Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
(Onze heures cinquante-trois minutes)
Le Président (M. Farrah): La commission va procéder
à l'étude détaillée des projets de loi suivants: le
projet de loi 54, Loi concernant le barrage-réservoir des Rapides des
Cèdres, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, et
le projet de loi 59, Loi modifiant la loi sur les heures d'affaires... Non,
ça ne relève pas de vous autres, ça.
Projet de loi 54
Alors, dans un premier temps, on va passer à l'étude du
projet de loi 54. Est-ce qu'il y a des remplacements, M. le
secrétaire?
Le Secrétaire: Oui. Alors, M. Bélanger
(Laval-des-Rapides) par M. Charbonneau (Saint-Jean) et M. Leclerc (Taschereau)
par M. Gautrin (Verdun).
Le Président (M. Farrah): Alors, on en est rendu au stade
des remarques préliminaires. J'inviterais Mme la ministre pour ses
remarques préliminaires. Mme la ministre.
Remarques préliminaires
Mme Bacon: Elles sont très brèves, M. le
Président. On avait pris note des deux questions sur les causes en
suspens et sur la consultation. C'était deux items qui avaient
été soulevés par l'Opposition et on a donné les
réponses qui m'ont semblé des réponses
adéquates.
Le Président (M. Farrah): Merci, Mme la ministre. M. le
député de Joliette.
M. Chevrette: Oui. Étant donné que nous avons
appris - ne pas commencer officiellement, ça nous a donné
l'avantage de poser toutes nos questions d'ordre technique - qu'il n'y avait
pas de causes en suspens, du moins à la connaissance des hauts
fonctionnaires, à aller jusqu'à ce matin; deuxièmement,
que ce débat-là s'est fait dans le milieu - depuis probablement
une décennie qu'on en parie ou, plus particulièrement, depuis
1988 - et que rare pourrait être le citoyen qui n'est pas au courant de
ce dossier, dossier qui est unanime au niveau de la MRC, qui a fait l'objet,
également, de l'assentiment du député de Labelle en
Chambre, en deuxième lecture, sur le principe, donc, dans les
circonstances, M. le Président, nous pouvons souhaiter que ce dossier
connaisse un aboutissement heureux, donc, une adoption en troisième
lecture dans les prochains jours.
Le Président (M. Farrah): Merci, M. le
député de Joliette. Alors, nous en sommes rendus maintenant
à appeler l'article 1.
Étude détaillée M. Chevrette: Oui.
Le Président (M. Farrah): Est-ce que vous avez une
façon de procéder? Est-ce qu'il y a eu entente à ce
niveau-là? Article par article, ça va?
Mme Bacon: On va y aller...
Le Président (M. Farrah): J'appelle l'article 1. Mme la
ministre.
M. Chevrette: Pas besoin de le lire, en ce qui me concerne.
Mme Bacon: Pas besoin de le lire. Bon, alors, je pense qu'on peut
donner juste les explications. C'est une disposition qui avait pour but de
limiter le droit de propriété riverain de l'État à
la ligne des hautes eaux telle que modifiée par l'exploitation du
barrage des Rapides des Cèdres, de façon à permettre, aux
articles 2 et 3 du projet de loi, le transfert de la propriété
des terrains situés au-dessus de cette ligne au domaine
privé.
Le Président (M. Farrah): Merci, Mme la ministre. M. le
député de Joliette, il y a des commentaires à l'article
1?
M. Chevrette: Adopté.
Le Président (M. Farrah): Alors, l'article 1 est
adopté. J'appelle l'article 2.
Mme Bacon: L'article 2, M. le Président, c'est un article
qui prévolt le transfert de propriété de la lisière
de terrain située au-dessus de la ligne des hautes eaux modifiée,
qui faisait partie du domaine public jusqu'à maintenant, au domaine
privé. Et le propriétaire du terrain contigu ou ses ayants droit
deviendront propriétaires de la lisière située en front de
leur terrain, sauf si elle est occupée par un tiers dont les droits
seront protégés par l'article 3.
Le Président (M. Farrah): Merci beaucoup. Des
commentaires, M. le député de Joliette?
M. Chevrette: Adopté.
Le Président (M. Farrah): Alors, l'article 2
est adopté. J'appelle l'article 3, Mme la ministre.
Mme Bacon: L'article 3. Le but de cette disposition, M. le
Président, est de protéger les droits des occupants qui occupent
la lisière de terrain à titre de propriétaire depuis un
certain nombre d'années. Les règlements mentionnés au
paragraphe 1° permettent la régularisation de certaines occupations
sur des terres du domaine public sous l'autorité du ministère de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation ou du ministère
de l'Énergie et des Ressources, et les personnes qui peuvent
actuellement obtenir un titre en vertu de ces décrets deviendront
propriétaires par l'effet de l'article 3. Il en est de même pour
les occupants répondant au critère de prescription du droit de
propriété établi par le Code civil.
Le Président (M. Farrah): Merci. M. le
député de Joliette.
M. Chevrette: Adopté. Là-dessus, j'avais eu mon
information également préalablement. Je disais: C'est en vertu de
cet article que les squatters pourront devenir propriétaires, mais on
m'a appris que, depuis 1985, ils devaient l'être en vertu d'une
décision du temps.
Le Président (M. Farrah): Tout est correct?
M. Chevrette: Donc, ayant eu ma réponse, c'est
adopté.
Le Président (M. Farrah): Parfait. Alors, l'article 3 est
adopté. J'appelle l'article 4. Mme la ministre.
Mme Bacon: L'article 4, c'est un... Le projet de loi a pour but
de régler les problèmes de délimitation entre la
propriété publique et les propriétés privées
qui sont situées en bordure du réservoir des Rapides des
Cèdres, et ces problèmes ne se posent pas lorsque le terrain
contigu à la lisière est une terre du domaine public. Et
l'article 4 exclut donc le transfert de propriété au domaine
privé dans ces cas.
M. Chevrette: Adopté.
Le Président (M. Farrah): Alors, l'article 4 est
adopté. J'appelle l'article 5. Mme la ministre, encore.
Mme Bacon: À l'article 5, il est nécessaire
d'assujettir le transfert de propriété de la lisière
située au-dessus de la ligne des hautes eaux modifiant une servitude
d'inondation jusqu'à la cote d'exploitation actuelle de ce barrage, afin
que l'exploitation puisse être continuée sans risque de poursuite
en dommages.
M. Chevrette: Sur le plan technique, c'est bien 201
mètres...
Mme Bacon: 201,9 mètres, oui.
Une voix: C'est l'ancienne cote, 138, là. C'est parce
qu'on les raffermit avec le réseau géodésique, là.
L'ancienne cote qui est toujours utilisée, c'est 138 pieds. Maintenant,
ramené dans le système géodésique, ça donne
201,9 mètres.
Mme Bacon: 201,9, oui.
M. Chevrette: C'est parce que je trouvais ça haut, moi.
Ça fait 650 pieds.
Une voix: C'est juste un niveau d'élévation par
rapport à un «datum» géodésique.
M. Chevrette: Oui, je comprends, par rapport au niveau de la
mer.
Une voix: Donc, ce n'est pas... M. Chevrette: Bon, ce
n'est pas si...
Une voix: C'est le niveau de la mer qui est à zéro,
là.
M. Chevrette: C'est vrai. La petite rivière
Saint-François est plus haute que ça. Le lac des Neiges
aussi.
Une voix: Exact. C'est beaucoup plus haut.
Le Président (M. Farrah): L'article 5... O.K. Allez-y
encore.
M. Chevrette: Oui, c'est beau.
Le Président (M. Farrah): L'article 5 est
adopté?
M. Chevrette: Adopté.
Le Président (M. Farrah): Merci, M. le
député de Joliette. L'article 6. Mme la ministre.
Mme Bacon: Alors, comme le Code civil du Bas Canada, à
l'article 425, attribue le droit de propriété des Des
situées dans les eaux non navigables aux propriétaires riverains,
il est nécessaire de préciser que le projet de loi n'a pas pour
effet de transférer aussi les îles. (12 heures)
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Farrah): Alors, l'article 6 est
adopté. J'appelle l'article 7.
Mme Bacon: L'article 7, c'est une disposition qui a pour but de
permettre de publier dans les bureaux d'enregistrement les effets du
présent projet de loi sur les titres de propriété
qui y sont enregistrés. Le troisième alinéa
écarte l'application de l'article 2168 du Code civil qui exige que les
parties de lot dont les actes sont enregistrés soient décrites
par leurs tenants et aboutissants. Comme il s'agit toujours de la
lisière de terrain située entre le réservoir et la cote
138 pour chacun des lots visés, l'ajout des tenants et aboutissants
n'est pas nécessaire.
Le Président (M. Farrah) : Ça va?
M. Chevrette: Adopté.
Le Président (M. Farrah): Allez-y.
M. Chevrette: Ça, les titres, c'est tout fait, c'est
déjà tout prêt, je suppose, puis ça va s'en aller...
La liste, là?
Une voix: C'est fait.
M. Chevrette: C'est fait? Tout est réglé? Ça
rentre chez le registrateur, puis salut, sans frais?
Une voix: On va publier pour chacun des lots qui sont
visés par ce projet de loi là.
M. Chevrette: C'est beau.
Le Président (M. Farrah): L'article 7 est adopté.
J'appelle l'article 8.
Mme Bacon: À l'article 8, M. le Président, le but
de cet article-là, c'est de permettre au ministère de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation d'appliquer à la
lisière de terrain la même législation que celle qui
s'applique aux terres sous concession, c'est-à-dire sous billet de
location, lorsque le terrain contigu est lui-même une terre sous
concession. Alors, il assujettit de plus cette lisière à la
servitude d'inondation prévue à l'article 5 du projet de loi.
M. Chevrette: Adopté.
Le Président (M. Farrah): L'article 8 est adopté.
J'appelle l'article 9.
Mme Bacon: À l'article 9, la présente loi entre en
vigueur dès l'adoption. C'est ça?
Une voix: Dès la sanction.
Mme Bacon: Dès la sanction, c'est-à-dire.
M. Chevrette: Adopté.
Le Président (m. farrah): l'article 9 est adopté.
est-ce que l'étude du projet de loi, loi concernant le
barrage-réservoir des rapides des cèdres, est adoptée?
Mme Bacon: Adopté. Avec le titre?
M. Chevrette: Le titre, le préambule, tout le
«kit», adopté.
Le Président (M. Farrah): L'étude du titre du
projet de loi est adoptée. Est-ce que l'ensemble du projet de loi est
adopté?
Mme Bacon: Oui.
M. Chevrette: Certainement.
Mme Bacon: Vous me permettrez, M. le Président, de
souhaiter, pour le bénéfice de quelque 2000 citoyens
propriétaires, que ce projet de loi là proposé soit
adopté dans les meilleurs délais et permette une meilleure
utilisation des propriétés de chacun.
Le Président (M. Farrah): Alors, merci, Mme la
ministre.
M. le député de Joliette, avez-vous des commentaires, une
conclusion?
M. Chevrette: j'abonde dans le sens de mme la ministre et je vous
dis que ce sera fait dans les prochaines heures si la planification des travaux
est bien faite.
Une voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Farrah): C'est très beau de voir
une telle unanimité.
Mme Bacon: Ça va bien.
Le Président (M. Farrah): Alors, merci à tous ceux
et celles qui ont participé à cette commission et, sur ce, je
suspends les travaux à 15 heures cet après-midi. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 3)
(Reprise à 15 h 40)
Le Président (M. Audet): La commission de
l'économie et du travail va débuter ses travaux. Alors, je
constate le quorum et je déclare la séance ouverte. Je vous
rappelle le mandat de la commission qui est de procéder à
l'étude détaillée du projet de loi 59, Loi modifiant la
Loi sur les heures et les jours d'admission dans les établissements
commerciaux. M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
Projet de loi 59
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M.
Bélanger (Laval-des-Rapides) par M. Houde (Berthier), Mme Dionne
(Kamouraska-Témiscouata) par M. Benoit (Orford), M. Leclerc
(Taschereau) par M. Gautrin (Verdun), M. Chevrette (Joliette) par Mme
Marois (Taillon) et M. Jolivet (Lavlolette) par Mme Carrier-Perreault (Les
Chutes-de-la-Chaudière).
Le Président (M. Audet): Merci beaucoup. Alors, nous
allons débuter avec les remarques préliminaires. Je vais
maintenant reconnaître M. le ministre. Vous avez la parole.
Remarques préliminaires M. Gérald
Tremblay
M. Tremblay (Outremont): Alors, merci, M. le Président.
Nous débutons la commission parlementaire sur la Loi modifiant la Loi
sur les heures et les jours d'admission dans les établissements
commerciaux.
J'aimerais faire une suggestion à l'Opposition. Je me rappelle
l'expérience de 1990 où, pour des questions de principe, on
s'était objecté au projet de loi et nous n'avions même pas
analysé l'article 1 et tous les autres articles. Alors, je peux
comprendre, mais je n'accepte pas la position de l'Opposition. Alors, on
pourrait peut-être les regarder, ces articles-là. Tout à
coup l'Opposition aurait des suggestions concrètes pour améliorer
le projet de loi, je suis bien prêt à regarder ça,
plutôt que de s'asseoir et de faire de l'obstruction systématique,
ià, pendant des heures, des heures et des heures.
Alors, je ne pense pas avoir d'autres mots à ajouter dans mes
remarques préliminaires. Ça se veut un projet de loi qui a
été analysé, qui est bien balancé, qui s'est fait
en consultation avec un très grand nombre d'intervenants, incluant des
personnes qui sont contre, mais qui réalisent très bien que c'est
un projet de loi équilibré, qui est mieux que ce qui existait.
Alors, dans ce sens-là, il y a deux façons de le regarder, d'une
façon positive et d'essayer de voir si on n'aurait pas oublié
quelque chose. Peut-être que l'Opposition peut avoir une approche
positive. Alors, dans ce sens-là, c'est la suggestion que je fais, M. le
Président.
Le Président
(m. audet): merci, m. le ministre. je
vais maintenant reconnaître m. le député de labelle comme
porte-parole officiel de l'opposition.
M. Jacques Léonard
M. Léonard: Merci, M. le Président. Je reconnais
bien là le ministre qui prend pour acquis qu'on va faire une obstruction
systématique, dont il est lui-même le premier responsable, s'il y
en a un, parce que, encore aujourd'hui, ii commence avec un fort accent de
mépris et d'arrogance envers les parlementaires. C'est ça, son
style. Il a commencé lui-même en annonçant, le 23 novembre,
à tout le monde que les maga- sins seraient ouverts, alors que la loi
n'était pas passée, qu'elle n'avait pas été
discutée, que le principe même n'avait pas été
étudié. Il l'a dit à tout le monde. Il a, d'ailleurs,
directement induit des marchands en erreur, mais indirectement, par la suite,
conduit un certain nombre de détaillants, de commerçants,
à enfreindre la loi - ils vont donner comme excuse: Bien,
écoutez, on n'avait pas entendu la déclaration du ministre par la
suite, etc. - au mépris des parlementaires.
Hier soir, lorsqu'on a clos le débat de deuxième lecture
sur ie projet de loi, il n'a même pas daigné parler. On a eu un
débat. Il y a eu des arguments. Il a répliqué de
façon très courte à la motion de report. C'est le seul
moment où il est intervenu dans la suite du débat, après
être intervenu à l'Assemblée. Mais, à la fin, il n'a
même pas clos le débat, ce qu'un ministre doit faire normalement
quand il est au Parlement, quand il est à l'Assemblée nationale.
Non, même pas ça. Et, aujourd'hui, il vient nous donner des
conseils sur notre façon de procéder en commission.
Bien, M. le Président, je pense que, là, ça va
faire, l'arrogance et le mépris du ministre. Nous avons
déjà été à l'Assemblée nationale. Je
l'ai déjà été et j'ai passé plus de lois que
lui-même n'en passera jamais ici à l'Assemblée nationale,
si je comprends, du moins à ce stade-ci. Alors, avant de donner des
conseils à tout le monde, qu'il commence donc par considérer que
l'Assemblée nationale existe, que les gens qui sont ici autour de la
table sont élus par la population, chacun dans son comté, et
qu'à ce titre ils méritent le respect, premièrement. Ils
méritent le respect et, quand on n'a plus de recours, quand les
débats sont escamotés comme il l'a fait, l'Opposition doit
recourir à des mesures dilatoires, à de la procédure.
C'est là où l'Opposition doit le faire parce que le gouvernement
n'agit pas en toute transparence. Il a commencé son intervention en
disant ou en prenant pour acquis que nous avions cette attitude, mais c'est
lui-même qui a conduit l'Opposition à adopter
éventuellement cette attitude.
M. le Président, j'en aurai des remarques préliminaires
à faire, parce que le ministre a déposé un document, hier,
un autre document. Je vois que le ministre prend des notes parce que ça
peut servir son argumentation, mais c'est un autre document qu'il a
déposé hier, dans la foulée de celui qu'il avait
déposé lors du dépôt du projet de loi ou à
peu près le même jour où il prenait comme hypothèse
que les ventes augmenteraient de 1 %. Ça n'a pas été
étayé, nous l'avons dit, nous l'avons établi, et toutes
les conclusions qu'il a tirées prenaient pour acquis que cette
hypothèse s'avérait exacte. Sur le 1 %, il a appliqué le
modèle du ministère, puis il en a tiré ses conclusions.
Mais, quand on bâtit sur du sable, évidemment, à un moment
donné, on s'aperçoit que les conclusions qu'on en
tire ne sont pas valables. Et c'est ce que nous avons fart, nous l'avons
démoli, son mémo d'autojustrfication. C'est ça que nous
avons fait.
Alors, hier, il s'est amené en Chambre en déposant un
document. Je l'ai lu, M. le Président, son document. J'ai quelques
remarques à faire là-dessus parce que, ce matin, les journaux en
étaient pleins et ils ont rapporté le contenu de ce document. Je
pense que les comptes rendus sont corrects, mais je voudrais faire des
commentaires, à ce stade-ci, parce que c'est la première fois que
j'en ai l'occasion, que j'ai l'occasion pour le faire, la première
fois.
Je voudrais, d'abord, toucher la première page. Ce document a
été financé par le Regroupement québécois
pour l'ouverture le dimanche qui a demandé à Management Horizons,
qui est une division de Price Waterhouse, de l'aider à documenter les
principaux effets de la libéralisation des heures d'affaires. Tiens,
tiens! C'est un des partenaires au dossier, un des partenaires du ministre.
Est-ce qu'on a donné l'occasion à d'autres de s'exprimer
là-dessus? Non. Je vous dirai que c'est la première fois, M. le
Président, que je vois un document financé par une des parties au
dossier déposé par le ministre en Chambre pour soutenir sa
thèse.
Donc, il se place dans une position pratiquement d'agent d'affaires par
rapport à ce groupe de pression. C'est ça qu'il est. Et il faut
voir ce qui est dit même dans ce document, juste comme mandat, si vous
voulez: «aider à documenter les principaux effets de la
libéralisation des heures d'affaires». Je pose la question: Si ce
document est exact, pourquoi n'a-t-il pas été
déposé avant? Et on doit pratiquement inférer que le
document n'a pas été fait avant. En réalité, je
subodore que le ministre a déposé un mémo
d'autojustrfication au mois de décembre, le 28 décembre, le 27
décembre, le 26 novembre, pardon, et puis, comme ce mémo
n'était pas très solide, il s'en est fait faire un autre ou
d'autres se sont préoccupés d'en bâtir un autre. Il ne l'a
pas déposé en Chambre avant cela, il vient de le déposer.
Il l'a déposé hier. Le mandat de cette étude, c'est:
«aider à documenter des principaux effets de la
libéralisation des heures d'affaires».
Alors, moi, je pose une question au ministre: Quelles sont les
études du ministère qui l'ont conduit à modifier la loi
telle qu'elle était, le chapitre 30? Quelles sont les études du
ministère? Je ne lui demande pas les études des protagonistes au
dossier, du Regroupement pour l'ouverture le dimanche. Eux, ils vont
établir les chiffres pour appuyer leur thèse, mais le
ministère a-t-il une position neutre dans le dossier? A-t-il des
études pour la supporter? Où sont-elles et pourquoi ne les
dépose-t-il pas? Pourquoi ne les dépose-t-il pas? Est-ce que les
études du ministère consistent simplement dans le mémo
d'autojustification qui a été déposé en Chambre, le
26? C'est la seule étude que le ministère a pour modifier sa loi.
Franchement! Franchement!
On a déjà vu un gouvernement plus sérieux à
l'oeuvre. Oui, pas mal plus sérieux. (15 h 50)
Les débats, il faut les faire ouvertement. Nous sommes
élus par la population, nous sommes d'abord et avant tout des
députés. M. René Lévesque nous le rappelait
souvent: Nous sommes d'abord et avant tout des députés. Nous
représentons des comtés, nous représentons une population
et pas des groupes d'intérêts. Et le ministre ne doit pas se faire
l'artisan de groupes d'intérêts de façon exclusive. Nous ne
sommes pas dans une république de bananes où une entreprise dicte
à un gouvernement ses volontés exécutées par des
agents d'affaires. Il faudrait changer de mentalité. Nous sommes dans un
Parlement. Le ministre devrait en tenir compte. Nous ne sommes pas dans une
république de bananes. Oui, M. le député de Verdun, parce
que c'est le comportement que vous avez adopté dans ce dossier.
Deuxième remarque, page 2, M. le Président. Alors, je lis
le premier paragraphe, parce qu'il est intéressant: «Le
débat actuel a donné l'occasion à différents
intervenants de faire valoir des opinions divergentes sur l'impact de
l'ouverture le dimanche sur la création d'emplois, sur la croissance des
ventes et sur l'impact sur les commerces indépendants. Plutôt que
de générer d'autres prévisions sur l'impact
éventuel de l'ouverture le dimanche, nous avons choisi d'utiliser une
méthodologie basée sur l'analogie». Alors, en passant,
c'est une belle baffe au document du ministre déposé, le 26
novembre, à l'Assemblée nationale: «Plutôt que
générer d'autres prévisions». D'autres
prévisions! Citait juste des prévisions. Effectivement, ils ont
bien conclu ce qu'il en était. Maintenant, ce qu'on adopte, c'est
«une méthodologie basée sur l'analogie. C'est fait
ailleurs, nous faisons la même chose. Il est arrivé certains
comportements, une certaine évolution des dépenses de
consommation ailleurs. Donc, ici, ça devrait être exactement la
même chose.»
Je voudrais juste vous dire que, lorsqu'on fait une étude
scientifique, une méthode basée sur l'analogie n'est pas
précisément la plus sûre. Au fond, tout dépend des
conclusions qu'on a d'abord tirées de l'analyse qu'on a faite ailleurs
pour savoir où on s'en va et, ensuite, il est très hasardeux de
tirer des conclusions sur une situation qu'on qualifie d'analogique. Parce que
jusqu'où va l'analogie? Jusqu'où va l'analogie? Quelle est la
part, s'il en est, qui a une importance dans les conclusions qu'on tire?
Je voudrais simplement dire qu'il s'agit donc d'une étude
commanditée par un des partenaires au dossier, par un des lobbies au
dossier et qu'en plus ia méthodologie qu'il adopte n'est pas exactement
la plus sûre, pour ne pas dire qu'elle est douteuse. Mais ça,
c'est l'étude, la supposée étude, entre guillemets,
déposée par le ministre de l'Industrie et du Commerce à
l'appui de ses
thèses.
Je poursuis. Il y a deux autres paragraphes, on pourra les lire. Je
suppose que tout le monde a pu prendre connaissance de ce dossier. Je poursuis
au quatrième paragraphe qui dit ceci, l'analyste de Price Waterhouse:
«À la demande du Regroupement, notre analyse a porté sur
l'évolution de la performance de l'ensemble des ventes au détail,
à l'exception de l'alimentation et des ventes dans le secteur
automobile». Écoutez-moi bien: à la demande du
Regroupement. Donc, le Regroupement a exigé, dans son mandat, qu'on
exclue les dépenses d'alimentation et les ventes dans le secteur
automobile.
Alors, M. le Président, je veux juste vous dire que le mandat
vient de se restreindre de façon singulière parce que les
dépenses d'alimentation et les dépenses de ventes dans le secteur
automobile, c'est pratiquement la moitié des dépenses de
consommation. Ça peut varier parce que, même si l'on
prétend utiliser un modèle par analogie, il reste que la
situation qui peut exister en Alberta et en Colombie-Britannique n'est pas
nécessairement la même au Québec. Alors, tout de suite,
vous commencez à comprendre qu'il y a de sérieuses
réserves à ce dossier, et c'est le Regroupement qui a
exigé qu'on les exclue. Donc, le mandat vient d'être restreint de
façon significative et, en plus, on enlève les dépenses
d'alimentation et les dépenses du secteur automobile. Écoutez, je
pense que, là, il faudrait quand même les justifier. Ça,
c'est le ministre qui veut accréditer une étude, entre
guillemets. On restreint le mandat.
Alors, je continue au paragraphe suivant, M. le Président.
«Plusieurs données ont été analysées.
Puisqu'il est difficile d'isoler l'impact d'une seule variable sur les ventes
au détail, nous vous présentons dans ce document les variables
importantes qui indiquent l'effet de la libéralisation des heures
d'ouverture sur l'industrie du commerce de détail.» Encore,
faudrait-il savoir comment on peut isoler la variable libéralisation des
heures d'affaires. Et ça, ce n'est pas fait tout de suite. Et je pense
que, dans les quelques pages qui suivent, on se pose de sérieuses
questions sur la valeur de l'étude là-dessus. Mais le ministre
dit que son lobby, qui a limité le mandat, lui, a raison et, donc, il
prend cette étude sous le bras, vous dépose ça
glorieusement à l'Assemblée nationale avec des paragraphes comme
ceux-là.
M. le Président, je pense que, lorsqu'on a dit cela, dès
le départ, qu'il s'agit d'un document fait sur la commande d'un lobby
prolibéralisation, payé par le même lobby, et que la
méthodologie maintenant est basée sur l'analogie uniquement,
qu'on a exclu la moitié des ventes de détail ou, on pourra
l'établir, environ la moitié des ventes de détail... Et,
en passant, les ventes de détail représentent quelque 300 000
personnes, plus un autre 150 000 dans les ventes de gros. Donc, tout le
commerce, c'est un secteur très impor- tant, mais on vient d'exclure
l'alimentation et le secteur automobile, et puis après on vous dit:
C'est bien difficile d'isoler l'impact d'une variable parmi les autres.
Puis-je simplement dire que celui qui a fait l'étude
déjà a vraiment circonscrit ce qu'il fait? Il a été
prudent. Il a vraiment indiqué les limites de son étude. Je pense
que nous devons l'analyser avec les mêmes limites. Quand on parle
d'étude, bien, évidemment, c'est un mandat avec un rapport qui
vient au bout, mais les conclusions, je suppose, vont en découler. Les
statistiques qui ont été développées ou qui ont
été utilisées proviennent de Statistique Canada et
touchent les performances, l'évolution dans l'industrie du détail
au Québec, en Alberta et en Colombie-Britannique. Alors, on cite les
sources. Je voudrais dire qu'il y a des singulières différences
entre ce qu'il y a en Colombie-Britannique, ce qu'il y a en Alberta et au
Québec. Nous avons eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises
au cours du débat de deuxième lecture. La composition même
du commerce au détail n'est pas du tout la même (16 heures)
Mais poursuivons parce que ce document, cette analyse, avec le mandat
restreint qu'on lui connaît, basée sur l'analogie, fait
état des résultats d'un sondage de Management Horizons, division
de Price Waterhouse, qui a été réalisé à
l'été 1992. Ce sondage a touché 1025 ménages
canadiens, remarquez bien, canadiens, représentatifs de la population
canadienne, avec une marge d'erreur de plus ou moins 3 %. On devrait ajouter:
valable 19 fois sur 20. Je vois le député de Verdun qui est
d'accord avec moi. Il sait ce dont on parle. Ça n'a pas
été dit dans le texte...
M. Gautrin: C'est implicite.
M. Léonard: ...mais, généralement,
même dans un article de journal, on le dit. Dans le texte ici, on ne l'a
pas dit. Bon, bref, plus ou moins 3 %, 19 fois sur 20, échantillonnage
1025. C'est un échantillonnage des plus réduits pour le Canada
parce que, très souvent, on voit des échantillonnages où
une population est plutôt de l'ordre de 1500, 1600. Mais, enfin, enfin,
disons que c'est peut-être admissible - vous parlerez, M. le
député de Verdun, quand votre tour arrivera - mais il faut lire
l'autre phrase.
Une voix: Vous devez avoir le consentement pour parler.
M. Léonard: «L'échantillon des ménages
québécois est représentatif de la population
québécoise, avec une marge d'erreur de plus ou moins 7 %.»
Tout le monde sait que, si l'échantillon est valable dans l'ensemble du
Canada, avec une marge d'erreur de plus ou moins 3 %, 19 fols sur 20, lorsqu'on
arrive pour tirer des conclusions sur une partie de l'échantillon,
par
exemple, sur la partie qui vient du Québec uniquement, ça
commence à être plus douteux. Le taux d'erreur monte à plus
ou moins 7 %, mais le 19 fois sur 20, lui, il peut changer beaucoup plus.
Les conclusions qu'on peut tirer, elles, sont beaucoup moins sûres
quand il s'agit de les tirer sur une partie de l'échantillon que sur
l'ensemble de la population de l'échantillon. Ça, là, on
admettra ça, ici, autour de la table de cette commission. Je pense que
ce sont des données scientifiques. C'est comme ça que l'on
procède dans des analyses, et puis cela vient limiter très
sérieusement toute conclusion qu'on pourrait tirer à partir de
l'échantillonnage qui a été fait et à partir de ce
sondage.
Le ministre devrait être d'accord avec moi parce qu'il sait -
peut-être en a-t-il fait ou peut-être que c'est
réservé seulement au bureau du premier ministre - que, lorsque
l'on fait des sondages en politique, ce que je viens d'énoncer
s'applique «at large». De façon générale, on
est très prudent sur les conclusions qu'on tire. Plus que ça, M.
le Président...
Le Président (M. Audet): M. le député, votre
temps de parole est terminé.
M. Léonard: Je conclus. Une dernière remarque,
parce que j'en aurais bien d'autres à faire.
Le Président (M. Audet): Très
brièvement.
M. Léonard: J'espère que j'aurai l'occasion de les
faire. En plus, on complète avec un sondage spécifique, qui est
Créatec, dont on pourrait discuter les questions et qui n'a pas
été fait dans le même cadre que l'étude, donc, un
peu en dehors de ça.
M. le Président, je veux simplement dire que le ministre a
déposé un document en Chambre et puis que nous n'avons pas eu
l'occasion de le voir avant. Il l'a déposé en Chambre. Alors,
nous allons en discuter en commission. M. le Président, je vous remercie
beaucoup.
Le Président (M. Audet): Merci, M. le
député. Est-ce qu'il y a d'autres remarques préliminaires?
Mme la députée de Chlcoutimi, vous avez 20 minutes.
Mme Blackburn: Merci. Combien, dites-vous? Le Président
(M. Audet): 20 minutes. Mme Jeanne L. Blackburn
Mme Blackburn: 20 minutes. Merci. J'avais compris 10. Je vais me
permettre de rappeler un certain nombre de choses, parce que j'ai l'impression
qu'il y a comme des éléments qui ont échappé
à la fois à l'attention ou encore à l'examen des membres
de cette Chambre, de cette commission parlementaire, de façon
particulière.
Lorsque le ministre a déposé, le 26 novembre dernier, son
projet de loi et qu'il a annoncé, dès avant le dépôt
du projet de loi, la fin de semaine où il y avait une rencontre des
députés qui précédait l'ouverture de la session...
J'étais dans mon comté, j'apprends la nouvelle, comme tout le
monde, par la radio, la télévision et les journaux du lundi
matin. Les journalistes téléphonent et disent: Est-ce que c'est
exact que les magasins vont être ouverts le 29 novembre prochain? J'ai
dû faire un peu comme vous, sans doute. Évidemment, vous
étiez informés par la réunion de fin de semaine, ce qui
n'était pas mon cas. Mais j'ai dit: Normalement, ça
procède par une modification à la loi que nous avons
adoptée, il y a un peu plus de deux ans, et, normalement, il ne peut pas
déclarer que les magasins vont être ouverts le 29. Réaction
d'un parlementaire qui, sans avoir une très longue expérience -
ça fait seulement sept ans que je suis ici - a quand même une
certaine connaissance des procédures d'adoption et de
modification d'une loi.
Alors, le journaliste me dit: Oui, mais comment le ministre peut-il
annoncer qu'on va ouvrir les commerces dimanche? Bien, j'ai dit: Je ne sais pas
par quel tour de passe-passe il va le faire. Est-ce que c'est possible, en
vertu d'une modification juste réglementaire? J'ai dit: II faudrait que
je revoie la loi. À mon avis, non. Sauf que, quand le ministre a
déposé son projet de loi, le 26, pour ouvrir les commerces le 29
- le 26, rappelons-le, c'est le jeudi - il restait donc à l'Opposition
une journée; autrement dit, ce qu'il nous restait à faire,
c'était le «rubber stamp».
À la limite, reconnaissons que, si le ministre n'avait pas
été suffisamment vigilant pour comprendre qu'il voulait ouvrir
quatre dimanches précédant la période des fêtes et
qu'il avait voulu juste modifier cette disposition dans la loi 75, bon, je
pense qu'on aurait pu en venir à une entente. Mais, avec le 29 novembre,
venait tout le train de mesures que vous connaissez, la loi que nous allons
examiner tout à l'heure, et c'est ça que le ministre souhaitait
nous faire gober tout d'un coup.
J'ai été étonnée - et je me permets de le
dire - des commentaires et remarques de certains éditorialistes.
À les lire, je suis en train de me demander s'ils ne souhaiteraient pas
vivre en pays totalitaire où, finalement, l'Assemblée nationale,
c'est pour la galerie, l'Assemblée nationale, c'est pour le spectacle,
l'Assemblée nationale, ce n'est pas pour examiner des projets de loi et
ça n'a aucune utilité. Parce que, autrement, j'ai peine à
comprendre le sens de leurs commentaires lorsqu'ils peuvent prétendre
qu'un ministre se présente, à une journée d'avis, sans
avoir convenu d'aucune façon avec l'Opposition de sa
position sur ce dossier, pour déclarer, de son trône, de sa
tribune, de sa hauteur - mettez-les - de son indifférence ou de son
mépris, qu'il va modifier unilatéralement la loi, pas en levant
les règles, mais de son autorité, Dieu le Père. Je ne sais
pas comment il pensait le faire, mais c'est assez étonnant.
Remarquons que les problèmes rencontrés à la suite
de l'adoption de la loi 75, adoptée en juin 1990, étaient
généralement les suivants: le fait qu'on n'ait pas quatre
dimanches pour magasiner en décembre et comment administrer correctement
les quatre employés sur le plancher dans les commerces d'alimentation le
dimanche. C'était deux questions relativement simples à
régler. Ça prenait: un, une volonté gouvernementale de
faire respecter la loi; deux, resserrer certaines définitions pour les
quatre employés qui travaillaient dans les commerces d'alimentation le
dimanche; et, trois - on peut le dire ici tout de suite et sans doute que les
membres de l'Opposition pourront vous le répéter - l'idée
de quatre dimanches où les magasins sont ouverts, les quatre dimanches
qui précèdent la fête de Noël, ça ne faisait
paniquer personne, pas plus l'Opposition que les autres. Et nous aurions
été d'accord.
Pourquoi sommes-nous d'accord avec quatre dimanches avant les
fêtes? Pour une raison extrêmement simple: les
Québécois et les Québécoises, comme sans doute la
majorité des pays qui fêtent la Noël et le Jour de l'an, on
prévoit dans nos budgets des dépenses. On fait des petites
économies ou, encore, on prévoit même emprunter sur la
marge de crédit de la carte de crédit. Autrement dit, on a un peu
de sous pour prévenir, pour préparer la période des
fêtes, faire les cadeaux, faire les réceptions et ainsi de suite.
Donc, c'est une période qui peut justifier l'ouverture des commerces le
dimanche et de tous les commerces le dimanche.
Mais ce n'est pas de ça que le ministre nous a parlé. Il
ne nous a pas déposé un petit projet de loi qui aurait simplement
modifié la loi pour dire que, dorénavant, il y aurait quatre
dimanches précédant la fête de Noël où tous les
commerces seraient ouverts. Ce n'est pas ça qu'il a fait. Il a
déposé toute la loi le jeudi, pour l'ouverture des commerces le
dimanche. Il faut savoir qu'on siégeait seulement le vendredi.
Alors, moi, je pensais qu'il fallait refaire cette mise au point, parce
que ce n'est pas acceptable dans aucune démocratie que l'on fonctionne
avec un tel mépris. Je ne sais pas où le ministre... Le ministre
a sans doute été éduqué dans des grandes
entreprises où il travaillait, dans le genre: «I am the
boss», je fais ce que je veux et, si vous n'êtes pas contents, la
porte est là. Bien, à l'Assemblée nationale, ce n'est pas
tout à fait comme ça que ça se passe. En démocratie
non plus, d'ailleurs. (16 h 10)
Mais le ministre, dans le fond, sur quelle étude base-t-il sa
décision d'ouvrir, de libéraliser les heures et les jours
d'ouverture des commerces? Est-ce qu'il a une étude sérieuse?
Est-ce que, depuis la dernière année ou depuis l'adoption de la
dernière loi, il a demandé à son ministère de faire
des recherches assez exhaustives sur les vertus d'ouvrir les commerces le
dimanche, sur ses effets sur les modes de consommation des
Québécois, mais plus particulièrement... Est-ce que le
député d'Orford a quelque chose à dire?
M. Benoit: Non, moi, je n'ai pas parlé. Continuez,
continuez. Personne ne vous a interrompue.
Le Président (M. Audet): Allez-y, madame, vous avez la
parole. Je n'ai rien entendu. Je discutais avec quelqu'un. Je m'en excuse,
là.
Mme Blackburn: Ça serait assez intéressant
d'entendre les députés du gouvernement exprimer leur opinion
là-dessus. J'espère qu'ils auront le courage de leur opinion,
ceux qui pensent comme nous. Je sais qu'il y en a.
M. Benoit: On l'a fait hier, ma chère dame, à deux
occasions même.
Le Président (M. Audet): Bon, je rappelle les membres de
la commission à l'ordre. Mme la députée de Chicoutimi,
vous aviez la parole, je vous al reconnue. Alors, poursuivez.
Mme Blackburn: M. le Président, le seul modèle du
gouvernement, et là on voit une étude qui... C'est curieux, le
gouvernement se fonde sur une étude qui est réalisée
à la demande d'un groupe qui est favorable à l'ouverture des
commerces le dimanche. Dites-moi que ça fait sérieux! Dites-moi
que ça fait responsable! Dites-moi que ça donne confiance aux
Québécois, lorsqu'un ministre est à la merci d'une
étud^ réalisée pour ceux qui préconisent
l'ouverture des commerces le dimanche pour fonder son jugement.
Vous êtes dans des régions, vous êtes dans des
petites villes, vous êtes dans des villages. Quand on lui dit que le
ministre, qui est en train d'imposer une loi, s'est fondé sur un
document qui a quatre pages, le premier qu'il nous a déposé, dont
l'un des arguments les plus importants pour justifier l'ouverture des commerces
le dimanche, c'est de favoriser les achats impulsifs et que le deuxième
document sur lequel il se base, c'est un document de recherche qui a
été réalisé à la demande du groupe qui
favorise l'ouverture des commerces le dimanche, la population, quand elle
entend ça et quand elle comprend ça, elle perd totalement
confiance dans ses élus, dans vous aussi, dans moi aussi, parce qu'il ne
faut pas se le cacher, quand les élus... Dans la population, on ne fait
pas toujours la
différence entre le gouvernement et l'Opposition, c'est tout du
même, puis du pareil. Puis, on est réputés contribuer,
comme vous, à toutes les choses qui sont plus ou moins acceptables par
la société, y compris les taxes, TPS, TVQ. Le monde ne fait pas
trop la différence. Je l'ai constaté dans mon comté. Vous
avez certainement eu l'occasion de le constater également.
Quand on lui dit que c'est sur cette base qu'un gouvernement
s'apprête à modifier la loi sur les heures et les jours
d'ouverture des commerces, alors, la population se dit: Si c'est ça, le
gouvernement, on a compris quelque chose, c'est qu'il est a la merci ou
à la remorque des grandes surfaces ou des grands propriétaires.
Ce n'est certainement pas à la demande des petits commerçants,
puisque les petits commerçants, dans leur quasi-totalité,
quasi-totalité, s'opposent à l'ouverture des commerces le
dimanche.
Nous avons reçu une liste ici des marchands qui s'opposent
à l'ouverture des commerces le dimanche, avec le nombre
d'employés. Je me permets de le faire pour vous montrer que, si ce
gouvernement imagine qu'il y a, dans la population et chez les
commerçants, une volonté d'élargir les heures d'affaires,
ce n'est certainement pas chez les petits commerçants et ce n'est
certainement pas dans ma région. Je le rappelle, j'ai participé
à une émission à Radio-Canada, vendredi dernier, avec
ligne ouverte. Aucun, aucun appel qui a été adressé au
poste n'était favorable à l'ouverture des commerces le dimanche.
La SIOAC était contre, la Chambre de commerce du Saguenay était
contre, l'association des commerçants était contre. Vous allez me
dire: II n'y a pas juste le Saguenay, mais j'imagine qu'au Québec il y a
des régions qui ressemblent à la mienne. Le Québec, ce
n'est pas seulement Montréal. Le Québec, c'est aussi les
régions et, dans les régions, l'ouverture des commerces le
dimanche, à l'année longue, ça ne leur dit rien de
bon.
Dans les commerçants qui s'opposent à l'ouverture des
commerces le dimanche, la Fédération canadienne de l'entreprise
indépendante, et ça, c'est 19 500 employés; l'Association
des détaillants en alimentation, c'est 120 000 employés;
l'Association des marchands détaillants de l'Est du Québec, 3600
employés; la Corporation des concessionnaires d'automobiles du
Québec, c'est 30 000 employés; l'Association canadienne des
détaillants en quincaillerie, incluant RO-NA; le Regroupement des SIDAC
du Québec; le Regroupement des SIDAC de Montréal; les
corporations, parce que c'est manuscrit... Alors, tout ça, ça
représente environ 24 300 employés. Et on continue: la
Corporation des marchands de meubles du Québec, et là vous avez
environ 10 000 employés; les magasins d'ameublement, alors là,
vous avez 120 employés. Pour un total de 225 370 employés. Les
marchands qui s'opposent à l'ouverture des commerces le dimanche, ils
emploient 225 370 employés.
Ce n'est pas rien. Il y en a dans vos comtés, puis il y en a dans
le mien.
Mais est-ce que le ministre, qui semble avoir comme philosophie
l'analogie ou, plus simplement: tout le monde le fait, fais-le donc...
Ça se fait en Ontario, pourquoi on ne le ferait pas? Ça se fait
au Nouveau-Brunswick, pourquoi ne le ferions-nous pas? Ça se fait aux
États-Unis, on devrait aussi le faire. Mais il me semble qu'un
gouvernement a la responsabilité de faire des études et des
évaluations plus fines; d'abord, de se demander si, en ouvrant les
commerces le dimanche, ça va effectivement augmenter autant qu'il le
souhaiterait les achats et la consommation.
Un bulletin qui a été préparé par les
caisses populaires Desjardins... Et j'inviterais les députés du
gouvernement, s'ils veulent en avoir une copie, ça pourrait être
intéressant... Je vous donne la référence. C'est
perspective, bulletin économique, novembre 1992. Et ce sont les caisses
populaires Desjardins, prévisions 1993. La vraie reprise au printemps.
Alors, dans ce document, on analyse la situation financière des
consommateurs. Et je me permets de lire quelques paragraphes. Qu'est-ce qu'on
dit? «La situation financière précaire. Lors de la
récession de 1982, les ménages avaient accru leurs
épargnes de 4 500 000 000 $ en raison des taux d'intérêt
élevés. Le taux d'épargne culminait à 19 %,
à cette époque. De plus, les ménages avaient assaini leurs
bilans. Le taux d'endettement était alors de 12 %, au sortir de la
récession, ce qui leur procurait une marge de manoeuvre.» Alors,
rappelons-le, au printemps 1982, les ménages avaient une moyenne
d'épargne de 19 %, ça avait crû à 19 %, avec un taux
d'endettement de 12 %.
Quelle est la situation en 1992, alors qu'on voudrait les faire
consommer davantage? La situation de 1992 est la suivante. «Les
consommateurs pourront, nous dit le bulletin des caisses populaires Desjardins,
difficilement accroître de façon notable leurs dépenses
tant que le marché du travail ne sera pas dynamique. Cependant, avec une
croissance accrue liée à l'amélioration des conditions
économiques, les consommateurs augmenteront progressivement leurs
dépenses. Encore une fois, le scénario de reprise est basé
sur une réduction du taux d'épargne des ménages, qui
passerait de 10,4 % à 9,5 %. De plus, ceux-ci augmenteront leur taux
d'endettement pour financer l'acquisition de biens de consommation. Leur marge
de manoeuvre demeure toutefois limitée. Les commerces de détail
pourraient profiter également de la baisse du magasinage
outre-frontières attribuable à la faiblesse du dollar
canadien.»
Mais, comparativement à 1982, l'endettement des
Québécois a fortement augmenté pour atteindre 19 %, alors
que c'est l'épargne qui atteignait 19 %, en 1982. L'épargne, qui
avait 19 %, a chuté à 7 %. Donc, la marge de manoeu-
vre pour augmenter la consommation, elle n'existe, pour ainsi dire, pas.
Elle est presque à l'inverse de ce qu'on connaissait en 1982: 19 %
d'épargne; là, c'est 19 % d'endettement. 12 % d'endettement et
là c'est 19 % d'endettement. Alors, moi, je pense que des analyses un
peu plus sérieuses nous auraient permis de constater que ce n'est pas
à la faveur de l'ouverture des commerces le dimanche qu'on va augmenter
considérablement les achats. On va cependant les étaler.
