires courantes - lorsque l'Assemblée n'est saisie
d'aucune affaire. Cette motion, présentée par le leader du
gouvernement, ne requiert pas de préavis et ne peut être
amendée.»
L'article qui suit, c'est l'article 106 où on
réfère au temps de parole. «L'auteur de la motion a un
temps de parole de 10 minutes. Il en est de même pour le
représentant de chaque groupe parlementaire d'Opposition. L'auteur a
droit à une réplique de 5 minutes.» Alors, c'est la
même chose, sauf qu'ici on parle de l'auteur de la motion.
M. Jolivet: M. le Président, pour revenir à cette
question pour aider à régler un problème peut-être
qu'on n'a pas vu quand on a fait le règlement sur les commissions
parlementaires. Parce qu'il me semble que la logique veut toujours qu'au moins
le proposeur ait un droit de réplique à tout ce qui a
été dit.
Une voix: M. le Président...
M. Jolivet: En tout cas, je vous le suggère.
Le Président (M. Audet): Je vous ai fait part de l'article
165 où il n'est pas mentionné...
Une voix: M. le Président...
Le Président (M. Audet): ...que - un instant, je vais
terminer là-dessus - l'auteur de la motion a un temps de parole,
contrairement à l'article 106 où l'auteur de la motion a un temps
de parole. Et je vous ai mentionné que l'article 165 fait partie des
dispositions particulières qui s'appliquent aux séances des
commissions parlementaires. Alors, là-dessus... Est-ce que c'est sur
l'article 165, M. le député de l'Acadie? Je vais entendre une
dernière intervention, mais ma décision est rendue. (20 h 20)
M. Jolivet: Mais, une minute, M. le Président.
M. Bordeleau: C'est sur la question de règlement qui a
été soulevée, M. le Président. Je voudrais vous
signaler qu'à l'article 217 on
mentionne: «En commission, il n'y a aucun droit de
réplique.»
Une voix: Le vote, M. le Président.
Le Président (M. Audet): Ça va. Merci, M. le
député de l'Acadie.
M. Blais: M. le Président, avant le vote, question de
règlement.
Le Président (M. Audet): Sur le même sujet, M. le
député?
M. Blais: Non, une autre question de règlement.
Le Président (M. Audet): Une autre question de
règlement sur un autre sujet? D'accord.
M. Blais: Oui. J'aimerais savoir, M. le Président, si
cette motion verbale est amendable.
Le Président (M. Audet): Non, la motion d'ajournement
n'est pas amendable.
M. Blais: Selon quel règlement, M. le
Président?
Le Président (M. Audet): On dit ici. «Cette motion
est mise aux voix sans amendement». Alors, c'est très clair.
Une voix: Ça, c'est clair. Des voix: Ha, ha,
ha!
Le Président (M. Audet): «Cette motion est mise aux
voix sans amendement.» Elle ne peut pas être amendée. Je
l'ai lu tantôt.
Une voix: Ça, c'est clair.
Le Président (M. Audet): Elle ne peut pas être
amendée. C'est très clair, c'est marqué ici. D'autant plus
que. les temps de parole étant écoulés là-dessus,
vous ne pouvez plus parler, c'est fini.
M. Blais: Mais non, on n'a pas voté encore, là.
Le Président (M. Audet): Non, non, mais les temps de
parole sont écoulés de part et d'autre des formations politiques
à cet égard-là, en vertu du règlement, 10 minutes
chaque bord. Donc, s'il y a 10 minutes chaque bord, on dit: II y a une mise aux
voix sans amendement. Elle ne peut pas être amendée.
M. Blais: D'accord. M. le Président. Le
Président (M. Audet): D'accord?
M. Blais: M. le Président, non, sur la même
question. C'est marqué: «Cette motion est mise aux voix sans
amendement». Je suis d'accord qu'elle peut être mise aux voix sans
amendement, mais elle peut, peut-être aussi, être mise aux voix
avec amendement, ce n'est pas marqué.
Le Président (M. Audet): Non, non, non, non.
M. Blais: Elle est mise aux voix sans amendement et,
après, on peut venir avec un amendement et voter...
Le Président (M. Audet): Non, non, non. Des voix: Non,
non.
Le Président (M. Audet): Non, non, non. C'est
terminé. J'ai rendu ma décision là-dessus. On ne revient
pas là-dessus. Alors, M. le secrétaire, si vous voulez appeler
les députés pour le vote, s'il vous plaît, sur la motion
d'ajournement.
Mise aux voix
Le Secrétaire: M. St-Roch (Drummond)? M. St-Roch:
Pour. Le Secrétaire: M. Blais (Masson)? M. Blais:
Pour.
Le Secrétaire: M. Léonard (Labelle)? M.
Léonard: Pour.
Le Secrétaire: Mme Vermette (Marie-Vic-torin)?
Mme Vermette: Pour.
Le Secrétaire: Mme Blackburn (Chicoutimi)?
Mme Blackburn: Pour.
Le Secrétaire: M. Jolivet (Laviolette)?
M. Jolivet: Pour.
Le Secrétaire: M. Tremblay (Outremont)?
M. Tremblay (Outremont): Contre.
Le Secrétaire: M. Benoit (Orford)?
M. Benoit: Contre.
Le Secrétaire: Mme Dionne
(Kamouraska-Témiscouata)?
Mme Dionne: Contre.
Le Secrétaire: M. Bordeleau (Acadie)? M. Bordeleau:
Contre. Le Secrétaire: M. Lemire (Saint-Maurice)? M.
Lemire: Contre.
Le Secrétaire: M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine)?
M. Farrah: Contre.
Le Secrétaire: M. Lafrenière (Gatineau)?
M. Lafrenière: Contre.
Le Secrétaire: M. Audet (Beauce-Nord)?
Le Président (M. Audet): Étant donné, M. le
secrétaire, que je ne veux pas perdre ma job, je serai contre.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Audet): Ha, ha, ha! O.K. Nous en
étions rendus... Nous étions disposés... Nous devions
disposer...
Mme Blackburn: Je voudrais présenter une motion, M. le
Président, après que...
Le Président (M. Audet): Non, non. Un instant, Mme la
députée.
Une voix: Ce n'est pas fini.
Reprise du débat sur la motion
principale
Le Président (M. Audet): C'est qu'on doit disposer d'une
autre motion avant, qui avait été laissée en suspens suite
à une motion d'ajournement. Alors, la motion dont nous devons disposer
est: «Que la commission de l'économie et du travail, en
conformité avec l'article 244, entende M. Raymond Savoie, ministre du
Revenu». Est-ce que la motion est adoptée?
Des voix: Oui, oui. Pour.
Des voix: Contre.
Une voix: Le vote, M. le Président.
Le Président (M. Audet): M. le secrétaire.
M. Blais: L'éternelle cérémonie du vote.
Mise aux voix
Le Secrétaire: M. St-Roch (Drummond)? M. St-Roch:
Pour.
Le Secrétaire: M. Blais (Masson)? M. Blais:
Pour.
Le Secrétaire: M. Léonard (Labelle)? M.
Léonard: Pour.
Le Secrétaire: Mme Vermette (Marie-Vic-torin)?
Mme Vermette: Pour.
Le Secrétaire: Mme Blackburn (Chicoutimi)?
Mme Blackburn: Pour.
Le Secrétaire: M. Jolivet (Laviolette)?
M. Jolivet: Pour.
Le Secrétaire: M. Tremblay (Outremont)?
M. Tremblay (Outremont): Contre.
Le Secrétaire: M. Benoit (Orford)?
M. Benoit: Contre, M. le Président.
Le Secrétaire: Mme Dionne
(Kamouraska-Témiscouata)?
Mme Dionne: Contre. Le Secrétaire: M. Bordeleau
(Acadie)? M. Bordeleau: Contre, M. le Président. Le
Secrétaire: M. Lemire (Saint-Maurice)? M. Lemire: Contre.
Le Secrétaire: M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine)?
M. Farrah: Contre.
Le Secrétaire: M. Lafrenière (Gatineau)?
M. Lafrenière: Contre.
Le Secrétaire: M. Audet (Beauce-Nord)?
Le Président (M. Audet): Contre. Alors, Mme la
députée de Chicoutimi, vous avez...
Mme Blackburn: M. le Président...
Le Président (M. Audet): Un instant La motion est
rejetée, huit contre cinq.
M. Blais: II y a huit personnes du côté du pouvoir
qui ont droit de vote?
Une voix: Ah oui! Plus que ça même. Une voix:
11 votes?
M. Blais: C'est sept, je pense, M. le Président.
Le Président (M. Audet): 11.
M. Blais: Et les 11 contre?
Le Président (M. Audet): Bien, là, on n'a pas 11
contre, c'est 8 contre.
Une voix: L'Opposition, c'est quatre d'une façon
statutaire?
Le Président (M. Audet): Oui, l'Opposition a droit
à quatre.
Une voix: Quatre?
Le Président (M. Audet): Oui, quatre.
M. Blais: Et indépendant, un.
Le Président (M. Audet): Indépendant, un. C'est
ça. Mme la députée de Chicoutimi, oui.
Motion proposant d'entendre le
Conseil provincial des travailleurs et
travailleuses unis de l'alimentation
et du commerce (TUAC)
Mme Blackburn: Je voudrais faire une motion, M. le
Président. «Il est proposé qu'en vertu de l'article 244 de
nos règles de procédure la commission permanente de
l'économie et du travail tienne, avant d'entreprendre l'étude
détaillée du projet de loi 59, Loi modifiant la Loi sur les
heures et les jours d'admission dans les établissements commerciaux, des
consultations particulières quant à tous les articles dudit
projet de loi et qu'à cette fin elle entende le Conseil provincial des
travailleurs et travailleuses unis de l'alimentation et du commerce, les
TUAC.
Le Président (M. Audet): Merci. Est-ce qu'on peut avoir
une copie de la motion, Mme la députée, s'il vous plaît? La
motion me semble recevable, alors... C'est la même formulation.
M. Tremblay (Outremont): Vous les avez rencontrés?
Le Président (M. Audet): D'accord, Mme la
députée de Chicoutimi, vous pouvez y aller, vous avez 30
minutes.
Mme Jeanne L. Blackburn
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Le ministre me
demandait si je les avais rencontrés.
Effectivement, ils sont venus nous rencontrer un peu et, je dois le
dire, pour poser un genre d'ultimatum, pas pour se demander s'il y avait encore
place à la négociation. Leur position était
arrêtée et ils accusaient un peu l'Opposition de ne pas suivre le
mouvement, à notre grand étonnement, je dois dire. Bien qu'on
puisse comprendre leur position, nous avions lieu de nous étonner du
retournement de situation par rapport à l'avis qu'ils avaient
présenté ici, à cette commission parlementaire, à
l'occasion de l'examen du projet de loi 75, en 1990.
On sait qu'alors - et je voudrais revenir un peu sur la
présentation des TUAC - ils s'étaient prononcés en faveur
d'un resserrement de la loi. Je me permets de rappeler quelques
éléments du mémoire qu'ils ont présenté
alors, et, pour ces raisons, je pense qu'il serait important que nous les
entendions de manière, peut-être, à cheminer avec eux dans
tout ce débat, un débat qui concerne toute la
société québécoise, sur les jours et les heures
d'ouverture des établissements commerciaux le dimanche.
Il faudrait se rappeler, d'abord, qu'ils accusaient le ministre de faire
plutôt preuve de laxisme quant à l'application de la loi. Ils
dénonçaient certaines irrégularités et certaines
exceptions - ce qu'ils appelaient les décrets privilèges - qui,
trop nombreuses, permettaient, par exemple, aux pharmacies de devenir
l'équivalent d'un marché général. Ils voulaient que
le ministre resserre la loi pour n'ouvrir les pharmacies que pour les produits
pharmaceutiques, sanitaires et hygiéniques. Les librairies, tabagies,
commerces d'artisanat, oeuvres d'art, horticulture et marchandises
usagées, ils étaient d'accord, de même que
rétablissement dont l'activité principale est la restauration ou
la vente de produits pétroliers. En ce qui concernait les pharmacies
marchés publics généraux, les marchés publics, les
marchés aux puces et les fruiteries, ils souhaitaient un resserrement
très sévère des dispositions de la loi.
Les TUAC estimaient que, s'ils acceptaient l'idée de l'ouverture
des marchés d'alimentation le dimanche, c'était à
condition qu'il n'y ait que trois employés dans le commerce, et non pas
quatre tel que le prévoyait la loi, y compris le gérant. Alors,
on connaît la situation; la loi a été adoptée,
c'était quatre, mais c'était, finalement, tellement large que
ça a permis aux commerces, aux marchés d'alimentation d'ouvrir
avec sept et huit personnes, parce qu'on avait fini par dissocier ceux qui
faisaient de la surveillance, ceux qui préparaient les aliments et ceux
qui servaient à la caisse. Avec le résultat, évidemment,
que c'était devenu, avec la loi 75, tellement large que ça
n'avait plus aucune signification.
À l'ouverture, le dimanche, des commerces d'alimentation, ils
disaient, en page 11 de leur mémoire: Jamais. Il n'y a absolument aucun
besoin, aucune nécessité, aucune raison pouvant
justifier l'ouverture des commerces d'alimentation le dimanche. Et, a
priori, deux arguments intéressants sont soulevés par les tenants
de l'ouverture des commerces d'alimentation le dimanche: la concurrence
déloyale et les besoins des consommateurs. Tout au long du
mémoire, sur plusieurs pages, ils démontraient que, un, le
consommateur, bien que, jusqu'à ce jour, jusqu'en 1990, il n'y avait pas
de commerces d'alimentation ouverts autres que les dépanneurs, avait
vraiment réussi à survivre. Et ils disaient également que,
quant aux dizaines de milliers de travailleurs et de travailleuses
syndiqués ou non, c'est une ingérence de l'État dans un
droit acquis, ingérence qui se traduira inévitablement par des
pertes d'emplois réguliers, par une modification à la baisse des
conditions de travail. C'était ainsi que les TUAC qualifiaient
l'ouverture des marchés d'alimentation le dimanche. (20 h 30)
Et, en conclusion, les TUAC disaient, et je me permets de le rappeler:
Les conséquences de l'ouverture des commerces le dimanche seront
catastrophiques pour la population du Québec principalement au niveau de
sa qualité de vie. Il n'y a absolument aucun besoin réel
justifiant l'ouverture des commerces le dimanche si le problème de la
concurrence déloyale et celui des besoins réels des consommateurs
sont solutionnés. Pour les travailleurs et travailleuses
syndiqués, cela signifie non seulement une atteinte directe à
leur qualité de vie en tant que citoyens, mais, au surplus, cela
signifie la disparition d'emplois réguliers - et c'est les TUAC qui le
disent - au profit d'emplois à temps partiel et, à très
court terme, une diminution certaine de leurs conditions de vie.
Et ils ajoutaient: Enfin et surtout, en réitérant le droit
de tous les citoyens du Québec, qu'ils soient citoyens consommateurs,
citoyens commerçants, citoyens travailleurs, à une journée
libre de la frénésie commerciale, soit le dimanche, le
gouvernement aura rencontré un troisième principe de base, soit
le maintien de la qualité de vie. Et c'étaient les TUAC, en
1990.
Les TUAC sont venus défendre l'ouverture des commerces le
dimanche, et particulièrement auprès de l'Opposition.
J'étais de la rencontre. Et l'argument qu'ils invoquaient, c'est qu'ils
avaient obtenu que les commerces ne fonctionnent qu'avec quatre
employés. À la lecture de la loi, on constate que les quatre
employés, c'est en dehors des heures d'ouverture, c'est-à-dire
après 19 heures certains jours de la semaine et 17 heures pour le
dimanche. Mais, pour ce qui est des heures régulières
d'ouverture, entre 8 heures et 17 heures le dimanche et 8 heures et 19 heures
ou 21 heures sur semaine, il pourra y avoir autant d'employés que
l'entreprise en aura besoin.
Ils invoquaient également un autre argument pour se dire en
faveur de ce projet de loi, c'est l'interdiction en vertu de l'article 13, qui
vient modifier l'article 28.1 de la loi, où il est dit que les
employeurs ne pourront... Je lis l'article de façon intégrale:
«II est interdit à l'exploitant d'un établissement
commercial de congédier, de suspendre ou de déplacer une personne
à son emploi le - et là on indique la date - d'exercer à
son endroit des mesures discriminatoires ou des représailles, ou de lui
imposer toute autre sanction pour le motif que cette personne a refusé
de travailler, durant la période du [...] au [...] un dimanche ou entre
19 heures et 21 heures un lundi ou un mardi».
Et cette disposition est applicable pour trois ans. Mais, dans la
réalité, qu'est-ce que ça va donner? Avant d'aborder la
question de cette disposition qui permettrait à un employé de
refuser de travailler le dimanche, voyons d'abord la situation des
employés de commerce et de services au Québec.
Vous avez peut-être reçu - j'y suis abonnée; c'est
Les Publications du Québec - Le marché du travail; c'est
novembre 1992, le volume 13, numéro 11. Et, en page 65, on a un tableau
qui illustre la situation du temps partiel de façon
générale. Qui travaille à temps partiel au Québec?
Et nous aurons une idée de qui sera affecté par les heures
d'ouverture des commerces le dimanche. Alors, qui travaille à temps
partiel? Il y a 440 000 personnes au Québec qui travaillent à
temps partiel. Je vous le donne en mille comment ça se partage entre les
hommes et les femmes; 70-30: 136 000 hommes, 304 000 femmes. Combien y a-t-il
de 15-24 ans qui travaillent à temps partiel? Il y en a 176 000.
Ça veut dire que 40 % de la population de travailleurs à temps
partiel ont entre 15 et 24 ans. Et, évidemment, si vous prenez les
femmes, 70 % des travailleurs à temps partiel au Québec, ce sont
des femmes. Alors, ce n'est pas trop compliqué et ça ne prend pas
trop de temps à comprendre qui sera affecté par cette
disposition.
Si vous regardez un autre tableau, le tableau 11, Emplois à temps
partiel par secteur d'activité, bien, là, vous en avez pour votre
argent, parce que, dans le commerce et dans les services, vous avez 357 000
emplois à temps partiel. Alors, ça vous donne un nombre
d'employés à temps complet permanents extrêmement faible
dans les commerces. Alors, j'y reviens. Qui va être affecté par
les conditions de travail, ce qui était considéré comme un
acquis pour ces travailleurs et travailleuses? Qui va être affecté
par ces conditions de travail qui, dorénavant, les obligeront à
travailler le dimanche? Les femmes et les jeunes.
Je me rappellerai un discours que j'avais largement partagé, que
le ministre actuel... Non. Vous êtes là depuis 1985, M. le
ministre?
M. Tremblay (Outremont): Non
Mme Blackburn: Non C'est ça. Il n'y était pas,
à l'époque. Je me rappelle la campagne
électorale de 1985, où l'essentiel du programme du Parti
libéral disait: II faut mettre l'accent sur les jeunes, les jeunes aux
études, les jeunes à l'emploi, et surtout pas des emplois
précaires, surtout pas les programmes Déclic, surtout pas le
travail à temps partiel, surtout pas la précarité pour
ceux qui s'apprêtent à fonder des familles. C'était le
discours, et un discours que je partageais. Et ils prenaient un certain nombre
d'engagements, entre autres, d'ouvrir la fonction publique aux jeunes. Je me
rappelle, j'étais assez d'accord avec cette disposition et je me disais:
S'ils peuvent la mettre en pratique, il y aurait là peut-être
quelque chose d'intéressant et qui donnerait un peu un souffle d'espoir
à la jeunesse québécoise.
Bien, il faut voir que les jeunes n'ont pas trouvé place dans la
fonction publique. Les jeunes n'ont pas trouvé plus de
sécurité en emploi. Les jeunes, de plus en plus, se retrouvent
dans les emplois précaires, dans des conditions de travail où ils
doivent absolument - et absolument, ils n'ont pas le choix - travailler
à deux pour boucler difficilement les fins de mois. Et ça, c'est
quand ils travaillent, parce que, lorsqu'ils travaillent à deux et
qu'ils travaillent au tiers du temps ou à mi-temps, ça ne leur
fait pas tout à fait un salaire, parce que les conditions de vie qui
sont rattachées au travail à temps partiel sont de loin en
deçà de ce que vous obtenez si vous avez une certaine
sécurité d'emploi. Parce que, faut-il le rappeler, la jeunesse
qui travaille dans ces conditions-là n'est pas organisée pour
faire ce qu'on appelle des immobilisations à long terme. Elle ne peut
pas acheter de biens durables, parce qu'elle n'a pas de crédit à
la banque. Vous n'avez pas de crédit si vous avez un travail de 24
heures-semaine.
Et, quand on parle de temps partiel, c'est, en vertu des lois
québécoises, nécessairement moins de 24 heures. Et,
dès que vous dépassez les 25 heures, là, vous êtes
couvert par d'autres dispositions de la loi sur les normes minimales. La
très grande majorité des employeurs ont compris le système
et ils ne donnent que 24 heures à leurs employés. Alors, avec
quelques employés permanents, à temps complet, vous pouvez en
administrer une dizaine à temps partiel et sans aucune
difficulté. Alors, le marché de l'emploi dans le secteur
commercial et des services est majoritairement occupé par du temps
partiel et affecte particulièrement les jeunes et les femmes.
À présent, les TUAC, j'aimerais qu'ils viennent nous
expliquer leur virage. D'abord, on sait qu'en 1991, toujours selon le bulletin
Le marché du travail, il y avait 19,6 % des travailleurs des
services et des commerces qui étaient syndiqués. Cette
année, selon le prochain bulletin qui va sortir, c'est 18,8 %. Il y a
une légère diminution, mais vous allez dire: Ce n'est pas
vraiment significatif puisque les TUAC représentent 45 000 travailleurs,
la CSN, 3000, ce qui donne 48 000, alors qu'on a plus de 400 000 travailleurs
dans ces secteurs-là. Ça veut dire que les secteurs
syndiqués à la CSN et aux TUAC, c'est 12 % de tous les emplois du
secteur. Il y en a 7 % qui sont probablement syndiqués, mais par des
syndicats de boutique. Alors, la très, très grande
majorité, plus de 80 % des travailleurs de ces secteurs
d'activité ne sont pas syndiqués, donc, sont beaucoup plus
sensibles aux pressions faites par l'employeur - par l'exploitant, pour
utiliser le terme de la loi - pour accepter toutes les conditions de travail,
toutes les conditions de travail, parce que ces gens-là... (20 h 40)
Je prends mon petit voisin qui, de peine et de misère, a
réussi à se trouver un emploi chez un marchand de chaussures que
je ne nommerai pas et qui fait ses 24 heures. Il n'osera pas aller dire: Je ne
travaillerai pas le dimanche, parce que ses 24 heures, ça comprend le
dimanche, première des choses. La seconde: s'il n'accepte pas, il y a
toute une série de personnes disponibles à l'emploi. Il va le
perdre, son emploi. Est-ce qu'il a le choix de dire non? Il pourrait dire non
en se disant: Bien, je vais utiliser les dispositions de la loi. Alors, il
devra recourir, à ce moment-là, à l'aide juridique, parce
qu'on peut présumer que, s'il travaille à temps partiel - il est
marié, il a un enfant, son épouse travaille aussi à temps
partiel - il ne fait pas beaucoup de revenus. Mais, tenez-vous bien: l'aide
juridique, si deux personnes travaillent à temps partiel, elles n'y ont
pas accès. Alors, dites-moi, là, comment cette personne-là
va se défendre? Et ça, c'est le cas de 80 % des travailleurs et
des travailleuses des secteurs du commerce et de l'alimentation.
Ce qu'il faut savoir, c'est que les TUAC recrutent très
majoritairement leurs membres dans l'alimentation, donc, dans les grandes
surfaces. Alors, on ne les retrouve pas... Sur 45 000, ils en ont 8000 qui sont
dans le commerce et 37 000 dans l'alimentation. Alors, évidemment, moi,
je comprends un peu leur raisonnement, mais, en même temps, je ne
l'admets pas, si tel est le cas. Si c'est ce qu'on pense et qu'ils s'imaginent
comme nous qu'il va y avoir un transfert des marchands indépendants vers
les grandes surfaces dans lesquelles ils font plus de percées - dans les
grandes surfaces, ils réussissent à faire entrer les syndicats -
ça veut dire qu'ils sont en faveur de cette modification de la structure
dans le commerce au Québec, qui va entraîner une augmentation de
la part du marché des grandes surfaces au détriment,
évidemment, des indépendants.
On est en train de faire, en ce qui a trait au commerce... Il y a notre
structure, là-dessus, qui est originale en Amérique du Nord, tant
pour les autres provinces canadiennes que pour les États-Unis. Au
Québec, 72 % de la part du marché est détenue par les
marchands indépendants, contre 28 % pour les grandes surfaces, alors
qu'aux États-Unis c'est 60 % pour les
grandes surfaces et 40 % pour les indépendants. Et c'est variable
dans les provinces canadiennes, mais c'est toujours beaucoup plus bas que chez
nous, c'est-à-dire la proportion occupée par les
propriétaires indépendants.
Ce que ça va faire dans ce secteur d'activité, dans le
commerce, c'est ce qu'on est en train de faire dans l'habitation. Dans
l'habitation, on est en train de revenir au peuple de locataires, parce qu'on
aura tellement alourdi le fardeau fiscal, on aura tellement mis de taxes de
toutes sortes que les jeunes couples auront de moins en moins accès
à la propriété. Là, de personnes qui sont
indépendantes, qui sont autonomes, qui peuvent faire entrer dans
l'entreprise des membres de leur famille à qui elles font confiance -
ça leur donne la possibilité de prendre des petits congés
- on va en faire des personnes au service des autres, des personnes au service
des grandes surfaces. Et encore, c'est quand ils se trouveront du travail. Je
pense qu'on ne peut pas modifier une structure sans réfléchir
à ces conséquences à la fois sur la structure
économique du secteur d'activité et, en même temps, pour la
qualité de vie.
