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(Neuf heures quarante-cinq minutes)
Le Président (M. Gauvin): Je demanderais une minute
d'attention, s'il vous plaît! Je demanderais à tous les membres de
cette commission de prendre place, s'il vous plaît. La commission se
prépare à reprendre ses travaux. Donc, comme je vous le
mentionnais, je déclare ouverte cette séance de la commission de
l'économie et du travail.
Je rappelle le mandat de la commission, qui est de procéder
à une consultation générale sur le statut de l'autonome
dans l'industrie de la construction dans le cadre de l'étude
détaillée du projet de loi 185, Loi modifiant la Loi sur les
relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la
main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction.
M. le secrétaire, est-ce que nous avons des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Audet
(Beauce-Nord) est remplacé par M. Tremblay (Rimouski), M.
Bélanger (Laval-des-Rapides) est remplacé par M. Gauvin
(Montmagny-L'Islet).
Le Président (M. Gauvin): Question d'informer, je pense,
les membres de cette commission et nos invités, je vais vous
présenter l'ordre du jour avec lequel nous allons procéder
aujourd'hui. Nous avons prévu, à 9 h 30 - nous avons quelques
minutes de retard - l'Association de la construction du Québec; vers 11
heures, ce serait le Conseil provincial du Québec des métiers de
la construction. Après l'ajournement pour la période du midi, on
reprendrait à 14 heures avec la Corporation professionnelle des
technologues des sciences appliquées du Québec et, à 15
heures, l'Ordre des arpenteurs-géomètres du Québec.
Nous avons devant nous, comme première intervenante aujourd'hui,
l'Association de la construction du Québec, représentée
par M. René Lafontaine, président. Donc, M. Lafontaine, je vous
invite à nous présenter vos collaborateurs.
Association de la construction du
Québec
M. Lafontaine (René): D'abord, un mot pour vous remercier
de votre invitation, M. le Président. Maintenant, à la table,
nous avons, à mon extrême droite, Me Gisèle Bourque,
directrice des services juridiques de l'Association des constructeurs de routes
et grands travaux du Québec; ensuite, Me Jean Ratté, directeur
des services juridiques à l'ACQ; Me Michel Paré,
secrétaire général de l'ACQ. À mon extrême
gauche, M. Robert Linteau, président fondateur de l'Associa- tion de la
construction du Québec, et M. Richard Di Muro, vice-président de
l'Association de la construction du Québec.
Le Président (M. Gauvin): Merci, M. Lafontaine. Vous avez
30 minutes. La repartition du temps: une heure et demie; donc, 30 minutes vous
sont allouées pour la présentation de votre mémoire et 30
minutes pour chacun des groupes parlementaires, ici. La parole est à
vous, M. Lafontaine.
M. Lafontaine: Merci. Ce n'est pas la première fois que
nous avons l'opportunité de discuter des problèmes de l'industrie
de la construction en regard de l'artisan, du travail au noir ou de
l'entrepreneur autonome. Le vocabulaire change, les réalités
profondes demeurent. Depuis 1984, c'est au moins la cinquième commission
parlementaire qui traite du sujet. L'ACQ a aussi participé aux travaux
de la commission d'enquête sur la stabilisation du revenu et de l'emploi
des travailleurs de l'industrie de la construction. Depuis 1986, il y a eu deux
rapports gouvernementaux qui ont abordé la question. En 1988, le projet
de loi 31 a vu le jour, des tentatives de modification à cette loi 35 en
1989, et, aujourd'hui, le projet de loi 185 qui revient à la suite du
rapport de la commission parlementaire de décembre dernier sur le
même projet. Malgré toutes ces démarches, malgré
tous ces efforts, aujourd'hui, on est encore à la case
«départ». Pendant ce temps, l'industrie s'effrite, est de
plus en plus malade, et, au lieu de questionner la structure
générale du système, on se limite à des
modalités d'application.
Puisque le projet de loi 185 se veut une suite à donner au
rapport Picard-Sexton, selon la déclaration ministérielle de juin
1991, connue sous le titre «Les suites gouvernementales au rapport
Picard-Sexton», vous nous permettrez de revenir sur ce rapport.
Auparavant, est-il besoin de vous rappeler que l'Association de la construction
du Québec a participé aux deux audiences publiques de la
commission d'enquête Picard-Sexton avec la collaboration de l'Association
des constructeurs de routes et grands travaux du Québec, lesquels sont
aujourd'hui avec nous et sont représentés par leur directeur du
contentieux?
Pour ce qui est du rapport Picard-Sexton proprement dit, celui-ci
comprend 62 recommandations. Le gouvernement a décidé de ne pas
donner suite aux recommandations 53 à 62, conformément aux voeux
formulés par l'ACQ, l'ACRGTQ et l'AECQ. De ce rapport Picard-Sexton, il
nous reste donc 52 recommandations.
Or, à au moins trois reprises dans le rapport, les commissaires
indiquent qu'il faut respecter l'ordre chronologique des recommandations, soit
stabiliser l'activité, stabiliser l'emploi et stabiliser le revenu. Pour
démontrer l'importance chronologique de ces recommandations, les
commissaires indiquent, à la page 48, qu'il s'agit d'une chaîne
unidirectionnelle qui ne peut pas fonctionner à rebours. Les auteurs
poursuivent, à la page 124: «Non seulement devons-nous
considérer ce régime de relations de travail, mais nous devons
également en respecter la logique dans nos recommandations. » Et,
toujours ces mêmes commissaires terminent, à la page 200, dans
leur rapport, en disant: «La stabilisation de l'emploi et du revenu ne se
réduit pas à des modalités, mais se compose d'un ensemble
de mesures qui, prises isolement, n'atteindraient pas l'objectif
recherché, soit la stabilisation de l'emploi et du revenu. Pour l'ACQ,
cette logique doit demeurer intacte et commencer par la stabilisation de
l'activité, ce que n'a pas fait le projet de loi 186 de décembre
dernier, et ce que ne fait malheureusement pas le projet de loi sous
étude. »
Nous ne pouvons passer sous silence des pièces substantielles du
rapport Sexton-Picard, telles la Commission de stabilisation des travaux de
construction, et, surtout, la redéfinition du champ d'application de la
Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de
la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction, que nous appelons loi
R-20. Depuis l'adoption, en 1968, de la loi R-20, le champ d'application a
été modifié à plusieurs reprises. À chaque
fois, ces modifications ont eu pour effet de restreindre le champ d'application
de la loi et d'exclure, à chaque fois, soit des catégories de
personnes, soit des catégories d'activités, soit des
catégories de travaux. Une hémorragie qui se poursuivra, puisque
la Loi sur la Régie du bâtiment du Québec, adoptée
en décembre dernier, permet au gouvernement d'y soustraire ses propres
institutions. En agissant ainsi, le législateur a favorisé,
favorise et favorisera la création d'industries secondaires de
construction qui empiètent sur la principale, et auxquelles de plus en
plus de secteurs de l'économie, comme les municipalités,
commissions scolaires, organismes publics et parapublics, cherchent à
appartenir.
Comme l'ACQ le mentionnait dans son mémoire, déposé
le 6 décembre dernier, et qu'il est bon de rappeler aujourd'hui, l'une
des graves conséquences de ces exclusions, c'est que la part de
production en construction occupée par les entrepreneurs, engagés
principalement dans l'industrie de la construction, était passée
de 80 % en 1975 à seulement 64 % en 1985, tandis que la part
occupée par les entreprises non engagées principalement dans
cette industrie passait, elle, de 20 % à 36 % au cours de la même
période, cela sans compter les effets négatifs de la loi 35.
Le rétrécissement du champ d'activité des
entrepreneurs conduit nécessairement à une décroissance
des travaux de construction, ce qui a des effets directs sur l'emploi, sur le
nombre des travailleurs. Un processus auquel l'entrepreneur, face aux
décisions gouvernementales affectant son industrie, n'est qu'une victime
au même titre que les travailleurs de la construction. À chaque
fois, à notre connaissance, aucun de ces traits de crayon dans le champ
d'activité des entrepreneurs n'a été
précédé d'une étude d'impact économique. Il
n'y a pas beaucoup d'industries au Québec qui se sont fait
littéralement enlever une partie importante d'un marché de 4 500
000 000 $ par une simple intervention législative. Pourtant, c'est ce
que vous avez fait en mai 1988.
Comme le souligne le rapport Picard-Sexton, le danger avec la logique
actuelle de la loi voulant qu'elle dise à qui elle ne s'applique pas,
c'est qu'elle incite n'importe qui à chercher activement à se
faire inclure dans ses exclusions afin d'échapper au marché de la
construction. Le gouvernement lui-même contribue à cet effritement
de l'industrie de la construction en s'excluant et en soustrayant les
organismes publics du champ d'application. Nous en avons fait grandement
état dans notre mémoire du 6 décembre 1991. Encore
récemment, pas plus tard que le 16 décembre dernier, la ville de
Québec, par le biais du projet de loi 294, demandait à nouveau
d'être désassujettie du champ d'application de l'industrie. On se
rappellera que pareille tentative a échoué suite aux pressions
politiques de l'ACQ.
Le projet de loi 185 maintient le statu quo sur l'article 19 concernant
le champ d'application de la loi, alors qu'il devrait intégrer de
façon positive un élargissement de l'activité de
construction. Bien plus, un groupe de travail a même été
formé sur la question et devait remettre son rapport au plus tard le 31
décembre 1991 pour un projet de loi qui a été
déposé en novembre 1991. Nous pensions que c'était ce
problème de concordance dans les dates qui a fait reporter la commission
parlementaire de décembre sur le projet de loi 185 pour permettre d'y
apporter ses recommandations.
Même si l'ACQ favorise d'autres mesures plus adéquates que
celles intégrées au projet de loi 185 tel que
déposé, et que l'absence de certains éléments fait
en sorte que ce projet de loi 185 ne réponde pas à nos attentes,
en toute sincérité, on doit dire que l'on y retrouve cependant
des éléments auxquels nous pouvons souscrire. L'objet de cette
consultation étant de discuter du statut de l'autonome dans l'industrie
de ta construction, nous allons, sans plus de préambule, entrer dans le
vif du sujet.
L'industrie de la construction au Québec vit le travail au noir
en trois dimensions. Il y a travail au noir dans les cas suivants:
première-
ment, le travail sous la table, sans facturation ni paiement des charges
sociales, etc.; deuxièmement, un travailleur effectue des travaux
réglementés pour lesquels il n'est pas qualifié; et,
troisièmement, un travailleur qualifié exécute des travaux
pour un salaire différent de celui prévu au décret.
Pour fins de discussion, nous faisons abstraction de la première
dimension, soit le travail sous la table, surtout concentré dans le
domaine de la rénovation résidentielle, qu'a si bien
solutionné le projet de loi 31 de mai 1988, avec tous les succès
que nous y connaissons, et qui a transformé le travail au noir en
travail légal non déclaré. À l'époque, nous
disions du projet de loi 31 qu'il s'agissait d'une illusion législative,
d'une politique faussement courtoise à l'égard des entrepreneurs,
des travailleurs, des consommateurs et de la fiscalité
québécoise. Aujourd'hui, nous maintenons toujours cette analyse.
Nous avons connu trop d'entrepreneurs de ce secteur qui ont dû fermer
leurs portes quelque temps après l'entrée en vigueur de cette
loi, simplement parce qu'ils ne pouvaient plus concurrencer les
non-qualifiés oeuvrant dans ce secteur de l'industrie. Nous avons
même fait témoigner un entrepreneur en voie d'être victime
de cette loi, à la commission Picard-Sexton. Résultat: rien, dans
le projet de loi 185, ne vient corriger cette triste situation
créée de toutes pièces par une loi porteuse de fausses
solutions.
Quant à la deuxième dimension du travail au noir, soit
celle où un travailleur effectue des travaux réglementés
pour lesquels il n'est pas qualifié, cette deuxième dimension
n'est pas non plus corrigée par le projet de loi 185. Ce sont les
problèmes reliés surtout aux juridictions de métier.
À titre d'exemple, l'histoire de l'installation d'une simple hotte, pour
évacuer les vapeurs d'une cuisinière, est
révélatrice. Si l'on s'en tient strictement au règlement,
il faudra au moins cinq hommes de métier différents,
peut-être plus, pour installer cet appareil: un charpentier-menuisier
pour préparer l'emplacement, un ferblantier pour fixer la hotte
préfabriquée, un tireur de joints-plâtrier pour tirer les
joints du nouveau gyproc, un peintre pour repeindre ce qui est apparent, un
électricien pour brancher l'appareil, et peut-être un
briqueteur-maçon ou un poseur de déclin d'aluminium pour fixer le
mur extérieur.
Pour les chantiers plus industriels, comme ceux des alumineries, par
exemple, les installations de barres conductrices: conflit entre les monteurs
d'acier, les mécaniciens de chantier et les électriciens; la pose
de blocs isolants dans les fours de cuisson des anodes et les fours de
fonderie: conflit entre les briqueteurs, les manoeuvres
spécialisés et les manoeuvres; la pose de la pâte à
brasque dans les caissons d'électro-lyse: conflit entre les briqueteurs
et les manoeuvres... et la liste pourrait être excessivement longue et
aberrante! Bien évidemment, le projet de loi 185 ne corrige aucune de
ces situations, et, je pense, ne prétend même pas vouloir corriger
ces dysfonctions socio-économiques originant d'autres
réglementations. (10 heures)
Pour ce qui est de la troisième dimension, voulant qu'un
travailleur qualifié exécute des travaux pour un salaire
différent de celui prévu au décret, cette troisième
dimension comporte trois volets. Le premier, c'est celui du travailleur qui
reçoit un salaire ou des avantages supérieurs à ce qui est
prévu au décret suite aux pressions, aux menaces syndicales
exercées sur les entrepreneurs de retarder l'exécution des
travaux. Ce genre de situation se vit surtout sur les chantiers industriels, et
rien, dans le projet de loi 185, ne vient mettre un frein à ce premier
volet de cette troisième dimension.
Quant au deuxième volet de cette troisième dimension,
c'est le regroupement de plusieurs individus à l'intérieur d'une
même compagnie et qui, en tant qu'administrateurs, profitent de ce voile
corporatif pour être rémunérés en bas du taux
prévu au décret. L'article 6 du projet de loi 185, en instituant
l'administrateur désigné, exclut la possibilité pour tous
les autres administrateurs d'une même compagnie de pouvoir effectuer des
travaux en bas du taux du décret. Un correctif auquel peut souscrire
l'ACQ, parce que c'est un moyen de rendre la concurrence loyale dans
l'industrie de la construction sans brimer les droits et pouvoirs des
entrepreneurs. Cependant, en considérant le statut d'employé
actionnaire administrateur au même titre que celui du salarié, les
entrepreneurs perdent de facto la liberté de participer au programme
d'assurance collective de leur choix.
Or, beaucoup d'entrepreneurs adhèrent déjà
volontairement à des régimes d'assurance collective mieux
adaptés à leurs besoins. En les forçant à
contribuer au régime de la CCQ, cela les contraindra à abandonner
leur assurance actuelle et les économies qu'elle leur permettait.
Celles-ci peuvent représenter, dans certains cas, une somme annuelle de
4000 $. Nous avons un peu peur d'appuyer ce genre de correctif parce que cela
entraînera des pertes monétaires pour plusieurs entrepreneurs, et,
surtout, parce que vous ne donnez aucun marché additionnel aux vrais
entrepreneurs. Et ça, c'est une voie dangereuse! Nous sommes
obligés de faire confiance au législateur alors que toutes ses
interventions antérieures sont à l'effet contraire de ce que nous
revendiquons, c'est-à-dire que vous avez toujours diminué le
champ d'activité des entrepreneurs au lieu de l'accroître. Ce que
nous demandons, c'est d'accorder à ces personnes le droit de choisir
leur régime d'avantages sociaux.
Enfin, le troisième volet de cette troisième dimension,
c'est l'emploi, par un propriétaire, de plusieurs entrepreneurs d'une
même spécialité, mais travaillant seuls sur un même
chantier et qui se font rémunérer en bas du taux prévu
au
décret. Ce troisième volet nous oblige à reculer un
peu dans le temps pour revoir l'arrivée de ce type d'entrepreneur -
l'entrepreneur autonome -qu'on retrouve aujourd'hui à l'article 1 du
projet de loi 185.
Rappelons-nous qu'en mai 1988 le projet de loi 31 visait
différents objectifs que nous partagions, et que nous partageons
toujours, soit réduire l'ampleur du travail au noir, permettre aux
consommateurs d'exercer plus facilement des recours en cas de malfaçon
ou de non-respect d'un contrat, permettre à toute personne d'avoir
accès à l'exécution des travaux de construction dans la
rénovation, diminuer les coûts de construction pour le
consommateur qui veut faire rénover sa résidence, resserrer les
contrôles sur les véritables travaux de construction. Enfin, pour
empêcher 2000 artisans d'avoir accès aux chantiers de construction
industrielle, on a affecté les droits des entrepreneurs
spécialisés par la création de la notion d'entrepreneur
autonome à la suite d'un papillon nocturne. Cette notion n'était
pas du tout prévue au programme du projet de loi 31 de mai 1988. Avec
cette notion, on a élevé l'artisan au titre d'entrepreneur
spécialisé. On a créé une confusion
d'interprétation, à savoir qui doit être
considéré autonome, quand doit-on être
considéré comme autonome: au moment de la signature du contrat,
au moment de l'exécution des travaux, etc.? On a brimé les droits
de contracter des entrepreneurs, on a renié les droits acquis des
entrepreneurs spécialisés. Bref, comme gâchis, le
gouvernement venait d'atteindre la perfection!
Pour soustraire les entrepreneurs de ces «emmerdes», nous
avons dû recommander aux entrepreneurs spécialisés de
s'incorporer. Il faut redéfinir l'entrepreneur autonome et revoir ses
limites d'activité en fonction des réalités de l'industrie
et des principes économiques qui nous gouvernent, et peuvent se
résumer ainsi: premièrement, chacun doit avoir accès
à la libre entreprise et jouir d'une libre concurrence;
deuxièmement, tout entrepreneur doit avoir le droit de travailler dans
son entreprise, et, dans la construction, cela signifie de pouvoir travailler
à la réalisation de travaux de construction; et,
troisièmement, le respect de la législation et de la
réglementation de l'industrie ne doit pas avoir pour effet de rendre non
compétitive l'entreprise qui respecte ces règles.
Même si l'objectif visé est d'apporter un resserrement
encore plus fort et de rectifier certaines erreurs de parcours de la loi 35, en
y incluant les personnes morales, l'article 1 du projet de loi 185, tel que
libellé, constitue encore une atteinte directe aux principes
énoncés précédemment et s'attaque de nouveau
à la libre entreprise et aux droits acquis des entrepreneurs, risquant
ainsi d'affecter, à divers degrés, les 12 548 entrepreneurs
spécialisés, ayant 10 employés et moins, sur les 14 007
que compte le Québec. De ce nombre, 11 388 entrepreneurs, soit plus de
85 %, ont cinq employés et moins. Il va donc sans dire que la grande
majorité d'entre eux n'ont pas nécessairement des salariés
à leur emploi sur tous les chantiers, tout le temps. Dans ces
circonstances, maintenir la notion de l'entrepreneur autonome, telle que
libellée dans le projet de loi 185, c'est lui nier son droit à
travailler sur son propre chantier.
Nous doutons que l'article 1 du projet de loi ait une influence
quelconque s'il est adopté tel que rédigé. Bien au
contraire, la réalité, l'expérience nous démontrent
que de telles réglementations accroissent indûment
l'intérêt à les contourner. Actuellement, là
où le bât blesse, c'est que l'entrepreneur qui respecte les
règles se sort souvent du marché parce qu'il devient non
compétitif par rapport à ce que l'on pourrait appeler un
regroupement d'autonomes indépendants. Le projet de loi actuel, qui veut
corriger cette injustice, propose des solutions qui ont pour effet d'interdire
à l'entrepreneur de travailler dans son entreprise tout en
définissant le droit à la libre entreprise par le nombre
d'employés engagés. Parce que, selon le projet de loi. selon le
libellé proposé, l'entrepreneur autonome signifie: tout
entrepreneur spécialisé qui travaille seul sur un chantier, qu'il
ait ou non des salariés ou d'autres chantiers.
Avec une telle définition, on est loin de la croyance populaire
de ce qu'est un entrepreneur autonome. En général, l'on comprend
qu'un entrepreneur autonome, ou, autrefois, un artisan, c'est quelqu'un qui
veut travailler seul, quelqu'un qui veut toujours travailler tout seul et
quelqu'un qui n'a pas envie d'avoir d'employés. Ce genre
d'entrepreneur-travailleur autonome, ce type d'autonomie, s'il doit exister, ne
doit pas pouvoir jouer sur deux tableaux à la fois: celui d'entrepreneur
et celui de travailleur. Il ne doit pas pouvoir jouer avec la loi pour
concurrencer indûment les vrais entrepreneurs. La législation doit
permettre clairement aux entrepreneurs qui, en cours d'année, ont des
travailleurs, le droit de pouvoir travailler sur leurs chantiers. Il faut
reconnaître le droit aux entrepreneurs qui n'ont plus de contrats
à exécuter - donc, plus d'employés - de pouvoir
soumissionner sur de nouveaux projets. Il faut leur reconnaître le droit
de signer de nouveaux contrats, ce qui va leur permettre d'engager de nouveaux
travailleurs. Il faut reconnaître le droit aux entrepreneurs qui ont des
salariés sur un chantier de se rendre travailler sur un deuxième
chantier. Il faut reconnaître le droit aux entrepreneurs dont les
salariés sont soit en congé, soit en maladie, d'aller
exécuter des travaux sur leurs chantiers, et il faut reconnaître
le droit aux entrepreneurs qui veulent diminuer leurs coûts
d'opération de terminer seuls les travaux en fin de chantier.
C'est pourquoi l'ACQ recommande que les entrepreneurs autonomes
conservent leurs droits et pouvoirs actuels, sujets à l'interdiction
faite à tout employeur professionnel et propriétaire de
contracter avec plus d'un entrepreneur autonome par
spécialité pour un chantier; que soit reconnu le droit à
tout entrepreneur spécialisé qui travaille avec des
salariés, d'une façon intermittente, de pouvoir exécuter
seul des travaux relatifs à sa spécialité, en autant qu'il
déclare des heures réalisées par un salarié
à la CCQ. De telles orientations respecteraient le principe de la libre
entreprise et maintiendraient les droits acquis des entrepreneurs autonomes,
mais dans un encadrement différent.
En conclusion, malgré le texte législatif du projet de loi
185, l'ACQ ne prétend aucunement que ces mesures vont réellement
enrayer le marché du travail au noir. Il faut le rappeler, le travail au
noir, dans la construction au Québec, se vit en trois dimensions. Or, il
y a deux dimensions sur trois qui ne sont même pas visées par le
projet de loi 185. Quant à la troisième dimension, il y a deux
volets sur trois qui sont mal ou non ciblés. Ce ne sont plus les anciens
artisans devenus autonomes que le fusil vise, mais l'industrie au complet.
La logique actuelle veut, comme le souligne le rapport Picard-Sexton,
que l'on ait établi une industrie de la construction par l'adoption
d'une loi sur les relations du travail, ce qui nous amène aujourd'hui un
projet de loi qui tente de définir un entrepreneur par le nombre de
travailleurs qu'il possède. C'est une avenue; ce n'est pas celle retenue
par l'ACQ. Notre vision repose sur une orientation plus globale. Nous avons eu
le loisir de vous en faire part le 6 décembre dernier. L'ACQ dit: Oui au
projet de loi 185!, à la condition, bien évidemment, que le
libellé de l'article 1 soit modifié dans le sens indiqué
précédemment. Pour terminer, comme le travail au noir dans
l'industrie de la construction se vit en trois dimensions, il faut, pour
l'enrayer, travailler sur les trois dimensions en même temps. Sinon, tous
les efforts déployés pour combattre cette plaie auront
été faits en vain.
Sans reprendre tous les énoncés politiques de l'ACQ, que
nous vous avons soumis en décembre dernier, nous croyons opportun de
vous rappeler ceux qui s'appliquent davantage à l'objet visé par
le projet de loi 185. Premièrement, reconnaître que tous les
travaux de construction doivent être effectués par des entreprises
de construction, et mettre en application les mesures fiscales
appropriées pour combattre le travail au noir; élargir le champ
d'activité de l'entrepreneur par l'élimination des exclusions
énumérées à l'article 19 de la loi R-20; motiver le
consommateur par des incitatifs fiscaux, tels un crédit d'impôt ou
l'amortissement, comme cela existe dans le domaine commercial, comme, par
exemple, créer un programme de crédit d'impôt foncier qui
permette au propriétaire de réclamer une compensation
monétaire lors du calcul de l'impôt annuel; déduire des
revenus les intérêts hypothécaires encourus;
bénéficier d'un remboursement de taxes municipales payées;
créer un REER- habitation permettant, sans pénalité
fiscale, l'utilisation des REER actuels comme mise de fond à l'achat ou
à la construction d'une maison. Cette formule pourrait permettre
l'utilisation complète ou partielle des REER, le remboursement
ultérieur des REER utilisés, etc. Le même type de REER
pourrait s'appliquer à la rénovation tout comme le recours
à des déductions d'impôt aux citoyens qui font effectuer
des travaux de rénovation, à la condition, toutefois, que tous
ces travaux soient réalisés par des travailleurs et des
entrepreneurs dûment qualifiés et accrédités
à un plan de garantie.
Deuxièmement, redéfinir, alléger et simplifier
l'encadrement législatif et réglementaire de l'industrie de la
construction par une révision des juridictions de métier et une
révision des ratios compagnons-apprentis. Merci.
Maintenant, je voudrais céder la parole, avant la
période... Je crois qu'il nous reste du temps?
Une voix: Correct.
M. Lafontaine: ...à Me Jean Ratté, pour expliciter
notre compréhension de l'entrepreneur autonome.
Le Président (M. Gauvin): M. Ratté.
M. Ratté (Jean): M. le Président, nous vous
informons que c'est la première fois qu'il y a une commission
parlementaire concernant l'entrepreneur autonome. C'est bizarre à dire,
si on se réfère aux deux jours de commission parlementaire
où on semblait dire qu'encore une fois c'était une autre
commission parlementaire sur l'entrepreneur autonome. En effet, le Bill 31,
lorsqu'il a été déposé, et, dans sa version
originale, on parlait de rétrécir le champ d'activité, le
champ d'application de la loi R-20, mais on ne parlait pas de l'exclusion de
l'artisan ou de l'entrepreneur autonome. L'entrepreneur autonome est venu sur
la table lors de l'étude article par article, alors que tous les
mémoires de toutes les associations étaient
déposés. Et, pour avoir assisté à l'étude
article par article à tous les jours, c'est un bon matin, vers 9 heures,
qu'on a appris que l'artisan devait être exclu, qu'on introduisait la
notion d'entrepreneur autonome, et que, là, on ne touchait plus
seulement aux artisans, mais bien aux entrepreneurs spécialisés
qui travaillaient seuls. Ce qui faisait que, du jour au lendemain, on apprenait
que 2200 artisans qui étaient répertoriés par la CCQ ne
trouvaient plus de travail en tant que catégorie de licence, en tant que
travailleurs dans la construction, mais qu'ils étaient promus comme
entrepreneurs spécialisés sans pour cela avoir les qualifications
qu'on exigeait à la Régie pour l'entrepreneur
spécialisé. Quant à l'entrepreneur
spécialisé, lui, avec ce projet de loi, il se faisait retirer des
pouvoirs. On n'a pas regardé ses droits acquis,
on n'a pas regardé la libre entreprise, on n'a pas regardé
non plus l'impact économique. Ça s'est fait en dedans de quatre
heures, dans la nuit, ça! Et c'est là que, lorsqu'on a appris
cette version de l'entrepreneur autonome, que l'ACQ s'est manifestée
publiquement contre cette notion parce que, là, on ne touchait plus
seulement l'entrepreneur autonome, ou l'individu qui travaillait toujours tout
seul sur un chantier - l'individu physique, là - on touchait à
l'individu qui pouvait travailler avec des salariés, mais qui, un jour
ou l'autre, pouvait travailler seul sur un chantier. (10 h 15)
Aujourd'hui, naturellement, c'est vrai que, suite au dépôt
de cette loi, nous avons incité tous nos membres à s'incorporer,
parce que nos membres, c'étaient tous... Il n'y en avait pas d'artisans
chez nous, c'étaient tous des entrepreneurs spécialisés,
et on leur a dit que c'était facilement contournable, la loi. Si elle
était mal écrite, mal rédigée, c'était parce
qu'elle était mal pensée. Alors, automatiquement, ils nous ont
ouvert. C'était marqué: «personne physique».
N'importe quel avocat aurait remarqué que «personne
physique» et «personne morale», c'est deux choses. Alors, on
a dit à tout le monde: Incorporez-vous, et le projet de loi 31 ou la loi
35 ne vous touchera aucunement. Sauf qu'on a fait des représentations
auprès du gouvernement pour leur expliquer, mais après la loi;
alors, il était trop tard. C'est une décision purement de
relations de travail, le projet de loi 31 et l'entrepreneur autonome.
Aujourd'hui, on nous donne le projet de loi 185 dans lequel, là,
on essaie de remédier, même pas à l'entrepreneur autonome,
à la définition, à remédier à une faille, en
incluant la personne morale. Mais on arrive toujours avec les mêmes
problèmes; par exemple, la liberté d'entreprise, la concurrence,
et on vit dans un monde de capitalistes. On arrive encore avec ce même
problème-là! Par contre, on rétrécit encore nos
membres, encore les entrepreneurs, et on les met également dans une
ambiguïté parce que, actuellement, quand vous lisez le projet tel
que libellé, il y a deux sortes d'entrepreneurs autonomes: il y a soit
celui qui travaille toujours tout seul, soit celui qui travaille avec des
employés. 85 % de notre industrie, c'est-à-dire dans les 11 000,
ont cinq employés et moins... c'est-à-dire pas dans les 11 000,
13 000, ça veut dire 11 000. Ça veut dire, un jour ou l'autre,
qu'il y a environ 10 000 entrepreneurs qui, soit travaillent toujours tout
seuls, soit qu'ils travaillent avec certains employés, mais qui, un
jour, lorsqu'ils travaillent seuls, deviennent autonomes. Donc, vous avez deux
versions possibles. Lesquels veut-on toucher? Et, dans nos recommandations, on
vise les deux. On vise les deux, parce que vous ne pouvez plus retirer les
artisans, les 2000, mais ceux-là qui travaillent tout seuls,
actuellement, ça peut être seulement 4000, 5000, 6000 à
l'année longue. Le reste, là, ce sont des entrepreneurs
autonomes, c'est-à-dire, ce ne sont pas des entrepreneurs autonomes,
mais la loi ne le dit pas, ça. Alors, si vous rajoutez les 2200 artisans
répertoriés par 'a CCQ en 1988, puis vous en mettez 2000 autres
spécialisés qui travaillent dans une spécialité
seule, vous visez deux possibilités pour fins d'interprétation.
Et nos recommandations tiennent compte de chacune des deux.