Ça, ça m'apparaît évident. (16 h 20)
Et probablement que le ministre va nous arriver en Chambre quelque part,
à la même date, l'an prochain, si jamais il veut encore à
nouveau farfouiller dans la loi, parce que, là, ça fait quand
même deux fois, depuis qu'il est là. Et ça fait quoi?
Ça fait trois ans qu'il occupe le ministère. On peut penser que,
s'il reste là encore une année, on a des chances de le voir
à nouveau rouvrir la loi. Il va venir nous dire qu'effectivement
ça a augmenté les achats le dimanche. Comme il n'y en avait pas
le dimanche, c'est bien évident que ça va les avoir
augmentés, mais, en chiffres absolus, il y a peu de chances que
ça les augmente. Et, si ça les augmente, ça va les
augmenter au détriment de l'endettement des Québécois et
des Québécoises, au détriment de la qualité de vie
des Québécois et des Québécoises, au
détriment de la qualité de vie des travailleurs et des
travailleuses du commerce au détail.
M. le Président, je prenais connaissance du sondage sur lequel se
base et qu'invoque le ministre pour dire: II faut ouvrir le dimanche. Moi, je
vous avoue qu'à une question simple, là: Voulez-vous que les
commerces ouvrent le dimanche, là, ou aimeriez-vous magasiner le
dimanche, à quelques reprises, bien évidemment, comme n'importe
qui, surtout dans nos conditions où on travaille des heures
extrêmement longues, ça ferait mon affaire. Mais jamais, jamais je
n'estimerais que, pour satisfaire mon petit besoin de consommation pour, de
temps en temps, être en mesure d'aller chercher une paire de bas ou une
bricole dont j'aurais besoin, il faut que je mette en péril, que je
compromette la qualité de vie des travailleurs et des travailleuses. Ce
n'est pas vrai qu'on a ce droit. Ce n'est pas vrai qu'on a le droit
d'être aussi méprisants à l'endroit des employés les
moins bien rémunérés, de façon
générale, de tous les secteurs de travail.
Est-ce qu'on a examiné - une étude du ministre aurait
peut-être permis de le faire - l'effet de l'ouverture des commerces le
dimanche sur le travail des jeunes? Le Conseil permanent de la jeunesse rendait
un avis intitulé: «Élèves au travail. Le travail des
jeunes du secondaire en cours d'année scolaire», et l'avis a
été déposé au troisième trimestre de
1992.
Le Président (M. Audet): En conclusion.
Mme Blackburn: Ce que cet avis, en conclusion, demandait,
c'était au gouvernement précisément d'examiner l'impact du
travail des élèves sur leurs résultats scolaires, sur
leurs conditions de vie. On sait que c'est majoritairement eux qui vont
être intéressés par le travail le dimanche, c'est eux qu'on
va retrouver tantôt dans les services, dans ies différents
magasins, avec des conséquences plutôt catastrophiques quant aux
résultats scolaires et au décrochage scolaire.
Le Président (M. Audet): Merci. C'est terminé,
madame.
Mme Blackburn: je pense que c'est une loi qui a été
bâclée, faite à la hâte et sans aucune étude
sérieuse sur les impacts. merci, m. le président.
Le Président (M. Audet): Merci, madame. Je vais maintenant
reconnaître le député de Drummond. M. le
député de Drummond, vous avez 20 minutes.
M. Jean-Guy Sî-Roch
M. St-Roch: Merci, M. le Président. M. le
Président, je dois vous avouer ma déception, au début de
cette commission parlementaire. Depuis sept ans, j'ai toujours essayé,
dans cette Assemblée, de revaloriser le rôle du
député, puis de dire qu'un député est
démocratiquement élu par sa population, qu'il est là pour
la représenter fidèlement. Puis la structure, qu'elle soit celle
de l'Assemblée nationale ou celle du gouvernement, se doit de rendre la
tâche la plus facile possible aux députés pour accomplir
leur travail. Et d'autant plus, M. le Président, que nous en sommes,
cette année, à célébrer le 200e anniversaire de
notre démocratie.
Je vous dis que j'ai été déçu doublement des
paroles d'Introduction de M. le ministre. En tant que représentant de
mes citoyens et de mes citoyennes de Drummond et ayant mentionné aussi
que j'avais le sentiment de représenter les gens, parce que mon milieu
est contre la libéralisation des heures d'ouverture le dimanche,
j'aurais pensé, quant aux questions que j'avais adressées
à M. le ministre, dont quelques-unes, il les avait prises, qu'en toute
décence pour le parlementaire que je suis avec, comme je l'ai
mentionné en boutade hier, ma nombreuse équipe de recherche, M.
le ministre aurait daigné répondre à ces questions ou aux
interrogations que j'avais formulées.
M. le Président, j'ai participé à l'audition de
tous les mémoires lorsqu'on a étudié le projet de loi 75,
en 1990. Il y avait quelque chose qui m'avait frappé dans le temps,
mais, étant un député ministériel, on nous
convainquait que toute vérité n'était pas bonne à
dire. J'ai ressorti les mémoires et un, entre autres, me
rappelle étrangement la situation qu'on a à vivre cet
après-midi. Je vais le citer, M. le Président, parce que je pense
que ça en vaut la peine.
Ça disait ceci: «Quand nous référons ici
à la loi, dans notre esprit de commerçants, il ne s'agit pas de
celle élaborée par le législateur siégeant dans un
Parlement. C'est de la loi du marché dont il est question, celle qui
s'écrit sous la dictée du premier législateur qui la fait
appliquer directement, concrètement et quotidiennement, le
consommateur». Ça, M. le Président, ça a un nom,
c'est libéralisme à tout prix. J'ai eu l'occasion de signaler,
hier soir... Puis, s'il y en a qui sont intéressés à
connaître les auteurs de ce mémoire-là, vous contacterez le
mémoire 59M. Vous aurez les auteurs.
M. le Président, j'ai entendu aussi M. le ministre dire: Bon,
bien, j'ai eu beaucoup de revendications. J'ai eu l'occasion de signaler, hier
soir, moi, que, depuis qu'on a adopté la loi 75, pas un seul de mes
commettants n'est venu à mon bureau pour demander l'ouverture le
dimanche, mais j'ai beaucoup de commettants et de commettantes de 45 ans et
plus, par exemple, qui, aujourd'hui, requièrent des actions
gouvernementales pour trouver un emploi.
M. le Président, je peux comprendre l'énoncé de M.
le ministre qui disait: Mais il faut y aller à tout prix et se
dépêcher. Oui, on a très peur que l'opposition s'organise.
À 13 h 29, cet après-midi, on était rendu à 28 516
magasins représentant 225 370 employés s'objectant au contenu de
la présente loi. Je pense que le législateur se doit aussi...
S'il y a une chose dont j'ai la conviction après sept ans, moi, c'est de
protéger celui qui n'a pas de voix.
J'ai eu l'occasion, hier soir, de citer le professeur Dumont aussi, de
dire que, oui, sous le prétexte de l'économie, on peut tout faire
dans une société et arriver, finalement, à individualiser.
Puis c'est peut-être la plus belle manière de détruire la
solidarité. Après ça, nous, les législateurs, on
sera estomaqués et surpris, lorsqu'il y aura des décisions qui
requerront la solidarité de nos citoyens et de nos citoyennes, qu'ils ne
seront pas capables de les prendre et qu'on se fera dire non. Puis on sera
surpris de ces attentes-là, M. le Président.
M. le Président, je vais répéter les questions
d'hier en espérant, parce que M. le ministre a toujours un droit de
réplique, avoir une réponse. Une des choses - parce que j'avais
signalé neuf points, hier - parmi les neuf points que j'avais
signalés, M. le Président, je pense que c'est une loi, comme je
le disais hier soir et je le répète cet après-midi, qui
semble anodine, mais qui va avoir des impacts fondamentaux sur notre vie
commune de société québécoise.
J'avais dit à M. le ministre: Lorsqu'on arrive avec des choses
qui sont fondamentales, même si elles sont anodines... J'avais
demandé à M. le ministre de nous dire qu'on aurait un vote libre
pour que mes collègues d'en face puissent s'exprimer librement et avoir
la chance, pour une fois en sept ans, d'exercer leur pouvoir de dire: Voici ce
que les gens de chez moi pensent. M. le Président, j'avais
demandé aussi à M. le ministre, parce qu'on a soumis une
hypothèse de travail: M. le ministre, connaissant votre expertise,
connaissant votre sens de l'excellence, si j'étais un industriel ce
matin et que vous étiez encore le président de la SDI et que je
vous présentais cette étude comme faisant partie
intégrante et justifiant mon plan d'affaires, est-ce qu'elle serait
acceptée? Première question.
Deuxième question, M. le ministre, j'avais demandé aussi,
hier... Parce que cette étude-là date de 1991, et il y a une
hypothèse qui dit: dans l'axe Sherbrooke-Montréal. À ma
connaissance, Sherbrooke-Montréal, quand je pars de Granby, Bromont,
Sutton, Knowlton, Magog, puis, là, on pourrait continuer, les commerces
sont ouverts le dimanche. L'étude date de 1991. Avec le service de
recherche que vous avez, M. le ministre, est-ce que vous pourriez aider le
député de Drummond à nous donner les vrais chiffres pour
1992? Est-ce que ça a changé, parce que c'était ouvert le
dimanche? Alors, ça sous-entendait, la deuxième question que je
vous avais demandée aussi: Mais, si c'est ouvert le dimanche et si les
gens vont quand même magasiner aux États-Unis, M. le ministre,
est-ce qu'il y aurait par hasard d'autres raisons? Est-ce que ça ne
serait pas intéressant d'avoir une étude pour déterminer
l'impact du commerce frontalier et les raisons qui incitent nos citoyens et nos
citoyennes à aller magasiner outre-frontières? on a fait la loi
75. j'avais demandé, hier soir, après deux ans de recul, m. le
ministre, d'avoir une actualisation des impacts de cette loi-là
concernant les finances du gouvernement, concernant l'emploi, concernant
l'effet que ça a eu sur le commerce indépendant, parce que, avec
mon grand bureau de recherche de député indépendant, j'en
arrive k la conclusion qu'on a perdu 3500 emplois dans le commerce de
détail de l'alimentation et, principalement, chez nos petites
entreprises familiales qui sont des dépanneurs. quand je regarde le
président, moi, une grande corporation publique qui nous dit qu'il va y
en avoir 2000 autres qui vont disparaître, dont 1000 dépanneurs,
300, 400 entreprises familiales encore de moyenne surface et 100
supermarchés, j'aimerais, m. le premier ministre... m. le ministre, je
m'excuse. j'ai peut-être fait un lapsus, anticipé sur l'avenir,
mais j'espère, m. le ministre, moi, qu'on sera capables d'avoir une
actualisation de cette loi-là. j'attends encore, moi, les
réponses. (16 h 30)
Je vous avais posé une autre question aussi. Je voulais savoir la
vulnérabilité de cette loi sur certains secteurs. Et, dans mes 20
minutes, je vais élaborer davantage sur un secteur tout particulier qui
est celui du meuble. Lorsque je
regarde le secteur du meuble, c'est peut-être un des plus
vulnérables au Québec, M. le ministre, parce qu'on a 700
entreprises pour 1 200 000 000 $ de chiffre d'affaires. Quand je regarde les
deux plus grands manufacturiers, on parle d'entreprises de 30 000 000 $
à 40 000 000 $ suivant les années, des entreprises qui sont
très vulnérables: 983 points de chute. Mais, si je suis
l'expérience et la courbe, M. le ministre, qu'on a vécues dans le
commerce au détail, dans l'alimentation et principalement par nos
dépanneurs, c'est encore de 30 % à 40 % d'entreprises de chez
nous, principalement en région, qui disparaîtront. Vous savez
comme moi, pour avoir été, vous aussi, un homme d'affaires, que,
lorsqu'on est des grands, qu'on a des commandes immenses et qu'on fait affaire
avec la petite entreprise, strictement parce qu'elle ne peut pas combler nos
besoins, on est obligés d'aller ailleurs. Alors, dans un cas de
libéralisation du commerce, moi, je me serais attendu à voir
quels sont les secteurs qui sont vulnérables et qu'est-ce qu'on pourrait
faire pour avoir des points d'impact.
Une autre chose, M. le ministre, et ça, ça n'a jamais
été mis public. Lorsqu'on a eu des entretiens concernant les
auditions sur la loi 75, j'avais prétendu en caucus ministériel
qu'on verrait, si on ne prenait pas garde, la disparition d'une des grandes
chaînes et de plusieurs dépanneurs. Une des grandes chaînes
est partie, mais dans l'acquisition de cette grande chaîne par la Caisse
de dépôt il y avait un bloc d'actions d'une société
qui était principalement «adressée» à la
location de centres d'achats. Alors, hier, j'ai demandé la situation de
la location des centres d'achats parce qu'il y a énormément de
notre argent, à nous, en tant que Caisse de dépôt, M. le
ministre, qui est là, investi. En visitant les centres d'achats un peu
partout au Québec, il y a beaucoup de locaux qui sont vides et j'entends
toutes sortes de rumeurs à partir de chez moi, dans des centres d'achats
qui sont ultramodernes, où on nous dit qu'on maintient de 30 % à
40 % à bout de souffle maintenant et qu'on retarde le paiement des
loyers parce qu'on n'est pas capable d'arriver et on espère avoir une
période des fêtes qui soit satisfaisante.
M. le ministre, j'aimerais aussi ajouter une chose. C'est de valeur que
mon collègue de Verdun ait quitté parce que, vendredi dernier, je
faisais la bataille - je fais cette bataille-là depuis sept ans - pour
l'imputabilité de la haute fonction publique. Je vais ajouter des
questions cet après-midi, avant qu'on puisse passer à
l'étude détaillée de ce projet de loi. J'ai toujours
souhaité - et ce sera une douce musique peut-être à vos
oreilles, ce rappel, M. le ministre - moi, lorsqu'on avait des projets de loi
qui nous étaient déposés, qu'on soit capables d'en trouver
l'économie, de dire: Quels sont les effets sur le ministère?
Est-ce qu'il y a création d'emplois? Est-ce qu'il y a réduction
d'emplois? J'imagine qu'avec le projet de loi qu'on a, ne connaissant pas les
amendements potentiels, si on libéralise davantage, ça va
certainement avoir un impact sur le nombre d'heures et le nombre d'inspecteurs
qu'on aura dans les commerces. Ça aura un impact certainement sur le
ministère. Dans le but d'une saine gestion publique, j'aimerais savoir
quels sont les impacts que ça aura sur le ministère. Est-ce qu'il
y aura création d'emplois, réduction d'emplois? Quelles seront
les économies potentielles qu'on pourrait avoir?
J'ai souligné aussi hier soir, M. le ministre, encore là
avec mon immense bureau de recherche, qu'on faisait face à un
vieillissement de la population. On a maintenant 30 % de la population qui se
situent à 45 ans et plus. La loi du marché veut, lorsqu'on
vieillit, qu'on passe, à partir de 45 ans, d'une économie
d'épargne dite négative à une positive, parce que c'est
là qu'on prépare davantage notre retraite qui s'en vient de
façon de plus en plus accélérée dans ces temps
modernes. Et, quand je regarde, avec les petits moyens qu'on a, bien, on
s'aperçoit que l'épargne, de 1991 à 1992, s'est accrue
d'une vingtaine de milliards.
Ce qui est plus effrayant, c'est lorsqu'on regarde les années
à venir. D'ici l'an 2000, nous serons 37 % qui auront 45 ans et plus, et
déjà les tendances nous indiquent que nous aurons à peu
près quelque chose comme 250 000 000 000 $ qui seront mis dans des fonds
de pension. Alors, si on met 250 000 000 000 $ d'ici l'an 2000, d'ici les sept
prochaines années, dans des fonds de pension, il est sûr et
certain que ça aura un impact quelconque sur le commerce. Alors, avant
d'adopter une libéralisation des heures d'affaires, j'aimerais qu'on
«s'adresse» à ces problèmes-là, qu'on soit
éclairés, nous, les parlementaires.
On nous parle beaucoup de création d'emplois. Quand je regarde
Statistique Canada, encore avec mes nombreux recherchistes - je les ai fait
beaucoup travailler - ils nous disent que le secteur du commerce, d'une
façon globale, a perdu 30 000 emplois: 5,5 % ont été
perdus. En octobre, les derniers chiffres que j'ai pu consulter, 11,2 % de ces
gens qui travaillaient dans le commerce, d'une façon globale,
étaient aussi en chômage.
On a remarqué aussi depuis deux ans - et ça ça fait
partie aussi de l'étude d'impact sur l'emploi - que l'emploi devient de
plus en plus précaire, qu'il devient à temps partiel dans le
secteur de l'alimentation. On avait 60 % des emplois qui étaient
à temps partiel avant l'application de la loi 75 et maintenant on serait
à 70 %. Quand je regarde ce milieu de commerce là, on ne parie
pas de la moyenne du Québec à 540,80 $, M. le Président;
on parie de salaires qui se situent beaucoup plus près des 300 $. Encore
là, malheureusement, c'est du travail précaire; alors, pour les
deux tiers, ce sont des femmes qui occupent ce travail. Ce sera encore
elles qui seront principalement affectées si on n'est pas
minutieux avec un projet de loi qui a l'air encore tout anodin. C'est les
questions que je me suis posées.
Aussi, on a déposé hier la fameuse étude de
Management Horizons, division de Price, concernant la réouverture et les
comparaisons avec l'Alberta et la Colombie canadienne. Encore là, M. le
ministre, je sais que vous avez énormément plus de moyens que
moi, mais, à travers mes lectures, il y a un économiste, qui
s'appelle John Winter, qui a fait une analyse comparative des heures d'affaires
en Alberta. Il est arrivé à la conclusion, si ma mémoire
est fidèle, que les heures d'affaires dans la première
année de libéralisation, en 1985, s'étaient accrues de 7
%, mais après ça on a vu une baisse et on a nivelé au rang
canadien.
Je regarde aussi en Ontario, parce que l'Ontario a cinq mois d'avance
sur nous. Alors, au grand dam de M. Rae qui a cédé aux
lobbyis-tes aussi, il a ouvert. Qu'est-ce qu'on dit? Magasiner le dimanche n'a
pas fait de miracle en Ontario au niveau de la création d'emplois.
Lorsque je regarde les accroissements avec les différences de salaires,
il m'apparait que c'est une tendance normale.
M. le Président, vous allez constater qu'on a encore beaucoup
d'interrogations. Beaucoup de ces interrogations - j'en ai ajouté de
nouvelles cet après-midi - qui ont été posées. J'ai
aussi tendu la main, et non la droite, la gauche qui est celle du coeur,
règle générale, à M. le ministre pour lui dire,
dans un contexte d'équité, de répondre à toutes les
interrogations qu'on a, nous, les parlementaires, afin d'être capable de
donner mon autorisation. Puis on pourrait, nous, les parlementaires, en donnant
notre consentement mutuel, faire en sorte qu'on pourrait donner un
quatrième dimanche à nos commerçants dans le but de
prendre les soldes de Noël, celui du 27. J'ai vu mon collègue de
Lévis dire: M. le député, je vais ajouter et on va leur
donner le 28, le 29, le 30 et le 31 à nos commerçants, vu que la
situation est difficile.
Alors, je pense qu'il y a une main qui est tendue là et qui fait
peut-être en sorte qu'au lieu de se dépêcher à la
regarder article par article, à l'occasion de ce 200e anniversaire, M.
le Président, on a une occasion unique de dire: On va faire une loi, ce
coup-ci, qui va coller à la réalité. Parce que, en tant
que législateur, vous savez, lorsque je regarde et que je lis les
«transcripts» de la loi 75, celle de 1990, eh, bon Dieu, que la loi
75 était parfaite! Elle était censée régler nos
problèmes pour des années à venir, puis on se
défendait bien d'être capables de la rouvrir d'ici un an ou
deux.
On nous dit qu'on est dans un monde changeant, que les conditions
changent. Oui, c'est vrai, mais, avant de rouvrir cette loi-là, je pense
qu'on se doit en tant que législateurs de ne pas penser simplement aux
corporatistes, de ne pas simplement penser à la facilité qui est
d'ouvrir et de tout donner. On a aussi l'obligation de penser aux plus faibles,
aux plus démunis de notre société. On a aussi l'obligation
de penser à nos petits détaillants, parce que c'est ça,
finalement, qui sera en bout de piste. On a l'obligation de protéger au
maximum les régions. On a surtout l'obligation, M. le Président,
si on est obligés, finalement, quelque part, d'ouvrir un des 26
secteurs, d'ouvrir pour quelque raison que ce soit à cause de la
mondialisation, à cause de l'internationalisation, de se pencher et de
donner des moyens alternatifs. Ne pas arriver, finalement, à 11 h 59,
puis voir des grands pans de notre économie qui seront laissés de
côté.
Vous savez, lorsque, pas avec mes yeux d'expert, mais des yeux de
commerçant, sachant depuis le 24 novembre que la loi sur les heures
d'affaires sera peut-être reportée, je regarde les journaux, ce
n'est rien d'encourageant suite à vos remarques préliminaires, M.
le ministre, parce qu'on dit qu'on va se faire enfoncer ça dans la
bouche, pour ne pas dire dans la gorge parce que le bâillon va être
appliqué, puis la loi va être là. Alors, je dois vous dire
que notre travail de parlementaire, lorsqu'on veut le faire, répondre
aux questions, avec le manque de temps, dans la foulée d'une session qui
est seulement d'un mois, en ayant pris connaissance d'un projet de loi à
la dernière minute, c'est beaucoup demander à des parlementaires
qui sont là pour représenter la population et non les
intérêts particuliers de quelque groupe que ce soit de lobbyistes.
(16 h 40)
J'espère qu'on pourra en arriver à avoir des
réponses à nos questions; autrement, on laissera l'histoire
juger. C'est sûr et certain, je peux vous avertir, M. le
Président, que le député de Drummond - il l'a dit hier
soir et il le redit - va utiliser tous les moyens à sa disposition en
tant que parlementaire pour faire en sorte que la voix des citoyens et des
citoyennes de Drummond, que les gens de la SIDAC qui sont contre, que les gens
de la chambre de commerce qui ont fait un sondage élaboré et qui
sont contre, qui ne veulent pas qu'on rouvre ce sujet-là, parce qu'il y
aurait trop d'acquis de société au niveau culturel, au niveau
communautaire, au niveau social qu'on met encore en danger... On est en train
d'absorber le premier choc de la loi 75. Je vais utiliser tous les moyens
nécessaires, en tant que parlementaire, pour avoir les réponses
que je me dois d'avoir pour être capable de les retransmettre à ma
population.
Comme vous pouvez voir, M. le Président, il nous reste beaucoup
de travail à faire en ce début de commission parlementaire. Je
suis sûr et certain que, si M. le ministre, qui nous a demandé une
ouverture d'esprit et de commencer l'étude article par article, peut
répondre - maintenant, je suis rendu à 11 interrogations -
ça nous aidera peut-être à commencer à voir
clair
dans ce projet de loi là, à être capable de le
débroussailler.
Vous me faites signe, M. le Président, qu'il me reste très
peu de temps. En se rappelant aussi que souvent des lois anodines, qui semblent
n'avoir aucun impact, sont des lois qui apporteront, à travers les
années, à travers le temps, des changements majeurs dans notre
collectivité, je répète que c'est peut-être le plus
beau cadeau que M. le ministre et son gouvernement pourraient faire en ce 200e
de la démocratie: si cette loi-là colle à la
réalité, si elle colle réellement aux besoins, à la
demande des citoyens, moi, je fais confiance aux députés
ministériels, aux députés de l'Opposition, à moi,
aux députés d'Egalité d'être capables de se lever
debout et de dire: Chez moi, voici, par mon vote, ce que ma population attend
de moi. Quel merveilleux anniversaire ce serait! Cela pour collaborer au 200e
anniversaire de cette institution.
Je terminerai là-dessus. Je fais appel maintenant à
l'ouverture d'esprit de M. le ministre. Je sais qu'il a pris beaucoup de notes
hier, je l'ai vu encore prendre des notes. Si, par hasard, il en avait
manqué, parce que j'ai tendance à parler beaucoup et rapidement,
je pourrai lui donner une photocopie des questions qui sont restées en
suspens. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Audet): Merci, M. le
député. Je vais maintenant reconnaître Mme la
députée de Taillon.
Mme Pauline Marois
Mme Marois: Merci, M. le Président. Alors,
«Désarroi et mépris à Québec», titrait
Gilles Lesage dans Le Devoir, et, mol, j'ajoute: Manque de courage et
mauvais plagiat. Je vais vous dire que ce n'est pas avec beaucoup
d'enthousiasme que je me retrouve à cette table de travail et, pourtant,
c'est un sujet qui m'intéresse au plus haut point. En 1990 - il y a
à peine, c'est ça, deux ans, deux ans et demi, quoi - en juin, le
ministre a fait adopter, envers et contre l'Opposition, la loi 75. Il nous
disait, à ce moment-là - le député de Drummond le
rappelait: C'est la meilleure loi, c'est la plus équitable, elle va
répondre aux besoins des consommateurs, elle va répondre aux
besoins des commerçants, elle va être utile.
En fait, ce qu'il avait oublié de nous dire, c'est qu'il n'avait
pas eu le courage, à ce moment-là, de faire l'ouverture que
maintenant il propose. C'était ça, son objectif, très
clairement, parce que, d'abord, le projet de loi lui-même
prévoyait l'ouverture non seulement des commerces d'alimentation, mais
d'un certain nombre d'autres commerces, le dimanche, l'élargissement des
heures d'affaires. Il n'a pas eu le courage d'aller au bout de sa
démarche. Maintenant, j'ai l'impression d'assister à un mauvais
«remake».
C'est ça qui fait que ce n'est pas avec beaucoup d'enthousiasme
que je me retrouve devant cette commission.
Les remarques préliminaires, M. le Président, doivent nous
permettre, entre autres, de nous remettre un peu dans le contexte, de regarder
dans quelle situation économique, dans le cas d'une loi qui concerne
l'économie, nous prenons des décisions. Le ministre a voulu nous
faire croire, avec des études qui étaient essentiellement des
commandes passées par des personnes morales liées au dossier -
mon collègue, le député Labelle, l'a très bien
démontré tout à l'heure - que ces analyses étaient
suffisantes pour lui permettre de nous proposer la loi que nous avons à
étudier aujourd'hui, M. le Président.
Si vous permettez, il y a des collègues d'en face qui m'agacent
et qui m'empêchent de me concentrer.
Le Président (M. Houde): Oui. Je demanderais le silence
pour laisser la députée s'exprimer librement. À vous la
parole, Mme la députée de Taillon.
Mme Marois: Je vous remercie, M. le Président.
Cela étant dit, on va en faire un petit peu d'étude et
d'analyse économique. Moi, je vais me baser, pour ce faire, sur une
institution qui a un mandat officiel, on ne peut plus officiel, reçu par
une loi, de la part du gouvernement, et c'est l'Institut de recherche et
d'information sur la rémunération. Je pense qu'on ne peut
absolument pas mettre en doute la crédibilité de cette
organisation-là. Elle sert, d'ailleurs, d'assise pour, ensuite, les
prises de décisions que va assumer le gouvernement en matière
salariale pour l'ensemble de ses travailleurs et de ses travailleuses. C'est
à cela que sert, entre autres, l'IRIR. L'IRIP, qu'est-ce qu'il nous dit?
Cette institution ne présente pas un rapport qui date d'il y a quelques
années. Le ministre nous faisait remarquer, dans ses interventions
à l'Assemblée, que la situation avait évolué et
qu'il fallait être capables de s'adapter. Je lui ai fait remarquer du
même souffle que, oui, elle a évolué, la situation, mais
qu'elle s'est empirée, que c'est absolument catastrophique, la situation
économique à laquelle on est confrontés.
Alors, qu'est-ce que nous dit l'Institut de recherche et d'information
sur la rémunération? C'est une étude qui a
été déposée en novembre 1992 et qui porte sur les
données de 1992 pour le premier semestre, sur des données de
1991, et qui fait de la projection à partir d'une consultation des
documents et des analystes les plus crédibles du Québec et du
Canada à cet égard. Donc, je ne pense pas qu'on puisse, d'aucune
espèce de façon, questionner les commentaires de cette
institution et surtout pas ces données qui sont, évidemment,
recueillies sur une base on ne
peut plus objective. D'ailleurs, c'est ce qui fait qu'actuellement elle
est en train d'asseoir sa crédibilité et de pouvoir jouer son
rôle à l'égard de l'instauration et de l'adoption des
politiques salariales gouvernementales, et je crois qu'elle aura de l'influence
aussi au niveau du secteur privé.
Alors, qu'est-ce qu'elle nous dit, cette institution, sur
l'environnement économique? Je vais lire un certain nombre de
paragraphes et je vais commenter, M. le Président. D'abord,
«l'économie québécoise vit sa plus lente reprise de
l'après-guerre». Pas depuis 1980. La plus lente reprise de
l'après-guerre. «Une reprise timide et hésitante en 1991,
suivie d'une activité économique un peu plus intense en 1992, qui
avait été prévue l'an dernier. Cependant, la reprise
anémique se prolonge toujours au milieu de 1992.»
Techniquement, bien sûr, la récession est terminée,
mais ils le disent bien: techniquement. Et voilà ensuite comment ils
décrivent la situation. «Pour le Québec, la croissance au
premier trimestre de 1992 par rapport au dernier trimestre de 1991 n'a
été que de 0,2 %. Celle du deuxième trimestre par rapport
au premier trimestre de 1992 est nulle.» M. le Président, nulle.
«La reprise s'effectue donc à pas de tortue. Ainsi, le taux de
croissance réelle du PIB - le produit intérieur brut, notre
richesse collective - au deuxième trimestre de 1992 par rapport à
1991 est de moins 0,5 %.» Est-ce que, déjà là, il ne
faut pas tirer un certain nombre de conclusions, entre autres, sur le fait que,
si notre richesse collective non seulement n'augmente pas, mais
décroît, nous n'aurons pas nécessairement, et même
sûrement, plus d'argent pour consommer le dimanche, le samedi ou le
lundi, M. le Président?
L'Institut continue: «Quels sont les facteurs qui expliquent cette
longue reprise anémique? Tout d'abord, le niveau d'endettement
élevé des consommateurs.» La loi qui est devant nous
s'adresse, nous dit le ministre, d'abord et avant tout aux consommateurs qui,
consommant, auront un effet sur la reprise, auront un effet sur la hausse du
niveau d'emploi, injectant, évidemment, des sommes dans
l'économie et, à cet égard-là, augmentant donc le
niveau d'emploi. Selon le ministre, évidemment. (16 h 50)
On nous dit: «Qui est-il, ce consommateur, en 1992, pour qu'on lui
accorde un tel pouvoir à l'égard de la hausse des emplois?»
Il est, d'abord, un consommateur endetté, nous dit l'institution. Elle
nous dit aussi que les entreprises et les gouvernements sont
empêchés de participer pleinement à la relance de
l'activité économique à cause aussi de leur
endettement.
Le consommateur. «Le niveau élevé de son endettement
- et ça, ça rejoint l'étude de Desjardins, M. le
Président, que ma collègue de Chicoutimi citait tout à
l'heure - la baisse de son revenu réel et - ce qui est nouveau, M. le
Président, par rapport à ce qu'on on a connu dans les
années passées - le faible niveau de son épargne
l'incitent à modérer ses dépenses. C'est ainsi que la
consommation a peu augmenté au premier trimestre de 1992, tandis qu'au
cours de l'année 1991 elle diminuait. Les consommateurs reportent leurs
dépenses à plus tard et remboursent leurs dettes.»
Et là, je ne vous cite pas toutes les données techniques
qui sont à l'étude. Vous pourrez les consulter, on les retrouve
à la page 4 du document où on fait une démonstration
très claire, chiffres à l'appui, que le niveau d'endettement du
consommateur, en plus de son revenu réel qui a perdu de la valeur, s'est
malheureusement élevé, M. le Président. Donc, nous n'avons
devant nous absolument rien qui justifie la présomption du ministre
à l'effet que quelques heures de plus le dimanche pour magasiner vont
avoir un effet sur la hausse des achats. Ce que l'institution nous dit ici,
c'est que les consommateurs sont à payer leurs dettes et qu'en plus leur
revenu réel a diminué.
Continuons. «En outre, les consommateurs ne peuvent compter sur
une croissance soutenue de leurs revenus pour augmenter leurs
dépenses.» Alors, je vous le disais, ils ne peuvent pas compter
sur leurs revenus réels. «La croissance réelle du revenu
personnel disponible...» On sait ce que ça veut dire, le revenu
réel disponible. Ça veut dire, une fols qu'on a payé ses
Impôts, une fois qu'on a payé ses taxes, il nous reste une somme
disponible pour répondre à nos besoins. C'est ça, le
revenu réel disponible. Autrement dit, je peux gagner 50 000 $ par
année, mais, compte tenu de mon taux de taxation, compte tenu des
produits que j'achète et de la taxe que je paie sur ces produits, je
peux me retrouver avec un revenu réel de l'ordre de 25 000 $, 30 000 $.
Alors, c'est de ça qu'on parie ici. Savez-vous ce qui est arrivé
en 1991, par rapport à 1990? Le revenu réel des consommateurs,
ceux sur lesquels on compte pour faire en sorte qu'on augmente la consommation,
l'achat de biens de consommation, a chuté de 2,1 %. Perte de pouvoir
d'achat.
Je continue. «Les dépenses de consommation continueront
également d'être limitées par une faible croissance du
revenu personnel disponible pour l'année à venir. Celui-ci
devrait afficher, quand on aura fait le point, un taux de croissance
réel négatif ou légèrement positif en 1992. Rien ne
laisse croire que les ménages pourraient augmenter leurs revenus au
cours du deuxième semestre de 1992. C'est ce que les chiffres
réels nous diront. En 1993, il devrait reprendre un rythme de croissance
un peu plus rapide, bien que ce dernier soit difficile à
établir.»
Qu'est-ce qui arrive maintenant - nous parions des consommateurs et de
leurs revenus - au marché du travail, aux travailleurs et aux
travailleuses qui sont les mêmes, évidemment?
Comment l'analyse l'institution ici? Elle nous dit: «Comme la
reprise économique tarde à se faire ressentir pleinement, il va
sans dire que le marché du travail ne s'est guère
amélioré au cours de 1992. Malgré une baisse de la
population active et du taux d'activité depuis 1990, le taux de
chômage continue d'augmenter.»
Quand on dit, M. le Président, qu'il y a baisse du taux
d'activité, ça veut dire, cela, qu'il y a moins de demandeurs
d'ouvrage, qu'il y a moins de personnes qui disent être à la
recherche d'emplois. Alors, parfois, cela a donc des effets sur le taux de
chômage réel, parce que ces gens-là ne se disent plus
à la recherche d'emplois; donc, on les soustrait du taux de
chômage. Ils ne sont plus comptabilisés comme étant au
chômage. Donc, dans ce sens-là, le taux de chômage ne vient
pas refléter réellement ce que vivent nos concitoyens et nos
concitoyennes.
On nous dit: Le taux de chômage est resté haut et, en plus
de cela, les gens ont été moins nombreux à dire qu'ils
étaient chercheurs d'emplois. Évidemment, je ne vous parlerai pas
du taux record qu'on a atteint le mois dernier; je vais juste vous lire ce
qu'on dit ici sur le niveau de l'emploi: «La croissance de l'emploi
demeure négative durant les trois premiers semestres de 1992, ce qui
signifie que plus d'emplois sont perdus que créés par rapport
à 1991. La perte de 68 000 emplois, 2,2 % de moins, au Québec, en
1991, consiste en une baisse - et écoutez bien, M. le Président -
d'emplois à temps plein. Ces emplois ont diminué - ces emplois
à temps plein - de 3,5 %, tandis que les emplois à temps partiel
ont augmenté de 5,8 %.»
Pour les trois premiers trimestres de 1992, les emplois à temps
partiel augmentent faiblement, soit de 1 %, tandis que les emplois à
temps plein diminuent de 1,5 %. Alors, tout ce qu'on gagne en emplois, on le
gagne en travail précaire. Les consommateurs n'ont pas d'argent pour
aller acheter plus de produits, ils sont surendettés, les travailleurs
vivent des situations qui se précarisent de plus en plus et le ministre
essaie de nous faire croire, M. le Président, que, parce qu'il va ouvrir
les magasins le dimanche, il va créer des emplois. Il va augmenter les
coûts des entreprises commerciales et il va créer des emplois
à temps partiel, donc précaires, dont les conditions ne sont pas
intéressantes. Il va amplifier l'effet de précarisation du
marché du travail, M. le Président. Si c'est ça, son
projet de relance, je lui dis: Non, merci!
C'est ça, les études dont on aurait besoin, M. le
Président, pour prendre des décisions éclairées.
C'est à celles-là que le ministre devrait se
référer plutôt que de se fier aux personnes qui sont
concernées par le dossier, mais concernées surtout comme
liées au dossier, donc, en véritable conflit
d'intérêts. C'est évident. Ça saute aux yeux. C'est
ça qu'il nous propose.
Il devrait peut-être se fier aussi aux outils que nous fournit la
société québécoise par l'intermédiaire des
différentes publications, faites de façon très
sérieuse, par des institutions reconnues. La revue Commerce de
juillet 1992, qu'est-ce qu'elle nous dit? «Évolution des ventes au
détail au Québec, en 1991.» On a parlé du revenu des
consommateurs et de leur endettement, du type d'emplois qu'on risque de
créer et de ce qui s'est passé sur le marché du travail
depuis deux ans, M. le Président, de ce qui risque de se produire dans
l'année qui vient. Du côté des commerçants,
qu'est-ce qui s'est passé en 1991? «Pourcentage de croissance des
ventes au détail au Québec en 1991: automobile, moins 1,4 %;
magasins généraux, moins 0,6 %; stations-service, moins 7,4 %;
pharmacies, plus 5 % - et je vais y revenir, M. le Président - meubles,
moins 17,7 %; autres biens semi-durables, moins 12,9 %; autres vêtements,
moins 23,9 %.»
Est-ce qu'il veut que je continue, M. le Président? Je cite la
revue Commerce. «Le repli de l'activité du commerce de
détail est beaucoup plus sévère que la baisse
observée pendant la récession de 1982. Clément Gignac,
économiste principal de la Banque Nationale, attribue la situation
à trois facteurs principaux, en commençant par le pouvoir de
consommation des ménages, leur taux d'endettement qui est plus
élevé qu'en 1982, leur taux d'épargne qui a
baissé.» Ça vient confirmer essentiellement ce qu'a dit
l'IRIR. «Deuxièmement, les gouvernements se sont endettés
au lieu de jouer un rôle de stimulant, ont plutôt encouragé
la récession à coups de taxes. Et, troisièmement, la
croissance démographique presque nulle des 20-35 a un impact direct sur
les détaillants de meubles, d'appareils ménagers et
d'automobiles.» Est-ce qu'il a dit dans son analyse: Parce que les
commerces ne sont pas ouverts sept jours sur sept, ça a un impact sur la
consommation? (17 heures)
Je vais revenir sur la question des pharmacies où on dit:
«Le pourcentage de croissance est de plus 5 %». Merci, M. le
Président, vous me dites que mon temps s'écoule. Je vais terminer
avec une phrase sur cela et une autre phrase concernant la qualité de
vie, parce que ça reste mon cheval de bataille principal. J'ai un de mes
amis qui est représentant pharmaceutique et je lui disais:
Écoute, c'est très difficile, c'est très pénible,
tu dois bien t'en ressentir un peu dans ton chiffre d'affaires. Il disait: Pas
du tout, parce que, quand ça va très mal économiquement,
malheureusement, les gens consomment davantage de médicaments et de
drogues parce qu'ils ont l'impression que c'est une façon pour eux de
solutionner leurs problèmes. Et c'est ça qu'on retrouve dans les
statistiques de la revue Commerce, un des seuls secteurs, M. le
Président, où les ventes au détail ont
augmenté.
Je terminerai avec ceci, et je cite Le Nouvelliste du 1er
décembre: «C'est donc sous un fallacieux prétexte de
relance économique et pour masquer son incapacité à
redorer l'économie que
le gouvernement Bourassa tentait à tout prix de faire passer en
vitesse sa nouvelle loi du dimanche. Mais que risquent de nous coûter ces
avantages qui ne sont que de la poudre aux yeux?» Ce que ça risque
de nous coûter, évidemment, c'est cette société de
consommation qui risque de prendre encore plus de place dans nos vies. Ce qu'il
dit, c'est: «S'il faut abandonner les valeurs de la prière
dominicale, j'en suis, de la pratique sportive, du loisir communautaire, de la
vie familiale...
Le Président (M. Audet): Si vous voulez terminer, Mme la
députée, s'il vous plaît.
Mme Marois: ...pour les remplacer par le magasinage, est-ce que
la société va en ressortir nécessairement enrichie?»
M. le Président, de la poudre auz yeux!
Le Président (M. Audet): Merci, Mme la
députée.
Je vais maintenant reconnaître M. le député de
Masson. Vous avez 20 minutes.
M. Yves Blais
M. Blais: merci beaucoup, m. le président. si ie parti au
pouvoir veut ouvrir les commerces le dimanche, il n'ouvre pas souvent la bouche
ce mardi.
Une voix: Ha, ha, ha! Non, lis sont muets comme une carpe!
M. Blais: Et on nous demande d'avoir un esprit d'ouverture;
j'aimerais qu'ils le pratiquent, eux aussi. Ceci dit, il est sûr que, de
votre côté, je crois que vous voulez absolument que cette
loi-là passe, et vous voyez bien que, de notre côté, on
veut absolument qu'elle ne passe pas. Vous avez les moyens de la faire passer
par une levée des règles de l'Assemblée nationale, et
c'est la seule façon. Nous, on pourrait arrêter de parler tout de
suite, on s'en irait en Chambre et, qu'on l'ait étudiée ou pas,
elle ne passerait pas: il faut dire oui au consentement. Il faut une loi.
J'espère que tout le monde comprend ça.
Cependant, vu que c'est une loi très, très, très
sérieusement déposée, supposément, cette loi
très, très sérieuse a été supportée
par deux documents: un premier document que le ministre a déposé,
venant de ses bureaux, de deux ou trois pages, et un autre qui est un sondage
fait par la division Price Waterhouse, juge et partie dans l'affaire. M. le
responsable, le député de Labelle, a parié du sondage de
Price Waterhouse, je vais en parler peut-être tantôt, mais je
voudrais commencer par parler du document qu'on a reçu, qui s'intitule
«Impact économique de la libéralisation des heures
d'ouverture des commerces de détail au Québec». C'est un
document très, très, très simple, et même ceux qui
se font traiter de littéraires de notre côté par le parti
au pouvoir le comprennent. Et ça dit ceci. Ce n'est pas long, je vais le
prendre paragraphe par paragraphe, et essayer d'expliquer les choses. «Le
niveau général des ventes au détail. Il est admis qu'une
libéralisation des heures d'ouverture aurait une influence favorable sur
le niveau général des ventes de détail au Québec.
Les éléments suivants ont été
considérés.» C'est les éléments qui ont
été pris par le ministère pour apporter cette
loi-ià demandée par personne; pas demandée par les
consommateurs, mais demandée par on ne sait pas qui. On présume
que c'est par les grandes surfaces. «Premièrement, malgré
un certain étalement de la demande sur toute la semaine et ie fait
qu'une partie des commerces de détail sont déjà ouverts
sept jours sur sept, une libéralisation des heures d'ouverture aura pour
effet d'entraînement une incidence à la hausse sur le niveau des
dépenses des consommateurs de détail.»
Bon! C'est possible que ce soit vrai que, étant ouverts sept
soirs, il y ait un peu plus de ventes; c'est possible. Cependant, comme base,
c'est très mince parce que la masse d'argent disponible pour les
consommateurs n'augmente pas en faisant cette loi. S'ils dépensent plus
dans les magasins au détail, ils vont dépenser moins ailleurs.
Qui va en souffrir? D'après moi, c'est les restaurants, toutes les
sections des loisirs - si c'est vrai qu'ils vont acheter plus au détail
- tout ce qui est culturel, les voyages internes au Québec; ça a
une influence énorme sur le tourisme intérieur. En supposant que
quelqu'un a 200 $ par semaine - et c'est beaucoup, ce n'est pas la moyenne des
gens - pour acheter des choses superflues, c'est ça le surplus de
dépenses qui pourraient être faites si les magasins étaient
ouverts sept soirs par semaine.
Soit dit en passant, c'était ouvert hier soir - c'est la
période de Noël - et je me suis enquis à différentes
localités du Québec pour savoir comment c'était dans les
magasins. D'abord, à Québec, c'est facile - vous l'avez
certainement vu, ils en ont fait un rapport à la radio aujourd'hui -
tout était vide partout. Il n'y avait pratiquement personne dans les
magasins hier; c'était la désolation absolue. Mais ça va
être ouvert dimanche prochain pareil; c'est normal en période des
fêtes, c'est ouvert le dimanche. Mais, à cause de l'impact
négatif de la gestion économique et du chômage
provoqué par un manque de relance, les gens n'ont pas d'argent pour se
lancer dans les magasins pour acheter. Alors, si on ouvre, si on étale
sur sept jours, je pense que les gens n'auront pas plus d'argent.
Moi, ça me peine de voir qu'on va ouvrir sept jours pour
l'ensemble; ça va avoir des impacts dans d'autres domaines, surtout du
côté loisir et culturel. C'est énorme, la différence
que ça va faire, et c'est un impact sur la vie sociale.
J'en reparlerai plus tard, de la vie sociale des
Québécois.
Le deuxième item: «La libéralisation des heures
d'ouverture entraînera une augmentation des achats impulsifs».
