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(Quinze heures sept minutes)
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides):
J'invite chacun à bien vouloir prendre sa place pour que la
commission de l'économie et du travail puisse procéder à
l'étude détaillée du projet de loi 35, c'est-à-dire
la Loi modifiant la Loi sur les accidents du travail et les maladies
professionnelles, la Loi sur la santé et la sécurité du
travail et la Loi sur l'assurance-maladie.
Ceci étant dit, est-ce qu'il y a des remplacements, Mme la
secrétaire?
La Secrétaire: oui, M. le président. mme
carrier-perreault (chutes-de-la-chaudière) remplace m. blais (masson);
m. paré (shefford) remplace m. chevrette (joliette); m. bélanger
(anjou) remplace m. léonard (labelle).
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides):
Bien. Du côté du gouvernement, est-ce qu'il y a des
remplacements?
La Secrétaire: Non, aucun.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides):
Ça va. Bien! Toujours les mêmes fidèles. Alors, sur ces
considérations préliminaires et si chacun a bien fini son
social... Alors, ceci étant dit, j'appellerais donc les remarques
prélimaires. Alors, M. le ministre, vous avez sûrement des
remarques préliminaires, la parole est à vous.
Remarques préliminaires M. Normand
Cherry
M. Cherry: Merci, M. le Président. Chers collègues,
je voudrais profiter des quelques minutes dont je dispose pour d'abord saluer
l'ensemble des membres de cette commission. De plus, vous me permettrez de vous
présenter les personnes qui m'accompagnent, bien sûr: M. Robert
Diamant, qui est le président-directeur général de la
Commission de la santé et de la sécurité du travail, et
également Mme Louise Chayer, qui est la directrice des services
juridiques de la Commission de la santé et de la sécurité
du travail. Les gens du personnel de mon cabinet: mon directeur de cabinet,
Louis-André Cadieux; l'attachée politique qui est responsable du
dossier de la CSST, Me Maryse Desjardins et, bien sûr, mon
attachée de presse, dont je souligne que c'est aujourd'hui
l'anniversaire de naissance, Josianne Hébert. Josianne dont c'est
l'anniversaire de naissance aujourd'hui.
M. Jolivet: Ça peut être sa fête
aujourd'hui.
M. Cherry: Pardon?
M. Jolivet: Ça peut être sa fête et la
vôtre!
M. Cherry: C'était la mienne hier! Ha, ha, ha!
M. Farrah: Je fais motion pour que le député de
Laviolette chante «bonne fête», il chante bien.
M. Cherry: C'est vrai qu'il chante.
M. Jolivet: Non, non. Pour moi c'est anglais, ça,
«bonne fête».
M. Cherry: Et, bien sûr, M. Pierre Gabrièle qui est
sous-ministre chez nous. (15 h 10)
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides):
Alors, si Mme Josianne nous le permet, on ne chantera pas, parce que ce ne
serait pas très très protocolaire, mais qu'elle accepte nos
meilleurs voeux.
M. Cherry: O.K. De plus, vous me permettrez de saluer les
personnes qui suivent les travaux et qui sont présentes aujourd'hui, des
gens que je reconnais.
M. le Président, les prochaines heures nous permettront
d'examiner attentivement les 99 articles qui composent le projet de loi 35.
Comme vous le savez, ce projet de loi a pour objet de modifier la Loi sur les
accidents du travail et les maladies professionnelles, la Loi sur la
santé et la sécurité du travail, de même que la Loi
sur l'assurance-maladie. Il apporte notamment des modifications au processus
d'évaluation médicale des travailleurs et travailleuses
accidentés et ce, en permettant à la Commission de la
santé et de la sécurité du travail de recourir à
l'expertise d'un professionnel de la santé externe en vue de se
délier du médecin traitant lorsque cela sera
nécessaire.
De plus, il instaure le Bureau d'évaluation médicale en
remplacement de l'arbitrage médical actuel. Celui-ci devra donner son
avis sur les questions médicales contestées, de même que
sur celles qu'il juge appropriées, et ce, dans un délai imparti.
Par ce projet de loi, sera de plus modifiée la procédure de
révision des décisions de la Commission au niveau du bureau de
révision paritaire ainsi qu'à la Commission d'appel en
matière de lésions professionnelles. Ainsi, le bureau de
révision paritaire sera réaménagé en vue de
créer une division spéciale du finance-
ment non paritaire qui entendra les litiges portant sur ces questions
particulières.
Par ailleurs, la juridiction des bureaux de révision paritaire
sera élargie aux questions d'ordre médical et l'ajout
d'assesseurs médicaux est prévu à cette fin. Le bureau de
révision paritaire entendra de façon finale les litiges de 1000 $
ou moins. De plus, les parties devront se soumettre aux services de
conciliation du bureau de révision paritaire qui sera instauré
par ce projet de loi.
On propose de plus que l'appel à la Commission d'appel en
matière de lésions professionnelles se fasse dorénavant
sur dossier constitué du bureau de révision paritaire sans
nouvelle enquête, à moins de circonstances exceptionnelles telles
que l'urgence d'agir. Il est donc proposé que la Commission d'appel en
matière de lésions professionnelles puisse suspendre l'effet
d'une décision du bureau de révision paritaire qui conclut
à l'annulation d'une indemnité de remplacement du revenu
jusqu'à ce que soit entendu l'appel à la Commission d'appel en
matière de lésions professionnelles.
Le projet de loi propose de plus que la Commission de la santé et
de la sécurité du travail puisse reconsidérer certaines de
ses décisions dans le cas d'erreurs, et ce, dans les 90 jours suivant
cette décision ou dans les 90 jours suivant la connaissance d'un fait
nouveau qui justifierait une telle reconsidération. La Commission de la
santé et de la sécurité du travail pourrait dès
lors offrir un service de conciliation à ce niveau, et ce serait
l'article 365.1.
Il est proposé que toute décision de la Commission, de
même que celle du bureau de révision paritaire, prenne effet
immédiatement, sauf possibilité pour la Commission d'appel en
matière de lésions professionnelles de surseoir à une
décision du bureau de révision paritaire dans certains cas.
Le projet de loi permettra à l'employeur de se voir imputer
l'entière ou une partie des coûts d'une lésion
professionnelle alors que le travailleur n'est plus à son emploi,
d'avoir accès au dossier médical que posséda la Commission
de la santé et de la sécurité du travail. Cependant, les
renseignements médicaux ne seront accessibles qu'aux professionnels de
'a santé désignés par l'employeur pour assurer la
protection de ceux-ci.
Il est aussi proposé que le travailleur victime d'une maladie
professionnelle alors qu'il est âgé d'au moins 55 ans, ou d'au
moins 60 ans pour une autre lésion, puisse occuper un emploi convenable
disponible chez son employeur.
De plus, les travailleurs seront indemnisés pour bris
d'orthèses ou de prothèses des suites d'une lésion
professionnelle. Le projet précise que les soins et les traitements
dispensés par les établissements des réseaux publics
feront partie de l'assistance médicale dont la détermination
découlera d'un pouvoir réglementaire de la
Commission de la santé et de la sécurité du travail
à cet égard.
Il est suggéré que les employeurs appartenant à un
secteur d'activité pour lequel existe une association sectorielle
paritaire assument les subventions accordées à celle-ci par le
biais d'une cotisation donnée.
Enfin, il est proposé que le poste du président-directeur
général soit scindé en un poste de président du
conseil d'administration et chef de la direction, et en un poste de
président et chef des opérations. Voilà en substance les
modifications proposées par le projet de loi 35.
En terminant, je tiens à préciser que j'étais
disposé à tenir des consultations particulières sur ce
projet de loi. J'étais prêt à entendre des
représentants des parties patronale et syndicale, et ce, aujourd'hui et
demain. Le leader du gouvernement a d'ailleurs soumis une liste au leader de
l'Opposition. M. le Président, je vous demande votre consentement afin
de déposer cette liste.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides):
Alors, le document est déposé. Vous avez la copie, s'il vous
plaît?
M. Cherry: Sur cette liste apparaissent les neuf groupes que je
conviais en consultation particulière: l'Association des entrepreneurs
en construction du Québec, l'AECQ; l'Association des manufacturiers
canadiens, section du Québec; le Conseil du patronat du Québec;
la Corporation professionnelle des médecins du Québec; la
Confédération des syndicats nationaux; la Centrale des syndicats
démocratiques; la Fédération des travailleurs et
travailleuses du Québec; la Centrale de l'enseignement du Québec;
le Conseil provincial des métiers de la construction.
Sous prétexte d'entendre en plus la Commission de la santé
et de la sécurité du travail et de tenir une enquête
indépendante, l'Opposition empêche, par son entêtement, neuf
groupes de se faire entendre en commission parlementaire. Et hier, on entendait
l'Opposition répéter qu'elle offrirait sa collaboration a deux
conditions, deux conditions qui ont eu pour effet d'empêcher neuf groupes
de se faire entendre. Pourtant, ma collègue elle-même a
demandé à plusieurs reprises de tenir des consultations sur le
projet de loi 35. Encore une fois, cela démontre, à mon avis, la
mauvaise foi de l'Opposition officielle dans ce dossier.
Il y a eu, M. le Président, deux interpellations sur la CSST, de
deux heures chacune, on s'en souviendra: le 1er novembre 1990, et une
deuxième en novembre 1991. La première, par notre collègue
de Pointe-aux-Trembles, et la deuxième par notre collègue de
Chicoutimi, et ce, dans le cas de la deuxième, durant les travaux en
cours, au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. La
députée de Chicoutimi a alors eu tout le loisir de poser les
questions au
président de cet organisme. «Pas suffisant, CSST pas assez
entendue.»
Je rappelle, M. le Président, que le Conseil consultatif du
travail et de la main-d'oeuvre, le dossier lui a été
référé pour une période de près de six mois,
et ça, ce n'est pas un caprice du ministre. Le dossier a
été référé au Conseil consultatif du travail
et de la main-d'oeuvre à la demande des parties, et plus
particulièrement de la part d'une centrale syndicale, la CSN. Les
parties m'ont demandé du temps pour qu'elles puissent me faire des
propositions de nature administrative et législative afin de sauvegarder
le régime. Jamais, lors des travaux qui ont duré six mois et dans
l'avis du Conseil consultatif, on n'a demandé une enquête publique
sur la CSST. En aucune occasion; aucun des groupes. Jamais aucun des groupes
n'a demandé une telle enquête. (15 h 20)
Un des organismes syndicaux qui réclament une enquête, M.
le Président, je le rappelle, a deux sièges au conseil de la
CSST, et ce, depuis les douze ou treize dernières années. Les
parties ont eu amplement le temps de le faire plus tôt, mais ont attendu
que je dépose le projet de loi. Sur les finances de la CSST, vous avez
les actuaires internes de la CSST, les actuaires externes de la CSST et, de
plus, le rapport du Vérificateur général. Le travail de
ces personnes n'est pas suffisant ou n'est pas crédible. Alors, M. le
Président, ça termine mes remarques préliminaires.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides): Je
vous remercie, M. le ministre. Mme la députée de Chicoutimi.
Mme Jeanne L Blackburn
Mme Blackburn: M. le Président, il faut avoir de l'humour
en cette Chambre, sans doute, pour pouvoir dire ce que le ministre vient
d'affirmer sans sourire, sans rire, avec l'air du plus grand sérieux,
qu'il est de la responsabilité de l'Opposition si, aujourd'hui, nous
n'entendons pas de groupes.
M. Jolivet: Ah! il faut le faire!
Mme Blackburn: Je n'ai jamais vu dans cette Chambre, surtout avec
l'arrogance qu'on connaît au gouvernement libéral, une seule loi
sur laquelle nous ayons eu la possibilité de faire retraiter le
gouvernement. Oui, je dois le dire, une exception: une loi mal faite, mal
écrite, quatre articles, qui a dû être rédigée
et qui concernait le secteur de l'éducation. Mais elle était
à ce point mal foutue qu'il se préparait des problèmes
énormes et, d'évidence, ils ont dû la
réécrire. À part ça, à ce que je sache, le
gouvernement a toujours le pouvoir, et y compris le pouvoir de
décréter les groupes qu'il entend: il n'a pas besoin de l'avis de
l'Opposition pour ce faire.
À présent, je vais revenir au projet de loi. Une analyse
minutieuse du projet de loi 35 nous amène à la conclusion qui est
aussi celle de la très grande majorité des intervenants. Hier, je
le rappelle, la FTQ a aussi endossé notre position et exige des
modifications majeures, sinon le retrait du projet de loi. Alors, nous arrivons
à la conclusion que c'est un projet de loi Inacceptable, voire
irresponsable, un projet de loi antitravailleurs, rédigé dans les
officines de la CSST sans consultation aucune, même pas des travailleurs
et des travailleuses de la CSST. Je vois que ie président est là;
je ne vois pas pourquoi on n'aurait pas pu l'entendre. M. Diamant, le
président de la CSST, va probablement suivre tous les débats; il
aurait peut-être été intéressant de l'entendre. Et
ce que je veux, ce n'est pas poser des questions, c'est avoir des
réponses, et c'est pourquoi nous demandions de l'entendre.
J'en profite pour rappeler que le souci de transparence de cette
commission est tel qu'il y a une lettre qui est partie de son bureau à
l'intention des directions régionales cinq jours après le
dépôt du projet de loi qui disait, et je cite: «Je tiens
à vous préciser que ce document - parlant du projet de loi 35,
ça faisait cinq jours qu'il était déposé en Chambre
- est à l'usage exclusif de l'interne et doit faire l'objet d'une
circulation restreinte.» Ça, sombrer dans le ridicule et dans
l'obscurantisme le plus complet, là, ça ressemble à
ça! Si on est capable de faire ça avec un projet de loi d'ordre
public déposé à l'Assemblée nationale,
imaginez-vous ce qu'il advient du reste.
M. le Président, c'est un projet de loi qui impute
entièrement et totalement au travailleur et à la travailleuse
accidentés et à leurs médecins traitants tous les maux et
toutes les faillites des gestionnaires de la CSST - c'est supposé
représenter la solution à tous les problèmes de la CSST -
qui pénalise les travailleurs pour des décisions sur lesquelles
ils n'ont aucun pouvoir. Il en va ainsi de la cotisation - j'y reviendrai -des
évaluations actuarielles, des décisions administratives. La CSST
- et le patronat - a trouvé son bouc émissaire: les
accidentés. Ayant réussi à mettre entièrement le
focus sur les travailleurs, on laisse dans l'ombre l'abandon des programmes de
prévention dans les secteurs prioritaires, l'absence de volonté
des employeurs de prendre en charge leurs accidentés,
l'irresponsabilité, dans certains secteurs, de la CSST et du ministre
qui, par cette loi, endosse le discours honteusement méprisant à
l'endroit des travailleurs accidentés.
Le projet de loi - je vais en résumer les principales
dispositions - apporte des modifications majeures aux droits des
accidentés et des malades du travail. Le médecin traitant est
courcircuité, relégué au rang de figurant. Son
diagnostic ne tient que le temps d'un avis du médecin de la CSST.
Le projet de loi élargit les pouvoirs de la CSST et ceux des employeurs.
Il accroît les contrôles, modifie les droits d'appel à
divers niveaux, particulièrement à la Commission d'appel en
matière de lésions professionnelles dont on réduit les
pouvoirs et qui devra juger sur dossier, sans preuves additionnelles, sauf
rares exceptions. Un précédent qui ressemble à un
déni de justice, si on le compare avec tous les autres régimes,
c'est-à-dire à la Régie des rentes du Québec, aux
régimes pour invalidité, aux régimes de
sécurité du revenu, d'assurance automobile ou d'assurance-maladie
où, dans chacun des cas, on a droit à une enquête et des
preuves additionnelles.
Ce serait une exception, une première au Québec dans de
tels secteurs. Nous espérions que les audiences auraient pu amener ie
ministre à revoir ces dispositions et à revenir peut-être
à des questions plus fondamentales. J'avais et j'ai toujours des
suggestions et des propositions à lui faire.
Le projet de loi fait porter sur les épaules des
accidentés les responsabilités totales et entières du
déficit de la CSST. Pourtant, ce déficit était non
seulement prévisible, il était planifié. Je vais y
revenir. J'ai eu des documents qui viennent me confirmer qu'on vient
artificiellement et mathématiquement alourdir la note actuarielle. Et
là, je sais aussi que le président en a probablement pris
connaissance.
Décomposons, pour ceux qui demeurent sceptiques, les gros
morceaux du déficit. Il y a 500 000 000 $ pour engagements non
provisionnés qui étaient prévus et prévisibles
à la suite d'une décision que nous avions prise en 1984. Il y a
la décision de la CSST à la demande du patronat de réduire
les cotisations: 2,75 $, 2,50 $, 2,32 $ en 1991. Alors qu'on sait que ça
n'en a rapporté que 2,17 $; c'a été ramené à
2,50 $. Il y a également la décision qu'on ne conteste pas, mais
qui a des effets sur les besoins de la CSST, des indemnités de
remplacement du revenu. En 1992, c'est quelque 100 000 000 $; c'était 82
000 000 $ ou 84 000 000 $ en 1991. Il y a également - mais on ne le
prend pas en compte - un accroissement important des tarifs professionnels.
Alors, on a doublé en deux ans le coût des services professionnels
en santé.
Autant de facteurs qui n'ont rien a voir, mais rien à voir avec
l'accidenté du travail ou son médecin traitant. Et il faudra que
j'y revienne. Mais c'est honteusement abusif et biaisé. Et ça
vient, encore une fois, discréditer les travailleurs accidentés
et les travailleurs malades de maladies professionnelles, les malades du
travail. Ça en fait dans l'opinion publique des profiteurs, des
abuseurs, quand ce n'est pas des fraudeurs, et ça fait de leurs
médecins traitants des incompétents impénitents qui font
du paternalisme ou de la protection indue de leurs clients.
Je pense que le gouvernement fait fausse route et qu'il n'a pas la bonne
cible. S'il pense vraiment régler les problèmes de la CSST avec
le projet de loi qu'il a déposé, il se réserve de
mauvaises surprises. Et peut-être est-ce là ce que souhaitent
certaines personnes au Québec, particulièrement chez le patronat
qui ne demanderait peut-être pas mieux qu'on coure vers un nouvel
échec pour justifier l'abandon du programme ou sa privatisation. Je mets
le ministre en garde là-dessus. Il y en a qui ont intérêt
à discréditer la CSST. (15 h 30)
J'ai fait le tour des différents intervenants, au moment
où le chef de l'Opposition m'a confié le dossier de la CSST, et
j'ai entendu à ce moment-là, avec une rare unanimité,
identifier les principaux facteurs responsables du déficit de la CSST.
On invoquait l'hyperjudlciarisation, la lourdeur administrative de la CSST, le
paritarisme au bureau de révision, une préparation
inadéquate ou insuffisante des médecins traitants, la
préparation inadéquate des agents d'indemnisation, la
durée de consolidation, le nombre et la gravité des rechutes et
aggravations, le transfert par le gouvernement de coûts à la CSST
- on pourra y revenir, vous les connaissez, le président de la CSST les
connaît - et les réclamations de moins de 1000 $ qui, finalement,
coûtaient cher au système. Évidemment, la partie patronale
y ajoutait les retraits préventifs, les médecins traitants, et la
partie syndicale, l'absence de volonté des employeurs de prendre en
charge le travailleur accidenté.
Dans le projet de loi que nous avons sur la table, à l'exception
de trois dispositions, en particulier, que je rappelle brièvement: la
reconsidération administrative, la conciliation et les
réclamations de moins de 1000 $ qui, je le rappelle, pour ces trois
dispositions, devraient être mieux encadrées - nous pourrons y
revenir - à l'exception de ces dispositions, aucune autre disposition
dans ce projet de loi, sauf celle mentionnée par le patronat - et pas
tout le patronat, par le président du Conseil du patronat - comme
étant un facteur responsable du déficit, c'est-à-dire le
médecin traitant, c'est la seule chose qu'on retrouve dans ce projet de
loi. Je pense que le ministre fait fausse route.
Dans un geste d'ouverture rare à l'Opposition et dans n'importe
quel gouvernement, j'ai manifesté une volonté réelle de
trouver des solutions à long terme aux problèmes de la CSST. Je
l'ai manifestée depuis que j'ai le dossier, nous l'avons
manifestée depuis que nous réclamons une commission parlementaire
sur cette question - il y a déjà plus d'une année - et
nous ne sommes pas les seuls à réclamer une commission
parlementaire, je me permets de le rappeler ici aux membies de cette
commission: le rapport Poulin la recommandait, les instances du Parti
libéral la demandaient et l'Opposition la demandait depuis
déjà longtemps. Dans un geste d'ouverture, dans
une volonté réelle de collaboration, j'ai rencontré
le ministre et je lui ai fait la proposition suivante, qui m'apparaissait
être la seule voie susceptible de nous amener vers des propositions qui
nous permettraient d'assainir les finances de la CSST et de protéger les
acquis des travailleurs et des travailleuses: Je proposais des audiences
particulières.
On n'a pas tenu le discours, à l'Opposition, qu'auraient
probablement voulu nous voir tenir les syndicats qui, eux, disaient
carrément: Rejetons la loi; retrait de la loi pur et simple et
enquête. Je faisais confiance au ministre qu'il comprendrait parce qu'il
est issu du monde syndical. Je me disais: II va comprendre le message que je
lui lance, qui est le suivant: Examinons le projet de loi qui est sur la table,
prévoyons une étude ou une enquête menée par des
spécialistes et des experts sur l'administration de la CSST et, ensuite,
on pourra, à la faveur de ça, adopter quelques dispositions. Les
autres dispositions plus contentieuses, on les reporte et, à la
lumière des études ainsi déposées, on aurait pu
envisager et examiner, dans un esprit de collaboration totale, en commission,
des dispositions susceptibles de corriger à long terme les
problèmes de la CSST.
Revenons à la liste des intervenants. Nous avons proposé
une liste d'intervenants à l'occasion d'une rencontre que j'ai eue avec
le ministre, le chef de cabinet respectif. À cette liste, la liste qui
nous a été envoyée, il manquait deux organismes. Nous
avions posé comme condition... Et là je le rappelle, les
conditions que j'ai proposées avaient reçu l'accord et l'appui
des organisations syndicales et des associations d'accidentés qui, je le
rappelle, auraient voulu qu'on retire la loi au complet.
Dans un geste de plus grande responsabilité, compte tenu de
l'état des finances de la CSST, faisons un petit bout. Entendons ces
organismes. On n'a pas demandé d'en entendre 250. Il y en avait
exactement 13. On savait que le ministre aurait des résistances, mais le
ministre n'a pas à se sentir pieds et poings liés avec la CSST.
Ce serait une façon aussi d'aborder le dossier, de le sortir un peu de
ce que j'appelle les officines de la CSST.
Nous avons proposé une liste de 13 organismes qui incluaient la
CSST et 2 associations représentant les travailleurs accidentés.
Le ministre dit: C'est suffisant, ils ont des études actuarielles, ils
ont eu le Vérificateur général. Vous avez fait deux
interpellations. Le ministre a assez d'expérience parlementaire pour
savoir que ce n'est pas là qu'on a des réponses. On pose des
question en interpellation, mais on n'a pas de réponse.
La deuxième chose. J'ai réclamé à de
multiples reprises l'accès aux études actuarielles; je ne les ai
jamais eues. La CSST ne fait pas preuve de la plus grande transparence. Ce
n'est pas propre au système actuel; sans doute que ça a toujours
été comme ça. Mais je n'ai pas l'impression que c'est en
train de s'améliorer non plus.
Juste pour avoir la pochette des prévisions budgétaires
qui a été déposée il y a quelques semaines, il faut
que j'appelle la CSST, et ce n'est pas la première fois. Je me dis: il y
a comme quelque chose qui ne va pas. Ou on manque de respect total pour la
Chambre, ou encore on n'est pas très soucieux de nous communiquer les
informations, et ça correspond à l'esprit de la lettre que j'ai
portée à votre connaissance tout à l'heure. Même les
documents publics, on ne nous les envoie pas; c'est un peu compliqué de
demander les études actuarielles. On nous les a refusées. On nous
les a refusées, pas le document de la semaine dernière, les
études actuarielles. Le ministre les a-t-il jamais vues? J'en doute.
J'en doute.
Alors, ce que nous disions c'est: Rencontrons 13 organismes. Une heure
et demie par organisme; la CSST, trois heures. Et là on aurait pu
clarifier un certain nombre de choses. On aurait pu même, à la
lumière de cet échange, déjà indiquer ce que
pouvaient être les principales pistes à explorer par le biais
d'une étude ou d'une enquête indépendante. Le ministre nous
la refuse. Il nous a présenté une liste tout à l'heure que
je n'ai pas vue. Il a d'abord commencé - je reviens - par nous faire une
proposition qui reprend celle qu'il nous a citée tout à l'heure,
pas dans le même ordre, où on retrouve neuf organismes, excluant
la CSST et les associations de travailleurs accidentés. Une proposition
qui ramène à une heure le temps de présentation. Nous
n'avons fait qu'une seule représentation. On n'a même pas
rappelé la nécessité d'avoir au moins une heure et demie.
On a simplement rappelé, dans la proposition ou dans la
contre-proposition, qu'on voulait au moins entendre un regroupement des
accidentés du travail et deux heures la CSST. Ce n'était pas le
monde, ce n'était pas quelque chose d'irréalisable ni
d'irréaliste. Ça nous semblait tout à fait raisonnable. Et
le ministre invoque comme un enfant gâté: Ah! vous m'avez fait
passer la nuit...
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides): Mme
la députée, je vous inviterais à conclure, s'il vous
plaît. (15 h 40)
Mme Blackburn: Vous m'avez fait passer la nuit, pas question que
je vous donne ça. Et c'est notre faute si on ne tes entend pas! Je pense
qu'il n'y a personne dans la salle, dans ceux qui vont suivre les audiences,
qui vont croire le ministre. C'est ce que j'appelle des attitudes infantiles
qui ne leurrent et ne trompent personne.
Ma proposition est toujours sur la table. Ce que je souhaite et ce que
souhaitent les associations syndicales, c'est qu'on puisse tenir des audiences
et que l'on puisse mener une enquête
indépendante sur l'administration de la CSST, sur
l'établissement des cotisations, sur les modes d'évaluation
actuarielle et la durée de la consolidation, sur les choix
administratifs de la CSST, entre autres le recours à la sous-traitance;
et sur les rôles, on pourrait inclure différentes dispositions.
Alors, la proposition est toujours sur la table. Je n'ai pas perdu espoir que
le ministre revienne à la raison...
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides): Je
m'excuse, madame, le temps est écoulé.
Mme Blackburn: ...et que l'on puisse, dans les prochains jours,
convoquer les parties, les différents organismes, et aussi que le
ministre nous annonce la tenue d'une enquête actuarielle et
administrative sur la CSST. Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides):
Merci. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants sur ces remarques
préliminaires? Alors, M. le député de Laviolette, vous
avez 20 minutes.
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: M. le Président, il faut avoir du culot pour
venir ici cet après-midi accuser l'Opposition de faire son travail.
D'autant plus que j'écoutais le ministre tout à l'heure. Ma
collègue, la députée de Chicoutimi, disait qu'il agissait
un peu en enfant gâté. Moi, j'avais plutôt l'impression, en
auditionnant ce que ma collègue disait, qu'il avait déjà
été gâté rapidement par le système
libéral dans lequel nous sommes dans la mesure où, comme
ministre, ancien représentant syndical, j'aurais compris de sa part une
ouverture d'esprit bien plus intéressante que la fermeture dont il fait
preuve actuellement.
J'ai entendu le ministre, dans ses remarques préliminaires,
accuser l'Opposition. Vous vous imaginez? C'est le monde à l'envers.
Ordinairement, l'Opposition accuse le gouvernement de ne pas faire grand-chose
ou de ne pas faire ce qui devrait être fait convenablement, mais
là le gouvernement, qui est au pouvoir depuis 1985, M. le
Président, est encore en train d'accuser l'Opposition de tous les -^aux.
J'ai beau être galeux, mais pas à ce point, j'espère. Je ne
comprends pas le ministre de vouloir entrer dans cet enfantillage.
Ma collègue disait: «Le ministre a beaucoup
d'expérience». Je ne suis pas sûr. En parlant
d'expérience parlementaire, je ne suis pas sûr. Moi, j'en ai, je
suis habitué, ça fait 16 ans que je suis ici, j'en ai vu de
toutes les couleurs. J'ai présidé à votre place, M. le
Président, une commission parlementaire dont il a été
reconnu qu'elle a été mémorable sur la question du saccage
de la Baie James et je vous dis que les décisions qu'on avait à
prendre comme président, c'était quelque chose!
Me faire dire cet après-midi par le ministre que, parce que les
négociations qui avaient été entreprises entre les leaders
des deux formations politiques formant l'Assemblée nationale, dont l'une
partie est le gouvernement et l'autre l'Opposition, n'ont pas porté les
fruits escomptés, c'est notre faute, je ne le comprends pas.
Dans le travail que j'ai eu à accomplir comme
député de l'Opposition - j'en ai fait mention, malheureusement,
durant la nuit dernière lors de l'étude du principe de ce projet
de loi là - j'ai indiqué que le travail de l'Opposition peut
être aussi un travail productif, un travail positif dans la perspective
où la partie qui est en face de nous, qui s'appelle le gouvernement,
comprenne que le rôle que nous avons à faire, le travail que nous
avons à faire est celui de l'aider. Et c'est la proposition qu'a faite
ma collègue, la députée de Chicoutimi, porte-parole de
l'Opposition en matière de santé et de sécurité au
travail.
Je vous dirai, M. le Président, que ça me rend toujours un
peu perplexe, la position du gouvernement qui dit: C'est l'Opposition qui
mène. Je suis toujours surpris de ça. Je comprends qu'en vertu du
droit parlementaire dans lequel nous sommes le gouvernement rouvre les sessions
et, normalement, c'est l'Opposition qui les ferme. Ça, j'ai connu
ça dans le passé. Je sais ce que ça veut dire. Mais me
faire dire que c'est notre faute à nous autres, alors qu'on lui propose
de gagner du temps, de s'assurer qu'on a entendu des personnes et qu'on veut
améliorer le projet de loi, même si l'ensemble des intervenants
qui étaient prêts à venir ne le croient pas, ils disent: Au
moins, on va faire l'effort.
Et là je reviens à ce que je disais en 1985. Je m'en
souviendrai toujours. M. Ryan, qui était ministre de l'Éducation
à l'époque, nous était apparu à l'Assemblée
nationale avec un projet de loi de 4 articles, M. le Président. Ce n'est
pas gros, 4 articles, on en a 99. De 4 articles. J'ai consulté
immédiatement la commission scolaire touchée du
Nouveau-Québec pour savoir ce qui se passait avec ces 4
articles-là, et je l'ai convaincu, en arrière du trône,
comme ma collègue a essayé de le faire auprès du ministre,
par l'intermédiaire des leaders, d'entendre la commission scolaire en
audience particulière. Et on était prêts à
écrire une liste. Et ce n'est pas la première fois qu'on fait
ça, là. Mais, cette fois-là, le ministre a accepté.
Je comprends que des fois il est têtu, le ministre des Affaires
municipales, il a des points de vue à lui. Mais au moins, des fois, il
est démocratique aussi, et il comprend les bonnes choses.
Bien, imaginez-vous qu'après avoir étudié les 4
articles avec la commission scolaire on s'est aperçu qu'il fallait tout
enlever ça. On était en plein mois de décembre,
première session de ce gouvernement-là. Et le ministre Ryan de
l'époque avait dit: M. le député, vous avez
raison, on les entend et, vous avez raison, les 4 articles, ça
n'a pas de bon sens. Je suis en train de me faire avoir par mes propres
fonctionnaires. Et on est retournés avec un projet de 8 articles. Et
vous connaissez le règlement. Ça prenait la position de
l'Opposition en faveur du dépôt de ces 8 nouveaux articles pour
que le projet de loi soit réécrit, réimprimé, comme
on appelle dans le langage. Sinon le projet de loi ne passait pas. Mais notre
devoir, comme Opposition, c'était de faire en sorte que les 8 articles
soient là. D'autant plus que j'ai, comme ancien négociateur
syndical, négocié avec le ministre d'en ajouter un qui touchait
les professionnels non enseignants qui n'étaient pas touchés par
le projet de loi précédent. Et j'ai accepté de le
déposer parce qu'on savait que, pour le bien commun de la commission
scolaire, il fallait que le projet de loi soit déposé, il fallait
que le projet de loi soit adopté.
C'a été une négociation serrée, M. le
Président. Même qu'il a fallu que l'article que j'avais
demandé, qu'on s'entende - et vous savez les procédures qu'on a -
que le ministre fasse des vérifications. On l'avait adopté en
disant: Sous réserve d'un amendement que le ministre pourrait même
apporter lors du dépôt du rapport en Chambre. Et on allait plus
loin que ça, même à la seule place où le ministre
seul peut prendre une décision, lors de l'adoption du projet de loi
lui-même, c'est-à-dire en troisième lecture, selon l'ancien
langage de nos façons de procéder, donc, pour l'adoption du
projet de loi lui-même, on avait même donné la permission au
ministre, d'un commun accord, de le faire à ce moment-là. Mais
croyez-le, croyez-le pas, c'a été pour le bien de tout le
monde.
Et le ministre aujourd'hui s'en vient nous dire que l'Opposition, c'est
à cause d'elle... Et là, il essaie de nous faire la morale en
disant: J'ai averti. Et là il nous dépose... On ne s'est pas
objectés au dépôt, vous savez. Vous savez que normalement
il n'y a pas de dépôt en commission parlementaire si on ne demande
même pas la permission. On prend connaissance qu'un document est
là, mais il n'y a pas de dépôt. Et là, qu'est-ce qui
se produit? C'est que le ministre est en train de dire: J'ai demandé
à faire entendre neuf organismes et l'Opposition s'est objectée.
Ce que le ministre est en train de dire, c'est que les négociations qui
ont été entreprises entre les leaders n'ont pas abouti parce
qu'ils ont décidé, eux, qu'elles n'aboutiraient pas. Parce qu'une
des demandes parmi les groupes à être entendus en commission
parlementaire, c'était la CSST.
Et là le ministre donne toutes sortes de raisons pour dire que
ces gens-là, on ne veut pas les entendre. Parce qu'on les a
déjà entendus, semblerait-il, lors d'une interpellation. Ma
collègue le disait très bien et je suis de ceux qui pensent que
les interpellations, telles qu'on les connaît actuellement, ont
été dénaturées par rapport à du vrai
parlementarisme britannique dans lequel nous sommes. C'est-à-dire que
c'est un échange, mais un échange de questions et
réponses. Là, ce n'est plus ça, c'est un dialogue de
sourds. L'Opposition amène un texte, dit l'ensemble de ses questions, et
le ministre répond à une question qui est: «Quel temps
fait-il dehors? Les Yankees ont gagné hier soir». C'est à
peu près ça que ça veut dire, ça ne veut rien dire,
alors que la vraie nature des interpellations en Chambre, c'est une question et
une réponse. Ça devrait être ça, et pas des cinq
minutes chacun. En tout cas, moi, je dis qu'il va peut-être falloir
repenser ça. Mais le ministre le sait très bien, et c'est
là que ma collègue a dit qu'il avait l'expérience des
interpellations. Parce qu'on lui a expliqué, au niveau du caucus du
Parti libéral, comment procéder pour ne pas répondre aux
questions. Parce que le boss ne répond jamais aux questions. (15 h
50)
Mais ça, il n'y a personne qui va être capable de nier que
le ministre a quand même toujours le pouvoir de dire: On ne s'entend pas,
je vais faire entendre ceux-là pareil. Qu'est-ce qui empêche le
ministre aujourd'hui de dire: On va entendre tel groupe, tel groupe, tel
groupe? S'il y a une décision qui est prise majoritairement,
l'Opposition s'y pliera. On dira qu'on n'est pas d'accord. On dira qu'on aurait
mieux aimé entendre telle personne, tel groupe, tel individu, mais au
moins on aura fait quelque chose.
Mais ce n'est pas ça. Le ministre est là devant nous et il
dit: Voici la liste que j'ai déposée et s'ils n'acceptent pas
ça, je ne fais rien. Qu'il aille donc au bout de ses convictions,
d'abord! Il veut dire qu'il est prêt à le faire? Il veut prendre
sa majorité pour le faire? Il veut nous imposer les neuf? Qu'il les
impose, les neuf. Et on va les entendre. On arrête nos palabres et qu'on
les entende immédiatement. C'est sûr qu'on va être en
maudit, parce qu'on aurait aimé mieux entendre la CSST en plus. C'est
mieux que... Parce que nous, on a eu des appels téléphoniques.
J'en ai eu, moi: l'ATTAM chez nous, avec l'ATTAQ qui m'a demandé
d'être entendue. J'ai reçu, comme tout le monde, de la part de Mme
Brouard, qui est la secrétaire de la Commission, le texte du Conseil
provincial du Québec des métiers de la construction nous
demandant d'être entendu. On a eu ça. Que le ministre
décide de le faire. S'il veut vraiment nous dire qu'il est prêt,
il a juste une chose à faire, M. le Président, cet
après-midi, c'est de demander à un de ses collègues de
proposer la liste qui est là. On va la discuter. On va se faire battre
et on va les entendre. Ça ne fera pas notre affaire, mais on va les
entendre. Ça, c'est la logique d'un ministre qui est prêt à
faire des choses. Sinon, c'est de la petite politicaillerie. Ça, c'est
là qu'on est rendus actuellement. Au moment où on se parie, le
ministre est en train de jouer de la petite basse politique. Et ça, je
ne peux pas le corn-
prendre du ministre qui est en face de moi. D'autant plus que, lui, il
représente dans sa vie Individuelle un secteur d'activité qui est
la FTQ. Moi, je représente un autre secteur d'activité qui est la
CEQ, et d'autres pourraient représenter la CSN. Mais je suis capable,
moi, par exemple, comme individu, de prendre mes responsabilités
jusqu'au bout.
Le ministre, au lieu de nous accuser, qu'il prenne ses
responsabilités. Il veut faire entendre ceux-là, qu'il demande
à ses collègues de l'autre côté de faire une
proposition. On va la débattre. On va se faire battre, je suis sûr
de ça. À moins qu'entre-temps on ne puisse se retrouver de
l'autre bord de la colonne pour qu'on se parle et dire: Écoutez, on va
s'entendre sur un groupe de gens qu'on va entendre. Nous autres, on a dit
à l'ATTAM à qui j'ai parlé: Nous, on n'a pas de
problème à ce que vous vous regroupiez avec l'ATTAQ, pas plus que
probablement, même si ce n'est pas tout à fait la même
chose, avec la FATA. On était prêts à dire: Regroupez-vous
et venez nous présenter quelque chose. C'est sûr que ça
n'aurait peut-être pas fait l'affaire nécessairement de l'ATTAQ,
de l'ATTAM et de la FATA, mais au moins on les aura entendues. Ils auraient
peut-être partagé le temps. Ils auraient peut-être
présenté chacun leur façon de voir les choses, mais ils
l'auraient présentée.
Mais que le ministre vienne nous accuser de ça aujourd'hui.
Hé, hé! Il va se lever de bonne heure parce que, comme je le
disais à mes élèves: Ce n'est pas parce qu'il est
fatigué qu'il est obligé de devenir fatigant. Mais il y a une
chose qui est certaine, par exemple, c'est qu'il va avoir pris ses
responsabilités et il ne mettra pas la faute sur les autres. C'est comme
si moi, cet après-midi, après avoir travaillé toute la
nuit pour essayer de le convaincre avec mes collègues, après
avoir terminé à 7 h 45 ce matin et avoir eu à 8 heures une
réunion sur autre chose, parce que les collèges privés ont
des problèmes, après avoir assisté à la
période de questions, entre-temps, j'ai eu du bureau de comté...
Moi non plus, je n'ai pas dormi une minute depuis hier matin, mais ma job, par
exemple, je suis capable de la faire. Et je veux la faire. Et le ministre est
en train de m'accuser de ne pas vouloir la faire. Jamais je n'accepterai
ça, M. le Président!
Le ministre, s'il a du courage, comme on le dit en bon français,
s'il a des couilles, il va demander à ses membres de nous la
présenter, la liste.
Une voix: Est-ce que c'est moral?
M. Jolivet: Ce n'est pas amoral certain.
Je vous le dis, M. le Président, je suis abasourdi. J'ai le
droit. Le ministre, dans le contexte actuel, va nous retrouver sur son chemin
s'il ne fait rien. Si le ministre, dans ce contexte-là, n'entend rien,
nos collègues, j'espère des deux bords, vont essayer de faire
comprendre au ministre que ça serait le temps de le faire. Je regarde le
député de Beauce-Nord, un homme qui a déposé un
beau projet au niveau des forêts mais qui, malheureusement, n'a jamais
été mis en pratique. Peut-être que là il pourrait se
reprendre et la proposer, la liste, et nous dire: Voici la liste. Nous autres,
on va essayer de mettre un amendement pour mettre la CSST; peut-être
qu'on va ajouter la FATA, l'ATTAM; peut-être qu'on va ajouter aux neuf
qui sont là deux, trois autres groupes, et on va s'entendre. À
moins que le ministre ne dise: Écoutez, arrêtez donc ça,
là, on va aller s'installer de l'autre bord, on va en proposer une
ensemble; on va la finir, la négociation qui avait été
commencée et qu'il n'a pas terminée, au lieu de nous accuser.
Parce qu'ils se sont retirés de la table de négociation,
après ça, ils nous accusent de les refuser. Parce que, nous, on
s'entêtait peut-être d'une certaine façon: c'est notre job
de mettre la CSST en tête de liste.
M. le Président, moi, je ne peux pas comprendre, si le projet de
loi est aussi important - parce qu'on arrivera sur le fond quand on arrivera
à l'étude article par article, mais entretemps par exemple, on va
essayer de faire entendre des groupes. Vous avez déjà notre vue,
actuellement, et ça pourrait vous retarder pour rien, à moins que
vous n'arrêtiez votre entêtement, ou à moins que vous ne
preniez vos vraies responsabilités. Vous nous avez dit, vers la fin de
votre intervention, après avoir parlé du projet de loi
lui-même, que vous étiez prêt à faire entendre ces
groupes. Bien, on va voir si c'est vrai, et là, on va vous revirer la
crêpe, comme on dit, là, et reprenez-la, votre pilule. Pourquoi ce
serait nous autres qui serions accusés? Pourquoi? Les gens qui liront
les documents quand ils seront disponibles ou qui entendent ce qui se dit
aujourd'hui comprendront que nous ne sommes pas d'accord. Nous vous disons:
Vous avez tous les pouvoirs, et votre majorité peut nous renverser
n'importe quand, et si vous n'utilisez pas ce pouvoir que vous avez, bien, je
vous dirais, M. le Président, un terme qui ne serait pas parlementaire,
mais je ne le dirai pas. Vous savez ce que je veux dire. Oui, parce que le
ministre ne peut pas parler des deux côtés de la bouche en
même temps. Il y en a un au Québec qui peut faire ça, il
s'appelle Jean Chrétien, mais pas lui.