Je reviens donc sur la disposition qui permet, dans la loi, pour une
durée de trois ans, à un employé de refuser de travailler,
soit le dimanche ou encore les lundis et mardis entre 19 et 21 heures, pour
trois ans seulement. D'abord, son application va être extrêmement
difficile. Je le rappelais, la semaine dernière, à cette
commission. Selon les échanges que j'ai eus sur cette question avec les
travailleurs, ils me disent clairement qu'ils ne pourront pas se
prévaloir de cette disposition, sinon c'est la porte. Un travailleur qui
est syndiqué, je lui ai dit: Vous, vous êtes syndiqué;
normalement, vous devriez pouvoir refuser de travailler le dimanche. Il a dit:
Je vais pouvoir refuser de travailler le dimanche, mais ils vont diminuer
d'autant ma semaine de travail. Alors, comme il travaillait 24 heures - il
était à temps partiel - s'il refuse de travailler 6 heures le
dimanche, le résultat, ça lui donne 18 heures. Croyez-vous qu'il
a le choix de refuser? Il va accepter. Il va accepter.
Nous avons reçu copie d'une lettre qui a été
adressée au ministre le 14 décembre 1992 - c'est aujourd'hui; je
l'ai, nous en avons reçu copie sur télécopieur - et qui
est signée par M. André Gagnon, vice-président du conseil
d'administration du groupe Ro-Na Dismat. Je vous la lis, parce que vous allez
comprendre le genre de pression qui va s'exercer tantôt pour modifier
cette disposition qui était un tantinet avantageuse pour les
employés. «M. le ministre, au moment de l'adoption du projet de
loi 59 modifiant la Loi sur les heures et les jours d'admission dans les
établissements commerciaux, le groupe Ro-Na Dismat souhaite porter
à l'attention des législateurs le lourd préjudice qui
découlera pour lui de l'article 13 par lequel il sera interdit à
l'exploitant, pour une période de trois ans, d'imposer une sanction
à un employé actuellement à son emploi pour les motifs
qu'il a refusé de travailler le dimanche ou durant les heures
additionnelles d'admission prévues par le projet de loi. «Les
faits sont les suivants: la structure de notre entreprise est basée sur
la vente de produits qui exigent un service spécialisé offert par
des professionnels qui sont avec nous sur une base permanente. Nos
employés spécialisés dans le domaine de la plomberie, de
l'électricité, de la peinture et de l'outillage au gaz, par
exemple, ne sont pas interchangeables avec des commis à temps partiel.
La loi 59, en permettant à nos employés de refuser de travailler
le dimanche, rend impossible l'agencement d'horaires partagés sur sept
jours et l'opération rentable de nos commerces. «Un de nos
principaux concurrents s'apprête à lancer une chaîne de
magasins entièrement nouvelle, qui ne sera donc pas assujettie à
cette contrainte de la loi 59 parce qu'elle ne s'applique qu'aux
employés actuellement à l'emploi», à ceux qui sont
déjà au service de... Il s'agit d'en embaucher d'autres et la
disposition ne les protégera plus. «Pour toutes ces raisons, la
soi-disant libéralisation des heures d'ouverture crée à
des commerces comme les nôtres de graves contraintes qui ne nous
permettront pas de lutter à armes égales. La
réglementation qui accompagne la libéralisation est inique pour
des entreprises comme les nôtres qui créent des emplois stables,
permanents et fiscalement productifs. Conséquemment, le groupe Ro-Na
Dismat réclame qu'une exception lui soit accordée à
l'article 13. À moyen terme, il en va de la santé
financière de notre entreprise et du maintien de milliers d'emplois
permanents.»
Et voilà une première pression, une première
demande d'exemption et d'exception, et elle est pressante. Ils invoquent,
évidemment, l'équité; ils invoquent également la
capacité concurrentielle. Et vous allez voir les demandes d'exception
arriver tous les jours, appuyées sur des raisons sensiblement les
mêmes ou variables selon la situation des entreprises. Alors, cette
disposition, qui était invoquée par les TUAC comme étant
une mesure de protection des travailleurs et des travailleuses, ne
protège pas les travailleurs qui entreront, au cours des prochains mois
et des prochaines années, dans l'entreprise et ne protège pas
ceux qui y sont plus de trois ans. Je le rappelle, pour les employés
syndiqués, il y a là peut-être, certainement, une meilleure
protection, parce qu'ils ont le syndicat pour défendre leur cause; pour
les non-syndiqués, c'est de la foutaise. Ils ne pourront jamais se
prévaloir de cette disposition.
J'ai entendu à de multiples reprises autour de cette table, y
compris du député de l'Acadie, tout à l'heure, qui le
disait: Ils veulent encore entendre ceux que nous avons entendus il y a
deux ans. Je voudrais vous dire que les TUAC, on les a entendus il y a
deux ans, mais ils ont changé d'avis. Il y en a peut-être d'autres
qui ont changé d'avis; il faudrait voir. Il faudrait voir.
M. Benoit: Ro-Na a changé d'avis. Mme Blackburn: II
faudrait voir.
M. Benoit: Ro-Na était contre, ils sont pour,
là.
Mme Blackburn: Alors, si vous permettez, vous parlerez quand ce
sera votre tour.
Le Président (M. Audet): Vous avez raison, Mme la
députée de Chicoutimi, allez-y. (20 h 50)
Mme Blackburn: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Audet): MM. les députés,
s'il vous plaît!
Mme Blackburn: Alors, le député de l'Acadie disait
tout à l'heure, et à répétition: Nous les avons
entendus. Oui, je les ai aussi entendus, ces groupes-là, 94, 96. Moi, je
pense que c'est 96 groupes.
Une voix: 94.
Mme Blackburn: 94? Bien, 94. Je les ai aussi entendus. La
très grande majorité, au cas où vous l'auriez
oublié, s'opposait à l'ouverture des commerces le dimanche.
Voyons donc! Il ne faut pas dire n'importe quoi. Sur 50 000 commerces, il y en
a 75 % qui ne veulent rien savoir de votre loi. On ne parle pas au nom de
l'Opposition; on parle pour et au nom de ces personnes-là, on parle pour
et au nom des 400 000 travailleurs qui sont là-dedans. Ce n'est pas
rien. À moins que ça vous fasse rigoler, parce que, vous autres,
les gens qui sont obligés de vous servir, même s'ils
n'étaient pas vraiment obligés, ils sont payés pour
ça. puis ils devraient le faire. C'est un peu votre philosophie. Moi, je
ne la partage pas. Je ne pense pas que mon petit besoin de consommer le
dimanche me permette de mettre les autres à mon service en
détériorant leur qualité de vie. Je m'excuse, je ne suis
pas de cet avis-là.
À présent, vous vous demandez qui on représente.
Moi, je vais vous rappeler c'est quoi le rôle d'un législateur. Le
rôle d'un législateur, c'est de légiférer, c'est de
contrôler et c'est de représenter la population.
Légiférer, c'est examiner de façon sérieuse et sans
parti pris, avec le plus grand éclairage possible, les lois qui nous
sont proposées. Et on ne peut faire ça qu'à la
lumière d'une bonne consultation, surtout lorsqu'une loi vient changer
radicalement certaines valeurs de la société. Je pense que c'est
notre responsabilité et c'est notre devoir. Contrôler, bien,
ça concerne davantage les dépenses publiques et,
évidemment, les finances et les avis ou recherches qu'il fait, ou qu'il
ne fait pas, quant aux avantages qu'il pourra en tirer. Et, le troisième
mandat, le troisième rôle d'un député, c'est de
représenter sa population.
À Chicoutimi, au Saguenay-Lac-Saint-Jean, ici, les petits
commerçants que je rencontre dans les commerces - parce que je suis
allée faire un tour au centre d'achats - ils n'en veulent pas, de
l'ouverture des commerces le dimanche. Ils n'en veulent pas. Qui
représentez-vous? Dites-moi, au-delà des grands
propriétaires, des grandes surfaces, qui vous représentez. Sur la
base d'un sondage qui est fait de façon biaisée, que la
population vous dise, aux commerces ouverts le dimanche, oui, on va dire
ça, mais demandez à ces mêmes personnes-là si elles
accepteraient de travailler le dimanche, puis vous allez voir que la
réponse sera sensiblement différente. Si vous parlez au nom de
quelqu'un, présentez-moi les pétitions en faveur de l'ouverture
des commerces le dimanche. Est-ce qu'il y a un million de signatures, tel qu'on
en a retrouvé, par exemple, pour exiger la tenue d'un
référendum sur la souveraineté? Non, je n'ai pas vu de
pétitions de consommateurs qui exigent l'ouverture des commerces le
dimanche. Voulez-vous me dire au nom de qui parie et légifère ce
gouvernement?
Moi, je maintiens que, pour mieux comprendre la situation, nous devrions
rencontrer les TUAC pour leur demander de nous expliquer les raisons de leur
virage. Peut-être pourrions-nous faire un petit virage également.
En ce qui concerne le groupe Ro-Na Dismat, comme il prend pour acquis que ce
gouvernement ne change jamais d'avis, il dit: Elle va passer, la loi, et, si
elle passe, la loi, essayez qu'elle ne nous pénalise pas trop. Et
voilà pourquoi il commence à exercer des pressions.
Le Président (M. Audet): En conclusion. Mme Blackburn:
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Audet): ah! merci, mme la
députée de chicoutimi. est-ce qu'il y a d'autres interventions
sur la motion? m. le député de labelle, vous avez 10 minutes.
M. Jacques Léonard
M. Léonard: Merci, M. le Président. J'interviens
pour dire, évidemment, que je suis d'accord avec la motion de ma
collègue de Chicoutimi à l'effet d'entendre le Conseil provincial
des travailleurs et des travailleuses unis de l'alimentation et du commerce,
qu'on appelle les TUAC qui représentent 45 000 travailleurs; 45 000.
Donc, un groupe important, qui se situe dans le commerce de l'alimentation
à peu près exclusivement, qui était effectivement contre
la loi qui a été adop-
tée en 1990, qui s'est déclaré pour cette loi ou le
projet qu'il y a sur la table. Je ne sais pas s'il est d'accord dans son
détail, ¦ mais, sur le principe du projet de loi, il
s'était déclaré d'accord. M. le Président, je pense
qu'il serait intéressant de les entendre ici, en commission
parlementaire, parce qu'ils auraient un point de vue à nous transmettre,
puis ils auraient à répondre aux questions des
législateurs et à expliquer leur position.
Le conseil provincial représente des travailleurs
syndiqués. La question qu'on peut se poser, c'est où sont les
travailleurs syndiqués? Ils se retrouvent effectivement dans les grandes
surfaces, règle générale, dans des surfaces, en tout cas,
sûrement au-delà de la moyenne, alors qu'on ne les retrouve pas
dans le petit commerce, dans les dépanneurs, dans les petites surfaces
qui ne sont pas syndiquées. D'ailleurs, ils le disent qu'ils ne
syndiquent pas ces gens-là. Alors, qu'est-ce à dire? C'est que,
finalement, les TUAC ont partie liée avec l'intérêt des
grandes surfaces, et je le comprends. Est-ce que, pour autant, on est d'accord
pour modifier la loi? Je pense qu'il faut prendre en compte ce qu'ils nous
disent ou ce qu'ils nous diraient ici, en commission, et prendre en compte
aussi l'intérêt d'autres qui ne sont pas syndiqués et qui,
par ailleurs, font connaître leur opposition. Je crois que ce serait
intéressant, justement à ce titre, pour voir quelle est la
position exacte, dans tous ses détails, des travailleurs
syndiqués.
Il est évident que, lorsque nous touchons le travail dans tous
ces secteurs, en particulier dans les petits commerces d'alimentation, c'est le
temps partiel qui domine. Et la question qu'on a toujours soulevée
jusqu'ici: Est-ce qu'il est correct de favoriser ce type de travail, ce type de
structure de travail qui va amener plus de jeunes, qui va amener plus de
femmes... Je pense qu'on peut souhaiter que les femmes travaillent, mais est-ce
qu'on souhaite qu'elles aient un travail précaire, un statut
précaire dans les entreprises? C'est ça, le problème. Et,
jusqu'ici, il n'y a rien qui nous démontre que le travail permanent ou
les postes permanents vont augmenter avec l'élargissement des heures. On
a plutôt l'impression que c'est le contraire, que le travail à
temps partiel va augmenter de façon significative, au détriment
de l'emploi permanent. Ça, ça me paraît une conclusion.
Et, si jamais le ministre avait raison à l'effet qu'il y a des
emplois qui se créent, je soupçonne fort qu'il s'agisse
plutôt d'emplois permanents qui se divisent par deux pour obéir
à des contraintes d'organisation de travail. Et, alors, là, on
tombe dans un vieux cercle vicieux. J'ai simplement évoqué qu'au
cours du XIXe siècle il y avait eu une bataille mémorable sur
cette question, faite par Victor Hugo, d'ailleurs, à l'Assemblée
nationale française, qui était complètement de l'autre
côté de la Chambre et qui a traversé la Chambre à
cette occasion.
Parce qu'il faut savoir les raisons de la métamorphose de Victor
Hugo qui a découvert tout à coup qu'on faisait travailler des
enfants. On avait commencé à les faire travailler à 15 ans
et, plus le temps passait, plus on les amenait jeunes à l'ouvrage. Il en
a même découvert de 8. 9, 10 ans. C'est une lutte fantastique qui
a été faite à l'Assemblée nationale
française au cours des années 1840-1850. Et toute cette question
a été tranchée parce qu'on trouvait, finalement, qu'il
s'agissait là plutôt d'une nouvelle forme d'esclavage alors que
ces gens qui travaillaient si jeunes, qui n'avaient pas les moyens de se
défendre, étaient complètement démunis devant les
Napoléons de la révolution industrielle. C'est ça qui
s'est passé et ça a pris une législation pour statuer sur
un âge minimum du travail. Lutte fantastique sur le plan des droits
humains, des droits de la personne et du statut de l'homme. (21 heures)
Je soupçonne que, derrière tout cela, il y a de ces
éléments. Je pense que nos jeunes, effectivement, devraient aller
le plus loin possible dans leur scolarité et y aller le plus longtemps
possible pendant qu'ils n'ont pas de charges, d'aucune sorte. Or,
l'organisation du travail que nous avons à l'heure actuelle et aussi, je
pense, l'éclatement de la structure familiale font qu'effectivement ils
travaillent souvent dès le secondaire et qu'ils perdent peu à peu
goût aux études à cause de leur travail, parce qu'ils ont
plus de sous dans leurs poches, puis pour toutes sortes de
considérations qu'on peut comprendre. Le résultat net, cependant,
c'est que nous avons des chômeurs en nombre grandissant qui, eux. sont
sur le marché du travail pendant que des jeunes qui n'ont pas de bourse
d'études - alors qu'on paie de l'assurance-chômage à des
travailleurs prêts à travailler - travaillent à partir de
l'âge de 14, 15 ans. C'est un fait que cela se passe souvent,
régulièrement. Ça se retrouve beaucoup, justement, dans
l'alimentation, justement dans ces secteurs.
Les conséquences de tout cela, je pense qu'elles sont très
graves. On doit, à mon sens, relier ces questions de travail, de
flexibilité de l'emploi à temps partiel avec tout le
phénomène du décrochage que nous vivons actuellement au
Québec. Je ne veux pas faire de relations indues entre un
phénomène et l'autre, mais il y a des relations et je crois que
nous aurions intérêt à les scruter beaucoup plus à
fond.
M. le Président, la rencontre avec les TUAC nous aurait permis de
voir comment eux voient, justement, l'organisation du travail, comment ils
voient l'évolution du travail dans la société. Moi,
j'aimerais bien leur poser une question. Ils syndiquent des travailleurs dans
des grandes surfaces, qui ont un emploi permanent à l'heure actuelle.
Quel est le problème qui fait que, si le syndicalisme est une si bonne
chose, le syndicalisme ne s'étende pas à tout le monde, le
syndicalisme ne va pas ramasser aussi ceux qui sont mal
protégés dans le petit commerce, le commerce indépendant
et les dépanneurs? Ça, c'en est une question qui se pose,
à mon sens, avec beaucoup d'acuité à notre structure
syndicale. Je pense que, sur ce plan, le débat qu'il y a ici met encore
en relation le statut de ces personnes, le statut des jeunes qui travaillent,
le statut des femmes qui travaillent, le temps partiel par rapport à
l'emploi permanent. Toutes ces questions touchent à l'organisation du
travail.
Je voudrais simplement toucher un point sur l'article - en terminant, M.
le Président, vous me faites signe - 13 où, finalement, ce qui
est dit, c'est qu'on ne peut pas suspendre un employé pour des raisons
qu'il refuse de travailler soit le dimanche ou entre 19 heures et 21 heures.
Dans le commerce de l'alimentation, où ils peuvent être ouverts
même la nuit alors qu'ils sont syndiqués, est-ce qu'à ce
moment-là la protection tombe? Je pense qu'il y en a une, question, ou
bien je lis mal le texte de la loi qu'il y a là. Par exemple, dans une
surface d'alimentation qui voudrait ouvrir 24 heures par jour, est-ce que la
personne qui refuserait de travailler à minuit serait
protégée? C'est une bonne question dans l'alimentation. Pour les
autres commerces, la question ne se pose pas puisqu'ils doivent fermer à
21 heures, mais, dans l'alimentation, qu'est-ce qui arrive? Je pense que le
ministre, là-dessus...
Et, les TUAC, j'aimerais bien avoir leur réaction, parce que, tel
qu'on le lit dans la loi, à l'heure actuelle, la grande surface en
alimentation peut rester ouverte 24 heures par jour, en tout temps - c'est bien
ce qui est dit - alors qu'elle est obligée de garder quatre
employés. Mais, parmi les quatre, le personnel va être
obligé de travailler la nuit. C'est ça que ça veut dire.
Donc, la protection ne vaut que le dimanche et le lundi et le mardi entre 19
heures et 21 heures. C'est ça que ça veut dire, la loi. Donc, il
n'y a plus de protection ailleurs.
M. le Président, je crois que les TUAC constituent un syndicat
important. Ils représentent 45 000 personnes, mais il y a plus de 45 000
personnes dans le commerce de détail. Ça aurait été
intéressant de confronter les idées là-dessus. Et ma
collègue de Chicoutimi a bien démontré qu'ils avaient
modifié leur position depuis 1990. Pourquoi? Qu'est-ce qui les
amène à le faire et quels sont les intérêts,
finalement, qui sont en cause? Parce qu'à mon sens, en toute
dernière conclusion, ils ont partie liée avec les grandes
surfaces. Ils représentent les mêmes intérêts.
Le Président (M. Audet): Merci, M. le député
de Labelle. J'ai M. le député de Masson qui m'avait fait part de
son désir d'intervenir avant. Je m'excuse. M. le député de
Masson, vous avez 10 minutes.
M. Yves Blais
M. Blais: Merci beaucoup, M. le Président. M. le
Président, j'espère que le député d'Orford va me
surveiller pour voir si je suis pertinent. Je veux le lui dire à chaque
intervention: J'ai toujours été pertinent et je continuerai
à dire que je le suis toujours.
En 1990, les TUAC étaient absolument contre la
libéralisation. Aujourd'hui, ils y semblent plus favorables, avec
restriction, mais ils y semblent beaucoup plus favorables. En 1990, ils
disaient que la loi que vous étiez à faire, de façon
pratique, cela signifiait la fermeture de ceux qui ont vécu dans
l'illégalité. C'est ça qu'ils demandaient en 1990, la
fermeture le dimanche de ceux qui étaient ouverts le dimanche dans
l'illégalité ou dans la concurrence déloyale; de
façon plus spécifique, les pharmacies marchés
généraux, Jean Coutu surtout, les marchés publics, les
marchés aux puces, les fruiteries. Et ils disaient: Jamais d'ouverture
le dimanche des commerces d'alimentation, jamais, au grand jamais! Les raisons
principales: la concurrence déloyale et les besoins de protection des
consommateurs. Je ne veux pas en parler longtemps; c'est de 1990. Ils
finissaient en disant: «Enfin et surtout, en réitérant le
droit de tous les citoyens du Québec, qu'ils soient citoyens
consommateurs, citoyens commerçants ou citoyens travailleurs, à
une journée libre de la frénésie commerciale, soit le
dimanche, le gouvernement aura rencontré un troisième principe de
base, soit le maintien de la qualité de la vie».
C'est encore, nous, notre position. C'est encore notre position et c'est
la position de l'ensemble des travailleurs, de la majorité. Nous sommes
rendus à 225 000 travailleurs sur 400 000 qui disent non, et on vous a
fourni la liste. Ils ont changé d'idée, mais, c'est très
curieux, ils ont envoyé une lettre à notre chef, M. Parizeau,
pour dire à l'Opposition, sur l'objection que l'on fait, de faire
attention. Et, ce qui est très drôle... Je vais en lire des
passages, parce que, moi, ça me fait frémir. Ça me fait
frémir. J'ai un de mes cousins qui est un doreur. Il s'appelait M.
Frémi et puis son prénom, c'était Jean. C'était
Jean Frémi, doreur.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Blais: Et, quand je lis ça, ça me fait penser
à mon cousin. C'était un bijoutier remarquable et un doreur
très particulier. C'est un exemple que je donne pour dire que je pense
à mon cousin doreur, oui, oui, un doreur.
Là, je vais lire une partie de leur lettre, et je vais donner
certaines explications. Ils disent: «Nous avons pris connaissance des
déclarations de l'Opposition officielle à l'appui de ses
objections au projet du ministre Tremblay». Je vais aller tout de suite
à un endroit que je trouve épouvantable. «Il n'est pas dit,
non plus, que
certains grands employeurs ne profiteront pas des mesures dilatoires de
l'Opposition.» On va prendre des mesures dilatoires. Mais, écoutez
bien, là. Cette lettre-là a été écrite le 30
novembre 1992 - je vais vous en donner une copie, si vous voulez - la loi avait
été déposée le 26. Il n'y avait aucune mesure
dilatoire de prise encore. On voit bien qu'il y a eu du tire-bouchon, du
«décapsulateur» pour aller chercher leur opinion avant que
les mesures dilatoires commencent. Alors, ça nous laisse douter du
bien-fondé de l'objection. C'est emmanché avec le gars des vues,
comme on dit, parce qu'ils disent qu'il y a un consensus actuellement chez les
travailleurs, ce qui est faux.
On vous a remis une feuille; on l'a, tout le monde l'a. Sur les 400 000,
225 370, il y a une semaine, disaient non à l'ouverture. Un consensus,
c'est plus de la moitié, minimum. Il y en avait plus de la moitié
qui ne voulaient pas ouvrir le dimanche, de ceux qui sont concernés.
C'est ça, un consensus. Mais c'est un petit bijou littéraire, le
verbatim de cette lettre est à faire venir la larme à l'oeil.
Après plusieurs mois de négociations, les TUAC voyaient venir le
ministre avec ses gros sabots, des gros sabots législatifs, j'entends.
En 1990, on voyait que la porte était ouverte à d'autres
transformations à cause de l'apparence de surdité
passagère du ministre devant les revendicateurs de changements à
la loi 75. Et, devant cette similisurdité passagère et
provisoire, ils étaient sûrs à l'avance que le ministre
remettrait la main à la pâte. Ils en étaient sûrs;
parce que, faisant une loi non applicable de façon tangible et pratique
sur le territoire, sur le terrain, ils étaient sûrs qu'il
reviendrait. (21 h 10)
En faisant une loi difficile à administrer, difficile à
faire appliquer, qu'on dit, entre guillemets, non gérable - qui est un
anglicisme de mauvais aloi - en mettant le monde dans une situation comme
ça, en ouvrant la porte aux quatre qui sont sept, huit, neuf, on s'est
bien rendu compte que le ministre voulait arriver dans une espèce de
cul-de-sac législatif, la loi n'étant pas administrable, pour
revenir à la charge avec de gros sabots législatifs et lui donner
ce qu'on appelle dans le métier législatif le coup de massue
verbatimé.
Alors, ils disent, ici, voyant venir le coup: «Après
plusieurs mois de négociations, nous avions atteint l'objectif
recherché». Les gens ne voulaient pas. D'ailleurs, encore
aujourd'hui, les travailleurs, en majorité, ne veulent pas: 225 000 sur
400 000. L'objectif recherché, c'est d'essayer d'avoir une
majorité des travailleurs - on est loin de l'avoir - c'est de le leur
faire accepter. La conciliation est beaucoup plus facile, comme disait le
député de Labelle, entre les travailleurs syndiqués des
grandes surfaces qui sont avec les TUAC. C'est bien plus facile d'avoir un oui.
Mais, malgré ça, ils ne voulaient pas. Le si- gnataire, c'est
Yvon Bellemare, directeur québécois des TUAC. Et, malgré
qu'ils ne voulaient pas, ils ont forcé la main de leur syndicat, par
solidarité pour d'autres travailleurs.
D'ailleurs, Ro-Na nous envoie une lettre - M. le ministre, vous l'avez
certainement vue - pour dire que c'est inapplicable. Ils sont syndiqués,
eux. C'est inapplicable, la loi qui s'en vient. Attention, là! On vous
disait: La loi 75, 94 mémoires, pendant 220 heures. Vous avez fait une
simulation de surdité intempestive. En plus d'être provisoire,
elle était intempestive. Eh bien, vous ne l'avez pas pris. Vous avez
fait la loi comme bon vous semble, du côté du gouvernement, et
vous n'êtes pas capable de l'appliquer. Là, vous arrivez, vous la
changez encore. Et on vous dit encore qu'elle ne sera pas applicable, que
ça va être très difficile à gérer sur le
territoire. On y va pareil. On va y aller pareil. On n'entendra personne, on ne
les écoutera surtout pas. Ils ont mis des heures, qu'ils disent, des
mois, et ils demandent à l'Opposition de laisser aller - de laisser
aller - le législateur là-dessus, même si la
majorité des travailleurs concernés n'en veulent pas, de cette
loi, et qu'ils disent encore qu'elle ne sera pas...