Quelques personnes en ont parié, des achats impulsifs. Actuellement, on
est tous tentés, quand on fait du lèche-vitrines, d'acheter soit
une bague, une belle montre, un beau cadeau à un être aimé
ou de se faire une petite gâterie, quelque chose qu'on trouve beau. On
est tentés par le lèche-vitrines. Ceux qui n'ont pas beaucoup
d'argent et qui restent dans leur localité, le septième jour de
la semaine que même le Seigneur chôma, eh bien, ce septième
jour-là, on fait du lèche-vitrines. Il faut toujours se rappeler
que même le Créateur chôma le septième jour. Bon. Eh
bien, on regarde quelque chose d'affriolant, supposons, ou quelque chose de
très plaisant à l'oeil, de visuellement agréable, ou
quelque chose qui peut plaire au tympan auditif, soit un beau système de
son ou quelque chose qui s'adresse à nos sens, soit l'odorat, la vue, le
goûter, l'ouïe, etc. Eh bien, le dimanche, quand on passe dans ces
grandes surfaces-là et qu'on voit ça - et souvent on va se
promener avec les enfants, on va tout simplemenmt faire une balade - à
ce moment-là, on appelle ça faire du lèche-vitrines. Mais
c'est fermé. Oh! que ça serait le «fun», acheter
ça! Même si on n'a pas d'argent: Ah! que ce serait agréable
d'avoir ça! On se l'est tous dit, on est tous des grands enfants. Mais,
quand on revient chez soi, on se dit: II faut que j'aille acheter ça.
Là, on regarde. Il faut qu'on retourne là; il faut qu'on
retourne. Là, on y pense comme il faut si on a le budget pour ce faire.
Si on n'a pas le budget pour ce faire, au moins, si ce n'est pas ouvert le jour
où on se promène, là n'arrive pas l'achat impulsif.
Je trouve ça presque antihumain de dire: Ouvert le dimanche, les
achats impulsifs vont monter. C'est un peu irresponsable, surtout qu'on est
très, très, très endettés dans toute
l'Amérique du Nord. On est très, très endetté,
individuellement, et on achète beaucoup avec nos cartes de
crédit, etc. Les achats impulsifs, on pourrait les freiner. Je pense que
l'objectif d'un gouvernement, c'est de freiner ces achats impulsifs, parce
qu'un achat impulsif, ça nous fait acheter des choses qui ne sont pas
inévitablement nécessaires ou évitables et on devrait s'en
passer. (17 h 10)
Alors, ce deuxième item, je le trouve faible aussi. Le premier,
c'est que ça déplace les dépenses et ça n'en donne
pas plus. Donc, ce n'est pas créateur d'emplois. S'il y a moins de monde
qui dépense à un endroit et dépense plus à l'autre,
ça ne demande pas plus de personnel, ça. Ce n'est pas
créateur d'emplois et ça handicape le jour normalement
chômé. Parce que les Québécois ont un respect
inouï de ça, le dimanche. Tout notre tissu social est basé
là-dessus. J'y reviendrai plus tard.
Le troisième et le quatrième sont du même gabarit,
c'est l'exemple de la mère Ontario. L'ogre à côté de
nous, c'est vraiment notre guide quand on parle de qu'est-ce qu'on ferait.
Qu'est-ce que l'Ontario a fait? Regardons et faisons pareil. Dans certaines
circonstances, pour certains points, j'admets que c'est vrai, c'est possible
qu'on regarde ailleurs et qu'on ait de beaux exemples qui nous viennent de la
grosse province, l'Ontario. Dans ce cas-ci, on dit: «Sauf depuis le
troisième trimestre de 1992, période où la province de
l'Ontario a libéralisé les heures d'ouverture, on observait une
tendance à peu près semblable de l'évolution des ventes
des commerces de détail du Québec et de l'Ontario ou du
Canada». Ça veut dire qu'avant que l'Ontario ouvre le dimanche le
Québec, l'Ontario et le Canada avaient à peu près une
même progression dans les ventes.
On prend ça comme base, mais on ne dit pas que, même au
Canada, ça fait cinq, six ans qu'en Colombie-Britannique c'est ouvert.
Et, en Colombie-Britannique, c'est ouvert depuis cinq ans ou six ans et on dit
que là-bas ils achètent six fois plus, d'abord, aux
États-Unis que les Québécois le font. Les gens qui
habitent en Colombie-Britannique, malgré que les commerces sont ouverts
le dimanche, achètent six fois plus aux États-Unis, au prorata
des têtes, que le Québec le fait. Donc, ce n'est pas un barrage
à l'achat outre-frontières. Ce n'est pas un barrage à
ça. En plus, on dit que les ventes ont augmenté là-bas de
6,1 %; c'est beaucoup mieux qu'au Québec si on prend l'ensemble, sous
prétexte qu'au Québec les magasins ne sont pas ouverts le
dimanche. Il faut faire bien attention. La population du Québec grandit
de 0,002 % par année et là-bas ça augmente de 7 % par
année. Il faut tenir compte du facteur population et augmentation. Si on
regarde juste le chiffre dépensé par l'ensemble d'une population,
si elle augmente dans les cinq, six dernières années de juste 1
%, disons, dans cinq ans au Québec et que là-bas elle augmente de
30 %, et que l'augmentation de leur chiffre de ventes est juste plus 6,1 %,
mais qu'on ne tient pas compte de la population, ces valeurs-là de
comparaison seront simplement faussées à la base. Je pense qu'on
se sert de chiffres faussés parce qu'un sondage peut dire n'importe
quoi. On peut faire dire n'importe quoi à un sondage. Ce n'est pas de
ça que je parle, je parle de l'Ontario.
Le deuxième item de l'Ontario, je le lis tout de suite pour
parier des deux. «Par rapport à la période correspondante
de l'année précédente, les ventes au détail de
l'Ontario, pour le troisième trimestre de 1992, se sont accrues de 2,6
%, alors que celles du Québec sont demeurées à peu
près semblables à 0,1 %.» Il y a des tableaux qu'on voit,
qui sont très bien faits. Bon. Une période aussi courte ne peut
pas être valable; elle ne le peut pas du tout. M. le ministre, je sais
que vous le savez pertinemment.
Ça vous prenait une excuse pour justifier votre loi, vous avez
trouvé ça. Bon. Vous n'aviez pas beaucoup, beaucoup de choses. Si
Waterhouse n'était pas venue à votre secours, vous n'auriez rien
eu. Il y a ce petit tableau qui a été fait parce qu'on a
demandé en catastrophe d'avoir quelque chose. Bon, c'est arrivé.
Mais un petit laps de temps comme ça, ce n'est pas suffisant, je crois,
pour s'y fier. On le sait tous pertinemment que c'est techniquement
injustifiable, la conclusion de tout ça. On dit: Bien, si ça
n'augmentait que de 1 % au Québec, ça nous donnerait 44 800 000
000 $ de plus. Mais quelle valeur scientifique a ce 1 % là si on regarde
le prorata des populations et la petite longueur où l'Ontario a
été ouvert le dimanche? Ça n'a aucune, aucune valeur
scientifique.
Et, si c'était vrai qu'ouvrir le dimanche ça ferait vendre
les marchands au détail 1 % de plus - ça se peut que ce soit
vrai, supposons que c'est vrai - ce sera au détriment d'autres, comme je
l'ai dit tantôt: la culture, les restaurants, les loisirs, les voyages
intérieurs au Québec, le tourisme québécois, etc.
Ce sera un déplacement d'argent et, au bout de la ligne, il ne se
dépensera pas plus d'argent sur notre territoire. Je pense que c'est
très, très facile à comprendre. Ça ne prend pas,
comme on dit souvent, un cours classique pour comprendre ce
raisonnement-là. Ça, c'est l'impact qui pourrait être
positif. Ça se pourrait qu'au détail on vende 1 % de plus. C'est
possible, même si scientifiquement ce n'est pas prouvé, mais,
Seigneur! ouvrir le dimanche, ce petit impact positif, quel impact
négatif il apporte sur la vie sociale du Québec! Quel impact
négatif cela apporte! C'est destructeur de la vie familiale: 72 % de nos
commerces au Québec sont tenus par des familles; c'est des commerces
indépendants. Ces gens-là ont droit, eux aussi... Et on est
uniques en Amérique du Nord. Aux États-Unis, c'est le contraire.
En Ontario, c'est 60-40 à peu près. En Colombie, c'est à
peu près pareil. On est les seuls, on est uniques.
Je parlais de société distincte aussi. On est une
société distincte par la façon dont on fait le commerce,
la façon dont on le gère, la façon dont il est
conçu. Venir frapper de plein fouet le système dans lequel on
vit... Ça ne remonte pas à aujourd'hui, ça remonte dans le
temps des ancêtres. Si on veut faire un jeu de mots, par exemple, les
premiers commerçants qu'on a eus en terre de la Nouvelle-France,
c'étaient nos chasseurs; c'étaient les commerçants de
fourrure, qui étaient les grands chasseurs, et d'alcool. C'était
ça, et les miroirs aux Indiens. Mais disons que la fourrure était
un des principaux commerces.
Cette loi-là, ça me fait penser un peu à un
néologisme québécois. Quand les Anglais sont
arrivés, dans ce temps-là encore, on avait beaucoup de chasseurs.
Des Radisson, on en a eu longtemps, puis des marchands. Puis ce qu'ils
vendaient à l'extérieur, ils l'entouraient de fourrure. Ils
entouraient de fourrure leurs ballots pour aller vendre ailleurs, puis ils
disaient «in fur wrapped», qui est devenu le néologisme
québécois enfirouaper. Tout le monde sait ça. Par cette
loi-là, je pense que vous voulez nous enfirouaper. Vous nous donnez deux
sondages: le sondage de Price Waterhouse qui, lui, possède la fourrure,
et vous nous donnez un autre petit document d'impact économique qui fait
un peu fourrure synthétique. Vous mettez les deux ensemble pour essayer
d'emballer votre loi, mais c'est «in fur wrapped» pareil. Autrement
dit, nous croyons que nous nous faisons enfirouaper avec ça. Même
si c'est d'origine de commerçants de l'époque, nous ne le prenons
pas, et c'est évident. C'est évident!
Je n'irai pas, comme votre premier ministre ce matin en période
de questions, dire que c'est normal qu'on ne soit pas d'accord parce qu'on est
ennemis. Non, non, je n'ai jamais considéré le parti adverse
comme des ennemis. Ce sont des émules, mais ce sont des amis, des amis
qui pensent différemment de nous et qui veulent qu'on dépense
différemment d'eux. Que vous pensiez différemment, ça va,
mais quand vous m'obligez à dépenser différemment que je
veux, là je commence à me poser des questions et je ne voudrais
pas être «in fur wrapped».
Bon, ça, c'est le document que vous nous avez
présenté. Je trouve qu'il est très faible; il est vraiment
très faible. Je n'en al pas parlé longtemps, mais assez. Vous
savez, je le sais - je regarde le ministre et les personnes qui l'entourent -
c'est un document qui a été pondu à la dernière
minute pour vous justifier, parce que vous disiez que c'était
supporté par des études. On vous demandait: Est-ce que vous allez
déposer une loi? Vous verrez. Vous verrez. Vous n'êtes pas loin de
M. Ryan, ne prenez pas ses habitudes. Vous verrez, j'ai toujours raison. Il ne
faut pas prendre ses habitudes.
Normalement, on est plus généreux envers l'Opposition
quand un projet de loi de cette Importance a à être
déposé. On consulte l'Opposition et ça aurait
été extraordinaire qu'on nous consulte avant. D'abord, le 29
novembre, on aurait permis tout de go que ça ouvre, tout de go. Une
petite loi et tout le monde aurait dit oui au 29 novembre, pour faire le
quatrième, même si je suis persuadé que ce n'est pas
absolument nécessaire à cause de l'impact économique
négatif dans lequel les résultats de votre gestion ont
amené la population à 14,3 % de chômage, etc. Je ne suis
pas pour aller dans le verbiage nécrologique, mais ça demeure
quand même que c'est vrai. Mais, si vous aviez posé un petit geste
envers l'Opposition et dit: Le 29, ce serait agréable que ça
ouvre, ce serait nécessaire car il n'y aurait rien que trois dimanches
contrairement à l'habitude, on vous aurait passé ça dans
un, deux, trois, tout le monde aurait dit oui. Mais l'impact en voulant nous
amener comme appât...
C'est ça, l'«in fur wrapped». Votre fourrure, c'est
le 29 et vos études, puis vous voulez nous amener pour ouvrir
après. Ça ne peut plaire qu'aux grandes surfaces.
Ça brise le tissu ancestral du Québec et du peuple
québécois. C'est de première force. On est une
société distincte parce qu'on a échoué dans toutes
les tentatives confédératives et les acceptations d'ententes
quelles qu'elles soient: Charlottetown, Charlottetown pas, toutes ces
affaires-là, ça a été refusé. Là,
parce qu'on n'est pas capable de nous accepter dans ces ententes-là
comme société distincte de façon réelle, on va
faire des lois pour briser la société distincte, pour dire qu'on
est comme les autres? C'est un début. Je ne permets pas cette ouverture.
C'est un principe de base. On n'a pas le droit de briser le tissu social,
culturel d'un peuple, d'une société distincte, pour ne blesser
personne. On n'a pas le droit de briser ça. Bon, ce n'est pas le premier
train qu'on essaie de faire passer devant nous sans qu'on puisse embarquer. On
a vu vos trains durant le référendum, on les a tous vus, un
après l'autre, ils ont passé devant nous autres, de Verdun et de
n'importe où. On voyait vos trains passer, M. le ministre. (17 h 20)
Une voix:...
M. Blais: Oui, oui, mais je voulais qu'il comprenne. Mais
celui-là, je m'excuse, on veut absolument embarquer dedans parce qu'il
brime, c'est sérieux, ce tissu social. Quel impact avez-vous... Est-ce
que vous avez vraiment regardé - c'est une question que j'aimerais vous
poser - cette brisure de l'impact de la vie sociale de notre identité
propre, de la façon dont on gère nos affaires, les
conséquences réelles d'ouvrir sept jours sur sept? C'est
agréable pour un consommateur, c'est ouvert, c'est bien, mais il y a une
chose qu'il faut qu'on se dise, M. le ministre: Ça dépend de qui
pose la question. J'ai demandé à quelques personnes... Et
ça va intéresser la députée. Je voudrais que vous
écoutiez une seconde. J'ai demandé à mes assistés
sociaux, chez nous, de me faire un sondage pour demander au monde deux
questions: Est-ce que les députés siègent assez? 91 % ont
dit non et 9 % ont dit oui. La deuxième question: Vu qu'ils ne
siègent pas assez, devraient-ils siéger le dimanche? Ils ont dit
oui à 95 %. Est-ce que vous êtes prêt à siéger
le dimanche, M. le ministre? Ça fait qu'un sondage, ce n'est pas
nécessairement une bible pour agir. Ce n'est pas une bible pour
agir.
Le Président (M. Audet): Si vous voulez conclure.
M. Blais: En conclusion, c'est que, sur le sondage
présenté, la personne est juge et partie, et le document d'impact
économique ne regardait pas en profondeur les conséquences
négatives de cet «in fur wrapped» projet de loi, et je vous
remercie.
Le Président (M. Audet): Merci, M. le
député.
Est-ce qu'il y a d'autres remarques préliminaires? Mme la
députée de Verchères.
Mme Luce Oupuis
Mme Oupuis: Merci, M. le Président. Effectivement, je suis
un peu déçue que le ministre ne nous ait pas donné
verbalement, à l'ouverture de cette commission, les arguments et les
buts visés par ce projet de loi. Bien sûr, on peut se douter que
c'est la suite du projet de loi 75 qui nous a été
présenté en 1990. Cependant, je pense que ça aurait
été intéressant qu'on connaisse les arguments du ministre
de sa voix propre et non pas par des arguments qui nous sont fournis par
d'autres organismes. Dans ce sens-là, M. le Président, je suis
passablement déçue.
Alors, ce qu'il me reste à faire pour essayer de cerner les
visées du ministre, c'est de me rabattre sur un communiqué de
presse qu'il a fait paraître en date du... En tout cas, moi, je l'ai
reçu le 27 novembre: «Des modifications qui répondraient
aux attentes et favoriseraient la relance économique». C'est
signé Gérald Tremblay. Qu'est-ce qu'on lit dans ce
communiqué? «Les heures d'ouverture des commerces en Ontario, au
Nouveau-Brunswick et au Manitoba, les achats frontaliers et une actualisation
des grands principes qui guident l'action du gouvernement en cette
matière.» Là, je suis obligée de poser, moi aussi,
une question au ministre en disant: Quels sont ces grands principes? puisqu'il
ne les a pas énoncés. Quels sont les grands principes qui guident
son action? Je peux bien voir, oui, a travers le communiqué, que c'est
une manière d'essayer de relancer l'économie qui est très
mal en point, mais je pense que le ministre n'a pas fait preuve de beaucoup
d'imagination d'ouvrir les commerces le dimanche, ce qui, finalement, ne
crée pas d'argent neuf. Ce n'est pas productif.
Mais, encore là, je vais continuer à essayer d'extraire de
ce communiqué... puisque, comme je le répète, il a
jugé bon de ne pas faire de remarques préliminaires. Je lis, au
deuxième paragraphe: «Tout en soulignant que cette décision
n'a pas été facile à prendre, le ministre a insisté
sur le fait qu'un large consensus se dégage maintenant - maintenant -
chez la majorité des partenaires en faveur d'une libéralisation
des heures d'ouverture au Québec.» Un large consensus se
dégage. D'abord, lorsqu'on met un qualificatif sur un mot, tout de
suite, on perd de notre objectivité. Un large consensus, ça veut
dire quoi? C'est comme une table, ça. Je peux bien dire qu'une table est
large à six pieds, mais, pour un autre, une table large, bien, il
faudrait qu'elle ait douze pieds. C'est très subjectif lorsqu'on
met des qualificatifs.
Alors, un large consensus se dégage. Là, sans vouloir
contredire le ministre, moi, j'ai une feuille ici, une liste d'organismes qui
s'opposent à l'ouverture des commerces le dimanche, avec une lettre
à l'appui, et une autre liste de personnes, d'organismes qui s'opposent,
mais ceux-là, sans lettre. Et ça totalise au minimum une
vingtaine d'organismes.
Donc, qu'est-ce qu'on entend par «large consensus»? Moi,
j'aimerais, et pas seulement j'aimerais, je pense que c'est le devoir du
ministre, c'est son rôle aussi de nous donner des chiffres précis,
de nous dire sur quoi il se base pour dire qu'il y a un large consensus. Est-ce
qu'il a des données? Comme l'a signalé mon collègue, M. le
député de Labelle, tantôt, j'aimerais savoir si c'est
fondé sur des études sérieuses.
Je continue toujours dans le même communiqué où on
peut lire: «Le Québec - et c'est entre guillemets, donc c'est une
citation du ministre - ne peut s'isoler. Il est clair que les changements
effectués par les autres provinces au chapitre de la
déréglementation ont un impact sur les attitudes et les attentes
des consommateurs québécois.»
Là, M. le Président, je réfère à une
lettre qu'a fait parvenir au ministre Tremblay la Fédération
canadienne de l'entreprise indépendante. Cette lettre dit quoi, M. le
Président? «La Fédération canadienne de l'entreprise
indépendante ne partage pas cette opinion», toujours concernant
les heures d'ouverture, et elle vous rappelle que «la ville de Vancouver,
où les commerces sont ouverts le dimanche depuis de nombreuses
années, voit sa population se rendre faire des achats aux
États-Unis à un rythme qui est six fols supérieur à
celui de Montréal».
Donc, en quoi ça peut aider à retenir nos consommateurs
d'aller acheter à l'extérieur? Il nous est dit ici... Et je pense
que la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante,
on peut tout de même la prendre au sérieux; ce serait
peut-être bon de savoir où elle a pris ses chiffres aussi, par
exemple. Mais là, sans nous dire où elle les a pris, c'est ce
qu'elle nous affirme: «À un rythme qui est six fois
supérieur à celui de Montréal».
Ce n'est donc pas en ouvrant les commerces le dimanche qu'on
règle le problème du commerce outre-frontières, d'autant
plus que les principaux achats faits aux États-Unis (essence,
nourriture, tabac) concernent des produits dont l'acquisition est
déjà possible le dimanche au Québec, effectivement.
Concernant les achats à l'extérieur, M. le
Président, le ministre donne des chiffres, mais, moi, j'aimerais lui
soumettre ceux que j'ai toujours eus à l'esprit et qui m'ont
été fournis par les acheteurs canadiens et qui disent qu'en 1990
on a eu 500 000 Québécois qui ont traversé aux
états-unis pour 24 heures. en 1991, on en a eu 1 000 000. c'était
500 000 en 1990; en 1991, 1 000 000 de québécois ont
traversé les frontières pour... moi, je vous donne les... j'y
reviendrai tantôt puisque le ministre en parle dans son document, quoique
je peux peut-être continuer à élaborer sur ce
sujet-là.
M. Tremblay (Outremont): On est d'accord suri 154 000. (17 h
30)
Mme Dupuis: En 1992, les chiffres que j'ai, moi, seraient de 1
500 000 dans les trois premiers mois. Alors, dans le document que le ministre
nous a remis: «Impact économique de la libéralisation des
heures d'ouverture des commerces de détail au Québec» le
dimanche, le ministre semble nier qu'en 1992 ça a augmenté. On
nous dit même: «Les tendances observées en 1992 sur les
voyages de moins de 24 heures aux États-Unis indiquent une situation
à tout le moins comparable à celle de 1991». Bien,
là, M. le Président, je pense que, de toute façon, il va
falloir qu'on éclaircisse ces chiffres-là. Le ministre semble
nier, ici, l'impact de la TVQ et de la TPS sur ce phénomène de
traverser les lignes pour aller acheter des produits à
l'extérieur. Il nous dit que les chiffres de 1992 sont similaires
à ceux de 1991 et les chiffres de 1991 sont beaucoup plus
élevés que les miens. Ce que j'avais, moi, c'était qu'en
1991 1 000 000 de gens ont traversé pour 24 heures. On sait tous que,
pour 24 heures, on ne va pas faire du tourisme. Je pense qu'on n'a pas besoin
de discourir longtemps sur ce phénomène pour savoir que, pour 24
heures, on va acheter tout simplement. En 1992, là, ça a
monté à 1 500 000 dans les trois premiers mois. C'est
catastrophique.
C'est tellement catastrophique que nos chambres de commerce, nos
commerçants ne savent plus quoi inventer en région pour essayer
de maintenir chez eux leur clientèle. C'est les PME qui sont
affectées. Ce n'est pas les grandes surfaces qui sont affectées,
M. le Président. C'est nos petits commerces: notre bijoutier du coin,
l'épicerie, le dépanneur. Pour ce qu'il en reste des
dépanneurs... Je pense que le ministre connaît mon opinion
là-dessus. Lorsqu'on a ouvert les épiceries le dimanche,
ça a été catastrophique pour les dépanneurs. Je
n'ai pas de chiffres à l'appui, mais je peux simplement vous dire que,
dans ma petite région immédiate, où je demeure, il y en a
trois tout de suite qui ont fermé quelques mois après. Et
ça, même si ça fait sourire peut-être de l'autre
côté, on l'a tous vécu dans nos comtés.
Que font nos commerçants pour arriver à s'en sortir, nos
petits commerçants? Ils inventent un tas de trucs. Ils essaient de faire
preuve d'imagination et de se dépasser pour trouver des solutions.
Comme, par exemple, les «value» dollars. Si tu vas acheter chez un
commerçant, si
tu achètes pour 10 $, il te donne des coupons qui valent 2 $ et
que tu peux utiliser chez l'autre commerçant, mais à
l'intérieur d'une certaine zone. Mais qui, en bout de ligne, paie pour
ça, M. le Président? C'est encore le commerçant.
Finalement, avec ces dollars, ces billets, II va à la caisse populaire
et la caisse populaire le lui redonne. Mais qui paie pour ça, qui donne
une réduction de 10 %? C'est encore le commerçant, lui, qui est
en difficulté. Écoutez, il faut vraiment ne pas vouloir voir la
réalité pour nier ce fait-là.
Si je continue dans le communiqué du ministre, M. le
Président, j'étais à: «Le Québec ne peut
s'isoler [...] ont un impact sur les attitudes et les attentes des
consommateurs québécois». Là, dans le paragraphe
suivant, «trois grands principes ont toujours guidé le
législateur dans sa recherche d'une solution équitable pour les
clientèles visées par l'application de la loi». C'est
très beau. Premier principe: «l'égalité des
commerçants devant la loi.» Là, M. le Président,
vous me permettrez de dire que, ou on ne parle pas le même langage, mais
la réalité, ça veut dire quoi? C'est bien beau au niveau
du principe, ça, l'égalité des commerçants devant
la loi. Dans la réalité, qu'est-ce qui se produit? Est-ce qu'un
petit commerçant et l'ensemble des petits commerçants ont la
possibilité, ont les moyens financiers, ont les moyens physiques dans le
temps, d'aller faire du lobbying, de faire des pressions pour ou fermer ou
ouvrir? Non, M. le Président, c'est les grosses entreprises, qui, elles,
ont des permanents à cet effet, des spécialistes, qui vont faire
valoir leur point de vue. Mais non, pas d'autres. L'égalité des
commerçants devant la loi. L'égalité de quoi? On dit: Bon,
parfait, tout le monde est égal. On ouvre pour tout le monde. Mais ce
principe-là, on peut très bien l'appliquer en sens inverse. On
peut bien dire: On ferme pour tout le monde.
Donc, il faudrait peut-être que le ministre nous explique
qu'est-ce qu'il entend et sa vision de ce grand principe. C'est beau, des
théories, mais, dans la vie concrète, dans la pratique là,
ça veut dire quoi, surtout quand on sait que la
crédibilité des politiciens est à zéro? Ce que les
citoyens nous disent, c'est: Vous dites quelque chose, les politiciens disent
quelque chose et ils font le contraire. Alors qu'il faudrait tout mettre en
oeuvre pour se rebâtir une crédibilité, on nous sort des
principes d'égalité des commerçants devant la loi. Moi,
j'aimerais bien que le ministre mette fin à son mutisme et accepte de
bien vouloir prendre la parole pour expliquer, si ce n'est son projet de loi,
au moins ses énoncés de principe.
Son deuxième grand principe: «la satisfaction des besoins
réels des consommateurs». Quels sont les besoins des
consommateurs? Je ne nierai pas que, les consommateurs, ça leur donne
une marge de manoeuvre un peu plus grande pour aller magasiner. Nier ça,
c'est nier l'évidence, oui, mais la satisfaction des besoins
réels des consommateurs... Bien, les consommateurs, c'est le client,
ça, c'est nos commettants, c'est nos concitoyens. Le besoin réel
de ce public, lorsqu'il vient nous voir dans nos bureaux, M. le
Président, ce n'est pas ça. Comme mon collègue le disait
tantôt, il n'y en a pas un qui est venu pour me demander de faire
pression afin de faire ouvrir les commerces le dimanche. Mais, dans la salle
d'attente, j'en ai toujours deux ou trois, les journées de bureau, qui
attendent pour me dire: Mme Dupuis, je viens de perdre ma job. Bien, tout ce
qu'il me reste, c'est le chômage ou mon chômage est terminé
et je dois me résigner à aller sur l'assistance sociale.
Là, il me dit, désespéré: Je ne veux pas y aller.
J'ai à coeur de gagner ma vie. J'ai à coeur de faire vivre ma
famille. C'est ça, la satisfaction des besoins réels des
consommateurs. Le besoin réel, c'est d'avoir plus d'argent dans leurs
poches et d'être capables de faire vivre leur famille. C'est ça.
Ça, c'est un besoin urgent. Mais le besoin réel des consommateurs
d'avoir un petit peu plus de marge de manoeuvre, s'ils veulent utiliser cette
marge de manoeuvre, il faudrait d'abord qu'ils aient de l'argent pour
être capables d'y aller. Ça, c'est une autre chose.
Le besoin réel des consommateurs encore, que je sache... Et
ça m'amène sur son troisième grand principe qui est la
qualité de vie. Je reviens au deuxième, le besoin réel des
consommateurs. Bien, les consommateurs, c'est aussi nos mères de
famille, parce qu'on sait très bien que, dans les magasins, en
majorité, ce sont des femmes qui travaillent là. Alors, quelle
journée il leur reste? Elles travaillent tous les soirs. Elles vont
travailler les fins de semaine. Elles vont travailler les dimanches. Quelle
journée leur reste-t-il pour rencontrer leurs enfants, pour aller voir
leurs parents dans les centres d'accueil ou, tout simplement - parce que c'est
encore comme ça - parce que la femme qui travaille à
l'extérieur doit aussi s'occuper de sa maison? C'est une
réalité que mes collègues féminines connaissent
très bien. En majorité, la femme qui travaille à
l'extérieur - peut-être pas toutes -doit se... Le ministre
magasine-t-il le dimanche? Je ne le sais pas. Est-ce que le ministre vit la
situation?
Le Président (M. Audet): À l'ordre, s'il vous
plaît, MM. et Mmes les députés! À l'ordre, s'il vous
plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!
Une voix: Chez nous, on fait tout à deux.
M. Tremblay (Outremont): Je passe la balayeuse et tout ça.
Oui, oui.
Le Président (m. audet): a l'ordre, s'il vous plaît!
à l'ordre, s'il vous plaît! mme la députée de
verchères, vous avez toujours la parole.
Mme Dupuis: M. le Président, je parle de ces femmes qui
travaillent à petit salaire, souvent au salaire minimum, et qui n'ont
même pas les moyens de se payer quelqu'un pour les aider à faire
le travail domestique. Elles doivent le faire par-dessus. Alors, elles doivent
le faire en plus de travailler à l'extérieur. C'est ça, la
réalité. Ça fait peut-être rire le ministre...
M. Tremblay (Outremont): Non, non, c'est votre confrère,
là.
Mme Dupuis: ...nais je ne pense pas que cette
réalité qu'ignore le ministre ou qu'il veut bien ignorer, on
doive l'ignorer, nous. (17 h 40)
Et j'arrive au grand principe de la qualité de vie. La
qualité de vie, j'en ai parlé au niveau des travailleurs.
Maintenant, parlant de la qualité de vie, ça m'amène
à parler de nos valeurs fondamentales que sont les familles. On sait
très bien que les jeunes dénoncent souvent le côté
inhumain de la société de notre génération. Et
même, à ma grande surprise, M. le Président, j'ai
rencontré un groupe de jeunes. Je voulais connaître leur opinion.
Je leur avais attribué une heure. J'ai dit: En une heure avec mes
jeunes, je pense qu'on va avoir fait le tour de la question. Ils sont
restés trois heures, un samedi soir, alors qu'ils avaient d'autres
choses à faire - des jeunes de 20 ou 21 ans - que de discuter pendant
trois heures avec la députée qui n'avait pas leur âge.
Le Président (M. Audet): Si vous voulez conclure,
madame.
Mme Dupuis: Et qu'est-ce qui est ressorti sur les trois heures de
conversation? Ils m'ont parlé de quoi, M. le Président? De
qualité de vie et des valeurs humaines. Et ils ont
dénoncé, bon, certaines choses qui sont propres, peut-être,
à notre génération: d'être seuls, qu'ils n'ont pas
leur place dans la société et tout. Est-ce que c'est en
libéralisant, en faisant fi de notre culture, de nos habitudes? Le
dimanche, ça fait partie de notre culture. La culture, ce n'est pas
seulement la visite dans les musées; c'est notre manière
d'être, c'est les journées qu'on respecte, c'est nos traditions.
Mon temps est déjà terminé, M. le Président?
Le Président (M. Audet): Effectivement, Mme la
députée. Je vous remercie.
Mme Dupuis: En conclusion, tout ce que je demande au ministre,
c'est de bien vouloir, dans son temps de parole tantôt, répondre
aux questions que je lui soumets. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Audet): Bon, d'accord. Est-ce qu'il y a
d'autres remarques? Avant de céder la parole à Mme la
députée des Chutes-de- la-Chaudière, on m'a soulevé
tantôt le fait que le ministre ne répondait pas aux questions. En
vertu de notre règlement, puisqu'on n'a pas débuté
l'étude détaillée du projet de loi, le ministre ne peut
pas répliquer dans le cadre des remarques préliminaires. Alors,
lorsqu'on aura débuté l'étude article par article, le
règlement permet, à ce moment-là, un droit de
réplique de cinq minutes de la part du ministre.
Mme Dupuis: On pourrait le lui donner. On pourrait consentir.
M. Léonard: II pourrait peut-être les faire...
Le Président (M. Audet): Le règlement n'oblige pas
de parler 20 minutes.
Une voix: On pourrait consentir. Mme Dupuis: Non, il ne
l'oblige pas... M. Léonard: On va consentir. Mme Dupuis:
...mais on va consentir.
M. Léonard: On va consentir à ce qu'il
réplique.
Le Président (M. Audet): Si le ministre souhaite
intervenir, s'il y a consentement, moi, je n'ai pas d'objection, là.
Une voix: Consentement, M. le Président.
Le Président (M. Audet): Alors, je vais... M. le
député de Masson, c'est une question de règlement?
M. Blais: Oui, oui, une question de règlement.
Le Président (M. Audet): Allez-y.
M. Blais: si je me souviens, dans ce règlement-là,
nous non plus on n'est pas obligés de parler 20 minutes, mais, quand on
est intéressé, on le fait.
Le Président (M. Audet): Ce n'est pas une question de
règlement, M. le député de Masson. Alors, je vais
reconnaître Mme la députée des
Chutes-de-la-Chaudière.
M. Benoit: Vous n'avez pas dit intéressant, vous avez dit
«intéressé».
Le Président (M. Audet): Mme la députée des
Chutes-de-la-Chaudière vous avez la parole. MM. les
députés, à l'ordre, s'il vous plaît! J'ai reconnu
Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière. Mme la
députée, vous avez 20 minutes.
Mme Denise Carrier-Perreault
Mme Carrier-Perreault: Merci, M. le Président. Tout
à l'heure, j'entendais le ministre qui a commencé son
intervention en nous disant que son projet avait été
analysé, bien balancé, qu'il avait été fait en
consultation avec les différents intervenants. Bien, là, disons
que, moi, j'ai un petit peu de problèmes, parce que, habituellement,
quand on a un projet à expliquer, qui a été bien
analysé, bien balancé, ça devrait être facile
à expliquer, ça devrait être convaincant. Et,
généralement, quand c'est convaincant, on peut écouter
facilement, comprendre aussi et puis, finalement, on se laisse convaincre.
Ça devrait aussi faire consensus, à mon avis. Alors, le ministre
a beau dire que ça fait un large consensus, il reste qu'on a quand
même eu la démonstration - et mes collègues en ont fait
état tout à l'heure - qu'il y a beaucoup de monde qui n'est pas
d'accord avec le projet du ministre.
Tout ce que le ministre fait, finalement, c'est qu'il nous apporte,
à peu près cinq mois après l'Ontario, le même genre
de projet. En Ontario, pour les mêmes raisons, en juin, on a mis sur pied
ce genre de mesure et exactement avec les mêmes raisons qui ont
été données par le ministre: l'économie a besoin
d'être relancée, on va créer des emplois, on va augmenter
la consommation et on va cesser l'hémorragie du commerce qui se fait
hors frontières. Le ministre est supposé, d'ailleurs, nous
fournir des études, en fait, comme preuve du bien-fondé de cette
mesure. À date, on a eu quelques petites études. Mes
collègues en ont fait état. Je ne reviendrai pas
là-dessus, mais pour vous dire que, selon moi, la démonstration
n'a vraiment pas été faite, à venir jusqu'à date,
avec ce qu'on a en main.
Et ce qui s'est passé en Ontario, on peut en prendre
connaissance. Il en a été fait état dans les journaux
cette semaine. On a vu qu'en Ontario, finalement, après cinq mois, le
miracle ne s'est pas produit. Ça n'a pas donné grand-chose. Quand
on dit: Les travailleurs n'aimeront peut-être pas travailler le dimanche,
le ministre nous dit: II n'y aura pas de problème. Il y a des mesures de
prévues où les patrons ne pourront pas les forcer à
travailler le dimanche. Ce sera du volontariat. Ce sera de façon
volontaire. On avait prévu le même genre de mesure en Ontario. Il
semble que ça ne s'applique pas dans la vraie vie. Ça se fait
tout autrement et bien différemment. À venir jusqu'à date,
il n'y a rien qui nous démontre le bien-fondé de la mesure que
vous voulez passer ici.
On nous dit qu'on va faire augmenter la consommation. C'est clair que ce
n'est pas parce que les magasins sont ouverts une journée de plus que
les gens vont dépenser davantage. On ne peut pas dépenser ce
qu'on n'a pas. On a une limite à nos budgets. D'ailleurs, je pense que
l'État devrait de temps en temps prendre exemple là-dessus. Il ne
devrait pas dépenser ce qu'il n'a pas. Peut-être qu'on ne
connaîtrait pas, non plus, les déficits qu'on connaît
aujourd'hui. On devrait être plus prudent, en fait, en termes
économiques.
Une voix: Des deux côtés.
Mme Carrier-Perreault: Oui, probablement, M. le Président.
Pour faire augmenter les ventes, je ne suis pas sûre... Le ministre nous
dit: On va favoriser les achats impulsifs. J'entendais mon collègue de
Masson tout à l'heure: C'est presque une mesure antisociale. Ce n'est
pas presque une mesure antisociale; c'est une mesure antisociale. D'ailleurs,
ça avait été une remarque dans un avis du Conseil de la
famille en 1990, quand le ministre avait présenté son projet de
loi 75. Je ne sais pas si le ministre se rappelle l'avis du Conseil de la
famille à ce moment-là. C'était, d'ailleurs, très
clair, très bien fait, et il avait fait état, justement, des
achats impulsifs.
Quant à la création d'emplois, là, disons que, pour
ce qui est de cette mesure-là, ce n'est pas du tout évident.
D'ailleurs, le ministre, dans ses propos, nous mentionnait que ça
créerait probablement 8000 emplois à temps partiel, surtout
à temps partiel, pour les femmes, pour les mères de famille. Et
ça, j'ai trouvé ça de toute beauté, M. le
Président, parce que vous comprendrez que, comme porte-parole du dossier
de la condition féminine et de la famille, j'ai été
ébahie d'entendre ça. Vraiment! Quand on parle d'emplois à
temps partiel pour les femmes, j'espère que le ministre ne pense pas
qu'il nous fait un cadeau, là. J'espère que vous ne pensez pas
sérieusement faire un cadeau aux femmes en nous proposant 8000 emplois
à temps partiel! Il faudrait quand même consulter les organismes
qui s'occupent de la condition féminine. Vous savez, le Conseil du
statut de la femme a déjà produit des avis le-dessus et on sait
qu'en ce u;i concerne le travail à temps partiel 13,5 % de la
main-d'oeuvre québécoise occupait ce type d'emplois en 1988 et
les femmes formaient 70,5 %, déjà là, de ce
groupe-là.
Qu'est-ce qui se passe avec ce genre d'affaire? Vous augmentez le
pourcentage? Pourtant, on sait que le Conseil avait déjà
exprimé des craintes devant, justement, la progression du travail
à temps partiel. On dit que «le travail à temps partiel
contribue, dans le contexte actuel, à maintenir les femmes dans la
dépendance économique. Ce type de travail entretient le mythe du
salaire d'appoint. Il nuit à un véritable partage des
responsabilités familiales et il constitue un frein au
développement des services collectifs.» Alors, voilà ce que
le Conseil du statut de la femme pense du travail à temps partiel pour
les femmes.
Je ne sais pas ce que la ministre de la Condition féminine pense,
elle, du travail à temps partiel pour les femmes, mais, lorsque vous
avez apporté cette mesure-là au Conseil des ministres,
j'imagine qu'elle s'est exprimée et, comme elle représente le
même groupe que moi, j'imagine qu'elle a dû aller dans le
même sens. Or, si le gouvernement s'imagine qu'en nous donnant 8000
emplois à temps partiel pour les femmes et pour les mères de
famille il nous fait un grand plaisir, bien, je regrette, ce n'est pas du tout
un grand plaisir, ce n'est pas une bonne chose, c'est une mauvaise mesure.
Quand le ministre parle des mères de famille, ça, c'est
encore plus drôle. C'est encore plus drôle parce que... J'y faisais
référence tout à l'heure; le ministre s'en rappelle
sûrement puisque ça lui avait été remis à ce
moment-là, le rapport du Conseil de la famille. En 1990, le Conseil de
la famille ne recommandait pas - et je vais vous le citer pour rafraîchir
un petit peu la mémoire des membres de cette commission -un
élargissement de l'ouverture des commerces le dimanche. C'était
en 1990. «Les raisons qui justifient cette position ont trait à
l'importance de permettre aux travailleurs et aux travailleuses de concilier
leurs responsabilités parentales et professionnelles et à
l'utilité pour l'ensemble de la société de profiter d'un
jour de repos commun, favorisant ainsi le moment où les familles
pourront mener les activités sociales de leur choix. Le Conseil craint,
en outre, que l'élargissement de l'ouverture des commerces le dimanche
n'entraîne une augmentation des prix dans le secteur alimentaire - parce
qu'à ce moment-là on parlait justement des commerces
d'alimentation - et n'accentue la valeur consommation déjà
fortement présente dans notre société.» Alors, quand
le ministre nous parie des achats compulsifs, on parle justement de cette
valeur consommation, et ça, c'est le Conseil de la famille. (17 h
50)
Alors, présentement, M. le Président, au moment où
on se parle, moi, je ne suis pas du tout convaincue des impacts positifs au
niveau économique du genre de projet de loi que le ministre apporte,
mais, par exemple, je suis tout à fait convaincue... Le ministre a
réussi, en tout cas, à toutes fins pratiques, à me
démontrer l'incohérence du gouvernement en termes de politique
globale, si on veut, parce que ça va totalement à rencontre -
totalement à rencontre, M. le Président - de la politique
familiale du gouvernement libéral.
En avril 1992, en début d'année, la ministre nous
déposait son deuxième plan d'action en matière de
politique familiale. Et je vais vous dire, M. le Président, que le
deuxième chapitre, justement, de ce plan d'action là était
consacré à favoriser la conciliation entre la famille et le
travail. À toutes fins pratiques, ça veut dire que ce que je vous
relisais du Conseil de la famille ce n'est pas dépassé.
Probablement que, si on entendait le Conseil de la famille ou si le Conseil de
la famille avait un avis à vous émettre concernant ce genre de
mesure aujour- d'hui, il redirait exactement les mêmes choses puisque le
plan d'action de votre gouvernement en matière de politique familiale
reprend exactement les mêmes éléments qui étaient
contenus dans l'avis du Conseil de la famille en 1990. La ministre, à ce
moment-là, en avril... C'est vrai que peut-être le ministre de
l'Industrie et du Commerce était très occupé
lui-même dans son secteur, parce qu'on parlait beaucoup de grappes
industrielles à ce moment-là, mais la ministre de la Condition
féminine et de la Famille a quand même fait grand état de
ce deuxième plan d'action en matière de politique familiale. Elle
était très contente de le présenter, très
fière de son plan d'action, et ça reprend intégralement
les mêmes idées qui étaient émises dans l'avis du
Conseil de la famille.
On nous dit: «II faut promouvoir la mise en place dans tous les
ministères et organismes d'une philosophie de gestion permettant la
conciliation des charges familiales et professionnelles». Est-ce que le
ministère de l'Industrie et du Commerce a pensé à cet
aspect-là quand il a décidé d'amener ce genre de projet de
loi là? J'aimerais le savoir. Je ne sais pas si le ministre va pouvoir
nous répondre à un moment donné, mais j'aimerais beaucoup
entendre le ministre là-dessus.
Est-ce que la ministre de la Condition féminine et de la Famille
est d'accord avec ce genre de projet qu'on a devant nous? C'est des questions
que j'ai et sur lesquelles je n'ai pas de réponses. Je trouvais,
personnellement, au printemps, qu'il y avait beaucoup de voeux pieux. Il y
avait aussi des reprises dans le plan d'action, le deuxième de la
ministre. Je comprends pourquoi il y a des reprises maintenant, parce que,
écoutez, il est quand même récent. On a
présenté ce plan d'action là en avril. Voyez-vous, on est
en décembre de la même année et on nous arrive avec une
mesure qui va totalement à rencontre de ce qui est prévu dans le
plan d'action en matière de politique familiale.
Or, moi, M. le Président, au niveau des impacts
économiques, j'attends toujours la démonstration claire, nette et
précise que c'est l'évidence, qu'il faut accepter ça parce
que c'est vrai qu'au Québec on aurait grandement besoin qu'il se passe
quelque chose au niveau économique. Mais, par ailleurs, au point de vue
de l'impact social, je pense que, oui, on peut s'interroger. Tout à
l'heure, quand ma collègue en faisait état, je voyais des gens
qui avaient un peu le sourire autour de la table ici. Mais je trouve que c'est
drôlement important, les valeurs sociales, les valeurs familiales au
Québec. Je pense qu'il y a des gens chez vous, même dans votre
gouvernement, qui y croient. On ne doit pas être les seuls à y
croire. Et je pense que, quand on prend ce genre de disposition, quand on veut
faire un bon coup à un niveau, il ne faut quand même pas
négliger les impacts aux autres niveaux. Il faut quand même avoir
une vue
d'ensemble de la société.
Dans ce sens-là, je m'interroge grandement sur le projet de loi
qu'on a devant nous. À qui veut-on faire plaisir, M. le
Président? Qui a demandé ça? Qui demande l'ouverture des
magasins le dimanche, comme ça, à la grandeur? Le
député de Drummond sait qu'il n'y a pas eu de cohue dans son
bureau de comté. Je vous regarde, je suis persuadée que personne
ici n'en a eu, de la cohue, dans son bureau de comté. Moi-même, M.
le Président, je n'en ai pas eu.
Je regardais, on dit: Les consommateurs sont contents. Oui,
probablement! Probablement! Quand tu es consommateur, tu penses: Bien oui,
c'est plaisant, c'est une journée de plus; si je veux y aller, j'y vais;
si je ne veux pas, je n'y vais pas. Le ministre n'ira pas, il l'a
déjà dit, c'est clair; il a autre chose à faire le
dimanche, il s'occupe de sa famille. Il croit à ça, les valeurs
familiales chez lui.