Une voix:...
M. Jolivet: non, mais c'est mon ancien député,
«le petit gars de shawlnigan». mais ça ne veut pas dire, par
exemple, que le ministre qui est devant mol, en qui j'ai une extrême
confiance cependant... parce que j'ai eu comme lui une vie syndicale
importante, j'ai eu à défendre des gens, j'en ai donné des
explications hier au niveau des écoles chez nous pour des
enfants handicapés, et il a fallu utiliser la Commission des
accidents du travail pour forcer la commission scolaire à donner des
lieux de travail convenables pour les étudiants et pour les enseignants.
Je l'ai fait parce que c'était mon devoir, et je peux vous dire, M. le
Président, que j'ai encore confiance que le ministre pourrait nous dire:
O.K., j'ai compris le message, je fais la proposition par un de mes
collègues. Ou encore: Arrêtons ça, allons nous asseoir de
l'autre bord, et discutons, et on va s'entendre. Peut-être qu'on n'aura
pas tout ce qu'on veut mais, au moins, on aura un groupe qui sera là, et
là, on pourra commencer dès ce soir, parce qu'il y a des gens qui
sont prêts à être entendus. Ou encore: Patientez, et
vendredi... On peut commencer vendredi; on peut travailler jusqu'à
minuit vendredi, vous savez. Ça ne nous dérange pas, on est
là pour travailler, nous autres, et il me semble que le ministre devrait
saisir cette perche qu'on lui tend, au lieu de nous accuser.
Parce que c'est rendu que tous les maux de la terre, c'est notre
responsabilité, comme Opposition; ça n'a pas de bon sens. Il me
semble... En tout cas, moi, quand je parle à mes enfants, des fois j'ai
raison et des fois j'ai tort, et ça peut arriver, fort probablement, que
ce soit l'inverse pour mes enfants. Pourtant, on s'entend toujours, comme j'ai
été au niveau syndical - et le ministre le sait très bien
- une personne de conciliation et de médiation. Ça ne veut pas
dire qu'on n'a pas fait des grèves du tonnerre, par exemple! Parce que
dans la Mauri-cie, là, quand le gouvernement libéral de 1976 nous
a maintenus deux mois et demi en grève en payant les présidents
de commissions scolaires pour faire des voyages à travers le monde pour
nous assurer qu'on était en grève, là, moi, je l'ai
vécue, moi, et on a toutes les preuves de ça. Elles sont dans un
coffre-fort où on les garde pour plus tard, si on en a besoin un jour.
Mais je peux vous dire une affaire, par exemple, c'est qu'on s'est tenus
debout. On n'a jamais dit deux choses différentes, on a toujours dit la
même affaire, et nos membres ont été avec nous, et le
ministre le sait très bien, que notre détermination aujourd'hui
va l'amener, s'il ne cède pas au moins par l'intermédiaire d'un
de ses collègues et propose une liste... Qu'il nous l'impose s'il le
faut, mais au moins il aura eu le courage de prendre ses propres
responsabilités.
J'arrête là, M. le Président, parce que je sais que
j'ai presque ébranlé le ministre et que je suis en train de le
convaincre. (16 heures)
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides):
Alors, à ce stade-ci, je voudrais rappeler à M. le ministre
que vous avez un droit de réplique de cinq minutes après chacune
des interventions. Si vous avez oublié cette partie du règlement,
je vous en fais part. Ce n'est pas une obligation de vous en servir, remarquez,
mais cette possibilité est là. Alors, est-ce qu'il y a d'autres
intervenants sur les remarques préliminaires? M. le député
de...
Une voix: Non.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides): II y
a M. le député d'Anjou qui voulait d'abord intervenir. Alors, M.
le député d'Anjou.
M. Pierre Bélanger
M. Bélanger (Anjou): Je vous remercie, M. le
Président. Ce que je dois constater... Cette semaine, j'ai
été en commission parlementaire toute la semaine... Alors, c'est
mes premières commissions parlementaires, évidemment, vu mon
arrivée assez récente à cette Assemblée. Je semble
constater un genre de cri de ralliement du gouvernement contre l'Opposition. On
semble vouloir pallier - un genre d'improvisation qu'on sent de ce gouvernement
- cette incapacité de faire des projets de loi ou à faire des
actions vraiment élaborées en mettant tout sur le dos de
l'Opposition. Je peux vous dire que, cette semaine, on a... Ça a
commencé au début même de la semaine dernière.
J'étais à la commission de l'aménagement et des
équipements avec le ministre des Affaires municipales et quand ça
a commencé, j'étais avec mes collègues, le
député de La Prairie et le député de
Jonquière. Alors, c'était la même atmosphère
d'antagonisme, la même atmosphère de réprimande
vis-à-vis de l'Opposition. On nous reprochait de faire notre travail,
tout simplement. On nous disait qu'on voulait bloquer systématiquement,
on nous prêtait même, avant que la commission ne commence, on nous
prêtait même des intentions de «filibuster». Alors,
c'est tout vous dire un peu de l'attitude de ce gouvernement vis-à-vis
de l'Opposition et vis-à-vis du travail que nous avons à faire.
Évidemment, comme l'a dit mon collègue, nous sommes
démunis face à ce gouvernement. C'est-à-dire que, vu la
majorité, quand même, de ce gouvernement, il est assez facile pour
ce gouvernement de nous battre systématiquement et d'imposer ses projets
de loi.
Cependant, en tant que membres de l'Opposition, nous pouvons, je crois,
et nous avons le devoir, par la pression que nous pouvons faire,
d'ébranler les convictions des fois nébuleuses de ce gouvernement
ou des ministres de ce gouvernement et de leur faire comprendre que,
derrière notre action, des gens parlent, des intervenants parlent, des
intervenants veulent faire sentir leur point de vue. Ce que je peux vous dire,
c'est que dans la dernière commission à laquelle j'ai
participé, après, justement, les premières journées
d'antagonisme, les premières journées d'animosité, on en
est arrivé à un certain réalisme et à un certain
travail de collaboration qui est assez exceptionnel, je peux dire. Depuis les
derniers temps, ici, à l'Assemblée nationale, c'est chose peu
commune. On en est arrivé à des
amendements, à passer des amendements sur des projets de loi,
sur, je veux dire, des articles du projet de loi, des amendements importants
qui, aussi, prenaient en considération les différents
intervenants qui étaient venus.
Alors, j'espère, M. le Président, alors qu'on en est au
tout début des travaux de cette commission, j'espère qu'à
un moment donné cet esprit de collaboration va apparaître dans les
travaux de cette commission. Cependant, il me semble qu'on est mal parti. Je
regarde le ministre du Travail qui, dans ses remarques préliminaires...
On semble constater plutôt une longue suite de jérémiades
et de constats de... Comment est-ce que je pourrais dire? Tout simplement dire:
On m'a refusé ci. Maintenant, moi, je ne fonctionne plus. Moi, je
décide tout simplement de me plaindre, puis je mets ça sur le dos
de l'Opposition, ce qui est tout à fait inacceptable, surtout quand on
considère l'impact d'un projet de loi comme celui qu'on a
présentement.
Je peux vous dire, en tant qu'avocat, que dans mes neuf années de
pratique j'ai eu à représenter assez régulièrement
des accidentés du travail aux diverses étapes qui sont en place
pour faire l'évaluation des accidents de travail. J'ai pu constater un
peu l'impuissance de l'individu, de l'accidenté vis-à-vis de tout
ce mécanisme, tout ce système, toute la lourdeur administrative,
aussi, toutes les iniquités qui peuvent apparaître et qui ne sont
pas évidentes pour quelqu'un qui n'a pas vécu toutes ces
étapes. Donc, j'ai porté grande attention à toutes les
modifications qui sont proposées, qui pourraient mettre en jeu ou qui
pourraient remettre en question certains droits fondamentaux de la part des
travailleurs, certains droits fondamentaux et certaines attentes
vis-à-vis d'un système, car si, à sa face même, le
système semble injuste et inéquitable, M. le Président, je
pense qu'en partant on fausse les données, en partant on crée un
sentiment d'oppression qui va faire en sorte que l'accidenté du travail
va sentir que, de toute façon, les dés sont pipés.
Ce que je peux constater, à la lecture du projet de loi qui nous
est présenté, c'est quand même des modifications majeures
au système. Au niveau de l'évaluation médicale, je pense
que c'est quelque chose qui était quand même assez important, puis
même vital pour la majorité des employés: le fait de
pouvoir avoir recours à son propre expert et que cet expert joue un
rôle déterminant dans l'évaluation du préjudice.
Maintenant, on semble remettre en question cette notion. Il y a toute la
question de la procédure, toute la question du financement. Puis, la
procédure, comme je vous dis, il faut y apporter une attention
importante parce que la procédure n'est pas uniquement de la cuisine.
Cette procédure, si elle est trop lourde, peut finalement arriver,
aboutir à un déni de justice. Alors, il va falloir vraiment
apporter une grande attention à toute cette procédure. C'est un
projet de loi qui, quand on continue la lecture de ce projet de loi là,
nous apparaît inacceptable pour une raison fondamentale: c'est qu'il
semble cibler rapidement. En partant, ce projet de loi cible la victime. La
victime qui est la plus facile, évidemment, c'est l'accidenté du
travail.
J'entendais, tout à l'heure, le ministre dire que les constats,
au niveau des problèmes de la CSST... qu'on avait fait toutes les
mesures nécessaires pour faire toutes les constatations et avoir toutes
les réponses quant aux problèmes du système. Alors, on
parlait d'actuaires, on partait de vérificateurs des nombreux rapports
qui avaient été faits par ces personnes et que c'était
suffisant pour faire un bilan et un constat vraiment sérieux sur toute
l'étendue du système. Je ne pense pas qu'on puisse dire,
justement, que ces gens-là, que ces intervenants-là, à eux
seuls, peuvent vraiment donner un constat de la situation et des maux de ce
système. Comme le dit très bien ma collègue,
députée de Chicoutimi, je pense que tout est à revoir dans
ce système de la CSST, d'où la nécessité d'une
commission parlementaire. Si on attaque uniquement un des aspects de la
mécanique, un des aspects du problème, on va faire fausse route.
Cela va être l'équivalent de n'émettre qu'une
panacée à un problème ou à une maladie grave qui
demande, à ce moment-là, je pense, une action en profondeur pour
vraiment régler le problème.
Ce qui m'étonne aussi, c'est que, maintenant, on semble arriver
à grande vapeur avec ce projet de loi et qu'on semble vouloir le passer
à toute vitesse, alors que le déficit que la CSST vit, comme le
dit si bien ma collègue, était prévisible. Alors, il
était prévisible et on pouvait le voir venir de loin. Pourquoi,
maintenant, on semble dire que, bon, ça presse? On doit improviser, on
doit improviser un remède, même si ce remède, à
moyen terme et à long terme, sera tout à fait inefficace et
pourrait même causer un préjudice aux différentes personnes
qui sont impliquées?
Alors, j'ai entendu divers facteurs qui étaient
énumérés quant aux problèmes du système de
la CSST. En particulier, on parle de l'hyper-judiciarisation, de la lourdeur
administrative. Je crois, en effet, que ce sont certains éléments
qui doivent être corrigés. Mais, encore là, en cherchant
à les corriger, on doit toujours garder à l'esprit que ça
ne doit pas se faire systématiquement sur le dos d'un des intervenants
ou d'une des parties au système. Alors, je pense que c'est
important.
La commission parlementaire qui est réclamée par ma
collègue, députée de Chicoutimi, je pense que, justement,
c'est l'outil qui serait indispensable, qui nous permettrait vraiment
d'écouter les différents intervenants, les nombreux intervenants.
Il faut prendre, je pense, le temps, en tant que commission parlementaire, de
donner la chance à ces gens, à ces intervenants, d'être
entendus, pour que ces intervenants
puissent sentir, au moins, qu'ils ont eu leur voix au chapitre, dans
l'élaboration de la réforme de la CSST. Je pense qu'on
crée, à ce moment-là, de grandes frustrations quand on
oublie ou quand on néglige, finalement, d'entendre ces gens. Je pense
que c'est une règle élémentaire de justice naturelle. Je
serais tenté de reprendre la locution latine que j'avais donnée
au ministre des Affaires municipales qui est très friand des locutions
latines: la règle audi alteram partem, la règle de justice
naturelle. Je crois qu'on doit s'en inspirer tout au long de nos travaux et
qu'on doit permettre à tous les intervenants qui demandent à
être entendus et qui ont quelque chose, un grief à nous faire
valoir... On doit les faire entendre. (16 h 10)
Je trouve ça un peu enfantin ou puéril qu'uniquement, du
simple fait que de prime abord on ne s'entende pas sur la liste des
intervenants à être entendus, systématiquement, maintenant,
on dise: On n'entendra plus personne. En tout cas, à moins qu'on n'en
arrive à un consensus et, finalement, qu'on s'entende à faire
entendre les intervenants, moi, je trouverais ça tout à fait
dommageable que ce soit la conclusion de tout ce problème.
Alors, un des points, tout à l'heure, justement, aussi... Je
serais porté un peu à parler, au niveau de la commission
parlementaire, comme remède un peu, à rapprocher le
problème qu'il y a présentement à la CSST à celui
que vit tout le système du réseau d'aide juridique. Comme vous le
savez, je suis porte-parole de l'Opposition officielle en matière d'aide
juridique et le réseau d'aide juridique aussi vit des heures sombres
présentement. Nous avons exigé, dans le cas de l'aide juridique,
de la même façon que nous réclamons présentement une
commission parlementaire, nous avons réclamé, donc, une
commission parlementaire, justement, pour voir à ce qu'une
réforme en profondeur puisse avoir lieu. On semble sentir, du
côté du gouvernement, un peu un genre de mépris
vis-à-vis de certaines institutions, telle l'aide juridique, telle la
CSST, en ne prenant pas tout le temps et toutes les précautions
nécessaires pour qu'il y ait un mécanisme véritable
d'entente et de consultation qui soit fait. Alors, je pense que c'est vraiment
important que ça se fasse.
Tout au long de cette commission parlementaire, l'Opposition sera
vigilante, l'Opposition fera en sorte que nous devrons scruter article par
article ta portée, non pas juste à court terme, mais la
portée à moyen et à long terme des modifications qui nous
seront proposées. Je peux vous dire que nous aurons constamment à
l'esprit le sort des accidentés et des travailleurs du Québec qui
comptent sur nous et qui comptent aussi sur le gouvernement pour que leurs
droits les plus fondamentaux soient respectés dans toute réforme
d'une institution, telle celle de la CSST.
Alors, je conclurai là-dessus, M. le Président. Donc,
j'espère que nous allons pouvoir dégager très rapidement
des travaux de notre commission un esprit de collaboration qui va nous
permettre, d'une certaine façon, de faire avancer rapidement les travaux
et ce, d'une manière constructive sans pour autant créer,
finalement, de sentiment de frustration de la part des différentes
personnes qui vont être touchées par cette législation qui
nous est proposée.
Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides):
Merci. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants sur ces remarques
préliminaires? Mme la députée de...
M. Audet: On pourrait débuter, M. le Président,
l'étude de l'article 1 ?
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides): Mme
la députée des Chutes-de-la-Chaudière veut intervenir.
M. Audet: Ah!
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides):
Alors, Mme la députée.
Mme Carrier-Perreault: Alors, je vous remercie, M. le
Président.
Mme Blackburn: II ne s'agit pas d'une chance ou d'un
privilège, mais bien d'un droit en vertu de nos règlements.
Voilà!
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides): Oui,
tout à fait. C'est l'esprit dans lequel on l'avait compris. Alors, Mme
la députée, procédez, s'il vous plaît.
Mme Blackburn: Merci.
Mme Denise Carrier-Perreault
Mme Carrier-Perreault: Oui, je vous remercie, M. le
Président.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides): S'il
vous plaît! S'il vous plaît!
Mme Carrier-Perreault: Je suis un petit peu étonnée
de voir que le ministre a l'air...
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides): S'il
vous plaît! Mme la députée, je vous inviterais à
vous adresser à la présidence et à procéder, s'il
vous plaît.
Mme Carrier-Perreault: Oui, j'ai dit merci, M. le
Président. Je suis un petit pej étonnée de voir, autant de
la part du ministre que des
collègues ministériels, qu'on a l'air de penser que c'est
terminé, puis qu'on va passer à l'étude article par
article. Il me semble que ça a pris du temps, quand même, pour
vous expliquer ce qui se passerait. On vous en a parlé toute la nuit.
C'est vrai qu'il manquait, à certaines reprises... En fait, à
certains moments, il manquait du monde en Chambre. Peut-être que tout le
monde n'était pas en même temps présent quand les gens de
l'Opposition essayaient d'exprimer leur point de vue. Mais il reste que... Je
pense que c'était assez clair que les gens, de notre côté,
qui étaient ici aujourd'hui, continueraient d'insister pour
infléchir la décision du ministre et en arriver à
rencontrer l'ensemble... en tout cas, un ensemble fort représentatif,
très représentatif des différents intervenants de la
CSST.
J'ai entendu mes collègues qui ont expliqué au ministre
qu'il ne comprenait pas... un petit peu insulté mon collègue de
Laviolette aussi qui trouve que ça n'a pas de bon sens que le ministre
agisse comme... Moi, je pense que le ministre, il doit aimer ça nous
entendre. J'ai l'impression que c'est pour ça que le ministre refuse. Je
ne vois pas autre chose, M. le Président. Il ne se tanne pas, c'est
comme rien. En tout cas, disons que j'ai l'impression qu'on va pouvoir lui
parler encore longuement s'il ne change pas d'opinion, parce que quand on
demande au ministre de rencontrer deux groupes de plus - on parle de deux
groupes, on parle de la CSST, M. Diamant est déjà présent
ici - ce n'est pas un gros problème de faire venir la CSST. Quand on
demande aussi au ministre d'ajouter, à tout le moins, un groupe de
représentants des accidentés du travail, que ces... On sait qu'il
y a quelques groupes quand même, et que ces groupes se forment en
coalition ou qu'ils s'entendent pour venir un seul, il n'y a pas de
problème. On ne lui demande pas de tous les rencontrer, tous les groupes
d'accidentés du travail, mais on pense, en tout cas, de notre
côté, que c'est très important de rencontrer des gens qui
sont passés par le système, par les lourdeurs et par les
dédales du système administratif quand ils sont accidentés
du travail.
Je ne pense pas que l'Opposition abuse à un point tel que le
ministre... jusqu'au point où le ministre vienne nous dire, "et
après-midi: Bien, c'est la faute de l'Opposition. Je leur ai
proposé une belle liste. Il y a neuf associations. J'étais
prêt, moi, à rencontrer neuf groupes. Il nous dit. Les neuf
groupes qu'on veut rencontrer, l'AECQ, l'Association des entrepreneurs en
construction du Québec... C'est vrai que ce serait intéressant de
rencontrer l'AECQ. Ce serait très intéressant, d'autant plus que
l'AECQ, M. le Président... Mais j'ai la liste, M. le
député des Îles-de-la-Madeleine. Voyez-vous, d'autant plus
que l'AECQ aussi est un des groupes qui demandent comme nous autres un
débat, un vaste débat sur l'ensemble du dossier de la CSST.
Le ministre veut nous faire rencontrer le Conseil provincial des
métiers de la construction, pas de problème, M. le
Président. La Centrale des syndicats démocratiques, aucun
problème. Si le ministre veut rencontrer les neuf, la CSN, la
Confédération des syndicats nationaux, l'Association des
manufacturiers canadiens, la Fédération des travailleurs et
travailleuses du Québec, le Conseil du patronat du Québec, la
Corporation professionnelle des médecins du Québec, la Centrale
de l'enseignement du Québec... Il y en a déjà neuf
groupes, là, neuf groupes. Nous autres, on lui demande seulement d'en
rajouter deux: la CSST et un groupe de travailleurs accidentés.
Alors, moi, je ne comprends vraiment pas comment le ministre peut venir
nous dire que c'est notre faute, que s'il est obligé de rencontrer les
deux groupes qu'on veut ajouter il n'en rencontre pas du tout. C'est une
attitude, effectivement, un petit peu enfantine. Moi, je suis une mère
de famille, M. le Président, et j'ai des enfants. Souvent, les enfants
rejettent sur nous autres - je sais qu'il y en a d'autres qui en ont des
enfants, ici, autour de la table - ils nous disent: Ah! Ça, ce n'est pas
ma faute, c'est ta faute. Ça ne me serait pas arrivé si tu
n'avais pas décidé qu'il fallait que j'arrive à telle
heure, etc. Écoutez, ça fait bébé un petit peu. On
a l'impression, à toutes fins pratiques, que le ministre boude. Hein? Je
ne sais pas, mais ça ressemble à ça.
Une voix: II fait du boudin.
Mme Carrier-Perreault: De toute façon, nous autres, c'est
sûr qu'on aimerait beaucoup rencontrer ces groupes-là. Je pense
que mes collègues l'ont mentionné. Si le ministre était
vraiment désireux de le faire, il pourrait le faire. Je viens justement,
moi, d'être en commission parlementaire avec ma collègue, la
ministre déléguée à la Condition féminine.
Effectivement, on a un projet de loi où on n'est pas d'accord sur le
fond. Je vois des gens du cabinet du leader qui savent... On a
négocié ensemble. On en a discuté avant. Des groupes
avaient demandé à être entendus, on en a discuté, la
ministre et moi, et, au niveau des leaders on s'est parlé. À
choisir entre écouter l'Opposition, M. le Président, pendant des
heures - parce que vous savez qu'on est capable de parler longtemps. Je pense
qu'on a déjà fait ça et qu'on va continuer. Qu'est-ce que
vous voulez, c'est le seul moyen qu'on a, comme parlementaires, quand on est
dans l'Opposition officielle, d'essayer de gagner un des points et d'essayer de
faire entendre, au moins, nos doléances. (16 h 20)
Alors, ce que j'ai proposé, moi, à ma collègud de
la Condition féminine et de la Famille, c'est que, plutôt que de
m'entendre parler pendant des heures, parce que j'avais d'autres
collègues qui étaient prêts à venir faire
la même chose, voyez-vous, M. le Président, j'ai
proposé qu'on entende un groupe, le groupe qui avait demandé une
audience, finalement. Un autre groupe s'est ajouté, on s'est entendu.
Ça n'a pas été long. On n'y a pas passé la nuit, M.
le Président. On s'est rencontré, on a eu la commission
parlementaire et, croyez-le ou non, le projet de loi est passé à
l'étude article par article au moment où on se parle et ça
a été terminé hier soir, 18 h 30. On avait entendu les
groupes, on a passé le projet de loi article par article. On les a tous
faits, les articles, on a même prolongé la commission. Pour vous
démontrer que, quand on veut s'entendre, on est capable de s'entendre,
quand on a la volonté de vraiment collaborer. Parce que j'entendais ma
collègue dire qu'elle était prête à collaborer avec
le ministre, je l'ai entendue, hier, elle l'a dit à quelques reprises.
Ce n'était pas la première fois que j'entendais ma
collègue en parler au ministre, parce que ce n'était pas la
première fois que ma collègue demandait ce
débat-là, M. le Président.
Alors, moi, si je vous parle du dossier de la condition féminine
et comment on a réglé ça... Bien sûr, qu'on l'a
adopté sur division, je ne vous ferai pas de cachette, je pense que
c'est connu, mais il reste qu'au moins on a réussi à entendre ce
que les groupes avalent à nous dire. Ça a été
beaucoup plus intéressant, beaucoup plus instructif et je pense que
ça a été avantageux, autant de part et d'autre, que de
parler et d'entendre les mêmes intervenants longtemps longtemps
longtemps.
Tout ça pour dire, M. le Président, à toutes fins
pratiques, que le ministre pourrait fort bien rencontrer les groupes et, pour
nous autres, ce serait pas mal plus intéressant aussi. Ce que je dis,
c'est que le ministre va être obligé de nous entendre longtemps,
mais il reste que, pour nous autres, ce serait beaucoup plus agréable de
poser des questions à des gens qui vont nous donner des réponses
et ce serait beaucoup plus instructif, ce serait beaucoup plus
intéressant pour tout le monde et pour faire avancer le dossier aussi,
je pense.
Vous savez, M. le Président, sur ce projet de loi - je pense
qu'on l'a dit, on l'a redit, mais on va continuer de le dire; hier soir,
ça a été quand même assez longuement débattu
- ce qui inquiète l'Opposition officielle, c'est qu'on pense qu'il y a
quelque chose qui se règle sur le dos des travailleurs, que le projet de
loi qu'on a devant les yeux, à toutes fins pratiques, va venir
pénaliser les travailleurs au Québec. On se rend compte qu'on
vient restreindre, par ce projet de loi, les pouvoirs, si on veut, en fait, ou
le rôle du médecin traitant. On sait que le médecin
traitant avait... La décision, si on veut, du médecin traitant,
avait beaucoup d'importance. Il avait un préjugé, en fait,
favorable envers le travailleur, c'est lui qui connaissait, quand même,
le cas, qui connaissait son patient et, de tout temps, on reconnaissait la
prépondérance du diagnostic du médecin traitant.
Or, là, les rôles viennent d'être inversés. Le
médecin traitant va être relégué à un autre
rôle puisqu'on crée un bureau d'évaluation médicale.
Il y aura possibilité, pour la CSST, d'exiger un diagnostic d'un
spécialiste et, si le médecin spécialiste... en fait, les
recours et tout ça... À partir du moment où les recours
sont pris, on sait que le médecin traitant va prendre le deuxième
plan. Ça a fait dire, d'ailleurs, M. le Président, aux centrales
syndicales qu'on réglait des comptes du côté de la
CSST.
Quand on regarde aussi le projet de loi, on se rend compte que ces
doléances, ces mesures qui vont s'appliquer dans le projet de loi, ce
sont des propositions, en fait, qui sont très fortement
influencées par le Conseil du patronat, du côté des
patrons. Moi, j'ai ressorti un article que ça fait un petit bout de
temps que je n'avais pas vu; je l'ai ressorti parce que c'est un article qui
m'avait fait sursauter à quelques égards. Un article qui date du
14 novembre 1991: «La CSST est un monstre à la
dérive.» On parle du déficit réel. «Un
déficit réel de 1 000 000 000 $.» Les propos, dans cet
article-là, qui sont énoncés dans cet article, sont les
propos de M. Franco Fava, qui est membre, je pense, du conseil d'administration
de la CSST. M. Fava, d'ailleurs, demeure dans mon comté. C'est
écrit là en toutes lettres. M. Fava représente
évidemment le patronat, c'est le propriétaire de Neilson
Excavation. Alors, dans ses propos, M. Fava m'avait fait sursauter à
quelques endroits. D'une part, parce que c'est justement dans cet
article-là que j'avais vu: M. Fava est d'avis que, dans sa forme
actuelle, le régime fait assumer par l'employeur des coûts sociaux
qui ne devraient pas lui être imputés, comme le retrait
préventif de la femme enceinte. La CSST n'est pas le BS, lance-t-il.
Comme je viens de vous dire, je suis la porte-parole
déléguée à la condition féminine, et je sais
que ce n'est pas de ça dont on parle dans le projet de loi, mais
ça touche quand même le déficit, ça touche le
dossier de la CSST. Comme porte-parole du dossier de la condition
féminine, je peux vous dire que, quand j'ai vu ce genre de phrase
là, ça m'a donné un méchant choc.
Quand j'ai vu aussi - et là je reprends - que le ministre avait
commandé une petite étude, le petit avis qu'il a fait venir du
Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, pour... En fait, vous
avez repris certaines propositions pour faire votre projet de loi de la
consultation que le ministre a faite avant d'en arriver à
l'écriture de son projet de loi. Je regardais et on parle
là-dedans du retrait préventif de la travailleuse enceinte ou qui
allaite. Et là, j'ai vu très clairement comment on avait
débattu la question. Ils nous disent la situation: La Loi sur la
santé et la sécurité du travail introduit un droit au
retrait préventif de
la travailleuse enceinte ou qui allaite. C'est un programme qui permet
la réaffectation des travailleuses à des postes dont les
conditions de travail ne présentent pas de danger pour leur santé
ou celle de l'enfant à naître ou de l'enfant allaité, selon
le cas.» La partie syndicale... Je prends la peine de la lire parce que
c'est un dossier dont je n'ai pas eu l'occasion de parler souvent, et je trouve
carrément Insultante la façon dont c'est lancé. Je trouve
ça inquiétant, moi, que les employeurs arrivent avec des phrases
comme ça, «la CSST, ce n'est pas le BS», quand on parle de
retrait préventif. Alors, là, ça me fait plaisir de
pouvoir en parler un petit peu plus longuement.
Au niveau syndical, la partie syndicale s'est prononcée. La
partie syndicale, elle, a décidé qu'elle était favorable
à un régime universel intégré au congé
parental. Le financement serait assumé par la Commission pour les
retraits reliés aux conditions de travail, alors que les coûts des
autres retraits seraient supportés par le gouvernement. Les retraits
reliés aux conditions de travail... parce que quand on parle de retrait
préventif, c'est des retraits normalement reliés à la
condition de travail comme telle. La femme est enceinte et, selon les produits
utilisés, les postures de travail, en fait, il peut y avoir plusieurs
possibilités, mais c'est généralement parce qu'elle est
dans une situation de travail où il y a des contraintes
particulières vu l'état dans lequel elle est.
La partie patronale. Là, on retrouve carrément l'opinion,
si on veut, de M. Fava. La partie patronale favorise d'abord la
réaffectation et le retrait si nécessaire. Elle juge que la loi
impose un standard irréaliste au médecin responsable ou à
celui du DSC. Quant au financement du programme, le gouvernement doit assumer
le coût de son aspect social. Alors, ça revient à dire que
la CSST, ce n'est pas le BS. En fait, c'est un peu ça, là. La
partie patronale voulait redonner cette partie-là aussi au gouvernement.
Heureusement, la Commission a tranché.
On en arrive à la recommandation de la Commission. Je dois vous
dire que j'étais contente de voir la recommandation de la Commission:
Lorsque les conditions de travail présentent un danger pour la
santé de la travailleuse ou celle de l'enfant, la Commission
reconnaît le droit à la réaffectation, à
défaut de quoi le retrait du travail devrait être accordé.
Le financement devrait être assumé par la Commission pour les
retraits reliés aux conditions de travail. Alors, on reconnaît
que, oui, des conditions de travail peuvent obliger finalement à prendre
un retrait préventif. On garde ça et on continue d'admettre que
la Commission a des responsabilités envers la travailleuse qui est
retirée parce qu'elle est enceinte. On dit aussi, bien sûr: Quant
aux autres retraits, là, reliés à une politique sociale
plus large, etc., la Commission croit que le gouvernement devrait en assumer le
financement. Ça, ça va. Je pense que c'était... Mais,
ça vous donne quand même une idée, M. le Président,
comment pense l'employeur. Heureusement qu'il y a des gens qui se penchent un
petit peu plus longtemps pour remettre les choses en place. (16 h 30)
Quand on regarde le projet de loi, on a l'impression, aussi, que c'est
la vision un peu de l'employeur qui a tendance à rejeter la faute sur le
travailleur. C'est le travailleur qui devient fautif. Le travailleur peut
être un fraudeur, hein! Il va abuser di système, à toutes
fins pratiques. On dit: Là, on est en récession
économique. J'ai entendu, ça, M. le Président. D'ailleurs,
M. Fava en fait état. Cet article-là donne une idée,
vraiment, de l'opinion qu'on essaie de faire avoir à la population sur
ce qu'est la... jusqu'à quel point le travailleur peut être fautif
et responsable du gros méchant trou, du gros méchant
déficit de la CSST.
Je regardais ça et je vais vous le dire, il nous dit très
clairement: II y a peu de vrais cas de fraude, soutient-il, mais il y a de
nombreux cas d'abus. Faisant observer que 37 % des cas indemnisés le
sont pour des pathologies invisibles, comme des maux de tête ou des maux
de dos, il note que c'est facile d'étirer un mal de dos. C'est vrai que
c'est Invisible, M. le Président, un mal de dos. C'est vrai que c'est
peut-être difficile à démontrer, mais ça ne veut pas
dire que les gens sont tous des fraudeurs, que les gens qui ont des maux de dos
étirent involontairement des maux de dos. Les maux de dos, vous le
savez, c'est la maladie du siècle. Tout le monde en parle. J'ai
travaillé moi-même en santé et sécurité du
travail. J'ai fait des programmes de prévention. J'en ai vu, des gens.
J'ai donné de la formation. J'en ai rencontré, des gens qui
avaient des maux de dos. J'ai rencontré des gens qui continuaient de
travailler avec des maux de dos. J'ai rencontré des gens, aussi, qui
étaient traités parce qu'ils avaient des maux de dos et qui
avaient de la misère à se traîner. Je vais vous dire une
affaire: c'est pas tout le monde qui fait semblant d'avoir mal au dos. Quand on
donne des phrases comme ça - on voit ça dans les articles -
ça nous donne une impression que le travailleur, il n'est pas vraiment
si malade que ça, mais il abuse du système. Le système est
tellement généreux. Donc, il serait bien bête de s'en
priver et il abuse.
Là-dedans, on parle aussi des délais. M. Fava faisait
référence aux délais. Il nous dit: Même si seulement
3 % des décisions de la CSST sont contestées, les délais
encourus entre l'arbitrage médical et la Commission d'appel en
matière de lésions professionnelles, en passant par les bureaux
de révision paritaires... Il dénonce tous les délais. Les
délais sont dénoncés, je pense, des deux
côtés. Du côté syndical, aussi, on dit que c'est
beaucoup trop judiciarisé, qu'il y a beaucoup trop de causes, des
avocats qui
retardent, qu'il y a des délais, que ça coûte des
sous. Ça coûte cher, aussi.
Autre chose que j'ai trouvée aussi, c'est que M. Fava nous dit
là-dedans: Après l'augmentation spectaculaire du nombre de jours
indemnisés, la grande surprise, c'est la durée des rechutes.
C'est grave, parce que chaque journée ajoutée à la moyenne
représente des frais supplémentaires. Comme vous voyez, on fait
référence à la gravité des blessures. Là, on
est le 14 novembre 1991.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides):
Votre temps est écoulé, Mme la députée.
Mme Carrier-Perreault: Ah! Mon Dieu! Déjà?
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides): Oui,
votre temps est écoulé.
Mme Carrier-Perreault: Bon, bien, écoutez, ce n'est pas
grave, M. le Président. Je vais conclure et on va pouvoir revenir,
à moins que le ministre... Si le ministre pouvait changer d'idée
et rencontrer des groupes, je pense qu'on pourrait les questionner à ce
niveau-là.
M. Cherry: M. le Président, si vous voulez lui permettre
de finir, moi, ça me va. Je trouve ça intéressant.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides): II y
a consentement. Donc, si vous voulez continuer.
M. Cherry: Je trouve ça intéressant.
Mme Carrier-Perreault: Je vais finir mon bout, M. le
Président.
M. Cherry: Bien sûr! Avec grand plaisir.
Mme Carrier-Perreault: J'apprécie. Je vous le disais, M.
le Président, je pense que le ministre commence à y prendre
goût.
Une voix: II ramollit.
Mme Carrier-Perreault: Enfin! Non. Ce que je vous disais, c'est
que M. Fava a l'air surpris, dans l'article du 14 novembre 1991, de
l'augmentation de la gravité, si on veut, du nombre de jours et de la
gravité des blessures. Pourtant, M. le Président, quand on a eu,
si on veut, le nouveau mode de tarification, qu'on a adopté le nouveau
mode de tarification, on parle du 17 novembre 1989...
Une voix: Ah! Mon Dieu! La porte de Séraphin.
Mme Carrier-Perreault: ...les gens s'étaient
prononcés là-dessus et c'était une des choses qui
étaient prévues. Vous vous souvenez? On a descendu les taux de
cotisation et tout ça. Les fiscalistes, à ce moment-là,
soutenaient, en 1989, que la réforme ne tient pas suffisamment compte de
la gravité des accidents dans l'établissement du taux de
cotisation des employeurs. Or, ça avait été prévu,
ça avait été mentionné. On a continué quand
même à conserver les taux de cotisation très bas. C'est
évident que si on fait moins d'argent, qu'il y a des journées qui
augmentent, qu'il y a plus d'accidents ou qu'il y a moins de prévention,
à ce moment-là, c'est sûr qu'on ne peut pas arriver. Quand
les revenus baissent et que la facture grossit, je ne sais pas s'il y en a
beaucoup parmi vous autres qui sont capables d'arriver à
équilibrer leur budget.
Disons que je m'arrêterai ici, M. le Président, j'ai fini
ma phrase. Je suis persuadée que le ministre a été
très content d'entendre ce que je viens de finir de lui dire. Je vous
remercie, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides): On
vous remercie. Alors, sur les remarques préliminaires, est-ce qu'il y a
d'autres intervenants?
Mme Dupuis: Oui, quelques remarques, M. le Président.
D'abord, je m'excuse...
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides): Mme
la députée de Verchères.
Mme Luce Dupuis
Mme Dupuis: Je m'excuse si ne n'ai pas suivi les débats
depuis le début, mais j'étais en représentation en dehors
du pays. Bon, comme je vous dis, je n'ai pas suivi. Je n'ai pas eu l'occasion
de prendre connaissance de tous les documents. Cependant, ce que je sais, c'est
que mes collègues réclament que la CSST soit entendue et que des
groupes soient entendus. Je pense que c'est tout à fait pertinent, mais
moi, je vais faire porter plutôt mon temps d'intervention sur des
problèmes causés par les accidents de travail dans mon
comté. C'est incroyable, il y a des dossiers qui m'arrivent, qui ont un
pouce d'épais. À chaque fois que j'en vois rebondir un de plus,
c'est toujours des maux de dos ou pratiquement. Les cas complexes, c'est
toujours relié à des maux de dos. C'est rattaché à
la CSST, bien sûr. Je vois des cas tellement pénibles,
côté humain, que je me dis que ça ne peut pas durer comme
ça. Il faut absolument qu'on voie clair dans ce qui se passe et quelles
sont leurs normes.
Vous savez, quand on voit un père de famille qui perd sa maison,
qui perd son travail et que là, souvent, le patron, si vous voulez, ne
veut pas reconnaître la maladie... Et, surtout, un point qui, je pense,
est très crucial dans tous les problèmes que peuvent vivre les
travailleurs,
c'est celui de la réembauche. À un moment donné,
lorsqu'ils sont en congé, ils doivent retourner. Là, presque tous
les intervenants qui sont venus me consulter ou me voir pour avoir un appui
pour régler leur problème me disaient que lorsqu'ils retournaient
au travail, qu'on leur demandait de faire un certain travail qu'ils
n'étaient pas en mesure de faire, là, c'était la rechute
et tout le processus qui recommençait.
J'ai vu des situations, comme j'ai commencé à le dire
tantôt, tellement pénibles, où la personne... Tu sais, tu
as un travailleur normal - que je dis normal - qui travaille dans une usine et
qui se ramasse après cinq ans, il n'a plus de travail, il a subi trois
ou quatre opérations, il a perdu sa maison. Pour la plupart, ça a
emmené tellement de conflits familiaux que, souvent, ça les a
amenés même à un divorce. C'est très
pénible.
Je pense que le ministre peut sûrement le confirmer parce que j'ai
dû, pour un cas, aller rencontrer son chef de cabinet. Je dois dire, en
passant, qu'effectivement j'ai eu une oreille attentive et qu'on a pu gagner
une révision. Mais est-ce que c'est normal qu'à la pièce,
comme ça, M. le Président, on soit obligé d'aller voir -
des cas tellement pénibles - le ministre lui-même ou son
représentant pour régler un cas qui n'a aucun sens et que
l'intervenant ne voie plus aucune possibilité de s'en sortir? Il est
pris dans une situation où il a subi... C'est pour ça que, moi,
je tenais à aller rencontrer le chef de cabinet du ministre, justement
pour qu'il la voie, cette personne-là. Quand vous dites qu'il
était dans un corset et que, là, II n'avait plus rien, c'est
tellement d'opérations au dos qu'il était réduit à
porter un corset en permanence, un corset thérapeutique.
Que, là, on soit obligé de se battre à ce
point-là, ça n'a aucun sens. Qu'on voie qu'il y a un
déficit énorme au niveau de la CSST, j'ai doublement peur. Si je
me mets à la place d'un accidenté, je me dis: Oui, mais c'est
déjà catastrophique. C'est déjà pénible pour
plusieurs des cas. Qu'est-ce qui va arriver avec un déficit comme
celui-là, qui va faire qu'ils vont sûrement couper quelque
part?
Qu'il y en ait qui abusent, c'est peut-être possible, mais je ne
croirais pas que ce soit la majorité. Mais il y a des gens qui sont
drôlement pénalisés, et ça, ce n'est pas des gens
qui veulent se faire vivre par l'État, ce sont des gens qui veulent
travailler, puisque ce sont des accidents de travail. Donc, ce sont des
travailleurs, et ils ne se résignent pas à aller, comme on dit,
sur le bien-être social. Le cas dont je vous pariais tantôt, il a
dû se résigner à être, de nombreuses années,
sur le bien-être social. Là, heureusement, il s'est trouvé
un travail, mais dans un lieu de travail pour les handicapés. Si je
remonte, dans son cas, à voilà huit ans, c'était un
travailleur ordinaire avec sa famille et tout allait bien. Suite à des
accidents du travail qui n'ont pas été reconnus, c'est des
batailles à n'en plus finir. Est-ce que le travailleur a les moyens de
se payer ces avocats-là? (16 h 40)
Donc, tout ça pour dire qu'il y a un problème grave au
niveau de la CSST. Ces problèmes-là, ce sont nos concitoyens qui
les subissent et ça amène une insécurité. Demain,
ça peut être n'importe... peut-être pas nous, parce que,
généralement, un accident du travail pour un
député, c'est peut-être moins fréquent que pour
quelqu'un cui travaille dans une usine ou dans un chantier de construction,
c'est évident. Mais la majorité des travailleurs, qui ont
à travailler de leurs mains surtout, peut-être pas seulement,
ça peut être...