On commence à recevoir... Vous savez, on ne fait pas fureur,
là. On essaie de faire oublier les problèmes économiques.
On essaie d'oublier tout ça par des amendements à la loi 101, par
l'ouverture les dimanches. On essaie de mettre de l'éblouissement dans
l'oeil un petit peu distrait, durant que les fêtes de Noël nous font
clignoter et miroiter toutes sortes de petits scintillements qui sont
plaisants, n'est-ce pas, mais qui nous distraient des lois qu'on passe à
l'Assemblée. Eh bien, monsieur... J'ai fini? O.K. Bien, en
conclusion...
Le Président (M. Audet): Concluez.
M. Blais: ...eux, ils ont changé leur fusil
d'épaule, mais ils se sont accrochés un peu le nez en le
transférant. Ils ne sont pas tout à fait d'accord, mais ils se
sentent obligés parce qu'ils pensent qu'il y a un consensus qui est
arrivé. Mais ils ne sont pas sûrs. Et ils disent: Si on brasse
trop la cage, ce consensus apparent tombera. Et on a une preuve évidente
que les travailleurs de ce milieu, en grande majorité, n'en veulent pas,
de cette nouvelle éventuelle loi. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Président (M. Audet): Merci, M. le député
de Masson. Je vais maintenant reconnaître Mme la députée de
Marie-Victorin. Vous avez 10 minutes, madame.
Mme Cécile Vermette
Mme Vermette: Merci, M. le Président. Effectivement,
à la suite de mes collègues, moi aussi, j'aimerais bien pouvoir
entendre le syn-
dicat des Travailleurs unis de l'alimentation et du commerce et
comprendre, en fait, sur son virage. Comment se fait-il qu'en si peu de temps -
dans le fond, sur deux ans - ils aient pu arriver à complètement
prendre une autre orientation, alors que, déjà, en 1990, ils
étaient très fermes au niveau de leur jugement en ce qui concerne
la loi 75 de l'époque et que, pour eux, il n'était pas question,
d'aucune façon, en fait, d'ouvrir le dimanche? Et aussi, plus
particulièrement, ils faisaient état, justement, de certaines
formes de commerce, notamment les pharmacies - on s'en souviendra - genre Jean
Coutu, les fruiteries, les grandes surfaces. Ce revirement de but en blanc est
assez surprenant et ce serait tout à fait opportun de pouvoir prendre en
considération leurs explications pour essayer de se faire une
idée. Ce n'est pas tout à fait évident, à l'heure
actuelle, qu'on puisse apporter une forme de crédibilité à
leur discours en se demandant c'est quoi, leurs intérêts,
qu'est-ce qu'ils visent par ce changement de position et est-ce qu'ils ont
réellement aussi regardé l'impact que ça pouvait avoir au
niveau du travail, autant chez les femmes que chez les jeunes.
J'aurais aimé, moi, leur poser un certain nombre de questions,
notamment sur le nombre de femmes qui sont syndiquées à
l'intérieur du syndicat, le nombre de femmes qui sont impliquées
par des emplois permanents, le nombre de femmes qui sont impliquées par
des emplois occasionnels, temporaires, le nombre de jeunes qui sont
impliqués, l'âge aussi de ces jeunes qui sont impliqués
dans le domaine des services au niveau de certains commerces, et de
l'alimentation plus particulièrement. Parce qu'on sait très bien
que beaucoup de jeunes, après les heures de classe ou même
à l'heure du midi, parce qu'ils ont des horaires coupés dans les
écoles, se précipitent dans certaines grandes surfaces ou
chaînes alimentaires pour aller travailler. Et, effectivement, ça
a une influence, en tout cas, au niveau du comportement de ces jeunes et de
leur rendement scolaire. Et on sait à quel point, à l'heure
actuelle, on a des problèmes avec le décrochage scolaire chez nos
jeunes, surtout au niveau du secondaire.
Donc, est-ce que tous ces gens ont regardé, en fait, d'une
façon globale l'impact socio-économique d'une telle
revendication? Ça aurait été intéressant de pouvoir
en discuter avec eux pour réellement faire le tour de cette question en
profondeur et pour vraiment se demander: Bien, écoutez, peut-être
qu'il y a quelque chose qu'on n'aurait pas saisi. Et on aurait
été heureux, finalement, d'en prendre connaissance et de refaire
notre discussion à la lumière de nouveaux faits. Mais, si on ne
peut pas les entendre, évidemment, nous serons obliges de garder, en
fait, notre façon de voir, notre perception, à la lumière
même de notre réflexion, puisque nous ne pourrons pas avoir cet
échange qui serait si important et éclairant, en fait, pour les
fins de nos travaux.
Alors, M. le Président, je me demande pourquoi, alors
qu'actuellement un peu plus de 225 000 travailleurs disent non à
l'ouverture des heures de commerce le dimanche, les TUAC, en fait, eux,
réclament maintenant l'ouverture des commerces le dimanche, et plus
particulièrement au niveau des grandes surfaces. Pour autant, tous ces
petits commerces où on n'est pas syndiqué, où il y a une
classe de travailleurs qui sont laissés pour compte, qu'est-ce qu'on en
fait? Pourquoi, dorénavant, leurs intérêts ont-ils
changé? Parce que, quant à moi, la syndicalisation, ici au
Québec, n'a pas fait réellement de progrès au niveau de
toutes ces classes d'employés qui sont au salaire minimum, qui ont de la
difficulté à s'en sortir, qu'on traite assez
aléatoirement, selon les besoins et la disponibilité, en fin de
compte, de l'employeur et qui doivent se plier aux exigences d'un tel
employeur. Je trouve que, comme société, actuellement, on fait
payer chèrement le prix, notamment aux femmes et à ces
jeunes.
Et j'aimerais particulièrement relever au ministre, en fait,
certains faits qui se sont passés au niveau des femmes en région.
Ces femmes en région sont défavorisées et ce qu'elles
ressortent, ces femmes, c'est que... Bon, en fait, la plupart des femmes
disent: Docteur, j'ai attrapé la monoparentalité. C'est comme si,
de plus en plus, en fait, les femmes, étant monoparentales, avaient des
symptômes d'appauvrissement qui les accompagnent. Je pense que c'est par
là qu'on peut s'apercevoir à quel point ces femmes, de travail
précaire en travail précaire, de travail occasionnel en travail
occasionnel, se retrouvent toujours de «jobine» en
«jobine», de salaire minimum en salaire minimum. (21 h 20)
Et elles se disent: Pourquoi aurais-je, moi, en fait, à assumer
toutes sortes de responsabilités? Je dois, moi, participer à des
emplois au salaire minimum ou à salaire précaire, et, pour
autant, ça me rapporte si peu. Parce qu'il y a les garderies à
considérer, il y a les frais de transport à considérer. Et
nous savons pertinemment que, dans la société, à l'heure
actuelle, au niveau des frais de transport, ils ont de plus en plus
augmenté. Ça a augmenté d'une façon faramineuse,
les frais de transport, et ce n'est pas évident pour ces femmes, surtout
dans des régions éloignées, la facilité pour elles
d'accéder à leur lieu de travail. Au chapitre des garderies,
est-ce que, effectivement, on les favorise aussi, ces mêmes femmes qui
travaillent à des heures parcellaires, des heures brisées, et
aussi, en fait, à des salaires plus ou moins intéressants? Alors,
c'est bien sûr que, quand on regarde, en fait, ce qu'elles
dépensent pour aller travailler, ça ne prend pas tellement de
temps à faire cette comptabilité-là et on
s'aperçoit qu'elles sont beaucoup plus souvent qu'autrement
déficitaires que, finalement, gagnantes à ce niveau.
Et la plupart des femmes nous disent... Écoutez, je vais vous
lire les données du Conseil du statut de la femme, bureau de Rimouski,
qui révèlent que plus du tiers des femmes de la région
occupaient en 1986 un emploi à temps partiel et que les mères
sans conjoint gagnaient en moyenne 16 266 $ annuellement, contre 37 036 $ pour
les conjointes. Par ailleurs, le revenu personnel des femmes de la
région se situait cette année - alors, on parle de 1992 -
à 7383 $ comparativement à 9303 $ pour les femmes de l'ensemble
du Québec, tandis que les femmes de moins de 25 ans n'atteignaient que
3263 $. Alors, M. le Président, on peut s'apercevoir que ce n'est pas ce
genre de travail là qui rend les femmes plus riches ou, en tout cas, qui
va leur favoriser des dépenses impulsives, à mon avis. Je crois,
au contraire, que, les pulsions, on doit vraiment les refroidir le plus
possible, M. le Président, quand on est dans des conditions
économiques aussi précaires.
Et Mme Ruth Rose, qui, vraiment, est une économiste et
professeure à l'université, disait: La vision globale et
l'analyse sociopolitique de l'appauvrissement des femmes. Elle disait que c'est
réellement très éloquent actuellement. «En ce qui
concerne les femmes monoparentales, la conférencière a
démontré que les femmes des États-Unis, du Canada et de
l'Allemagne travaillent et qu'elles sont pauvres et, par contre, qu'aux
Pays-Bas elles ne travaillent pas, mais ne sont pas pauvres, tandis qu'en
France et en Suède elles travaillent et ne sont pas pauvres. Ici,
a-t-elle expliqué, nous avons des mesures qui réduisent les
femmes monoparentales à la dépendance, alors qu'en Suède
ces femmes bénéficient de politiques de soutien à
l'autonomie. En outre, la Suède a pris des mesures pour rehausser les
bas salaires, et les femmes en ont profité.»
Donc, moi, j'aurais aimé, en fait, qu'on ait de telles
dispositions davantage que de maintenir le salaire précaire au niveau
des femmes et surtout dans des conditions plus ou moins intéressantes
quand on regarde, en fin de compte, les heures sur lequelles elles devront
maintenant étaler leurs heures de travail et leur performance au niveau
du travail. Et je considère qu'à ce moment-ci ce n'est rien pour
aider ces femmes monoparentales. Quand on sait le nombre croissant de
monoparentalité ici, au Québec, ce n'est rien pour aider,
justement, l'éducation des jeunes dans notre société
aussi, M. le Président.
Et j'aimerais terminer avec un fait assez cocasse, qui s'est
passé dans la région de Val-d'Or à l'époque des
fêtes. C'est qu'à un moment donné les gens ont volé,
M. le Président, un panier à provisions d'un montant de 400 $. Et
les gens qui sont allés voler avaient un «bat» de baseball
parce que, justement, pour eux autres, c'était tellement essentiel de
manger. Ça faisait longtemps qu'ils n'avaient pas pu se procurer des
biens de consommation au niveau de l'alimenta- tion. alors, voyez-vous
où est-ce qu'on en est rendu? il y a certaines régions du
québec, en tout cas... je ne pense pas que les tuac aient mesuré
l'impact de leur position et ça aurait été
intéressant de pouvoir échanger là-dessus en leur
demandant quelle vision ils ont au niveau de notre société
à l'heure actuelle.
Le Président (M. Audet): Merci, Mme la
députée de Marie-Victorin. Je vais maintenant reconnaître
M. le député d'Orford. Vous avez 10 minutes M. le
député d'Orford.
M. Robert Benoit
M. Benoit: Très bien. Merci, M. le Président. Il y
a quelques petites erreurs qui se sont glissées. Je suis sûr
qu'elles n'étaient pas de mauvaise volonté. Je veux juste les
replacer. Il y a, d'abord, le député de Labelle qui, à
deux occasions, a mentionné qu'en France les commerces n'ouvraient pas.
Alors, en France, j'étais moi-même surpris d'apprendre qu'un
commerçant ouvrant seul dans son établissement peut y travailler
autant qu'il le souhaite. Donc, en partant, il y a là une exception
importante. Il y a aussi 13 secteurs d'activité en France où on
permet l'ouverture des commerces. Et j'irai plus loin que ça, M. le
Président. On avait peut-être omis de mentionner cette
chose-là: des dérogations peuvent aussi être permises par
le maire de la municipalité ou le commissaire de la République.
Je ne sais pas ce que c'est, un commissaire de la République, là,
mais j'imagine que c'est une manière d'agent de paix. Alors, on a
mentionné à deux occasions qu'en France il n'y avait pas
d'ouverture de commerces. Là, il y a erreur sur la personne. Tout
récemment, il y a quelques instants, la députée de
Marie-Victorin - que j'aime bien - nous disait qu'en Suède les commerces
étaient fermés. Alors, on dit: En général,
ouverture tard le soir et le dimanche jusqu'à 16 heures, pour ce qui est
de la Suède et des pays nordiques.
M. le Président, un des députés, tantôt, nous
disait: Oui, mais il n'y a pas d'étude qui démontre que, advenant
l'ouverture le dimanche, ça ne sera pas la fin des petits commerces.
J'ai effectivement essayé d'en trouver une, étude, et il y en a
une qui existe - malheureusement, pas au Québec - aux États-Unis.
Cette étude, elle a porté sur 555 PME dans cinq États de
la Nouvelle-Angleterre, qui permettaient, à partir de 1986, M. le
Président, l'ouverture des commerces le dimanche. Il y a un
échantillonnage qui a été fait sur différents types
de commerces par la taille et la localisation et, dans tous les cas,
c'étaient des petits commerces. C'est au moment où ce qu'on a
appelé aux États-Unis la «blue law» a
été enlevée, finalement.
Je vous énumérerai six points qu'on doit retenir de cette
étude-là. Le tiers des PME échantillonnées ouvrent
leurs portes le dimanche;
donc, ce n'est pas l'ensemble - 68 % - alors que seulement 20 % des
magasins de vêtements font des affaires le dimanche. Alors, c'est
intéressant de voir que ce n'est pas tous les secteurs qui ont
décidé de suivre, c'est certains secteurs.
Le deuxième point que j'ai retenu dans cette étude, qui
est intéressant, M. le Président: 90 % des PME ouvertes le
dimanche font des profits. Alors, encore une fois, ça porte sur 555 PME,
dans cinq États américains, après l'ouverture. C'est fait
par MM. N.G. Barnes et Chopoo-rian et ce fut publié dans le Journal
of Small Business Management le 2 avril 1987. Donc, 90 % des PME qui
décident d'ouvrir après la libéralisation de la
«blue law» dans ces États-là font de l'argent.
Troisièmement, des établissements ouverts le dimanche, 87
% précisent que l'obtention de personnel pour cette journée ne
pose aucun problème. Ça revient à ce que Jean Coutu nous a
dit, ça revient à ce que d'autres nous ont dit en 1990: 87 % de
ces PME-là précisent que l'obtention de personnel pour cette
journée ne pose aucun problème.
Le quatrième point que j'ai retenu de cette étude: si plus
du tiers des établissements font état d'une clientèle
différente le dimanche, les deux tiers des commerces ne modifient en
rien leur publicité. Des gens ont dit: Ils vont faire des campagnes de
publicité le dimanche pour que ça soit pire encore. Bien, eux,
ils nous disent, dans cette étude-là - et j'ai tout à
croire qu'elle est sérieuse: Des établissements font état
d'une clientèle différente le dimanche. Les deux tiers des
commerces ne modifient en rien leur publicité, leurs spéciaux sur
place ou leur stratégie de commercialisation. Alors, que ça soit
le mercredi ou le dimanche, M. le Président, c'est la même
stratégie d'approche.
Cinquième point qui m'a impressionné: la
rentabilité d'un commerce ouvert le dimanche ne dépend pas de
l'endroit où il est situé. Alors, il y a des théories qui
voulaient que, si vous étiez près d'un centre d'achats, vous
étiez obligé de suivre le centre d'achats. Cette
étude-là démontre que la localisation... Peu importe
où vous êtes situé, finalement, c'est plus votre produit,
le service, votre compétence qui font que vous allez faire de l'argent,
que vous allez rentabiliser votre commerce.
Le sixième point - et je pense qu'il est peut-être le plus
important; je vous lis textuellement ce qu'on y dit: «...constitue une
sortie familiale, ce qui est moins le cas la semaine.» Cette étude
conclut que, en dépit de la crainte de certains commerçants des
impacts potentiels négatifs d'une libéralisation des heures
d'ouverture, les PME du secteur commercial s'adaptent relativement bien au
défi qu'a posé l'abandon de la «blue law» en
Nouvelle-Angleterre.
Et, M. le Président, si j'étais constant avec
l'argumentation où on nous dit, de l'autre côté, qu'ici il
y a beaucoup plus de petites PME que de grandes surfaces, bien, finalement,
chez eux, ils devraient être plus affectés encore, parce que, les
grandes surfaces occupant tellement plus de terrain, les plus petits, lors de
l'ouverture du dimanche, auraient dû se trouver dans une situation
vraiment compliquée. Et on s'aperçoit que ce n'est pas ça,
M. le Président, qui s'est passé. (21 h 30)
Alors que, chez nous, les PME ont déjà le contrôle
sur beaucoup de secteurs ou, en tout cas, sont très importantes dans
plusieurs secteurs, j'ai tout à croire et je crois et j'ai toujours cru
que le consommateur, qu'il soit américain, qu'il soit
québécois, qu'il soit manito-bain, est relativement à peu
près pareil. Et les études démontrent que le consommateur,
qu'il soit québécois ou albertain ou vermontois, a à peu
près les mêmes réflexes. Il va où il y a des
«bargains», il y va quand c'est ouvert, etc. Alors, j'ai tout
à croire que les gens du Québec, les PME du Québec, M. le
Président, vont se comporter comme ces 555 compagnies qui ont
été étudiées d'une façon tout à fait
sérieuse et le résultat est loin d'être l'apocalypse qu'on
veut bien nous prédire, de l'autre côté. J'arrête
ici, M. le Président. J'ai pris pas loin de mon temps et je vous
remercie.
Mme Vermette: M. le Président, question de
règlement parce que le député d'Orford m'a imputé
des propos que je n'ai pas dits.
M. Benoit: On vient de m'aviser que ce dont vous avez
parié, c'est de la qualité de vie des femmes en Suède.
Mme Vermette: Oui, voilà.
M. Benoit: Alors, je m'excuse, j'ai mal compris.
Mme Vermette: J'ai dit qu'au Québec, ici, on maintenait
les femmes monoparentales dans une situation de dépendance alors qu'en
Suède elles ne travaillaient pas, mais elles n'étaient pas
pauvres. Là, il y a une nette nuance. C'était très
différent.
Le Président(M. Audet): merci, mme la
députée. merci, m. le député d'orford. sur une
autre question de règlement, m. le député de masson.
M. Blais: Je vous remercie beaucoup, M. le Président. Tout
d'abord, je tiens à dire que j'ai fait mon 10 minutes, juste avant le
député d'Orford, et je lui ai demandé de regarder si
j'étais pertinent. J'ai parié de la motion les...
Le Président (M. Audet): Ça va, ça
va. M. Blais: Un instant.
Le Président (M. Audet): Ce n'est pas une question de
règlement.
M. Blais: Vous n'avez pas parlé du tout de la motion.
Le Président (M. Audet): Ce n'est pas une question de
règlement. Merci. M. le député de Laviolette, sur une
question de règlement.
M. Jolivet: M. le Président, c'est sur le fait que je
voudrais demander au député d'Orford s'il me permettrait une
question.
Le Président (M. Audet): Est-ce que... M. Benoit:
Non, merci, M. le Président.
Le Président (M. Audet): Bon. Est-ce qu'il y a d'autres
intervenants?
M. Jolivet: Ça aurait été
intéressant.
Le Président (M. Audet): M. le député de
Drummond. Après, je reconnaîtrai Mme la députée de
Taillon. M. le député de Drummond.
M. St-Roch: M. le Président, je vais donner la chance
à Mme la députée de Taillon de faire son intervention et
je reviendrai après.
Le Président (M. Audet): Alors, Mme la
députée de Taillon, puisque c'est le souhait du
député de Drummond, vous avez la parole.
Mme Pauline Marois
Mme Marois: Je vous remercie, M. le Président, et je
remercie aussi le député de Drummond de me permettre d'intervenir
à ce moment-ci. Ce qui aurait été pertinent, cependant,
c'est que le député d'Orford puisse nous donner les sources de
son document, dans quels États cela se passait et en quelle année
l'étude a été...
M. Benoit: Je les ai données, madame. Je pense que vous
n'avez pas écouté.
Mme Marois: Je m'excuse, j'ai peut-être été
inattentive au début de votre intervention.
M. Benoit: L'étude a été... Est-ce que je
peux répondre?
Le Président (M. Audet): À l'ordre, s'il vous
plaît! Non, non, on n'est pas à la période...
Mme Marois: Non, ce n'est pas prévu, mais peut-être
que vous pourriez déposer le rapport.
Le Président (M. Audet): C'est Mme la
députée de Taillon qui a la parole.
Mme Marois: C'est tiré du document. C'est parfait, je vais
le retrouver certainement très facilement. Alors, M. le
Président, moi, je vais revenir sur la motion elle-même - je vous
remercie - qui est d'entendre les Travailleurs unis de l'alimentation et du
commerce. Mes collègues l'ont mentionné, mais je pense que ce
n'est pas inutile de revenir sur cet aspect, à savoir qu'il y a deux ans
et demi, en fait, le président de la Coalition contre l'ouverture des
commerces le dimanche était le président des TUAC. C'est assez
intéressant. Je relisais leur prise de position de l'époque.
C'était M. Michel Brunet, qui était aussi président des
TUAC, qui n'occupe plus maintenant cette fonction et qui, du fait de la
présence des TUAC à la Coalition, avait accepté la
présidence de la Coalition.
Alors, ce serait sûrement très intéressant que les
TUAC viennent témoigner et viennent nous dire quels ont
été les éléments sur lesquels le ministre a
insisté, qui les ont fait modifier leur position pour appuyer maintenant
le projet. Le ministre nous dira sans doute qu'ils sont venus le voir. Sauf
qu'ils ne sont pas venus rencontrer la commission. Or, c'est la commission qui
légifère, ce sont les membres de l'Assemblée nationale qui
légifèrent. Donc, ça va de soi que c'est dans une
dynamique...
Une voix: Ils sont allés vous voir aussi.
Mme Marois: C'est vrai qu'ils sont venus nous voir, mais c'est
fort différent, avoir un débat derrière des portes closes
versus une discussion publique avec un échange qui permet, à mon
point de vue, d'étaler beaucoup plus largement, souvent, les positions,
d'aller chercher des objections qu'on pourrait avoir pour essayer de voir
comment les représentants des travailleurs et des travailleuses
pourraient les contrer. Je suis, moi, en fait, très inquiète de
ce qui est dans le projet de loi et un des articles qui m'agacent le plus et
sur lequel les TUAC auraient pu nous donner sûrement des indications,
c'est cette question de volontariat.
D'abord, dans le projet, on prévoit que c'est une clause qui
n'est valable que pour trois ans. Alors, ça va bien, de toute
façon, je pense, pour les travailleurs et les travailleuses qui sont
syndiqués et qui ont des outils pour se défendre et pour se faire
représenter. Mais c'est 18 %, nous disent les dernières
statistiques, dans le secteur du commerce de détail, de gens qui sont
syndiqués. C'est souvent, effectivement, dans les grandes surfaces
où les outils pour se faire représenter sont beaucoup plus
élaborés.
La semaine dernière, il y a quelques jours, quand j'expliquais ce
qui faisait l'opposition de certains types de commerces, entre autres des
quincailleries, si on exclut les grandes quincailleries, les quincailleries
à grandes surfaces qui
sont moins spécialisées, je ne pariais pas à
travers mon chapeau. Ce soir, on a un bel exemple de ça: Ro-Na Dismat
qui nous dit: S'il vous plaît, voulez-vous nous enlever la clause 13 qui
prévoit le volontariat? C'était exactement l'objet de ma
démonstration, la semaine dernière. Ces entreprises-là, si
elles veulent offrir un service de qualité, elles doivent avoir du
personnel spécialisé capable de répondre à leurs
clients. C'est vrai des marchands de meubles et c'est vrai d'un certain nombre
d'autres commerces qui doivent offrir un service - je me répète,
je le redis - de qualité. Alors, c'est évident que le volontariat
est absolument inimaginable dans leur cas.
Alors, ceci va faire qu'ils vont s'instaurer un certain nombre de
règles qui vont faire qu'on va encadrer le volontariat. Probablement,
dans le fond, et sans que ce soit malveillant, mais parce que la
«shop» fonctionne à ces conditions-là, ce qu'on va
faire, c'est qu'on va faire en sorte que les gens, pendant la semaine, aient
des heures moins intéressantes, à moins qu'ils n'acceptent de
travailler le dimanche. Bon. Et, comme je dis, ce n'est même pas de
mauvaise foi, ce n'est même pas malveillant; c'est parce qu'ils savent
que, le dimanche, ce n'est pas vrai qu'ils peuvent fonctionner avec des
étudiants qui changent tous les trois mois.
Ro-Na a fait une expérience intéressante. D'ailleurs, je
suis persuadée qu'eux aussi pourraient être invités,
mais... Cela étant dit, Ro-Na a fait une expérience
intéressante d'insertion des jeunes en emploi et de formation de jeunes.