À toutes fins pratiques, on a vu aussi qu'il n'y a pas eu de
lobby des consommateurs. Il y a même une fédération des
consommateurs... Je lisais, dernièrement, un article de M. Nantel. M.
Nantel, lui, est porte-parole de la Fédération des ACEF du
Québec et de la Fédération nationale des associations de
consommateurs du Québec. Pour lui, c'est très clair, il dit qu'il
n'y a pas eu de lobby des consommateurs; il n'y a pas eu vraiment de
bousculade, il n'y a personne qui a fait des pressions du côté des
consommateurs pour dire: On veut absolument que vous ouvriez les magasins le
dimanche. Il n'y a personne qui a l'air d'avoir fait des lobbies aussi
importants. Non, même que le ministère a été
obligé de faire un sondage pour aller voir s'ils aimeraient ça ou
s'ils n'aimeraient pas ça.
Pour les consommateurs, de l'avis de ce M. Nantel, c'est très
clair, ce sont le Club Price, Val Royal, Brico, Sears, La Baie, Zellers,
Woolco, Ivanhoe, Cadillac Fairview, etc., les grandes surfaces. C'est ce que
l'Opposition vous a dit à plusieurs reprises, c'est ce qu'on pense, nous
aussi. Même que le ministre, dans son allocution, quand il y a eu le
dépôt, en fait, lors de l'adoption de principe, nous disait que
c'était pour les familles qui pouvaient aller magasiner, les gens qui
travaillent les deux pourront aller magasiner le dimanche avec leurs enfants.
On faisait jouer un petit peu la corde famille, mais à l'envers, sur
l'aspect consommation, pas pour les gens qui vont travailler à temps
partiel et à des salaires assez petits.
Alors, même que ce M. Nantel - c'est tellement clair dans son
esprit, tellement clair, que c'est loin de faire consensus, en tout cas,
même au niveau des consommateurs, même si on pouvait penser que,
oui, c'est intéressant et qu'à première vue tout le monde
est content de ça quand on est consommateur, uniquement consommateur -
lui, il dit: «C'est une alerte météorologique sociale.
Attention, force sociale contraire aux intérêts collectifs
s'apprête à réussir un coup de force
dévastateur». Ce sont les propos de M. Nantei, de la
Fédération des ACEF du Québec.
Alors, à qui veut-on faire plaisir? Pourquoi ce genre de projet
de loi là? Aucune preuve, en tout cas, vraiment très claire, ne
nous démontre l'impact positif au niveau économique, un impact,
en tout cas, suffisamment important pour balancer tout le reste de l'impact
social que ça peut avoir. Et, en plus, disons que nous, l'Opposition, on
aimerait bien ça avoir des réponses aux questions et, concernant
les questions du député de Drummond, moi, je serais très
intéressée à entendre les réponses du ministre
aussi. Alors, je pense qu'on va attendre les réponses du ministre et
puis ça va peut-être nous rassurer. Peut-être
réussira-t-il à nous convaincre parce qu'à venir
jusqu'à date ses propos, malheureusement, ne sont pas très
convaincants. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Audet): Merci, Mme la
députée. J'étais pour vous indiquer qu'il vous aurait
resté quatre minutes.
Mme Carrier-Perreault: Même s'il est 18 heures?
Le Président (M. Audet): C'est que, dans les motions
préliminaires, lorsque la séance se termine, par exemple,
à 18 heures, votre temps, vous pouvez le reprendre à 20 heures.
Alors, à 20 heures, étant donné qu'il est 17 h 59, il vous
restera quatre minutes.
Alors, nous suspendons les travaux jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 17 h 59)
(Reprise à 20 h 14)
Le Président (M. Audet): Je constate le quorum et je
déclare la séance de la commission de l'économie et du
travail ouverte. À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je vous
rappelle le mandat de la commission qui est de procéder à
l'étude détaillée du projet de loi 59, Loi modifiant la
Loi sur les heures et les jours d'admission dans les établissements
commerciaux.
Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière, vous
aviez la parole. Je vous rappelle qu'il vous restait quatre minutes sur votre
temps de parole dans le cadre des remarques préliminaires. Alors,
allez-y!
Mme Carrier-Perreault: Je vous remercie, M le Président.
C'est grâce à vous, d'ailleurs, s'il me reste quatre minutes parce
que j'avais comme oublié qu'il me restait quatre minutes. Donc, c'est
toujours un petit peu compliqué de recommencer parce que, là,
c'est un petit peu plus difficile. Je ne me rappelle pas trop exactement
comment ça a fini. Il y aura sûrement un écart au
niveau du verbatim.
Bref, M. le Président, on est devant un projet de loi qui
constitue, à toutes fins pratiques, d'après ce qu'on peut voir
jusqu'à maintenant dans la session, la pièce maîtresse, si
on veut, du gouvernement libéral pour la relance de l'économie.
C'est la nouvelle qu'on a eue durant l'automne. C'est la grosse nouvelle. On
l'a eue même avant que la Chambre commence à siéger. On se
rappellera que c'est, justement, à la sortie du Conseil des ministres
qu'on a entendu parler de ce projet-là pour la première fois.
Alors, c'est la pièce maîtresse du gouvernement, à ce qu'on
peut voir, pour relancer l'économie.
Les bons points qui sont soulevés par le ministre ne sont pas
vraiment démontrés. Disons que, quand on nous parle de
création d'emplois, entre autres, je veux dire, ce n'est pas
évident du tout. D'ailleurs, le ministre lui-même l'a quand
même souligné. Je dois lui donner ça. Il a parlé
vraiment d'emplois à temps partiel. Je sais que je lui ai
mentionné, tout à l'heure, avant qu'on quitte, avant la
suspension, que pour les femmes, pour les mères de famille, c'est une
mesure qui est tout à fait douteuse. Je vous dis, ce n'est pas un
cadeau, pas du tout, que le gouvernement est en train de nous faire en nous
offrant des emplois comme ça à temps partiel qui viennent mettre,
à toutes fins pratiques, notre vie familiale vraiment en suspens, compte
tenu que c'est le dimanche que les enfants sont à la maison;
généralement, le restant de la semaine, les jeunes vont à
l'école.
Alors, si les parents veulent se retrouver en famille, avec leurs
jeunes, bien, les deux journées qu'ils ont pour ça, c'est le
samedi et le dimanche. Déjà, le samedi, c'est ouvert. Les
magasins, on le sait, sont ouverts le samedi. Les gens qui travaillent dans le
commerce ont déjà six jours-semaine à assurer. Alors,
à ce moment-là, on vient dire tout simplement: Le dimanche aussi,
on fera la même chose. Le dimanche sera donc une journée comme les
autres et il y a des gens comme ça qui devront être à
l'emploi plutôt qu'être à profiter de moments de loisir avec
leur famille.
Or, pour la création d'emplois, disons que ce n'est pas de
l'emploi terrible, ce n'est pas le genre d'emplois qu'on aurait
souhaité. On est loin d'une politique de plein emploi. Le ministre n'ira
pas très loin avec ça, d'après moi; d'après lui.
non plus, puisqu'il dit lui-même: 8816 emplois à peu
près.
Pour ce qui est de l'augmentation des ventes, je pense que ça a
été beaucoup dit, ça a été beaucoup
mentionné: les gens ne peuvent pas acheter pour les montants qu'ils
n'ont pas. Ils achètent juste ce dont ils ont besoin, selon leur budget.
Et c'est très difficile, à part de faire quelques achats
impulsifs, je dis bien «quelques», parce que je pense que ce n'est
pas souhaitable...
Le Président (M. Audet): Si vous voulez conclure, votre
temps est presque terminé.
Mme Carrier-Perreault: Mon doux! Ça va plus vite que
tantôt, il me semble, M. le Président.
Le Président (M. Audet): Quatre minutes, ce n'est pas
long, madame.
Mme Carrier-Perreault: C'est vrai. Alors, des études qu'on
a, il y en a une, d'ailleurs, la première que le ministre nous a
déposée, c'est très drôle, elle est au conditionnel,
comme un dernier projet dont on a longuement discuté durant le mois
d'octobre. Alors, c'est au conditionnel, et l'autre étude a
été commandée par le Regroupement québécois
pour l'ouverture le dimanche. Alors, voyez-vous, M. le Président, deux
études pas très concluantes. Le ministre aurait
intérêt, en fait, à répondre à nos questions
pour nous sécuriser et pour nous faire vraiment comprendre qu'il a
raison et, ce faisant, il pourrait probablement aussi convaincre les gens qui
ne sont pas d'accord avec lui. parce qu'il y en a quand même une liste
fort nombreuse. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Audet): Merci, Mme la
députée. Est-ce qu'il y a d'autres remarques
préliminaires? Ça va?
M. Gautrin: J'ai envie de parler.
Le Président (M. Audet): Vous avez envie de parler, M. le
député de Verdun? Alors, je vais vous reconnaître. Vous
disposez de 20 minutes.
M. Henri-François Gautrin
M. Gautrin: Merci, M. le Président. Je pense que, dans ce
débat-là, on a entendu beaucoup de choses, mais essayons de
reprendre la question au point de départ. La question, au point de
départ, dans toute cette question, c'était: Compte tenu de la
situation économique, à l'heure actuelle, du Québec,
comment accélérer la sortie de la récession dans laquelle
on se trouve? Alors, c'est ça le problème réellement
devant nous: comment accélérer la sortie de la
récession.
Je voudrais, implicitement, commencer à répondre à
la députée de Taillon. On en convient, on n'en disconvient pas,
actuellement, nous sortons lentement d'une récession. On en est sorti,
probablement, sur le plan technique, mais, sur la réalité, on est
loin de ne plus en voir les effets. Alors, la question qu'on avait devant nous,
c'était: est-ce que la libéralisation de l'ouverture des
commerces va permettre d'accélérer la consommation interne,
c'est-à-dire d'augmenter la consommation sur le marché
intérieur? C'est ça, le débat de fond.
Alors, vous, la réaction, la réponse que vous faites - et
j'ai écouté avec beaucoup d'attention, tout cet
après-midi, les porte-parole de l'Opposition dans leur analyse -
c'était: L'ouverture ou faciliter l'accès aux commerces n'aura
pas d'effets sur la consommation. Vous dites: Ça n'aura pas d'effets sur
la consommation parce qu'il y a un grand endettement. Si j'ai compris votre
raisonnement, il y a un grand endettement.
Mme Marois: C'est le revenu disponible. (20 h 20)
M. Gautrin: Attendez un instant, là! Je ne voudrais pas
revenir sur la question du PIB avec vous, parce que le PIB n'est pas
nécessairement une mesure complète du revenu disponible et
l'analyse que vous faisiez était une analyse de croissance du PIB, si je
me rappelle bien.
Mme Marois: J'ai parlé du revenu disponible aussi, en le
dissociant du PIB.
M. Gautrin: Oui, je n'en disconviens pas. Mais, alors, là,
la difficulté que j'ai à comprendre votre argumentation, c'est...
Il est clair que ce n'est pas le seul moyen qu'il faut utiliser pour
accélérer la reprise, mais faciliter la consommation,
c'est-à-dire augmenter la facilité de la consommation en
permettant aux commerces d'être ouverts plus longtemps, doit logiquement
accélérer la consommation sur le marché interne, ne va pas
freiner la consommation. On va dans le bon sens lorsqu'on veut, à
l'heure actuelle, une reprise économique. Et j'ai de la
difficulté à comprendre votre position. Je comprends qu'on
pourrait en débattre longtemps, et dire: C'est peut-être une
mesure qui n'est pas la seule mesure, et ce n'est pas celle qui va nous
permettre, bien sûr, de sortir de la récession. Ce n'est pas la
seule, d'ailleurs, qu'on a, dans les mesures que le gouvernement met de
l'avant. Mais c'est certainement une mesure qui va aller dans le bon sens, dans
la mesure où ça va accélérer la consommation sur le
marché interne, et toute mesure qui freinerait la consommation interne
va dans le sens de ralentir la reprise économique.
J'ai du mal à comprendre votre argumentation, de votre
côté. Vous voulez être en faveur de la reprise
économique. On vous donne un moyen parmi d'autres, mais un moyen,
à l'heure actuelle, pour accélérer la consommation sur le
marché intérieur. Je comprends, je connais les freins qu'il peut
y avoir sur le marché intérieur. J'accepte l'argument que vous
avez dit, que l'endettement est certainement un frein par rapport à la
reprise. J'accepte aussi l'argument que vous avez dit, que la couche
démographique a été un frein à la reprise,
particulièrement en ce qui touche l'achat d'habitations. C'est
certainement un frein à la reprise. Mais vous ne pouvez pas
décemment plaider que le fait d'ou- vrir les commerces d'une
manière plus nombreuse va gêner la reprise. Au contraire,
ça va accélérer et ça ne peut
qu'accélérer la reprise. Et là, j'ai un peu de
difficulté à comprendre votre point de vue. J'ai un peu de
difficulté à comprendre votre point de vue. Je m'excuse?
Le Président (M. Audet): Allez, M le député,
c'est vous qui avez la parole.
M. Gautrin: Alors, je continue. Si vous ne dites pas... Alors, je
vois vos signes de tête. Vous dites quoi? Que ne pas ouvrir le dimanche,
c'est quelque chose qui n'a pas d'effets sur la reprise. C'est votre position?
Moi, je prétends, à l'heure actuelle, qu'ouvrir le dimanche,
c'est-à-dire augmenter la facilité, l'accès aux
commerçants, donc, augmenter éventuellement la consommation des
ménages, à court terme, va avoir un certain effet sur la reprise.
Cela ne peut pas avoir un effet négatif sur la reprise. Cela ne peut pas
avoir un effet négatif sur la reprise.
Vous pouvez contester en disant: L'effet que ça aura ne sera
qu'un effet marginal parce que l'endettement va freiner, éventuellement,
la potentialité qu'ont les gens de consommer. Ça, c'est un
argument sur lequel on pourra discuter, l'effet marginal. Mais ça n'a
pas un effet négatif sur la reprise. Ouvrir les commerces le dimanche ne
peut avoir qu'un effet positif sur la reprise. Et là, à l'heure
actuelle, j'ai de la difficulté à comprendre votre position.
Évidemment, on a de la difficulté à mesurer l'ampleur que
ça aura, l'effet sur la reprise. Mais savoir que ça va dans le
bon sens, que ça va dans le sens positif actuellement pour essayer
d'accélérer la consommation du marché intérieur,
moi, je pense que c'est absolument indéniable.
On peut débattre sur l'ampleur que ça aura compte tenu de
l'endettement de la population, mais ça va dans le bon sens. Je ne
comprends pas votre blocage. J'ai réellement de la difficulté. Je
mets de côté les discussions sur la vie de famille et les choses
comme ça. Je pense que c'est important, mais, à partir du moment
- et c'est présent dans la loi - où on prévoit dans la loi
que les gens ne seront pas obligés - et ça, réellement, la
loi le prévoit - c'est-à-dire qu'il n'y aura pas de contrainte
sur les gens... Ce sera des libres choix pour les gens de pouvoir travailler ou
ne pas travailler.
Vous pourrez répondre, mais la loi est claire à ce
niveau-là. Donc, on protège actuellement les travailleurs.
Deuxièmement, on agit dans le bon sens en fonction de la reprise. Et,
troisième élément, vous avez soulevé le
problème des petits dépanneurs et des petits commerces.
Ça, je pense que c'était un argument qui vaut le coup
d'être analysé et regardé. Mais la loi qu'on a
passée, il y a un an, a eu déjà tous les effets potentiels
sur les commerces de petits dépanneurs qui sont souvent des commerces
qui
agissent dans le marché principalement de l'alimentation.
Et le fait d'avoir ouvert les grandes surfaces ou les magasins
d'alimentation le dimanche peut avoir eu un effet sur les dépanneurs.
Potentiellement, oui, mais cet effet a déjà eu lieu. Et la loi
que nous passons à l'heure actuelle va avoir, dans mon analyse
personnelle, un effet nul parce que l'effet éventuel sur les petits
commerces s'est déjà produit suite à la loi qu'on a
passée il y a un an. Donc, ça aura un effet nul sur les petits
commerces.
Alors, si je synthétise actuellement, M. le Président,
pour résumer en quelques mots, d'une part, d'après moi, ça
aura un effet nul sur les petits commerces; deuxièmement, ça ne
peut avoir qu'un effet positif par rapport à la reprise
économique - on peut diverger quant à l'ampleur, mais ça
ne peut avoir qu'un effet positif quant à la reprise économique -
troisièmement, les travailleurs sont dûment protégés
par la loi. Je ne vois aucune raison, si vous me permettez, en termes de bon
sens, pour se prononcer contre cette loi-là et je suis prêt
à en discuter article par article. Mais, honnêtement, si on met de
côté la partisanerie politique et je comprends qu'on peut l'avoir,
j'ai l'impression... Je le reconnais, M. le député de Masson:
très souvent, vous êtes prêts à mettre de
côté la partisanerie politique et, si on la met de
côté, la partisanerie politique, là-dedans, je crois qu'on
ne peut pas laisser tomber ce moyen, dont on ne mesure pas réellement
l'ampleur, mais ce moyen pour accélérer la reprise. Et, dans ce
sens-là, M. le Président - je vais terminer là-dessus - je
crois qu'on doit, de part et d'autre, et on risque de s'entendre, être en
mesure de voter en faveur de cette loi-là.
Le Président (M. Audet): Vous avez terminé?
M. Gautrin: Je termine là.
Le Président (M. Audet): Vous avez terminé, M. le
député?
M. Gautrin: Je termine, oui, enfin, si vous voulez, parce que,
moi, mon but n'est pas de remplir mes 20 minutes. C'est d'expliquer du mieux
que je peux les éléments de la loi. Alors, j'aurais
terminé.
Le Président (M. Audet): D'accord. Merci, M. le
député.
M. Gautrin: Si vous trouvez que je n'ai pas été
clair, je peux refaire le même discours une deuxième fois.
Le Président (M. Audet): Alors, étant donné
qu'il ne reste plus d'enveloppe de temps de ce côté-ci pour les
remarques préliminaires, est-ce qu'il y en a d'autres qui veulent
intervenir sur les remarques préliminaires? Alors, à ce
moment-là, nous pourrions passera l'étude...
M. St-Roch: M. le Président...
Mme Marois: Moi aussi, M. le Président.
Le Président (M. Audet): II y a Mme la
députée de Taillon qui a demandé...
Mme Marois: C'est parce que M. le député de Verdun
m'a interpellée nommément et je trouve...
Le Président (M. Audet): Non...
Mme Marois: ...que c'est intéressant, le débat
qu'il ouvre.
Le Président (M. Audet): ...Mme la députée
de Taillon.
Mme Marois: Mais, évidemment, si je n'ai pas
l'autorisation...
Le Président (M. Audet): Mme la députée de
Taillon, un instant.
Mme Marois: ...de la commission... Le Président (M.
Audet): Un instant!
Mme Marois: ...je ne pourrai pas causer et je ne causerai
pas.
Le Président (M. Audet): Nous sommes aux remarques
préliminaires.
Mme Marois: Je suis d'accord.
Le Président (M. Audet): Si le ministre n'a pas de droit
de réplique en vertu du règlement, vous ne l'avez pas non plus.
Alors, si vous voulez citer...
Mme Marois: Je suis d'accord, mais on était prêts
à lui donner le droit de réplique.
Le Président (M. Audet): Oui, oui, mais le
règlement ne l'autorise pas; alors, je ne peux pas vous autoriser
à vous ce que je vais refuser à d'autres. C'est mon devoir.
Est-ce qu'il y a d'autres... M. le député de Drummond, vos
remarques préliminaires sont terminées, vous aussi.
M. St-Roch: M. le Président...
Mme Marois: Est-ce qu'on m'autorise à poser une
question?
M. St-Roch: ...en vertu de 213, s'il vous plaît, est-ce que
le député de Verdun me permettrait une question?
Mme Marois: Voilà! C'est bien.
Le Président (M. Audet): S'il désire y
répondre, oui, le règlement le permet.
M. Gautrin: Allez-y.
M. St-Roch: alors, la question se doit d'être brève.
m. le député de verdun, je ne comprends pas votre silence, vous
le parrain du projet de loi 198 sur l'imputabilité...
M. Gautrin: Oui, oui.
M. St-Roch: ...de la fonction publique et les réductions
de coûts...
M. Gautrin: Oui, je m'intéresse beaucoup à ce
projet de loi.
M. St-Roch: ...de ne pas vous être
«adressé» à la question de dire: Vous ne croyez pas
normal qu'il faudrait avoir l'impact de la réduction d'une loi comme la
loi 59 sur les effectifs du ministère avant qu'on puisse se
prononcer.
Le Président (M. Audet): M. le député de
Verdun.
M. Gautrin: J'ai intervenu, si vous me permettez, M. le
député de Drummond, au niveau vraiment de grands principes.
Alors, pour l'impact sur les effectifs du ministère, je suis tout
à fait d'accord, je vais continuer à faire progresser la loi 198
qui est, d'ailleurs, un élément important, je vous le
rappellerai, du menu législatif de cette fin de session.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gautrin: Même si les gens ne sont pas convaincus, moi,
j'en suis convaincu.
M. St-Roch: Consentement à étudier la loi 198, M.
le député.
Le Président (M. Audet): D'accord. Les remarques
préliminaires sont terminées. Alors, M. le
député.
M. Léonard: Là, les remarques préliminaires
sont terminées, si je comprends. Est-ce que le ministre va...
Le Président (M. Audet): Oui. En vertu du
règlement, pour les remarques préliminaires, on dispose de 20
minutes, mais ça doit se faire d'un bloc. Ça ne peut pas
être fractionné. Le ministre ne peut pas, autrement dit, dans
l'étude d'un projet de loi, prendre deux minutes pour débuter,
vous laisser parler et revenir à la fin et prendre 18 minutes.
M. Léonard: Ah! il a terminé, lui aussi, ses
remarques préliminaires? (20 h 30)
Le Président (M. Audet): C'est ça. Même s'il
n'a pas pris ses 20 minutes, les remarques sont terminées.
Mme Marois: Mais si on l'autorise? S'il y a un accord de la
commission?
Le Président (M. Audet): Ah, s'il y a consentement, mais
il faut que le ministre me demande la parole. S'il ne m'a pas demandé la
parole, je ne peux pas la demander à sa place.
Une voix: Consentement.
M. Léonard: Ah, ça, on va consentir.
Mme Marois: On est d'accord, mais...
M. Léonard: J'avais compris qu'il n'en faisait pas
beaucoup au début parce qu'il voulait se garder la réaction, si
je comprends. Alors, est-ce qu'on peut avoir droit à la
réaction?
Le Président (M. Audet): Non. mais j'ai cru comprendre
qu'il souhaitait que nous débutions l'étude du projet de loi pour
faire des remarques.
M. Léonard: Oui, mais, avant de commencer l'article 1, je
voudrais vous demander la parole. Alors, je veux juste... Vas-y!
M. Blais: Si vous voulez parler, parlez.
M. Houde: Non, on ne veut pas parler. On va parler, mais on veut
avancer dans le projet de loi, par exemple.
Le Président (M. Audet): Un instant! Ce que je disais,
c'est que j'expliquais les remarques préliminaires au niveau du
règlement, comment ça se passe. Le député de
Labelle soulève la question: Est-ce que M. le ministre ne doit pas
revenir faire des remarques, étant donné que l'Opposition
officielle a terminé ses remarques préliminaires?
M. Léonard: C'est la seule chose que j'ai
demandée.
Le Président (M. Audet): C'est ça. Alors, ils sont
prêts à donner le consentement, les membres de l'Opposition - les
membres ministériels n'ont pas donné le consentement - si vous
voulez intervenir. Alors, est-ce que vous désirez intervenir, M. le
ministre, à ce stade-ci? Il y a consentement.
M. Tremblay (Outremont): À la demande de l'Opposition.
Le Président (M. Audet): D'accord. Alors, je vous
reconnais à peu près une vingtaine de minutes.
M. Houde: M. le Président, une question d'ordre. Si on
donne la permission au ministre, automatiquement on la donne à l'autre
bord. C'est ça, là.
Le Président (M. Audet): Non, non, non. Des voix:
Non, non, non. M. Houde: O.K.
Le Président (M. Audet): Les remarques
préliminaires sont terminées. Ça mettrait fin aux
remarques préliminaires.
M. Houde: Parfait!
M. Léonard: On ne l'oblige pas à parler,
mais...
M. Blais: Une question de règlement, s'il vous
plaît.
Le Président (M. Audet): Oui, M. le député
de Masson.
M. Blais: Quand on a l'unanimité, on peut le faire pour
passer outre à un règlement. C'est ce que nous faisons pour
permettre au ministre de répondre. Ne vous inquiétez pas, on a
beaucoup de temps devant nous pour parler.
M. Houde: J'ai très bien compris, M. le
député de Masson.
M. Blais: Merci beaucoup.
M. Houde: C'était clair dans mon esprit, ça.
Le Président (M. Audet): Vous auriez environ, M. le
ministre, 18 minutes, si je veux être...
M. Gérald Tremblay
M. Tremblay (Outremont): Alors, M. le Président, une
représentante, une députée de l'Opposition a
mentionné tout à l'heure dans son exposé qu'elle aurait
été intéressée à connaître la position
du ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie. Alors, je
référerais cette députée aux galées de
l'Assemblée nationale où, pendant 55 minutes, j'ai clairement
expliqué la position gouvernementale.
L'Opposition mentionnait tout à l'heure que, le 29 novembre, si
on l'avait consultée, elle aurait peut-être donné son
consentement. Alors, je dois répéter à l'Opposition que
j'avais pris le soin de rencontrer le député de Labelle. Je lui
ai clairement mentionné, avant le 26 novembre, que j'envisageais la
possibilité d'ouvrir les commerces le 29 novembre. L'Assemblée
nationale est souveraine. Si l'Opposition s'était levée pour
dire: Écoutez, est-ce que vous êtes prêt à dissocier
le 29 novembre du projet de loi? je suis convaincu que l'Assemblée
nationale aurait dit oui. à l'unanimité et on aurait pu permettre
aux commences d'ouvrir le 29 novembre. Alors, dans ce sens-là, je trouve
un peu difficile de comprendre que l'Opposition, qui regrette sûrement
son refus, trouve un moyen de justifier ce refus.
Lorsqu'on a débuté la commission parlementaire, j'ai
clairement mentionné qu'il n'y avait pas eu d'éléments
nouveaux. Je n'avais pas entendu d'éléments nouveaux de
l'Opposition. Alors, dans ce sens-là, j'ai fait la suggestion qu'on
procède à l'étude du projet de loi article par article
pour éviter ce qui s'est passé en 1990 Alors, on aurait pu passer
à travers le projet de loi sans engagement de l'Opposition. On aurait pu
peut-être avoir une bonne idée, du côté de
l'Opposition, qui nous aurait permis, possiblement, de bonifier le projet de
loi. Mais, jusqu'à preuve du contraire, M. le Président, je ne
vois pas que l'Opposition serait intéressée à
procéder à l'étude du projet de loi article par
article.
L'Opposition a même mentionné, tout à l'heure, que
je n'ai pas exercé mon droit de réplique après les
nombreuses interventions des membres du gouvernement, ainsi que de
l'Opposition. Je dois vous dire, M. le Président, qu'il était
minuit quinze hier soir et, dans ce sens-là, j'ai
considéré que les parlementaires n'étaient pas
susceptibles de bien recevoir une présentation d'une demi-heure ou d'une
heure, d'autant plus que, lorsque le député de Masson, de bonne
foi, s'est levé pour faire une brève intervention, on a entendu
les réactions dans l'Assemblée nationale. Alors, il me semble
qu'à minuit quinze les parlementaires peuvent trouver un autre temps
pour écouter certaines représentations. D'ailleurs, est-ce que
ça aurait changé quelque chose? Parce que le député
dé Labelle, tout à l'heure, a définitivement
confirmé que l'Opposition exercera tous ses recours et toutes les
mesures dilatoires, ainsi que la procédure pour ne pas donner suite au
projet de loi. Alors, j'ai beaucoup de misère à comprendre qu'on
me demande de me faire de l'obstruction systématique. Je ne suis pas
encore rendu masochiste.
L'Opposition attaque tout le monde. Ça a commencé, M. le
Président, pendant la campagne référendaire. Toutes les
personnes qui ne partageaient pas le point de vue de l'Opposition,
principalement les gens d'affaires, étaient ouvertement
critiquées. On a commencé avec Laurent Beaudoin. Après
ça, on est allé dans les régions du Québec: Laurent
Verreault. On a attaqué
André Bisson. Et, lorsqu'on a déposé le projet des
heures d'affaires, là, ça a été Club Price. Ensuite
de ça, c'est le Regroupement québécois pour l'ouverture le
dimanche, les éditorialistes, anglophones et francophones, qui, en
très grande majorité, pour ne pas dire presque à
l'unanimité, sont d'accord avec une ouverture des commerces le dimanche.
Ça m'a surpris, tout à l'heure, d'entendre la
députée de Chicoutimi qui dit: Je n'ai jamais entendu quelqu'un
me demander l'ouverture des commerces le dimanche dans mon comté.
Peut-être qu'elle pourrait lire Le Quotidien du samedi 28 novembre
1992: «Ouvrir le dimanche, une nécessité
incontournable». Et, dans ce sens-là, il faut permettre «aux
commerçants qui le désirent, et ce, malgré l'obstruction
tardive et inutile du Parti québécois, d'ouvrir leurs portes sept
jours sur sept».
Et l'autre argument qu'on me sert et que j'ai entendu à quatorze
reprises en 1990, c'est que le ministre est à la solde de certains
groupes d'intérêts. Il me semble que, quand on n'a plus
d'arguments, on se tait et, si on a des bons arguments, on est capable de les
véhiculer d'une façon cohérente sans prêter des
intentions à un ministre qui a passé de nombreuses heures pour
essayer de tenter de trouver un compromis acceptable, encore une fois, à
un débat important, j'en conviens.
Pour ceux et celles qui prétendent que personne ne demande
ça, tout ce que vous avez à faire: allez dans les chaînes
d'alimentation le dimanche et vous allez voir, dans presque toutes ces
chaînes, une annonce qui dit: Nous nous excusons de ne pouvoir vous
servir, parce que le projet de loi ne nous permet pas d'avoir le nombre de
personnes nécessaires pour répondre aux besoins réels de
notre clientèle. Parfois, vous lirez sur ces mêmes panneaux le nom
du premier ministre du Québec et le nom du ministre de l'Industrie, du
Commerce et de la Technologie.
Alors, M. le Président, pour ceux et celles qui ne reconnaissent
pas que, depuis l'adoption du projet de loi, le 22 juin 1990, il y a eu des
éléments nouveaux, ce n'est pas une initiative gouvernementale.
Des personnes sont venues nous voir. Peut-être que l'Opposition n'a eu
aucune visite, mais ce n'est pas le cas pour le ministre responsable de ce
dossier. Ça a commencé par les commerçants du secteur
alimentaire, et pas uniquement ceux qui sont en faveur de l'ouverture des jours
et des heures d'admission dans les établissements commerciaux, mais
également ceux qui sont contre. (20 h 40)
Pourquoi, M. le Président? Pour deux raisons. La première
raison: à cause des abus dans les marchés aux puces, devenus
excessivement importants. De plus en plus d'abus étaient
constatés au niveau des marchés aux puces, avec la
conséquence que le premier principe qui avait été mis de
l'avant par le gouvernement, c'est-à- dire l'égalité des
commerçants et des commerçantes devant la loi, devenait de plus
en plus difficile à appliquer. Deuxièmement, dans le secteur
alimentaire, certaines grandes surfaces, à cause des dispositions du
projet de loi qui permettaient l'ouverture des commerces avec quatre personnes
plus le propriétaire ou son mandataire, plus les personnes
préposées à la préparation de produits de
boulangerie et de pâtisserie, plus les personnes préposées
à la sécurité, ont interprété la loi d'une
façon qui ne répondait pas à la volonté ou à
l'esprit du projet de loi à l'effet qu'on permettait l'ouverture des
commerces hors des heures prévues dans le projet de loi dans le secteur
alimentaire à la condition que ça soit fait dans un contexte de
dépannage.
Or, dans ce sens-là, j'ai eu des rencontres, au moins une
rencontre, et des conversations téléphoniques avec des
représentants de l'Association des détaillants en alimentation.
M. le Président, les demandes de l'Assocation des détaillants en
alimentation sont de plusieurs ordres, principalement cinq suggestions que nous
reconnaissons comme étant des possibilités d'améliorer la
situation pour les petits dépanneurs. Parce qu'il faut dire que le
projet de loi actuel est beaucoup plus négatif pour les petits
dépanneurs que le projet de loi qui est proposé parce que,
présentement, l'interprétation qui est faite du projet de loi
permet aux grandes surfaces d'ouvrir 24 heures par jour, 7 jours par semaine.
À Jonquière, Mme la députée de Chicoutimi, une
grande surface a commencé à ouvrir 24 heures par jour, 7 jours
par semaine. Ça. c'est très négatif pour les petits
dépanneurs et, en tant que ministre de l'Industrie, du Commerce et de la
Technologie, j'avais la responsabilité d'apporter des correctifs au
projet de loi.
Alors, dans ce sens-là, les demandes des dépanneurs sont
principalement à l'effet suivant. Leur première demande: est-ce
qu'il y aurait possibilité, pour le gouvernement, de donner une marge
additionnelle aux dépanneurs qui vendent les produits de
Loto-Québec? Deuxième demande: est-ce que le gouvernement va
trouver des solutions concrètes au problème de la contrebande des
cigarettes qui cause des préjudices très sérieux aux
dépanneurs? Parce que ça représentait un pourcentage
important de leur chiffre d'affaires. Troisième demande: est-ce qu'il y
aurait moyen d'extensionner les heures pour la vente de la bière et des
vins, donc, après 23 heures? Une demande à laquelle l'Opposition
se refuse catégoriquement de donner suite, pour des raisons qui peuvent
être discutées. Je ne porte pas de jugement, je veux juste
expliquer que les dépanneurs font également d'autres demandes. La
quatrième demande: l'élargissement de la gamme des produits de la
SAQ dans les épiceries et les dépanneurs du Québec; donc,
une demande que je considère, présentement, à son
mérite.
M. le Président, il faut se rappeler qu'en
1990 l'Association des détaillants en alimentation était
contre le projet de loi. Elle avait dit que ce serait totalement
inéquitable, ingérable et qu'on ne pourrait pas continuer avec ce
projet de loi. Dans une lettre qui était adressée à tous
les ministres, le 2 novembre 1992, le président-directeur
général de l'Association des détaillants en alimentation
disait ceci, M. le Président: En ce qui nous concerne, l'ADA maintient
que la loi sur les heures d'ouverture des établissements commerciaux
demeure équitable, gérable, durable et répond aux besoins
de dépannage, comme l'exprimait le ministre lors de l'adoption de la loi
en juin 1990. Alors, on va devoir m'expliquer comment, en juin 1990, on
était en désaccord et comment... De juin 1990 à juin 1992,
j'ai eu énormément de rencontres avec l'Association des
détaillants en alimentation et ses représentants pour me dire que
la loi était totalement inapplicable, ingérable et qu'elle
causait préjudice aux dépanneurs. Et je dois vous dire qu'une
grande chaîne de dépanneurs est venue me rencontrer
récemment pour me dire ce que les dépanneurs veulent savoir:
Quelle est la position sur la règle de quatre et la présence de
produits alimentaires dans les pharmacies? Ces représentants, M. le
Président, avaient lu le nouveau projet de loi. Tout ce que ces
personnes voulaient connaître, ce n'était pas de dire: Ce n'est
pas un bon projet de loi; c'était: Qu'est-ce que ça veut dire, la
règle de quatre et qu'est-ce qui va arriver avec la présence de
produits alimentaires dans les pharmacies?
Dans ce sens-là, M. le Président, je dois dire que les
commerçants - puis pas uniquement les grandes surfaces, on parle de
petits commerçants, des dépanneurs - ont pris connaissance du
projet de loi, et l'unanimité que semblent véhiculer les membres
de l'Opposition n'est pas l'unanimité et ne représente pas les
données et les rencontres que j'ai eues avec certains
représentants de l'Association des détaillants en alimentation.
De plus, M. le Président, quand on dit «les grandes
surfaces», il faut reconnaître que le Conseil
québécois du commerce de détail ne représente pas
uniquement les grandes surfaces. Il représente également des
petits commerçants situés dans toutes les régions du
Québec. Et un très grand nombre de ces petits commerçants
sont d'accord avec l'ouverture des commerces le dimanche. Alors, en fonction de
notre premier principe: l'égalité des commerçants et des
commerçantes devant la loi, j'ai décidé que c'était
un élément qui permettait au ministre de considérer la
possibilité de rouvrir la Loi sur les heures et les jours d'admission
dans les établissements commerciaux.
Par contre, j'ai considéré que ce n'était
peut-être pas assez, et ceci, même...
Le Président (M. Audet): Deux minutes.
M. Tremblay (Outremont): Je n'ai aucun problème, M. le
Président. Il me reste deux minutes, je vais prendre mes deux minutes.
J'écouterai l'Opposition pendant encore tout le temps qu'il sera
nécessaire et je continuerai mon exposé lorsque j'aurai la
parole. Alors, je vous remercie beaucoup de m'avoir informé qu'il me
reste deux minutes.
Alors, dans ce sens-là, pour tenter de faire respecter la loi, le
nombre de visites en inspection, sans compter celles du 29 novembre 1992, on en
a fait 6871. Le nombre de poursuites initiées: 792. Et, lorsque j'aurai
l'occasion de répondre au député de Drummond,
j'expliquerai les conséquences que ça peut avoir sur les finances
publiques et également sur une rationalisation éventuelle au
ministère de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie. Le nombre de
condamnations: à date - pas parce que le gouvernement ne voulait pas
donner suite aux poursuites initiées; parce que les municipalités
qui avaient été, en principe, d'accord pour que les cours
municipales poursuivent les commerçants pour accélérer les
poursuites n'y ont pas donné suite - il n'y a eu que 213 condamnations.
Et deux municipalités ont donné suite à une demande
légitime gouvernementale, c'est-à-dire la ville de
Montréal et la ville de Laval.
Le Président (M. Audet): Merci, M. le ministre. M. le
député de Labelle.
M. Léonard: Étant donné que les remarques
préliminaires sont terminées, j'aurais une motion à
déposer.
M. St-Roch: M. le Président... Le Président (M.
Audet): Oui.
M. St-Roch: Je m'excuse, il n'est pas dans mon intention de
couper la parole à M. le député de Labelle, mais, en vertu
de 214, M. le ministre a cité une lettre et deux documents; est-ce qu'on
pourrait avoir le dépôt, s'il vous plaît?
Le Président (M. Audet): II n'y a pas de
dépôt en commission parlementaire, M. le député.
Ça se fait seulement en Chambre.
M. St-Roch: Alors, lorsque le ministre cite, en commission
parlementaire, des documents, on ne peut pas en avoir une copie.
Le Président (M. Audet): II n'y a pas de
dépôt en commission parlementaire. Il peut y avoir distribution de
documents aux députés, mais il n'y a pas de dépôt.
Alors, M. le député de Labelle, vous avez la parole, pour une
motion...
M. Léonard: Mais il peut les distribuer.
Le Président (M. Audet): Oui, s'il le souhaite,
mais...
M. Léonard: Oui, je vais faire une motion.
Le Président (M. Audet): ...il n'y a pas de
dépôt en vertu de l'article 214; le règlement ne s'applique
pas dans ce cas-là. (20 h 50)
Mme Blackburn: II peut les distribuer. Comme il n'y a pas de
dépôt, est-ce que le ministre pourrait les distribuer?
Le Président (M. Audet): II n'y a pas de...
Mme Blackburn: Non, non, il n'y a pas d'obligation. Je le
demande.
Le Président (M. Audet): Oui, mais ce que je veux vous
dire, c'est que le député a cité 214. C'est qu'en
Chambre... Attendez! Laissez-moi finir, là!
Mme Blackburn: C'est toujours ceux qui le disent qui en ont le
plus besoin, d'habitude.
Le Président (M. Audet): À 214, on dit:
«Lorsqu'un ministre cite, même en partie, un document, tout
député peut lui demander de le déposer
immédiatement». Bon. Le député peut lui demander de
le déposer immédiatement. Mais ce que le règlement dit
aussi, c'est que le ministre doit s'exécuter...
Mme Blackburn: Oui.
Le Président (m. audet): alors, l'article ne s'applique
pas, madame. si le ministre veut distribuer des documents aux membres de la
commission, vous pouvez le lui demander, mais il n'y a pas d'obligation. il n'y
a rien qui le force.
Mme Blackburn: C'est ce que je fais officiellement, M. le
Président. Je demande si le ministre pourrait avoir l'amabilité
de nous distribuer les documents qu'il vient de citer, sans invoquer un article
du règlement. Simplement par esprit de transparence et d'ouverture.
M. Tremblay (Outremont): M. le Président, étant
donné que l'Opposition représente très bien fa position de
l'Association des détaillants en alimentation, je suggérerais
fortement à l'Opposition de parler à Michel Gadbois, le
président-directeur général, qui vous donnera la lettre du
2 novembre 1992, adressée à tous les ministres, et
également le document «L'industrie du dépanneur au
Québec et le gouvernement», qui démontre clairement les
demandes de l'Association des détaillants en alimentation.
M. Léonard: M. le Président, je m'objecte à
un propos du ministre. Il dit que nous représentons très bien
l'Association des détaillants en alimentation. Nous représentons
tous les Québécois ici, autour de la table, comme Opposition, et
pas juste l'Association des détaillants en alimentation.
M. Tremblay (Outremont): D'accord.
Le Président (M. Audet): Alors, est-ce qu'il y a des
motions?
M. Léonard: Oui, M. le Président, j'ai une motion
à déposer.
Le Président (M. Audet): M. le député de
Labelle...
M. Léonard: Étant donné qu'on parle
justement...
Le Président (M. Audet): ...si vous voulez en faire la
lecture, s'il vous plaît.
Motion proposant d'entendre l'ADAQ M. Jacques
Léonard
M. Léonard: Je vais en faire la lecture. Alors, je la lis.
Vous allez voir comme elle tombe à propos. «Il est proposé
qu'en vertu de l'article 244 de nos règles de procédure la
commission permanente de l'économie et du travail tienne, avant
d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi 59, Loi
modifiant la Loi sur les heures et les jours d'admission dans les
établissements commerciaux, des consultations particulières quant
à tous les articles dudit projet de loi et qu'à cette fin elle
entende l'Association des détaillants en alimentation du
Québec.»
Le Président (M. Audet): Merci. Je vais en prendre
connaissance, si vous permettez.
M. Blais: On va suspendre.
Le Président (M. Audet): Non, non, pas du tout, pas du
tout.
M. Blais: Est-ce qu'on pourrait suspendre pour voir si elle est
recevable?
Le Président (M. Audet): Alors, allez-y, M. le
député de Labelle.
M. Léonard: Vous la jugez recevable, M. le
Président?
Le Président (M. Audet): Oui, oui. Ça va bien,
allez-y.
M. Blais: Bien, vous n'avez pas dit: Elle est recevable. Elle est
recevable?
Le Président (M. Audet): Oui C'est ça II
me l'a demandé. J'ai dit: Non, allez-y. Ha, ha, ha!
M. Houde: C'est parce qu'il parie tout le temps en même
temps que lui. C'est ça qui...
M. Blais: Oui, mais, vous, M. le député de...
Le Président (M. Audet): J'ai reconnu M. le
député de Labelle. Alors...
M. Blais: On s'en excuse, c'est parce que je me suis fait
demander une question, je ne peux pas répondre.
Le Président (M. Audet): Non, non... M. Blais: Ah bon!
D'accord.
Le Président (M. Audet):... je ne vous avais pas reconnu.
Je n'ai pas reconnu le député de Berthier. M. le
député, s'il vous plaît! Et je ne vous ai pas reconnu, M.
le député de Masson. Alors, M. le député de
Labelle, vous avez la parole. On vous écoute.
M. Léonard: M. le Président, comme la motion est
recevable et que, justement, nous débattions de l'Association des
détaillants en...
Le Président (M. Audet): Vous avez droit à 30
minutes.
M. Léonard:... alimentation, et que le ministre
mentionnait une lettre qu'il avait reçue, et aussi qu'il parlait de sa
position à la commission parlementaire de 1990, je voudrais quand
même faire une première rectification de ce qu'il a dit parce que
l'ADA, comme on dit, l'Association des détaillants en alimentation,
paraît-il, a exposé un certain nombre de demandes au ministre, sur
Loto-Québec, sur la contrebande de cigarettes, sur les heures où
les détaillants en alimentation pouvaient vendre de la bière et
du vin - les dépanneurs, en l'occurrence - sur la gamme de produits de
la SAQ qu'ils pouvaient vendre et, finalement, sur la position qui a
été exprimée dans la lettre du 2 novembre, et qui dit ceci
- te ministre l'a lue: «En ce qui nous concerne, l'ADA maintient que la
loi sur les heures d'ouverture des établissements commerciaux demeure
équitable, gérable et durable et répond aux besoins de
dépannage», comme i'exprimait le ministre, alors qu'elle aurait
dit le contraire lors de la commission parlementaire de 1990 au sujet de la loi
75.
Puis-je rappeler au ministre qu'il a dit lui-même la même
chose - lui-même, la même chose - et qu'il a reconnu que son projet
de loi, tel qu'il avait été rédigé à
l'origine, n'était pas gérable et qu'il l'a modifié en
conséquence? Alors, vous voyez, je pense qu'à partir de là
ça donne une idée de comment le ministre inter- prète ce
qu'on dit, modifie ce qu'on dit, en tire un sens pour justifier sa propre
position. Et je vais vous en donner un autre example. J'ai dit cet
après-midi que, si le gouvernement n'acceptait pas de faire un
débat ouvert - j'aimerais que le ministre m'écoute, parce que
ça s'adresse à lui bien précisément - d'en
discuter, effectivement l'Opposition n'aurait pas d'autre recours que
d'utiliser les procédures, d'exercer ces recours qui sont prévus
au règlement pour exposer son point de vue. Et c'est ça. Il va
falloir qu'il comprenne ce qu'est le Parlement et ce qu'est une commission
parlementaire.