La recommandation première, on dit: Laissez-les dans la
construction, parce que c'est trois, quatre personnes qui ont
déjà des droits acquis. En fait, on défend les droits
acquis puis la libre entreprise autant que les salariés veulent
défendre les droits acquis des travailleurs, vous savez. Enlevez les
avantages sociaux aux salariés, ils vont crier. Bien, nous autres, c'est
la même chose: ils vont crier. Les gars, ça fait huit ans, neuf
ans, qu'ils travaillent comme ça, ià. Il est trop tard pour
revenir sur les artisans et redéfinir les artisans. Ils n'existent plus.
Ils sont tous, soit devenus salariés, soit devenus entrepreneurs
spécialisés. Ils ont eu une promotion gratuite, peu importe la
qualification qu'ils avaient. Alors, la première recommandation vise
ceux-là.
La deuxième vise les entrepreneurs qui sont, en
général, avec des salariés durant l'année, mais
qui, un jour ou l'autre durant l'année - parce qu'ils sont moins de cinq
- travaillent seuls, soit pour une époque d'un mois, soit pour une
époque de quinze jours; on ne le sait pas, ça dépend de la
situation économique. Les balises, naturellement, sont vagues dans nos
recommandations parce qu'on n'avait pas toutes les données. C'est bien
évident, nous ne sommes pas des spécialistes en relations de
travail, sauf que, par exemple, on est spécialistes en sachant combien
on a de membres qui travaillent sur les chantiers, et on est capables de dire:
Écoutez bien, ceux-là, ça leur fait mal! À savoir
quelles sont les normes ou les balises pour les faire continuer à
travailler, eh bien, la, on peut s'asseoir, parce que c'est la première
fois qu'on est dans une commission parlementaire. On n'en a pas discuté
25 fois, concernant toujours l'entrepreneur autonome. On a su, en 1989, qu'il y
avait des projets de loi qui voulaient corriger, pas tellement la situation,
mais qui voulaient peut-être envenimer davantage la situation concernant
entrepreneur autonome. Et là, on a fait des représentations
auprès du ministre en question. Merci.
Le Président (M. Gauvin): Merci, M. Ratté.
Évidemment, on a débordé un peu sur le temps et on avait
le consentement des membres de cette commission. M. le ministre.
M. Cherry: Merci, M. le Président. D'abord, je suis
content que vous souligniez que... Parce qu'on associe souvent qu'il faut
revenir en commission parlementaire, mais, en décembre, quand la
décision a été prise d'en faire un débat
d'une durée de trois jours, certains disaient même que
c'était trop long de permettre des interventions d'une heure et demie
pour chacun des intervenants. C'était long. Mais on réalise,
depuis avant-hier et hier, qu'on n'a pas trop de temps, je pense, pour le
faire. Quand on veut aller en profondeur dans le débat, il est important
d'en saisir toutes les subtilités et tout le cheminement. J'ai
tenté, à des intervenants précédents, dans la
journée d'hier - et je vais le refaire avec vous autres, parce que,
très souvent, vous nous parlez tellement de votre vécu, de votre
quotidien, ce qui est le vôtre, 24 heures par jour, 365 jours par
année, que, souvent, vous prenez pour acquis que, pour nous, on peut
suivre le déroulement de tout ça aussi facilement que vous nous
l'exprimez. Même si vous venez de prendre un peu du temps qui
était le mien, je vais vous redemander de nous faire le cheminement et
les distinctions qui sont importantes pour la compréhension de cette
commission, à mon avis. On est passés comment, dans le jargon, et
ça voulait dire quoi, de l'artisan, la distinction avec le
spécialisé? Passer à l'autonome; c'est qui? Il faisait
quoi? Il continue à faire quoi? Vous venez de le faire, mais j'aimerais
vous redonner l'opportunité de nous faire cette distinction-là
parce qu'elle est importante, à mon avis. C'est la base de la
volonté d'une commission de trois jours sur l'autonome, son rôle
et son cheminement. Comme à chaque fois, on dit: Oui, mais c'est le
même monde, mais il a changé, et là, vous venez de
commencer à faire des distinctions. Vous avez dit: Un: on lui a
donné une promotion; avant, on l'appelait comme ça. Voulez-vous
reprendre au commencement? Il s'appelait artisan. Ça a commencé
quand? Il a changé, pourquoi? Et ainsi de suite.
Le Président (M. Gauvin): M. Ratté.
M. Ratté: Lorsque la notion d'artisan est arrivée -
on sait qu'hier on en a entendu parler, on viendra... C'est simplement pour
reconfirmer ce qui s'est dit hier. C'était la création d'un
individu qui travaillait seul, pour lui, toujours tout seul, et qu'on voulait
confiner dans le résidentiel, dans des tâches
particulières, dans les petites tâches. On n'a pas écrit
dans la loi: «l'entretien, réparation, rénovation,
modification résidentielle», mais le but, c'était de
l'envoyer là compte tenu qu'il était tout seul. Hein, c'est
ça!
M. Cherry: En quelle année, ça? M. Ratté:
En 1978-1979.
M. Cherry: Est-ce que c'était la période où
on se référait - parce que je n'étais pas dans ce secteur
d'activité là à l'époque - à la marche
d'escalier puis au bras de galerie et...
M. Ratté: Oui, oui.
M. Cherry: Donc, c'était cette
période-là?
M. Ratté: Oui, mais on n'avait pas ciblé... On lui
a donné, on a sorti une catégorie de licence qui s'appelait
l'artisan avec toutes les possibilités, les capacités qu'il
pouvait avoir, mais on ne l'a pas ciblé dans la construction. Avec le
projet de loi 31, on l'aurait ciblé dans la construction, si la loi
avait été pensée, pensée réellement - pas
nous donner cinq, six jours, mais discuter avec le monde de la construction -
on aurait peut-être sorti que l'artisan... Vu qu'on retirait la
rénovation, réparation résidentielle: Vous autres, les
2000, on vous exclut de la construction comme telle, à moins qu'un jour
vous passiez vos licences pour devenir spécialisés et avoir des
employés. On ne lui a pas dit ça, parce qu'on pouvait lui dire:
On te donne 1 800 000 000 $ de chiffres d'affaires. Tu es capable, vous
êtes 2000. On aurait pu lui dire ça, à ce moment-là,
mais ce n'est pas ça qu'on a fait. On lui a dit: Toi, l'artisan, on ne
brimera pas tes droits, on te donne six mois pour choisir. Veux-tu être
un employeur ou un salarié? Si tu deviens un employeur, va chercher ta
licence d'entrepreneur spécialisé. Les conditions de la
Régie pour devenir entrepreneur spécialisé, ça
prend une qualification administrative, technique, et aussi une question de
sécurité. On lui a dit: On te promet, sans nécessairement
faire du recyclage, mais on enlève le résidentiel. C'est
ça qu'on a fait. Sauf qu'on a dit à l'entrepreneur
spécialisé, qui, lui, avait une licence avec des droits dessus,
avec des pouvoirs, qu'il avait le droit d'aller dans la construction partout,
que ce soit un, deux, trois, quatre, qu'il ait d'employés. On lui dit:
Toi, là, maintenant, quand tu vas. travailler tout seul, tu ne peux plus
travailler dans la construction. Tu peux avoir cinq chantiers - parce que la
CCQ interprétait ça par chantier - mais si tu en as un que tu
peux faire tout seul, là, tu n'as pas le droit. Envoie un
salarié! Plus que ça, en tout cas, je pourrais vous en dire...
Quand vous dites, là, pour continuer dans votre ligne - je ne
continuerai pas dans la mienne - alors, lui, on lui aurait enlevé des
droits. C'est ça qu'on a fait. Mais, c'est bien évident que, chez
les entrepreneurs spécialisés, il y en avait quelques-uns -
peut-être 500 ou 1000, je ne sais pas, il faudra demander à la CCQ
- qui travaillaient seuls à un moment donné. Ou il y en a
peut-être qui travaillaient tout seuls à un moment donné.
Mais quand on écoutait discuter les parties aux négociations de
travail, après la fameuse nuit où il y a eu des papillons
nocturnes, là, on voyait que c'était l'artisan, mais une partie
des entrepreneurs spécialisés. Mais ça n'a pas
été présenté comme ça.
J'espère que ça répond à votre question,
à savoir qu'est-ce qu'on a fait avec les entrepreneurs. On a
laissé à l'entrepreneur spécialisé tout le domaine
de la qualification. Là, le gars
de l'entrepreneur spécialisé, on le rend autonome, on le
force, alors que, dans le projet de loi, on s'aperçoit depuis deux jours
de deux styles de travailleurs autonomes. Ça dépend de quel style
l'on prend! Comment surveiller ça? C'est une autre chose. Ça peut
être plus compliqué. Par exemple, l'entrepreneur qui travaille
toujours seul et qui veut rester seul, rien n'empêche la Régie de
dire: Toi, ta licence, c'est 122, code b. Tu travailles tout seul, tu n'as pas
le droit de travailler avec un autre employeur professionnel, et même un
propriétaire, parce qu'on a mis la notion de propriétaire pour un
motif dans ça. Si vous remarquez, depuis cinq ou six ans,
l'évolution du marché, ce n'est plus l'entrepreneur
général, souvent, qui engage. C'est le propriétaire. Les
gérants de projets ou les gérants de construction sont en
développement constant, et de plus en plus. Regardez a Montréal!
On faisait une vérification à Chicoutimi, l'été
dernier: sur sept projets de 1 000 000 $ et plus, il y en avait cinq qui
étaient des gérants de projets. Alors, on s'est dit, nous autres,
dans notre recommandation: On va essayer de ne pas faire de trou avec la
connaissance que l'on a. Compte tenu que ce sont les propriétaires, de
plus en plus, qui engagent, c'est pour ça qu'on a introduit la notion de
propriétaire. Elle est voulue, elle.
Le Président (M. Gauvin): M. le ministre.
M. Cherry: O.K. Sur les 14 000 entrepreneurs que vous avez
cités, il y en a combien que vous indiqueriez que, ça, ce sont
des gens qui travaillent toujours tout seuls?
M. Ratté: On a dit que dans les 14 000...
M. Cherry: Dans la construction neuve, on s'entend,
là!
M. Ratté: Sur les 14 000 qu'on a mentionnés, ce
sont 14 000 individus qui ont moins de 10 employés. Alors, on a
rétréci ça, nous autres, à cinq employés et
moins. Dix employés, généralement, ça travaille
à l'année, ça, ou, en tout cas, il y en a une bonne partie
pour lesquels c'est plus facile de comptabiliser ou de vérifier les
heures, etc. Sauf que, dans les 14 000, il y en a 11 388 qui ont cinq
employés et moins. Nous autres, selon nos prétentions, on dirait:
Si on exclut automatiquement les 2000 artisans qu'on a promus, qui sont
toujours entrepreneurs spécialisés, on considère que
ça doit être des entrepreneurs autonomes à 100 %,
ceux-là, qui travaillent toujours, toujours tout seuls. On les
répertorie entre 4500 et 5500, incluant les 2000.
M. Cherry: O.K.
M. Ratté: Je ne parle plus des artisans. Je les introduis
tout de suite dans le...
M. Cherry: Les 2000, tu les as fait suivre la promotion, c'est
ça?
M. Ratté: Oui. Ils ont tous suivi les conseils qu'on a
dits: Spécialisez-vous, enregistrez-vous! C'est-à-dire, ne vous
enregistrez pas, mais incorporez-vous. La loi n'est pas plus dure que
ça. Ça ne s'applique pas. (10 h 30)
M. Cherry: O.K. Comme vous avez suivi les débats des jours
précédents, vous allez vous rappeler qu'il a souvent
été question de la description de l'employeur. Vous venez de
décrire vous-même que la majorité des entrepreneurs sont
des gens qui ont 5 travailleurs et moins - 10, 5; on les raffine - et que,
à cause de la nature presque cyclique de cette industrie-là, il y
a des périodes de l'année où ça diminue, ils en ont
moins, et, des fois, ils n'en ont pas; ils sont en attente de la reprise de
chantiers, ils sont en attente de soumissions. Donc, il y a une période
où, souvent, ceux qui en ont un, deux ou trois deviennent presque seuls
dans leur entreprise en attendant qu'autre chose arrive. Il y en a combien de
ceux qui en ont, des entrepreneurs, qui sont dans la description que je viens
de vous faire? Que ce soit un mois ou deux mois par année, je ne veux
pas jouer sur le nombre de semaines, mais j'essaie de comprendre. Il y en a
combien qui décident: Moi, j'en ai 3, j'en ai 4, puis je les garde 12
mois par année; on manoeuvrera autrement?
M. Ratté: II n'y a pas de compagnies qui peuvent garder,
à 5 employés et moins, leurs employés 12 mois. Ça,
à 5 employés ou moins, ils ne le peuvent pas. Parce que, quand on
parle de 5 employés, c'est la moyenne annuelle. C'est que tu peux en
avoir 1 ou 2 dans la construction, en février et mars, et puis en avoir
8 ou 9 en juin et juillet; ça dépend de l'heure de pointe,
ça. Alors, à ma connaissance, quand on discute avec des
entrepreneurs, il n'y en a pas qui gardent les employés 12 mois par
année quand la moyenne est de 5. Écoutez, à 5, c'est un
petit entrepreneur; il ne contracte pas, il ne s'en va pas travailler à
la Baie James, lui, là. Il fait du résidentiel, du petit
commercial, des choses semblables, et c'est très, très cyclique.
Puis, en ces temps-ci, tout est en fonction de l'économie. Alors, il n'y
a pas d'investissement; il y a 20 personnes-vacances dans le domaine du
bâtiment commercial, une dizaine dans le logement. Alors, c'est bien
évident qu'ils ne peuvent pas avoir régulièrement 5
personnes. C'est impossible. Puis elles sont rares.
M. Cherry: Oui, O.K. Puis, évidemment, de la façon
dont vous décrivez ça aussi, ce petit entrepreneur, cet
employeur-là travaille avec ses salariés. Tu sais, je veux dire,
il va avec eux
autres.
M. Ratté: Oui, oui.
M. Cherry: Quand tu en as un, deux ou trois, tu mets les outils
dans le camion, puis tu y vas! Tu donnes un coup de main, puis, s'il manque de
quoi, tu t'en occupes, de ton affaire.
M. Ratté: Tu es toujours sur les lieux. Le petit
entrepreneur travaille. Ce n'est pas lui qui se promène dans un char
puis va prendre un coup dans l'après-midi. Lui, il est sur les
chantiers, puis il voit à son affaire! Sans ça, il fait faillite
au bout de six mois ou huit mois, lui.
M. Di Muro (Richard): L'entrepreneur, M. le ministre, a une autre
obligation: il doit arriver au moins à un zéro à la fin de
l'année. Il doit rentabiliser ses contrats, ça fait qu'il prend
les moyens pour les rentabiliser. Dans ce sens-là, l'employeur ou
l'entrepreneur doit parfois aller faire des tâches lui-même sur des
chantiers, que ce soit des terminaisons de travail ou des petites
réparations d'un bord puis de l'autre, parce qu'il n'a pas juste un
travail. Alors, dans ce sens-là, il a des travaux à faire
lui-même avec ses hommes et il a de la surveillance aussi, de la
supervision.
Le Président (M. Gauvin): M. le ministre.
M. Cherry: Vu que vous êtes dans tous les champs
d'activité, et aussi dans le résidentiel, j'aimerais entendre vos
explications. On dit que la construction d'un bungalow ou d'une
résidence moyenne, en heures travaillées, le chiffre qui a
été utilisé, c'est 800 heures en moyenne.
Évidemment, on dit que, quand c'est une maison plus petite, en
rangée, ça prend moins de temps. Plus la maison est grande...
Mais on dit qu'en général le nombre d'heures travaillées,
par exemple, le chiffre qui a été utilisé depuis deux
jours, c'est 800 heures. On regarde les heures rapportées à la
CCQ, les chiffres qui nous sont donnés, c'est 327 cette année.
C'a été 400 et quelques l'année passée. Donc,
même si, cette année, 327 par rapport à 400 et quelques,
c'est une diminution de presque 25 %, on ne se retrouve quand même
qu'à environ 50 % de l'ensemble des heures. Pouvez-vous nous
décrire comment on peut arriver à une situation comme
celle-là? Ça fonctionne comment pour qu'il y ait moins que
l'année passée, presque 500 heures qui n'apparaissent pas dans
les livres de la CCQ, et pourtant, on reconnaît que ça a pris ces
heures-là pour la bâtir, la maison. Qui les a faites?
M. Ratté: Écoutez, il ne faut pas se leurrer.
Actuellement, dans le domaine résidentiel, il y a de la
complicité travailleurs-employés. Il ne faut pas se leurrer,
là! Puis on est en pleine réces- sion économique. Pourquoi
est-ce qu'il y a moins d'heures? D'abord, il y a moins de chantiers, puis tout
ça. Mais la moyenne est de 800, qu'on sache. Elle ne changera pas,
là. Sauf que, par exemple, il y a moins de chantiers pour les individus,
il y a moins d'entrepreneurs, et tout le monde veut avoir des jobs. Tout le
monde! Alors, ils sauvent de l'argent où ils peuvent. Ils font des
mauvaises déclarations. Il ne faut pas se leurrer là-dessus. Mais
les deux en profitent; les deux en profitent, parce qu'il leur reste plus
d'argent à la fin de la semaine. Que ce soit un travailleur - et
ça, on ne lui casse pas la tête, au travailleur, pour dire: II te
reste plus d'argent. Et on ne casse pas la tête, non plus, à
l'entrepreneur, pour lui dire: II va te rester plus d'argent. Ça aussi,
c'est un moyen détourné. Écoutez bien! On ne peut pas
partir de 800 heures en moyenne pour construire une maison - nous autres, dans
notre domaine, on le sait, on le dit aussi - puis tomber à 300 pour la
même maison, là. Dans le fond, c'est la même maison.
M. Paré (Michel): M. le ministre, si vous me permettez, ce
que l'on propose, ce n'est pas d'exclure les travaux du secteur
résidentiel de l'industrie de la construction. On était
même contre le fait d'exclure les travaux de rénovation de
l'industrie de la construction. Or, il faut les inclure. Il faut rendre le
travail légal, rentable pour le consommateur. Et une des façons
de le rendre rentable, c'est lorsque les travaux de construction d'une maison
sont effectués par des entrepreneurs qualifiés, avec des
travailleurs qualifiés, et, sur réception des factures - je ne
sais pas - il y a moyen d'organiser un système, de permettre à
ces consommateurs de travaux de pouvoir bénéficier d'un
crédit d'impôt. De sorte que le consommateur, le travailleur,
l'entrepreneur et la fiscalité québécoise auraient
avantage et reprendraient les avantages du travail légal, du travail
déclaré. Ça, c'est une façon positive, je pense, de
voir les choses.
Parce que, dans le domaine, aussitôt que vous achetez un bloc
à appartements, faites construire un bloc à appartements, vous
pouvez déduire des frais d'opération, des frais d'entretien, etc.
Quand vous arrivez dans la maison résidentielle, vous n'avez plus aucun
recours à ce genre de bénéfices fiscaux. Il faut reprendre
ça par le biais de la fiscalité. D'ailleurs, il y a un rapport
qui avait été présenté, à l'époque,
une étude sur la fiscalité, par l'ancien ministre du Revenu,
votre prédécesseur au Travail, M. Séguin, à
l'époque où il était adjoint parlementaire au ministre du
Revenu. Il avait annoncé lui-même, il avait suggéré
l'idée des crédits d'impôt. C'est de là que vient
l'idée des crédits d'impôt dans le domaine de la
construction résidentielle et de la rénovation.
M. Cherry: O.K. Euh!...
M. Paré (Michel): Parce que - si vous me permettez,
simplement pour ajouter - la proportion travail, horaire, coût de
main-d'oeuvre, dans la construction d'une maison, est d'environ 30 %. 30 % des
coûts reliés à l'habitation, c'est de la main-d'oeuvre. Les
autres 70 % - une portion fort importante; on parle, je pense, de plus de 40 %
- c'est au niveau des matériaux, l'infrastructure municipale, etc.
Autrefois, toute l'infrastructure était payée par la
municipalité avec des taxes de secteur. Puis, au cours des
dernières années, on a modifié cette pratique-là en
transférant toutes les charges économiques des infrastructures
sur les entrepreneurs. Or, le coût se répercute
Immédiatement sur la facture plutôt que d'être
reporté par une taxe de secteur sur une base de 15 ans, 20 ans ou 25 ans
dans certains cas.
M. Cherry: Votre voisin me donnait l'explication de la diminution
des heures - pourquoi 327? - en disant: Prenez la situation actuelle, ça
bénéficie à tout le monde; on est en récession
économique, les jobs sont rares. Je pense que je vous
répète fidèlement. Mais, c'est vrai que les jobs sont plus
rares cette année, c'est vrai qu'on est en récession, mais si je
regarde la performance, il me semble que la diminution des heures, même
quand ça allait bien il y a 18 et 24 mois dans la construction,
ça diminuait pareil. Donc, je présume que la façon que
vous avez décrite, en disant: Ça bénéficie à
tout le monde - c'est ce que vous avez dit - que ce soit en période
faste ou en période creuse, c'est une des façons de fonctionner.
Hier, et ce n'est pas vos propos, mais si vous étiez dans la salle,
hier, il y a un procureur d'une des associations qui, à une question de
Mme Blackburn, a dit: Madame, nous, dans la construction, on ne triche pas, on
s'adapte. C'est un beau mot là...
M. Paré (Michel): M. le Président, si vous me
permettez.
Le Président (M. Gauvin): M. Paré.
M. Paré (Michel): ...a faite une description des faits
factuels.
M. Cherry: Correct.
M. Paré (Michel): O.K. Ce n'est pas notre opinion. On vous
dit ce que l'on voit, ce que l'on entend, ce que les gens nous disent. On n'est
pas d'accord avec cette orientation. On va tous y perdre collectivement et
l'industrie, en premier, y perd, on le voit. Alors, la position est beaucoup
plus positive selon les mesures fiscales, etc.
Une voix: Veuillez remarquer que, comme complément...
M. Cherry: C'est pour ça que j'ai posé la question
ce matin. Je ne veux pas laisser l'impression que tous les gens qui sont
là-dedans ont juste décidé de se plier et de dire:
Écoute, dans notre industrie, il faut qu'on triche, donc, on va tous le
faire.
Le Président (M. Gauvin): M. Di Muro, je pense que vous
voulez ajouter.
M. Di Muro: Oui. Si on a des législations ici qui
favorisent des détournements, les gens sont assez fins pour les
détourner aujourd'hui, et c'est très facile de contrôler
ces choses-là. Je reviens à la CCQ dans ce sens-là, quand
ils font leur vérification des livres des vrais entrepreneurs dans
l'industrie. Il y a des facteurs qu'on connaît, que, pour tel ou tel
marché, la proportion de la main-d'oeuvre est de 20 %, 30 %, 40 %, ou
même jusqu'à 70 %. Mais quand on fait la vérification, on
ne compare pas une carte de temps seulement qu'avec un rapport fait à la
CCQ. Si on allait juste avec les états financiers de chacune des
entreprises, ce serait très facile de s'apercevoir qui triche dans ce
domaine, et puis rapatrier les choses aux bonnes places.
Mais ce n'est pas la façon dont on fait la vérification.
Ce serait très simple de s'apercevoir de ça, parce qu'il y a des
gens qui arrivent avec des états financiers, avec 3 % de main-d'oeuvre
dans l'industrie. Moi, je vais leur demander la recette, parce que je n'ai pas
encore réussi. Moi, je marche encore droit, malheureusement.
M. Cherry: O.K. Merci. On a entendu des exemples, et votre
mémoire y fait référence, et vous prenez position
là-dessus. Je vais vous demander des éclaircissements. On a dit
qu'on a découvert sur certains chantiers... Ça devient une
pratique de plus en plus répandue qu'on retrouve, sur un chantier de
construction, une forte concentration d'autonomes multidisciplinaires, avec le
résultat qu'on n'y trouve presque plus de travailleurs syndiqués.
Et, là-dessus, vous prenez position, et je vais vous demander de
l'expliciter en reprenant - et, ça, ça va être ma
dernière question par rapport au temps qui m'est alloué -à
la page 8, le premier paragraphe. Vous terminez; vous dites: «Cependant,
qu'il soit interdit à tout employeur professionnel et
propriétaire de contracter avec plus d'un entrepreneur autonome par
spécialité pour un chantier.» Je pense que, «par
spécialité», je vais vous demander de le préciser,
mais ça va plus rapidement. Mais, «par chantier», est-ce que
chaque maison... s'il y en a 10 en construction dans la rue, est-ce que vous
considéreriez cette rue comme un chantier ou est-ce que vous
considéreriez chacune de ces résidences-là comme un
chantier dans la rue?
Le Président (M. Gauvin): M. Paré.
M. Paré (Michel): Monsieur, une maison, un chantier.
Lorsqu'on fait les prévisions de mise en chantier au Québec pour
l'année qui vient, on ne les fait pas en fonction du nombre de rues
qu'on va ouvrir. On les fait en fonction du nombre de maisons qu'on va
construire. Il ne faut pas retrouver cinq artisans... On les appelle des
artisans, nous, les entrepreneurs qui veulent toujours, des individus qui
veulent toujours travailler tout seuls tout le temps, puis qui n'ont pas du
tout l'intention d'avoir des travailleurs avec eux. On ne veut pas retrouver
trois artisans du même métier, trois peintres-artisans, trois
pigistes de la construction, dans la spécialité
«peinture», qui vont faire la maison au complet. Ça prend un
entrepreneur-peintre avec des travailleurs. Même chose dans n'importe
quelle autre spécialité, que ce soit dans le domaine
résidentiel, commercial ou industriel.
M. Cherry: Et pour mieux préciser ma question, est-ce que,
finalement, ça voudrait dire qu'avec un par spécialité par
maison, si je suivais cette formule-là, on pourrait presque construire
une maison sans travailleurs, uniquement avec des autonomes? (10 h 45)
M. Paré (Michel): Non, je ne pense pas. Ça va
prendre énormément de temps à avoir votre maison. Les
coûts devaient être augmentés au niveau de ia
productivité, au niveau des coûts, au niveau du temps de
réalisation. Et là où il y a des métiers où
c'est impossible de travailler tout seul, il ne faut pas permettre à
deux gars qui, par le biais du voile corporatif, va leur donner l'occasion
d'effectuer ces travaux-là. Il y a des métiers dans la
construction où les gens ne peuvent pas travailler tout seuls. Or, il va
y avoir des limites par la pratique, par l'exercice, par la réalisation
des travaux. On va retrouver, à toutes fins pratiques, ces
gens-là dans de petits travaux, et non pas retrouver des regroupements
de pigistes de la construction sur les chantiers industriels. Dans une
spécialité, vous allez retrouver cinq ou six pigistes, et
ça enlève un contrat à un entrepreneur, et ça
enlève la job à des travailleurs. Ce n'est pas ça qui
augmente la productivité, ce n'est pas ça qui augmente la
qualité des travaux, et ce n'est pas avec ça qu'on va
améliorer nos nouvelles technologies dans la construction.
Le Président (M. Gauvin): Est-ce que M. Ratté...
Excusez!
M. Di Muro: On s'attarde beaucoup aussi seulement au domaine
domiciliaire. J'espère que, pour vous, la construction, ce n'est pas
seulement le domiciliaire.
M. Cherry: C'est autre chose.
M. Di Muro: II y a beaucoup d'autres cho- ses. Que ce soit dans
le commercial, l'industriel, c'est le gros problème là aussi. On
se regroupe à cinq ou six entrepreneurs autonomes pour un même
corps de métier, et ces choses-là, et, ça, c'est vraiment
de la compétition non saine pour l'industrie, et c'est une chose qu'il
faut bannir. Mais qu'on ne s'attarde pas seulement au domici-laire, parce que
le domiciliaire, c'est probablement la partie la plus facile à
contourner. Toutes les lois que vous pourrez inventer, tant et aussi longtemps
qu'on n'imposera pas des plans de garantie obligatoire sur tout ce qui va se
faire avec des gens accrédités, et ces choses-là... Mais
qu'on y aille par la base au lieu d'aller par en arrière. Qu'on commence
par le début, qu'on fasse des normes strictes avec de la
réglementation - je dirais, intelligente - et, après ça,
on pourra amener les palliatifs et les correctifs par après. Qu'on
commence par le commencement, qu'on ne commence pas par la dernière
affaire. Qu'on commence par le début, à faire une
législation qui va faire en sorte que tout sera structuré par des
entrepreneurs responsables. Et ça va faire que l'industrie de la
construction va évoluer dans notre province.
Le Président (M. Gauvin): M. le ministre.
M. Cherry: O.K. Je ne veux pas limiter au résidentiel,
bien sûr. C'est parce qu'hier, un autre organisme nous a fait la
démonstration que seulement avec des autonomes, on sauverait quasiment
7000 $ sur une maison. Là, vous autres, vous nous expliquez le
contraire. O.K., ça, c'est une chose. Deuxièmement, par rapport
à l'aspect commercial, c'est important que vous le mentionniez parce que
c'est important, la construction domiciliaire. Mais il y a aussi l'ensemble de
ça, et ce que vous venez de décrire, ça nous a aussi
été présenté. Des exemples nous ont
été donnés où, par exemple, un centre d'achats,
quelque part, se serait construit avec presque personne, uniquement des
autonomes, cinq ou six autonomes du même type d'activité
économique, soit des poseurs de gypse ou autre chose, mais uniquement
des autonomes. Même si la CCQ arrivait là, ils avaient
réussi, comme vous dites, à contourner. Ça, ça
devient une compétition tout à fait injuste par rapport à
des entrepreneurs comme vous, ou comme ceux qui vous accompagnent, qui
décrivez la volonté de vouloir faire ça selon les
règles et les normes. À chaque fois qu'on va permettre
d'élargir ça, on le fera au détriment des vrais
entrepreneurs qui ont des salariés. Je ne dis pas que les autres ne sont
pas des vrais hommes de métier, excepté qu'ils exercent leur
métier avec des règles autres que celles avec lesquelles vous
exercez, et c'est dans ce sens-là que ça fait une
compétition déloyale. On se comprend là-dessus.
Le Président (M. Gauvin): Je vous remercie. C'est tout le
temps qui était alloué à cette for-
mation parlementaire. Je reconnais maintenant Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. le
président, madame et messieurs, bonjour et bienvenue à cette
commission. Je vais passer directement aux questions. Vous êtes
probablement un des groupes à nous apporter des clarifications quant aux
différents statuts d'employeurs qu'on est en train de créer, il y
a le statut d'entrepreneur spécialisé, il y aura le statut
d'entrepreneur autonome, il y a l'entrepreneur général, il s'est
ajouté à ça le statut de propriétaire et de
gérant de projet. Ça s'est développé! Les
gérants de projet, je sais comment ça fonctionne chez nous, mais,
là, je réalise qu'effectivement... Et il y a l'entrepreneur
général, je l'ai dit.
Si je comprends bien la loi, un entrepreneur autonome pourrait avoir un
nombre indéterminé de salariés, éventuellement.
Est-ce qu'il y a des bonnes raisons qu'en autonome, il se transforme en
entrepreneur spécialisé avec employés, ou en
entrepreneur général? J'essaie de voir pourquoi on
créerait un deuxième statut, une nouvelle catégorie
d'employeurs?