Entre autres, ils accueillaient des jeunes bénéficiaires de
l'aide sociale qui vivaient des stages de formation, et ils les ont
embauchés dans leur magasin, sur leur plancher. Ça s'est fait
dans différents secteurs d'activité. Mais ils sont venus maintes
fois nous expliquer - et j'ai eu la chance, parce que je pense que
c'était une chance, de voir comment se vivait une expérience
comme celle-là - comment c'est long, former des gens et que c'est un
investissement énorme. D'ailleurs, on le sait, on est pris avec ce
problème-là qui est un problème majeur dans notre
société. Alors, c'est évident qu'ils n'investiront pas et
qu'ils ne peuvent pas le faire, de toute façon, auprès
d'étudiants qui vont être là pour trois mois ou pour six
mois. Alors, ils vont compter sur leur personnel régulier.
Déjà, ils font des pressions, on a les lettres, pour nous dire:
Faites enlever, s'il vous plaît, cet article-là qui prévoit
le volontariat.
Moi, j'aimerais ça que les TUAC viennent nous dire comment ils
vont combattre cette objection-là qui va se manifester dans les
entreprises. Et ça va se généraliser, à mon point
de vue, d'une façon assez systématique. Ce serait
intéressant que ceux-ci puissent nous dire ce qui va se passer dans les
cas où les travailleurs et les travailleuses ne sont pas
représentés, où c'est un peu les règles du
marché qui jouent essen- tiellement. Si le ministre trouve ça
compliqué, là, d'appliquer sa loi dans un certain nombre de
marchés aux puces, qui ne sont pas 10 000, comment va-t-il s'assurer que
le Code du travail ainsi modifié - parce que je pense que c'est
ça que ça fait - va être appliqué dans les 10 000
entreprises qui vont être ouvertes le dimanche? Est-ce qu'il va y avoir
des milliers de contrôleurs qui vont aller vérifier? Est-ce qu'il
va procéder par plaintes? Si une plainte a des effets de
représailles, est-ce que c'est la Commission des normes du travail qui
va assumer ça? Parce qu'il y a des milieux qui ne sont pas
syndiqués, je le disais. Comment va-t-on s'assurer du contrôle de
cela? Par plaintes? Par la Commission des normes du travail? Est-ce que c'est
comme ça qu'on va procéder?
Le Président (M. Audet): Une minute.
Mme Marois: Oui, M. le Président. Dans ce sens-là,
ce serait intéressant que les TUAC viennent nous dire, eux, ce qui a
justifié, un, leur changement de point de vue et comment ils pourraient
répondre aux objections qu'on pourrait avoir. Le ministre m'a dit: C'est
indiqué dans la loi comment ça va procéder, etc. Moi, je
vous dis: C'était indiqué dans sa loi 75 qu'il allait
procéder à la vérification et aux enquêtes dans les
marchés aux puces, qu'il allait faire que sa loi allait être
applicable, équitable et durable. Or, elle ne l'a pas été.
Alors, est-ce que je peux avoir des doutes, maintenant? Si j'ai des doutes,
est-ce que je peux les vérifier avec les premiers concernés qui
ont été ceux qui ont donné leur aval? (21 h 40)
D'ailleurs, je trouve qu'ils ne sont pas très, très
actifs, actuellement, dans la défense de leur dossier. On les entend peu
sur la place publique pour dire qu'ils appuient, encore d'une façon
solide, le ministre, son projet de loi. Il me semble que ce serait
intéressant qu'ils aient des représentants, ici, pour venir ne
serait-ce que donner un certain appui au ministre, comme on a eu, la semaine
dernière, des gens qui ont suivi nos travaux pendant de longs moments.
Qu'on pense aux représentants des marchands de meubles, qu'on pense aux
représentants de la Fédération canadienne de l'entreprise
indépendante, qui ont suivi les débats et qui se sont
montrés disponibles si on avait voulu les entendre. Ils étaient
là, d'ailleurs, quand on faisait les motions, ici, M. le
Président.
Cela étant dit, je ne dis pas que tout le monde devrait
être ici en train d'écouter la commission, mais je dis que le
ministre devrait être sensible à notre demande pour que les TUAC
soient entendus ici, M. le Président.
Le Président (M. Audet): Merci, Mme la
députée. Je vais maintenant reconnaître M. le
député de Drummond. Vous avez 10 minutes.
M. Jean-Guy St-Roch
M. St-Roch: Je vous remercie, M. le Président. J'ai
à intervenir sur une motion de ma collègue qui veut qu'on entende
les Travailleurs unis de l'alimentation et du commerce. Mais, avant de
débuter, vous me permettrez une petite rétrospective. Pourquoi
serait-il intéressant que ces gens-là viennent nous voir? Mes
collègues ont énormément élaboré... Et
là, je vais me référer à M. le ministre qui nous a
dit, autant à l'Assemblée nationale qu'ici, en commission, dans
ses nombreuses interventions, qu'il y avait des choses qui avaient
changé, que c'est pour ça qu'il faudrait ramener la loi 59 et que
les choses avaient bougé.
J'écoutais attentivement, tout à l'heure, mon bon ami, le
député de l'Acadie, qui nous disait: Bien, on les a entendus, ces
gens-là. On a passé ici 94 mémoires, 220 heures. Pourquoi
les réentendre? Bien, si on fait une loi parce que les choses ont
beaucoup changé, ça se peut qu'il y ait quelque chose quelque
part qui ait bougé. Comme M. le ministre a dit, la semaine
dernière, qu'il va passer à l'histoire comme étant le
ministre qui a ouvert deux fois une loi d'affaires au Canada ou aux
États-Unis ou dans le monde libre, alors j'imagine qu'il n'a pas fait
ça de gaieté de coeur. Il nous avait dit aussi, d'entrée
de jeu, qu'il n'était pas masochiste. Alors, je le crois sur parole. Je
n'ai pas le droit de mettre en doute la parole d'un de mes
collègues.
Ceci étant dit, quand mon collègue, le
député de l'Acadie, dit: Y a-t-il des choses qui sont
changées? M. le Président, moi, pourquoi je veux avoir les TUAC?
C'est parce que ces gens-là se sont objectés d'une façon
musclée, en 1990, pour qu'on n'ouvre pas les heures d'affaires mais
qu'on applique plutôt la loi. Alors, je ne reviendrai pas sur ce
débat-là, mais une chose que je vais faire, par exemple -
ça, c'est mes droits de parlementaire - c'est regarder avec le recul du
temps et être capable objectivement d'évaluer une loi et ce
qu'elle a apporté.
Mais, quand je regarde ça, moi, avant qu'on fasse ça, en
1990, pour 60 % de la main-d'oeuvre dans l'alimentation, c'était du
travail précaire. Ça, c'est les faits, c'est connu. Puis
là, qu'est-ce qu'on a dit? Autant la FTQ que la CSN sont d'accord pour
nous dire qu'aujourd'hui, après deux ans et quelques mois d'application
de la loi 75, 70 % des effectifs ont du travail précaire. Il y a eu un
changement de 10 % de plus de précarité. Mes collègues ont
énormément insisté et on y est revenus la semaine
dernière aussi: malheureusement, ces emplois précaires, la
plupart du temps, ce sont des femmes qui ont à les occuper.
Une autre chose aussi qui a changé. Ça, c'est une des
questions que j'avais demandées, moi, à cette commission, pour me
dire si ces chiffres étaient vrais. Statistique Canada dit que, depuis
deux ans, par hasard, il y a 30 000 emplois de moins dans le secteur du
commerce de détail au Québec. Ça représente 5,5 %
des emplois. Ça veut dire qu'en octobre qu'on vient de passer il y avait
11,2 % de ces gens-là qui étaient en chômage.
Or, on l'a souligné aussi, ma collègue de Chicoutimi l'a
mentionné: alentour de 18,6 % - j'avais 19,2 %, ça bouge
continuellement -19,2 % de ces travailleurs et travailleuses sont
syndiqués. Je pense que j'ai eu à le redire ici, à maintes
reprises, qu'un législateur ne se doit pas de protéger les plus
forts. Il n'est pas ici pour s'attacher à protéger le
corporatisme. Moi, je suis inquiet quand j'entends mon collègue, le
député d'Outremont et aussi ministre de l'Industrie, du Commerce
et de la Technologie, nous dire: Bien, ils sont venus me contacter. Ils sont
venus me le dire. M. le Président, j'ai eu le plaisir, la semaine
dernière, de dire que, quand j'entends des réactions comme
ça, ça me rappelle étrangement les trois cancers qui nous
rongent ici, à l'Assemblée nationale, et dans notre
démocratie. S'il y en a qui sont intéressés, je vous en
ferai préparer une copie des trois facteurs qui font que, finalement, ce
n'est plus l'Assemblée nationale. Nos pouvoirs ont été
usurpés par l'Exécutif et on est ici strictement comme
mandataires.
J'écoutais mon collègue d'Orford qui nous citait des
statistiques d'une étude qui a été faite aux
États-Unis. J'aimerais ça, moi, que les TUAC viennent nous voir
ici, et leur dire: Bien, qu'est-ce que vous remarquez dans les secteurs autres
que l'alimentation? On a une opportunité en or parce que, près du
comté d'Orford, dans le comté d'un autre de nos collègues,
le comté de Shefford, on a fait l'expérience d'ouvrir. Qu'est-ce
que les petits détaillants nous ont dit? Ils nous ont dit, entre autres:
Je suis très déçu du gouvernement. Au lieu de stimuler
l'économie, l'ouverture le dimanche va augmenter les coûts.
À court ou à moyen terme, ça va se refléter sur le
prix de la marchandise, affirme Mme Andrée Cyr, propriétaire de
Cuirs O-ten-tik. Il y en a un autre, M. le Président, qui dit:
L'uniformisation des heures d'ouverture préoccupe également M.
André Cyr, vice-président de la SIDAC du centre-ville de Granby,
qui conclut en disant: Certains marchands emboîteront le pas,
malgré tout le mal qu'ils pensent de la nouvelle loi. Ils ne croient pas
faire un sou de plus, mais ils espèrent éviter le pire, une
baisse.
Et moi, c'est ce que j'entends aussi dans ma circonscription. On a
parlé abondamment, et j'étais au courant aussi, des demandes,
déjà, d'exception. La loi n'est même pas adoptée et
on est ici qu'on demande déjà une exception. Mais, encore
là, quand je regarde dans d'autres milieux où on l'a ouvert... On
parle de l'article 13, à ce moment-ci, mais il y en a un autre qui est
l'article 12. Qu'est-ce qu'ils nous disent? C'est une des questions que j'avais
demandées: les impacts sur les locations, puis être capable
aussi
peut-être, d'entendre, à un moment donné, des gens
qui sont propriétaires de centres d'achats. J'y reviendrai dans quelques
instants. Mais qu'est-ce qu'ils disent, les directeurs généraux
qui opèrent ça? Ils disent qu'il s'agit, en parlant de l'article
12, «de la bête noire de bien des directeurs généraux
de centres commerciaux qui estiment que l'absence de consensus sur les heures
d'ouverture nuit au commerce dominical». Alors, on peut
déjà voir, les restrictions que l'on met.
Et où j'étais inquiet, cet après-midi... Mon
collègue, le député d'Outremont et ministre de l'Industrie
et du Commerce, lorsqu'il a parlé des articles 12 et 13, n'a jamais
mentionné que ces articles-là étaient valables pour 3 et 5
ans. Alors, j'espère, si on a la chance, à un moment
donné, d'entendre quelques organismes et lorsqu'on verra article par
article, que ces restrictions-là sont maintenues dans la loi, parce que,
dans son verbatim tout à l'heure, lorsqu'il nous a fait la grande
synthèse de la loi, bien, il ne l'a pas mentionné.
Et mon collègue de l'Acadie disait: Bien, passons les articles un
par un et on va voir les modifications. Je vais dire, moi, à mes
électeurs - c'est déjà fait, M. le Président, et je
vais avoir encore l'occasion de le faire, pendant une heure et demie de temps,
à ma télévision communautaire, cette semaine: Quand je
regarde passer l'étude d'un projet de loi article par article, il faut
toujours bien voir ce que ça comprend. Le noeud est où? Dans les
réponses qu'on va trouver parmi nos gens. Lorsque je regarde l'article
1, il dit: L'article 2 de la Loi sur les heures et les jours d'admission dans
les établissements commerciaux (LR.Q...) est remplacé par le
suivant: «2. Sous réserve des articles 5 à 14...», et
on cite des heures. Alors, le fond de ce projet de loi, la quincaillerie, c'est
les réponses qu'on trouvera lorsqu'on entendra des gens comme les
TUAC.
M. le Président, j'aurais pu vous dire aussi qu'on pourrait
mettre la CSN ou on pourrait mettre la CSD, aussi, parmi ces gens qu'on devrait
entendre. On ne les a pas mis. Pourquoi? Parce que eux n'ont pas change de
position. Mais il y a des préoccupations aussi. Vous avez deux
écoles de pensée, M. le ministre. Vous avez les TUAC qui nous
disent: Nous autres, on veut y aller par volontariat. Puis vous avez la CSN qui
vous dit: Non, nous autres, on préfère avoir des choses
négociées. Puis vous avez la CSD qui dit: Bien, nous, on a peur,
énormément peur que ça nous crée des
inconvénients. Alors, quand on regarde la position de la CSN et celle de
la CSD, bien, c'est des positions qui sont conformes, oui, qu'on peut retracer
dans leurs mémoires d'il y a deux ans passés, lorsqu'elles sont
venues ici nous présenter leurs mémoires.
Alors, quand je regarde, moi, M. le Président, tous ceux qu'on a
demandé d'entendre ici, bien, c'étaient sur des choses qui
étaient nou- velles, des choses qui avaient bougé, qui avaient
changé dans le temps. Lorsque j'ai fait la motion pour entendre le
président d'Alimentation Couche-Tard, une des grandes PME dans
l'alimentation, c'est le président lui-même qui nous a dit:
Attention, on a perdu 3500 jobs. Attention! On est vulnérables pour en
perdre, d'ici 2 à 5 ans, un autre 2000. Bien, c'est des choses qui
changent, qui bougent, ça, M. le Président. Si on ne fait pas
attention, bien, on arrivera avec un projet de loi où, dans un an, dans
deux ans, bien, on constatera encore, avec le recul du temps, comme on l'a avec
la loi 75, de graves lacunes qui ont fait, finalement, en bout de piste, que ce
sont de nos citoyens et de nos citoyennes...
Je vais conclure en vous disant, M. le Président, que le
rôle d'un législateur, c'est toujours d'essayer de protéger
les plus faibles parmi sa collectivité et non le corporatisme. Sur ceci,
j'espère que nous aurons un vote favorable pour entendre les
représentants des Travailleurs et des travailleuses unis de
l'alimentation et du commerce. Je vous remercie, M. le Président. (21 h
50)
Le Président (M. Audet): Merci, M. le
député. Je vais maintenant reconnaître M. le
député de Laviolette. M. le député, vous avez 10
minutes.
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: Merci, M. le Président. Moi, je suis toujours
un peu abasourdi quand un ministre me répond: J'ai rencontré les
groupes, donc, c'est fait. Et, pour se disculper, il dit: Votre critique les a
rencontrés. C'est évident. J'espère qu'elle a fait son
travail. Ordinairement, on sait qu'elle fait très bien son travail,
mais, ça, ce n'est pas mon problème. Moi, je suis un
législateur. On a quelqu'un qui a à regarder des dossiers. Il y a
des personnes qui rencontrent ces groupes-là. Maintenant, eux autres,
ils nous disent: II serait peut-être bon, pour que ce soit connu
publiquement, que ça ait lieu en commission parlementaire. Il n'y a rien
qui a pour but de mettre en doute la parole de quelqu'un ou de dire que cette
personne-là n'a pas fait son travail. Ce n'est pas ça du tout
qu'on demande.
On dit: II y a des gens qui sont venus. Et j'ai assisté à
la commission parlementaire, en 1990. J'ai vu comment ils nous ont
rencontrés en groupe, séparément, en caucus. Après
ça, on les a rencontrés les uns après les autres, parce
que c'était notre travail, notre devoir de le faire, mais ça ne
nous a pas empêchés de réussir à les rencontrer
aussi en commission parlementaire et de faire avec eux le travail qu'on avait
à faire, c'est-à-dire de consultation. Mais me faire dire en
plus: Écoutez, c'est dans la loi, c'est marqué dans la loi, ce
que vous demandez comme questions, moi, je vous dis: Ça peut bien
être marqué dans la loi, mais si elle n'est pas
appliquée, la loi, si elle n'est pas respectée, la
loi...
Écoutez, moi, je me suis fait passer, comme tous les
députés de l'époque, en Chambre - vous n'étiez pas
là, M. le ministre, je vais simplement vous le rappeler pour qu'on sache
à quoi s'en tenir - un projet de loi sur le travail. Il a fallu lutter
jusqu'à 9 h 45 le lendemain matin, pendant une nuit complète.
À 9 h 45, on a eu notre caucus en vitesse et là on apprenait que
le premier ministre venait de donner des ordres au ministre responsable, qui
est votre leader actuellement en Chambre, le ministre de l'Environnement, qui
était le ministre du Travail à l'époque, pour un projet de
loi qui était le projet de loi 30. Ce projet de loi là, il a
fallu l'adopter à la dernière minute de la séance de
l'Assemblée nationale avant l'ajournement de Noël ou de juin - je
pense que c'est en juin - finalement pour voir que ce projet de loi n'a jamais
été appliqué et que, dernièrement, il a
été amendé avant même d'être appliqué.
Ça n'a pas de bon sens. Je veux dire, nous, on n'est pas prêts
à accepter ça de même.
Je reviens à ce que j'ai dit et je le redis: Moi aussi, je suis
tanné de voir qu'on est obligés de prendre des moyens pour
essayer de convaincre le ministre d'entendre des groupes et de ne pas
étudier des projets de loi à la sauvette, mais d'avoir les vrais
chiffres, d'avoir les vrais résultats de ce dont on entend parler. Le
député d'Orford, c'est son droit le plus strict de nous citer le
document dont il a fait mention - et on sait pourquoi il a été
fait à l'époque - pour nous indiquer, à ce
moment-là, les bons côtés. Moi, la question que je voulais
lui poser, à laquelle je n'aurai pas de réponse - parce que
j'imagine que, dans la vie de tout le monde, il n'y a pas juste des bons
côtés, il y a aussi des mauvais côtés: Est-ce que le
député est capable de me dire quels étaient les mauvais
côtés de la mise en application, justement, de l'ouverture des
magasins le dimanche?
Je pourrais lui dire, tout comme je l'ai vécu quand je suis
allé en Floride dernièrement: Ce n'est pas drôle dans les
magasins, vous savez, où c'est ouvert continuellement, en Floride. Je
suis allé, tout dernièrement, en Floride, après le
référendum, comme bien des gens y sont allés. Je vous dis,
ce n'est pas drôle de voir ce qui se passe. Allez voir comment les gens
sont servis, des fois. Ordinairement, ici, au Québec, on va à une
caisse et ça passe vite. Là-bas, ils se parlent entre eux autres
et ils ont du temps en masse. La nuit, c'est ouvert continuellement. Regardez
comment les magasins se retrouvent. Moi, je ne suis pas prêt à
vivre ça. Je ne suis pas prêt à demander à des gens
qui sont des citoyens non syndiqués...
J'ai des gens qui sont des TUAC. Bravo! Moi, parce que j'étais
syndicaliste - et je le suis encore - puis que j'ai travaillé dans ce
sens-là, j'ai appris que le syndicalisme avait comme but de faire un peu
le wagon de tête qui amenait tout le reste, qui faisait suivre l'ensemble
du train. On s'est retrouvés avec des conditions de travail et de vie
qui ont été modelées par les demandes syndicales, mais,
dans le milieu dont vous me faites mention, il n'y en a pas bien, bien qui sont
syndiqués et je ne suis pas sûr qu'à force de faire des
batailles il n'y a pas des gens qui ont décidé de laisser tomber.
Écoutez, ils ont dit: On a vécu la loi 75 en 1990. On a fait tout
le boucan pour empêcher que ça passe. Le gouvernement, avec ses
gros sabots, a décidé de passer sur le corps de tout le monde et
il l'a appliquée, sa loi qui a encore des trous, à ce moment-ci,
non remplis.
Et là, eux autres ils disent: Écoute, ça ne sert
à rien de faire une autre bataille encore; elle a été
faite et on va vivre avec ça. Qu'est-ce que tu veux que je te dise? Le
gouvernement est encore en place. Il va utiliser le moyen qu'il a, qui
s'appelle la guillotine, le bâillon, puis on va le passer, le projet de
loi. Alors, au lieu de se battre contre un moulin à vent, ils ont
décidé de faire autre chose, ce qui ne nous empêche pas,
comme membres de l'Opposition, de nous battre pour tous ceux qui ne sont pas
représentés par ces gens.
Je fais mention de ce que je vis dans ma propre famille, de gens qui
travaillent dans les magasins. Ceci amènerait des complications
simplement au point de vue du couple. La femme travaillant un dimanche, le mari
l'autre dimanche, quand est-ce que tu veux qu'ils aient une vie de famille, ces
gens-là? Quand est-ce que ces gens-là auront la chance de faire
des choses qui soient convenables pour une famille, comme les
évêques le demandent? Ça là, un peu
égoïste-ment, c'est pour servir la personne qui n'a pas eu le temps
d'aller magasiner parce qu'elle voulait faire du ski le samedi plutôt que
d'aller magasiner. C'est ça pareil. C'est de l'égoïsme,
ça. Mais est-ce que, moi, parce que je suis égoïste, je vais
obliger des gens à des choses? Ah, le ministre dit non. Les TUAC, ii va
nous dire qu'ils sont d'accord? C'est le volontariat. Mon oeil, le
volontariat!
Le volontariat pour le gars à Grand-Mère dont je faisais
mention au député de Saint-Maurice tout à l'heure, Emile
Hanna, Au Moins Cher, qui m'a appelé, qui m'a dit: Jean-Pierre, fais
tout ce que tu es capable de faire pour empêcher l'ouverture des magasins
le dimanche. Moi, je le fais en son nom. Jean-Paul Boisvert, à La Tuque,
qui m'a demandé par lettre... Je ne l'ai pas avec moi parce que j'ai
demandé à ma secrétaire de préparer une
réponse lui disant que l'Opposition fait tout ce qu'elle peut pour
empêcher le passage du projet de loi, mais qu'on ne sait pas si le
gouvernement n'utilisera pas ses moyens, que je dis légitimes,
légaux, mais pas mal immoraux, de nous passer sur le corps encore une
fois. Il le fera s'il veut. Une chose est certaine, c'est qu'il l'aura fait en
me passant
sur le corps.
Je parle de choses qui sont réelles, là, de gens qui nous
disent de faire la bataille. Je ne fais pas ça pour m'amuser. J'aimerais
bien mieux faire autre chose et avoir passé le projet de loi, s'il
était convenable. Mais vous m'obligez à faire le travail que je
fais là et je vais continuer à le faire. Le ministre nous dit:
Oui, mais les TUAC ont changé en cours de route. Ils représentent
des employés. C'est évident, je le sais. Ces
employés-là, moi, personnellement, je n'ai rien contre et ils ont
le droit d'être défendus. Mais, moi, ce n'est pas ceux-là
que je vais défendre parce qu'ils sont capables de se défendre.
Je vais défendre ceux qui sont non syndiqués, les sans-voix, les
personnes qui n'ont pas les moyens de faire valoir leur point de vue et qui
nous ont demandé de le faire à leur place.
Et là, je reviens toujours à ma marotte, mais, à
force de le dire, on va réussir un jour à le faire. Pourquoi
sommes-nous obligés d'étudier à la dernière minute
un projet de loi présenté comme celui-là, alors qu'on
aurait plus de bon sens, comme législateurs, si on déposait les
projets de loi à une session et qu'on ne pouvait pas les adopter avant
l'autre session? Vous vous imaginez, on s'est mis des règles parce qu'il
y a les fins de session, maintenant. N'oubliez pas, il n'y en avait pas avant
1976. Quand on est arrivés, nous autres, en 1976-1977, il n'y avait pas
de session qui finissait à Noël. Au mois de janvier, on revenait.
Puis, aux mois de juin, juillet et août, en 1977, j'ai
siégé, moi, jusqu'au 28 août II n'y avait pas de
règles. On s'en est mis pour essayer de vivre plus convenablement comme
législateurs et pour avoir la possibilité de mieux régir
notre temps hors session. Mais, s'il faut changer ça. changeons-le.
Qu'est-ce que c'est que cette folie-là de nous amener ça à
la dernière minute et il faut absolument le passer parce que, si on ne
le passe pas, c'est la faute de l'Opposition, et l'Opposition n'est pas bonne,
l'Opposition fait de l'obstruction? On s'est donné des règles
qui, finalement, nous enfargent.
Pourquoi le ministre, à ce moment-là, n'accepterait pas de
dire... Après les 26 heures qu'on a passées - je ne sais pas
combien d'heures jusqu'à maintenant - en discussions comme on l'a fait
sur la loi 75, après le nombre d'heures qu'on a passées en
commission parlementaire, ça fait longtemps que, si le ministre,
dès le départ, avait accepté d'entendre des groupes sur
lesquels on s'était entendu, on les aurait entendus. Ce serait fait,
là. Probablement que ce serait fait. Mais ce n'est pas ça qui est
arrivé. Le ministre, dès le départ, s'est
entêté à dire: Elle va passer et je prendrai tous les
moyens pour la passer. Je vais être patient, mais elle va passer
Après ça, on nous accuse, nous, d'avoir une idée fixe. Ils
ont oublié de penser qu'ils en avaient une, eux autres aussi. Et elle
l'est encore.