Nous l'avons vu hier, sans faire de commentaires, terminer la
deuxième lecture à l'Assemblée nationale. Je n'ai pas vu
ça très souvent, un ministre qui ne conclut pas. À moins
qu'on se retrouve à 5 heures du matin et qu'il n'y ait pas de
débat contentieux, là, le ministre peut dire: Bien, tout le monde
est d'accord, je ne réplique pas à ce qui a été dit
par l'Opposition. Mais, hier, ce n'est pas ce qui a été dit
devant l'Assemblée nationale. Il y a eu des discours, il y a eu des
arguments d'exposés et les points de vue qui ont été
émis, exposés par l'Opposition, c'étaient effectivement
des points de vue qui nous avaient été transmis par toutes sortes
d'intervenants et de gens intéressés.
Alors, le ministre en tire la conclusion que nous allons exercer des
recours. Non, ce n'est pas ce que j'ai dit, mais c'est ce qu'il me fait dire.
Alors, là, je comprends que, quand il interprète les intervenants
comme il le fait, effectivement, nous serions mieux d'entendre les gens, les
personnes qui représentent l'Association des détaillants en
alimentation, qu'ils viennent ici et qu'ils exposent leur point de vue. Je
pense que ce sont des intervenants particulièrement importants. Il
s'agit de tous les petits détaillants en alimentation. En gros, ils en
représentent beaucoup, mais, en particulier, les commerçants en
alimentation, les dépanneurs trouvent par leur truchement la
façon de venir exposer leur point de vue devant l'Assemblée, ici,
ou devant la commission parlementaire.
M. le Président, je reviens en même temps à
l'étude ou à cette mini-étude qui a été
faite par Price Waterhouse pour le compte du Regroupement, et je voudrais
attirer l'attention sur certains éléments qu'on peut y trouver,
qui limitent singulièrement ta portée de cette étude.
D'abord, elle exclut le commerce de l'alimentation - non, ce n'est pas normal -
pour tirer des conclusions sur les heures d'affaires. Je pense qu'il y aurait
quelques explications à donner, parce que cela veut dire qu'on devrait
faire l'analyse de l'évolution possible dans le domaine de
l'alimentation pour avoir une vue d'ensemble. Parce que, si, ici, on les exclut
des conclusions de l'analyse, de l'étude, effectivement, les conclusions
sont biaisées. Et, donc, dans quelle mesure l'Association des
détaillants en alimentation pourrait-elle elle-même intervenir
pour faire changer les conclusions ou, en tout cas, les modifier ou les
nuancer?
Je voudrais simplement mentionner une chose, par exemple, dans cette
étude, parce que je vais y revenir, M. le Président. Il y a des
éléments drôlement importants là-dedans. À la
page 8, au dernier paragraphe de cette étude, il est dit ceci: «Au
cours de la période de 1982 à 1989, la part de marché des
magasins indépendants dans les catégories excluant l'alimentation
et les ventes dans le secteur automobile a augmenté, au Québec et
en Colombie-Britannique, de 6,1 %». Et là, évidemment, les
conclusions qu'on en tire sont catégoriques. (21 heures)
Je vais juste vous dire une chose, M. le Président, parce que la
rédaction même du paragraphe prête à
ambiguïté: que la part de marché des magasins
indépendants dans ces catégories ait augmenté de 6,1 %,
ça peut simplement s'interpréter comme étant une
augmentation de la part elle-même, prise en elle-même, et non pas
une augmentation de cette part en termes de points de pourcentage par rapport
aux autres composantes de la tarte à 100 %. Je ne sais pas si on me
comprend. Et ça, ça fait toute la différence. Donc,
voilà une première question, mais qui a son implication dans
l'étude que nous faisons.
Alors, quand on interprète ou quand on lit - et je pense que
c'est comme ça qu'il faut la lire - que la part de marché a
augmenté de 6,1 %, c'est-à-dire que le marché a
augmenté de 6,1 %, nous sommes allés voir l'augmentation de la
population. Je pense que c'est un chiffre qui peut avoir son importance. Alors,
au Québec, la population, entre les mêmes dates, de 1982 à
1989, augmente de 3,6 % - moins que les 6,1 % - alors qu'en
Colombie-Britannique la population augmente de 9,4 %. Alors, c'est une petite
différence, merci bien, qui vient complètement inverser les
conclusions de l'étude. Qu'est-ce que ça veut dire? Alors, M. le
Président, vous voyez très bien qu'on aurait lieu de poser des
questions là-dessus.
Quelle est l'évolution de la pan" de marché dans
l'alimentation? On l'a exclue de l'étude de Price Waterhouse,
l'alimentation, mais quelle est l'évolution du marché de
l'alimentation au Québec et quelle est la part respective des uns et des
autres? Il y a d'autres facteurs, effectivement, qui interviennent
là-dedans: ventes au détail et données brutes, par
exemple. Au Québec, dans les magasins, la part des magasins
indépendants par rapport à l'ensemble du marché, c'est
passé de 60,7 % à 72,2 %. Augmentation de 6,9 % de 1982 à
1989. On retrouve les mêmes chiffres, la même tendance. En Alberta,
la part du commerce indépendant est passée de 52,1 % à
54,2 %: augmentation de seulement 4,03 %, moins grande qu'au Québec.
Moins grande qu'au Québec, en Alberta. Même période,
c'est-à-dire 1985-1989, à ce moment-là. Mais, en
Colombie-Britannique, la part du marché des détaillants, des
petits, des commerçants indépendants est passée de 54,1 %
à 56 %, augmentation de 3,7 %. moins quau québec, encore une
fois, et là c'est la même période: 1982-1989. je rappelle
que la part des commerçants indépendants a augmenté au
québec de 6,9 % et en colombie-britannique de 3,7 %. alors, les
conclusions de l'étude sont renversées.
M. le Président, je pense qu'il y a des éléments
drôlement significatifs dans tout ça. Et, si je reprenais dans
tout cela l'évolution du marché en elle-même: en
Colombie-Britannique, je vais juste vous donner les pourcentages de la part du
commerce indépendant par rapport aux grandes chaînes entre 1982 et
1989. Je vous les livre à la suite les uns des autres, en partant de
1982, 54,1 %; en 1983, 53,4 %; en 1984, 52,3 %, en 1985, 52,8 %; en 1986, 51,8
%; puis, après, ça remonte: en 1987, 54,1 %; en 1988, 55,2 % et
en 1989, 56 %. Qu'est-ce à dire? Si les heures d'ouverture sont
intervenues en 1982, on voit que, par la suite, la part des commerçants
indépendants par rapport aux grandes chaînes a baissé, de
1982 jusqu'à 1986, de 54,1 % à 51,8 %. Elle a baissé pour
ensuite remonter à 56 % Est-ce qu'on peut simplement dire au moins une
conclusion prudente: que l'évolution de la part de marché des
commerçants indépendants, ici, n'a pas suivi
nécessairement les données que donne le ministre? Parce qu'on
pourrait dire que la période d'adaptation à l'ouverture
généralisée des heures d'affaires, de 1982 à 1986,
a fait que la part a baissé de 54,1 % à 51,8 %. Donc, dans le
commerce, très souvent, lorsqu'on considère qu'il y a une
période de cinq ans ou de trois ans pour s'adapter à de nouvelles
réglementations, de nouvelles législations, en fait, l'ouverture
aurait nui, en Colombie-Britannique, aux petits commerces indépendants.
Est-ce que j'ai raison de dire ça? Peut-être, M. le
Président. Je vais être prudent, moi aussi, je vais dire
«peut-être». Puis le ministre dirait
«sûrement» parce que, le connaissant comme je le connais, il
tire tout de suite de grandes conclusions en faveur de sa thèse.
Ceci étant dit, oui, ça peut être intervenu,
effectivement. Et, après, comment expliquer que ça remonte?
Là, ce n'est pas les heures d'affaires, il n'y a pas eu de changement de
législation sur les heures d'affaires entre 1986 et 1987; il y a
d'autres éléments qui sont intervenus. Ce n'est pas impossible
qu'il y ait eu des modifications corporatives importantes dans le commerce de
détail et dans le commerce de l'alimentation en Colombie-Britannique,
qui expliquent les variations de 1986 à 1989. Il ne faut pas l'exclure.
Donc, on peut même inférer pratiquement que, là, la
tendance régulière dans l'importance du commerce
indépendant, des détaillants indépendants en
Colombie-Britannique, peut avoir été affectée à la
négative par l'ouverture généralisée des heures
d'affaires en Colombie-Britannique pour la période de 1982 à 1986
- je prends la
période même qui a été utilisée dans
l'étude de Price Waterhouse - et qu'après il y aurait eu un autre
facteur, que j'ignore à ce moment-ci, mais qui a fait que ça a
été changé, que, tout à coup, la part du
marché des commerçants indépendants est montée de
presque 3 %, 2,3 %.
Alors, vous voyez qu'il faut quand même faire attention avant de
tirer ces conclusions-là. Je pense que les gens de l'Association des
détaillants en alimentation seraient bien placés pour venir nous
expliquer comment ils voient l'avenir. Si, en 1990, il y a eu une commission
parlementaire qui les a entendus alors que l'option du gouvernement
était de limiter l'ouverture des heures d'affaires de façon
significative et que le travail en commission a consisté à
améliorer la loi pour la rendre gérable, de l'aveu même du
ministre, en réalité, comme le gouvernement fait volte-face, il
me semble qu'en toute démocratie on devrait réentendre surtout
les principaux intervenants en la matière, qui vont être
touchés par l'ouverture des heures d'affaires.
Je pense, M. le Président, que, dans ce contexte, le ministre,
qui devrait prendre acte que la commission parlementaire fait du travail utile
qui ne consiste pas à embêter inutilement le ministre, mais
plutôt a permettre à la population, puis, au stade où nous
en sommes, à des groupes organisés de venir représenter
leur point de vue, comme l'Association des détaillants en alimentation,
devrait les entendre, eux au moins. S'il a un raisonnement à toute
épreuve, il va les convaincre du bien-fondé de sa position, de la
libéralisation des heures d'affaires, si c'est vrai que ça ne les
affectera pas. Mais je pense que ce n'est pas exactement ce que lui pense et
qu'il préfère ne pas les rencontrer parce qu'il dépose ce
projet de loi au nom d'un autre principe qu'il a mal exposé, mais que
les gens ne comprennent pas et qui affecte les équilibres du commerce au
Québec.
Je rappellerai notre position là-dessus, que j'aimerais bien
vérifier avec l'Association des détaillants en alimentation. Je
pense, quant à moi, M. le Président, que ce changement dans les
heures d'affaires, les heures d'ouverture des magasins, va affecter
considérablement la structure du commerce au Québec. Si ce n'est
pas le cas, j'aimerais bien le vérifier, mais je pense que ça va
affecter la structure du commerce au Québec. Je le pense. Nous sommes
à 71,8 %, si je comprends, 71,8 % contre 28,2 %, à 71,8 % de
petits commerçants dans la structure commerciale du Québec contre
28,2 % pour les grandes chaînes et, en libéralisant, cela va
diriger le Québec de façon très différente. (21 h
10)
J'ai eu l'occasion d'exprimer à l'Assemblée nationale
qu'au fond le ministre, en déposant ce projet de loi, en
libéralisant les heures d'affaires, favorisait un groupe plutôt
que l'autre, favorisait les grandes chaînes au détriment des
détaillants, des petits commerçants. Il allonge la semaine de
travail à sept jours complets. Les petits commerçants ont peu
d'employés; souvent, ils sont à deux, à trois dans un
commerce. Ils travaillent déjà six jours et, la septième
journée, ils ont besoin de repos comme tout le monde. C'est ça,
la réalité. C'est une réalité très humaine,
mais bien vécue. C'est celle-là, leur réalité. Et
là, on va leur demander d'aller à sept jours. C'est ça
qu'on leur demande. Ils ne pourront pas y aller. Ils vont devoir engager.
Physiquement, vous ne pouvez pas travailler 7 jours par semaine, 365 jours par
année ou 52 semaines par année. Non. On est obligé
d'engager.
Et je vois des députés du gouvernement sourire. Je pense
qu'ils en ont entendu chez eux, de ces commerçants qui leur ont dit
qu'ils faisaient fausse route, qu'ils les feraient crever. Je ne dis pas que
ça va arriver le lendemain de l'adoption de la loi, mais
plaçons-nous à 10 ans de distance, puis je dirais même
avant ça. Mais soyons prudents, plaçons-nous à 10 ans de
distance. Qu'est-ce qui va arriver? Effectivement, il y en aura un grand nombre
qui seront disparus parce que leurs coûts d'opération, leurs frais
généraux auront augmenté. On les aura forcés
à augmenter leurs coûts par rapport à la situation
actuelle, alors qu'une grande chaîne, qu'un grand magasin qui a beaucoup
de travailleurs peut agencer ses horaires de façon à ce qu'il y
ait des remplacements sans que les coûts soient augmentés, de
façon aussi à ce que certains travaillent un dimanche sur quatre
ou un dimanche sur six, ce qui est effectivement une possibilité, et
puis ils n'auront pas à augmenter leurs coûts d'opération.
Ce qui va arriver, effectivement, au cours des mois qui vont suivre: la grande
surface va ouvrir le dimanche, complètement, va ouvrir aussi 24 heures
par jour jusqu'à ce que le petit dépanneur crève. C'est
ça qui va se passer. Et, quand le petit dépanneur aura
crevé, là, ils vont fermer parce qu'ils auront le monopole et
puis le service au public ne se sera pas amélioré. Au fond, on
aura fait disparaître un concurrent sur deux et, finalement, la
concurrence elle-même sera moins parfaite qu'elle ne l'est maintenant.
C'est ça qui va se produire.
J'exprime tout simplement un fait, une réalité qui va se
produire. Et on branle le chef à l'heure actuelle pour dire qu'on en
doute, ou on sourit. Je regrette, mais j'aimerais bien confronter ces questions
avec l'Association des détaillants en alimentation. Pourquoi le
gouvernement craint-il de les faire revenir à la barre, deux ans et demi
après qu'on a adopté la loi, et qu'il fait volte-face alors que,
justement, on avait expérimenté une loi?
Le ministre dit: Ma loi n'était plus gérable. Ah bon! Il
mentionne, par exemple, les marchés aux puces. Autre
élément. Avec les marchés aux puces, s'il y a des
problèmes, qu'on les règle
comme tels, parce que le gouvernement avait deux options: il avait
l'option de prendre la loi actuelle, de la resserrer, de l'améliorer, ce
qui se passe assez souvent, d'ailleurs. Quand on adopte une loi, on y fait des
modifications substantielles au bout d'un certain temps, un an. deux ans, quand
on n'est pas sous bâillon. Sous bâillon,
généralement, c'est plus vite; ça prend six mois et on est
obligés de revenir pour faire des modifications à une loi. Quand
on la passe en la discutant correctement, normalement, on peut vivre, plus
souvent qu'autrement, avec la loi durant une couple d'années parce qu'on
a réussi à la resserrer au cours de l'étude article par
article, ce que nous allons faire ici, en commission parlementaire.
Alors, comme ça a été fait en commission
parlementaire, qu'il y a eu des choses qui ont été faites, on
revient au bout de deux ans et demi et on pourrait modifier la loi actuelle.
Ça, c'était sa première option. À ce compte, il
aurait pu modifier la loi pour permettre d'aller restreindre la
réglementation par rapport aux marchés aux puces. Ça, c'en
est une option. Si le ministre s'était amené avec ça ici,
je pense qu'il aurait trouvé une oreille très attentive de la
part de l'Opposition, pour dire: Ça n'a pas de bon sens. Moi-même,
on m'a fait des représentations en ce qui concerne les marchés
aux puces. Même les gens du Club Price, que j'ai rencontrés, m'ont
mentionné cette affaire. Nous en avons discuté et, effectivement,
je vois bien que la situation des marchés aux puces à l'heure
actuelle n'est pas équitable par rapport aux autres, qu'il y a une
concurrence qui se manifeste et qui fait que d'autres commerçants sont
dans une position concurrentielle défavorable par rapport aux
marchés aux puces.
On m'a dit aussi d'autres choses. Je le mentionne en commission, ici,
parce que, quand même, nous sommes les élus du peuple et nous
avons le droit de mentionner ce que nous entendons. Ce que nous entendons,
c'est qu'il n'y a pas juste des marchandises usagées qui passent par les
marchés aux puces, pas juste des marchandises usagées. Et
beaucoup des marchandises usagées qui passent par les marchés aux
puces proviennent de vols, de recel. Ce serait le lieu où on
écoulerait assez facilement de la marchandise volée. Est-ce que
c'est vrai? Est-ce que ce n'est pas vrai? Je pense qu'il y a peut-être
des questions qui devraient se poser.
Que le gouvernement exerce sa responsabilité, qu'il intervienne,
parce que ce n'est pas avec le projet de loi actuel qu'on va régler
cette situation à l'heure actuelle. Non, il n'y a pas
d'éléments qui donnent des pouvoirs additionnels au gouvernement
pour intervenir là-dedans. Est-ce que la Sûreté du
Québec devrait enquêter plus avant là-dessus? C'est une
situation qu'on a portée à notre attention.
Deuxième élément, beaucoup, beaucoup de
commerçants qui iraient dans les marchés aux puces ne paieraient
pas de taxes, n'auraient pas de permis de commerce, ne feraient pas de rapports
au ministère du Revenu, ne percevraient même ni TPS, ni TVQ. Vous
allez me dire: II y a toute la distinction entre marchandise usagée et
puis marchandise neuve Ah bon! Bien, alors, qu'on la fasse! Mais ce qu'on est
en train de décrire, c'est une situation d'illégalité
assez généralisée.
On nous dit plus que ça: la limite de 50 $, non applicable, non
applicable. Ah bon! Effectivement, ça peut être difficile de
limiter la valeur d'un produit. Le ministre m'a mentionné ça,
même, qu'il avait des difficultés à l'appliquer. Est-ce
qu'on doit sortir les gros canons - un canon pour tuer une mouche - ou bien si
l'on ne doit pas prendre cette situation en elle-même et la
régler? Est-ce qu'on ne devrait pas plutôt légiférer
par produit, comme la recommandation du ministère avait
été faite dans un document? Je pourrais la retrouver. En tout
cas, dans un des documents d'analyse du ministère, qui s'appelle
«La Loi sur les heures d'affaires, document d'information», qui
avait été publié, à l'époque, en 1990, la
recommandation, effectivement, c'était de légiférer par
produit et d'éviter tout autre critère d'emplacement, de type de
commerce ou de montant, parce qu'on savait très bien que ce serait
inapplicable et qu'on trouverait toutes sortes de façons pour passer
à côté en divisant le produit, en vendant un morceau
à un endroit, puis l'autre à un autre. Bref, l'imagination se
fait aller dans ce temps-là.
M. le Président, le ministre dit que sa loi n'était pas
gérable. Qu'est-ce qui n'était pas gérable dans sa loi?
L'Association des détaillants en alimentation dit ou admet qu'elle est
gérable À leur sens à eux, finalement, après les
amendements qui avaient été apportés en commission
parlementaire en 1990, elle était devenue gérable, contre l'avis
du ministre. Et le ministre s'était rendu à des amendements qui
avaient été proposés, de sorte que sa loi qu'il pensait
parfaite... Parce que je pense qu'un ministre, surtout jeune comme lui, un
jeune ministre comme lui qui s'amène, dépose son premier projet
de loi, il pense qu'il est parfait. Il ne voit pas, il ne peut pas même
soupçonner qu'on puisse amener des amendements à un projet de loi
parce qu'il croit qu'il a fait son devoir. Et je le comprends; on s'enflamme
pour son premier projet de loi. (21 h 20)
Mais il découvre tout à coup qu'il y a des questions qui
se posent, que des gens voient les retombées très pratiques de
son projet de loi. Donc, ils s'amènent avec des questions, des
réflexions, puis surgit tout à coup l'évidence d'apporter
un amendement. On l'apporte Parfait On bonifie un projet de loi. C'est la
même chose ici, maintenant, mais, pour cela, il ne faut pas rejeter le
témoignage de ceux qui ont l'expérience en la matière. Il
ne faut pas rejeter leur témoignage. Il faut surtout prendre la peine
de
les entendre quand ils s'opposent. Quand ils sont d'accord, c'est
facile. Ils viennent ici, ils lancent des tonnes d'encens au ministre. Ils
viennent dire qu'ils sont d'accord. Ils viennent flatter le ministre, je
comprends. Mais, quand ils s'opposent, c'est là où il faut
prendre la peine d'écouter, parce que, si vous écoutez, à
ce moment-là, vous vous évitez des problèmes pour
l'avenir. Si vous ne les écoutez pas, à ce moment-là, les
problèmes de l'avenir tiennent justement dans l'attitude que vous avez
à l'heure actuelle.
Je crois que le ministre pense que sa loi actuelle est parfaite. Or, je
regrette, il y a beaucoup d'opposants à sa loi et l'un des principaux
groupes, c'est justement l'Association des détaillants en alimentation.
Si c'est vrai qu'ils n'ont pas raison, ce sera vite fait. On va les entendre.
Le ministre va faire des affirmations. Ils vont s'effondrer. Qu'est-ce qu'il
perd à les entendre? Il ne perd rien. Il y a des gens, même parmi
eux, qui vont l'appuyer, qui vont changer de camp, en quelque sorte.
L'Opposition ne demanderait pas mieux que de changer de camp, mais, jusqu'ici,
je pense que non. Qu'on les entende!
Le Président (M. Audet): En conclusion, M. le
député.
M. Léonard: Le ministre devrait être très
content qu'on lui donne l'opportunité d'entendre l'Association des
détaillants en alimentation. Je suis convaincu qu'on pourrait avoir des
échanges très fructueux, très productifs pour ce projet de
loi. Je pense que, oui, et le ministre devrait être content. Il devrait
se mettre à sourire plutôt que d'avoir une figure tout à
fait gelée, à l'heure actuelle. Il devrait prendre le sourire de
contentement, parce qu'on s'intéresse à la loi qu'il nous
amène ici pour étude en commission parlementaire. Alors, merci,
M. le Président.
Le Président (M. Audet): Merci, M. le député
de Labelle. Je vais reconnaître maintenant M. le ministre.
M. Gerald Tremblay
M. Tremblay (Outremont): Je vous remercie, M. le
Président. En 1990 - et la députée de Taillon va s'en
rappeler, sûrement - on a fait une commission parlementaire: 94
mémoires. Nous avons entendu tous ceux et celles qui avaient des
représentations à faire pour l'ouverture des commerces le
dimanche ou le maintien de la loi actuelle. Nous avons eu de nombreuses
consultations, des discussions en commission parlementaire et à
l'Assemblée nationale. Ces discussions ont duré 220 heures, et je
me rappelle très bien, lorsque nous sommes allés en commission
parlementaire pour l'étude du projet de loi...
Des voix: Enfin, un sourire!
M. Léonard: Enfin, un sourire! Ça vaut la peine de
le noter.
M. Tremblay (Outremont): ...article par article, qu'on n'a jamais
pu se rendre à l'article 1. La même mesure dilatoire,
l'obstruction systématique, c'était exactement la même
chose, M. le Président. Nous aimerions entendre à nouveau les
mêmes personnes qui étaient venues en commission parlementaire
s'objecter à l'ouverture des commerces le dimanche. Deux ans plus tard,
en 1992, M. le Président, j'ai rencontré la très grande
majorité des intervenants, pour ou contre, et, au cours de ces deux
années - en fait, trois années - j'ai eu l'occasion de rencontrer
à de nombreuses reprises l'Association des détaillants en
alimentation. J'ai pris connaissance de tous les arguments et de toutes les
lettres des personnes qui ont exprimé des réticences et
également une position très claire contre l'ouverture des
commerces le dimanche, et les arguments véhiculés sont exactement
les mêmes qu'en 1990. J'ai même appelé, le 1er juillet 1992,
le député de Labelle.
M. Blais: Ah oui?
M. Tremblay (Outremont): Oui.
M. Blais: Charmant député, d'ailleurs.
M. Tremblay (Outremont): Pas parce que c'était la
fête du Canada, mais...
M. Blais: Vous n'aviez rien à faire cette
journée-là.
Une voix: II n'y a pas grand monde qui fait quelque chose cette
journée-là.
M. Tremblay (Outremont): Je l'ai appelé à cause de
l'urgence de la situation. Je lui ai dit: Préparez-vous, j'ai
déjà rencontré énormément d'intervenants et
ces mêmes intervenants, maintenant, vont aller rencontrer ceux qui sont
pour et ceux qui sont contre. J'ai pensé que ce serait
intéressant pour vous de le savoir.
Ça ne m'a pas surpris, tout à l'heure, M. le
Président, qu'on m'ait demandé de déposer la lettre de
l'Association des détaillants en alimentation, du 2 novembre 1992. Et,
quelques instants après, les membres de l'Opposition lisaient cette
lettre-là. Donc, demander qu'on rencontre les mêmes personnes de
l'Association des détaillants en alimentation... Je pense que ces
personnes-là ont déjà rencontré les membres de
l'Opposition. Et, s'ils ne les ont pas rencontrés, l'Opposition est en
possession de leurs arguments et de leur correspondance. J'ai même, pour
démontrer qu'on parle réellement de mesures dilatoires et
d'obstruction systématique, demandé aux Travailleurs unis de
l'alimentation et du commerce... On ne peut certainement pas dire que
c'étaient des gens
qui étaient favorables à l'ouverture des commerces il y a
deux ans et demi. Ils étaient présents constamment en commission
parlementaire et ils ont véhiculé de façon très
précise leur point de vue. Je leur ai dit, en toute objectivité:
Allez rencontrer l'Opposition. Alors, M. le Président, les Travailleurs
unis de l'alimentation et du commerce sont allés rencontrer
l'Opposition. Et le dernier paragraphe de leur communiqué de presse se
lit comme suit: «Les TUAC regrettent de ne pas avoir pu convaincre
l'Opposition officielle de l'Assemblée nationale, lors de leur rencontre
jeudi soir dernier - donc, très récent - à Québec,
du bien-fondé de leur position. Les TUAC osent cependant espérer
que les représentants de l'Opposition finiront par se ranger
éventuellement du côté de la majorité.»
M. le Président, savez-vous l'argument qu'on utilise maintenant?
Parce que les TUAC sont pour, on dit maintenant que, les TUAC, la
majorité de leurs travailleurs sont dans les grandes surfaces; donc, les
TUAC représentent les grandes surfaces. On discrédite des
représentants des travailleurs et des travailleuses du Québec. Je
voudrais dire ou rappeler à l'Opposition que les Travailleurs unis de
l'alimentation du Québec font partie de la grande centrale, sont
affiliés à la grande centrale, la Fédération des
travailleurs du Québec, qui représente 450 000 travailleurs et
travailleuses au Québec. Et, quand j'entends l'Opposition me dire que,
dans les petits commerces, il ne faudrait pas que les gens travaillent 7 jours
par semaine, 24 heures par jour, ou que c'est toujours les deux mêmes
personnes ou leurs enfants qui travailleraient, il faut toujours bien
réaliser que, dans les 5500 dépanneurs au Québec, c'est
des personnes qui travaillent déjà de trop nombreuses heures pour
répondre aux besoins légitimes d'une clientèle. Je le
reconnais, mais ce n'est pas une nouveauté au Québec. (21 h
30)
On se sert des arguments de l'Association des détaillants en
alimentation. On essaie de trouver des arguments. On n'en a pas beaucoup,
d'arguments, M. le Président, mais il faut essayer de s'attacher
à des choses qui peuvent paraître sensibles. J'aimerais que
l'Opposition nous fasse une demande. On va fermer tous les dépanneurs le
dimanche. On va fermer tous les dépanneurs les jours de la semaine.
Pourquoi? Parce que certains travailleurs seraient appelés à
passer 7 jours par semaine, 24 heures par jour, dans leur commerce. Alors, si
je me fie à la logique de l'Opposition, ces dépanneurs n'ont
aucune vie de famille, ne sont pas capables de s'organiser. Mais je dois vous
dire une chose: Selon des données du propriétaire de la plus
grande chaîne de dépanneurs au Québec, chaque
dépanneur emploie au Québec, en moyenne, huit employés: un
propriétaire, un gérant, deux employés à temps
plein et quatre employés à temps partiel.
Alors, M. le Président, je regrette qu'on véhicule de
telles faussetés de la part de l'Opposition Nous dire que, dans les
dépanneurs, on parle du mari avec son épouse ou de
l'épouse avec son mari, avec leurs enfants, ce n'est pas la
réalité.
Une voix: Des fois, ils sont juste accotés.
M. Tremblay (Outremont): En ce qui concerne les marchés
aux puces, parce que c'est important, M. le Président, on en a
discuté en commission parlementaire, en 1990. L'Opposition a
apporté une suggestion de modification. On n'a jamais eu le temps d'en
parler. On ne s'est même pas rendus à l'article 1, en 1990,
après 220 heures de consultations. La modification était la
suivante. Il faut faire attention: dans toutes les régions du
Québec, il y en a, des marchés aux puces. Il ne faut pas les
fermer, M. le Président. C'est ce qu'on nous disait: II ne faut pas les
fermer. L'Opposition serait d'accord pour leur permettre de vendre de la
marchandise neuve en autant - et je le dis de mémoire - que ça ne
dépasse pas 20 $. C'était la disposition existante dans la loi
actuelle, qui commençait à causer des problèmes. On l'a
actualisée de 1985 à 1990, on a mis 50 $ parce que l'argument
véhiculé par les marchés aux puces était: II ne
faut pas toucher aux petits commerçants.
Des petits commerçants qui n'ont pas les moyens de payer leur
loyer, qui partent avec leurs produits, très souvent en camion, dans
toutes les régions du Québec, sur leur étal vendent ces
produits-là. Alors, l'Opposition était d'accord avec ça,
avec la conséquence aujourd'hui que c'est mobile, un étal. Et,
quand on entre dans un marché aux puces pour essayer de faire respecter
la loi, les gens sont là pour vendre, mais ne sont pas là quand
c'est le temps de leur parler pour assurer un suivi.
On a fait tout ce qu'il était humainement possible de faire, avec
la complicité de la Sûreté du Québec et de la police
municipale. Mais il faut bien comprendre que, quand on arrive dans un
marché aux puces avec des représentants de la loi, certains de
ces petits commerçants que l'Opposition défend disparaissaient
rapidement. Donc, très grande difficulté de faire appliquer la
loi, et ce n'est pas moi qui le dis. Le député de Labelle va
encore plus loin: «C'est des gens qui ne respectent pas la loi».
C'est le député qui le dit.
M. Léonard: Je n'ai pas dit tous. J'ai dit: II y en a
qui...
M. Tremblay (Outremont): Je qualifie ies propositions du
député de Labelle.
M. Léonard: Oui, mais un instant.
M. Blais: N'interrompez pas le ministre.
M. Tremblay (Outremont): Je qualifie les propos du
député de Labelle. Il y a certaines personnes qui ne respectent
pas la loi, qui ne paient pas leur taxe de vente, qui vendent des produits
volés, ce qui s'appelle du recel. Alors, dans ce sens-là,
énormément de commerçants sont venus nous voir au
Québec et nous ont dit: Ça ne peut pas continuer ainsi. C'est
dans cette optique, parce qu'un nombre beaucoup plus important de petits
commerçants, pas des grandes surfaces, de petits commerçants,
nous ont demandé la libéralisation des commerces de détail
dans le secteur non alimentaire le dimanche, que nous avons dit: Nous allons le
considérer très sérieusement. Pourquoi? Pour revenir
à l'égalité des commerçants devant la loi, avec la
conséquence que maintenant, si les gens au Québec
préfèrent aller dans les marchés aux puces pour acheter
leurs produits, ils iront dans les marchés aux puces et, si la personne
préfère aller dans une quincaillerie ou aller dans un commerce de
détail qui vend du prêt-à-porter pour hommes ou pour
femmes, elle va pouvoir y aller. La concurrence va se faire entre des
clientèles différentes.
Ce qui est venu réellement, M. le Président, faire
cheminer notre raisonnement, c'est que la ville de Montréal, qui
était définittivement contre l'ouverture des commerces le
dimanche, parce qu'elle représentait des SIDAC, c'est-à-dire des
petits commerçants dans des rues importantes pour le
développement économique de certains quartiers, a investi des
dizaines de millions de dollars pour la revitalisation des centres commerciaux.
La ville de Montréal a dit: Nous allons permettre à nos petits
commerçants d'ouvrir. Et, finalement, la Chambre de commerce du
Québec... On ne peut pas accuser la Chambre de commerce du Québec
de représenter juste des grandes surfaces. La Chambre de commerce
représente des petits commerçants dans toutes les régions
du Québec. Peut-être que la Chambre de commerce de Chicoutimi est
contre. Par contre, la Chambre de commerce du Québec, qui
représente toutes les chambres de commerce, à un conseil
d'administration, de façon majoritaire, a dit: Nous sommes favorables
à l'ouverture des commerces le dimanche. Je n'ai jamais prétendu,
M. le Président, que c'était unanime. Alors, dans ce
sens-là, je pense que la loi protège les petits
commerçants, particulièrement ceux et celles dans le secteur
alimentaire. Dans ce sens-là, le premier principe que nous avons mis de
l'avant, légalité de tous les commerçants et
commerçantes devant la loi, est mieux balisé, mieux
encadré.
Par la suite, l'argument qu'on entend, c'est la qualité de vie de
la population, notamment celle des travailleurs et des travailleuses.
C'était un de nos principes et c'est dans ce sens-là qu'on a
rencontré les Travailleurs unis de l'alimentation et du commerce.
Ceux-ci nous ont fait certaines représentations, ont initié le
processus de consultations et, dans ce sens-là, nous avons cru bon de
prendre en considération le point de vue de la plus grande centrale
syndicale au Québec, 450 000 personnes. Ce n'est pas uniquement les
Travailleurs unis de l'alimentation et du commerce. Je leur ai posé la
question. Justement, pour prévenir les propos du député de
Labelle, je leur ai dit: Oui, mais vous représentez uniquement 45 000
travailleurs, vous ne pouvez pas prendre cette décision-là de
façon isolée, vous allez sûrement consulter les instances
de la Fédération des travailleurs et travailleuses du
Québec. Et la réponse, ça a été: Oui, M. le
ministre, mais ça va nous prendre un petit peu de temps. Alors, dans ce
sens-là, ça a pris du mois de juillet au mois d'octobre pour
aller chercher non pas l'unanimité, mais un consensus important au
niveau des travailleurs et des travailleuses.
J'ai également consulté une autre centrale syndicale. Je
ne dirai pas laquelle. Mais ce que je trouve de plus en plus drôle dans
la position de l'Opposition, c'est: Hé! les centrales syndicales, on
aimerait ça vous entendre. Ce qu'il faut comprendre, c'est qu'il y a eu
une évolution. J'admets que l'Opposition n'a aucunement
évolué dans ce dossier-là. Au contraire, si on se fiait
à l'Opposition, on fermerait tous les commerces le dimanche. Il n'y a
pas un commerce qui serait ouvert après 18 heures parce que ça
affecte la vie familiale. Il n'y aura plus de vie familiale, il n'y aura plus
de vie de couple. Dans ce sens-là, je pense que c'est un double discours
parce que - et ça, c'est encore plus drôle - des
représentants de l'Opposition m'appellent, comme ministre de
l'Industrie, du Commerce et de la Technologie: M. le ministre, on voudrait
avoir la zone touristique. Les commerçants me demandent une zone
touristique. Vous savez qu'une zone touristique, c'est 24 heures par jour, 7
jours par semaine. Il n'y a pas un député, quand ça
concerne son petit quartier, son petit patelin, qui se dit: Hé! je
«va-tu» penser à la qualité de vie du travailleur et
de la travailleuse? Non, non, là, ce n'est même pas limité
de 8 heures à 21 heures sur semaine; c'est 24 heures par jour, 7 jours
par semaine. Ça se passe dans toutes les régions du
Québec, M. le Président. (21 h 40)
Alors, dans ce sens-là, je me dis: Les commerçants, la
position me semble assez claire. Les travailleurs et les travailleuses, je
pense qu'on est rendu à un point où on est capable de faire appel
à la maturité des travailleurs et des travailleuses et de leur
équilibre familial. Si, en tant que gouvernement, c'est à nous
d'encadrer des démarches pour nous assurer que les gens vont à la
messe le dimanche, que les gens vivent en couple, que les gens ne font pas ci,
alors, je regrette, M. le Président, sur ce point-là.
Le troisième point qui est très important: les
consommateurs et les consommatrices. On n'en entend jamais, jamais parler, du
côté de l'Opposition. On dirait qu'au Québec, des con-
sommateurs et des consommatrices, ça n'existe pas. alors, on ne
peut pas accuser l'opposition. on fait des sondages: un sondage créatec
plus et un sondage som-les affaires qui ont été largement
diffusés et commentés favorablement par la très grande
majorité des éditorialistes francophones et anglophones. je vais
juste citer quelques statistiques. au cours des deux mois
précédant la tenue du sondage, 67 % des répondants ont dit
avoir magasiné le dimanche dans les commerces du québec
autorisés à ouvrir ce jour-là. par ailleurs, près
de 4 répondants sur 10, 37 %, affirment que les heures d'ouverture
actuelles des magasins, soit du lundi au samedi, ne leur conviennent pas et
qu'ils manquent de temps durant la semaine pour magasiner. il est
intéressant de noter que 23 % des répondants disent qu'il leur
arrive de travailler le dimanche dans le cadre de leur semaine
régulière. par ailleurs, 66 % des répondants voient d'un
oeil favorable qu'eux-mêmes ou un de leurs proches aient l'occasion de
travailler le dimanche et 36 % se sont même dits intéressés
à le faire. c'est vrai que j'ai parlé des mères de
famille. c'est vrai que j'en ai parlé, mais lisez donc toute la phrase:
«les étudiants et les étudiantes et tous ceux et celles qui
présentement sont prêts à travailler, même dans un
emploi à temps partiel dans un contexte économique plus
difficile». un élément extrêmement important, 13 %
des répondants disent être allés aux états-unis dans
le but principal de magasiner au cours des 12 mois précédant le
sondage et 59 % de ces derniers y sont allés au moins une fois le
dimanche. ces derniers affirment, m. le président, dans une proportion
de 42 %, qu'ils auraient magasiné davantage au québec si les
commerces avaient été ouverts. les résultats de ce sondage
révèlent que les consommateurs et les consommatrices veulent des
changements à la loi parce que leurs conditions de vie ont
évolué rapidement, particulièrement au cours des
dernières années. en conséquence, les
québécois et les québécoises souhaitent, dans une
proportion importante, que le gouvernement actualise les règles du jeu
dans ce domaine.
M. Blais: Qui dit ça?
M. Tremblay (Outremont): Qui dit ça?
M. Blais: Oui.
M. Tremblay (Outremont): Pour le député de
Masson...
M. Blais: Oui, j'aimerais ça.
M. Tremblay (Outremont): plus de 7 répondants sur
10...
M. Blais: O.K.
M. Tremblay (Outremont): ...72 %, disent appuyer l'idée de
modifier la loi actuelle afin qu'elle prévoie davantage d'exceptions le
dimanche. La plupart des répondants se disent même totalement
favorables à cette éventualité alors que seulement 16 % se
disent totalement opposés à cette idée. Plus encore, si on
fait intervenir la notion du droit des employés à ne pas
travailler le dimanche s'ils le désirent, le taux d'appui à des
modifications à la loi en ce sens passe de 72 %à80 %.
M. le Président, je conviens qu'une loi provinciale n'a pas le
même effet dans toutes les régions du Québec. Je conviens
que, dans certaines régions du Québec, il n'y a pas lieu d'ouvrir
les commerces le dimanche. Par contre, en 1990, la députée de
Taillon va s'en rappeler, j'ai suggéré qu'on ait une modification
au projet de loi pour permettre aux municipalités et aux
municipalités régionales de comté de se retirer du projet
de loi si les commerçants n'en sentaient pas le besoin. Alors, dans ce
sens-là, on ne peut pas paralyser les activités
économiques et la création d'emplois au Québec parce que,
dans certaines régions, on ne veut pas ouvrir le dimanche.
Je fais appel à la maturité des représentants de
l'Opposition pour convaincre ceux et celles qu'elles ou qu'ils
représentent et leur dire: Vous n'êtes pas obligés d'ouvrir
le dimanche. Au lieu de s'obstiner en commission parlementaire, tout ce que
l'Opposition a à faire si elle n'est pas d'accord, c'est aller dans ses
régions respectives et dire aux commerçants: Entendez-vous donc!
Comme ça se fait, d'ailleurs, dans certaines régions. Le
député de Drummond est le plus bel exemple. Dans sa
région, les commerçants se sont regroupés, à une
occasion, en présence du député de Drummond et ont convenu
de ne pas ouvrir leurs commerces. Pourquoi? Parce que ce n'était pas
justifié pour répondre aux besoins réels de la
clientèle.
Alors, M. le Président, ce que nous faisons aujourd'hui, nous
actualisons la loi pour répondre aux besoins réels des
consommateurs et des consommatrices, pour établir, encore une fois,
l'égalité des commerçants et des commerçantes
devant la loi et, également, pour protéger la qualité de
vie des travailleurs et des travailleuses, parce qu'il ne faut pas oublier que
certaines personnes nous ont demandé de libéraliser totalement
l'ouverture des commerces le dimanche. Nous avons dû, encore une fois,
prendre une décision difficile.
M. Blais: Que c'est difficile!
M. Tremblay (Outremont): C'est facile pour l'Opposition de
critiquer, d'employer des mesures dilatoires, de faire de l'obstruction
systématique, mais, à date - on est rendus à 15 heures de
discussions - je n'ai pas entendu une seule suggestion constructive, sauf: On
va faire encore
des mesures dilatoires, de l'obstruction systématique parce que,
nous, on aimerait entendre encore - c'est ça qu'ils veulent! - les
personnes qui sont venues nous voir pour nous dire qu'elles étaient
contre. Nous autres, on aime ça, on veut être contre et va
être contre; on veut tellement être contre qu'on veut que tout le
monde vienne nous le dire encore une fois parce que c'est ça qui nous
motive la nuit et qui nous permet de revenir en pleine forme en commission
parlementaire le lendemain.
Alors, quoi que ce soit que nous allons faire, quelles que soient les
discussions qu'on peut avoir, ça va toujours être la même
chose. On va présenter une étude. Je peux les commenter. Je peux
être encore, comme j'ai toujours été, le plus transparent
possible. Je les donne, les documents. L'Opposition fait des recherches et
interprète ces mêmes études à sa façon.
Alors, quand on veut être contre, on va être contre tout: on va
être contre les études, même si elles ne viennent pas du
gouvernement; on va être contre les experts, on va être contre les
consommateurs et les consommatrices, on va être contre les
commerçants et les commerçantes, on va être contre les
travailleurs et les travailleuses qui ne partagent pas notre point de vue.
Il me semble, M. le Président, qu'il y a eu une évolution
importante et, dans ce sens-là, je vais juste, avec votre permission,
parce qu'on m'a remis un document... Vous ne pensez pas que, parce que nous
remettez des documents, on fait juste les empiler et on ne vérifie pas,
nous autres non plus. Juste le petit document de l'Opposition: «Vente au
détail, variation annuelle par trimestre, Québec moins Ontario,
de 1982 à 1992». Ce document, M. le Président, je vais vous
dire ce qu'il dit. Il dit qu'il y a des variations en pourcentage des ventes au
détail d'un trimestre par rapport au trimestre précédent
en Ontario et au Québec; il y a toujours eu un écart qui varie
toujours de la même façon depuis les 10 dernières
années. C'est ça que ça dit. On ne peut pas être
contre ça. On est d'accord. Mais on peut nous en donner, des chiffres
pour démontrer ça. Il y en a un écart. Mais l'écart
a toujours été le même de cycle économique en cycle
économique. Ça monte, ça descend, ça monte,
ça descend à cause de la conjoncture économique. Alors,
ça, on le savait. On n'a pas besoin de l'Opposition pour venir nous
expliquer ça.
Nous, ce qu'on dit, c'est que cette même tendance...
M. Blais: Ça, c'est nous autres.
M. Tremblay (Outremont): Non. Non. Nous, ce qu'on dit,
c'est...
M. Blais: C'est nous autres qui vous avons donné
ça. (21 h 50)
M. Tremblay (Outremont): Non, ce n'est pas vous qui nous l'avez
donné. Non, non.
M. Blais: Non, non. C'est nous autres qui avons donné
ça.
M. Tremblay (Outremont): Non, non.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Blais: Non, c'est parce que je l'avais vu.
M. Tremblay (Outremont): Oui.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Tremblay (Outremont): Nous, ce qu'on dit, c'est que la
tendance, et on n'est pas allés... On aurait pu faire du papier,
là, et on aurait pu aller depuis 1982, mais on a juste voulu
démontrer que la tendance, depuis 1990, est toujours la même en
Ontario, au Québec et au Canada. Regardez, ça monte, ça
descend, ça monte, ça descend, ça monte, ça... Par
un heureux concours de circonstances, à partir de juin 1992,
l'Ontario...
M. Blais: Puis le Canada.
M. Tremblay (Outremont): Oui. Une augmentation de 2,6 %, puis, au
Québec, stagnation.
M. Blais: Les réfugiés sont arrivés en
Ontario.
M. Tremblay (Outremont): On n'a jamais dit, comme gouvernement,
que c'était uniquement à cause des heures d'affaires. On fait
l'hypothèse. On fait l'hypothèse. Oui, Mme la
députée de Verchères, je conviens qu'il y a d'autres
facteurs et c'est la raison pour laquelle on n'a pas pris 2,6 %. On a pris 1 %.