M. Di Muro: Moi, j'aimerais répondre parce que
l'entrepreneur autonome, si on veut bien le comprendre - en tout cas, ma
compréhension à moi, et j'espère que c'est pour tout le
monde - quand tu es entrepreneur autonome, tu es tout seul.
Mme Blackburn: Bien, c'est ça.
M. Di Muro: La journée que tu deviens un entrepreneur, tu
es employeur avec des employés, mais dans le sens de la loi, on dit
qu'un entrepreneur avec 20 employés devient autonome si, lui, il part,
va sur un chantier et exécute seul une tâche. À ce
moment-là, il est considéré entrepreneur autonome. C'est
deux catégories.
Mme Blackburn: Oui.
M. Di Muro: Un entrepreneur autonome, c'est un gars qui travaille
toujours tout seul, et l'entrepreneur autonome qui va exercer un travail sur un
chantier parce qu'il est tout seul sur ce chantier-là, dans le sens de
la loi, présentement, ce qu'on nous dépose, il devient un
entrepreneur autonome. Mais c'en n'est pas un entrepreneur autonome, c'est un
entrepreneur employeur. Ça fait que c'est deux catégories
complètement séparées, quant à moi.
Mme Blackburn: Oui, mais, en fait... Je sais que c'est deux
catégories. À la fois il est autonome et, tantôt, il va
être employeur.
M. Di Muro: C'est-à-dire que c'est la loi qui nous impose
d'avoir deux...
Mme Blackburn: Alors, la loi est en train de créer...
M. Di Muro: C'est exact.
Mme Blackburn: ...un nouveau statut d'employeur sans qu'il n'ait
les mêmes exigences que l'employeur qui a sa licence, sans qu'il n'ait
besoin de passer à travers les mêmes exigences. C'est bien ce
qu'on a compris?
M. Ratté: Oui. Les deux entrepreneurs... Dites-vous qu'un
entrepreneur autonome, la définition, c'est que c'est tout entrepreneur
spécialisé - alors, qui détient sa licence de
spécialisé - qui travaille seul sur un chantier, qu'il ait ou non
des salariés sur d'autres chantiers. C'est ça, le
problème! C'est que l'entrepreneur autonome fusionne un gars qui est
spécialisé, soit tout seul ou pas. Il les fusionne dans un sens
et c'est ça qu'il faut clarifier. Depuis deux jours que le monde dit...
Il y en a qui prononcent le mot «artisan», parce que c'est plus
facile, et il y en a qui parlent d'«entrepreneur autonome» avec des
individus. Alors, qui est-ce qui est autonome ou pas? On y va par chantier, et
non pas selon la compagnie, si vous aimez mieux.
Mine Blackburn: Oui. Mais moi, ça, j'avais compris
ça. Tout ce que je voudrais savoir ici, pour les fins de cette
commission, on aura au plan de l'enregistrement et de l'incorporation... On a
actuellement des exigences différentes selon que vous êtes
simplement incorporé et, là, vous pourrez avoir un salarié
sur la construction neuve, ou vous êtes entrepreneur avec une licence
d'entrepreneur.
Le Président (M. Gauvin): ...parce que M. Lafontaine
voulait ajouter à la réponse.
Mme Blackburn: Je dis: Est-ce que c'est normal qu'on ait deux
types d'entrepreneurs sur la construction neuve qui ne répondent pas aux
mêmes exigences quant à la licence? Comment ça va
fonctionner une fois que l'entrepreneur autonome devient employeur?
Le Président (M. Gauvin): M. Lafontaine.
M. Lafontaine: Je crois que les deux vont avoir besoin de licence
comme il est indiqué, mais la seule différence qu'il va y avoir,
c'est que celui qui a du coeur au ventre, qui a une dizaine d'employés
et qui veut aller travailler, faire une petite retouche sur son chantier, il va
être récompensé par une amende de 1400 $ ou 1600 $. Il va
être pénalisé pour ça!
Mme Blackburn: Mais l'autonome aussi, l'autonome employeur
aussi.
M. Lafontaine: C'est-à-dire... C'est là, je
pense, qu'il va falloir arrêter de parler d'autonome employeur.
S'il est employeur, il n'est pas autonome.
Mme Blackburn: Je sais, mais la loi, ce n'est pas comme ça
qu'elle le dit.
M. Di Muro: Non, malheureusement.
M. Lafontaine: Non. C'est ça. C'est de là que vient
tout le...
Mme Blackburn: L'article 19.2 est clair là-dessus. Il
parle d'un entrepreneur autonome avec salarié.
M. Di Muro: C'est ça. Probablement que la langue
française est mélangée dans ça. Il y a des gens,
probablement, qui mériteraient de regarder la signification du mot
«autonome».
Mme Blackburn: Ah! Les juristes sont supposés bien
m'expliquer ça; ça fait une couple de fois que je pose la
question. En page 6 de votre mémoire... Oui, il y avait un
complément de réponse?
M. Paré (Michel): Oui. Bien, écoutez, je pense
qu'on a visé un des bons problèmes. On n'a pas visé
l'ensemble du problème du travail au noir parce qu'il y a des
réalités qui découlent d'autres législations, ou
encore par le biais de la fiscalité, mais une chose qui est claire:
ça n'a pas de bon sens que ça soit compliqué comme
ça! Ça, je pense, c'est clair.
Le Président (M. Gauvin): Je vais reprendre vos paroles.
Une chose qui est claire: ça n'a pas de bon sens que ça ne soit
pas plus clair.
Des voix: Ha, ha, ha! Mme Blackburn: C'est ça.
Le Président (M. Gauvin): Excusez cette
parenthèse.
Mme Blackburn: II dit: Ce qui se conçoit bien
s'énonce clairement. En page 6 de votre mémoire, je me permets de
le relire parce que ça n'a pas été compris comme ça
de mes collègues. Il a fallu faire bien des explications pour leur faire
comprendre la réalité que vous exprimez de façon assez
claire. Le deuxième paragraphe et le troisième, vous dites:
«Nous avons connu trop d'entrepreneurs de ce secteur qui ont dû
fermer leurs portes quelque temps après l'entrée en vigueur de
cette loi - parlant de la loi 31 - tout simplement parce qu'ils ne pouvaient
plus concurrencer les non-qualifiés oeuvrant dans ce secteur de
l'industrie. Nous avons même fait témoigner un entrepreneur en
voie d'être victime de cette loi à la commission
Picard-Sexton.
Résultat: rien dans le projet de loi 185 ne vient corriger cette
triste situation créée de toutes pièces par une loi
porteuse de fausses solutions.»
Alors, votre solution à vous, c'est quoi? Parce que, moi, j'ai
cherché la solution après, et je n'ai pas trouvé. Il
m'avait semblé que, si je prenais votre texte, j'aurais conclu: Finis
les entrepreneurs autonomes!
M. Paré (Michel): C'est que, ça, ça fait
référence au projet de loi 31.
Mme Blackburn: Oui.
M. Paré (Michel): Ça ne fait pas
référence au projet de loi 185. C'est encore d'actualité,
remarquez bien. En 1988, on a demandé à ce que tous les travaux
de construction soient faits par des entreprises de construction. En 1988, on a
exclu les travaux de rénovation. On a déréglementé
un secteur important de l'industrie qui permettait, à l'exception de
quelques métiers comme les électriciens, les plombiers, et il y
en avait un ou deux autres... On a déréglementé tous les
autres métiers et on a permis à quiconque qui avait des cartes de
compétence, ou pas, d'oeuvrer dans ce secteur-là.
Résultat: les petits entrepreneurs qui oeuvraient dans ce
secteur-là, qui avaient une certaine organisation, se faisaient
compétitionner par n'importe qui, qui arrivait n'importe comment, pour
faire n'importe quoi, sans avoir besoin de carte de compétence. Or,
c'est là que ça a blessé.
Notre solution pour ça, elle est simple. Que tous ces travaux de
construction-là soient réintégrés dans le champ
d'activité de l'industrie de la construction, que ça redevienne
un marché de la construction, et que, pour avoir le droit
d'exécuter ces travaux-là - je ne parle pas du bout de galerie -
on ne soit obligés... ou qu'ils soient réservés à
des travailleurs qualifiés détenant les cartes de
compétence et à des entrepreneurs. Et, pour réduire le
coût de la facture des consommateurs, leur permettre, par le biais d'un
réaménagement des politiques fiscales, une
récupération de l'argent investi, ce que vous faites
actuellement. Lorsqu'on fait des travaux dé rénovation, vous
êtes pénalisés de deux bords: ou bien vous allez au noir
parce que vous y voyez un avantage à court terme - et, tout le monde
ensemble, on y perd; l'industrie y perd, vous y perdez au niveau des
protections, vous y perdez au niveau des garanties, au niveau peut-être
même de la qualité, j'espère, toute la fiscalité -
et vous... On m'a interrompu et ils m'ont enlevé ma parenthèse...
Mais vous y perdez! Alors, ce qu'on dit: II faut rendre légaux ces
travaux-là par le biais de l'industrie et permettre au consommateur de
récupérer une partie de ces travaux-là par le biais d'une
politique fiscale.
Mme Blackburn: Donc, le secteur de la réparation,
rénovation, entretien, résidentiel et
commercial ne serait pas soustrait au décret. Et c'est la
solution que vous proposez, parce qu'à la page 6, justement, le
paragraphe 2, vous dites: «Le projet de loi 31 de mai 1988, avec tous les
succès que nous y connaissons, et qui a transformé le travail au
noir en travail légal non déclaré... ». Est-ce que
le travail qui se fait en réparation, rénovation, entretien... Et
vous dites: «... il est, de façon générale, non
déclaré». Est-ce que c'est autant les entreprises... Parce
qu'il y a des entreprises, quand même, qui continuent d'effectuer des
travaux de réparation, rénovation et d'entretien, au domiciliaire
et commercial. Qui visez-vous quand vous dites que c'est devenu un travail
légal non déclaré? Exclusivement les entrepreneurs
autonomes?
M. Di Muro: tout le monde qui veut marcher tout croche! Le monde
qui veut marcher tout croche est concerné.
M. Paré (Michel): En 1988, on parlait d'un...
Mme Blackburn: Ceux qui ne trichent pas, ceux qui
«s'adaptent».
M. Di Muro: C'est ça, les
«adaptés».
M. Paré (Michel): En 1988, on parlait, on évaluait
que le travail au noir représentait environ 500 000 000 $. Aujourd'hui,
il est évalué à un peu plus de 500 000 000 $. Il n'a pas
diminué. Et tout le monde y trouve, à courte vue, Un avantage
immédiat.
Mme Blackburn: tout le monde, vous parlez...
M. Paré (Michel): Mais ce n'est pas notre philosophie, O.
K. ?
Mme Blackburn: Quand vous parlez de tout le monde, ce sont
surtout les entrepreneurs et les travailleurs. Ce n'est pas le consommateur
à ce qu'on a pu constater.
M. Paré (Michel): Bien, le consommateur, vous avez le
choix entre...
Mme Blackburn: II continue de payer.
M. Di Muro: S'il n'y a pas d'acheteurs, madame, il ne peut pas se
faire de ventes. Au départ, c'est comme la prostitution, je pense. S'il
n'y a pas de clients, les petites filles vont être obligées de
rentrer en dedans. Ça fait que c'est la même chose, que ce soit
n'importe quoi, ma chère madame. À un moment donné, il
faut qu'il y ait quelqu'un qui donne de l'argent à quelqu'un pour faire
Un travail; qu'il l'offre d'une autre façon, et ça prend
quelqu'un qui l'accepte au bout.
Mme Blackburn: Comment est-ce qu'on a réussi à
créer l'illusion - parce que j'estime que c'est Une illusion - que
ça coûte moins cher au consômmateur
dlutilisèr le noir?
M. Di Muro: Mais toutes tes obligations.. (11 heures)
Mme Blackburn: farce qu'il y a comme une illusion
là-dessus, là...
M. Di Muro: Bien, c'est une..
Mme Blackburn:... parce que je ne suis pas certaine que ça
coûte effectivement moins cher.
M. Di Muro: Sur le coup, ça coûte moins cher, mais
à longue échéance, ça peut coûter très
cher.
Mme Blackburn: Mais est-ce que, sur le coup, ça
coûte moins cher? Ça aussi, je me demandais...
M. Di Muro: Je veux dire, avec toute la
réglementation...
Mme Blackburn: Oui.
M. Di Muro: Pour un individu dans l'industrie de la construction,
la moyenne de salaire est de 25 $. Sur ces 25 $ qu'il retire, il ne retire
même pas 10 $. Juste la partie impôt sur un salaire, ma
chère madame...
Mme Blackburn: Oui.
M. Di Muro: Au départ, si le gars veut mettre 12 $ dans
ses poches, c'est plus que ce que le gouvernement lui laisse quand il travaille
honnêtement. Qu'on révise à partir de la base, qu'on
arrête de saigner le monde à blanc partout, et les gens vont
être intéressés à déclarer ce qu'ils ont
à déclarer, à payer leurs taxes et tout ça. Mais,
pour te moment, on nous enlève le manger dans la bouche avant qu'on
l'ait gagné. C'est un peu ça, là.
Mme Blackburn: Les travaux assujettis, vous me le rappelez, en
page 3 de votre mémoire, que l'État continue d'adopter des
législations qui permettent au gouvernement de soustraire ses propres
institutions. Est-ce que vous avez évalué le pourcentage que
ça représentait dans l'ensemble des travaux de construction?
M. Di Muro: Le pourcentage, moi, je...
Mme Blackburn:... les travaux non assujettis,là.
M. Di Muro:... ne pourrais pas vous répondre, mais ce que
je puis dire, c'est que ça s'amplifie de jour en jour, que ça
soit les municipalités, que ça soit même
Hydro-Québec ou
d'autres... La Régie des entreprises de construction du
Québec donne des licences à qui veut bien en avoir, que ce soit
des municipalités, des hôpitaux ou des choses de même. Un
moment donné, encore là, le problème est, à la
base, qu'on donne aux contracteurs, aux entrepreneurs en construction, le droit
de faire ce qu'ils ont à faire, et les hôpitaux, de faire ce
qu'ils ont à faire, et tout le monde... Chaque chose à sa place
et ça va être facile! Il y a des exemples très probants,
présentement, et c'est la salle de danse de l'Université du
Québec, qui est les fonds publics, qui a demandé des soumissions
publiques à 17 entrepreneurs, qui ont dépensé de l'argent
pour donner. Le lendemain, on dit que c'est hors budget, et, deux semaines
après, on est déjà prêts, comme entrepreneurs,
à demander des soumissions encore publiques, par métier, qui vont
coûter encore plus cher aux fonctionnaires. On laisse aller ça.
C'est le gouvernement, ça, ma chère madame! Je pense que le
gouvernement, c'est le pire dans tout ce qu'on a à subir
présentement. C'est incroyable! On veut nous passer des lois pour nous
diriger dans notre industrie, et on n'est même pas capable de faire le
ménage dans sa cour. On parle de qualité totale au gouvernement.
Je pense qu'à un moment donné, il faudrait y voir vraiment.
Qualité totale!
Mme Blackburn: Cher monsieur, j'ai toujours estimé que
chaque fois que l'État impose à l'industrie, au privé -
commercial, industriel et résidentiel - des exigences qu'il n'applique
pas à lui-même, on a comme un problème
d'équité.
M. Di Muro: On devrait faire une commission parlementaire
là-dessus, madame.
Mme Blackburn: Là-dessus, là...
M. Di Muro: On aurait un plaisir fou à analyser cette
chose-là.
Mme Blackburn: Dès que le ministre voudra... D'ailleurs,
il était supposé le faire...
M. Di Muro: II n'écoute pas, malheureusement, il
n'écoute pas.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Blackburn: Des fois, je me demande...
M. Di Muro: II est très occupé, notre ministre.
Mme Blackburn: II m'arrive de penser que, même quand il
écoute, des fois, il ne comprend pas tout le temps.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Blackburn: Mais revenons... Une boutade. Vous dites, en page
11, et je reviens à la repartie à laquelle j'ai eu droit hier, on
me dit: On ne triche pas, on s'adapte. À la page 11 de votre
mémoire, dernier paragraphe, vous dites: «Nous doutons que
l'article du projet de loi ait une influence quelconque s'il est adopté
tel que rédigé. Bien au contraire, la réalité et
l'expérience nous démontrent que de telles réglementations
accroissent indûment l'intérêt de les contourner.»
Comment allez-vous contourner ce projet de loi, si adopté tel quel?
M. Paré (Michel): On va l'étudier, on va
étudier la loi une fois adoptée. Non, non, mais
écoutez...
Mme Blackburn: Des fois, pour qu'on essaie de boucher un
trou.
M. Paré (Michel): La législation actuelle est
tellement compliquée, ce n'est pas seulement vrai dans l'industrie de la
construction, c'est vrai au niveau de la CSST, etc. Elle est tellement
compliquée que même un entrepreneur de bonne foi, souvent sans le
savoir, se met dans une situation de hors-la-loi parce qu'il ne connaissait pas
telle obligation, il ne connaissait pas telle chose. Il est victime. On
complique, on rend complexes des choses simples, et l'entrepreneur... Il y a 85
% des entreprises avec moins de cinq employés; elles n'ont pas des
experts au niveau de l'administration dans tous les secteurs. On les met
indûment dans une position de hors-la-loi, et, après ça, on
dit que les gens ne respectent pas... C'est difficile, ça devient
difficile, on a de la misère à se comprendre, à s'entendre
sur ce qu'est un entrepreneur autonome; quand il est autonome, quand il ne
l'est plus. Écoutez, on part de loin! Au niveau de la CSST, on ne sait
même pas encore c'est quoi, un chantier de construction, et ça
fait une quinzaine d'années que la loi est adoptée. On part de
loin. Or, c'est rendu... Les notions sont tellement complexes que tout le monde
devient hors-la-loi sans le vouloir. Nous, on veut simplifier.
Mme Blackburn: O.K.
M. Paré (Michel): Aidez-nous à faire ça.
Mme Blackburn: Je voudrais juste revenir un petit peu plus
tôt dans t'échange pour bien saisir les obligations reliées
à l'entrepreneur autonome employeur et à l'entrepreneur
spécialisé employeur, parce que, là, on aura deux
catégories en vertu de la loi. Est-ce qu'ils sont soumis aux mêmes
exigences quant à la licence?
M. Di Muro: Pour être entrepreneur, vous devez
posséder une licence avec les mêmes exigences.
Mme Blackburn: O.K.
M. Di Muro: J'espère que, dans la loi, on va clarifier
que, quand un entrepreneur est autonome, c'est un entrepreneur seul et non un
employeur. Qu'on fasse juste ça, au départ, madame, vous allez
voir qu'on va clarifier la chose très facilement. Là, on va
vraiment dire: II y a un contracteur employeur et II y a un entrepreneur
autonome. On pourra donner un champ d'application pour cet individu dans des
marchés restreints et, à ce moment-là, on va faire le
ménage très facilement. Mais qu'on arrête donc de
compliquer les choses! On nous a passé une loi 186 pour
déréglementer l'industrie et on fait pire avec ce projet de loi
que ce qu'on avait avant. Le problème est là!
Mme Blackburn: Donc, la proposition de la CSN...
M. Paré (Michel): Si vous voulez me permettre, pour...
Mme Blackburn: Oui.
M. Paré (Michel):... continuer un peu au niveau de la
qualification professionnelle des entreprises.
Mme Blackburn: C'est la même chose.
M. Paré (Michel): Il y a un travail énorme à
faire. Actuellement, le fait de détenir une licence de telle
catégorie donne le droit au détenteur de la licence d'effectuer
les travaux de cette catégorie, peu importe l'Importance des travaux en
question. C'est un laisser-aller, un laissez-passer. Il y a d'autres
régimes, il y a d'autres systèmes qui existent, et nous, on
favorise un système un peu différent: c'est de permettre de
catégoriser les licences. On ne peut pas permettre, demain matin,
à un entrepreneur qui a toujours travaillé dans le domaine de la
rénovation, ou qui a toujours travaillé dans la construction
résidentielle... demain matin, il va se retrouver soumissionnaire sur un
projet pour construire un hôpital! Bien, il me semble qu'il y a des
catégories et des étapes à franchir. Demain matin,
n'importe qui, qui a une licence, aujourd'hui, d'entrepreneur
général, qui a construit dans sa vie - 70 % des entrepreneurs de
la région métropolitaine construisent moins de neuf maisons par
année. Ils sont tous susceptibles, un jour ou l'autre, de devenir
soumissionnaires pour la construction d'un hôpital dans n'importe quelle
région du Québec. Ce n'est plus les mêmes règles, ce
n'est plus les mêmes réalités, ce n'est plus les
mêmes métiers. Ils viennent fausser souvent, et ils piquent du
nez, ces gars-là; et ils démolissent le marché. Il y a des
étapes, il y a des marches à franchir.
Mme Blackburn: Lorsque vous recommandez que l'entrepreneur, en
page 13 de votre mémoire: ll faut reconnaître le droit aux
entrepreneurs qui ont des salariés sur un chantier de se rendre
travailler sur un deuxième chantier. » J'entends seul, j'imagine.
«Il faut reconnaître le droit aux entrepreneurs dont les
salariés sont, soit en congé, soit en maladie, d'aller
exécuter des travaux sur son chantier. » Ça veut dire que
c'est lorsqu'il a obtenu le contrat, j'imagine. «Il faut
reconnaître le droit aux entrepreneurs qui veulent diminuer leurs
coûts d'opération de terminer seuls les travaux en fin de
chantier. » Comment cela pourrait-il se traduire dans une loi? Ça
ne semble pas facile, là!
M. Paré (Michel): Heureusement, nous ne sommes pas le
législateur. Mais s'il veut nous donner le chapitre de la loi qui
traitera de ça, ça nous fera plaisir d'écrire le texte.
Mais il y a toutes sortes de modalités qu'on n'a pas discutées et
qu'on pourra toujours, éventuellement, discuter. On a beaucoup de
difficultés, actuellement, à définir ce qu'est la fin d'un
chantier, la fin des travaux dans le domaine de la construction. Ce sont des
notions assez complexes.
Mme Blackburn: Mais, pour justifier une telle recommandation,
c'est que ça a posé des problèmes. Quels problèmes
cela pose-t-il actuellement?
M. Paré (Michel): Bien, dans le texte du projet de loi,
tel que libellé: l'entrepreneur qui a des salariés...
Mme Blackburn: Antérieurement...
M. Paré (Michel):... actuellement, le fait d'aller
ailleurs, devient autonome.
Mme Blackburn:... vous pouviez aller terminer les travaux?
M. Paré (Michel): Pardon?
Mme Blackburn: Tout entrepreneur, je ne parle pas de... Tout
entrepreneur pouvait personnellement aller terminer des travaux, finir les
installations? O. K.
J'aimerais pouvoir mesurer l'importance du noir par rapport au secteur
d'activité. Ce que je crois comprendre, si les chiffres qu'on nous a
livrés, à l'effet qu'on déclarait 326 heures pour la
construction d'une résidence unifamiliale, alors que c'est variable, on
dit entre 750 et 1400. Evidemment, ça dépend de la
résidence, plus ou moins luxueuse. On s'entend sur une moyenne de 800
heures. Il y a combien de mises en chantier d'unifamilliales en 1991? Est-ce
que vous savez? C'est pour savoir un peu comment ça s'est
réparti, le travail au noir. Est-ce que c'est une plaie qui touche le
résidentiel, le locatif, plus que l'industriel et le commercial, ou
si...
M. Paré (Michel): Les mises en chantier
résidentielles - je cherche mon statisticien, 38 OOO, 40 000...
Mme Blackburn: 15 000?
M. Paré (Michel): 38 000,40 000.
Mme Blackburn: Ça, 40 000, c'est aussi le locatif, je
pense.
M. Paré (Michel): Oui, oui. Ce n'est pas uniquement le
bungalow. Ça touche le multi- familial.
Mme Blackburn: D'accord. Quand on parle de 800 heures, ce n'est
pas pour le locatif, avec 26 logements dans le même immeuble. J'imagine
que c'est pour l'unifamilial.
Une voix: Exact.
Mme Blackburn: D'accord. Est-ce que vous avez
évalué... Avez-vous des données qui vous permettent de
nous dire quel secteur d'activité est le plus frappé par le
travail au noir? Est-ce que c'est le résidentiel, l'unifamilial,
l'industriel ou le commercial?
M. Paré (Michel): C'est un peu comme la fable. Ils n'en
meurent pas tous, mais tous sont affectés.
Mme Blackburn: Oui, mais est-ce que c'est...
M. Paré (Michel): Le travail au noir, tous s'entendaient
qu'il était concentré surtout dans le secteur résidentiel,
à plus de 50 %, et, dans le secteur résidentiel, à plus de
75 % au niveau de la rénovation. C'étaient les ordres de grandeur
qu'on avait à l'époque; on n'a pas les chiffres ici. Et, pour
régler ce problème-là, le gouvernement, en 1988, a dit:
Étant donné que ça se fait, et que c'est surtout
concentré dans les travaux de rénovation,
déréglementons les travaux de rénovation
résidentielle! Rendons légal ce qui n'est pas légal
aujourd'hui, parce que ça se fait.
C'est ce qui nous a fait dire qu'on n'avait pas combattu le travail au
noir, si on regarde les déclarations, si on regarde les Impôts
à payer, les charges sociales, etc. C'est ce qui nous a fait dire
qu'à l'époque, on a simplement transformé ce genre de
travail au noir en travail légal non déclaré. Les gens qui
payaient 10 $ sous la table vont continuer de payer 10 $ sous la table et, la
seule différence, c'est qu'ils ne sont plus inquiétés de
voir un jour ou l'autre arriver un inspecteur sur le chantier. Ça fait
qu'au lieu de mettre la voiture en arrière de la maison, ils peuvent la
laisser en avant. Il n'y a plus de problème.
Mme Blackburn: Comment expliquez-vous que la pratique du travail
au noir n'ait pas eu d'effet à la baisse sur le coût des maisons?
Que ça n'ait pas profité au consommateur?
M. Di Muro: II y a une multitude de nouvelles taxes et les
infrastructures. Juste la partie de la taxation au niveau des infrastructures,
qui étaient anciennement réparties sur ce qui était
municipal, maintenant, ça devient à l'intérieur du projet.
Vous payez directement à l'achat d'une maison. Ça fait que le
prix des maisons, le prix des terrains, parce qu'on parle toujours de la
maison, mais il y a le terrain aussi qui fait que le prix d'une maison a
drôlement augmenté. Ce n'est pas seulement le prix des
matériaux. C'est pour ça que le prix des maisons augmente
continuellement.
Mme Blackburn: Mais on dit qu'elles sont actuellement plus
petites, de 10 % moins grandes, parce que ça coûte moins cher.
Sauf que, finalement, ça a même augmenté. En tout cas, j'ai
de la difficulté à... J'essaie de mieux voir qui a mis l'argent
dans ses poches, finalement.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Blackburn: C'a bénéficié à
quelqu'un; certain, là.
M. Paré (Michel): ...sont plus petits, mais ils
coûtent plus cher.
Mme Blackburn: Ça n'a pas bénéficié
au consommateur.
M. Di Muro: Non, mais il y a 10 ans, vous achetiez un terrain
à 1 $ du pied carré. Aujourd'hui, vous achetez dans les banlieues
de Montréal des terrains jusqu'à 10 $ du pied carré.
Mme Blackburn: Là, on compare 1989-1990 et 1990-1991; on
ne s'en va pas 10 ans en arrière. Ça fait déjà
plusieurs années que les municipalités transfèrent au
nouvel acquéreur les infrastructures.
M. Di Muro: Mais on a donné le prix moyen des maisons
dernièrement, et on s'est aperçu que le prix moyen des maisons,
dans toutes les régions, a baissé. Il ne faudrait pas dire que
nécessairement le prix...
Mme Blackburn: Je ne le sais pas. C'est parce que je me base sur
ce qui était fourni par la Société canadienne
d'hypothèques et de logement. Mais, évidemment, ça
comprenait le neuf et l'usagé. Il faudrait voir.
M. Paré (Michel): On a fait une étude
récemment, et elle a été largement publiée dans les
médias, sur un échantillonnage de 4000 maisons neuves. Les
coûts ont diminué, je ne sais pas de quel pourcentage, de
mémoire. C'est
toujours loin quand on a besoin des chiffres, mais les coûts de la
maison neuve ont diminué, sur un échantillonnage de 4000 maisons,
partout en province.
Mme Blackburn: Ce serait intéressant, quand vous mettrez
la main dessus, de nous en envoyer une copie...
M. Paré (Michel): Nous vous l'enverrons, et à tous
les membres de cette distinguée commission.
Mme Blackburn: Votre recommandation, brièvement, deux
recommandations, toujours à la page 13, vous dites: «Que soit
reconnu le droit de tout entrepreneur spécialisé qui travaille
avec des salariés, d'une façon intermittente, de pouvoir
exécuter seul des travaux relatifs à sa spécialité,
en autant qu'il déclare des heures réalisées par un
salarié à la CCQ.»
Hier, on nous a dit que ce serait à peu près sans effet,
parce qu'il pourrait déclarer 40 heures, par exemple, et ce serait fait.
Vous étiez peut-être là?
M. Di Muro: Non, mais il y aurait peut-être des normes
intelligentes. Si on est employeur, je pense qu'on devrait être capable,
au moins, de déclarer l'équivalent d'un plein emploi d'un
employé, selon aussi la spécialité, parce que vous avez
des spécialités qui fonctionnent six mois par année. Il ne
faut pas que ce soit une règle générale.
Mais, par contre, si une personne, une compagnie, déclare au
moins 1500 ou 1600 heures travaillées, bien, ça pourrait
être un barème de départ. Il pourrait y avoir autre chose
de plus sophistiqué, mais ce serait quand même une façon de
contrôler, au départ, s'il est employeur ou non. Parce que, tel
que libellé, le gars pourrait payer 10 heures, et il est employeur.
Mme Blackburn: Votre recommandation - et je termine
là-dessus - en page 15, qui parle d'une série d'incitatifs
fiscaux et de mesures de soutien au consommateur, qui lui permettrait d'avoir
recours à des services de spécialistes, et non pas de travailler
au noir, est particulièrement intéressante. Il faudrait que vous
vous assuriez que ce soit envoyé au ministre des Finances.
M. Paré (Michel): Ça fait longtemps que c'est fait,
madame!
Mme Blackburn: C'est fait? Bien.
M. Linteau (Robert): C'est parce qu'on a changé de
ministre des Finances.
M. Di Muro: Quand ils commencent à comprendre, ils nous
les changent.
Mme Blackburn: Ah bien là! on pourra toujours regarder
ça quand ils se décideront.
Le Président (M. Gauvin): Je vous remercie C'était
tout le temps qui nous était alloué. En conclusion, M. le
ministre, les commentaires de conclusion.
M. Cherry: Bien, d'abord, merci d'avoir accepté notre
invitation et d'être venus, et qu'on ait pris cette
période-là pour, principalement, parler du travailleur autonome
plutôt que d'avoir tendance, comme ça a été fait
depuis les deux premiers jours, de trop déborder sur l'aspect du travail
au noir, même si les deux sont intimement reliés.