Une autre chose que j'ai constatée aussi, c'est souvent les
problèmes - ce n'est sûrement pas arrivé seulement dans mon
comté - les batailles qu'il y a entre la Régie de l'assurance
automobile et la CSST. Là, ils se relancent la balle. Vous allez me dire
qu'ils ne sont peut-être pas chanceux, mais j'ai des accidentés du
travail qui, à un moment donné, ont eu des accidents d'auto et
là, par quel phénomène, je ne le sais pas, mais il y a une
bataille entre les deux et ils se relancent la balle. Finalement, le citoyen
tombe entre les deux et il ne sait plus où donner de la tête.
Là, il s'embarque dans des dédales, mais qui n'en finissent plus
et qui minent son moral, en plus.
Alors, devant autant de problèmes que l'on voit quand on voit le
déficit et tout, moi, je pense qu'il est légitime... Dans ce
sens-là, je trouve que ma collègue, Mme Blackburn, est tout
à fait légitimée de demander une enquête et des
audiences publiques, que les gens soient entendus pour qu'on étudie
enfin le problème dans sa globalité. Je ne suis pas ici pour
faire du temps, bien sûr, mais j'aurai sûrement l'occasion de me
reprendre et d'élaborer un petit peu plus, d'une façon plus
précise, sur certains points. J'ai émis quelques commentaires
suite à des expériences vécues dans le comté, de
personnes concrètes; j'en ai peut-être de 15 à 20. Je
trouve que c'est énorme, pour deux ans et demi déjà - je
suis députée seulement depuis deux ans et demi - d'avoir une
vingtaine de dossiers qui concernent... Des dossiers que je trouve très
importants, ce n'est pas un petit accident, des gens qui sont réduits
à une incapacité totale ou partielle et qui ne sont plus capables
de reprendre le travail qu'ils faisaient avant, et ça perturbe toute la
famille.
Alors, j'espère qu'on va avoir l'occasion d'élucider et de
convaincre le ministre du bien-fondé des demandes faites par
l'Opposition et ceci, dans un but positif, dans le but précis d'arriver
à trouver des solutions réelles, mais non pas seulement à
apporter un projet de loi qui va peut-être effleurer, mais qui ne
réglera rien. Je vous remercie, M. le Président.
Une voix: Bravo!
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides): Je
vous remercie, Mme la députée. Il y a d'autres intervenants?
Bien. Mme la députée de Chicoutimi.
Motion proposant d'entendre la Commission de la
santé et de la sécurité du travail
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Je voudrais
déposer, faire une motion, et je la lis: «II est proposé
qu'en vertu de l'article 244 de nos «Règles de
procédure» la commission permanente de l'économie et du
travail tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du
projet de loi 35, Loi modifiant la Loi sur les accidents du travail et les
maladies professionnelles, la Loi sur la santé et la
sécurité du travail et la Loi sur l'assurance-maladie, des
consultations particulières quant à tous les articles dudit
projet de loi et qu'à cette fin elle entende la Commission de la
santé et de la sécurité du travail.»
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides):
Alors, sur la recevabilité, est-ce qu'il y a des remarques?
M. Jolivet: M. le Président, avant d'entreprendre ou de
donner votre décision...
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides): M.
le député de...
M. Jolivet: ...est-ce qu'on pourrait prendre quelques minutes,
une petite pause-santé? Peut-être que ça permettra au
ministre de nous parler, de réfléchir?
M. Cherry: Une pause-santé, avec grand plaisir.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides):
Alors, il y a consentement...
M. Cherry: N'importe quoi pour la santé.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides):
...à une petite pause sanitaire...
(Suspension de la séance à 16 h 45)
(Reprise à 16 h 50)
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides):
Excusez. Ah! J'ai perdu ma secrétaire, là, j'ai... Ha, ha,
ha!
Des voix: Pause-santé.
Le Président (M. Bélanger,
Laval-des-
Rapides): Ah oui! Il faut comprendre. Elle est dans une situation
intéressante, et cela... Alors, si vous voulez excuser ce délai
de quelques instants, le temps de ravoir la copie de la motion.
Peut-être, qu'on ait la photocopie, aussi? Oui, merci.
Alors, la motion, se lit comme suit: «II est proposé qu'en
vertu de l'article 244 de nos «Règles de procédure»
la commission permanente de l'économie et du travail tienne, avant
d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi 35, Loi
modifiant la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles,
la Loi sur la santé et la sécurité du travail et la Loi
sur l'assurance-maladie, des consultations particulières quant à
tous les articles dudit projet de loi et qu'à cette fin elle entende la
Commission de la santé et de la sécurité du travail.
Alors, Mme la députée de Chicoutimi, vous avez 30 minutes
pour défendre votre motion, et chaque autre intervenant, par la suite,
aura droit à 10 minutes.
M. Jolivet: Le ministre a droit à 30 minutes, aussi?
Mme Blackburn: Merci.
Le Président (m.
bélanger, laval-des-rapides):
ah! évidemment, il a droit à 30 minutes, et à 5
minutes de réplique après chaque intervention. mais les 30
minutes doivent être faites en une seule intervention.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. Jolivet:
Sauf le ministre.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides): Je
vous en prie.
Mme Jeanne L. Blackburn
Mme Blackburn: M. le Président, je vais rappeler les
principaux éléments sur lesquels nous avons fondé, nous,
à l'Opposition, la demande touchant la parution devant la commission
parlementaire de l'économie et du travail de la CSST, avant d'examiner
le projet de loi article par article.
La CSST est demeurée plutôt silencieuse et, à
l'occasion de différentes déclarations - je vais en rappeler
quelques-unes; je pense aux déclarations touchant les abus des
travailleurs et des travailleuses accidentés - je n'ai pas entendu la
CSST contredire les «avancés» qui, à l'occasion,
étaient complètement exagérés de la part de
certains membres du conseil d'administration de la CSST. Je n'ai pas entendu le
président de la CSST nous expliquer, de façon claire et
accessible, les calculs établissant la durée de consolidation. Il
y a eu, dans un autre dossier, dans plusieurs autres dossiers - je voudrais en
citer
deux - une opinion publique bien conditionnée qui a réussi
à discréditer des personnes publiques, des groupes de personnes
au Québec. Je pense aux bénéficiaires de l'aide sociale,
où on a tellement bien monté la campagne qu'on a réussi
non seulement à discréditer et à humilier tous les
bénéficiaires de l'aide sociale, mais on a réussi à
les faire passer pour des fraudeurs. Et là, dans ce cas-là, le
ministre responsable, dans toutes les décisions qu'il a prises, n'a eu
comme attitude que de venir encourager ces exagérations et cette
perception négative de personnes qui sont parmi les plus mal prises au
Québec. On en a fait les responsables du chômage.
Dans un cas, cependant - et je le dis pour m'en réjouir - il y a
un ministre, toujours dans le même cabinet, qui n'a pas eu la même
attitude vis-à-vis de la consommation des services de santé et
des services sociaux. On avait entendu toutes les exagérations possibles
sur les abus des bénéficiaires de l'assurance-maladie du
Québec qui surconsommaient, qui surconsommaient des soins de
santé, qui se retrouvaient à l'urgence pour n'importe quelle
considération et un bobo même minime. Le ministre a fait faire une
étude indépendante, neutre, qu'il a déposée, et
dans laquelle étude il conclut qu'il n'y a pas d'abus, tel qu'on voulait
bien le laisser entendre, que c'était vraiment très marginal et
que, s'il y avait des dépassements, c'était lié a d'autres
facteurs. Par exemple, l'utilisation frauduleuse des cartes
d'assurance-maladie. Vous avez pu, à cette occasion, rétablir la
réalité, les faits. Je dis réhabiliter les usagers du
système de santé au Québec.
En ce qui a trait aux travailleurs accidentés, on ne l'a pas fait
et la CSST est demeurée silencieuse. Nous avons eu droit à peu
près à tout lorsqu'il s'est agi de parler du déficit de la
CSST. Écoutez, il montait à peu près de 100 000 000 $ par
semaine. On a commencé à 600 000 000 $, on s'est retrouvé
à 1 000 000 000 $, ni plus ni moins, sans autre commentaire, sans
réaction de la CSST et de son président. N'importe qui pouvait
dire n'importe quoi, mais n'importe quoi - des exagérations les plus
outrageuses, outrageantes - et il n'y avait personne qui rétablissait
les faits.
Alors, moi, je maintiens que pour faire la lumière sur le
fonctionnement de la CSST - et je sais le président de la CSST capable
de suffisamment d'indépendance pour mettre les données claires
sur la table en autant qu'il ne soit pas menacé de se faire taper sur
les doigts par le ministre - je pense que le président de la CSST
pourrait, si on lui donnait le temps, nous éclairer sur les modes
d'établissement des cotisations. Vous savez que la cotisation est
établie sur les besoins, les besoins de la CSST, les besoins pour
compenser les pertes, ce qu'on appelle les journées de consolidation,
les rémunérations ou les allocations pour les personnes
accidentées du travail, plus un certain nombre d'activités qui
sont reliées à la réadaptation, aux soins médicaux
et à la formation, lorsqu'on parle de réadaptation sociale. On
inclut dans la cotisation des prévisions pour ce qu'on appelle les
engagements ultérieurs. Mais, la réserve actuarielle... parce que
la réserve actuarielle qu'on voudrait voir fixée à 100 %
devrait prévoir que, si on arrêtait de cotiser demain matin, tous
les accidentés aujourd'hui reconnus par la CSST pourraient se voir
assurer un traitement comparable à celui qu'ils ont aujourd'hui,
jusqu'à ce qu'ils soient ou réhabilités ou
décédés. C'est ça, la réserve
actuarielle.
Quand Mme Forget était présidente de la CSST, elle avait
établi, avec les actuaires, les besoins financiers à
l'équivalent d'une moyenne de cotisation de 2,75 $. On sait que, quand
on parle d'une moyenne de cotisation, évidemment, vous en avez qui
paient moins et vous en avez qui paient plus. Et là, vous avez certains
secteurs qui vont payer beaucoup plus parce qu'il y a eu beaucoup plus
d'accidents et qu'entre-temps on n'a pas fait beaucoup de prévention. Le
nombre de décès dans la construction, en 1991 - il faudrait que
je retrouve les chiffres - est assez impressionnant. Évidemment, on ne
parle pas des accidentés graves qui sont finalement handicapés
pour le restant de leurs jours.
Le président de la CSST pourrait nous expliquer et vous
expliquer... Je suis assez convaincue que vous ne connaissez pas ça
beaucoup plus que moi. J'ai fouillé le dossier, je l'ai
étudié, je l'ai examiné. J'ai vu des actuaires, j'ai lu
les rapports, j'ai lu les règlements, j'ai lu la loi. J'ai essayé
de comprendre le dossier qui est complexe. Je pense avoir une connaissance, pas
complète, mais suffisante pour porter des jugements. Je pense,
cependant, que si on veut faire toute la lumière là-dessus - et
c'est l'objectif que nous poursuivions - il faudrait entendre le
président de la CSST sur les modes d'établissement de la
cotisation, par quels tours de passe-passe il a réussi à
réduire la cotisation en invoquant en même temps son
étonnement de voir un déficit se gonfler de la manière
qu'on l'a vu faire. (17 heures)
La deuxième chose que j'aimerais que le président de la
CSST nous explique - je suis convaincue que le ministre ne le sait pas
davantage - c'est comment il établit ses provisions pour dépenses
antérieures. On sait qu'il établit ses besoins actuariels sur la
base de la durée de consolidation moyenne établie deux ans
auparavant, parce que, avant d'avoir la durée moyenne de consolidation
réelle, ils sont obligés d'attendre deux ans, le temps d'avoir
fait tout le dossier, j'imagine que ça prend tout ce temps-là; je
leur fais confiance, dans ça. Alors, ils établissent ça en
vertu de la durée moyenne de consolidation des années
précédentes.
On nous apprend, à l'occasion d'une inter-
pellation, que la durée moyenne de consolidation était de
48 jours et qu'on l'a établie à 45. On établit les besoins
sur 45 jours, comme si - et c'est là-dessus qu'on m'a expliqué -
on estimait que, normalement, on devrait réduire, année
après année, d'au moins 1 % le nombre des accidents, ce qui n'est
pas déraisonnable. Ce n'est pas déraisonnable, mais,
évidemment, ça vient expliquer une partie de l'état. Moi,
j'aurais aimé ça que le président de la CSST, qui a des
actuaires à son service, vienne nous expliquer ça.
Mais j'aurais surtout voulu savoir comment on est arrivé à
établir la durée de consolidation à 73 jours. J'aurais
voulu qu'il le décompose pour le ministre aussi. Ce que j'ai appris -
parce qu'on a essayé de fouiller ça - c'est que ça se
décompose. Ce n'est pas passé de 48 jours à 73 jours,
comme le laissent entendre le président du Conseil du patronat et
certains membres du Conseil du patronat, c'est simplement que les 73 jours - et
j'aimerais que le ministre me le confirme ou que la CSST vienne nous en parler
- c'est composé de deux éléments: les accidents, ce qu'on
appelle les événements d'origine au cours de l'année, et
les rechutes et aggravations. Alors, dans les événements de
l'année, on me dit que ce serait rendu à 56 jours, en moyenne.
S'ajoutent à ça, à 56 jours - de toute façon, on le
dit - 17 jours, ce qui serait devenu 19 jours pour la consolidation, ce qui
donne 73 jours. Alors, quand on dit qu'on est passé en 2 ans de 48 jours
à 73 jours, ce n'est pas vrai. Ce n'est pas vrai, mais la population
continue de le croire. Parce que ce n'est pas comme ça que ça se
calcule. On m'a expliqué que ce n'était pas comme ça que
ça se calculait.
J'ai reçu des tableaux qui m'impressionnent, mais il me manque
des données pour en mesurer toute la portée. Je dois le remercier
- parce que, évidemment, on le condamne et on le juge, dans une certaine
mesure - pour la diligence avec laquelle il m'a fourni les informations que je
lui avais demandées. Dans ces informations, ça faisait depuis que
j'avais le dossier que je soupçonnais quelque chose qui me tracassait.
On savait qu'il y avait une diminution des accidents de 1 à 14 jours,
une diminution importante, mais on continuait à établir la
moyenne de consolidation sans tenir compte de cette diminution. Alors, l'effet
net, c'est que ça vient gonfler artificiellement le nombre de jours de
consolidation.
Est-ce qu'il y a quelqu'un qui sait ça - dans le public,
absolument pas - qu'on a réussi à ternir la réputation des
accidentés du travail sur la base de données biaisées?
Alors, le tableau que j'ai ici et que je voudrais déposer - il y a de
petites notes dessus; il faudrait des photocopies - je vais vous l'expliquer un
peu, parce qu'il est assez impressionnant. Il vient contredire tout à
fait tout le discours qu'on a entretenu. Je voudrais qu'ils viennent nous
expliquer ça, et je voudrais qu'ils viennent nous expliquer, en
même temps, s'ils se sont basés sur ce nombre moyen de jours,
mathématiquement gonflé, pour établir les besoins
actuariels et les besoins pour les dépenses antérieures.
Ça fait une modification importante.
Alors, je vous livre un peu les informations. Je suis certaine que le
ministre ne les connaît pas. On pourrait... Oui?
Une voix:...
Mme Blackburn: Très bien. Alors, on dépose le
document, M. le Président, avec votre autorisation.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides): Bien
sûr. Oui.
Mme Blackburn: Et, en même temps, ça me permettra
d'expliquer un peu.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides):
Bien. Alors, si vous permettez, le temps qu'on fasse les photocopies, on va
le distribuer.
Mme Blackburn: Très bien!
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides):
Alors, on suspend les travaux quelques instants, le temps de recevoir la
photocopie.
(Suspension de la séance à 17 h 6)
(Reprisée 17 h 11)
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides): Je
demande à chacun de bien vouloir reprendre sa place, s'il vous
plaît.
Bon. Alors, Mme la députée de Chicoutimi, nous vous
écoutons.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. le
Président, nous allons commencer par le tableau présentant les
événements d'origine. Ce qu'on appelle les
événements d'origine, ce sont les accidents du travail, le
premier accident du travail, évidemment. Les rechutes se trouvent dans
un autre tableau. Vous avez le tableau qui présente par strates
d'absence, de durée de consolidation, de 1 à 14 jours, de 15
à 28 jours, de 29 à 56, de 57 à 91, de 92 à 182 et
de 183 et plus. Alors, vous allez remarquer tout de suite, en regardant le
tableau, qu'en 1987 vous aviez 150 852 accidents qui étaient de moins de
14 jours. Et ça représentait 71 % de tous les accidents. Vous
êtes arrivés l'année suivante, 1988, à 72 %; 1989,
toujours 72 %. En 1990, 68 % - ou 69 %; la photocopie a gommé un peu,
mais je pense que c'est 69 %. La diminution de 3 % des moins de 14 jours
correspond à la modification de ce qu'on a appelé la tarification
personnalisée. Et les 6 premiers mois viennent se
refléter; ils commencent à se refléter sur la
diminution des moins de 14 jours. Parce que les grandes entreprises, qui sont
cotisées sur leur performance, font de l'assignation, et les
assignations ne sont pas comptabilisées comme étant des
accidents. Elles ne sont pas comptabilisées dans le dossier de
l'employeur non plus. Vous me suivez?
L'année suivante, évidemment, là, vous avez 66 %.
On est donc passé en 1988, de 153 000 accidents de moins de 14 jours
à 114 000, d'une moyenne de 72 % à 66 %. Et vous allez voir -
regardez les tableaux - 1528, à peu près la même
proportion, ça représente 11 % des accidents. Presque tout au
long... De 29 à 56, il n'y a pas non plus d'augmentation. De 57 à
91, ça représente toujours 5 % des accidents puis, là,
vous avez une petite augmentation de 1 %. De 92 à 182, vous avez une
augmentation de 5 %, et 183 et plus, même chose, ça varie: 3 %, 2
%.
Donc, il n'y a pas d'augmentation de la moyenne du nombre d'accidents.
La seule explication à l'accroissement de la durée de
consolidation _ parce que je le demandais depuis déjà un an - est
la diminution des moins de 14 jours, et on n'en tient pas compte dans
l'établissement de la durée moyenne de consolidation. Vous voyez
l'effet tout de suite, là. Vous avez le tableau sous les yeux,
là. Faites le calcul, et vous allez... 11 me manque une donnée
pour être capable de conclure exactement ce que j'avance, et j'inviterais
le président de la csst à me la fournir. s'il me donnait le
nombre moyen de jours par strate... parce que, là, on peut
établir une médiane en disant: 1 à 14, c'est 7 jours. mais
on l'a essayé, puis ça ne donne pas les résultats qu'on en
attend. et là le président de la csst m'a déjà dit
que les actuaires calculaient tous les jours. pour établir leurs
besoins, c'étaient les jours réels. alors, à ce
moment-là, il doit avoir ces données-là: le nombre moyen
de jours perdus par strate. est-ce que c'est 7, 1 à 14 jours? est-ce que
c'est 8 jours, 9 jours? c'est quoi, la moyenne? il pourrait me
l'établir. et, à ce moment-là, une fois qu'on l'aura
établie, ça nous permettrait de savoir jusqu'à quel point
on a biaisé les informations là-dessus. c'est ça que je
voudrais entendre du président de la csst.
Un autre facteur qu'on a invoqué beaucoup, c'est celui des
rechutes et aggravations. Rechutes et aggravations, vous voyez qu'il y a un
déplacement, effectivement, et là on le voit: les 14 jours et
moins, vous avez une diminution de 12 %. même phénomène que
sur la page précédente. pour les autres, ça reste
relativement stable, avec des petites diminutions, et là vous avez une
augmentation des 183 jours et plus. sauf que, si vous regardez le total,
là, quand on dit qu'il y a une augmentation des aggravations, en 1990,
vous aviez 17 578 cas, rechutes et aggravations, et en 1991 vous en aviez 16
801. il y en a un peu moins. expliquez-moi ça. expliquez-moi tout le
discours dévastateur qu'on a tenu autour de ça.
Il y a cependant 20 % - et là on a une différence
importante - des accidents qui durent plus longtemps, effectivement, et il
faudrait voir la cause. Il y a quelques explications, et elles rejoignent les
explications de la modification dans la cotisation des employeurs, ce qu'on a
appelé la cotisation personnalisée. Ils font de la
réaffectation. Donc, ça n'est pas comptabilisé dans les
accidents. C'est un accident, c'est déclaré, mais ce n'est pas
comptabilisé. Et ce qui est comptabilisé, c'est quand il y a
rechute, et ça tombe dans les rechutes. L'augmentation des rechutes est
en partie due à ce facteur.
J'aimerais ça que le président vienne nous expliquer
ça, nous expliquer aussi dans quelle mesure les actuaires en ont tenu
compte. Moi, je ne suis pas une actuaire. J'ai un tableau, là, qui me
laisse soupçonner des affaires. Ça voudrait dire, si ma lecture
est correcte - puis si elle n'est pas correcte, qu'on se dépêche
de la contredire - qu'on a monté un «frame up» contre les
travailleurs accidentés en invoquant une durée d'indemnisation
à la hausse de façon exagérée alors que, selon ma
petite évaluation, il y aurait à peu près 80 % de la
croissance de la durée de consolidation qui s'expliquerait
mathématiquement. Ça n'a rien à voir avec la
réalité.
Alors, M. le ministre, ce que je vous dis: C'est ça qu'on a
besoin de savoir. Et là on va prendre des décisions qui vont
affecter les droits des travailleurs, et leur droit à leur
médecin traitant et au respect du diagnostic du médecin traitant,
sur la base de données erronées quant à la durée de
consolidation. C'est ça qu'on s'apprête à faire. C'est
ça qu'ils s'apprêtent à vous faire faire. Parce que,
là-dedans, là, vous êtes l'homme qu'on utilise, que le
patronat utilise pour arriver à ses fins, et, ça, ça ne
réglera en rien la situation qu'on a là puisque, finalement, il
doit y avoir un pourcentage d'accroissement, je pense, de la durée de
consolidation, mais pas de l'ordre où ils nous l'ont fait avaler,
à vous et à moi. C'est pour ça que je veux rencontrer la
CSST. C'est pour ça que je veux voir les actuaires, c'est pour ça
que je voudrais avoir des explications, et c'est pour ça que je pense
que le public et les travailleurs accidentés ont droit à ces
informations. (17 h 20)
D'autres questions que je voudrais poser à la CSST: Est-ce qu'on
trouve normal que la CSST soit saisie des dossiers ou prenne une
décision sur un dossier qui, dans 75 % des cas, est réglé,
et le travailleur est retourné au travail? Si vous revenez encore au
même tableau, vous allez constater que les accidents, ce qu'on appelle
les événements d'origine, les accidents du travail - j'adore le
jargon des fonctionnaires; je dois vous dire que ça, moi, les
«événements d'origine» pour parler d'un accident,
là, j'ai comme... Bon, on s'habitue, mais je ne suis pas sûre que
ce soit un vocabulaire très transparent.
J'imagine qu'il faut en avoir comme ça. Alors, vous remarquez que
les 14 jours et moins et les 15 à 28 jours, ça compose 77 % des
accidents. Et, selon des informations qui nous ont été fournies
par la CSST, quand la CSST prend une décision sur les dossiers,
ça varie entre 25 et 49 jours. Ça veut dire que dans 77 % des cas
le travailleur ou la travailleuse est retourné au travail, alors qu'il
aurait pu y avoir des interventions de soutien et d'information au travailleur
accidenté si la CSST avait été saisie, dans des
délais raisonnables, de l'accident. J'aimerais entendre le
président de la CSST là-dessus, parce que je sais qu'il y a des
tentatives pour corriger cette situation. Alors, ce serait intéressant
de l'entendre là-dessus.
Et, moi, il me semblerait normal - on veut parler d'améliorations
au projet de loi - et acceptable qu'on responsabilise les employeurs et les
employés. Ça vous étonne? Je l'avance. Les employeurs,
leur faire obligation de déclarer dans les 24 heures - jour ouvrable,
évidemment; la CSST ne travaille pas les fins de semaine - l'accident;
24 heures, sous peine d'amende. L'accidenté, 48 heures, sous peine de
pénalité aussi. Et l'accidenté devrait, en même
temps, Indiquer le nom de son médecin traitant, en ayant informé
et demandé au médecin s'il acceptait d'être le
médecin traitant. Parce que, actuellement, l'accidenté, il s'en
va à l'urgence, II se fait coudre, et il décide que le
médecin qui est de garde, c'est son médecin traitant. Le
médecin traitant ne le sait pas, lui, qu'il est le médecin
traitant. Alors, je pense qu'il y aurait des mesures comme ça, et
j'aimerais entendre la CSST là-dessus.
On a eu la possibilité de rejoindre les voeux formulés par
les travailleurs de la CSST à l'occasion d'une tournée qui
était effectuée par Mme Thibault, la vice-présidente aux
relations avec les bénéficiaires, qui recueillait les
commentaires. Et là j'inviterais les collègues à
écouter; c'est assez intéressant, ce qu'ils demandent, les
travailleurs de la CSST, qui n'ont pas été consultés et
qu'on n'entendra pas. Ils répètent, année après
année, depuis que Mme Thibault fait sa tournée, sensiblement les
mêmes témoignages. Alors, à la page 33 du rapport: 8.2
Constante dans les témoignages et suggestions du personnel des bureaux
régionaux. Les employés de la Commission suggèrent
à leur organisme de: informer les travailleurs accidentés plus
rapidement suite à l'accident; impliquer le conjoint dans le processus
de récupération physique et de réadaptation; informer le
public de la situation des accidentés du travail et sur la Loi sur les
accidents du travail et les maladies professionnelles - parce qu'ils ne font
pas confiance à tout ce qu'on entend de la part du patronat - augmenter
les ressources dans les bureaux régionaux pour améliorer le
service à la clientèle et créer des groupes de support
pour les bénéficiaires. Vous avez là des petites
recommandations intéressantes.
Ce qu'ils ajoutent également - et là c'est quand vous les
rencontrez - c'est que le stress et les tensions qu'on leur fait porter font
qu'ils commettent de plus en plus d'erreurs dans l'évaluation des cas
qui leur sont soumis. Le fait qu'on recourt beaucoup à la sous-traitance
ne prépare pas suffisamment, ne permet pas d'accumuler une
expérience utile pour recevoir et traiter les demandes. Ils vous
diraient ça, les travailleurs de la CSST, pour lesquels j'ai beaucoup de
respect, parce qu'ils travaillent dans des conditions difficiles, et ils
gèrent des politiques qui viennent d'en haut. Et n'importe quel
fonctionnaire va vous dire comment c'est embarrassant, c'est ennuyant, et
ça crée généralement plus de problèmes que
ça n'apporte de solutions. Parce que ces gens-là, qui
arrêtent ces politiques-là, ne sont pas sur le terrain. J'aurais
aimé ça, moi, entendre des travailleurs. Il doit y avoir des
représentants de ces travailleurs-là, de la CSST, qui seraient
venus nous dire comment ça se passe dans les bureaux. Ça nous en
apprendrait probablement pas mal long. On ne l'entend pas, ça, puis on
ne l'entendra pas.
J'aurais aimé également que le président de la CSST
vienne nous expliquer quel type d'encadrement il offre aux jeunes agents
d'indemnisation. Parce que, un des problèmes, c'est la formation des
agents d'indemnisation. Ils sont embauchés, ils sont mis dans le bain,
et sans beaucoup de soutien. Et le soutien qu'il leur accorde n'est pas
toujours... Et là j'ai vérifié. Je vois que le
président de la CSST est outré. Je connais des gens dans quatre
régions, à peu près, ce qui me permet de faire des
recoupages un peu. C'est assez intéressant, merci! Et,
généralement, la remarque est la suivante, c'est qu'il faudrait
vraiment que ce soient des seniors qui les encadrent, des gens qui ont une
solide expertise et qui deviendraient un peu des conseillers qui, rapidement,
les dépanneraient, les orienteraient et les enverraient à
l'information requise. C'est ça qu'ils nous demandent également.
Ça n'est pas toujours fait selon les règles. Il y a une
volonté, je le sais. Il y a même une certaine organisation qui est
prévue pour aller dans cette direction, mais c'est fort inégal,
et ce n'est pas toujours les plus compétents qui se retrouvent à
conseiller les agents d'indemnisation.
J'aurais aimé que la CSST vienne nous parler du fonctionnement du
bureau de révision paritaire; qu'elle fasse état de ses
commentaires et de ses remarques sur le paritarisme à ce
niveau-là. Autant, moi, je crois au paritarisme, autant je pense qu'il
est difficile de concevoir le paritarisme dans l'adjudication. C'est quasiment
une hérésie. Ça ne se fait pas comme ça, ça,
l'adjudication, par paritarisme. Ça génère la situation
qu'on connaît. Alors, moi, j'aurais aimé, et j'aimerais toujours,
que le président vienne nous en parler. J'ai la conviction, parce que
je
vois l'intérêt, là, du député de
Beauce-Nord pour la question... Je suis certaine que ces
données-là... Parce qu'il reçoit, comme moi et comme tous
les députés ici, des cas de CSST, et il aimerait savoir comment
ça se passe. Pour savoir comment case passe...
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides): Mme
la députée...
Mme Blackburn: ...II faudrait qu'on puisse entendre la CSST. Et
je le dis pour le bénéfice de la CSST et de ses administrateurs:
Ils sont placés dans une situation où ils ne peuvent pas s'en
sortir. Dans de telles situations, il est de la responsabilité du
gouvernement de sortir des mains des personnes qui sont juge et partie le
dossier pour le placer dans des mains neutres, indépendantes, non
partisanes, non parti pris et non partie prenante a ces dossiers. C'est la
seule façon d'arriver à une solution.
Et je réitère ma volonté de participer à un
projet de révision des lois de la santé et de la
sécurité du travail, accidents du travail et maladies
professionnelles qui permettrait à la CSST de maintenir et de
protéger les acquis des travailleurs, mais qui permettrait aussi aux
travailleurs de la CSST d'être fiers de leur entreprise, d'être
fiers d'eux-mêmes. Ils ne peuvent pas être fiers, avec tout ce
qu'on est en train de dire autour d'eux autres. Ce n'est pas vrai! Ils ne
peuvent pas être fiers. Et je pense que c'est ça qu'il faudrait
faire. Il y a un gouvernement responsable, et je lui offre toute ma
collaboration pour le faire. Je lui al dit que j'étais prête
à aller aussi loin... Je sais que ce n'est pas un dossier facile, je
sais que, pour certaines dispositions, on peut se faire rentrer dans le corps,
soit par les accidentés, soit par les syndicats ou le patronat.
J'étais prête à soutenir ça. Vous n'aurez jamais
vu...
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides):
Votre temps est écoulé, Mme la députée.
Mme Blackburn: .. en cette Chambre l'expression d'une telle
volonté de collaboration, et je trouve outrageant qu'on puisse la
prendre à la légère.
Alors, voilà, M. le Président, les raisons que
j'invoquais, et que j'invoque toujours, pour entendre la CSST. J'aimerais que
le ministre ne nous traite pas de cette manière-là, et qu'il
accepte de répondre, parce que c'est lui qu'on interpelle.
J'espère qu'il ne se contentera pas de faire la chandelle, là,
pendant tout ce temps-là. (17 h 30)
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides):
Alors, le temps est écoulé, Mme la députée. Je
m'excusel Est-ce qu'il y a d'autres intervenants sur cette motion? M. le
député de Beauce-Nord?
M. Jean Audet
M. Audet: Oui, merci, M. le Président. Ce sera très
bref, quand même. La députée de Chicoutimi a
souligné à mon attention ce projet de loi. Effectivement, je suis
très préoccupé par tout ce qui touche les lois du travail,
entre autres parce que, vous savez, dans le comté de Beauce-Nord que
j'ai l'honneur de représenter à l'Assemblée nationale, on
retrouve beaucoup de petites et moyennes entreprises qui sont assujetties,
évidemment, pour la plupart, à la Loi sur la santé et la
sécurité du travail. Il y a deux côté à
ça, c'est que...
Pour finir dans le sens de la motion de la députée de
Chicoutimi, évidemment, j'ai eu l'occasion, à titre de
député, d'avoir des cas assez pathétiques dans mon
comté, où on retrouve, par exemple, des gens qui ont atteint un
certain âge, qui ont la malchance d'avoir un accident du travail assez
important et qui ont, après, des difficultés soit à
trouver du travail ou à retourner dans leur milieu de travail. Dans le
projet de loi qu'on a actuellement, il y a une clause qui prévoit
ça, qui facilite ça. Évidemment, ce n'est peut-être
pas parfait, mais on ne peut pas... Dans les cas les plus pathétiques,
par exemple, quand on parle de travailleurs qui ont atteint l'âge de 55
ans, je pense qu'on vient enfin de pallier, peut-être, une lacune
importante qui existait dans l'ancien système.
Je pariais tantôt de deux côtés. L'autre revers de la
médaille aussi, c'est qu'il y a nos chefs d'entreprises. Nos chefs
d'entreprises disent: Qu'est-ce que vous attendez pour faire quelque chose,
parce que les coûts d'assurances au niveau du travail sont rendus
très, très, très élevés. Il y a eu des
comparatifs, d'ailleurs, d'établis chez nous. En tout cas,
peut-être qu'ils sont contestables, là, mais si, par exemple,
l'entreprise avait pu aller assurer ses travailleurs, assurance-salaire, entre
autres, ou assurance-invalidité sur le marché privé, les
coûts d'assurances auraient été, dans plusieurs cas,
beaucoup moins élevés qu'ils ne le sont présentement avec
la CSST.
Dans la mesure où on regarde aujourd'hui le déficit qu'on
a à la CSST, il y a plusieurs facteurs qui peuvent être
attribués à ça; il y en a plusieurs. Mais je pense
qu'à un moment donné il va falloir fixer des paramètres
pour encadrer ça, faire en sorte que ces coûts-là
arrêtent de diminuer et que le déficit, par le fait même,
à la CSST, cesse d'augmenter, parce que les droits des travailleurs...
C'est quoi, l'objectif de la loi de la CSST? Qu'est-ce que c'est, l'objectif
premier de la loi de la Commission de la santé et de la
sécurité du travail? C'est de protéger les travailleurs
pour ne pas qu'ils se retrouvent démunis, advenant un accident. Ce n'est
pas un substitut et ce n'est pas un remplacement de revenu. Enfin, ce n'est pas
supposé être ça. Bon! Je peux vous dire, moi, que les
entreprises de
chez nous sont très Inquiètes de ce qui se passe
présentement avec la CSST. Et je crois que la loi qu'on a là va
apporter peut-être certaines choses qui vont les rassurer à
certains égards, parce que si nos entreprises ont des problèmes
de rentabilité je ne suis pas sûr qu'on protège les droits
des travailleurs, à ce moment-là. Quand une entreprise ferme
parce que les pertes accumulées sont trop hautes et que la banque vient
prendre les actifs, je ne suis pas sûr que les droits des travailleurs
soient protégés et garantis, à ce moment-là.
Alors, c'est ça, et je pense qu'on est rendu là. Il faut
regarder le principe de la loi, comme tel, au niveau de la protection ou de
l'assurance. Si, par exemple, un travailleur a un accident, il est
blessé, il est obligé de quitter son emploi, ils sont maintenus.
Pour le travailleur, je crois, il n'y a pas de changement à ce
niveau-là, sauf qu'on dit qu'on va permettre à l'employeur
d'avoir peut-être un suivi important, parce qu'il est drôlement
concerné dans ce cas-là. Et si vous regardez comme il faut les
cas de comté qu'on a chez nous, évidemment, il y a des cas
pathétiques, il y en a. Mais quand on regarde comme il faut aussi, c'est
des cas pathétiques mais, des fois, les gens viennent nous voir en
dernier recours, et il n'y a plus grand-chose à faire. Je ne veux pas
porter de mauvais jugement sur les cas qu'on a mais, dans certains cas,
ça frise, je ne dirais pas la fraude, mais ça peut friser,
à certains égards, l'indécence.
Alors, je pense que les gens de l'Opposition sont conscients de
ça aussi, et je les invite... Parce que j'ai écouté les
arguments pour présenter la motion de la députée de
Chicoutimi. Les questions qu'elle a posées, qu'elle aurait aimé
poser à la Commission de la santé et de la sécurité
du travail, sont des questions qui auraient pu tout aussi bien être
posées lors des crédits, lors des engagements financiers, parce
que, chaque année, dans le cadre de la commission de l'économie
et du travail, on reçoit les gens du ministère du Travail - et le
président de la Commission de la santé et de la
sécurité du travail les accompagne - et on a l'occasion de leur
poser des questions à chaque année. Alors, pourquoi, il y a
quelques semaines, on n'a pas posé ces questions-là?
Moi, je ne porte pas de jugement là-dessus, mais c'est des
questions qui auraient pu être posées, du même type. Alors,
pourquoi attendre d'être rendu devant un projet de loi comme ça
pour prendre des mesures, faire en sorte que le projet de loi soit
retardé, retardé, retardé et retardé? Je crois que
c'est un peu de la fausse représentation que de supposer... Et, selon
l'expérience que j'ai, de parlementaire, même si elle n'est pas la
plus longue du Parlement, ici - ça fait quand même sept ans que je
suis ici - on a vu ça souvent que l'Opposition, par exemple,
présente des motions pour entendre des groupes et que, finalement, il
n'y ait pas de groupes d'entendus. Mais, finalement, lorsqu'on se met à
étudier le projet de loi, lorsqu'on se met à la tâche
d'étudier le projet de loi article par article, à force
d'échanges, l'Opposition, assez souvent, propose des amendements; des
fols, le ministre arrive avec des amendements qui font en sorte que,
finalement, bien, lorsqu'on commence à étudier le projet de loi,
ça rejoint, ou ça se rapproche le plus possible, ou on essaie de
se rapprocher le plus possible du consensus, de l'unanimité. Il est
arrivé assez souvent qu'il y ait des lois qui ont été
déposées en commission parlementaire pour étude, que
l'Opposition soit entièrement contre, et, lors de l'étude article
par article, après des amendements, oups! on se retrouvait en Chambre et
on votait unanimement pour le projet de loi.
Je ne dis pas que les groupes qu'on pourrait entendre n'apporteraient
pas un éclairage nouveau. Oui, je le suppose, parce que le ministre en a
fait une, proposition, d'ailleurs, et il n'y a pas eu entente entre les deux.
Bon. Je ne sais pas ce qui s'est passé, là, je ne le sais pas,
mais il y en a eu une, proposition d'entendre des groupes, de les revoir. Vous
avez eu aussi, peut-être, chacun à son bureau de comté,
l'occasion de rencontrer ces groupes-là, qui vous ont fait part de leurs
craintes, de leurs appréhensions ou de ce qu'ils souhaitaient voir dans
ce projet de loi-là. Alors, c'est à nous, en tant que
députés, de faire part de ces demandes-là à la
commission, ici, pour bonifier le projet de loi s'il y a lieu. Mais, Seigneur!
qu'on arrête de présenter des motions, là, et des motions
à n'en plus finir, pour retarder l'étude du projet de loi, parce
que je ne pense pas que ce soit servir ces gens-là que de retarder et de
retarder un projet de loi, de passer une nuit complète, jusqu'à 8
heures le matin. Je vais vous dire une affaire, M. le Président, que
notre institution, je ne suis pas sûr qu'elle gagne beaucoup en
crédibilité quand on passe une nuit assis sur les banquettes et
qu'on se retrouve au petit déjeuner, le lendemain matin, et qu'on n'est
à peu près pas plus avancé qu'on ne l'était la
veille quand on a commencé.
Alors, je souhaite, M. le Président, qu'on procède le plus
rapidement possible au début de l'étude de l'article 1 du projet
de loi 35. Merci.
Une voix: Consentement.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides):
Alors, merci. M. le député d'Anjou, vous avez 10 minutes.
M. Pierre Bélanger
M. Bélanger (Anjou): Merci, M. le Président. Je
pense que mon collègue, député de Beauce-Nord, anticipe un
peu. Il dit: des motions à n'en plus finir. C'est la première,
à ma connaissance. Est-ce que le député de Beauce-Nord
serait en train de nous prêter des intentions qu'on n'a pas
encore dévoilées, ou qu'on n'a pas encore mises à
exécution? Je n'ai pas votre longue expérience,
évidemment, mais je pense qu'il est en train d'anticiper. On retrouve,
même chez les députés ministériels, le même
réflexe qui semble affliger les ministres de ce gouvernement,
c'est-à-dire de toujours prêter les plus mauvaises intentions
à l'Opposition. Surtout, je pense qu'on oublie aussi le travail de
l'Opposition, les moyens de l'Opposition. Le travail qu'on fait, justement,
à poser des questions, à présenter des motions, c'est la
seule chose qu'une Opposition puisse faire, vu, justement, la majorité
que le gouvernement a et le pouvoir qu'il a de passer des projets de loi sans,
finalement, qu'on puisse les bloquer. Alors, je pense que le
député de Beauce-Nord a un peu de difficulté,
peut-être, malgré son expérience, à saisir ce
travail. C'est peut-être dû au fait qu'il n'a pas encore
été dans l'Opposition, ce qui, peut-être, va arriver dans
un avenir plus ou moins rapproché.
Une voix: II n'y sera même pas.
M. Bélanger (Anjou): Alors, à ce moment-là,
il sera peut-être plus à même de comprendre ce qu'est le
travail de l'Opposition, comme ça peut être un travail ingrat,
comme c'est, évidemment, peut-être plus facile d'être du
côté du gouvernement...
Mme Blackburn: Plus ennuyant.
M. Bélanger (Anjou): ...plus ennuyant, surtout. On a
peut-être moins, aussi, l'occasion de parler et de prendre la parole. Je
pense, en tout cas, que c'est vraiment prêter des mauvaises intentions,
et c'est vraiment anticiper sur ce qui peut survenir, ce qui pourrait changer
si on sentait un changement d'attitude de la part du ministre, une ouverture,
aussi...
Une voix: Pas sûr.
M. Bélanger (Anjou): ...sauf que, comme le dit mon
collègue, ce n'est pas certain. Ce n'est pas certain, mais je ne veux
quand même pas prêter, moi non plus, en partant, des mauvaises
intentions au ministre. On va lui donner la chance, à ce
moment-là, de nous montrer ses bonnes intentions et de nous montrer sa
bonne volonté.