Je vais vous dire une chose: Si nous ne sommes pas capables d'augmenter les
ventes au détail de 600 000 000 $ au Québec, nous allons avoir de
gros problèmes économiques. Alors, dans ce sens-là, nous
croyons... Parce qu'il y a une évolution: l'Ontario a un gouvernement
NPD, le Nouveau-Brunswick, un projet de loi en date du 1er septembre,
fête du Travail, au Manitoba, c'est rétroactif au 29 novembre, et
on est entourés de toutes les régions. Et, lorsqu'on me demande,
qu'on veut avoir des zones limitrophes, c'est normal, c'est prévu dans
le projet de loi, alors, je donne des zones limitrophes, j'en ai 14 de
données. Mais la conséquence, c'est que, là, l'autre
comté au Québec qui est limitrophe vient me voir et il me dit:
Mais, écoutez, M. le ministre, vous avez donné une zone
limitrophe à la zone qui doit concurrencer l'Ontario, puis, moi, je suis
juste à côté de cette zone limitrophe là; alors, je
voudrais avoir l'occasion d'ouvrir. C'est normal qu'on me demande
ça.
Le Président (M. Audet): En conclusion.
M. Tremblay (Outremont): J'ai dit: II y a une évolution,
il y a une évolution. Alors, dans ce sens-là, dans le meilleur
intérêt du développement de tous les commerces au
Québec, on actualise la loi. C'est tout ce qu'on fait. On actualise la
loi et, dans ce sens-là, il y a un consensus important. Vous pouvez
continuer, continuer à en discuter, à faire des objections
majeures.
Alors, je réitère, M. le Président, que nous allons
voter contre cette motion. Je demande, encore une fois, à l'Opposition
de procéder le plus rapidement possible à l'étude du
projet de loi article par article, au cas où l'Opposition aurait des
suggestions concrètes à nous apporter pour bonifier le projet de
loi dans le meilleur intérêt des commerçants, de la
population, des consommateurs et des travailleurs au Québec.
Le Président (M. Audet): Merci, M. le ministre. Je vais
reconnaître maintenant M. le député de Masson.
M. Yves Blais
M. Blais: Que je suis satisfait de voir que le ministre commence
à être un peu plus doucereux, à avoir une voix un peu plus
suave, à discuter avec nous et à nous regarder tout en parlant,
ce qu'il ne faisait pas depuis le midi! Là, c'est un peu plus
intéressant. On voit qu'il veut participer vraiment à cette
commission parlementaire. Il est rendu intéressant à
écouter. Il a des arguments très forts. Il tient son point quand
même, mais il le fait de façon, disons, un peu plus humaine.
Cependant, il vient de nous dire qu'en 1990 il y a eu 94 mémoires
- c'est des mémoires - 220 heures et que, là, il en a assez
entendu, qu'on veut repartir le même jeu et qu'il ne trouve pas ça
justifié. Vous avez peut-être raison, M. le ministre, mais j'en
doute parce que, vous-même, vous dites qu'après avoir
consulté ce monde-là, en avoir parlé avec 94 groupes qui
sont venus discuter en commission parlementaire, en avoir parlé pendant
220 heures, vous avez abouti avec une loi qui est non gérable. Alors,
comment peut-on dire qu'on arrive, après tant de consultations en 1990,
avec une loi qui est non gérable et dire qu'on a assez consulté?
Vous dites vous-même que ce n'est pas assez, et c'est ce qui fait que
nous demandons de rencontrer ces gens-là. Vous avez consulté
pendant 220 heures, et votre loi que vous avez sortie, que vous avez fait
adopter malgré nous, elle est ingérable. Vous le dites
vous-même. Alors, si elle était ingérable, c'est que vous
n'avez pas assez consulté. Alors, nous aimerions beaucoup que vous
consultassiez davantage afin que cette loi que nous avons soit gérable.
Qui va nous dire qu'elle est gérable, sans consultations?
Quand une loi, après 220 heures de consultations et 94
mémoires, aboutit devant le peuple du Québec et que le ministre
se rend compte lui-même que sa loi est un fiasco et un échec
total, ce n'est pas tellement surprenant Ce n'est pas la seule qui est non
gérable depuis deux ou trois ans. Il y a la loi 178 qui n'est pas
gérée. I! y a les relations avec les Mohawks. Il y a des machines
à poker. Il y a la perception sur le tabac, les alcools et combien
d'autres. Puis, cette loi-là, on nous dit qu'elle est non gérable
à cause surtout... Le gros, gros morceau qui est non gérable,
c'est surtout les marchés aux puces, et le député de
Labelle en a parlé. Alors, je n'insisterai pas plus, mais il n'y a
absolument rien dans cette loi-là qui va faire que les marchés
aux puces vont être plus gérables.
La lettre du 2 novembre de l'Association, dont le ministre se vantait,
tantôt, à savoir qu'il a reçu une lettre de Michel Gadbois,
tous les ministres en ont reçu une copie. Il a lu des bouts de cette
lettre-là en disant: Les gens ne sont pas tous d'accord à 100 %,
mais, en citant M. Michel Gadbois, cela pouvait laisser sous-entendre que M.
Michel Gadbois était d'accord. Non, mais ça laissait
sous-entendre. Je n'ai pas dit que vous aviez dit qu'il avait dit qu'il
était d'accord, parce que vous nous dites que vous dites qu'il n'est pas
d'accord. Ce n'est pas ça, mais ça laissait sous-entendre que M.
Gadbois pouvait être d'accord. Il est d'accord sur une chose avec le
ministre, c'est qu'en ce qui le concerne l'ADA maintient que la loi sur les
heures d'ouverture des établissements commerciaux demeure
équitable, gérabie et répond aux besoins de
dépannage, comme le disait le ministre lors de l'adoption de la loi en
1990. Bien, c'est ça qui est marqué, là. C'est ça
qui est marqué. La loi de 1990, elle n'est plus gérable, selon le
ministre, mais ce n'est pas son argument de taille.
Il y a beaucoup plus volumineux que ça; c'est en page 2 - vous
n'avez pas tout cité - juste en haut de la page. C'est drôle,
à la première page, il y a l'effigie de l'Association. Vous avez
remarqué? Mais, en deuxième page, ils ont mis une feuille
blanche. C'est drôle, mais, d'habitude, en alimentation, ils
répètent leur logo. Un manque d'éthique; ça arrive
parfois. Des fois, on manque d'éthique. Il y en a qui ont plus de tics
que de tac. Il y en a qui n'ont pas de tic-tac. Et il y en a qui n'ont pas de
tactique. «Nos consultations nous ont confirmé que la
libéralisation des heures d'ouverture, même dans tous les secteurs
du commerce de détail, n'est pas souhaitée et est même
appréhendée par les détaillants
indépendants.» Ce n'est pas un accord, ça. Michel Gadbois,
président de l'Association des détaillants en alimentation du
Québec, il ne dit pas qu'il est d'accord; il est contre. «Nos
consultations - il a consulté son monde et ça représente
bien du monde, ça - ont confirmé que la libéralisation des
heures d'ouverture, même
dans tous les secteurs du commerce de détail, n'est pas
souhaitée et est même appréhendée par les
détaillants indépendants.» Si c'est ça qu'on appelle
un appui...
M. Tremblay (Outremont): On le sait qu'il est contre.
M. Blais: C'est énorme! L'Association entière des
détaillants en alimentation. Leur logo est là, M. le ministre. La
lettre est adressée à vous et au premier ministre: M. Robert
Bourassa, premier ministre, troisième étage du bunker, Grande
Allée.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Blais: Et, dans cette lettre-là signée par
lui-même, le verbatim de cette lettre nous dit qu'il est contre
l'ouverture, et il appréhende... Alors, «interpeller» ou
«appréhender», je ne sais pas si c'est synonyme
là.
Des voix: Ha, ha, ha!
(22 heures)
M. Blais: En tout cas, il appréhende. J'espère que
c'est juridique, là. En tout cas, c'est appréhendé,
l'ouverture. Alors, pourquoi vous ne voulez pas qu'on le consulte? On les a
consultés en 1990; on est arrivé avec une loi non gérable.
On ne les consulte pas et on va arriver avec quelque chose de plus
gérable? Je ne crois pas. Et, pour parler des dépanneurs, voyons
donc! M. le ministre, on sait bien que les dépanneurs, malheureusement,
c'est ouvert sept jours. Mais, quand on a permis qu'un système de
dépannage s'installe au Québec, c'était un accroc à
notre tissu commercial. C'était un accroc. Et, pour ne pas permettre
à l'ensemble des magasins d'ouvrir, en alimentation surtout, on a
décidé qu'un petit nombre de travailleurs, pour répondre
à certains besoins urgents, parce que la femme commençait
à travailler - anciennement, les femmes ne travaillaient presque pas -
on a décidé d'ouvrir une petite brèche...
Des voix: Oh!
M. Blais: Elles travaillaient à la maison, elles ne
travaillaient pas à l'extérieur. Quand même! Quand
même!
Mme Marois: Elles travaillaient à l'intérieur.
M. Blais: Je voulais dire que les femmes n'étaient pas sur
le marché du travail. C'est ça que je veux dire. Quand les femmes
n'étaient pas sur le marché du travail, étaient surtout
à la maison - anciennement, c'était comme ça, et c'est
blâmable...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Blais: C'est blâmable. Il reste deux minutes, j'ai le
temps de me corriger.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Blais: Oui, oui. Mais les dépanneurs ont
été installés là pour répondre aux besoins
urgents. Et c'était un accroc à notre tissu social. Mais cet
accroc-là, on le considérait comme tel. Ça a
été toute une affaire de permettre des dépanneurs au
Québec. Mais il ne faut pas que l'exception vienne confirmer une
règle d'ouverture continue. Là, on atrophie complètement
l'histoire du Québec, la culture même de l'achat chez nous. Il y
en a, des gens, qui sont commerçants, quand on dit le mot
«culture», ils frémissent. Moi, je suis fleur de lis, fleur
de peau et tout, mais je ne frémis pas quand on parle de commerce.
D'ailleurs, j'étais un homme d'affaires avant d'arriver ici, je sais
c'est quoi. Je suis le poète des chiffres, moi; j'ai droit à
ça. On a chacun nos qualités.
M. Tremblay (Outremont): Bravo! Très bien, très
bien. C'est bien fait, aussi.
M. Blais: Je suis le poète des chiffres. Mais le
poète des chiffres dit que le dépanneur, c'est une exception
à notre tissu social. Et là, on veut prendre l'exception et
généraliser. L'Association des détaillants devrait venir
nous parler de ça, M. le ministre. Je suis persuadé que, si la
loi qui est non gérable est issue d'une consultation, si à
celle-là il n'y a pas de consultation, vous allez arriver avec un
échec absolu. Le plus grand symbole de l'échec, c'est le
gouvernement de 1970 à 1976 de M. Bourassa, des Jeux olympiques. Le
même gouvernement a fait le Stade olympique; ça a
été un trou monumental. Il est revenu au pouvoir après et
il a refait le mât. Le même homme, avec le même gouvernement,
faire échec et mat avec un même projet, c'est rare. Bien,
là, vous avez le record, M. le Président. Je conclus qu'on
devrait les recevoir parce qu'ils ont beaucoup de choses à nous dire. Je
vous remercie beaucoup.
Le Président (m. audet): merci, m. le
député. je vais maintenant reconnaître m. le
député de drummond. vous avez 10 minutes, m. le
député.
M. Jean-Guy St-Roch
M. St-Roch: Merci, M. le Président. Dans un premier temps,
moi, je vais me réjouir parce que j'étais drôlement inquiet
de voir notre collègue, le député d'Outremont, avec une
mine renfrognée et de le voir redevenu si enthousiaste, si volubile, je
dois vous dire que ma confiance d'avoir des réponses à mes 11
questions commence un peu à augmenter. Mais j'aimerais un peu
répliquer aux commentaires...
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (m. audet): alors, m. le député
de drummond, vous avez la parole. continuez! à l'ordre, s'il vous
plaît! m. le député de drummond, vous avez la parole.
M. St-Roch: Merci, M. le Président. Alors, à
écouter la réplique du ministre de l'Industrie et du Commerce et
député d'Outremont, je dois vous avouer que j'ai
été estomaqué parce que. s'il y a quelqu'un qui a
demandé la lettre du 2 novembre... J'aimerais rappeler au
député d'Outremont que, encore aujourd'hui, on a une
équipe ministérielle, on a un parti d'Opposrtion officielle et le
premier ministre a refusé, le 4 septembre, de m'envoyer 11
collègues, pour qu'on puisse s'appeler indépendants et former un
parti politique. Alors, vous avez aujourd'hui un député
indépendant. Et la demande qui a été faite pour le
dépôt de la lettre du 2 a été faite par le
député de Drummond. Je vous ai déjà dit,
d'entrée de jeu, ce matin, qu'avec mon équipe de recherche je
n'ai pas été consulté par M. Michel Gadbois. Alors,
c'était une raison pourquoi je voulais avoir la lettre du 2. Alors, il y
a des députés indépendants qui existent aussi, M. le
ministre. C'est peut-être pour ça qu'à un moment
donné le député va faire des réquisitions; c'est
parce qu'on n'a pas tous les services. Je n'ai rencontré, non plus,
personne des TUAC; je l'ai mentionné, d'ailleurs, à
l'Assemblée nationale. C'est peut-être pour ça, aussi,
qu'on reviendra un peu plus tard, qu'il faudra peut-être les
entendre.
Mais, d'une façon un peu plus générale, M. le
ministre, vous avez mentionné qu'une des raisons pourquoi on est assis
ici ce soir, en ce 8 décembre, à 22 h 5, c'est parce qu'il y a eu
des changements au courant des quelques mois. S'il y a eu des changements
à partir de l'adoption de la loi 75, j'imagine que, quelque part, il y a
des gens qui ont changé de côté. Vous avez mentionné
les TUAC; eux autres aussi, ils ont pris un virage. Mais vous avez
mentionné aussi autre chose qui me chicote parce que vous semblez dire
qu'il y a une grande avalanche et que la FTQ appuie les TUAC, que ça
fait beaucoup de monde, ça.
Mais, moi, avec ma préoccupation de législateur,
peut-être encore un peu idéaliste après sept ans de vie
politique active, je pense qu'un des premiers rôles d'une
Assemblée nationale et d'un élu est de respecter le plus faible
maillon de sa société et d'essayer de défendre les plus
démunis et ceux qui ont moins de recours. Parce que, la journée
où on perd cet objectif, en tant qu'élus, d'être à
leur service, ça veut dire qu'on bâtit une société
qui est axée exclusivement sur l'individualisme et on détruit
notre solidarité collective. Après ça, la journée
où il arrive des problèmes un peu plus majeurs, qu'on veut
bâtir cette solidarité et qu'on veut avoir une
société qui est en arrière de projets, on est surpris de
se faire dire non. On est surpris que la société ne soit pas
là. On devient une société qui est mercantile et qui n'est
plus capable de se régénérer, qui est vouée
à la décadence à plus ou moins brève
échéance.
Mais pour en revenir au fond de la motion, j'aimerais ça entendre
l'ADA. Je vais partir d'un exemple de chez nous. Parce que vous avez
mentionné aussi, M. le ministre, que, oui, lorsqu'on avait fait la loi
75, des marchands de chez nous, on s'était réuni et on avait dit:
II n'y aura pas d'ouverture à Drummond. Je vais être obligé
de revenir aussi et de dire qu'il y a eu des circonstances... J'ai
demandé une question sur les impacts de la loi 75. Chez moi, il y a une
grande chaîne qui a sauté au Québec, qui a
été démantelée. Ça a fait que ça a
créé un vacuum. Ça, c'est des vieux principes de ma
formation de chimiste: quand on crée un vacuum, la loi de Courvoisier
dit que ça s'équilibre, à un moment donné, qu'on ne
reste pas dans un vide ou le néant, du côté d'un
échéancier. Ça a amené aujourd'hui, si vous voulez
voir les résultats chez nous, que même de grands
détaillants d'une autre chaîne ont été
obligés de fermer parce que, à un moment donné, cette
règle de conduite qui avait été acceptée par les
grands détaillants, par les magasins corporatifs, ils l'ont
brisée, la règle. Après qu'eux l'ont brisée,
ça a été l'effet de dominos: les autres ont
été obligés de rouvrir pour garder leur part de
marché.
Ça aussi, c'est des changements qui sont survenus depuis la
dernière commission parlementaire et qu'il serait peut-être bon de
regarder. Mais, d'une façon un petit peu plus pratique aussi, lorsqu'on
parle de l'Association des détaillants en alimentation du Québec,
on sous-entend qu'il y a un maillon qui est en aval C'est celui de tous les
fournisseurs. Je suis peut-être d'une région au coeur du
Québec qui est un peu différente, mais laissez-moi vous conter,
M. le ministre, l'histoire de la Laiterie Lamothe qui est peut-être un
peu un précédent au Québec et regardez comment on fait le
commerce aujourd'hui.
Vous savez, lorsque je vois de grands détaillants, de grandes
chaînes qui veulent ouvrir tous azimuts, puis que je regarde les
sièges sociaux qui sont très, très éloignées
du Québec, de Montréal, peut-être que les centres de
décision ne sont pas collés à la réalité de
chez nous aussi, lorsqu'on repousse de plus en plus loin les centres
décisionnels, surtout au niveau des achats.
Or, au Québec, on sait qu'il reste très peu de petites
entreprises familiales au niveau du commerce de laiterie. J'ai
l'opportunité d'en avoir une chez moi. Qu'est-ce qui est arrivé,
M. le ministre? On a déréglementé avec les lois du
commerce. Ça fait quoi aujourd'hui, dans la réalité de
tous les jours sur le terrain? À un moment donné, une grande
chaîne qui est une
multinationale au niveau de la distribution des produits laitiers
s'adresse aux grands acheteurs des grands concurrents, puis elle dit: Demain
matin, on déplace On est capables, nous, parce qu'on est gros, d'offrir
les sommes d'argent nécessaires pour avoir la meilleure place au niveau
du comptoir de distribution. On est capables de donner l'escompte pour faire
les pamphlets publicitaires.
Ça fait quoi? Une entreprise de chez moi qui est vieille de 80
ans, encore une fois, qui s'est vue menacée. Mais on a été
bons garçons. Ces multinationales sont toujours des gens qui sont
fantastiques. Ils ont dit: On va t'acheter, comme ça on va pouvoir
t'éliminer. Mais le problème qu'on a lorsqu'on laisse
démanteler notre patrimoine au niveau des petites et moyennes
entreprises, c'est que ces entreprises. M. le ministre, jouent un rôle
social. Quand je regarde la Laiterie Lamothe avec le Festival mondial de
folklore, à toutes les années, elle va se faire un devoir de
donner un peu à sa collectivité, de faire en sorte que les
produits laitiers qui seront consommés par les gens qui viennent des
cinq continents, bien, ce sera donné gratuitement. Alors, ça nous
permet, à très peu de frais, de tenir une activité qui a
été fantastique dans l'histoire de ma circonscription. (22 h
10)
Lorsqu'on envoie les centres de décision de plus en plus loin,
ça devient anonyme, ça devient des marges de profit, ça
devient des taux de rentabilité et on perd ce rôle social que
l'industrie se doit d'avoir dans son milieu. Je suis privilégié
de vivre dans une circonscription comme la mienne parce que les gens du milieu
se sont réunis sous l'égide de la chambre de commerce. On a fait
tout un boucan et on a réussi à remettre sur les tablettes les
produits de cette compagnie de chez nous. Mais ça fait la
troisième fois depuis trois ans que cette compagnie-là est
obligée de faire la même chose. Alors, on peut se questionner,
ici.
C'est pour ça que j'aimerais avoir l'Association des
détaillants et voir l'impact qu'il y a eu sur nos manufacturiers
québécois, surtout lorsque je regarde, moi, une chose qu'on
essaie de développer avec votre collègue, le ministre de
l'Agriculture, soit tout le secteur agro-alimentaire. On dit: II y a
peut-être des secteurs d'activité qui sont intéressants.
Mais, lorsqu'on connaît les règles du marché, les lois
d'entrée dans ces grandes surfaces-là, il va s'en venir de plus
en plus difficile d'y pénétrer. Ce serait intéressant
d'avoir l'Association des détaillants afin de voir.
Hier, j'étais à l'Assemblée nationale, M. le
Président. C'est d'autant plus intéressant d'avoir l'Association
des détaillants parce que le député de Beauce-Nord
à fait référence à une grande chaîne. Il
disait que les profits avaient augmenté d'une façon substantielle
depuis l'ouverture. Alors, ce serait intéressant parce que, j'imagine,
que cette grande chaîne de dépanneurs au Québec est une
corporation publique aussi, inscrite à la Bourse. Quand je regarde les
déclarations de son président, il commence à dire qu'il ne
rit plus, lui. Il ne rit plus parce qu'il dit: Chez moi, je suis
vulnérable. Quand je regarde les actions de cette compagnie, ce sont les
épargnes des petits épargnants de chez nous qui ont investi
à même le système du REA. Mais, quand je regarde, encore
hier, la baisse de ce titre-là sur le marché boursier, je me
demande si les intentions de ce qu'on est en train de faire ici, en tant que
législateurs, n'ont pas un effet sur des petits épargnants et
épargnantes de chez nous.
J'aimerais entendre M. Bouchard parce que ce qu'il nous dit, c'est loin
d'être réjouissant; il nous dit qu'il y a eu 3550 pertes d'emploi
au niveau des détaillants. Je n'en suis pas, M. le ministre, à
fairer jouer la qualité de vie. Peut-être que ça va passer
mieux en langage économique, en disant que l'ouverture de plus en plus,
la libéralisation des grandes chaînes va faire en sorte que les
chiffres d'affaires que nos dépanneurs pouvaient faire le lundi et le
mardi, c'est des chiffres d'affaires de moins. Il semble aussi qu'on a
demandé, dans toute la liste que vous avez énumérée
tout à l'heure... Les marchands de chez nous m'ont dit qu'ils vont en
ajouter une autre. Peut-être que ce n'était pas dans la lettre du
2, je ne l'ai pas vu, ou dans l'autre document. Mais on m'a parlé aussi
d'une autre taxe que le gouvernement a émise, le fameux permis de 215 $
qui est une autre surcharge qui affecte la rentabilité de ces petits
commerces-là. Alors, si vous ne l'aviez pas dans votre liste
d'épicerie qu'ils vous ont remise, moi, je l'ai dans celle qu'ils m'ont
dite. Il y a 215 $ additionnels qu'on leur a mis.
Alors, en conclusion, M. le Président, je pense, moi, que,
lorsqu'on veut voir les impacts de la loi 59 sur l'emploi, sur la survie de nos
commerçants, au niveau économique, il serait très
intéressant de voir si, depuis deux ans et demi, les conditions ont
changé. C'est pour ça que je supporterai l'accueil qu'on fera,
j'en suis sûr et certain, à l'Association des détaillants
en alimentation du Québec. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Audet): D'accord. Je vais maintenant
reconnaître M. le député d'Orford. M. le
député, vous avez 10 minutes.
M. Robert Benoit
M. Benoit: Merci, M. le Président. Sur la motion, je vais
vous rappeler des faits un peu troublants. Après l'élection, au
moment où j'ai été élu, la première
commission à laquelle j'ai siégé - et je pense que vous
étiez avec nous, M. le Président - c'était cette
commission qui portait sur les heures d'ouverture. Le ministre,
que je connaissais un peu, pour qui j'avais beaucoup d'estime - et je
continue de penser que c'est un des meilleurs ministres de l'Industrie et du
Commerce qu'on ait eus au Québec - nous avait réunis et avait
dit: Écoutez...
Une voix:...
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Audet): Je vous demanderais de respecter
les temps de parole des députés.
M. Benoit: II avait dit: Écoutez...
Le Président (M. Audet): M. le député
d'Orford, vous avez la parole.
M. Benoit: ...on va écouter les gens qui vont venir nous
parler. Pendant un mois et demi, on va écouter 94 mémoires.
Ça va durer des semaines, cette histoire-là. On va les
écouter attentivement. Moi, j'étais un nouveau
député et je trouvais que ça avait bien de l'allure.
J'aurais bien voulu savoir si on avait une position avant d'arriver là.
Et, effectivement, on s'en allait écouter. C'est ce qu'on a fait. On l'a
fait pendant des semaines et des semaines. On s'est fait chahuter, on s'est
fait agresser dans les corridors. Il y a des députés qui ont eu
peur. Mais, finalement, nous avons passé à travers le
débat. Mais ce qui m'a le plus surpris, c'est qu'au même moment
où, nous, nous arrivions et que nous voulions aller écouter ce
que tous les groupes qui ont voulu se présenter... Je ne pense pas qu'on
ait... J'apprécierais si Mme la députée portait
attention.
Le Président (M. Audet): Vous avez raison, M. le
député. Poursuivez.
M. Benoit: Elle m'a invité à faire de même
tantôt. Alors, au même moment où, nous, nous étions
ici pour écouter tous ces gens qui s'en venaient nous parler pendant des
semaines et des semaines, l'Opposition, elle, allait en conférence de
presse, avant le début, et disait: Notre position est
arrêtée, elle est décidée. Ils peuvent venir nous
dire tout ce qu'ils voudront, quand ils le voudront, comme ils le voudront -
avec des experts, tels qu'ils nous en demandent, des mémoires, tels
qu'ils nous en demandent en ce moment - nous autres, peu importe ce qu'ils vont
dire, c'est tout décidé. Alors, ils ont été
là, ils ont écouté, je dois l'admettre, ils ont
posé des petites questions, mais, finalement, dans le fond, ils n'ont
pas changé un iota, c'était décidé. Alors, si c'est
ça la consultation qu'ils veulent faire, M. le Président, avant
qu'on commence à écouter et que c'est tout décidé,
je vous dirai: À ce prix-là, c'est non merci, M. le
Président. Je pense qu'à ce prix-là je ne suis pas
vraiment intéressé.
Je vais continuer en vous disant que, ce midi, j'étais avec un
groupe de gens du Vermont qui étaient ici; la semaine dernière,
il y avait une autre organisation du Vermont qui était ici et qui
s'appelle Québec Vermont. Aujourd'hui, c'étaient des Vermontois
qui veulent voir le système de santé et j'étais
invité à les rencontrer à l'heure du dîner. Alors,
nous avons parlé de ski, nous avons parlé de toutes sortes de
choses et, bien entendu, ça a tombé sur le débat des
heures d'ouverture. C'est des gens d'affaires qui étaient alentour de la
table. Il y avait toutes sortes de monde. Il y avait des gardes-malades, ce
midi; la semaine passée, il y avait des gens du sport, il y avait le
propriétaire d'un centre de ski américain. Ces gens-là ne
comprennent pas qu'on n'ait pas légiféré pour ouvrir les
commerces le dimanche. Pas plus tard que ce midi, il y avait d'autres
députés, Russell Williams était là avec moi, et ces
gens-là nous disent: À Burlington, c'est une industrie,
l'industrie des Québécois qui s'en viennent chez nous magasiner.
Moi, je ne peux pas accepter ça. C'est des opposants, c'est des gens du
Vermont qui nous disent: Comment ça se fait qu'au Québec vous
n'ayez pas légiféré? Comment ça se fait que vous
n'ouvrez pas vos commerces? Ces gens-là s'en viennent chez nous, puis
ils sont quasiment mal à l'aise de nous dire ça.
Il y a d'autres points que je veux reprendre, que j'entends depuis hier
soir et qui me fatiguent beaucoup. Beaucoup de gens de l'Opposition et des
députés indépendants sont arrivés en nous disant
que l'ouverture des commerces le dimanche aurait un impact sur la culture, tout
à fait extraordinaire. Là, il n'y aurait plus de culture au
Québec soudainement, si on ouvrait le dimanche. Bien, voyons donc! M. le
Président, la ville de Boston, qui est ouverte le dimanche, a refait, a
«revigorité», a relancé...
Des voix: Ha, ha, ha! M. Blais: A revigoré.
M. Benoit: ...la culture effectivement dans le bas de la ville de
Boston, alors que tout est ouvert. Ça a commencé, au moment
où on a ouvert, avec les marchés dans le bas de la ville. La
ville de New York a le même phénomène. On est après
relancer la ville de New York avec la culture et ça se passe dans le bas
de la ville, alors que tous les commerces sont ouverts. Les gens qui me disent
ici qu'avec le fait qu'on va ouvrir le dimanche la culture va en prendre un
coup, bien, voyons donc, ça ne tient pas debout.
Les jeunes, Mme la députée a laissé sous-entendre
à deux occasions qu'ils avaient un mémoire et qu'elle l'avait. Je
l'ai lu, ce mémoire-là, M. le Président, et nulle part on
ne dit de fermer les commerces le dimanche, "number 1»; «number
2», ce qu'on dit, c'est qu'on voudrait
peut-être regarder un peu plus loin et on favorise même dans
cette étude-là, M. le Président, que les jeunes aient
effectivement des travaux qui soient parallèles à leurs
études. C'est loin de ce qu'elle disait. .,
Je vais vous dire plus que ça, il y a d'autres études qui
sont arrivées, d'autres groupes qui disent que les jeunes qui
travaillent une quinzaine d'heures au moment du cégep pendant leurs
études sont plus performants que les étudiants qui ne travaillent
pas pendant leurs études. Je ne parle pas de l'étudiant qui
travaille 90 heures ou de celui qui écoute la télévision,
mais celui qui travaille 15 heures par semaine est plus performant que son
confrère qui ne travaille pas. Alors, il faut faire attention quand
madame nous sort ces études-là.
La qualité de vie maintenant. Je peux vous en parler, de la
qualité de vie. On a un sondage ici. Qu'est-ce que ça dit, ce
sondage-là? Ça a été fait sur des milliers de
personnes. «Sur le plan personnel - et je vous le lis textuellement - au
plus, 1 répondant sur 10 appréhende une
détérioration de sa vie familiale, religieuse, personnelle et de
quartier.» On ne lui a pas juste demandé s'il voulait aller
magasiner; on lui a dit: Est-ce que ça va avoir un impact sur ta vie? Je
continue: «Beaucoup plus de répondants entrevoient, au contraire,
une amélioration de leur qualité de vie...»
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Benoit: Laissez-moi finir: «...que ce soit la
possibilité de passer un week-end plus agréable avec les siens,
de magasiner plus souvent avec la famille, de mieux magasiner ou
d'éviter la cohue du jeudi soir au samedi». Ce n'est pas moi qui
ai inventé ça, c'est des milliers de personnes qui ont
répondu à ça. Je continue, M. le Président. Ces
gens-là essaient de nous dire... Hier, j'écoutais un
député, c'était épouvantable quand il parlait de
l'économie du Québec, comme si...
Une voix: Lequel?
M. Benoit: M. Claveau (Ungava).
Une voix: O.K. Continue.
M. Benoit: C'était épouvantable. Messieurs dames,
avez-vous réalisé que le contexte économique est un
contexte mondial? Dans la ville de New York en ce moment, il y a 19 % des
locaux non loués. Le pire ici, c'est une ville à 14 %, c'est 19 %
dans tout l'État de New York. Réalisez-vous qu'il y a 7
hôtels sur 10 en ce moment aux États-Unis qui ont
été repris par les banques? Ce n'est pas le
phénomène, ici, au Québec.
M. Blais: Les magasins sont ouverts. Com- ment ça se fait
qu'ils sont pires que nous autres?
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Benoit: Regardez l'Ontario avec un déficit...
Le Président (M. Audet): À l'ordre, s'il vous
plaît! (22 h 20)
M. Benoit: ..qui sera de tout près de 15 000 000 000 $
quand on aura fini, alors qu'on aura un déficit de 4 000 000 000 $.
Mesdames et messieurs de l'Opposition, M. le Président, je pense qu'il
faut réaliser que la situation économique est difficile ailleurs.
Ces gens-là essaient de nous dire: II y a juste le Québec, il
faut se regarder, ça va mal. Mais ce n'est pas vrai du tout.
Je vais finir, M. le Président, en vous disant que j'arrive de la
rue Saint-Jean. Nous étions un groupe de députés qui avons
fait le débat référendaire, le débat
constitutionnel et, ce soir, nous sommes allés...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Benoit: ...ensemble souper. Je suis revenu un peu en retard.
Sur la rue Saint-Jean, ce soir, qu'est-ce qui se passe? Je vais vous le dire,
moi, messieurs dames: Ils ont le droit d'ouvrir ce soir, mais, eux, ils ont
fait un choix. Parce que la loi leur permet de fermer, alors, ce soir, ils sont
fermés, mais ils seront ouverts probablement dimanche. C'est ça
que la loi permet.
Je vais vous parler d'un autre cas; chez moi, la rue principale, elle a
le droit d'ouvrir, en zone touristique. Paul Sauvé, que le
député connaît très bien, il n'a jamais ouvert le
dimanche. Je vous dirai même qu'il y a un fleuriste à Magog, qui
maintenant est un grossiste en fleurs; il ferme le lundi, le mardi, le mercredi
et il ouvre le jeudi, le vendredi, le samedi et le dimanche. Il a
décidé de sa plage horaire et ça va très bien. On a
un marchand de meubles qui n'a jamais ouvert le lundi, aussi loin que nous
pouvons nous rappeler. Le député de Beauce-Nord nous disait que
son père, qui était un barbier, avait vite compris que ses
clients venaient de la campagne et il devait ouvrir le dimanche, après
la grand-messe.
Chers amis, les lois ont évolué, la société
évolue. Votre propre ministre, en 1984, disait que la loi sur
l'ouverture le dimanche était une loi évolutive. Bien, c'est
ça qui se passe; cette loi-là, elle évolue. Le maire de
Montréal, qui, en 1989, était contre l'ouverture des commerces le
dimanche, réalise maintenant qu'il doit ouvrir. Et Dieu sait qu'il est
sympathique à vos thèses, mais, sur ce sujet-là, il dit:
Non, on doit ouvrir.
Chers amis, je pense que tout est dit. On peut bien en écouter
encore pendant des semai-
nés et des semaines, en 1989, vous ne les avez pas
écoutés. Vous aviez décidé avant qu'on commence
à les écouter. Alors, je ne vois pas le point d'encore... Et le
ministre a consulté, il a consulté depuis des mois. Nous avons
plein de lettres de gens qui nous disent: Allez de l'avant. Oui, il y a de
l'opposition. On n'aura jamais 100 % pour un projet de loi comme
celui-là. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Audet): Merci, M le député.
M. le député de Drummond, sur une question de règlement ou
quoi?
M. St-Roch: Oui, c'est une question en vertu de l'article 213.
Est-ce que le député d'Orford me permettrait une brève
question?
M. Benoit: Avec plaisir.
Le Président (M. Audet): À votre discrétion,
M. le député. Brève question, très
brève.
M. St-Roch: Alors, si je connais bien ma géographie, M. le
député, j'aimerais comprendre pourquoi - et je suis d'accord avec
vous - beaucoup de gens s'en vont au Vermont. C'est ce que j'ai demandé
à M. le ministre dans une des questions: Comment ça se fait
qu'à partir de Granby jusqu'à la frontière les magasins
sont ouverts le dimanche et on n'est pas capables de les garder? Il doit y
avoir une autre raison, ils sont ouverts le dimanche.
M. Benoit: Vous m'avez posé une question, je vais vous
répondre, M. le député. Il y a une multitude de raisons.
Bien entendu, nous sommes tous au courant que la taxation est
élevée. Nous savons tous que le gaz est meilleur marché.
Nous savons tous, d'autre part, que bon nombre de commerces sont fermés.
Les magasins, les centres d'achats qui ont le plus évolué aux
États-Unis ont une clientèle qui vient de Montréal, non
pas des Cantons-de l'Est. Je vous invite à vérifier, c'est les
magasins dans la région de Burlington et c'est la clientèle qui
rentre de Montréal qui se rend dans ces régions-là.
D'ailleurs, je reproche à mes propres gens, à Magog, de ne pas
avoir fait assez de publicité sur l'ouverture de la rue principale
à Magog. Vous avez absolument raison, nous aurions dû le faire et
mettre beaucoup plus d'emphase.
Le Président (M. Audet): D'accord. Maintenant, Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Avant de commencer, M. le Président, le
député d'Orford parle de plusieurs lettres qu'il a reçues
demandant l'ouverture des commerces. Comme je n'en ai pas reçu beaucoup,
ça m'intrigue. Alors, est-ce que ce serait possible de lui demander de
les déposer? Ç,i minières serait.
M. Benoit: Oui. Bien, je vais vous les nommer. Ici, nous avons la
Chambre de commerce du Québec. Je pense que vous les avez
reçues.
Mme Blackburn: Du Québec?
M. Benoit: Vous ne les avez peut-être pas vues. La Chambre
de commerce de Laval Vous avez l'Association des consommateurs du Québec
et nous en avons un bon nombre. Vous en avez aussi un bon nombre. Le Conseil
québécois du commerce de détail, la coalition pour ouvrir
le dimanche...
Le Président (M. Audet): Ça va. M. le
député, je vous rappelle qu'il n'y a pas...
Mme Blackburn: Bien. Ça va. Je vous remercie.
Le Président (M. Audet): Si vous souhaitez que les
documents soient distribués aux membres de la commission, vous les
transmettrez et on les distribuera aux membres de la commission.
M. Benoit: Je pense qu'ils les ont tous, M. le
Président.
Mme Blackburn: Alors, les visiteurs et les amis du
député, les Américains s'étonnaient...
Le Président (M. Audet): Un instant. M. le
député de Drummond.
M. St-Roch: Oui, question de règlement, M. le
Président, parce que ça me chicote depuis la question de
règlement que j'avais faite. Voulez-vous clarifier votre position
concernant notre demande de dépôt de documents?
Le Président (M. Audet): Tantôt, vous avez
soulevé, M. le député de Drummond, le règlement en
vertu de l'article 214 qui dit que, lorsqu'un ministre cite un document, un
député peut demander son dépôt et le ministre doit
s'exécuter. Je vous ai rappelé que cet article-là,
ça ne tenait pas dans les commissions. L'article qui s'applique, c'est
l'article 162 qui dit: «Un document ne peut être
déposé en commission qu'avec la permission de son
président».
M. St-Roch: Je l'ai entendu. M. le Président. Je vous
remercie.
Le Président (M. Audet): C'est ça. Alors, je viens
de vous le dire. Mme la députée de Chicoutimi.
Mme Jeanne L. Blackburn
Mme Blackburn: M. le Président, si les Américains
sont gênés do nous demander pour quoi on n'ouvre pas les commerces
le dimanche,
moi, je me demande toujours pourquoi ils n'ont pas un service de
santé public, gratuit et accessible.
M. Benoit: C'est pour ça qu'ils étaient ici
aujourd'hui, madame.
Mme Blackburn: Oui, mais ça fait combien d'années
qu'on en a un? Ils sont comme un peu en retard sur nous autres. Alors,
ça ne me gêne pas du tout...
M. Benoit: C'est pour ça qu'ils étaient ici
aujourd'hui.
Mme Blackburn: ..d'avoir les commerces fermés...
Le Président (M. Audet): Un instant, un instant.
Mme Blackburn: ...et, en échange, d'avoir le
service...
Le Président (M. Audet): Un instant. Mme Blackburn:
C'est mon tour.
Le Président (M. Audet): Je comprends, mais je vous
rappelle qu'on est sur la motion qui a été déposée
par M. le député de Labelle.
Mme Blackburn: Bien oui, M. le Président.
Le Président (M. Audet): Non, mais c'est parce que
là c'est un échange entre deux parlementaires. Alors, je vous
rappelle qu'en vertu de nos règlements vous devez vous adresser au
président et être pertinents sur...
Mme Blackburn: M. le Président, le député
d'Orford...
Le Président (M. Audet): Mme la députée de
Chicoutimi, vous allez me laisser terminer, s'il vous plaît. Vous vous
adressez au président...
M. Blais: Tu es bien méchant!
Le Président (M. Audet): Non, non. C'est pour
éviter qu'on continue sur le train où on était parti
tantôt. Alors, je rappelle que vous avez 10 minutes sur la motion que le
député de Labelle a déposée. On vous écoute.
Afin que nos travaux se déroulent comme il le faut, ce n'est pas que je
veuille empêcher les gens d'avoir du plaisir en travaillant, ce n'est pas
ça, là, mais évitez les échanges qui peuvent
dégénérer en vous savez quoi. Alors, je vous cède
le droit de parole, Mme la députée, poursuivez.
Mme Blackburn: M. le Président, je rappelle que je
n'éprouve aucune gêne à ce que les commerces soient
fermés le dimanche. Je serais beaucoup plus gênée si je
n'avais pas un service public, gratuit et accessible d'assurance-santé.
Si j'étais Américaine, je m'interrogerais pourquoi ils ont pris
20 ans avant d'y réfléchir alors que ça fait plus de 20
ans que notre système existe. Deuxième remarque, si les
édifices commerciaux américains ont un taux de vacance de 19 %,
ça veut dire que l'ouverture des heures d'affaires le dimanche n'a pas
eu gros de résultats sur leur économie.
M. Benoit: N'essayez pas de faire de parallèle entre les
deux, il n'y en a pas.
Mme Blackburn: Alors, pour l'autre...
Le Président (M. Audet): M. le député, s'il
vous plaît! Je viens de rappeler à l'ordre, c'est des deux
côtés.
Mme Blackburn: L'autre remarque...
Le Président (M. Audet): M. le député de
Saint-Maurice, s'il vous plaît!
M. Lemire: Bien oui, mais ce n'est pas fort, M. le
Président...
Le Président (M. Audet): S'il vous plaît! Vous
pourrez demander la parole après la députée de Chicoutimi,
vous aurez droit à 10 minutes vous aussi.
M. Lemire: ...ses comparaisons.
Le Président (M. Audet): Merci. Messieurs, s'il vous
plaît!
Mme Blackburn: M. le Président, il n'y a rien qui
empêche le député de Saint-Maurice de prendre la
parole tout à l'heure, n'est-ce pas?
Le Président (M. Audet): C'est exactement ce que je viens
de dire.
Mme Blackburn: Tout à fait. Bien, merci. On
l'écoutera.
Le Président (M. Audet): Merci. Allez-y, Mme la
députée.
Mme Blackburn: lorsqu'il fait référence à la
première consultation que nous avons eue sur la loi 75 et qu'il dit: ils
n'ont pas changé d'avis, tout était arrêté d'avance,
c'est que la très grande majorité des mémoires qui ont
été présentés à cette commission, ils n'en
voulaient pas du projet de loi du ministre...
Une voix: C'est ça.
Mme Blackburn: ...pas dans la forme où il a
été présenté. Ce n'était pas nous.
Là, il dit: Écoutez, ils ne veulent rien savoir, de toute
façon, ils avaient décidé d'avance. La
réalité, c'est que les gens qui sont venus, ils n'en voulaient
pas. Ils n'en voulaient pas. Nous avons suivi, pour l'essentiel, les
représentations qui ont été faites à cette
commission. Et là, le ministre - ça, c'est beaucoup plus amusant
- il dit: Je ne veux pas consulter, je les ai tous entendus; vous voulez
absolument vous faire dire, vous à l'Opposition: Les associations, on
est encore contre, on est contre, on est contre. Mais, alors, à M. le
ministre, je lui demande juste une petite chose, là: Est-ce qu'il ne
serait pas en train de penser un peu qu'il peut aussi, à l'occasion, se
tromper? S'il prétend d'avance que les représentations qui vont
être faites ici sont nécessairement contre l'ouverture des
commerces le dimanche, il devrait un peu s'interroger, il devrait un peu
s'inquiéter, parce que c'est ça. son raisonnement. C'est un peu
à contresens, c'est un peu à contresens. Il dit: L'Opposition
veut encore se faire dire que ces associations-là sont contre. J'imagine
que vous allez en trouver des pour et des contre.
Moi, je pense très sincèrement, très
sincèrement qu'on aurait intérêt à consulter parce
qu'il n'y a pas d'urgence actuellement à ouvrir les commerces en
janvier, février et mars. On pourrait consulter en février. En
mars, à la rentrée parlementaire, les consultations étant
faites, le ministre pourrait, en conséquence, apporter une certain
nombre de modifications à sa loi et la loi pourrait être
adoptée dès l'ouverture de la Chambre qui se situe au
deuxième mardi de mars, je pense. Oui, c'est ça, c'est le
deuxième mardi de mars. Je ne sais pas à quelle date ça
tombe cette année, mais ce n'est jamais très loin. (22 h 30)
Tout ça pour dire que les commerces pourraient même
être ouverts, s'il en décidait ainsi, le dimanche
précédant la fête de Pâques. Les commerçants
n'auraient pas perdu grand-chose et le ministre aurait présenté
l'attitude de quelqu'un d'un peu plus respectueux à l'endroit de la
population et des consommateurs québécois. Si le ministre a
tellement raison, pourquoi ne veut-il pas consulter? Normalement, s'il a raison
et si la tendance est telle qu'il la décrit, pourquoi est-ce qu'il ne
veut pas les entendre? À ce moment-là, on pourrait se laisser
convaincre également si tout le monde vient lui dire ici:
Écoutez, l'Opposition erre, on a besoin de l'ouverture des commerces le
dimanche pour améliorer notre qualité de vie, pour pouvoir aller
magasiner quand on veut parce qu'on ne peut pas le faire sur semaine.
Peut-être que c'est ça qu'on entendrait. Alors, pourquoi est-ce
qu'il a peur de les écouter? Pourquoi est-ce qu'il a peur de les
consulter? Parce que, vraisemblablement, lorsqu'il consultera, les gens
réfléchiront un peu avant de se dire tout à fait ouverts
sans avoir en main les études pertinentes qui démontrent
qu'effectivement ça pourrait avoir un effet important sur les achats au
Québec et sur l'augmentation de la consommation.