Alors, moi, M. le Président, dans ce con- texte-là, je ne
peux pas faire autrement que d'appuyer une telle proposition, qui est
présentée par ma collègue de Chicoutimi qui a la
responsabilité du travail dans notre groupe parlementaire, pour dire
que, oui, il faut entendre ces gens-là. Je dirais même plus: II
faut entendre tous les gens qui sont sans voix, sans porte-voix autres que
nous. Et n'agissez pas de drôle de façon en nous accusant de les
protéger et de les défendre. Alors, j'appuierai cette proposition
de ma collègue. (22 heures)
Le Président (M. Audet): Merci, M. le député
de Laviolette. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur la motion de Mme la
députée de Chicoutimi? Est-ce que la motion est
adoptée?
Une voix: Adopté. Une voix: Non. Une voix:
Rejeté.
Le Président (M. Audet): Rejeté. Alors, le
vote.
Mise aux voix
Le Secrétaire: Mme Blackburn (Chicoutimi)? Mme
Blackburn: Pour. Le Secrétaire: M. Blais (Masson)? M.
Blais: Pour.
Le Secrétaire: M. Léonard (Labelle)? M.
Léonard: Pour.
Le Secrétaire: Mme Marois (Taillon)? Mme Marois:
Pour. Le Secrétaire: M. Jolivet (Laviolette)? M. Jolivet:
Pour.
Le Secrétaire: M. St-Roch (Drummond)? M. St-Roch:
Pour.
Le Secrétaire: M. Tremblay (Outremont)? M. Tremblay
(Outremont): Contre. Le Secrétaire: M. Benoit (Orford)? M.
Benoit: Contre.
Le Secrétaire: Mme Dionne
(Kamouraska-Témiscouata)?
Mme Dionne: Contre.
Le Secrétaire: M. Bordeleau (Acadie)?
M. Bordeleau: Contre.
Le Secrétaire: M. Lafrenière (Gatineau)?
M. Lafrenière: Contre.
Le Secrétaire: M. Audet (Beauce-Nord)?
Le Président (M. Audet): Contre. Alors, la motion est
rejetée à six contre cinq.
Une voix: Ça chauffe, là! Un petit peu plus, on
brûle.
M. Blais: Six à cinq, M. le Président?
Le Président (M. Audet): Six contre, cinq pour, c'est
ça.
Alors, est-ce que nous sommes prêts à débuter
l'étude du projet de loi, Mme la députée de Taillon?
M. Blais: Question de règlement, M. le Président.
J'aimerais poser une question au ministre, s'il le permet.
Le Président (M. Audet): Sur quoi? Non, il n'y a pas
de...
M. Léonard: En vertu de 213. M. Blais: Je voudrais
parler...
Le Président (M. Audet): Non, non, il n'y a pas
de...
M. Blais: Est-ce que je peux vous demander une question?
Le Président (M. Audet): Non, non, non. M. Blais:
S'il le permet.
Le Président (M. Audet): À moins qu'il n'y ait
consentement de la commission, mais le règlement ne le permet pas, M. le
député.
M. Blais: Mais je ne savais pas comment attirer votre attention
autrement que par une question de règlement, M. le Président. Je
n'ai pas d'autre corde à mon arc. Est-ce que vous permettez une
question?
Le Président (M. Audet): Est-ce qu'il y a consentement? M.
le député de Masson aimerait poser une question au ministre.
Est-ce qu'il y a consentement pour déroger à nos règles?
Il n'y a pas consentement.
M. Tremblay (Outremont): Hum! C'est parce que je connais la
question.
Le Président (M. Audet): Une émission de gaz
lorsqu'il touche les feuilles.
Mme Blackburn: II nous a déjà dit qu'il aimait
mieux s'entendre parler que nous entendre, ça aurait été
l'occasion.
Le Président (M. Audet): Alors, j'ai reconnu Mme la
députée de Taillon. Mme la députée de Taillon,
c'est sur.
Mme Marois: Merci, M. le Président. Alors, j'ai une motion
à présenter. Je vais la présenter et je vais...
Une voix: Vous avez parlé, il y a cinq mi nutes.
Le Président (M. Audet): Vous voulez présenter une
motion? Allez-y, Mme la députée de Taillon.
Motion proposant d'entendre la
Fédération des ACEF du Québec
Mme Marois: «II est proposé qu'en vertu de l'article
244 de nos règles de procédure la commission permanente de
l'économie et du travail tienne, avant d'entreprendre l'étude
détaillée du projet de loi 59, Loi modifiant la Loi sur les
heures et les jours d'admission dans les établissements commerciaux, des
consultations particulières quant à tous les articles dudit
projet de loi et qu'à cette fin elle entende la Fédération
des ACEF du Québec.»
Le Président (M. Audet): Merci, Mme la
députée. La motion est recevable. Alors, vous disposez de 30
minutes.
Mme Marois: Merci, M. le Président. Alors, je pense qu'on
a...
M. Blais: Une question de règlement. M. le
Président, vous déclarez la motion recevable. Dans notre
règlement, c'est marqué: Une motion doit être
écrite. Vous n'avez même pas consulté la motion pour
savoir, d'abord, si elle est écrite et vous la déclarez
recevable. Je ne comprends pas.
Le Président (M. Audet): Non. Je l'ai con sultée,
monsieur, j'ai suivi sur une autre motion qui a été
déposée. Elles sont pas mal toutes écrites pareil! La
forme reste la même et le fond ne varie que pour la
Fédération des ACEF du Québec. Alors, j'ai jugé...
pour épargner du temps aux parlementaires, vous comprendrez.
M. Blais: Vous êtes bien bon.
Le Président (M. Audet): Allez, poursuivez, Mme la
députée de Taillon.
Mme Pauline Marois
Mme Marois: Je vais, d'abord, M. le Président, vous
rappeler que nous essayons toujours de convaincre le ministre qu'il aurait
intérêt à entendre les parties concernées par le
projet de loi que nous voulons étudier. Nous avons proposé qu'on
entende les gens d'affaires, tant ceux qui étaient en désaccord
avec son projet que ceux qui étaient pour. Nous avons proposé
d'entendre des regroupements de gens d'affaires, tant ceux qui étaient
pour que ceux qui étaient contre. Nous avons proposé qu'on
entende des travailleuses et des travailleurs, un des groupes qui se
manifestent en faveur du projet de loi. J'aimerais maintenant qu'on aborde la
question sous l'angle des consommateurs. Dans ce sens-là, le
regroupement qu'est la Fédération des ACEF du Québec est
sans doute le regroupement qui a la plus longue expérience en termes de
défense et de protection des intérêts et des droits des
consommateurs. Vous savez que les ACEF existent au Québec depuis 1962
et, d'une façon systématique, régulière, sans
jamais faillir à la tâche, elles ont défendu les
intérêts des consommateurs et des consommatrices dans tous les
dossiers qui ont eu une certaine importance. Elles font de l'éducation,
elles font de la prévention; elles montent des dossiers. Ces
associations, elles montent des dossiers sur des sujets plus précis, par
exemple, l'endettement du consommateur; elles font des représentations
auprès des gouvernements, etc. Je pense que c'est sûrement le type
d'association qui est le plus pertinent à entendre pour les fins du
débat auquel nous sommes confrontés.
Pour introduire mon sujet, je ne vais pas citer les ACEF, mais un
éditorialiste, celui du Nouvelliste, qui, le mardi 1er
décembre, faisait un bon état de la situation. Je pense que
ça vaut la peine que j'extraie certains des éléments de
cet editorial et que je les commente, pour ensuite aborder le point de vue
défendu par les ACEF et par leur porte-parole, M. Nantel, qui serait
fort bienvenu, d'ailleurs, pour venir en parler plus largement et plus
longuement ici, M. le Président.
D'abord, cet editorial du Nouvelliste. Le titre, d'ailleurs, est
assez significatif: «Sous prétexte d'économie».
Alors, il rappelle que le Parti québécois a obligé
à reporter au lendemain des fêtes le projet de loi sur la
libéralisation des heures d'ouverture et il dit ceci:
«Espérons que ce temps supplémentaire de réflexion
nous permettra de voir que ce projet n'a rien à voir avec la relance
économique du Québec et beaucoup à voir avec un changement
profond dans les moeurs». Je dis ça depuis le début, M. le
Président. C'est intéressant de voir qu'il y en a d'autres aussi
qui pensent comme nous. On n'est pas complètement des êtres
marginaux un peu retardataires, retardés et réactionnaires.
Alors, je continue dans ('editorial de M. Bruneau. Il dit ceci:
«Selon le ministre Tremblay, le commerce le dimanche fera augmenter les
ventes de 1 % et freinera l'hémorragie des achats aux États-Unis
et en Ontario. C'est bien possible, mais, outre que c'est assez mince comme
relance, cela n'a pas fait l'objet de démonstrations bien convaincantes
jusqu'à maintenant. Car le pouvoir d'achat et le taux d'endettement des
ménages demeureront désespérément les mêmes,
magasins ouverts ou pas. Et c'est avant tout les prix plus bas qui attirent
l'acheteur outrefrontières.»
Alors, je m'arrête ici pour un commentaire ou deux. Il
reflète bien, aussi, ce que disent les personnes qui sont au fait des
données économiques en ce qui concerne les consommateurs. J'en ai
fait la démonstration, au début de nos travaux, par
l'intermédiaire du document de l'IRIR, l'Institut de recherche... Par
des comparaisons sur les salaires aux niveaux public et privé, il fait
une démonstration très éloquente. Je pense qu'on n'a pas
à revenir sur cela.
M. Bruneau ajoute: «C'est donc sous un fallacieux
prétexte de relance économique, et pour masquer son
incapacité à redorer l'économie, que le gouvernement
Bourassa tentait à tout prix de faire passer en vitesse sa nouvelle loi
du dimanche. Il y avait pourtant des arguments bien mieux fondés
à faire valoir. Le plus évident, c'est de rendre le magasinage
plus commode, mieux adapté au consommateur d'aujourd'hui.» C'est
M. Bruneau qui dit cela. Alors, vous voyez un peu que c'est pertinent au fait
qu'on entende les représentants des ACEF. Je reprends le texte.
«Pris dans l'engrenage du travail, celui-ci peut échelonner ses
achats sur sept jours.» Le consommateur, on s'entend. «De plus, en
mettant tout le monde sur le même pied, on fait disparaître la
discrimination entre divers commerces introduite par la dernière
mini-réforme de la loi. «Mais que risquent de nous coûter
ces avantages? On ne peut nier que ce changement dans les habitudes de
consommation entraîne des changements dans la manière de fournir
les consommateurs. Des entreprises, les petites naturellement, vont devoir
céder une part du marché aux grandes, qui sont les plus
intéressées à ouvrir le dimanche.» D'ailleurs, elles
forment la majorité de celles qui demandent que l'on ouvre les commerces
le dimanche. Notre éditorialiste continue en disant: «Plutôt
qu'à une création d'emplois, il faut penser surtout à un
transfert d'emplois d'une place à l'autre, et à une
précari-sation plus grande de ces emplois. «Plus
profondément, il y a 30 ans que l'on parle de la société
de consommation. Nul doute que le nouveau mode de vie qui s'installe fait la
part encore plus centrale à la valeur "consommation". Il est normal que
les valeurs évoluent. Mais, s'il faut abandonner les valeurs de la
prière dominicale, de la pratique sportive, du loisir
communautaire, de la vie de famille, pour les remplacer par le magasinage, la
société en sort-elle enrichie? (22 h 10) «De plus en plus
s'installe, chez ceux qui en ont les moyens, l'habitude d'acheter pour le
plaisir plutôt que pour le besoin, sans compter le nombre
inquiétant d'acheteurs impulsifs.» Je sors du texte de M. Bruneau.
Cela correspond exactement à la prétention du ministre, M. le
Président: miser sur des achats impulsifs. Non seulement nous l'a-t-il
dit ici, mais il l'a écrit, M. le Président. Je reviens au texte.
«Le résultat est l'accumulation de surplus de biens encore utiles
dans nos caves et nos greniers, et le gaspillage grandissant de denrées
et de produits de toutes sortes.» Quand on connaît la situation
mondiale en termes de pauvreté et la situation québécoise
en particulier, il me semble qu'on devrait se questionner un peu et
réfléchir à cet aspect-là et sous l'angle que
souligne M. Bruneau. «Il y a de plus en plus deux catégories de
gens: ceux qui achètent et ne savent plus à qui donner leurs
restes et ceux qui sont privés, réduits à s'approvisionner
aux organismes populaires.»
Vous avez entendu, d'ailleurs, ces jours-ci, comment les organismes qui
servent des repas communautaires sont un peu désespérés
devant l'état de la situation qui est connu chez plusieurs de nos
concitoyens et de nos concitoyennes, situation à laquelle,
malheureusement, les décideurs politiques semblent avoir tendance
à s'habituer alors que c'est complètement inadmissible qu'une
société comme la nôtre puisse même imaginer que
ça puisse exister. Il conclut en disant ceci, et je reviens au texte:
«Dans la société de consommation, il y en a pour tous, mais
pas de la même manière». Voilà ce que nous disait M.
Bruneau, le 1er décembre, pour nous dire: Écoutez, les
consommateurs y trouvent-ils vraiment leur compte? Si on dit qu'on fait la loi
pour eux, quels sont leurs besoins? Quelles sont les réalités
auxquelles ils sont confrontés?
Alors, je suis revenue au texte que l'ACEF nous a produit en 1990 et qui
reste tout à fait d'actualité parce qu'il est essentiellement un
texte de principes et un texte de philosophie quant à une échelle
de valeurs. Dans ce sens-là, il ne s'est pas démodé. Il
n'a pas mal vieilli. Il n'est donc pas désuet. Je reviens à ces
commentaires que faisait l'ACEF et, moi, j'aimerais ça les confronter
aujourd'hui avec la situation que vivent les gens qu'ils représentent et
qu'ils défendent. Est-ce qu'elle s'est empirée, cette
situation-là, ou si elle est toujours la même? Voici ce qu'ils
nous disaient dans leur document qui était le mémoire qui avait
été présenté à la commission concernant les
heures d'ouverture. C'est en 1990 que ce mémoire a été
écrit.
À la page 2, ça commence comme ceci: «Le
consommateur et l'accessibilité aux biens de consommation. Si nous
tentons de comprendre le débat actuel sur les heures d'ouverture par une
simple pige d'information ici et là, nous risquons de tomber dans le
piège des affirmations gratuites et non soutenues. Quel est donc le lien
de base entre le consommateur et toute cette grande problématique de
l'ouverture des établissements commerciaux le dimanche? Pour y
répondre, nous nous devons de situer chacun des éléments
réellement impliqués, consommateurs et établissement
commerciaux, sans oublier dans quel contexte le tout se déroule. Le
contexte, c'est un vent de libéralisation économique à
tout prix, où les lois du marché devraient résoudre cette
crise des heures d'ouverture et offrir aux consommateurs, sur un plateau
d'argent, la solution de l'accès aux magasins le dimanche. Mais
d'où sommes-nous partis? Où allons-nous? Et où se situe le
besoin d'accès du consommateur, dans cette dynamique?»
Et là, je sors un peu du texte pour le commenter de la
façon suivante. En fait, l'ACEF fait une éloquente
démonstration du fait que c'est, un peu comme le disait M. Bruneau, sous
un fallacieux prétexte que l'on veut ouvrir les commerces le dimanche,
en se servant du consommateur comme étant au coeur de toutes les
attentes et de tous les besoins. Complètement faux. Complètement
faux. C'est essentiellement une guerre de parts de marchés. Point,
à la ligne. Le consommateur, actuellement, peut trouver ce qu'il faut en
termes de biens essentiels, de biens d'artisanat et même, à mon
point de vue, ça devrait se resserrer davantage sur les biens
commerciaux plus largement accessibles actuellement. Le consommateur trouve ce
dont il a besoin. Alors, cessons de le prendre comme prétexte pour
répondre aux besoins des commerçants. C'est les
commerçants qui veulent ça? c'est les grandes chaînes?
Bien, qu'on le dise Puis, là, on va placer le débat à la
bonne place et on va faire les bonnes discussions.
L'ACEF dit: «On semble oublier que le consommateur est un
être humain avec des besoins et vivant en société».
Et là, l'ACEF va faire une démonstration absolument remarquable
pour dire ceci: «Le consommateur est un être social. Le
consommateur est un être familial. Le consommateur est un être
d'amitié et le consommateur est un être de loisir et de
culture». Et ils ajoutent, en cinquième élément:
«Le consommateur est un être spirituel».
D'abord, un être social. «Le consommateur-citoyen - et je
cite toujours - est un être social à part entière, avec ses
besoins, ses habitudes et ses activités autres que commerciales, un
être en liaison et en communication avec d'autres personnes et groupes de
personnes. S'il est pourvu de besoins immenses de consommation, comme le
soutiennent certains intervenants, il n'est pas. pour autant, dépourvu
de besoins de tendresse, de réconfort, d'affirmation, de confirmation,
d'actualisation de besoins bien humains. Cette évidence, ce consensus
social nous semble telle-
ment oublié et menacé par les tenants de l'ouverture des
établissements commerciaux le dimanche que nous devons nous y
arrêter et l'articuler le plus humainement possible.»
Les ACEF disent: «Pour que cela s'exerce - ce consommateur,
être social - ou se réalise, ça prend un certain nombre
d'heures libres qui sont communes aux autres». M. le Président,
que cela est bien dit! C'est ce que j'essaie de défendre depuis que nous
avons engagé ce débat sur les heures d'ouverture. Je vais vous
dire même plus que cela. En 1990, quand on a soulevé ce
dossier-là - en fait, même en 1989, on a commencé à
en débattre - je vais vous dire que, spontanément, ma
réaction a été: Quelle bonne idée! Je vais pouvoir
me permettre, moi, consommatrice, sans me préoccuper de quelque autre
réalité, d'organiser mon agenda en fonction de mes
intérêts à moi. Ce n'est qu'après une longue
réflexion comme celle que nous propose l'ACEF, qu'après une
discussion avec, entre autres, des travailleuses et des travailleurs - et
ça me déçoit aujourd'hui qu'effectivement ils ne soient
pas plus partie prenante au débat - que je me suis ravisée, que
j'ai dépassé l'apparence et la surface pour aller au vrai fond
des choses. Et c'est ça que nous dit l'ACEF: Le consommateur, un
être social qui a besoin pour vivre, pour se développer, pour
progresser d'autre chose que d'avoir accès à des biens de
consommation qui viennent résoudre ses besoins physiques, ses besoins
matériels, mais pas nécessairement ses besoins moraux, ses
besoins psychologiques.
Le consommateur, un être familial. Que dit l'ACEF? «La
famille nucléaire immédiate s'est modifiée comme d'autres
aspects de la société, mais elle demeure une source importante
d'épanouissement et de transmission de valeurs sociales, qu'elle soit
biparentale ou monoparentale. Elle représente un lieu unique
d'échanges, d'amour, de tendresse et même de controverses.»
Et pourquoi pas? Le ministre le reconnaît lui-même.
«L'écoute pour les enfants, ce n'est rien de très
mystérieux. C'est un moment précieux et merveilleux qui permet un
épanouissement réciproque.»
Et je m'inscris en faux dans ce que disait le député
d'Orford en signalant, dans les citations qu'ils nous donnait tout à
l'heure, que ça devenait la récréation familiale, le fait
d'aller se promener dans les centres commerciaux. Voici ce que nous dit l'ACEF,
en parlant de l'épanouissement réciproque, du moment
précieux et merveilleux: «Là, il faut plus que du temps; il
faut une présence et une complicité. Et l'héritage
à transmettre, il est toujours présent. On ne peut pas le
remplacer par une bebelle dominicale achetée au centre commercial. La
famille au sens large, incluant la parenté, existe encore. Nous avons un
père et une mère qui sont parfois grand-père ou
grand-mère. Et les liens fondamentaux qui nous unissent sont bien
réels. Les uns à la retraite en pleine forme, les autres plus
démunis, les autres en résidence ou, quelquefois, à
l'hôpital, tous, ils aiment nous raconter. Ils s'ennuient. Et quand
va-t-on surtout les visiter? Le dimanche, ce jour de réconfort
social.» (22 h 20)
Et là, suit une série de statistiques qui nous disent
qu'effectivement, quand on exclut la question de la consommation, après
une préférence marquée pour les rencontres, les
échanges familiaux ou entre amis, les gens vont aller vers des projets
de loisirs du type cinéma, prendre un bon repas au restaurant, se
rencontrer. Alors, voilà pour le consommateur qui est non seulement un
être social, mais un être familial.
Il est, troisièmement, un être d'amitié. Voici ce
que nous dit l'ACEF à ce sujet. «L'homme est un être social,
nous le répétons. Le besoin de parler de nous-mêmes,
d'entendre l'autre, de rêvasser d'un voyage, de saisir l'éclair
d'un regard, d'apprécier un sourire, le besoin de tout et de rien se
cristallise dans l'amitié. Et la même question qui se pose: Quand
ces beaux instants se déroulent-ils? Le problème est qu'il faut
se rencontrer pour nouer et entretenir des amitiés. Le samedi soir, le
dimanche, les amis se rassemblent, s'ils le veulent bien, et organisent des
activités.» Je suis persuadée que le ministre doit, en son
for intérieur, s'amuser un peu en disant: Ça fait un peu fleur
bleue, ça fait un peu dépassé. Quand on comprendra que
l'essentiel reste profondément la relation qu'il y a entre les
êtres, l'être plutôt que l'avoir, quand on aura compris
ça, peut-être bien qu'on ne se moquera pas tellement du fait qu'on
puisse, dans une commission comme celle-ci, avec des organismes aussi
sérieux que les ACEF, entendre parler de philosophie comme nous en
parlons maintenant. Quand il ne restera plus rien dans nos
sociétés, il restera cela, et ce sera l'essentiel, de toute
façon.
Le consommateur, un être de loisir et de culture. Je pense que je
n'ai pas longtemps à expliciter que, justement, au moment où on
est peut-être plus nombreux à pouvoir le faire, on puisse avoir
accès à des activités de loisirs qui soient culturels, qui
soient sportifs, en groupe, en famille ou autrement. Alors, le consommateur est
aussi cet être de loisir et de culture.
Enfin, et je n'insisterai pas là-dessus, le consommateur, un
être spirituel. Je pense que ma collègue, la députée
de Chicoutimi, a longuement cité, tout à l'heure, le document
présenté par les évêques du Québec, qui ont
fait une excellente démonstration du fait que le consommateur
était aussi un être de spiritualité qui avait besoin de
réfléchir à ses valeurs, à ce qu'il est
profondément. Les ACEF défendent ce point de vue là sous
un angle qui est celui de la protection du consommateur. Et il y a un article
absolument extraordinaire et éloquent qui, je sais, va être sans
doute cité par mon collègue de Masson. M. Nantel reprend en
synthèse ce que je viens de
dire, en ajoutant un certain nombre d'autres éléments,
dans un article qui est paru jeudi, il y a à peine une semaine et demie,
le 3 décembre, sur le shopping du dimanche; c'était le titre de
son point de vue. Là encore, il y va avec beaucoup d'éloquence
pour dire à quelle situation nous avons affaire lorsque nous parlons du
consommateur qui est un être complet et global, et pas seulement celui
qui achète et se procure des biens.
Dans le même sens que les ACEF ont défendu ce point de vue,
le Conseil de la famille a aussi émis un avis qui est tout aussi, je
dirais, éloquent, mais sous un autre angle qui vient rejoindre la
Fédération des ACEF. C'était un peu sous l'angle qu'on a
abordé dans la motion précédente. «Travailler le
dimanche.» Alors, le Conseil nous dit ceci: «Importance de
permettre aux travailleurs et aux travailleuses de concilier leurs
responsabilités parentales et professionnelles». Il nous dit, et
je cite: «Actuellement, le quart des mères d'enfants d'âge
scolaire qui travaillent le font à temps partiel et la plupart se
retrouvent dans le secteur tertiaire. On peut donc raisonnablement supposer
qu'une forte proportion des travailleurs du dimanche sera recrutée parmi
ces parents. De l'avis du Conseil de la famille, la question importante, dans
ce débat concernant l'ouverture des commerces le dimanche, est non pas
de savoir si les familles disposent de suffisamment de temps pour faire leurs
courses, mais bien de s'assurer que les parents qui auront à travailler
le dimanche disposeront de suffisamment de temps pour remplir
adéquatement leur rôle auprès des enfants d'âge
scolaire. Et cela est loin d'être évident, particulièrement
si ces mêmes parents travaillent aussi le samedi.»
Cela rejoint, M. le Président, essentiellement, l'argumentation
des ACEF du Québec qui disent: Ce consommateur a d'autres besoins, est
confronté à d'autres réalités. Et je crois que nous
devons être capables, comme parlementaires, d'être sensibles aussi
à ce type d'argumentation, M. le Président. C'est dans ce
sens-là que je crois que les ACEF pourraient venir nous aider dans notre
réflexion, si le ministre, évidemment, veut vraiment
procéder à une réflexion.
Je continue avec ce que nous dit le Conseil de la famille. «Le
dimanche est depuis toujours associé au rassemblement de familles et
d'amis. La disparition d'un jour fixe où la plupart des gens ne
travaillent pas est susceptible de compliquer ces rassemblements. Cela n'est
sûrement pas souhaitable, particulièrement en ces temps où
l'on se plaint, avec raison, de la quasi-disparition des réseaux
traditionnels d'entraide et où l'on prend conscience de l'importance de
les restaurer et d'en développer de nouveaux pour maintenir la
qualité de notre tissu social.»