J'aime rappeler presque à chaque intervenant que le but du projet
de loi n'est pas d'empêcher l'autonome de travailler. C'est bien de lui
délimiter un champ d'activité qui est le sien,
présentement, que ce soit de l'entretien, de la réparation, de la
rénovation. Ça, là, ça lui permet de faire
ça, parce que vous avez sans doute été témoins
de... Il y a eu des messages qui ont été véhiculés,
qui ont induit en erreur et les membres de ces organisations-là et la
population, à savoir qu'il fallait être deux pour aller changer un
fusible ou qu'il fallait être deux pour aller changer un robinet. Ce
n'était pas ça, et ce n'est pas ça qu'est le but du projet
de loi. Mais je reconnais qu'il y a des propositions intéressantes dans
votre mémoire, et, pour mon ami Di Muro, les postes que vous occuperez
comme organisme au sein de la Régie du bâtiment - au moins, au
niveau du conseil consultatif - vous permettront d'amener la contribution qui
est la vôtre et qui fera progresser l'industrie de la construction au
Québec.
M. Di Muro: Nous avons hâte, quand même, de
connaître la possibilité de siéger là, puis dans le
plus rapidement possible.
M. Paré (Michel): Ce n'est pas le conseil consultatif
qu'on demande, c'est le conseil d'administration.
Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le ministre. Mme la
députée de Chicoutimi, en conclusion.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Je vous remercie de
votre présentation ici. Ça nous a permis de clarifier un certain
nombre de choses. Je trouve intéressante votre présentation parce
qu'elle se situe, je dirais, entre la présentation des deux autres
organismes regroupant des entrepreneurs, l'AECQ et l'APCHQ, et vous me semblez
plus proches de la définition qui dit que, finalement, l'entrepreneur
autonome... Tel que libellé, la loi est peu claire, ne corrigera pas
grand-chose, crée plus d'ambiguïté qu'elle ne clarifie la
situation. Et vous rappelez aussi.
c'est ce que j'ai voulu retenir, que cette situation fait que
l'entrepreneur autonome entre en compétition avec des entrepreneurs qui
ont déjà des salariés. Il va falloir clarifier
ça.
J'espère seulement que le ministre a bien compris parce qu'il va
falloir qu'on rende la loi plus claire. Ça m'apparaît
évident pour tout le monde, y compris pour le consommateur,
tantôt, y compris pour les entrepreneurs en construction. Je vous
remercie de votre participation.
Le Président (M. Gauvin): Merci, Mme la
députée de Chicoutimi. À ce moment-ci, j'aimerais
remercier M. Lafontaine, M. le président, et tout votre groupe de votre
présentation, ici, à cette commission.
Nous allons suspendre nos travaux pour une minute ou deux, pour
permettre au Conseil provincial du Québec des métiers de la
construction de prendre place.
(Suspension de la séance à 11 h 20)
(Reprise à 11 h 32)
Le Président (M. Gauvin): La commission se prépare
à reprendre ses travaux. J'inviterais les membres de cette commission
à prendre place, s'il vous plaît. Merci. Comme je le mentionnais,
la commission reprend ses travaux, et nous accueillons, à cette
période-ci, le Conseil provincial du Québec des métiers de
la construction, représenté par M. Maurice Pouliot,
président-directeur général. Et j'inviterais M. Pouliot
à nous présenter ses collaborateurs, s'il vous plaît. M.
Pouliot.
Conseil provincial du Québec des métiers
de la construction (international)
M. Pouliot (Maurice): M. le Président, pour
débuter, à mon extrême gauche, le confrère
Gérard Cyr, gérant d'affaires du local 144 des plombiers et
vice-président du Conseil provincial; Mme Francine Legault, qui est
agente d'information du Conseil provincial; Yvan Bertrand est gérant
d'affaires des tireurs de joints et secrétaire-archiviste du Conseil
provincial; Pierre Labelle, l'adjoint au président-directeur
général du Conseil provincial, et Maurice Mongeon,
vice-président du Conseil provincial et aussi gérant d'affaires
des charpentiers-menuisiers d'Amérique.
M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs. Pour
nous, c'est une déception extrême d'être obligés,
encore une fois, de se retrouver devant la commission parlementaire pour tenter
de solutionner le problème de l'industrie de la construction, du travail
au noir, de l'autonome. Et, quant à nous, ça vaut plus que
l'entrepreneur autonome. Et je voudrais, pour débuter, faire une mise au
point. Il y a eu effectivement une déclaration dans le journal
Le Soleil, ce matin, à l'effet que le Conseil provincial
pouvait accepter de modifier le décret. On a déjà
modifié le décret le 23 octobre 1991, et on pourrait encore
modifier le décret, mais dans le texte du journal, il manque un bout.
C'est à l'effet que si les entrepreneurs peuvent nous garantir 1800
heures à chaque travailleur de l'industrie de la construction, on serait
d'accord de rouvrir le décret, et on peut le faire en vertu de l'article
51 de la Loi sur les relations du travail. Mais ce n'est pas vrai qu'on a
dit... Des fois, c'est mal interprété, les paroles qu'on peut
mentionner. Et je voudrais aussi vous mentionner que les intervenants... Mme
Legault va vous parler des avantages sociaux de l'entrepreneur autonome, les
administrateurs qui profitent du régime des travailleurs de l'industrie
de la construction. Et M. Bertrand va vous parier de la sous-traitance dans le
résidentiel. Contrairement à ce qu'on a mentionné en
commission parlementaire, certaines associations... et je n'ai probablement pas
besoin de vous mentionner que j'ai tout entendu les associations qui se sont
présentées devant la commission parlementaire.
Et, évidemment, le mémoire du Conseil provincial est celui
qu'on vous a soumis le 6 décembre 1991. Et, entre nous autres, entre le
6 décembre et le 20 février, il n'y a pas eu tellement de
changements. Donc, c'est un des points dont on est déçus de se
retrouver encore devant la commission. On a, par contre, des notes
additionnelles qu'on a soumises pour information, des articles de journaux, la
perte de certificats de compétence, et ainsi de suite. Et j'ai deux
copies de plaintes sur les chantiers de construction, et dont je peux remettre
une copie au ministre et une copie à l'Opposition officielle. Ce sont
des plaintes qui sont fondées et on va se rendre compte que, souvent,
c'est même sur les autoroutes de différentes constructions.
Ça implique environ 200 travailleurs et la majorité de ces
travailleurs-là, évidemment, n'avaient pas de carte de
compétence.
Donc, il est clair que des commissions... On a eu différentes
commissions qui ont été créées. La FTQ-Construction
a déposé la majorité des mémoires, leurs
mémoires, et il y en a peut-être là-dedans qui faisaient
aussi partie du Conseil provincial. Mais, de toute évidence, il y a eu
une multitude de comités. Évidemment, ça a toujours
été des experts, M. Jean Sexton, ou M. Picard, ou M. Mireault ou
d'autres qui ont présidé les différents comités sur
le champ d'application de la loi sur la faisabilité et la
réduction des heures de travail, des comités par dessus
comités. Et on se retrouve encore aujourd'hui, il semblerait que ce ne
soit pas clair. On dit: Wo! Il y a un projet de loi. La loi 186 a passé.
On y a enlevé, en ce qui nous concerne, quelques dents qu'il avait au
début, et là on dit: Ecoute, ça pourrait être
acceptable, mais on va, effectivement, revenir là-dedans.
Il faudrait aussi se rappeler qu'en juin 1991,
la FTQ-Construction, la CSN-Construction, le Conseil provincial et
l'AECQ acceptaient le plan d'action du ministre du Travail. Il y avait toutes
sortes de mesures là-dedans à la suite du rapport Picard-Sexton:
un sous-mlnistre adjoint au Travail, la publicité concernant le travail
au noir. Évidemment, il y avait aussi un montant d'argent inclus
là-dedans, et on s'interroge sur tout ça. Le comité sur le
champ d'application de la loi est, M. le Président, le coeur du
problème en ce qui nous concerne. Effectivement, le comité, selon
mes informations, n'a pas remis son rapport. Lorsqu'on avait discuté
avec le ministre, évidemment, j'ai envoyé à la blague:
«Décembre, mais quelle année?» Il a dit:
«Décembre 1991, le rapport». Mais on est rendus en
février 1992, pas de comité et pas de rapport. Par contre, des
décisions sont rendues à l'effet que des travaux, dans
l'industrie de la construction, ne sont pas assujettis soi-disant par des
employeurs professionnels dont l'activité principale est d'effectuer des
travaux de construction ou de machinerie de production. La terre, c'est une
machinerie de production. Ça retourne, ça produit, selon le
dictionnaire.
Et on se retrouve aussi dans la même situation. Le champ
d'application de la loi, il est de plus en plus restreint. On le restreint. Par
contre, on veut augmenter le nombre de travailleurs de l'industrie de la
construction. Le ministère de l'Éducation fait de la
publicité: Allez-vous-en dans la construction, les travailleurs, c'est
payant. Mais on oublie de leur dire qu'il y a, effectivement, environ 140 000
travailleurs dans l'industrie de la construction, 136 000 pour être plus
exact, selon les chiffres qu'on avait obtenus, et qu'il y en a un gros
pourcentage qui vont perdre leur carte de travailleur de l'industrie de la
constrution. Pourquoi ils perdent leur carte? Ils n'ont pas fait une heure
enregistrée à la Commission de la construction du Québec,
une heure au cours des 14 derniers mois.
Évidemment, il y a la question de dire: Bon, il y a ceux qui ont
une carte de compétence compagnon qui peuvent formuler une demande
à la CCQ qui doit leur remettre leur carte. Dans le cas des occupations,
c'est totalement une autre chose. Ils n'ont pas fait une heure. Normalement,
ils perdent leur carte et les apprentis des 23 métiers dans l'industrie
de la construction perdent aussi leur droit au travail. D'un autre
côté, on se fait voler nos jobs sur les chantiers de construction.
Donc, quant à nous, c'est totalement inacceptable d'arriver avec des
choses semblables.
On vous a remis une copie d'une décision du commissaire de la
construction de la mine Louvicourt. C'est un projet de 125 000 000 $ et le
commissaire, évidemment, on ne peut pas le blâmer, selon la
rédaction de la loi actuelle, dit que la machinerie de pollution, c'est
exclu. Ce qui est un peu drôle dans l'industrie de la construction, on
prend la loi, on lit l'article 1. f qui donne la définition de ce qu'est
la construction. Il y a deux paragraphes. Et on prend la même loi, on
s'en va à l'article 19. Là, c'est les exclusions à la loi.
Il y a 18 paragraphes. C'est une loi d'exclusion. Ce n'est pas une loi
d'assujettissement. C'est de plus en plus... Là-dessus, on retrouve,
entre autres, l'entrepreneur autonome. Il fait partie de l'article 19. Pas
content de ça, on dit encore: Peut-être qu'on va voir... Mais les
travailleurs qui perdent leur droit au travail, il peut y en avoir... Bon,
selon les chiffres de la CCQ, 43 620. C'est, à un moment donné,
32, 4 % des travailleurs qui ont droit au travail dans l'industrie de la
construction. D'un autre côté, bien, on dit: Écoute, le
travail au noir est là, ça continue de plus belle et on va voir
ce qu'il arrive. Il faut peut-être mentionner que, dans l'industrie de la
construction, on s'est basé sur des heures. Si on prend, à un
moment donné, une moyenne de 800 heures, la construction d'une maison,
ça peut être 800, ça peut être 1000 heures, ça
peut être 200, ça dépend. Évidemment, si c'est une
maison d'un juriste, peut-être que c'est 200 000 $, si c'est une maison
d'un plombier, ce qui est mon cas, bien, ça peut être une maison
de 80 000 $ ou 100 000 $. Ça varie.
Mais, évidemment, le problème est là. On sait qu'il
y a une échappatoire, qui est inacceptable, des heures dans l'industrie
de la construction. Et ce qu'on fait pour aller récolter ces
heures-là, il y a la police qui peut s'appeler la Commission de la
construction du Québec, dont je suis un des membres du conseil
d'administration. On essaie de faire notre possible, mais on sait très
ouvertement que les heures ne sont pas enregistrées, et on fait quoi? Il
y a une perte d'environ 10 000 000 d'heures. Il y a 21 000 chantiers en 1992,
des bungalows, qui devraient être construits selon le service de
recherche de la Commission de la construction du Québec. Et ça,
évidemment, si on prend que 1 000 000 d'heures perdues nous fait perdre
à la Commission 350 000 $, donc, ça veut dire un manque à
gagner de 3 500 000 $ si les heures étaient toutes rapportées
à la Commission de la construction du Québec.
D'un autre côté, l'État «garroche» des
mandats à la Commission de la construction du Québec. Il dit:
Envoyez, occupez-vous de la formation professionnelle, occupez-vous des
licences, occupez-vous de... Mais le chèque s'en vient. M. Séguin
nous avait promis: Pas de problème, la semaine prochaine vous allez
avoir le chèque, lorsqu'il était ministre du Travail et du
Revenu. On était dans une réception avec le président de
la Commission et les membres du conseil d'administration. Moi, j'ai dit:
Écoutez, ce n'est pas sérieux. On se rend compte... Le ministre
n'est plus là, il a démissionné, mais on n'a jamais eu de
chèque. Mais, par contre, la Commission a encore, effectivement, les
mandats que lui impose la loi. Et ça, quant à nous, ça
devient totalement inacceptable. On ne peut pas faire ça.
Lorsqu'on a parlé, au cours des trois jours de la commission
parlementaire, des artisans versus les entrepreneurs autonomes, le nombre a
augmenté de 2000 ou à 10 000. C'est difficile d'arriver avec un
chiffre exact. Ce qui s'est produit, c'est qu'on a donné une belle place
au soleil aux entrepreneurs autonomes. Vous savez, ils font pitié ces
gens-là. Ils font simplement ne pas payer d'impôt. Ils se
promènent dans des grosses automobiles. Ils ont des avions et ils en
arrachent. C'est la misère noire! La misère des riches qu'on peut
appeler ça. Donc, à ça, on dit: Bien, écoutez, ils
ont déjà tous les travaux d'entretien, rénovation,
réparation, de personne physique. Il avait été, en
principe, accepté, le projet de loi 31, par l'organisme que je
préside. On s'est dit: D'accord, mais ils vont nous laisser la
construction neuve, aux travailleurs et aux employeurs de l'industrie de la
construction, et ce n'est pas le cas. Les différentes associations vous
ont dit très «clair» que ce qui s'est produit...
Dans le mémoire du Conseil provincial, vous allez retrouver que,
effectivement, il y a pour des millions de dollars qui sont perdus par rapport
à ça. Donc, on se dit... L'APCHQ leur avait donné des
trucs, comment aller s'incorporer pour aller à rencontre de la loi 31,
et ça, on retrouve ça dans notre mémoire du Conseil
provincial. Donc, on dit: Écoute, va t'incorporer, tu as un gros champ
d'activité, et pas content de ça, on empiète sur la
définition de «travaux mineurs». Actuellement, sur
Hydro-Québec, à Montréal, dans l'édifice
d'Hydro-Québec, on est en train de changer des millions de pieds de
tapis. Ça, c'est des travaux mineurs ou majeurs, mais ça
représente des centaines de milliers de dollars et ça, ce n'est
pas fait par des travailleurs de l'industrie de la construction. C'est fait par
des illégaux. J'ai deux documents à vous remettre, comme je l'ai
expliqué, qui vous donne, hors de tout doute, c'est des entrepreneurs.
C'est des plaintes, effectivement, qui sont fondées, des gars qui
travaillent pas de carte. (11 h 45)
Selon le rapport de la CCQ qui a été déposé
à l'Assemblée nationale, il y a des infractions, des rapports
d'infractions. En 1990, il y en a eu 55 539. Et les gens, il y en a plusieurs
qui travaillent sans carte de compétence de la CCQ. Ils volent les jobs
de ceux qui devraient travailler, le travailleur de l'industrie de la
construction. Et on repose la même question: Est-ce que le travailleur
dans l'industrie de la construction - ça peut être un
«manoeuvre», une occupation, un mécanicien d'ascenseur - a
le droit au travail dans l'industrie de la construction? Vous savez, lorsqu'on
nous arrive, il y en a x milliers dans la construction, ils vont perdre leur
carte, le ministère de l'Éducation nous dit: II y a un
règlement sur le certificat de délivrance. Il doit en rentrer un
autre 4000. Nous autres, on pense que ça n'a pas d'allure. Et il est
temps que ça arrête, et c'est urgent. La situation est en train,
M. le Président, de se détériorer. Et il est faux de
prétendre qu'un plombier peut construire une maison tout seul. Je vois
mal ça, moi, un plombier qui va installer une «tank»
à l'eau chaude de 45 ou 60 gallons tout seul, ou un bain. Il a besoin
d'être bien gros et bien fort pour faire ça tout seul. Ça
se fait avec l'aide... Et je pense que la démonstration de la
Corporation des électriciens est assez claire. Un gars qui donne un coup
de main, et ça peut être un gars qui n'a même pas de carte.
Mais nos travailleurs font quoi? C'est là qu'est
l'échappatoire.
On a aussi parlé beaucoup du consommateur. On a, effectivement,
appelé à l'Office de la protection du consommateur du
Québec, et on retrouve ça dans les notes, à la page 6, les
notes additionnelles, que 10 %, effectivement, des plaintes traitées par
l'Office du consommateur ont trait aux travaux de rénovation dans
l'industrie de la construction. Et je pense que le ministre l'a dit très
clairement: Ce n'est pas assujetti. Tu n'as pas besoin de carte pour faire
ça. Mais ce monde-là nous appelle, les syndicats, les
associations d'entrepreneurs... Qu'est-ce que je vais faire? Bien, c'est
là, la protection du consommateur, et on leur charge exactement le
même prix. La Corporation des plombiers vous l'a mentionné, on a
appelé... Ce qu'eux autres recommandent, c'est 53 $ de l'heure et c'est
ça qui devrait être payé. Le consommateur n'est pas au
courant de ça. Il paie, et là il essaie de retrouver ce
bonhomme-là. Et là, réellement, il a un problème
substantiel avec ça. On ne peut pas retrouver ces
bonhommes-là.
On a aussi, à l'intérieur, comme vous le savez, le Fonds
d'indemnisation qui a été négocié par les
décrets. Lorsque le gouvernement nous a imposé un décret,
il a toujours reporté le même 0,02 $ de l'heure. Le Fonds a
payé en 1991 la somme de 4 174 000 $. On retrouve ça en annexe
à la pièce 9 du Conseil provincial. Et ça, c'est de la
concurrence déloyale. Les bons entrepreneurs, en majorité, font
faillite parce qu'ils se font voler des jobs par les entrepreneurs, les
«chaudrons» et ainsi de suite. Les vrais entrepreneurs, eux, font
faillite et le Fonds d'indemnisation paie. C'est des millions de dollars. Sans
compter que si tout le monde payait ses impôts, bien, effectivement
l'État pourrait peut-être nous charger un peu moins cher.
Concernant la notion de «travaux mineurs», moi, je peux vous dire
qu'au centre d'achats Langelier à Montréal, Langelier et
Jean-Talon, il y a eu des magasins qui ont été
exécutés là, et ce sont effectivement des entrepreneurs
autonomes qui prennent l'argent d'une poche et se la mettent dans l'autre
poche. C'est eux autres qui sont les patrons. Donc, le problème est
là. Il est très grave. Le champ d'activité... Je pense que
le
gouvernement doit aller de l'avant et cesser de restreindre le champ
d'application de la loi dans l'industrie de la construction.
Pour l'instant, je vais passer le micro à Mme Legault qui va vous
parler des avantages sociaux.
Le Président (M. Gauvin): Mme Legault, oui.
Mme Legault (Francine): Alors, au niveau des avantages sociaux,
les entrepreneurs autonomes ou les administrateurs uniques sans salariés
qui n'enregistrent aucune heure à la CCQ, en plus de voler nos jobs,
bien ils font financer leur régime d'assurance par les travailleurs
honnêtes, par les travailleurs réguliers de la construction. Ces
gens-là déclarent le minimum d'heures sur leur rapport mensuel,
deviennent assurés en vertu du Régime d'assurance des
travailleurs de la construction et vont réclamer beaucoup plus que le
travailleur régulier. À la pièce 5, dans les notes
écrites, vous avez des données qui nous ont été
fournies par la Commission de la construction du Québec. Ces
gens-là vont... Si on va au premier semestre de 1991, ces gens-là
ont payé 380 $ en cotisations pour leur régime d'assurance, ils
en ont retiré 532 $, ce qui nous fait dire que ces
entrepreneurs-là siphonnent le régime. Le travailleur de la
construction sur les chantiers, quand il travaille, lui, il n'a pas le choix.
S'il exécute 40 heures par semaine, l'employeur va enregistrer 40 heures
par semaine sur le rapport mensuel à la CCQ. L'entrepreneur autonome ou
l'administrateur qui n'a aucun employé, c'est lui qui remplit son
rapport mensuel, donc il déclare le minimum d'heures; règle
générale, ce sont des gens qui vont se déclarer 25 heures
par semaine et ils vont maintenir les assurances en force. Quand ils ont un
accident de travail, au lieu de payer des cotisations à la CSST, ce que
ces gens-là disent: Je me suis fait ça la fin de semaine chez
nous en jouant au hockey, et ces gens-là embarquent sur notre
régime d'assurance-salaire. C'est ça qu'on reproche au niveau des
avantages sociaux aux entrepreneurs autonomes et aux administrateurs sans
employés. Ce sont des gens qui siphonnent les régimes d'assurance
qui sont payés par les travailleurs réguliers, par des gens qui
veulent suivre les règles du jeu.
On a un deuxième problème au niveau des avantages sociaux.
Vous avez des travailleurs qui oeuvrent sans carte sur les chantiers. M.
Pouliot vous expliquait que, dans le rapport d'activité, la CCQ nous
disait qu'il y avait au-delà de 30 000 infractions en 1990 qui avaient
trait à l'absence de certificat de compétence sur les chantiers.
Ces gens-là, quand la CCQ les prend à travailler sans carte de
compétence, il y a une réclamation qui est faite. Dans la
réclamation, on inclut les paiements qui doivent être faits en
vertu des avantages sociaux des travailleurs de la construc- tion et,
éventuellement, ces travailleurs illégaux là deviennent
assurés et deviennent bénéficiaires du régime
d'avantages sociaux des gars de la construction. Donc, en plus de voler nos
jobs, en plus de travailler illégalement, comble de l'absurde, on rend
ces gens-là admissibles à nos régimes d'assurance et c'est
nos gars qui paient pour ça. Donc, au niveau de ce qu'on reproche aux
entrepreneurs autonomes et aux illégaux, c'est carrément de
profiter de tout le système sans jamais payer leur juste part. Ça
complète au niveau des avantages sociaux.
M. Pouliot: M. Bertrand va vous parler de la sous-traitance.
Le Président (M. Gauvin): M. Bertrand.
M. Bertrand (Yvan): Avant de nommer des noms, les gens que je
vais nommer, les entrepreneurs généraux et sous-traitants en
travaux ne font pas pire ni mieux que tous les autres entrepreneurs. On nous a
demandé de donner des faits vécus. J'ai pris un contracteur dans
mon bout et les sous-traitants pour dire comment ça se passe
réellement.
Vous avez Loignon, Durand, Quévillon, entrepreneurs
généraux qui construisent à Lachenaie, Terrebonne,
Mascouche, principalement dans ces régions et dans d'autres
régions, qui donnent la pose et le tirage de joints, la gypse, à
Dominique Grondin. Dominique Grondin donne sa pose à différents
sous-traitants, donne le tirage de joints à des entrepreneurs autonomes
qu'on dit «entrepreneurs incorporés», que ces gens-là
peuvent, s'ils veulent, avoir des salariés, mais ils n'en veulent pas.
C'est bien simple, si vous prenez un entrepreneur autonome qui va vous donner
le choix de dire: Je prends un apprenti ou un compagnon avec moi, je suis
obligé de déclarer ses heures, ses avantages sociaux, la CSST...
Ou je me revire de bord, la loi dans le moment me permet de donner ça
à un autre entrepreneur autonome, qui est encore un entrepreneur
spécialisé, on n'a pas besoin de faire de rapport nulle part.
Ça, ça continue d'un à l'autre. Ces gens-là ne sont
pas pire que les autres, je vous l'ai dit. C'est le vécu.
Nous, on s'en va sur le chantier, ce bonhomme-là travaille seul
ou on va rencontrer un sableur, là, il est au noir. Des fois, je me
demande si la nouvelle technologie... Le type, lorsqu'il y a un
«rush», qu'il n'a pas le temps, il va prendre quelqu'un qu'il
connaît pour faire faire un petit peu d'ouvrage. On est à se
demander si ce n'est pas une nouvelle technologie, ils fournissent le gars avec
la sableuse pour faire son ouvrage; sinon, on arrive dans une maison - c'est
mon métier - il y a deux porte-mortier, lui, il en a un, il y en a un
autre qui se traîne là avec des truelles. Je n'ai jamais vu
ça un tireur de joints avec deux porte-mortier, deux «sets»
de truelles, deux «sets» de «glazer» pour
travailler. Je peux vous nommer les compagnies où je travaillais,
et je passais pour un bon homme. Peut-être qu'il va falloir que je
retourne me recycler. C'est rendu de même, et c'est partout. Lorsqu'on
vous dit que c'est généralisé, et que ce n'est pas vrai
que si vous donnez, entre deux systèmes établis, l'employeur et
le salarié et certains groupes qui peuvent passer entre les deux, qui
peuvent déclarer ce qu'ils veulent, ce n'est pas vrai que la
construction va résister longtemps. Les bonnes compagnies commencent
à perdre du pouvoir, on vous l'a dit. Le vécu, c'est ça.
Partout, allez sur le résidentiel, c'est ça. On transmet à
un autre salarié autonome, puis ils ne veulent pas en engager de gars
parce qu'ils ne veulent pas faire de rapport et ils ne veulent pas payer les
avantages. Nous autres, on dit: On prend notre monde en main; on leur donne une
assurance-salaire-maladie; on leur négocie un fonds de pension. À
côté, vous mettez du monde qui veut jouer au noir.
Réellement, c'est illogique!
M. Pouliot: M. le Président, en conclusion, je pense que
le gouvernement devrait adopter la loi 185. Il est urgent, il est plus
qu'urgent. Même en période de récession, c'est encore pire.
On veut la création du fonds de formation professionnelle,
l'élargissement du champ d'application de la loi. C'est évident
qu'on ne pense pas qu'on va tout éliminer le travail au noir dans
l'industrie de la construction. C'est faux. Le cancer est là-dedans et
il est en train de tuer l'industrie de la construction. Ça, on sait
qu'on peut l'arrêter. Quand même qu'on dirait: On va revenir
à la prochaine commission parlementaire en 1993 ou en 1994, et là
on va dire, il y en a encore. Il va toujours y en avoir. Mais au moins, on va
l'avoir limité. On a demandé aussi... Vous savez, on parle
beaucoup de la police du tabac, j'ai lu ça dans une revue
récemment. Ça a l'air bien intéressant, il y a quelques
millions qui se perdent. Mais la police de l'industrie de la construction, les
représentants syndicaux, M. le ministre, on pourrait faire ça.
C'est notre travail de veiller à l'application de notre convention
collective, et on pourrait aller chercher 500 000 000 $. Pas nous autres,
l'État, et peut-être qu'il pourrait y avoir une diminution des
impôts qu'on paye. C'est ce que l'on demande au ministre. Il est urgent
qu'il réagisse et que les gars reprennent leur droit au travail. On a le
droit de travailler. Nos membres, les travailleurs de l'industrie de la
construction ont un droit sacré. Qu'on arrête d'exclure. Les
millions d'heures qu'on se fait voler sur la résidence sont là.
Ce ne sont pas des chiffres qu'on a inventés. Ce sont des chiffres que
nous a remis la Commission de la construction du Québec. Ils sont
là. Elles sont où, ces heures-là? On sait qu'il y a des
policiers, des pompiers, etc., qui viennent faire notre job: le gyproc, la
peinture, un paquet de choses qui se font de même dans la construc- tion
neuve. On n'a jamais accepté une chose semblable. Merci.
Le Président (M. Gauvin): Merci, M. Pouliot. Je reconnais
à ce moment-ci M. le ministre.
M. Cherry: Tout d'abord, merci d'avoir accepté de venir en
commission parlementaire. Je sais que ce n'est pas la première fois que
vous intervenez sur l'ensemble de l'industrie de la construction, mais vous
reconnaîtrez que c'est sûrement la première fois qu'il y a
une commission parlementaire qui cible, de façon bien
particulière, le rôle de l'«autonome» dans l'industrie
de la construction. Ça, dans ce sens-là, je pense que l'exercice,
qui en est à sa troisième journée, nous a apporté
un éclairage bien différent de la perception qui avait
été véhiculée en décembre. En ce
sens-là, je suis convaincu que ça va nous aider dans le
cheminement qu'on doit faire pour l'adoption du projet de loi.
Je reviendrai, madame, à une question parce que pendant que je
vous écoutais, même si je lis, je fais au moins deux choses en
même temps, on peut faire ça. Vous avez dit: Ces gens-là
rapportent le minimum d'heures - on parle toujours d'un entrepreneur autonome -
simplement pour se qualifier, et c'est ça qui lui permet, après
ça, de présenter ses réclamations. Vous avez dit: On en a
fait une moyenne de cela. Par rapport à ce qu'ils ont
déclaré, le nombre d'heures pour lequel ils ont cotisé par
rapport aux réclamations qu'ils ont présentées, on arrive
à ce qu'il ont - votre expression est «siphonne le
système» - parce que l'ensemble des réclamations
dépasse l'ensemble des contributions. Vous qui êtes
familière avec cet aspect-là, je serais tenté de vous
demander qu'est-ce qui oblige la CCQ à accepter des contributions de ces
gens-là dans cette forme-là? (12 heures)
Mme Legault: C'est dans la loi, M. le ministre. C'est la loi et
le règlement sur les avantages sociaux qui obligent la Commission de la
construction du Québec à accepter les contributions. Il faut
quand même préciser, au départ, qu'on était d'accord
pour permettre à ce qu'on appelle la supervision: aux
contremaîtres, aux surintendants, aux travailleurs qui vont occuper ce
genre de poste là. Comme c'est habituellement des travailleurs de la
construction qui accèdent à des postes de supervision, on
était d'accord pour permettre à ces gens-là de pouvoir
continuer à contribuer à leur régime d'avantages sociaux.
On trouvait que c'était normal, que c'était un droit acquis. Avec
les années et avec la venue des entrepreneurs autonomes et des
entrepreneurs autonomes qui se sont incorporés, eh bien, ces
gens-là ont profité du système.
Si on prend les chiffres de la CCQ, je n'ai pas les rapports mensuels et
je ne connais pas le nombre d'heures moyen qui est enregistré, mais j'ai
fait quelques calculs. Ces gens-là, à mon
avis, quand on regarde les contributions qu'ils ont versées, si
on le divise par la cotisation horaire qui sert à payer les assurances,
c'est des gens qui vont enregistrer 50 heures par mois environ, pas tellement
plus que ça. C'est des gens qui vont payer 109 $ de cotisation
volontaire et, oup, il vont être assurés. Tandis que le
travailleur régulier doit payer beaucoup plus que ça pour
être assuré parce qu'il ne contrôle pas la rédaction
du rapport mensuel.