Ceci étant dit, je partage aussi, quand même, la
préoccupation du député de Beauce-Nord relativement
à ce que représente l'institution de la CSST, autant du
côté du travailleur que du côté de l'entreprise,
c'est-à-dire au niveau du coût pour l'entreprise, au niveau de
toute l'importance que ça représente pour une entreprise, le fait
de voir ses employés couverts par une assurance. Je pense que c'est
important, surtout que, Anjou faisant partie de l'est de Montréal, on a,
dans l'est de Montréal, un passé basé sur l'industrie
lourde, et basé à la fois sur des expériences de maladies
professionnelles et d'accidents professionnels. Donc, toute cette question
préoccupe les industriels, les gens d'affaires du comté d'Anjou
et de l'est de Montréal. Donc, je pense que c'est important, et je pense
que ces gens-là suivent avec beaucoup d'attention le débat qui
entoure tout ce projet de loi. (17 h 40)
Maintenant, ceci étant dit, nous, de l'Opposition, nous
réclamons une enquête publique en commission parlementaire pour
pouvoir entendre les différents intervenants qui vont nous faire part de
leur position, de leurs appréhensions par rapport au projet de loi.
Comme je l'ai dit, le ministre semble nous refuser, en tout cas, jusqu'à
maintenant, ce privilège ou, je pense aussi, cette opportunité
que les gens pourraient avoir de savoir exactement ce qui se passe...
Une voix: C'est un droit.
M. Bélanger (Anjou): ...ce droit à l'information,
ce droit à se sentir impliqués dans les décisions qui sont
prises. Alors, si le ministre nous refuse ce droit, je pense qu'au moins il
pourrait nous accorder la chance, à cette commission, d'entendre
l'intervenant majeur dans ce dossier-là, qui est la CSST.
J'entendais, tout à l'heure, ma collègue des
Chutes-de-la-Chaudière faire la lecture d'articles. C'est évident
qu'on a passé dans le public des jugements assez sévères
et assez durs à l'endroit de la CSST et de son président. Je suis
certain que le président aimerait bien pouvoir répondre à
ces attaques et, peut-être, réhabiliter la réputation de la
CSST, car une réputation, je pense, est tout aussi importante que la
réalité, c'est-à-dire que l'impression qui est
laissée dans l'esprit du public est très importante. À ce
niveau-là, toute occasion que la CSST pourrait avoir de se
réhabiliter et de rétablir les faits, je pense que la CSST
devrait sauter sur l'occasion et, justement, prendre la parole, répondre
aux données et corriger les versions qui, d'après elle, sont
difformes ou sont contraires à la réalité de la CSST.
Aussi, j'aimerais entendre la CSST, son président, nous faire
part aussi d'un certain autodiagnostic. C'est évident qu'à
l'intérieur, avant qu'on n'en arrive à cette étape de
présenter un projet de loi, la CSST a dû faire un certain
autodiagnostic, une certaine réflexion à l'intérieur de
ses structures. Justement, même si cet autodiagnostic n'est pas
nécessairement impartial et n'est pas nécessairement, non plus,
complet, il pourrait être intéressant, tout au moins, d'avoir la
version de la CSST.
J'entendais, tout à l'heure, dire: Bon, écoutez, il y
avait d'autres occasions pour poser des questions au président de la
CSST. Je répondrais à ça: Écoutez, je pense que,
là, on a
quelque chose de plus concret que tout simplement des occasions qui nous
ont été données dans le passé. On a un projet de
loi concret, avec des dispositions concrètes qui vont modifier des
points très particuliers de la CSST...
Une voix: Majeurs.
M. Bélanger (Anjou): ...majeurs, à part ça.
C'est une réforme qu'on essaie de passer en douce en court-clrcuitant
toutes les étapes nécessaires, normalement, à une telle
réforme. On est en train de complètement court-circuiter
ça. Alors, justement, là, c'est l'occasion rêvée de
vraiment poser des questions très précises qui, normalement
aussi, devraient amener des réponses précises. Donc, je pense que
c'est très important.
D'autres questions aussi, entre autres, que j'aimerais, moi, poser au
président de la CSST, c'est justement sur le mode de financement. Mme la
députée de Chicoutimi faisait part, quand même, de son
implication dans ce dossier et de la connaissance qu'elle a des
différentes données qui composent le dossier de la CSST. Mais il
est important pour le public, pour les gens qui vont lire les
délibérations de cette commission, qu'ils soient à
même de comprendre les différentes implications, les
différentes données, et qu'ils comprennent aussi tout le sens du
débat qui va s'engager, qui est déjà commencé sur
ce projet de loi. Alors, à cet effet-là, je pense qu'il est
important que le président de la CSST puisse répondre, puisse
donner la lumière sur les différents points qui touchent la
CSST.
Une autre de ces questions, je pense, qui m'intéresse
énormément, c'est toute la question des besoins actuariels.
Alors, on fait beaucoup mention, évidemment, des actuaires dans ce
dossier, des actuaires qui sont absolument essentiels pour vraiment pouvoir
évaluer les besoins à long terme ou à moyen terme de la
CSST, mais je pense qu'il faut aussi essayer de vulgariser cette information.
Le président de la CSST serait en mesure, je pense, de vulgariser cette
information, de la rendre accessible et de pouvoir nous faire comprendre
exactement toute la portée de ces prévisions actuarielles ou de
ces constats actuariels. Justement, un de mes collègues, actuaire, me
faisait bien comprendre que, lui, son travail, finalement, ce n'est pas
nécessairement d'expliquer pourquoi on en est rendu là, c'est
plutôt d'expliquer l'étendue du dommage, où on en est
présentement. Donc, les rapports d'actuaires n'expliquent pas tout, et
je pense que si la CSST, par l'entremise de son président, pouvait les
commenter, à ce moment-là, ça serait intéressant.
Sur ce, je conclus, M. le Président.
Le Président
(m. bélanger, laval-des-rapides):
je vous remercie. est-ce qu'il y a d'autres intervenants sur cette motion?
m. le député de laviolette.
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: Merci, M. le Président. Qui a
intérêt à ce que la CSST ne participe pas à cette
commission à titre d'interviewé, de vérifié? Ce
n'est certainement pas les députés qui sont en face de moi.
Même, je sais que mon collègue, le député de
Saint-Maurice, aurait un grand intérêt à questionner la
CSST, lui qui a été dans le domaine de la construction et qui
sait que s'il y a un domaine où il y a de nombreuses difficultés,
c'est le domaine de la construction.
On sait très bien, M. le Président, que la CSST devait
nous donner, pour l'année 1993, la nouvelle tarification, en mai. Donc,
en mai, c'était les quelques jours passés. Pourquoi ne l'a-t-elle
pas fait? Pourquoi attend-elle l'adoption du projet de loi? Est-ce que c'est
parce que cette nouvelle tarification devra tenir compte, justement, de cette
nouvelle loi? Est-ce que la tarification devra, à ce moment-là,
être sujette à des modifications suite à l'adoption du
projet de loi? La CSST ne nous a donné, en aucune façon, les
chiffres qui appuient l'ensemble de ce qu'elle dit être des montants
d'argent sauvés. On n'a aucune étude, ni chiffrée, ni
globale, nous indiquant ce que le projet de loi peut apporter comme argent
sauvé. Alors, qui a intérêt à ce qu'il n'y ait pas
de questions posées à la CSST?
Je disais, d'abord: Ce n'est certainement pas les députés
d'en face. À part le député de Beauce-Nord, qui est
intervenu pour sauver la face, il n'y a personne actuellement qui, de l'autre
côté, semble être intéressé. Est-ce que c'est
le ministre lui-même, responsable de la CSST? Je ne pense pas. Je ne
pense pas, M. le Président, que ce soit lui qui ne veuille vraiment pas,
en aucune façon, entendre la CSST. D'ailleurs, quand on a fait l'annonce
des demandes, le ministre a présenté sa liste et n'a pas mis la
CSST. C'est parce qu'il avait consulté son leader, et son leader, c'est
lui qui, dans bien des négociations, par les interventions auprès
de notre leader, en arrive à déterminer la liste des gens
à être entendus. Souvent, notre collègue, qui est la
porte-parole du dossier, avec le ministre, peut faire valoir des points de vue
mais, finalement, ça se finalise toujours entre les deux leaders. Alors,
quelle est la raison pour laquelle le leader du gouvernement a refusé et
a dit: C'est ces neuf associations, pas d'autres; pas question d'entendre les
travailleurs et travailleuses accidentés, ni de la FATA, ni de l'ATTAM,
ni de l'ATTAQ, ni différents groupes, comme celui de Montréal.
Pas plus que le ministre, le leader du gouvernement ne veut entendre la CSST
elle-même. (17 h 50)
Je me suis posé la question, et je me la pose toujours, parce que
nous avons la liste devant nous, excluant ces deux groupes que nous aurions
voulu intégrer à la liste. Et là je rap-
pelle aux députés qui sont en face: Si vraiment ils sont
sérieux et ne veulent pas faire de la basse politique, de la petite
politicaillerie, ils n'ont qu'une chose à faire, c'est de nous proposer
la liste qu'ils ont déposée au début de
l'après-midi, puis nous dire que c'est celle-là qu'ils veulent,
la proposer, nous allons la discuter, nous allons la voter. Malheureusement,
nous serons battus, mais, au moins, on va avoir entendu ces neuf-là.
Et là on aurait pu sauver du temps, au début de
l'après-midi, M. le Président. Alors, pourquoi y a-t-il du monde
qui ne veut pas que la CSST soit entendue? Moi, j'ai imaginé que c'est
fort probablement du bureau du premier ministre qu'est arrivée cette
directive, pour éviter que, par nos questions, des deux
côtés de la salle, ici, on n'en arrive peut-être à
trouver des choses qui ne sont pas de bon ton actuellement, dans un contexte
peut-être préréférendaire, peut-être
préélectoral, qui fait que, finalement, le premier ministre ne
veut pas être dérangé par des aléas qu'il n'a pas
prévus. Il contrôle la situation. Comme il contrôle la
situation, il a demandé à son leader de la contrôler, et il
a forcé le ministre à refuser. Parce que, le ministre, il
était intéressé. On l'a vu dans les discussions qui
étaient amorcées au départ, il était
intéressé.
Ma collègue des Chutes-de-la-Chaudière a
démontré que, justement, il y a eu, dans sa commission à
elle, avec la ministre responsable de la Famille, déléguée
à la Condition féminine, la possibilité d'entendre des
groupes. Je me souviens, voilà pas tellement longtemps, en commission
parlementaire avec le ministre du Revenu, responsable des mines... Non,
c'était quoi? C'était le ministre... Oui, en tout cas, c'est M.
Savoie. En commission parlementaire, on est arrivé à le
convaincre d'entendre les gens des corporations professionnelles. On a
réussi à lui faire entendre raison, puis on les a entendus. Et
même, c'est le président de la commission qui l'avait
suggéré. Ça a réglé notre problème,
des deux bords. Nous avons entendu les optométristes puis les
médecins ophtalmologistes, puis on a réglé notre
problème.
Et nous sommes, M. le Président, en commission parlementaire,
dans des conditions où on pourrait avoir la même ouverture
d'esprit, puis on ne l'a pas. C'est ça qui m'inquiète. Ce n'est
pas le ministre. Je suis sûr que, lui, il serait intéressé
à ce qu'on l'entende, la CSST. Mais il a eu l'ordre de nous
empêcher de l'entendre et, ça, ça provient de haut lieu.
C'est du moins l'hypothèse que j'essaie d'échafauder. C'est le
seul moyen que j'ai d'essayer de trouver la raison pour laquelle on nous
refuse. Ce n'est certainement pas M. Diamant, qui est un homme
d'expérience, qui est un homme qui est prêt à nous
dévoiler tout le contenu de ce qu'il connaît, dans la mesure de
son imputabilité. Je suis sûr que ce n'est pas lui. Alors, qui? Je
ne vois pas d'autre place que le bureau du premier ministre, le
«bunker». Et, ça, ce n'est pas inhabituel d'entendre des
choses semblables et de voir des choses semblables.
M. le Président, moi, je me dis: Nous allons arrêter pour
l'heure du souper - du dîner, comme diraient les Français.
Peut-être qu'à ce moment-là le ministre pourrait nous
revenir à 20 heures, nous indiquant qu'il a réfléchi
à tout ce qu'on a dit cet après-midi, qu'il a l'intention,
justement, d'entendre des groupes et, compte tenu de la situation, la CSST
étant présente, on pourrait dès ce soir commencer avec la
CSST. Et on pourrait commencer un débat intéressant nous
permettant de connaître les raisons pour lesquelles tel et tel amendement
a été apporté. Peut-être que, sur des amendements,
nous avons une opinion, comme Opposition, puis qu'on se trompe. C'est possible.
Peut-être qu'on a raison; c'est possible aussi. Et, dans ce
contexte-là, la décision du ministre de faire entendre la CSST
pourrait, j'en suis assuré, M. le Président, laisser tomber les
appréhensions de part et d'autre et faire en sorte que le projet de loi
puisse être mieux étudié.
Et là il y a des gens qui sont dans la salle, de l'autre
côté, qui ne sont pas nécessairement habitués au
travail parlementaire, qui disent: Qu'est-ce que c'est, ça, cette perte
de temps? Mais ce n'est pas une perte de temps, au bout de la course, vous
savez. Même si ça ne nous intéresse pas bien, bien...
Pensez-vous que, moi, après avoir passé la nuit debout avec mes
collègues, je suis intéressé à continuer ça?
Mais, s'il faut le faire, on va le faire pour essayer de faire comprendre au
ministre des choses. Mais j'aurais aimé bien mieux, cet
après-midi, à 15 heures, débuter avec la CSST.
Moi, il me semble, M. le Président, que ce n'est pas difficile
à comprendre. Puis un des moyens que le gouvernement, de l'autre
côté, possède pour nous montrer sa bonne foi, c'est,
immédiatement après que j'aurai terminé mon droit de
parole, que le député de Saint-Maurice propose la liste au
complet pour qu'on la discute. S'il ne fait pas ça, là, bien, il
sera accusé de ne pas avoir fait sa job.
Une voix: Ça, ça serait tout un...
M. Jolivet: Ça, ça serait un geste important de mon
collègue de la rive ouest du Saint-Maurice.
Une voix: Ah! oui, oui. Une voix: II passerait...
M. Jolivet: II passerait à l'histoire. Peut-être que
ça dérangerait un peu le ministre, mais le député
de Saint-Maurice serait un héros.
Une voix: Oui.
M. Jolivet: Bien, Lemire, en tout cas... Mol, je peux vous dire
juste une chose, c'est que si... Il le sait très bien, sa mère
puis sa soeur me vouent une admiration énorme pour le travail que j'ai
fait dans le temps que je m'occupais de syndicats. C'est deux enseignantes
à qui j'ai eu à donner des choses, dans le temps. Alors, je dis
la vérité, M. le ministre.
Une voix: Toujours.
M. Jolivet: Toujours. Et, dans ce sens-là, il me semble
que le député de Saint-Maurice pourrait, au nom de sa mère
et de sa soeur, nous démontrer...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Jolivet: ...('«intéressement» qu'il a de
pouvoir nous donner une rencontre avec la CSST. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides):
Alors, après cette tentative au niveau des sentiments du
député de Saint-Maurice, est-ce qu'il y a d'autres intervenants
sur cette motion?
Des voix:...
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides): M.
le député de Saint-Maurice.
M. Yvon Lemire
M. Lemire: Juste, pour terminer les remarques qui ont
été faites par mon collègue, le député de
Laviolette, je voudrais peut-être lui rappeler, à ce moment-ci de
la discussion, que, moi, pour avoir participé de près à
l'évolution de la CSST dans l'année 1986, j'ai constaté
qu'il y avait des corrections qui étaient nécessaires à
l'époque, parce qu'il y avait déjà un déficit
d'environ 500 000 000 $. Notre gouvernement et le conseil d'administration de
l'époque ont amené les correctifs nécessaires, et on est
passé d'un déficit à un surplus, à un moment
donné.
C'est vrai qu'on a eu des correctifs d'augmentation de tarification dans
certains domaines. Vous vous souvenez, on avait environ 900 secteurs qui
étaient tarifés; maintenant, on a environ 500 sections de
tarification quand, en Ontario, il y en a 300. On a fait les correctifs, on a
fait certaines augmentations, on est arrivé avec un surplus. C'est vrai
qu'on a eu des changements, mais, moi, je n'ai pas besoin d'aller aussi loin
que vous le demandez. C'est sûr que ça dépendra du ministre
tantôt, mais je constate qu'avec toutes les analyses et les études
qui ont été faites de la part du ministre, les demandes de
rencontres qu'il y a eu... Et on constate aussi que, si on regarde, par
exemple, en 1989 - puis, ça, c'est important de le dire - il y avait 47
jours de moyenne par indemnisation. Et on se retrouve, trois ans plus tard,
avec 76 jours de moyenne par indemnisation. Et, ce qu'on propose, ce n'est pas
bien, bien compliqué; on veut juste amener des correctifs. Puis je pense
que notre ministre a le courage de venir corriger la loi en permettant d'amener
des amendements pour corriger cette situation, pour donner un meilleur service
aux travailleurs, pour les indemniser le plus rapidement possible, pour qu'il y
ait un retour au travail le plus rapidement possible, pour diminuer les
coûts.
Il ne faut pas oublier aussi qu'il y a la conjoncture. Il y a moins de
monde pour payer, dans le moment, parce que la crise économique est
assez difficile. Mais je pense que les correctifs qu'il apporte, ce n'est pas
bien, bien compliqué. On n'a pas besoin d'aller faire des études
puis des vérifications intégrées. Ça, ça a
tout été fait. Ça fait des années qu'on en fait.
Et, vous le savez, M. le député de Laviolette, vous avez
sûrement eu des interventions de vos amis de la CIP, qui est aujourd'hui
la PFCP, dans votre comté. Moi, j'en ai eu de la Stone Consolidated et
de plusieurs compagnies, de plusieurs intervenants du milieu. Ce qu'on veut,
c'est améliorer les interventions à la CSST. Et je pense que
notre ministre a fait les démonstrations qu'il fallait, et on les a
faites cette nuit.
Comme le disait tantôt mon collègue, le
député de Beauce-Nord, oui, je trouve ça difficile qu'on
ait passé une nuit à discuter sur des choses qui, à mon
avis, ne sont pas si nécessaires que ça. Parce que, là, ce
qui presse, c'est d'empêcher la dégradation de notre
société d'État qui est la CSST. Quand on est rendu,
là, à tout près de 800 000 000 $ de déficit, tout
près de 1 000 000 000 $ dans une année, il est temps que le
gouvernement intervienne, parce que ça s'en vient dramatique. Savez-vous
jusqu'où ça peut aller? Ça va amener des faillites de PME
et, en même temps, ça va amener des pertes d'emplois
considérables si on continue dans le sens où c'est parti. C'est
pour ça qu'il faut intervenir. Ce n'est pas d'aller faire parader du
monde en quantité. On le sait, ce qu'on veut. D'ailleurs, le
paritarisme, là, de la façon dont elle est faite, cette
boîte-là... Ça fait 10 ans que les syndicats, les patrons
et tout le monde est sur cette boîte-là. Ils savent qu'ils n'ont
pas fait, peut-être, ce qu'ils auraient dû faire à
l'époque. Et on veut les aider à faire ce qu'il y a à
faire pour faire les correctifs nécessaires.
Ça fait que, M. le député de Laviolette,
malgré toute la belle intervention que vous avez faite, je suis d'accord
avec vous qu'il faut intervenir. Et, moi, je demande à mon ministre de
se dépêcher à nous aider à intervenir. On n'a pas
besoin d'avoir autant d'intervenants à cette table. Je vous remercie
beaucoup, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger,
Laval-des-
Rapides): Merci. Alors, compte tenu de l'heure - il reste une
minute - est-ce que...
Des voix: On va suspendre.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides):
Alors, on va suspendre jusqu'à 20 heures, et on reprendra avec Mme
la députée de Verchères qui avait demandé la parole
sur la même motion. Je vous remercie.
(Suspension de la séance à 18 h 1)
(Reprise à 20 h 12)
Le Président (M. Audet): La commission de
l'économie et du travail reprend ses travaux. Je vous rappelle qu'elle
est réunie afin de procéder à l'étude
détaillée du projet de loi 35, Loi modifiant la Loi sur les
accidents du travail et les maladies professionnelles, la Loi sur la
santé et la sécurité du travail et la Loi sur
l'assurance-maladie. Alors, nous en étions aux discussions sur une
motion de Mme la députée de Chicoutimi, et je crois que c'est Mme
la députée de Ver-chères qui avait la parole. Alors, Mme
la députée de Verchères, vous pouvez poursuivre votre
intervention.
Mme Dupuis: Je commence.
Le Président (M. Audet): Pardon?
Mme Dupuis: Je commence.
Le Président (M. Audet): Vous commenciez? Alors,
commencez, madame.
Mme Luce Dupuis
Mme Dupuis: Merci, M. le Président, mais avant de
débuter, de vraiment attaquer les quelques points que je veux soulever,
permettez-moi quelques remarques qui font que je suis toujours
étonnée de la manière de faire que l'on retrouve
généralement en commission parlementaire lors de l'étude
de projets de loi. J'espère continuer à demeurer
étonnée de cette manière de faire et ne pas m'habituer
à ça et ne pas l'accepter. Je ne m'explique pas - peut-être
qu'après 10 ans ou 15 ans de vie parlementaire, je vais m'habituer, mais
j'espère ne pas m'y habituer - que lorsqu'on demande simplement un peu
plus de transparence, qu'on demande qu'un organisme soit entendu, comme la CSST
d'où vient le déficit, on ne puisse pas avoir la
possibilité de les entendre, on ne puisse pas avoir la
possibilité de poser des questions et avoir des réponses. Moi, je
ne m'explique pas ça.
C'est ce qui amène que mes collègues tantôt se sont
fait pratiquement taxer de tomber dans l'interprétation. Mais c'est
inévitable. Quand on ne veut pas répondre, quand on est
obligé d'aller par supposition, d'aller par hypothèse,
forcément, on fait de l'interprétation alors que ce serait si
simple de répondre aux questions et de dire oui. Ça ne serait pas
plus long de faire entendre l'organisme en question. On a eu d'autres projets
de loi et, encore là, on a eu à subir le même sort. Comment
se fait-il que des organismes qui sont en mesure de donner des questions
pertinentes sur un projet de loi qui peut avoir des conséquences
importantes, qu'on refuse sous prétexte... Même, on n'a pas
donné de raison valable à savoir pourquoi on ne veut pas qu'il
soit entendu. Ce n'est pas une deuxième rencontre qu'on demande. C'est
simplement la possibilité de répondre à nos questions et
je pense que, même, on sauverait du temps.
Ces premières remarques étant faites, j'écoutais
tantôt le collègue du parti ministériel, le
député de Beauce-Nord, qui préside notre commission
maintenant, dire: Oui, mais les petites entreprises sont en difficulté.
On sait tous que les petites entreprises sont en difficulté, et c'est le
moteur économique du Québec. Il y a eu, cette année, une
foule de ces entreprises qui ont fait faillite, qui ont dû fermer leurs
portes. Ça amené des mises à pied massives de la part de
nos travailleurs.
Mais là, lorsqu'on amène ça comme argument au
moment où, nous, on demande que la Commission soit entendue, je pense
qu'on déplace le problème. Il n'y a personne qui va contredire,
M. le Président, un député qui nous sert ça comme
argument. C'est évident que, ni d'un côté ni de l'autre, je
pense, qu'on a intérêt... Personne ne veut la faillite des petites
entreprises, d'une part. D'autre part, j'ai eu la possibilité,
tantôt, d'expliquer quelques cas de citoyens qui ont été
pénalisés. Les craintes, là, devant un déficit
aussi important, ce sont encore que ce soient les travailleurs qui ont dû
subir un accident qui soient encore pénalisés. C'est ça,
les craintes, et c'est ça qui peut insécuriser.
Vous savez, quand je me promène dans mon comté, et que je
me fais dire par des citoyens: J'ai l'impression que je me fais voler par le
gouvernement, moi, ça m'emmène à réfléchir,
et ça me trouble un peu. Quand c'est rendu que le citoyen a l'impression
qu'il paie des taxes de façon démesurée, et qu'il a
l'impression de se faire voler par ses dirigeants, je trouve ça grave.
Il ne faudrait pas encore que le citoyen ait l'impression que s'il lui arrive
un accident, c'est fini, il tombe dans la dèche complètement, et
c'est la fin de tout ce qu'il a peut-être mis des années à
bâtir.
Moi, j'aimerais être rassurée là-dessus, et c'est
pourquoi j'aimerais entendre la CSST nous expliquer où ils veulent en
venir avec leur projet de loi. Ça va avoir quoi, comme
conséquences? Est-ce que ça va régler le problème?
Les causes du déficit... Tiens, j'ai un petit document ici qui me dit
que les employeurs attribuent le déficit à
certaines causes, le syndicat, à d'autres causes, et la CSST,
à d'autres. Qui a raison? Est-ce qu'on les a bien cernées, les
causes du déficit? Est-ce qu'il y a abus de la part des travailleurs
accidentés? Est-ce qu'il y a abus de la part des employeurs? Est-ce que
c'est carrément mal administré? C'est des questions qu'on est en
droit de se poser. Ce n'est peut-être pas un des problèmes, c'est
peut-être un ensemble de problèmes. C'est ça qu'on aimerait
connaître.
Un projet de loi, c'est facile à passer, mais après
ça, si on est obligé d'avoir plus d'amendements à
l'article de loi et qu'on est obligé de vivre avec une loi pendant
quelques années, et qu'on s'aperçoit après qu'il faut
avoir plus d'amendements que d'articles que la loi compose, je pense qu'on
n'avance pas beaucoup. On a vécu le projet de loi sur les heures
d'ouverture, et là, tout le monde est presque unanime à dire que
ça a été une erreur. On en a fait, un débat, et
après, on constate que là, il y a eu erreur. Il me semble qu'il y
aurait lieu d'éviter ces erreurs.
D'autres questions qui me... En ce qui concerne l'article 32, par
exemple, est-ce que ça ne vient pas, par cet article, alourdir encore le
système, faire en sorte que le citoyen, en plus d'avoir un accident, en
plus d'avoir une baisse de salaire, en plus de tout ce qu'il doit subir, un
séjour à l'hôpital, et tout, est pris dans des
dédales où il ne se retrouve plus? Ce n'est pas ça qui va
arriver avec l'article 32? Ça ne vient pas alourdir le système
d'une façon exagérée? Est-ce qu'on ne multiplie pas les
paliers d'intervenants? À toutes ces questions-là, il est normal
qu'on veuille avoir des réponses et qu'on veuille interroger la CSST,
mais ce n'est pas cette attitude-là qu'on voit, et moi, ça me
dépasse de voir que le ministre n'écoute pas plus qu'il ne faut.
Même, là encore, au moins, M. le ministre, ça, c'est
à son avantage, il ne lit pas son journal: Est-ce qu'il écoute,
je ne le sais pas, mais du moins, il a l'air d'écouter.
Une voix: C'est de la présomption. (20 h 20)
Mme Dupuis: C'est de la présomption. C'est vrai, encore
là, je fais un procès d'intention. Je pourrais peut-être
lui poser quelques questions aussi. Pourquoi ne pas faire la lumière
tout de suite? Pourquoi ce manque de transparence? Moi, je le dis
peut-être d'une façon bien naïve, je n'ai pas 15 ans de vie
politique, mais, des fois, c'est très bon de prendre l'avis lorsque
quelqu'un pose un oeil neuf. C'est le principe des consultants en
administration, tout le monde le sait. Ils font venir des consultants pour se
faire dire des choses parce que, eux, ils ont le nez trop près et ils ne
voient plus. C'est poser un regard neuf ou des choses qui surprennent quelqu'un
qui n'est pas habitué, qui n'est pas tombé dans l'habitude d'un
système. Ça, je ne peux pas ne pas le dénoncer. C'est
généralisé à chaque projet de loi. Quand ce n'est
pas ça, c'est le bâillon carrément.
On ne peut pas ne pas taxer cette manière de faire, cette
attitude d'un manque de transparence. Quand on n'a rien à cacher, quand
on veut vraiment faire une étude sérieuse, quand on a la
volonté politique de régler un problème, est-ce qu'on peut
se permettre quelque geste que ce soit qui empêche justement de faire
toute la lumière et d'arriver à se bâtir ou à
créer une loi qui réponde vraiment aux besoins et qui trouve et
qui sera vraiment une solution aux problèmes que vit la CSST
présentement? À écouter quelques commentaires, je pense
que je suis légitimée de dire: Ils vont couper de façon
peut-être inconsidérée dans les bénéfices ou
les avantages que doit avoir un travailleur lorsqu'il subit un accident. Je
vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Audet): Merci, Mme la
députée. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur la motion?
Je vais reconnaître Mme la députée des
Chutes-de-la-Chaudière.
Mme Denise Carrier-Perreault
Mme Carrier-Perreault: Je vous remercie, M. le Président.
C'est à mon tour de venir appuyer la motion de ma collègue de
Chicoutimi concernant la consultation qu'on aimerait avoir afin d'entendre, si
on veut, la CSST, la Commission de la santé et de la
sécurité du travail.
Disons que je ne voudrais pas répéter tout ce qui a
été dit, mais je pense qu'on n'en sort pas, il faut essayer de
convaincre le ministre en quelque part d'accéder à notre demande,
à un moment donné. Le projet de loi qu'on a devant nous, on nous
a dit hier... Hier soir, j'ai entendu les gens du côté
ministériel, j'ai entendu le ministre dire que le projet de loi est
présenté, qu'il faut faire quelque chose pour sauvegarder notre
système en santé et sécurité au travail, notre
système québécois qu'on a mis sur pied. Il faut faire ce
qu'il faut pour sauvegarder le système. On nous a dit aussi que
c'était un projet de loi qui permettait de protéger les
travailleurs accidentés, protéger nos travailleurs. Nous, dans ce
qu'on voit dans le projet de loi, quand on regarde ça de plus
près, en fait, on a des doutes sur la solution. On ne pense pas que ce
soit une solution miracle. On a des doutes. On nous a dit aussi hier que
c'était un projet de loi qui faisait consensus. On s'est fait dire
ça par, entre autres, la députée de
Kamouraska-Témiscouata, qui nous disait que ça avait fait
consensus.
Alors, M. le Président, vous savez comme moi, comme tous ceux qui
ont lu les journaux et les commentaires qui ont été faits, qu'on
est loin d'un projet de loi qui fait consensus. Les commentaires ne sont pas
nécessairement flatteurs de part et d'autre, autant du côté
des employeurs que du côté des travailleurs. Les organisations
syndicales, par exemple, vont reprocher au
ministre de s'attaquer aux droits des travailleurs accidentés et
aux diagnostics, finalement, qui sont faits par les médecins traitants,
puisque le projet de loi maintenant va permettre, en fait, à la CSST de
réclamer une expertise médicale.
Du côté patronal, on a une évaluation qui est aussi
sévère, à toutes fins pratiques. L'AECQ mentionnait, je le
disais un peu en début d'après-midi et en début de semaine
aussi, que le ministre n'avait pas eu le courage, il n'avait pas pris le temps
de s'attaquer aux vrais problèmes de la CSST pour en assurer la survie.
C'est justement cette assoclation-là, l'AECQ, qui demandait aussi, comme
nous autres, on le demande, comme ma collègue de Chlcoutimi le demande,
qu'il y ait un vrai débat sur le dossier de la CSST.
Des problèmes à la CSST, M. le Président, on en
parie depuis un bout. Ça fait un bout qu'on parle du déficit,
entre autres, déficit qui grandit, qui grossit, année
après année. On nous parlait dernièrement d'un
déficit réel de 1 000 000 000 $. Ça n'a pas toujours
été le cas, cependant, M. le Président. On a parlé,
bien sûr, des cotisations. Ceux avec qui on serait le plus en mesure
d'avoir des réponses concernant les questions qu'on a sur ce
sujet-là, je pense que c'est avec la CSST.
C'est évident que, par rapport aux cotisations, on est en droit
de s'interroger. On sait que les cotisations ont été
baissées il y a trois ans. On est passé de 2,75 $ à 2,50
$, puis à 2,32 $. On sait aussi qu'à l'époque ça ne
faisait pas nécessairement l'unanimité. On se souviendra que la
présidente, Mme Forget, qui était à la CSST à cette
époque-là, n'était pas nécessairement favorable
à cette recommandation-là et admettait volontiers que
c'était suite à des pressions des employeurs qu'il y avait eu ces
baisses-là. On peut comprendre, bien sûr, les employeurs, M. le
Président. Mais il reste qu'on peut se poser des questions quand on
constate que le déficit de la CSST grossit depuis trois ans, comme
ça, à chaque année. C'est une coïncidence, à
tout le moins, qui aurait mérité peut-être des questions un
petit peu plus pointues et des réponses aussi un petit peu plus
précises. C'est pour ça qu'on demande de rencontrer la CSST.
Dans l'article auquel je faisais référence cet
après-midi concernant les propos de M. Fava, il nous disait, lui aussi:
Comment peut-on dans les circonstances - il explique les graves
problèmes, c'est aberrant, la masse salariale augmente de 1 000 000 000
$, le nombre d'accidents chute de 17 % et la facture augmente de 38 % -
continuer de vendre la prévention aux employeurs? On leur dit que la
prévention, c'est payant, et on constate le contraire. Ça, c'est
en se fiant sur les chiffres globaux, les 38 % par rapport à 17 %, les
chiffres globaux. Alors, c'étaient les propos de M. Fava dans cet
article-là.
Pourtant, M. le Président, on sait que la prévention,
c'est vrai que c'est rentable. Les grandes entreprises qui ont commencé
et qui ont mis sur pied des programmes de prévention, qui ont
réaménagé leur lieu de travail, qui se sont donné
des équipements sécuritaires, ont vu leur nombre d'accidents
baisser. On sait que c'est rentable, la prévention. Mais quand M. Fava
nous dit: On leur dit que la prévention, c'est payant, et on constate le
contraire, c'est sûr qu'on pourrait demander des choses à la CSST
concernant la prévention.
Vous savez, M. le Président, en 1981-1982 on a regroupé
tous les employeurs par secteurs différents et on a décidé
d'en faire cinq groupes, selon les ordres de danger potentiel, dans chacune de
ces entreprises-là. En 1982, 1983, 1984, on a obligé, par
décret, le groupe 1, le groupe 2, le groupe 3, un à la suite de
l'autre, de mettre sur pied des programmes de prévention. Ils ont
été «priorisés», et par décret ces
secteurs-là ont dû, à toutes fins pratiques, mettre sur
pied des programmes de prévention.
Or, depuis 1985, M. le Président, on n'a plus
«priorisé». Pourtant, il reste deux groupes qui n'ont pas
encore, au moment où on se parle, en tout cas, par décret,
été tenus de mettre sur pied des programmes de prévention.
Je vais vous dire, c'est sûr que ça coûte des sous aux
entreprises, établir un programme de prévention, d'une part, mais
surtout rendre les lieux conformes aux règlements, se doter
d'équipement sécuritaire. Ça, je peux vous le dire, et
j'en parle en connaissance de cause, parce que, personnellement, j'ai
travaillé dans ce domaine-là. J'en ai monté des programmes
de prévention, entre autres, dans le secteur des affaires municipales.
Des lieux de travail, des équipements qui allaient à rencontre de
la réglementation, je vais vous dire, ce n'est pas rare dans les
entreprises. Pourtant, je vous parie de garages municipaux, des entreprises,
des administrations publiques. Là, je vous parle d'un groupe qui
était dans le groupe 3, justement, qui faisait partie du groupe 3. (20 h
30)
Alors, ça ne faisait pas nécessairement leur affaire sur
le moment de devoir mettre sur pied un programme de prévention, parce
qu'ils savaient qu'il y aurait des coûts qui découleraient de ces
programmes de prévention là, c'est évident. On parle de
nombre de décibels dans certains équipements, on parle des
courroies, etc. Je n'ai pas envie de vous lire la réglementation parce
qu'on sait qu'il y a plusieurs règlements qui s'appliquent au niveau des
affaires municipales, et même au cas de la construction, aussi. Le
ministre, je suis sûre qu'il sait que ça prend beaucoup de choses,
beaucoup d'équipement pour être conforme et être selon les
règlements qu'on a.
Alors, on sait que les entreprises ne se bousculent pas pour mettre sur
pied des programmes de prévention. Elles ne courent pas après,
autrement dit, M. le Président. Alors, ces
décrets-là qui les forçaient, à toutes fins
pratiques, à mettre sur pied des programmes de prévention,
à se donner des comités de surveillance, des comités
paritaires dans les établissements, obligeaient les employeurs à
donner de la formation. C'était important que ça se fasse parce
que c'est comme ça qu'on en est arrivé, en tout cas, à
faire avancer les choses dans certains milieux plus récalcitrants que
d'autres. Or, comme je vous le disais, depuis 1985, on n'en a plus, de groupes
prioritaires, et il reste deux groupes qui n'ont pas été, en tout
cas, par décret, tenus de se conformer à certaines règles,
entre autres, la mise sur pied de programmes de prévention et ce qui en
découle. Ça aussi, c'est des questions qu'on aurait pu discuter
avec les gens de la CSST.
On aurait pu discuter aussi des problèmes de gestion au point de
vue administratif. On sait qu'il y a beaucoup de sous-traitance à la
CSST. Bon, il y a un article de journal qui faisait référence
à ta sous-traitance dans un milieu particulier, dans un
département en particulier. Je sais que ça existe. J'ai
même en main des listes de noms et de montants alloués à
des personnes pour le nombre de jours travaillés en sous-traitant dans
des départements. Disons qu'il y a beaucoup de choses qu'on aurait pu
demander à la CSST concernant ses dépenses administratives, et
ça nous aurait sûrement éclairés. Vous savez comme
moi, M. le Président, que ma collègue demande aussi au ministre
qu'il y ait une enquête actuarielle, une enquête administrative sur
l'ensemble de la gestion.
Le Président (M. Audet): Mme la députée.
Mme Carrier-Perreault: Alors, c'est pour toutes ces raisons, M.
le Président, que je pense que c'aurait été très
important qu'on entende la CSST et que j'appuie la motion de la ministre,
pardon, de ma collègue.
M. Jolivet: La future ministre.
Mme Carrier-Perreault: Hein? C'est un lapsus. Alors, je vous
remercie.
Le Président (M. Audet): Merci, Mme la
députée. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur la motion?
Alors, est-ce que la motion est adoptée?
M. Jolivet: C'est sur vote enregistré.
Mise aux voix
Le Président (M. Audet): Sur vote enregistré.
Alors, M. le secrétaire, si vous voulez appeler les
députés pour voter sur la motion qui a été
déposée par Mme la députée de Chicoutimi. Nul n'est
besoin d'en faire la lecture? Ça va? M. le secrétaire.
Le Secrétaire: Mme Blackburn (Chicoutimi)?
Mme Blackburn: Pour.
Le Secrétaire: M. Jolivet (Laviolette)?
M. Jolivet: Pour.
Le Secrétaire: M. Bélanger (Anjou)?
M. Bélanger (Anjou): Pour.
Le Secrétaire: Mme Dupuis (Verchères)?
Mme Dupuis: Pour.
Le Secrétaire: M. Cherry (Sainte-Anne)?
M. Cherry: Contre.
M. Jolivet: Mme Carrier-Perreault?
Le Président (M. Audet): C'est parce qu'en vertu des
ententes vous avez droit à quatre votes.
Le Secrétaire: M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine)?
M. Farrah: Contre.
Le Secrétaire: M. Bordeleau (Acadie)?
M. Bordeleau: Contre.
Le Secrétaire: M. Lafrenière (Gatineau)?
M. Lafrenière: Contre.
Le Secrétaire: M. Audet (Beauce-Nord)?
M. Audet: Contre.
Le Secrétaire: Alors, cinq contre, quatre pour.
Le Président (M. Audet): D'accord. Alors, la motion a
été rejetée. M. le député de Laviolette.
M. Jolivet: J'aurais une petite motion à vous
présenter.
Le Président (M. Audet): Ah oui? Est-ce que vous pouvez
nous en faire la lecture, s'il vous plaît? Allez-y, M. le
député.
M. Jolivet: M. le Président, je m'excuse, c'est parce
qu'on habitue notre nouveau collègue à des votes pas habituels.
Que le Président vote, s'il avait fallu qu'il y ait vote
prépondérant, c'aurait été nouveau, hein?
Le Président (M, Audet): Oui. Ha, ha, ha!
M. Jolivet: en même temps, le ministre étant membre
de la commission en vertu de la décision de l'assemblée
nationale, il a droit de vote.
Le Président (M. Audet): Je vous remercie pour le titre
que vous venez de me donner, M. le député.
M. Jolivet: Ce n'est pas vous qui êtes le ministre. Je
parle de votre ministre.
Le Président (M. Audet): Ah oui! O.K. Allez-y.
Motion proposant d'entendre la
Confédération des syndicats nationaux
M. Jolivet: La motion, M. le Président, se lit comme suit:
II est proposé qu'en vertu de l'article 244 de nos «Règles
de procédure» la commission permanente de l'économie et du
travail tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du
projet de loi 35, Loi modifiant la Loi sur les accidents du travail et les
maladies professionnelles, la Loi sur la santé et la
sécurité du travail et la Loi sur l'assurance-maladie, des
consultations particulières quant à tous les articles dudit
projet de loi et qu'à cette fin elle entende le conseil des syndicats
nationaux, appelé communément la CSN.
Le Président (M. Audet): D'accord. Est-ce qu'on peut avoir
une copie de la motion? La motion est recevable. Est-ce qu'il y a des
discussions là-dessus? Ça va?
M. Jolivet: Sur la recevabilité?
Le Président (M. Audet): Sur la recevabilité,
ça va? Alors, M. le député de Laviolette, vous avez 20
minutes...
M. Jolivet: Pardon?
Le Président (M. Audet): ...30 minutes...
M. Jolivet: Oh, j'ai eu peur!
Le Président (M. Audet): ...sur votre motion.
Allez-y.
M. Jolivet: M. le Président, avant d'entreprendre,
cependant, la motion telle qu'elle, est-ce qu'on pourrait poser une petite
question au ministre? Est-ce que le ministre me permet une question? Est-ce que
durant le repas, ce soir, vous avez eu l'occasion de discuter...
Le Président (M. Audet): Ce serait inhabituel. À ce
moment-là, j'ai besoin du consentement des membres de la commission.
Est-ce qu'il y a consentement pour qu'il y ait une question de posée au
ministre avant? Ça va compter dans le temps imparti pour la motion.
M. Jolivet: Ça ne me dérange pas. Une voix:
Consentement.
Le Président (M. Audet): Consentement? Allez-y, M. le
député.