Cette semaine, je regardais encore des statistiques qui nous disaient -
je ne me souviens pas du terme exact - que le taux de personnes vivant seules
avait tendance à augmenter. On parlait de la hausse du taux
d'individualisme, ce qui est une réalité, ce qui hausse aussi la
situation de solitude dans laquelle se trouve un nombre important et de plus en
plus nombreux de personnes. C'est évident que, si on adopte des mesures
comme celle que nous propose le gouvernement, M. le Président - et c'est
ce que j'ai déjà dit lors d'interventions
précédentes - on amplifie ce phénomène, on
déstructure le tissu social, M. le Président. Si la solitude
engendre des maux sociaux, psychologiques, moraux qui sont majeurs, je pense
qu'il faut être sensible au fait qu'adopter une loi comme celle qui est
devant nous viendrait encore davantage rendre la vie de gens qui vivent seuls
plus difficile et pénible parce qu'on réduit le temps qui leur
est alloué pour être en contact avec des personnes qui leur
permettraient de se dégager, justement, de cette solitude.
Sa conclusion, à ce Conseil de la famille, est la suivante:
«Bien que le Conseil reconnaisse que les gens ont peu de temps pour faire
leurs courses, particulièrement lorsque les deux conjoints travaillent,
il trouve plus important de donner aux parents d'enfants d'âge scolaire,
susceptibles de travailler le dimanche, la possibilité de concilier
leurs responsabilités familiales et leurs responsabilités
professionnelles. C'est pourquoi le Conseil s'oppose à un
élargissement de l'ouverture des commerces le dimanche, accordant dans
l'évaluation de cette question une importance plus grande aux personnes
dans leur rôle de parents et de membres d'une famille que dans leur
rôle de consommateurs. En outre, il ne faut pas oublier que le travail le
dimanche diminuerait les conditions de travail des travailleurs et des
travailleuses qui, souvent, cumulent les mauvaises conditions de travail et les
mauvais salaires.» (22 h 30)
Ceci, évidemment, vient confirmer tout simplement ce que le
ministre lui-même nous a dit et ce que nous défendons depuis le
début de cette commission, particulièrement en demandant que nous
entendions les TUAC.
Une voix: Les ACEF.
Mme Marois: Non, dans le motion précédente, nous
avions demandé que les TUAC soient entendus et c'était sous
l'angle des conditions de travail, ce à quoi fait
référence le Conseil de la famille qui rejoint ainsi les ACEF qui
sont aussi en désaccord avec le projet qui est là.
Les ACEF nous disent ceci aussi, sous l'angle du prix des produits. J'ai
beaucoup insisté sur la qualité de la vie, je vais arrêter
deux minutes - vous me dites qu'il me reste deux minutes - sur le prix des
produits. Pour la Fédération des ACEF, une hausse de prix est
inévitable En effet, sans augmentation du chiffre d'affaires, qui
assumera les coûts en salaires supplemental
res, les coûts d'entretien, les coûts de publicité et
marketing, les coûts d'assurances résultant de l'ouverture le
dimanche, sinon les consommateurs?
Et je termine avec cela. Ajoutons à cela les possibilités
de voir augmenter les achats à crédit pour certains consommateurs
pendant un certain temps. Comme le crédit à la consommation
aboutit toujours à une réduction du pouvoir d'achat des
consommateurs à cause des intérêts et autres frais de
crédit à payer, ce n'est nullement un objectif souhaitable
à poursuivre. Et je fais le lien, M. le Président, avec une
intervention que je faisais, au début de nos travaux, concernant la
question économique essentiellement, où je mentionnais que le
taux d'endettement des consommateurs était plus élevé que
par le passé.
Alors, si le ministre croit que ça peut avoir un effet quant au
démarrage de la consommation et à une accélération
de son rythme, je crois qu'il est complètement dans l'erreur, ce que les
ACEF pourraient venir nous dire si les membres de cette commission que nous
présidez, M. le Président, acceptaient de les recevoir à
notre table.
Le Président (m.audet): merci, mme la
députée de taillon. je vais maintenant reconnaître m. le
député de masson. vous avez 10 minutes.
M. Yves Blais
M. Blais: Merci beaucoup, M. le Président. Moi, je suis
très heureux que la députée de Taillon nous demande de
recevoir les ACEF et je tiens à dire au député d'Orford de
bien surveiller si je suis toujours pertinent.
Je tiens à dire que, d'abord, le mémoire des ACEF, il est
superbement fait. Il décrit la situation de l'être humain
consommateur comme un grand livre. Je tiens à dire que la
députée de Taillon l'a rendu de façon percutante. Et, en
gros - je ne veux pas reprendre le même document, là, je vais
parler plutôt d'aujourd'hui, des ACEF d'aujourd'hui; ça, c'est il
y a deux ans - le fond est toujours là. En fait, pour résumer ce
mémoire-là, c'est que, quand notre corps est repu de chercher
à dépenser, il nous restera toujours le coeur pour trouver
à s'aimer. Ça résumerait un peu, je crois, ce que les ACEF
ont voulu nous faire sentir. Dans notre fébrilité d'attachement
au dollar, ces ACEF-là regardent l'être humain et nous disent: II
y a autre chose que l'argent ici-bas.
C'est bien sûr que l'argent est nécessaire, parce que c'est
avec ça qu'on fait tout le commerce, bon, mais il y a autre chose que le
commerce monétaire. Il y a le commerce entre humains et le commerce
entre humains, c'est le coeur, la tête, l'esprit, le
développement, la valeur grandissante des êtres humains. Tous les
consommateurs, Mme la députée de Taillon nous l'a dit, sont des
être humains valables, des êtres humains sociaux; on parle de
l'amitié, de la famille, de la religion, de la culture, du loisir, du
sport, des rencontres, des échanges, et je ne les ai pas tous retenus,
mais c'est ça un peu l'ensemble de ce mémoire. Il est superbement
fait et je vais le relire, ne fût-ce que pour plaire à mon oeil,
à mon oreille et à mon intérieur. Je l'aime de
façon viscérale, parce que c'est ainsi que je pense, avec notre
formation. On se doit de recevoir les ACEF. Ça représente trop le
côté humain que nous essayons de mettre sur la table. C'est beau
l'argent, il faut qu'on en ait, mais il y a autre chose dans la vie que
l'argent et le commerce.
Et, aujourd'hui, M. Yves Nantel, qui est le porte-parole des ACEF, a
écrit, lui aussi, devant cette nouvelle loi qui arrive. Le titre de sa
lettre qu'il a écrite, au tout début de décembre 1992,
cette année, c'est: «Le jeu du darwinisme économique
à l'état pur». Bien, je sais, M. le Président, qu'il
y a énormément de gens qui nous entendent et, parfois, on pense
qu'un mot, tout le monde le connaît. Mais «darwinisme»
lui-même, c'est quoi, «darwinisme»? Ça vient du nom
propre Darwin qui, en 1859, a sorti une philosophie et, afin que je me
renseigne de façon précise sur le titre de sa lettre, j'ai
été chercher le dictionnaire. C'est un petit dictionnaire, ici,
très, très peu élaboré, que nous avons, mais, quand
même, ça dit l'essentiel. «Darwinisme (de Darwin, savant
anglais, 1809-1882). Théorie exposée par Darwin (dans "De
l'origine des espèces", 1859) - qu'il a écrit en 1859,
c'est-à-dire paru en 1859 - selon laquelle les espèces sont
issues les unes des autres selon les lois de la sélection naturelle,
effet de la lutte pour la vie.»
Et, quand on parle de Darwin de façon excessivement facile et
populiste, on dit: L'homme descend du singe. Dès qu'on pense à
Darwin, c'est ce qu'on dit: L'homme descend du singe ou l'homme remonte du
singe, je ne le sais pas, là. J'aimerais mieux remonter du singe que
d'en descendre, mais ça, c'est vraiment personnel. Sa philosophie
n'allait pas aussi loin que ça. En descendre, c'est... Tu sais, on dit
souvent: Est-ce que vous descendez des Français? Je dis toujours que
j'en remonte. M. le député de Labelle disait que Victor Hugo
était aussi un député à l'Assemblée
nationale, et Victor Hugo, quand il a été reçu par la
cour, on lui a dit: Mais vous êtes qui? Vous descendez de quelle famille?
Il a dit: Je ne descends de personne; je remonte d'un forgeron. Il vaut mieux
remonter de quelqu'un de bas que de descendre de quelqu'un de haut. Et, les
consommateurs, il y en a qui sont dans la haute sphère, il y en a qui
sont dans toutes les sphères. Bon.
Cependant, revenons toujours à la pertinence. Je parle de Darwin
parce que la lettre de M. Yves Nantel nous parle du darwinisme
économique. Ça, ça veut dire, le darwinisme
économique, que c'est un peu comme les vases communicants. Les
espèces s'entremêlant selon la philosophie de Darwin, parce qu'il
se passe quelque chose autour de nous, faisons comme le singe: imitons-les.
Faire comme le singe ne donne pas plus de valeur à l'être humain,
absolument pas, mais absolument pas. C'est ça, l'effet des vases
communicants de la pensée; ils sont bons dans certains cas, mais ils ne
sont pas toujours applicables dans la vie, dans la protection de l'humain que
l'ACEF nous met en garde de ne pas oublier. Le commerce ne doit pas nous faire
oublier que l'être humain qui dépense est avant tout un être
humain. Et c'est un petit bijou, sa lettre. Je n'aurai pas le temps, je n'ai
que 10 minutes. J'aimerais avoir trois heures pour en parler, tellement elle
est fébrile et elle me fait vibrer.
M. Tremblay (Outremont): Consentement, M. le
député.
M. Blais: Bien, je vais y aller, d'abord. Une voix:
Wow!
M. Blais: Alors, j'ai un consentement, vous avez dit, pour trois
heures?
Une voix: O.K., consentement.
Une voix: Consentement, M. le Président.
M. Blais: Pour trois heures? Bon, d'accord. Alors, vous
m'apporterez votre document, là. Bon.
Le Président (M. Audet): M. le député, un
instant, là. Je n'ai pas compris le consentement, là. Je
n'écoutais pas.
M. Blais: Non, non. Un instant. Question de règlement, M.
le Président.
Le Président (M. Audet): Vous avez le consentement sur
quoi?
M. Tremblay (Outremont): Pour discuter de...
M. Blais: J'ai la permission pour parler trois heures et je tiens
à vous dire, M. le Président, que je la prends, cette permission.
Bon, voilà, je vous remercie.
Une voix: Alors, vous pouvez commencer, là.
Le Président (M. Audet): Trois heures?
M. Blais: Je vous remercie. Il y a consentement pour trois
heures.
Une voix: II y a de la lecture à faire.
M. Blais: Alors, si vous voulez aller prendre un café,
vous pouvez y aller, bon. Et voici, M. le Président...
Une voix: Bien. Merci.
Le Président (M. Audet): Non, non.
M. Blais: ...ce consentement-là, je le prends avec
joie...
Le Président (M. Audet): Ah, non, non, non, non, non,
non.
M. Blais: M. le Président, vous n'avez pas le droit de
refuser un consentement, pas du tout.
Le Président (M. Audet): Non, non, non, non, non, non,
non! Je ne peux pas, je ne peux pas accepter...
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Audet): ...un consentement comme
ça de trois heures, là...
M. Blais: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Audet): Non, non, laissez-moi
terminer...
M. Blais: Question de règlement.
Le Président (M. Audet): Laissez-moi terminer, M. le
député de Masson. À ce moment-là, même s'il y
a consentement, en vertu du règlement, je brime les droits des autres
parlementaires de s'exprimer, parce que vous allez terminer lorsqu'on n'aura
plus de temps, là, à minuit.
M. Blais: Question de règlement. M. le
Président.
Le Président (M. Audet): Alors, attendez un peu. Je prends
note du consentement. Je ne vous le retire pas. Si vous pouvez parler trois
heures, puis qu'il n'y a pas de problème pour personne, je vais le
vérifier avec le Secrétariat des commissions. Continuez votre
intervention. Il vous reste encore du temps, puis je reviendrai après
ça. Je rendrai une décision là-dessus.
M. Blais: Mais je vais quand même expliquer... Question de
règlement...
M. Léonard: Si vous voulez vérifier, il faut
suspendre...
Le Président (M. Audet): Non, non, je n'ai pas.
M. Léonard: ...mais le ministre a bien dit:
Consentement.
Le Président (M. Audet): Non, non. M. Blais:
Question de règlement.
Le Président (M. Audet): non. un instant, un instant. je
n'ai pas à suspendre, parce que m. le député avait la
parole. alors, il peut terminer son enveloppe. il lui reste encore du
temps.
M. Blais: Question de règlement. Est-ce que je vais
l'avoir?
Le Président (M. Audet): Non, non, ne demandez pas de
question de règlement pour rien. Il taut que je vérifie avant, au
moins, si le consentement là-dessus est recevable. Ça n'aurait
toujours bien pas de bon sens.
M. Blais: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Audet): Ah non! Ha, ha, ha! M. le
député de Masson, allez-y sur votre question de
règlement.
Une voix: M. le Président...
M. Blais: J'ai une question de règlement, s'il vous
plaît.
Le Président (M. Audet): Non, non, j'ai le
député de Masson qui a demandé, là...
M. Blais: M. le Président, je vais demander par quel
règlement vous pouvez m'empêcher de demander une question de
règlement.
Le Président (M. Audet): Non, non. C'est que j'avais la
parole, M. le député de Masson. (22 h 40)
M. Blais: Ah bon! Merci. Question de règlement,
maintenant.
Le Président (M. Audet): Quand le président a la
parole, les députés doivent s'asseoir à leur siège
et écouter - c'est le règlement qui le dit - et respecter le
décorum de l'Assemblée.
M. Blais: Merci beaucoup, M. le Président.
Le Président (M. Audet): Maintenant, je vous reconnais.
Vous pouvez y aller.
M. Blais: D'accord. Il faut que je m'explique. J'ai eu la
permission à l'unanimité, ici. La commission est souveraine.
Lorsqu'on veut permettre à quelqu'un de dépasser son temps, on
demande: Est-ce qu'il y a consentement? On vient de m'accorder un consentement
de trois heures que je prends. Alors, je prends trois heures. Il est 22 h 40.
Alors, j'en ai pour trois heures et je commence tranquillement. Je vais parler
très doucement. S'il y en a qui ont des pastilles, ça me fera
bien plaisir.
Alors, le 3 décembre 1992, M. Yves Nantel, qui est le
porte-parole de la Fédération des ACEF du Québec et de la
fédération nationale, envoie une lettre aux journaux. Et les
ACEF, en plus d'avoir tout ce beau côté qu'elles ont, ont des
responsabilités énormes envers la population. Qu'est-ce que les
ACEF font, en général? Les ACEF, elles renseignent le public sur
sa façon de dépenser. Elles éduquent les consommateurs
pour qu'ils soient avertis pour bien choisir. Elles leur apprennent à
choisir selon leurs besoins, pas juste à choisir les pièces ou
les choses qui sont en montre, qui sont agréables visuellement. Il faut
aussi qu'on en ait besoin et qu'on en fasse un usufruit réel, pas le
prendre sur la tablette du magasin et le remettre sur la tablette chez nous.
Quatrièmement, elles font découvrir leurs droits aux
consommateurs. Les consommateurs ont des droits. Souvent, par ignorance des
lois, on ne sait pas quels sont nos droits, et les ACEF font connaître
les droits des consommateurs. C'est une de leurs missions principales de faire
connaître aux consommateurs leurs droits. Ça, c'est leur
quatrième. Leur cinquième mission, c'est de démontrer les
défauts cachés dans la publicité. La publicité est
excessivement trompeuse.
Je tiens à dire au député d'Orford de bien veiller
à ce que j'aie de la pertinence.
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Blais: II faut absolument que les ACEF protègent. En
les protégeant, il faut qu'elles disent aux gens quels sont les
défauts qu'il y a dans la publicité. Supposons, par exemple,
qu'on voie des jouets. On est à l'époque de Noël, à
l'époque des fées. J'aime toutes les fées, sauf la
«fée des rations» canadienne. Parce que je trouve que la
«fée des rations» canadienne ne donne pas au Québec
la ration à laquelle elle a droit. On est à l'époque de
Noël, et j'aime beaucoup les fées. Et les fées,
actuellement, peuvent nous faire, par la publicité, découvrir des
choses à acheter qui ne sont absolument pas nécessaires. Mais
elles sont tellement éblouissantes à l'oeil, tu sais...
Supposons que quelqu'un vient de monter son arbre de Noël chez lui.
Il est beau, il est garni comme une belle carte. Je vois Mme la
députée de Taillon qui me regarde. Son arbre de Noël est
certainement fait. Parce que, en parlant d'arbre de Noël, on a vu comme
des lumières jaillir et scintiller dans ses yeux. Elle est devenue
l'iris tout agrandi. Parce qu'un arbre de Noël, c'est captivant. Supposons
qu'on s'en va dans un centre d'achats - notre arbre de Noël est fait - et
là il y a une grande annonce - pas une annonce, c'est un anglicisme - il
y a une réclame publicitaire disant: Jeu de lumières de
noël de 36 couleurs en vente au prix de 3 pour 1. mais on n'en a
pas besoin. mais on dit: au lieu de les payer 5 $, je vais en avoir 3 jeux de
36 pour 5 $. on en achète. on arrive chez nous. notre arbre de noël
est rempli, il est garni. alors, comme consommateurs, si on se laisse prendre
par l'attrait...
M. Tremblay (Outremont): On pourrait les mettre sur le
balcon.
M. Blais: On pourrait, à la rigueur, M. le ministre, les
mettre sur le balcon ou sur la rampe d'escalier, des fois, qui conduit à
l'arbre de Noël...
Le Président (M. Audet): M. le député.
M. Blais: Vous m'interrompez, M. le Président.
Le Président (M. Audet): Oui, effectivement, je vous
interromps. Étant donné que vos 10 minutes viennent de se
terminer et que je ne suis pas en mesure de rendre une décision sur le
consentement...
M. Blais: On va suspendre quelques minutes.
Le Président (M. Audet): ...qui a été rendu
pour trois heures, effectivement, nous allons suspendre quelques minutes.
M. Blais: Merci beaucoup. (Suspension de la séance
à 22 h 45)
(Reprise à 22 h 59)
Le Président (M. Audet): Bon, alors, en ce qui touche le
consentement qui a été demandé tantôt à
l'effet que M. le député de Masson pouvait poursuivre sa
discussion pour les trois heures qui étaient à venir,
normalement, une commission est souveraine. Dans la mesure où il y a
consentement, on peut déroger aux règles d'application de la loi
de l'Assemblée nationale, sauf que, sur le consentement qui a
été accordé ou qui était pour être
accordé - parce que je vous ai fait savoir, M. le député,
que je rendrais ma décision lorsque vous auriez terminé votre
première intervention de 10 minutes - j'ai revérifié le
règlement de l'Assemblée nationale. En vertu de l'article 138,
c'est le président qui «organise et anime les travaux de sa
commission». Il y a un autre article, l'article 32, qui dit: «Les
députés doivent observer le règlement et contribuer au
maintien du décorum de l'Assemblée. Ils doivent s'abstenir de
tout ce qui peut nuire à l'expression d'autrui ou au bon fonctionnement
de l'Assemblée nationale.» (23 heures)
Trois heures, il me semble que c'est exagéré. Moi, je ne
peux pas, en tant que président. donner mon consentement pour que vous
puissiez poursuivre votre intervention pendant trois heures. Je suis prêt
à donner mon consentement pour 10 ou 20 minutes de plus, pour que vous
fassiez 30 minutes - on peut déroger aux règlements, tout en
respectant une certaine forme dans les règlements sur des motions comme
celle-là - comme si vous étiez l'auteur d'une motion. Mais, de
là à aller à trois heures, M. le député, je
pense qu'on ouvrirait peut-être un précédent sur toutes
sortes de choses qui feraient en sorte qu'à un moment donné, pour
un président et pour les députés, c'est difficile
d'intervenir, puis ce n'est plus arbitrable non plus.
Alors, si vous voulez poursuivre, je suis prêt à vous
reconnaître 20 minutes de plus, mais pour trois heures je vais refuser le
consentement, s'il y a consentement des autres membres de la commission,
évidemment. S'il n'y a pas consentement...
M. Benoit: M. le Président...
Le Président (M. Audet): Un instant! Le
député de Labelle a demandé la parole là-dessus. M.
le député.
M. Léonard: Je trouve que c'est une décision qui
est sage, à mon sens, parce que, pour le respect de nos
institutions...
Le Président (M. Audet): C'est ça
M. Léonard: ...à mon sens, il ne faut pas
créer de précédent. À tout le moins, même
avec la permission que vous donnez, il ne faudrait pas que ça ait valeur
de précédent. Il faudrait que ce soit exceptionnel. On peut
permettre au député de Masson d'aller un peu plus loin que le
temps normal, mais je considère que votre décision est sage. Je
ne sais pas ce qu'en pense...
Le Président (M. Audet): Merci beaucoup. M. le
député.
M. Léonard: ...le parti ministériel, puis je pense
que mon collègue de Masson aussi admet ce point de vue.
Le Président (M. Audet): D'accord. Merci. M. le
député d'Orford.
M. Benoit: Oui, M. le Président, je veux juste dire que je
n'avais pas donné mon assentiment sur les trois heures. Alors, j'accepte
votre décision, mais je n'aurais pas été d'accord avec les
trois heures. Je n'avais pas donné mon assentiment à ces trois
heures-là.
Le Président (M. Audet): Alors, à ce
moment-la, est-ce qu'il y a consentement pour que M. le
député de Masson puisse poursuivre son intervention une vingtaine
de minutes additionnelles?
Des voix: Consentement.
Le Président (M. Audet): II y a consentement des membres.
Ça va?
Une voix: Le ministre a une ouverture d'esprit.
Le Président (M. Audet): II y a consentement de tous les
membres pour que M. le député de Masson puisse poursuivre 20
minutes? Oui, ça va. Alors, M. le député, vous pouvez
poursuivre votre intervention. Vous avez 20 minutes additionnelles.
M. Blais: M. le Président, je vous remercie. Je tiens
à dire que, si ce n'avait été de votre intransigeance, le
consentement de trois heures aurait été facile a obtenir. Je
remercie beaucoup le ministre de son ostiole qui me permettra de parler 20
autres minutes. C'est un ostiole que j'apprécie.
Eh bien, Mme la députée de Taillon, dans sa demi-heure qui
a semblé très, très courte à cause de sa
présentation magnifique, très, très bien faite... En plus
d'avoir l'argumentation, elle a le charme vocal, elle a la pose de voix et,
dans nos délibérations - on ne peut pas voir le geste, ici, parce
que ce n'est pas télévisé - elle joint le geste noble
à la parole charmante. Et tout ceci mis ensemble est très
répondeur, est un ostiole en soit aussi vers la compréhension du
dossier. Cet ostiole, j'en suis très fier; je le répète
assez souvent pour que les gens remarquent le mot.
Aujourd'hui, c'est 1992, et la déclaration du nouveau
porte-parole, qui est M. Yves Nantel...
Une voix: La définition d'ostiole?
M. Blais: La définition d'ostiole? C'est simple. C'est un
mot qui est peu usité, très peu usité, o-s-t-i-o-l-e.
C'est un nom masculin; c'est une petite ouverture, un ostiole. Si le
président m'avait permis les trois heures, je n'aurais pas parlé
d ostiole, parce qu'un ostiole, c'est une petite ouverture, une fente dans le
règlement très, très minime. Alors, je ne pouvais pas
parler de grande ouverture. J'aurais aimé parler de votre grande
ouverture, mais il n'y a pas de grande ouverture. C'est pour ça que je
parlais d'un ostiole.
Justement, il y a quelques minutes, nous en parlions. Le ministre, qui
est très érudit, m'a glissé ce mot-là tantôt.
Il m'a dit: Pourquoi l'Opposition ne ferait pas un ostiole dans ma loi pour que
je puisse passer à l'article 1? J'ai dit: Ostiole, qu'est-ce? J'avais
bien demandé au début: Mais qu'entends-je, d'abord? Je ne
comprenais pas. Qu'«audiais»-je? Il m'a
répété: Ostiole. Il m'a bien spécifié que
c'était masculin, pour faire la différence avec d'autres mots qui
seraient un peu rapprochants. Alors, merci de cet ostiole.
Alors, M. Nantel, qui est le nouveau porte-parole des ACEF, dans une
communication éloquente, nous dit ceci, et il n'y a rien de mieux, pour
être pertinent, que de citer au texte les gens des associations. À
ce moment-là, je ne crois pas qu'on nous trouve impertinents.
«Tout comme en 1987, dit-il, ce ne sont pas les consommateurs qui
viennent relancer le débat en vue d'une libéralisation
inconditionnelle des heures d'ouverture des magasins.» Encore là,
il dit à M. le ministre et à nos législateurs, et c'est
lui qui est en chef de votre côté: Ce ne sont pas les
consommateurs... On dit toujours que c'est pour les consommateurs; 80 % des
consommateurs sont d'accord. Moi, comme consommateur, que j'aie un service 24
heures par jour, 7 jours par semaine et dans tous les domaines, c'est sûr
qu'égocen-triquement, ça fait mon affaire, mais, dans le cas de
l'ouverture plus large des commerces le dimanche, il n'y a eu aucune pression
des consommateurs. On se base sur une volonté des consommateurs que l'on
sait par sondage, pour dire que les consommateurs voudraient ça. Mais
ça irait très loin, ça.
Si, par analogie, on appelait les consommateurs et on leur disait:
Êtes-vous d'accord pour que le gouvernement du Québec baisse ses
taxes de 50 %? j'ai l'impression que la plupart des gens diraient oui. Forts de
ce sondage, si nous demandions au responsable ministériel de baisser les
taxes de 50 %, qu'est-ce qu'on nous répondrait? Ce n'est pas
raisonnable. Même si vous dites que ce sont les consommateurs qui veulent
qu'on baisse nos taxes de 50 %, ce n'est pas raisonnable d'agir ainsi. Alors,
là, qui plus est, même les consommateurs nous demandent de baisser
les taxes. Ils ne disent pas de 50 %, mais on dit qu'on est
surtaxés.