Le ministre parlait, tout à l'heure, de la Chambre de commerce du
Québec. Il dit: La députée de Chicoutimi, il doit bien y
avoir quelques chambres de commerce, du genre: c'est bien loin, Chicoutimi, ils
n'ont pas dû comprendre. Curieusement, à Drummondville, le
député St-Roch, sa chambre de commerce est contre aussi. Et, si
vous faites le tour, vous allez retrouver qu'en Gaspésie ils sont
contre. Vous allez retrouver qu'en Abitibi ils sont contre. Donc, la Chambre de
commerce a fait un peu comme le Conseil du patronat Elle parle pour les
quelques dirigeants et elle n'a pas fait sa consultation
générale. Autrement, je ne comprends pas, parce que, alors, si la
Chambre de commerce a pris position après avoir consulté toutes
ses chambres de commerce, pas vrai qu'elle a pu tenir cette position-là.
Elle l'a tenue avec quelques personnes assises dans un bureau, à
l'occasion d'une réunion, parce que ça ne peut pas,
écoutez... À moins que les régions, ça n'ait plus
de poids.
Une voix: Bien, voyons donc!
Mme Blackburn: Alors, vérifiez. Alors, une
consultation...
Le Président (M. Audet): À l'ordre, s'il vous
plaît! C'est Mme la députée de Chicoutimi qui a la
parole.
Mme Blackburn: ...permettrait au ministre d'y amener ses amis. La
Chambre de commerce est d'accord. Elle viendrait nous expliquer pourquoi elle
est d'accord alors que les chambres de commerce régionales ne le sont
pas et qu'elles sont membres de la Chambre de commerce du Québec. Ils
pourraient entendre le Conseil du patronat qui est pour, on l'a vu. Ils
pourraient entendre les TUAC. Les TUAC, je respecte leur position. Ils ont fait
un virage. Bon. C'est leur droit le plus strict, mais ils représentent
10 % des travailleurs des commerces, des établissements commerciaux. Le
ministre pourrait aussi consulter et amener en commission parlementaire Brico,
le Club Price, Sears. Vous pourriez les entendre aussi. J'imagine que ça
aurait un certain poids dans le discours.
Je pense que le ministre, par rapport à sa façon de
concevoir le rôle de l'Assemblée nationale et des commissions
parlementaires... Curieusement, il dit: Écoutez, ils sont venus me
rencontrer. Je leur ai dit: Allez "dealer" ça avec l'Opposition. Puis,
de toute façon, comme on les a rencontrés chacun dans nos
bureaux, c'est ça, une consultation. La commission parlementaire,
ça fait partie du processus d'examen des lois au même titre que
les études en Chambre et, dans
ce sens-là, ce n'est pas parce que les gens viennent ou que les
organismes viennent faire du lobby que ça tient lieu de consultation.
Pas vrai.
À présent, j'ai eu des représentations. Je me
permets de le rappeler et de rappeler deux lettres, en particulier, une que je
vous lis, parce que je pense que le ministre n'était pas en Chambre au
moment où je l'ai fait. Un M. Ricard, qui travaille dans une grande
surface...
Une voix: II vend des Pernod, lui! Mme Blackburn: Oui. Et
il dit... Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Blackburn: ...une fois les félicitations faites:
«Je voudrais que vous fassiez part du mécontentement de plusieurs
de mes confrères et consoeurs de travail qui se retrouvent dans une
situation où ils n'ont pas réellement le choix de travailler ou
pas le dimanche, même si le premier ministre a dit que ça ne sera
pas le cas. En effet, je me suis fait demander si je pouvais travailler
dimanche prochain et, devant mon refus, on m'a signifié que, si je
n'étais pas disponible le dimanche, je n'avais qu'à changer
d'emploi, que notre travail était de vendre, donc, d'être
disponible aux heures qui conviennent à mes employeurs et pas à
moi. «Concernant le fait que ça créera des emplois, il a
partiellement raison: ça créera des emplois pour ceux qui
perdront le leur par suite de leur refus de travailler le dimanche. De plus,
travailler le dimanche n'augmentera pas non plus le nombre de mes heures
travaillées, puisqu'on va déplacer celles-ci pour combler un
besoin le dimanche, diminuant mes heures de travail pendant la semaine et me
privant de vivre une vie familiale minimale en passant la seule journée
où tout le monde pourrait se retrouver dans um magasin à mon
poste de travail. Pour être humoristique, on pourrait peut-être
dire: Les employés de magasins devraient se marier à
l'intérieur du même établissement, de
préférence. De cette façon, ils pourront au moins se
retrouver de temps en temps.» Et c'est signé: Michel Ricard.
Je ne parlerai pas de l'établissement dans lequel il travaille.
Je ne voudrais pas lui nuire parce qu'il travaille précisément
dans une de ces grandes surfaces qui est en faveur de l'ouverture des commerces
le dimanche.
Je me dis: Ça doit avoir une certaine valeur. Ce n'est pas vrai
qu'il faut absolument que ça tombe dans le vide et que ces
personnes-là qui sont sans voix, on refuse ici de les entendre. Tout
à l'heure, le député d'Orford parlait d'un document que
j'ai cité. Je vais lui rappeler de quel document il s'agit. Je n'ai pas
fait référence aux étudiants de cégep. J'ai fait
référence aux élèves du secondaire.
M. Benoit: Je l'ai lu en haut.
Mme Blackburn: Déjà, le Conseil permanent de la
jeunesse s'inquiète du fort pourcentage de jeunes qui travaillent entre
15 et 30 heures par semaine. Et il demande au gouvernement
précisément d'étudier l'impact du travail sur les
résultats scolaires ou l'échec scolaire. Ouvrir les commerces le
dimanche sans se demander l'effet que ça aura sur les jeunes au travail,
moi, je pense que ce n'est pas très responsable.
Dernière remarque: le ministre, qui veut absolument nous vendre
sa loi, là, il n'aurait pas pu faire lui-même ses études?
Le sondage qu'il nous cite, tout à l'heure, Créatec, tenez-vous
bien, ce sondage a été commandé par Val Royal et le Club
Price. Bravo pour votre beau programme! Ça veut dire que, pour vendre sa
thèse, on utilise toutes les études, documents,
réflexions, sondages préparés par ceux qui sont en faveur.
Pourquoi est-ce que le ministre n'a pas trouvé quelques sous pour faire
ses propres évaluations?
Alors, moi, je pense qu'on aurait intérêt, tous ici,
à entendre les organismes, d'autant qu'il n'y a pas d'urgence à
adopter cette loi-là qui va faire perdre de l'argent aux
commerçants en janvier et février. Je ne pense pas qu'ils se
garrochent aux portes pour faire ouvrir les commerces le dimanche, en janvier
et février.
Le Président (M. Farrah): Merci, Mme la
députée de Chicoutimi. Votre temps de parole est expiré.
Nous sommes toujours à l'étape des motions
préliminaires.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Farrah): Est-ce qu'il y a quelqu'un qui
veut intervenir? Mme la députée de...
Mme Dupuis: De Verchères.
Le Président (M. Farrah): ...Verchères.
Mme Dupuis: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Farrah): La parole vous appartient.
Mme Luce Dupuis
Mme Dupuis: Merci, M. le Président. Quelques petits mots
avant de commencer ma plaidoirie, si vous voulez, sur l'attitude du ministre.
Le ministre a semblé dire tantôt qu'on bloquait, que
c'était systématique. Tant qu'à nous entendre, il aimait
autant s'entendre lui-même.
Une voix: Bien, c'est bien.
Mme Dupuis: C'est un point de vue. Cependant, il ne pourrait pas
faire contre mauvaise
fortune bon coeur? Tant qu'à être pris ensemble, comme il
le pense, à passer une soirée, finalement, à entendre des
choses pas intéressantes, on pourrait peut-être prendre l'attitude
du ministre Ryan qui dit: Bon, bien, on va s'instruire ensemble, puis on fait
venir les détaillants de l'alimentation du Québec.
M. Blais: Une question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Farrah): Oui, M. le député
de Masson, sur une question de règlement.
M. Blais: La députée vient de dire qu'on dit des
choses pas intéressantes. J'espère qu'elle ne visait pas les gens
de l'Opposition.
Mme Dupuis: Non, non. Je disais que le ministre disait que...
Des voix: Ha, ha, ha! M. Blais: Ah, excusez!
Le Président (M. Farrah): Alors, comme vous le savez. M.
le député de Masson, ce n'est pas une question de
règlement, mais c'est vous qui le dites.
Mme Dupuis: ...tant qu'à nous entendre, il aimait mieux
parler lui-même.
Le Président (M. Farrah): Mme la députée de
Verchères, vous pouvez continuer. La parole est à vous, Mme la
députée de Verchères.
Mme Dupuis: Je pense que ça serait peut-être plus
instructif pour tout le monde si le ministre acceptait qu'on entende tous
ensemble l'Association des détaillants en alimentation du Québec.
Le ministre nous dit qu'il les a entendus en 1990, puis qu'il y a eu 94
mémoires. Effectivement. Mais, si le ministre a dû changer d'avis
et corriger la loi qu'il avait fait passer à l'époque et qu'il
accepte maintenant, qu'il avoue maintenant qu'elle est ingouvernable - donc, il
a changé d'idée, il a apporté des correctifs -
l'Association des détaillants en alimentation du Québec et
d'autres intervenants qui ont été entendus, à
l'époque, ont peut-être aussi, eux, des points de vue à
apporter, puisque là, eux, ils ont l'expérience du vécu
avec cette loi. C'est eux qui l'ont vécue, la loi que le ministre a
passée d'une façon théorique. Eux, sur le terrain, ils ont
vécu avec cette loi-là. Peut-être que, là, ils
auraient des choses intéressantes à dire. (22 h 40)
On le sait par la lettre qui dit, bon - on a une partie de la lettre qui
a été lue par mon collègue, d'ailleurs - pourquoi ils sont
contre. «Nos consultations nous ont confirmé que la
libéralisation des heures d'ouverture, même dans tous les secteurs
du commerce de détail, n'est pas souhaitée et est même
appréhendée par les détaillants
indépendants.» Ils le vivent et ils constatent que ce n'est pas
souhaité. Ils sont contre. Ce serait peut-être intéressant
de les questionner, et le ministre peut riposter aussi, puis on n'aura pas
juste un point de vue. Il peut faire venir un intervenant ou un groupe qui
pourrait donner le point de vue opposé. Je pense que ça serait
instructif pour tout le monde, puis ça serait peut-être plus
intéressant. Tant qu'à veiller ensemble, aussi bien veiller d'une
façon intéressante. Pourquoi pas?
Dans l'autre paragraphe de la lettre, il nous dit: Finalement, lorsque
les grandes entreprises s'appuient sur la concurrence ontarienne ou
américaine pour justifier l'extension des heures d'ouverture, ces
arguments ne tiennent pas compte de la réalité du marché.
L'Ontario, qui expérimente depuis seulement quelques mois un moratoire
sur les heures d'ouverture, constate une baisse moyenne des ventes face aux
heures supplémentaires. Il termine en disant: L'extension des heures
d'ouverture des commerces n'a aucun lien avec les arguments sur la concurrence
extérieure du Québec.
Moi, je pense qu'avec son projet de loi le ministre fait la
démonstration... Il a dit: Bon, bien, il faut essayer de replacer
l'économie. Je ne veux surtout pas faire un procès d'intention au
ministre, mais il y a peut-être d'autres moyens aussi. Il dit: Oui, mais
vous n'êtes que négatifs et vous n'apportez pas de suggestions Je
peux vous en apporter une, M. le ministre. Par exemple, au lieu de ça,
avant, on aurait peut-être pu faire une campagne de sensibilisation sur
les effets négatifs d'aller acheter à l'extérieur, ce que
ça pouvait nous coûter socialement, ce que ça pouvait nous
coûter, ça. On n'a pas fait une véritable campagne de
sensibilisation pour dire aux gens: Écoutez, individuellement,
peut-être que vous allez gagner quelques sous dans un premier temps,
à court terme, en allant magasiner aux États-Unis, parce que nos
taxes sont passablement hautes.
Ça, vous ne le mettez pas dans une annonce. Je peux comprendre
que vous ne disiez pas: Nos taxes sont beaucoup trop hautes. On le vit,
d'ailleurs, au niveau des cigarettes. On est tous unanimes à dire, M. le
Président, qu'il y a autant de fumeurs qu'avant, mais il y a moins
d'argent qui rentre dans les coffres du gouvernement concernant les taxes.
Pourquoi? Parce que ça amène un marché au noir. L'alcool,
c'est la même chose. Bon, l'essence, par exemple, aussi. Alors, lorsque
les Québécois vont magasiner aux États-Unis, leur faire
comprendre aussi, par une campagne de sensibilisation, une campagne
éducative, que, lorsqu'ils achètent, par exemple, un appareil
électrique, une caméra ou, bon, quoi que ce soit, quand ils
reviennent ici, s'ils ont un vol, ce n'est pas assuré, tous les effets
négatifs, pour se rendre compte, après, qu'en bout de
ligne, avec le temps, ils ne gagnent pas un sou, puis, socialement,
bien, c'est catastrophique. On parle de 100 000 emplois, et ça, c'est
à part de l'argent qui n'entre pas dans les coffres.
Je prends un autre point de vue, qui est une étude qui est pour
l'ouverture, qui a été faite par une division de Price
Waterhouse. Je vais aller à la page 10. Ça m'a frappée, M.
le Président. Dans le contexte québécois, il est clair que
les emplois dans le commerce de détail sont très importants. Les
détaillants ont employé 317 000 personnes en 1991, qui ont
travaillé 508 000 000 d'heures ou presque, pour des revenus totaux de 5
134 000 000 $. Chaque augmentation de 1 % de l'emploi créera plus de
3000 emplois ou 5 000 000 d'heures additionnelles ou plus de 50 000 000 $ en
salaire. Et c'est là que j'y arrive.
Les chiffres de Price Waterhouse disent que, finalement, ça peut
amener 50 000 000 $ en salaires. M. le ministre, qui va les payer, ces
salaires-là, si ce n'est pas nos petits commerçants qui ont
déjà de la difficulté à arriver? Il ne se passe pas
une semaine - et vous le savez très bien, ça doit arriver dans
votre comté autant que dans le mien - où il n'y a pas une
entreprise ou un commerce qui ferme ses portes. On le vit. On va pour acheter
dans un endroit où on va d'habitude acheter. On arrive, puis la porte
est fermée, puis c'est marqué «vente» ou
«fermeture», ou ils nous annoncent la fermeture dans la semaine
suivante.
Là, on va leur demander, à ces mêmes petits
commerces, de débourser 50 000 000 $ de plus en salaires. Lorsque le
député de Verdun disait, tantôt: Je ne vois aucun effet
négatif pour les consommateurs, si on exclut le volet social, comme le
député de Verdun l'a fait, les petits commerces, qu'est-ce qu'il
en fait, lui? Ce n'est pas du monde, ça, ce n'est pas des entreprises,
ça, ce n'est pas des PME, ça, et les PME ne sont pas le moteur
économique du Québec? Je trouve ça étonnant.
Il dit qu'ils ont le libre choix de travailler ou de ne pas travailler,
les travailleurs - bien oui! - ou d'ouvrir les portes. C'est vrai qu'ils ont le
libre choix, mais le propriétaire, s'il ferme ses portes et qu'il dit:
Moi, je n'ouvre pas le dimanche et que l'autre en face ouvre, oui, ça va
accélérer sa mort tout simplement. C'est vrai qu'une mort
accélérée, c'est moins pire qu'une mort lente. Ça,
je suis bien d'accord.
Le Président (M. Audet): Si vous voulez conclure, Mme la
députée.
Mme Dupuis: J'aimerais que l'Association des détaillants
en alimentation du Québec soit entendue pour une raison: peut-être
ont-ils, eux aussi, des suggestions à faire au ministre pour
améliorer la situation par un moyen autre que simplement ouvrir les
commerces le dimanche.
Le Président (M. Audet): Merci. Mme Dupuis: Merci,
M. le Président.
Le Président (M. Audet): Est-ce qu'il y a d'autres
interventions? Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière,
vous avez 10 minutes.
Mme Denise Carrier-Perreault
Mme Carrier-Perreault: Merci, M. le Président. Alors, moi,
contrairement à ma collègue, question attitude, je
préfère l'attitude du ministre, maintenant et tout à
l'heure, que celle qu'il avait au début de la séance. Par
ailleurs, disons que, pour ce qui est de sa décision, s'il la maintient,
on va voir ça tout à l'heure, mais, quant à sa
décision de dire: On ne recevra personne, on en a reçu 94, etc.,
disons que, là, je ne peux pas dire que je suis tout à fait en
accord avec ça. Puis, à ce moment-là, je l'admire un peu
moins, l'attitude du ministre.
C'est vrai que le ministre, d'ailleurs, nous dit que c'est plate de nous
entendre parler. Je le comprends. Il aime mieux s'entendre, c'est vrai, mais
ça serait peut-être plus intéressant, pas juste pour le
ministre qui les a déjà entendus... Le ministre les a
déjà rencontrés et certains députés de
l'Opposition. Mon collègue de Labelle a sûrement rencontré
le groupe en question, mais il y a des députés ici, autour de
cette table, qui aimeraient sûrement les entendre aussi, parce que
j'entendais, tout à l'heure, le député de Saint-Maurice
qui passait comme commentaire que, lui, il voulait qu'on se taise un peu pour
lui permettre d'entendre, voyez-vous, parce que, lui, il venait ici pour se
renseigner. Alors, je pense que, plutôt que d'apprendre toujours les
mêmes choses, de part et d'autre, ce serait probablement plus
intéressant et vraiment plus instructif pour le député de
Saint-Maurice d'entendre les gens de l'ADA.
Il y a aussi le député de Verdun. Quand le
député de Verdun est intervenu, tout à l'heure, il fait
son bout pour dire qu'il appuyait la loi et une partie de l'argumentation de
l'Opposition officielle retenait un peu son attention et semblait quand
même l'inquiéter, lui aussi, c'était, justement, le fait
que ça pouvait mettre fin, enfin, faire périr, mettre en faillite
des petits commerces, des petits dépanneurs ou des commerces plus
petits, de moins grandes surfaces qui ne seraient pas capables de suivre le
mouvement. Il semblait quand même intéressé par ça,
et c'est, justement, l'une des préoccupations du groupe qu'on aimerait
rencontrer.
Je pense que ce serait important aussi de rencontrer les groupes.
Même si le ministre en a rencontré 94 en 1990, il semble que -
depuis, il s'est passé deux ans - il y a des gens qui ont vécu
avec la nouvelle loi, la loi de 1990, justement, la loi 75, à
l'époque, qui auraient probablement changé d'idée. Le
ministre nous a fait
état des TUAC qui ont changé d'idée. Il y en a
peut-être d'autres aussi, M. le ministre, qui auraient changé
d'idée. Alors, il ne faut pas avoir une mémoire trop
sélective. Je pense que le ministre a quand même une tendance
à avoir une mémoire sélective. Parce que, si j'en juge par
les demandes, quand il nous faisait la liste, si on veut, la description de la
liste des demandes de l'ADA, le ministre s'est bien gardé, n'est-ce pas,
de nous donner la première demande, le premier dossier prioritaire du
groupe en question. C'est très clair: opposition de l'ADA au projet de
loi proposé par Gérald Tremblay. C'est écrit ici. Je cite
la lettre, M. le Président. (22 h 50)
C'est vrai que le ministre a une mémoire sélective parce
qu'il nous a donné juste une partie aussi de la lettre, sauf que je ne
la reciterai pas. Je pense que mes collègues l'ont fait. Il y avait une
réponse où ils ne partageaient pas du tout, pas du tout,
là, les intentions du ministre par rapport à la
réouverture de cette loi-là et au fait d'étendre,
d'extensionner, à toutes fins pratiques, les heures d'affaires aussi le
dimanche. Alors, ce bout-là, le ministre s'est bien gardé de nous
le lire aussi, mais c'est vrai que l'ADA donnait quand même des
précisions, et c'était très clair dans sa lettre. Je pense
que ce serait intéressant de pouvoir les questionner. Il serait
intéressant de pouvoir rencontrer ces groupes, les autres aussi qui,
comme vous l'avez vous-même mentionné, ont peut-être
changé d'idée, ont peut-être évolué dans un
sens ou dans l'autre, depuis 1990.
Quand je dis que le ministre a une mémoire sélective,
c'est qu'il a aussi mentionné dans son intervention, tout à
l'heure, que l'Opposition, nous, on ne parle pas des consommateurs. Le ministre
a dit: Ah, l'Opposition, on ne l'entend pas parler des consommateurs. Les
consommateurs sont contents, ils sont très heureux de cette
loi-là, ça va leur rendre service et tout ça. Bien,
là, je vais vous dire que, moi, personnellement, là, j'ai entendu
plusieurs de mes collègues et, en Chambre, hier soir, et ici, encore ce
soir, plusieurs ont parlé des consommateurs. On ne nie pas, de notre
côté, que, quand on est consommateurs, uniquement consommateurs,
oui, on peut apprécier d'avoir un moment de plus de disponible pour
aller faire des emplettes, pour aller faire des courses.
Mais il reste que les associations de consommateurs elles-mêmes...
Le ministre a beau nous citer le sondage, il y a quand même la
Fédération nationale des associations de consommateurs qui s'est
prononcée très clairement, et ça, je pense que c'est...
Moi-même, j'en ai parlé, en tout cas, tout à l'heure, dans
mon intervention et je sais qu'il y en a d'autres qui l'ont fait.
Pour les consommateurs, et là, je ne vous citerai pas l'article
que je vous citais tout à l'heure, mais on a la lettre de Mme Dalio. Je
suis persuadée que le ministre l'a aussi, mais, pour les
collègues du gouvernement, de l'aile ministérielle, qui sont ici
et qui ne semblent pas avoir tous les documents en main, alors, je voudrais
quand même reprendre quelques remarques qui ont été
données par Mme Dalio concernant justement les consommateurs.
Alors, pour la FNACQ, il est évident qu'un important lobby des
grandes entreprises favorise la libéralisation des heures d'affaires des
commerces afin d'augmenter leurs bénéfices ou de
récupérer une part du marché perdu au profit des petits
commerçants indépendants. Elle partage aussi, cette
association-là, les mêmes préoccupations, elle rejoint
aussi l'Association des détaillants en alimentation, l'ADA, le groupe
qu'on aimerait rencontrer, pour dire qu'elles sont préoccupées
par la concurrence, justement, des grandes chaînes. Il s'ensuivra plus de
faillites à court et à moyen terme, une augmentation des prix
pour les consommateurs, compte tenu des frais d'opération
supplémentaires pour les commerçants, etc., etc. Alors, quand on
dit qu'on ne parle pas des consommateurs, je trouve que c'est vraiment avoir
une mémoire sélective d'oublier de le mentionner ou même de
nier que l'Opposition en a fait état.
Le ministre aussi nous a rapporté les propos des TUAC. Il dit
qu'il a rencontré ce syndicat-là qui représente 45 000
travailleurs et qu'à toutes fins pratiques ils n'ont aucun
problème pour la qualité de vie de leurs travailleurs, qu'ils ne
sont pas du tout inquiets. En même temps, le ministre, dans son
allocution, a joint ça à la qualité de vie des familles en
nous disant que, nous autres, l'Opposition, on devrait se fier sur les TUAC -
c'est à peu près ça que le ministre nous a
expliqué, à ce que, moi, j'ai compris - on devrait se fier sur
l'opinion de ce syndicat-là pour parler de la qualité de vie des
familles au Québec.
Eh bien, écoutez, moi, personnellement, M. le Président,
je préfère quand même continuer de me fier et, en fait, le
vérifier par rapport à l'opinion du Conseil de la famille. Je
pense que le Conseil de la famille n'a pas d'intérêts particuliers
à protéger. Le Conseil de la famille est un organisme-conseil qui
est, justement, là pour donner au gouvernement l'éclairage
nécessaire dans l'élaboration de ses politiques,
particulièrement, évidemment, dans le cas qui nous concerne, les
politiques familiales. Alors, je veux bien croire que les TUAC, par rapport
à leur idée concernant la qualité de vie des travailleurs
et travailleuses, ont un point de vue qui a changé, semble-t-il, depuis
1990. Maintenant, moi, je vais être très claire ici, M. le
Président. Je ne peux pas relier les propos des TUAC à la
qualité de vie des familles au Québec.
Il y a d'autres syndicats aussi qui se sont prononcés. En tout
cas, à tout le moins, il y en a un autre qui, aussi, a des travailleurs
dans les chaînes et tout ça. Alors, c'est la CSD. La CSD
a aussi des travailleurs et des travailleuses dans le domaine. La CSD,
elle, n'est pas du tout d'accord avec la réouverture de cette
loi-là, pas d'accord, non plus, avec le fait que les travailleurs et les
travailleuses pourront travailler le dimanche, auront à travailler le
dimanche. Et, à ce moment-là, on le sait très bien, ils ne
pourront pas compter sur les services qui vont normalement durant les heures
d'affaires, les services adéquats pour les gens qui sont au travail.
Quand on parle des services adéquats, ça change beaucoup
de choses, ça, le fait que le dimanche va devenir une journée, en
fait, comme les autres. Ça veut dire que ça va prendre des
garderies. Bientôt, on aura sûrement des demandes à ce
niveau-là, si le ministre continue dans ses intentions, parce que, veux,
veux pas, les gens vont avoir besoin des services. Alors, ça veut dire,
forcément, que, pour combler des besoins qui vont être de plus en
plus évidents, de plus en plus criants, bien, il va falloir
étendre à d'autres secteurs, non seulement au niveau du commerce,
des heures d'affaires le dimanche. Une minute? C'est pour ça qu'on dit
qu'il y a des impacts sociaux. Il y a des impacts sur la qualité de vie
des familles, il y a des impacts sur la qualité de vie des travailleurs,
et ça, ça serait intéressant d'entendre les gens venir en
discuter avec nous, parce que, semble-t-il, justement, il y a de points de vue
qui ont changé depuis 1990.
Le ministre nous disait: II faudrait peut-être qu'on ait des
suggestions de l'Opposition. Je pense qu'il y a des groupes, en 1990, qui en
avaient fait, des suggestions au ministre. Il y en a plusieurs qui n'ont pas
été retenues. Justement, à l'époque - moi, je m'en
souviens parce que j'en ai pris connaissance, ce soir, encore davantage, je me
suis rafraîchi la mémoire - le Conseil de la famille avait dit au
ministre, il avait été très clair: Ouvrez les commerces le
soir, si vous voulez. Le soir, il y a possibilité. On ne serait pas
nécessairement contre. On pense que ça perturberait moins.
Le Président (M. Audet): Terminé, Mme la
députée.
Mme Carrier-Perreault: Mais, le dimanche, s'il vous plaît,
pas question. Alors, je conclus, M. le Président, pour
réitérer tout simplement que j'appuie effectivement la motion de
mon collègue, le député de Labelle.
Le Président (M. Audet): Merci. Est-ce qu'il y a d'autres
remarques? Mme la députée de Taillon, vous avez 10 minutes.
Mme Pauline Marois
Mme Marois: Merci, M. le Président. Alors, je voudrais,
à mon tour, appuyer la motion de mon collègue pour recevoir
l'Association des détaillants en alimentation du Québec. Je
lisais la lettre qu'elle a effectivement adressée au ministre et dont
nous avons reçu copie comme membres de l'Opposition, ça va de
soi, et l'ADA nous dit représenter la majorité des 10 000
détaillants. Alors, quand le ministre nous accuse de vouloir les
représenter, je trouve qu'essayer de représenter correctement et
intelligemment 6000, 7000, 8000 détaillants au Québec, c'est
déjà pas trop mal, en plus que l'ADA fait référence
à la Fédération nationale des associations de
consommateurs, qui représente aussi un autre point de vue que le
ministre défend. Je trouve que ce n'est pas si mal, moi, M. le
Président. Je ne suis pas trop mal à l'aise avec ça.
Quand le ministre nous dit qu'en 1990 on a entendu tous ces
groupes-là et qu'il reproche à l'Opposition d'avoir pris position
avant d'entendre les groupes, ce qu'il faudrait qu'il rappelle aussi, c'est que
l'ADA et d'autres organisations étaient majoritairement contre
l'ouverture des commerces d'alimentation le dimanche. Sur les 94
mémoires, probablement qu'environ 75 des mémoires
présentaient des positions qui allaient dans le sens de celle que nous
avions prise, nous, à l'Opposition.
Alors, là, je me pose la question. Peut-être bien que le
ministre aurait dû dire aux gens, comme moi, j'ai eu
l'honnêteté de le faire, au nom de l'Opposition: Écoutez,
même si vous êtes d'accord pour ne pas ouvrir le dimanche, moi,
j'ai fait mon lit, moi, j'ai décidé que ce serait le cas, et peu
importe ce que vous allez venir me dire. Dans le fond, je vais essayer de vous
convaincre de ma position, mais je vais le faire d'une façon pernicieuse
et pas à visage découvert, comme l'a fait l'Opposition. Alors,
peut-être bien qu'aujourd'hui, s'il avait fait ça, il aurait
reçu des commentaires des associations qui auraient été
d'un autre ordre, des commentaires qui lui auraient suggéré des
resserrements à la loi qu'il voulait présenter à
l'époque, ce qui lui éviterait d'être obligé de
dire, M. le Président, que sa loi est un échec, parce que c'est
ça qu'il nous dit. (23 heures)
Là, on est devant deux positions opposées. On a le
ministre qui nous dit: Ma loi est un échec. Écoutez, elle n'est
pas contrôlable. C'est ça qu'il nous dit. Il nous en a même
fait la preuve par l'histoire des marchés aux puces, tout à
l'heure. Moi, je lui dis: Qu'il invoque sa propre turpitude, hein! Quand on
adopte une loi, on a la décence de l'appliquer, hein! Alors, il ne l'a
pas appliquée, sa loi.
Les représentants de l'ADA disent, eux, qu'ils étaient en
désaccord avec la loi, au départ. Ils ont suggéré
des amendements. D'ailleurs, le ministre en a fait, des amendements. Il voulait
aller beaucoup plus loin en 1990. L'Opposition, de même qu'un certain
nombre des représentations qui lui ont été faites, l'ont
sans doute un peu
ébranlé et, comme je le dis, à ce moment-là,
il n'a pas eu le courage nécessaire pour aller au bout de sa
pensée. C'est pour ça qu'il nous revient maintenant. Mais, pour
l'ADA, maintenant, avec les amendements que le ministre avait apportés
en 1990 suite à nos pressions et aux pressions des groupes
concernés, cette loi leur apparaît comme étant une loi
correcte, qu'ils disent même équitable, gérable et durable.
C'étaient les trois critères qu'avait identifiés le
ministre. Aujourd'hui, il nous dit: Non, ce n'est plus équitable.
C'est évident qu'effectivement il ne l'a pas appliquée.
Alors, il s'est développé toutes espèces d'excroissances.
Au lieu, aujourd'hui, de revenir en nous disant: Écoutez, effectivement,
elle pose des problèmes dans son application, on va resserrer un tant
soit peu les critères, il dit non. Il dit: Comme je m'avoue incapable
d'appliquer une loi à laquelle j'adhère et à laquelle je
crois, je vais plutôt aller vers une ouverture complète. Et
là, c'est ce qu'il nous propose, M. le Président, parce que, ne
nous leurrons pas, encore un an et demi, mais il ne sera peut-être plus
là, il risquerait de revenir en nous disant: Bien, écoutez, on
n'a plus besoin de loi maintenant. Allons-y à l'ouverture très
large de tous les établissements 24 heures par jour, ça n'a
aucune espèce d'importance, M. le Président.
Là, peut-être bien qu'en 1990, s'il avait dit sa position,
ça aurait permis aux groupes de lui dire comment l'encadrer, cette
position-là. Alors, aujourd'hui, il ne serait pas obligé de
reconnaître l'échec de sa loi. L'ADA nous dit: Cette loi, nous
pouvons vivre avec. Peut-être mérite-t-elle d'être
resserrée. Nous pouvons vivre avec. Cependant - et c'est cela qu'elle
dit - nous vous rappelons que les exceptions prévues par le ministre
dans le secteur alimentaire visaient à offrir un service de
dépannage dans un secteur considéré comme essentiel. Vous
comprendrez que les pressions visant à étendre ces exceptions aux
secteurs de détail nous semblent s'opposer aux intentions du
législateur.
Et ils font une démonstration, que je reprendrai, M. le
Président, sur le fait que le secteur du commerce de détail au
Québec est occupé par la petite et moyenne entreprise, et cela
crée une certaine organisation de type différent de ce que l'on
connaît ailleurs. Donc, cette organisation-là vit mieux dans un
contexte où il y a une certaine forme de restriction quant à
l'ouverture des commerces de détail et ces petits commerces ont plus de
difficulté à assumer une ouverture plus large par rapport
à des grandes surfaces.
Je rappellerai au premier ministre l'étude qu'il nous a
déposée, en 1990, qui est toujours valable, j'en suis
persuadée, M. le Président. Or, quand on fait le décompte
de la taille des entreprises selon leur taille, on constate, entre autres, que,
dans le secteur de l'alimentation, 92,2 % des entreprises sont des entreprises
de 9 employés et moins, 15 % n'ont aucun employé dans le sens
où ce sont essentiellement des entreprises à propriétaire
unique, et 62,3 % sont des entreprises de 1 à 9 employés. Alors,
je crois, M. le Président, qu'il serait tout à fait pertinent que
l'on puisse rencontrer les représentants de l'ADA pour qu'ils puissent
nous faire valoir leur point de vue.
Le ministre les a rencontrés en catimini. Bien sûr que ces
gens-là nous en ont fait, à nous aussi, des
représentations, mais je pense que l'intérêt du
débat, ce n'est pas qu'on fasse des représentations
derrière les portes closes au ministre responsable de ce projet de loi,
ni à nous, M. le Président, mais qu'à visage
découvert, ici, on puisse les entendre et que ces représentants
puissent faire valoir leur point de vue quant au projet de loi qui est devant
nous, puisqu'ils ont des oppositions et que ces oppositions semblent
majeures.
Alors, dans ce sens-là, il va de soi, M. le Président, que
l'on devrait retenir la motion qui a été présentée
par mon collègue, le député de Labelle, et je
désire vous informer, puisque vous me signifiez que mon temps est
écoulé, que je voudrais pouvoir, à mon tour, faire une
motion qui nous permettrait d'entendre une autre organisation. Et, s'il m'est
permis de le faire, je proposerais ma motion maintenant.
Le Président (M. Audet): Mme la députée,
avant...
Mme Marois: Ça viendra peut-être. On ne sait
jamais.
Le Président (M. Audet): ...il faut disposer de la motion
qu'on débat. Alors, si vous pouvez terminer votre temps de parole, il
vous reste un peu plus d'une minute sur cette motion, la motion du
député de Labelle. Lorsqu'on en aura disposé, vous pourrez
revenir et présenter une autre motion, si vous le jugez
nécessaire.
Mme Marois: D'accord. Alors, je le juge toujours
nécessaire. Je voulais vous le signifier dès maintenant, M. le
Président.
Alors, je pense que l'ADA, qui est particulièrement
représentative des petits et des moyens commerçants, dans un
secteur majeur au Québec, mériterait que son point de vue soit
entendu par les membres de notre commission. Bien sûr, j'ai des doutes
sur le fait que le ministre les écoute réellement, puisqu'en 1990
il n'avait pas entendu ni écouté au moins 75 % des
représentants qui avaient proposé ici que la loi qu'il proposait
soit différente de celle qu'il a adoptée. S'il les avait
écoutés, on ne serait peut-être pas ici ce soir.
Mais, cela étant dit, je garde un tout petit peu d'espoir - on ne
sait jamais, on peut en conserver - qu'il pourra peut-être être un
peu plus sensible à leurs arguments qu'il ne l'avait été
dans le passé. Merci, M. le Président.
Le Président
(m. audet): d'accord. merci, mme la
députée. est-ce qu'il y a d'autres interventions sur la motion?
alors, est-ce que la motion est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Audet): Alors, vote enregistré. M.
le secrétaire, si vous voulez appeler les députés, s'il
vous plaît.
Mise aux voix
Le Secrétaire: M. Léonard (Labelle)? M.
Léonard: Pour la motion. Le Secrétaire: Mme Blackburn
(Chicoutimi)? Mme Blackburn: Pour. Le Secrétaire: Mme
Marois (Taillon)? Mme Marois: Pour, M. le Président. Le
Secrétaire: Mme Dupuis (Verchères)? Mme Dupuis: Pour,
M. le Président. Le Secrétaire: Monsieur... Une voix:
II n'était pas là, lui.
Le Président (M. Audet): Les députés peuvent
quand même faire connaître leur intention sur la motion, mais on ne
peut, en vertu de nos règlements, enregistrer que quatre membres
votants. Quand même, si monsieur...
M. Blais: Si j'avais le droit de vote, je serais vraiment
pour.
Le Secrétaire: Alors, M. Blais (Masson)?
M. Blais: si j'étais le troisième, je serais
vraiment pour, mais, vu qu'il y a juste la trinité qui a le droit de
vote, je me retire avec ma langue de feu.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Secrétaire: Mme Carrier-Perreault (Les
Chutes-de-la-Chaudière)?
Mme Carrier-Perreault: Pour. Le Secrétaire: M.
Tremblay (Outremont)? M. Tremblay (Outremont): Contre. Une voix:
Oh!
M. Blais: II a failli, il a failli.
Le Secrétaire: M. Houde (Berthier)?
M. Houde: Contre.
Le Secrétaire: M. Benoit (Orford)?
M. Benoit: Contre.
Le Secrétaire: M. Lemire (Saint-Maurice)?
M. Lemire: Contre. Aïe! Contre.
Le Secrétaire: M. Lafrenière (Gatineau)?
M. Lafrenière: Contre.
Le Secrétaire: M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine)?
M. Farrah: Contre.
Le Secrétaire: M. Audet (Beauce-Nord)?
Le Président (M. Audet): Contre.
M. Blais: Vous ne votez pas, le président. Voyons
donc!
Le Président (M. Audet): J'ai le droit de voter.
M. St-Roch: m. le président, je pensais qu'avec la
corpulence que j'avais je ne passerais pas incognito et, surtout, après
être intervenu par trois fois.
Le Président (M. Audet): Vous n'êtes pas membre de
cette commission, M. le député. Alors, vous n'avez pas le droit
de vote.
M. St-Roch: M. le Président, j'aimerais vous rappeler que
le président d'une commission, au même titre que le
président de l'Assemblée nationale, est le gardien des droits des
parlementaires. Alors, j'aimerais que vous suspendiez nos travaux, maintenant,
pour vérifier auprès du président de l'Assemblée
nationale quels sont mes droits. Parce que j'ai communiqué avec le
président de l'Assemblée nationale. Je lui ai fait part qu'il
était de mon intention de siéger à la commission de
l'économie et du travail. Le président de l'Assemblée
nationale m'a dit oui, que tout était correct, que j'avais mes droits.
Alors, j'ai vérifié verbalement, on m'a dit que oui. Alors,
à partir de ce moment-ci, vous êtes le gardien de mes droits. Je
vais me fier sur vous pour prendre les décisions nécessaires pour
faire en sorte que mes droits soient respectés.
Le Président (M. Audet): O.K.
M. St-Roch: Et, par conséquent, M. le Président,
ceux aussi des citoyens et citoyennes
de Drummond.
Le Président (M. Audet): D'accord, M. le
député. Alors, en vertu de 133, «tout député
indépendant peut participer sans droit de vote aux travaux d'une
commission qui étudie un projet de loi», s'il n'est pas membre de
cette commission. Puisque vous avez signifié au président de
l'Assemblée nationale que vous désiriez faire partie de la
commission de l'économie et du travail et qu'à ce
moment-là le président, pour disposer de votre demande, doit
référer votre demande à la commission de
l'Assemblée nationale, en vertu de l'article 127, et puisque la
commission n'a pas disposé de votre demande, vous n'êtes pas
encore officiellement membre de la commission de l'économie et du
travail. Donc, vous ne pouvez exercer votre droit de vote. (23 h 10)
Je vous rappelle que, même s'il y avait consentement à la
commission de l'économie et du travail pour vous permettre de voter sur
le projet de loi ou sur les motions que nous pourrons débattre, c'est
toujours la commission de l'Assemblée nationale, à cet
égard-là, qui est l'autorité suprême. Alors, je ne
peux pas aller à rencontre de ça et, malheureusement, je dois
refuser votre demande, M. le député.
M. St-Roch: M. le Président, question de règlement,
pour ne pas dire question de privilège. Vos informations datent de
quand, que la commission ne s'était pas réunie et que je n'avais
pas le droit?
Le Président (M. Audet): C'est qu'on m'a informé,
M. le député, cet après-midi, qu'il y avait eu une demande
qui avait été faite et que vous aviez signifié votre
intention de faire partie de la commission de l'économie et du travail.
Mais, étant donné que je n'ai pas été
informé, que le secrétariat de la commission m'informe aussi
qu'il n'a pas été informé à cette date et que la
commission de l'Assemblée nationale n'a pas disposé de votre
demande, à ce moment-là, vous pouvez participer à nos
délibérations, je vous ai reconnu, c'est votre droit le plus
strict, en tant que député indépendant, mais vous ne
pouvez voter.
M. St-Roch: Oui, parce que l'article...
Le Président (M. Audet): Alors, ceci étant
dit...
M. St-Roch: Mais, M le Président, j'aimerais attirer votre
attention: j'ai signifié, depuis le 4 septembre, mes intentions de
siéger, puis j'avais même osé dire, à deux
commissions. Je dois conclure que mes droits sont brimés. Alors, j'irai
à une nouvelle instance pour faire reconnaître...
Le Président (M. Audet): Non, monsieur...
M. St-Roch: ...les droits du député de Drummond,
ainsi que ceux de ses concitoyens et concitoyennes.
Le Président (M. Audet): M. le député, je ne
peux pas vous empêcher de conclure ce que vous voulez, mais, moi, ici, en
tant que président, je dois appliquer le règlement et le
règlement me dit que vous n'êtes pas membre de la commission de
l'économie et du travail. Alors, à ce moment-là, je ne
peux pas vous reconnaître le droit de vote. Alors, ma décision est
rendue.
M. Léonard: M. le Président...
Le Président (M. Audet): M le député de
Labelle.
M. Léonard: ...avant que vous disiez ça, là,
est-ce que le député de Drummond n'était pas membre de la
commission de l'économie et du travail avant de siéger comme
indépendant?
Le Président (M. Audet): Oui, il était membre de la
commission de l'économie et du travail.
M. Léonard: Bon. À ce moment-là, il
démissionne du caucus libéral...
Le Président (M. Audet): Sauf que...
M. Léonard: ...mais, ipso facto, il n'a pas
démissionné de la commission de l'économie et du
travail.
Le Président (M. Audet): ...la composition, en vertu de
notre règlement... Je référais tantôt à
l'article 127 de nos règlements qui dit que c'est la commission de
l'Assemblée nationale qui réunit les groupes parlementaires et
qui s'assure d'un certain nombre de sièges aux commissions. C'est
prévu dans le règlement qu'on dispose... Par exemple, le parti
ministériel va faire le choix de ses commissions; la deuxième
option, c'est le parti de l'Opposition, tout ça, et on dispose, par le
fait même, du nombre de places qu'on obtient. Quand un
député n'est plus représenté par un groupe
parlementaire, il devient un député indépendant. Alors,
à ce moment-là, c'est la règle. C'est la commission de
l'Assemblée nationale qui dispose de la demande du député,
et tout ça.
M. Léonard: Est-ce que le parti ministériel a
notifié au Bureau de l'Assemblée nationale que le
député de Drummond ne faisait plus partie de la commission de
l'économie et du travail?
Le Président (M. Audet): C'est le député
lui-même qui a signifié au président de l'As-
semblée nationale qu'il ne faisait plus partie de l'équipe
libérale. alors, à ce moment-là, par le fait même,
il perd les privilèges qui se rattachent à ça.
M. Léonard: Pas par le fait même. Il a
été nommé par le parti ministériel.
Le Président (M. Audet): Oui, oui, c'est la loi de
l'Assemblée nationale.
M. Léonard: Par le fait même?
Le Président (M. Audet): Mais je dois vous dire que,
là, je viens de faire une erreur parce que, normalement, quand il y a le
déroulement d'un vote, on n'est pas supposé reconnaître de
question de règlement. Étant donné que le vote est
terminé, voudriez-vous faire le compte, s'il vous plaît, du vote?
Et, après, s'il y a d'autres questions, on pourra en disposer. J'ai
rendu ma décision sur la question du député de Drummond.
le secrétaire: pour: 4 contre: 7 abstentions: 0
Le Président (M. Audet): D'accord.
M. Blais: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Audet): M. le député de
Masson, sur une question de règlement. À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Blais: J'aimerais savoir si le député de
Drummond... Avant, il était au Parti libéral et il
siégeait sur cette commission. A-t-il été remplacé
par un autre membre du Parti libéral et par qui?
Le Président (M. Audet): Pas à ce que je sache,
parce que, comme je vous le disais, la commission de l'Assemblée
nationale n'a pas encore siégé. Alors, je vais vous lire
l'article 127 pour éclairer les membres de la commission, là.
M. St-Roch: Ce n'est pas ça, là. le
président (m. audet): non, juste pour éclairer.
«lorsqu'elle détermine la composition de chaque commission, la
commission de l'assemblée nationale peut fixer le nombre de membres qui,
dans chaque groupe parlementaire, exercent un droit de vote. elle peut
également décider que tous les membres des commissions
participent aux consentements unanimes et exercent un droit de vote lors de la
mise aux voix des motions devant être adoptées à la
majorité des membres de chaque groupe parlementaire. ces
décisions sont prises à l'unanimité et n'affectent en rien
tout autre droit d'un membre, y compris le droit de parole et le droit de
présenter des motions. »
Alors, c'est ce que je viens de vous dire. Bon. Alors, ceci étant
dit, est-ce que...
M. Blais: M. le Président, une autre question de
règlement, s'il vous plaît. Dans cette commission-là, les
membres du parti ministériel sont censés être combien?
Le Président (M. Audet): Neuf. M. Blais: Ils sont
censés être neuf?
Le Président (M. Audet): Le parti de l'Opposition, 4, le
nombre de membres étant fixé à 15.