M. Cherry: Donc, ce que vous... Mme Legault: J'aimerais juste
ajouter... M. Cherry. Oui, allez-y.
Mme Legault: Tantôt, juste la pièce avant,
l'Association des entrepreneurs en construction du Québec il y a un
bulletin d'information qui est publié à tous les mois; je vous
parlais tantôt de l'utilisation de l'assurance-salaire, au lieu que les
entrepreneurs s'inscrivent à la CSST, paient les cotisations qu'ils
doivent payer lors d'un accident du travail, eh bien, dans le journal
Stratégie qui est publié par l'AECQ le 4 novembre 1991,
l'AECQ a senti le besoin de dire à certains entrepreneurs, et on imagine
que c'est aux entrepreneurs autonomes: Eh bien, écoutez, quand vous avez
un accident du travail, vous pouvez vous enregistrer à la CSST, vous
pouvez payer des cotisations et c'est là que vous devez réclamer
parce que l'assurance-salaire des travailleurs de la construction, ça
protège nos gars en dehors des heures de travail, et ça ne doit
pas servir à d'autres fins, parce que ce qu'on paie en plus, c'est des
bénéfices en moins que les travailleurs reçoivent.
À mon avis, le manque à gagner, l'absence de contribution
qui est versée par les entrepreneurs autonomes, c'est peut-être de
l'ordre de 700 000 $ - je vous demande de prendre mes chiffres avec beaucoup de
réserve parce que c'est des estimations qu'on fait, mais 700 000 $,
c'est trois-quarts dessous l'heure travaillée et c'est ça que
ça coûte à notre régime pour instaurer tous les
programmes de prévention, d'assurance-salaire et de remboursement lors
du traitement de l'alcoolisme et de la toxicomanie. Nous autres, avec 750 000
$, avec 700 000 $, on est capables de donner des bénéfices
à nos gars; ça sert à quelque chose. C'est un peu plus
intéressant que de donner ça à des gars qui volent nos
jobs.
M. Pouliot: M. le ministre, je peux peut-être donner une
information additionnelle. On avait demandé au conseil d'administration
de la CCQ une opinion juridique qui nous a été remise le 25 juin
1991 par la Commission, Me Jean Ménard, à l'effet que la
Commission ne peut pas refuser l'argent qui entre sur un rapport d'employeur,
qu'il ait une carte ou qu'il n'ait pas de carte. Effectivement, la Commission
reçoit l'argent et le travailleur va tomber inéligible. C'est un
illégal, puis il tombe dans le régime de l'assurance, et c'est
l'opinion que j'ai ici et qu'on pourra vous transmettre.
M. Cherry: O.K. Je peux comprendre la rationnelle de
l'explication de madame, en sachant que, à un moment donné,
quelqu'un accède à un poste de supervision, comme vous disiez;
comme il avait des droits acquis, il est là et il est peut-être
dans la supervision temporairement. Pourquoi lui enlever ça? Ça,
je peux comprendre cette logique et cette rationnelle. Ce n'était
sûrement pas fait pour couvrir des entrepreneurs autonomes.
Mme Legault: Non.
M. Cherry: Bon. O.K. Donc, ma première question,
c'était: Pourquoi est-ce que vous les acceptez? On vient de me
dire...
Mme Legault: C'est la loi.
M. Cherry: ...il y a eu une décision. Bon. Vous les
acceptez par réglementation de la CCQ et, ensuite, vous soumettez cela
au gouvernement pour approbation.
Une voix: Et voilà!
M. Cherry: Donc, les parties qui font la réglementation,
vous décidez que vous les acceptez et là, vous soumettez
ça au gouvernement et c'est là que ça devient la loi.
Est-ce que la réglementation ne vous permettrait pas de fixer un nombre
d'heures pour ce monde-là pour empêcher... Je veux dire, si la
moyenne d'heures dans l'industrie de la construction, et c'est pour ça
que je pose ma question, si la moyenne d'heures c'est 1000 heures cette
année, comme eux autres décident qu'ils sont autonomes, est-ce
que c'est pensable, est-ce que vous avez envisagé quelque chose comme
ça à la CCQ, au moins de fixer la moyenne d'heures de tout le
monde et qu'ils contribuent comme tout le monde? Autrement, on revient à
ce que vous avez décrit tantôt, à savoir qu'ils en
enregistrent le minimum pour se qualifier et s'assurent de présenter la
facturation maximum à chaque fois qu'ils en ont une chance.
Le Président (M. Gauvin): Mme Legault.
Mme Legault: Bien, il y a une précision que j'aimerais
apporter, c'est que c'est un phénomène qu'on constate, le
«siphonnage», excusez-moi l'expression, c'est un
phénomène qu'on constate depuis l'adoption de la loi 31 en 1988.
C'est un phénomène qui est relativement récent ou, tout au
moins, qu'on a pu constater. Maurice, je pense que vous vouliez rajouter...
M. Pouliot: Oui. M. le Président... Le Président
(M. Gauvin): M. Pouliot.
M. Pouliot:... on a déjà pensé à
ça à la Commission et, encore là, on nous dit: Ce serait
de la discrimination, on ne peut pas forcer une moyenne. Nous autres, ce qu'on
a voulu faire à la Commission, c'est de créer un petit
régime aux entrepreneurs autonomes et aux fraudeurs et qu'ils paient
pour, et qu'ils sortent du régime des travailleurs de la construction.
On ne peut pas. C'est de la discrimination qui se fait sur le dos des
travailleurs de la construction. Si la moyenne d'heures c'est 1000 heures,
qu'ils enregistrent 1000 heures parce que vous savez qu'il y a des travailleurs
de la construction qui peuvent faire 2000 heures à la Baie James. C'est
des exceptions, mais tout de même, ça arrive et on leur
enlève ça sur leur paie, on l'envoie à la Commission. Mais
l'autre, qu'il enregistre les heures qu'il veut et on aimerait bien ça
si on pouvait avoir la marge de manoeuvre de nous dire: II va y avoir un
minimum, on peut le faire. Mais, selon des opinions qu'on a demandées,
on ne peut pas faire ça.
M. Cherry: C'est parce que là, il faudrait que je
vérifie, mais j'avais eu comme information que, par règlement, la
CCQ pourrait les exclure, mais c'est parce qu'il n'y a pas eu d'entente entre
l'ensemble des parties à l'AECQ pour les exclure. Donc, comme il y a
division, il n'y a pas unanimité, vous n'êtes pas rendus
là. En tout cas, je vais les revérifier, mais si les informations
qui m'avaient été données à savoir, c'est que s'il
y avait unanimité, et par la partie patronale et par la partie
syndicale, à ce moment-là, les parties syndicales et la partie
patronale, vous auriez pu les exclure, pas accepter d'argent, et dire
là: Le type d'activité que vous avez choisi d'exercer dans le
milieu de la construction, à savoir que vous avez choisi d'être un
entrepreneur autonome, c'est par choix qu'ils ont fait ça; personne ne
les a obligés. La description d'un entrepreneur autonome, c'est celui
qui décide de travailler seul, il ne veut pas travailler avec personne,
personne ne travaille pour lui et il ne veut pas travailler pour personne. Il
dit: Moi, je suis tout seul. C'est un entrepreneur autonome. Il est seul par
son choix d'activité économique, mais il n'est plus seul quand il
a besoin de présenter l'ensemble de ses factures. Ça me
semblerait qu'il y a une piste là pour pousser une réflexion et
puis, ou tu participes à l'ensemble de l'activité en participant
à l'ensemble des règles du jeu ou bien non, non. Parce que,
autrement, ça me semble... Les droits et libertés des uns doivent
aussi respecter les droits et libertés des autres parce que, autrement,
ça me semblerait...
Une voix: Inéquitable.
M. Pouliot: M. le ministre, vous avez raison. On pourrait, la
Commission, par le truchement du comité mixte de la CCQ, le conseil
d'administration, modifier le règlement sur les avantages sociaux en
disant: Bien, écoute. Mais on ne peut pas arriver avec les heures que
vous mentionnez. On pourrait leur dire: C'est un régime pour les
travailleurs de l'industrie de la construction et c'est ça qu'on veut et
ça, ce n'est pas un consensus, ça prend une majorité parmi
les membres du conseil d'administration de la CCQ et, par la suite,
évidemment, tous nos règlements doivent recevoir l'accord du
gouvernement, du ministre. Et ça, on pourra sûrement vous formuler
une revendication semblable. Ça peut se faire.
M. Cherry: En tout cas, moi, je peux vous indiquer dès
maintenant que c'est quelque chose que je serais réceptif à
recevoir.
M. Pouliot: Bon.
M. Cherry: O. K. Vous qui avez également suivi les travaux
de la commission depuis les premières journées, je resitue le
problème. Il est convenu que 85 % de l'ensemble des entreprises au
Québec emploient 5 travailleurs et moins. Il y en a beaucoup de gros,
mais, règle générale, c'est des petits. Et on sait que
certains d'eux, ils l'ont affirmé, ceux qui vous ont
précédés, par exemple, nous ont informés qu'ils
sont très rares ceux qui gardent le même nombre de travailleurs
à leur service l'année durant. Il y en a qui en ont très
peu; en période de pointe, ils l'augmentent; après ça,
ça rediminue et, dans certains cas même, il arrive une
période durant l'année où ils n'en conservent plus de
salariés à leur service de façon temporaire. J'en ai eu
à mes livres durant l'année, j'ai soumissionné sur des
contrats. J'espère que je vais les obtenir, puis je vais pouvoir les
réengager. Mais, entretemps, le petit peu d'ouvrage que j'ai, est-ce que
votre conception... Je sais que vous étiez présent quand la
question a été posée à d'autres organismes. Ce type
d'employeur qui, pour cette période - puis je ne veux pas la quantifier
en temps - pourrait exécuter des travaux? Parce que c'est tout ce qui
lui reste en attendant. Il y a eu des travailleurs aux livres, il va en avoir
et c'est reconnu comme ça. Est-ce que, dans votre esprit, ça, au
moment où il fait ça pour cette période, vous le
décrivez comment, cet entrepreneur-là?
M. Pouliot: Tant qu'à moi, c'est un employeur, ça
lui prend des travailleurs. Il faudrait peut-être vous mentionner la
façon que ça fonctionne dans l'industrie de la construction.
Plusieurs employeurs ont trois «sets» de livres: un pour la CCQ
lorsque l'inspecteur va là, un pour la banque, puis un qui est vrai.
Donc, c'est de même que ça fonctionne. Ça peut être
facile
de dire: On pourrait régler avec la... Mais c'est plus
compliqué dans la réalité des faits.
Et, vous savez, on a vu des choses. On en entend parler. Mais tant
qu'à nous, on a un choix. Il y a un très large champ
d'application pour les entrepreneurs autonomes - ceux qui n'ont pas de carte -
les travaux de rénovation, d'entretien et de modification. Ce sont des
milliards de dollars, ça. Si ce n'est pas assez, s'ils veulent nos jobs,
on va leur donner nos jobs en plus de ça. Mais ce n'est pas vrai, ils
ont un choix à faire. Et le gouvernement disait: Vous avez six mois,
branchez-vous. Vous voulez être député, vous voulez
être autonome, vous voulez être travailleur de la construction. On
ne veut pas mettre personne en dehors de l'industrie de la construction, mais
on veut garder nos jobs... puis des travailleurs avec le peu de jobs qu'il y a
actuellement, on veut le faire. Tu es employeur ou tu es travailleur. C'est
ça notre mentalité, et les livres, on sait comment ça
fonctionne. On est au courant deçà.
M. Cherry: Et je reviens avec mon exemple. Celui qui est connu...
Je ne parle pas de celui qui vient d'arriver dans... C'est reconnu année
après année. Vous le connaissez. Ce sont des entrepreneurs avec
lesquels vous faites affaire régulièrement, c'est reconnu, vous
le savez. Il doit être à veille de vous appeler pour placer...
Puis s'il ne vous appelle pas, vous autres, vous l'appelez et vous dites: As-tu
eu tel contrat? Est-ce qu'on te place... Bon, c'est comme ça que
ça fonctionne.
Donc, vous les connaissez ces entrepreneurs, ceux qui fonctionnent de la
façon cyclique que j'ai décrite. Et je reviens avec ma question;
vous n'êtes pas obligé d'y répondre. Mais celui qui aurait
une courte période où dans l'année... et c'est reconnu
année après année, il y en a eu des membres à ces
livres. Je ne parle pas des trois «sets» de livres. Mais c'est
connu, ce sont vos membres qui travailleraient là, ou des membres
syndiqués placés. l_a période où il y en a juste
pour lui, vous le décririez comment à ce moment-là, cet
entrepreneur?
M. Pouliot: S'il est autonome, il travaille dans son champ
d'activité qui lui est réservé, point. Ce n'est pas plus,
c'est là qu'il doit aller. Sa place est là. Il doit laisser nos
jobs tranquille.
M. Cherry: O.K. Une autre suggestion qui nous a été
faite - et je voudrais vous entendre là-dessus - serait à l'effet
qu'il ne puisse y avoir qu'un seul autonome par spécialité par
chantier. Pensez-vous que c'est une suggestion qui vous apparaît
réaliste?
M. Pouliot: C'est inapplicable. On l'a déjà
vécue avec les artisans lors de l'adoption de la loi 110 en 1979 qui
touchait à leur contrat. Ce n'était pas applicable. Donc, c'est
ça qui est le problème. Vous savez, la personne qui est en train
de construire une maison dans le 14e rang quelque part dans le
«ti-clin», il faut que quelqu'un leur dise puis il ne nous le
disent pas. C'est rare qu'ils appellent puis qu'ils disent: Je suis en train de
frauder, là, je travaille au noir. Puis à la CCQ, on a environ
200 inspecteurs. Ça en prendrait peut-être 2000. Donc, ils
s'assemblent. On peut dire: Oui, c'est donc de valeur. C'est beau. Mais ils ont
un champ d'activité qui est là, qui est très large. Qu'ils
laissent donc le nôtre tranquille. C'est ce qu'on demande; ce n'est pas
plus ni moins.
M. Cherry: O.K.
M. Pouliot: On a besoin de 125 députés à
l'Assemblée nationale, on n'en a pas besoin de 300. 125, c'est
assez.
Des voix: Ha, ha, ha! Une voix: C'est trop.
M. Cherry: O.K. Certains vous remercient de reconnaître que
c'est assez.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Cherry: Là, je reviens. Je vais sortir de l'exemple du
résidentiel. Il nous a été décrit des situations
où, par exemple, sur un chantier commercial, l'exemple qui a
été fréquemment utilisé est celui d'un centre
d'achats. On nous a dit: Lors de la construction d'un centre d'achats où
il y avait sur place une trentaine de travailleurs, à la
vérification de chacune de ces personnes-là, c'étaient
tous des autonomes dont certains effectuaient le même genre
d'activité économique. En d'autres mots, on pouvait retrouver sur
ce chantier-là six poseurs de gypse, quatre plombiers, mais tous des
autonomes, sans aucun salarié, vérification faite. Est-ce que,
dans ce type-là, la reconnaissance d'un travailleur par métier
par chantier - là, évidemment, je suis sorti du
résidentiel, mais je suis à l'autre - est-ce que, ça,
ça ne répondrait pas en partie à la correction de la
situation que je viens de vous décrire? (12 h 15)
M. Pouliot: Non. M. le ministre, je vous l'ai expliqué. Ce
qu'on suit, actuellement, c'est différents chantiers. Dans un centre
d'achats, il y a des magasins. Tu peux avoir un Steinberg, un Greenberg, un
Woolco et c'est tous des petits magasins. C'est tous des chantiers, et
ça se fait avec des entrepreneurs autonomes. Je vous ai donné des
exemples. Mme Blackburn voulait avoir des exemples de chantiers; on lui en a
donné. On a, ici, des plaintes fondées de la CCQ qu'on va vous
donner. Donc, quant à nous, on vous dit:
C'est là la notion de travaux mineurs. Ils sont en train de faire
des centres d'achats des travaux mineurs! Je sais ce que c'est. Ils font un
petit peu de peinture, un petit peu de gyproc, un petit peu de plomberie, de
l'électricité. C'est mineur, mais mineur comparé à
ce qu'on explique une personne et une autre, et c'est là-dessus que la
Commission a de la difficulté à définir c'est quoi
«mineur». Mineur avec Kruger, peut-être que pour eux autres,
10 000 000 $, c'est mineur, mais pour Maurice Pouliot, 10 000 000 $, c'est
majeur. C'est là qu'on n'est pas capables de différencier
ça. C'est lorsqu'on ouvre une porte qu'on s'aperçoit qu'on vient
d'ouvrir deux grandes portes.
On dit: Ils sont là, qu'ils restent là. Ils ont leur place
et, quant à moi, c'est déjà trop. Parce qu'on peut
revenir. Lors de l'adoption, en 1968, de la loi 290, tout ce qui était
à pied d'oeuvre dans l'industrie de la construction était
assujetti. Il y avait des travailleurs et des employeurs. On n'avait pas le
problème qu'on a là. Avec les lois, en 1970, le Bill 68 qui a
exclu une partie des travaux, imaginez-vous, la machinerie de production,
ça s'est rajouté. Là, on se retrouve... Il nous reste quoi
comme champ d'activité, à part des milliers de travailleurs qui
sont là? C'est ça, le problème. On ne l'avait pas en 1968
avec la loi 290. Je vais loin en arrière, mais c'est ça.
Lorsqu'on a dit: II y a un décret provincial, c'était de toute
beauté. Là, on avait notre champ d'activité et on faisait
les chantiers de construction. On ne veut pas faire des automobiles. On va
laisser ça aux gens de l'automobile. On va construire l'usine et,
lorsque ce sera fini, on leur dira bonjour. Ils feront des automobiles, et nous
on va faire de la construction. C'est ce qu'on veut. Il me semble que ce n'est
pas tellement compliqué.
Le Président (M. Gauvin): M. Pouliot.
M. Pouliot: Évidemment, il y a le pénal aussi qu'il
ne faut jamais oublier lorsque la loi 119 a enlevé le pouvoir, la
responsabilité à la Commission pour l'envoyer au ministère
de la Justice, et on nous dit: Écoute, la CCQ fait tout le travail et
elle envoit ça au ministère de la Justice, et ça dort sur
les tablettes. Aussi, ils veulent garder les amendes qui retournent à
l'État. Ils devraient respecter leurs engagements et redonner le
pénal à la Commission et aussi payer pour les mandats d'ordre
public qu'ils imposent à la Commission de la construction du
Québec et à l'État.
Le Président (M. Gauvin): M. Pouliot, vous avez fait
référence à un document. Est-ce que vous pourriez le
déposer à la commission pour le bénéfice des
membres?
M. Pouliot: J'ai deux copies, M. le Président. Oui,
sûrement.
Le Président (M. Gauvin): S'il vous plaît! Merci. M.
le ministre, est-ce que...
M. Cherry: Offre donc à Jean-Guy, oui. Une voix:
Consentement.
Le Président (M. Gauvin): Bien là, je pense qu'on
devrait par alternance.
Une voix: II veut poser une question.
Mme Blackburn: Non, allez-y. Le ministre a pris toutes les 30
minutes tantôt. On va laisser...
Le Président (M. Gauvin): M. le député de...
Mme Blackburn:... terminer...
Le Président (M. Gauvin):... Drummond. Merci, Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Je n'ai pas d'objection.
M. St-Roch: Merci, M. le Président. J'aurais deux
questions. Une va avoir trait, M. Pouliot, au champ de qualification, le fameux
certificat de compétence. J'aimerais connaître votre
réaction à cette hypothèse-là? Ne pensez-vous pas
qu'il est le temps, au niveau de l'éducation, qu'on ait de la formation
par corps de métier? Je vais prendre un exemple. À l'heure
actuelle, au niveau d'un jeune qui s'en va se qualifier, chercher son
éducation en électricité, comme électricien. Si on
veut en faire un électricien de maintenance, il est obligé
d'aller chercher l'électricien de construction. Quelle serait votre
réaction si on disait: Au niveau des formations, il y aurait des
électriciens de maintenance et des électriciens de construction?
Alors, le certificat de compétence, qui est la porte d'entrée
à l'heure actuelle à la construction, ne permettrait pas à
celui de maintenance d'aller dans la construction. La même chose pour
être plombier, puis nommer des corps de métiers maintenant.
M. Pouliot: M. le Président, je dois répondre au
député que ça existe actuellement, des certificats pour la
construction et des cartes hors construction. Ça existe,
effectivement.
M. St-Roch: Excepté que pour être un
électricien, il faut que vous alliez chercher votre certificat
d'électricien au niveau d'éducation. Vous faites le cours de
construction. Après ça, vous poursuivez, vous allez chercher
maintenance. De sorte que lorsque vous graduez, vous pouvez aller autant en
construction ou autant en maintenance. Alors, si on disait: Bien, il va y avoir
deux certificats bien clairement déterminés. Alors, celui qui a
le certificat de maintenance ne peut pas aller, à ce moment-là,
côté construction.
M. Pouliot: Mais actuellement, il ne peut pas y aller avec le
règlement no 3. Le certificat de construction, et lors de la commission
parlementaire sur la loi 119, le ministre du Travail, M. Paradis, nous l'avait
dit très clairement que, il est évident, dans le domaine de
l'électricité, il y en a des milliers qui ont suivi des cours
l'année dernière. Ils n'ont pas tous pu rentrer dans l'industrie
de la construction. Il y en a une partie qui sont rentrés en vertu du
règlement sur le certificat de délivrance qui est parrainé
par le ministère de la Main-d'oeuvre, le ministère du Travail, le
ministère de l'Éducation et, évidemment, la Commission de
la construction du Québec. Donc, il y en a un nombre de 4000 au minimum
qui devraient rentrer, et il faut partager ça dans quels métiers?
Mais aujourd'hui, c'est là qu'est notre problème majeur. On dit:
II va y avoir 43 000 travailleurs qui perdent leur carte. Bon, il y en a qui
vont revenir la chercher, c'est clair, mais on va en rentrer d'autres. Ce n'est
pas sérieux cette affaire-là, et c'est là-dessus qu'on
accroche. Il y a toujours des gens qui prennent leur retraite, on le sait, et
ça prend une certaine relève. C'était ça, l'esprit
de la loi 119, mais il faut donner à manger à ceux qui sont
déjà dans l'industrie de la construction.
M. St-Roch: D'accord. Deuxième question. Avec le
vieillissement de la population qu'on remarque, qui est aussi vrai dans les
travailleurs de la construction, est-ce que vous ne pensez pas que le
vieillissement des travailleurs... Parce qu'il y a eu une corporation qui est
venue nous dire que peut-être qu'en entrant dans cette
corporation-là on deviendrait un employeur et, en fin de
carrière, on deviendrait autonome. Or, avec tout ce
vieillissement-là, quelle est votre expérience avec le
vieillissement des travailleurs? Au niveau du placement. Parce qu'il y a
beaucoup de gars de la construction qui viennent me voir et qui me disent: J'ai
47 ans, j'ai 48 ans, j'ai 50 ans. Il n'y a pas personne qui veut m'engager
aujourd'hui parce qu'il semble que, dans notre société moderne
d'Amérique du Nord, après 40 ans, on est bon à rien.
Alors, le plan de pension qui a ramené à 55 ans... a
réglé une partie du problème. Mais de 55 ans à 45
ans, dans notre monde moderne, est-ce que ça n'a pas un effet sur le
travail au noir? Un effet aussi qui déborde vers le travailleur
autonome. Parce que s'il veut gagner sa vie entre 45 et 50 ans, il lui reste
quoi dans la construction comme possibilité?
M. Pouliot: Vous soulevez un problème, effectivement, qui
est véridique. On a abaissé l'âge normal de la retraite
pour les travailleurs de la construction de 60 ans à 58 ans. C'est rendu
actuellement à 55 ans. Et encore là, il y a des travailleurs, 52,
53 ans ou 48 ans, on dit: Écoute, tu commences à être vieux
un peu pour travailler dans la construction. Et c'est véridique.
Et on essaie par des cours de formation professionnelle...
C'était un des buts de l'entente concernant le Fonds de perfectionnement
des travailleurs dans l'industrie de la construction qui va arriver un jour,
mais il n'est pas arrivé encore.
Le Président (M. Gauvin): Mme la députée de
Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. le
Président, madame, messieurs, bonjour et merci d'avoir accepté
à nouveau de participer aux travaux de cette commission. Il est vrai que
vous avez l'impression - et avec raison - qu'il s'installe une certaine
lassitude par rapport à ces travaux qui, finalement, ne mènent
pas loin, et vous rappelez une liste d'avis, de mémoires que vous avez
soumis, et la situation n'a pas changé. Et pendant que... En même
temps - j'ai fait comme le ministre - que j'écoutais, j'ai aussi lu. Je
me suis permis de lire votre mémoire, celui de ce matin. Et, à la
toute dernière page, à la page 12, vous rappelez que les
travailleurs et les travailleuses ont perdu confiance et vous nous dites:
«Ils s'impatientent». Ils s'impatientent parce qu'on est en train
de complètement déstructurer l'industrie de la construction. Et
on le fait de différentes manières. D'abord, en réduisant
le champ d'application et en permettant de plus en plus ou en tolérant
le travail au noir. Et il me semble comprendre que dans votre document, les
lois 185 et 186 ne seront pas suffisantes pour freiner le travail au noir. Vous
interpellez rudement le ministre aussi, je dois dire, et de façon
très, très structurée en lui rappelant ses engagements. Je
me permets de le faire parce que l'inquiétude que j'avais au moment
où on a reporté la loi 185 et qu'on a voulu tenir cette
commission parlementaire, l'inquiétude que j'avais, c'est qu'on fasse de
l'occupationnel, c'est-à-dire qu'on nous amuse, qu'on nous entretienne
pendant que des décisions qui pourraient être prises sans qu'il y
ait commission parlementaire ne sont toujours pas prises. Je pense que vous le
faites et vous le rappelez avec beaucoup de justesse. Je me permets de rappeler
les engagements du ministre et, à ce jour, à moins qu'à la
cachette il l'ait fait - j'espère qu'il va nous le dire si tel est le
cas - à ma connaissance, il n'y a pas grand-chose de fait par rapport
aux engagements qu'il avait pris en juin 1991. Alors, ce que vous dites, vous
réclamez un certain nombre de choses, évidemment, la correction
de la loi 31, le trou. Mais vous rappelez au ministre qu'il s'était
engagé à former un comité pour revoir le champ
d'application. Vous dites que «à votre connaissance, le rapport
devait être déposé le 31 décembre et, à votre
connaissance, le comité n'est même pas encore formé.»
Je pense que, quand un organisme interpelle le ministre comme ça, il
s'attend à avoir une réponse. La question
s'adresse au ministre: Quand a-t-il l'intention de former le
comité? Et s'il est formé, quand va-t-il déposer le
rapport sur le champ d'application? Une fois le comité formé,
est-ce qu'il y aura une commission parlementaire pour que les gens
réalisent, les Québécois et Québécoises de
façon générale, comment on a, au cours des années,
réduit les champs d'application du décret de l'industrie de la
construction.
La deuxième recommandation, vous dites «Nous demandons au
ministre, au gouvernement, de cesser les faux-fuyants de toutes sortes et de
mettre immédiatement sur pied le groupe de travail promis.» Mol,
j'aimerais que le ministre nous réponde à ça.
À la troisième, vous dites «Deux mois de
contributions sont entièrement perdus» et vous rappelez qu'il y
avait le plan d'Implantation du fonds de formation de la main-d'oeuvre en
construction.
Vous rappelez que le gouvernement s'était également
engagé à mettre sur pied un groupe de travail afin
d'étudier les moyens d'instituer un programme d'accès à
l'égalité pour les femmes et les minorités visibles, et un
rapport devait être soumis le 31 décembre 1991. Je regarde un peu
le rapport qui vient d'être rendu public dans la région du
Saguenay-Lac-Saint-Jean, qui concerne la situation générale des
femmes: combien il y en a qui sont chefs de famille, combien il y en a qui sont
sur le marché du travail, à quel âge elles y entrent, quel
est leur revenu moyen? Dans ma région, les femmes ont un revenu moyen
largement inférieur à celui des hommes et largement
inférieur au revenu moyen québécois des autres femmes.
On constate que, dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, les
femmes ne sont pas dans les emplois non traditionnels, donc les emplois bien
rémunérés. Le ministre s'était engagé...
Peut-être a-t-il une réponse, peut-être va-t-il nous dire:
Oui, c'est déjà fait, les recommandations sont là. Je
serais heureuse d'entendre ça. On pourrait peut-être
réexaminer cette question-là avec sa collègue, la ministre
déléguée à la Condition féminine.
Dans son plan d'action, le ministre du Travail également,
rappelez-vous, nous informait que la CCQ se verrait confier certains mandats
pour aider à la mise en place de mesures pour contrer le travail au
noir; rapports mensuels, identifier les informations nécessaires
contenues sur le permis municipal, lancer des campagnes d'information et
d'éducation sur le travail légal, ses vertus et ses avantages.
Peut-être est-ce déjà fait? Mais pour le moment, vous
semblez ignorer si c'est déjà fait, moi aussi d'ailleurs, je
l'ignore. Ce ne sont pas des mesures qui auraient demandé une commission
parlementaire, ça; ce sont des mesures de disposition qui auraient pu
être prises avant.
Vous rappelez, également, vous faites une série de
recommandations qu'on a retrouvées dans quelques mémoires pour
inciter le consommateur à utiliser des travailleurs légalement
inscrits, et elles sont intéressantes et pertinentes. Mais vous rappelez
d'autres promesses non réalisées! Production des données
de la CCQ. On se sert de ces données pour admettre de nouveaux
salariés. Le service de recherche surévalue l'activité et
on admet trop de travailleurs selon vous, et vous venez de l'illustrer. Et un
mandat, dites-vous, devrait être confié à la CCQ afin de
revoir les méthodes qu'elle utilise pour produire les données.
À cet égard, un rapport devait être remis le 31
décembre 1991, on l'attend toujours! Vous allez me dire: Ça fait
seulement qu'un mois et demi. Mais on est en train, j'allais dire, de faire de
l'occupationnel dans cette commission, et en même temps il y a des choses
qui ne se font pas. C'est ça qui est inacceptable. (12 h 30)
Vous rappelez également qu'il y avait une demande - je l'ai relue
dans le rapport Sexton-Picard - qui demandait qu'on ait une planification
gouvernementale des travaux de construction. Et puis rien n'a encore
été fait. Sexton-Picard demandait qu'il y ait un sommet et des
conférences annuelles là-dessus pour voir comment on pouvait
étaler les travaux de construction du gouvernement pour combler les
périodes creuses. Ça ne demandait pas une commission
parlementaire. Mais on attend toujours. On attend toujours la nomination d'un
sous-ministre adjoint dont les fonctions principales seraient directement
liées à l'industrie de la construction. Je n'ai pas entendu.
Peut-être que les personnes ont été pressenties; vous
pourriez peut-être me mettre dans la confidence, mais je n'ai pas entendu
qu'il y avait des choses qui étaient proposées et qui allaient
dans cette direction. Je me suis laissée dire qu'il y avait
peut-être quelque chose qui s'en venait, mais je n'ai pas encore vu les
nominations.