Mais, qui plus est, dans le cas de l'ouverture le dimanche, les
consommateurs n'ont fait aucune pression, aucune demande, aucune
pétition, disait aussi la députée de Taillon ou la
députée de Chicoutimi, aucune pétition, rien. On se sert
de ce groupe-là parce que c'est le groupe ciblé qui fait
l'affaire du législateur. Mais ce n'est pas de là que viennent
les demandes.
Et M. Nantel l'a bien compris. «L'enjeu de la lutte
acharnée que les gros du commerce de détail mènent
actuellement est la conquête de parts de marchés afin
d'améliorer leur marge bénéficiaire et non la satisfaction
des besoins des consommateurs.» Autrement dit, ce sont les grandes
surfaces, de façon générale, ou les magasins
généraux, comme Jean Coutu surtout, qui sont à la veille,
je vous le disais tantôt, de vendre du foin, des machines aratoires et
des automobiles, puis ils vont même vendre peut-être '
des dépanneurs bien vite. Ils vendent tout. C'est un magasin
général sous le nom de pharmacie. C'est épouvantable.
Ça ne répond à rien, à rien, rien, rien, à
aucun critère, ça ne répond à rien, Mais c'est
ouvert et ça fonctionne. Eh bien, ces gens-là, qui ont des
grandes surfaces, veulent s'accaparer d'autres marchés. En ouvrant une
septième journée, ils vont grignoter petit à petit dans
d'autres à qui notre système antérieur a permis d'ouvrir
le dimanche pour répondre aux besoins touristiques de l'ère
moderne, pour répondre aux nouvelles communications, aux nouveaux moyens
de transport que nous avons, les gens se déplaçant, voyageant en
voiture.
Supposons qu'on part de Québec et qu'on monte à Rouyn en
voiture, et on part le vendredi. C'est bien sûr quon arrivera le dimanche
ou à peu près. Il faut qu'il y ait des dépanneurs. Les
restaurants, ça a toujours été ouvert, ça.
Ça a toujours été ouvert. Il y aura toujours des
restaurants. Si on se loue un petit chalet, l'été, ou un chalet
de ski, l'hiver, eh bien, on va se chercher un peu à manger pour se
faire à manger à la maison. Il faut qu'il y ait les choses
usuelles dont on a besoin pour se dépanner. Le mot porte:
«dépanner». Mais, si tout est ouvert, où est la
nécessité d'avoir des dépanneurs? Tout est ouvert. Le mot
«dépanneur» lui-même va perdre tout son charme et son
utilité. Même le mot, on n'en aura plus besoin. Tous les magasins
vont être ouverts. Alors, les dépanneurs n'existeront plus.
Je disais au ministre, il y a quelques jours: On va faire
l'unicité commerciale; un seul permis, tout le monde vendra ce qu'il
veut. Bonjour, monsieur. Qu'est-ce que vous voulez? Je veux être
commerçant. On va dire: Ah oui? Très bien, il y a un nouveau
règlement. Ah bien! Ah oui? C'est quoi? Il y a un seul commerce, vous
êtes commerçant. Je suis commerçant. Qu'est-ce qu'on peut
vendre? Ce que vous voulez, des chevaux, des vaches, de la gomme... (23 h
10)
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Blais:... des remèdes, des balles de foin... Une
voix: Des remèdes de cheval.
M. Blais:... ce que vous voulez, des licous, des condoms, des
corsets, des soutiens-gorge, des bas de soie, des bananes, des oranges, des
raisins, du beurre de peanut en vrac et puis des biscuits en miettes.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Blais: L'unicité commerciale, l'unicité
commerciale! Ça serait beaucoup plus simple, mais ça ne
correspond à rien de ce que nous sommes, à rien de notre
société distincte. Puis, quand on parlait de la France, comme
analogie, là, en France, il y a des magasins ouverts Ils disaient une
personne. Ça va jusqu'à trois personnes. II y a 10 000 000 de
visiteurs par jour à Paris. Les magasins sont fermés le dimanche.
Il faut tout de même arrêter, au nom de la sacro-sainte monnaie, de
déshumaniser, de déraciner les gens, de les robotiser, entre
guillemets, de nous faire faire un virage à 95°, 100°, 120°
pour nous rendre U. S. A., nous «user». Je ne dis pas
américaniser, parce que le Canada est en Amérique du Nord.
Ils ont même volé notre nom. Ils s'appellent les
Américains, comme s'il y avait rien qu'eux autres en Amérique,
les habitants des États-Unis. On a des petites choses qui nous arrivent.
Nos jeunes commencent à porter la calotte par en arrière et puis
ils ont des jeans percés. C'est une influence américaine. Je le
sais, je le sais. Mais il n'y a pas juste ça, il y a autre chose. Il y a
une mentalité, il y a une façon de vivre. On n'a pas le
laisser-aller que les Américains ont. Ils ont le droit à
ça. Je ne les blâme pas; c'est leur façon de s'exprimer.
Nous autres, on n'a pas tous une mâchée de gomme pour parler. Ce
n'est pas parce qu'on n'est pas capables de mâcher de la gomme, puis de
marcher en même temps. Ça s'en vient, malheureusement, mais on est
un petit peu plus, entre guillemets, différents, j'allais dire
raffinés. mais c'est nous qui évaluons notre raffinement, puis
eux évaluent le leur.
Le député de Laviolette disait: En Floride c'est ouvert 24
heures par jour Les gens ne s'occupent même pas de nous autres. Il
n'osait pas le dire, mais, souvent, c'est un peu délabre. Les bouteilles
sont pêle-mêle dans un coin, les paniers sont tout en... Ce n'est
pas nous, ça. On aime, nous autres, un certain ordre, de la
propreté, à être servis de façon aimable. Ça
ne nous fait rien de payer un peu plus dans un restaurant, d'avoir une nappe,
quelqu'un qui nous sert plutôt que de nous faire garrocher les mets. On
n'est pas des Américains des États-Unis. On est des
Américains du Nord. Puis, en plus, une petite partie, une
société distincte comme consommateurs, excessivement
différents, et nous tenons à cette différence qui nous
habite.
L'Association des consommateurs est la pour préserver cette
différence, et elle le dit de façon très éloquente:
II faut arrêter de niveler par le bas. Dans l'éducation, on a
nivelé par le bas. Je ne crois que ça ait donné beaucoup.
Même du côté spectacle, du côté culture, on
voit les Cyniques, Yvon Deschamps, etc... comme gens d'humour. On voit que
c'est des gens qui sont sortis de la formation du cours classique. On le voit.
On a éliminé ça. On a nivelé par le bas. On a des
gens qui sont naturellement très bons pareil, mais, la plupart, ce sont
des gens drôles d'accessoire. C'est surtout des grimaces plutôt que
des mots. On s'adresse au son, dans les musiciens plutôt, qu'à la
parole.
La parole, au cours classique, était maître à bord.
Aujourd'hui, c'est le son qui fait foi. Nous sommes rendus une
génération du son C'est
beau, du son, mais est-ce que c'est formateur, que du son? Le son dans
le chant, dans la musique, dans la chanson est accompagnateur, soutient la
parole. L'organe principal, ce sont les paroles, le mot, le verbatim. C'est
ça qui est beau. On nivelle par le bas.
Est-ce que là, vu qu'à Charlottetown la
société distincte n'a pas été acceptée, on
va la changer pour quon réponde à ce qu'ils voudraient qu'on soit
plus tard? C'est un début encore. Il y en a beaucoup de choses de
même. Le visage français va changer. On nivelle encore par le bas.
On ôte notre société distincte sous prétexte encore
que certaines personnes ne veulent pas accepter ce visage français.
Ça ne fait pas les affaires pareil. Il y a 35 États
américains qui ont légiféré sur la langue anglaise
pour la protéger. C'est des Américains qui font de l'argent
Pourquoi, pour eux, ça ne change rien? Même en Floride, ils ont
une loi pour arrêter d'afficher parce qu'il y a beaucoup de
minorités espagnoles. Il y a 35 États qui l'ont fait. Nous
autres, on le fait et c'est comme si c était un anathème, un
blasphème. Je pense qu'il faut qu'on soit un peu plus prudents et qu'on
protège plus nos signes distinctifs. Et c'est une idéologie. Oui,
il y a une idéologie là-dedans. M. le ministre, c'est vrai qu'il
y a une idéologie. Mais l'idéologie, c'est pour protéger
ce que nous sommes de façon viscérale, viscérale. C'est
à l'intérieur de nous.
C'est un chef-d'oeuvre, le mémoire qui a été
présenté à la commission de l'économie et du
travail, en 1990, pour décrire ce que nous sommes. C'est vrai qu'on est
différents, puis toutes nos structures sont différentes.
Une voix: Cinq minutes.
M. Blais: Merci. C'est pour savoir, pour bien m enligner au cas
où le député d'Orford m'écoute, il faut que je sois
bien pertinent. Eh bien, c'est ça, M. le Président. Vous dites
que le temps passe vite. Mais nous, comme société distincte
encore non reconnue par qui que ce soit, comme peuple distinct encore moins
reconnu par qui que ce soit, ce petit îlot différent qu'il y a,
là, dans le coin nord de cette Amérique, qu'on pourrait appeler
très facilement «le coin européen», presque, de
l'Amérique du Nord - on est beaucoup plus proche du système
européen, comme mentalité, qu'on l'est des Américains; ils
paient des fortunes pour aller voir l'Europe - si on s'enlignait sur cette
différence pour faire valoir ce que nous sommes plutôt que
d'essayer de se plier à ce qu'ils veulent qu'on devienne, ça
serait peut-être beaucoup plus rentable à la longue pour
l'ensemble de l'avenir du Québec.
Je ne veux pas parler de souveraineté, pas une mosus de minute,
là. Je ne veux pas que la partisanerie entre les deux idéologies
maîtresses des deux côtés de la table entre en ligne de
compte, mais au moins protéger... «Maîtres chez nous»,
ce n'est pas une invention du Parti québécois, ça. C'est
Jean Lesage, «Maîtres chez nous». «Il faut que
ça change», «Maîtres chez nous», digne de son
futur, c'est Jean Lesage. C'est le meilleur gouvernement que le Québec
ait connu. Qu'est-ce qu'il a fait, Jean Lesage? Il a cimenté nos
différences. Il s'est révolté contre l'unicité,
puis ça a donné des résultats: la Caisse de
dépôt et placement, la nationalisation d'Hy-dro-Québec, les
services de santé, etc. C'est le meilleur gouvernement qu'on ait jamais
eu parce qu'il s'est basé sur nos différences pour cimenter dans
les lois la différence que nous sommes qui fait notre valeur, notre
distinction, qui importe et est garante de notre futur et de notre avenir,
indépendamment des systèmes politiques dans lesquels on va
vivre.
Et l'ouverture des magasins, ça vient encore brimer cette
différence qu'on doit mettre en exergue plutôt que de la refouler
en racines et de la piétiner. Moi, j'aimerais bien mieux qu'on donne un
peu d'étoffe à cette différence, qu'on arrose de la bonne
volonté cette fleur qui est le Québec, qui fait notre
différence en Amérique du Nord, plutôt que de lui arracher
ses pétales morceau par morceau et de dire que ceux qui ne veulent pas
qu'un de ses pétales tombent, c'est eux autres qui ne sont pas
corrects.
Les ACEF, c'est ce qu'elles nous disent: Nous sommes différents.
Et j'allais justement dire, je le répète pour vous, M. le
député d'Orford: Québec est une fleur, sur le continent
nord-américain, très différente des autres, et il faut
qu'on garde cette différence parce qu'elles sont très rares, les
belles fleurs sur ce continent, et des fleurs distinctives, rarissimes.
Arrosons-les avec des agrumes législatifs plutôt que de les
échauder avec de l'acide comme ce projet-là l'est pour cette
fleur.
Quand on dit: On ne veut pas que vous en arrachiez un pétale, je
ne veux pas que vous en arrachiez un pétale, n'allez pas nous dire que
nous ne sommes pas collaborateurs. Nous ne voulons pas collaborer pour nous
amoindrir, nous diminuer et changer les choses chez nous qui font le charme de
notre différence. Tout devrait être axé sur notre
différence, un facteur d'économique et d'avenir. Moi, je vais
jusqu'à la politique. Ce n'est pas nécessaire de se rendre
là, mais je me rends jusque-là. Ce n'est pas nécessaire.
Ce que nous sommes, c'est déjà beaucoup. Glorifions-le
plutôt que de dire: Tous les autres... Laissons le darwinisme de
côté. Parlons ensemble de notre épanouissement comme nous
sommes. On en sera tous mieux et meilleurs. Et je vous remercie, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Dionne): Merci, M. le
député de Masson. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants sur
cette motion? Mme la députée de Marie-Victorin, pour 10
minutes.
Mme Vermette: Oui. Merci, Mme la Prési-
dente.
Une voix: C'aurait été mieux, trois heures. (23 h
20)
La Présidente (Mme Oionne): Oui, madame. Je pense que
c'est au tour de Mme la députée de Marie-Victorin.
Mme Cécile Vermette
Mme Vermette: Merci. Vous savez, j'étais tout attentive au
discours de mon collègue de Masson, parce que je le trouvais tellement
poétique, Mme la Présidente. Et je pense qu'effectivement on
était en train de nous amener vers un contenu des plus
intéressants, justement, parce qu'on parlait de la différence du
Québec, en tant que Québécois, de ce que nous sommes, de
ce qui a fait, en fait, aussi cette force, de ce qui, traditionnellement, au
niveau des commerces et aussi des petites entreprises, ces PME, a toujours
caractérisé la force du Québec et a toujours fait,
effectivement, sa différence.
Je trouvais ça tout à fait beau à écouter,
surtout à cette heure-ci où, bon, il peut sembler que l'heure
commence à être un peu plus avancée, qu'on arrive
près de minuit et que, effectivement, c'est davantage le moment de la
poésie, où on se laisse aller à un peu plus de nostalgie
aussi. Parce que, dans le fond, c'est ce que nous allons être
obligés de subir, une forme de nostalgie, avec tous les revirements que
veut apporter le ministre par sa nouvelle loi, alors que nous sommes
habitués à nos traditions et que nous voulons maintenir et
sauvegarder nos traditions.
En fait, je n'ai pas eu la chance de lire le mémoire, en 1990,
des ACEF, mais c'est un peu ce que voulaient faire ressortir, justement, ces
gens qui sont très, très proches de notre population, puisque,
eux, en fait, leurs principaux rôles, c'est de favoriser les droits de
nos consommateurs et de leur permettre de pouvoir, dans certains cas - parce
qu'ils ont eu des difficultés à contenir justement, des fois,
leurs dépenses et qu'ils ont une certaine difficulté à
maintenir un budget - réviser, si vous voulez, leur façon
d'établir leurs dépenses et d'essayer de maintenir ce qu'ils ont
pu acquérir, tout en maintenant un meilleur équilibre
budgétaire.
Donc, c'est bien sûr que c'est des gens qui sont très au
fait de ce qui se passe avec les réflexes des consommateurs et, plus
souvent qu'autrement, c'est eux qui doivent aussi voir à réparer
certains écarts de consommation et à permettre, justement, de
sauver les meubles dans certaines circonstances. Alors, c'est sûr qu'Yves
Nantel, qui est le porte-parole de la Fédération des ACEF du
Québec et de la Fédération nationale des associations de
consommateurs du Québec, trouvait que tous les arguments étaient
bons, actuellement, pour les tenants de la libéralisation, et il disait:
Quitte même à triturer la vérité. Et ce sont des
mots assez forts quand on arrive à dire qu'on est prêt à
dire presque n'importe quoi, dans le fond - c'est un peu le sens de son verbe -
pour arriver à cette libéralisation des heures le dimanche.
On dit aussi que cette promesse de créer 30 000 nouveaux emplois,
c'est loin de la coupe aux lèvres et c'est loin d'être la
réalité, en fin de compte. Ils parlent beaucoup plus quau lieu de
favoriser de nouveaux emplois ça va plutôt favoriser. si vous
voulez, l'augmentation de centaines de millions des ventes au lieu de la
jugulation de la saignée du commerce outrefrontières.
C'est peut-être des bons arguments, mais, en d'autres termes,
c'est très démagogique. Ce n'est pas tout à fait, en fin
de compte, ce qu'on démontre, parce qu'on s'aperçoit que le
pouvoir d'achat des consommateurs s'est tellement
désagrégé depuis 10 ans, en fait, qu'on ne pense pas que,
parce que les magasins sont ouverts le dimanche, ça va favoriser
davantage, si vous voulez, le renversement de la situation que nous connaissons
à l'heure actuelle au niveau de la consommation.
Alors, M. Nantel s'inquiète vraiment, à savoir: Où
les consommateurs vont-ils prendre leur argent pour dépenser? Nous
aussi, ça nous inquiète parce qu'on s'aperçoit que de plus
en plus, en fait, c'est des fermetures d'usines, des fermetures d'entreprises,
des commerces qui font faillite, un taux de chômage qui persiste, et on
s'aperçoit que ce qu'on est en train de développer, c'est la
précarité des emplois.
Alors, ce qu'ils disent, en fait: Mais pourquoi, d'abord, le clairon
sonne-t-il tant pour l'ouverture des magasins le dimanche? Parce que les
consommateurs le réclament, et c est lui même qui le dit Alors,
c'est un homme qui est très concerné. Il dit: «Foutaise! Ce
sont plutôt les Club Price, Val Royal, Brico, Sears, La Baie, Zellers,
Woolco, Ivanhoé, Cadillac Fairview et Cie, grandes surfaces et centres
commerciaux confondus qui partent à la conquête des marchés
au détriment des petits commerçants des centres-villes et des
dépanneurs».
Donc, les associations des consommateurs endossent aussi la
présente position des ACEF et, plus concrètement, en fait, M.
Nantel croit qu'actuellement ce qu'on est en train de développer, c'est
une concurrence acharnée pour la conquête des marchés,
beaucoup plus, dans le fond. que favoriser, si vous voulez, les besoins de la
population en termes de consommation. C'est tout simplement une des tactiques
privilégiées, mon douxy la technique de
l'apprentissage passif qui vise à faire succomber les consommateurs dans
des achats impulsifs et irréfléchis lors de leur magasinage. On
sait à quel point, justement actuellement, ça ne va favoriser
qu'une chose c'est l'endettement supplémentaire. Le develop pement de
l'apprentissage passif (achats impul
sifs) est à l'extrême opposé de tout le travail
d'éducation que s'évertuent à effectuer les associations
de consommateurs qui visent, au contraire, à responsabiliser les
consommateurs, à les inciter à faire des choix
éclairés de consommation. Le seul fait de permettre l'ouverture
des magasins le dimanche vient donc court-circuiter une bonne partie de ce
travail que, justement, les ACEF et tous ces groupes-là assument
actuellement auprès de leurs clientèles et qui, en fait, vise
à les responsabiliser pour faire des choix plus judicieux au niveau de
leurs achats et toujours en mesurant leur capacité de payer.
Donc, les consommateurs vont-ils vraiment acheter davantage? Et
là, on se pose encore vraiment des questions et on se dit: Ce qui est
important, actuellement, c'est qu'à cause de l'endettement le pouvoir
d'achat a régressé, et on sait aussi que l'épargne est
à son plus bas niveau. Donc, le problème, c'est que l'endettement
est aussi à son sommet avec des dettes à la consommation
oscillant autour des 100 000 000 000 $ au Canada. Alors, le surendettement est
évident. Les records de faillites personnelles sont là pour le
prouver.
M. le Président, j'aimerais aussi apporter une certaine
réflexion qui est beaucoup plus philosophique, celle-ci, en fin de
compte. C'est un de nos grands auteurs au Québec qui le dit. C'est M.
Jacques Godbout qui considère qu'on est en train de faire presque un
commandement du magasinage. Ça s'intitule: «Dimanches et
fêtes, tu magasineras». Il faisait l'éloge du don, à
quel point, ici, au Québec, nous avons des gens très
généreux et qui sont habitués à partager. Il disait
qu'un des premiers dons, en fait, c'est de donner la vie. Alors, il disait que
le don, comme la noblesse, dont il est d'ailleurs le signe, oblige. Il n'y a
guère de place pour les droits dans des univers dominés par le
don, comme l'étaient les sociétés traditionnelles ou
archaïques. Donc, il considère que le don subordonne les biens aux
liens, mais il s'agit souvent de liens d'inégalité. Quand je
donne, je suis supérieur - généreux vient de
«generosus» qui signifie de bonne race - jusqu'à ce que le
donataire renverse la situation par un contre-don. C'est alors la
réciprocité, l'amitié qui, aux yeux d'Aristote, constitue
l'essence de la vie sociale. Donc, il considère que le don est aussi
créateur. Tout est don de la vie.
Être généreux, nous rappelle M. Godbout, c'est
engendrer. Ici encore, l'étymologie est éclairante. On entrevoit,
cependant, les inconvénients d'une existence collective vécue
entièrement sous le signe du don, parce que, en fait, il y a des
inconvénients. Et, justement, un des inconvénients, c'est de
vivre le marché qui permet d'échanger des biens sans nouer des
liens. Nouer est le bon mot. Dans un monde où l'on ne peut
échanger des biens sans créer des liens, les hommes sont
noués les uns aux autres. Ils forment une chaîne humaine: le
marché libre. Plus le magasin est gros et anonyme, plus il
libère. Le sens du marché, c'est précisément que
j'ai le moins d'obligations possible à l'égard de l'autre, qu'il
me soit étranger. L'individualisme devient alors possible. (23 h 30)
Le Président (M. Audet): II vous reste une minute. Je
m'excuse.
Mme Vermette: Alors, M. le Président, je pense
qu'effectivement il aurait été souhaitable qu'on entende ces
groupes, les ACEF, qui auraient pu nous dire l'aperçu qu'ils ont de la
situation et le vécu qu'ils ont par rapport aux réflexes des
consommateurs, et tous les inconvénients que pourrait apporter
l'ouverture des commerces le dimanche et, tout simplement, est-ce vrai que
l'endettement au niveau du consommateur ne ferait qu'augmenter cet état
de fait? Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Audet): Merci, Mme la
députée. Je vais maintenant reconnaître Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Jeanne L. Blackburn
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Je pense que la
motion qui a été présentée par ma collègue
de Taillon s'impose ici pour une raison extrêmement simple, parce que,
tout au long de la soirée, l'argument le premier qu'on invoque, c'est le
droit du consommateur d'avoir accès à des services le dimanche
pour faciliter son magasinage, pour qu'il puisse y aller le dimanche, comme le
disait mon collègue, parce qu'il a fait du ski le samedi, parce que
ça facilite la vie des travailleurs et des travailleuses. On a
constamment invoqué le consommateur. Alors, entendre l'association des
ACEF, ça m'apparaît ici on ne peut plus indiqué.
Je vais me permettre de rappeler les arguments que les ACEF utilisaient
au moment où elles présentaient leur mémoire en
février 1990. L'association souhaitait placer sa réflexion dans
une perspective plus globale. L'association reconnaissait que les consommateurs
sont aussi des citoyens, et ce qui devait orienter le choix des solutions aux
problèmes en question, c'était ulti-mement la satisfaction des
besoins des personnes pour une vie harmonieuse en société. Ce
qu'ils disaient, dans le fond, c'est que ce n'est pas vrai qu'on n'est que
consommation et ce n'est pas vrai que la société n'est
qu'économique, elle est aussi sociale.
Leur réflexion était orientée à peu
près de la façon suivante. La question qu'ils posaient,
c'était: Comment réaménager les heures d'ouverture des
magasins pour satisfaire un besoin réel d'un accès plus grand aux
biens de consommation, tout en maintenant la qualité de vie des
consommateurs citoyens et sans tout chambarder dans la structure
commerciale?
Ils ont adopté ce qu'ils appellent une grille écologique
et une approche globale, et les constituantes de cette grille étaient
les suivantes. D'abord, ils disaient qu'ils devaient satisfaire à un
besoin d'accès plus grand aux biens de consommation à cause des
changements du portrait sociodémographique des consommateurs. Ils
reconnaissaient qu'il y avait des nouveaux besoins et que ça devait
entrer en ligne de compte dans leur grille d'évaluation. La
deuxième constituante de cette grille: la nécessité de
conformité sociale de la part du maximum de citoyens pour une vie
harmonieuse en société. En fait, ce que ça veut dire: ils
estiment que ça constitue un appauvrissement du tissu social et que
ça aurait comme effet d'aggraver les problèmes sociaux qui sont
déjà très grands si on est en train de briser cette
structure, de la chambarder de façon profonde. Ils prétendaient
que ça aurait des effets sur le tissu social et, évidemment,
comme conséquence, ça nous créerait de nombreux
problèmes sociaux.
Le troisième élément de la grille: la
nécessité de considérer les conséquences d'une plus
grande commercialisation de la vie. En se rappelant un peu ce que je disais -
il nous arrive tous de nous citer: Dans le fond, on est en train de sacrifier
au veau d'or de la consommation. Il n'y a plus rien qui tienne d'autre que la
consommation; la consommation à tout prix et à n'importe quel
prix. Et le mot d'ordre, c'est: Si les États-Unis le font, faisons-le!
Tout le monde le fait, fais-le donc! On ne fait pas d'autres analyses et c'est
ça qui est malsain dans l'approche qu'on est en train de vouloir
développer. C'est une approche de consommation alors que les grands
courants commencent à remettre en question la consommation à tout
prix, la vertu ou la reconnaissance des personnes basée sur leur
capacité de consommer et non pas sur leurs valeurs sociales, leurs
valeurs morales ou sur leur qualité de vie. La grande valeur de la
société: la consommation. Je ne suis pas sûre qu'il faille
sacrifier notre organisation sociale au veau d'or de la consommation.