M. Jolivet: En fait, je voulais juste savoir si le ministre,
devant l'argumentation qui a été apportée, même
malgré le vote, ne croit pas qu'il serait peut-être opportun de
suspendre quelques instants et de regarder la possibilité d'entendre des
gens. Est-ce que le ministre... Vous persistez dans votre entêtement?
M. Cherry: Parlez sur votre motion.
M. Jolivet: Vous voulez que je parle sur ma motion?
M. Cherry: Oui.
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: C'est de valeur. On aurait eu bien des choses
à dire.
Moi, je suis un peu surpris, je dois vous le dire, d'abord, au
départ, d'autant plus que j'essaie de retrouver ma feuille où le
ministre nous indiquait les gens qu'il voulait recevoir. Je l'ai su... Je
l'avais barbouillée un peu parce que j'avais discuté à
partir de cette feuille-là. J'ai de la misère à
comprendre. Le ministre indiquait, dans la fameuse feuille qu'il nous a
distribuée au début de la commission, pendant son droit de
parole, qu'il voulait, le jeudi 4 juin, c'est-à-dire demain matin,
à 11 heures, entendre la Confédération des syndicats
nationaux. Là, je crois comprendre que le ministre me dit non. Cette
fois-là, je ne comprends plus rien, d'autant plus que le ministre
pourrait nous dire: Écoutez, j'ai eu l'occasion de les rencontrer
personnellement, dans mon bureau, j'ai eu l'occasion de voir différents
groupes, et je n'ai pas besoin de les entendre en commission parlementaire. Je
comprendrais très bien si le ministre ne nous avait pas, au
départ, fourni une liste dans laquelle il indiquait qu'il était
prêt à les rencontrer en commission parlementaire.
On aurait l'occasion d'entendre les gens de la
Confédération des syndicats nationaux nous apporter, de leur
part, quelles sont les modifications qu'ils aimeraient voir apporter à
ce projet de loi pour le rendre conforme à leurs demandes, mais,
malheureusement, je dois parler à partir de leur aopréhenslon, si
jamais le projet de loi était adopté sans aucun amendement. C'est
peut-être là qu'il va falloir essayer de travailler, de dire au
ministre qu'il perd une bonne occasion de se faire expliquer, devant tout le
monde, là où il y
a des accrochages. Pour la CSN, le projet de loi 35 apporte, on l'a dit,
des modifications majeures, d'abord, aux droits et, deuxièmement, au
traitement des dossiers des personnes accidentées et malades du
travail.
On dit que ce projet de loi met au rancart le médecin traitant.
Je pense qu'il va falloir qu'on parle davantage de cette partie-là,
parce que c'est une partie importante des amendements qu'apporte le projet de
loi 35. Donc, il met au rancart le médecin traitant et sa
primauté quant à son diagnostic. D'autant plus que la CSST, par
le projet de loi, semble vouloir se donner des pouvoirs, à mon avis,
exorbitants, des pouvoirs qui feront en sorte, finalement, de contrecarrer ce
que l'on a appelé la primauté du diagnostic du * médecin
traitant.
La CSN aurait pu nous indiquer que, d'après elle, le projet de
loi, tel que présenté, élargit les pouvoirs de
contestation et d'intervention de la Commission de la santé et de la
sécurité du travail et, en même temps, ceux des employeurs
pour leur permettre, à ce moment-là, de contrecarrer le suivi
médical de l'Individu accidenté sur les lieux de son travail. Par
le fait même, le projet de loi va prévoir des contrôles qui
seront mis en place et qui sont accrus par rapport au contrôle actuel.
Enfin, le projet de loi, pour la CSN, vient modifier de façon importante
les droits d'appel et, en particulier, le droit qu'ont les personnes
accidentées et malades du travail de se faire entendre. (20 h 40)
Donc, on connaît, tout le monde le sait, le système actuel
où une personne qui a un accident sur son lieu de travail demande
à l'employeur, en remplissant les formules, d'être envoyée
à la Commission de la santé et de la sécurité du
travail en tenant compte que les 14 premiers jours ouvrables sont payés
par l'employeur sur la présentation du rapport du médecin
traitant de l'individu. Or, le projet de loi vient, justement aux
appréhensions de la CSN, mettre en deuxième lieu le diagnostic du
médecin traitant. Ça, il aurait pu nous le dire, nous le
communiquer davantage que simplement par la lecture au cabinet du ministre par
ses employés du mémoire présenté par la CSN ou
même de l'explication du mémoire donnée par la CSN
elle-même, par ses représentants, au ministre.
Enfin, le projet de loi, à toutes fins utiles, vient imposer un
régime de tutelle relativement à l'évaluation
médicale ou au traitement prescrit par le médecin traitant. On le
sait, il y a des employeurs qui, souvent, ne contestent en aucune façon
la décision du médecin traitant. Souvent on a vu la CSST faire le
travail à la place de l'employeur. On a vu la CSST, dans certains cas,
prendre les mesures nécessaires pour contester, même si des fois
l'employeur ne conteste aucunement. On a des cas à tous les jours qui
nous arrivent dans nos bureaux de comté d'individus qui disent: Je ne
comprends rien. Mon médecin traitant, celui que j'ai habituellement,
indique qu'il y a accident, qu'il y a lésion. Mon médecin
traitant m'indique que je dois prendre un temps de répit. Ça va
même, dans certains cas, jusqu'à des opérations.
L'employeur ne conteste en aucune façon - on le voit souvent
ça - d'autant plus que quand il y a récidive, c'est encore plus
difficile pour l'employé, parce que là, la CSST, par
l'intermédiaire de ses contestations, en arrive à faire accroire
à l'individu que la récidive n'est pas due à l'accident
qu'il a subi un an ou six mois avant, mais qu'il est dû, malheureusement
- et ça c'est pernicieux quant au constat - au vieillissement.
Imaginez-vous, l'individu qui se fait opérer dans un genou,
malheureusement, pour la CSST, dans bien des cas, c'est parce qu'il a vieilli,
et les os, vous savez, ça vieillit. Comme ça vieillit, il peut
s'installer de l'arthrose. Comme si le coup qu'il a reçu, la fracture
qui lui a été occasionnée par un accident de travail
n'avait pas pour but d'accélérer des choses qui, fort
probablement, étaient dans le système mais, s'il n'y avait pas eu
d'accident, ne seraient jamais découvertes.
On a des exemples d'individus qui viennent nous voir à notre
bureau et qui disent: Mon médecin traitant m'a fait une expertise. Il a
rempli le rapport médical. Il est prêt à le
défendre, mais, malheureusement, la CSST m'a demandé d'aller voir
le médecin que la CSST m'a demandé d'aller voir comme
spécialiste. Lui, il arrive dans son bureau, il me regarde, il parle
avec moi. Il me demande de marcher deux, trois pas en avant, deux, trois pas en
arrière et il détermine que je suis apte à retourner au
travail. Il dit: Je ne comprends plus rien parce que mon médecin
traitant, lui-même, a fait des expertises approfondies, a fait des
diagnostics complets, mais mon médecin traitant est
considéré dans ce cas-là comme si de rien n'était,
comme si c'était, excusez-moi l'expression, quasiment un nono. Vous
savez les difficultés que les gens ont, pour des médecins qui ne
sont pas nécessairement spécialistes mais qui en ont vu à
tous les jours, d'aller s'installer pour contester devant la cour, devant la
Commission d'appel, la décision du spécialiste de la Commission
de la santé et de la sécurité du travail.
Alors, dans ce contexte-là, la CSN indique que la CSST
actuellement est tenue de rendre des décisions d'ordre médical en
fonction de l'avis du médecin traitant. Même si elle obtient une
opinion qui est contraire, elle est liée jusqu'à ce qu'un arbitre
médical se prononce. Ça, c'est la loi actuelle. La CSN aurait eu
l'occasion de nous le faire bien comprendre, bien saisir.
Mais avec le projet de loi, qu'est-ce qui arrive? Aussitôt que la
CSST va obtenir un avis, une opinion médicale contraire, ça va
lui donner le droit de laisser de côté celle du médecin
traitant. C'est totalement à l'inverse de la
défense des droits de la personne qui, sur son travail, n'a pas
demandé d'être blessée, mais qui, malheureusement, quand on
prend le terme «accident», de façon fortuite, s'est
retrouvée dans des conditions où un rouleau lui est tombé
sur la tête, dans le cou ou bien elle s'est fait écraser le pied
quelque part. Pourtant, cette personne-là ne l'a pas voulu. Ainsi,
d'après la CSN, lorsque le médecin traitant sera d'avis qu'il y
aura encore nécessité de traitement en vue de guéri-son,
le médecin désigné par la CSST, comme je le disais tout
à l'heure, après un examen d'une dizaine de minutes, pourra
être d'avis contraire, dire qu'il y a guérison, et forcer le
travailleur ou la travailleuse à reprendre son travail. En vertu de la
nouvelle loi, si j'ai bien compris le texte, la CSST n'aura pas d'autre choix
que de suivre le conseil du médecin spécialiste de la CSST.
Donc, qu'est-ce qu'on est en train de faire, dans le fond? C'est
justement l'inverse de ce que la loi avait pour but, à l'époque.
C'est de mettre le fardeau de la preuve sur le dos du travailleur ou de la
travailleuse. Ça, le ministre doit en être conscient, lui, ancien
représentant syndical dans son milieu, qui a toujours défendu,
j'en suis assuré, dans toute convention collective, que le fardeau de la
preuve appartient à l'employeur et non pas à l'employé. On
doit avoir des lieux sécuritaires de travail, M. le Président,
mais si le lieu n'est pas sécuritaire, pourquoi ça serait
l'employé qui aurait le fardeau de la preuve? Dans toute convention
collective que j'ai signée, il y a une clause - et le ministre la
connaît, celle-là - qui dit: À moins de faute lourde,
l'employeur doit prendre fait et cause pour son employé. Là, on
est en train de dire que la CSST, par les moyens de la loi, va non seulement
obliger l'employeur à suivre la directive du médecin traitant de
la CSST, mais elle va obliger l'employé à subir les foudres de la
CSST, même si l'employeur ne le veut pas, même si l'employeur ne
conteste pas. Dans le fond, ce que la CSST est en train de faire, elle est en
train de se substituer à l'employeur dans le cas de la défense
d'un individu qui a subi, sur les lieux de son travail, un accident.
Ça, M. le Président, je ne peux pas accepter ça, et
je ne pense pas que la CSN accepte ça, non plus. Je ne pense pas que la
CSN aurait dit le contraire de ce que je dis actuellement si elle était
venue s'expliquer devant la commission parlementaire, d'autant plus que dans le
cas où il y avait désaccord entre le médecin traitant de
l'individu et le médecin de la CSST le tout ne serait plus, comme c'est
actuellement, porté automatiquement à l'arbitrage, mais
l'individu aura un délai de 30 jours pour trouver un nouveau rapport
médical, pour avoir accès à un nouveau bureau
d'évaluation médicale qui, lui, tranchera le
désaccord.
Vous savez, M. le Président, et le ministre en est conscient,
j'en suis sûr, les difficultés pour une personne qui se trouve
à Grand-Mère d'avoir le rapport d'un spécialiste ici,
à Québec, même par l'intermédiaire de son
médecin traitant, parce que nous, comme députés, des fois,
dans certains cas, on est obligés d'intervenir. J'ai une personne
à Grand-Mère, que le député de Saint-Maurice
connaît, qui avait un problème de torticolis, et il a fallu
intervenir chez un spécialiste à Montréal, parce que
l'individu souffrait énormément. N'eût été
l'intervention, elle n'aurait pu avoir une opération avant deux ans. (20
h 50)
On va nous dire qu'en dedans de 30 jours l'individu devra trouver un
nouveau rapport et, s'il ne le trouve pas, en bon Québécois,
«just too bad», c'est fini. Là, on va nous dire: Oui, mais
le délai de 30 jours, c'est pour permettre d'accélérer,
alors que le délai de 30 jours pourrait avoir l'effet aussi pervers que
de dissuader et d'empêcher. Le ministre le sait très bien: Quand
on parle de convention collective l'individu a des pouvoirs et, quand le
délai est terminé, c'est terminé. Ce
délai-là, quand il n'y a pas des gens qui viennent en aide
à des personnes accidentées, qui sont des représentants
syndicaux, qui suivent les délais pour s'assurer que l'individu ne perde
pas le droit légal de contestation, l'accidenté laissé
à lui-même aura, dans bien des cas, perdu tous ses droits.
Le ministre le sait très bien pour avoir connu, dans ma
région, surtout les travailleurs forestiers, en particulier, à
l'époque, et même dans des industries de notre région,
comme ailleurs au Québec, des gens qui se sont fait approcher par
l'employeur, qui leur a dit: Écoute, ça coûtera trop cher.
N'en parle à personne et je vais te payer. Moi, j'en ai vu qui ont
été coupés à cause d'une porte battante avec une
petite fenêtre avec deux verres. La porte s'est ouverte sans que personne
ne voit de l'autre côté, parce qu'il n'y avait pas moyen de le
vérifier et le verre a cassé et lui a coupé la veine.
Cette personne-là s'est vu donner un congé par l'employeur, qui
lui a dit: Écoute, prends donc l'assurance-salaire de l'entreprise.
Ça va me coûter moins cher que d'envoyer ça comme accident
de travail. Quand la personne, cinq ans après, a un problème de
la main, c'est fini. Elle n'a pas le droit de réclamer, parce qu'elle ne
peut pas prouver que c'était un accident de travail qui a eu lieu. Il
n'y a aucun papier qui l'inscrit. Dans ces délais-là... Le
ministre sait très bien que c'est arrivé dans des lieux de
travail où il a eu à travailler à l'époque comme
représentant syndical. Le ministre accepte ça? Je ne comprends
rien.
Le projet de loi vient donc mettre fin à la priorité que
le médecin traitant avait. La CSN nous aurait dit que le médecin
traitant doit d'abord actuellement se prononcer sur une question
médicale avant que le médecin désigné par la CSST
ou celui de l'employeur donne un
avis contraire. Le projet prévoit cependant que le médecin
désigné et le nouveau Bureau d'évaluation médicale
pourront se prononcer sur tout le dossier, même si le médecin
traitant ne s'est pas encore prononcé. Il pourrait outrepasser le
travail fait par le médecin traitant, comme on dit souvent dans notre
langage, blackbouler. Mais le médecin traitant pourra prescrire des
traitements pour une entorse, puis d'un autre côté, le même
individu, alors qu'il subit des traitements pour l'entorse, se voit
obligé de retourner au travail, parce que le médecin traitant de
la CSST pourra dire: L'entorse est guérie, mon chum. Retourne
travailler, au risque d'aggraver ta blessure.
Oh! le député de l'autre côté, dit: C'est un
médecin. Je dois vous dire qu'il y a des médecins, si on les
accuse d'être complaisants pour l'employé, ils doivent aussi
être complaisants pour l'employeur. J'en connais. Vous ne me ferez pas
accroire l'inverse, non plus. Je peux dire qu'il y a des médecins pour
la CSST, sans aucune évaluation autre que le dossier médical,
sans avoir revu l'individu, qui déclarent qu'il est guéri.
Ça, là, le diagnostic sur le papier, ça ne vaut pas un
diagnostic sur la personne. Ça, on l'a connu. Vous ne pouvez pas dire
l'inverse.
Donc, la marge de manoeuvre que se donne la CSST est dangereuse,
dangereuse pour l'employé qui pourrait même, dans certains cas, au
niveau de l'employeur, se voir empêché d'Intervenir par la CSST.
La CSN nous aurait dit que la CSST ne sera plus obligée d'obtenir un
rapport médical dans les 30 jours, qu'elle pourra intervenir même
si l'employeur lui a déjà soumis un rapport de son
médecin. La CSST, dans le fond, ce qu'elle veut, c'est tous les pouvoirs
d'intervention, à tout moment, sur n'importe quel sujet, avec une
épée de Damoclès sur l'individu blessé. Vous savez,
quand une personne est blessée à cause de son travail,
celle-là, elle est toujours plus propice à subir les contrecoups
d'une pression, à la fois de la part de l'employeur et de la CSST.
Il n'y a pas de gens, ici, dans cette salle, qui sont
députés qui n'ont pas vu dans leur bureau des gens d'une
cinquantaine d'années qui braillaient, parce que, vraiment, ils se
sentaient démunis devant l'appareil. Notre travail comme
député, c'est justement de les aider et d'aller chercher jusqu'au
bout les possibilités pour eux d'obtenir justice.
On peut, actuellement, en appeler au bureau de révision d'une
décision de la CSST qui suit l'avis du nouveau Bureau
d'évaluation médicale; cependant, avec la nouvelle loi, il n'y
aura plus d'appel d'une décision de la CSST qui n'aura pas
été soumise au Bureau d'évaluation médicale dans le
cas où le travailleur ou la travailleuse n'a pas fourni, comme je le
disais tout à l'heure, un nouveau rapport dans les 30 jours. Cela veut
dire que l'opinion de départ, l'opinion initiale du médecin
traitant n'a donc plus de valeur légale.
On vient de barrer la route à des personnes qui veulent prouver
qu'elles ont vraiment été blessées à l'ouvrage.
Dans l'ensemble, compte tenu des nouveaux pouvoirs, des nouveaux moyens
d'intervention que la CSST veut se donner, elle ne sera plus tenue de
défrayer le coût de l'ensemble des traitements prescrits par le
médecin traitant. Elle s'en tiendra donc, par le fait même,
à ces traitements qui sont fournis par le régime public et
à un certain nombre d'autres qu'elle détermine par
règlement. Pourtant, M. le Président, que de discours en 1984,
1985, 1986 et 1987 nous avons eu à subir, à la fois comme membres
d'un gouvernement par l'Opposition de l'époque, ou, à l'inverse,
comme membres de l'Opposition avec le gouvernement actuel. Ils nous ont dit:
Nous autres, on ne réglementera plus. On n'en fera plus de
règlements. On va aller, visière levée, dire exactement ce
qu'on veut dans un projet de loi. Pourtant, par règlement, la CSST
pourra déterminer quels sont les traitements qu'elle fournira à
l'individu. Le règlement, à moins que je n'en connaisse pas
beaucoup, il ne me semble pas qu'il existe actuellement. Je ne l'ai pas vu,
là. Je ne sais pas si ma collègue, qui est responsable du
dossier, l'a vu, mais, moi, je ne l'ai pas vu. Dans les papiers qu'elle nous a
remis, je n'ai pas vu ça, le règlement. Donc, on va se retrouver
avec des individus qui vont devoir payer eux-mêmes des traitements
prescrits par leur médecin traitant.
Par rapport au système actuel, la CSN aurait pu venir nous dire
que la loi actuelle élargit les pouvoirs des employeurs. Actuellement,
l'employeur ne peut exiger plus d'un examen médical par lésion.
Une fois par mois, il peut exiger un examen sur l'évolution de la
lésion afin de savoir, par exemple, si la travailleuse ou le travailleur
est guéri ou non. Il faut retourner quasiment aux années de la
noirceur, aux années quarante, pour trouver un tel pouvoir donné
aux employeurs. C'est un recul majeur. C'est aussi, par le fait même, une
façon d'alourdir le champ de contestation de l'opinion du médecin
traitant et d'accroître, malheureusement, et j'ai de la misère
à dire ce mot-là, la judiciarisation du système.
Donc, nous disons que le projet, tel que présenté, accorde
toute latitude aux employeurs d'exercer une médecine de gestion à
leur guise. Il élargit, par le fait même, tout pouvoir de
contestation de tout rapport du médecin traitant. Là, je ne
comprends pas, et la CSN aurait certainement dit au ministre, venant de la FTQ,
qu'elle ne comprenait pas ce que le ministre est en train de faire, pas plus
qu'une personne de la CEQ aurait pu le dire au ministre, pas plus qu'une
personne de la CSD aurait pu le dire au ministre. Elle ne comprend pas comment,
lui, il accepte d'augmenter les pouvoirs de l'employeur. C'est
incompréhensible. Je suis sûr que les gens de la FTQ lui auraient
dit la même chose.
Le projet comme tel oblige la travailleuse ou le travailleur
présumé invalide à accepter un emploi offert par son
employeur. Imaginez-vous, là, on revient à des affaires
épouvantables. Tu prends l'emploi que je te donne, sinon tu es dehors.
Si la personne refuse d'occuper cet emploi, ou encore si, après un mois,
l'employeur la met à pied, cette personne-là ne pourra
bénéficier que d'une différence que lui versera la CSST
entre 90 % du revenu net de son ancien salaire et 100 % du revenu net de
l'emploi qui aura, de toute façon, cessé d'exister. (21
heures)
Alors, nous voilà aussi devant de nouvelles procédures
d'appel que le ministre instaure. Il y a élargissement de la
reconsidération des décisions. Voilà donc, M. le
Président, des choses auxquelles je ne peux en aucune façon
souscrire et, à mon avis, la CSN aurait voulu venir le dire au ministre
publiquement. Pas dans le bureau du ministre! Ça, le ministre a le droit
de recevoir toute personne qu'il désire. Nous, les membres de
l'Opposition... Ma collègue a reçu tous les gens qu'elle
désirait. Mais là, on n'est pas rendu à l'étape de
chacun chez soi recevoir les doléances de chacun, on est à
l'étape publique où c'est publiquement que doivent se faire ces
recommandations-là. Et le ministre nous refuse et refuse à ces
intervenants de venir le dire publiquement pour qu'on puisse, après, se
faire ensemble un jugement de leurs opinions, une décision personnelle
ou de groupe, peu importe comment on le prendrait, de façon à
interpréter ensemble ce qu'on aurait entendu. Mais le ministre nous
refuse cette possibilité, M. le Président, et je n'en reviens
pas!
Puis, dans l'élargissement, là, des pouvoirs à
donner à la CSST par la loi, le refus de la CSST de reconsidérer
tout ça, là, est sans appel puisqu'on réduit en même
temps les pouvoirs de la CALP. La CALP perd son pouvoir d'enquête.
Pourtant, on a eu l'occasion... Dans certains cas, on l'a vu. L'intervention...
Et on avait l'occasion d'en parler avec M. Lalande, avec M. Bisaillon. Des
capacités d'aller régler des problèmes qui sont devenus
tellement judiciarisés que ça coûtait de l'argent à
tout le monde: l'employeur, le gouvernement par la CSST. Ça n'avait pas
de bon sens. Et que, par des formules de conciliation, on puisse arriver
à régler des problèmes... J'en expliquais un, hier,
à l'Assemblée nationale. Je me permets de le
répéter. Dans une entreprise, chez nous, un individu, appel
par-dessus appel, gagnant à chaque fois... Mais, pour différentes
raisons, la compagnie allait en appel jusqu'à ce que j'appelle
l'employeur. Puis il dit: Nous, on n'a pas l'intention de changer. On pense
qu'on a raison. J'ai dit: Jusqu'où vous allez avoir raison? À
quel coût vous allez avoir raison? Ça n'a pas de bon sens!
Qu'est-ce qui est arrivé? On s'est retrouvé devant l'employeur
qui a finalement accepté ma position, en disant: Essayez-le! Parce que
l'individu se sentait apte à retourner au travail, son médecin
traitant le disait apte à retourner au travail, le médecin de la
CSST le disait apte à retourner au travail puis, malgré tout
ça, l'employeur le refusait. Je ne sais pas pour quelle raison, mais il
le refusait. Finalement, mon intervention a permis au grand boss de la
compagnie de le faire venir, de jaser avec puis de dire: Écoute, es-tu
prêt à y aller? Oui, je suis prêt à y aller. Il y est
allé puis il travaille depuis ce temps-là. Ça, ça
date, M. le Président, du mois d'août, l'an passé.
L'individu, ça faisait deux ans que, d'appel en appel, payé par
l'assurance de la compagnie, parce que la Commission de la santé et de
la sécurité du travail avait refusé de le payer, pendant
deux ans, à cause des appels, à cause de sa convention
collective... Alors, il est arrivé finalement à obtenir justice.
Dans quelles conditions atroces il a vécu? Il a vendu son automobile, il
a perdu sa blonde parce qu'il n'avait plus une maudite cent. Il n'avait pas
droit, imaginez-vous, à l'aide sociale, même si l'assurance qu'il
avait était moindre, était petite. Je vous le dis, M. le
Président, c'est épouvantable!
On arrive avec des pouvoirs réduits de la Commission d'appel en
matière de lésions professionnelles. Le ministre, lui, tout
bonnement, jase avec ses voisins puis ne semble pas être attentif
à ce que je lui dis. Ça me fait de la peine. Moi, je ne parle pas
pour moi, je parle-Le Président (M. Bélanger,
Laval-des-Rapides): Ça me fait de la peine de vous interrompre
aussi.
M. Jolivet: Oui, mais juste une petite chose. Je parle pour ceux
qui, malheureusement, n'ont pas demandé d'être des
accidentés du travail. La CSN serait venue le dire Ici puis le ministre
nous refuse ça. Il le refuse, ce droit-là, à la CSN, mais
aussi aux travailleurs qu'elle représente. Le ministre a
décidé. Il a décidé, mais ce n'est pas correct.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides):
C'est bien. Alors, je vous remercie, M. le député de
Laviolette. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur le même projet?
M. le député d'Anjou, vous avez 10 minutes.
M. Pierre Bélanger
M. Bélanger (Anjou): Je vous remercie, M. le
Président. Je suis un petit peu plus optimiste que mon confrère
de Laviolette. À regarder le ministre, j'ai l'impression qu'il se laisse
bercer par nos arguments et que Morphée l'appelle de ses bras. À
voir cette réaction, je pense que nous commençons à
atteindre le ministre dans ses convictions les plus profondes. Alors, je pense
qu'avec...
Le Président (M. Bélanger,
Laval-des-
Rapides): Voulez-vous ne pas partir de rumeurs avec
Morphée parce qu'il est marié puis... Ha, ha, ha!
M. Bélanger (Anjou): Évidemment pas. Je faisais
évidemment mention du légendaire Morphée. Donc, M. le
Président, je vois que le ministre semble revenir à lui et
probablement à ses intentions initiales...
M. Jolivet: Malheureusement.
M. Bélanger (Anjou): Malheureusement. C'est donc dire
qu'il va falloir persévérer dans notre action et essayer de lui
rappeler un peu l'enjeu important de ce projet de loi. Évidemment, nous,
de l'Opposition, nous demandons une enquête publique sous la forme d'une
commission parlementaire. Évidemment, ça nous est refusé,
donc nous sommes obligés de nous rabattre avec des motions visant
à faire entendre, devant cette commission parlementaire, des
intervenants qui pourraient apporter des points de vue qui seraient importants
à être considérés dans toute réforme ou dans
tout projet de loi qui pourrait toucher la CSST. Un de ces intervenants, de par
l'importance du nombre de ses membres, je crois que ce serait la CSN, la
Confédération des syndicats nationaux. Je crois qu'il serait
très important de faire entendre la CSN, car la CSN, de par ses
structures, j'en suis certain, a répertorié des dossiers, a
répertorié des dossiers de ses membres qui ont eu des
problèmes ou qui ont eu affaire avec le système de la CSST. Elle
aurait pu nous donner un éclairage qui est différent, qui serait
évidemment tout autre que celui de la CSST.
Alors, dans le cadre de sa campagne nationale adoptée au conseil
confédéral de mars 1992, la Confédération des
syndicats nationaux a procédé à une enquête
auprès de l'ensemble des conseils centraux, qui étaient au nombre
de 17, afin qu'ils procèdent à l'élaboration de dossiers
sur certains comportements patronaux à risque et leur impact sur le
coût de réparation des lésions professionnelles. Ces
informations ont été recueillies à partir de dossiers
récents de victimes. Je pense que ça pourrait être
intéressant pour le ministre...
M. Jolivet: D'être attentif.
M. Bélanger (Anjou): ...et le président de la CSST,
aussi, qui ont l'air d'être dans des conversations qui semblent
être tout à fait plus importantes que le projet de loi qui nous
préoccupe. Ces informations, donc, ont été recueillies
à partir de dossiers récents de victimes de lésions
professionnelles. Ces dossiers ont été répertoriés
par des personnes qui ont à défendre ou à
représenter les travailleuses et travailleurs auprès des
différentes instances de la CSST. Les thèmes abordés pour
procéder à cette enquête visent particulièrement
plusieurs points. En particulier, ces points sont le refus de l'employeur de
reprendre la personne accidentée, ce qui a pour conséquence la
prolongation des indemnités prévues à la loi, le retour
prématuré au travail, qui conclut à une rechute, une
récidive ou aggravation, des abus de procédure qui ont une
incidence sur les coûts et des procédures juridiques qui se sont
avérées plus coûteuses que la réclamation de la
personne accidentée. Il y a aussi eu des cas de lésion
professionnelle dus à des gestes répétitifs en l'absence
de mesures préventives. Il y a aussi l'Identification de cas dont les
conséquences ont été particulièrement dramatiques
pour la personne victime d'une lésion professionnelle. (21 h 10)
Depuis, le deuxième volet de cette enquête s'adressait aux
fédérations qui devaient identifier et décrire des mesures
concrètes au niveau de la prévention dans les milieux de travail,
mesures qui diminueraient le nombre de lésions et, conséquemment,
les coûts du régime. Il importe de souligner que la plupart des
personnes avaient autorisé la CSST à dévoiler publiquement
leur dossier. Cependant, il y avait des gens qui préféraient
garder l'anonymat. Même si cette enquête n'est pas exhaustive, elle
démontre néanmoins que la situation réellement
vécue par les victimes d'accidents de travail... Et je pense que
ça doit être cette préoccupation que nous devons garder
à l'esprit tout au long de l'étude de ce projet de loi.
Alors, évidemment, le refus de l'employeur de reprendre la
personne accidentée, ce sont malheureusement des cas que nous retrouvons
trop souvent. Malgré que la loi prévoie qu'une personne a le
droit d'être réintégrée dans son travail,
malheureusement, certains employeurs... Encore là, je pense qu'on doit
souligner ça: on ne choisit pas d'être un accidenté, on est
victime d'un accident. Alors, la personne est doublement
pénalisée, c'est-à-dire qu'à la fois elle se
retrouve accidentée et, en plus, elle ne peut réintégrer
son emploi après une convalescence. L'accident dont elle a
été victime sert finalement d'excuse ou de motif pour la
congédier et pour lui faire perdre un emploi qui peut parfois avoir
été occupé pendant très longtemps.
L'autre problème qui était mentionné, l'autre
catégorie, c'était le retour prématuré au travail.
Évidemment, je ne saurais porter trop d'emphase sur ce problème,
c'est-à-dire que, quand on précipite, évidemment, le
retour d'un accidenté du travail... Peut-être que ce cas-là
peut être vu encore plus dans des petites entreprises où la
personne accidentée du travail occupe un poste qui est difficilement
remplaçable pour l'employeur. Si l'employeur précipite son retour
au travail, on peut imaginer très facilement ce qui se passe à ce
moment-là, c'est-à-dire qu'on assiste à une rechute,
à une récidive ou à une aggravation qui pourrait, à
ce moment-
là, compromettre complètement la convalescence et
même, parfois, transformer un déficit anato-mophysiologique
temporaire à un déficit anatomo-physiologique permanent tout
simplement parce qu'on n'a pas laissé le temps à la nature de
faire son travail, c'est-à-dire tout simplement au corps humain de se
rétablir.
Un autre problème aussi, c'est l'abus de procédures. Comme
je l'ai mentionné déjà dans mes interventions, il est faux
de prétendre que ces abus de procédures proviennent
systématiquement de l'accidenté. Je pense qu'il peut aussi y
avoir des abus de procédures de la part de la CSST ou de la part aussi
d'interventions d'employeurs qui tout simplement veulent finalement faire un
cas d'espèce et faire payer l'employé pour des motifs tout autres
que celui qui touche l'accident de travail. Il y a aussi tout le
problème du coût du système juridique et de toute la
procédure. L'accessibilité à la justice, c'est un
problème très complexe. Ce problème se retrouve aussi au
niveau de la CSST, le coût des avocats. Malheureusement, je dois
reconnaître que les avocats sont très chers, très
dispendieux. Maintenant, je suis un peu plus à l'aise pour en parler, vu
ma nouvelle fonction, mais c'est un problème. Heureusement qu'il existe
un système d'aide juridique pour permettre une meilleure
accessibilité de la justice aux personnes les plus démunies.
C'est ce problème-là aussi qu'il faut considérer dans le
genre d'iniquité et de déséquilibre qu'il y a dans le
système de la CSST.
L'autre problème aussi, c'est les lésions professionnelles
dues à des gestes répétitifs. Certains métiers - je
pense en particulier a des métiers comme des poseurs de tapis - ont
à prendre certaines positions qui sont régulières, qui
sont répétées, qui provoquent un stress sur l'organisme
humain et qui, à ce moment-là, petit à petit, sans qu'on
ne puisse identifier un geste en particulier, vont causer une lésion. La
répétition de ces petits gestes qui peuvent être
bénins va, à la longue, causer un traumatisme ou un accident
professionnel. Il y a aussi des cas d'espèce où...
Malheureusement, je me dois d'arrêter. Au prochain coup, je me reprendrai
et je continuerai mon enumeration.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides):
alors, merci. est-ce qu'il y a d'autres intervenants sur cette motion? mme
la députée de verchères, vous avez 10 minutes.
Mme Luce Dupuis
Mme Dupuis: Merci, M. le Président. Après
l'étude de quelques documents, on s'aperçoit qu'effectivement
c'est en partie ou en gros ou majoritairement le travailleur qui perd ses
droits. Ce qui est doublement inquiétant, c'est qu'il y avait
déjà un problème là pour les travailleurs qui
étaient vraiment touchés. Je ne parle pas de s'écraser le
petit orteil, mais de problèmes sérieux, d'accidents
sérieux au travail. Si on parle de mal de dos, si on parle d'accidents
qui mènent à des opérations, il y avait déjà
là un problème sérieux pour que le travailleur
accidenté obtienne justice ou, du moins, une apparence de justice et
arrive à être reconnu dans ses droits les plus légitimes
que sont ceux de sa santé et de son intégrité physique.
Lorsque je regarde de plus près, finalement, ce que ça peut avoir
comme conséquence pour le travailleur, ça vient simplement encore
empirer, si le mot existe, exagérer les problèmes qu'il va avoir
à subir. Il n'y a pratiquement plus de droit de recours. La CSST, par ce
projet de loi, a pratiquement tous les droits. Ça enlève
pratiquement tous les droits aux travailleurs. Le projet de loi vient, à
toutes fins utiles, imposer un régime de tutelle à
l'évaluation médicale et au traitement prescrit par le
médecin traitant, comme disait mon collègue tantôt.
J'ai vu un cas dans mon comté où, heureusement, il y a eu
un médecin traitant qui s'est battu pour le travailleur en question, qui
est arrivé a gagner d'aller en appel et qui a gagné des causes.
Mais il se trouve éliminé, pratiquement éliminé par
ce projet de loi. Si, M. le Président, je l'interprète mal,
j'aimerais que le ministre puisse, comme on le voit parfois à d'autres
commissions où, au moins, le ministre prend la peine d'écouter et
de dire: Là, il y a peut-être erreur d'interprétation, et
il prend la peine de nous répondre. Mais là, ça semble ne
pas être le cas et c'est presque désolant de voir une attitude
pareille. Il ne prend même pas le temps d'écouter les
revendications qu'on fait au nom des travailleurs. C'est ça, dans les
faits.
Avec le projet de loi aussi, comme on l'a dit tantôt, la CSST
obtiendra une opinion médicale contraire. Elle mettra de
côté celle du médecin traitant. Ça veut dire que,
par exemple, si tu as un travailleur qui a un accident et que le médecin
traitant et le médecin de la CSST... Est-ce que ça veut dire que,
s'ils n'ont pas la même opinion, c'est l'opinion du médecin de la
CSST qui fait foi de tout et que l'autre opinion est complètement
rejetée et, dans tous les cas, ça va être comme ça?
Je pose une question au ministre et j'aimerais avoir une réponse. Je
pense que c'est notre droit d'avoir une réponse là-dessus. Est-ce
que ça veut dire que le médecin traitant n'a plus un mot à
dire là-dedans et que c'est simplement l'opinion du médecin de la
CSST qui va décider du sort de ce travailleur-là? J'espère
que je me trompe, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides):
J'aimerais vous rappeler la motion. C'est pour qu'on entende la
Confédération des syndicats nationaux. Alors... pas ce
point-là, ça peut être un petit peu plus vaste, mais...
Mme Dupuis: À ce moment-là, je pourrais ressortir
les mêmes arguments sur lesquels je
suis intervenue tantôt en demandant que la CSST soit entendue. Si
on veut que les syndicats nationaux soient entendus, c'est peut-être eux
qui sont en mesure de donner des éclaircissements là-dessus et de
dire les conséquences que ça peut avoir sur les travailleurs, sur
le nombre de travailleurs qui peuvent se blesser. Est-ce qu'un projet de loi
comme ça, M. le Président, ça va amener l'employeur
à être plus attentif, par exemple, à la prévention
et à voir à ce que son équipement de travail ou les
conditions de travail permettent de moins en moins d'accidents ou si les
situations ne changeront pas du tout et que ce n'est que le travailleur qui
peut perdre ses droits là-dedans? C'est évident que, là,
peut-être que le syndicat pourrait nous apporter un éclairage. (21
h 20)
Une autre chose qui me surprend, M. le Président. J'ai une
feuille devant moi, ici, qui indiquait qu'il devait être entendu et
là, j'ai comme l'impression que le ministre a fait marche
arrière. Je n'ai pas juste l'impression. De toute évidence, le
ministre a fait marche arrière. Le ministre boude ou quoi? Qu'est-ce qui
a amené le ministre à dire: Oui, on va les entendre? De deux
choses l'une: ou il avait pris une mauvaise décision en disant qu'on va
les entendre et, après ça, il se retire et il dit: On ne veut
plus les entendre. Moi, j'aimerais savoir pourquoi. Qu'est-ce qui amené
le ministre... C'est sa nuit blanche d'hier, peut-être? Je ne le sais
pas, mais quand je dis que le ministre boude, bien, ça ressemble
à ça. Ça ressemble à de la vengeance.
Mais est-ce que c'est sérieux, ça, M. le Président,
qu'on doive entendre le syndicat, qu'on doive entendre certaines associations,
le ministre est d'accord pour éclairer l'assemblée, le ministre
passe la nuit blanche, et le ministre, il dit: Je n'ai plus envie de les
entendre, ce n'est plus nécessaire? Moi, ça me dépasse,
ça, pour ne pas dire que ça me scandalise, presque. Je n'en
reviens pas. Vous savez, on veut faire notre travail sérieusement et de
bonne foi, poser les questions, et non pas poser des questions pour poser des
questions. Ceux qui me connaissent bien savent que ce n'est pas mon genre du
tout. J'aimerais qu'il prenne le temps de répondre à certaines
questions . Ça n'avait l'air de rien au ministre, de répondre
à une question, et je pense qu'il a le droit de le faire. Je pense
même que ce serait son devoir de le faire, puisqu'il ne veut pas
adhérer à nos demandes que des organismes, que ce soit le
syndicat ou la CSST, puissent venir éclairer le débat, venir
jeter un petit peu de lumière, une lumière nécessaire.
c'est un projet de loi important. il y a des travailleurs là-dedans qui
peuvent avoir... qui peuvent... ça peut être leur vie qui soit
complètement gâchée, et des jeunes travailleurs. quand on
sait que, déjà, c'est un problème, on le vit presque
toutes les semaines dans nos bureaux de comté, -et qu'on voit que,
ça, ça peut venir empirer la situation, je pense que c'est
légitime qu'on veuille avoir des réponses là-dessus, M. le
Président. Bien plus: en plus que ces intervenants-là ne soient
pas entendus, le ministre semble refuser toute question, semble même
refuser d'écouter les questions qu'on serait susceptible de... Moi, je
reviens, M. le Président, je le répète encore, vous me
jugerez comme étant naïve, mais je ne le crois pas du tout. Je
pense que c'est légitime de demander une chose comme ça, et de me
scandaliser devant une attitude pareille.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides): Je
pourrais peut-être vous rappeler qu'au début de
l'après-midi le ministre a donné l'explication sur la question
que vous posez.
M. Jolivet: Mais elle était absente, elle était
ailleurs.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides): Bien
oui, c'est pour ça. Elle pose une question qui a déjà
été répondue. C'est juste pour rappeler ça.
M. Jolivet: M. le Président...
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides):
Oui?
M. Jolivet: ...je veux poser une question, parce que j'ai entendu
de l'autre bord... Ma collègue était à une réunion
qui était prévue avec le président de l'Assemblée
nationale. Donc, je voudrais bien qu'il fasse attention à ce qu'il
dit.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides):
Là-dessus, il n'y a pas de problème, et je pense que tout le
monde est d'accord. On comprend que...
Mme Dupuis: Oui. Je n'ai pas...
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides):
...Mme la députée est arrivée hier d'une mission
outre-mer. Alors...
M. Jolivet: Elle devait faire rapport au...
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides):
...c'est déjà bien qu'elle soit ici. Avec les
décalages horaires, je pense qu'elle subit comme nous une...
Mme Dupuis: Oui, et je...
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides):
...nuit assez compliquée. Mais c'était tout simplement pour
vous dire que ça a été répondu au début, la
même question que vous posez. C'était juste ça.
Mme Dupuis: Mais puisque le ministre, à le voir
encanté dans son fauteuil, semble résigné à passer
une partie de la soirée, aussi bien, je vais vous dire, l'utiliser d'une
façon plus agréable et instruire tout le monde. Je vais vous
dire, et je le dis sans partisanerie, on a étudié un projet de
loi une fois, et je vais vous le nommer, c'est le ministre Ryan, et il a dit:
Tant qu'à passer la soirée, bien, passons-la donc d'une
façon intelligente et instructive, et il a répondu à
toutes nos questions. Je vous dis, môme là, les
députés ministériels, M. le Président, y ont
trouvé leur compte aussi, parce qu'ils posaient des questions et
ça a éclairé toute l'assemblée.
C'est cette attitude-là, moi, que j'attends de la part du
ministre, surtout un ancien chef syndical qui sait très bien c'est quoi,
défendre les travailleurs. Là, on voit, depuis, parce qu'il
devient ministre, à un moment donné, il oublie tout ce qu'il a...
toute sa manière de faire passer... Mais de qui, de qui doit-il subir
les ordres? Indépendamment des ordres, peut-être que...
j'espère que ce n'est pas allé jusqu'au point que le ministre n'a
pas le droit de nous répondre. Tant qu'à passer la soirée
ensemble, passons-la donc d'une façon intelligente et d'une façon
agréable et instructive. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides): Je
vous remercie, Mme la députée de Verchères. Est-ce qu'il y
a d'autres intervenants? Alors, Mme la députée de Chicoutimi,
vous avez 10 minutes.