En fait, ce qui m'inquiète par rapport aux travaux de la
présente commission, mais, en même temps, si le ministre veut bien
reconnaître qu'il a fait un peu fausse route avec le projet de loi, je
pense qu'il faut absolument qu'il comprenne qu'on est en train de faire porter
au terme, au plan de la langue, de la sémantique, parler d'entrepreneur
autonome, c'est comme dire que tous les autres entrepreneurs n'étaient
pas autonomes. Est-ce que l'entrepreneur général est en tutelle?
Est-ce que l'entrepreneur spécialisé est en tutelle? Il doit
être aussi autonome. On a essayé de faire dire à ce
terme-là quelque chose qu'il ne peut pas porter parce qu'on voulait
éviter de parler de l'artisan ou du pigiste. Moi, je pense qu'on a un
problème de compréhension de la loi qui est lié à
l'utilisation qu'on fait d'un terme qui, en français, ne veut pas dire
ce qu'il dit. Il essaie de faire dire autre chose. On va avoir un
problème, et j'espère que le ministre comprend bien qu'il faut
faire une distinction entre entrepreneur autonome, si vous
voulez conserver ce terme-là, et employeur, absolument, sinon, il
y aura toujours une confusion. D'ailleurs, la confusion s'est
perpétuée dans le discours qu'on a entendu du côté
des associations patronales parce que tout ce qu'on a entendu, c'est: Vous ne
pouvez pas faire mourir les entrepreneurs autonomes. Mais, finalement, les
entrepreneurs autonomes qui ont un salarié ont exactement le même
statut que l'entrepreneur spécialisé ou l'autre entrepreneur qui
a seulement qu'un employé et qui s'en va travailler sur un chantier de
construction. Parce qu'il y en a qui en ont moins de cinq, on peut penser
qu'ils en ont seulement un. Alors, ils vont avoir le même statut.
Moi, je pense qu'on a un problème de sémantique. Vous
allez me dire que c'est rare que ça fait de la construction, la
sémantique, mats ça construit la langue et ça porte les
idées, et si on n'est pas capable de faire dire au terme ce qu'il veut
dire et qui porte la même réalité, bien évidemment
qu'on véhicule n'importe quoi. Moi, je pense que par rapport au projet
de loi 185, j'espère aussi travailler là-dessus avec le ministre,
pour qu'on essaie de corriger la confusion que crée l'utilisation d'un
terme qui, en français, ne porte pas la même
réalité. Ça, ce n'est pas acceptable. J'imagine qu'on ne
fait pas des lois juste pour les juristes. On doit les faire pour qu'elles
soient compréhensibles par le monde. On avait décidé
ça quelque pari, aux alentours de 1975, si je me rappelle, que les lois
devaient davantage être un peu plus compréhensibles au commun des
mortels. Je m'excuse si vous êtes là et que je parie, mais je
pensais que c'étaient des choses qu'il fallait qui soient dites et,
comme la commission va tantôt terminer ses travaux, il m'apparaissait
important qu'on fasse le point là-dessus.
Je vais revenir sur quelques-unes de vos propositions. D'abord, une
première remarque sur votre texte. Vous rappelez les propos tenus par
Mme Lam dans un article paru dans Le Journal de Montréal, et qui
fait état de travaux de rénovation évalués à
6 000 000 000 $. J'ai lu l'article; je référais à votre
pièce 6, sauf que tout ce qu'on a entendu ici, c'était 1 800 000
000 $. 6 000 000 000 $, ça m'apparaît élevé, bien
que les 4 500 000 000 $ pour la construction neuve domiciliaire est
correspondant aux chiffres qu'on a au Québec. Mais, est-ce que vous avez
vérifié la source? Parce que j'ai pensé que c'était
peut-être canadien, les 6 000 000 000 $.
M. Pouliot: Oui. Exactement, les sources, c'est le Canada, 6 000
000 000 $. Je veux profiter de l'occasion... Évidemment, on pense que la
loi 185 doit être adoptée; elle va freiner le travail au noir.
Ça, c'est la position du Conseil provincial. Évidemment, on
aurait préféré qu'avec la loi 186 il y ait des ententes ou
une obligation par les municipalités de transmettre les informations
à la Commission de la construction du Québec et à la
Régie du bâtiment, ce qui n'est pas là. Il peut y avoir des
ententes, mais vous savez qu'il y a certaines municipalités qui disent:
Aïe! Achale-moi pas avec ça, là. Ça coûte trop
cher, ça c'est clair. On aurait voulu que le législateur inclue
ça à l'intérieur, si on veut réellement
régler des problèmes. Peut-être que M. Ryan n'est pas
d'accord avec ça.
Le Président (M. Gauvin): ...juste une minute, s'il vous
plaît. Le mandat de la commission prévoyait que nos travaux se
termineraient à 12 h 30. Étant donné qu'il nous reste du
temps, avec le consentement des membres, on peut continuer.
Mme Blackburn: Consentement.
Le Président (M. Gauvin): Merci. Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: En ce qui a trait aux informations à
être contenues dans le permis qui est émis par les
municipalités, moi, je suis tout à fait de votre avis. Il y a
là une façon de contrôler. Est-ce que M. Ryan, le ministre
des Affaires municipales, acceptera? Il faut plus se demander si les
municipalités sont de bon poil pour accepter ce genre d'obligations
compte tenu des modifications à la fiscalité municipale. Mais je
suis d'accord avec vous. C'était une des propositions que nous voulions
avancer.
En ce qui a trait au projet de loi 185, de façon
générale, nous pensons qu'il doit être adopté aussi.
On était même en faveur de son adoption avant les fêtes.
Cependant, les corrections qu'il faudra y apporter, il va falloir que ça
soit en français, et je pense que le législateur a fait fausse
route quand il a voulu changer le terme «entrepreneur autonome». Je
vous dis, moi, en français, j'ai comme des problèmes. C'est comme
si les autres ne l'étaient pas. Alors, il y a quelque chose qui ne va
pas. Il va falloir qu'il corrige ça. Au moins, la loi a des chances
d'être un peu plus claire et de placer sur un même pied les
entrepreneurs de façon générale.
Autre question, vous rappelez et vous avez raison de le faire - il
faudrait que les ministres et il faudrait que les travailleurs de la
construction, les entrepreneurs en construction le rappellent
régulièrement - il y a certaines sociétés
d'État qui sont peu respectueuses des règles, quand vous rappelez
ce qui se passe à HydroQuébec. Faut-il rappeler en plus
qu'Hydro-Québec a acheté son tapis aux États-Unis?
Des voix:...
Mme Blackburn: En Ontario, c'est vrai. En Ontario. Mais, moi...
Vous savez, l'Ontario et les États-Unis, c'est un peu comme de
l'étranger.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Gauvin): M. Poulfot, oui, vous voulez
réagir.
M. Pouliot: On a aussi des travailleurs à la
Baie James, qui est tout de même un gros chantier de construction,
qui travaillent sans carte et ça...
Mme Blackburn: D'accord.
M. Pouliot: ...quant à nous, c'est totalement
inacceptable.
Le Président (M. Gauvin): Mme la députée de
Chicoutimi.
Mme Blackburn: Je reviens à vos propositions sur... Vous
avez répondu au ministre. Ça m'apparaît difficile aussi,
mais, en même temps, je ne sais pas comment ça va se gérer
dans la pratique, dans les faits. Comment est-ce qu'on va gérer
ça? Vous dites: Un entrepreneur qui a obtenu un contrat sur un chantier
ne pourra pas aller terminer ses travaux tout seul. Est-ce que je sais, moi?
C'est l'entrepreneur électricien, prenons un exemple, et il reste
seulement qu'à raccorder la maison. Mais ce n'est pas ça, c'est
Hydro-Québec qui le fait. C'est vrai. Alors, mon exemple n'est pas bon.
Mon exemple n'est pas bon. Je ne vous dirais pas que ça serait de lever
la clef non plus, mais il reste un travail mineur à faire. Est-ce qu'il
faut qu'ils y aillent à deux? Je dois vous dire en toute
honnêteté, autant je suis réceptive à toute votre
démarche et à la nécessité de bien clarifier qui
fait quoi, autant j'ai, par rapport à ça, un peu de
problèmes. Je vous le dis, moi, est-ce que quelqu'un qui va... Je ne le
sais pas, moi. L'entrepreneur qui fait faire la peinture et qui va inspecter
à la fin les travaux, et il reste, je ne le sais pas, quelques coups de
pinceau à donner parce qu'ils ont sali en nettoyant la maison et en
sortant le reste des résidus de la construction. Qu'est-ce que vous
faites avec ça?
M. Pouliot: Écoutez, c'est là qu'on arrive toujours
avec la fameuse «switch» du «chum» de Fernand
Archambault. Ça, c'est mineur, c'est un petit dépanneur et on
fait quoi?
Mme Blackburn: Oui, c'est ça. Je ne sais pas...
M. Pouliot: Et c'est là qu'on commence à rouvrir
des portes et on se retrouve avec des centres d'achat. On se retrouve avec des
projets comme, à un moment donné, à Val-d'Or et ainsi de
suite. Donc, c'est là. C'est sûr que si on dit: II reste un coup
de pinceau à donner. Bon, mais ça peut être 2 coups de
pinceau, ça peut être 10. C'est arbitraire et lorsqu'on embarque
dans une chose semblable, on ne finit plus et c'est de là qu'on se
retrouve qu'il nous manque des millions. 10 000 000 d'heures qui ne sont pas
enregistrées à la Commission pour la construction unifamilia-le,
c'est beaucoup, ça. C'est énorme!
Mme Blackburn: Je suis d'accord avec vous. Là-dessus, on
ne se chicanera pas.
M. Pouliot: Non.
Mme Blackburn: Mais, en même temps, il faut être
comme pratique dans la vie...
M. Pouliot: Mais oui.
Mme Blackburn: ...et est-ce qu'on peut penser... Ça, c'est
une question qui vous est adressée. Est-ce qu'on peut penser qu'au
moment où les inspecteurs se présentent sur un chantier de
constructions neuves... J'imagine qu'ils sont en mesure d'utiliser leur
jugement lorsqu'il s'agit justement d'un dernier coup de pinceau, que c'est un
vrai dernier coup de pinceau. C'est évident, la maison est finie. Je
voulais savoir, moi, comment ça fonctionne dans ces cas-là?
Est-ce qu'il y a une certaine latitude qui est laissée, j'imagine,
à l'inspecteur? Vous êtes membre de la Commission.
M. Pouliot: Les inspecteurs de la CCQ, pour donner des avis
d'infraction, doivent prendre les travailleurs sur le fait...
Mme Blackburn: O.K.
M. Pouliot: ...ou les employeurs. Ça, c'est le premier
problème majeur qui peut exister. Donc, 11 y a des avis qui sont
donnés, mais je pense qu'on ne peut pas dire que la loi dit ça
d'un côté et, après ça, on dit que ce n'est plus
ça. Donc, ces travaux-là, quant à nous, la construction
neuve doit être assujettie au décret de la construction de a
à z. À un moment donné, il peut y avoir des
salariés qui vont travailler ailleurs, parce qu'un employeur n'est pas
toujours si «pogné» que ça, là. Ce n'est pas
toujours Rivière-au-Renard. Il y a autre chose que
Rivère-au-Renard dans la province de Québec. Il y a ça,
mais il y a aussi autre chose.
Mme Blackburn: Mais, vous, vous connaissez
RMère-au-Renard.
M. Pouliot: Ah oui! je connais ça. Effectivement, la
construction d'une maison, s'il y a deux coups de pinceau à donner, il y
a peut-être une autre maison, et ça, il semblerait que ça
ne sorte pas en commission parlementaire. Un employeur peut avoir 10 chantiers
de construction et il peut avoir un travailleur sur chaque chantier de
construction en autant qu'il respecte le ratio compagnon-apprenti et ces
choses-là. Ça,
ça existe. Ils ne sont pas tous à la même place.
Mais au bout de la ligne, il a soumissionné pour exécuter les
travaux pour une maison qui coûte x milliers de dollars. Evidemment, il y
a les taxes sur les terrains. Il y a le profit de l'employeur dont on semble ne
pas vouloir trop parler. Ils ne font pas de profit. C'est de valeur pour les
entrepreneurs. D'ailleurs, on a vu, à la commission Cliche, comment on a
dit que les employeurs partent. Il y en a 4000 qui partent, et ils reviennent.
Souvent, ce n'est même plus leur nom. Ils reviennent avec des chartes
à numéro. Ils sont gênés d'avoir leur nom. On volt
ça, les faillites qu'ils nous envolent à la Commission de la
construction: la compagnie 129456 et 129458. C'est à peu près les
mêmes personnes qui se promènent, et ça marche de
même. C'est de valeur, ça, pour les entrepreneurs. Ils font bien
pitié.
Mme Blackburn: Est-ce que vous êtes las et fatigué
de participer aux travaux des commissions parlementaires qui débouchent
sur peu de solutions? Est-ce que vous accepteriez de participer à un
sommet sur l'industrie de la construction?
M. Pouliot: Sûrement. Je pense que c'est dans le rapport
Picard-Sexton. C'est une entente qu'on avait signée en juin 1991, et on
est prêts à participer avec le plan d'action du gouvernement et de
trouver des solutions pour l'industrie de la construction.
Mme Blackburn: Bien, j'espère que la Commission de
l'industrie et du commerce prendra acte de ces déclarations et de ces
voeux exprimés par plusieurs intervenants et qu'on aura un mandat
d'initiative qui va dans ce sens. Je vous remercie de votre participation aux
travaux de cette commission. Vous savez, quand ça fait trois jours qu'on
est en commission, on se lève le matin et on se dit toujours, on a
l'impression que tout a été à peu près dit, de la
première à la troisième journée. Mais, chaque fois,
j'ai constaté qu'on se trompait parce que les groupes nous apprennent
toujours des choses. J'ai été heureuse à la fois de
prendre connaissance de votre mémoire et, en même temps, ça
nous aura permis, ce matin, de mieux clarifier les raisons et les causes de
l'ambiguïté de l'Interprétation de la loi. J'espère
sincèrement que le ministre en prendra acte, mais, pour ma part, soyez
certains, si l'étude du projet de loi se fait article par article
prochainement, que je vais m'attarder à essayer de défendre ce
point de vue. Je vous remercie.
Le Président (M. Gauvin): Merci, Mme la
députée de Chicoutimi. M. le ministre, en conclusion.
M. Cherry; En conclusion, M. le Président. D'abord, je
vous remercie d'avoir accepté de venir nous donner votre
éclairage et vos points de vue, non seulement sur l'aspect du
travailleur autonome, mais je pense qu'on a passé un peu de temps sur
les aspects de l'utilisation des avantages sociaux et de quelle façon.
Ça, je pense que ça a aussi donné un éclairage
à l'ensemble de la commission. Je voudrais également rappeler,
comme vous, M. Pouliot, qui avez l'expérience, vous disiez: En 1968,
c'était comme ça. Je ne vous ai pas demandé de faire
l'exercice, mais le cheminement. Il y a un temps, ça s'est appelé
un artisan et, après ça, ça a été un
spécialisé et, là, c'est devenu un entrepreneur autonome.
Je pense que l'Intention des législateurs, indépendamment de
l'époque, qu'on soit en 1968, 1978, 1985 ou 1991, elle est toujours
bonne, mais il semble que le résultat ne soit peut-être pas celui
escompté. Et peut-être, parce que... Il y a quelqu'un hier qui,
dans une phrase, nous a décrit... et j'espère que ce n'est pas le
reflet de l'ensemble de l'industrie. Il y a quelqu'un qui, à une
question de notre collègue de Chicoutimi. disait: «II nous semble
qu'il y a passablement de tricheries dans l'industrie de la
construction». Et la réponse a été: «Nous,
madame, dans la construction, on ne triche pas, on s'adapte». C'est une
belle sémantique, c'est un beau jeu de mots, mais je ne suis pas certain
que ça ne décrit pas... En tout cas, lui semblait le dire avec
fierté. Je ne comprends pas qu'on puisse être fier de dire: Faites
les lois que vous voudrez, on va toujours trouver des façons de passer
à côté. C'est la première interprétation que
j'en ai faite.
En terminant, je voudrais dire que pour bien délimiter le champ
d'activité et le pourquoi du projet de loi, évidemment il y a eu
la loi 186 qui a répondu à certains aspects. Il y a le projet de
loi 185 qui doit le compléter dans cette première
phase-là. L'objectif est bien simple: ce n'est pas d'empêcher
l'«autonome» de travailler, c'est de bien délimiter son
champ d'activité. S'il veut être autre chose qu'un
«autonome», autre chose que quelqu'un qui dit: Je ne travaille pour
personne, personne ne travaille pour moi. Son champ d'activité est celui
que la loi décrit: l'entretien, réparation, rénovation; et
dans l'industriel commercial: mineur. S'il veut poursuivre son activité
dans le champ du neuf, il ne peut plus le faire comme «autonome».
Il doit le faire ou comme entrepreneur en embauchant un ou des salariés,
ou il peut continuer à le faire en exerçant le métier pour
lequel il a des cartes de compétence comme salarié. Donc, il ne
s'agit pas de lui dire qu'on ne veut pas qu'il travaille, il s'agit de lui dire
de quelle façon il peut exercer ses compétences et sa profession.
De la même façon qu'on le fait dans l'industrie du transport. Vous
avez un permis de taxi, mais ça ne vous permet pas de ramasser des
passagers partout à la grandeur du territoire québécois si
vous avez un permis de transport en camionnage. Il y a une
réglementation de fait, pas pour vous
empêcher de gagner votre vie, mais pour rétablir les vraies
règles, les vraies normes du jeu pour l'ensemble de l'industrie. C'est
dans ce sens-là que j'ai déposé le projet de loi 185. S'il
doit y avoir un peu de clarification sémantique... Mais le but premier
et le but de la commission de ces trois jours-là, c'était qu'on
se parle vraiment de la situation de l'entrepreneur autonome, et dans ce
sens-là, je remercie de la contribution, de l'éclairage et de la
documentation que vous nous avez apportés ce matin. Merci.
Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le ministre. Est-ce
que M. le président aurait un mot de conclusion?
M. Pouliot: Peut-être simplement pour rajouter qu'on a eu
des associations dont l'APCHQ, qui ont mentionné à la commission
Picard-Sexton que les entrepreneurs d'habitations ne rapportent pas d'heures,
c'est zéro, et ça c'est écrit dans les notes du rapport
Picard-Sexton. Lorsqu'on peut expliquer des choses aussi clairement que
ça dans des commissions formées par le gouvernement, tout peut
arriver dans l'industrie de la construction.
Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le président et
merci à vos collaborateurs de vous être présentés
devant cette commission. La commission suspend ses travaux jusqu'à 14
heures cet après-midi, pour reprendre dans la même salle.
(Suspension de la séance à 12 h 48)
(Reprise à 14 h 16)
Le Président (M. Gauvin): La commission se prépare
à reprendre ses travaux. J'inviterais les membres de la commission
à prendre place s'il vous plaît. J'inviterais par la même
occasion la Corporation professionnelle des technologues des sciences
appliquées du Québec à prendre place ici en avant s'il
vous plaît, pour leur présentation.
Le groupe de professionnels est représenté par M. Denis
Dubois, administrateur. J'inviterais M. Dubois à nous présenter
ses collaborateurs.
Corporation professionnelle des technologues des
sciences appliquées du Québec
M. Dubois (Denis): Merci, M. le Président. Tel que vous me
le demandez, je vous présente M. Denis Daigneault ici, à ma
gauche, directeur général de la Corporation; M. Michel Douville,
à l'extrême gauche, directeur des affaires professionnelles. Nous
sommes également accompagnés de Me André Bélanger,
conseiller juridique de la Corporation.
Le Président (M. Gauvin): Merci, M. Dubois.
Il y a une vingtaine de minutes qui sont prévues pour la
présentation de votre mémoire, 20 minutes à chacun des
deux partis, c'est-à-dire le groupe ministériel et le
représentant de l'Opposition, 20 minutes chacun pour un bloc d'une
heure. Vous avez la parole, M. Dubois, pour 20 minutes environ.
M. Dubois: Merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes,
MM. les députés membres de la commission. En vertu de la Loi sur
les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de fa
main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction, et suite à la
décision du commissaire Gold concernant l'assujettissement des hommes
d'instruments au décret, malgré que les travaux relevaient de
leurs activités professionnelles, plusieurs accusations ont
été portées contre des technologues professionnels pour
avoir exécuté des travaux de construction sans être
titulaires d'un certificat de compétence. Afin d'éviter le
va-et-vient onéreux devant les tribunaux qu'entraîne cette
situation, la Corporation professionnelle des technologues des sciences
appliquées du Québec se fait le porte-parole du groupe le plus
important de tous les professionnels du domaine de la construction et
présente, dans ce mémoire, une recommandation simple qui
permettrait de régler le problème. Intégrée en 1980
au Code des professions du Québec, après plus de 50 ans
d'existence, à titre d'association, la Corporation professionnelle des
technologues des sciences appliquées du Québec a
été constituée afin de permettre à un membre, en
outre, d'exercer les activités qui lui sont autrement permises par la
loi, d'effectuer des travaux de nature technique dans le domaine des sciences
appliquées relevant de sa compétence selon des
procédés, des méthodes et des normes reconnus ou selon des
plans, devis ou spécifications et utiliser les instruments requis pour
effectuer ces travaux.
Avec la reconnaissance de ce mandat par le Code des professions du
Québec, la Corporation professionnelle des technologues des sciences
appliquées du Québec accepte la mission d'assurer la protection
du public en veillant, entre autres, à l'application des
règlements du Code des professions du Québec par ses membres.
À cet effet, sa structure comporte divers comités dont les
comités de discipline, d'inspection professionnelle et
d'accréditation afin de s'assurer de la compétence, de
l'éthique et de l'engagement social de ses membres.
En contrepartie de cet engagement social, il est normal que le
législateur accorde aux technologues le droit de pratiquer les
activités pour lesquelles ils ont été formés. Cette
formation se situe entre la théorie et la pratique, d'où leur
présence sur les chantiers. Les technologues professionnels oeuvrent
dans tous les champs d'activité de la construction, soit à titre
d'employé ou d'employeur dans les domaines du
génie et de l'architecture. Il y a plus de tech-nologues qu'il
n'y a d'électriciens, de maîtres-mécaniciens en tuyauterie,
d'ingénieurs en génie civil ou d'architectes.
Or, la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et
la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction dans sa
formulation actuelle gêne leurs activités professionnelles et nuit
à l'image de la profession par le va-et-vient devant les tribunaux que
provoque son ambiguïté.
La Corporation professionnelle des tech-nologues des sciences
appliquées du Québec demande donc à la commission de
participer à créer un environnement favorable à la
pratique de la profession de ses membres et de régler maintenant un
problème litigieux. Elle propose à la commission de tenir compte
de la recommandation présentée dans ce mémoire pour
modifier une loi qui, par son libellé, entrave les activités de
professionnels dont le statut est confirmé par le Code des professions
du Québec.
Le projet de loi 185 est une excellente occasion de régler le
différend qui oppose depuis plus de deux ans la Commission de la
construction du Québec et la Corporation professionnelle des
technologues des sciences appliquées du Québec. Ce
différend concerne l'assujettissement des hommes d'instruments au
décret. Faut-il encore une fois rappeler que depuis la décision
du commissaire Gold sur le sujet, plusieurs technologues professionnels ont
fait l'objet de plaintes en vertu de la Loi sur les relations du travail, la
formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de
la construction pour avoir exécuté des travaux de construction
sans être titulaires d'un certificat de compétence.
Comme l'ont démontré les procès, la loi n'est pas
claire sur la question. Dès qu'un technologue exécute sur un
chantier un travail qui s'inscrit dans la définition de l'une ou l'autre
des occupations définies par le décret et, malgré qu'il
s'agisse d'activités liées à son activité
professionnelle, il est considéré comme contrevenant à la
loi et au décret. Les technologues ont donc dû répondre
à de nombreuses accusations et, quoique la plupart des défendants
aient été acquittés, d'autres technologues doivent encore
se présenter devant les tribunaux. Tout le débat tourne autour de
la question des activités d'un homme d'instruments.
Son travail devrait-il être assujetti au décret? La
Corporation croit que non, parce que le travail des hommes d'instruments exige
une formation de niveau collégial. S'il est vrai que certains travaux
qu'effectuent les hommes d'instruments peuvent être accomplis par des
ouvriers ayant le suivi et le cours de compétence nécessaires,
plusieurs autres travaux exigent une formation plus poussée, une
formation de niveau collégial que la Corporation est chargée de
régir, tel qu'en a décidé le législateur en
accordant le statut professionnel aux technologues diplômés en
architecture et en génie civil, entre autres.
Suite aux controverses suscitées dans les cabinets
d'ingénieurs-conseils par l'assujettissement des travaux d'arpentage, la
commission a complexifié le conflit en assujettissant les travaux
d'arpentage de direction, ce qui a eu pour effet d'ajouter à
l'ambiguïté du problème. Il s'agit maintenant de distinguer
sur un chantier les travaux de direction et ceux de vérification. Un
technologue avec un instrument en main dirige-t-il les travaux ou les
vérifie-t-il? La distinction, fort intéressante en soi, devient
difficile à établir pour les salariés, les inspecteurs de
la CCQ et les différents professionnels de la construction. Depuis la
décision du commissaire Gold, quoique la Corporation ait eu gain de
cause dans tous les cas d'avis d'infraction infligés à ses
membres par la CCQ, le problème demeure en suspens et les professionnels
font encore la navette entre leur travail et les tribunaux. Afin de
régler définitivement le problème et pour éviter
que la situation n'en vienne à être perçue comme du
harcèlement, voici la recommandation que présente la Corporation
à la commission.
La Corporation soutient depuis toujours que les activités des
technologues professionnels, comme le sont celles de tous les autres
professionnels membres de corporations professionnelles, devraient être
exemptées d'une double vérification. Les activités
professionnelles des technologues ne devraient donc pas être soumises
à la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et
la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction parce que
d'une part, les qualifications professionnelles font l'objet d'une
vérification par chaque Corporation; d'autre part, leur statut
même de professionnels les en exempte. La Corporation persiste à
soutenir que tant les technologues, les ingénieurs, les architectes, les
arpenteurs-géomètres n'ont pas à être assujettis au
régime de relations de travail dans l'industrie de la construction.
Enfin, la Corporation maintient que même si un technologue doit,
dans le cadre de son activité professionnelle, poser certains gestes
assimilables à une occupation couverte par le décret, il ne
devrait pas pour autant perdre son statut de professionnel et être
assimilé comme une personne ayant exécuté des travaux de
construction en qualité de salarié au sens de la loi et du
décret.
Pour régler définitivement ce contentieux, la Corporation
suggère à la Commission d'ajouter à l'article 1r de la loi
un paragraphe dont le libellé pourrait s'énoncer comme suit: Les
membres d'une corporation professionnelle qui exécutent des travaux dans
le champ de leur compétence professionnelle ne sont pas des
salariés au sens de la présente loi, même s'ils ont droit
à un salaire. Si l'insertion d'un tel paragraphe était
acceptée, l'équivoque qui per-
siste depuis longtemps quant à l'application de la loi aux
activités des membres de diverses corporations professionnelles, et en
particulier aux membres de la Corporation, serait enfin
réglée.
De plus, la Loi sur les relations du travail, la formation
professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la
construction a pour objet principal de régir les relations de travail et
les salariés. Il est difficile d'imaginer que l'on désire inclure
dans cette loi le travail exécuté par des membres de corporations
professionnelles reconnues par le Code des professions. Ces professionnels sont
parfaitement en mesure de négocier leurs conditions de travail.
Plusieurs tâches incombant aux hommes d'instruments se doivent
d'être exécutées par des personnes possédant une
formation de niveau collégial pour laquelle le gouvernement a
constitué une corporation chargée de le vérifier. Cette
seule raison justifie que l'on évite d'assujettir cette tâche au
décret de la construction ou, à tout le moins, les personnes qui
exécutent ces tâches lorsqu'elles sont membres de corporations
reconnues.
Les technologues sont des professionnels reconnus par le Code des
professions et possèdent une formation qui se situe entre la
théorie et la pratique. Par leur formation pratique, ils sont
amenés à exécuter des travaux qui peuvent sembler
être du ressort de l'employé de la construction, ce qui ne
simplifie pas la situation. Cette situation s'avère d'ailleurs tout
aussi complexe dans le cas des arpenteurs-géomètres et des
ingénieurs. La Corporation est convaincue que cette suggestion
réglerait une fois pour toutes les problèmes, et que tous
gagneraient à ce que le va-et-vient de la Corporation et de la CCQ
devant les tribunaux cesse. C'est donc avec confiance que la Corporation remet
ce mémoire à la commission. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gauvin): Merci, M. Dubois. J'inviterais
M. le ministre, s'il a des questions à poser à nos
invités, à le faire.
M. Cherry: Merci, M. le Président. D'abord, pour le
bénéfice de la commission, ça consiste en quoi, la nature
des activités que les membres de corporations doivent exécuter?
J'ai relevé deux passages dans votre mémoire, et le but de ma
question est celui-là. Vous dites, par exemple: «...pose certains
gestes assimilables à une occupation»; et, en tout dernier,
à la page 8 - là, je pense que c'est dit de façon autre:
«...semble être du ressort de l'employé de la
construction». Donc, dans un premier temps, dites-nous ce que les membres
de votre Corporation font et où sont les rapprochements, où
est-ce que la ligne semble mince et ce qui fait l'objet de conflits? C'est ma
première question. (14 h 30)
M. Dubois: Dans un premier temps, je dois vous faire part que
l'intervention des technologues est différente, qu'il s'agisse, par
exemple, de chantiers de construction du type bâtiment de ceux de
génie civil, par exemple. Lorsqu'il s'agit de travaux de bâtiment,
il y a beaucoup de tâches qui peuvent être faites par un
technologue qui sont assimilables à celles d'un menuisier ou d'un
journalier de la construction comme on les connaît depuis nombre
d'années.
Ces tâches, en particulier... On pense, par exemple, à
déterminer le périmètre d'un édifice pour son
implantation à partir des plans et devis des professionnels qui les ont
préparés en utilisant des instruments de géodésie,
des transits, et qui sont faits avec des mesures
prédéterminées. Par exemple, des angles de 90
degrés, ce qui est relativement simple. La majorité des
édifices ont des angles de 90 degrés. Alors, on va donner des
lignes pour des fondations, les semelles et la charpente, ainsi de suite. Dans
certains cas, il y a des ouvriers de la construction qui sont probablement
habilités à faire ce type de travaux en vertu de leur formation
professionnelle longue. Dans le cas également de bâtiment, on peut
parler d'utilisation de niveau pour donner, par exemple, à un plan une
surface de plancher qui est tout partout la même si on veut, pour une
grande étendue, ce qui demande des connaissances minimes des appareils
qu'ils utilisent et également des connaissances minimes des
mathématiques. Bien entendu, en vertu de la formation que le technologue
a, il peut en faire beaucoup plus que ça, fui, mais il peut quand
même faire ça.