M. Léonard: C'est le nombre de votes, ça. M. Blais:
Le nombre de membres à 15.
M. Léonard: On pourrait être pius nombreux que
quatre.
Le Président (M. Audet): Non, non, mais c'est le nombre de
votes.
M. Blais: Non, non, mais on parle des votes. Une voix: On n'a
droit qu'à quatre votes. M. Léonard: C'est ça.
Le Président (M. Audet): Un, deux, trois, quatre, cinq,
six, sept, huit. Il y en a bien huit. Il n'y en a pas neuf. Tout
député est membre d'une commission... Comment je dirais
ça? Pas membre, mais tout député peut participer aux
travaux d'une commission en vertu du règlement, sauf que le nombre de
votes à une commission est établi par règlement de la
commission de l'Assemblée nationale. C'est l'article 127 qui le
définit. C'est ça.
M. Blais: Une autre petite question très, très
courte, M. le Président. Je ne voudrais pas faire perdre inutilement le
temps de cette commission très importants.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Blais: J'aimerais savoir...
Le Président (M. Audet): Ce sera la dernière sur ce
point.
M. Blais:... si les neuf députés libéraux
membres officiellement, vous en avez la liste.
Le Président (M. Audet): J'ai la liste des membres actuels
de la commission.
M. Blais: Mais les membres actuels sont-ils les mêmes qu'il
y a trois mois ou cinq mois?
Le Président (M. Audet): Sauf le député de
Daimmond, qui n'est plus membre de la commission.
M. Blais: Vous n'avez rayé qu'une personne et c'est...
Le Président (M. Audet): Exactement.
M. Blais: en fait, m. le président, c'est juste une petite
incursion pour savoir si un des neuf aurait été remplacé
par quelqu'un qui est là...
Le Président (M. Audet): Non.
M. Blais: ...à qui vous auriez demandé de voter et
qui n'aurait pas eu le droit de vote. Je vois que vous faites votre travail de
façon extraordinaire et je vous en remercie.
Le Président (M. Audet): Merci. M. le
député, mais, comme je le disais tantôt - je veux juste
terminer là-dessus - au député de Drummond, c'est la
commission de l'Assemblée nationale qui en décide. Alors, si on
avait remplacé le député de Drummond à cette
commission par un autre membre de l'équipe ministérielle,
à ce moment-là, on aurait probablement disposé du cas du
député de Drummond par le fait même.
M. St-Roch: Vous allez me permettre, M. le Président, en
conclusion, de déplorer les lenteurs administratives.
M. Léonard: Avant d'annoncer l'ouverture des commerces le
29 novembre, s'il avait vérifié les règlements, ça
aurait été bien.
Le Président
(m. audet): pas de commentaire. o.k.
alors, est-ce qu'on est prêts à débuter l'étude du
projet de loi? m. le député de... non? oui.
Mme Marois: M. le Président, j'avais annoncé que je
voulais faire une motion...
Le Président (m. audet): c'est vrai, effectivement. alors,
je vais reconnaître mme la députée de taillon. vous avez
une motion à présenter?
Mme Marois: Oui.
Le Président (M. Audet): Alors, allez-y.
Motion proposant d'entendre la Corporation des
marchands de meubles du Québec
Mme Marois: En vertu de l'article 244 de nos règles de
procédure, il est proposé que la commission de l'économie
et du travail tienne, avant d'entreprendre l'étude
détaillée du projet de loi 59, loi modifiant la loi sur les
heures et les jours d'admission dans les établissements commerciaux, des
consultations particulières quant à tous les articles dudit
projet de loi et qu'à cette fin elle entende la corporation des
marchands de meubles du québec, m. le président.
Le Président (M. Audet): Est-ce qu'on peut en avoir une
copie, Mme la députée?
Mme Marois: Certainement.
Le Président (M. Audet): La motion me semble recevable.
C'est le nom qui change. Alors, la motion est recevable. Vous avez 30 minutes,
Mme la députée.
Mme Pauline Marois
Mme Marois: D'ailleurs, M. le Président, je vous ferai
remarquer qu'il y a un représentant de la Corporation des marchands de
meubles qui suit nos travaux actuellement. Donc, il serait très facile
pour vous et pour les membres de la commission d'accepter ma motion qui
pourrait être immédiatement appliquée, M. le
Président, sans qu'il n'y ait aucune espèce de délai entre
le moment où je présente la motion et le moment où on
procède à son acceptation et à son
opérationalisation. Bon.
Pourquoi entendre la Corporation des marchands de meubles du
Québec? J'ai devant moi deux documents qui ont été
préparés par cette même corporation. Ces deux documents
nous parlent, d'abord, du profil des perspectives du marché en
général et de la consommation du meuble, en particulier.
Évidemment, c'est un peu tard, je comprends, on est un peu
fatigués, mais j'imagine que le bruit va cesser progressivement.
Le Président (M. Audet): Vous faites bien de le rappeler,
Mme la députée de Taillon. Je rappellerais aux membres de la
commission, s'il vous plaît, que c'est Mme la députée de
Taillon qui a la parole.
Mme Marois: J'ai donc devant moi ce document qui présente
un profil des perspectives du marché en général et de la
consommation du meuble, en particulier, au Québec. Je n'ai pas
l'intention, évidemment, de vous lire ce document puisque mon intention,
c'est qu'on entende les représentants de la Corporation, bon, mais je
peux vous dire que ceux-ci font une analyse, entre autres, de leur
marché pour nous expliquer, par exemple, que, si la décade
1970-1980 a marqué chez eux une hausse significative du nombre
d'établissements - entre autres, on s'est retrouvé, à la
fin des années soixante-dix, avec 1200 établissements de vente de
meubles, com merces de détail au Québec - évidemment,
la
décennie 1980 a été un moment un peu plus
difficile, de telle sorte que, de 1200, on est passé à 985
établissements, à la fin des années 1980, et, au terme des
années quatre-vingt-dix, on prévoit que c'est 700
établissements que l'on risque de retrouver sur le territoire
québécois en matière de meubles, M. le Président.
(23 h 20)
Alors, là, toute une série de facteurs sont
présentés par la Corporation pour expliquer ce changement
important dans le nombre de ses établissements. Qu'on pense à la
population, un, qui n'augmente pas aussi vite qu'on le souhaiterait. Qu'on
pense à son vieillissement: la moyenne d'âge augmente de plus en
plus, les besoins, évidemment, deviennent différents. Quand on a
une famille à 30 ans ou à 40 ans, on a besoin davantage de
meubles que lorsqu'on en a 60 et que les enfants sont grands, bon, surtout si
la population n'augmente pas d'une façon significative.
Alors, on nous parle de ce phénomène-là, du fait
que les familles sont beaucoup plus petites maintenant, que les ménages
sont moins grands, bon, etc. On nous fait, donc, une démonstration fort
intéressante et on termine en nous parlant, entre autres aussi, des
dépenses de consommation, des consommateurs, mais de leur
capacité de dépenses. Et là, ce document, sur lequel nous
pourrions questionner sûrement la Corporation des marchands de meubles,
ça me ramène, M. le Président, aux propos que tenait le
député de Verdun, au début de la soirée, et qui
étaient des propos intéressants.
Il disait: Écoutez, est-ce que la députée de
Taillon pourrait me dire si elle croit qu'à ouvrir plus largememnt les
commerces de détail vraiment il n'y aura pas une hausse de la
consommation? Alors, lui, il dit: Comment on pourrait faire, dans le fond, pour
que d'autres types de mesures, au plan économique, nous permettent
d'avoir un impact sur l'emploi? Sur ça, on pourra revenir sur un certain
nombre de propositions, M. le Président, qui pourraient être fort
intéressantes sûrement. Mais ce qu'il soulevait comme question,
c'est: Est-ce que, Mme la députée, vous êtes convaincue du
fait que, si on ouvre plus largement les commerces un nombre d'heures plus
grand, ça n'aura pas d'effets sur la consommation? Et, à cela, je
lui dis: Oui, je suis convaincue de cela.
D'abord, dans cette petite étude ici que nous fournit la
Corporation des marchands de meubles, ils font une démonstration
absolument claire comme de l'eau de roche, comme on le dit souvent au
Québec, M. le Président. Je ramène les membres de cette
commission aux propos que je tenais au début de nos travaux, ce soir. Le
revenu disponible des Québécois et des Québécoises
a baissé, M. le Président. Si le revenu disponible a
baissé, il va de soi que, même si le nombre d'heures où
l'on peut consommer est plus grand, ça ne nous donnera pas plus de
revenus.
En plus, le ministre dit: Le nombre d'heures augmentant et,
particulièrement, le dimanche, les commerçants n'auront
qu'à fermer à d'autres moments dans la semaine, à d'autres
plages. Ça veut dire, donc, que le nombre d'heures pourrait rester
à peu près le même. Donc, ça n'augmenterait pas
nécesairement le niveau de l'emploi, même si on ouvre le dimanche.
Parce que, si on ferme le lundi matin, le mardi matin ou, à la limite,
le lundi toute la journée, ça veut dire qu'on gardera le
même nombre d'heures que l'on a déjà maintenant. Donc,
gardant le même nombre d'heures, j'imagine que ce sera le même
nombre de travailleuses et de travailleurs qui les occuperont. Ce n'est pas
bête parce que ça évitera, évidemment, que les
dépenses de ces commerces-là augmentent. Mais ça n'aura
pas d'effet sur l'emploi et le revenu disponible sera toujours le même,
M. le Président.
Si le revenu disponible est donc le même, on n'achètera pas
davantage. Et non seulement il n'est pas le même, M. le Président,
le revenu disponible, depuis deux ans, il est en baisse. On a
contrôlé le taux d'inflation. C'a eu un effet, évidemment,
je dirais, boeuf et catastrophique sur le taux de chômage, mais c'a eu
aussi comme effet de ralentir les appétits des demandeurs ou des
négociateurs au niveau des salaires et des bénéfices, des
avantages sociaux, ce qui fait qu'on ne prévoit pas, dans un temps
relativement court ou à moyen terme, qu'il y ait une hausse
réelle des revenus, qui soit significative. La population n'augmente
pas. Elle vieillit, elle demande moins de biens de consommation. Son revenu
réel est plus bas qu'il l'était, puis on pense qu'en ouvrant plus
souvent les magasins, particulièrement le dimanche, on va créer
des emplois et avoir un effet sur la consommation.
Alors, au député de Verdun, c'est ce que je lui
réponds, M. le Président. Et la Corporation des marchands de
meubles du Québec pourrait venir lui faire une démonstration
éclatante, à cet égard-là, et sans aucune
espèce d'ambiguïté, si le ministre, évidemment, et
les membres de son équipe, les membres de l'équipe
ministérielle, veulent bien accepter d'écouter les gens qui sont
là qui nous font très simplement des représentations et
qui sont justifiés de le faire, M. le Président.
D'ailleurs, quand le ministre me parle des zones touristiques et des
zones frontalières, je me dis que c'est lui-même qui s'est
piégé avec sa propre loi et que, sûrement, dans les zones
touristiques, le dimanche, les touristes qui viennent les fréquenter ne
doivent pas s'acheter des divans et des lits bien, bien souvent. Je
réfléchissais à ça et je me disais: Hum! Il me
semble que, le dimanche, un touriste qui vient du Vermont, qui vient de la
France ou qui vient d'Angleterre, peu importe, qui est en visite touristique au
Québec, là, il veut peut-être s'acheter un produit
artisanal. C'était prévu déjà. Il veut
peut-être s'acheter un produit d'art
produit par un artisan de chez nous. D'ailleurs, quand on me parle des
centres-villes ouverts, dans les vieux centres-villes, aux États-Unis,
que ce sort à Boston, à New York ou ailleurs - le cas de Boston
est intéressant - ce sont les boutiques artisanales qui sont ouvertes,
hein. Et je n'y suis pas allée il y a trois ans, mais il y a à
peine trois ou quatre mois. Il y a un certain nombre de boutiques artisanales
qui sont ouvertes dans la vieille ville et qui satisfont aux besoins des
touristes, et il y a une rue commerçante qui est ouverte. Mais qu'il
aille voir si les grandes surfaces dans le même secteur sont
ouvertes.
Alors, le ministre s'est attiré ses propres problèmes, M.
le Président. Quand il parte des zones frontalières, savez-vous
ce que disait son document, le document de son ministère, de la loi sur
les heures d'affaires? Il dit: J'ai eu des pressions, M. le Président.
J'ai eu des pressions parce qu'on a accepté d'ouvrir dans les zones
frontalières. Donc, ça s'est étendu autour.
Savez-vous ce qu'on disait? C'était son propre ministère,
ses propres études. D'ailleurs, il a félicité ses gens, et
moi aussi, parce que je pense qu'ils ont fait un drôle de bon boulot. Il
aurait peut-être dû, d'ailleurs, les faire travailler un peu plus
longtemps cette fois-ci. Je suis persuadée que la qualité du
travail aurait été à la hauteur de celui qu'on a eu en
1990. Ça disait ceci, à la page 45 du document: En ce qui
concerne les zones frontalières proprement dites, seule la région
de l'Outaouais présente des caractéristiques qui justifient une
demande de dispense. Ce n'est pas vrai que des petites municipalités de
quelques milliers d'habitants sur les frontières du Nouveau-Brunswick ou
du nord-ouest du Québec, de l'Abitibi, M. le Président,
justifient qu'on adopte une loi où on va élargir les heures
d'affaires, le dimanche y compris, M. le Président. Alors, dans ce
sens-là, je crois que les arguments du ministre sont de faux arguments
qui ne répondent pas aux objectifs qu'il se fixe.
Je vais y revenir, d'ailleurs, et sûrement que la Corporation des
marchands de meubles du Québec pourrait nous parler largement de cette
question-là qui est le volontariat chez les travailleuses et les
travailleurs, bon. D'abord, parlons de la syndicalisation. Ma collègue
de Chicoutimi en a parlé un petit peu tout à l'heure. J'ai fait
ressortir les données de la revue Le Marché du travail,
qui est publiée par son collègue, le ministre responsable du
ministère du Travail. Ce qu'on nous dit, c'est que 18 % à peine
du secteur du commerce de détail est syndiqué, M. le
Président. (23 h 30)
Je ne retrouve pas le document proprement dit. Ah non, il est ici. Je
l'ai devant moi. Vraiment! En 1991, on parlait de 19,2 % et, en 1992 - ce sont
les chiffres officieux, puisqu'ils sortiront la semaine prochaine - c'est 18,8
%.
Donc, le taux de syndicalisation a baissé dans le secteur des
commerces de détail. J'ai consulté les chiffres que donne la
revue Le Marché du travail, les chiffres que nous aurons au
prochain mois. Ils correspondent essentiellement aux données qu'on avait
dans le document de 1990, M. le Président. Bien sûr, parce qu'on
est syndiqué surtout dans les grandes surfaces, particulièrement
dans les marchés d'alimentation de grande surface. Donc, on peut
peut-être comprendre que les TUAC se disent: Écoutez, nous,
organisés comme nous le sommes, on pense qu'on est capables de
défendre nos travailleurs, nos travailleuses, s'il se présente
des situations difficiles.
Mais voulez-vous que je vous le décrive, moi, le modèle
dans l'entreprise commerciale traditionnelle? Qu'est-ce que vous voulez, si on
ouvre le dimanche, il va bien falloir qu'il y ait des gens qui y travaillent!
Ça va être pernicieux. On ne dira pas à la personne: Je te
fous dehors si tu ne viens pas, sauf que. dans la semaine, on va lui donner les
moins bonnes heures, elle n'aura pas le choix de ses heures. Et, quand viendra
le dimanche, on lui dira: Bien sûr, tu ne travailles pas aujourd'hui.
C'est comme ça que ça marche. Alors, pour le volontariat, on
repassera. Là où il y a des syndicats, c'est différent, M.
le Président. Cela pourra sans doute se contrôler, se mettre en
pratique, mais c'est faux de dire que ce sera le cas pour la majorité
des commerces. Et je ne blâme pas les commerçants.
Pourquoi voudront-ils avoir leurs travailleurs réguliers? Et
c'est ça que la Corporation des marchands de meubles viendrait nous
dire. Elle vous l'a déjà dit, d'ailleurs, et vous le savez.
Pourquoi? Parce qu'ils veulent avoir les ' travailleurs et les travailleuses
qui connaissent leur marchandise et qui connaissent leur clientèle,
parce qu'ils veulent la garder, cette clientèle-là, et qu'ils
risquent de massacrer leur marché s'ils n'ont pas de gens
compétents pour venir vendre leurs produits le dimanche. Alors, qui
viendra les vendre? Leur personnel régulier, M. le Président.
C'est ça qui va se passer. Alors, le volontariat, on en reparlera.
J'ai devant moi, M. le Président, une lettre qu'a écrite
une de mes collaboratrices. Elle a écrit cette lettre à M. Alain
Dubuc, rédacteur en chef de La Presse. Cette collaboratrice, qui
travaille à mon bureau de comté, a un conjoint... Il me reste
seulement cinq minutes! Ce n'est pas possible, M. le Président, vous
avez mal calculé le temps, j'ai droit à 30 minutes.
Une voix: Oui.
Mme Marois: Alors, il me resterait au moins une dizaine de
minutes; j'avais jusqu'à moins quart, je suis persuadée de
ça.
Le Président (M. Audet): Excusez-moi, madame. Oui, je me
suis trompé avec le chrono
ici. Excusez-moi.
Mme Marois: Excusez-moi. Oui, je vous le pardonne, M. le
Président. Il est un peu tard.
Le Président (M. Audet): Ne vous excusez pas, c'est moi
qui ai fait l'erreur. Je m'excuse.
Mme Marois: II est un peu tard et je sais que, habituellement,
vous êtes équitable. Bon! Alors, je reprends mes propos.
Cette femme, elle écrit à l'éditorialiste. Elle est
la conjointe d'un homme qui travaille dans le secteur des piscines, M. le
Président. Voici ce qu'elle lui écrit: «Vous n'avez
sûrement pas un membre de votre famille ou de vos amis proches qui est
commerçant ou travaille dans un magasin de vente au détail pour
affirmer que l'ouverture des magasins le dimanche correspond aux besoins des
hommes et des femmes d'aujourd'hui. «Personnellement, j'ai un conjoint
qui sera touché directement par cette pseudo-mesure pour stimuler
l'économie du gouvernement Bourassa. Il est gérant d'un commerce
de grande surface où les employés ne sont pas syndiqués.
Il travaille actuellement six jours sur sept en plus des soirs de la
semaine.» Et je sors du texte, je peux en témoigner, M. le
Président. «Il ne nous reste donc que le dimanche pour vivre une
journée en famille, visiter nos amis, profiter des loisirs et du plein
air. Mais voilà, c'est terminé! L'ouverture des commerces le
dimanche sera dorénavant permise, sous prétexte de relancer
l'économie - même vous, M. Dubuc, êtes incapable de
défendre cet argument - alors qu'au fond elle ne fera que diluer le
produit, créer quelques postes à temps partiel et au salaire
minimum, et étirer les ventes sur sept jours plutôt que six.
«Le pire dans tout ça, tous les couples et les familles qui, comme
nous, n'auront même plus une seule journée pour prendre le temps
de vivre ensemble. Les fins de semaine étaient déjà bien
entamées pour nous, mais maintenant elles n'existeront plus, comme
ça, pour rien ou pour, comme vous le prétendez, répondre
aux besoins des hommes et des femmes d'aujourd'hui qui n'ont pas assez
d'imagination pour trouver le temps de faire leurs courses dans la semaine et
prendre congé le dimanche. «D'autre part, les mesures de
protection pour les employés qui ne veulent pas travailler le dimanche
sont inutiles. Croyez-vous qu'un gérant va refuser de travailler le
dimanche, journée où ça risque d'être
achalandé au détriment des jours et des soirs de la semaine, avec
les fonctions qu'il occupe? Il faudrait que sa conscience professionnelle ne
soit pas très élevée. Ce serait comme demander à un
chef d'orchestre de prendre congé pendant le concert. Dans une
ère de stress où tout va trop vite, il nous restait le dimanche
pour prendre ensemble le temps de vivre. Maintenant, qu'avez-vous à nous
sug- gérer?»
Ça, c'est la lettre d'une personne qui n'est pas assise ici
autour de la table, qui le vit concrètement, qui l'a vécu pendant
un long moment et qui s'apprête à recommencer cela, M. le
Président.
Les quincailleries nous l'avaient dit, les marchands de meubles nous le
diraient et d'autres commerçants spécialisés viendraient
nous le dire: Nous avons besoin de notre personnel spécialisé le
dimanche parce que nous perdrons notre clientèle parce que nous ne la
servirons pas bien, parce que nous la servirons mal. Alors, pour le
volontariat, on repassera.
Dans les commerces qui ne sont pas spécialisés, on
créera du travail précaire. On disait: Ce sera du travail pour
les étudiants, ce sera du travail pour les femmes. Je vais reprendre
l'exemple que je donnais à l'Assemblée nationale hier soir ou
avant-hier, je pense, lorsqu'on a débattu de la loi. Je travaille, moi,
les fins de semaine et le ministre le sait, lui aussi, il travaille les fins de
semaine, même s'il ne le veut pas. Nous faisons de la
représentation, ça fait partie de nos fonctions. Je redonne
l'exemple. Assise le lundi matin devant mon café, pendant que mes quatre
enfants sont à l'école et que mon «chum» est au
bureau, savez-vous que, bien sûr, bien sûr, je prends congé
ce jour-là, sauf que je prends congé toute seule. Est-ce que
c'est ça qu'on veut? Vous allez me dire: Mme la députée,
vous exagérez. Voyons! On ne massacrera pas à ce point le tissu
social et familial des gens. Vous avez raison, ce n'est pas une
révolution à laquelle on sera confrontés, mais ce sera un
petit changement pernicieux qui fera en sorte qu'on remettra en question, que
l'on mettra de côté un certain nombre de valeurs qui, dans une
société, sont aussi importantes sûrement que l'avoir et que
la consommation.
Et, quand vous nous dites qu'on ne défend pas les consommateurs,
bien, justement qu'on les défend, les consommateurs qui sont aussi des
êtres de coeur, des êtres de convivialité et qui vous
demandent que, comme société, on essaie que le maximum de
personnes puissent en même temps avoir congé une fois dans la
semaine. C'est cela, dans le fond, la demande. Parce que nous croyons
effectivement que la loi qui est devant nous non seulement ne mériterait
pas d'être élargie au dimanche et pour tous les commerces, elle
mériterait d'être resserrée. Déjà, elle a eu
un effet désastreux dans un certain nombre de commerces de
dépannage et de commerces spécialisés. L'ADA parle de 3500
emplois qui se seraient perdus parce qu'on a ouvert ailleurs. Vous allez me
dire: Ils se seront recréés ailleurs. Parfait, vases
communicants. On n'en a pas créé, donc, d'emplois. Ce sont les
mêmes emplois qui se sont fermés quelque part pour aller s'ouvrir
ailleurs. Mais, à travers cela, par exemple, ce sont des pertes
économiques auxquelles on a acculé un certain nombre de
propriétaires d'entreprises.
Je peux vous parler de la propre boutique spécialisée que
je fréquentais le dimanche avant qu'on change la loi, qui, un an
après - je ne vais toujours pas magasiner le dimanche, M. le
Président - que l'adoption de la loi a été
confirmée, a fait faillite. Tous les dimanches où j'allais
rencontrer mon commerçant, il me disait: Je n'arrive plus, c'est
impossible de faire concurrence. C'est évident, les grandes surfaces ont
trouvé toutes espèces de trucs, de façons de passer
à côté de la loi. Il a fermé, là. Alors,
ça existe, ça, des petits commerces qui ferment leurs portes.
Vous nous dites: Ces petits commerces-là, justement, ils travaillent le
dimanche, c'est des commerces familiaux. C'est vrai, c'était son cas.
(23 h 40)
Ce qu'on vous dit, c'est: Oui, permettez qu'un certain nombre d'entre
eux puissent le faire, mais réduisons-le au maximum pour que le
consommateur puisse y trouver son compte et ouvrons plus largement les soirs de
semaine. Ça m'apparaîtrait plus logique. On ouvrira plus tard le
matin; à 11 heures, parfait! On déplacera les plages, mais on se
retrouvera avec une journée quelque part dans la semaine où on
pourra profiter ensemble de nos loisirs, profiter ensemble d'une vie
communautaire et familiale un petit peu plus intéressante et un petit
peu plus intense. Le «ils le font ailleurs, faites-le donc!» moi,
j'en ai ras le bol. Le modèle américain, je ne le voudrais pas
pour tout l'or du monde. Il y a six mois, là, on a vu les drames qu'ont
vécus certains quartiers américains, parce qu'ils marginalisent
une population, parce qu'ils la mettent de côté. Je ne vous dis
pas que la loi sur les heures d'affaires va faire ça. Je vous dis que
nous sommes en train d'adopter un modèle qui, à moyen et à
long terme, a des effets pervers. Et c'est ça qu'on est en train de
faire avec la loi qu'on se propose d'adopter, M. le Président.
C'est la propre turpitude du ministre qu'il doit invoquer, parce qu'il
n'a pas fait appliquer sa loi. Et on pourrait demander aux gens - ce serait
tellement plus simple, la motion que j'ai déposée le permettrait
- de venir nous parler de leur secteur, d'un secteur particulier et
précis, qui s'appelle le commerce du meuble, M. le Président.
Mais le ministre nous dit: Ah non! Moi, j'ai la voie, la vérité,
la vie. D'ailleurs, c'était comme ça en 1990. Il était
tout seul à avoir le pas avec quelques amis qui étaient Provigo
inc., Jean Coutu, les Club Price. Remarquez bien que, quand on regarde un petit
peu plus en détail la liste des gens qui réclament une ouverture
des commerces le dimanche, on les retrouve encore et ceux qui les appuient sont
des gens qui représentent le même type de commerces, M. le
Président. Alors, c'est évident que la loi qu'il nous propose va
avoir un effet à moyen et à long terme de restructuration sur le
type de commerces que nous avons au Québec. Cela comporte des
coûts économiques importants.
Je donnais l'exemple de ma petite boutique spécialisée en
alimentation; ce seront un certain nombre d'autres boutiques, de petits
commerçants qui vont fermer leurs portes, qui vont devoir
réorganiser leurs entreprises, M. le Président. Cela modifiera
l'ensemble du secteur du commerce de détail au Québec. Et le
mieux qu'aurait à faire le ministre, M. le Président, ce serait
bien davantage de regarder avec nous, avec les commerçants, quels ont
été les effets de la loi 75. D'ailleurs, ça
répondrait à une question que le député de Drummond
a posée et qui est tout à fait pertinente, M. le
Président, pour voir comment corriger le tir. Moi, je serais prête
à participer à l'exercice d'une façon systématique,
pendant toutes les heures qu'il faudra y passer, pour qu'on puisse boucher les
trous auxquels le ministre fait référence en disant: Ma loi est
un échec; ma loi est inapplicable; j'ai des pressions. M. le
Président, c'est ce qu'il nous dit, le ministre. Alors, allons-y,
écoutons des gens qui sont concernés, premièrement, par le
projet de loi qui est devant nous et, deuxièmement, par la loi qui a
déjà été adoptée, qui a déjà
été mise en application, avec laquelle nous avons une certaine
expérience.
Quand le ministre nous reproche d'avoir permis aux marchés aux
puces de vendre, d'abord, des marchandises usagées et, d'autre part, de
vendre des marchandises neuves, mais qui n'allaient pas en deçà
d'un certain montant et qu'ensuite il nous dit: Ça n'a pas de bon sens -
je le mets entre guillemets, c'est le «free for ail» - bien, quand
il nous dit ça, là, il nous dit en même temps: Je n'ai pas
été capable de l'appliquer, la loi, je n'ai pas été
capable de contrôler ça, M. le Président. Alors, il y a
deux façons: ou bien vous trouvez des façons de le
contrôler ou bien vous dites: On le change, on le modifie.
Bon, alors, là, vous nous dites: Non, je suis incapable de faire
quelque chose avec la loi que j'ai trouvée juste, équitable,
correcte, répondant aux besoins de tout le monde. Alors, plutôt
que de m'attarder consciencieusement à la tâche, je vais
libéraliser davantage. De toute façon - et je l'ai dit, M. le
Président, en 1990 - j'ai toujours pensé que c'était
ça que voulait le ministre à terme et il y arrive progressivement
avec des coûts pour une société qui sont énormes et
qui ne sont pas que des coûts humains. Ce sont des coûts
économiques aussi parce que ces entreprises qui ont fait faillite, ce
sont des coûts économiques qui sont perdus à tout jamais
dans notre économie.
Le ministre devrait plutôt bien sagement reprendre avec nous les
effets de la loi 75. D'abord, nous en faire état, parce qu'on ne sait
pas. Il nous a dit un certain nombre de choses, mais est-ce qu'il a
déposé, est-ce que mes collègues ont vu le
dépôt d'un document qui
porte sur les effets les uns après les autres de la loi 75? Pas
du tout, M. le Président, aucun document à cet effet-là.
Dans ce sens, le ministre serait tout à fait bienvenu et il obtiendrait
notre collaboration complète et entière. D'ailleurs, il l'a
déjà. Ce que nous lui demandons, c'est de regarder avec nous des
situations concrètes. On lui a proposé l'ADA. On lui propose
maintenant - et c'est l'objet de ma motion - la Corporation des marchands de
meubles pour nous permettre de faire le point et de faire en sorte que la loi
qu'il s'apprête à adopter contre notre volonté et contre la
volonté d'un nombre important de commerçants à travers le
Québec, de travailleurs et de travailleuses...
Et allez-y dans les magasins, M. le ministre. Je ne suis pas trop
sûre que vous y allez bien, bien souvent. Allez-y les voir, les gens
derrière les comptoirs, parce que, moi, j'y vais et, chaque fois, on me
demande: Pensez-vous, Mme Marois - parce qu'on ne m'appelle pas la
députée de Taillon, je peux donc le dire - que vous allez
réussir à convaincre le ministre que ça n'a pas d'allure?
Les propriétaires de commerces dans les centres d'achats ici, entre
autres, à Sainte-Foy, ont même écrit des lettres à
leur personnel pour dire qu'ils étaient désolés...
M. Benoit: La chambre de commerce... Mme Marois: S'il vous
plaît!
Le Président (M. Audet): Si vous voulez conclure, Mme la
députée, il vous reste quelques secondes.
Mme Marois: Ils étaient désolés d'être
contraints à cela, M. le Président. Alors, je fais appel au bon
sens du ministre pour qu'il regarde avec nous les effets de sa loi puisqu'il
dit qu'il n'a pas réussi à en faire une réussite. Nous
allons l'étudier. Nous allons regarder comment l'amender en
écoutant les gens qui sont, au premier chef, concernés.
Le Président (M. Audet): D'accord. Merci, Mme la
députée. M. le député d'Orford.
M. Benoit: M. le Président, est-ce que je pourrais poser
une question à la députée de...
Le Président (M. Audet): Le règlement le permet, M.
le député d'Orford. Qu'elle soit brève.
M. Benoit: Mme la députée, vous venez de parler de
Sainte-Foy, là, où quelques commerçants se seraient
opposés. Est-ce que vous êtes au courant que la Chambre de
commerce de Sainte-Foy a une résolution demandant l'ouverture et qu'il y
a une résolution de l'hôtel de ville demandant l'ouverture?
Mme Marois: M. le Président, je suis au courant de
cela...
M. Benoit: Très bien, merci. C'est tout ça que je
voulais savoir. Merci.
Mme Marois: ...comme je suis au courant du fait que d'autres
groupes, a travers le Québec, ont demandé au ministre que l'on
procède ainsi, mais ils n'avaient pas, je crois - et c'est notre
rôle à nous de le faire - en main les études, entre autres,
que le ministre pourrait nous fournir sur les effets de la loi 75. ce qui nous
permettrait de faire un débat plus éclairé, M. le
Président.
Le Président (M. Audet): Merci. Est-ce qu'il y a
d'autres...
M. Blais: Question de règlement, M. le Président,
s'il vous plaît.
Le Président (M. Audet): Question de règlement, M.
le député de Masson.
M. Blais: M. le Président, vous savez que j'ai, tout de
même, une certaine expérience parlementaire, mais, malgré
cette expérience parlementaire du système britannique dans lequel
nous vivons, il y a encore certaines lacunes à mes connaissances. Et
voici la question de règlement que j'aimerais vous poser. M. le
Président, il y a longtemps que j'assiste à des
«folibusters» dans une commission parlementaire. Vu que l'on sait
que les dispositions de nos lois ne sont pas là pour rien, je voudrais
demander la question suivante: Vu le plaidoyer extravagam-ment bon de ma
consoeur, si le ministre consentait à faire venir l'association des gens
qui s'occupent des meubles, de quelle façon devrions-nous
procéder pour que ces gens-là viennent? Ça ne s'est jamais
posé, à ma connaissance, depuis que je suis ici, et j'aimerais
vous demander de quelle façon on devrait procéder si le ministre
décidait de recevoir M. Varin qui est ici pour représenter les
gens.
Le Président (m. audet): la façon la plus
extravagante que permet notre règlement, c'est, justement, de
présenter des motions, m. le député. alors, votre
collègue a présenté une motion...
M. Blais: Oui.
(23 h 50)
Le Président (M. Audet): ...et les membres de la
commission auront à en disposer. S'ils sont d'accord avec la motion,
nous pourrons entendre la corporation et, s'ils sont contre, à ce
moment-là, nous ne pourrons entendre la corporation.
M. Blais: D'accord. Une sous-question additionnelle, s'il vous
plaît.
Le Président (M. Audet): II n'y a pas d'additionnelle sur
les questions de règlement.
M. Blais: Bien, question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Audet): Une autre question de
règlement, oui.
M. Blais: Une question de règlement. J'ai bien posé
la question de règlement suivante: Pendant qu'une motion est en cours,
après un plaidoyer excessivement convaincant, si jamais le ministre
décidait d'acquiescer, est-ce qu'on arrêterait cet exposé
où nous essayons de le convaincre pour recevoir la personne en question
ou s'il n'y a aucune procédure de prévue pour ce faire? C'est
ça que je vous demande. Je ne connais pas, moi, de
précédent et j'aimerais savoir ce que l'on ferait.
Le Président (M. Audet): Si on m'informe, moi, qu'on est
prêts à procéder immédiatement au vote de la motion,
il n'y a pas de problème. Les échanges se terminent et,
dépendamment du résultat du vote, on pourra entendre la
corporation ou non. C'est ça.
M. Blais: O.K. S'il vous plaît, M. le Président,
à ce moment-là, pour acquiescer à votre demande, je
demanderais au ministre: Est-ce que M. le ministre est prêt à
entendre le représentant de l'association des marchands de meubles?
M. Tremblay (Outremont): La réponse, c'est non, M. le
Préskient. Nous allons voter contre la motion.
M. Blais: Bon, comme ça, on ne vous a pas encore
convaincu. Il faudrait qu'on continue nos exposés pour essayer de vous
convaincre de recevoir l'association des gens du meuble. C'est ça que
vous me dites?
Le Président (M. Audet): On vient de répondre.
C'est exactement ce que je vous avais dit, M. le député de
Masson. Dépendamment du résultat du vote de la motion, c'est
comme ça que ça fonctionne.
M. Blais: Alors, j'espère que cette question-là a
éclairé mes confrères. Je suis persuadé que la
plupart d'entre nous n'étaient pas au courant de la façon de
procéder dans une telle éventualité.
Le Président (M. Audet): D'accord. Merci, M. le
député.
M. Blais: Ça m'a renseigné personnellement et je
crois... M. le Président, j'ai le droit de parole.
Le Président (M. Audet): Non, non, mais vous avez
soulevé une question de règlement. Voulez-vous parler sur la
motion de la députée de Taillon?
M. Blais: Non, non. Je ne veux pas parier tout de suite sur la
motion...
Le Président (M. Audet): Bon. O.K. À ce
moment-là, c'est parce...
M. Blais: ... parce qu'il est 23 h 53 et on a 10 minutes. Je ne
voudrais pas continuer de même.
Le Président (M. Audet): Oui. mais, si vous continuez, le
temps, M. le député, où vous sortez de la motion, je vais
être obligé de le compter sur votre enveloppe de temps de 10
minutes. Vous ne pourrez pas les ravoir après, vous devez les prendre
d'un bloc.
M. Blais: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Audet): Allez-y, M. le
député de Masson.
M. Blais: M. le Président, qui vous fait présumer
que c'est moi qui suis le prochain interlocuteur pour me menacer de compter le
temps de mon interrogation sur le temps que j'aurai pour discuter de cette
motion?
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Audet): Vous avez soulevé une
question de règlement. Je vous ai entendu. Vous avez engagé une
conversation avec le ministre, qui n'avait plus rien à voir avec la
question de règlement, et vous avez poursuivi. À ce
moment-là, je vous ai dit: Vous arrêtez ou je compte votre temps
et vous continuez. C'est ça que je vous ai dit. Alors, puisque vous avez
arrêté, je vais reconnaître la députée des
Chutes-de-la-Chaudière. Mme la députée, vous avez 10
minutes.
Une voix: II en reste sept.
Mme Carrier-Perreault: Je vous remercie, M. le Président.
Compte tenu de la réponse du ministre à mon collègue de
Masson, j'en conclus donc que le ministre préfère nous entendre
qu'entendre les vrais intervenants qui auraient des choses à dire et de
façon plus intéressante qu'on peut le faire. Alors, à mon
tour, je voudrais appuyer la motion de ma collègue de Taillon...
M. Blais: M. le Président, question de règlement,
s'il vous plaît.
Le Président (M. Audet): M. le député de
Masson.
M. Blais: Je m'excuse auprès de ma consoeur des
Chutes-de-la-Chaudière. M. le Président, je ne sais pas si c'est
une question de son, j'entends très mal ma consoeur et pourtant il y a
un silence rigoureux dans cette salle. Je ne sais pas si le type de la
sonorisation pourrait remonter un petit peu le son, s'il vous plaît.
Le Président (M. Audet): Merci, M. le
député. Alors, Mme la députée des
Chutes-de-la-Chaudière, allez-y.
Mme Denise Carrier-Perreault
Mme Carrier-Perreault: Bon, je m'excuse. J'espère que je
ne m'entendrai pas parler, parce que ça va me fatiguer moi-même.
Enfin! Je pense, moi aussi, M. le Président, que ça aurait
été plus intéressant, de toute façon, d'entendre
des gens différents, des intervenants qui nous auraient donné
leurs raisons et expliqué de façon très claire les
situations qu'ils peuvent vivre depuis l'adoption de la loi 75, en 1990. Ma
collègue, tout à l'heure, soulignait qu'elle avait pris
connaissance du document, que le ministre a eu, d'ailleurs, en main, de la
Corporation des marchands de meubles. Je ne voulais pas, non plus, vous en
faire une lecture exhaustive et en faire état trop longuement, mais,
compte tenu de la réponse que vous venez de donner, je pense que ce
serait important de mentionner certains éléments qui ont
été soulignés dans la demande de la Corporation des
marchands de meubles à votre égard, M. le ministre, quand ils
vous ont écrit pour vous signifier qu'ils étaient tout à
fait contre une réouverture de ce dossier-là.
Ce qui est intéressant aussi dans le document de la Corporation -
c'est quand même pas mal de monde, M. le Président, 500 membres,
cette corporation-là, donc, 500 marchands de meubles au Québec -
c'est que, eux aussi, ils ont fait un sondage. Le ministre nous parle souvent
du sondage qu'il a fait faire vis-à-vis les consommateurs. Alors, la
Corporation des marchands de meubles a fait faire un sondage aussi
vis-à-vis ses membres. Et c'est suite aux résultats de ce
sondage-là qu'ils nous donnent une position et ils élaborent par
rapport à ça.
Les préoccupations qu'on retrouve dans le document, M. le
Président, rejoignent, en fait, beaucoup les questions que nous nous
posons du côté de l'Opposition. Quand le ministre nous dit qu'on
est contre à peu près tout et qu'il y a presque seulement nous
autres au Québec qui n'avons pas le pas dans ce dossier-là, bien,
c'est rassurant, quand on lit le document de la Corporation des marchands de
meubles, on se rend compte qu'il y en a d'autres aussi. On parlait de l'ADA,
tout à l'heure.
On va essayer, messieurs, d'être le plus fidèle possible
à vos recommandations. Par rapport aux heures d'affaires, aux ouvertures
sur semaine, les gens ont été très clairs
là-dessus, ils ont expliqué qu'il y avait déjà
suffisamment d'heures de travail comme ça. Et on a posé une
question très intéressante aussi: Vos employés sont-ils
d'accord à travailler le dimanche? Et c'est assez étonnant, parce
que, sur cette question-là, les marchands de meubles ont eu un non
catégorique. En tout cas, disons que je ne connais peut-être pas
les syndicats qui représentent les travailleurs de ces
entreprises-là, mais il faut croire qu'ils ne font pas partie des TUAC,
comme le ministre fait toujours état du même syndicat, quand il
parle de l'accord, si on veut, des travailleurs et que ça ne viendra pas
brimer du tout la qualité de vie de ces derniers. Alors, du
côté de la Corporation des marchands de meubles, c'est très
clair, les employés ont dit un non catégorique. Ils ne veulent
pas travailler le dimanche, ils ne veulent pas travailler plus d'heures et
pensent probablement, comme nous, que ça va affecter leur qualité
de vie.
M. Tremblay (Outremont): Ils ne sont pas obligés.
Mme Carrier-Perreault: Non, mais quand le ministre nous dit
qu'ils ne sont pas obligés, attention, M. le Président.
Attention!
M. Tremblay (Outremont): qui va ouvrir? ils représentent
tous les marchands de meubles et ils ferment. ils sont d'accord pour fermer; il
n'y en a pas un autre qui va ouvrir.
Mme Carrier-Perreault: Non, mais, quand le ministre nous dit et
répète qu'il y a une disposition...
M. Tremblay (Outremont): Les automobiles, ils ferment.
Le Président (M. Audet): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Mme Carrier-Perreault: Je m'excuse, M. le Président, mais
je pense que c'est moi qui avais la parole.
Le Président (M. Audet): Exactement, vous avez raison, Mme
la députée, c'est vous qui avez la parole. Allez-y.
Mme Carrier-Perreault: Ça serait agréable que le
ministre la prenne quand c'est son tour. Il l'a prise une fois ce soir,
peut-être que demain il pourra la reprendre. Enfin!
Le Président (M. Audet): Vous avez raison. Allez-y.
Mme Carrier-Perreault: C'est parce qu'on
nous dit souvent qu'il y a une disposition particulière et que
les travailleurs qui ne veulent pas travailler le dimanche n'auront pas de
problème, que les employeurs ne pourront pas les forcer. Eh bien, disons
que, moi, j'ai des gros doutes là-dessus. Et on sait que ça se
fait ailleurs, qu'il y avait des dispositions aussi particulières
à la loi ontarienne et, pourtant, semble-t-il, que ça ne se vit
pas, non plus, comme ça dans la réalité. Les travailleurs
sont obligés, à toutes fins pratiques, par toutes sortes de
pressions, de manoeuvres, d'aller travailler le dimanche. Ça prend
quelqu'un quand on ouvre les magasins le dimanche, M. le Président.
Ça prend quelqu'un. Alors, les employés, les travailleurs, s'ils
veulent garder leur emploi, quelque part, là, il va falloir qu'ils
fassent des concessions.
Moi, je ne suis pas du tout convaincue, et ça, là, je
regrette, le ministre a beau dire, a beau répéter que ça
s'est fait ailleurs, il se révèle que ce n'est pas comme
ça dans la vraie vie que ça marche. Alors, moi, je ne suis pas du
tout convaincue de cette mesure-là. Il a bien beau mettre des mesures
dans sa toi pour dire qu'il n'y aura pas de problèmes, je pense que les
travailleurs de la Corporation des marchands de meubles du Québec ont
compris, eux aussi; ils ne sont pas du tout intéressés, ils l'ont
signifié très clairement. De toute façon, dans leur cas,
comme le ministre l'a dit, les marchands, non plus, ne sont pas
intéressés à ouvrir le dimanche.
À toutes fins pratiques, à certains égards, M. le
Président, la Corporation nous fait état aussi qu'on ne corrige
pas le vrai problème, quand on parie du commerce
outre-frontières, que les gens vont magasiner aux États-Unis,
vont faire leurs emplettes ailleurs. Nous, on l'a déjà dit et,
pourtant c'est très clair, eux autres aussi considèrent que ce
n'est pas vraiment la panacée qui va guérir, qui va
rétablir la situation, parce qu'on ne corrige pas le problème de
la bonne façon. Ce n'est pas le vrai problème. Ce n'est pas parce
que les magasins ne sont pas ouverts que les gens vont magasiner à
l'extérieur.
Alors, ils le disent et c'est très clair: «Les
résultats obtenus nous révèlent, au contraire, que cette
croissance est principalement due à l'érosion du pouvoir d'achat
des consommateurs et à l'augmentation du fardeau fiscal des
particuliers, qui compriment d'une façon indue les dépenses de
consommation, beaucoup plus qu'aux dispositions contenues dans l'actuelle Loi
sur les heures et les jours d'admission dans les établissements
commerciaux».
Le Président (M. Audet): Mme la députée, je
dois vous interrompre, tout en vous rappelant qu'il vous restera, à la
reprise de nos travaux, un peu plus de trois minutes pour terminer votre
intervention. À moins qu'il n'y ait consentement.
M. Tremblay (Outremont): Consentement, oui, oui.
Le Président (M. Audet): Consentement. Alors, vous pouvez
terminer votre intervention, Mme la députée. Il vous reste
à peu près...
M. Blais: Je ne donne pas mon consentement, M. le
Président. Je ne donne pas mon consentement.
Le Président (ML Audet): Alors, nous allons ajourner nos
travaux jusqu'à demain...
Mme Carrier-Perreault: On aurait aimé entendre la
Corporation des marchands de meubles...
Le Président (M. Audet): Vous pourrez reprendre demain,
Mme la députée. La commission est ajournée.
(Fin de la séance à minuit)