Mme Jeanne L. Blackburn
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. le
Président, je vais appuyer la motion de mon collègue, le
député de Laviolette, proposant que nous entendions la CSN. Comme
l'ont rappelé mes collègues qui sont intervenus avant, le
ministre était d'accord, nous étions d'accord, c'était
dans sa liste et dans la nôtre. C'était dans la liste de
propositions que nous lui avons faites et était dans la liste de
propositions qu'il nous a renvoyées. La différence entre les deux
listes, je le rappelle, c'était la CSST et les associations des
travailleurs et travailleuses accidentés. Le ministre est-il en train de
nous dire que simplement pour son plaisir, pour, j'allais dire écoeurer
le monde, pour se montrer un peu plus arrogant et méprisant, simplement
parce qu'on insiste de façon tout à fait normale et selon les
règles pour entendre deux organismes, il dit: C'est bien, on va punir
tout le monde. Moi, la démocratie, je n'ai rien à en tirer.
Résultat: vous vous retrouvez avec un ministre qui procède
à l'adoption ou s'apprête à procéder à
l'adoption d'un projet de loi majeur sans aucune consultation. C'est proprement
scandaleux. Quand je pense que, cette année, on parle et on fête
le Bicentenaire de l'Assemblée nationale, qu'on cite un peu partout - on
s'en va dans les écoles pour en parler - le caractère
démocratique de notre fonctionnement à l'Assemblée
nationale et qu'on refuse ce minimum de transparence sur une loi qui va
affecter lourdement... On a quelque 200 000 accidentés du travail
annuellement, ce n'est pas exagéré de dire que ce projet de loi
va affecter les conditions de rémunération, d'indemnisation de
ces travailleurs accidentés potentiellement. Alors, c'est un projet de
loi majeur qui a des effets sur un nombre important d'individus et on
n'entendra pas la CSN.
M. le Président, j'ai ici en main un texte qui a
été préparé par une de nos sommités en
matière de questions touchant la santé et la
sécurité au travail. C'est le professeur Katerine Lippel, qui est
professeur de droit social au Département des sciences juridiques de
l'UQAM. Elle pose un certain nombre de questions que nous aurions dû
aborder à cette commission et à l'occasion des audiences et que
la CSST aurait dû aborder et sur lesquelles elle aurait dû nous
apporter ses évaluations et les réponses aux questions ainsi
soulevées. J'en prends quelques-unes juste pour illustrer qu'on est en
train de faire un travail de bras en utilisant un mauvais objectif. Ce que le
professeur Lippel rappelle c'est, entre autres, qu'il serait absolument
surprenant, pour ne pas dire exceptionnel, que l'on puisse faire reposer
exclusivement sur le médecin traitant et l'accidenté du travail
la totalité de la responsabilité de l'accroissement de la
durée d'indemnisation. Elle dit: Pourquoi ce serait le cas pour les
travailleurs accidentés et que ce ne serait pas le cas, par exemple,
dans les autres systèmes, en particulier pour les -assistés
sociaux? Elle s'interroge et elle dit: Curieusement, le déficit
coïncide avec l'accroissement exponentiel... le déficit exponentiel
de la CSST coïncide avec la restructuration complète du financement
de la CSST. Elle dit: L'ampleur du déficit et le taux actuel du
chômage, est-ce qu'il y a un rapport? Elle dit: S'il y a un rapport, ne
serait-ce pas qu'ils avaient d'abord escompté plus de revenus - et nous
le savons - qu'ils n'en ont retiré parce que la masse salariale
cotisable était plus basse? Nous savons que ça avait eu un effet
sur les revenus. (21 h 30)
Pariant, par ailleurs, de la durée de consolidation que l'on
estime à 73,9 jours, elle rappelle qu'il s'agit de chiffres
estimés et que la durée réelle d'incapacité pour
ces périodes n'est pas encore disponible. Elle dit, et je partage cet
avis: On a réussi, par une campagne bien orchestrée de salissage
à l'endroit des travailleurs accidentés, à faire accepter
comme étant une vérité de La Palice que les certificats de
complaisance dans un contexte de crise économique où il y aurait
trop de sympathie pour leurs patients... C'est en train de prendre l'allure
d'une véritable vérité de La Palice. Elle dit:
C'est l'idée qu'on a développée et qui s'est
profondément ancrée dans l'esprit de tous les
Québécois.
Elle questionne les effets de l'absence de volonté des
entrepreneurs, des employeurs de reconnaître à l'accidenté
le droit du retour au travail. Est-ce que ça ne serait pas là une
partie de l'explication? Elle dit: Si vraiment c'est là l'explication ou
si encore elle résidait ailleurs, pourquoi la CSST, qui ne se gêne
pas pour accorder des contrats de sous-traitance à gauche et à
droite, n'aurait pas utilisé l'Institut de recherche en santé et
en sécurité du travail ou un autre organisme pour tenter de
cerner les causes de l'accroissement de la durée de consolidation? Elle
dit: On aurait pu confier ça à des chercheurs
indépendants, en dehors de la CSST. Ces chercheurs auraient pu examiner
un certain nombre de questions. Elle dit: Par exemple, le système de
financement basé sur le mérite et le démérite peut
expliquer, en partie, l'augmentation des coûts du régime, ainsi
que l'augmentation de la durée moyenne d'Incapacité tant
dénoncée par le Conseil du patronat. Ce phénomène
peut avoir été exacerbé par la campagne de 10 %
menée par la CSST, en 1987-1988, pour réduire les coûts
d'indemnisation en incitant les employeurs à surveiller de près,
voire à contester les réclamations de leurs employés. La
CSST elle-même a augmenté ses contestations à la même
époque.
Là, rappelons-nous, collectivement, nous sommes ici, que 76 % des
contestations présentées par la CSST et par les employeurs sont
rejetées ou ne sont pas reçues en totalité ou en partie
par la CALP. Vous pouvez le vérifier, 75,6 % ou 75,9 % sont
rejetées en totalité ou en partie. Si ça, ce n'est pas le
cas, que le ministre s'arrange pour faire parler le président de la
CSST. La CSST a augmenté ses contestations et, on le sait,
également en arbitrage médical, c'est 50 % des diagnostics qui
sont maintenus.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides):
Alors, en conclusion, Mme la députée.
Mme Blackburn: M. le Président, il s'est introduit toutes
sortes de pratiques dans le système qui pourraient expliquer une partie
de l'accroissement de la durée de l'indemnisation. Il n'est pas
évident que les gens soient intéressés à faire la
lumière là-dessus. Comme nous n'avons eu aucune information quant
aux économies réalisées par les propositions mises sur la
table, est-ce que ça permettra à la CSST de réduire son
déficit, je ne le sais pas, de 200 000 000 $, 300 000 000 $, 400 000 000
$, 50 000 000 $, 26 000 000 $, 30 000 000 $? Aucune indication! Aucune
indication, on fonctionne sur la gueule. Ce n'est pas normal pour un organisme
qui coûte actuellement aux employeurs 250 000 000 $ par année.
Parce que l'administration de la CSST, c'est ça. Il me semble que le
minimum auquel on pourrait s'attendre, c'est qu'elle nous fournisse des
données là-dessus.
Le fait qu'on conteste de façon non fondée - M. le
Président, je termine là-dessus - ça a comme effet
d'augmenter la durée de traitement des dossiers et, évidemment,
ils sont rémunérés pendant toute la durée où
on va d'appel en appel sur des dossiers non fondés. Ça peut
expliquer, donner une partie de l'explication de l'accroissement de la
durée de consolidation. J'aurai un certain nombre d'autres questions
à poser si jamais on avait l'occasion de faire un travail correct,
honnête, bien fait, respectueux des intervenants et, surtout, respectueux
des accidentés du travail. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides): Je
vous remercie, Mme la députée de Chi-coutimi. Mme la
députée des Chutes-de-la-Chaudière.
Mme Denise Carrier-Perreault
Mme Carrier-Perreault: Je vous remercie, M. le Président.
À mon tour d'appuyer la motion de mon collègue, le
député de Laviolette, à l'effet qu'on demande au ministre
de pouvoir rencontrer, d'entendre, à toutes fins pratiques, la CSN, ici,
en cette commission, en audition particulière.
Vous savez, M. le Président, la CSN a quand même pris
connaissance du projet de loi 35. La CSN a émis des commentaires et je
pense que ça aurait été important qu'elle vienne en
discuter avec nous autres et qu'on puisse poser des questions par rapport aux
commentaires émis. C'est vrai, à l'instar de mes
collègues, finalement, c'est à mon tour de m'étonner
aussi, encore une fois, de l'attitude du ministre. Je vous ferai remarquer, M.
le Président, que je ne lui pose pas de questions, mais je
m'étonne. Vraiment, c'est assez surprenant, parce que la CSN
était justement un des organismes que le ministre avait consenti
à rencontrer. Elle faisait partie des neuf organismes qu'on avait la
possibilité de rencontrer demain matin. Selon les ententes que le
ministre avait prises avec les gens de l'Opposition et tout ça,
c'était supposément entendu comme tel.
C'est sûr que, nous autres, de l'Opposition, on avait
demandé deux groupes de plus, je veux bien croire. Mais ça
n'empêche pas le fait que les autres étaient aussi des groupes
importants à rencontrer, des groupes qui sont des intervenants du
milieu, qui font partie des intervenants privilégiés, si on veut,
quand on discute de règles en matière de santé et
sécurité au travail. Alors, comme je le disais, la CSN a quand
même une certaine interprétation, a produit un document, a rendu
un petit rapport sur son interprétation, sur ses inquiétudes face
au projet de loi qu'on a sous les yeux. Je pense que ça serait important
d'en discuter. Comme il semble qu'on n'aura pas de réponse rapidement et
qu'on va continuer de poursuivre, en demandant au
ministre d'avoir des rencontres avec les autres groupes, j'aimerais
quand même, M. le Président, rappeler certaines de ces
inquiétudes que la CSN s'est donné la peine de manifester et
qu'elle n'aura pas la chance de venir expliquer et de nous donner des
détails supplémentaires, puisqu'on n'aura pas non plus la chance
de poser davantage de questions concernant ces inquiétudes-là,
face au projet de loi 35.
D'abord, la CSN est fort préoccupée de toute cette notion
par rapport à l'évaluation médicale. Elle nous dit que la
CSST est maintenant déliée, qu'il y aura un fardeau
supplémentaire sur les épaules de la travailleuse ou du
travailleur. Elle exprime aussi qu'en cas de désaccord entre l'opinion
du médecin traitant et celle du médecin désigné par
la CSST, le tout ne sera plus porté automatiquement à
l'arbitrage, comme c'était actuellement le cas. La travailleuse ou le
travailleur aura 30 jours pour trouver un nouveau rapport médical, pour
avoir accès à un nouveau bureau d'évaluation
médicale qui tranchera le désaccord. Non seulement sera-t-il
très difficile, voire impossible d'obtenir un rapport d'expert dans les
30 jours, mais encore la personne de-vra-t-elle, en plus, en défrayer
les coûts.
C'est une obligation coûteuse, inacceptable, qui introduit, en
plus, une nouvelle procédure pour avoir accès au nouveau Bureau
d'évaluation médicale. Alors, on avait des problèmes avec
ce genre de procédures, que ce soient des délais accrus par
rapport à des procédures au niveau des coûts, par rapport
à des frais d'avocat. Là, c'est au niveau médical, on dit
que ce sera une obligation coûteuse, supplémentaire. Alors,
ça pose un problème. Ça inquiète les gens du
milieu. On dit que c'est la fin, à toutes fins pratiques, de la
priorité qui était accordée au médecin traitant.
Bien sûr, M. le Président, il y a de ces préoccupations que
l'Opposition officielle a apportées. Mais il reste que je trouve
ça important quand même de mentionner que ces
préoccupations sont les préoccupations que la CSN aurait pu venir
nous dire. Parce que ça vient tout simplement du document de la CSN.
On nous dit que ce projet de loi vient donner une marge de manoeuvre
complète pour la CSST. La CSST ne sera plus obligee d'obtenir un rapport
médical dans les 30 jours, elle pourra intervenir, même si
l'employeur, lui, a déjà soumis un rapport de son médecin.
La CSST veut avoir tous les pouvoirs pour intervenir à tout moment sur
n'importe quel sujet. C'est quand même assez important, ce que la CSN dit
là-dessus. C'est gros. Je pense que ça aurait été
intéressant de voir ce que le ministre aurait pu lui demander et ce
qu'elle aurait pu répondre surtout, et par le biais de quels
détails on aurait pu avoir des données suffisantes pour nous
permettre aussi, à nous autres, de nous faire une idée. Enfin. Je
continue, M. le Président. (21 h 40)
On parle de la réglementation de l'assis- tance médicale,
qui soulève aussi certains problèmes. On parle de
l'élargissement des droits des employeurs. La CSN soulève des
inquiétudes par rapport à ce point-là en particulier, dans
le projet de loi 35. Elle nous dit qu'actuellement un employeur ne peut exiger
plus d'un examen médical par lésion. Une fois par mois, il peut
exiger un examen sur l'évolution de la lésion afin de savoir si
la travailleuse ou le travailleur est guéri ou non, s'il est
consolidé, à toutes fins pratiques. Il faut retourner aux
années quarante, dit la CSN, pour retrouver un tel pouvoir donné
aux employeurs, et elle mentionne que c'est un recul majeur par rapport
à ce qu'il y a présentement.
Encore là, pour la CSN, c'est une façon d'alourdir le
champ de contestation de l'opinion du médecin traitant et
d'accroître, à toutes fins pratiques, la judiciarisation du
système. Donc, on nous dit qu'on veut alléger,
déjudiciariser. Il y a quelque chose qui n'a pas été
compris quelque part parce que, semble-t-il, pour la CSN, on accroît
encore davantage ces champs de contestation et la judiciarisation. C'est vrai,
ce n'est pas facile à dire, ce mot-là.
Une voix: Non. C'est comme désinstitution-nalisation.
Mme Carrier-Perreault: Mais probablement, M. le Président,
qu'à la fin de la soirée et que plus ça va dans le temps,
plus on va avoir de la facilité à dire le mot en question.
Cet après-midi, le député de Beauce-Nord nous
parlait d'une amélioration que la loi apportait par rapport aux
travailleurs de 55 et de 60 ans. C'est assez étonnant, mais, pour les
gens du milieu, pour les gens concernés, ils ne considèrent pas
nécessairement ça comme une amélioration, ils
considèrent même ça comme une inquiétude
supplémentaire. La CSN le dit aussi, puisqu'on parle de rencontre
possible avec la CSN dans cette motion-ci. Mais ça a été
dit, aussi, par les travailleurs accidentés, par les coalitions, les
associations de travailleurs accidentés. Pour ces gens-là, pour
les gens du milieu, ce n'est pas perçu comme une amélioration,
c'est perçu comme une inquiétude. Là-dessus, je vais
expliquer, par rapport au document de la CSN, ce qu'on en dit.
Actuellement, les travailleuses ou les travailleurs qui sont atteints
d'une maladie professionnelle à 55 ans ou qui ont subi un accident
à 60 ans sont présumés invalides et sont indemnisés
en conséquence. Le régime actuel prévoit qu'il est fort
difficile de trouver un emploi pour une personne âgée de 55 ans ou
de 60 ans, à moins qu'elle ne réussisse elle-même à
s'en trouver un. Alors, présentement, quand on regarde la loi actuelle,
ce qui arrive, c'est que quelqu'un qui a un accident ou une lésion
professionnelle est présumé invalide ou présumé
inemployable s'il ne peut pas, évidemment, occuper le même
emploi après sa blessure ou après sa maladie. Alors,
partant de là, c'est qu'il n'y a pas de réintégration
obligatoire, dans la loi actuelle. La CSST paie l'indemnisation, le salaire de
la personne a 90 % du salaire, comme c'est supposé se faire,
jusqu'à l'âge de 65 ans. C'est ce qui se fait selon la loi
actuelle.
Le projet de loi, lui, oblige la travailleuse ou le travailleur
présumé invalide à accepter un emploi offert par son
employeur. Si la personne refuse d'occuper cet emploi ou encore si,
après un mois, mettons, l'employeur la met à pied... Elle peut
décider que c'est un emploi saisonnier, par exemple. Bon, elle occupait
une autre fonction. En tout cas, pour une raison ou pour une autre, si
l'employeur la met à pied parce que le poste n'existe plus, qu'il y a
une fermeture du poste ou qu'il n'a plus besoin de tel type d'emploi, la
personne ne pourra bénéficier que de la différence que lui
versera la CSST entre 90 % du revenu net de son ancien salaire et 100 % du
revenu net de l'emploi qu'elle aura de toute façon cessé
d'exercer. Donc, pour les gens du milieu, ça crée une
inquiétude supplémentaire. Ce n'est pas un gain, ce n'est pas
nécessairement considéré comme une amélioration,
comme on peut s'en rendre compte, c'est considéré même
comme une perte.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides): En
conclusion. Il reste une minute.
Mme Carrier-Perreault: Écoutez, je vous ai dit
quelques-unes des raisons, M. le Président, pour lesquelles on aurait pu
questionner la CSST. Je pense que le ministre aurait pu, lui aussi, profiter de
cette période de temps. Ça aurait été avantageux.
C'est pour ces raisons-là que la CSN... pardon, la CSST, c'était
tantôt, c'est vrai, et on nous a dit non. Alors, ça aurait
été intéressant de rencontrer la CSN et c'est pour ces
raisons-là que j'appuie la motion de mon collègue de Laviolette.
Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides):
Merci, Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière.
Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur la motion? Alors, M. le ministre,
pour les...
M. Normand Cherry
M. Cherry: M. le Président, il semble qu'aujourd'hui les
gens de la formation d'en face veuillent reprendre, pour débuter, je
pense, un à un, les groupes que j'avais suggéré d'Inviter,
pour en faire des motions, une à une. C'est la CSN, tantôt, comme
l'indiquait notre collègue des Chutes-de-la-Chaudière, une
deuxième puis une troisième. Évidemment, il faudrait
rappeler que la raison pour laquelle la liste que j'ai fournie n'a pu
être acceptée, c'est parce que vous y avez mis trois conditions.
Il faut se souvenir de ça. C'était quatre heures pour entendre la
CSST.
Une voix:...
M. Cherry: Ah! Bien sûr! La première des conditions,
c'était qu'il fallait entendre la CSST pendant quatre heures; la
deuxième, une enquête impartiale, un groupe de travail, en tout
cas... Je vous ai entendus cette nuit puis j'ai entendu presque autant de
versions du genre de comité que vous vouliez qui travaille que
d'intervenants. C'était un comité indépendant, actuariel.
C'était un groupe de travail. C'était... En tout cas, il y avait
autant de versions, là. Je ne sais pas si c'était à la
recherche de mots nouveaux. C'était également d'y ajouter des
groupes qui n'étaient pas là.
Je viens d'entendre également l'utilisation de certains arguments
qui rendent presque désolante la possibilité de
compréhension d'un projet de loi de cette nature-là. Je pense que
j'aurai l'occasion de dire à notre collègue de Chicoutimi...
Quand on s'est rencontrés, jeudi dernier, il y a quelqu'un qui me
disait... À l'époque, j'avais pris ça un peu comme si
c'était une blague. Quelqu'un m'avait dit: En 1979, on a invoqué
qu'il fallait sortir les médecins de la CSST et on les a
remplacés par des avocats. Aujourd'hui, on revient, on reparle encore de
médecins de papier, on parle de médecins de la CSST, quand il
n'est pas question de ça dans le projet de loi. J'entendais
l'utilisation de statistiques, tantôt, qui...
Enfin! Dans les circonstances, je suis obligé d'en arriver
à la conclusion que, bon, vous exercez les prérogatives qui sont
les vôtres, et c'est correct. Ça fait partie de la
procédure parlementaire. Il est peut-être difficile pour des gens
qui sont spectateurs d'entendre ça, mais c'est ça. C'est le
cheminement qu'on a décidé de faire, en espérant qu'en
cours de route on va finir par s'entendre.
Je voudrais juste, M. le Président, rappeler qu'il est question
de médecins experts, pas des médecins de la CSST. C'est important
de faire la distinction, au cas où ça pourrait être utile.
Si ce n'est pas ce soir, ce sera éventuellement.
Le député de Laviolette, M. le Président,
soulève: Payé par qui? L'interrogation que je me pose est la
suivante. Je prends comme exemple l'Institut de physiatrie, à
Montréal, qui regroupe peut-être - je risquerais un chiffre,
là - 40 % ou 50 % de tout ce qu'il y a comme spécialistes de la
physiatrie au Québec. Est-ce que vous croyez que son expertise
médicale deviendrait douteuse, questionnable ou moins crédible
parce qu'elle lui aurait été demandée par la CSST? Est-ce
que vous croyez que ces gens-là donnent une expertise médicale
basée sur celui qui les paie?
Une voix: C'est préjugé.
M. Cherry: Ça ne tient pas, là. M. Jolivet:
Non, mais l'inverse?
M. Cherry: Ça ne tient pas. C'est des gens...
M. Jolivet: Pas plus.
M. Cherry: ...qui demeureraient, qui continueraient d'être
actifs dans leur clinique, voir leurs clients. On ne me fera pas dire
ça, là. Il ne s'agit pas de médecins de papier et il ne
s'agit pas de médecins d'entreprises. Ce n'est pas de ça qu'on
parle. Je voulais vous dire ça. (21 h 50)
En terminant, M. le Président, on pourrait y aller bien longtemps
puis reprendre ça une à une, mais il viendra d'autres motions et
on aura l'occasion. Je voudrais juste vous dire... Puis, ce n'est pas de
l'arrogance, je ne pense pas. Il faut se dire ça amicalement,
même. Je voudrais vous dire que les gens que j'avais sur la liste, que
maintenant vous avez invoqués, au nom desquels vous avez parlé -
ça aurait pu être corrigé par le président,
ça lui a peut-être échappé - ça ne s'appelle
pas le conseil des syndicats nationaux, mais la Confédération des
syndicats nationaux. C'est tout.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides):
Merci. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur la motion? Alors, avant
de disposer de la motion, je la relis: «II est proposé qu'en vertu
de l'article 244 de nos «Règles de procédure» la
commission permanente de l'économie et du travail tienne, avant
d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi 35, Loi
modifiant la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles,
la Loi sur la santé et la sécurité du travail et la Loi
sur l'assurance-maladie, des consultations particulières quant à
tous les articles du projet de loi et qu'à cette fin elle entende le
conseil des syndicats nationaux.» Or, c'est la
Confédération des syndicats nationaux. Je fais donc la
correction. On s'entend là-dessus?
M. Jolivet: La CSN.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides):
Est-ce que la motion est adoptée?
M. Jolivet: On va passer au vote.
Mise aux voix
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides):
Rejeté. Vote. Bien. J'appelle donc le vote.
M. Audet (Beauce-Nord)?
M. Audet:...
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides):
Bélanger (Laval-des-Rapides), contre. M. Bordeleau (Acadie)?
M. Bordeleau: Contre.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides): M.
Lafrenière (Gatineau)?
M. Lafrenière: Contre.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides): M.
Lemire (Saint-Maurice)?
M. Lemire: Contre.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides): M.
Cherry (Sainte-Anne)?
M. Cherry: Contre.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides): Mme
Blackburn (Chicoutimi)?
Mme Blackburn: Pour.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides): Mme
Carrier-Perreault... excusez-moi, madame, (Chutes-de-la-Chaudière)?
Mme Carrier-Perreault: Pour.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides): Mme
Dupuls (Verchères)?
Mme Dupuis: Pour.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides): M.
Jolivet (Laviolette)?
M. Jolivet: Pour.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides): Et
M. Bélanger (Anjou)?
M. Bélanger (Anjou):...
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides): Je
demande les cinq, même si vous avez droit à quatre votes. Parce
que commencer à choisir qui n'a pas droit de vote... Je tiens compte de
quatre. Donc, la motion est rejetée à six contre quatre. Alors,
la motion est donc rejetée.
Mme la députée de Chicoutimi.
Motion proposant d'entendre le Centre
d'aide aux travailleurs et travailleuses
accidentés de Montréal
Mme Blackburn: Oui. M. le Président, je voudrais faire une
motion: «II est proposé qu'en vertu de l'article 244 de nos
«Règles de procédu-
re» la commission permanente de l'économie et du travail
tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet
de loi 35, Loi modifiant la Loi sur les accidents du travail et les maladies
professionnelles, la Loi sur la santé et la sécurité du
travail et la Loi sur l'assurance-maladie, des consultations
particulières quant à tous les articles dudit projet de loi et
qu'à cette fin elle entende le Centre d'aide aux travailleurs et
travailleuses accidentés de Montréal, CATTAM.»
Le Président
(m. bélanger, laval-des-rapides):
alors, sur la motion, mme la députée de chicoutimi, vous avez
30 minutes pour la présenter.
Mme Jeanne L. Blackburn
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. le
Président, avant d'aborder le fond de la motion, je voudrais corriger
une impression qu'ont pu laisser les propos du ministre quant à l'auteur
de l'établissement de la liste des organismes invités. Le
ministre dit: J'ai suggéré une liste. Je m'excuse et je veux bien
le faire en toute simplicité et amitié, comme il le disait tout
à l'heure, c'est nous qui avons établi la liste. C'est nous qui
la lui avons suggérée. L'impression qu'il laisse, c'est que nous
réclamions toujours quatre heures à la CSST. À la
contre-proposition qu'il nous a faite, nous avons accepté l'idée
d'entendre les groupes une heure plutôt qu'une heure trente. Nous avons
proposé de réunir les groupes représentant les
accidentés du travail et nous avons convenu de deux heures,
suggéré deux heures pour la CSST. On ne peut pas dire n'importe
quoi, surtout quand il y a des gens là pour rétablir la
vérité. Alors, l'invitation est venue de nous. Elle est venue de
nous et la contre-proposition était claire. Le chef de cabinet du leader
de l'Opposition a, à cet égard, beaucoup de rigueur. Et le chef
de cabinet du leader du gouvernement pourrait le reconnaître n'importe
quand, je n'en doute pas. On connaît la rigueur de M. Grenier, Charles
Grenier, et la proposition qui a été faite est claire. Elle
n'était pas ambiguë, quatre heures, deux heures, ça n'est
pas vrai. Le message qui est parti du bureau du leader et que nous avions
arrêté, le leader, moi et M. Grenier ensemble, II faut le
rappeler, était clair. Nous disions: Écoutez, on peut comprendre.
Une heure, ça va; deux heures, la CSST et un regroupement des organismes
des accidentés du travail.
Par rapport aux interventions d'hier soir sur la variété
des versions quant aux responsables de l'étude ou de l'enquête
administrative et actuarielle sur l'administration de la CSST, il est vrai
qu'il y a eu plusieurs versions de ce que pouvait être une étude,
une enquête des experts actuariels, administrative. Ça exprimait
simplement que nous étions assez ouverts et qu'une étude, du
moment où elle était menée de l'extérieur,
peut-être par l'Institut de recherche en santé et en
sécurité du travail, peut-être par une firme d'actuaires
indépendants, peut-être que ça aurait pu être une
proposition modifiée. Le ministre ne nous a pas fait l'honneur de
répondre là-dessus. Il s'est installé dans sa bouderie et
y demeure; je trouve ça proprement enfantin, inacceptable et ça
manque de maturité. Je le rappelle, ce n'est pas vrai que c'est
respectueux des règles démocratiques, d'un État
démocratique qui fête, cette année, son 200e anniversaire
d'État démocratique. Quand on refuse d'entendre les principaux
concernés dans un dossier aussi capital que celui-là, on
n'appelle pas ça de la démocratie.
Quand le ministre dit, en réponse à la remarque de mon
collègue de Joliette, «payé par qui?», là,
tout à coup, il dit: N'allez pas me dire que les physiatres, les plus
grands compétents, les plus grands experts seraient moins
compétents parce que payés par la CSST et seraient moins
crédibles parce que payés par la CSST. Je veux bien croire le
ministre là-dessus, mais en autant qu'il fasse la même confiance
aux médecins traitants. Ça joue dans les deux sens, ça.
Ça joue dans les deux sens.
À présent, je vais vous dire pourquoi je pense que nous
devrions entendre le CATTAM, le Centre d'aide aux travailleurs et travailleuses
accidentés de Montréal. J'ai entendu toutes sortes de
réactions chaque fois qu'on invoque seulement le nom des associations
qui se portent à la défense des accidentés du travail. Si
c'est du côté du patronat: Cette gang-là, avec leurs
éclopés, on ne veut pas la voir. Ça, je l'ai entendu. Le
ministre nous dit: De toute façon, si on a la CSN, c'est la même
affaire. Mais il se fait une drôle d'unanimité quand il s'agit
d'entendre ces associations, et j'ai ma petite idée là-dessus.
J'ai ma petite idée là-dessus, c'est que c'est dérangeant,
c'est dérangeant pour tout le monde de constater qu'il y a des
accidentés qui ne réussissent à avoir justice que dans la
mesure où ils sont défendus par ces associations-là.
Ça peut prendre des années, ils finissent par passer à
travers la machine et à avoir gain de cause par des
délaissés du système de la CSST. Évidemment que
ça fait mal et que ça dérange. Mais ce qui dérange
le plus quand on parle de ces accidentés-là, que ces associations
réussissent à rescaper, que ces associations réussissent
à obtenir pour elles gain de cause, ce qui dérange, c'est que,
tout à coup, l'image de papier qu'on a d'un accidenté
désincarné qui ne veut plus juste se traduire par 73 jours de
consolidation, le médecin traitant qui est complaisant, dont on ne parle
plus qu'en termes de chiffres, comptabilité, déficit, c'est
ça, l'image qu'on a de l'accidenté du travail, aujourd'hui. (22
heures)
On a développé autour de l'accidenté du travail la
même perception qu'on a réussi à
développer autour de l'assisté, du
bénéficiaire de la sécurité du revenu: une attitude
de mépris. Chaque fois qu'on entend ces associations, tout à
coup, elles vous présentent des vrais cas, des vrais cas de personnes
qui ont des problèmes à la suite d'un accident de travail et pour
lesquels elles n'ont pas été traitées avec
équité et justice, pour toutes sortes de raisons. Ça,
ça ne repose pas que sur une personne, là; ça repose sur
un système en particulier. Le président de la CSST est là;
je vais en profiter. Il ne peut pas parler, on l'a muselé. J'imagine que
ce n'est pas lui qui a décidé qu'il ne venait pas se faire
entendre ici, là. Il y a quelqu'un qui a décidé à
sa place, ou le premier ministre... probablement pas le ministre. Moi, je pense
que ça s'est tout passé, comme la première fois, dans le
«bunker». C'est le premier ministre, à la suite des
interventions du Conseil du patronat, qui a décidé qu'il
n'entendait personne parce que le Conseil du patronat n'est pas
intéressé à ce qu'on fasse la lumière
là-dessus.
Voyons un peu ce que dit le rapport de Mme Lise Thibault,
vice-présidente aux relations avec le bénéficiaire. Mme
Thibault a, au cours des années, fait des tournées d'information
dans les différentes régions du Québec - trois ans ou
quatre ans, il faudrait que je le revoie. Je sais que c'est dans le rapport -
et elle rencontre depuis plus de trois ans... Depuis plus de trois ans, elle va
rencontrer dans les régions ceux et celles qui ont été
touchés le plus gravement par leur accident de travail, dans le cadre de
journées d'information intitulées «Pour mieux se prendre en
main». En effet, ces journées s'adressent aux
bénéficiaires en arrêt de travail depuis trois à
huit mois, et à leur conjoint.
Voyons d'abord le portrait qu'elle trace de l'accidenté. Si vous
aviez droit de parole, M. Diamant, il me semble qu'on entendrait des choses
intéressantes. Mais voilà le portrait qu'elle trace de
l'accidenté. Vous le retrouvez à la page 4 du rapport qui a
été déposé en janvier 1992. Elle dit: Le profil du
bénéficiaire - et là, ça va peut-être vous
indiquer pourquoi elle se retrouve dans cette situation et pourquoi ils sont si
mal équipés pour se défendre - son âge: il a entre
25 et 44 ans. 52 % oont dans cette courbe d'âge. Sa scolarité: il
y en a 50,6 % qui ont moins de neuf ans de scolarité. Comprenez-vous? Il
y a plus de la moitié des accidentés du travail qui ont moins de
neuf ans de scolarité. Qu'est-ce que ça veut dire? Il peut y
avoir des accidents qui se produisent parce qu'ils sont incapables de
décoder les consignes de sécurité parce
qu'analphabètes fonctionnels. Il y en a la moitié,
comprenez-vous, qui ont moins de neuf ans de scolarité.
Ces personnes, parce que moins scolarisées, occupent fatalement
des emplois plus à risque; elles sont plus dans la catégorie des
manoeuvres, des ouvriers. Ce sont, en plus, des gens mal équipés
pour se défendre. Écoutez, nous sommes ici relativement
scolarisés et c'est déjà compliqué de comprendre le
système. Mettez-vous avec moins de neuf ans de scolarité -
là, c'est un accidenté sur deux qui est dans cette
situation-là - et vous leur demandez de trouver leur chemin à
travers le dédale de l'administration de la CSST. C'est ça,
l'accidenté du travail. Ça, c'est le genre de chose que le CATTAM
aurait pu venir nous expliquer. Qui est l'accidenté du travail? Quelles
sont ses perceptions? Comment se perçoit-il? Faut-il encore le
répéter, généralement, ces personnes qui ont moins
de neuf ans de scolarité, ce qui constitue leur principale
fierté, c'est leur intégrité physique. Elles peuvent
difficilement commencer à se tourner vers le retour aux études,
vers de la lecture, est-ce que je sais, comme nous, on aimerait faire. Si on
devenait, demain matin, incapables de bouger, qui n'a pas des dizaines de
livres. Si on avait le goût de lire, on commencerait toujours par
ça. Mais ce n'est pas vraiment ce genre de loisir que ces personnes ont
quand elles ont moins de neuf ans de scolarité. Leur principale
fierté, c'est leur intégrité physique, et c'est ça
qui est atteint. Là, on a perdu ça, en arrière de tout ce
discours d'abuseur, de fraudeur et de profiteur du système.
Voyons les témoignages que rapporte Mme Thibault, qui nous
viennent de ces groupes, que sans doute nous aurions pu entendre si nous avions
entendu le CATTAM. Le témoignage, nous dit-elle, des
bénéficiaires et de leurs conjoints, constants depuis le
début, et quelques nouveaux messages. Voilà ce qu'ils nous
disent, les accidentés du travail: perte de l'estime de soi; sentiment
d'inutilité, d'impuissance et de culpabilité; difficulté
à accepter la perte d'autonomie. C'est leur fierté. Là,
évidemment, je ne lirai pas la totalité. Il y a plusieurs
remarques de même nature, je n'en ai retenu que quelques-unes. Parlant du
traitement médical: communication difficile avec les médecins,
surtout les spécialistes; manque de respect de la part de certains
professionnels de la santé; délais trop longs pour le diagnostic
et l'hospitalisation; différences d'opinions médicales qui
causent de l'anxiété. Ce n'est pas moi qui dis ça, ce sont
des vraies personnes qui viennent exprimer leur angoisse à la suite d'un
accident du travail.
Par rapport aux préjugés sociaux: préjugés
sociaux à affronter; rétrécissement du cercle d'amis;
pertes importantes au plan des activités sociales et sportives;
projection d'une image négative d'être un
bénéficiaire de la CSST; impuissance face aux
préjugés sociaux. Vous pensez qu'ils ne le savent pas, les
discours qu'on tient à leur sujet. Vous pensez que ça ne leur est
pas transmis aussi par les voisins, par les collègues, par les amis:
Chanceux, tu profites de la CSST! Ils voudraient aller travailler, ils
voudraient aller travailler, sauf que les conditions ne sont pas là. Le
retour au travail. Lorsqu'il est question de retour au travail, ils
disent: manque de préparation au retour au travail; crainte de ne
pouvoir refaire son travail; peur d'être obligé de faire un
nouveau travail sans intérêt; la crainte du congédiement;
la crainte de ne pas pouvoir répondre aux attentes de l'employeur; le
manque de support lors du retour au travail.
À la CSST, que disent-ils? Ils reconnaissent, et je dois le dire
- parce que, là, le président de la CSST n'a pas l'air
d'apprécier l'étude - il y a au moins une bonne note en sa
faveur: amélioration des services. Ils ont cependant une perception de
la complexité de la CSST: nombreux changements d'agents
déplorés; un manque d'information sur les droits et obligations -
ils ne parlent pas que sur les droits, sur les droits et obligations; de la
difficulté à différencier les rôles; peur de la
réadaptation; Ils ont un manque de relation d'aide de la part de la
CSST; l'accès téléphonique difficile aux Intervenants; et
la CSST ignore les problèmes familiaux à la suite d'un accident.
Curieusement, quand on revient aux remarques des travailleurs de la CSST, ils
seraient prêts à reprendre à leur compte l'essentiel des
remarques des travailleurs accidentés.
Le vrai contact avec le travailleur accidenté, c'est la
première secrétaire qui répond. J'ai toujours dit, quand
j'ai eu un bureau, que la porte d'entrée... Vous savez, selon la
personne qui prend votre appel, vous gardez une perception d'accueil ou de
rejet. Le premier contact: la secrétaire. Deuxième: l'agent
d'indemnisation. Si cet agent, qui est surchargé, n'a pas le temps de
retourner les appels, vous voyez le stress et l'angoisse qui s'installent.
Ça nous arrive, à nous, à un moment donné. On n'a
pas vraiment le temps, on retourne un appel, des fois, ça fait 24
heures, on n'a pas pu le retourner dans la journée même. Les gens,
ils s'attendent et ils attendent votre appel, et c'est particulièrement
vrai pour un accidenté. Il est à la maison. Souvent, il n'a rien
que ça à faire. Lui, il angoisse, et le temps lui apparaît
beaucoup plus long, il attend l'appel. Alors, si le responsable n'a pas le
temps de lui retourner l'appel dans les délais, c'est l'angoisse qui
s'installe et c'est l'inquiétude.
Vous avez tous eu dans vos bureaux de ces personnes qui vous arrivent
complètement lessivées. Elles n'ont plus de fierté. Elles
n'ont plus de respect pour elles-mêmes. Elles ont l'impression d'avoir
perdu le respect de la famille. J'ai vu des cas particulièrement
pathétiques, où la CSST avait fait son travail. Je pense à
un cas en particulier. Je ne nommerai pas la personne qui est venue au bureau.
Elle avait eu un accident grave et des lésions permanentes majeures. La
CSST lui avait offert une compensation sous forme monétaire pour lui
permettre de partir une entreprise. Elle s'est fait flouer: ça arrive
à n'importe qui, ça lui est arrivé, et c'est fini.
Ça, je le comprends. Vous allez me dire que ce n'est pas notre faute.
Elle a accepté le jeu, elle l'a eu, elle a pris l'argent, elle est
partie avec, elle s'est fait avoir, c'est fini, elle est sur l'aide sociale.
Elle est sur l'aide sociale. (22 h 10)
Vous avez un autre cas où on est en train de remplacer, cheville
après cheville et genoux, toutes les articulations. Là, il se
retrouve constamment d'une instance à l'autre. Il dit: À
présent, ça va bien, j'ai compris le système, je conteste,
sauf que ça coûte cher à la CSST, ça coûte
cher à l'employeur, et ça coûte cher à tout le
monde. Bien, le système est ainsi fait. Ce qui est arrivé depuis
six mois, pour ne pas dire un an, ce que rappelait d'ailleurs la professeure de
l'Université du Québec à Montréal, Mme Katerine
Lippel, c'est exactement ce que l'association viendrait nous expliquer. C'est
qu'on a réussi à rentrer dans la tête de tout le monde, y
compris de vos collègues - je voyais les réactions tout à
l'heure - comme étant une vérité de La Palice que les
médecins sont complaisants et les travailleurs accidentés,
abuseurs. C'est fini: Vous ne pourrez plus... Vouloir changer ça,
là, et j'imagine que le président de la CSST le sait, tant est de
changer cette perception dans la tête des Québécois et des
Québécoises, il faudrait faire monter sur les estrades les
accidentés du travail. Vous savez, la farce la plus facile et la plus
populaire, actuellement, dans les radios, par les animateurs, c'est genre: Tu
ne pourrais pas te trouver un mal de dos? Tu pourrais rentrer sur la CSST. Qui
ne l'a pas entendue? Qui ne l'a pas entendue? On a ravalé les
travailleurs accidentés à ce niveau, à ce niveau, et c'est
ça, la tristesse.
Il est arrivé dans mon bureau un cas de colonne: une hernie
discale. Avant, d'abord, qu'elle soit identifiée... Et lui est
orgueilleux, il voulait travailler; lui, sa fierté, c'est de travailler,
faire vivre ses enfants, sa femme; il a une mentalité comme ça,
il est fier, et c'est sa fierté, O.K.? Alors, il a poussé
jusqu'au bout, parce que: Ah! ce n'est pas grave, c'est bien sûr, tu es
comme les gars, tu t'écoutes, mal de dos, ça n'existe pas,
ça. Tous ceux qui ont un mal de dos, évidemment, ce sont des
fraudeurs potentiels. Évidemment, il a forcé trop longtemps, et
il est «scrappé». Alors, allez me dire, allez me dire que...
Vous allez me dire: Ah! c'est un cas. Ils sont multiples, ces cas. Ils sont
multiples, ces cas, et c'est ça, des travailleurs accidentés.
C'est ce que serait venu nous expliquer le CATTAM, et c'est ce genre
d'explications que craint, que craint le patronat, parce que ça
viendrait un peu changer l'image qu'on a réussi à
développer, ou la perception qu'on a réussi à
développer à l'endroit des assistés sociaux... des
bénéficiaires de... des accidentés du travail et des
maladies professionnelles.