Par contre, quand on tombe dans des charpentes plus complexes, c'est
là que, des fois, l'utilisation des instruments se complique et que leur
utilisation demande une formation de niveau supérieur, d'un ordre
supérieur de formation comme celle du niveau collégial. On
reconnaît, on voit ça davantage du côté des travaux
de génie civil. Qu'on parle de chantier d'aqueduc et d'égout, de
voirie, d'autoroute, les grands travaux de barrage et ainsi de suite, pour
pouvoir accomplir son travail, le technologue utilise des appareils qui sont
totalement hors de la portée, selon notre connaissance - et ça a
été vérifié -de gens de formation secondaire. Vous
savez, ces gens-là font des études en géodésie, en
cartographie, en topométrie et, pour ce faire, ils doivent, au
préalable, avoir eu des formations en mathématiques, en
trigonométrie plane, sphé-rique. Il y a toute une base
scientifique nécessaire.
Lorsqu'on passe à l'exécution de travaux de construction,
il y a des informations, comment dirais-je, minimes de données, mais
toute l'implantation de ces travaux-là demande l'utilisation
d'instruments, une connaissance et une compréhension des plans et devis,
des méthodes et procédés. Qu'on pense à une courbe,
à un accès à une autoroute, par exemple, avec une courbe
spirale ascendante avec un dévers. Je ne peux
pas concevoir, moi, qu'avec des appareils simples qui ont
remplacé l'utilisation du passé que les menuisiers ont apprise
avec les années, qui est l'application du théorème de
Pythagore... Anciennement, on prenait des galons à mesurer avec des
multiples de 3, 4, 5 pour faire un triangle, pour vérifier si le coin
était d'équerre, et on donnait des niveaux avec des boyaux
d'arrosage pour s'assurer qu'en se servant des vases communicants, que les deux
extrémités de l'édifice étaient de niveau. Puis,
tranquillement, on s'est mis à utiliser les appareils que je vous ai
définis au départ, mais il y a toute une différence au
niveau de la complexité quand on tombe à l'autre niveau. Je ne
sais pas si j'ai répondu à votre question, M. le ministre.
M. Cherry: O.K. Votre corporation, elle existe depuis combien de
temps?
M. Dubois: Depuis 1980. M. Cherry: L'année 1980?
M. Dubois: Oui.
M. Cherry: O.K. Quand vous parlez du va-et-vient, des tribunaux,
la CCQ versus vous autres... Premièrement, vous avez combien de membres
dans votre corporation?
M. Dubois: La Corporation regroupe, là, bon an mal an,
depuis les dernières années... Bien, écoutez, pour
répondre à celle-là, si vous me permettez, je vais vous
passer M. Daigneault qui est dans l'administration plus que moi pour
répondre à cette question.
Le Président (M. Gauvin): M. Daigneault.
M. Daigneault (Denis): M. le ministre, pour répondre
à votre question, la Corporation regroupe près de 4500 membres
dont on pourrait dire, facilement, au-delà de 1500 comme tels qui ont
oeuvré dans le domaine du génie civil. Toutefois, nous ne
regroupons, comme corporation à titre réservé, qu'une
fraction de la main-d'oeuvre qualifiée, diplômée de niveau
collégial en génie civil. On parle ici d'environ 20 000, 25 000
individus diplômés du collégial qui ont à oeuvrer
sur les différents chantiers en tant que surveillants de travaux,
surveillants de l'exécution et individus qui donnent des indications
pour que les devis soient suivis.
Le Président (M. Gauvin): M. le ministre.
M. Cherry: Donc, vous en avez 4500 sur 20 000. Les autres
exercent, même s'ils ont appris ça, ils exercent ça dans le
même type d'industrie, mais dans des fonctions différentes...
M. Daigneault: ...des fonctions similaires.
Toutefois, si vous connaissez le domaine des corporations
professionnelles, il y a des corporations dites à champs de pratique
exclusifs et il y a des corporations dites à titre réservé
seulement. Notre Corporation en est une à titre réservé
seulement. Pour travailler, pour exercer sa profession, il n'est pas
nécessaire ou obligatoire d'être membre chez nous, d'où la
raison pour laquelle on ne regroupe pas l'ensemble des intervenants. Par
contre, comme on dit, on peut être considéré comme
porte-parole des intervenants. On est un groupe qui regroupe une bonne partie
des intervenants. Des intervenants qui vivent des problèmes que
l'ensemble des différents intervenants dans le domaine du génie
civil vont vivre face à certaines applications par la Commission de la
construction du Québec.
M. Cherry: O.K. Le nombre de conflits par année entre les
membres que vous représentez...
M. Daigneault: Oui.
M. Cherry: ...vos 4500, et la CCQ, c'est combien? Est-ce que
ça a été en s'accroissant? Est-ce que ça se
maintient? Ça a commencé quand?
M. Daigneault: II y a une recrudescence depuis les derniers mois,
et je vais laisser notre conseiller juridique vous donner des chiffres plus
précis ou des détails pertinents à cette chose.
Le Président (M. Gauvin): M. Bélanger.
M. Bélanger (André J.): Oui, M. le ministre.
Évidemment, il y a deux dimensions à ça. Il y a des cas
pour lesquels il y a des plaintes qu'on peut essayer de quantifier, mais il y a
aussi toute la conséquence de cette jurisprudence créée de
façon relativement récente. D'ailleurs, ça date de 1989,
cette nouvelle orientation du commissaire de la construction qui inclut les
hommes d'instruments, ce qui n'était pas le cas depuis le début
des années quatre-vingt. Il y a aussi tout le fait, comme
conséquence, de cette décision-là, d'employeurs ou de gens
qui n'osent plus utiliser les technologues sur les chantiers, qui se
retiennent. Le problème va beaucoup plus loin que simplement les
plaintes. Je peux vous dire que, simplement cette année, il y a eu six
ou sept plaintes, à ma connaissance, pour lesquelles la Corporation a
assumé la défense de ses membres. Tout récemment encore,
on a dû en plaider dans la région de Sherbrooke. D'abord en Cour
du Québec, on a été acquittés. La Commission de la
construction est allée en appel devant la Cour supérieure, on a
été acquittés. Et voilà que quelques mois plus
tard, la même Commission, dans les mêmes cas, pour les mêmes
actes, se retourne du côté civil et recommence au niveau d'une
réclamation au civil. Alors, on n'en sort plus. On sait qu'actuellement
les chantiers
étant moins nombreux, ce que nous disent nos membres, c'est que
là, on les suit à la trace actuellement, et c'est quasiment du
harcèlement. Je reprends même le mot des technologues
concernés qui disent: Là, on est vraiment «suivis à
la trace» et on doit faire attention de sorte qu'on peut s'attendre
à une multiplication de ce genre de plaintes là.
M. Cherry: O.K. Une dernière intervention. Pour permettre
au conseiller du ministère d'examiner cette question-là, vous
serait-il possible, aujourd'hui ou en tout cas dans les meilleurs
délais, de me déposer une copie des plaintes, des
décisions administratives judiciaires concernant la problématique
que vous nous soulevez pour qu'on puisse regarder ensemble ce qu'on peut
faire?
M. Bélanger (André J.): J'ai apporté avec
moi, je pense que j'ai dans ma serviette une bonne partie de cette
documentation-là qui pourrait intéresser votre ministère.
Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que les tribunaux de nature pénale,
la Cour du Québec - division criminelle - et la Cour supérieure
siégeant en appel ont eux jugé que les technologues, de par leur
statut, n'étaient pas couverts par le décret. Cependant, quand on
arrive du côté civil et qu'ils ont une réclamation civile,
ce qu'il faut bien comprendre, c'est que, dès qu'on conteste le statut
de salarié, automatiquement, c'est référé devant le
commissaire de la construction. Le juge, au civil, n'a pas cette
juridiction-là. Si on s'en va devant le commissaire de la construction,
lui, il décide, premièrement, qu'il n'est pas lié par les
décisions de nature pénale, ce qui est un principe de droit,
d'ailleurs reconnu, et donc, qu'il peut rendre une décision tout
à fait différente, et c'est effectivement ce qu'il fait. Lui, il
décide qu'on est assujettis. Alors, on se retrouve avec des tribunaux et
des juges, jusqu'à la Cour supérieure, qui nous disent: Vous ne
devriez pas être assujettis, et nous vous acquittons. On se retrouve du
côté civil avec une décision du commissaire de la
construction qui lie le même juge de la Cour supérieure qui va
siéger au civil, qui le lie et qui le force - ce même juge qui
nous a acquittés lors d'une plainte pénale - à nous
condamner sur le plan civil. C'est une situation absolument aberrante, M. le
ministre.
M. Cherry: Donc, vous allez nous fournir la documentation.
M. Bélanger (André J.): Oui.
M. Cherry: Est-ce que vous avez présenté un
mémoire de nature semblable l'an dernier, au sommet de la justice?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bélanger (André J.): Non. Ils ont suffisamment
d'autre chats à fouetter que celui-là. On pensait que le forum
ici serait le forum adéquat et idoine pour nous entendre.
M. Cherry: Merci. Ça termine.
Le Président (M. Gauvin): M. Bélanger, j'aimerais
à ce moment-ci vous demander: Est-ce que les documents que vous avez
mentionnés pourraient être déposés à la
commission pour le bénéfice des autres membres de la
commission?
M. Bélanger (André J.): Oui. Il faudrait en faire
des photocopies. Je n'ai que mes copies, M. le Président.
Peut-être qu'après l'audition on pourra essayer de régler
cet aspect technique là et voir ce que nous...
Le Président (M. Gauvin): Ce que je voudrais vous dire...
Est-ce qu'il y a de ces documents-là qui touchent des cas qui pourraient
être devant les tribunaux?
M. Bélanger (André J.): Non. Actuellement, non. Ce
que je vous déposerais, ce sont des décisions rendues et non
des...
Le Président (M. Gauvin): Si vous vouliez les
déposer à la commission, on pourrait se charger d'en faire faire
des copies dans les minutes qui suivent. Est-ce que...
M. Bélanger (André J.): Oui. Si vous permettez,
à la fin de l'audition, je pourrai...
Le Président (M. Gauvin): Donc, est-ce qu'il y a le
consentement des membres ici pour déposer à la commission... Oui.
On vous invite donc à le faire. Mme la députée de
Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Messieurs, bonjour.
Lorsque la Corporation a été reconnue, j'étais au Conseil
des collèges du Québec. Rappelez-nous donc combien ça
regroupe de programmes, de techniciens diplômés dans
différents programmes. Si je ne m'abuse, c'est 20 et quelques. J'essaie
de me rappeler, mais c'est un peu loin.
M. Daigneault: Environ 80 programmes qui mènent au
diplôme d'études collégiales, le DEC. Par contre,
malgré ce chiffre élevé de programmes, on doit souligner
qu'il y a environ 35 % des membres qui viennent de la grande famille du
bâtiment et des travaux publics qui regroupe environ six diplômes
d'études collégiales, dont le génie civil,
l'estimation-évaluation...
Mme Blackburn: II y a génie civil, estimation...
Rappelez-moi.
M. Daigneault: Architecture...
Mme Blackburn: Architecture.
M. Daigneault: ...mécanique du bâtiment,
géodésie et, peut-être, dans la grande famille,
cartographie.
M. Dubois: Électrodynamique, côté
électricité.
M. Daigneault: Là, je vous ai nommé la grande
famille du bâtiment, comme telle, qui représente 35 %, 40 %...
Mme Blackburn: Technologie physique. M. Daigneault:
Pardon?
Mme Blackburn: Technologie physique. (14 h 45)
M. Daigneault: II y a un autre 35 % de nos membres qui sont dans
le domaine de l'électrotechnique, comprenant l'électronique,
l'électrody-namique, l'instrumentation et contrôle, les
technologies de système, les technologies physiques comme vous
dites.
Mme Blackburn: Moi, je voudrais être en mesure
d'évaluer combien ça touche de travailleurs de la construction,
votre demande. J'imagine que vos techniciens dirigent des travaux. Ils sont
plus souvent qu'autrement utilisés comme - je ne dirais pas
contremaîtres - mais vraiment pour savoir si l'exécution des
travaux est conforme aux devis techniques, aux plans.
M. Daigneault: Ils sont utilisés comme surveillants de
chantier.
Mme Blackburn: Surveillants de chantier, oui.
M. Daigneault: Très souvent, ils travaillent pour des
firmes d'ingénieurs-conseils ou des firmes de technologues-conseils et
ont comme mandat de s'assurer, au nom du maître d'oeuvre, de la
conformité des travaux en fonction des plans et devis.
Mme Blackburn: Ils sont majoritairement embauchés par les
maîtres d'oeuvre?
M. Daigneault: M. Dubois est mieux placé que moi sur
la...
M. Dubois: C'est assez réparti, Mme la
députée.
Mme Blackburn: Est-ce qu'ils sont aussi embauchés,
j'imagine, par les entrepreneurs généraux?
M. Dubois: Oui, c'est ce que j'allais vous préciser. Dans
les membres de la Corporation qui sont visés par l'application de cette
loi-là, il y a des technologues qui sont eux-mêmes entrepreneurs.
Bien entendu, par cette activité-là, ils sont régis par la
loi. Il y a beaucoup de technologues qui sont à l'emploi
d'entrepreneurs, il y en a qui sont à l'emploi de firmes
d'ingénierie et d'arpenteurs-géomètres. Il y a
également, comme M. Daigneault a voulu dire au début, des
technologues qui ont leur propre firme et qui rendent ce service-là
à des entreprises de construction de moindre importance qui ne peuvent
pas avoir de façon continue des technologues à leur emploi.
Mme Blackburn: Actuellement, ceux qui sont à l'emploi d'un
entrepreneur général sont assujettis, ou si vous voudriez aussi
les y soustraire. Autrement dit, la question, c'est: Est-ce que vous voulez
soustraire tous les techniciens, qu'ils ne soient plus assujettis au
décret, quel que soit leur employeur?
M. Dubois: C'est quel que soit leur employeur.
Mme Blackburn: Alors, c'est tout le monde? C'est tous ceux qui
ont une formation au niveau professionnel et qui pourraient,
éventuellement, s'ils le souhaitaient, devenir membres de la
Corporation...
M. Dubois: Oui, madame.
Mme Blackburn: ...qui ont la formation requise?
M. Dubois: Ça leur crée un problème. Vous
savez, les services qu'ils rendent, ils peuvent les rendre pour une certaine
période selon les conditions économiques à un
entrepreneur. Ils peuvent rechercher un emploi pour une firme
d'ingénierie qui a la surveillance de certains travaux. C'est le
même type de travail et d'activité professionnelle. Dans un cas,
ils agissent pour l'entrepreneur partiellement au niveau de la direction des
travaux. Il y a le contrôle qualitatif et quantitatif des travaux. Ils
ont à intervenir, à servir d'interface entre les professionnels
responsables des travaux pour s'entendre sur les quantités et la
préparation des certificats de paiement. Ils ont à soumettre les
échantillonnages pour la qualité des travaux. Ils peuvent
également le faire pour la partie des surveillants à leur
emploi.
Mme Blackburn: Comment distinguerions-nous dans le décret?
Moi, j'essaie de poser les questions et comprendre tantôt ce que
ça pourrait vouloir dire dans l'application. Comment pourrions-nous
distinguer dans le décret quelqu'un qui n'a pas la formation d'un
technologue, d'un technicien en sciences appliquées et qui remplit
à peu près les mêmes fonctions? Lui serait soumis au
décret et votre technologue, à
cause de sa formation, serait soustrait au décret? Comment est-ce
que ça peut se gérer, ça?
M. Dubois: Écoutez, avec la permission du
président, je pense que Me Bélanger pourrait répondre
à cette question-là de Mme Blackburn.
Le Président (M. Gauvin): M. Bélanger.
M. Bélanger (André J.): M. le Président, la
suggestion que fait la Corporation est une suggestion qui met le fardeau de la
preuve sur les épaules du technologue, c'est-à-dire que si la
Commission considère que M. X est sujet au décret et qu'elle
porte une plainte, le technologue qui est accusé aura le fardeau de
prouver qu'il est un professionnel et qu'il oeuvrait, au moment où il a
été pris sur le chantier, dans le domaine de sa compétence
professionnelle.
Mme Blackburn: Ça n'aura pas comme effet de diminuer les
plaintes, les recours devant la justice.
M. Bélanger (André J.): Je pense que rapidement il
va se créer une coutume, une pratique et une habitude qui vont faire
que, quand on va savoir qu'on a affaire à un technologue, à un
membre d'une corporation professionnelle, ça sera facile à
vérifier. Les champs de compétence sont bien décrits au
Code des professions de chacun des professionnels également.
Mme Blackburn: Si vous aviez... Ça représenterait
combien de personnes, si on donnait suite à votre recommandation?
Combien de travailleurs de la construction actuellement seraient soustraits ou
ne seraient plus assujettis au décret? J'entendais tantôt 20
à 20 000, ça réapparaissait gros.
M. Bélanger (André J.): Au niveau des technologues,
dans ce domaine-là, si je me réfère aux chiffres qui ont
été donnés tantôt...
Mme Blackburn: C'est 4500?
M. Bélanger (André J.): ...c'est peut-être de
l'ordre de 1500 personnes actuellement.
Mme Blackburn: 1500. M. Dubois: 1500 à 2000.
M. Bélanger (André J.): -1500 à 2000
personnes. Mais il y a une autre anomalie, pour finir ma réponse. C'est
que pour posséder... Vous savez qu'en vertu de la loi, il faut aller
chercher une carte de compétence dans quelque domaine que ce soit. Pour
avoir cette compétence d'homme d'instruments, qui est le problème
qui nous concerne aujourd'hui, l'ouvrier doit aller suivre un cours de 150
heures, si je ne m'abuse ou quelque chose du genre. Le technologue, lui, a
déjà une formation, non seulement qui rejoint ce qu'il a
donné pendant ces 150 heures-là, mais bien au-delà de
ça, qui est beaucoup plus avancée. Dans l'état actuel des
choses, le technologue qui veut oeuvrer comme homme d'instruments ou à
qui on demande de faire certains travaux d'homme d'instruments dans le champ de
sa compétence devrait, dans la logique de la loi et du décret,
aller suivre ce cours de 150 heures pour lequel il a déjà
reçu une formation que l'État a payée. On est dans un
système qui fait que c'est complètement aberrant de demander
à des gens qui ont déjà une compétence
professionnelle reconnue d'aller acquérir à nouveau une nouvelle
formation qui est largement inférieure à celle qu'ils ont
eue.
Mme Blackburn: Je reviens à l'idée suivante qui
n'est peut-être pas parfaite parce que je sais qu'elle m'avait
été soumise par les arpenteurs-géomètres dans le
comté - un cas de comté - et on va pouvoir les entendre
tantôt. Mais je me demandais s'il ne fallait pas plutôt faire une
distinction de statuts au regard de celui qui l'embauche. Alors, par exemple,
une entreprise dont l'arpenteur-géomètre qui a un technicien
à son service n'est pas assujetti, mais l'entrepreneur
général qui a le même technicien à son service
deviendrait assujetti, de manière à... parce qu'il me semble que
ça va être difficile de trancher tel que vous me le demandez. Je
vous suggère, là, je ne le sais pas.
M. Dubois: Je vois votre point, Mme la députée.
Mais moi, je vois dans cette approche que vous tentez d'éclaircir un
point, et d'une autre façon, je vois un moyen de compliquer les choses
ou même peut-être de créer une espèce
d'iniquité envers ceux qui, parce qu'ils sont à l'emploi d'un
entrepreneur en construction, ne peuvent pas faire les mêmes choses que
l'autre pourrait faire à l'emploi d'un arpenteur-géomètre
qui, lui, rendrait un service, par exemple, par le louage de services à
un entrepreneur général qui ferait des routes. Il enverrait une
équipe d'individus, qui aurait possiblement des technologues
là-dedans, faire des travaux et eux, parce qu'ils sont sous le chapeau
de l'arpenteur-géomètre, ne seraient pas régis, mais si
c'était l'équipe qui était à l'emploi de
l'entrepeneur général, ils seraient régis. Je vous avoue
que personnellement, j'ai un peu de difficulté avec ça.
Mme Blackburn: En fait, j'essayais de distinguer ce qu'est du
service professionnel. Vous dites qu'il y a de la vérification, et faire
la distinction entre la vérification et l'exécution... Alors, ce
qui est du service professionnel, et donc au service d'un ingénieur, au
service d'un architecte... Bon, et ce qui est de l'exécution de travaux
par celui qui a obtenu les
contrats... Alors, j'essayais de voir...
M. Dubois: Ma difficulté, je crois bien, c'est de voir
pour un même travail des statuts différents ou pour une même
profession des statuts différents. Est-ce qu'un
arpenteur-géomètre qui est à l'emploi d'une firme
d'entrepreneurs généraux a un statut professionnel
différent de celui qui est en pratique privée et qui rend des
services directement au public? Je pense qu'ils sont tous les deux aussi
professionnels, puis c'est le même cas pour le technologue.
Mme Blackburn: Non, là-dessus, vous ne m'amènerez
pas sur votre terrain, parce que le médecin qui travaille à la
«cliquette» et l'autre qui travaille dans un CLSC n'ont pas tout
à fait les mêmes conditions. Je me dis: Bon, si c'est vrai pour
tous les professionnels... Le professionnel qui décide d'enseigner et
celui qui s'en va sur un chantier n'ont pas tout à fait le même
statut non plus, pourtant ils ont la même formation. Moi, je n'essaie pas
de... Je reconnais la qualité de la formation au niveau
collégial. La question n'est pas là. Simplement, j'essaie de voir
les avantages et comment ça peut être applicable.
Vos membres sont généralement d'accord avec la position
que vous prenez. Vous avez fait une consultation là-dessus?
M. Dubois: Je m'excuse, j'ai manqué votre...
Mme Blackburn: J'ai dit: Vos membres, les techniciens, sont
généralement d'accord avec la position que vous défendez
et est-ce que vous avez fait un sondage là-dessus auprès de vos
membres?
M. Dubois: Effectivement, madame. Si on est ici aujourd'hui,
c'est à la demande de plusieurs membres qui, effectivement, ont
hâte de voir le jour où leur statut professionnel va être
reconnu.
Mme Blackburn: Alors, si votre proposition est acceptée,
ce que vous dites, c'est que la jurisprudence ferait le reste, et puis
finalement il s'établirait une jurisprudence qui amènerait, qui
obligerait, qui amènerait les inspecteurs de la CCQ à faire la
distinction entre le technologue qui effectue des travaux dans le cadre de sa
formation et celui qui fait des travaux davantage reliés à un
métier.
M. Dubois: Je vous répondrais...
Mme Blackburn: Mais il pourrait faire les deux aussi.
M. Dubois:... qu'effectivement, Mme la députée et
je laisserai peut-être avec la permis-sion du Président notre'
conseiller juridique compléter. Mais le seul fait que le membre
technologue est porteur d'une carte de membre c'est facilement
vérifiable par l'inspecteur de la CCQ, à savoir s'il est membre
ou non de la corporation professionnelle. Donc, il lui resterait seulement
à savoir ou, comme vous le suggérez très bien, essayer de
différencier si ce qu'il est en train de faire relève de sa
compétence professionnelle ou plutôt d'un travail de nature d'un
métier ou d'une occupation.
Soyez assurée que l'objectif de notre Corporation n'est pas du
tout d'enlever aux travailleurs de la construction le droit fondamental de
pouvoir continuer à exercer leur métier. On ne veut pas que
ça tourne d'une certaine façon à les exclure de faire la
partie pour lesquelles ils ont les compétences, mais c'est de dire
qu'à travers le travail qui relève également des
compétences des technologues, il y a peut-être une partie qui
peut, il y a une juxtaposition, une zone grise, peut-être, mais ce n'est
pas de les exclure que ceux qui le font continuent à le faire.
Et puis, le technologue, c'est comme Me Bélanger... Si vous
permettez, il pourra compléter, il aura à démontrer que ce
qu'il faisait. ça relève de sa compétence.
Le Président (M. Gauvin): M. Bélanger.
M. Bélanger (André J. ): Oui. Un premier
élément. Notre compréhension de la philosophie
d'économie de la loi, et c'est ce que la Cour suprême, il n'y a
pas si longtemps, a constaté dans la décision de la
Communauté urbaine de Montréal. Ce sont les occupations qui font
qu'on est régi ou pas par le décret, et non pas le statut qu'on
a. Qu'on soit un travailleur autonome, qu'on soit un professionnel en pratique
privée ou qu'on soit un professionnel à l'emploi d'un
entrepreneur, ce n'est pas ça qui fait qu'on va être soumis ou
pas. C'est le travail que l'on fait sur le chantier.
C'est pour ça que la proposition que nous apportons s'inscrit
dans cette philosophie, dans cette économie du projet qui veut qu'on
décide si quelqu'un ou non est soumis au décret et à la
loi, en fonction de l'occupation qu'il fait. La proposition qu'on amène
aujourd'hui est justement, à cet effet-là, de soustraire à
l'application du décret un technologue qui oeuvre et qui exerce une
occupation qui est dans le champ de pratique qu'on lui a reconnu par nos lois
professionnelles, et par la formation qu'il a reçue.
Mme Blackburn: Mais lorsque votre technicien effectue des travaux
que pourrait faire un ouvrier, un travailleur qui a les cartes de
compétence, par exemple, pour les instruments, je veux dire à ce
moment-là il devient... Il reste quand même, selon votre
définition, ce n'est pas des fonctions qu'il exécute, c'est son
statut.
M. Bélanger (André J.): Oui. Parce que dans la
philosophie du décret, ce qu'on recherche... Il y a les relations de
travail, les conditions de travail qui est un des objectifs recherchés
par le décret. Il y a aussi la formation. Ce qu'on dit, tout cet
élément formation, on l'a déjà, il nous est
déjà reconnu. Pourquoi nous obliger à aller chercher une
carte de compétence et à suivre un cours pour lequel on a... Bon.
Donc, ce qu'on dit, c'est qu'à partir du moment où on est dans
notre champ de pratique, même si c'est un champ mixte ou un champ qui
peut être partagé par d'autres, il nous semble qu'il n'y a pas de
justification pour qu'on soit soumis aux exigences de ce décret, et donc
qu'on devrait automatiquement, comme professionnels, en être exclus.
Mme Blackburn: Je veux bien comprendre. Même si votre
technicien effectue des tâches de métier...
M. Bélanger (André J.): Des tâches qui
sont...
Mme Blackburn: Professionnelles.
M. Bélanger (André J.): ...dans le cadre de sa
profession.
Mme Blackburn: O.K.
M. Bélanger (André J.): Il y a des zones grises
comme dans plusieurs autres corporations...
Mme Blackburn: C'est ça, il y a un chevauchement.
Ça va.
M. Bélanger (André J.): ...professionnelles.
Mme Blackburn: Vous nous dites, dans le fond, que ça
toucherait entre 1500 et 2000 travailleurs.
M. Bélanger (André J.): Oui.
Mme Blackburn: Bien. Moi, ça va. Je vous remercie.
Le Président (M. Gauvin): Merci, Mme la
députée de Chicoutimi. Je ne sais pas si M. le ministre a
quelques mots à ajouter en conclusion.
M. Cherry: Ça termine. Merci beaucoup de votre
présence, et on tentera de donner suite à la documentation que
vous nous fournirez avec les gens du ministère chez nous. Merci.
Une voix: Merci.
Le Président (M. Gauvin): Mme la députée de
Chicoutimi, est-ce que vous avez quelques mots en conclusion?
Mme Blackburn: Merci pour votre présentation, et ça
m'a fait plaisir de vous voir là. Je pense que je n'avais pas revu les
membres de la Corporation depuis le moment où on s'est prononcé
sur la création de la Corporation, et ça m'a fait plaisir.
Une voix: Merci.
Le Président (M. Gauvin): Donc, je remercie M. Dubois et
son groupe pour la présentation qu'ils ont faite à cette
commission. Merci. On va suspendre pour une minute pour permettre à
l'Ordre des arpenteurs-géomètres du Québec de prendre
place.
(Suspension de la séance à 15 h 1)
(Reprise à 15 h 4)
Le Président (M. Gauvin): La commission de
l'économie et du travail reprend ses travaux. J'invite donc les membres
de la commission à regagner leur fauteuil. Nous allons permettre au
groupe, comme je vous le mentionnais, de l'Ordre des
arpenteurs-géomètres du Québec à prendre place ici,
en avant. M. Ghislain Tremblay, président. Je vous inviterais à
nous présenter vos collaborateurs. M. Tremblay.
Ordre des arpenteurs-géomètres du
Québec
M. Tremblay (Ghislain): Merci, M. le Président. Alors,
j'aimerais vous présenter immédiatement, à mon
extrême gauche, M. Michel Robitaille, un des auteurs du mémoire
que nous vous avons présenté; à ma gauche
immédiate, je vous présente M. Gilles Legault, directeur
général de notre corporation professionnelle, et à ma
droite, M. Jocelyn Fortin, président de la Fédération des
arpenteurs-géomètres du Québec.
Le Président (M. Gauvin): M. Tremblay, vous avez une
période de 20 minutes. Vous devez présenter votre mémoire
à l'intérieur de cette période-là autant que
possible; ensuite viendra une période de questions. M. Tremblay.
M. Tremblay (Ghislain): Je vous remercie. M. le Président,
M. le ministre, Mme et MM. les députés, j'aimerais auparavant
vous remercier. Nous profitons de l'occasion de l'ouverture de la loi pour
venir vous faire part clairement de nos griefs et nous vous remercions de votre
sollicitude. En fait, ce que nous allons vous présenter est tout
l'inverse du travail au noir. Nous voulons que les chantiers de construction
québécois soient de haute qualité, tant en rendement qu'en
position des structures. Nous voulons, au grand jour, oeuvrer sur les chantiers
de construction tout en respectant les règles de l'arpentage et notre
autonomie professionnelle. Nous
voulons une situation claire. Nous ne voulons pas de situation
ambiguë. Nous ne voulons pas être sous l'emprise de la CCQ. C'est
impossible, et nous vous le démontrerons.
L'Ordre des arpenteurs-géomètres du Québec formule
une requête aux législateurs dans le cadre du projet de loi 185,
Loi modifiant la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle
et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction. Cette
requête est d'inclure à l'article 19 de cette loi les
arpenteurs-géomètres et le personnel qui les assiste. Cet article
énumère les exclusions à la loi. La formulation exacte que
nous suggérons est présentée en guise de conclusion au
présent mémoire. Nous motiverons notre requête dans ce
mémoire en vous décrivant chacun de nos motifs. Nous aborderons
notre démonstration de la façon suivante. Premièrement,
l'Ordre des arpenteurs-géomètres du Québec: son
historique, sa mission et son champ de pratique; deuxièmement, l'origine
du problème actuel: la décision 506 du commissaire Gilles Gaul;
troisièmement, les implications et les conséquences actuelles;
quatrièmement, les arguments en faveur de notre requête, soit ceux
du professionnel autonome, de la relation avec les limites de
propriétés, le professionnel en arpentage de précision et
la régularité de l'emploi et du personnel imposé dans les
bureaux d'arpenteurs-géomètres, l'interprétation
outrancière de la décision 506 par la CCQ et, finalement, nous ne
faisons pas de construction. Je terminerai avec la conclusion.
L'Ordre des arpenteurs-géomètres du Québec.