Le quatrième argument qu'ils utilisent dans leur grille
d'évaluation: la nécessité de tenir compte des effets,
à moyen et long terme, sur le tissu social du Québec,
c'est-à-dire les effets qu'auront la déstructuration de cette
espèce de journée un peu réservée à des
activités sociales, culturelles et familiales de façon
générale. Qu'est-ce qu'on fait le dimanche? À l'occasion,
on fait du sport avec les enfants, on fait du ski, on va à la
pêche, on fait du badminton, on fait du jardinage, on fait de la marche,
on va au cinéma, on va visiter la grand-mère. C'est ça,
les activités sociales et familiales, et c'est ça qu'on est en
train de compromettre. Pourquoi? Pour donner supposément aux
consommateurs la possibilité d'aller acheter le dimanche. Je trouve
ça particulièrement triste de voir qu'on ne fait pas des analyses
plus structurées, d'abord, pour savoir: est-ce qu'il y a effectivement
un besoin? Est-ce qu'on a des pétitions de consommateurs
réclamant l'ouverture des commerces le dimanche? On le demande depuis
l'ouverture de cette commission, et je n'en ai vu aucune, aucune. Il n'y a pas
de pétitions de consommateurs. Mettez-moi sur la table des
pétitions de consommateurs! Je serais intéressée à
voir ça, si ça arrive.
À présent, la question qu'il faut se poser: Qu'est-ce que
ça va donner dans les régions du Québec? J'ai en main la
dernière publication Le marché du travail, Les
Publications du Québec, dans laquelle on trace, mois après mois,
différentes situations. Comme ce mois-ci, dans celui du mois de novembre
- décembre va sortir prochainement - on a tous les indicateurs sur la
main-d'oeuvre, les rémunérations hebdomadaires moyennes par
industrie. On a également les ententes à être
négociées en 1993. Mais on a - ceci vous intéressera
certainement sans doute beaucoup, tous ceux qui sont... Je vois, il y a
plusieurs députés qui viennent des régions - les
perspectives sectorielles régionales. Alors, on les a par région:
Saguenay-Lac-Saint-Jean, Québec. Chaudière-Appalaches,
Mauricie-Bois-Francs. On a toutes les régions du Québec.
Qu'est-ce qu'on dit pour la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean? On
retrouve au moins quatre ou cinq régions qui vivent à peu
près la même situation. Et dites-moi qui va avoir plus le moyen de
consommer. Dites-moi qu'ouvrir les commerces le dimanche, ça vous nous
arranger et que ça va freiner le déclin démographique de
la région. Nous représentions, en 1985, 4,5 % de la population du
Québec. Nous n'en représentons plus que 4,1 %; on est en
déclin démographique. On est en déclin
démographique. M. le Président, sur la région du
Saguenay-Lac-Saint-Jean, Clément Desbiens, qui produit l'article pour la
région, dit: «Non seulement nous sommes en déclin, mais on
a un recul au niveau des emplois de 0,7 %, alors que le Québec a une
croissance de 0,4 %. Notre taux d'activité est à 58 %, il est de
2 points plus bas que celui du Québec, et le chômage est toujours
2 % plus élevé que l'ensemble du Québec.»
C'est-à-dire que nous nous situons, au moment où on se parle,
à plus de 15 % dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean.
Et on ne nous annonce rien de beau pour les prochaines années.
Est-ce que c'est ça qui va relancer l'économie? Il dit:
«Ainsi, d'ici 1996, la croissance de l'emploi au Saguenay-Lac-Saint-Jean
sera inférieure à la moyenne québécoise. soit 0,9 %
annuellement, comparativement à 1,5 %, celle du Québec.» Et
il n'annonce rien de bon. Si l'on parle des activités en forêt, il
dit: La forêt, ça a commencé à baisser il y a cinq
ans et la situation devrait perdurer. Il n'y a aucune prévision
d'augmentation avant 1996. Ça ne bougera pas. Il dit la même chose
dans l'emploi manufacturier: «L'emploi manufacturier dans ce secteur
devrait reculer à environ 2 % en 1992...
Le Président (M. Audet): En conclusion. (23 h 40)
Mme Blackburn: ...et la reprise n'arrivera pas avant
1993-1994». Dites-moi que cette relance économique bidon, c'est de
la foutaise dans ma région, c'est de la foutaise dans la majorité
des régions du Québec, ça n'a rien à voir avec un
plan de relance économique. Et le moins qu'on puisse faire...
Le Président (M. Audet): Merci.
Mme Blackburn: si on avait un peu de morale, on inviterait les
consommateurs à venir nous dire si, effectivement, ils sont prêts
à tout sacrifier...
Le Président (M. Audet): Merci, Mme la
députée.
Mme Blackburn: ...pour ouvrir les commerces le dimanche.
Merci.
Le Président (M. Audet): Merci, Mme la
députée de Chicoutimi. À l'ordre, s'il vous
plaît!
Je vais maintenant reconnaître M. le député de
Laviolette. Vous avez 10 minutes, M. le député.
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: M. le Président, je suis un peu
déçu que cette proposition ait été faite par ma
collègue, la députée de Taillon. Je vais vous dire
pourquoi. Pas parce que ce n'est pas une bonne proposition qu'elle a faite,
c'est que j'aurais aimé que cette proposition-là soit faite par
un autre personnage ici, présent à cette commission, qui est le
député de Saint-Maurice.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Jolivet: Savez-vous pourquoi? Parce que les ACEF ont pris
naissance à Shawinigan; il ne faut pas oublier ça, dans
l'histoire. Qui était à la tête des ACEF, à
l'époque? Rose Gélinas, Madeleine Plamondon qui a donné
naissance ensuite - Mme Plamondon - au Service d'aide aux consommateurs, ce
qu'on appelle le SAC, qui a une renommée à travers le Canada.
Même le député de Saint-Maurice s'en souviendra, lors du
sommet économique, le Service d'aide aux consommateurs avait
demandé de l'aide à notre séance du sommet pour,
justement, mettre sur pied, avec l'aide de Bell Canada, tout un service
permettant aux gens de pouvoir avoir une réponse rapide à leur
demande. Et, grâce à l'appui des députés de
Laviolette et de Saint-Maurice, elle a reçu l'argent nécessaire
pour mettre en place, justement, quelque chose d'inédit avec un
système téléphonique qui permet maintenant à tous
les membres... Et je suis membre, comme consommateur, du Service d'aide aux
consommateurs; je paie ma cotisation tous les ans: 12 $, pour venir en aide
à cet organisme. Même si je ne prends aucun service, je le fais de
bon coeur parce que je sais que ça peut servir à d'autres. Et,
quand arrive le temps, comme député, où on a des
problèmes au niveau du Service d'aide aux consommateurs, on fait
référence à ce service-là qui nous est très
utile.
J'aurais aimé que le député de Saint-Maurice prenne
la défense des consommateurs au lieu d'être un mouton de Panurge
et de suivre la directive du ministre.
M. Lemire: Aïe, aïe, aïe!
M. Jolivet: Bien! Écoutez! Je lui ai demandé, tout
à l'heure, M. le Président, au député de
Saint-Maurice, de prendre ses 10 minutes. Avant de quitter pour aller prendre
une pause qu'il avait le droit de prendre, il m'a indiqué qu'il
reviendrait parler dans 10 minutes. Alors, j'ai bien hâte de l'entendre
parler pour voir quelle sera la position qu'il prendra pour un centre-ville,
à Shawinigan, qui a eu plusieurs difficultés depuis quelques
années, d'autant plus que, feu par-dessus feu, on est en train, mine de
rien, de renouveler le centre-ville de Shawinigan en demandant au ministre des
affaires sociales de venir combler un vide en remettant un centre d'accueil
dans le centre-ville ou encore en demandant au ministre des Affaires
municipales de mettre un programme spécial de revitalisation du
centre-ville. Mais, si ce n'est pas pour aider les consommateurs, je me demande
pourquoi. Si ce n'est pas pour remettre un peu de vie dans le centre-ville de
Shawinigan, je ne sais pas pourquoi.
Donc, c'est des formules qui pourraient permettre au
député de défendre son comté, sa principale
municipalité qui est Shawinigan où a pris naissance l'Association
coopérative d'économie familiale...
M. Blais: En 1962.
M. Jolivet: ...comme mon collègue me le souffle à
l'oreille, le député de Masson, en 1962. Je me souviens de cette
époque-là, puisque j'étais encore au séminaire
Sainte-Marie, avant de prendre mon envol pour l'Université Laval.
M. Tremblay (Outremont): À Sainte-Marie?
M. Jolivet: J'ai été au séminaire
Sainte-Marie, certainement.
M. Tremblay (Outremont): Ah oui?
M. Jolivet: Oui, je suis un finissant du séminaire
Sainte-Marie.
M. Tremblay (Outremont): En quelle année?
M. Jolivet: En 1962-1963.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Jolivet: À l'époque de la fondation...
Le Président (M. Audet): M. le ministre, à
l'ordre!
M. Jolivet: ...du Rassemblement... Des voix: Ha, ha,
ha!
Le Président (M. Audet): MM. les députés,
s'il vous plaît!
M. Jolivet: À l'époque du Rassemblement pour
l'indépendance nationale, avec M. Tony LeSauteur, en région, et
Rose Gélinas qui étaient, justement, les éléments
dynamiques de notre région pour l'économie familiale. Ce n'est
pas pour rien que Rose avait travaillé dans ce dossier-là,
à l'époque, parce que, comme tout le monde, elle croyait, dans un
milieu aussi industrialisé que Shawinigan, à l'époque,
qu'il y avait besoin d'aide aux consommateurs.
Alors, moi, je dis: Dans le contexte actuel, avec toute
l'évolution qu'a connue ce Service d'aide aux consommateurs actuel dans
notre région, l'ACEF, qui est une autre formule d'aide au niveau des
consommateurs, on ne pourrait pas l'entendre, comme le demande si bien ma
collègue, la députée de Taillon, afin de permettre
à cet organisme de venir nous indiquer pourquoi, d'après
plusieurs personnes au Québec, on juge que la libéralisation des
heures d'ouverture des magasins entraînera une augmentation des achats
impulsifs. S'il y a quelque chose qui a trait aux consommateurs et aux
consommatrices, c'est bien ça, M. le Président.
Moi, je dis de les entendre afin de leur faire donner des exemples de
difficultés qu'ont connues les consommateurs dans le passé et,
à mon avis, qu'ils pourront peut-être revivre encore, dans un
contexte plus difficile. Vous remarquerez, je vous donne l'exemple de ma
région parce que c'est de là qu'est partie l'ACEF. Pourquoi on
l'a fait à l'époque et pourquoi, aujourd'hui, on en a encore
besoin? C'est parce qu'il y a des gens qui reçoivent des messages les
amenant à dépenser plus que ce qu'ils pourraient dépenser
et il faut les aider, dans certains cas, à retenir leur désir
d'acheter, compte tenu de la publicité immense qui est faite.
Alors, l'ouverture des magasins le dimanche, on a beau dire que
ça n'amènera pas l'apocalypse, comme le dit le
député d'Orford, mais je pourrais lui dire, quand même,
qu'il y a des dangers. Est-ce qu'on n'a pas le droit ici d'exprimer ces
dangers? Lesquels dangers sont que des entreprises au Québec,
étant différentes de celles des États-Unis,
décident d'utiliser le dimanche comme un des moyens de faire en sorte
que les gens aillent d'abord visiter, aillent faire du lèche-vitrines
pour finir par faire des achats. Ça, ça touche le
consommateur.
L'exemple le plus typique, c'est les marchés aux puces. Je suis
monté - je me souviendrai toujours de cela - au mois de juillet,
voilà trois ans, avec un groupe. On avait décidé de faire
une activité qui était très intéressante: partir de
Montréal, au port de Montréal, en rabaska, canot de 11 personnes,
jusqu'à Sorel; de Sorel jusqu'au Cap-de-la-Madeleine et, le lendemain,
le troisième jour, partir du Cap-de-la-Madeleine jusqu'à
Québec. Mais il faut savoir que, sur le fleuve Saint-Laurent, il y a une
marée et cette marée. quand on arrive dans le bout de Cap-Rouge,
si on la prend au mauvais moment, on recule plus qu'on avance. Alors, cette
journée-là - je m'en souviendrai toujours - il pleuvait à
verse. Moi, je n'avais pas pu aller à la troisième journée
puisque j'avais une activité à Québec, une personne de mon
entourage qui fêtait son 25e anniversaire de mariage. Il pleuvait
à verse, il ventait et, pourtant, les gens étaient rendus au
marché aux puces de Sainte-Foy, où est le grand réservoir,
dans le bout de Monseigneur-Grandin, pour ceux qui connaissent Sainte-Foy.
J'étais abasourdi. Vous savez, la tour d'eau, à Sainte-Foy, juste
à côté, il y a tout un marché aux puces, et
Monseigneur-Grandin, c'est là qu'était le ministère de
l'Éducation quand je m'occupais de l'éducation, pour la
classification des enseignants. Alors, je m'en souviens encore parce que je
passais souvent là. Là, il y avait du monde à pleine
capacité parce qu'il y avait une attirance, par le marché aux
puces, qui faisait en sorte que les gens sont allés dépenser,
qu'il fasse beau ou qu'il ne fasse pas beau.
Ça, imaginez-vous, avec une publicité soutenue à la
télévision, en particulier quand vous avez les annonces en double
- il y a une première annonce, une autre annonce et elle revient, la
même annonce, selon une formule de marketing actuel - pour inviter les
gens à aller magasiner le dimanche parce qu'à telle place il va y
avoir la grande foire, ça va être la vente. puis ils vont faire
des choses semblables. Il n'y a rien qui nous empêche de penser,
aujourd'hui, que ça pourrait exister. Ce n'est pas l'apocalypse que de
dire que ça pourrait exister dans un commerce un peu laissé
à la va-comme-je-te-pousse.
Dans ce sens-là, M. le Président, j'ai des
inquiétudes. Il me semble que les ACEF pourraient nous donner, à
partir d'exemples vécus depuis les années soixante, donc depuis
30 ans. ce qu'elles ont vécu, ce qu'elles ont réussi à
faire pour, justement, sortir du pétrin des gens qui avaient
signé des contrats, mais qui avaient signé ça sous la
pression de gens qui sont venus à la maison. On a l'exemple typique,
actuellement, avec une loi que ma collègue, la députée de
Terrebonne, a réussi à faire changer, sur les
achats de préarrangements funéraires, dans un contexte
où les gens allaient vendre ça à la maison, sous pression,
à des personnes âgées, puis, pire que ça, allaient
dans les hôpitaux, quasiment voir la personne sur son lit
d'hôpital. Ça n'a pas de bon sens. (23 h 50)
Le Président (M. Audet): Si vous voulez conclure, M. le
député.
M. Jolivet: Je conclus, M. le Président, en
espérant que le collègue de Saint-Maurice, qui va prendre la
parole après moi, pourra nous indiquer qu'il a l'intention de demander
à son ministre de faire intervenir en cette assemblée les gens de
l'ACEF pour nous renseigner le plus possible. Merci.
Le Président (M. Audet): Merci, M. le député
de Laviolette.
Je vais maintenant reconnaîre M. le député de
Saint-Maurice. M. le député vous avez 10 minutes.
M. Yvon Lemire
M. Lemire: Merci beaucoup, M. le Président. Si je tenais
à prendre la parole dans les derniers instants - j'espère que
c'est les derniers instants de cette commission; en tout cas, l'avenir nous le
dira - c'est pour faire connaître mon point de vue sur la démarche
qui, avec les années, nous a conduits à amender la loi et
à en arriver à une loi qui est moins intervenante,
c'est-à-dire à moins d'interventions du gouvernement dans le
domaine des heures d'affaires, dans le domaine des affaires. Moi, je me
souviens des années où M. Biron était le ministre.
C'était lui, M. Biron, qui était le roi des privilèges,
des interventions. Vous vous souviendrez quand on a donné le
privilège, par exemple, aux marchés aux puces. Moi, je me
souviens, c'est lui qui a donné les privilèges aux fruiteries. Il
a donné des privilèges, des privilèges, et ça a
amené une loi des heures d'affaires qui était tellement
compliquée à appliquer qu'à un moment donné, quand
le Parti libéral est arrivé au pouvoir et qu'on est arrivé
comme gouvernement, tout le monde appelait le ministre du temps et tous
voulaient continuer à avoir des interventions de la part du ministre
pour avoir des privilèges pour leur permettre d'en avoir davantage.
Comme gouvernement, on a été obligé de prendre nos
responsabilités et d'amender la loi de façon à ce qu'elle
devienne plus équitable et plus convenable pour tous les gens qui
étaient pris dans un carcan, dans des investissements qui avaient
été faits dans votre temps et qu'on n'était pas capables
de défaire parce qu'on était allé trop loin. Donc, les
gens qui avaient des fruiteries, vous le savez à Montréal, dans
les alentours de l'île de Montréal, on ne pouvait pas leur dire:
Maintenant que vous avez investi des centaines de milliers de dollars, vous
allez vous conformer aux nouvelles règles des heures d'affaires et vous
allez fermer le dimanche. Ce que ça a fait, ça a amené la
consultation que le ministre d'aujourd'hui, le ministre de l'Industrie, du
Commerce et de la Technologie, a faite, et ça a amené une
consultation majeure dont vous vous souvenez.
Et moi, après avoir analysé l'amendement à la loi
que le ministre a déposé, j'ai compris. Parce que, moi aussi, je
me suis promené, je suis allé voir mes marchands de meubles.
D'ailleurs, j'ai acheté une chaise, un La-Z-Boy, pour me reposer de
cette commission parlementaire qui m'a fatigué pas mal. Je suis
allé voir Napoléon Boisvert. J'ai dit à mes
«chums»: Ça me fait bien de la peine, mais vous allez
être obligés de fermer deux jours au lieu de fermer rien qu'une
journée. Parce qu'ils ferment déjà le lundi, les gens chez
nous. Et je leur ai dit: Écoutez, ce n'est pas facile.
Moi, je viens du monde des affaires et je veux vous dire, M. le
député de Laviolette, que, s'il y a un gars qui a
travaillé le dimanche, c'est bien moi. J'étais tellement à
la disposition de ma clientèle. Moi, j'ai commencé lettreur de
camions. Et vous savez, un camion qui n'est pas sur la route, combien ça
coûte quand tu es obligé de le retirer de la route durant la
semaine. Alors, je disais au gars: Écoute bien, c'est quand il ne marche
pas ton camion? Je me souviens, j'ai lettré une «vanne» dans
le temps du Montréal-Matin. Vous vous souvenez des
«vannes» de 40 pieds de long, il y avait des petits bonshommes et
tout le monde achetait le journal. C'était la propagande et l'enseigne
du journal Montréal-Matin. J'avais fait ça sur une
«vanne» de 40 pieds de long. Alors, le gars m'avait dit: Moi,
là, ma «vanne», elle ne marche pas du samedi soir au lundi
matin à telle heure. Ça fait que là je lui ai dit:
Mets-la-moi là. Ça fait que je travaillais toute la
journée du dimanche, tout le samedi, la nuit pour m'ajuster au service
de ma clientèle.
Et, ensuite, j'ai eu un magasin de matériaux de construction.
Vous vous souvenez de ça, M. Jolivet? À part de ça, il
s'appelait Robert Bourassa inc. Vous vous souvenez? J'ai acheté
ça dans l'année où Robert Bourassa disait: 100 000 jobs,
100 000 emplois. C'était le slogan de Robert Bourassa en 1973. Moi,
j'avais fait ma publicité. Je disais: On a 100 000 raisons d'acheter
chez Robert Bourassa! Il y a 100 000 clous, 100 000 planches, 100 000,100
000...
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Audet): À l'ordre, s'il vous
plaît! À l'ordre!
M. Lemire: M. le député de Laviolette, c'est pour
vous rappeler ce qui est important pour servir des clients. Moi, j'ai vendu des
maisons le
dimanche. J'ai vendu 250 maisons, moi. Savez-vous combien j'ai
passé de familles? J'ai passé tout près de 800 familles,
père et mère et les enfants. Vous savez ce que c'est, vendre une
maison, hein?
M. Jolivet: Moi, j'ai eu ta soeur et ta mère, dans le
syndicat.
M. Lemire: Oui, mais là, je ne parie pas de syndicat, je
parie d'heures d'affaires. Et, ma mère, moi, écoute, ma
mère m'a enseigné et je vais te dire: Je suis très fier de
ma mère, c'est bien sûr, mais elle aussi est fière de son
fils...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Lemire: ...il est devenu un homme d'affaires, il est devenu
député et le vis-à-vis de son représentant
syndical!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Lemire: Et ça, c'est bon!
M. Jolivet: Son représentant qu'elle aime beaucoup.
M. Lemire: Oui, oui. C'est sûr qu'elle vous aime beaucoup,
mais elle m'aime beaucoup aussi. Ce qui est bon dans tout ça, c'est que,
moi, je suis le contrebalancier. C'est un peu ça qui se passe dans le
monde des affaires. M. le Président, c'est un peu ça qui se
passe. Vous êtes un homme d'affaires, vous. Vous vous souvenez? Votre
père avait une épicerie - on l'a dit - il était barbier et
il était obligé de faire les cheveux le dimanche. Bien, moi, j'ai
fait un petit peu de tout ça. À un moment donné, mon
magasin de matériaux m'a obligé à ouvrir le samedi. Je
n'avais pas grand monde le samedi, mais mes maisons modèles
m'obligeaient à travailler le dimanche. Je me souviens, j'ai fait des
maisons Novelec. Bien oui! Et c'était la meilleure manière, parce
que, le dimanche, quand je faisais mes maisons modèles, je vendais des
maisons, je vendais des armoires, je vendais des tapis, je vendais toutes
sortes de choses et je me rendais disponible pour les gens.
Même Mme Plamondon, à qui j'ai parié ce matin, je
suis certain que, si elle m'entendait... Je me souviendrai toujours de la
première maison modèle que j'ai faite en 196... en tout cas! Il y
a une année où Trudeau disait que tout Canadien devrait avoir sa
maison. Vous souvenez-vous de ça? Non, non, mais on en a bâti, des
maisons. Et mon slogan, moi, chez nous, c'était: Vivre au Parc des
érables, c'est vivre son rêve. C'était ça, la
musique que... Et, à ce moment-là, bien, savez-vous ce que
ça m'a permis de constater? C'est que les petites familles, le
père, la mère et les petits enfants, ils étaient heureux
de venir le dimanche pour pouvoir s'informer des prix, des prix de mes
matériaux, des sortes de tapis. Ma femme, Jeanne, vous l'avez connue
très bien, elle est en affaires. Jeanne, elle faisait des plans
d'armoires. Elle était spécialisée dans les plans. Je lui
disais: Là, les armoires, c'est toi. Et, après ça, on a eu
une manufacture de housses d'auto. Encore là, on faisait ajuster
ça le dimanche. Il y a des gens qui venaient le dimanche parce que, sur
semaine, les gars étaient tous pris. Et imaginez-vous toute
l'évolution qu'on a connue.
M. Jolivet: C'est depuis qu'il est député qu'il ne
travaille pas le dimanche.
M. Lemire: Non, non. Au contraire, dimanche, j'ai eu une
journée très occupée dans le comté de
Saint-Maurice.
Mais où je veux en venir, M. le Président? On a
évolué comme peuple, on a évolué et on
évolue encore. Ce qu'il est important de retenir, c'est que le ministre
fait évoluer sa loi selon la demande, selon ce qu'on ressent dans la
population. Après avoir été chez Napoléon Boisvert
et avoir fait le tour de tous ces gens-là, je me suis aperçu que,
sur le terrain, ce qu'on fait présentement... D'ailleurs, il n'y a
personne qui est venu à notre commission parlementaire, on n'a pas eu de
monde pantoute qui est venu nous dire de ne pas faire ça, qui est venu
vous entendre.
M. Jolivet: Vous ne voulez pas les avoir!
M. Lemire: Les gens, savez-vous où ils sont ce soir? Ils
sont dans leurs magasins. Bien, là. il est peut-être tard un petit
peu, ils ont fermé à 21 heures. Mais ils travaillent semaine et
dimanche pour essayer de vendre assez de produits pour être capables de
faire les paiements et de se sortir un peu d'argent pour passer le printemps
qui va peut-être être un peu difficile. Je pense, avec tout ce que
j'ai entendu sur le terrain et avec les explications que le ministre nous a
données depuis le début... C'est difficile à appliquer
cette loi-là, vous nous l'avez prouvé, M. le ministre, surtout
que, dans les municipalités, avec les cours municipales, on ne voulait
pas s'occuper d'intervenir sur le terrain pour faire respecter la loi.
Donc, M. le ministre, je suis un des députés qui pensent
que, chez nous, on va s'ajuster à votre loi. Pour le centre-ville chez
nous, le député de Laviolette, il s'est aperçu, là,
qu'on est en train de faire des choses importantes. Ça a pris du temps
avant qu'il se fasse de quoi à Shawinigan. En terminant, M. le ministre,
je vous félicite, mais je remercie aussi le ministre Ryan,
c'est-à-dire le ministre des Affaires municipales qui m'a aidé
à rénover mon centre-ville. Et, en terminant, je remercie le
ministre de la Santé qui vient de me voter un montant de 10 000 000 $
pour rénover un carré de rues dans le centre-ville, ce qui va
permettre aux gens non seulement de vendre des produits le dimanche,
mais d'avoir une relance économique acceptable dans le
comté de Saint-Maurice. Merci beaucoup, M. le Président.
Le Président (M. Audet): Merci, M. le député
de Saint-Maurice.
Compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux.
(Fin de la séance à minuit)