Le ministre devrait m'expliquer sur quelle base il peut avoir
développé un tel mépris à l'endroit de ces
associations. Vous savez qu'il y a des provinces, je pense qu'il n'y a qu'une
seule
province, avec le québec, qui n'assure pas un soutien à
l'accidenté pour aller défendre sa cause: je pense que c'est
l'île-du-prince-édouard, il faudrait que je retourne à mes
notes. deux provinces au canada, toutes les autres assurent que... donnent au
travailleur accidenté une assistance pour aller défendre son
dossier. il y en a même qui le font pour les petites entreprises, les
pme. moi, je pense qu'il faudrait regarder dans cette direction-là,
éventuellement. on aurait pu envisager, que dis-je, quelque part, que
sais-je, l'abolition du paritarisme au brp: ça coûte 19 000 000 $,
le brp, actuellement, avec les assesseurs et tout le «kit»,
là. les voyages à travers le québec s'ajoutent à
ça, là. on pourrait peut-être, pour faire des
économies générées, examiner comment on pourrait
mieux soutenir l'accidenté du travail dans sa démarche de
formation et d'information. généralement, et ça
s'explique, ils ignorent la ioi. nous l'ignorons. ils ont, pour 50 % d'entre
eux, neuf ans de scolarité et moins. il ne faut pas s'étonner
qu'ils ne soient pas capables de comprendre tout ça.
Moi, je pense que cette attitude de mépris qu'on a à
l'endroit des représentants des travailleurs et travailleuses
accidentés, c'est parce qu'elle représente notre mauvaise
conscience. Conscience qu'on a fait les coins ronds, conscience qu'on n'a pas
eu toute l'attention et tout le respect qu'on aurait dû avoir à
l'endroit des travailleurs accidentés, et ça nous laisse cette
espèce de goût amer qui nous fait penser qu'on est peut-être
mieux de les tenir loin du débat parce que, les faire parler, c'est
informer le Québec de ce que c'est, un travailleur accidenté.
J'ai entendu des remarques tellement désobligeantes à
l'endroit de ces associations avant, parce que je ne les connaissais pas
vraiment, je n'étais pas attachée à ce dossier-là.
Je connaissais l'association chez nous, mais je dois dire que probablement que
ça fonctionne assez bien, la CSST, dans la région, parce que les
associations de défense des accidentés du travail, ça
marche, et ça ne semble pas avoir autant de pain sur la planche qu'on en
retrouve dans les grands centres. Évidemment, il y a une masse critique
aussi. Mais je ne connaissais pas vraiment ces associations. C'est pour
ça que je les rencontre, pour qu'ils m'expliquent une série de
cas qui étaient les leurs et que les principaux membres de cette
association me parlent de leurs propres cas. À les entendre et à
suivre un peu le fil de cette histoire, ce n'est pas vrai qu'on peut
développer une attitude aussi méprisante qu'on a réussi
à développer à l'endroit des accidentés. C'est pour
ça qu'il aurait été intéressant qu'on les
rencontre.
Moi, j'imagine un jour... Les députés... je leur fais
confiance aux députés ministériels, moi. Il me semble
qu'il a de l'allure, ce monde-là. Il y en a qui sont vraiment, eux
autres... Moins il y a d'obligations pour l'employeur, mieux c'est! Vogue la
galère! Au plus fort la poche! Il y en a, mais ce n'est pas tous. Moi,
je pense que ce n'est pas tous. Puis, il y en a qui sont sensibles à ces
dimensions-là. Mais, vraisemblablement, ils n'ont pas le poids et ils
n'ont pas la majorité, sinon, on serait en train de les entendre et on
ne serait pas en train de réclamer des ententes.
Ce que dit, entre autres, le rapport de Mme Thibault, en page 33: Les
travailleurs accidentés souhaitent recevoir l'information avant la fin
du premier mois de convalescence, spécialement pour les besoins de
chirurgie. Écoutez, ils ne demandent pas grand-chose. Ils ne demandent
pas d'être informés la première journée, avant le
premier mois. Il me semble que ce serait comme élémentaire. On
devrait s'étonner et s'inquiéter que ça n'ait pas
été fait.
Le nombre de travailleurs ayant subi des chirurgies multiples au dos
semble augmenter depuis les derniers six mois. Est-ce que ça ne serait
pas, comme le cas que j'ai expliqué, des gens fiers qui ne veulent pas
se voir accuser d'abuser du système parce qu'ils ont mal au dos, qui
continuent à travailler en dépit des malaises, qui, finalement,
aggravent leur situation et qui se retrouvent avec une hernie discale? Est-ce
que ça ne serait pas ça, l'explication d'un accroissement des
chirurgies au dos depuis les derniers six mois? Il y a certainement une cause,
une explication.
Les bénéficiaires sont de plus en plus craintifs face aux
infiltrations. Ils ont regardé par rapport... parce qu'ils font des
infiltrations pour essayer de corriger les malaises, ayant vu des compagnons de
physiothérapie aggravés par des infiltrations. Il est vrai qu'il
y a beaucoup d'allergies aux infiltrations et ce n'est pas recommandé
dans tous les cas.
Les accidentés du travail sont très conscients et se
sentent pénalisés par le manque d'échange d'informations
entre les différents professionnels de la santé. On les traite
comme des numéros. Ce n'est pas en ajoutant un numéro dont
parlait le ministre tantôt qu'on va régler la situation. (22 h
20)
Les bénéficiaires souhaitent que la CSST publie des
statistiques sur les insuccès de chacun des chirurgiens. C'est
peut-être un peu fort, mais si on était transparents, c'est
peut-être ça qu'on ferait. Ça serait assez
intéressant de savoir et de constater que, selon la pratique
médicale ou chirurgicale, son histoire à lui et ses choix
d'intervention chirurgicale, il a plus ou moins de succès. On
éviterait peut-être beaucoup de douleurs et de souffrances
à des personnes. Mais ça, ce sont des intouchables. Intouchables.
Ça, là, n'allez pas croire, et vous êtes bien placés
pour le savoir... Demandez-leur de vous désigner des médecins
capables d'assumer certaines responsabilités et d'être
identifiés comme étant capables d'agir comme spécialistes.
Ne demandez pas ça à votre ami et ex-candidat libéral,
Augustin Roy. Non. Le moins de contraintes possible. M. Roy,
là-dessus, il veille au grain. Il veille au grain, vous le savez. Alors,
je serais étonnée que, demain matin, il bouge beaucoup dans cette
direction.
Je rappelais les remarques et les commentaires des employés de la
Commission et les suggestions qu'ils faisaient à la CSST. Ils endossent
quasi en totalité les remarques des bénéficiaires, des
accidentés, et pour une raison extrêmement simple, c'est parce que
c'est eux qui les reçoivent. C'est eux qui composent avec les
accidentés quotidiennement. M. le ministre, les avez-vous entendus? Les
avez-vous rencontrés? Avez-vous jasé avec eux? Êtes-vous
allé dans un bureau régional rencontrer des agents
d'indemnisation qui vous auraient expliqué comment ça se passe?
Faites donc ça pour le «fun». À défaut de
tenir des audiences, vous pourriez peut-être prendre quelques heures, pas
pour rencontrer les avocats, puis m'inviter à déjeuner
là-bas, dans la botte pour me montrer qu'il y a bien des avocats
à la CSST. Ça, on le sait tous. Je l'ai dit: II n'y a plus le
moindre petit bureau qui n'a pas sa spécialité en santé et
sécurité du travail. Ce n'est pas ça que le ministre
devrait voir, il devrait aller rencontrer les agents d'indemnisation. Il
devrait aller voir comment ça se passe dans un bureau. Je pense que
ça lui donnerait une perception différente de la situation, les
collègues ici aussi. Faites-le donc. Ils vont vous recevoir avec
plaisir, j'en ai la conviction. Probablement que, quand vous reviendriez lundi,
vous pourriez nous apporter des informations précieuses. Vous pourriez
peut-être indiquer au président de la CSST, l'informer, parce
qu'ils n'osent pas toujours lui dire, hein? D'abord, il faudrait qu'ils le
voient, qu'ils le rencontrent, et assez longtemps pour qu'il s'établisse
une relation de confiance. Moi, je comprends qu'avec le nombre de
fonctionnaires qu'il a, il n'a pas le temps de faire ça. Mais, vous
autres, vous avez le temps de le faire. Vous pourriez peut-être le
faire.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides): Je
vous remercie, Mme la députée de Chicoutimi. Est-ce qu'il y
a...
Mme Blackburn: M. le Président, je termine
là-dessus, en souhaitant...
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides):
Votre temps est dépassé de deux minutes.
Mme Blackburn: ...que, si le ministre revient sur sa
décision, il inclue le CATTAM dans les organismes à être
entendus à cette commission. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides):
Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur cette motion? Oui. Mme la
députée de Verchères, je vous en prie, vous avez 10
minutes.
Mme Luce Dupuis
Mme Dupuis: Merci, M. le Président. Ma collègue,
porteuse du dossier, a déposé une motion à l'effet que
soient entendus les intervenants du Centre d'aide aux travailleurs et
travailleuses accidentés de Montréal, c'est-à-dire les
intervenants qui aident peut-être ceux qui, subitement, sont les plus
démunis, les accidentés du travail. C'est qu'en plus de subir des
lésions physiques, en plus d'être atteints dans leur
intégrité physique, comme je le disais tantôt, ils se
retrouvent du jour au lendemain, plus de salaire, malades, avec tout ce que
ça comporte comme conséquences sur la famille, et du
côté monétaire et souvent du côté moral,
aussi.
Puisqu'il semblerait que ce ne soit pas possible qu'ils soient entendus,
j'ai quelques opinions émises par un groupe qui s'appelle
l'assemblée des travailleurs et des travailleuses accidentés du
Québec. Concernant ce que le ministre a dit tantôt, concernant les
médecins experts, ils donnent leur opinion ici. Le ministre les a
sûrement lus, ce serait peut-être bon de les relire.
Peut-être que, parfois, lorsque des choses nous échappent à
une première lecture, une deuxième lecture nous permet de mieux
saisir toute la portée. Ils ont titré: Pourquoi de telles
mesures? La raison de ces mesures est bien simple, selon eux. Lorsque l'opinion
de ce type de médecin - en parlant des médecins experts -est
contrôlée, elle est habituellement renversée. En effet, les
statistiques de la Commission d'appel démontrent clairement que ces
médecins experts que sont les arbitres médicaux, émettent
des avis non fondés. En 1991-1992, ta Commission d'appel a dû
renverser 75 % des avis émis par les arbitres médicaux: 813 sur
1080 décisions rendues sur des questions médicales.
J'ai eu l'occasion, tantôt, de dire: II faut qu'il y ait justice,
il faut qu'il y ait apparence de justice. C'est facile de s'imaginer, M. le
Président, ce que peuvent ressentir ces gens-ià, devant un projet
de loi pareil, lorsqu'ils se sentent lésés, non pas seulement au
niveau travail, au niveau blessures corporelles, mais même dans la
revendication de leurs droits les plus fondamentaux. Je vous ai donné
tantôt leur opinion. Imaginez le moral de ces gens-là quand ils
vont voir un projet de loi pareil. Je continue: Ces chiffres démontrent
de façon patente que, s'il y a des médecins complaisants ou
incompétents, ils ne se trouvent certainement pas du côté
des médecins qui traitent les victimes. L'ATTAQ dénonce ces
mesures dont le seul but est d'assurer à la CSST la mainmise totale sur
toutes les questions médicales, et ce, sans aucun contrôle de ses
décisions.
Ça, ce n'est pas l'Opposition qui le dit. Ce
n'est pas, là, un parti pris contre un projet de loi, parce qu'on
n'est pas de la même formation politique. C'est l'opinion des gens qui
ont à le vivre et qui ont à vivre avec les règlements ou
toutes les normes qu'ils doivent subir ou avec lesquelles ils doivent composer
après un accident de travail. Je continue, le texte dit: De quel droit
un organisme peut-il vouloir décider, pardessus la tête du
médecin traitant, de la sorte de pilule prescrite, de
l'opportunité de traitements de physiothérapie ou d'un traitement
chirurgical? Il s'agit là de mesures indéfendables dans une
société qui prône la santé comme valeur
fondamentale. Je pense que c'est important de le relire, ce texte-là.
L'ATTAQ est d'avis que les accidentés du travail doivent avoir les
mêmes droits que tous les citoyens et toutes les citoyennes du
Québec. Au-delà des impératifs de gestion, ils et elles
doivent pouvoir être véritablement traités par le
médecin de leur choix. Pourquoi, eux, ne peuvent-ils pas le faire, alors
que n'importe quel citoyen a encore le privilège de choisir son
médecin et a encore le privilège de faire du magasinage, s'il le
veut? S'il n'est pas satisfait de l'avis du premier spécialiste, il peut
aller en voir deux ou trois. Mais lorsque tu as un travailleur qui gagne
honnêtement sa vie, qui paie ses taxes et ses impôts, il n'a plus
de droits lorsqu'il a un accident de travail. Si ce n'est pas de
l'indécence, M. le Président, ça ressemble à
ça drôlement.
Je continue le texte: Mais, plus que cela, il faut comprendre que ces
changements s'attaquent essentiellement au droit de bénéficier
des mesures réparatrices prévues par l'organisme. Que vaut le
droit à l'indemnité de remplacement du revenu si le
médecin de la CSST vous déclare guéri? Que vaut le droit
à la réadaptation si ce même médecin déclare
que la lésion n'entraîne aucune limitation fonctionnelle? Que vaut
le droit à l'indemnité pour dommages corporels lorsque ce
médecin opine qu'il n'existe aucune atteinte permanente à
l'intégrité physique? Que vaut le droit à l'assistance
médicale lorsqu'il déclare que l'intervention chirurgicale
prévue par le médecin traitant n'est pas indiquée? (22 h
30)
Vous croyez, M. le Président, que des déclarations comme
celles-là ne mériteraient pas qu'on les entende? Peut-être,
là, que ça permettrait même au ministre de pouvoir les
questionner et pouvoir, peut-être, donner l'occasion de répondre
sur son projet de loi et de défendre son propre projet de loi. Je ne
m'explique pas pourquoi on refuse d'entendre des personnes comme
celles-là. Mais, au moins, on a un petit texte dans les mains qui nous
permet d'avoir leur opinion.
Je continue: L'aspect médical constitue la porte d'ouverture
à tous ces bénéfices prévus. Redonner à la
CSST les pleins pouvoirs en cette matière tout en retirant aux victimes
tout droit d'appel représenterait une négation arbitraire de
leurs droits. On dit ici qu'au Québec on respecte les droits des
individus. Un droit que je qualifie, moi, de fondamental, M. le
Président.
Sur ces quelques réflexions concernant les mesures, concernant
les médecins... Il y a une autre information que j'ai trouvée
pertinente aussi. Ils nous donnent leur opinion sur les origines du
déficit et je ne dirais pas une opinion, mais de l'information.
Puisqu'on ne peut pas l'avoir du ministre, on va l'avoir ailleurs. On ne pourra
pas nous reprocher de prendre des textes qui font notre affaire. Lorsque je
suis intervenue tantôt, j'ai posé des questions au ministre. Il a
refusé de répondre, alors on va chercher les réponses
où on peut les avoir. Si ce sont des réponses qu'on pourrait
qualifier de biaisées parce qu'on dit qu'elles ne viennent que d'un
côte, eh bien, le ministre a tout le loisir de répondre à
nos questions. Mon temps est terminé, M. le Président?
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides):
Hélas, madame.
Mme Dupuis: Eh bien, je vous remercie. M. Joiivet: M. le
Président.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides):
Alors, je remercie Mme la députée de Verchères et je
reconnais maintenant M. le député de Laviolette.
M. Joiivet: Non non, c'est simplement... C'est parce que
j'aimerais demander au ministre s'il accepterait une petite pause
santé.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides): Ah!
une petite pause sanitaire de cinq minutes?
Mme Dupuis: Pour notre dos.
M. Cherry: Pour la santé et la sécurité, le
dos, n'importe quel temps.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides): Ha,
ha, ha!
(Suspension de la séance à 22 h 33)
(Reprise à 22 h 45)
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides): Que
tout le monde prenne sa place pour que nous puissions continuer nos travaux.
Bon. Alors, sur cette motion - s'il vous plaît, sur cette motion, s'il
vous plaît - de Mme la députée de Chicoutimi, qui propose
que la commission entende le Centre d'aide aux travailleurs et travailleuses
accidentés de Montréal, la CATTAM, c'est Mme Carrier-Perreault
des Chu-
tes-de-la-Chaudière. C'est ça? Excusez.
Mme Denise Carrier-Perreault
Mme Carrier-Perreault: Merci, M. le Président, c'est
ça. Vous aussi, vous allez...
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides): Je
vous en prie, madame. Vous avez 10 minutes.
Mme Carrier-Perreault: ...finir par apprendre mon nom et le nom
de mon comté avant que la commission finisse.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides):
Ça va venir.
Mme Carrier-Perreault: Alors, M. le Président, c'est
à mon tour d'appuyer la motion de ma collègue de Chicoutimi pour
qu'on demande au ministre d'entendre le Centre d'aide aux travailleurs et
travailleuses accidentés de Montréal, la CATT AM. Je pense que
c'est très important, moi aussi, que... En tout cas, ce serait
très important que le ministre veuille bien entendre les travailleurs
accidentés. Je pense qu'on l'a déjà dit. Je pense qu'il
faut le répéter. Ce sont les gens qui sont peut-être les
mieux placés pour vous donner une bonne idée de comment ça
fonctionne quand on embarque dans ce système-là, qu'est-ce qu'on
peut vivre, comment on peut se sentir. Vraiment, c'est les gens qui ont
l'expérience, qui ont l'expertise et qui sont, à mon sens, les
mieux placés. Je pense que tout le monde peut le reconnaître
aussi, Ici. Le ministre doit être totalement fatigué d'entendre
nos voix. Je comprends que ça peut devenir un peu fatigant à la
longue. Il se prive, à mon sens, d'entendre des travailleurs
accidentés, d'autant plus qu'on a des gens ici, qui ont produit des
mémoires et qui ont pris position par rapport au projet de loi 35.
Alors, à venir jusqu'à date, comme on n'a pas vraiment
beaucoup de résultats du côté du ministre - il a l'air de
ne pas vouloir bouger souvent - ce serait agréable qu'il bouge un peu,
par exemple, parce que je suis persuadée qu'il se prive d'un grand
plaisir. Je voyais tout à l'heure M. Chartrand qui est ici. On sait que
ça fait longtemps que M. Chartrand suit de très près le
dossier des accidents du travail et tout le dossier des travailleurs. Je sais
que le ministre doit le connaître aussi. Ça aurait peut-être
été beaucoup plus intéressant et beaucoup plus
agréable de se faire expliquer les revendications et les
réflexions de la FATA par des gens qui sont ici dans la salle, que de se
le faire répéter par nous, encore une fois, à toutes fins
pratiques.
De toute façon, M. le Président, je tiens quand même
à mentionner ici, devant la commission, pour le bénéfice
des membres de la commission, qui n'ont pas pris connaissance de ces
réflexions des gens du milieu et des travailleurs accidentés...
Tout à l'heure, ma collègue de Verchères vous donnait,
à toutes fins pratiques, les réflexions qu'une autre association
faisait, c'est l'ATTAQ, je pense. Moi, j'aimerais vous donner les
réflexions que la FATA a faites vis-à-vis du projet de loi que
nous avons devant nous.
Ce n'est pas très compliqué, M. le Président. Pour
la FATA, le projet de loi 35 doit être retiré. C'est ce que
demande cette fédération de travailleurs pour aider les
travailleurs et les travailleuses accidentés. On nous dit, encore une
fois - comme plusieurs autres l'ont mentionné - que, par le biais de ce
projet de loi, le médecin traitant est mis de côté,
qu'actuellement la CSST est liée par l'opinion du médecin
traitant, à moins qu'un arbitre médical n'ait modifié
l'opinion du médecin traitant suite à une contestation de
l'employeur ou de la CSST qui doit obtenir un rapport médical qui va
à l'en-contre de l'opinion du médecin traitant pour avoir
accès à l'arbitrage médical.
Ils reprennent, à toutes fins pratiques, les différentes
dispositions de la loi concernant le médecin traitant, et leur opinion
là-dessus est très claire. Ils disent, eux aussi, qu'on met de
côté l'opinion du médecin traitant, et que c'est le
médecin de la CSST qui va décider. Je sais que le ministre, tout
à l'heure, a essayé de nous donner une explication en nous disant
que le médecin, ce n'est pas le médecin de la CSST. La CSST n'a
pas de médecin à l'intérieur de son personnel, mais va
faire appel à des spécialistes que la CSST devra, à toutes
fins pratiques, rémunérer. (22 h 50)
Vous savez, M. le Président, je ne veux pas remettre en cause les
qualifications des gens qui seront amenés à faire des
diagnostics, si on veut. Mais il reste qu'à toutes fins pratiques, c'est
ce que le projet de loi vient faire aussi vis-à-vis des médecins
traitants qui sont des médecins qualifiés qui ne sont pas
là uniquement pour les travailleurs accidentés, mais qui traitent
leur clientèle générale aussi. Alors, je trouve que, d'une
part comme de l'autre, si la CSST, si le ministre juge bon d'amener un article
comme celui-là, en fait, une particularité comme ça, c'est
que lui aussi a un doute, il se trouve à émettre comme un doute
sur la crédibilité du diagnostic du médecin traitant.
Que ça plaise ou non au ministre, c'est le médecin de la
CSST qui va décider, le médecin spécialiste
vis-à-vis duquel la CSST aura fait des demandes. Quand on dit que c'est
des médecins de papier, et tout ça, je pense qu'on fait
référence à ce qu'on voit souvent dans les entreprises.
C'est peut-être un petit peu différent par rapport au
médecin qui sera appelé à poser un diagnostic. Le
médecin spécialiste n'est pas à l'intérieur
même de la boîte, du bloc, si on veut, ou du bureau de la CSST,
mais il reste que, lorsqu'il est appelé à poser ce diagnostic, il
le
fait sur une demande de la CSST. Il se trouve à être
rémunéré par la CSST, donc à l'emploi de la CSST.
Ça nous donne un petit peu le même sentiment que plusieurs peuvent
avoir eu vis-à-vis des médecins d'entreprise. Vous savez, quand
on travaille dans une grande entreprise où il y a un médecin
traitant, un médecin qui, sur place, rencontre les gens de l'entreprise
pour les différentes maladies, qui fait les examens médicaux et
autres, on n'a pas nécessairement l'impression d'avoir le même
service que lorsqu'on va voir un médecin indépendant. C'est dans
ce sens-là, je pense, que les gens disent que c'est un médecin de
papier.
La FATA continue aussi sur le projet de loi 35 en disant qu'il n'y aura
aucun appel sur les questions médicales. Pire encore, tel qu'ils le
mentionnent: Tel que défini dans le projet de loi initial, il ne serait
pas possible de contester les décisions de la CSST découlant de
l'évaluation effectuée par le Bureau d'évaluation
médicale. Ce serait un recul important.
Si vous remarquez, M. le Président, il y a beaucoup de choses qui
rejoignent les inquiétudes d'autres groupes qu'on a mentionnés en
début de soirée - je pense à la CSN, entre autres. Plus de
pouvoirs aux employeurs. On trouve que ce projet de loi là donne plus de
pouvoirs aux employeurs, qu'il n'y aura pas d'appel à la CALP pour les
montants inférieurs à 1000 $. Ça, c'est clair, c'est
écrit de toute façon dans le projet de loi. Cette disposition,
pour les gens de la FATA, rendrait finales et sans appel les décisions
des bureaux de révision concernant les réclamations portant sur
des montants peu élevés. Cela pourrait avoir des
répercussions très graves lorsque ces décisions portent
sur la reconnaissance d'un accident ou d'une maladie du travail. On sait que ce
qui est important dans les cas d'aggravation ou dans les cas de... On dit
aggravation, là, c'est le lien de causalité par rapport à
un premier incident, un premier événement. Alors, on nous
explique ici que ça pourrait avoir des répercussions lorsque ces
décisions portent sur la reconnaissance d'un accident ou d'une maladie
du travail. Le refus de reconnaître un accident qui apparaît mineur
pourrait avoir comme conséquence de refuser également de
reconnaître les rechutes et les récidives de cet accident et il
n'y aurait aucune possibilité d'en appeler à la CALP.
C'est une des questions dont on aurait pu discuter, M. le
Président, si on avait pu rencontrer les gens de la FATA. On fait aussi
référence aux droits des travailleurs âgés. J'en ai
parlé un petit peu tout à l'heure. C'est la même
référence qu'on faisait vis-à-vis de la CSN.
À l'intérieur du document, ce qui est intéressant,
c'est qu'on nous donne les revendications de la FATA et j'aimerais quand
même vous les relire. On parle de la mise en vigueur des dispositions de
la Loi sur la santé et la sécurité du travail pour
l'ensemble des secteurs économiques et de l'augmentation du nombre
d'inspecteurs pour faire respecter la loi. Ça rejoint un peu les groupes
prioritaires dont on parlait précédemment et l'augmentation du
nombre d'inspecteurs, je pense que ça fait longtemps que c'est
demandé. On a hâte que cette question se règle, du
côté de la FATA.
La convocation immédiate d'une commission parlementaire large sur
le projet de loi 35, c'est une autre demande qui rejoint des demandes qu'on a
déjà entendues, je pense, M. le Président; le retrait du
projet de loi 35; une enquête approfondie sur te déficit de la
CSST et de son fonctionnement; le respect intégral de l'opinion du
médecin traitant; le remplacement des bureaux de révision
paritaire par des bureaux de révision indépendants de la CSST,
présidés par une seule personne; la mise en place au
Québec d'un régime public qui assure gratuitement la
défense des victimes d'accidents du travail. Alors, voilà les
principales demandes générales de la FATA, et les
inquiétudes qu'ils ont vis-à-vis du projet de loi 35.
Alors, c'est pour ces raisons, je pense, M. le Président, qu'il
aurait été important de les entendre, de discuter avec eux de ces
inquiétudes qu'ils ont face à ce projet de loi et
d'élaborer peut-être davantage face aux revendications de ce
mouvement d'aide aux travailleurs accidentés. Alors, c'est pour ces
raisons que j'appuyais la motion de ma collègue. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides): Je
vous remercie, Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière.
Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? M. le député d'Anjou.
M. Pierre Bélanger
M. Bélanger (Anjou): Je vous remercie, M. le
Président. Alors, pour les mêmes motifs que j'ai défendus
en rapport avec les motions qui visaient à faire entendre des
groupements, je vais appuyer cette motion. Je pense que c'est important,
justement, vu l'absence, finalement, d'enquête publique ou de commission
parlementaire où des gens pourraient intervenir librement. Je pense que
c'est au moins essentiel que certains groupes soient entendus. Un de ces
groupes, d'après moi, qui est important, c'est le CATTAM,
c'est-à-dire le Centre d'aide aux travailleurs et travailleuses
accidentés de Montréal.
Je regrette que, malgré plusieurs heures depuis le début
des travaux de cette commission, le climat n'ait pas changé, ici,
à cette commission, c'est-à-dire qu'il n'y ait pas plus
d'échanges entre le ministre et l'Opposition officielle. On se serait
attendu au moins à quelques commentaires. Heureusement, tout à
l'heure, le ministre a, semble-t-il, secoué sa torpeur et émis
quelques commentaires. Néanmoins, ces commen-
taires n'ont pas réellement fait avancer quoi que ce soit
à la réflexion sur le dossier, et je trouve ça
déplorable.
Si j'étais à la place du président de la CSST qui
est ici - ceci, c'est avec tout le respect que j'ai pour le président -
je me sentirais un peu comme une décoration, c'est-à-dire que je
ne prends pas la parole, je ne peux rien faire, je regarde, je lis mes
journaux, je lis les communiqués. Alors, je me demande si ce n'est pas
un peu comme une parodie de consultation ou une parodie de justice qui va se
faire quand on va finalement procéder à l'étude article
par article de ce projet de loi.
Je pense qu'il faut toujours garder à l'esprit, dans
l'étude du projet de loi qui nous touche présentement, l'impact
que ça va avoir sur la vie des gens, des accidentés du travail.
Alors, il faut garder constamment ça à l'esprit. Je sais que
notre discours, depuis le début des travaux de cette commission, porte
essentiellement là-dessus et ça paraît, j'en suis certain,
répétitif pour tout le monde. Cependant, nous croyons qu'à
force de le répéter, peut-être que le ministre verra la
lumière au bout du tunnel et que le message franchira son
hémisphère cérébral. C'est ce que nous
espérons, parce que ce n'est pas tout qu'un message passe par une
oreille, il faut qu'il frappe aussi un certain centre nerveux pour pouvoir
provoquer une certaine réaction.
Ce que je sens, c'est que les sons passent, mais que les messages ne
passent pas. Outre certaines réactions purement physiologiques primates,
nous ne semblons remarquer absolument rien d'autre. Alors, j'espère
obtenir quelques réactions peut-être un petit peu
élaborées de la part du ministre, qu'il va peut-être enfin
engager un certain dialogue, et qu'il va peut-être aussi faire preuve
d'une certaine ouverture d'esprit. Ça nous permettrait, je pense,
à ce moment-là, d'arriver... Je sais que c'est beaucoup demander,
évidemment. C'est beaucoup demander, mais certaines voies, me dit-on,
sont impénétrables; j'espère que celle-ci va l'être.
Alors, j'espère qu'on va pouvoir faire avancer un peu la
réflexion, qu'on va comprendre qu'on joue avec des vies, avec des
existences. (23 heures)
J'aimerais uniquement parler ici de quelques cas qui illustrent
très bien la portée de tout le contexte de la CSST. Alors, c'est
le cas d'un employé à qui on refuse le retour au travail
après une formation payée par la CSST. J'ai mentionné tout
à l'heure les différents cas qui avaient été
répertoriés par la CSN. Je suis certain que le CATTAM aurait pu
nous faire part de cas tout à fait similaires qu'il a déjà
eu à guider. C'est un travailleur qui s'est blessé au dos en mars
1988. Le diagnostic qui avait été porté, à ce
moment-là, était celui d'une entorse dorso-lombaire. Il est
retourné par la suite au travail en septembre 1988, comme
préposé aux bénéficiaires. Le 8 octobre 1988, le
travailleur a eu une rechute. À la fin de juin 1990, il n'est toujours
pas retourné au travail. Il a été admis en
réadaptation le 3 juillet 1990. La CSST lui fait suivre un cours de
secrétariat d'une durée de 10 mois au Collège moderne de
secrétariat. Le travailleur a reçu une indemnité pour
dommages corporels de plus de 1200 $.
Le 24 octobre 1991, après avoir terminé sa formation et
ses stages, le travailleur demande à l'employeur de le
réintégrer au travail dans un emploi du secteur bureau.
L'employeur refuse en stipulant que ce n'est pas la même
accréditation syndicale. Pendant la même période, le
syndicat propose à l'employeur une entente sur le droit de transfert
d'accréditation pour les personnes accidentées du travail.
L'employeur n'a toujours pas répondu à la proposition syndicale.
Le travailleur - juste pour prouver un peu la volonté du travailleur de
réintégrer son emploi, de travailler, d'être à
nouveau une partie intégrante du marché du travail - a
posé sa candidature à trois postes, dont celui de commis
intermédiaire et celui de secrétaire médical. On lui a
toujours refusé le poste pour les mêmes raisons, en
prétendant qu'il n'avait pas la formation requise d'un diplôme
d'études collégiales, et ce, même si le dernier poste est
encore vacant depuis cette date.
Le travailleur a écrit à la ministre
déléguée à la Famille pour lui expliquer son cas,
ainsi qu'au ministre de la Santé et des Services sociaux et au ministre
du Travail. Je ne sais pas quelle est la réaction qu'on a obtenue suite
à cette lettre. Dans une réponse faite au travailleur, on dit
qu'une enquête sera faite sur son cas. Le travailleur, après plus
d'une année en indemnités de remplacement du revenu, est
aujourd'hui un assisté social.
Alors, on voit, je pense, l'impact concret de mesures de la CSST, du
système de la CSST sur l'existence d'un travailleur. Le travailleur,
finalement, on le met au banc des accusés, un peu comme celui qui
profite du système, qui abuse du système et qui fait en sorte
que, finalement, on a perdu le contrôle du coût de ce
système. Tout ça pour rappeler que le travailleur est beaucoup
plus souvent victime, premièrement, parce que c'est un accidenté.
C'est un accident qu'il subit. Il n'a pas choisi d'être accidenté,
et il est victime du système en plus d'avoir été victime
d'un accident.
Un autre cas concret où la personne a subi... On me dit qu'il me
reste deux minutes. Je voulais exposer, à ce moment-là, un autre
cas concret d'une dame qui avait eu des problèmes elle aussi. Ici, le
cas est un peu différent, dans le sens que le montant en jeu
était de 100 $ seulement. La réclamation en jeu était de
100 $. Pendant environ un an, on a, finalement, tergiversé sur son
dossier, transporté son dossier d'une place à l'autre, tout
ça pour se retrouver avec un dossier qui avait une valeur
monétaire,
pour l'accidentée, de 100 $. Alors, on peut imaginer combien
ça peut avoir coûté à la CSST, mais aussi ce que
ça peut représenter comme préoccupations, comme ennuis,
comme inconvénients pour l'accidenté du travail qui doit subir
toutes ces tracasseries et tous ces inconvénients uniquement pour un tel
montant.
Tout ça pour vous dire que la victime du système, c'est
l'accidenté. Je pense qu'il faut toujours garder ça à
l'esprit, tout au long de notre réflexion. On ne doit pas chercher
à faire de l'accidenté l'accusé dans ce système, et
faire une réforme sur son dos. On se doit, pour guider notre
réflexion sur ce sujet, de chercher à entendre le plus possible
différentes associations d'accidentés ou différents
intervenants qui pourraient, à ce moment-là, nous expliquer, nous
faire part de cas concrets et de personnes qui ont eu à passer par tout
le système de la CSST. Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides):
Merci, M. le député d'Anjou. Est-ce qu'il y a d'autres
intervenants? M. le député de Laviolette, je vous en prie.
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: Merci, M. le Président. Comme un bon
pédagogue, je vais essayer de voir si le ministre - qui a
déjà été, m'a-t-on dit, du NPD, mais qui semble, ce
soir, être dans le «ne pas déranger» - pourrait,
peut-être réviser sa position. Est-ce que le ministre pourrait,
pour les besoins des gens qui nous écoutent ce soir, de ceux qui vont
nous lire, répéter ce que j'ai dit au début de nos
rencontres, cet après-midi? J'ai dit au ministre qu'au lieu d'accuser
l'Opposition il serait peut-être plus logique de sa part de prendre
l'initiative. La façon de prendre l'initiative de cette rencontre que
nous avons ce soir, qui va se terminer dans quelques minutes, à minuit,
mais qui va reprendre après la période de questions, demain, vers
11 heures, 11 h 30, pour perdurer dans le temps, demain, jusqu'à minuit
encore une fois, si besoin est... Le ministre aurait pu - et pourrait encore -
se raviser et décider de présenter lui-même une motion.
Nous sommes actuellement devant un comité d'entraide, un
comité d'aide des travailleurs et des travailleuses accidentés de
Montréal qui, comme ma collègue le disait, aurait peut-être
de très bonnes choses à nous dire. Et le ministre aurait, de sa
propre initiative, la possibilité de le décider. Je le
répète pour ceux qui n'étaient pas ici ce soir et qui
commencent à nous lire, pour ceux qui prendront les minutes à ce
moment-ci de nos délibérations, que le ministre a toujours le
pouvoir, soit lui-même, soit ses collègues, de présenter
une motion. Quand je dis: Reprendre l'initiative, c'est qu'une fois qu'on aura
- fort probablement, parce que c'est ce vers quoi on s'en va -
été battu dans cette proposition additionnelle, le ministre
pourrait dire: Écoutez, la liste que je vous ai proposée ce
matin, je vous la propose en bloc. Là, le député de
Saint-Maurice pourrait la prendre à sa charge. Il n'y a rien qui l'en
empêcherait.
Le député de Saint-Maurice, qui est un entrepreneur, un
patron dans la construction - qui l'était; je sais qu'il a vendu ses
parts, mais il connaît ça - sait très bien que nous
pourrions, à partir de sa suggestion, de sa motion, accepter, par vote,
même si mes collègues auraient pu apporter les amendements qu'on a
voulu apporter, c'est-à-dire la CSST pendant deux heures, un
regroupement de l'ATTAQ, la FATA, I'ATTAM, comme je le disais cet
après-midi, en arriver, finalement, à avoir un regroupement qui
pourrait venir ici, à l'Assemblée nationale, en commission
parlementaire, faire valoir ses points de vue.
Là, le ministre ferait oeuvre utile. Tandis que, là, il
semble un peu désoeuvré. Il nous écoute, il a pris son mal
en patience, semble-t-il. Mais il aurait pu, et il pourrait encore,
décider autre chose. Et, ça, ça pourrait permettre
à chacun d'entre nous d'aller se reposer et de dire: Demain matin, on
commence par la CSST, puis on prend deux heures, de 11 h 30 à 13 h 30,
on reprend à 15 h 30 plutôt qu'à 15 heures, jusqu'à
18 heures, puis de 20 heures à minuit, avec les autres groupes. On
pourrait, avec l'aide du secrétariat, les convoquer
immédiatement. Déjà, il y en a dans la salle qui
pourraient être présents dès demain. Et là le
ministre pourrait accélérer le processus d'acceptation du projet
de loi article par article, en commission parlementaire. (23 h 10)
C'est peut-être le souhait que je formule, étant le dernier
intervenant sur la motion de ma collègue, pour essayer de convaincre le
ministre qu'il y a des gens qui veulent être entendus, qui ont une
interprétation totalement différente de celle que,
peut-être, il a, que ces gens-là lui ont peut-être fait
valoir en rencontre privée, qu'ils ont fait valoir, d'ailleurs, à
ma collègue, comme responsable du dossier, en rencontre privée,
mais qu'on pourrait officialiser, qu'on pourrait inscrire dans les minutes de
l'Assemblée, qui pourraient ensuite être lues par d'autres. Alors,
comme je le disais un peu plus tôt ce soir, à visière
levée, faire valoir leur point de vue, quitte à ce qu'on
soupèse chacune des interventions, comme membres de la commission, et
qu'on propose au ministre des amendements, ou que, même, le ministre,
avec sa batterie de fonctionnaires, puisse préparer des amendements
majeurs au projet de loi qui est devant nous.
À ce moment-là, en attendant un groupe d'accidentés
du travail - quel qu'il soit, d'ailleurs; on a parlé, pour le moment, du
CATTAM, mais ça pourrait être l'ATTAM, ça pourrait
être l'ATTAQ, ça pourrait être la FATA, ça pourrait
être des groupes de gens qui ont l'habitude,
cortime disait mon collègue d'Anjou, de cas pathétiques,
et, des fois, qui demanderaient juste un petit coup de pouce pour être
réglés rapidement plutôt que d'enclencher un processus
judiciaire épouvantablement compliqué et dispendieux.
Est-ce que le ministre, avant de passer au vote sur cette
question-là, pourrait examiner cette possibilité-là,
quitte à ce qu'il nous dise: Écoutez, M. le député
de l'Opposition, mes collègues du côté ministériel,
M. le Président, je demanderais un arrêt de cinq minutes, le temps
d'aller discuter avec la responsable du côté de l'Opposition, de
faire venir nos deux responsables comme leaders du gouvernement et de
l'Opposition, pour s'entendre sur une liste? Sinon, si le ministre ne veut pas
s'entendre sur la liste avec ma collègue et les représentants des
deux niveaux de leader, peut-être la proposer, la liste. Là,
ça pourrait, à mon avis, vraiment changer l'atmosphère de
cette rencontre, et ça permettrait, à ce moment-là, M. le
Président, comme je le disais au début, au ministre de prendre
l'initiative.
Je le dis, c'est à titre de pédagogue que je reviens
continuellement sur cette pensée, parce que, à force de
répéter, à un moment donné, comme disait mon
collègue d'Anjou tout à l'heure, peut-être que ça
résonnera sur une partie du tympan du ministre, allant jusqu'au cerveau,
pour décision. Mais il me semble qu'on devrait vraiment arrêter le
travail qu'on fait là, parce que tout le monde a passé une nuit
entière à essayer de convaincre le ministre, à
l'Assemblée nationale, et ne l'a pas fait puisque le vote a
été majoritairement du côté ministériel.
Peut-être que le travail de cet après-midi, de ce soir, pourrait
porter les fruits qu'on escompte, et qu'on escompterait recevoir de la part du
ministre.
Alors, dans ce contexte-là, M. le Président, je ne peux
pas faire autre chose que d'appuyer ma collègue en disant que je serais
plus heureux, cependant, d'appuyer le ministre s'il nous proposait une liste et
qu'il la faisait voter. Et, ça, ce serait démocratique, ce serait
normal. Nous, on le sait très bien qu'on n'a pas la force du nombre.
Vous l'avez vu, on était cinq, et on a eu juste quatre votes,
pareil.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Jolivet: Hein! Le règlement est clair. Le
règlement est clair, c'est quatre votes...
Mme Blackburn: On en a trois.
M. Jolivet: ...quand bien même on aurait été
six. On a un autre collègue qui devait venir, mais, malheureusement, sa
loi a été demandée en Chambre - il est en Chambre
actuellement - le député de Shefford, qui est un membre de la
commission, qui aurait pu être ici. On aurait été six, mais
on aurait eu juste quatre votes pareil. Donc, on n'aurait rien changé
à la teneur du vote, mais, au moins, on saurait qu'on a fait oeuvre
utile durant la soirée.
Alors, M. le Président, j'interpelle le ministre et ses
collègues à l'effet qu'ils nous présentent une liste. Nous
allons essayer de l'amender, d'une seule traite. On ne fera pas quatre, cinq
motions, là. D'une seule traite, on se dit: On propose tel, tel, tel
groupe. Là, le ministre, avec son équipe, pourrait nous battre
facilement, et, après ça, adopter sa motion à lui. Alors,
on pourrait, dans l'espace de - au maximum, si chacun prend le temps voulu -
cinq minutes... Parce qu'on sait qu'on serait battu pareil, mais, au moins, on
aurait gagné une chose, c'est qu'on entendrait du monde, et c'est
ça qu'on recherche, tout le monde, c'est ça que je dis au
ministre. Parce que, là, il serait logique avec lui-même, et il
serait honnête; il ne ferait pas de la basse politique, et il dirait
à la population: L'Opposition voulait entendre telle ou telle personne,
je ne voulais pas, mais, avec la position de l'Opposition, j'ai quand
même entendu des groupes. Tandis que, là, ce qu'il dit: Parce que
l'Opposition ne voulait pas - c'est un petit peu, un peu, un tantinet enfantin
- je n'en entendrai pas un maudit. Ce n'est pas normal. Alors, M. le
Président, je termine en vous disant que nous allons passer au vote, et
qu'il sera nominal.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides):
Alors, j'appelle le vote.
M. Jolivet: Non, j'ai une petite motion après.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides):
J'appelle le vote. Oui, M. le ministre, oui, rapidement... Pas rapidement,
je m'excuse. Vous avez 5 minutes.