Dès le début de la colonie, les
arpenteurs-géomètres jouent un rôle déterminant dans
le développement de notre territoire. Le premier bornage en
Nouvelle-France a été effectué en 1626. Vous vous imaginez
que ce n'est pas moi qui l'ai signé. En 1882, un regroupement
légal est créé par le gouvernement sous le nom de la
Corporation des arpenteurs-géomètres. Depuis lors, les
arpenteurs-géomètres sont régis par les règles
strictes du professionnalisme québécois. L'Office des professions
supervise, depuis 1973, les professions au Québec. L'Ordre des
arpenteurs-géomètres du Québec, créé en
1882, est présentement assujetti à la surveillance de l'Office
des professions, au même titre que tous les autres ordres professionnels
au Québec.
La mission de l'Ordre des arpenteurs-géomètres du
Québec consiste à faire le nécessaire pour assurer la
protection du public. À cet effet, l'Ordre a le devoir de prendre les
moyens préventifs et correctifs requis pour s'assurer que ses membres
pratiquent la profession dans le respect des standards les plus
élevés de qualité et d'intégrité. Sa mission
consiste également à assurer un sain développement de la
profession afin que la nature et la qualité des services rendus par les
arpenteurs-géomètres soient adaptées à
l'évolution de la société québécoise. Ce
rôle de protection du public se réalise et se concrétise
aussi bien lors d'un arpentage particulier que sur un chantier de construction
industriel ou encore dans l'élaboration d'une banque de
données.
Après un baccalauréat en géomatique d'une
durée de trois ans et demi à l'Université Laval,
après une série d'examens d'admission à l'Ordre,
après un stage de formation professionnelle d'un an, le candidat ayant
passé avec succès les différentes étapes devient
arpenteur-géomètre. Par la suite, des cours de formation continue
lui sont offerts. Un système d'inspection professionnelle le
contrôle. Un bureau des syndics s'occupe des litiges avec la
clientèle. Un programme obligatoire d'assurance-responsabilité
est en place. Il doit, en plus, se soumettre aux lois et règlements
édictés par l'État.
Le législateur a voulu donner aux
arpenteurs-géomètres un champ exclusif de pratique. Il l'a
défini à l'article 34 de la Loi sur les
arpenteurs-géomètres. Cet article se lit comme suit:
«L'arpenteur-géomètre est un officier public. Constituent
l'exercice de la profession d'arpenteur-géomètre: "a. tous
arpentages de terrains, mesurages aux fins de borner, bornages, levés de
plans, toutes confections de plans, de procès-verbaux, de rapports, de
descriptions techniques de territoires, de certificats de localisation et de
tous documents ainsi que toutes opérations faites par méthode
directe, photogrammétrique, électronique ou autre se rapportant
de quelque manière que ce soit au bornage, lotissement,
établissement d'assiette de servitude, piquetage de lots, et
relevé des lacs, rivières, fleuves et autres eaux du
Québec, aux calculs de superficies des propriétés
publiques et privées, à toutes les opérations cadastrales
ou aux compilations de lots ou de parties de lots, ainsi qu'à la
représentation cartographique de territoire aux fins susdites; "b.
l'établissement et la tenue à jour du canevas des points
géodésiques de tout ordre de précision et
l'établissement des contrôles photo-grammétriques aux fins
des travaux énumérés au paragraphe a.»
Dans le cadre de cet article, nous sommes des officiers publics, et le
nouveau Code civil du Québec le confirme.
Cet article 34 définit la portion de notre profession qui nous
est exclusive. Toutefois, notre champ de pratique, où nous sommes
reconnus experts, est beaucoup plus vaste. En preuve, l'article 36 de notre loi
qui distingue «l'opération définie à l'article
34», dans un premier temps, et également «un
arpentage».
L'État a aussi reconnu comme étant du champ de pratique de
l'arpenteur-géomètre l'implantation de structures. En effet, le
gouvernement a édicté le règlement 8 sur le piquetage et
l'implantation. Dans ce texte réglementaire, l'implantation est
définie comme suit: «L'ensemble des opérations
effectuées par l'arpenteur-
géomètre dans le but de positionner au moyen de
repères, à partir de points connus, le site exact d'une structure
ou d'un détail de structure à être modifié.»
Notre pratique couvre principalement les activités suivantes:
l'arpentage foncier et la gestion foncière, l'arpentage de construction,
l'arpentage minier, la géodésie, la photogram-métrie, la
cartographie, les systèmes d'information à
référence spatiale, les positionnements par satellites.
Aujourd'hui, on regroupe l'ensemble de ces disciplines sous le nom de
géomatique.
En bref, l'arpenteur-géomètre est le spécialiste de
la détermination des limites de propriété, le
spécialiste en mesurage et positionnement, le spécialiste en
systèmes d'information à référence spatiale, le
spécialiste en arpentage de construction (microgéodésie)
des chantiers d'envergure. La compétence, l'expertise et la
réputation des arpenteurs-géomètres dans ces domaines est
de notoriété publique.
L'origine du problème actuel. Il semble qu'un simple
problème de sémantique soit à l'origine de la situation
actuelle. Les arpenteurs-géomètres utilisent obligatoirement
depuis toujours des aides arpenteurs-géomètres. Malheureusement,
nous les avons, au fil du temps, appelés les chaîneurs et les
hommes d'instruments. Aujourd'hui, ces techniciens sont devenus des techniciens
en géomatique. Certaines de ces personnes sont aussi des techniciens
juridiques, ces derniers étant appelés entre autres à
faire des recherches au Bureau d'enregistrement. Or, le décret de la
construction utilise les mêmes termes pour des fonctions
effectuées par des employés d'entrepreneurs sur des chantiers de
construction. On y retrouve même le terme «homme
d'instruments-arpenteur», ce qui n'a aucune signification dans le cadre
de la pratique normale d'arpentage.
Parce qu'on utilise les mêmes termes, certains nous
considèrent inclus dans la loi. C'est illogique. Notre personnel doit
être assermenté. C'est dans la Loi sur les
arpenteurs-géomètres. Les articles 45 et 46 se lisent comme suit:
L'article 45. «Avant d'utiliser les services d'une personne pour des
opérations d'arpentage, l'arpenteur-géomètre est tenu de
lui faire prêter serment ou déclarer solennellement: a.
d'opérer avec justesse et précision et au meilleur de son
jugement et de son habileté; b. de rendre un compte exact et
fidèle de ses opérations à
l'arpenteur-géomètre.» L'article 46. «Un allié
ou parent jusqu'au degré de cousin germain inclusivement d'une personne
qui a intérêt dans une opération d'arpentage ne peut
être employé comme aide technique dans cet arpentage.»
Même sur un chantier de construction, nos lois et
règlements nous obligent à avoir du personnel assermenté.
Le 4 janvier 1989, le Commissaire de la construction, M. Gilles Gaul, rendait
une décision portant sur l'assujettissement des chaîneurs
salariés de la construction et des hommes d'instruments salariés
de la construction au décret de la construction. Cette décision
renversait le courant jurisprudentiel établi avec l'affaire Walsh et
Brais inc. en août 1981. On se rappellera qu'avant cette décision,
les chaîneurs salariés de la construction et les hommes
d'instruments salariés de la construction qui exécutaient des
travaux sur un chantier de construction étaient régis par le
décret, sauf ceux qui effectuaient des travaux d'arpentage à
l'étape pré-chantier et après que la construction
était terminée. Subséquemment, en août 1981, le
Commissaire de la construction, M. Évariste Bernier, décida dans
l'affaire Walsh et Brais inc. que, vu la modification apportée à
la définition du mot «salarié» prévue à
la loi, ces emplois n'étaient plus assujettis. Nous avons donc
vécu par la suite une période de tranquillité et de
sérénité.
Le 4 janvier 1989, le Commissaire de la construction, M. Gilles Gaul, a
décidé que le mot «salarié» tel que
défini à la Loi sur les relations du travail, la formation
professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la
construction inclut le chaîneur salarié de la construction et
l'homme d'instruments salarié de la construction qui travaillent sur un
chantier de construction. Dans cette affaire, le commissaire Gaul a fait
référence aux définitions de ces emplois contenus au
décret. Ainsi, l'homme d'instruments-arpenteur salarié de la
construction est devenu un salarié qui, à l'aide d'un instrument,
fournit les alignements et les élévations de terrain
nécessaires à l'exécution de certains travaux, tandis que
le chaîneur est le salarié de la construction qui assiste l'homme
d'instruments salarié de la construction dans l'exécution de son
travail et qui effectue toute autre tâche connexe. (15 h 15)
La CCQ altère d'une façon qui frôle la mauvaise foi
la portée véritable de la décision 506 du commissaire
Gold. Dans ce cas qui concernait le chantier des hélicoptères
Bell à Mirabel, il n'était pas question, ni de près, ni de
loin, du travail d'un arpenteur-géomètre et de ses aides. Il
était mention d'un commis à qui on a demandé d'effectuer
à l'occasion du mesurage. Celui-ci était à l'emploi d'un
entrepreneur en construction.
Les implications et les conséquences actuelles. Des poursuites.
Les arpenteurs-géomètres ont dépensé des sommes
considérables en raison des poursuites de la Commission de la
construction du Québec.
Du harcèlement. Des arpenteurs-géomètres ont
été harcelés par des inspecteurs de la CCQ, et ce,
même sur des chantiers de maisons unifamiliales.
Des agences de placement. L'utilisation obligatoire des agences de
placement dans le domaine de la construction est inapplicable aux
arpenteurs-géomètres. Il est impensable pour des
arpenteurs-géomètres d'agir avec des employés qu'ils ne
connaissent pas. Nous devons connaître
à fond les capacités, l'expérience et les
compétences de chacun de nos employés. Cette connaissance
s'acquiert au fil des ans. La responsabilité professionnelle
attachée aux opérations d'arpentage est lourde et coûteuse,
et s'accommode mal d'un personnel imposé et des lois actuelles
régissant la profession de l'arpenteur-géomètre.
De nouvelles compagnies d'entrepreneurs en construction. On nous
opposera que certains bureaux ont formé des compagnies d'entrepreneurs
en construction afin d'effectuer des travaux
d'arpenteurs-géomètres sur les chantiers, en accord avec les
prescriptions du décret. Nous vous informons que cette action
n'était dictée que par un souci de protection de poursuites
éventuelles.
Des cours de sécurité sur les chantiers. Nous sommes en
accord avec l'obligation des cours de sécurité avant d'avoir
accès au chantier. C'est une obligation très louable, mais c'est
même essentiel et indispensable.
Des procès à ne plus finir. Afin d'éviter aux
arpenteurs-géomètres et au public québécois une
guérilla juridique longue et coûteuse, nous vous prions
d'accéder à notre requête.
Les arguments en faveur de notre requête. L'argument du
professionnel autonome. L'arpenteur-géomètre reçoit son
mandat de son client. Ce dernier est le propriétaire du terrain
concerné, ou son mandataire, ou l'entrepreneur général. Il
doit oeuvrer avec impartialité et liberté. Il doit être en
pleine possession de ses moyens, de ses outils et de son personnel. Il n'est
pas question qu'on lui dicte quelle personne accomplira une partie de son
travail. L'arpenteur-géomètre est et doit demeurer
complètement indépendant.
L'argument de la relation avec les limites de propriété.
L'arpenteur-géomètre est un officier public. Il possède
l'exclusivité de la délimitation des propriétés. De
plus, il est habilité à situer des édifices à
construire, en relation avec ses limites de propriété ou d'autres
dimensions prévues aux différentes lois et règlements qui
affectent la propriété. Pensons, par exemple, à la Loi sur
l'aménagement et l'urbanisme, les règlements municipaux de zonage
et de construction, les droits de passage et les servitudes, la loi sur le
zonage agricole, etc. Le seul professionnel reconnu comme ayant ces
compétences est l'arpenteur-géomètre.
L'argument du professionnel en arpentage de précision. La
formation d'un arpenteur-géomètre est unique au niveau des
arpentages de haute précision. L'utilisation quotidienne d'instruments
de haute précision le dispose naturellement à effectuer ces
tâches. La compréhension inhérente à l'utilisation
des instruments de précision, de l'interprétation des
résultats et des calculs qui en découlent en font le
professionnel tout désigné pour effectuer des travaux d'arpentage
de précision ou de microgéodésie.
L'argument de la régularité de l'emploi dans les bureaux
d'arpenteurs-géomètres et de l'impossibilité d'oeuvrer
avec du personnel imposé. Le travail est saisonnier dans le domaine de
la construction. Le travail est annuel dans le domaine de l'arpentage.
Conséquemment, il y a là une distinction de base très
importante. L'arpenteur-géomètre est appelé à
fournir des services professionnels tout au long de l'année. Pour ce
faire, et afin d'assumer la responsabilité attachée à sa
profession, il est impensable que celui-ci se voit désigner, par le
biais de la CCQ, du personnel ne connaissant pas l'instrumentation, la
programmation et la méthodologie propre à chacun des bureaux
d'arpenteurs-géomètres. De plus, les délais exigés
entre le moment de l'obtention d'un mandat et l'exécution des travaux
sont toujours très courts. Il est important d'avoir en tout temps
à sa disposition un personnel de confiance prêt à
exécuter lesdits mandats et ce, dans le respect des règles de
l'art. En outre, les arpenteurs-géomètres se doivent d'être
loyaux envers leurs employés et de fournir du travail soutenu à
leurs employés permanents.
Les salaires payés dans le secteur de la construction sont plus
élevés que ceux normalement payés dans les bureaux
d'arpenteurs-géomètres. La perturbation socio-économique
créée par cet impact dans les bureaux
d'arpenteurs-géomètres est considérable. Elle peut acculer
à la faillite certains bureaux qui deviendront non compétitifs
dans le domaine de l'arpentage. Si jamais une hausse devait intervenir, les
premières répercussions seraient sur l'utilisateur des services
d'arpentage, le contribuable moyen qui accède à la
propriété. Encore là, il s'agit pour ce dernier de
coûts supplémentaires difficilement acceptables dans le contexte
actuel.
L'argumentation de l'interprétation outran-cière de la
décision 506 par la CCQ. La dernière directive 1.17 (annexe 1) de
la CCQ - du 2 avril 1990 - a interprété d'une façon plus
que large les propos du commissaire Gaul. Nous sommes en désaccord avec
ces interprétations. Les dispositions du décret sont correctes,
selon nous, si elles s'adressent aux seuls salariés, employés du
domaine de la construction, et non au personnel des bureaux
d'arpenteurs-géomètres. Nous demandons que les définitions
de «chaîneurs» et «hommes d'instruments»
demeurent attachées au domaine de la construction et ne soient pas
extrapolées au domaine de l'arpenteur-géomètre.
L'argument: «Nous ne faisons pas de construction». Le terme
«construction» est défini dans la loi comme suit:
«Construction»: les travaux de fondation, d'érection,
d'entretien, de rénovation, de réparation, de modification et de
démolition de bâtiments et d'ouvrages de génie civil
exécutés sur les lieux mêmes du chantier et à pied
d'oeuvre, y compris les travaux préalables d'aménagement du sol.
En outre, le mot «cons-
truction» comprend l'installation, la réparation et
l'entretien de machinerie et d'équipement, le travail
exécuté en partie sur les lieux mêmes du chantier et en
partie en atelier, le déménagement de bâtiments, les
déplacements des salariés, le dragage, le gazonnement, la coupe
et l'émondage des arbres et arbustes ainsi que l'aménagement de
terrains de golf, mais uniquement dans les cas déterminés par
règlement. Or, nous ne faisons pas de construction. Nous ne collaborons
aucunement à l'avancement des travaux de construction. Nous
vérifions, calculons, positionnons précisément et rendons
compte.
En conclusion, nous demandons que l'article 19 de la Loi sur les
relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la
main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction soit modifié, de
façon à ce que l'arpenteur-géo-mètre et ses aides
qui sont sous sa surveillance immédiate soient exclus de l'emprise de
ladite loi.
J'aimerais compléter en vous soulignant que notre demande
s'inscrit très bien dans le courant actuel de
déréglementation du système. Nous avons déjà
nos lois et règlements à l'Ordre des
arpenteurs-géomètres, et nous ne voulons pas qu'il faille
compliquer le système en y ajoutant celles qui régissent la
construction. Comme nous vous l'avons énoncé, nous ne faisons pas
de construction. S'il fallait seulement que, pour vous construire une maison,
vous fassiez appel uniquement à des arpenteurs-géomètres,
vous vous ramasseriez avec une belle forêt de piquets, une belle
forêt de repères, une belle forêt de bornes, mais vos murs
ne seraient pas chauds. Je vous remercie.
Le Président (M. St-Roch): Je vous remercie, M. Tremblay.
Je vais maintenant reconnaître M. le ministre.
M. Cherry: Merci, M. le Président. Messieurs, compte tenu
de la directive 1.17 de la CCQ qui - vous en avez ajouté copie dans
votre mémoire - vous exclut ainsi que vos aides du champ d'application
de la loi R-20 pour tout ce qui concerne l'exercice exclusif de votre
profession - je lis textuellement «d'arpenteurs-géomètres
au sens de votre loi constitutive», pouvez-vous nous expliquer quels sont
les gestes que vous posez sur un chantier de construction et qui ne se
retrouveraient pas dans le champ qui vous est réservé? Y en
«a-tu»? Où est la zone grise? Aidez-nous à comprendre
ce qui peut permettre...
M. Tremblay (Ghislain): Premièrement, au niveau de
l'article 34, effectivement, c'est l'aspect réglementé de notre
pratique en général. Donc, à ce moment-là, on va
parler directement de la propriété foncière. Ça va
être en relation avec les piquetages, un peu comme je l'ai
mentionné tout à l'heure: piquetage, subdivision, etc. Ceci est
traité d'une manière exclusive dans notre loi. Cependant, de par
sa formation, l'arpenteur-géomètre a plusieurs champs de
compétence différents qui ne sont pas exclusifs, et qu'il peut
occuper selon les lois du marché. Au niveau d'un chantier de
construction, l'arpen-teur-géomètre va oeuvrer principalement au
niveau de la vérification, de l'implantation de bâtiments, que ce
soit en partant des limites de propriété, que ce soit en partant
d'autres relations de bâtiments entre elles. Il va oeuvrer
également au niveau de la volumétrie, souvent pour
contrôler des volumes de matériaux qui sont facturés ou qui
sont sortis ou entrés sur le chantier. Ce sont les principales
activités de l'arpenteur-géomètre et de ses aides sur un
chantier de construction. Il agit, règle générale, pour
son client qui sera, soit le propriétaire du terrain, soit
l'entrepreneur en construction, le maître d'oeuvre du chantier, soit la
compagnie qui désire construire une usine ou quelque autre
construction.
Je voudrais compléter en disant que le mandat de
l'arpenteur-géomètre en est un de contrôle et en est un de
vérification, règle générale. Un
élément sur lequel nous n'avons pas suffisamment insisté
est le fait aussi que les aides de l'arpenteur-géomètre doivent
pratiquer sous sa supervision immédiate. Donc, à partir de ce
moment-là, si je peux vous donner une image... Vous savez que
l'arpenteur-géomètre ne peut pas être aux deux bouts de la
chaîne. Il ne peut pas non plus être des deux côtés de
la lunette, sauf que les personnes qui y sont doivent, comme je l'ai
mentionné dans les articles qui sont inclus dans notre loi, rendre
compte à l'arpenteur-géomètre et agir sous sa supervision
immédiate.
M. Cherry: Je vais vous demander encore de préciser. Le
problème souvent quand on est expert dans un domaine comme vous
l'êtes dans le vôtre, des fois vous prenez pour acquis que pour
nous dans le quotidien il y a ça et autre chose, on saisit toutes les
subtilités de votre métier. Vous autres vous en parlez. C'est
ça, votre quotidien. Qu'est-ce qui fait que dans l'exercice de la
reconnaissance de votre fonction comme professionnel, est-ce qu'il y a d'autres
choses qui débordent de ça? Qu'est-ce qui fait que dans votre
quotidien quelqu'un pourrait dire: Ils font du travail qui normalement est
assujetti au décret, ou si c'est simplement parce qu'il y a une partie
de votre travail qui est le vôtre que certains d'eux peuvent
également exécuter qui fait qu'ils se croient
légitimés de dire: Parce que je suis capable de faire un bout de
leur travail, ça veut dire que ce qu'ils font c'est mon travail? Mais le
vôtre va plus loin que ça. Elle est où la zone grise qui
fait que ça devient difficile à interpréter? Parce ce que
ça me semble clair c'est quoi la nature de vos travaux, et que ça
c'est de votre juridiction exclusive.
M. Tremblay (Ghlslain): Par exemple, si je veux y aller avec des
exemples concrets. Prenons une compagnie comme Alcan qui désirerait
construire une aluminerie. L'arpenteur-géomètre va intervenir
selon son mandat exclusif dans les premières étapes de
réalisation, à savoir l'acquisition des terrains, à savoir
la délimitation du périmètre. Là, on parle vraiment
de quelque chose qui est exclusif à l'arpenteur-géomètre.
Le mandat qu'il aura subséquemment en sera un à ce
moment-là de vérification. Lorsque je parle de
vérification, c'est que, pour respecter les plans et devis, le
maître d'oeuvre va faire appel à
l'arpenteur-géômètre et à différents corps de
métiers de la construction pour réaliser son usine. Maintenant,
pour être sûrs que les pians et devis soient respectés, pour
être sûrs que les bâtisses vont être
positionnées au bon endroit, pour être sûrs que les
colonnes, les élévations soient respectées,
l'arpenteur-géomètre aura un mandat général sur le
chantier pour, soit vérifier les positions existantes, soit implanter
les bâtiments comme ça a été et comme je vous l'ai
mentionné dans le mémoire et qui est réglementé.
À ce moment-là, l'arpenteur-géomètre agit
également comme arbitre. Il se doit d'être impartial et
d'être neutre. Il se doit de refléter la réalité.
C'est sa responsabilité professionnelle. Il y a un aspect qui est
extrêmement important aussi: c'est sa responsabilité
professionnelle qui est en jeu. Je vous donnerais une image bien simple. Vous
avez un pont à construire. Vous avez d'un côté un
entrepreneur de la construction qui embauche des hommes d'instruments et des
chaîneurs, ce avec quoi nous sommes parfaitement d'accord, et qui sont
assujettis au décret de la construction et qui fait l'implantation de
son piller de pont. De l'autre côté du fleuve, vous avez un autre
entrepreneur de construction qui embauche une firme
d'arpenteurs-géomètres pour procéder à
l'implantation du même pilier. Malheureusement, les deux font une erreur
et les piliers sont mai implantés.
Dans le premier cas, c'est l'entrepreneur en construction qui est
responsable, alors que dans le deuxième cas, c'est le professionnel de
l'arpentage, soit l'arpenteur-géomètre qui est responsable, qui a
pris la responsabilité de son mandat. Donc, c'est la raison pour
laquelle les employés que nous envoyons sur les terrains sont des gens
en qui nous avons pleine confiance, sont des gens que nous connaissons
très bien, et qui ont, règle générale, beaucoup
d'expérience, sur qui on peut compter, et tout simplement parce que
notre responsabilité est fortement engagée. (15 h 30)
M. Cherry: Des plaintes depuis ce jugement-là, en
avez-vous eu plusieurs?
M. Tremblay (Ghislain): II y a eu, en 1989, une première
plainte qui concernait une firme d'arpenteurs-géomètres de ma
région, au Sague- nay-Lac-Saint-Jean. Cette plainte-là a
été abandonnée par la CCQ. Il y a, depuis, une autre cause
qui est en cour. C'est dans le cas d'une firme
d'arpenteurs-géomètres de la Côte-Nord. Cette cause est
pendante. Elle est en procédure. On a cependant beaucoup de plaintes de
nos membres concernant du harcèlement. Et là, on va pousser plus
loin en disant que ça va même jusqu'au niveau des maisons
unifamiliales. Alors, là où l'arpenteur doit piqueter le terrain
en vertu de la loi 34, implanter la bâtisse en vertu de la
réglementation de l'Ordre, à ce moment-là, il y .a
même des arpenteurs qui ont été harcelés sur les
chantiers. Ça, on en a eu plusieurs, mais les causes comme telles, il y
a seulement les deux dont je vous ai parlé.
M. Cherry: Dont une a été retirée
finalement.
M. Tremblay (Ghislain): Dont une a été
retirée par la CCQ.
M. Cherry: Et la deuxième est présentement...
M. Tremblay (Ghislain): La deuxième, nous sommes en
attente de procès.
M. Cherry: Donc, de la documentation disponible pour les gens
responsables de l'aspect juridique chez nous... Vous n'avez que ça,
finalement: une cause qui est pendante et l'autre qui a été
retirée.
M. Tremblay (Ghislain): Exactement, nous n'avons que ça,
et j'insiste également sur le fait que notre intention... Nous avons
fait, dans la première cause comme dans la deuxième cause, une
demande d'intervention volontaire agressive, à savoir que nous voulions
être entendus dans la cause, puisque nous voulions défendre le
principe de l'autonomie de nos membres. Pour ce faire, nous ne comptions pas
venir devant le Parlement pour demander une ouverture de la loi. Nous comptions
y aller par la jurisprudence, sauf que nous profitons, comme je vous l'ai
mentionné au début, du fait que la loi est ouverte pour venir
vous faire part de nos commentaires.
M. Cherry: O.K. Évidemment, là vous dites que
même s'il n'y a pas de cause, vos membres vous font des
représentations à l'effet que, même sur des chantiers
domiciliaires, il y a constamment, en tout cas fréquemment...
M. Tremblay (Ghislain): Fréquemment.
M. Cherry: ...des gens de la CCQ qui font le même type de
revendication: un qui fait la cause pendante et l'autre qui a
déjà été retirée.
M. Tremblay (Ghislain): Exactement.
M. Cherry: O.K. Merci de votre présence. Ça termine
la nature des questions que j'avais vous concernant.
M. Tremblay (Ghislain): Merci.
Le Président (M. St-Roch): Merci, M. le ministre. Je vais
maintenant reconnaître Mme la députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Messieurs, bonjour. Ça me fait plaisir de
vous rencontrer ici. La première cause, j'en avais été
saisie. Quand je relis la directive cependant, ça semble assez clair
dans le fond, parce que le premier paragraphe, c'est davantage tout ce qui est
au décret, et le deuxième, cependant, les
arpenteurs-géomètres et les aides qu'ils emploient sont exclus.
Alors, ce n'est pas juste parce que c'est... J'ai plus l'impression qu'il y a
ou de la mauvaise volonté ou une méconnaissance du texte de la
directive, parce que la directive elle-même, il me semble que c'est assez
clair.
M. Tremblay (Ghislain): Je vais vous donner un exemple
là-dessus. C'est que la directive parle spécifiquement de notre
champ de pratique exclusif.
Mme Blackburn: Bien oui!
M. Tremblay (Ghislain): Comme je le mentionnais dans le
mémoire, évidemment nous avons différents autres champs
d'application.
Mme Blackburn: Ah! d'accord.
M. Tremblay (Ghislain): Vous avez par exemple, et c'est un
phénomène assez fréquent dans notre région, les
machines à papier. Qu'on prenne seulement l'alignement de machines
à papier, à ce moment-là on parle de
microgéodésie. Ce n'est pas exclusif, c'est vraiment de la
mesure. Alors, à ce moment-là, l'arpenteur-géomètre
est le professionnel qui a la meilleure formation et qui a l'équipement
nécessaire et le personnel qualifié nécessaire pour
procéder à ce type d'arpentage. On sera à ce
moment-là, évidemment, sur un chantier de construction.
Cependant, il est impensable qu'on n'ait pas notre personnel assermenté
avec nous.
Mme Blackburn: Écoutez, moi je n'en aurai pas pour
longtemps à vous interroger. Je suis tout à fait d'accord avec...
D'abord, c'est une situation qui existait avant le jugement d'ailleurs. C'est
pour ça que je n'ai pas beaucoup de problèmes avec la
disposition. Là-dessus, je dois dire que si le ministre est d'accord, je
pourrais dès maintenant vous dire que je suis tout à fait ouverte
à une idée de modifier la loi dans le sens où vous le
demandez, parce que je connais les corporations professionnelles, et je connais
les lois qui régissent les corporations professionnelles et parce que
ça me semble être beaucoup plus une erreur d'interprétation
qu'une volonté réelle de vouloir investir les bureaux
d'arpenteurs-géomètres. Je pense qu'il y a là quelque
chose à corriger. Ça me semble assez
élémentaire.
M. Tremblay (Ghislain): Je voudrais ajouter justement que
l'arpenteur-géomètre, fondamentalement, est quelqu'un qui n'aime
pas les zones grises, et lorsqu'on vous demande, lorsqu'on vous fait une
intervention semblable... On a soulevé le fait qu'il y avait un courant
jurisprudentiel avant 1981, qui a tourné de bord en 1981, qui revire de
bord en 1989, qui va revirer de bord quand, on ne le sait pas, peut-être
en 1990, en 1991? Alors, notre demande est à l'effet de préciser
la situation.
Mme Blackburn: II ne faut pas prendre de chance.
M. Tremblay (Ghislain): Exactement.
Mme Blackburn: Très bien. Écoutez, je vous remercie
de votre présence ici. Je pense que le ministre est assez
réceptif et moi-même, parce que le cas de Chicoutimi avait
été porté à mon attention, et ça me semblait
suffisamment clair et ça tombait sous le sens. Ce qui fait que ça
s'est réglé, comme vous le dites. Parce que je suis intervenue...
J'ai vérifié c'était quoi, pourquoi est-ce que ça
se passait comme ça, à mon grand étonnement d'ailleurs.
Mais finalement, ça s'est réglé à la grande
satisfaction de l'arpenteur-géomètre.
Le Président (M. Gauvin): Je vous remercie, Mme la
députée de Chicoutimi. M. le ministre, les remarques de
conclusion.
M. Cherry: En conclusion, d'abord, comme vous dites, vu que la
décision du juge Gold a été rendue en 1989, vous n'avez eu
qu'une cause qui a été retirée. Une deuxième qui
est pendante. Vous n'avez pas attendu que ça s'étiole trop
longtemps parce que, par formation, vous souhaitez des choses claires et
précises. Dans ce sens-là, j'apprécie que vous ayez
profité de l'occasion de la commission parlementaire pour nous
sensibiliser à cet aspect-là. On va regarder,
premièrement, pourquoi la première cause de la CCQ a
été retirée... Voir s'il y a quelque chose avec celle qui
est déjà pendante et celle-là. Et voir si les
précisions que vous nous suggérez ne pourraient pas accommoder.
Dans ce sens-là, merci de votre contribution aux travaux de cette
commission.
M. Tremblay (Ghislain): Merci, M. le ministre.
Le Président (M. Gàuvin): Mme là
députée de Chicoutiml.
Mme Blackburn: Merci, messieurs. Je le répète, ce
n'est pas tombé dans l'oreille de sourds. Merci.
Le Président (M. Gauvin): La commission vous remercie, MM.
de l'Ordre dès arpenteurs-géomètres du Québec, M.
Tremblay et votre groupe de vous être présentés devant la
commission.
La commission ayant terminé son mandat ajourne ses travaux...
Excuse-moi. Oui. Donc, la commission ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 15 h 38)