M. Cherry: Merci beaucoup. Une voix: 30 minutes.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides):
C'est 30 minutes, effectivement, oui.
M. Normand Cherry
M. Cherry: Merci, M. le Président. Comme j'ai l'habitude
de le faire à chaque fois qu'on termine une motion que vous avez
présentée, notre collègue de Chicoutimi a invité
l'ensemble des parlementaires. Elle faisait référence au document
de Mme Thibault, et je crois que c'est la deuxième qui le fait. Mme
Carrier-Perreault, des Chutes-de-la-Chaudière, dans une ronde
précédente, a invoqué, a fait référence au
même document sur les assemblées régionales que tient la
vice-présidente de la CSST concernant les
journées de bénéficiaires. Et elle a dit: Je
souhaiterais que le ministre le fasse, que le ministre aille rencontrer les
accidentés du travail. Et elle disait: Par la même occasion, qu'il
rencontre ses collègues.
Je tiens à lui dire que je l'ai fait. D'abord, Mme Thibault a
tenu, depuis trois ans, 63 ou 64 réunions à travers le
Québec pour les accidentés du travail. Et, l'automne dernier,
lors d'une de ces journées, à Trois-Rivières, j'ai fait un
point de faire un arrêt là, et je suis également
allé visiter le bureau régional de la CSST. Je suis allé
voir le personnel, je suis allé regarder les conditions, j'ai fait le
tour, rapidement, des dossiers. Donc, j'ai également rencontré
les agents d'indemnisation. Je l'ai fait. Je suis bien content de voir que mes
collègues de l'Opposition se réfèrent au document de Mme
Thibault, mais, en plus de le faire, moi, j'y suis allé une
journée. Je me suis assis au fond de la salle et j'ai assisté
à la fin de cette journée-là pour entendre les
témoignages de ces gens-là.
Les choses qui étaient décrites, que ma collègue,
députée de Chicoutimi, décrivait, j'ai été
témoin de ça, de ces témoignages-là; des gens qui
s'avançaient au micro, avec leur conjointe ou leur conjoint. Dans
certains cas, c'était la conjointe qui venait exprimer le sentiment du
couple, parce qu'elle avait une meilleure facilité d'expression ou
pouvait mieux communiquer ses sentiments: sentiment de dévalorisation
personnelle, dans certains cas, un sentiment, souvent, d'impuissance, un
sentiment d'inquiétude. On souhaitait un encadrement beaucoup plus
rapidement, parce qu'un des critères pour la tenue de ces
journées de bénéficiaires, c'est des accidentés du
travail dont l'accident date de quatre mois et plus. Donc, des cas qu'on
pourrait considérer comme lourds quand on sait que la vaste
majorité des cas, dans moins de 14 jours, sont déjà
retournés au travail. Quand ça fait quatre mois et plus, c'est
difficile. Des gens qui, sur le plan personnel, sont dévalorisés;
inquiétude dans la situation de la vie de couple, l'aspect financier.
Souvent, le conjoint ou la conjointe a dû reprendre le travail, parce que
le revenu qui venait de là n'y est pas. Les gens souhaitaient un
encadrement beaucoup plus rapidement.
Donc, il est intéressant non seulement de lire les commentaires
de Mme Thibault, mais, quand il se tiendra de ces réunions-là
dans les régions, d'aller y assister. Je pense qu'il y en a qui l'ont
déjà fait, et c'est extrêmement intéressant de
pouvoir le faire. C'est un des messages que j'ai retenus de cette
journée-là, que ces gens-là souhaitent un encadrement
beaucoup plus rapidement.
Et, dans les commentaires que vous faisiez tantôt, vous avez dit,
je dois le reconnaître, un commentaire qui était bon envers les
gens de la CSST. Mais vous remarquerez qu'ils se disent souvent traités
comme une espèce de numéro: manque de communication avec les
professionnels de la santé, qu'ils soient médecins
spécialistes ou médecins traitants. C'est un sentiment qu'ils
ont. Donc, dans ce sens-là, il y a des messages de communication
à faire. (23 h 20)
Vous avez raison aussi par rapport à la personne de premier
contact dans les bureaux régionaux. La disponibilité des agents
d'indemnisation: si on pouvait leur enlever toute la paperasse qu'ils ont
à remplir pour des dossiers à 100 $, comme vous disiez
tantôt, des réclamations pour une paire de lunettes, au lieu de
s'occuper de ça, ils pourraient s occuper des vrais dossiers et des cas
lourds, les encadrer, et mieux cheminer. C'est dans ce sens-là. Et,
ça, des journées de bénéficiaires, vous avez
raison, à chaque fois que ça va dans une région, un
député qui le peut devrait s'offrir cet exercice-là. On en
sort, de là, avec une sensibilité beaucoup plus proche des vrais
problèmes des accidentés du travail. Merci, M. le
Président.
Mise aux voix
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides):
Merci. Alors, comme il avait été convenu, j'appelle donc le
vote nominal sur la motion.
M. Audet (Beauce-Nord)?
M. Audet: Contre.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides): M.
Bélanger (Laval-des-Rapides), contre.
M. Bordeleau (Acadie)?
M. Bordeleau: Contre, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides): M.
Farrah (Îles-de-la-Madeleine)?
M. Farrah: Contre.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides): M.
Lemire (Saint-Maurice)?
M. Lemire: Contre.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides): M.
Cherry (Sainte-Anne)?
M. Cherry: Contre.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides): Mme
Blackburn (Chicoutimi)?
Mme Blackburn: Pour.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides): Mme
Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière)?
Mme Carrier-Perreault: Pour.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides): Mme
Dupuis (Verchères)?
Mme Dupuis: Pour.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides): M.
Joltvet (Lavioiette)?
M. Jolivet: Pour.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides): M.
Bélanger (Anjou)?
M. Bélanger (Anjou): Pour.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides):
Donc, la motion est rejetée par six à quatre. M. le
député de Lavioiette.
Motion proposant d'entendre la
Fédération des travailleurs et
travailleuses du Québec
M. Jolivet: M. le Président, là, j'essaie une
tentative nouvelle auprès du ministre. Compte tenu qu'il provient de ce
milieu, peut-être qu'il va nous entendre mieux, on va voir. Il est
proposé qu'en vertu de l'article 244 de nos «Règles de
procédure» la commission permanente de l'économie et du
travail tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du
projet de loi 35, Loi modifiant la Loi sur les accidents du travail et les
maladies professionnelles, la Loi sur la santé et la
sécurité du travail et la Loi sur l'assurance-maladie, des
consultations particulières quant à tous les articles dudit
projet de loi et qu'à cette fin elle entende, cette commission, la
Fédération des travailleurs du Québec, la FTQ.
Une voix: Des travailleurs et travailleuses.
M. Jolivet: Oui. Alors, la «FTTQ». Faites les
corrections qui s'imposent.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides): La
«FTTQ». C'est bien l'article 244? Parce que j'avais compris 254.
244. O.K. Alors, la motion est recevable. Alors, si, M. le
député, vous voulez présenter votre motion, vous avez 30
minutes.
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: M. le Président, je vais essayer de faire un
peu un historique avant d'arriver à l'ensemble de la motion, en disant
ce que l'on a vécu dans les années 1976, 1977, 1978, au moment
où on a transformé la Commission des accidents du travail en
Commission de la santé et de la sécurité du travail. Je
faisais mention de ce qui avait été discuté à
l'époque, alors que j'étais membre du gouvernement en place - de
M. Lévesque - avec M. Pierre Marois. Il y avait des gens qui provenaient
des milieux syndicaux à l'époque, des gens comme Guy Bisaillon,
Guy Chevrette, moi-même...
Une voix:...
M. Jolivet: Non, il ne travaillait pas sur le comité
à ce moment-là, puisque c'était de la
responsabilité du ministre responsable des Affaires sociales, à
l'époque, et du Travail, qui était M. Pierre Marois. Et M. Pierre
Marois avait une responsabilité comme superministre, comme on l'appelait
à l'époque. Nous avions commencé par mettre en place un
livre blanc qui avait été suivi d'une loi, laquelle loi avait
permis l'installation d'un principe de base qui était, d'abord, qu'il
valait mieux prévenir que guérir. Et nous croyions, et nous
croyons toujours, qu'il est mieux de faire en sorte que les lieux de travail
permettent à l'homme ou a la femme de travailler dans des conditions
telles qu'on diminue les risques d'accidents. Il est évident qu'il y a
des activités de travail qui sont plus dangereuses que les autres, mais
ça ne veut pas laisser sous-entendre qu'on ne doive pas faire tous les
efforts pour empêcher les accidents.
Je le disais hier, il n'est pas question, pour permettre à
quelqu'un de travailler dans un milieu, de, finalement, le transformer en
scaphandrier: un appareil pour la respiration, un appareil contre les bruits
aux oreilles, contre les blessures aux genoux ou aux coudes. Il faut
plutôt aménager le lieu de travail, l'appareil de travail, pour
éviter les accidents. Donc, c'est ce qu'on appelle la prévention.
Il est évident que, quand on regarde l'ensemble de ce qui a
été fait - pas suffisamment, à la demande des
travailleurs, n'a été fait jusqu'à maintenant - quand
même, il y a des améliorations qui ont été
apportées.
D'un autre côté, pour être le plus précis
possible, le moins partisan possible, il faut dire que la loi de la
santé et sécurité au travail, avec l'aide des
organisations syndicales de l'époque - de façon plus
précise avec la FTQ, même si, des fois, les autres centrales
syndicales s'y objectaient - a eu des améliorations qui ont
été apportées. D'autres étaient plus combatives,
comme associations syndicales, d'autres étaient plus tolérantes;
ça dépend comment on le regardait à l'époque. Je ne
referai pas l'histoire syndicale. Je dirai cependant qu'il y a eu, en
1984-1985, des amendements à la loi qui étaient, comme je le dis,
pour être bien précis sans être partisan, peut-être
des amendements qui, malheureusement, étaient mal
aménagés, en 1984-1985, et ont amené des problèmes.
Il faut bien se souvenir que les associations patronales de l'époque,
dans les comités paritaires, avaient toujours soutenu qu'elles ne
devaient pas être les seules à payer pour tous les coûts.
Et, malgré
tout ça, malgré leurs demandes incessantes, c'est eux qui
ont à payer, c'est eux qui ont à faire en sorte que le lieu de
travail soit convenable pour les travailleurs. Et ce n'est pas aux travailleurs
d'en être pénalisés.
Et la FTQ, comme toutes les autres centrales syndicales à ce
moment-ci, quand elle regarde le projet de loi 35, qui a pour but de
régler certains problèmes, dit que c'est un peu pernicieux. Sous
de belles apparences se cachent des décisions qui ont pour but de sauver
de l'argent sur le dos des travailleurs, soit par des délais nouveaux,
soit par des obligations nouvelles, soit, comme on le disait dans le courant de
la soirée, par le fait que la décision du médecin traitant
devienne subordonnée maintenant à une autre décision d'un
médecin spécialiste expert, comme disait le ministre de la
CSST.
Le ministre ne me fera pas brailler bien, bien en me disant qu'on ne
doit pas considérer les physiatres, dont il faisait mention tout
à l'heure, comme étant toutes des personnes qui sont de mauvaise
foi. Jamais je ne dirais ça. Je ne le dirai pas, mais je pourrais dire,
par exemple, qu'il y en a. Et c'est cette question-là qu'il faut se
poser maintenant, eu égard au fait que si le ministre dit que les
physiatres - comme exemple; il y en a d'autres - sont des gens corrects, est-ce
que ça peut laisser sous-entendre qu'il a l'impression que les
médecins traitants ne le sont pas, honnêtes? Non, non, mais on
peut aller jusque-là. On peut interpréter, nous, à notre
tour.
Et, là, c'est un fait qu'on inverse le fardeau de la preuve. J'en
ai fait mention tout à l'heure, le fardeau de la preuve est
inversé. L'employeur, normalement, devrait s'assurer que le lieu de
travail est dans des conditions telles - et la recherche et
développement permettant d'améliorer le poste de travail - pour
éviter des accidents. Sauf que, là, ce qu'on dit, c'est: Est-ce
que c'est le travailleur qui est inconscient du danger? Est-ce que c'est le
travailleur qui ne prend pas les précautions? Est-ce que c'est au
travailleur de tout faire pour s'assurer qu'il ne soit pas un cas d'accident?
Tu sais, des fois, on s'est posé la question: Est-ce que c'est le
travailleur qui est responsable de son propre accident? Est-ce que le ministre
est en train de nous dire que, par la loi qui est devant nous, le fardeau de la
preuve, maintenant, appartient à l'employé qui doit
démontrer qu'il a tout fait pour éviter d'être
accidenté, quand il n'est même pas responsable d'une maladresse
quelconque qui aurait pu exister d'un autre, ou quand un appareil qui n'est pas
réparé convenablement brise et que c'est lui qui reçoit le
morceau? (23 h 30)
Moi, je me souviens, quand j'étais jeune, chez les embouteilleurs
de la liqueur Royal, à Grand-Mère, il y avait des bouteilles
qu'on examinait, qui étaient passées à la soude caustique
pour être nettoyées, et, à un moment donné, à
la longue, elles devenaient des bouteilles qui étaient plus faibles. Et,
quand arrivait le moment où on mettait le bouchon, avec la pression de
la liqueur, avec le gaz qui s'y mettait, voilà que ça
éclatait et que ça allait dans toutes les directions; on voyait
siffler des morceaux de vitre autour de nous autres. J'ai vu quelqu'un se faire
arracher une oreille avec ça, moi. Est-ce que c'est la faute de
l'employé, ça, ou bien la faute de l'employeur qui n'a pas pris
les moyens correctifs pour empêcher que la bouteille ne lui arrive en
pleine face? Dans le temps, on disait: C'est de même quo ça
marche.
Mais c'a évolué depuis ce temps-là. Ce n'est pas
l'employé qui est responsable, c'est l'employeur qui a une
responsabilité. Donc, on avait mis comme principe qu'il valait mieux
prévenir que guérir, que les coûts de la prévention
pour la société étaient moindres que la guérison et
que, si on se mettait ça dans la tête, on organiserait des postes
de travail en conséquence. On se permettrait, à ce
moment-là, M. le Président, d'en arriver à avoir une loi
qui mettrait le fardeau de la preuve à la bonne place. On n'utiliserait
pas la loi telle qu'elle est présentée pour mettre des
délais tels - j'en donnais des exemples tout à l'heure - que
l'employé, ne pouvant pas les rencontrer, se voie automatiquement exclu
d'un droit légal.
L'exemple typique, le ministre doit certainement le savoir: Un
spécialiste doit donner une contre-expertise. Comme simple travailleur -
j'en faisais mention tout à l'heure - essayez donc d'avoir un rapport de
spécialiste quand vous êtes à «Saint-Clin-Clin»
et que vous avez demandé ça à Québec, ici. Avant
d'avoir un médecin qui vous donne la chance de monter à
Québec, ici, vous allez attendre longtemps, et votre délai de 30
jours, il sera fini. Puis dans l'appel qui est exercé, si on n'a pas de
réponse dans les 30 jours, on n'est pas plus avance: le délai
légal est disparu.
Tout semble, de façon pernicieuse, être mis en fardeau sur
l'individu, en disant: Tu n'aurais pas dû te blesser, et c'est ta faute
si tu as été blessé. Comme le disait ma collègue,
la députée de Chicoutimi, quand on a parié des
assistés sociaux: C'est leur faute, et c'est à eux autres de ne
pas être là. Quand on considère que le contexte
économique actuel est tellement difficile que vous vous retrouvez avec
des employés qui n'ont jamais été... J'en pariais ce soir,
à l'heure du souper, avec quelqu'un qui m'expliquait qu'il ne comprenait
pas pourquoi, dans le contexte actuel de la fermeture des postes de travail
à la Belgo de Shawlnigan, il se retrouvait au chômage pour la
première fois de sa vie. Le petit gars a 28 ans et il veut travailler.
Et il dit: Moi, le seul moyen que j'ai, parce que je suis sur
l'assurance-chômage et que ma femme travaille, c'est le droit aux
prêts et bourses. J'ai moins d'argent qu'un gars qui est sur l'aide
sociale, qui retourne aux études. Et on faisait le calcul
ensemble, c'était vrai. Tous nos systèmes de formation
professionnelle sont tellement bâtards que, finalement, on se retrouve
dans des conditions où l'individu se décourage. Ce
découragement-là, il se ressent aussi à l'ouvrage. Les
gens ne sont plus sûrs de leur emploi comme ils l'étaient dans le
passé. Et, en plus, on a des usines qui sont désuètes. Il
y a des machines, ça fait longtemps qu'elles devraient être
remplacées, et elles ne le sont pas. Mais, pour le temps, on travaille
encore avec, avec les risques d'accidents que ça comporte.
Alors, moi, je dis, M. le Président, que la FTQ, d'où
provient le ministre, pourrait certainement le convaincre - jamais je ne
croirai - qu'il est en train de faire fausse route. Et on pourrait l'aider, la
FTQ, à convaincre le ministre qu'il fait fausse route. Là, le
ministre aurait beau dire: Écoutez, il y a eu des amendements, en
1984-1985, qui n'auraient pas dû exister, c'est vous autres qui les avez
faits. C'est vrai, soit. Vous n'êtes pas obligé de faire pareil.
Vous n'êtes pas obligé de faire les mêmes erreurs. Moi, je
me dis, à ce moment-là, qu'il faut que le ministre comprenne que,
devant ces faits, il devrait accepter, changer son fusil d'épaule,
revenir à de meilleurs sentiments.
Je reviens à mon argumentation de tout à l'heure: En
arriver à dire: Bon, O.K., j'ai compris, le message est clair. Demain
matin, après la période des questions, on s'entend. Voilà
la liste, c'est ça que je veux, je la passe et, après ça,
on part. Là, on gagnerait du temps. On pourrait peut-être
convaincre les députés ministériels qu'il y a de grandes
lacunes dans le projet de loi tel que présenté, que ces grandes
lacunes doivent être corrigées, à moins que le ministre,
entre-temps, n'ait commencé, par ses spécialistes, à
appliquer déjà ses amendements auprès des gens, à
tester les amendements qu'il veut apporter.
Mais, là, on n'a pas entendu parler de ça pour le moment.
On a des règlements qui n'existent même pas et, pourtant, il y en
a dans la loi. Ça veut dire qu'on n'est pas encore sûr du
ministre. On croyait - et on croit encore - que la Fédération des
travailleurs et travailleuses du Québec, la FTQ, pourrait convaincre le
ministre si, au moins, il acceptait de les entendre. S'il ne veut pas entendre
les autres, au moins qu'il entende ses anciens collègues.
Peut-être que ses anciens collègues vont être capables de le
convaincre. Et peut-être qu'à ce moment-là il comprendra
qu'il faudrait peut-être ajouter d'autres personnes. Et là le
ministre démontrerait sa bonne volonté, et il n'accuserait pas
l'Opposition de faire du travail d'amusement. Je ne pense pas qu'on ait
travaillé depuis hier dans un but de s'amuser. Ce n'est pas drôle,
vous savez, pour ceux qui vont nous lire et pour ceux qui nous écoutent,
là. Ce n'est pas drôle de faire le travail qu'on fait là,
à essayer par tous les moyens de convaincre le ministre. À un
moment donné, on va lâcher parce que... C'est vrai qu'on va
lâcher. Le ministre le sait très bien. Sauf que, nous autres, on
aimerait lâcher au moment où ils acceptent d'entendre des groupes.
Ça serait bien plus intéressant parce que, là, on pourrait
faire un travail où chacun questionnerait.
Qu'est-ce qui ne va pas? J'ai lu plusieurs rapports, et on arrive tous
aux mêmes conclusions. Je ne veux pas rappeler au ministre tout ce que
j'ai dit tout à l'heure, quand j'ai fait une intervention pour la CSN,
mais je vous dirai que tout le problème de l'évaluation
médicale est un problème; tout le fardeau de la preuve dont je
faisais mention est un problème; la fin de l'habilité au
médecin traitant, c'est un autre problème. La marge de manoeuvre
complète pour la CSST: on semble reconnaître dans le projet de loi
que la CSST veut reprendre le pouvoir qu'elle a perdu. Et, pourtant, il ne me
semble pas qu'elle ait perdu du pouvoir. Il me semble qu'elle doit travailler
pour le bien-être de l'individu, et on a l'impression qu'elle travaille
contre l'individu. Reprise des droits des employeurs: on sent que les
employeurs, dans le contexte difficile, essaient de reprendre des droits. Ce
n'est pas facile, vous savez, pour les syndiqués.
Et on donne l'exemple de ce qui s'est passé à la PFCP de
Trois-Rivières. Ce n'est pas facile de faire les réunions qu'ils
ont faites pour dire que le principe d'ancienneté - dont le ministre
était fier, dans les années précédentes, de porter
le fleuron - était battu en brèche par tout le monde et,
profitant des circonstances difficiles dans lesquelles ils se trouvaient, leur
dire que l'ancienneté, c'était fini, ça, que
c'était la flexibilité qui était la meilleure des choses.
On sait ce que ça a amené, la flexibilité, avec des jeunes
de 14 ans dans les usines de textiles, dans le passé.
Ce n'est pas ça qui va changer le visage du travail au
Québec. Et ce n'est pas parce qu'on est dans des circonstances
difficiles, que nos usines ferment, qu'il faut accepter de battre en
brèche tous les acquis de l'histoire. Je ne dis pas que tout est
parfait, mais je dis que l'inverse aussi n'est pas mieux. Et, dans ce
sens-là, on aurait la chance de voir des gens venir nous parler des
procédures d'appel, des pouvoirs qui sont réduits à la
CALP, la Commission d'appel en matière de lésions
professionnelles, de tout le fait que les gens croient que le projet de loi qui
est devant nous n'est pas le meilleur, et que notre travail, comme
parlementaires, c'est de faire celui qui est le meilleur comme projet de
loi.
Alors, dans ce contexte-là, quel serait le moyen que nous avons,
sinon d'inviter ces groupes-là à venir nous le dire? Et
là, comme ma collègue le disait, on est prêt à
regrouper des travailleurs accidentés en une coalition leur permettant
de venir faire entendre leur position. C'est sûr que l'ATTAM, l'ATTAQ,
ils sont
corrects; c'est la même chose, c'est en région ou national:
l'ATTAM pour la Mauricie, et l'ATTAQ pour le Québec entier, mais il y en
a dans chacune des régions. La FATA n'est pas pareille, mais pourrait
s'adjoindre à eux pour présenter devant l'Assemblée sa
position. La FTQ, la CSN, la CSD, la CEQ, les patrons, l'AECQ, même
Ghislain Dufour, s'il veut venir pour nous dire ce que lui en pense. On va le
comprendre que, lui, ce qu'il veut, c'est payer le moins cher possible et en
donner le plus possible pour l'argent qu'il donne, mais le moins d'argent
possible. (23 h 40)
Alors à partir de ça, sur le dos de qui ça se fait,
ça? Sur la sécurité? Sur la santé? Vous savez, moi,
j'ai visité - elle est fermée aujourd'hui - la Northern, au
Cap-de-la-Madeleine, et je m'étais amusé en visitant ça.
Aïe! C'était propre, c'était beau, cette affaire-là.
Sauf que les gars ont dit: Tu aurais dû venir hier, parce qu'ils nous ont
fait nettoyer ça toute la journée, hier. Ils ont dit: Hier,
là, ça va être demain. Parce que, aujourd'hui, c'est la
seule journée de l'année... Vous devriez venir plus souvent,
parce que c'est la seule journée où on n'est pas dans la
poussière. Hein? Vous n'êtes pas sans le savoir, là. Vous
avez été dans le syndicat pour le savoir. Alors, à partir
de ça, la santé, la sécurité des travailleurs, des
travailleuses en usine ou dans les lieux de travail, ce sont donc des choses
importantes. Et, moi, je dois vous dire, M. le Président, que ça
m'inquiète, le projet de loi tel qu'il est présenté
actuellement.
Je pourrais continuer longuement, mais j'essaie de penser que j'ai
peut-être convaincu le ministre. Il semble, depuis tout à l'heure,
m'é-couter, faire des signes de tête, sourire de temps en temps.
Ça veut dire qu'il m'écoute. Est-ce qu'il m'a entendu et compris?
Ça, c'est autre chose. Et c'est ça qui m'inquiète le plus.
Alors, M. le Président, j'arrêterai là, en laissant
à mes collègues le soin de peut-être essayer de le
convaincre davantage, de finir le travail que j'ai commencé.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides):
Alors, merci, M. le député de Laviolet-te. Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Jeanne L. Blackburn
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Je me joins
à la motion déposée par mon collègue pour
réitérer la demande que nous avons déjà
présentée, qui avait déjà été
acceptée par le ministre, celle d'entendre la Fédération
des travailleurs et travailleuses du Québec, la FTQ. Le ministre est un
ancien de la FTQ. Il a conservé, je le sais, d'excellents rapports avec
la FTQ. J'estime et j'imagine qu'il a du respect pour l'avis et les avis
développés par la FTQ.
La FTQ a fait un travail remarquable sur ce dossier, puisqu'elle s'est
réunie, si ma mémoire est fidèle, le 13 mai dernier. Elle
a réuni quelque 200 personnes qui venaient de toutes les régions
du Québec pour examiner ce que devaient être les modifications
à apporter à la loi de la santé et de la
sécurité de travail et à la Loi sur les accidents du
travail et les maladies professionnelles. La FTQ a produit un rapport bien
articulé là-dessus, et avec une série de propositions et
de recommandations fort intéressantes. La FTQ a, et je le rappelle, dans
un premier temps, réclamé une commission parlementaire. Avec un
examen plus attentif du projet de loi, la FTQ va un peu plus loin et, hier, non
seulement réclamait-elle une commission parlementaire mais elle exigeait
des modifications en profondeur du projet de loi, sinon, elle envisageait
d'endosser les recommandations des autres centrales syndicales,
c'est-à-dire le retrait du projet de loi.
J'imagine qu'une fois qu'on a examiné de façon attentive
et soigneuse le projet de loi tel que présenté, on est
obligé - et la FTQ fait le même constat - de réaliser que
le projet de loi fait reposer sur l'accidenté du travail et le
médecin traitant toute la responsabilité du déficit de la
CSST, en totalité, alors qu'il y a de multiples explications possibles
au déficit de la CSST, et qui dépassent largement l'exclusive
responsabilité ou irresponsabilité, faudrait-il dire, du
médecin traitant qui est complaisant, et qui serait complaisant à
l'endroit du travailleur accidenté, et qui ne mériterait pas la
confiance que méritent les physiatres, soulignée tout à
l'heure par le ministre du Travail, physiatres attachés à
l'Université du Québec, à l'Université de
Montréal. Moi, je pense qu'ils méritent, l'un et l'autre, la
confiance, et je n'arrive pas à croire que ça se soit
répandu comme une épidémie, cette complaisance des
médecins à l'endroit des travailleurs accidentés. Parce
que tout le projet de loi, pour l'essentiel de ses dispositions, vient porter
ce préjugé à l'endroit des travailleurs et de leurs
médecins.
J'ai tenté d'examiner le projet de loi pour voir dans quelles
dispositions on pouvait faire un certain bout de chemin ensemble, pour voir
comment on pouvait modifier ou abroger de façon importante une
disposition qui touchait le travailleur, et particulièrement sa relation
avec son médecin traitant. Mais je constate que l'esprit du projet de
loi est basé exclusivement sur un manque total de confiance à
l'endroit du travailleur. Et, pour changer cet esprit-là, il faudrait,
pour ainsi dire, sabrer ou abroger la majorité des dispositions du
projet de loi. Ça va être un problème; ça va
être un problème sérieux et important.
Je voudrais reprendre les différentes remarques que je n'ai pu
compléter tout à l'heure, de Mme Katerine Llppel, professeur de
droit social au Département des sciences juridiques de l'UQAM, qui
identifie un certain nombre de facteurs qui pourraient expliquer le
déficit de la
CSST et qui ne sont pas directement reliés ou exclusivement
reliés à la complaisance des médecins. Elle identifie le
manque de revenus à l'impact de la baisse de la masse salariale
attribuable au chômage, à laquelle il faut ajouter celui d'une
modification en profondeur du système de financement comprenant une
baisse artificielle des cotisations en 1990 et une restructuration
complète des mécanismes d'établissement des cotisations,
qui peuvent eux-mêmes justifier, tout au moins en partie, un manque
à gagner suffisant pour remettre en question la stabilité
économique du régime.
Et là elle identifie des facteurs assez précis qui
pourraient constituer, si le ministre acceptait l'idée de la
constitution d'un groupe d'experts pour examiner la situation, l'ébauche
d'un mandat qui pourrait leur être confié. Elle explique d'abord
qu'au Québec, dans toutes les autres juridictions, il est clairement
établi qu'un système de cotisation basé sur le
mérite ou le démérite de l'employeur a pour effet
d'encourager la contestation des réclamations des accidentés et
peut avoir pour effet, également, d'inciter les employeurs à
promouvoir le camouflage des accidents de travail. On entend parler
aujourd'hui, dit-elle, d'avocats qui contestent des réclamations
malgré la volonté de l'employeur, parce qu'ils veulent rencontrer
des quotas. Là, on ne travaille plus en fonction des besoins, on
travaille en fonction de s'assurer - j'allais dire un «case load» -
un quota, un travail. Ça n'a aucun rapport avec les besoins de
l'employeur, ni de l'employé.
L'unité de travail qui ne déclare pas d'accidents... Il y
a des pratiques, le ministre le sait. Ça s'est fait à la Baie
James, mais ça se fait de façon... J'en connais dans mon
comté. Ça doit se faire dans les autres aussi; ils ne sont pas
plus futés que les autres, ni plus croches. L'unité de travail
qui ne déclare pas d'accident a droit de participer au tirage ou au
bingo lui permettant de gagner un téléviseur couleur ou un
voyage. Il ne s'agit pas d'histoires du passé, nous dit-elle, mais de
cas réels qui ont été rapportés en 1992. Lorsque
l'incitation à ne pas déclarer des accidents de travail est
accrue, la durée moyenne de l'indemnité...
M. Jolivet: Diminue.
Mme Blackburn: ...de remplacement de revenus augmente, parce que
ces accidents, qui seront les premiers à disparaître du registre -
ce que j'expliquais - soit via une assignation temporaire ou un travail
léger, sont tout simplement du camouflage, et ils représentent
ceux qui ont la moins longue durée. C'est évident, nous dit-elle,
que le travailleur amputé d'un bras droit sera beaucoup moins
porté à se prêter au camouflage, mais, lui, il va
coûter beaucoup plus cher, parce qu'il est plus long, parce qu'on a fait
disparaître les moins coûteux et les plus courts.
Ce sont les petits accidents qui seront sous-estimés dans les
statistiques et, normalement déclarés, ces accidents feraient
baisser la moyenne.
On l'a démontré, d'ailleurs: ça paraît bien,
à présent, dans les chiffres et les tableaux de la CSST. Si on ne
les comptabilise plus, on constatera une baisse du nombre des accidents et une
augmentation du nombre moyen des jours indemnisés, comme c'est
actuellement le cas. Elle ajoute que la contestation accrue de la part des
employeurs, de la CSST, peut, elle aussi, expliquer une partie de
l'augmentation de la durée moyenne des prestations. Lorsque ces
réclamations sont contestées, un engorgement des tribunaux
chargés d'étudier les dossiers implique souvent de longs
délais entre le moment où la réclamation est faite et
celui où la décision est rendue. L'attente d'une décision
peut suspendre l'accès aux services de réadaptation, surtout
lorsque la relation entre la lésion et le travail est en cause. Si cette
relation est éventuellement établie, l'accidenté aura
alors accès à un plan de réadaptation, mais l'attente aura
duré jusqu'à deux ans, sans services. Bien sûr, il recevra
alors ces services et des prestations rétroactives à la date de
la réclamation, et la durée totale de ses prestations sera donc
accrue. Elle dit: Donc, si vous multipliez ce cas par le nombre
approprié de contestations vexatoires, ou même tout simplement mal
fondées, vous obtenez un nombre significatif de prestataires qui
reçoivent de 200 à 300, 400 journées de trop de
prestations, du seul fait qu'ils attendent des décisions. Et, à
ces effets désastreux, nous dit-elle, sur le plan budgétaire,
s'ajoute l'impact négatif que peut constituer un climat de contestation
et de conflit sur l'évolution de la pathologie de l'accidenté.
(23 h 50)
Lorsque le contestant réussit à se soustraire aux
statistiques d'un accident en faisant reconnaître la réclamation
mal fondée, cela n'a pas comme effet de baisser la durée moyenne
des prestations...
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides):
Votre temps est écoulé, madame.
Mme Blackburn: ...mais, lorsqu'il échoue, la durée
de l'indemnité de remplacement du revenu est systématiquement
augmentée.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides): Avec
consentement? Oui.
Mme Blackburn: Alors, elle nous dit: Plus il y aura de
contestations mal fondées, plus la durée moyenne d'indemnisation
sera accrue.
Quand on relit les statistiques des décisions rendues par la
CALP, on constate que les contestations mal fondées n'ont qu'un seul
effet: coûter plus cher à la CSST. C'est drôle, ça
n'a pas été évalué, ça. Il semblerait que,
à sa face
même, ça explique une partie de la durée de
consolidation. On n'a pas d'idée de ce que ça veut dire. Personne
ne s'est intéressé à ça. Personne, semble-t-il, ne
l'a évalué. Si on l'a évalué, ce serait
intéressant qu'on l'ait. Ça nous éviterait peut-être
de taper exclusivement sur les accidentés et sur leur
médecin.
Elle ajoute, et c'est intéressant: De plus, il était
prévisible qu'un mouvement de contestation systématique qui
débute en 1987 ait un effet de boomerang en 1989-1990, soit au moment
où les décisions finales sont rendues. Cette hypothèse est
d'autant plus plausible quand on sait qu'on a appliqué un plan de
redressement au Bureau de révision paritaire en 1990, et que le
personnel de la CALP n'a été augmenté qu'en 1989, deux
facteurs qui permettent d'expliquer une augmentation exponentielle du nombre de
décisions finales en 1989-1990 et qui viennent augmenter la durée
de consolidation, mais, en même temps, qui viennent alourdir les cas
réglés cette année-là.
Elle rappelle que les nouvelles lésions et la durée de
l'invalidité, ça peut aussi expliquer, en partie, les facteurs
qui viennent alourdir, prolonger la durée de consolidation. Elle en veut
comme exemple les maladies professionnelles qu'on ne reconnaissait pas,
reliées aux gestes répétitifs. On ne les reconnaissait
pas. Elles sont reconnues. Il y a une augmentation de l'ordre de 700 % dans la
reconnaissance de ces lésions. Ce sont des lésions qui durent
longtemps. Est-ce que ce n'est pas là, aussi, une partie de
l'explication? Pourquoi est-ce qu'il faut tout mettre - tout mettre, mais sans
exception - exclusivement sur le dos du travailleur et de son médecin,
en qui on ne fait plus confiance? On a un problème. On a un
problème, et faute d'avoir ces études-là, faute d'avoir
des études qui auraient pu être réalisées par la
CSST, qui l'ont peut-être été, mais auxquelles on n'a pas
accès, on travaille sur des choses qui ne corrigeront pas en profondeur
le fonctionnement.
Et je voudrais ajouter qu'il aurait été intéressant
d'entendre ceux et celles qui nous auraient parlé d'hypothèses de
travail pour rendre le système un peu plus souple, un peu plus efficace,
un peu plus au service de l'accidenté, mais un peu plus intervenant
rapidement dans le dossier. Il y a des hypothèses de travail qui ont
été avancées et qui pourraient être utiles. Mais
j'aurais aimé également qu'on entende les gens de la FTQ, qui
seraient venus nous dire que les hypothèses supposément en mesure
d'alléger le système auront comme effet premier de l'alourdir.
Facile à comprendre! Là, vous auriez, en vertu de votre loi,
décision de la CSST qui décide que vous pourriez aller soit en
reconsidération administrative, en conciliation avant, en conciliation
après, ensuite au bureau de révision qui, lui, a droit à
la conciliation, et à la CALP pour conciliation. On aurait juste huit
étapes. N'importe qui, avec un peu d'aide, va tester le système.
Il va tester le système, et c'est ça que ça va vous
donner. C'est ça qu'ils seraient venus vous expliquer, qui n'avait pas
de bon sens.
Le ministre, j'imagine qu'il respecte encore ses ex-collègues de
la FTQ. On lui a proposé de les rencontrer. Il a accepté de les
rencontrer. Et, là, virage sur un trente sous, il dit non. Il ne veut
plus rien savoir. Et là on est en train d'essayer de le convaincre. Moi,
je trouve ça complètement désespérant. Mais je dois
vous dire aussi que je trouve ça humiliant et profondément
frustrant. On n'est pas des inintelligents. On n'est pas des incapables. On
n'est pas des niaiseux qui aimons perdre notre temps comme ça, en
commission parlementaire. Je l'ai expliqué au ministre, il aura rarement
vu en cette Chambre, et particulièrement dans le temps où le
gouvernement d'aujourd'hui formait l'Opposition, mettre sur la table une
proposition de collaboration aussi franche, aussi sincère, aussi
désintéressée que celle que j'ai faite. Le seul
intérêt que j'avais, et que j'ai toujours, c'est de m'as-surer
qu'on puisse procéder de la façon la plus sereine possible
à un examen de ce projet de loi et des hypothèses de travail, ce
qui nous permettrait, des deux côtés de la Chambre, d'assurer un
meilleur fonctionnement de la CSST, permettrait à cet organisme de
continuer d'offrir de bons services aux travailleurs accidentés, mais
aussi d'éprouver une certaine fierté à faire son
travail.
Ce n'est pas ça qui se passe. C'est ça que j'offre au
ministre. Voulez-vous me dire pourquoi on est en train... On a commencé
à 15 heures, on a fini à 18 heures, ça fart 3 heures; ce
soir, ça fait 7 heures. On aurait déjà entendu sept
organismes. Comprenez-vous? À une heure chacun, sept organismes. Jamais
je ne croirais que le ministre se trouve assez compétent, brillant,
possédant toutes les lumières et toute la vérité,
pour pouvoir se passer de l'éclairage des organismes qu'on lui a
suggéré d'entendre. Il se prend pour qui? Il se prend pour qui?
Moi, je pensais qu'on avait une main de Dieu, on n'en avait pas deux. On en a
une deuxième, là. Il l'a, toute la vérité. La foi,
la vérité et la vie. C'est comme ça. Alors, si le
ministre...
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Blackburn: La main de Dieu? Le pape de la rue
Saint-Sacrement. On pourrait en mettre d'autres.
M. Cherry: Je pensais qu'il était à Rome, le pape.
On en a un autre.
Mme Blackburn: Alors, moi, ce que je dis au ministre: Y compris
le président de la CSST, il me semble qu'ils pourraient nous apprendre
des choses, ces gens. Jamais je ne croirai que le ministre estime qu'il a en
lui seul toute la
connaissance du dossier, qu'il a fait les analyses fines des impacts des
propositions qui sont dans son projet de loi, sans entendre personne. Et, tout
à l'heure, le ministre nous invitait, à la suite de la remarque
que je lui faisais, à assister aux rencontres organisées par la
vice-présidente aux relations avec les bénéficiaires. Ce
que je lui suggérerais, moi, c'est d'aller - pas en présence des
directeurs et en présence du président de la CSST - organiser des
petites rencontres avec une dizaine d'agents d'indemnisation. Ils vont vous
dire comment ça se passe, pour le «fun». Ils vont instruire
le ministre de ce que sont les véritables problèmes et les
conditions dans lesquelles ils travaillent, et comment ils se sentent mal
à l'aise dans certaines situations, comment ils se sentent mal
préparés. Je pense que c'est ça que le ministre devrait
faire. Mais, avant d'aller là, avant de descendre dans les bureaux, un
peu pour parler à du vrai monde, qu'il voie des vrais
accidentés.
Vous savez, ça me rappelle tout le temps, ce qu'on est en train
de faire là, ce qui se passe à l'UQ. L'Université du
Québec gère 20 000 élèves - plus que ça,
parce qu'il y en 20 000 juste à l'UQAM - ça doit donner,
l'Université du Québec, tout près de 40 000
élèves. Ils gèrent ça d'un édifice. Alors,
pas besoin de vous dire que, quand ça descend en bas, les directives de
l'UQ, c'est toujours ce même malaise. Ils gèrent des noms, des
listes d'étudiants. La CSST, au centre, je ne leur en veux pas, moi,
mais ils gèrent des accidentés qu'ils ne voient jamais. Ceux qui
les voient, c'est ceux qui les défendent, c'est ceux qui s'en vont dans
les BRP, c'est ceux qui s'en vont à la CALP, c'est ceux qui les
soutiennent et qui leur soutiennent le moral quand ça va mal. C'est tous
ceux-là qu'il faudrait rencontrer, (minuit)
Moi, je ne leur en veux pas. Je comprends. Regardez, nous autres, on a
juste à s'enfermer ici pendant la session intensive, sans voir trop,
trop notre monde dans les comtés, et on a l'impression d'être
décrochés de la réalité. Parce qu'il se passe des
affaires dans nos comtés, làl Ce n'est pas parce qu'on n'est pas
là qu'ils ont arrêté de vivre, hein! Sauf qu'on n'est plus
vraiment en contact avec eux. C'est pour ça qu'il faut descendre un peu
et aller voir le vrai monde qui viendrait nous dire comment ça va
s'appliquer. Je le dis au ministre: j'ai fait cette offre-là avec la
plus grande sincérité. J'ai placé sur la table tous les
arguments que nous avions. Je demeure convaincue que si le ministre avait
accepté nos deux propositions, celle des audiences particulières
et celle de l'étude ou de l'enquête sur la CSST, ça lui
aurait donné une stature et une crédibilité que peu de
ministres se sont vu offrir. Et avec la collaboration de l'Opposition! Rien
à faire! Il n'y a rien à comprendre, et je trouve ça
complètement désespérant. J'ai de la difficulté
à croire qu'il ait déjà été, ou qu'il se
soit déjà dit en faveur des travailleurs, et qu'il ait
déjà prétendu être suffisamment à gauche ou
socialisant pour être membre du NPD! J'ai de la misère à
croire ça. J'ai de la misère à croire ça.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides):
Compte tenu de l'heure...
Une voix: C'est un beau plaidoyer.
Mme Blackburn: M. le Président, je voudrais vous remercier
et remercier le ministre pour m'avolr permis de terminer la
présentation. Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger, Laval-des-Rapides):
...la commission suspend ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 0 h 2)